\<=o "m :_□ ;a- Ir-q  ŒUVRES  DE  -AINT FRANÇOIS DE SALES  EVEaUE ET PRINCE DE GENÈVE  ET  DOCTEUR DE L EGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'après les autographes et les éditions originales enrichie de nombreuses pièces inedites DÉDIÉE A SA SAINTETÉ LÉON XIII ET. HONORÉE d'uN BREF PONTIFICAL PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE M^"* l'ÉvÊQUE d'aNNECY, PAR LES SOINS DE RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU I^"* MONASTÈRE d'aNNECY  TOME XIII LETTRES — VOLUME  LIBRAIRIE CATHOLIQUE EMMANUEL VITTE  LYON 3, Place Bellecour, 3  PARIS 14, Rue de TAbbaye, 14  ANNECY, IMPRIMERIE J. ABRY M C M I V  Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa  http://www.archive.org/details/oeuvresdesaintfr13fran  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES  EVEQUE ET PRINCE DE GENEVE  DOCTEUR DE L'ÉGLISE  TOME TREIZIÈME  LETTRES  m'"' VOLUiME  I 6 o 5 — I 6 o  EN VENTE TOME I LES CONTROVERSES TOME II DEFENSE DE L'ESTENDART DE LA SAINTE CROIX TOME III INTRODUCTION A LA VIE DEVOTE TOMES IV, V TRAITTÉ DE L'AMOUR DE DIEU TOME VI LES VRAYS ENTRETIENS SPIRITUELS TOMES VII-X SERMONS TOMES XI, XII LETTRES — VOLUMES I, II  Chaque série se vend séparément Prix : 8 francs le volume  SOUS PRESSE LETTRES — Volume IV  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES EVÊaUE ET PRINCE DE GENÈVE ET DOCTEUR, DE l'ÉGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'après les autographes et les éditions originales enrichie de nombreuses pièces inedites DÉDIÉE A SA SAINTETÉ LÉON XIII ET HONORÉE d'uN BREF PONTIFICAL PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE M^'' l'ÉVÊQUE d'aNNECY, PAR LES SOINS DE RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU I" MONASTÈRE d'aNNEGY  TOME XIII LETTRES — VOLUME  LIBRAIRIE CATHOLIQUE EMMANUEL VITTE  LYON 3, Place Bellecour, 3  PARIS 14, Rue de l'Abbaye, 14  ANNECY, IMPRIMERIE J. ABRY MCMIV Droits de traduction et de reproduction réservés  Propriété  PIERRE LUCIEN CAMPISTRON ÉVÊQUE D' ANNECY t AUX LECTEURS DE LA NOUVELLE ÉDITION DES ŒUVRES DE SAINT FRANÇOIS DE SALES  La nouvelle Edition des Œuvres de saint Fran- çois de Sales compte à Vheure actuelle dou\e beaux volumes. Voici le tome XIII, le. troisième volume des Lettres. Les pieux éditeurs sollicitent notre approbation. Nous la donnons avec un bonheur d'autant plus grand, qu'en encourageant la dijfusion des écrits du saint Docteur, nous faisons œuvre d' actualité et de bonne propagande. N'est-ce pas d'ailleurs le meil- leur moyen d'inaugurer dignement notre Episcopat que de le placer sous un si puissant patronage ? Notre prédécesseur vénéré, M^" Isoard, voyait dans cette publication un de ces événements provi- dentiels par lesquels Dieu se plaît, au temps marqué par ses décrets, à glorifier ses Saints (0. Or, la divine Providence, qui adapte toujours les moyens à la fin qu'elle veut atteindre, avait tout disposé pour la glorification de saint François de Sales. Les Religieuses de la Visitation d'Annecy avaient en main des pièces inédites, des écrits inconnus du public, des lettres nombreuses; tous ces documents précieux, elles les avaient recueillis, groupés et mis ( i) Voir sa Lettre d'approbation, p. xxv du tome pi" de cetts Edition.  VI Lettre de Ms"" l'Evêq.ue d'Annecy en ordre. Mais il fallait encore les mettre en œuvre: Dont Bénédict Mackey, chanoine de l'Eglise cathé- drale de Newport, s'est rencontré à propos pour commencer la rédaction de ce travail; ce savant, d'une érudition étendue et d'un dévouement à toute épreuve, n'y a rien négligé. Il n'hésitait pas à entre- prendre de lointains voyages pour rechercher en quelque coin ignoré de bibliothèque, une lettre, un écrit quelconque du Saint, et il prolongeait volon- tiers ses veilles, qu'il consacrait à coordonner les textes et à établir les sources des citations par des références très laborieusement notées. Telle est l'œuvre accomplie jusqu'à ce jour. Or, parnii les admirateurs des écrits de notre aimable Saint, quelques-uns, considérant la lenteur avec laquelle les volumes se sont succédé, se laisseront peut-être aller au découragement ; d'autres peuvent se demander avec inquiétude si ce travail de si longue portée aboutira jamais à son achèvement complet. Que les uns et les autres se rassurent ! Cette publication n'est pas une œuvre commerciale, assu- jettie aux diverses fluctuations de l'intérêt. C'est une œuvre inspirée par le cœur ; c'est une tâche entreprise par la piété filiale, que les difficultés présentes ne troublent pas, que les craintes de l'avenir ne découragent jamais. Si les dou\e premiers volumes ont eu la bonne fortune d'être publiés avec la collaboration d'un vrai savant, ceux qui vont paraître seront édités sous la direction d'un Religieux de grand mérite, èrudit et doué d'un incontestable talent littéraire. De minutieuses études faites en vue d'une thèse sur sainte Jeanne-Françoise de Chantai, semblent l'avoir providentiellement destiné à l'œuvre qui reste à accomplir; car il arrive au moment précis oii les  Lettre de M^"" l'Evêque d'Annecy vii écrits du saint Docteur exigent une critique plus pénétrante, une plus parfaite connaissance de la langue française et de l'histoire religieuse du passé. Il faut remarquer, en effet, que le présent volume se compose de Lettres. Or, ces Lettres, écrites à la hâte, au pied levé, au milieu d'occupations absor- bantes, photographient en quelque sorte la vie épiscopale du saHnt Docteur ; elles évoquent aussi les mœurs et les personnages de son temps. Il a fallu faire revivre ces figures, pour la plupart oubliées. Les lecteurs qui liront leurs notices rapides ne se douteront pas, peut-être, des labeurs considérables que chacune d'elles a coûtés. Ajoutons que c'est précisément à ces recherches laborieuses, à la restitution des dates incertaines, des destinataires inconnus, que s' applique la sagacité doucement obstinée et toujours heureuse des Reli- gieuses de la Visitation d'Annecy. Les vénérées Filles du Saint me pardonneront de dire la part qui leur revient dans cette œuvre immense, et le grand public ne sera pas fâché, sans doute, de savoir que les monastères d'aujourd'hui continuent d'être, comme au temps passé, des ruches ferventes oii s' amassent silencieusement des trésors d'érudition et de science historique. On comprend donc facilement que l'interprétation et V annotation de ces Lettres demandent une spéciale préparation, et notamment des notions précises et variées d'histoire, de littérature, de linguistique. Par ses études antérieures appliquées à ces diverses matières, le P. Navatel était tout préparé à diriger la continuation du travail. Pour y réussir, il est arm.é de toutes pièces, et, ce qui, dans l'espèce, le dispose mieux à ce genre de travail, il possède une connaissance approfondie des âmes, qu'il a puisée dans l'expérience du ministère sacré.  VIII Lettre de M^' L'EvÊauE d'Annecy S'il a réussi à saisir la physionomie morale du Saint, on en jugera par V Avant-Propos, où il expose avec iin grand art toute la richesse et l'ori- ginalité du présent volume. Entre autres judicieux et fins aperçus, le nouvel éditeur note que saint François de Sales « a dépassé son temps, » et qu'en donnant des conseils pour des états d'âme particuliers, « il les a 7n arqués d'un caractère de vérité générale et profondément hum.aine{^). » Rien n'est plus vrai que cette obser- vation. Les contemporains du Saint, fatigués des luttes fratricides qui avaient rempli tout le XVI^ siècle du fracas des armes et du bruit des discussions poli- tiques et religieuses, aspiraient de tous leurs vœux au calme, à la paix, à la tranquillité dans l'ordre et dans la pratique de la tolérance. Le temps présent n'ojfre-t-il pas quelque analogie avec cette époque lointaine qui fut si agitée, et, par suite, cette Edition des Lettres de saint François de Sales n'est-elle pas vraiment opportune ? Les âmes, enfiévrées et lasses de V agitation des événements , trouveront dans cette lecture le repos, la quiétude de l'esprit, avec les saines pensées qui adoucissent les blessures du. cœur et amènent par degrés, Vhomme vers son Dieu, le souverain pacificateur. Fait à Annecy, le Jour de la Fête du Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lo juin IÇ04. f Pierre Lucien, EviauE d'Annecy. ( I ) Page XXII.  AVANT-PROPOS  Les éditeurs ne songent pas à s'excuser d'offrir au public un peu tardivement ce troisième volume. Les proscriptions qui ont mis en si grand péril tant d'asiles de la vie monastique en France, ont dispersé au loin de secourables auxiliaires et aussi de précieux documents. Cette dispersion lamentable a nui par ses contre-coups à la célérité du travail, mais sans porter d'ailleurs la moindre atteinte aux soins, à l'exactitude critique qu'il réclame. La nouvelle série de Lettres, qui vont de janvier i6o5 à fin mars 1608, montre les mêmes qualités qu'on a pu remarquer dans les lettres précédentes : le charme savoureux de la langue , la finesse des observations morales et surtout l'art de présenter sur un ton gracieux et persuasif les conseils de la perfection chrétienne (i). Mais l'intérêt particulier des Lettres de cette période, c'est qu'elles éclairent d'une vive lumière l'histoire du sentiment religieux en France au début du xvii" siècle ; ajoutons que le portrait de saint François de Sales s'y dessine en traits plus nombreux et plus saisissants.  Comme toutes les époques de transition, les premières années du xviT siècle présentent un curieux mélange d'aspirations contradictoires et mal définies ; pourtant un sentiment semble dominer tous les autres : c'est un ( I ) L'attrait de l'inédit ne manquera pas à ce volume ; on y trouvera trente- sept lettres inédites, treize fragments inédits et à l'Appendice deux lettres iné- dites, sans parler de la restitution de plus d'une date et de plus d'un destinataire. Lettres III B  X Lettres de saint François de Sales soupir ardent après le repos, après le calme, après la stabilité. Le temps était fini des luttes, les ardeurs batail- leuses commençaient de s'éteindre. Lasses, recrues, les âmes se tournaient avec un incoercible élan vers les con- solations de la vie intérieure. Cet appel à la perfection qui sollicitait alors les plus nobles instincts de la conscience humaine, ce travail mystérieux de fermentation religieuse qui mettait en vibration tant de nobles âmes, revit et transpire à tra- vers la plupart des lettres de cette époque. C'est le Carmel de sainte Thérèse qui, sous la virile impulsion de l'humble .AI™' Acarie, se fonde dans la capi- tale et de là essaime dans « nos Gaules (0 » à la faveur d'une incroyable popularité. C'est l'étonnante diffusion des FF. Mineurs Capucins établis en Bourgogne et dont l'intrépide apostolat se multiplie dans les environs de Genève, dans les régions Chablaisienne et Valaisanne. Ce sont les monastères d'hommes en Savoie qui se réforment ; les tièdes et les récalcitrants se voient rem- placés par des Ordres nouveaux. Mais les monastères de femmes semblent plus soucieux de la régularité : celui de Sainte-Claire est fidèle à son glorieux passé ; à Sainte- Catherine, près d'Annecy, une élite se prépare d'âmes choisies qui fondera les Religieuses Bernardines réfor- mées de Rumill}^ ( = ). . Le Jubilé universel de 1606 et celui de Thonon (1607) remuent la foi et provoquent de magnifiques démonstra- tions de piété. De toutes parts enfin circule une ardeur généreuse pour réparer les brèches faites aux murailles de la cité chrétienne par les assauts des novateurs. Les ministres de l'hérésie aux abois essaient en vain de regagner dans des conférences publiques le peuple qui les abandonne. Ces débats passionnent encore la foule, mais les pratiques religieuses positives vont plus à son cœur que ces subtiles controverses. Les pèlerinages rede- viennent plus que jamais la grande dévotion populaire.  (i) LeUre cccxviii, p. ii8. (a) Voir ci-après, note (4), p. ri6.  Avant-Propos xi La châsse de Saint-Claude, la sainte Hostie miraculeuse de Dijon, les saints Suaires attirent la piété chrétienne. Puis les Archiconfréries de Notre-Dame de Thonon, du Saint Cordon, de la Sainte Croix viennent grouper en de vastes collectivités tous les fidèles que la ferveur renaissante a touchés. Les églises se rouvrent ou se re- construisent, les cloches remontent dans les clochers si longtemps silencieux. Et comme il faut donner à toutes ces âmes affamées de perfection une doctrine substan- tielle et nourrissante, la traduction française des Œuvres de sainte Thérèse et des parties morales des anciens Pères vient à son heure. Les ouvrages de spiritualité se répandent partout ; les plus subtils, les plus obscurs eux- mêmes trouvent des lecteurs. Pour célébrer les Grands Pardons d'Annecy, des mul- titudes de pèlerins viennent de tous pays et se pressent pendant trois jours dans le sanctuaire de Notre-Dame de Liesse. La jeunesse curieuse et ardente trouve dans les collèges des Jésuites des maîtres habiles pour la discipliner et l'instruire. A la faveur des prédications et des exercices du Carême, la religion s'installe dans les âmes et en prend une possession définitive. Les conver- sions se multiplient dans les foyers les plus contaminés par l'hérésie, et plus d'un père de famille donne à sa maison l'allure d'un monastère. Tous ces renseignements, tous ces traits, tous ces dé- tails si précieux pour l'histoire générale des mœurs et de la piété, les Lettres de François de Sales les fournissent à toutes les pages. En les lisant, on a comme la sensa- tion d'entendre le bruissement de cette germination mer- veilleuse qui devait s'épanouir plus tard en opulentes flo- raisons de sainteté ; ainsi voit-on, aux premiers jours du printemps, la sève lentement circuler à travers les tiges souples des arbres reverdis, puis gonfler les bourgeons, annonciateurs des fleurs et des fruits. Ce mouvement de ferveur fut en grande partie provo- qué et soutenu par la correspondance de saint François de Sales. C'est lui qui, en Savoie, et partout où le porte  XII Lettres de saint François de Sales son zèle, met la main à ce travail de réédification mo- rale et relig'ieuse, ou qui en prend la meilleure part. Ces prédications fécondes, c'est lui qui les organise ou qui les fait ; ces fondations, il les conseille, il les pro- tège, il les confirme ; les conversions, il les prépare, il les rend durables. Et cette œuvre de réformation publi- que, il la continue et la culti\'e en particulier auprès de certaines âmes qu'il dirige avec son inflexible douceur. Son influence dépasse visiblement les limites de la Savoie, elle s'exerce sur tout et sur tous ; rien n'en mon- tre mieux l'étendue que le nombre et la qualité de ses correspondants et la variété des objets qu'il traite avec eux. Un grand Pape sollicite ses vues sur les plus hautes questions de la théologie, l'empereur d'Allemagne l'in- vite à la Diète, le duc de Savoie suit ses conseils, Baro- nius lui offre ses services ; de Bérulle, le P. Possevin, le P. Fourier s'honorent d'être ses amis, les âmes les plus éminentes recherchent sa direction, et, ce qui n'est pas moins glorieux pour le saint Evêque, les petites gens, les malheureux se recommandent à sa charité. Il bénit les espérances d'une jeune femme, il pourvoit les paroisses de pasteurs, et ceux-ci, de subsides convena- bles qu'il doit arracher à l'odieuse avarice des Chevaliers des saints Maurice et Lazare. Ce sont des collèges de Jésuites qu'il voudrait ériger à Annecy et à La Roche, c'est l'Abbesse d'un monastère qu'il faut encourager dans ses projets de réforme. Des jeunes filles, des jeunes gens rêvent de la vie claustrale ; mais il s'en faut bien que le Saint fasse à tous ces désirs le même accueil : il encou- rage les uns, et parfois, mais toujours suavement, il dé- conseille les autres. Une place de petit page à obtenir, l'échec d'un plaideur malheureux, le désappointement d'un débiteur embarrassé, l'infortune d'une pauvre femme besogneuse, toutes les causes enfin, et surtout les plus dé- laissées, émeuvent profondément son âme compatissante et lui font écrire de charmantes épîtres. Bien des figures ne font que passer dans cette corres- pondance, qu'on voudrait revoir ; d'autres reviennent souvent et finissent par nous devenir familières.  Avant-Propos xiii C'est d'abord Rose Bourgeois et sa sœur M™^ Brûlart ; l'une, Abbesse d'un monastère, l'autre, femme d'un Pré- sident au Parlement de Bourgogne. Curieuse physionomie que celle de TAbbesse du Puits- d'Orbe ! La iin de sa vie étrange et désordonnée révèle une âme impérieuse, bizarre. Il ne semble pas qu'elle soit jamais bien entrée dans les vues de son Directeur ; la réforme lui faisait peur, elle songea même sérieusement à quitter le cloître ; i} est probable qu'elle y était entrée sans vocation. A cette âme capricieuse et turbulente, le Saint prodigua les conseils avec une inaltérable mansué- tude ; l'ingérence importune de son père, M. de Crépy, compliquait encore les difficultés. Même aux Saints, Dieu n'accorde pas toujours le suc- cès dans leurs entreprises. L'Evêque de Genève ne réus- sit pas dans celle-ci ; ne le regrettons pas trop. Sans l'humeur changeante et les infirmités de la rétive Abbesse, aurions-nous les admirables lettres qui lui furent écrites en vue de l'en guérir ? Si l'on veut consoler ou relever l'âme découragée des malades ou des infirmes, qu'on lise les lettres à Rose Bourgeois ; il n'est pas, croyons-nous, dans notre langue, d'exhortations plus lénitives et plus énergiques. A les entendre, la douleur s'endort et devient même jouissance. M""" la Présidente a exercé, elle aussi, la charité de l'Evêque de Genève, et sans doute aussi sa patience quel- quefois. Esprit peu compréhensif, dévotieuse plutôt que dévote, pleine de stériles désirs, exagérant le but, puis découragée de ne pas l'atteindre, cette âme, par l'ensem- ble de ses aspirations et de ses défauts , ne représen- terait-elle pas les tendances et l'idéal de beaucoup de femmes du monde ? C'est donc à ces dernières que con- viennent les lettres envoj-ées à la Présidente. Qu'elles les lisent. Elles y apprendront qu'il faut obéir, servir Dieu avec gaieté, se supporter soi-même, ne pas ouvrir son âme à tout venant, se défier du monde, ce charlatan, faire « le miel dedans sa ruche (0 » et ne pas (i) Lettre cccxxxvii', p. i6i.  XIV Lettres de saint François de Sales s'épuiser en désirs de perfection chimérique. Le Saint leur enseignera la méthode de persuader la perfection aux autres, de rendre la piété agréable à leur entourage. Les plus scrupuleuses verront par l'exemple d'une femme qui « est arrivée bien haut (0, » jusqu'où peut aller la condes- cendance d'une épouse chrétienne. Plus docile que l'incorrigible Abbesse, M"^ Brûlart montra bientôt ce qu'une habile direction pouvait tirer d'une âme ordinaire. D'une vie négligente, prise par la mondanité, elle passa à une vie ordonnée et toute chré- tienne. La dernière lettre qui figure dans ce volume (=*) nous la fait voir appliquée à l'oraison et à la lecture des écrits de sainte Thérèse et de sainte Catherine de Sienne. Une autre âme, tombée plus tard dans les filets du prestigieux pêcheur, devait aller plus haut que la pré- cédente dans les voies de la piété. Elle n'avait guère plus de vingt ans, mais elle était « toute d'or, et infini- « ment propre a servir son Sauveur (3). » En rencontrant M""" de Charmoisy, le Saint fut charmé de trouver une âme capable de le comprendre, assez docile pour suivre jusqu'au bout sa direction, assez géné- reuse pour appliquer dans le détail de ses devoirs d'état, l'idéal de la femme chrétienne vivant dans le monde. Ses progrès furent rapides. Il semble qu'à cette vaillante Philothée les étapes intermédiaires furent épargnées ; saint François de Sales prenait plaisir à former cette conscience virile et à la mener par des enseignements progressifs aux joies austères de la vraie dévotion. Les conseils s'accumulaient méthodiques, engageants, riches de belle doctrine et d'exhortations affectives. Un juge clairvoyant, le meilleur des amis du Saint, son direc- teur fidèle, y avait vu un trésor qu'il fallait publier (-i). Ce devait être quelques mois plus tard V Introduction à la Vie dévote.  (i) Lettre ccclxvii, p. 228. (2) Lettre cdxix. (3) Lettre cccxci, p. 275. (4) Voir la Lettre du P. Fourier, à l'Appendice L, p. 412.  Avant-Propos xv Le saint Evêque, quand il parlait à Dieu, lui nommait toutes ces chères âmes qu'il voulait dédier à son ser- vice. Un nom venait alors sur ses lèvres avant tous les autres, et le lecteur devine bien que c'est le nom de la baronne de Chantai. L'histoire de cette grande âme et de la direction du Saint a tenté bien des plumes. Des intelligences vives et curieuses se sont exercées à décrire les délicates opérations de la grâce et l'influence du prêtre dans- cette âme vigoureuse. Mais leurs intéressantes et fines analj'^ses ont été trop souvent gâtées par des préjugés ridicules. Les plus discrets, pour ne rien dire des pam- phlétaires, ont avancé sur le ton grave d'un impertinent pharisaïsme, que cette direction était une domination lente et progressive de l'âme humaine, paralysant la volonté, enfermant les facultés actives dans l'observation exclu- sive du dedans, quand elle ne les endormait pas, en sup- primant tout désir, dans un quiétisme paresseux. Au lieu d'écrire ces fantaisies dans des revues et de les débiter du haut d'une tribune, on ferait bien de lire les lettres adressées à la baronne de Chantai, et surtout on ferait mieux de les comprendre. Qu'on les lise donc, au lieu de rééditer, quoiqu'en les atténuant, les ima- ginations des historiens romanciers de la Restauration et de l'Empire. La doctrine du saint Directeur, telle du moins qu'elle ressort des Lettres de 1605-1607, peut d'ail- leurs se résumer en quelques lignes. L'activité suprême dans une imperturbable paix : voilà l'idéal qu'il propose à sa fille spirituelle. Pour établir l'âme dans cet immuable repos, il faut d'abord en chas- ser les éléments de trouble, c'est-à-dire la vanité, l'amour- propre, l'amour exagéré de soi, les craintes imaginaires. Quels sont les éléments destructeurs de la véritable activité ? Au regard de François de Sales, ce sont les vains désirs, la peur de l'opinion, les longs et subtils repliements de l'âme sur elle-même, les rêveries mélan- coliques, les songeries creuses, le fléchissement devant la douleur physique ou les angoisses morales, les passions enfin qui excitent, mais qui affaiblissent. Or, à tous ces  XVI Lettres de saint François de Sales ennemis de la paix et de l'activité, l'habile Directeur fait une guerre sans merci, et quand il a débarrassé l'âme des vaines craintes et dégagé la volonté des obstacles qui lui font échec, alors il lui donne un point d'appui immuable : la volonté de Dieu. Et la volonté de Dieu pour le Saint, si partisan, comme on sait, du positif et du réel, ce n'est ni le désir capricieux du moment, ni le sentiment d'une commotion intérieure : c'est la volonté de Dieu notifiée par ses commandements, ou manifestée par les devoirs de notre vocation. Pas d'issue pour l'illuminisme ; avec cette règle, toute voie est barrée aux tromperies du sens intérieur. Ce dépouillement spirituel, cette purification inces- sante de la volonté et des mobiles d'action ne va pas sans de continuels renoncements, u II faut avoir un cœur « d'homme, » écrit-il à cette femme qui avait à peine trente-trois ans (0. Et ce conseil viril n'était pas de trop pour suivre son programme ; car, tout en parlant dans une langue suave, le Directeur n'en demandait pas moins des choses héroïques. Que doit faire la veuve du baron de Chantai quand elle rencontrera le meurtrier de son mari? Il faut, dit-il, porter à sa rencontre un « cœur doux, gracieux et compa- « tissant (2). » Plus encore; accepter d'être « commère » de cet homme qui lui a rendu ses enfants orphelins. Un autre jour, elle est troublée par des peines d'esprit fort douloureuses. Ecoutez la réponse : « Je viens de « parler pour vous a Nostre Seigneur... et certes, je n'ay « pas osé luy demander absolument vostre délivrance ; « car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit « estre présentée, ce n'est pas a moy de désirer qu'il ne « le face pas (3). » Est-ce que de telles paroles sont ins- pirées par la molle complaisance d'un fade attendrisse- ment ? Dans le retranchement des vaines consolations, le Saint va plus loin encore ; sachant que toute douleur se soulage à être racontée, il n'hésite pas à lui déconseiller ( I ) Lettre ccc, p. 7v (a) Lettre ccxcvii, p. 67. ( ; ) Lettre cccLvni, p. 200.  Avant-Propos xvii même cette innocente consolation : « Vous feres bien « de regarder simplement Nostre Seigneur... sans vous « amuser a considérer vostre mal, non pas mesme pour « me le dire (O. » S'il présente à son regard une image, c'est celle de Jésus, mais de Jésus crucifié. « Les croix de Dieu sont « douces, » écrit-il ( = ), mais « pourveu que l'on y meure. » Une telle direction est faite pour grandir le cœur ; c'est en vain qu'on voudrait y trouver une doucereuse condescendance, une sorte de bonhomie paterne qui s'arrange de tout, même de l'inertie.  . Plus récemment, on a prétendu que l'idéal de saint François de Sales en fait de piété avait le défaut de se limiter à la perfection des âmes individuelles. A son école, l'âme apprendrait à se connaître, à se retourner sur elle-même, à régler sa vie intime et extérieure, mais elle ne songerait pas, comme de nos jours, à s'épanouir au dehors par les œuvres de charité. Un tel reproche est superficiel. Il tombe devant les faits et les œuvres qu'a opérés la piété chrétienne au xvir siècle. Il est vrai, l'effort du Saint et de sa direction va tout d'abord à épurer l'âme, à illuminer l'intelligence, à rectifier la volonté, à mettre de l'ordre dans toutes les puissances ; mais la volonté n'est-ce pas la pièce maî- tresse, l'instrument des actions humaines dont il importe avant tout de s'assurer ? Régler la volonté, la fortifier, lui donner du ressort, de l'élan, est-ce faire autre chose que d'accumuler d'avance, pour l'action ultérieure, les trésors de l'énergie morale? Et les facultés agissantes, qui les excite, qui les met en jeu, sinon le vouloir inté- rieur ? L'activité n'est souple, n'est durable, n'est féconde que si elle jaillit de cette force invisible qui s'appelle la volonté. Saint François de Sales préparait donc mer- veilleusement à l'action les âmes qu'il dressait à vouloir. Au lieu de prouver l'insuffisance de cet idéal, l'histoire ( I ) Lettre ccclviii, p. 200. ( a ) Lettre cDii, p. 294.  XVIII Lettres de saint François de Sales en révèle au contraire la souveraine efficacité. Vu à tra- vers les ouvrages de ses grands écrivains, le xvir siècle peut paraître un siècle d'analyse raffinée et de minu- tieuse observation morale ; mais les âmes chrétiennes formées d'après les principes de saint François de Sales n'ont pas fait que s'observer : elles ont agi. Les plus grandes créations charitables datent de cette époque. Pour toutes les misères du corps et de l'âme, des instituts surgissent ; mais qui les fonde ? De grandes chrétiennes, la plupart admiratrices du saint Evêque de Genève, for- mées à la piété par ses écrits, ou même encouragées par les exemples de la baronne de Chantai devenue à son tour fondatrice, et laissant à ses filles son esprit de charité active et bienfaisante. Pour juger de la valeur effective de la direction de saint François de Sales, il n'est pas à propos de citer l'inertie du duc de Bourgogne, l'élève de Fénelon ; il se- rait plus sage de se demander ce que devint plus tard M™* de Chantai, cette âme robuste, sa fidèle disciple. Sa vie féconde, son indomptable vigueur, l'étendue de son influence, la haute portée de ses œuvres établissent vic- torieusement que la direction du saint Evêque de Ge- nève, en dressant l'âme à l'amour de Dieu, la préparait merveilleusement aux conquêtes d'un prosélytisme et d'un apostolat intrépide et infatigable. Quant aux lecteurs qui aiment à pénétrer dans l'inti- mité des Saints, à connaître leurs confidences, qui s'édifient à contempler la ravissante simplicité de leurs âmes, ils feront dans ces lettres des découvertes tou- chantes. Ils verront croître et grandir avec les années l'amitié sainte, « blanche plus que la neige, pure plus « que le soleil (0, » qui devait unir pour une œuvre com- mune ces deux grandes âmes. Mais pour entendre l'ex- quise pureté, la simplicité ingénue de cet amour « fort, « impliable et sans mesure ni reserve. . . doux, facile ; bref, « si je ne me trompe, tout en Dieu (2), » oh ! que l'intelli- gence doit être pieuse et bonne ! ( I ) Lettre ccciv, p. 84. ( 2) Lettre cdii, p. 295.  Avant-Propos xix Pour les autres traits de la physionomie morale de saint François de Sales, ils sont dessinés en pleine lu- mière dans les diverses lettres de ce recueil. Grâce à son style candide et à son imagination toujours sou- riante, toujours transparente, grâce aux sujets qu'il traite, l'âme du saint Docteur se reflète dans ces pages avec une franchise qu'on appellerait enfantine, si elle n'était la franchise d'un grand écrivain et d'un Saint. C'est bien ici qu'il «e montre « tant homme que rien « plus (0. » Il se laisse prendre à toutes les émotions dé- licates et profondes qui peuvent remuer une âme sen- sible. Ses impressions d'Evêque en tournée pastorale varient avec les sites gracieux ou terribles de son pitto- resque diocèse. C'est tantôt l'accueil enthousiaste d'une petite ville qui s'illumine la nuit pour fêter son arrivée, tantôt c'est l'effroyable masse des montagnes glacées qui le saisit d'admiration ; mais dans la plaine, au fond des vallées, il trouve toujours son Dieu ; il le rencontre chéri et adoré sur les plus hauts sommets par les âmes simples, et même, comme le Patriarche Séraphique, il a su entendre les louanges que lui donnent les chevreuils et les chamois i^). Tous les bruits, tous les accents de la nature, depuis le ce frifillis des feuilles (3) » jusqu'au « tintamarre » des grands orages alpestres (4), son âme de poète a tout perçu, tout noté. Sous sa plume, les scènes de l'Evangile méditées par manière de contemplation, sous l'inspiration évidente des Exercices de saint Ignace, deviennent des tableaux dignes de la grâce et de la gentillesse d'un Pérugin. Soit qu'il visite ses tenanciers, soit qu'il prêche à son peuple ou qu'il catéchise les enfants, c'est toujours le même cœur, la même joyeuse affabilité. C'est alors qu'on le voit dans ses « belles humeurs (.). » Les gre- nouilles ne peuvent troubler le sommeil d'un châtelain ( i) Lettre cdxviii, p. 330. (2) Lettre ccclxvi, p. 323. (3) Lettre cccvi, p. 88. (4) Lettre cDviii, p. 312. (t) Lettre ccclxxxv, p. 266.  XX Lettres de saint François de Sales aussi libéral, et sans doute, les bruyantes voisines durent se taire d'elles-mêmes pendant les nuits qu'il passa dans sa terre marécageuse de Viuz (0. Les auditoires les plus modestes allaient au cœur de cet homme d'humilité et de simplicité. C'est des habi- tants de Rumilly qu'il écrivait, en s'excusant de dire une (( petite folie... Je presche si jolyment a mon gré en « ce lieu, je dis je ne sçai quoy que ces bonnes gens (( entendent si bien, que quasi ilz me respondroyent (( volontier (=»). » Il faut le voir se divertissant des mas- ques avec les enfants de son catéchisme, devant une assistance qui le « convioit par son applaudissement a « continuer défaire l'enfant avec les enfans (3). » Enfin, il n'est pas besoin d'ajouter que l'âme reli- gieuse du Saint se découvre ici à son insu avec une ineffable ingénuité. Quelle humilité que celle qui lui fait accepter avec une gratitude touchante les conseils de sa fille spirituelle ! L'illustre ami des Cardinaux, le conseiller vénéré des Papes, le grand convertisseur d'âmes devient un enfant quand il écrit au P. Possevin, son ancien maître, et surtout quand il se remet pour « rabiller » son âme (4) sous la conduite de son vieil ami, le P. Fourier. Peut-on lire sans être ému les effusions de sa piété ardente, quand il porte le Saint-Sacrement à la proces- sion ou, un autre jour, qu'il parle de la Passion devant ses chères filles de Sainte-Claire ? « Le bon et débonnaire Jésus soit a jamais le Roy de « nos cœurs(0! » C'est le cri qui déborde à tout instant de son âme transportée. « Mon Dieu, très chère Fille « de mon ame, que je voudrois volontier mourir pour « l'amour de mon Sauveur ! mais au moins, si je ne puis (( mourir pour cela, que je vive pour cela seul i^). » Cette  (i) Cf. Lettre cdv, p. ^ot. (2) Lettre cDxxxvi, p. ^77. ( ■; ) Lettre ccclxxxv, p. 266. {4) Lettre ccclxxxvi, p. 268. ( ^ ) Lettre cccxciv, p. 281. (6) Lettre cccxxx, p. j^H.  Avant Propos xxi exclamation passionnée nous livre le secret de toute sa vie. Pour lui, en effet, Jésus-Christ c'est « le grand mot de « nostre salut ; » l'exprimer « en nostre vie en Timpri- « mant dans le fond de nostre cœur ( ^ ), » c'est le but sou- verain de toute noble activité. Que demande-t-il pour sa fille bien-aimée? « Rien, sinon ce pur et saint amour » du « Sauveur (2). » Installer Jésus-Christ dans les âmes, l'y faire régner, c'est toute son ambition ; car il croit, il sait, il affirme que c'est lui qui « redresse tout, purifie « tout, vivifie tout... fait tout en tout (3). »  C'est un charme de plus que tant de lumineuses et fortes doctrines s'étalent en un style si aimable. Par un rare bonheur, la fantaisie et le bon sens, la raison et la poésie, qui d'ordinaire s'excluent dans les œuvres de l'esprit, se pondèrent et s'unissent ici sans effort. Disons simplement que les Lettres de cette série justifient toutes les louanges qu'on a faites de l'Ecrivain. Les descriptions rapides, les petits récits, les allégories, les sentences ex- pressives s'y entremêlent avec une piquante variété. Les plus jolis mots, les plus pittoresques réflexions, qu'on aime toujours à citer, on les rencontrera ça et là dans ces pages. Une lettre pourtant se détache parmi les autres ; c'est la lettre écrite le 2 novembre 1607 (4) à propos de la mort de sa jeune sœur Jeanne de Sales. Il faut voir comme la mère de l'adolescente, le Saint lui-même et M""" de Chantai y sont tour à tour représentés au vif et dans leur naturel. La page qui raconte la douleur sobre et silencieuse de M""^ de Boisy en apprenant la mort de sa fille, respire une sérénité admirable. Les passages des Confessions où saint Augustin nous fait des confidences sur sa mère ne sont pas plus touchants. Tout le récit — il tient en trente lignes — est un pur chef-d'œuvre. Comme on s'y ( I ) Lettre cdxxviii, p. 354. (2) Lettre cdxxix, p. 355. (3) Lettre cDxxx, p. 358. (4) Lettre cdxvui.  XXII Lettres de saint François de Sales attend bien, le saint Evêque trouve des accents atten- dris, il rencontre des expressions d'une délicieuse fraî- cheur quand il vient à parler de la « petite defuncte, » cette enfant d espérance, si « cordialement » aimée, déli- cate comme « les fraises et les cerises » de nos jardins et, comme elles, prématurément cueillie. Mais bientôt, dominant les « ressentimens » de ses regrets, il s'adresse à sa fille spirituelle qui lui avait paru n'avoir pas assez maîtrisé les siens. Il lui prêche sur un ton de conviction émue la résignation au bon vouloir de Dieu, mais une résignation entière, « sans reserve, sans si, « sans mais... en tout et par tout. » Leçon bien <( haute, » de l'aveu même de celui qui la donnait, trop haute sans doute pour des « cœurs a demi mortz ; » mais pouvait- elle effrayer ce « cœur vigoureux » qui aimait et qui voulait « puissamment ? » Cette lettre, en outre des peintures d'âmes variées qu'elle nous offre ramassées dans un même cadre, défend victo- rieusement la piété catholique contre un reproche odieu- sement rebattu de nos jours : celui d'altérer et de refroidir les affections de famille. Après l'avoir lue, on ne pourra plus douter que le Saint avait véritablement un « cœur <( de chair (i) » et que les vues les plus austères de la foi s'unissaient dans son âme, sans les heurter, aux affec- tions les plus profondes et les plus sincères.  Comme les grands écrivains, saint François de Sales a dépassé son temps. En adressant les conseils de son intuitive sagesse à des âmes particulières, il les a mar- qués d'un caractère de vérité générale et profondément humaine. De là, la beauté toujours impressionnante de ces Lettres ; elles conviennent aux âmes chrétiennes, à toutes les époques et partout. Pourquoi n'oserions-nous pas dire qu'elles conviennent surtout à celles de notre temps ? De même qu'au siècle de saint François de Sales, l'âme (i) Page 350.  Avant-Propos xxiii moderne soupire avec ardeur après la quiétude et l'apai- sement. Il serait illusoire de le demander au monde, à la politique et même à la culture intellectuelle. En ce siècle de fiévreuse activité et d'âpres concurrences, les âmes vieillissent de bonne heure et en peu de temps se lassent de tout. Il faut donc leur infuser des goûts qui ne passent pas, des sentiments et des espoirs qui les fixent dans un état tranquille et sûr. Les Lettres de l'Evèque de Genève ne sont-elles pas capables de faire ce miracle ? En les lisant, on sentira que le beau de la vie, c'est d'aimer Dieu, de ne pas trop s'aimer soi-même et de beaucoup servir son prochain. Après les avoir lues, on garde comme conclusion le souvenir de la bonne Pernette Boutey, la sainte villageoise de La Roche, l'une des « grandes « amies » du Saint (0, qui « devint plus belle après sa mort qu'elle n'avoit esté durant sa vie ( = ). » On se rap- pelle aussi cette pauvre veuve d'Annec)'" que le Bienheu- reux aperçut « a la suite du Saint Sacrement, et ou les « autres portoyent des grans flambeaux de cire blanche, « elle ne portoit qu'une petite chandelle, que peut estre « elle avoit faite ; encores, le vent l'esteignit. Cela ne « l'avança ni recula du Saint Sacrement ; elle ne laissa « pas d'estre aussi tost que les autres a l'église (3). » Il est permis de croire que ces deux humbles femmes avaient trouvé la véritable paix, et, avec elle, l'esprit de suavité et de joie. Puisqu'elles faisaient l'admiration du saint Evêque, nul doute qu'elles fassent envie à bien des lecteurs. J.-J. Navatel, s. J. Annecy, 29 mai 1904. (i) Lettre ccclviii, p. 200. (a) Lettre de Claude d'Angeville, Appendice F, p. 406. (3) Lettre ccciv, p. 82.  AVIS AU LECTEUR  Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été revues sur les originaux, comme il est indiqué d'ailleuis à la fin de chacune. Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d' Autographes ou de copies authentiques, on a dû emprunter le texte à des publications antérieures. Voir à la fin de ce volume la Table de correspondance, et V Avant-Propos du tome XI, pp. xxv-xxvij. Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui pré- cédent chaque pièce ; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original, ou quelles sont authentiques, quoique fournies par les textes imprimés. Les points remplaçant quelque énumération de la date indiquent que cette partie de la date est donnée, mais fautivement, dans l'édition à laquelle notre texte est emprunté. Qltand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument sûre, elle est insérée entre [ ] . Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le texte. Les divergences qui existent entre quelques minutes et le texte définitif sont données au bas des pages. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précédent imntéd'atement au texte; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi. Les pas- sages biffés dans les Autographes sont enchâssés entre TJ . Des points placés au cotnmencement ou à la fin des lettres indiquent un texte incomplet. Quand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois. A la suite de la Table de correspondance se trouve un Index, dans lequel il a été jugé à propos de fondre les noms des destinataires avec les titres des principales notes historiques et biographiques. Toutes les notes concer- nant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époqîie, conservés à l'Evêché d'Annecy; elles sont désignées par les deux initiales R. E. Sauf indication contraire, tous les renseignements relatifs à la noblesse savoisienne sont empruntés au monumental ouvrage du Comte Amédée de Foras : Armoriai et Nobiliaire de l'ancien Duché de Savoie.  LETTRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES  ANNEE 1605 (^:  CCLXXI A MADAME DE LA TIIUILLE, SA BELLE-SOEUR  Bénédiction temporelle et spirituelle souhaitée à une jeune épouse. De qui faut-il l'obtenir et par quelle prière. [janvier-mars 1605.] La bénédiction que je vous souhaitte, ma très chère Seur ma Fille, se doit obtenir de la main de Nostre Sei- gneur, et je croy que sa divine Majesté vous Toctroyera (i) Voir à la fin de ce volume, avant l'Appendice, une lettre écrite le i""" novembre 1604 à la baronne de Chantai, et dans la note qui l'accompagne, les raisons de ce renvoi. (2) L'édition de 1626 adresse la lettre « A une Dame, sa belle-sœur » : Claudine-Philiberte de Pingon-Cusy, fille aînée de Bérold de Pingon, baron de Cusy, et de Charlotte de Vautravers. Elle entra dans la famille du Saint par son mariage avec un de ses frères, le vertueux comte Louis de Sales, seigneur de la Thuille. (Voir le tome précédent, note (i), p. 93.) De cette alliance, bénite par le Bienheureux lui-même au château du Crest (avril 1603), naquit un fils (1'='' janvier 1606), Charles-Auguste, le troisième successeur de saint François de Sales sur le siège de Genève, et peut-être le plus attachant de ses historiens. M"'* de la Thuille ne vécut pas longtemps. Elle mourut le 29 mars 1609, à peine âgée de vingt-trois ans, dans les sentiments de la plus vive ferveur. De là ces paroles du saint Evêque : « Mon frère, cessez de vous affliger, car je vous assure avec certitude que vôtre chère épouse est arrivée aux noces de l'Agneau. » (De Hauteville, La Maison naturelle, etc.) L'objet de la lettre et d'autres convenances donnent à penser qu'elle a été écrite dans les premiers mois de i6os, LtTTRES III I  i Lettres de saint François de Sales si vous la requeres avec la sousmission et humilité conve- nable. Et quant a moy, ma très chère Fille, adorant de tout mon cœur cette divine Providence, je la supplie de respandre sur vostre cœur l'abondance de ses faveurs, affin que vous soyes bénite en ce monde et en l'autre des * Gen., xxvn, 28, benedtctioHS du ciel et de la terre^, des bénédictions ' ''■ de la grâce et de la gloire éternelle. Ainsy soit il. Bénite soyes vous en vostre cœur et en vostre cors, en vostre personne et en celles de ceux qui vous sont plus chers, en vos consolations et en vos travaux, en tout ce que vous feres et que vous soufFrires pour Dieu. Au nom du Père, du Filz et du Saint Esprit. Amen. Vostre très humble et très invariable frère et serviteur, FRANç^ E. de Genève.  CCLXXII  A LA BAROXXE DE CIIANTAL  Convalescence du Saint. — Il a besoin d'un secrétaire. — Les « petitz livretz » de la Baronne. — Salutations à tous ses amis en Notre-Seigneur. — Sym- pathie pour une malade opérée. Annecy, 22 janvier 1605. Ma chère Dame, Frère Jean (0 m'a treuvé au sortir d'une fièvre conti- nue, de laquelle les effetz ne me permettent encor de vous escrire que par la main d'autruy, combien que je vous salue et souhaitte mille bénédictions du propre fons de mon cœur. Je n'auray pas plustost recouvert mes forces et rencontré quelque commodité de vous escrire ( I ) Il s'agit vraisemblablement de dom Jean de Saint-Malachie, chargé par son Supérieur de négocier l'établissement des Feuillants à Notre-Dame d'Abondance (voir le tome précédent, note ( i ), p. 373). Ce Religieux résidait près de Dijon, et nous savons que pendant le Carême de 1604 le Bienheureux avait contracté avec lui une sainte amitié. C'est la raison de notre conjecture.  CCXLI, p. 391.  Année 1605 ^ que je le feray fort soigneusement, comme j'ay fait cv devant a touttes les occurrences qui s'en sont présentées. Te n'ay pas voulu confier voz petitz livretz a ce porteur *, * Cf. tom. pr»ced. £pist* ccxLiii. lequel, s'acheminant fort lentement et passant par Chalon et autres lieux, auroit peu les esgarer ; je m'imagine aussi que vous n'en estes pas beaucoup nécessiteuse. Je n'escris qu'a vous par ce que c'est un exercice qui m'est encor défendu ; et je crois que vous me feres ce bien que de saluer tout le reste de ceux et celles qui m'a5"ment en Nostre Seigneur, puisque je vous en supplie bien humblement. Sur tout je desirerois de sçavoir quel succès aura eii l'incision de la jambe de Madame du Pie (sic) d'Orbe *. Je gueriray cependant pour luy escrire, " Vide ibid., Epist. et a vous aussi ; et me recommandant a voz prières, je supplie Dieu quil soit tousjours vostre coueur (sic), vostre ame et vostre amour, et je suis, Madame ma chère Seur, Vostre serviteur très desdié en Jesuschrist, [Franc', E. de Genève (i).] Ma mère, qui est venue ic}' pour m'assister, vous salue très humblement, et moy je n'oublie point Celse Bénigne ( = ). A Necy, le 22 janvier 1605. A Madame Madame la Baronne de Chantai. A Dijon. Revu sur l'original appartenant à M'"« Doroz, née d'Arcine, à Besançon. (i) Dans cette lettre, la signature a été coupée, ce qui prouverait qu'elle était autographe. L'adresse est aussi de la main du Saint. (2) Voir le tome précédent, note (2), p. 328.  Lettres de saint François de Sales  CCLXXIII A LA MÊME Lettres et porteurs. — La patience parfaite exclut l'inquictude et l'empresse- ment. — Avoir « les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit. » — Ne pas trop considérer son mal. — Grand pouvoir devant Dieu que de pouvoir vouloir. — Penser à « la grande dereliction » du jardin des Olives. — Servir Dieu comme il veut: moyen de le bien servir. — La simplicité chrétienne dans l'accusation des péchés. — Quand il s'agit de vocation, communiquer avec son directeur et ouïr Notre-Seigneur en esprit d'indifférence. — Les tentations qui viennent de Dieu et celles qui n'en peuvent venir; conduite à tenir à l'égard de ces dernières, — « Le donjon imprenable. » — Mépriser les ten- tations, embrasser les tribulations. Annecy, i8 février 1605. (0 jMadame, * Epist. prœced. Je VOUS escrivis dernièrement par Frère Jehan * et n'ay jamais laissé escouler aucune commodité de vous en- vo3'er de mes nouvelles que je ne Taye embrassée. Je m'en sollicite asses moy mesme sans que vous preniez la peyne de m'en resouvenir. .Maintenant, au sortir de ma maladye, j'ay receu vostre lettre du quinziesme janvier que monsieur Grenautl') m'a envoyé ; mais non pas encor celle que vous -m'avez escripte précédemment, en laquelle, comme vous me distes, vous m'escriviez fort *■ Je viens de la re- particulièrement de Testât intérieur de vostre ame. "^ J'ay 7el°Zt!7ili/jou'r's bien peur qu'elle ne se soyt esgaree. Si vous m'eussiez après çuejefaysois nommé la vo3"e par laquelle vous me l'envoyés, je me escrire ceci. fusse essa5'é de la recouvrer. (i) La partie originale de cette lettre, conservée à la Visitation d'Annecy, est écrite par secrétaire (le même que celui des Lettres cclxxit et cclxxiv), avec additions de la main du Saint: les deux premières, ajoutées en marge, sont reproduites également en marge de notre texte, caractères italiques; les autres sont soulignées d'un pointillé Le premier alinéa, avec les trois lignes qui le suivent et les deux additions marginales sont inédits. ( 2 ) Probablement Jean de Grenaud, seigneur de Rougemont, Lunes, Gram- mont, etc., qui avait épousé Jeanne de Reydellet. Nommé parle duc de Savoie capitaine-gouverneur du fort Pierre-Châtel dès avant 1594, il y fut assiégé en 1600 par le maréchal de Biron; mais, faute de secours, il dut capituler.  Année 1605  5  Maintenant, pour respondre a celle que j'ay en main, autant que ma santé me le permet (pour laquelle je ne puis encor vous escrire de ma main "*"), je loue Dieu de la ■*■ Les médecins me , , ., , . l'avoyettl défendit constance avec laquelle vous supportes vos tribulations, en 'ce tems-ia ; J'y vois neantmoings encor quelque peu d'inquiétude et 'horTletelrlbeiL d'empressement qui empesche le dernier effect de vostre ^"«'^^• patience. En vostre patience, dit le Fils de Dieu *, vous * Lucx, xxi, 19. posséderez vos âmes. C'est donc l'effect de la patience de bien posséder son a'me, et a mesure que la patience est parfaicte, la possession de l'ame se rend plus entière et excellente. Or, la patience est d'autant plus parfaite qu'elle est moings meslee d'inquiétude et empressement. Dieu donques vous vueille délivrer de ces deux dernières incommodités, et tost appres vous serez délivrée de l'autre. Mais bon courage, je vous supplie, ma très chère Seur; vous n'aves souffert l'incommodité du chemin que troys ans, et vous voulez le repos. Mais resouvenés vous de deux choses : l'une, que les enfans d'Israël furent quarante ans parmi les dezerts avant que d'arriver en la terre du séjour qui leur estoit promis ; et neantmoings, six sepmaynes pouvoyent suffire pour tout ce voyage, et a l'aise. Ny il ne fust pas loisible de s'enquérir pourquoy Dieu leur faisoit prendre tant de détours et les condui- soit par des chemins si aspres ; et tous ceux qui en mur- murèrent moururent avant l'arrivée *. L'autre, que Moyse, le plus grand amy de Dieu de toute la trouppe, mourut sur les frontières de la terre de repos, la voyant de ses yeux et ne pouvant en avoir la jouissance *. Pleust a Dieu que nous regardassions peu a la condition du chemin que nous frayons et que nous eussions les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit et sur le bien heureux pays auquel il nous mené. Que nous doyt il chaloir si c'est par le désert ou par les champs que nous allons, pourveu que Dieu soyt avecq nous et que nous allions en Paradis ? Croyez moy, je vous prie, trompez le plus que vous pourrez vostre mal, et si vous le sentez, au moings ne le regardez pas; car la veûe vous en donnera plus d'appréhension que le sentiment ne vous donnera de douleur. Aussv bande-on  ' Nu m., XIV, }6, 37.  Deut.jXXXiv, j\, 5.  6 Lettres de saint François de Sales les yeux a ceux sur lesquels on veut faire quelque grand coup par le fer. Il me semble que vous vous arrestez un petit trop a la considération de vostre mal. Et quand a ce que vous me distes, que c'est un grand travail de vouloir et ne pouvoir, je ne veux pas vous dire quil faut vouloir ce que l'on peut, mais je vous dis bien que c'est un grand pouvoir devant Dieu que de pouvoir vouloir. Passez oultre, je vous supplie, et pensés a ceste grande dereliction que souffrit nostre Maistre au jardin des Olives. Voyez que ce cher Fils ayant demandé conso- 'Lucae, xx;i, 41-^4. lation a son bon Père * et cognoissant quil ne vouloit pas la luy donner, il ny pense plus, il ne s'en empresse plus, il ne le (sic) recherche plus ; mais, comme s'il ne Teust jamais prétendue, il exécute vaillamment et courageuse- ment l'œuvre de nostre rédemption. Appres que vous aurez prié le Père quil vous console, s'il ne luy plaist pas de le faire n'y pensez plus, et roidissez vostre courage a faire l'œuvre de vostre salut sur la croix, comme si jamais vous n'en deviez descendre et qu'onque plus vous ne deussiez voir l'air de vostre vie clair et serain. Que voulez vous? il faut voir et parler a Dieu parmy les tonnerres et tour- ExoJ., XIX, 16. billons du vent * ; il le faut voir dans le buisson et parmy le feu et les espines, et pour ce faire, la vérité est quil est besoing de se deschausser et faire une grande Ibid., III, 2-3. abnégation de nos volontés et affections *. Mais la divine Bonté ne vous a pas appelle au train auquel vous estes quil ne vous fortiffie pour tout cecy ; c'est a luy de par- Cf. Philip., 1, 6. faire sa besoigne *. Il est vray quil est un petit long par ce que la matière le requiert, mais patience. Bref, pour Ihonneur de Dieu, acquiesces entièrement a sa volonté, et ne croyez nullement que vous le servissiez mieux autrement, car on ne le sert jamais bien sinon quand on le sert comme il veut. Or, il veut que vous le serviez sans goust, sans sentiment, avec des répugnances et convulsions d'esprit. Ce service ne vous donne pas satisfaction, mais il le contente; il n'est pas a vostre gré, mais il est au sien. Imaginez vous que vous ne deussiez jamais estre délivrée de vos angoisses : qu'est-ce que Ps. cxviM, 94. vous feries ? Vous diries a Dieu: Je suis vostre*; si  Année 1605 7 mes misères vous sont aggreables, accroisses en le nom- bre et la durée. J'ay confiance en Nostre Seigneur que vous diries cela ; vous n'y penseries plus, au moings vous ne vous en empresseriez plus. Faites en de mesme main- tenant, et apprivoisez vous avecq vostre travail comme si vous deviez tousjours vivre ensemble. Vous verrez que quand vous ne penserez plus a vostre délivrance, Dieu y pensera, et quand vous ne vous en empresseres plus, Dieu y accourra. C'e^t assez pour ce point, jusques a ce que Dieu me donne la commodité de vous le declairer a souhait, lors que, sur iceluy, nous establirons Tasseurance de nostre vie. Ce sera quand Dieu nous fera revoir en présence. Ceste bonne ame que vous et moy chérissons tant(0, me fait demander si elle pourra attendre la présence de son père spirituel (*) pour s'accuser de quelque point du- quel elle n'eust point souvenance en sa confession gene- ralle, et, a ce que je vois, elle le desireroyt fort. Mais distes luy, je vous supplie, que cela ne se peut en aucune façon ; je trahiroys son ame si je luy permettoys cest abbus. Il faut qu'a la fine première confession qu'elle fera, que tout au commencement elle s'accuse de ce péché oublié (j'en dis de mesme sil y en a plusieurs), pure- ment et simplement, et sans repeter aucune autre chose de sa confession generalle, laquelle fut fort bonne; et partant, non obstant les choses oubliées, cett'ame la ne se doit nuUejnent troubler. Et ostez luy la mauvaise appré- hension qui la peut mettre en peyne pour ce regard ; car la vérité est que le premier et principal point de la sim- plicité chrestienne gist en ceste franchise d'accuser ses péchés quand il en est besoing, purement et nuëment, sans appréhender l'oreille du confesseur, laquelle n'est la présente que pour ouyr des péchés et non des vertus, et des péchés de toute sorte. Que donques, hardiment et courageusement, elle se descharge pour ce regard avecq une grande humilité et  ( I ) M"^ Brûlart (voir le tome précédent, p. 267, note ( i ), et pp. 345, 346). (3 ) Le Saint lui-même.  8 Lettres de saint François de Sales mespris de so}' mesme, sans avoir crainte de faire voir sa misère a celuy par Tentremise duquel Dieu la veut guérir. Si son confesseur ordinaire luy donne trop de honte ou d'appréhension, elle pourra bien aller ailleurs; mais je voudrois en cela toute simplicité , et croy que tout ce qu'elFa a dire est fort peu de chose en effect, et l'appré- hension la fait paroistre estrange (0. Mais dites ïuy tout cecy avecq grande charité, et l'asseurez que si en cest endroit je pouvois condescendre a son inclination, je le ferois très volontier, selon le service que j'ay voué a la très sainte liberté chrestienne. Que si, appres cela, a la première rencontre qu'elle fera de son père spirituel, elle pense retirer quelque consolation et proffit de luy manifester la mesme faute, elle le pourra faire, bien qu'il ne sera pas nécessaire; et, a ce que j'ay appris de sa dernière lettre, elle le désire. Et j'espère qu'il luy sera utile mesme de faire une confession generalle de nouveau, avecq une grande préparation, laquelle neantmoings elle ne doit commen- cer qu'un peu avant son despart, de peur de s'embarrasser. Dites luy encor, je vous supplie, que j'ay veu le désir qu'elle commence de prendre de se voir un jour en lieu ou elle puisse servir Dieu de cors et de voix. Arrestez la a ce commencement, et faites luy sçavoir que ce désir est de si grande conséquence, qu'elle ne doit ni le repeter ni permettre qu'il croisse qu'appres qu'elle en aura plei- nement communiqué avec son père spirituel, et qu'en- semblement ils en auront ouy ce que Dieu en dira. Je crains qu'elle ne s'engage plus avant et que, par appres, il ne soit malaysé de la réduire a l'indifférence avec la- quelle il faut ouyr les conseils de Dieu. Je veux bien qu'elle le nourrisse, mais non pas qu'il croisse; car, croyez moy, il sera tousjours meilleur d'ou3^r Nostre Seigneur avec indifférence et en l'esprit de liberté, ce qui ne se pourra faire si ce désir grossit, car il assujettira toutes les facultés intérieures et t3'rannisera la rayson sur le choix. Je vous donne bien de la peyne vous rendant messagère  (i) Ici se termiae la partie originale conservée à la Visitation d'Annecy. La suite de la lettre est empruntée au texte de i6a6.  Année 1605 9 de ces responses ; mais puisque vous avez bien pris le soin de me proposer les demandes de sa part, vostre charité le prendra bien encores pour luy faire entendre mon opinion. (i) Ferme, je vous supplie ; que rien ne vous esbranle. Il est encor nuict, mais le jour s'approche'^ ; non, il " Rom., xm, 12. ne tardera pas. Mais cependant, prattiquons le dire de David* : Esleve^ vos mains du costé des lieux saints * Ps. cxxxm, 2. emmi la nuict, et bénisse^ le Seigneur. Bénissons le de tout nostre cœur, et le prions qu'il soit nostre guide, nostre barque et nostre port. (2) Je ne veux pas respondre a vostre dernière lettre par le menu, sinon en certains pointz qui me semblent plus pressans. Vous ne pouves croire, ma très chère Fille, que les tentations contre la foy et l'Eglise viennent de Dieu. Mais qui vous a jamais enseigné que Dieu en fust au- theur? Bien des ténèbres, bien des impuissances, bien du liement a la perche, bien de la dereliction et destitution de vigueur, bien du devoyement de l'estomach spirituel, bien de l'amertume de la bouche intérieure, laquelle rend amer le plus doux vin du monde ; mais des sugges- tions de blasphème, d'infidélité, de mescreance, ha non, elles ne peuvent sortir de nostre bon Dieu * : son sein *Cf. Jac, i, 13. est trop pur pour concevoir telz objetz. Sçaves vous comment Dieu fait en cela ? Il permet que le malin forgeron de semblables besoignes les nous vienne présenter a vendre, afiin que, par le mespris que nous en ferons, nous puissions tesmoigner nostre affec- tion aux choses divines. Et pour cela, ma chère Seur, ma très chère Fille, faut il s'inquiéter, faut il changer de posture ? O Dieu, nenny. C'est le diable qui va par tout autour de nostre esprit*, furetant et broiiillant, pour * I Pétri, uit., 8. voir s'il pourroit treuver quelque porte ouverte. Il faisoit comme cela avec Job, avec saint Anthoine, avec sainte Catherine de Sienne et avec une infinité de bonnes âmes (i) Nous croyons que cet alinéa résulte d'une fausse transposition et qu'il y aurait lieu de le reporter avant l'alinéa « Ne craignes nullement, » p. ir. (2) Pour écrire ces trois dernières pages, d'une note plus intime, le Saint aura dû, semble-t-il, vouloir se passer de son secrétaire.  10 Lettres de saint François de Sales que je connois, et avec la mienne qui ne vaut rien et que je ne connois pas. Et quoy ? pour tout cela, ma bonne Fille, faut il se fascher ? Laissés le morfondre et tenes toutes les advenues bien fermées : il se lassera en fin, ou, s'il ne se lasse. Dieu luy fera lever le siège. Souvenes *Videtom.praeced., yous de cc que je peuse vous avoir dit une autre fois* : c'est bon signe qu'il face tant de bruit et de tempestes autour de la volonté, c'est signe qu'il n'est pas dedans. Et courage, ma chère ame. Je dis ce mot avec grand sentiment et en Jésus Christ : ma chère ame, courage, dis je. Pendant que nous pouvons dire avec resolution, quoy que sans sentiment : Vive Jésus, il ne faut point craindre. Et ne me dites pas qu'il vous semble que vous le dites avec lascheté, sans force ni courage, mais comme par une violence que vous vous faites. O Dieu, mais * Matt.,xi, T2. donques la voyla, la sainte violence qui ravit les cieux*. Voyés vous, ma Fille, mon ame, c'est signe que tout est pris et que l'ennemy a tout gaigné en nostre forteresse, hormis le donjon imprenable, indomptable et qui ne peut se perdre que par soy mesme. C'est en fin ceste volonté libre, laquelle, toute nuë devant Dieu, réside en la su- prême et plus spirituelle partie de l'ame, ne dépend d'autre que de son Dieu et de soy mesme ; et quand toutes les autres facultés de l'ame sont perdues et assujetties a l'ennemy, elle seule demeure maistresse de soy mesme pour ne consentir point. Or, voyes vous les âmes affligées parce que l'ennemy, occupant toutes les autres facultés, fait la dedans son tintamarre et fracas extrême ? A peyne peut on ouyr ce qui se dit et fait en ceste volonté supérieure, laquelle a bien la voix plus nette et plus vive que la volonté infé- rieure ; mais celle cy l'a si aspre et si grosse qu'elle estouffe la clarté de l'autre. En fin notés cecy : pendant que la tentation vous desplaira, il n'y a rien a craindre ; car, pourquoy vous desplait elle, sinon par ce que vous ne la voules pas ? Au demeurant, ces tentations si importunes viennent de la malice du diable ; mais la peyne et souffrance que nous en ressentons vient de la miséricorde de Dieu, qui,  Année 1605 11 contre la volonté de son ennemy, tire de la malice d'ice- luy la sainte tribulation par laquelle il affine l'or qu'il veut mettre en ses thresors *. Je dis donques ainsy : vos * Sap., m, 5, 6, tentations sont du diable et de l'enfer, mais vos peynes et afflictions sont de Dieu et du Paradis ; les mères sont de Babylone, mais les filles sont de Hierusalem. Mespri- sés les tentations, embrassés les tribulations. Je vous diray un jour, quand j'auray bien du loysir, quel mal causent ces obstructions de l'esprit ; cela ne se peut escrire en peu de paroles. Ne craignes nullement, je vous supplie, de me donner aucune peyne ; car je proteste que ce m'est une extrême consolation d'estre pressé de vous rendre quelque ser- vice. Escrives moy donques, et souvent et sans ordre, et le plus naïfvement que vous pourres ; j'en recevray tous- jours un extrême contentement. Je m'en vay, mays dans une heure, en la petite bour- gade ou je dois prescher (^), Dieu s'estant voulu servir de moy et en souffrant et en preschant : il soit a jamais béni. Il ne m'est rien encor arrivé de la tempeste que je vous dis * ; mais les nuées sont encor pleines, obscures •Videtom.praced., et chargées dessus ma teste. ^^' ^ '' ^ ' ^^ ' Vous ne sçauries avoir trop de confiance en moy, qui suis parfaittement et irrévocablement vostre en Jésus Christ, duquel mille et mille fois le jour je vous souhaitte les plus chères grâces et bénédictions. Vivons et mourons en luy et pour luy. Amen. Vostre très asseuré et très dédié serviteur en Nostre Seigneur, Francs E. de Genève. Le 18 febvrier 1605. (i) A La Roche. Le Saint ne s'y rendit pourtant que le surlendemain, 20 février ; il en repartit le jeudi après Pâques. (Mémoires de V Académie Salésienne, tome XXIII.)  12  Lettres de saint François de Sales  CCLXXIV A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE  Dieu console ses amis en même temps qu'il les afflige. — Les « livrées » de Notre-Seigneur et les bagues de ses épouses. — Marques d'intérêt et de sympathie. — Les véritables idées du Saint pour la réformation du monas- tère du Puits-d'Orbe. — Prendre les lumières d'un Religieux Visiteur.  Annecy, 18 février 1605.  ( I ) Madame,  J'eusse également désiré de pouvoir vous visiter tous les jours par mes lettres et d'estre visité par les vostres, pour participer au bien et au mal que Dieu a mis en vous depuis l'ouverture de vostre jambe. Je m'asseure que l'un et l'autre a esté grand, car c'est la coustume II Cor.,i, 3-3. de nostre bon Dieu* de ne point envoyer des afflictions et tourmentz a ceux qui l'aiment, qu'il ne leur envoyé quant et quant des grandes consolations, et, comme dit le Ps. xciii, 19. Psalme *, selon la multitude des tribulations, ses dé- lectations réjouissent nostre ame. Mais sçavez vous ce que j'ay pensé? L'Escripture dit que la porte du Royaume des cieux, c'est a dire du service et de l'amour de Dieu, Act., XIV, 21. n'est autre chose que la tribulation * ; et la dessus j'ay dit a moy mesme que vrayement Dieu vous avoit choisie pour estre fille de son royaume, puysque a ce commen- cement de vos resolutions il vous avoit fait passer par la porte ordinaire et plus certaine. Ce fust une grande gloire que celle de saint Paul quand Gaiat., uit., 17. il disoyt * : Au reste, que nul ne m'importune, car je porte les stygmates et marques de mon Seigneur a inon corps. Mais maintenant, vous devez, ce me semble, estre bien glorieuse, ayant receu au moings une de ses marques ; car, sans doubte, les marques de Nostre Sei- gneur ne sont autre chose que des playes : ce sont les (i) Cette lettre, comme les deux précédentes, est écrite de la main d'un secrétaire.  Année 1605 13 livrées qu'il fait porter aux siens et les bagues qu'il donne a ses espouses. Je ne doute point que vous n'ayez fait plusieurs sem- blables considérations, lesquelles vous auront extrême- ment consolée. Pour moy, je me le suys promis de la bonté de Dieu et m'en suys resjoui devant sa Majesté. Mais affin de combler ma joye, faites moy ce bien, je vous prie, de me faire escrire par quelqu'une de vos plus confidentes du succez 'de vostre maladj'e, de laquelle monsieur vostre père m'escript, mais en gros. Il est infi- niment ediffié de vos deportementz et de tout ce qui est en vostre Monastère. Il craint neantmoings tousjours que vous ne passiez a quelque extrême sévérité et mortifica- tion extérieure, et ne se peut asseurer que je ne vous y porte. Il se trompe toutesfois bien fort, car si j'avois au- tant de pouvoir que j'ay de vouloir pour servir a l'entière reformation de vostre 31onastere, non seulement je ny mettrois pas de la rigueur extérieure, mais y mettrois une bien grande douceur ; ce seroj-t a l'intérieur ou j'ap- plicquerois toutes mes pensées. J'ay sceu qu'il y avoit a Dijon un grand personnage de vostre Ordre, rare en pieté et discipline religieuse, et qui est Visiteur du monastère de Fontesvreau (0, A l'advan- ture seroyt il bon que vous le vissiez et prissiez quelques leçons de luy pour la police de vostre Maison, car il n'est pas qu'il n'ayt une grande cognoissance de semblables choses, (*) Les médecins m'ont tant crié de ne point escrire sitost après ma maladie que, pour obéir, je vous ay escrit par la main d'autruy. Ayes-le aggreable, ma chère Fille. Et vo3^1a comme nostre bon Dieu m'a voulu donner un bout de sa croix pendant quil vous avoit imposé le gros de l'arbre. Bénissons le, servons le, aymons le de tout (i) Malgré de nombreuses recherches, la liste des Visiteurs du célèbre Monastère n'a pu être retrouvée. Les érudits, « les Fontevristes, » seront sans doute plus heureux ; mieux que d'autres, ils pourraient nous dire en toute certitude le nom de ce Religieux de marque. Le personnage en question ne serait-il pas Jean de Neyron, grand-prieur de Saint-Bénigne ? (Voir dans la Lettre cclxxxi, la note qui le concerne.) (2) La suite de la lettre et la signature sont de la main du Saint.  14 Lettres de saint François de Sales nostre cœur, ma chère Seur, ma bonne Fille, et courage, je vous supplie. Tenes vous asseuree que je suis infini- ment vostre, et que je ne cesse de vous souhaitter mille et mille bénédictions. Vostre serviteur très dédié en Nostre Seigneur, Franç% E. de Genève. A Neci, le xvili febvrier 1605. Je vous escriray bien tost et de la façon avec laquelle vous pourres employer monsieur Viardot (0, encor quil ne demeure pas en vostre JMayson, comm'il ne sçauroit, a ce que j'apprens. Je me recommande a madame vostre seur (2) et a madame de Thenisse)' (3). A Madame Madame l'Abbesse du Puis d'Orbe. Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) Les annales biographiques consacrées aux personnages bourguignons du xYii*^ siècle, ne font aucune mention de cet ecclésiastique. Dans les Archives départementales de la Côte-d'Or (E 2569) on relève le nom d'un prêtre, « Nicole Viardot, dit Guenyot, >< demeurant à Villedieu. (2) Françoise Bourgeois de Crépy, prieure de l'abbaye du Puits-d'Orbe. ( 5) Une Religieuse de ce nom habitait l'abbaye : probablement Angélique de Gerland de Thénissey, fille de Barnabe de Gerland, seigneur de Thénissey, Rochefort et Nogent, et de Charlotte de Saint-Anthost.  CCLXXV A LA PRÉSIDENTE BRULART (fragment)  Projet d'entrevue ajourné. — L'obéissance et le martyre. — Donner du conten- tement aux siens, servir Dieu avec gaieté : deux choses très louables. — La volonté de Dieu doit nous servir d'étoile « en ceste navigation. » — Eviter la fréquentation des hérétiques; le négoce avec eux n'est pas défendu. Annecy, [vers le 18 février] 1605. Et puis que vous treuves de Tadvancement et de la conso- lation au changement que vous avez fait, je ne puis que  Année 1605 15 je ne Tappreuve (i), m'asseurant que vous l'avez fait avec telle discrétion que le précèdent (=) n'en auroit receu aucun mescontentement. Je ne voy encores rien devant mes yeux qui me puisse promettre le bonheur de vous voir cette année ; et quant a ce que vous me touchez de [me voir (3)] de deçà, il ne me semble pas que ce soit chose bien aysee a faire, ni [peut] estre convenable de quelque tems, eu esgard aux [liens] avecq lesquels Dieu vous a attachée de delà. Mais si la providence de Dieu l'exigeoit pour sa gloire et vostre salut, elle sçaura bien faire naistre les occasions encor que nous ne les voyons pas, et les fera sortir de quelque lieu auquel nous ne pensons pas. Il est requis en cela d'une entière résignation au bon plaisir de Dieu. Pour ma part, croyez moy je vous supplie, je n'ay pas moings de désir de vous revoir, et a loisir, que vous sçauriez avoir encor [vous même (4) ; mais] il faut sçavoir qui est le plus expédient et a propos. M. Viardot pourra fort aysement suppléer a ce que je pourray faire de loing; il en est fort capable. Les médecins m'ont fort défendu d'escrire de ma main au sortir de cette maladie ; c'est pourquoy j'ay employé la main d'autruy jusques icy (5), adjoustant de la mienne que vous vous resouvenies de ce que je vous ay tant recom- mandé, et que, le faysant, vous feres chose qui aggreera plus a Dieu que si, sans le faire, vous donnies vostre vie au martyre ; parce que Dieu veut l'obeyssance beaucoup plus que le sacrifice *. Nostre doux Sauveur vous don- * I Reg., xv, 33. nera, s'il luy plaist, la lumière pour suivre ce bon chemin auquel vous estes : ayés seulement bon courage. (i) Mf"* Brùlart venait de prendre pour nouveau confesseur M. ViarJot, dont il est parlé plus bas. (Cf. les lettres du Saint à la Présidente au cours des années 1605, 1606.) (2) Le P. de Villars, S. J. (voir le tome précédent, note (i), p. 343). (3) Le texte de cet alinéa, donné pour la première fois par Biaise (1833) d'après l'Autographe, est manifestement fautif en plusieurs endroits. Les mots que nous avons substitués figurent entre crochets. (4) Ce mot aura été omis par le secrétaire. (5) Donc cet alinéa, et sans doute aussi les suivants, n'ont pas été dictés. Toutefois, d'après Biaise, les mots qui précèdent ('//?« est fort capable) seraient aussi de l'écritufe du Saint.  i6 Lettres de saint François de Sai.es Je suis bien consolé de voir combien vous estimes le bien de servir Dieu, car c'est signe que vous Tembras- seres estroittement. Je le suis autant du contentement que vous donnes aux vostres et de la gayeté avec laquelle vous vives ; car Dieu est le Dieu de joye. Continués et per- * Matt., X, 22 ; severés, car la couronne est pour ceux qui persévèrent*. Apoc, II, lO. r-\ ^ 1 -r-\ 1 f-- U ma très chère Dame, ma bonne Seur, cette vie est • II Cor., IV, 17. courte, les recompenses de ce qui s'y fait sont éternelles *. Faysons bien, adhérons a la volonté de Dieu ; que ce soit Festoille sur laquelle nos yeux s'arrestent en ceste navigation, et nous ne sçaurions que bien arriver. Je prie Dieu nostre Sauveur qu'il vive et règne en vous, et vous en luy, *Cf. infra, p. 18. J'ay receu maintenant vostre lettre précédente*, a laquelle je ne puis respondre. Je vous diray seulement que le commerce des huguenotz n'est pas absolument défendu a ceux qui sont meslés avec eux ; mays la vérité est qu'il faut s'en abstenir le plus qu'on peut, car il a accoustumé de refroidir la dévotion. Quant a prendre leur marchandise, si elle est meilleure que celle des autres, il n'y a nul danger. Je vous souhaitte mille et mille bénédictions, et suis invariablement, Madame, Vostre serviteur tout dédié en Nostre Seigneur, Franc ^ E. de Genève.  CCLXXVI A LA BARONNE DE CIIANTAL Plus la croix est grande, moins elle pèse. — Pieux souhaits, ardentes aspirations à propos d'une « image dévote ». La Roche, fin février (i) 1605. Madame, J'ay tant de suavité au désir que j'ay de vostre bien spirituel que tout ce que je fay sous ce mouvement ne { I ) La date du 19 février donnée par les éditeurs de 1626 ne peut s'accorder avec les faits (cf. ci-dessus, note ( i ), p. n)- La date réelle reste donc assez incertaine.  Année 1605 17 me sçauroit nuire. Vous me dites que vous portes tous- jours vostre grande croix, mais qu'elle vous pesé moins parce que vous aves plus de force. O Sauveur du monde, que voyla qui va bien! Il faut porter sa croix*; qui- *Cf. Luc.xiv, 27. comque la portera plus grande se treuvera mieux. Dieu donques nous en veuille donner des plus grandes, mais qu'il luy playse nous donner des grandes forces pour les porter. Or sus donques, courage : Si vous aves confiance vous verres la gloire de Dieu*. * joan, xi, 40. Je ne vous respons pas maintenant, car je ne sçau- rois ; je ne fay que passer légèrement sur vos lettres. Je ne vous envoyeray rien a présent pour la réception du très saint Sacrement ; si je puis, ce sera a la première commodité. Je vis un jour une image dévote : c'estoit un cœur sur lequel le petit Jésus estoit assis (0. O Dieu, dis je, ainsy puissies vous vous asseoir sur le cœur de cette fille que vous m'aves donnée et a laquelle vous m'aves donné. Il me playsoit en cette image que Jésus estoit assis et se reposoit, car cela me representoit une stabilité ; et me playsoit qu'il y estoit enfant, car c'est l'aage de parfaitte simplicité et douceur. Et communiant au jour auquel je sçavois que vous en faysies de mesme, je logeois par désir ce béni Hoste en cette place et chez vous et chez moy. Dieu soit en tout et par tout béni, et veuille se saysir de nos cœurs es siècles des siècles. Amen. Vostre serviteur très dédié es entrailles de Nostre Seigneur, Franc', E. de Genève. A la Roche, le . . febvrier 1605 (2). (i) Une (I image dévote » semblable à celle que décrit ici le Saint ornera plus tard le titre du Traitté de l'Amour de Dieu (Lyon, Rigaud), première édition (1616) et éditions suivantes sorties des mêmes presses. (3) L'édition de 1626 n'étant pas une édition critique (cf. TAvant-Propos du tome XI, pp. IX, x), toutes les fois que, faute d'Autographe, il a fallu reproduire son texte et que, faute de documents, celui-ci n'a pu être contrôlé et justifié, nous ne pouvons garantir l'absolue intégrité de la lettre. C"est le cas de celle-ci. Quant aux autres, le lecteur sera averti par un renvoi à la présente no.e.  Lettres III  i8 Lettres de saint François de Sales  CCLXXVII A LA PRÉSIDENTE BRULART Don du Saint pour pénétrer rapidement les consciences. — On ne se guérit pas en un jour des mauvaises habitudes. — Danger d'orgueil pour une âme, si d'esclave elle devenait soudainement maîtresse. — La patience avec soi-même. — La plus belle harangue des mendiants. — Les statues dans les palais. — L'amour-propre se fourre partout. — Où est « le blanc de la perfection. » — Il faut affaiblir peu à peu les répugnances intérieures et leurs manifestations extérieures. — Les désirs dont il convient de se défier. — Q.uels sont les désirs utiles et comment les régler. — Le moyen efficace de persuader la perfection aux autres. [La Roche, mars] 1605. Madame, Vide supra, p. 16, Vostre lettre du vingtiesme de janvier* m"a donné un extrême contentement, parce qu'au milieu de vos misères, que vous me descrives, je remarque, ce me semble, quel- que advancement et proffit que vous aves fait en la vie spirituelle. Je seray plus court a vous respondre que je ne desirerois, par ce que j'ay moins de loysir et plus d'empeschemens que je ne pensois. Je diray néanmoins bien asses pour ce coup, en attendant une autre commo- dité de vous escrire bien au long. Vous me dites donq que vous estes affligée de ce que vous ne vous descouvres pas asses parfaittement a moy, comme il vous semble. Et je vous dis, qu'encor que je n'aye pas connoissance des actions que vous faites en mon absence, car je ne suis pas prophète, je pense toute- fois que, pour le peu de tems que je vous ay veuë et ouye, il n'est pas possible de mieux connoistre vos incli- nations et les ressortz d'icelles que je fay, et m'est advis qu'il y a peu de replis dans lesquelz je ne pénètre bien a3'sement ; et pour peu que vous m'ouvries la porte de vostre esprit, il me semble que j'y voy tout a descouvert. C'est un grand advantage pour vous, puisque vous voules m'employer a vostre salut.  Année 1605 19 Vous vous plaignes dequoy plusieurs imperfections et defautz se meslent en vostre vie, contre le désir que vous aves de la perfection et pureté de Tamour de nostre Dieu. Je vous respons qu'il n'est pas possible de nous aban- donner du tout nous mesmes. Pendant que nous sommes icy bas, il faut que nous nous portions tous-jours nous mesmes jusques a ce que Dieu nous porte au Ciel, et pendant que nous nous porterons, nous ne porterons rien qui vaille. Il faut donq avoir patience, et ne penser pas de nous pouvoir guérir en un jour de tant de mauvaises habitudes que nous avons contractées par le peu de soin que nous avons eu de nostre santé spirituelle. Dieu en a . bien guéri quelques uns soudainement, sans leur laisser aucune marque de leurs maladies précédentes, comme il fit a l'endroit de Magdeleine, laquelle, en un instant, d'un esgoust d'eau de corruption, fut changée en une source d'eaux de perfections et ne fut jamais troublée despuis ce moment la. Mais aussi, le mesme Dieu a laissé en plusieurs de ses chers disciples, beaucoup de marques de leurs mauvaises inclinations quelque tems après leur conversion, et le tout pour leur plus grand proffit : tes- moin le bienheureux saint Pierre, qui despuis la première vocation choppa plusieurs fois en des imperfections, et s'abattit tout a fait et fort misérablement une fois par la négation *. *Matt.,xxv7,69-7<<. Salomon dit* que c'est un animal bien insolent que *Prov,,xxx, 21,23. la chambrière qui devient soudainement maistresse. Il y auroit grand danger que l'ame, laquelle a servi longue- ment a ses propres passions et affections, ne devinst orgueilleuse et vaine, si en un moment elle en devenoit parfaittement maistresse. Il faut que, petit a petit et pied a pied, nous nous acquérions cette domination pour la conqueste de laquelle les Saintz et les Saintes ont employé plusieurs dizaines d'années. Il faut, s'il vous plaist, avoir patience avec tout le monde, mais premiè- rement avec vous mesme. Vous ne faites rien, ce me dites vous, en l'orayson. Mais qu'est ce que vous y voudries faire sinon ce que vous y faites, qui est de présenter et représenter a Dieu  20 Lettres de saint François de Sales vostre néant et vostre misère ? C'est la plus belle haran- gue que nous facent les mendians que d'exposer a nostre veuë leurs ulcères et nécessités. iMais quelquefois encor ne faites-vous rien de tout cela, comme vous me dites, ains vous demeures la comme un fantosme et une sta- tue. Et bien, ce n'est pas peu que cela. Es palais des princes et des rois on y met des statues qui ne servent *Cf. Tr.de r Am.de qu'a recréer la veuë du prince * : contentés vous donq de Z)j>ï/ (tom.IV huj. . _^. . Edit.), 1. VI, c. XI, servir de cela en la présence de Dieu, il animera cette P' ^^^' statue quand il luy plaira. Les arbres ne fructifient que par la présence du soleil, les uns plus tost et les autres plus tard, les uns toutes les années et les autres de trois en trois, et non pas tous- jours esgalement. Nous sommes bien heureux de pouvoir demeurer en la présence de Dieu, et contentons nous qu'elle nous fera porter nostre fruit ou tost ou tard, ou tous les jours ou par fois, selon son bon playsir auquel nous devons pleynement nous resigner. C'est un mot de merveilles que celuy que vous me dites : Que Dieu me mette en quelle saulse qu'il voudra, ce m'est tout un, pourveu que je le serve. Mais prenés garde de bien le mascher et remascher en vostre esprit; faites le fondre en vostre bouche et ne l'avalés pas en gros. La Mère Thérèse que vous aymes tant, dont je me *Chem.dePerfect., Tcs-jouys, dit en quelque endroit* que bien souvent nous disons de telles paroles par habitude et certaine légère appréhension, et nous est advis que nous les disons du fond de l'ame, bien qu'il n'en soit rien, comme nous descouvrons par après en la prattique. Et bien, vous me dites qu'en quelle saulse que Dieu vous mette ce vous est tout un. Or sus, vous sçaves bien en quelle saulse il vous a mise, en quel estât et condition ; et dites mo}^ vous est il tout un ? Vous n'ignores pas non plus qu'il veut que vous payes cette dette journalière de laquelle vous m'escrives, et néanmoins ce ne vous est pas tout un. ]Mon Dieu, que l'amour propre se fourre subtilement parmi nos affections, pour dévotes qu'elles semblent et paroissent ! Vo3xi le grand mot. Il faut regarder ce que Dieu veut,  ch. XXXVIII.  Année 1605 21 et, le reconnoissant, il faut s'essayer de le faire gaye- ment, ou au moins courageusement ; et non seulement cela, mais il faut aymer cette volonté de Dieu et l'obli- gation qui s'en ensuit en nous, fust ce de garder les pourceaux toute nostre vie et de faire les choses les plus abjectes du monde ; car, en quelle saulse que Dieu nous mette, ce nous doit estre tout un. C'est la le blanc de la perfection auquel nous devons tous viser, et qui plus en approche, c'est celuy qui emporte le prix. Mais, courage, je vous supplie ; accoustumés petit a petit vostre volonté a suivre celle de Dieu ou qu'elle vous mené ; faites qu'elle se sente fort piquée quand vostre conscience luy dira : Dieu le veut ; et petit a petit, ces répugnances que vous sentes si fortes, s'afiFoibliront et bien tost après cesseront du tout. Mais, particulière- ment vous deves combattre pour empescher les démons- trations extérieures de la répugnance intérieure que vous aves, ou au moins les rendre plus douces. Entre ceux qui sont ou courroucés ou mescontens, il y en a qui tes- moignent leurs desplaysirs seulement en disant : Mon Dieu, que sera cecy? et les autres disent des paroles plus cuisantes et qui ne tesmoignent pas seulement un simple mescontentement, mais une certaine fierté et despit. Je veux dire qu'il faut petit a petit amender ces démonstra- tions, les faysant moindres tous les jours. Quant au désir que vous aves de voir les vostres fort advancés au service de Dieu et désir de la perfection chrestienne, je le loue infiniment, et comme vous sou- haittes, j'adjousteray mes foibles prières aux supplica- tions que vous en faites a Dieu. Mais, Madame, il faut que je confesse la vérité : je crains perpétuellement, en ces désirs qui ne sont pas de l'essence de nostre salut et perfection, qu'il ne s'y mesle quelque suggestion de l'amour propre et de nostre propre volonté ; comme, par exemple, que nous nous amusions tant a ces désirs qui ne nous sont pas nécessaires, que nous ne laissions pas asses de place en nostre esprit pour les désirs, qui nous sont plus requis et plus utiles, de nostre propre humilité, résignation, douceur de cœur et semblables ; ou bien, que  22 Lettres de saint François de Sales nous ayons tant d'ardeur en ces désirs, qu'ilz nous appor- tent de l'inquiétude et de l'empressement, et en fin, que nous ne les sousmettions pas si parfaittement au vouloir de Dieu qu'il seroit expédient. Je crains semblables choses en telz désirs ; c'est pour- quoy je vous supplie de bien prendre garde a vous pour ne point tomber en ces inconveniens, comme aussi de poursuivre ce désir doucement et souëfvement, c'est a dire, sans pour cela importuner ceux ausquelz vous desi- res de persuader cette perfection, ni mesme descouvrir vostre désir, car cro3'es mo}^, que cela reculeroit l'affaire au lieu de l'avancer. Il faut donques, et par exemples et par paroles, semer parmi eux tout bellement des choses qui les puissent induire a vostre dessein, et, sans faire semblant de les vouloir instruire ou gaigner, jetter petit a petit des saintes inspirations et cogitations dedans leur esprit. En cette sorte vous gaigneres beaucoup plus qu'en aucune autre façon, sur tout y adjoustant la prière.  CCLXXVIII A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE (fragment inédit)  La tribulation : ses roses et ses épines. — L'infirmité du corps donne des ailes à rame. — Les délices surnaturelles de la souffrance.  [La Roche, mars 1605.]  (0 tribulation, que vous séries désirable si on voyoit aussi bien vos roses que l'on void vos espines ! Mon Dieu, ma Fille, que j'ayme vostre mauvaise jambe, car je sçai bien qu'elle vous portera plus au Ciel que la bonne ; ( I ) De l'Autographe de cette lettre, il ne reste qu'une petite bande, au verso de laquelle se trouve l'adresse.  Année 1605 23 jambe qui n'est pas une jambe, c'est un'aisle pour vous faire voler en l'air de la vie spirituelle. Que le lict de vostre douleur est bien meilleur que le lict des délices, et que je l'honnore du fons de mon ame ! Il me sera advis, en l'imagination [que] j'en feray souvent, de vous voir presser cette croix sur vostre cœur, et dire au [Sauveur crucifié,] comme saint Pierre* : [Hé, Seigneur,] non * Joan., xm, 9, seulement les jambes, mais A Madame Madame l'Abbesse du Puy d'Orbe. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bourg-en-Bresse.  CCLXXIX A MADEMOISELLE DE VILLERS (0 Dévotion de M™® de Boisy pour l'Hostie miraculeuse de la Sainte-Chapelle de Dijon. — Dispositions à prendre pour entretenir le Saint avec plus de comniodité. — Invitation à venir au château de Sales. La Roche, 24 mars 1605. Madamoyselle (2), Vous m'obliges infiniment d'employer, comme vous faites, toutes les occasions qui se présentent a vous pour m'escrire ; car j'ay tous-jours beaucoup de consolation a (i) Jeanne Humbert, femme de Philippe de Villers ou de Villars, avocat au Parlement de Bourgogne. L'origine des relations du Saint avec cette fa- mille, qui semblent dater du Carême de Dijon (1604), présente une parti- cularité intéressante : les de Villers, pendant cinquante-six jours, logèrent dans leur hôtel (aujourd'hui le n° 43 de la rue Vannerie) « M"" l'Evesque de Genesve et sa suite... a raison de cent sols par jour. » (Archiv. municip. de Dijon, B. 341.) A cette rémunération, le Saint en ajouta une autre bien plus précieuse; il devint l'ami de ses hôtes et, comme on le verra plus tard, leur correspondant. (2) Au xvii' siècle, on donnait aux femmes mariées qui n'étaient pas nobles ou qui n'étaient pas titrées, le nom de Mademoiselle, la qualité de Dame étant réservée aux femmes qui possédaient « terres en titre de marquisats, comtés, vicomtes ou baronnies anciennes. » (Archiv. dép. de la Côte-d'Or, B. 12230, Arrêt du Parlement de Bourgogne, vers 1626.)  24 Lettres de saint François de Sales recevoir de vos nouvelles. J'admire que le paquet de lettres que j'ay envoyé avant ce caresme prenant au sieur de Maillen (O pour vous rendre, soit encor en chemin, ne pouvant croire qu'il soit perdu ; j'escrivis a presque tous mes amis. Ma pauvre mère auroit bien du désir d'aller a l'ado- ration de la sainte Hostie (2) ; mais, sans mentir, je ne pense pas que ses affaires ni sa santé le luy permettent. Je vous voy si ferme au dessein de venir a Saint Claude que je ne puis plus vous dire autre chose, sinon que despuis le 24 d'avril jusques au 3 de may je seray em- pesché aux affaires du Sj^node de ce diocèse. Hors de la, despuis la Quasimodo jusques a la Pentecoste, je ne voy rien devant mes 5'-eux qui me puisse destourner de la consolation que je prendray au bien de vostre présence, si vous prenes la peyne de venir jusques a la mayson de ma mère, ou j'auray plus de commodité de vous entre- tenir sur tout ce qu'il vous plaira. Mais puisque vous (i) Sans doute Jean-Marin de Mallians (voir le tonae précédent, note (i), p. 108), ou Tun de ses trois frères, Prosper, Antoine-Balthazar, Charles, mais avec moins de vraisemblance. (2) La sainte Hostie de Dijon avait été envoyée en 1433, P^"" ^^ Pape Eu- gène IV à Philippe le Bon, duc de Bourgogne, pour reconnaître ses services. Cette Hostie, disait le Bref explicatif « avait été percée en plusieurs endroits de coups de poignard par l'enragée brutalité d'un certain méchant homme, et ensuite de ce, arrosée de sang"ès mêmes endroits. » Le duc la fit transporter à Dijon et la confia aux chanoines de sa chapelle, que la piété populaire désigna dès lors sous le nom de « la Sainte-Chapelle. » Dès ce moment, la sainte Hostie fut l'objet d'une vénération extraordinaire : les arts en repro- duisirent l'image, les rois lui offrirent leur couronne, les reines leurs joyaux, des processions solennelles furent instituées en son honneur tous les ans au mois de mai. Sans aucun doute saint François de Sales, pendant les prédications du Carême qu'il donna précisément à la Sainte-Chapelle (1604), dut être heureux de pouvoir la vénérer tout à son aise, et le pèlerinage que M'"^ de Boisy, sa mère, comptait faire à Dijon en 1605 devait très probablement coïncider avec les grandes solennités annuelles « du Corps de Dieu. » Il est avéré par d'indéniables témoignages que la sainte Hostie de Dijon fut pendant de longs siècles la sauvegarde de la célèbre cité, et qu'elle demeura miraculeusement intacte et inaltérée jusqu'à la Révolution. Mais, comme tant d'autres saints trésors, elle ne put échapper aux violences sacrilèges de la sinistre époque. Le 8 janvier 1791, elle fut transférée de la Sainte-Chapelle à l'église Saint-Michel, et c'est là que, trois ans après (le 10 février 1794), elle fut brûlée de la main d'un renégat. En 1894, les 8, 9, 10 février, la paroisse Saiut-Michel a célébré par de grandes fêtes eucharistiques le centenaire expiatoire de l'odieuse profanation. (Sellenet, La Sainte Hostie de Dijon.)  Année 1605 25 desires me communiquer pleinement vostre ame, il sera bien expédient de prendre un loysir convenable (O. Je ne sçaurois jamais vous oublier en ces foibles prières que je fay, estant par tant de raysons, d'une affection filiale, Madamoyselle, Vostre serviteur plus humble, Franc', E. de Genève. Je supplie monsieur vostre mary et messieurs vos en- fans de m'aymer en qualité d'un homme qui est entiè- rement acquis a leur mérite. Le porteur, qui m'est conneu de longue main, m'a dit de combien de charité vous uses en son endroit. Dieu en soit glorifié et béni. A La Roche, le 24 mars. ( I ) L'entrevue projetée ne s'effectua pas cette année. Il en est encore ques- tion dans une lettre du 30 avril 1607.  CCLXXX A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE Nouvelles rétrospectives de la maladie du Saint et de sa guérison. — Témoi- gnages de compassion à une infirme. — Pensées consolantes sur les souffrances. — La tribulation, « l'eschole de l'humilité, » nous fait voir le fond de « nostre neantise. » — Ne pas se troubler dans les tentations. — La paix de l'âme ; ses deux ennemis : l'amour-propre et l'estime de nous- mêmes. — Trois avis pour avoir la paix. — « En tout, vivre paysiblement. » — L'humilité : description de cette vertu; conseils pour la pratiquer. — « Il est mieux d'estre sur la croix avec Nostre Seigneur que de la regarder seule- ment. » — L'obéissance aux médecins. — Les Sœurs doivent avoir tout en commun. — A l'égard des offenses, le Saint n'est « nullement tendre et douillet. » — Quelles sont les âmes qu'il faut aider. Sales, 15-18 avril 1605 (i). Ma très chère Seur, Voyci le grand mot qui me rend si absolument vostre : c'est que Dieu le veut, et je n'en doute nullement. Il n'y (i) Hérissant s'était mépris en attribuant à cette lettre la date de 1604. Celle que nous lui assignons se justifie amplement par le seul contenu des premières lignes. On peut donc rectifier la date donnée à cette même lettre tome III de la présente Edition, p. vu, et note (2), p. xxxvii.  26  Lettres de saint François de Sales  Epist. ccLXXiv.  Epist. ccLxxviii.  Job, I, ult. Ibid., XIII, 15.  a point de meilleur tiltre que celuy la en tout le monde. Vous aures des-ja sceu toutes les nouvelles de ma gue- rison, laquelle est si entière que j'ay presché le Caresme tout entièrement d). Xon mal aussi fut peu de chose, s'il me semble ; mais les médecins, qui croyoyent que j'estois empoisonné, donnèrent tant de crainte a ceux qui m"ay- ment, qu'il leur estoit advis que je leur eschappois des mains. Tout au sortir du lict je vous escrivis *, et m'as- seure que vous aves la lettre. Despuis encor vous ay-je escrit *, mais parmi la presse d'un monde d'affaires qui m'empescherent de vous beaucoup entretenir, comme j'eusse beaucoup désiré de faire, ne me manquant jamais le sujet, pour l'extrême contentement que j'y prens. Non seulement vostre laquais, mais monsieur nostre bon et cher père i^) m'a fait sçavoir combien de maux vous aves souffertz et de quelle sorte luy en est com- passionné. Nostre Seigneur en soit béni, Voyla le che- min du Ciel le plus asseuré et le plus royal ; et, a ce que j'entens, vous estes pour y demeurer quelque tems, puisque, a ce que m'escrit nostre bon père, vous estes encor es mains des médecins et chirurgiens. J'ay sans doute une extrême compassion a vos souffrances, et les recommande souvent a Nostre Seigneur affin qu'il vous les rende utiles et qu'au sortir d'icelles on puisse dire de vous, comme il fut dit du bon homme Job : En toutes ces choses il ne pécha onques *, mays il espéra en son Dieu *. Courage, ma chère Seur, ma bonne Fille ; voyés vos- tre Espoux, vostre Roy, comme il est couronné d'espines  (i ) Le Journal de saint François de Sales, par M. l'abbé Gonthier (Œuvres, tome P'), note les divers ministères qu'il exerça au cours de chaque semaine durant son séjour à La Roche. Il faut lire ce résumé si l'on veut savoir en quoi consistait, aux yeux d'un tel Apôtre, » prescher le Caresme tout entiè- rement. )' (2) Les grandes démonstrations de politesse alors en usage faisaient donner assez souvent aux personnes âgées les noms de père et de mère. Ainsi le Saint honorait de ce titre non seulement M. et M'°* de Crépy, mais encore M. et M""= de Villers, M. de Pingon, M"- de Peysieu, etc. Il avait encore de nom- breux frères par alliance de courtoisie : le président Favre et ses frères, MM. Milletot, de Chissé, de la Curne, de Forax, de la Roche, de Challes, tous les de Peysieu, etc.  Année 1605 27 et tout deschiré sur la croix, en sorte que l'on pouvoit conter tous ses os *. Considérés que la couronne de * Ps. xxi, 18, l'espouse ne doit pas estre plus douce que celle de TEs- poux, et que si on l'a tellement descharné qu'on ayt peu conter tous ses os, il est bien raysonnable qu'on en voye l'un des vostres. Comme la rose(0 est entre les espines, ainsy ma bienaymee est entre les filles *. C'est * Cf. Cant., n, 2. le lieu naturel de cette fleur ; c'est le plus propre aussi de l'Espoux. Acceptés mille fois le jour cette croix, et la baysés de bon cœur pour l'amour de Celuy qui vous l'envoyé ; c'est sans doute qu'il vous l'envoyé par amour et comme un riche présent. Représentes vous souvente- fois le Sauveur crucifié tout vis a vis de vous, et pensés qui souffre plus l'un pour l'autre, et vous treuveres vostre mal beaucoup moindre. Mon Dieu, que vous seres éter- nellement heureuse si vous souffres pour Dieu ce peu de maux qu'il vous envoyé ! Vous ne vous abuseres point, en vous imaginant que je suis près de vous en ces tribulations ; je le suis aussi de cœur et d'affection, et prononce souvent devant vostre Espoux vos souffrances et travaux * et en sens une grande * Cf. Ps. cxli, 3. consolation. Mais, ma chère Fille, ayés confiance, soyés ferme : Si vous croyes, vous verres la gloire de Dieu *. Que penses-vous que soit le lict de la tribulation ? * Joan., xi, 40. Ce n'est autre chose que l'eschole de l'humilité : nous y apprenons nos misères et foiblesses, et combien nous sommes vains, sensibles et infirmes. Et bien, ma très aymee Fille, sur ce lict la vous aures descouvert les imperfections de vostre ame. Et pourquoy, je vous prie, plustost la qu'ailleurs, sinon parce qu'ailleurs elles demeu- rent dedans l'ame et la elles sortent dehors ? L'agitation de la mer esmeut tellement toutes les humeurs, que ceux qui entrent sur icelle pensans n'en avoir point, ayant un peu vogué, connoissent bien qu'ilz en sont pleins, par les convulsions et vomissemens que ce bransle desreglé leur excite. C'est un des grans proffitz de l'affliction que de nous faire voir le fond de nostre neantise et faire sortir ( I ) La destinataire de cette lettre s'appelait Rose.  28 Lettres de saint François de Sales au dessus la crasse de nos mauvaises inclinations. Mais quoy, pour cela se faut il troubler, ma chère Fille? Non, sans doute ; c'est Ihors qu'il faut esmonder et espurer davantage nostre esprit, et se servir avec plus de force de la confession que jamais. Cette inquiétude d'importance et d'autres inquiétudes desquelles vous aves esté assaillie et qui vous ont laissé de la pe3'ne en l'esprit, ne m'estonnent point, puj^squ'il n'y a rien de pis. Ne vous troublés donq point, ma Fille biena3'mee. Se faut il laisser emporter au courant et a la tourmente ? Laissés enrager l'ennemy a la porte : qu'il heurte, qu'il bucque, qu'il crie, qu'il hurle et face du pis qu'il pourra ; nous sommes asseurés qu'il ne sçau- roit entrer en nostre ame que par la porte de nostre consentement. Tenons la bien fermée et voyons souvent si elle n'est pas bien close, et de tout le reste ne nous en soucions point, car il n'y a rien a craindre. Vous me demandés que je vous envoyé quelque chose touchant la paix de l'ame et l'humilité : je le ferois volontier, ma très chère Fille, mais je ne sçay si je le sçauray faire en si peu de loysir comme j'ay a vous rescrire. En voyci trois ou quattre motz, ma Fille bien- aymee. C'est par inspiration divine que vous m'interroges de la paix de l'ame et de l'humilité ensemblement ; car c'est bien la vérité que l'une ne peut estre sans l'autre. Rien ne nous trouble que l'amour propre et l'estime que nous faysons de nous mesmes. Si nous n'avons pas les tendretés ou attendrissemens de cœur, les goustz et sentimens en l'orayson , les suavités intérieures en la méditation, nous voyla en tristesse ; si nous avons quel- que difficulté a bien faire, si quelque difficulté s'oppose a nos justes desseins, nous voyla empressés a vaincre tout cela et nous en desfaire avec de l'inquiétude. Pour- quoy tout cela ? Parce, sans doute, que nous aymons nos consolations, nos ayses, nos commodités. Nous voudrions prier dans l'eau de naflfe et estre vertueux a manger du sucre, et nous ne regardons point au doux Jésus qui, • Marc, XIV, 33; prosterné en terre, sue sang et eau de destresse * pour l'extrême combat qu'il sent en son intérieur, entre les  Année 1605 29 affections de la partie inférieure de son ame et les reso- lutions de la supérieure. L'amour propre est donques Tune des sources de nos inquiétudes ; l'autre c'est l'estime que nous faysons de nous mesme. Que veut dire que s'il nous arrive quelque imperfection ou péché nous sommes estonnés, troublés et impatiens ? Sans doute, c'est que nous pensions estre quelque chose de bon, résolu et solide ; et partant, quand nous voyons par effect qu'il n'en est rien et nous avons donné du nez en terre, nous sommes trompés, et par conséquent troublés, offensés et inquiétés. Que si nous sçavions bien qui nous sommes, en lieu d'estre esbahis de nous voir a terre, nous nous estonnerions comment nous pouvons demeurer debout. C'est la l'autre source de nostre inquiétude : nous ne voulons que des consola- tions, et nous estonnons de reconnoistre et toucher au doigt nostre misère, nostre néant et nostre imbécillité. Faysons troys choses, ma très chère Fille, et nous aurons la paix : ayons une intention bien pure de vou- loir en toutes choses l'honneur de Dieu et sa gloire, faysons le peu que nous pourrons pour cette fin la, selon l'advis de nostre père spirituel, et laissons a Dieu tout le soin du reste. Qui a Dieu pour object de ses intentions et qui fait ce qu'il peut, pourquoy se tourmente il ? pour- quoy se trouble il ? qu'a il a craindre ? Non, non. Dieu n'est pas si terrible a ceux qu'il ayme ; il se contente de peu, car il sçait bien que nous n'avons pas beaucoup. Et saches, ma chère Fille, que Nostre Seigneur est appelle Prince de paix en l'Escriture *, et que partant, par tout * Isaiae, ix, 6. ou il est maistre absolu, il tient tout en paix. Il est vray néanmoins qu'avant de mettre la paix en un lieu il y fait la guerre*, séparant le cœur et l'ame de ses plus *Cf.Matt,,x, 34-36. chères, familières et ordinaires affections, comme sont l'amour desmesuré de soy mesme, la confiance de soy mesme, la complaysance en soy mesme et semblables telles affections. Or, quand Nostre Seigneur nous sépare de ces passions si mignonnes et chéries, il semble qu'il escorche le cœur tout vif et l'on en a des sentimens très aigres ; on ne  30  Lettres de saint François de Sales  peut presque qu'on ne desbatte de toute Tame, parce que cette séparation est sensible. Mais tout ce desbattement d'esprit n'est pourtant pas sans paix, Ihors qu'en fin, accablés de cette détresse, nous ne laissons pas pour cela de tenir nostre volonté résignée en celle de Nostre Sei- gneur et la tenons la, clouée sur ce divin bon playsir, ni ne laissons nullement nos charges et l'exercice d'icelles, mays les exécutons courageusement. Dequoy Nostre Sei- gneur nous donna l'exemple au Jardin; car, tout accablé d'amertume intérieure et extérieure, tout son cœur se resi- gna doucement en son Père et en sa divine volonté, di- * Lucae, xxii, 42. sant : Mais vostre volonté soit faite et non la mienne*, et ne laissa pour toutes ses angoisses de venir troys fois *Matt.,xxvi,4o-45. voir ses disciples et les admonester*. C'est bien estre Prince de paix que d'estre en paix parmi la guerre et vivre en douceur parmi les amertumes. De ceci je désire que vous tiries ces resolutions, La première, c'est que bien souvent nous estimons avoir perdu la paix par ce que nous sommes en amertume, et néanmoins nous ne l'avons pas perdue pourtant ; ce que nous connoissons, si pour l'amertume nous ne laissons pas de renoncer a nous mesme et vouloir du tout dépendre du bon playsir de Dieu, et nous ne laissons pas pour cela d'exécuter la charge en laquelle nous sommes. La seconde, c'est qu'il est force que nous souffrions de l'ennuy inté- rieur quand Dieu arrache la dernière peau du viel homme pour le renouveller en l'homme nouveau qui est créé *Ephes., IV, 22-24. selon Dieu* ; et partant nous ne devons nullement nous troubler de cela, ni estimer que nous so3"ons en la dis- grâce de Nostre Seigneur. La troysiesme, c'est que toutes les pensées qui nous rendent de l'inquiétude et agitation d'esprit ne sont nullement de Dieu, qui est Prince de paix ; ce sont donq des tentations de l'ennemy, et par- tant il les faut rejetter et n'en tenir conte. Il faut en tout et par tout vivre paysiblement. Nous arrive il de la peyne ou intérieure ou extérieure, il la faut recevoir paysiblement. Nous arrive il de la joye, il la faut recevoir paysiblement, sans pour cela tressaillir. Faut-il fuir le mal, il faut que ce soit paysiblement, sans  Année 1605 31 nous troubler ; car autrement, en fuyant nous pourrions tomber et donner loysir a Tennemy de nous tuer. Faut- il faire du bien, il le faut faire paysiblement ; autrement nous ferions beaucoup de fautes en nous empressant, Jusques mesme a la pénitence, il la faut faire paysible- ment. Voyci, disoit ce Pénitent, que ma très amere amertume est en paix*. * isaiae, xxxvm, 17. Lises, ma bonne Fille, le chapitre quinziesme, seiziesme et dix septiesme du Combat spirituel* et l'adioustés a ce * Secunda editio. ., ^,., , , . 