D-  ŒUYPvES  ;tr la  DE  4INT FRANÇOIS DE SALES  EVEQUE DE GENÈVE  ET  DOCTEUR DE L EGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'après les autographes et les éditions originales ENRICHIE DE NOMBREUSES PIECES INEDITES DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII ET HONORÉE d'uN BREF DE SA SAINTETE PUBLIÉE SUR l'invitation DE M^"^ ISOARD, ÉVEQUE d'aNNECY, PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU I^"^ MONASTÈRE d'aNNEGY  TOME II. DEFENSE DE L'ESTENDART DE LA SAINTE CROIX  ANNECY IMPRIMERIE J. NIÊRAT MDGCCXCII  Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa  http://www.archive.org/details/oeuvresdesaintfr02fran  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES  EVEQUE DE GENEVE  ET  DOCTEUR DE L'ÉGLISE  TOME DEUXIÈME  DEFENSE DE UESTENDART  DE LA SAINTE CROIX  Propriété  Genève. — H. TREMBLEY, Libraire, rue Corraterie, 4 Dépositaire principal Annecy. — ABRY, Libraire, rue de l'Évêché, 3 Paris. — Victor LECOFFRE, rue Bonaparte, 90 Lyon. — Emmanuel VITTE, Place Bellecour, 3   ■'■'^ff-'"^ "-»■ iu.1 JUl_ ■UB-'iO''*^.'  .»Jfis^.  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES ÉVÊQUE DE GENÈVE ET DOCTEUR DE l'ÉGLISE  ÉDITION COMPLÈTE  D APRES LES AUTOGRAPHES ET LES EDITIONS ORIGINALES ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INEDITES DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII ET HONORÉE d'uN BREF DE SA SAINTETÉ PUBLIÉE SUR l'invitation DE M^"^ ISOARD, ÉVÊQUE d'aNNECY, PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU 1="^ MONASTÈRE d'aNNECY  ANNECY IMPRIMERIE J. NIÉRAT 7, RUE ROYALE, 7 MDCCCXCII Droits de traduction et de reproduction réserves  PREFACE  Aperçu historique de la « Défense de VEstendart de la sainte Croix »  La mission de saint François de Sales dans le Cha- blais avait directement pour objet de réparer l'œuvre de destruction accomplie par les Bernois. Ceux-ci, pour arriver à pervertir cette belle province, avaient tout d'abord signalé leur passage par le renversement des croix élevées en beaucoup de lieux par la foi des popu- lations : le fervent Apôtre eut à peine obtenu quelques succès dans son œuvre de conversion et de retour, qu'il entreprit d'exalter le signe sacré de notre Rédemption. L'érection de ce signe du salut devait marquer chacun des accroissements de « la famille de la saincte Croix [A », chacune des effiorescences de la vie catholique dans ces régions. A l'époque dont nous parlons, la moisson blanchis- sait et le saint Missionnaire avait groupé autour de lui un certain nombre d'ouvriers évangéliques, pour l'aider à recueillir dans la joie les gerbes abondantes (i) Charles-Auguste de Sales, Histoire du B. François de Sales, éd. dç MDCXXXIV, liv. III,  vK  VI Préface de la Défense dont il avait seul jeté les semences dans les travaux et les larmes. L'heure était venue de signaler par quelque imposante cérémonie le triomphe de la vérité sur l'erreur. C'est alors qu'eurent lieu à Annemasse, le 7 et le 8 septembre 1597, ces solennelles Quarante- Heures, dont tous les historiens de l'Apôtre du Chablais se sont plu à célébrer la pompe. Le Saint lui-même (ï) insiste sur l'intérêt spécial qui se rattachait à ces admi- rables manifestations, et parle des illustres personna- ges qui en rehaussèrent Téclat par leur présence. L'un des événements les plus remarquables de ces jours de grâce fut Térection d'une Croix sur la grande route entre Annemasse et Genève, au lieu même où l'ancienne « Croix Philiberte » avait été renversée par les hérétiques. Le saint organisateur de ces pieuses solennités n'avait rien négligé de tout ce qui pouvait en augmenter la majesté et raviver la ferveur des fidèles. En qualité de Fondateur et de premier Prieur de la Confrérie des Penitens de la sainte Croix d'An- necy, il en avait appelé les membres à Annemasse ; lui-même composa Tinscription qui devait être placée sur la Croix, et fit imprimer des « placards » traitant de ce saint culte, destinés à être distribués aux foules nombreuses qui ne manqueraient pas d'être attirées par ce spectacle inusité. Tous ces honneurs rendus à l'instrument sacré de notre Rédemption n'étaient que les premières assises du monument impérissable que saint François de Sales devait élever à la gloire du divin Crucifié. Quelques- uns des placards composés pour cette circonstance mémorable tombèrent entre les mains des pasteurs genevois ; l'un des principaux d'entre eux, Antoine de la Faye, eut la témérité de publier un opuscule (2), qui attaquait avec violence la doctrine exposée dans les placards. Le saint Apôtre dut à son tour prendre la plume, et sa réponse au ministre de la Faye constitue (i) Voir pp. 23, 26 du présent volume, (2) Brief Traitté de la vertu de la Croix et de la manière de V honorer. MDXCVII /  DE l'EsTENDART de LA S*^ CrOIX VII le traité dont nous allons actuellement parler : la Défense de VEstendart de la sainte Croix. On le voit, le second ouvrage polémique de notre grand Docteur soulève diverses questions qui présentent un vif intérêt historique. Nous les envisagerons sépa- rément dans cette première partie, où il sera successi- vement question des Placards y puis du Brief Trait té de la Faye, et, en dernier lieu, des circonstances par- ticulières dans lesquelles eurent lieu la composition et la publication du livre qui nous occupe.  § I. — - Les deux Placards Comme on vient de le dire, les feuilles distribuées au peuple pendant les Quarante-Heures d'Annemasse furent le point de départ du livre de la Défense de la Croix. Il sera traité plus loin de ces imprimés quant à leur caractère particulier et à la doctrine qu'ils renferment, mais une question intéressante se présente tout d'abord et demande à être résolue. Quel est le véritable auteur des placards ? L'infériorité du style de ces pièces, du a Premier placard "» surtout, la manière dont saint François de Sales en parle (0, ne nous permettent pas d'en attribuer la rédaction défi- nitive au saint Apôtre ; toutefois, il a certainement fourni les éléments de ce travail, il est d'intelligence avec l'auteur (p. 304), et assume volontiers la respon- sabilité de le soutenir contre la Faye. La meilleure preuve que saint François de Sales n'était pas étranger à ces compositions résulte de l'existence d'une troisième pièce de même nature que les précédentes, et dont le style plus élevé laisse peu de doute sur sa provenance (2). Cette pièce se trouve, (i) '< ... L'on distribua plusieurs feuilles imprimées sur le mesme sujet, « dressées par quelque bon religieux » (p. 26). (2) Les extraits suivants de la déposition de Serge Saget, d'Annemasse, fils du Jean Saget dont parle Charles-Auguste dans son récit des Quarante- Heures (Histoire, liv. III), affirment l'existence d'un document analogue  VIII Préface de la Défense sous le nom de '< Cinquiesme Thèse », dans le petit ouvrage intitulé : La Conférence accordée entre les prédicateurs catholiques de V Ordre des Capuccins et les Ministres de Genève... Ensemble les Thesses qui ont esté ajfigées audit Genève, qui seront mises à la fin dudit livre. A Paris, par Denis Binet, 1598 (0. Ce volume reproduit, comme première et deuxième Thèse, deux autres écrits de notre Saint : la Simple Considération sur le Symbole et les Deman- des aux Ministres... touchant la Cène. Il contient également les placards d'Annemasse, qui constituent la troisième et la quatrième Thèse.  