'm 1-0  ŒUVRES  =p: DE  =-^AINT FRANÇOIS DE SALES ÉVÈQUE ET PRINCE DE GENÈVE ET DOCTEUR DE l'ÉGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'apkès les autograi'hes et les éditions originales rnrichie de nomhseushs pièces inedites DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX ET COURONNÉE PAR l'aCA DEMIE FRANÇAISE PUBLIÉE SUR l'invitation DE M°* ISOARD, ÉVÊQUE d'aNNECY PAR LES SOINS DE RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU I^" MONASTÈRE d'aNNECY  TOME XV LETTRES — VOLUME V  ANNECY MONASTÈRE DE LA VISITATION MCMVIII  I  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES  ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENEVE  DOCTEUR DE L'ÉGLISE  TOME QUINZIÈME  LETTRES  V"" VOLUME  6 1 1 - I 6 I 3  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES ÉVÉaUE ET PRINCE DE GENÈVE ET DOCTEUR DE l'ÉGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'après les autographes et les éditions originales enrichie de nombreuses plèces inedites DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX ET COURONNÉE PAR l' ACADÉMIE FRANÇAISE PUBLIÉE SUR l'invitation DE M** ISOARD, ÉVÊQUE d'aNNECY PAR LES SOINS DE RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU I" MONASTÈRE d'aNNECY  TOME XV LETTRES — VOLUME V-  ANNECY MONASTÈRE DE LA VISITATION  MCMVIII  I  J  AVANT-PROPOS  Le recueil des Lettres écrites au cours des années 1 6 1 1 -avril 1 6 1 3 , contient plusieurs pièces inédites (0, dont quelques-unes d'une originale et vigoureuse beauté. L'en- semble de la correspondance peut fournir de précieux documents sur la vie pastorale de TEvêque; mais surtout les lettres adressées à la Mère de Chantai sont des pages incomparables qui nous livrent naïvement les plus tou- chantes confidences de sa vie intime et surnaturelle. Il y avait encore, en 161 1 , beaucoup à faire dans le dio- cèse de Genève pour relever les ruines multipliées par les protestants sous prétexte de réforme : il fallait ramener les égarés, prêcher aux fidèles, enseigner le catéchisme aux enfants, réorganiser les paroisses démolies ou sup- primées, rétablir les Ordres religieux dispersés et créer des Maisons nouvelles. Les Lettres de cette époque nous racontent avec quelle ardeur et quel succès, François de Sales se dévoue et se dépense pour cette œuvre de restauration religieuse. Un terrain propice s'offrit à son cœur d'apôtre, quand il vint dans ce « petit bout » du royaume de France (*) qu'on appelait le pays de Gex. Il y séjourna en mai, novembre, décembre 161 1 et du 14 au 31 juillet 161 2. Si l'on excepte la mission du Chablais, nous ne croyons pas que, dans toute sa vie et parmi les divers quartiers de son grand diocèse, l'infatigable Pasteur ait exercé un apostolat plus laborieux. Pour faire revivre le culte catholique dans ce ( I ] On en compte trente-six, sans parler de divers fragments de lettres, et aussi de plusieurs pièces placées i l'Appendice, qui sont d'un grand intérêt. (3) Lettre dcccxxi, p. 394.  VI Lettres de saint François de Sales malheureux bailliage, il dut recourir à rintervention des agents de la cour de France, et d'autre part, ménager l'esprit soupçonneux de Charles-Emmanuel qui s'alarmait toujours de ses voyages, en l'accusant de nourrir « des « affections estrangeres (0 ; » mais surtout, il eut à lutter contre l'opiniâtreté subtile, inlassable des Genevois et des ministres. Tant de difficultés et de contradictions ne purent l'ar- rêter; bien plus, elles faisaient sa joie. « Mon Dieu, ma « très chère Fille, que ce m'est une honnorable et douce « peyne que celle-cy, » écrivait-il de Gex(»), au milieu des plus inextricables embarras. Dès sa première visite, l'ardent Apôtre convertit un gentilhomme, réconcilie deux églises paroissiales ; en quatre sermons, il ébranle plusieurs hérétiques et leur fait « advoiier que la vérité « catholique » est « belle, quoy que difficile a compren- « dre {}). » Il disait encore (4), er\ parlant des calvinistes de ce pays : « Peut estre ne les reduirons-nous pas, parce « que, pour l'ordinaire, les considérations humaines « empeschent celles de leur salut, » mais « nous ne pen- « sons pas peu faire quand nous leur faysons confesser « que nous avons rayson. » Dieu visita son Serviteur au champ même de ses fati- gues, par des consolations et des lumières qui doublèrent son courage. « Sa Bonté, » confiait-il à la Mère de Chan- tai (5), « me fait savourer des douceurs, certes, extraor- « dinaires et suaves et qui ressentent au lieu d'où elles « viennent. O que nostre Sauveur est bon et comme il « traitte tendrement avec mon pauvre chetif courage ! » Le 14 juillet 1612, notre Saint retournait à Gex pour entrer en possession des églises qui étaient encore occu- pées par les ministres. Il y demeura quinze jours, accom- pagnant de village en village les commissaires royaux, assistant à toutes les assemblées, défendant pied à pied  { I ) Voir p. 69. ( 3 ) Letti e DCLXXxviii, p. 57. (3) Lettje Dcxcvi, p. 71. (4) Lettie DCLXXxvm, p. 57. (5) Ibid.p. 56.  Avant-Propos vu les droits de ses ouailles contre les allégations des pas- teurs . Le Procès-verbal de ces laborieuses tournées nous a été conservé, témoignage précieux et véridique journal du zèle d'un grand Apôtre. Dans les premiers mois de 1611, Annecy avait vu se produire une conversion assez extraordinaire. Elle fit grand bruit parmi les catholiques et dans la cité de Cal- vin : ce fut le retour de M"^ de Saint-Cergues à la vraie foi (0. Cette femme hardie, exaltée par une imagination ardente, avait quitté son mari pour suivre le nouvel évan- gile de Genève. Bientôt, elle se mit à prêcher avec une éloquence entraînante ; on l'appelait l'archi-ministresse. Un jour pourtant, malgré sa méfiance envers saint Fran- çois de Sales, elle accepta d'entrer en propos avec lui. L'entretien dura quatre heures. La courtoisie, la modes- tie, la science du Saint eurent raison, après Dieu, de son aveuglement opiniâtre. Elle se sentit convaincue et se convertit pour toujours, après être demeurée vingt-quatre ans dans l'hérésie. L'Evêque se préoccupait avec non moins de sollicitude de l'instruction des catholiques. Il devint le prédicateur de toutes les fêtes ; il prêchait dans les paroisses, il prê- chait dans les couvents. Ce fut lui qui présida aux « Grands Pardons » d'Annecy ( »). Ces exercices lui appor- tèrent une « infinie multitude d'occupations (3), » mais aussi « mille consolations et point de peyne (4). » Quelques mois auparavant, les fruits recueillis à Chambéry avaient dépassé ses espérances. Invité par le souverain Sénat de Savoie, à donner la station quadra- gésimale de 1612, il craignit un instant « de rencontrer «< trop de sagesse (5). » Mais nous savons, par le témoi- gnage des contemporains et par l'aveu de François de Sales lui-même (6), que les auditeurs répondirent à son (i) Voir note {3), p. 15. (a) On trouvera i l'Appendice II, p. 400, un récit pittoresque, inédit jusqu'à ce jour, du fameux Jubilé septénaire de i6ia. (3) Lettre dcccvi, p. 265. (4) Lettre Dcccxvii, p. 987. (5) Lettre dclxxxvi, p. 54. (6) Lettre dcclxtii, p. 904.  viii Lettres de saint François de Sales zèle par leur affluence et leur attention, et qu'ils furent remués par son éloquence. Il parla aux Chambériens des larmes de Jésus, de sa miséricorde, de sa Providence. Les fragments de discours qui nous restent de ce Carême (0, émeuvent encore à la simple lecture, tout refroidis et dé- colorés qu'ils sont, séparés des lèvres qui les firent en- tendre et de la ferveur d'amour qui les inspira. On y remarque de ces traits que seuls savent trouver les grands orateurs et les Saints. En parlant de l'étonnement des Juifs devant Jésus pleurant sur Lazare : « Ils virent, » dit-il, « l'amour pleurer (*). » Et encore : « On se mire avant que de sortir ; nul ne « fait l'examen de sa conscience (3). » Le bienheureux Evêque dénonçait à ses auditeurs de Chambéry les artifices de l'ennemi des âmes. « Oh ! ces « prédicateurs ! » fait-il dire au tentateur, « oh ! ces pré- « dicateurs ! ils vous interdisent toute joie,, toute nour- « riture, tout sourire, tout soin des biens temporels ; ils « vous veulent tout le jour à l'église, toujours dans le « jeûne. » — « Ah ! traître à l'humanité, » reprend le Saint, « nous ne disons pas cela, mais : Nourris-toi de « toute joie ; quant à la joie du péché, n'en use pas (4). » L'action, la pratique des vertus, c'est tout l'homme, disait-il encore (5), et c'est le dernier mot, ou du moins le principal de sa spiritualité. Ainsi, l'éminent Docteur pré- munissait à la fois les âmes contre les séductions du sentimentalisme et contre l'orgueilleuse impassibilité des stoïciens. La renommée de sa parole avait depuis des années franchi les modestes limites de la Savoie. On eût voulu l'entendre à Lyon, on eût voulu l'entendre à Paris ; mais il ne put s'y rendre. Le lecteur éprouvera quelque surprise en parcourant les lettres que le Saint écrivit à ce sujet pour demander à son souverain la permission (i) Voir tome VIII de cette Edition, pp. 74-ioî. (3) Ibid., p. 99. (j) Ibid., p. 84. (4) Ibid., pp. 8ï, 83. (5) Cf. ibid., p. 104.  Avant-Propos ix de remplir ces ministères (0. Charles-Emmanuel prenait ombrage de l'amitié et de l'estime que l'on avait en France pour l'Evêque de Genève, et refusa toujours son agrément (*). L'esprit méfiant du prince fit tort dans cette conjoncture à sa perspicacité. Sa connaissance des hommes et sa finesse , qui assurèrent tant de fois le succès de sa diplomatie, auraient dû l'avertir qu'il con- tristait par ses refus, et sans profit pour sa politique, le plus désintéressé de ses amis et le plus loyal de ses sujets. A part les prédications qui reviennent aux grandes circonstances, il y a le train journalier de la vie d'un évêque que l'on voit pour ainsi dire en mouvement, en lisant les Lettres de saint François de Sales. Ce sont des catéchismes à faire, c'est un synode à présider, c'est un jugement ecclésiastique à prononcer ; surtout, ce sont les visites à recevoir et qui parfois le surprennent au beau milieu d'une lettre qu'il est obligé d'abréger : « Bon « jour encor, ma Fille; j'apperçois entrer nos plaideurs « qui viennent interrompre la paix de mes pensées (3). » Cependant, l'occupation principale de sa vie d'alors, celle à laquelle il donne ses meilleurs loisirs et qui lui fut la plus chère, concerne la Congrégation qu'il venait d'établir. Dès la première heur£!, il veut que la Visitation ait ses Règles, ses armes, sa devise (4). On peut suivre presque jour par jour les nouvelles de la petite assemblée. Le Saint s'associe de cœur et d'âme à tous les événements qui s'y produisent. Quelle joie pour lui d'admettre les prétendantes au noviciat ! « Il faut, » dit-il, « que j'aille « estre l'aumosnier de nos Seurs de la Visitation pour « la réception d'une fille de Dijon, de fort bonne famille « et de très bonne mine (5). » Il partage avec la Mère de Chantai le tracas d'une installation du Couvent dans une maison plus spacieuse  ( I ) Lettres dclxxv, dcclxxviii. (a) Voir pp. 79, 372, 173. (3) Lettre Dcxcm, p. 64. ( 4) Ibid., p. 63. (5) Lettre occlxxxvi, p. 133.  X Lettres de saikt François de Sales et plus sortable ; et quand tout est fini, il écrit avec un contentement visible : « Mercredi, nous logerons le Saint « Sacrement en l'oratoire de la Visitation, dequoy toutes « ces bonnes filles sont grandement en feste (0. » Quelle attention et quelle adresse pour se concilier la bienveillance du duc de Nemours et des ofiiciers de sa maison en faveur de sa chère famille ! Il y a là-dessus une lettre fort curieuse (»). Quel souci pour procurer à la Communauté des vocations solides et recommandables, et pour inculquer aux novices l'esprit tout particulier de l'Institut (3) ! Le recrutement des sujets n'était d'ailleurs pas facile ; le Saint l'avoue formellement et il en donne la raison : « Les humilités quil y faut exercer rebuttent « quelquefois les filles (4). » Au reste, le Fondateur se garde bien de circonscrire tout l'idéal de la vie religieuse dans le cadre de son cher Couvent de « Neci. » Il s'intéresse à toutes les autres formes de Congrégations régulières : il applaudit à l'établissement des Ursulines à Chambéry (5), il pro- tège les Annonciades de Saint-Claude (6) ; il est l'ami, le conseil, le correspondant de tous les grands Ordres de l'époque. La vie intérieure de saint François de Sales apparaît dans ses Lettres d'une manière plus expressive encore que sa vie du dehors et que ses œuvres extérieures. Ce qu'il dit quelque part (7), de « tant de personnes » qui lui ont remis « la clef de leurs cœurs » et qui en lèvent « la serreure devant » lui, afin qu'il « voye mieux tout « ce qui est dedans, » lui arrive à lui-même en écrivant. Il se révèle d'abord avec les nobles qualités de son intelligence, une sagesse profonde qui sait mesurer d'un  ( I ) Lettre dcccxxv, p. 305. ( 2 ) Lettre dcccxlii. ( 3 ) Voir Lettre dccxlvji. (4) Lettre acccv, p. 263. ( 5 ) Voir pp. 30 j, 309. (6) Voir Lettre dccxcvii. (7) Lettre dclxxvi, p. 40.  I  Avant-Propos xi coup d'œil sûr et définitif la valeur et l'à-propos des opinions qui se contredisent. En 1612, tout le monde dissertait sur le pouvoir tem- porel du Pape : c'était la question brûlante de l'époque. Or, de l'avis du Saint, la solution d'une pareille contro- verse est « difficile et inutile (0. » Avec une grande liberté et un sens admirable, il déclare à un ami (^) : « Je hais par inclination naturelle, par la condition de « ma nourriture, par l'appréhension tirée de mes ordi- « naires considérations et, comme je pense, par l'inspi- « ration céleste, toutes les contentions et disputes qui se « font entre les Catholiques... mais sur tout en ce tems « plein d'espritz disposés... aux mesdisances, aux cen- M sures et a la ruyne de la charité. » A un Evèque italien, il disait encore (3) : « Si en France, les Prélats, la Sor- « bonne et les Religieux étaient bien unis, c'en serait fait « de l'hérésie en dix ans. » Cette rare sagesse, ce goût pour tout ce qui est sobre et modéré, notre Saint les portait jusque dans la critique littéraire. Le croirait-on ! il conseille à l'auteur d'une Somme de Théologie scolastique (4) de retrancher, en écrivant, les formules méthodiques, d'être bref sur les questions inutiles, de n'user que de citations « prei- « gnantes et courtes. » Il voudrait même qu'on traitât ces matières abstraites dans un « stile affectif. » Mais ce style, qui est la propre manière de François de Sales, ne l'a pas qui veut. Oserons-nous maintenant pénétrer comme dans un sanctuaire, avec un regard respectueux et discret, dans le cœur du saint Evèque ? Pour cela, il suffit de lire les lettres adressées à la Mère de Chantai. La plupart de ces lettres sont plutôt des hymnes sacrés et des élé- vations mystiques, où l'âme du Saint, ravie par la grâce divine, chante avec joie, en compagnie d'une âme qui sait l'entendre et lui répondre, la gloire et l'amour de (i) Lettre DCCLXi, pp. 191, 19a. (3) Lettre i Bénigne Milletot, p. 9;. (3) Lettre à M*' Gernionio, archevêque de Tarentaise, p. 188. (4) Lettre à D. Eustache de Saint-Paul Asseline, Feuillant, p. 116.  XII Lettres de saint François de Sales Jésus-Christ, Ainsi la Vierge, pleine du Saint-Esprit, courut chanter son bonheur à sa cousine Elisabeth ; ainsi le « Poverello » d'Assise chantait aux petits oiseaux les merveilles de l'amour divin. C'est l'amour divin qui unissait jusqu'à les confondre les deux cœurs de saint François de Sales et de sainte Jeanne-Françoise de Chantai. Leur amitié était d'un ordre inconnu à la philo- sophie païenne. C'est trop peu dire : elle était d'un ordre purement surnaturel, e: toute spirituelle. « Ce feu sacré « qui change tout en soy, » écrivait un jour le Bienheu- reux à sa chère Fille (0, « veuille bien transmuer nostre « cœur, affin qu'il ne soit plus qu'amour et qu'ainsy « nous ne soyons plus aymans, mais amour; non plus « deux, mais un seul nous mesme, puisque l'amour unit « toutes choses en la souveraine Unité. » Et une autre f©is (^) : « Nostre Seigneur ne vous donne jamais de « violentes inspirations de la pureté et perfection de « vostre cœur, qu'il ne me donne la mesme volonté, pour « nous faire connoistre qu'il ne faut qu'une inspiration... « a un mesme cœur... Cette souveraine Providence veut « que nous soyons une mesme ame pour la poursuite « d'une mesme œuvre et pour la pureté de nostre per- « fection. » Qu'ils sont heureux de parler ensemble des choses du Ciel ! « Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un « peu de ces choses avec vous (3) ! » Ils ne se lassent pas de s'entretenir toujours sur le même propos : « Je retour- « ne tous-jours a mes brebis, » dit naïvement le Saint (4). Cette amitié célèbre fut pour les deux Fondateurs une « mutuelle consolation et un réciproque avancement en « l'amour cœleste (5). » Sans doute, saint François de Sales n'aima jamais aucune âme plus tendrement et plus généreusement que l'âme de sainte Jeanne-Françoise de Chantai, mais son  (i) Lettre dcxciî, p. 63. (3) Lettre dccxiii, p. 103. (3) Lettre dcccxxxtiii, p. 333. (4) Lettre dcccii, p. 258. (5) Lettre dccxviii, p. 107.  I  Avant-Propos xiii cœur, dilaté comme à l'infini par la charité, avait encore des trésors d'amour pour toutes les âmes qu'il savait dédiées au service de Jésus-Christ. Dans les lettres qu'il leur envoie, il les appelle, mon Frère, ma Mère, ma Seur, ma Fille; il veut qu'on l'appelle en retour, son frère et son filc^. « Bien que les personnes que j'ayme « soyent mortelles, » disait-il, « ce que j'ayme princi- « paiement en elles est immortel ('). » Aussi, comme il aimait les âmes chrétiennes, et pour mieux dire, comme il aimait tous les hommes ! Comme il aimait jusqu'à ses adversaires de religion ! Un médecin calviniste ( = ), étant venu de Genève pour soigner la Mère de Chantai : « Nostre bonne malade, » écrit saint François de Sales (3), « donneroit de bon « cœur la vie pour la santé spirituelle de son médecin, et « moy, pauvre, chetif pasteur, que ne donnerois-je pas « pour le salut de cette déplorable brebis ! Vive Dieu, « devant lequel je vis et je parle : je voudrois donner « ma peau pour le vestir, mon sang pour oindre ses « playes et ma vie temporelle pour l'oster de l'éternelle « mort. »  Nous venons d'esquisser rapidement la vie extérieure de TEvèque de Genève, et sa vie surnaturelle, comme il nous a semblé les saisir l'une et l'autre dans les Lettres du présent volume. Ces deux vies furent pour ainsi dire symbolisées dans les broderies que la Mère de Chantai avait faites de sa main, sur la chape dont elle fit présent à son cher Evéque (4). « O vrayement, » s'écrie le Saint après l'avoir vue (5), « elle est belle en extrémité, la « chappe que la plus chère mère qui vive envoyé a son  ( I ) Lettre dccxi, p. 94. (3) Marc Offredi (voir note (3), p. 168). En le consultant, « notre Bien- heureux Père, » écrit la Mère de Chaugy (Mémoires, etc., Partie II, chap. vu, p. 170), « espérait de retirer cette sienne brebis de la gueule du loup de rhérésie. » (3) Lettre dccliv, p. 169. (4) Voir note (a), p. 367. (;} Lettre dccclxv, pp. 367, 368,  XIV Lettres de saint François de Sales (( très cher père ; car elle est toute au nom de Jésus et de « Marie... Et les Phi (cpçp) redoublés signifient, comme « lettres capitales, la philothie et la philanthropie^ « l'amour de Dieu et l'amour du prochain... ces divins « amours, dont l'un remonte en Dieu et fait des Philo- « thees, l'autre descend au prochain et fait des Philan- « tropes. . . Bénite soit a jamais la chère main de ma Mère « qui a si bien sceu faire ce bel ouvrage ! » Ces « Phi redoublés, » brodés non sans intention sur la chape de saint François de Sales, pourraient servir de devise ou d'épigraphe aux Lettres de ce nouveau recueil. J.-J. Navatel, s. J. Lyon, 1*' mai 1908.  AVIS AU LECTEUR  Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été revues sur les originaux. La provenance indiquée à la fin de chaque pièce, est celle qui nous était connue au moment où elle nous a été communiquée. Lorsqu'un Autographe provient d'une Communauté française exilée ou dispersée, nous donnons l'ancienne adresse de celle-ci. Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d'Autographes ou de copies authentiques, on a dû emprunter le texte à des publications antérieures, f^oir à la fin de ce volume la Table de correspondance, et V Avant-Propos du tome XI, pp. xxv-xxvij. Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui pré- cèdent chaque pièce ; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original, ou qu'elles sont authentiqttes, quoique fournies par les textes imprimés. Les points remplaçant quelque énumération de la date indiquent que cette partie de la date est donnée, mais fautivement, par l'édition à laquelle notre texte est emprunté. Quand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument sûre, elle est insérée entre []. Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le texte. Les divergences qui existent entre quelques minutes et le texte définitif sont données au bas des pages. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précèdent immédiatement au texte; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi. Les pas- sages biffés dans les Autographes sont enchâssés entre rj . Des points placés au commencement ou à la fin des lettres indiquent un texte incomplet. Quand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois. A la suite du Glossaire se trouve un Index, dans lequel il a été jugé à propos de fondre les noms des destinataires avec les titres des principales notes historiques et biographiques. Toutes les notes concernant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époque ; elles sont désignées par les deux initiales R. E. Sauf indication contraire, tous les renseignements, relatifs à la noblesse savoisienne sont empruntés au monumental ouvrage du Comte Amédée de Foras, si dignement continué par le Comte de Mareschal de Luciane : Armoriai et Nobiliaire de l'ancien Duché de Savoie.  LETTRES  I  DB  SAINT FRANÇOIS DE SALES  DCLIII (O A LA COMTESSE DE TOURNON (»)  Comme l'Evêqae de Genève entendait réduire un délinquant à Tobéissance ; ses griefs contre une famille qui le protégeait. — Le plus grand désir du Saint. Annecy, 9 septembre 16 10. Madame, Dieu sçait que le désir duquel je suis pressé de faire chastier messire Nicolas Nacot (3), n'a point d'autr'ori- g^ne qu'en mon devoir, qui m'oblige de réduire a l'obéis- sance ceux qui la doivent et la refusent a l'authorité que je tiens. Que si ledit Nacot eut comparu estant ( I ) Sur la foi des précédents éditeurs, qui avaient daté cette lettre de i6ao, et d'une copie réputée exacte, qui portait la date de 1614, nous avons rejeté ce texte de notre tome XIV. L'Autographe nous a permis de restituer la vraie date, mais il nous a été communiqué trop tard pour que nous ayons pu l'insérer à sa place. ( 3 ) Philiberte de Beaufort, fille d'Antoine de Beaufort, seigneur de Lupigny, Gerbais, etc., et de dame Claudine de Charansonnay, avait épousé Prosper- Marc Maillard, comte de Tournon. (Voir Dufour et Mugnier, Les Maillard, Chambéry, 1889, et tome XIII, note(i), p. 336.) Veuve en 1616, elle vécut jusqu'en 1633. C'est d'elle que parle le Saint dans plusieurs lettres, sous le nom de « madame la Comtesse. » (Cf. ci-après, p. ti.) (3) Nicolas Nacot figure dans les Registres de l'Evéché de 1^96-1601, comme bénéficiaire d'une prébende instituée pour lui à Rumilly. La famille de Tournon aurait pu choisir, semble-t-il, un personnage plus digne de sa protection, car les expressions sévères du Saint et d'autres indices font croire que le rebelle ne méritait pas beaucoup d'estime. Il vivait encore en 1620. LBTT»ms V I  2 Lettres de saint François de Sales appelle, il y a long tems que son innocence, sil en a, auroit esté honnorablement appreuvee. Mais de ne vou- loir pas seulement comparoistre et me vouloir dire ses raysons teste a teste, sans autre reconnoissance de son devoir qu'en paroles, c'est chose que je ne puis estimer raysonnable. Au demeurant. Madame, je ne puis non plus penser pourquoy vous tenes pour rigoureuse la poursuite faite contre cet homme la, puisqu'il y a plusieurs moys qu'il va mesprisant toutes citations impunément. Et encor suis-je plus estonné dequoy vous me tenes pour ombragé contre monsieur vostre mari, et me dites que beaucoup d'indices ne luy en ont donné que trop de connoissance ; car, en vray (sic) vérité, je me suis tous-jours tenu pour fort honnoré de la bienveuillance que, de sa grâce, il m'a portée. Et si mon impuissance et insuffisance ne m'a pas permis de la cultiver par mes services, ma connoissance pourtant ne m'a jamais permis de demeurer sans une très forte affection de correspondre a cette faveur par tous les tesmoignages qu'il me seroit possible. Aussi, Madame, vous ne me marques que cette languissante, mais que néanmoins il vous plait d'appeller rigoureuse procédure; et moy, pourveu que vous me permettiés de me défendre un peu librement contre vous, je vous diray que si le nœud du devoir que j'ay a monsieur vostre mari et a vous se pouvoit desfaire, vous m'auries tous deux grandement des-obligé en deux occasions. L'un 'est quand, sciemment, vous fistes prendre la licence de faire le mariage de monsieur et madame de Monthouz vos enfans, laquelle, pour un si grand empes- chement, nous ne pouvions donner qu'abusivement (0. Mais, comme pouvoit-on ne faire pas ce qui estoit désiré d'un si bon lieu? Or, Madame, je serois extrêmement ( I ) En e£fet, Claire-Marie de Maillard avait été mariée, le lo novembre 1609, à Gabriel Gaillet, seigneur de Monthoux; mais on s'aperçut plus tard qu'il existait entre eux un empêchement de parenté au troisième degré. Le 19 avril 1613, saint François de Sales fit demander la dispense à Rome, et ce fut seulement deux années plus tard, le 34 septembre 161;, qu'il put écrire à M"*' de la Fléchère : « Nous avons ce matin espousé M. et M™" de R Monthouz, leur dispense estant venae en bonne forme. »  I  Année i6io 3 desplaysant si, sur la bienveuillance delaquelle vous me gratifiés, j'avois pensé seulement a tirer de vous chose qui vous deut donner le moindre repentir du monde, et jugerois de vous avoir grandement offencé si je l'avois fait esciemment. L'autre fois, Madame, ça esté quand vous aves entre- pris de soustenir la des-obeissance de cet homme d'Eglise pour lequel vous m'escrivés ; car de maintenir sa cause, au fond de l'affaire, vostre charité seule, sans autre considération, vous en pouvoit donner une juste volonté. Mais ne vouloir seulement pas quil responde et se représente quand il est appelle, et vouloir encor que je sois condamné de rigueur et d'infidélité si je ne treuve bon cela, il me semble que c'est la rigueur mesme et que, tacitement, on préfère ce prestre et son injuste repos a l'authorité en laquelle je suis, et que, sans violer mon devoir, je puis vouloir en fin le ramener a la ber- gerie et sous la houlette. Ce pendant. Madame, je veux bien attendre encor quelque tems avant que de faire aucunes poursuites, pour apprendre de vous mesme, puisque vous me faites espérer le bien de vous voir si tost, les raysons de ce vénérable personnage. Que si elles sont telles que je me doive humilier, je le feray de bon cœur ; mais si aussi il se treuve raysonnable qu'il s'humilie sous la justice que je fay exercer, je vous supplieray de ne point em- ployer l'authorité de vostre bienveuillance pour l'en exempter, contre la nécessité de ma charge. Je me res-joiiys que Sa Sainteté ayt ouctroyé le [remède] requis au mal de l'action que fit messire Nacot, et seray encor plus ayse quand je sçauray quil aura esté légitimement appliqué; car, honnorant très chèrement monsieur vostre mari et vous, Madame, comme je fay et feray toute ma vie, je désire que tout ce qui vous est praetieux vive entre les bénédictions caelestes et que rien ne demeure jamais en vostre mayson qui les en puisse divertir. Madame, j'ay de l'affection et de Jhonneur pour monsieur vostre mari, pour vous et pour les vostres autant que vous sçauries souhaiter d'homme qui vive ;  4 Lettres de saint François de Sales mais le plus grand désir que je face, c'est que jamais Dieu ne soit abandonné, non pas mesme pour un moment. Je le supplie donq quil vous conserve tous, quil vous prospère et bénisse de ses plus grandes faveurs ; et vous, je vous conjure, Madame, faites moy le bien de me croire fermement, Vostre plus humble serviteur et parent. Franc», E. de Genève. 9 septembre 1610, a Neci. A Madame Madame la Contesse de Tornon (0. Revu sur l'Autographe appartenant à M"* la marquise Pensa, à Turin. ( I ) L'adresse n'est pas de la main du Saint.  ANNEE 1611  DCLIV A M, BÉNIGNE MILLETOT ( » ) ( INBDITB ]  UEvêque de Genève recoin maD de à son ami les négociations du vicaire général de son diocèse et lui donne des nouvelles de sa fille Marie-Marguerite, Religieuse à la Galerie. Annecy, 3 (a) janvier 161 1. Monsieur, L'honneur que j'ay d'estr'aymé de vous, servira de [simple (5)] praeface a ma supplication, laquelle je vous ( I ) Né à Semur de Joseph Milletot, avocat du roi au bailliage d^Auzois, et de Hiéronime Lerouge, Bénigne Milletot, seigneur de Villy, épousa en 1586 Claude de Cirey. D'abord conseiller à la Table de Marbre du Palais, puis conseiller au Parlement de Dijon (6 juin 1585), il fut chargé de diverses négociations, de 1593 à 1608, à Chartres, Fontainebleau, Beaune, Savigny. Parmi ses confrères du Parlement dijonnais, remarquables la plupart comme hommes de parole et d'action, Bénigne Milletot se fit une certaine célébrité. Il prit part aux controverses ardentes sur le pouvoir des Papes au temporel, qui, vers 161 1, divisèrent en France théologiens et parlementaires. Le Saint ne goûtait pas beaucoup les opinions du publiciste et nous verrons au cours des lettres qui vont suivre qu'il les désapprouvait; mais il n'en resta pas moins son ami, et cette amitié prit même un caractère d'intimité et de conSance fraternelle, depuis leur voyage à Gex, où l'Evêque et le commissaire royal, au jour le jour, travaillèrent de concert pendant deux semaines au rétablissement du culte catholique (14-31 juillet i6ia). Cette commission achevée, Milletot fut nommé par le roi, conseiller en ses Conseils d'Etat et privé ; doyen du Parlement en i6a6, il mourut à Dijon, le 7 septembre 1640, dans un âge fort avancé. (Archiv. dép. de la Côte-d'Or, E. 1368, E. ai66*; Palliot, Parlement de Bourgogne, 1649; Papillon, Bihlioth. des Auteurs de Bourgogne, 174a, t. II.) Il eut deux filles Religieuses: l'une est la Sœur Marie-Marguerite (voir note (3) de la page suivante); l'autre entra au monastère du Puits-d'Orbe. (2) L'Autographe étant déchiré, on pourrait se demander si le chiffre j qui subsiste est bien la vraie date, et si celle-ci ne serait pas ij ou aj; mais le doute paraît écarté par la date de la lettre suivante, à l'Abbesse du Puits-d'Orbe, qui dut partir en même temps. (3) Les mots entre crochets ont disparu par suite de la déchirure.  6 Lettres de saint François de Sales fay [d'estre] favorable protecteur de ce porteur, frère de monsieur le premier Président de Savoye (0 et mon Vi- cayre gênerai (2), pour les affaires qui le tirent vers vous, qui sont parties siennes et parties miennes; mais, a mieux dire, siennes et miennes tout ensemble, puisque luy mesme est mien par une longue et bonn'amitié. Au demeurant, nostre bonne fille (3) se porte mieux icy que nous n'eussions presque sceu espérer; ell'a bien eii un petit accès de fièvre ces jours passés, mais ce n'a esté que cela. Ce qui est le plus, c'est qu'ell'est toute pleyne de vraye bonté et pieté, qui la rend uniquement cbere a toutes ses Seurs. Dieu luy donne la sainte persévérance et vous conserve longuement, Monsieur, selon le souhait de Vostre très humble et très affectionné serviteur, Francs E. de Genève. 3 janvier 161 1. A Monsieur Monsieur Milletot, Conseiller du Roy au Parlement de Bourgoigne. Revu srxT l'Autographe conservé au Grand-Séminaire d'Autun.  (i) Antoine Favre. (3) Jean Favre (voir tome XIII, note (i), p. 365). (3) Sœur Marie-Marguerite Milletot, quand elle entra à la Visitation le 14 août 1610, avait environ seize ans. Elle fit sa profession le 30 juillet 1613, et mourut le 10 janvier 1658. Les Mères du Carmel de Dijon, auxquelles tout d'abord elle avait demandé l'habit (cf. le tome précédent, note (3), p. 377), ne l'avaient pas jugée propre pour leur manière de vivre; c'est la Visitation qui fut le lieu de son repos. Son zèle pour l'observance, sa générosité d'âme la désignèrent pour les fondations de Grenoble (8 avril 1618) et de Dijon (8 mai 1633). Jusqu'à la fin de sa vie, elle persévéra dans la pratique des vertus monastiques, « sans vouloir s'exempter d'aucunes, non pas mesme de toute l'exacte suite de la communauté, nonobstant son grand âge. » (Livre du Cou- vent, du i*' Monastère de la Visitation d'Annecy.) Les bienheureux Fonda- teurs aimèrent toujours chèrement la fille du célèbre parlementaire.  Année 1611 7 DCLV A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'ORBE Témoignages d'affectueux dévouement. — De belles et bonnes confitures. Doux recettes pour rétablir entièrement la santé. Annecy, 4 janvier 1611. Si vostre lettre m'a comblé de joye, je le demande a mon cœur, qui a esté tout absorbé de consolation voyant et la souvenance que vous aves de moy et l'honneur que vous continues de me faire en m'aymant, mais tendre- ment et chèrement, comme vous me le tesmoignes. Mais que puis-je faire ni dire, ma très chère Seur, qui puisse dignement vous satisfaire sur ce sujet ? Je confesse ingenuement que je suis vaincu, et que, comme vous me devances infiniment de toutes partz, vous le faites très particulièrement en celle-ci, de me rendre les devoirs et les tesmoignages d'amitié pour celle-là avec laquelle je vous ayme. Je la sens si grande, si forte et si fidelle qu'il ne me semble pas qu'aucun autre me puisse devan- cer de ce costé ; mais je ne sçai comme mon malheur a voulu que je vous en aye rendu si peu de preuves cette année passée. Il faut, ma chère Seur, l'attribuer aux occasions qui ne s'en sont pas présentées, et non jamais a nulle sorte de mesconnoissance des obligations que je vous ay, qui sont indicibles, puis qu'elles ne sont pas compréhensibles . Croyés, ma très chère Seur, que mon cœur est fra- ternellement amoureux du vostre, et que si j 'a vois la commodité d'assouvir ses désirs, je serois bien tost en vostre solitude, laquelle, vous dites, je redoute pour son aspreté, mais laquelle j'ayme précisément pour mille sujetz, mais principalement pour l'amour de vous, qui, par vostre présence, me l'avés rendue ci devant plus douce et plus aggreable que ne furent jamais les plus délicieuses conversations des villes.  8 Lettres de saint François de Sales Il ne faut pas oublier de dire quatre motz, avant de finir, de la chère seur (0 qui a manqué de nous estre ravie ces jours passés par un brave et galant gentilhomme qui la recherchoit en mariage. Je seray tous-jours extrê- mement ayse de son contentement ; mais quand il sera de n'estre point mariée, cette joye redoublera en moy. Mon Dieu, ne nous verrons-nous jamais tretous ensemble ? J'en suis un peu, a dire vray, impatient ; mais je ne croy plus qu'elle m'ayme, puisque non obstant que je luy escrivisse dernièrement, je n'ay point de ses nouvelles que par vostre entremise. Or sus, si ne laisseray-je pas de luy escrire. Vous connoistres bien, ma très chère Seur, par la lon- gueur de cette lettre, le playsir que j'ay de le faire et de m'entretenir avec vous ; mais il n'y a remède, vostre charité me pardonnera. Je n'ay pas tous les jours le bien de vous pouvoir entretenir; quand j'en ay la commodité, il s'en faut prévaloir. Je ne vous parle point de [mon frère (*)] ni de madame de Chantai; ilz vous escrivent tretous. Vous me dites sur la fin de vostre lettre je ne sçai quoy de vos belles et bonnes confitures, et desquelles, estant avec vous, j'ay si abondamment usé. Mais, ma chère Dame, vous estes, avec la petite seur (3), la souveraine friandise pour m'attirer par devers vous, tout le reste n'est qu'accessoire ; ces deux personnes que je viens de nommer sont le principal. Il faut finir en vous recommandant le soin de vostre santé, avec la joye intérieure et la récréation extérieure, qui vous serviront pour un entier restablissement. Faites- le, ma chère Seur, sinon pour vous, pour le moins en considération de ceux qui la souhaitent entière et par- faite. Je suis de ceux-là, et vous le croyés, n'est-ce pas ? (i) Madeleine Bourgeois de Crépy, veuve de Palamède Jaquot. (Voir tome XIII, note ( i), p. 87.) (a) Hérissant écrit monsieur; on n'aura pas su lire mon frère que devait porter l'Autographe. De là, l'erreur reproduite par les précédentes éditions, à partir de 1758. Ce frère est très probablement Jean-François. (3) Sans doute, Françoise Bourgeois de Crépy, sœur cadette de l'Abbesse. (Cf. tome XIII, p. H.)  i  Année i6ii 9 Ma chère Seur, il faut bien le faire, et m'aymer absolu- ment, presque sans reserve. Je suis en Nostre Seigneur, que je vous désire propice éternellement, ma très chère Seur, Vostre Francs de Sales. Je suis serviteur très humble de madame nostre bonne mere(0 et de monsieur le baron d'Origny (»), et leur bayse les mains avec humilité. Ce 4 janvier 161 1. (i) M"* de Crépy. (2) Guillaume Bourgeois, frère de l'Abbesse. (Voir le tome précédent, note (4), p. 131.)  DCLVI A MADEMOISELLE CLAUDINE DE CHASTEL ( » ) A quelle condition les exercices de piété revigorent l'âme, même s'ils sont faits sans goût. — La variété et l'unité des sentiments; le monde et le Ciel. — Eloge de la future Mère de Chastel, alors novice. Annecy, 4 janvier 1611. J'ay de la consolation de voir en vostre lettre, ma chère Fille, que non obstant tous vos desgoutz et toute vostre tristesse, vous aves persévéré a faire vos exercices sans vous en estre oubliée que fort peu ; car, pourveu qu'on fasse en considération de l'amour de Dieu ce qu'on fait, bien que ce soit sans sentiment et sans goust, l'ame ne laisse pas de prendre force et vigueur en l'intérieur et en la portion supérieure et spirituelle. Chemines donq avec courage et parfaite confiance en (i) Le dernier alinéa de la lettre nous avertit que la destinataire était ou une sœur de la Sœur Péronne-Marie de Chastel, ou une sœur de la sœur Marie- Marguerite Milletot. D'autre part, Hérissant, ii, p. aço, donnant pour adresse : « A Mademoiselle de... » la particule permet de penser qu'ils'agit de M"* Clau- dine de Chastel, à laquelle, du reste, le ton de cette lettre convient parfaite- ment. (Cf. le tome précédent, pp. 18, a8.)  lo Lettres de saint François de Sales Nostre Seigneur, car il vous tiendra de sa main ; et par la variété des sentimens a laquelle nous sommes sujetz en • Cf. CoUect. in ce misérable monde *, il vous conduira au Ciel, ou nous Miss.Dom.IVpost , , t,. .i-i . ,«. Pasc. n aurons qu un seul et invariable sentiment de la joye amoureuse de sa divine bonté, a laquelle je vous conjure de me recommander perpétuellement. La bonne seur que vous aves ici est vrayement une bonne Fille ; et pourveu qu'il playse a la sainte providence de Nostre Seigneur de nous laisser quelque tems madame de Chantai, ainsy que nous l'espérons ( 0, j'ay confiance en ce mesme Sauveur que cette chère seur sera bien conso- lée en ce genre de vie qu'ell'a embrassé. Je vous prie d'avoir souvenance de tout cela en vos oraysons. Vostre très affectionné serviteur en Nostre Seigneur, Franc», E. de Genève. A Neci, 4 janvier 1611. A Madamoy selle de [Chastel]. ( I ) La Sainte avait été très gravement malade en décembre 1610. (Cf. le tome précédent, p. 394, et ci-après, p. 12.)  DCLVII  a la MERE DE CHANTAL (inédite) Ne rien regarder, ne rien aimer que dans la lumière et l'amour de Notrc- Seigneur. — Un « livret » qui a besoin d'une préface pour être plus intelli- gible. — Communication promise pour le jour même ou le lendemain. Annecy, vers le 6 janvier 161 1 (i). Ma très chère Fille, ma Seur, Il faut bien que mon cœur donne le bon jour au vostre de la part de Nostre Seigneur. Je prie donq cette souve- raine pureté et clarté qu'elle donne le jour de sa lumière ( I ) Ce billet a nne corrélation évidente avec la Lettre dcuc, et l'on pent de ce rapport induire la date que nous proposons.  Année i6ii u et de son amour a nostre cœur, affin quil chemine en cette lumière et quil vive en cet amour, que rien ne soit re- gardé qu'en cette lumière, ni rien aymé qu'en cet amour. J'ay bien treuvé le livret duquel je vous parlay ; mais j'y ay rencontré des choses si dures, que je ne vous le veux bailler qu'après vous avoir fait une praeface qui vous le rende plus intelligible et moins scabreux (0. Cependant, demeurés toute en Dieu, et le suppliés quil rende nostre cœur tout uniquement, simplement et purement sien. J'ay un petit projet a vous communiquer, qui tend a la gloire de Dieu et réduction d'une grande ame (»). Si je puis, ce sera ce jourd'huy ; si je ne puis, ce sera demain. Bonjour donq, ma très uniquement chère Seur, nia Fille ; Jésus soit tous-jours sur vostre cœur. Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Longeville, à Besançon. ( I ) On serait curieux de connaître ce « livret » que le saint Docteur voulait rendre « plus intelligible. » Il nous a été impossible d'en découvrir le titre. (3] Cette a grande ame » est M"*^ de Saint-Cergues, dont la u réduction » et l'histoire sont racontées plus bas (note (3), p. i^).  DCLVIII  A MADAME DE LA FLEGHERE (inédite) Dans quels cas il ne faut pas s'abstenir de communier. — La variété des petits accidents de cette vie et l'état immobile delà sainte éternité. — Deux nouvelles recrues pour la Visitation. Annecy, 7 janvier 1611. Ma très chère Fille, J'ay trois de vos lettres qui ne sont point respondues, et si, je n'ay encor point de loysir maintenant. Seulement vous diray-je que la faute commise avec madame la  12 Lettres de saint François de Sales Comtesse (0 et M. du Coudrey (») m'a donné mille consolations en sa réparation, car vous la fistes extrême- ment bien a mon gré ; et ne failloit pas pour cela quitter la tressainte Communion, laquelle, au contraire, il faut employer pour remède a telz petitz defautz, qui ne vien- nent pas tant de mauvayse volonté, comme de surprise et foiblesse. Je me res-joùys dequoy vostre fièvre a cessé avant que j'en aye sceu le commencement. Il faut ainsy cheminer par variété de petitz accidens spirituelz et temporelz, tenans tous-jours néanmoins a Nostre Seigneur qui, en cette sorte, nous conduira par sa grâce a Testât immobile de la sainte éternité. Nostre M"^ de Chantai a esté rudement malade (?), mais maintenant se porte beaucoup mieux et va tous les jours en amendant de santé, avec une continuelle me- moyre de vous, qu'elle chérit et honnore de tout son cœur. Hier elle receut une nouvelle fille, qui fait la septiesme(4), ( I ) Probablement la comtesse de Tournon, qui demeurait à Rumilly. (Voir ci-dessus, note (a), p. i.) ( a ) Charles-Emmanuel, ou Vincent, fils d'Ame du Coudrey, comte de Gerbais, et de Pernette Le Jay, d'Orléans. Le premier, d'abord avocat au Sénat de Savoie, devint, en 1614, sénateur et président du Conseil de Genevois. Il se noya par accident, près de Menthon, dans le lac d'Annecy, et fut inhumé le 9 juillet 1617. Le second, avocat au Sénat le 14 novembre 1613, conseiller de Son Altesse Royale, et reçu sénateur le 13 septembre léaa, épousa par contrat dotal du 25 février i6a6, D"* Marie de Lay, et testa le 38 avril 1654. (3) Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 10. (4) La septième Religieuse était Adrienne Fichet, fille d'Aimé Fichet, châtelain de la seigneurie et mandement de Bonneville, et de Jacqueline Vernaz. Née le 11 décembre 1594 et baptisée le 30 du même mois par Fran- çois de Sales, alors prévôt, Adrienne prit le saint habit le jour de son entrée (6 janvier 1611) des mains de la Fondatrice, et fit profession le la juin 1613. Assistante à Chambéry depuis le 17 janvier 1634, elle fut première supérieure à Rumilly, le 39 septembre 1625, et ensuite à Crémieux, 31 septembre 1637. Rappelée à Annecy en janvier 1639, pour cause de santé, elle y demeura jusqu'à sa mort (5 novembre 1681), remplissant avec beaucoup de zèle les charges d'assistante, de surveillante et de conseillère. « Avec moi, » avait-elle dit un jour à la Sainte, « il faut marcher droit. » C'était une âme sans repli ni méfiance, mais vive et ardente, qui dut travailler beaucoup pour acquérir la sainte tranquillité intérieure et extérieure. Le Bien- heureux donna d'admirables leçons à sa chère fille. « Il faut avoir une gravité de « princesse, » lui disait-il, « parce que nous sommes épouses du Fils de Dieu... « La perfection ne consiste pas à bien parler, mais à bien faire. » On trouvera  Année i6ii 13 et dans peu on attend la huitiesme (0. Elle se recom- mande a vostre charité. J'ay escrit nagueres a Bons, par une bonne commodité. Dieu vous bénisse, ma chère Fille. Je suis immortelle- ment tout vostre. 7 janvier 161 1, A Madame Madame de la Flechere. Revu sur l'Autographe conservé aa Grand-Séminaire de Dijon. dans l'Année Sainte, tome XI, une biographie très attachante de cette véné- rable première Mère, si populaire aujourd'hui encore dans l'Institut. Pendant soixante et dix ans, elle fut la tradition vivante, toujours écoutée, répétant ce qu'elle avait entendu dire aux saints Fondateurs. De ses souvenirs est sortie l'Histoire de la Galerie, recueil inestimable de traits charmants, indis- pensable pour connaître la Visitation dans ses premiers jours. Son frère, le P. Alexandre Fichet, S. J., dont V Année Sainte cite une savou- reuse lettre, a écrit une Vie curieuse de sainte Jeanne-Françoise de Chantai. Il fut un remarquable prédicateur pour son temps. La famille Fichet compte aussi, selon toute probabilité, parmi ses membres, le célèbre Guillaume Fichet, recteur de l'Université de Paris (1467), qui introduisit en France l'itnprimerie. ( I ) Les parents de la « huitiesme, » Sœur Claude-Marie Thiollier, étaient François Thiollier, procureur au souverain Sénat de Savoie, et Françoise Cordier. (Archives de la Visitation d'Annecy.) Leur fille reçut l'habit — et pour la première fois, avec quelque cérémonie, après la récitation du Veni Creator — des mains du Saint, le 6 juin 1611, le même jour que la Mère de Chantai et ses deux premières compagnes firent leur oblation. Professe le 13 juin 1613, elle partit d'Annecy le 14 janvier 1634, avec les fondatrices de Chambéry, où elle demeura jusqu'à la fondation de Rumilly (voir note ( 4 ) de la page pré- cédente). C'est dans ce monastère qu'elle mourut le 36 février 1637, à l'âge de cinquante-six ans. « Elle estoit fort infirme... si que les médecins jugeant bien, comme il a esté vray, qu'elle [le] seroit tonte sa vie... disoient qu'il la faloit renvoyer; mais sa vertu, jointe a l'esprit de nostre saint Institut, firent qu'elle fit la sainte profession. Ardante a la vertu, suportant gaiement et joyeusement ses très grandes infimités, » elle a « quasi toujours esté surveil- lante et conseillère, tant céans qu'a Chambéry et Rumilly, pour sa droiture de cœur, ne regardant que Dieu et le bien de la maison. » (Livre du Couvent, du I*'' Monastère de la Visitation d'Annecy.)   14 Lettres de saint François de Sales DCLIX A MADAME DE MONTFORT ( » ) ( mÉDITB ) Félicitations â l'occasioa d'une naissance. Annecy, 14 janvier 161 1. Madame ma chère Cousine, Ça esté de tout mon cœur que je me suis res-joûy du contentement que Nostre Seigneur vous a donné et a monsieur de Monfort mon cousin, puisque l'afiFection avec laquelle je vous honnore me fait participer a tous vos res- sentimens. Dieu vous face voir longuement cet enfant (*) prouflSter es bénédictions que luy souhaite, Madame ma Cousine, Vostre humble cousin et serviteur, Franc", E. de Genève, xiiii janvier i6ii. A Madame Madame de Monfort. Revu sur l'Autographe conservé dans la sacristie de l'église paroissiale de Grasse. ( I ) MicbeUe de Cerisier, fille de noble Antoine, seigneur de Marthod et Cornillon, et de D"* Philiberte de Chevron-Villette, épousa le i*"' mars 1609, « noble et puissant Amé, seigneur de Montfort et de Conzié. » Le contrat fut fait à Ugines, en présence de saint François de Sales, et le mariage fut béni par lui le même jour. Ils eurent cinq enfants : Charles, Jacques-Gaspard, chanoine de Genève (1649), prévôt du Chapitre et vicaire général; Pierre-Amé, gentilhomme ordinaire de Son Altesse Royale; Amé-Philibert, chevalier de Malte (1640), et Françoise, donataire de sa mère (1649). Celle-ci testa le ; juin 16^3. (s) « Cet enfant» doit être Charles de Montfort. Nommé héritier universel par son père (testament de 1633), il embrassa 1 état ecclésiastique; en 1630, il était chanoine de Genève.  Année i6ii iç  DCLX  A LA MERE DE CHANTAL  La conversion de M"* de Ssiint-Cergues : la cérémonie se fera dans l'oratoire de la Galerie. — Pourquoi faut-il bien traiter son cœur et le « tenir en bon point. » — Ou rien, ou Dieu. — Notre amour pour Dieu, jamais suffisant, jamais excessif. Annecy, vers le 12 ou le 20 janvier 161 1 (i). Or sus, ma très chère Fille, la plus grande gloire de Dieu, qui est la souveraine maistresse de nos affections, m'a retenu auprès de cette bonne dame de Saint Cergue, pour la réduction de laquelle vous aves prié ( ^ ) ; car l'ayant veuë disposée a prendre les finales resolutions de son bonheur, je ne l'ay point voulu abandonner qu'elle ne les eust faites (3), dont je loiie Nostre Seigneur de tout (i) Du témoignage de Charles-Auguste ('£f«/o«>tf, etc., liv. VII), de l'en- semble des dépositions qui concernent M*"" de Saint-Cergues et sa conversion, et aussi de la teneur de la présente lettre, il résulte que celle-ci a été écrite à la date approximative que nous lui attribuons. (2) Cf. ci-dessus, p. 11. ( 3 ) L'événement fît grand bruit. Le prestige dont jouissait à Genève cette femme extraordinaire, sa culture d'esprit, la ferveur opiniâtre de son prosély- tisme, tout concourut à faire paraître surprenante sa conversion. Jeanne de Cartal, fille de noble Jacques de Cartal et de Humberte de Pingon, avait épousé Gaspard de Lucinge, seigneur de Saint-Cergues. Vers 1588, elle quitta son mari pour se retirer dans Genève, où elle se fit remarquer par l'ardeur de sa foi calviniste. On l'appelait l'archi-ministresse, car elle prêchait aux dames et jouissait d'un tel crédit, qu'au dire de Charles-Auguste, elle « pouvoit entrer en comparaison avec les plus célèbres ministres quant aux matières de controverse, ausquelles elle avoit appliqué son esprit despuis vingt deux ans. » L'ardente prêcheuse était d'ailleurs à bonne école, elle de- meurait au logis même de Théodore de Bèze ; c'est là que fut fait et passé, le 19 janvier 1588, le contrat de mariage de Charlotte de Buttet, sa sœur mater- nelle, avec Denis Dufour, docteur en médecine, citoyen de Genève, là qu'elle l'assista, au nom de sa mère (■), « es présences du sieur de Besze et spectables Charles Perrot, Anthoine de La Paye, ministres du Sainct Evangile,... et spectable Germain CoUadon. » (Mém. et doc. de la Soc. d'hist. et d'archiol. de Genève, tome XIX, p. 343.) Etant venue à Annecy, elle souffrit de se laisser  (1) Humberte de Pingon avait épousé en secondes noces Jean-François de Buttet, et de c« mariage étalent nés Louis-Philibert, Charlottt, Jean-François, président du GeneTois, Claude- Louis, l'historiographe, Jacqueline, etc.  i6 Lettres de saint François de Sales mon cœur. Et vous, loùés-le aussi de tout vostre cœur, et nous le louerons tous deux de tous nos cœurs. J'ay opi- nion que sa Majesté divine sera honnoree en cette con- version. Je suis bien ayse qu'elle se soit un peu recréée auprès de vous, car voyes-vous, elle sentira tous-jours quelque petite tranchée de l'enfantement qu'elle va faire. Nous avons pris jour pour nous voir demain et commencer, a mon advis, sa confession et préparation a la sainte Communion, laquelle nous ferons Dimanche en vostre oratoire aussi ; car, ma très chère Fille, puisque j'espère que les Anges, et sur tout la Reyne des Anges, regarderont le spectacle de la dernière action de la réduction de cette ame, je de- sire qu'elle se face autour de vostre chère petite trouppe, affin que nous soyons tous regardés avec une joye extra- ordinaire et qu'avec ces Espritz célestes, nous facions le • Cf. Luc, XV, lo, festin d'allégresse ( ^ ) sur cet enfant revenu*. '^' '*' ^ ' Je prie nostre doux Sauveur qu'il respande sa douce et aggreable suavité sur vous, affin que vous reposies sain- tement, sainement, tranquillement en luy, et qu'il veille paternellement sur vous, puisqu'il est le très souverain amour de nostre inséparable cœur. O Dieu, ma chère Fille, je le vous recommande, nostre pauvre cœur ; soulagés-le, confortés-le, recreés-le le mieux et le plus que vous pour- res, affin qu'il serve Dieu ; car c'est pour cette considération conduire par Jean-François de Buttet, son frère, au bienheureux Evêque, dont elle se méfiait comme d'un sorcier. L'entretien dura quatre heures. Le Saint, dit Charles-Auguste, « se monstra si facile et si courtois, si modeste et si pai- sible à ses turbulentes propositions, » il « luy proposa tant de solides raisons, qu'en fin, se voyant convaincue, » elle se convertit et « défendit despuis for- tement, selon son pouvoir, la foy de la saincte Eglise Catholique contre les Calvinolatres. » (Cf. à la fin du volume, la minute d'une lettre écrite par le Saint pour M"* de Saint-Cergues.) Elle persévéra jusqu'à la fin de sa vie dans la religion de son enfance, avec les sentiments d'une vive piété. La noble et tranqpille beauté morale que respire une de ses lettres à l'Evêque de Genève, (voir à l'Appendice, 39 juillet 1611) dénote en effet une grande âme. ( I ) En suggérant à la Visitation naissante de prendre part « au festin d'alle- « gresse sur cet enfant revenu, » en voulant que « la dernière action de la « réduction de cette ame » fût célébrée dans l'oratoire de la Galerie, le saint Fondateur entendait bien ne pas déranger la vie contemplative de ses filles, mais, au contraire, lui donner un nouvel aliment. Une fois allumée au coeur des premières Mères, cette petite flamme de l'apostolat discret, exercé sans bruit, ne devait plus s'éteindre dans l'Institut ; toute son histoire le prouve.  Année i6ii  •7  qu'il nous le faut traitter. C'est l'aigneau d'holocauste qu'il nous faut offrir a Dieu, il le faut donq tenir en bon point et grasselet, s'il est possible ; c'est le lict de l'Espoux, pour cela le faut-il parsemer de fleurs*. Consolés-le donq, • Cf. Cant., i, is. ma chère Fille, ce pauvre cœur, et luy donnés le plus de joye et de paix que vous pourres. Helas ! qu'avons-nous autre chose aussi a souhaitter que cela ? Vive Dieu ! ma Fille : ou rien, ou Dieu ; car tout ce qui n'est pas Dieu, ou n'est rien, ou est pis que rien. De- meurés bien toute en luy, ma chère Fille, et le priés que j'y demeure bien tout aussi, et la dedans aymons-nous puissamment, ma Fille, car nous ne sçaurions jamais trop ni asses [aimer]. Quel . playsir d'aymer sans craindre d'excès ! Or, il n'y en a jamais point ou on ayme en Dieu. Je vous envoyé ce Miroir d'amour {^\ et après vous je le verray, car j'en ay envie, estimant que cette traduction faite par les Chartreux sera parfaite.  (i) L'édition de i6a6 ne donne que ces deux mots; celle de 1629 et les suivantes ajoutent : « « M. C. de Gennes. » Nous croyons qu'il faudrait lire : « de M. C. de Gennes. » Le Miroir d'amour (1) paraît désigner La Vie admirable de la bienheureuse Catheri7ie d'Adorny, native de la ville de Gennes. Plus sont adjouste^ les Dia- logues spirituels compose^ par elle-mesme, avec un traité excellent du Purgatoire. Le tout divisé en deux parties, et nouvellement traduit de l'Italien en François par les Ven. PP. Religieux de la Chartreuse de Bourg fontaine. Paris, Cavellat, 1598 (ailleurs 1597). — La traduction est du Prieur Dom Jacques Cadet. Le monastère de la Visitation de Venise conserve précieusement une réédition de cet ouvrage, revue et corrigée, portant la date de 1610. (Voir tome IV de notre Bdition, note (3), p. xc.) C'est sans doute l'exemplaire dont le Saint annonce ici même l'envoi à la Mère de Chantai.  (i) Dans quelques éditions, le recueil de la Vie et des Œuvres de sainte Catherine de Gênes porte l'- tilrc de- Théologie de l'amour, etc.  l.f.TTRfS V  i8 Lettres de saint François de Sales  DCLXI A LA PRÉSIDENTE FAVRE Convalescence de la Mère de Chantai. — La « chère grande fille. » — Quand les « embarassemens » d'une grande maison augmentent, « il faut tant plus appeller Nostre Seigneur a nostr'ayde. » — La plus grande consolation à la fin de la journée. Annecy, 25 janvier 1611 (i). Ma très chère Seur, ma Fille, C'est tout couramment que je vous escris. J'iray ce soir voir M"^ de Chantai (qui guérit fort lentement, sur tout des jambes et des bras, et qui vous bayse très affection- nement les mains) pour conférer avec elle sur la réception de la fille dont vous m'escrives, delaquelle les bonnes qualités ne sont pas de peu de considération ('). Nous verrons aussi la chère grande fille (3), qui est certes fort aymable et le cœur gauche de M.™^ de Chantai. J'ay dit, il y a des-ja quelque tems, a M. Pergod (4) que je voulois estre son trésorier d'ores-en avant; bien que je désire que mon office finisse bien tost par la vente de cette mayson, laquelle me sembleroit utile plus que la conservation, pourveu qu'elle se vendit a bonnes enseignes (5). Mais il n'en faut pas faire grand bruit. Ma très chère Fille, je vous voy, ce me semble, bien enfoncée dans une multitude d'embarassemens, que la grandeur du mesnage ou vous estes vous met sur les (i) Par la lettre du 7 janvier 161 1 (p. 12), on voit que la Mère de Chantai avait été « rudement malade ; » en janvier 1612, elle fut « malade sans danger. » (Lettre à Françoise Bourgeois, 20 janvier 1612.) C'est donc la date de 1611 qui paraît mieux convenir à la présente lettre. {2) Sœur Claude-Marie ThioUier reçut l'habit de la Visitation le 6 juin 161 1 (voir ci-dessus, note ( i ), p. 13); Soeur Marie-Antoine ThioUier le prit en novembre 1612, mais c'est de la première qu'il semble plutôt être question. (3) Sœur Marie-Jacqueline Favre, fille de la destinataire. (4) Noël-Hugon Pergod (voir tome XIII, note ( i ), p. 197). ( 5 ) M. Pergod était conservateur pour le duc de Savoie de certains subsides. La maison dont le saint Evêque jugeait l'aliénation utile, était-ce la maison Lambert, première résidence du Bienheureux, ou celle du président Favre qu'il habitait alors ? (Cf. tom. précéd., note (4), p. 322.) Il est difficile de le savoir.  Année i6i i 19 bras. Mais, ma très chère Fille, il faut tant plus appeller Nostre Seigneur a nostr'ayde et reclamer sa sainte assis- tence, affin que ce travail que vous deves supporter luy soit aggreable, et que vous l'embrassies pour son honneur et gloire. Voyes, ma chère Seur, que nos jours sont cours * et que, par conséquent, le labeur que nous y *Job, xiv, 5. avons ne peut estre long ; si que, moyennant un peu de patience, nous en sortirons avec honneur et contente- ment, car nous n'aurons point de si grande consolation a la fin de la journée que d'avoir beaucoup travaillé et supporté de peynes. Bonsoir, ma très chère Seur ; aymes fidellement ce frère et serviteur qui est tout vostre. Franc', E de Genève. XXV janvier. Je vous remercie bien humblement de la marmotte. A Madame Madame la première Présidente de Savoye. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Pignerol.  DCLXII A M. PHILIPPE DK QUOEX 'v (fragment) La nouvelle ruche de la Visitation. — Une maladie inconnue à Galien. — Une mère abeille « trop aspre a la cueillette. » — La Mère de Chantai et les saintes veuves de l'Eglise. Annecy, janvier ou février i6i i (a). Je recommande a vos Sacrifices la santé de la mère abeille de nostre nouvelle ruche; elle est grandement ( i) La lettre semble s'adresser à Philippe de Quoex, dont le Saint savait la sollicitude pour la Congrégation naissante et sa Fondatrice. (Cf. le tome pré- cédent, p. jaS, Lettre dcx.) (a) L'éditeur de i6-(i et ceux qui l'ont suivi donnent ce fragment sous  20 Lettres de saint François de Sales • Cf. supra, pp. la, travaillée de maladie *, et nostre bon monsieur Grandis ( ' ), i8, et lufra, p. sa. quoy qu il soit l'un des doctes médecins que j'aye veus, ne sçait qu'ordonner pour ce mal, qu'il dit avoir quelque cause inconneuë a Galien, docteur des médecins. Je ne sçai si le diable nous veut espouvanter par la, ou si elle n'est point trop aspre a la cueillette ; toutefois je sçai bien qu'elle n'a point de meilleur remède a son gré que »xMaiach.. uit, a. de s'exposer au Soleil de justice *. Quoy que c'en soit, j'ay tant a cœur cette sainte entre- prise, qui ne vient que d'en haut, que rien ne m'estonne en sa poursuite, et croy que Dieu rendra tout a fait cette Mère une sainte Paule, sainte Angele, sainte Catherine de Gennes et telles saintes vefves, qui, comme belles et odorantes violettes, ont esté si aggreables a voir dans le sacré jardin de l'Eglise. Dételles espouses de Jésus Chri.st ♦ Ps. xLiv, 9. il est dit * : Myrrha et gutta et casia a vestimen- tis (*>, etc. Revu sur le texte inséré dans V Histoire de la Fondation du ler Monastère de la Visitation d'Annecy.  (*) Unparfum de myrrhe, d'aloès et de cannelle sort de vos vêtctnents. forme de post-scriptum à la lettre du 3 avril 161 1 à Vespasien Âiazza, mais V Histoire de la Fondation du ler Monastère d'Annecy le cite comme un billet indépendant, adressé par le Saint « a un ecclésiastique de son diocèse. » Il est difficile de préciser la date. Nous sommes seulement avertis par le texte qu'il a été écrit au temps des premières maladies de la Mère de Chantai et des commencements de l'Institut; voilà pourquoi la date n'est qu'approximative. ( I ) Jean Grandis, fils de Nicolas Grandis, docteur en médecine, et de Bonaventure Buzat, né à Talloires vers 157a, exerça la profession paternelle à Annecy. Médecin de grande expérience, il mérita par ses services la recon- naissance de la cité, et par son dévouement à la Visitation, l'estime de ses Fondateurs. Aussi fut-il convié à déposer dans le Procès de Canonisation du Saint.  I  Année i6i i 21  DCLXill A LA MÈRE DE CHANTAL La gloire de Dieu, maîtresse et régente des affections de François de Sales. Un défi entre deux Saints; leur unité d'âme et de cœur. Annecy, [février 1611 (i).] (2) O Dieu, ma toute chère Fille, je proteste, mais je proteste de tout mon cœur, qui est plus vostre que mien, que je ressens vivement la privation que je souffre de vostre veiie pour ce jourdhuy. Nostre maistresse, la gloire de Dieu, l'a ainsy disposé, et vous sçaves, ma très chère Fille, quelle fidélité nostre cœur très unique- ment un luy a vouée ; c'est pourquoy, sans reserve, je la laisse régenter au dessus de mes affections, es occasions ou je voy ce qu'elle requiert de moy. O demain, Dieu aydant, je vous iray entretenir une bonne heure avant le sermon, et nous parlerons de nostre desfy, lequel vous treuveres bien aggreable, ma chère Fille, et bien digne de nostre si inséparable cœur. Or sus donq, bon soir, ma toute mienne (3) Fille. Je voudrois vous pouvoir dire le sentiment que ce jour- dhuy j'ay eu, en communiant, de nostre chère unité, car il a esté grand, parfait, doux, puissant, et quasi par manière de vœu et de dédicace. Bon soir, la fille de mon cœur, ou plus tost, ma Fille et mon cœur. Soyes toute en paix, toute en repos et sur tout, toute en Dieu. Faites moy escrire deux motz, car ces messagers me sont suspectz. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Pistoie. ( I ) Le texte de cette lettre laisse entendre que la destinataire était souf- •frante: l'absence du titre de « Mère », le ton du billet et l'analogie avec le fragment placé en avril 161 1 (Lettre dclxxvmI font pencher vers la date que nous adoptons et ne permettent pas de la préciser davantage. (3) La première et la troisième phrase, la première ligne de l'alinéa qui suit, ainsi que le dernier alinéa tout entier sont inédits. (3) L'Autographe porte // m.  22 Lettres de saint François de Sales  DCLXIV A M. BÉNIGNE MILLETOT (imbditb) M"» de Chantai apprend la mort de son père. — Son « desplaysir » et sa « vertu » dans cette circonstance. — Eloge du défunt. — Le bruit de la future translation du saint Evêque à un autre siège n'est pas fondé. Annecy, 26 février 161 1. Monsieur, Il y a ja long tems que la triste nouvelle du trespas de feu monsieur le Président Fremiot nous estoit arrivée (0, et quant et elle un regret extrême, selon les grans devoirs que nous luy avions et la grand'estime en laquelle nous l'avions ; mais nous avions empesché que la bonne M.™* de Chantai n'en apperceut aucun bruit, parce que c'eust esté une cruauté de voir surcharger sa Cf. supra, pp. 10, maladie * d'un sentiment de si grande douleur, en un tems ' * auquel elle estoit encor fort foible. Maintenant néan- moins, je luy ay porté moy mesme ce fascheux advis, en la réception duquel son desplaysir a grandement combattu sa vertu, laquelle sans doute, si elle n'eust esté fort solide et profonde, ell'eust esté vainciie ; mays. Dieu mercy, ell' en a tant tesmoigné, que ceux qui l'ont veuë en ce point de tristesse, en ont receu un exemple digne de memoyre ( = ). Et moy j'ay receu de la consolation, ayant sceu que ce bon et digne seigneur defunct avoit eu aggreables les souhaitz que, selon ma naïfveté, j'avois marqués en ces dernières lettres que je luy escrivis. C'est la vérité, (i) Le Président était mort dans la nuit du 20 au 21 janvier. (Voir tome XII, note (i), p. 526.) (2) La Mère de Chaugy (Mémoires, etc., Partie II, ch. iv) parle comme le Saint: « Notre très-digne Mère » reçut la nouvelle « avec une très-pure vertu, ne s'enquérant d'autre chose sinon comme quoi ce cher père avait fini sa belle vie, et sachant que c'avait été très-vertueusement, et que Monseigneur de Bourges avait été Père spirituel de son cher père, et que sa fin avait été toute chrétienne, cela lui suffit pour lui donner un saint soulagement, quoi- qu'elle demeurât très-attendrie. » (Cf. ci-après p. 26.)  Annéb i6ii  23  Monsieur, j'honnorois cet honnorable et grand person- nage avec un amour tout particulier, lequel ne périra jamais en mon ame, non plus que celuy que, de tout mon cœur, je vous ay dédié et que de rechef je vous consacre. Je ne sçai comme ce bruit de ma future translation a un autre Evesché a peu courir autour de moy, sans qu'il y ayt eu de cela ni sentiment, ni désir, ni aucune sorte d'opinion en moy. Non, Monsieur, il n'y a point eu d'apparence en tous les discours qu'on en a fait ; de sorte que je persevereray au saint service que je suis obligé de rendre a la chère trouppe en laquelle vous aves un si bon gage (0. Dieu en soit loiié et vous face abonder en ses grâces et consolations. Je suis en luy. Monsieur, Vostre plus humble et très affectionné serviteur. Francs E. de Genève. A Neci, le xxvi febvrier 161 1. A Monsieur, Monsieur Milletot, Conseiller du Roy au Parlement de Bourgoigne. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. ( I ) Allusion à la fille du destinataire, Sœur Marie-Marguerite, dont il a été parlé plus haut, p. 6.  DCLXV A LA PRÉSIDENTE BRULART Comment connaître l'intention de Notre-Seigneur à propos d'une vocation. — L'holocauste « en effect » et l'holocauste « en affection. » — Une « hantise » indiscrète et superflue. — Il est mieux, pour une femme du monde, d'ouïr la sainte Messe tous les jours que de faire l'oraison chez soi. — Santé et sainteté. Annecy, i»' mars 1611 (i). Ma très chère Seur, ma Fille, J'ay vos deux lettres, dont la première est de l'unziesme du mois passé et la seconde de l'unziesme de celuy-ci ; ( i) Les nombreuses particularités de cette lettre lui font attribuer M™" Brû- lart comme destinataire. Cette induction est confirmée par le ton et la teneur  34 Lettrks de saint François de Sales et j'ay tant a respondre a la première [qu'à la seconde], parce que je l'ay receuë seulement despuis peu et non gueres plus tost que la seconde. Vous deves croire le confesseur de N. (0 en ce qui regarde son entrée en Religion, car vous ne sçauriés mieux apprendre l'intention de Nostre Seigneur que par l'advis de celuy qu'il a donné pour directeur a la fille dont il s'agit. Que [si] sa divine Majesté ne vouloit pas cet holocauste en efFect final, mais seulement en affection Gen.,xxii, lo-ia. et application commencée, comme il fit d'Isaac *, c'est a dire, si cette chère Fille estant entrée en l'Ordre, ne se treuvoit pas forte pour y persévérer, mon Dieu ! quel mal y auroit-il en cela? Nul, sans doute j et en ce cas, il faudroit renoncer a nos goustz et plus secrettes affec- tions pour acquiescer a la sainte volonté de Dieu. Puis que donq maintenant elle est preste, au jugement de son Père spirituel et des bonnes Mères Carmelines, et que monsieur son père contribue son consentement, il semble qu'en toute asseurance vous en pouves faire l'offrande, et que Nostre Seigneur l'aura fort aggreable, sauf néanmoins a son bon playsir de disposer de sa per- sévérance en cet estât particulier, ou de sa sortie, selon que sa providence treuvera meilleur ; a quoy nous nous conformerons tous-jours et sans réplique, car il n'est pas raysonnable de prescrire a cette infinie Sapience la façon de laquelle il nous veut rendre siens. Voyla pour le pre- mier point. Pour le' second, je regrette infiniment que ce person- nage (2) se laisse si long tems tromper et trompe soy mesme en cette indiscrette et superflue hantise, et sur tout puisqu'elle donne du scandale. O Dieu ! que ce leur seroit chose utile a tous deux de renoncer a ces inuti- les et inconsidérées complaysances, et que ce seroit une des lettres précédentes et des suivantes. Quant à la date, l'allusion au décès du président Frémyot, rapprochée de celle qu'on trouve dans la lettre précé- dente à M. Milletot, permet de fixer le quantième à un ou deux jours près. (i) Sans doute Madeleine, fille ainée de la Présidente. (Voir le tome pré- cédent, note (4), p. X38.) (2) ■! Ce personnage » doit être encore M. Viardot. (Cf. ibid., note (a), P- 133)  Année i6i  25  grande charité de les en retirer ! Mais, quant a la per- sonne que je connois (0, quoy que jadis elle fust au- cunement intéressée en ce mal, qui pour n'estre pas vicieux ne laisse pas d'estre périlleux, je ne trouve aucun inconvénient que quelquefois, selon les occurrences, elle se confesse en toute liberté a ce personnage-la, dans le cœur duquel, s'il y avoit quelque impureté, elle ne se glisseroit pas par la confession, mais ouy bien par les autres conférences et conversations, ou privautés et hantises. Qu'elle s'y confesse donq librement es occa- sions ; mais qu'elle ne luy parle pas hors de la, que courtement et promptement. Pour le troysiesme, croyés fermement que vous n'avés ni retenés a vostre escient aucune affection contre la volonté de Dieu, c'est a dire pour le péché véniel, encor que plusieurs imperfections et mauvaises inclinations de tems en tems vous surprennent. Ne laissés pas de faire la Conîmunion le jeudi et les festes sur semaine, et le mardi du Caresme ; mais cela n'en doutés plus, ains employés vostre cœur a estre bien fidèle en l'exercice de la pauvreté emmi les richesses, de la douceur et tranquil- lité emmi le tracas, et de la résignation du cœur et de tout ce qui vous doit arriver en la providence de Dieu. Qu'est-ce qui nous peut manquer, ayant Dieu? Pour le quatriesme, il est mieux en toute façon que vous oyies la sainte Messe tous les jours et y faire l'exer- cice de la Messe, que de ne l'ouïr pas, sous prétexte de continuer l'orayson chez vous. Je dis qu'il est mieux, non seulement parce que cette réelle présence de l'hu- manité de Nostre Seigneur en la Messe ne peut estre suppléée par la présence mentale (bien que, pour quel- que digne respect, on demeure esloigné d'icelle), mais aussi parce que l'Eglise désire fort que l'on assiste a la Messe. Et ce désir la tient lieu de conseil, auquel c'est espèce d'obéissance de s'accommoder, quand on le peut bonnement, et par ce que vostre exemple est utile au simple peuple en la qualité que vous estes : or, il n'aura (i) Sans doute. M""» Brùlart elle-mênie. (Voir tom ■ XIII, pp. 174, 17^.  26 Lettres de saint François de Sales point d'exemple de ce que vous feres en vôstre oratoire. Arrestés-vous donq a ceci, ma très chère Fille. Je ne prescheray ce Caresme qu'aux monastères de cette ville, et cinq ou six fois en la grande église. Je suis plein de santé, a mon advis ; fussé-je plein de sainteté, comme mon rang et ma charge le requièrent ! La bonne madame de Chantai a tesmoigné et tesmoi- gne une vertu toute particulière en l'occasion du trespas de monsieur son père, qu'elle n'a sceu que despuis troys jours, parce que, la voyant si affoiblie de sa ma- ladie, je luy celay cette mauvaise nouvelle tant que je peus, sçachant bien que cela retarderoit le retour de sa • Cf. Epist. prjBced. santé *. Vanité des vanités, et toutes choses sont • Eccies., 1, 2. vanité*, ma très chère Fille, sinon d'aymer et servir Dieu. Cette bonne Seur a esté toute consolée d'entendre que son père estoit mort en l'acte de repentance. Demeurés toute en Dieu, ma très chère Fille, vives saintement joyeuse, douce et paysible. Je suis, mais fort absolument, Ma très chère Fille, Vgstre serviteur très humble. Franc", E. de Genève.  DCLXVI A LA MÈRE DE CHANTAL ( nTBDITB ] Un moyen de « recréer nostre pauvre cœur. » — La Mère de Chantai est avertie de ne pas se tenir à genoux pendant son oraison. Annecy, [mars 1611 (i).] Je suis bien content, ma très chère Fille, que vous tetourniés doucement a la sainte orayson, pour un peu ( I ) La destinataire n'est pas douteuse; ces mots, « nostre pauvre cœur «• et la mention de M. d'Effrans la désignent clairement. Quant à la date de ce billet, la convalescence de la Mère de Chantai,  Année i6ii 27 recréer nostre pauvre cœur auprès de son Sauveur qui, comme l'arbre de bausme, distillera tous-jours quelque goûte de sa sainte liqueur sur nous, qui demeurerons paysiblement en attention. Demeurés donq une demi heure au matin et un quart d'heure au soir, et ne vous opiniastrés pas a vous tenir a genoux, car il suffira bien d'estre assise. Vous pouves très bien recevoir M. de la Tour (0; Dieu luy face la grâce de bien profiter en vostre conver- sation, et a monsieur le Baron d'Effrans (*), lequel il faut un peu que vous entreteniés sur ses exercices et sur ( 3 ) Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à la Visitation d'Annecy. l'appellation de « Fille » inclinent à préférer 1611 à 1612. Le voyage de son neveu à Annecy, qu'on peut placer, non sans probabilité, après la mort du pré- sident Frémyot (voir ci-dessus, note (i), p. 2a), fait songer au mois de mars. (i) Parmi les nombreux gentilshommes de Bourgogne et de Savoie qui portaient ce nom à cette époque, il en est deux surtout auxquels peut s'ap- pliquer la rapide mention qu'en fait ici le Saint : Charles de la Tour, fils du baron de la Bâtie, maître d'hôtel du duc de Savoie, fut institué prieur commendataire de Talloires et de Saint-Jorioz le 13 septembre 1596. Ordonné prêtre le 22 mars 1608 (R. E.), élu en 1611 archidiacre de la cathédrale de Genève, il eut plus d'un démêlé avec ses Religieux. En 1610, il donne plein pouvoir au Nonce, M*'' Costa, évêquc do Savone, pour obliger à lears devoirs les Bénédictins. Il remplit diverse! ambassades à Milan, à différentes époques, de 160; à 163^. C'est lui qui, en 1613, donna à Berthelot, officier du duc de Nemours, des bastonnades à propos desquelles l'Evêque et ses frères eurent bien des tracas, a M. de la Tour » n'avait qu'à gagner à la « conversation » de la Mère de Chantai, car il était aussi peu clerc que possible. Dans le Journal de Gabriel Breunot (Dijon, 1864-1866), tomes II, III, un Antoine de la Tour, docteur en droit, avocat à Beaune, beau-frère de Jérôme de Saumaise, est plusieurs fois mentionné avec un M. d'Effrans. (2) Ces mots du Saint : « lequel il faut que vous entreteniés sur ses exer- cices, » désignent sans doute Jacques de Neufchèzes , baron d'Effrans. On sait qu'il se destinait à l'état ecclésiastique. (Cf. le tome précédent, pp. 170, 343, 344-) (3) La suite manque.  28 Lettres de saint François de Sales  DCLXVII A MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE CAMUS ÉVÊQUE DE BELLEY Il faut beaucoup souffrir des enfants en bas âge. — Quatre mots de saint Paul, règle des prédicateurs. — La patience et la doctrine. Annecy, 7 mars 1611 (i). Monseigneur, Je me res-jouis avec vostre peuple qui a le bien de recevoir de vostre bouche les eaux salutaires de l'Evan- gile, et m'en res-jouirois bien davantage, s'il les recevoit avec l'affection et reconnoissance qui est deuë a la peyne que vous prenes de les respandre si abondamment. Mays, Monseigneur, il faut beaucoup souffrir des enfans tandis qu'ilz sont en bas aage, et bien que quelquefois ilz mordent le tetin qui les nourrit, il ne faut pas pour- lllim., IV, 2. tant le leur oster. Les quatre motz du grand Apostre * nous doivent servir d'epitheme : Opportune., impor- tune ; in omni patientia et doctrina (*^. Il met la patience la première, comme plus nécessaire, et sans laquelle la doctrine ne sert pas. Il veut bien que nous souffrions qu'on nous treuve importuns, puisqu'il nous enseigne d'importuner par son importune. Continuons seulement a bien cultiver, car il n'est point de terre si ingrate que l'amour du laboureur ne fœconde.  (') A temps et à contretemps ; avec toute la patience et la doctrine. (i) L'édition de 1626 porte la date de 1621, mais on sait que, sous la plume du Saint, 1621 peut se confondre à la lecture avec 1611. Cette dernière date est certainement plus probable, car il est presque prouvé qu'en 1621, Camus prêchait à Paris. « Pendant neuf ou dix années de suite, » nous dit-il, « je fus appelé à Paris pour y prescher en diverses églises les Avens et les Ca- resmes. » (Eloge de Pieté à la bénite mémoire de Mire Claude Bernard, etc., Paris, 1641.) Or nous savons par une lettre du Prélat à M"^ Le Gras, datée d'octobre 1623 (Archives des Lazaristes), qu'il dut, à partir de cette même année, interrompre ses prédications dans les chaires de la capitale.  Année i6i i 29 J'attendray cependant les livres quil vous plaist me promettre, qui tiendront en mon estude le rang conve- nable a l'estime que je fais de leur autheur, et a l'amour parfait avec lequel je luy porte et porteray toute ma vie honneur, respect et révérence. Je suis, Monseigneur, Vostre très humble frère et très obéissant serviteur, Franc', E. de Genève.. (0 Le 7 mars 16... ( I ) « Le bon P. Poissard est venu de par delà le diocèse ; il a veu le P. Desgranges, a qui il a fait connoistre le plan du pont de Secelles que Monseigneur a le projet de faire eslever au bas du couvent des Carmélites ( i ). Le pauvre peuple louera Dieu, car le service luy sera très utile. » Ces lignes sont données en post-scriptum par Migne (tome VI, col. 869), qui ne les cite pas au tome V, col. lagi ; elles ne se trouvent pas non plus dans l'édition princeps, ni dans les suivantes, jusqu'à Biaise, Nouvelles inédites (1833), exclusivement. Ce dernier dit avoir reproduit cette lettre, avec le post-scriptum et sans date, d'après l'Autographe appartenant à M. de Mon- merqué (2). Or, cette affirmation ne mérite pas absolue confiance, car l'édi- teur a publié dans le même volume une lettre rejetée de notre Edition comme apocryphe (voir tome XIII, note ( i), p. 19»). Toutes ces raisons font paraître bien suspect le texte donné en 1833.  ( I ) S'il s'agit de Seyssel, il faut noter qu'il n'y a jamais eu de couvent de Carmélites, (a) Une copie se conserve à la Bibliothèque publique de Lyon, Collection Coste, a' 16140.  DCLXVIII A LA MÈRE DE CHANTAL Le nom que le Saint avait d'abord adopté pour ses chères filles; pourquoi il le changea. — Sa dévotion à sainte Françoise Romaine. — Le « petit Batiste » et << Celse Benine. » Annecy, 9 mars 1611. Ouy, ma chère Fille, ouy sans opiniastreté, nous change- rons le nom de Seurs Oblates ( ' ), puisque cette expression ( i) On lit dan» l'Année Sainte (ancien Ms.), à la date du 9 mars : « Nôtre Père saint François de Sales avoit une dévotion particulière pour sainte  )o Lettres de saint François de Sales desplait si fort a ces messieurs ( ' ) ; mais nous ne change- rons jamais le dessein et le vœu éternel d'estre a jamais les très humbles servantes de la Mère de Dieu. Renou- vellés-en la promesse en vostre Communion; j'en feray de mesme au Sacrifice de la Messe. Helas ! il y a aujourd'huy douze ans que j'eus la grâce de célébrer dans le monastère de cette sainte vefve Ro- maine (*), avec mille désirs de luy estre dévot toute ma vie. Comme elle est nostre sainte Patronne, il faut qu'elle soit nostre modèle. Elle aymoit bien autant son petit Batiste (3) que vous aymés vostre Celse Benine ; mais Françoise, que l'Eglise honore aujourd'hui. Le célèbre monastère de la Tour des Miroirs est un des lieux de pieté qu'il visitoit avec plus de tendresse dans les deux voiages qu'il a fait à Rome... Nous avons vu dans les premiers Mémoires qu'il fit pour commencer nôtre Institut, qu'il nous donnoit pour modèle la conduite de sainte Françoise : même, il nous nommoit les Sœurs Oblates de la Sainte Vierge. » (Cf. le tome précédent, note { i ), p. 349.) Le bienheureux Fondateur empruntait ce nom à l'illustre veuve romaine, qui l'avait donné à ses compagnes le 15 août 1435, lorsqu'elle les affilia aux moines Olivétains de Sainte-Marie-la-Neuve, sous l'appellation d'Oblates, du mot offero, oblatus, qui remplaçait celui &a profiteor, professus. (Cf. le tome précédent, note (2), p. 330.) Et dans la Congrégation de sainte Fran- çoise, ce n'est pas seulement le nom de ses Religieuses qui lui avait plu tout d'abord; leur vie séparée du monde, qui n'exigeait pas un costume monastique, et s'accommodait des vœux simples annuels et de l'absence de clôture, avait souri au Saint, ce cadre de vie extérieure, souple et aisé, lui ayant paru suffisant pour servir de bordure et de haie à la vie intérieure de ses filles. ( I ) Ces « messieurs » étaient les nombreux amis de la Congrégation nais- sante. Le nom d'Oblates n'était pas alors en usage en France. ( 2 ) François de Sales fit cette visite à la Tour des Miroirs en 1599, lorsqu'il vint à Rome avec M. de Chissé. A cette époque, la cause de la canonisation de la vénérable Fondatrice venait d'être reprise, et l'espoir de la voir aboutir avait ravivé la dévotion du peuple romain. Cette circonstance explique l'em- pressement du pèlerin de Savoie à visiter l'antique monastère. (3) Jean-Baptiste Ponziani naquit en 1400 et fut baptisé en l'église de Sainte-Cécile du Transtevere. Avant d'évacuer Rome en 1409, le comte de Troja, capitaine du roi de Naples, Ladislas Durazzo, exigea comme otage le fils aîné de Françoise ; mais l'enfant fut bientôt rendu à sa mère. En 1410, les Napolitains emmenèrent de nouveau le fils de la Sainte, restée seule avec ses deux autres enfants, Evangéliste et Agnès, qu'elle perdit peu après. A la mort de Ladislas (6 août 1414), Laurent Ponziani, avec son fils Baptiste, revint de l'exil et de la captivité. Celui-ci épousa (1417) Mobilia, d'abord légère et futile, et bientôt transformée par la sainteté de Françoise. Il en eut deux enfants, Girolamo et Vannozza. Baptiste survécut à sa sainte mère ; on voit encore son tombeau dans la sacristie de Sainte-Cécile, jadis Ja chapelle des Ponziani.  Année i6ii 31 elle laissa a Dieu l'entière disposition d'en faire a sa vo- lonté, et il en fit un enfant de salut. Ainsy je l'espère du cher enfant de ma très chère Mère. Revu sur un ancien Ms. de VAnn^e Sainte, conservé à la Visitation d'Annecy.  DCLXIX AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE Les « pauvres gens d'Estrembieres ; » prière de les défendre contre leurs frères rebelles- Annecy, 10 mars 1611, Monsieur mon Frère, Je vous ay escrit par celuy qui m'a apporté ce matin vostre lettre ; mais ces pauvres gens d'Estrembieres me forcent, par leurs remonstrances, d'intercéder pour eux, puisqu'ilz recourent a moy pour cela, en qualité, disent- ilz, de mes enfans les plus exposés a la persécution de leurs frères rebelles ( ^ ). Je vous supplie donq très hum- blement, en ce qui pourra bonnement et saintement se faire, de les avoir en recommandation. Je vous donne de rechef le bon jour très affectionné, et suis Le 10 mars 161 1. (i) Le Président n'avait pas qu'un pouvoir juridique; il était alors com- mandant général en Savoie. Sa correspondance de cette époque prouve en effet que son influence et son activité s'appliquaient à procurer la sécurité aux « pauvres gens « opprimés. Ces « frères rebelles » étaient les protestants de Genève et de Berne, qu'excitaient les tentatives sans cesse renouvelées de Charles-Emmanuel. Etrembières étant aux portes de Genève, ses habitants se trouvaient « les plus exposés » à pâtir de l'invasion. (Voir note ( 2 ) de la page suivante.)  ï  j2 Lettres de saint François de Sales DCLXX A LA MÈRE DE CHANTAL (inédits] Un arbitrage du Saint dans une querelle autre soldats. Annecy, [mars] 1 6 1 1 ( i ). Je vous donne le bon jour, ma très chère Fille, avec cette mortification de ne vous pouvoir voir d'aujourdhuy, parce que je vay a deux lieues d'icy pour accommoder certaine grande querelle qu'il y a entre nos François (*). Mays avant que départir, je vay dire la Messe, tous-jours pour nostre cœur, que je supplie Nostre Seigneur remplir de mille et mille bénédictions, et sur tout de celle de son très parfait amour. Bon jour donq, ma très chère Fille, et dites moy comme vous vous portes. Au moins, vives joyeuse en ce Sauveur, au service duquel nous sommes trop heureux d'estre voués sans reserve quelconque. Vive Jésus ! Amen. Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy. (i) La date proposée est assez vraisemblable; elle résulte d'une étude comparée des lettres du Saint au président Favre (lo et 19 mars lôiil, et de la correspondance de ce dernier avec le duc de Savoie pendant ce même mois de mars. La mention de la santé de la Mère de Chantai appuie encore cette induction. (3) La mort de Henri IV empêcha l'entreprise concertée contre le Milanais (voir le tome précédent, note ( 4 ), p. 398), mais les nombreuses troupes massées pour ce grand dessein furent lentes à se retirer. D'ailleurs le duc en fit passer une partie en Savoie pour s'en servir contre Genève. La Savoie, dans les derniers mois surtout de 1610 et jusqu'au printemps de l'année suivante, fut donc presque constamment traversée par les soldats espagnols, ou savoyards, ou français. Mal payés, ils rançonnaient le pauvre peuple qui gémissait de tant d'oppression. Le 20 mars 161 1, le président Favre se plaignait au duc des brutalités du capitaine Gaucher et de sa troupe, « bâtant les pauvres gens, » mettant « le feu aux bleds, >• pendant « les bœufs tout vifs » à son passage dans le Genevois, et « a Hauteville près Rumilly, » c'est-à-dire tout près d'An- necy. (Voir Mugnier, Correspondance du Président Favre, 1903, tome I*''.) Cette particularité permet de supposer que l'intervention de François de Sales se rapporte aux exactions du terrible capitaine et de ses liommes.  1  Année i6ii 33 DCLXXI A LA MÊME  Le baume et les « basses herbettes » de la Croix. — Grandeur de saint Joseph; pourquoi pouvait-il faire envie aux Anges et défier le Ciel. — La veuve de Naïm et la mère de Celse-Bénigne. Annecy, 17 mars i6n (1).  Ma chère Fille, tenons nous, je vous supplie, tout au bas bout de la Croix, trop heureux si quelque goutte de ce bausme qui distille de toutes pars tombe dedans nostre cœur, et si nous pouvons recueillir de ces basses herbettes qui naissent la autour. O je voudrois bien, ma très chère Fille, vous entretenir un peu sur la grandeur de ce béni Saint que nostre cœur ayme, parce qu'il a nourri l'Amour de nostre cœur et le cœur de nostre amour. Sur ces paroles : Seigneur, faites bien aux bons et aux droit^ de cœur *, o vray Dieu, «ps. cxxiv, 4. dis je, qu'il falloit que ce Saint fust bon et droit de cœur, puisque Nostre Seigneur luy a fait tant de bien, luy ayant donné la Mère et le Filz ! Car, ayant ces deux gages, il pouvoit faire envie aux Anges et desfier le Ciel tout en- semble d'avoir plus de bien que luy ; car, qu'y a il entre les Anges, comparable a la Reyne des Anges, et en Dieu, plus que Dieu ? Bon soir, ma toute chère Fille. Je supplie ce grand Saint, qui a si souvent dorloté nostre Sauveur et qui l'a si souvent bercé, qu'il vous face les caresses intérieures qui sont requises a l'avancement de vostre amour envers ce Rédempteur, et qu'il vous impetre abondance de paix intérieure, vous donnant mille bénédictions. Vive Jésus, (i) Le manque de liaison qui apparaît à travers certaines parties de cette lettre fait croire quelle est bâtie de plusieurs fragments; mais les uns et les autres ne semblent pas antérieurs à 1610. La présence de la Mère de Chantai à Annecy, que suppose le texte, l'allusion à la fête de saint Joseph et quelques expressions persuadent la date de 161 1 et justifient le quantième adopté. (Voir note (i) ^^ ^^ P Ubi amatur, • s. Aug., De Bono nou laborutur ,' vel si laboratur, labor amatur *. t.xL,'coi.''447).'^ ' Si ce pauvre garçon ne m'eust rencontré ici pour se confesser a moy, il s'en alloit a Rome, ne treuvant per- sonne a qui ouvrir a son gré confidemment son ame, ou, a la vérité, j'ay treuvé moins de mal que je ne pensois, et incomparablement moins qu'il ne croyoit. O mon Dieu, mon très cher Frère, si Dieu, qui incline tant de personnes a me remettre la clef de leurs cœurs, voire a en lever la serreure devant moy afi&n que je voye mieux tout ce qui est dedans, pouvoit si bien fermer le mien que rien n'y entrast jamais que son divin amour et que rien ne l'ouvrist que la charité, hé, que vous m'ay- meries suavement ! Priés fortement pour cela, et croyés fermement que je suis Vostre très obéissant frère et serviteur, Franç% E. de Genève. Le 3 avril i6ii. 1^)  (') « Là où il y a de l'amour, il n'est rien de pénible, ou bien, s'il y a de la peine, elle est bien aimée. » (i) Ce projet que le S2iini passionnait, visait apparemment le prieuré de Talloires, où Aiazza songeait peut-être à introduire les Feuillants comme à Abondance. (Voir le tome précédent, p. 371.) (2) Voir ci-dessus, note (a), p. 19.  Année i6ii 41  DCLXXVII A LA MÈRE DE CHANTAL (fragment inédit) Pourquoi faire ce qui est requis pour tenir sa santé un peu forte. — Ce que le Saint demandait à la Messe avec une « ardeur extraordinaire. » — Affec- tueux dévouement du Fondateur pour la Mère de ses chères filles. Annecy, avril 1611 (i). pas de vous faire bien ayder, tant quil se pourra, affin que ce mal vous soit utile ; car voyes vous, ma chère Fille, il faut bien estre soigneuse de faire ce qui est requis pour nous tenir un peu forte et vaillante, puisque, comme vous le desires, (») il nous faut faire des effortz pour devenir saints et rendre des grans services a Dieu et au prochain. Or sus, j'attens donq un mot de vos nou- velles, que vous m'escrires comm'amoy, c'est a dire vous mesme. Ce pendant, mon cher enfant, ma mie, Dieu vous bénisse, Dieu vous prospère, Dieu soit le très uniqu'amour de nostre très unique cœur. Il faut bien que je vous die que ce matin a la Messe, j'ay prié pour nostre avancement en la pureté, perfection et unité d'esprit avec, certes, un'ardeur extraordinaire ; mais en cela, les extraordinai- res me sont presqu'ordinaires. Apres disné, le P. Prieur des Feuillans (3) m'a donné beaucoup de consolation par ( i) L'allusion au « triomphant Sauveur, » qui termine la lettre, désigne le temps pascal ; la convalescence de la Mère de Chantai, la présence du Prieur des Feuillants et ses conjectures sur l'avenir de la Congrégation excluent la date de 1610 et désignent celle de 1611. Le haut de la page autographe a été coupé. (3) Ce membre de phrase a été interpolé par les éditeurs de 1636, dans le texte d'une lettre écrite vers le 10 mai 1611 à la Mère de Chantai. (Voir ci- après, note (3), p. 56.) (3) Dom Jean de Saint-Malachie (cf. tome XIII, note (i), p. 3), dont la note sera donnée plus tard ; ou plus vraisemblablement, dom Jean de Saint- Pasteur, prieur d'Abondance en 1613. Le 18 mai de cette même année, nous voyons le Saint lui accorder d'amples pouvoirs pour les prédicateurs et lec  I  42 Lettres de saint François de Sales la bonn'opinion quil a d'un grand progrès de nostre Congrégation, Bon soir, mon cher courage, mon enfant. Oùy, ma Fille, vous estes le courage de mon cœur et le cœur de mon courage en ce doux et triomphant Sauveur qui l'a ainsy voulu, et que je supplie employer le tout a sa gloire, unique praetention de mon cœur et de mon courage uniquement unique en luy. Le bon soir a nos chères filles. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Poitiers. confesseurs Feuillants de son choix. Ce digne Religieux avait gagné l'estime du saint Evêque par le zèle qu'il avait déployé dans le gouvernement de l'abbaye confiée à sa direction, au départ des chanoines de Saint- Augustin. (Cf. tome XII, note ( i ), p. 373.)  DCLXXVIII A MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE CAMUS ÉVÊQUE DE BELLEY Recommandation en faveur d'un ancien serviteur d'Antoine Favre. Annecy, 12 avril i6n. Monseigneur, Cet honnest'homme parisien a servi longuement, fidè- lement et aggreablement monsieur le premier Praesident de Savoye, et pour quelque sujet hors de luy, il quitte maintenant ce service, et a désiré de moy cette lettre pour vous faire la révérence en vous la présentant, estimant que, si d'adventure vous avies besoin de quel- que serviteur de sa sorte, par cett'occasion il pourroit entrer au bien de l'estre. Or, Monseigneur, cet (sic) ainsy sans artifice que je vous dis l'artifice louable de ce bon personnage, auquel je sçai bon gré dequoy, par ce moyen, je puis me ramentevoir en vostre sainte, sacrée et inviolable bienveuillance, a laquelle je me recommande  .1  Année i6ii 43 très humblement, luy dédiant mon obéissance et service perpétuel. Dieu vous conserve et comble de ses grâces, Monsei- gneur, et je suis Vostre très humble et très obéissant frère et serviteur, Francs E. de Genève. XII avril 161 1. A Monseigneur Monseigneur le R""» Evesque et Seig' de Belley, Prince du S* Empire. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Meaux.  DCLXXIX A M. ANTOINE DES HAYES (0 Premiers projets de Denis de Granier; son portrait. — Les jeunes gens et les difficultés. — Menaces de guerre. Annecy, 13 avril 161 1. Monsieur, Outre que je ne sçaurois pouvoir me ramentevoir en vostre bienveuillance et ne le faire pas, je suis bien ayse de vous donner advis comme, sur ce que M. de Char- moysi, mon cousin, m'avoit dit touchant vostre désir de me voir le Caresme prochain a Paris, j'ay escrit a son Altesse *; en sorte que j'espère en peu de jours avoir une * Epist. dclxxv. response absolue, laquelle, si elle est selon nostre gré, je pourray justement croire que Dieu l'aura voulu d'une volonté spéciale, puisque la concurrence des affaires du monde me sera peu favorable, comme je pense. Mais (i) Il semble hors d* doute que le destinataire soit des Hayes. Tout le désigne : le ton de la lettre, les allusions à M. de Charmoisy et au Carême de Paris, et surtout la mention de Denis de Granier que nous retrouverons en 161 3 dans les lettres à « l'arch'intime » du Saint.  44 Lettres de saint François de Sales pensés, Monsieur, quel contentement pour moy de pou- voir encor une bonne fois jouir de la douceur de vostre présence. Au demeurant, j'ay avec moy un jeune homme d'Egli- se, neveu de feu Monsieur le Reverendissime mon pré- décesseur (0, qui s'est immag^né qu'a l'adventure il pourroit entrer par delà au service de quelques jeunes seigneurs pour leur instruction, et par ce moyen estudier aussi ; et m'a tant pressé, sachant en quelle confiance je suis avec vous, que j'ay esté contraint de luy promettre de vous supplier de me donner quelque advertissement si cela pourroit estre. Mais j'adjouste pourtant, qu'encor que ce jeune homme soit de fort bonne mayson (mais mayson descheuë) et qu'il ait l'esprit fort gentil et bien estudié, si est-ce que c'est plus son jugement qui le porte a ce désir que non pas mon advis, qui est que son cou- rage n'est pas pour entrer en ladite sujettion que telle condition requiert. Mais les jeunes gens dévorent toutes les difficultés de loin et fuyent a toutes les difficultés de près. Or, Monsieur, il me suffira, s'il vous plaist, de m'escrire un mot qui le puisse aucunement desabuser, car il est force de traitter avec lu)" ; affin que, sans [se tourmenter] de vous prier (>), il attende que Dieu luy pourvoye des moyens de nager a ses despens ; ce qui sera bien tost, puisque j'en voy des-ja la semence paroistre sur le champ, qu'il seroit prest a recueillir des maintenant, si la jeunesse luy eust permis d'estre aussi arresté ci devant comme il est résolu de l'estre dores-en-avant. Monsieur, je m'intéresse avec vous et use librement de ce petit artifice en faveur de' ce jeune homme, que je dois affectionner pour l'espérance qu'il donne de devoir reùscir, et sur tout a la mémoire que je dois a Monsieur ( i) Ce « jeane homme d'Eglise, » qui donnait déjà des inquiétudes à ses protecteurs, est Denis de Granier, fameux par ses aventures. (Voir le tome précédent, note (4), p. 344.) Il en sera parlé plus tard. (2) Le texte de cette lettre donné par Hérissant, défectueux manifestement en plusieurs endroits, a été rectifié ici et là sans hésitation ; mais cette phrase — l'édition de 1758 porte : « sans ce tourment de vous prier, » — ne saurait être donnée, quoiqu'intelligible, pour celle de l'Autographe.  Année i6ii 45 son oncle. Vous interpreteres le tout en bonne part, comme d'un cœur qui prend toute confiance au vostre. Nous sommes icy sans nouvelles, mais non pas sans menaces [de ceux de Genève] de faire beaucoup de maux a nos églises ( » ) ; mais la protection de laquelle ilz font profession de tirer leur force, ne leur sera, comme j'es- père, jamais donnée pour ces misérables effectz. Dieu nous veuille donner « la paix que le monde ne peut donner *, » et vous conserve, Monsieur, longuement et * Orat. pro Pace. heureusement, selon le souhait de Vostre très fidèle et très obéissant serviteur, Franç% E. de Genève. Ce 1 3 avril 1 6 1 1 . (i) Voir ci-dessus, note (i), p. 31, et note (a), p. 33.  DCLXXX A M. JACQUES DE BAY Un père de famille désire que son fils achève ses études au collège de Savoie à Louvain. — Le Saint sollicite l'admission du jeune étudiant. Annecy, 26 avril 1611. Monsieur, Le sieur Martinet, conseiller de Son Altesse et maistre de la Chambre des Comtes de Savoye (0, sachant avec combien de prudence et de soin les jeunes gens sont ( I ) Le « sieur Martinet, » fils de maître Pierre Martinel, bourgeois de Seys- sel, procureur au Sénat de Savoie, et de dame Louise Magnin, avait épousé D"* Georgine Bonier, qui était veuve de lui en 1626. Conseiller de Son Altesse et maître auditeur à la Chambre des Comptes, par patentes du 33 avril 1398, il fut aussi commissaire député à la réformation des tailles en Maurienne. Ascanio Martinel eut trois fils : Annibal-François, baptisé le 35 avril 1606, qui entra dans la Compagnie de Jésus ; Georges- Louis (voir la note suivante) et Jean, conseiller de Son Altesse, « commissaire des guerres deçà les monts, » qui épousa Jeanne-Françoise Sardo et mourut avant 1661.  46 Lettres de saint François de Sales conduitz et gouvernés sous vostr'authorité et direction dans vostre collège, il desireroit grandement que son filz, qui a des-ja fait son cours en philosophie, eiit le bien d'y estre receu et retiré, affin que plus heureusement il achevé ses estudes (ï) ; et cela, sans aucunement charger la despense du collège, puisque pour icelle, il prouvoye- roit de la pension et fourniture requise. Or, estimant que, comme je vous honnore et chéris devant un chacun, aussi soys-je aymé et chéri de vous, il a désiré que j'intercédasse pour cet effect auprès de vous. Ce que je fays, vous priant, autant quil se peut, de rece- voir ce filz-lâ a ma contemplation et comme filz d'un père plein d'honneur et de mérite ; en quoy vous accroistr^s le nombre des obligations que je vous ay, pour lesquelles je prie Nostre Seigneur vous combler de ses grâces, et suis en luy. Monsieur, Vostre humble confrère et serviteur. Franc», Evesque de Genève. Annessi, le xxvi avril 161 1. A Monsieur Monsieur de Bai, Docteur et lecteur en théologie a Louvain, Président du Collège de Savoye, Chancelier de l'Université, Doyen de S* Pierre. Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. BoUandistes. ( I ) L'étudiant pour lequel intercédait le Saint, devint chanoine de Genève. Il figure dans un acte du 24 mars 161 5, comme demeurant et étudiant à Cham- béry. A cette même date, il lui fut délivré des lettres dimissoriales pour recevoir tous les Ordres depuis la tonsure jusqu'à la prêtrise. (R. E.)  Année i6ii 47  DCLXXXI A LA MÈRE DE CHANTAL L'échange du Cœur da Sauveur avec celui d'une « bénite Sainte. » — François de Sales désire pour lui et souhaite à la Mère de Chantai la même ûiveur. Annecy, 29 avril [161 1 (1).] Je m'en vay a l'autel, ma chère Fille, ou mon cœur res- pandra mille souhaitz pour le vostre ; ou plustost, nostre cœur respandra mille bénédictions sur soy mesme ; car je parle plus véritablement ainsy. O Dieu, ma chère Seur, ma Fille bienaymee, a propos de nostre cœur, que ne nous arrive-il comme a cette bénite Sainte de laquelle nous commençons la feste ce soir, sainte Catherine de Sienne, que le Sauveur nous ostast nostre cœur et mist le sien en lieu du nostre ! Mais n'aura-il pas plus tost fait de rendre le nostre tout sien, absolument sien, purement et irrévocablement sien ? Oh qu'il le face, ce doux Jésus! je l'en conjure par le sien propre et par l'amour qu'il y enferme, qui est l'amour des amours. Que s'il ne le fait (oh ! mais il le fera sans doute, puisque nous l'en supplions), au moins ne sçauroit-il em- pescher que nous ne luy allions prendre le sien, puisqu'il tient encor sa poitrine ouverte pour cela. Et si nous devions ouvrir la nostre, pour, en ostant le nostre, y loger le sien, ne le ferons-nous pas ? Qu'a jamais son saint nom soit béni (') ! ( i) Le quantième est indiqué par la fête de sainte Catherine de Sienne, et l'appellation de « Seur » fait penser à 1611, car celle-ci ne parait plus à partir de i6t3. (3) Cette phrase, qui termine ce billet complet, croyons-nous, est suivie dans l'édition deiésé, d'une pièce étrangère. Hérissant (1758), en reproduisant au tome IV, p. 479, cette fabrication, ajoute la date de léaa, erreur qui a été répétée par tous les éditeurs venus après lui. Migne, toutefois, au tome IX, col. 84, donne à part la lettre interpolée, avec la date justifiée du a8 jan- vier 1615.  48  Lettrbs d^3  fRAÎ  Sales  DCLXXXII AU PRÉSIDENT ANTOINE FAYRE Les appréheosions et les difficultés d'un voyage à Gex. — Les exigences du service de Dieu et des âmes, plus impérieuses encore. Annecy, 30 avril 1611.  • Epist. seq  Monsieur mon Frère, Ce porteur vous dira que j'ay un peu d'appréhension de faire le voyage de Gex, auquel néanmoins mon devoir m'oblige, puisque c'est pour le restablissement de l'église a Divonne, lieu fort important en ce païs-la. Le rencontre du bruit de guerre, qui n'est pas encor esteint(0, du refus des passages et de ces fausses nouvelles qui ont couru ces jours passés, me semble estre mal a propos pour cett'occasion d'aller hors l'Estat et parmi monsieur le Grand et monsieur de Lux (*) ; mais je ne vois point de suffisant prétexte pour m'excuser de ce service de Dieu et des âmes (3). Seulement, je m'essayeray d'estre court et revenir le plus vistement qu'il se pourra. J'en escris un mot a monsieur le Marquis de Lans *, ad cautelam^ si vous le treuves bon (4). J'oubliay de dire a mon frère de la Thuilleque monsieur  ( I ) Tous ces bruits de guerre qui préoccupaient à cette date l'opinion pu- blique en Savoie, venaient des préparatifs de Charles-Emmanuel, toujours hanté du désir de surprendre Genève. Les fermes représentations de la cour de France firent avorter son dessein. (Cf. Mugnier, Correspondance du Président Favre, tome I", février-avril 1611.) (3] Monsieur le Grand (le duc de Bellegarde) et le baron de Lux s'inspi- rant des ordres de Marie de Médicis pour arrêter les menées de Charles- Emmanuel, le prudent Pasteur pouvait craindre d'alarmer, par le seul fait de les rencontrer, l'esprit soupçonneux de son prince. (Voir la Lettre dcxcv, 13 juin 1611, au duc de Savoie.) (3) Le Saint fit en effet ce voyage quelques jours après. Il se mit en route le 5 mai et rencontra à Gex le duc de Bellegarde. (Voir Lettres dclxxxvii, DCLXXXVUI, DCXC.) (4) Le marquis de Lans avait été nommé gouverneur et lieutenant-général en Savoie le 13 avril, et le 25 il avait présenté en personne au Sénat sa lettre de commandement.  Année i6ii 49 d'Abondance (0 vouloit faire que le Pape prieroit Son Altesse de vouloir quil vous employast a la response du livret (2), et cela a mon advis, ira mieux. Je suis sans fin ni reserve, Monsieur mon Frère, Vostre très humble frère et serviteur, Francs E- de Genève. XXX avril 161 1. A Monsieur Monsieur le premier Président de Savoye (3). Revu sur une copie conservée à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) Vespasien Aiazza, abbé d'Abondance. (3) Ce « livret » et la réponse avaient-ils pour objet la question du pouvoir temporel des Papes, si passionnément agitée en ce temps-là ? Nous n'avons pu le savoir. Le « livret » pourrait être l'ouvrage de Richer : De Ecclesiastica et politica potestate liber, très petit par le nombre de pages, mais fort perni- cieux par les erreurs qu'il soutenait contre le Siège apostolique. (3) De ces mots, de Savoye, mal lus, l'éditeur Migne (tome VI, col, 954) et avant lui, le copiste italien, ont fait : Desaugier !  ►  DCLXXXIII AU MARQUIS DE LANS (0 Le Saint donne avis de son voyage à Gex. Annecy, 30 avril 161 1. Monsieur, Estant appelle pour restablir le saint exercice de la foy en une bourgade du pais de Gex*, qui est de mon diocèse, •Vid.Epist.prseced. (i) Sigismond d'Est, marquis de Saint-Martin, de Lans, etc., né en 1577 de Philippe d'Est, marquis de Lans, et de Marie légitimée de Savoie, fille d'Em- manuel-Philibert. Il épousa Françoise Gauthier d'Hostel et de Thesieu, et mourut en 1627. Le marquis de Lans s'attacha au duc de Savoie, son oncle, dont il servit quelquefois les intérêts avec plus de dévouement que de clair- voyance. Chef de sa noblesse, général de sa cavalerie, lieutenant-général et gouverneur de Savoie, il accompagna Charles-Emmanuel en 1599, lorsque celui-ci vint en France négocier l'affaire du marquisat de Saluées, et fut son Lbttus V 4  ço Lettres de saint François de Sales mais hors de l'obéissance de Son Altesse Serenissime, j'ay voulu, avant mon départ, donner connoissance a Vostre Excellence de ce petit voyage auquel ma charge m'oblige, affin qu'en toutes occasions j'observe tant quil me sera possible les loix de mon devoir. Dieu veuille a jamais bénir Vostre Excellence, delà- quelle je suis, Monsieur, Très humble et très affectionné serviteur en Nostre Seigneur, Franc*, E. de Genève. XXX avril 1 6 1 1 . A Monsieur, Monsieur le Marquis de Lans, Lieutenant gênerai, Chevalier de S. A. deçà les monts. Revu sur TAufographe conservé à Florence, Bibliothèque Magliabecchiana (Autografi Gonnelli, n" 8). ambassadeur en France (1617). Le prince Thomas lui succéda à la fin de i6ii dans sa lieutenance de Savoie, et le retrait de cette charge fut sans doute une disgrâce, car son mariage avait déplu à la cour de Turin. (Cf. Moreri, 1740; Guichenon, Hist. génial, de la royale Maison de Savoie, tome II.) Nous ver- rons dans la suite de la correspondance du Saint, que celui-ci n'eut pas toujours à se louer de la bienveillance du marquis.  DCLXXXIV A MADAME DE VIGNOD, RELIGIEUSE DE l'aBBAYE DE SAINTE-CATHERINE Divin échange. — Ce qu'il est utile d'imiter dans la vie de sainte Catherine de Sienne. — Dieu seul mérite d'être servi et suivi avec passion. — La Communion fréquente et les âmes faibles. — Ce que font les bergers en Arabie. — L'obéissance assure la protection de Notre-Seigneur. Annecy, 30 avril [161 1 (i).] Nostre Sauveur vous arrache le cœur, comme il fit a la dévote sainte Catherine de Sienne de laquelle nous ( I ) Les anciennes éditions donnent pour adresse : A une Dame ; Hérissant {1758), tome VI, p. 30 : A une Dame, sœur de saint François de Sales, sans  Année 1611 51 faysons ce jourdhuy la feste, pour vous donner le sien très divin, par lequel vous viviés toute de son saint amour. Quel bonheur, ma très chère Seur, si quelque jour, au sortir de la sainte Communion, je treuvois mon chetif et misérable cœur hors de ma poitrine, et qu'en sa place fut establi ce pretieux cœur de mon Dieu ! Mais, ma chère Fille , puisque nous ne devons pas désirer des choses si extraordinaires, au moins souhaitte-je que nos pauvres cœurs ne vivent plus désormais que sous l'obéissance et les commandemens du cœur de ce Seigneur. Ce sera bien asses, ma chère Seur, pour, en ce fait, imiter utilement sainte Catherine ; et en cette sorte, nous serons doux, hum- bles et charitables , puisque le cœur de nostre Sauveur n'a point de loix plus affectionnées que celles de la dou- ceur, humilité et charité *. • Cf. Matt., xi, 39. Vousseres bienheureuse, ma très chère Seur, ma Fille, si parmi toutes ces fadaises de partialités, vous vives toute en vous mesme pour Dieu (Dieu, qui seul aussi mérite d'estre servi et suivi avec passion) ; car ainsy faysant, ma chère Seur, vous donneres bon exemple a toutes et gai- gnerés la sainte paix et tranquillité pour vous mesme. Laissés, je vous supplie, philosopher les autres sur le sujet que vous aves de communier ; car il suffit pour vostre conscience, que vous et moy sçachions que cette diligence de revoir et de reparer souvent vostre ame est grande- ment requise pour la conservation d'icelle. Et si vous en voules rendre conte a quelqu'une, vous luy pourres bien dire que vous aves besoin de manger si souvent cette divine viande parce que vous estes fort foible et que, sans ce renforcement, vostre esprit se dissiperoit aysement. Cependant continués, ma très chère Seur, a bien serrer ce cher Sauveur sur vostre poitrine ; faites qu'il soit le doute parce que le Saint appelle « Seur » la destinataire. Or il est évident que celle-ci est une Religieuse et qu'elle vivait en communauté. Le genre des conseils proposés, le style de la lettre font penser au monastère de Sainte- Catherine et à Bernarde de Vignod. Toute autre attribution justifierait moins bien le ton et la teneur de la présente lettre. La date est déduite, mais avec moins de probabilité, des invitations à la Communion fréquente et du rapport de la lettre avec celle du 39 avril pré- cédent (voir p. 47), adressée à la Mire de Chantai.  5^ Lettres de saint François de Sales beau et le suave bouquet dessus vostre coeur, en sorte que quicomque vous approche sente que vous en estes parfu- mée et connoisse que vostre odeur est l'odeur de la • Cf. Cant., I, u. myrrhe *. Tenés vostre esprit en paix, non obstant cet embarras- sement qui est autour de vous. Remettes a la plus secrette providence de Dieu ce que vous treuveres de malaysé, et croyés fermement qu'il fera une douce conduite de vous, de vostre vie et de toutes vos affaires. Sçavés-vous ce que font les bergers en Arabie quand ilz voyent esclairer, tonner et l'air chargé de foudres ? Hz se retirent sous les lauriers, et eux et leurs troupeaux. Quand nous voyons que les persécutions ou contradictions nous menacent de quelque grand desplaysir, il nous faut retirer, et nous et nos affections, sous la sainte Croix, par une vraye confiance que tout reviendra au pr ouf fit • Rom., viii, 28. de ceux qui ayment Dieu *. Or sus, ma chère Fille, ma Seur, tenés bien vostre cœur ramassé, gardés-vous fort des empressemens. Jettes souvent vostre confiance en la providence de Nostre Sei- • Cf. Ps. Liv, 33. gneur * ; soyés toute asseuree que plustost le ciel et la • Matt., XXIV, 35. terre passeront *, que Nostre Seigneur manque a vostre protection, tandis que vous serés sa fille obéissante, ou au moins désireuse d'obéir. Deux ou troys fois le jour, pensés si vostre cœur est point inquiété de quelque chose, et treuvant qu'il l'est, taschés soudain a le remettre en repos. A Dieu, ma chère Fille ; Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur. France E. de Genève.  I  Année i6ii ^^ DCLXXXV A LA PRÉSIDENTE BRULART Progrès spirituel de la Mère de Chantai. — Les tribulations et la sainteté. Qu'est-ce qui approche Notre-Seigneur de nos cœurs. Annecy, avril i6i i (i). Ma très chère Seur, Escrivant a monsieur vostre mary en recommandation d'un mien amy, chanoine de Lyon (»), je vous fay ce petit billet pour tout simplement vous saluer de tout mon cœur, non seulement en mon nom, mais de la part encor de la chère et bonne seur madame de Chantai, laquelle va de bien en mieux pour sa santé et, pour le dire encor entre nous deux, pour sa sainteté, a laquelle les tribula- tions et maladies sont fort propres pour donner de l'avancement, a cause de tant de solides résignations qu'il faut faire es mains de Nostre Seigneur. Vives toute pour Dieu, ma chère Fille, et puisqu'il faut que vous vous exposies a la conversation, rendés- vous y utile au prochain par les moyens que souvent je vous ay escritz. Et ne pensés pas que Nostre Seigneur soit plus esloigné de vous tandis que vous estes emmi le tracas auquel vostre vocation vous porte, qu'il ne seroit si vous estiés dans les délices de la vie tranquille. Non, ma très chère Fille, ce n'est pas la tranquillité qui l'approche de nos cœurs, c'est la fidélité de nostr' amour ; ce n'est pas le sentiment que nous avons de sa douceur, mais le consentement que nous donnons a sa sainte volonté, laquelle il est plus désirable qu'elle soit exécutée en nous, que si nous exécutions nostre volonté en luy. ( I ) Le recours au mari de sa correspondante, les salutations et les appel- lations du Saint, et aussi les conseils et les encouragements donnés à la desti- nataire font croire que celle-ci est M"' Brûlart. La date n'est pas donnée dans l'édition de 1641 ; elle a été ajoutée par Hérissant (1758). Les allusions de la lettre paraissent la justifier, mais ne per- mettent pas de la préciser davantage. (a) Ce chanoine serait-il Louis de Sacconay (voir tome XI, note ( i ), p 305), ou bien M. de Médio, chanoine de Saiot-Nizier de Lyon? (Voir tome XII, note (3), p. 49.)  54 Lettres de saint François de Sales Bon jour, ma très chère Seur, ma Fille. Je prie cette souveraine Bonté qu'elle nous face la grâce de la bien chercher par amour, et suis en elle tout entièrement, Madame, Vostre très humble serviteur, Franc», E. de Genève.  DCLXXXVI A LA PRÉSIDENTE FAVRE ( IMBDITB ) L'ambition d'un prédicateur de Carême. — Les cœurs simples et humbles, et la Croix. Annecy, 2 mai 1611. Ce seroit une faute inexcusable, ma très chère Seur, ma Fille, de laisser partir un porteur si fidelle sans luy don- ner une lettre pour vous. Vrayement je m'en res-jouis aussi dequoy bien tost nous aurons le bien de vous voir •Vide supra, Epjst. icy, en attendant le Caresme prochain *, auquel sans Dojcxv, e pis . j^Q^^g jg porteray une extrême affection de gaigner beau- coup d'ames a Celuy qui, pour les gaigner toutes, voulut bien perdre sa très digne vie sur la croix. Mais, ma chère Seur, voules vous bien que je vous die ma pensée? Je crains infiniment de rencontrer trop de sagesse. Certes, c'est grand cas comme la Croix ayme les cœurs simples • Cf. I Cor., 1, 33. et humbles. Néanmoins, c'est le Sauveur que je presche *', lequel remplit les vallées et explane ou abbaisse les • Isaiae, xi, 4 ; Luc, moUtagnCS *. Dieu vous bénisse, ma très chère Seur, ma Fille. Je suis tout en luy, Vostre plus humble frère et serviteur, Franc", E. de Genève. 2 may i6ii. A Madame la première Présidente de Savoye. Revu sur une copie conservée à la Visitation de Montélimar.  5-  Année i6ii 5; DCLXXXVII AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE Le Saint s'en remet à son ami pour informer le Sénat qn'il accepte l'invitation de prêcher le Carême de 1613. Annecy, 4 mai i6t 1. Monsieur mon Frère, Voyla, dans cette lettre que j'addresse a Messieurs du Sénat (0, la promesse que je leur fay du saint service qu'ilz ont désiré de moy (3). Monsieur de Monthouz (?) m'a prié de la luy envoyer, affin quil la rende, puisqu'il a eu charge de me donner la demande. Mays vous en feres a vostre gré, car a cett'intention je vous confie le tout, vous estant des-ja tout confié moymesme, comme Dieu et les hommes sçavent. J'escris simplement qu'ouy, et n'ay pas eu le courage, ou pour mieux dire la témérité, d'entreprendre de con- trepointer les belles pointes de la lettre que j'ay receue en leur nom. Sil vous plait d'enrichir mon offrande de complimens, vous le pourres faire en asseurance, car vous ne devanceres point mon affection par tous les ornemens avec lesquelz vous Texprimeres. ( I ) On comptait alors dans le Sénat dix-huit membres, parmi lesquels figu- raient le premier président, Antoine Favre ; Antoine de Passier et Geoffroy de Bavoz, deuxième et troisième présidents ; Jean-François de Bnttet, Fran- çois-Nicolas de Riddes, Claude-Louis Guillet de Monthoux, Antoine de Les- cheraine, René Favre, etc., sénateurs; Pierre Favier, avocat général, et Jean- Antoine Bay, procureur général. (Chambéry, B.eg. des Entrées du Sénat.) (3) Le Sénat avait demandé â saint François de Sales de prêcher le Carême de 1613 à Chambéry. (Voir ci-dessus, Lettres dclxxv, dclxxxvi.) (3) Claude-Louis Guillet, coseigneur de Monthoux, seigneur de Pougny, de Marcossay, etc., fils de Guy, seigneur de Monthoux, et de Louise Bay, devint avocat patrimonial à la Chambre des Comptes le 31 mars 1608, conseil- ler d'Etat de Son Altesse et sénateur le 31 octobre 1609, deuxième président du Sénat le 3 juin lési. Il épousa D'" Gabrielle Dyan. Ambassadeur du duc à Berne à l'occasion des affaires de la Valteline (163^-1636), M. de Monthoux fut, depuis cette époque, à peu près toujours en mission. Il mourut à l'étran- ger en 1631, durant l'occupation de la Savoie par Louis XIII. Sa veuve lui luryécDt, se retira en 1663 chez les Carmélites et y mourut en 1673.  DCLXXXn.  ç6 Lettres de saint François de Sales Vide supra, Epist. Je pars demain pour Gex*, avec le congé de monsieur le Marquis ('), et suis sans fin ni reserve, Vostre très humble frère et serviteur, F., E. de Genève. 4 may 1611. A Monsieur Monsieur Favre, Baron de Peroges, Conseiller d'Estat de S. A., premier Président de Savoye. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans. ( I ) Le marquis de Lans (voir ci-dessus, Lettre dclxxxiii).  DCLXXXVIII A LA MÈRE DE CHANTAL La religion catholique à Gex ; espérance de l'y voir refleurir. — L'apostolat du Saint ; un résultat qu'il n'estime pas médiocre. Gex, vers 10 mai 161 1 (1). Dieu, qui en cela m'assiste, veuille retirer et ma personne et mes actions a sa gloire et a son honneur, selon nostre souhait. (*) Sa Bonté me fait savourer des douceurs, certes, extraordinaires et suaves et qui ressentent au lieu d'où elles viennent. O que nostre Sauveur est bon et comme il traitte tendrement avec mon pauvre chetif courage ! Mays je suis bien résolu de luy estre fort fidèle, et spécialement au service de nostre cœur que, plus sensi- blement que jamais, je voy et sens estre unique. O Dieu, ma chère Fille, qui pouvoit mesler si parfaitement deux ( I ) Les éditeurs de 1626 et les suivants donnent un texte fabriqué : les premiers, sans date ; Vives et Migne, avec la date de « vers le 30 novembre 1613. » Or, la première partie de ce texte est du 7 décembre 1611 ; la seconde partie constitue la présente lettre incomplète, et sa vraie date est celle que nous indiquons. Elle est toute prouvée par les paroles du Saint : « Hier nous « restablismes le saint exercice a Divonne. » Ce rétablissement eut lieu dans la première quinzaine de mai 1611. (3) Ici, les éditeurs précédents interpolaient la phrase indiquée note (3), p. 41.  Année i6ii çy espritz qui ne fussent qu'un seul esprit, indivisible, insé- parable, sinon Celuy qui est unité par essence ? Les affaires de la religion, qui s'accroissent icy tous les jours, me feront arrester plus longuement que je ne pensois, ma très chère Fille ; mais certes très aggreable- ment, puisque c'est pour la gloire de Dieu et le service des âmes qu'il a rachetées, lesquelles, en divers lieux de ce balliage, demandent qu'on leur restablisse le saint exercice. Mon Dieu, ma très chère Fille, que ce m'est une honnorable et douce peyne que celle-cy, qui me fait espérer que, sinon maintenant, au moins par ci après, tout ce païs pourra estre purgé de tant d'infection que le malheur de l'heresie y avoit assemblé. Hier nous restablismes le saint exercice a Divonne (0, gros et beau village. Ces jours suivans, il y a apparence d'en faire de mesme en deux autres (2), et outre cela, nous prescherons icy et parlerons a quelques âmes desvoyees ; et bien que peut estre ne les reduirons-nous pas, parce que, pour l'ordinaire, les considérations hu- maines empeschent celles de leur salut, si est-ce que nous ne pensons pas peu faire quand nous leur faysons confesser que nous avons rayson, comme plusieurs ont faitjusques a présent. Priés particulièrement ce Sauveur, ma très unique Fille, pour la conversion de ceux pour lesquelz j'ay commencé de travailler, affin qu'ilz voyent la sainte vérité, sans laquelle ilz ne sçauroyent que se perdre. Mille et mille fois le jour mon cœur se treuve chez vous, avec mille et mille souhaitz qu'il respand devant Dieu pour vostre consolation. Hé, Seigneur Jésus, vives et régnés éternellement dans ce cœur que vous nous aves donné. Vostre très affectionné serviteur. Franc', E. de Genève. ( I ) Cf. ci-après, Lettre dcxc. (a) L'une de ces « deux autres » paroisses est Challex; le duc de Bellegarde le dit formellement dans sa réponse à la Seigneurie de Genève, le ao mai 1611 (Archiv. de Genève, Pièces hist., n° a44j). Le saint Evéque ne put rétablir le culte dans la troisième, puisque le 15 juin suivant il écrit : « J'eu la conso- « lation... de reconcilier deux églises parrochiales. »  58 Lettres de saint François de Sales DCLXXXIX A M. JEAN DE CHATILLÔN (O ( IMÉDITB ) Becommandation en faveur d'an solliciteur dans la gêne. Gex, i^ mai 161 1. Monsieur, Je vous prie d'avoir en recommandation ce porteur pour tout ce que justement il pourra désirer de vostre faveur (*). Sa pauvreté me porte a cette prière, comme vos mérites me feront tous-jours tesmoigner que je suis, Monsieur, Vostre humble confrère en Nostre Seigneur, Franc*, E. de Genève. XV may 1611, a Gex. A Mons"" Mons'' de Chatillon, Docteur en théologie, Plebain de Thonon. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Dames de Saint-Maur. (i) Jean de Chatillon, né vers 1572, fut nommé le 4 juillet 1609, n'étant encore que diacre, plébain de l'église de Notre-Dame de Compassion et de Saint-Hippolyte de Thonon, et reçut le 19 septembre suivant ses lettres di- missoriales de prêtrise. Son acte de sépulture porte la date du 31 mars 1633. (R. E. et Reg. par. de Thonon.) Il était un des administrateurs de la Sainte- Maison; aussi le Saint eut souvent recours à lui pour en obtenir des secours en faveur de ses protégés. (2) Ce porteur pourrait être quelque nouveau converti du bailliage de Gex.  Année i6i  59  DCXC AU GRAND-PRIEUR ET AUX RELIGIEUX DE SAINT-CLAUDE ( La chrétienté de Divonne et les frais du culte sont confiés aa zèle des Religieux de Saint-Claude. Gex, 17 mai 161 1. Messieurs, J'ay pris ma bonne part du contentement que mes- sieurs vos confrères (2) ont eu au restablissement du saint exercice en l'église d'Ivonne, ou je ne doute point que vous ne faciès de plus en plus paroistre le zèle que vous aves au service de Nostre Seigneur, comme je vous supplie faire au soin du redressement et ameublement ( I ) La célèbre abbaye de Saint-Claude, fondée par saint Romain et saint Lupicin son frère vers 430, fut enrichie par les rois de France de nombreux dons et privilèges. Le premier monastère, qui portait le nom de Condat, prit celui de saint Oyend, le quatrième abbé, mort vers 510, après l'avoir fait recons- truire. Mais sa gloire et son nom disparurent devant la popularité de saint Claude, abbé de Saint-Oyend pendant cinquante-cinq ans, qui mourut en 694, presque centenaire. La Règle des premiers jours se fondit plus tard avec celle de saint Benoît, et dès lors la vie monastique se développa dans la terre de Saint-Claude avec une ferveur croissante. Au xiii* siècle commença la décadence que les règlements ne purent arrêter. En 174», l'abbaye fut sécularisée; les Religieux furent remplacés par des chanoines, et ceux-ci dispersés à leur tour par un décret de suppression, le 53 octobre 1790. En i6rr, l'abbaye était gouvernée par Claude de la Mar. Issu d'une trè.i ancienne famille noble d'Yenne (Savoie), il était fils de noble Claude, seigneur de la Mar, commissaire de l'artillerie de la citadelle de Bourg, et d'Urbane de Richard de Chanaz. C'est lui sans doute qui reçut saint François de Sales et sainte Jeanne-Françoise de Chantai, quand ils firent leur célèbre pèlerinage, car il entra en charge dès 1604 et l'exerça jusqu'à sa mort (1627). Les Religieux de l'abbaye de Saint-Claude étaient tenus de faire preuve de noblesse. Dans un acte capitulaire du 18 avril 1630, on lit les signatures sui- vantes : « Anathole de Scey, chantre; Africain de Croisier, infirmier; François de la Rochelle, sacristain ; Louis du Saix, chambrier ; François de Chissey, » etc. (Voir D. Benoît, Hist. de FAbbayeet de la Terre de St-Claude, 1890-1891.) (3) Ce sont les Religieux du prieuré de Divonne, dont la fondation n'est pas antérieure à 1335. Dévasté par les Bernois, puis possédé en 1543 par M. de Gingins, seigneur du lieu, il retomba en 1601 sous la juridiction mo- nastique. Antoine de Senailly, Religieux de Saint-Claude, en devint prieur le 33 août de cette même année. Le Chapitre obtint bientôt que le prieuré de Divonne fût uni à la mense conventuelle, par bulle fulminée le 8 février 1607  6o Lettres de saint François de Sales de l'autel (0; et de mesme en la diligence de prouvoir le curé (») de l'entretenement qui luy est requis, lequel, affin quil ne demandast que raysonnable, je luy ay taxé conformément a celuy que vous donnés au curé de Sessi (3). Au demeurant, je prie sa divine Majesté qu'elle vous comble de ses plus désirables faveurs, et ay un très grand désir de pouvoir un jour, ains toute ma vie, tes- moigner combien je vcus honnore, et suis, Messi jurs, Vostre bien humble confrère et serviteur en Nostre Seigneur, Francs, e. de Genève. A Gex, 17 may 161 1. A Messieurs, Messieurs les Grand Prieur et Religieux de S* Claude. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibliothèque nationale, Galerie Ma^^arine, vitrine xxxii, n° 324. (voir D. Benoît, ouvrage cité). Le i"'' mai 1620, François de Sales céda aux Religieux de Saint-Claude ses droits sur le prieuré ; il les tenait d'une rente de 300 écus dont ce prieuré était grevé. (Archiv. dép. de la Haute-Savoie, Minutes Duret.) ( I ) Au dire de l'historien de l'abbaye de Saint-Claude, celle-ci « contribua, par des sommes importantes, à la réparation » et à l'ornementation « des églises de Cessy et de Divonne, » non moins qu'à « l'entretien des ministres catho- liques. » Toutefois, daps sa lettre du 15 juin 161 1, l'Evéque de Genève écrit: A Gex, « Messieurs de Saint-Claude... n'ont rendu, que je sache, aucun « service comparable a celuy que nos chanoynes ont fait. » — (Voir à l'Ap- pendice, la réponse des destinataires, 20 mai 161 1.) (2) Le P. Charles de Genève (Hist. abrégée des Missions des PP. Capucins de Savoye, Chambéry, 1867, p. 231) dit qu'en 1612 « M. Nambride » était curé de Divonne; » il semble donc très probable qu'il l'était dès 161 1. On peut croire que cet ecclésiastique exerça ce ministère jusqu'en 1621, d'après la pièce suivante, signée par saint François de Sales : « Nous commettons par « ces présentes, vénérable M"^* Claude de Nambruide, curé de Divone, a « l'administration et œconomie des biens ecclésiastiques du balliage de Gex « flton appliqués ny assignés aux églises de Farges, Gex, Thoyri, Grilly, « Chalex, Versoix, Divone, mais destinés aux autres églises qui, pour le « présent, ne sont encor pourveues de pasteurs. » Cette commission, conser- vée à la Visitation de Montélimar, porte la date du 17 décembre 1621. (3) Pierre Poucet, institué le 12 juillet 1611, sur la présentation des Reli- gieux de Saint-Claude, résigna la cure de Cessy et fut nommé à celle de Sacconex le 19 décembre 1618. (R. E.)  Annéb i6ii 6i DCXCI A LA MÈRE DE CHANTAL Annonce du retour à Annecy. Gex, 19 mai 161 1. Je manque a ma parole, ma très chère Fille, mais je ne manque pas au désir d'estre ce soir a Neci. Ce sera de- main, Dieu aydant, car les affaires ( O le requièrent ainsy. Or sus, en attendant, bon soir, ma très unique Fille ; Nostre Seigneur vous comble de son amour. J'ay eu un peu de peyne pour la maladie de la petite très chère seur (»), bien que j'en espère bonne issue. Je salue toutes nos filles. Mais vray, ma très chère Fille, vous estes voy rement tout uniquement et véritablement moy mesme. Vive Jésus ! Amen. 19 may, a Gex. { I ) Voir les lettres précédentes. (3) Sans doute, la jeune baronne de ThoTens.  DCXCII A LA MÊME Effusions de ferveur. — Fruit du mystère de la Pentecôte. — L'esprit de force et l'esprit de sagesse; l'amour sacré et la souveraine Unité. Annecy, [22 mai 1611 (i).] OstetoydHcy autour, o vent de bise, et viens, o vent de midy, et souffle dans mon jardin, et les parfums ( I ) Cette date est proposée sous toutes réserves, d'autant que le texte parait composé de plusieurs fragments, et quelques-uns de ceux-ci pourraient bien être de la fête de Pentecôte 1613, 10 juin.  63 Lettres de saint François de Sales • Cant., IV, uit. en sortiront abondamment *. O ma très chère Fille, que je souhaitte ce gracieux vent qui vient du midy de l'amour divin, ce Saint Esprit qui nous donne la gprace d'aspirer a luy et de respirer pour luy. Ah ! que je voudrois bien vous faire quelque don, ma chère Fille ; mays, outre que je suis si pauvre, il n'est pas convenable qu'au jour auquel le Saint Esprit fait ses presens, nous nous amusions a vouloir faire les nostres ; il ne faut entendre qu'a recevoir au jour de cette grande largesse. Mon Dieu, que j'en ay voyrement bien besoin de l'esprit de force ! car je suis, certes, foible et infirme, dequoy néanmoins je me glorifie, affin que la vertu de *ilCor., xii,9, 10. mon Seigneur habite en moy*. J'ayme mieux estre in- firme que fort devant Dieu, car les infirmes, il les prend entre ses bras et les fortz il les mené par la main. La Sapience éternelle soit a jamais dans nostre cœur, affin que nous savourions les trésors de l'infinie douceur de Jésus Christ crucifié. Dites a la grande fille (0, que, comme moy, elle se glorifie en sa foiblesse, qui est toute propre pour recevoir * Cf. ibid. la force * ; car, a qui donner la force qu'aux foibles ? Bon soir, ma très chère Fille. Ce feu sacré qui change tout en soy, veuille bien transmuer nostre cœur, affin qu'il ne soit plus qu'amour et qu'ainsy nous ne soyons plus aymans, mais amour ; non plus deux, mais un seul nous mesme, puisque l'amour unit toutes choses en la souve- raine Unité. A Dieu, ma chère Fille ; persévérons au désir de cette unité, de laquelle Dieu nous ayant fait jouir des icy, autant, que nostre condition infirme le peut porter, il nous en fera plus parfaitement jouissans au Ciel. Franç% E. de Genève. { I ) Sœur Marie- Jacqueline Favre.  Année i6ii 6) DCXCIII A LA MÊME Les armes et la devise de la Visitation. — La Congrégation est « vrayement un ouvrage du cœur de Jésus et de Marie. » — Ses armes symbolisent la soigneuse mortification du cœur, propre à l'Institut. Annecy, lo juin i6n. Bon jour, ma très chère Fille. Un accommodement qu'il me faut faire ce matin entre deux de nos pasteurs de Gex ( ^ ), me prive de la consolation d'aller voir mes plus chères brebis et de les repaistre moy mesme du Pain de vie. Voyla M. Rolland {^) qui va suppléer a mon défaut. Toutefois, il n'est [pas] asses bon messager pour vous porter la pensée que Dieu m'a donné cette nuit: que nostre maison de la Visitation est, par sa grâce, asses noble et asses considérable pour avoir ses armes, son blason, sa devise et son cri d'armes. J'ay donq pensé, ma chère Mère, si vous en estes d'accord, qu'il nous faut prendre pour armes un unique cœur percé de deux fles- ches, enfermé dans une couronne d'espines, ce pauvre cœur servant d'enclaveure a une croix (3) qui le surmon- tera, et sera gravé des sacrés noms de JESUS et Marie (4). Ma Fille, je vous diray a nostre première veuë mille (i) Etienne Dunant, curé de Gex (voir le tome précédent, note (r), p. 65), économe de l'Evêque de Genève pour les églises de ce bailliage, et Humbert Curton, après un ministère de plusieurs années, avaient été institués tous les deux, le 15 mai 1611, ce dernier pour desservir Farges et Asserens. (R. E.) Ne seraient-ils pas les deux « plaideurs » dont parle le Saint à la fin de sa lettre > (2) Georges Rolland (voir tome XI, note (a), p. 117). (3) Le texte du Ms. de VAnnéi: Sainte, souvent défectueux, portait: « ser- vant dans /'enclaveure a une croix.» La version que nous proposons est plus sûre. (4) Ce jour où le Saint donnait de telles armes et une telle devise à sa chère Congrégation et l'avouait pour un « ouvrage du Cœur de Jésus et de Marie, » est une date mémorable dans l'histoire de la Visitation. Elle n'est pas négligeable non plus pour l'histoire de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, car en 1611, le 10 juin tombait le vendredi après l'octave du Saint- Sacrement.  64 Lettres de saint François de Sales petites pensées qui me sont venues sur ce sujet (0 ; car vrayement, nostre petite Congrégation est un ouvrage du cœur de Jésus et de Marie (»). Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son sacré cœur ; il est donq bien juste que nostre cœur demeure, par une soigneuse mortification, tous-jours environné de la couronne d'espi- nes qui demeura sur la teste de nostre Chef, tandis que l'amour le tint attaché sur le throsne de ses mortelles douleurs. Bon jour encor, ma Fille; j'apperçois entrer nos plai- deurs qui viennent interrompre la paix de mes pensées.  ( I ) Qu'étaient-ce que ces « mille petites pensées » que saint François de Sales voulait confier à la Mère de Chantai ? « Avait-il eu, dans cette nuit bienheureuse, sur laquelle nous avons si peu de détails, la révélation » du « grand événement qui devait plus tard jeter un si doux éclat sur l'ordre de la Visitation ? Ou bien, lorsqu'il voulut donner à un siècle plein de haine, et qui devait être bientôt plein de ruines, la tendre dévotion à son sacré cœur comme une consolation et une espérance. Dieu ne choisit-il la Visitation que pour la récompenser d'avoir pris pour armes, dès son berceau, ce coeur cou- ronné d'épines, et d'avoir ainsi comme donné le signal de cette belle dévo- tion ? » (M»'' Bougaud, Hist. de Ste Chantai, 13* édition, Paris, 1899, tome I*', chap. XIII, in fine.) ( 2 ) Dès les premières années, l'origine divine de l'Institut et son opportune nouveauté frappèrent les amis du Saint, ceux-là surtout qui avaient suivi l'his- toire de ses premiers jours. Sur ce point, la lettre du P. de Villars, du 34 juillet 1611, renvoyée à l'Appendice, est aussi instructive qu'intéressante.  DCXCIV AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I" Sollicitation de la grâce pour un coupable. Annecy, 12 juin i6ii. Monseigneur, Quelques vertueux gentilshommes et moy, ayans, Dieu merci, terminé les poursuites que le sieur de Blonnay faysoit a rayson de la perte de son filz contre le sieur  Année i6ii 65 de Saint Paul (0, par un amiable et chrestien appayse- ment de toute inimitié et dispute, j'ay creu que je devois en donner asseurance a Vostre Altesse, affin quil luy playse de plus facilement incliner sa clémence et donner sa grâce aceluy qui, ayant la paix avec sa partie par cet accomodement, et le pardon de Dieu par la contrition et confession, n'a plus a rechercher que la remission de la peyne, que Vostre Altesse seule luy peut ouctroyer et que la debonnaireté d'icelle luy fait espérer. Et moy, je continue a reclamer la divine Bonté pour le parfait bonheur de Vostre Altesse, delaquelle je suis, Monseigneur, Très humble, très fidèle et très obéissant orateur et serviteur, Franc", E. de Genève. A Neci, le XII juin 161 1. Revu sur l'Autographe conservé à la Bibliothèque communale de Nantes (tome XVI, fol. aoi, pièce 221). ( I ) Georgios, fils de Jacques du Nant, dit de Russin, seigneur de Saint- Paul, Grilly, etc., épousa, par contrat de mariage du 28 juin 1598, Béatrix de Seyssel, fille du baron de la Serraz. Il mourut le 9 août 1617, aux guerres du Piémont, étant lieutenant de cavalerie. Sa femme décéda à Evian le II novembre 1631. Le Sénat avait condamné à la peine capitale, par arrêt du 26 mars i6ri (1), le meurtrier de Gabriel de Blonay (voir le tome précédent, note (2), p. 367); mais Georgios du Nant s'était dérobé au supplice en s'expatriant. Les deux familles de Blonay et de Saint-Paul demeuraient divisées plus que jamais; des amis s'interposèrent pour les réconcilier. C'est dans le logis du saint Evêque et sous sa présidence, que les arbitres, parmi lesquels MM. de Men- thon, de Charmoisy, de Buttet, de Quoex, Floccard, se réunirent pour tran- cher les questions litigieuses qui séparaient les deux maisons. La sentence du II juin 1611 et celle du 20 août suivant obtinrent l'acquiescement des parties et « l'amiable appaysement de toute inimitié. » (Voir Duplan, Arrêt crtminel du Sénat de Savoie, Evian-les-Bains, 1897.) Restait l'arrêt du Sénat qu'il s'agissait de faire annuler; c'est la faveur que le Saint sollicite du duc par cette lettre, au lendemain de la première sentence d'arbitrage.  (1) « De quoi, i> écrit Antoine Favre le 29 juin 1611, « je me fusse bien passé, si ma conscience m'eust permis, et a tout le Sénat, de denier justice au pauvre père et de dissimu- ler une si énorme meschanceté. n (Mugnier, Correspondance du Président Favre, tome 11, publié par la Société Savoisienne, etc., 1905.) Cet arrêt valut en effet au Président de ter- ribles rancunes.  Lettres V  66 Lettres de saint François de Sales  DCXCV AU MÊME Défense du Saint contre une calomnie. — Son inviolable fidélité au duc de Savoie. — Ce qu'il a fait à Gex. — Il a déjà rendu compte de tout ce qu'il a appris discrètement sur les projets des Français. — Une proposition du sieur de la Noue. — Les Suisses catholiques et le pays de Berne. — Vains efforts des brouillons et des calomniateurs pour représenter l'Evêque de Genève « avec des affections estrangeres. » Annecy, 12 juin léi 1. Monseigneur, Ayant esté adverti que l'on m'avoit chargé auprès de Vostre Altesse de fayre certains mauvais mesnages d'Estat avec les estrangers, j'en ay esté le plus estonné du monde, ne pouvant m'imaginer sur quell'apparence de fondement on peut bastir cette calomnie. Car encor que ces jours mon devoir m'ayt nécessité d'aller a Gex • Cf. Ep. DCLxxxii, et y arrester quelque tems *, si est ce que non plus là DCLxxxin. qu'ailleurs je ne me suis meslé de fayre ou dire chose aucune que selon ma profession, preschant, disputant, reconciliant les églises, consacrant les autelz, adminis- trant les Sacremens (0. Et non seulement je n'ay point fait de mesnage contre le service de Vostre Altesse (ce qui ne m'est jamais arrivé ni ne m'arrivera jamais, ni en effect, ni en pensée), mais au contraire, autant que la discrétion et le respect que je doy a ma qualité me le permettent, j'ay observé tout ce que j'estimois estre considérable pour le service de Vostre Altesse, affin de luy en donner advis, comme (i) Il dut être douloureux au plus fidèle des sujets, d'avoir à défendre de nouveau devant son prince la sincérité de son patriotisme. Cette fois encore, les soupçons étaient aussi calomnieux que les premiers. (Voir le tome précé- dent, note (2), p. 196.) Hélas! ce parfait serviteur de la dynastie de Savoie devra recommencer dans la suite, et plus d'une fois, cette facile, mais tou- jours pénible apologie. Pour l'honneur de Charles-Emmanuel et sa réputation de très clairvoyant connaisseur d'hommes, on voudrait qu'il eût épargné une telle humiliation à un si grand Saint et au plus désintéressé de ses amis.  1  Année i 6 i i 67 j'eusse fait par escrit si, a mon retour, je n'eusse treuvé le commandement qu'elle me donnoit de les porter de bouche a monsieur le Marquis de Lanz, auquel je parlay en toute franchise et naifveté ; l'asseurant entr'autres choses, que les bruitz touchant le dessein des François sur Genève n'estoyent que des vrayes chimères, que quel- ques uns avoyent peut estre fabriquées pour rendre pro- bables leurs praetendus services (0. Car, en vraye vérité, les François n'avoyent eii aucun' intention de surprendre a force cette ville-la, ayans trop d^apprehension d'esmou- voir les humeurs des hérétiques de France et de leur faire prendre les armes, comm'ilz feront, silz peuvent, toutes fois et quantes qu'on fera de telz coups contr'eux : telle- ment que ni monsieur le Grrand de Bellegarde, ni mon- sieur de Lux n'osèrent jamais y aller, quoy qu'ilz y fussent invités, de peur d'accroistre le soupçon que quelques uns en avoyent. Vray est que le sieur de la Noiie (^) proposa la dedans, par manière de conseil, qu'il seroit expédient de remettre les murailles au Roy de France, pour éviter les perilz qu'elles couroyent a tous momens. Mays, soit quil don- nast cett'atteinte par le commandement de la Reyne, soit quil la fit de son propre mouvement (dequoy je n'ay rien sceu apprendre de certain), elle fut si mal receùe, que (1) Les historiens modernes, les plus récents et les mieux informés, appré- cient comme le saint Evêque « le dessein des François sur Genève. » — « Il n'y eut pas de la part de Henri IV un plan arrêté à ce sujet... Les Bourbons, à l'imitation du chef de leur race, ont en somme toujours respecté l'indépen- dance de la république calviniste. » (De Crue, Henri IV et les députés de Genève, Genève-Paris, 1901, chap. x, p. 424.) (3) Odet de la Noue était le fils aîné du célèbre François de la Noue, dit Bras de Fer. Il fit ses premières armes dans les Pays-Bas et y fut retenu pri- sonnier pendant sept ans (1584-1591). Après sa délivrance, il servit en France sous les ordres de La Trémouille. A la faveur du prestige dont il jouissait dans le monde des réformés, ceux-ci le désignèrent pour les représenter dans les assemblées de Sainte-Foi et de Saumur. Il présida celle de Loudun et prit une grande part aux négociations qui préludèrent à l'Edit de Nantes. Activement dévoué aux intérêts de Genève, il s'y occupa beaucoup des fortifications en 1605, 1607, 1610. Ses rapports se trouvent mentionnés dans les Portefeuilles historiques et dans les Registres du Conseil. En février 161 1, la cour de France l'envoya dans cette ville pour rassurer les Genevois menacés par le duc de Savoie d'une prochaine invasion. De la Noue mourut à Paris le 33 août 1618. (Voir Moreri, Hoefer, Michaud; Haag, La France protestante, tome VI, etc.)  68 Lettres de saint François de Sales ceux de la ville, en diverses occurrences, disoyent tout haut qu'ilz se donneroyent plustost au malin qu'a Vostre Altesse et plustost a Vostre Altesse qu'au Roy ; d'autant que, non seulement Vostre Altesse les recevroyt a meilleur marché que le Roy, mays quand elle voudroit altérer les conditions de leur donation, ilz auroyent plus de moyen de la rompre par l'assistence des voysins, que quand elle seroit faite en faveur du Roy. Et ne sçai si, pour ce regard, il vint point a propos qu'a mesme tems les Souisses qui revenoyent d'auprès de Vostre Altesse dirent en passant des merveilles en faveur des droitz qu'ell'a sur le pais de Vaux ; dequoy ceux de Genève furent extrêmement esmeuz. Et sur ce propos, j'appris de divers discours des Fran- çois, que si nostre Saint Père se remuoyt un peu vive- ment envers les Souisses catholiques et la Reyne, comm' il le doit faire en considération de la religion, il n'y auroit point de difficulté de faire heureusement reuscir les prsetentions de Vostre Altesse contre les Bernoys, desquelz la grandeur est de longuemain en- nuyeuse aux Suysses catholiques ( O, et puisque la Reyne doit plus désirer l'amoindrissement du parti huguenot, que soupçonner l'aggrandissement de Vostre Altesse. Je dis plusieurs autres particularités a monsieur le Marquis de Lanz, desquelles sans doute il aura eu bonne mémoire pour les représenter a Vostre Altesse, laquelle je supplie très humblement de croire que j'ay gravé trop avant en mon cœur le devoir que je luy ay, pour jamais me relascher a faire chose qui puisse tant soit peu nuyre au service de ses affaires, et que j'ay une trop grande (i) Dès 1536, Berne et Fribourg avaient pris possession du pays de Vaud. La diplomatie d'Emmanuel-Philibert amena le traité de Lausanne (30 octobre 1564), d'après lequel il laissait aux Bernois leur conquête et gardait en échange le pays de Gex, le Chablais, les bailliages de Ternier et de Gaillard. Plus tard, les cantons catholiques, humiliés par l'orgueil de Berne, désirèrent vivement voir revenir les Vaudois sous l'obéissance de la Maison de Savoie. Saint Fran- çois de Sales se faisait ici l'écho de ces espérances qui, chez lui, s'avivaient d'un grand désir de conquête spirituelle. A l'ouverture de la diète de Bade, il put croire que le rêve de son cœur d'apôtre allait enfin s'accomplir ; mais on verra par la lettre du 14 novembre 1612 à son ami des Hayes, que cette attente fut déçue.  Année i6ii 69 aversion au tracas des choses d'Estat, pour jamais y vouloir penser d'un'attention délibérée. Ni moy, Monsei- gneur, ni pas un de mes proches n'avons, ni en efifect, ni en praetention, aucune chose hors l'obéissance de Vostre Altesse. Je ne sçai donq comment la calomnie ose me représenter avec des affections estrangeres , puisque mesme je vis, Dieu merci, de telle sorte que, comme je ne mérite voyrement pas d'estre en la bonne grâce de Vostre Altesse, n'ayant qui puisse dignement correspon- dre a cet honneur la, aussi merite-je de n'estre jamais en sa disgrâce, ne faysant ni n'affectionnant rien qui me puisse porter a ce malheur, que je ne crains aussi nulle- ment, moyennant l'ayde de Nostre Seigneur, qui, en m. faveur de la véritable fidélité que je conserve a Vostre Altesse, ne permettra jamais que les brouillons et calom- niateurs m'ostent la gloire que j'ay d'estr'advoiié, Monseigneur, Invariable, très humble, très fidèle et très obéissant serviteur et orateur de Vostre Altesse, Francs E. de Genève. A Neci, le Xll juin 161 1. Revu sur l'Autographe conservé à Tarin, Archives de l'Etat.  DCXCVI  A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONTPELLIER (0 Le rétablissement du culte à Gex et part qu'y a prise le Chapitre de Genève. — Sollicitation du placet royal pour lui annexer un bénéfice. — Petites nouvelles. — Retour à la foi d'un gentilhomme. — Pourquoi la connais- sance de la vérité n'est pas toujours suivie de la conversion. Annecy, 15 juin 1611. Monseigneur, Nostre Chapitre de Genève a plus coopéré aux com- mencemens de Testablissement de l'exercice catholique ( I ) Vers la fin de 1614, le Saint recourt à l'intercession de M'*^ Fenouillet pour le même bénéfice dont il est question dans cette lettre : « Il y a encor, »  yo Lettres de saint François de Sales a Gex qu'aucuns ecclésiastiques ; car, outre que monsieur le Prévost (0, messieurs Grandis!»), Bochuti(3)et Got- tri(4), chanoynes dudit Chapitre, ont esté les premiers qui ont fait résidence a leurs despens en ce pais-lâ durant un'annee, ce fut ce Chapitre qui fournit aux fraitz que je fis, estant encor Prévost, pour la sollicitation de la con- firmation de l'establissementC?). En considération de cela, un certain seigneur de Monluel, qui par longues années avoit possédé un petit bénéfice simple audit Gex, de la valeur d'environ 20 ou 2 5 escus de revenu, ayant de son gré et par son élection désiré que ce sien bénéfice fut uni a nostre dit Chapitre, je l'ay fait encor plus volontier, comme chose sainte et juste (6). Mays d'autant qu'a l'adventure, les cours laiques, en cas quil y eut quelque controverse ci après, requerront que les proviseurs ayent le placet ou brevet du Roy, et que la valeur du bénéfice n'est pas si grande qu'on puisse en- voyer exprès pour en faire la supplication a Sa Majesté (a laquelle mesme, en tous evenemens, nous n'aurions aussi pas moyen d'avoir bon accès que par vostre entre- mise), partant nous vous supplions très humblement tous, que si ce n'est point vostre incommodité, il vous playse dit-il, « l'affaire de nostre Chapitre pour ce petit bénéfice de Gex, dont j'escris « a nostre grand et parfait amy. S'il vous plaist, Monseigneur, vous y contri- « bueres vostre faveur. » En juin 1611, le Prélat savoyard était à Paris, et la faveur dont il jouissait à la cour donnait du poids à son entremise. Il est donc naturel que le saint Evéque l'ait pris pour intercesseur. Les « petites nouvelles, » les confidences de la lettre confirment encore l'opinion que Fenouillet en est le destinataire. ( I ) Louis de Sales, cousin du Saint, qui occupa cette charge jusqu'à sa mort. (Voir tome XII, note ( i ), p. 6.) ( a ) Claude Grandis (voir tome XI, note ( i ), p. 299, et tome XIII, note ( 2 ), P- 195)- (3) Antoine Bochut (voir tome XII, note (4), p. 46). (4) Nicolas Gottry (ibid., note (3). (5) Voir tome XII, Lettres cxlix, cli, clxv, cclvii, cclxv, cclxviii. (6) Le possesseur de ce bénéfice (Vésenex et Crassy) était « noble et Révé- rend seigneur Claude de Montluel, abbé du monastère de l'abbaye nommé Bonmont, de l'Ordre de Cîteaux^ » (R. E.) situé à quelques kilomètres de Divonne. Le 3 juin 1611, il en avait fait cession, mais en se réservant les fruits jusqu'à sa mort, qui arriva en 1614. Louis XIII permit l'union de ce bénéfice au Chapitre de Genève par un brevet du 6 juillet 161 1. (Archives départ, de la Côte-d'Or, B. 11094, fol. 38.)  Année i6i i 71 impetrer ledit placet. La petitesse de la pièce, le travail passé de ceux de ce Chapitre, vostre crédit, nous rendent un'esperance certaine que cela ne sera pas fort malaysé ; car, bien que nostre Chapitre réside maintenant, par em- prunt, de deçà, si est ce que naturellement il est de Ge- nève, Et Messieurs de Saint Claude (0, estrangers non seulement au regard du royaume, mays encor au regard du diocaese, ont bien obtenu plusieurs placetz pour divers bénéfices de ce pais-la de Gex, ou ilz n'ont rendu, que je sache, aucun service comparable a celuy que nos cha- noynes ont fait. Voyla, Monseigneur, ma requeste envers vous, et voyci mes petites nouvelles. Je fus l'autre jour a Gex, auprès de monsieur le Grand (*) et monsieur de Lux *, ou j'eu 'Cf. supra, p. la consolation de retirer un gentilhomme et cappitayne de la religion a la foy catholique (3), de reconcilier deux églises parrochiales ( 4 ), et, en quatre sermons, d'esbransler plusieurs haeretiques, et leur fayre advoùer que la vérité catholique estoit belle ( 5 ), quoy que difficile a compren- dre. Mais comme ce n'est pas tous-jours l'erreur de l'en- tendement, ains le défaut de la volonté et l'impureté des affections qui tient les hommes hors de l'Eglise, aussi n'y rentrent-ilz pas tous-jours quand ilz connoissent la vérité d'icelle. A cette consolation, messieurs le Grand et de Lux en adjoustoyent presque ordinairement une autre, qui estoit de me parler de vous et de vos mérites comme l'honneur amoureux que je vous porte me pouvoit faire désirer. A mon retour, je treuvay que mon voyage n'a voit pas esté seulement fertile en consolation, selon sa petitesse, mais ( I ) Les Religieux de l'abbaye de Saint-Claude (voir ci-dessus, note ( i ), P- 59)- (a) Le duc de Bellegarde. ( 3 ) Les recherches faites pour découvrir ce « cappitayne de la religion » sont restées infructueuses. Parmi les convertis de 1611, François Favre mentionne dans sa déposition (Process. remiss. Gebenn. (II), ad art. 33), « Amédée Le Moine, » mais nous ne croyons pas que celui-ci soit le « gentilhomme » dont parle le Saint. (4) Challex et Divonne (voir ci-dessus, note (3), p. 57). (5) Nous n'avons retrouvé qu'une partie de l'Autographe, laquelle se ter- mine ici. Ce qui suit est emprunté i l'édition Biaise, 1831.  73 Lettres de saint François de Sales aussi, de ce costé de deçà et de delà les mons, de soup- • Cf . Epist. prasced, çons et calomnics *, que la vérité néanmoins effacera, comme je pense, par la suite de quelques jours. Il failloit dire ce mot de confiance avec vous, qui me donnés si abondamment le bonheur de vostre amitié, que tout le monde s'en res-jouit avec moy, et particulière- ment ces seigneurs dont je viens de dire les noms. Conti- nués, je vous supplie, Monseigneur, etcroyésqueje suis invariablement, Vostre... Revu en partie sur l'Autographe conservé à Issy (Paris), Maison de Philosophie de la Compagnie de Saint-Sulpice.  DCXCVII A UNE RELIGIEUSE  En quoi consista la rare mortification de saint Jean-Baptiste. — Facilité de l'Lmiter par la communion spirituelle, à défaut de la Communion réelle. — Homme céleste ou ange terrestre. — Tout nous crie : Amour, amour ! — Des dames qui « font merveilles. »  Annecy, [vers le 24 juin 161 1 (i).]  Or sus, ma chère Fille, si vous ne pouves bonnement communier souvent réellement, vous vous communieres tant que vous voudres spirituellement. Helas ! vous me demandes une bonne pensée sur saint Jean, et celle-cy m'est extrêmement douce en plusieurs • Cf. tom. XIII, occurrences *. Il avoit conneu Nostre Seigneur des le ven- ^' ''■ tre de sa mère; tressaillant d'ayse de sa présence et de la •Luc, 1, 41, 44. voix de la Mère d'iceluy *, il tesmoigna bien des Ihors ( i) La destinataire pourrait être Jeanne-Bonaventure de la Forest, sœur de M"* de la Fléchère, Religieuse à Bons (voir le tome précédent, note ( i ), p. 204), ou encore une Dame de Sainte-Catherine. D'ailleurs, le commencement qui paraît tronqué, fait soupçonner que le texte est une mosaïque faite de plusieurs passages sur saint Jean, de dates différentes. L'allusion aux progrès delà Visitation snggère 1611.  Année i6ii  73  le contentement qu'il auroit de le voir, de l'ouyr, de con- verser avec luy. Néanmoins il fut privé de tout cela, et en tout ce que l'Escrituretesmoigne, il ne luy parla jamais deux bonnes fois ; ains, sçachant que ce divin Sauveur preschoit et se communiquoit a tout le monde en Judée, il demeura solitaire dans un désert tout voysin, sans oser le venir voir réellement, quoy qu'il le vist tous-jours spi- rituellement. Fut-il jamais une mortification esgale, d'estre si proche de son unique et souverain Amour, et, pour l'a- mour de luy, demeurer sans le voir, sans l'ouyr, sans l'escouter* ? Et bien, ma chère Fille, vous en feres de 'Cf. Luc, i, uit.; mesme, proche du Sacrement ou Jésus est ; car vous ne °^°'' '' ^^' le gousteres qu'en esprit, comme saint Jean. Mon Dieu ! on ne sçauroit dire si c'a esté un homme céleste ou un ange terrestre. Sa casaque d'armes, faite de poil de chameau, representoit son humilité qui le cou- vroit par tout ; sa ceinture de peau morte, mise sur son ventre et sur ses reins, signifioit la mortification avec laquelle il restrecissoit et serroit toutes ses concupiscen- ces. Il mangeait des sauterelles^ pour monstrer que si bien il estoit en terre, il sautoit néanmoins perpétuelle- ment en Dieu. Le m.iel sauvage * luy servoit de saulce, •Matt.,iii,4;Marc., parce que la suavité de l'amour de Dieu assaisonnoit '' toutes ses austérités; mais cet amour estoit sauvage, parce qu'il ne l'avoit pas appris des maistres, ains des arbres et des pierres, comme dit saint Bernard *, • Vita l« s. Bern., Mon Dieu, ma Fille, mangeons et du sauvage et du t!cL'xxxv7coi. 240.) domestique ; amassons de ce saint amour a toutes occa- sions, et par l'exemple de nos Seurs et par la considération des autres créatures ; car tout crie aux aureilles de nostre cœur : Amour, amour. O saint amour, venés donq et pos- sédés nos cœurs très uniquement. Vrayement, nos bonnes Dames de la Visitation font merveilles, et qui les void en est tout consolé. Vive Jésus ! Je suis en luy, extrêmement vostre, ma chère Fille. Franc", E. de Genève.  74 Lettres de saint François de Sales  Dcxcvnii A LA MÈRE DE CHANTAL Louanges de saint Jean-Baptiste : plus que vierge, plus que confesseur et prédicateur, plus que docteur et martyr, plus qu'évangéliste et apôtre, plus que prophète et patriarche, plus qu'ange et plus qu'homme. — Ses préro- gatives admirables. — Quelqu'un de plus grand encore. Annecy, 34 juin [i6n (i).] Helas, ma très chère Fille, que n'ay-je quelque digne sentiment de joye pour cet homme angelique ou cet ange humain duquel nous célébrons la naissance ! Mon Dieu, que j'aurois de suavité de m'en entretenir moy mesme ! Mais je vous asseure que la grandeur de mon intérieure pensée m'empesche de me donner cette satisfaction a moy mesme. Je le treuve plus que vierge, parce qu'il est vierge mesme des yeux, qu'il a plantés sur les objetz insensibles du désert et ne sçait point par les sens qu'il y ait deux •Joan., I, 15-27. sexes ; plus que confesseur, car il a confessé le Sauveur* avant que le Sauveur se soit confessé luy mesme ; plus que prédicateur, car il ne presche pas seulement de la • ibid., j^^. 29, 36. langue, mais de la main et du doigt *, qui est le comble de la perfection ; plus que docteur, car il presche sans avoir ouy la source de la doctrine ; plus que martyr, car les autres martyrs meurent pour Celuy qui est mort pour eux, mais luy meurt pour Celuy qui est encor en vie, et contreschange, selon sa petitesse, la mort de son Sauveur avant qu'il la luy ait donnée ; plus qu'évangéliste, car il presche l'Evangile avant qu'il ait esté fait ; plus qu'apos- * Luc, 1, 17, 76. tre, car il précède Celuy que les Apostres suivent * ; plus que prophète, car il monstre Celuy que les Prophètes prédisent ; plus que patriarche, car il voit Celuy qu'ilz ont ( I ) Il est bien difficile de préciser la date de cette lettre, mais l'appella- tion de « Fille >> donnée à la destinataire fait songer à 161 1. La mention de « toute la chère trouppe » exclut 1610.  Année i6ii  75  creu, et plus qu'ange et plus qu'homme, car les Anges ne sont qu'espritz sans cors, et les hommes ont trop de cors et trop peu d'esprit : celuy ci a un cors et n'est qu'esprit. J'ay un goust extrême a le regarder dans ce sombre, mais bienheureux désert * qu'il parfume de toutes parts * Luc, i, nit. de dévotion, et dans lequel il respand jour et nuit des soliloques et devis extatiques devant le grand objet de son cœur ; cœur qui, se voyant seul a seul, jouit de la présence de son Amour, treuve en la solitude la multi- tude des douceurs éternelles, la ou il succe le miel céleste qu'il ira par après bien tost distribuer dans les âmes des Israélites auprès du Jourdain *. * Ibid., m, 3. Mon Dieu, ma chère Fille, que voyla un admirable Saint ! Il naist d'une stérile *, il vit dans les desertz, il * Ibid., i, 7, 36. presche au cœur aride et pierreux *, il meurt parmi les * Cf. ibid., m, 4, 5,8 martyrs, et parmi toutes ces aspretés il a son cœur tout plein de grâce et de bénédiction. Mays cecy est encor admirable, que Nostre Seigneur ayant dit qu'entre tous ceux qui estoyent nés de femme^ nul n'estoit plus grand que Jean, il adjouste : Voire, mais celuy qui est le moindre au Royaume des cieux, c'est a dire en l'Eglise, est plus grand que luy *. O ma chère Fille, * ibid., vu, 28. il est vray, car le moindre Chrestien communiant est plus g^and en dignité que saint Jean. Et que veut dire que nous sommes si petitz en sainteté ? Bon soir, ma chère Fille, et a toute la chère trouppe de nos Filles. Le bon saint Jean les veuille bénir avec leur chère Mère. Francs E. de Genève.  76 Lettres de saint François de Sales  DCXCIX A LA MÊME (fragment) Le mystère de la Visitation. — La très sainte Vierge en la maison de Zacharie ; effets miraculeux de sa présence. — Effusions d'humble amour pour le Verbe incarné.  I  Annecy, i*' ou 2 juillet [1611 (i).]  Je vous laisse a penser, ma Fille, quelle bonne odeur respandit en la maison de Zacharie cette belle fleur de lis^ trois mois qu'elle y fut ; comme chacun en estoit em- besoigné et comme avec peu, mais de très excellentes •Cant., IV, II. paroles, elle versoit de ses sacrées lèvres le miel * et le bausme pretieux ; car, que pouvoit-elle espancher que ce dequoy elle estoit pleine ? Or, elle estoit pleine de Jésus. Mon Dieu, ma Fille, je m'admire tant que je suis encor si plein de moy mesme après avoir si souvent communié ! Hé, cher Jésus, soyes l'Enfant de nos entrailles, afiin que nous ne respirions ni ressentions par tout que vous. Helas ! vous estes si souvent en moy, pourquoy suis -je si peu souvent en vous ? Vous entres en moy, pourquoy suis-je tant hors de vous ? Vous estes dans mes entrailles, pourquoy ne suis-je dans les vostres pour y fouiller et recueillir ce grand amour qui enivre les cœurs ? Ma Fille, je suis tout parmi cette chère Visitation, en laquelle nostre Sauveur, comme un vin tout nouveau, fait boiiillonner de toutes parts cette affection amoureuse de- dans le ventre de sa sacrée Mère. Franc', E. de Genève. ( I ) Ce fragment faisait suite, dans les anciennes éditions, à la lettre du 30 juin r6io (voir le tome précédent, note (a), p. 3*4), mais il avait été inter- polé, car l'Autographe ne le donne pas ; sa teneur permet de lui attribuer avec plus de probabilité la date de 161 r. Le Saint a pu écrire ces lignes la veille ou le jour même de la Visitation.  I  Année i6ii 77  DCC A M. ANTOINE DES HAYES Assurance réciproque d'invariable amitié. — Eloge du Prieur des Feuillants et pour quelles raisons particulières il s'est fait estimer du Saint. — Rupture d'un mariage princier. — Le deuil d'un ami. — Il n'est pas accordé à l'Evêque de Genève d'aller prêcher un Carême à Paris. — La marquise de Maignelay. — Derniers jours d'un poète. Annecy, 11 juillet 1611. Monsieur, Hier seulement que ce digne porteur, le P. Prieur des Feuillans (0, m'arriva, je receu la lettre que vous m'escrivites par luy mesme le VI avril. C'est tous-jours avec mille joyes que tels tesmoignages de vostre bien- veùillance m'adviennent, et quoy que vos lettres soyent vielles en dates, elles me donnent néanmoins des conten- temens nouveaux. Mays je voy en celle-ci, que vous aves longuement (i) Très vraisemblablement, le « digne porteur » était dom Jean de Saint- François, car de tous les Feuillants de cette époque, c'est à lui que con- viennent le mieux les éloges caractéristiques donnés par le Saint. Jean Goulu, plus connu sous le nom de dom Jean de Saint-François, né à Paris le 25 août 1576, était fils de Nicolas Goulu, professeur royal de langue grecque, et de Madeleine Daurat, fille du savant humaniste Jean Daurat. Il entra au barreau, puis le quitta en 1604 pour entrer chez les Feuillants. Depuis son noviciat, il eut toujours quelque charge dans l'Ordre et obtint la première de toutes, le 19 juin 1622, dans le Chapitre général de Pignerol que présida, au nom du Pape Grégoire XV, l'Evêque de Genève. « Dom Frère Jean « de Saint-François, » écrivait le Saint à Rome, « vient d'être élu Supérieur « général de la Congrégation. Ce n'est pas seulement un homme d'une éru- « dition remarquable, vraiment supérieure; par la variété de ses pieux écrits, « par ses brillants travaux, il a en effet illustré l'Eglise, il l'a défendue contre « les hérétiques. C'est encore un homme d'une prudence très avisée et fort « exercé aux affaires ; enfin, ce qui est capital, il est versé dans la piété et « dans la science de l'apostolat. Il y a donc tout lieu de croire que, sous son « gouvernement, toute la Congrégation profitera de jour en jour. » (Lettre latine à Grégoire XV, 22 juin 1623.) Comme il entendait parfaitement le grec, il traduisit en français les Œuvres de saint Denys l'Aréopig.te (1608), le Manuel d'Epictète (1609), les Homélies de saint Basile sur VHcxamifron (1616). En 1620, il fit un livre contre celui du  78 Lettres de saint François, de Sales esté sans en avoir des miennes J'avoiie sincèrement mes fautes, mais celle ci, elle n'est pas mienne, ains des porteurs ; car je sçai bien que tous-jours, quand je puis, je vous escris de mes nouvelles, non seulement par ce que vostre désir a tout pouvoir sur ma volonté, mais aussi par ce que ma volonté a perpétuellement ce désir de vous parler, comm'il m'est possible de parler de vous et de vous oûir ou voir parler a moy. Je ne refuse pourtant pas l'amiable offre que vous me faites de ne changer jamais ni varier en l'amitié que vous me portés, soit que je vous escrive ou que je ne vous escrive point. Non, Monsieur, je vous en supplie, ne varies jamais en cette affection que vous aves pour moy; car croyes qu'aussi, soit que j 'escrive, comme je feray Dieu aydant, ou que je n'escrive pas, je ne varieray jamais en la resolution que j'ay faite d'estre a jamais homme très véritablement vostre et tout vostre, sans reserve ni exception. Je parle le langage de mon cœur et non pas celuy de ce tems. Or, selon mon sentiment, c'est tout dit quand je dis que je suis tout vostre, et peu dit si je dis moins que cela. Ce Père, que j'honnorois des-ja bien fort pour les fruitz que j'avois veu de son esprit, m'a lié a son am.our et respect d'un lien indissoluble quand j'ay conneu en luy un si grand assemblage d'érudition, d'entendement, de ministre du Moulin : De la vocation des Pasteurs, et publia en 1634 la Vie de saint François de Sales, remarquable par son exactitude et la simplicité du récit. En 1627, il donna au public, sous le nom de Lettres de Phyllarque, c'est-à-dire de prince des feuilles, deux volumes contre Balzac qui furent l'occasion d'une bruyante querelle entre les partisans et les ennemis de ce dernier. Dom Jean de Saint-François mourut le 5 janvier ibag. L'épitaphe que firent mettre sur son tombeau le duc et la duchesse de Vendôme serait de la façon de Corneille, au dire du P. de Saint-Romuald. (Voir Bayle, Dict. historique et critique, 1730.) Le célèbre Feuillant fut un ami du Saint, et à Pignerol, le confident de ses derniers projets en fait de publications. (Cf. Année Sainte de la Visitation, t. VI, 18 et 19 juin.) Et cette confiance se com- prend, si l'on sait que François de Sales tenait en haute estime le savoir et le talent littéraire de l'éminent Religieux. Aussi son élection, — le croirait-on? — le contrista presque, « car il me semble, » écrivait-il à un Cardinal le 31 juin 1633, « que luy ayant reusci d'escrire avec l'heur et la grâce qu'on remarque « es traductions du grec en latin et en françois qu'il a données au public, et « en réfutant les hérésies de ce tems, il pouvoit rendre un plus grand et plus « important service a la sainte Eglise en la continuation de cet employ. »  Année 1611 79 vertu, de pieté, et, entre ses vertus, l'estime quil fait de la vostre et du bien de vostre conversation ; car c'est une des maximes plus entières de mon ame, que j'honnoreray quicomque vous honnorera et cheriray quicomque vous chérira. Que de bruitz, que de vaynes espérances (0, que de vrayes afflictions avons nous eu par deçà ! Mays, grâces a Dieu, nous voyci maintenant avec grand'app^-rence de tranquillité. Nous avions longuement attendu quelle issue prendroit le traitté si longuement entretenu du mariage de M.''" d' Anet et de nostre Monsieur ; mays a ce qu'on nous dit, nous n'en devons plus rien attendre, puisque tout en est cassé. Et Dieu veuille que certaines nouvelles espérances qu'on nous propose soyent plus asseurees que celles que nous venons de perdre n'ont esté ( = ). Nostre monsieur de Charmoysi est a Chamberi, il y a quelques jours, ou je luy ay envoyé la nouvelle de la perte de son second filz, mon fileul (3), Je croy quil la ressen- tira, car ayant retiré son cœur de la cour, il l'avoit mis en sa femme, ses enfans et ses amis. Je me res-jouis que Monsieur de Monpelier soit a Paris le Caresme suivant, a jouir de la douceur de vostre présence, a laquelle croyes que j'aspire souvent, mays pour néant, puisque ayant, plusieurs foys fait demander congé a Son Altesse de pouvoir aller fair'un Caresme en vostre ville *, je n'ay sceu jusques a présent l'obtenir, *Videsupra,pp.37, ni mesm' autre response sinon quil y failloit penser. Mays nul ne me sçauroit empescher que d'esprit et de cœur je n'y sois journellement auprès de vous, a vous honnorer, chérir et embrasser de toutes mes forces. (i) Ces « vaynes espérances » ne visent-elles pas le projet de mariage de Victor-Amédée avec Elisabeth de France, dont les négociations commençaient à se ralentir, tandis que se traitait l'affaire des mariages espagnols? Ceux-ci, en effet, furent déclarés à la cour de France le 26 janvier i6u. (Cf. le tome précédent, notes (i), (2), p. 217.) (a) Le mariage « cassé » du duc de Nemours avec Anne de Lorraine eut lieu cependant en 1618 (cf. ibid., note { i ), p. 184), et les « nouvelles espé- rances » dont parle le Saint désignent sans doute le projet d'union avec l'in- fante de Savoie, que Charles-Emmanuel proposait pour empêcher le premier. (3) Jean-François de Charmoisy était né à Annecy en 1610. Son acte de sépulture est daté du 7 juillet 161 1. (Reg. par. d'Annecy.)  8o Lettres de saint François de Sales Madame la Marquise de Meneley (0 me fait trop de grâce de se resouvenir de moy, et encor plus de désirer que j'aille là. Je suis son très humble serviteur et porte singulière révérence a son mérite. Mays d'aller la, je n'en puis rien dire, sinon que ce sera quand je pourray ; mays de sçavoir quand je pourray, il n'est pas en mon pouvoir. Monsieur Nouvelet (2), qui va petit a petit achevant le petit reste de sa vie, a désiré que je vous asseurasse de son humble affection. Sur tout, je vous asseure de la mienne, et vous souhaitant toute prospérité, je suis, Monsieur, Vostre très humble et fidèle serviteur, Francs E. de Genève. Monsieur, j'ay loué Dieu quand on m'a fait sçavoir de Lion que vous esties guéri d'une grande maladie, avant que j'aye sceu que vous en ayes esté atteint. Dieu vous conserve, et je m'en res-jouis avec madame vostre femme, delaquelle je suis de mesme humble serviteur. XI julliet 161 1. A Monsieur Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel du Roy, Gouverneur et Baillif de Montârgis. Revu sur l'Autographe conservé au i*"" Monastère de la Visitation de Rouen. (i) Voirie tome précédent, note (3), p. 185. (a) Claude-Etienne Nouvellet (voir tome XII, note (i), p, 47).  Année i6ii 8i DCCI A MADAME DE BERTRAND DE LA PERROUSE (i) (inédite) Les insistances d'un jeune gentilhomme. — Prudence et charité du Saint dans une affaire délicate. Annecy, 27 juillet 1611. On est bien empesché avec ces amoureux, ma chère Fille ! Voyci ce jeune gentilhomme qui me demande une lettr'a vous pour vous rendre plus recommandables ses praetensions (*), et moy je me resouviens bien de ce que vous m'escrivistes lautrefois, quil failloit conduire l'affaire tout bellement et le presser a loysir. C'est pourquoy je ne vous prie sinon de luy donner les advis convenables a sa conduite pour ce regard, et a moy ceux [de] ce quil pourra espérer, affin que la poursuite ou la retraitte se face a cette mesure-lâ. Mays cependant, ma très chère Fille, je suis bien ayse de vous escrire ainsy de tems en tems, et vous resouvenir (i) Jeanne de Chastel, fille de noble François de Chastel et de Jacqueline de Bonivard, épousa, par contrat dotal du 19 novembre 1601, Jean-Pierre de Bertrand, seigneur de la Perrouse. Il teste le 11 avril 1613; elle était veuve en 161 5 et fut sépulturée le 8 décembre 1664. M""* de la Perrouse paraît être la destinataire de la présente lettre, car nous savons qu'après l'entrée de l'aînée de ses sœurs au couvent, « elle servit de seconde mère aux autres. » (Année Sainte de la Visitation, tome IV, p. 107.) (3) Ce « jeune gentilhomme », si la destinataire que nous proposons est la vraie, serait dom Georges de Lescheraine, fils de Gaspard, seigneur de la Compote, et de Françoise de Chabod. « Chevalier de justice des saints Mau- rice et Lazare, clerc et recteur des chapellenies de Sainte-Catherine dans l'église de Lémenc et de Sainte-Apollonie dans l'hôpital des Bonivard, les résigne le 8 octobre 161 1, et le lendemain passe contrat dotal avec Françoise » de Chastel, sœur de la destinataire. Il fut conseiller d'Etat, sénateur au sou- verain Sénat de Savoie, président à la Chambre des Comptes, etc., et testa le i*' juillet 1630. « Contre l'intention de tous ses parents, » lisons-nous dans YAnnée Sainte, tome IV, p. 107, « M. de Lescheraine,... gentilhomme riche, pieux, parfaitement bien fait, d'un grand esprit, fort bien vu à la cour de Savoie, persista sept ans à rechercher cette troisième fille de M"" de Chastel. Celle-ci, s'en allant enfin à Notre-Dame de Myans, obtint ce digne parti. » Lettris V 6  82 Lettres de saint François de Sales de mon ame, qui ne cesse point de souhaitter mille per- fections a la vostre, pour la gloire de Nostre Seigneur qui m'a rendu, Ma très chère Seur, ma Fille, Vostre humble frère et serviteur, Franc», E. de Genève. XXVII juUiet 1611, a Neci. Je ne sçai si monsieur vostre mari est la ; en ce cas, je le salue bien humblement, et suis son serviteur en tous cas. Revu sur l'Autographe appartenant à M"* la comtesse de Noailles, château de Buzet (Lot-et-Garonne).  DCCII A LA MÈRE DE CHANTAL M8'' Camus annoncé pour une exhortation à la Galerie. Annecy, [vers le 30 juillet 161 1 (i).] Nous avons donq pris cette matinée pour vous faire avoir l'exhortation de Monseigneur de Belley, qui tesmoi- gna hier de désirer de vous voir. Ce sera sur les neuf heures et demi, ma chère Fille et très bonne Mère, a qui je donne mille fois le bon jour. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. (i) L'appellation de « Mère » exclut i6io. D'autre part, nous savons que l'Evéque de Belley visita le souverain Sénat de Savoie à Chambéry, « où on le reçut en séance » le 30 juillet i6ir. (Voir Mugnier, ^l's/. d'Antoine Favre, 1902-1903, note (i), p. 385, et Entrées du Sénat.) Comme à cette date les deux Saints étaient à Annecy, on peut supposer que M»"" Camus vint leur faire visite. Nous ne voudrions pas, toutefois, exclure 1613 et 1613.  Année i6ii 83  DCCIII AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE Message confié à un ami. Annecy, 30 juillet 161 1. Monsieur mon Frère, Je vous addresse ce paquet pour le peu d'asseurance que j'ay eu en ce porteur. Faites moy la grâce de le faire porter a M, Gros, l'advocat (0, sil est encor a Chamberi. Que si de fortune il estoit parti pour Thurin, ou il me dit quil devoit aller, je vous supplie le luy faire aussi tenir ; car je suis certain quil n'ira ni ne demeurera sinon avec vostre congé, tant il fait profession d'estre vostre ser- viteur. Dieu soit a jamais vostre protecteur, et je suis, Monsieur mon Frère, Vostre très humble serviteur et frère, Franc*, E. de Genève. XXX julliet 1611, a Neci, ou je salue humblement ma- dame ma seur (*). Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. (i) M* Humbert Gros était l'ami commun du Président et de l'Evêque. Le 31 août 161 1, Favre écrit à l'avocat, alors à Turin, pour lui faire des confi- dences et lui demander des services. Sur la liste des cent avocats assermentés en 161 1, Humbert occupait le 24* rang, et par conséquent était un des anciens. (a) La présidente Favre.  84 Lettres de saint pRANçofs de Sales DCCIV A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Ne rien rabattre de nos pratiques religieuses par respect humain. — Vouloir savoir d'où procèdent les sécheresses : curiosité superflue. — Nouvelles d'un Feuillant, d'un Cordelier, d'un Cistercien. — Une « bonne petite fil- leule » du Saint, « toute de succre. » Annecy, 5 août 161 1. Je n'ay pas plus tost veu monsieur vostre cher mari, que j'ay sceu son despart de cette ville. Cela a esté cause, ma très chère Fille, que je n'ay peu luy donner cette lettre, par laquelle je veux respondre, quoy que couram- ment a mon accoustumee, aux dernières lettres que j'ay receu de vous. Sans doute , ma très chère Fille , il ne faut pas une autre fois rien rabbattre des coustumes générales avec lesquelles nous professons nostre sainte religion, pour la présence de ces bigarrés huguenotz, et ne faut pas que nostre bonne foy ayt honte de comparoistre devant leur afifeterie. Il faut en cela marcher simplement et confi- * Prov , X, 9. demment *. Mais aussi, le péché que vous fistes n'est pas si grand qu'il s'en faille affliger après la repentance, car il ne fut pas commis en une matière de commandement spécial, ni ne contient pas aucun desaveu de la vérité, mais seulement un indiscret respect ; et, pour le dire clai- rement, il n'y eut en cela aucun péché mortel, ni, comme je pense, véniel, ains une simple froideur procédante de troublement et irrésolution. Demeurés donq en paix de ce costé la. Quant au bon Père dom Guillaume de Sainte Gene- viefvelO, il y a environ deux mois que ses Supérieurs l'ont envoyé pour résider a Tolose. ( I ) Ce « bon Père, » l'un des premiers Religieux Feuillants introduits à Abondance (cf. tome XII, note (i), p. 373), s'était bientôt concilié la confiance de la famille de Blonay, voisine de l'abbaye. La vertueuse Marie-Aimée eut souvent l'occasion de profiter de ses conseils. (Voir sa Vie par Charles-Auguste  Année i6i i 85 Le P. Galesius (0, a la vérité dire, est excellent et fait merveilles pour establir des bonnes resolutions; mais je crains fort qu'il ne soit des-ja attaché. Toutefois, on pour- roit bien le faire traitter dextrement, et par mesme moyen luy faire entendre qu'on ne l'invite qu'au seul exercice de charité et en lieu ou il n'y a rien a gaigner que les âmes. Que si cela ne peut reiiscir, il nous faudra un peu considérer ou nous pourrons donner de la main . Le confesseur de Sainte Catherine, Père Antenne (=), prescha il y a deux ans a La Roche, ou il donna une fort grande satisfaction ; et si, il confesse et, comme je croy, il n'est encor point arresté. Nous verrons donq un peu ce qui se pourra faire. Ma très chère Fille, vous faites tous-jours trop de consi- dération et d'examen pour connoistre d'où les sécheresses vous arrivent. Si elles arrivoyent de vos fautes, encor ne faudroit-il pas pour cela s'en inquiéter, mais avec une très simple et douce humilité les rejetter, et puis vous remet- tre entre les mains de Nostre Seigneur affin qu'il vous en fist porter la peyne, ou qu'il vous les pardonnast, selon de Sales, 1655, chap.iii.) Dom Guillaume de Sainte-Geneviève avait prêché le Carême à Annecy, en 1610. Les Délibérations municipales (lo février) assignent pour sa nourriture et celle de son compagnon cinq florins par jour. Né à Paris, d'une famille qui porte le uom de Compans, il fit profession chez les Feuillants en 1585, dans leur abbaye près de Toulouse. Au dire de Morotius, l'annaliste de l'Ordre, sa parole puissante remuait les foules que les églises souvent ne pouvaient contenir. Alors elles se rassemblaient sur les places ou dans les champs, et plus d'une fois, un arbre servit de chaire. Le prédicateur était un convertisseur irrésistible parce que son éloquence s'ac- compagnait d'une sincère et très touchante humilité. Il mourut à Paris, le 9 septembre 1624. ( I ) Voir tome XII, note ( i ), p. loa. (a) Les aumôniers confesseurs des Religieuses Cisterciennes de Savoie ont toujours été des Cisterciens, désignés pour cet office par l'abbé de Tamié, muni à cet effet des pouvoirs du Général de Citeaux. De fait, depuis i6sa jusqu'en 1793, ce sont des moines Cisterciens et appartenant la plupart à l'abbaye d'Hautecombe, qui ont exercé la charge de confesseur à Sainte-Catherine. (D'après une note de Dom F. -M. Symphorien, abbé de Noire-Dame d'Haute- combe.) Le P. Antenne était, lui aussi, un Religieux d'Hautecombe; il figure en cette qualité, dans un acte de résignation fait par lui le 10 mai 1614. Dans un autre acte du a6 juillet 161 2. il est mentionné sous la désignation de : « Dom Jean Antenne, prêtre, bachelier en théologie, Religieux profès de l'Ordre de Cîteaux. » (R. E.)  86 Lettres de saint François de Sales qu'il luy plairoit. Il ne faut pas estre si curieuse que de vouloir sçavoir d'où procède la diversité des estatz de vostre vie ; il faut estre sousmise a tout ce que Dieu en ordonne et s'arrester la. Et bien, au demeurant, voyla donq le cher mari qui s'en va, ma chère Fille. Puisque sa condition et son hu- meur mesme le porte au désir de paroistre es occasions ( ' ), il faut humblement recommander son despart et son re- tour a Nostre Seigneur, avec confiance en sa miséricorde qu'il en disposera a sa plus grande gloire. Vives doucement, humblement et tranquillement, ma très chère Fille, et soyes tous-jours toute a Nostre Sei- neur, duquel de tout mon cœur je vous souhaitte la très sainte bénédiction, et a vos petitz(*), mais particulière- ment a ma chère bonne petite filleule, qu'on me dit estre toute de succre. La chère cousine (3) est aux vendanges, et on me dit qu'elle se porte bien, comme fait madame de [Chantai], qui, a mon advis, s'avance fort en l'amour de Dieu, avec toutes ses Seurs. Vostre humble comperé et serviteur, Franc', E. de Genève. Ce 5 aoust i6ii. { i) « Le cher mari » s'en allait sans donte à Turin, où nous savons qu'il fit plus d'un séjour, (2) Les enfants connus de M*"* de la Fléchère sont : Françoise-Innocente, filleule du Bienheureux (voir sa note au tome précédent, p. 56) ; Antoinette, qui épousa Louis de Coysia, deuxième président au souverain Sénat de Savoie, et décéda le 14 décembre 1630 ; Charles, seigneur et coseigneur de Saint- Ours, Villy, Crans, etc., capitaine de cent hommes d'armes, par patentes du 36 mars 1630, conseiller d'Etat et chevalier d'honneur au souverain Sénat de Savoie (2 août 1635). ^^ épousa, le 25 juin 1634, Gabrielle More, veuve de Charles de Crans, et mourut en 1649. Dans ses lettres à M"* de la Fléchère, le Saint parle souvent de lui. (3) M™» de Charmoisy.  Année i6ii 87 DCCV A LA MÈRE DE CHANTAL Le catéchiste de Notre-Dame. Annecy, 11 août 161 1 (i). Ma très chère Fille, A ce que vous me dites, je vois qu'il sera mieux de remettre jusques a lundi ; vous séries trop précipitées toutes, et eux aussi, comme je pense 1^) ; et je seray bien ayse de ne point rompre l'assignation aux bonnes Seurs de Sainte Claire, qui ont demain leur grande feste, ni au catéchisme de Nostre Dame, ou il faut que je sois catéchiste (3), estant invité il y a dix ou douze jours, a mon gré, la veille de Nostre Dame. ( I ) Migne, le premier, attribue à cette lettre la date du 11 août 1616, d'après, sans doute, les allusions aux fêtes de sainte Claire et de l'Assomption et à la présence des deux Saints à Annecy. Mais css particularités du texte se véri- fient aussi bien en 161 1. L'allusion au dimanche 14 août, assigné pour le catéchisme, et l'appellatiou de « Fille » indiquent cette dernière date de 161 1 comme plus probable. (3) S'agirait-il d'un règlement de dot pour une Religieuse? Le 39 août suivant, Sœur Péronne-Marie de Chastel et Sœur Claude-Françoise Roget firent leur oblation. (3) Les déposants et les historiens ont raconté avec complaisance l'insti- tution des catéchismes établie par saint François de Sales. De plus, on voit ici que le Fondateur ne faisait pas tort à l'Evéque, puisque la visite promise à la chère Galerie fut ajournée à cause de l'invitation au catéchisme de Notre-Dame.  88 Lettres de saint François de Sales DCCVI A UNE DAME (0 Le grand et l'unique bonheur d'une femme chrétienne. Annecy, 17 août 1611. Madame, Le souvenir de vos vertus m'est si aggreable qu'il n'a pas besoin d'estre nourri par la faveur de vos lettres ; elles vous acquièrent néanmoins une nouvelle obligation sur moy, puisque je reçois par icelles et beaucoup d'honneur et beaucoup de contentement, de voir que non seulement vous, aves réciproquement mémoire de moy, mais que vous l'aves aggreablement. Aussi n'en sçauries-vous con- server pour personne qui ayt plus de sincère affection pour vous, a qui je souhaitte continuellement devant Nostre Seigneur mille bénédictions, et celle-là sur toutes et pour toutes, que vous soyés toute parfaitement sienne. Soyés-le, Madame, de tout vostre cœur, car c'est le grand, ains l'unique bonheur qui vous puisse arriver; et si, monsieur le Sénateur n'en aura point de jalousie, puisque vous n'en seres pas moins sienne, et en recevra de l'utilité, puisque vous ne sçauries donner vostre cœur a Dieu que le sien n'y soit engagé. Je suis. Madame, mais je suis de tout le mien, Vostre bien humble serviteur, Francs E. de Genève. 1 7 aoust 1 6 1 1 . (i) Parmi les sénateurs de Savoie en relation avec le Saint, il est difficile de préciser celui qu'il désigne à la fin de la lettre, et partant, de connaître la destinataire de celle-ci. Le personnage que l'on peut proposer avec le plus de vraisemblance est Antoine de Lescheraine, reçu sénateur le 14 juillet 1610 (voir tome XI, note ( i), p. 283), qui épousa en secondes noces, par contrat dotal du 12 octobre 1594, Catherine, troisième fille de Claude-Amé de Mon- thouz en Duyn, et de Françoise Griraaldi.  Année i6ii 89  DCCVII A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Quel profit tirer des chutes. — Servir Dieu parmi les sécheresses nous est chose plus dure, seloa notre goût, mais plus profitable selon le goût de Dieu. — Les « viandes saches » et les hydropiques. — Exercer la débon- naireté à tout propos et sans propos. Annecy, 17 août [1611 (i).] Or SUS, que voules vous que je vous die, ma très chère Fille, sur le retour de vos misères, sinon qu'au retour de l'ennemy, il faut reprendre et les armes et le courage pour combattre plus fort que jamais. Je ne voy rien de bien grand au billet. Mais, mon Dieu ! gardes-vous bien d'entrer en aucune sorte de desfiance, car cette céleste Bonté ne vous laisse pas tomber de ces cheutes pour vous abandonner, ains pour vous humilier et faire que vous vous tenies plus serrée et ferme a la main de sa miséri- corde. Vous faites extrêmement a mon gré de continuer vos exercices emmi les sécheresses et langueurs intérieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des sécheresses luy est plus agg^eable que celuy que nous faysons par- mi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté supé- rieure. Et bien que selon nostre goust et l'amour propre les suavités et tendretés nous soyent plus douces, les ( I ) Le ton des lettres adressées à M™' de la Fléchère et les particularités de celle-ci permettent de désigner cette dame comme destinataire. La date de 1611 se déduit de la phrase par laquelle commence le troisième alinéa; elle semble dire que les procès étaient finis, quoique non gagnés. Or, ils battaient leur plein jusque dans les derniers mois de 1610. Pendant l'été de 1614, la destinataire fut encore assujettie aux tracas des procès, et le 19 août de cette même année le Saint lui promet d'intervenir en sa faveur. Mais dans cette lettre, il écrit : « Que dires vous de ce père qui tarde tant a res- pondre i* » Si la présente lettre avait été écrite le 17 août 1614, c'est-à-dire deux jours auparavant, il n'aurait pu parler ainsi.  go Lettres de saint François de Sales sécheresses néanmoins, selon le goust de Dieu et son amour, sont plus proffitables, ainsy que les viandes sèches sont meilleures aux hydropiques que les humides, bien qu'ilz ayment tous-jours plus les humides. Pour vostre temporel, puisque vous vous estes essayée d'y mettre de l'ordre et que vous n'aves peu, il faut donq maintenant user de patience et de résignation, embras- sant volontier la croix qui vous est arrivée en partage, et selon que les occasions se présentent, vous prattiqueres l'advis que je vous avois donné pour ce regard. Demeurés en paix, ma chère Fille; dites souvent a Nostre Seigneur que vous voules estre ce qu'il veut que vous soyes et souffrir ce qu'il veut que vous souffries. Combattes fidellement vos impatiences en exerçant non seulement a tous propos, mais encor sans propos, la sainte debonnaireté et douceur a l'endroit de ceux qui vous sont plus ennuyeux, et Dieu bénira vostre dessein. Bon soir, ma très chère Fille; Dieu soit uniquement vostre amour. Je suis en luy, de tout mon cœur, tout vostre. F. Ce 17 aoust.  DCCVIII  A LA MERE DE CHANTAL  Souhaits à l'occasion de la Saint-Bernard. — Les vertus caractéristiques du grand Docteur, d'après saint François de Sales. Annecy, 19 août 1610 ou 1611(1). Je vous donne le bonjour, ma très chère Seur, ma Fille, attendant a demain d'aller estre vostre aûmosnier sur la feste du grand saint Bernard. Veiiille sa sainte Maistresse nous communiquer quelque goutte de la (i) La brièveté de ce billet et les souhaits qu'il renferme, persuadent que la Mère de Chantai en est la destinataire. La première phrase et l'appellation de « Seur n excluent une date antérieure à 1610 et postérieure à 1611.  Année i6ii 91 suavité dont elle l'alaitta. Je pense que ce tems vous sera fort propice, a cause de son rafraichissement. Mon Dieu, ma très chère Fille, que de grâces et béné- dictions je vous souhaite! La pureté d'esprit est la vertu particulière et la louange spéciale de saint Bernard. Souhaites-la bien a mon ame, très chère Seur. Nostre cœur soit a jamais uni a Celuy pour lequel il est créé. Amen. Revu sur l'Autographe appartenant à M. Cassin de la Loge, à Angers.  DCCIX A 1.A MÊME Une vocation à contrôler. — Sujet d'oraison conseillé pour des novices à la veille de leur profession. Annecy, [vers le 29 août 161 1 (OO Je vous remercie de vostre beau grand présent, ma très chère Mère, ma Fille, et encor plus de vostre billet. Soyés asseuree que je me gouverneray bien et que je tiendray ce que je vous ay promis. La fille de Saint Claude (>) ne viendra qu'après avoir (i) En i6xr, Sœur Claude-Françoise Roget et Sœur Péronne-Marie de Chastel firent leur oblation le 39 août. Cette date justifierait l'allusion à la fête de la Nativité de la très sainte Vierge , lignes 4, 5 de la page suivante. Migne (tome VI, col. 1006), le premier, attribue sans aucune preuve à ce billet la date de 1616. Or, en 1616, les deux seules professions qui se firent eurent lieu le 44 mai et le 24 juillet. Avec ce quantième, on s'explique mal la mention de la solennité du 8 septembre, et en 1616 le rite de la profes- sion était fixé avec plus de précision. Comme le Saint partit pour le Chablais le 6 septembre 161 1, et la Mère de Chantai pour la Bourgogne, les recom- mandations de celle-ci accréditeraient encore la date proposée. (a) Le mouvement de piété qui, parti de la terre de Saint-Claude vers 1609, devait amener les fondations de plusieurs monastères de Religieuses Annonciades en Franche-Comté de 1612 à 1634, était conduit ou encouragé par Prospère de Boisset, le P. de Bonivard, le P. François de Bugey : la première, parente de saint François de Sales, les autres, ses amis, et très au courant de sa fondation récente d'Annecy. La vocation de « la fille de Saint Claude » sortait apparemment du petit groupe d'âmes dévotes que soutenait l'exemple de la future Mère Marie-Prospère, mais il est difficile de proposer un nom.  92 Lettres de saint François de Sales esté en N. On pourra la renvoyer consolée, sans pour- tant s'engager de parole qu'a mesure qu'on le verra convenable. Si M"^ de Chapot(0 ou les autres vont la voir, encouragés-la fort a se lier a Nostre Seigneur ; elle a besoin de courage, et pour le reste, c'est une bonne fille. Bon jour, ma très chère Mère. La très sainte Vierge nostre Maistresse veuille bien naistre et résider en nos cœurs. Nos filles qui veulent faire les vœux pourront bien faire un peu d'orayso- préparatoire sur les vœux de Nostre Dame et de ta: t de filles et femmes assemblées qui les firent a Nostre Seigneur et qui les gardent avec tant de fidélité, qu'elles souffrent plus volontier pour le divin Maistre que de s'en despartir. Helas, que je souhaitte de sainteté a cette chère trouppe de filles, et sur tout a cette très unique, très aymee et très honnoree Mère, ma Fille, vrayement mienne ! Dieu la bénisse et marque son cœur au signe éternel de son pur amour. Amen. (i) M"* de Chapot semble devoir être Jeanne-Antoine qui, plus tard, sera destinataire sous le nom de M"* de la Croix d'Autherin.  DCCX A MADAME DE LA FLÉCHÈRE (O ( mÉDITB ) Jubilé de Thonon. — Lorsque, par charité, l'on dérange ses exercices de dévotion, Dieu ne cesse pas d'être servi. Annecy, i «^ septembre 1 6 1 1 . Je vous dis en deux motz, ma très chère Fille, que lundi. Dieu aydant, je pars tout a pied pour aller au Jubilé de Thonon l^), ou si je vous voy, ma consolation ( I ) Le ton du billet, sa teneur, et aussi la clausule finale désignent mani- festement comme destinataire M"" de la Fléchère. (a) Les prédications du Saint firent du fruit (voir ci-après, p. 99). Sur ce Jubilé, sans doute moins éclatant que ceux de 1602 et de 1607, nous ne sommes renseignés que par la correspondance de l'Evêque de Genève.  I  Annés i6ii 93 sera extrêmement plus grande. Pour le reste, c'est un'œuvre de charité que l'accompaignement que vous ailes faire, et bien que ce soit avec un peu de détraque- ment des sains exercices de dévotion, si est ce que ce n'est pas avec aucune perte du service de Dieu. Et puisque l'homme veut si soudainement partir, je vous donne mille bénédictions, ma très chère Fille, vous escrivant au parloir de la Visitation, ou M""' de Chantai vous salue très cordialement comme moy, qui suis Vostre plus humble compère et serviteur, Franç% E. de Genève. i" septembre 1611. Revu sur l'Autographe appartenant à MM. Lyautry, château de Touchebredier (Eure-et-Loir).  DCCXI A MONSIEUR BÉNIGNE MILLETOT Une réponse claire sur trois points. — Pourquoi l'amitié de saint François de Sales pour ses amis était plus forte que la mort. — Le critère des vraies amitiés. — Une main « exquise et rare » et une matière « de mauvais lustre. » — Pour quels motifs l'Evêque de Genève déteste les contentions et disputes entre catholiques. — Il n'a pas trouvé à son goût certains écrits de Bellarmin. — La pauvre mère poule et les poussins qui s'entre- becquettent. — Adroite et charitable critique. Annecy, 1-5 septembre 1611 (i). Monsieur, Vos lettres pleines d'amour et de confiance en mon endroit exigent de moy, avec une douce violence , une response claire sur trois pointz. Quant au premier, la bonne madame de [Chantai] vous (i) Le destinataire reçut cette lettre par l'entremise de la Mère de Chantai qui partit pour la Bourgogne dans la première semaine de septembre (cf. ci- après, note (1), p. 98). La date se déduit de cette particularité.  94  Lettres de saint François de Sales  dira tout ensemble son advis et le mien , de ce qui est requis pour l'entier establissement de vostre fille en cette Congrégation (0. J'ay bien aussi prié cette mesme bonne dame de vous porter de ma part l'asseurance de ce qu'avec une faveur trop excessive vous m'aves par deux fois de- mandé ; mais il faut pourtant que je l'escrive icy de ma main, comme je le sens de tout mon cœur. C'est la vraye vérité, Monsieur, qu'encor que mes amis meurent, mon amitié ne meurt point, ains, s'il s'y fait quelque changement, c'est pour une nouvelle naissance qui la voit plus vive et vigoureuse entre leurs cendres, • Vide tom. VIII, comme un certain phœnix mystique * ; car, bien que les pp-39 .399- personnes que j'ayme soyent mortelles, ce que j'ayme principalement en elles est immortel, et j'ay tous-jours estimé cet axiome fondamental pour la connoissance des ' yff^^* ^"'^^™' vrayes amitiés, qU'Aristote *, saint Hierosme** et saint «Epist. ni,adRuf. Augustin * ont tant solemnisé : Amicitia quœ desinere (Mig., XXII, col. 55^.) , , ., /- •< c»\ • Lib. de Amicitia. potutt, nunquam vcva fuit^ K (Mig.,xL,coi.833.) Q ]3jey^ ig bon monsieur le Président [Frémyot] est tous-jours vivant en mon cœur, et il y tient le rang que tant de faveurs receuës de luy et tant de dignes qualités reconneuës en luy, luy avoyent acquis. Mais, Monsieur, la réciproque communication qu'avec tant de confiance je ne faisois presque que commencer avec luy, est cessée et se treuve convertie en l'exercice des mutuelles prières que nous faysons l'un pour l'autre : luy, comme sçachant combien j'en ay besoin, moy, comme doutant qu'il n'en ait besoin. Et donq, puisqu'il vous plaist, puisque vous le voules, je vous dis de toute mon affection : prenés la place. Monsieur, en cette communication, et mon cœur vous y regardera, vous y chérira, vous y envoyera ses pensées avec un amour qui ne violera point les loix de respect et un respect qui ne se séparera jamais du devoir de l'amour.  (*) « L'amitié qui a pu cesser, n'a jamais été véritable. » (i) Sœur Marie-Marguerite, qui fit profession le 30 juillet 1612. (Voir plus haut, note (3), p. 6.)  1  Année i6i i 95 Mais commençons donq par icy a parler comme il faut entre les amis parfaitz, et venons au troisiesme point, a ce que je vous dois respondre. Je vois en vostre livre (0 deux choses : les traitz et la main de l'artisan d'un costé, et la matière et sujet de l'autre. En vérité, je treuve vostre main bonne, louable, ains exquise et rare, mais la ma- tière me desplaist; s'il faut dire le mot que j'ay dans le cœur, je dis : la matière me desplaist extrêmement. Pleust a Dieu, dis je, que mon Polycletus (2), qui m'est si cher, n'eust point mis sa maistresse main sur un airain de si mauvais lustre ! Je hais par inclination naturelle, par la condition de ma nourriture, par l'appréhension tirée de mes ordinaires considérations et, comme je pense, par l'inspiration ce- leste, toutes les contentions et disputes qui se font entre les Catholiques, desquelles la fin est inutile, et encorplus celles desquelles les effectz ne peuvent estre que dissen- sions et differens, mais sur tout en ce tems plein d'espritz disposés aux controverses, aux mesdisances, aux censures et a la ruyne de la charité. Non, je n'ay pas mesme treuvé a mon goust certains escritz d'un saint et très excellent Prélat, esquelz il a touché du pouvoir indirect du Pape sur les Princes (3) ;  (i) L'ouvrage était un petit volume in-i8, de 133 pages, ayant pour titre : Traicté du Delict commun et cas privilégié : on de la puissance légitime des Juges séculiers sur les personnes Ecclésiastiques , par B. M. C[onseiller]. Im- primé en Février, l'an 1611. (Bibliothèque de Dijon, 5278.) Cet opuscule fut traduit en latin en 1612, réimprimé en 1615 et en iéi6, et inséré dans le pre- mier volume des Liberté^ de V Eglise gallicane, édition de 1631. Milletot attaquait les immunités de l'Eglise et restreignait l'étendue de son pouvoir à l'égard des choses temporelles. Voilà pourquoi « la matière » dé- plaisait au Saint « extrêmement. » (Voir note (3). (2) Polyclète, célèbre sculpteur grec, qui vivait au v* siècle. (3) Beaucoup en France — Henri IV tout le premier — pensaient alors comme le Saint. Mais Bellarniin ne souleva cette irritante controverse que sur ordre de Paul V; personnellement, il aurait préféré garder le silence. Les « escritz » que l'Evêque de Genève ne trouvait pas à son goût étaient sans doute le traité De potestate Summi Pontificis in rébus temporalibus, adversus Gulielmum Barclaium. (Romse, 1610.) L'auteur y soutenait que le pouvoir du Pape, atteignant proprement et premièrement les choses spirituelles, s'étendait au temporel des rois, secondairement et par voie de conséquence, quand le salut des âmes l'exige et dans la mesure même où il l'exige. Cette thèse n'était pas une nouveauté. Dans ses Controverses (i 586-1 593), Bellarmin l'avait déjà  g6 Lettres de saint François de Sales non que j'aye jugé si cela est ou s'il n'est point, mais parce qu'en cet aage ou nous avons tant d'ennemis dehors, je croy que nous ne devons rien esmouvoir au dedans du cors de l'Eglise. La pauvre mère poule qui, comme ses petitz poussins, nous tient dessous ses aisles, a bien asses de peyne de nous défendre du milan, sans que nous nous entrebecquetions les uns les autres et que nous luy don- nions des entorses. En fin, quand les Rois et les Princes auront une mauvaise impression de leur Père spirituel, comme s'il les vouloit surprendre et leur arracher leur authorité que Dieu, souverain Père, Prince et Roy de tous, leur a donnée en partage, qu'en adviendra-il qu'une très dangereuse aversion des cœurs ? Et quand ilz croi- ront qu'il trahit son devoir, ne seront ilz pas grandement tentés d'oublier le leur ? Je n'ay pas voulu remarquer tout plein de choses qui me semblent devoir estre extrêmement addoucies ( = ), et me suis contenté de vous dire ainsy en gros et gros- sièrement mon petit sentiment, ains, pour parler naïfve- ment, mon grand sentiment pour ce regard. Mais dites exposée comme une doctrine ancienne et certaine ; et de fait, en dehors de l'école régaliste et gallicane, elle a été généralement admise. (Cf. J. de la Servière, De Jacobo I, Angliœ Rege cum Cardinali Roberto Bellarmino, S. J., super potestate cum regia... ium pontificia disputante, Paris, igoo; Dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1903, art. Bellarmin ; Perrens, L'Eglise et l'Etat en France sous le règne de Henri IV, etc., Paris, 1872; Etudes religieuses, 5 mars 1903 et 20 avril 1907.) On ne saurait donc se prévaloir de la remarque du saint Docteur pour l'op- poser au sentiment du savant Cardinal. L'Evèque jugeait qu'il était inopportun et dangereux d'agiter ces problèmes, mais il ne mettait pas en question le fond de la doctrine. Il déclare formellement s'abstenir de juger « si cela est, « ou s'il n'est point, » et l'on devine que c'est par un sentiment de délicate condescendance pour son ami. Mais son opinion n'est pas douteuse; il l'ex- prime sans détour dans une lettre placée en mars 1613, dont la destinataire pourrait bien être la présidente Brûlart. (2) Papillon (Biblioth. des Auteurs de Bourgogne, 1742, tome II, p. 57) note que « saint François de Sales faisoit une estime singulière de ce livre et qu'il employa tout son crédit pour empêcher qu'il ne fût mis dans V Index. » Si elle fut tentée, la démarche échoua, car l'ouvrage de Milletot fut condamné le 23 juillet i6ir. (Cf. Index librorum prohibitorum, etc., Romae, 1900, p. 314.) Cum pernitiosissimos er rares contineat... omnino prohibeatur, est-il dit dans le décret. On ajoutait que l'auteur, résidant en France, pourrait être averti par le Cardinal de la Rochefoucault de s'amender et de corriger son livre. La condamnation ne fut publiée toutefois que le 3 juillet 1623. Il ne faudrait pas  1  Année i6ii 97 moy maintenant, Monsieur, si je m'excuse envers vous de vous parler ainsy franchement, repliqueres vous point que c'est aussi trop franchement ? Voyla pourtant comme je traitte avec ceux qui veulent que je contracte une en- tière amitié avec eux. Ah ! je sçai, je croy, je jure par tout que vous aymés l'Eglise, que vous estes constamment son enfant asseuré ; mays le zèle de l'authorité que vous aves si longuement et heureusement possédée vous a poussé un peu trop avant. Vive Dieu ! Monsieur, je vous chéris avec tout cela de tout mon coeur : Non sentire bonos eadem de rébus iisdem, Incolumi licuit semper amicitia O. Que s'il vous semble que d'abord je devois user de plus de modération, je vous supplieray de croire que je n'en sçai point en l'amitié, ni presque en rien qui en dépende. Et quand donq peut elle user de ses droitz qu'en la fer- veur de ses commencemens ? Au demeurant. Dieu sçait combien vostre chère fille m'est pretieuse, comme une propre seur, si je l'avois en cette vocation. Aussi, comme j'ay tous-jours fait avec feu monsieur ('), je désire que par tout vous m'advoiiiés, Vostre filz et serviteur fidelle. Franc*, E. de Genève.  (*) Les gens de bien ont toujours eu le droit de différer d'avis sur une question, sans que leur amitié en soit blessée. voir dans ce délai l'indice d'une intervention du Saint, car en ce temps-là, l'usage n'existait pas encore de ) ; mais j'ay tant de besoigne taillée pour cett'annee, quil me seroit impossible d'en fendre la presse pour partir d'icy a trois moys, comm'il faudroit faire. Je vous supplie donq, Monsieur, très hum- blement, de m'en excuser vers eux pour cett'annee ; et si, pour la suivante, les difficultés que vous sçaves se pouvoyent vaincre, je serois bien ayse de leur tesmoigner combien j'estime Ihonneur de la semonce quilz me font faire par la personne du monde que j'honnore, respecte et chéris de toute l'estendue de mes forces, et a laquelle je suis sans reserve et sans fin, Monsieur, Humble, fidèle et très affectionné serviteur, Franc', E. de Genève. Ce XVII septembre 161 1. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Chabrol, à Riom. (i) Le destinataire est vraisemblablement Michel Brisson, seigneur de l'Eraudière, conseiller du roi, connu de son temps pour l'ardeur de sa foi et ses grandes libéralités. Par testament, il légua toute sa fortune pour fonder un Noviciat de la Compagnie de Jésus, et mourut en 1625. Il était cousin du cé- lèbre président Barnabe Brisson, pendu'par les Seize en 1^91. (a) Les archives de la paroisse parisienne ont disparu. Même après de très nombreuses recherches, il n'a pas été possible de découvrir les noms du curé et des marguillers qui avaient invité le Saint.  Année i6ii io$ DCCXVI A LA SCEUR DE BRÉCHARD, RELIGIEUSE DE LA VISITATION Notre-Seigneur saura boa gré à qui porte et supporte les âmes qui se trouvent faibles. Bons, fin septembre ou commencement d'octobre i6n ( x ). Ma chère Nièce, ma Fille, Ce n'est que pour simplement vous saluer et asseurer que je me presseray le plus que je pourray pour bien tost vous revoir, et espère que ce sera avec nostre mutuelle consolation et de toutes nos Seurs mes chères filles. Ce pendant, persévères courageusement a porter et suppor- ter celles qui se treuveront foibles*; et croyés moy, ma *Cf.Gaiat.,uit., 2. chère Fille, ma Nièce, que Nostre Seigneur, a qui vous estes toute, vous en sçaura un grand gré (*). Je le supplie qu'il vous comble de force, de douceur et de bénédiction, et toute cette chère trouppe de filles qui me sont pre- tieuses comme la prunelle de mes yeux. A Dieu donq, ma très chère Fille, ma Nièce, continues d'aymer en Nostre Seigneur, celuy qui est en luy très cordialement tout vostre. F. A Bons. A Madame Madame de Brechard. A la Visitation. (i) Le Saint était à Bons le i»'' octobre i6ir, mais le 24 septembre et le 3 octobre il était à Thonon : c'est donc entre ces dernières dates que ce billet a été écrit. (a) La Mère de Chantai, à son départ pour la Bourgogne, avait chargé la Sœur de Brechard de gouverner en sa place. La ferveur de cette dernière pou- vait décourager des âmes moins viriles que la sienne : de là, ces avis du bienheureux Fondateur.  io6 Lettres de saint François de Sales DCCXVII A LA SOEUR ROGET, RELIGIEUSE DE LA VISITATION (* ( IKBDITE )  Ce qu'il faut faire après « quelques petitz mauvais pas. » — Avoir le cœur franc envers les Supérieurs. — La « petite bienaymee Françon. » [Septembre-octobre] 1611 (2). Vous m'aves fait un grand playsir de m'escrire, ma chère Filleule, ma Fille. Mais vrayement, il faut estre bien brave a surmonter tous ces petitz chagrins et la melancholie qui les produit. Or, je sçay bien que vous estes fort fidelle pour ce regard, et que si vous faites quelques petitz mauvais pas, soudain vous vous relevés humblement, doucement et sans vous estonner ; car il faut faire ainsy, ma chère Fille, pour devenir parfaitement sainte, qui est vostre prétention. C'est aussi bien fait (i) Sœur Claude-Françoise Roget appartenait à une famille d'Annecy, que le Saint qualifie de « fort honnorable. » (Voir le tome précédent, pp. 328, 329.) Baptisée le 31 décembre 1594, elle entra à la Visitation le 23 juillet 1610, y prit l'habit le même jour, fit profession le 29 août 161 1 et mourut le 14 juin 1613. Ses parents étaient Claude Roget et Marie Empereur (i), déjà veuve en 1600. Quoique d'une petite complexion, cette âme innocente dépensa une ardeur toute virile pour se réformer. Sa carrière fut courte, mais Dieu fortifia son cœur et récompensa son angélique patience par des faveurs surnaturelles. Très aimable, très vertueuse, très aimée des siens et des deux Fondateurs, elle fut la première de leurs filles qui alla voir ce que l'Epoux céleste préparait aux autres. (Archives de la Visitation d'Annecy.) Il sera souvent parlé d'elle au cours des lettres de 1613. (2) Dans cette lettre, il n'est pas fait mention de la Mère de Chantai et de la Sœur Favre : elles n'étaient donc pas à Annecy. D'autre part, le Saint nomme la Sœur ThioUier, entrée le 6 juin 1611. Ces circonstances persuadent que la présente lettre a été écrite pendant le voyage de la Fondatrice en Bourgogne (septembre-décembre 161 1), et probablement durant le séjour du Bienheureux en Chablais (septembre-octobre) ; car les salutations finales font croire qu'il était absent d'Aifnecy.  ( I ) La jeune Sœur n'était donc pas fille de Marie Dupanloup, comme nous l'avions dit au tome précédent, note ( i ), p. 319, sur la foi d'une communication inexacte, par erreur de lecture.  Année i6ii 107 d'avoir de la confiance en nostre Seur de Brechard, et c'est la grâce de Dieu qui nous rend ainsy le cœur franc envers ceux a qui, pour son amour, nous obéissons. A Dieu, ma chère Fille, que j'ayme extrêmement en ce mesme Seigneur, pour lequel je suis tout vostre et a vostre mère (0, et a ma Seur Chastel ( = ), ma Seur Mille- tot (3), ma Seur Fiçhet (4), ma Seur Tiollier(5); car, quant a ma petite bienaymee Françon (6), je la salue a part comme ma petite fille toute mienne. Dieu soit béni, ma chère Filleule, ma Fille. A ma chère Seur Roget, ma fille. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. (i) La mère de la destinataire (voir note (i) de la page précédente), (a) Sœur Péronne-Marie de Chastel (voir ci-après, note ( i ), p. 133). (3) Sœur Marie-Marguerite (voir plus haut, note (3), p. 6). (4) Sœur Marie-Adrienne (item, note (4), p. la). (5) Sœur Claude-Marie (item, note(i), p. 13). (6) Françoise de Chantai.  DCCXVIII  A LA MERE DE GHANTAL  Souhaits de bon et saint voyage. — Affectueux messages pour les compagnons, les parents et les amis de la Mère de Chantai. Bons, i«' octobre 161 1 . (0 Le pied a l'estrier, je vous escris ces quatre motz, ma très chère Fille mienne, seulement pour vous tenir asseuree de nostre santé. Et Dieu me donne les heureuses nouvelles que je souhaite aussi de vostre part, car jusques a présent nous en jeûnons encores. Or, j'espère en cette souveraine Providence, qu'elle vous conservera sainte- ment et chèrement pour nostre mutuelle consolation et réciproque avancement en son amour caeleste, pour lequel ( I ) Voir le fac-similé placé en tète de ce volume.  io8 Lettres de saint François de Sales je fay sans fin des aggreables et désirables projetz, que je supplie le Saint Esprit nous faire suavement prattiquer. A Dieu, ma très chère Mère, ma Fille mienne, a Dieu soyons nous a jamais, et a jamais vive Jésus ! Amen. Je salue du cœur que vous connoisses, nostre grande fille (0 et luy recommande nostre chère et bonne Mère, comm'aussi monsieur de Thorens, que je chéris en qualité de mon frère et de vostre filz,qui veut dire excessivement. Je suis a Bons et parmi les chams; soudain que ce devoir me le permettra, je seray a Neci, c'est a dire dans trois semaines. Je salue humblement monsieur de Chantai et monsieur de Vauxcroissant (»), et vous penseres bien que si je sçavois que vous fussies ou a Dijon ou auprès de Monsieur TArchevesque (3), je vous supplierois de faire mes hon- neurs convenablement. Le doux Jésus, auquel et par lequel je suis autant vostre que vous mesme, vous veuille bénir et conserver a jamais, ma très chère Fille mienne. A Bons, le i" d'octobre. A Madame Madame de Chantai, m. A Montelon. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Autan. ( i) La Sœur Favre. (a) Voir le tome précédent, note (2), p. 229. ( 3 ) M»"" André Frémyot, archevêque de Bourges.  1M  Année i6ii 109  DCCXIX AU BARON AMÉDÉE DE VILLETTE ( ' ) A propos de la mort d'une parente : regrets, condoléances, consolations, promesse de prières. Saint-Julien, 12 octobre 161 1. Monsieur mon Oncle, Quel desplaysir viens-je de recevoir en la triste nou- velle du trespas de madame ma tante (*), qui m'aymoit si tendrement et chèrement, et a laquelle j'avois si jus- tement voilé tant d'affection ! J'irois moy mesme vous tesmoigner ce ressentiment, si je croyois, par ce moyen, de pouvoir alléger le vostre, ou que cet engagement auquel je suis parmi les assignations de ma visite le me permist ; mais au moins, voyla mon frère (3) qui va re- cevoir vos commandemens pour luy et pour moy, et vous asseurer que, comme j'ay honnoré de tout mon cœur la vie de cette chère defuncte, aussi cheriray-je a jamais son honnorable mémoire autant qu'aucun de ses parens et serviteurs qu'elle ayt laissés en ce monde. Au demeurant, Monsieur mon Oncle, cette si fascheuse séparation est d'autant moins dure qu'elle durera peu, et que non seulement nous espérons, mays nous aspirons a cet heureux repos auquel cette belle ame est, ou sera bien tost logée. Prenons, je vous supplie, en gré cette petite attente qu'il nous faut faire ici bas, et au lieu de multiplier nos souspirs et nos larmes sur elle, faysons- les pour elle devant Nostre Seigneur, affin qu'il luy ( I ) La teneur de la lettre désigne clairement le destinataire. (a) Marguerite de Pingon-Cusy (voir tome XIII, note ( i ), p. ii6) fut inhumée à Giez, car dans son testament du i^ juillet 1631, son mari dit qu'il veut que son corps « soit porté à Giez, » pour être sépulture auprès de sa femme. (Archives de Chcvron-Villette.) (3) Il s'agit probablement de" Jean-François, en tournée pastorale avec le Saint, et la lettre insinue que celui-ci l'envoie à M. de Villette.  1 1.0 Lettres de saint François de Sales plaise hastcr sa réception entre les bras de sa divine Bonté, si des-ja il ne luy a fait cette grâce. Certes, pour moy, j'ay beaucoup de consolation en la connoissance que j'avois de l'intérieur de cette bonne tante, laquelle plusieurs fois, avec extrême confiance, me l'avoit communiqué en la sacrée confession ; car j'en tire une asseurance que cette divine Providence, qui luy avoit donné un cœur si pieux et chrestien, l'aura comblée de bénédictions en ce despart qu'elle a fait d'entre nous. Bénissons et louons Dieu, Monsieur mon très cher Oncle, adorons la disposition de ses ordon- nances, reconnoissons la condition et instabilité de cette vie et attendons en paix la future. Je m'en vay a l'église, ou, par le saint Sacrifice, je commenceray les recommandations de cette chère et pretieuse ame, et celle que je dois a jamais continuer pour vous et tout ce qu'elle aymoit le plus. Je suis sans fin et sans reserve, Monsieur mon Oncle, Vostre très humble et très fidèle neveu et serviteur, Francs E. de Genève. A Saint Julien, le 12 octobre 161 1.  DCCXX  AU PRESIDENT ANTOINE FAVRE (inédite) La cure de Saint-Sigismond en 1611 : l'ami du destinataire en mériterait une meilleure. Annecy, 29 octobre 1611. Monsieur mon Frère, A mesme que monsieur Jacquier (0 m'a rendu vostre Sans doute, Charles Jacquier, de Cluses en Faucigny, « homme de chambre » du président Favre, qui lui légua deux cents florins « pour les aggreables services, » note-t-il dans son testament (21 février 1624), « quil m'a rendu des plusieurs années en ça quil est a mon service. »  Année i 6 i i m lettre, monsieur Brunet ( ^ ) m'est venu dire adieu ; [si] que j'ay retardé ce moment pour vous resaluer humble- ment et vous dire que, quant a la cure de Saint Sigis- mond, elle ne vaut sinon douze vingt florins, en un lieu très aspre et hors de chemin (*). J'en desirerois une meilleure et plus à propos pour M. Charbonnet, que je dois affectionner pour tant de raysons (3). Néanmoins, s'il désire venir au concours de celle cy, ce sera le 4° de ce mois suyvant qu'elle est assignée; marri que peut estre je ne pourray pas m'y treuver, si M. de Villette persévère de me sommer d'aller avec ses autres parens au commencement des obsèques de feu M""' de Villette * •Vid.Epist.praeced. environ ce tems-la. J'attendray le retour du sieur Jacquier, pour les chap- pelles, et vous saluant mille et mille fois de tout mon cœur, je suis sans fin. Monsieur mon Frère, Vostre très humble frère et serviteur, Franç% E. de Genève. XXIX octobre 161 1. A Monsieur Favre, Baron de Peroges, Conseiller d'Estat de S. A., Premier Président de Savoye. Revu sur une copie conservée à la Visitation de Montéliinar. (i) Très vraisemblablement, M= Brunet, procureur au Sénat de Chambéry. C'était l'homme de confiance des familles Favre et de Charmoisy, qui lui remettaient volontiers leurs messages et commissions. Son nom revient sou- vent dans les lettres du Président et de M. de Charmoisy. (a) Saint-Sigismond dans le Faucigny ; le 4 novembre 161 1, ce ne fut pas le protégé du Président, mais Claude Favre qui obtint cette cure. (R. E.) ( 3) Michel Charbonnel, docte et vertueux ecclésiastique, fut institué curé de Cernex le 20 mai 1618. (R. E.) Le Saint affectionnait vraiment ce digne prêtre ; on peut en juger, du reste, par sa déposition (Process. remiss. Gebenn., (I), ad art. 44) : « Au commencement quil luy pleust me donner la charge des âmes en la parroesse de Cernex, » dit-il, « y estant tout nouveau et faisant des roolles de touttes les difficultés que j'avois et qui m'arrivoient, et le venant treuver de temps en temps pour les luy exposer... il m'escouttoit volontiers, et m'expliquant toutes les doubtz et m'enseignant comme je m'y comporterois. » Le même document nous apprend que M. Charbonnel avait étudié chez les Jésuites à Chambéry et qu'il accompagnait à leur collège les enfants du Pré- sident : ce qui explique les sympathies particulières du saint Evêque,  112 Lettres de saint François de Sales DCCXXI A LA SOEUR DE BRÉCHARD, RELIGIEUSE DE LA vrsITATION Un Père vigilant qui a peur d'être blâmé pour ne l'être pas assez. — Pourquoi ne faut-il pas emporter toutes les couronnes. — C'est encore de la charité que de laisser faire aux autres quelque chose. — De qui doit-on attendre l'issue des maladies, Annecy, 29-31 octobre 161 1 (i). Ma très chère Fille, ma Nièce, L'on m'a adverti que vous vous accables de peyne, que vous ne vous devestes point plusieurs nuitz de suite, que vous ne manges comme point, que vous faites les services plus pénibles de l'infirmerie et puis retournes promptement soustenir le chant du chœur. O ma Fille, ma Fille, je ne veux point que vous soyes si brave ; car voyes vous, que me diroit nostre Mère si en son absence il arrivoit quelque mal a cette très aymee Jeanne Char- lotte ? Certes, a son arrivée, je courrois fortune d'estre blasmé comme un père peu vigilant sur sa très chère fille. Croyés le pauvre Père : prenés du repos et du repas suffisamment ; laissés amoureusement du travail aux autres et ne désirés pas d'emporter toutes les couronnes ; le cher prochain sera tout ayse d'en avoir quelques unes. L'ardeur du saint amour qui vous pousse a vouloir tout faire, vous doit aussi retenir et laisser faire aux autres quelque chose pour leur consolation. Dieu nous sera bon, ma Nièce, ma Fille : j'espère qu'il nous menace pour ne nous point frapper, et que la chère { I ) Au dire de la Mère de Chaugy (Les Vies de quatre des premières Mères (Annecy, 1659; Paris 189»), Vie de la Mère de Bréchard, chap. vin), le Saint écrivit cette lettre à son retour du Chablais ; or, il revint à Annecy vers le 39 octobre. La date que nous adoptons se trouve d'ailleurs confirmée par l'allu- sion à la maladie de la Sœur de Cfaastel. Celle-ci, en effet, tomba malade peu de temps après sa profession (39 août 161 1) et après le départ de la Mère de Chantai pour la Bourgogne, c'est-à-dire en septembre. (Cf. ibid., Vie de la Mère de Chastel, chap. xiv, et ci-après, p. 132, et note(i), p. 134.)  I  Année i6ii 113 Peronne de nostre Mère ( ' ) luy ira au devant a son arrivée, avec sa très chère lieutenante, ma fille très aymee, que je désire qui travaille avec un esprit ardent mais doux, fer- vent mais modéré, attendant le bon succès des maladies et affaires non de sa peyne, non de son soin, mays de l'amoureuse bonté de son Espoux. Qu'il la veiiille bénir éternellement, avec toute la trouppe de ma très chère Mère absente et qui nous est si présente au cœur, en la présence de Celuy qui est l'unique tout du cœur de la Mère et des filles. Priés-le aussi qu'ainsy soit du Père, affin que tout soit saintement esgal en nostre pauvre chère petite Visita- tion. Amen. ( I ) Sœur Péronne-Marie de Chastel, alors gravement malade. (Voir la note précédente.)  DCCXXII A M. BÉNIGNE MILLETOT La plus mauvaise façon de mal dire. — Il est presque impossible « de corriger l'immoderation modérément. » — Ce qui arrive souvent aux chasseurs. — A César ce qui est à César, mais aussi à Dieu ce qui est à Dieu. [Octobre] 161 1 (i). Monsieur, Vous m'aves grandement obligé recevant en bonne part ma franchise, bien qu'a vray dire vous ne pouvies bonnement luy refuser ce gracieux accueil, puisqu'elle alloit vers vous avec le sauf conduit de vostre semonce et sous la faveur d'une vraye amitié*; aussi n'avois-je • Vide Epist. dccxi. garde de luy donner le vol autrement. Je ne veux nullement répliquer sur la déclaration qu'il vous plaist de me faire de vostre intention en l'édition (i) Il est difficile de préciser davantage la date, mais il est peu probable que Milletot ait attendu le retour à Annecy de la Mère de Chantai, pour écrire la réponse dont parle le Saint. La Fondatrice ne revint de Bourgogne que le 24 décembre. Or, un auteur n'attend pas plusieurs mois pour répondre aux critiques ou aux louanges de son livre, surtout quand elles viennent d'un ami, et qu'il s'appelle François de Sales. Lbttkbs V 8  114  Lettres de saint François de Sales  • Vide supra, p. 95, note ( I ).  • Ps. cxix, ult.  • Matt., XXII, 21.  du petit livre*, car je serois marri si j'avois jamais eu un seul petit soupçon au contraire ; mays je diray seulement ce mot qui part de la condition de mon esprit. Si quel- qu'un avoit immodérément parlé ou escrit de l'authorité, il auroit grand tort, car il n'y a point de plus mauvaise façon de mal dire que de trop dire. Si on dit moins qu'il ne faut dire, il est aysé d'adjouster ; mais après avoir trop dit, il est malaysé de retrancher, et on ne peut jamais faire le retranchement si tost, qu'on puisse empescher la nuisance de l'excès. Or, voyci le haut point de la vertu : de corriger l'immoderation modérément. Il est presque impossible d'atteindre a ce signe de perfection. Je dis presque, a cause de celuy qui dit * : Cum his qui ode- runt pacem eram pacificus'^'^\ autrement, je pense que je ne l'eusse pas dit, car les chasseurs poussent par tout dans les buissons, et retournent souvent plus gastés que la beste qu'ilz ont cuidé gaster. La pluspart de ces pro- pos mal mesurés qu'on dit ou qu'on escrit, sont plus heu- reusement repoussés par le mespris que par l'opposition. Mais, n'en parlons donq plus. A César ce qui est a César, mays aussi (O, a Dieu ce qui est a Dieu*. Je vous escris sans loysir. Vous me supporteres, s'il vous plaist, selon vostre bonté et ayant esgard a mon affection, qui est toute inclinée a vous honnorer et chérir très spécialement. Et sur cela, je prie Nostre Seigneur qu'il vous remplisse de la grâce, paix et suavité de son Saint Esprit et donne sa sacrée bénédiction a toute vostre famille, laissant au surplus pour ce porteur a vous dire comme nostre fille (=») se porte bien. Je suis. Monsieur, Vostre plus humble serviteur, Franc*, E. de Genève.  {') Je gardais la paix avec ceux qui baissaient la paix. ( I ) Cette brève, mais significative réserve, confirmerait, s'il était nécessaire, le sentiment du saint Docteur, amplement exposé dans la lettre probablement adressée à M"» Brûlart en mars 1612. (a) Sœur Marie-Marguerite Milletot, fille du destinataire.  Année i6ii 115  DCCXXIII A UN INCONNU (f&agmemt inédit) Des bailliages qui n'avaient pas été visités « il y a plus.de cent ans. » — Bour- geois et bourgeoises de Genève aux vendanges et de quoi ils étaient étonnés, ayant ouï le Saint. Annecy, novembre 161 1 (i). Monsieur, Des la réception de vostre dernière lettre, qu'on me rendit sur le commencement de septembre, j'ay presque tous-jours esté aux chams pour faire la visite des bailla- ges qui sont autour de Genève, qui n'avoyent esté visités il y a plus de cent ans, pour avoir esté restablis seule- ment des douze ou quinze ans en ça au giron de la sainte Eglise. Plusieurs bourgeois et bourgeoises de Genève qui estoyent venus aux vendanges, nous ont veu en cet exer- cice, et ont tesmoigné pour la pluspart d'en avoir pris bonne édification, et quelques uns qui m'ont voulu ouïr, ont esté estonnés dequoy leurs ministres leur descrivoyent nostre créance tout autrement que nous ne la preschons pas ; chose Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy. ( I ) Le destinataire nous est inconnu. Quant à la date, on peut la déduire avec assez de probabilité des allusions de la lettre : la visite des bailliages, les vendanges, le séjour et les prédications du Saint en Chablais.  ii6 Lettres de saint François de Sales DCCXXIV A DOM EUSTACHE DE SAINT-PAUL ASSELINE, FEUILLANT (0 Amitié du Saint pour l'Ordre des Feuillants. — La disposition des matières dans une Somme de théologie; moyen de rendre celle-ci « plus friande et plus aggreable. » — Les questions inutiles. — Souhaits et témoignages d'affection. Annecy, 15 novembre 1611 (a). M.on Révérend Père, C'est la vérité que j'ayme d'amour vostre Congréga- tion, mais d'amour infructueux jusques a présent. Dieu (i) Né à Paris et baptisé le 27 avril 1573, dom Eustache de Saint-Paul Asseline, fils d'Eustache Asseline, avocat au Parlement, et de Marie Le Grand, débuta par de très brillantes études en Sorbonne. Docteur en 1604 et maître à son tour, il enseigna successivement dans la célèbre maison, la philosophie et la théologie. Ses premières leçons furent publiées en 1609, sous le titre de : Summa Philosophice quadripartiia, de rébus diaîecticis, moraîibus, physicis et metaphysicis. Cet ouvrage fut réimprimé plus de trente fois. Au dire de l'histo- rien d'Asseline, dom Antoine de Saint-Pierre, « François de Sales... en faisoit tant d'estat, qu'il en tenoit toujours les livres devant ses yeux, sur la table de son estude. » Asseline prit l'habit des Feuillants le 14 février 1605, avec le nom d'Eus- tache de Saint-Paul, et fit profession l'année suivante. Prieur dans les mo- nastères de Celle en Berry, 1611-1614, de Saint-Bernard de Paris, 1614-1617, de Saint-Bernard de Rome, 1617-1620, il exerça la charge de Visiteur général de 1690 à 1625, et enfin celle d'assistant du Général. Il mourut d'une attaque d'apoplexie le 26 décembre Ï640. Son savoir étendu et sa piété lui acquirent un grand renom, l'amitié de plusieurs prélats et la confiance du Pape Paul V; il faut noter aussi qu'il fut une lumière du « cercle Acarie » et que Port-Royal, dans la première période de son histoire, le choisit pour l'un de ses directeurs. Quant à l'Evèque de Genève, son amitié pour l'illustre Feuillant datait du séjour qu'il fit 'à Paris, n'étant encore que coadjuteur. Il le connut alors jus- qu'à la familiarité. Dom Eustache de Saint-Paul s'est surtout inspiré de ces souvenirs dans la déposition remarquable qu'il a laissée sur les vertus de son saint ami. (Voir D. Ant. de Saint-Pierre, Vie du R. P. D. Eustache de Saint Paul Asseline, Paris, 1646.) (2) Les anciens éditeurs attribuent à cette lettre la date de 1617, mais à tort. La vraie date doit être 161 1, comme s'accordant mieux avec la publication de la Somme dont il est parlé dans le texte, et aussi parce que, sous la plume du Saint, i6ii et 1617 peuvent quelquefois facilement se confondre à la lecture.  I  Année i6ii 117 le rende autant effectif qu'il est affectif; et non seule- ment a [Abondance (0,] mais en deux ou trois insignes Monastères de ce diocèse (*), nous verrons refleurir la sainte pieté que le glorieux ami de Dieu et de Nostre Dame, saint Bernard, y avoit plantée. Je voy bien en vostre lettre que vous languisses, puis- que vous me dites : (a) Ecce quem amas infirmatur *; * Joan., xi, 3. mais je n'en ay pourtant point de compassion qu'avec une extrême suavité, d'autant que i^) infirmitas hœc non est ad mortem *, sed ut manifestentur opéra * ibid., f. 4. Dei *; ecce enim qui amat infirmatur, puisque amore 'Ibid., m, 21. languet *. Et partant, je suis bien content de faire l'office * Cant., v, 8, d'une fille de Hierusalem ; (c) et renuntiabo Dilecto tuo '•' : Ecce qui amat et quem. amas infirmatur. Et 'Ibid. vous, mon cher Père, en contreschange, implorés pour moy et sur moy le secours duquel, entre les vens et les orages, j'ay tant besoin sur ces eaux : {^) Aquae multae, populi multi. Salvum me fac, Deus, quoniam concul- cavit me homo, et libéra me de aquis ynultis *. * P«. m, 7, lv, 5, -^ cxLin, 7. J'ay veu avec un extrême playsir le projet de vostre Somme de Théologie (3), qui est, a mon gré, bien et  ( a ) Voici que celui que vous aime:( est malade. (b) cette maladie ne va pas à la mort, mais elle est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées; car celui qui aime «/ malade, puisqu'il languit d'amour. (c) et j'annoncerai à ton Bien-Aimé : Voici que celui q\x\ vous aime et qtie vous aime:( est malade. (d) Les grandes foules sont comme les grandes eaux. Sauve:(-moi, mon Dieu, parce que l'homme m'a foulé aux pieds, et délivre:(-moi de la multiti*de des eaux. (i) Voir tome XII, note (i), p. 373. ( a ) Le Saint exprime ici discrètement son désir de réformer les trois abbayes cisterciennes du diocèse de Genève, Aulps, Hautecombe, Chézery; mais ses tentatives échouèrent. (3) Cet ouvrage parut avec le titre suivant : Summa Theologiœ tripartita, de Deo, rebusque divinis ac supernaturalihus. Paris, Charles Chastelain, 1613 et 1616. — En le parcourant, on se rend compte que l'humble et docte Reli- gieux a déféré aux indications du saint Evêque, et répandu de l'onction dans Texposé de ses thèses.  ii8 Lettres de saint François de Sales judicieusement faite. Si vous me favorises de m'envoyer un cahier, je le liray amoureusement, et vous diray fran- chement et naïfvement mon advis, a quel prix que ce soit. Et pour vous en donner quelque asseurance des maintenant, je vous dis que mon opinion seroit que vous retranchassies tant qu'il vous seroit possible toutes les paroles méthodiques, lesquelles, bien qu'il faille em- ployer en enseignant, sont néanmoins superflues et, si je ne me trompe, importunes en escrivant. Qu'est-il besoin, par exemple : « In hac difficultate très nobis occurrunt quaestiones : prima nempe quœstio erit, quid sit prsedestinatio ; secunda, quorum sit praedestina- tio; tertia, » etc. (^^? Car, puisque vous estes extrêmement méthodique, on verra bien que vous faites ces choses l'une après l'autre , sans que vous en ^dvertissies au- paravant. De mesme : « In hac quaestione sunt très sententiae : prima sententia est,.» etc. i^) Car, ne suffit-il pas de commencer a capite (g) le récit des sentences, avec un nombre précèdent, en cette sorte : « i . Scotus, Mayronis et sequaces, etc. ; 2, Ocham, Aureolus et Nominales; 3. Sancti vero Thomas, Bonaventura (^); » et ainsy des autres. Puis, au lieu de dire : « Respondendum est tribus conclusionibus, quarum prima sit (>), » ne suffit-il pas : « Jam ergo dico, primo, etc. 2. Dico, etc. 3. Dico, (J ) »? Comme aussi de faire des préfaces pour continuer les  { e ) « Sur cette difficulté, trois questions se présentent : la pre- mière, qu'est-ce que la prédestination ; la seconde, qui sont ceux qui seront prédestinés ; la troisième, » etc. (f) » Sur cette question, il y a trois opinions : la première est, » etc. (g) sans préambule {^) « I. Scot, Mayronis et leurs disciples, tic. ; 2. Ockam, Oriol et les Nominalistes ; 3. mais saint Thomas et saint Bonaventure; » (i) « 11 faut donc répondre par trois conclusions, dont la pre- mière est, » (j ) * Je dis donc en premier lieu, etc. 2. Je dis, etc. 3. Je dis, »  Année i6ii  119  matières : « Postquam egimus de Deo uno, congruum est ut nunc de Deo trino, sive de Trinitate, » etc. W Cela est bon pour des gens qui vont sans méthode, ou qui ont besoin de faire connoistre leur méthode parce qu'elle est extraordinaire ou embarrassée. Or, cela empeschera extrêmement vostre Somme de grossir ; ce ne sera que suc et moiielle, et selon mon sens, elle en sera plus friande et plus aggreable. J'adjouste qu'il y a une quantité de questions inutiles a tout, horsmis a façonner le discours. Certes, il n'est pas grand besoin de sçavoir, « utrum Angeli sint in loco per essentiam, aut per operationem ; utrum moveantur ab extremo ad extremum sine medio (i), » et semblables. Et bien que je voudrois qu'on n'oubliast rien, si est-ce qu'en telles questions il me semble qu'il suffiroit de bien exprimer vostre opinion et en jetter le vray fondement ; puis a la fin, dire simplement, ou au commencement, que « talis et talis aliter senserunt (™), » affin de laisser plus de place pour s'estendre un peu davantage es ques- tions de conséquence, esquelles il faut regarder de bien instruire vostre lecteur. Item : je sçay que quand il vous plaist, vous aves un stile affectif; car je me resouviens fort bien de vostre Benjamin deSorbonnei^). J'appreuverois qu'es endroitz ou commodément il se peut, vous fissies les argumens pour vos opinions en ce stile ; comme en la question : « Utrum Verbum carnem sumpsisset, Adamo non pec- cante (°)? » Et en l'une et en l'autre opinion, on peut  (k) « Après avoir traité de l'unité de Dieu, il convient maintenant d'expliquer ce qui regarde Dieu trine, ou la Trinité, » etc. (1) t si les Anges sont dans le lieu par leur essence ou par leurs opérations; s'ils se meuvent d'un endroit à un autre sans passer par un milieu, » (m) ( tel et tel ont pensé autrement, » ( n ) t Si le Verbe se fût incarné, au cas où Adam n'eût pas péché ? » (i) Par ces mots, il faut très probablement entendre la thèse de licence qne soutint Asseliae, en vue de son doctorat, pendant le séjour de saint Fran- çois de Sales à Paris (1603).  120 Lettres de saint François de Sales réduire les opinions en stile afifectif. En celle : « Utrum prsedestinatio sit ex praevisis meritis (»), » soit que l'on tienne l'opinion des saintz Pères qui ont précédé saint Ambroyse, soit qu'on tienne celle de saint Augustin ou celle de saint Thomas ou celle des autres, on peut former les argumens en stile affectif, sans amplifier, ains en abbregeant; et au lieu de dire : « Secundum argu- mentum sit (p), » simplement mettre un chiffre, 2. Au demeurant, c'est un grand ornement de mettre plu- sieurs bonnes authorités, quand elles sont preignantes et courtes ; si moins, peu avec renvoy. Or sus, mon cher Père, que vous semble de mon cœur? va-il pas bien a la bonne foy envers le vostre? Mais croyés-moy, encores ne suis-je pas si simple, qu'avec un autre j'en usasse comme cela. Je me resouviens de vos- tre douceur naturelle, morale et surnaturelle ; j'ay mon imagination pleine de vostre charité, laquelle ( tandis que dans sa lettre du 15 octobre 1608, il appelle « Fille » M"* de Maillard. D'autre part, Claudine de Menthon était soufifrante (cf. ibid.) ; raison de plus pour le Bienheureux de « sçavoir comment elle se porte en « ce grand froid. » (a) Le texte tronqué publié par Migne, porte la date de léar, mais celle de 161 1 paraît être la vraie, car en 1631, la destinataire serait Pemette de Cerisier. Or, les relations de cette Abbesse avec l'Evêque de Genève étant alors assez tendues, ces lignes ne pourraient lui convenir. (3) Cette phrase est inédite.  136 Lettres de saint François de Sales  DCCXXXIV A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Comment témoigner la vraie fidélité à Notre-Seigneur. — Condition de la vie humaine. — Ce qui arrive entre les enfants des hommes. Annecy, 38 décembre [1611 (i).] Je ne doute point, ma très chère Fille, que vous ne soyes grandement exercée de diverses rencontres desplaysan- tes, sçachant une partie des sujetz qui vous en peuvent donner; mays en quoy, et quand, et comment pouvons nous tesmoigner la vraye fidélité que nous devons a Nostre Seigneur, qu'entre les tribulations, es contra- dictions et au tems des répugnances ? Cette vie est telle qu'il nous faut plus manger d'absynthe que de miel ; mais Celuy pour lequel nous avons résolu de nourrir la sainte patience au travers de toutes oppositions, nous donnera la consolation de son Saint Esprit en saison. ♦Heb., X, 35. Gardés bien, dit l'Apostre *, de perdre la confiance, par laquelle estans revigorés, vous souffrires et suppor- teres vaillamment le combat des afflictions, pour grand qu'il soit. J'ay esté certes marri quand j'ay sceu cette petite altération survenue entre les deux chers cousins, pour ce morceau de pain laissé par la pauvre M"" de N. (*) : ainsy arrive-il entre les enfans des hommes. ( i) Parle ton et aussi par les allusions, cette lettre semble avoir été adres- sé^e à M"* de la Fléchère. L'édition de i6a6 ne donne comme date que : « Le jour des Innocens. » Biaise {i8^}), Leifres, vol. II, p. 300, ajoute la date de i6n, disant l'avoir retrouvée ; mais comme il n'en fournit aucune preuve, elle nous paraît plus que douteuse, d'autant que son texte n'est pas pris sur l'Autogra- phe. La date de 161 1 que nous avançons, se déduit avec quelque probabilité de l'objet de la lettre. (Voir la note suivante.) (a) « La pauvre M"" de N. » pourrait être Françoise de Bellegarde, dame de Lambert. Celle-ci, en effet, décéda le 16 ou le 17 décembre 1611 (cf. ci- dessus, note (3), p. 133), laissant héritiers les seigneurs de Charmoisy et de la Fléchère. Cette particularité justifierait la date de l'année que nous attri- buons à cette lettre. La défunte, moins bien dotée apparemment que ses sœurs  I  Année 161 i  '37  Or sus, je suis pressé. Dieu nous donne la gfrace de bien et saintement commencer et passer cette nouvelle année prochaine ; que puissions nous, en icelle, sanctifier le saint nom de Jésus et faire profiter le sacré soin de nostre salut. Je suis immortellement tout vostre. Francs E. de Genève. Le jour des Innocens. aînées, laissait en e£fet « un morceau de pain, » dont le partage put amener la « petite altération entre les deux chers cousins, » Claude de Charmoisy et Claude-François de la Fléchère, ses neveux.  DCCXXXV  A LA MERE DE GHANTAL  ( INÉDITE ) Condescendance du Saint pour une Religieuse malade. — Promesse d'une visite à la Galerie pour le lendemain. Annecy, [1610-1611 i).J Voyla mon grand verre que j 'envoyé a nostre pauvre malade (*), affin qu'ell'y boive plus a souhait. Si je pouvois contribuer quelqu'autre chose a la récréation de son goust, je le ferois de tout mon cœur. Mays vous, ma très chère mt. (3) Fille, dites moy, je vous prie, sera-il mieux que je vous aille revoir demain matin pour assister au disner de cette grande fille, et encor de la Jaquemaz (4), sil y escheoit, ou que j'y aille (i) L'absence de l'appellation de « Mère, » qui revient dans la plupart des billets de 1613, le dîner auquel le Saint voulait assister, le ton d'intimité qui règne dans ces lignes, tout fait supposer qu'elles ont été écrites dans les premiers temps de l'Institut, de 1610 à 1611. (3) Sans doute la Soeur Favre, appelée plus bas « grande fille ». (3) Mienne toute? (4) Sœur Anne-Jacqueline Coste.  138 Lettres de saint François de Sales seulement après Vespres pour la voir souper ? Mon opi- nion est que ce soit après Vespres, par ce que j'auray plus de tems, comme j'espère, d'estre avec moy (je veux dire avec vous) et avec elle ; et Ihors j'adjousteray aux tablettes le mot qui manque, car j'ay grand'envie d^estr'un jour homme de parole. Revu sur l'Autographe appartenant à M"* Justine Magnin, à Saint-Michel de Maurienne (Savoie).  DCCXXXVI  A LA MEME  (inédite)  Une journée très occupée. — C'est Notre-Seigneur qui unit les cœurs indissolublement.  Annecy, [1610-161 1 (i).] Saches, ma très chère mienne Fille (mais vous le saves bien), que ça esté outre mon gré que j'ay passé cette journée sans vous voir. Toute la matinée s'en est allée en tracas, mais tracas nécessaire^ Soudain après disné, qui estoit le tems que j'avois réservé pour nostre cœur, mon bon cousin monsieur de Charmoysi m'est venu treuver jusques a troys heures, qui estoit le terme que j'avois promis d'aller parler en particulier avec les bonnes Dames de Sainte Claire, d'où je viens maintenant. C'est, de vray, un sevrement aux enfans de demeurer les jours entiers comme cela. O, Dieu nostre Sauveur nous soit a jamais toute chose ! C'est en luy et par luy que nostr'unique cœur est indivisible ; qu'a jamais puis- se-il tout vivre a son saint amour. Bonsoir, ma mienne très chère Fille ; mais bon soir (i) La date se déduit avec quelque probabilité de l'appellation exclusive de « Fille » et du long entretien avec M. de Charmoisy, banni en 1613,  Année i6ii 159 millions de foys. Conservés vous doucement et prenes le repos requis a nostre cors. Demain ce sera sans nulle faute, sil n'arrive de l'impossibilité. Mon Dieu, ma très chère mienne Fille, en fin, qui sommes nous, sinon ce que Nostre Seigneur a voulu que nous fussions ? Vive Jésus ! Amen. Revu sur l'Autographe appartenant à M. Coignet, château du Petit-Montreynaux, à La Tour-en-Jarret (Loire).  DCCXXXVII  A LA MEME  Les occupations du Saint privent la maison de la Galerie de ses entretiens. Une visite de la baronne de Thorens. — Charité délicate. Annecy, [1610-1611 (i).] Tirannisé de visites et entretiens importuns, me voyci a la fin du jour sans vous avoir veu, ma très chère Fille. J'excepte pourtant la visite de la petite seur (*), qui vient de me laisser maintenant, et laquelle m'a laissé avec bon goust, par ce que nous avons parlé de bonnes choses. Mais ne laisses pas, ma chère Fille toute mienne, de me faire sçavoir comme vous vous portes cett'apres disner et après souper, en peu de lignes, de peur de vous travailler. O, Dieu me donnera demain quelqu'heure pour vous voir. Croyes que ce ne sera pas si tost que je le souhaite. Vive Jésus ! Amen. Revu sur l'Autographe qui, en 1900, était conservé à Milan, dans l'oratoire de VAddolorata. ( I ) Ce que nous savons des maladies de la Mère de Chantai et l'appellation de « Mère, » qui parait simultanément avec celle de « Fille » dans presque tous les billets authentiques de 1613, persuadent cette date approximative, (a) La baronne de Thorens.  140 Lettres de saint François de Sales DCCXXXVIII A UNE DAME (0 Où se révèle l'amour pur de Notre-Seigneur et Tameurense fidélité à son service. — Laissons Dieu façonner notre cœur tout à son gré. — Cinq élé- vations propres à sanctifier les souffrances. — Pourquoi et comment faut-il recourir aux remèdes. — Profit spirituel de la maladie. [1610-1611.] Ma chère Fille, Laissons pour un peu la méditation (ce n'est que pour mieux sauter que nous reculons), et prattiquons bien cette sainte résignation et cet amour pur de Nostre Seigneur qui ne se prattique jamais si entièrement qu'emmi les tourmens ; car d'aymer Dieu dedans le sucre, les petitz enfans en feroyent bien autant, mais de l'aymer dedans l'absinthe, c'est la le coup de nostre amoureuse fidélité. De dire Vive Jésus sur la montaigne de Thabor, saint Pierre, tout grossier, en a bien le •Cf. Matt.jxvii, 4. courage*; mais de dire Vive Jésus sur le mont de Calvaire, cela n'appartient qu'a la Mère et a l'amoureux • Jean., XIX, 26. fidelle qui luy fut laissé pour enfant *. Or sus, ma Fille, voyés-vous, je vous recommande a Dieu pour obtenir pour vous cette sacrée patience, et n'est pas en mon pouvoir de luy proposer rien pour vous, sinon que tout a son gré, il façonne vostre cœur pour s'y loger et y régner éternellement; qu'il le façonne, dis-je, ou avec le marteau, ou avec le ciseau, ou avec le pinceau : c'est a luy d'en faire a son playsir, non pas, ma chère Fille ? faut-il pas faire ainsy ? Je sçai que vos douleurs se sont augmentées despuis ( I ) Même après de longues études comparatives, il est difficile de proposer une destinataire. La lettre pourrait s'adresser assez vraisemblablement à M"* de Travernay, mais aussi à M"^ de la Fléchère ou à M"" d'Aiguebelette, l'une et l'autre maladives ou souffrantes. Si elle a été écrite à l'une de ces trois personnes, la date approximative que nous lui attribuons paraît probable.  Année 1611 141 peu, et a mesme mesure le desplaysir que j'en ay ; bien qu'avec vous, je loue et bénis Nostre Seigneur de son bon playsir qu'il exerce en vous, vous faysant participer a sa sainte Croix et vous couronnant de sa couronne d'espines. Mais, ce me dites vous, vous ne pouves gueres arrester vostre pensée sur les travaux que Nostre Seigneur a souffertz pour vous, tandis que les douleurs vous pres- sent. Et bien, ma chère Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esle- viés, le plus fréquemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions : première- ment, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste ; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage ; troisiesmement, l'adjurant par le mérite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix ; quatries- mement, protestant que vous voules non seulement souf- frir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main ; cinquiesmement, invo- quant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde. Il n'y a nul danger a désirer du remède, ains il le faut soigneusement procurer ; car Dieu, qui vous a donné le mal, est aussi l'autheur des remèdes. Il faut donq les appliquer, avec telle résignation néanmoins, que si sa divine Majesté veut que le mal surmonte, vous y acquies- cerés ; s'il veut que le remède vainque, vous l'en benirés. Il n'y a point de danger, en faysant les exercices spirituelz, d'estre assise. Nullement, ma Fille; mais je dis pour beaucoup moins d'incommodités que celles que vous souffres. Mon Dieu, ma Fille, que vous estes heureuse si vous continues a vous tenir sous la main de Dieu, humblement, doucement et souplement! Ah! j'espère que ce mal de teste profïitera beaucoup a vostre cœur ; vostre cœur, dis-je, que le mien chérit d'un amour tout particulier.  142 Lettres de saint François de Sales C'est maintenant, ma Fille, que, plus que jamais et a très bonnes enseignes, vous pouves tesmoigner a nostre doux Sauveur que c'est de toute vostre affection que vous aves dit et dires : Vive Jésus ! Vive Jésus ! ma Fille, et qu'il règne parmi vos dou- leurs, puis que nous ne pouvons régner ni vivre que par celle de sa mort. Je suis en luy, tout entièrement vostre. Franc*, E. de Genève.  I  ANNEE 1612  DCCXXXIX  A LA MERE DE CHANTAL  Le baume sacré du nom de Jésus ; quels sont les cœurs qu'il pénètre de son parfum. — Pieuses aspirations. — Souhaits pour la Mère de Chantai. — Le mystère de la Circoncision. — Prière au « divin Poupon. » — La circoncision spirituelle.  Annecy, i*' janvier 1612(1). O Jésus, remplisses nostre cœur du bausme sacré de vostre nom divin *, affin que la suavité de son odeur se * Cf. Cant., i, 3. dilate en tous nos sens et se respande en toutes nos actions. Mays pour rendre ce cœur capable de recevoir une si douce liqueur, circoncisés-le et retranchés d'iceluy tout ce qui peut estre desaggreable a vos saintz yeux. O nom glorieux, que la bouche du Père céleste a nommé éternellement, soyés a jamais la superscription de nostre ame, affin que, comme vous estes Sauveur, elle soit éternellement sauvée. O Vierge sainte, qui, la première de toute la nature humaine, aves prononcé ce nom de salut, inspirés-nous la façon de le prononcer ainsy qu'il est convenable, affin que tout respire en nous le salut que vostre ventre nous a porté. Ma très chère Fille, il failloit escrire la première lettre de cette année a Nostre Seigneur et a Nostre Dame ; et voyci la seconde par laquelle, o ma Fille, je vous donne le bon an et dédie nostre cœur a la divine Bonté. Que puissions-nous tellement vivre cette année, (i) A cause de l'appellation de « Fille » donnée à la Mère de Chantai tout au long de cette lettre, et de l'allusion à un fait très caractéristique (voir la note tniTant*), la date proposée est la plus vraisemblable.  144 Lettres de saint François de Sales qu'elle nous serve de fondement pour l'année éternelle ! Du moins ce matin, sur le resveil, j'ay crié a nos oreilles : Vive Jésus ! et eusse bien voulu espandre cet huyle sacré sur toute la face de la terre. Quand un bausme est bien fermé dans une phiole, nul ne sçait discerner quelle liqueur c'est, sinon celuy qui l'y a mise ; mais quand on a ouvert la phiole et qu'on en a respandu quelques gouttes, chacun dit : C'est du bausme. Ma chère Fille, nostre cher petit Jésus estoit tout plein du bausme de salut, mays on ne le connoissoit pas, jusques a tant qu'avec ce couteau doucement cruel • Luc, II, 21. on a ouvert sa divine chair *; et Ihors on a conneu qu'il • Cant., 1, 1. est tout bausme et huyle respandu *, et que c'est le bausme de salut. C'est pourquoy saint Joseph et Nostre Dame, puis tout le voysinage commence a crier : Jésus, • Cf. Matt., 1, 21. qui veut dire Sauveur *. Playse a ce divin Poupon dé tremper nos cœurs dans son sang et les parfumer de son saint nom, affin que les roses des bons désirs que nous avons conceus soyent toutes pourprées de sa teinture et toutes odorantes de son unguent. Mon Dieu, ma Fille, que cette circoncision est a propos de nos petitz, mais grans renoncemens ! car c'est proprement une circoncision spirituelle ( ' ). Vostre très affectionné père et serviteur. Franc", E. de Genève. (i) « Le dernier jour de » l'année i6ii, écrit la Mère de Ch.z\iigy (Mémoi- res, etc., Partie II, chap. v), « notre Bienheureuse Mère commença à tenir le chapitre annuel, faire nomination des nouvelles officières et donner des aides, comme il se pratique aujourd'hui. » On commença aussi à changer « les me- « dailles, croix, chapeletz, images... entre les Seurs, » ainsi qu'il est marqué dans la Constitution v* des Religieuses de la Visitation. (Cf. tome VI, Appen- dice, pp. 452, 453.) Voilà, semble-t-il, la « circoncision spirituelle » dont parle le Saint au lendemain du jour où elle s'introduisit.  Année 1612 145 DCCXL A M. BÉNIGNE MILLETOT ( Souhaits de nouvel an. Annecy, i»' janvier 1612. Monsieur, A ce commencement de nouvelle année, je vous sup- plie de recevoir aggreablement le renouvellement des offres de mon bien humble service, qu'avec beaucoup d'affection, de sincérité et de reconnoissance je vous ay ci devant fait. Que si Nostre Seigneur exauce mes vœux, cet an vous sera l'an de prospérité, de contentement et de bénédiction sur vous, Monsieur, en vous et tout autour de vous, qui, par après, en verres une grande suite de pareilz, lesquelz en fin aboutiront a l'année éternelle, en laquelle vous jouires immortellement de l'Autheur de toute vraye prospérité et bénédiction. C'est le souhait. Monsieur, de Vostre très humble et très affectionné serviteur en Nostre Seigneur, Franc', E. de Genève. Le premier jour de l'an 1612. (i) Malgré le ton cérémonieux, cette lettre semble avoir été adressée à M. Milletot. C'est le destinataire le moins improbable que l'on puisse proposer.  Lettres V  146 Lettres de saint François de Sales DCCXLI AU PÈRE NICOLAS POLLIENS, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS ( ' ) Un « livret » dont le Saint aurait désiré avoir une copie. — Sa dévotion pour le bienheureux Pierre Favre et ce qn'il pensait de l'histoire de sa vie. Annecy, 10 janvier 1612. Mon Révérend Père, Il est bien tems que je vous rende le livret de la sainte Vie de nostre bienheureux Pierre Fa4)er(»). J'ay esté si consciencieux que je n'ay pas osé le faire transcrire, parce que, quand vous me l'envoyastes, vous m'en par- lastes comme chose qui estoit réservée pour encor a vostre Compaignie. J'eusse pourtant bien désiré d'avoir une copie d'une histoire de si grande pieté et d'un Saint auquel, pour tant de raysons, je suis et dois estre affec- tionné (3) ; car c'est la vérité que je n'ay pas la memoyre ferme pour les particularités de ce que je lis, ains seule- ment en commun. Mais je veux croire qu'en fin la Com- paignie se résoudra de ne faire pas moins d'honneur a ce ( I ) La présente lettre figure dans le procès-verbal d'une enquête sur le bienheureux Favre, ouverte à Annecy en i6a6, par l'officialité diocésaine. Le témoin qui en donne la teneur, la dit « adressée au Rd Pire Nicolas Polliens, recteur (sic) de la Compagnie de Jésus à Chambéry, datée du ro jan- vier 1612. » (Voir Traits inédits de la Vie de S* Fr. de Sales, diaprés les dépositions de son domestique (Annecy, 1878), p. 48, note A.) (2) Il est très probable que le Saint a voulu parler de la Vie latine du Bienheureux, par Orlandini, qui parut en 16 17 comme ouvrage posthume, sous le titre suivant : Vita Pétri Fabri, qui primus fuit Sociorum B. Ignatii Loyolce, Societatis Jesu, conscripta a Nicolao Orlandino ex eadem Societate. Logduni, snmptibus Pétri Rigaud, in vico Mercatorio, sub signo Fortunae, u.Dc.zvn. C'est sans doute le texte manuscrit de cet ouvrage qui circulait en 1613, mais comme « chose qui estoit réservée pour encor » à la Compagnie de Jésus. L'édition citée plus haut, qui semble jusqu'ici la première en date, porte une curieuse dédicace de Pierre Rigaud, l'éditeur, à François de Sales. (3) Dans V Introduction a la Vie dévote, Partie II, chap. xvi, saint François de Sales parle du « grand Pierre Favre » et de sa confiante piété à l'égard des saints Anges. C'est lui qui passe, à juste titre, pour avoir été le principal promoteur du culte public rendu en Savoie à l'illustre enfant du Villare^, culte que Pie IX ratifia et confirma par un décret, le 5 septembre 1872*  Année 1612 14^ premier compaignon de son Fondateur qu'elle en a fait aux autres. Que si bien sa vie, pour avoir esté courte et en un tems auquel on ne remarquoit si exactement toutes choses, ne peut pas tant fournir de matière a l'histoire comme celle de quelques autres, néanmoins ce qu'elle donnera ne sera que miel et sucre de dévotion. Le bon monsieur Faber, nostre médecin de cette ville (O, a despuis peu treuvé au Reposoir (*) une lettre de ce bienheureux Père, escfîtte de sa main, quej'ay esté consolé de voir et bayser (3). Mais en fin, je vous remercie de la charitable communication qu'il vous a pieu me faire, et vous supplie me continuer tous-jours celle de vos prières, puisque de tout mon cœur je suis, Mon Révérend Père, Vpstre humble et très affectionné confrère et serviteur, Franç% E. de Genève. Le 10 janvier 161 2. ( I ) Spectable Jean Favre, docteur en médecine, bourgeois d'Annecy, mais originaire du Villaret, fonda en 1600, de concert avec un autre Jean Favre, prêtre, une chapelle sur le lieu même où était jadis la maison du Bienheu- reux. Il mourut le 2 décembre 1625, à l'âge de soixante-douze ans. (Voir Mém. de l'Acad. Salés., 1883, tome VI, pp. 60 seq.; Reg. par. d'Annecy.) (2) Chartreuse établie en Faucigny, le 22 janvier 1151, sur un plateau qui domine le confluent des Forons du Col et de Vallon. Entre autres signa- tures, la charte de fondation porte celle du grand évêque de Genève, Ardu- cius, frère du donateur, Aimon de Faucigny. Ce seigneur, ses frères, ses enfants, et plus tard la famille de Savoie furent les bienfaiteurs insignes des Chartreux. La solitude enfoncée du site, les noires forêts qui l'entourent, les âpres montagnes qui l'encadrent rendaient le monastère très propice à la prière et plein d'attraits pour les âmes contemplatives. De ses quatre-vingt- cinq prieurs, son dernier historien a pu dire : « Il n'y a pas de taches, ou il n'y a que de rares taches légères sur cette légion de serviteurs de Dieu. » (Falconnet, La Chartreuse du Reposoir, Montreuil-sur-Mer, 1895, Mém. de VAcad. Salés. f tome XVIII, p. 557.) Après le bienheureux Jean d'Espagne, qui donna au monastère le nom de Reposoir et le gouverna le premier, de 1151 à 1160, on peut citer parmi les prieurs les plus connus : D. Christin de Sales, 14J3-1434; D. Mamert Favre, 1508-1523, et D. Claude Perrissin, 1522- 1547, ces deux derniers, oncle et cousin du bienheureux Pierre Favre. Sup- primée en 1793, restaurée en 1846, fermée de nouveau le 12 mars 1855, puis réouverte en 1863, la célèbre chartreuse a vu partir une troisième fois ses hôtes (septembre 1901), victimes de lois odieuses de proscription. (3) On trouvera l'histoire de cette lettre, avec sa teneur, dans l'ouvrage cité ci-dessus, note (2), pp. 594 seq. et 67a.  148 Lettres de saint François de Sales DCCXLII A M. ANTOINE DES HAYES Bons effets que les amis du Saint attribuaient à ses lettres. — M. de Granier. Le duc de Nemours ne désire pas céder son hôtel. Annecy, janvier 1612(1). Monsieur, Je loue Dieu de cette nouvelle santé, le retour de laquelle vous m'annonces par vostre lettre du 6 décem- bre, avant que j'aye eu aucune sorte d'advertissement de vostre maladie. Veuille cette bonté du Seigneur, qui vous a esté propice et a moy en vostre guerison, nous favoriser longuement de sa durée et d'une constante con- solation en cette sainte et douce amitié qu'elle a establie entre nous. Que si je sçavois que mes lettres eussent quelques secrettes vertus pour vous donner un bon por- tement, ainsy que vostre affection vous le fait estimer, croyés. Monsieur, que j'en escrirois jour et nuit, et ne vous escrirois point d'autre encre que celuy de mon sang, pour marquer des caractères si aymables et pretieux [desquels] les effectz me seroyent si chers et désirables. Ce grand Dieu, devant lequel je suis journellement offrant la divine Hostie de propitiation, sçait bien qu'en ce tems-la je luy nomme tous-jours vostre nom, avec l'humble recommandation. Si cela, comme je n'en doute point, a la force d'attirer les bénédictions divines de son sein paternel, je veux espérer qu'il vous en comblera. M. de Granyer (2) est allé, comme je pense, en Lan- guedoc, sans passer icy ou nous l'attendions, plus pour (i) Les rapports de cette lettre avec celle du 13 avril 161 1 (voir ci-dessus, p. 43) ne laissent aucun doute sur le destinataire. Il est difficile de préciser le quantième, mais la date est certainement anté- rieure au mois de mars, d'après la teneur de la lettre. D'autre part, l'allusion à celle du 6 décembre adressée au Saint par son correspondant, ne permet pas de la reculer au delà de janvier. La question de l'hôtel de Nemours con- firme encore la date que nous adoptons. (a) Denis de Granier (voir plus haut, p. 44).  I  Année 1612 149 apprendre les particularités des grâces et traitz de vostre faveur, que pour autres raysons, bien que je sçai qu'elles sont grandes. Ce que j'avois preveu de la volonté de Monseigneur de Nemours touchant son hostel, s'est treuvé plus que véritable (0 ; car, outre ce que j'avois considéré, il y a de plus qu'il n'est nullement hors d'occasion d'aller peut estre plus tost que je ne pense a Paris : vous pouvés bien penser pourquoy, mays je dis cecy entre nous deux. Son Altesse luy a promis de rechef d'effectuer le mariage ou devant caresme prenant, ou après Pasques (2) ; le tems d'après Pasques peut estre bien long.  (i) Voir ci-après, Lettres dccxlv, dccxlvi, et note (3), p, 154. (î) Le mariage avec Marie-Catherine, infante de Savoie (cf. plus haut, note (2), p. 79). La lettre du marquis de Lans, qui donnait cette nouvelle, fut lue le 19 décembre 161 1 au Conseil de ville d'Annecy. (Voir Ducis, Annecy et Us Ducs de Genevois, 1883, p. 48.)  DCCXLIII A LA MÈRE DE CHANTAL Les cieux et le soleil comparés à la chair du Sauveur. — Contemplation angélique et Communion eucharistique. — Une sentence du grand saint Antoine. — Pourquoi Dieu nous abaisse et se cache. Annecy, 17 janvier 1612 (i). Voyla M. Michel (») qui va un peu plus tost que l'or- dinaire, affin que vous puissies prendre vostre tablette au moins une heure avant disner. Mais, ma très chère Fille, toutes deux, ces prises que (i) La première édition donne la date de 1612 sans le quantième, mais l'allusion à la fête de saint Antoine abbé indique clairement que cette lettre est du 17 janvier. Toutefois, nous n'osons garantir la justesse de la date pour l'année, à cause de l'interpolation du texte (voir note (i), p. 151); celle de 161 r pourrait être aussi proposée avec quelque vraisemblance, vu l'état souf- frant de la Mère de Chantai. (Cf. plus haut, pp. la, i3.) (» ) M. Michel Favre (voir ci-dessus, note ( 1 ), p. 99).  150 Lettres de saint François de Sales vous feres, sont tablettes cordiales ; sur tout la première, composée de la plus excellente poudre qui fut jamais au monde. Ouy, ma chère Fille, car nostre Sauveur a pris • Gen., m, 19. nostre vraye chair, qui est en somme poudre* ; mais en luy, elle est si excellente, si pure, si sainte, que les cieux et le soleil ne sont que poussière au prix de cette poudre sacrée. Or, la tablette de la sainte Communion est cela mesme qui a esté mis en tablette, affin que nous la puis- sions mieux prendre ; bien que ce soit la très divine et très gfrande table que les Chérubins et Séraphins adorent et de laquelle Hz mangent par contemplation réelle , comme nous la mangeons par réelle Communion. O Dieu, quel bonheur que nostre amour, en attendant cette ma- nifeste union que nous aurons avec Nostre Seigneur au Ciel, s'unisse par ce mystère si admirablement a luy ! Ma très chère Fille, tenés vostre esprit en paix ; ne regardés d'où sa petite maladie luy vient, ni rie vous mettes nullement en peyne de le guérir, mays divertisses le tant qu'il vous sera possible de retourner sur soy mesme. Le grand saint Anthoine, duquel les intercessions ont une extraordinaire influence [sur] cette journée, vous fera, par la bonté de Dieu, lever demain toute brave. C'est une grande joye au cœur que vous aves icy, de s'imaginer ce gfrand Saint entre ses hermites, tirer du fond de son esprit dçs sentences graves et sacrées, et les prononcer avec une vénération incomparable comme des oracles du Ciel ; mais entr'autres, il me semble qu'il die a nostre ame ce qu'il disoit parmi ses disciples, priis •Luc, xn, ai. de l'Evangile* : Ne soy es en souci de vostre ame, ou pour vostre ame. Non, ma chère Fille, demeurés en paix, car Dieu, a qui elle est, la soulagera. Cependant, ma bienaymee Fille, je ne laysse pas, dans le fond de mon esprit, de prendre des saintes espérances qu'après que par ces petitz abandonnemens. Dieu nous aura espreuvé et exercé en la mortification intérieure, il ne nous vivifie par ses consolations sacrées. Il ne nous abbaisse, ce doux Amour de nostre cœur, que pour nous la; Luc.fî.'ç""'' eslever* : il se musse et cache, et regarde par le treil- * Cant., II, 9. lis * quelle contenance nous tenons. Hé ! Seigneur  Année 1612 151 Sauveur, j'entrevois, ce me semble, la clairté de vostre œil débonnaire qui nous promet le retour de vos rayons pour faire renaistre un beau printems en nostre terre *. 'Cant., n, ts. Ah ! ma Fille, nous en avons bien passé de plus aspres : pourquoy n'aurons-nous pas le cœur de surmonter en- cores cette difficulté ? Croyés, ma Fille, que je prie Nostre Seigneur pour vous avec tout nostre cœur ; car mon ame est collée a la vostre et je vous chéris comme mon ame, ainsy qu'il est dit de Jonathas et de David*. Dieu soit a jamais * l Reg., xvm, i. propice a ce cœur, tout voiié, tout dédié, tout consacré au céleste amour. (0  (i) Les éditeurs de 1626 ajoutaient à cette lettre, qui semble se terminer ici, deux alinéas que nous reproduisons à part, à la fin de l'année 1613. Ils paraissent interpolés, pour plusieurs raisons déduites du texte; mais il est moins facile de savoir si la date de 1613, donnée dans l'édition princeps, appartient à la présente lettre, ou aux deux alinéas que nous en avons détachés.  DCCXLIV  A MADAME FRANÇOISE BOURGEOIS PRIEURE DU PUITS-d'oRBE (')  L'appui des créatures et la protection de la providence divine. — Quand il nous arrive quelque chose contre notre gré, que faire ? — Jugements et manquements qui ne sont pas mortels. — Message.  Annecy, 20 janvier 161 2. Il ne m'arrivera jamais, ma très chère Seur, ma Fille, d'oublier vostre cœur, que le mien aymera perpétuelle- ment en Nostre Seigneur. Je vois par vostre lettre, que ( I ) Françoise Bourgeois de Crépy, plusieurs fois mentionnée au cours des lettres précédentes, était sœur de la présidente Brûlart et de l'Abbesse du Puits-d'Orbe (cf. tome XII, les notes i) des pp. 967, 371). Elle fit profession en 1597; quand la Communauté fut transférée à Châtillon-sur-Seine, le 31 dé- cembre 1619, Françoise l'y suivit, mais en i6ai elle se sépara de sa soeur Rose  152 Lettres de saint François de Sales vous ne vous appuyés pas asses en la sainte providence divine. Ma chère Fille, si elle retiroit vostre bonne seur (0, ce que nous devons espérer n'arriver pas si tost, vous ne laisseries pas pour cela d'estre sous la protection de ce très bon Père éternel qui vous couvriroit de ses •Cf. Pss. XVI, 8, aisles *. Nous serions misérables, ma Fille, si nous tvi, 2, Lx, 5. n'establissions nostre appuy en Dieu que par l'entremise des créatures que nous affectionnons. Mays avec cela, ma chère Seur, il ne se faut pas former des craintes inutiles; il suffira bien de recevoir les maux qui de tems en tems nous arrivent, sans les prévenir par • Cf. Matt., VI, uit. l'imagination *. Pour la charge que vous aves, c'est une tentation de n'y avoir pas l'amour requis pour le tems auquel vous y seres. Au contraire, je voudrois, et Dieu voudroit, que vous l'exerçassies gayement et amoureusement, et par ce moyen il auroit soin du désir que vous aves d'estre deschargee et le feroit reûscir en son tems ; car notés une fois pour toutes, qu'il ne faut jamais s'aheurter avec une de nos volontés, ains quand il nous arrive quelque chose contre nostre gré, il le faut accepter de bon cœur, quoy que de bon cœur on desirast que cela ne fust point ; et quand Nostre Seigneur voit que nous sommes ainsy souples, il condescend a nos intentions. J'escriray a vostre seur qu'elle vous face faire les servi- ces comme les autres, car cela est bon. Quand les pensées nous arrivent du mal d'autruy et que nous ne les rejettons pas promptement, ains nous y amusons quelque peu, pourveu que nous ne facions pas un jugement entier, disant en nous mesmes : Il est vrayement ainsy, ce n'est pas péché mortel ; quand bien nous dirions absolument : Il est ainsy, pourveu que ce ne fust pas en chose d'importance ; car, quand ce dequoy qui s'était révoltée contre Msf Zamet, son évêque. Toutefois, on voit par le Registre des Vaux et réceptions, que la destinataire mourut prieure dans ce même monastère, le 5 mars 164a. (Archiv. départ, delà Côte-d'Or, Puiis-tTOrbe.) C'est bien à elle que la lettre parait être adressée : les allusions à sa sœur malade, à sa charge de prieure, à la pension, à sainte Françoise sa patronne, ne permettent g^ère d'en douter. (i) Rose Bourgeois, abbesse du Monastère.  Année 1612 153 nous jugeons nostre prochain n'est pas chose griefve, ou que nous ne jugeons pas absolument, ce n'est que péché véniel. De mesme pour avoir omis quelque verset de l'Office ou quelque cérémonie, il n'y a que péché véniel. Et quand la mémoire de telle faute nous arrive après la confession, il n'est pas requis de retourner vers le con- fesseur pour aller a la Communion ; ains est bon de n'y retourner pas, mays le reserver a dire pour l'autre confes- sion suivante, affin de le dire si on s'en souvient. Tandis que vostre seur n'a pas voulu recevoir vostre pension, il n'y a eu nulle faute pour vous; mais ce sera chose bonne qu'elle la manie. Ma très chère Seur, il ne faut point perdre courage ; encor que vous ne prattiquiés pas si fidellement les reso- lutions que vous faites, vous deves fortifier vostre cœur pour en venir a l'exécution. Continués donq, très chère Seur, ma Fille, et ne cessés point d'invoquer Dieu et d'espérer en luy, et il vous fera abonder en ses bénédic- tions. Ainsy l'en supplie-je, par le mérite de sa Passion et les intercessions de sa Mère et de sainte Françoise. Nostre doux Sauveur soit donq avec vous, ma chère Seur, ma Fille, et je suis tout en luy, Vostre bien humble serviteur, Franc', E. de Genève. La bonne Mère de Chantai, qui est malade sans dan- ger ('), comme j'espère, vous salue de tout son cœur. Je la recommande a vos prières, et moy aussi, ma chère Seur, ma Fille. A Dieu. Le 20 janvier 161 2. ( I ) Cf. ci-après, Lettres dccliv, dcclv.  154 Lettres de saint François de Sales DCCXLV A M. PIERRE DE BÉRULLE M. de Marillac porteur d'nne lettre de M. de BéruUe. — Sympathies da Saint pour la Congrégation de l'Oratoire, — L'hôtel du duc de Nemours n'est pas libre.— > Offre de services et remerciements pour Tenvoi de deux livrets. Annecy, 20 janvier 1613. Monsieur, J'ay receu toutes les lettres que vous me marques par celle quil vous pleut m'addresser par les mains de monsieur de Marillac (0, et m'estonne comm'il est arrivé que vous n'ayes pas eu mes responses que j'ay quelquefois dupliquées, de peur de manquer au devoir que je vous ay et pour l'extrême contentement que je prens en la prattique de vostre sainte amitié. En toutes, je m'essayois de vous tesmoigner l'ardent désir que j'aurois de rendre quelque sorte de service pour l'érection, institution et avancement de vostre Congrégation (=), laquelle j'estime devoir estre un (sic) des plus fructueuses et apostoliques œuvres qui ayt esté faite en France, il y a long tems. Mays, Monsieur, je voy bien que je n'auray pas ce bon- heur d'y contribuer chose quelcomque, sinon mes bons souhaitz et mes vœux ; car, quant a l'hostel de Nemours (3), il n'en faut nullement parler, puisque Monseigneur de (i) Né en 157a, Louis de Marillac, comte de Beaumont-le-Roger, gentil- homme de Henri IV, ambassadeur en Savoie, à Mantoue, Florence, Venise eu 161 1, chargé en 1616 de diverses négociations, devint Tannée suivante com- missaire général des armées de Louis XIII. Maréchal de camp au siège de Montauban, où il fut blessé (1621), nommé en 1635 lieutenant-général des évéchés de Metz, Toul, Verdun, et enfin maréchal de France, il encourut la disgrâce de Richelieu, qui le fit arrêter en Piémont dans les derniers mois de 1630, et décapiter à Paris, sur la place de Grève, le 8 mai^ 1633. Après la mort du Cardinal, on réhabilita sa mémoire. La vénéraJ^leT.ouise de Marillac était sa nièce. (3) Voir le tome précédent, note (i), p. 307. (3) Cet hôtel occupait le quartier actuel du Quai des Augustins. Construit sons François I*"", il devint plus tard, par donation de Henri II, la propriété des ducs de Nemours. Depuis 1614, le prince Henri en fit sa demeure habi- tuelle ; c'est sans doute en prévision de son futur séjour à Paris, qu'il refusait de céder son hôtel à la Congrégation naissante de M. de BéruUe. (Cf. la lettre spivante, et ci-dessus, p. 149.)  Année 1612  «55  Nemours fait profession expresse, et de ne vouloir jamais se retirer du toiit de France, et d'avoir cette commodité de mayson, plus prœtieuse que tout'autre chose. Monsieur de Marrillac passa loin d'icy une journée et m'envoya homm'expres qui m'apporta vostre lettre, sur laquelle j'en escrivis un'autre a un de mes amis (0 qui a g^and part au maniment des affaires de ce Prince, af&n quil servit monsieur de Marillac en cett'occasion. Mays l'homme qui la porta n'arriva pas asses tost pour treuver ledit seigneur de Marillac qui passoit en diligence ; car cet amy a qui j'avois escrit, m'a veu despuis et m'a dit quil avoit parlé avec luy, sans que pourtant il tesmoi- gnast d'avoir aucun'affaire de luy. Voyla comment je vous ay en tout et par tout esté inutile, mays certes je n'ay esté ni seray jamais sinon très affectionné, mesm'en ce dessein qui est tant a la gloire de Nostre Seigneur et avancement de la pieté. Si donques il se presentoit jamais occasion de vous rendre service, ne laisses pas, je vous supplie, de m'employer en qualité, Monsieur, de Vostre très asseuré e^ humble serviteur, Francs E. de Genève. XX janvier 1012, a Neci. Monsieur, j'ay voirement receu les deux livretz (») qui me furent renduz par monsieur de Sauzea(3), et pleut a Dieu que vostre commodité fut de m'en envoyer encor deux autres, car je les employerois utilement. A Monsieur Monsieur de BeruUe. Revu sur TAutographe conservé à Paris, au Carmel de la. rue Denfert-Rochereau. ( I ) Ce que nous savons de Charles Chaliveaa, seigneur de la Bretonnière (voir tome Xll, note ( i ), p. 314], et de la confiance très particulière dont il jouissait auprès du dUc de Nemours, persuade qu'il s'agit ici de ce personnage. (a) Ces « deux livretz » seraient-ils le Règlement de la Congrégation de r Oratoire et le Plan de Retraite spirituelle, opuscules composés k cette époque par M. de Pérulle ? ( 3 ) Voir tome XIII, note ( i ), p. ayi.  156 Lettres de saint François de Sales  DCCXLVI A MADEMOISELLE ACARIE La sainte bienveillance d'une Bienheureuse pour l'Evêque de Genève. — Pour- quoi aurait-il désiré faire le \oyage de Paris? — Sentiment de François de Sales sur l'Oratoire naissant : regrets de n'avoir pu prêter son concours à M. de Bérulle. — Souhaits pour la nouvelle Congrégation. Annecy, 21 janvier 1612. Madamoyselle, Croyes, je vous supplie, que je ressens tous-jours une très particulière consolation quand vous me faites le bien de m'envoyer de vos nouvelles et de m'asseurer de vostre sainte bienveuillance. Si vous m'aves souhaité par delà, j'ay bien correspondu de mon costé, estimant que un voyage seroit grandement utile, non aux autres, mays a moy qui, par la conférence que j'aurois avec tant de gens de bien, rafraichirois les resolutions et l'esprit qui m'est nécessaire en ma vocation. J'eusse désiré plus quil ne se peut dire, d'estre utile au service de la sainte Congrégation qui esclost maintenant sous la direction de monsieur de Berulle(0, laquelle j'ay opinion devoir estre l'une des plus fructueuses qui ayt jamais esté a Paris ; mais je ne puis en point de façon, Nostre Seigneur ne m'en treuvant pas digne, et l'affaire pour laquelle ledit seigneur BeruUe m'escrivit, impossi- ble, a laquelle néanmoins j'eusse volontier contribué tout mon pouvoir, sil y eut eu apparence de la voir reuscir ( * ). Dieu, qui par sa miséricorde est autheur de cette bénite assemblée, la logera, la protégera et dilatera pour le salut et perfection de plusieurs. Ainsy l'en supplie-je, et quil vous face de plus en plus abonder en son saint amour, ( I ) La Congrégation de l'Oratoire. (1) « L'affaire » en question, est celle de l'hôtel du duc de Nemours. (Voir la lettre précédente.)  i  Akkée i6i3 1^7 auquel je vous supplie de me recommander continuelle- ment, comme une personne qui est a [jamais], Madamoyselle, (0 XXI janvier 1612, a Neci, ou je suis aussi plus humble serviteur de monsieur vostre mari (2) et de monsieur vostre filz (3). A Madamoyselle Madamoyselle Acarie. — A Paris. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, au Carmel de la rue Denfert-Rochereau. ( I ] La signature a été coupée dans l'Autographe. (2) Pierre Acarie, fils unique de Marguerite Cantin et de Simon Acarie, conseiller du roi et général de ses aides à Paris, devint, à la mort de son père, vicomte de Villemor, seigneur de Montberrault, etc. Il fit ses études au collège de Navarre, son droit à Orléans, et le 24 août 1583, il épousa Barbe Avrillot qui lui donna six enfants. (Voir tome XIII, note ( i), p. 153.) M. Acarie rendit de grands services à la Ligue, ce qui le fit exiler en 1594 à la chartreuse de Bourgfontaine. Mais sa notoriété lui vient surtout de sa sainte compagne ; comme il l'avait prévu en plaisantant (voir ibid., note ( i ), p. 341, in fine), c'est principalement à cause d'elle qu'il est parlé de lui. Souvent il mit sa patience i l'épreuve ; mais s'il était d'humeur contrariante, ne faut-il pas lui savoir gré d'avoir ouvert sa porte sans mauvaise grâce à tant de visiteurs qui ne venaient pas pour lui, attirés par des vertus et des lumières qui éclipsaient les siennes ? Pierre Acarie mourut très chrétiennement à Ivry, le 17 novembre 1613, après avoir recommandé à ses enfants de beaucoup respecter leur mère. (Voir les historiens de la bienheureuse Marie de l'Incarnation.) (3) Le Saint désigne sans doute ici l'aîné des fils, Nicolas. Elève du collège de Clermont et ensuite du collège de Calvy, il termina ses études à celui de Navarre. Il figure comme témoin à Annecy, dans un acte de donation faite en faveur de Bernard de Sales, au logis du saint Evêque, le la décembre 1603. (Archives du comte de Roussy de Sales.) On sait, en effet, que sa mère le lui avait confié pour qu'il étudiât le droit, à l'école du président Favre. (Cf. tome XIII, note ( i), p. 153) Durant son séjour en cette ville, il fut « faulse- ment accusé d'avoir publié un libelle diffamatoire, et... sans estre ouy, » le procès fut jugé à son désavantage en la maison du Bienheureux, lequel en reçut « un très grand et cuysant desplaisir. » (Process. remiss. Grbenn. (I), dépositions de François Favre et de Georges Rolland, ad art. 31.) Marié du vivant de son père, Nicolas donna plus tard quelque inquiétude à M"" Acarie, mais ces alarmes ne furent que passagères. François de Sales, écrivant après son voyage de Paris (1619) à l'une des filles de la Bienheureuse, lui disait à propos de ses trois frères qu'il avait revus : « J'ay eu... le contentement d'avoir « reconneu en leurs âmes des grandes marques du soin que le Saint Esprit a « d'eux. » Nicolas hérita des titres paternels; dans le Procès de béatification de sa mère, il est qualifié de << gentilhomme attaché à la cour de Louis XIII et maître des eaux et forêts de Champagne. » (Voir Boucher, édition Bouix, 1873, Vie de la B" Marie de r Incarnation.)  içS Lettres de saint François de Sales DCCXLVII A LA MÈRE DE CHANTAL (0 Entre les deux Fondateurs, il n'y avait « ni second, ni premier. » — Modèle d'exhortation destinée à des prétendantes avant leur vêture. — Ce qu'on enseigne aux Novices. — Sœur Jeanne-Charlotte de Bréchard leur maîtresse ; obéissance qu'on lui doit. — Une illusion que les Novices ne sauraient avoir. Annecy, 24 janvier 1612 (a). Je vous seconderay le plus doucement quil me sera possible, ma très chère Fille, en vostré juste intention, bien qu'entre nous il ny a ni second ni premier, ains un (sic) simple unité. Ce matin, m'estant es veillé un peu a bonn'heure, j'ay pensé que peut estre il seroit a propos demain, qu'avant que de venir a la sainte Messe, vous fissies appeller toutes nos filles vers vous, et puis que vous fissies venir les deux qui doivent estre receûes (3), et qu'en présence des autres, vous leur dissies trois ou quatre paroles en ce sens : « Vous nous aves demandé d'estre receûes entre nous pour y servir Dieu en unité de mesm'esprit et de mesme volonté; et, esperans en la Bonté divine que vous vous rendres bien afi"ectionnees a ce dessein, nous sommes pour vous recevoir ce matin au nombre de nos Seurs novices, pour, selon l'avancement que vous feres en la vertu, vous recevoir par après aux oblations, dans le tems que nous aviserons. Mays, avant que de passer plus outre, {i) Hérissant, Vives et Migne donnaient pour adresse, le premier, A une Supérieure de la Visitation, les deux autres, A la Mère Favre. L'erreur de' ceux-ci est évidente. (2) Sœur Marie-Aimée de Blonay prit l'habit avec Sœur Claude-Ag^ès Joly de la Roche, le aj janvier 1612 ; le 31 décembre précédent, au Chapitre, Sœur Jeanne-Charlotte de Bréchard avait été nommée Directrice du Noviciat (cf. note ( I ), p. 144). De ces deux faits, on déduit la date avec certitude. (3) MM"^' de Blonay et de la Roche. Les notices de cçs « prétendantes (i) » seront données dans la suite de la correspondance du Saint.  (i) Terme usité dans l'Institut de la Visitation pour désigner celles qui aspirent à revêtir l'habit religieux.  Année 1612  59  penses bien derechef en vous mesme a l'importance de ce que vous entreprenes ; car il seroit bien mieux de n'en- trer pas parmi nous, qu'après y estr 'entrées donner quel- qu'occasion de n'estre point receues aux oblations. Que si vous aves bonne volonté, vous deves espérer que Dieu vous favorisera. « Or, entrant céans, saches que nous ne vous y recevons que pour vous enseigner, tant que nous pourrons, par exemple et advertissemens, a crucifier vostre cors par la mortification de vos sens et appetitz de vos passions, humeurs, inclinations et propres volontés, en sorte que tout cela soit désormais sujet a la loy de Dieu et aux Règles de cette Congrégation *. Et a cet efifect, nous avons •Cf.Constu.xxxiu, commis la peyne et le soin particulier de vous exercer et ' " "'"^''■*'^'- instruire a ma Seur de Brechard ( ' ) ci présente, a laquelle partant vous seres obéissantes, et l'escouteres avec res- pect et tel honneur, qu'on connoisse que ce n'est pas pour la créature que vous vous sous-mettes a la créature, mays pour l'amour du Créateur que vous reconnoisses en la créature. Et quand nous commettrions un'autre pour estre vostre Maistresse, quelle qu'elle fut, vous devries luy obéir avec toute humilité pour la mesme rayson, sans regarder en la face de celle qui vous gouvernera, mais en la face de Dieu qui l'a ainsy ordonné. « Vous entreres donques en cett'escole de nostre Con- grégation, pour apprendre a bien porter la croix de Nostre Seigneur, par abnégation, renoncement de vous mesme *, «Cf. Matt., xvi, 24. résignation de vos volontés, mortification de vos sens *. 'Cf. Constit. xliv, Et moy je vous cheriray cordialement comme vostre seur, mère et servante ; toutes nos Seurs vous tiendront pour leurs seurs très aymees, et ce pendant vous aures ma Seur de Brechar (sic) pQur Maistresse, a laquelle vous obeires, et suivres ses advertissemens avec l'humilité, sincérité et simplicité que Nostre Seigneur requiert en toutes celles qui se rangent en cette Congrégation. Vous vous trom- peries bien si vous pensies estre venues pour avoir plus grand repos qu'au monde, car au contraire, nous ne (i) Cf. note (a), de la page précédente.  De rentrée des No- vices.  i6o Lettres de saint François de Sales sommes icy assemblées que pour travailler diligemment a desraciner nos mauvaises inclinations, corriger nos defautz, acquérir les vertus ; mays bienheureux est le travail qui nous donnera le repos éternel ( O. » Or, je ne dis pas, ma chère Fille, que vous disies ni ces paroles, ni tout ceci, mays ce que vous verres a propos, plus pour l'édification et réveil des autres, que pour celle (sic) ci. Je treuverois en cor bon qu'après que vous aures tiré quelque promesse d'elles, qu'elles se com- porteront bien, vous adjoustassies : « Bénites seront celles qui vous donneront bon exem- ple et qui vous consoleront en vostre entreprise. Amen. » Voyla ce que j'ay pensé, si vous estimes a propos. Bon soir, ma très chère Mère, ma Fille vrayment mienne. Vive Jésus et Marie! Amen. Je me porte fort bien. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Aurillac. (i) Dans ce projet d'exhortation, se trouve tout un idéal de vie religieuse dont les contemporains du saint Fondateur virent, et de très bonne heure, la haute portée. L'un d'entre eux, bon juge en la matière, doni Sens de Sainte-Catherine, lui écrivait le 3 février suivant : « Quand je considère vostre Congrégation devant Dieu, je la vois aussi haute en amour comme vous l'avez faite profonde en humilité. » (Voir la lettre à l'Appendice.)  DCCXLVIII A LA MÊME Le très grand saint Paul. — Un désir du Saint. — Pourquoi Dieu soustrnlt ses douceurs. — Prière à Jésus. — A quelle classe de personnes la douce charité profite davantage. Annecy, 25 janvier 1612 (t). Le très grand et miraculeux saint Paul nous a res- veillés de grand matin, ma très chère Fille, si fort il s'est escrié aux oreilles de mon cœur et du vostre : • Act., IX, 6. Seigneur, que voules vous que je fasse * ? Ma très (i ) La date de 161 1, donnée par l'édition de i6a6 et les suivantes, est con- tredite par le titre de « Mère » que le Saint ne donnait pas encore à sa fille  ANNéÊ 1612 161 chère Mère et toute chère Fille, quand sera-ce que, tous mortz devant Dieu, nous revivrons a cette nouvelle vie * * Cf. Coloss., m, 3. en laquelle nous ne voudrons plus rien faire, ains laisse- rons vouloir a Dieu tout ce qu'il nous faudra faire, et lais- serons agir sa volonté vivante sur la nostre toute morte ? Or sus, ma chère Fille, tenés vous bien a Dieu ; consa- crés luy vos travaux, attendes en patience le retour de vostre beau soleil. Ah ! Dieu ne nous a pas forclos de la jouissance de sa douceur, il l'a seulement soustraite pour un peu, affin que nous vivions a luy * et pour luy, et non 'Cf. II Cor., v, 15. pour ses suavités ; afifin que nos Seurs travaillées treuvent chez nous un secours compatissant et un support suave et amoureux; affin que, d'un cœur tant escorché, mort et matté, il reçoive l'odeur aggreable d'un saint holocauste. O Seigneur Jésus, par vostre tristesse incomparable, par la désolation nompareille qui occupa vostre cœur divin au mont 01ivet*et sur la croix**, et par la désola- 'Ma't-.^xvi.jy.jS; ' ^ Luc, XXII, 43. tion de vostre chère Mère, qu'elle eut tandis qu'elle fut "Matt., xxvn, 46. privée de vostre présence, soyés la joye, ou au moins la force de cette fille, quand vostre Croix et Passion est très uniquement conjointe a son ame. Je vous envoyé cet eslan de nostre cœur, ma très chère Fille, que le grand saint Paul bénisse. Je pense qu'il vous faut caresser la seur de nostre Seur N. (0, car en fin la douce charité est la vertu qui respand le bon odeur edificatif, et les personnes moins eslevees la reçoivent avec plus de prouffit. spirituelle, et par l'absence de toute allusion à l'état très souffrant de celle-ci. Par contre, toute la lettre concorde mieux avec 1612, et en particulier, la mention qui s'y trouve de la « seur de nostre Seur N. », inexplicable en 161 1. La date proposée est donc bien plus probable. (i) Il s'agit très vraisemblablement de Marie-Antoine, sœur de Claude- Marie Thiollier (voir ci-dessus, note ( i ), p. 13), qui prit l'habit le 21 novem- bre 1612 et fit profession le 25 janvier 1614; ce fut la première de l'Institut reçue comme Sœur domestique. Elle accompagna les fondatrices de Grenoble (4 avril 1618) et mourut dans ce monastère le n décembre 1648, au rang des Sœurs associées, âgée d'environ soixante-dix ans. « Fidelle a la practique de toutes les vertus, elle en estoit un vray modelle, sur tout en celles de l'iiumilité, simplicité, suport du prochain et abnégation d'elle mci>mo. » (Livre du Couvent, du ï" Monastère de la Visitation d'Annecy.)  LiTTKiS V  i63 Lettres de saint François de Sales  DCCXLIX A LA MÊME (billet inédit) Une résolution finale à prendre pour l'emplacement de l'oratoire de la Visitation. Annecy, [janvier-février] 1612 (i). Le Père Jaques (* ) vous ira revoir demain, ma très chère Mère, justement a sept heures de matin, pour prendre resolution finale. Il gouste aucunement qu'on face l'oratoire en la grande tour, ainsy quil vous dira plus amplement ; et moy, je ne vous diray plus sinon bon soir, pour ce coup. Bonsoir donq, ma très chère et très bonne vraye Mère. Dieu vous conserve et rende toute sainte. Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Lonvier, curé des Pontets (Doubs). (i) La mention du « Père Jaques » (voir la note suivante) prouve que ce billet est antérieur au 18 mai 1612, et d'autre part, ce n'est qu'en 1612 que commencèrent les premières démarches relatives à l'installation de la Com- munauté dans la maison Nicollin. Sans exclure la fin d'avril ou le commen- cement de mai, nous proposons les mois de janvier-février, car le Saint fut absent d'Annecy durant le Carême de 1612, soit du 7 mars au 25 avril. (2) Dans les Registres paroissiaux de Saint-Maurice d'Annecy, on lit sous la date du 18 mai 1612 : « A Saint Dominique, R. frère Jacquier fitVj Jaes, prieur dudit Convent, » a reçu la sépulture. Ce Prieur est sans doute le « Père Jaques » qui devait faire visite à la Mère de Chantai. On verra dans la suite, que les deux Fondateurs durent ménager plus d'une fois les susceptibilités de leurs voisins.  Année 1612 165  DCCL A LA MÊME Un remède souverain : les prières de la Mère de Chantai et la relique de sainte Apolline. — Preuve sensible de la communion des Saints. Annecy, 9 février 1612. Ma très chère Fille, Voyla vostre sacré remède que je puis dire m'a voir esté souverain ('), puisque Dieu a agi avec moy selon vostre foy, vostre espérance et vostre charité, et je dois confesser a la gloire de Jésus Christ et de sa sainte Espouse, que je ne croyois pas de pouvoir dire Messe aujourd'huy a cause de la grande enflure de ma joue et du dedans de ma bouche ; mais, m'estant appuyé sur mon prie Dieu et ayant posé la relique sur ma joue, j'ay dit : « Mon Dieu, qu'il me soit fait comme mes filles le dési- rent, si c'est vostre sainte volonté ; » et tout aussi tost, mon mal a cessé. Nostre Seigneur m'a donné pendant ce tems-la plusieurs bonnes pensées sur le ruminement que la sainte Espouse dit qu'elle faysoit entre ses dens *. * Cant., vu, o. Cf. » . , , , , ,. . . j TraittéderÀm.de Au sortir de la, chacun ma dit que ma joué estoit desen- Dieu, liv.vi, ch. n flee, et je le sentois fort bien moy mesme. ^*°'"' ' ^' ^'°'* O vive Dieu ! ma Fille, il est admirable en ses saintes espouses et en tous ses Satnt\ *. Il a voulu que ce mal ' Ps. lxvii, ult. me soit venu aujourd'huy, pour nous faire honnorer son espouse ApoUonie et pour nous donner une preuve sen- sible de la communion des Saintz. Revu sur un ancien Ms. de Y Année Sainte, conservé à la Visitation d'Annecy. (i) « Le neuvième jour [de février] de l'année i6ia, saint François de Sales estant ateint d'une grande douleur de dens, nôtre vénérable Mère lui envoia un linge qui avoit touché les reliques de sainte Apolonie, et le pria de l'apli- quer sur sa joue malade, pendant que toute la Comunauté aloit prier pouf optenir sa guerison. Sur le soir de ce même jour, le Bien-heureux lui renvoia le linge avec » le présent billet. (Ancien Ms. de V Année Sainte.)  164 Lettres de saint François de Sales DCCLI A LA PRÉSIDENTE BKULART ( ' )  Ce qui rend profitable la nourriture corporelle et spirituelle. — Sentiments d'humilité proposés à une âme privée de la Communion fréquente.— Sentir qu'on est tout à Dieu et « en train de Torayson » ne dispense pas de s'exercer aux vertus et de mortifier ses passions. Annecy, 11 février 1612. Vous aves maintenant, ma très chère Fille, ma res- ponse a la lettre que [M""* de Chantai] m'apporta (») ; et voyci celle que je fay a la vostre du quatorziesme janvier. Vous aves bien fait d'obéir a vostre confesseur, soit qu'il vous ayt retranché la consolation de communier souvent pour vous espreuver, soit qu'il l'ayt fait parce que vous n'avies pas asses de soin de vous corriger de vostre impatience. Et moy, je croy qu'il l'a fait pour l'un et l'autre, et que vous devés persévérer en cette pénitence tant qu'il vous l'ordonnera, puisque vous aves tout sujet de croire qu'il ne fait rien qu'avec une juste considération. Et si vous obéisses humblement, une Communion vous sera plus utile en effect que deux et troys faites autre- ment ; car il n'y a rien qui nous rende la viande si prouf- fitable, que de la prendre avec appétit et après l'exercice. Or, la retardation vous donnera l'appétit plus grand, et l'exercice que vous feres a mortifier vostre impatience revigorera vostre estomach spirituel. Humiliés-vous cependant doucement, et faites souvent ( I ) Les conseils et les recommandations de la lettre, l'allusion à « la bonne Car- meline, » désignent assez clairement la présidente Brûlart comme destinataire. (2) En reprenant l'étude de la Lettre dlxxxviii, donnée sous toutes réserves au tome précédent, p. 277, avec la date « vers le 20 avril 1610, » il nous a paru qu'elle était plutôt de la fin de décembre i6ri, ou de janvier i6n. Cette même lettre est probablement la « response » à celle de la destinataire, men- tionnée ici par le Saint et apportée par la Mère de Chantai à son retour de Bourgogne (24 décembre 161 1).  Année 1612 165 l'acte de l'amour de vostre propre abjection. Demeurés pour un peu en la posture de la Chananee : Ouy, Sei- gneur, je ne suis pas digne * de manger le pain des • Matt., vm, 8. enfans ; je suis vrayement une chienne qui rechigne et mords le prochain sans propos, par mes paroles d'impa- tience ; mais si les chiens ne mangent le pain entier, au moins [ont-ilz] les miettes de la table de leurs maistres *. Ainsy, o mon doux Maistre, je vous demande, • ibid., xv, a6, 17. sinon vostre digne Cors, au moins les bénédictions qu'il respand sur ceux qui en approchent par amour. C'est le sentiment que vous pourrés faire, ma très chère Fille, es jours que vous soulies communier et que vous ne communieres pas. Le sentiment que vous aves d'estre toute a Dieu n'est point trompeur ; mais il requiert que vous vous amusiés un peu plus a l'exercice des vertus et que vous ayés un soin spécial d'acquérir celles esquelles vous vous treuves plus défaillante. Relises le Combat spirituel et faites une spéciale attention aux documens qui y sont : il vous sera fort a propos. Les sentimens de l'orayson sont bons, mais il ne faut pas pourtant s'y complaire tellement, qu'on ne s'employe diligemment aux vertus et mortifi- cation des passions. Je prie tous-jours pour la bonne issue des chères filles (0. De vray, puisque vous estes en train de l'oray- son et que la bonne Carmeline (*) vous assiste, il suffit. Je me recommande a ses prières et aux vostres, et suis sans fin ni reserve, très parfaitement vostre. Vive Jésus ! Amen. Ce 1 1 février 1 6 1 2 . (i) Les filles de la destinataire (voir le tome précédent, note (a), p. 134), et plus particulièrement, sans doute, Madeleine et Françoise. (Cf. ibid., pp. 278, 379, et ci-dessus, p. 24.) (2) C'est la Mère Louise de Jésus, qui était vraisemblablement prieure en 1612 du Monastère de Dijon. (Voir le tome précédent, note (i), p. 41.)  i66 Lettres de saint François de Sales DCCLII A LA REINE MÈRE, MARIE DE MÉDICIS (0 (minute) L'ambassadeur de l'Evêque de Genève et du petit peuple catholique de Gex auprès de la reine mère. Annecy, 12 février 161 a. Madame, Ce porteur est le prédicateur ordinaire de Gex, Reli- gieux fort zélé, dévot, discret, extrêmement sortable au lieu et a la cause qu'il sert (»). Ce petit peuple catholi- que et moy le présentons en toute humilité a Vostre Majesté comme un cahier animé, contenant les moyens plus convenables pour la réduction de ceux de la religion prétendue et pour l'accroissement de la foy catholique au bailliage de Gex(3) ; affin que, si tel est le bon playsir (i) C'est la première fois que le Saint écrit à Marie de Médicis, ou du moins, c'est la première lettre qui nous soit connue. On verra dans la suite de la correspondance, que l'Evêque de Genève eut à se louer de sa bienveillance et de sa protection. (a ) Selon toute apparence, ce Religieux est un Capucin. Serait-ce le P. Fran- çois de Chambéry f Ses talents et ses vertus le désignaient pour cette mission, délicate. (Cf. ci-dessus, p. 139.) On peut proposer encore, et même avec plus de probabilité, le P. Diègue de la Cité-Neuve (Marche d'Ancône), issu d'une famille distinguée, du nom de Luchetti. Profès dès 1595, il mourut en septembre 1638. Sa charge de Custode pour la mission du Chablais, assez semblable à celle d'un Préfet apostolique, lui donnait en 1613 beaucoup de crédit. Estimé des Papes et des rois, con- sidéré des protestants eux-mêmes, il se dévoua plus de trente ans à la mission qui enserrait les environs de Genève et pénétrait souvent la grande cité. Le zèle patient et désintéressé du P. Diègue, sa vie austère, son humeur affable et enjouée, le rendaient en effet « extrêmement sortable » à la cause qu'il avait à défendre et en faisaient « comme un cahier animé. » (Voir Nécroïog^ et Annales biographiques des FF. Mineurs Capucins de Savoie, 1611-1903, par le P. Eugène de Bellevaux.) (3) D'après le P. Charles de Genève (Hist. abrégée des Missions des PP. Capucins de Savoye , Chambéry, 1867), « la Reyne régente octroya » anz PP. Capucins de Gex, « plusieurs privilèges, » par lettres patentes du a6 avril 1613. Ne faudrait-il pas voir dans ces concessions, l'un des résultats de la présente lettre et de la mission du Religieux qui la portait ?  Année 1612 167 de Vostre Majesté, dont je la supplie très humblement, elle en sçache par luy toutes les particularités plus clairement. Et tandis, j'invoqueray Nostre Seigneur a ce qu'il soit la couronne et la gloire de Vostre Majesté au Ciel et en la terre, selon le continuel désir, Madame, de Vostre très humble, très obéissant et très fidelle orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. A Neci, le 12 février 161 2.  DCCLIII A M. JEAN DE CHATILLON Une pauvre demoiselle recommandée à la Sainte-Maison de Thonon. Annecy, 14 février 1612 (i). Monsieur, Cette pauvre damoyselle desireroit que la Sainte Mayson fit l'une de ses aumosnes pour la retraite d'un de ses enfans (>), selon que quelques uns des Pères de la Mission (3) luy ont donné espérance qu'elle le pourroit impetrer. Sa qualité et extrême nécessité la me rend recommandable ; c'est pourquoy, autant que je puis, je (i) Cette lettre est-elle de i6n ou de 1623? L'examen de l'Autographe ne suffirait pas à le décider, mais la comparaison du texte avec celui de la lettre du 15 mai 1611 au même destinataire (voir p. 58) permet de conclure en faveur de i6ia, faute de preuves certaines contre cette date. (a) Il y avait à la Sainte-Maison deux abris pour les enfants : le Séminaire, destiné à ceux qui étaient « privés de fortune et doués de talents; » les « rudes et les grossieis » étaient envoyés « à l'auberge des Arts. » (Cf. Mém. de rAcad. Salés., 1883, tome V, p. 363.) (3) Les couvents et les Capucins de Savoie, qui relevaient de la Province de Lyon, dite de Saint-Bonaventure , en furent distraits, an mois d'avril i6ri, pour former une Province indépendante. Elle fut appelée d'un nom qui désignait le principal théâtre de leurs travaux apostoliques : Province des Capucins de la Mission de Thonon.  i68 Lettres de saint François de Sales la vous recommande aussi^ et priant Dieu quil vous bénisse, je suis, Monsieur, Vostre humble, très affectionné confrère, France E. de Genève. XIIII febvrier 1612, a Neci. A Monsieur, Monsieur de Chatillon, Plebain de l'église de Tonon. Revu sur l'Autographe conservé au Grand-Séminaire d'Annecy.  I  DCCLIV A M. PHILIPPE DE QUOEX (0 Zèle de la Mère de Chantai et du Saint pour la conversion d'un médecin. Brebis errantes et troupeau fidèle. — Préoccupations et résignation du Fondateur de la Visitation. Annecy, [vers le 24 février] 1612 (a). Monsieur mon très cher Confrère et mon parfait Amy, C'est par le retour de ce pauvre médecin (3), qui n'a sceu guérir nostre Mère et que je n'ay sceu guérir, que ( I ) Le destinataire serait, d'après l'édition de 1641, un Curé de son diocèse, mais VHistoire de la Fondation d'Annecy est plus précise : « Notre Bienheu- reux Père, » dit-elle, « écrivit les paroles suivantes a M. de Sainte Cathe- rine, ecclésiastique de son diocèse. » Suit le texte de la présente lettre. Le ton affectueux et intime de ces lignes justifie cette attribution. (2) La consultation des médecins, le retour du docteur genevois, la maladie désespérée de la Mère de Chantai font écarter 161 1 et suggèrent 1612. Quant au quantième, il est antérieur au 25 septembre (voir la lettre à M. de Blo- nay); il faut exclure également l'époque du Carême, car la lettre suivante, connexe pour la date avec celle-ci, ne s'expliquerait pas, son destinataire, le P. de Bonivard, étant en 1612 prédicateur à Annecy de la sainte quaran- taine. Comme enfin l'on ne trouve pas trace en mai-juin d'une maladie très grave, reste la date proposée, qui semble, mieux que toute autre, concilier tous les faits. (3) D'après la Mère de Chaugy (Mémoires, etc., Partie II, chap. vu), le  I  Année 1612 169 je vous fay ce mot. Ah ! faut il qu'un filz empesche de vivre l'ame du père de son cors ? Nostre bonne malade donneroit de bon cœur la vie pour la santé spirituelle de son médecin, et moy, pauvre, chetif pasteur, que ne don- nerois-je pas pour le salut de cette déplorable brebis ! Vive Dieu, devant lequel je vis et je parle : je voudrois donner ma peau pour le vestir, mon sang pour oindre ses playes et ma vie temporelle pour l'oster de l'éternelle mort. Pourquoy vous dis-je cecy, mon cher Amy, sinon pour vous encourager a bien prendre garde que les loups voysins ne se jettent parmi vos brebis *, ou, pour dire plus * Cf. Joan., x, 12. paternellement selon les sentimens de mon ame, sur ces pauvres Genevois . Prenés garde que quelques unes de mes brebis galeuses et errantes n'infectent et ne fassent errer le cher et bienaymé troupeau ; travaillés doucement a l'entour de cette bergerie et dites leur souvent : O Chari- tas fraternitatis maneat in vobis * ; et sur tout, priés *Heb., uit., i. Celuy qui a dit : (*') Ego sum Pastor bonus*, affin qu'il • Joan., x, n. anime nostre soin, nostre amour et nos paroles. Je recommande a vos prières ce pauvre médecin mala- de ; dites trois Messes a cette intention, affin qu'il puisse guérir nostre Mère et que nous le puissions guérir. Elle est bien malade, cette bonne Mère, et mon esprit, un peu en peyne sur sa maladie. Je dis un peu, et c'est beaucoup.  (*) Que la charité fraternelle demeure en vous. (**) Je suis le bon Pasteur. Saint prit prétexte de la violente maladie de la Fondatrice, « pour faire revenir le médecin de Genève qui avait de bonnes dispositions pour la guérison de son âme, sans un sien fils qui le tint si fort de près, qu'il fut cause de sa perte. » Il s'agit sans doute de Marc Offredi ; en effet, il semble tout naturel que le Bienheureux ait voulu consulter le même médecin qui avait soigné M"* de Boisy. (Voir le tome précédent, p. an.) Reçu habitant de Genève le 19 octobre 1^73, bourgeois le 24 novembre 1579, décédé le 2 mai 1620, il survécut deux ans à son fils, Paul Offredi, né en 1582 et docteur en médecine à dix-huit ans. Déjà membre du Conseil des Deux Cents en 161 1, rien d'étonnant qu'il se soit opposé à la conversion de son père. Paul Offredi mourut le 14 janvier 1618; son fils Charles, médecin lui aussi, devint catholique en 1634. (Voir Gautier, La Médecine à Genève Jusqu'à la fin du dix-kuilième siècle, Genève, 1906.)  lyo Lettres de saint François de Sales Je sçai néanmoins que si le souverain Architecte de cette nouvelle Congrégation veut arracher du fondement la pierre fondamentale qu'il y a jette, pour la mettre dans la sainte Hierusalem, il sçait ce qu'il veut faire du reste de l'édifice (0. Dans cette veuë, je demeure en paix, et Vostre humble serviteur et confrère, F., E. de Genève. Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation du ler Monastère de la Visitation d'Annecy. ( I ) Voir note ( i ) de la page suivante.  DCCLV  AU PERE JACQUES-PHILIBERT DE BONIVARD DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS ( FRAGMENT ) Grave maladie de la Mère de Chantai. — Une oraison prolongée et répétée sur la troisième demande du Pater. — La résignation et la confiance d'un Fondateur. Annecy, [vers le 26 février] 161 2 (i). Mon cher Père, Je vous demande une neuvaine pour la santé de nostre madame de Chantai. Il y a dix ou douze jours que sa griefve maladie me fait faire mon orayson sur la troi- •Matt., VI, 10. siesme pétition du Pater : Fiat voluntas tua *. Je suis tout sousmis a cette volonté divine. S'il luy plaist de prendre cette Mère, je la luy offre; s'il luy plaist de •Job, I, ai. nous la laisser, son saint nom soit béni*! S'il luy plaist que nostre ouvrage se fasse, il nous en laissera la matière, sinon, il la serrera dans son cabinet éternel. (i) En citant ce fragment, V Histoire de la Fondation d'Annecy indique comme destinataire le P. de Bonivard. Cette attribution est confirmée par la teneur du billet. La date se déduit des mêmes particularités qui ont servi à établir celle de la lettre précédente, car toutes les deux traitent du même objet.  Année 1612 171 Il faut que je vous advoue, mon cher Père, selon les loix de nostre inviolable, paternelle, fraternelle et filiale dilection, que la conduitte de Dieu sur tous ses desseins me tient en admiration, mays avec certaine espérance intime qu'il mené sur le bord de la mort pour vivifier ; je dis plus, qu'il tue pour resusciter * ('). Je fais finir i Reg.i'i" "sap/, toutes mes pensées par : Fiat voluntas [tua *]. • ubi pag. pr«ced. Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation du itr Monastère de la Visitation d'Annecy, ( I ) L'espoir secret du bienheureux Fondateur ne fut pas déçu ; sa dévotion pour le grand Archevêque de Milan lui ayant inspiré quelques jours après, de donner de ses reliques à la vénérée malade, presque agonisante, celle-ci se trouva instantanément guérie. En reconnaissance, François de Sales fit le vœu d'aller visiter le tombeau de saint Charles Borromée. La Mère de Chaugy (Mémoires, etc., Partie II, chap. xi) place ce fait en février 1618. C'est une erreur, car à cette époque, la Mère de Chantai, quoique très souffrante, ne fut pas réduite à l'extrémité; sa correspondance le prouve. D'ailleurs, le pèlerinage à Milan s'effectua le 35 avril 161 3 (cf. Année Sainte de la Visitation, 55 avril) ; le Saint avait même eu l'intention de le faire pendant l'automne de l'année précédente, comme on le voit par sa lettre du 3; septembre 1612 à M. de Blonay.  DCCLVI A MADAME DE SAINT-CERGUES (O Les amitiés qui ont Dieu pour auteur, et la distance des lieux. — Une occupation agréable et précieuse pour l'Evêque de Genève. Annecy, [26] fénier (a) 1612. Mais quand sera-ce donq que j'auray ce contentement de vous revoir, ma très chère Seur? car je me voy presqu'a la veille de mon despart pour Chamberi ; et (i) Hérissant (1758), parce que le Saint donne à la destinataire le titre de « Seur », en avait conclu qu'elle était Religieuse ; mais le contenu de la lettre, le salut final désignent M"" de Saint-Cergues (voir plus haut, note (3), p. 15). (3) L'éditeur de 17^8 date cette lettre du 6 février. Or, saint François de Sales écrit encore d'Annecy, le 11 et le 14 de ce mois : pouvait-il donc dire le 6  172 Lettres de saint François de Sales après Pasques, on ne quitte pas volontier les chaires. Or sus, je voy bien que nous ne serons jamais guère ensem- ble, si ce n'est en esprit ; aussi est-ce l'Esprit de Dieu qui est l'autheur de la sainte amitié dont vous m'affectionnes, qui, par la distance des lieux, ne peut estre empesché qu'il ne face sa sacrée opération dans nos cœurs. Que vous veut cependant dire ce petit mot de nos nou- velles? La Reyne de France m'escrit qu'elle nous rendra toutes nos églises et tous nos bénéfices de Gex occupés par les ministres ; dont je prevoy que cet esté je seray grandement occupé a servir a cette besoigne (0, mays occupation aggreable et pretieuse. Et qui sçait, si nous nous humilions devant Dieu, que sa sainte miséricorde ne nous ouvre point un jour la porte de nostre Genève, affin que nous y rapportions la lumière que tant de ténèbres en avoyent bannie? Certes, j'espère en la sou- veraine bonté de Nostre Seigneur, qu'en fin il nous don- • Cf. Matt., XXVI, nera cette grâce ; mais prions et veillons * pour cela. 41, e "i «V, 7- jy^g^ ^Yes chere Seur, persévères a me chérir cordiale- ment, puisque je suis sans fin et sans reserve, Vostre plus humble, fidelle frère et serviteur, Franc», E. de Genève. Je salue bien humblement M. de Saint Cergues(*). Le . . febvrier 1612. qu'il était « presqu'a la veille de » son « despart pour Chamberi »? Il faut ajouter que le mercredi des Cendres, jour de l'inauguration de la station qua- dragésimale, tombait cette année le 7 mars : ces raisons suggèrent la date proposée comme plus vraisemblable. L'erreur, du reste, a pu se commettre facilement, surtout si la date avait été marquée en chiffres romains ; ou encore, le premier chiffre aurait pu être oblitéré, ou manquer même tout à fait par suite d'une déchirure. ( I ) Saint François de Sales dut en effet se rendre à Gex le 14 juillet suivant, pour travailler au rétablissement du culte catholique, de concert avec les commissaires royaux. (Cf. ci-dessus, Lettre dccxxx, et ci-après, lettre du 13 juillet à M"* de la Fléchère.) (2) Gaspard de Lucinge, fils d'Amblard, seigneur de Saint-Cergnes, cosei- gneur de Lucinge et de Vallon, et d'Antoinette de Beaufort, n'ayant point d'enfants de Jeanne de Cartal (cf. plus haut, note (3), p. 15), prit pour fils adoptif noble Nicolas Curlat, dit de Lucinge, seigneur de Châteaublanc.  Année 1612 173  DCCLVII A SA SAINTETÉ PAUL V (minute) A quoi servent les canonisations ; le Saint les jugeait presque nécessaires pour le temps où il vivait. — Il demande au Pape de canoniser le bienheureux Amédée ; motifs qu'il fait valoir en faveur de sa supplique. Annecy (i), 7 mars 1612. Beatissime Pater, Semper quidem operae pretium fuit homines qui pecu- liari ac illustriori vitœ sanctimonia Deum (») coluerunt, in Sanctorum numerum, publica Ecclesiae authoritate, solemnique ritu referre : sic enim Deus in Sanctis (^) uberius laudatur, Sanctorum gloriam libentius (c) enar- rant populi et laudem eorum (^) splendidius annunciat  Très Saint Père, II a toujours été à propos que ceux qui ont servi Dieu par une sainteté de vie particulière et plus éclatante, fussent mis au nombre des Saints par l'autorité publique de l'Eglise et selon le rit consacré. Ainsi Dieu est plus exalté dans ses Saints, les peuples mettent plus d'empressement à célébrer leurs louanges et l'Eglise plus de magni- ficence à publier leur gloire. De même, quand nous honorons leurs (a) [Les variantes qui suivent sont tirées d'une première minute citée par Amblard Comte, dans sa déposition, Process. remiss. Gebenn, (I), ad art. 33.] Deum — omnipotentem (b) in Sanctis — suis (c) splendidius (d) utilius enuntiat Ecclesia : neque tam facile imitari piget quod celebrare delectat, dum corum vita nos fortius ad imitationem excitât de quorum sanctitate mens nostra non dubitat, ac denique majori fiducia Sanctorum  (l) Le Saint, qui a daté sa minute autographe A' Annecy, était sûrement à Chambéry le 7 mars ; c'est peut-être par distraction qu'il ne l'a pas datée de cette dernière ville, ou bien aura-t-il voulu, qu'en raison de son caractère officiel, sa requête parût envoyée du lieu même de sa résidence ordinaire.  «74  Lettres de saint François de Sales  Ecclesia. Cumque majore fiducia Sanctorum mérita recolimus, majore quoque fructu eorum intercessionibus adjuvamur, ac denique eorum exempla vehementius nos provocant, de quorum sanctitate mentes nostrae nuUate- nus dubitant. At vero, Beatissime Pater, hoc (e) quod « semper et ubique dignum et justum est, » hisce nostris temporibus, • In Prafat. Missae. non solum « salutare » tantum *, sed fere necessarium videri débet, cum scilicet quia abundavit (^) iniquitas, refrigescit charitas multorum *, imo propemodum (g) omnium ; unde quoniam defecit sanctus * a terra, ex iis qui redempti sunt * de terra, revocandi sunt in memo- riam et in médium Ecclesiae reducendi illi qui hactenus majore sanctitatis splendore (^) claruerunt, ut sint (quem- admodum unus eorum dixit *) in spéculum et exemplum.  • Matt., XXIV, 13 • Ps. XI, a, • Ps. CVI, 3.  • s. Hieron., 1. I Comm. ia Matt.,v.  mérites avec plus de confiance, nous recevons de leurs intercessions plus de fruit. Enfin, nous trouvons une exhortation bien plus vive- ment efficace dans les exemples, lorsque la sainteté des personnes ne peut plus être mise en doute. Or, Très Saint Père, ce qui a toujours été, e et en tous lieux, juste et louable, » doit paraître non seulement utile, mais presque néces- saire en notre temps où la charité, à cause du débordement de l'ini- quité^ s'est refroidie che:( plusieurs et à peu près chez toutes les âmes. Aussi, puisqu't/ n'y a plus de saint en ce monde, il faut, d'entre les justes qui ont été rachetés de la terre, évoquer le souvenir et ramener au milieu de nous la pensée de ceux dont la vie a jeté le plus d'éclat par le rayonnement de la sainteté. Qu'ils servent, comme l'a dit l'un d'eux, de miroir et d'exemple à la vie des hommes ; qu'ils en soient  mérita recolimus, majore quoque fructu eorum intercessionibus adjuvamur. — (... l'Eglise raconte avec plus de profit leur gloire. On a honte de ne pas imiter aussi facilement ce qu'on aime à exalter; car leur vie nous porte plus généreu- sement à l'imitation, lorsque leur sainteté ne fait plus de doute, et enfin le fruit que nous retirons de leur intercession est proportionné à la confiance avec laquelle nous vénérons leurs mérites.) — [Reprendre au texte, lig. 6.] (e) Hoc autem, Beatissime Pater, (f ) non — saluberrimum tantum, sed etiam propemodum necessarium videri débet, cum nimirum quia abundat (g) multorum, — id est pêne (h) a terra — opportunum erlt ex lis qui empti sunt de terra, in medio Ecclesis eos stataere qui singulari aliqua prerogativa sanctitatis  Année 1612 175 ac quoddam veluti condimentum vitse hominum super terram, sicque apud nos etiam post mortem vivant, et multos (') ex iis qui viventes mortui sunt *, ad veram • Cf. I Tim., v, 6. provocant et revocent vitam. Cum igitur scirem, Beatissime Pater, permultos ex istis omnium ordinum viros, a Beatitudine Vestra expe- tiisse ut Beatum Amedeum, Sabaudiae Ducem tertium *, 'Videtom.praEced., Sanctorum cathalogo (J) adscribere dignaretur, nolui P-'9>°oe^3). sane, neque vero debui committere quin humillimis pre- cibus idipsum ab apostolica (^) Beatitudinis Vestrse pro- videntia postularem.  de quelque manière le condiment, afin qu'ils vivent parmi nous, même aprèsJeur mort, et qu'ils appellent et ressuscitent à la vraie vie beau- coup de chrétiens d'entre ceux qui, quoique vivants, sont morts. Je sais donc, Très Saint Père, qu'un grand nombre de personnages de tout rang ont demandé instamment à Votre Sainteté qu'Elle daignât inscrire au catalogue des Saints, le bienheureux Amédée, troisième duc de Savoie. Or, ni ma volonté, ni mon devoir ne pou- vaient me faire omettre d'adresser en toute humilité la même sup- plique à la providence apostolique de Votre Sainteté. (i) vivant, — multosque ( j ) Et ecce, Beatissime Pater, jam olim non solum in istis provinciis quae Serenissimo Sabaudiae Duci subditas sunt, sed in aliis quoque, celeberrima memoria est Beati Amedei, tertii Sabaudiae Ducis, tuni ob ejus praeclara pie- tatis et verae sanctitatis facinora, tum ob multa quae illius intercessione facta sunt miracula quae numéro et pondère niaxima sunt et clarissima. Quare cum scirem Reverendissimos Antistites Taurinensem ( ' ) et Vercellensem (») alios- que permultos omnium ordinum viros, a Sanctitate Vestra expetiisse, ut tandem aliquando hune clarissimum sanctitatis candidatum in cathalogo Sanc- torum — (Or, Très Saint Père, ce n'est pas seulement dans ces provinces qui sont soumises au sérénissime duc de Savoie, c'est aussi dans les autres que jouit d'une très grande popularité le souvenir du bienheureux Amédée, troisième duc de Savoie. Elle est due autant à ses éclatants exemples de piété et de vraie sainteté, qu'aux miracles obtenus par son intercession; et ceux-ci sont très grands et très remarquables en nombre et en qualité. Aussi, sachant que les Révérendissimes Evêques de Turin et de Verceil, et beaucoup d'autres personnages de tous les ordres avaient supplié Votre Sainteté de [vouloir bien inscrire] quelque jour dans le catalogue des Saints, ce très brillant candidat à la sainteté...) (k) precibui — idemquoque a  (1) M" BrogUa(volr tome XII, notc(i), p. la^f, et cf. d-aprïs, lettre du 2 juin 1613). ( a ) Ml' Goria (voir sa note avec la lettr« du a juin)i  176 Lettres de saint François de Sales Quod dum facio, idem omnia idem mecum agere videntur (M. Postulat id, non precibus, sed suc jure, Dei omnipotentis majestas, quae in hoc Beato Principe clarius mirabilis apparebit (°^). Postulat Hierusalem illa caelestis, mater nostra, quae suum civem a nobis debitis honori- bus celebrari laetabitur. Postulat haec nostra Hierusalem inferior (°), cui Béatitude Vestra praeest, quae tanti filii • Luc, X, ao. nomen scriptum in Caelis *, gaudebit sanctificari in terris. Postulat (f*) rerum praeclare a Sanctitate Vestra gesta- rum séries, ut quia nuper ex principibus ecclesiasticis Divum Carolum Sanctis annumeravit (i), hune quoque ex secularibus (p) adjungat, ut utriusque sortis homines habeant quod imitentur. Postulat Serenissimorum Sa- baudiae Ducum familia, quae non solum fidei constantia, sed praeclaris etiam fortitudinis operibus, magnum olim et  En désirant cette grâce, il me semble que tout conspire pour la solliciter avec moi. Cette demande instante, la majesté du Dieu tout- puissant vous la fait, non par une prière, mais de plein droit, car elle apparaîtra plus manifestement admirable dans ce bienheureux Prince. La Jérusalem céleste, notre mère, attend aussi cette faveur, à cause de la joie qu'elle aura de voir l'un de ses habitants honoré par nos justes hommages. C'est encore l'ardent souhait de notre Jérusalem d'ici-bas, que préside Votre Sainteté, car elle se réjouira que le nom d'un tel fils, écrit dans le Ciel, soit glorifié sur la terre. Cette grâce est exigée pour faire suite aux beaux actes de Votre Sainteté ; car si naguère, d'entre les princes de l'Eglise, Elle a canonisé le bienheureux Charles (i), Elle doit lui joindre un prince séculier, afin que, dans l'un et l'autre rang, il y ait un modèle à imiter. Cette requête vous est adressée par la famille des sérénissimes ducs de Savoie, dont la constance dans la foi et les glorieux exploits de (1) omnia — propemodum qua in Caelo et quae in terra sunt idem mecum postulare videntur. (m) majestas, — cujus bonitas ac misericordia in hoc Beato Principe apparuit. (n) quœ — suos cives ab Ecclesia militante debitis honoribus celebrari laetatur. Postulat hoc Ecclesia Catholica (0) Postulat — etiam (p) Divum Carolum — cathalogo Sanctorum adscripserit, hune quoque ex sœculi principibus eidem  (i) Saint Charles Borromée fut canonisé le 4 novembre i6io»  Année 1612 177 deinceps Ecclesiae attulitsolatium. Postulat hsec universa Sabaudia provincia, maxime vero haec diocesis Geben- nensis il), quae tanti Principis nobilitata natalibus, ma- gnam in ejus precibus spem merito coUocabit. (0 Postu- lant denique ipsius Beati Amedei mérita et miracula, quae pondère et numéro maxima sunt et illustrissima. Age ergo, Beatissime Pater, et hanc quoque Iticer- nam igné divino accensam ne diutius suh modio relin- quas, sed pone eam(s) super candelabrum, ut luceat omnibus qui in domo sunt *. Nomen ejus sanctifica, 'Matt., v, 15. qui nomen Dei tanta charitate sanctificavit, ac miracu- lorum multitudine coUustravit ; annuntia toti Ecclesiae quae est in terris, quia Dominus mirificavit Sanctum suum in Caelis, ut exaudiat nos cum clamaverimus ad eum*(^). 'Ps. IV, 4-  vaillance ont jadis et jusqu'à ce jour apporté à l'Eglise une grande consolation. Voici la province entière de Savoie qui vous fait la même supplication, mais surtout ce diocèse de Genève qui, se sentant ennobli par la naissance d'un si grand prince, aura à juste titre, une grande confiance en son intercession. Enfin, c'est ce que demandent les mérites et les miracles du bienheureux Amédée lui-même, très grands et très illustres en qualité et en nombre. Faites-nous donc cette grâce, Très Saint Père, et ne laissez pas plus longtemps sous le boisseau cette lampe allumée par le feu divin, mais placez-la sur le chandelier, afin quelle éclaire tous ceux qui so..' dans la maison. Sanctifiez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu avec tant de charité et l'a fait glorifier par tant de miracles ; annoncez à toute l'Eglise qui est sur la terre que le Seigneur a exalté son Saint dans les Cieux, pour nous exaucer quand nous crierons vers lui. (q) Postulat — Serenissima Sabaudiae Principum familia, quae non constan- tia fidei tantum, sed etiam fortltudine et praeclaris operibus Ecclesiae magnum jampridem solatium attulit. Postulat universa haec Sabaudorum provincia, seorsim vero ista Gebennensis diaecesis (r) [La phrase suivante ne se trouve pas dans la première minute.] (s) Beatissime Pater, — lucernam hanc, igné divino accensam, quje sub modio fere est, pone (t) sanctificavit — et in Dei nomine tôt miracula patravit. Annuntia toti Ecclesiae viatorum quod gestum est in Ecclesia comprehensorum, qui scilicet mirificavit Dominus Sanctum suum, unde et exaudiet ejus orationes cum LirniBS V la  178 Lettres de saint François de Sales Haec sunt vota ejus qui Beatitudini Vestrae diu acfoeli- citer Christianis omnibus prseesse ac prodesse, omnibus animi viribus exoptat. Beatitudinis Vestrae, Humillimus et obsequentissimus servus et filius, Franciscus, Episcopus Gebennensis. Annessii Gebennensium, vu die Martii 161 2. Revu sur l'Autographe appartenant au marquis Chigi-Malvezzi, à Sienne (Toscane).  Ce sont les vœux de celui qui désire de toutes ses forces que Votre Sainteté soit longtemps et heureusement, et pour leur bien, à la tête de tous les chrétiens. De Votre Sainteté, Le très humble et très obéissant serviteur et fils, François, Evêque de Genève. Annecy en Genevois, le 7 mars 16 1^. clamaverit ad eum. — (... et au nom de Dieu a opéré tant de miracles. Annon- cez à toute l'Eglise des voyageurs ce qui s'est fait dans l'Eglise des compréhen- seurs, à savoir, que le Seigneur a exalté son Saint et qu'il exaucera ses prières quand celui-ci criera vers lui.)  DCCLVIII A LA SOEUR FAVRE, RELIGIEUSE DE LA VISITATION { Questions et conseils. — Comment « la grande Fille » du Saint devait gouverner son cœur et l'encourager souvent. — Le souverain bonheur de l'âme. Chambéry, lo mars 1612. Nous parlons icy de vous si souvent et avec tant de playsir, ma chère Fille, que vous ne deves pas avoir soin (i) Jacqueline Favre, fille du célèbre Antoine Favre (voir tome XI, note (i), p. 18) et de Benoîte, sa première femme (ibid., note (i), p. 70), née à Chambéry en avril 1591 (0, résolut de se faire Religieuse à la suite d'une fête  (1) D'après la notice écrite par sainte Jeanne-Pranfoise de Chantai elle-même dans le Livre du Couvent, du 1" Monastère d'Annec/i  Année i6 12 179 de nous en rafraichir la memoyre. Mays ce n'est pas cela que je vous veux dire, car j'ay d'autres choses a vous demander. Dites moy donq vous mesme, ma chère Fille, le pauvre cœur bienaymé comme se porte-il ? Est-il pas tous-jours vaillant et vigilant pour s'empescher des surprises de la tristesse ? Je le vous recommande au nom de Nostre Sei- gneur, ne le tormentés point, je dis mesme quand bien il auroit fait quelque petit détour ; mays reprenés le dou- cement et le ramenés en son chemin. Car il est bon; certeSy ce chetif petit cœur de ma grande fille ; et pourveu mondaine (cf. le tome précédent, note (3), p. 247). Le 6 juin 1610 elle entra à la Galerie avec la sainte Fondatrice, fit, une année après, sa profession et prit part à la fondation du i*' Monastère de Lyon (a février 161 5), qu'elle gouverna pendant cinq ans. Le 7 juin 1620, la Mère Favre fonde la Maison de Montferrand, la dirige pendant deux ans, et le 13 octobre 1633, prend à Dijon le gouvernement des Religieuses que la Mère de Chantai y avait établies le 8 mai précédent. En 1633, la vaillante Supérieure travaille activement à la réforme de l'abbaye de Tart en Bourgogne, passe quelques jours à Annecy, en juin 1634, pour la conclusion du Coustumier, retourne ensuite à Dijon, et le 19 mars 1637 va fonder le couvent de Bourg-en-Bresse. Le deuxième Mo- nastère de Paris lui est confié en avril 1628, et en 1631, elle incorpore à la Visitation une Congrégation religieuse de Troyes. Elue en 1634 par la Com- munauté de Rennes, qui ne put l'obtenir à cause de sa maladie, elle accepta l'année suivante la direction de celle de Chambéry, et c'est là que se termina sa carrière, le 14 juin 1637. Après la Mère de Chantai, la Mère Marie-jâcqueline tint la première place dans l'affection du saint Fondateur ; il l'appelait volontiers sa « grande Fille, » et de fait, la deuxième Mère de l'Institut justifia ce titre admirablement ; car, selon la remarque de son biographe (Mère de Chaugy, Les Vies de quatre des premières Mères, 1659-1893, Vie de la Mère Favre, chap. xxvii), elle se montra vraiment grande en humilité, en obéissance, en dévotion, en pénitence, en amour de Dieu et du prochain. Ce fut aussi la fille tendrement aimée et la plus chère confidente de la Sainte; celle-ci lui écrivait un jour : « Croyez qu'il est bien vrai que vous avez mes yeux et mes oreilles, et certainement encore plus mon propre cœur. » (Sainte J .-F. Frimyot de Chantai, sa Vie et ses Œuvres ; Lettres, vol. III (Paris, Pion, 1878), p. 587.) En effet, ces deux filles de par- lementaires s'attiraient par d'admirables affinités de tout ordre : elles appor- taient à l'œuvre commune, un cœur royal et magnanime, des conceptions également élevées, une intelligence toute virile, et au service du Maître, une délicatesse et une générosité d'amour qui persévéra parmi les travaux les plus accablants comme au milieu des plus vives souffrances. Les Acta Sanctorum (Romae, mdccclxvii), /«/««», p. 371, font mention de la Mère Jacqueline Favre : « Elle est morte, » y est-il dit, « avec la réputation d'une sainte vie... » elle fut « la seconde colonne et pierre angulaire » de l'Ordre de la Visitation... « Saint François de Sales l'appelait grande; un jour, peut-être, le Souverain Pontife l'appellera sainte. »  i8o Lettres de saint François de Sales qu'elle le traitte bien, qu'elle demeure un peu soigneu- sement en attention sur luy, que souvent elle le r'encou- rage par des petites oraysons jaculatoires, par des petites conférences de ses bons souhaitz avec nostre Mère et avec moy, par des petites bonnes cogitations faites sur ce sujet en diverses occasions, vous verres, ma chère Fille, que ce cœur deviendra un vray cœur selon le cœur de Dieu. Seigneur Jésus, c'est pour cela que deux foys le jour je vous fay prière particulière. Vives joyeuse, ma très chère Fille; Dieu vous ayme et vous fera la grâce que vous l'aymeres : c'est le souverain bonheur de l'ame pour cette vie et pour l'éternelle. (0 La belle seur (3) est une perle ; le frère est bienheu- reux de l'avoir treuvee et prise avant qu'ell'eut conneu nostre petite Congrégation, car autrement ell'eut esté vostre seur, mais non pas vostre belle seur. Dieu la con- duira pourtant en ce chemin auquel il l'a mise, a quelque bon point de vraye perfection, puisqu'ell'en a tant de désir. Le X mars 1612. A Madame Madame Favre. A la Visitation. Revu sur l'Autographe conservé aa 3*' Monastère de la Visitation de Marseille. (i) A cet alinéa, qui est inédit, les précédents éditeurs substituaient la phrase suivant»: « Ma très chère Fille, je suis incomparablement tout vostre. » (a) M"' de la Valbonne, femme de René Favre (voir ci-après, la lettre du as mai).  Année 1612 181 DCCLIX A MADAME DE PEYZIEU (O (inbditb) Une mère du Saint, par alliance spirituelle. — Compliments et paroles d'affection. Chambéry, 17 mars 1612 (s). Madame ma très chère et très honnoree Mère, L'honneur que vos deux lettres m'ont donné ne peut estre dignement remercié par celle ci. Elle vous tesmoi- gnera seulement que j'ay un extrême sentiment du bonheur que vous m'aves départi, m'advoiiant pour vostre filz, me voyant tous les jours arriver des nouveaux ruysseaux de faveur qui descoulent de cette vive fon- taine. Car voyes-vous, Madame ma Mère, ne dois-je pas estre fort glorieux de me treuver maintenant receu en la bienveùillance de monsieur et de madame de Cerviere, (i) Françoise de Dizimieu, fille de Balthazar, seigneur de Dizimieu, et de Claudine de Clermont, épousa François-Philibert de Longecombe, écuyer, seigneur de Thoys et de Peyzieu, gentilhomme « de la maison du Roy et enseigne de la compagnie d'hommes du comte de Bennes; » il teste en mars 1591. (Guichenon, Hist. de Bresse et Bugey, 1650, Partie III, continuation.) Un des fils de la destinataire, François de Longecombe, dit en parlant du Saint : « Il honnoroit par sa grande bonté nostre maison d'une particulière bienveùillance, il nous faisoit la faveur d'y venir quelquefois. Il appelloit nostre mère sa mère, et mes frères et moy ses frères, avec une cordialité sin- gulière. Nostre mère et mesdictz frères l'ont cogneu long temps avant moy. » (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. i.) C'est dans l'une de ces visites que la vénérable aïeule, malade à l'extrémité, ayant dit son inquiétude de voir tous ses enfants se tourmenter pour la soulager, craignant que cela ne nuisît à leur santé : « Et moy, ma chère Mère, » repartit le saint Evêque de fort bonne grâce, « je ne suis jamais si aise quand je suis malade, que lors que je voy mes « parens et mes domestiques avoir bien de la peine autour de moy... parce « que je sçay bien que Dieu les recompensera largement des assistances qu'ils * me rendent. » (Camus, VEsprit du bienheureux François de Sales, Paris, 1639-1641; Partie II, section iv.) (3) La date de Tannée, omise par le Saint, est prouvée par sa présence, le 17 mars, à Chambéry où il prêchait le Carême, et par le rapport de cette lettre avec d'autres lettres adressées à la même destinataire.  i82 Lettres de saint François de Sales vos chers enfans ( ' ), comme presque cet autre frère ( ' ) qui, impatient d'estre privé de la douceur de vostre présence, s'en rêva si vitement auprès de vous, a laquelle il donnera, Dieu merci, des bonnes nouvelles de la santé de cette bonne seur (3), que je veux servir et honnorer de tout mon cœur en l'absence des autres meilleurs frères (4). En un mot, Madame ma Mère, je n'oublie jamais a l'autel les recommandations que vous me commandastes d'y fere, car je suis fidellement et sans reserve, Vostre très obéissant filz et serviteur, Franç% E. de Genève. Mon Dieu, que j'ay de contentement de voir en cette chère seur qui est icy, non seulement l'air de vostre visage, mais, ce qui est le plus beau, les traitz de vostre esprit et de vos affections. J'en loue Nostre Seigneur, Madame ma Mère. A Chamberi, le 17 mars. (5) A Madame Madame de Pezieu. Revu sur l'Autographe appartenant à M""' la marquise de Mailly, au château de la Roche-Mailly (Sarthe). (i) Lucrèce, l'une des filles de M™* de Peyzieu, avait épousé le 21 juin r6oo, Henri de Saint-André, seigneur de Cervières en Dauphiné. (Guichenon, ouvrage cité note { i ) de la page précédente.) Méraude de Saint-André, leur fille, entrée à la Visitation d'Annecy au mois d'octobre 1620, y reçut l'habit des mains du bienheureux Fondateur, avec le nom de Sœur Marie-Innocente, le 28 décembre suivant. Saint François de Sales en parle dans une lettre écrite ce même jour à son frère, l'Evéque de Chalcédoine. (2) « Cet autre frère » est très probablement Louis (cf. tome XIII, note ( i ), p. 130), que nous retrouverons dans la suite de la correspondance du Saint. (3) Sans doute « madame de Cerviere » mentionnée plus haut et dans le post-scriptum. (4) Jacques (voir tome XIII, note (2), p. 165), Balthazar et François, dont les notes seront données ultérieurement. ( 3 L'adresse est de la main d'un secrétaire.  Année 1612 183  DCCLX A MONSEIGNEUR ANASTASE GERMONIO ARCHEVÊQUE DE TARENT AISE (0 La controverse sur le pouvoir temporel des Papes et l'autorité des Conciles. — De quel côté penchent les parlementaires et les hommes d'Etat. — Esprit et tendance du siècle. — Un remède plus efficace que les discussions des théologiens. — Ce que doivent faire les prédicateurs. — L'entente des Prélats, de la Sorbonne et des Religieux, bientôt mortelle à l'hérésie. — Moyens de ménager cette union. Chambéry, vers le 20 mars 1612 (2). Per avvisi particolari ricevuti di Parigi et Digione et  Par des avis particuliers reçus de Paris et de Dijon et par des (i) Anastase Germonio, troisième fils de Jean-Baptiste Germonio et de Catherine Ceva, né à Salé dans le Montferrat (mars 1551), enseigna le droit avec un grand éclat, après l'avoir étudié à Turin avec Antoine Favre, sous Jean Manuce et Pancirole. En 1586, il suivit le cardinal de la Rovere à Roiae; référendaire des deux signatures, vicaire de Sainte-Marie-Majeure, promu à l'archevêché de Tarentaise le iî novembre 1607, Ms' Germonio fit son entrée épiscopale à Moûtiers le 7 octobre 1608. Malgré son âge avancé, le Prélat déploya une étonnante activité : visites pastorales, synodes, confirmations, rédaction des constitutions, suppression des abus, son zèle s'étendit à tout. Arrivé à Madrid comme ambassadeur (juillet 1614), il en repartit le 3 octobre suivant, rentra dans son diocèse au mois d'août 1616, pour retourner encore à Madrid, où il mourut le 4 août 1627. François de Sales l'avait connu à Rome et en avait reçu de nombreux services. Pendant que Germonio visitait son peuple, le Saint, alors à Ugines (cf. ci-dessus note ( i ), p- 14), alla au-devant de lui et l'invita gracieusement à venir à Annecy. (Voir à l'Appendice II, le récit de cette entrevue.) Célèbre en son temps, oublié de nos jours, l'Archevêque de Tarentaise mériterait une biographie. On en trouverait les éléments dans ses Œuvres, assez peu connues (2 vol. in-4°, Rome 1623) ; elles figurent à bon droit dans les Monumenia historice Patrice, Taurini, 1863, tome XI. (Voir Bon- nefoy. Vie d'Anastase Germonio, Lyon, 1835.) (i) La date approximative que nous adoptons se déduit des particularités suivantes : le 25 mars 1612, le destinataire, se trouvant à Chambéry pour un procès, écrivait au cardinal Borghese : « M»'' l'Evêque de Genève étant venu prêcher ici... je lui demandai un de ces jours comment vont les affaires de France, surtout pour ce qui concerne l'autorité du Pape dans ce royaume. Il me dit plusieurs choses, iii'indiquant même les remèdes nécessaires... Je l'ai prié de vouloir bien mettre par écrit [sa pensée,] ce qu'il a fait promptement . Aussi me semble-t-il de mon devoir d'envoyer cet écrit à V. S. 111""', afin  184 Lettres de saint François de Sales per libretti stampati in detti luoghi (0, si vede chiara- mente che quella disputa deU'authorità del Santissimo Papa sopra li Régi si va tuttavia dilatando, com'ancora quell'altra délia comparatione de li Concilii con i Summi Pontefici. Et è chiaro che la maggior parte de Parlamenti et huomini di Stato, etiandio Catholici, inclina dalla banda che è manco favorevole, o per dir meglio, che è più contraria aU'authorità papale, stimando che sia più convenevole et giovevole all'authorità regale. Et se le cose vanno inanzi, ciè pericolo che non si facia una notabile perdita et lamentabile divisione in quel regno; et massime perché il Ré, fra tre o quattr'anni dovendo pigliar l'administratione di quel regno, sarà facil cosa alla fattione di quelli che sonno contrarii aU'authorità délia Santa Sede, di piegharlo da quella banda nella quale egli vederà qualch'apparentia di aggrandire le sue ragioni, essendo gl'huomini tante inclinati alla superio- rità indepedente (sic)^ corne si vede massime in questi  opuscules imprimés dans ces deux villes (0, on voit clairement que la discussion touchant l'autorité du Très Saint Père sur les rois s'étend de plus en plus ; de même en est-il de celle qui a pour objet de comparer les Conciles avec les Souverains Pontifes. Il est clair que la majeure partie des Parlements et des hommes d'Etat, même catholiques, penchent du côté le moins favorable, ou, pour mieux dire, le plus contraire à l'autorité papale, cette opinion leur paraissant mieux s'accorder avec l'autorité royale et la servir plus utilement. Si cet état de choses persévère, il est à craindre qu'il n'en résulte pour ce royaume un dommage considérable et une déplorable division ; d'autant plus que le roi devant prendre dans trois ou quatre ans l'administration de l'Etat, il sera facile au parti hostile à l'auto- rité du Saint-Siège de tourner ce prince du côté où celui-ci verra quelque apparence d'étendre ses droits, tant est grande l'incli- nation des hommes à dominer sans aucune dépendance. C'est ce qu'elle puisse le montrer à Sa Sainteté, si votre prudence le juge à propos. » (Lettre citée par Pieralisi, Rimedio aile dispute de' Cattolici in Francia, etc., Roma, 1878.) Les mots imprimés ci-dessus en italiques, suggèrent la date indiquée. ( I ) Voir note ( i ), p. 95. Dans son Journal, de l'Estoile cite une longue liste d'ouvrages et de pamphlets qui ont trait à ces questions.  I  I  Année 1612 185 tempi, et ancho nella etâ giovenile, che per natura è temeraria et audace, se bene è da credere che quel Ré sia di buonissima et christianissima inclinatione. Essendo poi questa impresa di scuotere ogni giogo un mal conta- giosissimo, passarebbe pian piano di regno in regno et di corona in corona, corne si vede che altri simili mali son passati : onde pare che il pericolo sia grande. Il rimedio non par che sia di voler, col mezzo di va- lenti theologi, disputar la questione, perché quanto più sarà fervente la disputa, tanto più s'accenderanno gl'animi et si farà grande la divisione. Oltra che le ragioni de gl'adversarii sono grate aile orechie de grandi, non per esser vere, ma per esser giovevole all'intento loro ; né mancaranno theologi che per diversi rispetti abbracino la parte délia divisione. Atalchè, il rimedio più efficace sarebbe che mentre governa la Regina et il Consiglio, si trattasse amare- volmente con lei dalla parte di Sua Santità, lamentan- dosi che non essendo giamai travenuto una sol difFerentia tra Sua Beatitudine et il Ré, anzi Sua Beatitudine  qu'on remarque surtout à notre époque ; à plus forte raison chez la jeunesse, qui de sa nature est téméraire et hardie. On peut croire cependant, que le roi a des dispositions excellentes et très chrétien- nes. Cette tendance à secouer tout joug est encore un mal des plus contagieux ; aussi s'insinuerait-il petit à petit de royaume en royau- me, d'une couronne à une autre couronne, comme il est arrivé pour d'autres maux semblables. Le danger semble donc bien grand. Faire discuter la question par d'habiles théologiens, ne paraît pas être le bon remède, car plus les débats seront brûlants, plus aussi les esprits s'échaufferont et la discorde ne fera qu'augmenter. Il faut ajouter que les raisons des adversaires flattent l'oreille des grands, non pour leur justesse, mais parce qu'elles favorisent leurs vues ; il ne manquera pas non plus de théologiens qui, pour diverses con- sidérations, embrasseront le parti de la division. Le remède le plus efficace serait donc que pendant la régence, l'on traitât à l'amiable avec la reine et le Conseil, de la part de Sa Sainteté. Se plaindre d'abord de ce que, tandis qu'aucun différend ne s'est élevé entre Sa Béatitude et le roi, tandis que le Pape a  i86 Lettres de saint François de Sales havendo in ogni occorrentia mostrato un animoveramente paterno, afFettionatissimo et desiderosissimo del bene et stabilimento délia grandezza di quella corona, pur adesso spontino certi cervelli pungenti, inquieti etnemici délia santa unione che tra Sua Santità et Sua Maestà si truova, che venghano impudentemente a ridurre in dubbio se Sua Santità sia afFettionata a quella corona, movendo quelle inutili et intempestive dispute, per mezzo délie quali generano nelli animi infermi et deboli un (sic) diffidentia del sincero afFetto di Sua Beatitudine verso il Re et il regno. Et che pertanto sia contenta Sua Maestà di impor silentio a tali temerarie et seditiose dispute, si corne Sua Santità, dal canto suo, imporrà anco silentio, dove fia bisogno, a cosî fatte importune et infruttuose questioni, le quali, oltre che sonno inutili fra Catholici, sono pernitiose fra gl'haeretici, et servono di distrattione et diversione alla conversione delli haere- tici, liquali fan triompho di queste divisioni. In somma, è espediente per adesso che si anneghino et affoghino quelle dispute nel silentio, sî dall'una banda come dall'altra ; et se bene è da laudare il zelo de quelli  témoigné en toute occasion un cœur vraiment paternel, très affec- tionné et très sympathique au bien et à l'affermissement de la prospérité de cet Etat, on voit maintenant surgir certains esprits piquants, inquiets et ennemis de la sainte union qui existe entre Sa Sainteté et Sa Majesté ; ils viennent impudemment mettre en doute l'affection du Saint-Père pour cette couronne, soulèvent ces disputes oisives et inopportunes, et engendrent par ce moyen dans les esprits malades et faibles, une sorte de défiance pour l'attacliement sincère de Sa Béatitude à l'égard du roi et du royaume. Que Sa Majesté veuille donc imposer silence à ces téméraires et séditieuses contesta- tions. De son côté, le Saint-Père imposera, s'il en est besoin, silence à ces disputes aussi importunes qu'infructueuses. Inutiles pour les catholiques, ces divisions sont encore funestes aux hérétiques ; elles détournent et retardent leur conversion, et de plus, leur fournissent la matière d'un triomphe. En un mot, il serait nécessaire, pour le moment, d'arrêter et d'étouffer ces discussions dans le silence, d'un côté comme de  Année 1612 187 praedicatori che si sonno opposti all'insolentia dell'adver- sarii, tuttavia, già che si vede che la continuatione di litigar, disputare et altercare non spinge (sic), anzi accende il fuogho, sarà molto piû g^ovevole il silentio che la disputa. Et in vece di venire aile hipothesi, sarebbe stato meglio di ben incolcare le thesi nelle quali tacitamente si comprendono le hypothesi ; et in questa guerra, è certo che la pia dexterità, prudentia et dolcezza è molto più utile che l'infocata dottrina et ardore di spirito : « Spreta exolescunt ; si irascare, agnita videntur *. » * Tacit., Annales, 1. IV, c. xxxiv. Et spesse volte, pur che si stabiliscano bene le thesi, la meglior risposta che si possa fare alla importunitâ de questi spiriti turbulenti, è non stimarli degni di risposta. Et cosî sarebbe bisogno che adesso in Francia tutti li praedicatori, suavemente et non turbulentemente, incol- cassero l'unità ecclesiastica et la divotione delli Catholici verso il supremo Pastore, senza venire a disputare de quella authoritâ in particolare che ha sopra i Prencipi .  l'autre. Sans doute, il faut louer le zèle des prédicateur? qui se sont opposés à l'insolence des adversaires ; mais puisqu'on voit que par la continuation des plaidoyers, des controverses, des altercations, le feu s'allume au lieu de s'éteindre, le silence sera bien plus avanta- geux que la discussion elle même. Il eût été préférable aussi de ne pas en venir aux hypothèses, mais d'inculquer fortement les thèses où les hypothèses sont renfermées implicitement. Dans cette guerre, une pieuse adresse, la prudence et la douceur sont certainement plus fructueuses que le feu de la doctrine et l'ardeur du zèle. « Telle chose qu'on méprise tombe dans l'oubli ; Si l'on s'en irrite, elle acquiert de l'importance. » Pourvu que les thèses soient bien établies, la meilleure réponse qui se puisse faire aux importunités de ces esprits turbulents, est de ne pas les juger dignes de réponse. Aussi faudrait-il que maintenant en France, tous les prédicateurs prissent à tâche d'inculquer suave- ment, et non violemment, l'unité de l'Eglise et le dévouement des catholiques pour le Pasteur suprême, sans entrer dans la discussion de son autorité particulière sur les princes.  i88  Lettres de saint François de Sales  Et a quelli che deirauthorità pontificia parlano maie, non bisogneria rispondere direttamente, ma indiretta- mente, lamentandosi che questo facciano senza nécessita et con maligna intentione, per mettre (sic) in odio la Santa Sede, laquale tuttavia è dolcissima et afifettiona- tissima madré di quel regno. Et in vece di rispondere aile loro propositioni, sarebbe meglio d'impugnaré le loro intention!, acciô di renderli odiosi corne perturbatori délia quiète ; et fra taii discorsi, interporre suavemente quelli dûoi capi, dell'initâ ecclesiastica etchristiana, et dell'amore, o ver divotione verso la Santa Sede, nodo di quella unione et communione ecclesiastica. Sarebbe anco bene che col mezzo de Prelati affettionati et prudenti si procurasse unione et buona intelligentia fra la Sorbona et li Padri Giesuiti, acciô che giungendo quelli duoi bovi in un sol giogo, si lavorasse nel sacro campo più efficacemente. Et questo si potrebbe ancora fare se con destrezza et discretione se ne trattasse con la Regina, mostrando che con quel mezzo l'haeresia sarebbe molto indebolita, come è vero ; perché se in Francia li  Quant à ceux qui parlent en mauvaise part de l'autorité pontificale, on ne devrait pas leur répondre directement, mais indirectement; se plaindre de ce qu'ils font cela sans nécessité et avec la maligne intention de rendre odieux le Saint-Siège, lequel néanmoins n'a pour ce royaume que les sentiments d'une mère très douce et très aimante. Au lieu de répondre à leurs propositions, il vaudrait donc mieux attaquer leurs intentions, afin de les rendre odieux eux-mêmes, comme perturbateurs de la paix; et parmi de tels discours, insinuer doucement ces deux points : l'unité ecclésiastique et chrétienne, et l'amour ou le dévouement pour le Saint-Siège , lien de cette union et communion ecclésiastique. 11 serait bon aussi de ménager, par l'entremise de Prélats dévoués et prudents, l'union et la bonne intelligence entre la Sorbonne et les Pères Jésuites, afin que, réunissant deux bœufs sous un même joug, on pût travailler dans le champ sacré d'une manière plus efficace. Ce but, on pourrait l'atteindre si l'on en traitait adroitement et pru- demment avec la^ reine, lui montrant que, par ce moyen, l'hérésie serait considérablement affaiblie. Ceci est très vrai, car si en France, les Prélats, la Sorbonne et les Religieux étaient bien unis, c'en serait  Année i6i3 189 Praelati, la Sorbona et li Religiosi fossero ben uniti, l'haeresia non starebbe in piedi diec'anni. Et questa unione non sarebbe difficile da procurarsi, dando bene notitia alla Regina deU'importantia di essa, et havendo huomini che con dexterità aiutassero Monseignor Non- tio (0 et che potessero domesticare l'uni con l'ai tri. A questo potrebbe servire di raccommandare la cosa a li Provinciali et Generali dell'Ordini, et mandar Brevi suavissimi all'Università, et in particolare alla Sorbona, et anco a Praelati ; et in tutti mostrare l'affetto paterno di Nostro Signore nella conservatione di quel regno, et quanto Sua Santità desideri che tutti ammaestrino li populi nella vera et sincera obedientia et sommissione delli sudditi a quella corona. Ma prima che di far questa dîligentia, sarebbe neces- sario di haverne trattato con la Regina et il Consiglio. Et a ciô servirebbe grandemente che Sua Santità ne trattasse in Roma col l'Ambasciatore (') e con i Cardinali  fait de l'hérésie en dix ans. Cette union n'est pas si difficile à ména- ger, pourvu qu'on en fasse bien saisir l'importance à la reine, qu'on ait des hommes capables d'aider adroitement M^"" le Nonce ( i ) et de se familiariser les uns avec les autres. Ce qui pourrait aussi faciliter le succès, serait de recommander l'affaire aux Provinciaux et aux Généraux d'Ordres, d'adresser des Brefs pleins de bienveillance aux Universités, en particulier à la Sorbonne, et aussi aux Prélats, témoi- gnant en tous avec quelle affection paternelle Sa Sainteté souhaite la conservation de ce royaume, et combien elle désire que tous dressent les peuples à la vraie et sincère obéissance et soumission que les sujets doivent à cette couronne. Mais avant d'en arriver là, on devrait d'abord en avoir traité avec la reine et le Conseil ; il serait aussi très utile que Sa Sain- teté en conférât à Rome avec l'ambassadeur (») et les Cardinaux (i) Robert Ubaldini (voir le tome précédent, note ( i ), p. 208). (a) François Savary de Brèves, né en 1^60, dans le Nivernais, suivit, en 1^83, son oncle Jacques de Lancosme à l'ambassade de la Porte, et à sa mort (i^çi) lui succéda. Il revint en France vingt-deux ans plus tard, et fut ambassadeur à Rome depuis 1607 jusqu'aux premiers mois de 1614. Attaché à la maison de Gaston d'Orléans, la reine le nomma son grand écuyer, après la chute de Luynes, et fit ériger en comté la terre de Brèves. Il mourut à Paris en i6j8. Habile et paisionné serviteur des intérêts de la France,  190 Lettres de saint François de Sales francesi (0, mostrando un gran desiderio che quelle tali dispute scandalose siano lasciate. t Sero medicina paratur, • Ovid., Remédia Cum mala pcf longas invaluere moras *. » amoris, ^. 89. Et questo ho scritto per sodisfattione di V. S. 111"" et R""*, allaquale bascio le mani, preghando il Signor Iddio che al suo vero zelo nel servitio délia Chiesa dia la débita mercede in terra et in Cielo. y\ll'jjlmo et Rmo Sig"" mio osservandissimo, Monsig"" l'Arcivescovo di Tarentasa (a). Revu sur l'Autographe conservé à Rome, à la bibliothèque Barberini.  français (0, lémolgnant un ardent désir de voir finir ces scandaleuses discussions. « Le remède vient trop tard, lorsque, par de longues négligences, le mal a fait des progrès. » J'ai écrit tout ceci pour agréer à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, dont je baise les mains, priant Dieu notre Seigneur d'accorder à votre zèle sincère pour le service de l'Eglise, la récom- pense qui lui est due sur la terre et au Ciel. A mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Msr l'Archevêque de Tarentaise (2), très écouté à Constantinople, aimé de Henri IV, estimé de Paul V, dévoué aux missions des Jésuites et aux Lieux-Saints, François de Brèves laissa la réputation d'un très distingué diplomate. Cette existence si curieuse, si variée et féconde mériterait d'être contée ; même après les études de Perrens, elle fournirait sans doute une contribution nouvelle et pittoresque à l'histoire diplomatique et religieuse de la France au xvii^ siècle. (i) En 1612, les Cardinaux français étaient : François de Joyeuse (voir tome XII, note ( i ), p. 411), Pierre de Gondi, Anne d'Escars de Givry (voir le tome précédent, note (2), p. 70), François d'Escoubleau, cardinal de Sourdis, Jacques du Perron, François de la Rochefoucauld. (2) Vives et Migne ont donné comme destinataire à cette lettre-mémoire, le Cardinal Borghese, mais l'adresse autographe du Saint prouve que c'est une erreur. Voici comment elle s'est produite : M*' Germonio ayant envoyé la présente lettre à Rome au cardinal Borghese, celui-ci reçut du Saint-Père l'ordre d'en expédier une copie au Nonce de France; ce qu'il fit, en l'accompagnant d'une lettre datée du 5 mai i6t2. L'Autographe de l'Evê- que de Genève étant resté à Rome, c'est sans doute la copie du cardinal Borghese, conservée à la Bibliothèque Nationale et publiée pour la première fois par Vives, qui aura dérobé à celui-ci le nom du véritable destinataire. (Voir Pieralisi, Rimedio, etc.)  I  Année 1612 191 DCCLXI A LA PRÉSIDENTE BRULtART (0  Une solution également difficile et inutile. — Etat des esprits en 1611 et en i6n. — Zèle que le Saint jugeait inopportun. — Dangers de certaines discus- sions agitées par des docteurs incompétents. — Souveraine autorité spiri- tuelle du Pape; droits qu'elle lui confère. — Devoirs corrélatifs des chrétiens envers le Pape et l'Eglise. — Triple alliance qui doit exister entre le Pape et les rois. — Les deux autorités ne se contrarient pas, mais « s'entreportent l'une l'autre. » Chambéry, [mars 1612 (3).]  Je veux bien, ma très chère Fille, respondre a la demande que vous me faites sur la fin de vostre lettre ; mais ayés aggreable que je vous parle comme le grand saint Grégoire fit a une vertueuse dame nommée, comme luy, Grégoire, et laquelle estoit dame de chambre de l'Impératrice *. Elle l'avoit prié d'obtenir de Dieu la * Lib. vr, ep. xxu. connoissance de ce qu'elle devoit devenir, et il luy dit : « Quant a ce que vostre douceur me demande et qu'elle dit ne vouloir point cesser de m'importuner jusques a tant que je le luy aye octroyé, vous requeres de moy une chose esgalement difficile et inutile. » Je vous en dis de mesme, ma chère Fille. Quant a ce que vous me demandes, quelle authorité le Pape a sur le temporel des royaumes et principautés, vous desires de moy une resolution « esgalement difficile et inutile. » ( I ) La destinataire habitait une ville parlementaire, mais elle manquait d'idées nettes et paraissait avoir besoin de s'instruire pour se défendre contre les « vains discours. » Ces circonstances font songer à la présidente Brûlart, volontiers questionneuse, et obligée par son rang et ses relations d'être renseignée sur la controverse qui agitait alors les esprits. (9) Le texte, d'ailleurs tronqué, ne fournit aucune indication précise pour la date. La similitude de pensées, et même d'expressions, permet de placer cette lettre dans le voisinage de celle adressée à M*' Germonio.  192 Lettres de saint François de Sales Difficile, non pas certes en elle mesme, car au con- traire, elle est fort aysee a rencontrer aux espritz qui la cherchent par le chemin de la charité ; mays difficile, parce qu'en cet aage qui redonde en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses, il est malaysé de dire chose qui n'ofFence ceux qui, faysant les bons valetz, soit du Pape, soit des Princes, ne veulent que jamais on s'arreste hors des extrémités, ne regardant pas qu'on ne sçauroit faire pis pour un père que de luy oster l'amour de ses enfans, ni pour les enfans que de leur oster le respect qu'ilz doivent a leur père. Mais je dis inutile, parce que le Pape ne demande rien aux Rois et aux Princes pour ce regard. Il les ayme tous tendrement, il souhaitte la fermeté et stabilité de leurs couronnes, il vit doucement et amiablement avec eux, il ne fait presque rien dans leurs Estatz, non pas mesme en ce qui regarde les choses purement ecclésiastiques, qu'avec leur aggreement et volonié. Qu'est-il donq besoin de s'empresser maintenant a l'examen de son authorité sur les choses temporelles, et par ce moyen ouvrir la porte a la dissension et discorde ? Certes, icy je suis dans l'Estat d'un Prince qui a tous- jours fait très particulière profession d'honnorer et révé- rer le Saint Siège apostolique; et néanmoins, nous n'oyons nullement parler que le Pape se mesle, ni en gros ni en détail, de l'administration temporelle des choses du païs, ni qu'il interpose ou prétende aucune authorité temporelle sur le Prince, ni sur les officiers, ni sur les sujetz en façon quelconque : nous nous donnons plein et entier repos de ce costé la et n'avons aucun sujet d'inquié- tude. A quel propos nous imaginer des prétentions, pour nous porter a des contentions contre celuy que nous devons filialement chérir, honnorer et respecter comme nostre vray Père et Pasteur spirituel ? Je vous le dis sincèrement, ma très chère Fille : j'ay une douleur extrême au cœur de sçavoir que cette dispute de l'authorité du Pape soit le jouet et sujet de la parlerie parmi tant de gens qui, peu capables de la resolution qu'on y doit prendre, en lieu de l'esclarcir la troublent,  Année 1612 ig^ et en lieu de la décider la deschirent, et, ce qui est le pis, en la troublant, troublent la paix de plusieurs âmes, et en la deschirant, deschirent la très sainte unanimité des Catholiques, les divertissans d'autant de penser a la con- version des hérétiques. Or, je vous ay dit tout cecy pour conclure que, quant a vous, vous ne deves en façon quelconque laisser courir vostre esprit après tous ces vains discours qui se font indifféremment sur cetce authorité, ains laisser toute cette impertinente curiosité aux espritz qui s'en veulent re- paistre, comme les caméléons du vent. Et pour vostre repos, voyci des petitz retranchemens dans lesquelz vous retirerés vostre esprit a l'abri et a couvert. Le Pape est le souverain Pasteur et Père spirituel des Chreslièns, parce qu'il est le suprême Vicaire de Jésus Christ en terre ; partant, il a l'ordinaire souveraine au- thorité spirituelle sur tous les Chrestiens, Empereurs, Rois, Princes et autres, qui, en cette qualité, luy doivent non seulement amour, honneur, révérence. et respect, mais aussi ayde, secours et assistance envers tous et contre tous ceux qui l'offencent, ou l'Eglise, en cette authorité spirituelle et en l'administration d'icelle. Si que, comme par droit naturel, divin et humain, chacun peut employer ses forces et celles de ses alliés pour sa juste défense, contre l'inique et injuste aggresseur et offenseur, aussi l'Eglise ou le Pape (car c'est tout un) peut employer ses forces et celles de l'Eglise et celles des Princes chres- tiens, ses enfans spirituelz, pour la juste défense et conservation des droitz de l'Eglise contre tous ceux qui les voudroyent violer et destruire. Et d'autant que les Chrestiens, Princes et autres ne sont pas alliés au Pape et a l'Eglise d'une simple alliance, mays d'une alliance la plus puissante en obligation, la plus excellente en dignité qui puisse estre ; comme le Pape et les autres Prelatz de l'Eglise sont obligés de donner leur vie et subir la mort pour donner la nourriture et pasture spirituelle aux Rois et aux royaumes chrestiens, aussi les Rois et les royaumes sont tenus et redevables réciproquement de maintenir, au péril de leurs vies et Estatz, le Pape et l'Eglise, leur Lettms V 11  194 Lettres de saint François de Sales Pasteur et Père spirituel ( 0. Grande, mais réciproque obli- gation entre le Pape et les Rois; obligation invariable, obligation qui s'estend jusques a la mort inclusivement, et obligation naturelle, divine et humaine, par laquelle le Pape et l'Eglise doivent leurs forces spirituelles aux Rois et aux royaumes, et les Rois, leurs forces tempo- relles au Pape et a l'Eglise. Le Pape et l'Eglise sont aux Rois pour les nourrir, conserver et défendre envers tous et contre tous spirituellement ; les Rois et les royaumes sont a l'Eglise et au Pape pour les nourrir, conserver et défendre envers tous et contre tous temporellement : car les pères sont aux enfans et les enfans aux pères. Les Rois et tous les Princes souverains ont pourtant une souveraineté temporelle en laquelle le Pape ni l'Eglise ne prétendent rien, ni ne leur en demandent aucune sorte de reconnoissance temporelle ; en sorte que, pour abbreger, le Pape est très souverain Pasteur et Père spirituel , le Roy est très souverain prince et seigneur temporel. L'authorité de l'un n'est point contraire a l'au- tre, ains elles s'entreportent l'une l'autre ; car le Pape et l'Eglise excommunient et tiennent pour hérétiques ceux qui nient l'authorité souveraine des Rois et Princes, et les Rois frappent de leur espee ceux qui nient l'authorité du Pape et de l'Eglise, ou s'ilz ne les frappent pas, c'est en attendant qu'ilz s'amendent et humilient. Demeurés la : soyés humble fille spirituelle de l'Eglise et du Pape, soyés humble sujette et servante du Roy. Priés pour l'un et pour l'autre, et croyés fermement qu'ainsy faysant, vous aures Dieu pour Père et pour Roy. Franc', E. de Genève. ( t ) Les auteurs qui défendent la thèse du pouvoir indirect des Papes au temporel, et en particulier le P. Bianchi, O. M. ( i ), remarquent justement, en citant ces paroles du saint Docteur, qu'ils ne pourraient eux-mêmes se servir de termes plus énergiques.  ( I ) Délia Potestà c délia PoUtica délia Chicsa. Traitait due, coittro le ttiiove opinioni di Pielro Giannone, dedicati al Principe degli Apostoli. Roma, Pagliariiii, 17^5.  I  Amnée 1612 195  DCCLXII  A LA MERE DE CHANTAL La plus heureuse salutation qui fut jamais. — Les souhaits de VAve Maria. Chambéry, 25 mars 1612 (i). Quoy qu'extrêmement occupé, comment pourrois-je m'empescher de saluer ma très chère Fille, au jour de la plus heureuse salutation qui fut jamais faite? Hé! je supplie cette glorieuse Vierge qui fut aujourd'huy sa- luée, qu'elle nous impetre quelque part a la très sacrée consolation qu'elle receut. Mais Dieu vous bénie , vous remplisse de grâces ; Dieu soit avec nous, ma très chère Fille, car je n'ay pas davantage de loysir, gfrace a Nostre Seigneur, lequel nous fait la faveur de nous employer icy et la, a son très saint service ; car c'est a cela que je suis occupé en diverses sortes, de manière que le cœur de ma très chère Fille, comme le mien, en sera bien ayse. Salut a toutes nos filles très chèrement, [et] a la chère petite seur (2), a qui j'escriray au premier rencontre de loysir. Ce matin, jour de l'Annonciation. A Madame de Chantai. A la Visitation. (i) Pour la date de ce billet, on peut hésiter entre 161 1, i6ii et 1613, à cause de l'appellation de r Fille » donnée à la destinataire; mais la promesse d'écrire, que fait le Saint, « au premier rencontre de loysir, » le salut qu'il donne à toutes ses filles et l'allusion i ses travaux se comprennent mieux en i6i3, pendant le Carême de Chambéry. (3) Sans doute, la jeune baronne de Thorens.  196 Lettres de saint François de Sales DCCLXIII au duc de SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL !«' Requête en faveur d'un prisonnier innocent. Chambéry, 26 mars 1612. Monseigneur, Vostre Altesse est suppliée par le sieur Chapperon ( ' de luy vouloir donner la délivrance de la prison en laquelle il se treuve présentement. Et par ce qu'en divers voyages qu'il a fait par deçà je n'ay jamais recon- neu en luy qu'un esprit franc, candide et vrayemênt chrestien, et que d'ailleurs plusieurs bons Religieux et gens de bien de cette ville m'ont conjuré de le secourir de ma très humble intercession auprès de Vostre Altesse Serenissime, je la supplie en toute révérence qu'il luy playse accorder laditte délivrance, tant en considération de l'innocence du pauvre prisonnier, que les Pères Ca- pucins attestent n'avoir aucunement coopéré a la sortie du P. Bonaventure (*), seul sujet apparent de son empri- sonnement, qu'en faveur de ce saint tems de Caresme, auquel le divin Aigneau d'innocence a si bonteusement délivré nos âmes coulpables de la perdition. Vostre Altesse fera sans doute une justice charitable en cela (3), pour laquelle Dieu accroistra les recompenses qu'il luy a préparées. Je prie continuellement cette souveraine Bonté qu'il (i) En 1610, un « capitaine Chaperon » avait « un roolle de trois cents hommes » pour prendre part à une entreprise sur le pays de Vaud : serait-ce le personnage auquel s'intéressait le Saint? Aujourd'hui encore, le nom que portait le « pauvre prisonnier » subsiste en Savoie. (3) Il semble à peu près sûr que ce Religieux était Capucin, mais nous ignorons s'il rentra dans sa famille et s'il faut le chercher parmi les nombreux Pères Bonaventure de ce temps-là. (3) Le duc acquiesça au désir de saint François de Sales ; voir la lettre du 18 juin i6i3, à Son Altesse.  I  Année 1612 197 luy playse combler de ses grâces Vostre Altesse Sere- nissime, et suys inviolablement, Monseigneur, Vostre très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Francs E- de Genève. XXVI mars 1612, a Chamberi. A Son Altesse Serenissime, Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.  DCCLXIV  A LA MERE DE CHANTAL  L'insensibilité spirituelle : en quoi consistait cette épreuve pour la Mère de Chantai. — Conseils appropriés. — Le haut point de la sainte résignation.  — Les ténèbres au pied de la Croix.  Chambéry, 28 mars 161 2.  Or sus, ma très chère, très unique, ma Fille, il est bien tems que je responde, si je puis, a vostre grande lettre. Helas ! ouy, ma très chère, toute vrayement très chère Fille ; mays si faut-il que ce soit en courant, car j'ay fort peu de loysir, et n'estoit que mon sermon, que je vay tantost faire, est des-ja tout formé dans ma teste, je ne vous escrirois autre chose* que le billet ci-joint. Mais venons a l'exercice intérieur duquel vous m'es- crives. Ce n'est autre chose qu'une vraye insensibilité qui vous prive de la jouissance, non seulement des con- solations et inspirations, mais aussi de la foy, espérance et charité. Vous les aves pourtant et en fort bon estât, mais vous n'en jouisses pas, ains estes comme un enfant qui a un tuteur qui le prive du maniement de tous ses biens, en sorte que, tout estant vrayement a luy, néan- moins il ne manie et ne semble posséder ni avoir riop  198 Lettres de saint François de Sales Gaiat., IV, I. que sa vie, et, comme dit saint Paul *, estant maistre de tout, il n'est point différent du serviteur en cela; car ainsy, ma très chère Fille, Dieu ne veut pas que vous ayés le maniement de vostre foy, de vostre espé- rance et de vostre charité, ni que vous en jouissiés, sinon justement pour vivre et pour vous en servir es occasions de la pure nécessité. Helas, ma très chère Fille, que nous sommes heureux d'estre ainsy serrés et tenus de court par ce céleste Tuteur! Et ce que nous devons faire, n'est sans doute autre chose que ce que nous faysons, qui est d'adorer l'aymable providence de Dieu, et puis nous jetter entre ses bras et dedans son giron. Non, Seigneur, je ne veux point davantage de jouissance de ma foy, ni de mon espé- rance, ni de ma charité, que de pouvoir dire en vérité, quoy que sans goust et sans sentiment, que je mourrois plustost que de quitter ma foy, mon espérance et ma charité. Helas ! Seigneur, si tel est vostre bon playsir que je n'aye nul playsir de la prattique des vertus que vostre grâce m'a conférées, j'acquiesce de toute ma volonté, quoy que contre les sentimens de ma volonté. C'est le haut point de la sainte résignation de se con- tenter des actes nuds, secs et insensibles, exercés par la seule volonté supérieure ; comme ce seroit le supérieur degré de l'abstinence de se contenter de ne manger jamais sinon avec desgoust, a contrecœur, et non seule- ment sans goust ni saveur. Vous m'aves fort bien exprimé vostre souffrance, et n'aves rien a faire pour remède que ce que vous faites, protestant a Nostre Seigneur, en paroles mesme vocales, et quelquefois encor en chantant, que vous voules mesme vivre de la mort et manger comme si vous esties morte, sans goust, sans sentiment et connoissance. En fin, ce Sauveur veut que nous soyons si parfaitement siens, que rien ne .nous reste, pour nous abandonner entièrement a la mercy de sa providence, sans reserve. Or, demeurons donq ainsy, ma très chère Fille, parmi ces ténèbres de la Passion. Je dis bien parmi ces ténèbres, car je vous laisse a penser : Nostre Dame et saint Jean  Année 1612 199 estans au pied de la Croix, emmi les admirables et espou- vantables ténèbres qui se firent, ilz n'oyoyent plus Nostre Seigneur, ilz ne le voyoyent plus et n'avo5'ent nul sentiment que d'amertume et de détresse, et bien qu'ilz eussent la foy, elle estoit aussi en ténèbres, car il failloit qu'ilz participassent a la dereliction du Sau- veur. Que nous sommes heureux d'estre esclaves de ce gfrand Dieu qui, pour nous, se rendit esclave *! • Philip., u, 7. Mais voyla l'heure du sermon. A Dieu, ma très chère Mère, ma Fille en ce Sauveur. Vive sa divine Bonté ! J'ay une ardeur incomparable pour l'avancement de nostre cœur, pour lequel je resigne tous mes autres contentemens entre les mains de sa souveraine et pater- nelle providence. Bon soir de rechef, ma très chère Fille. Jésus, le doux Jésus, cœur unique de nostre cœur, nous bénisse de son saint amour. Amen. Francs E. de Genève. Le 28 mars 1612.  DCCLXV AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL 1"  Supplique da Saiot au nom d'un gentilhomme qu'il avait assisté à ses derniers moments.  Chambéry, 29 mars 1612. Monseigneur, Ayant rendu quelque sorte d'assistence a feu monsieur de Lambert en l'extrémité de sa vie (0 pour la conso- lation de son ame, selon ma vocation, il m'a conjuré de (i) Jérôme de Lambert (voir tome XIII, note (i), p. 198), qui avait été inhumé le 18 mars.  aoo Lettres de saint François de Sales présenter cette supplication très humble a Vostre Altesse. C'est, Monseigneur, qu'il vous playse luy continuer Ihonneur de vostre bienveuillance encor après son très- pas, comm'a un serviteur fidèle et ancien de Vostre Altesse, qui, en la vie et en la mort, n'avoit rien eu de plus entier en son ame que la très humble obéissance qu'il devoit a vostre couronne ; et que, ne pouvant plus exercer cette sienn'aflfection en ce monde, il avoit fait choix dufilz aysné du sieur de Chenex (0 pour le nommer son héritier, affin qu'avec ce peu de biens qu'il luy laisse, il puisse estre eslevé et ndUrri en la vertu et en la puis- sante inclination du service de Vostre Altesse, a laquelle, outre son originaire devoir, le nom et les armes de Lam- bert, qu'il luy ordonne de porter, le rendront absolument hipothequé et consacré (»). En suite dequoy, il supplioyt aussi très humblement Vostre Altesse de recevoir ce sien héritier sous la protection de sa bonté et de l'avoir en recommandation particulière, affin que, croissant a l'om- bre de cette faveur, il devienne plus capable de prattiquer un jour le service de Vostre Altesse auquel il a esté dédié. M'estant donques rendu dépositaire de ces derniers souhaitz de ce bon defunct, je rens mon depost a Vostre Altesse, a laquelle il estoit addressé, la conjurant par sa propre bonté de départir ce bonheur a ce jeune gentil- homme, pour ne point rendre vain le contentement que celuy qui l'a fait son héritier prenoit en l'extrémité de ses jours, en l'espérance qu'il avoit que Vostre Altesse ne l'esconduiroit point en cette très humble supplication que je luy fay maintenant de sa part. Et tandis, continuant ( X ) Le « sieur de Chenex » est Jérôme d'Angeville, dit de Mestral, seigneur de Chenex on Chesnay, d'AUonzier, etc.. fils de noble Marin d'Angeville et de Françoise-Marie de Lambert, maître de camp d'un régiment d'infanterie, gouverneur de Verceil, puis maréchal de camp dans les armées de Son Altesse. Il avait épousé, le i8 avril 1605, Claudine de Bouvens qui, étant veuve, teste an château de Lornay en 1670. (a) Le « filz aysné » du précédent, qui avait hérité de Jérôme de Lambert, son grand-oncle et parrain, à la condition expresse d'en porter le nom et les armes pures, était Jérôme d'Angeville, dit de Lambert, baron de Ternier et Lornay. Le 14 avril 1640, il épousa Lucrèce de Menthon de Lomay, et mourut le 37 juillet 1676, quelques mois après Claude-Louis, son fils unique, décédé sans postérité.  i  Année 1612 aoi les vœux que je doys et fay pour la prospérité de Vostre Altesse, je demeure, Monseigneur, Vostre très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franc», E. de Genève. A Chamberi, le xxix mars 161 2. Revu sur une copie conservée à Turin, Archives de l'Etat.  DCCLXVI A M. ANTOINE DES HAYES (0 Le nid du Saint. — Messages et nouvelles. Chambéry, 29 mars 1612. Monsieur, Ce porteur, qui est filz d'un très bon père et lequel est de mes meilleurs amis ('), n'a pas voulu retourner a Paris sans vous rapporter de mes lettres comm'il m'en avoit apporté des vostres, estimant que, comm'il désire, il vous en seroit plus aggreable. Je luy suis fort obligé de cette bonne pensée, fondée sur la créance qu'il a de la parfaitte bienveuillance dont vous me favorisés, qui est une persuasion laquelle, comm'elle m'est fort hon- norable, elle m'est aussi fort douce et aymable. Il vous dira toutes nos nouvelles, qui, a mon advis, consiste (sic) en ce que nous n'en avons point. Pour moy, je tire chemin en ce Caresme, affin de me retirer dans mon nid soudain après Pasques. (i) D'après le texte, on voit que le destinataire de cette lettre résidait à Paris en 161 j, qu'il s'intéressait aux choses de Savoie, qu'il était le créancier du Saint et l'ami du président Favre. Toutes ces particularités font préférer des Hayes aux autres correspondants de l'Evêque de Genève. (a) Ce porteur pourrait être un membre de la famille Bouvard, un de Quoex, un Paquellet de Moyron.  ao2 Lettres de saint François de Sales J'ay pensé avoir Ihonneur de voir Monsieur le Cardi- nal de Mantoûe a son retour (0 ; mays on nous dit quil prend le chemin d'Allemaigne. On avoit aussi donné du bruit du passage de monsieur le Duc d'Espernon {''), mais il s'esvanoùit aussi. Quant aux mariages (?), vous sçaves qu'en tems de Caresme ce n'en est pas la sayson ; aussi n'en dit-on plus mot. Nous attendons le passage du sieur de Granier, qui nous dira ce quil aura pris d'argent sur vostre faveur (4), et soudain, Dieu aydant, je l'envoyeray, voulant meshuy donner commencement a la satisfaction de tant de devoirs pécuniaires que je vous ay ; car quant aux autres, je ne pourray ni ne voudray jamais en estre quitte, ayant un extrême playsir d'estre par obligation ce que je suis si absolument par inclination : c'est, Monsieur, Vostre très humble frère serviteur, Franc», E. de Genève. xxviiii mars 1612, a Chamberi. Je ne cesseray jamais de recommander a Nostre Sei- gneur la prospérité de toute vostre mayson, et suis très humble serviteur de madame la mère de famille d'icel- le, que je salue de toute mon affection. Monsieur le premier président Favre me tient icy en consolation, en parlant souvent de vous selon mon désir. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Reims. (i) Ferdinand de Gonzague, né en 1587, cardinal en 1607, était fils de Vincent P'', duc de Mantoue. A la mort de son frère François (1612), qui n'avait laissé qu'une fille, il prit les titres de duc de Mantoue et de Mont- ferrat, et en 1613, s'empara de la tutelle de sa nièce. Après avoir quitté la pourpre en 1615, il épousa le 7 février 1617, Catherine de Médicis, fille de Ferdinand P"", grand-duc de Toscane, et mourut en 1626, sans postérité. Des négociations diverses l'attirèrent à la cour de France, où il fit d'assez longs séjours, entouré d'égards et mêlé d'assez près à sa vie intime. (Cf. Ciaconius, Hist. Pontif. et Card., 1677, tom. IV, p. 416; Moreri, 1740.) (2) Le fameux duc d'Epernon (1554-1642) était, par sa mère, neveu de Roger de Bellegarde. Il accompagnait Henri IV, quand ce prince vint à Annecy en 1600. Parmi les vicissitudes qui traversèrent sa longue vie, il se montra toujours le défenseur des intérêts catholiques. (3) Voir ci-dessus, notes (i), (2), p. 79, et note (2), p. 149. (4) Cf. ibid., pp. 148, 149.  Année 1613 203  DCCLXVII A M. CLAUDE DE QUOEX (inbditb) « La pauvre dame Jaqueline, » — Dureté de M. Gilette. — Le P. de Boni- vard, S. J., prédicateur du Carême à Annecy. — Contentement mutuel du Religieux et du bon peuple annécien. — Afûuence des Chambériens aux sermons de saint François de Sales. Chambéry, i" avril 161a. Monsieur, J'apporteray tout le soin quil me sera possible pour la pauvre dame Jaqueline, a laquelle j'ay extrême com- passion, et ne sçaurois néanmoins rien avancer que le sieur Gilette (0 ne soit de retour de Piémont ou il est. Il m'a des-ja tant ennuyé par la dureté avec laquelle il traitte cette pauvre femme, que s'il ne fait autre chose, je la veux prendre avec luy le plus asprement que je pourray, et ne doute point qu'il ne soit en mon pouvoir de le ruyner, si je m'y resous. Ce m'est un extrême contentement que nostre cher Annessi gouste si franchement le bonheur qu'il a d'ouïr ce grand homme de Dieu, le P. Bonnivard, duquel de toutes pars chascun me fait festes. Je sçavois bien qu'un si bon peuple ne pouvoit qu'avoir un playsir infini d'un prédicateur qui a tant de bonnes parties. Il m'escrit réci- proquement qu'il est tout plein de consolation de voir que la terre qu'il cultive reçoit si utilement la graine sacrée de la divine parole, et treuve que la promesse que je luy en avois faite est surmontée par les eflfectz (»). (i) Voirie tome précédent, note (i), p. 37. (3) Les Délibérations municipales d'Annecy font mention de ce Carême : « Le P. Bonivard, Jésuite, » y est-il dit à la date du aj avril, « prédicateur du Caresme, devant se retirer jeudy a Pontarlier, lieu de sa demeure,... la ville ayant recogneu la grand peine qu'a prise le Père... a esté d'advis que l'on attendroit l'arrivée de M*"" le Rev""», par l'advis duquel et commande- ment, les scindiques se conformeront. » Et le i**^ mai on a soin de noter que le prédicateur, venu de Vesoul, n'a pas voulu « de sallaire. »  204 Lettres de saint François de Sales Pour moy, je vay devuidant le reste de Caresme, fay- sant au mieux que je puis, et ayant jusques a présent occasion de me louer de l'affluence et de l'attention de mes auditeurs (ï). Dieu soit a jamais loiié du fruit qui en naistra, si tant est qu'il luy playse bénir l'intention que j'ay de son saint service en ce petit travail. Les deux frères que vous aymes (») vous honnorent et chérissent affectionnement , et parlent fort souvent de vous en ce sens et avec ce goust, mays celuy ci particuliè- rement qui, vous saluant de tout son cœur, et madame ma chère bonne seur ( 3 ), est invariablement, Monsieur, ~ Vostre très affectionné plus humble serviteur, Franc*, E. de Genève, i" avril 1612, a Chamberi. A Monsieur de Quoëx, collatéral, etc. (4) Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. (i) Comme il se l'était promis (voir ci-dessus, p. 54) eUcomme il l'avoue, le saint Evêque fit « au mieux » qu'il put, pendant le Carême de Chambéry. Dieu se plut à bénir son zèle, car les auditeurs accoururent « a luy de tontes parts, non seulement pour oûyr ses prédications, mais enco% pour rece- voir les documens de salut sur la direction » de leur « conscience... » (Dép. de Pierre-Antoine de Castagnery, baron de Châteauneuf, Process. remiss. Gebenn. (II), ad art. 11.) Au rapport de l'un d'entre eux, « l'on disoit commu- nément que ses prédications estoient miraculeuses, par ce que, » donnant tout le jour aux « confessions et a des prédications particuUieres... il avoit fort peu de temps pour se préparer. » (Dép. d'Antoine Dunant, curé de Contamine, Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 35.) Nous avons les plans de quelques-uns des sermons que François de Sales prêcha à Chambéry (voir tome VIII, pp. 74-ioi). L'exorde du discours de début est de grande allure ; les canevas eux-mêmes, où se pressenties pensées originales, les remarques vives et pittoresques, donnent l'idée que son élo- quence dut être, ainsi que le disait plus tard la Mère de Beaumont, « toute charmante. » (Les Vies de plusieurs Supérieures de l'Ordre de la Visitation, Annecy, 1693, Vie de la Mère A-C. de Beaumont, p. 83.) (a) Le Saint lui-même et probablement Jean-François, qui avait dû l'accom- pagner à Chambéry; peut-être aussi Antoine Favre, ami de M. de Quoex. (3) Bernardine de Chissé, femme du destinataire (voir tome XII, note ( i ), p. 100). (4) L'adresse a été sans doute tronquée à la transcription du texte auto- graphe.  Année 1612 205 DCCLXVIII AUX RELIGIEUSES DE LA VISITATION d'aNNECY Pourquoi saint François de Sales se résignait i vivre en ce misérable monde. — Abeilles mystiques et mouches libertines : le bonheur et les exercices des unes et des autres mis en parallèle. — Un festin plus délicieux que celui d'Âssuérus. — Les spirituelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion, de Thabor. — Bonheur de la vie religieuse. Chambéry, i" avril 161 a (i). Seroit-il bien possible que mon esprit oubliast jamais les chers enfans de ses entrailles * ? Non, mes très chères • Cf. Is., xux, 15. Filles, fna chère j'oye et ma couronne *, vous le sçavés • Philip., uit. 1. bien, je m'en asseure; et vos cœurs vous auront bien respondu pour moy que si je ne vous ay pas escrit jusques a présent, ce n'est sinon jparce que, escrivant a nostre très unique et bonne Mère, je sçavois bien que je ne vous escrivois pas moins qu'a elle, par cette douce et salutaire union que vos âmes ont avec la sienne ; et encor, parce que le saint amour que nous nous portons réciproque- ment, est escrit, ce me semble, en si grosses lettres dans nos cœurs, qu'on y peut bien lire presque nos pensées de Neci jusques icy. Je suis avec un peu plus de monde que quand je surs en nostre séjour ordinaire auprès de vous ; et plus j'en voy de ce misérable monde, plus il m'est a contrecœur, et ne croy pas que j'y peusse vivre, si le service de quelques bonnes âmes en l'advancement de leur salut ne me donnoit de l'allégement. Mon Dieu, mes chères Filles, que je treuve bien plus ( I ) D'après les éditeurs de 1636, cette lettre serait du itr avril 1610, et de 1616 d'après Hérissant. La première date est fausse manifestement, puisque la Visitation ne fut fondée qu'au mois de juin suivant. Quant à la seconde, elle est contredite par la double allusion à l'Evangile de la multiplication des pains (voir page suivante), lequel se lit le iv' Dimanche de Carême, et par l'absence du Saint, d'Annecy. La date que nous adoptons concorde avec les faits et les allusions du texte.  2o6 Lettres de saint François de Sales heureuses les abeilles, qui ne sortent de leur ruche que pour la cueillette du miel, et ne sont associées que pour le composer, et n'ont point d'empressement que pour cela, et dont l'empressement est ordonné, et qui ne font dans leurs maysons et monastères sinon le mesnage odorant du miel et de la cire ! Qu'elles sont bien plus heureuses que ces guespes et mouches libertines, qui, cou- rans si vaguement et plus volontier aux choses immondes qu'aux honnestes, semblent ne vivre que pour importu- ner le reste des animaux et leur donner de la peyne, en se donnant a elles mesmes une perpétuelle inquiétude et inutile empressement. Elles vont par tout furetant , sucçant et picorant tandis que leur esté et leur automne dure, et l'hiver arrivé, elles se treuvent sans retraitte, sans munition et sans vie ; ou nos chastes abeilles, qui n'ont pour objet de leur veuë, de leur odorat, de leur goust, que la beauté, la suavité et la douceur des fleurs rangées a leur dessein, outre la noblesse de leur exer- cice, ont une fort aymable retraitte, une munition aggrea- ble et une vie contente parmi l'amas de leur travail passé. Et ces âmes amoureuses du Sauveur, qui le suivent en • Evang. IV Dom. nostre Evangile * jusques sur le haut du désert, y font Q.ua rag., joan., ^^ ^^^^ dclicieux fcstin SUT l'herbe et les fleurs, que ne firent jamais ceux qui jouissoyent de l'appareil somptueux • Esther, i, 3-8. d'Assuerus "', ou l'abondance estoujEFoit la jouissance parce que c'estoit une abondance des viandes et des hommes. Vives joyeuses, mes très chères Filles, entre vos sain- tes occupations. Quand l'air vous sera nubileux, entre les sécheresses et aridités, travaillés au 4edans de vostre cœur par la prattique de la sainte humilité et abjection ; quand il sera beau, clair et serein, allés, faites vos spiri- tuelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion et de Thabor, et, de la montaigne déserte ou Nos- tre Seigneur repaist sa chère trouppe aujourd'huy, volés jusques au sommet de la montaigne éternelle du Ciel et voyés les immortelles délices qui y sont préparées pour ' Cf. Is., Lxnr, 4 ; VOS cœurS *. or-, u. 9« jj^^ qu'ilz sont heureux ces cœurs bienaymés de mes  J  Année 1612 207 filles, d'avoir quitté quelques années de la fause liberté du monde, pour jouir éternellement de ce désirable escla- vage auquel nulle liberté n'est ostee que celle qui nous empesche d'estre vrayement libres ! Dieu vous bénisse, mes très chères Filles, et vous face de plus en plus avancer en l'amour de sa divine éternité, en laquelle nous espérons de jouir de l'infinité de ses faveurs pour cette petite, mais vraye fidélité, qu'en si peu de chose, comme est cette vie présente, nous voulons observer moyennant sa grâce. La dilection du Père, du Filz et du Saint Esprit soit a jamais au milieu de vos cœurs, et que les mammelles de Nostre Dame soyent pour tous-jours nostre refuge. Amen. Le i" avril.... Dieu m'a favorisé d'avoir peu escrire tout d'une haley- ne, quoy que presque sans haleyner, ces quatre petitz motz a mes très chères filles, qui, mises ensemble comme fleurs en un bouquet, sont délices a la Mère de la Fleur de Jessé * et la fleur des mères. Hé, Seigneur, que ce soit • Is., xi, î. en odeur de suavité. Amen. Vive Jésus, en qui je suis Vostre très affectionné serviteur, Franç% E. de Genève.  DCCLXIX AU BA.RON BERNARD DE CHEVRON (0 Envoi d'une lettre d'affaires. Chambéry, 2 avril 1612. Monsieur mon Cousin, Voyla une lettre de monsieur de Bonvilars nostre (i) Bernard de Chevron- Villette, baron et seigneur de Chevron, de Dérée, etc., fils d'Hector de Chevron-Villette et de Jeanne de Menthon (cf. tome XI, note { I ), p. 43, et tome XIII, note { a ), p. 344), avait épousé le 33 juin 1608, Charlotte-Emmanuelle de Chabod, comme nous l'avons dit au tome précé- dent, note ( a ), p. 49, et note ( i ), p. 267.  3o8 Lettres de saint F^ramçois de Sales oncle ('), a laquelle je ne puis faire autre*response que celle que vous m'ordonneres. Cependant je demeureray, de vous et de madame ma cousine (>), Très affectionné, plus humble cousin et serviteur, Franc', E. de Genève. A Chamberi, le 2 avril 161 2. A Monsieur Monsieur le Baron de Chivron, Chevalier du souverain Sénat de Savoye {)). Revu sar l'Autographe conservé à la Visitation de Pignerol. ( i ) Jean- Louis, dit de Chevron, troisième fils et cohéritier universel de ses père et mère, Michel, baron de Chevron et seigneur de Bonvillard, et Béatrix de Dérée. Il épousa, par contrat dotal du 9 mai 1593, Claudine Solliard de Miribel, décédée en '1613, et en secondes noces, Jeanne de Ramus, veuve, le 34 juin 1618, de noble Jean-Baptiste de la Palud. « Monsieur de Bonvilars » mourut sans postérité. (Voir à l'Appendice, sa lettre au Saint, ai mars 1613.) Il faut noter que ce billet a été écrit sur la même feuille envoyée par M. de Bonvillard, et qu'il occupe le blanc laissé par celui-ci entre le texte et sa signature. (3] La femme du destinataire. (3) C'est Hector qui était « chevalier du souverain Sénat de Savoye; » son fils, le destinataire de la présente lettre, n'a jamais eu cette charge. Le Saint aurait-il eu une distraction en écrivant l'adresse ? ou bien aurait-il envoyé la lettre à Hector de Chevron, en l'absence de son fils }  DCCLXX a m. CLAUDE DE QUOEX Le Saint s'emploie pour obtenir l'expédition d'un procès. Chambéry, [vers le 20 avril 1612 (i).] Monsieur, Le P. Recteur de Chambéry me dit que l'expédition (i) L'Autographe publié pour la première fois en 1885 par M. Mugnier (Saint François de Sales, docteur en droit, etc., pp. 114-116), ne porte ni date, ni adresse. « Comme nous avons » trouvé cette lettre, dit-il, « avec celles  Année 1612 209 de son procès (0 vous estant recommandée, il l'aura ou demain ou, au plus long aller, passé demain. Monsieur, je luy ay promis que j'y employerois ma prière, et je le fay avec confiance par ces deux motz, au bout desquelz j'adjouste un très affectionné bon soir pour vous. Mon- sieur, et pour madame ma seur(2), estant et de vous et d'elle, Serviteur et frère bien humble. Franc», E. de Genève. Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie. qui sont écrites à Claude de Quoex et que le destinataire et sa femme y sont appelés mon frère et ma sœur, nous pensons qu'elle a été envoyée à ce ma- gistrat. » La chose nous semble assez probable. La date que nous ajoutons paraît concorder avec la teneur de la lettre (voir la note suivante) ; mais une date antérieure ne répugnerait pas abso- lument. ( I ) Le Recteur de Chambéry était le P. Claude Marins, ou Le Maire, ou Lemaire. Né à Dole en 1570, entré dans la Compagnie de Jésus le 4 septem- bre 1590, profès des quatre vœux le 15 novembre 1609, il mourut à Grenoble le 4 avril 1631. (D'après les noies du R. P. Van Meurs, S. J.) Depuis plusieurs années, le baron de la Serraz (Bertrand de Seyssel) était en procès» avec les Jésuites de Chambéry, à l'occasion du prieuré du Bourget que le Pape avait uni à leur collège en 1582; son fils, Louis des Granges, s'emporta contre eux, au point de menacer de mort la«P. Recteur. Voir la longue lettre que le président Favre écrivit à ce sujet au duc de Savoie, le i**^ avril i6iî (Mugnier, Correspondance du Président Favre, tome II, publié parla Société savoisienne, etc., 1905). Une sentence du Sénat rendit le baron responsable des violences de son fils; il dut même, sur l'ordre de Charles-Emmanuel, faire des excuses au P. Lemaire et au Sénat. Un mois après, un arrêt civil prononcé, semble-t-il, le 14 avril i6n, donna gain de cause aux Jésuites. (Cf. Codex Fabrianus, lib. III, tit. xxii.) (a) Bernardine de Chissé, fem ne du destinataire.  LtTTKiS V  210 Lettres de saint François de Sales DCCLXXI A LA MÈRE DE CHANTAL ' (billet inédit) Cent mille bonjours. Annecy, 30 avril [161 2 (i).] Dieu vous donne cent mille bonjours et la santé très lieureuse, ma très chère Fille, que je recommanderay de tout mon cœur a sainte Catherine de Siene, puisque c'est aujourdhuy sa feste. Bonjour, ma très chère Fille. Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy. (i) Ces lignes datent des premières années de la Visitation. En 1611, le Saint écrivit à la Mère de Chantai la veille de la fête de sainte Catherine de Sienne (voir plus haut, p. 47); le présent billet semble donc assez bien placé en 1613.  DCCLXXII A LA MÊME Visite promise ; visite annoncée. Annecy, 7 mai 1612 (i). Ma très chère Fille, Je vous donne le bonjour, et peut estre iray-je vous donner le bon soir en personne, cependant, si je puis ; et mesme par ce que M"" l'Ancienne (') est venue, laquelle, (i) Les corrélations de ce billet avec la Lettre dcclxxiv (p. 21a) et les rap- ports de l'une et de l'autre avec la lettre à M"» de Maillard, donnée ci-après, ont fait préférer i6ia à 1611; le quantième se déduit de la date du Synode qui, en 1612, s'ouvrit le 9 mai. (3] Jéronyme de Maillard, ancienne abbesse de Sainte-Catherine (voir le tome précédent, noté (i), p. 79).  Année 1612 311 on m'asseure, ira vers vous avec intention d'avoir plus de commodité de me parler ; bien que je voye qu'ell'en aura peu ou que ce soit, a rayson de nostre Sinode, duquel les abors commencent demain (0. Bonjour, ma très chère Fille, et priés pour moy. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat, ( I ) « Les abors » du Synode désignent sans doute les réunions prépara- toires qui se tenaient la veille de son ouverture. (Cf. Mém. et doc. de VAcad. Salés., tome II, pp. 174, seq.j  DCCLXXIII A MADAME DE MAILLARD ANCIENNE ABBESSE DE SAINTE-CATHERINE (0 Recommandations pour la Sœur de Vignod. — Notre-Seigneur est jaloux des âmes qu'il favorise. Annecy, [vers le 8 mai] 1612 (a). Ma très chère Fille, Je salue vostre cœur de toute mon ame. J'ay dit a ce porteur ce qui m'a semblé a propos, qui est quil regar- dast a treuver parti tout a loysir, affin de sortir de ce service auquel il est, plus convenablement. Ma fille [de Vignod (?)] doit estre bien sur ses gardes ( i) Comme saint François de Sales l'avait prévu (voir le billet précédent), l'ancienne Abbesse de Sainte-Catherine n'eut pas la » commodité » deTentre-»' tenir à souhait et fut obligée de lui écrire (cf. le billet suivant). La présente lettre a tout l'air d'être la réponse aux confidences de « Madame l'Ancienne. » La désignation de celle-ci comme destinataire est fondée sur ces diverses con- cordances; elle n'est donc pas absolument certaine. (3) L'année léia est sûre par l'allusion à la « revëue » de la « Seur de Bons I» faite au Saint à Chambéry, sans doute pendant le Carême; l'écriture la confirme. Le quantième est indiqué par leî relations de cette lettre avec les deux billets précédent et suivant. ( 3) Le nom que nous croyons être de Vignod, a été coupé; les autres mots ajoutés entre crochets [ ] ont disparu par suite de la déchirure du bord de  212 Lettres de saint François de Sales pour ne donner aucun sujet aux hommes de soupçon, par aucun desreglement de contenance, ou amusement, ni sujet de jalousie a l'Espoux céleste, qui est, a la vérité, jaloux des âmes qu'il favorise, affin qu'on ne distraise de son amour aucune affection pour l'appliquer a la créa- ture. J'ay veu sa seur de Bons (O a Chamberi, et ell'a [fait] fort dévotement et confidemment sa revëue [depuis] que je l'ouys en confession en son abbaye. Dieu vous comble de ses bénédictions, ma très [chère] Cousine, ma Fille, et je salue nostre Seur de [Vignod] et toutes nos autres Seurs. Revu sur l'Autographe conservé au i" Monastère de la Visitation de Marseille. l'Autographe. Le même nom de Vignod, que nous restituons à l'avant-der- nière ligne, correspond juste à la place restée en blanc. (i) Jeanne de Vignod, la « jeun* Abbesse. » (Voir le tome précédent, note (2), p. ao6.)  DCCLXXIV A LA MÈRE DE CHANTAL (inédite) Charité attentive et minutieuse du Saint pour la Mère de Chantai. Le régime d'une convalescente. Annecy, vers le 10 mai 16 12 (i). Ce livre la est bon, mais non pas pour l'affaire pré- sente (»); nous en chercherons un autre plus court et le treuverons. Dieu aydant. Cependant, ma très chère Mère, reposés un peu bien, manges un peu de choses bonnes et ne mettes pas du tout tant d'eau au vin ; car je voy que ces foiblesses proviennent d'abbatement d'estomach et de froideur de teste. Du moins, trempes un peu vostre nez et vos poulz (1) Pour la date de ce billet, voir note (i), p. aïo. (a) Nous ignorons le titre du livre et le sujet de raffaire.  Année 1612 213 de vin, et manges une douzaine de raysin Damas après souper. Je suis bien ayse que cette bonne damoyselle soit si brave (0; je Tayme bien, je vous asseure. Demain, sil se peut, j'iray au moins a 9 heures. Dieu vous bénisse, ma très chère Mère, et vous comble de son tressaint et pur amour. La bonne Madame l'An- cienne m'a escrit tout ce qu'ell' avoit a me dire (>). Vives joyeuse, avec Nostre Seigneur vivant et régnant en nostre cœur. Amen. Revu sur l'Autographe appartenant à M"* Revel de Mouxy, à Brest. (i) Le 7 mai 1612, « l'Heustace, fiUie de feu François Thavan, de la par- roesse de Sainct Jeoire... declayre a R"*^ Dame Jeanne Françoyse Freniyot, a présent Supérieure de la Congrégation de la Visitation... qu'elle entend que tous et chascungs ses biens soyent vendus... et que les deniers soyent convertis a l'utillité de ladicte Congrégation, ou elle est de présent logée et entrete- nue, et a voiié, moyennant l'ayde de Dieu, d'y demeurer et finir ses jours. » (Archives de la Visitation d'Annecy.) Il nous semble peu probable, cependant, que « l'Heustace » soit la « damoy- selle » dont parle le Saint; car celle-ci paraît être plutôt une nouvelle venue, tandis que la fille de M. Thavan devait avoir séjourné quelque temps à la Visitation, avant le 7 mai. Cette « damoyselle si brave » serait-elle la « fille tentée » dont il sera fait mention plus loin, Lettre Dcci.xxx, p. 330 ? (2) Cf. la lettre précédente.  DCCLXXV A M. BÉNIGNE MILLETOT Le Saint revendique son droit, qui était contesté, de conférer les bénéfices dans certaines paroisses situées en France. Annecy, 13 mai 1612. Monsieur mon Frère, Ce porteur est chanoine de mon église cathédrale (0, (i) Jean Favre, frère du Président et grand-vicaire du diocèse de Genève, ou le chanoine Théodore Warouf, 1J97-1616 (cf. tome XII, note (2), p. 481), le» seuls connus pour être à cette époque « sujets du Roy et regnicoles. » Comme le Saint ne donne pas au porteur le titre de » grand vicaire », c'est plus probablement le dernier qu'il a voulu désigner ici.  214 Lettres ue saint François de Sales sujet du Roy et regnicole. Il est appelle devant la cour ( ' ) pour un abus que sa partie prétend avoir esté commis par moy en l'endroit d'une provision de la chappelle (»). Je croy que l'on considérera qu'il n'y a pas de loy au monde qui m'ayt privé de l'usage de mon authorité ecclésiastique en la provision des bénéfices de mon diocèse ; et que, comme M. l'Archevesque de L3'on pourvoit en Bourgoigne Comté, M. l'Evesque de Grenoble en Savoye et a Cham- beri mesme, non obstant leur résidence au royaume, de mesme dois-je jouir de Fauthorité de pourvoir dans le royaume, quoy que je sois habitant en Savoye. Je me persuade que cela est, et néanmoins je croy que j'ay besoin de vostre protection, laquelle pour cela je reclame, puisque je suis, Monsieur mon Frère, Vostre très humble frère et très affectionné serviteur, Franc*, E. de Genève. Le 13 may 1612, a Neci. A Monsieur Milletot, Seigneur de Villy, Conseiller du Roy au Parlement de Bourgoigne. (i) Le Parlement de Dijon. (3) Ce texte parait défectueux; il faudrait : « d'une provision de chappelle. »  DCCLXXVI A madame de la fléchère (0 L'aveuglement des duellistes; pourquoi et comment le Saint en avait une grande compassion. Annecy, 15 mai 1612. Ma très chère Fille, Vostre dernière lettre m'a donné mille consolations, (i) L'ensemble de la lettre, les allusions qu'elle renferme désignent M*"' de la Fléchère comme la destinataire la plus probable.  J  Année 1612 215 et a madame [de Chantai] a qui je Tay communiquée, n'y ayant rien veu qui ne peust estre monstre a une ame de cette qualité la et qui vous chérit si saintement. Or, je vous escris sans loysir, pour un depesche qu'il me faut faire pour Bourgoigne. Mays mon Dieu, ma très chère Fille, que dirons-nous de ces hommes qui appréhendent tant l'honneur de ce misérable monde et si peu la béatitude de l'autre ? Je vousasseure quej'ay eu des estranges afflictions de cœur, me représentant combien près de la damnation éternelle ce cher cousin s'estoit mis (0, et que vostre cher mary l'y eust conduit. Helas, quelle sorte d'amitié de s'entreporter les uns les autres du costé de l'enfer ! Il faut prier Dieu qu'il leur fasse voir sa sainte lumière et avoir grande compassion d'eux. Je les voy, certes, avec un cœur plein de pitié, quand je considère qu'ilz sçavent que Dieu mérite d'estre préféré, et n'ont pas néanmoins le courage de le préférer quand il en est tems, crainte des paroles des mal advisés. Cependant, affin que vostre mary ne croupisse pas en son péché et en l'excommunication (2), voyla un billet que je luy envoyé pour se confesser et faire absoudre. Je prie Dieu qu'il luy envoyé la contrition requise pour cela. Or sus, demeurés en paix; jettes vostre cœur et vos souhaitz entre les bras de la Providence céleste, et que la bénédiction divine soit a jamais entre vous. Amen, Le 15 may 1612, a Neci. (i) Le duelliste serait-il M. de Vallon? Celui-ci était à la fois cousin du Saint et de M. de la Fléchère ; il n'y aurait rien d'étonnant que ce dernier eût été mêlé à une querelle de ce genre. Ces deux gentilshommes figurent parfois ensemble dans les lettres de François de Sales et nous savons qu'ils se sont trouvés à Turin à la même date. (Cf. le tome précédent, p. 3.) (3) Au temps de saint François de Sales, il y avait, en fait de lois ecclé- siastiques contre le duel, outre la législation ancienne, le canon du Concile de Trente (Ses», xxv, cap. xix, de Reformât.), qui est de 1563, et les Constitutions de Pie IV, de Grégoire XIII et de Clément VIII.  2i6 Lettres de saint François de Sales DCCLXXVII A MADAME DE LA VALBONNE (0 (fhagmbnt) Qnels sont ceux que le Sauveur n'abandonne jamais. Un nouveau ûUeul du Saint.  Annecy, 22 mai 161 2 (3).  Or je ne doute point de cela, ma très chère Fille, ma Nièce, que ce mesme Sauveur qui vous a prise par la main ne vous conduise jusques a la perfection de son saint amour; car j'espère que vous ne vous secoueres point d'une si douce et suave conduite et n'abandonneres jamais Celuy qui, par son infinie bonté, n'abandonne jamais ceux qui ne veulent pas l'abandonner. Vray Dieu, que nous serons heureux si nous sommes fidèles a cette immense douceur qui nous attire ! M"" de Limogeon (?) me pria il y a bien sept mois, de luy tenir ce dernier enfant qu'elle a fait, et je le pris (i) L'adresse que nous attribuons à cette lettre est justifiée par le titre de « Nièce » donné à la destinataire, et par l'annonce faite à M. Favre, de « la « feste de Pentecoste. » Andrée de Nicolle de Crescherel, qui avait épousé d'abord Jean-Philibert de Genton, par contrat dotal du la septembre 160;, et ensuite René Favre de la Valbonne, 18 juin 161 1 (cf. tome XIII, note (4), p. 217), était fille de Jeanne de Sautereau et de Claude de Crescherel, dit Nicolle ou de Nicolle, seigneur de la Place et des Déserts, docteur ès-droits et avocat consistorial au Sénat de Savoie. Le Saint appelle M"* de la Valbonne « une perle » (voir p. 180) et, comme en témoignent ses lettres, il fut pour son âme un guide très affectueux. (3) L'Autographe, publié pour la première fois et sans date, par Hérissant (1758), se gardait alors à Rome, dans la chambre de saint Ignace, au Gesà. Le texte que nous donnons reproduit une copie conservée à l'archevêché de Malines (yol. Ignatiana, n" 1 1), mais cette copie est défectueuse et ne repré- sente vraisemblablement que la seconde partie de la lettre. Aussi la date de i6i3, que porte ladite copie, ne peut être absolument garantie. (3) M°>' de Limogeon (voir tome XIII, note (i), p. 38), née Jeanne-Louise de Genton, était belle-sœur de la destinataire. Cette parenté explique le choix de celle-ci pour marraine de l'enfant attendu, dont il n'a pas été possible de découvrir la date de naissance.  Année 1612 217 en fort grand honneur ; mais je le treuve encor plus grand et plus aggreable, puisque c'est avec cette heu- reuse rencontre que vous le deves tenir avec moy ; ce que je prens a présage qu'un jour je pourray bien avoir la consolation d'en tenir un des vostres (0. Mais, en tout événement, nous nous entretiendrons l'un l'autre par la sainte dilection qui me fera tous-jours estre, Ma très chère Nièce, ma Fille, Vostre plus humble oncle et serviteur, Franc*, E. de Genève. 