1 rc C-- • • (Videtom.lIIhuj. que j ay dit ; et pour le présent cela suffira. Si j avois icy Edit., not. (2), p. mes papiers, je vous envo5^erois un traitté que je fis a ^''^^"•' Paris pour ce sujet ( O en faveur d'une fille spirituelle et Religieuse d'un digne monastère, qui en avoit besoin et pour soy et pour les autres. Si je le treuve, a la première fois je vous Tenvoyeray. Quant a l'humilité, je n'en veux guère dire, ains seule- ment que vostre chère seur de [Chantai] vous communique ce que je luy en ay escritl^). Lises bien ce que la Mère Thérèse en dit au Chemin de Perfection *. L'humilité *Cap.x,xxxix(3). fait que nous ne nous troublons de nos imperfections, nous resouvenans de celles d'autruy ; car pourquoy serions nous plus parfaitz que les autres ? et, tout de mesme, que nous ne nous troublons point de celles d'autruy, nous resouvenans des nostres ; car pourquoy treuverons nous estrange que les autres ayent des imperfections, puisque nous en avons bien ? L'humilité rend nostre cœur doux a l'endroit des parfaitz et imparfaitz : a l'endroit de ceux la par révérence, a l'endroit de ceux ci par compas- sion. L'humilité nous fait recevoir les peynes doucement, sçachant que nous les méritons, et les biens avec révé- rence, sçachant que nous ne les méritons pas. Et quant a l'extérieur, j'appreuverois que tous les jours vous fissies (i) Ce traité ne nous est pas parvenu. ( 2 ) Voir la lettre du i*^'' nov. 1604, à la fia de ce volume, avant l'Appendice. (3) Z? Chemin de Perfection, composé par la Mère Terese de Jésus, fonda- trice des Religieuses et Religieux Carmes desckaussés et de la première Règle. Nouvellement traduicte d'Espagnol en Françoys par I. D. B.P. et L. P. C. D. B., reveuc, corrigée pour la 2^ édition, avec une Table des lieux communs. Chez Guillaume de la Noue, rue S. Jacques, à l'enseigne du nom de Jésus. A Paris, 1601.  32 Lettres de saint François de Sales quelque acte d'humilité, ou de paroles ou d'effect ; j'entens de paroles qui sortent du cœur. De paroles, comme vous humiliant a une inférieure ; d'efFect, comme faysant quel- que moindre office ou service, ou de la mayson ou des particulières. Ne vous fasches pas de demeurer au lict sans médita- tion ; car endurer les verges de Nostre Seigneur n'est pas un moindre bien que méditer. Non, sans doute, car il est mieux d'estre sur la croix avec Nostre Seigneur, que de la regarder seulement. Mais je sçai bien que la, dessus le lict, vous jettes mille fois le jour vostre cœur es mains de Dieu, et c'est asses. Obeysses bien aux médecins, et quand ilz vous défendront quelque exercice, ou de jeusne, ou d'orayson mentale, vocale, ou mesme l'Office, horsmis la jaculatoire, je vous prie tant que je puis, et par le respect et par l'amour que vous me voules porter, d'estre Eccli., XXXVIII, I. fort obéissante, car Dieu l'a ains}^ ordonné *. Quand vous seres guérie et bien fortifiée reprenes tout bellement vostre chemin et vous verres que nous irons bien loin , Dieu aydant ; car nous irons ou le monde ne peut attein- dre, hors ses limites et confins. Ma chère Fille, vous m'escrives que vous estes par tout la cadette ; mays vous vous trompés, les fruitz que j'espère de vous estans plus grans que de nulle autre. Croj^és, je vous supplie, que je. n'ay rien plus a cœur que vostre advancement devant Dieu ; et si mon sang y estoit utile, vous verries bien en quel rang je vous tiens. Je laisse a part l'extrême confiance que vous aves en moy, qui m'oblige a un extrême zèle a vostre bien. Vous voudries, ce me dites vous, m'envoyer vostre cœur. Croj'és que je le verrois de bon œil, car je ra3'me tendrement, et me semble qu'il est bon, puisqu'il est voué a Nostre Sei- gneur. i\lays vous sçaves le rendes vous de nos cœurs : la ilz se peuvent voir les uns les autres malgré la dis- tance des lieux. Parlés a ce bon Père dont je vous ay parlé (O de vostre intérieur ; il aura asses de conformité avec moy, et moy (i) M. Viardot (voir ci-dessus, p. 14).  Année 1605 33 avec luy, pour ne point distraire vostre esprit a la diver- sité des chemins, laquelle aussi luy seroit fort nuisible. Bref, receves-le comme un autre moy mesme. May s avec cela, je vous prie de faire en sorte que cet autre bon Père qui a désiré de vous ayder (0 ne puisse pas reconnoistre que vous ne le goustes pas, par ce qu'a Tadvenir il sera utile pour estre employé a l'œuvre que vous et moy desirons, pour obtenir quelque chose du Saint Père (2). Mais que ce mot icy ne vous eschauffe point, car il faut sur tout aller bellement et pied a pied ; l'édifice en sera plus ferme. Et ne faut nullement donner aucune alarme de rien qui se passe, affin que les bénédictions du Ciel viennent en nostre terre comme la rosée sur Vherbe *, que l'on voit descendue avant que de s'en ap- * Deut., xxxn, percevoir ; et ainsy faut-il conduire imperceptiblement tout vostre dessein jusques au comble de sa perfection. Hé courage, ma chère et bienaymee Fille ; Dieu nous en fera la grâce. Quant a cet autre bon Père (3), j'appreuve que vous l'oyes et l'escouties, et qu'encores vous vous prevalies de ses conseilz en les exécutant ; mais non en ce qu'ilz se trouveront contraires aux projetz que nous avons faitz de suivre en tout et par tout l'esprit de suavité et de douceur, et de penser plus a l'intérieur des âmes qu'a l'extérieur. Mais en tout, vous deves participer avec moy, puisque je suis vostre chetif père. Non, ma chère Fille, je n'ay jamais creu qu'il fust a propos que les Religieuses eussent aucune chose en par- ticulier, tant qu'il sera possible ; mays je peux avoir dit que, tant que les Supérieures le permettent, les parti- culières peuvent user de cette liberté la, avec préparation d'esprit de tout quitter et mettre en commun quand les Supérieures l'ordonneront. C'est pourquo)^ il est expé- dient d'oster peu a peu les particularités et rendre les (i) Le P. de Villars (cf. le tome précédent, pp. 343 et 390). ( î ) La chose à obtenir était sans doute la délégation officielle pour travailler à la réforme de l'abbaye. (3) Il paraît bien qu'il s'agit ici du P. de Saint-Bénigne; cf. la lettre suivante, p. 36. Lbttres m X  34 Lettres de saint François de Sales nécessités et commodités communes et esgales entre les Seurs, et ainsy faire manquer les farines d'Egjq^te, avec - Cf. Exod.,xvi, et la manne tombée dans vostre désert*. tom.praeced, ,0.148. ^r . tr ^ ^ ■ 1 , Ma. mère, qui vous offre tout son service et celuy de tous les siens, continue au désir qu'elle avoit d'avoir l'honneur de voir ma seur auprès de vous (O. C'est une de ses grandes passions et des miennes : Dieu veuille que ce soit avec autant de vostre contentement. Il n'estoit ja besoin de me faire des excuses de la lettre ouverte ; car mon propre cœur voudroit estre ouvert devant vos 3-eux, si ses imperfections et imbécillités ne vous donnoj'ent trop d'ennuy. Vives, je vous supplie, avec mo}^, en toute asseurance, et cro3'és que je ne désire rien tant que de vous voir avec un esprit tout plein de cha- rité, laquelle est toute franche et saintement libre. Et pourquoy dis je ceci ? Parce qu'il me semble que vous aves quelque appréhension de m'offencer. Je ne suis nullement tendre et douillet en cet endroit, et particulièrement avec les âmes, l'amitié desquelles est enracinée sur le mont de Calvaire avec la Croix de Nostre Seigneur. J'escris a celle de vos filles que vous desires, le plus proprement que j'ay sceu pour son mal. Oh que nostre 'Ep. Lxxni, adRai- saint Bernard dit divinement bien *, que l'office de la nald. Abbat. , , i i r charge des âmes ne regarde pas les âmes lortes , car celles la vont a leur propre pied ; mays il regarde les âmes foibles et languissantes, lesquelles il faut porter et supporter sur les espaules de la charité , laquelle est toute puissante. La pauvrette est de la seconde sorte : languissante sous les melancholies et embarrassemens de diversités de foiblesse , qui semblent accabler sa vertu; il faut ra3'der tant qu'on pourra et laisser le reste a Dieu. Je ne finirois jamais de vous escrire si je suivois mon inclination pleine d'affection ; mais c'est asses, la Messe m'appelle, ou je vay présenter Nostre Seigneur a son Père pour vous, ma très chère Fille et pour toute vostre Mayson, pour obtenir de sa divine bonté son Saint Esprit (i) Voir le tome précédent, note (3), p. 344.  Année 1605 35 qui addresse toutes vos actions et affections a sa gloire et vostre salut. Je le supplie qu'il vous préserve des vaines tristesses et inquiétudes, et qu'il se repose en vostre cœur, affin que vostre cœur se repose en luy. Amen. Francs, E. de Genève.  CtLXXXI A M. CLAUDE DE CRÉPY (i) Paroles de courtoisie. — Dévouement du Saint à l'entreprise de l'Abbesse du Puits-d'Orbe. — La santé du corps et les consolations de l'âme. — Jeanne de Sales proposée comme pensionnaire à l'abbaye. Vers le 20 avril 1605 (2). Monsieur mon très honnoré Père, Que vous m'obliges a vous rendre une vraye et entière obéissance filiale par la faveur qu'il vous plaist me faire en m'escrivant si souvent et de vostre santé et de Testât des affaires de madame l'Abbesse, ma très chère Seur ! Rien sans doute ne me peut donner plus de consolation que de me voir vivre en vostre souvenance et bonne grâce, et de vous estre aggreable au désir que j"ay de servir cette Seur en tous ses vertueux desseins, pour la poursuitte desquelz j'appreuve bien qu'elle ne change pas le chemin que je luy ay proposé, qu'avec beaucoup de considération. Mais je ne voudrois pas aussi qu'elle laissast pour cela de se prévaloir des bons advis et (i) Claude Bourgeois, seigneur de Crépy, Origny, Bierre, etc., conseiller d'Etat, reçu conseiller au Parlement de Bourgogne (27 novembre 1571), en devint plus tard président (1582). Il avait fait partie du Parlement de Flavigny- Semur. Le président de Crépy, comme on le verra dans la suite des Lettres, exerçait sur l'abbaye du Puits-d'Orbe et sur sa fille, l'Abbesse, une autorité jalouse que le Saint dut plus d'une fois ménager. Il mourut dans les premiers jours du mois d'août 1607; son épouse, Françoise de Montholon, vécut jusqu'en 1612. (Registres du Parlement de Bourgogne, etc.) (2) Ici encore, comme dans la lettre précédente, le contexte suffit à déter* miner la date.  ^6 Lettres de saint François de Sales conseilz qu'elle peut recevoir d'ailleurs, et particulière- ment du bon Père de Saint Bénigne ' ^ ), duquel vous m'es- * Epist. prœced. , crives, et moy a elle *, pour luy en déclarer mon opinion ^" telle que je vous dis. 3Iais comment me pourrois je jamais lasser de souhait- ter des grâces et des bénédictions abondantes a cette chère Seur et a toute sa iMaj^son, la voyant si désireuse de mon bien que, pour seulement sçavoir de ma santé, elle m'a envo3'é un exprès? Avec cette occasion, je luy ay » Epist. praeced. escrit le plus amplement que j'ay peu pour la consoler *, sachant bien que le bon portement de son cors dépend beaucoup de celuy de son ame, et celuy de son ame, des consolations spirituelles. Je vis en perpétuelle appréhen- sion de son mal qu'il n'empire, et en recommande a Dieu les remèdes autant qu'il m'est possible. Ce n'est pas de mon eschole qu'elle a jeusné ce Caresme contre l'opinion des médecins, a l'obéissance desquelz je l'exhorte bien •Cf.Eccii.jXxxvm, fort, sachant bien Dieu seul estre servi comme cela*. Au demeurant. Monsieur mon très honnoré Père, j'ay une jeune seur que je desirerois mettre auprès de cette aisnee et plus chère en son JMonastere, non pour estre Religieuse, si Dieu ne luy en donne l'inspiration, mais seulement pour avoir cet honneur d'estre auprès d'elle et d'apprendre la vertu en une si bonne compaignie. C'est la une de mes ambitions, mays de laquelle je sousmetz l'exécution a vostre commandement, n'en voulant que ce qu'il vous plaira de m'en permettre. Que s'il vous plaist m'en donner la permission, ce sera, Dieu aydant, sans que la ^layson en reçoive aucune charge; madame l'Ab- besse seule en sera importunée de seulement supporter (i) Selon toute probabilité, le '< bon Pare de Saint Bénigne » et « M. Né- ron >i sont un seul et même personnage : Jean Noyron, Neyron ou de Neyron, docteur en théologie de la Faculté de Paris. N'ayant pu obtenir le prieuré de Saint-Martin-des-Champs, il devint grand prieur de l'abbaye de Saint- Bénigne de Dijon, où l'avait appelé, en 1604, la confiance de l'abbé com- mendataire, Anne de Pérusse des Cars, le vertueux Cardinal de Givry, évêque de Lisieux (1585), et puis de Metz (1608}. Jean de Neyron mourut à Saint-Bénigne le 25 mars 1633. L'épitaphe de sa pierre tombale, qui se trouve encore dans l'église, le qualifie de « vir... opère et sermone potens, obser- lantix regtilaris et animarttm salutis sitientissimus. » (Note de M. le chanoine Chomton.)  Année 1605 37 l'incommodité de \'oir auprès de soy une inutile et maus- sade fille et servante. Vous voyes, Monsieur mon Père, avec quelle liberté je me pousse envers vous. Croyés, je vous supplie, que c'est pour la totale confiance que j'ay d'estre en vostre ame ce que je suis en la mienne ; c'est, Monsieur mon Père, Vostre très humble filz et serviteur, Francs E- de Genève. Monsieur mon Père, permettes moy de présenter icy mon très humble service et obéissance a madame ma mère ("), que je supplie de me continuer en l'honneur de sa maternelle bienveuillance. ( I ) M""* de Crépy (voir ci-dessus, note (2), p. 26).  CCLXXXII A LA PRÉSIDENTE BRULART Ouvrir son âme à tout venant, vivre dans la contrainte : deux excès ; il faut garder une honnête liberté. — Eloge d'un confesseur. — Exhortation à soumettre en tout sa volonté à celle de Dieu. — Solidité éternelle des amitiés fondées sur l'amour de Jésus-Christ. Vers le 20 avril 1605 ( i ). Madame ma très chère Seur, Vous m'aves infiniment consolé a m'escrire si souvent comme vous aves fait ; de mon costé, je n'ay jamais manqué de vous escrire par toutes les commodités qui s'en sont présentées. Je vous ay jusques a présent res- pondu de point en point a tout ce que vous m'aves de- mandé, et je sçai que vous aves maintenant mes lettres en main. (i) Le rapport de cette lettre avec les précédentes permet de lui donner à coup sûr cette date approximative.  38 Lettres de saint François de Sales Il me reste a vous dire que j'ay escrit si amplement a * Epist. ccLxxx. madame TAbbesse vostre bonne seur *, que j'espère qu'elle en sera consolée. Je sçai que sa santé corporelle dépend en bonne partie de la consolation spirituelle. Il me semble qu'elle a un petit trop de crainte que je ne m'ofFence si elle communique son intérieur a quelque autre ; et la vérité est que quicomque veut proffiter il ne faut pas l'aller espanchant ça et la indistinctement, ni changer a toute apparence de méthode et façon de vivre ; mais aussi doit on vivre avec une honneste liberté, et, quand il est requis, il ne faut faire nulle difficulté d'ap- prendre d'un chacun et de se prévaloir des dons que Dieu met en plusieurs. Je ne désire rien tant, que de voir en elle un cœur estendu et sans aucune contrainte au ser- vice de Dieu. Je le vous dis aussi, affin que vous me re- connoissies fort et que vous allies a vostre ayse, tant qu'il se peut, en la voye de la sainte perfection. J'ay escrit asses amplement a M. [Viardot,] a qui j'avois jette beaucoup de mon amitié estant par delà. Je le prie qu'il voye le plus qu'il pourra le monastère du Puy d'Orbe ; je m'asseure qu'il luy sera utile, et Dieu, sans doute, l'a préparé pour cela, dont je loue sa divine Majesté de tout mon cœur. Pour vous, ma chère Seur, * Vide supra, pp. 14, je VOUS ay des-ja dit en une autre lettre * que non seu- ''■ lement j'appreuvois le choix que vous avies fait d'iceluy pour estre vostre confesseur, mais que je m'en consolois ; et vous disois que vous pourres apprendre de luy ce qui sera convenable touchant les aumosnes et autres charités que vous voules et deves faire. Vous feres bien aussi de luy obéir en tout le reste de vostre conduitte intérieure et spirituelle, sans que pourtant je me veuille exempter de contribuer tout ce que Dieu me donnera de lumière et de force, car il ne me seroit pas possible de desfaire la sainte liayson que Dieu a mis entre nous. Affermisses tous les jours de plus en plus la resolution que vous aves prise avec tant d'affection de servir Dieu selon son bon playsir et d'estre tout entièrement sienne, sans vous rien reserver pour vous ni pour le monde. Embrassés avec sincérité ses saintes volontés, quelles  Année 1605 39 qu'elles soyent, et ne pensés jamais avoir atteint a la pureté de cœur que vous luy deves donner, jusques a ce que vostre volonté soit non seulement du tout, mais en tout, et mesme es choses plus répugnantes, librement et gayement sousmise a la sienne très sainte ; regardant a ces fins, non le visage des choses que vous feres, mais Celuy qui vous les commande, qui tire sa gloire et nostre perfection des choses les plus imparfaittes et chetifves*, *Cf.I Cor., 1,27-39. quand il luy plaist. Non, plus de cérémonies entre nous ; nos liens ne sont pas faitz de ces cordes-la. Hz sont invariables, incorrup- tibles et eternelz, puisque nous nous aymerons au Ciel pour le mesme amour de Jésus Christ qui nous joint de cœur et d'ame icy bas, et qui me rend Vostre très humble et très affectionné serviteur, Francs E. de Genève.  CCLXXXIII A LA BARONNE DE CHANTAL Le voyage de la Baronne en Savoie décidé. — Moyens de rendre l'entrevue fructueuse : l'examen de son âme, la prière, la confiance en Dieu et au Saint. — Le mieux, c'est d'apporter l'indifférence de la volonté propre. — Dans quelles âmes Dieu se plaît d'agir. — Le congé du confesseur. — Informations discrètes demandées sur le monastère du Puits-d'Orbe dans l'intérêt de sa jeune soeur. — Souhaits de bon voyage. — Itinéraire à suivre de Saint-Claude à Thorens. — Une cérémonie religieuse l'oblige à changer la date fixée pour l'arrivée de la Baronne. Annecy, vers le 20 avril 1605. (a) Madame ma très chère Seur, Voyci une courte response a vos dernières lettres. Puysque vous estes résolue de me revoir entre ci et  (a) Or sus. Madame ma très chère Seur, ce n'est qu'a vous a qui j'escriray peu maintenant, ne voulant vous dire que ce qui est nécessaire pour vostre voyage de deçà, puisque vous désirés le faire bien tost... [C'est en ces termes que le Saint aura tout d'abord commencé sa réponse à  40 Lettres de saint François de Sales Pentecoste et que vous en espères tant de fruit, venes au nom de Dieu, et pour une bonne fois. Le lieu que je vous marqueray, c'est chez ma mère a Thorens, par ce qu'en cette ville je ne sçaurois promettre un seul moment de mon tems. Le jour sera '^) le samedi suivant l'Ascension, affin que je vous puisse donner les quatre ou cinq jours suivans francs et libres, avant que la feste de Pentecoste arrive, en laquelle il faut nécessairement que je vienne icy a Neci pour faire l'Office et mon devoir. Je ne vous puis dire, si nous aurons besoin de beaucoup de jours pour la reveue de tout vostre estât intérieur ; peu plus, peu moins, en fera la rayson. Sil vous arrivoit quelqu'incommodité pour laquelle il falust différer vostre venue, vous n'aures pas pour cela besoin de m'advertir par homme exprès, mais seulement par la première commodité, puisque, passé ce tems-la, je seray a la visite et ne m'arresteray nulle part jusques a Nostre Dame de septembre que je seray icy quinze jours seulement : si que, entre ci et la, vous auries asses de loysir de m'advertir. Je dis cela en cas que le sujet mesme de la retardation de vostre vo3^age ne meritast pas de soy mesme de m'en advertir ; mais pour cela faites comme vous jugeres, ou pour m'advertir ou pour ne point m'advertir. Praepares bien tout ce qui sera requis pour rendre ce voyage fructueux, et tel que cett'entrevëue puisse suffire pour plusieurs années. Recommandes le a Nostre Sei- gneur. Fouillés tous les replis et voyés tous les ressors de vostre ame, et considérés tout ce qui aura besoin d'estre ou rabillé ou remis. De mon costé, je presenteray a Dieu plusieurs sacrifices, pour obtenir de sa bonté la lumière et grâce nécessaire, pour vous servir en cette  la Baronne; puis, ayant dû l'interrompre, il l'aura recommencée sur une autre feuille, la première rédaction ayant été égarée ou écartée. D'ailleurs, l'état de l'Autographe (conservé à la Visitation d'Annecy) où nous lisons cette variante favorise cette explication : le surplus du recto est resté en blanc; quant au verso, le Saint s'en est servi pour la minute d'une autre lettre.] (b) sera — fia veille de l'Ascension ou au plus tard I  Année 1605 41 occasion. Je vous dirois bien que vous prsBparassies une grande, mais je dis une très grande et absolue confiance en la miséricorde de Dieu premièrement, puis en mon affection, mais je sçai que de cela la provision est toute faitte. Sil vous semble qu'a mesure que vostre souvenance et considération vous suggéreront quelque chose, il vous soit utile de le marquer avec la plume, je l'appreuverois fort. Le plus que vous pourres apporter d'abnégation ou indif- férence de vostre propre volonté, c'est a dire de désir et resolution de bien obéir aux inspirations et instructions que Dieu vous donnera, quelles qu'elles soyent, ce sera le mieux, car Nostre Seigneur agit es âmes qui sont pure- ment siennes et non praeoccupees d'affections et de propres volontés. Mais sur tout, gardes de vous inquiéter en cette prseparation ; faites-la doucement et en liberté d'esprit. En ce qui regarde les ennuys des tentations de la foy ne vous y amuses pas, mais attendes que vous soyes icy, car ce sera bien asses tost. Ne partes pas sans le congé de vostre confesseur ; je veux croire que vous luy en aves communiqué vos délibérations avant que d'en résoudre. Au demeurant, il faut que je vous supplie de me faire un bien. Ma mère désire infiniment d'envoyer ma jeune seur au Puy d'Orbe, affin de la despayser et de luy faire prendre le goust de la dévotion ; mais elle ne voudroit nullement que ni madame l'Abbesse ni sa Mayson en ré- cent aucune incommodité que celle du soin de ses meurs. C'est pourquoy je désire quil vous playse de m'appor- ter asseurance de tout ce quil sera requis de faire a cette intention, sans que madame l'Abbesse le sache, affin que tout aille comm'il faut et que ma seur aye ce bien de [vous accompagner a (0] vostre retour, Voyla de la peyne que je vous donne, mais c'est encor pour un office de charité. Il me reste seulement a prier Nostre Seigneur quil soit vostre guide et conducteur en ce voyage et en tout le reste de vos actions. Je l'en supplie de tout mon cœur, (i) Deux ou trois mots sont oblitérés dans l'Autographe ; les faits rendent assez vraisemblable la restitution proposée. Voir ci-après, note (i), p. 46.  42 Lettres de saint François de Sales et vous, ma chère Seur, de venir joyeuse en luy, qui est vostre jo3^e et consolation. Si vous sçavies comme je vous escris, vous excuseries bien l'indigestion de mes paroles et de mon stile ; mais cet (sic) tout un. Je vous escris sans entendement, mais je ne vous escris pas sans un cœur plein d'extraordinaire désir de vostre bien et perfection. Courage, ma Seur, Dieu vous sera bon et propice. Je suis vostre serviteur très dédié en son nom. Amen. F. De Saint Claude, vostre chemin s'adresse droit a Gex, ou je vous feray tenir un homme qui vous accompai- gnera jusques chez ma mère. Vous viendres de Gex a Ge- nève ou, si vous ne voules pas, vous n'arresteres point, et si vous voules, vous pourres arrester, car il ni a pas de danger, et de la vous viendres a Thorens. De Saint Claude a Gex il ni a que six lieues, et de Gex a Thorens, sept. L'homme qui vous ira au rencontre vous conduira. Je vous attendray plus tost la veille de l'Ascension que le samedi suivant. Je vous invitois a la veille de l'Ascension, mais comme je fermois la lettre, des Pères Chartreux me sont venuz conjurer d'aller en un monastère voysin consacrer des filles (O ; si que le jour auquel je vous attendrey sera le samedi suivant. Dieu vous ayde. C'est le 2 1 de may. Revu sur l'Autographe conservé au 2^ Monastère de la Visitation de Rouen. ( I ) La cérémonie devait avoir lieu dans le couvent des Chartreusines de Mélan, situé dans la vallée du Giffre, parmi les sites pittoresques du Fauci- gny. D'abord villa princière des seigneurs de la contrée, Mélan fut donné en 1282, par leur héritière Béatrix, la grande Dauphine, aux fils de saint Bruno pour y établir des Religieuses de leur Ordre. De 1288 à 1793, six cents Reli- gieuses ont vécu dans le vieux monastère, reproduisant presque sans inter- mittence la ferveur orthodoxe des anciens jours et semant dans toute la région les plus libérales aumônes. Saint François de Sales affectionnait beaucoup cette Maison, comme d'ailleurs tout l'Ordre cartusien. Il y vint plusieurs fois présider des cérémonies religieuses. En 1805, l'abbaye, rachetée par un prêtre de Sallanches, M. Ducrey, fut transformée en un collège, lequel en 1833 fut confié aux PP. Jésuites de la province de Lyon et demeura sous leur direction jusqu'en 1848. Aujourd'hui Mélan sert de Petit-Séminaire au diocèse d'Annecy. Il est dirigé par les PP. Missionnaires de Saint-François de Sales. (Feige, Histoire de Mélan.)  Année 1605 43  CCLXXXIV A M. CHARLES d'aLBIGNY (minute) Plusieurs paroisses sont dépourvues de pasteurs ou n'ont que des vicaires. — Inconvénients de cette privation. — Obligation urgente pour les Chevaliers de Saint-Maurice de fournir ■< les portions congrues » aux curés. — Montrer de la bienveillance à quelques personnes qui veulent se convertir. — Le collège d'Annecy aurait grand besoin des Pères Jésuites. Annecy^ [avril-mai] 1605(1). Monsieur, L'espérance qu'on me donnoit d'avoir bien tost Ihon- neur de vous voir de deçà, me faysoit attendre de vous supplier humblement pour beaucoup de grandes néces- sités ecclésiastiques qui sont en ce diocaese ; mais puisque nous sommes encor incertain de la jouissance du bien de vostre praesence , j'ay prié le sieur Gottri {-), présent porteur, d'aller i^) apprendre de vous. Monsieur, quelle issue ces bonnes affaires pourront avoir. C'est que les parroisses d'Armoy, Reyvre, Draillans, Tonnay sont entièrement desprouveiies de pasteurs, n'ayant autre assistence que d'une Visitation toutes les semaynes, que les plus voysins curés y font. Or, Monsieur, il n'est pos- sible que de cette privation de gens d'Eglise, il n'arrive beaucoup d'inconveniens, et seroit bien plus raysonnable  (a) d'aller — fa Chamberi pourj (i) Cette date paraît convenir : en effet, revenu en *îavoie (8 avril 1605), d'Albigny était attendu à Annecy dès les premiers jours u, ^lai, et il s'y trouvait le 8 juin suivant. (Turin, Archiv. de l'Etat, Particolat ' • Annecy, Archiv. municip., Délihér.) (2) Nicolas Gottry. Voir au tome précédent, la note (3), p, 46, et l^? Lettre cclxiv, p. 438.  44 Lettres de saint François de Sales que messieurs les Chevaliers de Saint Maurice fussent sans biens ecclésiastiques que non pas que les peuples fussent destituées (sic) de l'office requis a leur salut. Il y a encor plusieurs autres parroisses qui ne sont pas assorties de leurs besoins, comme Thounon, qui n'a point de curé, ains seulement des vicaires ; Ivoire en est de mesme et quelques autres, a quoy messieurs les Cheva- liers sont tenus de fournir et prouvoir quant aux por- tions congrues, comme moy quant aux personnes, Hz n^nt plus aucun sujet de se plaindre de l'excessiveté des portions, puisque, Monsieur, elles ont esté réduites en vostre praesence a la plus modérée quantité qu'elles pou- voyent avoir ( ; il ne reste donques que d'accomplir ce qui fut arresté. Les mesmes sieurs Chevaliers commencent a prendre possession de certaines autres commendes nouvellement érigées sur des prieurés et bénéfices ecclésiastiques. Il sera requis que tout de mesme, sur chacun d'iceux, on prenne des portions congrues pour les curés, affin que le service pour lequel les biens furent mis en l'Eglise, ne soit pas du tout délaissé ; et si en ce commencement cela ne se fait, il sera par après malaysé de le faire, d'autant que la douceur de la possession rendra les commendeurs difficiles a lascher. Il y a quelques honnestes personnes qui veulent reve- nir a l'Eglise et quitter l'heresie, et desireroyent a cet efifect quelques petites faveurs de Vostre Excellence, la- quelle, pour ce regard, en entendra les particularités du porteur et luy en dira ses volontés. Je ne sçai, Monsieur, si je doy plus rien espérer pour le collège de cette ville, qui a tant besoin des Pères Jé- suites (2), mays je sçai bien que n'en puis rien espérer ( I ) Cette réduction avait été adoptée en septembre 1604, en suite d'une « resolution prise a Tonon, en l'assemblée de S. E. (M. d'Albigny) avec le s' Reverendissime (Evéque de Genève), le s'' de la Roche, conseiller d"Estat de S. A. et premier président en sa Chambre des Comptes de Savoye, » etc. (R. E.) (a) Le Saint reprend ici pour son compte le projet qu'avait formé son vé- néré prédécesseur, M»'' de Granier (voir le tome précédent, Lettre cclxiu). Les Jésuites n'ayant pu accepter les conditions qu'on leur proposait, le collège d'Annecy fut remis aux PP. Barnabites le 5 juillet 1614.  Année 1605 45 que par l'assistence de vostre charité C^), la grandeur delaquelle me promet qu'elle me pardonnera si je vous donne tant et si souvent de l'importunité. Je prie Nostre Seigneur pour vostre conservation et prospérité, demeurant très obligé d'estre, Monsieur,... Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy, (b) charité — fje suis marri de vous estre si importun. ..J  CCLXXXV A LA BARONNE DE CHANTAL  Envoi d'un guide. — Souhaits de bienvenue. — Une consécration de vierges à Notre-Seigneur et la consécration mystique d'une veuve. Mélan, 19 mai 1605. Ma chère Fille, Cet homme vous va rencontrer a Gex pour vous accom- pagner en cette dernière journée de vostre voyage (0. Si je pouvois me remuer aussi aysement que luy, j'y fusse allé moy mesme. Venes joyeusement, Dieu vous attend. Je le supplie qu'il vous accompagne a jamais. Je m'en vay consacrer des vierges a Nostre Seigneur ( = ) , (i) L'arrivée de la Baronne à Sales, l'entrevue de ces deux grandes âmes, leurs célestes conversations, il faut en lire le naïf et merveilleux récit dans les Mémoires de la Mère de Chaugy, I'"'^ Partie, chap. xvir. (2) Voici en quels termes de Hauteville (La Maison naturelle de saint François de Sales, Partie III) raconte une cérémonie semblable que Charles- Auguste présida en 1658 dans le même monastère : « Ce grand Prélat fut tres- humblement suplié par les Dames Religieuses de la chartreuse de Meulan de faire la cérémonie du voile noir pour trois Professes de cette sainte Commu- nauté ; l'usage en est beau et particulier, on l'apelle le Sacre des Filles Vierges, parce qu'on y observe beaucoup de choses qui se pratiquent au Sacre des Evêques, on leur donne l'Anneau, la Couronne de fleurs, le voile noir, et le seul Evêque en fait la cérémonie... je fus ravy de me trouver dans cette sainte pompe qui dura bien prés de trois heures. »  4^ Lettres de saint François de Sales et mentalement je luy consacreray une vefve avec elles, a laquelle je souhaitte la pureté, le mérite et la recom- pense des vierges. A Melan, jour de l'Ascension. Celuy duquel Dieu vous donne l'ame, F. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy.  CCLXXXVI  A LA MEME  A propos d'une image représentant sainte Anne, la Vierge Marie et Jésus enfant. — Explication de leurs attitudes. — Naïves applications. — Pieux souhaits. Annecy, 29 mai (i) 1605. Voyla, ma Fille, l'image que je vous envoyé : elle est de vostre sainte Abbesse ( = ), pendant qu'elle estoit encor au monastère des mariées, et de sa bonne mère, laquelle estoit venue du couvent des vefves pour la visiter. Voyés la fille, comme elle tient les yeux baissés : c'est par ce qu'elle ne peut regarder ceux de l'Enfant. La mère, au contraire, les esleve, par ce que c'est sur ceux de son Poupon. Les vierges ne lèvent les \'eux que pour voir ceux de leur Espoux, et les vefves les baissent, si ce n'est pour avoir le mesme honneur. Vostre Abbesse est glorieusement ornée d'une cou- ronne sur la teste, mays elle ne la regarde point, ains (i) Le Saint avait dû venir à Annecy pour les grands offices de la Pente- côte (cf. Lettre cclxxxiii), laissant probablement la Baronne à Sales, dans la compagnie de M""' de Boisy, sa vertueuse mère. Le 31 mai, M'"'^ de Chantai reprenait le chemin de la Bourgogne avec Jeanne de Sales, la jeune soeur du Bienheureux. (2) Pour expliquer cette allégorie, qui réapparaîtra souvent, il faut dire que la pieuse Baronne, sur les conseils du Saint, avait dressé un monastère en son intérieur, dont à ses yeux la Sainte Vierge était l'Abbesse.  Année 1605 47 regarde en bas, a certaines petites fleurs esparses sur le marchepied de son siège. La bonne mère grand a près de soy, a terre, un panier plein de fruitz. Je pense que ce sont les actions de sainteté des vertus humbles et basses, qu'elle veut donner a son mignon tout aussi tost qu'elle l'aura entre ses bras. Au demeurant, vous voyés que le doux Jésus se panche et tourne du costé de sa mère grand, toute vefve qu'elle est, et mal coiffée et simplement vestue. Et si vous y prenes bien garde, il tient un monde en ses mains, lequel il destourne doucement a gauche, par ce qu'il sçait bien qu'il n'est pas propre aux vefves ; mais de l'autre main il luy présente sa sainte bénédiction. Tenés vous auprès de cette vefve, et, comme elle, ayés vostre petit panier. Tendes les yeux et les bras a l'En- fant ; sa Mère, vostre Abbesse, vous le donnera a vostre tour, et luy très volontier s'inclinera a vous et vous bé- nira glorieusement. Hé, que je le désire, ma Fille ! Ce souhait est respandu tout par tout en mon ame, ou il ré- sidera éternellement. Vives joyeuse en Dieu, et salués très humblement en mon nom madame vostre Abbesse et vostre chère Mais- tresse. Le doux Jésus soit assis sur vostre cœur et sur le mien ensemblement, et qu'il y règne et vive a jamais. Amen. Franc % E. de Genève. Le 2 g may 1605.  4B Lettres de saint François de Sales CCLXXXVII A l'abbé d'abondance, vespasien aiazza(0 (inédite) A qui revient la bénédiction des cloches ; délégation générale et pouvoir de déléguer par TAbbé d'Abondance, en des cas semblables. — Actions de grâces pour l'avènement du Pape Paul V. — La défaite d'un ministre dans une conférence publique. Annecy, i^''juin 1605. (2) Monsieur. C'est sans doute que, de droit ordinaire, la bénédiction des cloches, corne (sic) de toutes autres choses qui sont beneistes avec le cresme, ne peut estre faite que par l'Evesque, ou soit que telle bénédiction procède de l'Ordre episcopal, ou, corne je crois plustost, qu'elle soit réservée pour la dignité. Xeantmoins, par tout deçà les monts, ou les diocèses sont extrêmement grandes et embrouillées, la coustume porte que les Evesques puissent députer digniorem sacerdotem ^'^ ; com'il est expressément • Benedictio Cam- «leclairé (**) ïii Institutiom Parrochorum Pétri de p.xnœ, p. 189(3). Villars, Metropolitani nostri *^ a l'authorité duquel  (') Le prêtre le plus digne. (") Dans \' Institution des Curés de Pierre de Villars, notre Métro- politain. ( I ) Vespasien Aiazza, fils de Nicolas Aiazza, sénateur de Turin, et d'Hortense Bobba, était archidiacre à Saint-Eusèbe de Verceil quand il fut nommé abbé commendataire de Notre-Dame d'Abondance (15 juillet 1597). Il seconda géné- reusement les efforts de saint François de Sales pour réformer son monastère, en substituant (7 mai 1607) aux Chanoines de Saint-Augustin décrédités, les Feuillants de Saint-Bernard, alors dans toute leur ferveur (voir tome précéd., (i), p. 373). Sa rare piété, son savoir lui méritèrent jusqu'à la fin l'estime du Saint et des contemporains. La maladie le surprit dans un voyage à Toulouse; il mourut le 30 décembre 1630, après avoir fait profession de la Règle des Feuillants. (i) Georges Rolland a écrit cette lettre; le Saint l'a signée. ( 3 ) Instilutio Parochorum quœ modum rifumque in Sacramentis adminis- trandis, aliisque rébus spirititalibus tractandts obser-candum complectitur. Re- cognita et locupletata j'iissu ac autoritate Revmi Domini D. Pétri de Villars, Archiepiscopi Viennensis. Lugduni, apud Petrum Roussinum, 1587.  Année 1605 49 je m'arreste non seulement par ce qu'il est nostre supé- rieur, mais par ce quil est tres-docte et grand personnage. Et pour dire la vérité, il me semble qu'en ces choses cerimoniales, il n'}'' a pas grand danger de suivre l'opinion qui facilite nostre charge, et mesmes es lieux ou pour la multitude des parroisses, la distraction seroit grande de se porter a touttes sortes de semblables actions. Prenez donques la peine, iMonsieur, in nomiiie Do- mini ^*\ de faire la bénédiction requise en vostre par- roisse, non seulement ^ro hac vice tantiim, neque pro hac re tantuin, sed pro omnibus similibus in quitus, aut de jure, aut de consuetudine, Episcopus dele- gare potest ^"^. Et de plus, si vous avez trop d'incomo- dité de vous y emploier vous mesmes, emploiez y qui bon vous semblera, car je le tiens pour député a ce faire et l'advoùe. Dimanche nous faisons la solemnelle action de grâces pour l'eslection du Pape Paul V *, qui fut cy devant Car- * ^'^e infra, Epist. ,. 1 „ , , , ... . . , ccxcvni. dinal Borghese, aage de 52 ans, plain de suavité, de meurs, de doctrine et de sainteté. Il nous est arrivé une fascheuse nouvelle de la révolte et reddition de la ville d'x\nvers entre les mains du comte Maurice. Elle n'est pas encor bien confirmée (') ; neant- moins, ("*) Pessimus in dnbiis ausiir tiiiior *. * Statius, Thebais, '' 1.111,6. Il y a quinze jours quil se tint une conférence a Dijon entre un Père Jesuiste i = ) et l'un des plus habiles ministres  (') Au nom du Seigneur. (") Non seulement pour cette fois, non seulement pour ce cas présent, mais encore pour tous les cas analogues où l'Evèque peut déléguer, en vertu soit du droit, soit de la coutume. (*") La crainte, quand les choses sont incertaines, est un bien triste présage. (i) Cette nouvelle ne dut pas être confirmée; la ville d'Anvers ne fut pas même assiégée, le prince Maurice ayant abandonné son dessein, que Spinola, le général espagnol, avait aussitôt habilement traversé. (2) André Valladier ou Valadier, né à Saint-Pol ou Saint-P.iul-en-Forez, Lettres III a  50 Lettres de saint François de Sales qui soit en France i^\ ou le Jesuiste fait si excellemment, que le ministre, ne pouvant supporter les efforts du com- bat, demeurast pasmé sur la place, avec une très-grande confusion ( = ). Je prie Dieu , JMonsieur, quil vous comble de ses grâces, et suis Vostre serviteur plus humble, Francs E. de Genève. A Nicy, ce i" juin 1605. A Monsieur Monsieur l'Abbé d'Abondance. Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.  vers 1565, entra au noviciat des Jésuites en 1585. Il fut en son temps un pré- dicateur très recherché et un habile controversiste. Des démêlés avec ses Supérieurs l'obligèrent à demander sa sécularisation (juillet 1608). Il mena dès lors une vie agitée et se retira à Metz, où il fut successivement grand vicaire, prédicateur, chanoine, Bénédictin et Abbé régulier de Saint-Arnould. Il mourut le 13 aoiit 1638. ( I ) Le contradicteur du Jésuite était Théophile Cassegrain. Son adresse, sa science, sa connaissance des langues, particulièrement de l'hébreu, en avaient fait le porte-parole de son parti. De 1583 jusqu'en 1626, on le voit successi- vement à Genève, où il étudia, puis à Dijon, Pont-de-Veyle, Vaux, à Dijon encore, à Chalon-sur-Saône. Plus tard, le fameux conférencier se convertit à la foi catholique. Il était né à Etampes ; il mourut en 1637. (Haag, La France protestante, tome III.) (3) La conférence dont parle le Saint eut lieu à Vosne, en mai, avec la permission du roi, chez Edme de Malain, baron de Lux (voir le tome précédent, note ( I ), p. 80). Elle dura huit jours, mais la confusion du ministre en fut, paraît-il, le seul résultat; chacun se retira persistant dans ses opinions et dans sa croyance.  Année 1605 51 CCLXXXVIII A LA BARONNE DE CIIANTAL Grâce inestimable pour une âme que Dieu a faite toute sienne : en garder la souvenance par la célébration du jour anniversaire. — Les amitiés que la mort ne peut dissoudre. — Ne pas regarder à qui, mais pour qui on obéit. Annecy, commencement de juin (i) 1605. J'oubliay de vous dire, ma chère Fille, que si les oray- sons de saint Jan, de saint François et les autres que vous dites, vous donnent plus de goust en françois, je suis bien content que vous les recities comme cela. Demeurés en paix, ma Fille, avec vostre Espoux bien serré entre vos bras. O que mon ame est satisfaitte de l'exercice de péni- tence que nous avons fait ces jours passés, jours heureux, et acceptables *, et mémorables ! Job ** désire que le jour * Cf. 11 Cor., vi, de sa naissance périsse et que jamais il n'en soit me- ^^' '"' ^" moire ; mais moy, ma Fille, je çouhaitte, au contraire, que ces jours esquelz Dieu vous a faitte toute sienne, vi- vent a jamais en vostre esprit et que la souvenance en soit perpétuelle. Ouy da, ma Fille, ce sont des jours des- quelz le souvenir nous sera éternellement aggreable et doux sans doute, pourveu que nos resolutions, prises avec tant de force et de courage, demeurent closes et a couvert sous le précieux sceau que j'y ay mis de ma main ( = ). Je veux, ma Fille, que nous célébrions toutes les années les jours anniversaires de ceux ci, par l'addition de quel- ques particuliers exercices a ceux qui nous sont ordi- naires. Je veux que nous les appellions jours de nostre dédicace, puisqu'en iceux vous aves si entièrement dédié vostre esprit a Dieu. Que rien ne vous trouble ci après, ma Fille ; dites avec ( i) La concordance des faits rend invraisemblable la date du 10 juillet que les éditeurs de 1626 assignent à cette lettre (voir ci-dessus, note ( i ), p. 46). (2) Sans doute la sainte Eucharistie, que la Baronne avait reçue de la main du Bienheureux,  52 Lettres de saint François de Sales Gaiat., uit., 17. saint Paul* : Au demeurant, que nul ne me fasche, car je suis stigmatisé des playes de mon Maistre ; c'est a dire, je suis sa servante, vouée, dediee, sacrifiée. Gardés bien la clausure de vostre monastère ( ^ ), ne laissés point sortir vos desseins ça et la, car cela n'est qu'une distraction de cœur. Observés bien la règle, et croyés, mais croyés -le bien, que le Filz de madame vostre Abbesse sera tout vostre. Nourrisses tant qu'il sera possible beaucoup d'union entre vous et mes dames du Puy d'Orbe et Brulart, car il me semble que cela leur sera proffitable. Vous connoistres asses, a voir que je vous escris a tout propos, que je vous vay suyvant en esprit, et il est vray. Non, il ne sera jamais possible que chose aucune me sépare de vostre ame ; le lien est trop fort. La mort mesme n'aura point de pouvoir pour le dissoudre, puisqu'il est d'une estoffe qui dure éternellement. Je suis fort consolé, ma chère Fille, de vous voir pleine du désir d'obéissance ; c'est un désir de prix incompara- ble, et qui vous appuyera en tous vos ennuys. Helas, nenn)^, ma très aymee Fille, ne regardés point a qui, mais pour qui vous obéisses. Vostre vœu est dressé a Dieu, quoy qu'il regarde un homme. ^Mon Dieu, ne crai- gnes point que la providence de Dieu vous défaille ; non, s'il estoit besoin , il envoyeroit plustost un Ange pour vous conduire que de vous laisser sans guide, puisqu'avec tant de courage et de resolution vous voules obéir. Et donq, ma chère Fille, reposes vous en cette Providence paternelle, resignes vous du tout en icelle ; et cependant, tant que je pourray, je m'espargneray pour vous tenir parole, affin que, moyennant la grâce céleste, je vous serve longuement. Mais cette divine volonté soit tous- jours faitte. Amen. {-) (i) Voir ci-dessus, note (2), p. 46. {2) Au lieu de finir ici, la lettre, dans l'édition de 1626, se continue par un petit récit d'une course sur le lac de Genève. Cette addition, manifestement interpolée, trouvera ailleurs sa place.  Année 1605 53  CCLXXXIX A LA PRÉSIDENTE BRULART Mettre un cœur vaillant à faire ce que Dieu veut. — Ne pas regarder à la substance de nos actions; les plus chétives deviennent honorables si Dieu les ordonne. — N'aimer rien Hop. — Le propre des roses et des lis. — Soyons ce que Dieu veut et non ce que nous voulons, contre son gré. Annecy, 10 juin 1605. Madame ma très chère Seur, Me voyci a vous escrire et ne sçai quo}'', sinon que vous allies tous-jours gayement en ce chemin céleste au- quel Dieu vous a mise. Je le beniray toute ma vie des grâces qu'il vous a préparées : preparés-luy aussi de vostre costé des grandes résignations en contreschange, et portés vaillamment vostre cœur a l'exécution des choses que vous sçaves qu'il veut de vous, malgré toutes sortes de contradictions qui se pourroyent opposer a cela. Ne regardés nullement a la substance des choses que vous feres, mais a l'honneur qu'elles ont, toutes chetifves qu'elles sont, d'estre voulues de sa volonté divine, ordon- nées par sa providence, disposées par sa sagesse. En un mot, estant aggreables a Dieu et reconneuës pour cela, a qui doivent elles estre desaggreables ? Prenés garde, ma très chère Fille, a vous rendre tous les jours plus pure de cœur. Or, cette pureté consiste a priser toutes choses et les peser au poidz du sanctuaire, lequel n'est autre chose que la volonté de Dieu. N'aymés rien trop, je vous supplie, non pas mesme les vertus, que l'on perd quelquefois en les outrepassant. Je ne sçai si vous m'entendes, mais je le pense : je regarde a vos désirs, a vos ardeurs. Ce n'est pas le propre des roses d'estre blanches, ce me semble, car les vermeilles sont plus belles et de meilleure odeur ; c'est néanmoins le propre du lys. Soyons ce que nous sommes, et so3^ons le bien, pour faire honneur au .Maistre ouvrier duquel  54 Lettres de saint François de Sales Ephes., Il, 10. nous sommes la besoigne*. On se mocqua du peintre qui, voulant peindre un cheval, fît un taureau excellemment bien fait : l'ouvrage estoit beau en soy, mais peu hon- norable a l'ouvrier, qui avoit autre dessein et n'avoit bien fait que par hasard. Soyons ce que Dieu veut, pourveu que nous soyons siens, et ne soyons pas ce que nous voulons contre son intention ; car, quand nous se- rions les plus excellentes créatures du Ciel, dequoy nous serviroit cela, si nous ne sommes pas au gré de la volonté de Dieu? Je redis a Fadventure trop cela, mais je ne le diray plus si souvent, puisque mesme Nostre Seigneur vous a des-ja beaucoup fortifiée en cet endroit. Faites moy ce bien de m'advertir du sujet de vos méditations pour cette année présente; je me consoleray a le sçavoir, et du fruit qu'elles font en vous. Soyés joyeuse en Nostre Seigneur, ma chère Seur, et tenés vostre cœur en paix. Je salue monsieur vostre mar}^, et suis immortellement, ^Madame, Vostre très affectionné et fidelle serviteur et frère, Francs E. de Genève. Le lo juin 1605.  ccxc  A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-D ORBE (inédite) La vraie simplicité dans l'accusation des péchés, très agréable à Dieu. — En se confiant à un confesseur, éviter de paraître mépriser les autres. — Se défiai des divagations de l'esprit. — Prière « de bien humilier » Jeanne de Sales. Annecy, 16 juin 1605. Madame ma très chère Seur et Fille, Pour me tenir en possession de vous escrire a toutes les commodités qui s'en présenteront, je vous diray ces trois ou quatre choses lesquelles j'ay dittes a madame de Chantai nostre bonne seur, mais non pas si clairement quil ne soit encor utile de vous les représenter icy.  I  ■ Vf  ^"^"li^IFfl^l   ^<,;'  4 "b  •^1             ! l 7 I 7 '^ '.  f ir ■ % k \ t 1 - ^.*  .m * m. t ifc a '^4 1' -J  ^4    < tr  O  -^ ^  Année 1605 55 Vous m'escrivies n'a gueres que vous esties tous-jours pleyne de difficultés pour la confession. Or, ma Fille, ni a-il pas moyen de dissoudre petit a petit ces difficultés ? Il le faut sans doute, et procurer d'avoir une vraye sim- plicité chrestienne, delaquelle le principal effect consiste a naifvement se declairer en confession, et bien plus encores ; car je ne doute point qu'un jour Dieu vous fera la grâce d'estre si humble que vous desireres que non seulement vos pères spirituelz, mais les autres aussi sachent toutes vos imperfections. Courage, ma chère Fille. Il ne faut plus que nos inclinations naturelles maistrisent nostr'ame ; il faut que ce soit la lumière supérieure, et que, partant, encor que naturellement nous ayons de la peyne a nous communiquer, la rayson néanmoins et la connoissance du devoir nous emporte a toutes les exécu- tions des choses aggreables a Dieu, entre lesquelles, celleci de descouvrir sa conscience quand et a qui il est requis, est une des plus principales. Je me contente infi- niment de ce que vous m'escrives que, non obstant toutes difficultés, en fin en fin vous passiés outre. C'est ainsy quil faut faire, sans doute, affin de s'aprivoyser avec son devoir. Je ne sçai encor si vous aurés choysi monsieur Viardot pour vous visiter quatre ou cinq fois l'année, avec quel- que soin spécial du progrès spirituel de vostre Mayson, Vos lettres, ce me sembloit, tendoyent a cela, qui m'oc- casionna de luy en escrire ; néanmoins, je ne veux pas en cela vous donner aucune contrainte. Voyes bien et considérés si vous pourres vous bien ranger a luy donner de la confiance, et escrivés moy tout au plus tost vostre intention, affin que, selon cela, je luy en puisse derechef escrire et luy dire encor plus amplement mon opinion touchant vostre conduite, a laquelle je ne puis cesser de penser et soigner jour et nuit. Si faut il pourtant faire en sorte que le bon Père Recteur (O n'aye pas sujet de s'estimer mesprisé ; car encor quil le supporteroit chari- tablement, cela néanmoins ne seroit pas honneste. Que (i) Le p. de Villars.  56 Lettres de saint François de Sales sil luy plait prendre la peyne de vous voir quelquefois, ce vous sera tous-jours tant plus de bien. Que s'il se treuvoit quelque disparité d'opinion entre lu}' et monsieur Viar- dot, vous ne mescontenteres ni Tun ni l'autre en vous en rapportant a mo}^, auquel l'un et l'autre sçavent bien que vous aves spéciale confiance. Et moy, ma chère Fille, je prieray tant Dieu, quil m'assistera a vous bien conseiller. Nostre seur de Chantai me dit quelque chose de cer- taines craintes et ombres qui se présentent quelquefois a vous en vos prières ; (O et je luy dis que vous ne déviés pas seulement arrester un seul moment vostre esprit a considérer si cela estoit ou non, ni que cela peut estre ou que c'est ; car je vous asseure, ma chère Seur, que cela n'est rien du tout, sinon une divagation d'imaginative que l'appréhension de la solitude, ou l'ennuy et difficulté de ces commencemens engendre en vostre esprit. Tenes donq ferme, car ce n'est rien ; et quand cela vous arrivera, ne vous amuses ni peu ni prou a penser et philosopher la dessus, mais tenes vous pour tout asseuree que Dieu est avec vous, et divertisses soudainement vostre pensée a quelqu'autr'object, comme seroit a Jesuschrist qui vous regarde des le Ciel et a sa sainte Mère. J'ay esté infiniment consolé, sachant combien vous estes estroittement jointe de cœur avec madame de Chantai, delaquelle je puis bien.respondre qu'elle vous chérit avec un'afFection tout'entiere et parfaitte. A^'ous aves mainte- nant ma jeune seur, laquelle sans doute vous fera bien de l'incommodité ; mais il ni a remède, je ne sçaurois vous en faire ni des excuses ni des cérémonies, j'ay trop de confiance en cett'estroitte alliance qui est entre nous. Et voyla tout ce que j'en dis, sinon que je vous supplie de la bien humilier. (»)  ( I ) Ici commence le texte du fac-similé placé en tête de ce volume ; on verra qu'il contient sur une même page, cette fin de lettre et une partie de la Let- tre ccxcii. (Les premières lignes de celle-ci expliquent cette particularité.) Mais le réel intérêt de cette reproduction est surtout d'offrir aux lecteurs deux spécimens assez différents, et presque de la même date, de l'écriture de saint François de Sales. (3) Le Saint a écrit en marge et ensuite biffé la phrase suivante ; « Si ma seur n'a pas inclination a la Religion, il ne la faut pas... -i  Année 1605 57 Pour moy, ma chère Saur, croyes fermement que mon ame, toute telle qu'ell'est, est toute vostre. Je le dis devant Dieu, auquel je demande incessamment vostre gloire et vostre perfection. Je la vous souhaite et désire avec un'ardeur extrême, et suis, Ma très chère Fille, Vostre très humble et très asseuré serviteur et frère en Nostre Seigneur, Franç% E. de Ge[neve]. XVI juin 1605. Faites-moy sçavoir bien au long la disposition de vos filles, que c'est que monsieur Néron * aura treuvé bon" de * Vide supra, p. 36, not. (i). faire en vostre Ma3'son et, plus que tout, quell'est vostre inclination au choix d'un Père spirituel auquel de delà vous puissies jetter vostre confiance. (O A Madame Madame l'Abbesse du Puis d'Orbe. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy. (i) Dans l'Autographe, immédiatement après ce post-scriptuni et sur la même page, on trouve la Lettre ccjccu. (Voir la note (i) de la page pré- cédente.)  58 Lettres de saint François de Sales  CCXCI A MADAME DE LIMOJON ( (inédite) Retrancher de notre vie les superfluités mondaines. — Ce n'est pas l'œuvre d'un jour que de se conquérir soi-même; raisons de l'entreprendre avec courage. — La principale leçon de Notre-Seigneur. — Ayons une piété qui plaise à Dieu et aux hommes. — Le Saint désire qu'on lui écrive naïve- ment, sans cérémonie. — Pressante exhortation finale de se donner à Dieu. Annecy, ;8 juin 1605. Madame, Je n'avois garde d'esconduire monsieur Mondon (*) en sa demande , puisque non seulement elle tend a une bonne et charitable exécution, mais aussi elle m'a occa- sionné le bien de recevoir de vos lettres et lettres pleines de bonnes nouvelles. Ouy vrayment, Madame, il faut aller tout bellement a retrancher de nostre vie les superfluités et mondanités. Ne voyes vous pas que Ton n'esmonde point les vignes a coups de coignee, mais que l'on les coupe avec la serpe doucement et sarment après sarment? J'ay veu telle pièce de sculpture que le maistre a manié dix ans avant qu'elle fust parfaitte, et n'a jamais cessé d'en lever avec le ci- seau et le burin, et petit a petit, tout ce qui empeschoit la juste proportion. Non sans doute, il n'est pas possible d'arriver en un jour ou vous aspires : il faut ores gaigner ce point, demain un autre, et pied a pied nous nous ( I ) Jeanne-Louise de Genton ou Janthon, fille de noble François de Genton, avait épousé (contrat dotal du 3 mai 1598) noble Jean de Limojon que nous voyons en 1600, « cornette de la compagnie de M. d'Albigny » et, plus tard, « lieutenant des cuirasses du prince Thomas. » Il était bourgeois de La Roche ; M"'= de Limojon put donc entendre dans la petite ville les prédications du Saint et y prendre le désir de se mettre sous sa direction. (Archives de la Visitation d'Annecy, Collection Jules Vuy, etc.) (2) Dans une lettre datée de 1622, le Saint recommande à la bienveillance de son correspondant, un pauvre homme du nom de Mondon, et sollicite pour lui le modeste emploi d'archer et de gabeleur.  Année 1605 59 rendrons maistres de nous mesmes, qui ne sera pas une petite conqueste. Continues, je vous supplie, avec confiance et sincérité en cette sainte poursuitte, de laquelle despend toute la consolation de l'heure de vostre mort, toute la vraye douceur de cette vie présente et toute Tasseurance de la future. Je sçai que l'entreprise est grande, mais non pas tant que la recompense'. Il n'est rien qu'un'ame généreuse- ment résolue ne puisse faire, moyennant l'assistance de son Créateur*. Et mon Dieu, que vous seres heureuse si *Cf.Phiiip.,uU.,i3. au milieu du monde vous conserves Jésus Christ dedans vostre cœur ! Je le supplie qu'il y veuille vivre et régner éternellement. Souvenes vous de la leçon principale, laquelle il nous a laissée en trois motz, affin que nous ne l'oubliions ja- mais et que, cent fois le jour, nous la puissions repeter : Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur *. C'est tout, en somme, d'avoir le cœur doux a * Matt.,xT, 29. l'endroit du prochain et humble a l'endroit de son Dieu. Donnés a tout moment ce cœur a nostre Sauveur, faites que ce soit le cœur de vostre cœur. Vous verres qu'a me- sure que ce saint et délicat Amant prendra place en vostre esprit, le monde, ses vanités et superfluités en sortiront. Je vous l'ay dit, Madame, et je vous l'escris mainte- nant : je ne veux point une dévotion fantasque, brouil- lonne, melancholique, fascheuse, chagrine ; mais une pieté douce, souëfve, aggreable, paysible et, en un mot, une pieté toute franche et qui se fasse aymer de Dieu premièrement, et puis des hommes. C'est trop pour cette fois, et en si peu de loysir que j'ay. Il faut seulement que je vous responde sur ce que vous me demandes, comm'il faut que désormais vous m'escri- vies. Sçaves-vous comment. Madame ? Escrives moy li- brement, sincèrement et naïfvement. Je n'ay pas autre chose a dire pour cela, sinon que vous ne deves pas mettre sur la lettre Monseigneur tout court, ni autre- ment ; il suffit d'y mettre Monsieur, et pour cause. Je suis homme sans cérémonie, et vous chéris et honnore de tout mon cœur pour plusieurs raysons, mais sur tout par  6o Lettres de saint François de Sales ce que j'espère que Xostre Seigneur vous veut avoir pour toute sienne. Soj'és le, ^ladame, soyés le, je vous supplie. Notés bien et vous resouvenes de ce que je vous ay dit : offres et donnés a tout moment vostre cœur a Dieu, souspirés a luy, rendes vostre dévotion aggreable, sur tout a monsieur vostre mari, et vives joyeuse d'avoir pris ce genre de vie. Je prie tous-jours Dieu qu'il vous tienne de sa sainte main ; rendes moy le réciproque, et jettes quelques sous- pirs au pied de la Croix pour mon ame, laquelle est toute vouée au service de la vostre et de tout ce qui vous est plus cher. Je suis, Madame, Vostre serviteur très affectionné et plus humble en Xostre Seigneur, Franç% E. de Genève. Ce XXVIII juin 1605. A Madame Madame de Limogeon. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.  CCXCII A MADA.ME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'ORBE (inédite) L'Abbesse s'étant offensée que le Saint eût voulu payer la pension de sa sœur, celui-ci se défend. — Il la presse vivement de renoncer au dessein de quitter l'abbaye et l'encourage à continuer la réforme. — Indications pour la récitation des Heures, conformes aux prescriptions de sainte Thérèse. — Permission de chanter des cantiques pendant la récréation. Annecy, 29 juin 1605. (i) Madame ma chère Seur, Epist. ccxc. Je vous escrivis la lettre précédente *, sur l'asseurance que j'avois au voyage d'un Père Cordelier, lequel n'a ( I ) Voir le fac-similé placé en tète de ce volume et la note ' i ), p. 76.  Année 1605 61 pas reusci, et elle m'est demeurée, en attendant de jour a autre, jusques a l'arrivée de la vostre, receu (sic) par l'homme de ma mère ; en response a laquelle, permettes moy, je veux dire, ayes aggreable que je vous parle en vray père. La rayson pour laquelle je voulois que la pension de ma jeune seur fut paj'^pe est plus grande que tout ce que vous me dites. Ce n'est ni vostre incommodité, ni vostre pauvreté, ni toutes ces considérations que vous aves ren- contrées, et sur tout ce n'est pas pour ne me point rendre vostre obligé. Non, ma Fille, je ne crain (sic) point les liens et chaisnes qui m'obligeront a vous, car le grand lien spirituel me serre si fort, que tous les autres me sem- blent des filetz d'araignées en comparayson. Je ne mesure rien a cett'aulne-la ; mon aulne c'est la canne d'or avec laquelle les Anges mesurent le pavé de la Hierusalem spirituelle*. L'amour que je vous porte ne pense nulle- *Apoc., xxi, 15. ment a cela ; je ne sçai pas comme le vostre y va songer. Sçaves vous ce que je pensois ? C'est que, puisque j'avois declairé mon opinion a bon escient, j'estimois que vous y accommoderies la vostre et croiries que j'avois rayson, sans vous en enquérir davantage ; mais vous n'estes pas si simple. Sans doute, j'avois la rayson pour moy; néan- moins, puisque vous vous en offencés, je cède et ne vous en parleray plus, sans qu'il soit besoin que vous em- ployés l'authorité de monsieur nostre père. Vous m'aves bien mis plus en peine quand vous m'aves parlé de sortir de cette Mayson-la, mais non pas sans m'en parler. Seigneur Dieu, je croyois que vous n'ose- ries pas seulement y penser sans mon advis, et vous me parles d'en sortir ! O ma Fille, qu'est ce qui a esbranlé nos resolutions? Quelle nouvelle difficulté nous peut faire retirer de nos desseins, si proffitables a nos âmes, si pleins de la gloire de Dieu ? Ouy vrayment, il m'en faudra bien parler, et faudra bien que nous en parlions a Dieu avant que de le faire. Courage, pour l'amour de Dieu, ma chère Fille. Nous sommes a la veille de l'entière reformation de ce Monastere-la, et nous quitterons la besoigne! Faut- il perdre cœur sur le milieu de la victoire ? Ce n'est pas  02 Lettres de saint François de Sales peu que nostre bon père se soit accommodé a désirer la reformation ; il m'en escrit, mais avec certaines reserves quil désire, dit il, pour la consolation de sa viellesse. Que voules-vous ? il faut un petit s'accommoder a lu}^. Dieu, qui a fait le reste, fera bien encor quil s'accom- modera un jour du tout a nous. Je m'attendois a sçavoir par vostre lettre, ou vostre in- clination vous portoit pour la confession ; c'est a dire, si vous receviés pas a plein cœur les advis de monsieur Viardot, si vous y avies pas de la confiance. Mais vous avies la teste pleyne de ma seur et de la cholere de la pension. Ledit sieur Viardot m'en a esclarci, m'escrivant que, par une lettre, vous 1'}- avies invité, dont je suis bien ayse ; et, suivant cela, je luy escris asses au long de ce que j'ay pensé propre pour vostre May son. Je vous recommande en tout le progrès de cette refor- mation, cette sainte douceur et charité requise ; il faut que ce soit le principal instrument de toute cett'entreprise. La patience vous est requise, par ce que vous y aures mille petitz degoustz ; mais il ni a remède, c'est la gloire de Dieu. Il faut que nostre Rose espanoiiisse parmi ces * Cf. Cant., II, 2, et espiues *. supra,p.27,not.(i). . . Les Novices doivent porter le voile selon la différence de leurs habitz avec les vostres. Ma chère Fille, tenes les yeux sur Jesuschrist qui vous a appellee a cette sainte œuvre ; faites tout pour l'amour de luy. Et pour mo)'', soyes asseuree que jamais créature du monde ne fut ni ne sera plus entièrement vostre que moy. Je ne pense pas que mon affection envers vous et vostre Monastère soit explicable ; je sçai que si vous la vojnes vous l'admJ- reries pour sa grandeur et sa constance. Le doux Jésus soit tous-jours avec vous, ma chère Fille, et je suis vostre, tout entièrement vostre en Jesuschrist. F. XXIX juin i6o5. J'ay marqué en l'advis que je donne, les Heures ca- noniques selon que nous les disons en nostre cathédrale, hormis Matines, qui sont tous-jours dites a 9 heures du  Année 1605 63 soir ; et toutes les mesmes Heures se sont treuvees marquées en mesme sorte es Constitutions de la Mère Thérèse*. Item, je vous avois escrit** que les Dames ].^^^!^,:,SiZ"Z\ pouvoyent, au tems de la récréation, chanter des canti- **Vid.toni.prasced., ques spirituelz en françois, selon leur disposition ; et je l'ay, du despuis, treuvé de mesme en la Mère Thérèse *. j,i!',"^'^^'^''fvfc.' Revu sur FAutograph* conservé à la Visitation de Nancy.  XXIV.  CCXCIII A M. CLAUDE DE CRÉPY La réforme du Puits-d'Orbe. — Le Saint se défend de « vouloir surnager » au conseil des autres. — Services que peuvent rendre à TAbbesse M. Viardot et M. Néron. — Affection du Saint pour M. de Crépy et pour le Monastère. Annecy, 29 juin 1605. Monsieur mon Père, Courant je vous escris ces quattre motz pour très hum- blement VOUS saluer et présenter mon advis sur les arti- cles de la reformation de nostre Puis d'Orbe. Je croy que vous ny treuveres rien d'aspre ; mais. Monsieur mon très honnoré Père, ne suis-je pas vostre très obéissant filz ? Et donques, mesnages mon honneur en ne permettant pas que le bon Père de Saint Benine * croye que je veuille * Vide supra, p. 36, , . not. (i). surnager a son conseil, car je ne le doy pas vouloir. Mais pour ma Seur, c'est ma fille, et, avec vostre congé, je pense que nostre bon Dieu, qui m'a tant donné de cœur a son bien, me donnera de la lumière pour le ser- vice de son esprit. Voyes vous. Monsieur mon Père, toutes sortes d'espritz ne sont pas bons pour le sien. Il y a un monsieur Viardot a Dijon, qu'elle gouste ; il sera fort bon quil y face quelques voyages, et mesme par ce qu'il sera fort content de prendre mes advis. Je vous supplie donques de l'avoir aggreable. Ni pour cela veux je dire  64 Lettres de saint François de Sales • Vivfe supra, p. 36, que monsieur Néron* ne soit très utile a nostr'entre- l!Ot. (1). ... prise ; mais je vous marque un autr instrument bien sor- table. Croyes, JMonsieur mon Père, que si je pouvois autant que je désire, il ne se passeroit point de six mois que je ne fuss'avec vous huit jours en cette dévote ^lay- son ; j'y suis ordinairement d'esprit et d'afFection. Dieu nous veuille rendre telz quil nous souhaitte pour sa gloire, et je suis sans fin, iMon sieur, Vostre serviteur et filz très humble et très fidelle, Franc', E. de Genève. XXIX juin 1605. (') Revu sur l'Autographe conservé au 2"^ Monastère de la Visitation de Lyon (Vassieux). ( I ) Le feuillet sur lequel devait être l'adresse a été coupé.  CCXCIV  A LA BARONNE DE CIIANTAL  (FRAGMENT INEDIT)  Annonce d'une lettre prochaine. — Invitation à écrire. Souhaits de dévotion.  Annecy, 29 juin 1605.  (') Prou de choses si j'en avois le loy.sir. Je \ous escriray dans peu de jours par le Gardien des Cordeliers d'Aous- tun ( = ) qui doit venir a Lion au jour de saint Bjnaventure; je luy envo3'eray mes lettres pour les vous faire tenir. A Dieu, ma Fille très a3nTiee ; vives en Jésus Christ et faites quil vive en vous. Tenes vous tous-jours près" ( I ) De toute la lettre, ce fragment srul nous est parvenu. (3) Le nom de ce Religieux se dérobe à nos recherches.  Année 1605 65 de vostre Abbesse * et avec vostre Maistresse (0. Ne crai- * Vide supra, p. 46, gnés nullement a m'escrire de vos travaux, car a qui en °° ' '^'' voudriés vous escrire ? Le doux Jésus soit vostre amour. Amen. Je suis en ses entrailles, plus vostre que mien. F. Le XXIX, jour saint Pierre 1605. Ma mère ne sçait pas que je vous escrive. J'ay rompu le fil de cette lettre a diverses fois cette matinée. A Madame Madame la Baronne de Chantai, m. f. ( = ) " • Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine Bracq, à Mont-Saint- Amand (Belgique). ( I ) Sainte Anne (cf. ci-dessus, p. 47), ou sainte Monique (voir ci-après, p. 83), (2) A l'adresse ordinaire, le Saint ajoute souvent m.f. (ma fille).  ccxcv A M. CILA.RLES d'aLBIGNY (fragment) Détresse de plusieurs paroisses; prière d'ôter les obstacles qui les empêchent d'être pourvues de pasteurs. [Vers juillet (i) 1605.] Monsieur, Je ne suis nullement en doute de la fermeté de vostre zèle et de vostre memoyre es choses qui regardent le service de Dieu. ]Mais je dois, nonobstant cett'asseurance, me resouvenir moy mesme de vous supplier humblement, comme je fay, pour les nécessités de nos cures de Cha- blaix et Gaillart, destituées de pasteurs faute de moyens, suivant ce que vous pristes la peyne d'en apprendre estant a Thonon. (i) L'étude comparative de cette lettre et des Lettres cclxxxiv et cccii, adressées à d'Albigny, indique cette date. LfcTTREs m e  66 Lettres de saint François de Sales Et permettes moy, JMonsieur, je vous en supplie, que je vous resouvienne de ce quil vous pleut m'accorder pour mon particulier, qui est, qu'estant a Chamberi, vous me feries Ihonneur de considérer, si pour n'avoir pas voulu accorder des excommunications en matière crimi- nelle et contre les Canons, il est raysonnable que le temporel de l'evesché ou celuy du vicaire soit saysi. . . Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy,  CCXCVI  A M. ANTOINE D AVULLY  Sollicitation de la fin d'un paiement. Annecy, i^"" juillet 1605. 31onsieur, Puisque le conte que mes frères vous ont envoj'é se treuve bon au fons, je vous supplie avec toute mon affec- tion de donner ordre- au payement de ce qui reste, ou par quelque bonn'assignation ou autrement. Vous termineres par ce mo)^en les importunités que vous recevés de nostre sollicitation et les incommodités que nous recevons de la •ViJetom.pr;cccd., rctardation du payement *, et vous nous obligeres encor ^ ■ ■ de plus fort a vostre service, sur tout moy qui, priant Nostre Seigneur pour vous, me prometz un'entiere asseu- rance de vostre amitié et suis, ^Monsieur, Vostre serviteur bien humble en Nostre Seigneur, France E. de Genève. I juUiet 1605, a Neci. A Monsieur Monsieur d'Avully. Avully. Revu sur l'Autographe appartenant à la marquise De Franchi, à Gènes,  Année 1605 ^7  CCXCVII  A LA BARONNE DE CIIANTAL  Qjielle sera l'attitude de la Baronne devant le meurtrier de son mari ; l'émotion inévitable doit être suivie d'un regard au ciel et dune résigna- tion amoureuse. — Exhortation aux basses mais excellentes vertus. Annecy, 3 juillet 1605(1). ( = ) Vous me demandies comme je voulois que vous fissies a l'entreveuë de celu}'- qui tua monsieur vostre mary (3) ; je respons par ordre. Il n'est pas de besoin que vous en recherchies ni le jour ni les occasions ; mais s'il se présente, je veux que vous y porties vostre cœur doux, gracieux et compatis- sant. Je sçai que sans doute, il se remuera et renversera, que vostre sang bouillonnera ; mais qu'est cela ? Si fit bien celuy de nostre cher Sauveur a la veuë de son Lazare mort et de sa Passion représentée *. Ouy, mais * Joan., xi, 33, 38, que dit l'Escriture ? Qu'a l'un et a l'autre il leva les ' ' yeux au ciel*. C'est cela, ma Fille : Dieu nous fait voir *Ibid.,xi,4i,xvii,i. (i) Le rapport de cette lettre à celle du 30 novembre 1605, et l'allusion probable à l'Evangile du jour, qui serait le cinquième Dimanche après la Pentecôte, persuadent de substituer cette date à la date des éditions an- térieures. (2) L'édition de 1626 donne ici pour début une phrase certainement inter- polée; elle appartient très vraisemblablement à la lettre du 2 octobre 1606 (cf. la note ( i ) de la page suivante). (3) Louis, seigneur de Chazelles, de Montagnerot, Clamerey, etc.. fils de Jacques d'Anlezy, écuyer, seigneur de Chazelles et Lucy, commissaire extra- ordinaire des guerres, et de Marthe Julien, épousa en 1605 Renée d'Etampes. Il s'était fixé en Auxois. C'est lui qui, dans une partie de chasse au traquet, tua involontairement d'un coup d'arquebuse le mari de la baronne de Chantai, Christophe de Rabutin de Chantai, son allié, voisin et intime ami. La veuve désolée pardonna généreusement au meurtrier, ainsi que sa victime, et même, quelques années plus tard, sur le désir du Bienheureux (lettre du 24 janvier 1608), elle consentit à être « commère de M. de Chazelle. » Louis d'Anlezy mourut avant 1630. (Archiv, de la Nièvre et de la Côte-d'Or.)  68 Lettres de saint François de Sales en ces esmotions, combien nous sommes de chair, d'os et d'esprit. C'est aujourd'huy, et tout maintenant, que je va\^ prescher l'Evangile du pardon des ofFences et de Malt., V, îo-44. l'amour des ennemis *. Je suis passionné, quand je voy les grâces que Dieu me fait, après tant d'offences que j'ay commises. Je me suis asses expliqué. Je réplique : je n'entens pas que vous recherchies le rencontre de ce pauvre homme, mais que vous soyes condescendante a ceux qui le vous voudront procurer, et que vous tesmoignies que vous aymes toutes choses. Ouy, la mort mesme de vostre mari ; OU}", celle de vos pères, enfans et plus proches ; ouy, la vostre, en la mort et en l'amour de nostre doux Sauveur, Courage, ma Fille ; cheminons, et prattiquons ces basses et grossières, mais solides, mais saintes, mais ex- cellentes vertus. A Dieu, ma Fille ; demeurés en paix, et tenés-vous sur le bout de vos piedz et vous estendés fort du costé du Ciel. (0  (i) Par une négligence bizarre, les éditions anciennes et modernes ont imprimé immédiatement après cette lettre, et comme lui faisant suite, un frag- ment dont le texte paraît indépendant; en effet, son contenu lui assigne une toute autre date : celle du 2 octobre 1606.  Année 1605 69 CCXCVIII A SA SAINTETÉ PAUL V (l) (mixute) Nombreuses raisons pour le Saint de se réjouir de l'avènement de Paul V. — Sa joie de voir élevé au Pontificat un Cardinal dont il avait éprouvé déjà la bienveillance. — Le diocèse de Genève a un droit particulier à sa solli- citude paternelle; acclamations joyeuses de son Evêque. Annecy, 16 juillet 1605. (a) Beatissime Pater, In tanta salutantium contentione qui, hoc Pontificatus initio, ad pedes Sanctitatis Tuae venerabundi accesserunt,  Très Saint Père, Lorsque, en ces premiers jours de votre Pontificat, tant de per- sonnages se sont empressés de venir déposer aux pieds de Votre (a) [Ceci est le fragment autographe d'une autre minute, conservé à la Visitation d'Annecy.] Paucis verbis, B'"^ Pater, Sanctitatem Tuam alloquar, ne in tanta gravissirao- rum negotiorum multitudine... — (Très Saint Père, le discours que j'adresserai à Vctre Sainteté sera bref, de peur que parmi une telle multitude d'affaires si graves...) B™« Pater, In tanta totius Urbis et orbis Isetitia qua Ecclesia Catholica de Tua ad summi Pontificatus apicem assumptione gloriatur, Fnullus sane veriori et majori vo- luptate affici debuit quam ego qui I non possum mihi temperare quin et mei  (i) Paul V (Camille Borghese), né à Rome le 17 septembre isss, fut nommé, après de brillantes études à Pérouse et à Padoue, référendaire des deux signatures et vicaire de la basilique de Sainte-Marie-Majeure. Vice- légat à Bologne (1^88), ensuite ambassadeur extraordinaire près la cour d'Espagne, il reçut la pourpre le 5 juin 1596 et devint bientôt Cardinal- Vicaire; à la mort de Léon XI, il fut élu Pape à l'unanimité des suffrages (16 mai 1605). Il mourut le 28 janvier 1621, après seize années d'un pontificat consacré tout entier, et non sans succès, à relever le prestige de la papauté. L'Evêque de Genève avait des raisons particulières de se réjouir de l'élection du nouveau Pape. Le Cardinal Borghese avait connu François de Sales à Rome (1598-I599), il avait admiré sa science tliéologique, dans l'ex^inien qu'il lui fit  70 Lettres de saint François de Sales non debui, credo, meam ingerere tenuitatem, quae etsi obedientia, fide ac pietate erga Beatitudinem Tuam nulli inferior est, meritis tamen adeo depressa jacet, ut vix in comparatione conspici ac notari potuisset. Sed nunc, Beatissime Pater, cum màjorum omnium ardor expletus deferbuit, non recte faciam, si tacuero et noluero nuntiare quam boni nuntii dies assumptionis Tuae fuerit, et me totamque hanc diaecesim maxima per- fuderit laetitia. Debeo namque hoc gaudii testimonium Cathedrae Apostolicae , cui de tanti Pontificis sessione congratulor ; debeo et Tibi, Pontifici maximo, qui tantam  Sainteté l'hommage de leur vénération, je n'ai pas cru que fût per- mise l'ingérence de ma chétive personne. Sans doute, pour l'obéis- sance, la fidélité et le respect envers Votre Béatitude, elle ne le cède à nulle autre ; mais en fait de mérites, elle languit dans un tel efface- ment qu'elle pourrait tout juste s'attirer, en comparaison des autres, un regard d'attention. Mais, Très Saint Père, aujourd'hui que le zèle dt tous les grands s'est satisfait et qu'il s'est un peu ralenti, je ne puis plus me taire ; je ne puis refuser de proclamer quelle heureuse nouvelle a été l'an- nonce de votre élévation, et comment tout ce diocèse en a ressenti, avec moi, la plus vive allégresse. Et ce témoignage de ma joie, tout d'abord, je le dois à la Chaire Apostolique que je félicite d'être occupée seorsim gaudii sigaificatioaem... Multa sane mihi occurrunt jucunda ac ube- rioris gaudii incitamenta. Laetor la primis, B'"'= Pater, eum habere nos Pontificeru qui dum esset Cardinalis, me, hujus Ecclesiae Praepositum, amsenissimo suo valtu ac jucun- dissimo favore saepissime rrecreavit,J fovit ac niirifice juvit. Nam quem taiu  subir avec les autres Cardinaux Borrooiée, Baronius, Bellarmin; comme mem- bre de la Sacrée Inquisition, il avait eu de fréquents entretiens avec le vail- lant Prévôt sur l'état de l'Eglise de Genève (cf. le tome précédent, pp. 2, 3). Devenu Pape, Paul V témoigna en toute occasion la haute idée qu'il avait conçue de François de Sales : plein de vénération pour sa sainteté, il ne goià- tait pas moins la fermeté lumineuse de ses conseils. Il voulut connaître son avis sur les fameuses controverses théologiques de Auxiliis, agitées de son temps, et il paraît s'en être inspiré dans la déclaration qui les termina. Dans le Bref du Doctorat (voir le tome 1='' de cette Edition, p. xv), Pie IX a confirmé ce point d'histoire et en a tiré une belle louange en l'honneur du saint Docteu r. Disons enfin que l'Institut de la Visitation doit à Paul V la faveur insigne d'avoir été érigé en Religion (23 avril 1618).  Année 1605 71 Cathedram exornas ; debeo Urbis et orbis fidelibus uni- versis, qui suavissimo virtutum tuarum odore recreantur ; debeo huic provinciae, quag, undique fluctibus ac jacta- tionibus hsereticorum quassata propemodum ac contrita, plurimam spem ex perspecta Tua providentia concepit. Debeo et mihi, qui mirificam illam Tuam benignitatem jampridem sum expertus, dum Tu, Beatissime Pater, in ultimo illo et ad Pontificatum proximo Cardinalatus gradu tantisper hsereres, et ego hujus Ecclesiae Prsepo- situs negotium de ecclesiis, hœreticorum longissima oc- cupatione dirutis, Catholicorum usui restituendis, apud  par un si grand Pape. Je le dois à vous, le Pontife suprême, à vous qui illustrez une telle Chaire. Je le dois à tous les fidèles de Rome et de l'univers qu'embaume si suavement l'odeur de vos vertus. Je le dois à cette province ; ballottée en tous sens et presque broyée sous les violences orageuses de l'hérésie, elle a conçu les plus grandes espérances depuis qu'elle a découvert votre charité prévoyante. En- fin, je dois surtout me féliciter moi-même, car depuis longtemps j'ai fait l'expérience de cette merveilleuse bonté. Alors, Très Saint Père, vous étiez par le cardinalat, tout proche de la dignité pontificale, tandis que moi-même, en qualité de Prévôt de cette Eglise, je négo- ciais auprès du Saint-Siège; il s'agissait de faire restituer au culte catholique les églises que les hérétiques, à la suite d'une très longue occupation, avaient ruinées. A cette occasion, j'annonçai la très  propitium tune expertus sum fautorem, qualem nunc reperturus Patrem ac Principem ? PSolent enim aquse quo altius sunt...J Solet enim palnia tum uberiores proferre ia subjacentes fructus cuni magis elatior est et sublimior (Très Saint Père, parmi toutes les effusions joyeuses que dans Rome et dans tout l'univers fait éclater l'Eglise Catholique, toute fière de votre élévation au faîte du suprême Pontificat, ppersonne en vérité n'a dû ressentir un plaisir plus sincère et plus profond que moi qui...J je ne puis m'abstenir de justifier personnellement les raisons de ma joie... Certes, bien des souvenirs charmants s'offrent à mon esprit pour ra'inviter à une joie sans réserve. Tout d'abord, je me réjouis, très Saint Père, que nous ayons pour Pontife celui qui, par sa souriante affabilité et ses délicieuses bonnes grâces, m'a si souvent rcharmé,J encouragé et merveilleusement aidé pendant qu'il était Cardinal et que j'étais Prévôt de cette Eglise. Celui qui se montra alors pour moi un conseiller si secourable, que ne sera-t-il pas, devenu Père et Chef su- prême ? fEn effet, les eaux, d'ordinaire, plus elles tombent de haut...J Plus aussi un palmier s'élève majestueux, et plus il offre des fruits abondants à ceux qui sont au dessous...)  72 Lettres de saint François de Sales Sanctam Sedem tractarem, nuntiumque gratissimum de- ferrem de multis hominum millibus ad Christi caulas nuperrime reductis ; ut me nunc propitium habiturum Pontificem et Patrem sperare par sit, quem tam benen- cum jam inde nactus sum Cardinalem. Et sane cor, humani corporis princeps, in affectas par- tes majore suorum vitalium spirituum fluxu beneficentiam suam derivare solet ; sol quoque eo abundantius ac pres- sius radios suos effundit in haec nostra inferiora, que altius horizonti insidet ac dominatur. Tu autem, Beatis- sime Pater, cor es et sol totius ministerii ecclesiastici : non dubium igitur quin, praeter omnium Ecclesiarum sol- licitudinem, singularem providentiam huic diaecesi in- staurandae adhibeas, quae omnium maxime et pessime ab haereticis vexatur; idque tanto uberius praestes, quo altius nobis praees et immines. Nam et Christus, Episcoporum iPetri, V, 4. Princeps*, cujus tu vices sustines in terris, ubi abun- Rom., V, 20. davit delicttim, superabundare facit gratiam *. vSic summum in te Apostolicae dignitatis splendorem  consolante nouvelle que tout récemment plusieurs milliers de per- sonnes venaient de rentrer au bercail du Christ. Si dans cette cir- constance j'eus tant à me louer de votre bienveillance, tandis que vous étiez Cardinal, n'ai-je pas lieu d'espérer vos bonnes grâces, aujourd'hui que vous êtes Père et Pontife ? Le cœur, cet organe principal du corps humain, fait affluer d'ordi- naire avec plus de force, vers les régions aifaiblies, le cours bienfai- sant de ses esprits vitaux. De même encore, c'est à mesure qu'il s'élève et plane plus haut sur l'horizon, que le soleil darde ses rayons plus intenses et plus ardents sur la terre. Or, Très Saint Père, vous êtes le cœur et le soleil de l'état ecclésiastique tout entier. Aussi, nous n'en pouvons douter, outre la sollicitude que vous avez de l'universalité des Eglises, vous voudrez aider d'une particulière assis- tance au relèvement de ce diocèse, qui, plus que les autres, a subi de la part des hérétiques les pires des vexations ; et cette assistance sera d'autant plus féconde que vous exercez de plus haut sur nous votre prééminence. D'ailleurs, c'est le Christ, Chef des Evoques, dont sur terre vous tenez la place, qui, là 0:1 le pèche avait abondé, fait sur- abonder la grâce. C'est pourquoi je suis tout joyeux de saluer de mes félicitations la  Année 1605 73 laetus et gratulabundus veneror, ac demisso in terram vultu, ad pedum oscula prostratus, humillime colo ; et si Tuas Sanctitatis solium ex inferiorum vestimentis erigen- dum esset, sicut de prima sede Jehu docet Scriptura *, * iv Reg, ne, 13. festinarem utique, et toUens vestes substernerem pedibus tuis, canerem tuba, atque dicerem : Regnet Paulus Quin- tus ! Vivat Pontifex maximus quem unxit Dominus super Israël Dei * \ ' » Ibui., ff, 6, 12, Annessii, xvi Julii 1605.  dignité apostolique qui resplendit souverainement en votre per- sonne. Prosterné jusqu'à terre, incliné jusqu'à vos pieds, je les baise avec un très humble respect. Et si le trône de Votre Sainteté devait être édifié avec les vêtements de vos sujets, comme le fut, d'après l'Ecriture, le premier trône de Jéhu, en toute hâte je prendrais mes habits, je les étendrais sous vos pieds, je sonnerais de la trompette et je m'écrierais : Que Paul V soit roi ! Vive le Pontife suprême que le Seigneur a sacré sur Israël, le peuple de Dieu !  CCXCIX A MONSEIGNEUR ANTOINE DE REVOL, ÉVÊQUE DE DOL (fragment inédit) Conversions de bourgeois de Genève, presque tous jeunes gens. Annecy, 18 juillet 1605. Je suis icy parmi mille traverses et tout plein d'im- puissances a l'exécution de ma charge, mais néanmoins consolé par Nostre Seigneur de plusieurs conversions d'heretiques, et nommément des bourgeois de Genève qui, par un mouvement extraordinaire, sortent a la file de  74 Lettres de saint François de Sales rheresie pour entrer en la sainte Eglise (O; mays tous presque de jeunes gens, comme si c'estoit un essaim qui cherchast une meilleure ruche Revu sur le texte inséré dans le P"' Procès de Canonisation. (i) Ce mouvement de conversion, dans une telle ville, à une telle date, est un fait intéressant et jusqu'ici d'ailleurs assez peu connu. Le traité de Saint-Julien (1603) avait rouvert les communications entre la cité protestante et les pays catholiques d'alentour. Profitant de ces facilités nouvelles, les PP. Jésuites et les PP. Capucins jetèrent hardiment de toutes parts la bonne semence ; l'un de ces derniers, le P. Maurice de la Morra, pénétra même plusieurs fois jusque dans Genève. Le ministère des uns et des autres béné- ficia sans doute de la pusillanimité des ministres et du discrédit où ils étaient tombés, depuis qu'ils avaient nettement déchue toute conférence contradic- toire. Enfin, s'ajoutant à toutes ces causes, linflusnce de François de Sales, le retentissement des prédications de Dijon et de La Roche, et surtout le pres- tige croissant de sa sainteté, donnent une explication très vraisemblable du retour à la foi, en 1605, des bourgeois de Genève. (Voir encore ci-après, p. 77, note (i), et la lettre du 4 octobre au P. Possevin.)  CGC  A LA BARONNE DE CIIANTAL Petit commentaire sur sainte Madeleine et Jésus-Christ ressuscité. — « Il faut avoir un cœur d'homme. » — Là-haut, plus de barrière. — Désir de graver le nom de Notre-Seigneur dans le cœur de la Baronne. — « Les hostelz » des princes à Paris et leur nom gravé sur le frontispice. — Encou- ragements joyeux. Annecy, 21 juillet 1605. (0 Vous m'aves tant fait de feste de mes petites lettres que Cf.Ep.ccLxxxviii. je vous envoyois sur chemin *, que meshuy je vous en veux faire plusieurs de cette sorte-la et ne laisser aucune occa- sion sans vous escrire ou peu ou prou. Mais que vous di- ray-je, ma chère Fille ? Demain, jour de la Magdeleyne, je vay prescher devant nos bonnes Filles de Sainte Claire (^); (i) Les six premières lignes de cette lettre sont inédites. (2) « Les Clarisses de Genève réfugiées à Annecy » (c'est ainsi qu'elles se sont toujours appelées) appartenaient à la réforme de sainte Colette. Intro- duites à Genève (avril 1477] parla princesse Yolande de France, duchesse de  II Cor., VI, i6.  Année 1605 75 mais a vous, je dis qu'un jour Magdeleyne parloit a Nostre Seigneur, et, s'estimant séparée de luy, elle pleu- roit et le demandoit, et estoit tant empressée que, le voyant, elle ne le voyoit point*. Or sus, courage, ne *Joan., xx, 11-16. nous empressons point ; nous avons nostre doux Jésus avec nous, nous n'en sommes pas séparés, au moins je l'espère fermement. Deguoy pleures-vous, o femme * ? * ibu., f. 15. Non, il ne faut plus estre femme, il faut avoir un cœur d'homme ; et, pourveu que nous ayons l'ame ferme en la volonté de vivre et mourir au service de Dieu, ne nous estonnons ni des ténèbres, ni des impuissances, ni .des barrières. Et a propos de barrières : Magdeleyne vouloit embrasser Nostre Seigneur, et ce doux Maistre met une barrière : Non, dit-il, ne me touche point, car je ne suis pas encor monté a mon Père *. La haut, il ni ' ibid., ^. 17. aura plus de barrière, icy il en faut souffrir. Nous suf- fise que Dieu est nostre Dieu et que nostre cœur est sa mayson *. ♦Cf.Ephes.,TTi,i7; Vous diray-je une pensée que je fis dernièrement en Savoie, elles surent rester fermes dans la foi et garder jusqu'au bout, parmi la défection générale, l'austère ferveur du passé. Mais en i53'>, devant les vio- lences sans nom qui déshonorèrent la cité, elles durent s'éloigner {30 août) et chercher un refuge à Annecy. Le départ des Religieuses dans un dénuement extrême, le voyage, l'arrivée dans cette dernière ville, leur installation dans le couvent de Sainte-Croix offert par Charles III, les sympathies ardentes des Catholiques qui, tout le long de la route, escortèrent les saintes e.xilées d'une enthousiaste vénération, ce sont autant d'épisodes d'une très touchante histoire. La Soeur Jeanne de Jussie, l'une des vingt-trois glorieuses bannies, l'a popularisée dans une savoureuse relation qui est restée célèbre (Le Levain du Calvinisme, Chambéry, i6ti), souvent rééditée depuis. A Annecy comme à Genève, les « pauvres Clarisses » répandirent autour d'elles la suave odeur des vertus séraphiques. Saint François de Sales, dont on sait quel fut l'attachement pour la grande famille franciscaine, prit plaisir à témoigner en toutes circonstances son affectueux dévouement aux Filles de Sainte-Claire. A son exemple, les Catholiques n'ont jamais cessé de les entourer de considération et d'honneur, jusqu'au jour où elles ont disparu dans la tour- mente révolutionnaire 1 juillet 1793). Depuis, le couvent de Sainte-Claire n'a pas été rétabli. De grands ateliers remplacent maintenant ses vénérables construc- tions, et le bruit strident des métiers monotones a succédé aux hymnes, aux cantiques qu'y fit entendre pendant plus de deux siècles, une petite troupe de vierges pénitentes et contemplatives. Toutefois, la cité annécienne n'a garde d'oublier un Monastère qui fut si longtemps sa consolation et sa gloire; aujourd'hui encore le nom de Sainte-Claire persévère parmi les plus chers de ses souvenirs. fMcvM. de VAcad. Sales., tome III.)  76 Lettres de saint François de Sales l'heure du matin que vous voules que je reserve pour ma chetifve ame ? ^lon point estoit sur cette demande de Matt., VI, 9. rOra3-son dominicale: Sanctificetur nomen tinim*, ion nom soit sanctifié. O Dieu, disois je, qui me don- nera ce bonheur de voir un jour le nom de Jésus gravé dans le fin fons du cœur de celle qui le porte marqué sur sa poitrine ? O que j'eusse soiiaité d'avoir le fer de la lance de Nostre Seigneur en une main et vostre cœur de l'autre ! Sans doute j'eusse fait cet ouvrage (0. Vo5'^es vous, ma chère Fille, ou mon esprit se laisse aller ? Je me ressouvins aussi des hostelz de Paris, sur le frontis- pice desquelz le nom des princes ausquelz ilz appartien- nent est escrit, et je me res-jouissois de croire que celuy de vostre cœur est a Jésus Christ. Il y veuille habiter œternellement. Pries fort pour mo}^, qui suis tant et si nompareille- ment vostre. F. Le XXI julliet 1605. (2) Tous les vostres de deçà se portent bien, mais nul ne sçait que je vous escrive. Je suis plein d'espérance en la bonté de Dieu que nous serons tout siens ; je suis jo5'eux et plein de courage : Dieu n'est il pas tout nostre ? Amen. Vive Jésus. J'escriray au premier jour a Madame du Puy d'Orbe; je ne puis maintenant. A Madame Madame la Baronne de Chantai, m. f, (ma fille). Revu sur l'Autographe conservé en la Maison des Prêtres de Saint-François de Sales, à Paris. (i) Ces deux phrases et la suivante sont inédites. La Mère de Chaugy (Mémoires, V" Partie, chap. xxiii) place en i6og, et d'autres historiens en 1606, le fait mentionné ici; on voit par l'allusion du Saint qu'il faut lui donner une date bien antérieure. (2) Ce post-scriptum est donné ici pour la première fois.  Aknée 1605 ^7 ceci A M. PIERRE DE BERULLE (fragment) ( I ) I Annecy, 2^ juillet 1605, Je VOUS supplie, Monsieur, de continuer en mon en- droit la charité que vous m'aves promise de prier Dieu pour moy, qui suis Revu sur une ancienne copie conservée à Paris, Archives Nationales, M. 234. (i) L'intérêt de ce court fragment est surtout dans les lignes suivantes qui le terminent: « Ces mots sont ensuitte d'une lettre qu'il escrit a N. T. H. Père, par laquelle il l'advertit de quelques hérétiques de Genève qui se font Catho- liques. » La lettre tout entière a dû être la propriété des Religieux de l'Ora- toire, ou même des Carmélites de Paris.  CCCII A M. CHARLES d'aLBIGXY Zèle ardent du P. Sébastien. — Désir de régler la question de l'entretien des églises. — Insistances nouvelles en faveur des paroisses en détresse. Annecy, 30 juillet 1605. Monsieur, Voyla le bon Père Sebastien (0 qui brusle de zèle a la réduction de ces âmes de Gaillart, et comme vous verres, (i) Le P. Sébastian de Maurienne naquit à Saint-Jean de Mauricnne (1^71)- Entré dans l'Ordre des Capucins, il y devint un véritable « chasseur d'âmes, » et son zèle s'exerça avec de très grands fruits de conversion, autour de Genève et dans le Valais. Il mourut dans son pays natal (1634), en odeur de sainteté. Il avait composé un catéchism3 apologétique populaire dont il n'existe plus de traces aujourd'hui. (P. Eugène de Bellevaux, Annales biographiques des FF. Mineurs Capucins de Savoie, 1611-1902). On peut voir à l'Appendice du présent volume, une lettre de lui, pleine d'intérêt.  CCLXXXIV.  78 Lettres de saint François de Sales il s'essa5'e de me communiquer de sa chaleur et me charge de vous envo5'er sa lettre. Je le fay pour m'accommoder a son désir, bien que je sois certain quil n'est point besoin d'animer ni resouvenir vostre zèle qui, de soymesme, [tend(0] asses a toutes ces saintes actions. Mais je ne lairray pas de vous supplier, JMonsieur, de faire appeller par devant vous le sieur chevalier Berge- raz ( = ), et de me marquer le jour et le lieu (3) auquel je me rende ensemblement près de vous, pour, par vostre authorité, terminer une bonne fois les portions nécessaires a l'entretenement du service de Dieu es églises des bal- liages. Je confesse la vérité : nul soin que j'aye en cette charge ne mord si souvent mon esprit comme celuy-la, et sur tout pour le regard de ces cinq ou six parroisses qui n'ont nul curé ; entre lesquelles, Tonnay, qui est sur les Vide supra, Epist. portes de Genevc, est digne d'un bon et prompt secours *. Monsieur, ou qu'il vous playse de me voir près de vous pour cet effect, je m'y rendray tout aussi tost, et vous supplie très humblement de me favoriser en cet endroit de l'accélération. Je crains extrêmement de me rendre importun, mais non pas en cett'occasion, en laquelle vous jugés bien, ^Monsieur, que mon désir est raysonnable, pour fort et pressant qu'il puiss'estre. Je prie Nostre Seigneur quil vous conserve et comble de ses grâces, et suis, ^lonsieur, Vostre serviteur plus humble, Franç% E. de Genève. XXX juillet 1605. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gcncral deçà les mons. Revu sur TAutographe appartenant à M^'' Pulciano, Archevêque de Gènes. ( I ) Ce mot remplace un monosyllabe oblitéré dans l'Autographe. (2) Voir le tome XI de la présente Edition, note (s), p. 231. (3) L'entrevue sollicitée eut lieu à Thonon, le 25 août suivant.  Année 1605 7^ CCCIII A ]\IADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE  Désir d'avoir des nouvelles; nécessité d'un sage directeur pour conduire les Religieuses. — Travailler doucement, mais soigneusement à tenir la clôture, — Encouragements et conseils.  [Fin juillet-août] 1605. Ma très chère Fille, J'attens impatiemment des nouvelles plus grandes de vostre santé, que celles que j'en ay receuës jusques a présent : ce sera quand il plaira a Nostre Seigneur, auquel je la demande affectionnement, estimant qu'elle sera emplo3"ee a sa gloire et a l'acheminement et perfec- tion de l'œuvre encommencee en vostre iMonastere. Je suis tous -jours en peyne de sçavoir si vous aures encor point rencontré de personnage propre pour la con- duitte de cette trouppe d'ames, qui, sans doute, ne peut autrement estre qu'avec beaucoup de troublement et d'inquiétudes, qui sont des herbes qui croissent volontier dans les monastères mal cultivés, et principalement en ceux des filles. Mais sur tout je voudrois fort entendre quel progrès vous espères pour la clausure ; s'il sera pas possible de tenir la porte fermée aux hommes, au moins avec la modération que je vous avois escrit, laquelle n'estoit que trop facile, ce me semble, et telle que mon- sieur nostre père ne pouvoit treuver mauvaise. Certes, il y faut travailler tout doucement, ma chère Fille, mais bien soigneusement, car de la dépend le bon ordre de tout le reste. Courage, ma chère Fille. Je sçai combien d'ennuis, combien de contradictions, il y a en semblables besoi- gnes ; mais c'est parce qu'elles sont grandes et pleines de fruit. Mesnagés vostre santé afïin qu'elle vous serve a servir Dieu. Soyés soigneuse, mais gardés-vous des em- pressemens. Présentés a Dieu vostre petite coopération,  8o Lettres de saint François de Sales et soj'és certaine qu'il Taggreera et bénira de sa sainte main. A Dieu, ma chère Fille ; je supplie sa sainte Bonté qu'elle vous assiste a jamais, et je suis extrêmement, et de tout mon cœur, tout vostre et plus que vostre. Franc % E. de Genève.  