aux « placards », et qui était incontestablement de la main de notre Saint. « ... Au mesme temps que fust érigée la susdicte Croix, je vis composer audict Serviteur de Dieu, au devant le four de ladicte maison de mondict père, sur une mescliante table illec estant, un traicté de la saincte Croix, lequel il fist imprimer à forme de placard et en distribua au peuple pour les instruire en quel honneur la Croix doibt estre tenue, affin de pouvoir ram- barrer les mesdisances que faisoient les hereticques contre la Croix : la copie duquel traicté a esté et est encores, comme je crois, de présent attachée à la muraille de la maison de mondict père. » (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 12.) « Je dis avoir veu le livre qui fust composé par ledict Serviteur de Dieu sur la Deffence de la Ste Croix, et crois que ce soit vray probablement, sur ce qu'ayant auparavant, comme je sçay et ay dict, semé un Compendium de la vénération deue à la S'^ Croix, qu'ayant quelque hereticque faict quelque oeuvre maudite contre ledict Compendium, ledict Serviteur de Dieu, pour la rambarrer, a faict ledict traicté, intitulé : la Deffence de la Ste Croix. » (Ibid., ad art. 13.) Le témoignage de François Favre, valet de chambre du Saint, confirme le récit de Serge Saget : « ... Je sçay qu'au mesme temps il escrivit des thèses pour la deffence de la Croix, qu'il exposa publiquement à Thonon et dont il envoya des copies aux Messieurs de Genève, les deffiant à la dispute, qui n'osèrent venir aux mains. Ce que je sçay par les mesmes » (le P. Saulnier, le P. Chérubin et M. de Forax) « et pour en avoir veu les copies imprimeez par Marc de la Rue, et dont j'en ay veu une copie appliquée à une muraille de la maison du sieur Saget dans Annemasse. » (Process. remiss. Gehenn. (II), ad art. 14.) (i) Les deux « placards » et la (( Thèse » sur la Croix, tirés du livre La Conférence accordée^ forment le premier Appendice du présent volume. Nous donnons le dernier des documents sus -dits avec l'orthographe du Saint, comme étant très probablement le « Compendium » indiqué dans la note précédente.  DE l'EsTENDART de LA S*° CrOIX IX  § II. — Le Brief Traitté Les placards parvinrent bientôt à la connaissance des ministres de Genève. « Le mesme jour » (12 sep- tembre) « furent présentés en la Compagnie deux pla- cards faicts par les capucins d'icy à l'entour, pour l'adoration de la Croix, auxquels il fut trouvé bon de respondre briefvement, aussy en forme de placard ; et en fut baillée la charge à M. de la Faye, en communi- quant avec MM. de Beze et Perrot (i). » Antoine de la Faye était alors professeur de théologie et pasteur à Genève : c'était un ardent disciple de Bèze, activement engagé dans les affaires publiques , aveuglément attaché à son parti, moins extrême cependant que quel- ques-uns de ses collègues. Du reste, malgré ses études universitaires sous Piccolomini, à Padoue, de la Faye n'en demeurait pas moins un écrivain du plus humble mérite. Son seul titre à la mémoire de la postérité est l'honneur que lui fit l'Apôtre du Chablais d'entrer en lice avec lui. L'opuscule qui donna occasion à ce combat singulier, était dépourvu de toute valeur : « le « traitté n'est rien qui vaille, » dit le Saint (p. 20), « ce n'est pas seulement un mensonge bien agencé. » Saint François de Sales ne se m^t en devoir de le réfuter que par compassion pour « les simples gens » (p. 19), dont la bonne foi aurait pu être surprise par les paroles artificieuses du ministre genevois. L'ouvrage de la Faye, qui contient seulement 62 pages, fut composé rapidement : <( ... Il fit ceste besoigne « fort a la haste, » dit le Saint (p. 25), « et ne se « bailla gueres de loysir après la sortie des placquars. » Aidé dans les questions bibliques par de Bèze, et dans la patristique par Perrot, le travail de la Faye fut relativement facile. On peut fixer la date de l'apparition (i) Registre de la Compagnie des Pasteurs de l'Eglise de Genève.  X Préface de la Défense du Brief Traitté au mois d'octobre qui suivit les Quarante-Heures. Le Saint ne tarda pas à en recevoir un exemplaire (^).  § III. — Rédaction de la Défense de la Croix Si notre ardent Apôtre avait pu donner libre cours à son zèle , sa réponse eût suivi de près l'attaque. Je « commençai tout aussi tost, » dit-il (2), « a dresser « cest advertissement ; » mais ce travail fut forcé- ment interrompu par « une aspre et longue maladie » (p. 2), qui commença vers la fin d'octobre 1597 et dont les suites se prolongèrent jusqu'en avril 1598(3). Ce fut durant ce dernier mois et tandis que M^"" de Granier présidait le Synode (4), qu'à la requête du clergé, ce prélat enjoignit à TApôtre du Chablais de poursuivre l'entreprise que la maladie l'avait contraint d'interrompre. Malgré les accablantes occupations de cette année, l'intrépide Défenseur de la Croix trouva le  (i) Le chanoine Gard donne quelques détails intéressants sur cet exem- plaire du Brief Traitté : « J'ay aussy veu Texemplaire du libelle infâme de l'heretique, qui fut offert au Serviteur de Dieu, qui est marge de la propre main du Serviteur de Dieu, qui notte aux marges les fauces allégations, les impudences, les blasphèmes et impostures et impietez dudit ministre ; et pour monstrer le respect qu'il portoit au S' Siège en la lecture des livres héré- tiques, quoy qu'il fust actuellement occupé en ladite mission, il a mis de sa propre main ces parolles de sousmission et d'obéissance : Liber hœreticus pro Francisco de Sales qui licentiam hahuit ; et plus bas : Levantes pur as manus, I Tim. 2°. » (Process. remiss. Gebenn. (II), ad art. 14.) (2) Epître dédicatoire, variante (b). Une description détaillée du Manuscrit autographe duquel sont tirées ces variantes de la Défense de l'Estendari de la sainte Croix sera donnée dans la troisième partie de la Préface. (3) Lettre (inédite) de saint François de Sales au Nonce à Turin, 14 jan- vier 1598. (Process. remiss. Gebenn. (I), Script, compuls.) Cf. la lettre de Mgr de Granier au même, 20 novembre 1597 (Archives du Vatican, Nonc. di Savoia, a'-oI. 34; publiée par A. Pératé dans les Mélanges d'Archéo- logie... de Rome, tome VIj, et la lettre du Nonce au Saint, 10 avril 1598. (Arch. du Vatican, Nonc. di Sav., vol. 35; publiée par Pératé, ibid.) Charles- Auguste et les principaux biographes de saint François de Sales se trompent en plaçant cette maladie à la fin de 1598 et au commencement de 1599. (4) Dépositions de René Favre de la Valbonne et du chanoine Gard, ad art. 13. /  DE l'EstENDART de LA S*^ CrOIX XI loisir de terminer sa réponse à de la Faye peu de temps après les Quarante-Heures de Thonon (octobre 1598). Les paroles mêmes de notre Saint, « ces jours passés (0 » ne laissent pas de doute à ce sujet : il y fait évidem- ment allusion aux témoignages éclatants de zèle pour la religion catholique que le Duc de Savoie avait tout récemment donnés, en honorant de sa présence les fêtes magnifiques qui signalaient le retour définitif du Chablais à notre sainte foi. Le départ précipité de saint François de Sales pour Rome (novembre 1598 (-)) ne lui permit pas de faire les démarches nécessaires à l'impression de son manuscrit. Ce ne fut qu'au mois d'août ou de septembre 1599, après un dernier travail de révision, que le saint Auteur remit définitivement à l'imprimeur (3) ses précieuses feuilles.  § IV. — Publication de la Défense de la Croix Le traité polémique de saint François de Sales parut au printemps de 1600, sous ce titre : Défense de l'Estendart de la saincte Croix de nostre Sauveur Jesus- Christ. Divisée en quatre Livres. Par François de Sales, Prévost de l'Eglise Cathédrale de sainct Pierre de Genève. Contre un petit traicté, naguère sorti de la niesme ville de Genève, faussement intitulé : De la vertu de la Croix et de la manière de Vhonnorer. A Lyon, par Jean Pillehotte, à l'enseigne du nom de Jésus, 1600. Avec permission.  (i) Epître dédicatoire, var. (e). (2) Les biographes de notre Saint, se basant peut-être sur la date erronée signalée plus haut (note (3), p. x), se trompent encore en plaçant Tépo- que de ce voyage au mois de février 1598. Une lettre italienne (inédite) du Nonce de Turin, à notre Saint (28 janvier 1599), permet de fixer approxima- tivement la date de l'arrivée de ce dernier à Rome : « J'ai reçu, » lui dit-il, « votre lettre du 18 décembre , qui m'a donné grande consolation en m'apprenant votre arrivée à Rome avec M. le Vicaire général de Genève. » (Process. remiss. Gebenn. (I), Script, compnls.) (3) Voir dans l'Appendice II, la lettre du libraire Roussin. Il est intéressant de noter, en passant, que par le titre n Extraits de la dispute du P. Chérubin » Roussin désigne le livre La Conférence accordée (réimprimé par Binet), dont ces Extraits constituent la plus grande partie. Cf. l'édition Migne des Œuvres de S. François de Sales, tome IX, col. 1135-1186,  XII Préface de la Défense Au dessous du titre se trouve une vignette qui repré- sente l'écusson du nom de Jésus, dominé par une croix, avec trois clous pour support. Cet écusson, de forme ronde, entouré de rayons, porte en exergue : Nomen Domini laudahile. Il est soutenu par deux anges et surmonté d'une tête de chérubin. Le livre est un petit in-8° de 326 pages, avec 30 pages préliminaires (i) y compris VEpître dédicatoire à Son Altesse, et 21 pages de tables des matières. Ce volume présente une analyse marginale qui n'est certainement pas due au saint Auteur, peut-être à quelqu'un de ses amis. Un grand nombre de fautes d'impression se sont glissées dans ces pages, mais les caractères en sont beaux et nets. L'intervalle de deux ans et demi qui s'était écoulé entre l'attaque de la Faye et la réponse de son saint antago- niste avait nécessairement quelque peu diminué l'actua- lité et l'intérêt de cette réponse. Toutefois, l'élévation du jeune Prévôt au siège épiscopal de Genève en 1602 donna une nouvelle importance à ses écrits. Le libraire Pillehotte profita de cet événement pour écouler le solde de la première édition de la Défense de la Croix sous le nom de seconde édition. Pour accréditer cette dési- gnation il lui suffisait d'introduire quelques variantes dans les premières pages. Le titre est modifié ainsi :  (i) On trouvera dans l'Appendice III toutes celles de ces pièces prélimi- naires qui se rapportent à la sainte Croix ou à l'illustre Défenseur de ce culte sacré. Un certain intérêt se rattache à ces compositions, et malgré leur peu de valeur littéraire on aimerait à en connaître Tauteur. François Girard, Prévôt de la Collégiale de Bourg en Bresse, en joignant son nom à sa Dédicace (p. 421), nous apprend aussi qu'il a composé Vantipathia précé- dente. Cette désignation ne se rapporte évidemment pas à la poésie qui est placée immédiatement avant la Dédicace, mais bien plutôt à la pièce qui a pour titre, Conformité, etc., et qui est signée, D. Fran. C'est en réalité une antipathie ou antithèse à l'écrit de Calvin intitulé : Admonitio de Reliquiis. Peut-être François Girard n'a-t-il pas voulu se déclarer auteur des pièces de poésie qui nous semblent devoir lui être également attribuées ? La signature, A^. Despototius , est évidemment un pseudonyme, et en traduisant le grec et le latin de son contexte, en ouvrant l'abréviation il pourrait signifier : Nom du maître de tout. Cette qualification se rapporterait probablement à la confiance que le saint Auteur aurait témoignée à son ami, en lui laissant la liberté de joindre quelques pièces préliminaires au livre de la Défense de la Croix. /  DE l'EsTENDART de LA S^""* CrOIX XIII Défense de la Croix de Nostre Seigneur. Divisée en quatre Livres. Par tres-Reverend Père en Dieu messire François de Sales, Evesque de Genève. Contre un petit traie té, naguère sorti de la mesnie ville de Genève, faussement intitulé : De la vertu de la Croix et de la manière de l'honnorer. Seconde édition. A Lyon, par Jean Pillehotte, à l'en- seigne du nom de Jésus, mdciii. Avec permission. Certains changements, auxquels le saint Auteur était évidemment étranger, ont été introduits dans VEpître dédicatoire (0. La plupart des Pièces préliminaires sont supprimées, à leur place se trouve un nouveau Sonnet sur la Croix et une longue table d'errata. Un exemplaire de cette soi-disant seconde édition tomba entre les mains de la Faye qui crut, ou feignit de croire, que l'ouvrage en question venait seulement de paraître. Il y fit une Réplique, dont le caractère sera ultérieurement apprécié et que le saint Apôtre ne jugea pas digne de réponse. On peut plus justement qualifier de seconde édition, malgré le changement de nom, le livre suivant : Panthologie ou Thresor précieux de la saincte Croix, par François de Sales, Evesque de Genève. A Paris, chez Claude Rigaud, rue S. Jaques, au Chesne verd, et en sa boutique au Palais, près la Chapelle S. Michel, mdcxiii. Dans la préface du Traité de l'Amour de Dieu^ le Saint proteste avec sa modestie habituelle contre ce « tiltre prodigieux », mais en réalisé l'éditeur de cette publication n'était pas seul responsable. Dans la prin- cipale pièce préliminaire de la première édition l'ou- vrage de notre grand Docteur est désigné sous cette même qualification emphatique (2). La Panthologie reproduit, comme adresse Au lecteur, les paroles fina- les de cette pièce préliminaire signée D. Fran ; mais elle supprime toutes les autres pièces et même VEpître dédicatoire et V Avant-Propos : l'éditeur a corrigé quelques fautes d'impression. (i) Dans la présente Edition ces variantes sont reproduites en marge de l'Epître dédicatoire. (2) Voir p. 417 du présent volume.  XIV Préface de la Défense Quelques années plus tard, l'édition de 1600 fut réim- primée à Rouen, sous le titre abrégé : UEstendart de la saincte Croix. L'analyse et les indications margi- nales sont supprimées dans cette édition. A partir de cette époque, le traité de la Défense de la Croix ne semble pas avoir été imprimé isolément. Les éditeurs des Œuvres de saint François de Sales en 1637, ne pouvant se procurer un exemplaire de la première édition, reproduisirent celle de Rouen, jus- qu'au Livre II : c'est ce qui explique l'absence de l'analyse et des indications marginales dans le Livre I et la répétition du titre incomplet : L' Estendart de la saincte Croix. Les trois autres Livres reproduisent le texte de la P anthologie. Toutes les éditions qui se sont succédé ont suivi, à peu de chose près, celle de 1637. La présente Edition est donc la première à restituer le texte original donné au public par le saint Auteur.  II  Caractère de la « Défense de VEstendart de la sainte Croix »  Après avoir brièvement raconté l'origine de la Défense de la Croix, il reste à considérer l'ouvrage en lui-même. Cet écrit, comme toutes les Œuvres de notre grand Docteur, renferme une doctrine profonde, revêtue du style le plus attrayant ; il demande à être étudié sous trois différents aspects dans cette seconde partie. Nous considérerons premièrement, les idées fondamen- tales, le but et le plan de ce traité polémique ; en second lieu, les vérités théologiques qui y sont déve- loppées, et enfin, les diverses spécialités de S'on style.  