22 may 161 2. Mon cœur salue le vostre l*) et est son serviteur. J'ay annoncé la feste de Pentecoste a monsieur Favre (3) qui l'attend en dévotion, et nous tous (4). ( I ) On lit dans le Registre des baptêmes de Saint-Léger, paroisse de Chambéry : Le 15 novembre 1615 « a esté baptizé Antoine François, fils de noble et spectable René Favre, seig'de la Varbonne, et de damoyselle Andreae NicoUe... Parrain, noble... Antoine Favre... et marreinne, damoyselle Jeanne de Saultereau. » D'après le comte de Foras (Armoriai et Nobiliaire, etc., tome II, p. 369), François de Sales aurait été aussi parrain de cet enfant, peut- être parce qu'il lui donna son nom. (9) C'est sans doute le mari de la destinataire que le Saint désigne ainsi. (3) Le Président. (4) Cette phrase assez obscure vient assurément d'une lecture défectueuse. Hérissant porte vous toutes, au lieu de « nous tous. ■»  DCCLXXVIII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l" Pourquoi le Saint désire obtenir l'agrément du duc de, Savoie pour les prédications qu'on lui demande à Lyon. Annecy, 36 mai 1612. Monseigneur, Je suys conjuré de la part de messieurs les doyen et Comtes de Saint Jean de Lion *, de leur accorder mes • Vide infra, Epist. praedications pour le Caresme prochain. La qualité de  DCCXCII.  2i8 Lettres de saint François de Sales cett'eglise-lâ , qui est si honnorable entre toutes celles de France, le voysinage et perpétuel commerce de ceux de ces pais ci avec les Lionnois, Ihonneur que ces sei- gneurs m'ont fait de m'envoyer exprès monsieur le Comte de Saconay, originaire sujet et vassal de Vostre Altesse et lequel tient un rang fort principal entr'eux (0, me convie a ne point refuser en une si affectionnée et digne recherche. Seulement ay-je réservé le bon playsir de Vostre Altesse, sous lequel je veux tous-jours vivre ; qui me fait la très humblement supplier de me fayre sçavoir • Vide infra, Epist. ce qu'ell' aura aggreable pour ce sujet *, tandis que je DCCXCU continueray mes vœux pour sa prospérité, comme doit, Monseigneur, Son très humble, tres-obeissant et très fidèle orateur et serviteur, Franc', Evesque de Genève. A Neci, le xxvi may 1612. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. (i) Louis de Sacconay, qui était à cette date chamarier du Chapitre. (Voir tome XI, note ( i ), p. 305.)  DCCLXXIX A LA MÈRE DE CHANTAL (billbt inédit) « Nostre fièvre » et « nostre teste ». — Les bonnes dispositions des syndics pour les agrandissements de la Visitation. Annecy, 27 mai 1612 (i). Ma très chère Mère, Comme vous portes vous, je vous prie, a ce matin ? car hier vous fustes toute lasse et attachée de nostre fièvre ; ( I ) La date est prouvée par la concordance du billet avec les délibérations du Conseil municipal d'Annecy, prises en la séance du luûdi a8 mai i6i3. (Voir note (a) de la page suivante.)  Année 1613  219  et je puis bien mieux dire de nostre fièvre que ma Seur Milletot (0 de nostre teste. Helas ! mon cœur vous donne mille fois le bonjour, aymant uniquement le vostre comme soy mesme. Je fis hier vostre ordonnance envers Messieurs de la ville (2) que, sans mentir, nous obligent tout plein en l'estime et l'amour quilz tesmoignent a nostre Mayson. Je vous diray la resolution demain (3), Dieu aydant ; et cependant, conserves vous bien fort, ma très chère Mère, je vous en conjure, et mille mille fois bon jour. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le marquis de la Prunarède, à Montpellier. (i) Sœur Marie-Marguerite Milletot (voir ci-dessus, note (3), p. 6), qui abusait du pluriel en usage dès les premières années de la Visitation. ( a ) Le procès-verbal de la séance du Conseil municipal d'Annecy, du 28 mai i6n, s'exprime ainsi : « A esté proposé et remonstré, comme samedi dernier messieurs les scindics auroient visité M*"" le Rev"* Evesque de Genève ; dont, entre autres propos, fut dict par luy quil desiroit quil pleut a la ville de bail- ler a la maison de la Religion de la Visitation (les Dames delaquelle ont acquis la maison des hoirs du sieur advocat de Gemilly, par authorité de Sa Sainteté) la place qui est entre la tour du Prieur de Talloires et celle dudit sieur de Gemilly, en rendant a ladite ville, ou baillant, tout le jardin du sieur de Tal- loires et la moitié de la tour d'icelluy... Et pour aultant que lesdites Dames baillent et offrent de place davantaige que celle qu'elles demandent, et qu'en ladite place ne se jette que des immondices qui aportent beaucoup d'incom- modité, partant il semble que tel eschange aporte de proufict a la ville. Outre que lesdites Dames désirant au mesme lieu bastir leur église, elles affection- nent entièrement cette place. Sur quoy plaira a l'assemblée d'ordonner ce qui sera respondu a M»'' le Rev™' a ce subject, et sur le tout pourvoir. » « Messieurs les scindics, » Jean Floccard, Jean Crochet, Guillaume Méclard et François Marvin, se montraient, on le voit, tout disposés à condescendre aux désirs des saints Fondateurs. (3) La « resolution » fut telle que le Saint pouvait l'espérer. « La Ville, » est-il dit dans le même procès-verbal cité à la note précédente, « en désirant d'observer la volonté de M*' le R™» Evesque de Genève, qui affectionne la susdite place pour lesdites Dames, pour y bastir leur église, » décide « qu'elle leur est accordée en contrechange de la place qu'elles ont proposé. »  220 Lettres de saint François de Sales DCCLXXX A LA MÊME (fsagmbmt inédit) Une postulante qui avait de la répugnance pour l'abjection; comment traiter avec elle. Annecy, vers fin mai 1612 (i). (2) et il y a un quart d'heure un'autre fois. En somme, je suis le meilleur de vos pères et le plus brave de vos enfans. Il me sembla que vous m'eussies marqué le jour de saint Claude. Il me semble qu'il ne faut pas estonner cette fille si ell'est tentée (3), ains seulement la bien examiner sur le désir d'estre de la Congrégation, et si on la treuve foible, luy donner loysir d'y penser, affin qu'elle se resoulve sans praecipitation ; car il m'est advis que ce soit une bonne fille, mais qui a répugnance a l'abjection, et par ce qu'ell'a l'esprit fort, elle ne peut bonnement le plier du tout pour encor. Bon jour, ma très chère Mère, vives saintement. Je prie Dieu pour nostre fille (4), que je sceu seulement hier estre malade. Dieu soit nostre cœur et nostre vie. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. (i) La date de l'année est proposée sous toutes réserves; elle se déduit de l'écriture, qui ressemble beaucoup à celle des billets adressés vers la même époque à la Mère de Chantai, et du rapprochement qu'on peut faire entre ce fragment et la Lettre dcclxxiv. (Voir ci-dessous, note {3). L'allusion au « jour de saint Claude, » 6 juin, permet de placer ces lignes vers la fin du mois précédent. (a) Le haut de l'Autographe a été coupé. (3) « Cette fille tentée... qu'il ne faut pas estonner, ». pourrait bien estre la « damoyselle si brave » dont il est parlé plus haut (p. 213). Entrée au com- mencement de mai, elle aurait eu le loisir de témoigner d'abord beaucoup de ferveur et de « désir d'estre de la Congrégation; » puis, le moment de prendre l'habit approchant, c'est-à-dire le 6 juin, « jour de saint Claude, » elle aurait inspiré des craintes à la Mère de Chantai. De fait, elle ne persévéra pas, car son nom est absent des listes des Religieuses reçues dans ce même temps. (4) Françoise de Chantai.  I  Année i6ia 221 DCCLXXXI A LA MÊME Beauté du Ciel après rAscension du Sauveur. — Aspirations pieuses. — La seule chose qui donne du prix à l'éternité des biens, d'après saint François de Sales. — La glorification du corps de Notre-Seigneur et de notre corps. Annecy, [31 mai 1612 (i).] Je vous donne ,1a joye dequoy nostre Sauveur est monté au Ciel, ou il vit et règne, et veut qu'un jour nous vivions et régnions avec luy. O quel triomphe au Ciel et quelle douceur en la terre ! Que nos cœurs soyent ou est leur thresor *, et que nous vivions au Ciel, puis que 'Matt., vi, 91. nostre vie * est au Ciel. • Coioss., m, 4. Mon Dieu, ma Fille, que ce Ciel est beau, maintenant que le Sauveur y sert de soleil* et la poitrine d'ice- • Cf. Is., lx, 19; luy, d'une source d'amour de laquelle les Bienheureux ^ ' boivent a souhait *! Chacun se va regarder la dedans et •Cf.ls.,uit.,ii,n. y void son nom escrit d'un caractère d'amour, que le seul amour peut lire et que le seul amour a gravé * . * Cf. ibid., utu, 3 ; . -1-1.11 , -1 -\ Apoc, II, 17» Ah Dieu ! ma chère Fille, les nostres y seront-ilz pas ? Si seront, sans doute ; car bien que nostre cœur n'a pas l'amour, il a néanmoins le désir de l'amour et le com- mencement de l'amour. Et le sacré nom de Jésus n'est-il pas escrit en nos cœurs ? il m'est advis que rien ne le sçauroit effacer. Il faut donq espérer que le nostre sera escrit réciproquement en celuy de Dieu. Quel contente- ment quand nous verrons ces divins caractères marqués de nostre bonheur éternel I (i) Cette lettre semble avoir été écrite une année où les deux Saints 80 trouvaient dans la même ville pour la fête de l'Ascension. Il faut donc exclure ï6ii, le Bienheureux ayant célébré cette solennité à Gex, et 1613, année de son voyage à Milan-Turin : reste 1612. A cause de l'appellation de « Mère », qui n'y paraît qu'une fois, la lettre serait moins bien placée au-delà de 161 3. Malgré l'analogie des idées et la concordance du dernier alinéa avec la pen- sée générale, ce texte nous paraît interpolé ; l'avant-dernier alinéa pourrait bien appartenir à une autre lettre. Toutefois, à défaut de preuves certaines, nous le laissons ici.  222 Lettres de saint François de Sales Pour moy, je n'ay rien sceu penser ce matin qu'en cette éternité de biens qui nous attend, mais en laquelle tout me sembleroit peu ou rien, si ce n'estoit cet amour inva- riable et tous-jours actuel de ce grand Dieu qui y règne tous-jours. Mon Dieu, ma chère Mère, que j'admire la contrariété qui est en moy, d'avoir des sentimens si jMirs et des actions si impures ! car vrayement il m'est advis que le Paradis seroit emmi toutes les peynes d'enfer si l'amour de Dieu y pouvoit estre, et si le feu d'enfer estoit un feu d'amour, il me semble que ces tourmens seroyent désirables. Je voyois ce matin tous les contentemens célestes estre un vray rien auprès de ce régnant amour. Mays d'où m'arrive-il que je n'ayme pas bien, puisque des maintenant je puis bien aymer? O ma Fille, prions, travaillons, humilions-nous, invoquons cet amour sur nous. Jamais la terre ne vit le jour de l'éternité sur son rond jusques a cette sainte feste, que Nostre Seigneur, glori- fiant son cors, donna, comme je pense, envie aux Anges d'avoir de pareilz cors, a la beauté desquelz les cieux et le soleil ne sont pas comparables. Ah ! que nos cors sont heureux d'attendre un jour la participation a tant de gloire, pourveu qu'ilz servent bien a l'esprit en cette vie mortelle ! Franc', E. de Genève.  I  Année 1613 233  DCCLXXXII AUX ÉMINENTISSIMES CARDINAUX DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DES RITES ( » ) ( HIMUTB ) L'une des opinions maudites de Calvin. — Dévotion des catholiques de Savoie au bienheureux Amédée. — Pourquoi les membres de la Sacrée Congrégation des Rites doivent faire avancer sa canonisation. Annecy, 2 juin 1612. lUustrissimi et Reverendissimi Signori Padroni miei colendissimi, Fra le maledette et anathematizate opinioni che dal nefando Calvino furono insegnate con maggior vehe- mentia et impudentia nella misera città di Geneva, una  Mes très vénérés, Illustrissimes et Révérendissimes Seigneurs, L'une des opinions maudites et réprouvées que l'infâme Calvin enseigna avec plus d'ardeur et d'impudence dans la mallieureuse cité de Genève, ce fut le mépris des Saints qui régnent au Ciel avec (i) La Sacrée Congrégation des Rites a été fondée par Sixte V, qui, dans sa Bulle Immensa ceterni Dei, du a8 mars 1388, lui assigna son rôle et déli- mita ses attributions. Elle a pour but de régler tout ce qui touche au culte divin, et en particulier de diriger la procédure à suivre dans la canonisation des Saints. (Voir Annuaire pontifical catholique, par Mb' Albert Battandier, année 1899, p. 431.) En 1612, la Sacrée Congrégation se composait de treize Cardinaux : Fran- çois de Joyeuse (voir tome XII, note ( i ), p. 411). — François-Marie del Monte, Préfet de la Congrégation dès 1607 jusqu'à sa mort. Sixte V l'avait créé cardinal-diacre du titre de Sainte-Marie in Dominica, en 1588; il occupa successivement les sièges de Preneste et d'Ostie, et mourut, doyen du Sacré- Collège, le 27 août 1627. Robert Bellarmin (voir tome XIV, note (3), p. 403); Jean Garsia Millino (voir ibid., note ( i ), p. 416). Pierre-Paul Crescenzio, créé le 11 août 161 1, par Paul V, cardinal-prêtre des Saints Nérée et Achillée, après avoir occupé plusieurs sièges, mourut le 19 février 1645, évêque de Porto. Jean-Baptiste Leni, cardinal-prêtre du titre de Saint-Sixte (34 novembre  224 Lettres de saint François de Sales fu il dispregio de' Santi che con Christo regnano in Cielo, onde il nome loro cercô con ogni modo possibile di met- tere fuor di memoria, di profanare le reliquie loro, bur- larsi délie loro intercessioni et bestemmiare contra li loro meriti et gl' honori che ad essi si devono. Per questo, come per via di antiperistasi, nel restante di questa diocesi li popoli catholici, con fervor particolare, si essercitano in celebrare et invocare li Santi ; fra quali li predecessori nostri hebbero grandissima divotione al Beato Amedeo, Duca terzo, come dalle honorate imma- gini sue in parecchi luoghi si vede, che con le insegne di santità nellechiese si vedono. Ma perché egli non è cano- nizato, non se gli fa quell' honor publico et solenne [che]  Jésus-Christ, Dans ce but, il tâcha par tous les moyens d'effacer le souvenir de leur nom, de profaner leurs reliques, de tourner en ridi- cule leurs intercessions, de blasphémer contre leurs mérites et les honneurs qui leur sont dus. C'est pourquoi, par une sorte de réaction, les populations catho- liques du reste de ce diocèse s'appliquent avec une ferveur spéciale à honorer et à invoquer les Saints. Parmi ceux-ci, le bienheureux Amédée, troisième duc [de Savoie,] fut de la part de nos ancêtres l'objet d'une très grande dévotion : c'est ce qu'attestent ses images, vénérées en plusieurs lieux dans les églises avec les attributs de la sainteté. Mais, parce qu'il n'est pas canonisé, on ne lui rend pas cet honneur public et solennel qui est dû à l'éminence et à la réalité de 1608), qu'il échangea plus tard contre celui de Sainte-Cécile. Il était évéque de Ferrare et archiprêtre de Latran, quand il mourut le 3 novembre 1637. Horace Lancellotti, nommé le 17 août 161 1, cardinal-prêtre du titre de Saint-Sauveur, mourut le 9 décembre 1630. Antoine-Marie Gallo (voir tome XIV, note { i ), p. 37a). — Odoard Famese, créé cardinal-diacre du titre de Saint-Eustache, par Grégoire XIV, le 6 mars 1591, mourut le 31 février 1636 ; il était évéque de Frascati. André Baroni-Peretti, le ; juin 1^96, fut créé cardinal par Clément VIIÏ, et devint successivement, sous Urbain VIII, évéque de Preneste, d'Albano et de Frascati. Il mourut le 3 août 1639. Jean-Baptiste Deti, fait cardinal le 3 mars i;98; mourut vers le 14 juillet 1630, évéque d'Ostie et doyen du Sacré-Collège. Ferdinand de Gonzague (voir ci-dessus, note (i), p. 3oa). — Louis Capponi mourut le 7 avril 1659; il avait été créé cardinal par Paul V, le 34 novembre 1608, et nommé archevêque de Ravenne par Grégoire XV. (Voir Ciaconius, Hist, Pontif. tt CarJ,, 1677, tom. IV.J  DCCLVU.  Année 1612 22c all'altezza et verità délia santità sua è débite. Et quantun- que in varie occurrentie habbiano molti provato quanto sia la sua intercessione giovevole a chi, con vera fede in Dio, aile sue orationi ricorre, tuttavia altri non ardiscono invocarlo sin tanto che dalla santa Chiesa vengha annu- merato fra Santi. Il che vedendo che da tutto il Stato del Serenissimo Duca di Savoya vien con sommo affetto desiderato, et massime dalli Reverendissimi Arcivescovo di Torino ( • ) et Vescovo di Vercelli (2), vengho anch'io, con tutte le forze deir animo mio, a supplicare la Santa Sede Apo- stolica che si degni far questa gratia a tutti questi popoli circonvicini *. Et perché in queste occasioni Sua Beati- * Cf. supra, Epist. tudine non suole fare cosa verun^ senza il consiglio et assenso délia Sacra Congregatione délie Signorie Vostre Illustrissime et Reverendissime, per questo vengho anco  ses mérites. De fait, en plusieurs circonstances, un grand nombre de personnes ont éprouvé l'efficacité de son intercession en faveur de ceux qui, avec une vraie confiance en Dieu, recourent à ses prières ; d'autres cependant n'osent l'invoquer tant que la sainte Eglise ne l'a pas mis au nombre des Saints. Aussi, voyant avec quelle ardeur cet événement est désiré dans tous les Etats du sérénissime duc de Savoie, et particulièrement par les Révérendissimes Archevêque de Turin ( i ) et Evêque de Verceil ( 2 ), je viens à mon tour supplier de toutes les forces de mon âme le Saint-Siège Apostolique, afin qu'il daigne accorder cette faveur à tous les peuples environnants. Or, comme d'ordinaire Sa Béatitude ne fait rien en de telles occasions sans l'avis et l'assentiment de la Sacrée Congrégation de Vos Seigneuries Illustrissimes et Révérendissimes,  (i) M8'' Charles Broglia (voir tome XII, note (i), p. 224, et cf. ci-dessus, variante (j ), p. 175). (2) Jacques Goria, né à Villafranca d'Asti, précepteur de Maurice de Sa- voie, fut nommé par le Pape Paul V évêque de Verceil, le 17 août 1611, Pendant trente-sept ans, ce Prélat administra son Eglise avec autant de cou- rage que de désintéressement. Il se montra le bienfaiteur des Religieux Feuillants, fit couronner avec grande solennité l'image de la Bienheureuse Vierge, vénérée dans le sanctuaire du mont d'Oropa, et mourut en 1648. (Voir Ughelli, Italia sacra, Romae 1652, tom. IV, col. 1129.» LtTTMt V 15  230 Lettres de saint François de Sales a supplicarle che vogliano giovare et favorire quest' opéra tanto pia : opéra che agrinimici de'Santi farà gran con- fusione, alli devoti sarà di gran consolatione, alli Prencipi sveglierà l'appetito d'imitatione, et a tutta la Chiesa darà materia di allegrezza et beneditione ; ma in particolare a questa desolata diocesi nella quale nacque et fu. alle- vato quel gran Prencipe, il quale, secondo il nomè suo, fu tanto amato et amatore d'Iddio. Che si corne egli con tutto il cuore magnificô il nome divino, cosî anco sua divina Maestà essaltô il suo con tanta multitudine di veri miracoli, che quando se ne fa- ranno le informationi, si vederà chiaro che è providentia d'Iddio che questa canonizatione sia stata differita sin adesso, acciô che abondando il dispregio de'Santi fra gli heretici di questi contorni, molto a proposito si met- »Cf.Eccii.,xxvi,22; trà inanzi agl'occhi loro questa lampada * che fu accesa Matt., V, 15. fra li predecessori loro, nella quale vedano una vita di mirabile pietà et miracoli di mirabile chiarezza. Et cosî, non dubitando punto che le Signorie Loro Illustrissime et Reverendissime habbiano piacere di promovere un' opra tanto desiderabile , facendole humil  je les supplie également de vouloir bien servir et favoriser une œuvre de si haute piété. Elle causera aux ennemis des Saints une grande confusion, consolera grandement les âmes dévotes, éveillera dans les princes le désir d'imitation, enfin elle sera un sujet d'allégresse et de bénédiction pour toute l'Eglise, mais surtout pour ce diocèse désolé où naquit et fut élevé ce grand Prince qui, ainsi que son nom même l'atteste, fut tant aimé de Dieu et l'aima si ardemment. 11 exalta de tout son cœur le nom divin, mais en retour, la divine Majesté a glorifié le sien, et par une telle multitude de vrais miracles, qu'on verra clairement, au moment des informations, que cette canonisation a été différée jusqu'ici par une providence de Dieu. Dans ces pays, en effet, les hérétiques ont un grand mépris pour les Saints ; il est donc fort à propos de mettre devant leurs yeux cette lampe qui brilla jadis parmi leurs ancêtres : ils y verront une vie d'une piété admirable et des miracles d'une merveilleuse évidence. Je ne doute point que Vos Seigneuries Illustrissimes et Révéren- dissimes ne prennent plaisir à faire avancer cette cause si justement  J  Année i6i3 337 riverentia, pregho nostro Signore Iddio che le dia la santa pienezza délie sue gratie. Di Annessi, alli 2 di Giugnio 16 12.  désirée ; aussi, leur offrant mes humbles hommages, je prie Dieu notre Seigneur qu'il leur donne la sainte plénitude de ses grâces. D'Annecy, le 3 juin 1612.  DCCLXXXIII A DOM PIERRE DE SAINT-BERNARD DE FLOTTES FEUILLANT ( Un grand désir du Saint. — Envoi d'un ouvrage. — Les PP. Capucins en Savoie. Annecy, lo juin 1612 (2). Certes, mon Révérend Père, je désire grandement de pouvoir tirer de la presse de mes inutiles occupations (1) Pierre de Flottes, né à Limoges, mort à Bordeaux le 14 septembre 1666, entra au noviciat de l'Ordre des Feuillants, à Paris, le 8 septembre 1600, et s'adonna nu ministère de la prédication; bientôt, il y excella. Les principales chaires de France retentirent de sa parole; elle « plaisait au plus haut degré, » dit Morotius. Mais dom Pierre de Saint-Bernard n'avait pas seulement les qualités de l'orateur; « la sainteté de sa vie et une chaleur vivifiante péné- traient dans les profondeurs de l'âme et y produisaient des fruits abondants. » Il exerça dans son Institut les charges de provincial, de prieur et de conseiller du Général. Son grand mérite lui acquit d'illustres amitiés, en particulier celle de François de Sales. C'est lui qui fit, étant prieur de Lyon, « une très élégante oraison funèbre » de son saint ami, en présence des Religieuses de la Visitation de Bellecour, dans le service célébré le 30 décembre 1621(1). (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. X.) A la fin de la « harangue, qui fut moins funèbre que panegirique,... chascun, » dit François Favre (Process. remiss. Gebenn. (II), ad art. 16), « publioit le Serviteur de Dieu sainct. » (3) La date résulte des indications que fournit le texte sur un ouvrage du Saint et sur les fondations des PP. Capucins en Savoie. (Voir notes (a), (3) de la page suivante.)  ( I ) Dans la même église et l'année suivante, l'orateur prononça une seconde oraison funèbre. Elle parut à Lyon en 1624, avec une épître dédicatoire à M" Jean- François de S.les, sous ce titre : Oraitoii pour l'anniversaire de feu... Af< François de Sales... Prononcée le jour des tnnocenls, 27 (sic) décembre lôiy.  228 Lettres de saint François de Sales quelque petite besoigne de dévotion, qui, en quelque sorte, corresponde aux augures que vostre charité en fait (0; mays il est très vray que je n'ose nullement espérer cela pour maintenant. Ce que j'ay de plus prest, qui regarde la conduite des ecclésiastiques de ce dio- csese ( = ), je le remettray, Dieuaydant, a ce porteur, non seulement par ce qu'il est mon diocaesain et quil a des-ja esté employé en semblable occasion, mays par ce aussi que vous le voules, puis que je suis de tout mon cœur, Mon Révérend Père, et très asseurement, Vostre très humble et très affectionné frère et serviteur, France, E. d^ Genève. Mon Révérend Père, je vous escris tout a fait sans loysir et presque sans haleine, ce matin de la Pentecoste. Presque toutes nos chaires sont occupées par les RR. Pères Capucins, qui ont huit Maysons, la plus part nou- vellement fondées (?); et si, je vous puys dire que, excepté celle de cette ville, je n'oserois en présenter une ( I ) Serait-ce après avoir lu YInfroduction h la Vie dévote que le destinataire aurait fait ces « augures » auxquels saint François de Sales désire « corres- pondre » ? Et la « petite besoigne de dévotion » ne serait-elle pas le Traitii de V Amour de Dieu^ auquel il donnait alors ses loisirs? (a) Le 8 février i6ia, l'Evéque de Genève signe la préface, et le 9 mai sui- vant, à ses prêtres réunis en Synode, il présente le texte d'un oavrage qui avait pour titre : Rituale Sacratnentorum ad prcescriptum Sanctce Rotnanas EcclesicB, j'ussu Reverendissimi Patris Francisci de Sales, Episcopi et Principis Gehennensis, editum, ad usum Ecclesice et Ditcesis Gebennensis, etc. Lugduni, apud Joannem Charvet, 1613. — Manifestement, le Rituale Sacramentorum regardait « la conduite des ecclésiastiques; » c'est sans doute un exemplaire de cet ouvrage qui fut communiqué à dom Pierre de Saint-Bernard. (3) D'après le Nécrologe des FF. Mineurs Capucins, par le P. Eugène de Bellevaux (pp. xiv-xix), voici la date de fondation des Maisons qui fure;it établies dans leur province dite de Savoie, du vivant de saint François de Sales : Chambéry, 1575-1576; Saint-Jean-de-Maurienne, 1580; Annecy, 1593; Montmélian, 1596; Thonon, 1602; Saint-Julien-en-Genevois, i6oî; Saint- Maurice en Valais, 1603; en 1613, les trois couvents de Gex, Moûtiers, Rumil- ly; La Roche, 1617; Sallanches, Aoste et Belley, 1619. En mentionnant les « huit Maysons » des PP. Capucins, le Saint n'a pas voulu parler seulement des couvents établis dans son diocèse; car, d'après la liste précédente, on voit que, même après 1619, le territoire ecclésiastique de Genève ne comptait que sept fondations. Le chififre donné dans cette lettre s'applique donc à toutes les fondations de Savoie et se trouve vérifié en i6i3.  Année 1612 229 a quelque prédicateur qui, pour y venir, eut besoin de faire une journée. Au R. P. en N. S. Le Père Dom Pierre de S* Bernard, Prédicateur Feuillentin. — A Lion. Revu sur l'Autographe appartenant à M. Léon Clugnet, à Fresnes-les-Rungis (Seine).  DCCLXXXIV A MONSEIGNEUR PELLEGRINO BERTACCHI ÉVÊQUE DE MODÈNE (0 Renseignements demandés sur un étranger apostat, en faveur de sa femme convertie. Annecy, 12 juin 1612. Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio osservandissimo, Habbiamo qui in questa diocaesi un certo Crespiliano il quale è da Modena, et un pezzo fa venue a Genevra dove, fatta l'abiuratione délia santa fede catholica et da- tosi in preda aU'heresia, fece professione di philosophia  Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Nous avons dans ce diocèse un certain Crispiliani, originaire de Modène. Venu à Genève, il y a quelque temps, il y abjura la sainte foi catholique, et, livré en proie à l'hérésie, il professa la philosophie (i) Pellegrino Bertacchi, né en 1567 à Castelnuovo (Garfagnana), dont il fut d'abord archiprètre, suivit le cardinal d'Esté à Rome, où il séjourna de 1605 à iéo8. Elu évêque de Modène en février 1610, il administra son diocèse avec le zèle d'un vrai pasteur, alla à Madrid en 1614 pour accompa- gner le même Cardinal et y retourna en 1613, en qualité d'ambassadeur extraordinaire. Revenu à Modène au mois de septembre, il y mourut le ai août léay. La fondation de la Congrégation de Saint-Charles, l'érection de nouveaux Instituts, la construction de nouvelles églises datent de son épis- copat. M*'' Bertacchi a laissé des ouvrages qui témoignent de sa sollicitude pour l'instruction et la sanctification des prêtres et des fidèles. (Cf. Tiraboschi, Biblioteca Modenese, 1781, tome P*".)  230 Lettres de saint François de Sales in quella maledetta città ('). Hora, ritiratosi da Geneva nelle terre di questa istessa diocaesi che dipendono di Francia, ha pigliato moglie di casa molto honorata (^), la quale era pur haeretica. Et adesso, per gp-atia d'Iddio essendo Catholica, è in scrupulo del suo matrimonio perché alcuni gli han detto che detto Crespiliano de Crassi era o prête o frate professo  dans cette ville maudite (0. Ayant ensuite quitté Genève pour se retirer sur les terres de ce diocèse qui dépendent de la France, il prit, dans une famille très honorable, une femme également hérétique (2). CeHe-ci, étant aujourd'hui devenue catholique par la grâce de Dieu, conçoit des scrupules au sujet de son mariage, parce que quelques personnes lui ont dit que ce Crispiliani de Crassy avait été prêtre ou religieux profès. (ij Voici en substance ce qu'écrivait Vespasien Aiazza sur ce personnage, dans une lettre adressée de Thonon au Nonce de Savoie, le 14 avril i6u (Archives Vaticanes, Savoia, 161) : Un italien résidant près de Thonon, dans le territoire du roi de France, et se signant M. Crespiniani, se fait passer pour gentilhomme. Il écrit un livre où il récrimine à la fois contre la religion catholique et la religion prétendue réformée. A Genève, où il séjourna tout d'abord, son enseignement parut suspect et l'en fit exiler. Il aurait été évêque et secrétaire de Clément VIII, chose à peine croyable! Il pourrait plutôt avoir été le sacriste qui dépouilla, dit-on, la sacristie de Sa Sainteté et s'enfuit. De fait, on prétend que Crespi- niani avait apporté dans ces pays des ornements d'église fort précieux et plu- sieurs milliers d'écus. Peu de temps après son arrivée à Genève, il épousa la fille d'un gentilhomme savoyard, expulsé par l'édit de Son Altesse. Aujour- d'hui, celui-ci est converti, tous les siens sont bons catholiques, et depuis quelques mois, la femme de cet italien a embrassé le catholicisme. Aiazza recommande ensuite le secret et ajoute textuellement : « Le beau- père et les beaux-frères de cet italien sont mes amis, et je n'ai pas besoin de m'en faire des ennemis. » Ces dernières lignes expliquent le ton de réserve sur lequel sont données les informations précédentes : elles en garantissent aussi la valeur. (3) Marc-Antoine Crispiliani, seigneur de Crassy au pays de Vaud, épousa, par contrat de mariage daté de 1604, où il est qualifié de « gentilhomme de Modene, » Amblarde Forestier, fille de Claude Forestier, seigneur d'Yvoire (voir tome XIII, note ( i ), p. 195), à laquelle il fit un don de mille écus d'or. (Archiv. départ, de la H'^-Savoie, E 59.) Le 25 décembre de la même année, le Conseil de Genève l'accusait d'être espion de l'Inquisition. Il devint, le 16 novembre 1615, propriétaire de la juridiction d'Yvoire, et mourut avant le 29 mars 1626, car dans un acte daté de ce jour, il est parlé des m hoirs de feu noble Marc Anthoine Crespelani... Ferdinand, Heleine et Marie Crespe- lani, » ses enfants. (Archives de la Visitation d'Annecy, Mss. Lagrange.)  Année 1612 231 Per questo vengho a supplicare V. S. Iir"* et R'"' che si degni procurare che si sappia la verità di questo dubbio ; il che, a mio parère, sarà cosa facile, ogni minima dis- quisitione che se ne faccia in quella sua città. Et oltre che V. S. 111™* et R""* usarà in questo carità verso questa pover' anima délia moglie di detto Crespiliano, a me darà grand' introduttione di convertire esso Crespiliano et mi farà una gratia délia quale io glie restarô ubligatissimo. Et cosî sperando, bascio le sacre mani a V. S. 111"" et R™* et le pregho dal Signor Iddio ogni vero contento. Di V. S. Iir* et R'"% Humile et afFettionatissimo servitore, Franc", Vescovo di Genevra. Di Neci, alli xii di Giugnio 16 12. Air 111'"° et R""" Sig' osservandissimo, Monsig' il Vescovo di Modena. A Modena. Revu sur l'Autographe conservé à Modène, Archives capitulaires.  Je viens donc supplier Votre Seigneurie Illustrissime et Révéren- dissime de vouloir bien faire éclaircir ce doute : chose facile, à mon avis, pour peu qu'on fasse la moindre enquête dans sa ville natale. Outre la charité que Votre Seigneurie exercera à l'égard de cette pauvre femme dudit Crispiliani, elle me donnera grande ouverture pour convertir celui-ci et m'accordera une faveur dont je lui demeu- rerai très obligé. Dans cet espoir, je baise les mains sacrées de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, et souhaite que Dieu notre Seigneur lui donne tout vrai contentement. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, L'humble et très affectionné serviteur, François, Evêque de Genève. D'Annecy, le 12 juin 1612. Au très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, M" l'Evêque de Modène. A Modène.  2^2 Lettres de saint François de Sales DCCLXXXV AU CHANOINE AIMÉ ROUGE, SOUS-PRIEUR DE PEILLONNEX(0 . Renseignements fournis sur un jeune prêtre. Annecy, 13 juin 1612. Monsieur le Sousprieur, Nos messieurs les examinateurs (2) ont estimé que nous devions donner courage a M. de Marteret (3), puisqu'il a rendu un g^and tesmoignage de vouloir dores-en-avant faire merveilles et quil est parti avec vostre licence, ainsy que vous tesmoig'nes par vostre lettre, me le ren- voyant quant au dimissoire. Je me recommande a vos prières, et suis Vostre bien humble très affectionné confrère, Franc', E. de Genève. XV juin 161 2, a Neci. A Mons'" Mons»" le Sousprieur de Pellionnex. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montélimar. (i) Le titre de sous-prieur ou prieur claustral était donné au supérieur local de la Communauté, sous le régime des prieurs commendataires. Aimé Rouge était sous-prieur en 1606, quand François de Sales fit la visite cano- nique du Monastère; on le retrouve encore en 1626, dans la même charge. Il paraît avoit succédé à Jean-Louis Dupont, sous-prieur en 1595. (Cf. Gavard, Peillonnex, tgoi, chap. xi, xxiv, Mém. de FAcad. Sales., tome XXIV.) (2) Le synode du 9 mai i6iî (cf. ci-dessus, note ( i ), p. 211) avait élu comme examinateurs : Louis de Sales, Etienne de la Combe, Claude Grandis, Phili- bert Roget, Nicolas Gottry, Claude-Etienne Nouvellet, Marc-Antoine de Valence, Janus des Oches, Louis Jacquier, Nicolas Garnier. (R. E.) (3) Jean-François du Martherey sera plus tard destinataire. Ce jeune Reli- gieux dut tenir ses promesses, puisqu'il fut ordonné sous-diacre le 22 septem- bre 1613 et prêtre le 22 décembre suivant. (R. E.) Le manque de ressources ayant empêché de relever les bâtiments du monas- tère (cf. tome XII, note ( 2), p. 242), la petite Communauté de Peillonnex dut se disperser et ses membres se ménager un abri dans des cures du diocèse. C'est dans cette circonstance que Jean-François du Martherey quitta le prieuré, avec RR. de Lagrange, de Livron, Dagand, Bené et Mulin. Toutefois, cet exode ne les libérait pas de leurs obligations monastiques, puisque le Saint fut sollicité après Pâques 1613, par les syndics de Bonne, de dispenser de la résidence « R" messire du Martherey. » (R. E.)  I  I  Année 1612 235 DCCLXXXVI A MADAME DE CORNILLON, SA SOEUR (') Une prétendante « de fort bonne famille et de très bonne mine. » Annecy, 17 juin 1612. Vive Jésus ! ma très chère Seur, ma Fille. Je [n'écris que deux mots, car] je suis sans loysir; mesme que demain il faut que j'aille estre l'aumosnier de nos Seurs de la Visitation pour la réception d'une fille de Dijon, de fort bonne famille et de très bonne mine, qui y est arrivée ce matin avec sa mère (2) et asses bien accom- paignee. C'est un acquest que M. de Millet (3) et mes filles ont fait en leur voyage (4). (i) Le ton du billet, le nom de « frère » qu'on lit avant la signature dési- gnent avec une très grande probabilité la sœur du Saint. (a) Le 18 juin 1612, la Mère de Chantai écrivait à M. Legros, à Dijon : « Nous avons reçu votre chère fille avec beaucoup de satisfaction... Demeu- rez en repos de cette chère petite âme, car elle a trouvé ici un père et une mère d'affection... Nous avons fait alliance de sœur, la bonne madame Legros et moi. Je la chéris et estime fort, c'est une brave et généreuse femme. » (Sainte J. -F. Frémyot de Chantai, sa Vie et ses Œuvres; Lettres, vol. I'"', Paris, Pion, 1877, p. 9.) C'est tout ce que nous savons des parents de la nouvelle aspirante. Son père pourrait être Bernard Legros, avocat au Parle- ment, procureur à la Table de Marbre le n décembre 1623, et inhumé le 32 novembre 1637 à la Madeleine. (Palliot, Familles de Bourgogne, tome I*"", fol. 431.) Sœur Marie-Marthe reçut l'habit le 21 septembre 1612, fit profession le 39 ieptembre 1615, et accompagna les Sœurs qui sortirent d'Annecy avec la Sainte, le 22 octobre 1618, pour faire la fondation du monastère de Bourges. Elle prit part à celle du couvent de Poitiers (6 novembre 1633), et c'est là qu'elle mourut le 25 juin 1651. « L'on voyoit en elle, en l'âge de soixante cinq ou six ans, avec un corps bien cassé, un esprit fervent qui ne respiroit que Dieu, qui ne parloit presque que de luy dans les récréations, qui estoit exacte au silence et a l'obéissance comme une novice. » La Sœur Legros exerça « les charges d'assistante, surveillante, portière, sacristine et infirmière avec beau- coup de charité et de support. ■ (Archives de la Visitation d'Annecy, Livre du Couvent et Circulaires de Poitiers.) {3) Il n'a pas été possible de découvrir le personnage que le Saint désigne sous ce nom. (4) Le voyage en Bourgogne, que la Mère de Chantai et la Sœur Favre avaient fait l'année précédente. (Voir plu» haut, note (i), p. 98,)  234 Lettres de saint François de Sales Je voudrois, mays je ne puis escrire a M. de la Fo- rest ( ' ) sur sa convalescence ; ce sera donq a la première commodité. Gloire soit au Père et au Filz et au Saint Esprit, dont nous célébrons la foy aujourd'huy (»). Vostre très humble frère et serviteur, Franc", E. de Genève. 17 juin 1612. (i) Les membres de cette famille étant très nombreux, il est difficile de connaître celui qui est mentionné ici. {2) En 1612, la fête de la sainte Trinité tombait le 17 juin.  DCCLXXXVII A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE ( INÉDITE ) Condoléances et consolations. — Le seul prix de cette via mortelle. — Pour mourir, tous les moments sont « heureux » à ceux qui craignent Dieu. — L'Abbesse désire faire un voyage en Savoie; le Saint ne sait ni le lui con- seiller, ni Ten dissuader. Annecy, 18 juin 1612. Hier bien tard cette bonne dame arriva (0, et ce matin elle prend mes lettres. Helas, ma chère Seur, que j'aurois bien besoin d'un peu plus de loysir pour laysser reprendre mon cœur, tout fasché de cette nouvelle que je viens de recevoir du trespas de madame nostre chère mère (') ! Mays puisque je ne puis, que vous diray-je, ma très chère Seur, sinon que voyla comme cette misé- rable vie mortelle est incertaine parmi nous, et que nous sommes encor plus misérables qu'elle, si nous l'estimons pour autre sujet que pour ce qu'elle nous sert de passage ( I ) La « bonne dame » pourrait bien être M'"<= Legros. (Voir la lettre précédente.) (a) Françoise de Montholon, veuve de Claude Bourgeois de Crépy (voir tome XIII, note ( i ), p. 35),  Année 1612 235 a l'éternelle ; éternelle, ma très chère Fille, a laquelle nous devons sans cesse aspirer, en laquelle nos proches et nos amis se treuveront reunis avec nous d'une société indissoluble. Mon Dieu, je voy, ce me semble, vostre pauvre cœur fort affligé, car je sçai que vous Taves fort sensible en telles occasions. Mays, ma Fille, ayons patience; bien tost nos jours finiront, et nous passerons avec les autres, desquelz alhors nous treuverons la séparation fort courte. Certes, si je ne connoissois l'ame de nostre defuncte et que je n'eusse sceu qu'ell' estoit bonne et craignoit Dieu, j'eusse esté plus estonné de la façon de son très- pas (0 que de son trespas mesme, tant j'ayme l'esprit au dessus de tout le reste. Mays une si bonne conscience est tous-jours asses preste, et ny a rien a craindre pour ceux qui craignent Dieu : tous les momens leur sont heureux. Je prieray Dieu, selon mon devoir, et pour son repos et pour vostre consolation. Et sur le sujet de vostre voyage par deçà, je ne sçau- rois vous le conseiller, pour l'appréhension quej'ay quil ne vous incommode en vostre foible santé, ni ne sçaurois vous le dissuader, pour le très singulier contentement que j'aurois a vous tenir un peu parmi nous, en ces de- sertz. Je ne voy point de tems qui ne soit propre, pour- veu que le voyage que M. le Grand (3) doit faire a Gex ne me contraigne d'absenter de cette ville (3) quand vous séries de deçà ; et c'est chose delaquelle je ne me puis rien promettre. Mais necessayrement il faut que je sois icy des le commencement de septembre jusques au 20, pour la célébration d'un Jubilé que nous y avons de sept ans en sept ans (4). Vous verres donq le tems que vous aggreeres, et m'en advertires, affin qu'autant quil (i) D'après le Voyage UtUraire de D. Martène et de D. Durand (tome \", Paris, 1717), François de Sales aurait prophétisé la mort de cette dame. Ce récit est contredit par le texte même du Saint. (a) Le duc de Bellegarde. (3) Ces prévisions se justifièrent; l'Evéque de Genève ^e rendit en effet à Gex le 14 juillet suivant. (Cf. ci-dessus, p. 17a et ci-après, p. 254.) (4) Il s'agit des « grands Pardons » de Notre-Dame de Liesse. (Voir tome XIII, note (a), p. loi, et In lettre du 21 septembre i6u au baron de Villette.)  336 Lettres de saint François de Sales me sera possible je m'essaye de disposer mes affaires pour me treuver icy. Mays pour vostre santé, je vous en laisse la considération, et a vos médecins de delà (0. Je pensois, mais je ne puis escrire a madame la Prieure nostre chère seur ('); vous l'asseureres bien de ma fidé- lité. En vraye vérité, vous n'aves point de cœur qui soit plus vostre que le mien. Dieu soit a jamais vostre conso- lation. Amen. Vostre plus humble, très fidèle frère et serviteur, Franc*, E. de Genève. XVIII juin 161 2. M""* de Chantai n'ayant nul loysir, vous bayse les mains de tout son cœur et n'oubliera pas de rendre le devoir a M"" la chère defuncte. Que j'escrirois volontier a monsieur d'Origni (3) ! mays je suis si pressé du départ de cette bonne dame, que je suis forcé de vous conjurer que ce soit par vostre entre- mise que je luy offre mon humble très affectionné service. A Madame Madame l'Abbesse du Puys d'Orbe. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy. (i ) Le voyage de l'Abbesse n'eut pas lieu cette année, (a) Françoise Bourgeois (voir ci-dessus, note (i), p. 151). (3) Guillaume Bourgeois, baron d'Origny, frère de la destinataire. (Voir le tome précédent, note (4), p. 151.)  DCCLXXXVIII au duc de SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l" Remerciements pour une grâce obtenue. Annecy, 18 juin 1612. Monseigneur,  Vide su ra E ist Apres que le sieur Chapperon a eu receu la liberté )ccLxiir, par la bonté et équité de Vostre Altesse *, il a voulu  à  Année i6ï2 237 aller a ses pieds pour luy en porter le très humble remerciment quil en doit. Et moy, Monseigneur, qui ay intercédé pour luy, je l'accompaigne encor en cett' action de grâces, et suppliant Nostre Seigneur quil comble de prospérité Vostre Altesse, je demeure, Monseigneur, Vostre très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franc", E. de Genève. XVIII juin 1612, a Neci. A Son Altesse Serenissime. Revu sur l'Autographe appartenant à M. i'abbé Bianchetta, curé de l'Ânnonciade, à Turin.  DCCLXXXIX A MONSEIGNEUR MICHEL d'eSNE, ÉVÊQUE DE TOURNAI » ( INÉDITE ) VlntroducHon a la Vie dévote attire à son auteur les louanges d'un Prélat étranger. — Gratitude du Saint. — Son oraison pour Genève. — Remer- ciements pour un envoi de traductions. Annecy, 21 juin 1612. Monseigneur, Je cheriray des-ormais le pauvre petit livret de V In- troduction a la Vie dévote plus tendrement que je (i) Michel d'Esne, seigneur de Bétencourt, né en 1540, après avoir suivi la carrière des armes, entra dans les Ordres et reçut la prêtrise le 5 janvier 1589. Promu le 29 novembre 1597 au siège de Tournai, il l'occupa durant dix-sept années. Son amour pour la poésie et ses nombreuses occupations littéraires ne l'absorbèrent pas tout entier; il gouverna son diocèse avec un zèle éclairé et se fit remarquer par d'intelligentes libéralités en faveur des bibliothèques. M*' d'Esne mourut le i" octobre 1614. (D'après la Biographie nationale, tome VI, Bruxelles, 1878.) La présente lettre est une réponse; celle du vénérable Prélat est donnée i l'Appendice.  Dom.IVAdventus,  238 Lettres de saint François de Sales n'ay fait, puis qu'il m'a acquis Ihonneur de vostre sainte bienveuillance, et me sentiray de plus fort obligé au P. Irenee(0 qui, le premier, m'a donné la consolation de me le faire sçavoir. Mays c'est en fin a vostre bonté a laquelle j'en dois le très hUmble remerciment, qui s'est rendiie si favorable et a l'œuvre pour l'appreuver; et a l'autheur, pour l'aymer. Je vous en fay dônq très humblement action de gp-aces, et des bons souhaitz que vous faites pour mon restablis- sement dedans ma misérable ville de Genève, pour la- quelle je fay cette courte orayson : (*) Domine, aiit convertatur, aut evertatur ; sed, pro tua pietate, potius convertatur quam evertatur, et « quod nostra peccata prœpediunt, indulgentia tuœ propitiatio- • Coiiect. in Miss, fits acceleret *. » Je garderay pretieusement les traductions qu'il vous a pieu m'envoyer (2), non seulement par ce que ce genre d'escritz m'est fort agg^eable, mais par ce que ce me sera un tiltre du bien que j'ay de participer a vos bonnes grâces, lesquelles je vous supplie. Monseigneur, me con- server comm'a un homme qui les estime et révère autant que nul autre, et lequel, confessant quil ne les a jamais méritées, espère néanmoins quil ne méritera -jamais de les perdre, puisque libéralement elles luy ont esté con- cédées. Dieu multipliera vos ans si mes vœux sont exaucés, et en vos ans, ses célestes bénédictions, et tous-jours vous  (*) Seigneur, ou qu'elle se convertisse, ou qu'elle soit détruite; mais, par votre miséricorde, qu'elle se convertisse plutôt, et « ce que nos péchés retardent, puisse-t-il bientôt s'accomplir par l'indul- gence de votre propitiation» » ( I ) Nous ignorons quel est ce P. Irénée. (s) La Bihliotheca Belgica, i'* série, tome IX, donne la liste de tous les ouvrages de Michel d'Esne. On peut citer ses traductions françaises des Vies de sainte Françoise Romaine, par Penia (1608); de sainte Lyduwine, par Brug- man (1609); de saint Ignace de Loyola, par Maffei, et de saint François de Borgiaj par Ribadeneyra» Ces deux dernières parurent en 1613.  I  Année 1612 239 m'aymeres affectionnement, comme celuy qui est et sera invariablement, Monseigneur, Vostre très humble et tres-obeissant indigne confrère et très fidèle serviteur en Nostre Seigneur, Franc», E. de Genève. Jour de la Feste Dieu 161 2, a Neci. A Monseigneur Monseigneur le R™* Evesque de Tournay. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Nédonchel, à Tournai (Belgique).  DCCXC A M. CLAUDE DUPANLOUP, CURÉ DE LA .MURAZ (0 Le saint métal et la dévotion à saint Théodule. Annecy, 21 juin 1612. Monsieur le Curé, Voyla du saint metail que j 'envoyé pour vos parrois- siens, qui, esperans des bénéfices par l'intercession de saint Théodule qui l'a béni ('), devront tascher d'assister a la Messe qui se célébrera a son honneur au jour que nous avons marqué de sa feste au Manuel (3). Vous feres reposer ledit metail dans l'église jusques a ce qu'il le faille jetter (4,), ce que vous feres avec la chappe, [ou] au moins avec le surplis et Festoie. (t) Claude Dupanloup, né à Evires dans les Bornes, de Jean Dupanloup, reçut la tonsure et les Ordres mineurs le 17 décembre 1588, le sous-diaconat le 53 décembre 1589, et fut ordonné prêtre le 19 décembre 159a. Dès le aS novembre précédent, il avait été institué curé de La Muraz; c'est en cette qualité qu'il fit son testament le 9 juin 1611 et signa un codicille le 30 sep- tembre 1639. (R. E.; Mss. Lagrange, vol. A, pp. 250-152.) (3) Voir tome XIII, note (a), p. 177. (3) Ce Manuel n'est autre que le Rituale Sacramenlorum publié par saint François de Sales cette même année. (Voir ci-dessus, note ( 3 ), p. 338.) La fête de saint Théodule s'y trouve fixée au 16 août. (4) C'est-à-dire, le faire fondre.  240 Lettres de saint François de Sales Je me recommande a vos prières et de vos parrois- siens, et suis Vostre confrère très affectionné, Franc*, E. de Genève. A Neci, le jour Feste Dieu 1612. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le M'» Costa de Beauregard, à t*aris.  DCCXCI  A LA MERE DE CHANTAL  La rose, symbole des vertus de saint Jean-Baptiste. — Son amour pour la Sainte Vierge et son Enfant. — Deux lis dans une rose. Annecy, [24 juin 1612 (i).] Voyés vous une rose, ma très chère Fille ? Elle repré- sente le glorieux saint Jean, duquel la vermeille charité est plus esclattante que la rose, a laquelle encor il ressemble parce que, comme elle, il a vescu emmi les espines de beaucoup de mortifications. Mays pensés comme ce grand homme avoit gravé au milieu de son cœur la Sainte Vierge et son Enfant despuis le jour de la Visitation, auquel il ressentit, le premier des mortelz, combien la Mère de cet Enfant et l'Enfant de cette Mère estoyent aymables. Hors de cette Mère et de cet Enfant, rien ne doit occuper le cœur de ma Fille et de son père. Qu'a jamais ce glorieux et divin Jésus vive et règne en nos e.spritz, entre les bras de sa sainte Mère, comme en son throsne fleurissant ! Et voyla donq, ma très chère Fille, un bouquet spiri- tuel ou vous voyes deux lys dans une rose, l'un qui est né dans l'autre, et qui tous deux bénissent, de l'odeur de leur suavité et de la perfection de leur beauté, la (i) Le ton des lettres précédentes sur la fête de saint Jean-Baptiste (voir tome XIV, p. 330, et ci-dessus, p. 74) et la phrase finale de celle-ci permet- tent d'indiquer cette date comme approximative.  Année 1612 341 rose des cœurs qui, par une parfaitte mortification poi- gnante, vivent nuds, despouillés et quittes de toute autre chose pour eux. Hé, qui nous fera la grâce que nous savourions bien le miel que cette Mère abeille fait au milieu de cette fleur aymable ? Bon soir, ma très chère Mère; le bon soir a toutes nos Seurs. Franc», E. de Genève.  DCCXCII A MESSIEURS LES CHANOINES DE SAINT-JEAN DE LYON ( ' ) (mimutb) Le Saint voudrait bien accepter Tinvitation du Chapitre, mais à cause du silence du duc de Savoie, il se dégage de sa promesse. Annecy, 25 juin 1612. Messieurs, Je prens a tant d'honneur la recherche quil vous a pieu dé faire de mes prédications pour l'Advent et Caresme prochain, que si vostre rang en l'Eglise et le mérite de tant de personnages signalés desquelz vostre compaignie est composée ne m'avoit des-ja obligé a vous honnorer et respecter, je ne laisserois pas de l'estre extrêmement par cette favorable semonce que, de vostre grâce, vous m'aves faitte, a laquelle je vous supplie de croire que j'ay fidel- lement correspondu par un sincère désir d'y satisfaire. Et a cet effect, ne pouvant bonnement partir de cette pro-. vince ou ma charge me tient lié, sans Taggreement de ( I ) Le Chapitre métropolitain de Lyon se composait de trente-trois mem- bres. Les dignitaires étaient à cette date : Jean Mellet de la Besnerie, doyen; Antoine de Gibertés, archidiacre; Hector de Crémeaux, préceateur; Thomas de Meschatin La Faye, chantre; Louis de Sacconay, chamarier; Claude de Salemard de Rassis, sacristain ; Jacques d'Amanzé, custode ; Guichard de Chan- telot, prévôt de Fourvière ; Laurent de Simiane, maitre du chœur. (D'après les notes de M. E. Beyssac, érudit lyonnais.) LBTUtBS V 16  242 Lettres DE saint François de Sales Son Altesse, non seulement j'ay fait supplication pour • Vide supra, Epist. l'obtenir *, mais ay conjuré un de ceux que je croyois estre plus propre, amn d en solliciter 1 entérinement. Or, voyant que jusques a présent je n'ay aucune res- ponse et que si, par adventure, je la recevois négative dans quelque tems, la faveur que vous m'aves faitte de me souhaitter seroit suivie du desplaysir de n'avoir ni mes sermons, ni peut estre ceux des autres prédicateurs sur lesquelz, a mon défaut, vous pourries avoir jette les yeux, d'autant que ce pendant ilz se pourroyent engager ailleurs : cela. Messieurs, fait que je vous supplie de ne plus continuer envers moy l'honneur de vostre attente et de coUoquer ce vostre choix (0 en quelqu'autre qui ayt plus de liberté que moy pour l'accepter. Vous ne pourres que beaucoup gaigner au change, si l'on a esgard a la suf- fisance, puisqu'en cette partie-la je suis inférieur a tous les prédicateurs qui hantent les bonnes villes et montent es grandes chaires, comme la vostre. Mais quant a l'affection de vous rendre du service et du contentement, je pense que malaysement eviteries vous de la perte, puisqu'en vérité j'ay le cœur tout plein d'amour et de révérence pour vous, et d'ardeur et de zèle pour l'avancement de la vraye pieté en vostre ville. Que si, après ces longueurs qui sont ordinaires es cours, la response de Son Altesse m'arrivoit selon vostre désir et le mien, et qu'il vous pleust me conserver l'eslec- tion que vous avies faite de moy pour une autre année, je vous asseure, Messieurs, que je conserveray de mon costé la volonté que j'avois prise de suivre la vostre; volonté que je vous offre des maintenant avec un bien humble remerciement, pour demeurer toute ma vie. Messieurs, Vostre bien humble et très affectionné confrère et serviteur en Nostre Seigneur, Franc», E. de Genève. Le 2 5 juin 1612, a Neci. (i) L'édition de 1626 porte « ceux de vostre choix »; la leçoa adoptét semble devoir être la vraie.  Année 1612 245 DCCXCIII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL i*' Recommandation en faveur d'un gentilhomme offensé qui demande justice. Annecy, }o juin 1612. Monseigneur, Ce gentilhomme, qui a en ce païs plusieurs alliés dignes de recommandation, recourt a la justice de Vostre Altesse Serenissime pour tirer rayson d'un homme qui est maintenant a Thuriri, des-ja remarqué pour des- loyal (0, ainsy qu'on luy a fait entendre. Et bien que la justice ne soit desniee a personne, si est ce que, si Vostre Altesse le reçoit en sa spéciale protection pour ce regard, il espère qu'il jouira beaucoup plus tost des fruitz qu'il en prétend ; et pour cela, il implore sa bonté, a quoy j'adjouste ma très humble intercession, qui suis, Monseigneur, Très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur de Vostre Altesse Serenissime, Franc', E. de Genève. 30 juin 161 2, a Neci. A Son Altesse Serenissime. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) Les noms de Toffenseur et du gentilhomme offensé n'ont pu être retrouvés.  344 Lbttrbs de saint François de Sales  DCCXCIV A MADAME DE LA PLÉCHÈRE Les Constitutions de la Visitation. — Messages variés. Annecy, 13 juillet 1612. Ces quattre motz vous feront grand bien, ma très chère Fille, pour vous dire que j'ay receu vostre lettre dernière et que je pars demain de grand matin pour, si je puis, me rendre au giste a Gex (0. Je suis marri que la copie que je vous envoyay des Constitutions de la Visitation est si incorrecte; mais je pense que vous entendres bien le sens. Je ne puis monter a Sainte Ca- therine; j'escriray un mot a propos, et vous verres Madame l'Ancienne a Rumilly (»), ainsy qu'on m'a dit. Demeures en paix auprès de Nostre Seigneur, que je supplie vous bénir et rendre toute sienne. Amen. Ce porteur estant tout mien et l'un des plus vertueux et devotz prestres, je luy ay dit quil vous donnast en main ce billet. La chère cousine est a Presle (3) des il y a, je pense, dix ou douze jours, et je ne l'avois pas veu (sic) dix ou douze jours au paravant, de sorte quil y a long tems que je ne l'ay pas veûe ; mays elle se porte pourtant [bien] et est tous-jours fort désireuse de s'avancer au service de Nostre Seigneur. Madame de Chantai vous salue très cordialement, estant un peu enbesoignee pour faire accommoder la ( I ) Le Saint partit en effet le lendemain pour le pays de Gex, où il devait prendre possession de plusieurs églises. (Cf. ci-dessus, pp. 173, 335.) (3) Jéronymede Maillard, qui avait gouverné l'abbaye de Sainte-Catherine. (Cf. plus haut, p. 311.) Le rendez-vous de Rumilly était sans doute chez sa mère, devenue la belle-soeur de M"= de la Fléchère depuis qu'elle avait épousé en secondes noces Charles de la Forest. (3) M™' de Charmoisy, car il s'agit d'elle, avait maison et vignobles à Presle, hameau de Menthon-Saint-Bernard, non loin du lac d'Annecy.  Année i6ia 245 nouvelle mayson (0. Je m'en vay tantost luy dire a Dieu, et je vous le dis aussi, suppliant sa divine Bonté que de plus en plus elle vous face abonder en ses grâces. Amen. Vive Jésus ! Au cher mari mille salutations, et autant de bénédic- tions a ma petite filleule (»)., XIII juUiet 161 2. Madame Madame de la Flechere. Revu sur l'Autographe appartenant à M>'' Nunès, Archevêque d'Evora (Portugal). ( I ) Le nombre des Religieuses augmentant tous les jours, la maison de la Galerie se trouva trop petite ; il fallut donc chercher un logement plus vaste et qui facilitât aussi davantage la visite des malades. Le 14 juin 1612, les Fondateurs achetèrent de M. Philippe Nicollin, avocat au Conseil de Gene- vois, une maison « toute joignante aux murailles de la ville, vers la halle et sur le port du lac. » (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VIII ; cf. ci-dessus, note (a), p. 219.) La femme de l'avocat, Nicoline Baltazar, étant propriétaire de l'immeuble, figure dans l'acte de quittance comme ratifiant la vente « pour le pris de dix mil cinq centz florins, monoye de Savoye, trois ducattons d'espin- gles et une pièce d'estamine pour faire une robbe a elle predicte damoyselle Baptessard. » (Archives de la Visitation d'Annecy.) (3) Françoise-Innocente (voir le tome précédent, note (i), p. 56).  DCCXCV AU PÈRE NICOLAS POLLIENS, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS (0 (inédite) Une bonne fille qui ne pourra pas être si tôt consolée. « Le livret » que prépare le Saint. Gex, 17 juillet 1612. Mon Révérend Père, J'affectionne extrêmement de donner satisfaction a la bonne fille pour laquelle vous m'escrives ; son oncle, et ( I ) Les lettres qui sont adressées à ce Religieux dans les deux tomes précé- dents sont écrites sur le même ton d'amitié, et le désignent ici comme desti- nataire avec une très grande vraisemblance.  246 Lettres de saint François de Sales sur tout vostre tesmoignage m'y oblige ('). La petitesse, néanmoins, du logis et l'incommodité des Filles de la Visitation ne permettront pas encor sitost qu'elle soit consolée. Faites moy ce bien, mon Révérend Père, de m'escrire en quelz termes nous en demeurasmes a Cham- beri, par ce que n'en ayant pas distincte mémoire, selon mon imbécillité, je n'en puis pas si bien parler a ces Dames quil seroit requis. Je travaille après le livret que vous souhaites (»), et seres des premiers a qui j'en dedieray une copie, si jamais Dieu me le fait voir au jour. Je suis, plus que vous ne sçauries croire. Mon Révérend Père, Vostre plus humble confrère et serviteur, Franc», E. de Genève. XVII juillet 161 2. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montélimar. { I ) Cette « bonne fille » serait-elle M"* Bellot, que nous trouverons à la Visitation en janvier 1613? Dans ce cas, l'oncle pourrait être M. Boursier, dont il rera parlé plus loin. ( a ) Le Traitté de l'Amour de Dieu.  DCCXCVI A MADAME DE TRAVERNAY (O Ce qui donnait à François de Sales « un particulier contentement. » — Pour- quoi et comment les tracas sont utiles au progrès spirituel. — Un sentiment qui rend légers tous les déplaisirs. Du pays de Gex, 20 juillet 1612. Madame, Sçachés que j'ay un particulier contentement, quand je reçois de vos lettres, de voir que, parmi beaucoup (i) L'appellation de « Madame », qui permet d'éliminer M"" de la Fié- chère, le titre de « compère » à la signature et le rapport de cette lettre à celles adressées précédemment à M*"^ de Travernay semblent désigner cette dernière comme la destinataire la plus probable.  I  Année 1613  247  d'empeschemens et de contradictions, vous conserves la volonté de servir Nostre Seigneur ; car c'est la vérité que si vous estes bien fidèle entre ces traverses, vous en aures d'autant plus de consolations que les difficultés que vous aves auront esté grandes. Je pense en vous quand moins vous le pensés, et vous voy avec un cœur de com- passion, sçachant bien combien vous aves de rencontres en ce tracas parmi lequel vous vives, qui vous peuvent divertir de la sainte attention que vous desires avoir a Dieu. Pour cela, je ne veux point cesser de recommander a sa divine Bonté vostre nécessité ; mays je ne veux pas aussi, laisser de vous conjurer de la rendre utile a vostre avancement spirituel. Nous n'avons point de recompense sans victoire, ni point de victoire sans guerre. Prenés donq bien courage, et convertisses- vostre peyne, qui est sans remède, en matière de vertu. Voyés souvent Nostre Seigneur qui vous regarde, pauvre petite créature que vous estes, et vous voit emmi vos travaux et vos distractions ; il vous envoyé du secours et bénit vos afflictions. Vous deves, a cette considération, prendre patiemment et doucement les ennuis qui vous arrivent, pour l'amour de Celuy qui ne permet cet exercice vous arriver que' pour vostre bien. Eslevés donq souvent vostre cœur a Dieu, requerés son ayde, et faites vostre principal fondement de conso- lation au bonheur que vous aves d'estre sienne. Tous les objetz de desplaysir vous seront peu de chose, quand vous sçaurés d'avoir un tel Amy, un si grand support et un si excellent refuge. Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur, Madame ma très chère Fille, et je suis de tout le mien, Vostre humble et très affectionné compère et serviteur, Franc», E. de Genève. Le 20 juillet 1612.  348 Lettres de saint François de Sales DCCXCVII A l'archiduc d'aUTRICHE, ALBERT VII ( Supplique en faveur de l'établissement d'un monastère à Saint-Claude. — Le sort ordinaire de ceux qui recherchent l'intimité de Dieu. — Comment les âmes qui prient servent leur pays et leur époque. Gex, 29 juillet (a) 1612. Cum hoc tempus œstivum, Augustissime Princeps, in recensendis rébus ecclesiasticis hujus regionis Gayanse impenderem, ecce afinitimo oppido Sancti Claudii, vineae  Très auguste Prince, Pendant cette saison d'été, je passais en revue les affaires reli- gieuses de ce pays de Gex, lorsque, de la ville voisine de Saint- Claude, quelques petites vignes, qui auparavant répandaient une (i) Albert VII (1559-1621), archiduc d'Autriche, prince des Pays-Bas, sixiè- me fils de l'empereur Maximilien II, se destina d'abord à l'état ecclésiastique et reçut en 1577, du Pape Grégoire XIII, le chapeau de cardinal. Plus tard, renonçant à la pourpre, il épousa (1598) Isabelle-Claire-Eugénie, fille de Phi- lippe II, roi d'Espagne. L'archiduc avait une grande estimé pour l'Evêque de Genève, dont il eut l'occasion d'admirer les vertus. (Voir. le tome précédent, note (4), p. 315.) ( 3 ) Chez les premiers éditeurs, la traduction seule est ainsi datée : « De Gex, le açjuin i6ij. » Charles-Auguste place cette pièce parmi les faits de léis; Hérissant et les éditeurs suivants lui assignent cette dernière date, mais en retenant le quantième du 29 Juin. Des auteurs plus récents la datent du aç juillet 161J ; on a proposé encore 161 1 et 161 j. Or, du texte même, il ressort que la lettre a été écrite à Gex, au cours de l'été, durant un séjour d'au moins quelques semaines, parmi les occupations d'un recensement religieuj^ du pays, et en faveur d'une Congrégation à ten- dances contemplatives, laquelle n'existait encore qu'en projet. Ces particu- larités permettent d'exclure les dates indiquées ci-dessus. En 1611, le voyage du Saint n'eut lieu qu'au mois de mai; en 1613 (32-30 juillet), il ne dura que huit jours à peine, et encore fut-il coupé d'un pèlerinage à Saint-Claude. En 1617, le futur établissement des Annonciades était loin de ses débuts (voir note (1)1 p. 250). La date que nous proposons concilie à la fois ce que nous savons des origines du monastère et du voyage que fit l'Evêque de Genève à Gex, du 14 au 31 juillet 161 3. (Cf. ci-après, Lettre dccxcix.)  Année 1612 249 quaedam parvulae, utantea suavissimumpietatisodorem*, * Cf. Cant., n, 13. ita nunc amarum mentis suae dolorem dederunt. Aliquot enim illius loci virgines devotissimae, cum summopere cuperent religiosum vitae genus aggredi, viderentque se tam longe a monasteriis mulierum abesse, ut.vix possent sperare se expetitis Sponsi caelestis nup- tiis aliquando potituras, de monasterio ibi construendo cogitare cœperunt. Cumque res, bonis omnibus grata, jamjam initium habitura videretur, repente ab hominibus venit turbatio. Solemne namque est omnibus regnum et gloriam Dei paulo pressius quaerentibus, pericula tn mari, pericula in terra, sed maxime di falsis fratribus *, * n Cor., xn, 36. hoc est, a vulpibus parvulis quœ demoliuntur vineas *, • Caat., n, 15. experiri. Ergo, Serenissime Princeps, congregatio illa virginum, quamvis Institutum Ecclesiœ judicio probatum et in Burgundia jampridem incœptum colère vellet, mul- tis tamen contradicentibus hujus sœculi filtis *, qui et *Luc.,xvi,8,xx,h. interdum, per horrendam astutiam, pietatem pietatis praetextu evellunt, nulla ratione hucusque negotium illud sacrum conficere valuit.  odeur de piété très suave, ont exhalé soudain l'amère douleur de leur âme. Ce sont quelques jeunes filles de cette cité, très dévotes et très désireuses d'entrer en Religion ; mais voyant qu'elles étaient si loin des monastères de femmes, qu'à peine pourraient-elles jamais jouir des noces tant désirées du céleste Epoux, elles ont pensé à bâtir un monastère en ce lieu. La chose, agréée de tous les gens de bien, allait, semble-t-il, prendre commencement ; mais tout à coup, elle a été dérangée par les hommes. C'est d'ailleurs le sort ordinaire de ceux qui cherchent d'un peu plus près le royaume et la gloire de Dieu, d'avoir à subir des traverses sur mer et des traverses sur terre, et surtout de la part des faux frères, c'est-à-dire des renardeaux qui détruisent les vignes. Oui, Sérénissime Prince, cette association de jeunes filles, quoiqu'elle désirât prendre un Institut approuvé par l'Eglise et depuis longtemps établi en Bourgogne, a rencontré bien des contradicteurs parmi les enfants de ce siècle qui bien souvent, par une effroyable malice, renversent la piété au nom de la piété même ; et ainsi, cette œuvre si sainte n'a pu aucunement se faire.  250 Lettres de saint François de Sales Verum, in tanta difficultate, etsi plerique simplicissi- mis virginibus desperationem injicerent, non potuerunt nihilominus illae non recte sperare, dum videlicet in Celsitudinis Vestrse summam pietatem oculos mentis conjiciunt, arbitratae sane merito se ab ea facile praesi- dium impetrare posse, quo omnia impedimenta dispel- lantur. Et quia sexui et virginitati pudor natura indivi- duus comes est, non sunt ausse [ad] pedes Celsitudinis Vestrae, nisi aliquo sacerdote duce, accedere ; unde me, tanquam ex Antistitibus viciniorem, rogaverunt, ut eas earumque sanctum desiderium eidem piissimae Celsitu- dini Vestrae per litteras commendarem ( ' ).  Dans un tel embarras, plusieurs ont essayé d'enlever tout espoir à des âmes si simples ; toutefois, celles-ci ont repris confiance, et non sans raison, lorsque jetant les yeux sur l'éminente piété de Votre Altesse, elles ont pensé à bon titre en obtenir sans peine le secours qui écarterait tous les obstacles. Mais parce que la pudeur est la compagne inséparable de ce sexe et de la virginité, elles n'ont pas eu la hardiesse de se présenter à vos pieds sans être introduites par quelque prêtre. Aussi m'ont-elles prié, comme étant l'Evêque le plus voisin, de recommander par lettres à Votre très dévote Altesse, et leurs personnes et leur religieux désir ( 0. (i) En 1609, la \ille de Saint-Claude fut ébranlée par un mouvement de piété extraordinaire ; beaucoup d'âmes d'élite, éprises de vie intérieure, gagnèrent le cloître. D'autres, à qui la clôture mitigée de la Galerie d'Annecy avait paru trop douce, furent d'avis d'ériger un monastère à Saint-Claude même, sur les conseils du P. de Bonivard et du P. François de Bugey, Ca- pucin. (Cf ci-dessus, note (i), p. 91.) Il s'agissait de fonder une nouvelle ruche « d'abeilles mystiques; » les amis du Saint encourageaient l'entreprise, Prospère de Boisset, sa parente (i), en était l'âme : en fallait-il davantage pour lui concilier les sympathies de François de Sales ? De là, cette requête. Malgré toutes sortes d'oppositions, la petite troupe obtint les lettres-patentes de l'archiduc le 27 juin 1617, l'autorisation de l'Ordinaire le 37 décembre 1618 et le ag septembre 1620 le monastère fut inauguré par la vêture de quatorze postulantes. C'était la huitième maison des Religieuses Annonciades célestes, fondées à Gênes en 1604 par la bienheureuse Victoire Fornari-Strata et le P. Bernardin Zannoni, S. J, L'Institut se répandit rapidement en plusieurs pays et compta bientôt de célèbres monastères, à Paris, Saint-Denis, Lyon. Celui de Langres, établi en 1623 par M^r Zamet, est aujourd'hui encore le dépositaire des traditions de l'Ordre pour la France. (D'après les Annales des Religieuses Annonciades de Langres,) (i) Elle éuit fille de Guillaume de Boisset et de Jeanne de Beaufort, de Savoie.  Année 1612 251 Quod dum impensissimis precibus facio, non certe propterea me velle ambulare in magnîs * existimare * Ps. cxxx, i, 1. quisquam débet : ideo namque ambulo confidenter^ quia ambulo simpliciter *, confisus nimirum preces meas a * Prov., x, 9. plêrisque magnœ erga Vestram Celsitudinem auctorita- tis intercessoribus auxilium accepturas. Postulabit enim mecum idipsum quod expeto, innata Vestrse Celsitudinïs benignitas, infusa religio, parta devotio, ac denique horum temporum miseranda conditio, quae ea est ut pre- ces plurimas, ac proinde precatores multos requirat. Quare, novum hoc mysticum examen apum, orationis mellificium meditantium, eo gratins Celsitudini Vestrae futurum duxi, quo locupletiorem et utiliorem huic aetati operam navare constituit. Vive porro, Celsissime et Serenissime Princeps, vive quam diutissime, quam fœlicissime ac sanctissime, ac sacrarum harum virginum humillimarum faventibus oculis aspice, excipe, perfice vo*"um, quod humillime exposuit Serenissimae Celsitudini Vestrse  Je le fais avec de très instantes prières, mais on ne doit pas croire pour cela que je veuille marcher en grandeur : si je marche avec assurance, c'est que je marche avec simplicité, bien persuadé que ma requête sera appuyée par plusieurs intercesseurs très influents auprès de Votre Altesse, je trouverai en effet pour m'aider à plaider ma cause, la douceur qui est naturelle à Votre Altesse, l'esprit de piété qui lui a été départi, la dévotion qu'elle a acquise et enfin la malheu- reuse condition de notre temps, qui exige bien des prières, et partant beaucoup d'âmes qui prient. C'est pourquoi, ce nouvel essaim d'abeilles mystiques qui se préparent à composer le miel de l'oraison, sera, je crois, d'autant plus agréable à Votre Altesse, qu'elle a résolu de s'employer avec plus de générosité et de profit au service de notre époque. Vivez, très grand et Sérénissime Prince, d'une très longue, très heureuse et très sainte vie, et, d'un œil favorable, regardez, agréez, comblez le vœu de ces très humbles pieuses filles, comme l'a très humblement exposé à Votre Altesse  252 Lettres de saint François de Sales  DCCXCVIII A LA MÈRE DE CHANTAL Un bonjour du « grand saint Pierre. » — La délivrance des liens spirituels. -^ « Mignardise d'amour » de Notre-Seigneur. — La marque de Tamour fidèle. — Il faut mourir ou aimer. — «Une jolie pensée. » — Les jeunes apprentis et les vieux maîtres en l'amour de Dieu. — Où tendait l'amitié mutuelle qui unissait l'âme au Saint et celle de la Mère de Chantai. Annecy, i*"" août 1612 (i). Nostre gfrand saint Pierre, resveillé de son sommeil par l'Ange, vous donne le bon jour, ma très chère Mère. • Act., xii, 3-11. Combien de douceurs en l'histoire de cette délivrance * ! car son ame en est tellement saysie qu'il ne sçait s'il songe ou s'il ne songe pas. Que puisse nostre Ange tou- cher ce jourdhuy nostre flanc, nous donner le resveil de l'attention amoureuse a Dieu, nous délivrer de tous les liens de l'amour propre et nous consacrer a jamais a ce céleste amour, afifin que nous puissions dire : Maintenant je sçai, certes, que Dieu a envoyé son Ange et m'a délivré. Helas ! qu'il fut heureux, nostre cher saint Pierre, car ce fut par mignardise d'amour que Nostre Seigneur luy • Joan., uit., H-17. demanda si souvent : Pierre, m'aymes-tu* ? Non point iHeu^iAl ciTxiv qu'il en doutast, mais pour le gprand playsir qu'il prend (tom. IV, p. 353). ^ nous souvent ouyr dire et redire et protester que nous l'aymons. Ma chère Mère, aymons-nous pas le doux Sauveur ? Ah ! il sçait bien que si nous ne l'aymons, pour le moins desirons-nous de l'aymer. Or si nous l'ay- • Ubi supra. mons, paissons ses brebis et ses aigneaux * ; c'est la, la marque de l'amour fidèle. Mays dequoy faut-il repaistre ces chères brebiettes ? (i) La date de 161 1 serait contredite par le titre de « Mère » donné tout au long du texte à la destinataire; la présence des deux Saints à Annecy exclut i6r3 et 161^, car ces deux années-là, au mois d'août, la Mère de Chantai était absente de Savoie. Reste la date que nous proposons sous toutes réserves et sans prétendre écarter absolument 1614.  Année 1612 353 De l'amour mesme, car, ou elles ne vivent pas, ou elles vivent d'amour : entre leur mort et l'amour, il n'y a point d'entredeux. Il faut mourir ou aymer, car qui n'ayme^ dit saint Jean *, il demeure en la mort. * l Ep., m, 14. Mais sçaves vous une jolie pensée? Nostre Seigneur va dire a son cher saint Pierre : Quand tu estais jeune, tu mettais ta ceinture et allais au tu vaulois; mais quand tu seras viel., iu estendras ta main., et un autre te ceindra et te m.enera ou tu ne veux pas *. •joan., uit., 18. Les jeunes apprentifz en Tamour de Dieu se ceignent eux mesmes : ilz prennent les mortifications que bon leur semble, ilz choisissent leur pénitence, résignation et dévotion et font leur propre volonté parmi celle de Dieu ; mais les vieux maistres au mestier se» laissent lier et ceindre par autruy et se sousmettent au joug qu'on leur impose, et vont par lés chemins qu'ilz ne voudroyent pas selon leur inclination. Il est vray qu'ilz tendent la main ; car, malgré la résistance de leurs inclinations, ilz se lais- sent gouverner volontairement contre leur volonté, et disent qu'il vaut mieux obéir que faire des offrandes* : et • I Reg., xv, a»; voyla comm'ilz glorifient Dieu, crucifiant non seulement " "' '^' ° leur chair *, mais leur esprit. • Gaiat., v, 34. Vrayement hier, tandis que l'on chantoit l'Invitatoire et qu'on disoit : « Vive le Roy des Apostres ! Venes et adorés le (0, » j'eus un si doux et amiable sentiment que rien plus, et soudain je desirois qu'il s'espanchast sur tout nostre cœur. O Dieu ! nostre Sauveur nous soit a jamais toute chose. Tenes le cœur en haut, dans le sein amoureux de la divine Bonté et Providence, car c'est le lieu de son repas *. C'est luy qui m'a rendu tout vostre, et vous toute • Ps. cxxxi, 14. mienne, affin.que nous fussions plus purement, parfaite- ment et uniquement siens. Ainsy soit il. (i) Dans le bréviaire de l'ancien diocèse de Genève, le répons de l'Invita- toire pour les Matines des Apôtres était : Regetn Apostolorum * Adoremus Dominum. (Voir Lafrasse, Etude sur la Liturgie dans l'anc. dioc, de Genh'a, 1903-1904, chap. V, Mém. de ÎAcad. SaUtt^ tome XXVII, p. iio.)  254 Lettres de saint François de Sales  DCCXCIX AU MARQUIS DE LANS Rentré à Annecy, l'Evêque de Genève rend c^ _^<.e ue ses négociations dans le pays de Gex. — Eloge d'un commissaire. — Sentiments des Genevois. Annecy, 2 août 1612. Monsieur, Ayant esté remis en la possession de toutes les églises Cf. sopra, p. 173. de Gex* qui estoyent occupées par les ministres (O, hor- mis de celles que ceux de Genève détiennent (»), pour le regard desquelles j'ay esté renvoyé au Conseil du Roy de France, je suis revenu a mon ordinaire résidence, en laquelle je vous salue très humblement et vous sup- plie me conserver Ihonneur de vostre bienveuillance. Le commissayre député pour me mettre en ladite pos- session est un simple conseiller de la cour de Parlement de Digeon (3), qui vint luy troysiesme; et néanmoins, s'est fort bien sceu fair'obeir, non obstant toutes les allégations et répugnances des hérétiques. Ceux de Genève ont esté estonnés et marri (sic) qu'on ayt mis en compromis la restitution des biens quilz tiennent dans la souveraineté de France, et n'ont pas manqué d'avancer que Son Al- tesse les traittoit mieux pour ce regard. Rien autre ne s'est passé qui soit digne de vous estre représenté ; c'est pourquoy, priant Nostre Seigneur quil ( I ) Le Procès-verbal de Gex (Ms. cité plus haut, note ( 2 ), p. 130) donne les noms suivants : « David du Piotey, Jacques Clerc, Jacques Gautier, Pierre Prévost, Jean Périer, Pierre de Préaux, Andoche Perreau, Abraham du Pan, Jean-Baptiste Chalon, Jean Juppé. » (2) On lit dans le même Procès-verbal, sous la date du 28 juillet 1612 : M N'avons (les commissaires de Sa Majesté, MM. Milletot et de Brosses) visité les églises de Moins, Satiny (Satigny), Avouilly (AvuUy), Ressins (Russin) et Malve (Malval), attandu les prétentions de la Seigneurye de Genève sur lesdicts lieux, sur lesquels nous avons cy devant ordonné que ledict sieur Evesque se pourvoiroit par devers Sa Majesté et nosdicts seigneurs de son Conseil. » Voilà quels étaient les biens en litige. (3) Bénigne Milletot (voir ci-dessus, note (i), p» 5).  Année 1612 235 vous face de plus en plus abonder en sa grâce, je me nommeray en toute vérité, Monsieur, Très humble et très affectionné serviteur de Vostre Excellence, Franc», E. de Genève. 2 aoust 161 2, a Neci. A Son Excellence. A Chamberi. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.  DCCC A LA REINE MERE MARIE DE MÉDIGIS (minute) Remerciements à la reine régente et souhaits pour son fils et pour elle, en retour de son intervention pour le rétablissement du culte à Gex. Annecy, commencement d'août 1612 (i). Apres avoir rendu grâces a Dieu du restablissement de son Eglise es lieus et biens ci" devant occupés et détenus par les ministres de la religion praetendue, au balliage de Gex, (*) j'en remercie très humblement Vostre Majesté, de la royale providence et pieté delà- quelle ce bonheur nous est arrivé *. * ^^- supra, p. 173.  (a)V^ Gex, — rqui anciennement estoyent destinés pour l'exercice de la foy catholique, J ( i) Le 13 décembre 1611, l'Ëvêque de Genève écrivait au marquis de Lans '. « J'espère que dans bien peu de moys on me remettra tout le reste » des églises et des biens ecclésiastiques. (Voir ci-dessus, p. 130.) Au même, il écrit dans la lettre précédente : « Ayant esté remis en la possession de toutes les églises de Gex, » etc. De ces lignes et de l'objet de la présente lettre, se déduit la date de celle-ci. II semble, en effet, que le Saint a dû l'écrire après son retour de Gex (31 juillet).  256 Lettres de saint François de Sales Dieu éternel veuill'a jamais establir la royauté du Roy vostre filz, puysque vous aves si grand soin du res- ' I Tim., uit., is; tablissement de celle de son Filz, Roy des roys*: Dieu Apoc.,xvii,i4,xnc, -^ u j- ^• 16. remplisse vostre royale personne de ses bénédictions, puisque, par l'authorité quil vous a donnée, vous faites bénir son saint nom en tant d'endroitz esquelz il estoit prophané. Ce sont les continuelz souhaitz que, par un' immor- telle obligation, fait et fera tous-jours, Madame, Vostre très humble et très obéissant orateur et serviteur. Franc*, Evesque de Genève. Rêva sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.  DCCCI A UN GENTILHOMME La mort d'une fille spirituelle du Saint, âme « belle et dévote. » Annecy, 7 août 1612 (i). Monsieur, Je viens d'apprendre par M. le médecin Grandis 1^) le douloureux mais bienheureux trespas de madame vostre chère espouse. Certes, mon cœur en a esté autant vive- ment touché que de perte que j'aye faite il y a long tems ; car la bonté, la pieté et la vertu que j'avois veuës en cette belle ame m'avoyent tellement rendu obligé a l'honnorer, que des-ormais j'en faysois une profession ( I ) La lettre est ainsi datée en 1641, par le premier éditeur; il n'a pas été suivi par les autres, qui ont changé 1613 en 1631. Jusqu'à preuve du contraire, nous croyons qu'il faut maintenir la première date. Le destinataire avait peu de temps à vivre, il habitait la Savoie très proba- blement ; sa femme était dirigée par François de Sales qui l'estimait beau- coup pour ses vertus : c'est tout ce que nous en savons. (3) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 30.  Année 1612 ^57 solemnelle. Qu'elle est heureuse, cette chère dame, d'avoir, parmi tant de douleurs et de travaux, conservé la fidélité qu'elle devoit a son Dieu, et que ce m'a esté de consolation d'avoir sceu une partie des paroles de charité que son esprit a lancées, avec ses derniers sous- pirs, dans le sein de la miséricorde divine ! Mays, Monsieur, n'auray je pas une immortelle obli- gation a la faveur qu'elle me faysoit, puisqu'en cette extrémité de sa vie mortelle, elle a si souvent tesmoigné qu'elle avoit mémoire de moy, comme de celuy qu'elle sçavoit luy estre tout dédié en Nostre Seigneur? Jamais cette souvenance ne sortira de mon ame, et ne pouvant luy offrir le service très fidèle que j'avois juré a sa vertu et dévotion, je vous conjure, Monsieur, de l'accepter et recevoir avec celuy que l'honneur de vostre bienveuil- lance avoit des-ja acquis sur mes affections. Et cependant, en cette occasion, employés la grandeur de vostre cou- rage pour modérer la grandeur du desplaysir que la grandeur de vostre perte vous aura donné. Acquiesçons, Monsieur, aux decretz de la Providence souveraine, decretz qui sont tous-jours justes*, tous-jours saintz, 'Cf. Ps.cxviii,i37. tous-jours adorables, bien qu'impénétrables et obscurs a nostre connoissance. Cette belle et dévote ame est decedee en un estât de conscience auquel si Dieu nous fait la grâce de mourir, nous serons trop heureux de mourir en quelque tems que ce soit. Aggreons cette grâce que Dieu luy a faitte, et ayons doucement patience pour ce peu de tems que nous avons a vivre icy bas sans elle, puisque nous avons espé- rance de demeurer avec elle éternellement au Ciel, en une société indissoluble et invariable. Monsieur, je respandray toute ma vie des bénédictions sur madame vostre chère defuncte, et seray invariable- ment Vostre plus humble, très affectionné et fidèle serviteur. Franc», E. de Genève. D'Annessi, ce 7 aoust 161 2. Lettufs V 17  258 Lettres de saint François de Sales DCCCII A LA MÈRE DE CHANTAL  L'aube du jour éternel. — Souhaits pour la petite Congrégation. — Un sen- timent fort particulier qu'éprouve le Saint la veille de l'Assomption. — La divine Fruitière. — En descendant de chaire. Annecy, 15 août 161 2 (i). Hé, que belle est cette Aube du jour éternel, laquelle montant devers le Ciel, va, ce semble, de plus en plus • Cf. Cant., VI, 9. croissant es bénédictions de son incomparable gloire * ! • Cf. ibid., m, 5. Qu'a jamais les odeurs d'éternelle suavité * esparses sur les coeurs de ses devotz, remplissent celuy de ma très chère Mère comme mon cœur propre, et que nostre chère petite Congrégation, toute vouée a la louange de son Filz • Orat. post divin, et des mammcUcs sacrées qui l'ont alaité *, jouisse des bénédictions préparées aux âmes qui l'honnorent. Hier au soir, j'eus un sentiment fort particulier du bien que l'on a d'estre enfant, quoy qu'indigne, de cette glorieuse Mère, Estoile de mer, belle comme la lune, • Cant., VI, 9. esleuë comme le soleil *. O mon Dieu! ma très chère Mère, j'ay eu une spéciale consolation de voir comme elle donna une belle robe d'une blancheur nompareille • Vide Matut. in a SOU scrvitcur saiut Hildephonse, Evesque de Tolède*; festo S. Ildefonsi, , , ,, Il''Noct.,Lectiov. car, pourquoy n en donnera-elle pas une a nostre cher cœur? Voyes-vous, je retourne tous-jours a mes brebis. Entreprenons des grandes choses sous la faveur de cette Mère, car si nous sommes un peu tendres en son amour, elle n'a garde de nous laisser sans l'effect que nous prétendons. O Dieu^^uand je me resouviens qu'aux • Cap. II, 3. Cantiques *, elle dit : Entourés moy de pommes, je (i) L'édition de i6î6 donne ce texte sans date; Biaise (1833) lui assigne celle de 1612, mais sans preuves. On peut la retenir comme assez probable, à cause de l'allusion à « la chère petite Congrégation. » (Voir aussi plan du sermon pour la fête de l'Assomption 1612, tome VIII, p. 103.)  Année 1612 259 voudrois volontier luy donner nostre cœur ; car, quelle autre pomme peut désirer de moy cette belle Fruitière ? Je viens du sermon, ou je voudrois bien avoir plus saintement et amoureusement parlé de nostre glorieuse et sacrée Maistresse ; je la supplie qu'elle me veuille pardonner. Dieu nous face la grâce de nous voir un jour consommés au divin amour. Ce pendant, bon jour, ma très chère Mère. Le 15 aoust, jour de la glorification de nostre très honnoree Maistresse, qui soit a jamais nostre amour. Francs E. de Genève.  DCCCIII A M. ANTOINE DES HAYES Par « humeur », le Saint aime la discrétion. — Service demandé en faveur du Chapitre de Genève. — Phénomènes célestes. Annecy, 31 août 1612. Monsieur, Il faut que l'asseurance que j'ay de vostre bienveuil- lance soit infiniment asseuree, puisque a tous propos et avec tant de liberté, je prens la confiance de vous supplier pour les affaires ecclésiastiques que maintenant il me faut avoir de delà ; car, certes, de mon humeur, j'ay me la modestie. Or, voyla une requeste pour obtenir une revision en faveur du Chapitre de mon Eglise (0. C'est un' affaire, comme je pense, ordinaire et que je ne vous devrois pas donner la peyne de faire ; mays vo.stre amitié en mon endroit est si universelle, que volontier elle me favorise en toutes occurrences, grandes et petites. Aussi puis-je (i ) Il nous est difficile de savoir si cette requête avait pour objet d'obtenir une remise de dîmes, ou la restitution de biens ecclésiastiques détenus par les Genevois.  26o Lettres de saint François de Sales jurer que mon affection pour vous est si absolue, géné- rale et invariable, que vous n'en aures jamais de plus entière de personne du monde. Je vous escris sans loysir, a cause du soudain despart de ceux qui portent ce pacquet a Lion. Aussi n'ay-je rien de nouveau des la dernière lettre que je vous escrivis, sinon que nous avons veu en cette ville plusieurs colom- nes enflammées sur Genève, et la veille de l'Assomption, entre midi et un'heure, en un jour fort clair, un'estoile asses proche du soleil, aussi brillante et resplendissante qu'est la bell'estoile en une nuit bien seraine ( ^ ). Je suis. Monsieur, Vostre très humble fîdele serviteur, et de madame vostre chère espouse, Franc*, E. de Genève. 31 aoust 1612. A Monsieur Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel du Roy, Gouverneur et Baillif de Montargis. Revu sur l'Autographe conservé au i<"' Monastère de la Visitation de Rouen. (i) D'après les indications obligeantes de M. G. Bigourdan, de l'Observa- toire de Paris, ces « colomnes » peuvent avoir été « produites par une aurore boréale. La situation de Genève, au nord d'Annecy, confirmerait cette expli- cation. Le second phénomène, l'apparition d'une étoile en plein jour, pourrait s'expliquer par une visibilité extraordinaire de Vénus, qui, assez souvent, est visible à l'œil nu en plein jour. »  i  Année 1612 -^Si DCCCIV A LA MÈRE DE CHANTaL Avis charitable. Annecy, [1611 -septembre 1612 (i),] Ma chère Fille, Je vous advertis que madamoyselle d'Escrilles est de la mesme parentee que M. de Corselles (2), affin que vous ne luy disies pas ce que nous dismes de la bisayeulQ. Mais Dieu la bénie, la bonne madamoyselle d'Escrilles, et je prie sa Majesté qu'elle vous bénisse aussi infiniment. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) Marie de Mouxy, veuve de Louis de la Touvière, seigneur d'Escrilles, avait passé quelques jours à la Visitation en septembre, comme on peut le conjecturer par la lettre du Saint, 13 octobre 1612. Ce billet a dû être écrit vraisemblablement pendant le séjour de la retraitante; toutefois, voir la note ci-dessous. (s) Probablement Ferdinand de Prez, seigneur de Corcelles; par sa mère, Antoine de Saint-Jeoire, il était cousin-germain de M"' d'Escrilles, et leur bisaïeule commune était Jeanne de Compey, femme de Louis de Saint-Jeoire. La conversion à la foi du seigneur de Corcelles avait suivi de près celle du baron d'Avully, dont il fut le témoin (1^96); aussi, au dire de son frère Jean-Gaspard, jouit-il d'une « grande conversation et familiarité avec le Bienheureux. » (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 29.) Il avait épousé Jeanne-Béatrix de Thomassin, veuve avant le 25 septembre 1612; cette par- ticularité fait osciller la date de ces lignes entre les deux dates extrêmes que nous indiquons.  202 Lettres de saint François de Sales DCCCV A MADAME DE GENEVE, ABBESSE DE BAUME-LES-DAMES (0 ( INÉDITS ) Offre conditionnelle d'une postulante, fille de Gallois de Sales. — Ce qui rebutait quelquefois les prétendantes à la Visitation. — Portrait de la nièce du Saint. Annecy, 19 septembre 1612. Madame ma très chère Mère, Je fus certes en peyne de vostre chemin d'icy a La Roche (=»), voyant que [le] tems s'aigrissoit un peu; et Dieu soit loué dequoy vous l'aves passé asses heureuse- ment. Vostre conseil a esté très bon d'envoyer prendre le carosse, et ce pendant donner la consolation de vostre veùe a madame la Comtesse vostre seur (3). ( I ) Marguerite de Genève, que la famille de Sales traitait avec tant de défé- rence et de considération, était fille de Guy de Genève, chevalier, seigneur de la Bâtie, baron de Lullin, et de Catherine de Ray. Religieuse en 1576 à Baume- les-Dames, elle gouverna cette Maison de- 1583 à 1618 (cf. tome XIII, note ( i ), p. iTo). C'est pour condescendre à ses désirs, que François de Sales, lorsqu'il vint à Baume (voir le tome précédent, p. 330), « bailla de tres-saincts advis pour la discipline régulière aux Religieuses » du monastère, et l'Abbesse, ajoute Charles-Auguste('ff/s/oz>^, etc.,liv. VII), « comm'elle estoit d'un tres-bon juge- ment et d'une grande pieté, tira depuis de luy par lettres plusieurs préceptes de la vraye dévotion et Religion. » Elle en « receut des grandes consolations spirituelles, et cecy je le sçay pour avoir faict tenir les lettres a l'un et a l'autre. » (Déposition de Jean-Gaspard de Prez, Proeess. remiss. Grbenn. (I), ad art. 43.) (a) L'Abbesse était probablement venue en Savoie pour « les grands Pardons » d'Annecy (cf. ci-dessus, p. 235, et ci-après, note (i), p. 265). Pour retourner à Baume, elle prit la route de Genève, et dut se détourner de son chemin, une fois à La Roche, pour visiter sa sœur (voir la note suivante) qui habitait dans les environs. (3) Sans doute, Péronne de Genève-LuUin, veuve, avant juillet i6oa, de François de Montvuagnard, connu sous le nom de M. de Pierrecharve. Le contrat dotal de ce premier mariage est du 29 septembre 1588. Elle avait épousé en secondes noces (contrat dotal du 26 janvier 1604) Claude-François Pobel, « conseillier d'Estat de Son Altesse, baron de Pierre, » comte de Saint-Alban (Archiv. de la Visitation d'Annecy, Collection J. Vuy), frère de l'Evêque de Saint-Paul-Trois-Chàteaux, Thomas Pobel, l'un des consécrateurs du Saint. (Cf. tome XI, note (i), p. 356.)  I  Année 1612 263 J'ay veu despuis vostre départ M"^ de Chantai, qui vous honnore d'un honneur fort particulier et désire que tous-jours je vous supplie de la tenir en vostre bonne grâce ; ce que je fay de tout mon cœur. Au demeurant, soudain après vostre despart, mes frères (0 entrèrent en un'ambition d'obtenir une place de Religieuse en vostre Monastère pour un'unique nièce, fille de nostr'aysné i^), que nous avons ; et m'a fallu leur pro- mettre que je vous en supplierois, de cette grâce. C'est pourquoy je le fay, avec la reserve de vostre bon play- sir, pour le tems et pour toutes autres conditions, et encor pour la chose mesme, laquelle je ne veux vouloir qu'a mesure que cela se pourra faire sans vostre incommodité, vostre contentement m'estant plus cher que tout l'hon- neur qui pourroit arriver a ma nièce, laquelle, pour ne rien celer a ma très chère et très honnoree Mère, je m'es- sayeray de gaigner pour la Visitation (3) ; mais par ce que les humilités quil y faut exercer rebuttent quelquefois les filles, si je ne puis la tourner de ce costé la, j'imploreray encor de plus fort vostre faveur. La fille est bien jolie et d'asses bon esprit, et fille d'une mère que je puis nommer sainte, et damoyselle de bon lieu (4). J'eusse bien voulu que je vous eusse fait la supplication ( I ) Janus et Louis étaient à Annecy pour les « grands Pardons. >• (Voir à l'Appendice II.) (3) François de Sales, quand il embrassa l'état ecclésiastique, céda son droit d'aînesse et ses titres à son frère puîné, Gallois (cf. tom. XI, note (i), p. 13). Dès lors, celui-ci devint seigneur de Villaroget, et plus tard, seigneur de Boisy et de Groisy ; il signe « Gallois de Sales de Boisy, » dans une pièce datée du 14 noveiabre 1608. (3) Françoise-Marie, fille de Gallois de Sales et filleule du Saint, reçut en effet de ses mains le voile de la Visitation le 34 mai 1616 et prononça ses vœux le 29 septembre de l'année suivante. Cette « unique nièce, » qui avait pris à sa vêture le nom de Sœur Jeanne-Françoise, donna bien du souci aux Fondateurs. A la suite d'une grande chute qu'elle fit quelque temps après sa profession, son esprit se troubla, mais « non pas tant, » écrivait le Bienheu- reux en février 1620, qu'elle fût « excusable en ses fautes. » Dieu permit que cette humiliation prit fin avant sa mort (16 août 1671) ; elle laissa, avec le souvenir d'un « naturel très debonere et tandre pour le prochain, » l'espoir « que la Sainte Vierge, a laquelle elle estoit très devotte, » l'avait « conduite dans le sein de Dieu. » (Livre du Couvent, du i" Monastère de la Visitation d'Annecy.) (4) Jeanne, fille de Jean du Fresnoy-Martin , seigneur de Chuyt, et de  264 Lettres de saint François de Sales a bouche et en présence, car je vous eusse encor mieux tesmoigné combien je désire qu'elle ne soit respondûe sinon avec toute considération de la commodité ou in- commodité qu'il y peut avoir, vous asseurant que je n'ay null'afFection a cela sinon entant que vous le jugeres a propos et le treuveres bon, et que vous pouves user de ma volonté en ceci et en tout'autre occurrence a vostre gré, librement et franchement, comme doit et peut faire une mère envers Son très humble filz et très fidèle serviteur, Franc», E. de Genève. 19 septembre 161 2. A Madame Madame l'Abbesse de Baume. Revu sur l'Autographe appartenant à M"" de la Garde, à Besançon. Françoise de Vozerier ; elle fut inhumée à Annecy, le 47 février 1633. (Reg. par.) Le comte Louis de Sales est loué d'avoir su « conduire l'esprit » de cette belle-sœur, « assez difficile à contenter, quoy qu'elle fût d'ailleurs tres-ver- tueuse. » (De Hauteville, La Maison naturelle de St Fr. de Sales, Paris, 1669, Partie II.)  DCCCVI AU BAPON AMÉDÉE DE VILLETTE Le regard des princes et les rayons du soleil. — << Petite harengue » présentée à une Abbesse. — Une cousine du Saint lui dit « son petit cas » : pourquoi elle ne songeait pas à la Visitation. Annecy, 21 septembre 1612. Monsieur mon Oncle, Je vous remercie très humblement, quoy que plus tard que je ne devois, de la faveur de vostre lettre, que monsieur de Gie, mon cousin (0, m'apporta entre cette ( I ) Le Saint désigne ici le fils du destinataire, Gaspard de Chevron, baron et seigneur de Villette, de Giez, de Pontvoyre, etc., conseiller et chambellan de Son Altesse. Par contrat dotal du 9 mars 1613, il épousa le 11 avril suivant, Claire-Marguerite de Challaut (Archiv. de Giez), et mourut le 6 mars 1646.  Année 1612 265 infinie multitude d'occupations que nos grans Pardons me donnèrent (0. Je ne doutois point que Son Altesse ne vous regardast comme les grans Princes ont accoustumé de voir leurs grans fidèles serviteurs. Dieu veuille que ses mains vous soyent aussi libérales que ses yeux (=»)! Il seroit bien raysonnable que, comme les Princes s'estiment les soleilz de ce bas monde, ilz rendissent les rayons de leurs regars efFectifz, ainsy que ceux du soleil le sont sur la terre. Nous avons eu la bonne Madame de Baume (?), que mon cousin salua, et luy fit une petite harengue sur le sujet de sa maistresse (4), qu'elle aggrea extrêmement; et me dit que si elle luy pouvoit rendre quelque sorte de bon ofiice en ses amours, elle le feroit de tout son cœur, m'asseurant que cette damoyselle dont il est question estoit une perle en bon naturel, en bonn'humeur et en vertu : qui me fait d'autant plus louer le choix que vous en aves fait pour la consolation de vofetre viellesse future, et voudrois bien pouvoir contribuer quelque service a ce dessein, comm'aussi a tous les autres qui regarderont vostre contentement. Et a ce propos, hier ma chère petite cousine (5) me  ( I ) Le Registre des Délibérations municipales d'Annecy, si sobre d'ordi- naire dans ses procès-verbaux, raconte avec des détails aussi intéressants que précis les grandes solennités septénaires (voir tome XIII, note (a), p. loi) que François de Sales présida pour la deuxième fois en i6n. On trouvera un extrait de ce récita l'Appendice II; par la seule relation des cérémonies d'ouverture, qui se firent le jeudi 6 septembre, vigile des « Pardons », il est facile de se représenter les occupations du saint Evêque pendant ces fêtes. (2) Voir lettre du 11 octobre au même. (3) Marguerite de Genève, abbesse de Baume-les-Dames (voir ci-dessus, note ( I ), p. 263). (4) Très probablement Claire-Marguerite de Challant (voir note (i) delà page précédente), fille de Georges de Challant, gouverneur et lieutenant- général du duché d'Aoste, et d'Adrienne Costa de la Trinité. Elle sera destina- taire en 1613. ( 5 ) Quatre filles du baron de Villette nous sont connues : Adriennc, Clarisse à Annecy (voir tome XIII, p. 344); Charlotte, qui épousa Amédée de Ber- trand, seigneur de Chamousset ; Antoinette-Philiberte, Religieuse de l'abbaye de Château-Chalon (cf. ibid., note ( i ), p. 117); Louise, « morte fille, » d'après une ancienne généalogie (Archiv. de Giez). Cette dernière serait vraisembla- blement la '< chère petite cousine ; » elle dut faire un séjour à la Galerie, mais elle n'y reçut jamais Ihabit de la Visitation. (Voiries Lettres dcccxii, Dcccxiir.)  266 Lettres de saint François de Sales vint voir, qui m'expliqua son intention pour le regard de la vocation religieuse, et me dit son petit cas si hon- nestement et gentilment, que j'en demeuray fort édifié et consolé. Ce fut qu'elle desireroit bien d'avoir la volonté d'estre Religieuse a la Visitation, mays qu'elle ne pou- voit s'y résoudre, par ce qu'elle ne pouvoit se ranger a une si grande perfection et ne luy estoit pas advis qu'elle la puisse entreprendre. Mays par ce qu'elle me dit qu'elle vous en avoit escrit fort amplement, je ne vous diray point le reste de nos discours, desquel? la conclusion fut qu'elle me prioit de vous faire aggreer de la supporter en son imperfection. Je croy bien que la pauvre petite ne pense nullement au mariage et qu'elle s'accommoderoit a une autre sorte de vie, pourveu qu'on n'observast pas une règle si absolue comm' on fait a la Visitation. Certes, je la treuve si bonne fille, que je ne puis m'empescher d'espérer que, de quel costé que se tourne, elle ne vous donne de la satisfaction. Pour moy, priant Nostre Seigneur qu'il vous conserve a longues années pour les vostres et pour moy, qui suis le plus humble, je demeure, Monsieur mon Oncle, Vostre très affectionné fidèle serviteur et neveu, Franç% E. de Genève. 2 1 septembre 1612, a Neci. A Monsieur Monsieur le Baron de Vilette, Conseiller d'Estat et Maistre d'hostel de S. A. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  Année 1612 267 DCCCVII A M. CLAUDE DE BLONAY Le voyage de Milan n'est plus désespéré. — Un Saint qui a soin de ses dévots. Plan du voyage; compagnon à retenir. Annecy, 25 septembre 1612. Monsieur, Je desesperois du voyage de Milan (0, par ce que je n'estimois pas avoir les finances requises ; mays voyci que tout a coup, il m'arrive un'inopinee espérance d'avoir plus de moyens quil ne m'en faut, pourveu que je ne parte pas de troys semaines. N'est ce pas le saint Arche- vesque que nous voulons aller révérer, qui a soin de ses devotz ? Mays l'importance est de sçavoir qu'est ce qu'en dira monsieur nostre Abbé (*), qui doit estre nostre Raphaël en cette pérégrination. Je vous supplie de l'apprendre de luy, car sil treuve quil soit a propos, nous arrive- rions pour la feste du Saint et serons de retour pour les Advens. Et advertisses moy, je vous prie, au plus tost, car sil faut aller, nous irons; que sil est jugé plus a propos, nous retarderons jusques au primtems ()). Voyla le sujet que j'ay de vous escrire sans loysir, vous asseurant que si monsieur Carrel (4) n'est parti, il ( i) Ce pèlerinage ne se fit qu'au printemps de 1613 (cf. c ■ dessus, note (i ), p. 171). Les particularités en seront notées au cours des lettres de cette année-là. (2) Vespasien Aiazza, abbé d'Abondance (voir tome XIII, note ( i ), p. 48). (3) Voir note ( i ). (4) Noble Laurent Carrel, d'abord secrétaire, puis maître auditeur à la Chambre des Comptes de Savoie en 1598, exerça cette charge jusqu'en avril 1615. Il avait épousé, à la mort de Jeanne Bara, Suzanne Mercier. Dans la Correspondance du Président Favre (Mugnier, tome III, publié par la Société savoisienne, etc., 1906), figure en 1617, avec le titre de « maistre des Postes, » un autre personnage du nom de Carrel, qu'on peut, semble-t-il, identifier avec « monsieur le maistre Carrel >• mentionné par le Saint le 11 oc- tobre i6ia (voir ci-après, p. 977). Mais il est assez difficile de décider s'il s'agit dans la présente lettre, du maître auditeur ou du maître des Postes.  