CCCIV A LA BARONNE DE CHANTAL Il y a moins à craindre pour une âme que la Vierge « a prise a soy. » — Il suffit d'être auprès de Jésus. — Tout va bien si le cœur est en bon état. — La veuve et sa petite chandelle à la suite du Saint-Sacrement. — Ne pas s'étonner de ses faiblesses. — Se contenter des lumières qu'on a. — Simpli- cité et prudence avisée dans la fréquentation des hérétiques. — Le Saint dit un mot des honneurs qu'on lui propose; ses sentiments à cet égard. — Il ne veut que le titre de Père. Annecy, i"'" août 1605 (i). Non, de par Dieu, ma très chère Fille, non, je ne seray point en peyne, je ne craindray point, je ne douteray point pour vos impuissances, ni pour le mal qui est dans vostre teste. Je ne suis pas si tendre maintenant ; les douleurs de l'enfantement me .sont passées. Qu'est ce que je puis craindre de vous a cette heure ? Non, j'ay je ne sçai quoy qui me respond en bien de Testât de vostre ame. Rachel, ne pouvant avoir des enfans, donna en ma- riage pour sa seconde a son mary la bonne fille Bala (en ce tems la, il estoit permis d'avoir plusieurs femmes pour multiplier le peuple de Dieu), et Bala enfantoit sur les ( I ) Les diverses allusions au voyage de la baronne de Chantai, prouvent que cette lettre est de 1605. Ces mots : « C'est nostre grande feste saint Pierre » fournissent en outre la date du i^' août, parce qu'ils doivent s'entendre plutôt de la solennité de saint Pierre-ès-Liens, Patron de la cathédrale de Genève. Il reste pourtant une probabilité en faveur du 29 juin, à 1 égard de certaines parties; et dès lors, celles-ci ne seraient-elles pas le complément de la lettre fragmentaire ccxciv (voir ci-dessus, p. 6.^) .'  Année 1605 81 genoux de Rachel ; dont Rachel prenoit les enfans a soy et les tenoit pour siens*, si que Bala, sa seconde, n'en 'Gen.,xxx. avoit plus de soin, au moins, elle n'en avoit pas le plus grand soin. O ma Fille, il me semble que je vous ay une bonne fois enfantée sur les genoux de la belle Rachel, de nostre très chère et sacrée Abbesse : elle vous a prise a soy ; pour moy, je n'en ay plus le soin principal. De- meures la sur ses genoux, ou plustost humblement pros- ternée a ses pieds. Voyla la première rayson pour laquelle je ne crains point. L'autre rayson, c'est qu'il n'y a rien a craindre. A la mort de nostre doux Jésus, il se fit des ténèbres sur toute la terre *. Je pense que Magdeleyne, qui estoit avec * ^*^"' ''^^'"> 45- madame vostre Abbesse, estoit bien mortifiée de ce qu'elle ne pouvoit plus voir son cher Seigneur a pur et a plein ; seulement elle l'entrevoyoit la sur la croix, elle se rele- voit sur ses pieds, fichoit ardemment ses yeux sur luy, mais elle n'en voyoit qu'une certaine blancheur pasle et confuse ; elle estoit néanmoins aussi près de luy qu'au- paravant. Laissés faire, tout va fort bien. Tant de ténè- bres que vous voudres, mais cependant nous sommes près de la lumière ; tant d'impuissances qu'il vous plaira, mais nous sommes aux pieds du Tout Puissant. Vive Jésus ! Que jamais nous ne nous séparions de luy, soit en té- nèbres, soit en lumière * ! *Cf. Rom., vm, 35, Vous ne sçaves pas que je pense sur ce que vous me demandés des remèdes ? C'est que je n'ay point souvenance que Nostre Seigneur nous aj^t commandé de guérir la teste de la fille de Sion , mais seulement son cœur. Non, sans doute, il n'a jamais dit : Parlés a la teste de Hierusalem, mays ouy bien : Parlés au cœur de Hierusalem *. Vostre cœur se porte bien, *isaiœ, xl, a. puisque vos resolutions y sont vives. Demeurés en paix, ma Fille , vous aves le partage des enfans de Dieu. Bienheureux sont ceux qui ont le cœur net, car il^ . verront Dieu*; il ne dit pas qu'ilz le voyent, mais 'Matt., v, 8. qu'ilz le verront. Mais un petit mot de remède. Coures dedans les bar- rières, puisqu'on les a mises ; vous ne laisseres pas Lettres III 6  82 Lettres de saint François de Sales d'emporter la bague (0, et plus seurement. Ne vous efforces point, ne vous mettes point en ipeyne vous mesme, puisque vous me parles comme cela : après les pluyes, le beau • Cf. Tob., m, 22. tems *. Ne soyés pas si jalouse de vostre esprit. Et bien, sur des nouvelles scabreuses, il ressent du trouble. Ce n'est pas grande merveille qu'un esprit d'une pauvre petite vefve soit foible et misérable. Mais que voudries vous qu'il fust? Quelque esprit clairvoyant, fort, constant et subsistant ? Aggreés que vostre esprit soit assortissant a vostre condition : un esprit [de] vefve, c'est a dire vil et abject de toute abjection, horsmis celle de l'offense de Dieu. Je vis dernièrement une vefve a la suite du Saint Sacrement, et ou les autres portoyent des grans flam- beaux de cire blanche, elle ne portoit qu'une petite chan- delle, que peut estre elle avoit faite ; encores, le vent l'esteignit. Cela ne l'avança ni recula du Saint Sacre- ment ; elle ne laissa pas d'estre aussi tost que les autres a l'église. Ne so3'^és point jalouse, encores une fois ; vous n'aves pas seule cette croix. Mais mon Dieu, commenceray je par la a vous parler de moy, puisque vous le desires ? C'est la vérité ; hier tout le jour et toute cette nuit, j'en a}^ porté une pareille, non pas en ma teste, mais en mon cœur ; mais maintenant elle m'est ostee par la confession que je viens de faire. Il est vraj^, hier tout le jour j'avois une volonté si impuissante que je crois qu'un ciron l'eust abbatue. Or sus, mays encores quand vous auries toute seule une croix a part, qu'en seroit ce ? Elle en vaudroit mieux, et, par la rareté, en devroit estre plus chère. Mon bon saint Pierre ne voulut pas que la sienne fust pa- reille a celle de son Maistre, il la fit renverser ; il eut la teste en terre et le cœur au Ciel, en mourant. Serves vous du peu de lumière que vous avés, dit • Joan., XII, 35. Nostre Seigneur *, jusques a ce que le soleil se levé. On » Cf. Cant., II, 9. ne vous a pas encor ouvert la porte, mais, par le guichet *, ( I ) Le jeu de bague, qui consiste à courir dans une enceinte fermée pour enlever un anneau suspendu à un poteau, jouit encore d'une certaine faveur dans quelques parties de la France, mais au xyii*^ siècle il était très populaire de là, l'expression figurée du Saint,  Année 1605 83 vous voyes la basse cour et le frontispice du palais de Salomon : demeurés la. Il ne messied point aux vefves d'estre un petit reculées ; il y a une trouppe d'honnestes gens qui attendent aussi bien que vous, il est raysonnable qu'ilz soyent préférés. Ce pendant, n'aves vous pas vos petitz ouvrages a faire en attendant? Suis-je point trop dur, ma Fille? Au moins je suis véritable. Passons outre; j'ay peu de loysir, car c'est le jour de nostre grande feste saint Pierre *. * Cf. supra, p. 80, DOt. (l). Je vous dis que vous pouvies voir les nuguenotz ; je dis maintenant : ouy, vo3"és-les, mais rarement, et soyés courte et retroussée avec eux, néanmoins douce et relui- sante en humilité et simplicité. Le filz de vostre bonne Maistresse (0 escrivoit un jour a la dévote Maxime, sa bonne fille spirituelle, et il luy dit presque ces paroles * : 'S.Aug.jep.cctxiv. Soyés avec les hérétiques simple et gracieuse comme une colombe a leur parler, ayant compassion de leurs malheurs; soyés prudente comme le serpent* a bien • Matt., x, 16, tost vous glisser hors de leur compaignie aux rencontres, aux occasions et encor par manière de quelque rare vi- site. C'est ce que je vous dis. Ouy, ma Fille, j'appreuve que vous marquies les mou- vemens intérieurs qui vous auront porté aux imperfec- tions et defautz, pourveu que cela ne vous inquiète point. Pour vos pensées, il n'est pas requis de s'amuser a celles qui ne font que passer, mais seulement a celles lesquelles, comme font les abeilles, vous laisseront leurs germes et esguillons dans leurs piqueures. Je m'en vay vous dire en quattre motz quelque chose de moy. Je voudrois que vous me vissies tout intérieure- ment, pourveu que mes imperfections ne vous scandali- sassent. Despuis vostre despart, je n'ay cessé de recevoir des traverses et grosses et petites ; mais ni mon cœur ni mon esprit n'a nullement esté traversé. Dieu mercy. Jamais plus de suavité, plus de douceur, jusques a hier que les nuages le couvrirent ; et maintenant, que je re- viens de la sainte Messe, tout est serein et clair. J'ay fait (i) Sainte Monique, modèle des veuves chrétiennes.  84 Lettres de saint François de Sales en partie ce que vous desiries de moy, c'est a dire pour la reserve des œuvres requises au cors et a l'esprit. Je feray tous les jours mieux, Dieu aydant ; au moins j'en ay la volonté. Je ne vous diray rien de la grandeur de mon cœur en vostre endroit, mais je vous diray bien qu'elle demeure bien loin au dessus de toute comparayson ; et cette affec- tion est blanche plus que la neige, pure plus que le soleil : c'est pourquoy je luy ay lasché les resnes pendant cette absence, la laissant courir de son effort. Oh, cela ne se peut dire. Seigneur Dieu, quelle consolation au Ciel a s'entr'a3'mer en cette pleyne mer de charité, puisque ces ruisseaux en rendent tant ! Il y a quattre jours que je receuz a l'Eglise et en confes- sion un gentilhomme de vingt ans, brave comme le jour, vaillant comme Tespee ( 0. O Sauveur de mon ame, quelle jo3'e de l'ouyr si saintement accuser ses péchés, et, parmi le discours d'iceux, faire voir une providence de Dieu si spéciale, si particulière a le retirer, par des mouvemens et ressortz si secretz a l'œil humain, si relevée, si admi- rable. Il me mit hors de moy mesme ; que de baysers de paix que je luy donna}' ! De deux costés j'ay des nouvelles que l'on me veut relever plus haut devant le monde ( = ); l'un suivant le billet que je vous leus en la gallerie de vostre Sales, l'autre de Rome. Ma response est devant Dieu : non, ne doutés point, ma Fille, je ne ferois pas un seul clin d'œil  ( I ) Le récit de cette conversion n'appartient pas à cette lettre; on le laisse ici, dans rimpossibilité de lui assigner ailleurs sa vraie place (cf. ci-dessus, note ( 2 ), p. 17). ( 2 ) A Rome et à Paris, en effet, et presque dans le même temps, on songeait sérieusement à « relever plus haut devant le monde » TEvéque de Genève. Le 23 février 1605, par l'entremise de des Hayes, le roi Henri IV Tinvitait à venir en France; le t8 avril suivant, ses amis de Rome l'avertissaient que le nouveau Pape Léon XI l'avait inscrit sur le catalogue des futurs Cardinaux. (Année Sainte de la Visitation.) Ces projets n'aboutirent pas; repris plus tard, ils échouèrent encore, mais cet échec, au lieu de troubler la paix de François de Sales, rassura son humilité alarmée ; et d'ailleurs, sa gloire n'en a point souffert, la Providence permettant que le Bienheureux mourût simple évêque, pour consoler son pauvre diocèse, honorer ses chères montagnes, et surtout pour illustrer par sa sainteté l'Ordre vénérable de l'épiscopat.  Année 1605 85 pour tout le monde, je le mesprise de bon cœur ; si ce n'est la plus grande gloire de nostre Dieu, rien ne se remuerai') en moy. Mais tout cecy entre le père et la fille ; point plus loin, je vous en prie. Et a propos de fille, je ne veux plus dans vos lettres, autre tiltre d'hon- neur que celuy de père : il est plus ferme, plus a3'mable, plus saint, plus glorieux: pour moy. Que je seray heureux si je puis servir monsieur vostre oncle!-) un jour, car je le chéris d'un cœur parfait. Je salue monsieur vostre beaupere (3) avec sincérité et luy offre mon service. Je souhaitte mille grâces a vos petitz et petites, lesquelz je tiens pour miens en Nostre Sei- gneur : ce sont les paroles du filz de vostre Maistresse, escrivant a Italica *, sa fille spirituelle. Je prie Nostre * s. Aug.,ep. xcix. Seigneur de vous aggrandir en son amour, A Dieu, ma très chère Fille ; a ce grand Dieu, dis je, auquel nous nous sommes voiiés et consacrés, et qui m'a rendu pour jamais et sans reserve tout dédié a vostre ame, que je chéris comme la mienne, ains que je tiens pour toute mienne en ce Sauveur qui, nous donnant la sienne, nous joint inséparablement en luy. Vive Jésus ! Francs E. de Genève. A plein jour saint Pierre. (i) Les éditions précédentes ont treuvera. Le mot remuera est tiré d'une déposition authentique. ( Process. remiss. Gehenn. (I), déposition de la Mère Fichet, ad art. 45.) (2) Claude Frémyot. Voir le tome précédent, note (3), p. 280. (3) Guy de Rabutin, baron de Chantai; une note biographique lui sera consacrée plus loin.  86 Lettres de saint François de Sales  cccv A LA PRÉSIDENTE BRULART Nul repos qu'en Dieu. — Désir d'avoir des nouvelles de l'Abbesse du Puits- d'Orbe ; légère inquiétude à son sujet. — Messages d'amitié pour diverses personnes. Annecy, 28 août 1605. Madame ma très chère Seur, Je vous escris volontier par ce porteur par ce qu'il m'est fort asseuré et que, dans peu de tems, il me rap- portera de vos nouvelles, sil vous plait luy en donner. Que je les souhaite saintes, ma chère Dame, et sortables aux grâces que Dieu vous a faites. Mais je ne doute nul- lement qu'elles ne soyent tous-jours telles, et qu'elles ne me donnent asseurance de quelque progrès spirituel en l'amour de Dieu et de vostre vocation. Allons, ma chère Seur, ne nous arrestons nulle part qu'en Dieu, hors 'Cf.s.Aug.,Conf., duquel aussi bien ne pouvons nous avoir aucun repos*. Ayes un grand cœur, et eslevé, qui sache conserver sa paix et sa tranquillité parmi toutes sortes d'orages. Il y a long tems que je n'ay nulles nouvelles de nostre bonne seur. Madame du Puis d'Orbe. Cela m'ennuye, car elle m'est si chère que je ne me puis empescher de quelque petite inquiétude, si je ne sçai souvent des nou- velles de Testât de son ame et de ses bons desseins, mesmement a présent que monsieur nostre père mesme m'a escrit qu'il se traittoit a descouvert de la reforma- tion de sa May son. Faites moy ce bien de m'en escrire quelque chose au retour de ce porteur, lequel peut estre ne sera pas si soudain qu'elle mesme ne puisse bien vous envoyer des lettres pour me faire tenir par son entremise. Je n'escris point a monsieur Viardot ; il me suffira si vous prenes la peyne de le saluer en mon nom et le re- souvenir de moy pour le tems de ses prières, ausquelles je me recommande, et aux vostres aussi.  Année 1605 87 Le Sauveur du monde vive et règne a toute éternité dans nos cœurs, Madame ma chère Seur, et je suis Vostre frère et serviteur plus humble, Franç% E. de Genève. Jour saint Augustin, 28 aoust 1605. Je vous supplie de me ramentevoir es bonnes grâces de monsieur vostre mari, auquel je suis serviteur très hum- ble, et de monsieur et madamoyselle de Jacot (i). A Madame Madame la Présidente Brulart. Revu sur l'Autographe conservé au Couvent des Sœurs de Saint- Vincent de Paul de Poperinghe (Belgique). ( I ) Palamède Jaquot ou de Jaquot, fils de Louise Gontier et de Jean Jaquot, baron de Blaisy, seigneur d'Ecutigny, de Mypont et de Puligny, fut nommé (13 septembre 1601) conseiller au Parlement de Bourgogne, et reçu le 13 juin 1603. A la mort du président Claude Bourgeois, son beau-père, il fut désigné pour le remplacer, mais il mourut le mois suivant (18 septembre 1607). Sa femme, Madeleine Bourgeois de Crépy, lui survécut et se remaria avec Achille d'Ancienville, chevalier, seigneur de Mairaud ou Marrault, vicomte de Bordes, seigneur d'Epoisses. Celui-ci figure comme témoin dans le contrat de mariage {14 août 1613) de Françoise Brùlart, sa nièce par alliance. {Archiv, départ, de la Côte-d'Or, E 1666, etc.)  CCCVI A LA BARONNE DE CHANTAL Ne pas trop appréhender les tentations. — « Le frifillis des feuilles. » — Les abeilles et les tentations. — Etablissement de trente-trois paroisses. — Vivre joyeuse, être généreuse. — La joie viendra après les larmes; sinon, servons Dieu quand même. Annecy, 28 août 1605. Vous aves maintenant en main, je m'en asseure, ma Fille, les trois lettres que je vous ay escrittes * et que * Epist. ccxav, vous n'avies pas encor receuës quand vous m'escrivistes le second aoust. Il me reste a vous respondre a celle de cette date la, puisque par les précédentes j'ay respondu a toutes les autres. Vos tentations sont revenues et, encores que vous ne  CCXCVII, CGC.  83 Lettres de saint François de Sales leur repliquies pas un seul mot, elles vous pressent. Vous ne leur répliques pas, voyla bon, ma Fille ; mais vous y penses trop, mais vous les craignes trop, mais vous les appréhendes trop : elles ne vous feroyent nul mal sans cela. Vous estes trop sensible aux tentations. Vous a3'mes la foy et ne voudries pas qu'une seule pensée vous vinst au contraire, et, tout aussi tost qu'une seule vous touche, vous vous en attristes et troubles. Vous estes trop jalouse de cette pureté de foy, il vous semble que tout la gaste. Non, non, ma Fille, laisses courir le vent, ne penses pas que le frifillis des feuilles soit le cliquetis des armes. Dernièrement j'estois auprès des ruches des abeilles, et quelques unes se mirent sur mon visage. Je voulus y porter la main et les oster. Non, ce me dit un paisan, n'ayés point peur et ne les touchés point, et elles ne vous piqueront nullement; si vous les touchés, elles vous mor- dront. Je le creus ; pas une ne me mordit. Croyés-moy, ne craignes point les tentations, ne les touchés point, elles ne vous offenceront point ; passés outre et ne vous y amuses pas. Je reviens du bout de mon diocaese qui est du costé des Suisses (0, ou j'ay achevé l'establissement de trente trois parroisses esquelles, il y a unze ans, il n'y avoit que des ministres, et y fus en ce tems la, trois ans tout seul a prescher la foy catholique. Et Dieu m'a fait voir a ce voyage une consolation entière ; car, au lieu que je n'y treuvay que cent Catholiques, je n'y ay pas maintenant ^Cf. tom.prsced., trcuvé Cent huguenotz *. J'y ay bien eu de la peyne a ce voyage, et un terrible embarrassement, et parce que c'estoit pour les choses temporelles et provisions des églises, j'y ay esté fort empesché ; mais Dieu y a mis une très bonne fin par sa grâce, et encores s'y est il fait quel- que peu de fruit spirituel. Je vous dis ceci parce que mon cœur ne sauroit rien celer au vostre et ne se tient point pour estre divers ni autre, ains un seul avec le vostre. (i) Le Saiut revenait du Cli.iblais. où il avait pris part à la réuaion qui régla des affaires ecclésiastiques depuis longtemps pendantes. (Voir plus haut la Lettre cccu, et Mémoires de l'Acad. Salés., tome II, pp. 271-275.)  Epist. cciv, ccLiii.  Année 1605 89 C'est aujourd'huy saint Augustin, et vous pouves pen- ser, si j'ay prié pour vous et le Maistre et le serviteur et la mère du serviteur (i) de Dieu. Que mon ame ayme la vostre ! Faittes que la vostre continue a se bien confier en la mienne et a la bien aymer. Dieu le veut, ma Fille, je le sçai bien, et il en tirera sa gloire. [Qu'il] soit nostre cœur, ma Fille, et je suis en luy, par sa volonté, tout vostre. Vives joyeuse et soyés généreuse; Dieu que nous aymons et a qui nous sommes voiiés, nous veut en cette sorte la. C'est luy qui m'a donné a vous; il soit a jamais béni et loiié. Le jour saint Augustin. Je fermois cette lettre ainsy mal faitte, et voyci qu'on m'en apporte deux autres, l'une du 16, l'autre du 20 aoust, fermées en un seul pacquet. Je n'y voy rien que ce que j'ay dit. Vous appréhendes trop les tentations ; il n'y a que ce mal. Soyés toute résolue que toutes les ten- tations d'enfer ne sauroyent souiller un esprit qui ne les ayme pas ; laissés les donq courir. L'Apostre saint Paul en souffre de terribles et Dieu ne les luy veut pas oster *, * II Cor., xn, 7-9. et le tout par amour. Sus, sus, ma Fille, courage ; que ce cœur soit tous-jours a son Jésus, et laissés clabauder ce mastin a la porte tant qu'il voudra. Vives, ma chère Fille, avec le doux Jésus et vostre sainte Abbesse, parmi les ténèbres, les doux, les espines, les lances, les derelictions, et, avec vostre Maistresse *, vives 'Vide supra, p. 83, long tems en larmes, sans rien obtenir; en fin Dieu vous °°*' ^'^' resuscitera et vous res-joiiyra, et vous fera voir le désir de vostre cœur *. Je l'espère ainsy ; et, s'il ne le fait pas, » Cf. Ps. xx, 3. encor ne laisserons nous pas de le servir. Il ne laissera pas pour cela d'estre nostre Dieu, car l'affection que nous luy devons est d'une nature immortelle et impérissable. Le 30 aoust 1605. A Madame Madame la Baronne de Chantai. Revu en partie sur le texte inséré dans le I^"" Procès de Canonisation, (i) Les trois lignes suivantes sont inédites.  90 Lettres de saint François de Sales  CCCVII A MADAME DE LIMOJON Exhortation à poursuivre la vraie dévotion. — Dieu « est bon a tous et en tous tems. » — Aspirer perpétuellement à lui. Annecy, 7 septembre 1605. Madame, J'ay soudainement despeché vostre homme, et par ce que je doy prescher a midi (0, je ne vous diray sinon que je suis tous-jours fort consolé, quand j'ay de vos lettres, et le dois bien estre encor plus par celle ci qui m'asseure si asseurement que vostre cœur est ferme au dessain quil a fait de servir son Dieu a la poursuite de • Cf. supra, Epist. la vraye dévotion *. CCXCI Continues, ma chère Dame, continues, dis-je, a vous avancer joyeusement de ce costé-lâ, ou vous rencontreres en fin le bienheureux repos de vostr'ame. Souvenés vous que nostre Dieu n'est pas comme le reste des choses : il est bon a tous et en tous tems, vous le treuveres par tout a vostre support et consolation ; c'est pourquoy ne vous lasses point a la queste d'un si grand bien. Aspires y perpétuellement par les courtz mais vifz eslancemens de vostre esprit a son saint amour, desquelz je vous ay souvent parlé. Je vous remercie de la souvenance que vous aves devant Nostre Seigneur de ma misère pour la recommander a sa miséricorde. Faites-le tous-jours, je vous prie, et saches que je n'offre jamais le Filz céleste au Père sur l'autel, que je n'offre quant et quant vostre cœur a sa divine Majesté, affin qu'elle la (sic) bénisse de ses plus chères bénédictions. Et ne vous puis oublier pour ce regard, (i) Voir ci-après, note (2), p. loi.  Année 1605 91 nom plus que moymesme, qui, saluant mille fois mon- sieur vostre mari et vos bonnes grâces, suis sans fin Vostre serviteur très affectionné en Nostre Seigneur, Francs E. de Genève. VII septembre. A Madame Madame de Limogeon. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine Dominjet, à Chambéry.  CCCVIII  A LA BARONNE DE CHANTAL  Préparer dans notre cœur une place à la « sainte Pouponne. >< — Ne pas craindre si Dieu nous abandonne, nous laisse et lutte avec nous. — Roses, lis et violettes. — Les trois petites vertus aimées du Saint. Annecy, [8] septembre 1605. Mon Dieu, ma chère Fille, quand sera ce que Nostre Dame naistra dedans nostre cœur ? Pour moy, je voy bien que je n'en suis nullement digne ; vous en penseres tout autant de vous. Mais son Filz nasquit bien dans l'estable. Hé, courage donq, faisons faire place a cette sainte Pouponne. Elle n'ayme que les lieux approfondis par humilité, avilis par simplicité, eslargis par charité ; elle se treuve volontier auprès de la cresche et au pied de la Croix ; elle ne se soucie point si elle va en Egypte, hors de toute récréation, pourveu qu'elle ayt son cher Enfant avec elle. Non : que Nostre Seigneur nous tourne et vire a gauche ou a droitte ; que, comme avec des autres Jacobs, il nous serre, il nous donne cent entorses ; qu'il nous presse tan- tost d'un costé, tantost de l'autre ; bref, qu'il nous face mille maux, nous ne le quitterons point pourtant qu'il ne nous ayt donné son éternelle bénédiction *. Aussi, ma •Gen.,xxxii, 24-26. Fille, jamais nostre bon Dieu ne nous abandonne que  92 Lettres de saint François de Sales pour nous mieux retenir ; jamais il ne nous laisse que ' pour nous mieux garder ; jamais il ne luicte avec nous que pour se rendre a nous et nous bénir. Allons cependant, allons, ma chère Fille, cheminons par ces basses vallées des humbles et petites vertus. Nous y verrons des roses entre les espines, la charité qui esclatte parmi les afflictions intérieures et extérieures ; les lys de pureté, les violettes de mortification, que sçai-je moy ? Sur tout j'ayme ces trois petites vertus : la douceur de cœur, la pauvreté d'esprit et la simplicité de vie ; et ces exercices grossiers : visiter les malades, servir aux pauvres, consoler les affligés et semblables ; mais le tout sans empressement, avec une vraye liberté. Non, nous n'avons pas encor les bras asses larges pour atteindre aux cèdres du Liban, contentons nous de l'hyssope des •Cf.IllReg.,iv,33. vallons*. (I) Francs E. de Genève. Le ... septembre 1605. ( I ) François Biord, chanoine de Sixt, en citant le dernier alinéa de cette lettre, ajoute dans sa déposition (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 30) : « Nos impuissances nous empeschent bien de nous plaire en nous mesmes et de monter au dessus de nous mesmes, mais non toutefois de rentrer en nous mesmes et de nous bravement humilier. »  CCCIX  A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-D ORBE  Lei douceurs de la clôture. — Témoignages de dévouement. — Le monastère du Saint et ses murailles. — Remplacer les Heures par de brèves aspirations. — Les marques de l'amour de Dieu. Annecy, 13 septembre 1605.  un cœur de longue haleyne a la poursuite de vostre saint projet. Ouy, ma Fille, il le fera luy mesme, car il désire de pouvoir dire de vostre Religion : C'est tin jardin fermé,  Année 1605 93 une fontaine seellee*. Y a-il rien de si doux que de ne ' Cant.,iv, 12. voir guère de terre et beaucoup de ciel ? Mais souvenes vous que je parle d'une closture très douce, comme celle des Chartreux, et vous jugeres aussi tost qu'elle est fay- sable, pour peu qu'on y veuille employer de loysir, d'industrie, de prière. Je voudrois bien sçavoir tout nettement ce que je dois espérer de l'assistance de monsieur Viardot près des Pères Jésuites, pour vostre Mayson Or bien, la gloire de Dieu soit faitte. Pour moy, ma Fille, tant que je vivray et que mes forces se pourront estendre au travers de cette distance de lieux en laquelle il nous faut vivre, je n'abandonneray jamais l'entreprise de servir vostre chère ame et tout vostre Monastère. Quand vous ne le voudriés pas, encor pensés que je me desguiserois pour, sous la personne d'une autre, vous rendre le service auquel je me sens attaché par la main de Nostre Seigneur. Ce me seroit pourtant de la consolation de vous voir assistée de quelqu'un qui fust propre a vostre dessein, et qui, par la veuë et pré- sence, sceust mieux juger des particulières convenances que je sçaurois faire de si loin. Vous exclames de désir de me revoir; mais croyes-moy, ma Fille, mon cœur en pousse des clameurs bien fortes devant Dieu ; s'il les exauce, sans doute je vous reverray plus tost que les circonstances de ma charge ne me le promettent pas. Nous parlons de la closture; mais j'y suis bien a bon escient, et nos montaignes sont les murailles de mon monastère, et la malice de nostre aage sert de portier qui m'empesche de sortir. Mais laissons nous aller a la providence de Dieu , qui sçait ce qui est mieux. Non, ma Fille, demeurés ferme (mais je vous l'ordonne au nom de nostre Maistre), demeurés ferme a ne point dire vos Heures ni l'Office, tant que les médecins vous diront que le récit vous seroit dommageable. Vous ne laisseres pas, je m'asseure, de faire exhaler de vostre cœur mille parfums de courtes mais ardentes prières, aux pieds de Jésus Christ crucifié, qui doit estre l'ordinaire  94 Lettres de saint François de Sales object de vos pensées, en ce saint tems de vos tribulations. Le feu, si on l'applique, servira bien a cet effect, car il fera monter vos affections comme Tencens s'esleve a me- sure qu'il se consomme icy bas ; mais J'escriray a vos jeunes filles (^l comme vous desires, mais je ne sçay quelle inscription mettre au dessus de la lettre. Je vous l'envoyeray en blanc, et vous l'y feres mettre telle que vous jugeres. Par ci après, vous pourres me faire escrire tant que vous voudres, par l'entremise de madame de Chantai, qui a treuvé une voye fort aysee a Aoustun, par laquelle je vous escriray aussi le plus que je pourray. Je ne retiens vostre homme qu'un seul jour, tant je désire de vous [donner] l'asseurance que vous de- sires de ma chetifve et inutile santé, et de tout ce qui est a vous de deçà. Courage, ma Fille, courage ; a quoy sert il de desgui- ser nostre bonheur ? Non, sans doute. Dieu nous donne des grandes conjectures qu'il est nostre et que nous se- rons un jour du tout a luy. Ce bon succès du commen- cement de nostre reformation, ces bons désirs, ces bonnes affections a la poursuite de la vertu, ces feux, ces fers, ces litz de douleur, cette jambe boiteuse, ces contradic- tions, que penses vous que soit tout cela ? Marques de l'amour de Dieu, signes de son bon playsir en nous. Il niche sur l'aubespine "de nos affections ; nous voyla re- vestus de ses saintes livrées. Soyons fid elles j'usques a 'Apoc, II, 10. la mort, il nous couronnera * sans doute. Ouy, ma Fille, je prieray incessamment sa Bonté qu'elle soit auprès de vous et vous tienne de sa main, 'Pss.xv,8,Lxxii,î4. afiin que rien ne vous esbranle * : j'ay confiance en sa miséricorde qu'il nous l'accordera. Jésus soit vostre cœur, son cœur soit vostre courage, son courage vostre force et sa force vostre secours. Amen. Je suis, ma chère Fille, plus vostre que mien ; vostre  (i) Ces « jeunes filles » étaient, croyons-nous, les pensionnaires de l'ab- baye, c'est-à-dire les compagnes de Je.inne de Sales, et, comme elle, confiées aux Religieuses pour être dépaysées et « prendre le goust de la dévotion. » (Voir ci-dessus, p. 41.) La lettre que leur écrivit le Saint ne nous est pas parvenue.  Année 1605 95 autant que vous mesme, puisque Celuy qui vous a donné a vous mesme m'a rendu vostre. F. Le 1 3 septembre, veille de l'Exaltation de la tressainte Croix. J'escris un billet de salutation a madame de Chantai, vostre seur si affectionnée * ; elle l'aura par commodité, * Cf. Epist. cccxi. car il n'y a rien qui presse.  CCCX AUX RELIGIEUSES DE l'aBBAYE DU PUITS-d'oRBE Belles espérances que le Saint a conçues de la réforme; joie de la voir appli- quée. — Souhaits de persévérance. — Tableau consolant d'une « Religion reformée. » — « Le panier des figues douces. » — Fruits d'une réforme pour le présent et pour l'avenir. — Offre de services spirituels. — Ne pas regarder en arrière, aimer ses vœux, conserver la douceur, pratiquer l'obéissance. Annecy, 13 septembre 1605. Mes Dames, Tout aussi tost que nostre bon Dieu mit en l'esprit de madame vostre Abbesse la confiance qu'ell'a au mien, et qu'avec tant de volonté, ell'eut embrassé le dessein de restablir la discipline religieuse en son Monastère, je me sentis aussi tout soudainement lié et voiié a vostre ser- vice, et commençai a vous souhaiter toutes les bénédic- tions du Ciel, lesquelles je ne doutois point vous devoir bien tost arriver par la disposition en laquelle je voyois vostre teste, et celle en laquelle, par son récit, je vous voyois aussi toutes ; car elle me dit tant de loiiables qua- lités de vostre bon naturel, que je m'en promis aysement les beaux et dignes effectz desquelz vous jouisses main- tenant avec elle, et je m'en res-jouis extrêmement avec vous. Béni soit Dieu, mes chères Dames, qui tient vos coaurs  96  Lettres de saint François de Sales  en sa main et leur donne la sainte forme de son bon pla)'sir. Vous appliques [déjà] fort vos entendemens a connoistre Dieu par rora5'son, vos mémoires a vous re- souvenir de ses bien faitz, par Faction de grâces et mé- ditation, vos volontés a son obéissance, par celle que A'ous rendes avec tant de soupplesse a vostre Abbesse. Que puis-je dire en ce grand contentement que j'en reçois, sinon que Dieu vous veuille affermir de plus en plus en ces saintes affections et vous donne la sainte persévé- rance ? Y a il consolation au monde, comparable a celle d'un'ame religieuse, qui n'a que Dieu pour l'object de ses affections ? Y a-il rien de si doux que de voir une mère, avec tant de filles autour d'elle, qui, comme bran- * Cf. Ps. cxxvii, 3. ches d'un bel olivier *, fleurissent sur le tige de la sainte obéissance et observance de la Règle ? Hieremie vit deux paniers pleins de figues. Il gousta de l'un et treuva les figues si estrangement ameres quil fut contraint de s'escrier : O les ^natro aise s figues, mais très mauvaises. Il gousta soudainement de l'autre, et treuva les figues si excellemment douces quil exclama : *jerem., XXIV, 1-3. O les bounes fgues, mais très bonnes *. Mon Dieu, mes chères Dames, que c'est une grand'amertume que l'amertume d'une Religion desreglee, d'une compaignie » Sermo xciii. sans ordre. Non, dit saint Bernard *, il ni a nul (sic) douleur esgale a la douleur des dens ; il ni a aussi mal comparable au mal d'un monastère gasté. Que vous estes donques heureuses d'estre dans le panier des figues douces, car il ni a point de douceur qui puisse estre pa- rangonnee a une Religion reformée. Mais, mes Dames, permettes moy que je m'en res- jouisse avec vous d'une spéciale allégresse, car sans doute ce sujet est extraordinaire et des plus grans. Non seule- ment vous jouires du bonheur que la vie vrayement reli- gieuse donne aux âmes qui l'embrassent, mais vous en aures encor cette particulière consolation : c'est, mes Dames, que non seulement vous receves cette bénédic- tion pour vous, mais vous la feres couler a vostre posté- rité spirituelle, et laisseres dedans vostre Ma5'son des plantes après vous, qui rendront le mesme fruit. Dieu  Année 1605 97 aydant. Vous n'estes pas seulement des ruisseaux, mais vous estes des fontaines. Il me semble que je voye escrire vos noms au Ciel, et qu'on adjouste que vous estes les mères de plusieurs autres qui, après vous et a vostre imi- tation, embrasseront la Croix en vostre Monastère. Et combien de bénédictions, je vous prie, vous donneront celles qui, marchant sur vos pas, vivront ci après sainte- ment en vostre JMayson. Que l'Abbesse est heureuse d'avoir treuvé des cœurs si disposés au bien que Dieu luy avoit inspiré de procu- rer ; que les Religieuses sont heureuses de s'estre ren- contrées en un tems auquel leur iVbbesse devoit faire tel . dessein. Quel bonheur de vous voir, comme seurs en une table, repaistre et l'intérieur et l'extérieur d'une mesme tressainte viande; de vous voir au chœur, les yeux cou- vertz au monde et ouvers a Dieu ; de vous voir, avec cett'humilité et renoncement de vous mesme, obéir aux volontés de celle que Dieu vous a donnée pour conduc- trice en ce voyage de perfection. Continues, mes chères Dames, soyes généreuses en persévérance. Vous aves rencontré la terre coulante de miel et de lait^', l'obeis- * Exod., m, 17. sance et la dévotion; possedes-la en vraye joye, arrestes y vosespritz. Pour moy, mes chères Dames, j'en ay une consolation indicible, et n'ay sceu me retenir de vous la tesmoigner par cest escrit, qui vous porte a la haste quelques unes de mes pensées sur vostre sujet. Ayes aggreable l'affec- tion qui le pousse a vos yeux, et croyes, je vous supplie, que je ne cesseray jamais d'implorer de la miséricorde de Dieu les grâces qui vous sont requises, pour le saint accomplissement de cette sainte besoigne que vous aves si heureusement commencée avec madame vostre Ab- besse. Et si, outre cela, je pouvois estre treuvé utile a l'advancement de vos désirs saintz et devotz, je vous consacre mon esprit et toutes ses forces. Je finis, mes Dames, vous suppliant d'oûyr doucement ces quattre motz. Vous estes sorties du monde et vous montes pas a pas le sacré mont de perfection : ne re- gardes point en derrière, voyes devant vos yeux le Ciel Lettres III 7  98 Lettres de saint François de Sales qui vous attend. Aimes vos vœux, qui vous peuvent ouvrir la porte de ce saint tabernacle ; vives avec la sainte douceur du cœur, qui rend toutes choses souëfves ; con- serves cette couronne que Dieu a mis sur vos testes, le plus haut fleuron de laquelle c'est l'obéissance. N'ayes • Act., IV, 52. qu"//;z cœnr et qu'un'ame*, et le cœur de vostre ame soit Jesuschrist vostr'Espoux, et Tame de vostre cœur soit son saint amour. Amen. Je suis, iMes Dames, Vostre serviteur et frère très dédié en Nostre Seigneur, Franç% E. de Genève. XIII septembre 1605. A Mesdames Mesdames les Religieuses du Puy [d'Orbe.] Revu sur l'Autographe conservé au i'^'' Monastère de la Visitation de Lyon.  CCCXI A LA BARONNE DE CIIANTAL  Ne pas craindre d'être importune en exposant ses peines intérieures. — Dieu parle de préférence « parmi les desertz et halliers. » — Les abeilles au repos, — Souvenir donné à la fête du jour : TExaltation de la sainte Croi.x.  Annecy, 14 septembre 1605 (i).  Ne vous mettes nullement en peyne de moy pour tout ce que vous m'escrives, car voyes vous, je suis en vos affaires comme Abraham fut un jour. Il estoit couché parmi les obscures ténèbres, en un lieu fort affreux : il sentit des grans espouvantemens, mais ce fut pour peu, car soudain il vit une clairté de feu et ouyt la voix de *Gcni,xv,ij,î7,i8. Dieu qui luy promit ses bénédictions*. Mon esprit, sans (i) L'édition de 1626 donne la date de 1606, mais le ton de la lettre et l'allusion à un entretien sur la fête du jour (voir ci-après, p. 100), montrent que cette date est fautive.  Année 1605 99 doute, vit parmi vos ténèbres et tentations, car il accom- paigne fort le vostre ; le récit de vos maux me touche de compassion, mais je voy bien que la fin en sera heureuse, puisque nostre bon Dieu nous fait prouffiter en son eschole, en laquelle vous estes plus esveillee a la sentinelle qu'en autre tems. Escrives moy seulement a cœur ouvert et de vos maux et de vos biens, et ne vous mettes en nulle peyne, car mon cœur est bon a tout cela. Courage, ma chère Fille. Allons, allons tout le long de ces basses vallées ; vivons la croix entre les bras, avec humilité et patience. Que nous importe-il que Dieu nous parle parmi les espines ou parmi les fleurs? JMaisje ne me resouviens pas qu'il a3't jamais parlé parmi les fleurs, ouy bien parmi les desertz et halliers plusieurs fois. Chemines donq, ma chère Fille, et avancés chemin parmi ces mauvais tems et de nuict. 31ais sur tout escrives moy fort sincèrement ; c'est le grand commandement que de me parler a cœur ouvert, car de la dépend tout le reste. Et fermés les yeux a tout respect que vous pourries por- ter a mon repos, lequel, cro3'és-mo3', je ne perdray jamais pour vous, pendant que je vous verray ferme de cœur au désir de servir nostre Dieu, et jamais, jamais, s'il plait a sa Bonté, je ne vous verray qu'en cette sorte la. Partant, ne vous mettes nullement en peyne. Soj'és courageuse, ma chère Fille ; nous ferons prou, Dieu aydant ; et croyés moy que le tems est plus propre au voyage, que si le soleil fondoit sur nos testes ses ar- dentes chaleurs. Je voyois l'autre jour les abeilles qui demeuroyent a recoy dans leurs ruches parce que l'air estoit embroiiillé ; elles sortoyent de fois a autre voir que c'en seroit, et néanmoins ne s'empressoj^ent point a sortir, ains s'occupoyent a repaistre leur miel. O Dieu, courage I Les lumières ne sont pas a nostre pouvoir, ni aucune autre consolation que celle qui dépend de nostre volonté, laquelle estant a l'abry des saintes resolutions que nous avons faittes et pendant que le grand sceau de la chancellerie céleste sera sur vostre cœur, il n'}^ a rien a craindre. Je vous diray ces deux motz de moy. Despuis quelques  100 Lettres de saint François de Sales jours je me suis veu a moitié malade ; un jour de repos m'a guéri. J"ay le cœur bon, Dieu merci, et j'espère de le rendre encores meilleur selon vostre désir, ^lon Dieu, que je lis avec beaucoup de consolation les parolles que vous m'escrivistes, que vous desiries de la perfection a mon ame presque plus qu'a la vostre : c'est une vraj'e fille spirituelle, cela. Mais faites courir vostre imagina- tion tant que vous voudres, elle ne sçauroit atteindre ou ma volonté me porte, pour vous souhaitter de l'amour de Dieu. Ce porteur part tout maintenant, et je m'en vay faire une exhortation a nos Penitens du Crucifix (i). Je ne peux faire plus de paroles que pour vous donner la bénédic- tion ; je la vous donne donques au nom de Jésus Christ crucifié, la Croix duquel soit nostre gloire et nostre con- solation, ma chère Fille. Que puisse-elle bien estre exaltée parmi nous, et plantée sur nostre teste comme elle le fut sur celle du premier Adam ('). Que puisse-elle remplir nostre cœur et nostre ame, comme elle remplit l'esprit de I Cor., II, 3. saint Paul, qui ne sçavoit autre chose que cela*. Courage, ma Fille, Dieu est pour nous. Amen. Je suis immortellement tout vostre, et Dieu le sçait, qui l'a voulu ainsy et qui l'a fait d'une main souveraine et toute particulière.^ Franc', E. de Genève. Ce jour de l'Exaltation sainte Croix [1605]. ( I ) Voir le tome XI de la présente Edition, note ( i ), p. 67. (3) Cf. la Défense de VEstendart de la. sainte Croix (tome II de cette Edition, p. 62), où le Saint résume les preuves de cette tradition.  Année 1605 101  CCCXII  A M. ANTOINE D AVULLY  M"* d'Avully désire entrer à Sainte-Claire. — Ne pas apporter de délai à son désir afin d'éviter un plus grand dommage. — Dieu bénira cet acquiesce- ment ; il réclame cette preuve d'amour. — Quels sont ceux qui ont le plus de moyens de servir Dieu. Annecy, 30 septembre 1605. jMonsieur, Nous eusmes le bien de voir icy madamo5^selle vostre bonne fille (O a ces grans Pardons f^). Ce ne fut pas sans parler du désir qu'ell'a de faire un saint holocauste de soy mesme a la majesté de son Dieu, se vouant entiè- rement a son service, en la Religion de Sainte Claire. Sans mentir. Monsieur, son désir est violent et qui sort d'un'ame vivement esprise de dévotion et saysie de l'amour céleste, qui me fait croire que ce sera un grand dommage d'en empescher les effectz. Je luy dis ce que (i) Antoine d'Avully eut trois filles : Madeleine, mariée à François de la Fléchère (voir le tome XI de cette Edition, note (2), p. 199); Françoise, qui épousa Philippe de Lucinge, baron d'Arenthon (1605); Renée, qui s'unit à Prosper de Montvuagnard (contrat de 1616). La jeune fille qui voulait entrer chez les Clarisses pourrait être Renée. Toutefois, Guichenon (Manuscrits) men- tionne Charlotte, une quatrième fille dont on ne sait rien. (2) On appelait de ce nom des pèlerinages qui avaient lieu tous les sept ans, au sanctuaire de Notre-Dame de Liesse, à Annecy, du 6 au 8 septembre. Fondée en 1 588-1394, à l'époque du grand schisme, cette dévotion fut ratifiée et bénie par les Souverains Pontifes Eugène IV (1434), Sixte IV (1472), In- nocent VIII (1485) ; les précieuses faveurs spirituelles dont ils daignèrent l'enrichir, la popularisèrent dans le monde catholique et attirèrent à Annecy des milliers de pèlerins. En 1605, le fameux Jubilé s'ouvrit par une proces- sion solennelle ; saint François de Sales la présida entouré de son Chapitre, il officia le jour de la fête, et la veille, très vraisemblablement, il donna le sermon (voir ci-dessus. Lettre cccvii). Les « grands Pardons » ont duré jusqu'à la Révolution ; au dernier Jubilé, en 1787, il y eut encore dix mille commu- nions. Une église de style gréco-romain, d'aspect imposant et tout à In fois gracieux, remplace aujourd'hui l'insigne collégiale du passé. (Cf. Mercier, Souvenirs hisloriques d'Annecy.)  102 Lettres de saint François de Sales vous m'avies responciu quand j"eu le bien de vous en parler ; mais cela ne la peut accoyser. La force de l'at- traction intérieure ne peut souffrir ni dilation ni allentis- • Cf. s.^Amb., in sèment*; c'est pourquoy, voA'ant que j'avois compassion de son cœur qui se va consumant en ses désirs, elle me conjura fort de vous en escrire ce qui m'en semble, esti- mant que mon entremise luy seroit plus favorable cette seconde fois que la première. Je vous diray donq, JMonsieur, que l'esprit de mada- moyselle vostre fille estant si parfaittement animé du dessein de vivr'a Dieu totalement et sans division, elle n'aura jamais repos hors du lieu ou elle aspire ; et vous, qui l'aimes tendrement, aures aussi beaucoup d'inquié- tude de la voir vivr'a contrecœur au monde et devant vos 3^eux. Et pourroit bien avoir tant en affection son dessein, qu'ell'en seroit un jour malade de melancholie, et, en lieu de vous contenter, elle vous donneroit du desplay- sir. Croyes moy, Monsieur, Dieu sçait qu'en ceci je parle devant luy : abandonnés vous a la Providence divine, et laisses embarquer cette fille ou l'inspiration l'appelle. Dieu vous consolera plus en un jour, acquiesçant a sa volonté, que tous les enfans du monde ne feront en cent ans. Et s'il vous falloit immoler vostre fille comm'Abra- • Gen., XXII, lo. ham voulut faire son enfant *, et Jephté le fît reelle- • Judic, XI, 3^-39. ment *, n'auries vous pas le courage de le faire pour Dieu ? Or, vojda une douce et non sanglante immolation de vostre fîlle que Dieu désire de vous ; en cela connoistra- il combien vous l'a^'mes, si vous exposés l'ame de cette fille, qui est vostre ame, pour l'amour de sa divine Ma- • Cf. joan., XV, 13. jesté *, laquelle vous a tant aymé que de donner son • Ibid., m, 16. Fil^ pour vous *. Je sçay bien, 31onsieur, qu'emmy le monde on y peut servir Dieu et faire le salut, mais je ne doute point que ceux que Dieu en retire, n'ayent plus de moyens de le servir. Et vous sçaves que nous ne devons pas nous ar- rester au bien, quand nous pouvons attaindre au mieux et que nous y sommes attirés comm'est cette bénite fille, laquelle, pour le plus grand bienfait qu'elle praetend de vostre paternelle charité, vous demande congé de vouer  Année 1605 103 son cors, son ame, ses pensées, ses forces, ses années et sa liberté a Celuy qui luy a donné tout ce qu'ell'a. Je vous prie. Monsieur, d'avoir aggreable cette recharge que je vous en fay, qui sort d'un cœur tout affectionné a vostre bonheur et prospérité, que je supplie la divine Bonté vous vouloir départir abondamment, et demeure, Monsieur, Vostre serviteur bien humble en Nostre Seigneur, France E. de Genève. Jour saint Hierosme, dernier de septembre. Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy,  CCCXIII A UNE RELIGIEUSE (0 Avec le désir de le servir, Dieu en donne les moyens. — Ce qui convertit nos fautes en roses et parfums. — Bonheur d"ètre seul à seul avec Dieu. — Les aspirations amoureuses. — S'animer d'un grand courage. [Annecy, septembre-octobre 1605.] Les marques que j'ay reconneuës en vostre ame d'une sincère confiance en la mienne et d'une ardente affection ( I ) Les données de la lettre et ce que nous savons de l'histoire de Bernarde de Vignod, désignent celle-ci comme destinataire presque avec certitude, et tout à la fois indiquent la date. Bernarde de Vignod, fille de Louis de Viguod, écuyer, coseigneur de Chanay, et de Jeanne de Moyria, entra de très bonne heure à l'abbaye de Sainte- Catherine (17 septembre 1395}. Les premières années de sa profession furent données à la frivolité; mais, en 1603, la jeune Professe, sous le coup d'une épreuve de famille, quitta brusquement ses habitudes mondaines pour em- brasser une vie toute d'oraison et d'austérités. Heureusement, la direction de saint François de Sales vint tempérer et régler cette ardeur. Quand le Bien- heureux songea à réformer le monastère, la convertie lui prêta le concours de son zèle aussi avisé qu'actif. Elle était l'aînée et comme l'orateur de la petite troupe de Cisterciennes qui se détacha de Sainte-Catherine, pour s'éta- blir à Rumilly. Plus tard, les mortifications, que l'obéissance ne contrôlait pas toujours, altérèrent un moment cette vive intelligence, mais Dieu daigna bientôt la guérir. Bernarde-Marie de Vignod devint plus tard (12 juillet 1627) Supérieure à Saint-Jean de Maurienne, où elle mourut vraisemblablement en 1636, (Grossi, La Vie de la Vble y^ère de Ballon, etc.)  104 Lettres de saint François de Sales a la pieté, rendent mon cœur tout paternellement amou- reux du vostre. Or sus donq, ma bonne Fille, vous verres que nous ferons prou; car ce cher et doux Sauveur de nos âmes ne nous a pas donné ces désirs enflammés de le servir, qu'il ne nous en donne les commodités. Sans doute, il n'esloigne point l'heure de l'accomplissement de vos saintz souhaitz que pour vous la faire rencontrer plus heureuse (0; car voyés vous, ma très chère Fille, cet amoureux cœur de nostre Rédempteur mesure et ad- juste tous les evenemens de ce monde a l'advantage des espritz qui, sans reserve, se veulent asservir a son divin amour. Elle viendra donq, cette bonne heure que vous desires, au jour que cette Providence souveraine a nommé dans le secret de sa miséricorde ; et alhors, avec mille sortes de secrettes consolations, vous desployeres vostre inté- rieur devant sa divine Bonté, qui convertira vos rochers * Exod.,xvn,6, IV, en eau, vostre serpent en baguette*, et toutes les espines ' de vostre cœur en roses et en roses odorantes, qui re- créeront vostre esprit et le mien de leur suavité. Car il est vray, ma Fille, que nos fautes, lesquelles tandis qu'elles sont dans nos âmes, sont des espines; sortant dehors par la volontaire accusation, elles sont converties en roses et parfums , d'autant que, comme nostre malice les tire dans nos cœurs, aussi c'est la bonté du Saint Esprit qui les pousse dehors. Puisque vous aves asses de force pour vous lever une heure avant Matines et faire l'orayson mentale, je l'ap- preuve bien fort. Quel bonheur d'estre la, seule a seule avec Dieu, sans que personne sache ce qui se passe entre Dieu et le cœur, que Dieu mesme et le cœur qui l'adore ! J'appreuve que vous vous exercies es méditations de la Vie et Passion de Nostre Seigneur. Le soir, entre Vespres et le souper, vous vous retireres pour un quart d'heure ou une petite demy heure, ou en l'église ou en vostre chambre ; et la, pour rallumer le feu du matin, ou reprenant la mesme matière que vous ( I ) La destinataire desirait que le Saint entendît sa confession générale.  Année 1605 105 aures méditée ou prenant pour sujet Jésus Christ crucifié, vous ferés une douzaine de ferventes et amoureuses aspi- rations a vostre Bienaymé, renouvellant tous-jours vos bons propos d'estre toute sienne. Ayés un bon courage, Dieu vous appelle indubitable- ment a beaucoup d'amour et de perfection. Il sera fidelle de son costé a vous ayder ; soyés fidelle du vostre a le suivre et seconder. Et quant a moy, ma Fille, asseurés vous bien que toutes mes affections sont dédiées a vostre bien et au service de vostre chère ame, que Dieu veuille a jamais bénir de ses grandes bénédictions. Je suis donq en luy tout vostre. Franc', E. de Genève.  CCCXIV AU PÈRE ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JESUS ( O (inédite) Désir de se rappeler au souvenir du P. Possevin. — Retour sur les obli- geances qu'il lui a témoignées dans le passé. — Détails consolants sur son ministère. — Son amitié pour le P. Jean Fourier. — Il s'honore d'avoir été fils spirituel du Jésuite italien. Annecy, 4 octobre 1603. lUustrissimo Signor mio Reverendo Padre, Certo è lungo tempo che io vo cercando nove di voi et certezza del luogo ove dimorate, per darvine parimente  Mon très honoré et Révérend Père, Voici bien longtemps que je vais m'enquérant de vos nouvelles et du lieu précis où vous demeurez, afin de vous en donner pareille- ( I ) Cette lettre, avec les indications suivantes, obligeamment com:nuniquée par le R. P. van Meurs, S. J., est tirée d'un volume manuscrit (Hislori.i Frciiiclce, i6o5-i6r4). Le Saint l'a certainement écrite en français; il n'écrivait  io6 Lettres de saint François de Sales délie mie ; perciochè la grande benevolenza la quale mi portaste mentre io havevo il bene di essere de' vostri fi- glioli spirituali in Padoa mi promette assai che vi sarà grato il sapere ciô che io fo, et la viva memoria laquale io ho dei vostri favori mi fa sempre desiderare di rimem- brarmi nella vostra gratia. Questo fa che havendo io poco fa inteso che cravate in Venetia per la stampa del xostro Ap parât o Sacro (0, et venendovi questo honorato homo, il quale al suo ritorno potrebbe riportarmi sicu- ramente Io stato délia vostra sanità(=), io voglio, salu- tandovi humilmente se vi piace, ripresentarmi alla vostra memoria. Era in Padoa un giovane gentilhuomo Savoiano ,  ment des miennes. Votre grande bienveillance pour moi, à l'époque où j'avais le bonheur d'être de vos enfants spirituels à Padoue, m'en donne assez l'assurance, vous n'apprendrez pas sans plaisir ce que je fais. Le vif souvenir que je garde de vos bontés m'a toujours fait souhaiter de me rappeler à vos bonnes grâces. Aussi, ayant su na- guère que vous étiez à Venise pour l'impression de votre Apparatus Sacer ( i ) et cet honnête homme devant s'y rendre (c'est encore lui qui, de retour, pourra me rapporter exactement des nouvelles de votre santé (2)), je désire en vous saluant très humblement, s'il vous plait, me rappeler à votre souvenir. Il y avait à Padoue un jeune gentilhomme savoisien, M. de Sales ; pas en italien à son ancien directeur, et d'ailleurs cet italien n'est pas le sien. Notre texte n'est donc qu'une traduction littérale de l'original aujourd'hui égaré, faite par un secrétaire. Au verso de la copie, le P. Possevin a écrit de sa propre main (^c'était sa manière d'étiqueter les documents qu'il voulait conserver) : Lettera del Sgr Vescovo de Geneva al P. Possevino. Au bas de la même copie on lit cette note ; // signor di (Jaglione, lator dt questa lettera, riferisce che questo aii/io duceiito famiglie di Ginevra ne sono Hscite et divenute catholiche sotto il sudetto et benedetto Vescovo. Latis Deo. — (M. de Gaillon, porteur de cette lettre, rapporte que deux cents familles sont sorties de Genève cette année et sont devenues catholiques sous le susdit et bénit Evéque. Gloire à Dieu.) (i ) Antonii Posseviiii Mantuani, S. ]., Apparatus Sacer ad Scriptores V. et N. Testamenti. Venetiis, apud Societatem Venetam, 1603-1606. Cet ouvrage est un recueil biographique et bibliographique des écrivains ecclésiastiques anciens et modernes. Il fut réimprimé à Cologne en 1608. (a) Le P. Possevin profita en effet de l'occasion que lui offrait le Saint; il lui adressa par le retour du porteur, le 24 octobre suivant, une réponse qu'on ne lira pas sans intérêt, (Voir à l'Appendice.)  Année 1605 107 nominato il signor di Sales, il quale voi favorivate sin- golarmente et gli davate molto libero accesso, non sola- mente al Sacramento di Penitenza, ma anco alla vostra conversatione. Dapoi voi veniste a Ciamberi, mio Reve- rendo Padre, et vi sapeste che egli era a Thonone, dove predicava in difesa délia fede catholica ; et voi gli facesti l'honore di scriverli per inanimarlo (^^z^), et li mandaste la vostra Moscovia (0 et il piccolo libro de Poesi et Pic- tiira collât a cum Christiana ( = ), stampato separata- mente délia vostra Bihliotheca Selecta (3), Un anno da poi voi gli facesti il bene di scriverli da Bologna, ove cravate Rettore. lo dunque, Padre, sono esso, il quai essendo tre anni [fa] andato a Parigi per i negotii di questa diocesi (délia  par une faveur singulière vous lui donniez un très libre accès au- près de vous, non seulement dans le Sacrement de Pénitence, mais encore dans votre commerce intime. Depuis, vous vîntes à Cham- béry, mon Révérend Père, et sachant qu'il était à Thonon, où il prêchait pour la défense de la foi catholique, vous lui f ites l'honneur de lui écrire pour Tencourager, en lui adressant votre Moscovia ( i ) et le petit livre de Poesi et Pictura coîlata cum Christiana (3), imprimé à part de votre Bihliotheca Selecta (3). Un an plus tard vous lui fites la grâce de lui écrire de Bologne où vous étiez Recteur. Or, c'est moi, mon Père, qui suis l'homme en question, et de plus, je fis, il y a trois ans, un voyage à Paris pour les affaires de ce diocèse, (i ) Possevini Moscovia et alla Opéra de statu hujns sœcitli adversus Catho- licce Ecclesiœ hostes, nunc prinium in unum volumen collecta, atque ah ipso auctore emendata et aiicta. In Officina Birckinannica, suœptibus Arnoldi Mylii, 1587. C'est de cet ouvrage que le Saint a voulu parler dans sa lettre du 14 octo- bre 1595 (tome XI, p. 166), où il faut lire Moscovia au lieu de Musceum, et, partant, les conjectures de la note (2) de la même page doivent être écartées. (2) Antonii Possevini, S.J., Tractatio de Poesi et Pictura et/inica, humana et fabulosa, collata cum vera, konesta et sacra. Adjectus est in hac editione novus index, qui omnia notatu digna complectitur. Lugduni, apud Joannem Pillehotte, ad insigne Nominis Jesu. mdxciui. (Cf. le tome XI de notre Edition, note ( I ), p. 123.) (3) Bihliotheca Selecta, qua agitur de ratione studiorum in Historia, in Disciplinis, in salute omnium procnranda. Cum Diplomate démentis VHI, Pgnt, Ma^. Romae, ex Typ^gr. Apostolicg Vaticana, mdxciii.  io8 Lettres de saint François de Sales quale una parte è dentro lo Stato del Re di Francia), et havendovi io predicato la Quaresima nella capella délia Regina, nel ritorno a questo paese, quando manco pen- savo, passando per Lione trovai che3lonsignor il Vescovo mio predecessore era morto, et il Papa mi haveva chia- mato a questo carico un poco prima délia morte del sudetto mio predecessore. Sî che io mi vidi Vescovo di Ginevra in un momento, caricato délia condotta di questa miserabile barca, tutta fracassata et dentro aperta, nella quale bisogna che io confessi, mio Reverendo Padre, che ho bene délia pena et del travaglio, ma non senza mis- tura di consolatione ; poichè, per la gratia del nostro buon Dio, veggo ogni giorno uscire moite anime délia heresia per rendersi dentro il seno délia santa Chiesa. Et parimente, un buon numéro di cittadini di Ginevra et delli habitanti di lei hanno questo anno abjurato i loro errori et fatto professione délia santa religione catholica * Vide supra, Epist. nelle mie mani *, di quali il latore délia présente, il quale not^'f^i/^ ^ ''" è il signor de Gaglione (0, è uno, il quale ve ne potrà far relatione più ampla.  dont une partie se trouve sur les Etats du roi de France. Après avoir prêché le Carême dans la chapelle de la reine, je retournais dans ce pays, lorsqu'au moment où j'y pensais le moins, j'appris en passant à Lyon, que M='" l'Evêque mon prédécesseur était mort. Or, le Pape, peu auparavant le trépas de mon susdit prédécesseur, m 'ayant appelé à cette charge, je me vis donc tout d'un coup Evêque de Genève, avec le devoir de conduire cette barque misérable, toute fracassée et entr'ou- verte. J'y rencontre, il faut l'avouer, mon Révérend Père, bien de la peine et du travail, mais ce n'est pas sans mélange de consolation, puisque, par la grâce de notre bon Dieu, tous les jours je vois nombre d'âmes quitter l'hérésie pour rentrer dans le giron de la sainte Eglise. Et cette année, les bourgeois de Genève et ses habitants ont aussi abjuré en bon nombre leurs erreurs et fait profession de la sainte religion ca- tholique entre mes mains. Le porteur de cette lettre, M. de Gaillon ( i ), est un de ces convertis ; il pourra vous fournir de plus amples détails. (i) Jacques de Gaillon naquit à Genève vers 1767. « Joallier et orphevre de M"'' le prince Thomas et de la Grandeur du duc de Nemours, atliré de la bonne renommée du Bienheureux, » il avait voulu conférer avec lui. Ses  Année 1605 109 lo ho una particolarissima amicitia col P. Giovanni Foriero, Rettore del coUegio vostro di Ciamberî (0, il quale molto mi assiste col suo consiglio et avverti menti. lo, prima di esser in questo carico, fui costretto di far porre in scritto qualche cosa contra un libro, il quale de' ministri di Ginevra era stato mandato fuori in dislio- nore délia Croce ( = ), et dapoi anco io feci alcun piccolo libro, il quale da molti è stato approvato (3). Se io havessi avuto la commodità, io ve ne havrei fatto parte, non per giudicarlo degno de' vostri occhi, ma per rendere il dé- bite mio et sottomettere alla vostra censura le cose mie, come già sottomisi la mia propria anima ; di che sarô glorioso in tutta la vita mia. Ricevete in grado, io vi supplico, mio Reverendo Padre, questa lettera laquale, senza dubio, esce délia mano di un huomo il quale vi honora et riverisce al pari  J'entretiens des rapports de très particulière amitié avec le P.Jean Fourier, Recteur de votre collège de Chambéry(0, qui m'assiste grandement de sa direction et de ses avis. Avant que d'être en cette charge, il me fallut réfuter par écrit un livre que les ministres de Genève avaient publié contre l'honneur de la Croix(2 ;. Je composai depuis un autre livret qui a reçu l'approba- tion de plusieurs (3) ; si j'en avais eu la commodité, je vous l'aurais offert, non certes que je le juge digne de tomber sous vos yeux, mais pour vous rendre mon devoir et soumettre à votre censure toutes mes affaires, tout ainsi que jadis je vous soumettais mon âme elle-même, et c'est de quoi je serai fier toute ma vie. Veuillez agréer, je vous supplie, mon Révérend Père, cette lettre ; elle vient, n'en doutez pas, d'un homme qui vous honore et vénère doutes dissipés, il abjura entre ses mains l'iiérésie. Plus tard une de ses filles entra à la Visitation. Il fut inhumé à Notre-Dame de Liesse d'Annecj', le 31 avril 1635. (Process. remtss. Gebenn. (I), déposition de Jacques de Gaillon; Reg. paroiss. dWnnecy.) ( I ) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 156. (2) Il s'agit de la Défense de VEstendart de la sainte Croix en réponse au Brief Trailté de La Faye. (Voir la Préface du tome II de la présente Edition, pp. IX-XIII.) (3) « Le livret approuvé de plusieurs » est VAJver/isseinent aux Coii/es~ seurs, publié après le Synode de 1603.  110 Lettres de saint François de Sales di ogni altro, et il quale si sentira molto honorato et obli- gato se vi piace di raccomandarlo talhora alla miseri- cordia del Salvatore nostro, il quale egli brama che vi sia propitio et protettore délia sua venerabile vecchiezza, et restando per sempre, O mio Reverendo Padre, Vostro servitore più humile nel Signor nostro, Francesco, Vescovo di Ginevra. In Annessi, il 4 di Ottobre 1605, giorno di San Fran- cesco.  autant que nul autre, et qui s'estimera fort honoré et obligé si vous daignez le recommander parfois à la miséricorde de notre Sauveur. Je souhaite qu'il vous soit propice, qu'il protège votre respectable vieillesse, et je demeure pour toujours. Mon Révérend Père, Votre plus humble serviteur en Notre-Seigneur, François, Evèque de Genève. A Annecy, le 4 octobre 1605, jour de saint François.  - cccxv A MADAME DE RYE, RELIGIEUSE DE l'aBBAYE DE BAUME-LES-DAMES (0 (inédite) Respect dû à la parole de Dieu. — L'esprit de joie et de suavité : " le vray esprit de dévotion. < et « patis'caat.'i — Les petits ennuis. [Commencement de novembre 1605.] Ma Seur et ma très chère Fille, Opprimé et accablé d'affaires en cette visite de mon diocèse que je fay, je ne laysse pas de prier nostre bon Dieu tous les jours et luy offrir le saint Sacrifice, affin que vous ne soyes pas accablée des douleurs que vostre jambe vous apporte, ni des difficultés que nos saintes entreprin- ses ont et doivent avoir en ces commencemens. .Monsieur nostre bon père m'escrit souvent de vos nouvelles : rien ne me peut arriver de plus souhaittable quand elles sont bonnes, comme elles sont tous-jours selon Dieu, en qui je sçai que vous jettes toute vostre veuë intérieure, et au bon playsir duquel tous vos desseins et désirs se vont fondre. Courage, ma chère Fille ; Dieu vous sera propice sans doute, pourveu que vous luy soyes fidelle. Quel bonheur que sa divine 3Lajesté. vous veuille employer a son service non seulement agissant, mays pâtissant ! Ayés soin de conserver la paix et la tranquillité de vostre cœur ; laissés bruire et gronder les vagues tout autour de vostre barque et ne craignes point, car Dieu y est, et par conséquent le salut. Je sçai, ma chère Seur, que les petitz ennuys sont plus fascheux, a cause de leur multitude et importunité, que les grans, et les domestiques, que les estrangers ; mais aussi je sçai que la victoire en est sou- ventesfois plus aggreable a Dieu que plusieurs autres, qui, aux yeux du monde, semblent de plus grand mérite. A Dieu, ma chère Seur ; on me ravit les lettres pour les emporter, et n'ay loysir que de me dire, Vostre frère et serviteur très affectionné et plus fidelle, France E. de Genève.  Année 1605 121  CCCXX A LA BARONNE DE CHANTAL Dicision sur une question d'argent. — Une mère de famille doit servir avec prudence les malades contagieux. — Eloge de M. de Chantai. — Jésus, l'Epoux éternel, désire qu'on imite sa douceur. — Circonstances où la dé- férence aux volontés des parents ne convient pas. — Les mouches et les distractions dans l'oraison. — Les Carmélites à Dijon. — Semer au champ de notre voisin, pendant que le nôtre en a besoin, avoir son cœur en un lieu et son devoir en l'autre : chose dangereuse. — Malice et subtilité de Satan. — Avis pour le temps du Carême. — Impressions de tournée pas- torale. — Retour à Annecy. Annecy, 30 novembre 1605. Ne voyci pas un estrange fait, ma chère Fille ! Il y a un mois que je n'ay sceu vous escrire ni peu ni prou (O, par ce que j'estois engagé dans nos montagnes, du tout hors de chemin, et je tiens en ma main sept de vos lettres, dont la dernière est du 9 de ce moys, ausquelles il me semble que je n'aye pas encor respondu qu'a trois ; et néanmoins je ne puis maintenant vous escrire qu'en cou- rant. C'est tout un ; encor vaut-il mieux vous escrire peu que rien. Pour le papier des cinq mille francz, je ne puis vous en donner résolution, que vous ne me marquiés a qui l'in- terest en pourroit revenir ; c'est a dire qui en pourroit souffrir perte si vous le gardies, car de la dépend le ju- gement que j'en dois faire. Mais ne vous inquiétés point pour cela, car, ayant le propos de vous conduire par mon advis en cela, vostr'ame n'en peut estre coulpable. Il ne faut pas laisser de servir les malades es maux contagieux, mais il les faut servir prudemment, sans hazarder sa santé que le moins quil se peut, et sur tout quand avec nostre danger, celuy de nostre famille se treuve conjoint. Et partant, vous pourres prudemment ( I ) La lettre écrite à la Baronne, un mois avant celle-ci, ne nous est pas parvenue.  122 Lettres de saint François de Sales cesser de faire les visites personnelles, esquelles il y au- roit une juste apparence de danger et contagion (i). J'ay esté consolé, au récit que vous me faites des traitz de vertu qui parurent en Tame de feu monsieur vostre mari, sur le point de son départ de ce monde : signes evidens de son bon fons et de la présence de la grâce de Dieu. Et vous voyes donques que sil vous pouvoit parler, • Epist. ccxcvii. il vous diroit ce que je vous ay dit *, pour Tentrevëue de celuy qui luy fit le coup de son trespas. Or sus, ma chère Fille, haut le cœur. Ce vous est (et a moy par con- séquent) un extrême contentement de sçavoir que ce chevalier estoit bon, doux et gracieux a ceux qui l'avoyent blecé ou ofifencé ; maintenant il en aura bien a voir que nous en voulons faire de mesme. 31ais que diray-je de nostre Espoux moderne ? Quelle douceur exerça-il a l'endroit de ceux qui le tuèrent, et non pas par disgrâce et mesgarde, mais par une pleyne malice. Ah! qu'il aura bien agréable que nous en facions de mesme. C'est nostr'Espoux moderne , ma chère Fille , car non seule- ment la mort ne dissoult point nostre mariage avec luy, ains elle le parfait, elle le consomme. J'ay escrit ceci parmi un grand tracas, et ne sçai pas pourquoy ; mais il n'importe. Il ne passe jour que je ne prie pour le bien de l'ame de monsieur vostre premier espoux, et je pense que vous m'en aves voulu souvenir par ces deux recitz que vous m'en aves fait, qui m'ont esté fort aggreables. Je loue Dieu de tout mon cœur de la santé de mes- sieurs nos père, oncle et frère; (=*) mais que ce mot me console : [Monsieur vostre oncle,] plein de vertu et de constance, n'est plus arresté que par des defluxions . . . . . . car je chéris ce bon oncle du fons de mon ame. Mais Cette partie inférieure est pesante; tous-jours quelques mauvaises inclinations, quelques répugnances au bien, (i ) Voir les Mémoires de la Mère de Chaugy, I"^" Partie, chap. xix. (2) Cette phrase est inédite; les mots qui manquent, et aussi ceux de la phrase suivante, à l'exception du premier, sont coupés dans l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. (Voir ci-après, note (4), p. 124,)  Année 1605 123 mais il ni a remède. Il faut user des frications et bains chauds pour, petit a petit, dissiper l'humeur qui nous alentit et engage nos jambes. La méditation de la Pas- sion, nos petitz exercices de mortification et de charité feront merveilles, Dieu a3'dant. Voyes vous bien, cette chère seur que j'ayme infiniment (O, ell'est guérie. Dieu merci, mais encor un peu de defluxion dessus ses jambes la font (sic) aller lentement a la closture de sa Mayson : encor un peu de respect aux volontés des frères, des pères, des mères, que sçai-je moy ? O mon Dieu ! que bien heu- reux sont ceux qui, en semblables occasions, dient a leurs pères et frères : Je ne sçai qui vous estes, je ne vous connois hoint *. Mais bien ; petit a petit, tout se fera. * Deut., xxxm, 9; ^. . . -r^.,\ . , . cf. Matt., XII, 48. Non, je vous prie, ma tiUe, ne violentes point vostre teste pour la faire franchir les barrières ; demeures tran- quille en vostre orayson, et quand les distractions vous attaqueront, destournes-les tout bellement si vous pouves; sinon, tenes la meilleure contenance que vous pourres, et laisses que les mouches vous importunent tant qu'elles voudront, pendant que vous parles a vostre Roy. Il ne prend pas garde a cela. Vous pouves les esmoucher avec un mouvement civil et tranquille, mais non pas avec un effray ni impatience qui vous face perdre contenance. Que je suis ayse que nostre Dijon aye receu les bonnes Carmelines de la Mère Thérèse*! Nostre bon Dieu les *Videsupra,p.ii8, not. (2). face fructifier a sa gloire. Je suis bien content que M'"" Brulart, nostre bonne seur, les gouverne, pourveu que cet object ne tire point son cœur a des vains désirs de cette vie-la, pendant qu'eU'en doit cultiver un'autre. C'est merveille, ma Fille, comme mon esprit est ferme en cet advis de ne point semer au champ de nostre voysin, pour beau qu'il soit, pendant que le nostre en a besoin. La distraction du cœur est tous-jours dangereuse, avoir son cœur en un lieu et son devoir a l'autre. Mais je sçai bien qu'elle ne gouverne pas tant les filles, qu'elle ne se laisse gouverner a la Mère, laquelle, en un lieu de ses *éïrUe^pal'^elie-mê- Œuvres *, dit presque comme moy. me^ ch. xm. (i) L'Abbesse du Puits-d'Orbe,  124 Lettres de saint François de Sales Je dis que pour nostre petite (0 il sera mieux, en la faysant instruire le plus chrestiennement quil sera pos- * Cf. toni. prsced., sible, d'attendre encor un peu a la mettre au Puy d'Orbe *. Et voyla donq M"" de Saint Ange(-) qui vous arrivera fort a propos. Pour ma seur, je suis de vostre advis ; non que je ne voulusse bien qu'elle fut auprès de vous, puis- qu'elle n'a pas son cœur contourné a la Religion, mais pour condescendre a l'amitié de madame l'Abbesse, qui mérite bien qu'on ne la contrechange pas de desplaysir en ses faveurs. Je luy veux escrire touchant le confesseur que le bon Père Recteur juge propre pour sa May son, affin qu'elle le recherche et pour cela et pour son assis- tence. Mon Dieu, que de destours prend on avant que d'arriver au logis, quand on n'est pas guidé. J'attendray que cett'autre seur (3) m'escrive sur le sujet pour lequel vous luy laissastes l'article que j'avois escrit dans vostre livre. Que Satan est mauvais ! Jusques ou se va-il fourrer ! Mais ne vous en estonnes pas : les choses spirituelles luy sont fort accessibles, par ce quil est esprit; il ne luy faut pas beaucoup d'ouverture, pour se glisser es amitiés des mortelz. Mais je voy nostre bon Dieu qui permet tout pour le mieux, et je l'en beny de tout mon coeur. O Dieu, quel grand bien a un'ame de toucher au doit son imbécillité ! cela la fortifie et establit pour tout le reste de sa vie. Celuy qui n'a pas essayé, que peut *Eccii.,xxxiv,9-ii. [il savoir? dit la Sainte] Escriture *. Mon Dieu, que je desirerois de me pouvoir dignement (4)  (t) Françoise de Rabutin Chantai; elle avait alors six ans. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 360.) {2) La personne que le Saint jugeait capable d'instruire chrétiennement Françoise de Chantai, était probablement Marguerite Sauvât, femme de Pierre Le Charron, seigneur de Saint-Ange, d'OrmeiUe, Blanchefort, etc., trésorier général de l'extraordinaire des guerres et de la cavalerie légère. Une de leurs filles avait épousé Guillaume Bourgeois de Crépy, frère de l'Abbesse du Puits- d'Orbe ; cette alliance expliquerait la présence de M""= de Saint-Ange en Bourgogne et ses relations avec la Baronue de Chantai. (La Chesnaye-Dosbois, art. Le Charron.) ( 3 ) La présidente Brùlart. (4) Tout ce qui précède est donné d'après l'Autographe d'Annecy (voir ci-dessus, note (2), p. 122). Ici encore le feuillet est coupé; la fin de la lettre est tirée d'une copie conservée à Turin, Archives de TEtat.  Année 1605 135 Vous pourres refaire encor pour un an vos petitz vœux (0, sinon que la charge d'iceux vous pressast trop. Pour le Caresme il y a du loysir a vous parler ; pour l'Advent il n'est plus tems. N'adjoustes gueres de peynes corporelles a celles du jeusne de l'Eglise ; mais puisqu'en Caresme on jeusne et que Ton n'employé pas le tems du souper a manger, sinon pour la petite collation, vous pourres bien prendre une demi heure environ ce tems la, a méditer sur la Passion ou sur ce qui vous aura touché au sermon. Je dis une demi heure, au lieu de la petite recollection que je vous avois marquée *. 'Videtom.pneced., Je ne sçay rien qui me puisse tirer hors d'icy, sinon la ' ^^ volonté du Saint Père, ou l'extrême (mais je dis extrême) nécessité du prochain, sur tout de mes enfans spirituelz. Je suis lié sur ce banq, il faut que j'y vogue. Que vous diray-je plus ? J'arrivay icy samedy au soir (2), après avoir battu les chams six semaines durant, sans arrester en un lieu, sinon au plus demi jour. J'ay presché ordinairement tous les jours, et souvent deux fois le jour. Hé, que Dieu m'est bon ! je ne fus jamais plus fort. Toutes les croix que j'avois preveues *, a l'abord n'ont esté que * Cf. supra, p. 113. des oliviers et palmiers ; tout ce qui me sembloit fiel s'est treuvé du miel, ou peu s'en faut. Seulement puis-je dire avec vérité que, si ce n'a esté a cheval ou en quelques resveilz de la nuit, je n'ay point eu de loysir de repen- ser a moy et considérer le train de mon cœur, tant les occupations importantes s'entresuivoyent de près. J'ay confirmé un nombre innombrable de peuple ; et a tous les biens qui se seront faitz parmi ces simples âmes, vous aves tous-jours participé, comme a tout le reste de ce qui se fait et se fera en ce diocèse, pendant que j'en auray l'administration. Mais pourquoy vous dis-je ceci ? Par ce que je parle avec vous comme avec mon propre cœur. A Dieu, ma chère Fille. Dieu soit nostre cœur, nostre amour, nostre tout. Demandés pour moy une bénédiction (i) Ces « petitz vœux » comprenaient certaines pratiques de piété; cf. le tome précédent, p. 388. (2) Le 26 novembre. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. H3.)  120 Lettres de saint François de Sales de vostre sainte Abbesse, aux pieds de laquelle son Filz nous fasse vivre et mourir. Monsieur Cassart (0 m'escrit comme n'ayant pas receu de nos lettres ; et néanmoins je luy ay escrit, et pense que ma lettre luy sera arrivée, aussi bien que celle que je vous a}'' escritte, puisqu'elles estoyent ensemble. (') Ma bonne mère ne sçait pas que je vous escrive, mais je sçay bien qu'elle et toute sa famille sont acquis irrévocablement a vostre service.  ( I ) « M'^ Jacques Cassard, practicien à Sémur, » figure dans le contrat de mariage entre noble Bernard de Sales et demoiselle Marie-Aimée de Rabutin, 3 janvier 1609. ( 2 ) Cette phrase est écrite en marge de l'Autographe d'Annecy.  CCCXXI  A LA MEME  Le remède prtféré du Saint. — Les « alcions » de la mer et leurs nids. — Tenir notre cœur bien calfeutré et ne lui donner aucune ouverture que du côté du Ciel. Annecy, 5 décembre 1605(1). Ma très chère Fille, Despuis mon retour de la visite, j'ay eu quelque res- sentiment de fièvre catarrheuse ; nostre médecin n'a point voulu m'ordonner autre remède que le repos , et je luy ay obéi. Vous sçaves, ma Fille, que c'est aussi le remède que j'ordonne volontier que la tranquillité, et que je defens tous-jours l'empressement. C'est pourquo}', en ce repos corporel, j'ay pensé au repos spirituel que nos cœurs doivent avoir en la volonté de Dieu ou qu'elle nous porte ; mais il ne m'est pas possible d'estendre les (i) Les détails de cette lettre et l'ordre des faits lui assignent comme date 1605 et non 1608.  Année 1605 127 considérations qui se doivent faire pour cela, qu'avec un peu de loysir bien franc et net. Vivons, ma Fille, vivons tandis qu'il plaist a Dieu, en cette vallée de misères, avec une entière sousmission a la sainte volonté souveraine. Ah ! que nous sommes rede- vables a sa Bonté qui nous a fait désirer avec tant de re- solutions de vivre et mourir en sa dilection ! Sans doute, ma Fille, nous le desirons, nous y sommes résolus ; espérons encor que ce grand Sauveur, qui nous donne le vouloir, nous donnera aussi la grâce de le parfaire*. ' Philip., n, 13. Te considerois l'autre jour ce que quelques autheurs * * Aristot., Histor. •' . . •' ^ -1. ^ anini.,1. IX, c.xiv; disent des alcions, petitz oyseletz qui pondent sur la rade piin., Hist. nat., 1. de la mer : c'est qu'ilz font des nidz tout ronds, et si bien -c.xxxuf^ .xlmij. pressés que l'eau de la mer ne peut nullement les péné- trer ; et, seulement au dessus, il y a un petit trou par lequel ilz peuvent respirer et aspirer. La dedans, ilz lo- gent leurs petitz, affin que la mer les surprenant, ilz puissent nager en asseurance et flotter sur les vagues, sans se remplir ni submerger ; et l'air qui se prend par le petit trou, sert de contrepoids, et balance tellement ces petitz pelotons et ces petites barquettes, que jamais elles ne renversent*. O ma Fille, que ie souhaitte que nos ' CUntrod aiaVu \ •' . (/^r., Part. III, c. XIV. cœurs soyent comme cela, bien pressés, bien calfeutrés de toutes partz, affin que si les tourmentes et tempestes du monde les saysissent, elles ne les pénètrent pourtant point, et qu'il n'y ayt aucune ouverture que du costé du Ciel, pour aspirer et respirer a nostre Sauveur. Et ce nid, pour qui seroit-il fait, ma chère Fille ? Pour les petitz poussins de celuy qui l'a fait : pour l'amour de Dieu, pour les affections divines et célestes. JNIais pendant que les alcions bastissent leurs nidz et que leurs petitz sont encor tendres, pour supporter l'effort des secousses des vagues, helas, Dieu en a le soin et leur est pitoyable, empeschant la mer de les enlever et sa3'sir. O Dieu, ma Fille, et donq cette souveraine Bonté asseu- rera le nid de nos cœurs pour son saint amour contre tous les assautz du monde, ou il nous garentira d'estre assaillis. Ah! que j'ayme ces oyseaux qui sont environnés d'eaux et ne vivent que de l'air, qui se cachent en mer  128 Lettres de saint François de Sales et ne voyent que le ciel! Hz nagent comme poissons et chantent comme oyseaux ; et, ce qui plus me plaist, c'est que l'ancre est jettee du costé d'en haut et non du costé d'en bas, pour les affermir contre les vagues. O ma Seur ma Fille, le doux Jésus nous veuille rendre telz, qu'envi- ronnés du monde et de la chair nous vivions de l'esprit ; que, parmi les vanités de la terre, nous visions tous-jours au Ciel ; que, vivant avec les hommes, nous le loùyons avec les x\nges, et que l'affermissement de nos espérances -Cf. Heb., VI, 18,19, soit tous-jours en haut et au Paradis*. Pt CoUcCt. in Miss. ^~^ T--n •^ r ^^ • . Dooj.lVpostPasc. U ma Fille, il a lallu que mon cœur ayt jette cette pensée sur ce papier, jettant aux pieds du Crucifix ses souhaitz, affin qu'en tout et par tout le saint amour divin soit nostre grand amour. Helas, mais quand sera-ce qu'il nous consumera ? et quand consumera-il nostre vie pour nous faire mourir a nous mesmes et nous faire revivre •Cf. Rom., VI, 8,11. a nostre Sauveur*? A luy setil soit a jamais honneur, " I Tim., I, 17 ; gloire et bénédiction *. ■' jMon Dieu, ma chère Fille, qu'est ce que je vous escris ? je veux dire, a quel propos cela ? O ma Fille, puisque nostre invariable propos et finale et invariable resolution tend incessamment a l'amour de Dieu, jamais les paroles de l'amour de Dieu ne sont hors de propos pour nous. A Dieu, ma Faille ; ouy, je dis ma vraye Fille en Celuy duquel le saint amour me rend obligé, ains tout consacré d'estre, vivre, mourir et revivre a jamais vostre et tout vostre. Vive Jésus ! Que Jésus vive et Nostre Dame ! Amen. Franç% E. de Genève. La veille du glorieux saint Nicolas.  Année 1605 129  CCCXXII AUX CHANOINES DE LA COLLÉGIALE DE SAINT-JEAN-BAPTISTE DE LA ROCHE ( (inédite) S'intéresser à l'établissement du collège ; le bien de la ville, In gloire de Dieu et de l'Eglise en font un devoir. Annecy, 17 décembre 1605. Messieurs, L'affaire du collège de La Roche s'avançoit fort heu- reusement (2), si quelques uns, selon leur particulière opinion, ne se fussent mis a la traverse pour en destour- ner les effectz : dont il a esté requis de reprendre de nouveau le consentement du gênerai, pour Topposer au jugement des particuliers. A quoy il me semble que vous pouves et deves contribuer non seulement vos voix, mais vos remonstrances et persuasions, puisque l'érection et establissement de ce collège servira tant a la gloire de Dieu et de l'Eglise, comme vous pouves juger et croire. A cett'intention, j'ay fait ces quattre motz pour vous en prier, estant fort désireux de tout ce qui regarde le bien (i) L'église de La Roche, érigée sous le vocable de Saint-Jean-Baptiste, devint collégiale insigne par bulles de Paul III (1537). Le Chapitre comprenait un primicier, un archidiacre, un custode et quinze chanoines. La paroisse fut préservée du venin de l'hérésie, grâce au zèle énergique de son clergé. (Grillet, Hist. de La Roche.) (2) Depuis 1440, des écoles publiques existaient à La Roche. Claude Jay ou Le Jay et le bienheureux Pierre Favre ou Le Fèvre, les deux compagnons de saint Ignace de Loyola, les premières gloires de la Compagnie de Jésus nais- sante, y avaient commencé leurs études, sous la direction du vertueux Pierre Veillard. Un siècle après, vers 1369, le primicier Jean d'Angeville avait fondé un collège qui comptait, cinq années plus tard, trois cents élèves, au nombre desquels, François de Sales. Dans la suite, il fallut le relever, mais les négo- ciations n'aboutirent qu'après la mort du Saint. C'est en 1628 que le Conseil de la ville, déférant au vœu de la population, confia la direction du collège aux RR. PP. Jésuites. Ceux-ci le gardèrent jusqu'en 1712. (Grillet, ibid.; Vaullet, Hist. de La Roche ; Mém. de VAcad. Salés., tome X.) Lettres III 9  1^0 Lettres de saint François de Sales de cette ville la, comme je seray aussi tous-jours de ce qui tendra au service de vostre Chapitre, auquel je sou- haite les bénédictions cœlestes, et suis, Messieurs, Vostre confrère très affectionné et bien humble, France E. de Genève. XVII décembre 1605. Revu sur l'Autographe appartenant à M'"^ Ducros, à La Roche.  CCCXXIII A M. DE SILLIGNIEU (O (inédite) Paroles et compliments d'amitié au fils; sentiments de respect pour la mère. Recommandation de la famille au « cher Sauveur » de Noël. Annecy, 20 décembre 1605. Monsieur mon Frère ( = ), Je pense que ces bonnes festes qui nous arrivent vous auront r'appellé au près de madame nostre bonne mère, après ce long voyage de Languedoc. C'est pourquoy je vous y veux saluer par cette commodité, pour non seu- lement me ramentevoir en vostr'amitié, mais aussi pour demander, par vostr'entremise, la faveur d'estre continué en la bienveùillance de madame nostre mère, a laquelle mon obéissance filiale est entièrement dediee. Je prie ce cher Sauveur, duquel nous célébrons l'advenement, quil assiste en ses (sic) jours d'une spéciale consolation et joye (i) François-Philibert de Longecombe, écuyer, seigneur de Thoys et de Peyzieu, et Françoise de Dizimieu, eurent six enfants, dont quatre fils : Bal- thazar, Jacques, Louis et François de Longecombe. (Guichenon, Histoire de Bresse et de Bitgey.) C'est à l'un d'entre eux que le Saint adresse cette lettre, et plus vraisemblablement à Louis de Longecombe. Sillignieu et Peyzieu étaient des seigneuries voisines, dont le nom figure aujourd'hui encore sur la carte du département de l'Ain. (a) Voir ci-dessus, note (2), p. 36.  Année 1605 131 toute cette famille de mère et de frères, que je doy tant honnorer et respecter, et a laquelle je désire tant de pouvoir rendre service bien humble. Je suis, Monsieur mon Frère, Vostre serviteur et frère plus humble et fidelle, France, E. de Genève. XX décembre 1605. Vous ne seres pas marri, Monsieur mon Frère, si je vous dis qu'outre le devoir que j'avois de chérir avec tout honneur et respect monsieur de Pezieu (^ i, les démonstra- tions et tesmoignages d'amitié quil m'a rendu en vostre absence, me rendent infiniment son serviteur et tout plein de désir de me rendre son agréable frère et digne de sa faveur. A Monsieur Monsieur de Selignieu. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Paray-le-Monial. (i) Voir la note ( i ) de la page précédente. « Monsieur de Pezieu » est un frère du destinataire : serait-il Balthazar de Longecombe, l'aîné de la famille ?  CCCXXIV A M. CHARLES d'aLBIGNY (inédite) Différend du Prieur de Bellevaux avec un seigneur. — Prière de s'intéresser au sort d'une pauvre femme digne de compassion. — Souhaits de Noël. Annecy, 24 décembre 1605 Monsieur, Je m'essayeray de persuader par lettres au Prieur de Bellevaux (^) qu'il tienne sa parole et se rende a (i) Aimé Mermonio de Luyrieu (voir le tome précédent, note (2), p. 276).  132 Letires de saint François de Sales Chamber}^ pour s'accommoder a la rayson, pour le diffé- rent quil a avec le seigneur Basso i ^ ', et m'estonne bien quil vous aye respondu avec si peu de respect. Cette pauvre femme, chargée d'une multitude de petitz enfans, va pour le secours de son mari, et n'espère en aucun autre support qu'en celuy que vostre grande cha- rité et bonté luy promet. Ell'a désiré, Monsieur, que j'adjoustasse ma supplication a sa misère, pour obtenir, ce luy semble plus aysement, vostre compassion ; et je n'ay pas deu l'esconduire, tant en faveur des bonnes festes, que pour connoistre son mari exempt de malice et fort homme de bien et fidelle, qui me fait vous supplier hum- blement, 3Ionsieur, de luy vouloir estre propice. Dieu veuille vous combler des bénédictions qu'il res- pandit sur terre, quand il y envoya son Filz pour naistre petit enfant parmi nous ; de quoy nous célébrons la mé- moire en ces jours, que je vous souhaite pleins de joye et contentement, estant, jNIonsieur, Vostre ser^'iteur très humble, FRANç^ E. de Genève. Veille de Noël 1605, a Xeci. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gênerai deçà les nions. Revu sur l'Autographe conservé chez les RR. PP. de l'Oratoire de Naples. (i) Sans doute Jean-Baptiste Basso, clerc milanais, que Clément VIII avait nommé (5 novembre 1603) prieur commendataire du Saint-Sépulchre d'Annecy (voir le tome précédent, note ( i ), p. 243). Mais Claude de Menthon-Montrot- tier, soutenu par le Sénat, usurpa la possession du prieuré. Basso ne fut pas plus heureux dans ses revendications du prieuré de Bellevaux. (Revue Savoi- sieiine, vol. XI, etc.)  Année 1605 133  cccxxv  A LA BARONNE DE CHANTAL  Désir du Saint de progresser dans l'amour divin. — Aspirations. — Bethléem la « sainte Abbesse » et le « petit Enfançon. » — Lui dérober » les premières rosées de ses larmes; » leur divine efficacité. — Ne pas se charger d'austé- rités pendant le Carême. Annecy, 28 décembre 1605. Je finis cette année, ma chère Fille, avec un désir non seulement grand, mais cuisant de m'advancer meshu}^ en ce saint amour que je ne cesse d'aymer, quoy que je ne l'aye encores point gousté. Vive Dieu! ma Fille, nostre cœur (voyes vous, je dis nostre cœur) est fait pour cela : ah ! que n'en sommes nous bien pleins. Vous ne sçauries vous imaginer le sentiment que j'ay présen- tement de ce désir. O Dieu , pourquoy vivrons-nous Tannée suivante, si ce n'est pour mieux aymer cette Bonté souveraine ? Oh ! qu'elle nous osLe de ce monde, ou qu'elle oste le monde de nous ; ou qu'elle nous fasse mourir, ou c|u"elle nous fasse mieux aymer sa mort que nostre propre vie. (O Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaite en Bethlehem maintenant, auprès de vostre sainte Abbesse. Hé, qu'il luy sied bien de faire l'accouchée et de manier ce petit Enfançon ; mais sur tout j'ayme sa charité, qui le laisse voir, manier et bayser a qui veut. Demandés-le luy, elle vous le donnera ; et ra)^ant, desrobbés lu}^ secrette- ment une de ces petites gouttelettes qui sont dessus ses yeux. Ce n'est pas encores la pluye, ce ne sont que les  (i) Dans la déposition de sainte Jeanne-Françoise de Chantai (Sa Vie et ses Œuvres, Pion, tome III, pp. 124, 125), on retrouve avec quelques variantes ce premier alinéa, mais sous la forme de deux alinéas distincts et séparés; ce qui jette quelque doute sur l'authenticité de la lettre. Voir d'ailleurs ci- dessus, note (2), p. 17.  134 Lettres de saint François de Sales premières rosées de ses larmes. C'est merveille combien cette liqueur est admirable pour toute sorte de mal de cœur. * Cf. supra, p. 125. Xe vous chargés point d'austérités ce Caresme *, sinon avec le congé de vostre confesseur, qui, a mon advis, ne vous en chargera pas. Dieu veuille couronner vostre commencement d'année des roses que son sang a teint. A Dieu, ma chère Fille; je suis celuy qui vous a dédié tout son service. Franç% E. de Genève. Le 28 décembre 1605.  ANNEE 1606  CCCXXVI A M. RODOLPHE DES OCHES, CURÉ DE TALLOIRES (0 Les jeunes filles peuvent chanter à l'église « des Noelz et chansons spirituelles » sans enfreindre le précepte de l'Apôtre saint Paul. Annecy, 7 janvier 1606. Monsieur le Curé, Vous m'aves demandé, s'il seroit loysible aux filles de chanter en l'église, quelque Noël appreuvé ou autre chanson spirituelle. Je respons qu'ouy, car cela se pratti- que a Rome et par toute l'Italie, et moy mesme l'ay fait ainsy faire en cette ville et a La Roche. J'entens néan- moins que ce ne soit pas pour dire une partie de l'Of- fice publiq et solemnel, mais simplement, comme vous dites, des Noelz et chansons spirituelles. Je sçai ce que dit saint Paul * : Mulier in ecclesia taceat ^"> ; mais il * i Cor., xiv, 34.  (*) Que la femme se taise dans l'église.  ( I ) Rodolphe des Oches, nommé à la cure de Talloires le 17 novembre 1588, chanoine de Notre-Dame de Liesse d'Annecy vers 1616, permuta son canonicat contre la chapelle du Saint-Esprit, à Desingy, le 7 octobre 1(321, et plus tard, le 7 décembre 1629, sa cure avec celle de son cousin, Jean des Oches, recteur de Motz, en Savoie. (R. E.)  136 Lettres de saint François de Sales parle tout ouvertement de la doctrine et non des canti- I Cor., XIV, 35. ques, comme monstre le texte * : Si quid autem volunt discere, domi viros suos interrogent ^'\ Je me recommande a vos prières, et suis, Monsieur le Curé, Vostre confrère plus affectionné, FRANç^ E. de Genève. VII de Tan 1606. A Monsieur Monsieur le Curé de Talloyres. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.  (*) Mais si elles veulent s'instruire de quelque chose, qu elles interrogent leurs maris à la maison.  CCCXXVII A M. CHARLES d'aLBIGXY (nJÉDITE) Zèle du P. Maurice pour la conversion des hérétiques. Annecy, 16 janvier 1606. Monsieur, Le bon Père Maurice f^), qui est ic}'' pour quelques jours, me dit que sil vous playsoit de recommander au (i) Maurice Gamborino ou Gambarino, Capucin de la Province de Gênes, connu sous le nom de P. Maurice de la Morra et aussi de la Marche, fut désigné en 1596 par le duc Charles-Emmanuel pour travailler à la conversion des hérétiques vaudois, et, en i6or, par Clément VIII, pour prêter main-forte au P. Chérubin (voir le tome XI de cette Edition, note ( i ), p. 98). Son savoir et sa parole intrépide en firent un controversiste redouté des ministres. A Genève, où il allait souvent (cf. ci-dessus, note fil, p. 74), il eut quelques entrevues avec Théodore de Bèze et força, dit-on, son estime. Le P. Maurice  Année 1606 137 sieur juge maje de Ternier ( 0, ou au sieur de Rovenoz son lieutenant ('), l'exécution et observation des editz faitz contre les huguenotz, ou plus tost pour eux et leur ré- duction (3\ en peu de jours les effectz en seroyent très bons et désirables. Et me semble quil inclineroit plus que le lieutenant eut la charge que le jugemaïe, par ce quil est plus résident au lieu et a plus d'addresse pour la par- ticulière conduite de cett'afFaire. La faveur que vous me faites d'avoir aggreable (sic) mes importunités, me fait encor lascher celleci, pour vous représenter cette nécessité que ledit Père me dit estre fort grande, et je voy qu'au moins elle luy est a cœur. Je suis cependant, Monsieur, Vostre serviteur très humble. Francs E. de Genève, XVI janvier 1606, A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gênerai deçà les mons. Revu sur l'Autographe conservé à Florence, dans l'oratoire privé de MB"" Donat Velluti-Zati, Duc San Clémente, évêque de Pescia (Toscane). mourut à Saint-Julien, en 1613, laissant la réputation d'un fervent Religieux et d'un convertisseur. Il a composé plusieurs ouvrages, parmi lesquels un traité de controverse et des commentaires de saint Bonaventure. (P. Eugène de Bellevaux, Annales biographiques des FF. Mineurs Capucins de Savoie, 1611-1902.) { I ) Antoine de Lescheraine (voir le tome XI de la présente Edition, note ( i ), p. 283). (3) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 438. (3) Les édits dont le P. Maurice pressait l'exécution, sont très probable- ment ceux-là même que le duc de Savoie avait signés le 12 octobre et les 12 et 19 novembre 1598. (Cf. le tome précédent, Lettres cxliv, cciv, et La Mission de S. Fr. de S. en Chablais, par l'Abbé Gonthier, Œuvres, tome P', pp. 297, 301, 303.)  138 Lettres de saint François de Sales  CCCXXVIII A LA BARONNE DE CHANTAL L'esprit de la sainte indifférence, bon à tout. — Le Bienheureux va faire une petite retraite auprès du P. Fourier. — Son amour des âmes ; l'affection de son peuple pour lui. — Retrancher les superfluités dans les communi- cations spirituelles. — Charlotte de Chantai et Jeanne de Sales. — Quand on a renoncé une fois au monde, savoir écarter ses sollicitations importunes. — Attachement indissoluble du Saint pour sa « pauvre femme, » l'Eglise de Genève. — Ne pas aspirer à un état de vie au-dessus de nos forces. Annecy, 30 janvier 1606 J'estois a Sales le 22 de ce mois, pour obéir a ma bonne mère qui desiroit de me voir avant mon despart (^', et j'y receus vostre lettre du premier jour de cette année, dont je receus beaucoup de consolation, laquelle se res- pandit sur toute la famille qui est infiniment vostre. Le 25, vo}xi vostre homme qui m'arriva et me treuva envi- ronné d'affaires, si que je n'ay sceu le depescher qu'au- jourd'huy. Mais dites moy, ma Fille, ne m'est ce pas de l'affliction de ne vous pouvoir escrire qu'ain.sy a la desrobbee ? O voyla pourquoy it nous faut acquérir le plus que nous pourrons l'esprit de la sainte liberté et indifférence ; il est bon a tout, et mesme pour demeurer six semaines, voire sept, sans qu'un père, et un père de telle affection comme je suis, et une fille telle que vous estes, reçoivent aucunes nouvelles l'un de l'autre. Vous fustes malade après la Conception, et je le fus • Cf. supra, p. 126. aussi Sept ou huit jours durant*, et craignois bien que ce ne fust pour bien plus, mais Dieu ne le voulut pas. Je (i) Le 15 mars 160^, le souverain Sénat de Chambéry (voir sa lettre à l'Appendice) avait invité le Saint à prêcher le Carême, l'année suivante, « en la principale chaire de la Savoye, » et chargé le sénateur Favre de faire agréer l'invitation. De son côté, l'Evèque de Grenoble avait prié François de Sales de remplir, dans la ville, toutes les fonctions épiscopales. En arrivant à Cham- béry, le Bienheureux fit quelques jours de retraite auprès du P. Fourier, et le 6 février il commença ses prédications. (Année Sainte de la Visitation, 1689.)  Année 1606 139 ne puis pas m'estendre selon mon cœur ; car voyci le jour de mes adieux, devant partir demain devant jour pour aller a Chamberi, ou le P. Recteur des Jésuites (0 m'at- tend, pour me recevoir ces cinq ou six jours de Caresme prenant, que j'ay réservé pour rasseoir mon pauvre esprit tout tempesté de tant d'affaires. La, ma Fille, je pretens de me revoir par tout, et remettre toutes les pièces de mon cœur en leur place, a Tayde de ce bon Père qui est esperduement amoureux de moy et de mon bien. Et si feray, ma Fille, je vous diray quelque chose de moy, puisque vous le desires tant et que vous me dites que cela vous sert ; mais, mais a vous, a vous seulement. Ce ne sont pas des eaux, ce sont des torrens que les affaires de ce diocèse. Je vous puis dire avec vérité que j'en ay eu du travail sans mesure despuis que je me suis mis a la visite ; et, a mon retour, je treuvay une besoigne de laquelle il me fallut entreprendre ma part, qui m'a infiniment occupé (2). Le bon est que c'est tout a la gloire de nostre Dieu, a laquelle il m'a donné de très grandes inclinations, et je le prie qu'il luy playse de les convertir en resolutions. Je me sens un peu plus amoureux des âmes que l'ordi- naire ; c'est tout l'advancement que j'ay fait despuis vous, mais au demeurant, j'ay souffert des grandes sécheresses et derelictions, non toutefois longues, car mon Dieu m'est si doux, qu'il ne se passe jour qu'il ne me flatte pour me gaigner a luy. Misérable que je suis ! je ne corres- pons point a la fidélité de l'amour qu'il me tesmoigne. Le cœur de mon peuple est presque tout mien mainte- nant. Il y a tous-jours quelque chose a dire, car je fais des fautes par ignorance et imbécillité, parce que je ne sçai pas tous-jours- bien rencontrer le bon biais. Sauveur du monde, que j'ay de bons désirs ! mais je ne sçai les parfaire *. ' Rom., vu, 18. Est ce pas asses dit, ma bonne Fille? Je dis ma bonne ( I ) Le p. Fourier. (2) Cette « besoigne » était le traité de théologie polémique qui devait servir d'introduction au Code Fahrien. Il y mit alors la dernière main. (Voir à l'Appendice, la lettre du président Favre, et tome XI, pp. 164, 408.)  140 Lettres de saint François de Sales Fille, parce que vous m'estes fort bonne et me consolés plus que vous ne sçauries croire. Il y a une certaine bénédiction de Dieu en cette filiation, sans doute. (0 Nostr'autre seur dijonnoise ( = ) a bien fait de res- traindre sa conversation spirituelle au confessionnal. Je n'ay receu nulle de ses nouvelles ; si j'en reçois, a me- sure de ce qu'elle me dira, je lu}^ escrira3^ Si les mous- ches qui avoyent gasté, ou au moins qui vouloyent gaster • Eccies., X, I. la suavité de l'onguent^ estoyent fort pressantes et en grand nombre, o Dieu, en ce cas la il faut qu'elle se renge a un exacte retranchement de toutes paroles super- fliies, de tous gestes, de toutes vëues, et que le seul confessional, pour tout, demeure en liberté. Mon Dieu, n'est ce pas dommage que ces bausmes des amitiés spiri- tuelles soyent exposés aux mouscherons ? Cette liqueur si sainte, si sacrée mérite un soin bien grand pour estre • Eccii., xxxiv, II. conservée toute nette, toute pure. Mais bien, dit le Sage *, celiiy qui n'a esté tenté que sçait-il ? Tout va bien, tout ira bien. Dieu aydant, et, comme je dis ordinaire- ment, si Dieu nous ayde nous ferons prou. (?) Nostre petite Charlotte (4) est a Dieu ; c'est ce Père auquel elle ressemble le plus. Laisses-la luy et la re- commandes a vostre tressainte Abbesse ; ell'en aura le soin pour moy. Cro3''es moy, j'ayme tout cela d'un amour tout entier, et ne m'est pas possible d'appréhender « le mien et le tien » en ce qui nous regarde. Aussi, dit saint 'Orat.inS.Phiiog., Chrisostome *, ce sont les deux motz qui ont ruiné la charité au monde. Si ma petite seur est si sage comme vous dites, je luy en sçai bon gré. Je ne dy rien a Dieu pour elle, sinon quil en face a son bon playsir. Tous les chemins sont (i) Ce qui suit, jusqu'à la p. 145, lig. 13, est emprunté à un Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. (2) M""^ Brûlart. (3) Cet alinéa et le suivant sont inédits. (4) La troisième et la plus jeune des filles de la baronne de Chantai, née en 1600, quinze jours avant la mort de son père: elle mourut au château de Monthelon, à l'âge de dix ans, dans la fleur de son innocence, « sortie de la « terre avant qu'elle l'eut bonnement touchée. >, ;Lettre de saint François de Sales, II mars 1610.)  