DE l'EsTENDART de LA S*° CrOIX XV  I. — Le but et le plan du livre de la Défense de la Croix  Dès les premières lignes de son traité, le saint Auteur place la lutte sur son véritable terrain : « Cest adver- « tissement que je vais faire sur l'honneur et vertu de « la Croix, » dit-il (var. (h), p. i8), « dépend de ceste « générale et importante controverse que nous avons (( avec les schismatiques de nostre aage. » La discussion roulait sur le sens vrai de « ceste proposition apostolique: « Au seul Dieu soit honneur et gloire » (p. 12). Les sectaires soutenaient que les créatures ne doivent pré- tendre à aucun honneur religieux ; le Saint proteste contre cette affirmation , et établit deux vérités qu^il qualifie de « fondemens » de sa Défense de la Croix : « On peut donner honneur et gloire a Dieu seul et « tout ensemble a quelque créature, comme a la Croix » ; et même encore, « pour bien rendre a Dieu l'honneur « qui luy est deu, il est force d'honnorer religieusement « quelques créatures, et particulièrement la Croix » (p. 13). Dans les deux premières Parties de son Avant- Propos l'Auteur prouve que l'on peut, et même que l'on doit honorer quelques créatures d'un honneur relatif , évidemment , mais cependant religieux ; la suite du livre a pour but de démontrer que la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ est, par excellence, une des créatures à qui un tel honneur doit être attri- bué : « Voyla^ » dit le Saint (p. 18), « tout le dessein « de ces quattre livres. » On voit de prime abord dans quelles hautes régions notre grand Docteur élève sa controverse : selon les procédés habituels de son esprit philosophique, tout en laissant aux questions particulières leur intérêt spécial, il sait leur donner une plus grande étendue en les rattachant aux vérités fondamentales et universelles. Les divers sujets traités dans la troisième Partie de V Avant-Propos nous permettent de saisir mieux  XVI Préface de la Défense encore le caractère et les lignes principales de l'ouvrage tout entier. Après en avoir établi les divisions, le Saint expose le plan adopté , plan qui doit atteindre une double fin : sa « Défense » de la Croix contre l'opuscule de la Faye sera « non seulement une response a ce (( traitté-la, mays encor un discours bien rangé » (p. ig). Il donne ensuite une sorte d'analyse du Brief Traitté et cite quelques exemples des « inepties et « mensonges » que l'on y rencontre à chaque page. Cette analyse offre comme un sommaire des diverses questions qui seront développées successivement dans la suite du livre. Entre autres circonstances histo- riques qui se rattachent à cette composition, le Saint rappelle les « placquars » qui forment le point de départ de toute la discussion. Souvent, dans le cours du volume, ces écrits seront l'objet de diverses allu- sions, surtout lorsqu'il s'agit de « l'honneur » et de « la vertu » de la Croix. Enfin, le saint Ecrivain conclut toute l'Introduction en faisant ressortir certains détails qui donnent une couleur plus vive à son ouvrage. Dans le Livre premier, saint François de Sales parle de la vraie Croix de Jésus-Christ , en prouve la sain- teté par le témoignage des Saintes Ecritures (ce. i-v), la conservation miraculeuse et l'invention, par le témoi- gnage des Pères (ce. VI, vu). Il rappelle les « trois usages » que l'Eglise a attribués à la sainte Croix depuis son invention : elle a été considérée comme un mémorial de la Passion, comme un remède à « toutes « sortes de maux » (p. 75), comme un saint moyen d'honorer Jésus crucifié (ce. viil-x). L'entrée en matière du Livre II le rattache au Livre précédent. Le saint Auteur rappelle que tout ce qu'il avancera sur l'image et sur le signe de la Croix en général, se rapporte d'une manière bien plus excellente encore à la vraie Croix de notre Rédempteur, et produit une nouvelle preuve de la sainteté de ce précieux bois. Quatre chapitres traitent successivement de l'image de la Croix considérée en elle-même, de l'aiftiquité du  DE l'EsTENDART de LA 8**= CrOIX XVII culte de la Croix et du Crucifix, des honneurs particuliers que le Seigneur a lui-même accordés à la Croix en la faisant « comparoistre miraculeusement en plusieurs « grandes et signalées occasions ». Le chapitre v dé- montre que la Croix représente le divin Crucifié ; il indique en même temps la division des chapitres sui- vants, destinés à réfuter les diverses allégations menson- gères du Brief Traitté. Le Saint prouve d'une manière générale que l'on peut employer l'image de la Croix à de pieux usages et que cette image doit être un constant objet de vénération (ce. Vl-viii) ; il répond aux objections que de la î^aye, d'après les Marques de VEglise de Bèze, fait contre certaines pratiques par- ticulières du culte de l'Eglise catholique touchant cette doctrine (ce. ix, x). Le chapitre XI traite de la vertu de l'image de la Croix ; il correspond au chapitre du pre- mier Livre qui témoigne de la vertu de la vraie Croix. Le chapitre xii résoud l'objection soulevée contre la Croix d'après les paroles bien connues de Minutius Félix, et prouve que cette citation est faussement attri- buée à Arnobe. Dans le chapitre suivant, l'un des plus remarquables de tout le volume, le grand Contro- versiste tourne victorieusement contre son adversaire les arguments que celui-ci s'était efforcé de tirer de la représentation du Serpent d'airain. Le quatorzième chapitre relate les châtiments infiigés par la justice divine à ceux qui déshonorent la Croix. Le troisième Livre commence par un argument phi- losophique sur le signe de la Croix et sur l'usage qui en a été fait dans l'Eglise, dès les temps les plus recu- lés, comme témoignage et profession de la foi chré- tienne. Dans la suite de ce Livre, il est traité du signe de la Croix comme invocation et prière, suivant la simple division établie p. 225 ; trois chapitres entiers expliquent les raisons qui justifient spécialement le saint usage du signe de la Croix sur le front. Dans le quatrième Livre, l'Auteur revient aux prin- cipes fondamentaux énoncés dans l' Avant-Propos. C'est ici particulièrement que le livre de la Défense cesse  xviir Préface de la Défense d'être une simple a responce adversaire », et qu'il devient « un traitté méthodique pour le sujet de l'hon- « neur et vertu de la Croix » (var. (b), p. ig). Saint François de Sales parle de l'honneur en général, et surtout de celui qui, supérieur à tous les autres, reçoit le nom d'adoration. La nature de cet honneur (ce. Il-v), ses différentes sortes (ce. vi-x) et les diverses manières dont on le manifeste (ce. xi, xii) sont suc- cessivement traitées avec autant de noblesse que de clarté. Les derniers chapitres répondent péremptoire- ment à la grande objection tirée du commandement qui interdit la fabrication des images ou similitudes. Enfin , tout le volume se termine par l'expression vive et pathétique de la vénération et de l'amour que la sainte Eglise catholique professe envers le glorieux Etendard de son Roi et de son divin Epoux.  II. — Doctrine de la Défense de la Croix  L'aperçu qui vient d'être donné du traité polémique de saint François de Sales laisse entrevoir les principes qui dirigèrent l'Auteur dans la composition de son ouvrage. Il se proposait de soutenir et de confirmer les vérités exprimées par les a placards, » de réfuter les arguments du (( traitteur (0, » d'exposer la doctrine catholique dans cette sublime beauté qui la fait planer au dessus de toutes les attaques. La diction du saint polémiste devait avoir l'élévation que comportait un tel sujet, et cependant demeurer claire et précise en s'adap- tant à l'intelligence de tous. Dans ce combat auquel l'Apôtre s'engage pour l'honneur et la gloire de la Croix, il emploie tour à tour les armes que lui offrent les Lettres sacrées, la Tradition des Pères, la raison théologique et « naturelle ». (i) Le Saint donne ce nom à Fauteur anonyme du Brief Traitté.  