368 Lbttrbs de saint François de Sales recevra la commission désirée, car monsieur de la Roche (0 m'en fit donner advis des avanthier au soir. Vostre plus humble très affectionné confrère, Franç% E. de Genève. 25 septembre 16 12. A Monsieur Monsieur de Blonnay, Curé de Siez. Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais), Archives de Blonay. ( I ) Probablement Jean J0I7, seigneur de la Roche d'Alery (voir tome XIII, note ( I ), p. 364).  DCCCVIII A MADAME DE TRAVERNAY (0 Comment accommoder les prières avec beaucoup d'occupations du matin jusqu'au soir. — Les oraisons jaculatoires. — Les afflictions du cœur. — Quelles sont les âmes que Dieu aime. Annecy, 29 septembre 1612. Madame ma très chère Fille, Vous sçaures par cette si digne porteuse (*) parmi quelle multitude de tracas je vous escris; qui me servira d'excuse si je ne vous parle pas si amplement comme je desirois. Vous deves mesurer la longueur de vos prières a la quantité de vos affaires ; et puis qu'il a pieu a Nostre Seigneur de vous mettre en une sorte de vie en laquelle vous aves perpétuellement des distractions, il faut que ( I ) On trouve ici le même ton, les mêmes conseils et aussi presque la même signature caractéristique des autres lettres écrites à M"* de Traver- nay ; il semble donc que la présente lettre s'adresse à cette dame. (a) Anne de Clermont-Mont-Saint-Jean, propre soeur de la destinataire (voir tome XIV, note ( i ), p. 334\ ou plus probablement M"" d'Escrilles, sa belle-sœur, qui était à Annecy à cette date (voir ci-après, lettre du 13 octobre).  i  Année 1612 269 vous vous accoustumies a faire vos oraysons courtes, mays qu'aussi vous les vous rendies si ordinaires, que jamais vous ne les layssies sans grande nécessité. Je voudrois que le matin, au lever, vous pliassiés les genoux devant Dieu pour l'adorer, faire le signe de la Croix et luy demander sa bénédiction pour toute la jour- née ; ce qui se peut faire au tems que l'on diroit un ou deux Pater noster. Si vous aves la Messe, il suffira qu'avec attention et révérence vous l'escouties, ainsy qu'il est marqué dans V Introduction *, en disant vostre • Partie 11, ch.xiv. Chappelet. Le soir, avant souper ou environ, vous pour- ries aysement faire un peu de prières ferventes, vous jettant devant Nostre Seigneur autant comme on diroit un Pater ; car il n'y a point d'occasion qui vous tienne si sujette, que vous ne puissiés desrober ce petit bout de loysir. Le soir, avant qu'aller coucher, vous pourrés, faysant autres choses, en quel lieu que ce soit, faire la reveuë de ce que vous aurés fait parmi la journée, de gros en gros, et, allant au lict, vous jetter briefvement a genoux, demander pardon a Dieu des fautes que vous aures commises, et le prier de veiller sur vous et vous donner sa bénédiction : ce que vous pourrés faire courte- ment, comme pour un Ave Maria. Mais sur tout je désire qu'a tous propos, parmi la journée, vous retiriés vostre cœur en Dieu, luy disant quelques courtes paroles de fidélité et d'amour. Quant aux afflictions de vostre cœur, ma chère Fille, vous discerneres aysement celles auxquelles il y a du remède et celles esquelles il n'y en a point. Ou il y a du remède, il faut tascher de l'apporter doucement et paysiblement ; celles ou il n'y en a point, il faut que vous les supportiés comme une mortification que Nostre Seigneur vous envoyé pour vous exercer et rendre toute sienne. Prenés garde a ne vous relascher gueres aux plaintes, ains contraignes vostre cœur de souffrir tranquillement. Que s'il vous arrive quelque sorte de saillie d'impatience, soudain que vous vous en appercevres, remettes vostre cœur en la paix et douceur. Croyé.s-moy, ma chère Fille,  270 Lettres de saint François de Sales Dieu ayme les âmes qui sont agitées des flotz et tempestes du monde, pourveu qu'elles reçoivent de sa main le travail et, comme vaillantes guerrières, s'essayent de garder la fidélité emmi les assautz et combatz. Si je puis, je diray quelque chose sur ce sujet a cette chère seur tant aymable (0, affin qu'elle vous le redie; et je m'en vay pour l'accommodement d'une querelle chaude, qu'il faut empescher. Je suis, mais d'un cœur fort entier, Madame, Vostre humble et très affectionné compère et serviteur. Franc*, E. de Genève. Ce 29 septembre 161 2. (i) Sans doute la « digne porteuse » mentionnée plus haut (voir note (a), p. 368).  DCCCIX  A LA MERE DE CHANTAL Une âme à consoler. Annecy, [i 611 -octobre 161 2 (i).] Cette bonne femme désire un peu de consolation ; vous la pourres faire monter a vous, ma très chère Mère, que je verray aujourdhuy, si je puis. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. (i) Quand le Saint annonçait cette visiteuse à la Mère de Chantai, celle-ci devait habiter encore la Galerie et la clôture n'existait pas : ce qui permet de dater approximativement ces lignes.  Année 1612 271  DCCCX A M. ANTOINE DES HAYES Une amitié à l'abri de toute défiance. — Pourquoi, dans l'intenticn de prêcher à Saint-Benoît, le Saint préparait « un cœur tout nouveau, » après dix ans de ministère épiscopal. — Opposition résolue du duc de Savoie aux prédi- cations de François de Sales à Paris. — Perplexités d'un évêque. Annecy, 5 octobre 1612 (i). Monsieur, Je pense que vous ne douterés jamais de mon affection a l'accomplissement de vos volontés et désirs, car l'excel- lente amitié delaquelle vous m'honnorés est arrivée jusques a ce point de perfection, qu'ell'est exempte de toute desfiance et de tout doute. Mays en l'occasion d'aller en nostre chaire de Saint Benoist ( = ), ce n'est pas vous, Monsieur, seulement qui n'en deves pas douter, c'est tous ceux qui s'entendent tant soit peu en mes inclinations. Dieu sçait bien que je praeparois un cœur tout nou- veau, plus grand, ce me semble, que le mien ordinaire, pour aller-lâ prononcer ses saintes et divines paroles : premièrement, pour, en une si belle et dign 'occasion, rendre de la gloire a sa divine Majesté; puis, pour donner du contentement a celuy qui m'y appelloit avec ( I ) Quoique douteuse sur l'Autographe, cette date est amplement confirmée par l'allusion que fait le Saint à ses prédications de i6oa et par l'objet même de la lettre. Le a juin i6n, des Hayes écrit à M. de Charmoisy que MM. de Saint-Benoît désiraient M^"" de Genève pour « estre enseignez de luy le Kares- me prochain. » (Voir la lettre, qui est intéressante, à l'Appendice II.) (2) L'église de la paroisse Saint-Benoit occupait l'angle S. O. de la rue actuelle des Ecoles ; elle a été fermée en 1813 et démolie en 1854. Un Chapitre de chanoines la desservait depuis le xi'^ siècle, par l'intermédiaire d'un de ses membres, appelé vicaire perpétuel. Au temps de la Ligue, l'un de ses plus fougueux prédicateurs, Jean Boucher, portait ce titre. François de Sales avait prêché à Saint-Benoit en 1603. Dix ans plus tard, ses auditeurs, d'après des Hayes (lettre citée), « bien memoratifz du fruict » de ses prédications, désiraient vivement le revoir.  2^2 Lettres de saint François de Sales tant de cœur et de courage. Et si, je me promettois, par un certain excès d'amour a ce dessein, que preschant maintenant un peu plus meurement, solidement et, pour le dire tout en un mot entre nous, un peu plus apostoli- quement que je ne faysois il y a dix ans, vous eussies aymé mes praedications, non seulement pour ma consi- dération, mais pour elles mesmes. Or, voyci a quoy je me treuve a présent : Son Altesse a esconduyt la Reyne, ainsy que monsieur de Roas- cieu (0 vous aura dit, et un ami que j'ay en court m'advertit que rien ne proffitera en ce sujet, auquel Son Altesse est résolue de ne se laisser point plier. J'avois presque résolu de passer jusques a Thurin pour voir si je pourrois, par déclarations de mes intentions bonnes et franches, esbransler son esprit, Mays voyci que de toutes pars on m'asseure qu'elle vient dans peu de jours avecMonseigneur le Prince a Chamberi (*), et nostre monsieur le premier Président Favre estime que sadite Altesse me retient de deçà pour m'y treuver a sa venue : de sorte que me voyla en perplexité, car si le Pape mesme me commandoit d'aller, et Son Altesse, estant de deçà, me retenoit avec promesses que le Pape n'auroit pas des-agreable, je serois bien en peyne, comme vous pouves penser. Et quant a l'expédient du procès que j'ay au Conseil privé (3), il m'est ad vis, sauf le vostre meil- leur, quil seroit extrêmement pressant et sujet a estre soupçonné d'affectation de mon costé et a donner de l'avantage a mes parties. Monsieur de Charmoysi qui, après moy, desiroit le plus mon voyage, est en peyne comme treuver une bonne sortie de ces considérations. Certes, si Son Al- tesse ne venoit point, l'authorité du Pape seroit toute (i) Sans doute, Jean-Jacques de Mesme, deuxième du nom, seigneur de Roascieu, ou Roasci, Royssi, conseiller d'Etat en 1600, appelé au Conseil de la direction des Finances et à celui des Dépêches en 1613. C'était le fils unique de Henri de Mesme et de Jeanne Hennequin. Il mourut le 31 octobre 1643 et laissa plusieurs enfants, entre autres le célèbre comte d'Avaux. (Voir Moreri, 1740.) (a) Dans les répertoires chronologiques de cette époque, on ne trouve au- cune mention de ce voyage des deux princes en Savoie ; il n'eut donc pas lieu. (3) Voir lettre du 2 août au marquis de Lans, p. 254.  Année 1612 373 puissante (0, car j'employero3'^s son commandement sans prendre congé que par lettres ; mais Son Altesse estant icy, j'aurois peyne a me desmesler des répliques qui me sero3''ent faites et ne cro3's pas que je le puisse. Ce pen- dant, le tems court et nous va mettre dans peu de semaynes a la veille du Caresme ; si que il sera meshuy malaysé de treuver un praedicateur sortable a vostre chaire. Il faut confesser la vérité, j'ay un'extreme passion en cet'occurrence, et ne sçais bonnement me résoudre sinon a ce point, que tout ce que vous me dires je le feray de très bon cœur, quoy qu'il en doive arriver ; et de plus, que si jamais je vay a Paris faire le Caresme, ce ne sera que pour vostre seule considération, soit que vous ayes la charge de l'église ou que vous ne l'ayes pas. Je vous asseure. Monsieur, que je vous escris sans sçavoir presque que je fay, tant il me fasche de ne pouvoir pas, avec entière liberté, vous dire : Je vay. Vous m'ex- cuseres donques, sil vous plait, en mon stilc, et croyres qu'avec un cœur invariable et immortel, je suis et seray Monsieur, Vostre très humble et très fidèle serviteur, Franc', E. de Genève. V octobre 16 12, a Neci. Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel du Roy, Gouverneur et Baillif du chasteau et ville de Montargis. Revu sur l'Autographe conservé au i*'' Monastère de la Visitation de Rouen. (i ) Le Nonce de France, Robert Ubaldini, avait intéressé la Cour de Rome à cette affaire. Le 7 juin 1612, il écrivait au cardinal Borgliese, qui lui avait adressé la copie dune lettre du Saint (voir plus haut, note (3), p. 190) : « M'>""de Genève est ici en si haute estime et réputation, qu'il est grandement désire pour les prédications du Carême prochain, dans la principale paroisse de cette Université. Aussi, sachant bien qu'il pourrait y faire beaucoup de fruit, j'ai vivement pressé M. le Nonce de Turin, sur les instances de ces paroissiens, d'en obtenir le consentement de Son Altesse. Sans ce consentement, ils u'osent présenter leur requête à M. de Genève; mais à peine obtenu, ils le feront aussitôt, et peut-être se prévaudront-ils aussi de la faveur de la reine qui l'a en très grande estime. « (Pieralisi, Rimedio, etc., Roma, 1878.)  Lettres V  2^4 Lettres de saint François de Sales  DCCCXI A M. JACQUES DE BAY Rccomiuandalions en faveur de trois étudiants de Savoie. Nouvelles religieuses. Annecy, 8 octobre t6i2. Monsieur, Outre le désir que j'ay de me ramentevoir en vostre bienveuillance par un 'occasion si asseuree comm'est celleci, je suis aussi obligé de gratifier les parens de ces jeunes gens par la très affectionnée recommandation que je vous fay en la faveur d'iceux. Hz sont, certes, tous troys enfans de personnes de bonne qualité et pour les- quelles je voudroys beaucoup de bien et de satisfaction ; mays en particulier l'un d'entr'eux, nommé Grillet, est filz d'une mère qui m'appartient en sang et d'un père que, pour sa probité, j'affectionne estroittement (0. C'est pourquoy, vous suppliant de tout mon cœur de les rece- voir tous entre les bras de vostre charité, je vous supplie plus particulièrement pour celuy là ('). Les parens aussi de M. Jean de Rua (3) m'ont prié de le vous recommander; ce que je fay bien affectionnement, quoy que je ne doute pas que sil se comporte aussi modestement au collège comm'il a fait tandis quil a esté icy, il ne vous soit asses recommandable de luy mesme, sans que j'y employé mon intercession. Nous avons ces moys passés retiré environ 25 églises ( I ) Claudine de Sales, mère du jeuqe étudiant, sœiu du chanoine Louis de Sales, et cousine-germaine du Saint, était fille de Louis, coseigneur de Brens, et de Janine de Guasquis ou Guasques. Elle avait épousé « egrege » Jean Grillet. (3) Nicolas Grillet répondit aux espérances de son protecteur. Docteur en théologie, pourvu le 6 novembre 1623 de la cure d'Allinges, il publia en 1630 V Histoire de la Bonne Fontaine auprès de La Roche, précédée d'une dédicace à Janus de Sales, et mourut au mois de septembre 1638. (R. E. ; Grillet, Dic- tionnaire historique, etc., Chambéry, 1807, tome I*'.) (3) Il n'a pas été possible de retrouver la parenté de Jean de Rua, dont la famille paraît se distinguer tout à fait de celle de Vincent de la Ruaz.  Année 1612 ^75 des mains des huguenotz autour de Genève (0, que j'es- père repeupler de bons pasteurs, comm' encor d'en retirer davantage, s'il plait a Dieu de toucher le cœur des Princes affin qu'ilz conspirent a la sanctification de son saint nom. Ce sont les seules nouvelles dont je vous puis servir et, comme je pense, les plus agréables et qui vous donneront tant plus de courage de favoriser ce diocsese, eslevant aux lettres et a la pieté ceux qui vous sont en- voyés, et priant Nostre Seigneur pour moy qui, récipro- quement, vous souhaite toute sainte prospérité et demeure, Monsieur, Vostre humble très affectionné confrère et serviteur, Franç% E. de Genève. VIII octobre 1612, a Neci. A Monsieur Monsieur de Bay, Docteur régent et Chancelier de l'Université de Louvain, Doyen de S* Pierre, Praesident du Collège de Savoye. Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes. ( I ) Eglises du bailliage de Gex, dont saint François de Sales avait pris pos- session au mois de juillet. (Voir ci-dessus, Lettres dccxcix, dccc.)  DCCCXII A LA MÈRE DE CIIANTAL Une jeune fille écartée de la Visitation pour cause de maladie. Annecy, [août-octobre] 1612 ( i ). Ma très chère Mère, Nostre Seigneur vous donne l'abondance de ses grâces. Hier M. de Vilette me parla, et luy dis la difficulté de (i) Nous savons que le baron de Villette était à Giez dans la première quinzaine d'août i6ia et au commencement du mois d'octobre suivant. La date approximative que nous proposons est suggérée par cette particularité et  276 Lettres de saint François de Sales la maladie dont je vous avois parlé (0. Il ne treuva point mauvais cela ; de sorte que sil vous plait, en luy tesmoi- gnant de la charité, luy dire que les Seurs seroyent trop troublées si telz accidens arrivoyent, et quil seroit requis qu'on luy fit les remèdes nécessaires tandis qu'ell'est chez luy, je ne doute point quil ne le treuve bien doux, ouy mesme toute sorte de dilation a luy bailler l'habit après qu'elle sera receûe, et que cela demeure en nostre discrétion. C'est par ce quil me dit hier quil vous iroit voir, que je vous donne cet advis, et par ce que je suis bien ayse de saluer un peu ce matin le cœur de ma très chère Mère, qui est le mien propre, bien que j'espère de le saluer ce soir. Dieu aydant. Bonjour donq, ma très chère Mère ; Nostre Seigneur soit a jamais béni ! Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine CoUonges, aumônier de la Visitation de Chambéry. par la suite des faits qui relie le présent billet aux lettres du 21 septembre et du II octobre. (Voir ci-dessus, pp. 365, 266, et la lettre suivante.) (i) Le Saint fait ici une allusion discrète à la maladie de sa « petite cou- sine », que le baron de Villette désirait voir entrer à la Visitation. (Cf. ibid.)  DCCCXIII AU BARON AMÉDÉE DE VILLETTE La contagion au pays de Vaud. La petite cousine aimée tendrement de la Mère de CbantaL Annecy, 11 octobre 1612. Monsieur mon Oncle, Sachant bien que vostre si soudain despart ne peut estre que pour quelqu'afFaire de grand'importance ('), (i) La diète de Bade (Suisse), qui s'était ouverte le 4 octobre; M. de Villette fut un des ambassadeurs extraordinaires envoyés par le duc de Savoie. (Cf. note (2) de la page suivante et la lettre du 14 novembre à des Hayes.)  Année 1612  277  je prieray tant plus soigneusement Nostre Seigneur quil vous assiste de son saint esprit de conseil et de force, pour persuader les choses justes et convenables a ceux qui, peut estre, n'y sont pas beaucoup disposés. Monsieur le maistre Carrel (0, revenant de Chablaix, m'a dit que la contagion s'estoit respandue en cinq ou six endroitz du païs de Vaux (») ; cela pourroit rendre vostre passage difficile, mais vostre prudence remédiera a cet empeschement, prenant les destours propres a vostre conservation que, sur toute chose, je vous supplie avoir en recommandation. Quant a ma petite cousine (3), elle vous donnera en tous evenemens sujet de contentement ; car, bien qu'elle n'ayt point son esprit incliné a la vie retirée et religieuse, si a elle une ferme resolution de se rendre de plus en plus vertueuse et dévote, et avec cela, vous ne sçauries recevoir d'elle que beaucoup de satisfaction. Madame de Chantai l'ayme tendrement et a espérance que par tout elle fera fort bien. Pour moy, j'ay commencé a la tenir pour ma fille, et ne veux jamais cesser, avec vostre congé toutefois, comme je suis invariablement, Monsieur mon Oncle, Vostre très humble neveu et serviteur, Franç% E. de Genève. XI octobre 161 2, -a Neci. A Monsieur Monsieur le Baron de Vilette, Conseiller d'Estat et Maistre d'hostel de S. A. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le marquis Marsigli, à Bologne. (i) Le n:aitre des Postes (voir ci-dessus, note (4), p. 267). (3) Dès t6ii, les lettres du président Favre et celles des ambassadeurs en Suisse font souvent mention de la contagion qui sévit en Valais, à Berne, Lausanne et dans les environs de Bade. Le 30 octobre 1612, le baron de Vil- lette écrit de cette ville à Charles-Emmanuel : « Je partey soudain que j'heu le commandement de V. A. de venir icy, et passey par Soleurre pour éviter les lieux de contagion et arriver plus tost. » (Turin, Archives de l'Etat, Lettere "Ministri. (3) Voir ci-dessus, pp. 265, 266, et la lettre précédeute.  2'jS Lettres de saint François de Sales DCCCXIV A MADAME d'eSCRILLES (0 Affection des Religieuses de la Galerie pour la destinataire. — Les satisfactions sèches et les consolations savoureuses. — Messages. Annecy, 13 octobre 1012. Il me tardoit, certes, d'avoir quelqu'asseuree commo- dité de vous escrire, ma très chère Fille, ne doutant point que mes lettres ne vous soyent a consolation, selon la sainte dilection que Dieu a creëe entre nous. La bonne W" de Chantai se porte fort bien a mon gré, comme j'ay veu ce matin que j'ay dit la sainte Messe a la Visitation ; et c'est la ou ce porteur m'a treuvé que je sortois du parloir, ou j'estois descendu pour la saluer et dire deux ou trois motz d'afifaires. Je m'asseure qu'elle vous respondra selon vostre désir, et la pensée qui vous est venue au contraire est une vayne pensée ; car vraye- ment ces bonnes filles ont des cœurs tout plains de très ( I ) La présente lettre a été publiée pour la première fois dans le Bulletin de V Emulation de V Allier, 1839, tome VII, p. 68, avec la fausse adresse : A Madame de Pont de Vaux, sur la'foi d'une note inexacte qui accompagnait l'Autographe. Or, toutes les particularités et allusions du texte désignent manifestement la destinataire proposée. Née vers 1582, de Pierre-Marc de Mouxy, seigneur de Travernay, et d'An- toinette de Saint-Jeoire (voir note (2) de la page suivante), Marie de Mouxy épousa par contrat du 13 novembre 1591 (Archiv. de Giez), Louis de la Tou- vière, seigrieur d'Escrilles, dont elle n'eut qu'un fils (voir ci-après, note (s), p. 280). Veuve à dix-huit ansl elle ne prit toutefois l'habit de la Visitation que le 2 juillet 1614, et le 7 décembre 1615, fit ses vœux de professe. Le Mo- nastère de Belley l'eut en 1622 pour sa première supérieure ; la Maison de Rumilly fut sous sa direction de 1627 à 1634, et celle de Bourg-en-Bresse de 1635 à 1638. L'Année Sainte (tome V, p. 196) mentionne sa belle conduite durant la peste qui désola ces deux villes ; dans le même Recueil, on trouvera l'histoire d'un épisode assez curieux qui marqua son entrée en Religion et un trait significatif de sa confiance en la Sainte Vierge, lors de l'invasion de l'Albanais par Louis XIII . « Toutte sa vie elle a pratiqué une dévotion si tandre et amou- reuse, que nostre Bienheureux Père disoit que ce don de pietté la conduiroit bien avant dans le Ciel. » (Livre du Couvent, du \" Monastère de la Visitation d'Annecy.) La Mère Marie-Madeleine de Mouxy décéda le 8 mai 1645, dan» son monastère de profession.  Année 1612 279 saint et ferme amour pour vous, de qui elles receurent une grande consolation en la sorte avec laquelle vous listes vostre demande. Au reste, demeurés en cette paix et tranquillité que Nostre Seigneur vous a donnée. La paix de Dieu, dit saint Paul *, qui surpasse tout sentiment, conserve 'Philip., uit. 7. vostre cœur et vostr'esprit en Jésus Christ Nostre Seigneur. Voyes vous pas, ma chère Fille, quil dit que la paix de Dieu surpasse tout sentiment}' C'est pour vous apprendre que vous ne deves nullement vous trou- bler de n'avoir point d'autre sentiment que celuy de la paix de Dieu. Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui prouvient des resolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne. Marchés fermement en ce chemin auquel la providence de Dieu vous a mise, sans regarder ni a droite ni a gauche : c'est le chemin de la perfection pour vous. Cette satisfaction d'esprit, quoy que sans goust, vaut mieux que mille consolations savoureuses. Que si Dieu vouloit que vous eussies un peu de diffi- culté au demeslement de vos affaires, il faudroit recevoir cela de sa main, laquelle vous ayant saysye, ne vous abandonnera point qu'elle ne vous ayt réduite au point de vostre perfection. Nous verrons de conduire tout bellement l'esprit des frères (0, et attendray que vous me faciès sçavoir ce que vous aures fait avec la bonne mère ( = ). Vous verres bien, ma très chère Fille, que la providence de Dieu fera par tout faire place a vostre intention, puis qu'ell'est toute conforme a la sienne; il faut seulement avoir un courage un peu vigoureux et résolu. J'appreuve que vous retourniés avant le Caresme, affin que vous puissies au plus tost vous desprendre de tout embarassement, et rencontrer le béni jour auquel  (i) Balthazard de Mouxy, seigneur de Travernay (voir le tome précédeut, note ( I ), p. 333), et Melchior, baron de Saint-Jeoire. (3) Antoinette de Saint-Jeoire, fille de Charles de Saint-Jeoire, seigneur de la Chapelle en Chablais, et de Françoise de Cojonay, était sœur du célèbre baron d'Herniance. Elle avait épousé, par contrat dotal du 17 mai 1373, Pierre- Marc de Mouxy.  28o Lettrés de saint François de Sales ■«•ous luy tesmoigneres que ce n'est que luy que vous cherches. J'ay escrit au P. Recteur de Chamberi (') sur le sujet du logement de vostre cher enfant (*), et ne doute point que vous ne treuvies tout'assistence. Et quant a moy, ma chère Fille, je ne pourray jamais vous oublier ni en mes Sacrifices ni en mes prières, ni en aucun'occasion de l'avancement de vostre ame, puis que son Créateur a gravé si profondement en la mienne une parfaite affec- tion pour vous. Je supplie nostre Sauveur et sa Mère quilz vivent et régnent a jamais au milieu de vostre cœur. Amen. Je suis invariablement, ma très chère Fille, Vostre plus humble parent et très asseuré serviteur, Fj, È7 de Genève. 13 octobre 1612, a Neci. Vous m'escrires bien encor après vostre retour de Chamberi : et si vous passies a la Bastie, je vous prie de saluer madamoyselle de Saint Pierre (?), a laquelle j'ay escrit et que j'ayme cordialement. Revu sur l'Autographe appartenant à M"™" A. Richard-Cottin, à Lyon. ( I ) Le P. Le Maire, S. J. (voir ci-dessus, note ( i ), p. 209). (2) Le jeune Antoine-Balthazard de la Touvièi'e d'Escrilles, né après la mort de son père (cf. note (i) de la p. 278), fit choix de bonne heure de l'Ordre des Capucins, et testa le 28 octobre 1618, en faveur de ses cousines Claudine-Adriane et Anne-Françoise, filles de Balthazard de Travernay. Le 13 juin 1620, le P. Georges — c'était son nom de Religion — avait fait pro- fession; le 18 septembre 1621, il recevait le sous-diaconat des mains de Mk' Jean-François de Sales, dans l'église de Sainte-Claire d'Annecy. (Archiv. de la Visitation d'Annecy; R. E.) L'année de sa mort ne nous est pas connue. (3) Françoise de Seyssel, qui avait épousé en 1573 Jean-Alexandre de Cler- mont-Mont-Saint-Jean, seigneur de Saint-Pierre de Soucy, de la Bâtie, etc., parait être la personne saluée par le Saint, si toutefois elle vivait encore en 1612. A son défaut, on pourrait proposer Anne de Montfalcon, femme de Jean-Claude de Clermont-Mont-Saint-Jean, belle-fille des précédents. (Voir tome XIV, note ( i ), p. 334.)  I  i  Année 1612 aSi  DCCCXV A MADAME DE LA FLÉGHÈRE Ce que réservait le Saint dans ses demandes i Dieu. — • Petites nouvelles. Annonce du départ de la Galerie, Annecy, 31 octobre 1612. Je vous fis response l'autre jour, ma chère Fille, sitost que j'eu leu vostre lettre; mais le garçon qui l'avoit apportée ne revint pas prendre la mienne, laquelle je vous envoyé encores toute telle que je la fis. Certes, j'ay esté en peyne de la pauvre chère Fran- cine (0, laquelle j'espère devoir estre une bonne ser- vante de Nostre Seigneur et qui ne laissera pas, moyen- nant la grâce caeleste, d'aller au Ciel après avoir rendu des bons services a Dieu entre les hazars de cette vie mortelle. C'est pourquoy, sa divine Bonté soit loiiee de la nous avoir encor laissée, comme je l'en ay supplié, avec la reserve de la sainte résignation, que je n'oublie jamais en choses de telle qualité. J'ay fait tenir vostre lettre au P. Gardien (»), et celle de M™" l'Ancienne (3) sera rendue demain. Ce fut avant- hier seulement que je receu vos lettres bien tard, que la (i) Françoise-Innocente, fille cadette de la destinataire et filleule du Saint. (2) Il s'agit, pensons-nous, du P. Gardien des Capucins d'Annecy, qui était, en i6u, le P. Théodose de Bergame, de la famille des comtes Foresti (1545-1655). Entré dans l'Ordre vers 1572, il reçut la prêtrise des mains de saint Charles Borromée, qui l'aimait beaucoup, et devint plus tard provincial de Lyon. C'est alors que, sur la demande de M^"" de Granier et de Charles-Emma- nuel, il désigna, pour travailler à la conversion du Chablais (1595), les PP. Ché- rubin de Maurienne, Esprit de Baume et Antoine de Tournon. L'éminent Religieux, après avoir rempli les charges les plus élevées, mourut à Ambert, au cours d'une mission. Les Annales de son Ordre relatent des faits miracu- leux opérés sur son tombeau. (Cf. Nécrologe des FF. Mineurs Capucins de Savoie, 1611-1901, par le P. Eugène de Bellevaux.) En parlant du P. Théo- dose dans une lettre à la Mère Favre (juillet 1620), saint François de Sales l'appelle son « grand aniy. » ( j) Jéronyme de Mai'lird, ancienne abbesse de Sainte-Catherine.  283 Lettres de saint François de Sales chère cousine (0, a qui elles avoyent esté portées, m'en- voya. J'envoyay a M. des Grilles ce qu'elle desiroit de ♦Cf.Epist. prsced. mo}'^ *, et croy que vous aures fait tenir a nostre seur de Bons (2) la lettreque je vous addressay. Dieu vous bénisse de sa grande bénédiction, ma très chère Fille, et tout ce qui vous est plus cher. Hier monsieur vostre mari et M. de Charmoysi allèrent coucher a Thorens parmi un très mauvais tems. M.'"" de Chantai vous salue mille foys, des l'autre jour que je la vis. Lundi prochain, ell' ameyne sa trouppe dans la ville (5). Voyla le P. Gardien qui m'appelle, et je m'y en vay, vous laissant avec la paix et grâce du Saint Esprit. Je suis très véritablement et très parfaitement tout vostre. F. Vostre plus humble très affectionné compère et serviteur, F., E. de G. Le 21 octobre 161 2. A Madame Madame de la Flechere. Revu sur l'Autographe appartenant.'. M. de Scitivaux, à Vilet-les-Nancy (Nancy). ( I ) M"'« de Charmoisy. (2) Jeanne-Boaaventure de la Forest, sœur de la destinataire, Religieuse de l'abbaye de Bons. (3) La « trouppe » ne fut pas prête le lundi suivant, 39 octobre; elle ne quitta la Galerie que le lendemain, mardi, 30 octobre. « Ce fut sur les quatre heures du soir, » lisons-nous dans l'Histoire de la Fondation du ler Monastère d'' Annecy , « que nos anciennes Mères et Sœurs sortirent... Elles alloient deux à deux, précédées de M. Michel Favre, » et « furent receues en leur nouvelle maison par les dames Religieuses de l'Abbaïe de Sainte Catherine qui... em- brassèrent toutes ces chères Sœurs et les introduisirent dans leur nouveau séjour, » lequel, remarque la Mère Fichet (Hist. de la Galerie), « etoit com- mode de tout, de jardin, verger et eaux. » (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 345.)  Année i6i2 283 DCCCXVI A MADAME DE GRANDMAISON (0 Comniêiit le Saint-^entend témoiti;Der sa sainte amitié. — Messages divers. Annecy, 3^ octobre 1612. Madame ma très chère Seur, Je n'ay pas de quoy respondre aux paroles d'honneur extraordinaire que vous employés en ma faveur es deux lettres que, de vostre grâce, j'ay receues de vostre part des que vous nous laissastes icy le désir de vostre pré- sence (2). Mays j'ay bien pourtant une si forte et sincère affection pour vostr'amç, que si vous me le permetties, je revoquerois en doute, par manière de desfy, que vous eussies asses de bienveuillance pour y correspondre. Dieu vous le fera sçavoir, au plus tard, après cette vie mor- telle ; car ce sera devant luy et ses Sains que je feray les principaux exercices de la sainte amitié qu'il m'a donné pour vous, jettant souvent mes très humbles souhaitz de- vant son éternelle Bonté, affin qu'elle remplisse vostre cœur de son amour plus parfait.  (i) L'adresse manque à l'Autographe, mais la corrélation de la présente lettre avec la suivante ne laisse aucun doute sur la destinataire. Celle-ci est Hélène de Longecombe, fille de François-Philibert de Longecouibe, seigneur de Peyzieu, et de Françpise de Dizimieu (voir ci-dessus, note ( i ), p. 181 ). Elle épousa, le 35 juillet i^<)8, François de Bessac, seigneur de Grandmaison (voir note ( I ) de la page suivante). En 1634, elle testa avec son mari, et le 17 sep- tembre 163,9, ^^ l'absence de la marquise de Sennecey, elle posa la première pierre du monastère de la Visitation de Mâcon. M""= de Grandmaison vivait encore en i66a. (Guichenon, Hisi. de Bresse et Bugey, 1650, Partie III, conti- nuation ; Noies de Mgr Rameau, ériidit maçonnais.) Le Saint chérissait cette âme parce qu'il la trouvait tout à son gré t pour « bien servir Nostre Seigneur. » (Voir la lettre suivante, p. 287.) (a) M""= de Grandmaison était venue à Annecy pour les « grands Pardons » de Notre-Dame de Liesse qui avaient eu lieu au mois de septembre. (Voir ci- dessus, note ( I ), p. 205, et cf. la lettre suivante.)  384 Lettres de saint François de Sales La distance de nos séjours limite presqu'a ce seul effect la volonté que j'ay sans limite de vous rendre fidèle et humble service, et ne me reste, ce semble, aucun autre moj-en de la tesmoigner, si ce n'est par le com- merce des lettres que je vous envoyeray souvent, pour vous rafraichir la mémoire de mon ame qui a tous-jours tant de besoin d'astre secourue de vos oraysons , et qui recevra tous-jours beaucoup de consolation de sçavoir de tems en tems des bonnes nouvelles de la vostre. Mais, que suis très parfaitement vostre , cela soit dit une fois pour toutes. Ailes donq maintenant, ma très chère Seur, en vostre mayson et au près de ce cher mari (O qui vous attend; je vous suivray en esprit, et respandray sur vous et sur luy les vœux de beaucoup de bénédictions. Et puis qu'il faut que bien tost après vostre arrivée vous souffries de rechef son absence pour le voyage quil doit faire a la court, continués bien en vos exercices spirituelz, tenes vous bien serrée a Nostre Seigneur, et il suppléera, sans doute, le manquement de la désirable présence du mari, par celle qui est incomparable de son Saint Esprit, le- quel, habitant au milieu de vostr'ame, la comblera de sa suavité nompareille. Ainsy soit-il et ainsy soyes-vous bénite a jamais. (2) Je suis. Madame ma très chère Seur, et, si vous le treuves bon, ma très chère Fille, je suis de tout mon cœur, Vostre plus humble, très affectionné frère et serviteur, Franc*, E. de Genève. 25 octobre 161 2, a Neci, ou je salue humblement monsieur vostre mari et me dis par tout son serviteur. ( I ) François de Bessac de Grandoiaison, d'une famille originaire du Poitou, fils de Jean de Bessac et de Jeanne de Félix, devint seigneur de Varennes, dont sa femme avait hérité le a mai 1607. Lieutenant pour le roi au gouverne- ment de Mâcon (1610), gouverneur de Pont-de-Veyle en 1620, il laissa une fille, Claudine, qui fut abbesse de Brienne-les-Anse, et trois fils : Pierre, Jean et Claude de Bessac, avec lesquels s'éteignit la famille dans le Maçonnais. (D'après les notes de Mgr Rameau.) (2) Ici se termine le texte donné par Migne ; ce qui suit est inédit.  I  Année 1612 285 Je le suis aussi de monsieur vostre frère (•) et de ma- dame vostre seur (*). J'escris un billet a M. de Medio, chanoyne de Saint Nizier (3), qui est celuy qui me fera recevoir de vos lettres quand il vous playra de m'en gratifier, et en son absence, monsieur VuUiat, contreroUeur de la mayson de-Monseigneur le Duc de Nemours (4). J'escris un mot aussi au bon P. Anselme (5), mon grand ami. J'envoyeray les lettres desquelles vous gratifiés ma seur de Mayrens (6) et madame de Charmoysi, laquelle est aux chams, aussi bien que mon frère de Boysi (7), qui sera bien marri de ne s'estre pas treuvé icy pour vous remercier luy mesme. La seule M"'^ de Chantai vous escrit, encor bien courtement. Si vous le treuves a propos, je salueray bien humble- ment par vostre entremise madame de Tremon (8), que ( I ) Il est difficile de deviner si le Saint a voulu désigner Louis, Balthazard ou François. (Cf. ci-dessus, notes (a), (4), p. 182.) (3) Sans doute Lucrèce, dame de Cervières (voir ibid., note (i). (3) Voir tome XII, note (3), p. 49. (4) Le nom de ce personnage apparaît fréquemment dans les lettres de saint François de Sales et de ses amis : des Hayes, Charmoisy, Antoine Favre. C'était l'homme serviable, toujours prêt à obliger pour des messages secrets ou des affaires d'argent. Noble Mamert VuUiat, fils d'honorable Aimé VuUiat, de la paroisse de Copponex, était contrôleur ordinaire en l'hôtel de M»"' le duc de Nemours ; ses deux frères, Etienne et Pierre, étaient avec lui au service du Prince. (Reg. des Délib. municip. d'Annecy.) (5) Parmi les Religieux de ce nom, le P. Anselme Marchand, de l'Ordre des Frères Mineurs et fils de Pierre Marchand, du Grand-Bornand, est connu pour avoir été l'ami de notre Saint. Il fut gardien du couvent des Cordeliers à Cluses, sacristain de celui d'Annecy. Prenant congé de François de Sales à son départ pour Avignon (9 novembre léaa), le P. Marchand recueillit cette parole: « Ce voyage me coustera la vie, et nous ne nous verrons plus qu'en Paradis. » (D'après sa déposition, Process. remiss. Gebenn. (I), ad aum interrog. et art. 53.) En juillet i6ao, le Bienheureux écrivant à la Mère Favre, supérieure à Mont- ferrand : « Vous aves en ce pais la, » lui dit-il, « le bon Pei'e Anselme de Riom, « qui m'ayme incomparablement. » Ce Religieux fut plus d'une fois définiteur de 1636 à 1641. On ne peut savoir lequel de ces deux Pères est mentionné ici. (6) Gasparde de Sales, femme de Melchior de Cornillon, seigneur de Meyrens. (7) Probablement, Jean-François de Sales. (8) Anne de Rochefort-Plurault avait épousé Léonor de Semiir-Tréraont, baron, seigneur de Sercy et Sancenay, qui vécut dans les camps sous Henri IV, fut deux fois gouverneur de Mâcon, 1605-1614, puis de i6ai à 1635, année de sa mort. (D'après les notes de Mgr Rameau.)  286 Lettres de saint François de Sales vous m'aves obligé d'honnorer beaucoup par le récit que vous m'aves fait de ses mérites. Dieu vous soit guide et conducteur, ma très chère Seur, et a vostre cher pouppon, que pour maintenant je nommeray encor Pierre (0, qui est si joly, a ce qu'on me dit. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Mâcon.  (i) Pierre de Bessac (cf. ci-dessus, note (i), p. 284) devint chevalier, sei- gneur de Varennes, gouverneur de Pont-de-Veyle (1636), maître d'hôtel de Sa Majesté (1646), bailli de Mâcon {1646-1671), et mourut le 15 février 1678. On l'inhuma dans l'église de Varennes, auprès de sa femme, Anne d'Andrieu, dont il n'eut pas d'enfants. (D'après les notes de Mgr Rameau.)  DCCCXVII A MADAME DE PEYZIEU (0 Le nom du cœur. — Les consolations du Jubilé. — Témoignages d*amitié pour la destinataire et sa famille. — Affliction fâcheuse et affliction courageuse. — La modération des affections ménagères, grandement utile à la piété. — Une imperfection dont peu de gens s'abstiennent. — Les cœurs faibles et les cœurs forts. Annecy, 26 octobre 1612. Madame ma très chère Mère, Vostre lettre pleyne de termes d'honneur, d'amour et de confiance, me raviroit du tout a vous, si des long tems je n'y estois tout dédié. Mais, ma très chère Mère, vous m'espargnes un peu trop le nom de filz, qui est le ( I ) L'édition de 1616 donne sans date cette lettre, avec des suppressions et des interpolations : c'est le texte qu'ont reproduit tous les autres éditeurs. Héris- sant (1758) ajoute la date de janvier 1606, par suite d'une fausse conjecture sur le jubilé des Pardons d'Annecy, qu'il a pris pour un Jubilé universel. Biaise (1833), et après lui Vives et Migne, désignent comme destinataire la Présidente Brûlarf, erreur manifeste qui ressort de la mention formelle de M""* de Grand- maison, fille de M""» de Peyzieu. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 283.)  Année 1612 287 iiom du cœur, pour me donner un nom respectueux, qui est bien aussi nom du cœur, mais non pas du maternel, qui est celuy de mes délices. C'est la vérité, ma chère Mère, que nous eusmes icy une grande assemblée a nostre Jubilé (O et, ce qui im- porte, qu'il se fit quelque fruict. J'en eu mille consola- tions et point de peyne, ce me semble; seulement eusse-je bien (2) voulu que madame de Grandmayson ma chère seur, vostre fille bienaymee et bien aymable, ou fust venue trois ou quatre jours devant, ou eust arresté quatre ou cinq jours après, affin que j'eusse eu plus de commo- dité de luy rendre plus de tesmoignages du devoir que je luy ay et de la sainte inclination que j'ay a son cœur, que je treuve tout a mon gré pour bien servir Nostre Seigneur. Que si nous eussions eu le contentement et l'honneur de vous avoir vous mesme, certes, c'eust esté un comble de bonheur. Madame ma très chère Mère, et vous eussies receu l'hommage que sept ou huit de mes frères et seurs ne vous ont encor point fait, en qualité de vos humbles enfans et serviteurs. Mais puis quil ne se peut d'autre façon, je vous approcheray souvent en esprit pour, avec vous conjointement, demander a Nostre Sei- gneur quil luy playse consoler vostre ame de sa béné- diction, la faisant abonder en son saint amour et en la sacrée humilité et douceur de cœur, qui ne sont jamais sans ce saint amour, non plus que le saint amour sans elles. Et pour vous parler selon nostre confiance, ma très chère Mère, ne vous faschés point, ni ne vous estonnés point de voir encor vivre en vostre ame toutes les imper- fections que vous m'aves confiées. Non, je vous supplie, ma chère Mère, car bien quil les faille rejetter et détester pour s'en amender, si ne faut-il pas s'en affliger d'une affliction fascheuse, mais d'une affliction courageuse et tranquille, qui engendre un propos bien rassis et solide (i) Les « grands Pardons » de septembre (cf. p. 365). (a) Les dix lignes suivantes sont inédites. Pour en dissimuler la suppres- sion, les premiers éditeurs ont imprimé : « seulement eusse-je bien désiré d'avoir l'honneur et le contentement de vousy voir, ma tres-chere Mère, » etc.  288 Lettres de saint François de Sales de correction ; et ce propos, ainsy pris en repos et avec meureté de considération, nous fera prendre les vrays moyens pour l'exécuter, entre lesquelz je confesse que la modération des affections mesnageres est grandement utile. Je ne dis pas le total abandonnement, mais je dis la modération ; car par cette modération, nous sçavons treuver les heures franches pour l'orayson, pour un peu de lecture dévote, pour eslever a diverses rencontres nostre cœur a Dieu, pour reprendre de tems en tems le maintien intérieur et la posture cordiale de la paix, de la douceur, de l'humilité. Mais le grand secret en ceci, c'est d'employer toutes choses. Laissés sept ou huit jours pour bien rasseoir vostre ame et luy faire prendre profondement ces resolutions. Sur tout, ma très chère Mère, il faut bien combattre la haine et les mescontentemens envers le prochain, et s'abstenir d'une imperfection insensible, mais grandement nuisible, de laquelle peu de gens s'abstiennent ; qui est que s'il nous arrive de censurer le prochain ou de nous plaindre de luy (ce qui nous devroit rarement arriver), nous ne finissons jamais, mais recommençons tous-jours et repe- tons nos plaintes et doléances sans fin; qui est signe d'un cœur piqué et qui n'a encor point de vraye santé. Les cœurs fortz et puissans ne se deulent que pour des grans sujetz, et encor, pour ces grans sujetz, ne gardent ilz guère le ressentiment, au moins avec trouble et em- pressement. (0 Vostre bon Curé (2), qui me plaist fort, m'a parlé de vostre désir et je luy ay dit ma pensée. Prenes courage, ma très chère Mère, que ces petites années que nous avons a couler icy bas nous seront. Dieu aydant, les meilleures  ( I ) Cette phrase est inédite. (2) Peyzieu ou Pézieu, actuellement hameau de trois cents habitants, était autrefois une paroisse sous le vocable de la Sainte-Vierge. En i6n, elle était réunie à la paroisse d'Arbignieu. hi"'" de Peyzieu demeurait au château de Thuey ou Thoys, à deux kilomètres au nord d'Arbignieu ; la maison-forte des seigneurs de Longecombe se dressait sur un monticule. Le « bon Curé » qui plaisait fort au Saint, se nommait Claude Buttard ; il desservit la paroisse d'Arbignieu et Peyzieu de 1603 à 1640. (D'après les notes de M. Vabbé Alloing, archiviste du diocèse de Bclley.)  Année 1612 289 et les plus advantageuses pour l'éternité. (') Je seray ce pendant invariablement, Madame ma très chère Mère, Vostte très humble filz et très fidèle serviteur, Franc", E. de Genève. J'a}"- eu peur de faire trop retarder ce porteur ; c'est pourquoy je vous ay escrit sans autres considérations que celles que la sincérité de mon affection filiale m'a fourni. A Neci, le 26 octobre 16 12. Revu sur une ancienne copie appartenant à M""' la marquise de Mailly, au château de La Roche-Mailly (Sarthe). (i) Ici, les anciens éditeurs substituaient aux clausules finales et au post- scriptum, un passage assez considérable de la lettre du 28 février 161 5 à M""^ de Peyzieu, et empruntaient à la même lettre la dernière phrase et la signature qu'ils donnent à celle-ci.  DCCCXVIII AU MARQUIS DE LANS (0 Intercession en faveur d'un capitaine dans la gène et dans la vieillesse. Annecy, 31 octobre 1612. Monsieur, Me voyci tous-jours aux requestes pour ces pauvres gens de Genève, desquelz meshu}' je seray le référen- daire gênerai auprès de Vostre Excellence. Le capitaine La Rose est de ceux qui, les premiers, sortirent de cette ville la et de l'heresie qui y règne (»). Son Altesse Serenissime luy a donné un appointement par aumosne, tant en considération de sa viellesse que de sa famille, laquelle nous avons icy en grande disette ; ( I ) Le texte de cette requête et le titre de « Vostre Excellence » donné au destinataire indiquent que celui-ci n'est autre que le marquis de Lans. (î) Henri La Rose (voir tome XII, note (i), p. 400, et tome XIV, p. 1^8). LCTTRIS V '9  2^0 Lettres de saint François de Sales mays, a ce qu'il me fait sçavoir, il demeurera privé de l'efFect de ce bénéfice, si Vostre Excellence n'anime le commandement de Son Altesse par le sien. C'est pour- quoy il m'a conjuré de vous supplier, Monsieur, en sa faveur pour ce regard ; ce que je fay très humblement, et d'autant plus volontier que la bonne feste nous invite au secours des affligés (0. Je prie Dieu, Monsieur, qu'il face de plus en plus abonder Vostre Excellence en prospérité. Vostre très humble serviteur, Francs E. de Genève. A Neci, le 31 octobre 1612. ( I ) Ces derniers mots font plutôt songer à la commémoration des Trépassés qu'à la fête de la Toussaint.  DCCCXIX A LA SOEUR DE BLONAY, NOVICE DE LA VISITATION (0  Ce qui rend certaines tentations inoffensives. — La petitesse et l'enfance spirituslle. Annecy, [octobre ou novembre 1612.] Il n'y a point de danger en ce qui vous est arrivé, puisque vous le communiques ; mays notés, ma très chère Fille, que Dieu a commencé ses visitations en (i) Marie-Âimée de Blonay (voir la note de son père, Claude de Blonav, tome XII, p. 114I, née le 13 décembre 1590, entra la dixième à la Visitation, le 25 janvier i6n. Professe le 10 février 1613, elle contribua, en 1615, à la fondation du Monastère de Lyon, et le gouverna de 1622 à 1628, et de 1631 à 1637. Supérieure au couvent de Bourg-en-Bresse en 1638, elle fut rappelée à Annecy en 1641, pour succéder à sainte Jeanne-Françoise de Chantai, et mourut le 15 juin 1649. La vie de la Mère de Blonay a été racontée par Charles-Auguste de Sales ( i ) ; il fallait la bonne grâce de son style et sa candeur de piété pour peindre au  (1) Paris, 1655 ; réimpression en 1873, Nancy.  Année 1612 291 vostre ame sur le sentiment et l'exercice de la petitesse, bassesse et humilité (0, pour appreuver l'advis qui vous est donné de bien vous réduire a ce point et d'estre vrayement une petite fille : je dis toute petite, en vos yeux, en vos exercices, en obéissance, naïfveté et abjec- tion de vous mesme; petite, et un vray enfant, qui ne cache ni son bien ni son mal a son père, a sa mère, a sa nourrice (*). C'est en attendant que nous en parlions plus ample- ment. Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur, ma très chère Fille. naturel cette vierge qui, toute enfant, avait blessé le cœur de Dieu. Dès le- berceau, notre Saint l'avait chérie et cent fois bénie (cf. le tome précédent, note (i), p. loi), émerveillé de la précocité de son intelligence perçante et raisonneuse, de sa facilité à spiritualiser toutes choses et de sa tendresse in- génieuse pour les malheureux. Il lui avait légué son esprit et son cœur; on le vit bien, car, naturellement ardente, pressante et sévère jusqu'alors, elle devint toute autre après la mort du Bienheureux. La « petite colombe, » ainsi qu'il l'appelait, ne manqua ni de forcé ni de prudence dans la pratique du gouvernement. Il convient de la mettre au rang des premières Mères de l'Ins- titut de la Visitation, qui ont coopéré de plus près et le plus efficacement à la pensée et à l'œuvre des deux Fondateurs. La tendresse et la confiance de sainte Jeanne-Françoise de Chantai envers la Mère de Blonay se trahissent à toutes les pages des innombrables lettres qu'elle lui a écrites. C'est là que, même après la lecture de Charles-Auguste, l'on trouvera des traits nouveaux pour compléter et parfaire le portrait de l'éminente Supérieure. ( I ) A l'âge de quinze ans, Aimée avait ressenti une grande blessure pour sa fierté, en se voyant obligée de céder le pas dans l'église de Saint-Paul, à une dame qui possédait une terre dont les de Blonay avaient été jadis les seigneurs. Elle s'endormit dans son banc et fut gratifiée d'un songe, où elle se vit rebutée de la Sainte Vierge, qui lui dit : « Vous n'estes pas assez petite pour moy, qui ay fait choix d'estre abjecte et la dernière en la maison de mon Dieu. » (Voir sa Vie par Charles-Auguste de Sales, chap. xxi.) Les paroles du saint Fonda- teur semblent faire allusion à ces premières « visitations. » (a) Les derniers mois de son noviciat, Sœur Marie-Aimée se trouvant tentée violemment, n'osait, par orgueil, s'en déclarer. (Cf. ibid., chap. v.) Voilà pourquoi le Saint l'exhorte à tout dire naïvement à lui-même, à la Mère de Chantai et à la Directrice. Ces particularités indiquent que le présent billet aurait été écrit entre octobre et noVembre 1612.  393 Lettres de saint François de Sales DCCCXX A LA MÈRE DE CHANTAL (billet inédit) Annonce de visiteuses. Annecy, [novembre 1612 (i).] Ma très chère Mère, Cette bonne dame est ma chère tante (=») et digne de caresses ; sil vous plaist, elle pourra bien entrer et ses filles (3). Mais ne vous lasses pas. Les deux Religieuses de Bon et de Bonlieu (4) ont ( I ) Le rapport qui paraît exister entre ces lignes et un billet de la Mère de Chantai (voir la note suivante), suggère la date de 1612. Le mois de « novem- bre » se déduit des nouvelles de sa santé, compromise par de graves indis- positions, les mêmes sans doute, dont elle se remettait à peine à la fin de ce mois. (Cf. la lettre du 22 novembre à M""* de la Fléchère.) (2) En 1612, la Mère de Chantai écrit à la fin d'un billet qu'elle adresse au Saint : « J'ai vu la bonne tante; oh! que c'est une vénérable dame! » (Sainte J. -F. Frémyot de Chantai, sa Vie et ses Œuvres; Lettres, vol. I", Paris, Pion, 1877, pp. 8, 9.) On pourrait proposer avec quelque vraisemblance Pernette de la Faverge (cf. tomes XI, note (a), p. 354, et XII, note (i), p. 152); veuve et chargée de six enfants depuis 1606, elle manquait de loisirs pour faire le voyage de La Roche à Annecy. Il est donc très probable que la Sainte ne la connaissait pas encore. (3) Les filles de la « bonne tante » seraient : Aimée, pupille en 1608, et Jeanne-Michelle qui avait quinze ans. (4) Il est impossible de les désigner, parce que d'autres Religieuses que celles qui nous sont connues, ont pu venir à Annecy; la clôture, en ce temps- là et dans ces maisons, permettait ces sorties ou les tolérait. Le prieuré de Bonlieu sous Sallenôves, le plus ancien monastère de femmes du diocèse de Genève, dut appartenir primitivement à des Bénédictines. On ignore la date de sa fondation; elle paraît remonter au xi* siècle, mais son existence n'est signalée que dans un inventaire fait en 11 10. Vers 11 20, le prieuré fut occupé par des Religieuses Cisterciennes venues du monastère du Betton, en Maurienne; au siècle suivant, un essaim de Bonlieu fondait le couvent de Sainte-Catherine, sur lequel il garda, pendant quelques années, une sorte de suprématie. (Cf. tome XIII, note (4), p. 116.) Dans ses projets de réforme des monastères de son diocèse, s.TÏnt François de Sales avait proposé de transférer à Annecy ou à Rumilly les Cisterciennes de Bonlieu ;. cette trans- lation, longtemps discutée, ne s'effectua qu'en 1648. Les Religieuses se fixèrent  Année 1612 293 envie d'arrester ce soir avec vous ; vous leur pourres faire cette charité. Bon soir, ma très chère Mère, a laquelle je suis tout en Dieu et tout vostre. Revu sur l'Autographe qui, en 1895, appartenait à S. E. le Cardinal Sanfelice. à Annecy, au faubourg de Bœuf, et y demeurèrent jusqu'en 1735; à cette époque, ayant acheté le monastère des Bernardines établies au Pàquier-Mos- sières, elles lui donnèrent le nom de Bonlieu, qui est resté à ce massif de bâtiments. Moins de vingt ans plus tard, les Dames de Sainte-Catherine furent réunies à celles de Bonlieu ; la révolution les dispersa en 1793. (Cf. Mém. de l'Acad. Sales., 1892, tome XV.)  DCCCXXI AU DUC DE BELLEGARDE (' ( MINUTE ) Menaces et prétentions des pasteurs protestants. — Précaution que propose l'Evêque de Genève pour les atténuer. — Eloge de M. Milletot. Annecy, 10 novembre 1612. M011 sieur, Je laisse a monsieur Milletot le contentement de vous représenter l'heureux succès de la commission que le Roy luy avoit donné pour l'exécution de l'edit de «vide supra Epist Nantes a Gex *, et me reserve seulement de vous faire dccxcix, dccc. (i) Roger de Saint-Lary et de Termes, duc de Bellegarde, pair et grand écuyer de France (1563-1046), est un personnage trop connu pour qu'il soit besoin de résumer ici son histoire ; on la trouvera dans les Mémoires sur la cour de France, au temps de Henri III, de Henri IV et de Louis XIII. Il convient toutefois de faire une mention sépciale des circonstances qui firent du célèbre gentilhomme le pénitent et l'ami de François de Sales. Leur première rencontre, d'après YAnnée Sainte (tome VIII, pp. 125, 26,1), aurait eu lieu à Belley, au mois d'août 1603; ils en repartirent le la du même mois, « pour aller a Gex mettre en exécution les lettres patentes du Roy et un arrest du Parlement de Dijon pour l'establisscment des cures et des églises de Gex, Ternier et Galliard dépendant de la couronne de France. » C'est dans ce  294 Lettres de saint François de Sales un très humble remerciment pour le soin continuel que vostre zèle a du restablissement de la gloire de Dieu en ce misérable balliage, ou l'heresie, qui a si longuement foulé aux piedz la pieté, nous menace encor maintenant, aussi effrontément que jamais, de rendre vaine l'espé- rance que nous avons en vostre protection (0; comme si le crédit des prétendues églises de France estoit plus puissant pour nous empescher le renversement de l'ef- fectuelle jouissance de nostre juste prétention, que la justice de la Reyne et vostre intercession pour faire maintenir un arrest si équitable et si saint, comm'est celuy en vertu duquel l'edit a esté exécuté. Mais, Monsieur, comme c'est nostre bonheur d'avoir une foy contraire a celle des huguenotz, aussi nous glorifions-nous d'avoir une espérance opposée a leur présomption ; a rayson dequoy, tous les Catholiques de Gex, et moy plus que tous, espérons et espérerons tous- jours de voir tous les jours quelque progrès de nostre sainte religion en ce petit bout de royaume qui est si heureux d'estre sous vostre gouvernement. A quoy ne pays que le Saint convertit à la foi « les sieurs de Vangdemair et de Marque- ron, » qui étaient de la suite du duc. Irrités, les ministres essayèrent d'attenter à la vie du Bienheureux par le poison. Celui-ci, malgré les soins « du méde- cin de monsieur de Bellegarde, tomba dans une grosse fièvre et en pensa mourir... Et j'estois présent, » ajoute François Favre, de qui nous tenons ce récit. (Process. remiss. Gehenn. (I), ad art. 14.) Le duc intervint en 1611 pour le rétablissement du culte à Challex et à Divonne. (Cf. ci-dessus, note (3), p. 57.) Au mois de juillet 1613, il était à Gex, où notre Saint le trouva, et le 51, Roger de Bellegarde fit « ses Pasques » à Saint-Claude. (Lettre du 31 juillet 1613, au marquis de Lans.) C'est vers ce temps-là qu'il faut placer sa confes- sion générale au Bienheureux. Il nous reste une dizaine de lettres spirituelles adressées par François de Sales à son nouveau Théotime; elles ont passé jusqu'ici assez inaperçues. On y verra comment le prestige de sa sainteté rayonna, de son vivant, jusque sur l'entourage intime de Louis XIII et de la régente, mais l'on admirera surtout par quelle merveilleuse souplesse son zèle sut atteindre, avec autant de suavité que de force, l'une des âmes les plus mondaines et lés plus hautaines de la cour de France. (i) Dans les derniers mois de cette année, en effet, les calvinistes avaient élevé de nouvelles protestations. Pierre Chevalier, seigneur de Fernex, se chargea de présenter au Conseil du roi leurs réclamations ; mais un arrêt rendu le 33 décembre et publié à Gex le 14 janvier 1613, maintint la resti- tution des églises aux catholiques, tout en faisant quelques concessions aux protestants. (Cf. Brossard, Hist. du pays de Gex, 185 1, chap. xxv.)  Année 1612 295 serviroit pas peu si monsieur Milletot, qui a si digne- ment prattiqué sa commission, avoit quelque charge particulière d'ordonner et connoistre de tout ce qui en dependroit, par manière de surintendance aux officiers de la justice ; car iceux estans de contraire religion a la nostre, ce nous seroit un grand bien d'avoir qui eust un soin particulier de nous, comme auroit ledit sieur Mille- tot, qui certes a tesmoigné une grande prudence et bonn'aflfection en cette occurrence. Mais, Monsieur, vostre sagesse vous suggérera ce qui sera plus a propos sur ce point, et moy, ce pendant, je continueray mes souhaitz devant Nostre Seigneur pour vostre prospérité, affin qu'il luy plaise vous en combler a jamais. Je suis Ce 10 novembre 1612 ('J. Revu sur le texte inséré dans le P'' et le II'' Procès de Canonisation.  (i) Cette date est donnée par le second Procès de Canonisation du Saint ; elle manque dans le premier.  DCCCXXII A M. GILLES LE MAZUYER (O L'église de Gex; espérances qu'elle donne. — Une difficulté et une impossi- bilité se rencontrent dans les lettres de naturalité obtenues pour les curés. — Une « viande friande » au xvii^ siècle. — Remerciements du Saint. — Il ne fait pas le « refuseur, » mais jamais il ne sera « prastendeur. » — Les francs serviteurs de Dieu, peu nombreux. Annecy, 14 novembre 1612. Monsieur, Nostre pauvre Gex est tous-jours presque en mesme (i) Gilles Le Mazuyer, né à Toulouse de Philibert Le Mazuyer, vicomte d'Ambrières, conseiller au Parlement de Paris, et de Marie Legrenier, fut  296 Lettres de saint François de Sales •Cf. Episi. praeced. estat * ; ce quil y a de plus, ne sont que certaines dispo- sitions qui nous font promesse de mieux a l'advenir (0. Mays il faut loiier Dieu, car aussi bien ne meritons- nous pas quil face une transmutation momentanée de ces cœurs la, qui seroit un miracle en la grâce, comme • joan.,n, 7-9. fut la transmutation de l'eau au vin *, en la nature. Je m'essayeray de faire que rien ne manque de ma part, autant que mon pouvoir s'estendra. Voyla, Monsieur, la copie des lettres de naturalité que vostre bonté a impetrees pour nos pauvres curés, esquelles je treuye une difficulté et un'impossibilité. L'impossibilité est que ces bons prestres obtiennent de Romme un bre- vet par lequel nostre Saint Père accordera que les béné- fices de ces curés venans a vaquer en cour de Romme, il n'en sera prouveu qu'a la nomination du Roy, ou par les Ordinaires. Juges je vous supplie. Monsieur, si cela est en la puissance ni des curés ni de moy ; car, ou ces bénéfices estans enclavés au royaume sont par la en cette condition, et Ihors, qu'est il besoin d'obtenir le  envoyé en 1611 au bailliage de Gex, avec le sieur de Villarnoul, pour régler les différends qui divisaient les catholiques et les calvinistes de ce pays. Il était alors maître des requêtes au Conseil royal. Le « grand catholique et grand homme d'affaires, » comme l'appelle le Saint dans sa lettre du xj dé- cembre 161 ( (voir ci-dessus, p. 128), devint quatre ans plus tard premier président du Parlement de Toulouse, François de Clary lui ayant cédé sa charge et donné sa fille Françoise en mariage, à la fin de 1615. A peine ins- tallé, il offrait à l'Evêque de Genève un témoignage délicat d'amitié, en lui demandant pour la capitale du Languedoc un essaim de ses chères filles ; il le pria d'y venir lui-même prêcher un Carême. En 1617, il assista à l'assem- blée des Notables tenue à Rouen, et à celle de Paris en 1627. Magnifique dans le train extérieur de sa maison, inaccessible à la crainte, rude au parler et dans l'action, Gilles Le Mazuyer était bien fait pour vivre dans cette époque tour- mentée et pour tenir tète aux violences que fomentaient dans le Midi les passions religieuses de son temps. S'il ne fut pas tendre et miséricordieux pour les protestants, ceux-ci le lui rendirent bien. Les Oratoriens de Toulouse, les Carmélites d'Auch lui doivent leur fondation. Cet homme intraitable était pieux jusqu'à la ferveur; sa grandeur d'âme et son désintéressement éclatèrent surtout pendant la peste qui, en 1631, désola Toulouse. Il mourut le 10 octo- bre, victime de son dévouement. (Voir Hist. du Parlement de Toulouse, Ms. Lombard, conservé aux Archives du Parlement, tome III.) (i) Peu nombreux et craintifs, les catholiques de Gex ne formaient pas encore une communauté serrée et résistante. Toujours aux aguets, il leur fallait compter avec leurs voisins, ingénieux et opiniâtres pour faire échec par tous les moyens aux ordonnances des commissaires royaux.  Année 1612  297  brevet mentionné ? ou ilz ne le sont pas, et Ihors, quelle témérité a des pauvres ecclésiastiques decousuz, de demander au Pape une chose de telle conséquence? car vous sçaves, Monsieur, que les grans estiment leurs droitz chèrement, et que ce n'est pas a des chetifs curés d'impetrer telles choses. Cela donq me semble impos- sible aux curés et a moy qui voudrois m'engager pour eux. La difficulté est en ce qu'on les veut astraindre que sil failloit playder pour les tiltres et possessions desditz bénéfices, ilz poursuivront les procès par devant les officiers du Roy et non ailleurs. Car, Monsieur, ne pour- royent ilz pas playder, ou au petitoire, ou, pour les tiltres, devant mon officiai forain résident dans le royaume, ou devant Monsieur l'Archevesque de Vienne, nostre Métro- politain ? Il m'est advis qu'en France les tribunaux ecclésiastiques ne sont pas inhabilités a décider de telles causes; néanmoins je ne le sçai pas bonnement. Mays icy en Savoye, ou on suit le stile des cours des Parlemens de France, nous connoissons du petitoire, et par consé- quent des tiltres ; et a Vienne, je sçai qu'on en playde aussi. Voyla donq ma difficulté. Or, je vous représente l'un et l'autre, affin quil vous playse. Monsieur, si vous le juges raysonnable et que je ne me soys pas trompé en mon discours, d'oster l'un et l'autre, en sorte que les lettres puissent estr'utiles a ceux pour lesquelz vostre faveur les a obtenues ; car il ne manquera pas d'entrepreneurs qui, par le manquement de l'exécution de telles charges, attaqueront ces pauvres curés pour avoir leurs bénéfices, viande si friande en ce tems, que les plus incapables en veulent plus avoir. Et a ce propos, je vous remercie humblement de la bonne pensée que vous avies faite pour moy avec mon- sieur de"s Hayes, si je fusse allé a Paris ('). Je ne meri- teray jamais cette faveur, si mes désirs et intentions ne tienne (sic) lieu de mérite. Dieu, qui de sa grâce a esté jusques a présent avec moy en ce chemin ecclésiastique (i) Voir ci-dessus, I.cttie dcccx.  298 Lettres de saint François de Sales par lequel je chemine, m'a donné du pain a manger et de l'eau a boire et des vestemens pour irCajfeuhler : c'est bien assés pour m'obliger a le tenir pour m.on Dieu, •Gen., XXVIII, 20-22; a luy dresser des autelz * a Gex, en France et par tout cf. I Tim., VI, 8, .. . ^ , . 1 -1 • , OU il luy playra employer ma misère pour la gloire de sa miséricorde!'). Je ne dis pas cela, Monsieur, pour faire le refuseur, mays seulement pour dire avec con- fiance de vostre amitié, que je ne seray jamais praeten- •Cf. Tr. dei'Am. dcur. O Cui Quod satis est satis non est, illi nihil de Dieu, liv. VIII, ... * chap. viii. satis esz Je ne laisse pas pourtant. Monsieur, de vous estre extrêmement obligé, et ne me puis empesché (sic) de désirer -que je puisse un jour vous l'aller tesmoigner a Paris. Et tandis, remettant cela au bon playsir de Nostre Seigneur, je le supplie quil vous comble de ses bénédic- tions et madame vostre bonne mère 1^), delaquelle j'hon- nore de tout mon cœur la pieté, et me sens honnoré de sa bienveuillance que le P. François (3) m'a attestée. C'est un rejallissement de la vostre, pour laquelle je suis sans fin, Monsieur, Vostre plus humble très affectionné serviteur, Franc», E. de Genève, xiiil novembre 161 2, a Neci. Monsieur, je vous supplie humblement d'avoir soin, puisquil vous plait le me promettre, de ma requeste contre ceux de Genève (4). Je crains la prudence de ce ♦Cf. I Cor., 1, 20. siècle, laquelle, selon Dieu, est une mère imprudence *. O combien cette divine Majesté a peu de francs  (') Rien ne suffit à celui auquel ce qui suffit ne suffit pas. (i) On voit réapparaître ici le dessein que les admirateurs de Frau^ois de Sales renouvelèrent si souvent de le faire sortir de ses chères montagnes, pour donner à son apostolat un champ plus vaste ou un théâtre plus relevé. (2) Nous n'avons pas de documents biographiques sur la mère du destina- taire. (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 295.) (3) Le P. François de Chambéry (idem, note (i), p. 129). (4) Voir note (i) de la page suivante,  Année 1612 299 serviteurs ! Vous estes bienheureux, Monsieur, d'estre de ce petit nombre. A Monsieur Monsieur Le Mazuyer, Viscomte d'Ambrieux, Conseiller du Roy en ses Conseilz d'Estat et privé et Maistre des requestes de l'hostel de Sa Majesté. A Paris. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Toulouse.  DCCCXXIII  A M. ANTOINE DES HAYES  Requête de François de Sales. — A la diète de Bade. — Obstination des Bernois. — Un déplaisir du Saint. Annecy, 14 novembre 1613. Monsieur, Je ne puis pas perdre cett'occasion de vous ramentevoir mon affection qui vous honnore au dessus de toutes les pensées que vous en sçauries jamais avoir. J'escris a monsieur Le Masuyer *, tous-jours pour nos affaires de * Epist. prasced. Gex, et luy recommande ma requeste contre ceux de Genève, delaquelle il luy a pieu me promettre d'avoir soin (0. Ce n'est pas que j'espère rien de cette poursuite ( I ) Une copie non datée de ce document se conserve aux Archives de Genève, Portefeuille historique n° 2483; elle a été publiée par M. Eugène Ritter, avec plusieurs autres pièces concernant la même affaire, dans la Revue Savoisienne de septembre-octobre 1885. Dans sa requête, le saint Evêque invoquait ses droits et ceux du Chapitre de son église cathédrale sur les « domaines ecclesiasticques usurpez par la ville de Genève, » et demandait au Roi et à son Conseil d'être « réintégré et resta- II bly... en la réelle possession et jouissance des églises, maisons presbite- « ralles, biens et revenus >i qui appartenaient jadis au Chapitre de Saint- Pierre et au prieuré de Saint-Victor. Déjà, au mois de juillet précédent, il avait présenté les mêmes réclamations aux commissaires royaux chargés de mettre à exécution l'Edit de Nantes dans le bailliage de Gex. Renvoyé par ceux-ci au Conseil de Sa Majesté (cf. ci-dessus, note (s), p. 354), il dut réitérer  ^00 Lettres de saint François de Sales en un siècle si plein de considérations humaines, mays au moins empescheray-je la praescription ; et si Dieu nous envoyé une sayson plus pieuse, ce sera tous-jours un advantage d'avoir demandé. Nos ambassadeurs de deçà sont revenus de la diète de Bades, ou ilz pensoyent que l'authorité du Roy et l'entremise des Cantons catholiques auroyent disposé les Bernois a la restitution du pais de Vaux, ou au moins a convenir d'arbitres pour un journée amiable ; mays ilz ont treuvé tout au contraire, car les Bernois n'ont quasi pas voulu entendre la proposition, et nul n'a parlé en nostre faveur (0. Reste que Son Altesse prenne une bonne et salutaire resolution d'attendre que Dieu face  ses instaDces au commencement de novembre, car le 17 de ce mois, « le Conseil d'Estat du Roy » ordonnait d'ouïr « les parties pardevant les sieurs de Vie et Le Mazuier. » (Voir Revue Savoisienne, 1885, p. 260.) Mais, comme on le voit par cette lettre, le Saint ne se faisait guère illusion sur l'issue de ses démarches; ainsi qu'il l'avait prévu, elles échouèrent, et, semble-t-il, devant les oppositions que leur suscita le zèle remuant du syndic Jacob Anjorrant, député de la Seigneurie de Genève. (Voir ibid., ses lettres et ses rapports.) ( I ) La diète des huit cantons catholiques s'ouvrit à Bade le 4 octobre (cf. ci-dessus, note (i), p. 276); l'assemblée de la diète générale se tint le ai du même mois. Le baron Amédée de Chevron-Villette et le sieur Valdengo, audi- teur en la Chambre des Comptes de Piémont, avaient été adjoints comme délégués extraordinaires à M. de laTournelte, ambassadeur ordinaire en Suisse depuis juin 161 1. (Voir tome XI, note (2), p. 7.) De Lucerne, celui-ci écrivait à son prince, le 8 octobre 1612 : « J'ay comparu a l'assemblée des 8 Cantons le 4 de ce presen mois... Je diray a V. A. S. comme j'ay festiné Mess'* les Ambassadeurs des 3 Cantons, je leur ay faict bonne chère et n'avons pas oublié de bien boire a la santé de V. A. S. » (Turin, Archives de l'Etat, 5pi{{*ra, Lettere Ministri, Mazzo 5.) Ces libations furent suivies de belles promesses, et ce fut tout. Les Bernois, ayant fait secrètement alliance avec les Valaisans et forts de l'appui que leur promettaient leurs coreligionnaires de France, ne voulurent rien entendre. Nous avons les lettres particulières du baron de Vil- lette et du seigneur de la Tournette, où chacun expose au duc de Savoie l'in- succès de sa mission, avec un embarras mal dissimulé. Une lettre de ce dernier, du 3 novembre 1612, adressée à un ministre de Charles-Emmanuel, nous apprend qu'il fut vivement blessé de n'avoir pas mené tout seul les négocia- tions. « On a bien esté esbey, » dit-il, « de voir venir trois Ambassadeurs a la Diète générale, pour demander a Mess""' de Berne ouy ou non. » (Ibid. et Archives de la Visitation d'Annecy; voir à l'Appendice II.) La diplomatie de la cour de Savoie, si féconde en ressources, l'habileté et le dévouement de ses négociateurs essayèrent en vain de déjouer l'obstination des Bernois. Quelques années plus tard, Charles-Emmanuel, épuisé, signait le 23 juin 1617, un traité entériné seulement le 18 juillet 1629, qui leur cédait ses droits sur le pays de Vaud. (Cf. plus haut, note (i), p. 68.)  Année 1612 301 naistre un'occasion propre pour tirer sa rayson. Je suis marri de ce succès a cause de la religion, qui est si peu regardée et favorisée, et j'ay encor mon interest parti- culier pour 25 ou trente parroisses de ce pais-la,, qui sont de mon diocaese. Voyla nos nouvelles, et n'est pas besoin que je vous die que je ne désire pas que l'on sache que je les escrive, car aussi ne les escrirois-je pas a un autre qu'a vous, a qui je suis tout extraordinairement, Monsieur, Serviteur très fidèle et très humble, Franc', E. de Genève. xiiii novembre 16 12, a Neci. Monsieur, je ne parle plus du deplaysir que j'ay eu de n'aller pas vers vous, mays je ne le puis oublier *. * Cf. Epist. dcccx A Monsieur [Monsieur] des Hayes, Maistre d'hostel du Roy, Gouverneur et Baillif du chasteau et ville de Montargis. Revu sur l'Autographe appartenant à M'"' Venant, à Lincelles (Nord).  DCCCXXIV A LA PRÉSIDENTE FAVRE Une âme qui va bien. — L'amour de Dieu et la paix. — Les voies du Ciel, — Précaution contre les « babillardz ». — Ce que pensait le Saint des Ursulincs et des institutrices chrétiennes. — Les entreprises extraordinaires qui ne sont pas hasardées. — Un monastère de seize bonnes filles, où rien n'abonde ni ne manque. — La pauvre Thiollier. Annecy, 18 novembre 1612. Ma très chère vSeur, J'ay receu vos deux lettres, toutes douces et de bonnes nouvelles; car vostre chère ame va bien, puisqu'elle  XII, 8.  302 Lettres de saint François de Sales veut bien s'avancer au saint amour de Nostre Seigneur. Faysons bien cela, ma très chère Fille, car en fin, tout * Ecoles., I, 2, M, le reste n'est que vanité *. Et parce que l'amour ne loge qu'en la paix, soyes tous-jours soigneuse de bien conser- ver la sainte tranquillité de cœur que je vous recommande si souvent. Que nous sommes bienheureux, ma chère Seur, d'avoir des travaux, des peynes et des ennuis ! car ce sont les voyes du Ciel, pourveu que nous les consa- crions a Dieu. Je vous renvoyé les papiers de dévotion, que je treuve bien utiles ; mays si on les imprimoit, je ne voudrois pas que vostre nom y fust descouvert, pour ne point donner lieu aux babillardz d'en parler, et sur tout l'œuvre estant si courte. Vous pouves bien, ce me semble, choisir ce bon Père la pour vostre confesseur (0, puisqu'aussi bien le Père Recteur {^) est souvent empesché. Nos bonnes Dames de la Visitation font extrêmement bien, et quand leur logement sera du tout accommodé, elles seront très bien ou elles sont maintenant (3). Vostre fille (4) chemine fort dévotement et se porte très bien. La bonne Mère de Chantai est presque guérie et a aujour- d'huy esté a la sainte Messe (5). Ce seroit un très grand bien qu'a Chamberi il y eust des Ursulines et voudrois bien y pouvoir contribuer quel- que chose (6) ; car en fin, bonheur a ceux qui nourrissent (i) Sans doute un Jésuite, dont nous ignorons le nom. (a) Le P. Claude Le Maire (cf. ci-dessus, note ( i), p. 209). (5) Voir plus haut, note ( i), p. 245, et note (3), p. 28a. (4) Sœur Marie-Jacqueline Favre. (5) Cf. les deux lettres suivantes et ci-dessus, note ( i ), p. 292. (6) On lit dans les Chroniques de V Ordre des Ursulines (Paris, 1673) : « C'est au grand saint François de Sales que la Savoye est redevable de l'entrée des Ursulines en sa ville capitale de Chambery et de là en d'autres, parce que cet incomparable Prélat, toujours animé de zèle pour le salut des âmes, s'em- ploya auprès de Leurs Altesses Royales pour leur faire connoistre le fruit qui provenoit aux peuples de la bonne institution que les Filles de sainte Ursule donnoient à la jeunesse, et pour obtenir des patentes aux fins de leur etabli»- sement dans leurs Estats. » Le Saint fut heureux dans sa démarche, qu'il fit sans doute pendant soa voyage à Turin, avril-mai 1613 : le duc adressa, le 14 mai de cette même année, les lettres patentes au souverain Sénat (voir Burnier, Hist. du Sénat, 1864,  Année 1612 303 les enfans pour l'amour, crainte et service de Dieu. Il ne faut que trois filles ou femmes courageuses pour commen- cer ; Dieu donnera l'accroissement. Nos Dames de la Visitation doivent donner courage d'entreprendre, a celles qui seront tant soit peu disposées. Selon mon jugement, ce n'est pas liazarder que de se confier un peu extraordinairement a Nostre Seigneur es desseins de son service. Ma très chère Seur, ma Fille, aymés tous-jours bien mon ame, qui ayme tant la vostre. Je suis en Nostre Seigneur, tout vostre. Vostre très humble et très obéissant frère et serviteur. Franc», E. de Genève. 18 novembre 161 2, a Neci. La bonne ThioUier sera, a mon advis, fort consolée en cette Congrégation (0, laquelle se treuvera composée, mercredi prochain, de seize bonnes filles ('), laissant a part celles qui sont receuës et qui ne peuvent encor p. 687); mais celui-ci opposa mille obtacles et ne les entérina qu'en 1625, après plusieurs lettres de jussion. Mieux inspiré, le Conseil de ville s'intéressa à la fondation et l'assista d'une « aumône de 25 ducatons pendant six années con- sécutives. » (Ibid., p. 5^7.) Le chroniqueur cité plus haut, résume ainsi qu'il suit l'histoire de cette fondation : « Il se trouva un jeune estudiant qui avoit veù la Mère Françoise Leguisé, Ursuline congregée, laquelle estoit alors au Pont Saint Esprit, où celuy-cy hiy écrivit en diligence, luy donnant avis de l'occasion qui s'offroit de faire une maison de son Ordre dans la Savoye. » La Mère pria un de ses amis, « M. Faure, elù de Lion, de faire le voyage de Chambery; ce qu'il entreprit en compagnie du R. P. de Retz, supérieur de la Congrégation de l'Oratoire et des Ursulines de Provence, et... ils jugèrent qu'il ne falloit pas négliger ce bon dessein. Ainsi M. Zacharie Gonnet, ecclé- siastique, et les RR. PP. de Serre et Jacques George, de la Compagnie de Jésus, obtinrent les permissions nécessaires. Après cela, la Mère Leguisé, avec quatre autres filles, se mit en chemin et arriva à Chambery en avril 1625. » ( I ) Sœur Marie-Antoine (voir ci-dessus, note ( i ), p. 161). (2) La Congrégation comprenait à cette date : la Mère de Chantai, les Sœurs Marie-Jacqueline Favre, Jeanne-Charlotte de Bréchard, Claude-Fran- çoise Roget, Péronne-Marie de Chastel, Marie-Marguerite Milletot, Marie- Adrienne Ficbet, Claude-Marie Thiollier, professes; Claude-Agnès Joly de la Roche, Marie-Aimée de Blonay, Marie-Marthe Legros, Marie-Avoie Hum- bert, Anne-Marie Rosset, novices; Marie-Antoine Thiollier, — dont le Saint parle ici — prétendante, et Anne-Jacqueline Coste, tourière. La seizième serait-elle Sœur Anne-Françoise Chardon, qui reçut l'habit le 29 novembre ?  304 Lettres de saint François de Sales venir. Des-ormais on sera en peyne a refuser, et néan- moins il le faudra faire, si ce n'est pour quelque per- sonne qui puisse rendre quelque extraordinaire service a Nostre Seigneur. Et quant aux moyens, rien n'y abonde et rien n'y manque ; Dieu a soin de ses servantes et Nostre Dame les pourvoit. Il vous faut tous-jours dire des nouvelles de cette petite assemblée, laquelle, comme je croy, vous est chère. La pauvre ThioUier estoit si empressée, qu'elle oublia le pacquet de la bonne madame d'Aiguebelle (0, a la- quelle partant je ne sçaurois respondre. Je saliie de tout mon cœur ma très chère nièce (^). A Madame Madame la première Présidente de Savoye. (i) M"^ d'Aiguebelette (voir le tome précédent, note ( i ), p. 393). (a) Sans nul doute, M*"* de la Valbonne.  DCCCXXV  A MADAME D ESCRILLES  Nouvelles de la Mère de Chantai. — Oratoire de la Visitation. Annecy, 18 novembre 1612(1). Vostre filz (*) sera bien, je m'asseure, chez M. de Genesia (3). Il sera bon de faire comme vous dites, et ( I ) La date, qui serait douteuse, si nous n'avions que l'Autographe, est prouvée manifestement par l'allusion au nouvel « oratoire » de la petite Com- munauté. Quant à la destinataire, la mention de Saint- Jeoire, dont le père de M"* d'Escrilles. était seigneur et baron, la désigne assez clairement, et aussi le rapport de ce billet avec les lettres du 13 octobre i6n et de février 1613, où il est parlé de « M. de Genesia. » Migne (tome VI, col. 1091) a donc fait erreur en datant cette lettre de léaa, et en lui assignant pour destinataire la sœur du Saint. (a) Antoine-Balthazard de la Touvière d'Escrilles (cf. ci-dessus, p. a8o). (3) Lancelot Guillet, dit de Pougny, seigneur de Genissia, puis baron de Saint-Denis, Cbaransonay et Saint-Marcel, épousa vers 1595 Charlotte de  Année 1612 305 envoyer le quart ou le tier de la pension, selon qu'elle se donne aux autres lieux. Nostre bonne M'"° de Chantai se porte beaucoup mieux (O, avec un (sic) très chère souvenance de vous et de vostre dilection. Mercredi nous logerons le Saint Sacrement en l'oratoire de la Visitation (*), dequoy toutes ces bonnes filles sont grandement en feste. Quand vous seres a Saint Joyre je treuveray bien commodité de vous escrire, et, ou que vous soyes, je vous auray tous-jours fort present'en ce peu de prières que je présente a Nostre Seigneur, que je supplie tenir vostre cœur de sa main et vous combler de son saint amour. Je suis, Ma très chère Fille, Vostre plus humble très dédié serviteur, F., E. de G. XVIII novembre 161 2. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, à la Maison-Mère des PP. Salésiens de Don Bosco. Maillard, et en secondes noces, après 1608, Louise de Montferrand. Il était fils de noble Marin Guillet, coseigneur de Monthoux, et de Gasparde de Puencet. Le choix de M*"* d'Escrilles s'explique par les alliances qui avaient uni les familles de Mouxy et Guillet de Monthoux. (1) Cf. pp. 302, 306, 307. (2) « La maison et chapelle estant bien ajancees, nôtre Bienheureux vint donner l'habit a une fille » — Soeur Marie-Antoine Thiollier — « et posa le Saint Sacrement. » Ceci se passa le 21 novembre. (Hist, de la Fondation du Itr Monastère d'Annecy.)  LiTTKBt V  3o6 Lettres de saint François de Sales DCCCXXVI A LA MÈRE DE CHANTAL (inédite) Affectueuse gronderie. — La Mère de Chantai au milieu des tracas d'une installation. — Pourquoi doit-elle garder ses forces. Annecy, 20 novembre 1612(1). Dites moy donq, mais dites en conscience, ma très chère, comme vous vous portes du tracas que vous fistes hier parmi cette nouvelle mayson. A peu que je ne fus scandalisé, ou au moins fasché ; car, quelVapparence, au sortir de tant de foiblesses, s'aller travailler et rompre parmi cette fabrique? Néanmoins, j'attens de sçavoir comme cett'exercice vous sera reusci, car selon cela, ou je me courrouceray en qualité de père, ou je dissimuleray la faute en qualité de filz. Et ce pendant, vous sçaves bien que vous ne deves pas jeûner aujourdhuy, car nostre glorieuse Reyne et Maistresse a besoin de ce peu de forces qui vous restent pour d'autres services qu'elle veut des-ormais tirer de vous. Or sus, bon jour, ma très chère Mère; demeures non seulement en paix, mais en repos. Dieu soit a jamais l'unique praetention de nostre cœur. Amen. Revu sur l'Autographe appartenant à M. Tabbé Giraud, Aumônier du Noviciat des Frères des Ecoles chrétiennes, à Moulins. (i) D'après sa teneur, ce billet a dû être écrit la veille d'une fête de la Sainte Vierge, pendant une convalescence de la Mère de Chantai et alors que le nouveau logement des Sœurs n'était pas encore tout à fait accommodé. Or, le départ de la Galerie s'effectua le 30 octobre 1612 (cf. ci-dessus, note (3), p. 28s). Nul doute que l'intrépide Fondatrice n'ait voulu prendre sa part de travail parmi les tracas de l'installation, après avoir pris le souci du déména- gement. Le 18 novembre (voir ci-dessus, pp. 302, 305) elle était « presque guérie; » le as (voir page suivante), elle se remettait « fort foiblement ; » enfin, le 18 la maison n'était pas encore adaptée à sa nouvelle destination. Toutes ces circonstances concordent avec la date que nous proposons.  Année i6i3 307 DCCCXXVII A MADAME DE LA FLÉCHÈRE (0 Les bancs des femmes dans les chœurs des églises. — Elles peuvent toutefois y entrer. — Nouvelles de la Mère de Chantai et de la Congrégation. — Pourquoi il est mieux d'avoir moins. Annecy, 22 novembre 1612. Il est vray que nous fismes un décret, il y a environ trois [ans] (»), ma très chère Fille, que tant qu'on pour- roit, on osteroit les bancs a femmes des chœurs de toutes les églises, parce que cela est juste, bien séant et con- forme aux anciennes coustumes des chrestiens. Mais il ne fut pas dit, ni ne le devoit estre, que les femmes n'entrassent pas au choeur ; car, pour plusieurs occasions, il est raysonnable qu'elles y entrent, pourveu que ce soit avec la modestie que la sainteté du lieu requiert. Prenés donq discrettement la place, pour vos prières, qui vous sera plus propre, pourveu que ce soit sans banc ; car je ne voudrois pas que vostre banc fust auprès de l'autel, a cause [de] la messeance. Vous sçaves bien qu'en cette ville et en nostre Office le plus solemnel, les femmes se mettent bien dans le choeur et aux treilles. La bonne madame de Chantai se va remettant, mais fort foiblement (3); elle fut hier a la Messe et a l'exhor- tation. EU'a un cœur admirable envers Dieu et vous  (i) Les particularités et les allusions du texte conviennent à M"* de la Fléchère plus qu'à toute autre destinataire. (a) Le Synode de 1603 avait fait la défense suivante : « Pour ce qu'il nous a esté remonstré que plusieurs geatilhoniraçs dressent des bancs dans les cueurs des églises, occasion de quoy l'Office est empêché : nous avons ordonné qu'il leur est permis d'y entrer; mais quant aux femmes, qu'elles demeureront dans la nez. » (R. E.) Les constitutions synodales de i6ia portent cet article : « Sont des a présent les défenses rafreschies. » Il y a donc erreur dans le texte de Datta ; ce n'est pas troif:, mais neuf qu'il faudrait lire. En supposant que le Saint avait écrit en chiffres, l'erreur entr.' 3 et 9 serait facile. ( 3 ) Cf. le billet précédent,  3o8 Lettres de saint François de Sales chérit parfaitement. La petite Congrégation va croissant, ce me semble, en vertu comm'en nombre des filles. Nous avons accommodé les différences du cher mari et du beaupere (0 au mieux que nous avons sceu. Il est mieux d'avoir moins et de l'avoir en paix. Dieu vous bénisse, ma très chère Fille, et je suis en luy, Vostre plus humble et très afiFectionné serviteur, France E. de Genève. (i) Henri, seigneur de la Fléchère, Molliens, Vanzy, de la Caille, etc., chevalier des saints Maurice et Lazare, commandeur de Saint-Julien et com- missaire de l'artillerie deçà les monts par patentes du 15 février 1^95, avait épousé (contrat dotal du 18 septembre 1571) Etiennette de Bellegarde. Il testa le 8 avril 1612, mais il a pu survivre à son testament. C'est de ce gentilhomme que fait mention la Mère de Chaugy, quand elle écrit dans la Vie de M™* de la Fléchère, chap. 11 : « Les occasions d'exercer une sainte patience ne luy manquèrent pas, ayant rencontré un beau-pere âgé et d'une humeur assez fascheuse. » (Les Vies de VIII vénérables Veves, etc., Annessy, 1659.)  DCCCXXVIII A LA PRÉSIDENTE FAVRE ( INBDITB ) Les Ursulines et les petites filles de Chambéry. — Un défaut de l'éducation maternelle, assez fréquent, d'après le Saint. Annecy, 28 novembre 161 i. Ma très chère Seur, Je vous salue mille fois de tout mon cœur, et prie Dieu que le vostre soit a jamais rempli de paix, douceur et dévotion. Faites moy le bien de m'advertir, je vous supplie, quand M""" d'Alufen (0 sera arrivée a Chamberi, ( I ) Très probablement Anne de Gingins, fille de Joseph de Gingins, baron de la Sarraz au pays de Vaud, et de Barbille de Chetin, de Berne. Elle avait épousé noble François-Gaspard Mestral de Mons, qui figure avec le titre de « seigneur d'Aruffens » dans un acte du 20 février 1615. (Archives de la Visitation d'Annecy, Collection J. Viiy.) Par son mari, fils de Françoise de Villette-la-Couz, « M™" d'Alufen » était alliée à la famille de Sales. (Cf. Gui» chenon, Hist. de Bresse et Bugey, 1650, Partie III, continuation.)  I  Année 1612 309 et encor si l'envie que le bon Père Thimothee (0 a d'introduire a Chamberi l'Institut des Urselines pourra reuscir ('). Ce seroit sans doute un grand bien pour ces pauvres petites filles, qui souvent, sous les caresses de leurs mères, aprenent beaucoup de vanités qui croissent avec elles et plus qu'elles. Hier, monsieur le Comte de Saint Alban et madame la Contasse sa femme (3) passèrent icy, mays nous n'eusmes pas le bien de les voir. Dieu vous bénisse de sa grande bénédiction, ma très chère Seur, ma Fille, et je suis a jamais Vostre plus humble très affectionné frère et serviteur, Francs E. de Genève. XXVIII novembre 161 2, a Neci. Je salue très chèrement ma bonne nièce (4), que j'aime et honnore de tout mon cœur. A Madame Madame la première Présidente de Savoye. Revu sur une photographie de l'Autographe appartenant à M. 1° comte d'Yrsch, à Freiharn, près Munich (Haute-Bavière). ( I ) Ce P. Timothée doit être un Capucin ou un Cordelier. (3) Voir ci-dessus, note (6), p. joï. (3) Claude-François (1) Pobel, seigneur de Pressy et la Croix, baron d'Epierre, comte de Saint-Alban, étajt fils de Catherin Pobel, seigneur d'As- nières ; il avait épousé Denise-Françoise de Lambert, et en secondes noces, par contrat dotal du 26 janvier 1599, Marguerite du Pont. Ambassadeur en Suisse {1593), chevalier du Sénat en 1597, conseiller d'Etat et chambellan de Son Altesse, baron, puis comte de Saint-Alban en 1608, Claude-François testa le a8 juillet 1618 et mourut le 14 juillet 1625. (D'après les notes de M. le comte de Mareschal et le Reg. des Entrées du Sénat.) (4) M'"^ de la Valbonue, belle-fille de la destinataire. ( I ) Il ne faut pas le confondre avec son ftèrc Claude. Nous avons donc fait erreur (note (3), p. a62) en appelant celui-ci Claude-François.  5 10 Lettres de saint François de Sales DCCCXXIX A M. CLAUDE DE NEUVECELLE (0 Recommandation réitérée en faveur d'une pauvre fille. Annecy, 28 novembre 1612. Monsieur, La pauvre fille pour laquelle je vous parlay et vous me promistes quelque secours, se plaint a moy dequoy elle ne reçoit aucun fruit de mon intercession, ni de la bonne volonté qu'alors il vous pleut me tesmoigner. Ayes aggreable sur cela, je vous prie. Monsieur, que je vous en donne souvenance, et vous die que Dieu vous re- compensera de tout ce que vous feres pour cette sienne pauvre créature, bien que ce soit par rayson d'équité et de vray devoir. Je m'asseure que vostre charité et bon naturel vous solliciteront assés, sans que personne s'y employé davantage. C'est pourquoy je me contenteray de vous l'aves (sic) remémoré, en vous conjurant de m'aymer tous-jours, puis que vous souhaitant toute sorte de bonheur, et mesme en vostre digne mariage dont on m'a donné la nouvelle ces jours passés, je demeureray. Monsieur, Vostre bien humble affectionné serviteur en Nostre Seigneur, Franc", E. de Genève. XXVIII novembre 1612, a Neci. A Monsieur Monsieur de Noveselle. Revu sur l'Autographe appartenant à M"* Favet, à Nice. (i) Cette lettre s'adresse au fils de Georges-Philippe de Varax et de Mel- chide d'Angeville, Claude, seigneur de Neuvecelle, Saxel, Meyroux, etc. De demoiselle Daniel Tronchet de Probein, qu'il avait épousée en 1613, il eut plusieurs enfants, et décéda le 39 septembre 1646. (D'après les noies de M. le chanoine Gonthier.)  Année 1612 311  DCCCXXX  A LA MERE DE CHANTAL  Comment recevoir les remèdes imposés par l'obéissance et la raison. — Les croix qui répugnent aux sens et à la nature, — Dans la maladie, la Mère de Chantai doit être « brebis » et « colombe. »  Annecy, 30 novembre 1612 (i). Je vous asseure, ma très chère Mère, ma Fille, que je voudrois bien porter en mon cors et en mon cœur toutes les peynes que vous aures parmi vos remèdes (2); mais ne pouvant ainsy vous en descharger, embrassés sain- tement ces petites mortifications, recevés ces abjections en esprit de résignation, et, s'il se peut, d'indifférence. Accommodés vostre imagination a la rayson, vostre naturel a l'entendement, et aymés cette volonté de Dieu en ces sujetz d'eux mesmes desaggreables, comme si elle estoit en des sujetz les plus aggreables. Vous ne recevés pas vos remèdes par vostre eslection ni par sensualité ; c'est donq par obéissance et par rayson : y a-il rien de si aggreable au Sauveur ? Mais il y a de l'abjection. Et saint André et tant de Saintz ont souffert la nudité par manière de croix. O petite croix, tu es aymable, puisque ni les sens ni la nature ne t'ayment point, ains la seule rayson supérieure. Ma très chère Mère, mon cœur salué le vostre finale- ment et plus que finalement, au dessus de toute compa- rayson. Soyés une petite brebis, une petite colombe, toute simple *, douce et aymable, et sans réplique ni retour. * Cf. Matt., x, 16. Dieu vous bénisse, ma très chère Mère ; qu'a jamais nos- tre cœur soit en luy et a luy. N'occupés pas vostre esprit (i) L'appellation de « Mère » fait préférer la date de i6i3 à celle de 1611 ; Tallusion à saint André et aux répons de l'Office du saint Apôtre désigne le quantième. (a) Cf. ci-dessns, pp. 306, 307.  312 Lettres de saint François de Sales es affaires, et recevés humblement et amiablement les petitz traittemens que vostre infirmité requiert. Vive Jésus et Marie ! Je suis celuy que ce mesme Jésus a rendu vostre. Francs E. de Genève.  DCCCXXXI A LA MÊME Une auditrice que François de Sales a vue au sermon ; pourquoi il n'a pas osé l'aborder. — Un sermon « fait hardiment et passionnément. » — Le dixième anniversaire d'un sacre. — Prédicateurs de l'Avent. Annecy, 9 décembre 1612 (i). J'ay bien veu au sermon nostre bienaymee fille Fran- çoise (2), mais je n'ay pas osé luy demander comme ma très chère Mère se pprtoit ; car il y a voit trop de gens qui m'eussent oiiy, et eussent esté en peyne de curiosité pour sçavoir quell'estoit cette très chère Mère, autre que Dieu et ses Anges et ses Saintz, et nostre cœur, ne sa- chant combien l'affection qui me rend père, filz et une mesm'ame avec vous, est suffisante et plus que suffisante pour faire cela. Je donne donq la charge a ce petit billet de vous demander de vostre santé, et a nostre chère petite fille de vous redire quelque chose du sermon, lequel j'ay fait hardiment et passionnément. Et entr'autres choses, ayant différé hier de parler de mon sacre, a cause qu'au- jourduy j'aurois plus de gens (3), j'ay dit quil y avoit dis ans que j'avois esté consacré, c'est a dire que Dieu m'avoit •Cf tom rœced ^^^^ ^ moymesme pour [me] prendre a luy et puis me Epist. cDxciv. donner au peuple * ; c'est a dire, quil m'avoit converti (i) La date est prouvée par le texte. (Cf. tome XII, note (i), p. 159, et p. 160.) (2) M"« de Chantai. (3) Le 9 décembre tombait un dimanche.  i  Année 1612 I13 de ce que [j'étais (0] pour moy en ce que je fusse pour eux. Mays pour ce qui nous regarde, vous sçaves que Dieu m'a osté a moy mesme, non pas pour me donner a vous, mais pour me rendre vous mesme. Ainsy puisse-il advenir, qu'ostés a nous mesme, nous soyons convertis en luy mesme par la souveraine perfection de son saint amour. Amen. Bon soir, ma très chère Mère, et plus que Mère; le bonsoir a nos filles. Non, ce n'est pas le P. Archange du Tillet (»), c'est le P. Constantin de Chamberi (3) qui sera nostre praedica- teur le reste de cet Advent, et moy je seray souvent celuy de nos chères Seurs, car ce n'est pas souvent, soit tous- jours, que je suis le vostre. Revu sur l'Autographe conservé au a"* Monastère de la Visitation de Rouen. (i) Ce mot suppléé a disparu de l'Autographe par suite d'une déchirure. (a) Ce Religieux serait-il le même que le P. Archange d'Orgelet (voir tome XIII, note (i), p. 305), ce dernier nom désignant le lieu d'origine, et du Tillet étant le nom patronymique? (3 ) Le P. Constantin de Chambéry fut gardien du couvent de Montméliaa en 1618, et mourut en 1630 dans celui de Thonon.  DCCCXXXII A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE Un voyage en Bourgogne empêché par un voyage à Turin. — Pour s'avancer dans l'amour de Dieu, une jambe infirme est meilleure que l'autre. Annecy, 18 décembre 1612. Sans doute, ma très chère Seur, que je ne passeray jamais en Bourgoigne sans aller voir vostre ame bien- aymee, qui est tous-jours présente a la mienne; mais je ne suis pas prest pour aller en ces quartiers la. Il faut que je me treuve a Turin (0 pour le saint Caresme. (r) L'étude du texte permet de supposer que, par une erreur de lecture, on a imprimé Paris pour Turin, car à cette date, le voyage du Saint à Paris  514 Lettres de saint François de Sales Monsieur [de Sauzea] m'escrit que vostre Mayson s'a- vance fort a la pieté (0, dont je me res-jouis selon la mesure avec laquelle je vous souhaitte toute sainteté. Hier je receus vostre billet, et j'y respons hastivement ce matin. Mais je ne sçai nulles nouvelles de vostre santé, c'est a dire de Testât de vostre pauvre jambe, de laquelle vous ne me faites nulle mention, non plus que si vous n'esties pas ma chère Fille, et que cette jambe ne fust pas la meilleure des deux pour vous avancer en la perfec- tion de l'amour divin. Et vous sçavés, ma très chère Fille, que je vous ay tous-jours dit que vous m'escrivissies plus amplement par l'entremise de madame la Prési- dente (3), qui aura bien le soin de m'envoyer vos lettres, comme aussi de vous faire tenir les miennes. M. l'Abbé de Saint Maurice (3) ne donne pas la survi- vance pour le prieuré de Semur, ne le pouvant pas faire ; mais en toute occurrence de vacance, je feray tout ce qui me sera possible pour monsieur vostre frère (4). Je suis plus que jamais, ma très chère Fille, d'un cœur invariable, Vostre très humble serviteur. Franc", E. de Genève. 18 décembre 1612, a Neci. était plus que problématique, et d'ailleurs, s'il avait dû s'y trouver pour le Carême de 1613, il aurait quitté Annecy avant le 18 décembre léia. (Cf. Lettre dcccx et pp. 297, 301.) Le voyage de Turin, projeté dès avant septembre 1613, puis reculé pour diverses raisons (cf. ci-dessus, pp. 267, 272), a pu être fixé à la fin de l'année. Ces particularités rendent très vraisemblable la leçon et la date que nous adoptons. (i) Cf. la lettre du 23 février 1613 à la même destinataire. (2) M"» Brùlart. (3] Adrien II de Riedmatten était abbé commendataire de ce monastère (voir tome XÏII, note (r), p. 270), Pierre de Grilly en était l'abbé claustral (ibid., note (i), p. 269); c>st sans doute le premier qui est ici désigné. (4) Guillaume Bourgeois, baron d'Origny (voir le tome précédent, note (4), p. 131), qui était gouverneur de Semur.  Année i6i3 315 DCCCXXXIII A MADAME DE PEYZIEU A propos du dernier et du premier jour de l'an. — Souhaits de piété. — Exhortation à la douceur et humilité. — Le saint nom de Jésus et « l'odeur de son parfum. » Annecy, 31 décembre [1612 (»).] Ma très chère Mère, Nous voyci maintenant a la fin de Tannée, et demain, au commencement de la suivante. Faut-il pas louer Dieu de tant de grâces que nous avoirs receuës, et le supplier de respandre le sang de sa Circoncision sur l'entrée de l'année prochaine, affin que l'Ange extermi- nateur * n'ayt point d'accès en icelle sur nous? Ainsy * Cf. Exod., xn, 7, soit il, ma chère Mère, et que, par ces années passagères, nous puissions heureusement arriver a l'année perma- nente de la très sainte éternité. Employons donq bien ces petitz momens périssables a nous exercer en la sacrée douceur et humilité que l'Enfant circoncis nous vient apprendre, affin que nous ayons part aux efFectz de son divin nom, lequel je ne cesse point d'invoquer sur vostre chère ame, ma très chère et très bonne Mère, a ce qu'il la remplisse de l'odeur de son parfum *, et, avec elle, celles de tous les • Cf. Cant., i, a. vostres. Je suis, toutes les années de ma vie, Vostre bien humble, Franc*, E. de Genève. (i) Le ton de la lettre, l'appellation de « Mère », les souhaits de la fin font penser à M""* de Peyzieu. Quant à la date, celle de i6o6, don°ée par Vives et ajoutée sans preuves, étant des plus douteuses, nous proposons celle- ci comme s'accordant mieux aux rapports qui dès i6i3 ont existé entre les de Peyzieu et saint François de Sales.  ji6 Lettres de saint François de Sales  DCCCXXXIV A LA REINE-MÈRE, MARIE DE MÉDICIS V (MmuTB) Requête en faveur des catholiques de Gex, pour obtenir en lenr vUlfi le rétablissement d'un ancien monastère de Carmes. [i6ja.] Madame, Les Catholiques de Gex, qui ne peuvent respirer qu'en 1 air de vostre royale faveur, sçachans qu'en leur ville il y avoit jadis un monastère de Carmes CO, lequel estant restabli rendroit beaucoup de bons efFectz pour l'accrois- sement de la foy, ilz supplient très humblement Vostre (i) Hugard de Joinville, baron de Gex, fonda les Carmes de cette ville le ao août 1343 ; grâce à ses libéralités et à la protection des comtes de Savoie, le couvent de Saint-Georges prit assez rapidement de l'importance, et dès le XV* siècle, il était célèbre. Mais en 1536, les Bernois expulsèrent les Religieux, confisquèrent leurs biens et, le 3 mai 1558, vendirent aux syndics les bâtiments qu'ils affectèrent aux services publics de la ville. Heureusement, les titres de possession avaient pu être soustraits aux usurpateurs et confiés, partie au couvent du Pont-de-Beauvoisin, partie à un notaire catholique, Gaspard Mon- tanier. A la faveur de ces documents, les expulsés purent revendiquer, le 13 janvier 1604, le loyer de leur réfectoire, et dans la suite, leur maison elle- même. En 1613, quand les commissaires royaux vinrent à Gex (cf. ci-dessus, p. 254), les Carmes se présentèrent pour rentrer dans leur couvent. Cette lettre paraît avoir été écrite à l'appui de leur démarche, mais l'une et l'autre restèrent sans effet. Vers 1617, le Provincial des Carmes de Narbonne s'adressa pour cette même affaire au roi Louis XIII; celui-ci consulta l'Evêque de Genève. Nous avons la réponse du Saint, 21 janvier 1618 (■) : ses préférences allaient, il n'en fait pas mystère, aux Capucins et aux Oratoriens. Les Carmes l'emportèrent; l'an 1618, le R. P. Marcellin Beauvalet fut envoyé à Gex comme prieur, et le 30 juillet, il prit possession du couvent, après des oppo- sitions et des procès qui ne s'arrêtèrent qu'en 1634. Fermé pendant la Révolu- tion, il devint en 1826 le monastère de la Visitation, frappé à son tour par les lois de 1902. (Procès-verbal du aj mars 1688 pour les Carmes de Gex, Archiv. de l'Ain, D. 17 ; Brossard, Hist. du pays de Gex, etc. Voir à la fin du volume, la lettre du Saint au Cardinal de Givry.)  ( I ) On y verra pourquoi il jugeait peu recevables les prétentions du Provincial des Carmes ; cefles-ci, à leur tour, expliqueraient l'attitude du saint Prélat à l'égard de leur rentrée à Gex, et auïsi la ferveur modérée de la présente adresse à la reine Marie de Médicis.  I  Année 1612 3'7 Majesté d'aggreer les poursuites qu'ilz en font et de les faire reuscir selon le saint zèle dont elle est animée. Et je joins ma très humble supplication a la leur, avec mille souhaitz qu'il playse a Nostre Seigneur combler de ses grâces et bénédictions Vostre Majesté, de laquelle je suis sans fin. Madame, Très humble, très obéissant et très fidèle serviteur et orateur, Franc*, E. de Genève.  DCCCXXXV A LA MÈRE DE CHANTAL ( INBDITB ) Une mère alarmée. — Avis charitable donné à un visiteur inopiné. Annecy, [1612 (i).] Je ne sçai comme j'ay laissé aller M. Colom (») sans vous prévenir, afiin que vous ne receussies point d'alar- me. Mays, ma très chère Mère, je pensois que le désir de sçavoir vostre Celse Benine Feiiillens (3), vous osteroit toute autr'apprehension, mesmement si vous voyies M. Colom arriver avec un visage joyeux, comme je l'en avois averti. Or sus, bonjour, ma très chère Mère, que je supplie (i) Pour l'écriture et aussi pour les dimensions du papier, ce billet se rap* proche beaucoup de certains billets adressés à la Saiute en 1612. Cette date paraît confirmée par la teneur du texte (voir ci-dessous, note (3). (2) C'est le même personnage qui est mentionné dans les Lettres de sainte Jeanne-Françoise sous le nom de « M. Coulon. » 11 était le receveur de la maison de Chantai, et signe le contrat du mariage de la Sainte, le 38 dé- cembre 1592. (3) La première pierre de l'église des Feuillants fut posée à Fontaine-les- Dijon le 6 janvier 1614, par Roger de Bellegarde ; mnis les négociations do cette fondation et le bruit qui se fit autour, avaient pu^ dès 1612, inspirer au jeune Celse-Bénigne la velléité d'être « Feûillens. » Il était alors au collège des Godrans.  3i8 Lettres de saint François de Sales Dieu bénir éternellement de ses plus chères faveurs. Il vous faut laisser entretenir pour le présent avec vos lettres, avec vos nouvelles et avec la santé si bien reve- nue au fîlz. Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Aguas, de l'église nationale des Espagnols de Montserrat, à Rome.  DCCCXXXVI A UNE DAME (fragment inédit) La dévotion et la maladie. — En quoi consiste et ne consiste pas Tamoar divin. [1612 (I).] Or sus, il faut astre comme Dieu dispose que nous soyons et, comme saint Paul, prendre force en Vinfir- ' II Cor., XII, 9. mité *. Helas ! donq, il n'est pas vray que vostre dévotion soit malade quand vous Testes. Non certes, ma très chère Fille, mais vous n'en sentes pas la consolation si souvent, et ne pouves pas faire les actions extérieures ; en quoy ne consiste pas l'amour divin, mais en la resolution du cœur, qui veut a jamais et inséparablement demeurer uni de toutes partz a la volonté divine. Ces petitz accidens (») ne sont tous-jours rien, et ne s'en faut nullement estonner Revu sur l'Autographe conservé au i*' Monastère de la Visitation de Madrid. ( I ) L'Autographe de ce fragment est collé sur le même carton qui porte une lettre du 12 octobre 1615 à la Mère Favre. L'écriture fait croire que ce texte est d'une date antérieure. Nous proposons 1613, sous toutes réserves, faute d'indice plus significatif. ' 3 ) Deux mots ont disparu de l'Autographe.  I  Année 1612 J19  DCCCXXXVII A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Les solides consolations, — La crainte et l'amour devant Dieu. — L'émondage spirituel. — Condition d'une parfaite retraite. [i'6io-l6i2 (i).] Il est certes vray, ma chère Fille, vos consolations me consolent grandement, mais sur tout quand elles sont fondées sur une si ferme pierre comme est celle de l'exercice de la présence de Dieu. Chemines donq tous- jours ainsy auprès de Dieu, car son ombre est plus salu- taire que le soleil. Ce n'est pas mal fait de trembler quelquefois devant Celuy en la présence duquel les Anges mesmes trémous- sent * quand ilz le regardent en sa majesté; a la charge •Cf. Pr^fat.Missœ. toutefois que le saint amour, qui prédomine en toutes ses œuvres, tienne aussi tous-jours le dessus, le commence- ment et la fin de vos considérations. Voyla donq qui va fort bien, puisque ces petitz esclairs de vostre esprit ne font plus leurs saillies si soudaines, et que vos'cre cœur est un peu plus doux. So3'és tous- jours fidèle a Dieu et a vostre ame. Corrigés-vous tous- jours de quelque chose ; mais ne faites pas ce bon office par force, ains taschés d'y prendre playsir, comme font les amateurs des exercices champestres a esmonder les arbres de leurs vergers. Nostre Seigneur sans doute suppléera a tout ce qui (i) La première édition adresse cette lettre A une D.ime, et la donne sans date. Hérissant, sans aucune preuve, l'adresse A la Mère Favre, la datant du 18 décembre i6i^, de sorte que les éditeurs qui l'ont suivi ont trois lettres à la Supérieure de la Visitation de Lyon, datées du môme jour : ce qui est inadmissible. Le i6juiUet 1608 et au mois de mars 1609 (voir le tome précé- dent, pp. 54, 136), le Saint parlait à M""= de la Fléchère du dessein qu'elle avait de quitter le monde. L'allusion du même genre qui termine la présente lettre permettrait de désigner la même destinataire, mais seulement avec une date approximativ.  320 Lettres de saint François de Sales vous defaudra d'ailleurs, affin que vous puissiés faire une plus parfaite retraitte auprès de luy, pourveu que ce soit luy que vous aymiés, que vous Cherchiés, que vous sui- vies. Aussi faites vous, je le sçai, ma Fille; mais faites le donq bien tous-jours, et me recommandés a sa miséri- corde, puisque de tout mon cœur je suis Vostre très affectionné serviteur, Franc*, E. de Genève.  DCCCXXXVIII A LA MÈRE DE CHANTAL L'oraison de la Mère de Chantai trouvée bonne par le Saint et agréable à Dieu. — Pourquoi et comment doit-elle se garder des fortes applications de l'entendement. — Se tenir en la présence de Dieu et s'y mettre : deux choses différentes. — Allégorie de la statue dans sa niche, — Marie- Madeleine. — Bonheur de vouloir aimer Notre-Seigneur. — Le sommeil empêche-t-il de se tenir en la présence de Dieu ? [l6i 1-1612 (i).] Ma très chère Fille, Vostre façon d'orayson est bonne (=) ; soyés seulement bien fidelle a demeurer auprès de Dieu en cette douce et tranquille attention de cœur, et en ce doux endormisse- ment entre les bras de sa providence, et en ce doux acquiescement a sa sainte volonté, car tout cela luy est aggreable. (i) Cette lettre, que les premiers éditeurs ont datée du 16 janvier 1610, paraît construite de plusieurs fragments, qui vont de 1611 à 1612. (2) Un texte formel du saint Directeur (voir le tome précédent, p. 266) nous avertit qu'il conseillait en 1610 à sa fille spirituelle de suivre « le train des « saintz devanciers et des simples. » Or, il s'agit ici d'une oraison un peu nouvelle pour la Mère de Chantai, et assez différente de la méditation métho- dique. Ces avis ne seraient donc pas antérieurs à 1610 et dateraient plutôt de 1611. Notre conjecture est d'ailleurs confirmée par le témoignage de la Mère de Chaugy : «Durant sept ans... notre Bienheureuse Mère demeura en l'oraison active. » Et précédemment : « Elle fut sept ans entiers dans le train ordinaire des méditations et considérations. » (Mémoires, Partie III, chap. xxiv, p. 498.)  I  Année 1612 32! Gardés vous des fortes applications de l'entendement, puis qu'elles vous nuisent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travaillés autour de vostre cher objet avec les affections tout simplement, et le plus dou- cement que vous pourres. Il ne se peut faire que l'enten- dement ne face quelquefois des eslancemens pour s'ap- pliquer, et il ne faut pas s'amuser a s'en tenir dessus sa garde, car cela serviroit de distraction ; mais il faiit se contenter que, vous en appercevant, vous retournies sim- plement aux actions de la volonté. (0 Se tenir en la présence de Dieu et se mettre en la présence de Dieu, ce sont, a mon advis, deux choses ; car pour s'y mettre, il faut révoquer son ame de tout autre objet et la rendre attentive a cette présence actuel- lement, ainsy que je dis dans le livre *. Mais après qu'on • Introd. a la Vie , . , . . ,. rf^c.jPart.II, ch.n. s y est mis, on s y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelqu'autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais sim- plement demeurant ou il nous a mis, comme une statue dans sa niche. Et quand, a cette simple demeure, se joint quelque sentiment que nous sommes a Dieu et qu'il est nostre Tout, nous en devons bien rendre grâces a sa Bonté. Si une statue que l'on auroit mise en une niche au mi- lieu d'une salle, avoit du discours et qu'on luy deman- dast : Pourquoy es tu la? Parce, diroit-elle, que le sta- tuaire mon maistre m'a mis icy. Pourquoy ne te remues tu point? Parce qu'il veut que j'y demeure immobile. Dequoy sers tu la ? quel proffit te revient il d'estre ainsy ? ( I ) Cet alinéa, et surtout le suivant, sont comme le premier jet d'une page célèbre du Traitté de r Amour de Dieu (Livré VI, chap. xi). L'idée de la statue apparaît déjà dans une lettre de 1605 (voir tome XIII, p. 20), mais ici, pour la première fois, elle s'étale et s'élargit sous forme de dialogue. Les divergences de cette ébauche avec la rédaction définitive du rr~. « -r^. • . • P- 362. plus grans en mon ame. Ce grand Dieu soit a jamais nostre Tout. Je salue ma chère petite fille ma seur (0, et toute la mayson (2). Tenés ferme, chère Fille, ne doutés point; Dieu nous tient de sa main et ne nous abandonnera jamais. Gloire luy soit es siècles des siècles. Amen. Vive Jésus et sa très sainte Mère ! Amen. Et loué soit le bon Père saint Joseph ! Dieu vous bénisse de mille bénédictions. (i) La baronne de Thorens. (3) La Congrégation naissante de la Visitation.  DCCCXXXIX  A LA MEME  D'où vient l'amertume spirituelle. — Jésus-Christ est un Dieu de douceur. Annecy, [1611-1612 (i).] Bon soir, ma très chèrement unique Fille. Tenés bien Jésus Christ crucifié entre vos bras, car l'Espouse l'y tenoit comme un bouquet de myrrhe*, c'est a dire 'Cant.,!, 13. d'amertume ; mais, ma très chère Fille, ce n'est pas luy qui nous est amer, c'est luy seulement qui permet que nous, nous soyons amers a nous mesmes. Voyci, dit Ezechias, que néanmoins, emmi mes travaux, ma très amere amertume est en paix *. O le Dieu de douceur •is.,xxxviit, 17. veuille addoucir vostre cœur, ou au moins faire que vostre amertume soit en paix. (i) Ce billet, qui nous a paru indépendant, a été détaché de la lettre du 17 janvier i6i3, à la fin de laquelle les éditeurs de 1626 l'avaient interpolé. (Voir ci-dessus, note ( i ), p, 151.) Il n'est pas possible de préciser davantage»  324 Lettres de saint François de Sales Cette bonne Religieuse désire vous communiquer un peu au large son cœur (0, mais elle dit qu'elle ne sçait comme faire ; il faudra donq l'ayder, et luy pourres dire que je vous l'ay dit. Dieu soit béni. Amen. ( I ) La n bonne Religieuse » serait-elle une Dame de Sainte-Catherine ?  DCCCXL A LÀ MÊME (fragment) La parole de Dieu et comment il faut la recevoir des uns et des autres. Annecy, [1611-1612 (i).] J'oubliay hier de vous reprendre dequoy vous ne recevies pas en simplicité la parole de Dieu, ains avies des aversions qui vous la rendoyent moins suave des uns que des autres. Oh ! l'humilité et douceur de l'amour de l'Espoux fait demeurer les espouses humblement et doucement attentives a recevoir sa sainte parole. Vive Jésus, rna très chère Mère, en tout ce que nous sommes, selon l'unité qu'il a fait de nous. (i) La lettre du i8 juin 1609 (voir le tome précédent, p. 169, et note (5), p. 170) se termine par les présentes lignes, que les premiers éditeurs ont interpolées pour n'avoir pas remarqué l'appellation de « Mère » donnée à la destinataire. Cette appellation suggère la date proposée, et la répréhension du Saint indique plutôt les premières années de la Visitation.  Année 1612 325 DCCCXLI A MADAME DE LA FLÉCHÈRE (O La tristesse des séparations. — Pleurons un peu, non toutefois beaucoup, « nos chers trespassés. » — Les âmes chrétiennes doivent supporter douce- ment la perte des parents. — L'oraison et la variété des affections qui viennent s'y mêler. — Particulariser les résolutions. — Le langage des yeux. Annecy, [1611-mars 1613 (a).] Or SUS, ma très chère Fille, on me vient de dire que la chère seur est partie (3), nous laissant encor icy bas avec les passions ordinaires de la tristesse qui a accous- tumé d'attaquer les denieurans en telles séparations. O Dieu ! je n'ay garde, ma très chère Fille, de vous dire : Ne pleures pas. Non, car il est bien juste et raysonnable que vous pleuries un peu ; mais un peu, ma chère Fille, en tesmoignage de la sincère affection que vous luy porties, a l'imitation de nostre cher Maistre qui pleura bien un peu sur son amy le Lazare *, et non pas toute- * Joan., xi,^ç. fois beaucoup, comme font ceux qui, colloquans toutes leurs pensées aux momens de cette misérable vie, ne se resouviennent pas que nous allons aussi a l'éternité, ou, si nous vivons bien en ce monde, nous nous reunirons a nos chers trespassés pour ne jamais les quitter. Nous ne sçaurions empescher nostre pauvre cœur de ressentir la condition de cette vie et la perte de ceux qui estoyent nos délicieux compaignons en icelle ; mais il ne faut pourtant pas desmentir la solemnelle profession que (i) La signature « compère » et le ton de la lettre désignent comme desti- nataire M*"" de la Fléchère, plus vraisemblablement que toute autre personne. (j) La date que nous proposons se déduit approximativement de la note suivante et du fait que saint François de Sales partit pour Milan le 13 avril 1613 et ne revint que le 36 mai. (3) La « chère seur... partie, » si notre conjecture pour l'adresse est exacte, serait Antoinette de la Forest, mariée à Nicolas d'Avisé, sénateur au souve- rain Sénat de Savoie. Il mourut le 3 octobre 1614 (Reg. des Entrées du Sénat); de plusieurs pièces datées de juillet et octobre 161 3, nous pouvons inférer que M"** d'Avisé était décédée auparavant.  326 Lettres de saint François de Sales nous avons faitte de joindre inséparablement nostre volonté a celle de nostre Dieu. Qu'elle est heureuse, cette chère seur, d'avoir veu venir petit a petit et de loin cette heure de son despart, car ainsy elle s'est préparée pour le faire saintement. Adorons cette Providence divine et disons : Ouy, vous estes bénite, car tout ce (jui vous plaist est bon. Mon Dieu, ma très chère Fille, que ces petitz accidens doivent estre receus doucement de nos cœurs ! nos cœurs, dis-je, qui meshuy doivent avoir plus d'affection au Ciel qu'en la terre. Je prieray Dieu pour cette ame et pour la conso- lation des siens. Ne vous mettes pas en peyne de vostre orayson ni de cette variété de désirs qui vous viennent, car la variété des affections n'est pas mauvaise, ni le désir de plusieurs vertus distinctes. Pour vos resolutions, vous les pouves bien particulariser en cette sorte : Je veux donq plus fidellement prattiquer les vertus qui me sont nécessaires ; comme, en telle occasion qui se présente, je me prépare a prattiquer telle vertu ; et ainsy des autres. Il n'est pas besoin d'user de paroles mesme intérieures ; il suffit d'eslancer son cœur ou de le reposer sur Nostre Sei- gneur. Il suffit de regarder amoureusement ce divin Amoureux de nos âmes, car entre les amans, les yeux parlent mieux que la langue. Je vous escris sans loysir et en la présence du laquay. Bon soir donq, ma très chère Fille ; fondés et versés le trespas de la seur en celuy du Sauveur, ne regardés point cette mort de la seur qu'en celle du Rédempteur. Qu'a jamais sa volonté soit glorifiée. Amen. Vive Jésus î Vostre humble serviteur et compère, Franc*, E. de Genève.  Année 1612 327  DCCCXLII  A LA MERE DE CHANTAL Un visiteur annoncé. — Pourquoi il faut lui faire un accueil dévotement agréable. — Personne ne se repentira d'avoir aidé la Visitation. Annecy, mai i6i2-février 161 3 (i). Dieu vous comble de son saint amour, ma très chère Fille, ma Mère. Hier M"" la Présidente (2) me dit que M. Bertlielot (3) vous vouloit aller voir avec elle, et croy que ce sera aujourdhuy. Or, ainsy qu'elle me parla, il a ( I ) La mention de « madame de Mirebel » qui se voit à la fin de cette lettre, prouve qu'elle a été écrite entre les deux dates extrêmes que nous donnons. En effet, les Sœurs de la Visitation ne commencèrent la visite des malades que le i*"" janvier 1612, M™* de Miribel ne fut pas visitée tout de suite (voir note (2) delà page suivante) et elle mourut au mois de février 1613. (2) La présidente Favre, qui pouvait être momentanément à Annecy, ou bien Antoinette du Coudray, femme de Jean-François de Buttet, président au Conseil de Genevois. (3) Berthelot, dont les origines ne nous sont pas connues, avait remplacé, et peut-être supplanté M. de Charmoisy auprès du prince de Nemours. (Cf. le tome précédent, note (4), p. 176.) Par ses flatteries et ses intrigues, ce « jeun'homme fort éveillé » tâchait de conquérir le crédit que son prédéces- seur devait à sa probité chevaleresque et à sa haute valeur morale. François de Sales avait compris qu'un tel personnage devait être ménagé et qu'il était à propos de répondre à ses avances par un accueil « dévotement aggreable. » Hélas! ce protecteur empressé allait bientôt lui causer de douloureuses alar- mes. Ses airs de dominateur et ses prétentions insolentes avaient blessé la fierté des gentilshommes annéciens : l'abbé de la Tour (voir plus haut, note (i), p. 27) voulut s'en faire le justicier. Le mercredi des Cendres, 20 février 1613, le secrétaire de Henri de Nemours fut assailli de quelques bastonnades, tandis qu'il traversait de nuit le bois de Sonnaz. On pouvait s'attendre à de dures représailles de la part d'un homme si atrocement humilié. Elles ne tar- dèrent pas : le prieur commendataire de Talloires fut consigné dans sa maison, et M. de Charmoisy interné dans son château de Marclaz, sous l'inculpation d'avoir été l'inspirateur du guet-apens. Les soupçons et le ressentiment du prince n'épargnèrent ni les frères du Saint, ni le Saint lui-même; cette aven- ture et les incidents qui la suivirent lui valurent des tracasseries sans nombre et l'obligèrent à des démarches qui ne prirent fin qu'avec la mise en liberté définitive du mari de Philothée. Berthelot ne survécut pas longtemps à la satisfaction de ses rancunes: le malheureux fut tué aux environs de Frangy, dans la nuit du 3 septembre 1615. Les lettres de 1613 mentionneront, par des allusions très nombreuses, les faits que nous résumons ici. (Cf. J. Vuy , La Philo- thée de St Fr. de Sales, 1878 ; Mugnier, Hist. du Président Favre, 1902-1903.)  328 Lettres de saint François de Sales tout plein de bonne volonté pour nostre Congrégation ; c'est pourquoy il le faut recevoir avec un accueil sainte- ment et dévotement aggreable et aggreablement dévot et saint, et luy tesmoigner que des-ja la Congrégation a beaucoup d'obligation a Monseigneur de^ Nemours (quil faut nommer Monsieur tout court), a cause de la bonne volonté quil a eu, tant pour les laouds de ce que vous acheteries de son fief, que pour le four ; et que puis quil a pieu a Dieu de donner commencement a cette petite Congrégation dans sa ville principale, vous voules avoir une spéciale dévotion pour son salut et prospérité, et le tenir comme spécial protecteur. Qu'il ne se pourra qu'en plusieurs occasions vous n'a3^es besoin de ses grâces et faveurs, et que vous pries ledit sieur Berthelot de vous y vouloir assister de sa charité et intercession. Que la Con- grégation s'essayera de fair'en sorte que personne n'aura du repentir de l'avoir aydee ; et semblables petites choses. Ledit sieur Berthelot est un jeun'homme fort éveillé; mais il ne faut pas laisser de le traitter dévotement et de l'entretenir selon le loysir que vous en aures. Il dit que luy mesme contribuera, si M. de la Bretonniere (0 se peut résoudre de faire nostre chapelle. Bonjour, ma très chère Fille ; pour ce jourdhuy je n'iray pas vers vous, voulant laisser le loysir a cet (sic) autre visite. Dites moy si vous vistes hier M"* de Mire- bel (*); je pense l'aller voir aujourdhui. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. (x) Charles Chaliveau (voir tome XII, note (i), p. 214). (a) Claudine SoUiard, fille de noble Jean SoUiard, seigneur de Miribel, de Sallanches, et de Guillelmine de Loche, avait épousé Jean-Louis de Chevron, seigneur de Bonvillard (voir note ( i ), p. 308). « Travaillée d'une paralisie quasi universelle... Helas I » disait-elle à un ami du Saint, « que me servent mes biens, puisque je suis privée de la consolation et du bonheur que les pau- vres reçoivent d'estre visités par Madame de Chantai? » A la suite d'instances réitérées, le saint Fondateur permit enfin que la Mère de Chantai et ses filles « visitassent celle qui, dans l'abondance des biens, se trouvoit si destituée des joies de l'esprit. » Après les avoir vues : « Il me semble, » dit-elle, « que Nostre Seigneur est venu a moi avec ses servantes. » Le lendemain de son décès, « l'on vint dire que c'estoit aux Religieuses de la Visitation de la faire enterrer, puisqu'elle testoit en leur faveur. » (Hist. de la Fondation du ler Monastère d'Annecy.) Ce testament souleva des oppositions dont il sera parlé dans la suite.  I  Année 1612 329 DCCCXLIII AU DUC DE BELLEGARDE (0 (minute inédite) Gratitude et humilité du Saint. Annecy, [fin 1612-mars 1613 (a).] Monsieur, Lhonneur qu'il vous a pieu de me faire en m'escrivant, m'estonne également par sa grandeur et me ravit par sa douceur. Je l'appellerois excessif, si je considerois seulement l'indignité de celuy qui le reçoit; mais je voy bien que (a) la source d'où il procède, Monsieur, ne per- met pas que l'on puisse nommer ainsy cette faveur, quoy qu'elle excelle (b) au dessus de toutes autres, puis que vous me favorisés (c) selon ce que vous estes. Monsieur, et non selon ce que je suis, qui i^) certes ne suis rien, sinon en l'affection avec laquelle je révère Vostre Gran- deur, pour la prospérité de laquelle je respans plusieurs bons souhaitz devant ce grand Dieu du Ciel, qui gratifie volontier les grans de la terre («) qui gratifient les petitz  (a) que — fce que vous estes.'.. J (b) que l'on puisse — fappeller excès les faveurs dont vous gratifiés cenx qu'il vous plaitj quoy qu'elles excellent {c) favorisés — fcertes, MonsieurJ selon fvostre grandeur qui... J (d) qui — fen vérité.. ,J (e) qui gratifie — fde sa protection ceuxj (i) De tous les gentilshommes correspondants du Saint, le dnc de Belle- garde est celui que l'on peut désigner avec le plus de vraisemblance comme destinataire. La grandeur de son rang, la puissance de son crédit expliquent le ton cérémonieux et déférent de la lettre. (î) Le grand Ecuyer ayant fait sa confession générale vers la fin de juillet 161Î (cf. ci-dessus, note ( i ), p. 293), la présente lettre a dii être écrite avant cette date, car elle ne trahit aucun rapport d'amitié spirituelle, pas plus que la lettre du 10 novembre 161 s. Il paraît donc qu'elle a été plus probablement adressée au duc à la fin de léii ou dans les premiers mois de 1613 : cette conjecture est confirmée par l'examen de l'écriture, soigneusement fait sur l'Autographe.  330 Lettres de saint François de Sales et qui leur (^ ) sont doux, gracieux et favorables ainsy que vous m'estes, Monsieur, et que je vous supplie de m'estre tous-jours, me regardant comme Vostre très obligé, très affectionné et très obéissant serviteur. Revu sur l'Autographe appartenant à M. Defrance, à Villers-devant-Orval (Belgique).  {i) et qui — fest doux a ceux quij  DCCCXLIV A LA MÈRE DE CHANTAL Lumières et sentiments que recevait le Saint pour écrire le Iraiité de V Amour de Dieu. Annecy, [1612-161 3 (i).] Ma chère Fille, Bénisses Dieu du loysir qu'il me donne ces deux jours pour faire un peu d'orayson extraordinaire ; car vraye- ment sa Bonté a respandu dans mon esprit tant de lumières et dans mon pauvre cœur tant d'affection pour escrire en nostre cher livre du saint amour, que je ne sçay ou je prendray des paroles pour exprimer ce que j'ay conceu, si le mesme Dieu qui m'a fait concevoir ne me fait enfanter. Revu sur le texte inséré dans le II'' Procès de Canonisation. (x) Migne (tome IX, col. 85) place ce billet en 161 5; or, d'après les lettres du Saint, le Traitté de F Amour de Dieu était complètement rédigé dans les premiers jours de novembre 1614. Ces lignes ont dû être écrites bien avant, surtout s'il est vrai, comme le dit la Mère de Chaugy dans la déposition même d'où nous les avons tirées (Process. remiss. Gebenn. (Il), ad art. 15), que « le Serviteur de Dieu escrivoit alors le Livre VII de son Traicté. » D'autre part, il semble qu'en 1612, l'ouvrage n'était pas si avancé, et qu'en 1614, dès janvier, il était poussé plus avant. Telles sont les raisons de la date proposée.  ANNEE 1613  DCCCXLV A MADAME DE TRAVERNAY Attitude de l'esprit humain en face des événements. — Considérations sur une mort prématurée. — Notre-Seigneur meilleur juge que nous de nos inté- rêts, — Consolations à la mère de l'enfant devenu un « brave petit saint. » Annecy, 3 janvier 1613. Je VOUS asseure, ma très chère Fille, que vostre afflic- tion m'a touché vivement (0, ne doutant point qu'elle ne vous ayt esté fort rude, d'autant que vostr'esprit, comme celuy du reste des hommes, ne voyant pas la fin et in- tention pour laquelle les choses arrivent, il ne les reçoit pas en la façon qu'elles sont, mais en la façon quil les sent. Voyla, ma chère Fille, que vostre filz est en asseu- rance, il possède le salut éternel ; le voyla eschappé et garanti du hazard de se pei-dre, auquel nous voyons tant de personnes. Dites moy, je vous supplie, ne pou- voit-il pas devenir avec l'aage fort desbauché? Ne pou- vies vous pas recevoir beaucoup de desplaysir de luy a l'advenir, comme tant d'autres mères en reçoivent des leurs? car, ma chère Fille, on en reçoit souvent de ceux desquelz on en attend le moins. Et voyla que Dieu l'a retiré de tous ses (sic) perilz, et luy a fait recueillir le triomphe sans battaille et moyssonner les fruitz de la gloire sans labeur. A vostr'advis, ma chère Fille, vos vœuz et vos dévotions ne sont ilz pas bien recompensés? Vous les faysies pour luy, mais affin quil demeurast icy (i) Gaspard, le fils de la destinataire, né à Chitry le 8 mars i6n, était mort de la rougeole, âgé de dix mois.  333 Lettres de saint François de Sales avec vous, en cette vallée de misères ; Nostre Seigneur, qui entend mieux ce qui est [bon] pour nous que nous mesme, a exaucé vos prières en faveur de l'enfant pour lequel vous les faysies, mais au despens des contentemens temporelz que vous en praetendiés. En (0 vérité, j'appreuve bien la confession que vous faites, que c'est pour vos péchés que cest enfant s'en est allé, par ce qu'elle procède d'humilité ; mais je ne croy pas pourtant qu'elle soit fondée en vérité. Non, ma chère Fille, ce n'est pas pour vous châtier, c'est pour favoriser cet enfant que Dieu l'a sauvé de bonn'heure. Vous aves de la douleur de cette mort, mais l'enfant en a un grand prouffit ; vous en aves receu du desplaysir temporel, et l'enfant un playsir éternel. A la fin de nos jours, Ihors que nos yeux seront desillés, nous verrons que cette vie est si peu de chose quil ne failloit pas regretter ceux qui la perdoyent bien tost : la plus courte est la meilleure, pourveu qu'elle nous conduise a l'éternelle. Or sus, voyla donq vostre petit enfant au Ciel, avec les Anges et les saintz Innocens ; il vous sçait gré du soin que vous avés eu de luy ce peu de tems quil a esté en vostre charge, et sur tout des dévotions faites pour luy. En contrechange, il prie Dieu pour vous et respand mille souhaitz sur vostre vie, affin qu'elle soit de plus en plus conforme a la volonté céleste, et que par icelle vous puis- sies gaigner celle dont il jouit. Demeures en paix, ma chère Fille, et tenes bien vostre cœur au Ciel, ou vous aves ce brave petit saint ; persévères a vouloir tous-jours plus fidèlement aymer la bonté souveraine du Sauveur, et je le prie quil soit a jamais vostre consolation. (») Je salue de tout mon cœur ma chère petite fileule bienaymee (3) ; mon ame luy souhaite mille bénédictions. (i) Le bas de l'Autographe ayant été coupé, quelques mots et des membres de cette phrase ont disparu ; nous les suppléons par le texte de la première édition, à laquelle nous empruntons aussi la signature. (3) Les deux phrases suivantes sont inédites. (3) Anne-Françoise de Mouxy, fille cadette de la destinataire, qui épousa (contrat dotal du ^ février 1635) Jacques-François Vidomne de Chaumont et fut inhumée à Rumilly le 25 décembre 1654. « Françon, » comme l'appelle le Saint dans une de ses lettres, aimait tendrement son bienheureux parrain.  Année 1613 333 M"" de Chantai se porte mieux (0, et ne doute point qu'elle ne vous escrivit si ell'estoit avertie. Je suis sans fin, Vostre plus humble, très affectionné et fidèle compère et serviteur, Franc', E. de Genève. 3 janvier 1613. A Madame Madame de Treverney. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Chambéry. (i) Voir plus haut, pp. 306, 307, 311.  DCCCXLVI  A LA MERE DE CHANTAL  Le cœur de l'Evêquede Genève. — Un projet de Congrégation. — Le Traitté de l'Amour de Dieu. — Nouvelle de la mort tragique du baron de Lux : compassion du Saint. Annecy, vers le 10 janvier 1613 (i). Ma très chère Mère, ma Fille, Je vous veux un peu donner le bon jour pour conten- ter mon cœur partout ; car encor le faut-il aymer, ce pauvre cœur, puisque, tout infirme quil est, il veut aymer son Dieu de toute l'estendue de ses forces, en sincérité et pureté. Or je désire, mais je n'ose me promettre que je vous aille voir aujourdhuy. Entr'autres causes de ma défiance, c'est que voyci arriver M. l'Aumosnier de Belle ville ('), ( I ) La date est indiquée approximativement par la mort du baron de Lux arrivée le 5 janvier. (Voir ci-après, note (i), p. }}(>.) La nouvelle n'a pas dû tarder à être connue à Genève, très bien renseignée par ses agents sur les moindres événements de la cour de France et de la capitale. (2) Sous ce nom, le Saint désigne Claude de Sevelinges, alias de Sirvinges, aumônier de l'abbaye de Belleville (1). Il figure avec ce titre, comme parrain, (1) L'abbaye de Belleville (diocèse de Lyon) fut fondée en 1159 par Humbert de Beaujeu, en faveur de six chanoines réguliers de Saint-Irénée de Lyon.  334 Lettres de saint François de Sales qui est celuy qui m'a escrit pour M"" des Gouffier (0, et la rayson veut, que venant exprès pour me voir, je luy en donne le plus de commodité que je pourray. Je croy quil vous ira voir aussi, et je désire que ce soit a sa consolation et édification, mesme quil a quelque sorte d'inclination a vouloir estre de nostre future Congréga- tion, si Dieu nous fait la grâce que nous l'erigions (*). dans un acte de baptême du i*"" j lin 1603, Jeanne de Sirvinges étant marraine. (Archives commun, de Bellevill;, Notes de M. d'Avaise, érudit lyonnais.) En février 1615, il devint le confesseur ordinaire du i*'^ Monastère de la Visi- tation de Lyon, sur la demande que les Religieuses en avaient faite à M«''de Marquemont. A partir de cette date, la Mère de Chantai fait souvent mention dans les lettres qu'elle écrit à Lyon, de « monsieur l'Aumônier. » Claude de Sevelinges fit en 1616 un autre voyage à Annecy, où il séjourna du ai mai jusqu'après le 6 juin, c'est-à-dire au temps même où les deux Fondateurs acceptèrent de convertir leur « Congrégation en Religion. » — « J'aime et honore grandement ce bon homme..., c'est une vraie bonne âme, » disait de lui la Sainte, « conservez-moi en la souvenance de ses prières; j'y ai confiance, je ne l'oublie jamais aux miennes petites. » (Lettres à la Mère Favre, vol. I*' (Paris, Pion, 1877), pp. 133, 131.) Le SI janvier 1617, saint François de Sales mandait à la Mère Favre : m M. l'Aumosnier m'escrit que M*"" l'Archevesque le vous oste; » et, en effet, le 6 mai suivant, Claude de Sevelinges fut changé « a raison qu'il fut requis d'aller a son bénéfice, » (Livre du Chapitre du i*"" Monastère de Lyon, transféré à Venise en 1801.) Par testament du 20 février 162 1, il laissait à la confrérie du Saint-Sacrement de Belleville, trois cents livres, son calice et ses orne- ments d'église, avec la charge de plusieurs obligations. (Archives du Rhône, série G. n° 155.) ( I ] Elisabeth Ârnault des Goaffiers, Religieuse du Paraclet (voir ci-après, note (i), p. 343)- (2) C'est ici que nous voyons apparaître pour la première fois, croyons- nous, le dessein du Bienheureux à l'égard de cette Congrégation. En 1617, il disait à ses filles : « Pleust à Dieu, mes chères Sœurs, qu'il se trouvast beau- « coup de gens qui les voulussent pratiquer, » — les Règles et Constitutions de la Visitation — « voire mesme des hommes I » (Les Vrays Entretiens spirituels^ tome VI, var. (o'), p. 303.) Le 7 décembre 1621, la Mère de Chantai écrivait au Saint (Lettres, vol. I**", p. 593) : « M. Jocelin... me vint derechef prier dernièrement de savoir de vous s'il n'y aurait moyen que vous voulussiez établir une Congrégation d'hommeç, tout ainsi qu'est la nôtre... Ils voudraient observer nos mêmes Règles et Constitutions, et être Religieux. Je lui dis que je croyais que volontiers vous vous emploieriez à cela, mon très cher Père, mais que la grande difficulté était de votre éloignement, parce que le plus grand profit et utilité était de prendre votre esprit... Je proposai que l'on vous envoyât des hommes les mieux disposés pour être dressés. » D'après M^"" Camus, le Bienheureux aurait eu le « dessein de dresser une Congrégation de prestres du clergé, qui fust libre et sans vœux, » mais se serait désisté de son entreprise quand M. de BéruUe eut fondé l'Oratoire. (L'Esprit du bienheureux François de Sales, 1639-1641, Partie VII, section xiv.) Jean-François de Blonay dépose (Process. remiss. Gtbenn. (I), ad art. 43) que  II  Année 1615 335 Il voudra aussi peut estre voir nostre fille Bellod (0, par ce quil est beaufrere de M. l'esleu Bellod («). J'ay des-ja travaillé deux heures en V Amour de Dieu. Mays faut il pas que je vous die le desplaysir que j'eu hier de la nouvelle de la mort de nostre monsieur le baron de Lux, tué, comme l'on dit, d'un coup de pistolet l'Evêque de Genève désirait vivement « introduire la discipline des Oblatz de Sainct Ambroise dans son clergé, ainsy quil conste, » dit-il, « par un acte authentique que j'ay en main. Il m'avoit persuadé d'aller séjourner quelque temps a Milan pour cest effect, mais cella ne se peult bonnement exequuter. » Notre Saint mourut sans avoir pu donner commencement à cette belle œuvre. Vers 1632, un très digne prêtre du Languedoc, M. Bonal, après un pèlerinage à son tombeau, essaya de reprendre le projet, très encouragé par la Mère de Chantai. En 1652, au dire de la Mère de Chaugy, il avait établi trois maisons delà Congrégation. (Cf. Annie Sainte de la Visitation, tome III, pp, 157-159, note.) (i) D'une famille fort honorable, nièce d'un ancien secrétaire d'Etat (cf. plus haut, note (i), p. 346) et proche parente d'Antoine Bellot (voir la note suivante), « cette pauvre misérable Belot, » — le Saint la désigne ainsi dans une de ses lettres, — remplit de ses aventures et de ses désordres Chambéry et Annecy. Touchés de compassion, les deux Fondateurs la reçurent au monastère pour qu'elle y prît de sérieuses résolutions. Pendant le Carême de 1613, elle se comporta fort bien, mais en sortant de la Visitation, la pécheresse retomba dans son inconduite. On verra dans la suite de la correspondance de saint François de Sales comment sa charité inépuisable n'épargna rien pour l'en retirer. L'étude approfondie de plusieurs documents permet de croire que la malheureuse dévoyée répondit à tant de miséricorde en se faisant l'artificieuse complice d'une calomnie sans nom. (Voir Gallizia, Vita di S. Francesco di Sales, Venezia, 1743, lib. III, cap. xxxv; Bcpos. de M. de Foras, Process, remiss. Parisiensis, ad art. 29.) Le 12 septembre 1616, le président Favre avertit le duc de Savoie qu'il va expulser de Chambéry les « seurs Bellot, pour la vie... infâme qu'elles mei- nent, » et désire savoir si même il ne conviendrait pas de les bannir de l'Etat. (Turin, Archives de l'Etat, Lettere particolari, Favre.) A son tour, le 17 jan- vier 1617, le Saint parle au prince d'une « damoyselle Marceline de Marcilly, dite Belot, » comme d'une femme décriée et dangereuse pour les familles ; c'est sans doute l'une des deux sœurs, et très probablement celle qui avait été l'objet des paternelles sollicitudes de l'Evêque de Genève. (2) Antoine Bellot, dont nous n'avons donné jusqu'ici qu'une notice très succincte (tome XIV, note ( i ), p. 179), avait épousé Jeanne de Sirvinges, sœur de Claude de Sirvinges, aumônier de l'abbaye de Belleville. (Voir ci-dessns, note (2), p. 233.) Par provision du 18 juin 1602, il fut nommé à « Testât et office d'Esleu en l'élection nouvellement establie a Belay, ou ressortira Bugey, Veromey et le bailliage de Gex. » Le même document fait valoir « le bon et louable rapport » qui a été fait de sa personne, de son « sens, suffisance, loyaulté, preudhomie, expérience et bonne diligence. » (Archives dép. de la Côte-d'Or, B. 32, fol. 218-250.) Le 19 mars 1604, il signe une pièce qui l'éta- blit, avec Bernard Bellot, probablement frère de D"* Bellot ci-dessus, note ( I ), patron et présentateur « de la chappelle Sainct Bernard fondée en  336 Lettres de saint François de Sales par le chevalier de Guyse (0. La nouvelle est un peu suspecte pour venir de Genève ; néanmoins, ainsy comme on l'asseure, j'ay grande opinion qu'elle soit véritable. Helas ! que je le plains sil est mort ainsy, car autrenient, la mort est trop commune et trop nécessaire pour s'en estonner extraordinairement. Ma très chère Fille, ma très bonne Mère, Dieu vous comble de ses plus sacrées bénédictions en tout vostre cœur, en toute vostre vie. Ne me respondes que ce soir, mais dites a M. Michel (*) comme vous vous portes. Vive Jésus ! Revu sur l'Autographe appartenant au R. P. Houet, supérieur de l'Oratoire de Rennes. l'esglise parrochialle Sainct Roman d'Hostonne. » (R. E.) Antoine Bellot mou- rut avant le 28 juin 1625, puisque, dans un arrêt du Conseil d'Etat de cette date, « Jacques de Silvinges » figure « en quallité d'héritier de feu Anthoine Belot et Jeanne de Silvinges sa femme. » (Archives dép. de la Côte-d'Or, B. 39, fol. 270.) ( I ) Le baron de Lux (cf. tome XII, note ( i), p. 80) fut tué d'un coup d'épée par le frère puîné du duc et du cardinal de Guise, sous le prétexte d'avoir été l'un des inspirateurs du meurtre de son père et de s'en être vanté. Mais en réalité, Edme de Malain gênait, par son alliance avec Concini, le parti des ducs de Bellegarde et d'Epernon et des Guise. Le malheureux baron, raconte Malherbe, « est entré dans l'allée d'un cordonnier..., a monté cinq ou six marches dans le degré, là où il est tombé mort... criant : Un prêtre, un prêtre ! Jésus, Jésus, Maria ! » (Lettres à Peiresc, 5 et 12 janvier 1613.) Le fils de la victime, Claude de Malain, provoqua le meurtrier de son père, mais il fut tué à son tour. (Voir à l'Appendice, une lettre du baron de Lnz au Saint.) (3) M. Michel Favre, confesseur de la Communauté.  Année 1613 537  DCCCXLVII A M. ETIENNE DUNANT, CURÉ DE GEX ( INÉDITE ) Pouvoirs donnés à un curé ; avis et recommandations diverses. Annecy, 16 janvier 1613. Monsieur le Curé, Vous pourres donques célébrer le mariage entre ce Claude Pietrequin et la fille de la Croix blanche (0, puis que monsieur de SiccardC»), qui vaut cent tesmoins, asseure quil ny a rien du costé dudit Pietrequin qui empesche, et que d'ailleurs la chose presse du costé de la fille. Je ne suis pas d'advis que vous advertissies si tost le commis a Thueri (3), jusques a ce quil ayt rendu du ( I ) Au verso de l'Autographe, on lit de la main du destinataire : « Congé pour le mariage de La Vallée et la fille de la Thoennette, etc., i8 janvier 1613. » Le 12 septembre 1609, François de Sale» dépose Georges Rolland (Process. remiss. GebeHfi. {l), ad art. 27), « pour deffendre l'innocence » des gentilshommes impliqués dans l'affaire Berthelot, « le Bienheureux escripvit plusieurs lettres aux Princes, lesquelles n'ayant assez d'effect, il se resoulut luy mesme d'en parler de vive voix, et pour cela il advança le voyage... au sepulchre de sainct Charles. »  DCCCLXII A M. ANTOINE DES HAYES Détails rétrospectifs sur l'affaire Berthelot et Tinternement de M. de Char- nioisy. — Conseils adressés à Philothée par l'entremise du destinataire. — Le Saint désirerait avoir la liberté d'aller à Paris l'année suivante. Annecy, 28 mars 1613. Monsieur, Vous verres, je m'asseure, par la lettre que monsieur de Charmoysi vous escrit, comme des le despart de  562 Lettres de saint François de Sales madame de Charmoysi (0 il a receu le desplaysir de se voir comme banni de cette ville, par un exprès comman- dement que Son Altesse luy a fait de s'en retirer et ne plus y revenir, sur l'impression la plus fause du monde que Monseigneur de Nemours a receu de la part de quel- ques calomniateurs, que les bastonnades données au sieur Berthelot avoyent esté conseillées par monsieur de Char- moysi (») ; dont mondit Seigneur de Nemours a entrepris le ressentiment si chaudement, que nous en sommes tous estonnés. Et peu s'en est fally que l'un de mes frères, chevalier de Malte (3), n'a esté ordonné a la prison (bien que tout le tems de la querelle il fut avec moy a Sales), seulement par ce quil est grand ami du sieur Abbé de Talloyres (4) et qu'il l'avoit fort visité après les baston- nades. Or néanmoins, j'espère que dans peu de jours  ( I ) M"* de Charmoisy partit an mois de mars pour Paris, s'y arrêta quelques semaines et gagna ensuite la Normandie. Le 35 février 161/), elle quittait la capitale pour revenir en Savoie. (Cf. J. Vuy, La Philothée de S* Fr. de Sales, 1878-1879, vol. I, chap. xii, et vol. II, p. 137.) (2) Voir note (3), p. 327, et la Lettre dccclix. (3) Né en 1588, Janus de Sales, le dixième enfant de M. et de M"* de Boisy, étudia d'abord au collège d'Annecy dès sa sixième année, puis à Lyon, où il fut envoyé au mois d'octobre 1608, en vue de « prendre ses lettres... pour s'en aller à Malte et y faire profession » dans l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Le chevalier devint ensuite « gentil-homme ordinaire de la Cham- bre de Son Altesse, » et successivement « cornette du commandeur d'Andelot,... maréchal de camp, » chef de la cavalerie de Savoie. Après s'être distingué en Piémont par son courage militaire, « il fut fait gouverneur de la citadelle et château de Nice, » où il finit pieusement ses jours en février 1640. (De Haute- ville, La Maison naturelle de St Fr. de Sales, Paris, 1669, Parties I, II.) A la joviale rondeur, à la bravoure de l'homme de guerre, ce gentilhomme alliait la dévotion et la foi profonde d'un vrai chrétien. Il eut beaucoup à souffrir des rancunes de Berthelot qui, « pour des frivoleries, comme de ne le saluer pas, » avait fait de grandes plaintes contre lui. (Lettre du Saint au comte de Tournon, 14 juin ï6i3.) Le marquis de Lans les avait sans doute accueillies; car, par plus d'un rapport adressé aux syndics d'Annecy, il essaya de diminuer la gloire et le bon renom du généreux chevalier. (Process. remiss. Gebenn. (I), déposition de F. Roget, ad art. 31.) Janus de Sales accompagna jusqu'à Seyssel son bienheureux frère en novembre 1622, « incessamment arrousant les che- mins de ses larmes. » (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. X.) En souvenir de lui, il se dévoua avec une grande sollicitude aux Religieuses de la Visita- tion, dont il procura l'établissement à Nice le 29 juillet 1635. Sainte Jeanne- Françoise de Chantai l'appelait son « très cher et bien aimé frère » et lui portait une cordiale et sainte affection. (4) Charles de la Tour (voir plus haut, note ^i), p. 27, et note (3), p. 356).  Année 1615 363 tout cela se passera, et Monseigneur de Nemours, selon sa bonté, sera marri d'avoir fait faire du mal a monsieur de Charmoysi et d'en avoir désiré a tant d'autres ses plus fidèles et affectionnés serviteurs et sujetz (0. Mays ce pendant, il faut que madame de Charmoysi tienne bonne contenance et ne face nulle sorte de plaintes qui puissent venir a la connoissance de monsieur de Jacob (»),ains que luy parlant, elle tesmoigne une grande asseurance que la bonté de Son Altesse et de Monsei- gneur de Nemours regardera bien tost favorablement son mari et sera offencee contre ceux qui luy ont voulu procurer du mal. Ce que je vous dis. Monsieur, par ce que vous pourres mieux dire a cette bonne dame com- m'elle se devra comporter que je ne sçaurois le luy escrire, bien que je luy en touche un mot. Enfin, tout nostre Caresme s'est passé en cette pauvre petite ville a nous défendre presque tous des calomnies qu'on jettoit indifféremment sur le tiers et le quart, a rayson de ces misérables bastonnades. Eusse-je pas esté mieux si mon bonheur eut permis l'effect de vostre vo- lonté, et que j'eusse presché en vostre chaire (3) et jouy de la douceur de vostre conversation et de la présence de Monsieur nostre Evesque qui est là (4)? J'espère, dans le moys, partir pour Thurin (5), ou je feray tout ce qui me sera possible afiin d'avoir ma liberté pour l'année suivante (6) ; car le désir du bien que j'attens de vostre ( I ) « Tout cela » dura encore de longs mois. Jusqu'au mois d'octobre, saint François de Sales multiplia lettres et démarches en faveur de ses amis. Le 4, il remercie le duc de Nemours pour leur mise en liberté, mais ils ne pouvaient pas encore rentrer à Annecy. Enfin, le 9 novembre suivant, des Hayes écrit à M. de Cbarmoisy la joie qu'il éprouve d'apprendre sa « pleine et entière liberté. » (Voir J. Vuy, ouvrage cité, vol. Il, p. 133.) (a) Guillaume-François de Chabod, seigneur de Jacob, alors à Paris en qualité d'ambassadeur de Savoie. (Cf. tome XI, note ( 3 ), p. 309, et tome XIV, note (i), p. 217.) (3) Voir ci-dessus. Lettre dcccx, p. 371, et pp. 301, 345, 346. (4) M«' Fenouillet, évêque de Montpellier, qui prêchait le Carême à Paris. (Cf. ci-dessus. Lettre dcccli.) (5) Le Saint partit le 15 avril. (Cf. la lettre précédente.) (6) Le désir si persévérant du bienheureux Prélat et celui de son ami furent encore déçus. Le 30 mai 1613, François de Sales écrit à des Hayes que le duc de Savoie s'oppose à ce projet, quoique « avec des paroles tant honnorables  364 Lettres de saint François de Sales veûe et du rencontre de tant de gens d'honneur qui, pour vostre considération, me recevront en leur conversation, est extrême dedans mon cœur. La volonté néanmoins de Dieu en soit faite, et luy playse vous combler de toute santé et vraye félicité, avec madame vostre chère digne compaigne et toute vostre mayson. C'est le souhait perpétuel, Monsieur, de Vostre très humble, très affectionné serviteur. Franc*, E. de Genève. 28 mars 161 3, a Neci. Monsieur, j'escris en sursaut, c'est pourquoy jene vous envoyé pas les papiers du conte fait entre mes frères et les agens de madame la Duchesse de Mercœur (0, com- me je feray bien tost, puisque vostre bonté s'estend a vouloir en recevoir la peyne. Monsieur [Monsieur des] Hayes, Maistre d'hostel du Roy, Gouverneur et Baillif de Montargis. Revu sur l'Autographe conservé au i"^ Monastère de la Visitation de Rouen. « que rien plus. » On voit par la même lettre, que son mauvais vouloir venait d'une pensée de méfiance adroitement semée dans son esprit contre MM. de Charmoisy et des Hayes. ( 1) Il s'agit du paiement de la terre de Thorens, lequel ne fut complète- ment effectué que le 26 décembre 161 5. (Voir tomes XII, pp. nj, 195, et XIII, pp. 171, 196.) Les agents qui intervinrent au nom de la duchesse à diverses dates, étaient M. Le Tellier et M. de la Porte. (Voir tome XIII, note (i), p. 196, et tome XII, note ( i ), p. 194.) Des Hayes avait jadis prêté de l'argent pour cet achat. (Cf. ci-dessus, p. aoa.)  Année 1613 365 DCCCLXIII A MADAME DE CHARMOISY (') Quand doit-on témoigner à Notre-Seigneur son amv>ur. — Sympathies et dévouement pour la famille de Charuioisy éprouvée. Annecy, 28 mars (a) 1613. Ma très chère Fille, C'est maintenant que vous estes en affliction, que vous deves tesmoigner a Nostre Seigneur l'amour que vous luy aves si souvent promis et protesté entre mes mains. Ce me sera extrême consolation d'apprendre que vostre cœur se comporte bien pour ce regard. Recommandés-vous aux prières de saint Louys, lequel après avoir longuement assisté et servi les malades de contagion en son armée, s'estima bienheureux d'en mou- rir, prononçant cette orayson pour ses dernières paroles : J'entreray en ta mayson, o mon Dieu, fadoreray en ton temple et confesseray ton nom *. Remettés-vous • Pss. v, 8, cxxxvn, en la volonté divine, qui vous conduira selon vostre mieux pour l'emprisonnement de vostre mary. Je voudrois bien en cette occasion vous donner quelque sorte de bonne consolation, mays je n'ay pas dequoy. Je prie donq Nostre Seigneur qu'il soit vostre consolation et qu'il vous face bien entendre que P-ar plusieurs tra- vaux et tribulations il vous faut entrer au Royaume des cieux *, et que les croix et afflictions sont plus ayma- • Act., xiv, 21. blés que les contentemens et délectations, puisque Nostre Seigneur les a choisies pour soy * et pour tous ses vrays • Cf. iieb., xm, 2. serviteurs. ( i) L'allusion à saint Louis, patron de M"" de Charmoisy, à un « emprison- nement, » et d'autres non moins significatives désignent sûrement Philothée comme destinataire. (3) Dans la lettre précédente (p. 363) le Saint parle d'une lettre qu'il écrit en même temps à sa cousine : cette lettre semble être celle-ci. Le bannisse- ment de M. de Charmoisy aussitôt connu, le charitable Evêque dut s'empresser de consoler sa femme. Ces diverses particularités rendent très probable le quantième adopté.  366 Lettres de saint François de Sales Ayés bon courage, ma chère Fille, tenés ferme vostre confiance en Celuy au service duquel vous vous estes dediee et abandonnée, car il ne vous abandonnera point. Et ce pendant, je m'employeray de tout mon cœur, affin d'ayder vostre mary, envers tous ceux que je croy avoir du crédit pour le faire délivrer et que je sçauray vouloir faire quelque chose a ma contemplation ; et des-ja j'ay commencé ce bon office des avant hier, vous chérissant comme ma vraye fille, et tout ce qui vous appartient, pour l'amour de Nostre Seigneur a qui vous appartenes, la volonté duquel soit faite es siècles des siècles. Amen. Franc», E. de Genève. A Neci.  DCCCLXIV A LA MÈRE DE CHANTAL (fsagment) Les embarras d'ua héritage. Annecy, [mars- 15 avril (i)] 1613. Et pourquoy non moy a ma Mère ? Vrayement, bonsoir, ma très chère Mère. J'ay fait avec le procureur La Tour (») quil ira jeudi a Dizonche (3); c'est un bon personnage qui fera fort bien ( i) La mention d'un « procureur » et de « Dizonche » fait penser qa'il est ici question des difficultés suscitées par le seigneur de Disonche et par sa femme à propos de l'héritage de M"* de Miribel. (Voir plus bas, note (3), L'histoire de cette succession et l'allure du billet justifient, croyons-nous, la date approximative que nous lui attribuons. (3) Un Antoine La Tour était procureur au Conseil de Genevois en 161 s, le même apparemment qui figure dans une pièce datée de 1633, avec la charge de consyndic d'Annecy. (Archiv, dép. de la H"-Savoie, E, 490.) (3) Disonche, situé entre Annecy et Thorens, désigne une terre d'Antoine de Bellegarde, seigneur de Disonche, qui avait épousé le 36 octobre 1584, Gnillelniine de Lcehe, veuve de noble Jean SoUiard, seigneur de Miribel. En  I  Année 1613 367 l'office. Or sus, portes vous bien, ma très chère Mère. Dieu vous comble de paix, bénédiction et amour. Amen. J'ay response de M"" d'Aiguebellette qui dit que M."" des (O Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. 1592, il était tuteur de Claudine SoUiard sa belle-fille, la future bienfaitrice du premier Monastère de la Visitation. (Voir ci-dessus, note (3), p. 338, et note (3) p. 350.) Le procureur La Tour devait sans doute se rendre auprès de ce gentilhomme en vue d'un accommodement; car, lorsque les « dévotes Dames de la Visitation » déclarèrent vouloir entrer en possession de l'héritage de M""* de Miribel, « noble sieur Anthoyne de Bellegarde, seigneur de Dison- che et Bogé, au nom de D'" Guillermine de Loche, sa femme, et mère de ladicte damoyselle defuncte, » ne voulut « acquiescer ny consentir,... tant a cause des droictz dotaulx de sadicte femme, » que parce qu'il prétendait que le testament était nul. Après beaucoup de difficultés, le différend se termina, comme on le verra plus tard, par une transaction passée le 30 juin 1613. (Archives de la Visitation d'Annecy.) ( X ) Serait-ce M"^ d'Escrilles } La suite manque.  DCCCLXV  A LA MEME  Une chape vraiment belle : d'où lui vient sa beauté ; symbolisme des dessins qui la décorent. — Bénie soit la main de la brodeuse. Annecy, [vers le 7 avril 161 3 (i).] O vrayement, elle est belle en extrémité, la chappe que la plus chère mère qui vive envoyé a son très cher pere(») ; ( I ) La chape sur laquelle François de Sales s'extasie, dut être terminée pour la fête de Pâques (cf. le dernier alinéa de la lettre). La présence du Saint et de la Mère de Chantai à Annecy en 1613 le jour de cette solennité, qui tombait le 7 avril, suggère cette date, confirmée d'ailleurs, semble-t-il, par l'appellation de « Fille » qui reparaît encore. Toutefois, l'année 1614 pourrait être également proposée. (3) Avant de partir pour Avignon (novembre 1633), le Saint laissa cette chape au Chapitre de sa cathédrale; en 1753, elle servit pour les fêtes de la béatification de la Mère de Chantai. Le 39 avril, lisons-nous dans la relation de ces fêtes, « M. le Prévôt fit lecture du Bref de Sa Sainteté, qu'il termina par un saint transport de joye et de ravissement... pour manifester la consolation  368 Lettres de saint François de Sales car elle est toute au nom de Jésus et de Marie, et repré- sente parfaitement le Ciel des bienheureux, ou Jésus est ••Cf.(fant.', vi.çet 1^ soleil* et Marie la lune**, luminaires presens a toutes l^J,"- Y."' P- '♦''°' les estoilles de cette sainte habitation*; car Jésus y est •Cf. Dan., XII, 3. •> j j • I Cor., XV, 38 ; tout u tous*, et n'y a point d'estoille en ce globe céleste Coloss., m, ti. - -, ., -^ ^1 • - en laquelle il ne soit représenté comme en un mirouer. Et les Phi (cpcp) redoublés signifient, comme lettres capi- tales, la. phïlothie et \a philanthropie, l'amour de Dieu et l'amour du prochain. Et les 5 fermées, avec leurs fles- ches qui montent d'un costé et descendent de l'autre, de- monstrent l'exercice de ces divins amours, dont l'un re- monte en Dieu et fait des Philothees, l'autre descend au prochain et fait des Philantropes : qui est l'unique bien de la charité, qui nous rend vrays serviteurs et servantes de la divine Majesté. Sur tout, le Saint Esprit influe et fait paroistre une grande variété de fleurs et de toute sorte de vertu. Bénite soit a jamais la chère main de ma Mère qui a si bien sceu faire ce bel ouvrage ! Que cette main soit propre a faire des choses fortes, et tout esgalement a manier • Prov.juit., 19. le fuseau *. Qu'elle soit ornée de l'anneau de fidélité et son bras, du brasselet de charité ; que la dextre du Sau- veur soit a jamais jointe a elle et qu'elle paroisse pleine au jour du jugement ; qu'a jamais le cœur qui l'anime soit revestu de Jésus, de Marie, dephilothie, de philanthro- pie, de sainteté, d'estoilles, de dards volans du céleste amour et de toute sorte de vertu fleurissante ; que le Saint Esprit la rayonne en tous tems. Bon soir, ma très chère Fille, ma Mère. Mais il faut encor dire cecy. 11 est escrit de la femme •ibid., t. ai. forte*, que tous ses gens ont double vestement;V\in,']e pense, pour les festes, l'autre pour les jours ouvriers. Et me voyla revestu d'une chappe admirable pour les festes, chappe belle et de couleur de la Résurrection ; et d'une robbe encor pour tous les jours, de la couleur de la robbe qu'il avoit d'être revêtu d'une chape dont saint François de Sales avoit fait présent à sa cathédrale, et qui avoit été travaillée par notre bienheureuse Mère. C'est celle dont il la remercie dans son Epitre ai. du 7. Livre. » (Archiv, de la Visitation d'Annecy, Lettre circulaire du 14 mai ij^s,)  Année 1613 569 que Nostre Seigneur porta sur le mont de la Passion (0. Dieu nostre Seigneur vous habille et de sa Passion et de sa gloire. (») ( I ) Ces lignes donnent à entendre qu'avec la chape, « couleur de la Résur- rection, » la Sainte avait aussi envoyé une soutane violette à son bienheureux Père. (2) La lettre se termine très bien par ce souhait. Les premiers éditeurs l'ont fait suivre, mais à tort, croyons-nous, de deux alinéas qui lui sont étran- gers et qui paraissent appartenir à une époque plus reculée.  DCCCLXVI A LA MÊME Le travail permis i la Mère de Chantai deux jours chômés. — Souhait et espérance du Saint. — Un visage pâle et un cœur vermeil. Annecy, 8 avril 1613 (i). Vous pourres bien travarller dedans la mayson, au- jourdhuy et demain, pourveu que personne ny entre d'estranger, sinon M. Grandis (»), M. Roget (3) et la petite seur (4) ; et bien que quelqu'autre entrast, vous pourries néanmoins bien travailler en ces besoignes qui sont pour l'église. Je ne pensois nullement escrire a Paris, mais puis que vous l'aves désiré, j'escris a Monseigneur de Bourges (5). Si pour chose du monde je le puis, je vous iray voir demain; .si moins, tout au pis, j'iray dire vostre Messe ( I ) Au lendemain de Pâques, 8 avril 1613, Sœur Claude-Françoise Roget dut s'aliter pour ne plus se relever. (Cf. note ( i ), p. io6.) La permission pour le médecin et pour la mère de la malade d'entrer dans le monastère, suggère la date adoptée. Le lundi et le mardi de Pâques étaient des jours chômés; le samedi suivant se trouvant être l'avant-veille du départ du Saint, sa promesse de dire la Messe â la Visitation ce jour-là au plus tard, s'explique d'elle-même et confirme notre hypothèse. (a) Jean Grandis, le médecin (voir ci-dessus, note ( i), p. ao). (3) Sans doute, la mère de la Sœur Roget (voir plus haut, note ( i ), p, io6). (4) Marie-Aimée, la jeune baronne de Thorens. (5) M»' Frémyot, archevêque de Bourges. Lettres V 24  57© Lettres de saint François de Sales samedi. Toutes les après disnees de ces trois jours sont assignés (stc) en appointemens. (0 Mon Dieu, ma chère Fille, que je vous souhaite de perfections ! et que de courage et d'espérance j'ay main- tenant en cette souveraine Bonté et en sa sainte Mère, que nostre vie sera toute resserrée en Dieu avec Jésus • Coioss., m, 3. Christ^ pour parler avec nostre saint Paul*. Bonjour, ma chère Mère mienne. Le bon jour a nos filles, toutes, et aux malades a part, y comprenant la grande chère fille, pasle au visaige (*), mais, comme j'espère, vermeille de cœur en l'amour caeleste. Bon jour de rechef, ma très chère Mère, ma Fille vrayement mienne. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) Les premiers éditeurs avaient intercalé cet alinéa dans le texte de la Lettre dccclxx, (Voir note (i), p. 376.) 2) La Sœur Favre.  DCCCLXVII AU COMTE PROSPER-MARC DE TOURNON Dévouement du Saint pour M. de Charmoisy. — Malice de ses ennemis et crédulité du prince de Nemours. — Berthelot et M. de Servette. Annecy, 1 1 avril 1613. Monsieur, J'escris a part ce billet pour laisser l'autre lettre en estât de pouvoir estre monstree a monsieur le marquis de Lans (0; et si je ne l'avois escritte si praecipitam- ment, j'eusse voulu quil l'eut envoyée ou a monsieur le Chancelier («), ou a quelqu'un qui eut entrepris de bien { I ) « L'autre lettre » écrite à la même date pour « estre monstree » ne nous est pas parvenue. (2) François Provana, comte de CoUegno, fils de Jérôme Provana, cosei- gueur de Bussolino, et de Gentina Provana de Pianezza, d'abord reçu docteur en droit à Turin, devint le 27 juillet 1579 conseiller d'Emmanuel-Philibert,  Année 1615 371 représenter a Son Altesse la malice et le venin des ennemis de nostre pauvre parent (0, qui est la, musse comme un lièvre dans Marcla ( = ), avec une fort exacte obéissance. Chacun est scandalisé du grand pouvoir que les accusations seules ont : sil suffit d'accuser, qui sera innocent ? Ceux qui connoissent M. de Servette (3), et je croy que Son Excellence le connoist, sçauront bien discerner de l'action d'hier. Certes, Bertelot n'avoit que faire de s'opposer a luy en la conduite des dames ; car, comme vous sçaves, c'est un gentilhomme de si bon lieu, que, comme que ce soit, encor le faut-il respecter. Or, il suffit si l'on peut faire l'office au pauvre parent des-ja banni du Genevois et serré dans une mayson seule. Pour moy, je voy tant de malice et de ruse en ses calomniateurs, et la voy si clairement, que je me sens obligé de parler et me semble que le silence seroit péché. L'importance est que l'office se face viste, car je m'asseure que ce matin, Berthelot despechera un homme, comme sachant bien que la plus grande force de sa ruse consiste en la diligence. Si madame la Comtesse (4) nous envoyé des bouteilles, on les emplira tant quil y aura du piqu'ardent ( 5 ), et si nous  duc de Savoie, sénateur et préfet de Mondovî. Référendaire d'Etat en 1584, deuxième et ensuite premier président de la Chambre des Comptes, il fut en même temps créé auditeur général de la milice, par lettres patentes du 7 décembre 1592; le i*"" juin 1602, Charles-Emmanuel l'élevait à la dignité de grand-chancelier, qu'il garda jusqu'à sa mort, arrivée le 19 août 1625. C'est dans cette dernière charge qu'il seconda les efforts de saint François de Sales pour l'affermissement de la foi catholique en Savoie. (Notes de M. le comte Provana di Collegno ; Cariche del Piemonte, etc., Torino, 1798, tom. I.) (i) M. de Charmoisy (cf. ci-dessus, note (3), p. 327, et pp. 362, 365). (2 ) Le château et la seigneurie de Marclaz étaient l'une des possessions que la famille Vidomne de Charmoisy avait en Chablais. (Cf. tome XI, note ( i ), p. 218.) (3) Bernard d'AUinges, seigneur de Colombier, reconnaît le 7 janvier 1612, le fief de Servette pour lui et ses neveux, Josué et Daniel. Le gentilhomme désigné par saint François de Sales paraît être Josué, fils d'Antoine d'AUinges, seigneur de Servette, et d'Esther d'Lfaraucourt. Grand capitaine, il se signala au combat de Palestre en Piémont (1614), devint seigneur de Coudrée, de Rochetfe et baron de Laringe. Le 12 juillet 1617, il épousa Louise-Pernette de Varax et testa le 30 août 1635. (Archives de la Visitation d'Annecy, Collection J. Vity.) (4) La femme du destinataire (voir plus haut, note (2), p. i). (5) Cf. ci-dessus, note (i), p. 345.  573 Lettres de saint François de Sales eussions eu des ampolons a suffisance, nous n'eussions pas oublié de vous envoyer vostre part. Je feray tenir seurement la lettre au cousin (O lundi ou mardi, au fin plus tard. J'espère avoir le bien de vous saluer (») et redire que je suis, Monsieur, Vostre plus humble, très aflfectionné serviteur, Franc», E. de Genève. XI avril 1613. A Monsieur Monsieur le Comte de Tornon. Revu sur l'Autographe appartenant à M*"* la marquise Pensa, à Turin. (i) M. de Charmoisy. (a) A Turin, où le comte de Tournon se trouvait alors.  DCCCLXVIII A M. CLAUDE DE QUOEX Renseignements pour une dispense de mariage à obtenir. 19 avril 1613 (i). Monsieur, Outre le désir que j'ay de vous saluer, je me suis souvenu que j 'a vois oublié de vous supplier d'envoyer a Romme pour monsieur de Monthouz Guillet et sa femme ; ce que néanmoins j'avoys promis de faire audit sieur de Monthouz, lequel réciproquement m'a promis de vous donner argent pour cet effect. Il s'appelle Gabriel Guillet; elle, Marie de Maillard (»). Et quant a ( i) Claude de Quoex reçut cette lettre le 31 avril, et ce même jour, Fran- çois de Sales partait de Saint-Jean-de-Maurienne. (Cf. la lettre suivante.) C'est probablement de cette ville ou de Chambéry qu'il écrivit ces lignes. (a) Claire-Marie de Maillard, qui était fille du comte Prosper-Marc de Tournon et de Philiberte de Beaufort, mourut le 29 septembre 1645; Gabriel Guillet de Monthoux décéda le 25 août 1630. Le 10 novembre 1609, à Annecy  Année 1613 373 elle, (•) contraxit bona fide a?ino œtatis suœ duo- decimo ; prolem susceperunt (^) et scandalosa esset separatio. Utraqiie autem partium est sub potestate patris ; impedimentum est in tertio i^). Je pass'outre, Monsieur, plein d'espérance que, non- obstant toute sorte d'oppositions, Nostre Seigneur nous donnera victoire (3). Aymes moy tous-jours cependant, et me tenes, Monsieur, pour Vostre humble, très affectionné frère et serviteur, Franc', E. de Genève. XIX avril 161 3. Je salue bien humblement madame ma chère seur (4), (5) A Monsieur Monsieur de Quoex, Conseiller de Monseigneur et son premier Collatéral en Genevois. Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie.  (*) elle a contracté de bonne foi, à l'âge de douze ans ; ils ont eu un enfant (i), et il y aurait scandale s'ils se séparaient. Les deux parties sont sous le pouvoir du père ; l'empêchement est du troi- sième degré. le père de ce dernier, Janus Guillet, seigneur de Monthoux et de Pougny, lui avait donné tous ses biens, sous la réserve de son entretien «t de celui de sa femme, Jeanne-Aimée de la Fléchère. Le même jour, Gabriel Guillet se rendit à Rumilly, et le contrat de mariage fut passé chez le comte de Tournon, dans la chambre appelée la Chambre dorée. (Cf. Me'm. de la Soc. Sav. d'hist. et d'arche ol., tome XXIV, 1886, pp. xxxvi, xxxvii.) ( I ) Le nom de cet enfant ne nous est pas connu. (a) La dispense ne vint de Rome qu'en 161 5; le Saint la donna le 22 sep- tembre de cette année, et lui-même bénit le mariage deux jours après. (Voir plus haut, note (i), p. 2.) ( 3 ) Allusion à l'affaire Berthelot-Charmoisy. (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 360.) (4) Bernardine de Chissé, fenime du destinataire. (5) L'adresse, écrite par un secrétaire, paraît être de la main de Georges Rolland.  374 Lettres de saint François de Sales  DCCCLXIX A LA MÈRE DE CHANTAL (inédite) Uae halte en Maurienne. — Sollicitude du Saint en voyage. Saint-Jean-de-Maurienne, 21 avril 1613. Ma très chère et très honnoree Mère, Me voyci en la quatriesme journée (0, partant de Saint Jan de Maurienne, ou Monsieur l'Evesque (*) nous a logés cordialement. Vives joyeuse, ma Mère vraye- ment toute bonne, en Nostre Seigneur, que je ne cesse point de supplier quil luy playse remplir de plus en plus nostre cœur unique de son tressaint et pur amour. Je vous supplie de dire a M. Michel (3) qu'il face l'au- mosne aux Pères Capucins (4) tout ainsy que si nous y ( i) Le premier dessein du bienheureux Prélat était de faire le voyage à pied, mais il déféra aux instances de ses amis et monta à cheval. Il partit à onze heures du matin, le 15 avril, escorté « d'une grande suitte des plus apparents de la ville, » (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VIII.) Les compagnons de son pèlerinage furent entre autres, MM. de Blonay et Floccard, le baron de Thorens et probablement Jean-François de Sales ; Georges Rolland, François Favre et Noël Rogeot. « On ne vit peut être jamais des pèlerins plus saintement apliqués;le silence et l'oraison etoient leur occupation ordinaire... nôtre Bien- heureux Père leur donnoit chaque jour le point de méditation, en les invitant a demander, par l'intercession de saint Charles, le zèle qui lui etoit nécessaire pour la conduite de son diocèse. » (Ancien Ms. de V Année Sainte, 25 avril.) (3) Philibert-François Milliet (voir tome XII, note (3), p. 195). (3) M. Michel Favre, aumônier du Saint. (4) La fondation du couvent des Capucins d'Annecy se fit en 1593, par les libéralités de Charles-Emmanuel, duc de Genevois-Nemours, et celles de son frère Pierre-Jacques de Savoie. Mb"" de Granier consacra l'église et la chapelle du monastère (31 août 1597), édifié sur les bords du lac. Il eut pour premier gardien le vénérable Jean de Maurienne, et jusqu'à la Révolution, il soutint sa réputation de ferveur et d'austérité. En 1821, la ville ayant acquis les bâtiments, y établit un hôpital qui subsiste encore. (Voir Mercier, Souvenirs hist. d'Annecy, 1878, chap. XVI ; Nécrologe, etc., par le P, Eugène de Bellevaux, p. xvi.) Saint François de Sales, attaché, comme l'on sait, à la famille franciscaine, « donnoit des bonnes aumosnes... particulièrement aux RR. PP. Capucins... Il alloit quelquefois manger avec eux, y faisant porter le disner pour tous. » (Process. remiss. Gebenn. (I), dépos. de S'* J.-F. de Chantai, ad art, 37,)  I  Année 1613 375 estions, et que si les Dames de Sainte Claire (0 ont besoin de vin, mesme pour les malades, il leur en donne. O ma très chère et vraye Mère, Dieu vous bénisse de ses plus profondes bénédictions, avec toute la chère trouppe, spécialement la malade (*). Vostre filz (3), vostre neveu (4), tout cela vous donne le bon jour. Qu'a jamais soyons nous a Dieu, vous comme moymesme, moy comme vous mesme, puisqu'il a ainsy pieu a sa divine Bonté, a laquelle soit gloire es siècles des siècles. Amen. XXI avril 161 3, a Saint Jan de Maurienne. A Madame Madame de Chantai, Supérieure de la Visitation. A Neci. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Uedem (Prusse rhénane). ( I ) Voir tome XIII, note ( 2 ), p. 74. (2) Sœur Claude-Françoise Roget (voir ci-dessus, note(i), p. 369). (3) Le baron de Thorens. (4) Probablement, Jean-François de Sales que la Sainte se plaisait à nom- mer son « neveu. »  DCCCLXX A LA MÊME Comment attendre l'issue d'une maladie. — Dans quels sentiments faut-il sortir de cette vie et acquiescer à la Providence divine. [Fin avril-mai 1613 (i).] Il faut attendre, ma très chère Mère, l'événement de cette maladie le plus doucement qu'on pourra, avec parfaitte resolution de se conformer a la volonté divine (1) Le texte que nous donnons ici est dégagé des interpolations où il se trouve entremêlé dans les éditions précédentes. S'agit-il des enfants de la Mère de Chantai ou des filles spirituelles des deux Fondateurs? L'allusion semble viser ces dernières; d'ailleurs, le ton résigné du Saint fait plutôt penser à la maladie de la Sœur Roget. (Voir ci-dessus, note (i ), p. 369.) La date proposée est fondée sur ces conjectures.  en cette perte, si perte se doit nommer l'absence de quel- que tems, qui, Dieu aydant, sera réparée par une pré- sence éternelle. Hé, que bienheureux est le cœur qui ayme et chérit la volonté divine en toutes occurrences î O si une fois nous avons nostre cœur bien engagé a cette sainte et bienheureuse éternité : Allés, ce dirons- nous a tous nos amis, allés, chers amis, allés en cet Estre éternel a l'heure que le Roy de l'éternité vous a mar- quée ; nous y irons aussi après vous. Et puisque ce tems ne nous est donné que pour cela et que le monde ne se peuple que pour peupler le Ciel, quand nous allons la, nous faysons tout ce que nous avons a faire. Voyla pour- quoy, ma Mère, nos anciens ont tant admiré le sacrifice d'Abraham *. Quel cœur de père ! Et vostre sainte com- patriote, la mère de saint Symphorien, par le traict de * inirod. a la Vie laquelle je fiuis mon livre * ! xvin.(v\d.tom.iili O Dieu, ma Mère, laissons nos enfans a la mercy de Dieu, qui a laissé le sien a nostre mercy ; offrons luy la vie des nostres, puisqu'il a donné la vie du sien pour nous *. En somme, il faut tenir les yeux fichés sur la Providence céleste, a la conduite de laquelle nous devons, de toute l'humilité de nostre cœur, acquiescer. (0 Dieu vous bénisse, et marque vostre cœur du signe éternel de son pur amour. Il faut devenir très humble- ment saintz, et respandre par tout la bonne et suave odeur de nostre charité. Dieu nous face brusler de son saint amour et mespriser tout pour cela ; Nostre Seigneur soit le repos de nostre cœur et de nos cors ! Tous les jours j'apprens a ne point faire ma volonté et faire ce que je ne veux pas. Demeurés en paix entre les doux bras de la divine Providence et dans le giron de la protection de Nostre Dame. Franç% E. de Genève.  * Gen., XXII, i-i:  p. 366.)  •Cf. Joan., lit, 16; I Joan., IV, 9.  (i) Ici, les anciens éditeurs avaient interpolé plusieurs phrases tirées de lettres de différentes dates; entre autres, les lignes 3-7 de la lettre du 8 avril. (Voir note (i), p. 370.)  MINUTE ÉCRITE PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES POUR MADAME DE SAINT-CERGUES  DCCCLXXI A MADAME DUFOUR (0 M""* de Saint-Cergues expose les raisons de son abjuration. — Après la grâce du Saint-Esprit, la confession de foi catholique a surtout dessillé ses yeux : elle a vu Jésus-Christ, unique objet de foi, d'espérance et de charité, l'exclusion de toute idolâtrie, le culte raisonnable des Saints. — Une « pauvre petite brebiette » se réunit au troupeau. — La lumière n'est pas toujours accompa- gaée de la facilité pour déduire les raisons de la croyance. Annecy, février 1611.  (») Au demeurant, Disdiere n'est pas assez clairvoyante pour juger dignement de mes actions et beaucoup moins ( i) Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. VII) note que « la vefve de Théo- dore de Beze (qu'on appelloit la Loriol) ne douta point » d'écrire à « la Dame de Sainct Sergue... des lettres pleines de mille injures. » Or, Catherine del Piano, veuve du célèbre ministre, mourut le 9 avril 1606. L'erreur manifeste de l'historien a fait tomber Migne dans une autre erreur, en le persuadant que la présente lettre s'adressait à M™* Loriol. Mais la destinataire est très vrai- semblablement Charlotte de Buttet, sœur maternelle de la convertie, mariée à Denis Dufour. (Voir note ( 3 ), p. i S-) Elle était devenue protestante, comme il a été dit, ce qui explique très bien le ton confiant de cette lettre, et l'on entrevoit aussi que, sous des airs d'apologie personnelle. M"" de Saint-Cergues a voulu cacher un essai d'exhortation discrète au retour à la foi. On peut se demander pourquoi cette minute, la convertie étant fort capable de s'en passer. Nous croyons que son état souffrant et un passage du dernier alinéa (voir p. 380) justifient suffisamment la charitable intervention du Saint. En effet, l'ébranlement qui suivit l'abjuration de M"" de Saint-Cergues la ren- dit malade ; quelques jours s'écoulèrent sans doute avant que sa conversioa s'ébruitât à Genève et lui en attirât des lettres injurieuses. Toutes ces raisons persuadent la date que nous donnons à cette minute. (a) Comme nous n'avons pas le commencement de la lettre et que l'Auto- graphe n'est pas mutilé, on peut penser que François de Sales aura laissé à M"" de Saint-Cergues le soin d'en rédiger elle-même le début et la fin, avec les compliments appropriés. — M. l'abbé de Baudry, si respectueux défenseur  378 Lettre de saint François de Sales de mes intentions (0, et partant vous aves bien fait, et tous mes amis aussi, de ne point la croire quand elle vous a dit que je m'estois destournee de la vraye foy en un seul Christ, pour adhaerer aux fables, traditions et inventions des hommes. Il est vray que, par une spéciale grâce du Saint Esprit, je suis retournée dans le giron de la sainte Eglise Catholique, duquel, par ignorance et (») inconsideration,je m'estois séparée. Mays(^) je n'ay point esté attirée a cette si salutaire résipiscence par aucunes fables, traditions ou inventions humaynes, ains par la connoissance de la vérité, prise en la pure, simple et claire Parole de Dieu, a laquelle je veux a jamais invio- lablement adhaerer. Je confesse bien pourtant en bonne foy, que l'une des choses (<=) qui m'a le plus aydee a me fayre voir l'erreur auquel je vivoys, a esté t'^) la confession de foy que j'ay veu faire icy aux Chrestiens catholiques, mise en compa- rayson avec l'accusation qui s'en fait ordinayrement («) es sermons et conférences de messieurs les ministres. Car j'ay treuvé qu'icy on ne respire que la foy en un seul Jesuschrist, on n'aspire et espère qu'en un seul Jesuschrist, on n'annonce que l'amour d'un seul Jesus- christ, qui est hautement et clairement reconneu pour vive et vivante source et unique fin de toutes louanges et bénédictions. (*^) Je ny ay point treuvé d'idoles, ains des  (a) et — fniesgajidej (b) Mays — fen cela, non seulement je ne me suis point despartie de...J (c) Je fveux bienj pourtant fconfesserj en ffaveurj bonne foy que fj'ay esté grandement. ..J (d) a esté — ria comparayson de...J (e) ordinayrement — Fde leur doctrine entre messieurs les ministres. ..J { f ) et bénédictions. — fj'y ay treuvé des images, et point d'idoles. J'y ay treuvé... J  de la pensée du Saint, a pris ici d'étonnantes libertés pour moderniser le style de cette lettre; on s'en rendra compte en comparant notre texte avec celui donné par Migne. (i) La personne en question serait-elle Didière Sachet, qui avait épousé Nicolas de Bons, bourgeois de Thonon ? Nous ignorons si elle était protestante, mais nous savons qu'Âme de Bons, neveu de son mari, était, en 1610, mi- nistre de Farges.  I  ÉCRITE POUR M""* DE SaINT-CeRGUES 379 images de Jesuschrist, exterminateur des idoles, et des portraitz des Saintz, qui ont perdu la vie plustost que de souffrir les idoles. J'ay treuvé qu'on y prioit les bien- heureux Saintz, non comme compaignons, mais en qua- lité d'aggreables et très humbles serviteurs de Jesuschrist, non point pour desfiance de la bonté et charité divine envers nous, mays pour prattiquer et (g) se prae valoir de la communion des Saintz. J'ay treuvé que l'on n'esta- blissoit son salut qu'en la Mort et Passion de Jesuschrist, et que l'on ny estimoit aucunes œuvres bonnes et méri- toires qu'en la vertu et valeur qu'elles ont par le mérite du sang de Jesuschrist. Et en toutes choses, j'ay treuvé que la (^) souveraine gloire deùe a ce souverain Sauveur estoit (i) exactement preschée, inculquée, reconneue et conservée avec une tressainte et religieuse jalousie ; chose, certes, comme vous sçaves, bien esloignee du tesmoi- gnage que messieurs les ministres (j) rendent contre les Catholiques. C'est pourquoy, ayant treuvé une si grande sainteté de religion ou l'on m'avoit tant asseuré ny avoir (k) que superstition, un si grand zèle pour Ihonneur de Jesus- christ ou l'on praesupposoit estre le seul règne de l'anti- christ, une si droite pureté d'intention ou l'on m'avoit tant dit ni avoir que faintise, une si grande clarté de doctrine ou l'on m'avoit fait entendre ni avoir qu'illusion, j'ay esté grandement confuse en moymesme d'avoir si lon- guement accusé, par une vayne persuasion, une si chaste et innocente Susanne *, et, comme la charité m'obligeoit, * Dan., xm. je me suis res-jouye d'avoir tant treuvé de bien ou j'avois pensé ne treuver que du mal. Dont, comm'une pauvre petite brebiette esgaree qui retrouve en fin le trouppeau que par mesgarde ell'avoit laissé, je m'y suis librement,  (g) et — rentretenirj (h) que — rihonnear etj ( i ) estoit — rjalousement etJ (j) bien esloignee — fde ce quej messieurs les ministres rnous ont fait entendre et...J (k) nj^ avoir — fqu'illusion et mensonge... J  380 Lettre de saint François de Sales volontairement et par franche élection, remise et reunie, n'ayant pas voulu refuser au Saint Esprit l'exercice de sa grâce en mon cœur, ni a la vérité divine, l'hommage que mon entendement luy devoit ; (M affin que les pro- phéties, qui praedisent en tant d'endroitz le retour des âmes a l'Eglise, fussent heureusement accomplies en moy et par moy, et qu'ayant esté une des estoiles erran- * Vers. 13. teSy desquelles parle saint Jude *, en un ciel apparent et contrefait, je fusse meshuy un'estoile du vray firmament, qui est l'Eglise Catholique , en laquelle on ne connoist • Apoc, xn, 3. le grand dragon roux * que pour le combattre et fouler aux pieds, ains escraser et exterminer par la force de la Parole de Dieu^ pure, simple et entière; Parole qui est •Ephes., uit., 17; la vraye espee et le vray bouclier des croyans *, et a Heb., IV, 12. , 1^ 1 .. > 1 , , 1 laquelle nul homme n a touche pour en oster un seul mot, y adjouster un seul point, ou y brouiller le vray sens, que soudain il n'ayt esté repris, puis condamné par la mesme Esglise. Voyla ce que je vous puis dire de Testât de mon ame qui sent une grande consolation en la miséricorde de Dieu, si doucement exercée envers moy ; et vous prie de croire qu'en cet heureux changement je n'ay jette mes yeux que sur Jesuschrist crucifié et sur l'éternité glorieuse quil m'a acquise par son sang, au prix delaquelle j'estime •Cf. Philip., 111,7,8. toutes choses un vray rien *. Et si je pouvois aussi bien exprimer les raysons qui m'ont induite a ce désirable retour comme je les ay veùe (sic) clairement pour m'y résoudre, je cro}"" que vous en séries fort satisfaite. Mais ce bon Dieu qui ne nous manque jamais es choses néces- saires a nostre salut, m'a donné la lumière requise pour le voir et l'embrasser, par ce que sans cela je me fusse per- due (™), et ne m'a pas donné le moyen debiendeclairer (°) ce que j'ay conneu et connois par cette lumière, par ce que ce n'est pas a moy d'instruire ni enseigner. Comm'en efifect, je ne m'espancherois pas mesme si avant a parler  (1) /ay devoit — fCe n'a donq pas esté ni la crainte des travaux... J (m) perdue — fsans y penserj (n) de bien — fexpliquerj declairer fies motifz...J  J  ÉCRITE POUR M""» DE SaINT-CeRGUES 38 1 de cette grâce que j'ay receûe avec un'autre qu'avec vous qui m'aymes, et que je prie ne point communiquer la présente, pour ne me point rendre plus odieuse a ceux qui croyront que (») ce mien despart d'avec eux m'en rende digne, et lesquelz, non obstant cela, je ne laisseray néanmoins de chérir d'une vraye et sincère dilection, priant, etc. (') Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  (o) que — fmon bonheur.. .J  (i) Cf. ci-dessus, note (2), p. 377.  382 Lettres de saint François de Sales DCCCLXXII AU CARDINAL ANNE DE PÉRUSSE d'eSCARS DE GIVRY (0 ( IHÉDITB ) La Sainte-Maison de Thonon. — Les Carmes réformés de Paul V. Annecy, 6 août 1607 (a). Monseigneur, Je ne respons encor pas aux articles quil vous a pieu me faire envoyer, par ce que je n'ay encor sceu retirer le double de la fondation de la May son de Thonon (3), qui estoit la principale pièce que vous me commandiés de vous faire tenir. Je presse néanmoins le plus quil m'est possible pour cela. Mais despuis, le Père Chérubin (4) m'a remis des Bulles (i) L'adresse manque, le feuillet qui la portait a dû être détaché; mais aa verso delà lettre, on lit cette suscription d'une ancienne écriture : « Lettres f5»<:_^ de Mons'' l'Evesque de Geneves a Monseigr Je Cardinal de Givry, du 6 aoust 1607. » (Voirie tome précédent, note (a), p. 70.) (2) Arrivée trop tard pour être classée, cette lettre est donnée ici en vue de justifier et compléter les renseignements historiques sur les Carmes de Gex. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 316.) {3) Sans doute, le Saint désigne ainsi la Bulle de fondation, datée du 13 septembre 1599. (Cf. toms XIII, note ( i), p. 165.) Dans cette Bulle, Clé- ment VIII prescrivait, comme important au bon fonctionnement de la Sainte- Maison, une réglementation très étudiée, dont les points principaux étaient les suivants : I. — Sept prêtres séculiers, avec un préfet qui les formerait d'après les coutumes des PP. Oratoriens de Rome. 2. — Des classes de Grammaire, de Philosophie, Théologie, Ecriture Sainte, Controverse, confiées aux PP. Jésui- tes, les premières pouvant être données à un prêtre séculier desservant l'église de Notre-Dame de Compassion. 3. — Les Capucins seraient employés aux prédications et missions dans le Chablais et les bailliages voisins. 4. — Il y aurait un séminaire et, de plus, un refuge pour les convertis. On peut supposer que le Cardinal de Givry avait écrit à saint François de Sales au sujet de ces divers articles. (4) Le P. Chérubin de Maurienne, Capucin (voir tome XI, note (i), p. g8), après un séjour de plusieurs mois à Rome (mai-octobre 1606), revenait en Savoie porteur d'un Jubilé pour Thonon (cf. tome XIII, p. 273) et de docu- ments pontificaux relatifs à la Sainte-Maison.  Année 1607 383 de nostre Saint Père pour les exécuter (0, par lesquelles il m'est commandé de ranger la Sainte Mayson de Tho- non a l'observation de certains articles signés par Mon- sieur le Nonce de Turin (2) et de Son Altesse, lesquelz entr'autres choses, mettent ladite Mayson sous la protec- tion de la Milice des saintz Maurice et Lazare (3). Sil se pouvoit faire que Sa Sainteté envoyast la mission des Carmes reformés, delaquelle il a esté parlé, pour le balliage de Gex(4), ce seroit un grand bien, et le Roy l'auroit aggreable, comme monsieur le baron de Lux me l'a escrit (3). Je vous bayse les mains en toute révérence, et suis, Monseigneur, Vostre très humble et tres-obeissant serviteur, Franç% E. de Genève. A Neci, le vi aoust 1607. Revu sur l'Autographe appartenant à M. Maurice Le Corbeiller, à Concise (Thonon). ( I ) Le Bullaire de la Sainte-Maison ne contient aucune Bulle de 1607 ; c'est donc celle du 13 août 1606 que François de Sales mentionne ici. ( 2 ) M8'' Pierre-François Costa, évêque de Savone (voir tome XIII, note ( i ), p. 351). (3) Le désir du Souverain Pontife avait été exécuté dans une grande assem- blée tenue à Thonon le 7 juillet précédent. (Cf. Gonthier, Œuvres historiques, rçor, tome P'', p. 434; Mém. de l'Acad. Salés., 1880, tome II, p. 271.) (4 ' Les Religieux dont il s'agit n'étaient ni les anciens Carmes de Gex, dits de l'Observance (cf. plus haut, note ( i ), p. 316), ni les Carmes déchaussés de France, introduits dans notre pays dès 1605. Il faut savoir, en effet, que Paul V, cédant aux prières du P. Thomas de Jésus, songea, vers 1607, à ériger une Congrégation spéciale de Carmes déchaussés, uniquement destinée aux mis- sions parmi les infidèles et les hérétiques. Mais le projet ne tint pas, et le Bref du 22 juillet 1608, qui confirmait cet établissement, fut rapporté le 7 mars 1613. (Hélyot, Paris, 1721, tome V, p. 359.) C'est sur ces Religieux, semble-t-il, que François de Sales fondait son espoir; voilà pourquoi il les demande au Pape. (3) Voir sa lettre à l'Appendice, p. 385.  Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.  I  APPENDICE  LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS  A LETTRE DU BARON DE LUX ^^  Monsieur, * Je n'ay pu vous faire responce plutost a celle qu'il vous a pieu •VideEpist.Dcccuxn. de m'escrire; j'attendoys d'y sçavoir les volontés du Roy qui a eu fort aggreable que vous mettiez au bailliage de Gex les Religieux Carmes reformez que Sa Sainteté vous doit envoyer *. Sa Majesté * vide supra, p. 383, , , . . , , „ . not. (4) s asseure que vous les choisirez tels, qu elle en aura du contentement et les jugerés d'édification. J'en escris a ces Messieurs un mien billiet dans le pacquet, afin que, voyans l'intention de Sa Majesté, ils n'y apportent rien de contraire. Il ne m'arrive contentement qui soit égal a celuy que je reçois de vous faire service qui vous soit aggreable : cela estant, je suis asseuré que cette action est receue avec plaisir devant Dieu. Ne me soyez, Monsieur, s'il vous plaist, siche de vos commandementz ; me les (i) Voir tome XII, note (i), p. 80, et ci-dessas, pp. 335, 336. Lrmis V i5  386 Appendice départant, vous faictes chose charitable, puisque sans iceux je ne fais chose aucune qui soit digne d'aggreer a la divine Majesté. Je la supplie très humblement qu'elle me conserve vos bonnes grâces, et vous donne. Monsieur, [heureuse] et longue vie. Vostre très humble et très obéissant serviteur, De Lux, Missery, ce 18* mars 1607. Revu sur le texte inédit, inséré dans le II'' Procès de Canonisation.  LETTRE DU PRIEUE\ ET DES RELIGIEUX DE SAINT-CLAUDE  Monsieur, • Vide Epist. dcxc. * Nous avons rcçu la vostre par les mains du sieur présent porteur, et pour response à icelle nous vous assurerons que nous monstre- rons tousjours par effects l'affection et volonté que nous avons au service de Dieu pour son honneur et gloire, et mesmement au faict du restablissement de la sainte Messe audit lieu de Dyvonne. Et pour y satisfaire, nous avons donné ordre à nos fermiers de fournir argent pour redresser l'autel et autres réparations nécessaires, et prié le sieur porteur d'en poursuivre l'exécution. Pour les ornements, nous en • Vide supra , p. 60, avons délivré suffisamment pour la célébration du divin service *. • Wem, not. (a). Quant à l'entretien du sieur Curé *, outre ce que le ministre possedoit en domaine dépendant de la cure et trois cents florins de pension qui estoyent par nos fermiers payez audit ministre, nous avons bien voulu nous charger et incommoder de luy augmenter l'entretien de quarante francs sur nostre revenu ; qui fera une notable somme pour un homme d'église. Nous assurons que plusieurs curés n'en ont pas tant, et que la religion ne nous sauroit contraindre d'en donner davantage, d'autant que nous surpassons la portion congrue ; • Idem, not. 0). et sommes mary ne pouvoir donner telle pension que celle de Cessy *, selon qu'il est porté par la vostre, d'autant qu'il nous est impossible,  i  Lettres de qpelqpes correspondants 387 parce que le revenu n'est pas semblable, pour ce que ledit prieuré de Dyvonne est chargé de la troisiesme partie du revenu de pension annuelle au resignataire, par authorité du Saint-Siège, outre les pensions annuelles qu'il nous faut payer trois cent vingt livres, pour l'argent emprunté pour le remboursement du prix auquel on a esté condamné par arrest à Paris. Vous assurons que la reunion du dit prieuré nous revient à plus de quatre mille ecus en frais, pour l'avoir retiré de la main des hérétiques ; à quoy l'on doit avoir considéra- tion, mesme les réparations qu'il convient y faire présentement, tellement que nous ne tirerons rien du revenu dudit prieuré durant cinq ou six ans, joint que l'on nous menace des décimes pour ceste année. N'entendant pas que la dite pension de trois cents florins et augmentation de quarante livres par cy après, soient payez par nous lorsque le revenu de la cure sera reuny, comme il estoit anciennement. Et d'autant que le droit de présentation de ladite cure nous appar- tient, désirant neantmoins nous conformer à vostre volonté, nous vous supplierons accepter la présentation que nous vous ferons du mesme qu'il vous a plu choisir ; ou, en tant que l'authorité vous ait esté donnée du Saint Siège pour la première fois, de choisir tel que bon vous semblera, et que cela soit, comme nous ont donné a entendre de vostre part nos confrères, nous vous supplions nous donner acte, tant pour celle de Dyvonne que pour celle de Cessy, que ce soit sans préjudice pour l'advenir. Si non, nous vous sup- plions ne pas trouver mauvais si nous maintenons nos privilèges, que nous croyons que vous nous conserverez ; qui nous fera sur ce vous baiser très humblement les mains, et prier Dieu de vous con- server et vous donner santé longue et heureuse vie, nous qui sommes, Monsieur, Vos très humbles serviteurs. Les Grand Prieur et Religieux de S' Claude. A Saint Claude, ce 20 may 1611. A Monsieur Monsieur le Reverendissime Evesque de Genève. Revu sur une ancienne copie conservée à Paris, Bibliothèque nationale, Galerie Ma^arine, vitrine xxxii, n° 524.  388 Appbndicb  LETTRE DU PERE JEAN DE VILLARS DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS (0  Monseigneur, • Vide p. 64, not.(î). * Vostrc humilité, ma condition et mon humeur me défendent la flatterie et commandent la congratulation pour les biens que ma Mère, qui, de ses eaux salutaires, m'a engendré en vie éternelle, reçoit par vous. Il est vray, Monseigneur, je ne suis qu'un pécheur et le dernier de nostre Compaignie ; mais Dieu me donnoit des mouve- mens si vifs d'asseurer madame de Chantai que le Ciel luy vouloit donner l'eau de la Samaritaine par le canal de vos lèvres, que si les Anges fussent venus troupes a troupes pour m'en dissuader, je ne crois pas qu'ilz l'eussent peu faire, parce que l'impression estoit du Roy des Anges. Et m'a semblé, depuis que vostre naissante Congrégation est com- mencée, que je l'ay veiie comme une Hierusalem nouvellement descen- dante du Ciel. Oh ! que je me suis écrié de bon cœur : Bénite soit la première pierre de cet édifice ! Oh, qu'elle est polie ! C'est un mar- bre bien taillé, marbre blanc, que le cœur de cette digne vefve, dont j'ay autrefois tant honoré les vertus et dont je venere maintenant la sainteté. Il est blanc, ce cœur, par la pureté de ses intentions; il est poli, par les diverses afflictions qui, en guise de coups de marteau, ont osté toutes les superfluités et l'ont jointe au point du lieu sacré ou elle devoit estre posée, et vostre ingénieuse main a gravé sur ce marbre poli, pour un monument éternel de gloire a Dieu, ces quatre belles paroles qui sont les devises de vostre cœur : Vive Jésus! •Cf. Epist. Dcxcui. Vive Marie * ! Tout a Dieu, tout pour sa gloire ! N'ay-je pas donc sujet de dire : Bénite soit la pierre, béni soit l'ouvrier, et béni soit éternellement l'Architecte céleste qui, dans son idée éternelle, avoit fait le projet de cet édifice ? 11 me semble, Monseigneur, que cette Congrégation manquoit encor a l'Eglise, et que Dieu vous ait suscité en nos jours pour l'ériger. Certainement, (i) Voir tome XII, note (i), p. 343.  Lettres de quelques correspondants 389 Nostre Seigneur a visité son peuple, et faut croire que la bénédiction de commencement s'estendra avec une amplification nombreuse : car, que manquoit il auxfoibles, que cette médiocrité? que falloit il aux vefves, que cette douceur ? que pouvoyent désirer les robustes et ferventes, que cette mortification ? Vous avez, mon très cher et digne Seigneur, dressé un temple de Salomon en ce siècle, voyla les trois estages : que reste il a ces âmes bienheureuses destinées a l'habitation d'iceluy, que d'entrer dans le Sancta Sanctorum de l'éternelle félicité? Monseigneur, donnés moy quelque petite part aux prières qui se feront dedans ce temple. 11 me reste de recourir a vous pour cet effect, car je crois que madame de Chantai ne me refusera pas cette grâce, puisqu'elle sçait mes besoins, et de plus, que je suis Vostre très humble, obéissant serviteur, fils, pénitent, Jean de Villars, Jésuite. De Dijon, ce 24 juillet 161 1. Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation du ler Monasièrt de la Visitation ^Annecy.  LETTRE DE MADAME DE SAINT-CERGUES  Monseigneur, * La réception de celle dont il vous a pieu m'honorer a apporté • vide Epist. oclx, 11 • 1 • 1 « • 1 1- DCCCLXXl. une telle joye et consolation en mon ame, qui me sembloit, la lisant, que je vous voioyt présent. Je me condamnois neantmoins en ce que vostre bonté et courtoisie, joiend au soien quil vous plaist avoir de mon bien et salut, m'avoit prévenue, encore que la faute ne prove- noit pas d'obliance ni moins de reconnoissance de mon devoir ; car il y a plus de huict jours que j'avois dressé une lettre pour vous l'envoyer à la première comodité. Mais d'autant qu'elle contenoit quelque avis plains (sic) de difficulté et fâcherie ou je me suis trouvé reduicte, il m'a semblé qui me seroist plus séant de m'en taire pour le présent, remettant à nostre première veùe à le vous dire de bouche ; qui sera, comme j'oze espérer, bien tost, puis que nous approchons  390 Appendice de la feste qui vous donne subject de venir à Thonon (0. Je m'en rejouis infiniment, me promettant que ce ne sera sans avoir l'hon- neur de vous voir en passant, ou bien à vostre maison de Vieu ( » ). Cependant, je vous diray (Monseigneur) comme par la grâce et support de mon Dieu je persévère en l'exercise ou il vous a pieu m'acheminer, qui apporte un grand repos à mon ame et contente- ment à mon esprit parmi les traverses et fâcheries qui faut supporter en ce monde. Je me raffreschis aussi la mémoire tous les jours des bonnes et salutaires instructions qui vous a pieu me despartir, en la lecture des beaux livres que je tiens chèrement de vous, Monseigneur, ou je trouve le remède à tous mes maux. Ne reste si non à me les sçavoir bien appliquer et en bien user. Le Seigneur m'en fasse la grâce, sil luy plaist, et me doinct mériter de me nommer à tousjours. Monseigneur, Vostre très humble et obéissante fille, sœur et servante, J. DE Cartal. De Lucinge, ce 29 juillet 161 1. Revu sur l'Autographe inédit, qui, en 1895, appartenait à M™^ Doroz, née d'Arcine, à Besançon. * ( I ) La fête de la Nativité de la Sainte Vierge ; on se rappelle, en effet, que dès le 7 septembre 161 1 saint François de Sales se trouvait à Thonon, où il présida l'ouverture du Jubilé. (Cf. Lettres dccx, dccxii.) (3) Viuz-en-Sallaz, chef-lieu du mandement de Thy, qui appartenait aux princes-évéques de Genève depais 1185. (Cf. tome XIII, p. 501.)  £  LETTRE DE DOM SENS DE SAINTE-CATHERINE FEUILLANT (O  Mon très digne Père et mon Pasteur bien aimé, ' Vide p. 160, not. (1). * Les petits chiens, [qui] aiment grandement leurs maistres et que leurs maistres aiment bien, ne laissent pas de les importuner (i) Sens ou Sans Beauner fit profession en 1586, dans la Congrégation des Feuillants, à l'âge de dix-sept ans. Supérieur général pour la première fois, de 1607 à 1610, il exerça encore cette charge de 1614 à 1620, et mourut sain- tement à Rome le 11 octobre 1619.  (0,p.  Lettres de qpelcsjes correspondants 391 quelquefois de leurs griffes, mesme en leur tesmoignant qu'ils les aiment et en les caressant. Ainsi, Monseigneur, je vay, avec les griffes de ma plume, vous carresser comme mon cher maistre, et vous demander quelques unes des miettes qui tombent sous vostre table, lorsque vous rompe le pain de salut a vos chères Filles. Mais, Monseigneur, vous ne [me] pardonnerié jamais si je vous racontois les louanges que l'on donne a ce Père et a ses Filles. L'on dit que c'est la perfection de ce siècle ; et, vous laissant a part pour pardonner a vostre modestie et contenter vostre humilité, le bon Père de Saint Malachie * me disoit l'autre jour, qu'il consideroit * yide tom. xiir, not. devant madame de Chantai et la voioit en esprit comme un soleil, et chacune de ses filles estoit un rayon pour esclairer ce siècle. (0 Et moy, mon unique Seigneur, quand je considère vostre Con- grégation devant Dieu, je la vois aussi haute en amour comme vous l'avez faite profonde en humilité, et j'espère que bientost la France, jalouse du bien de nos montagnes, voudra partager ce bonheur avec elles ; j'espère, dis je, que comme les plaines sont plus propres a s'estendre que les monts et vallées, que dés que vous auré fait quelques Maisons en nos quartiers, ce sera jetter madame de Chantai comme un grain dans ces plaines, qui raportera au centuple. Dieu me rende digne de voir nos terres ensemencées de cette bonne semence, et je prie Dieu de luy donner l'arrousoir d'en haut, par les bénédictions, et l'arrousoir d'en bas, par les bons accueils que cette Congrégation mérite recevoir par tout, quand ce ne seroit qu'a la considération de son Fondateur et de la Fondatrice, que j'honore sans difficulté, selon le conseil de l'Apostre, comme l'autel sacré de Dieu. Et après vous avoir supplié en toute humilité, Monseigneur, de luy demander un Avé pour moy [et] a toutes ses Filles, je demeure Vostre très obéissant fils, DoM Sens de S*« Catherine, indigne Feuillant. De vostre Maison, ce 3* février 1612. Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation du ler Monastère de la Visitation d'Annecy. (i) Migne, tome IX, col. 83, a publié cet alinéa, avec plusieurs change- ments; le reste est inédit.  