Année 1606 141 bons a ceux que Dieu tient de sa mayn. Mais si elle ne veut pas estre Religieuse, je suis bien d'advis que vous exercies vostre charité envers elle, a l'enseigner comm'il faut estre bonne vefve, puisque quicomque se marie a besoin de cette leçon. C'est toute la cérémonie delaquelle j'use avec vous; autrement je reviendrois au mien et tien, duquel Dieu nous veuille garder et défendre. Parlons un peu de vous, c'en est bien la rayson. Oui sont ces téméraires qui veulent rompre et briser cette blanche colomne de nostre sacré tabernacle (0 ? Ne crai- gnent ilz point les Chérubins qui le tiennent deçà et delà et le couvrent sous l'ombre de leurs aisles *? Et bien, il •Exod.,xxxvir,7-9. s'est passé un peu de vanité, un peu de complaysance, un peu de je ne sçai quoy : or, cela n'est rien. Ferme, courage ; nos colomnes sont, ce me semble, bien fondées ; un peu de vent ne les aura pas esbranslees. C'est bien dit, ma Fille, il faut coupper court et trancher net en ces occasions, il ne faut point amuser les chalans ; puisque nous n'avons pas la marchandise quilz demandent, il le leur faut dire destroussement affin quilz aillent ailleurs. Et vrayment ce sont des braves gens : ne voyent-ilz pas que nous avons osté l'enseigne et que nous avons rompu le traffiq que nous pouvions avoir avec le monde ? Il est vray, nostre cors n'est plus nostre, nomplus que l'ivoire du trosne de Salomon * n'estoit plus aux elephans qui 'III Reg., x, 18. l'avoyent porté en leur gueule. Le grand Roy Jésus l'a choysi pour son siège : qui l'en déplacera ? O donques, il faut estre toute simple en cet endroit, et ne point ouïr de capitulation. Laisses faire. Dieu gardera bien nostre père sans perdre la fille. Vra3'ement, ce n'est pas mal parlé : sainte Agat'ne, sainte Thecle, sainte Agnes ont souffert la mort pour ne point perdre le lis de leur chasteté, et on nous voudroit faire peur avec des fantosmes ! Ouy da, ma Fille, lises et lises chèrement V Imitation de vostre Abbesse * et les epistres de saint Hierosme ; 'Videtom.prœced., p. 190, not. (4). •vous y treuveres celle qu'il escrit a sa Furia *, et quel- * Epist. uv. ques autres qui sont bien belles. (i) La Baronne était vivement sollicitée de se remarier.  142 Lettres de saint François de Sales Vous me demandes si j'iray en Bourgoigne cett'annee. Dieu seul le sçait, je ne le sçai pas. Je pense que non, car mille liens me tiennent attaché si court et serré que je ne puis remuer pieds ni mains, si Dieu de sa sainte main ne m"en délivre. Voyla que c'est, je pense vous *Epist.cccxx,p.i25. l'avoir des-ja dit par une preecedente*. Pour ma personne, je ferois tout pour donner satisfaction, je ne dis pas a vous, mais au moindre de tous mes enfans que Dieu m'a donné ; mais ma pauvre femme ('. me fait compassion, et puis que je ne la puis laisser qu'elle n'en souffre mille •Gen.,ii,24;Matt., incommodités et que Dieu veut que je luy adhsere *, me vojda garrotté. Je ne dis pas que mon absence de quelque peu de jours luy fut nuysible pour la privation de ma présence, car ce n'est pas cela qui m'empesche ; mais c'est que la sayson est si sujette aux vens et orages que je ne suis pas a mon pouvoir d'aller et de venir, mais faut que je vogue a leur merci, ^l'entendes vous bien ? Je croy qu'ouy, car vous sçavés ce que je vous dis un jour de mon voyage de Dijon, lequel je fis des-ja contre le commun advis de tous mes amis, mais sur tout de celuy auquel je devois le plus déférer, qui est le mesme Père Recteur que je vay voir a ce Caresme prenant, lequel, avec un grand zèle de mon bien, me pensa quasi arres- * Cf. tom. praeced., ter * ; mais ce grand Dieu, en la face duquel je regardois Epist. ccxi. ,...„. , . droit, tiroit tellement mon ame a ce beni voyage, que rien ne me peut arrester, et aussi il l'a réduit tout a bien et a sa gloire. jMais maintenant, d'y retourner jusques a ce que tout soit bien esclarci , je tenterois cette Bonté, laquelle me traitte si doucement que je la dois bien révérer. Je vous ay dit ceci au long parce qu'il m'est venu en Famé de penser que je le devois faire, a la charge que c'est a vous seulement. Mon Dieu sçait bien que si j'estois en liberté j'irois, je dis, je volerois souvent par tout ou * Cap. I, 13. j'ay du devoir. Saint Paul dit a ses chers Romains*, entre lesquelz et par lesquelz il devoit mourir : fay souvent proposé de venir a vous, ajfin que j'eusse ( I ) Sa chère Eglise de Genève.  Année 1606 143 quelque fruit entre vous ; mais j'ay esté empesché jusques a présent. Mais qui l'empeschoit ? L'ame de saint Paul ; et saint Chrisostome dit que c'estoit le Saint Esprit * * Hom. n ia Ep. ad Quoy que par les traverses et tribulations, vostre ame va bien, a ce que j'en voy ; il reste de la tenir ferme. Tout ce Caresme , si vous m'escrives par Lyon vous en aures une très grande commodité ; car de Lyon a Chambery ce n'est pas comme des icy, car tous les jours les courriers arrivent. Pour moy, je pense bien , Dieu aydant, vous escrire tous les huit jours. Alhors vous me dires s'il est requis que nous nous voyons cette année ; et s'il l'est, je vous diray quand, et je le puis dire des maintenant. La semaine de Pentecoste, a commencer des l'avant veille, sera toute tnienne, et celles de l'octave du Saint Sacrement, que je seray icy, ou ma mère vien- dra en ce tems la. Hors de la, il faut que je coure trois cens parroisses que j'ay encor a voir. Mays je dis cela en cas que vous et vostre confesseur jugies qu'il soit expé- dient ; car, sans mentir, je plains vostre peyne, et si elle n'est contrechangee de quelque grande utilité spirituelle, elle m'afflige. Je ne sçai si les Carmélites reçoivent des Religieuses des autres Ordres ; je crois que nenny. Mais quand cela seroit , croyes moy, c'est une tentation a ces bonnes Dames ( ' ) d'y aspirer, sinon qu'elles puissent réduire tous leurs monastères en Carmélites. Ouy da, aux Carmélites ! Nous ne pouvons pas nous accommoder a une petite obédience, et nous en ferons des extrêmes ! A Dieu, ma chère Fille, a Dieu donq soyes vous a jamais. Je suis en luy plus vostre que vous ne sçauries estimer ; il n'y a rien de semblable. Le doux Jésus re- pose a jamais sur vostre poitrine, et vous face reposer sur la sienne, ou du moins sur ses pieds. Ce 30 janvier 1606. (i) Les Religieuses du Puits-d'Orbe. Cf. la lettre à M™"= Brùlart, en date du 3 avril 1606.  144 Lettres de saint François de Sales  CCCXXIX A LA M H ME Le Carême, automne de la vie spirituelle ; moyen d'en recueillir les fruits. — La parure permise aux veuves. — Les âmes sont la vigne de Dieu. — Application détaillée de la figure évangélique à une âme chrétienne. — Le pressoir de l'Hglise. Chambéry, 24 février (i) 1606. Ce ne peut estre icy qu'une petite lettre, car je m'en vay tout maintenant en chaire, ma très chère Fille. Vous estes maintenant a Dijon, ou je vous ay escrit il n'y a que peu de jours, et ou vous abondes, par la grâce de Dieu, de plusieurs consolations ausquelles je participe en esprit. Le Caresme est l'automne de la vie spirituelle, auquel on doit recueillir les fruitz et les ramasser pour toute l'année. Faites vous riche, je vous supplie, de ces Cf. Matt., VI, 20. thresors pretieux que rien ne vous peut ni ravir ni gaster*. Souvenes vous de ce que j'ay accoustumé de dire : Nous ne ferons jamais bien un Caresme pendant que nous en penserons faire deux. Faysons donq celuy ci comme le dernier et nous le ferons bien. Je sçai qu'a Dijon il y aura quelque excellent prédica- teur (2). Les paroles saintes sont des perles, et de celles que le vray Océan d'orient, l'Abysme de miséricorde, nous fournit. Assemblés en beaucoup autour de vostre col, pendes en bien a vos aureilles, environnés en vos bras : ces atours ne sont point défendus aux vefves, car ilz ne les rendent point vaines, mays humbles. Pour moy, je suis ici ou je ne voy encor rien, qu'un léger mouvement parmi les âmes a la sainte dévotion, { I ) Cette date est plus justifiée que celle du 21 février, donnée par la pre- mière édition, car en i6oô, c'est le 24 de ce mois que se lisait l'Evangile de la vigne. (2) Le Cartme de 1606 fut prêché à Dijon par le P. La Barre, gardien des Cordeliers à Dole. « en réputation des premiers de son bonnet. » (Archives municip. de Dijon, B. 242, 243.)  Année 1606 145 Dieu Taccroistra, s'il luy plait, pour sa sainte gloire. Je m'en vay dire maintenant a mes auditeurs que leurs âmes sont la vigne de Dieu *; la cisterne est la foy, la tour est *Cf.Matt.,xxf, 33; l'espérance, et le pressoir, la sainte charité; la haye, c'est ' ' la loy de Dieu, qui les sépare des autres peuples infi- dèles. A vous, ma chère Fille, je dis que vostre bonne vo- lonté, c'est vostre vigne ; la cisterne, sont les saintes inspirations de la perfection que Dieu y fait pleuvoir du Ciel ; la tour, c'est la sainte chasteté, laquelle, comme il est dit de celle de David *, doit estre d'ivoire ; le pressoir, ♦ Cant., iv, 4, vu, 4. c'est l'obéissance, laquelle rend un grand mérite pour les actions qu'elle exprime ; la haye, ce sont vos vœux. Oh ! Dieu conserve cette vigne qu'il a plantée de sa main ; Dieu veuille faire abonder de plus en plus les eaux sa- lutaires de ses grâces en sa cisterne ; Dieu soit a jamais le protecteur de sa tour ; Dieu soit celuy qui veuille tous- jours donner tous les tours au pressoir, qui sont néces- saires pour l'expression du bon vin, et tenir tous-jours close et fermée cette belle haye dont il l'a environnée, cette vigne, et face que les Anges en soyent les vignerons immortelz. A Dieu, ma chère Fille, la cloche me presse. Je m'en vay au pressoir de l'Eglise, au saint autel, ou distille perpétuellement le vin sacré du sang de ce raysin * deli- » cf. Deut., xxxu, cieux et unique que vostre sainte Abbesse, comme vigne ''^' céleste, nous a heureusement produit. La, comme vous sçaves que je ne puis faire autrement , je vous presen- teray et representeray au Père en l'union de son Filz, auquel, pour lequel et par lequel je suis uniquement et si entièrement vostre. FRANç^ E. de Genève. Le ... février 1606.  Lettres tll  146 Lettres de saint François de Sales CCCXXX A LA MÊME La nuit, mille bonnes pensées s'offrent au Saint pour la prédication. — Souhaits de perfection. — La considération des plaies de Notre-Seigneur. — Vanité et bassesse d'un coeur « qui niche sur un autre arbre que sur celuy de la Croix. » — « Rien du monde n'est digne de nostre amour. » — Ré- solutions et aspirations du Bienheureux pour une vie plus fervente. Chambéry, fin février 1606(1). Ma chère Fille, Cette nuit, parmi mes resveilz, j'ay eu mille bonnes pen- sées pour la prédication, mais les forces m'ont manqué en l'enfantement. Dieu sçait tout, et j'addresse tout a sa plus grande gloire, et, adorant sa providence, je demeure en paix. Il n'y a remède; il faut que je face ce que je Rom., vil, 19. ne veux pas, et le bien que je veux, je ne le fay pas *. Me voyci au milieu des prédications et d'un grand Cf. supra, p. 144. peuple, et plus grand que je ne pensois pas*; mais si je n'y fay rien, ce me sera peu de consolation. Croyés que ce pendant je pense a tous momens a vous et a vostre ame, pour laquelle je jette incessamment mes souhaitz devant Dieu et ses Anges, affin que, de plus en plus, elle soit remplie de l'abondance de ses grâces. Ma très chère Fille, que j'ay d'ardeur, ce me semble, pour vostre advancement au très saint amour céleste, auquel, en célébrant ce matin, je vous ay derechef dediee et offerte, m'estant advis que je vous eslevois sur mes bras comme on fait les petitz enfans et les grans encor, quand on est asses fort pour les lever. Voyés un peu quelles imaginations nostre cœur fait sur les occurrences. Vraye- ment, je luy en sçai bon gré d'employer ainsy toutes choses pour la suavité de son incomparable affection, en les rapportant aux choses saintes. ( I ) La première édition donne la date de mars 1618, mais les allusions trahissent une époque antérieure, et comme le premier alinéa ne peut se rapporter au Carême de La Roche (1605), ou de Rumilly (1608), il reste que la lettre a été écrite à Chambéry, vers le milieu de la station quadragésimale.  Année 1606 147 Je n'ay manqué de faire une spéciale mémoire du cher mary . Ha ! que vous fistes néanmoins un heureux eschange en ce jour la, embrassant Testât de cette parfaite résigna- tion auquel, avec tant de consolation, je vous ay treuvee ; et vostre ame, prenant un Espoux de si haute condition, a bien rayson d'avoir une extrême joye en la commémo- ration de l'heure de vostre fiancement avec luy. Or sus, il est vray, ma chère Fille, nostre unité est toute consacrée a la souveraine unité ; et je sens tous- jours plus vivement la vérité de nostre cordiale conjonc- tion, qui me gardera bien de vous oublier jamais, qu'après et long tems après que je me seray oublié de moy mesme pour tant mieux m'attacher a la Croix. Je doy a jamais tascher de vous tenir hautement et constamment dans le siège que Dieu vous a donné en mon ame, qui est establi a la Croix. Au demeurant, allés de plus en plus, ma chère Fille, establissant vos bons propos, vos saintes resolutions ; approfondisses de plus en plus vostre considération dans les playes de Nostre Seigneur, ou vous treuveres un abysme de raysons qui vous confirmeront en vostre géné- reuse entreprise et vous feront ressentir combien vain et vil est le cœur qui fait ailleurs sa demeure, qui niche sur autre arbre que sur celuy de la Croix. O mon Dieu, que nous serons heureux si nous vivons et mourons en ce saint tabernacle! Non, rien, rien du monde n'est digne de nostre amour ; il le faut tout a ce Sauveur qui nous a tout donné le sien. Vrayement, j'ay eu de grans sentimens ces jours passés, des infinies obligations que j'ay a Dieu, et, avec mille douceurs, j'ay résolu derechef de le servir avec plus de fidélité qu'il me sera possible et de tenir mon ame plus continuellement en sa divine présence ; et avec tout cela, je me sens une certaine allégresse, non point impétueuse, mais, ce me semble, efficace pour entreprendre ce mien amendement. N'en serés vous pas bien ayse, ma chère Fille, si un jour vous me voyes bien fait au service de Nostre Seigneur ? Ouy, ma chère Fille, car nos biens intérieurs sont inséparablement et indivisiblement unis.  148 Lettres de saint François de Sales Vous me souhaittes perpétuellement beaucoup de grâces, et moy, avec ardeur nompareille, je prie Dieu qu'il vous rende très absolument toute sienne. Mon Dieu, très chère Fille de mon ame, que je vou- drois volontier mourir pour l'amour de mon Sauveur ! mais au moins, si je ne puis mourir pour cela, que je vive pour cela seul. O ma Fille, je suis fort pressé; que vous puis-je plus dire, sinon que ce mesme Dieu vous bénisse de sa grande bénédiction ? A Dieu, ma chère Fille ; pressés fort ce cher Crucifié sur vostre poitrine. Je le supplie qu'il vous serre et unisse de plus en plus en luy. A Dieu encor, ma très chère Fille; me voyci bien avant dans la nuiti^l, mais plus avant dans la consolation que j'ay de m'imaginer le doux Cf. supra, p. 17. Jésus assis sur vostre cœur* ; je le prie qu'il y demeure au grand jamais. A Dieu encor une fois, ma bonne, ma chère Fille, ma Seur, que je chéris incomparablement en Nostre Seigneur, qui vit et règne es siècles des siècles. Amen. Vive Jésus ! Franç% E. de Genève. (i) Cette phrase semble contredire les premiers mots de cette lettre ; mais celle-ci, commencée le matin, n"a sans doute été finie que le soir du même jour, très tard. Voir, d'ailleurs, ci-dessus, note (2), p. 17.  CCCXXXI A LA PRÉSIDENTE BRULART Une langueur qui pique l'âme au lieu de l'assoupir. — Ce qui est défendu, ce qui est permis les jours de Communion. — Si la perfection consiste à ne voir point le monde. — Les jugements bons ou mauvais des hommes; le cas qu'il en faut faire. — Le monde est un charlatan. — Susceptibilité in- justifiée d'une destinataire. Chambéry, [février-mars] 1606. Madame ma très chère Seur, Je vous voy tous-jours languissante du désir d'une plus grande perfection. Je loue cette langueur, car elle ne  Année 1606  149  vous retarde point, je le sçai bien ; au contraire, elle vous anime et pique a la conqueste. Vous vives, ce me dites vous, avec mille imperfections. Il est vray, ma bonne Seur ; mais ne taschés-vous pas d'heure a autre de les faire mourir en vous ? C'est chose certaine que, tandis que nous sommes icy environnés de ce cors si pesant et corruptible, il y a tous-jours en nous je ne sçai quoy qui manque. Je ne sçai si je vous l'ay jamais dit : il nous faut avoir patience avec tout le monde, et premièrement avec nous mesmes, qui nous sommes plus importuns a nous mesmes que nul autre, despuis que nous sçavons discerner entre le viel et le nouvel Adam, l'homme intérieur et extérieur. Or sus, vous aves tous-jours le livre en main pour la méditation, autrement vous ne faites rien. Que vous doit il chaloir de cela ? Que ce soit le livre en main et a diverses reprises, ou sans livre, que vous importe-il ? Quand je vous dis que vous n'y fussies que demi heure*, 'Videtom.praeced., c'estoit au commencement, que je craignois de forcer ^' ^'°" vostre imagination ; mais maintenant il n'y a pas de danger d'y employer une heure. Le jour qu'on s'est communié, il n'y a nul danger de faire toutes sortes de bonnes besoignes et travailler; il y en auroit plus a ne rien faire. En la primitive Eglise, ou tous communiovent tous les iours(0, pensés vous qu'ilz .„^. ^ , ^^. •^ _ •' -^ _ '■ i^ï.lntrod.alaVte se tinssent les bras croisés pour cela* ? Et saint Paul, qui dev., Part. Il, c. xx disoit la sainte Messe ordinairement, gaignoit néanmoins p. Ti(^)_ "•"■ ' '' sa vie au travail de ses mains *. * Act., xx, 54 ; i  Thess., II, g.  ( I ) Telle était l'opinion généralement reçue à l'époque de saint François de Sales et longtemps avant lui. Or, il semble que la pratique primitive générale ait été de communier à chaque réunion; mais ces réunions n'avaient lieu que tous les Dimanches. (Voir la lettre de Pline à Trajan et la Did.iché.) Puis, sous l'effet des persécutions et à la longue, des divergences se produi- sirent ; au iv^ siècle elles étaient assez accentuées entre l'Orient, où les Com- munions étaient rares (beaucoup de solitaires en Egypte n'assistaient à la Messe que le Dimanche et communiaient rarement), et l'Occident, Rome surtout, où la Communion quotidienne fut en honneur chez certains Chré- tiens; ce qui donna lieu à la phrase célèbre attribuée à saint Augustin et qui a servi de loi au moyen-âge : « Singulis diebus communicar e nec laiido, nec vitupéra, » etc. (Cf. le tome III de cette Edition, note (i), p. l, et note ( i), p. 117. — Voir Lesêtre, LEolise an siècle des Apôtres, pp. 628, 651, 636; Lugo, De Eucharist. (Venetiis, 1751), Disput. xvii.)  150 Lettres de saint François de Sales De deux seules choses se doit on garder le jour de la Communion : du péché et de voluptés et playsirs recher- chés, car pour ceux qui sont deus et exigés, ou qui sont nécessaires, ou qui se prennent par une honneste condes- cendance, ilz ne sont nullement défendus ce jour la ; au contraire, ilz sont conseillés, moyennant l'observation d'une douce et sainte modestie. Non, je ne voudrois pas m'abstenir d'aller en un honneste festin ni en une hon- neste assemblée ce jour la, si j'en estois prié, bien que je ne voudrois pas les rechercher. Il y a un autre exemple es gens mariés, qui, ce jour la, peuvent ains doivent rendre leurs devoirs, mais non pas les exiger sans quelque indécence, laquelle néanmoins ne seroit péché mortel. Je metz cet exemple exprès. Vous me demandes si ceux qui veulent vivre avec quelque perfection peuvent tant voir le monde. La per- fection, ma chère Dame, ne gist pas a ne voir point le monde, mays ouy bien a ne le point gouster et savourer. Tout ce que la veuë nous apporte, c'est le danger, car qui le void est en quelque péril de l'aymer; mais a qui est bien résolu et déterminé, la veuë ne nuit point. En un mot, ma Seur, la perfection de la charité c'est la per- fection de la vie , car la vie de nostre ame, c'est la charité. Nos premiers Chrestiens estoyent au monde de cors et non de cœur", et ne laissoyent pas d'estre très parfaitz. Ma chère Seur, je ne voudrois nulle feintise en nous; pas des vrayes feintises. La rondeur et simplicité sont nos propres vertus. Mais il me fasche, dites vous, des mauvais jugemens que l'on fait de moy qui ne fay rien qui vaille, et on croit que si ; et vous me demandés une recette. La voyci, ma chère Fille, telle que les Saintz me l'ont apprise : Si le monde nous mesprise, res-jouissons nous, car il a rayson, puisque nous reconnoissons bien que nous sommes mesprisables ; s'il nous estime, mesprisons son estime et son jugement, car il est aveugle. Enquerés vous peu de ce que le monde pense, ne vous en mettes point en soucy, mesprisés son prix et son mespris, et le laissés dire ce qu'il voudra, ou bien ou mal.  Année 1606 151 Je n'appreuve pas donq que Ton faille, pour donner mauvaise opinion de soy; c'est tous-jours faillir et faire faillir le prochain. Au contraire, je voudrois que, tenant les yeux sur Nostre Seigneur, nous fissions nos œuvres sans regarder que c'est que le monde en pense, ni quelle mine il en fait. On peut fuir de donner bonne opinion de soy, mais non pas rechercher de la donner mauvaise, sur tout par des fautes faittes exprès. En un mot, mes- prisés presque esgalement l'opinion que le monde aura de vous et ne vous en mettes point en pej^'ne. De dire qu'on n'est pas ce que le monde pense, quand il pense bien de vous, cela est bon; car le monde est un charla- tan, il en dit tous-jours trop, soit en bien soit en mal. Mais, que me dites-vous? que vous portes envie aux autres, que je préfère a vous ? et le pis est que vous dites que vous le sçavés bien. Comme le sçaves-vous bien, ma chère Sœur ? En quo}'- prefere-je les autres ? Non, croyés-moy, vous m'estes chère et très chère ; et je sçai bien que vous ne prefereres pas les autres a moy, bien que vous le deussiés. Mais je vous parleray en confiance. Nos deux seurs des chams (^1 ont plus de nécessité d'assistance que vous qui estes en la ville, en laquelle vous abondes d'exercices, de conseil et de tout ce qu'il faut, la ou elles n'ont nul qui les ayde. Et quant a nostre seur du [Puits-d'Orbe] , ne voyes vous pas qu'elle est seule, n'ayant point d'inclination a se ranger a la confiance de ceux que monsieur nostre père luy propose, et monsieur nostre père ne gouste point ceux que nous proposons? car, a ce qu'elle m'escrit, monsieur nostre père ne peut appreuver le choix de monsieur Viardot. Ne dois-je pas plus de compassion a cette pau- vre crucifiée qu'a vous, qui. Dieu mercy, aves tant de commodités ? (i) La baronne de Chantai et l'Abbesse du Puits-d'Orbe.  Lettres de saint François de Sales  CCCXXXII A LA BARONNE DE CHANTAL Conduite à tenir dans les tentations contre la foi; la meilleure tactique, c'est de les mépriser. — Dieu est le protecteur de la viduité chrétienne. Chambéry, 6 mars 1606. Ma très chère Fille, Contre tous ces nouveaux assautz et tentations d'infi- délité ou doute de la foy, tenés vous close et couverte dans les instructions que vous aves eu jusques a pré- sent ; vous n'aures rien a craindre. Prenes garde a ne point disputer ni marchander ; item, a ne point vous en attrister et inquiéter, et vous en seres délivrée. Pour moy, je voy cette grande horreur et ha^me que vous aves pour ces suggestions, et ne doute nullement que cela ne vous nuise et ne donne de l'advantage a Ten- nemy, qui se contente de vous ennuyer et inquiéter, puis- qu'il ne peut faire autre chose, comme il ne fera jamais, Dieu aydant. Mais courage, ma chère Fille. Ne vous amuses point a la considération de tout cela, car il vous doit suffire que Dieu n'est point ofFencé en ces attaques que vous receves. Usés le plus que vous pourres de mespris de ces broùilleries la, car le mespris y est le re- mède le plus utile. Non, je ne suis nullement en crainte pour les colomnes Cf. supra, p. 141. de nostre tabernacle *, car Dieu en est le protecteur. J'ay néanmoins bien esté en considération, pour penser que c'est qui pouvoit permettre au monde l'audace et l'im- prudence de penser a les esbranler ; car il me semble que nous luy faysons asses mauvais visage pour luy oster le courage de nous vouloir chatouiller. Or bien, tout cela n'est rien. Je ne peux ni veux jamais finir de vous souhaitter  Année 1606  153  l'abondance des grâces de Nostre Seigneur et de sa très sainte Mère, en l'amour duquel je suis et seray invaria- blement et uniquement tout vostre. FRANç^ E. de Genève. Le 6 mars 1606.  CCCXXXIII A MADEMOISELLE ACARIE (i) (fragment inédit) Estime du Saint pour les Supérieurs du Carmel, et en particulier pour M. de Bérulle. Chambéry, 6 mars 1606. On m'escrit de Dijon que monsieur de BeruUe et monsieur (i) Barbe Avrillot, née à Paris, le i^"" février 1^66, de Nicolas Avrillot, seigneur de Champlàtreux et de Marie Luillier, épousa le 24 août 1582, Pierre Acarie, conseiller du roi et maître ordinaire en sa Chambre des Comptes, vicomte de Villemor, seigneur de Montberrault, de Roussenay et autres lieux. A la mort de son mari, 17 novembre 161 3, M""^ Acarie, ayant obtenu d'entrer comme Sœur converse au Carmel d'Amiens, y reçut avec l'habit, le nom de Sœur Marie de Tlncarnation (7 avril 1614), fit profession le 8 avril de l'année suivante et se rendit au Carmel de Pontoise, où elle mourut à l'âge de cin- quante-deux ans, le 18 avril 1618. Par l'action extraordinaire qu'elle exerça autour d'elle, par la fondation en France du Carmel de sainte Thérèse, par l'éminence de sa piété, cette femme illustre se place à la tète des âmes d'élite qui ont préparé la rénovation religieuse du xvii* siècle. L'élévation et la fermeté de son bon sens, son admirable perspicacité pour lire dans les consciences, la sagesse et la sûreté de ses conseils, assaisonnés de bonne grâce et d'enjouement, firent de son hôtel le rendez-vous de toute la société parisienne du temps. On devine que François de Sales arrivant dans la capitale en 1602, ne tarda pas à connaître le « logis du seigneur Acarie; » il y « faut appelle, et, » ajoute Georges Rolland (Pi-ocess. remiss. Gebenn. (I), ad art. 21), il y « alloit presque tous les jours. » Le Bienheureux devint le confesseur de la grande chrétienne, et bientôt le conseiller affectueux de tous ses enfants; bien plus, l'année suivante, l'aîné d'entre eux, Nicolas Acarie, vint se fixer chez lui, à Annecy, pour se perfec- tionner dans la science du droit, à l'école d'Antoine Favre, le fameux juris- consulte. L'Evèque de Genève estima toujours grandement la sainte vie de la Sœur Marie de l'Incarnation : « O quelle faute je commis, » disait-il, <( quand  154 Lettres de saint François de Sales Gallemand y sont (0, et mesme que monsieur de Be- ruUe vient de ce costé de deçà et qu'il me fera l'honneur de s'avancer jusques ou je seray. Je vous asseure que cette seule nouvelle m'a des-ja rempli de joye et de contentement, et si cela m'arrive je le tiendray pour une singulière faveur de Dieu Revu sur une ancienne copie conservée à Paris, Archives Nationales, M. 534. je ne profitay pas de sa tres-saincte conversation! » (Charles-Auguste de Sales, Histoire, etc., liv. V.) En 1619, durant son séjour à Maubuisson, au dire de la Mère Angélique ArnsiXid (Process. remiss. Parisiens., ad art. 28). il alla jusqu'à cinq fois à Pontoise, pour prier devant ses reliques, lesquelles s'y conservent encore de nos jours dans la chapelle des Filles de sainte Thérèse. La célèbre fondatrice du Carmel français a été béatifiée par le Pape Pie VI, le 5 juin 1791. (Voir ses divers historiens, et principalement André du Val, réédition Paris 1893, et Emmanuel de Broglie, Paris 1903.) ( i) Vers cette date, en effet, les Carmélites de Dijon (voir ci-dessus, note (2), p. 118) se trouvant logées trop à l'étroit, leurs Supérieurs songeaient à leur procurer une autre habitation. C'est sans doute pour négocier cette affaire que M. de Bérulle et M. Gallemand (voir le tome précédent, note ( i ), p. 118) séjournaient alors à Dijon.  CCCXXXIV A MADAME DE LA FAVERGE (O (ikédite) Le Bienheureux s'intéresse à l'avenir d'un jeune gentilhomme, et promet à sa mère de faire des démarches pour lui. Chambéry, 9 mars 1606. Madame ma Tante, J'avois des-ja sceu par la voye de mon frère de la Tuille le désir que vous avies pris de faire donner page Vide Epist. seq. mon cosiu vostre filz( = ) a monsieur d'Albigni *, et tout (i ) Voir le tome XI, p. 354, note (2), et le tome XII, note ( i ), p. 152. (2) Des quatre fils de M""^ de la Faverge, celui pour lequel celle-ci solli- citait l'office de page, paraît être Charles-Emmanuel de la Faverge, coseigneur de Cormand, baptisé le 20 août 1589, filleul du duc de Savoie ; ou encore,  Année 1606 155 aussi tost je m'enquis sil y avoit place, ou vacante ou preste a vaquer. Et ne voyant rien de cela, je m'arrestay de ce costé la, avec dessein néanmoins de rafraichir la mémoire audit seigneur, de la bonne volonté si souvent tesmoignee par sa parole, quil a en vostre endroit ; et par mesme moyen je penserois sonder sil y auroit moyen de prendre quelque autre biais pour vostre contentement. Je ne veux pas retourner que je ne me sois essayé fort fidellement a bien rendre ce devoir, comme je feray en toutes autres occasions, aydant Dieu, que je supplie vous bénir et conserver, et demeure, Madame ma Tante, Vostre serviteur et neveu bien humble, FRANÇ^ E. de Genève. IX mars 1606. Madame ma Tante, faites moy l'honneur d'asseurer madame la Baronne, ma très grande et honnoree tante (0, de mon très humble service, et messieurs mes cosins ses chers enfansf^). A Madame ma Tante, Madame de la Faverge. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Foras, château de Thuyset, près de Thonon. mais avec moins de vraisemblance, ses deux autres frères, Sébastien-Bal- thazar, ou Michel-Philibert de la Faverge, baptisé le 7 mars 1593. Ce dernier entra dans la Compagnie de Jésus; voulant faire profession, il testa le 31 dé- cembre 1632. Il était recteur du collège de Chambéry en 1638. (i) Sans doute, la mère de la destinataire, Béatrix de Dérée, qui épousa (contrat dotal du 31 décembre 1539) Michel de Chevron- Villette, baron et seigneur de Chevron, seigneur de Bonvillard, Mercury et autres lieux. Il mourut avant 1588; quant à sa femme, elle pouvait encore lui survivre en 1606. (2) Les enfants de la précédente étaient: Claudine-Françoise, femme de Nicolas de Montmayeur; Jean, abbé de Tamié ; Hector de Chevron-Villette, baron de Chevron (voir le tome XI, note (i), p. 45); Jean-Louis, dit de Chevron, seigneur de Bonvillard ; Michelle, qui épousa François de Valence, seigneur de Gruffy ; Françoise et Pernette, la destinataire de la lettre.  156 Lettres de saint François de Sales cccxxxv A M. LOUIS DE LA THUILLE, SON FRERE (inédite)  Les places de page en Savoie au xvn"'^ siècle ; le Saint s'entremet pour en procurer une. — Mauvaise santé de Tun de ses frères. Chambéry^ vers le 10 mars 1606 (i). Monsieur mon Frère, Je receus l'autre jour vostre lettre, a laquelle je n'ay sceu si tost respondre, embarrassé que je suis en un monde de menues affaires et de visites. Maintenant je vous diray que toutes les places de page chez monsieur d'Albigny sont plej^nes et ni a pas grand'esperance qu'elles puissent estre vuides si tost. Je feray cependant ressouvenir de la bonne affection qu'il a tesmoigné d'avoir au soulagement de monsieur de la Faverge mon 'Cf. Epist prxced. oncle, et y feray tout ce que je pourray * ; mays si Monseigneur le Prince revenoit, j'appreuverois beaucoup plus que mon cosin luy fust donné qu'a nul autre (2), Je regrette que mon frère du Vilaroget (3) soit malade, comme monsieur Deage (4) m'escrit ; je le serviray le plus qu'il me sera possible par mes foybles prières. Monsieur le Baron et madame la Baronne de Cusy ont  (i) Les rapports de la lettre précédente avec celle-ci suggèrent cette date comme à peu près certaine. (2) '< Monseigneur le Prince » Victor-Amédée de Savoie, alors en Espagne, revint en Piémont au mois de juin 1606. Comme il était devenu le prince héritier par la mort du prince Philippe-Emmanuel (février 1605), on devait penser à lui créer une petite cour. (3 ) Gallois de Sales (voir le tome XI, note ( i ), p. 12). (4) Jean Déage, ancien précepteur du Saint (voir ibid., note ( i ), p. 2).  Année 1606 157 esté icy pour se faire Religieux, mays tout cela est rompu (i). Je suis Vostre frère plus humble, Franç% E. de Genève. Je salue mille fois et de tout mon cœur vos dames (*). A Monsieur de la Tuille. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. ( I ) Ce projet devait être repris quelques années plus tard, sous une autre forme, vers 1610; il en sera question dans les lettres de cette époque. (2) M.""^ de Boisy, Gasparde, soeur du Saint, les femmes de ses deux frères, Louis et Gallois, demeuraient alors ensemble au château de Sales, dans une heureuse concorde que le Bienheureux prenait plaisir à contempler.  CCCXXXVI A MONSEIGNEUR FRANÇOIS FLÉARD ÉVÊQUE DE GRENOBLE (O Le Saint, à la fin de son Carême, avertit de son départ l'Evêque du diocèse et se loue d'avoir prêché à son peuple. Chambéry, fin mars 1606. Monsieur, Je vous demanday congé pour venir faire Tofiice que je fay en cette ville ; je vous le demande maintenant pour mon retour, duquel je voy bien tost arriver la journée, avant laquelle je ne sçay si j'auray une si ( I ) Cette lettre est donnée dans les éditions précédentes sans date ni adresse. Voici par quelle série de déductions on a pu établir l'une et l'autre avec quel- que vraisemblance : La lettre a été écrite à un Evêque à l'issue d'un des Carêmes prêches par le Saint. L'appellation de Monsieur exclut le Carême de Chambéry de 161 2, parce que, dès i6og, François de Sales, dans une lettre à Msi" de Villars, se dé- clare résolu à donner le titre de Monseigneur à tout Evêque. Restent les Ca- rêmes de 1604 (Dijon) et 1606 (Chambéry). Or, à Dijon, bien avant cette date, son Evêque, M^"" de Langres, avait une juridiction aussi limitée que contestée  158 Lettres de saint François de Sales bonne commodité de vous bayser les mains, comme est celle que me donne le voyage de M. vostre Officiai, pour aller près de vous ; qui m'a donné le sujet de vous supplier des maintenant d'avoir pour aggreable l'affec- tion que j"ay eue au service de vostre peuple, et de croire que je suys, Monsieur, sur la capitale de la Bourgogne. (Voir La Cuisine, Purlement de Bourgogne.) Il est donc bien plus probable que la lettre s'adresse au Prélat qui gouvernait Chambéry au spirituel. C'était alors l'Evêque de Grenoble, François Fléard ou Fléhart. Il mou- rut à TuUins, cette même année 1606, le 25 septembre. Issu d'une célèbre famille de robe, premier président de la Chambre des Comptes du Dauphiné, puis chanoine de la collégiale de Saint-André de Grenoble et abbé commen- dataire de Saint-Martin de Bosco, François Fléard avait été promu au siège épiscopal de Grenoble en IS75.  CCCXXXVII A M. CLAUDE DE CRÉPY ( INÉDITE ) Témoignages d'amitié. — Les Carmélites de Dijon et la bonne odeur qui émane de leur cloître. — Considération du Saint pour leurs Supérieurs. — Retour à Annecy. Chambéry, 2 avril 1606. iMon sieur mon très honnoré Père, J'avois demeuré fort long tems sans avoir l'honneur de vos lettres, et tout en un jour, peu avant Pasques, j'en receu deux : l'une du 13 janvier, l'autre du 18 février, par lesquelles, en un coup, j'ay receu aussi deux conso- lations ; car je fus asseuré de vostre santé, de laquelle j'avois esté en peyne a rayson d'un advis que j'avois eu que vous avies eu des ressentimens de vostre gravelle, et de celle de madame l'Abbesse, ma très chère seur, a laquelle j'en souhaite beaucoup pour le désir qu'elle  Année 1606 159 a de remplo3''er entièrement a la gloire de Nostre Sei- gneur. Vous seres consolé sans doute, Monsieur mon Père, par le voysinage de ces bonnes Dames Carmélites, des- quelles la bonne odeur se respand souefvement par tout ou elles sont receiies; et moy, qui participe a tous vos contentemens, je m'en res-jouis beaucoup, comme aussi de la conversation de messieurs de Berulle [et Galle- mand], que j'honnore de tout mon cœur pour sçavoir que Dieu a le sien tourné du costé du leur. Je receu les lettres de ma petite seur, vostre trop obligée servante, et les fis tenir ou elles s'addressoyent. Vous luy faites trop de grâce de vous resouvenir d'elle si tendrement. Je m'en revay a mon Annessy, puisque le Caresme est achevé (0, d'où je vous escriray le plus souvent qu'il me sera possible pour vous tenir la mémoire fraische de celuy qui, quoy que indigne et inutile, est glorieux d'es- tre et se pouvoir dire toute sa vie. Monsieur mon Père, Vostre très humble filz et serviteur, Franc', E. de Genève. Ce 2 avril. A Monsieur Monsieur de Crespy, Président en la Cour du Parlement de Dijon. Revu sur une copie conservée à la Bibliothèque d'Angers (Catalogue des Mss., n° 1764, Anjou Topographie G-f). (i) Pâques tombait, en 1606, le 26 mars.  i6o Lettres de saint François de Sales  CCCXXXVIII A LA PRÉSIDENTE BRULART La clôture de l'abbaye du Puits-d'Orbe et ceux qui devraient la respecter. — « Le mal des maux, » pour les âmes « qui ont des bonnes volontés. » — Prendre modèle sur les abeilles : faire le miel « dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour, » et ne pas désirer une perfection qui nous dépasse. Annecy (i), 3 avril 1606. Madame ma très chère Seur, Je vous ay des-ja escrit mon avis sur le sujet de vostre dernière lettre; mais voyant que vous le desires fort et craignant que si mes paquetz s'estoyent esgarés vous n'en demeurassies en peyne, je vous redira}^ quil ni a nul danger que vous entries au IMonastere de nostre seur( = ) jusques a ce que la clausure y soit exactement establie. Les âmes qui vous en font scrupule sont bonnes et dévotes, comm'elles tesmoignent par leur scrupule, lequel néanmoins n'a nul fondement ; c'est pourquo)^ il ne s'y faut pas arrester. Pleut a Dieu que les hommes qui n'entrent en cette Mayson-la que par curiosité et indiscrétion, en ûsse (sic) bien scrupule, car ilz auroyent bon fondement pour cela ; mais non pas vous, jusques a ce que, comme je dis, la clausure y soit establie, qui ne sera jamais si tost que je le désire. J'ay sceu ce que vous me dites des inquiétudes de touttes les Religieuses, et en suis marri. Elles arrivent faute d'une bonne conduite et mesnage de leurs espritz. C'est le mal des maux entre ceux qui ont des bonnes volontés, qu'ilz veulent tous-jours estre ce quilz ne peu- vent pas estre , et ne veulent pas estre ce qu'ilz ne Cf. supra, p. IÎ3. peuvent n'estre pas*. On me dit que ces bonnes filles sont toutes esprises de l'odeur sainte que respandent les (i) Le Saiut était probablement de retour dans sa ville épiscopale (voir la page précédente). (2) Au Puits-d'Orbe.  Année 1606 i6( saintes Carmelines et qu'elles desirero3^ent toutes d'en estre*. Mais je ne pense pas que cela se puisse aysement : *Cf. supra, p. 143. qui me fait dire qu'elles n'employent pas bien ce bon exemple, qui leur devroyt servir pour les animer a bien embrasser la perfection de leur estât, et non pas a les troubler et faire désirer celuy auquel elles ne peuvent arriver. La nature a mis une loy entre les abeilles, que chacune d'icelles face le miel dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour. A Dieu, Madame ma très chère Fille, tenes bien serré le sacré Crucifix sur vostre cœur. Je suis Vostre serviteur très asseuré, F. 3 avril 1606. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.  CCCXXXIX  A LA BARONNE DE CHANTAL  Remède aux tentations contre la foi. — La Méthode de servir Dieu et le Combat spirituel. — Aux âmes qui débutent dans l'oraison, « il est expé- dient de se servir de toutes » leurs « pièces, et de l'imagination encores. » — Dans les choses conseillées, le Saint ne veut pas qu'on prenne ses paroles en toute risueur.  Annecy, avril 1606.  Je suis consolé que monsieur Gallemant soit de mesme advis avec moy. Pour le remède de ces importunités que vous receves touchant la fo}^ il dit vray : il ne faut point disputer, mais s'humilier ; ni spéculer avec l'entende- ment, mais roidir la volonté. Le livre de La Méthode de servir Dieui^) est bon, ( I ) Za Méthode de servir Dieu, divisée en trois Parties, avec le Miroir des personnes illustres, augmentées du Mémorial de la Vie de Jésus Christ, conte- nant sept belles Méditations pour tous les jours de la semaine, faites en Espagnol Lettres III 1 1  i62 Lettres de saint François de Sales mais embarrassé et difficile plus qu'il ne vous est requis. Celuy du Combat spirituel contient tout ce qu'il dit, et plus clairement et plus méthodiquement. De ne se servir en Torayson ni de l'imagination ni de l'entendement, il n'est pas possible ; mais de ne s'en servir point que pour esmouvoir la volonté, et, la volonté estant esmeuë, de l'employer plus que l'imagination ni l'entendement, cela se doit faire indubitablement. Il n'est pas besoin, ce dit cette bonne Mère (O, de se servir de l'imagination pour se représenter l'humanité sacrée du Sauveur. Non pas, peut estre, a ceux qui sont des-ja fort advancés en la montaigne de la perfection ; mais pour nous autres qui sommes encor es vallées, quoy que dési- reux de monter, je pense qu'il est expédient de se servir de toutes nos pièces, et de l'imagination encores. Je vous ay néanmoins marqué en quelque papier que cette ima- gination doit estre fort simple, et comme servant d'es- guille pour enfiler dans nostre esprit ses affections et resolutions. C'est le grand chemin, ma chère Fille, duquel il ne nous faut pas encores départir jusques a ce que le jour soit un petit plus grand et que nous puissions bien 'CLlntroJ.aiaVie disccmer les sentiers*. Il est bien vray que ces imasfi- a'^D.,tom.IIIhuius . , . . .„ , , * Edit.,pp.76,78,7g. nations ne doivent point estre entortillées de beaucoup de particularités, mais simples. Demeurons, ma chère Fille, encor un peu icy en ces basses vallées, ba)^sons encor un peu les pieds du Sauveur : il nous appellera, •Cf. Cant., I, I, et quand il luy plaira, a sa sainte bouche*. Ne vous départes tom. prseced., pp. . , , , , 330, 331. encor point de nostre méthode jusques a ce que nous nous revoyons. Mais quand sera-ce, me dires vous ? Si vous pensies, par le R. P. Alphonse de Madrid, Religieux de Saint François, et mises en nostre langue de la traduction de Gahriel Chappuis, Tourangcan, annaliste et translateur du Roy. Au R. P. Frère Paul de Mol, Guardien du couvent des Frères Capucins de Bethune. Lyon, Favre, 1593. — Douai 1598, 1600, 1606.— (Voir le tome IV de la présente Edition, note ( i ), p. viii.) (i) Cette « bonne Mère » dont le Saint ne trouvait pas les conseils oppor- tuns, était Mère Marie de la Trinité, célèbre dans le monde sous le nom de M"= d'Hannivel (voir ci-après, note (î), p. 183). Toutefois, on peut croire que celle-ci, jeune encore et à peine professe, ne parlait pas alors en son seul nom, mais traduisait surtout les pensées de la vénérable Prieure, Anne de Jésus, qui était espagnole et ignorait notre langue.  Année 1606 163 ma chère Fille, que vous puissies tirer de ma présence tant d'ayde et de bon fruit et de provisions spirituelles comme vous m'escrives, et que vous en ayes beaucoup de désir, je ne seray pas si dur que de vous remettre a l'année prochaine, mais vous remettray volontier au pre- mier dessein, lequel ne me donne nulle peyne que celle que vous aures au voyage ; car, au demeurant, il m'est plein de suavité et de contentement. La difficulté est que je n'ay a mon commandement que les octaves de Pente- coste et celle du Saint Sacrement. Ausquelles des deux que vous voulies venir, vous me treuveres icy plein de cœur, et, Dieu a3^dant, de joye a vous servir. Et voyés-vous, ma chère Fille, en ces choses non nécessaires, ou au moins desquelles je ne puis pas bien discerner la nécessité, ne prenés point mes paroles rie a rie ; car je ne veux point qu'elles vous serrent, mais que vous ayes liberté de faire ce que vous croirés estre meil- leur. Si donq vous croyes que vostre voyage vous soit fort utile, je m'accorde qu'il se face, mais cela avec ayse et toute volonté. Seulement, il faudra m'advertir duquel des deux tems vous voudrés faire choix, car je veux faire venir ma mère icy en ce cas la ; et croyés qu'elle et moy en serons bien consolés, aux despens de vostre travail. Dieu soit a jamais avec nous, et veuille vivre en nos cœurs éternellement. A Dieu, ma très chère Fille; je suis celuy qu'il a rendu si uniquement vostre. F. En avril 1606.  ib4 Lettres de saint François de Sales  CCCXL A. M. CLAUDE DE CRÉPY Prière d'assister l'Abbesse dans son entreprise de réforme. — Ici-bas, il n'est point de prix proposé à la dévotion. — Recommandation en faveur d'un Religieux appelé à défendre ses droits. Annecy, 6 avril 1606. Monsieur mon très honnoré Père, Il n'est pas croyable combien vous me lies estroitte- ment au grand devoir que je vous ay, par cette conti- nuelle mémoire que vous aves de mo5\ de laquelle vos lettres si fréquentes sont les marques. Je loue Dieu de la santé de madame l'Abbesse, ma grande seur, et, avec vostre congé, ma chère fille, et croy que sa divine bonté s'en servira pour l'accroissement de sa gloire et le salut de plusieurs âmes. Mais, Monsieur mon très honnoré Père, sans vous, sans vostr'authorité elle ne peut rien, ni pour establir cette [entière] reformation qui est requise en son Monastère, ni pour la maintenir, au moins en ce commencement. C'est pourquoy, Monsieur mon Père, je vous supplie de l'y bien assister, particulièrement pour la closture, au moins avec la modification que j'y avoys apportée, car, cela, c'est le grand mot pour ce sujet. Je sçai que mes prières sont superfliies, puysque vostre bonne volonté est abondante ; mais je ne puis m'empescher de vous en faire ces répliques, par ce que mon désir, qui est extrême au bien de cette seur et a la gloire de sa Ma3^son, m'en presse et sollicite incessamment. Vous m'escrives, Monsieur mon Père, que madame la Présidente vostre fille et madame de Chantai ont emporté le prix entre toutes les devotieuses. Mais quel prix, je vous supplie ? car je ne croy pas que la dévotion en aye icy bas ; mais je pense bien qu'elles en auront au Ciel.  1. VIII,c. viii.  Année 1606 165 Je vous entens bien néanmoins, Monsieur mon très bon Père; vous me voules consoler par la dévotion de ces deux âmes que j'affectionne infiniment en Nostre Sei- gneur. Je ne laisse pas d'estre tout honteux de voir qu'elles vont ravissant le Ciel*, et je demeure bien bas 'Matt., xi, 12. parmi mes imperfections *. 'S. Aug.,Confess., Monsieur Grenaud qui rapporte mes lettres me presse bien fort de les luy donner, et je serois indiscret si je l'incommodois après quil a pris la peyne de venir icy exprès pour m'apporter les vostres et prendre celles ci. Cela me gardera de m'estendre plus au long sur ce sujet de la dévotion de ces deux dames ; mesme, puisqu'il faut que, changeant de propos, je vous supplie d'avoir en recommandation les droitz du sieur de Longecombe, Religieux de Nantua(0, duquel la famille m'appartient d'un'alliance si estroitte qu'il ne se peut dire plus, et est toute pleyne de vertu ( = ). J'ay dautant plus de courage en cet office que je désire luy rendre, qu'il est défendeur et appelle, et que j'estime sa cause fort juste. Aussi ne demande-je sinon vostre juste et équitable faveur pour sa protection, ce pendant que je supplie Nostre Seigneur (i) L'abbaye de Saint-Pierre de Nantua, en Bugey, déjà florissante au vm^ siècle, appartenait à la Règle de saint Benoit. Du vivant de Grégoire VII, elle passa sous l'autorité de l'Abbé de Cluny et fut réduite en prieuré. Le Pape Clément VIII, par la Bulle qui fondait la Sainte-Maison de Thonon (13 septembre 1599), avait uni à celle-ci le prieuré de Nantua (Bullaire de la Sainte-Maison) ; mais cette annexion, d'abord retardée, fut pour toujours empêchée en 1601, par le traité de Lyon qui céda à la France le Bugey, etc., contre le marquisat de Saluées. Au xv!!*^ siècle, ses prieurs furent : Tiberio Muti, chanoine de Saint-Pierre, parent du Pape Paul V et son échanson, plus tard évéque de Viterbe et car- dinal ; André Frémyot, le frère de la baronne de Chantai, archevêque de Bourges, qui en prit possession le 23 juin 1606. (Voir le tome précédent, note ( I ), p. 299, et ci-après, la lettre du 8 juin à la Baronne.) Il commença par affranchir de la main-morte ses sujets de la terre de Nantua, et sut rendre à la vieille abbaye la splendeur des premiers jours. (2) Jacques de Longecombe, Religieux, puis infirmier et vicaire général du prieuré de Nantua, était le fils de François-Philibert de Longecombe et de Françoise de Dizimieu, un des frères d'alliance du Saint (voir ci-dessus, note ( I ), p. 130). Le 20 septembre 1638, Charles de Longecombe, son neveu, ayant été reçu comme Religieux dans le monastère, il résigna en sa faveur son bénéfice et devint, quelques années plus tard (30 août 1641), grand- prieur. (Guichenon, Histoire de Bresse et de Bugey ; Archiv. départ, de l'Ain, Inventaire, H. 65.)  i66 Lettres de saint François de Sales quil multiplie la sienne sur vous et madame ma mère, comm'estant, Monsieur mon très honnoré Père, Vostre serviteur et filz très humble. Francs E. de Genève. 6 avril, a Neci i6[o6]. A Monsieur Monsieur de Crespy, Président en la Cour de Parlement a Dijon. Revu sur l'Autographe appartenant à M"* Savy, à Lyon.  CCCXLI  A LA PRESIDENTE BRULART  (inédite)  Encore la clôture du Puits-d'Orbe. — Pour le nombre des Communions, s'en remettre au confesseur ordinaire. — Se voir sans faillir, n'est possible qu'en Paradis. — Pourquoi il faut tout à la fois haïr et aimer nos imperfections. Annecy, 7 avril 1606. Madame ma très chère Seur, Jay respondu a toutes vos précédentes lettres ; je répète néanmoins quil ni a nul danger a vous d'aller dans le Monastère de mesdames vos seurs pendant que la clausure ni est pas establie ; le scrupule que vous Cf. supra, p. 160. en aves est sans fondement, et n'en doute point *. J'ay pressé et presse nostre seur, et maintenant, selon vostre advis , monsieur vostre père , pour la closture de ce Monastère, et je ne cesseray point de l'en solliciter ; car, Epist. prasced, commc je dis a monsieur vostre père *, c'est le grand mot en ce sujet. Ma chère Seur, si vostre confesseur juge a propos que vous communiies plus souvent que tous les huit jours,  Année 1606 167 vous le pourres faire ; car je pense qu'il voit et considère soigneusement Testât de vostre ame pour vous bien con- duire en ce point. Que si j'estois aussi près de vous quil seroit requis pour discerner sur cette particularité, je vous en dirois mon opinion ; mais vous ne pouves faillir, sui- vant celle de ceux qui voyent vostre disposition et néces- sité présente : c'est pourquoy vous deves, avec confiance, vous y reposer. Vous aymeries mieux vous voir sans faillir que de vous voir parmi les imperfections ; aussi ferois je bien moy, car nous serions en Paradis. Mais cette inquiétude qui vous arrive de ne pouvoir atteindre a ce signe de perfection pendant cette vie, vous invite (0 au soupçon ~ du desplaysir que vous en aves, lequel sans doute n'est pas pur, puisqu'il inquiète. Haïsses donq vos imperfec- tions parce qu'elles sont imperfections, mays aymés-les parce qu'elles vous font voir vostre rien et vostre néant, et qu'elles sont sujet a l'exercice et perfection de la vertu et miséricorde de Dieu *, a laquelle je vous recommande * Cf. Les vrays En- « - . 1 . tretiens , tom. VI incessamment, me confiant que vous en faites le reci- hujus Edit., p. 22. proque pour moy, qui, a jamais, suis et seray Vostre plus humble serviteur et frère, F. VII avril 1606. Je salue monsieur vostre mari ; je luy souhaite le Ciel propice, comme a tout ce qui vous appartient. Vous me faites tous-jours des excuses ; pour l'honneur de Dieu, non plus, car il semble que vous ne sçachies pas quelle ame sa divine bonté m'a donnée en vostre endroit. Dieu soit vostre tout, ma chère Seur. A Madame la Présidente Brulart. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. ( I ) Le Saint a dû écrire incite.  i68 Lettres de saint François de Sales  CCCXLII A M. CHARLES d'aLBIGNY ( INÉDITE ) Démarche des habitants de La Roche pour obtenir rétablissement d'un collège. Intérêt que porte le Saint à cette affaire. Annecy, 8 avril 1606. Monsieur, Ceux de la Roche envoyent le secrétaire de leur ville (0, avec l'acte signé du consentement quilz pres- tent aux articles portés par la requeste quilz vous ont • Cf. supra, Epist. présentée pour l'establissement de leur collège *. Je les CCCXXII. ay asseuré (sic) quil ne leur estoit besoin d'aulcun'autre chose, puisque, Monsieur, vous esties tout disposé a les gratifier pour ce sujet, qui, a la vérité, est de soi mesme très recommandable. Je vous en supplie de rechef, et priant Nostre Seigneur quil accroisse tous-jours de plus en plus ses bénédictions en vous, je demeure, Monsieur, Vostre serviteur très humble, Franc % E. de Genève. VIII avril 1606, a Neci. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gênerai deçà les monts. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chevalier Rossi, à Rome. (i) Les recherches faites dans cette ville parmi les Archives publiques et privées ne nous ont pas donné le nom des syndics et de leur secrétaire.  Année 1606 169 CCCXLIII AU PRIEUR ET AUX RELIGIEUX DU MONASTÈRE DE SIXT (0 (inédite) L'Abbé de Sixt en procès avec le Saint. — Celui-ci demande aux Religieux qu'ils attestent s'être soumis à ses ordonnances. Annecy, 14 avril 1606. Messieurs, Vous sçaves le procès que monsieur l'Abbé de Sixt m"a suscité a Vienne pour s'exempter, s'il peut, de la correction qu'il doit recevoir des Evesques ( = ) ; et en fin, je m'asseure que l'iniquité de son dessein estant mise au jour de la justice, il se treuvera confus. Mais ce pendant il s'eschappe de tems en tems, et par toutes les dilations qu'il peut obtenir, il fuit la sentence. C'est pourquoy, affin de le ranger plus tost, il seroit a propos que vous fissies une attestation comme du costé de vostre Chapitre ( I ) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 226. (2) Les prétentions de Jacques de Mouxy n'étaient pas ondées. Au dire de Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. VI), « depuis l'an mille cent soixante et un... les Abbez d'Abondance et Six estoyent subjects à la jurisdiction et correction de l'Evesque de Genève. » Aussi, dès sa première visite dans cette dernière abbaye (2s septembre 1603), le Saint se prévalut expressément, comme le témoigne le procès-verbal rédigé de sa propre main, des « anciens droicts et coustumes de l'Evesché de Genève. » Les chanoines eux-mêmes re- connurent, « avec l'honneur et respect qu'ils devoyent, » qu'il « avoit droict de visiter leur abbaye et leurs personnes, et qu'ils ne vouloyent point com- battre ny empescher cela outre la raison. » (Ibid., liv. V.) L'Abbé adhéra lui aussi aux ordonnances de l'Evêque ; mais plus tard, voulant se débarrasser de tout contrôle, il suscita un procès au Bienheureux. Comme on le voit par cette lettre, celui-ci l'accepta et il finit par le gagner. L'intrai- table Abbé lui-même, au lieu de s'obstiner dans ses revendications tracassières, désira, se sentant près de mourir, faire la confession de ses péchés à son Evêque. Malgré la distance et la rigueur de la saison, le Saint accourut aussitôt (novembre 1620), et avec une grande joie et dévotion, Jacques de Mouxy remit « son ame et ses biens entre les mains de M^"" de Genève, lequel en pouvoit disposer a son plaisir. » (Process. remiss. Gebenn. (I), déposition de François Biord, chanoine de Sixt, ad art. 27.) Il mourut le 4 décembre suivant.  170 Lettres de saint François de Sales et des Religieux, vous me receustes en qualité de Supé- rieur, et acquiesces pleinement a mes ordonnances. Or, puisque c'est la vérité, et que je ne désire de voir la fin de ce procès que pour la gloire de Dieu ec le bien de vostre Monastère, je croy que vous ne feres nulle difficulté de m'envoyer ladite attestation. Je vous en prie, et me recommande a vos prières, demeurant, Messieurs, Vostre confrère bien humble, Franc ^ E. de Genève. Annessy, le 14 avril i6o6. A Messieurs Messieurs les Prieur et Religieux de Sixt. Revu sur le texte inséré dans le I'^'' Procès de Canonisation.  CCCXLIA^ A LA DUCHESSE DE MERCŒUR Le Saint intercède pour un gentilhomme débiteur de la duchesse de Mercœur. Il s'excuse lui-même de son retard à payer une créance. Annecy, 15 avril 1606. Madame,. Le sieur de Manigod (0, qui est fort bon et honneste gentilhomme, m"a conjuré de l'assister de son interces- sion auprès de Vostre Grandeur, pour obtenir une grâce qu'il en désire. C'est, Madame, qu'il vous playse com- mander a Pensabin ( = ) de ne point vouloir exiger de luy, ( I ) Jean-Claude de Reydet, seigneur de Manigod, Pressy, Vulpillières, conseiller d'Etat de Son Altesse Royale, fils de Louis de Reydet et de Louise Pobel, épousa successivement Isabelle de Lescheraine ^contrat dotal du 2 fé- vrier 1597) et Jeanne du Pont (contrat dotal du 13 janvier i6oj). (3) Janus Pensabin, né à La Roche, reçut des lettres de noblesse le 17 juil- let 1583. Par une faveur particulière, il put, sans déroger, exercer les charges de procureur du duc de Nemours, de procureur au Sénat et à la Chambre des Comptes pendant douze ans. Noble Pensabin s'était acquis l'estime et les bonnes grâces du duc de Savoie, des princes et de plusieurs grands seigneurs, en contribuant généreusement de ses deniers, à la défense des intérêts catholi- ques. Il avait épousé D'" Michelle de Vignod. (Notes du comte de Maresckal.  p. 125.  Année 1606 171 ni le charger d'interestz et accessoires pour les sommes qu'il doit a Vostre Excellence, sinon a la mesme mesure et quantité que Sa Grandeur en veut retirer, affin que non seulement l'un, mais Tautr'aussi participe a sa cha- rité et libéralité, et que l'un des débiteurs use a l'endroit de l'autre de la debonnaireté et gratification qu'il a ob- tenue de son seigneur et créancier, selon l'Evangile *. *Matt.,xviii, 23-33. Et je sçai bien. Madame, combien moy mesme je de- vrois rechercher des intercessions, pour impetrer pardon et du retardement du payement de Thorens * et d'avoir «Cf. tom.prsced., tant attendu a faire les actions de grâces que je doy a Vostre Excellence, pour la douceur dont elle use en mon endroit pour ce regard. Mais je ne puis implorer a cette intention que la mesme bonté que le sieur de Manigod me fait implorer pour luy, et a laquelle j'auray plus ample recours, a la fin de tout le payement que je ne verray jamais si tost achevé que je souhaitte. Ce pendant, je prieray sans cesse Nostre Seigneur qu'il multiplie ses célestes faveurs sur vostre personne. Madame, et sur celle de Madame vostre mere(0 et de Madamoyselle ( = ), puisque je suis Très humble et très obéissant serviteur de Vostre Excellence, François, E. de Genève. A Neci, le xv avril 1606. A Madame Madame la Duchesse de Mercœur et Pemthevres, Princesse de Martigues, etc. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibliothèque Nationale, Fonds français, 17362. i) Marie de Beaucaire, dame de Villemontois, fille d'honneur de la reine Marie Stuart et sa favorite, était fille de Jean de Beaucaire, seigneur de Péguil- lon ou Puyguillon, sénéchal de Poitou. Elle s'unit en 1560, à Sébastien de Luxembourg, duc de Penthièvre, marquis de Baugé, vicomte de Martigues, et mourut en 1613, après avoir été « durant sa vie, un miroir et exemplaire de perfection. » (P. Hilarion de Coste, Eloges... des Reynes, Princesses et Dames illustres, tome II.) (î) Françoise de Lorraine, fille de la duchesse. (Voir le tome précédent, note ( I ), p. m).  1^2 Lettres de saint François de Sales CCCXLV AU PRIEUR ET AUX RELIGIEUX DU MONASTÈRE DE SIXT (inédite) Le Saint remercie les Religieux de Sixt de lui avoir envoyé une pièce favorable à son procès contre l'Abbé du Monastère. Annecy, 24 avril 1606. Messieurs, Je vous remercie des expéditions que vous m'aves envoyées, lesquelles je ne désire qu'employer a vostre 'Vide supra, Epist. repos et consolation *. J'espère que dans peu de tems, '^'^^'■'"' j'auray sentence en la faveur de mon bon droit, et, moyennant cela, nous pourrons prendre l'affaire de tant de biays, que monsieur l'Abbé sera en fin contraint de joindre a la rayson. Du moins ne m'y espargneraj^-je point, Dieu aydant, lequel je prie vous vouloir combler de ses grâces, et désire d'estre recommandé a sa misé- ricorde en vos saintz Sacrifices. Je suis. Messieurs, Vostre confrère bien humble et très affectionné. Franc', E. de Genève. Annessy, le 24 avril 1606. A Messieurs Messieurs les Prieur et Religieux de Sixt. Revu sur le texte inséré dans le P"^ Procès de Canonisation.  Année 1606 173 CCCXLVI A UNE DAME INCONNUE (0 Vivre en esprit de douceur et d'humilité. — CoQseil de suivre les avis d'un Religieux. Annecy, 24 avril 1606. Madame, Les bons désirs et dessains que Nostre Seigneur a mis dedans vostre cœur me donnent beaucoup de sujet de vous honnorer, et voudrois bien pouvoir estre utile a vous servir pour ce regard; en signe dequoy j'ay mis en escrit les petits advis que je vous dis a bouche, et les vous envoyé de bonne volonté, puis que vous les désirés et qu'aussi je pense qu'ilz vous seront utiles. Vous ni treu- verés rien, ce me semble, qui ne vous soit facile, mes- mement les ayant oûy declairer de vive voix. Si toutefois, il y avoit quelque chose que vous n'entendissies pas du tout bien, il ne s'en faudroit pas mettre en peyne, car avec le tems, vous l'entendres sans difficulté. Continués seulement a présenter souvent vostre cœur a Dieu et vives en esprit de douceur et d'humilité devant sa face et parmi les prochains, et ne doutes nullement qu'il ne vous assiste et conduise ou vous aspirés. Vous ne profiterés pas peu communicant vostr'ame avec le P. Recteur ( = ), comm'il me semble que vous avies résolu de faire a mon despart. [Il a une '3)] grande suffisance, et est fort charitable au secours des âmes qu'il a en charge. Je prie Nostre Seigneur quil vous comble abondamment (i) La date et l'objet de cette lettre, à défaut du nom de la destinataire, indiquent toutefois qu'elle habitait Chambéry, où, très probablement, elle avait connu le Saint pendant le Carême, et de là, conçu le désir de se mettre sous sa direction. (2) Le P. Fourier. (3) L'Autographe est déchiré sur une longueur correspondant à ces trois mots.  174 Lettres de saint François de Sales des grâces de son Saint Esprit, et désire que réciproque- ment vous me faciès part a vos prières, comm'a celuy qui sera tous-jours, Madame, Vostre serviteur bien humble en Nostre Seigneur, Francs E. de Genève. xxiiii avril 1606. Je salue bien humblement toute vostre mayson, mais spécialement la bonne Damei'). Il ne sera pas requis que cet escrit soit veu sinon par vous. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bologne. ( I ) Le nom de '< la bonne Dame n ne nous est pas connu.  CCCXLVII  A LA PRESIDENTE BRULART  Les plus pures affections sujettes à la rouille. — Les vignes et les amitiés spirituelles : les unes et les autres ont besoin d'être émondées. — Le chemin de dévotion le plus assuré. Annecy, 29 avril 1606. Madame ma très chère Seur et Fille en Nostre Seigneur, Voicy qu'en fin ( j'ay receu la lettre que vous m'es- crivites le 28 décembre de l'an passé; et le pauvre La Pause f-), a qui ell'avoit esté remise, s'estant rompu une jambe auprès de Mascon, n"a peu me l'apporter plus tost. Avec icelle, j'ay receu l'advis que cette bonne fille que vous connoissés (3), m'a envoyé de ce petit accident ( I ) La suite de cette phrase, les deux premières lignes de la p. 176 et le post-scriptum sont inédits. (2) « La Pause » semble avoir été un courrier de profession, plutôt qu'un messager occasionnel. (3) Il s'agit de M""= Brùlart elle-même; le Saint la désigne ainsi par un sentiment de charité délicate et de prudence. (Cf. ci-dessus, p. 124.)  Année 1606 175 qui liiy estoit arrivé en l'amitié spirituelle de la personne a laquelle elTavoit pris de la confiance ( ; et par ce que vous luy dires mieux ce que je désire qu'elle sache sur ce point, que je ne sçaurois luy escrire, je le vous diray. Qu'elle ne s'estonne nullement de cet inconvénient ; car ce n'est qu'une crasse et rouilleure qui a accoustumé de s'engendrer au cœur humain sur les plus pures et sincères affections, si on ne s'en prend garde. Ne vo3't on pas que les vignes qui produisent le meilleur vin sont plus sujettes aux superfluités et ont plus de besoin d'estre emondees et retranchées ? Tell'est l'amitié, mesme spiri- tuelle. Mais il y a cela de plus : c'est quil faut que la main du vigneron qui l'esmonde soit plus délicate, dautant que les superfluités qui surcroissent sont si minces et déliées que, en leur commencement, on ne sçauroit presque les voir, si on n'a les yeux bien essuies et ouvertz. Ce n'est donq pas merveilles si on s'y trompe souvent. Mais cette fille doit bénir Dieu que cet inconvénient luy ayt esté manifesté au commencement de sa dévotion, car c'est un signe évident que sa divine Majesté la veut conduire par la main, et, par l'expérience de ce danger eschappé, la veut rendre et sage et prudente pour en éviter plusieurs autres. O Dieu, que c'est chose rare de voir des feuz sans fumée ! Si est ce que le feu de l'amour cseleste n'en a point pendant quil demeure pur ; mais quand il se commence a mesler, il commence de mesme a rendre de la fumée d'inquiétudes, de desreglemens et mouvemens de cœur irreguliers. Or bien. Dieu soit loué que tout est bien remis et en bon estât. Au demeurant, il ni a point eu de mal a se declairer en sorte que l'on aye peu reconnoistre la personne dont on parloit, puisqu'il ne se pouvoit faire autrement. Et le discret conseiller des âmes ne treuve jamais rien d'es- trange, mais reçoit tout avec charité, compatit a tout, et connoist bien que l'esprit de l'homme est sujet a la vanité * et au des-ordre, si ce n'est par une spéciale ' Rom., vm, 20. assistence de la Vérité. (i) M. Viardot.  176 Lettres de saint François de Sales J'ay respondu a tout le reste de ce qu'elle m'escrivoit, par les précédentes que vous luy aures rendues. Il me reste a vous dire, ma très chère Seur, que le chemin de dévotion le plus asseuré, c'est celuy qui est au pied de [la] Croix : d'humilité, de simplicité, de douceur de cœur. Dieu soit a jamais en vostre cœur; je suis en luy et par luy. Madame, Vostre tout dédié serviteur et frère, F. XXIX avril 1606. J'ay escrit a Madame du Puis d'Orbe, et maintenant je n'ay nul loysir. ( I / A Madame Madame la Présidente Brulart. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Troyes. ( I ) L'adresse n'est pas de la main du Saint.  CCCXLVIII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I^"^ Les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare -ne tiennent pas leurs promesses. — Le Bienheureux recourt à l'intervention de Charles-Emmanuel pour obtenir justice, en faveur de plusieurs églises sans pasteurs. Annecy, 4 mai 1606. Monseigneur, Sachant combien Vostre Altesse est propice et favo- rable a tout ce qui regarde l'establissement de la foy catholique, spécialement dans ses Estatz, je me plains a elle du peu de conte que messieurs de Saint Maurice et Lazare tiennent de contribuer ce qu'ilz doivent a cet effect pour le Chablaix, Gaillart et Ternier. J'ay fait toucher au doit (sic) au seigneur chevalier Bergeraz que nous avions besoin de la dotation de plusieurs églises, qui ne se peut prendre que dessus le revenu de l'Ordre ;  Année i6o6 177 et nous demeurasmes d'arrest, après plusieurs contestes, qu'il procureroit une briefve resolution du Conseil dudit Ordre sur ce sujet. Et me voyci, Monseigneur, que je suis encor a l'attendre, s'estant escoulee une grande quantité de mois despuis la promesse quil m'en fit(0. Que si Vostre Altesse n'use de sa providence et pieté ordinaire a commander audit Conseil et sieur Bergeraz que, sans delay, il (sic) satisfacent a leur devoir, je n'espère pas d'en voir jamais aucune bonn'issue, laquelle j'affectionne extrêmement, non seulement pour mon de- voir et le salut de plusieurs âmes qui manquent d'assis- tance faute de pasteurs, mais encor par ce que ce sera le comble de Ihonneur, qui est deu a la bonté et pieté de Vostre Altesse, de la réduction de ces peuples ; qui me fait la supplier très humblement, et par l'amour de Nostre Seigneur, quil luy playse emplo3^er sa bonne et puissante main a l'exécution d'une si saint'œuvre, de laquelle la recompense sera immortelle au Ciel, que je désire a Vostre Altesse de tout mon cœur, après que, par une longue suite d'années, ell'aura heureusement régné en terre, pour le bien de son peuple et la gloire de son Dieu. Et cependant, je seray tant que je vive, Monseigneur, Très humble et tres-obeissant serviteur et orateur de Vostre Altesse, France E. de Genève. A Neci, le 4 may 1606. A Son Altesse. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) En effet, Dom Thomas Bergera, au nom de l'Ordre, par une conven- tion passée le 25 août 160% avait enfin promis de restituer les biens ecclé- siastiques destinés à l'entretien des curés « riere le duché de Chablais. » Il ne fallut rien moins que la douce ténacité du Saint et sa patiente obstination, pour avoir raison des interminables lenteurs des Chevaliers à tenir leurs enga- gements. Le duc de Savoie intervint, par lettres patentes, le 15 novembre 1606; mais ses ordres eux-mêmes furent éludés, puisque seulement lo 7 juillet de l'année suivante fut signé l'acte définitif de restitution. (Voir à l'Appendice, la réponse de Charles-Emmanuel au Saint, en date du 27 mai 1606.)  178 Lettres de saint François de Sales  CCCXLIX AU CONSEIL DES CHEVALIERS DES SAINTS MAURICE ET LAZARE Plainte du Saint aux Chevaliers pour leur retard à doter les églises, ainsi qu'ils y sont tenus. Annecy, 5 mai 1606. Messieurs, J'attens, il y a long-tems, Tordre que vous deves donner de vostre costé a la juste dotation des églises de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont encor despourvëues de pas- teurs, faute de moyens convenables pour les y loger. Et voyant qu'il n'arrive point, je me plains a vous, Messieurs, mais de vous mesmes, qui, ce me semble, avés trop peu de soin d'une chose si importante a la gloire de Dieu et salut des âmes. Que si monsieur le chevalier Bergera a des-ja l'ordre en main et que ce retardement vienne de sa part, je me plaindray beaucoup plus de lu}^, qui sçait par combien d'assemblées et de disputes je luy ay claire- ment fait voir la nécessité de cette provision. Ayes aggreable ,- Messieurs , je vous supplie, cette plainte que je vous fay avec autant de respect que ma juste affection me permet, désirant vivre, xMessieurs, en vos bonnes grâces, priant Dieu quil vous comble de ses bénédictions, et demeurant Vostre serviteur bien humble en Nostre Seigneur, Francs E. de Genève. A Neci, le 5 may 1606. A Messieurs Messieurs du Conseil de la S. Milice des S*^ Maurice et Lazare. A Turin. Revu sur l'Autographe conservé à Milan, Archives Borromeo.  Année 1606 179 CCCL A MADAME DE CHARMOISY (i) ^  Le Saint s'excuse d'une méprise. — Affaire d'intérêt. — Se confier à la providence de Dieu, « non de bouche seulement, » pratique très fructueuse. — Exhortation à la ferveur.  Annecy, 20 mai 1606. Madame ma Cousine, Il faut que je commence ma lettre en vous demandant pardon d'une faute que j ay faite, mais je vous asseure, sans aucune malice, par une pure inadvertance. On m'a apporté la lettre ci jointe comme venante de vostre part, et moy qui, a la vérité, suis chaud a sçavoir de vos nou- velles, je l'ay tout soudainement ouverte sans considérer l'inscription. Et voyant au dedans la main de monsieur de Charmoj^si mon cosin, je n'eusse pas pour cela laissé de la lire, si je n'y eusse reconneu le mot de vos amitiés particulières. Receves-la donq, sil vous plait, après qu'ell'a esté ouverte, mais tout de mesme comme si elle ne l'avoit pas esté, et pardonnes a ma prsecipitation qui  (i) Louise du Chastel, née vers 1587, épousa à Paris (contrat du ii juil- let 1600) Claude de Charmoisy (voir le tome précédent, note (i), p. 216). Elle mourut vingt-sept ans après son mari, le i'^'' juin 1645, et laissa deux enfants, Henri et Françoise de Charmoisy. Malgré sa haute distinction d'esprit et ses rares qualités morales, M""^ de Charmoisy, pas plus que tant d'autres vertueuses chrétiennes de son temps, n'aurait sans doute retenu l'attention de la postérité. Son nom est tiré pour jamais de l'oubli, grâce au reflet de gloire qu'a projeté sur lui l'aimable génie du saint Docteur. Tant qu'on lira, dans le monde des lettres et de la piété, Y Introduction a la Vie dévote, on sera curieux de connaître l'âme choisie, la Philothée historique et réelle pour qui fut tracé le premier crayon de cet ouvrage immortel. A son tour, la physionomie charmante et grave de l'illus- tre dame éclaire doucement les pages de l'inimitable livre, et elle a surtout un très vif intérêt pour l'histoire de l'ascétisme : celui d'offrir le type de la femme chrétienne, vivant dans le monde et dressée à la perfection par un Maître incomparable, selon l'idéal même qu'il en avait conçu. (Voir la Préface du tome III de la présente Edition, pp. x-xxiv.)  i8o Lettres de saint François de Sales a deceu le respect que je porte et a Tescrivant et a vous. J'eusse bien peu rabiller la faute et la vous rendre imper- ceptible ; mais j'ayme mieux me confier en vostre bien- veùillance qu'en mon artifice. Et ne laisses pas, je vous supplie, I^Iadame ma chère Cousine, de me croire fort fidelle en tout ce qui regardera vostre service, car je le seray toute ma vie autant que nul homme du monde. Je garderay donques comme vous l'ordonnes les cent escus, et y feray joindre le reste que ma bonne mère vous doit, laquelle, avec tous ses enfans, non seulement se sentent obligés de vous rendre vostre bien a vostre besoin, mais de fondre tout le leur pour vostre service. Vous ne sçauries sans doute, Madame ma chère Cousine, communiquer vos desplaysirs petitz ou grans, non plus que vos contentemens, a un'ame plus sincère en vostre endroit ni plus entièrement vostre que la mienne ; et ne doutes nullement que je n'observe avec toute fidélité le secret auquel, outre la loy commune, la confiance que vous prenes en moy me lie indissolublement. Je recom- manderay l'affaire a Nostre Seigneur, et tout maintenant que je vay a l'autel. J'ay esté consolé de voir que vous vous remettes en la providence de Dieu. C'est bien dit, ma chère Cousine, il le faut tous-jours faire et en toutes occurrences; et quand vous vous accoustumeres de faire souventefois cette re- mise, non de bouche seulement, mais de coeur, et profon- dement et sincèrement, croyes que vous en ressentirés des effectz admirables. C'est grand cas que je ne puis m'empescher de vous parler de ces exercices du cœur et de l'ame ; c'est par ce que je n'ayme pas seulement la vostre, mais je la chéris tendrement devant Dieu qui, a mon advis, désire beaucoup de dévotion d'elle. Ailes cependant tout bellement aux exercices de l'ex- térieur, et ne vous charges pas d'aller a Saint Claude a pied, non plus que ma bonne tante madame du Foug (0, laquelle n'est plus de l'aage auquel ell'y alla, quand je Edit., p. 310. l'accompagnay *. Portes y vostre cœur bien fervent, et, ( I ) Voir le tome XI, note ( i ), p. 114, et note {3), p. 344.  Année 1606 181 soit a pied ou a cheval, ne doutés point que Dieu ne le regarde et que Saint Claude ne le favorise. Nostre Sauveur soit a jamais vostre protection, et je suis, Madame ma Cousine, Vostre cousin et serviteur plus humble, Franç\ E. de Genève. Toute vostre petite troupe va bien et Bonaventure va guérissant. Le XX may 1606, A Madame ma Cousine, Madame de Charmoysi. Marclaz. Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Mermillod, à Immensée (Suisse).  CCCLI  A LA BARONNE DE CHANTAL  Projet d'une deuxième entrevue avec la Baronne. — Il faut s'attacher à la gloire de Dieu et non à ses créatures. — Docilité du Saint aux avis qu'on lui donne pour sa santé. — Quel usage doit-on faire de l'imagination et de l'entendement dans l'oraison. — S'abstenir des longues oraisons, des ima- ginations violentes et des considérations prolongées. — Les travaux des mains. — N'avoir d'autre loi ni contrainte que l'amour. — La « sarge » violette de la Baronne. — Pensées qui occupaient le Saint tandis qu'il portait le Saint-Sacrement à la Fête-Dieu. — La quenouille et le fuseau des âmes dévotes et des saintes ménagères. — Les gros et les petits fuseaux. — Intérêt affectueux de l'Evêque pour la famille de M""^ de Chantai. Annecy, 8 juin 1606. Ce sera donques pour cette prochaine année, s'il plait a Dieu, que nous nous reverrons, ma très chère Fille ; mais cela infalliblement, et tous-jours ou aux festes de Pentecoste ou a celle du Saint Sacrement, sans qu'il soit besoin d'attendre aucune autre assignation, affin qu'on s'y dispose de bonne heure. Et ce pendant, qu'est-ce  i82 Lettres de saint François de Sales que nous ferons ? Nous nous resignerons entièrement et sans reserve a la bonne volonté de Nostre Seigneur, et renoncerons en ses mains toutes nos consolations, tant spirituelles que temporelles. Nous remettrons purement et simplement a sa Providence la mort et la vie de tous les nostres, pour faire survivre les uns aux autres, et a nous, selon son bon playsir, asseurés que nous sommes que, pourveu que sa souveraine Bonté soit avec nous et en nous et pour nous, il nous suffit très abondamment. Que je demandasse de vous survivre ? Oh vrayement, que ce bon Dieu en face comme il luy plaira, ou tost ou tard : ce ne sera pas cela que je voudrois excepter en mes résignations, si j'en faysois. Mais, ce dites-vous, vous n'estes pas encores destachee de ce costé la. Seigneur Dieu, que dites vous, ma très chère Fille ? Vous puis je servir de lien, moy, qui n'ay point de plus grand désir sur vous que de vous voir en l'entière et parfaite liberté * Rom., viii, 21. de cœur des enfans de Dieu * ? Mais je vous entens bien, ma chère Fille, vous ne voules pas dire cela ; vous voules dire que vous penses que ma survivance soit a la gloire de Dieu, et pour cela vous vous y sentes affectionnée. C'est donq a la gloire de Nostre Seigneur que vous estes attachée, non pas a ses créatures. Je le sçai bien, et en loiie sa divine Majesté. Mais sçaves vous quelle parole je vous donneray bien ? C'est d'avoir plus soin de ma santé dores-en-avant, quoy que j'en aye tous-jours eu plus que je ne mérite ; et, Dieu mercy, je la sens fort entière maintenant, ayant absolument retranché les veillées du soir et les escritures que j'y soulois faire, et mangeant plus a propos aussi. Mais croyés moy, vostre désir a sa bonne part en cette resolution ; car j'affectionne en extrémité vostre conten- tement et con.solation, mais avec une certaine liberté et sincérité de cœur telle , que cette affection me semble une rosée, laquelle destrempe mon cœur sans bruit et sans coup. Et, si vous voules que je vous die tout, elle n'agissoit pas si souëfvement au commencement que Dieu me l'envoya (car c'est luy sans doute), comme elle fait maintenant, qu'elle est infiniment forte, et, ce me semble,  Année 1606 185 tous-jours plus forte, quoy que sans secousse ni impé- tuosité. C'est trop dit sur un sujet duquel je ne voulois rien dire. Or sus, je m'en vay vous nommer vos heures. Pour coucher, neuf s'il se peut, ou dix s'il ne se peut mieux ; pour lever, cinq, car il vous faut bien de sept a huit heures. L'orayson du matin a six heures, et durera demi heure ou trois quartz d'heure ; a cinq heures du soir, un peu de recueillement pour un quart d'heure environ, et la lecture un quart d'heure, ou devant ou après ; au soir, demi quart d'heure pour l'examen et la recommandation ; parmi le jour, beaucoup de saintes aspirations en Dieu. J'ay pensé sur ce que vous m'escrivistes que monsieur N. (^) vous avoit conseillé de ne point vous servir de l'ima- gination ni de l'entendement, ni de longues oraysons, et que la bonne Mère Marie de la Trinité (-) vous en avoit dit de mesme touchant l'imagination*. Et pour cela, si * Vide supra, p. 162. vous faites quelque imagination véhémente et que vous vous y arresties puissamment, sans doute vous aves eu besoin de cette correction ; mais si vous la faites briefve et simple, pour seulement rappeller vostre esprit a l'atten- tion et réduire ses puissances a la méditation, je ne pense pas qu'il soit encor besoin de la du tout abandonner. Il ne faut ni s'y amuser, ni la du tout mespriser. Il ne faut ni trop particulariser, comme seroit de penser la couleur des cheveux de Nostre Dame, la forme de son visage et (i) Probablement M. Gallemand, qui pour lors séjournait à Dijon. (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 154.) (a) Mère Marie de la Trinité (Marie d'Hannivel) naquit à Paris le 7 août 157g, de Robert d'Hannivel, grand audiencier de France. Agréable, vive, sensée, avide de plaire, avec tous les dons de l'esprit et du cœur pour y réussir, elle semblait promise au monde. Elle en était déjà l'idole, lorsque soudain, touchée des exhortations de l'illustre P. de Joyeuse, elle passa de la tiédeur à une vie fervente. L'Ordre des Carmélites naissait à peine en France ; elle y entra, prit l'habit sous le nom de Marie de la Trinité, fit ses vœux en novembre 1605, à Dijon (cf. ci-dessus, note (2), p. ii8), fut élue en 1607 prieure du couvent de Pontoise, et fonda, ou contribua à fonder les maisons de Rouen, de Caen, de Châtillon et les deux Monastères de Troyes. Son rare talent pour le gouvernement, ses austères et grandes vertus lui acquirent au dedans et au dehors de l'Institut la confiance et la vénération publiques. Mère Marie de la Trinité mourut le 6 mars 1647, au second Monastère de Troyes. (Cf. Chroniques de l'Ordre des Carmélites, tome III.)  184 Lettres de saint François de Sales choses semblables ; mais simplement en gros, que vous la voyes souspirante après son Filz, et choses sembla- bles, et cela briefvement. De ne point se servir de Tentendement, j'en dis de mesme. Si vostre volonté, sans violence, court avec ses affections, il n'est pas besoin de s'amuser aux considéra- tions ; mais parce que cela n'arrive pas ordinairement a nous autres imparfaitz, il est force de recourir aux con- sidérations encor pour un peu. De tout cela, je recueille que vous deves vous abstenir des longues oraysons (car je n'appelle pas longue l'oray- son de trois quartz d'heure ou de demi heure) et des ima- ginations (O violentes, particularisées et longues ; car il faut qu'elles soient simples et fort courtes, ne devant servir que de simple passage de la distraction au recueil- lement. Et tout de mesme des applications de l'entende- ment, car aussi ne se font-elles que pour esmouvoir les affections, et les affections pour les resolutions, et les resolutions pour l'exercice, et l'exercice pour l'accom- plissement de la volonté de Dieu, en laquelle nostr'ame se doit fondre et résoudre. Voyla ce que je vous en puis dire. Que si je vous avois dit quelque chose contraire, ou que vous eussies entendu autrement, il la faudroit reformer sans doute. J'appreuve vos abstinences du vendredy, mais sans vœu ni trop grande contrainte. J'appreuve encor plus que vous faciès ces ouvrages de vos mains, comme le filer et semblables, aux heures que rien de plus grand ne vous occupe, et que vos besoignes soyent destinées ou aux autelz ou pour les pauvres ; mais non pas que ce soit avec si grande rigueur que, s'il vous advenoit de faire quelque chose pour vous ou les vostres, vous voulussies pour cela vous contraindre a donner aux pauvres la valeur ; car il faut par tout que la sainte liberté et franchise règne, et que nous n'ayons point d'autre loy ni contrainte que •Cf. tom.prasced., celle de l'amour *, lequel, quand il nous dictera de faire quelque besoigne pour les nostres, il ne doit point estre (i) Un fragment autographe de cette lettre se conserve à la Visitation d'Annecy ; il contient les huit lignes suivantes et les lignes 21-26 de la p. 185.  p. 364.  Année 1606 185 corrigé comme s'il avoit mal fait, ni luy faire payer l'amende comme vous voudries faire. Aussi, a quoy qu'il nous convie, ou pour le pauvre ou pour le riche, il fait tout bien et est esgalement aggreable a Nostrc Seigneur. Je pense que si vous m'entendes bien, vous verres que je dis vray, et que je combatz pour une bonne cause quand je defens la sainte et charitable liberté d'esprit, laquelle, comme vous sçaves, j'honnore singulièrement, pourveu qu'elle soit vraye, et esloignee de la dissolution et du libertinage qui n'est qu'une masque de liberté*. • Cf. tom. praeced.. Apres cela, j'ay ry vrayement et ay ry de bon cœur, quand j'ay veu vostre dessein de vouloir que vostre sarge soit employée pour mon usage et que je donne ce qu'elle pourra valoir aux pauvres; mais je ne m'en mocque pour- tant pas, car je voy bien que la source de ce désir est belle et claire, quoy que le ruisseau soit un peu trouble. O Dieu ! mon Dieu me face tel, que tout ce que j 'employé a mon usage soit rapporté a son service, et que ma vie soit tellement sienne, que ce qui sert a la maintenir puisse estre dit servir a sa divine Majesté. Je ry, ma chère Fille, mais ce n'est pas sans meslange d'appréhension bien forte de la différence qu'il y a entre ce que je suis et ce que plusieurs pensent que je soys. Mais bien ! que vostre intention vous vaille devant Dieu ! J'en suis content pour une pièce ; mais qui me l'estimera a sa juste valeur ? car si je voulois rendre aux pauvres son prix selon que je l'estimeray, je n'aurois pas cela vaillant, je vous en asseure. Jamais vestement ne me tint si chaud que celuy la, duquel la chaleur passera jusques au cœur, et ne penseray pas qu'il soit violet (O, mais pourprin et escarlattin, puisqu'il sera, ce me semble, teint en charité. Or sus donques, soit pour une fois ; car saches que je ne fay pas toutes les années des habitz , mais seulement selon la nécessité ; et, pour les autres années, nous treu- verons moyen de bien loger vos travaux selon vostre désir. Ce n'est pas encor tout. Ce dessein m'a donné mille { I ) La soutane violette tissée par la Sainte, se conserve encore à la Visita- tion d'Annecy.  i86 Lettres de saint François de Sales gaj'es pensées ; mais je ne veux vous en dire qu'une, que je faysois le jour de l'octave du Saint Sacrement (O, le portant a la dernière procession. Je vous dressois, ce me semble, bien de la besoigne a filer, et sur une brave quenouille. Voyés-vous, j'adorois Celuy que je portois, et me vint au cœur que c'estoit le vr2iy Aigrie au de Dieu, 'joan.,i, ag. qui oste les péchés du monde*. O saint et divin Ai- gneau, ce disois je, que j'estois misérable sans vous ! Helas, je ne suis revestu que de vostre laine, laquelle couvre ma misère devant la face de vostre Père. Sur cette 'Cap. LUI, 7. cogitation, vo)'ci Isaïe qui dit* que Nostre Seigneur en la Passion estoit comme une brebis que l'on tond sans qu'elle die mot. Et qui est cette divine toyson, sinon le mérite, sinon les exemples, sinon les mystères de la Croix ? Il me semble donques que la Croix est la belle quenouille de la sainte Espouse des Cantiques, de cette dévote Sulamite ; la laine de l'innocent Aigneau y est pretieusement liée : ce mérite, cet exemple, ce mystère. Or, mettes avec révérence cettQ quenoiiille a vostre costé gauche, et filés continuellement par considérations, aspirations et bons exercices, je veux dire par une sainte imitation. Filés, dis je, et tirés dans le fuseau de vostre cœur toute cette blanche et délicate laine : le drap qui s'en fera vous couvrira et gardera de confusion au jour de vostre mort, il vous tiendra chaude en hiver, et, comme Prov., uit., 21. dit le Sage*, vous ne craindres/)c)/n/ le froid des neiges. Et c'est ce que le mesme Sage a peut estre pensé, quand, Ibid., j^. 19. loiiant cette sainte mesnagere, il dit * o^ elle porta sa main a choses hardies, et ses doigt^ prindrent le fuseau. Car, qui sont ces choses hardies qui se rappor- tent au fuseau, sinon les mystères de la Passion filés par nostre imitation ? La dessus, je vous souhaittay mille et mille bénédictions, et qu'a ce grand jour du jugement nous nous treuvassions tous revestus, qui en Evesque, qui en vefve, qui en mariée, qui en Capucin, qui en Jésuite, qui en vigneron, mais tous d'une mesme laine Cant., V, 10. blanche et rouge, qui sont les couleurs de TEspoux *. ( 1 ) Le 3 juin.  Année 1606 187 Voyla, ma chère Fille, ce que j'avois au cœur pendant que j'avois en mes mains l'Aigneau mesme, de la laine duquel je parle. Mais il est vray, vous me venes presque tous-jours a la traverse en ces exercices divins, sans néan- moins les traverser ni divertir, grâces a ce bon Dieu. Fay-je bien, ma chère Fille, de vous dire mes pensées ? Je pense qu'au moins ne fay-je pas mal, et que vous les prendres pour telles qu'elles sont. Or, ces désirs de vous voir esloignee de toutes ces ré- créations mondaines, comme vous dites, ne peuvent estre que bons, puisqu'ilz ne vous inquiètent point. Mais ayés patience, nous en parlerons Tannée suivante, si Dieu nous conserve icy bas. Cela suffira bien, et aussi n'ay je point voulu vous respondre a ces désirs de s'esloigner de sa patrie ou de servir au Noviciat des filles qui aspirent a la Religion : tout cela, ma chère Fille, est trop impor- tant pour estre traitté sur le papier ; il y a du tems asses. Ce pendant, vous fileres vostre quenoiiille, non point avec ces grans et gros fuseaux, car vos doigtz ne les sçauroyent manier, mais seulement selon vostre petite portée : l'hu- milité, la patience, l'abjection, la douceur de cœur, la résignation, la simplicité, la charité des pauvres mala- des, le support des fascheux et semblables imitations pourront bien entrer en vostre petit fuseau, et vos doigtz le manieront bien en la conversation de sainte Monique, de sainte Paule, de sainte Elizabeth, de sainte Liduvine et plusieurs autres qui sont aux piedz de vostre glorieuse Abbesse, laquelle, pouvant manier toute sorte de fuseau, manie plus volontier ces petitz, a mon advis, pour nous donner exemple. Et bien, c'est asses, pour ce coup, parlé de la laine de nostre Aigneau immaculé ; mais de sa divine chair, n'en mangerons-nous pas un peu plus souvent ? O qu'elle est souëfve et nourrissante ! Je dis que, se pouvant commo- dément faire, il sera bon de la recevoir un jour de la semaine, le jeudy, outre le Dimanche, sinon que quelque feste se presentast a quelque autre jour emmi la semaine. Cela pourtant, sans bruit, sans incommoder nos affaires, sans laisser de filer non plus l'une que l'autre quenoiiille.  i88 Lettres de saint François de Sales Je me res-jouys de voir les bons Pères Capucins en vostre Autun (0, car j'espère que Dieu en sera glorifié. J'ay receu une lettre que le Frère Matthieu (*) m'a en- voyé de Thonon, ou il s'est arresté. Je ne sçai ou est nostre Monsieur l'Archevesque (3) ; vous me feres le bien de luy envoyer ma lettre. Je l'hon- nore de toute l'estendue de mes forces, et ne se passe aucune célébration en laquelle je ne le recommande a Nostre Seigneur. On m'avoit dit qu'il avoit obtenu un •Vide supra, p. 165, prieuré proche de ce diocèse : c'est Nantua *, mais je n'en "° ■ ^'^' entens plus rien. Ce bon père (41, ce bon oncle (5), tout cela m'est bien avant au cœur, et leur souhaitte tout ce que je puis de grâce céleste, et a ces petitz enfans, que je tiens pour miens, puisqu'ilz sont vostres. Dieu soit leur protecteur a jamais, et de Celse Bénigne, duquel je n'ay rien appris, il y a long tems ; mays Claude (^) m'en dira quelque chose a son retour. ( I ) Le couvent des PP. Capucins, situé au faubourg Saiat-Andoche, eut pour premier Gardien le P. Jacques de Savoye, accompagné des PP. Céles- tin de Hauteville, Etienne de Langres, Ange d'Avignon, etc. On lit dans un manuscrit de Bonaventure Goujon, conservé à la bibliothèque du Grand- Séminaire d'Autun : « Le Dimanche 2* avril 1606... le Jubilé obtenu par les Reverendz Pères Capucins, fust audit Autun de 40 heures, lequel fust faict en l'esglize S' Nazare... Le deux de juin 1606 » le « sieur Révérend Evesque Saulnier achepta la place ou est de présent basty le couvent et l'esglise des Reverendz Pères Capuchins... Le Dimanche 19* juin 1606, la première pierre de laditte esglise et couvent des Capuchains fust mise, et fust portée et mise par ledit Révérend Evesque Saulnier, la seconde par M"'* Nicolas Jannin, conseiller et aumonnier du roy,... et la troisiesme fust portée et mise par M'^* Guy de Rabutin, chevallier, sieur et baron de Chantai, Bourbilly et de Monthelon. » (Harold de Fontenay, Inscriptions du moyen-âge et des temps modernes, pour servir à l'histoire d'Autun, 1886.) (a) Dans le Nècrologe des FF. Mineurs Capucins de Savoie (190a), nous trouvons trois Religieux de ce nom : Le F. Matthieu de Thonon, inscrit en 1606 dans le Registre de Notre-Dame de Compassion de Thonon ; le F. Mat- thieu d'Arnans, inscrit dans le même Registre le i^ août 1608; le F. Matthieu de Dingy, mort en 1617 à Annecy, issu de famille ancienne et très noble. C'est très probablement de l'un d'entre eux que le Saint a voulu parler. (3) Mb'' Frémyot, Archevêque de Bourges. (4) Le président Bénigne Frémyot. ( 5 ) Claude Frémyot. (6) Parmi les serviteurs qui, à des titres divers, faisaient partie de la maison du Saint, on en rencontre deux désignés sous ce nom : Claude Furier, très souvent témoin dans les actes des Registres de l'Evéché, et Claude Velut, de Thorens, qui accompagna plusieurs fois le Bienheureux avec Georges Rolland.  Année 1606 189 Reste ma petite seur, de laquelle il faut que je parle. Je ne révoque point en doute si je la vous dois donner ou non (0 ; car, outre mon inclination, ma mère le veut si fort qu'elle le veut avec inquiétude, des qu'elle a sceu que cette fille ne vouloit pas estre Religieuse (') ; si que, quand je ne le voudrois pas, il faudroit que je le voulusse. A cet effect, je vous ay envoyé trente escus par Lyon, tant pour la despence qui sera nécessaire a l'envoyer prendre, qu'a faire ses petitz honneurs avec les filles qui servent madame l'Abbesse, avec lesquelles elle n'aura pas tant demeuré sans les beaucoup incommoder. Or, comme cela se doit faire, je ne le sçaurois deviner. Il faut, je vous en prie, ma chère Fille, que vous prenies le soin d'en ordonner comme il convient. J'ay bien un peu d'appréhension que madame nostre Abbesse ne s'en fasche, mais il n'y a remède ; si n'est-il pas raysonnable de laisser si longuement dans un monastère une fille qui n'y veut pas vivre toute sa vie. Et avec vous, feray je point quelque petite cérémonie pour vous remettre ce fardeau sur les bras ? Je vous asseure que cela ne seroit pas en mon pouvoir ; mais ouy bien de vous supplier, mais je dis conjurer, et s'il se peut dire quelque chose de plus, que vous ayes a me marquer tout ce qui sera requis pour l'équiper et tenir équipée a vostre guise, comme les princesses d'Espagne font, quand on leur donne des filles pour menines, car cela je le veux, et très absolument ; voire, jusques a luy faire porter un chaperon de drap, si cela appartient a vos livrées. Vous voyes bien, ma chère Fille, que je ne suis pas en mes mauvaises humeurs, mais a bon escient je vous conjure. Il faut, je veux, et si le sujet le portoit, je commande- rois que vous me marquies tout ce qu'il faut pour cette fille la. Je dis pour son équipage, puisque, quant au ra- tellier, il n'en faut pas parler ; autrement vous me diries mille maux, je le sçai bien. J'escris a monsieur vostre beaupere pour le supplier d'avoir aggreable la (i) Voir le tome précédent, note (3), p. 344. (3) Voir à la fin du volume, la minute d'une lettre à la Baronne, écrite par le Saint pour M""^ de Boisy.  1^0 Lettres de saint François de Sales faveur que vous me voules faire, mais la vérité est qu'en termes de belles paroles je n'y entens rien ; vous le sup- pleeres, s'il vous plaist. Mais ne triomphés-vous pas quand vous m'imposes silence sur vos secretz ? Vrayement, ce n'est pas moy, ma chère Fille, qui ay dit a monsieur N. que vous esties ma fille : il me le vint dire tout d'abord, comme chose que je devois recevoir fort a gré, et aussi fis je. Comme aussi ce que M. de [Sauzéa ( 0] me dit, que vous n'esties point pompeuse et que vous ne porties point de vertugadin, et que vous ne pensies point a vous remarier ; mais cela me fut dit si naïfvement, ma chère Fille, que je le croy. Et puis, vous me défendes de dire vos secretz après que tout le monde les sçait. Or bien, je ne diray mot de vos besoignes, ni de l'emploite que vous en voules faire ; car, a qui, je vous prie, le dirois je ? J'ayme bien vostre petite cadette ( = ), puisque c'est un esprit angelique, comme vous me dites. Je sçavois des-ja le despart du bon Père [de Villars] ; ce qui m'avoitfasché, car il ne sera peut estre pas aysé de rencontrer un esprit si sortable a vostre condition que celuy la. Il me semble que nous nous rencontrions fort bien presque en toutes choses ; mais, au bout de la, nostre chère liberté d'esprit remédie a tout. On m'a dit qu'en sa place est arrivé un grand personnage, dès premiers prédicateurs de France, mais que je ne connois que par son nom, qui est grand et plein de réputation (3). Je partiray d'icy a dix jours pour continuer ma visite, Vide Epist. seq. cinq mois entiers parmi nos hautes montaignes *, ou les bonnes gens m'attendent avec bien de l'affection. Je me conserveray tant qu'il me sera possible, pour l'amour de moy, que je n'ayme que trop, et encores pour l'amour (i) M. de Sauzéa sera destinataire en 1607. (a) Charlotte de Rabutin Chantai (voir ci-dessus, note (4), p. 140). (3) Le P. de Villars quitta en effet Dijon au mois de mai précédent. Le vice-recteur qui lui succéda fut le P. Christophe Clémenson, né en i^^o, mort en i6ii à Tarascon, et, d'après le Ménologe de la Compagnie de Jésus (P* Partie, p. 466), « l'un des grands adversaires du calvinisme dans le midi de la France, durant trente années, » prédicateur et apôtre selon l'esprit de saint François de Sales.  Année 1606 191 de vous qui le voules et qui aurés part a tout ce qui s'y fera de bon, comme vous aves en gênerai a tout ce qui se fait en mon diocèse, selon le pouvoir que j'ay par ma qualité de le communiquer. Mon frère le chanoyne (0 vous vouloit escrire ; je ne sçai s'il le fera. Ce pauvre garçon n'est point bien fait de santé ; il se traisne tant qu'il peut, avec plus de cœur que de force. Il pourra se reprendre pour un peu auprès de sa mère, pendant que je sauteray de rocher en rocher sur nos mons. J'ay escrit a Madame du [Puits-d'Orbe], de laquelle je n'ay point de nouvelles, il y a long tems. J'entens que ses filles souspirent après les Carmelines, . ou elles ne peuvent atteindre *, et perdent cœur a la * cf. supra, p. 161. perfection de leur Monastère, laquelle elles pourroyent aysement procurer. C'est l'ordinaire. Monsieur de N. nVa promis qu'il viendroit avec vous et seroit vostre conducteur, et qu'il avoit esté nourry au- près de vous ; et cela me pleut fort, comme aussi ce que vous m'escrives de l'amour réciproque de nostre seur de Dijon (2) et de vous ; car je la tiens pour une femme bien bonne, brave et franche. Je suis aussi consolé de ce que ces bonnes Dames Carmelines vous affectionnent , et voudrois bien sçavoir d'où est la bonne Seur Marie de la Trinité. J'en connois de celles de Paris et révère bien fort leur Ordre. A Dieu, ma chère Fille, a Dieu soyons nous a jamais, sans reserve, sans intermission. Qu'a jamais il vive et règne en nos cœurs. Amen. F. Vive Jésus, m'a chère Fille, et qu'a jamais vive Jésus ! Amen. Les octaves de Pentecoste et de la Feste Dieu ont esté miennes, ma chère Fille, mais seulement pour demeurer icy, et non pas pour y avoir aucun loysir. De ma vie, que j'aye mémoire, je n'ay esté plus embesoigné a diverses choses, mais bonnes ; je dis ceci pour m'excuser si je ne vous escris plus amplement. (i) JeaQ-François de Sales, (a) La présidente Brùlart.  192 Lettres de saint François de Sales J'oubliois de vous prier de m'envoyer le plus tost que vous pourres, des chansons spirituelles que vous aves de delà ; faites moy ce bien, je vous prie, ma chère Fille, pour Tamour de Dieu, qui vous veuille bénir et conser- ver éternellement. Amen. A Neci, le 8 juin 1606.  CCCLII ( O A LA MÊME Départ du Saint pour la visite des paroisses; ses impressions. — Les mille bonnes odeurs qui parfument nos affections. — Tenir son cœur bien large, vivre joyeuse. Annecy, 17 juin 1606. Ma très chère Fille, J'ay vostre lettre du 6 de juin, et tout maintenant, je monte a cheval pour la visite qui durera environ cinq mois(*). Pensés si je suis prest d'aller en Bourgoigne, car , ma chère Fille , cette action de la visite m'est nécessaire, et des principales de ma charge. Je m'y en vay de grand courage, et des ce matin, j'ay senti une particulière consolation a l'entreprendre, quoy que aupa- ravant, durant plusieurs jours, j'en eusse eu mille vaines appréhensions et tristesses, lesquelles néanmoins ne touchoyent que la peau de mon cœur et non point l'in- térieur : c'estoit comme ces frissonnemens qui arrivent au premier sentiment de quelque froidure. Mais, comme je vous ay dit maintesfois, nostre bon Dieu me traitte en enfant bien tendre, car il ne m'expose a point de rude ( I ) L'ordre chronologique amènerait ici une lettre à la Marquise Donex (16 juin 1606), publiée pour la première fois par Biaise, Nouvelles inédites (1833), et reproduite par Vives, tome IX, p. 348, et Migne, tome VI, col. 857. Nous la rejetons comme apocryphe ; presque à toutes les phrases, le style trahit l'œuvre d'un faussaire. (3 ) Le Saint partit en effet le 17 juin pour la visite pastorale de son diocèse.  