DE l'EsTENDART de LA S*'' CrOIX XIX Les preuves tirées des Ecritures demandaient à être maniées par une main habile, car les novateurs basaient tous leurs arguments contre le culte de la Croix sur la fausse interprétation des Livres sacrés : il fallait donc ruiner de fond en comble leurs prétentions et retourner contre eux leurs propres armes. La première moitié du premier Livre de la Défense de la Croix est con- sacrée à démontrer que le culte de l'instrument de notre salut est fondé sur la Parole de Dieu. Nulle part, peut-être, dans les écrits de notre grand Docteur, on ne trouve un exemple plus frappant de cette puissance d'argumentation qui lui fait grouper les paroles ins- pirées, pénétrer, jusqu'à la moelle de leur sens caché, par l'analogie et la déduction, et les appliquer vive- ment au point discuté. Dans le treizième chapitre du Livre II, dans le huitième et le neuvième chapitre du Livre III, toutes les conclusions de la fausse exégèse de la Faye sont repoussées avec une énergie et une précision remarquables. En somme , l'ouvrage tout entier, depuis l'hymne de louange de son majestueux début jusqu'aux dernières paroles de sa triomphante conclusion, est tout pénétré, inspiré et animé par la Parole de Dieu, vivante et efficace. Il était convenable que la Sainte Ecriture fournît à notre ardent Apôtre les plus puissants secours dans ses luttes contre l'erreur, mais c'est aux témoignages des Pères de l'Eglise qu'il emprunte le plus grand nombre de ses arguments. Il prouve indirectement l'origine apostolique du culte de la sainte Croix, non seulement quant à ses principes généraux, mais aussi quant à sa pratique ordinaire ; toutefois, le but prin- cipal et immédiat de sa thèse est d'afiirmer l'identité de doctrine de l'Eglise du xvi'' siècle avec l'Eglise des Pères. Les citations de ces u Anciens » sont au nombre de plus de quatre cents dans la Défense de la Croix. Le deuxième et le troisième Livre et la se- conde partie du premier Livre sont presque entièrement formés par la réunion de ces preuves. Cet imposant appel  XX Préface de la Défense -_>j aux Pères de l'Eglise est le trait caractéristique du second traité polémique de saint François de Sales, et, de même que les Controverses sont tout spécialement fondées et appuyées sur la Sainte Ecriture, de même aussi les témoignages ecclésiastiques forment la base principale de l'édifice élevé par notre grand Docteur en l'honneur de la sainte Croix. Il voulait sans doute affirmer ainsi l'autorité de l'Eglise et des illustres inter- prètes de la doctrine catholique. Du reste, la nature du sujet de la Défense, qui se rattache à l'Ecriture d'une manière plutôt implicite qu'explicite, requérait surtout ce genre de preuves ; telle était d'ailleurs la méthode des « placards, » principalement composés de citations des Pères. Il n'est pas nécessaire de nommer ici tous les illus- tres témoins qui déposent en faveur des arguments de notre saint polémiste. Depuis saint Justin jusqu'à saint Grégoire le Grand, ces noms forment une chaîne inin- terrompue dont saint Augustin et saint Jean Chrysos- tôme, saint Ambroise et saint Jérôme constituent les plus solides anneaux. Tous les anciens historiens, depuis Eusèbe jusqu'à Nicéphore, sont également appelés à rendre témoignage à la vérité ; le résumé de la Tra- dition sur le culte des images fourni par le second Concile de Nicée n'est pas oublié. Le grand Canoniste sait aussi utiliser avantageusement en faveur de sa thèse les solides arguments que lui fournissent les livres de Droit canon et de Droit civil. ^--^ Quelques-unes des citations du saint Auteur se res- sentent des données incomplètes de la science historique de l'époque, mais elles sont relativement très rares, comparées au grand nombre de témoignages authenti- ques : on pourrait même supprimer les textes douteux sans amoindrir la force de la preuve générale. Ces textes possèdent, du reste, une valeur secondaire mais réelle, comme preuves d'antiquité, car ils datent pres- que tous de l'époque des auteurs auxquels ils sont attribués. Il faut aussi se souvenir que l'autorité de la plupart de ces ouvrages était acceptée par les plus  DE l'EsTENDART de LA S*® CrOIX XXI considérables des adversaires de notre Saint (0 : celui- ci avait donc le droit d'utiliser contre eux les armes dont ils se servaient eux-mêmes. Les témoignages empruntés à la Sainte Ecriture et aux Pères constituent sans doute la partie la plus importante de l'ouvrage qui nous occupe, mais le génie personnel de notre saint Docteur se fait principalement jour dans la manière dont il emploie le raisonnement et la dialectique. Le quatrième Livre surtout en offre un exemple remarquable : le Saint s'y propose de traiter d'une manière succincte mais complète « la doctrine <( Catholique touchant la qualité de Thonneur deu a la « Croix » (p. 304). Nulle part, peut-être, dans l'arse- nal de l'enseignement théologique, on ne trouve une exposition aussi claire et aussi profonde de la question difficile de l'adoration. Le ministre de la Faye com- battait la doctrine de ceux qu'il appelle avec mépris « les questionnaires, » c'est-à-dire les scholastiques ; aussi est-ce précisément avec le langage de saint Thomas et de saint Bonaventure que notre habile polé- miste répond à son adversaire, et, à l'exemple de ces Docteurs de l'Eglise, il appuie ses conclusions sur les principes d'Aristote. Toutefois, il y ajoute des argu- ments tirés de son propre fonds, et dans un bon nombre de définitions et de distinctions on saisit l'action per- sonnelle de son esprit logique et pénétrant. La première et la seconde partie de LAvant-Propos sont d'un carac- tère presque identique à celui du quatrième Livre. La première partie du premier Livre mérite aussi une men- tion particulière, comme exemple admirable de la ma- nière avec laquelle la logique impitoyable de notre Saint anéantit « le grand, ou plustost l'unique argument de « ce traitteur contre la doctrine Catholique de la vertu (( de la Croix » (p. 34). Plusieurs autres passages pour- raient être cités, comme autant de preuves de la force (i) Ainsi, par exemple, les novateurs recevaient comme authentiques le livre De XII operibus cardinaiihus Christi, attribué à saint Cyprien (voir note (3), p. 62), la Vie de saint Basile, attribuée à saint Amphiloque (p. 298), les opuscules de Prochorus et d'Abdias (pp. 295, 349).  XXII Préface de la Défense de raisonnement de ce grand Philosophe chrétien, qui sait mettre à profit les plus simples propositions de l'Ecriture et des Pères, et en tirer les conclusions les plus décisives en faveur de sa thèse , se servant également avec avantage pour sa propre cause des arguments de son adversaire qui paraissaient les plus solides et les mieux établis. L'étude qui vient d'être faite du traité de la Défense de la Croix suffirait sans doute pour démontrer l'excellence de la doctrine qu'il renferme ; mais nous pouvons en donner un nouveau témoignage qui ne sera pas sans valeur. Il a été dit plus haut que le ministre de la Faye écrivit une Réplique (0 au livre de la Défense de la Croix. Il suffit de montrer les points vulnérables de l'ouvrage du pasteur calvi- niste pour faire ressortir mieux encore la force des arguments du grand Controversiste catholique. Saint François de Sales, parlant de la réponse de la Faye, écrivait les paroles suivantes (2) : « Mes amis n'ont « jamais voulu que je prisse seulement la peyne de « penser a répliquer, tant la response leur a semblé (( indigne. » Nous ne prétendons pas suppléer ici à ce qui a été trouvé inutile par un juge si compétent ; tou- tefois, il ne sera pas sans intérêt d'expliquer brièvement les raisons du silence de notre Saint, silence qui de toutes les condamnations est souvent la plus efficace comme la plus méritée. Le second ouvrage de la Faye est un volume de 240 pages in-S*", avec 14 pages préliminaires. Comme la Défense de la Croix, la Réplique se compose d'un Avant-Propos et de quatre Livres. Les subdivisions correspondent pour l'ordinaire aux chapitres du traité  (i) Réplique Chrestienne à la response de M. F. de