393 Appendice  LETTRE DE M. JEAN-LOUIS DE CHEVRON SEIGNEUR DE BONVILLARD (O  Monsieur, Vide Epist. Dccixix. * Je VOUS pricrey m'excuser si je vous importune de ces deux moctz pour vous prier représenter, si vous voz (sic) treuvé en com- modité, a messieurs de Chivron mes nepveuz (»), aux fins que, avec vostre assistance et du sieur de Villette nostre cousin (3), puissions faire noz partaiges sans aulcunes formallités de justice, ains par voye d'amytié, comme le debvoir nous oblige. J'ey par plusieurs foys prié lesdictz sieurs mes nepveuz de prendre une journée pour y resouldre en vostre présence, lesquelz ne si veullent entendre, ains desmeurent saysis de tout, a mon grand préjudice, veu les grandz charges et debtes qui sont deubz sus noz biens (4). Et sur ce, j'attendrey d'avoir de vous, nouvelles, en priant Dieu  (i) Voir plus haat, note (i), p. 208. (3) Hector de Chevron, frère du correspondant du Saint, et Jeanne de Menthon avaient quatre fils : Bernard (voir plus haut, note ( i ), p. 207) ; Prosper, dit baron de Chevron, qui épousa Victoire Borella ; Philippe, cheva- lier de Malte, et Benoît-Théophile qui devint archevêque de Tarentaise (cf. tom. XIII, note (a), p. 344). Ce sont apparemment les deux premiers que M. de Bonvillard désigne ici. (3) Le baron Âmédée de Villette, cousin -germain d'Hector et de Jean-Louis de Chevron. (4) Les différends survenus pour les seigneuries de Chevron et Bonvillard, d'abord entre les trois frères, Hector, Jean et Jean-Louis de Chevron, ensuite entre ces deux derniers et leurs neveux Bernard et Prosper (voir note (2) ci-dessus), ne prirent fin qu'en 1616. Voulant les terminer « par voye amiable, » les parties se soumirent, par « acte de compromis » daté du 8 juillet, « a l'ar- bitrage, décision et jugement » de saint François de Sales et du baron de Villette, choisis pour « snrarbitres. » La transaction fut passée à Annecy, « en la maison de Monseig"" le R"* Evesque de Genève. » (Archives de Giez, Projet d'arbitrage, minute.)  Lettres de cïjelqpes correspondants 393 qu'il vous aye en sa protection, et suis, appres vous avoir baisé très humblement les mains, Monsieur, Vostre bien humble et affectionné cousin et serviteur, J. L. DE Ghivron. A Bonvillard, ce 2i« mars 1612, Revu sur l'Autographe iaédit, conservé à la Visitatioa de Pigaerol.  LETTRE DE M^^ MICHEL D'ESNE ÉVÊQUE DE TOURNAI  Monseigneur, * Le P. Irenée a eu raison de vous parler de l'affection que je vous •videEpis«.Dcct«wa. porte, car dez la première veuë que j'eu de vostre Introduction, elle s'empara de mon ame et y va prennant racine si avant, que la seule mort la poura arracher. Vostre Introduction, certes, a esté si bien receue par deçà, que l'impression s'en est multipliée a l'esgal, sans doubte, du fruict qui en a réussi. Ha I que ce vous est un heureux travail que de combatre et debatre contre les huguenots ! (travail qui infalliblement vous acquerrera une couronne de gloire et ça bas et au Ciel.) Nous ne sommes pas icy, par la grâce de Dieu, oisifz, mais nous n'advançons pas tant que nous voudrions bien. Combien de fois ay je regretté la faulte de Genève ! Pleust a mon Dieu que je fusse condamné a vous restablir en vostre siège ! Tout viel que je suis (aagé de 71 ans), je m'y achemineroy très volontiers, deuse-je mou- rir (comme l'on dit) en la peine. J'ay maintes fois souhaitté que ceste hydre n'eust qu'une teste (comme faisoit Néron du peuple Romain), pour la luy trancher tout d'un coup. J'envoye a Vostre Seigneurie Reverendissime une de mes petites traductions *, que je vous prie recevoir de pareille affection que je • vide p. 338, not. (a).  394 Appendice la vous présente, priant Nostre Seigneur seconder voz bons des- seings, vous asseurant que je demeureray toute ma vie, De Vostre Seigneurie Reverendissime, Très humble et très affectionné confrère et serviteur en Nostre Seigneur, Michel, Evesque de Tornay. Je me recommande a voz prières. [Mai 1612.] A Monseigneur Monseigneur le R™« Evesque de Genève. Revu sur l'Autographe inédit, conservé à la Visitation d'Annecy.  H  LETTRE DU CHEVALIER CLAUDE DE LA VERCHÈRE (0  n*3  Monsieur, •Vide p. 338, not. (4), * 11 y a quelque temps que nous avez asseuré, monsieur de Ger- lande ( 2 ) et moy, par vostre reponce à celles que luy et moy vous avions escriptes, que me donneriez tout contentement pour le faict de mes biens de Crozet, pays de Gex, dans les limites de vostre evesché, desquels vous avez prins la possession sans qu'il vous appartienne ; car de tout temps, ça esté un membre despandant de ma commanderie, fors des la prinse dudit pays par les seigneurs de Berne (3), qu'il a esté occuppé par ceux de la religion, ainsi que je- (i) Claude de la Verchère, chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusa- lem, commandeur de la commanderie des Feuillets de 1610 à 1615 (cf. ci- dessus, p. 338, note (4), n° 3). On le retrouve encore avec ce titre en 1641 et 1645. (Archives du Rhône, Fonds Malte, H. 378, a8o.) (3) Le chevalier Just de Fay de Gerlande fut d'abord commandeur de Villefranche'et de Charrières, et ensuite grand-prieur d'Auvergne. En i6ij et 1614, il était « recepveur gênerai de l'Ordre Sainct Jean de Hierusalem. » (Ibid., H. 63, 258, 360, 381.) (3) En 1536. (Cf. tome XII, pp. 339, 330, 413.)  Lettres de csjELcajEs correspondants 395 vous ay fait entendre par mes lettres et comme le sieur Girod, mon fermier ( i ), l'a fait voir sur lieux aux curez de Gex ( 2 ) et Farges { 3 ), qu'aviez a ces fins députez, tant par mes derniers terriers, que ceux qui sont faiz des cent et quattre vingts ans en ça, desquels il leur a baillé les coppies pour les vous fere tenir des le moys d'octobre dernier ; par ou il appert clairement, avec d'autres enseignements, que la chappelle de Crozet ne fust jamais cure ny parroisse, moings que lesdits biens en feussent depandants (4). De quoy, du despuis, je n'ay heu de vous aucune resolution, quoique mon fermier aye solli- cité lesditz curez, nottamment ceux (sic) de Gex qui l'a entretenu a paroUes jusques a Noël dernier, et remettant l'affaire sur vous, puis que vous avon envoyé lesdittes coppies et mémoires. Tellement que, par le silence que m'en a du despuis fait ledit Girod (auquel j'avois donné charge d'en suivre les poursuittes), a cause d'une maladie qui des lors l'a retenu au lit jusques a présent, je croyois que luy en aviez relasché la possession. Mais je vois maintenant le contraire et que me détenez tousjours lesdits biens contre tous nos droits et privilleges ; car jamais les Evesques n'ont heu a cognoistre sur ceux qui depandent de nostre Ordre. De sorte que, comme il a pieu a Sa Majesté remettre les Catholiques en la possession de tous les biens ecclésiastiques dudit Gex et les choses au mesme estât qu'elles estoyent anciennement, afin que chacun jouy du sien paisiblement, je m'estois librement dispancé de luy accenser ceux dont il est question ; dequoy il me demande de grands dhommages et interests, faute de l'en faire jouir. C'est pourquoy je vous ay encor fait ceste, par laquelle je vous prie (i) Claude Girod, « praticien, abitant du village de Croset et fermier des dicts membres... du Croset et Maconnex. «(Archives du Rhône, Fonds Malte, H. 360, n° 86.) Il paraît dans le Procès-verbal de Gex, comme mandataire du chevalier de la Verchère; cf. note (4). (3) Etienne Dunant {voir le tome précédent, note (i), p. 65, et ci-dessus, note (i), p. 63). (3) Humbert Curton (cf. ci-dessus, note ( i ), p. 63). (4) Le 36 juillet 1613, Claude Girod (voir note (i) ci-dessus), au nom du commandeur de la Verchère, avait déjà remontré aux commissaires royaux « que l'église dudict Crozet n'avoit oncques esté paroisse, ains une simple chapelle qui avoit esté premièrement construicte par les commandeurs » des Feuillets « pour leur usage... Que du temps que le seigneur duc de Savoye estoit pos- sesseur du bailliage de Gex, les biens dépendants de ladicte chapelle estoient annexés a laditte commanderie et membre dudict Crozet ; et partant, empechoit que ledict sieur Evesque fust mis en la possession de ladicte église, comme estant une chapelle particulière. » Malgré ces réclamations, les délégués de Sa Majesté passèrent outre, et mirent saint François de Sales en possession de la chapelle et des biens qui en dépendaient, pour être « employés a l'usage auquel ils » avaient « esté destinés par les fondateurs. » (Procès-verbal de Gex.)  396 Appendice mettre le tout en considération ; après quoy je m'asseure qu'aurez pour agréable a me relascher amiablement lesditz biens, ensemble les fruicts tant de la présente que dernière année. Lhonneur et le respect que je vous porte me fait souhaiter de n'en venir par la voye que chacung recherche pour conserver le sien, que je seray contraint de suivre si, de vostre propre motif, vous ne vous rendez a la raison. Et quant a ce qui concerne le service que je doibs faire célébrer en laditte chappelle, je veux tousjours rendre mon debvoir et payer le prestre qui le voudra faire au jour de la fondation ; mais d'y entre- tenir ung, je ne le puis, tant pour en estre dispencé, que a cause des grandes charges que je paye a ma Religion, joinct que le revenu n'est suffizant pour l'y entretenir (0. L'asseurance donques que je prends que ne voudriez vous prevalloir de ce qui depand de nostre Ordre, ny le constituer en frais pour chose si juste, mais plustot qu'en desiriez l'accroissement, me fait croire que me donnerez tout contentement et que l'équité de vos proceddures ne refusera ce qu'avec justice nous pourroit avec toute raison facilement rendre. Cela m'obligera de tant plus a demeurer, comme je suis a jamais, [Janvier 1613.] A Monsieur et Revçrend Seigneur, Monsieur de Salles, Evesque de Genève. A Necy. Revu sur la minute inédite, conservée à Lyon, Archives du Rhône, Fonds Malte, H. 240, n° 29. ( I ) Nous lisons dans le Procès-verbal de la visite de Crojet et Maconnex, faite par le commandeur de Gerlande (voir ci-dessus, note (2), p. 394), le 29 octobre 1614 : Le membre « de Croset consiste en une église, ne sachant si elle est parochiale ou chapelle, d'aultant que ceux de la prétendue religion y ont faict leur exercisse il y a longues années, » et « ne si dict point de Messe... estant tous huguenots. » (Archives du Rhône, Fonds Malte, H. 260, n" 86.) Vers la moitié du xvii* siècle, la chapelle fut reconstruite par les soins de Révérend Léonard Boudillon, qui en avait été pourvu par le commandeur de la Verchère en 1630.  II PIÈCES DIVERSES  SAINT FRANÇOIS DE SALES ET IA°^ GERMONIO ^^^  « Musteriensis diœcesis fînibus appropinquanti, occurrit Fran- ciscus Sales, Genevensium Antistes, elegantis ingenii homo, doctus- que, ac pius divini verbi praeco, simul et Anastasii studiosissimus, quod ejus opéra, a Summo Pontifice Paulo Qyinto plurima, eademque non vulgaria et sibi et canonicis suis utilia bénéficia accepisset; quem Anastasius ad se oflfîcii gratia venientem amanter, ac pro loci angustia honorifice habuit. « Is sumpto cibo, post multa benevolentiae signa utrinque édita, Anastasium rogat, ut aliquando et cum opportunum duceret, Necium peteret ubi, inquit (amice Praesul), veri obsequii oflRciis quantum tibi debeo, aptius ostendam. — (In hoc Allobrogum oppido, domicilium habent Genevensium Episcopi, ex quo ab infelici civitate, post abne- gatam catholicam fidem, in exilium projecti sunt.) t Necium se iturum promittit Anastasius, tum ut invitanti amico gratum faceret, tum ut Tarantasiensi Ecclesiae subjectum cœnobium Sancto Christi Sepulchro nuncupatum inviseret , tum demum , ut decem et octo passuum millibus Necio distantem, Genevam ex itinere videret. » Ex Anastasii Germonii Commentariis, Historia Patrice Monumenta, tom. XI, Scriptores, tom. IV (Taurini, 1863), p. 1016. (i) La rencontre des deux Prélats, dont nous donnons ici les détails, eut lieu an mois de mars 1609. (Voir note (i), p. 183.)  398 Appendice  LETTRE DE M. ANTOINE DES HAYES A M. DE CHARMOISY  Monsieur, •Vide p. 271, not. (1). * Je SUIS tfcs aisc du desseing que vous avez pris de faire nourrir vostre filz en ceste court, a quoy je vous pourray servir, puis que Dieu a voullu que nous feussions esloignez l'un de l'autre. J'en ay parlé a Madame la Princesse, quy est toute disposée de vous obliger en cela, mais je ne l'ay supplyee de rien, luy ayant seuUe- ment dict que je vous l'avoys conseillé et que vous y estiez résolu : sur quoy elle m'a dict qu'elle s'offroyt. L'on me faict croire que dans peu de jours la court sera a Montargis, ou je me prometz de donner bon commancement a l'affaire. Vous sçavezquily a maintenant trois premiers gentilzhommes de la Chambre : monsieur le Grand, mon- sieur le-Marquis d'Ancre, au lieu de monsieur de Bouillon, et mon- sieur de Souvray. Appres en avoir dict ung mot a Sa Majesté, comme l'on doibt, et dont je me prometz telle responce que vous sçauriez désirer, je menageray vers l'un des trois vostre contentement, et sy je ne suys assez fort, je manderay de vos amys. Madame de Guyse est allée en son Conté d'Eux, d'où elle espère retourner dans ung mois et rapporter de quoy vous contenter. Je l'en ay suppliée a son partement, et monsieur du Demare aussy, auquel j'ay promis recognoissance, veoyant que l'affaire deppend de luy. Sy vous n'aviez esté nourry chez les Princes, je seroys bien enpesché a vous faire conprendre comme l'on sy gouverne et les incomoditez quilz reçoivent, faulte d'avoir pris garde a leurs affaires. Monsieur Rousselet vous escripra comme j'ay représenté audit sieur du Demare que vous estiez pressé d'une petite partye deue a monsieur de Mezieres, affin que sil estoyt possible, elle feut acquitee contant au retour de ma dite dame. Je verray a son retour ce quil fera, m'ayant asseuré que ce sera sans plus de remise ; mais je vous conseille d'agréer que monsieur Rousselet et moy luy promettions ce que nous adviserons : c'est le plus court chemin. •VideEpfet.Dcocx. * J'avois cy devant escript a Monseigneur de Genefve le désir que messieurs de S' Benoist avoyent d'estre enseignez de luy le Karesme  Lettre de M. des Hayes 399 prochain *. Toutes les parroisses ont ceste mesme vollunté et plusieurs * vide p. ^^l, not. (a), j ..,,,.,, , ,, ... , etcf. p. 37, note(i). des principaulx d icelles s en sont addressez a moy. Mais ayant este faict marguillier deppuis trois sepmaines et l'ayant accepté, voyant que tout d'une voix j'estois désiré, je suys dispensé d'escripre pour aultruy et obligé d'escripre pour S' Benoist, non seullement comme en ayant charge, mais encores pour la comodité de ceste petite maison ou j'espère que mondit Seigneur logera. Que sil acceptoyt une aultre chaise et que l'on luy donnast le logement ordinaire des prédi- cateurs, cela ne seroyt convenable a sa qualité ; sy l'on luy en don- noyt ung plus grand, cela l'obligeroyt a quelque despence. Céans, il sera logé chez son serviteur, hors de cerimonye ; je luy donneray ung carrosse pour visiter ces (sic) amis, je luy feray faire pénitence et le dechargeray de tout soing. 11 aura des auditeurs aultarit que l'église en pourra tenir, quy est assez cappable. L'on estimera quil a plustost defferé a la supplication de son serviteur qu'a la prière des plus grandes et favorisées parroisses. Je luy en escriptz amplement, et luy envoyé une lettre que Mons- seigneur le Nunce résidant en ceste ville, logé, comme vous sçavez, a l'hostel de Clugny, escript a Monsseigneur le Nunce de Thurin, auquel il mande que messieurs les parroissiens de S* Benoist, bien memoratifz du fruict des prédications que Monsseigneur de Genevefve (sic) a faict aultrefoys en leur parroisse, d'où il est maintenant, l'ont pryé luy escripre pour supplier Son Altesse d'avoir agréable que l'on prye Monsseigneur, pour le bien de la relligion, de prendre ceste peinne *, * cf. p. a73, not. (i). et luy donner congé d'accepter la supplication que l'on luy en fera. Vous pourrez fere donner la lettre par M. du Fresne, ou par quelqu'un quy en retirera responce. J'ay premièrement pris ce chemin, a cause que je ne veoy une entière intelligence de la Royne avec Son Altesse ; sy elle n'est suffisante, quand j'auray la paroUe de Monssieur de Ge- nefve j'en feray escripre Leurs ÎVlajestés et le Saint Père, sil en estoyt besoing*. Lors quil sera icy, il ce (sic) fera beaucoup de bonnes choses * vide pp. 172, 273, pour le bien de la relligion. C'est pourquoy je vous supplye vous em- ployer a ce bon œuvre et m'en fere mander promptement responce, attandant laquelle je prye Dieu, Monsieur, quil vous conserve et garde. Vostre plus humble serviteur, A. DES Hayes. A Paris, ce 2» juing 1612. A Monsieur Monsieur de Charmoisy, escuyer. S"" de Marcla/. En sa Maison, a Necy. Revu sur l'Autographe appartenant à M'" Adélaïde Vuy, à Carouge (canton de Genève).  40O Appendice  LES GRANDS PARDONS d'aNNECY (0  i^ septembre 1612 («) Il y a sept ans que l'on joua et représenta quelques histoires a Sainct Mauris, tellement qu'a modelle de ce, l'on a faict dressé des eschaffaultz pour représenter quelques histoires, ayanct esté faictes quelques despenses Et de plus, comme Monseigneur le Reverendissime, a certaine assemblée quil feit faire, feit appeller messieurs les Scindics ausquelz fut remonstré la grande affluence de peuple qui accourera icy au Jubilé qui ce (sic) célébrera vendredy prochain, dont par ce moyen les logis seront remplis, tellement quil sera besoin de rechercher quelques licts pour les plus notables, dans ceste ville, vers les plus riches d'icelle, et ce quy il fault pourvoir Pour l'affluence des personnes qui arriveront en ceste ville pendant le prochain Jubilé, que en cas de nécessité, l'on recherchera quelques licts vers les plus aisés, pour loger ceux que seront représentés par mondict Seigneur le Reverendissime ; estant donné acte de la remonstrance faicte par messieurs les Scindics, de la volonté de monseigneur le Marquis de Lans continuant le faict de la garde. (i) Voir tome XIII, note (2), p. loi, et ci-dessus, note ( i ), p. 365 ; cf. aussi les Lettres dcclxxxvii, dcccvi et dcccxvii. Cette relation, inédite, croyons-nous, jusqu'à ce jour, fournit une inté- ressante contribution à Thistoire de la piété en Savoie, au début du xvii' siècle. Elle fera surtout connaître de quelle popularité jouissait au temps de saint François de Sales et grâce à son zèle, le culte de Notre-Dame de Liesse d'Annecy. Nous avons respecté scrupuleusement Torthographe du texte, nous conten- tant d'ajouter les apostrophes et les accents. Pour l'intelligence de certains mots plus difficiles à entendre, il a paru bon, soit de les répéter entre paren- thèses ( ) et en italiques, avec une orthographe moderne. Soit de les expliquer par des synonymes. (3) Dans ce procès-verbal, nous avons cru pouvoir omettre l'énumération des dépenses et autres détails dépourvus d'intérêt. Les passages omis sont in- diqués par des points de suspension. Quant à la description des fêtes, elle est reproduite in-extenso.  Les grands Pardons d'Annecy 401  Jésus Christus, Fillus Intemerataa Virginis Mari» Cy commence la solemnité du grand Jubilé concédé par Sa Sainc- teté, de sept en sept ans, a la très dévote Chappelle de la très sacrée et très heureuse Vierge Marie, fondé (sic) en l'église collégiale de ladicte Vierge d'Annessy, ou réside (sic) les Révérends Seigneurs doyen, secretain (sacristain), chantre, chanoines et Chapitre d'icelle. Du jeudy, sixiesme septembre mil six cens dou!{e Comme il plaict a Dieu de donner a chascun la commodité de son sauvement, il luy a pieu d'inspirer le très sainct Siège Apostolique, plus de 200 ans, d'honnorer la Chappelle fondé (sic) en ceste cité d'Annessy, estant en l'église dressée soubz son nom, ou résident les Révérends Seigneurs doyen, secretain, chantre, chanoines, prebstres d'honneur de ladicte église, de plusieurs privilèges et indulgences ; et entre aultre d'ung Jubilé de sept en sept ans, lequel a esté conti- nuellement, par le clergé, habitans de la dite cité, circonvoisins et estrangers, très dévotement célébré, ainsy que les livres et registres des archives de l'Hostel de ville ont délaissé par escript et enseigné. Et partant, ce jourdhuy, affin que chascun se contint a son deb- voir quant au peuple, suivant l'ordonnance de noble et spectable sieur Jean Flocard, docteur es droitz, noble Jean Crochet, noble Guilliaume Meclard, honnoré de ce tiltre de procureur au Siège presidial du Conseil du duché de Genevois, et noble François Marvin, scindics et consulz de la cité d'Annessy *, et des seigneurs leurs Con- • cf. p 219, not. (2). seillers : messire Janus de Sales, chevallier de la saincte Religion de Sainct Jean de Jérusalem, résidant pour maintenant a Malte *, lieute- ♦ vide n 562, not. (3). nantde noble sieur Louys de Sales son frère, seigneur dudict lieu de Sales et de Thorens*, a deux heures après midy, auroit faict assem- • vide tom. xii, p. 95, bler partie des enfans et habitans de la ville, au son de 4 tambours, accompagnés du fiffre ; qui, assemblés a la place du Collège, les a faict marcher comme cy après : Premièrement, tout a la teste marchoit le tambour majeur, tenant son baston rouge ; puis le gojat (goujat) dudict sieur lieutenant, portant la cuirasse et toulache (bouclier) d'icelle, et en la teste le casque, le tout gravé et doré. Apres luy, suivoit le susdict sieur lieu- tenant, habillé de riches vestements, portant l'aulse col aussi doré et gravé, et ung sergentin portant la houppe tissée de soye verte, meslee a fil d'or, et au bout de chasque cordon, des bouttons de mesme estofïe, le manche toutesfois de br'mi (hisette?). Les 4 capitames des quatre pe- nons de la ville sui voient ledict sieur lieutenant, portant chascun une LEirmis V 36  not. (i).  402 Appendice partisannc (pertuisane) dorée, et couverts les manches de velours, deuement garnis de clouz dorés. Quatre rangs d'allebardiers, bien armés de cuirasses la pluspart; cinq arquebusiers tenant place de caporaulx ; deux rengs de musca- taires, et suivoient le tambour sonnant a l'accoustumce, 3 rangs d'aultres muscataires ; et les arquebusiers, de rang a rang et a cinq par rang, suyvoient aussy deux tambours. Le garçon de l'enseigne, portant une partisanne dorée couverte de velours verd, garnie aussy de clous dorés, sans aulcune enseigne, pour les causes cy après. Puis, trois rendz (rangs) d'allebardiers, six aultres d'arquebusiers, finalement six aultres rengs de picqueurs. Et ladicte compagnie finie par trois sargens, de quatre [qu'ils étaient,] d'-aultant que le quatriesme estoit employé, par commandement du sieur scindic Marvin, sargent manent, a mettre en reng la compagnie. Et en tel ordre sont sortis par la porte du grand verger dudict Collège, proche de la grande porte du Pasquier Messieres. Et arrivés au devant de l'Hostel de ville, seroit monté noble Monet Falcaz, capitaine enseigne de la ville ; auquel Hostel de ville les susdicts sieurs Scindics estoient assemblés, avec leurs Conseillers, cy devant nommez en l'assemblée de ce jourd'huy : ou estant, leur auroit demandé le drappeau neuf, plyé dans une grande baucine d'argent, affin d'estre benict. Lequel drappeau, ledict sieur Falcaz l'auroit reçu, • Vide p. 356, not. (4). gettant les genoux en terre, des mains du sieur premier Scindic * ; et après les remerciations ordinaires, ledict sieur Falcaz seroit descendu portant a deux mains ladicte baucine et le drappeau neuf dans icelle, et auroit trouvé la compagnie qui avoit faict alte jusques a sa venue, et se meit a son rang : estans a ladicte compagnie davantage de 200, sans ledict chief et officiers. Et prenant le chemin du Pont de la Hasle, sont arrivés au cimis- tiere de Sainct Maurice et ont environné ledict cimistiere. Ledict sieur Falcaz seroit entré dans ladicte église, et arrivé au marchepied du grand autel, ou il trouva Illustre et Reverendissime Seigneur François de Sales, Esvesque et Prince de Genève, revestu d'une estoUe et la miltre en teste, auroit présenté ledict drappeau (estans messieurs les Scindics, accompagnés de plusieurs Conseillers et de secrétaires, dans leurs sièges) : lequel drappeau auroit benist, usant de plusieurs sainctes et belles cérémonies ; puis, mise (sic) a son baston, mondict Seigneur l'auroit eslevé un peu hault par la poignée, et despuis remis audict sieur Falcaz qui, retournant a sa trouppe qui faisoit aussi alte, a continué son chemin par devant Saincte Croix, ou soit la porte Genotton ; et se rendant devant l'Hostel de ville, auroit arborisé aux fenestres ledict drappeau, ou il a demeuré jusques au lundy après, dixième de ce moys.  Les grands Pardons d'Annecy 403 Cependant, le pennon de la Procure estoit prest pour entrer en garde avec l'enseigne desployee, ce quil fet ; et puis se feit la prédi- cation a Sainct François, par le Père François, Capucin. Estant a noter que pendant que la trouppe passoit par devant la Porte Genotton, le penon d'icelle s'estoit mis en tout debvoir, s'estant assemblé avec l'enseigne déployée, portée par le fils ayné de M' Jean Gabriel Compte ; qui néanmoins a esté aulcunement altein en sa charge par M® Jean Greyfié, procureur au Conseil de Genevoys, et par M* Claude et François Greyfié ses frères, qui se sont mis en debvoir de luy arracher ladicte enseigne : s'estant tous les pennons esmeus telle- ment, que les ungs ont levé les armes contre les aultres, estant le tout reucy, par la grâce de Dieu, que nul n'a esté offencé. La prédication achevée, l'on a sonné la procession a l'église de Sainct François, ou réside le très vénérable Chapitre de l'église Cathédrale de Sainct Pierre de Genève, ou touttes les églises se sont assemblées avec les croix, sauf celle de Nostre Dame. Et peu après sont parties en procession, chascune en son ordre, sçavoir : Les dévots Capucins premier; puis la croix de Sainct François et de Saincte Clare joinctes ensemble, avec les Pères de Sainct François qui les environnoient. Troisiesmement, la croix des dévots Orateurs de Sainct Dominique, et après eulx, les Révérends Chanoines régu- liers du prieuré du Sainct Sépulcre. Finalement, les Révérends sieurs Prévost et Chanoines de Sainct Pierre, avec leurs serviteurs, tous revestus de leur habit vioUet, le rocquet au dessoubz ; les enfans de cœur (chœur) habillés de tuniques de damas incarnat. Et puis, Illustre et Reverendissime Seigneur François de Sales, Evesque et Prince de Genève, revestu d'une chappe de drap d'or, assisté de deux sieurs chanoines revestus de tuniques de satin rouge, et ung prestre qui portoit au devant la croce, revestu de une chappe de damas roge (sic), estant près des deux chantres portant des chappes de satin rouge et des miltres de damas a leurs testes et tenant leurs bastons d'argent en main ; et dernier (derrière) mondict Seigneur, autre prestre revestu d'une chappe de damas royge pour porter sa miltre. Et estant entonné l'hymne Vent Creator Spiritus, la procession a commencé, au rang que dessus, a marcher, mise néanmoins en reng par le M" des Cérémonies de M" de Sainct Pierre, qui portoit un beau baston d'argent et marchoit en teste de la croix de Sainct Pierre. Puis suivoit un enfant de cœur portant un cros (gros) be- nistier d'argent, deux aultres portans chascun un chandellier d'ar- gent, la grand croix de Sainct Pierre [portée] par un prestre revestu d'une tunique de damas roge ; et après les serviteurs et musiciens habillés de leurs surplis, nos Seigneurs les chanoines, chascun par ordre ; enfin les deux chantres que dessus, puis celluy de la croce, et  404 Appendice Monseigneur avec ses assistans, a costé le porte miltre. Et sont partis de ladicte église de Sainct François en tel ordre. Puis suyvoient quatre petits enfans portans chascun une tocque armizee des armes de la ville, devant et dernier, portant chascun une torche cire blanche qui n'estoit allumée ; estans suivis du secrétaire de la ville tout seul, puis de messieurs les Scindics portans leurs bastons de scindicat en main, le premier revestu de sa robbe d'au- dience, ayant les parementz devant et des manches de velours, avec sa cornette. Et après eulx, trois huissiers avec leurs baguettes d'ar- gent, vestus de leurs longues robbes ; puis nos seigneurs du Conseil, de la Chambre, juge mage, advocat et procureurs fiscaulx, noblesse, advocats, procureurs et le reste du peuple. Ayant icelle procession prins son chemin pardessus le Pont iWorens pour aller vers celuy de la Hasle, passant pardevant Sainct Domini- que. Et ladicte procession arrivée sur le Pont de Nostre Dame (tout ledict Pont, et fort bien loing, bordé de soldats, comme aussy celuy de la Hasle, du pennon de la Procure, l'enseigne desployee, et au devant l'Hostel de ville le drappeau neuf et tantost benist porté par ledict sieur Falcaz), s'est trouvé a costé du bout du Pont, près la petite maison de M^ Jean Baptiste Garbillon, la croix de la vénérable église de Nostre Dame, avec les Révérends sieurs François de Lornay, doyen, revestu d'une chappe de drap d'or frizé; le porte croix re- vestu d'une tunique drap d'or parsemé quelque peu de soye viollette, et precedoit le maistre bedeau avec son baston d'argent de ladicte église ; puis deux enfans de cœur (chœur) revestus de tuniques de diverses couleurs, ainsy que les aultres enfans d'icelle église, portans deux chandelliers d'argent. En devant le dict sieur Doyen marchoit un seigneur chanoine, revestu d'une tunique de pareil estoffe que la chappe dudict sieur Doyen, portant ung grand turibule ou encensoir d'argent ; puis les serviteurs de ladicte église, faisant la musique. En après, les prestres d'honneur et les sieurs chanoines, portant leurs aumusses aux bras, et finallement deux chantres portans deux beaux et grands bastons d'argent neuf, ayant de grosses pommes d'argent a la cyme, revestus de chappes d'or très riches : qui tous, après avoir salué le clergé, se sont mis audevant la croix de Sainct Pierre avec celle de Sainct Maurice, puis ont commencé a chanter en musique, a leur tour, le reste du Te Deum, etc., avec Messieurs de Sainct Pierre. En tel ordre sont entrés dans l'église de Nostre Dame, qui estoit parée très richement, ainsy que sera declairé cy après.  ■jm  Les grands Pardons d'Annecy 405 Description du parement de l'église de Nostre Dame Premièrement, a la première porte de l'entrée de ladicte église, sçavoir celle qui est plus proche de la chappelle de Nostre Dame, au dessus de l'arcade reposoit l'image de la très sacrée Vierge Marie en bosse, et au dessoubz d'icelle estoit escript ce distique en grosse lettre jaune, estant ung anagramme faisant les premières lettres des motz Maria Virgo : S ATERNO > FFLICTOS, ?CEGINA, «NTELLIGE >MORE.  ^'g- ^^i ^^4> l^g- 3^ ! 264, lig. I, etc.), en (pp. 68, lig. 9; 347. lig- 10; 356, lig. 9). ABANDONNEMENT — pour renon- cement, suppression (v. p. a88). ABCRS — préliminaires (v. p. 211). ABSENTER — pour s'absenter (voir P- »35)- • kCCOlSER [s') — s'apaiser, se cal- mer (v. p. 346). Cf. le lat. ACQUiBS- CERB. • ACCOUSTUMANCE — habitude (V. p. 347). • A CE — pour ce (v. p. 218). A CE QUE — pour ajin que {v . p. 167). ACQUEST — pour acquisition (voir P- »33)- •ACTION — pour acte (v. p. 141), cérémonie (pp. 16, 349). • ADMIRABLE — pour extraordinai. re, qui excite rélonnement [y. p. 199). • ADMIRER — pour trouver étonnant (v. p. 222).  ADMIRER (s') — çoMTétre à soi-mê- me un sujet d'étonnement (v. p. 76). • ADVENTURE (à 1') — pour peut- être, suivant l'occasion (v. p. 44), probablement (p. 70). ADVENTURE (d', pa^r) — par hasard (v. pp. 42, 242). AFFECTATION — du lat. affbcta- Tio, recherche passionnée, ambitieu- se (v. p. 272). • AFFECTION — pour désir, volonté, {fie, dévouement (v. pp. 264, 295). AFFECTIONNÉ — pour cher, préféré (v. p. 51), ardent (p. 218). • AFFECTIONNEMENT — avec af- fection, vivement (v. pp. 18, 204, 239, etc.) AFFETERIE — pour mômerie, pha- risaïsme (v. p. 84). AGGREABLEMENT — pour d'une manière qui a été agréée (v. p. 43). AIGU — pour subtil {v. p. 192). • AINS — mais, mais encore, mais plutôt.  ( 1) Nous n'avons pas ■songé à dresser ici, pour ce volume, en toute rigueur scientifique, le Lexique de saint François de Sales. Un tel travail, à peine est-il besoin de le dire, ne pourra être établi qu'après l'achèvement de cette publication. Notre but a été surtout de rendre provisoirement service aux lecteurs français ou étrangers qui seraient peu familiarisés avec les particu- larités du vieux langage. On voudra bien, en se servant de ce recueil, se souvenir de la pensée d'ordre tout pratique qui l'a inspiré.  4i6  Lettres de saint François de Sales  • A L'ENTOUR — autour (v. p. 169). AMENDANT DE (en) — pour s'amé- liorant de (y. p. 12). • A MESME — en même temps (voir p. iio). • A MESME QUE — dans le temps même où (v. p. 125). • AMIABLE — qui a lieu par voie de conciliation (v. p. 63), aimable, gra- cieux (p. 78). • AMIABLEMENT — aimablement, gracieusement (v. p. 312). AMPOLON — gros flacon h forme d^ampoule (v. p. 37a). • AMUSER (s') — pour perdre son temps (v. p. 62), s'occuper (p. 165). • A PEU QUE — peu s'en est fallu (v. p. 306). • APPARENT — qui a l'apparence de la réalité (v. p. 380). • APPOINTE — pourvu de ressour- ces suffisantes (v. p. 341). • APPOINTEMENT — pour arbi- trage dans les différends (v. p. 370). Cf. l'ital. APPUNTAMBNTO. • APPREHENDER — pour/u>- • SI BIEN — bien que, quoique [voir P- 73)- • SI EST-CE QUE - il n'en est pas moins vrai que, il est pourtant vrai, néanmoins, toutefois (v. pp. 44, loi, 119, 243, etc). • SIGNE (a ce) — de l'ital. a tal SEGNO, à ce point (v. p. 114). • SI MOINS — au moins (v. pp. 120, 369). • SI QUE — de sorte que (v. pp. 19, III, etc.) SI SERONT — locution affirmative (v. p. 221). SITOST — pour aussitôt (v. p. 281). • SI TRES — si fort, tellement (voir p. 36). • SOIN — pour travail (v. p. 169). SOLEMNISER — pour vanter, louer avec éclat (v. p. 94). SORTE (de bonne) — de bonne famil- le (v. p. ia8). • SOULOIR — du lat.soLBRB, avoir cou- tume, avoir Fhabitude de (v. p. 165).  SOUPLEMENT— dune manière sou- ple, avec souplesse (v. p. 141). • SOUVENANCE — souvenir (voir p. 348). STILE — pour usage (v. p. 297). SUBSTITUÉ — nommé à la place d'un autre (v. p. 123). • SUCCES — de l'ital. successo, issue, résultat (v. pp. 98, 113, 301). • SUFFISANCE — pour capacité, mé- rite (v. p. 242). Du lat. SUFFICENTIA, SUJET — pour assujetti, dépendant (v. p. 269). SUPERSCRIPTION — du lat. supbr- sCRiPTio, inscription (v. p. 143). • SUPPORT — pour appui, soutien (v. p. 347). • SUR — pourrfans /a (v. p. 2"}). • TANDIS — en attendant (v.pp. 167, 300, 398). • TANT — pour le plus, autant, aussi longtemps (v. pp. 150, 159, 164). • TANT PLUS — d'autant plus (voir pp. 19, 133, etc.) • TENDRETÉ — sentiment affectueux, consolation, sensibilité (v. pp. 89, 100). Du lat. TBNERITAS. • TOUT AINSY QUE — comme (voir P- 374). • TOUTES FOIS ET QJJANTES — autant de fois (v. p. 67). TRAITTER (le faire) — pour lui faire parler (v. p. 85). • TRANSMUTATION — du lat. TRANSMUTATio, changement (voir p. 396). • TRAVAIL — pour peine, souffrance (v. pp. 89, loi, 141, etc.) TRAVAILLÉ — pour affligé, éprouvé (v. p. 161). • TRAVAILLER (se) — se fatiguer (v. pp. 139, 306). • TRAVAUX — pour douleurs, souf- frances (v. pp. 141, 161, etc.) • TRAVERS (au) — malgré (voir p. 136). TREILLE — treillis, grille de fer (v.p. 307). TRETOUS — tous, tous sans excep- tion (v. p. 8). •TROUBLEMENT — 134 Châtillon Jean de » 58, 58, 126, 167, 341 Chenex Jérôme d'Angeville de Mestral (sei- gneur de) » 200 Chérub.n de Maurienne, Capucin » 38a Chevron (Arbitrage entre les membres de la famille de) » 392 Chevron Bernard (baron de) » 207, 207, 392 Chevron (fils d'Hector de) » 392 Chevron Jean-Louis * (de). Voir Bonvillard. . » 208, 393 Chevron-Villette Amédce (de). Voir Villette » 109, 364, 276 Chevron-Villette Gaspard (de). Voir Giez. ... » 264 Congrégation de prêtres projetée par saint François de Sales » 334 Conseil de Ville d'Annecy (le) et la Visitation. Voir Visitation » 219 Conseil du Genevois (membres du). ........ » 35 Constantin de Chambéry, Capucin » 313 Contagion en Suisse » 277 Corcelles Ferdinand de Prez (seigneur de) ... . » 261 Cornillon Gasparde de Sales (dame de) » 233 Coudrey Charles-Emmanuel et Vincent du... » 12 CouLON (M.) » 317 Crescenzio Pierre- Paul, Cardinal » 223 Crispiliani Amblarde Forestier (dame) » 230 Crispiliani Marc Antoine, seigneur de Crassy » 230 Croix blanche (logis de la) » 337 Croix d'Autherin Jeanne-Antoine de Chapot (dame de la) » 357, 357 Crotti Jean-Michel * » 413 Crozet (chapelle du) » 338, 395, 396 Curton Jean » 338 CuRTON Humbert, curé de Farges et Asserens » 63 Destinataires inconnues » 35, 88, 140, 318, 346 Destinataires inconnus » 1 15» 256 Deti Jean-Baptiste, Cardinal » 224 Diègue de la Cité-Neuve (Luchetti), Capucin. . » 166 DivoNNE (prieuré de) » 59  Index des correspondants et des notes 429 Dufour Charlotte de Buttet (dame) Pages 15, 377, 377 Dunant Etienne, curé de Gex » 63, 337 Dupanloup Claude, curé de la Muraz » 239, 239 Epernon Jean-Louis de Nogaret de la Valette (due d') » 202 Escpllles ou des Grilles Marie de Mouxy, dame d' (Marie-Madeleine, Religieuse de la Visitation) » 26 1 , 278, 278, 304. 347. 348 Esne Michel * (d'), Evêque de Tournai » 237, 237, 238, 393 Eustache de Saint- Paul, Feuillant. Voir ASSELINE » 116, 1 1 6, 1 1 7 Farnese Odoard, Cardinal » 324 Faverge Pernette de Chevron-Villette (dame de la) » 292 Favpe Antoine » 3 1 , 3 1 , 34, 48, 55, 83, iio Favre de la Valbonne Antoine-François » 317 Favre (Faber) Jean, médecin » 147 Favre ffa&^rj Pierre (Bienheureux), Jésuite. . . » 146 Favre Jacqueline (Marie-Jacqueline, Religieuse de la Visitation) » 178, 178 Favre Philiberte Martin de la Pérouse (dame) » 18, 54, 301, 308 Fénouillet Pierre, Evêque de Montpellier » 69, 344, 345 Fernex Pierre Chevalier (seigneur de) » 294, 339 FiCHET Adrienne (Marie-Adri'enne, Religieuse de la Visitation) » 12 Fléchère Henri de la » 308 Fiéchère Madeleine de la Forest (dame de la) » n, 36, 84, 89, 92, 136, 214, 244, 281-, 307, 319, 325 Fléchère (enfants de M-^^ de la) » 86 Floccard Jean, premier syndic d'Annecy » 356 Flottes Pierre (de). Voir Pierre de Saint- Bernard » 227, 227 GAvJean » 337 Genève et Henri IV » 67 Genève Marguerite (de), Abbesse de Beaume- les-Dames » 262, 262  4^0 Lettres de saint François de Sales Genissia Lancelot Guillet (seigneur de) Pages 304 Gerlande Just de Fay (seigneur de) » 394 Germonlo Anastase *, Archevêque de Taren- taise » 183, 183, 597 Gex (Bénéfice du pays de). Voir MoNTLUEL. .. . » 69,70 Gex (Les commissaires royaux dans le pays de) » 129, 254 Gex (Le culte catholique dans le pays de). Voir Carmes, Challex, Crozet, Divonne, Saint- Jean DE GONVILLE, ThOIRY » 294, 296, 299 Gex (Ministres protestants du pays de) » 254 Gex (Saint François de Saks au pays de) » 48, 129, 172 244, 248 GiEz Gaspard de Chevron-Villette (seigneur de). Voir Chevron-Villette » . 264 GiNON Henri » 338 GiROD Claude » 395 CIvry Anne de Pérusse d'Escars (Cardinal de) » 382 GoNZAGUE Ferdinand (de). Cardinal de MantoUe. Voir Mantoue » 202 GoRiA Jacques, Evêque de Verceil » 225 Gouffieps Elisabeth Arnault (des). Religieuse du Paraclet » 343 , 343 Grandis Jean, médecin » 20 Grandmaison François de Bessac (seigneur de) » 284 Grandmaison Hélène de Longecombe de Pey- zieu (dame de). » 283, 283 Grands Pardons de Notre-Dame de Liesse d'Annecy » 265, 400 Grillet Claudine de Sales (dame) » 274 Grillet Nicolas » 274 Gros Humbert » 83 Guillaume de Sainte-Geneviève (Compans), Feuillant » 84 Guillet Claude- Louis. Voir Monthoux » 55 Guillet Gabriel. Voir MoNTHoux » 2, 372, 373 Hayes Antoine * des » 43,77, 148, 201, 259, 271, 299, 361, 398 jACcaJES (Père) Jaes (Jay ?), Dominicain >•> 162 Jacquier Charles » no  Index des correspondants et des notes 451 Jean de Saint-François (Jean Goulu), Prieur des Feuillants Pages 77 Jean de Saint-Pasteur, Prieur des Feuillants d'Abondance » 41 Jésuites de Chambéry et le Baron de la Serraz » 209 Lambert Françoise de Bellegarde (dame de). . . » 133, 136 Lancellotti Horace, Cardinal » 224 Lans Sigismond d'Est (marquis de) » 48, 49, 49, 124, 127, 254, 289 La Tour Antoine, procureur » 366 Legros Bernard ? » 233 Legros (M'"^) » 233 Legros Marie-Marthe, Religieuse de la Visitation » 233 Le Maire ou Lemaire Claude, Recteur des Jésui- tes de Chambéry. Voir Marius » 209 Le Mazuyep Gilles » 295,295 Leni Jean-Baptiste, Cardinal » 223 Lescheraine Antoine (de), sénateur » 88 Lescheraine Catherine de Monthouz en Duyn (dame de) » 88 Lescheraine Georges de » 81 Lesseau Guillaume (de), Religieux Célestin. . » 351, 351 LivRON Bernard, seigneur d'Allemogne » 339 LivRON de Thoiry (membres de la famille de) » 338, 339 Lux Edme de Malain * (baron de) », })6, 385 Maillard Jéronyme (de), ancienne Abbesse de Sainte-Catherine » 211 Maillard-Tournon Claude-Françoise de » 54' Maillard-Tournon Sanche-Marc-Prosper de. . . » 341 Mantoue (Cardinal de). Voir Gonzague » 202 Mar Claude * (de la), Grand-Prieur de Saint- Claude. Voir Saint-Claude » 59, 59, 386 Marchand Anselme, Cordelier. Voir Anselme » 285 Marillac Louis de » 154 Marius Chude, Recteur des Jésuites de Cham- béry. Voir Le Maire » 209 Martherey Jean-François (du), Religieux de Peillonnex ^) 232 Martinel (Martinet) Ascanio et ses fils » 45 Martinel Georges-Louis » 46  432 Lettres de saint François de Sales Médicis Marie de Pages 166, 255, 3 16 Menthon Claudine (de), Abbesse de Sainte- Catherine » 135, 135 Michel-Ange de Remiremont, Capucin » 339 Milan (Pèlerinage de saint François de Sales à) » 171, 360, 361, 374 Mllletot Bénigne » 5,6, 22, 93, 95, 96, 113, 145» 213 Milletot Marie-Marguerite, Religieuse de la Visitation » 6 MiRiBEL Claudine Solliard (dame de Chevron et de). Voir Visitation » 328, 350 Miroir d'amour (le) et la Vie de sainte Cathe- rine DE GÊNES » 17 Monte François-Marie (del), Cardinal-Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites » 223 Montfort Charles de » 14 Montfopt Michelle de Cerisier (dame de) et ses enfants » 14, 1 4 MoNTHOux Claire-Marie de Maillard-Tournon (dame Guillet de) » 2, 372, 373 MoNTHoux Claude-Louis Guillet (coseigneur de). Voir Guillet » 55 MoNTHOUX Gabriel Guillet (seigneur de). Voir Guillet » 2, 372, 373 MoNTLUEL Claude (de), Abbé de Bonmont. Voir Gex » 70 MouxY Anne-Françoise de » 332 MouxY Antoinette de Saint-Jeoire (dame de). . . » 279 MouxY Pierre-Marc (de), seigneur de Travernay » 348 Nacot Nicolas » 1 Nambride Claude (de), curé de Divonne » 60 Nant Georgios (du). Voir Saint-Paul » 65 Nemours Ducs de. (Leur hôtel à Paris) » 154 Nemours Henri de Savoie, duc de Genevois et de. (Gentilshommes annéciens calomniés auprès de lui) » 327, 360 Neuvecelle Claude de Varax (seigneur de). . . » 310, 310 Noue Odet de la » 67 Offredi Marc » 169  Index des correspondants et des notes 43^ Offredi Paul » Pages 169 Paris (Saint François de Sales invité à prêcher le Carême à). Voir Saint-Benoît » 37, 271, 273, 363 Paul V (Camille Borghese) » 173 Peillonnex (Religieux du prieuré de) » 232 Peyzieu Françoise de Dizimieu (dame de). .. . » 181, 181, 286 3»5 Peyzieu (paroisse de) » 288 Pierre de Saint-Bernard, Feuillant. Voir Flottes » 227, 227 Plessis-Mornay Philippe du » 128 PoBEL Péronne de Genève-LuUin (dame) » 262 Polliens Nicolas, jésuite » 146, 245 Poncet Pierre, curé de Cessy et de Sacconex » 60, 340 P0NZIANI Jean-Baptiste, fils de sainte Françoise Romaine » 30 Pouvoir du Pape sur le temporel des Rois (Af- faire du). Voir Bellarmin » 95, 194 Provana de Collegno François, grand-chance- lier de Savoie » 370 Quoex Claude de » 203, 208, 372 Quoex Philippe de » 19, 123, 168 Religieuse, destinataire inconnue » 73 Reposoir (chartreuse du) , » 147 RoAsciEU Jean-Jacques de Mesme (seigneur de) » 272 Roget Claude-Françoise, Religieuse de la Visi- tation » 106, 106, 369 Rouge Aimé, Sous-Prieur de Peillonnex » 232, 232 Saint-Alban Claude-François Pobel (comte de) » 309 Saint-Alban Marguerite du Pont (comtesse de) » 309 Saint-André Henri (de). Voir Cervières » 182 Saint-Benoît (église paroissiale de). Voir Paris » 271,273 Saint-Cergues Gaspard de Lucinge (seigneur de) » 172 SaInt-Cergues Jeanne de Cartal * (dame de). . » 15, 171, 377 389 Saint-Claude (abbaye de) » 59» ^0 Liimit V a8  434 Lettres de saint François de Sales Saint-Claude (Grand-Prieur et Religieux * de). Voir Mar Pages 59, 59, 386 Sainte-Maison de Thonon » 167, 38a Saint-Jean de Gonville (chapelle de Sainte- Catherine à) » 338 Saint-Paul Georgios du Nant (seigneur de). Voir Blonay et Nant » 65 Saint-Pierre Françoise de Seyssel (dame de) » 280 SALES FRANÇOIS * de (Saint). Voir Chambéry, Congrégation de prêtres, Croix blanche, Germonio, Gex, Grands Pardons, Milan, Paris, Synode, Tour DES Miroirs, Ursulines » 66, 163, 181, 349. 397 Sales Françoise - Marie de Boisy de (Jeanne- Françoise, Religieuse de la Visitation) » 363 Sales Gallois (de), seigneur de Boisy » 263 SALEsJanus, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem » 362 Sales Jeanne du Fresnoy-Martin (dame de Boisy de) » 263 Saumur (Assemblée de) » 127 Savary DE Brèves François, Ambassadeur de France à Rome » 189 Savoie (Ravages des troupes en) » 32, 34 Sénat DE Savoie (Enquête en Chablais du). .. . » 126 Sénat DE Savoie (membres du) » 55 Sens DE Sainte-Catherine *(Beauner), Feuillant » 390 Servette Josué d'Allinges ? (seigneur de) » 37 1 Sevelinges ou Sirvinges Claude (de), Aumônier de Belleville. Voir Belleville » 333 SiccARD (M. de) » 337 SixT (Eboulement à) » 103 Synode de 1603 et de 161 2 (Divers actes du). . » 21 1, 228, 232, 307 Thavan Eustache » 213 Théodose de Bergame (Foresti), Gardien des Capucins d'Annecy » 281 Thiollier Claude-Marie, Religieuse de la Visi- tation 9 13 Thiollier Marie-Antoine, Religieuse de la Visi- tation » 161 Thoiry (chapelle de Saint-Gras à) » 338  J  Index des correspondants et des notes 435 Thorens (terre de) Pages 364 Tour Antoine de la » 27 Tour Charles (de la), Prieur de Talloires » 27,356 Tour des Miroirs (Torre di Specchi) Oblates de la » 30 Tour des Miroirs (Visite de saint François de Sales au monastère de la) » 29, 30 Tournette Louis de l'Alée * (seigneur de la). . . » 300, 413 Tournon Philiberte de Beaufort (comtesse de) » 1, I Tournon Prosper-Marc de Maillard (comte de) » 340, 370 Tournon (filles du comte de). Voir Maillard- Tournon » 340 Touvière d'Escrilles Antoine-Balthazard de la (P. Georges, Capucin) » 280 Travernay Gaspard de » 331 Travernay Péronne de Montfalcon (dame de) » 246, 268, 331 Trémont Anne de Rochefort-Plurault (dame de Semur) » 285 Ursulines de Chambéry » 302 Valbonne Andrée de Nicolle de Crescherel (dame de la) » 216, 216 Vaud (Vain espoir d'ôter aux Bernois le pays de) » 68 Verchère Claude * de la » 338, 394 Vignod Bernarde (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine » 50 ViLLARNos ou ViLLARNOUL Jean de Jeaucourt (seigneur de) » 128 ViLLARS Jean * (de), Jésuite » 388 Villette Amédée de Chevron (baron de). Voir Chevron- Villette » 109, 264, 276 Villette (filles du baron de) » 265 Villette MargueritedePingon-Cusy(baronnede) » 109 Visitation (Apostolat, coutumes et formation spirituelle de la) » 16, 144, 160 Visitation (Blason de la) » 63, 64 Visitation (Maison de la). Voir Conseil de Ville d'Annecy » 219, 245, 282 305 Visitation et M*"* de Miribel (son héritage). Voir Bellegarde et Miribel » 328, 350, 366  436 Lettres de saint François de Sales Visitation d'Annecy (Religieuses de la). Voir Blonay, Bréchard, Chantal, Chastel, Es- CRiLLES, Favre, Fichet, Legros, Milletot, Roget, Sales, Thiollier Pages 205, 282, 303 VuLLiAT Mamert » ^^5  TABLE DE CORRESPONDANCE DE CETTE NOUVELLE ÉDITION AVEC LES PRÉCÉDENTES ET INDICATION DE LA PROVENANCE DES MANUSCRITS  NOUVELLE ÉDITION  DCLIII DCLIV,  PROVENANCE DES MSS. Turin. Marquise Pensa AuTUN. Grand-Sémi-  DCLV.... DCLVI. . . DCLVIL. DCLVIII. DCLIX...  DCLX.. DCLXI.  Besançon. M. de Lon- geville Dijon. Grand-Séminai- re Grasse. Sacristie de l'église paroissiale...  PiGNEROL. Visitation..  DCLXIL. ( Annecy. Visitation. ( (Hist.de la Fondation) ' !'■* phrase PisToiE. Visitation a* phrase 1 11. 10-14. • Idem 1 Idem DCLXIII ' fil. 15-18.. Idem fin Idem  PREMIÈRE PUBLICATION (1) ÉDITIONS MODERNES n t, S Vives, IX, p. 530 Datta,n, p. 273 J ,,. " ^/ _ ^ '-' {Migne, VI, col. 789 Inédite TT, ■ \ Viv. X, p. 371 Hérissant, u, p. 202.. J ,.. ,0 > > t^ y ( Mtg. V, col. 781 !Viv. X, p. 370 Mig. V, col. 781, et VI, col. 1055 Inédite Inédite Inédite Epistres spirituelles, l Viv. ix, p. 410 1626, 1. m \ Mig. V, col. 779 ( Viv. VII, p. 298 Datta, u, p. 177 ) ,,. , ' ^ " f Mtg. VI, col. 735 Œuvres, 1641, t. II, ( Fît). VII, p. 194 epist.xT,v(post-script.) ( Mig. v, col. 787 Inédite Epistres spirituelles, ( Viv. xi, p. 194 1626, 1. IV (?) \ Mig. V, col, 1331 Inédites Vie du Saint, par le P. de la Rivière (1634), 1. IV, cbap. XXIX. . . Inédite  ( I ) Les indications qui figurent dans cette colonne sont données sous toutes réserves, et pour des raisons déjà exposées dans l'Avant-Propos du tome XI. La numérotation des pièces étant souvent très inexacte dans les éditions du xvii' siècle, quand nous remontons à celles-ci, au lieu de citer le numéro d'ordre des Lettres, nous indi- quons seulement la série, soit le Livre dans lequel elles sont insérées. (2) Voir aussi Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantai, sa Vie et ses Œuvres (Paris, Pion, 1876), tome III, déposition de la Sainte, art. 39, p. 196.  438 NOUVELLE ÉDITION DCLXIV DCLXV DCLXVI DCLXVII DCLXVIII DCLXIX DCLXX DCLXXI DCLXXII DCLXXIII DCLXXIV DCLXXV DCLXXVI DCLXX VII (fragment) DCLXXVIII DCLXXIX DCLXXX.... DCLXXXI DCLXXXII DCLXXXIII DCLXXXIV DCLXXXV DCLXXXVI DCLXXXVII DCLXXXVIII DCLXXXIX DCXC ,  PROVENANCE DES MSS. Turin. Visit. (Copie) . . Annecy. Visit. (Copie) Annecy. Visitation (An- cien Ms. de VAnnée Sainte) Annecy, Visit. (Copie) Le Mans. Visitation . . AosTB. Archives de la Société académique.. Poitiers. Visitation. . . Mbaux. Visitation.... Bruxelles. Bibliothè- que des PP. Bollan- distes Turin. Archiv. de l'Etat (Copie) Florence. Bibliothè- que Magliabecchiana MoNTBLiMAR. Visitatiou (Copie) Le Mans. Visitation.. Paris. Dames de Saint- Maur l Paris. Bibl. nat., Gale- \ rie Ma^ariiie  PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES In/diie Œuvres, 1641, t. II, l Vi't>. x, p. 386 epist. XVIII ( Mig. v, col. 793 InédiU Epistres ^irituelles, I Viv. ix, pp. 541 et i6a6, 1. i \ 561 Biaise, Nouvelles iné- ) Mig. v, col. U91, dites (1833), P- »5... ( et VI, col. 869 Année Sainte de la Vi- \ s,7«/,<,«(i689).t.I",r^'"-^'P-"\ p. ,94..... '\Mtg,v, co^,^%^ Mig. VI, col. 953 Inédite Epistres spirituelles, l Viv. x, p. 284 1626, 1, VII ( Mig. V, col. 673 Mig, VI, col. 953 Epistres spirituelles, { Viv, x, p. 376 1626, 1. VI ( Mig. V, col. 784 Bulletin de la Soc. acad. d'Aoste, 187 1 Mémoires de l'Académ. Salés., t. II (1880) Œuvres, 1641, t. II, l Fît». VII, p. 192 epist. XLV \ Mig, v, col. 785 (Voir note (a), p. 41) Inédit rr, . , \ Vi^- ^y P- 385 Hérissant, 11, p. 314.. < ,^. , ) > tr ? •* ^ Mig. V, col. 792 .... l Viv. VII, p. 195 Ibld., p. 521 \ \jr- 1 ' *^ ^ \ Mig. V, col. 795 Annuaire de V Univer- sité catholique de Lou- , vain (1848), p. 258 Epistres spirituelles, i Viv. xi, p. 351 1626, 1. VII ( Mig. y, col. 1367 Mig. VI, col. 954 i Viv. VI, p. 272 ^''"'*' "• P- 56 i Mi^. vi, col. 665 I Epistres spirituelles, ( Viv. xii, p. 27 \ 1626, 1. IV ( Mig. V, col. 1534 Œuvres, 1641, t. II, l Viv. x, p. 380 epist. XXIV [ Mig. v, col. 787 Inédite Mig. VI, col. 954 Epistres spirituelles, l Viv. x, p. 468 1626, 1. IV. I Mig. V, col. 898 Inédile Biaise, Nouvelles iné- ( Viv. ix, p. 412 dites (1833), ?• ï3«-' ' ^^i' ^h col- 859  NOUVEtLE ÉDITION DCXCI Dcxcri DCXCIII DCXCIV ! mutilée. . , , entière ipp. 69-71 (11, 1-19) suite DCXCVII DCXCVIII DCXCIX (fragment)., DCC DCCI DCCII DCCIII DCCIV DCCV DCCVI DCCVII DCCVIII DCCIX DCCX DCCXI  PROVENANCE DES MSS. Annecy. Visitation (An- cien Ms. de VAnure Sainte) Nantes. Bibliothèque communale TuEiN. Archiv. de l'Etat IssY (Paris). Maison de Philosophie de la C" de Saint-Sulpice Rouen. Visitation (1" Monastère) Château DE Buzbt (Lot- et-Garonne). C'"«e de Noailles TuKiN. Archiv. de l'Etat (Copie) Idem Angers. M. Cassin de la Loge Château de Touche- BREDiBR (Eure-et-Loir). MM. Lyautry  439 PREMIERE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES . ( Viv. X, p. 393 Hérissant, v, p. 95... j y^-^ ^^ ^ol. 840 Epistres spirituelles, ( Viv. x, p. 517 i6a6, 1. VII I Mig. V, col. 1671 IViv. VII, p. 198 Mig. VI, col. 665 ( Viv. VII, p. 199 Ibid., p. 58 i. j ^^^ Y,^ col. 666 Vie du Saint, par Char- l Viv. ix, p. 391 les-Auguste, liv. VII \ Mig. v, col. 73» ( Viv. VI, p. 273 Datta, 11, p. 59 j j^-^ .yj^ col. 6^6 t Viv, IX, p. 416 Biaise {1S21), n, p. 258 | ^.^^ ^^ ^^j g^ Epistres spirituelles, l Viv. xii, p. a»5 1636, 1. VII l Mig. V, col. 1678 S Viv. XII, p. ag Mig. V, col. 1681 ( Viv. XII, p. 238 Ibid ] Mig. V, col. 1687, ( 1688 Hérissant, Opuscules, ( Viv. vu, p. aoo IV, p. 38 1 Mig. V, col. 8oa Inédite [ Viv. XI, p. 413 Datta, u, p. 349 j 3i,^. vi, col. 834 Mig. VI, col. 1075 Epistres spirituelles, l Viv. ix, p. 418 1626, 1. III I Mig. V, col. 806 l Viv. XI, p. 4 Hérissant, v. p. 77. . . \ j^-^ ^^ ^^ ^^ .... „ \ Viv. X, p. 397 Ibid., n, p. 340 î Mzig'. V, col. 807 Epistres spirituelles, ( Viv. x, p. 436 1626, 1. II ( Mig. V, col. 854 Revue d'Anjou l Viv. XI, p. 391 Hérissant, v, p. 61. .. \Mig. v, col. 1422, ( et VI, col. 1006 Inédite Epistres spirituelles, l Vjp. ix, p. 451 i6a6, 1. vu i Mig. V, col. 876  440  NOUVELLE ÉDITION DCCXII DCCXIII  DCCXIV. DCCXV. . DCCXVI.  DCCXVII. DCCXVIII.  DCCXIX. DCCXX. .  PROVEMANCE DES MSS. PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES Epi sires spirituelles , ( Vit», x, p. 399 1626, 1. III I Mig. V, col, 809 Ibid !;^-''''''P-/7 {Mig. V, col. 811 Datta, II, p. 62 \ y.. y ce ' f M.ig. VI, col. 669 Inédite I Viv. XI, .p. 79 (Mig. y, col. 1131 Inédite Mig. VI, col. 956 l Viv. X, p. 404  Londres. Musée Britan- nique RioM. C* de Chabrol  Turin, Visit. (Copie) AuTUN. Visitation...  MoNTBLiMAR. Visitation (Copie)  Epistres spirituelles, 1626, 1. V \ Mig. V, col. 812  il" alinéa.  DCCXXI^  suite.  DCCXXII DCCXXIII (fragment) DCCXXIV  Annecy. Visit. (Copie)  DCCXX V  Vie de la Mère J.-Ck. de Bréchard ( 1 892), ch . viii, (e), p. 171 (1) Vie de la même (1659), chap. VIII, p. 176. . . . Epistres spirituelles, 1626, 1. III Œuvres, 1641, t. II, epist. IV Epistres spirituelles, 1626, 1, IV  DCCXXVI . . DCCXXVII . DCCXXVIII  SAINT-MAURICB(Valais). Abbaye I*' Procès de Canoni- sation  DCCXXIX . DCCXXX., DCCXXXI ,  Limoges. Visitation.  Hérissant, 11, p. 357.. Datta, II, p. 63 Epistres spirituelles, 1626, 1. IV  J. Vuy, La Philothée de S. F. de S. (1879), II, p. 380. Datta, II, p. 64  DCCXXXII . DCCXXXIII  Vie de la Mère P. -M. de Ckastel (1659), ch. XIV, p. 330  Inédite  Viv. X, p. 398 Mig. V, col. 808 Viv. XII, p. 97 Mig. V, col. 1583 Inédit Viv. IX, p. 495 Mig. V, col. 1085 Viv. XI, p. 269 Mig. V, col. 1305, et IX, col. 79 Viv. VII, p. 203 Mig. V, col. 814 Viv. IX, p. 421 Mig. VI, col. 669 Viv. X, p. 467 Mig. V, col. 898 (Voirnot.(i),p,i26)  Viv. IX, p. 433 Mig. VI, col. 670 Inédite Viv. X, p. 394 Mig. V, col. 802  Annecy. Visit. (Copie) Mig. vi, col. 1048  (i) Les Vies de quatre des premières Mères de VOrdre de la Visitation Sainte-Marie... par la Révérende Mère Françoise-Madeleine de Chaugy, Supérieure du premier Monastère de cet Ordre. Nouvelle édition... publiée par les soins des Religieuses du premier monastère de la Visitation d'Annecy. Paris, Poussielgue, 1893.  441  NOUVELLE ÉDITION DCCXXXIV DCCXXXV DCCXXXVI DCCXXXVII DCCXXXVIII DCCXXXIX DCCXL DCCXLI DCCXLII DCCXLIII DCCXLIV DCCXLV DCCXLVI DCCXLVII DCCXLVIII DCCXLIX DCCL DCCLI DCCLII DCCLIII DCCLI V DCCLV DCCLVI > variantes DCCLVIl], , itexte....  PROVENANCE DBS MSS. PREMifeRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  Saint-Michel DE Mau- 1 RiENNE (Savoie). M"* | Magnin ' La Tour - en - Jarret (Loire). M. Coignet. . Milan. Oratoire de ^ VAddolorata (1900).. \  1626, 1. V f Mig. V, col. Inédile  Datta, ir, p. 341 Epistres spirituelles, 1626, 1. V  Ibid., 1. VII. Ibid  Ibid., i6it), I. VII.  Hérissant, vi, p. 227 . . Epistres spirituelles, 1626, L II  Paris. Carmel de la rue Denfert-Rochereau . . Idem AuRiLLAC. Visitation . .  Les Pontets (Doubs). M. le curé Louvier. . Annecy. Visitation (An- cien Ms. de VAnnée Sainte)  Annbct. Grand-Sémi- naire Annecy. Visit. (Hist.de la Fondation) Idem  I*' Procès de Canonis. Sienne (Toscane). M" Chigi-Malvezzi  Ibid., l.iv Etudes religieuses S.J., mars 1868 Ibid. Epistres spirituelles, i6a6, 1. VI Ibid., Lu  Année Sainte de la Vi- sitation (1689), t. I", p. 163 Epistres spirituelles, 1636, \. II Ibid., 1. I 3f^«ioir«derAcadém. Salés., t. II (1880) Œuvres, 1641, t. II, epist. XV Hérissant, il, p. 368 . . Epistres spirituelles, i6a6 (texte français), 1629 (texte latin), 1. i  Inédite Viv. x, p. 377 Mig. VI, col. 830 Viv. xii, p. 164 Mig. V, col. 1639 Viv. XII, p. 207 Mig. V, col. 1664 Viv. X, p. 411 Mig, V, col. 816 Viv. IX, p. 424 Mig. V, col. 819 Viv. XII, p. 139 Mig. V, col. 1621 Viv. X, p. 4"-4M Af/'^.v,col.8i7,8i8 Viv. X, p. 414 Mig. V, col. 820  Viv. VI, p. 549 Mig. V, col. 146b Viv. X, p. 373 Mig. V, col. 783 Inédite Viv. X, p. 420 Mig. VI, col. 672 l Viv. X, p. 421 ( Mig. V, col. 82a l Viv. VI, p. 276 ( Mig. V, col. 824  Viv. IX, p. 409 Mig. V, col. 791 Mig. VI, col. 1063 Viv. IX, p. 425 Mig. V, col. 821 Viv. VI, p. 385 Mig. V, col. 829  442  NOUVELLE ÉDITION (pp.178-180 DCCLVIIIJ (11. i-ia) (dernier al.  PROVENANCE DES MSS. PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  DCCLIX,  ( pp. 183-190 DCCLXJ (11. 1-4).... ( dernieralin.  DCCLXI... DCCLXII., DCCLXIII, DCCLXI V.. DCCLXV . ,  Marseille. Visitation t Epistres spirituelles, (i"* Monastère) / i6a6, 1. iv Idem ' Château de la Rochb- ! Mailly (Sarthe). M"» : de Mailly I Rome. Bibliothèque ( Pieralisi,i?»;«* . s \ Datta, n, p. 70....... (Copie) ) ' '^ ' Reims. Visitation Hérissant, vi, p. 225. . Turin. Visit. (Copie) l Epistres spirituelles, \ 1626, 1. VI PiGNBROL. Visitation. . Datta, n, p. 73 Mugnier, S. Fr. de S. docteur en droit, etc. (Chanibéry, 1885) Annecy. Visit. (Copie) ( Turin. Archiv. del'Etat ) _ î (Copie) i^Datta,u,p.3A4 i Marseille. Visitation 1 „, . , , ,, ., ,, . 5 Hérissant, vi, p. 36. .. {\" Monastère) V > > f y Brest. M™^ Revel de Mouxy Hérissant, n, p. 597 . . ( Epistres spirituelles, ( 1626, 1. m / MAXiNEs(Belgique).Ar- ^ \ chiv.de l'Archevêché, y vol. Ignatiana, n° 11 V (Copie) } Turin. Archiv. del'Etat Datta, n, p. 75 .  Viv. Mig. Viv. Mig. \ Viv. {Mig. Viv. Mig. Viv. Mig. Viv. Mig. Viv. Mig. Viv. Mig.  IX, p. 446 V, col, 871 X, p. a86 VI, col. 873 VII, p. 204 VI, col. 673 IX, p. 426 V, col. 834 VII, p. ao6 VI, col. 673 VII, p. 205 V, col. 836 Inédite VII, p. 305 v, col. 1009 X, p. 424 VI, col. 675  Hérissant, vi, p. ta.  Inédite Viv. X, p. 379 Mig. VI, col. 831 Viv. XII, p. 37 Mig. V, col. 154: Inédite Viv. vu; p. 209 Mig. V, col. 838 Viv. IX, p. 430 Mig. V, col. 839 Viv. XII, p' 23 Mig. V, col. 1531 Viv. X, p. 427 Mig. VI, col. 676  (i) Rimedio aile dispute de Cattolici in Francia, proposto nel MDCXII da S. Francesco di Sales e commentato dal sacerdote Santé Pieralisi, bibliotecario délia Barberiniana, aggiunte tre Lettere del medesinto S.wto. Roma, tipografia Poliglotta délia S. C, di Propaganda Fide, 1878.  443  NOUVELLE ÉDITION DCCLXXIX  PROVENANCE DES MSS. PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  DCCLXXX (fragment) DCCLXXXI  DCCLXXXII. DCCLXXXIII , DCCLXXXI V . DCCLXXXV...  DCCLXXXVI . DCCLXXXVII.  DCCLXXXVIII. DCCLXXXIX . . DCCXC  DCCXCI.. DCCXCII.  DCCXCIII. DCCXCIV .  DCCXCV . . . DCCXCVI . . DCCXCVIL. DCCXCVIII DCCXCIX . . DCCC DCCCI DCCCII DCCCIII.... DCCCIV....  Montpellier. Marquis de la Prunarède Annecy. Visitation. . . .  Fresnbs-lbs-Rungis (Seine). M. Clugnet.. MoDBNB. Archives ca- pitulaires MoNTBLiMAR. Visitation  Nancy. Visitation.... Turin. Abbé flianchet- ta, curé de l'Annon- ciade Tournai (Belgique). C" de Nédonchel Paris. M'» Albert Cos- ta de Beauregard. . . .  Turin. Archiv. de l'Etat Evora (Portugal). IW Nunès MoNTÉLiMAR. Visitation  Turin. Archiv. de l'Etat Le Mans. Visitation..  Rouen. Visitation (i*' Monastère) Turin. Archiv. de l'Etat (Copie)  Inéditt Inédit Epistres spirituelles, ( Viv. xn, p. ai4 1636, 1. vu \ Mig. v, col. 1671 Ibid. (texte français), { Viv. vi, p. 290 i6a9(texte italien), 1. 1 \ Mig. v, col. 841 ( Viv. XI, p. 386 Blatse (1833^ xi, p. 26 j ^.^ ^^ ^^j ^^,g r, ., Viv. IX, p. 436 Vatta, n, p. 77 \ -n ■ 1 z ' ' ^ " ( Mtg. VI, col. 677 Biaise, Nouvelles iné- l Viv. ix, p, 415 diies (1833), p, 16, . . ( Mig. vi, col. 863 i->ajr/« II p. 79 J .. ' , •^ " ( Mig, VI, col. 677 Inédite '>"".". v.>o j^j-:;,^.î.'2„ Inédite , . . Mig. VI, col. 1076 Epistres spirituelles, l Viv. xii, p. 333 i6a6, 1. VU ( Mig, v, col. 1684 Ibid 1 I \ ^"'' ^"' ^' ''° ' ( Mig. V, col. 843 Datta,u,f.8i LT"' "' "^ ^^J ( Mtg. VI, col. 679 Mig. VI, col. 960 Inédite ! Epistres spirituelles, ( Viv. x, p. 433 1636, 1. V I Mig. V, col. 85a Ibid. (texte français), { Viv. vu, p. aia 1639 (texte latin), 1. 1 ( Mig. v, col. 845 Ibid., 1636,1. vu J J-. ", ^2a ' ' l Mtg. V, col. 1684 ^ o { Viv. IX, p. 431 D-f^->">P-^- U^.v,,col.68o Epistres spirituelles, l Viv. vi, p. 377 1636, 1. I ( Mig. v, col. 834 Œuvres, 1641, t. II, ( Viv. xi, p. 383 epist. XXI ( Mig. v, col. 1314 Epistres spirituelles, l Viv. x, p. aoj i6î6, 1. VII I Mig. V, col. 608 Hérissant, Opuscules, i Viv. vu, p. 331 IV, p. 49 ( Mig. V, col. 855 i_ i Vtx». XI, p. 413 ^''"'''"'P-549 Î3iï^.v,,col.835  444  NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. DCCCV.... Besançon. M"' de la Garde DCCCVI... Annecy. Visitation DCCCVII.. Marin (Chablais). Ar- chives de Blonay DCCCVIII. DCCCIX... (Copie) DCCCX. . . . ( Rouen. Visitation (i'" [ Monastère) ( Bruxelles. Bibliothè- DCCCXI. . . 1 que des PP. BoUan- distes DCCCXII.. Chambért. Chanoine CoUonges DCCCXIII. Bologne. M'» Marsigli ( Lyon. M™e A.Richard- ( Cottin DCCCXI V. DCCCXV . . ( VlLET-LES-NANCY(Nan- f cy). M. de Scitivaux 1 pp. 383, ) DCCCXVI 284 (11. 1-24).. > Maçon. Visitation.... 1 suite. . . pp. 286, Idem \ Château db la Rochb- 287 (11. i Mailly (Sarthe). M'« 1-7)... ) de Mailly (Copie).... 11.8-17.. Idem DCCCXVIl/ 11. 18-35 j pp. 288, aSç.lig.i 1 Idem fin Idem DCCCXVIII DCCCXIX . . DCCCXX . . . Naples. s. E. le Cardi- nal Sanfelice (1895). • DCCCXXI . . ( I" et II» Procès de Ca- l nonisation DCCCXXII . Toulouse. Visitation . . DCCCXXIII i LiNCELLBs (Nord). M"« 1 Venant DCCCXXIV. S  PREMIÈRE PUBLICATION £0ITI0NS MODEKNES In/dite ^ „, C Viv. VII, p. 221 Datta, II, p. 86 w. , ,0 ' *^ f Mtg. VI, col. 681 Af/wojVMdel'Académ. Salés., t. VI (1883).... Episfres spirituelles, L Viv. x, p. 438 1626, 1. II f Mtg- 'V» col. 856 Mig. VI, col. 1092 Hérissant, Opuscules, i Viv. vu, p. 224 IV, p. 46 f Af«]j'. V, col. 857 Annuaire de l'Univer- sité catholique de Lou- vain (1848), p. 259. . . Mig. VI, col. 1092 Mémoires de l'Académ. Salés., t. XVI (1895) Bulletin de la Société d'Emulation de PAl- lier, t. VII (1859) Annales Salésiennes, 20 janvier 1891 Mtg. VI, col. 960 Inédite Epis très spirituelles, \ Viv. x, p. 138 1626, 1. IV / Mig. V, col. 553 Inédites r~ ■ ■ ■ t, i V'iO.X, pp. 138-140 Eéistres sitritHeiles, \ ,j ■ , 1626, 1.1C ,v'^-"'r/?"'S ( (Voirnot.(i\p. a88) Inédite. (Voir note (I), p. 289) „ . ( Viv. IX, p. 432 /f/msa«/,n, p. 424.. } Mig. v, col. 8^<, Viv. XI, p. 455 Ibid., V, 275 l'W'if? ▼> col. 1489, et VI, col. 1053 Inédite ^ «« , Viv. IX, p. 4ÎÎ Datta,ii, p. 88 »,. ^ , li •^ ( Mtg. VI, col. 682 Mig. VI, col. 961 Hérissant, Opuscules, ( Viv. ix, p. 435 IV, p. 45 \ ^k- ^. col. 859 Hérissant, 11, pp. 426 l Viv. x, p. 440 et 438 ( Mig. V, col. 860  445  NOUVELLE ÉDITION DCCCXXV  DCCCXXVI.  DCCCXXVII. . DCCCXXVIII. DCCCXXIX. . . DCCCXXX . . . DCCCXXXI... DCCCXXXII . . DCCCXXXIII .  PROVENANCE DES MSS. Turin. Maisoa-Mère des PP. Salésiens.. . . Moulins. Abbé Giraud, Aumônier du Novi- ciat des FF, des Ecoles chrétiennes  FRHiHARN(H'*-Bavière) C" d'Yrsch  Nice. M"' Favet.  Rouen. Visitation (a*" Monastère)  DCCCXXXIV DCCCXXXV Rome. Abbé Aguas. DCCCXXXVI (frag.).. \ ^-hid. VisitaUon (i-r  Monastère)  DCCCXXXVII DCCCXXXVIII. ... DCCCXXXIX DCCCXL (fragment). DCCCXLI  DCCCXLII Annbct. Visitation !Villers-dbvant-Orval ' (Belgique). M. De- 1 france , DCCCXLIV II* Procès de Canonis. DCCCXLV Chambért. Visitation DCCCXLVI S R=NKES.R.P. Houet, su- f péneur de 1 Oratoire iVlLLERS-DB VANT-OrVAL (Belgique). M. De- france DCCCXL VIII Dijon. M. de Charen- tenaj.  PREMIÈRE publication ÉDITIONS MODERNES Mig. VI, col. 1091 Inédite i Viv. VI, p. 394 ' '^ ^ ( Mtg. VI, col. 683 Inédite Viv. XII, p. 4 Mig. V, col. 86a Epistres spirituelles, i Viv. xi, p. 483 1636, 1. V f Mig. V, col. 1510 Hérissant, Opuscules, { Viv. x, p. 443 IV, p. 14 ( Mig. V, col. 86a Hérissant, 11, p. 459.. j M^g. y, cohH) Epistres spirituelles, C Viv. x, p. 315 1626, 1. VII \ Mig. V, col. 618 ibid.,1., \m"-''''^\'1^ ( Mtg. V, col, 834 Inédite Inédit Epistres spirituelles, i Viv. x, p. 538 1626, 1, IV / Mig. V, col. 997 ibid.,1, II i J"•'•^'^ f Mtg. V, col. 738 Ibid. (Voir note (i), ( Viv.x, p. 414 F- 323) f ^f«;f.v, col. 818 Ibid., 1. vu. (Voir note ( Viv. x, p. 165 ( 0. P- 324) r Mig. V, col. 571 ,, . - , { Viv. XII, p. 43 Ibid., 1. V ] T^. ' *, ^ ( Mig. V, col. 1^4^ n 4t ,/■ K Viv. X, p. 410 Datta, II, p. 66 \ .^ w f Mtg. VI, col. 671 Inédite Mig. IX, col. 85 Epistres spirituelles, \ Y!^' ^' P'/'" 1626 1 V 3i./. V, col. 879 ' ( (Voirnot.(3),p.333) Viv. X, p. 335 Mig. V, col. 736 Inédite Inéditt  446 NOUVELLE ÉDITION DCCCXLIX DCCCL (fragment)., DCCCLI DCCCLII DCCCLIII DCCCLIV DCCCLV DCCCLVI DCCCL VII DCCCLVIII DCCCLIX DCCCLX. DCCCLXI DCCCLXII DCCCLXIII DCCCLXI V (frag»), DCCCLXV  PROVENANCE DES MSS. PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  Roms. Collège Romain Annbct. Visit. (Hist. de la Fondation du ler Monastère de Lyon). . Poitiers. Visitation . . . Annecy. RR. PP. Mis- sionnaires de S'-Fr. de Sales Chambéry. Visitation. Sens. Trésor de la Mé- tropole ,. Marin. (Chablais). Ar- chives de Blonaj. . . . TcRiN. Archiv. de l'Etat Marin (Chablais). Ar- chives de Blonay. . . . Rouen. Visitation (i*' Monastère) Turin. Archiv. de l'Etat (Copie)  Annecy. Visitation..,  DCCCLXVK  (11. 3-7) Idem.  fin.  DCCCLXVII.  Idem TuRiNt Matqaise Pensa  Bulletin de la Soc. Ar- chéol. de Tarn-et-Ga- ronne, 1877 Mig. VI, col. 1064 Hérissant, v, p. 10. . . ) ».. ' *' '»^'' f Mtg. V, col. 1403 Epistres spirituelles, i Viv, xii, p. 148 i6a6, 1. V ( Mig. V, col. 1697 „ . . . ( Viv. XII, p. 36 Hérissant, vi, p. 35. . . j w . , ' » r ,77 ( Mtg. V, col. 1540 „ { Vit. XI, p. 413 /)a«-z,.i,p.350 U,^.v,,col.835 Inédite Semaine religieuse du dioc.de Sens et Auxer- rey ij août 1901 „, . i Viv. VII, p. 396 Hér,ssant,nj,p.4.... \ Mig. v, col. iSi Mémoires de T Académ. Salés., t. VI (1883) _ l Viv. VI, p. îq6 ^''"'''"'P-9^ U.^. VI, col. 684 Epistres spirituelles, l Viv, x, p. 453 i6s6, 1. IV ( Mtg- V, col. 88a 3f^motV« de r Académ. Salés., t. VI (1883)... Hérissant, Opuscules, ( Viv. vi, p. 297 IV, p. 50 ( Mig. V, col. 886 Epistres spirituelles, { Viv. x, p. 451 i6a6, 1. V f Mig. v, col. 1633 _ ( Viv. x, p. 370 Dafta, II, p. 343 „ . ' ^ / o ' ' *^ '^' ( Mtg. VI, col. 831 / Viv. XII, pp. 199, Epistres spirituelles, \ 193 1636, 1. VII j Mig. V, col. 1667, ( 1668 _ „ 1 Viv. VII, p. 908 Datta, ir, p. -ji < ^. ' f , , ( Jlf«^.vi,col.674,675 „ . . . ,, / Viv. VII, p. 208, et Epistres spirituelles, \ i636,-Lv. (Voirnote^^^^ ^,^^^j 675, (^)'P-^7o) ( et V, col. 1487 _, ( Viv. VII, p. 208 Datta, II, p. "] 3 i w- 1 iT ' ' '^ ' ( Mtg. VI, col. ^7 5 { Viv.Yii, p. 328 ^''^''•'P-9» .••• l Mig. ^i, col 6S4  447  NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES. Chambért. Archives du ( Mugnier, S. Fr. de S., Sénat de Savoie \ docteur en droit, etc. DCCCLXXI Ubdem (Prusse rhéna- ne). Visitation Inédite  DCCCLXVIII.  DCCCLXX ,  DCCCLXXI Annecy. Visitation... DCCCLXXII CoNcisB (Thonon). M. Le Corbeiller  Epistres spirituelles, 1626, 1. V. (Voir note (0. p- 376)  Mig, VI, col. 957 Inédite  APPENDICE  A Il"* Procès de Canonis Paris. Bibl. nat., Ga  Biaise, Nouvelles iné- lerie Ma^^arine ( dites (1833), p. 14.. . . k'S^zcY.Vis'i\..( H isi.de \  Inédite Viv. IX, p. 413 Mig. VI, col. 861  { Monastère) ) D Besançon. M™* Doroz, née d'Arcine (1895). . ( Annbct. Visit.f Hist.de 1" et 1' alinéas J la Fondation du ler  la Fondation du ler \ Mig. VI, Col. 955  E....<  Monastère)  3' alinéa Idem fin Idem F PiGNBROi.. Visitation . . G Annecy. Visitation. . . . Lyon. Archiv. du Rhô- H \ ne. Fonds Malte, H. 340, n° i9  Inédite Inédits Mig. IX, col. 83 Inédite Inédite Inédite Inédite  II  A ( Caeougb (canton de ^ / GenèveV M"« Vuy.. ! Annecy. Archiv. de la Mairie('i?*^. Pourquoi l'amitié de saint François de Sales pour ses amis était plus forte que la mort. — Le critère des vraies amitiés. >- Une main « exquise et rare » et une matière « de mauvais lus- tre. » — Pour quels motifs TEvêque de Genève déteste les con- tentions et disputes entre catholiques. — Il n'a pas trouvé à son goût certains écrits de Bellarmin. — La pauvre mère poule et les poussins qui s'entrebecquettent. — Adroite et charitable critique 95 DCCXII — A LA MÈRE DE ChanTAL. — Sollicitude pour la Mère de Chantai, alors absente de Savoie. — Les affaires : leur multi- plicité ne doit pas troubler, ni leur difficulté émouvoir. — Nou- velles de M"® de Blonay. — Sermon sur la Nativité de la très sainte Vierge. — Affection des deux Fondateurs pour la Sœur Favre 98 DCCXIII — A LA MÊME. — Comment traiter des affaires de la terre. — L'amour transforme tout. — Santé et sainteté de François de Sales. — Le moyen de parvenir. — Communauté de désirs et d'aspirations entre la Mère de Chantai et son Directeur. — La sainte Croix ; elle béatifie ceux qui l'aiment et la portent. — L'autel des crucifiés 101 DCCXIV — Au Duc DE Savoie. — Eboulement à Sixt. — Détresse des habitants qui en est la suite. — Le Saint recommande ses diocésains à la charité du duc de Savoie 103 DCCXV — A M. Brisson (Inédite). — Regrets de ne pouvoir accepter de prêcher un Carême à Saint-Merry. — Témoignages d'estime au destinataire qui avait transmis l'invitation 104 DCCXVI — A LA Sœur de BrÉCHARD. — Notre-Seigneur saura bon gré à qui porte et supporte les âmes qui se trouvent faibles. 1 05 DCCXVII — A LA Sœur Roget (Inédite). — Ce qu'il faut faire après « quelques petitz mauvais pas. » — Avoir le cœur franc envers les Supérieurs. — La « petite bienaymee Françon » Io6 DCCXVIII — A LA MÈRE DE ChaNTAL. — Souhaits de bon et saint voyage. — Affectueux messages pour les compagnons, les parents et les amis de la Mère de Chantai 1 07 DCCXIX — Au Baron de VillETTE. — A propos de la mort d'une parente : regrets, condoléances, consolations, promesse de prières , 1 09  Table des Matières 455 DCCXX — Au Président Favre (Inédite). — La cure de Saint- Sigismond en 1611 : l'ami du destinataire en mériterait une meilleure 110 DCCXXI — A LA Sœur de BrÉCHARD. — Un Père vigilant qui a peur d'être blâmé pour ne l'être pas assez. — Pourquoi ne faut- il pas emporter toutes les couronnes. — C'est encore de la charité que de laisser faire aux autres quelque chose. — De qui doit- on attendre l'issue des maladies 112 DCCXXII — A M. MiLLETOT, — La plus mauvaise façon de mal dire. — Il est presque impossible « de corriger l'immoderation modérément. » — Ce qui arrive souvent aux chasseurs. — A Char ce qui est à César, mais aussi à Dieu ce qui est h Dieu, . 1 13 DCCXXIII — A UN INCONNU (Fragment inédit). — Des baUliages qui n'avaient pas été visités « il y a plus de cent ans. » — Bour- geois et bourgeoises de Genève aux vendanges et de quoi ils étaient étonnés, ayant ouï le Saint II5 DCCXXIV — A DOM ASSELINE. — Amitié du Saint pour l'Ordre des Feuillants. — La disposition des matières dans une Somme de théologie ; moyen de rendre celle-ci « plus friande et plus aggreable. » — Les questions inutiles. — Souhaits et témoi- gnages d'affection I 16 DCCXXV — A LA MÈRE DE ChANTAL. — De quels principes doit s'inspirer la Mère de Chantai pour fixer la durée de son séjour en Bourgogne. — Comme le monde censure ce qui est fait pour Dieu. — Nouvellei de la Visitation 121 DCCXXVI — A M. DE QyOEX. — M"' de Blonay sera la bienve- nue à Annecy ; qu'elle y vienne sans attendre le retour de la Mère de Chantai 123 DCCXXVII — Au MARCttJIS DE LaNS. — L'Evêque de Genève avertit le gouverneur de son départ pour Gex I24 DCCXXVIII — A LA MÈRE DE ChaNTAL. — Ferveur nouvelle de charité et de zèle pour Notre-Seigneur. — La beauté de la foi transporte François de Sales d'amour et de gratitude; il en voit plus clairement la grandeur, en pays hérétique 125 DCCXXIX — A M. DE ChaTILLON. — Lettre d'affaires 126 DCCXXX — Au Marquis de LanS. — L'Evêque de Genève ex- pose au gouverneur le sujet et les résultats de son voyage à Gex. — Les commissaires, l'un « grand catholique, » et l'autre « grand hérétique. » — Exécution de l'édit de Nantes à Gex. — Espérances fondées pour le prochain rétablissement du culte... 127 DCCXXXI — A M""* d'AiGUEBELETTE (Inédite). — Le meilleur té- moignage de fidélité, — Souffrance çt action, — La mortification  4$6 Lettres de saint François de Sales par élection et par acceptation. — Quel est le vrai temps de la moisson des affections. — Alerte provoquée par la Sœur de Chastel. — L'assistance des malades dans la maison de la Ga- lerie.-— Oau desseigne u à Dijon un monastère de la Visitation. |]| DCCXXXII — A LA Sœur de Chastel. — Encourageantes paroles à une convalescente. — Consolation que le Saint souhaite à la Mère de Chantai pour son retour à Annecy i^^ DCCXXXIII — A l'Abbesse de Sainte-Catherine. — Souhaits de bonne fête à une Abbesse, sa cousine. — Prédications et auditeurs du Saint I } c DCCXXXIV — A M"»» DE LA FlÉCHÈRE. — Comment témoigner la vraie fidélité à Notre-Seigneur. — Condition de la vie humaine. — Ce qui arrive entre les enfants des hommes 136 DCCXXXV — A LA MÈRE DE ChaNTAL (Inédite). — Condescen- dance du Saint pour une Religieuse malade. — Promesse d'une visite à la Galerie pour le lendemain 137 DCCXXXVI — A LA MÊME (Inédite). — Une journée très occupée. — C'est Notre-Seigneur qui unit les cœurs indissolublement.. 1^8 DCCXXXVII — A LA MÊME. — Les occupations du Saint privent la maison de la Galerie de ses entretiens. — Une visite de la baronne de Thorens. — Charité délicate 139 DCCXXXVIII — A UNE DAME. — Où se révèlent l'amour pur de Notre-Seigneur et l'amoureuse fidélité à son service. — Laissons Dieu façonner notre cœur tout à son gré. — Cinq élévations propres à sanctifier les souffrances. — Pourquoi et comment faut- il recourir aux remèdes. — Profit spirituel de la maladie 140 ANNÉE 161 2 DCCXXXIX — A LA MÈRE DE ChANTAL. — Le baume sacré du nom de Jésus ; quels sont les cœurs qu'il pénètre de son parfum. — Pieuses aspirations. — Souhaits pour la Mère de Chantai. — Le mystère de la Circoncision. — Prière au « divin Poupon. » — La circoncision spirituelle 1 4.3 DCCXL — A M. MilletoT. — Souhaits de nouvel an 145 DCCXLI — Au père POLLIENS. — Un « livret » dont le Saint au- rait désiré avoir une copie. — Sa dévotion pour le bienheureux Pierre Favre et ce qu'il pensait de l'histoire de sa vie 146 DCCXLII — A M. DES HayES. — Bons effets que les amis du Saint attribuaient à ses lettres. — M. de Granier. — Le duc de Nemours ne désire pas céder son hôtel 1 48 DCCXLIII — A LA MÈRE DE ChanTAL. — Les cieux et le soleil  Table des Matières 45^ comparés à la chair du Sauveur. — Contemplation angélique et Communion eucharistique. — Une sentence du grand saint Antoine. — Pourquoi Dieu nous abaisse et se cache I4Q DCCXLIV — A LA Prieure du Puits-d'Orbe. — L'appui des créatures et la protection de la providence divine. — Quand il nous arrive quelque chose contre notre gré, que faire ? — Juge- ments et manquements qui ne sont pas mortels. — Message... |^| DCCXLV — A M. DE BÉRULLE. — M. de Marillac porteur d'une lettre de M. de Bérulle. — Sympathies du Saint pour la Congré- gation de l'Oratoire. — L'hôtel du duc de Nemours n'est pas libre. — Offre de services et remerciements pour l'envoi de deux livrets 1^4 DCCXLVI — A M"« ACARIE. — La sainte bienveillance d'une Bien- heureuse pour l'Evêque de Genève. — Pourquoi aurait-il désiré faire le voyage de Paris? — Sentiment de François de Sales sur l'Oratoire naissant ; regrets de n'avoir pu prêter son concours à M. de Bérulle. — Souhaits pour la nouvelle Congrégation 156 DCCXLVII — A LA MÈRE de ChaNTAL. — Entre les deux Fonda- teurs, il n'y avait « ni second, ni premier. » — Modèle d'exhor- tation destinée à des prétendantes avant leur vêture. — Ce qu'on enseigne aux Novices. — Sœur Jeanne-Charlotte de Bréchard leur maîtresse ; obéissance qu'on lui doit. — Une illusion que les Novi- ces ne sauraient avoir I ç8 DCCXLVIII — A LA MÊME. — Le très grand saint Paul. — Un désir du Saint. — Pourquoi Dieu soustrait ses douceurs. — Prière à Jésus. — A quelle classe de personnes la douce charité profite davantage 1 60 DCCXLIX — A LA MÊME (Billet inédit). — Une résolution finale à prendre pour l'emplacement de l'oratoire de la Visitation 162 DCCL — A LA MÊME. — Un remède souverain : les prières de la Mère de Chantai et la relique de sainte Apolline. — Preuve sensible de la communion des Saints 163 DCCLI — A LA Présidente BrularT. — Ce qui rend profitable la nourriture corporelle et spirituelle. — Sentiments d'humilité proposés à une âme privée de la Communion fréquente. — Sentir qu'on est tout à Dieu et « en train de l'orayson » ne dispense pas de s'exercer aux vertus et de mortifier ses passions 164 DCCLII — A LA Reine Mère, Marie de Médicis. — L'am- bassadeur de l'Evêque de Genève et du petit peuple catholique de Gex auprès de la reine mère 166 DCCLIII — A M. de ChaTILLON. — Une pauvre demoiselle recom- mandée il la Sainte-Maison de Thonon 167  458 Lettres de saint François de Sales DCCLIV — A M. de QyOEX. — Zèle de la Mère de Chantai et du Saint pour la conversion d'un médecin. — Brebis errantes et troupeau fidèle. — Préoccupations et résignation du Fondateur de la Visitation 1 68 DCCLV — Au PÈRE DE BONIVARD. — Grave maladie de la Mère de Chantai. — Une oraison prolongée et répétée sur la troi- sième demande du Pater. — La résignation et la confiance d'un Fondateur 170 DCCLVI — A M""» DE SaiNT-CergUES. — Les amitiés qui ont Dieu pour auteur, et la distance des lieux. — Une occupation agréable et précieuse pour l'Evêque de Genève 1 7 I DCCLVII — A Sa Sainteté Paul V. — A quoi servent les cano- nisations; le Saint les jugeait presque nécessaires pour le temps où il vivait.— Il demande au Pape de canoniser le bienheureux Amédée ; motifs qu'il fait valoir en faveur de sa supplique... 173 DCCLVIII — A LA Sœur Favre. — Questions et conseils.— Com- ment n la grande Fille » du Saint devait gouverner son coeur et l'encourager souvent. — Le souverain bonheur de l'âme 178 DCCLIX — A M""' DE PeyZIEU (Inédite). — Une mère du Saint, par alliance spirituelle. — Compliments et paroles d'affection. 181 DCCLX — A M^"" GermoniO. — La controverse sur le pouvoir tem- porel des Papes et l'autorité des Conciles. — De quel côté pen- chent les parlementaires et les hommes d'Etat. — Esprit et ten- dance du siècle. — Un remède plus efficace que les discussions des théologiens. — Ce que doivent faire les prédicateurs. — L'entente des Prélats, d« la Sorbonne et des Religieux, bientôt mortelle à l'hérésie. — Moyens de ménager cette union 183 DCCLXI — A LA Présidente BruLART. — Une solution également difficile et inutile. — Etat des esprits en 1611 et en 1612. — Zèle que le Saint jugeait inopportun. — Dangers de certaines discus- sions agitées par des docteurs incompétents. — Souveraine au- torité spirituelle du Pape; droits qu'elle lui confère. — Devoirs corrélatifs des chrétiens envers le Pape et l'Eglise. — Triple alliance qui doit exister entre le Pape et les rois. — Les deux autorités ne se contrarient pas, mais « s'entreportent l'une l'autre » 1 9 1 DCCLXII — A LA Mère de ChanTAL. — La plus heureuse saluta- tion qui fut jamais. — Les souhaits de VAve Maria ipj DCCLXIII — Au Duc de Savoie. — Requête en faveur d'un pri- sonnier innocent I96 DCCLXIV — A LA MÈRE DE GhaNTAL. — L'insensibilité spiri- tuelle : en quoi consistait cette épreuve pour la Mère de  Table des Matières 459 Chantai. — Conseils appropriés. — Le haut point de la sainte résignation. — Les ténèbres au pied de la Croix I^y DCCLXV — Au Duc de Savoie. — Supplique du Saint au nom d'nn gentilhomme qu'il avait assisté à ses derniers mo- ments igg DCCLXVI — A M. des Hayes. — Le nid du Saint. — Messages et nouvelles 201 DCCLXVII — A M. de Q.U0EX (Inédite). — « La pauvre dame Jaqueline. » — Dureté de M. Gilette. — Le P. de Bonivard, S. J., prédicateur du Carême à Annecy. — Contentement mutuel du Religieux et du bon peuple annécien. — Âffluence des Cham- bériens aux sermons de saint François de Sales 203 DCCLXVIII — Aux Religieuses de la Visitation d'Annecy. — Pourquoi saint François de Sales se résignait à vivre en ce misérable monde. — Abeilles mystiques et mouches libertines : le bonheur et les exercices des unes et des autres mis en paral- lèle. — Un festin plus délicieux que celui d'Assuérus. — Les spirituelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion, de Thabor. — Bonheur de la vie religieuse 205 DCCLXIX — Au Baron de Chevron. — Envoi d'une lettre d'affaires 207 DCCLXX — A M. de Quoex. — Le Saint s'emploie pour obtenir l'expédition d'un procès 2o8 DCCLXXI — A LA MÈRE DE Chantal (Billet inédit). — Cent mille bonjours 210 DCCLXXII — A LA MÊME. — Visite promise; visite annoncée 210 DCCLXXIII — A l'ancienne Abbesse de Sainte-Catherine. — Recommandations pour la Sœur de Vignod. — Notre-Seigneur est jaloux des âmes qu'il favorise 211 DCCLXXIV — A LA mère de Chantal (Inédite). — Charité attentive et minutieuse du Saint pour la Mère de Chantal. — Le régime d'une convalescente 212 DCCLXXV — A M. MILLETOT. — Le Saint revendique son droit, qui était contesté, de conférer les bénéfices dans certaines parois- ses situées en France 2 1 3 DCCLXXVI — A M"" de la FlÉCHÈRE. — L'aveuglement des duel- listes; pourquoi et comment le Saint en avait une grande com- passion 214 DCCLXXVII — A M"»* de la ValBONNE. — Quels sont ceux que le Sauveur n'abandonne jamais. — Un nouveau filleul du Saint 216 DCCLXXVIII — Au Duc de Savoie. — Pourquoi le Saint désire  460 Lettres de saint François de Sales obtenir l'agrément du duc de Savoie pour les prédications qu'on lui demande à Lyon 217 DCCLXXIX — A LA MÈRE DE Chantal (Billet inédit). — « Nostre fièvre » et « nostre teste. » — Les bonnes dispositions des syn- dics pour les agrandissements de la Visitation 2 1 8 DCCLXXX — A LA même (Fragment inédit). — Une postulante qui avait de la répugnance pour l'abjection ; comment traiter avec elle 220 DCCLXXXl — A LA MÊME. — Beauté du Ciel après l'Ascension du Sauveur. — Aspirations pieuses. — La seule chose qui donne du prix à l'éternité des biens, d'après saint François de Sales. — La glorification du corps de Notre-Seigneur et de notre corps. . . 22 1 DCCLXXXII — Aux Cardinaux de la Sacrée Congrégation DES Rites. — L'une des opinions maudites de Calvin. — Dévotion des catholiques de Savoie au bienheureux Amédée. — Pourquoi les membres de la Sacrée Congrégation des Rites doivent faire avancer sa canonisation 223 DCCLXXXIII — A DOM Pierre de Saint-Bernard de Flottes. — Un grand désir du Samt. — Envoi d'un ouvrage.— Les PP. Ca- pucins en Savoie 227 DCCLXXXIV — A M»"" BerTACCHI. — Renseignements demandés sur un étranger apostat, en faveur de sa femme convertie 229 DCCLXXXV — Au Sous-Prieur de PeilLONNEX. — Renseigne- ments fournis sur un jeune prêtre 232 DCCLXXXVI — A M"» de CoRNILLON, sa sœur. — Une préten- dante « de fort bonne famille et de très bonne mine » 233 DCCLXXXVII — A l'AbbESSE du PuiTS-d'OrbE (Inédite). — Con- doléances et consolations. — Le seul prix de cette vie mortelle. — Pour mourir, tous les moments sont « heureux » à ceux qui craignent Dieu. — L'Abbesse désire faire un voyage en Savoie; le Saint ne sait ni le lui conseiller, ni l'en dissuader 234 DCCLXXXVIII — Au Duc de Savoie. — Remerciements pour une grâce obtenue 236 DCCLXXXIX— -A Mk' d'EsnE (Inédite). — Vlntroduction h la Vie dévote attire à son auteur les louanges d'un Prélat étranger. — Gratitude du Saint. — Son oraison pour Genève. — Remer- ciements pour un envoi de traductions 237 DCCXC — A M. DuPANLOUP. — Le saint métal et la dévotion à saint Théodnle 239 DCCXCI — A LA MÈRE DE Chantal. — La rose, symbole des ver- tus de saint Jean-Baptiste. — Son amour pour la Sainte Vierge et son Enfant. — Deux lis dans une rose 24O  Table des Matières 461 DCCXCII — Aux Chanoines de Saint-Jean de Lyon. — Le Saint voudrait bien accepter Tinvitatioa du Chapitre, mais à cause du silence du duc de Savoie, il se dégage de sa promesse. 34 1 DCCXCIII — Au Duc DE Savoie. — Recommandation en faveur d'un gentilhomme offensé qui demande justice 24} DCCXCIV — A M""" DE LA FlÉCHÈRE. — Les Constitutions de la Visitation. — Messages variés 244 DCCXCV — Au PÈRE POLLIENS (Inédite). — Une bonne fille qui ne pourra pas être si tôt consolée. — « Le livret » que prépare le Saint 245 DCCXCVI — A M™» DE Travernay. — Ce qui donnait à François de Sales « un particulier contentement. » — Pourquoi et com- ment les tracas sont utiles au progrès spirituel. — Un sentiment qui rend légers tous les déplaisirs 246 DCCXCVII — A l'Archiduc d'Autriche. — Supplique en faveur de l'établissement d'un monastère à Saint-Claude. — Le sort or- dinaire de ceux qui recherchent l'intimité de Dieu. — Comment les âmes qui prient servent leur pays et leur époque 248 DCCXCVIII — A LA MÈRE DE ChaNTAL. — Un bonjour du « grand saint Pierre. » — La délivrance des liens spirituels. — « Mignar- dise d'amour » de Notre-Seigneur. — La marque de l'amour fidèle. — Il faut mourir ou aimer. — « Une jolie pensée. » Les jeunes apprentis et les vieux maîtres en l'amour de Dieu. — Où tendait l'amitié mutuelle qui unissait l'âme du Saint et celle de la Mère de Chantai 2Ç2 DCCXCIX — Au Marcluis de LaNS. — Rentré à Annecy, l'Evé- que de Genève rend compte de ses négociations dans le pays de Gex. — Eloge d'un commissaire. — Sentiments des Genevois. . . 254 DCCC — A LA Reine Mère, Marie de MÉDICIS. — Remerciements à la reine régente et souhaits pour son fils et pour elle, en retour de son intervention pour le rétablissement du culte à Gex 255 DCCCl — A UN GENTILHOMME. — La mort d'une fille spirituelle du Saint, âme « belle et dévote » 256 DCCCII — A la Mère de ChaNTAL. — L'aube du jour éternel. — Souhaits pour la petite Congrégation. — Un sentiment fort par- ticulier qu'éprouve le Saint la veille de l'Assomption. — La divine Fruitière. — En descendant de chaire 258 DCCCIII — A M. DES HayES. — Par « humeur », le Saint aime la discrétion. — Service demandé en faveur du Chapitre de Ge- nève. — Phénomènes célestes 250 DCCCIV — A LA MÈRE DE ChaNTAL. — Avis charitable 261 DCCCV — A l'Abbesse de Baume-les-Dames (Inédite). — Offre  462 Lettres de saint François de Sales conditionnelle d'une postulante, fille de Gallois de Sales. — Ce qui rebutait quelquefois les prétendantes à la Visitation. — Por- trait de la nièce du Saint 263 DCCCVI — Au Baron de VilleTTE. — Le regard des princes et les rayons du soleil. — « Petite harengue » présentée à une Ab- besse. — Une cousine du Saint lui dit ■ son petit cas » : pour- quoi elle ne songeait pas à la Visitation 264 DCCCVII — A M. DEBlONAY. — Le voyage de Milan n'est plus dé- sespéré. — Un Saint qui a soin de ses dévots. — Plan du voyage; compagnon à retenir 267 DCCCVIII — A M""* DE Travernay. — Comment accommoder les prières avec beaucoup d'occupations du matin jusqu'au soir. — Les oraisons jaculatoires. — Les afflictions du cœur. — Quel- les sont les âmes que Dieu aime 268 DCCCIX — A LA MÈRE DE ChANTAL. — Une âme à consoler.... 270 DCCCX — A M. DES HayES. — Une amitié à l'abri de toute défian- ce. — Pourquoi, dans l'intention de prêcher à Saint-Benoit, le Saint préparait « un cœur tout nouveau, » après dix ans de mi- nistère épiscopal. — Opposition résolue du duc de Savoie aux prédications de François de Sales à Paris, — Perplexités d'un évêque 27 1 DCCCXI — A M. DE Bay. — Recommandations en faveur de trois étudiants de Savoie. — Nouvelles religieuses 274 DCCCXII — A LA MÈRE DE ChanTAL. — Une jeune fille écartée de la Visitation pour cause de maladie 275 DCCCXIII — Au3aR0N de VilLETTE. — La contagion an -pays de Vaud. — La petite cousine aimée tendrement de la Mère de Chantai 276 DCCCXIV — A M"* d'EscRILLES. — Affection des Religieuses de la Galerie pour la destinataire. — Les satisfactions sèches et les consolations savoureuses. — Messages 278 DCCCX V — A M™^ DE LA FlÉCHÈRE. — Ce que réservait le Saint dans ses demandes à Dieu. — Petites nouvelles. — Annonce da départ de la Galerie 28 1 DCCCXVI — A M"* DE GraNDMAISON. — Commentle Saint en- tend témoigner sa sainte amitié. — Messages divers. , 283 DCCCXVII — A M"* DE PeyziEU. — Le nom du cœur. — Les con- solations du Jubilé. — Témoignages d'amitié pour la destinataire et sa famille. — Affliction fâcheuse et afQiction courageuse. — La modération des affections ménagères, grandement utile â la piété. — Une imperfection dont peu de gens s'abstiennent» •^- Les cœurs faibles et les cœurs forts > 286  Table des Matières 465 DCCCXVIII — Au MaRCLUIS de LanS. — Intercession en faveur d'un capitaine dans la gêne et dans la vieillesse 289 DCCCXIX — A LA Sœur de BlONAY. — Ce qui rend certaines ten- tations inoffensives. — La petitesse et l'enfance spirituelle 29O DCCCXX — A LA MÈRE de Chantal (Billet inédit). — Annonce de visiteuses 292 DCCCXXl — Au Duc de BelLEGARDE. — Menaces et prétentions des pasteurs protestants. — Précaution que propose l'Evêque de Genève pour les atténuer. — Eloge de M. Milletot 293 DCCCXXII — A M. Le MazuYER. — L'église de Gex; espérances qu'elle donne. — Une difficulté et une impossibilité se rencon- trent dans les lettres de naturalité obtenues pour les curés. — Une « viande friande » au xvii* siècle. — Remerciements du Saint. — Il ne fait pas le « refuseur, » mais jamais il ne sera « praetendeur. » — Les francs serviteurs de Dieu, peu nom- breux 296 DCCCXXIII — A M. DES HaYES. — Requête de François de Sales. — A la diète de Bade. — Obstination des Bernois. — Un déplai- sir du Saint 299 DCCCXXIV — A LA Présidente Favre. — Une âme qui va bien. — L'amour de Dieu et la paix. — Les voies du Ciel. — Précau- tion contre les « babillardz ». — Ce que pensait le Saint des Ursulines et des institutrices chrétiennes. — Les entreprises ex- traordinaires qui ne sont pas hasardées. — Un monastère de seize bonnes filles, où rien n'abonde ni ne manque. — La pauvre Thiollier 3OI DCCCXXV — A M™* d'EscRILLES. — Nouvelles de la Mère de Chantal, — Oratoire de la Visitation 304 DCCCXXVI — A LA MÈRE DE CttAtiT Ah (Inédite). — Affectueuse gronderie. — La Mère de Chantal au milieu des tracas d'une installation. — Pourquoi doit-elle garder ses forces 306 DCCCXXVII — A M'"^ DE LA FlÉCHBRE. — Les bancs des femmes dans les chœurs des églises. — Elles peuvent toutefois y entrer. ■— Nouvelles de la Mère de Chantal et de la Congrégation. — Pourquoi il est mieux d'avoir moins 3^7 DCCCXXVIII — A LA Présidente Favre (Inédite). — Les Ursu- lines et les petites filles de Chambéry. — Un défaut de l'édu- cation maternelle, assez fréquent, d'après le Saint 308 DCCCXXIX — A M. DE NeuVECELLE. — Recommandation réitérée en faveur d'une pauvre fille ^10 DCCCXXX — A LA MÈRE DE Chantal. — Comment recevoir les remèdes imposés par l'obclssance et la raison. — Les croix qui  464 Lettres de saint François de Sales répugnent aux sens et à la nature. — Dans la maladie, la Mère de Chantai doit être « brebis » et « colombe » ^11 DCCCXXXI — A LA MÊME. — Une auditrice que François de Sales a vue au sermon ; pourquoi il n'a pas osé l'aborder. — Un ser- mon « fait hardiment et passionnément. » — Le dixième anni- versaire d'un sacre. — Prédicateurs de l'Avent a 1 2 DCCCXXXII — A l'AbbESSE du PuITS-d'OrBE. — Un voyage en Bourgogne empêché par un voyage à Turin. — Pour s'avancer dans l'amour de Dieu, unejambe infirme est meilleure que l'autre. ^13 DCCCXXXIII — A M.""^ DE Peyzieu. — A propos du dernier et dn premier jour de l'an. — Souhaits de piété. — Exhortation à la douceur et humilité. — Le saint nom de Jésus et « l'odeur de son parfum » 515 DCCCXXXIV — A LA Reine Mère, Marie de Médicis. — Requête en faveur des catholiques de Gex, pour obtenir en leur ville le rétablissement d'un ancien monastère de Carmes ^16 DCCCXXXV — A LA Mère de Chantal (Inédite). — Une mère alarmée. — Avis charitable donné à un visiteur inopiné ^in DCCCXXXVI — A UNE dame (Fragment inédit). — La dévotion et la maladie. — En quoi consiste et ne consiste pas l'amour divin. 3 |8 DCCCXXXVll — A M"^ de la FlÉCHÈRE. — Les solides consola- tions. — La crainte et l'amour devant Dieu. — L'émondage spiri- tuel. — Condition d'une parfaite retraite 310 DCCCXXXVIII — A LA MÈRE DE Chantal. — L'oraison de la Mère de Chantal trouvée bonne par le Saint et agréable à Dieu. — Pourquoi et comment doit-elle se garder des fortes applica- tions de l'entendement. — Se tenir en la présence de Dieu et s'y mettre : deux choses différentes. — Allégorie de la statue dans sa niche. — Marie-Madeleine. — Bonheur de vouloir aimer Notre-Seigneur. — Le sommeil empêche-t-il de se tenir en la présence de Dieu ? 3^^ DCCCXXXIX — A LA MÊME, — D'où vient l'amertume spiri- tuelle. — Jésus-Christ est un Dieu de douceur ^2) DCCCXL — A LA MÊME. — La parole de Dieu et comment il faut la recevoir des uns et des autres 3^4 DCCCXLI — A M""» DE LA FlÉCHÈRE. — La tristesse des sépa- rations. — Pleurons un peu, non toutefois beaucoup, « nos chers trespassés. » — Les âmes chrétiennes doivent supporter doucement la perte des parents. — L'oraison et la variété des affections qui viennent s'y mêler. — Particulariser les résolu- tions. — Le langage des yeux 3^5 DCCCXLII — A LA MÈRE DE Chantal. — Un visiteur annoncé.  I  Table des Matières 465 — Pourquoi il faut lui faire un accueil dévotement agréable. — Personne ne se repentira d'avoir aidé la Visitation 327 DCCCXLIII — Au Duc de Bellegarde (Minute inédite). — Gratitude et humilité du Saint 329 DCCCXLIV — A LA MÈRE DE ChaNTAL. — Lumières et senti- ments que recevait le Saint pour écrire le Traitté de V Amour de Dieu 33O  ANNÉE 161 3 DCCCXLV — A M™« DE TrAVERNAY. — Attitude de l'esprit humain en face des événements. — Considérations sur une mort prématurée. — Notre-Seigneur meilleur juge que nous de nos intérêts. — Consolations à la mère de l'enfant devenu un « brave petit saint » 3 3 1 DCCCXLVI — A LA MÈRE DE ChaNTAL. — Le cœur de l'Evêque de Genève. — Un projet de Congrégation. — Le Traitté de l'Amour de Dieu. — Nouvelle de la mort tragique du baron de Lux : compassion du Saint '. 333 DCCCXLVII — A M. DUNANT (Inédite). — Pouvoirs donnés â un curé ; avis et recommandations diverses 337 DCCCXLVIII — Au Comte de Tournon (Inédite). — Assurance de dévouement, — Souhaits et bénédictions 54O DCCCXLIX — A M. DE ChaTILLON. — Recommandation en faveur d'un nouveau converti digne d'assist?nce 34^ DCCCL — A M""* DES GOUFFIERS. — Les sentiments que le Saint aimait à trouver dans une postulante. — A la Visitation, « toutes choses sont basses, » excepté n la prétention » des Religieuses qui l'habitent 343 DCCCLI — A Mk' FenOUILLET. — Remerciements pour de beaux présents; le Saint en a fait part à ses amis. — Un plaisir interdit. — Souhaits et message 344 DCCCLII — A UNE DAME. — Dans quelles vues de foi il faut consi- dérer les absences et les séparations définitives 346 DCCCLIII — A M*"* d'Escrilles. — Affaires diverses. — Parmi les tracas temporels, il faut garder la sainte tranquillité et douceur de cœur 347 DCCCLIV — A LA MÈRE DE ChanTAL. — Un contrat qui va bien. — Promesse d'une visite et annonce d'une visiteuse 349 DCCCLV — A LA MÊME (Billet inédit). — Mesures à prendre à l'ouverture d'un testament. — Décès de M"" de Miribel 350 LiTTRis V 30  466 Lettres de saint François de Sales DCCCLVI — Au PÈRE DE LesseAU. — Le Saint décline les louan- ges d'un poète avec une discrète humilité 35^ DCCCLVII — A l'AbBESSE du PuITS-d'OrBE. — Solidité des affec- tions plantées de la main de Dieu. — Intérêt que porte le Saint au Puits-d'Orbe, — Il faut faire souvent revivre les résolutions prises au temps de la ferveur. — Messages divers ^^2 DCCCLVIII — A M. DE BloNAY. — Le destinataire n'ayant pas eu à se louer de son fils, « excessif en desseins, » le Bienheureux promet d'y porter remède. — Messages divers 354 DCCCLIX — Au Duc de Savoie. — Pourquoi le Saint n'a rien en- trepris contre l'abbé de la Tour. — Qu'on lui donne des comman- dements, il obéira 356 DCCCLX — A M"« DE LA Croix d'Autherin. — La vocation du mariage et le moyen d'y devenir fort sainte. — L'obéissance au confesseur. — Règlement de vie. ^— Conseils variés. — La crainte des vices et l'amour des vertus. — Douceur et humilité. — Une besogne que Dieu paie de mille consolations 357 DCCCLXI — A M. de BlONAY. — Le Saint renonce par charité à la consolation d'avoir un ami pour compagnon de pèlerinage. — Voyage à Turin, à pied ou à cheval, suivant les circonstances 350 DCCCLXII — A M. des HayeS. — Détails rétrospectifs sur l'affaire Berthelot et l'internement de M. de Charmoisy. — Conseils adressés à Philothée par l'entremise du destinataire. — Le Saint désirerait avoir la liberté d'aller à Paris l'année suivante 36 1 DCCCLXIII — A M™» de Charmoisy. — Quand doit-on témoi- gner à Notre-Seigneur son amour. — Sympathies et dévouement pour la famille de Charmoisy éprouvée ^6^ DCCCLXIV — A LA MÈRE DE ChANTAL. — Les embarras d'un hé- ritage 366 DCCCLXV — A LA MÊME. — Une chape vraiment belle : d'où lui vient sa beauté; symbolisme des dessins qui la décorent. — Bénie soit la main de la brodeuse 367 DCCCLXVI — A LA MÊME. — Le travail permis à la Mère de Chantai deux jours chômés. — Souhait et espérance du Saint. — Un visage pâle et un cœur vermeil 369 DCCCLXVII — Au Comte de TouRNON. — Dévouement du Saint pour M. de Charmoisy. — Malice de ses ennemis et crédulité du prince de Nemours. — Berthelot et M. de Servette 370 DCCCLXVIII — A M. DE QuOEX. — Renseignements pour une dis- pense de mariage à obtenir 372 DCCCLXIX — A LA MÈRE DE Chantal (Inédite). — Une halte en Maurienne. — Sollicitude du Saint en voyage 374  Table des Matières 467 DCCCLXX — A LA MÊME. — Comment attendre l'issue d'une ma- ladie. — Dans quels sentiments faut-il sortir de cette vie et acquiescer à la Providence divine 375 MINUTE ÉCRITE PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES POUR MADAME DE SAINT-CERGUES DCCCLXXI — A M""» DUFOUR. — M'"^ de Saint-Cergues expose les raisons de son abjuration. — Après la grâce du Saint-Esprit, la confession de foi catholique a surtout dessillé ses yeux: elle a vu Jésus-Christ, unique objet de foi, d'espérance et de charité, l'ex- clusion de toute idolâtrie, le culte raisonnable des Saints. — Une « pauvre petite brebiette » se réunit au troupeau. — La lumière n'est pas toujours accompagnée de la facilité pour déduire les raisons de la croyance 377  DCCCLXXII — Au Cardinal de Givry (Inédite). — La Sainte- Maison de Thonon. — Les Carmes réformés de Paul V 382  APPENDICE  I  LETTRES ADRESSEES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS A LETTRE DU BARON DE LUX. 385 B LETTRE DU PRIEUR ET DES RELIGIEUX DE SAINT-CLAUDE... 386 C LETTRE DU P. JEAN DE VILLARS, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS. 388 D LETTRE DE m"" DE SAINT-CERGUES 380 E — LETTRE DE D. SENS DE SAINTE-CATHERINE, FEUILLANT 39O F LETTRE DE M. JEAN-LOUIS DE CHEVRON, SEIGNEUR DE BON- VILLARD 302 G LETTRE DE m" MICHEL D'ESNE, ÉVÊQUE DE TOURNAI 393 H LETTRE DU CHEVALIER CLAUDE DE LA VERCHÈRE 394 II PIÈCES DIVERSES A — SAINT FRANÇOIS DE SALES ET m" GERMONIO 397 B — LETTRE DE M. ANTOINE DES HAYES A M. DE CHARMOlSy. . . , 398  8^011  468 Lettres de saint François de Sales C LES GRANDS PARDONS D'ANNECY , 4OO D — LETTRE DE M. LOUIS DE LA TOURNETTE A M. CROTTI 4 1 3 Glossaire des locutions et des mots surannés 415 Index des correspondants et des principales notes biographi- ques et historiques de ce volume 425 Table de correspondance de cette nouvelle Edition avec les précédentes et indication de la provenance des Manuscrits. 437  REPRODUCTION PHOTOGRAPHIQUE PAR L'IMPRIMERIE FRANÇAISE DE MUSIQUE ET REPRODUCTION PHOTOMÉCANIQUE PARIS 19S5 - Imprimé en France  BX 1750 ,?1 1892 v.l5 SMC Francis, Oeuvres de saint François de Sale$, eveque de Genève et d Edition complète d'après les autographes et les éditions oriainales enrichie de nnnnhr