Année 1606 193 secousse; il connoist mon infirmité et que je ne suis pas pour en supporter de grandes. Je vous dis ainsy mes petites affaires parce qu'il me fait grand bien. Ouy da, je vous en sçay bon gré de bien aymer vostre fièvre tierce. Je m'imagine, pour moy, que si nous avions l'odorat un peu bien affiné, nous sentirions les afflictions toutes musquées et parfumées de mille bonnes odeurs ; car encor que d'elles mesmes elles soyent d'odeur des- playsante, néanmoins sortant de la main, mais plustost du sein et du cœur de l'Espoux, qui n'est autre chose que parfum et que bausme luy mesme *, elles arrivent *Cf.Eccii.,xxiv,2o. a nous de mesme, pleynes de toute suavité. Tenés, ma chère Fille, tenés vostre cœur bien large devant Dieu; allons tous-jours gayement en sa présence. • Il nous ayme, il nous chérit, il est tout nostre, ce doux Jésus; soyons tous siens seulement, a3nTions le, chéris- sons le, et que les ténèbres, que les tempestes nous envi- ronnent, que nous ayons des eaux d'amertume jusques au col : pendant qu'il nous sousleve le manteau, il n'y a rien a craindre*. 'Cf. Matt.,xiv, ;o, Je vous escriray souvent, ma chère Fille, et mille et mille fois je vous beniray des bénédictions que nostre Dieu m'a commises. Vives joyeuse, ou saine ou malade, et serrés bien ferme vostre Espoux sur vostre cœur, ma chère Fille, ma très chère Fille, a qui je suis ce que sa divine Majesté veut que je sois et qui ne se peut dire. Vive Jésus a jamais ! Amen. A Annessi, le xvii juin 1606.  !i.  Lettres  1^4 Lettres de saint François de Sales  CCCLIII  A LA PRESIDENTE BRULART  (fragment)  Conseils variés à une personne du monde : servir Dieu par les exercices de sa vocation et par Taccomplissement des devoirs d'état. — La patience avec soi-même; la modération des désirs.  [Juin-août 1606 (i).]  Serves Dieu avec un grand courage et, le plus que vous pourres, par les exercices de vostre vocation. Aymés tous les prochains, mais sur tout ceux que Dieu veut que vous aymies le plus. Ravales- vous volontier aux actes desquelz Tescorce semble moins digne, quand vous sçaures que Dieu le veut; car, de quelque façon que la sainte volonté de Dieu se fasse, ou par des hautes ou par des basses opérations, il n'importe. Souspirés souvent a l'union de vostre volonté avec celle de Nostre Seigneur ; ayés patience avec vous mesme en vos imper- fections; ne vous em'presses point, et ne multipliés point des désirs pour les actions qui vous sont impossibles. Ma chère Seur, chemines perpétuellement et tout dou- cement. Si nostre bon Dieu vous fait courir, il dilatera Cf. Ps. cxviii, 32. vostre cœur * ; mais de nostre costé, arrestons nous a cette unique leçon : Apprenes de moy qui suis débonnaire Malt., XI, 59. et humble de cœur* {i i La précision de certains avis indique qu'ils ne s'adressent pas à une Religieuse, comme le marque rédition de 1641, mais plutôt à une personne du monde, et d'autres détails caractéristiques avertissent que celle-ci est probablement M™' Brûlart. Le rapport de ce fragment aux Lettres cccxxxi, cccxT.i, cccLXi, rend assez vraisemblable la date que nous lui attribuons.  Année 1606 195  CCCLIV A M. CHARLES d'alBIGNY (inkdtth) Demande d'un passeport pour un Chablaisien. 8 juillet 1606. Monsieur, Je vous supplie bien humblement de donner un passe- port pour un moj^s au sieur d'Ivoyre, de Chablaix, qui donne de grandes espérances de s'instruire et convertir pendant ce tems-la (0, a ce que j'apprens par l'advis que m'en a donné le sieur chanoyne Grandis ( = ), homme très digne d'estre creu, et sur la parole duquel je vous fay cette supplication sans scrupule, priant Nostre Seigneur quil vous conserve en parfaitte prospérité. C'est, Monsieur, Vostre humble serviteur, France, E. de Genève. Le 8 juillet 1606. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevalier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gênerai. Revu sur l'Autographe conservé à Sienne, dans l'église paroissiale de Saint-Jean-Baptiste. (i) Claude Forestier, marié d'abord avec Diane de Mareste (contrat dotal du 21 avril 1178), seigneur d'Yvoire, du chef de sa seconde femme, Françoise de Saint-Jeoire, dame d'Yvoire, comptait parmi les principaux de la noblesse du Chablais ; ses fils guerroyèrent avec lui en Piémont. Protestant obstiné, il s'exila, mais homme plein de droiture et désirant s'instruire, il trouva auprès du Saint les lumières et la paix jusqu'alors en vain cherchées ailleurs. Il mou- rut fidèle à la foi catholique, et fut enterré à Thonon le 2 mai 1629. ( 2 ) Claude Grandis (voir le tome XI, note ( i ), p. 299) fut curé de Douvaine depuis environ 1598 jusqu'à sa mort. C'est dans les ti-avaux apostoliques du Chablais qu'il révéla l'ardeur de son zèle et de sa piété.  196 Lettres de saint François de Sales CCCLV A M. PlbHKE DU TELLIEK (')  Affaires à r.^gler entre la ducliess; de Mercoeur et la famille de Saies. La Compote, 11 juillet 1606 Monsieur, J'ay receu vostre lettre icy, emm}' le chemin de ma visite, et Ta}^ renvoyée a mon frère de la Thuille, affin qu'avec mes autres frères, il pourvo3''e a ce que Ma- dame (*) soit satisfaitte par les moyens plus convena- Cf. supra, p. 171. bles*, puisque je suis en un'occupation qui ne me permet pour le présent d'y pourvoir moy mesme. J'espère que Dieu nous y aidera, que je supplie vous vouloir abon- damment combler de ses grâces ; et vous remerciant bien humblement du soin que vous aves eu de nos affaires, je demeure Vostre serviteur très humble en Nostre Seigneur, Francs E. de Genève. A la Composte, xi juUiet 1606. A Monsieur du Tellier, Gentilhomme de la mayson de Madame la Duchesse de Mercœur. Revu sur une copie de l'Autographe appartenant à la comtesse de Biraard, à Saint-Paul-Trois-Châteaux. ( I ) Pierre LeTellier ou du Tellier figure dans un acte du 26 décembre 1615, avec les désignations et qualités suivantes : « originaire >i de « Paris, a présent habitant a Cbillac en Auvergnie, commissaire ordinaire de l'artillerie du Roy, agent et procureur de la duchesse de Mercœur. » (Archives de Sales.) (2) La duchesse de Mercoeur.  Année 1606 197 CCCLVI A M. NOEL-HUGON PERGOD (i) Saint François de Sales conseille les « appointements. » Faverges, 16 juillet 1606. Monsieur, Je me ressouviens tous-jours de ceux que j'aime, mais vous, peut estre, n'en estes pas de mesme ; c'est pourquoy je me veux ramentevoir a vostre bonne grâce, outre que du Four( = ) me presse, disant quil a acquiescé a nostre ordonnance fort amplement, et que néanmoins vous pour- suives avec rigueur contre luy. Mais moy je ne le puis croire, car vous a)^mes trop les appointemens. Je me porte tous-jours bien, et vous porte tous-jours bien en mon cœur, qui vous souhaite mille et mille bé- nédictions caslestes, estant, Monsieur, Vostre serviteur affectionné en Nostre Seigneur, Francs E. de Genève. XVI juUiet 1606. A Monsieur Monsieur Pergod, Conseiller de S. A., Advocat deçà et delà les mons. Revu sur l'Autographe appartenant à M. Eissiris, curé-doyea de Salon (Bouches-du-Rhône). ( I ) Noble et spectable Noël-Hugon Pergod, conseiller de Son Altesse, juge et conservateur pour le même, « des subsides et don gratuit riere les bail- liages de Chablais, Ternier et Gex, » docteur en droit, célèbre avocat aux Sénats de Savoie et du Piémont, s'allia avec Virginie Argentier, et fut enterré le 30 janvier 1624, à l'âge de 56 ans. (Collection Jules Viiy, etc.) C'était un fervent admirateur du Saint, dont il aurait appris la mort, au dire du P. de la Rivière (Vie de rillustrissime... François de Sales, liv. IV), par une sorte de révélation, le matin du 29 décembre 1632. (2) On trouve plusieurs bourgeois d'Annecy portant le nom de du Four ou Dufour- en tout cas, le personnage auquel le Saint s'intéresse était de modeste condition.  1^8 Lettres de saint François de Sales CCCLVII A M. PIERRE-JEROME DE LAMBERT (0 Le Saint sollicite une grâce pour un gentilhomme. [Vers le 23 juillet 1606.] Monsieur, Je me suis obligé de promesse a plusieurs gentilz- hommes de ce haut Faucigny, de vous faire une bien humble supplication en faveur du sieur Dufresne (*). Mais parce que je m'en declaire fort amplement a madame vostre femme, en l'entremise de laquelle j"ay beaucoup de confiance pour obtenir ce que je désire, je ne m'esten- dray pas davantage a le particulariser, me devant con- tenter de vous supplier de tout mon cœur de me vouloir gratifier en ce sujet qui me semble digne de vostre bonté et charité. Cependant croyes. Monsieur, que cette asseurance que je prens avec vous dépend du désir que j'ay d'estre toute ma vie, comme je seray. Monsieur, Vostre serviteur bien humble, Francs E. de Genève. A Monsieur de Lambert, Baron de Ternier, Conseiller d'Estat de S. A., son Chambellan, Chevalier au Sénat. ( X ) Jérôme de Lambert, baron de Ternier, seigneur de Lambert, Lornay, etc., conseiller d'Etat, chevalier au Sénat, né vers 1550, s'unit à Françoise de Bel- legarde (contrat dotal du 4 octobre 1569). Assisté à ses derniers jours par saint François de Sales, l'un de ses exécuteurs testamentaires, il fut enterré à Annecy, dans l'église Saint-François, le 18 mars 1612 (Rég. par. d'Annecy)^ juste trois mois après sa femme. Successeur du célèbre baron d'Hermance dans le gouvernement des AUinges et du Chablais, il s'y distingua lui aussi par sa religion et par sa bravoure, s'acquérant à la fois la confiance du duc de Savoie et de l'Apôtre du Chablais. (2) Le 33 juillet, le saint Evêque visitait l'église de Flumet, où « il y a une chapelle de Sainct Michiel, de la nomination des heretiers de noble Nicolas du Fresney et de noble Estieune du Fresney. » ^R. E.) Le sieur Dufresne dont parle ici le Bienheureux, se rattachait peut-être à cette famille ; ce nom étant très répandu en Savoie, on ne peut hasarder d'autres conjectures.  Année 1606 199  CCCLVIII A LA BARONNE DE CHANTAL Les " mons espouvantables » de Chamonix. — Mort tragique d'un berger. — Réflexions de l'Evêque à ce propos; sou humilité. — Une sainte villageoise, l'une des « grandes amies » du Saint. — Dans l'aridité spirituelle, regarder simplement Notre-Seigneur. — Il faut être à Dieu sans réserve ni division. Fin juillet ou commencement d'août 1606 (i). Mon Dieu, ma bonne Fille, que vos lettres me conso- lent et qu'elles me représentent vivement vostre cœur et confiance en mon endroit, 'mais avec une si pure pureté, que je suis forcé de croire que cela vient de la mesme main de Dieu. J'ay veu ces jours passés des mons espouvantables tout couvertz d'une glace espaisse de dix ou douze piques (-), et les habitans des vallées voysines me dirent qu'un ber- ger, allant pour recourir une sienne vache, tomba dans une fente de douze piques de haut, en laquelle il mourut gelé. O Dieu, ce dis je, et l'ardeur de ce berger estoit elle si chaude a la queste de sa vache, que cette glace ne l'a point refroidy ? Et pourquoy donques suis je si lasche a la queste de mes brebis ? Certes, cela m'attendrit le cœur, et mon cœur tout glacé se fondit aucunement *. Je * Vide infra, Episi. nnrr yvt vis des merveilles en ces lieux la : les vallées estoyent toutes pleines de maysons, et les mons, tout pleins de glace jusques au fond. Les petites vefves, les petites vil- lageoises, comme basses vallées, sont si fertiles, et les Evesques, si hautement eslevés en l'Eglise de Dieu, sont tout glacés ! Ah ! ne se treuvera-il pas un soleil asses fort pour fondre celle qui me transit ? ( I ) Cette lettre pourrait bien n'être qu'un composé de plusieurs fragments ; son contenu en fixe la date, du moins pour la première partie. (Cf. note (2', p. 17.) (2) Du 23 au 31 juillet, l'infatigable Evêque avait visité Flumet, Megève, Combloux, Sallanches, Notre-Dame du Cliastel, soit de Cordon, Saint-Martin, Domancy, Saint-Gervais, Saint-Nicolas de Véroce, Notre-Dame de la Gorge, Notre-Dame de Servoz, Chamonix, Vallorcine : de là, l'émerveillement du Saint.  CCCLXVI.  200 Lettres de saint François de Sales A mesme tems, on m'apporta un recueil de la vie et mort d'une sainte villageoise de mon diocèse, laquelle estoit decedee au mois de juin (O. Que voulies vous que je pensasse la dessus ? Je vous en envoyeray un jour un extrait, car, sans mentir, il 3^ a je ne sçai quoy de bon en cette petite histoire d'une femme mariée, et qui estoit, de sa grâce, de mes grandes amies et m'avoit souvent • Vide infra, Epist. recommandé a Dieu *. ^^^^^- Je viens de parler pour vous a Xostre Seigneur en la sainte blesse, ma très chère Fille, et certes, je n"ay pas osé luy demander absolument vostre délivrance ; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre pré- sentée, ce n'est pas a moy de désirer qu'il ne le face pas ; mais je l'ay conjuré et conjure par cette si extrême dere- • Lucae, xxir, 43, 4-!- lictiou par laquelle il sua le sang * et s'escria sur la croix : • Ps. xxi, i;Matt., Mon Dieii, luon Dieu, pour quoy in'as-tu délaissé*, xxvii, 46. ,., . , . ^ . ., qu il vous tienne tous-jours de sa sainte main, comme il a fait jusques a présent, bien que vous ne sçachies pas de quel costé il vous tient, ou au moins que vous ne le senties pas. Certes, vous feres bien de regarder simplement Nostre Seigneur crucifié, et de luy protester vostre amour et absolue résignation, toute sèche, aride et insensible qu'elle est, sans vous amuser a considérer ni examiner vostre mal, non pas mesme pour me le dire. En fin nous somm'es tout a Dieu, sans reserve, sans division, sans exception quelconque, et sans autre préten- tion que de l'honneur d'estre siens. Si nous avions un seul filet d'affection en nostre cœur qui ne fust pas a luy et de luy, o Dieu, nous l'arracherions tout soudainement. (i) La 'I sainte villageoise « se nommait Pernette Boutey ; elle mourut le 9 juin i6o6. D'après VAnnée Sainte de la Visitation (ancien Ms.), « saint François de Sales donna des preuves d'une incomparable debonaireté par la tendresse pastoralle qu'il témoigna sur la nouvelle » du décès « de sa chère fille spirituelle... On fit une raillerie sur ce que cet homme de Dieu s'etoit torché les yeux deux ou trois fois, aprenant que cette dévote femme avoit rendu l'esprit. Il ne respondit pas un mot, sinon : « A telles âmes apartient le m. royaume des deux ; et cette bonne femme, qui n'etoit que petite par condi- •< tion en terre, sera bien tost, comme j'espère, notre grande avocate au Ciel. » Il ordonna a un de ses ecclésiastiques d'en écrire les principales actions et la sainte mort... » ^Voir cette relation à l'Appendice, Lettre de Claude d'Ange- ville au Saint, juillet 1606.)  Année 1606 201 Demeurons donq en paix, et disons avec le grand amou- reux de la Croix : Au demeurant, que nul ne me vienne inquiéter, car quant a moy, je porte en mon cœur les stigmates de m.on Jésus *. Ouy, ma très chère Fille, si * Gaiat., uit., 17. nous sçavions un seul brin de nostre cœur qui ne fust pas marqué au coin du Crucifix, nous ne le voudrions pas garder un seul moment. A quel propos s'inquiéter? Mon ame, espère en Dieu ; pourquoy es-tu triste et pour- quoy te troubles-tu * ? puisque Dieu est mon Dieu et * Ps. xli, 6. que mon cœur est un cœur tout sien. Ou}^, ma très chère Fille, priés pour celuy qui, inces- samment, vous souhuic.o mille bénédictions, et la bene- . diction des bénédictions, qui est son saint amour parfait.  CCCLIX  A LA M E M E  Le fuseau de la femme forte. — Profit qu'on doit tirer des impuissances d"esprit. — Ce que nous pouvons désirer de meilleur. — Un tableau de la Nativité. — La Transfiguration, le Calvaire et Notre-Dame. — L'humi- lité et l'abjection, choses différentes; les meilleures abjections. — Cultivons notre champ, au lieu d'envoyer « nos bœufz avec la charrue » au champ du voisin. — Ne pas trop « s'amuser » au projet d'entrer en Religion; conduite à tenir en attendant une décision. — L'éducation des filles dans les monastères, d'après les idées du Saint; les enfants de la Baronne, Marie-Aimée, Celse- Bénigne. — Ne pas trop considérer son mal. — Mépriser les tentations ; Jésus- Christ crucifié, thème de contemplation. — Saint Pierre sur les eaux; la peur et le mal. — Dans la tourmente, serrer la main du Sauveur. Cluses, 6 aoîit 1606 (i). Dieu me veuille assister, ma très chère Fille, pour respondre utilement a vostre lettre du 9 juillet ( = ). Je le ( i) Les nombreuses références de cette lettre à d'autres lettres ont suggéré cette date. Malgré sa longueur, elle a très bien pu être écrite à Cluses, oii le Saint fit une halte de plusieurs jours, ayant, dit Charles-Auguste (Histoire, liv. VI), « les pieds tous escorchez et ensanglantez, de sorte que dix jours après, à peine pouvoit il se soustenir. » (2) Si le Saint avait été à Annecy, cette lettre lui serait arrivée plus tôt.  202 Lettres de saint François de Sales désire infiniment, mais je prévois bien que je n'auray pas asses de loysir pour ageancer mes pensées ; ce sera beaucoup si je les puis produire. C'est bien dit, ma Fille, parlés avec moy franchement, comme avec moy, c'est a dire avec une ame que Dieu, de son authorité souveraine, a rendu toute vostre. Vous mettes un peu la main a l'œuvre, ce me dites vous. Hé, mon Dieu, que voyla une grande consolation pour moy. Faites tous-jours cela, mettes un peu la main a l'œuvre ; filés tous les jours quelque peu, soit le jour, a la lumière des goustz et clartés intérieures, soit de nuit, a la lueur de la lampe, parmi les impuissances et stérilités. Le Sage * Prov., XXXI, 19. loue de cela la femme forte : Ses doigt^, dit-il *, ont manié le fuseau. Que je vous dirois volontier quelque *Cf. supra, pp. 186, chose SUT ccttc parolc * ! Vostre quenouille c'est l'amas ' '' de vos désirs : filés tous les jours un peu, tirés a poil vos desseins jusques a l'exécution, et vous en chevires sans doute. ^Lais gardés de vous empresser, car vous entortil- leries vostre filet a nœudz et embarrasseries vostre fuseau. Allons tous-jours ; pour lentement que nous avancions, nous ferons beaucoup de chemin. Vos impuissances vous nuysent beaucoup, car, dites- vous, elles vous gardent de rentrer en vous mesme et de vous approcher de Dieu. C'est mal parler, sans doute. Dieu vous laisse la pour sa gloire et vostre grand proffit ; il veut que vostre misère soit le throsne de sa miséri- corde, et vos impuissances, le siège de sa toute puis- * Cf. supra, p. 167. sance*. Ou est ce que Dieu faisoit résider la force divine ' Judic, XVI, 17. qu'il avoit mise en Samson, sinon en ses cheveux*, la plus foible partie qui fust en luy ? Que je n'oj'e plus ces paroles d'une fille qui veut servir son Dieu selon son divin playsir, et non selon les goustz et agilités sensibles. •Cap. XIII, 15. Qu'il ^ne tue, dit ]oh*, fespereray en luy. Non, ma Fille, ces impuissances ne vous empeschent pas d'entrer en vous mesme ; mais elles vous empeschent bien de vous plaire en vous mesme. Nous voulons tous-jours ceci et cela, et quoy que nous ayons nostre doux Jésus sur nostre poitrine, nous ne sommes point contens; et néanmoins, c'est tout ce que  Année 1606 203 nous pouvons désirer. Une chose nous est nécessaire, qui est d'estre auprès de luy. Dites moy, ma chère Fille, vous sçaves bien qu'a la naissance de Nostre Seigneur les bergers ouyrent les chans angeliques et divins de ces Espritz célestes ; l'Escriture le dit ainsy *. Il n'est pour- * Lucae, n, 13, 14. tant point dit que Nostre Dame et saint Joseph, qui estoyent les plus proches de l'Enfant, ouyssent la voix des Anges ou vissent ces lumières miraculeuses ; au contraire," au lieu d'ouyr les Anges chanter, ilz oyoient l'Enfant pleurer, et virent, a quelque lumière empruntée de quelque vile lampe, les yeux de ce divin garçon tout couvertz de larmes, et transissant sous la rigueur du froid. Or, je vous demande en bonne foy, n'eussiés-vous pas choysi d'estre en l'estable ténébreux et plein des cris du petit Poupon, plustost que d'estre avec les bergers a pasmer de joye et d'allégresse a la douceur de cette musique céleste et a la beauté de cette lumière admi- rable * ? * Ibid., f. 9. Ouy da, dit saint Pierre, il nous est bon d'estre ici* a *Matt., xvn, 4. voir la Transfiguration (et c'est aujourd'huy le jour qu'elle se célèbre en l'Eglise, 6 d'aoust); mais vostre Abbesse n'y est point, ains seulement sur le mont de Calvaire*, *joan., xix, 25. ou elle ne voit que des mortz, des doux, des espines, des impuissances, des ténèbres extraordinaires, des aban- donnemens et derelictions. C'est assés dit, ma Fille, et plus que je ne voulois, sur ce sujet des-ja tant discouru entre nous * : non plus, je vous prie. Aymés Dieu crucifié "Cf.Epist.ccLxxm, parmi les ténèbres, demeurés auprès de luy, dites : Il ' m'est bon d'estre icy ; faysons icy trois tabernacles, l'un a Nostre Seigneur, l'autre a Nostre Dame, l'autre a saint Jan. Trois croix sans plus*, et rangés-vous a celle * Cf. Luc.xxm, 33. du Filz, ou a celle de la Mère vostre Abbesse, ou a celle du Disciple : par tout vous seres la bien receuë, avec les autres filles de vostre Ordre (i) qui sont la tout autour. Aymés vostre abjection. Mais, dites-vous, qu'est cela, aymés vostre abjection ? car j'ay l'entendement obscur et impuissant a tout bien. Et bien, ma Fille, c'est cela. ( I ) Cet « Ordre » est celui des veuves chrétiennes dont le Saint propose souvent la vie à l'imitation de la Baronne. (Cf. ci-dessus, pp. 65, 83, 89, 187).  204 Lettres de saint François de Sales Si vous demeures humble, tranquille, douce, confiante parmi cette obscurité et impuissance, si vous ne vous impatientes point, si vous ne vous empresses point, si vous ne vous troubles point pour tout cela, mais que de bon cœur (je ne dis pas payement, mais je dis franche- ment et fermement) vous embrassies cette croix et de- meuries en ces ténèbres, vous aymeres vostre abjection. Car, qu'est-ce autre chose estre abject, qu'estre obscur et impuissant ? Aymés-vous comme cela pour l'amour de Celuy qui vous veut comme cela, et vous aymerés vostre propre abjection. '. O Ma Fille, en latin l'abjection s'appelle humilité et l'humilité s'appelle abjection ; si que, quand Nostre Dame Lucae, i, :|8. dit : Pavcc qiiil a regardé V humilité de sa servante *, elle veut dire : Parce qu'il a eu esgard a mon abjection et vilité. Néanmoins il y a quelque différence entre la vertu de l'humilité et l'abjection, parce que l'humilité est la reconnoissance de son abjection. Or, le haut point de l'humilité, c'est de non seulement reconnoistre son abjec- tion, mais ra3'mer ; et c'est cela a quoy je vous ay exhorté. Affin que je me fasse mieux entendre, saches qu'entre les maux que nous souffrons, il y en a des abjectz et des honnorables. Plusieurs s'accommodent aux maux hon- norables, peu aux abjectz. Exemple : Vo3'la un Capucin tout deschiré et plein "de froid; chacun honnore son habit deschiré et a compassion de son froid. Vojda un pauvre artisan, un pauvre escholier, une pauvre vefve qui en est de mesme ; on s'en mocque, et sa pauvreté est abjecte. Un Religieux souffrira patiemment une censure de son Supérieur, chacun appellera cela mortification et obé- dience ; un gentilhomme en souffrira une autre pour l'amour de Dieu, on l'appellera couardise : voyla une vertu abjecte, une souffrance mesprisee. Voyla un homme qui a un chancre au bras, un autre l'a au visage : celuy la le cache, et n'a que le mal; celuy-ci ne le peut cacher, ( I ) C'est de cette lettre, c'est-à-dire des considérations présentées ici même, que le Saint a tiré le chapitre vi de la III' Partie, ajouté dans la deuxième édition de Philothfe. (Cf. la Préface du tome III de la présente Edition, pp. xvni, xiw.)  Année 1606 205 et, avec le mal, il a le mespris et l'abjection. Or, je dis qu'il ne faut pas seulement a3''mei- le mal, mais aussi l'abjection. De plus, il y a des vertus abjectes et des vertus lion- norables. Ordinairement, la patience, la douceur, la mor- tification, la simplicité, parmi les séculiers ce sont des vertus abjectes ; donner l'aumosne, estre courtois et prudent sont des vertus honnorables. Il y a des actions d'une mesme vertu qui sont abjectes, les autres honno- rables. Donner l'aumosne et pardonner les ofFences sont des actions de charité : la première est honnorable, et l'autre est abjecte aux yeux du monde. Je suis malade en une compaignie qui s'en importune : voyla une abjection conjointe au mal. Des jeunes dames du monde, me voyant en équipage de vraye vefve, disent que je fais la bigotte, et me voyant rire, quoy que mo- destement , elles disent que je voudrois encores estre recherchée ; on ne peut croire que je ne souhaitte plus d'honneur et de rang que je n'ay, que je n'ayme pas ma vocation sans repentir : tout cela sont des morceaux d'ab- jection ; aymer cela, c'est aymer sa propre abjection. En voyci d'autre sorte. Nous allons, mes seurs et mo}^, visiter les malades. Mes seurs me renvo3'ent a la Visitation des plus misérables, voyla une abjection selon le monde ; elles me renvoyent visiter les moins misérables, voyla une abjection selon Dieu ; car cette Visitation, selon Dieu est la moins digne, et l'autre, selon le monde. Or, j'ay- meray l'une et l'autre quand elle m'escherra. Allant au plus misérable je diray : C'est bien dit que je sois ravalée. Allant au moins misérable : C'est bien dit, car je n'ay pas asses de mérites pour faire une Visitation plus sainte. Je fay une sottise, elle me rend abjecte : bon. Je donne du nez en terre et tombe en une cholere desmesuree : je suis marry de l'offence de Dieu ; bien ayse que cela me declaire vil, abject et misérable. Néanmoins, ma Fille, prenes bien garde a ce que je m'en vay vous dire. Encor que nous aymions l'abjection qui s'ensuit du mal, il ne faut pourtant pas laisser de remédier au mal. Je feray ce que je pourray pour ne  2o6 Lettres de saint François de Sales point avoir le chancre au visage ; mais si je Tay, j'en aymeray Tabjection. Et en matière de péché il faut encor plus fort tenir cette règle. Je me suis desreglé en ceci, en cela : j'en suis marry, quoy que j'embrasse de bon cœur l'abjection qui s'en ensuit ; et si l'un se pouvoit séparer de l'autre, je garderois chèrement l'abjection, et osterois le mal et péché. Encor faut-il avoir esgard a la charité, laquelle requiert quelquefois que nous estions l'abjection pour l'édification du prochain ; mais en ce cas, il la faut oster des yeux du prochain qui s'en scan- dalizeroit, mais non pas de nostre cœur qui s'en édifie. Ps. Lxxxiii, II. J'ay choysi, dit le Prophète*, d'estre abject en la mayson de Dieu, plustost que d'habiter es taberna- cles des pécheurs. En fin, ma Fille, vous desires sçavoir quelles sont les meilleures abjections. Je vous dis que ce sont celles que nous n'avons pas choysies et qui nous sont moins aggrea- bles, ou, pour mieux dire, celles esquelles nous n'avons pas beaucoup d'inclination ; mais, pour parler net, celles de nostre vocation et profession. Comme, par exemple : cette femme mariée cho5^siroit toutes autres sortes d'ab- jection que celle de l'exercice du mariage ; cette Reli- gieuse obeyroit a toute autre qu'a sa Supérieure; et moy je souffrirois plustost d'estre gourmandee d'une Supé- rieure en Religion que d'un beaupere en ma mayson (0. Je dis qu'a chacun son abjection propre est la meilleure, et nostre choix nous oste une grande partie de nos vertus. Oui me fera la grâce que nous aymions bien nostre abjection, ma chère Fille ? Xul ne le peut, que Celuy qui ayma tant la sienne, que, pour la conserver, il voulut mourir. C'est bien asses. Vous treuvant plongée en l'espérance et pensée d'entrer en Religion, vous eustes peur d'avoir contrevenu a l'obéis- sance. Mais non, je ne vous avois pas dit que vous n'en eussies nulle espérance ni nulle pensée, ouy bien que Cf. supra, p. 187. vous ne VOUS y amusassies pas*; parce que c'est chose certaine qu'il n'y a rien qui nous empesche tant de nous (i) Allusion à l'humeur difficile de M. de Chantai.  Année i6ô6  207  perfectionner en nostre vocation que d'aspirer a une autre, car, en lieu de travailler au champ ou nous som- mes, nous envoyons nos bœufz avec la charrue ailleurs, au champ de nostre voysin, ou néanmoins nous ne pouvons pas moissonner cette année. Et tout cela est une perte de tems, et est impossible que, tenant nos pensées et espé- rances d'un autre costé, nous puissions bien bander nostre cœur a la conqueste des vertus requises au lieu ou nous sommes. Non, ma Fille, jamais Jacob n'ayma bien Lia pendant qu'il souhaitta Rachel*; et tenés cette maxime, *Gen.,xxix,25,28. car elle est très véritable. Mais voyés vous, je ne dis pas qu'on n'y puisse penser et espérer, mais je dis qu'on ne s'y doit pas amuser, ni employer beaucoup de ses pensées a cela. Il est permis de regarder le lieu ou nous desirons d'aller, mays a la charge qu'on regarde tous-jours devant soy. Croyés-moy, jamais les Israélites ne peurent chanter en Babylone parce qu'ilz pensoyent a leur païs*; et moy je voudrois * Ps. cxxxvi, i-.^. que nous chantassions par tout. Mais vous me demandes que je vous die si je ne pense pas qu'un jour vous quitties tout a fait et tout a plat toutes choses de ce monde pour nostre Dieu, et que je ne le vous celé pas, ains que je vous laisse cette chère espé- rance. O doux Jésus, que vous diray-je, ma chère Fille ? Sa toute Bonté sçait que j'ay fort souvent pensé sur ce point et que j'ay imploré sa grâce au saint Sacrifice et ailleurs; et non seulement cela, mais j'y ay employé la dévotion et les prières des autres meilleurs que moy. Et qu'ay je apprins jusques a présent ? Qu'un jour, ma Fille, vous deves tout quitter ; c'est a dire, affin que vous n'en- tendies pas autrement que moy, j'ay apprins que je vous dois un jour conseiller de tout quitter. Je dis tout; mais que ce soit pour entrer en Religion, c'est grand cas, il ne m'est encor point arrivé d'en estre d'advis; j'en suis encor en doute, et ne voy rien devant mes yeux qui me convie a le désirer. Entendes bien, pour l'amour de Dieu; je ne dis pas que non, mais je dis que mon esprit n'a encor sceu treuver dequoy dire ouy. Je prieray de plus en plus Nostre Seigneur affin qu'il me donne plus de  2o8 LhTTRES DE SAINT FRANÇOIS DH SaLES lumière pour ce sujet, affin que je puisse voir clairement Yoiiy, s'il est plus a sa gloire, ou le noti, s'il est plus a son bon playsir. Et saches qu'en cette enqueste, je me suis tellement mis en l'indifférence de ma propre inclination pour chercher la volonté de Dieu, que jamais je ne le fis si fort ; et néanmoins, Youy ne s'est jamais peu arrester en mon cœur, si que jusques a maintenant je ne le sçau- rois dire ni prononcer, et le non, au contraire, s'y est tous-jours treuvé avec beaucoup de fermeté. Mais parce que ce point est de très grande importance, et qu'il n'\^ a rien qui nous presse, donnés-moy encores du loysir et du tems pour prier davantage et faire prier a cette intention ; et encor faudra-il , avant que je me résolve, que je vous parle a souhait, qui sera l'année prochaine, Dieu aydant. Et après tout cela, encores ne voudrois je pas qu'en ce point vous prissies entière re- solution sur mon opinion, sinon que vous eussies une grande tranquillité et correspondance intérieure en icelle. Je vous la diray bien au long, le tems en estant venu ; et si elle ne vous donne pas du repos intérieur, nous em- ployerons l'advis de quelque autre a qui, peut estre. Dieu communiquera plus clairement son bon playsir. Je ne voy point qu'il soit requis de se haster, et ce pendant vous pourres vous mesme y penser, sans vous 5^ amuser et per- dre le tems ; car, comme je vous dis, encores que jusques a présent l'advis de vous voir en Religion n'a sceu pren- dre place en mon esprit, si est ce que je n'en suis pas entièrement résolu. Et quand j'en serois tout résolu, encor ne voudrois je pas contester et préférer mon opinion ou a vos inclinations, quand elles seroj^ent fortes en ce sujet particulier (car par tout ailleurs je vous tiendray parole a vous conduire selon mon jugement et non selon vos désirs), ou au conseil de quelques personnes spirituelles que l'on pourroit prendre. Demeurés, ma Fille, toute résignée es mains de Nostre Seigneur ; donnés luy le reste de vos ans, et le supplies qu'il les employé au genre de vie qui luy sera plus aggrea- ble. Ne préoccupés point vostre esprit par des vaines promesses de tranquillité, de goust, de mérites; mays  Année 1606 209 présentés vostre cœur a vostre Espoux, tout vuide d'au- tres affections que de son chaste amour, et le suppliés qu'il le remplisse purement et simplement des mouve- mens, désirs et volontés qui sont dedans le sien, affin que vostre cœur, comme une mère perle, ne conçoive que de la rosée du ciel et non des eaux du monde*; et vous * Pi»"-. Hist. nat., . 1. IX, c. XXXV (al. verres que Dieu nous aydera, et que nous ferons prou et uxi. au choix et a l'exécution. Quant a nos petites, j'appreuve que vous leur preparies un lieu dedans des monastères, pourveu que Dieu prépare dedans leur cœur un lieu pour le monastère. C'est a dire, j'appreuve que vous les faciès nourrir es monastères en intention de les y laisser, moyennant deux conditions : l'une, que les monastères soyent bons et reformés, et esquelz on face profession de l'intérieur ; l'autre, que le tems de leur Profession estant arrivé, qui n'est qu'a seize ans, on sache fidellement si elles s'y veulent porter avec dévotion et bonne volonté, car si elles n'y avoyent pas affection, ce seroit un grand sacrilège de les y enfermer. Nous vo3"ons combien les filles receuës contre leur gré ont peyne de se ranger et résoudre. Il faut les mettre la dedans avec des douces et souëfves inspirations, et si elles y demeurent comme cela, elles seront bien heureuses et leur mère aussi de les avoir plantées dans les jardins de l'Espoux, qui les arrousera de cent mille grâces ce- lestes. Dressés leur donques ce party tout bellement et soigneusement ; j'en suis bien^d'advis. Mais quant a nostre Aymee, d'autant qu'elle veut demeurer en la tourmente et tempeste du monde, il faut sans doute, avec un soin cent fois plus grand, l'asseurer en la vraye vertu et pieté ; il faut beaucoup mieux fournir sa barque de tout l'attelage requis contre le vent et l'orage; il faut luy planter creusement dans son esprit la vraye crainte de Dieu et l'eslever es plus saintz exer- cices de dévotion. Et pour nostre Celse Bénigne, je m'asseure que Mon- sieur son oncle ( ^ ) aura plus de soin de l'éducation de ( I ) L'Archevêque de Bourges. Lettres III M  210 Lettres de saint François de Sales sa petite ame que de celle de son extérieur. Si c'estoit un autre oncle, je dirois que vous en eussies le soin vous mesme, affin que ce thresor d'innocence ne se perdist. Ne laissés pas pourtant de jetter dans son esprit des douces et souëfves odeurs de dévotion, et de souvent recomman- der a 3lonsieur son oncle la nourriture de son ame. Dieu en fera a son playsir, et faudra que les hommes s'y accommodent. (0 Je ne vous sçaurois dire autre chose pour l'appré- hension que vous aves de vostre mal, ni pour la crainte des impatiences a le souffrir. Vous dis je pas la première fois que je parlay a vous de vostre ame, que vous appli- quies trop vostre considération a ce qui vous arrive de mal et de tentation, qu'il ne failloit le considérer que grosso modo, que les femmes, et les hommes aussi quel- quefois, font trop de reflexions sur leurs maux, et que cela entortilloit les pensées l'une dans l'autre, et les craintes et les désirs, dont l'ame se treuve tellement embarrassée qu'elle ne s'en peut demesler. Vous resouvient il de mon- sieur N. (2), comme son esprit s'estoit entortillé et entre- lassé es vaines craintes sur la fin du Caresme, et que cela n'a esté nullement utile ? Je vous supplie pour l'honneur de Dieu, ma Fille, ne craignes point Dieu, car il ne vous veut faire nul mal ; aymés le fort, car il vous veut faire beaucoup de bien. Allés tout simplement a l'abry de nos resolutions, et rejettes les reflexions d'esprit que vous faites sur vostre mal corr\me des cruelles tentations. Que puis je dire pour arrester ce flux de pensées en vostre cœur? Ne vous mettes point en pe3me de le guérir, car cette peyne le rend plus malade. Ne vous efforces point de vaincre vos tentations, car cet effort les fortifie- roit ; mesprises les, ne vous y amuses point. Représen- tés a vostre imagination Jésus Christ crucifié entre vos bras et sur vostre poitrine, et dites cent fois en baysant son costé : C'est icy mon espérance, c'est la vive source de mon bonheur; c'est le cœur de mon ame, c'est l'ame de (i) L'interpolation ici semble se trahir; comme elle n'est pas évidente, nous laissons le texte de 1626. (a) Impossible de découvrir le nom de ce personnage.  Année 1606 211 mon cœur. Jamais rien ne me desprendra de ses amours ; je le tiens, et ne le lascheray point * qu'il ne m'aj^-t mis Cant., m, 4. en lieu d'asseurance. Dites luy souvent : Qjie pnis-je avoir sur terre on que pretens-je an Ciel sinon vous, o mon Jésus? Vous estes le Dieu de mon cœur et l'héri- tage que je désire éternellement *. Que craignes vous, ' Ps. lxxh, îs, 26. ma Fille ? Oyés nostre Seigneur qui crie a Abraham et a vous aussi : Ne crains point, je suis ton protecteur *. Gen., xv, i. Que cherchés vous sur terre sinon Dieu ? et vous l'aves. Demeurés ferme en vos resolutions ; arrestés vous en la barque ou je vous ay embarquée, et, vienne Forage et la tempeste, vive Jésus, vous ne perires point. Il dormira, mais en tems et lieu il s'esveillera pour vous rendre le 1 * * Cf. Matt., VIII, 2J- calme ^. 2ti. Mon saint Pierre, dit TEscriture *, voyant l'orage qui * ibid., xiv, 29-31. estoit très impétueux, il eut peur ; et tout aussi tost qu'il eut peur, il commença a s'enfoncer et noyer, dont il cria : O Seigneur, sauvés moy. Et Nostre Seigneur le print a la main et luy dit : Homme de peu de foy, pourquoy as-tu douté ? Voyés ce saint Apostre : il marche pied sec sur les eaux, les vagues et les vens ne sçauro3'ent le faire enfoncer ; mais la peur du vent et des vagues le fait perdre, si son Maistre ne l'eschappe. La peur est un plus grand mal que le mal. O Fille de peu de foy, qu'est ce que vous craignes? Non, ne crai- gnes point ; vous marches sur la mer, entre les vens et les flotz, mais c'est avec Jésus : qu'y a-il a craindre la? Mays si la peur vous saysit, criés fort : O Seigneur, sauvés moy. Il vous tendra la main ; serrés la bien et allés joyeusement. Bref, ne philosophes point sur vostre mal, ne répliqués point, allés franchement. Non, Dieu ne sçauroit vous perdre pendant que, pour ne le point perdre, vous vivres en nos resolutions. Que le monde renverse, que tout soit en ténèbres, en fumée, en tintamarre; mais Dieu est avec nous. Mais si Dieu habite es ténèbres et en la montaigne de Sinaï, toute fumante et couverte de tonnerres, d'es- clairs et de fracas*, ne serons nous pas bien auprès de *Exod.,xix, 16, i8. luy?  2 £2 Lettres de saint François de Sales (0 Vives, vives, ma chère Fille, vives toute en Dieu, et ne craignes point la mort. Le bon Jésus est tout nostre ; so3'ons tout entièrement siens. Nostre très honnoree Dame nostre Abbesse le nous a donné ; gardons-le bien, et courage, ma Fille. Je suis infiniment vostre, et plus que vostre. Franc', E. de Genève. (i) Avant cet alinéa, les éditions précédentes placent un passage sur le Jubilé. Il est renvoyé, comme manifestement interpolé, à la fin de novem- bre i6o6.  CCCLX A LA MÊME (fragments;  Il faut faire tout valoir à la ville et à la campagne. — Le Saint propose en exemple la vie d'une vertueuse chrétienne de La Roche. — Exhortation à la poursuite de la sainteté. [Août-septembre] i6o6.  (O car, ma Fille, il faut, comme un petit Jan, nourrir nos Matt., III, 4. cœurs du ifî/el sauvage * aussi bien que du commun ; c'est a dire, faire tout valoir, a la ville et aux chams, pour la très sainte dilection de Dieu Je vous envoyeray bien tost le recueil de la vie d'une ( r) L'Ann:'e Sainte de la Visitation (ancien Ms.) explique à quel propos le Bienheureux faisait à la Baronne cette petite exhortation : « Le neuvième d'aoust i6o6, saint François de Sales visita l'église de Saint Gervais de Mieussy. On ne sçauroit croire le contentement de ce fidelle Pasteur parmi ces brebis cachées entre les rochers : il se fesoit raconter les histoires de leur pieté, de leur vie pure et retirée, et mesme il se donnoit la peine d'en prendre des mémoires de sa propre main ou de les faire escrire. Il les nommoit aussi saintes que simples, et quelquefois il en escrivoit a Montelon a nôtre vénérable Mère de Chantai... et lui disoit qu'il se plaisoit a ces petites histoires vilageoises par ce que c'etoit véritablement voir, avec Moïse, le Seigneur dans le buisson ardent, que de voir les effets de la divine grâce dans ces âmes simples ; car, dit-il, ma Fille, » etc.  Année 1606 213 sainte villageoise de mon diocèse *, mariée, et qui, en * Videsupra.p.aoo. quarante huit ans de vie, a donné toutes les marques d'une vie parfaitte dans l'intérieur et dans l'extérieur ; car elle a esté une Monique dans son mesnage et une Magdeleine dans rora3^son. Ah, ma Fille, a qui tient-il que nous ne soyons saintz parmi tant d'exemples domes- tiques et estrangers, en la ville et aux chams ? Tout nous presche en faveur de la sainteté, et nous n'y allons que fort lentement. Je me treuve très aneanty en moy mesme dans cette pensée. Helas, ma chère Fille, disons avec saint Augustin * : Que faysons-nous ? Les ignorans et les * Ubi supra, p. 165. grossiers se lèvent, et, se levant devant nous, ilz ravissent les cieux ; et nous croupissons dans nostre négligence ! Au moins, parmy cette misère, soyons humbles, et Dieu nous bénira, et relèvera nostre bassesse par sa sainte miséricorde Revu sur les textes insérés dans un ancien Ms. de V Année Sainte de la Visitation, conservé au Monastère d'Annecy.  CCCLXI A LA PRÉSIDENTE BRULART La sainte Communion nullement incompatible avec l'état du mariage. — Comment nous devons juger les actions et ce qui leur donne du prix. — Le moyen de n'être jamais bien saint. — Les emplois dans la maison d'un prince et en la maison de Dieu. — Humilité du Bienheureux. — Règles pour l'aumône. — A quelles conditions les confessions annuelles sont utiles. — Jeanne de Sales et « la vie des chams. » — La vertu des femmes mariées, « celle seule que saint Paul indique. » Mi-septembre 1606(1). Ma très chère Dame et très aymee Seur, A l'arrivée de monsieur de Sauzea, j'ay receu mille consolations par le récit quil m'a fait de tout ce qui se ( I ) Hérissant (1758) et les autres éditeurs donnent la date du 8 juin 1606 à cette lettre; mais le rapport qu'elle a avec la lettre de fin octobre à la même destinataire persuade de reculer cette date de quelques mois.  214 Lettres de saint François de Sales passe de delà, particulièrement pour vostre regard. Allés tous-jours outre, ma chère Fille, et ne vous destournes point ni a droitte ni a gauche. Je suis en une occupation qui me tient la bride si courte que je ne me puis guère eschapper pour vous escrire selon mon souhait, ni a madame nostre Abbesse. Je respondray donques briefve- ment a ce que vous me demandes. Communies tout asseurement selon le conseil de mes- sieurs de Berulle et Gallemand, puisque vous vous y sentes inclinée (0 et consolée. Et ne vous mettes nulle- ment en peyne de l'apparence quil y a de quelqu'irre- verence pour l'exercice de la condition en laquelle vous estes ; car, ma chère Fille, il ni a nuirirreverence, mais seulement un'apparence. Cet exercice la n'est nullement deshonneste devant les yeux de Dieu ; au contraire il luy est aggreable, il est saint, il est méritoire, au moins pour la partie qui rend le devoir et n'en recherche pas l'acte, mais seulement j condescend pour obéir a celuy a qui Dieu a donné l'authorité de se faire obéir pour ce regard. Ma chère Fille, il ne faut pas juger des choses selon nostre goust, mais selon celuy de Dieu. C'est le grand mot : si nous sommes saintz selon nostre volonté nous ne le serons jamais bien ; il faut que nous le so)^ons selon la volonté de Dieu. Or, la volonté de Dieu est que, pour l'amour de luy, vous faciès librement ainsy : que vous aymies franchement l'exercice de vostre estât. Je dis que vous l'aymies et cherissies, non point pour ce qui est extérieur et qui peut regarder la sensualité en elle mesme, mais pour l'intérieur, par ce que Dieu l'a ordonné, par ce que, sous cette vile escorce, la sainte volonté de Dieu s'accomplit. Mon Dieu, que nous nous trompons souvent ! Je vous dis encor une fois quil ne faut point regarder a la condition extérieure des actions, mais a l'intérieure, • Cf. supra Epist. c'est a dire si Dieu le veut ou ne le veut point *. Les conceptions mondaines se brouillent et meslent tous-jours parmi nos pensées. En la mayson d'un prince, ce n'est (i) Tout ce qui suit, sauf les lignes 27-37 ^^ '^^^'^ P^ge, les lignes 1-3 de la page 215 et la dernière phrase de la lettre, est donné d'après l'Autographe.  cccLin.  Année 1606 215 pas tant d'estre souillon de cuisine comme d'estre gentil- homme de la chambre ; mais en la mayson de Dieu, les soùillars et souillardes sont les plus dignes bieri souvent, par ce qu'encor quilz se souillent, c'est pour l'amour de Dieu, c'est pour sa volonté et son amour; et cette volonté donne le prix a nos actions, non pas l'extérieur. Je me confons souvent en cette considération, me voyant en une condition si excellente au service. O Dieu, faut-il donques que l'action qui, en l'extérieur, est si basse, soit si haute en mérite, et mes praedications, mes Confirmations, si relevées en l'extérieur, so3^ent si basses en mérite pour moy, faute d'amour et de dilection *! J'ay dit ceci de la ' Cf. supra, p. 199. sorte affin que vous sachies que la Communion n'est nul- lement incompatible avec l'obéissance, en quelque sorte d'action qu'on l'exerce. En l'ancienne Eglise, on commu- nioit tous les jours*, et néanmoins saint Paul ordonne Vide supra, p. 149. aux mariés quilz ne se defraudent point l'un l'autre pour le devoir du mariage *. Cela soit dit pour une fois, et " I Cor., vu, 5. quil vous suffise que c'est la vraye vérité. Mais la partie qui recherche peche-elle point, si elle sçait que l'autre aj'e communié ? Et je vous dis que non, nullement, sur tout quand les Communions sont fré- quentes; ce que j'ay dit de l'Eglise primitive en fait foy, et la rayson y est toute claire. Il y a plus : c'est que si la partie communiee recherchoit elle mesme, le jour de la Communion, le péché ne seroit que très véniel et très léger, a cause d'un peu d'irrévérence qui entreviendroit. Mais ne recherchant pas, ains condescendant, c'est grand mérite, et la grâce de la Communion s'en accroit, tant s'en faut qu'ell'en amoindrisse. C'est asses. Pour l'aumosne, vous devessçavoir si c'est pas l'intention de monsieur vostre mari que vous en faciès a proportion de vos facultés et des moyens de vostre mayson. Et par ce quil me semble que vous m'aves dit qu'ouy, il ni a nulle difficulté non seulement que vous les pouves, mais que vous les deves faire. Quant a la quantité, cela ne se peut mieux juger que par vous mesme. Il faut considérer vos moyens et vos charges, et sur cela proportionner vos aumosnes selon les nécessités des pauvres : car en  2i6 Lettres de saint François de Sales tems de famine, la mayson demeurant sobrement prou- veûe, il faut estre plus libéral a donner ; en tems d'abon- bondance, il est moins requis et est plus lo\'sible de beaucoup espargner. Pour escrire la confession, cela est indiffèrent ; mais pour vous, je vous asseure que vous n'en aves nul besoin, car je me resouviens que vous fistes exactement bien la générale, mesme sans l'avoir escritte. Ains, plusieurs n'appreuvent pas qu'on escrive, c'est a dire a3^ment mieux qu'on s'accuse par cœur. Les confessions annuelles sont bonnes, car elles nous rappellent a la considération de nostre misère et nous font reconnoistre si nous avançons ou reculons, nous font rafraichir plus vivement nos bons propos ; mais il les faut faire sans inquiétude et scrupule, non tant pour estre absous que pour estre encouragé, et n'est pas requis de faire si exactement l'examen, mais seulement de gros en gros. Si vous les pouves faire de la sorte, je les vous conseille ; si moins, je ne désire pas que vous les faciès. Vous me demandies encor, ma chère Seur, un petit mémorial des vertus plus propres a une femme mariée; mais de cela je n'en ay pas le loysir. Un jour je vous en mettray quelque chose en escrit, car je désire de tout mon cœur de vous servir ; et bien que je sache que vous ne manques pas de bons conseilz, ayant la communication que vous aves avec tant de saintes et sçavantes âmes, si est ce que, puisque vous voules encor le mien, je le vous diray. Quant a ramener ma seur ce ne sera pas si tost, puisque ma mère la laisse a nostre madame l'Abbesse encor pour cett'annee. Vous faittes trop de faveur a cette petite et vile créature de la désirer auprès de vous, mais ma mère juge que la vie des chams est plus propre pour les filles de ce pais que celle des villes ; c'est cela qui luy fit prendre resolution d'en importuner plus tost madame de Chantai •ViJesupr.n.p.iSq. que VOUS*. Et pouT moy, je vous tiens pour si unies vous deux, qu'avec laquelle qu'elle soit, je croyray qu'elle sera encor avec l'autre. Quelle consolation de sçavoir que, de plus en plus.  Année 1606 217 monsieur vostre mari reçoit de la douceur et suavité de vostre société! C'est la, l'une des vertus des femmes mariées, et celle seule que saint Paul indique *. *Tit., u, 3-5. Je vous supplie, ma chère Fille, ne me traittes point avec cérémonie, car je suis vostre bien sincèrement. Nos- tre Seigneur soit a jamais le cœur, l'ame et la vie de nos cœurs. Amen. Francs E. de Genève. Revu en partie sur l'Autographe conservé à la Visitation de Chambéry.  CCCLXII AU CHEVALIER CHARLES DE LOCHE (0 Renseignements fournis sur un jeune gentilhomme, en vue d'un mariage. Cranves, 23 septembre 1606. Monsieur, J'ay receu les lettres ci jointes de monsieur le Prési- dent et madame la Présidente ( = ), avec une troysiesme quilz m'escrivent sur un mesme sujet, affin que, selon mon advis, je vous en escrive de mon costé. Et bien que je ne puisse rien adjouster a leur recommandation, si ne dois-je pas refuser d'entrer en une si bonne compai- gnie et pour une si bonne cause (3). Je diray donq, mais en toute sincérité et vérité, que monsieur de Premery (4), duquel ilz vous parlent, est une (i) Dom Charles de Loche, chevalier des Saints Maurice et Lazare, nommé premier syndic de Sallanches, i^ mai 1559, testa le 18 avril 1616. Il s'unit à Charlotte de Riddes (contrat dotal, 8 septembre 1588), qui lui donna huit fîls et plusieurs filles. (2) Philiberte Martin de la Pérouse, que le président Favre avait épousée après la mort de Benoîte Favre, sa première femme. ( 3 ) C'était un projet d'alliance ; il n'aboutit pas. Jeanne-Françoise de Loche, dont il s'agit vraisemblablement ici, épousa noble Etienne du Fresney. (4) Ce nom ne peut être celui d'Humbert de Menthon-Lornay, seigneur de Prémery, dont le contrat dotal était déjà signé le 2 septembre précédent; il désigne sans aucun doute René Favre, le propre fils du Président, qui, en 1606, avait en effet acquis une partie de la terre de Prémery. Andrée de Nicole de Crescherel devint, cinq ans plus tard, la femme de René (contrat dotal du 18 juin 1611).  2i8 Lettres de saint François de Sales des douces, belles et sages âmes qu'on puisse rencontrer, et ne penseray jamais qu'une damoyselle ne soit heureuse de l'avoir pour mari. Quant a ses moyens, ilz sont telz que monsieur et madame la Présidente vous escrivent, et ses incommodités aussi, lesquelles, comme vous pourres aysement juger, peuvent estre bien aysement effacées ; ce qui ne sera pas plus tost fait, que Ton verra ce jeune gentilhomme croistre tous les jours en moyens et bonheur, qui me fait dire sans reserve qu'une damoyselle aura tous-jours beaucoup de contentement avec luy. Mais pour adjouster quelque chose du mien a ce que monsieur et madame le Président et Présidente vous en escrivent, je vous diray quil me semble que pour faire une response bien asseuree, il seroit [a] propos que avec quelque bon praetexte, vous allassies jusques a Neci pen- dant que monsieur le Président y est encor, c"est a dire dans huit ou dix jours ; et la, vous pourries vous enquérir de toutes les particularités, voir le personnage sans faire semblant d'autre chose, et, par après, prendre resolution selon ce que vous en connoistrés, puisque mesme ce gen- tilhomme dont il s'agit ne peut demeurer longtems quil ne prenne parti. Voyla ce quil m'en semble , Monsieur, que vous croires bien sortir d'un cœur tout entier et franc en vostre endroit, comme je suis obligé de l'avoir pour tant d'amitiés et de faveurs que j'ay receues de vous, et pour la particulière inclination que j'ay a souhaiter beaucoup de bénédiction a madamo3^selle vostre fille. Nostre Sei- gneur veuille interposer sa sainte main en cett'affaire pour [la] conduire a son honneur et a vostre souhait. Je suis ce pendant, Monsieur, Vostre serviteur affectionné, FRANÇ^ E. de Genève. XXIII septembre 1606, a Cranves. A Monsieur Monsieur le Chevalier de Losche. Revu sur l'Autographe appartenant à M"^ Gavard, à Ville-en-Sallaz (Haute-Savoie).  Année 1606 219 CCCLXIII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I^"* Pauvreté du prieuré de Bellevaux attestée par le Saint. Loëx, 28 septembre 1606. Monseigneur, Je receu, l'année passée, commandement de Vostre Altesse de m'enquerir soigneusement des charges et re- venuz du prieuré de Bellevaux ( ; ce que je fis, et treuvay qu'a la vérité les charges emportoyent tout le revenu, ou peu s'en faut. Et cett'annee, estant allé en personne audit prieuré pour les visiter l^', j'ay encor mieux re- conneu la grandeur de la pauvreté d'iceluy, y ayant veu les édifices presque tous ruinés, a la réparation desquelz le revenu de plusieurs années ne sçauroit suffire. Dequoy le Prieur ayant désiré que je rendisse tesmoignage a Vostre Altesse, je ne l'ay pas sceu refuser, puisque la vérité est bien telle. Je prie incessamment sa divine Majesté qu'elle veuille de plus en plus prospérer Vostre Altesse, de laquelle je suis, Monseigneur, Très humble et très obéissant serviteur et orateur, FRANç^ E. de Genève. A Loex, le 28 septembre 1606. (i) Bellevaux en Bauges (voir le tome précédent, note (2), p. 27=;). ( 2 ) On lit dans le Registre des Visites pastorales : « Dimenche, neufviesme julliet mil six centz et six, » Monseigneur le R™"-' « a visité le prioré de Nostre Dame de Bellevaux en Bnuges. de l'Ordre de Cluny, duquel est Prieur R. Mes- sire Aymé Marmonioz, prebstre... » (voir le tome précédent, note (2), p. 276) « auquel prioré sont esté treuvés : ledit Prieur, R. Messire Pierre Domenget, sousprieur, Jaques Gleyrod, Donat Crochon, prebstres ; trois convers... Nicol- las Pomet, Claude Reymondat, novices, estant au collège d'Annessy. «  220 Lettres de saint François de Sales CCCLXIV A l'empereur d'aLLEMAGXE, RODOLPHE II (O (fragment inédit) Accusé de réception d'une lettre de Sa Majesté. — Souhaits de bénédictions. Fillinges, 29 septembre 1606. Litteras quas ad me sacras CaesareaB Majestatis nomine detulit hic tabellarius, qui me agrorum Gebennensium ecclesiis visitandis incumbentem invenit, hoc ipso die XXIX Septembris quem Ecclesia Catholica Beati Michae- lis Archangeli honori, ad Christi majorem gloriam ad- dixit. Exaudiat te Dominus in die tribulationis, protegat te nomen Dei Jacob ; mittat tibi aiixilium Ps. XIX, 1,2. de sancto, et de Sion tueatiir Te*, Imperator maxime et augustissime. Amen. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Mobile (Etats-Unis).  La lettre que ce secrétaire m'a apportée au nom de son auguste et sacrée Majesté m'est parvenue au moment que j'étais occupé à visiter les églises du territoire de Genève, en ce jour même du 29 septembre consacré par l'Eglise à honorer l'Archange saint Michel, pour la plus grande gloire du Christ. Empereur très grand et très auguste, qvie le Seigneur vous exauce au jour de la trihulation, que le nom du Dieu de Jacob vous protège ; qu'il vous envoie du ciel son assistance, et que du haut de Sion, il soit votre défenseur . Ainsi soit-il. ( I ) Rodolphe II, empereur (1576-1611), né en 1552, roi de Hongrie en IS72, roi de Bohême et roi des Romains en 157^5, soutenait en 1606 une guerre mal- heureuse contre les Turcs et contre les Hongrois révoltés. Aux prises avec des besoins d'argent et avec les difficultés que lui suscitaient les hérétiques, il convoqua à Ratisbonne une diète pour le i'^'' décembre 1606. L'empereur, en écrivant quelques mois avant cette date à François de Sales, l'invitait sans doute à cette assemblée (voir la lettre du Saint, 25 décembre 1606), comme le fit plus tard, eu 1613, son frère l'empereur Mathias. L'Evéque-princc de Genève avait qualité pour recevoir cette invitation ; quoique les Genevois fussent en république et en révolte contre leur évéque, leur ville restait dépendante de l'empire d'Allemagne.  Année 1606 221  CCCLXV A LA BARONNE DE CliANTAL (fragments) Les labeurs de la visite et l'ardeur du saint Evêque ; l'accueil qu'il reçoit dans le Faucigny. — Les illuminations d'une petite ville. — Comment « divertir » ses yeux « des curiosités de la terre. » Bonneville, 2 octobre 1606 (i). J'ay receu vostre dernière lettre, ma très chère Fille, justement ainsy que je montois a cheval pour venir icy en cette action (*). Je me porte bien, ma chère Fille, emmi une si grande quantité d'affaires et d'occupations qu'il ne se peut dire de plus. C'est un petit miracle que Dieu fait, car tous les soirs, quand je me retire, je ne puis remuer ni mon cors ni mon esprit, tant je suis las par tout ; et le matin, je suis plus gay que jamais. D'ordre, de mesure, de rayson, je n'en tiens point du tout maintenant (car je ne vous sçaurois rien dissimuler) ; et cependant, me voyla tout fort. Dieu mercy. O ma chère Fille, que j'ay treuvé un bon peuple parmi tant de hautes montaignes ! Quel honneur, quel accueil, quelle vénération a leur Evesque ! Avant hier j'arrivay en cette petite ville tout de nuit; mais les habitans avoyent tant fait de lumières, tant de festes, que tout estoit au jour. Ah ! qu'ilz meriteroyent bien un autre Evesque. (i) L'ordre des visites pastorales suivi par le saint Evêque (cf. Gonthier, Journal de S. François de Sales, Œuvres, tome P'', p. 423), les indications du billet lui-même, permettent de lui attribuer ce lieu et cette date. (2) Dans l'édition de 1626, cette phrase servait de début, mais à tort, à la Lettre ccxcvii donnée au 3 juillet 1605 (cf. note (2), p. 67, et note ( i ), p. 68). L' « action » dont il est parlé ici, désigne, soit la consécration de la chapelle du château du Maney, soit l'ensemble de la visite pastorale elle-même.  222 Lettres de saint François de Sales Vives joyeuse. Communies et les festes solemnelles et les Dimanches, quo}^ que ce soit consécutivement. Levés souvent vos yeux au Ciel pour les divertir des curiosités de la terre. A Dieu, ma Fille, mais a Dieu soyons-nous a jamais, comme il est nostre éternellement. Vive Jésus !  CCCLXVI  A LA MEME  Au retour de la visite, le Saint revoyant son àme en a compassion; il veut profiter des loisirs de Thiver suivant pour se remettre dans la ferveur. — Les chevreuils et chamois des Alpes. — Histoire d'un berger à la recherche d'une vache. — Applications à un pasteur d'âmes. Annecy, fin octobre 1606 (i).  ( 2 ) et de prendre tant de loysir pour le faire que vous en soyes bien satisfaitte, comme j'espère que Dieu vous en fera la grâce, et a moy qui le souhaite sans fin. Les conjurations que la .bonne madame l'Abbesse (3) me fait d'aller-la sont si puissantes, qu'autre chose ne pourroit me retenir de l'entreprendre maintenant, sinon la plus grande gloire de Dieu qui me tient encor tout cloiié sur ce banq. Quand j'ay voulu revoir mon ame a ce mien retour, elle (i) Saint François de Sales a écrit cette lettre après le 21 octobre, date de son retour à Annecy. (2) L'Autographe conservé à la Visitation de Rennes est mutilé ; les deux premières pages manquent. Le commencement de notre texte (dont les trois premiers alinéas sont inédits) représente donc le commencement de la troi- sième page de l'original. Dans l'édition princeps et les suivantes, cette lettre, de fait mutilée, a tout l'air d'une lettre entière, parce qu'à défaut de son commencement authenti- que, les éditeurs lui ont donné pour début un billet complet d'une date ultérieure. Ce sont en effet les derniers avis du Saint à la Baronne à propos de son voyage en Savoie, lequel n'a eu lieu qu'à la fin de mai 1607. (3) L'Abbesse du Puits-d'Orbe.  Année 1606 223 m'a fait grande compassion, car je l'ay treuvëe si maigre et desfaitte qu'elle ressembloit a la mort. Je croy bien, elle n'avoit presque pas eu un moment pour respirer quattr'ou cinq mois durant. Je seray tout cest hiver auprès d'elle et m'essaj^eray de la bien traitter ; je ne prescheray point sinon en des petites congrégations, assis dessus la chaire. Je seray auditeur d'un vertueux et fervent Capucin (0, et feray le cathechisme aux enfans et entendray les confes- sions ; et ainsy ne feray que des petits exercices qui n'estourdiront point mon cœur, mais le resveilleront seu- lement. J'ay bien désir de le rendre bon, affin quil serve a tant d'autres au service desquelz il est voué, et parti- culièrement au vostre. Madamoyselle de Trave ( = ) m'avoit dit qu'elle m'en- voyeroit de ses lettres pour envoyer de delà, mais elles ne me sont point arrivées. Je me res-joûis dequoy vous treuveres de deçà cette connoissance et celle de M (5) Je sçay bien que vous n'aves pas besoin d'autres connoissances pour estre consolée que de celle de Dieu, lequel vous treuveres indubitablement icy, ou il attend les pécheurs a pénitence et les penitens a sainteté, comme il fait aussi a tous les endroitz du monde ; car je l'ay mesme rencontré tout plein de douceur et de suavité parmi nos plus hautes et aspres montaignes, ou beaucoup de simples âmes le cherissoyent et adoroyent en toute vérité et sincérité, et les chevreuilz et chamois couroyent ça et la parmi les effroyables glaces pour annoncer ses louanges. Il est vray que, faute de dévotion, je n'en- tendois que quelque mot de leur langage, mays il me (i) Son nom n'est pas donné dans les Délibérations municipales d'Annecy. Toutefois, à la date du ii décembre 1606, on trouve ceci : « Les moyens de la ville se treuvent si petits, que le Père Capucin, prédicateur de cest Advent et du Caresme prochain, n'a peu estre visité d'ung disné seulement, pour lés rares prédications que nous avons receues... » (2) Une note sera consacrée plus loin à « Madamoyselle de Trave. » (3) Ici l'Autographe étant coupé, nous empruntons la suite du texte à l'édi- tion princeps; et c'en est bien la suite authentique, comme le montre, d'une part, la Kaison logique de la phrase précédente avec la suivante, et de l'autre, la soudure naturelle qui réunit « s'estoit » (le dernier mot de l'emprunt à l'im- primé de 1626), -à « esgaree, » le premier mot de l'Autographe qui vient après la coupure (voii;^ligne 7 de la page suivante).  CCCLVUI.  224 Lettres de saint François de Sales sembloit bien qu'ilz disoyent de belles choses : vostre •Enar.inPss.Lxvm, saiiit Augustin * les eust bien entendu, s'il les eust veu. rxi''rxnrcxi)Jl! Mais, ma chère Fille, vous diray-je pas une chose qui me fait frissonner les entrailles de crainte ? Chose vraye. Devant que nous fussions au païs des glaces, environ huit jours, un pauvre berger couroit ça et la sur les glaces pour recourir une vache qui s'estoit(i) esgaree, et, ne prenant pas garde a sa course, il tumba dans une crevasse et fente de glace de douze piques de profon- * Vide supra, Epist. deur *. On lie sçavoit quil estoit devenu, si son chapeau qui, a sa cheute, luy tumba de la teste et s'arresta sur le bord de la fente, n'eut marqué le lieu ou il estoit péri. O Dieu 1 un de ses voysins se fit dévaler avec une corde pour le chercher, et il le treuva non seulement mort, mais tout presque converti en glace ; et, en cet estât, il l'em- brasse, et crie qu'on le retire vistement, autrement quil mourra du gel. On le tira donques avec son mort entre ses bras, lequel, par après, il fit enterrer. Quelz esguil- lons pour moy, ma chère Fille ! Ce pasteur qui court par des lieux si hazardeux pour une seule vache ; cette cheute si horrible que l'ardeur de la poursuite luy cause, pendant quil regarde plus tost ou est sa queste et ou ell'a mis ses pieds que non pas ou il est luy mesme et ou il chemine; cette charité du voysin qui s'abisme luy mesme pour oster son ami de l'abisme : ces glaces me devoyent elles pas ou geler de crainte ou brusler d'amour ? Mais je vous dis ceci par impétuosité d'esprit ; [car, au] demeurant, je n'ay pas beaucoup de lo)^sir de vous [entretenir] v = ; Fille, après mon retour de la [visite] tient presqu'autant aussi Vive Jésus, et en luy toutes choses. C'est luy qui m'a rendu irrévocablement et inviolablement vostre. Franç% E. de Genève. De ma petite seur je ne vous en dis rien. [Madame ( I ) Reprise de l'Autographe. (2) L'ancien texte donne après ce mot, les deux petites phrases : « Vive Jésus, I) etc., avec la signature. Nous les reproduisons sous toutes réserves. Il n'est pas possible de restituer les passages coupés dans les phrases finales et dans le post-scriptum, lequel est inédit.  Année 1606 225  Brûlart] me dit qu'elle l'aura cet hiver a Dijon*... la * Vide pag. seq. Religion des Carmelines. Dieu veuille [Il] me semble que nostre bonne madame Brulart [presse un] peu trop la bonn'Abbesse *, laquelle estant boiteuse, ' Vide ibid.  CCCLXVII A LA PRÉSIDENTE BRULART Pour bien implanter la réforme, il faut commencer par de petites règles. — Un père et un mari jaloux de leur autorité ; leur ingérence importune ; condescendre pourtant à leurs volontés. — Marque pour éprouver la solidité de notre dévotion : quelquefois il faut laisser Notre-Seigneur. — Ne pas rendre notre piété fâcheuse à notre entourage. — Que doit faire une âme chrétienne soumise, à l'égard de la sainte Communion, à deux auto- rités divergentes? — Détacliement de saint Jean-Baptiste. — Une femme du monde qui « est arrivée bien haut. » — Lire sans scrupule la traduction des Psaumes de des Portes. — Un traité d'Alcautar.i. — Espoir d'aller au Puits-d'Orbe. Annecy, [fin octobre] 1606. Madame ma Seur, Je vous escrivis, il y a six semaines *, pour respondre a " Cf. Epist. ccclxi. tout ce que vous m'avies demandé, et ne doute nulle- ment que vous n'ayés receu ma lettre; qui me fera tenir plus resserré en celle ci. Selon ce que vous me proposes par la vostre du 26 septembre, j'appreuve que nostre bonne Abbesse commence a bien establir ces petites règles que nostre pere(0 a dressées, non pas pour s'arrester- la, mais pour passer par après plus aysement a plus grande perfection. Rien ne nuit tant a cett'entreprise que la variété des propositions qui se font, et sur tout celle qu'on fait d'une Règle si exacte, car cela espouvente l'esprit de nostre seur et des autres aussi. Il ne faut pas, ce me semble, leur dire combien elles ont de chemin a ( I ) M. de Crépy. Lettres Ili ir  226 Lettres de saint François de Sales faire pour tout le voyage, mais seulement du jour a la journée ; et combien que nostre seur aspire a la perfection de la reforme, si ne faut-il pas pour cela la presser, car Cf. pag. prœced. cela l'cstourdiroit *. Au contraire, il luy faut prescher la patience et longue haleyne ; autrement elle voudra que tout se face a coup, et sil y a quelque retardation, elle s'impatientera et quittera tout. Et a la vérité, il y a occasion de se contenter de ce que Nostre Seigneur a mis en elle jusques a présent ; il l'en faut remercier et luy en demander davantage. Pour ma petite seur, je la vous laysse et ne m'en Cf. ibid. metz nullement en peyne * ; mais je ne voudrois pas que nostre père eut peur qu'elle ne devint trop dévote, comm'il a tous-jours eii peur de vous, car je suis asseuré qu'elle ne péchera point en excès de ce costé-la. Mon Dieu, le bon père que nous avons et le très bon mari que vous aves ! Helas, ilz ont un peu de jalousie de leur empire et domination, qui leur semble estr'aucunement violé quand on fait quelque chose sans leur authorité et commandement. Que voules-vous, il leur faut per- mettre cette petite humanité. Hz veulent estre maistres, et n'est ce pas la rayson? Si est, certes, en ce qui dépend du service que vous leur deves ; mais les bons seigneurs ne considèrent pas que pour le bien de l'ame, il faut croire les directeurs et médecins spirituelz, et que, sauf les droitz quilz ont sur vous, vous deves procurer vostre bien intérieur par les moyens jugés convenables par ceux qui sont establiz pour conduire les espritz. ^lais non obstant tout cela, il faut beaucoup condescendre a leurs volontés, supporter leurs petites affections et plier le plus quil se pourra, sans rompre nos bons desseins. Ces accommode- mens aggreeront a Nostre Seigneur. Je vous l'a}'' dit Cf. supra, pp. <^4, d'autrcfois * : moins nous vivons a nostre goust et moins il y a de nostre choix en nos actions, plus il y a de bonté et de solidité de dévotion. Il est force que quelquefois nous laissions Nostre Seigneur pour aggreer aux autres, pour l'amour de luy. Non, je ne me puis contenir, ma chère Fille, que je ne vous die ma pensée ; je sçai que vous treuveres tout bon  :i4.  Année 1606 • 227 ce qui vient de ma sincérité. Peut estre aves vous donné occasion a ce bon père et a ce bon mari de se mesler de vostre dévotion et de s'en cabrer; que sçai-je, moy ? a l'adventure que vous vous estes un peu trop empressée et embesoignee, que vous aves voulu les presser eux mesme et les estraindre. Si cela est, sans doute c'est la cause qui les fait tirer a quartier maintenant. Il faut, s'il se peut, nous empescher de rendre nostre dévotion en- nuyeuse. Or, je vous diray maintenant ce que vous feres. Quand vous pourres communier sans troubler vos deux supé- rieurs, faites-le selon Tadvis de vos confesseurs ; quand vous craindres de les troubler, contentes vous de com- munier d'esprit, et croyes moy, cette mortification spiri- tuelle, cette privation de Dieu aggreera extrêmement a Dieu et vous le mettra bien avant dans le cœur. Il faut quelquefois se reculer pour mieux sauter. J'aj^ souvent admiré l'extrême résignation de saint Jan Baptiste qui demeura si long tems au désert, tout proche de Nostre Seigneur, sans s'empresser de le voir, de le venir escouter et suivre *. Et comment est ce qu'après l'avoir veu et bap- ^ Cf. Luc, i, uit. : tisé, il peut le laisser aller sans s'attacher a luy de pre- -'°^°-' '' ^^• sence corporelle, comm'il estoit si estroittement lié de présence cordiale? Mais il sçavoit que ce mesme Seigneur estoit servi de luy par cette privation de la présence réelle. Je veux dire que, pour un peu. Dieu sera servi si, pour regaigner l'esprit de ces deux supérieurs quil vous a establiz, vous souffres la privation de la Communion réelle. Et me sera une bien grande consolation, si je sçai que cest advis que je vous donne ne mette point vostre cœur en inquiétude. Croyes moy, cette résignation, cette abnégation vous sera tres-extremement utile. Vous pourres néanmoins gaigner des occasions se- crettes pour communier ; car, pourveu que vous deferies et compatissies a ces volontés de ces deux personnages et que vous ne les metties point en impatience, je ne vous donne point d'autre règle de vos Communions que celle que vos confesseurs vous diront, car ilz voyent Testât présent de vostr'interieur et peuvent connoistre ce  228 Lettres de saint François de Sales qui est requis pour vostre bien. Je respons de mesme pour vostre fille (') : laisses-luy désirer la tressainte Commu- nion jusques a Pasques, puisqu'elle ne la peut recevoir sans ofFencer son bon père avant ce tems-la ; Dieu recom- pensera cett'attente. Vous estes, a ce que je voy, au vray essay de la rési- gnation et indifférence, puisque vous ne pouves pas servir Dieu a vostre volonté. Je connois une dame, des plus grandes âmes que j'aye jamais rencontré (*', laquelle a demeuré long tems en telle sujettibn sous les humeurs de son mari, que, au plus fort de ses dévotions et ardeurs, il failloit qu'elle portast sa gorge ouverte et qu'elle fut toute chargée de vanités en l'extérieur, et qu'elle ne commu- niast jamais (sinon que ce fut a Pasques) qu'en secret et a desceu de tout le monde ; autrement ell'eut excité mille tempestes en sa maj^'son. Et par ce chemin, ell'est arrivée bien haut, comme je sçai pour avoir esté son père de Confession fort souvent. Mortifies-vous donques joyeu- sement, et a mesure que vous seres empeschee de faire le bien que vous désirés, faites tant plus ardemment le *Cf.Rom.,vii,is,i9. bien que vous ne desires pas*. Vous ne desires pas ces résignations, vous en desireries d'autres; mais faites celles que vous ne desires pas, car elles en valent mieux. Les Pseaumes de David traduitz ou imités par des Portes!"^) ne vous sont nullement ni defenduz ni nuysi- bles, au contraire vous sont proifitables. Lises-les hardi- ment et sans doute, car il ni en a point. Je ne contredis jamais a personne, mais je sçai fort bien que ces Pseau- mes ne vous sont nullement prohibés et qu'il ni a nul lieu d'en faire scrupule. Il se peut faire que quelque bon ( I ' Il s'agit très probablement de la fille aînée de la Présideote, Madeleine, baptisée le ;i août 1394, paroisse Saint-Jean. (Archiv. municip.de Dijon, B. .490.) Cette enfant eut pour marraine son aïeule, Madeleine Hennequin. (2) La bienheureuse Marie de rincarnation est une « des plus grandes âmes » que le Saint ait jamais rencontrées. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 153.) Quant aux autres traits, c'est encore à la sainte femme de Pierre Acarie qu'ils semblent le mieux convenir. (3) Les CL Pseaumes de David, mis en vers François par Philippe Des- Portes, avec quelques Œuvres chrestiennes et prières du mesme Au/heur. Rouen, Raphaël du petit Val, 1594. (Cf. la Préface du Traitté de l'Amour de Dieu, tome IV lie cette Edition, p. 10.)  Année 1606 229 père n'aggree pas que ses enfans spirituelz les lisent, et peut estre le fait-il avec quelque bonne considération ; mais il ne s'ensuit pas que les autres n'ayent d'aussi bonnes considérations, et voire meilleures, pour les con- seiller aux leurs. Une chose est bien asseuree, c'est que vous les pouves lire en toute bonne conscience, comme aussi vous pouvies entrer au cloistre du Puys d'Orbe sans scrupule*; mais il ni a pourtant pas lieu de vous *Cf. supra, pp. 160, ordonner pœnitence pour le scrupule que vous en aves fait, puisque le scrupule mesme est un'asses grande peyne a ceux qui le nourrissent ou souffrent, sans qu'on en impose d'autres. AlcantaraiO est fort bon pour l'orayson. Tenes vostre cœur fort large pour y recevoir toutes sortes de croix et de résignations ou abnégations pour l'amour de Celuy qui en a tant receu pour vous. Qu'a jamais son saint nom soit béni et que son royaume se confirme es siècles seternelz. Je suis en luy et par luy, Vostre, et plus que vostre, frère et serviteur, F. (2) Je pense tant remuer de pierres que l'année pro- chaine je pourray me desrober pour voir nostre Puys d'Orbe; mais il ne faut pas que pour cela nostre seur attende de faire tout doucement ce qui se pourra faire pour le bien de son Monastère. M. [Viardot] m'a escrit, et assez cordialement; mais il me semble quil désire sçavoir pourquoy vous ne suives plus ses advis. Il n'est (i) En 1606, il n'existait pas encore de traduction latine ni française du traité de la Oracion y Meditacioti de Pierre d'Alcantara. Mais la langue ita- lienne à cette époque étant très répandue en France parmi les personnes cultivées, le Saint pouvait parler d'une traduction italienne dont il existait déjà trois éditions : Florence, 1582, Rome 1598, 1600. Il est encore plus pro- bable que les Carmélites dijonnaises, la plupart espagnoles, aient fait connaître à leur protectrice et amie, la présidente Brùlart, le traité du Saint espagnol, traduit par les soins de Mère Marie de la Trinité. (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 162.) (a) Le post-scriptum est inédit. Il a été biffé sur l'Autographe par une autre main que celle du Saint. Le nom Viardot est coupé, mais il reste quelque trace du / final, qui ne laisse aucun doute sur le personnage en question. (Cf. ci-dessus, pp. 174, 17s)  230 Lettres de saint François de Sales pas raysonnable quil le sache, mais il est bien ra5^son- nable que vous lu}" rendies tous-jours de l'honneur ; et ne faites nul semblant que je vous a3"e dit ce mot. A Madame Madame la Présidente Brulart. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Périgueux.  CCCLXVIII A M. DU CHATELARD (O Le Saiot ne pourvoit aux cures que par la voie du concours. Annecy, 7 novembre 1606. Monsieur, J'honnore de tout mon cœur vostre ma5''son et me sens honnoré de l'appartenance que j'ay avec elle; c'est pour- quoy, tout autant que mon pouvoir s'estendra, je luy veux tous-jours rendre service. Mais en l'occurrence que vous me marques, tout le monde sçait que j'ay les mains liées d'un lien indissoluble et que je ne puis les mettre a la provision des cures que par l'entremise du concours, duquel je ne puis forclorre personne. Les manquemens des efFectz ont accoustumé d'estre interprétés pour manquemens de volontés; mais je me prometz de la bonté de vostre esprit que vous donneras (i) Ce nom étant fort répandu en Savoie (on comptait alors dans la région plus de dix seigneuries ou localités appelées Châtelard), il n'a pas été possible de découvrir le véritable destinataire de cette lettre ; peut-être s"adresse-t-elle à Jean-Gabriel de Rossillon de Chàtillon, seigneur du Châtelard, du Bois, de la Nay, etc., gentilhomme de la chambre de Son Altesse, qui épousa Laure de Saluées et vivait encore le 3 septembre iéi6. Il était cousin de saint François de Sales. Deux de ses frères, Pierre-François et Jean-Antoine, avaient reçu la tonsure le iq décembre 159*; et ce serait en faveur de l'un d'eux que Jean-Gabriel du Châtelard aurait postulé une cure, sans doute celle de Vougnes, tout proche de la seigneurie de Rossillon ; mais elle fut attribuée par le concours (12 octo- bre 1606) à André de Sauzéa.  Année i6o6 231 meilleur'interpretation a ma response, et que, voyant qu'ell'est vrayement véritable, vous ne laisseres pas de croyre que je souhaite autant d'avancement a monsieur vostre frère comme je fay aux miens propres, demeurant, Monsieur, Vostre serviteur très affectionné, Francs E. de Genève. Le 7 novembre 1606. A Monsieur Monsieur du Chatelard. Revu sur l'Autographe conservé à Ferrare, Bibliothèque communale.  CCCLXIX  A SA SAINTETE PAUL V  Le Saint s'excuse auprès de Sa Sainteté de déléguer son frère pour sa visite ad limina. — Il lui envoie un état de son diocèse et lui en résume les grandes lignes. Annecy, 23 novembre 1606. Beatissime Pater, (3) Appropinquante quinto episcopatus mei anno, ante- quam quartus penitus excurrat, debeo, ex Sedis Aposto- licae constitutione, Apostolorum sacra limina visitare ;  A l'approche de la cinquième année de mon épiscopat, avant l'achèvement de la quatrième, je dois, d'après la constitution du Siège Apostolique, faire une visite aux tombeaux des saints Apôtres. (a) [Ce texte latin n'a jamais été publié; il est difficile de savoir si notre copie reproduit le texte définitif ou une minute. Quant aux variantes qui sui- vent, elles expriment les divergences de la minute publiée par les éditeurs de 1629; ceux de i6a6 n'en avaient donné que la traduction.] Appetente stato illo terapore quo iis qui extra Italiani episcopale munus obeunt, liminum sacrorum BB. Apostolorum Pétri et Pauli visitationem Sancta  2}2 Lettres de saint François de Sales verum ne peregrinationem tam longinquam [instituam,] censuum tenuitas, itinerum difficultas ac ipsius diaecesis utilitas avertunt. Hune ergo micto fratrem meum germa- num, Ecclesias meae canonicum (O, qui meo nomine id muneris exequatur, et statum diaecesis, quam potui dis- tinctissime ac accuratissime descriptum (2), déférât, cujus summa haec est : provinciam vastam, pariter et vastatis- simam, multa proinde (t") ad ejus instaurationem requiri quae non nisi a Sedis Apostolicag authoritate manare queunt ; ejiis propterea opem et operam enixe f'^) ac summis votis exposco, cum paterna illa benedictione ac  Mais ce voyage si long, je suis empêché de l'entreprendre, à cause de l'exiguité de mes revenus, de la difficulté des chemins et de l'in- térêt de ce diocèse lui-même. C'est mon frère germain, chanoine de mon Eglise (O, que j'envoie à ma place. 11 portera l'état de ce dio- cèse, établi avec autant de clarté et de précision que possible (2). En voici le résumé : Vaste est la province, mais pareillement elle est très dévastée. Aussi, sa restauration exige des réformes qui ne peuvent s'accomplir, qu'en vertu de l'autorité du Siège Apostolique. C'est pourquoi, de toutes mes forces et avec le plus ardent désir, je Vestra Sedes Apostolica indixit. germanum meuiu, sacerdotetn et Ecclesiae hujus canonicum, destino, qui meo nomine iJ exequatur, quandoquidem cen- suum tenuitas, itinerum difficultas, ac ipsius diaecesis utilitas ne peregrinatio- nem tam longinquam instituam minime patiuntur. Statum dijecesis, quam potui distinctissime et accuratissime descriptum, mitto, cujus summa est : — (Comme le temps s'approche pour les évèques en charge résidant en dehors d'Italie, de visiter les tombeaux sacrés des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, selon les prescriptions de votre Saint-Siège Apostolique, c'est mon frère, prêtre et cha- noine de cette Eglise, que je désigne pour remplir en mon nom cet office. En vérité, la modicité de mes revenus, la difficulté des chemins et l'intérêt de ce diocèse lui-même m'interdisent absolument un si long voyage. Je vous adresse l'état de mon diocèse, après l'avoir établi avec toute la clarté et la diligence possible. En voici le résumé :) [Reprendre au texte, lig. 7.] (b) pariter — ac vastatissimam esse, et multa (c) a Sedis Apostolicœ — providentia manare queant, cujus opem imis  ( I ) Jean-François de Sales. (3) Cette pièce, dont l'Autographe a été en partie retrouvé, sera donnée parmi les Opuscules.  Année 1606 233 benevolentia quam Vestra Sanctitas his libenter('^) im- pertitur quos habet filios subditos ciim. omni timoré *. * i Tim., m, 4; ^ -, A . . , , , ■ ±- . I Pétri, II, 18. Kx oppido Anneciensi (e), loco peregrinattoms nos- trae * et exilii, in quo fientes sedemus (^) dum recordamur * Ps. cxvm, 54. Genevae nostrse *, donec convertat Dominus ejectionem * Ps. cxxxvi, i. nostram sicut torrens in austro *. Die 23" Novem- ^ Ps. cxxv, 4. bris 1606. Beatitudinis Vestrae, Indignus filius et servus humillimus, Franciscus, Episcopus Gebennensis (g). Revu sur une copie appartenant à M. le chanoine Chevalier, aumônier de la Visitation d'Annecy.  réclame son assistance et son concours, avec cette bénédiction pater- nelle et cette bienveillance que Votre Sainteté accorde volontiers à ceux qu'Elle regarde comme des fils soumis en toute déférence. D'Annecy, le lieu de notre pèlerinage et de notre exil, où nous sommes assis, pleurant au souvenir de notre Genève, jusqu'à ce que le Seigneur change notre bannissement, comme le torrent sous le souffle du midi. Le 23""^ jour de novembre 1606. De Votre Sainteté, Le fils indigne et le très humble serviteur, François, Evêque de Genève. (d) quant — libenter iis (e) Annessiacensi (f) in quo — sedemus et flemus (g) in austro — xxiii Novembris 1606. [La clausule et la signature ne se trouvent pas dans l'édition de 1629.]  234 Lettres de saint François de Sales  CCCLXX AU P. JEAN-MATTHIEU ANCINA, DE LA CONGREGATION DE l'oratoire { i)  Recommandation en faveur de Jean-François de Sales, Le Saint et ses amis de TOratoire de Rome. Annecy, 23 novembre 1606, Molto Reverendo Padre mio osservandissimo, Mandando in Roma questo mio fratello ad visitanda Apostolortim limina, vengo con questa a ricordame- glie (sic) affettionatissimo servitore, et supplicarla poi che a detto fratello mio si degni usar il favore di farglie vedere gli essercitii délia divotissima vostra Congrega- tione, laquale, con osservanza particolar, io riverisco molto; et in essa, il R. P. Thomaso Bozio l^), il quale  Mon très Révérend et très honoré Père, Tout en envoyant mon frère à Rome pour visiter les tombeaux des Apôtres, je viens, par cette lettre, me rappeler à vous comme votre très affectionné serviteur. Je vous supplie en même temps d'accorder à mon frère la faveur d'assister aux exercices de votre très pieuse Congrégation. J'ai une singulière estime, une grande considération pour elle, et notamment pour le R. P. Thomas Bozio ( 2 ), l'un de ses (i) Jean-Matthieu Ancina, frère du bienheureux Juvénal, né le 3 jan- vier 1551, à Fossano, étudia à Mondovî, suivit à Rome avec son frère le Jubilé universel de 1575, l'année même où fiit canoniquement érigé l'Oratoire de saint Philippe de Néri. Il entra dans cet Institut (1578), reçut la prêtrise en 1583 et mourut le 3 avril 1638. Quand le bienheureux Juvénal, sacré évêque de Saluces, alla prendre possession de son siège, il l'accompagna dans sa ville épiscopale, l'aida comme un bon ouvrier dans son ministère et reçut son dernier soupir. « Frère, » lui dit alors le Bienheureux, « actum est. » (Avinghi, Vite dei PP. dell' Oratorio, Ms. Vallicell. O. 58; Bacci, Vita del B. Gio. (jiovertale Ancina.) (2) Voir le tome précédent, note (i), p. 12.  Année 1606 335 tuttavia non si ricordarà forsi délie carezze fatteme da luy mentr'io fui in Roma, et che Monsignor nostro (O, di buona memoria, me condusse tante volte nelF Oratorio. Il nostro Priore de Bellevalle ( = ) mi ha detto un pezzo fa che egli havea inviato il denaro per il quale Vostra Paternità mi scrisse, et mi rincresce che il povero huomo habbi tanti contrasti colli suoi monaci che veramente l'impediscono di far frutto ; non litigiosum *. * i Tim., m, 3. Conservimi Vostra Paternità nella sua gratia et si ricordi di me nelle sue orationi, poichè io sono Suo affettionatissimo servitore in Christo, Franc", Vescovo di Geneva. Alli XXIII de Novembre 1606. Al R*^" Padre in Christo osservandissimo, Il R. Gio. Matheo Ancina, Sacerdote délia Congregatione dell' Oratorio. Revu sur l'Autographe conservé à Milan, Archives du prince Trivulzio.  membres. Peut-être, celui-ci ne se souviendra pas du cordial accueil qu'il me fit lorsque, étant moi-même à Rome, notre cher Prélat ( i ), de sainte mémoire, me conduisit si souvent à l'Oratoire. Notre Prieur de Bellevaux (2) m'a dit, il y a quelque temps, qu'il avait envoyé l'argent au sujet duquel Votre Paternité m'a écrit. Je regrette que le pauvre homme ait tant de démêlés avec ses moines qui vraiment l'empêchent de faire du fruit : il ne faut pas aimer les contestations. Daigne Votre Paternité me conserver en ses bonnes grâces et se ressouvenir de moi dans ses prières, puisque je suis Son très affectionné serviteur dans le Christ, François, Evêque de Genève. Le 23 novembre 1606. Au Révérend et très honoré Père dans le Christ, Révérend Jean-Matthieu Ancina, Prêtre de la Congrégation de POratoire. (i ) Ms'' Juvénal Ancina (voir le tome précédent, note ( i ), p. 7). ( 2 ) Le '( Prieur de Bellevaux » est probablement Aimé Mermonio de Luyrieu. (Cf. ci-dessus, nota (2), p. 21g.)  236 Lettres de saint François de Sales  CCCLXXI  A LA BARONNE DE CHANTAL  (fragment]  Nouvelles du Jubilé ; part que le Saint y a prise. — Sa tranquillité parmi un monde d'affaires. — Amour que lui témoigne son peuple. Annecy, vers le 25 novembre 1606. 10 II faut vous dire un mot de moy, car vous m'aymes comme vous mesme. Nous avons eu ces quinze jours un très grand Jubilé, qui sera par tout le monde, sur le com- mencement de l'administration du Pape ( = ) et la guerre de Hongrie (3). Cela m'a tenu occupé, mais consolé, a la réception de plusieurs confessions générales et change- mens de consciences, outre la mer de mes affaires ordi- naires, entre lesquelles (je le dis a vous) je vis en plein ( I ) Ce fragment trouve ici sa vraie place (voir plus haut, note ( i ), p. 212) et sa date est précisée par son contenu même. ( 2 ) Le 28 juin i6os, Paul Vpar la Bulle Qiiod in omni vita, avait accordé un Jubilé extraordinaire pour attirer, disait-il, Tassistance divine sur son Pontificat, et aussi pour réprimer les tentatives des Turcs conjurés contre le peuple chrétien. Le Jubilé fut célébré à Rome la semaine suivante, mais sa publication fut retardée à Paris par la peste qui y sévissait encore à la fin de septembre 1606. A Annecy, elle se fit le ï novembre de cette même année. Le Saint « prit une très grande peine a porter son peuple a faire bon usage de ce thresor. » (AnnJe Sainte de la Visitation.) On lit dans les Délibérations municipales d'Annecy : « Vendredi 24 novembre... a esté ouvert le tronc qu'ils (les syndics) ont fait mettre en l'église parrochiale de S' Mauris de ceste ville, pendant le tems du Jubilé octroyé par Sa Sainteté, et publié le cinq de ce moys, et pour quinze jours... » (3) Cette guerre avait mis aux prises l'empereur Rodolphe avec son frère l'archiduc Mathias, allié avec les Hongrois. Ceux-ci, dirigés par Etienne Botskaï, ayant appelé les Turcs à leur aide, les hostilités avaient pris un carac- tère inquiétant de violence et d'impiété. Justement alarmé, le Pape avait demandé des prières universelles; Dieu les entendit. Le 14 septembre 1606, la paix était conclue entre l'empereur Rodolphe et le prince Botskai, et le 9 no- vembre suivant, une trêve de vingt ans était signée entre le même empereur et le Grand-Turc Achmed.  Année 1606 ^37 repos de cœur, résolu de m'employer fidellement ci après et soigneusement a la gloire de mon Dieu, premièrement chez moy mesme, et puis en tout ce qui est a ma charge. Mon peuple commence fort a m'aymer tendrement, et cela me console. Tous les vostres de deçà se portent bien et vous hon- norent d'un honneur tout particulier.  CCCLXXII AU CARDINAL CÉSAR BARONIUS Le Saint recommande son frère Jean-François à la bienveillance de Baronius. — L'hérésie de Genève, source d'angoisses pour l'Evèque ; il a besoin d'être soutenu auprès du Saint-Siège. — Le glorieux auteur des Annales a l'auto- rité nécessaire pour lui prêter cette assistance. Annecy, 28 novembre 1606. Benevolentia illa et sancta humanitas qua me dum Romae versarer excepisti, audentiorem nunc efficit ad opem operamque tuam implorandam, cum fratrem istum meum germanum, Ecclesiae meae canonicum, ad visi- tanda Sanctorum Apostolorum limina et pleraque hujus Ecclesiae instaurandae necessaria remédia a Sancta Sede Apostolica impetranda mitto (0. Neque est quod apud  La bienveillance et la sainte amabilité que vous m'avez témoignées pendant mon séjour à Rome, me donnent plus de hardiesse pour implorer l'appui de votre intervention, aujourd'hui que j'envoie mon propre frère, chanoine de mon Eglise, visiter le seuil des saints Apô- tres et demander au Saint-Siège Apostolique tous les remèdes nécessaires au relèvement de ce diocèse (O. Votre Illustrissime et ( I ) Le Saint, en annonçant à Baronius la visite de son frère Jean-François, donnait à l'éminent Cardinal un témoignage de déférente et affectueuse courtoisie, mais ne perdait pas de vue les intérêts de sa chère Eglise. (Voir à l'Appendice, la lettre de Baronius, 13 janvier 1607.) Jadis, Barouius avait offert de grand cœur ses services au Saint, et déjà il avait prouvé parles effets que cette offre n'était pas vaine. (Cf. le tome précédent, pp. 3, 42-44, etc.)  238 Lettres de saint François de Sales Illustrissimam et Reverendissimam Dominationem Tuam multis explicem quanta sit aut oneris gravitas, aut pro- vinciae difficultas, aut diaecesis nécessitas. Paucis dicam : * Ps. cxxxvi, 8. cum Genevcim, /tlia m illam Babilonis miser am *conspi- cio , aliaque circum oppida hsereticorum faucibus ab- sorpta,non possum non cogitare missum me ad genteni apostatricem, duram facie, indomahilem corde, ad »Ezech.,ir, 5-6. domum exasperaiitem et ad scorpiones'^. Quare rogo te, Illustrissime et Reverendissime Domine, consursfe mihi adversus malignantes et sta mihi apud Sanctam * Ps. xciit, 16. Seàevu adversus opérantes iniquitatem'^. Sic enim * II Thess., 11, 8. fiet, ut qucmadmodum spiritum oris Christi * ac gladium *Ps.cxux,6; Heb., illum ancipitem * ex Annalibus tuis (i), super aurum 'Ps. cxviii, 127. et topa^ion * pretiosis, tam facili successu hactenus vi- brasti, sic etiam .nunc qua polies auctoritatem exeras ad faciendam vindictam in nationibus schismaticorum * Ps. cxLix, 7. et increpationes in poptilis * hssreticorum. Vale, Illustrissime ac Reverendissime Cardinalis, et me cultorem tuum addictissimum tua benevolentia  Reverendissime Seigneurie n'a pas besoin que je m'attarde à lui exposer la pesanteur de mon fardeau, la difficulté du gouvernement ou la situation critique de -cette Eglise. En deux mots, quand je con- sidère Genève, cette malheureuse Jillc de Babvlone, et quelques autres bourgades voisines entrainées dans le gouffî'e de l'hérésie, je ne puis m'empêcher de penser que je suis envoyé vers un peuple apostat, au front dur, au cœur iudomptahle, vers une maison affligeante, vers des scorpions. C'est pourquoi, Illustrissime et Reverendissime Seigneur, élevez-vous avec moi, je vous en supplie, centre les méchants, défen- dez-moi auprès du Saint-Siège contre les ouvriers d'iniquité. Alors, de même que de vos Annales ( i ), plus précieuses que l'or et la topa;(e, vous avez fait jaillir avec tant de bonheur le souffle de la bouche du Christ et son glaive à deux tranchants, de même vous déploierez l'autorité dont vous êtes revêtu, pour exercer la vengeance [du Sei- gneur] sur les nations schismatiques et ses châtiments S7ir les peuples hérétiques. Agréez, Illustrissime et Reverendissime Cardinal, les salutations de votre très dévoué serviteur ; daignez lui continuer l'appui et ( I ) Le Saint avait reçu les Anna/es en présent de Baronius liii-ménie.  Année 1606 239 complecti ac fovere non desine, Christumque in omnibus habeto propitium. Annessii Allobrogum, die XXVIII Novembris 1606.  l'honneur de votre bienveillance, et qu'en toutes choses le Christ vous soit propice. Annecy, en Savoie, le 28 novembre 1606.  CCCLXXIII A UN CARDINAL (0 (minute inédite) François de Sales rappelle au Cardinal l'aimable accueil qu'il en reçut jadis. — Titres particuliers de son diocèse à la bienveillante protection du Sou- verain Pontife. — Difficultés que lui crée l'hérésie ; pour les surmonter, il a besoin de recevoir du Saint-Siège aide et secours. Annecy, fin novembre 1606. Illustrissime ac Reverendissime Domine mi colendissime, (3) Visitaturus Apostolorum limina, par fratrem istum meum germanum et a Sancta Sede pleraque hujus dio- csesis bono necessaria expectaturus , quantis possum  Illustrissime, Reverendissime et mon très honoré Seigneur, Comme je dois visiter le seuil des Apôtres par l'entremise de mon propre frère et solliciter du Saint-Siège plusieurs remèdes nécessaires au bien de ce diocèse, j'ai recours avec de très humbles instances à (a) Mitto nunc istum fratrem meum germanum ad foscula pedumj liminum Apostolorum visitationem et pedum Beatitudinis Suae ose...  (i) Malgré quelques traits de ressemblance avec la lettre adressée à Baro- nius, le ton de celle-ci semble dénoter un destinataire différent, mais il est difficile d'en connaître le nom avec certitude. Serait-ce le cardinal Panfili? Les cardinaux et les principaux personnages que le Saint put rencontrer à  240 Lettres de saint François de Sales humillimis praecibus [ad] opem lUustrissimse et Reve- rendissimae Dominationis confugio 1^), qui etiamnum cum hujus mese Ecclesise Prsepositus essem et eadeni Aposto- lica iimina praedecessoris mei nomine visitarem, huma- nissime ac beneficentissime ab eadem Illustrissima et Reverendissima Dominatione Vestra sum exceptas. Causam vero ago ejus diocaesis qua nulla est in orbe Christiano '<=) dignior quae Apostolica providentia fulcia- tur, Prsesulum favore, bonorum omnium commiseratione. Scis enim, Illustrissime ac Reverendissime Domine, scis, inquam, ubi habito, ubi scilicet sedes est Satanœ Ge- neva, et habeo adversum me multos tenentes doctrinam Apoc.,ii, 13-1^. diaboli *, quibuscum ^^) si, ut par est, pugnetur in gladio ibid.,i, 16. oris Christi *, déficientes quemadmodum fuimis de- Ps. XXXVI, 20. ficient *.  l'intervention de Votre Illustrissime et Reverendissime Seigneurie. Quand j'étais Prévôt de l'Eglise qui est aujourd'hui la mienne, et qu'au nom de mon prédécesseur, je visitai les mêmes tombeaux apostoliques, je reçus de Votre Illustrissime et Reverendissime Sei- gneurie un accueil plein de bonne grâce et de parfaite obligeance. Je plaide aujourd'hui la cause de ce diocèse qui, plus que tous les autres diocèses du monde^ chrétien, mérite l'appui de la bienveillance apostolique, la faveur des prélats et la sympathie de tous les gens de bien. Vous savez le lieu de ma demeure. Illustrissime et Reverendis- sime Seigneur : c'est Genève, c'est-à-dire le trône de Satan. J'ai pour adversaires un grand nombre d'hommes qui tiennent la doctrine du diable. Si contre eux le combat est engagé, comme il convient, avec le glaive de la bouche du Christ, défaillant ils s évanouiront connue la fumée, (b) Dominationis — fexposcoj (c) in orbe Christiano — fniajoribus indiget iemediis...J (d) quibuscum — ftam sum inferior viribus hunianis quam superior causa... causa et anima. ..J  Rome en 1599, s'y trouvaient pour la plupart en 1606. A cette date, le cardinal Panfili était vraisemblablement Vicaire de la ville; l'influence qu'il exerçait dans les Congrégations a dû persu.nder le Saint de solliciter directement son appui. Une réponse qu'il en reçut le 30 avril 1607 (voir à l'Appendice), confirmerait encore cette conjecture.  Année 1606 • 241 Porro velle quidem adjacet mihi, perficere autem non invenio * nisi mittat Dominus atixiliiim de Sede * Rf»-. v"- '§• Sancta sua*, in cujus obsequium ac gloriam, te, quam * Ps. xix, 5. diutissime idem Christus et Dominus incolumem servet. Illustrissime ac Reverendissime Domine, cujus purpuram exosculans Revu sur l'Autographe qui en 1891 appartenait à D. Ponte, prêtre de Turin ( i ).  Or, si je trouve en moi la volonté de faire le bien, je ne trouve pas le moyen de l'accomplir, a moins que le Seigneur ne m'envoie son secours du Saint-Siège qu'il a fondé. Pour lui rendre hommage et gloire, je souhaite que le même Christ et Seigneur prolonge le plus longtemps possible la prospérité de vos jours, Illustrissime et Reverendissime Seigneur, dont je baise la pourpre ( I ) Cet Autographe a péri depuis dans un incendie.  