Sales, se disant evesque de Genève, sur le Traictè de la vertu et adoration de la Croix, par Antoine de la Faye, ministre de la parole de Dieu en l'Eglise de Genève. De l'impri- merie de Jacob Stœr, mdciiii. (2) Lettre à M'"'^ de la Fléchère, 2^ mai 1609. Cf. la lettre à un Evêque, 14 août 1604. ''  DE l'EsTENDART de LA S^° CrOIX XXIII de saint François de Sales. Pour connaître les matières contenues dans ce volume et en apprécier le style, il suffit de lire les nombreux extraits du Brief Traitté qui se trouvent dans la Défense de la Croix, où l'opuscule du ministre calviniste est presque entiè- rement reproduit. Les deux tiers du second écrit de la Faye répètent les arguments du premier , en y joignant de nouvelles attaques sur presque tous les points du culte et de la doctrine catholiques. Soixante- dix à quatre-vingts pages seulement de la Réplique justifient le titre de l'ouvrage et répondent d'une ma- nière directe aux arguments de notre Saint. L'apologie que de la Faye offre de son « unique argu- (( ment » est si faible qu'on peut la réduire à cette simple assertion : « En la Parole de Dieu il ne se trouve rien qui puisse nous induire à attribuer quelque vertu au bois de la Croix ou au signe d'icelle. » Pour toute réponse, il suffit de répéter les paroles du Saint qui exprime avec modestie le sentiment de ses amis : « Hz ont « creu que mon livre fournissoit asses de défense contre « ceux qui l'attaquoient, sans que j'y adjoustasse chose « du monde (i). » Quant aux témoignages des Pères de l'Eglise, de la Faye distingue entre les anciens et les modernes, et refuse tout crédit à la parole de ceux qui n'appartien- nent pas aux premiers siècles du christianisme. Il rejette d'un seul coup tous les historiens ecclésiastiques, tous les scholastiques et tous les écrivains appartenant aux Ordres religieux. Cette manière d'agir offre l'avan- tage d^écarter un grand nombre de témoins impor- tuns , mais avec un tel système il devient impos- sible d'admettre une sérieuse discussion historique. Le pasteur calviniste avoue bien que la Croix était en honneur, même avant ce qu'il appelle la « corruption » de l'Eglise, mais il soutient toujours que cet honneur rendu à la Croix n'était qu'une profession de christia- nisme, et que^ par le mot de Croix, les anciens Pères (i) Lettre à M"^^ de la Fléchère (voir la note précédente).  XXIV Préface de la Défense entendaient les souffrances du Christ, et non l'instru- ment de notre Rédemption. Les arguments de la Défense de la Croix répondent suffisamment à la première de ces assertions ; quant à la seconde, on peut ajouter aux paroles de saint François de Sales un témoignage que le ministre genevois ne saurait récuser, celui de l'ami intime de Calvin, Guillaume P'arel, qui atteste dans son livre sur la Croix (0 (ce. XI, xxxix), qu'il est « impossible » de donner cette interpré- tation aux paroles des Anciens ; et il ajoute , que « ceux qui ont quelque jugement voient bien qu'il va autrement. » Mais, après tout, le point du différend était bien plutôt une question de logique et de bon sens qu'une question d'interprétation de l'Ecriture ou de la Tradi- tion. Les réformateurs, les calvinistes surtout, avaient adopté comme vérités essentielles certains principes a priori, qui n'étaient en réalité que des suppositions gratuites et erronées. Parmi ces axiomes, l'un des plus célèbres affirmait que toute comparaison est impossible entre Dieu et la créature et que, même par l'analogie, les lois qui régissent la raison humaine ne peuvent s'appliquer à la Divinité. De là, cette persistance avec laquelle de la Faye s'obstine à nier la différence qui existe entre l'honneur suprême et l'honneur « subal- u terne, » Tadoration absolue et l'adoration relative : les raisons les plus solides, les preuves les plus convain- cantes ne sont combattues que par le silence. Le Saint dit avec vérité : « Or, que le plus excellent honneur « soit celuy qui s'estend a toutes les appartenances de « la chose honnoree, je ne sçai qui le peut nier, sinon (( celuy qui aura juré inimitié a la rayson et nature » (pp. 13, 14) ; « d'adorer le bois, c'est une sottise' trop « extravagante » (p. 127) ; « C'est estre insensé » de rapporter un miracle « a autre qu'a Dieu seul » (p. 299) ; « la Théologie ne destruit pas l'usage de rayson, elle (i) Du vray usage de la Croix de Jésus Christ, et de l'abus et de l'idolâtrie commise autour d'icelle... avec un advertissement de Pierre Viret. [Genève?] Rivery, 1560. /  DE l'EsTENDART de LA S*^ CrOIX XXV « le présuppose ; elle ne le ruine pas, quoy qu'elle le « devance » (p. 35). Mais les irréfutables déductions du Docteur catholique ne sauraient être acceptées par le jugement faussé de parti pris par son adversaire ; cette disposition d'esprit le rend aussi prompt à rejeter la raison la plus palpable qu'à défendre la « sottise la plus extravagante. » Les calvinistes soutenaient encore qu'en fait de doc- trine et de croyance religieuse, tout ce qui n'était pas explicitement certifié par le Texte sacré était nul. Admet- tre ce principe, c'était anéantir toute controverse ou la réduire à une question de mots. L'intrépide polémiste dit très justement qu'un fait de la Sainte Ecriture témoigne de la vérité d'un fait de même nature « par « une conséquence tant aysee qu'il n'estoit besoin de « l'exprimer » (p. 35). Il ajoute que « la vertu miracu- « leuse de la Croix est asses testifiee en l'Escriture par « la conséquence tirée, par plus forte rayson, de la « vertu des autres reliques » (var. (c), p. 40). Les hon- neurs rendus à TArche d'alliance, à la verge d'Aaron, au manteau d'Elie, au bâton d'Elisée, aux « soliers » du Sauveur ; la vertu de Dieu accordée à des objets inanimés tels que la robe de Jésus-Christ, tels même que l'ombre de saint Pierre et les « mouchoirs » de saint Paul : tout est inutile. L'auteur de la Réplique ne voit là que des faits isolés, des exceptions, des dispositions particulières d'événements dont on ne peut déduire aucun principe, tirer aucune conséquence. Il répète sans cesse son refrain habituel : montrez-moi dans la Sainte Ecriture le culte de la Croix. Le saint Apôtre proteste continuellement qu'il n'appuie pas sa thèse sur la parole des hommes, mais sur celle de Dieu même, dont la sainte Eglise est l'organe ; il rappelle à son adversaire que l'Eglise est la colonne de vérité, et que celui qui n'écoute pas ses enseigne- ments doit être tenu comme païen et comme publi- cain : de la Faye ne veut rien entendre. Aveuglé par le principe erroné sur lequel se basent ses apprécia- tions, il qualifie de doctrine des hommes tout ce qui  XXVI Préface de la Défense n'est pas explicitement contenu dans le Texte sacré. Il serait difficile d'exprimer à quelles conclusions absurdes les réformateurs étaient forcément amenés par la rigide application de cette théorie : ainsi, par exemple , bien que nous sachions que la génération de Melchisedech n'a pas différé de celle des autres hommes, nous devons croire qu'il n'a eu ni père ni mère parce que la Sainte Ecriture ne lui en attribue pas. Telles sont les propres paroles de la Réplique (p- 57) • ^^ Ce que l'Escriture ne dit estre, doit estre tenu comme non estant, encor' qu'il soit. » Ce n'est donc pas sans motif que notre Saint s'écrie (p. 368) : « Il n'y a excuse qu'ilz n'accusent, il n'y a rayson qui (( les paye (i). » Nous nous bornerons à ces exemples, renvoyant le lecteur aux Controverses (2) qui lui fourniront d'autres preuves de la manière dont « les « ministres ont combattu la rayson et l'expérience. » Il est superflu de dire que les fausses conclusions adoptées par les sectaires atteignaient un plus haut degré d'inconséquence en traversant l'esprit