CCCLXXIV A UNE RELIGIEUSE ( i  Exhortation à bénir Dieu pour une grâce reçue. — Le grand point de rhuniilité pour une Religieuse. — Les humilités les plus fines. — Le parler hautain, intempéré et la bienséance religieuse. Annecy, décembre 1606. Ouy da, ma bonne et chère Fille, bénissons Dieu en- semblement de cette heureuse journée en laquelle, par un feu tout nouveau, vous renouvellastes l'holocauste de (i) L'objet de cette lettre en fait présumer la date et, du même coup, la destinataire. Elle a été très vraisemblablement adressée à Bernarde de Vignod (voir ci-dessus, note ( i ), p. 103). En décembre 1605, pendant les cinq jours qu'elle passa à Annecy chez le président Favre, le Saint avait entendu sa confession générale. Cette entrevue avec le Bienheureux fut pour elle l'évé- nement qui décida du reste de sa vie, en l'orientant pour toujours vers la ferveur. Voilà pourquoi François de Sales lui suggère d'en célébrer l'anni- versaire. Lettres III 16  242 Lettres de saint François de Sales vostre cœur, offert et voué pieça a la divine Majesté ; et que ce jour, donques, soit conté entre les jours mémora- bles de nostre vie. Oh ! qu'il tienne le second rang après celuy de nostre Baptesme : jour du renouvellement de nostre temple intérieur ; jour auquel, par un eschange favorable, nous consacrasmes nostre vie a Dieu pour ne plus vivre qu'en sa mort ; jour fondement, Dieu aydant, de nostre salut ; jour présage de la sainte et désirable éternité de gloire, jour duquel le souvenir nous res-jouira non seulement en la mort temporelle, mais encor en la vie immortelle. Helas ! ma très chère Fille, il est vray : Dieu, ce me semble, vous faisoit alhors renaistre spirituelle- ment entre mes bras intérieurs, qui vous embrassèrent, certes, tendrement, et mon cœur fut tout dédié au vostre. Or, je sçai bien que vous aves très souvent sujet d'exer- cer l'amour du mespris, des rebroiiemens et de vostre propre abjection. Faites bien cela ; car c'est le grand point de l'humilité de voir, servir, honnorer et s'entre- tenir es occurrences et a propos (car il ne faut pas se rendre importune en la recherche) avec ceux qui nous sont a contrecœur, et demeurer humble, sousmise, douce et tranquille entr'eux. C'est un point très admirable ; car voyes vous, ma Fille, les humilités que l'on voit le moins sont les plus fines. M-ais pour l'extérieur pourtant, je vou- drois bien, a cause de la bienséance religieuse, que vous vous corrigeassies de cette parole hautaine et intemperee. Ce n'est rien de ressentir ces mouvemens de cholere et d'impatience, pourveu qu'ilz soyent mortifiés a mesure que vous les vo5''es naistre ; c'est a dire que vous taschies de vous remettre au lien et pacification du cœur, car cela estant, encor bien que le combat durast tout le jour, ce seroit de l'exercice, mais non pas de la perte pour vous. Ayés bon courage, ma Fille; je voy bien que Nostre Seigneur nous veut aymer et rendre siens. J'espère en Nostre Dame que jamais aucun feu n'embrasera nos cœurs que celuy du saint amour de son Filz, pour lequel je suis en toute vérité tout vostre. Franc', E. de Genève .  Année 1606 243 CCCLXXV AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE (inédite) Conseils affectueux du Saint à son ami. — Les dévotions du Jubilé. Annecy, 10 décembre 1606 (1). Monsieur mon Frère, En vous attendant, madame vostre chère Présidente et moy nous prions pour vostre santé emmi les dévotions du Jubilé, et nous entretenons de vostre retour et comme, si une fois nous vous pouvons tenir, nous ne permettrons plus que vous nous laissies. Revenes donq, mon cher Frère, mais revenés après avoir bien confirmé vostre santé, laquelle nous est prsetieuse plus qu'il ne se peut dire. Et si l'asseurance que vous prendrés de la nostre peut servir a l'avancement de la vostre, vous vous por- teres bien, puisque tout ce qui est vostre icy se porte si bien. Je suis tous-jours sans nouvelles ; vous estes aussi en lieu ou il ne faudroit pas vous en envoyer, car vous les auriés la a meilleur marché. Je suis entre deux prsedi- cations, l'une que je viens de faire, l'autre que je dois faire demain, entre lesquelz (sic) je diray cette vérité, que je suis inviolablement. Monsieur mon Frère, Vostre humble frère et très fidelle serviteur. Francs E. de Genève. 2 Dimanche de l'Advent. Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Fontenay, château de Fourdcvaux (Nièvre). (i) En 1606, le deuxième Dimanche de l'Avent tombait le lo décembre; ce même jour saint François de Sales était à Annecy; le Jubilé pouvait y durer encore ou avoir été prorogé (voir ci-dessus, note (2), p. 336). Quant à Antoine Favre, si les Délibérations municipales révèlent sa présence le 19 dé- cembre, rien ne prouve qu'il n'était pas absent neuf jours auparavant. Par leur concordance, les données de cette lettre semblent donc en justifier la date.  244 Lettres de saint François de Sales CCCLXXVI A MADEMOISELLE CLÉMENT (0 Le désir du cloître doit être sans inquiétude. — Une croix très sainte.— Jamais le Sauveur '< ne manque aux âmes qui aspirent en luy. >- — Envoi du Saint. Annecy, 14 décembre 1606. Madamoy selle, Ce m'est tous-jours bien de la consolation de sçavoir que vostre cœur s'avance en l'amour de Nostre Seigneur, comme monsieur de BlucK*) m'en [a] asseuré, bien quil ne m'a parlé qu'en bloc, ne m'ayant particularisé qu'un désir que vous aves d'estre Religieuse. Le désir est bon sans doute, mais il faut que vous ne luy permeties pas de vous inquiéter, puisque, pour le présent, vous ne le pou- ves pas reduir'en efFect. Si nostre Sauveur veut quil reus- cisse, il le procurera par des moyens convenables qu'il sçait et que nous ne sçavons pas encor. Mais ce pendant, faites bien la besoigne qui est devant vos yeux mainte- nant ; c'est a dire, continués a faire tout doucement vos exercices spirituelz, rendes vostr'esprit et vostre cœur cent fois le jour entre les mains de Dieu, le luy recom- mandant en toute sincérité. Voyes quelles occasions vous rencontrés tous les jours pour servir sa divine Majesté, soit pour vostr'advancement, soit pour celluy du pro- chain, et les employés fidellement ; car voyes vous, ma Fille, vous pouvés beaucoup proffiter si vous aymes bien Dieu et sa gloire. Je sçai que l'abandonnement de vostre père vous af- flige, mais répètes souvent et de cœur et de bouche la ( I ) Dans une lettre du Saint (i'^'" octobre i6o8) on trouve ces lignes : « Dieu « sçait que je chéris la bonne fille M.""= Clément, et voudrois bien la voir assou- « vir en ses devotz désirs. » Cette allusion vise sans doute la destinataire de la présente lettre, et celle-ci nous apprend où la portaient « ses devotz désirs. » ( 2) Probablement Nicolas de Blussy, chanoine en i6i i de la Sainte-Chapelle de Chambéry et « desservant la chapelle de Messieurs de la Chambre des Comptes » en 1609 et en 1630. Les Registres de cette assemblée (1603) men- tionnent un « M. Blussy, maître de musique de la Sainte-Chapelle de Cham- béry; » serait-ce le même personnage?  Année 1606 245 parole du Profete * : Mon père et ma mère m'ont *Ps. xxvi, 10. délaissé, et le Seigneur m'a eslevé a soy. C'est une croix, sans doute, a une fille que d'estre ainsy aban- donnée du secours des hommes ; mais c'est une croix tressainte et qui est la plus propre pour gaigner plus en- tièrement l'amour de Dieu. Il faut avoir un grand courage en cet heureux amour divin, et une grande confiance sur l'asseurance que nous avons que jamais ce céleste Espoux ne manque aux âmes qui aspirent en luy. Je vous envoyé sur ce propos une petite croix, au milieu de laquelle il y a une sainte Tecle martire, a la vëue de laquelle vous vous animeres a souffrir beaucoup pour Nostre Seigneur. Ce n'est pas pour eschange de vostre beau présent, mais seulement pour souvenance de la pure affection que je porte a vostre ame en Nostre Seigneur, auquel je vous prie de me recommander souvent, comme Vostre très asseuré et bien humble en sa sainte Croix, Francs E. de Genève. xiiii décembre 1606. A Mad'^ Mad'« Clément. Revu sur l'Autographe appartenant à M""= de Panipelonne, à Valence.  CCCLXXVII A l'empereur d'aLLEMAGNE, RODOLPHE II (inédite) Accusé de réception d'une lettre qui invitait le Saint à la diète de Ratisbonne. Annecy, 25 décembre 1606. Nos Franciscus de Sales, Episcopus et Princeps Ge- bennensis, testamur nobis redditas fuisse litteras quibus  Nous, François de Sales, Evêque et Prince de Genève, certifions qu'on nous a remis la lettre par laquelle Sa Majesté Impériale, tou-  246 Lettres de saint François de Sales Imperatoria Majestas, semper augusta, nos admonet diae- tam hactenus indictam ad diem decimum sextum Maii anni proxime sequentis celebrari debere (^). Deum autem optimum maximum summis imisque votis obsecramus, ut Cœsareae Coronas auxilium mittat de Ps. XIX, 3. sancto, et de Sion tueatur eam*. Annessii Allobrogum, ipso Redemptoris Natali die, anno 1606. Francs Episcopus et Princeps Gebennensis, manu propria.  jours auguste, nous avertit que doit se tenir la diète convoquée jusqu'ici pour le 16 mai de l'année prochaine (0. Que Dieu très bon très grand, nous l'en supplions avec toute la ferveur de nos désirs, envoie du ciel son assistance à la Couronne Impé- riale, et qtie du haut de Sion il la protège. Annecy, en Savoie, le jour même de la Naissance du Rédempteur, l'an 1606. François, Evêque et Prince de Genève, de notre propre main. Revu sur une copie authentique de l'Autographe conservé à Vienne, Archives Impériales. ( I ) L'ouverture de la diète (voir note ( i ), p. 220) fut retardée de nouveau ; elle n'eut lieu que le 12 janvier 1608.  ANNEE 1607  CCCLXXVIII A UNE RELIGIEUSE (0 Le devoir d'une âme qui veut aimer Dieu. — La définition du courage d'après les mondains et d'après les chrétiens. — Le courage de « nostre Capitaine, de sa Mère, de ses Apostres. » — Il ne suffit pas « de ne faire pas mal. « Annecy, janvier 1607. C'est avec ma Fille qui est bonne, et de laquelle je sens le cœur inébranlable en la sainte amitié qu'elle me porte, que je me donne tout loysir de respondre. Le tems aussi a esté employé parmi des grans embarrassemens que nostre Jubilé* m'a apporté despuis. * Vide supra, p. 236, Vrayement, ma très chère Fille, les resolutions que vous °° " ^''' me communiquies estoyent toutes telles que je les vous pouvois désirer, et faites bien ainsy : ne desmordés nul- lement de la sainte humilité et de l'amour de vostre propre abjection*. Saches que le cœur qui veut aymer * Cf. supra, p. 242. Dieu ne doit estre attaché qu'a l'amour de Dieu. Si ce mesme Dieu luy en veut donner d'autre, a la bonne heure ; s'il ne luy en veut point donner d'autre, a la très bonne heure encor. Mais je pense bien pourtant que cette bonne fille ne tiendra pas son cœur ; j'en serois grandement marri pour l'amour d'elle, qui commettroit une grande faute. Helas, ma chère Fille, que c'est un mauvais langage ( I ) La destinataire paraît être la Sœur Bernarde de Vignod (cf. ci-dessus, note (i), p. 241), et les allusions que renferme la lettre lui assignent sa date avec une très grande probabilité.  248 Lettres de saint François de Sales d'appeller courage la fierté et vanité ! Les Chrestiens ap- pellent cela lascheté et couardise ; comme au contraire, ilz appellent courage la patience, la douceur, la debon- naireté, l'humilité, l'acceptation et amour du mespris et de la propre abjection. Car tel a esté le courage de nostre Capitaine, de sa Mère et de ses Apostres et des plus vail- lans soldatz de cette milice céleste ; courage avec lequel ilz ont surmonté les tyrans, sousmis les Rois et gaigné tout le monde a l'obéissance du Crucifix. So)''és esgale, ma très chère Fille, envers toutes ces bonnes filles (O; salués-les, honnorés-les, ne les fuyés point ; ne les suives non plus qu'a mesure qu'elles tes- moigneront de le désirer. Ne parlés point de tout ceci qu'avec une extrême charité. Taschés de tirer cette ame que vous devés visiter, a quelque sorte d'excellentes resolutions'-). Et je dis excel- lentes, parce que ces petites resolutions de ne faire pas mal ne sont pas suffisantes : il en faut une de faire tout le bien qu'on pourra et de retrancher non seulement le mal, mais tout ce qui ne sera pas de Dieu et pour Dieu. Or sus, nous nous verrons, s'il plaist a Dieu, avant Pasques. Vives toute a Celuy qui est mort pour nous, et soyés crucifiée avec luy. Il soit béni éternellement par vous, ma très chère Fille, et par moy qui suis sans fin vostre. Franc', E. de Genève. (i) « Ces bonnes filles » sont sans doute les autres Religieuses de l'abbaye de Sainte-Catherine, moins dociles que la Sœur de Vignod aux exhortations du Saint. (Voir ci-dessus, note (4), p. 116.) (a) « Cette ame » que le Saint ne nomme pas, était vraisemblablement la sœur de la destinataire, Jeanne de Vignod, Religieuse à Bons.  Année 1607 249 CCCLXXIX A M. JACQUES DE BAY ( (minute) Remerciements de saint François de Sales pour un envoi d'auteur. Annecy, [janvier] 1607. Clarissimo et venerando viro, Domino Doctori de Bay, Sacrse Theologiae Professori et CoUegii Sabaudiae Moderatori meritissimo, salutem in Christo plurimam. Accepi, etiam secundo, prseclarum illud opus quod de augustissimo Eucharistiae Sacramento, publicse utilitati consecrasti et meo nomini inscripsisti ( = ). Atqui miraberis  Au très illustre et vénéré M. le Docteur de Bay, Professeur de théologie et très digne Président du Collège de Savoie, le meilleur des saluts dans le Christ. J'ai reçu un deuxième exemplaire du remarquable ouvrage que vous avez publié sur le très auguste Sacrement de l'Eucharistie, pour l'utilité du public, et que vous m'avez dédié (s). Sans doute, ( I ) Jacques de Bav, neveu de Miche] de Bay, le fameux Baius, naquit à Mélia (Hainaut) et mourut à Louvain le 13 octobre 1614. Après avoir fait sous les auspices de son oncle de solides études, il devint successivement maître ès-arts au collège du Porc, docteur en théologie (18 mai 1586), doyen de Saint- Jacques, et ensuite de la collégiale de Saint-Pierre, où il fut inhumé. Avec les biens qu'il tenait de son oncle et une partie de ses propres deniers, il fit bâtir, dans sa chère ville de Louvain, le Collegium Bay.mum, inauguré l'an- née même de sa mort. Jacques de Bay a laissé plusieurs ouvrages. (D'après \z Biographie nationale, etc. tome IV, Bruxelles, 1873.) Comme président du Collège de Savoie de Louvain, il étendait sa sollici- tude sur les jeunes boursiers annéciens qui venaient étudier dans cette ville. De là, sans doute, ses relations avec leur Evêque, et par celles-ci, l'occasion qu'il eut de faire estime de sa sainteté. Quant à la présente lettre, sa date se déduit des allusions que fait le Saint à la visite générale de son diocèse, de 1606. (2) Cet ouvrage a pour titre : T)e venerahili Eucharistiœ Sacramento et  250 Lettres de saint François de Sales forsitan, Doctor optime(a), quod gratias quas ob id de- beo tibi maximas tardius egerim longe quam par esset ; et quidem puderet etiam me summopere, nisi visitationis generalis hujus nostrse diocaesis munus, cui obeundo an- num elapsum bona ex parte insumpsi i"^), multis mensibus allati tui libri ac litterarum copiam, et mearum ad te mittendarum facultatem mihi sustub'sset. Sed et cum redii, vix etiam invenire potui cui has committerem (c) ob varias itinerum inflexiones quibus hinc ad vos mit- tuntur. Alioquin non sum adeo stupidus quin sentiam quam multum tuse benevolentiae debeam, quae mihi, viro prorsus ignoto, et (^) si ordinis episcopalis caracterem (qui mihi cum multis communis est) non observaveris,  excellent Docteur, vous serez surpris que j'aie diflFéré plus qu'il ne convenait de vous adresser mes si justes remerciements. Certes, j'en serais moi-même tout confus, si la charge de la visite générale de mon diocèse (elle m'a occupé une bonne partie de l'année passée) ne m'avait empêché, pendant plusieurs mois, de recevoir l'ouvrage et votre lettre, et de vous envoyer la mienne. De plus, à mon retour, c'est à peine si j'ai trouvé quelqu'un pour lui confier ce billet, à cause des divers chemins détournés qu'il faut prendre pour aller à vous. Sans cela, je ne suis pas indifférent au point de ne pas sentir combien je suis redevable à votre "bienveillance. C'est elle qui a conçu la pen- sée et le désir de songer à moi, parfaitement inconnu et n'ayant aucun titre à la notoriété (si l'on ne tient pas compte du caractère (a) Doctor optime, — fet me quam maxime sane puderet...J (b) insumpsi — finihi absenti, mihi...J (c) committerem — fquibus nunc me tibi plane devinctum profiteor et...J (d) et — rnullo nomine, si ordinem episcopalem prœterquam...J  Sacrificio Libri III. Auctore Jacobo Bayo, S. Theol. Doctore et in Academia Lovaniensi Regio Prof essore. Lovanii, mdcv. — La dédicace porte : Illustrissimo et Rêver endissimo Prcesuli, Domino Francisco de Sales, episcop.itus Genevensis Principi. Elle finit ainsi : Hoc enchiridion... in ajfectus et cultus tesseram tibi, Reverendissime Prœstil, consecro et offero, simulque animi grati et pro- pensi in Sabaudicam gentem, obsequii debiti observanticeque testimonium haud intermorititrum esse peropto. Lovanii, Kal. Febr. 160$. Jacobus de Bay, Collegii Sabaiidice Prcesidens. Sept ans après, l'auteur donna de ce traité une deuxième édition revue et corrigée, mais sans dédicace.  Année 1607 251 nullo prorsus nomine conspicuo, librum illum aureum addicere cogitavit et voluit  Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  épiscopal que je partage avec beaucoup d'autres), pour me dédier ce précieux ouvrage  CCCLXXX A MONSEIGNEUR PIERRE-FRANÇOIS COSTA, ÉVÊQUE DE SAVONE, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN (O (fragmekt inédit) Lettre de créance pour les députés envoyés à Turin par l'Evèque et le clergé du diocèse de Genève. Annecy, 15 janvier 1607. ... Vanno questi deputati del clero da questa diocesi ( = ), si per portar le note dell' entrate ecclesiastiche a V. S. 111"'^ et R'"^ et ricever da lei gli ordini necessarii per  ... Ces députés du clergé du diocèse (2) se rendent [à Turin], pour remettre à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime les (i) Pierre-François Costa, né à Albenga vers 1^44, référendaire des deux signatures, fut pourvu en 1^87 par Sixte V de l'évèché de Savone. Sous Paul V, il devint nonce à la cour du duc de Savoie (20 juillet 1606) et il y remplit cette charge jusqu'en 1624. Il mourut le 20 décembre 1625 dans son pays natal, où il s'était retiré après avoir résigné son évêché. (Italia Sacra, tom. IV.) (2) D'après la teneur de la procuration datée du 14 janvier 1607, qui sera donnée avec les Opuscules, le Saint avait désigné comme ses mandataires : Nicolas Gottry, chanoine de l'église cathédrale de Saint-Pierre de Genève ; Barthélémy Floccard, chanoine de l'église collégiale de Notre-Dame d'An- necy ; Claude de Blonay, curé de Sciez. L'un d'entre eux avait reçu procu- ration pour prêter au nom de l'Evèque serment de fidélité à Ms"" le prince de Piémont, Victor-Amédée, héritier présomptif de la couronne de Savoie par la mort de son frère aîné, Philippe-Emmanuel.  253 Lettres de saint François de Sales pagar le décime, sî anco perché Sua Altezza Serenissima ci domanda adesso la prestatione délia fedeltà, che vo- gliono chiamare. Quanto a questo ultimo, non vi vedo altra difficultà, poichè cosi si è usato per lo inanzi. Revu sur une copie authentique conservée à Rome, Archives Vaticanes, Borghese.  notes des revenus ecclésiastiques et recevoir de vous les ordres nécessaires pour le paiement des décimes, mais aussi parce que son Altesse Sérénissime nous demande maintenant la prestation du serment de fidélité, comme on l'appelle. Quant à ce dernier, je n'y vois aucune difficulté, puisqu'on a fait ainsi jusqu'à présent.  CCCLXXXI A LA BARONNE DE CHANTAL L'ambition des pères. — La vraie grandeur des veuves et des Evêques. — La 'I sagette » et le carquois du divin Archer. — Vivre joyeuse et courageuse. Annecy, 20 janvier 1607 (i). Mon Dieu qui voidmon cœur sçait qu'il est plein de beaucoup de grans souhaitz pour vostre advancement spirituel, ma chère Fille. Je suis vrayement comme les pères, qui ne se contentent jamais ni ne se peuvent assouvir de parler avec leurs enfans des moyens de les aggrandir. Mais que vous diray je pour cela, ma chère Fille ? Soyés tous-jours bien petite et vous appetissés tous les jours devant vos yeux. O Dieu, que c'est une grandeur bien grande que cette petitesse ! C'est la vraye grandeur des vefves, mais bien encor des Evesques. De- mandés-la, je vous supplie, continuellement pour moy qui en ay tant de besoin. Que soyons nous a jamais attachés a la Croix, et que cent mille coups de flesches transpercent nostre chair, ( I ) L'ordre des faits exclut la date de 1605 et de 1606, et les conseils donnés ici à la Baronne concordent mieux avec les lettres précédentes.  Année 1607 253 pourveu que le dard enflammé de l'amour de Dieu ayt premièrement pénétré nostre cœur. Que cette sagette nous face mourir de sa sainte mort, qui vaut mieux que mille vies. Je m'en vay en supplier l'Archer qui en porte le carquoy, par l'intercession de saint Sebastien, duquel nous célébrons aujourd'hu}" la feste. Tenés vostre cœur au large, ma chère Fille, et pour- veu que l'amour de Dieu soit vostre désir et sa gloire vostre prétention, vives tous-jours joyeuse et courageuse. O Dieu, mais que je souhaitte ce cœur du Sauveur pour Roy de tous les nostres ! Je ne puis plus escrire, et suis celuy que Dieu a voulu estre vostre en la façon que luy seul sçait. A luy soit honneur et gloire éternelle*. Amen. *Rom., xv;, uit. France E. de Genève.  CCCLXXXII  A SA SAINTETE PAUL V  Le Saint prie le Souverain Pontife d'accueillir paternellement un gentilhomme converti qui a donné des gages de fidélité. Annecy, 20 janvier 1607 (i). Beatissime Pater, Cum Romanse Sedis majestas omnes totius orbis Chris- tianos suo splendore perlicere consueverit, tum vero Sanctitatis Vestrœ clementia eos vel maxime pertrahit  Très Saint Père, Le Siège Romain séduit d'ordinaire par sa majestueuse splendeur tous les chrétiens de l'univers ; cependant, Votre Sainteté, par l'attrait ( 1 ) L'édition de 1626 et les éditions ultérieures ont donné à cette lettre, par une erreur de lecture, la date manifestement fautive de 1617; elle est très probablement du mois de janvier (voir la lettre suivante). — Notre texte latin est inédit, car celui de 165a, reproduit par les éditions postérieures, a dû être fabriqué d'après la traduction française delà minute autographe.  254 Lettres de saint François de Sales qui ex errorum tenebris sub ejus autoritate per Dei gra- tiam emerserunt ; inter quos cum vir hic (O, loca sancta visitaturus, litteras a me postularet quibus de ejus reli- gione ac fide quod res est, Sanctitati Vestrse testatum fa- cerem, quo gratius ac facilius ad ipsius pedes admittatur, ita sane faciendum existimavi ne defuisse videar, cum meo erga eum officio, tum etiam hominis pietati. Quae eo majore acceptione et commendatione digna est, quod cum fuerit inter cives suos omnium primus, tum nobilitate, tum conditione, elegit abjectus esse in domo Domini, Ps. Lxxxiii, II. magis qiiam hahitare in tahernaciilis peccatorum. *; a quibus et uxorem et liberos jamdudum abduxisset, si illi par desiderio sors constaret. Quare ut ejus in fide et religione constantiam integro novennio probatam plurimum probavi, sic mente cum eo  de sa douceur, gagne surtout les cœurs de ceux qui, des ténèbres de leurs erreurs, sont venus se ranger sous son autorité. Le personnage qui se présente à vous est de ce nombre ( ' ). Comme il désirait visiter les saints lieux, il m'a demandé, pour Votre Sainteté, afin d'être plus favorablement et plus librement admis à ses pieds, une lettre où je rendisse témoignage, comme c'est la vérité, de sa religion et de sa foi. J'ai cru qu'il fallait Jui délivrer cette attestation, autant pour remplir mon devoir envers lui, que pour rendre justice à sa piété; c'est précisément à cause de sa piété, qu'il est digne de toute consi- dération et de toute estime. Cet homme, en effet, que sa noblesse et sa condition plaçaient au premier rang de ses concitoyens, a mieux aimé vivre méprisé dans la maison du Seigneur que d'habiter sous les pavillons des pécheurs ; il y a longtemps qu'il en eût retiré sa femme et ses enfants, si l'événement avait répondu à son désir. Sa constance dans la religion et dans la piété a subi le choc de neuf années entières et moi-même je l'ai beaucoup mise à l'épreuve. C'est pourquoi, prosterné en esprit avec lui au baisement de vos ( I ) Isbrand Daux ou d"Aux, seigneur de Prilly et de Crissier, riche bourg- mestre de Lausanne, essaya de chasser les Bernois du pays de Vaud, pour le restituer au duc de Savoie. La conjuration ayant échoué (décembre isSS), il se réfugia à Evian. De sa femme, Adrienne de Prez, il avait eu plusieurs enfants, dont Georges Daux, grand sautier en 1587 de la ville de Lausanne, qui suivit le père dans son entreprise et dans son exil. (Noies de M. Vidart, de Divonne.)  Année 1607 255 ad pedum oscula provolutus, suavissimum Sanctitatis Vestrae conspectum et mihi et ei impensissime exposco. Sanctitatis Vestrse, Humillimus et indignus servus et filius, Francs Episcopus Gebennensis (0. Annecii, die vigesima mensis ... 1607. Sanctissimo in Christo Patri Domino, Domino Paulo Quinto, Pontifici maximo. Revu sur Toriginal conservé à Rome, Archives Vaticanes, Borghese.  pieds, je sollicite très ardemment pour lui et pour moi le très doux regard de Votre Sainteté. De Votre Sainteté, Le très humble et indigne serviteur et fils, François, Evèque de Genève (i). Annecy, le 20 du mois ... 1607. Au très Saint Père, Seigneur dans le Christ, Paul V, Souverain Pontife. (i) Dans cette lettre, la signature seule est de la main du Saint.  CCCLXXXIII AU CARDINAL PIERRE ALDOBRANDINO (O Le Saint recommande au Cardinal uu gentilhomme converti. Annecy, 30 janvier 1607. 111'"° et R'"° Signore Padron colendissimo, Devo supplicare, si corne io faccio con ogni humiltà, a V. S. 111""' et R™'' che si degni aprir le braccia délia sua  Illustrissime, Révérendissime et très honoré Seigneur, Je dois, comme je le fais en toute humilité, supplier Votre Illus- trissime et Révérendissime Seigneurie, de daigner ouvrir les bras de (i) Voir le tome précédent, note (i), p. 8i.  256 Lettres de saint François de Sales bontà et charità a questo gentilhuomo, latore délia pré- sente, corne a ^) quello che essendo stato allevato nella haeresia et nel primo grado di honore délia sua città di Lauzanna, ha nientedimenoC') rinunciato a tutti li béni et honori terreni per servir a Christo Nostro Signore ; et no solamente alli béni, ma si puol dire alla moglie et alli figlùoli, se bene di loro ha havuto sempre quella cura et sollecitudine che si conveniva quanto ail' anima, havendoli tirati di tal maniera per lettere alla cognitione délia verità ('^), che ogni volta che egli havesse modo di darli raguaglio fra Catholici , volontieri abbracciareb- bono'^) la medesima fede délia quale sette anni fa, no solo (^; con moka constantia, ma etiamdio con molta pietà et zelo, luy stesso ha fatto vera et sincera professione. Il che havendo io veduto et saputo, non ho potuto ne  sa bonté et de sa charité au gentilhomme, porteur de la présente lettre. Elevé dans l'hérésie, porté au faite des honneurs dans sa ville de Lausanne, il a néanmoins sacrifié tous les biens, tous les honneurs terrestres pour servir le Christ Notre-Seigneur. Et non seulement il a sacrifié ses biens, mais, on peut le dire, il a même renoncé à sa femme et à ses enfants. Cependant, il a toujours eu pour ce qui concerne leurs âmes, le soin et la sollicitude convenables ; en effet, par ses lettres, il les a tellement attirés à la connaissance de la vérité, que s'il pouvait les pourvoir d'un abri parmi les Catholiques, tous embrasseraient volontiers la foi. De cette même foi, lui-même, il y a sept ans, a fait une vraie et sincère profession, non seulement avec beaucoup de constance, mais aussi avec beaucoup de piété et de ferveur. Ce qu'ayant vu et su, j'ai jugé que je ne pouvais ni ne devais (ii, [Les variantes qui suivent sont tirées d'une minute autographe conservée à la Visitation d'Annecy.] Andando in Ronia questo gentilhuomo, fio sono ubligato di accompagnarlo délie mie...J devo con ogni humiltà supplicar a V. S. Ill'"'' et R""* che si degni aprirgli le bracia (sic) délia sua charità et aniarevolezza, essendo egli di molto merito et degno di esser raccommandato, corne (b) di honore — et magistrato nella citta sua de Lauzanna, ha volontaria- mente ( c ) di loro fia — havuta la cura et sollecitudine con veniente quanto ail' anima, havendoli animati di tal maniera per lettere (d) volontieri — verrebono ad abbraciar (e) MO solo — fconslantemente... veramente, ma etiamdio piamente...J  Année 1607 257 dovuto lasciarlo partire senza darle (^) queste poche righe in testimonio délia verità. Et per fine bascio humilmente le mani a ië) V. S. Ill"* et R'"% preghandole dal Signore ogni vero contento. (^) Di V. S. Iir* et R'"% Divotissimo servitore, Franc°, Vescovo di Geneva. Da Annessi, alli 30 di jan, 1607 (O. Air IIl""" et R'"" Sig'' Padron mio colendissimo, Monsig"" il Cardinale Aldobrandino, Camerlengo di S*'' Chiesa, Protettore di Savoya. Revu sur l'Autographe conservé dans les Archives de l'ancienne Maison du Gesà à Rome.  le laisser partir sans lui donner ces quelques lignes, en témoignage de la vérité. En finissant, je baise très humblement les mains de Votre Illustris- sime et Révérendissime Seigneurie, et je prie le Seigneur de vous accorder tout vrai contentement. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très dévoué serviteur, François, Evêque de Genève. Annecy, le 30 janvier 1607 (i). A mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Mgr le Cardinal Aldobrandino, Camerlingue de la sainte Eglise, Protecteur de la Savoie. (f) ha fatto — professione. Onde stimando che da V. S. Ill"'* et R""*, per questi rispetti sarà favorito volontieri, glie [ho] date (g) hascio — humilissinaamente le mani di (h) [La clausule, la date et l'adresse ne se trouvent pas dans la minute.]  ( I ) La date de cette lettre présente dans l'Autographe quelques particula- rités : deux petits carrés de papier collés après les mots, Annessi, alli, portent jo etj'an. ; à la suite, on lit lâoj légèrement biffé, et immédiatement après, i6oj, le tout de la main du Saint. L'écriture de la lettre trahit 1603, et c'est alors sans doute qu'elle a été rédigée. Il faut donc supposer que le gentilhomme, obligé de différer son voyage, aura gardé la lettre ou l'aura confiée au Saint, et qu'au moment de son départ effectif pour Rome, léoy aura été substitué à i6oj.  Lettres IIl 17  2^8 Lettres de saint François de Sales  CCCLXXXIV A LA PRÉSIDENTE BRULART La correspondance du Saint: sa petite sœur. — La manière de bien célébrer une grande fête. — Savoir demeurer en paix parmi la guerre. — Règle pour traiter dignement les personnes de son rang. Annecy, 30 janvier 1607. Madame ma très chère Seur et Fille bien aymee, Je m'en vay vous dire tout ce que je pourray le plus vistement et briefvement que je sçauray, car je n'ay nul loysir, l'homme de monsieur de Sainte Claire (0 m'estant arrivé en un tems que je n'ay que ce soir pour escrire, je pense, vingt lettres. Il vous tarde que vous ne sçachies de mes, nouvelles ; mais je ne puis penser a quoy il tient que vous n'en ayes plus souvent, car j'escris a toutes occasions, et mon affection n'en laisse pas escouler une seule qu'elle ne me violente pour l'employer. La pauvre madame de Sainte Claire (') et son mary m'escrivent combien d'assistances charitables ilz reçoi- vent de vous. Je m'en res-jouis en Dieu, pour l'amour duquel je vous les ay recommandés et vous les serves. Monsieur vostre bon père m'escrit qu'affin que ma pe- tite seur n'oublie les exercices de dévotion, vous et ma- damoyselle de Villers luy en faites des répétitions et la conduises ; la dessus je lu}' dis deux ou troys motz de Cf. supra, p. 226. joye affin qu'il luy plaise de le permettre *. Que s'il vous la remet pour l'avoir près de vous, je n'en seray que plus ayse, puisqu'elle ne sera moins auprès de lu}^, et sera plus près de vous et de madamoyselle vostre fille (3), que je pense ne devoir estre guère [plus] aagee qu'elle. Vous voyes de quelle cérémonie j'use avec vous, car je ne fay rien qu'accepter. (i) Voir le tome précédent, note (3), p. 216. ( 3) Voir ibid., note (2). (3) Sans doute Madeleine (voir ci-dessus, note (i), p. 2a8)<  Année 1607 259 Mais quant a vostre fille, l'ay-je jamais veuë ? Je croy que non, et qu'elle estoit avec la seur de monsieur vostre mary(0 en un Monastère pendant que j'estois a Dijon. Mais si je ne Tay pas veuë encor, je la voy en esprit, et l'honnore et chéris comme toute mienne en Celuy qui m'a rendu tout vostre et tout sien. Sa lettre ressent a vostre cœur et m'a beaucoup consolé. Si c'est celle-là de la- quelle vous me demandies de la communier, je puys bien dire qu'ouy, qu'elle est bien capable. Madamoyselle Cotenod Denyse ( = ) m'escrit de Paris comme au chemin de Religion ; mais je ne sçai quelle Religion ni ou ce sera. Or, de par Dieu soit il. Néanmoins cela m'empeschera de luy faire responce ; aussi bien n'en aura-elle pas besoin. Vous me demandes si vous communieres deux jours l'un après l'autre quand il arrive de grosses festes joi- gnantes au jour ordinaire de vostre Communion. Je vous avois dit que vous en fissies selon l'advis de vos confes- seurs*, mais puisqu'ilz ne sont pas d'accord, je vous diray * Videsupra.p.aa;. comme j'ay dit a nostre madame de Chantai* : quand "Idem, p. 222. les festes seront grandes, nonobstant la Communion ordi- naire il ne faut pas laisser de les célébrer par une Com- munion extraordinaire ; car, comme pourrons nous bien célébrer une grande feste sans ce festin ? Ce que je vous renvoyois a vos confesseurs, c'est que je ne sçay pas clairement les particularités de vostre nécessité. Je sçay bien que vous en aves de fort capables la, et celuy des Carmelines et aux Jésuites et celuy de vostre parroisse. Cette multitude de pensées qui tracassent vostre esprit ne doivent nullement estre attaquées ; car, quand auries- vous achevé de les desfaire l'une après l'autre ? Il faut seulement de tems en tems, je veux dire plusieurs et plu- sieurs fois le jour, les desmentir toutes ensemble et les rejetter en gros ; et puys, laisser l'ennemy faire tant de ( I ) La sœur du président Brûlart était Madeleine Brùlart, fille de Denis Brûlart, premier du nom, et de Madeleine Hennequin. Depuis 1602, elle gou- vernait l'abbaye de Molaise, de l'Ordre de Cîteaux, au diocèse de Chàlons; elle mourut le 12 octobre 1607. (2) Les Archives du pays de Bourgogne mentionnent plusieurs personnages de ce nom, mais on n'y trouve pas celui de Denise.  26o Lettres de saint François de Sales fracas qu'il voudra a la porte de vostre cœur, car pourveu qu'il n'entre point, il n'importe. Demeurés donques en paix parmi la guerre, et ne vous troublés point, car Dieu est pour vous. Je le supplie qu'il vous rende toute a luy et pour luy. Amen. Je suis sans fin et a jamais Vostre frère et serviteur plus humble, F. A Annessy, ce 30 janvier 1607. Vous aves rayson de vous accuser de la superfluité et excès dont vous uses a toutes les compaignies ; mais apportés-y donques de la modération et voyés de garder cette règle : c'est que vous traitties en sorte qu'eu esgard a vostre qualité et de ceux que vous traittes, vous ne faciès pas comme les moins libéraux et magnifiques de vostre condition, ni aussi comme les plus magnifiques et libéraux. Je suys enclin a ce vice-la, mays je m'en garde fort exactement. Il est vray que les règles ecclésiastiques m'y servent de loy et de garant.  CCCLXXXV  A LA BARONNE DE CHANTAL  Le Saint invite M""^ de Chantai à s'en remettre à la Providence de son désir de quitter le siècle. — Sans « vertugadin » on peut être « bien net et bien propre. » — L'âme chrétienne et la vicissitude des saisons; au Ciel, il n'y aura nul hiver. — Les « maistresses chordes » auxquelles toutes les autres sont attachées. — Une baronne maîtresse d'école et un logis d'Evèque plein de plaideurs. — Les commandements et les avis. — Le Saint commence à écrire le Traitté de l'Amour de Dieu. — Les cantiques de la Baronne. — Les de M""^ de Boisy, était encore à son service en 1610. La pieuse mère du Saint en faisait aussi sa lectrice et dans les derniers jours de sa vie, elle se faisait lire V Introduction à la Vie dévote.  330 Lettres de saint François de Sales defuncte, avec obligation aussi grande que si Dieu Teust conservée par ce moyen. Autant vous en dit toute la fra- ternité, laquelle, de vray, s'est tesmoignee d'extrêmement bon naturel au ressentiment de ce trespas, sur tout nostre Boisy (i) que j'en ayme davantage. Je sçai bien que vous me dires volontier : Et vous, comme vous estes vous comporté ? Ouy, car vous desires de sçavoir ce que je fay. Helas, ma Fille, je suis tant homme que rien plus. Mon cœur s'est attendri plus que je n'eusse jamais pensé ; mais la vérité est que le desplaysir de ma mère et le vostre y ont beaucoup contribué, car j'ay eu peur de vostre cœur et de celuy de ma mère. Mais quant au reste, oh vive Jésus ! je tiendray tous-jours le parti de la Providence divine : elle fait tout bien et dispose de • Cf. Sap., XII, 15. toutes choses au mieux*. Quel bonheur a cette fille d'avoir esté ravie du monde, affin que la malice ne pervertist •Ibid., IV, ri. son esprit"^, et d'estre sortie de ce lieu fangeux avant *Cf. Ps. LXTiii, 15. qu'elle s'y fust soiiillee*! On cueille les fraises et les ceri- ses avant les poires bergamottes et les capendus ; mais c'est parce que leur sayson le requiert. Laissons que Dieu recueille ce qu'il a planté en son verger ; il prend tout a sayson. Vous pouves penser, ma chère Fille, combien j'aymois cordialement cette petite fille. Je l'avois engendrée a son Sauveur, car je l'avois baptisée de ma propre main, il y a environ quatorze ans : ce fut la première créature sur laquelle j'exerçay mon Ordre de sacerdoce. J'estois son père spirituel et me promettois bien d'en faire un jour quelque chose de bon ; et ce qui me la rendoit fort chère (mais je dis la vérité), c'est qu'elle estoit vostre. Mais néanmoins, ma chère Fille, au milieu de mon cœur de chair, qui a eu tant de ressentimens de cette mort, j'apperçois fort sensiblement une certaine soùefveté , tranquillité et certain doux repos de mon esprit en la Providence divine, qui respand en mon ame un grand contentement en ses desplaysirs. Or bien, voyla mes mou- vemens représentés comme je puis. ( I ) Jean-François de Sales.  Année 1607  331  Mais vous, ma chère Fille, que voules vous dire quand vous me dites que vous vous estes bien treuvee en cette occasion telle que vous esties ? Dites-moy, je vous prie : nostre esguille marine n'a-elle pas tous-jours esté ten- dante a sa belle estoille, a son saint astre, a son Dieu ? Vostre cœur qu'a-il fait ? Aves-vous scandalizé ceux qui vous ont veu sur ce point et en cet événement ? Or cela, ma Fille, dites le moy clairement ; car voyes vous, je n'ay pas treuvé bon que vous ayes offert ni vostre vie ni celle de quelqu'un de vos autres enfans en eschange de celle de la defuncte. Non, ma chère Fille. Il ne faut pas seulement aggreer que Dieu nous frappe, mais il faut acquiescer que ce soit sur l'endroit qu'il luy plaira ; il faut laisser le choix a Dieu, car il luy appartient. David offroit sa vie pour celle de son Absalon *, mais c'est parce qu'il mouroit perdu ; et c'est en ce cas la qu'il faut conjurer Dieu. Mais es pertes temporelles , o ma Fille, que Dieu touche et pince par ou il voudra et sur telle corde de nostre luth qu'il choysira, jamais il ne fera qu'une bonne harmonie : Seigneur Jésus, sans reserve, sans si, sans mais, sans exception, sans limitation, vostre volonté soit faitte sur père, sur mère, sur fille, en tout et par tout. Ah ! je ne dis pas qu'il ne faille souhaitter et prier pour leur conservation ; mais de dire a Dieu : Lais- sés ceci et prenés cela, ma chère Fille, il ne le faut pas dire. Aussi ne ferons-nous, non pas? Non, ma Fille, moyennant la grâce de sa divine Bonté. Je vous voy, ce me semble, ma chère Fille, avec vostre cœur vigoureux, qui ayme et qui veut puissamment. Je luy en sçai bon gré ; car ces cœurs a demi mortz, a quoy sont-ilz bons ? Mais il faut que nous fassions un exercice particulier, toutes les semaines une fois, de vouloir et d'aymer la volonté de Dieu plus vigoureusement, je passe plus avant : plus tendrement, plus amoureusement que nulle chose du monde ; et cela, non seulement es occur- rences supportables, mais aux plus insupportables. Vous en treuveres je ne sçai quoy dans le petit livre du Com- bat spirituel* que je vous ay si souvent recommandé. Helas, ma Fille, a la vérité dire, cette leçon est haute ;  II Reg., xvm, ult.  Secunda editio, XXXIII.  352 Lettres de saint François de Sales mais aussi, Dieu, pour qui nous rapprenons, est le Très Haut. Vous aves, ma Fille, quattre enfans ; vous aves un père, un beaupere, un si cher frère, et puis encor un père spirituel : tout cela vous est fort cher et meritamment, car Dieu le veut. Et bien, si Dieu vous ravissoit tout cela, n'auries vous pas encor asses d'avoir Dieu ? N'est ce pas tout, a vostre advis? Quand nous n'aurions que Dieu, ne seroit ce pas beaucoup? Helas, le Filz de Dieu, mon cher Jésus, n'en eut presque pas tant sur la croix, Ihors qu'ayant tout quitté et laissé pour l'amour et obéissance • Matt., XXVII, 46. de son Père, il fut comme quitté et laissé de luy * ; et le torrent des passions emportant sa barque a la désola- tion, a peyne sentoit il l'esguille, qui non seulement regar- doit, mais estoit inséparablement unie a son Père. Ouy, • Joan., X, 30. il estoit un avec son Père *, mais la partie inférieure n'en sçavoit ni appercevoit du tout rien : essay que jamais la divine Bonté ne fit ni fera en aucune autre ame, car elle ne le pourroit supporter. Et bien donques, ma Fille, si Dieu nous ostoit tout, si ne s'ostera-il jamais a nous pendant que nous ne le vou- drons pas. Mais il y a de plus : c'est que toutes nos pertes •Cf. II Cor., IV, 17. et nos séparations ne sont que pour ce petit moment*. Oh ! vrayement, pour si peu que cela, il faut avoir pa- tience. Je m'espanche, ce me semble, un peu trop ; mais quoy ? je suis mon coeur, qui ne pense jamais trop dire avec cette si chère Fille. Je vous envoyé un escusson pour vous aggreert') ; et puisqu'il vous plaist de faire faire le service la ou cette fille repose en son cors, je le treuve bon, mais sans gran- des pompes, sinon celles que justement la coustume chres- tienne exige : car a quoy tout le reste ? Vous feres, par après, tirer en liste tous ces frais et ceux de sa maladie, et me l'envoyeres, car je le veux ainsy ; et ce pendant on priera Dieu de deçà pour cette ame et luy ferons joliment (i) L'écu de la maison de Sales est ainsi décrit par Nicolas de Hauteville (La Maison naltirelle, etc., I'''^ Partie) : " de figure ovale... le fonds d'azur, damascé à deux faces d"or, surfacées de gueules, accompagnées d'un croissant d'or en chef et de deux étoiles à six rayons d'or, l'une au milieu et l'autre en pointe... La devise est latine : Nec plus nec minus, u  Année 1607 333 ses petitz honneurs. Nous n'envoyerons point a son qua- rantal ; non, ma Fille, il ne faut pas tant de mystères pour une fille qui n'a jamais tenu aucun rang en ce monde, ce seroit se faire mocquer. Vous me connoisses : j'ayme la simplicité et en la mort et en la vie. Je seray bien ayse de sçavoir le nom et le tiltre de l'église ou elle est. Voyla tout pour ce sujet (0 Vostre très affectionné serviteur, France E. de Genève. ( I ) Ce a'est pas la manière du Saint de finir ainsi brasquement ; à partir d'ici, la lettre a été sans aucun doute mutilée. (Cf. plus haut, note (2), p. 17.)  CDXIX A. LA PRÉSIDENTE BRULART Condoléances. — L'oraison sans paroles, à quelle condition est-elle bonne. — La préparation de la méditation. — Livres conseillés, dont quelques-uns peu faits pour la pratique. — Les confessions générales et la paroisse. Sales, vers le 2 novembre 1607. Madame ma très chère Seur, Je m'estonne comme vous receves si peu de mes lettres ; il m'est advis que je n'en laisse point des vostres sans quelque response. Or bien, Dieu soit loué. J'ay regretté toutes les pertes qui se sont faites en vos- tre mayson(0, de laquelle je suis l'un des enfans, au moins en affection. Helas ! la pauvre madamoyselle Jacot(2) doit avoir esté bien affligée de filz, de père, de (i) En effet, pendant cette année 1607, les deuils s'étaient accumulés dans les familles de la présidente Brùlart et Jaquot. Madeleine Brùlart, l'Abbesse de Molaise (voir ci-dessus, note f i ), p. 2^9), sœur du président Brùlart était morte le 12 octobre. Quant à M"*' Jaquot, elle avait perdu son père, M. de Crépy, dans les premiers jours d'août ^voir plus haut, note ( i ), p. 3s), son mari Palamède Jaquot, le 18 septembre, et aussi son fils, sans doute un tout jeune enfant, car son existence n'a point laissé de trace dans les généalogies. (2) Madeleine Bourgeois de Crépy, sœur de la Présidente. (Voir ci-dessus, note^i), p. 87.)  334 Lettres de saint François de Sales mari ; je luy ay une grande compassion, et prie Dieu qu'il luy soit pour tout cela. J'a}^ des-ja escrit a madame nostre mère (0; maintenant j'escriray a cette seur, mais je ne sçay si ce sera avec consolation, car je ne sçay point de belles paroles, et, ne luy aj^ant jamais escrit ni parlé de dévotion, elle treuvera peut estre bien estrange mon stile ; mais estant du lieu d'où elle est, elle prendra tout en bonne part. Je n'iray pas a Salins ( = ), mais je veux bien pourtant faire en sorte que cette année suivante ne se passe pas sans que nous nous revo3^ons tous ; dequoy pourtant je ne désire pas que le bruit coure. Ne vous (3) tourmentes point pour vostre orayson que vous me dites se passer sans paroles, car eU'est bonne, pourveu qu'elle vous laisse des bons effectz au cœur. Ne vous violentes point pour parler : en cet amour divin, asses parle qui regarde et se fait voir. Suives donquês le chemin auquel le Saint Esprit vous tire, sans toute- fois que je désire que vous laissies de vous praeparer a la méditation comme vous faj^sies au commencement ; car c'est cela que vous deves de vostre costé, et ne deves point entreprendre d'autre chemin de vous mesme. Mais quant vous vous y voudres mettre, si Dieu vous tire en un au- tre, ailes y avec lu}". Il faut faire de nostre costé une prse- paration proportionnée a nostre portée, et quand Dieu nous portera plus haut, a lu}" seul en soit la gloire. Vous pourres utilement lire les livres de la Mère Thé- rèse et de sainte Catherine de Siene, la Méthode de ser- vir DieiL^'^), VAbbregé de la Perfection chrestienne, la Perl'Evangeliqiie Î5) ; mais ne vous empresses point a la prattique de tout ce que vous y verres de beau, mais ailes (i) M""^ de Crépy. (a) Peut-être s'agissait-il d'un voyage pour le différend des salines; il en sera question en 1609. ( 3 ) Les vingt lignes suivantes et l'adresse sont reproduites d'après un fragment de l'Autographe, le seul qui ait été retrouvé. Il appartient aux RR. PP. Béné- dictins de Scheyern (Haute-Bavière). (4) Voir ci-dessus, note ( I ), p. 161. La Bibliothèque Nationale possède, de cet ouvrage, deux éditions dans la langue originale : Anvers, 1551, et Madrid, 1603. (5) Il a été parlé de ces deux derniers ouvrages au tome IV de la présente Edition, note (i), p. viii.  Année 1607 335 tout doucement aspirant après ces beaux enseignemens et les admirant tout bellement. Et vous resouvenes qu'il n'est pas question qu'un seul mange tout un festin pré- paré pour plusieurs : As-tu treuvé du miel, manges en ce qui suffit, dit le Sage *. La Méthode, la Perfection, * Prov., xxv, 16. la Perle sont des livres fort obscurs et qui cheminent par la cime des montagnes ; il ne s'y faut guère amuser. Lises et relises le Combat spirituel : ce doit estre vostre cher livre, il est clair et tout prattiquable. Non, ma chère Fille, vous confessant a des bons con- fesseurs, ne doutés nullement ; car s'ilz n'avoyent le pou- voir de vous ouyr, ilz vous renvoyeroyent. Et si, il n'est nullement besoin de faire ces reveuës générales en la par- roisse, desquelles vous m'escrives ; il suffit d'y rendre son devoir a Pasques en s'y confessant, ou au moins commu- niant. Estant aux chams, les prestres que vous treuveres es parroisses(0 vous pourront aussi confesser. Ne vous laisses point [presser de scrupules ni de trop de désirs ; chemines doucement] et courageusement. Dieu soit a jamais nostre [cœur, ma chère Seur, et je] suis en luy, Vostre [plus humble frère et serviteur.] [Ma bonne mère a fait merveilles a souffrir la mort de] ma [petite seur] et elle vous salue humblement et remercie des faveurs [qu'elle a receu de vous]. A Madame Madame la Présidente Brulart.  ( i) La fin de cette lettre étant écrite en marge de l'Autographe, par suite de la mutilation de celui-ci, plusieurs mots ont disparu; nous les empruntons à l'édition de 1626, en les insérant entre crochets [ ].  336 Lettres de saint François de Sales CDXX AU COMTE PROSPER-MARC DE TOURNON (0 ( INÉDITE ) Le Saint promet de contrôler la vocation d'un jeune homme qui semblait un peu hâtive. Chessenaz (2), 14 novembre 1607. ^lonsieur, J'ay admiré ce que j"ay appris de ce gentilhomme '3>, car c'est chose fort esloignee de ma précédente créance. • Videsupra.p.ja^, Or, j'espere dans la quinzaine me rendre a Neci *, et de p. 338. ^' sçavoir bien tost après si la resolution de ce chevalier vient du Ciel ; et, en [ce] cas-Ia, je contribuera}' mon talent pour l'establir selon mon devoir. .Mais si elFest de la terre, je le connoistray aysement par le repentir qui la suivra de près, et lequel, a mon advis, je descouvriray soudainement ; et en ce cas, je m'employeray avec affec- tion au dessein que vous agréés, et que, pour cela, j'ay (i) Prosper-Marc de Maillard, comte de Tournon, baron du Bouchet, sei- gneur de MoDtagny, etc., né en mai 156g, fut enterré à Rumilly, le 15 avril 1616. Il avait épousé par contrat dotal du 10 mai 1^90, Philiberte de Beaufort qui vécut jusqu'en 1633. Conseiller d'Etat, chambellan de Son Altesse, che- valier grand'croix des Saints Maurice et Lazare, ambassadeur en Suisse de 1 598 à 1604, il obtint, par patentes du 20 août 1614, la lieutenance au gouver- nement de Savoie, en l'absence du marquis de Lans. (Voir Dufour et Mugnier, Les Maillard, Chambéry, 1889.) Le comte de Tournon ne fut pas seulement un habile homme d'Etat; il se distingua par sa culture d'esprit et son amour des lettres; Charles-Auguste (Pourpris historique, p. 391) l'appelle même « grand docte et très-excellent Poëte. » Le Saint, son parent et ami et l'un de ses exé- cuteurs testamentaires, lui écrivait le 3 août 1614 à propos de son jugement sur Y Introduction à la Vie dévote, qu'il en avait été « grandement encouragé. » (2) Le Dimanche 4 novembre, le saint Evèque avait repris le cours de sa visite pastorale. ( 3 ) Ce gentilhomme était sans doute Louis de Gerbais de Sonnaz qui faisait ses études en octobre 1607, au collège des Jésuites de Chambéry. Tonsuré le 29 septembre précédent, il songeait à prendre l'habit religieux de Cluny ; mais comme il était l'ainé de la famille, jeune encore et privé de son père, le comte de Tournon aura prié saint François de Sales de surveiller de très près ce pieux projet.  Lettres de saint François de Sales 337 bien avant au cœur, comme je vous supplie de croire fer- mement. Quant a l'hermite, je passeray la semaine prochaine a Valieres et la autour de vostre Rumylly, et luy donneray la commodité de se retirer, honneur, vie et bagues sauves. Je prieray cependant Dieu, Monsieur, quil vous pros- père en l'abondance de ses grâces. Vostre serviteur bien humble, FRANÇ^ E. de Genève. A Chessenaz, xiiri novembre 1607. Monsieur, ces grans vœuz sont indissolubles, sinon a la souveraine authorité ; qui nous donnera du loysir de mesnager doucement le dessein. A Monsieur Monsieur le Conte de Tornon. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Georgetown (Etats-Unis).  CDXXI  A LA BARONNE DE CHANTAL  Le Saint rentre à Annecy. — M""^ de Charmoisy. — « Nostre bon et saint Evesque. » — Un projet de mariage ; « toute la fraternité y conspire. » — Belles choses sur un verset de Jérémie. Annecy, 25 novembre 1607. O ma chère Fille, ne voyci pas grand cas ! c'est mon Noé ( I ) qui va a Lion, et néanmoins je n'ay pas loysir de (i) « Noé » servait le Saint en qualité de tailleur et de dépensier. Voici comme il parle de lui-même (Process. remiss. Gebenn., (I), ad aum Interrog.) : « Je m'appelle Noël Rogeol, du Comté de Bourgougne... je suis aagé de soixante ans et plus... Des quarante ans en ça j'ay demeuré continuellement au service de Messeigneurs les Evesques de Genève, les servants de tailleur et ayant la charge domestique de divers offices. » Ailleurs (art. 27) il raconte qu'il était chargé de distribuer les aumônes du Saint. Toute sa déposition est Lbttres m 22  33^ Lettres de saint François de Sales vous escrire, car je ne sçavois pas quil partist avant qu'al- ler dire la IMesse ; et au sortir d'icelle, nos messieurs les chanoynes m'ont prié de l'envoyer pour certaines affaires qui regardent encor le service de Dieu. Le voyla donq quil part avec ces quatre lignes qui vous diront briefvement que l'aspreté du tems m'a en fin fait sonner a la retraitte et suis des avant hier de retour a la ville. Mais il y a six jours que Jaques t') revint, qui m'ap- porta vos lettres, lesquelles m'ont bien fort consolé. Oûy, ma Fille, car je vous diray ce que je craignois : on m'a- voit dit que quand ma seur fut morte vous aviés tesmoigné une grandissime impatience, avec de la défiance que cet accident ne rendit l'affection que je vous ay, alanguie. Croyes moy, ma Fille, je ne creu point cela, mais il me fut impossible d'en divertir entièrement la première frayeur; car vous le sçaves bien, ce qu'on craint fort fait de l'appréhension malgré toute larayson du cœur. O Dieu, non : ni la mort, ni les choses présentes ni les futures, ni les prospérités ni les adversités, 7ie nous sépareront Roni.,vni, 38, 59. jamais de la charité qui est en Jesuscrisf". Dieu soit loiié, béni et magnifié en tout ce que vous me dites par vostre lettre. J'envoye seulement aujourdhu}^ mon laquay a Sales porter de vos nouvelles. Je vous escriray bien tost plus au long et de point en point ; je considereray vos lettres pour voir sil y a quelque chose a respondre. Maintenant il faut aller a la Messe de sainte Catherine, qui est solem- nelle en nostr'eglise ; si que je vous escris entre ma Messe et celle de nostre Chapitre. Et si, il m'a fallu desrober un peu de ce loysir pour confesser nostre M"" de Charmoysi, qui m'a consolé beaucoup de la voir tous-jours ferme en la resolution de vivr'a Dieu. un téuioignnge ému et touchant de l'affectueuse vénération qu'il portait au Bienheureux. Il fut enterré dans l'église de Saint-François d'Annecy, le 30 mai 1640. ( I ; Probablement Jacques Dumont, fils de Philibert Dumont, greffier de l'officialité jusqu'en 1622. Il avoue dans sa déposition (Process. remiss. Ge- benn. (I, ad 2um Interrog.) avoir " fréquenté presque a l'ordinaire la maison » du Saint. L'office du père donnant au fils libre accès dans la maison épisco- pale, le Bienheureux a bien pu confier à celui-ci quelques messages.  Année 1607 339 Vivons a Dieu, ma Fille, vivons pour Dieu, vivons en Dieu qui vit et règne a jamais (0. En fin j'ay encor le loysir d'adjouster ce mot. Je vous dresseray, Dieu aydant, quelque petit exercice pour nostre chère volonté divine (2). Je dis nostre, car si nous ne vou- lons que ce que Dieu veut, sa volonté et la nostre ne se- ront qu'une volonté. O quel bonheur, ma chère Fille ! Vous sçaves bien que ie suis revenu de ma visite* avec * Vide supra, p. 324, un desir bien grand de servir nostre Sauveur ; mais hé- las ! quand sera ce que nos fleurs se convertiront en fruitz ? Je viens tout maintenant de prescher pour annoncer a mon pauvre peuple les Advens ; je feray venir icy ma mère pour les festes. Ma chère Fille, j'escriraya monsieur vostre beaupere selon vostre desir * ; mais vous n'escrivés * Epist. seq. , pas selon le mien, ni a ma mère, ni a M""^ de Charmoysi, quand vous dites (( nostre bon et saint Evesque ; » car, en lieu que ces bonnes femmes devroyent lire sot Eves- que, elles lisent saint Evesque. Je sçai bien que du tems de nostre saint Hierosme on appelloyt sains tous les Evesques, a rayson de leur charge ; mais ce n'en est pas la coustume maintenant. Mais dites moy, ma chère Fille, n'est ce pas nostre bon Dieu qui ouvre le chemin au mariage de nos jeunes gens ? Cette facilité de messieurs vos plus proches, d'où peut elle provenir que de la Providence céleste (3)? De deçà, ma Fille, je le confesse, mon esprit y est, je ne dis pas porté, mais lié et collé ; ma mère ne pense qu'a cela, toute la fraternité y conspire ; et tandis que la sayson s'advancera, prions bien Dieu que sa sainte main con- duise l'œuvre. ( I ) Le Saint terminait sa lettre ici même, puis il lui a donné une suite, grâce au loisir qu'il en a eu et sur lequel il n'avait pas dabord compté. (2) Voir la lettre du 24 janvier 1608 à la sainte Baronne. ( 3) M""^ de Chantai avait eu le même sentiment. Au moment du décès de Jeanne de Sales, raconte la Mère de Chaugy (Mémoires, I""*^ Partie, chap. xxii), « Dieu lui inspira de faire voeu de donner une de ses filles à la maison de Sales, à la place de la défunte... Pendant que je le prononçai, dit-elle, la divine Bonté me consola, et m'y fit voir que de donner une de mes filles à la maison de Sales, c'était le moyen que la Providence avait choisi pour faciliter ma retraite en Savoie et m'y servir de planche et de prétexte. »  340 Lettres de saint François de Sales Du vœu de saint Claude nous en parlerons tout a nos- tr'ayse. Non, ma chère Fille, quand je vous destinay le chapelet de saint François, je le fis a ra3^son de la dignité de sa matière ; mais sur le champ, il me vint en l'esprit que vous en sériés mortifiée, et sur cela je dis : Et bien ! tant mieux. Quant a l'autre, faites en comme vous vou- dres, car il est vostre. La lettre de nostre bon 31. le Conte me console beau- coup ; je l'ayme sincèrement et le recommande tous-jours a Dieu. Je vous escriray aussi souvent que je pourray, n'en doutes point. Je ne vous escris point de nos dames, ni de M'"^ de Lalee, que j'ayme bien, affin que vous le sachies ; car je n'ay encor veu que M'"" la Présidente (0 et M'"" de Charmoysi, mais tout simplement en des courtes confessions. Il faut que je sois un peu fol pour vous res-jouir. ( = ) J'ay presché sur les paroles de Dieu récitées par Hiere- Cap. XXIX, II. rnie * : Je pense des pensées de paix et non point d'af- fliction. Orvoyes vous, il me semble que j'ay dit de belles choses pour monstrer que ce souverain Bon, quoy qu'il fasse [lel courroucé et qu'il ne semble respirer qu'ire et indignation, il pense tous-jours des pensées de douceur et de consolation. Failloit il pas que je vous disse cela ? Mais non, ce n'est pas par vantance ; oh ! ce n'est que par liberté. A Dieu, ma chère Fille, a ce grand Dieu, dis-je, auquel nous sommes voués et consacrés, et qui m'a rendu pour jamais et sans reserve tout dédié a vostre ame que je ché- ris comme la mienne, ains que je tiens pour toute mienne en ce Sauveur qui, nous donnant la sienne, nous joint in- séparablement en luy. F. Vive Jésus ! Amen. Je ne sçay ce que je vous escris, mais il n'importe ; ( I ) La présidente Favre. {2) L'Autographe de cette lettre, pabliée pour la première fois en 1835, existait alors en son entier; le Monastère de la Visitation de Montélimart n'en conserve plus aujourd'hui que le premier feuillet; à partir d'ici, notre texte est emprunté à une copie du second, gardée à la Visitation d'Annecy.  Année 1607 341 vous sçaves bien de quel cœur je vous escris. Je salue dame Jane(0. Mon frère (2) ne sçait pas que je vous escrive. Jour de sainte Catherine. A Madame Madame la Baronne de Chantai. A Montelon. Revu en grande partie sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montélimart. ( i) « Dame Jane » est sans doute cette servante de M™^ de Chantai dont parle la Mère de Chaugy (Mémoires, P'^ Partie, chap. v). Comme cette personne était de « grande vertu et dévotion, » la Baronne abritait son humilité der- rière ses mérites, attribuant parfois à ses prières les faveurs extraordinaires par lesquelles Dieu semblait avoir voulu récompenser directement sa propre cha- rité. La pieuse domestique vint plus tard en Savoie. (2) Peut-être, Jean-François.  CDXXII AU BARON GUY DE CHANTAL (0  Le Saint se déclare flatté d'un projet d'alliance entre la famille de M. de Chantai et la sienne. — Marie-Aimée de Chantai remplacera dans son cœur la petite sœur qu'il a perdue. Annecy, \^^ décembre 1607. Monsieur, J'ay bien asses de connoissance de la grandeur de la courtoysie avec laquelle vous aves aggreable le dessein ( I ) Guy de Rabutin, le premier de sa race qui porta le titre de baron de Chantai, chevalier de l'Ordre du roi, capitaine de cinquante hommes d'armes des ordonnances de Sa Majesté, gentilhomme ordinaire de sa chambre, sei- gneur et baron de Chantai, Bourbilly, Sauvigny et de Monthelon, naquit en 1532 de Christophe de Rabutin et de Claude de Rochebaron. Il épousa, le 19 janvier i'j6o, Françoise de Cosseret, et mourut en 1613. « Grand homme, beau et bien fait, » au dire de Bussy-Rabutin (Hist. généa- logique de la maison de Rabutin), le roi, au temps de la Ligue, n'eut pas de sujet  342 Lettres de saint François de Sales du mariage de madamoy. selle vostre fille a3^snee avec mon frère ; mais il ne m'est pas advis que jamais j'en puisse faire aucune sorte de digne reconnoissance et remercie- ment. Seulement vous supplie-je bien humblement de croire que vous ne pouvies pas obliger de cet honneur des gens qui le receussent avec plus de ressentiment que nous faysons, mes proches et moy, qui tous en sommes remplis de consolation. Et bien, Monsieur, que nous soyons fort esloignés des mérites que vous pouvies jus- tement requérir pour nous faire cette faveur et nous recevoir a une si estroitte alliance avec vous, si espérons nous de tellement y correspondre par une entière, sin- cère et humble affection a vostre service, que vous en aures contentement. En mon particulier, Monsieur, permettes moy que je dise que Tamitié non seulement fraternelle, mais encor paternelle, que je portois a ma petite seur, m'est demeu- rée en l'esprit pour la donner a cette autre encor plus petite seur que, ce me semble, me préparés f^l; et si, la luy donneray avec un surcroist de respect et d'estime tout singulier, en considération de l'honneur extrême que je vous porte, Monsieur, et a Monsieur de Bourges ' = > et a monsieur le Président (3', sans y comprendre ce que je pense de la dilection que je dois a madame sa mère, vos- tre chère fille. Or, j'espère que Dieu bénira le tout et se rendra le protecteur de ce projet, que je luy recommande de tout plus vaillant ni plus fidèle. Il fut une des plus curieuses et des plus singu- lières figures de la noblesse de cette époque, batailleuse et ardente, croyante et licencieuse. Mais par malheur, la rudesse et la fierté du vieux baron, au lieu de s'adoucir avec l'âge, se tournèrent en humeur autoritaire et chagrine et en firent le vieillard difficile, étrange, que les historiens de sainte Jeanne de Chantai, sa belle-fille, nous ont dépeint sur un ton de mauvaise humeur bien excusable. Guy de Rabutin aurait pu dire de la sainte veuve, et avec plus de raison encore, ce que M. Acarie disait de sa femme, la bienheureuse Marie de l'Incarnation : « L'on dit » qu'elle « sera un jour sainte, mais j'y aurai bien aidé; il sera parlé de moi en sa canonisation. » (Du Val, La Vie admirable de la bienheureuse Sœur Marie de rincarnation, Paris, 1893, chap. m.) ( I ) La copie porte « me prépare, » mais le Saint a sans doute écrit ou voulu écrire « [vous] me préparés. » (1) Mgr André Frémyot. (3) Bénigne Frémyot.  Année 1607 343 mon cœur, et qu'il vous conserve et comble de ses grandes grâces et faveurs. C'est le souhait perpétuel, Monsieur, De vostre plus humble et très affectionné serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. A Monsieur Monsieur de Cliantal, Capitaine de cinquante hommes d'armes, Chevalier de l'Ordre de Sa Majesté. Revu sur une copie conservée à Turin, Archives de l'Etat,  CDXXIII  AU BARON AMEDEE DE VILLETTE  (inédite)  Le Saint apprend la guérison d'une parente qu'il croyait n'être plus en vie. — Nouvelles de la parenté. — Deux gentilshommes songent à entrer dans les Ordres sacrés.  Annecy, 4 décembre 1607. Monsieur mon Oncle, Je loiie Dieu de tout mon cœur de la santé de madame ma chère tante (,), et permettes mo}^ de commencer ma salutation par l'endroit qui m'est maintenant le plus sen- sible. Oiiy, Monsieur mon Oncle, car sur mon chemin de ma visite, on me dit si asseurement que Dieu avoit reti- rée son ame de ce monde, que je ne la recommanday plus a sa divine Majesté qu'en qualité de trespassé, après en avoir eu les desplaysirs et tristesses que la sincère affec- tion de neveu et serviteur bien humble que je luy suis me fournissoit. Or, Dieu donques soit loiié et béni, et nous ( I ) Marguerite de Pingon, femme du destinataire. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 116.)  344 Lettres de saint François de Sales face la grâce de le louer et bénir longuement en cette vie pour le bénir œternellement en l'autre. Tous les vostres de deçà se portent bien, et particuliè- rement nostre Religieuse de Sainte Claire (') qui avance bien fort en la sainte dévotion. Nous jouirons cet Advent de la présence de madame de Chevron ( = ), laquelle viendra pour dissiper, par la conversation et hantise des saintz Offices, Tennuy que le trespas de madame d'Autrechese luy donne (3) ; comm'aussi ma mère, pour addoucir la mémoire de celuy de ma jeune seur. Mais faut il pas que je vous die les resolutions de monsieur le Baron de Menthon (4) et de monsieur d'Au- trechese (5), dont le premier a fait veu de chasteté per- pétuelle et, s'estant desja revestu de sottane a l'ecclésias- tique, minute son despart entier des affections du siècle pour se lier aux Ordres sacrés ; et le second, ayant solem- nellement voiié, dédié et consacré tous ses biens a TEglise pour l'érection d'une Collégiale a Ugine(^), persiste vail- lamment a la resolution de prendre le subdiaconnat a  (i) La propre fille du destinataire, Adrienne de Chevron-Villette, reçue en 1603 chez les Pauvres Clarisses de Genève réfugiées à Annecy. (Voir plus haut, note (2), p. 74.) Elle mourut en 1639. (2) Jeanne de Menthon, née vers 1549 de Bernard III, baron de Menthon, épousa en 1572, contrat dotal du 15 mai, Hector de Chevron-Villette (voir tome XI, note ( i ), p. 45.) L'un de ses enfants, Benoît-Théophile, devint arche- vêque de Tarentaise et mourut en odeur de sainteté. Le 28 octobre 162 1, saint François de Sales, descendant des hauteurs de Saint-Germain, traversa le lac pour aller visiter la noble douairière, alors très âgée. « Nous nous envieillis- sons, Madame, » lui dit le saint Prélat ; « c'est pourquoy il est temps de penser tout de bon à la vie future. >> Il faut lire dans Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. IX) la suite de cette touchante entrevue. (3) Le trépas dont Jeanne de Menthon cherchait à se consoler, était celui de sa fille, Sébastienne de Chevron-Villette, qui avait été enterrée le 8 octo- bre précédent à Saint-Dominique, son corps ayant été apporté de Dérée. (Reg. par. d'Annecy.) Elle avait épousé, par contrat du 21 janvier 1605, Fran- çois-Nicolas de Michaille, seigneur d'Outrechaise. (4) Bernard de Menthon (voir plus haut, note ( I ), p. 319). (5) A la mort de sa femme (voir la note (3) ci-dessus), François-Nicolas de Michaille reçut à Annecy, dans l'église de Saint-François et de la main du Saint, d'abord la tonsure le 21 décembre 1607, et le lendemain les quatre Ordres mineurs. Mais il ne s'engagea pas plus avant, découragé sans doute par l'exemple de son beau-frère Bernard de Menthon. Le 5 janvier 1615, il teste avec la qualité de « capitaine des gens de pied au régiment du marquis de Lans. » (6) Ce projet, s'il fut tenté, n'eut pas de suite.  Année 1607 345 ceste première ordination. Voyla pas de rares exemples, des monuemens de pieté ? Et combien cela me doit il ani- mer a me bien dédier au service de Dieu. Je supplie sa divine Majesté qu'elle vous face abonder en ses grâces, avec madame ma tante et vostre trouppe, et suis sans fin, Monsieur, Vostre neveu et serviteur plus humble, FRANÇ^ E. de Genève. 4 décembre 1607, a Neci. A Monsieur Monsieur de Vilette, Conseiller d'Estat de S. A. et son Ambassadeur ordinaire en Soùisse. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Chevron- Villette, au château de Giez (Haute-Savoie).  CDXXIV AU PRINCE CARDINAL MAURICE DE SAVOIE (0 (minute) Le Saint félicite le prince Maurice de son élévation au cardinalat. — Signifi- cation de la couleur de pourpre qui teint le chapeau cardinalice. — Souhaits de bénédiction. Annecy, fin décembre 1607. Monseigneur, Les heureuses promesses que le Ciel fait a la terre par la promotion de Vostre Altesse au cardinalat, donnent sujet ( I ) Maurice, quatrième fils de Charles-Emmanuel P'' et de Catherine d'Au- triche, naquit à Turin le 10 janvier 1593. Honoré de la pourpre le 10 décem- bre 1607, il fut successivement cardinal-diacre de Sainte-Marie la Neuve, de Saint-Eustache et de Sainte-Marii in via Lata, et plus tard pourvu de plu- sieurs bénéfices, des abbayes d'Aux (1619) et d'Abondance (1627 . Vers la fin de 1618, il vint à Paris pour régler le mariage de la sœur de Louis XIII, Chris- tine de France, avec son frère Victor-Amédée : on sait que le président Favre  34^ Lettres de saint pRAsçors de Sales a toute l'Eglise de bénir la Providence divine, laquelle, par ce mo3"en, fournit au grand Siège Apostolique une colomne de haut prix et d'excellente dignité. Mais ce dio- cèse de Genève en doit ressentir une joye toute particu- lière (0; car le voyla. Monseigneur, doublement asseuré de la protection de Vostre Altesse, par le sang duquel elle est extraitte et par celuv qui teint son sacré chapeau, puisque la couleur de pourpre n'y tient nulle place que pour représenter le sang du Sauveur, dans lequel les grans de l'Eglise doivent tous-jours tremper leur zèle. Que si Vostre Altesse l'a aggreable. j'adjousteray que je n'ay encor sceu rencontrer en l'histoire un seul des Cardinaux de sa serenissime Maison qui n'ayt eu en sa main cet evesché de Genève, pas mesme le grand Félix ( = ).  et saint François de Sales l'accompagnèrent dans ce voyage. En 1621 (2s février), la France le demanda pour son protecteur. Quoique non engagé dans l'Ordre sacré de la prêtrise, il lui fallut une dispense du Saint-Siège pour épouser en 1642 (26 septembrei la princesse Louise-Marie, fille de la régente ; à l'avène- ment de Charles-Emmanuel II (1648), il fut nommé lieutenant-général du Comté de Nice. S'il fut glorieux et ami du faste, le prince protégea les lettres; saint François de Sales se plaisait à louer sa bonne grâce et sa courtoisie. Lui-même avait pour l'Evêque de Genève une véritable vénération ; après sa mort, il n'en parlait que comme d'un Saint et il voulut orner son sépulcre d'un ex-voto de grand prix. Maurice de Savoie mourut le 4 octobre 1657. ^*-f. Claretta, Storia délia. Reggen^a di Crisfina di Francia, Torino, 1868, tom. I, ce. i, x.) ( I ) A Annecy, un feu de joie fut décrété le 6 janvier 1608 pour le cardinalat du troisième fils de Son Altesse. 'Délib. municip.) Mais le Saint dut connaître la nouvelle avant cette date, et c'est sans doute dans les derniers jours de 1607, qu'il adressa ses félicitations au nouveau Cardinal. (2) Amédée VIII, né le 4 septembre 1383 du comte Amé le Rouge (Amé- dée VII') et de Bonne de Berrv, commença à régner en nqS, épousa en 1401 Marie de Bourgogne fille de Philippe le Hardi. En 14 16, il fit ériger la Savoie en duché, et institua, en 1414, l'Ordre de Saint-Maurice (voir le tome XI, note ( I ), p. 232). Après la mort de sa femme (1428'!, il se retira près de Tho- non, à Ripaille, où il s'était fait bâtir une résidence. Par décret du i^ novem- bre 1459, les Pères du Concile de Bâle lui donnèrent la tiare pour l'opposer à Eugène IV. Couronné le 24 juillet 1440, il prit le nom de Félix V, mais le 7 avril 1449, le Pape Nicolas V eut la joie de recevoir l'abdication du duc de Savoie, le dernier antipape que le monde ait vu. Nommé alors cardinal- évêque de Sainte-Sabine, légat et vicaire perpétuel du Saint-Siège dans la Savoie et le Piémont, Amédée rentra dans sa solitude, où il mourut le 7 jan- vier 1451. Tous les historiens sérieux rendent justice aux vertus privées de Félix v, à son amour de la paix, à sa piété, et le justifient, à l'encontre d'une légende tenace, d'avoir organisé à Ripaille une vie de mollesse et de plaisirs. (Cf. Mim. de l'Acad. Sal., tome XV.)  Année 1607 347 Bon augure, ce me semble, et bonne espérance pour nous, que Vostre Altesse héritant les honneurs de tous ces bra- ves et dignes prédécesseurs, elle succédera de mesme en leurs affections. Dieu nous fasse voir, Monseigneur, les jours de Vos- tre Altesse fleuris en toutes sortes de bénédictions, et l'Eglise refleurissante en la pieté de laquelle, comme d'un beau printems, le chapeau de Vostre Altesse, a guise d'une rose vermeille, nous vient donner un doux et gra- cieux présage. Ce sont les vœux continuelz, Monseigneur, de Vostre très humble, très obéissant et très fidelle serviteur et orateur, Francs E. Genève.  CDXXV  A LA BARONNE DE CHANTAL  (fragment)  Paix, union merveilleuse dans la famille du Saint, bien que composée de plu- sieurs ménages ; à qui elle allait « à confesse. » — Comment sanctifier nos années, nos mois, nos jours et nos heures.  Sales, [1606 -1607 ( i).]  Ma Fille, je ne vous puis cacher que je suis de présent a vostre Sales, comblé d'une tendre et incomparable con- solation auprès de ma bonne mère. En vérité, vous auries du playsir de voir un si estroit accord parmi des choses qui sont pour l'ordinaire si discordantes : belle mère, belle fille, belle seur, frères et beaux frères. Entre tout cela, ma vraye Fille, je vous puis asseurer, a la gloire de Dieu, ( I ) La date approximative de ce fragment et du suivant est suggérée par les allusions très caractéristiques à l'histoire intime de la famille de Sales.  34^ Lettres de saint François de Sales Act., )v, 32. qu"il n y a icy qu'u7i cœur et qu'une ame'^ en unité de son très saint amour : et j'espère que la bénédiction et la grâce du Seigneur s'y doit rendre abondante, car des-ja c'est beaucoup, et tnie chose l?07î7îe, belle et suave, de Ps. cxxxii, I, 3. voir comme cette fraternité demeure ensemble'^. Vostre envo3'é vous pourra dire que hier, universelle- ment, toute cette aymable famille vint a confesse a moy en nostre petite chappelle, mays avec tant de pieté que l'on eust dit qu'il y avoit un Jubilé d'année sainte a gai- gner. O ma Fille, il est vray, nous pouvons faire toutes nos années, nos mois, nos jours et nos heures saintes par le bon et fidelle usage. Il a fallu que mon cœur vous ayt dit cecy : car en effect, que vous peut-il cacher ? . . .  CDKXVI A LA MÊME (fragment) Sagesse et piété de M. de la Thuille. Annecy, [1606-1607 (i).] Mon cher la Thuille -) vous salue humblement ; il est icy auprès de moy, et je m'asseure que ma bonne mère ne fut jamais plus satisfaitte ni plus contente, ni la dévo- tion plus florissante dans la famille. La gloire en soit a Dieu uniquement, et a nous la parfaitte consolation. Je vous advoûe qu'une bonne partie de la louange en est deuë a nostre la Thuille ; car cette intelligence ne se peut faire sans une très grande sagesse et pieté en celuy qui a la conduitte principale de tout cela ( i) Voir la note ( i ) de la page précédente. ( 2 ) Louis de Sales, frère du Saint.  Année 1607 349  CDXXVII A SA SAINTETÉ PAUL V (minute) Pierre Fenouillet proposé pour l'évêché de Montpellier. — Le Saint félicite Rome et le diocèse de ce choix. — Eloge du candidat; son éloquence, son savoir répondent aux besoins particuliers de sa future Eglise. Annecy, [fin 1607-1608 (i).] Beatissime Pater, Cum de moribus et origine Pétri Fenoilleti ad Monti- spessulanensem Ecclesiam a Rege Christianissimo nomi- nati* locupletissima collegissem testimonia quse de more *Cf.supra,pp.324, ad Sedem Apostolicam deferrentur, non potui cohibere animum quin ad Sanctitatis Vestrœ pedes, tanquam ad omnium Ecclesiarum Patrem amantissimum pariter et amatissimum , gratulationis significationem exhiberem. Soient enim servi ac domestici patrifamilias merito  Très Saint Père, Sur les mœurs et l'origine de Pierre Fenouillet, que le roi très chrétien vient de nommer à l'évêché de Montpellier, j'ai recueilli une riche moisson de témoignages. En les portant, selon l'usage, à la connaissance du Saint Siège, je ne puis m'empêcher de déposer l'expression de ma joie aux pieds de Votre Sainteté, comme étant le Père à la fois très aimant et très aimé de toutes les Eglises. Lorsqu'un père de famille trouve pour sa fille une heureuse et (a) [Les deux fragments qui suivent sont reproduits dans l'ordre probable où ils ont été rédigés, d'après deux minutes autographes conservées à la Visitation d'Annecy.] Soient et merito servi domino plurimum gratulari cum filias fauste ac fœlici- ter nuptui coUocaverit. Ea ratione, B™*^ Pater, postquam famplissima testimonia  (i) Il est difficile de préciser la date de cette lettre; elle a dû être écrite vers la fin de 1607 ou dans les premiers mois de 1608. La nomination de Pierre Fenouillet ayant suivi de près la mort de son prédécesseur Ms'' Granier, arrivée le 15 septembre 1607, saint François de Sales ne dut pas tarder à faire parvenir au Saint-Siège les résultats de l'enquête canonique.  350 Lettres de saint François de Sales gratulari cum fauste ac recte filiam nuptui^collocavit. At Ecclesia illa Montispessulanensis eo meliore sponso indi- gebat quo détériora ab haereticis jampridem patitur in- commoda, cui propterea non abs re dici possit : Magna Thren., ii, 13. g^t vclut mure cofitritio tua; quis medebitur tibi * ? Quare consentaneum est ut Ecclesiae illi primum de qua tam recte collocanda agitur, tum etiam Ecclesiae Ro - manœ, quasi matri optimœ, domestici Dei gratulentur. At ego libentius ac opportunius, qui omnium optime virum de cujus promotione sermo est cognovi ; est enim civis meus, Beatissime Pater, ab ineunte aetate litteris in hac ipsa civitate nostra ab optimo pâtre eruditus ( ^ ),  honnête alliance, ses serviteurs, les gens de sa maison s'en réjouissent d'ordinaire et à bon droit. Or, l'Eglise de Montpellier avait besoin d'être difficile pour le choix de son époux, après les dures misères qu'elle souffre depuis si longtemps de la part des hérétiques. On peut bien lui dire : Votre douleur est grande comme la mer ; qui pourra vous consoler? Aussi, selon toute justice, les enfants de la maison de Dieu doivent d'abord féliciter cette Eglise à la veille d'être si bien pourvue, et ensuite l'Eglise Romaine, comme étant leur très bonne mère. Quant à mes félicitations personnelles, elles ont d'autant plus de spontanéité et d'à-propos que j'ai connu le mieux du monde le can- didat proposé pour cette dignité. En effet. Très Saint Père, il est mon compatriote ; c'est dans notre ville même que, tout jeune, il a fait, sous la direction de son pere( i ', un parfait honnête homme, ses collegi pro...J de Pétri Fenoileti, hujus Ecclesice mese canonici, sacerdotis et sanctas theologiae doctoris, ad Montispesulani episcopatum a Rege Chris- tianissimo noruinati, moribus et origine amplissima testimonia collegi quae ad Saactam Sedem mitterentur, non potui cohibere animi mei motus quin fali- quam gratulationis significationem erga Sanctissimam Paternitatem Vestram...J ad pedes B. Vestrse excurrant... quo fEcclesiae illje Bmae... Ecclesiae Aposto- licaesuje, cujus successor Pétri ac Christi Vicarius prœes, tanquam Ecclesiarum omnium matri. ..J sacratissims suas Cathedrae, quas mater est omnium ut erga Te omnium Christianorum... ac Te, tanquam earumdem Patrem, habet ut  (i) Antoine Fenouillet avait quelque compétence pour diriger la première instruction de son fils, car il fut régent de quatrième au collège d'Annecy de 1563 à 1573. Le 6 février de cette dernière année, il épousa Jeanne Verney ; en 1591, il avait cessé de vivre, puisque celle-ci s'alliait alors en secondes noces à M. Jacquenod de Crempigny.  Année 1607 351 quibus postea alibi tanta studiorum contentione, tanta in- geniifœlicitate animum addixit, ut doctor theologuscrea- tus, brevi in concionatorem omnino celeberrimum evaserit. Cumque propterea parrochialis ecclesiae curam a me sus- cepisset (0 mox ad canonicatum majoris Ecclesiae nostrae evocatus, non potuit diutius tantisper splendor tam an- gustis iinibus contineri, sed Lutetiam Parisiorum Qua- dragesimalium concionum causa accersitus, ubi primum ejus dicendi ac docendi vis, Christianissimi Régis aures pervasit, non fuit ei deinceps liberum quin concionato- ris Régis honore afficeretur et onere, cui sustinendo cum in dies majorem animi firmitatem, ac doctrinae robur  premières études; il les a continuées ailleurs, mais en y apportant une telle ardeur, une telle vivacité d'esprit, qu'il est devenu docteur en théologie et bientôt un prédicateur tout à fait célèbre. Aussi je l'ai chargé du soin d'une paroisse (0 et pourvu d'un canonicat de notre cathédrale. Un si beau talent ne pouvait être renfermé plus longtemps dans des bornes si étroites. Il fut appelé à Paris pour y prêcher le Carême. Bientôt le bruit de son éloquence et de son enseignement parvint jusqu'aux oreilles du roi très chrétien. Dès lors, il ne put se défendre d'accepter le redoutable honneur de prêcher devant lui. Dans cette fonction, il déploya une fermeté d'àme, une force de amantissimum sic amatissimum gratulationis officium exhiberem de Eccle- siae illius Montispessulanensis futuro bono. — (Les serviteurs ont coutume, et à bon droit, d'offrir à leur maître de vives félicitations quand il a trouvé pour ses filles de belles et heureuses alliances. Aussi, Très Saint Père, après avoir recueilli, pour les envoyer au Saint-Siège, de très abondants témoignages sur les mœurs et l'origine de Pierre Fenouillet, chanoine de mon diocèse, prêtre et docteur en théologie, que le roi très chrétien vient de nommer à l'évèché de Montpellier, je n'ai pu retenir les sentiments de mon cœur et les em- pêcher d'aller jusqu'aux pieds de Votre Sainteté...) Nam ut est Montispessulani Ecclesia haeresi propemodum lacerata, contrita, sic non exiguam laetitiae causam esse debere reor quod illi praeficiendus postu- letur Episcopus, qui hoc tempore et loco, rébus restituendis... — (Le diocèse de Montpellier ayant été comme déchiré et broyé par l'hérésie, ce n'est pas un médiocre sujet de joie, semble-t-il, de voir qu'on met à sa tête un Evêque qui...) Soient domestici patrifamilias gratulari si filiam suam rite ac fœliciter  ( I ) Le i'^'' avril 1604, Pierre Fenouillet avait obtenu au concours la cure d'Arenthon.  352 Lettres de saint François de Sales ostenderet, quod plerique prseclari alioquin viri vix mul- tis annis ac maximis intercessoribus obtinere possunt, hic tribus annis consequutus est, ut scilicet a Rege ad episcopatum Montispessulanensem Sedi Apostolicae pro- movendus exhibeatur. Quod ubi Catholici iMontispessu- lanenses rescivere, mira concepta Isetitia, ad Regem ex primoribus destinaverunt , qui omnium nomine gratias agerent de tanto Pastore sibi destinato. Haec porro cum ita sint, Beatissime Pater, facile con- jici potest quam fœliciter accidat Ecclesiam illam huic viro committi, qui per omnes ecclesiasticorum munerum gradus exercitatus ascendat supra muros illius , tanquam custos fidelis, qui non tacebit die ac nocte inclamare nomen Isaiœ, Lxii, 6. Domini *. Quod alacrius praestabit, si eum Beatissima  doctrine sans cesse grandissantes ; aussi obtint-il en trois ans une faveur que d'autres gens de mérite, fortement patronnés, auraient à peine obtenue après bien des années : celle d'être présenté par le roi au Siège Apostolique pour Tévèché de Montpellier. A cette nouvelle, les Catholiques Montpelliérains ont triomphé de joie et envoyé au roi une députation de notables pour lui rendre grâces, au nom de tous, de ce qu'il leur destinait un Pasteur si éminent. Aussi, Très Saint Père, c'est une heureuse fortune pour cette Eglise, on le conçoit aisément, d'être confiée à un homme qui a passé par tous les degrés des fonctions ecclésiastiques. Sentinelle vigilante, il se tiendra sur les murs de la cité, la bouche ouverte jour et nuit pour invoquer le nom du Seigneur. Et il sera bien plus alerte pour  nuptui coUocaverit. Ea ratione, B™^ Pater, postquam de P. Fenoilletinatalibus ac moribus cumulatissima collegi testinionia quœ ad S. Sedem perferrentur, non potui cohibere aninii motus quin ad Sanctitatis Vestrîe pedes, tanquam ad omnium Ecclesiarum Patrem, gratulationis aliquam significationem facerera de bono Montispessulanensi Ecclesiae impeudente ex talis viri futura promo- tione. — (Les membres d'une famille en félicitent le père s"il a trouvé pour sa fille une honnête et heureuse alliance. C'est pourquoi, Très Saint Père, après avoir réuni, sur l'origine et les mœurs de Pierre Fenouillet, une très ample provision de témoignages pour les soumettre au Saint-Siège, je n'ai pu retenir les sentiments de mon cœur; je n'ai pu m'empécher de déposer aux pieds de Votre Sainteté, comme ét.int le Père de toutes les Eglises, quelque expression de ma joie, à propos du bonheur que réserve à l'Eglise de Montpellier l'avènement d'un tel Evèque....)  Année 1607 353 Vestra clementia paternis amplexibus erigat, foveat, protegat ac confirmet. Ita ego, qui hactenus ejus Pastor exstiti, pro illius erga hanc Ecclesiam Gebennensem merito, Beatitudinem Ves- tram, utriusque Patrem optimum maximum, per viscera Christi obtestor, ad humillima pedum oscula ....  cette tâche, si Votre Sainteté, dans sa bienveillance, daigne le sti- muler, l'encourager, le protéger, l'affermir par son amour paternel. C'est la grâce que je demande à Votre Béatitude pour lui, ayant été jusqu'ici son Evêque, et aussi à cause des obligations que lui a l'Eglise de Genève, et je la demande très humblement, par les en- trailles du Christ, à vous qui êtes le Père de l'un et de l'autre, pros- terné à vos pieds pour les baiser.  Lettres III  ANNEE 1608  CDXXVIII  A LA BARONNE DE CIIANTAL  Le grand mot de notre salât. — Le nom sacré de Jésus doit être implanté dans toutes les puissances de notre esprit ; pour le bien exprimer, il faut avoir une langue toute de feu. Annecy, i^"" janvier 1608 (i). xMa Fille, Je suis tellement pressé que je n'ay loysir de vous escrire sinon le grand mot de nostre salut : JESUS. Ouy, ma Fille, que puissions-nous au moins une fois prononcer ce nom sacré de nostre cœur. O quel bausme il respan- droit en toutes les puissances de nostre esprit ! Que nous serions heureux, ma Fille, de n'avoir en l'entendement que Jésus, en la mémoire que Jésus, en la volonté que Jésus, que Jésus en l'imagination ! Jésus seroit par tout en nous, et nous, par tout en luy. Essayons-nous en, ma très chère Fille ; prononçons le souvent comme nous pour- rons. Que si bien, pour le présent, ce ne sera qu'en bé- gayant, a la fin néanmoins nous pourrons le bien pro- noncer. i^lais qu'est ce que le bien prononcer, ce sacré nom ? car vous me dites que je vous parle clair. Helas, ma Fille, je ne le sçai pas ; mais je sçai seulement que, pour le bien exprimer, il faut avoir une langue toute de feu, c'est a dire qu'il faut que ce soit par le seul amour divin, qui, sans autre, exprime Jésus en nostre vie en l'imprimant dans le (i ) L'adresse de la première édition : A une Ve/ve, le sujet traité, le peu de loisirs du Saint indiquent avec une très grande vraisemblance la destinataire et la date de cette lettre.  Année 1608 355 fond de nostre cœur. Mais courage, ma Fille, sans doute nousaymerons Dieu, car il nous a3'me. Tenés vous joyeuse sur cela, et ne permettes point a vostre ame de se troubler d'aucune chose. Je suis, ma chère Fille, je suis en ce mesme Jésus, Vostre très absolument, Franç% E. de Genève.  CDXXIX A LA mTlME Le pur et saint amour de notre Sauveur; pourquoi faut-il le désirer. — La baronne de Chantai auprès des malades. — Un sujet de douleur pour le Saint. Annecy, vers le 20 janvier 1608 (i). Faut il donques que ce soit tous-jours en courant que je vous escrive, ma bonne et chère Fille? Il y a, ce me sem- ble, long tems que je ne vous escris que comme cela ; et si, ce n'est pas que je n'aye a vous escrire un peu au long sur l'obéissance et l'amour de la volonté de Dieu *. Mais * Cf. supra, p. 339, quoy faire ? encor est-il mieux que j 'escrive peu que rien du tout. Seulement ce soir, comme nous entrions au sou- per, le porteur m'a dit que demain il partoit de grand matin. Je vous escris donq a dix heures du soir. O ma Fille, comme prié-je maintenant Dieu pour vous ! Certes, avec une consolation extraordinaire ; je m'y sens poussé d'une ardeur toute nouvelle. Qu'est ce donq que je demande pour nous ? Rien, sinon ce pur et saint amour de nostre Sauveur. O qu'il nous faut désirer cet amour et qu'il nous faut aymer ce désir, puysque la rayson veut que nous desirions a jamais d'aymer ce qui ne peut jamais estre asses aymé, et que nous aymions a dcsirer ce qui ne peut jamais estre asses désiré. ( I ) La date de cette lettre se déduit des conseils qu'elle renferme, et aussi de son rapport avec les précédentes lettres et avec la suivante.  et infra, p. 361.  556 Lettres de saint François de Sales Je suis bien ayse, ma Fille, que vous faciès les litz des pauvres malades ; et si, je suis bien a3^se que vous y ayes de la répugnance, car cette répugnance est un plus grand sujet d'abjection que la puanteur et saleté qui la provo- que (0. Sçachés, ma chère Seur, ma Fille, que me voyci en mon triste tems, car despuis les Rois jusques au Caresme j"ay des estranges sentimens en mon cœur; car, tout misé- rable, je dis détestable que je suis, je suis plein de dou- leur de voir que tant de dévotion se perd, je veux dire que tant d'ames se relaschent. Ces deux Dimanches j'ay treuvé nos Communions diminuées de la moytié ; cela m'a bien fasché ; car encor que ceux qui les faiso3'-ent ne de- viennent pas meschans, mais pourquoy cessent-ilz ? Pour rien, pour la vanité. Cela m'est sensible. C'est pourquoy, ma chère Fille, invoqués bien Dieu sur nous, et le re- merciés dequoy nous avons résolu de ne jamais faire de mesme. Non, je ne pense pas que nous eussions le courage de retarder ainsy, de propos délibéré, un seul pas de nostre chemin pour tout ce que le monde nous auroit présenté : non pas, ma Seur, ma Fille ? Sans doute non, moyennant la grâce de Dieu. A.Dieu, ma chère Fille ; nostre amour soit tout en Dieu, et Dieu soit en tout nostre amour. Amen. Vive Jésus ! C'est en luy, par luy et pour luy que je suis sans fin, sans reserve et uniquement vostre. Franc*, E. de Genève. (i ) L'héroïque charité de la baronne de Chantai envers les malades a fourni à la Mère de Chaugy le sujet d'admirables chapitres. (Voir Mémoires, etc., l'^ Partie, chap. xviii-xx.)  Année 1608 357  CDXXX A LA MÊME Pour la sainte Communion, deux sortes de faim ; comment, grâce à une bonne digestion spirituelle, la Communion fait vivre en nous Jésus-Christ. — Le « grand livre » que le Saint portait toujours en sa « pochette. » — De quels secrétaires il s'accommodait le mieux. — Son affection pour les enfants de la Baronne; celle-ci, commère de M. de Chazelles. — La première des vertus. — Les trois points de l'Exercice de l'amour de la volonté de Dieu. — Poignée de nouvelles. — « Un cœur bien net et propre. » — L'espoir que donne une petite troupe de chétives femmelettes. Annecy, 24 janvier 1608. xMa Fille, Je prens la plume pour vous e.scrire le plus que je pour- ray, et avec désir de vous escrire beaucoup, en contres- change du long tems qu'il y a, ce me semble, que je ne vous ay point escrit qu'en courant*. J'ay vos lettres du 18, * Cf. supra, p. 355. 19 et 25 novembre, et du 5, 14 et 22 décembre de l'année passée, ausquelles je n'ay pas entièrement respondu ; au moins je m'en doute. En la première vous me dites que vous vous sentes affa- mée plus que l'ordinaire de la très sainte Communion. Il y a deux sortes de faim : l'une, qui est causée de la bonne digestion ; l'autre, du desreglement de la force attirante de l'estomach. Humiliés-vous fort, ma Fille, et eschauffés fort vostre estomach du saint amour de Jésus Christ cru- cifié, aâin que vous puissies bien digérer spirituellement cette céleste viande. Et puis qu'asses demande du pain celuy qui se plaint de la faim, je vous dis, ma Fille : ouy, communies ce Caresme les mercredis et vendredis et le jour de Nostre Dame, outre les Dimanches. Mais qu'entendes vous que l'on face digestion spirituelle de Jésus Christ ? Ceux qui font bonne digestion corporelle ressentent un renforcement par tout leur cors, par la dis- tribution générale qui se fait de la viande en toutes leurs parties. Ainsy, ma Fille, ceux qui font bonne digestion  358 Lettres de saint François de Sales spirituelle ressentent que Jésus Christ, qui est leur viande, s'espanche et communique a toutes les parties de leur ame et de leur cors. Hz ont Jésus Christ au cerveau, a^l cœur, en la poitrine, aux yeux, aux mains, en la langue, aux oreilles, aux pieds. Mais, ce Sauveur, que fait il par tout par la ? Il redresse tout, il purifie tout, il mortifie tout, il vivifie tout. Il ayme dans le cœur, il entend au cerveau, il anime dans la poitrine, il void aux j^eux, il parle en la langue, et ainsy des autres : il fait tout en tout, et Ihors nous vivons, non point nous mesmes, mais Jésus Christ ' Gaiat., II, 20. vit SU nous *. O quand sera-ce, ma chère Fille ? mon Dieu, quand sera-ce ? Mais ce pendant je vous monstre ce a quoy il faut prétendre, bien qu'il se faille contenter d'y atteindre petit a petit. Tenons nous humbles, et com- munions hardiment ; peu a peu nostre estomach intérieur s'apprivoysera avec cette viande et apprendra a la bien digérer. C'est un grand point, ma Fille, de ne manger que d'une viande, quand elle est bonne ; Testomach fait bien mieux son devoir. Ne desirons que le Sauveur et j'espère que nous ferons bonne digestion. Je ne pensois pas vous tant dire sur ce premier point, mais je me laisse emporter aysement avec vous. Et puis, je m'en vay tantost a cette sainte réfection avec vous ; car c'est jeudy, et ce jour-la nous nous tenons l'un a l'autre, et nos cœurs, ce me semble, s'entretouchent par ce saint Sacrement. En la seconde, vous ne me dites rien a quoy il faille respondre. Ouy, ma Fille, le Combat spirituel est un grand livre. Il y a quinze ans que je le porte en ma po- * Cf. supra, p. 304. chette et ne le lis jamais qu'il ne me proffite *. En la troisiesme, vous me parles du jeune garçon que vous désirés mettre avec moy ('). Je pensois que ce fust quelque garçon de respect ; c'est pourquoy je vous escri- vis l'autre jour que je le prendrois dans quelque tems, après que je me serois desfait d'un autre. Mais parce que, par une autre lettre, vous me dites que Jacques ( = ) le con- noissoit, je m'en enquis, et il me dit que c'estoit un enfant ( I ) Pierre Thibaut (voir ci-après, note ( i ), p. 36=)). ( 2 ) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 338.  Année 1608 359 bon a tout ; c'est pourquoy je vous dis maintenant que, quand il vous plaira me l'envoyer, je le recevray de bon cœur. Non point que, par ce mot de bon a tout, je le veuille traitter indiscrettement ; mais je veux dire que je le pourray faire servir non seulement a la plume, mais a la chambre, et en fin a beaucoup de petitz services, et le tenir humble. Je me fera}'' mieux entendre en vous di- sant que je crains de rencontrer des secrétaires qui, quand on leur dit : Donnés-moy ma botte, bridés ce cheval, fai- tes ce lit, ilz respondent : Je ne suis pas pour cela ; car en tout j 'employé le premier que je treuve, horsmis les ecclésiastiques. Envoyés-le moy donques, et j'en auray un soin particulier. J'entens quand vous voudres, car je voy le tems aspre, et auquel je fay scrupule d'envoyer un homme a troys lieues loin. Vousm'escrirés, s'il vous plaist, ce que je luy devray donner. Je prescheray a Rumilly, petite bourgade de ce dio- cèse (O. A la 4M 2). Je prie Dieu pour tous vos enfans ; car, ma Fille, tout cela, ce me semble, m'appartient de si près que nul parentage n'y sçauroit rien adjouster. Je veux dire que je les tiens pour mes enfans, et les tiens comme cela du profond de mon cœur, [surtout] Aymee Marie. Au partir de la, elle est l'aysnee (3) ; et si, je suis obligé de l'aymer plus tendrement parce qu'un [jour] que vous n'esties pas au logis a Dijon, elle me fit bien des faveurs et me permit de la bayser d'un bayser d'innocence. Ay-je donq pas bien rayson de prier Nostre Seigneur qu'il la rende toute aggreable a sa Bonté ? Je vous ay escrit que vous fussies commère de M. de Chazelles (4). Pour les conditions que je désire en vostre obéissance, elles sont toutes en une ; car je n'y désire que la simplicité, laquelle fait acquiescer doucement le cœur ( I ) Il y prêcha en effet le Carême ; voir la Lettre cdxxxvi. {2) Biaise (1833) et les éditeurs qui l'ont suivi, ont imprimé : < A la A ; » c'est une erreur manifeste de lecture pour « A la 4^ [lettre]. » Voir page sui- vante : « A la 5^. >) (3) Cette phrase complète et corrige celle de l'édition Biaise : « du profond de mon cœur. Aymee Marie au parti de la elle est raysnee...» (4) Louis d'Anlezy, seigneur de Chazelles (voir ci-dessus, note (3), p. 67).  360 Lettres de saint François de Sales au commandement et fait qu'on s'estime bienheureux d'obéir, mesme es choses répugnantes, et plus en celles-là qu'en nulle autre. A la 5^ Je treuve bon vostre conseil de n'aller pas en Bourgoigne qu'avec grande apparence de proffiter. Je le feray, quoy que M'"" nostre seur Brulart me die, laquelle, comme je croy, ne tient pas que mon voyage fust inutile parce que, en particulier, quelques âmes me pourroyent emplo5'er a leur service ; mais ce n'est pas cela que je *Cf. supra, p. 273. pretens*. Nous penserons pendant le Caresme, et je luy escriray a cœur clair mon intention et prétention sur mon voyage. Vous me faites grand playsir, je dis très grand, de m'exhorter a l'humilité ; non pas parce qu'il ne me man- que que cette vertu-la, mais parce que c'est la première et le fondement des autres. Tous-jours, quand vostre cœur vous le dira, recommandés moy les vertus. Je vous en- tens bien en la manière que vous me le dites, avec laquelle vous vous mettes, a Tadventure, en faysant les actions que vous ne reconnoissés pas du tout bien : je l'appreuve, car vrayement elle est bonne, et si, j'en fay de mesme. Il faut, pendant que je m'en resouviens, que je vous *Idem, p. 339. défende ce mot de saint quand vous escrivés de moy*, car, ma Fille, je suis plus faint que saint : aussi la cano- nization des saintz -ne vous appartient pas. A peu que pour cela je ne retins la lettre de M""" de Charmoysi ; mais la consolation qui luy en pouvoit revenir m'en empescha. Je voudrois avoir un cachet comme le vostre. Nous n'avons pas icy qui les face ; s'il n'y a pas beaucoup d'in- commodité, envoyés m'en un. A la 6°. Je presse M. de Sauzea pour sçavoir qu'il a fait des lettres que je vous escrivois en responce de celles qu'il m'apporta. Je vous escrivois une grande lettre, et avec liberté, car il m'avoit dit qu'il envoyoit son homme exprès pour le procès. Escrivés quand vous pourres a M.'"" de Charmo3^si ; cela luy proffitera, et escrivés-luy de cœur, tout hardiment. Les deux pointz que je vous dis en la chappelle de Sales pour la pureté du cœur sont d'éviter le péché et de  Année 1608 361 ne point y laisser entrer aucune affection formée qui ne tende a l'honneur et amour de Dieu. Est ce pas cela, ma Fille? Demeurés en paix. Amen. Je n'escris point a vos dames de Dijon, ni a M'"^ de Crespy ni a ses filles ; ce sera un de ces jours que je vous escriray a toutes quand vous y seres. Vive Jésus ! J'aurois grande envie de vous dire un mot de l'amour de la volonté de Dieu *, car je m'apperçois que vous en * Cf. supra, p. 355. faites l'exercice en l'orayson, et ce n'est pas cela que je voulois dire; car il ne faut point vous assujettir en icelle, j'entens a l'orayson, a aucun point ordinaire. Mais, en vous promenant seule, ou ailleurs, jettes l'œil sur la vo- lonté générale de Dieu, par laquelle il veut toutes les œuvres de sa miséricorde et de sa justice au Ciel, en terre, sous terre ; et, avec une profonde humilité, appreuvés, loués, puis aymés cette volonté souveraine, toute sainte, toute équitable, toute belle. Jettes l'œil sur la volonté de Dieu spéciale, par laquelle il ayme les siens et fait en eux des œuvres diverses de consolation et de tribulation. Et cela il le faut un peu mascher, considérant la variété des consolations, mais sur tout des tribulations que les bons souffrent ; puys, avec grande humilité, appreuvés, loués et aymés toute cette volonté. Considérés cette volonté en vostre particulière per- sonne, en tout ce qui vous arrive de bien et de mal et qui vous peut arriver, hors le péché ; puys, appreuvés, loiiés et aymés tout cela, protestant de vouloir a jamais honnorer, chérir, adorer cette souveraine volonté, expo- sant a sa merci et luy donnant vostre personne et celle de tous les vostres, et j'en suis. En fin, conclues par une grande confiance en cette volonté, qu'elle fera tout bien pour nous et nostre (O bonheur. J'ay presque dit ce qu'il faut, mais j'adjouste qu'ayant fait deux ou trois fois cet exercice en cette façon, vous ( I ) La fin de cette lettre est donnée d'après une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.  362 Lettres de saint François de Sales pourres raccourcir, le diversifier et accommoder comme vous le treuveres mieux, car il le faut souvent ficher au cœur par manière d"eslancemens. Or sus, je m'en va}' vous dire de nos nouvelles de toutes sortes. Xous nous portons tous bien. Dieu merci. La contagion qui estoit a Cruselles ne s'est point espanchee. Ma mère a fait festes avec nous ; maintenant ell'est a Sales, et nostre Groysi (2) aussi. Nostre clianoyne(3) m'a dit quil vous escriroit ; il s'est mis a la pesche des âmes * Cf. iofra, p. 376. ces jouTs passés fort heureusement*, y entrant par deux familiers. Nos dames me sont venues voir cett'apres disné et m'ont empesché de vous escrire avec plus de loysir. J'excepte nostre chère M™' de Charmo3^si, qui est au lit d'un catherre qui luy est tombé sur les yeux. Demain je l'iray voir, car en voyla un bon sujet, mesme son mari estant allé en Piémont ; qui luy donne encor un peu d'en- nuy. J'ay un'envie très grande de bien servir son ame, et Nostre Seigneur m'en fera la grâce, s'il luy plait. C'est un cœur bien net et propre ; je suis marri de la voir si peu souvent en particulier. Elle tesmoigne de vous chérir pas- sionement, comme m'a dit mon frère qui la voit fort sou- vent. M'"" de Lalee se porte bien ; ell'a esté ce matin a ma Messe. Il me semble que la dévotion s'accroist un peu et que Nostre Seigneur dispose la place a l'exercice d'une petite troupe de chetifves femmelettes (4) qui se retire- ront. Dieu aydant, un jour en ces quartiers. Vous sçaves ce que je dis. Or, a Dieu ma Fille, ma Fille très chère et très aymee, a Dieu soyons nous a jamais. Je suis en lu}' uniquement vostre. F. Vive Jésus 1 Amen, xxiiil janvier 1608. beaupere, et tous-jours, quand vous voudres, salues (i) Les vingt lignes suivantes sont inédites, (a) Bernard de Sales. ( 3 ) Jean-François. (4) Ces « chetifves femmelettes » devaient être les premières recrues de la nouvelle Congrégation. (Voir plus haut, pp. 393, 310.)  Année 1608 363 le de ma part( ^ ) les grâces du Saint Esprit. Si je puis, j'escriray a monsieur de la Curne (=) ; si [Et] de nostre -M. le Conte, qu'en est-ce ? Jésus soit tous-jours nostre cœur. Amen (3). ( I ) Cette partie de l'Autographe a dû être mutilée, car la copie ne donne que quelques membres de phrases qu'il est impossible de compléter. (2) Jean de Lacurne, frère d'alliance de saint François de Sales; il est des- tinataire. Une note lui sera alors consacrée. (3) Le post-scriptum est inédit.  CDXXXI A UN ECCLÉSIASTIQUE (0 Règlement d'une affaire qui intéresse une cure. Rumilly, i^'' mars 1608. Monsieur, Voyes, je vous prie, la lettre du chevalier Bergera et l'envoyés a M. le curé de Thonnay (-). Mais, outre cela, M. Gottri me dit quil luy feroit toucher l'argent en cas que le chevalier n'y eut prouveu. Ce sera grand cas si, ni d'un costé ni d'autre, rien ne se fait. J'ay escrit un mot a mon frère (3), qui vous regarde, ( I ) Le destinataire de cette lettre est vraisemblablement Jean Déage (voir le tome XI, note ( r ), p. 2), autant du moins qu'on peut le déduire de sa qualité de vicaire général et de sa présence très probable à Annecy pendant que le Saint prêchait à Rumilly. (2 ) Cette paroisse dont la détresse avait causé au saint Evêque tant d'anxieu- ses démarches (voir ci-dessus, pp. 43, 78), était pour lors confiée à « un bon prebstre, nommé messire Jean Neyret. » François Favre ajoute dans sa dépo- sition ( Process. remiss. Gebenn. ( I ), ad art. 27), que le Bienheureux l'entretint la première année (1607-1608) à ses frais, et qu'il lui fit remettre plus tard» pour les engager à Genève, « deux chandeliers d'argent de sa chappelle... de la pesanteur d'environ quattre vingt onces et faicts de fort belle façon. » Vicaire dès le mois de décembre 1587, missionnaire du Chablais, Jean Neyret avait successivement desservi les paroisses de Draillant et Orcier. Du 28 mai 1607 à 1627, il signe les actes sur les Registres paroissiaux de Thonex. (3) Probablement Jean-François.  364 Lettres de saint François de Sales ne pensant pas vous escrire. A monsieur et madame de la Roche ^\ salutem in Christo plurimam*. Je suis, Monsieur, Vostre confrère plus humble, Francs E. de Genève. I. mars 1608. Revu sur l'Autographe appartenant à M'"* Michaud de la BioUe, à Chambérv.  (*) Le meilleur des saluts dans le Christ, ( I ) Jean Joly, seigneur de la Roche et d'Aléry, capitaine du château et ville d'Annecy, chevalier au souverain Sénat de Savoie {15 janvier 1617), conseiller d'Etat de Son Altesse, avait épousé par contrat dotal du 19 octo- bre 1387, Claudine de Locatel. La baronne de Chantai en faisait une très grande estime. « J'honorais ce saint homme comme mon père, » écrivait-elle, « et je le chérissais comme mon très cher frère. » (Lettre du i^'' mai i6î8, à la Mère de La Roche.) Cette amitié d'une Sainte, M. de la Roche l'avait gagnée par la ferveur peu commune de sa vie chrétienne et par le don généreux qu'il avait fait à la Visitation de sa fille aînée Claude-Agnès, l'une des premières Mères de l'Ordre et non des moins célèbres, suivie plus tard de ses deux soeurs, Marie-Innocente et Marie-Agnès. En effet, sous l'influence du Bienheu- reux, leur confident et leur directeur spirituel, la maison de M. et de M™* de la Roche avait pris en quelque sorte les allures d'un monastère; cette dévotion eût été parfaite, si, de l'avis du Saintlui-même, elle n'avait pas été quelquefois dommageable à la conduite de leurs affaires. Ce vertueux gentilhomme mou- rut le 12 avril 1628.  CDXXXII  A LA BARONNE DE CHANTAL  Conseils à la Baronne pour la conduite de Marie-.\imée. — Zèle des chanoines d'Annecy. — Une âme, admirable à ne se point empresser. Rumilly, 4 mars 1608. Je vous ay escrit il n'y a justement que six heures (0, ( I ) Du 4 au 5 mars, le Saint écrivit trois lettres à M""^ de Chantai : la pre- mière, adressée le 4 mars « par la voye de Lyon » ^voir ci-après, p. 367); la seconde, écrite le même jour, mais fort avant dans la soirée, c'est la présente ;  Année 1608 365 par l'homme qui rameyne le cheval sur lequel Thibaut ( ^ ) est venu. Maintenant, encor quattre motz, et le tout sans avoir releu vos lettres, lesquelles néanmoins je lis tous- jours avec tant d'avidité la première fois qu'il ne m'en de- meure qu'une générale consolation, sans sçavoir presque ce que j'ay leu. Il n'y a pas moyen maintenant, car il est bien tard, et je presche demain matin. Tandis qu'on allumoit la chandelle, j'ay demandé a Thibaut des nouvelles de vostre santé ; il m'a dit qu'elle estoit bonne. Cela m'a un peu arresté , car j'estois en pej'ne sur ce mal sensible, mais non dangereux, avec lequel vous m'aves escrit la dernière lettre. Et cependant, voyés-vous, quand vous m'escrires, dites-moy bien tous- jours de vostre santé. Il m'a dit que nostre Marie Aymee, et très aymee, estoit auprès de vous, car je le luy ay demandé ; mais il m'a dit que vous la metties fort au monde, sans que je le luy demandasse. Sçaves vous, ne la nous faites pas aussi si brave qu'elle nous desdaigne pour cela. Si j'estois près de vous, je confesse que je voudrois bien estre préféré a la mettre a la Communion, car c'est un coup mémorable pour une ame destinée au bien comme celle-là ; mais encor ne faut il pas que mon ambition la prive de cette céleste viande pour ces Pasques. Or, je suis donques bien d'advis que vous la faciès communier ; et ce bon Dieu  la troisième, écrite le lendemain, c'est la suivante. Nous n'avons pas la pre- mière ; faudrait-il en voir quelques vestiges dans ce récit de VAnn/e Sainte (ancien Ms.) : Le 20 février <■ de l'année 1608, ce saint Pasteur commença de prêcher le Carême a Rumilli, petite ville de son diocèse. Il écrivit a nôtre vénérable Mère, qu'il y prechoit d'aussi bon cœur qu'il avoit fait autrefois dans Paris, et même avec plus de consolation, parce que, disoit-il, je vois venir ce bon peuple avec une humilité et simplicité qui l'aproche plus de la grâce, et m'éloigne plus de la flaterie et de la vanité. » ( 1 ) Pierre Thibaut, que la baronne de Chantai fit entrer en mars 1608 au service du Saint, se qualifie dans un acte du 19 juin 1610 (R. E.), de secrétaire ordinaire de saint François de Sales. Il écrivit une partie du manuscrit de la première édition de V Introduction a la Vie dévote. (Voir le tome III de la présente Edition, pp. xvii, lxv.) Un Pierre Thibaut, écuyer, seigneur du Pro- menois, au bailliage d'Arnay, devient en 162g, gentilhomme ordinaire de Ms"" le prince de Condé, et le 12 février 1639, contrôleur ancien des deniers rovaux au bailliage d'Arnay. C'est sans doute le même personnage.  366 Lf.ttres de saint François de Sales la veuille bien prendre pour sa bienaymee et luy donner le ressentiment de son amour pour cela. Non plus, ma chère Fille, car je ne puis plus. Dans troys jours ou qua- tre, nos chanoynes envoyent a Dijon ; il faudra que Ihors *VideEp.cDxxxvi. j'y aille*, et peut estre auray je plus de loysir. Je vous diray que mes chanoynes font merveilles a faire des exhortations et a gaigner nos jeunes damoy- selles pour la dévotion, quand la conformité de Ta âge y sert. Mais sçaves vous, tout cela va par ordre et n'y a rien a craindre, sinon parce que tout se tient a moy qui suis un grand misérable. Mais ne vous effarouchés pas pour cela a dire : Mais que doy je donq estre, mo)^? Car, ma Fille, je ne sçai comme je suis fait ; encor que je me sens misérable je ne m'en trouble point, et quelquefois *Cf. llCor.,uit.,9. j'en suis jo5'eux*, pensant que je suis une vraye bonne besoigne pour la miséricorde de Dieu, a laquelle je vous recommande sans cesse. Ou}-, ma chère Fille, c'est la prière continuelle de mon cœur. Je vous veux envoyer un exercice que j"ay dressé et fait * Vide Ep.cDxxxvi, prattiquer a madame de Charmoj^si *, car je voudrois que cDxxxvii. j^ ^^ ^^^^ ^.^^ sans que vous le sceussies. Je le dressay a intention de lu}^ faire rafraischir ses bons propos, ausquelz certes elle avoit fort constamment persévéré. C'est une bonne ame, et admirable a ne se point empresser. Elle ne m'avoit jamais escrit "*" de son ame que ces jours passés ( ' ). Elle ne cesse de demander quand vous viendres, et se fait accroire qu'il faut que ce soit pour toute cette année. Oh, Dieu sçait comme mon cœur le desireroit ardamment, si je ne pensois que la volonté divine veut de nous un peu de patience ; mais espérons tous-jours beaucoup. A Dieu, ma Fille, ma très chère Fille. A Rumilly, le 4 mars 1608. ■*■ Je ne dis pas cela pour la louer, car j'ayme bien que Ton m'escrive, et très souvent ; et si, j'ayme mieux voir un ( I ) En relisant ce passage, le Saint aura craint de paraître aux yeux de M"" de Chantai vouloir désapprouver la fréquence de ses messages. C'est sans doute pour écarter cette interprétation, qu'il a ajouté soit au bas, soit en marge de l'Autographe, les lignes qui terminent cette lettre, et vraisembla- blement, comme nous le faisons ici, avec un signe de renvoi au texte lui-même.  Année 1608 367 peu d'empressement que de ne voir jamais point de lettres en des absences de troj^s a quatre mois. Je dis ceci affin que vous ne pensassies pas, pour n'estre pas empressée, qu'il faille ne pas m'escrire le plus souvent que vous pour- res. Si faites, ma Fille, escrivés tous-jours.  CDXXXIII  A LA. mi:me  Ne pas accabler l'esprit à force de surmener le corps. — Une tentation du Saint, qui « alla tost en fumée. » — Ne pas avoir le cœur trop douillet. — Se fier aux décisions du P. Gentil pour le projet de l'Institut, car « il n'y bougera rien. » Rumilly, 5 mars 1608. Hier seulement je vous escrivis, ma chère Fille, par la voye de Lyon*; et maintenant, vo5xi arriver l'homme de * Vide supra, p. 364, M. de Sainte Claire, qui m'apporte vostre lettre du 24 février, a laquelle je vay briefvement respondre ; et, si je puis, je respondray encor a quelqu'une des autres. Je commence par vostre coucher et lever matin. Pour- quoy faites vous cela, ma chère Fille ? Non certes, il ne faut pas accabler l'esprit a force de travailler le cors ; saint François le disoit a ses disciples*. Je fay cela, il "Vid.Barth. aPis., , • r ^ i • 1 r ^ Lit». Conformitat., est vray, mais c est par vive force : autrement, je dors tort 1 j^ f,.. et conform. bien ce qui m'est nécessaire, et je veux que vous en faciès x"'C.xi(edit.i59o). de mesme. La lettre ci-jointe* vous fut escritte a la mi- * Epist. praeced. nuit, mais il 3^ avoit long tems que je n'avois tant veillé. Il ne faut pas, pour peu de chose, se détraquer comme cela, notamment les femmes ; car par après on ne vaut rien tout le long du jour. Et bien, ma chère Fille, vous aves eu vostre esprit tout entortillé ces deux ou troys jours premiers de Caresme. Tout cela ne m'estonne nullement, car vous aves un esprit si douillet et jaloux de ce que vous aves en resolution, que tout ce qui le touche a biais contraire vous est si sensible  368 Lettres de saint François de Sales que rien plus ; et je vous ay dit mille fois qu'il ne faut pas, ma chère Fille, aller si pointilleusement en nostre besoigne. Helas, ma Fille, vous diray je ce. qui m'est advenu ces jours passés ? Jamais de ma vie je n'avois eu un seul res- sentiment de tentation contraire a ma profession ; l'au- tre jour, sans y penser, il m'en tomba une dans l'esprit. Non point de désirer que je ne fusse pas d'Eglise, car cela eust esté trop grossier ; mais parce qu'un peu aupa- ravant, parlant avec des personnes de confiance (et vraye- ment je pense que ce fut nostre Groysi (0), je dis que si j'estois encor en l'indifférence et que je fusse héritier d'un duché, je choisirois néanmoins Testât ecclésiastique, tant je l'aymois, il m'arriva un desbat en l'ame, que si, que non, qui dura quelque tems. Je le voyois, ce me sembloit, la bas, bien bas, au fin fond de la partie inférieure de l'ame, qui s'enfloit comme un crapaud. Je m'en mocquay, et ne voulus pas seulement penser si j'y pensois ; il alla tost en fumée et je ne le vis plus. La vérité est que je cuiday m'en importuner, et j'eusse tout gasté ; mais en fin je pensay en moy mesme que je ne meritois pas d'a- voir une si haute paix que l'ennemy n'osast pas regarder de loin mes murailles. Mon Dieu, ma Fille, je voudrois que vous eussies la peau du cœur un peu plus dure, afifin que vous ne laissas- sies pas de dormir pour les puces. Quand les tentations vous viendront a gauche, je ne m'en mettray pas en peyne, car elles sont trop grossières. Ces importunités ne sont pas pour tous-jours, mais pour Testât présent de vos affaires ; c'est pourquoy je vous ay dit qu'il failloit avoir patience. Oh ! pour cela, nous avons dequoy nous brave- ment défendre, et en bataille rangée. Maj^s quand elles vous viendront a droitte, alhors je ne vous sçauray que dire, sinon : Croyés moy, ma Fille, reposés vous sur mon ame pour ce regard ; j'ay bien des raysons, a mon advis, 'Cf. infra,pp. 373, irréprochables*. Mais, pour ces choses la, on ne peut ni ^'^^' doit entrer en dispute ; il faut que cela se demesle avec ( I ) Bernard de Sales.  Année 1608 369 des considérations tranquilles et en repos, tout a Tayse et de cœur a cœur. Or sus, je parle trop de ceci ; car, puisque vous demeu- res ferme en nos resolutions, je ne devois vous dire sinon : Demeurés en paix, ma Fille, tout cela n'est rien. La foy, l'espérance, la charité, pièces immobiles de nostre cœur, sont bien sujettes au vent, quoy que non pas a l'esbran- lement : comment voulons nous que nos resolutions en soyent exemptes? Vous estes admirable, ma Fille, si vous ne vous contentés pas que nostre arbre demeure bien et profondement planté, mais que vous voulies encor que pas une feuille ne soit agitée. Usés fort de diversions en semblables occasions, par des actes positifs d'amour en Dieu et de confiance en sa grâce. Apres tout cela, ne craignes pas, pour ces baga- telles, contrevenir a nos resolutions, ni a la confiance et repos que vous deves prendre en icelles et en moy. Ce sont des craintes sans sujet, car si V ange de Satan, soufile- tant saint Paul * par tant d'agitations de pensées deshon- * Il Cor., xn, 7. nestes, ne sceut néanmoins offencer sa pureté, pourquoy tiendrons nous nos resolutions offencees par ces mou- vemens d'esprit ? Au demeurant, vous aves choysi un confesseur bon, prudent et docte ; dites-luy hardiment nos resolutions telles qu'elles sont, affin de bien alléger vostre esprit par ses advis, car je ne doute nullement qu'il n'y bougera rien, mais vous y confortera. Je les dis au Père Recteur de Chambery (0, sans rien nommer, il m'y conforta; je les dis a un autre grand ecclésiastique, il m'y conforta (-) ; je les ay dites mille fois a Dieu, mais helas ! non pas si reve- remment que je devois, et tous-jours il m'y a conforté. Expliqués donq bien vostre fait a vostre confesseur, le Père Gentil. Dites lu}^ les considérations qui font différer la sortie, et puis celles que j'ay fait pour le genre de vie après la sortie (mais, outre tout cela, ce sera sans doute ( I ) Le P. Fourier. (2) Le (< grand ecclésiastique » pourrait bien être Vespasien Aiazza (voir plus haut, note ( i ), p. 48), qui devait plus tard se concilier par ses vertus l'estime des deux Fondateurs de la Visitation. Lettres III 34  370 Lettres de saint François de Sales la plus grande gloire de Dieu, pour des raysons que je ne puis dire), et vous verres qu'il dira que nos resolutions Cf. Ps.Lxxvi, II. sont resolutions faites de la main de Dieu*. Pour moy, je n'en doute nullement. Mais ce pendant que j'escris sans mesure sur ce sujet, il me vient un scrupule que je n'en die trop. Non, ma Fille, ne philosophes point sur tout ceci, car je ne l'escris pas a cette intention, ni pour crainte que j'aye que le cœur vous faille. Non, nullement : c'est simplement affin que, l'ayant proposé au Père Gentil, vous puissies non point fortifier ces resolutions, car je les tiens invariables, mais vous y consoler, et moy aussi. Mon Dieu, c'est asses. J'ay veu en la lettre que [Thibaut] m'a apportée, que vous aves parlé franchement et librement a vostre con- fesseur, dont je loiie Dieu, et qu'il s'est conformé a nos opinions. Nostre Seigneur soit tous-jours avec vous, ma Fille. Je suis, d'une affection incomparable, tout vostre en luy et par luy. Amen. Ce 5 ... 1608.  CDXXXIV A M. MAURICE CROSET, CURÉ d'hÉRY-SUR-ALBY (0 Différends entre curé et paroissiens; le Saint veut les régler. Rumilly, 6 mars 1608. Monsieur le Curé, Les parroissiens de vostre église sont venus aux plaintes vers moy pour le manquement du service, et monsieur ( I ) On voit dans le procès-verbal de la visite pastorale faite par saint François de Sales à Héry-sur-Alby, le 19 juin 1606, que le curé était tenu d'avoir un prêtre pour desservir la paroisse. Le prêtre qui en avait alors la charge, Maurice Croset (il l'avait encore en 162 1), estimait son revenu insuf- fisant pour l'entretien de son auxiliaire ; les paroissiens étaient d'un avis con- traire ; de là, des contestations que le saint Evèque essaya d"apaiser lors de sa visite. La présente lettre atteste que les malentendus persistaient encore en 1608,  Année 1608 371 Exertier ( ' ) est venu pour son particulier, a ra5^son de cer- taines dixmes desquelles il dit que vous le frustrés et pour les despens desquelz je me retins de connoistre. Pour tout cela, je désire vous voir icy jeudi prochain, affin que, s'il se peut, nous accommodions ces difFerens a la gloire de Dieu, que je supplie vous assister, et suis Vostre confrère très affectionné, Franc', E. de Genève. 6 mars 1608, a Rumilly. A Monsieur le Curé d'Heyrier. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibliothèque Mazarine (Réserve. 1857). ( I ) M. Exertier est sans doute noble Jean Exertier qui percevait la sixième partie de certaines dîmes, dont le surplus était attribué au curé et au recteur de la chapelle de Saint-Sylvestre.  CDXXXV A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE Ne pas se ralentir dans la poursuite de la gloire de Dieu. — Témoignages de ■ sympathie à l'Abbesse souffrante. — Le Saint sollicite pour la fille de l'un de ses anciens amis, son admission dans le Monastère. Rumilly, 6 mars 1608 (i). Madame ma très chère Fille, Il y a si long tems que je ne reçois point de vos lettres que je commencerois volontier a m"en inquiéter. Je sçai que cette pauvre jambe vous incommode toute ; mais quand vous me feres escrire, cela me suffira bien. J'ay perdu des pacquetz en chemin qui vous auront fait estre quelque tems sans avoir de mes lettres, mesme celles par lesquelles je respondois a ce que M. de Sauzea m'avoit dit de vostre (i) Les rapports de cette lettre avec celles du 24 janvier et du 7 mars et d'autres particularités rendent très vraisemblable la date de 1608.  372 Lettres de saint François de Sales part ; aont j'ay esté bien fasché, car je vous escrivois avec grande confiance. 31aintenant je vous demanderois volontier, ma chère Fille : Qu'est ce que dit vostre cœur? Est il pas tous-jours celuy que j'ay veu si désireux de la gloire de Dieu? Ah, pour l'amour de Dieu, ma chère Fille, si ce cœur avoit perdu son courage, reprenes-le et ne le laisses pas sans cela. J'ay tant de compassion a vos infirmités et incom- modités que vous ne le sçauries croire ; mais la vertu de II Cor., XII, 9. Dieu se declaire en rinfirmité*. Je m'essaj'eray de m'approcher fort de vous, et treuve bon, comme M'"^ nostre seur Brulart m'escrit de vostre part, que je puisse vous voir hors de vostre Monastère pour sçavoir si je devray 3" aller. Mon Dieu, que d'affec- tion que j'ay a ce ^lonastere et que je le souhaitte parfait ! ^lonsieur Robin, médecin de Dijon ^ ', de mes anciens amis et compaignons d'estude, m'a conjuré d'employer mon intercession vers vous pour y mettre une sienne fille, laquell'il m'escrit avoir un'extrem'affection a la vie reli- gieuse '*). Je ne luy sçaurois refuser cet ofiice, et luy ay promis que, le tems en estant venu, je vous en feray les supplications requises ; dequoy j'a}' voulu vous tenir ad- vertie de bonn'heure pour sa consolation. A Dieu, ma très ehere Fille, jamais je n'eu plus de désir de vous servir que j'en ay maintenant : Dieu m'en donne la grâce selon mon souhait. Ma mère ne parle point de vous sans souspirer d'un souspir tout cordial. Je suis sans fin vostre et tout vostre. F. 6 mars. A Madame Madame l'Abbesse du Puy d'Orbe. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Voir ci-dessus, note i ), p. 382. (a) L'absence ou le silence des Registres du Puits-d'Orbe ne permet pas d'établir si la fille de M. Robin est devenue Relif^ieuse de ce Monastère.  Année 1608 373  CDXXXVI A LA BARONNE DE CHANTAL Le Saint estime que le projet de la Visitation est de Dieu et s'y affectionne de plus en plus. — Les cercles qui se font en l'eau et les entortillements d'esprit chez les âmes chatouilleuses. — Quand on n'a d'autre intention que la gloire de Dieu, ne se tourmenter de rien. — Les « menues pensées » après les grandes. — Les frères du Saint et les enfants de la Baronne. — Un prédica- teur qui parle à son auditoire. Rumilly, 7 mars 1608. C'est en fin par monsieur Favre ' ^ que je vous escris, ma chère Fille, et tous-jours néanmoins sans lo5^sir, car il m'a faillu escrire beaucoup de lettres, et tous-jours vous estes la dernière a qui j 'escris, ne craignant point pour cela de m'en oublier. Je me repentis l'autre jour de vous avoir tant escrit de choses sur cette petite brouillerie d'es- prit qui vous estoyt arrivée* ; car, puisque ce n'estoit rien * '^'''^e Ep.cDxxxm. en vraye vérité, et que l'ayant communiqué au P. Gentil tout cela s'estoit esvanoiiy, je n'avois que faire sinon de dire : Deo gratias. 3lais voyes vous, mon esprit est sujet aux espanchemens avec vous et avec tous ceux que j'af- fectionne. Mon Dieu, ma Fille, que vos maux me font de bien, car j'en prie avec plus d'attention, je me metz devant Nos- tre Seigneur avec plus de pureté d'intention, je me metz plus entièrement a l'indifférence. Mais croyes moy : ou je suis le plus trompé homme du monde, ou nos resolu- tions sont de Dieu et a sa plus grande gloire. Non, ma Fille, ne regardes plus ni a droitte ni a gauche. Hé, je ne veux pas dire que vous ne regardies pas, non ; mais je veux dire : ne regardes pas pour vous y amuser, pour examiner soigneusement, pour vous embarasser et entor- tiller vostre esprit de considérations desquelles vous ne sçauries vous demesler. Car, si après tant de tems, après ( I ) Sans doute Jean Favre, grand vicaire du Saint. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 26s. ^  374 Lettres de saint François de Sales tant de demandes a Dieu on ne se resoult pas sans diffi- culté, comme penserons, sur des considérations faites sans appareil (pour celles qui viennent a gauche) et faites par des simples odeurs et goustz (quant a celles qui viennent • Cf. supra, p. 368. a dextre*), comme penserons nous, dis-je, bien rencon- trer ? Or sus, laissons cela, n'en parlons plus. Parlons d'une règle générale que je vous veux donner. C'est que tout ce que je vous dis : Ne penses pas ceci, cela ; ne regardes pas, et semblables, tout cela s'entend grosso modo; car je ne veux point que vous contrai- gnies vostre esprit a rien, sinon a bien servir Dieu, a le bien aymer, a ne point abandonner nos resolutions, ains a les aymer. Pour moy, j'a3'me tant les miennes, que quoy que je voye ne me semble point suffisant pour m'oster un'once de la bonn'estime que j'en ay, encor que j'en voye et considère des autres plus excellentes et relevées. Helas, ma chère Fille, c'est aussi un entortillement que celuy duquel vous m'escrivies par monsieur de Sauzea, ce tintamarre qui vous fait peur de ement de — (^K Mon Dieu, ma Fille, ne sçauries vous vous prosterner devant Dieu quand cela vous arrive, et lu}^ dire tout sim- plement : Ouy, Seigneur, si vous le voules je le veux, et si vous ne le voules pas je ne le veux pas ; et puis passer a faire un peu d'exercice et d'action qui vous serve de divertissement. Mais, ma Fille, voyci ce que vous faites. Quand cette bagatelle se présente a vostre esprit, vostre esprit s'en fasche et ne voudroit point voir cela ; il craint que cela ne s'arreste. Cette crainte retire la force de vostre esprit, et laisse ce pauvr'esprit tout pasle, triste et trem- blant ; cette crainte luy desplait et engendre un'autre crainte que cette première crainte et l'effray qu'elle donne ne soit cause du mal , et ainsy vous vous embarasses. Vous craignes la crainte, puis vous craignes la crainte de la crainte ; vous vous fasches de la fascherie, et puis vous vous fasches d'estre faschee de la fascherie. C'est comme j'en ay veu plusieurs qui, s'estant mis en cholere, sont par après en cholere de s'estre mis en cholere ; et ( I ) Il n'est pas possible de rétablir les trois mots qui manquent ; ils ont été coupés sur l'Autographe et de In main de la destinataire.  Année 1608 375 semble tout cela aux cercles qui se font en l'eau quand on y a jette une pierre, car il se fait un cercle petit, et cestuy la en fait un plus grand, et cet autre un autre. Quel remède, ma chère Fille ? Apres la grâce de Dieu, c'est de n'estre pas si délicate. Voyes vous (voyci un autr'espanchement d'esprit, mais il ni a remède), ceux qui ne peuvent pas soufrir la demangeayson d'un ciron, en la pensant faire passer, a force de se gratter ilz s'es- corchent les mains. Mocques vous de la plus part de ces brouilleries, ne debrassés point pour les penser rejetter ; moques vous en, divertisses a des actions, tasches de bien dormir. Imagines vous (je veux dire penses) que vous estes un petit saint Jan qui doit dormir et se reposer sur la poitrine de Nostre Seigneur*, entre les bras de sa pro- * Joan., xm, 23. vidence. Et courage, ma Fille. Nous n'avons point d'in- tention que pour la gloire de Dieu, non pas ? Non certes, au moins d'intentions descouvertes ; car si nous en des- couvrions, nous les arracherions tout aussi tost de nostre cœur. Et donques, dequoy nous tourmentons nous? Vive Jésus ! ma Fille ; il m'est advis quelquesfois que nous sommes tous pleins de Jésus, car au moins nous n'avons point de volonté délibérée contraire. Ce n'est pas en esprit d'arrogance que je dis cela, ma Fille, c'est en esprit de confiance et pour nous encourager. (O C'est asses. Vrayement, j'ayme bien vostre Thibaut ( = ), encor que je ne lu)^ ay point encor parlé ; mais sa mine me plait, et m'est advis que je le rendray tout mien. Au moins croyes bien quil me fait bien playsir quand, parlant de vous, il dit tout court : Madame ; et cela me touche, et me semble quil me die sans le dire que je dois le chérir. Il faut dire un peu des menues pensées après ces grandes pensées : il est un peu estonné de ne pas treuver Montelon céans ; o mais, je dis icy a Rumilly. Je vous envoyé l'Exercice que j'ay fait faire a madame , „ . ^ 11 , * Vide supra, p. 366, de Charmoysi ce tems de caremprenant *, car elle n a et Epist. seq. ( 1 1 A partir d'ici, le texte est inédit jusqu'à la ligne 26 de la page sui- vante. Datta, qui a donné la présente lettre d'après l'original, n'a pas comblé, on ne sait pourquoi, la lacune des éditions précédentes. (2) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 365.  5^6 Lettres de saint François de Sales esté aux festes que le lundi et mardi. Vous le lires com- m'un'autre chose, et seulement la dernière partie, a mon advis, vous pourra servir. Cette dame-la est a Chamberi pour des affaires (0. Elle s'est un peu plus estroittement liée au Crucifix et a la dependence de son père spirituel ; non pas que son intention ne fut telle tous-jours, mais non pas si ouverte et declairee. Groysi ( = ) s'est blessé au doigt, mais de tout le reste il se porte bien. Je ne le veux point excuser, mais accuser dequoy il ne vous escrit pas. Il me traittoit comme cela quand il estoit a Paris, et puys, une foys pour toutes il m'escrivit que c'estoient des trop foybles preuves d'affec- tion que d'escrire. O vrayement, je le gourmanday bien. Il failloit dire cela : mais ne laysses pas de l'aymer, car certes, il est bon enfant. Nostre chanoyne '3) est tout em- pressé, le pauvre garçon ; car il est parmi une trouppe de personnes qui le tirent de tous coustés pour se servir Cf. supra, p. 362. de luy pour leurs âmes *. Si Dieu nous a3'^de, il reuscira. Thibaut me dit que vous aves vostre petit Baron qui fait merveilles, mais il me dit du bien de nostre Aymee avec un goust particulier ; et de nostre Charlotte, il dit qu'ell'est toute malade, et Françon, toute jolie et grosse fille : j'ayme bien tout cela. Que me dit on de Lion et de Monsieur de Bourges (4)? O vra3'ement, si cela estoit, je gouvernerois tout ; je me monterois bien sur mes grans chevaux. Je vous asseure, ma Fille, quil est neuf heures du soir : il faut que je face collation et que je die l'Office, pour près- cher demain a huit heures ; mais je ne me puis arracher (i) Les affaires qui retinrent M""*^ de Charmoisy à Chambéry pendant plus de six mois se rapportaient au fameux procès Saint-Alban ; il dura pendant plusieurs générations. La solide direction du P. Fourier que Philothée ren- contra dans cette ville, les réconfortants messages qu'elle y reçut du Saint, ne furent pas de trop, sans doute, pour la maintenir dans la paix de l'âme, au milieu des fâcheux ennuis d'une interminable procédure. (2) Bernard de Sales. ( 3 ) Jean-François. ( 4 ) Aurait-il été question de nommer M»'' Frémyot à une abbaye importante de Lyon ou à l'archevêché de cette ville ? Celui-ci, d'ailleurs, n'était pas vacant, et de plus, il est difficile de savoir si son titulaire, alors M»'' Claude de Bellièvre, devait être transféré à un autre siège.  Année 1608 377 de dessus ce papier. Et si, il faut que vous die encor cette petite folie : c'est que je presche si jolyment a mon gré en ce lieu, je dis je ne sçai quoy que ces bonnes gens entendent si bien, que quasi ilz me respondroyent volontier ( O. A Dieu, ma Fille, ma très chère Fille. Je suis, mais incomparablement, vostre. F. . 7 mars 1608. A Madame Madame la Baronne de Chantai, m, f. (ma fille). Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin. ( I ) Le Carême de Rumilly fut en effet pour l'âme du Saint un sujet de déli- cieux contentement; son humilité s'accommodait à merveille d'une chaire si modeste, tandis que sa piété ardente et communicative s'insinuait victorieuse- ment dans lésâmes des auditeurs simples et croyants. Ce n'est pas seulement à la Baronne (cf. ci-dessus, note ( i ), p. 364) qu'il confie ses impressions. « Je reviens de mes délices, » disait-il à un Religieux de ses amis en quittant Ru- milly ; « j'ay presché a un peuple facile, humble et dévot. » (Process. remiss. Gebenn. (II), déposition de J.-B. Gard, art. 26.) A un parent, il écrivait encore : « J'ay esté ce Caresme passé a Rumilly, que j'ay entretenu doulcement a mon gré de Dieu et de nostre debvoir envers luy. La petitesse et simplicité de mon auditoyre me donnoit un plaisir particuUier et une confiance de le servira mon goust. » (Process. remiss. Gebenn. (I), déposition de M. Michel Favre, art. 35.)  CDXXXVII  A LA MEME  (inédite) Le Saint désire qu'on ne prenne pas dans un sens absolu les directions adressées à des personnes particulières, — Nouvelles et recommandations diverses. Rumilly, 7 mars 1608. Ma chère Fille, Il a fallu que je vous envoyasse cet Exercice (0 ; en quoy je voy bien que plusieurs choses sont si particulières (i) Sur la copie que nous reproduisons, la présente lettre suit V Exercice dont parle le Saint. Or, le texte de celui-ci, porte à son début : « Ce qu'estant  37^ Lettres de saint François de Sales a Tame que je traittois qu'elles ne peuvent estre appli- quées ailleurs ; mais vous, qui la connoisses, ne laisseres * Cf. supra, p. J76. pas de vous y recréer*. C"est a cette seule intention que je vous les envoyé, vous priant de ne point les commu- niquer entières ; ouj^ bien, selon que vous verres, pièce a pièce, en paroles. Les resolutions dont il s'agit sont géné- rales de servir Dieu ; c'est pourquoy il n'y a nulle diffi- culté qu'elles ne soyent éternelles. Or sus, j'adjouste que les particulières le sont encores, quand Dieu et sa gloire sont l'objet de nostre volonté. En l'examen, il y a des particularités propres a la condition de cett'ame la : vous les sçaures bien discerner. A Dieu, ma chère Fille, et que Jésus vive et règne a jamais en nous. Je vous ay envoyé une lettre de ma mère il y a peu. Hé vrayement, cette pauvre mère vous ayme bien fort, * Cf. supra, p. 362. La peste n'est plus nulle part*. Si vous escrives deux billetz, un a M"^ [d'] Equimier, vostre hostesse de Cru- selles (O, l'autre a M™" de Lalee, vous les consoleres fort. Escrivant a la dame pour laquelle cet Exercice a esté dressé, parlés luy un peu moins de moy ; je dis bien un peu. Ce n'est pas pour elle, car ell'est toute ronde, mais parce qu'elle monstre quelquefois vos lettres aux autres par gloire. Or, ne vous mettes pas en peyne si elle prendra vos parolles par advertissement ou non, car il n'3' a rien a craindre ; non, elle va fort rondement et naifvement. « fait, comme par une reprise d'haleyne, « etc. C'est la troisième ligne de la page 361 de notre tome III (Partie V, chap. xv). En se reportant à cette partie de V Introduction a la Vie dévote et en se référant aux indications de cette lettre, on se persuade que la copie de Turin ne contient qu'un fragment de l'Exercice en question, c'est-à-dire un tiers du chap. xv et le chap. xvi ; mais on devine que l'Exercice complet, sorte de petit traité de récollection spirituelle, devait comprendre l'intégralité ou la substance des chapitres ii-xvi de la V* Par- tie de l'Introduction. (i) L'hôtesse qui logea la baronne de Chantai dans un de ses voyages en Savoie, est très probablement Gasparde Roget, fille de François Roget ; par son mariage avec François de Quimier, seigneur de Pontverre, celle-ci avait apporté la maison-forte et seigneurie de CTMStilles. ( D\iprès une note du comte de MarescAal.) Il faut se rappeler que saint François de Sales était lié de grande amitié avec la famille Roget. ^Voir le tome XI. p. 44.;  Année 1608 379 Vous connoistres la lettre de Thibaut, a qui néanmoins je n'ay encor sceu parler*, car je suis bien affairé. Je * Cf. supra, p. 375. salue humblement monsieur vostre oncle ( et monsieur Robert (-) qui vous gouverne vostre Baron ; or sus, et dame Anne (3) et dame Jane (4). Si vous sçavies comme je vous escris, vous le savoure- ries comme viande de Caresme. Je suis tout joyeux, ma chère Fille. Vive Jésus ! Amen. 7 mars 1608. Revu sur une copie conservée à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) Claude Frémyot. (2) Claude Robert, né à Bar-sur-Aube, vers 1564, étudia sous Théodore Mar- sile, conduisit les études d'André Frémyot, dans la suite archevêque de Bourges, le frère de la baronne de Chantai (cf. le tome précédent, note ( i ), p. 299), et plus tard celles des enfants de sa sœur. Bénigne et Jacques de Neufchèzes. Celui-ci, devenu évêque de Chalon, donna à son maître l'archidiaconé de son église et en fit son grand vicaire. Le » bon M. Robert, >> comme on l'appelait à cause de l'aménité de son caractère, se distingua par une très réelle érudi- tion. Le premier, semble-t-il, il essaya d'écrire l'histoire de tous les diocèses de France. Son recueil, la Gallia Christiana (Paris, 1626, in-folio), appelé plus tard à une si grande célébrité, lui avait coûté trente ans de recherches. Il mourut le 16 mai 1636, regretté des savants et de tous les hommes de bien. En 1608, le « bon M. Robert » allégeait grandement par ses services les solli- citudes délicates de la baronne de Chantai. Elle se reposait sur lui non seule- ment de l'éducation de ses neveux, mais aussi de celle de son propre fils, Celse- Bénigne. C'est ce vertueux prêtre qui soutint son courage lorsqu'elle quitta définitivement sa famille pour entrer en Religion. (Cf. Mémoires de la Mère de Chaugy, I""^ Partie, chap. xxviii.) (3) Probablement au service de la Baronne. (4) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 341.  380 Lettres de saint François de Sales CDXXXVIII AU PÈRE NICOLAS POLLIENS, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS (O (inédite) Affectueuses sympathies du Saint pour son Directeur spirituel, alors malade. Il promet de prier pour sa guérison. Rumilly, 10 mars i6o8. Mon Révérend Père, J'ay sceu par monsieur d'HosteK^) que nostre R. Père Recteur est bien malade '3), et si je cro5"ois de luy estre utile j'irois le visiter en personne ; mais puisque cela ne luy rendroit nul service, je le visiteray tous les jours en esprit, offrant le tressaint Sacrifice pour son portement. Et cependant, mon Père, je vous supplie de luy présen- ter mes très affectionnées recommandations de ma part, et luy dire que si mes prières sont exaucées au Ciel, il se treuvera bien tost en l'église et assemblée, a rendre 'Oratioproinfirm. action de graccs de sa santé recouverte*, pour l'employer encor plusieurs années a la gloire de Dieu et consolation de plusieurs. ( I ) Le P. Nicolas PoUiens, né dans le Genevois en 1563, entra dans la Com- pagnie de Jésus le i^'' avril 1590, fit ses derniers vœux de coadjuteur spirituel le 24 août 1608. Le plus bel éloge qu'on puisse faire de lui, c'est que saint François de Sales lui porta une affection singulière et qu'il mourut à Cham- béry en odeur de sainteté, le jour des Innocents 162 1, juste un an après le Bien- heureux, comme il le lui avait demandé. (D'après des notes du R. P. van Meurs, S. J .) (2) Catherin, fils de noble Pierre Gaultier, seigneur d'Hostel et Thesieu, conseiller de Son Altesse et maître auditeur le 28 novembre 1609, puis conseil- ler d'Etat, troisième président à la Chambre des Comptes de Savoie, général des Etapes, etc., avait épousé en i S93 Françoise de Reydet de Choisy. Il figure parmi les premiers membres de la « Grande Congrégation de Notre-Dame de l'Assomption, dite des Messieurs, » formée le 8 décembre 161 1 dans l'église des Jésuites de Chambéry. (Voir la notice sur cette Congrégation, dans le tome XXI des Mhnoires de la Société Sav. dWiisf. et d'archéol.) Plus tard, quand les congréganistes firent construire une chapelle, ce gentilhomme subvint gé- néreusement aux frais d'embellissement. Ami du Saint, il obligea aussi de ses bons services la Fondatrice de la Visitation. (3) Le P. Fourier. (Voira l'Appendice, sa lettre du 2S mars 1608 au Saint.)  Année 1608 381 Or, c'est a vous, mon Père, a qui je confie ce petit message d'amitié, parce que vous m'aves donné une plus particulière confiance en la vostre, et que je suis. Mon Révérend Père, Vostre serviteur très humble et très affectionné, FRANç^ E. de Genève. A Rumilly, le 10 mars 1608. Au R. P. en N. S^ Le P. Nicolas Polliens, de la Comp^ de Jésus. A Chambery. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.  CDXXXIX A MADAME DE CHARMOISY A mesure qu'on savoure les choses divines, on cesse de priser les choses ter- restres. — Ne nous étonnons point de la mort. — Comment faut-il pleurer nos amis quand nous les voyons mourir. Rumilly, vers le 20 mars 1608 (i^. Madame ma très chère Cousine, Que vous faites bien de treuver Dieu bon et doux et de savourer sa paternelle sollicitude en vostre endroit, dequoy, estant maintenant en lieu ou vous ne pouves pas jouir du tems pour vous exercer a la méditation, il se pré- sente en eschange plus fréquemment a vostre cœur pour le fortifier de sa sacrée présence. Soyés fidelle a ce divin Espoux de vostre ame, et de plus en plus vous verres que, par mille moyens, il vous fera paroistre son cher amour envers vous. Je ne m'esbahis donques pas, ma chère Cousine, si Dieu vous donnant le goust de sa présence, vous va petit ( I ) Les allusions de cette lettre, les circonstances de personnes et de lieux qu'elle mentionne, permettent d'en fixer la date à quelques jours près.  382 Lettres de saint François de Sales a petit degoustant du monde. Sans doute, ma Fille, rien ne fait treuver le chicotin si amer que de se nourrir du miel. Quand nous savourerons les choses divines, il ne sera plus possible que les mondaines nous reviennent donner appétit. Mais se pourroit-il bien faire qu'après avoir considéré la bonté, la fermeté, l'éternité de Dieu, nous puissions aymer cette misérable vanité du monde ? Or sus, il nous faut supporter et tolérer cette vanité du monde ; mais il ne faut aymer ni affectionner que la vérité de nostre bon Dieu, lequel soit a jamais loué de ce qu'il vous conduit a ce saint mespris des folies ter- restres. Helas, il est vray, Madame ma chère Cousine, la pauvre madame de Moyron est trespassee ( ' ) : nous ne l'eussions pas dit le Caresme passé, il est vray. Nous tres- passerons aussi un certain jour a venir, lequel nous igno- rons. Mon Dieu, ma chère Fille, ne serons nous pas bien heureux si nous mourons avec nostre doux Sauveur au milieu de nostre cœur ? Or sus, il l'y faut donq bien tenir tous-jours, continuant nos exercices, nos désirs, nos reso- lutions, nos protestations. Il vaut mille fois mieux mou- rir avec Nostre Seigneur que de vivre sans luy. Vivons gayement et courageusement en luy et pour luy, et ne nous estonnons point de la mort. Je ne dis pas : ne la craignons point du tout, mais je dis : ne nous troublons point. Si la mort de Nostre Seigneur nous est propice, la nostre nous sera bonne ; c'est pourquoy pensons souvent a la sienne, chérissons bien sa Croix et .sa Passion. C'est bien dit, ma Fille bienaymee ; quand nous verrons mourir nos amis, pleurons les un peu, regrettons les un peu par compassion et tendreté, mais avec tranquillité et sans impatience ; et faysons valoir leur deslogement pour nous préparer tout doucement et joyeusement au nostre. J'ay loué Dieu dequoy cette pauvre defuncte s'estoit re- tirée, ce me semble, a la dévotion un peu plus cette année dernière ; car c'est un grand signe de la miséricorde de ( I ) Jeanne-Isabelle de Tardy, femme de François Paquellet, coseigneur de Moyron (voir le tome précédent, note (2), p. 103), fut inhumée à Notre-Dame de Liesse d'Annecy, le 13 mars 1608. (Reg. paroiss. d'Annecy.)  Année 1608 383 Dieu sur elle. Il y a justement une année qu'elle entra en nostre Confrérie (0, laquelle aussi luy a bien rendu son devoir. Vostre très affectionné et plus humble cousin et serviteur, Franc», E. de Genève. (i) M™^ de Moyron appartenait sans doute à la Confrérie des Pénitents de la Sainte Croix. (Voir le tome XI, note ( i ), p. 67.)  CDXL A LA MÊME Le miel qui doit adoucir toutes les affections et toutes les actions. — Le royaume intérieur, les ennemis, les espions. — Notre cuirasse et notre bouclier. — Les parfums dont nous serons « confortés et ravigorés. » Rumilly^ fin mars 1608 (i). Madame ma chère Cousine, Je ne puis, mais je ne veux pas me contenir de vous es- crire, ayant un porteur si asseuré. Ce n'est pourtant que pour vous dire que je demande continuellement a la sainte Messe beaucoup de grâces pour vostre ame, mais sur tout et pour tout l'amour divin, car aussi est-ce nostre tout. C'est nostre miel, ma chère Cousine, dedans- lequel et par lequel toutes les affections, toutes les actions de nostre cœur doivent estre confites et addoucies. Mon Dieu, que le royaume intérieur est heureux quand ce saint amour y règne ! Que bienheureuses sont les puis- sances de nostre ame qui obéissent a un roy si saint et si sage! Non, ma chère Cousine, sous son obéissance et dans cet estât, il ne permet point que les grans péchés habitent, ni mesme aucune affection aux plus moindres. (i ) Les analogies de cette lettre avec la précédente et aussi ses détails ca- ractéristiques font croire qu'elle a été écrite vers la fin du mois de mars.  384 Lettres de saint François de Sales Il est vray qu'il les laisse bien aborder les frontières affin d'exercer les vertus intérieures a la guerre et les rendre vaillantes, et permet que les espions, qui sont les péchés venielz et les imperfections, courent ça et la parmi son royaume ; mais ce n'est que pour nous faire connoistre que sans luy nous serions en pro3'e a tous nos ennemis. • Humilions-nous fort, ma chère Cousine, ma Fille ; ad- vouons que si Dieu ne nous est cuirasse et bouclier, nous serons incontinent percés et transpercés de toute sorte de péchés. C'est pourquoy tenons nous bien a Dieu par la continuation de nos exercices : que ce soit le gros de nos- tre soin, et le reste, des dépendances. Au demeurant, il faut tous-jours avoir courage ; et s'il nous arrive quelque alanguissement ou affoiblissement d'esprit, courons au pied de la Croix et nous mettons parmi ces saintes odeurs, parmi ces célestes parfums, et sans doute nous en serons confortés et ravigorés. Je présente tous les jours vostre cœur au Père éternel, avec celuy de son Filz nostre Sauveur, en la sainte Messe. Il ne le sçauroit refuser, a cause de cette union en vertu de laquelle je fais l'offre ; mais je présuppose que vous en faites autant de vostre costé. Qu'a jamais puissions- nous, d'esprit, de cœur, de cors, lu}' estre en sacrifice et *Ps. cxv, 17. holocauste de louange*. Vives joyeuse et courageuse tous-jours, avec Jésus sur vostre poitrine. Madame ma très chère Cousine, je suis celuy qu'il a rendu Vostre serviteur et cousin plus humble et tout dédié, Franç% E. de Genève.  Années 1605- 1608 385 CDXLI A UNE DEMOISELLE (0  On ne trouve pas ce qu'on cherche avec trop d'ardeur; applications à l'orai- son. — L'engourdissement de l'àme. — L'un des plus grands traîtres de la vraie dévotion. — Deux raisons principales ou deux manières de se pré- senter devant Dieu à l'oraison, toutes deux fort utiles. — Encouragements discrets à persévérer dans le désir de la vocation religieuse. [1605-1608.] Madamo3'selle, Je receus il y a quelque tems une de vos lettres, que je chéris fort parce qu'elle porte tesmoignage de la con- fiance que vous aves en mon affection, qui aussi vous est entièrement acquise, vous n'en deves nullement douter. Je regrette seulement que je suis fort peu capable pour respondre a ce que vous desires de moy sur les accidens de vostre orayson. Aussi sçai-je que vous estes en un lieu et en une compaignie ou rien ne vous peut manquer pour ce sujet ; mais la charité qui se plaist a la commu- nication fait que vous me demandés la mienne en me donnant la vostre. Je vous diray donq quelque chose. L'inquiétude que vous aves a Torayson et laquelle est conjointe avec un grand empressement pour treuver quel- que objet qui puisse arrester et contenter vostre esprit, suffit elle seule pour vous empescher de treuver ce que vous cherchés. On passera cent fois la main et les yeux sur une chose sans rien appercevoir, Ihors qu'on la cher- che avec trop d'ardeur. ( I ) L'étude comparative de la présente lettre avec les Lettres clxxiv, clxxxi, cxc du tome précédent (pp. 163, 180, 202), adressées à M"^ de Soulfour, per- suade qu'il s'agit ici de la même personne ; et dans ce cas, la destinataire serait entrée au Carmel de la rue Saint-Jacques, aurait fait profession en 1608 et fini sa vie à Riom, en 1633, sous le nom de Thérèse de Jésus. (Cf. ci-dessus, note ( I ), p. 285.) Quant à la date de cette lettre, les allusions du texte la laissent osciller entre 1605 et 1608.  î86 Lettres de saint François de Sales De cest empressement vain et inutile, ne vous peut arriver qu'une lassitude d'esprit, et de la, cette froideur et engourdissement de vostre ame. Je ne sçay pas les remèdes dont vous deves user, mais je pense bien que si vous pouves vous empescher de l'empressement, vous gaigneres beaucoup ; car c'est l'un des plus grans traistres que la dévotion et vraye vertu puisse rencontrer. Il fait semblant de nous eschauffer au bien, mais ce n'est que pour nous refroidir, et ne nous fait courir que pour nous faire chopper. C'est pourquoyil s'en faut garder en toutes occasions, et particulièrement a l'orayson. Et pour vous ayder a cela , resouvenes-vous que les grâces et biens de l'orayson ne sont pas des eaux de la terre, mais du Ciel, et que partant, tous nos effortz ne les peuvent acquérir, bien que la vérité est qu'il faut s'y disposer avec un soin qui soit grand, mais humble et tranquille. Il faut tenir le cœur ouvert au Ciel et atten- Cf. supra, p. 209. dre la sainte rosée*. Et n'oubliés jamais de porter a l'oray- son cette considération : c'est qu'en icelle on s'approche de Dieu et on se met en sa présence pour deux raysons principales. La première est pour rendre a Dieu l'honneur et l'hom- mage que nous luy devons, et cela se peut faire sans qu'il nous parle, ni nous a luy ; car ce devoir se fait, reconnois- Cf. Ps. xciv, 7. sant qu'il est nostre Dieu et nous, ses viles créatures *, et demeurant devant luy prosternés en esprit, attendant ses commandemens. Combien de courtisans y a-il qui vont cent fois en la présence du Roy, non pour luy par- ler ni pour l'ouyr, mais simplement affin d'estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses ser- viteurs ? Et cette fin de se présenter devant Dieu, seule- ment pour tesmoigner et protester de nostre volonté et reconnoissance a son service, elle est très excellente, très sainte et très pure, et par conséquent de très grande per- fection. La seconde cause pour laquelle on se présente devant Dieu, c'est pour parler avec luy et l'ouyr parler a nous par ses inspirations et mouvemens intérieurs ; et ordinai- rement cela se fait avec un playsir très délicieux, parce  Années 1605- 1608 387 que ce nous est un grand bien de parler a un si grand Seigneur, et quand il respond, il respand mille bausmes et onguens pretieux, qui donnent une grande suavité a l'ame. Or, Madamoyselle ma bonne Fille (puisque vous voules que je parle ainsy), Tun de ces deux biens ne vous peut jamais manquer a Torayson. Si nous pouvons parler a Nostre Seigneur, parlons; louons le, prions le, escou- tons le. Si nous ne pouvons pas parler parce que nous sommes enroiiés, demeurons néanmoins en la chambre et faysons-luy la révérence; il nous verra la, il aggreera nostre patience et favorisera nostre silence. Une autre fois nous serons tout esbahis qu'il nous prendra par la main, et devisera avec nous, et fera cent tours avec nous es allées de son jardin d'orayson ; et quand il ne le feroit jamais, contentons-nous que c'est nostre devoir d'estre a sa suitte et que ce nous est une grande grâce et un hon- neur trop plus grand qu'il nous souffre en sa présence. En cette sorte, nous ne nous empresserons point pour luy parler, puisque l'autre occasion d'estre auprès de luy ne nous est pas moins utile, ains peut estre beaucoup plus, encor qu'elle soit un petit moins aggreable a nostre goust. Quand donq vous viendres auprès de Nostre Seigneur, parlés-luy si vous pouves ; si vous ne pouves, demeurés la, faites- vous voir et ne vous empressés d'autre chose. Voyla mon advis, je ne sçai s'il sera bon, mais je ne m'en metz pas en peyne ; car, comme je vous ay dit, vous estes en lieu ou de beaucoup meilleurs ne vous peuvent manquer. Quant a la crainte que vous aves que vostre père ne vous face perdre le désir d'estre Carmeline par la trop grande distance de tems qu'il vous veut prefiger pour exécuter vostre souhait, dites a Dieu : Seigneur, tout mon désir est devant vous *, et le laissés faire ; il ma- * Ps. xxxvu, 10. niera le cœur de vostre père et le contournera a sa gloire et a vostre prouffit. Ce pendant, nourrisses vostre bon désir, et le faites vivre sous la cendre de l'humilité et résignation en la volonté de Dieu.  388 Lettres de saint François de Sales Mes prières, que vous demandés, ne vous manquent point, car je ne sçaurois vous oublier, sur tout a la sainte Messe. Je me confie en vostre charité que je ne suis pas oublié aux vostres. Je suis marri que Monsieur de Paris nous laisse (O  ( I ) Pierre de Gondi avait remis l'administration du diocèse de Paris, en 1598, à son neveu Henri de Gondi, qui fut nommé son coadjuteur. Celui-ci succéda à son oncle après sa mort, arrivée le 17 février 1616. « M. de Paris » peut aussi bien désigner Toncle que le neveu. La fin de la lettre étant tronquée, il n'est pas possible de deviner le sens de cette dernière ligne.  MI N U T E S ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES POUR D'AUTRES PERSONNES  CDXLII AUX HABITANTS DE LA VILLE DE GENÈVE POUR M. JACQUES CUSIN (l)  Le signataire présumé de cette lettre réfute les interprétations calomnieuses de sa sortie de Genève. Annecy, fin avril 1605. Messieurs, Je suis sorti de vostre ville, mais vostre ville ne sortira jamais de mon ame. l^) Les arondelles, pour fuir les ri- gueurs de l'hiver, font passage aux régions plus douces ; mais c'est (^) avec un instinct naturel et perpétuelle inclination de retourner es contrées de leur origine  [a) de mon ame. — fComment oubliera... Il n'est pas possible que les oyseaux...J (b) mais c'est — Fsans perdre l'instinct naturel qui les fait, au retour... au printems et sayson...J  ( 1 ) Jacques Cusin, frère du célèbre ministre Gabriel Cusin, vint à Annecy et abjura entre les mains de saint François de Sales. Celui-ci « l'entretint a ses frais et despendz..., une année en son logis et deux années au collège » des Jé- suites « de Chambery pour y faire le cours de philosophie. >i ( Process. remiss. Gebenn. (I), déposition de M. Michel Favre, ad art. 24.) Cette conversion ne dura  39© Lettres de saint François de Sales quand ramenité du printems les y invitera (<=). Ayes ag- greable, Messieurs, je vous supplie, que je vous expose sur ce papier les raysons qui m'ont tiré hors de vostre ville, ma chère patrie. Vous («i) estes obligés de m'oiiir, car je veux implorer par icelles vostre justice et sequité contre tant de calomnies et (e) injures desquelles mes concitoyens m'ont chargé despuis ma sortie, c'est a dire des un mois en ça. Les uns m'ont dépeint comm'un jeun'homme affoUé et désespéré de n'avoir peu gaigner les amours d'une da- moyselle, laquelle, disent ilz, n'a point de nom. Non, a la vérité, elle n'en a point, ni d'estre, ni de subsistence, sinon en leur langue qui la fait naistre de leur impu- dence. Les autres me font un esprit (f) mélancolique et triste, qui ne peut se contenter que par le changement d'air et d'objet. C'est bien parlé, car ilz m'ont fort souvent veu les larmes aux yeux et les plaintes a la bouche sur ië) le malheur de leurs âmes qui fu^^ent si esperduement leur salut et se précipitent a la perdition. J'en avois bien des raysons d'estre mélancolique : je me perdois ; et puis vous vous estonnes dequoy j'estois triste. Penses tout'autre chose, Messieurs, je vous supplie, avant que de croire que je puisse oublier vostre ville, ma patrie. Non, si jamais je vous oublie, ou ma chère Genei'e, si je ne me resouviens de vous en toutes mes  (c) quand — fia douceurj du printems les y Trecevra plus gracieusement. J (d) Vous — ries deves considérer. ..J (e) et — fmesdisancesj (f) un esprit — fsombre J (g) sur — fia misère de la perte de tant d'ames qui vivent.. .j  pas longtemps. C'est le même personnage, semble-t-il, qui, dans une lettre du 2 septembre 1607, s'excuse d'avoir abandonné la religion prétendue réformée. Les Archives de Genève conservent deux autres lettres signées de son nom, datées d'Annecy, 4 et 16 mai 1605. D'après leur teneur, on voit que la présente minute a été écrite par le Saint, au nom du même Jacques Cusin ; elles four- nissent en outre des preuves en faveur de la date, qui se trouve d'ailleurs con- firmée par une particularité de l'Autographe : notre texte, en effet, a été écrit au verso de la variante de la Lettre cclxxxiii (voir ci-dessus, remarque ( a ), p. 39).  ECRITES POUR D AUTRES PERSONNES  39'  prières, i^) que ma dextre et mon bonheur soit mis en oubly* et que je sois effacé. Mais le froid si rigoureux, * Ps. cxxxvi, 5. les glaces si fascheuses de l'hiver de la religion qui do- mine maintenant dans vos murailles, m'a fait passer en une région plus douce et salutaire, en attendant qu'après les aspretés de cette sayson si ténébreuse, le Soleil de justice*, ramenant sa lumière sur vostre orison, y face *Maiach.,uit.,2. renaistre la prime et première amaenité de la sainte pieté et dévotion Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  (h) [C'est probablement par distraction que le Saint a biffé la fin de cette phrase; nous croyons devoir la réintégrer dans le texte.]  CLXLIII  A LA BARONNE DE CHANTAL  POUR MADAME DE BOISY  Madame de Boisy prie la baronne de Chantai de garder auprès d'elle sa fille Jeanne. Annecy, juin 1606 ( i). Madame ma très bonne Fille, Ayant perdu l'espérance de vous revoir pour cett'annee, suivant ce que m'en a dit nostre Evesque mon filz, j'attendray avec impatience d'avoir ce bonheur la sui- vante. Et ce pendant, puisque la petite que j'ay au Puis d'Orbe n'est point portée a la Religion, je vous veux ramentevoir la prière que je vous fis l^) de la retirer en  ( I ) Pour la date de cette lettre, voir plus haut, p. 189. (a) Lors du séjour de la Baronne à Sales en mai 1605. (Cf. ci-dessus, notes (i), pp. 45, 46.)  592 Lettres de saint François de Sales ce cas la, et vous supplie de rechef de luy faire cest hon- neur, et a mo3^ Je l'ay teniie pour bien confiée avec Madame du Puys d'Orbe, si elFeû (sic) voulu suivre la vocation religieuse ; je la tiens trop heureuse aussi d'estre auprès de vous, voulant prendre cet autre chemin, auquel je prie Nostre Seigneur quil la veuille bien con- duire selon les bons exemples qu'elle verra. Pardonnes moy, Madame ma très chère Fille, cette liberté avec laquelle je vous incommode de cette fille, qui ne pourra jamais, non plus que moy, correspondre a l'obli- gation qu'elle vous a. Nostre Seigneur vous en veuille recompenser, et je suis, Madame, ma très chère Fille, Vostre plus humble mère et servante très humble. Revu sur VAutrigraphe conservé à la Visitation de Rennes.  Année 1604 392 ^  CCXXXVIII è's  A LA BARONNE DE CHANTAL  Dévouement du Saint pour le service spirituel de la Baronne, suggéré par Notre-Seigneur. — Lumières qu'il en reçoit pour lui parler de rhuniilité, la vertu propre des veuves. — Belle fleur que la veuve chrétienne. — Qui sont les veuves vraiment veuves.— L'humilité morale et l'humilité surnaturelle. — L'humilité et la chasteté. — Etre joyeusement humble devant Dieu et le monde. — N'affecter ni ne fuir l'humilité visible, c'est-à-dire les offices humbles, l'écorce qui conserve le fruit. — Fidélité aux exercices. — Ne pas pointiller dans la pratique des vertus. — Assurance et désir d'affection. — Les « prières pénétrantes » des petits. Annecy, i^'' novembre 1604(1). Mon Dieu, que j'a}" et de cœur et de passion au service de vostr'esprit, vous ne le sçauriés asses croire, ma chère Seur. Je m'en treuve tant, que cela seul suffit pour me persuader que c'est de la part de Nostre Seigneur ; car il n'est pas possible, ce me semble, que tout le monde en- semble m'en peut tant donner, au moins je n'en a}'' jamais tant apperceu chez luy. ^') Je donne a ce porteur cette lettre par ce quil revient, et pourra m'en rapporter des vostres. C'est aujourdhuy la feste de tous les Saintz ; et fa5^sant l'Office a nos Platines solemnelles, voyant * que Nostre •Offic.Omn.Sanct. Lcct VII Seigneur commence les béatitudes par la pauvreté d'es- prit * et que saint Augustin l'interprète de la sainte et * Matt.,v, 3. très désirable vertu de l'humilité *, je me suis resouvenu *DeSerm. in Mon- que vous m'avies demandé que je vous envoyasse quelque (i) On avait adopté tout d'abord pour cette lettre la date de 1605 en s'ap- puyant sur l'édition de 1626 et sur d'autres raisons qui paraissaient solides. Mais un doute a surgi après une étude plus attentive, et bientôt ce doute est devenu une certitude. La lettre est bien du i'"'' novembre 1604. Pour réparer cette méprise, on a pris une disposition typographique qui permettra, si l'on veut, d'insérer la présente lettre à sa place, dans le tome XII, et cette place est indiquée par le numéro d'ordre ccxxxviii *«, que nous lui assignons. (2) La phrase suivante est inédite. Lettres UI 25 *  ^^2 b Lettres de saint François de Sales chose d'icelle, et il m'est advis que je ne l'ave pas fait en •VideEp.ccxxxiv. ma dernière lettre*, quoy que bien ample et peut estre trop longue. Et sur cela, Dieu m'a donné tant de choses pour vous venir escrire, que si j'avois asses de loysir, il m'est advis que je dirois merveilles. Premièrement, ma chère Seur, il m'est venu en mémoire que les Docteurs donnent aux vefves pour leur plus pro- pre vertu la sainte humilité. Les vierges ont la leur, les apostres, martirs, docteurs, pasteurs, chacun la sienne comme l'ordre de leur chevalerie, et tous doivent avoir eu l'humilité, car ilz n'auroyent pas estes exaltés silz ne " Matt., xxin, 12; se fussent humiliés *. Mais aux vefves appartient sur tout ucae, XVIII, 14. l'humilité ; car, qui peut enfler la vefve d'orgueil ? Elle n'a plus son intégrité (laquelle néanmoins peut estre contreschangee par une grande humilité viduale ; et est bien mieux d'estre vefve avec force huile en sa lampe que * Cf Matt. XXV 3. ,, ■ . ' . ' ' d'estre viersfe sans huile ou avec peu d'huile*), ni ce qui Ne dcstres rien que <=> ^ j j 1. rkumiiité avec donne le plus haut prix a ce sexe selon l'estime du monde ; elle n'a plus son mari, qui estoit son honneur et duquel ell'a pris le nom. Que luy reste-il pour se glorifier, sinon Dieu ? O bienheureuse gloire, o couronne prœtieuse ! Au jardin de l'Eglise, les vefves sont comparées aux violettes, petites fleurs et basses, de couleur non guère esclattante, ni d'odeur trop piquante, mais soiiaifves a merveilles. O que c'est une belle fleur que la vefve chres- tienne I Petite et basse par humilité, elle n'est guère esclat- tante aux yeux du monde, car elle les fuit et ne se pare plus pour les attirer sur soy. Et pourquoy desireroit elle les yeux de ceux de qui elle ne désire pas le cœur ? L'A- •ITim.,v, 3. postre commande a son cher disciple* quil honnore les  ( I ) Nous laissons en marge cette courte phrase parce qu'elle est en désac- cord manifeste avec le mouvement de la pensée principale; mais il faut savoir qu'elle a été écrite, comme d'ailleurs toute la parenthèse explicative, en marge de l'Autographe, et qu'ainsi le Saint en jetant cette idée complémentaire, ne s'est pas soucié ou ne s'est pas cru obligé de la souder syntaxiquement au texte de sa lettre. C'est pour n'avoir pas tenu compte de cette particularité que les éditeurs de 1626 ont cru pouvoir, mais à tort, modifier et transposer ce passage de la manière suivante : « laquelle néanmoins... ; et est bien mieux d'estre vefve avec force huile en sa lampe, ne desir.int rien que l'humilité avec charité, que d'estre vierge, » etc.  Année 1604 39' '^ ve/ves qui sont vrayement vefves. Et qui sont les vef- ves vrayement vefves, sinon celles qui le sont de cœur et d'esprit, c'est a dire qui n'ont leur cœur marié av^ec aucune créature? Nostre Seigneur ne dit pas aujourdhuy : Bienheureux ceux qui sontnet^ de cors, mais de cœur*, * Matt, v, 8. et ne loue pas les pauvres, mais les pauvres d'esprit. Les vefves sont honnorables quand elles sont vefves de cœur et d'esprit. Qu'est ce a dire vefve, sinon destituée et privée, c'est a dire misérable, pauvre, chetifve? Celles, donques, qui sont pauvres, misérables et chetifves en leur esprit et en leur cœur sont louables ; et tout cela veut dire celles qui sont humbles, desquelles Nostre Seigneur est le protecteur *. * Cf. Ps. cxlv, 9. Mais qu'est ce qu'humilité ? Est ce la connoissance de cette misère et pauvreté ? Oùy, dit nostre saint Bernard *, * Sermo iv De Ad- 1 111 -i- . 1 1 • /^ 1 1 ventu, s 4. mais c est 1 humilité morale et humaine. (Ju est ce don- ques que l'humilité chrestienne ? C'est l'amour de cette pauvreté et abjection, en contemplation de celle de Nos- tre Seigneur. Connoisses-vous que vous estes une chetifve et pauvrette vefve ? Aymes cette chetifve condition, glo- rifies-vous de n'estre rien, so3'és en bien ayse, puisque vostre misère sert d'object a la bonté de Dieu pour exer- cer sa miséricorde. Entre les gueux, ceux qui sont plus misérables et desquelz les playes sont plus grandes et effroyables, ilz se tiennent pour meilleurs gueux et plus propres a tirer l'aumosne. Nous ne sommes que des gueux ; les plus misérables sont de meilleure condition, la misé- ricorde de Dieu les regarde volontiers *. * Cf. Ps. x, 5. Humilions nous, je vous supplie, et ne preschons que nos playes et misères a la porte du temple de la pieté divine *. Mais resouvenes vous de les prescher avec jo5'e, * Act., m, 2. vous consolant d'estre toute vuide et toute vefve, afiin que Nostre Seigneur vous remplisse de son Royaume. Soyés douce et affable avec un chascun, hors-mis a ceux qui voudront vous oster vostre gloire, qui est vostre mi- sère, vostre viduité parfaitte./^ tiie glorifie en mes infir- mités, dit l'i^postre*, et : // m'est mieux dei'^) motirir *llCor.,xii,9. ( i) La suite de cette lettre, l'Autographe n'ayant pu être retrouvé, est em- pruntée au texte de i6î6.  392^ Lettres de saint François de Sales * I Cor., IX, 15. que de perdre ma gloire'^. Voyes vous, il aymeroit mieux mourir que de perdre ses infirmités, qui sont sa gloire. Il faut bien garder vostre misère, rostre vilité ; car Dieu la regarde, comme il fit celle de la Vierge sa- •Lucas, 1, 4?. crée*. Les hommes regardent ce qui est dehors, mais * I Reg., XVI, 7. Dieu regarde le cœur*. S'il void nostre bassesse en nostre cœur, il nous fera de grandes grâces. Cette humilité conserve la chasteté ; c'est pourquoy, * Cap. II, I. aux Cantiques *, cette belle ame est appellee le lys des vallées. Tenes vous donques joyeusement humble devant Dieu ; mais tenes vous esgalement joyeuse et humble devant le monde. Soyés bien ayse que le monde ne tienne conte de vous : s'il vous estime, mocqués vous en joyeu- sement, et ries de son jugement et de vostre misère qui le reçoit; s'il ne vous estime pas, consoles vous joyeuse- ment dequoy, au moins en cela, le monde suit la vérité. Pour l'extérieur, n'affectés pas l'humilité visible, mais ne la fuyés pas aussi ; embrassés la, mais tous-jours joyeu- sement. J'appreuve que l'on s'abbaisse quelquefois a des bas services, mesme a l'endroit des inférieurs et super- bes, a l'endroit des malades et pauvres, a l'endroit des siens, en la mayson et dehors ; mais que ce soit tous-jours naïfvement et joN^eusement. Je le répète souvent parce que c'est la clef de ce mystère pour vous et pour moy. J'auray plus tost dit charitablement ; car la charité, dit * Tract, de Chari- saint Bernard*, est joyeuse, et c'est après saint Paul**. ••Gaiat., V. 2î.(Cf. Lcs officcs liumblcs et d'humilité extérieure ne sont que Traiité de V Am.de ., ... , _ . Di*//, i.xi, c.xix.) 1 escorce, mais elle conserve le iruit. Continues vos Communions et exercices ainsy que je •Epist. ccxxxiv. vous ay escrit*. Tenes vous cette année bien ferme en la méditation de la Vie et Mort de Nostre Seigneur : c'est la porte du Ciel. Si vous vous playses a le hanter, vous apprendres ses contenances. A3'és le courage grand et de longue haleyne ; ne le perdes pas pour le bruit, et sur tout es tentations de la foy. Nostre ennemy est un grand clabaudeur ; ne vous en mettes nullement en peyne, car il ne vous sçauroit nuire, je le sçai bien. .Mocqués vous de luy et le laissés faire ; ne contestés point, mais faites luy la nique, car  Année 1604 392 * tout cela n'est rien. Il a bien crié autour des Saintz et fait plusieurs tintamarres ; mais quoy pour cela ? les voyla logés en la place qu'il a perdue, le misérable. Je désire que vous voyes le chapitre 41 du Chemin de perfection de la bienheureuse sainte Thérèse ; car il vous aydera a bien entendre le mot que je vous ay dit si sou- vent, qu'il ne faut point trop pointiller en l'exercice des vertus, mais qu'il y faut aller rondement, franchement, naïfvement, a la vielle françoise, avec liberté, a la bonne foy, grosso modo. C'est que je crains l'esprit de con- trainte et de melancholie. Non, ma chère Fille ; je désire que vous ayes un cœur large et grand au chemin de Nostre Seigneur, mais humble, doux et sans dissolution. Je me recommande aux petites mais pénétrantes prières de nostre Celse Bénigne, et si A3^mee commence a me donner quelques petitz souhaitz, je le tiendray pour très cher. Je vous donne, et vostre cœur de vefve et vos en- fans, tous les jours a nostre Seigneur, en lu)^ offrant son Filz. Priés pour moy, ma chère Fille, affin qu'un jour nous puissions nous voir avec tous les Saintz en Paradis. Mon désir de vous aymer et d'estre aymé de vous n'a point de moindre mesure que l'éternité. Le doux Jésus nous la veuille donner en son amour et dilection. Amen. Je suis donques, et veux estre éternellement, tout en- tièrement vostre en Jésus Christ. Franc», E. de Genève. Le jour de Toussaintz ... Revu en partie sur l'Autographe conservé à la Visitation de Grasse.  APPENDICE  Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales.  LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS  A  LETTRE DU SOUVERAIN SENAT DE SAVOIE  Monsieur, * Les grandes et rares qualitéz que la bonté et libéralité de Dieu * vide supra, p. 138, vous a desparties, qui forcent les estrangiers mesmes de les recog- noistre et d'en rechercher la jouissance, nous obligent encoures d'en faire Testât que nous devons et de nous en prevalloir, tant pour nostre particulier que pour le gênerai de ceste province, et principa- lement de cette ville, laquelle, comme estant le chef de l'Estat, sem- ble avoir quelque droict de rechercher avec nous cet honneur de vous avoir pour prédicateur a ce Caresme prochain, si la disposition de voz affaires vous en donnent aultant de commodité comme nous en avons tous de volonté et de désir. Ce n'est pas de ce jourdhuy que ce corps a recherché et obtenus de semblables faveurs de voz prédécesseurs, non sans grande ediffi- cation de tout le peuple, de veoir un principal Evesque s'acquiter dignement d'une si digne charge en la principale chaire de la Savoye. Mais nous estimerons d'avoir tant plus d'obligation a la faveur que nous recevrons de vostre charité et bienveuillance quand il vous plairra nous accorder cette requeste, laquelle nous vous présentons, sachantz bien que le dessein lequel vous aves de rendre ce devoir de bon Evesque a voz brebis vous pourroit destourner de nous l'accor- der, si la considération d'un plus grand bien que vous pouves faire en nous gratiffîant de cette prière ne vous emouvoit de quicter quel- que chose de cette bonne et sainte resolution.  396 Appendice Dequoy nous avons encores particulièrement chargé le sieur Séna- teur Favre de vous prier de nostre part et vous asseurer tant plus que nous vous en aurons obligation perpétuelle, et laquelle nous tascherons tous, et en gênerai et en particulier, de recognoistre en vostre endroict par toutte sorte de tesmoignage d'affection a vostre service, d'aussy bon cœur qu'appres vous avoir bien humblement baisé les mains, nous prions Dieu quil luy plaise, Monsieur, vous conserver et accroistre de jour en jour ses sainctes grâces, et a nous les vostres. Voz bien humbles et très affectionnés serviteurs, Les gens tenantz le souverain Sénat de Savoye. COLLIET ( I ). De Chambery, le 15* mars 1605. A Monsieur Monsieur le Reverendissime Evesque de Genève. Revu sur l'original inédit, conservé à la Visitation d'Annecy, (i) Claude Colliet, secrétaire du Sénat; il mourut le 3 février 1606.  LETTRE DE M^*^ ANDRÉ FRÉMYOT  ARCHEVÊQUE DE BOURGES  Monsieur, Que je suis contant et consolé quant je reçois de voz nouvelles ! Elles me ravissent ; et qui n'en seroit touché, y reconnoissant une affection sans mesure envers moy, qui n'en suis digne que par vos- tre pure bonté et courtoisie ? Les grandes obligations doivent estre plustot ensevelies dans le silence que non assez dignement remer- cieez. J'use de cette maxime, et ne vous rends aucune grâce de Tami- tié que me portez, parce que je ne le puis assez meritoirement. Le progrez que vous faictes en vostre diocèse, y gaignant touts les jours quelques âmes desvoyeez, resjouit touts les gens de bien.  Lettres de QUELauEs correspondants 397 Ces quatre personnes signalées qu'avez faict rentrer en vostre trou- peau *, seront autant de trompettes qui en rappelleront d'autres et * cf. supra, pag. 74, feront reconnoistre aux aveugles la lumière de la vérité chrestienne. Que vous estes heureux, mon cher Seigneur, d'estre si util a l'Eglise de Dieu et receuillir une si ample moisson de voz peines en vostre printemps ! Que sera donc vostre automne ? G trois fois heureux ! Dieu vous conserve longuement en santé, afin que de vostre Baby- lone voisine, vous faciez une saincte et triumphante Hierusalem. Pour ce que vous desirez, que ce qui est de vostre diocèse estant soubs l'obéissance du Roy soit uni au corps du clergé de ce royaume, je le treuve fort juste et mi empleiray de tout mon crédit ; mais je croy quil seroit a propos que vous m'en envoyassiez une requeste addressante auxdit (sic) sieurs du clergé. Je ne bougeray encor de dix jours d'ici ; si pendant ce temps vostre commodité le permet de l'envoyer, je l'emporteray et la feray apointer a vostre contante- ment ; que si vous jugez que ce temps soit trop bref, ne laissez pour- tant de l'envoyer ici a mon oncle, le Président des Comptes *, lequel ' vide tom. pr»ced., me fera tenir vostre pacquet a Paris. En cette occasion et toute autre qui regarderont vostre service, vous mi treuverez porté avec toute sorte de passion. Madame de Chantai, nostre chère et bonne Sœur, n'est point ici ; je luy feray rendre voz lettres en toute asseurance. Messieurs nos Présidents, père et oncle, vous baisent très humblement les mains et vous remercient le resouvenir qu'avez d'eux, et moy je vous conjure de continuer a m'aymer autant que je vous honore. Je prie Nostre Seigneur, Monsieur, quil vous donne en santé, lon- gue et heureuse vie. Vostre très humble et très affectionné frère et serviteur, André, Ar. de Bourges. A Dijon, ce ôjullet 1605. A Monsieur Monsieur le Reverendissime Evesque et Prince de Genève. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  280, not. (3).  398  Appendice  LETTRE D'ANTOINE FAVRE  * Vide supra, p not. (2).  '59.  * Vide tom. prasced p. au, not. (i).  • Vide ibid. not. (1).  Monsieur mon Frère, Je vous baise les mains mille et mille fois de la souvenance que vous avez de moy et de mon chapitre *, estant néanmoins bien desplaisant, non tant de la peine que de l'incommodité que ce cha- pitre vous donne parmy tant d'autres affaires plus importants et plus pressants. Je n'estime pas que j'en aye grand besoin devant un mois, parce que le huictiesme et le neufviesme Livres restent encores a imprimer ; et quoy quil en soit, vous le pouvez finir par la ou il vous plaira. Et le dessein que je vous avois proposé se treuve trop long et trop ennuyeux ; car aussy bien fay je conscience de pipper tant de gens qui me prendront pour quelque grand théologien, et me doit bien suffire que j'en trompe des-ja tant d'autres qui me tien- nent pour plus grand jurisconsulte que je ne suis. Je treuveray tous- jours belle la forme que vous luy donnerez et ne veux poinct luy en souhaiter de plus belle; j'attendray donc sur ce poinct et vostre vo- lonté et vostre commodité. J'ay tardé de vous escrire ceste jusques a l'heure du despart de monsieur Rogex(i), pour sçavoir si l'arrivée de Monseigneur de Nemours*, que nous attendons despuis quattre jours d'heure a autre, m'apporteroit le sujet de quelque nouvelle digne de vous estre escritte ; mais jusques icy nous n'en avons autres nouvelles sinon quil arriva le mercredy au soir a Lion et que ses gens cherchoyent des chevaux de louage vendredy pour partir. Je ne sçay si la nou- p. 2i6j velle quil aura eu par monsieur de Charmoisy *, des fièvres tierces de Son Altesse l'aura retenu, en lieu qu'elle le devoit haster ; car je croy bien quil ne va pas en Piémont en intention de croupir longue ment au pied du lict d'un malade. Comme j'estois en cest endroit, monsieur Rogex m'est venu adver- tir de la venue de Monsieur et quil est sur le poinct de partir pour  ( I ) Ce personnage pourrait être ou Philibert Roget, chanoine de Saint- Pierre de Genève (voir le tome XI, note (2), p. 249), ou François Roget, sei- gneur de Fesson.  Lettres de auELQjjES correspondants  399  passer outre ; qui sera la cause que je ne vous feray ceste plus lon- gue, sinon pour vous dire que l'on n'a poinct de nouvelles de la santé de Son Altesse despuis inercredy dernier, qu'on fut adverty que son accès dernier avoit esté moindre que les autres. Monsieur d'Albigny* est tousjours a Lansbourg(i) ; ma mais- tresse (2), tousjours travaillée de son enflure, néanmoins bien res- jouie de vous voir résolu a la favoriser, soit qu'elle face filz ou fille. Il ne tiendra pas ni a elle ni a moy qu'elle ne vous face un François, pour bon savoyard que je suis ; si moins, il faudra se résoudre, comme vous voulez, de vivre pour le moins jusques en l'an clima- terie (sic) pour danser aux noces de la fille. Voz bonnes et saintes prières me doivent faire attendre de Dieu ceste grâce, plustost qu'aucune autre considération. La vie me sera tousjours aggreable, quand elle sera accompagnée de la grâce de Dieu et de la vostre, et quand elle me donnera plus de moyens de vous tesmoigner par efFect que je suis et seray éter- nellement, Monsieur mon Frère, Vostre très humble et très obéissant filz, frère et serviteur, A. Favre. Des Charmettes, en haste, ce 10 d'octobre 1605. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation d'Annecy ( 3 ). (i ) Lanslebourg. (2) M"^ Benoîte Favre (voir le tome XI, note (i), p. 70). (3) L'orthographe a été rectifiée d'après les lettres autographes d'Antoine Favre.  Vide tom. prjeced. . 178, not. (i).  D  LETTRE DU PERE ANTOINE POSSEVIN DE LA COMPAGNIE DE JESUS  Monseigneur, * Je remercie très humblement et de tout mon cœur la divine ♦ vide Epist. cccxiv. Bonté qui m'ha fait grâce de recevoir de voz nouvelles, et de ce que  400 Appendice la main d'iceluy, qui est Episcopus animarum nostrarum, opère par vostre moyen. Soit à luy toute gloire et honneur, quoniam ipse fecit nos, et non ipsi nos. Si est il que après ce remerciement, je me ressent (sic) bien obligé à vous, Monseigneur, mesmes qu'avec ceste singulière affection qu'il vous ha pieu me conserver, j'espère par voz saints Sacrifices estre offert à Dieu, au quel mon aage me talonne à chaque heure d'aspirer et me présenter. Aussi je vous en supplie très instamment, au nom de ]esus. • Vide supra, p. los, £)l, seigneur Gaillon *, comme fruit de vostre culture, i'ay entendu not. (i). ° ,....., avec extrême contentement ce que la samte miséricorde et providence divine vont par vostre moyen opérant dans Genève. Et comme tout cecy est dérivé et plus abondamment, j'espère, dérivera d'iceluy qui deit : Cum exaltatus fuero à terra, omnia traham ad me ipsum, aussi nous preuvrons tous-jours que ceste beniste conformité de noz vo- lontez à la divine, bourgeonne et rend le centiesme à quiconque se sacrifie entièrement en holocauste à Dieu. Soit doncques de rechef à luy toute gloire et honneur. De voz euvres, qui sont issues contre ceux qui avoient escrit au *vide supra, p. 109. deshonneur de la Croix *, j'eusse désiré participer, tant pour soula- gement de mon esprit et pour en tirer proffit, que pour en faire • Idem, p. io6,not.(i). mcntion en mon Apparatus sacer * ; mais, possible, par quelque occa- sion, si Dieu plait, j'en participeray, et lors, en la seconde édition du dict Apparatus, j'en feray mention, puis que la première est para- chevée. Que si le seigneur Gaillon aura moyen de vous apporter quelcune de mes petites ou grandes pièces qui, possible, ne vous sont pas parvenues es maiîis, vous plairrà, Monseigneur, les accepter et prendre en gré, comme provenantes d'iceluy qui vous ayme par des- sus tous ces (sic) enfans spirituels, et vous révère et honnore à l'égal de quelconque autre Prélat. Pendant que j'estois à Lyon preschant contre les calvinistes, jadis 44 années, j'escrivis un petit livre et une lettre à un de Genève qui estoit italien (0. Le livre ou l'on traite du saint Sacrifice de la Messe sortit en italien (2), car je le feis pour confirmer les Italiens, desquels ( I ) L'italien calviniste, habitant Genève, était Nicolas Balbani, natif de Lucques. (2) Trattato del Santiss. Sacrijîcio deW Altare, detto Messa, nel quale per la sancta parola di Dio, e per i tesiimonij .de gli Apostoli et delLi CItiesa piimi- tiva, si mostra che il Signor Giesit Christo institut la Mess.i et gli Aposloli la celebrarano. In Lione, appresso Michèle Giove, ail' insegna del Giesù, 1563. La M lettre » à l'Italien, qui accompagnait le Trattato delLi Messa de 1563, parut séparément plus tard sous le titre de : Letfera di Antonio Possevino, délia Compagnia di Giesù, scritta già di Lione di Francia ad uno lleretico diGineva,  Lettres de auELQjjEs correspondants 401 à Lyon et en Piedmont plusieurs esbransloient. Or, il fut incontinent traduit en anglois (0, et semé en Angleterre. Ceux de Genève, à l'instant et par l'espace des deux années suyvantes, m'escrivirent contre par 4 divers aucteurs (2) ; je fus contraint, par l'advis de per- sonnes zelantes, de leur respondre briefvement, mais tellement qu'ils n'osèrent plus s'attaquer à moy. Et pour ce que la responce fut en italien, imprimée en Avignon (3), il y eut un docte homme qui la traduit en françois, mais l'on ne l'imprima pas, car autres affaires et voyages me surprindrent. Ledict livre fut reimprimé, tout ainsi que ceste année on l'ha fait à Venise. Je le vous envoyé donq, comme tribut deu à celuy qui ha la charge dans Genève, car ainsi je cuyde, et je sçay que vous l'avez de Dieu pour la convertir. Vous en fairez, après l'avoir leu, ce que vous en jugerez mieux pour le salut des âmes, soit que l'on le traduise en françois, soit que ce qui est traduit desja en françois touchant la dicte responce se mette en lumière, ou à part, ou l'adjoustant au reste, car je vous envoyé le tout. Si vous envoyé je un autre petit mien livre tiré de la Biblioteque Choisie*, mais abbregé, le quel ha esté imprimé icy et reimprimé à ♦vide supra, p 107, r>-/\ • m • 111- Ml not. (3). FarisU), vous priant, Monseigneur, de le lire; car, possible, vous jugerez qu'il puisse proffitter à vostre troppeau et, par une nouvelle manière, clorre la bouche aux hérétiques et rembarrer ceux qui mesdisent de nostre Compagnie et des autres Ordres religieux. Au reste, je suis bien aise que le R. P. Recteur de Chambery vous assiste de son fidel conseil et service*, tout ainsi que nous le vous "idem, p. 109. debvons trestous. Et s'il vous plairrà. Monseigneur, me faire donner par fois quelque nouvelle de la conversion des âmes et de ce que l'on pourroit faire d'avantage pardela par le moyen de Romme et d'ailleurs, peut estre que m'essayeray d'y songer et de vous y tenir la main, si tant est que l'aage et les indispositions du corps me donnent quelques trêves pour m'employer au service de Dieu et de il quale voleva sviare un Penifente del detto Padre dalla Fede catolica. Trattasi del modo di leggere et iidire sicuraniente la parola di Die. In Mantova, per Francesco Osanna, 1597. (i) Cette traduction fut imprimée en Belgique en 1584. (2) Pierre Viret et d'autres sectaires attaquèrent l'ouvrage d'Antoine Possevin. ( 3 ) Risposta à Pietro Vireto, h Nicolao Balbatii et à due altri heretici, i quali hanno scritto contra il Trattato délia Messa di M. Ant. Possevino. In Avignone, per Pietro Rosso, mdlxv. (4 ) 11 s'agit sans doute de l'opuscule qui a pour titre : De Seminariis Ordi- num Regularium, etiam Militariiim : ubi de illorum Novitiatibus et Institutis, ac de disciplina quoque Militari. De sodalitattbus Sckolasticorum, et aliorum qui non siint Regiilares, etc. C'est le Livre V de la Bibliotkeca Selecia. Lettres III 36  402 Appendice vous, Monseigneur, au quel je prie la continuelle assistance divine, et plenissimam henedictionem de cœlo desuper et de terra deorsum. Vostre très humble et très inutile serviteur en Nostre Seigneur, Ant^ Possevin, de la Comp« de Jésus. De Venise, ce jour 24 d'octobre 1605, A Monseig"" Mons"" François Sales, par la grâce de Dieu Evesque de Genève. Annessy. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  LETTRE DE CHARLES-EMMANUEL I^"^  DUC DE SAVOIE  Très Révérend, très cher, bien aîné et féal Conseiller et dévot Orateur, Le Conseil de la Religion nous a faict voir la lettre que luy avez ' Epist. cccxLix. escrit*, comme aussy celle -du Berghera**, en conformité de la nos- "Videtom.XI, p.231, . -^ . . ° not. (2). tre""^, touchant la provision des bénéfices qui restent a pourvoir riere pist. cccxLviii. j^^ baillages de Chablais, Gaillard et Ternier que Nous desirons et aflFectionons tout ce qui se peut. Mais comme c'est chose sur laquelle il a fallu faire plusieurs cessions et qui dépend de l'advis et partici- pation de beaucoup de personnes, cella en a retardé la resolution, que neantmoins nous envoyerons bien tost. Cependant Nous desi- rons que rien ne soit innové au préjudice de la Religion, vous en ayant a ces fins vouUu donner advis, a celle fin que sursoyes a toutes délibérations qu'en ce faict vous pourriez avoir projectees. A tant, prions Dieu quil vous aye en sa saincte et digne garde. DeThurin, le 27^ may 1606. Le Duc de Savoye, Charles Emanuel. Boursier, A l'Evesque de Genève. Revu sur le texte inséré dans le II'* Procès de Canonisation.  Lettres de quelques correspondants 403  LETTRE DE M. CLAUDE D'ANGEVILLE PRIMICIER DE LA COLLÉGIALE DE LA ROCHE (0  Monseigneur, Puis qu'il vous plaist desçavoir l'iiistoire de la bonne Marraine, *Vide Ep-st. cccLvm  je tascheray de la raconter le mieux qu'il me sera possible. Elle estoit fille de Pierre Boutey, dict Cody, marchand de sel et de fer, bour- geois et habitant de La Roche, et de Marguerite d'Aragon, légiti- mement mariez, et luy fust baillé au Baptesme le nom de Pernette. Son père la laissa en enfance sous la charge de sa mère qui l'instrui- sit soigneusement et syncerement en toute sorte de pieté ; c'est pour- quoy en sa jeunesse elle conçeut le désir d'estre Religieuse, mais ses parens et alliez n'y voulurent point bailler leur consentement; et certes, la nature ne luy avoit pas baillé la force pour supporter les rigueurs de la Religion. Ayant donc attaint l'aage de vingt ans, elle fust mariée à Pierre du Mugnal, d'Arenton, qui avoit levé boutique à La Roche de toute sorte de mercerie, mais principalement de drapperie; avec lequel elle a tousjours vescu tres-sainctement. Car en la maison, elle entre- tenoit la paix et la concorde, quoy que son mary fust assez fascheux, avoit charge de toutes les affaires domestiques, dont elle s'acquittoit fort bien, estant soigneuse, prouvoyante et jamais oisive, tres-libe- rale envers les pauvres, tousjours de bonne intelligence avec ses parens et voisins. Elle entendoit tous les jours la Messe, quoy que l'église fust fort esloignée. Elle ne manquoit à point de prédications, et après les avoir (i) Cette pièce doit être attribuée à Claude d'Angeville (voir le tome XI, note (i), p. 152), d'après Charles-Auguste, Preuve ii-j (Histoire, etc.). Toute- fois, dans la Vie du Saint (liv. VI), le même auteur met ce récit dans la bouche d'un personnage laïc; certaines phrases, en effet, de ce document, lui donnent bien plus l'allure d'un discours parlé que d'une relation écrite En dépit de cette contradiction, il paraît certain que ce récit a été écrit. Charles-Auguste, on le sait du reste, a coutume de présenter comme discours prononcés, des mémoires ou des récits manuscrits, et cette liberté le conduit à en prendre d'autres, en vue de donner au texte écrit le ton d'un texte débité.  cccLX, et p. 265.  404 Appendice ouyes, elle redisoit les principales choses à ses domestiques, louant les vertus et inculquant la fuite des vices. Elle jeusnoit exactement tous les vendredys ; les jours de veille, des quatre Temps et de Ca- resme, elle ne mangeoit que du pain et des légumes, et ne beuvoit de vin que la moitié de son verre ; si elle avoit plus de soif, elle ne beuvoit que d'eau. Jamais elle ne s'assit à table chez soy. Elle visi- toit les malades et assistoit aux ensevelissemens autant qu'il luy estoit possible. Elle enseignoit le Catéchisme et la pieté à ses ser- viteurs et leur payoit leurs salaires avec toute justice et équité ; tres- obeyssante à son mary et tres-humble. Elle se confessoit etcommu- nioit tous les mois une fois, et bien souvent de quinze en quinze jours, avec une grande préparation. Elle recitoit le Chappellet tous les jours, non seulement une, mais trois et quatre fois. Elle aymoit grandement et honoroit les vierges et chastes. • Cf. supra, p. 2-16, Elle a porté le Cordon de sainct François *, à gros nœuds, sur la chair toute nuë, mesmes au lict. par l'espace de vingt ans; dont elle estoit toute escorchée. Elle se levoit du lict toutes les nuicts à cer- taine heure, avec la seule chemise, soit en hyver soit en esté, ayant la permission de son mary (avec lequel elle couchoit d'ordinaire), et prioit Dieu, ou meditoit l'espace d'une heure. Si par fortune elle n'avoit pas la commodité d'ouyr la Messe, elle s'enfermoit dans son cabinet, et là prioit Dieu l'espace de deux heu- res. Presque tous les ans, elle faisoit un pèlerinage à Sainct Claude, et envoyoit fort souvent de bonnes aumosnes aux Frères Mineurs de l'Observance, d'Aniey et de Cluses. Quand son mary estoit absent, elle couchoit sur la paille, ou bien sur une couverte de gros drap. Elle parloit presque tousjours des quatre fins de l'homme, et preschoit fort souvent son mary de l'heure incertaine de la mort. En fin, il faudroit que j'employasse bien du temps si je voulois raconter les actions de saincteté que ceste bonne femme a faictes devant les hommes ; car des autres œuvres de pieté qu'elle a faictes devant Dieu tant seulement, il n'y a personne qui les puisse racon- ter. Elle cachoit ses belles vertus, de sorte que difficilement pou- voit-on les remarquer, Jusques au premier Dimanche de juin (selon • Vide pag. praced., que nous autres laies* avons coustume de compter, le quatriesme jour) elle s'en alla à l'église parroissiale d'Amancy, tenant une petite croix en ses mains, et, estant des-ja fort foible, elle se confessa et communia. Les deux jours suyvans de lundy et mardy, elle fist ré- duire en farine quatorze coupes de froment, et sépara neuf quarts de febves et de poix et une grande quantité de sols de Savoye, mettant un tres-bon ordre à tout le reste des affaires de la maison. Le mercredy, elle commença à parler de sa mort, et predict qu'elle  Lettres de quelques correspondants 405 arriveroit le neufviesme du mois, à cinq heures du soir. Son mary et tous les domestiques croyoient qu'elle resvast. Elle voulust aller à l'église pour recevoir l'Extrême Onction, mais outre qu'elle estoit fort débile, son mary le luy deffendit, lequel toutesfois elle pria de luy faire faire sa bière ; ce qu'il refusa, ne luy permettant plus de sortir de la maison. Alors elle luy dit : « Mon en- fant (car c'est ainsi qu'elle l'appelloit), je ne vous ay jamais esté desobeyssante, je ne le veux pas estre sur la fin de ma vie ; mais je vous prie bien fort de faire faire ma bière quand vous en avez le loi- sir, car si vous attendez à demain vous vous plaindrez du temps. » De tout cela il ne faisoit que se rire. Geste nuict là, elle redisoit toutes les prédications qu'elle avoit ouyes depuis trente ans, avec admiration d'un chacun. Le jour es- tant venu, elle se mist à genoux pour prier Dieu avec son livre d'Heures, et estant retournée au lict par le commandement de son mary, elle fist un long discours des peines et travaux que la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame avoit soufferts, tant en eslevant son di- vin Enfant, qu'en Egypte et autre part. Elle tira de son coffre le linceul avec lequel elle vouloit estre ensevelie ; et ayant appelle son fils et ses deux filles, elle leur dit plusieurs belles paroUes touchant la crainte et l'amour de Dieu, la dilection du prochain et soing des choses domestiques ; après quoy, elle leur bailla sa bénédiction ma- ternelle. Son mary vouloit faire venir des médecins de Genève ; mais elle eust horreur au seul nom et luy dit : « Pleust à Dieu que ces méde- cins n'eussent jamais mis le pied dans vostre maison, car ils sont ennemis de Dieu. « Elle disna avec son mary, prenant du vin autant qu'il en peut entrer au creux de la main. Et après disner, son mary devant aller à La Roche pour des affaires, elle luy monstra tout ce qu'elle avoit préparé et disposé, luy persuada de dotter la chappelle d'Amancy selon qu'il vous promist, Monseigneur, et de faire faire des habits d'église, disant qu'il falloit assembler des thresors au Giel, et n'avoir plus de goust aux choses qui sont sur la terre, mais à celles qui sont au dessus de nous. Elle vouloit tousjours aller à l'église, mais il le luy deffendit derechef en s'en allant. Elle fust visitée par le curé d'Amancy (O, auquel elle demanda l'Extrême Onction; ce que toutesfois il ne luy accorda pas, ne croyant pas qu'elle fust si fort malade. Elle fust encore visitée par sa sœur Nicole, qui vouloit demeurer auprès d'elle; mais elle luy dit: « Ma sœur, allez vous-en ; vous avez des affaires à La Roche et (i) Charles Pirasset fut nommé à cette cure par la voie du concours, le 18 juin 1598 ; nous ne savons s'il était titulaire en 1606.  4o6 Appendice estes plus malade que moy ; nous nous verrons bien-tost en Paradis, avec l'aide de Dieu . » Le sire François, chyrurgien, arriva aussi tost, qui luy appliqua des ventouses, pendant lesquelles elle perdit la paroUe et jetta à force larmes. Alors le sieur curé pria Christophle du Monet, vicaire de l'église de La Roche, d'aller vistement prendre les Onctions ; quoy entendant, la bonne femme dressa la teste et leva les yeux au ciel. Son mary revint avec le sieur Vicaire, pleurant à chaudes larmes ; et elle, après avoir receu le Sacrement, tenant l'image du Crucifix entre ses mains, les yeux levez au ciel, rendit doucement son esprit à Dieu, selon qu'elle avoit prédit, le neufviesme de juin, à cinq heures du soir; et alors il fallut haster de faire la bière. Elle devint plus belle après sa mort qu'elle n'avoit esté durant sa vie et ne ren- dit point de mauvaises odeurs. Son mary (comme il estoit fort riche) luy fist de belles funérailles, et donna de bonnes et grosses aumosnes à cinq cens pauvres. Sa vie fust de quarante huict ans. La Nicole sa sœur, après avoir receu les Sacremens de Pénitence, de l'Eucharistie et de l'Extrême Onction, dans lamesme église de La Roche, l'Office des chanoines estant achevé, expira comme elle luy avoit predict, par jeudy, le quinziesme du mesme mois .... [Juillet 1607.]  L.ETTRE DE M. ANASTASE GERMONIO^'  (2)Molto Illustre e Reverendissimo Signore mio colendissimo, Gratissima mi è stata la [lettera] di V. S. R"^'', gratissimo mi è stato il conoscere il signor suo fratello ( 3) et gratissima la memoria ch' Ella tiene di me, se bene è con molta ragione, poich' io 1' ho ( i) Aaastase Germonio (15 51-1627) était à cette époque référendaire des deux Signatures en Cour de Rome; le 12 novembre 1607 il fut élu archevêque de Tarentaise. Uue note lui sera consacrée ultérieurement. (a) Le texte italien de cette lettre est inédit. (3) Jean-François. (Cf. les Lettres ccclxix, ccclxx, ccclxxii, ccclxxiii.)  Lettres de quelques correspondants 407 sempre amata, honorata e stimata come ricerca il molto valor sue, l'infinita sua bontà et il zelo ch' ha délia fede cattolica. Lessi la lettera che lei mi scrisse, alla Santità di Nostro Signore e la gustô di maniera che mi ordinô doverla mostrar al Signer Cardinale Pinelli, come capo délia sacra Congregatione del Santo Officio, et in conseguenza di quella d'Auxiliis* ; et di più, che le ne ' vide supra, p 326, dassi copia, volendola far leggere nella Congregatione sudetta, come pur hieri l'altro feci : cioè, glie ne diedi la copia molto bene scritta. Introdussi poi il sudetto signor suo fratello alli piedi délia Sua Santità ; e perché [scrive a] V. S. R"^, dalle lettere di lui intenderà come fosse paternamente [accolto] e che li dicesse délia persona di lei, e come lo interrogé minutamente di cotesti paesi, e come pas- sava e faceva progresse la Casa di Tonone, e moite altre cose : a che rispose bene, ma molto meglio haveria se meglio havesse inteso le parole di Sua Beatitudine, la cui presenza, se bene benignissima et angelica, li porto un poco di rispetto e timoré honestissimo. lo poi la supplicai per parte di lei di tutte quelle cose che si desideravano e ne diede benigna intentione, si per affrancare que! béni e cavarne una grossa quantità di danari per far un nuovo acquisto alla mensa episcopale, e di farle ordinare che s' habbi a dar a tutte le Monache délia sua diocesi un confessore straordinario, seconde la dispositione del Concilie di Trente, e concéder le cappe paonazze a cotesti Reverendi Signori Canonici e farli la gratia gratis. E rimettendomi a quel più che le scriverà il signor suo fratello, io le dire solamente ch' io vive tutte al cemando, al servitio et alli piaceri di V. S. R""*, alla quale, doppe haverli baciate le mani, da Die nostro Signore le augure felicissime il buen capo d' anne con melti altri. Di V. S. molto Illustre et R°>% AfiFettionatissimo servitere sempre, Anastasio Germonio. Di Roma, li 8 del 1607. A Monsignor Vescovo di Geneva. Revu sur le texte inséré dans le IP Procès de Canonisation.  4o8 Appendice  H  LETTRE DU CARDINAL- CÉSAR BARONIUS  ( I ) Perillustris ac Reverendissime Domine, Vide Epist. cccLxxii. * Reddidit mihi litteras Reverendissimas Dominationis Tuae frater tuus qui statum Ecclesiae tucc plenissime exposuit. Eidem obtuli operam meam, ut soleo, sincère, idem et tibi declarandum denuo duxi, etsi ofFicium hoc superfluum quodamodo existimem. Nam me- mini me tibi prassenti omnem meam operam, studium ac industriam ex animo obtulisse, quam oblationem, cum se occasio prasbuerit, effectibus ipsis confirmabo. Intérim, ut facis, vigila, ac mentis oculis perspice ad quem popu- lum sis missus Pastor, quem non minus sanœ doctrinas prasdicatione quam vitae irreprehensibilis exemplo ad unitatem Catholicae Ecclesia reducendum scias. Quod ut facilius assequamur, assiduis id ab eo precibus petamus, qui novit bona cuncta cultoribus suis lar- giri. Valeat Reverendissima Dominatio Vestra. Dominationis Vestrae Illustris ac Reverendissimae, (2) Frater amantissimus et addictissimus servitor, C^s., Gard. Baronius. Romae, idibus Januarii 1607. Admodum lllustri ac R"" Domino, Domino Episcopo Genevensi, Anicium Allobrogum. Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Migne (tome VI. col. q^S] n'a donné qu'une traduction de cette lettre; nous ignorons si le texte latin est inédit. I, 2 ) Les mots qui suivent et la signature sont de la main de Baronius.  