étroit d'un homme tel que de la Faye (3). (i) Nous sommes bien loin d'attribuer aux calvinistes de ce siècle les opinions étranges de ceux qui ont été les premiers disciples du célèbre hérésiarque. Plusieurs de ceux qui appartiennent actuellement à la secte de Calvin ont une largeur et une droiture d'esprit qui leur fait apprécier la doctrine catholique relativement au culte de la Croix ; parfois même ils adoptent à cet égard les pratiques de notre sainte religion. Voir l'opuscule remarquable, intitulé : Etude historique et critiqtie sur la Liturgie du Vendredi Saint dans l'Eglise catholique, thèse soutenue publiquement devant la Faculté protestante de Montauban, en juillet i8pi, par Joseph Bianquis. Montauban. Granié, 1891. Imprimé avec permission du Recteur de l'Académie de Toulouse. (2) Partie II, chap. viii, art. 11. (3) On trouve à chaque page de la Réplique des raisonnements tels que ceux-ci : Les catholiques disent qu'ils s'adressent au Sauveur crucifié quand ils parlent à la Croix ; mais cela ne peut être, puisqu'ils emploient trois différents genres dans leurs invocations. Saint François de Sales avait dit (p. 16) : « ... Qiielle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de « voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de <( plus près? » De la Faye répond gravement : « Tant le soleil que le feu sont créatures inanimées, sans cognoissance. » Notre Saint cite l'exemple des païens et en tire des arguments en faveur de sa thèse ; de la Faye proteste que nous n'avons rien à apprendre des païens, nous devons les instruire. La bénédiction de Jacob croisant les mains sur la tête de ses petits-enfants  DE l'EsTENDART de LA S*° CrOIX XXVII Nous passons sous silence les tournures évasives, les propositions contradictoires, les hors-d'œuvre du minis- tre calviniste ; toutefois, nous ne saurions terminer cet aperçu des matières contenues dans la Défense de la Croix sans examiner à fond la valeur réelle ou pré- tendue des accusations de la Réplique, examen qui aura pour premier résultat de faire mieux apprécier le mérite du traité qui nous occupe. Après une étude attentive du livre de son anta- goniste, de la Faye y signale les erreurs suivantes : premièrement, la fausse indication de certains passages des Pères , défaut rare et de peu de conséquence, dont nous avons parlé plus haut ; deuxièmement , une certaine faiblesse d'argumentation quant à la preuve d'antiquité des crucifix, question secondaire qui n'infirme aucunement l'argument de la preuve d'antiquité delà Croix; troisièmement, la traduction incorrecte d'une proposition d'Aristote, par la phrase, amari est honorari (p. 305), formule que le saint polémiste emploie probablement dans le but de rappeler le principe signifié, plutôt que pour l'exprimer littéra- lement. Enfin, de la Faye s'efforce de donner à quel- ques-unes des propositions de son Brief Traitté un sens préférable à celui que leur attribue saint François de Sales qui, toutefois, avait laissé sur ce point même une certaine marge à ses appréciations (p. 23). La nomenclature d'erreurs aussi insignifiantes exalte l'ou- vrage de notre grand Docteur plus qu'elle ne le rabaisse, puisqu'elle écarte l'idée de défauts plus con- sidérables. Quant aux autres critiques que dirige de la Faye contre la Défense de la Croix, elles n'ont de fonde- ment que dans la mauvaise foi ou l'ineptie de leur  n'est pas une figure de la Croix, parce qu'il les a croisées à la façon d'une croix de saint André et non d'une croix latine. Si nous prétendons imiter sainte Paule dans les honneurs qu'elle rendit à la Croix, nous devons aussi l'imiter dans son voyage en Palestine. Saint François de Sales tire une similitude des allures des chiens de chasse ; donc, c'est un Evêque chasseur ; et cent autres inepties du même genre.  XXVIII Préface de la Défense auteur. Notre Saint rapporte le texte des Actes des Apôtres (0 qui atteste que, par suite de « l'accroissement « de la foy » les fidèles portaient les malades sur les places afin que l'ombre de saint Pierre les couvrît (p. 14). Le pasteur calviniste fait dire au Saint que l'accroissement de la foi provenait des honneurs rendus à saint Pierre, et sur ce il l'accuse de falsifier l'Ecriture. La Défense parle (p. 203) de la punition miraculeuse infligée aux insulteurs de la Croix à Loyette (( ces années passées; » la Réplique substitue ces mots, « en 1600, » et assure qu'à pareille date on ne trouve mention d'aucun fait semblable (2). Lorsque le Saint, citant (p. 35) les paroles de l'Ecriture qui se rapportent à la Croix de Notre-Seigneur, en tire cette conclusion : « donques. Dieu a voulu qu'en ce saint bois il y eust (( quelque grande vertu, » de la Faye l'accuse de « rechercher la volonté de Dieu de ce qu'il n'a pas prononcé. » Les raisonnements les plus judicieux du grand Ecrivain sont dénaturés et prennent la forme d'un faux et ridicule syllogisme. Ainsi , lorsqu'il exprime d'une manière si élevée la pensée que Dieu doit être honoré dans l'ordre politique, dont il est « l'autheur et principe » (p. 8), l'impudent contradicteur s'écrie : « Cest aussi bien que s'il concluoit ainsi : Dieu est créateur des perroquets et leur donne la voix, Pourtant il doit estre honoré de la façon que chantent les perroquets. » (Rep., p. 8.) De nombreux exemples de ce procédé déloyal se ren- contrent dans la Réplique, où l'adversaire de la Croix travestit à chaque page la pensée de saint François de Sales. De la Faye s'attaque d'une manière plus directe à la personne même de l'Auteur de la Défense de la Croix (i) Chap. V, 14, 15. (2) Dans le Manuscrit de la Défense, écrit en 1598, le Saint parle de ce miracle comme ayant eu lieu « Tannée passée » (voir var. (f), p. 203). Cette date se rapporte sans doute à l'invasion de la Savoie par les troupes de Lesdiguières, après la rupture de la trêve au printemps de 1597 (cf. Chorier, Histoire de Dauphiné, liv. XX, § xxvii) .  DE l'EsTENDART de LA S*^ CrOIX XKIX lorsqu'il reproche à son ouvrage d'être composé d'em- prunts et inspiré par l'esprit d'intolérance et de raillerie. Les ministres de Genève tremblaient devant le nouveau champion de l'Eglise catholique qui, pour ses premières armes, avait si rapidement soustrait la belle province du Chablais à leur influence religieuse et à la puissance de leurs moyens de séduction (0. Il était de leur intérêt d'infirmer le plus possible l'autorité de l'écrit de saint François de Sales et , pour arriver à leur but , ils décriaient le caractère du saint Auteur et l'originalité de sa plume. Fidèle à cette tactique , de la Faye accuse son adversaire de n'être que le plagiaire du grand Bellar- min : « La pluspart de cest escrit, » dit-il (p. 45) , « est des plumes de Bellarmin, furtivement tirées des aisles d'iceluy... au Traité de la Croix » ; « Le tradition- neur (2) a mendié presques tout ce qu'il dit, du magazin de Bellarmin » (p. 212). Or, le célèbre Jésuite n'a écrit aucun Traité de la Croix ; il ne consacre à ce sujet que cinq chapitres de sa Controversia de Ecclesia Trium- phante, et lors même que le Saint les eût transcrits littéralement, ils n'auraient pas occupé la douzième partie de la Défense de la Croix. Mais, en réalité, il n'y a pas une page entière du traité de saint François de Sales dont il ait emprunté l'idée au grand Cardinal ; et, lorsque les deux auteurs son;; identiques dans leurs citations , il est évident que notre Saint est remonté aux sources sans employer d'intermédiaire. Toujours, il est vrai, et dans chacun de ses écrits, notre Docteur aimait à s'inspirer de Bellarmin, et, loin de recourir « furtivement » aux lumières du grand  (i) Les paroles suivantes [Réplique, p. 29), sous une apparence de raillerie, laissent entrevoir les sentiments des pasteurs calvinistes de Genève à l'époque dont nous parlons : « Defunct M. Claude Grenier estoit un bon simple homme, disent quelques uns de ses diocésains ; mais son successeur est bien un autre baston, en savoir, zèle, inventions controuvées ou à controuver, pour augmenter la dévotion. » (2) De la Faye donne le nom de « traditionneur » à saint François de Sales, « d'autant qu'il est un prescheur de Traditions et n'a presques fondement sinon sur icelles. » (Rep., p. 5.)  