Lettres de auELQUEs correspondants  409  LETTRE DU CARDINAL JEROME PANFILl'  Perillustris ac Reverendissime Domine, * Admodum Reverendus Dominus Joannes Franciscus Salesius, * cf. Epist. cccLxxm. Ecclesiïe tu« canonicus et Amplitudinis Tuae procurator, Beatorum Apostolorum limina superioribus diebus pie ac dévote visitavit, ac de tuîe Ecclesias statu relationem praeclarissime exaratam exhibuit*, *cf. Epist. ccclxix. qua neque de clero et de Religiosorum Ordinum familiis, de parœ- ciis et caeteris ecclesiis dilucidius, neque de abusibus, corruptelis ac hasresibus copiosius, neque de remediis ac orthodoxae doctrinae eccle- siasticas restitutione prudentius ac vigilantius perscribi potuit. Enitet in universa ea relatione Amplitudinis Tuœ vehementissimum in emendandis lapsis moribus studium, in obeundis, pro Dei gloria, locis asperis ac difficillimis labor, in procuranda animarum salute ardor atque contentio infatigabilis. Quae omnia sacram Congregationem Cardinalium Concilio Triden- tino interpretando, atque Praelatorum sacra limina visitantium postu- latis audiendis praepositorum, maxima jucunditate spiritali perfude- runt ; illud nimirum respicientem, divina factum esse Providentia, ut isti aegfce ac nutanti Christian^ reipublicae parti, tantae pietatis, zeli, virtutis ac sollicitudinis contigisse Pastorem, ut de animabus istis meliora quotidie, Deo dante, sperare possit ; jamque pro certo habeat sanas oves sub tali Pastore aegritudinem non contracturas, imo et quotidie plures ex aegris verse Catholicœque Religionis sani- tatem, quod jam multae sacris concionibus permotae fecerunt, ali- quando recuperaturas. Quantum vero pertinet ad praecipua remédia, quae relatione prœ- dicta Amplitudo Tua postulaverat, quid egerint lUustrissimi Patres, et quam prompte apud Sanctissimum Dominum nostrum tuas peti- tiones adjuverint, quidque profecerint, ex ipso procuratore, atque ex ipsis diplomatibus quae hinc propediem mittentur, ipsa cognoscet.  (i) Voir ci-dessus, note (i), p. 239.  4 1 o Appendice Intérim, Illustrissimi Patres Ainplitudini Tuae egregie in vinea Do- mini laboranti diuturnam incolumitatem precantur. Roms, die trigesima Aprilis, anno millesimo sexcentesimo septimo. Frater studiosissimus, HiERONYMUS, Cardinalis Pamphilius.  LETTRE DU PRESIDENT FREMYOT  Monsieur, Vos vertus et vos mérites m'obligeoient assez à vous honorer et à vous consacrer mes très-humbles services, mais l'affection qu'il vous plaît porter à toute notre petite famille et l'estime que vous faites de ma fille de Chantai m'accable d'obligations ; de sorte que, ne pouvant assez m'acquiter, je serai contraint de faire cession non seulement de ce peu de bien que Dieu m'a donné, mais aussi de moi-même, qui suis et veux demeurer à jamais vostre très-humble serviteur. Je puis bien, Monsieur, vous promettre la même chose pour Mon- sieur de Bourges, mon fils; car, outre l'inclination naturelle qu'il en a, je vous assure, Monsieur, que son plus grand désir et conten- tement seroit de pouvoir mériter l'honneur de vos bonnes grâces, comme le mien seroit quelquefois d'avoir le bonheur de recueillir les doux et agréables fruits de votre sainte et douce conversation. Mais puisque votre charge et de meilleures et plus importantes rai- sons vous retiennent par-delà, je vous supplie. Monsieur, de faire souvent part à lui et à moi du doux miel de vos saints et divins discours, pour nous réveiller du sommeil dans lequel nous nous trouvons presque toujours engagés par les affaires du monde, et rappeller notre esprit à la contemplation de la Divinité et de la béa- titude éternelle. Les frères de l'Eglise Cathédrale de Monsieur de Bourges sont à la vérité de fort honnêtes gens et d'une société agréable pour leur Pré- lat. Par les lettres qu'il m'en écrit, il s'en loue fort ; mais ils ne sont  Lettres de q.uelq.ues correspondants 411 pas tels que les vôtres, ni si remplis qu'eux des grâces de Dieu. Le chef donne cette vigueur aux membres, en les animant des saintes inspirations qui découlent d'un esprit tout divin, tel qu'est le vôtre. Monsieur de Bourges n'est pas comme cela ; cependant je puis dire que de tous les Prélats qui sont en deçà, il est le mieux avec ses confrères. Si les affaires de ceux de votre Chapitre eussent été en état, je leur aurois volontiers témoigné l'estime que je fais de votre recomman- dation * ; mais quand le procès se jugera, je me souviendrai bien des * "^ide supra, p. 296, not. (3) . bons et honorables témoignages que vous avez rendus de leur vertu et de leur sainte manière de vivre. Les chanoines sont vraiment di- gnes d'un tel Evêque, et l'Evêque digne de tels chanoines. Je prie Dieu, Monsieur, qu'il veuille les bénir tous et multiplier sur vous toutes ses saintes grâces. Je salue humblement tout ce qui vous appartient. Votre très-humble et très-affectionné serviteur, Fremiot. Ce 21 juillet 1607.  K  LETTRE DU P. SEBASTIEN DE MAURIENNE CAPUCIN (i ) (fragment)  Monseigneur, Je pars à mon regret, volontairement neamoins, puisque c'est pour acomplir l'obéissance que l'on m'a envoie pour aler prêcher en France. Si la même obéissance me renvoie en quelque coin de vôtre vigne, j'y continuerai mon petit travail sous vôtre bénédiction, avec une joie sans pareille. Ce pendant. Monseigneur, ce porteur vous remettra un rôle très exact, dans lequel vous verrez de quelle manière on a emploie l'ar- gent que vôtre charité a envoie pour les églises. J'ai vu acheter les ( I ) Voir ci-dessus, p. 77, note ( i ) de la Lettre cccii.  412 Appendice ornemens sacerdotaux, et le reste de la somme a été donné pour les cloches de Gaillard, de Veri, de Monthouz, de Nôtre Dame d'An- ' Cf. supra, Ep.cDxxxi. ncmacc et de Tounai *. Nous pourrons dire de vous, Monseigneur, ce que saint Paul disoit de lui même : qu'afm que rien ne manque à vôtre apostolat, vous prenez un soin continuel de toutes les églises de Dieu sapées par les hérétiques et relevées par vôtre travail. Je renvoie les deux autels portatifs que Votre Seigneurie Illustris- sime m'avoit confié, afin que celui que vous commettrez en ma place puisse s'en servir, n'étant pas a propos de laisser les choses saintes au gré des profanateurs [Vers le 15 février] 1608(1). (i ) D'après l'Année Sainte, le Bienheureux aurait eavoyé le 7 février i6o8 l'argent dont parle ici le P. Sébastien; celui-ci allait eo France, probablement pour prêcher le Carême. Ces deux circonstances servent à fixer la date de cette lettre avec assez de vraisemblance.  LETTRE DU P. JEAN FOUPvIER DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS (O  Monseigneur, Oultre les obligations passées que je vous ay, en voici une nou- velle et bien grande, puisque me voici hors de maladie par voz mé- rites et par l'entremise de voz oraisons plus ferventes et saincts •videEpist.cDxxxvm. Sacrifices qu'il vous a pieu offrir a Dieu pour ma santé *. Quant a moy, je ne sçay autre motif de vostre charité ardente, sy ce n'est que vous ayez jugé expédient que je demeurasse encor en cette terre des mourants pour faire pénitence de mes offenses et me faciliter le chemin qui conduit a la terre des vivants, j'en ay quelque désir, qui deviendra meilleur par la continuation que j'ose me promettre de vostre sainct et charitable secours. Et pour vous rendre comte en peu de mots de mon mal, la vérité est que j'ay expérimenté au plus fort de la maladie, qu'il y a différence (i) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 156.  Lettres de auELQUES correspondants 413 entre la méditation qui se fait de la mort en santé et celle qu'en- gendre la vraie appréhension d'une maladie jugée mortelle. Bien souvent un mal est accompagné d'un autre, comme de fait, pour mon affliction corporelle j'ay esté frustré de la consolation spirituelle que Dieu m'envoyoit par vostre ministère ; car celle qu'a voulu se charger de la présente pour la vous rendre en main, vous dira que je n'ay rien fait pour le bien spirituel de son ame. En quoy je doibs lamenter ma perte, veu que ce bon heur m'arrivant, j'apprenois la vraye crainte et amour de mon Dieu et a détester le péché, a l'imi- tation d'une ame laquelle, vivant parmi le monde, n'a rien de com- mun avec icelluy, conversant au Ciel avec Dieu et ses Anges, je luy ay dit que je priois Dieu pour son retour après testes, aux fins de recouvrer se (sic) bien perdu . O quelle ame de Dieu, aussi bien la niepce que la tente ! Elles n'ont manqué a visiter chaque jour nostre église, et autant de foys m'envoyer le bon soir, avec plaintes itérées de mon mal. Dieu recompensera, s'il luy plaist, la charité exercée en mon en- droit par tant de personnes d'honneur. Et s'il est vray qu'au besoin on fait preuve asseuree de l'amitié, je puis dire qu'a cette occasion je suis grandement obligé a la ville de Chambery, mais en première instance a vous, Monseigneur, qui, de grâce spéciale, m'avez offert ce que la raison ne me permettoit espérer ou désirer : vostre présence et vous mesme. je conserveray. Dieu aydant, au secret de mon cœur se fi/cj présent riche et précieux, et en recognoissance me diray ce que je veus et doibs estre par tout devoir. Monseigneur, Vostre très humble et très affectionné serviteur, J. FORRIER. A Chambery, 25 mars 1608. Monseigneur, comment ferons nous pour mettre sous la presse le thresor de dévotion de madame de Charmoisy*? Ufault, a mon advis, *cf.tom.iiihuj.Edit. premièrement revoir le tout, le disposer, l'intituler et prefasser, avec le nom de l'autheur, affm que le bien soit plus asseuré et plus uni- versel ; le tout a la gloire de Dieu, j'attenderay donc vostre ordon- nance sur ce fait A Monseigneur Monseig"" le R™^ Evesque et Prince de Genève. A Romili. Revu sur l'Autographe inédit, conservé à la Visitation d'Annecy.  p. XVI.  i  TABLE DE CORRESPONDANCE  DE CETTE NOUVELLE ÉDITION AVEC LES PRÉCÉDENTES  ET INDICATION DE LA PROVENANCE DES MANUSCRITS  NOUVELLE EDITION CCLXXI CCLXXII  Annecy. Visitation . . .  /pp.4,5(ll. 1-3).... CCLXXIII pp.5-8 11. T-7).... 1 suite ....  CCLXXI V Annecy. Visitation  PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION ( I ) EDITIONS MODERNES Epistres spirituelles ^ Vives, xii, p. 24 1626, 1. III \ Migne, v, col. 1532 Besançon. M""= Doroz ^^g- vi, col. 1069  Inédites  l mutilée . . . CCLXXV<  Idem / Epistres spirituelles ( Viv. x, p. 86 ( 1626, 1. IV \ Mig. V, col. 518 \ Le Correspondant, ]a,n- \ vier 1881 j Œuvres, 164 1, t. II, \ epist. XXXV  CCLXXVI.  CCLXXVII CCLXXVIII (fragm'  5/^25^(1833), XI, P.3Î3  Vtv. IX, p. 559 Mig. V, col. 161 1 Viv. X, p. 94  Bourg-en-Bresse. Visi- tation  \ Epistres spirituelles \ 1626, 1. V I Mig. V, col. 525 ( Viv. XII, p. 86 ^^'^à.,\.n \ Mig. V, col. 1575 Inédit  (i) Les indications qui figurent dans cette colonne sont données sous toutes réserves, et pour des raisons déjà exposées dans TAvant-Propos du tome XI. La numérotation des pièces étant souvent très inexacte dans les éditions du xvii^ siècle, quand nous remontons à celles-ci, au lieu de citer le numéro d'ordre des Lettres, nous indi- quons seulement la série, soit le Livre dans lequel elles sont insérées.  4i6  NOUVELLE EDITION CCLXXIX CCLXXX CCLXXXI CCLXXXÎI i mutilée, jentiere.. [var. (a) CCLXXXIV CCLXXXV CCLXXXVI CCLXXXVII CCLXXXVIII CCLXXXIX CCXC CCXCI CCXCII CCXCIII CCXCI V ifragment).. CCXCV (fragment) . . . CCXCVI CCXCVII  PROVENANCE DES MSS.  PREMIERE. PUBLICATION EDITIONS MODERNES  Hérissant, i, p. 396. . Epistres spirituelles 1626, 1. V  \, Rouen. Visitation (2'' ( Monastère) Annecy. Visitation Idem Nancy. Visitation. . . . Annecy. Visitation . . .  Hérissant, i, p. 239.. . Œuvres, 1641 , t. II epist. XXXIII Epistres spirituelles 1626, 1. III Hérissant, Opuscules IV, p. 18  j Viv. X, p. 95 ( Mig. V. col. 526 \ Viv. X, p. II ( Mig. V, col. 429 \ Viv. VII, p. 102 ( Mig. V, col. 438 i Viv. X, p. 310 ( Mig. V, col. 696  Viv. X, p. 97 Mig. V, col. 449  Dafta, I,  p. 225.  Epistres spirituelles 1626, 1. VII  Nancy. Visitation .... Turin. Visit. (Copie .. Nancy. Visitation .... ^ Lyon (Vassieux). Visita- I ( tion (2'' Monastère) | Mont - Saint - Amand (Belgique). Chanoine Bracq Annecy^. Visitation . . . Gènes. M^^ De Franchi  Epistres spirituelles 1626, 1. Il  Ibid., 1. IV.  Viv Mio'  ^ Viv t ^iig , Viv ^ Vtv ) Mi^.  Le Correspondant, ]an- vier 1881  D.itla, i, p. 279  Itexte ...  CCXCVIII  i variante. CCXCIX (fragment).  CGC ceci (fragment) CCCII  Epistres spirituelles 1626, 1. m Ibid. 1626 (texte fran- çais), 16 29(texte latin), 1. I  Annecy. Visitation \" Procès de Canonis Paris. Maison des Prê- ( Epistres spirituelles très de S.-Fr. de Sales \ 1626, 1. vu  Paris. (Archives Nat., M. 234, Copie) Gènes. Msf Pulciano Datta, 1, p. 305  . VIII, p. 183 . VI, col. 569 Inédite . X, p. 100 . V, col. 527 Inédite .X, pp. 104, 105 .V, col. 529, 330 X, p. 102 V, col. 528 Inédite Inédite Inédite  Inédit Viv. VII, p. 96 Mig. VI, col. 604 Inédite Viv. X, p. 181 Mig. V, col. 589 / Viv. VI, p. 2t6 i Mig. V, col. 531 Inédit ' Viv. X, p. 531 l Mig. V, col. 978 (voir note (i), p. 74,etnotes(i), (2), p. 76)  Viv. VII, p. 128 Mig. VI, c. 619, 926  NOUVELLE EDITION CCCIII CCCIV cccv CCCVI CGC VII CCCVIII CCCIX cccx CCCXI CCCXII CCCXIII CCCXIV cccxv cccx VI CCCXVII CCCXVIII CCCXIX ipp. I2I-I24 suite , CCCXXI CCCXXII CCCXXIII CCCXXIV CCCXXV CCCXXVI CCCXXVII Lettres III  PROVENANCE DES MSS. Poperinghe( Belgique). Sœurs de S"-Vinc. de Paul P'' Procès de Canonis. Chambéry. Chanoine Dominjet Lyon. Visitation (i'^"' Monastère) Annecy. Visitât ion (Co- pie) I (Voir note ( i ), p. 105) Annecy. Visitation (Co- pie) Avignon. Visitation... PoNTOisE. Carniel.... Annecy. Visitation... \ Turin. Archiv. de l'Etat (Copie) ; La Roche. M"= Ducros Paeay-i.e-Monial. Vi- sitation Naples. RR. pp. de l'Oratoire Turin. Archiv. de l'Etat (Copie) Florence. Ms"' San Clé- mente, Ev. de Pescia  PREMIKRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES Epistres spirituelles 1 Viv. vu, p. 146 1626, 1. V ( Mig. V, col. 698 Epistres spirituelles 1 Viv. ix, p. 350 1626, 1. IV ( Mig. V, col. 583 Bulletin du Comité Flamand de France (1899), fasc. 3 Epistres spirituelles £ Viv. x, p. 107 1626, 1. IV \ Mig. V, col. 535 Mig. VI, col. 1097 Epistres spirituelles l Viv. x, p. 109 1626, 1. vu ( Mig. y, col. 537 Biaise, Nouvelles iné- ( Viv. x, p. 255 dites (1833), p. 35 . . . f Mig. vi, c. 873, 924 Mig. VI, col. 927 Epistres spirituelles ( Viv. x, p. 207 1626, 1. V f ^ig- V) col. 609 Mig. VI, col. 1098 Epistres spirituelles 1 Viv. xii, p. 67 1626, 1. II ( ^f^- V, col. 1360 Inédite Inédite rTT r ^ K ^^'°- ^i P- ï" Ltuvres 1652, 1. iv. .. ] ,.. , „ ^ ( Mig. V, col. 538 Biaise, Nouvelles iné- i Viv. vu, p. 129 dites (1833), p. 44. . . ( Mig. vi, col. 879 Semaine relig. du dioc. d' Amiens, ^ojanv. 1876 Epistres spirituelles ( Viv. x, p. 127 1626, 1. V I Mig. V, col. 550 Datta, I, p. 307 l 1 ^ ' f Mtg. VI, col. 620 Epistres spirituelles l Viv.x, p. 313 1626, 1. IV ( Mi^^- ■*■> col. 699 Inédite Inédite Inédite Epistres spirituelles | Viv. x, p. 135 1626, 1. VIT 1 Mig. V, col. 55» Mig. VI, col . 932 Inédite 27  4i8 NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES I \ Epistres spirituelles l Fzp. x, pp. 142,143 \ 1626,1.111 ( 3f/^. V, col. 556 p. 139, / Annecy. Visit. (Ancien ) \ l^ir. vit, p. 246 11. 1-8 \ Us. àeV Année Sainte) ) ^''''''' "' P- "^ ^ Mig.vi, col. 696 lPP-139. J 1 140(11. > f Epistres spirituelles \ Wc. x, pp.r43, 144 i-3'i---) ( 1626,1.111 Lv/ï^. V, col.556,557 CCCXXVIIiyil. 4-20 Annect. Visitation . . . ] ( 11.21-31^ p. 141,/ Idem . In^'dites 11. 1-7 ) 11. 8-30 \ ^ , p. 142, > Idem (Epistres spirituelles \ Fîo.x, pp. 145-147 11-1-13^ \ 1626,1.111 )3%.v,col.s58-56o I suite ' [ cccxxix ibid., 1. VII ! Y/"- '''P- '-^^ [ Mig. V, col. 560 CCCXXX Ibid., 1. m S V^^r. XI, p. 61 ( Mig. V, col. 1103 CCCXXXI Ibid., 1. II I 3^"'P-83  Mig. V, col. 1571 CCCXXXII Ibid., 1. IV \ ,î^"'"''' P-/5^, ( Mig. V, col. 561 CCCXXXIII (fragm') Paris. Archives Nat., M. 234 (Copie) Inédit CCCXXXIV Thuyset (Thonon). C'= de Foras Inédite CCCXXX V Turin. Visit. (Copie) hiédite ,,, . i Viv. X, p. ie;4 CCCXXXVI Hcrtssant,Y,'p.c)....] ^. ' ^ ^'^ l Mtg. V, col. 1403 ! Angers. Bibliothèque, j CCCXXXVII ] n" 1764, Anjou-Topo- ( Inédite ( graphie, G-J . (Copie) ;  CCCXXXVII  i_ . • ■ 77 f ^^^- "^"t P- 132 tbistres spirituelles \ ,,. , , ^ ^ \ Mtg. v, col. 564 et 1626, 1. m / , ^ ' ( VI, col. 62=) CCCXXXIX Ibid., 1. II \ J"' ^' P"/''^ ' ( Mig. V, col. 562 CCCXL Lyon. M"= Savy Mig. \x, col. 6^ CCCXLI Turin. Visitation (Co- pie) Inédite CCCXLII Rome. M. le chevalier Rossi Inédite CCCXLIII P"^ Procès de Canonis hiédite ^ r. , , . 1 Biaise, Nouvelles iné- \ ! Paris . Bibliothèque l .-. , o v n' < t/- \ dites (lo'i'i), V. 4^: Be- ! Viv. vu, p. i^i liât., Fonds français, \ ^, \V\;vvt W ic ' -^ I thune (1833), t. XVI, f Mig. vi, col. 879 '7362 ,, r„ \  p. III. CCCXLV I" Procès de Canonis Inédite CCCXLVI Bologne. Visitation Mig, vi, col. 933  419 NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DFS MSS. PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES CCCXLVII Troves. Visitation. . . . \ ^^'■^"'" ^Z'-'"'^^" \ Mig. ""v,^ col. ^6, t i^'^' 1-'" ((Voirn.(i),p.i7-|.) t Wp. IX, p. 345 CCCXLVIII Turin. Archiv. de l'Etat Daff.i, i, p. 51=. | 3^ ■ .^.^ ].q\ ^,g i Milan. Archives Bor- ) , i ^«^- ix, p. 34 S CCCXLIX I ^^,^^^ jlHd.,p.3i6 U.^.vr,col.6.7  \ iMMENSÉEÎSuissel.Abbé ) ,, . . 1 ,,. , CCCL ( Mermillod ( Ib^d., p. 3'7 ] ^'.- -, col. 6.7 pp. 181-184  CCCLIII.  Vtv. X, p. 162 Mig. VI, col. ( (cf. col. 1070) pp. iSi-184 \ r r^^T T ) ^^\ \7'^ ■ ■ ' , ( Episfres spirituelles ^ Viv. x, p. 165 CCCLIp.184,. 13-20 (^^^33^ ^^ Visitation 1626, 1. II ^M«>.v,col. 574 / p.T8s,ll.îi-26 ) \ \ suite ! CCCLII 5//^««^(i833), t. XVI, p. IV Œuvres 1641, t. II, \ Viv. xi, p. 460 epist. VII ( Mig. V, col. 1492 CCCLIV Sienne. Eglise Saint- Jean-Baptiste Inédite CCCL V Saint - Paul - Trois - Châteaux. C^^^de Bi- mard ( 2 ) Inédite CCCLVI Salon ( Bouches-du- Rhône). M. Eisséris, curé-doyen Inédite ^ Hérissant, Opuscules, \ Viv. vu, p. 184 CCCL VII I IV, p. 80 I Mig. V, col. 769 i Epistres spirituelles C Viv. x, p. 183 CCCLVIII j, j^,^^ j_ ,j I 24ig, V, col. 594 \ Ibid., 1. IV. (Voir note ( Viv. x, p. 192 CCCLIX j (i),p. 212) I Mig. V, col. 598 / !'='■ fragment \ Annecy. Visitation (An- \. Année Sainte de laVisi- CCCLX • ■ '^i^^ ^^- ^^ Y Année ( fation, t. viii, p. 205 I a'' fragment 1 Sainte) Ibid., t. vi, p. 243 -^'!^- i'^j col. 67 i Chambéry. Visitation, i Epistres spirituelles ( Viv. x, p. 176 CCCLXI ^ (Voirnote(i), p. 214) ( 1626, 1. m \ Mig. v, col. 571 1 Ville-en-Sallaz (H'^- l M^'/kojWs de l'Académ. CCCLXII j, Savoie). M"« Gavard ( Salés., t. 11 (i^" ' CCCLXIII Datta, 11, p. I .  i Viv. VIT, p. 136 ( Mig. VI, col. 629 CCCLXIV (fragment) Mobile (Etats-Unis) . Visitation Inédit (i) Au lieu d'Annecy, indiqué par erreur note ( i ), p. 184. (2) Une photographie de l'Autographe, arrivée après coup, permet de rectifier ainsi le texte : emmi, Tuille, prouvoye, prouvoir, aydera, eu, au lieu de: emmy, Tliuille, pourvoye, pourvoir, aidera, eu; « A Monsieur Monsieur du Tellier, » au lieu de : « A Monsieur du Tellier. »  420 NOUVELLE ÉDITION  PROVENANCE DES MSS.  PREMIERE PUBLICATION  EDITIONS MODERNhS  CCCLXV (fragments) \ ^P'"''''' spirituelles i Viv. x, p. i8i, 182 I 1626, 1. III / -^'V. V. col. 580  3 premiers ) alinéas .. \ \P- 223, 11. CCCLXVI/ 18-20 ..  Rennes. Visitation. .  'g. V, col. 589 Inédits  , '"^ ■ V / / Episfres spirituelles \ ^''^'- '^' P?" '^i. '9' P- "4, 11. > \ f. r ^ Mi?- v, col. 506 l i l6s6, 1. VII ; ■=• ' '" ^-7 \ \ /(Voir net. (2),p.224) Isuite ; Rennes. Visitation. ... : /pp. 225- j < rXCLXVir 229 .... f Périgueux. Visitation ) ^^^'^■^ ^- "' (p. S ) ( CCCLXVIII Ferrare. Bibliothèque communale Modène, 1876(1) ( texte Annecy. Ch"" Chevalier CCCLXIX . , (Epistres spirituelles avariantes j 1626 (texte français), 1 { 1629 (texte latin), 1. i CCCLXX Milan. Archives du prince Trivulzio  Viv. X, p. 118 Mij^. v, col. !J43 Inédit  Viv. VI, p. 224 Mig-, V, col. 613  CCCLXXI (fragment) CCCLXXII  CCCLXXIII Turin. D. Ponte. (Voir note ( t ), p. 241) .... CCCLXXI V  CCCLXXV Ch.vteau de Fourde- VAUX (Nièvre). M. de Fontenay Valence. M""^ de Pam- pelonne Vienne ^Autriche). Ar- chives Impériales . . .  Inédite Epistres spirituelles i Viv. x, p. 204 1626, 1. IV ( Mig.v, col. 607, 608 Lettres de Baronitts (2), 1 Mig. vi, col. 934 t. II, ep. cxcvi ( (traduction) Inédite Epistres spirituelles i Viv. xi, p. 483 1026, 1. VI \ Mig. v, col. 151 1  Inédite  CCCLXXVI . CCCLXX VII  CCCLXXVIII  ) ^ , , ( Viv. X, p. 211 J Ltuvres 1652, I. vu... l ,,. , , ) { Mig. V, col. 615 Inédite , Viv. X, p. 141 et XI, Epistres spirituelles \ P- 4^7 1626, 1. IV I Mig.v, col. 555 et ( VI, col. 638 Mig. IX, col. 113  CCCLXXIX Annecy. Visitation CCCLXXX (fragment) Rome. Archives Vatica- nes (Borghese, 11, 363) Inédit ceci XXX F \, Epistres spirituelles i F«ti. xi, p. 389 1626, 1. IV f Mig. V, col. 1400  (i) Publiée dans la plaquette intitulée : Per le Noue del Marckese F. Mahe:{^i Cam- ptggi e Rosa de' Principi Hercolzni, Feh. i8j6. Modena 7876. (2) Venerabilis Carsaris Baronii, S. R. E. Cardinalis bihliothecirii, Epistolcc et Opus'- eula, pleraque nunc primum ex arche typis in lucem eruta, etc. Romae, 1759.  421  NOUVELLE EDITION CCCLXXXII \texte.. CCCLXXXIII\ (vanan tes... CCCLXXXIV Imutilée CCCLXXXV /entière [texte . . cccLXXxvr ivarian- 1 tes. .. CCCLXXXVII CCCLXXXVIII CCCLXXXIX CCCXC (fragment). . . CCCXCI CCCXCII CCCXCIII CCCXCIV cccxcv CCCXCVI CCCXCVII CCCXCVIII CCCXCIX CD CDI CDU CDIIl (fragment)....  PROVENANCE DES MSS.  PREMIERE PUBLICATION Epistres spirituelles  Rome. Archives Vatica- , , , , , , . > ] 1626, 1. I traduction . , nés (Borirhese, i, 648) / ,„ . ^ , s v \ Mti[. v, col. 1035 ' * > I t /^ (Voirnote ( I ), p. 253) ; * ' -^^ Archives de l'ancienne  EDITIONS MODERNES  Viv. IX, p. 499  Tur • j ^ • ■ Datta, I, p. 2SQ Maison du Ltesu \ > ■> r j-y  Viv. IX, p. 334 Mig. VI, col. 592  Annecy. Visitation  San Remo (Italie). Visi- tation  Paris. Cariuel rue Den- l fert-Rochereau / S AINT-M.AURICB^ Valais). Abbaye  Harrow (Londres). Vi- sitation  Viv. X, p. 216 Mig. V, col. 619  He'rissani, 11, p. i . . . Epistres spirituelles 1626, 1. vu Datta, II, p. 4 il ( Mtg. VI, eol. 631 Œuvres 1641, t. 11,^ Viv. x, p. siB epist. XIV } Mig. v, col. 621 Etudes religieuses S.J., mars 1868  Mig. VI, col. 107 1 Viv. VII, p. 139 Mig. V, col. 622  Biaise (1821J, i, p. 570  Inédite . ( Viv. X, p. 227 ^''"'"'^"''"'P-^^-- JM.;g^. V, col. 622 Epistres spirituelles ( Viv. x, p. 22S  Florence. Comte Bou- tourline Toulouse. M'"^ de Pons  Paray-le-Monial. Vi- sitation Paris. Carmel rue Den- fert-Rochereau  Annecy. Visitation (Co- pie)  1626, 1. VII l Mig. V, col. 623 Inédite Inédite Epistres spirituelles 1 Viv. x, p. 230 1626, 1. V \ Mig. V, col. 624 Viv. X, p. 232 Mig. V, col. 626  Hérissant, 11, p. 20  Inédite Etudes religieuses S.J., mars 1868 Epistres spirituelles C Viv. x, p, 190 1626, 1. VII ( ^fg- V, col. 596  i Epistres spirituelles  Mig. VI, col. 939 Vtv. XII, p. 78  / 1626, 1. II ( Mig. V, col. 1567 TU- A ï ^'^- *' P- '^^ Ibid Ibid., 1. V Ibid., 1. II  Mig. V, col. 627 ^ Viv. X, p. 233 ( Mig. V, col. 630 ^ Viv. X, p. 106 ( Mig. V, col. 531  422 NOUVELLE ÉDITION CDIV CDV CDVI iPP- 303, 306 \ (11- 4-37)- ... CDVIlJp. 307 (11.1-21) Isuite (PP- 309-312 CDVIIlj (11. 1-4).... 'suite CDIX CDX CDXI CDXII CDXIII CDXIV CDXV (fragment).... CDXVI CDXVII CDXVIII iPP- 3)3, 334 (11. i-ri)... 11. iî-30 suite CDXX (PP- 337-340 CDXXIj (11. 1-16)... (suite CDXXII CDXXIII  PROVENANCE DES MSS.  PREMIERE PUBLICATION Epistres spirituelles i6s6, 1. IV  Paris. Maison- Mère ) des Filles de la Charité \  Ibid., 1. II... Ibid., 1. IV.. Ibid., 1. III..  Idem.  Trotes. Carmel.  Chambset. m. Léon Roch Rome. Archives Vatic. (Bor£-hese,iv,i'j4,Cop.)  Vie du Saint, par le P. de la Rivière;i624),l.IV, c. XXXVI ; Epistres spi- rituelles 1626, 1. II.. . Epistres spirituelles 1626, 1. Il Mugnier, S. Fr. de S, Docteur en droit, etc. (Chambéry, 1885) Mémoires de l' Académ. Salés., t. VI (1883) Epistres spirituelles 1626, 1. V  EDITIONS MODERNES i Viv. X, p. 238 \ Mi g. V, col. 631 ) Viv. X, p. 240 i Mig. V, col. 633 Viv. X, p. 244 Mig. V, col. 638 Viv. X, p. 247 Mig. V, col. 639 Inédite (Voirnote(2),p.307) Viv. X, p. 250 Mig. V, col. 641 Viv. XII, p. 69 Mig, V, col, 156a  Mbnthon (Annecy .C'' de Menthon  Viv. X, p. 253 Mig. V, col. 643  P"" Procès de Canonis .  Inédite _, . , \ Viv. X, p. 258 CCKCr« 1652, col. 22Q5 i , , . , , ^ ' ^ ( Mtg. V, col. 647 Récit a Argiphonte d'Osirie, etc., 1645. (Voir note (i), p. 322) Hérissant, Opuscules , ( Viv. vu, p. 143 II, p. 331 \ Mig. V, col. 648 Inédite Epistres spirituelles i| Viv. x, p. 261 1626, 1. V ( Mig. V, col. 651  Schetern;H"= Bavière;. } Ibid., 1. ir , RR. PP. Bénédictins  Georgetown (Etats- Unis). Visitation MoMTÉLiMART. Visita- tion Annecy. Visit. (Copie) Turin. Archiv. deTEtat  Viv, X, p. 266 Mig. v, col. 655  Inédite  Biaise, Nouvelles iné- \ Viv. x, p. a68 dites (1833), p. 27.. . . ) Mig. VI, col. 869  "uRiN. Archiv. de l'Etat J „ l Vjp. vu, p. 12; -^ . , [ Datta, I, p. 2Qr '^ ^ ■ Copie) ) 'If 1 ^  GiEz (H"-Savoiej. C" de Chevron-Villette  Mig.vi, c. 612 et 940 Inédite  4*3  NOUVELLE EDITION  PROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES  CDXXIV.  CDXXV, CDXXVI (fragments)  CDXXVII CDXXVIII. CDXXIX . .  texte.  Epistres spirituelles 1626, 1. I De Hauteville,Z« A/ du Saint, par Char- ( Viv. x, p. iSç les-Auguste, liv. VI / Mig. v, col. 590 S Mig. VI, col. 935 (traduction) Mig. VI, col. 936 ^traduction) Vieà-a Saint, par Char- l Viv. ix, p. 3s6 les-Auguste, liv. VII ( Mig. v, col. 625  tiertssant, 11, p. 41... j ,-. , , ' ^ ^ { Mig. V, col. 6-^t^  ( Annecy. Visitation (An- ) K (fragment) cien Ms. de X Année ^"'"'^ ^'''''^'^ '^' ^'^ ^'- [ Sainte) ) ^'^^^'^'h t- ", P- 17e L Annecy. Visitation  Inédite  INDEX  DES CORRESPONDANTS  ET DES PRINCIPALES NOTES BIOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES DE CE VOLUME (O  Acarie Barbe Avrillot (Bienheureuse Marie de l'Incarnation), dame Pages 153,1 53, 228 AcARiE Geneviève (Geneviève de Saint-Bernard, Carmélite) » 286 Aiazza Vespasien, Abbé d'Abondance » 48, 48, 369 Albigny Charles de Siniiane de Gordes (sei- gneur d') »43. <^'>5. 77' '31 136, 168, 19:5, 273 Aldobrandino Pierre, Cardinal » 255 Aléf. iM'"« de 1'). Voir Lalee v 308 Amédée VIII, duc de Savoie (Félix V) » 346 Ancina Jean-Matthieu, Oratorien » 234, 234 Anlezy (d') Louis. Voir Chazelles » 67 AuxiLiis (Question de) » 326 Avully Antoine de Saint-Michel (seigneur d'). . . » 66, ici AvuLLY (filles d'Antoine d') » ici Baronius (Baronio) César, Cardinal » 237 Basso Jean-Baptiste » 132 Baume-les-Dames (abbaye de) » 1 10 Bay (Jacques de) » 249, 249 Bellevaux (Visite pastorale au prieuré de) » 219 Bérulle Pierre, Cardinal de » 77 (i) Les noms des correspondants sont imprimés en caractères gras; les chiffres ordinaires renvoient aux pages des Lettres, et les chiffres gras aux notes biographiques des correspondants. Quant aux autres notes, leurs titres sont imprimés en caractères ordinaires. Dans cet Index, on a donné aux personnages la désignation que leur attri- bue le texte des Lettres. (Cf. le tome précédent, note ( 1 1, p. 491.)  426 Lettres de saint François de Sales Blussy, Nicolas de Pages 244 Bourgeois Rose, Abbesse du Puits-d'Orbe » 13, 22, 25, 54 60, 79, 92, 120, 371 BouTEY Pernette » 200, 403-406 Brétigny Jean de Quintanadoine (seigneur de). . . » 117, 117 Brulart Madeleine, Abbesse de Molaise » 259 Brûlant Marie Bourgeois (dame) » 14, 18, 37, 53 86, 148, 160, 166, 174, 194, 213, 225, 258 289, 298, 333 Capucins d'Autun 188 Cardinal (un) » 239 Cardinalat (le) et saint François de Sales » 84 Carême de Chambéry » 138 Carême de Rumilly a 365, 377 Carmel (son établissement en France) « 118 Carmel de Dijon » 118,154 Cassard Jacques » 126 Cassegrain Théophile » 50 Chanoines de la Collégiale de La Roche.. . . » 129 Chantal Charlotte de Rabutin » 140 Chantai Guy de Rabutin (baron de) » 341, 341 Chantal Jeanne - Françoise Frémyot (Sainte), baronne de » 2, 4, i6, 39, 45 46, 51, 64, 67, 74, 80, 87, 91, 98, 1 13, 121 126, 133, 138, i44,-i46, 152, 161, 181, 192 199, 201, 212, 221, 222, 236, 252, 260, 274 275, 280, 283, 287, 292, 294, 297, 300, 302 305, 309, 317, 322, 328, 337, 347, 348, 354 355. 357. 364. 367. 373. 377' 39^' 39^^ Charles-Emnnanuel l»''-, duc de Savoie » 176,219 Charmoisy Louise du Chastel (dame de) » 179, 179,376 381,383 Châtelard Jean-Gabriel de Rossillon de Châtil- lon ? (seigneur de) » 230, 230 Chazelles Louis d'Anlezy (seigneur de). Voir Anlezy » 67 Chevaliers des Saints Maurice et Lazare (Conseil des) « 178 Chhvron-Villette Adrienne (de), Clarisse » 344 Chevron-VilletteAmédée(de). VoirViLLETTE... » 115.343 Chevron-Villette Béatrix de Dérée (baronne de) et ses enfants * 15c  Index des correspondants et des notes Chevron-Villette Jeanne de Menthon (dame de) Pages Chevron-Villette Philiberte (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine » Clarisses d'Annecy « Clémenson Christophe, Jésuite » Clément (M"^) » Cordelières du Tiers-Ordre » Cordon de saint François d'Assise (Archicon- frérie du) » Costa Pierre-François, Evêque de Savone, Nonce à Turin » 315.326 Crépy Claude Bourgeois (seigneur de) » 158, 164 Croset Maurice, curé d'Héry-sur-Alby » CusiN Jacques »  Daux ou d'Aux Isbrand » Déage Jean Destinataires inconnues Destinataires inconnus DuMONT Jacques  Exertier Jean  Faverge (fils de M™^ de la) » Faverge Pernette de Chevron-Villette (dame de la) » Favre Antoine >- Favre Jean » Fenouillet Antoine « Fléard ou Fléhart François, Evêque de Gre- noble » Flumet (Visite pastorale et cloche de l'église de) » Fontevrault (Visiteur ( i ) du monastère de). ... » FuRiER Claude «  427 344 117 74 190 244, 244 262 267 351. 251 35, 35, 63 370, 370 389 254 363 173.320 268, 288 338 37' 154 '54 243 265 350 157, 158 198, 277 13 188  Gaillon Jacques de » Gallot Thomas »  108 283  (i) Dom Jean de Saint-Jérôme Gaulteron pourrait bien être le nom du « Visiteur » jusqu'ici vainement cherché. Il est certain, du moins, qu'il rem- plit cette charge avant 1612.  42S Lettres de saint François de Sales Genève (habitants de la ville de) Pages 389 GoNDi Pierre et Henri (de), Evêques de Paris. ... » 388 Grands Pardons de Notre-Dame de Liesse d'An- necy » 101 Grenaud Jean de » 4 Griguette Anne, Religieuse de l'abbaye du Puits- d'Orbe » 272 Grilly Pierre du Nant de » 269,269 Groisy Bernard de Sales (seigneur de). Voir Sales » 307 Hayes Antoine des » 323 Hongrie (guerre de) » 236 Hostel Catherin Gaultier (seigneur d') » 380 Hostie de Dijon (sainte) » 24 Jaquot ou de Jaquot Madeleine Bourgeois (dame de) » 87 Jaquot ou de Jaquot Palamède » 87 Jean de Saint-Malachie, Feuillant » 2 Jeanne (dame) ., 341 Jubilé à Annecy » 236 Jubilé à Thonon » 272 Lalée (M'"* de). Voir Alee » 308 Lambert Pierre-Jérôme de » 198, 198 La Roche (collégiale et collège de) » 1 29 Limojon Jeanne-Louise de Genton (dame de). . . » 58, 58, 90 Loche Charles de 217,217 Longecombe (famille de) » 130 L0NGECOMBE Jacques (de), Religieux de l'abbaye de Nantua » 165 Luxembourg Marie de Beaucaire, femme de Sébastien de ,> 171 Manigod Jean-Claude de Reydet (seigneur de).. . . » 170 Marie de la Trinité (Marie d'Hannivel), Car- mélite - 1 62 , 1 83 Matthieu d'Arnans, de Dingy, de Thonon, Capucins » 1 88 Maurice de la Morra (Maurice Gamborino ou Gambarino), Capucin » 1 36  Index des correspondants et des notes 429 Maurice de Savoie, Cardinal Pages 345, 345 MÉLAN (chartreuse de) » 42, 45 Menthon Bernard (baron de) » 319,319 Menthon Clémence de Genève (baronne de). ...» 319 Menthon la Balme Claudine (de), Abbesse de Sainte-Catherine. Voir Sainte-Catherine » 116 IVIepcœup Marie de Luxembourg (duchesse de) » 170 MouxY Jacques (de), Abbé de Sixt » 169 Moyron Jeanne-Isabelle de Tardy (dame de) » 382 Nantua (abbaye de) » 165 Neyret Jean, curé de Thonex » 363 NoYRON, Neyron, ou DE Neyron Jean, grand prieur de Saint-Bénigne. Voir Saint-Benigne » 36 Oches Rodolphe (des), curé de Talloires v 135, 135 OuTRECHAiSE François-Nicolas de Michaille (sei- gneur d') » 344 OuTRECHAiSE Sébasticnnc de Chevron-Villette (dame d') » 344 Paul V (Camille Borghese) » 69, 69, 23 i 253.349 Pensabin Janus » 170 Pergod Noël-Hugon •• 197, 197 Polliens Nicolas, Jésuite » 380, 380 Possevin Antoine, Jésuite » 105 Prémery René Favre (seigneur de) » 217 PucHEULCharlottedu (Thérèse dejésus, Carmélite) » 119 Puits-d'Orbe (Religieuses de l'abbaye du) » 95 QyiMiER Gasparde Roget (dame de) » 378 Revol Antoine (de), Evêque de Dol » 73 Riedmatten Adrien (de), Evêque de Sion » 270 Robert Claude • . » 379 Robin Vincent » 282 Roche Claudine de Locatel (dame de la) » 364 Roche Jean Joly (seigneur de la) » 3^4 Rochette Charles de » 314,314 Rodolphe II, empereur d'Allemagne » 220, 220, 245 Rogeot Noël » 337  450 Lettres de saint François de Sales Rolland (famille) Pages 1 1 5 Rolland Nicole » 329 Rye Hélène (de), Religieuse de labbaye de Baume-les-Dames » 110, I I I Saint-Ange Marguerite Sauvât (dame de) » 124 Saint-Bénigne Jean Noyron (grand prieur de). Voir NoYRON » 36 Sainte-Catherine (abbaye de) » 116 Sainte-Catherine (Abbesse de). Voir Menthon LA BaLME » 116 Saint-Maurice (abbaye de) » 270 Saint-Théodule (cloclie de) » 277 Sales Bernard (de). Voir Groisy » 307 Sales Charles-Auguste de » 322 Sales Louis (de). Voir Thuille » 156 Saulnier Pierre, Evêque d'Autun » 287 Sauzéa André de » 27 1 , 27 1 Sébastien de Maurienne, Capucin » 77 Semur (prieuré de) » 270 Sillignieu Louis de Longecombe? (seigneur de). Voir Longecombe » 130, 130 Sixt (Prieur et Religieux de) » 169, 172 SixT (Visite à l'abbaye de) » 169 SoNNAZ Louis de Gerbais de » 336 Soulfoup Nicolas (de), plus tard Oratorien » 284,284 Soulfour M"^ de (Thérèse de Jésus, Carmélite). . » 385, 385 Suaire de Besançon (saint) » 262, 296 Suaire de Turin (saint) » 296 Syndics de Flumet t 277 Telliep (du) ou Le Telliep Pierre » 196, 196 Thénissey Angélique de Gerland (de), Religieuse de l'abbaye du Puits-d'Orbe » 14 Thibaut Pierre » 365 Thuille Claudine-Philiberte de Pingon-Cusy (dame de la) » i , I Thuille Louis de Sales (seigneur de la). Voir Sales » 156 Tournon Prosper-Marc de Maillard (comte de). . . » 336,336 Valladier ou Valadier André » 49 Velut Claude ...... » i88  Index des correspondants et des notes 431 ViARDOT Nicole Pages 14 Vignod Bernarde (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine » 103, 241 , 278 103, 247, 313 Villeps ou de Villars Jeanne Humbert (dame de) » 23,23,281 Vilîette Amédée de Chevron (baron de). Voir Chevron-Villette » 115, 343 ViLLETTE Marguerite de Pingon-Cusy (baronne de) » 119 Visitation (Institut de la) : premiers projets et premier plan ■• 293, 294, 310 Vivian ou Vivien Nicolas. » 285 YvoiRE Claude Forestier (seigneur d') » 195  I  GLOSSAIRE  DES LOCUTIONS ET DES MOTS SURANNES ou pris dans une acception inusitée aujourd'hui (0  (L'astérisque désigne les mois qui ont paru datis le Glossaire des tomes précédents.)  * A — pour en (v. p. 200, lig. i), par ! (p. 211, lig. 19), de (pp. 173, lig. 6: 274, lig- 2; 308, lig. 21). ABORD (a 1") — à la première roi- contre [y. p. 1251. ACCOUSTUMER — pour avoir cou- tume (v. p. 17s). *ACCOYSER — apaiser, rendre coi, calme (v. p. 102). Cf. le lat. acquiks- CERE. ACTION — TpouT fonction ecclésias- tique (v. pp. 49, 221). * ADDRESSE — pour recours (voir p. 290,1. *ADDRESSER — pour diriger, dé- dier !v. pp. 55, 1.^6). ADDRESSER (s') — pour se diriger, aller (v. p. 42). * ADMIRABLE - /ai/ pour exciter réionnement (v. p. 369). *ADMIRER — pour s'étonner, trou- ver étonnant iv. pp. 2.1, 330). *ADVENTURE aV) — ^0Mï peut-être (v. pp. 13, 54, 2:7, etc.)  *ADVOÙER (quelqu'un) — pour approuver ce que quelqu'un fait en notre nom (v. p. 49). AFFLIGÉ DE — Y"^Mr frappé doulou- rensemen! en Li personne de (voir P- 5V,:; AGILITE — pour facilité à agir (voir p. 202). *AINS — mais, mais plutôt, mais encore . Aïs — planche (v. p. 297). * ALANGUISSliMENT — langueur (v. p. 384). * ALENTIR — ralentir, arrêter (voir p. 123). ALLENTISSEMENT — retard, arrêt (v. p. 102). * AMÉNITÉ, AMENITE — du lat. AMCENiTAS, charme, agrément, dou- ceur (V. pp. 390, 391). ' AMIABLEMENT — aimablement 'V.p. 279 . * A PEU QUE — peu s'en faut (voir p. 3o<;.  ( I ) Nous n'avons pas songé à dresser ici, pour ce volume, en toute rigueur scientifique, le Lexique de saint François de Sales. Un tel travail, à peine est-il besoin de le dire, ne pourra être établi qu'après l'achèvement de cette publication. Notre but a été surtout de rendre provisoirement service aux lecteurs français ou étrangers qui seraient peu familiarisés avec les particula- rités du vieux langage. On voudra bien, en se servant de ce recueil, se sou- venir de la pensée d'ordre tout pratique qui l'a inspiré. Lettres 1M :S  4?4  Lettres de saint François de Sales  pour préparation (voir ■ prière offi-  APPAREIL- P- 374). APPAREIL l'priere d' cielle (v. p. 321). APPARTENANCE — pour lien de parenté (v. p. 230). APPETISSER (s") — se rapetisser (v. p. 252\ •APPREHENSION — pour impres- sion i'v. p. 20). *APPRINS— participe passé du verbe apprendre (v. p. 207). A PUR ET A PLEIN — compUtetnent, entièrement (v. p. 81). * ARONDELLE - hirondelle (voir p. 389>. ASSENTEMENT — terme de vénerie signifiant l'odeur du gibier, employé au ûguré; pressentiment (v. p. 282). ASSIGNATION — pour désignation, fixation [v. p. 181). * ASSORTI — pour poumi, fourni (V. p. 44). * AUCUNE — pour quelque 'v. p. 35). •AUCUNEMENT — pour en quelque façon. AVEC LE — pour au (v. p. 173). * BANDER — pour fixer, appliquer fortement v. pp. 207, 264). BOUT DE LA (au) — tout lien consi- déré, après tout (v. p. 190). BRAVE — pour paré a-oec soin (v. pp. I 263, 365^- I * BROUILLERIE — difficulté, con- \ tradiction (v. pp. T52, 373, 375). ' BUCQUER — frapper (v. p. 28). CACHETER — au figuré, pour affer- mir, confirmer (v. p. 329). 'CAPABLE — pour^w état de pon-coir faire une chose (v. 259). ' CAREMPRENANT, CARESME PRENANT — les trois jours qui précèdent le mercredi des Cendres (v. pp. 24, 139, 142, 37î). CARMELINE — Carmélite [v. pp. 123, 161, etc.) * CATHERRE — catharre (v. p. 362). ' CE — pour ceci, cela. * CEANS — ici {y. p. 375).  I * CE PENDANT — pour pendant ce temps, en attendant, pendant 'v. pp. 146, 169, 370, etc.) CE QUE — pour si (v. p. 259). CESTUY LA — celui-là (v. p. 375). * CETTUY-CI — celui-ci (v. p. 295). * CHAIRE — pour cA(Zw^ (v. p. 223). CHALOIR — importer (v. pp. s, 149, 295)- * CHAMS (aux, des) — pour a la cam- pagne (v. pp. 212, 213, etc.), de la campagne (v. pp. 151, 216, etc.) CHEF — pour mari (v. p. 291). *CHEVIR — venir a bout [y. p. 202). * CI APRES pour désormais, dans la suite, à Favenir (v. pp. 51, 97, 257). CLAIR — pour ouvert (v. p. 360). * CLAUSURE — du lat. clausura, clô- ture monastique (v. pp. 79, 160, 166). * COGITATION — du lat. cogitatio, pensée (v. p. 22, 186). COIGNE — pressé, serré [v. p. 312). * COMBIEN QUE — bien que, quoi- que (v. pp. 2, 226). * COMME — pour comment, de quelle manière, par quels moyens (v. pp. 151, 169, 243, etc.) COM PASSIONNÉ — ému de compas- sion (v. p. 26) . CONFORTER— du lat. coxfortare, affermir (v. pp. 369, 384). CONNOISTRE — poviX juger, déci- der (v. p. 371). CONSOMMER (se) — pour se consu- mer (v. p. 94). • CONSPIRER — pouTpoitrsuivre en commun un même but (v. p. 339). •CONTE, CONTER— pour compte, compter. • CONTEMPLATION (en) — en vue, en considération (v. p. 392 c). • CONTESTE — débat, contestation (v. pp. 177, 276). CONTINUE — pour maintenu (voir p. 130). •CONTOURNER — de l'ital.coNTOR- NARE, tourner v. pp. 124, 387). • CONTRECHANGER , CONTRE CHANGER, CONTRESCHANGER — récompenser, p.tyer en retour (voir pp. 124, 285, 392 b). Cf. Tital. COM- TRACCAMBIARH.  Glossaire  435  » CONVERSATION — pour compa- gnie, relations de société (voir pp. 187, 344). COULER A — Y'^MX passer h, descen- dre sur (v. p. 96). COUP (a) — a la fois, soudainement (v. p. 226). * CREANCE — pour manière de voir (v. p. 336). * CREUSEMENT — profondément (v. p. 209). * CURIEUX — du lat. curiosus, très soigneux, recherché (v. p. 263). * CUYDER — dulat.coGiTARE,/(?«s?;-, faillir (v. p. 368). * DE — pour au sujet de (voir p. 62, lig. II). DEBRASSER — faire des mouvements violents (v. p. 375). * DEÇA (de) — ici, d'ici, de ce côté-ci (v. pp. 15, 39,'var. (a), 237, 308, etc.) DEÇA LE — de ce côté-ci du (v. pp. 48, 273). DEDANS — dans (v. pp. 22, 27, etc.) DEDIE — pour voué au service de quelqu'un (v. p. 176). * DEFLUXION — fluxion, catharre (v. pp. 122, 123). DEFRAUDER (se) — se faire tort (v. p. 215). Du lat. DEFRAUDARE. * DEGOUSTEMENT — dégoût (voir p. 263). * DELA (de) — là-has, de ce côt'-là, che^vous , près de vous , de cette région (v. pp. 15, 57, 192, 214, 284, etc.) DEMEURER D'ARREST — demeurer d'accord [v. p. 177). DEPORTEMENT — manière de se comporter, bonne ou mauvaise (voir P- 13)- DERELICTION — du lat. derblictio, abandon, délaissement, désolation (v. pp. 6, 9, 303, etc.) * DERRIERE (en) — en arrière (voir P- 97)- DES — pour du, depuis (v. pp. 56, 308, 390). DESBATTEMENT — débat (voir p. 30). DESBATTRE— ^omï se débattre [voir p. 30).  DESCEU (a) — à Vinsu (v. p. 228). DESFAITE — action de se débarrasser de quelque chose (v. p. 263). DESPART — pour séparation (voir p. 344). * DESPLAYSANT— pour/i<:A/, désa- gréable (v. pp. 116, 193,1. DESPROUVEÛ — dépourvu (voir P- 43)- DESPUIS VOUS — depuis que je vous ai vu (v. p. 139). * DESSOUS — pour sous (v. p. 301). * DESSUS — pour sur (v. pp. 11, 32, 114, etc.) DESTROUSSEMENT— ouvertement, sans cérémonie (v. p. 141). DETENU — pour retenu (v. p. 113). *DEVALER, D^W kUJE^ — descendre (v. pp. 114, 224). DEVANCER — pour surpasser (voir p. 329). * DEVANT — pour avant (v. pp. 139, 183, etc.) *DEXTRE — du lat. dexter, à la droite {v. pp. 374, 391). * DILATION — du lat. dilatio, délai, ajournement (v. pp. 102, 169). DISCOURU — pour longuement dis- cuté (v. p. 203). * DISCRETION — pour discrète per- sonne : titre d'honneur qu'on don- nait jadis à certains personnages (v. p. 288). DISGRACE (par) — par accident (voir p. 122). Cf. l'ital. PER DISGRAZIA. DISPUTE — pour discussion (v. p. 178). DISTILLER — pour couler goutte à goutte (v. p. 145). * DISTRACTION — pour dérange- ment, incommodité (v. p. 49), par- tage, application à plusieurs objets (p. 123). * DIVERTIR — pour tourner [y. p. 56), se tourner[p. 112), distraire{p. 187), détourner (pp. 222, 324), écarter (p. 338), passer à (p. 373). Du lat. DIVERTERE. * DIVERTISSEMENT — pour distrac- tion (v. pp. 306, 374). * DONT — pour c'est pourquoi, d'oii (v. pp. 81, 118, 272, etc.)  436  Lettres de saint François de Sales  DORES-EN AVANT — dorénavant (v. p. 308 . * DOTE — dot ;'v. pp. 31g, 320). DRESSE — pour adressé, fait (voir p. 5=). *DU DESPUIS - depuis yv. p. 63). * DU TOUT — pour fout à fait, com- plètement (v. pp. 19, 21, 30, etc.) T-.FFRAY — effroi <.v. pp. 123, 374). »£MBARRASSEMENT — etnbarras (V. pp. 88, 247, 31^)- » EMBROULLIÉ — pour mal orga- nisé (v. p. 48;. ' EMM.I. EMMY — au milieu de, dans, parmi, entre. * liMPLOITE — emploi{v. p. 190). 'EN ÇA — ancien terme de palais pour jusqu'à présent (v. p. 390). Cf. l'ital. IN QUA. ENCOMBRIER — encombre, empê- chement (v. p. 272). ENCOMMENCÉ — commencé (voir p. 79\ EN DEA — oui da (v. p. 306). * ENDROIT, en cet) — pour en ce sujet (v. p. 291). ENGAGER — pour lier, embarrasser (v. p. 123). EN LIEU — pour au lieu (voir pp. 29, 339;. * ENSEMBLEMENT — ensemble (voir pp. 28. 47, etc.) ENTENDEMENT (sans) — pour sans j ordre ni rt'flexion [v. p. 42'. | ENTRE CI, ENTRE CI ET LA — entre le moment présent, le Jour pré- sent (v. pp. 39, 115), d'ici là (p. 40). ENTREFICHER — embarrasser sub- tilement [V. p. 263^ * ENTREPRINSE — entreprise (voir p. 120). * ENTRETENEMENT — eft/retien (V. p. 78). *ENTREVENIR — intervenir, se mêler (v. p. 215). EQUIPAGE — pouT fensemble de la toilette, costume \y. pp. 189, 205). ESBAHIR (s') — pour s'étonner [voir p. 381). ESCHAPPE — pour évité (v. p. 175).  ESCHAPPER QUELQU'UN — dans le sens actif, pour sauver [v. p. 211). ESCHEOIR — être dévolu [y. p. 205). ESGAL — pour impartial [v . p. 248). ESJOUY — réjoui (v. p. 303). ESTIME — pour appréciation (voir p. 329'. ESTRAINDRE — pour5^«5<;r(v.p.i65). * GASTÉ — pour détruit (v. p. 300). * GOUVERNER — pour être en rela- tions avec {v. p. 123). GRAND CAS {c'est)— c'est une chose surprenante, c'est différent (v. pp, 180, aoy).  Glossaire  437  HANAP — calice (v. p. 329). * }ik"illiS^ — fréquentatioti (v. pp. 320, 3^4':. * HEBERGE — du bas-lat. hf.berga- GiUM, HEREBERGAGIUM, logis ,demeurc (v. p. 283). HUMANITÉ — pour faiblesse (voir p. 226I. * ICY — pour ci (v. p. 33). IMAGINATIVE — pour imagination (V. p. 56). ♦IMBÉCILLITÉ — du lat. imbecilli- TAS, impitissatice, faiblesse (v. pp. 29, 34, etc.) ' IMPERTINENCE - pour chose de- raisonnable (v. p. 291). * IMPOURVEU (a 1') — à r impro- viste (v. p. 290). ♦INCOMMODITÉ— pour ^^«^ //<:;<- niaire [y. p. 218). Du lat. incommo- DITAS. INDECENCE — ^qut messcance {you p. 150). INDIGESTION - pour absence d'or- dre (v. p. 42). INSTILLER — du lat. instillare, faire pénétrer peu ci peu (v. p. 264). *INTEREST — YO\xx préjudice, dom- mage (v. p. 312). ♦INTERMISSION- discontinuation, interruption (v. pp. 191, 268). * IRE — du lat. IRA, colère, courroux (v. p. 340). * JA — certes (v. p. 34). JOIGNANT— tout proche [\. -p. 259). JOINDRE A LA RAYSON —se ren- dre à la raison (v. p, 1721. JUGEMAIE —Juge mage ou maje, officier de justice (v. p. 137). * LAIRRAY — ancienne forme de laisserai (v. p. 78). *LAOU — pour au lieu que [v. p. 131). LASCHER — pour risquer [y. p. 137). * LEVER — du bas-lat. levare, enle- ver, ôter (v. p. 58). * LHORS — pour alors, en ce temps-lii [v. pp. 3^8, :;66\  LIEMENT - le /ait d'être attache, enchaîné (v. p. 9). LOGER — du lat. locare, utiliser, placer (v. p. 185). LUICTER — du lat. luctari, lutter, combattre fv. p. 92). •MADAMOYSELLE — appellation usitée jadis h l'égard de toute femme mariée qui n était pas noble, ou qui, étant noble, n était pas titrée (voir pp. 23, 25, etc.) ♦MAL TALENT — de l'ital. malta- lento, animosité, haine (v. p. 301). * MANQJJEMENT — pour manque, absence, défaut (v. pp. 321, 370). * MARRI— /rtcAf(v. pp. 131, 160, etc.) MASCHER — au figuré, pour rumi- ner, méditer (v. p. 361). MENINE — de l'espagnol menina, Jeune fille noble {v. p. 189). MERITAMMENT — de l'ital. merita- MENTE, Justement, avec raison (voir p. 332I. MERVEILLES (que) — que c'est extra- ordinaire (v. p. 329). MESAYSE — incommodité [y. p. 283). * MESHUY — désormais (v. pp. 74, ^35). _ ■ MESLER (se — pour devenir moins pur (v. p. 175). * MESxMEMENT - surtout (v. pp. 86, 173). MESNAGE — pour(//r^f//o«(v.p.i6o). * METTRE — pour admettre (v.p.365). METTRE AU MONDE — pour pro- duire dans le monde (v. p. 365). MEURTE — myrte (v. pp. 278, 279). MINUTER — projeter (v. p. 344). MISTE — paré avec excès (v. p. 263). MODERNE — pour d'aujourd'hui (v. p. IS2). MONDANITÉ — pour ton et langage qui plaisent au monde (v. p. 311). * MONSTRE (faire) — manifester, faire connaître {v. "p. 300). 'NAFFE (eau de) — eau de senteur ; ancien nom de Veau de fleurs d'or.^n- (Tcr (v. p. 28\  438  Lettres de saint François de Sales  * NEANTISE — néant (v. p. 27). NEGATION — pour reniement (voir p. 19). * NON PAS — n'est-ce pas (v. pp. 29.), 331, etc.) * NON PLUS — pour c'est asse; (voir p. 366). •NOURRIR — pour élever (v. pp. igx, 209). * NOURRITURE — pour entretien (v. p. 210). NUDITE — pour ingénuit-'{v. p. 297'). NULLE NOUVELLE — pour «;// moyen (v. p. 318). * OBEDIENCE — du lat. obedientia, ohéis':a?ice{v. pp. 143., 204). OBLIGER A — du lat. obligare, lier, attacher à quelqu'un (v. p. 61). OCCASIONNÉ — pour procuré {voir p. s8). * OFFRE — pour offrande (v. p. 584). * ONQUE, ONQUES — du lat. un- QUAM, jamais (v. pp. 6, 26). * ORES — maintenant (v. p. 58). * OR SUS — parole d'encouragement. Cf. Tital. OKSÙ. *OU — pour tandis que (v. p. 82). OYE.OYES.OYOIENT— formes inu- sitées du verbe 0Mi>(pp.2O2,33,2O3). OYSELET — diminutif d'oisEL, an- . cienne forme du mot oiseau (voir p. 127). * PARANGONNÉ — de l'ital. para- GONATO, comparé [v. p. 96). ' PAR APRES — après, ensuite, dans la suite. PAR CI APRES - dans la suite [voit p. 94). * PAR DELA — là où vous êtes (voir p. 38). * PARENTAGE — lien de parenté [vo'\r P- 3')9)- PARTIR DE LA (au) — après tout, du reste (v. p. 3^9). PAS — adverbe explétif (v. p. 146). PASME — pour interdit (v. p. 50). PASSIONNÉ (être) — pour se sentir tout ému (v. p. 68). * PETIT (un) — pour un peu.  PEU — pour peu de temps (v. pp. gS, 184). * PIEÇA — il y a longtemps; étym., PIÈCE et A (v. p. 242). ' PITOYABLE — ponr secourable(joix p. 127). * POINT — pour sujet sur lequel on médite (v. p. 76). POMPEUX — pour ami du faste et du luxe (v. p. 190). PORTEMENT — pour santé (v. pp. 116. 380). POSSESSION (se tenir en) — pour être à même de 'v. p. 54). ' PREFIGER — du lat. pr.œfigehe, assigner d'avance (v. p. 387). PRESENT (de) — maintenant (voir P- 347)- PRESSER — pour gêner, accabler (v. p. T2^1. PRIME ET PREMIERE — la toute première (v. p. 391). PRINDRENT — prirent (v. p. 186). "PRINT —prit (v. p. 211). PRIX — pour estime, approbation (v. p. 150). * PROGRES — pour diffusion, déve- loppement {\ . p. 118). PRONONCER — pour exposer (voir p. 27). PROSPERER — pour faire prospérer (v. pp. 219, 273). PROTESTER' — dansle sens actif (voir p. 200). * PROU — beaucoup, asse^ (v. pp. 74, 99, etc.) * PROUVOIR — pourvoir (v. pp. 44, 216, etc.) PROVIDENCE — pour prévoyance (v. p. 177). * PUISSAMMENT — pour longuement (v. p. 183). PUISSANCES — pour facultés de l'âme (v. p. 183). * QUAND — pour quant (v. pp. 6, 261, 263). * QUANT ET QUANT — en même temps (v. pp. 12, 90). QUARANTAL — service funèbre qui se faisait quarante jours après le décès (v. p. 333).  Glossaire  439  QUARTIER (a) — à part (v. p. 327). * QUE — pour quelle chose, ce que (v. pp. 81, 265, etc.) QUE C'EN SEROIT - ce qu'il en serait (v. p. gg). QUE C'EST QUE — qxi est-ce que (v. pp. 151, 2go, 317, etc.) QUE L'ORDINAIRE — pour qu'h V ordinaire (v. p. 13g). QUESTE (sa) — terme de vénerie, au figuré : objet de sa recherche (voir p. 224). * QUI» QU'IL — pour ce qui, ce qu'il (v. pp. 55, 133, 224, etc.) * RAFRAISCHIR — pour renouveler (v. p. 366). * RAMASSER (l'esprit) — le concen- trer sur un objet, se recueillir (voir p. ago). ' RAMENTEVOIR - rappeler, faire r es souvenir de [v. -pp. 8"], I II, ^Cfi, etc.) RANGER (se) — pour se soumettre, s'accommoder {v. pp. 20g, 320). RATELLIER — pour nourriture, table (v. p. i8g). RAVIGORÉ — (aujourd'hui ravigoté) remis en vigueur, forti/ie' (v. p. 384). REBROÛEMENT — action de ra- brouer, de rebuter (v. p. 242}. * RECHARGE — pour nouvelle ins- tance (v. p. 103). RECIT — pour récitation (v. p. g3). RECITE — pour cité, rapporté (v. p. 340). RECOMMANDATION S — pour salu- tations, compliments (v. p. 380). RECOURIR — terme de vénerie : poursuivre (v.pp. igg, 224). Cf. l'ital. RINCORRERE. * RECOUVERT — ponr recouvré [voir pp. 2, 380). RECOY (a) — du lat. rbquietum, en repos (p. gg). * REDUCTION — pour conversion (v. P- 77. 137. 177)- * REDUIT — pour retiré, rangé [voir p. iig). * REFORMATION - réforme (v. pp. 61, 62, etc.) * REGARD (pour ce, le) — pour à cet égard, à cet effet, en ce qui concerne.  pour cette raison, sur ce point (voir pp. 7, 44, 78, go, 368, etc.) * RELAY — loisir (v. p. 265). RELIGION — pour Ordre religieux, vie religieuse (voir pp. g6, lor, 25g, etc.) RENFORCEMENT — pour augmen- tation de forces (v. p. 357). REPLIQUE — pour instance réitérée (v. p. 164). RESCRIRE — pour répondre{y. p. 28). * RESPECT — du lat. RESPECTus, coMSz- dération (v. p. gg), RESOUVENIR — po\xx faire ressou- venir (v. pp. 66, 86). * RESSENTIMENT — pour faible retour d'un mal (v. p. 126), vive impression (pp. 330, 366), gratitude (p. 342). * RESSENTIR A — porter le carac- tère de, s'inspirer de (v.pp. 25g, 317). RESSERRÉ (plus) — pour plus bref (v. p. 225). * RETARDATION — retard (v. pp. 40, 66, 226). RETIRER — pour concentrer, recueil- lir (v. p. 311). RETRANCHÉ — pour Jffl»7/^(v.p. 175). * RETROUSSÉ (être avec quelqu'un) — être bref dans les rapports avec lui (v. p. 83). REVAY (je) — je retourne (v. p. 15g). MOITE — querelle, dispute{\. p. -^1^). *SAGETTE — du lat. skgitta, flèche (v.p. 2S3). SANS AUTRE — pour sans un autre (v. p. 354). * SANS PLUS — pour pas davantage, sans rien ajouter (v. pp. 203, 329). SARGE — serge (v. p. 185). SEELLÉ — scellé (v. p. 93). SEMBLER — pour ressembler (voir P-37=i)- ♦SENSIBLE — pour K0^<7è/e (v.p. 278). 'SI — pour ainsi, toutefois, pourtant, aussi, encore, oui, en vérité. SI EST — oui (v. p. 226). * SI EST CE QUE — néanmoins (v.pp. 175, 208, etc.) •SIGNE (a ce) — de l'ital. a talsbgno, à ce point (v. pp. 167, 303).  Lettres de saint Fl^^NvOIs de Sales  SIL ME SEMBLE— pour il me sem- ble ainsi (v. p. 26). * SI MOINS — si}ion[\'. pp. 216, 274I. * SI QUE — de sorte que, si bien qii^ (v. pp. 40, 42, 81, etc.) •SOIGNER (a) — donner ses soins (v. PP; 55, 308)- SOLIDE — consolide' (v. p. 116), SORTABLE — correspondant , con- forme (v. p. 86). SOUDAINEMENT — promptement. tout de suite (v. p. 336). * SOÙEFVE, SOÛAIF VE -suave (voir pp. S9, 98, 392 b, etc.) SOUEFVEMENT— suavement (v. pp. 159. 182). SOUËFVETÉ — suavité (v. p. 330). SOÛILLARS, SOUILLARDES - personnes employées aux bas offices d'une maison (v. p. 215). *SO\]LOl^ — avoir r habitude de[v.^. 182). Du lat. SOLERE. *SOUVENTEFOIS, SOUVENTES- FOIS — souvent, maintefois (v. pp. 27, 112, etc.l SUBSISTANT — ço\ix consistant{YO\v p. 82). *SUCCES — issue (v. pp. 13, 292), histoire (p. 119). De l'itaL successo. 'SUFFISANCE — dulat. sufficientia, capacité^ mérite (v. pp. 173, 293, 324). * SUPPORT — pour appui, soutien (v. p. 132). *SUR — pour à (v. p. 245). SURCROISTRE — croître par-dessus (v. p. 175). SURHONNORER — honorer extrê- mement (v. p. 312). SUS, SUS — pour sus donc (v.p. 89). Cf. l'ital. su, su. TANT — pour d'autant (v. pp. 147, 228), autant (v. p. 150). •TEMPESTÉ — pour tracassé (voir p. 139).  * TENDRE — pour douillet, sensible, délicat (v. pp. ^0, 192, 282). * TENDRETÉ — du lat. tkneritas, attendrissement [y. p. 382). TORT — pour dommage (v. p. 319). TOST — pour vite [y. p. 171). TOUT A PLAT — entièrement, com- plètement (v. p. 207). TOUT FIN SEUL — tout à fait seul (v. p. 310). TOUT MAINTENANT - à l'instant présent (v. pp. 180, 274). * TOUT PAR TOUT - locution qui renforce le sens de partout (voir P- 47)- * TRAVAILLER — pour fatiguer (voir p. 367). TRAYNEMENS — délais, longueurs (v. p. 116). TREMOUSSEMENT — anxiété, agi- tation, vive inquiétude (v. p. 276). *TROP PLUS — beaucoup trop (voir p. 387). TROUBLEMENT— /ro«è/?(v. p. 79). * VANTANCE — vanterie (v. p. 340). * VERS — pour auprès de (v. pp. 290, 3071. VERTUGADIN — de l'espagnol ver- TUGADO, bourrelet que les dames por- taient jadis au-dessous de leur corps de robe (v. pp. 190, 263'. 'VIANDE — pour nourriture (v. pp. 97, 3Î7. etc.) VIDUALE — du lat. vidualis, propre à la veuve (v. p. 392b). VILETTE - petite ville Y. p. 28-,!. Cf. Tital. VILLETTA. VILITÉ — vileté. Du lat. vilitas, bassesse (v. pp. 204, 392 d). VIREVOLTER — tourner et retourner en tous sens 'v. p. 301). * VISITATION — du lat. visitatio. visite (v. pp. 43, 205). * VISTEMENT - vite (v. p. 224).  ERRATA  Page [69, note (2) : n'étaient pas ondées — lire : fondées. » 189, 11. 29-31 : que je ne suis pas en mes mauvaises humeurs, mais a bon escient je vous conjure. Il faut, etc. — lire : humeurs ; mais a bon escient, je vous conjure, il faut, etc. K 192, sommaire : nos affections — lire : afflictions.  TABLE DES MATIERES  Lettre d'approbation de M''' Campistron, Evêque d'Annecy. . v Avant-Propos ix Avis au Lecteur xxiv  ANNÉE 1605 Lettre CCLXXI — A M™^ de la ThuilLE. — Bénédiction tem- porelle et spirituelle souhaitée à une jeune épouse. — De qui faut-il l'obtenir et par quelle prière CCLXXII — A LA Baronne de ChANTAL. — Convalescence du Saint. — Il a besoin d'un secrétaire. — Les « petitz livretz » de la Baronne. — Salutations à tous ses amis en Notre-Seigneur. — Sympathie pour une malade opérée CCLXXIII — A LA MÊME. — Lettres et porteurs. — La patience parfaite exclut l'inquiétude et l'empressement. — Avoir " les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit. » — Ne pas trop consi- dérer son mal. — Grand pouvoir devant Dieu que de pouvoir vouloir. — Penser à « la grande dereliction » du jardin des Oli- ves. — Servir Dieu comme il veut : moyen de le bien servir. — La simplicité chrétienne dans l'accusation des péchés. — Quand il s'agit de vocation, communiquer avec son directeur et ouïr Notre-Seigneur en esprit d'indifférence. — Les tentations qui viennent de Dieu et celles qui n'en peuvent venir ; conduite à tenir à l'égard de ces dernières. — « Le donjon imprenable. ■) — Mépriser les tentations, embrasser les tribulations CCLXXIV — A l'AbBESSE du PuITS-d'OrBE. — Dieu console ses amis en même temps qu'il les afflige. — Les « livrées » de Notre- Seigneur et les bagues de ses épouses. — Marques d'intérêt et de sympathie. — Les véritables idées du Saint pour la réformation du monastère du Puits-d'Orbe. — Prendre les lumières d'un Religieux Visiteur CCLXXV — A LA Présidente BrULART. — Projet d'entrevue ajourné. — L'obéissance et le martyre. — Donner du conten- tement aux siens, servir Dieu avec gaieté : deux choses très  4-M Lettres de saint François de Sales louables. — La volonté de Dieu doit nous servir d'étoile » en ceste navigation. » — Eviter la fréquentation des hérétiques: le négoce avec eux n'est pas défendu I4 CCLXXVI — A LA Baronne de Chantal. — Plus la croix est grande, moins elle pèse. — Pieux souhaits, ardentes aspirations à propos d'une « image devolj » 1 6 CCLXXVII — A LA Présidente Brulart. — Don du Saint pour pénétrer rapidement les consciences. — On ne se guérit pas en un jour des mauvaises habitudes. — Danger d'orgueil pour une âme, si d'esclave elle devenait soudainement maîtresse. — La patience avec soi-même. — La plus belle harangue des men- diants. — Les statues dans les palais. — L'amour-propre se fourre partout. — Où est « le blanc de la perfection. » — Il faut affai- blir peu à peu les répugnances intérieures et leurs manifesta- tions extérieures. — Les désirs dont il convient de se défier. — Q.uels sont les désirs utiles et comment les régler. — Le moyen efficace de persuader la perfection aux autres 18 CCLXXVIII — A l'Abbesse du Puits-d'Orbe (Fragment inédit). — La tribulation : ses roses et ses épines. — L'infirmité du corps donnedesailes à l'âme. — Les délicessurnaturelles de la souffrance. 22 CCLXXIX — A M"^ de VillERS. — Dévotion de M'"^ de Boisy pour l'Hostie miraculeuse de la Sainte-Chapelle de Dijon. — Dispositions à prendre pour entretenir le Saint avec plus de commodité. — Invitation à venir au château de Sales 23 CCLXXX — A l'Abbesse du PuiTS-d'OkBE. — Nouvelles rétros- pectives de la maladie du Saint et de sa guérison. — Témoi- gnages de compassion à une infirme. — Pensées consolantes sur les souffrances. — La tribulation, « l'eschole de l'humilité, » nous fait voir le fond de « nostre neantise. » — Ne pas se trou- bler dans les tentations. — La paix de l'âme; ses deux ennemis : l'amour-propre et l'estime de nous-mêmes. — Trois avis pour avoir la paix. — « En tout, vivre paysiblement. » — L'humilité : description de cette vertu; conseils pour la pratiquer. — « Il est mieux d'estre sur la croix avec Nostre Seigneur que de la regar- der seulement. » — L'obéissance aux médecins. — Les Sœurs doivent avoir tout en commun. — A l'égard des offenses, le Saint n'est « nullement tendre et douillet. » — Quelles sont les àmus qu'il faut aider 25 CCLXXXl — .\ M. DE CrÉPY. — Paroles de courtoisie. — Dévoue- ment du Saint à l'entreprise de l'Abbesse du Puits-d'Orbe. — La santé du corps et les consolations de l'âme. — Jeanne de Sales proposée comme pensionnaire à l'abbaye 35  Table des Matièrls 445 CCLXXXII — A LA Présidente Brulart. — Ouvrir son àm; à tout venant, vivre dans la contrainte : deux excès; il faut gar- der une honnête liberté. — Eloge d'un confesseur. — Exhortation à soumettre en tout sa volonté à celle de Dieu. — Sr>lidité éter- nelle des amitiés fondées sur l'amour de Jésus-Christ 37 CCLXXXIII — A LA Baronne de ChaNTAL. — Le voyage de la Baronne en Savoie, décidé. — Moyens de rendre l'entrevue fruc- tueuse : l'examen de son âme, la prière, la confiance en Dieu et au S:nnt. — Le mieux, c'est d'apporter l'indifférence delà volontj propre. — Dans quelles âmes Dieu se plaît d'agir. — Le congé du confesseur. — Informations discrètes demandies sur le monas- tère du Puits-d'Orbe dans l'intérêt de sa jeune sœur. — Souhaits de bon voyage. — Itinéraire à suivre de Saint-Claude à Thorens. — Une cérémonie religieuse l'oblige à changer la date fixée pour l'arrivée de la Baronne 3g CCLXXXIV — A M. d'AlBIGNY. — Plusieurs paroisses sont dépourvues de pasteurs ou n'ont que des vicaires. — Incon- vénients de cette privation. — Obligation urgente pour les Che- valiers de Saint-Maurice de fournir '■ les portions congrues » aux curés. — Montrer de la bienveillance à quelques personnes qui veulent se convertir. — Le collège d'Annecy aurait grand besoin des Pères Jésuites 43 CCLXXXV — A LA Baronne de Chantal (Inédite). — Envoi d'un guide. — Souhaits de bienvenue. — Une consécration de vierges à Notre-Seigneur et la consécration mvstique d'une veuve. 45 CCLXXXVI — A LA MÊME. — A propos d'une image représentant sainte Anne, la Vierge Marie et Jésus enfant. — Explication de leurs attitudes. — Naïves applications. — Pieux souhaits. . . 46 CCLXXXVII — A l'Abbé d'Abondance (Inédite). — A qui revient la bénédiction des cloches; délégation générale et pou- voir de déléguer par l'Abbé d'Abondance, en des cas semblables. — Actions de grâces pour l'avènement du Pape Paul V. — La défaite d'un ministre dans une conférence publique 48 CCLXXXVIII — A LA Baronne de Chantal. — Grâce inestimable pour une âme que Dieu a faite toute sienne : en garder la souve- nance par la célébration du jour anniversaire. — Les amitiés que la mort ne peut dissoudre. — Ne pas regarder à qui, mais pour qui on obéit ' 51 CCLXXXIX — A LA Présidente Brulart. — Mettre uu cœur vaillant à faire ce que Dieu veut. — Ne pas regarder à la subs- tance de nos actions; les plus chétives deviennent honorables si Dieu les ordonne. — N'aimer rien trop. — Le propre des  446 Lettres de saint François de Sales roses et des lis. — • Soyons ce que Dieu veut et non ce que nous voulons, contre son gré c 3 CCXC — A l'AbBESSE du PuITS-d'OrBE (Inédite). — La vraie simplicité dans l'accusation des péchés, très agréable à Dieu. — En se confiant à un confesseur, éviter de paraître mépriser les autres. — Se défier des divagations de l'esprit. — Prière « de bien humilier » Jeanne de Sales 54 CCXCI — A W^" DE LiMOJON (Inédite). — Retrancher de uotre vie les superfluités mondaines. — Ce n'est pas l'œuvre d'un jour que de se conquérir soi-même ; raisons de l'entreprendre avec courage. — La principale leçon de Notre-Seigneur. — Ayons une piété qui plaise à Dieu et aux hommes. — Le Saint désire qu'on lui écrive naïvement, sans cérémonie. — Pressante exhor- tation finale de se donner à Dieu 58 CCXCII — A l'AbBESSE du PuITS-d'OrBE (Inédite). — L'A'cbesse s'étant offensée que le Saint eut voulu payer la pension de sa sœur, celui-ci se défend. — Il la presse vivement de renoncer au dessein de quitter l'abbaye et l'encourage à continuer la réforme. — Indications pour la récitation des Heures, conformes aux prescriptions de sainte Thérèse. — Permission de chanter des cantiques pendant la récréation 60 CCXCIII — A M. DE CrÉPY. — La réi'or'me du Puits-d'Orbe. — Le Saint se défend de « vouloir surnager » au conseil des autres. — Services que peuvent rendre à l'Abbesse M. Viardot et M. Néron. — Affecti.on du Saint pour M. de Crépy et pour le Monastère 63 CCXCIV — A LA Baronne de Chantal (Fragment inédit). — Annonce d'une lettre prochaine. — Invitation à écrire. — Sou- haits de dévotion 64 CCXCV — A M. d'AlBIGNY. — Détresse de plusieurs paroisses; prière d'ôter les obstacles qui les empêchent d'être pourvues de pasteurs ^5 CCXC VI — A M. d'Avully {Inédite). — Soliicitation de la liii d'un paiement ^^ CCXCVII — A LA Baronne de Chantai.. — Quelle sera l'attitude de la Baronne devant le meurtrier de son mari; l'émotion inc-vi- table doit être suivie d'un regard au ciel et d'une résignation amoureuse. — Exhortation aux basses mais excellentes vertus.. . 67 CCXCVIII — A S. S. Paul V. — Nombreuses raisons pour le Saint de se réjouir de l'avènement de Paul V. — Sa joie de voir élevé au Pontificat un Cardinal dont il avait éprouvé déjà la bienveillance. — Le diocèse de Genève a un droit particu-  Table des Matières 447 lier à sa sollicitude paternelle ; acclamations joyeuses de son Evêque 69 CCXCIX — A M»"" DE Revol (Fragment inédit). — Conversions de bourgeois de Genève, presque tous jeunes gens 73 CGC — A LA Baronne de ChanTAL. — Petit commentaire sur sainte Madeleine et Jésus-Christ ressuscité. — « Il faut avoir un cœur d'homme. » — Là-haut, plus de barrière. — Désir de graver le nom de Notre-Seigneur dans le cœur de la Baronne. — n Les hostelz » des princes à Paris et leur nom gravé sur le frontispice. — Encouragements joyeux 74 ceci — A M. DE Bérulle (Fragment) 77 CCCII — A M. d'Ai.BIGNY. — Zèle ardent du P. Sébastien. — Désir de régler la question de l'entretien des églises. — Insis- tances nouvelles en faveur des paroisses en détresse 77 CCCIII — A l'Abbesse du Puits- d'Orbe. — Désir d'avoir des nouvelles; nécessité d'un sage directeur pour conduire les Reli- gieuses. — Travailler doucement, mais soigneusement à tenir la clôture. — Encouragements et conseils 79 CCCIV — A LA Baronne de ChanTAL. — Il y a moins à craindre pour une âme que la Vierge « a prise a soy. » — Il suffit d'être auprès de Jésus. — Tout va bien si le cœur est en bon état. — La veuve et sa petite chandelle à la suite du Saint-Sacrement. — Ne pas s'étonner de ses faiblesses. — Se contenter des lumières qu'on a. — Simplicité et prudence avisée dans la fréquentation des héré- tiques. — Le Saint dit un mot des honneurs qu'on lui propose ; ses sentiments à cet égard. — Il ne veut que le titre de Père. . . . 80 CCCV — A LA Présidente BrULART. — Nul repos qu'en Dieu. — Désir d'avoir des nouvelles de l'Abbesse du Puits-d'Orbe ; légère inquiétude à son sujet. — Messages d'amitié pour diver- ses personnes 86 CCCVI — A LA Baronne de ChaNIAL. — Ne pas trop appréhen- der les tentations. — « Le frifiUis des feuilles. » — Les abeilles et les tentations. — Etablissement de trente-trois paroisses. — • Vivre joyeuse, être généreuse. — La joie viendra après les lar- mes ; sinon, servons Dieu quand même 87 CCCVII — A M™* DE LiMOJON. — Exhortation à poursuivre la vraie dévotion. — Dieu « est bon a tous et en tous tems. » — Aspirer perpétuellement à lui qq CCCVIII — A LA Baronne de ChaniAL. — Préparer dans notre cœur une place à la « sainte Pouponne. » — Ne pas craindre si Dieu nous abandonne, nous laisse et lutte avec nous. — Roses, lis et violettes. — Les trois petites vertus aimées du Saint gi  448 Lettres de saint François de Sales CCCIX — A l'AbBESSE du PuITS-D'OrBE. — Les douceurs de la clôture. — Témoignages de dévouement. — Le monastère du Saint et ses murailles. — Remplacer les Heures par de brèves aspirations. — Les marques de l'amour de Dieu 02 CCCX — Aux Religieuses de l'Abbaye du Puits-d'Orbe. — Belles espérances que le Saint a conçues de la réforme; joie de la voir appliquée. — Souhaits de persévérance. — Tableau con- solant d'une « Religion reformée. » — -< Le panier des figues dou- ces. » — Fruits d'une réforme pour le présent et pour l'avenir. — Oflre de services spirituels. — Ne pas regarder en arrière, aimer ses voeux, conserver la douceur, pratiquer Tobéissance 05 CCCXI — A LA Baronne de ChanTAL. — Ne pas craindre d'être importune en exposant ses peines intérieures. — Dieu parle de préférence « parmi les desertz et halliers. » — Les abeilles au repos. — Souvenir donné à la fête du jour : l'Exaltation de la sainte Croix 08 CCCXII — A M. d'Avully. — M"^ d'Avully désire entrer à Sainte-Claire. — Ne pas apporter de délai à son désir afin d'éviter un plus grand dommage. — Dieu bénira cet acquiesce- ment ; il réclame cette preuve d'amour. — Qiiels sont ceux qui ont le plus de moyens de servir Dieu 1 o I CCCXIII — A une religieuse. — Avec le désir de le servir, Dieu en donne les moyens. — Ce qui convertit nos fautes en roses et parfums. — Bonheur d'être seul à seul avec Dieu. — Les aspi- rations amoureuses. — S'animer d'un grand courage 103 CCCXI V — Au PÈRE PoSSEVIN { Inédite j. — Désir de se rappeler au souvenir du P. Possevin. — Retour sur les obligeances qu'il lui a témoignées dans le passé. — Détails consolants sur son ministère. — Son amitié pour le P. Jean Fourier. — Il s'honore d'avoir été fils spirituel du Jésuite italien , I05 CCCXV — A M"" DE Rye (Inédite). — Respect dû à la parole de Dieu. — L'esprit de joie et de suavité : « le vray esprit de dévo- tion. » — Movens de guérir les mélancolies spirituelles I lO CCCXVI — A LA Baronne de ChaNTAL. — Amour du Saint pour les afflictions. — Il refuse de s'expliquer sur l'idée que la Baronne avait eue de quitter le monde. — Avec Dieu, il fait bon où que ce soit. — Ce qu'il n'est pas besoin de dire en confession.. . ! 13 CCCXVII — A M. DE Chevron. — Lettre d'affaires. — Les frères Rolland. — L'Abbesse de Sainte-Catherine ne se range pas à l'avis du Saint à propos de sa parente I 1 5 CCCXVIII — A M. DE BrÉTIGNY. — Plaisir du Saint d'ap- prendre les progrès de l'Ordre du Carniel en France. — Désir  Table des Matières 449 de connaître les particularités de son établissement. — Eloge d'une fille spirituelle, nièce de M. de Brétigny nj CCCXIX — A l'AbBESSE du PuITS-d'OrBE. — Le service de Dieu « agissant » et « pâtissant. » — Les petits ennuis 120 CCCXX — A LA Baronne de ChanTAL. — Décision sur une ques- tion d'argent. — Une mère de famille doit servir avec prudence les malades contagieux. — Eloge de M. de Chantai. — Jésus, l'Epoux éternel, désire qu'on imite sa douceur. — Circonstances où la déférence aux volontés des parents ne convient pas. — Les mouches et les distractions dans l'oraison. — Les Carmé- lites à Dijon. — Semer au champ de notre voisin, pendant que le nôtre en a besoin, avoir son cœur en un lieu et son devoir en l'autre : chose dangereuse. — Malice et subtilité de Satan. — Avis pour le temps du Carême. — Impressions de tournée pastorale. — Retour à Annecy 121 CCCXXI — A LA MÊME. — Le remède préféré du Saint. — Les <( alcions » de la mer et leurs nids. — Tenir notre cœur bien calfeutré et ne lui donner aucune ouverture que du côté du Ciel. 126 CCCXXII — Aux Chanoines de la Collégiale de Saint-Jean- Baptiste DE La Roche ( Inédite j. — S'intéresser à l'établis- sement du collège ; le bien de la ville, la gloire de Dieu et de l'Eglise en font un devoir 129 CCCXXIII — A M. DE SiLLIGNIEU (Inédite). — Paroles et compli- ments d'amitié au fils ; sentiments de respect pour la mère. — Recommandation de la famille au « cher Sauveur » de Noël. i 30 CCCXXIV — A M. d'AlbigNY (Inédite). — Différend du Prieur de Bellevaux avec un seigneur. — Prière de s'intéresser au sort d'une pauvre femme digne de compassion. — Souhaits de Noël 131 CCCXXV — A la Baronne de ChanTAL. — Désir du Saint de progresser dans l'amour divin. — Aspirations. — Bethléem ; la « sainte Abbesse » et le « petit Enfançon. » — Lui dérober « les premières rosées de ses larmes; » leur divine efficacité. — Ne pas se charger d'austérités pendant le Carême I33 ANNÉE 1606 CCCXXVI — A M. des OcHES. — Les jeunes filles peuvent chanter à l'église « des Noelz et chansons spirituelles » sans enfreindre le précepte de l'Apôtre saint Paul I 3 5 CCCXXVII — A M. d'AlbIGNY (Inédite). — Zèle du P. Maurice pour la conversion des hérétiques I36 Lettres III '9  450 Lettres de saint François de Sales CGCXXVIII — A LA Baronne de ChaNTAL. — Tesprit de la sainte indifférence, bon à tout. — Le Bienheureux va faire une petite retraite auprès du P. Fourier. — Son amour des âmes ; l'affection de son peuple pour lui. — Retrancher les superfluités dans les communications spirituelles. — Charlotte de Chantai et Jeanne de Sales. — Quand on a renoncé une fois au monde, savoir écar- ter ses sollicitations importunes. — Attachement indissoluble du Saint pour sa « pauvre femme, » l'Eglise de Genève. — Ne pas aspirer à un état de vie au-dessus de nos forces 1^8 CCCXXIX — A LA MÊME. — Le Carême, automne de la vie spiri- tuelle ; moyen d'en recueillir les fruits. — La parure permise aux veuves. — Les âmes sont la vigne de Dieu. — Application détaillée de la figure évangélique à une âme chrétienne. — Le pressoir de l'Eglise 144 CCCXXX — A LA MÊME. — La nuit, mille bonnes pensées s'offrent au Saint pour la prédication. — Souhaits de perfection. — La considération des plaies de Notre-Seigneur. — Vanité et bassesse d'un cœur « qui niche sur un autre arbre que sur celuy de la Croix. » — « Rien du monde n'est digne de nostre amour. » — Résolutions et aspirations du Bienheureux pour une vie plus fervente 1 4^ CCCXXXI — A LA Présidente Brulart. — Une langueur qui pique l'âme au lieu de l'assoupir. — Ce qui est défendu, ce qui est permis les jours de Communion. — Si la perfection consiste à ne voir point le monde. — Les jugements bons ou mauvais des hommes ; le cas qu'-il en faut faire. — Le monde est un charlatan. — Susceptibilité injustifiée d'une destinataire 148 GCCXXXII — A LA Baronne de ChaNTAL. — Conduite à tenir dans les tentations contre la foi; la meilleure tactique, c'est de les mépriser. — Dieu est le protecteur de la viduité chrétienne. 1^2 CCCXXXIII — A M'"' AcARiE (Fragment inédit). — Estime du Saint pour les Supérieurs du Carmel, et en particulier pour M. de BéruUe 1 5 3 CCCXXXIV — A M'"^ de la FaverGE (Inédite). — Le Bienheu- reux s'intéresse à l'avenir d'un jeune gentilhomme, et promet à sa mère de faire des démarches pour lui I 54 CCCXXXV — A M. DE la Thuille, son frère (Inédite). — Les places de page en Savoie au xvii*^ siècle ; le Saint s'entremet pour en procurer une. — Mauvaise santé de l'un de ses frères. . . I 56 CCCXXXVI — A MS-- FlÉARD. — Le Saint, à la fin de son Carême, avertit de son départ l'Evêque du diocèse et se loue d'avoir prêché à son peuple 157  Table des Matières 45 1 CCCXXXVII — A M. de CrÉPY, — Témoignages d'amitié. — Les Carmélites de Dijon et la bonne odeur qui émane de leur cloître. — Considération du Saint pour leurs Supérieurs. — Retour à Annecy 15° CCCXXXVIII — A LA Présidente Brulart. — La clôture de l'abbaye du Puits-d'Orbe et ceux qui devraient la respecter. — « Le mal des maux, » pour les âmes « qui ont des bonnes volon- tés. » — Prendre modèle sur les abeilles : faire le miel « dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour, » et ne pas désirer une perfection qui nous dépasse I DO CCCXXXIX — A LA Baronne de Chantal. — Remède aux tentations contre la foi. — La Met/iode de servir Dieu et le Combat spirituel. — Aux âmes qui débutent dans l'oraison, « il est expédient de se servir de toutes » leurs « pièces, et de l'ima- gination encores. » — Dans les choses conseillées, le Saint ne veut pas qu'on prenne ses paroles en toute rigueur 1 6 1 CCCXL — A M. DE CrÉPY. — Prière d'assister l'Abbesse dans son entreprise de réforme. — Ici-bas, il n'est point de prix proposé à la dévotion. — Recommandation en faveur d'un Religieux appelé à défendre ses droits 1 64 CCCXLI — A la Présidente Brulart (Inédite). — Encore la clôture du Puits-d'Orbe. — Pour le nombre des Communions, s'en remettre au confesseur ordinaire. — Se voir sans faillir, n'est possible qu'en Paradis. — Pourquoi il faut tout à la fois haïr et aimer nos imperfections 166 CCCXLII — A M. d'AlbigNY (Inédite). — Démarche des habitants de La Roche pour obtenir l'établissement d'un collège. — Intérêt que porte le Saint à cette affaire 1 68 CCCXLIII — Au Prieur et aux Religieux du Monastère de SiXT (Inédite). — L'Abbé de Sixt en procès avec le Saint. — Celui-ci demande aux Religieux qu'ils attestent s'être soumis à ses ordonnances 1 69 CCCXLIV — A LA Duchesse de MeRCŒUR. — Le Saint intercède pour un gentilhomme débiteur de la duchesse de Mercoeur. — Il s'excuse lui-même de son retard à payer une créance l^o CCCXLV — Au Prieur et aux Religieux du Monastère de Sixt (Inédite). — Le Saint remercie les Religieux de Sixt de lui avoir envoyé une pièce favorable à son procès contre l'Abbé du Monastère 1-72 CCCXLVI — A UNE dame inconnue. — Vivre en esprit de douceur et d'humilité. — Conseil de suivre les avis d'un Religieux.... iTi CCCXLVII — A LA Présidente Brulart. — Les plus pures  452 Lettres de saint François de Sales affections sujettes à la rouille. — Les vignes et les amitiés spiri- tuelles : les unes et les autres ont besoin d'être émondées. — Le chemin de dévotion le plus assuré i ha CCCXLVIII — Au Duc de Savoie. — Les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare ne tiennent pas leurs promesses. — Le Bien- heureux recourt à l'intervention de Charles-Emmanuel pour obtenir justice, en faveur de plusieurs églises sans pasteurs i^6 CCCXLIX — Au Conseil des Chevaliers des saints Maurice et Lazare. — Plainte du Saint aux Chevaliers pour leur retard à doter les églises, ainsi qu'ils y sont tenus 178 CCCL — A M™« DE CharmOISY. — Le Saint s'excuse d'une méprise. — Affaire d'intérêt. — Se confier à la providence de Dieu, « non de bouche seulement, » pratique très fructueuse. — Exhortation à la ferveur I tq CCCLI — A LA Baronne de ChANTAL. — Projet d'une deuxième entrevue avec la Baronne. — Il faut s'attacher à la gloire de Dieu et non à ses créatures. — Docilité du Saint aux avis qu'on lui donne pour sa santé. — Quel usage doit-on faire de l'imagi- nation et de l'entendement dans l'oraison. — S'abstenir des lon- gues oraisons, des imaginations violentes et des considérations prolongées. — Les travaux des mains. — N'avoir d'autre loi ni contrainte que l'amour. — La « sarge » violette de la Baronne. — Pensées qui occupaient le Saint tandis qu'il portait le Saint- Sacrement à la Fête-Dieu. — La quenouille et le fuseau des âmes dévotes et des saintes ménagères. — Les gros et les petits fuseaux. — Intérêt affectueux de lEvèque pour la famille de M"' de Chantai l8l CCCLII — A LA MÊME. — Départ du Saint pour la visite des parois- ses; ses impressions. — Les mille bonnes odeurs qui parfument nos afflictions. — Tenir son cœur bien large, vivre joyeuse. ... 192 CCCLIII — A LA Présidente BrULART. — Conseils variés à une personne du monde : servir Dieu par les exercices de sa voca- tion et par l'accomplissement des devoirs d'état. — La patience avec soi-même ; la modération des désirs 1 94 CCCLIV — A M. d'Albigny (Inédite). — Demande d'un passe- port pour un Chablaisien I95 CCCLV — A M. DU TelliER (Inédite). — Affaires à régler entre la duchesse de Mercœur et la famille de Sales I96 CCCLVI — A M, PerGOD (Inédite). — Saint François de Sales conseille les « appointements. » 197 CCCLVII — A M. DE Lambert. — Le Saint sollicite une grâce pour un gentilhomme 19°  Table des Matières 453 CCCLVIII — A LA Baronne de Chantal. — Les « mons espou- vantables » de Chamonix. — Mort tragique d'un berger. — Réflexions de l'Evêque à ce propos; son humilité. — Une sainte villageoise, l'une des « grandes amies » du Saint. — Dans l'ari- dité spirituelle, regarder simplement Notre-Seigneur. — Il faut être à Dieu sans réserve ni division 1 99 CCCLIX — A LA même. — Le fuseau de la femme forte. — Profit qu'on doit tirer des impuissances d'esprit. — Ce que nous pou- vons désirer de meilleur. — Un tableau de la Nativité. — La Transfiguration, le Calvaire et Notre-Dame. — L'humilité et l'abjection, choses différentes; les meilleures abjections. — Culti- vons notre champ, au lieu d'envoyer « nos bœufz avec la char- rue » au champ du voisin. — Ne pas trop « s'amuser » au projet d'entrer en Religion; conduite à tenir en attendant une décision. — L'éducation des filles dans les monastères, d'après les idées du Saint; les enfants de la Baronne, Marie-Aimée, Celse-Bénigne. — Ne pas trop considérer son mal. — Mépriser les tentations ; Jésus-Christ crucifié, thème de contemplation. — Saint Pierre sur les eaux ; la peur et le mal. — Dans la tourmente, serrer la main du Sauveur 201 CCCLX — A LA MÊME. — Il faut faire tout valoir à la ville et à la campagne. — Le Saint propose en exemple la vie d'une ver- tueuse chrétienne de La Roche. — Exhortation à la poursuite de la sainteté • 212 CCCLXI — A LA Présidente BrULART. — La sainte Communion nullement incompatible avec l'état du mariage. — Comment nous devons juger les actions et ce qui leur donne du prix. — Le moyen de n'être jamais bien saint. — Les emplois dans la mai- son d'un prince et en la maison de Dieu. — Humilité du Bien- heureux. — Règles pour l'aumône. — A quelles conditions les confessions annuelles sont utiles. — Jeanne de Sales et « la vie des chams. » — La vertu des femmes mariées, « celle seule que saint Paul indique. » 2 1 J CCCLXII — Au Chevalier de Loche. — Renseignements fournis sur un jeune gentilhomme, en vue d'un mariage 217 CCCLXIII — Au Duc DE Savoie. — Pauvreté du prieuré de Bel- levaux attestée par le Saint 2 1 9 CCCLXIV — A l'Empereur d'Allemagne (Fragment inédit). — Accusé de réception d'une lettre de Sa Majesté. — Souhaits de bénédictions 220 CCCLXV — A LA Baronne de Chantal. — Les labeurs de la visite et l'ardeur du saint Evéque ; l'accueil qu'il reçoit dans  454 Lettres de saint François de Sales le Faucigny. — Les illuminations d'une petite ville. — Comment (( divertir » ses yeux « des curiosités de la terre. » 221 CCCLXVI — A LA MÊME. — Au retour de la visite, le Saint revoyant son âme en a compassion ; il veut profiter des loisirs de l'hiver suivant pour se remettre dans la ferveur. — Les che- vreuils et chamois des Alpes. — Histoire d'un berger à la recher- che d'une vache. — Applications à un pasteur d'âmes 222 CCCLXVII — A LA Présidente BrULART. — Pour bien implanter la réforme, il faut commencer par de petites règles. — Un père et un mari jaloux de leur autorité ; leur ingérence importune ; condescendre pourtant à leurs volontés. — Marque pour éprou- ver la solidité de notre dévotion : quelquefois il faut laisser Notre-Seigneur. — Ne pas rendre notre piété fâcheuse à notre entourage. — Que doit faire une âme chrétienne soumise, à l'égard de la sainte Communion, à deux autorités divergentes ? — Détachement de saint Jean-Baptiste. — Une femme du monde qui « est arrivée bien haut. » — Lire sans scrupule la traduction des Psaumes de des Portes. — Un traité d'Alcantara. — Espoir d'aller au Puits-d'Orbe 225 CCCLXVIII — A M. DU ChatELARD. — Le Saint ne pourvoit aux cures que par la voie du concours. 23O CCCLXIX — A s. s. Paul V. — Le Saint s'excuse auprès de Sa Sainteté de déléguer son frère pour sa visite ad limina. — Il lui envoie un état de son diocèse et lui en résume les grandes lignes 231 CCCLXX — Au PÈRE Ancina (Inédite). — Recommandation en faveur de Jean-François de Sales. — Le Saint et ses amis de l'Oratoire de Rome 234 CCCLXXI — A LA Baronne de ChanTAL. — Nouvelles du Jubilé ; part que le Saint y a prise. — Sa tranquillité parmi un monde d'affaires. — Amour que lui témoigne son peuple 236 CCCLXXII — Au Cardinal BarONIUS. — Le Saint recommande son frère Jean-François à la bienveillance de Baronius. — L'héré- sie de Genève, source d'angoisses pour l'Evèque ; il a besoin d'être soutenu auprès du Saint-Siège. — Le glorieux auteur des Annales a l'autorité nécessaire pour lui prêter cette assistance 237 CCCLXXIII — A UN Cardinal (Minute inédite). — François de Sales rappelle au Cardinal l'aimable accueil qu'il en reçut jadis. Titres particuliers de son diocèse à la bienveillante protec- tion du Souverain Pontife. — Difficultés que lui crée l'hérésie ; pour les surmonter, il a besoin de recevoir du Saint-Siège aide et secours 239  Table des Matières 455 CCCLXXIV — A UNE RELIGIEUSE. — Exhortation à bénir Dieu pour une grâce reçue. — Le grand point de l'humilité pour une Religieuse. — Les humilités les plus fines. — Le parler hautain, intempéré et la bienséance religieuse 24 1 CCCLXXV — Au Président Favre (Inédite). — Conseils affec- tueux du Saint à son ami. — Les dévotions du Jubilé 243 CCCLXXVI - A M"« Clément. — Le désir du cloître doit être sans inquiétude. — Une croix très sainte. — Jamais le Sauveur « ne manque aux âmes qui aspirent en luy. » — Envoi du Saint.. 244 CCCLXXVII — A l'Empereur d'Allemagne (Inédite). — Accusé de réception d'une lettre qui invitait le Saint à la diète de Ratis- bonne 245 ANNÉE 1607 CCCLXXVIII — A UNE RELIGIEUSE. — Le devoir d'une âme qui veut aimer Dieu. — La définition du courage d'après les mon- dains et d'après les chrétiens. — Le courage de « nostre Capi- taine, de sa Mère, de ses Apostres. » — Il ne suffit pas << de ne faire pas mal. » 247 CCCLXXIX — A M. DE Bay. — Remerciements de saint Fran- çois de Sales pour un envoi d'auteur 249 CCCLXXX — A Ms' Costa (Fragment inédit). — Lettre de créance pour les députés envoyés à Turin par TEvèque et le clergé du diocèse de Genève 25 1 CCCLXXXI — A la Baronne de ChANTAL. — L'ambition des pères. — La vraie grandeur des veuves et des Evêques. — La (( sagette » et le carquois du divin Archer. — Vivre joyeuse et courageuse. 252 CCCLXXXII — A S. S. Paul V.— Le Saint prie le Souverain Pon- tife d'accueillir paternellement un gentilhomme converti qui a donné des gages de fidélité 253 CCCLXXXIII — Au Cardinal AldOBRANDINO. — Le Saint recom- mande au Cardinal un gentilhomme converti 255 CCCLXXXIV — A LA Présidente Brulart. — La correspon- dance du Saint ; sa petite sœur. — La manière de bien célébrer une grande fête. — Savoir demeurer en paix parmi la guerre. — Règle pour traiter dignement les personnes de son rang.... 258 CCCLXXXV — A la Baronne de Chantal. — Le Saint invite M"* de Chantal à s'en remettre à la Providence de son désir de quitter le siècle. — Sans « vertugadin » on peut être « bien net et bien propre. » — L'âme chrétienne et la vicissitude des saisons; au Ciel, il n'y aura nul hiver, — Les « maistresse$  45^ Lettres de saint François de Sales chordes » auxquelles toutes les autres sont attachées. — Une baronne maîtresse d'école et un logis d'Evêque plein de plai- deurs. — Les commandements et les avis. — Le Saint commence à écrire le Traitté de l'Amour de Dieu. — Les cantiques de la Baronne. — Les « belles humeurs >> du Bienheureux avec les enfants, au catéchisme. — La réponse d'une petite fille. — La confrérie du Cordon 260 CCCLXXXVI — A UN AMI. — Le Saint désire employer le Carême à « rabiller » son âme, qu'il appelle " un horologe détraqué. » 268 CCCLXXXVII — Au Chanoine de Grilly. — Le Saint avertit son correspondant qu'il a écrit en sa faveur au Souverain Pontife une lettre de recommandation 260 CCCLXXXVIII — A M. DE SaUZÉA. — Le Saint donne des nou- velles, des commissions et des encouragements à l'un de ses familiers 27 1 CCCLXXXIX — A M. d'Albigny (Inédite). — Le Saint adresse à M. d'Albigny un gentilhomme capable de lui fournir de pré- cieux renseignements sur Genève 273 CCCXC — A LA Baronne de ChANTAL. — Le Saint avertit la baronne de Chantai de se tenir prête pour le voyage, au temps qui sera marqué 274 CCCXCI — A LA MÊME. — Le Carême, la moisson des âmes. — Larmes de joie et d'amour. — Une âme conquise, « toute d'or. » — Les services spirituels profitent à ceux qui leS donnent. — Une « conteste. » — Le rendez-vous général de toutes les conso- lations - 275 CCCXCII A DES DESTINATAIRES INCONNUS (Inédite) 277 CCCXCIII — A M™* DE ViGNOD (Inédite). — Conseils pour une revue annuelle des ses péché. — Pourcertaines âmes, les veilles dé- mesurées nuisent à l'esprit de dévotion. — Les saules, le myrte et le palmier. — Le Saint envoie son prédicateur à Sainte-Catherine. 278 CCCXCIV — A LA Baronne de ChaNTAL. — Il faut supporter avec courage les mauvaises opinions qu'on a de nous. — Considéra- tions qui attendrirent le Saint, au cours d'un sermon de la Passion donné à Sainte-Claire 28 1 CCCXCV — A M"^ DE VillERS. — Désir de recevoir des nou- velles. — Invitation à venir à Saint-Claude. — Assurance de religieux dévouement 28 I CCCXCVI — A LA Baronne de Chantal (Inédite). — Dispo- sitions que doit prendre la Baronne pour son prochain voyage à Annecy. — Désir du Saint de la recevoir en sa « petite vilette » et en son « petit héberge 283  Table des Matières 457 CCCXCVII — A M. DE SOULFOUR. — Le Saint prie son correspon- dant d'offrir ses salutations aux pieux amis et aux personnes de Religion dont il a fait jadis la connaissance à Paris 284 CCCXCVIII — A LA Baronne de ChANTAL. — Souhaits de bien- venue. — Le Saint vante à la Baronne le bel Office de son Chapitre. — Hors de Dieu et sans lui, nous ne sommes que « des vrais riens. » 287 CCCXCIX — A UN AMI. — Protestations d'amitié. — Promesse d'entrevue 288 CD — A LA Présidente BrULART. — Pour des âmes novices, il n'est pas bon de penser toujours rencontrer Dieu sans prépara- tion. — Savoir quelquefois manger son pain tout sec. — Eloge d'un confesseur. — A quelles conditions les enfants peuvent approcher souvent de la sainte Communion. — Ne point semer nos désirs sur le jardin d'autrui. — Le grand mot de la vie spi- rituelle et le moins entendu 289 CDI — A LA Baronne de ChantAL. — M™= de Chantai de retour à Monthelon. — Le Saint lui demande de ses nouvelles. — Ses impressions pendant une grand'Messe. — Le « choix » que le Bienheureux a fait pour la Baronne 292 CDU — A LA MEME. — Les croix de Dieu, pourvu que l'on y meure, sont douces et consolantes. — Dévouement affectueux du Saint. — Dieu, quand il inspire à une âme de le servir, lui en donne aussi les moyens. — S'humilier, mais sans empressement 294 CDIII — A LA MÊME. — Le Saint sur le lac Léman ; sa docilité au nocher de la « petite barquette. » — Sainte Marthe et sainte Madeleine 297 CDIV — A LA Présidente Brulart. — Méthode pour bien servir Notre-Seigneur. — Les mortifications qu'il faut pratiquer. — Un cantique « un peu triste, mais harmonieux et beau. » — Marie-Madeleine et Notre-Seigneur en habit de jardinier. — Les plus belles mortifications ne sont pas les meilleures 298 CDV — A LA Baronne de ChANTAL. — Les assauts du démon et ses fanfares; ne pas s'en effrayer. — Que Dieu seul est à crain- dre et de quelle crainte. — Une humiliante servitude ; le saint Evêque en affranchit ses sujets de Thy. — Tenir la croix entre ses bras et les yeux au Ciel 3OO CDVI — A LA MÊME. — Les larmes et les parfums de sainte Made- leine ; contemplation de la scène. — Inconvénients des longs voyages pour les femmes de piété. — Les résolutions communes du Saint et de la Baronne. — La prudence des serpents et la simplicité des « blanches colombelles ; » l'une très nécessaire,  45 s Lettres de saint François de Sales l'autre très aimable. — Rare éloge du Combat spirituel. — Affec- tion du Bienheureux pour l'âme de M"= de Chantai 302 CDVII — A LA MÊME. — Tenir son cœur au large. — Le désir de la perfection et la sainte oraison. — Les désirs d'une perfection trop douce ; leurs dangers. — En quel amour il faut cheminer. — Les fanfares de l'ennemi des âmes. — Sentiments du Saint pendant un violent orage d'été. — Poignée de nouvelles. — Bonheur de savoir qu'il faut aimer Dieu 305 CDVIII — A LA MÊME. — Le Saint regarde comme un devoir que Dieu lui impose d'écrire souvent à la baronne de Chantai. — Notre-Seigneur chez les soeurs de Lazare; contemplation et ré- flexions du Saint sur cette page de l'Evangile. — Comment les futures Religieuses devront partager les heures. — Grand hon- neur de parler seul à seul à son Dieu. — L'Oraison funèbre de M°'*de Nemours. — Le tintamarre d'un orage en Savoie. — M"* de Charmoisy 3O9 CDIX — A UNE RELIGIEUSE. — Les froideurs spirituelles. — Eloge de saint Bernard. — Etre bonne servante de Dieu, en quoi cela consiste 313 CDX — Au Président de RoCHETTE. — Recommandation en faveur d'un ami 3 1 4 CDXI — A M''"' Costa. — Le Saint sollicite des encouragements pour deux gentilshommes qui voulaient doter la Sainte-Maison de Thonon d'ateliers d'arts mécaniques 315 CDXII — A LA Baronne de ChanTAL. — Servir Dieu soit parmi les épines, soit parmi les roses. — Fidélité journalière du Saint à l'oraison mentale 3 I y CDXIII — Au Baron de MenTHON (Inédite). — Conseils à propos d'un héritage 3 1 9 CDXIV — A UNE dame. — Comment Dieu supplée aux commo- dités de le servir, quand on les laisse pour sa gloire. — Règle- ment de vie. — Quatre vertus recommandées. — Ce qu'il est toujours possible de faire, même au milieu du monde 3 20 CDXV — A LA Baronne de ChANTAL. — Naïve conjecture de la piété de Charles-Auguste, neveu du Saint 322 CDXVI — A M. des HaYES. — Effusions d'amitié. — Les « petites riottes » entre les officiers du duc de Nemours. — M. Fenouillet. — Le Saint cherche à « relever » l'Oraison funèbre de la duchesse de Nemours ; il en appréhende l'impression 323 CDXVII — A Mf»'' Costa (Inédite). — Le Saint avertit le Nonce d'une erreur qui l'a privé de recevoir un document annoncé sur la question de Auxiliis 326  Table des Matières 459 CDXVIII — A LA Baronne de ChaNTAL. — Courage de M™» de Boisy à la mort de sa fille, Jeanne de Sales. — Le Saint « tant homme que rien plus. » — Dieu « prend tout a sayson. » — Il faut agréer que Dieu frappe sur l'endroit qu'il lui plaira. — C'est assez d'avoir Dieu. — Indications pour le service funèbre de la défunte 328 CDXIX — A LA Présidente BrULART. — Condoléances.— L'oraison sans paroles, à quelle condition est-elle bonne. — La préparation de la méditation. — Livres conseillés, dont quelques-uns peu faits pour la pratique. — Les confessions générales et la paroisse. 333 GDXX — Au Comte de TournON (Inédite). — Le Saint promet de contrôler la vocation d'un jeune homme qui semblait un peu hâtive 336 CDXXI — A LA Baronne de ChaNTAL. — Le Saint rentre à Annecy. — M"" de Charmoisy. — « Nostre bon et saint Evesque. » — Un projet de mariage ; « toute la fraternité y conspire. » — Belles choses sur un verset de Jérémie 337 CDXXII — Au Baron de ChanTAL. — Le Saint se déclare flatté d'un projet d'alliance entre la famille de M. de Chantai et la sienne. — Marie-Aimée de Chantai remplacera dans son cœur la petite sœur qu'il a perdue 34 1 CDXXIII — Au Baron de Villette (Inédite). — Le Saint apprend la guérison d'une parente qu'il croyait n'être plus en vie. — Nouvelles de la parenté. — Deux gentilshommes songent à entrer dans les Ordres sacrés 343 CDXXIV — Au Prince Cardinal de Savoie. — Le Saint félicite le prince Maurice de son élévation au cardinalat, — Signification de la couleur de pourpre qui teint le chapeau cardinalice. — Sou- haits de bénédiction 34c CDXXV — A LA Baronne de ChaNTAL. — Paix, union merveil- leuse dans la famille du Saint, bien que composée de plusieurs ménages ; à qui elle allait « à confesse. » — Comment sanctifier nos années, nos mois, nos jours et nos heures 347 CDXXVI — A LA MÊME. — Sagesse et piété de M. de la Thuille. . 348 CDXXVII — AS. S. Paul V. — Pierre Fenouillet proposé pour l'évéché de Montpellier. — Le Saint félicite Rome et le diocèse de ce choix. — Eloge du candidat; son éloquence, son savoir répondent aux besoins particuliers de sa future Eglise 349 ANNÉE 1608 CDXXVIII — A LA Baronne de Chantal. — Le grand mot de notre salut. — Le nom sacré de Jésus doit être implanté dans  4^0 Lettres de saint François de Sales toutes les puissances de notre esprit ; pour le bien exprimer, il faut avoir une langue toute de feu 31:4 CDXXIX — A LA MÊME. — Le pur et saint amour de notre Sauveur ; pourquoi faut-il le désirer. — La baronne de Chantai auprès des malades. — Un sujet de douleur pour le Saint 355 CDXXX — A LA MÊME. — Pour la sainte Communion, deux sortes de faim ; comment, grâce à une bonne digestion spirituelle, la Communion fait vivre en nous Jésus-Christ. — Le « grand livre » que le Saint portait toujours en sa « pochette. » — De quels secrétaires il s'accommodait le mieux. — Son affection pour les enfants de la Baronne; celle-ci, commère de M. de Chazelles. — La première des vertus. — Les trois points de l'Exercice de l'amour de la volonté de Dieu. — Poignée de nouvelles. — « Un cœur bien net et propre. >< — L'espoir que donne une petite troupe de chétives femmelettes 357 CDXXXI — A UN ECCLÉSIASTiaUE . — Règlement d'une affaire qui intéresse une cure ^6^ CDXXXII — A LA Baronne de ChANTAL. — Conseils à la Baronne pour la conduite de Marie-Aimée. — Zèle des chanoines d'Annecy. — Une âme, admirable à ne se point empresser 364 CDXXXIII — A LA MÊME. — Ne pas accabler l'esprit à force de surmener le corps. — Une tentation du Saint, qui « alla tost en fumée. » — Ne pas avoir le cœur trop douillet. — Se fier aux décisions du P. Gentil pour le projet de l'Institut, car « il n'y bougera rien. » 367 CDXXXIV — A M. CrOSET, — Différends entre curé et paroissiens ; le Saint veut les régler jt© CDXXXV — A l'AbBESSE du PuITS-D'OrBE. — Ne pas se ralentir dans la poursuite de la gloire de Dieu. — Témoignages de sym- pathie à l'Abbesse souffrante. — Le Saint sollicite pour la fille de l'un de ses anciens amis, son admission dans le Monastère.. 37 I CDXXXVI — A la Baronne de ChaNTAL. — Le Saint estime que le projet de la Visitation est de Dieu et s'y affectionne de plus en plus. — Les cercles qui se font en l'eau et les entortillements d'esprit chez les âmes chatouilleuses. — Quand on n'a d'autre intention que la gloire de Dieu, ne se tourmenter de rien. — Les « menues pensées » après les grandes. — Les frères du Saint et les enfants de la Baronne. — Un prédicateur qui parle à son auditoire 373 CDXXXVII — A LA MÊME (Inédite). — Le Saint désire qu'on ne prenne pas dans un sens absolu les directions adressées à des per- sonnes particulières, — Nouvelles et recommandations diverses. 377  Table des Matières 461 CDXXXVIII — Au PÈRE POLLIENS (Inédite). — Affectueuses sym- pathies du Saint pour son Directeur spirituel, alors malade. — Il promet de prier pour sa guérison 3^^*-* CDXXXIX — A M™* DE ChARMOISY. — A mesure qu'on savoure les choses divines, on cesse de priser les choses terrestres. — Ne nous étonnons point de la mort. — Comment faut-il pleurer nos amis quand nous les voyons mourir 3" ' CDXL — A LA MÊME. — Le miel qui doit adoucir toutes les affections et toutes les actions. — Le royaume intérieur, les ennemis, les espions. — Notre cuirasse et notre bouclier. — Les parfums dont nous serons « confortés et ravigorés. » 3" 3 CDXLI — A UNE DEMOISELLE. — On ne trouve pas ce qu'on cher- che avec trop d'ardeur; applications à l'oraison. — L'engourdis- sement de l'àme. — L'un des plus grands traîtres de la vraie dévotion. — Deux raisons principales ou deux manières de se présenter devant Dieu à l'oraison, toutes deux fort utiles. — Encouragements discrets à persévérer dans le désir de la vocation religieuse 3"5 MINUTES ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES POUR d'autres PERSONNES CDXLII — Aux HABITANTS DE LA VILLE DE GeNÈVE , pOUr M. Cusin (Inédite). — Le signataire présumé de cette lettre réfute les interprétations calomnieuses de sa sortie de Genève. 389 CDXLIII — A LA Baronne de Chantal, pour M'"^ de Boisy. — Madame de Boisy prie la baronne de Chantal de garder auprès d'elle sa fille Jeanne 39 '  CCXXXVIII *'5 — A LA Baronne de Chantal. — Dévouement du Saint pour le service spirituel de la Baronne, suggéré par Notre-Seigneur. — Lumières qu'il en reçoit pour lui parler de l'humilité, la vertu propre des veuves. — Belle fleur que la veuve chrétienne. — Qui sont les veuves vraiment veuves. — L'humilité morale et l'humilité surnaturelle. — L'humilité et la chasteté. — Etre joyeusement humble devant Dieu et le monde. — N'affecter ni ne fuir Ihumilité visible, c'est-à-dire les offices humbles, l'écorce qui conserve le fruit. — Fidélité aux exercices. — Ne pas pointiller dans la pratique des vertus. — Assurance et désir d'affection. — Les « prières pénétrantes » des petits 392 a  462 Lettres de saint François de Sales  APPENDICE LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS A — LETTRE DU SOUVERAIN SÉNAT DE SAVOIE 395 B — LETTRE DE M^"" ANDRÉ FRÉMYOT, ARCHEVÊQUE DE BOURGES... 396 C LETTRE DANTOINE FAVRE 39° D LETTRE DU P. ANTOINE POSSEVIN, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS. 399 E — LETTRE DE CHARLES-EMMANUEL I®"", DUC DE SAVOIE 4^2 F LETTRE DE M. CLAUDE D'ANGEVILLE, PRIMICIER DE LA COLLÉ- GIALE DE LA ROCHE 4^3 G LETTRE DE M. ANASTASE GERMONIO 4*-*6 H LETTRE DU CARDINAL CÉSAR BARONIUS 4*^^ I LETTRE DU CARDINAL JÉRÔME PANFILI 4^9 J LETTRE DU PRÉSIDENT FRÉMYOT 4^0 K — LETTRE DU P. SÉBASTIEN DE MAURIENNE, CAPUCIN 4II L LETTRE DU P. JEAN FOURIER, DELA COMPAGNIE DE JÉSUS.... 412  Table de correspondance de cette nouvelle Edition avec les précédentes, et indication de la provenance des Manuscrits. 415 Index des Correspondants et des principales Notes biographi- ques et historiques de ce volume 425 Glossaire des locutions et des mots surannés 433 Errata 44 1  Annecy, imprimé par J. Abry, 1904. — 751  8500  i