XXX Préface de la Défense controversiste, il se glorifie d'en être éclairé et avoue hautement tout ce qu'il lui doit. Si dans quelques rares occasions il ne le nomme pas, c'est qu'il est d'un autre avis (pp. 119, 199) ; et alors c'est encore avec plus de vénération que le jeune lutteur parle du vétéran qui a blanchi dans le combat pour Dieu et pour son Eglise. Dans ces occurences il le qualifie de « grand docte « ou de « grand personnage de nostre « aage ». Partout, cependant, notre saint Docteur s'établit sur le pied d'une indépendance modeste, mais affranchie de toute servitude ; lui aussi est maître en Israël, et ce n'est pas seulement sur l'autorité de Bellarmin, mais sur celle de l'Eglise toute entière qu'il appuie ses décisions : « Le docte Bellarmin, » dit-il, « produit ces exemples. Il y en a d'autres non moins a (( propos... » (p. 347) ; « ... Je serois d'advis, après « le docte Bellarmin... » (p. 355). De la Faye se trompe encore plus lourdement dans l'assertion suivante : « Aussi n'a pas esté oublié le labeur du Jesuiste Gretserus, qui a fait un gros volume De Cruce dont le traditionneur a escremé ou plustost escumé la fleur » {Rep., p. 45). La meilleure réponse à ces paroles se trouve dans le livre même de la Défense de la Croix (var. (j), p. 28), où notre Saint, faisant allu- sion à l'ouvrage de Gretser, déclare ne pas l'avoir lu(0. Du reste, François n'avait pas besoin d'emprunter à autrui l'expression de ses sentiments de vénération et d'amour envers la Croix de son divin Maître; sujet qui, dès ses plus jeunes années, avait passionné son intelligence et son cœur. Encore tout enfant , au collège d'Annecy, il consacrait les meilleurs instants de ses récréations à la lecture de la vie des saints Antoine, Martin^ Hilarion, dont il extrait de si tou- chants épisodes sur l'usage du signe de la Croix.  (i) Ce passage, écrit sur le feuillet détaché du Manuscrit où se trouve le premier jet de VEpître dédicatoire , est évidemment de la même date, octobre 1598 (voir p. xi de cette Préface). L'ouvrage de Gretser fut publié en parties séparées, et, à cette époque, la première venait seulement de paraître. La Dédicace de cet ouvrage porte la date du 10 avril 1598.  DE l'EsTENDART de LA S*° CrOIX XXXI Ses profondes connaissances des œuvres des Pères, et de plusieurs autres auteurs cités dans la Défense de la Croix, datent du premier séjour qu'il fit à Paris n'étant encore que jeune étudiant (0. Dans son analyse de Droit civil à Padoue, il rapporte la loi impériale qui défendait de placer la Croix sur la terre, et use des mêmes expressions que nous retrouvons dans le pré- sent ouvrage (p. 151) ; déjà il s'écrie : « Venez, icono- (( clastes (2). » Le même volume manuscrit rappelle la visite du Saint au Crucifix de Béryte, gardé à Sirolo, près de Lorette (3)^ visite qui dut fixer dès lors en traits indélébiles dans son esprit l'histoire qu'il se plaît à nous redire (pp. iio, iii){4). L'institution de la Confrérie de la sainte Croix et les divers événements de la mission du Chablais fournirent au jeune Apôtre de nombreuses occasions de rappeler à son souvenir tout ce qui se rattache au culte de l'instrument de notre Rédemption, et d'augmenter encore l'érudition qu'il avait acquise à l'égard de cette sainte doctrine. La liste des auteurs connus et cités dans la Défense de la Croix doit être complétée par l'addition de tous ceux que notre Saint avait consultés lors de la rédaction des Controverses. Quant aux auteurs hérétiques en particulier , le Catalogue de  (i) On peut aussi remonter à cette époque pour s'expliquer les préférences que, dans la Défense de la Croix, notre Saint montre pour certains Pères de l'Eglise. Ainsi, la nouvelle publication des poèmes de saint Paulin dans V Appendix Bibliotliecce Patrum par de la Bigne (Parisiis, i^']()) et l'édition d'Arnobe par de la Barre, 1580, donnaient un intérêt spécial à ces ouvrages au moment de l'arrivée du jeune François de Sales à Paris. (2) « ... Qjiod non videtur satis pium eo loco pingi tantum signum, scilicet « Crucis, et loco exprimi qtio pedibiis conteri possit : adeste, iconoclastce. Qui « secus faxit capite plectatur. » (3) « ... Paululum flexa via, Cirolitanam Christi Dei in Cruce vivi pen- « dentis, quam sanctiis Lucas pinxisse dicitur, effîgiem vidimus... » Ce Crucifix miraculeux, originaire de Béryte, est connu sous le nom de Crucifix de Sirolo ; il est gardé dans la petite ville d'Umana, autrefois feudataire de Sirolo. C'est cette dernière ville qui est désignée dans la rime familière aux pèlerins de Lorette : Chi va a Loreto e non va a Sirolo, Vede La Madré e non vede il Figliolo. (4) Cf. Les Controverses, Partie II, chap. vu, art. 11.  xxxir Préface de la Défense livres prohibés reproduit à la fin du présent volume 1^), montre qu'il mettait le même soin à remonter aux sour- ces de l'erreur qu'à celles de la vérité. Nous avons cru devoir insister sur ce point pour at- tester une fois encore que l'Œuvre importante dont nous nous occupons présentement est loin d'être une compi- lation de divers matériaux amassés précipitamment pour repousser d'urgence une violente attaque. Tout controversiste intelligent eût pu réunir des citations et en tirer des conclusions évidentes ; mais ce n'est pas à recueillir des preuves, à grouper des affirmations que s'est borné le travail de notre grand Docteur. Au milieu d'un nombre imposant de témoignages, l'Auteur choisit les plus frappants, les mieux adaptés à son sujet, il les pèse séparément, il les assemble après mûr examen, il assigne à chacun la place qu'il doit occuper dans le plan de son ouvrage, il les applique avec vigueur à l'objet de la discussion. Ce livre est le fruit des labeurs de notre Saint, il porte l'empreinte de son génie personnel, et, autant que pouvait le per- mettre le but d'un traité de ce genre, il garde un cachet d'individualité sur lequel on ne saurait se méprendre. Nous nous arrêterons peu sur le second chef d'accu- sation générale de l'auteur de la Réplique contre le Défenseur de la Croix, à savoir, les « tant atroces injures » que le pauvre ministre groupe sur la deuxiè- me page de son livre ; elles sont loin de dépasser les limites qu'autorisait le langage de l'époque en de semblables occurrences. De plus, on ne doit pas oublier que notre Saint s'adressait à un auteur ano- nyme, et que ses reproches sont fondés sur la conduite du « traitteur » et motivés par les propres paroles de ce dernier. Parler des « mensonges » et des « blasphèmes » que renferme un écrit, ce n'est pas nécessairement qualifier de menteur et de blasphémateur celui qui l'a rédigé , à moins que l'on n'accuse positivement sa volonté et son intention. Quant aux épithètes dont (i) Voir l'Appendice IV.  DE l'EsTENDART de LA S**" CrOIX XXXIII saint François de Sales stigmatise les allégations du Brief Traitté, il ne faut pas perdre de vue un principe que notre Saint exprime fréquemment dans ses écrits : la douceur n'est pas la faiblesse, et la compassion pour les hérétiques est conciliable avec la haine de l'hérésie. Le Défenseur de la vérité ne devait pas capituler en présence du mensonge. Du reste, jamais il ne dépasse les limites qu'il s'est tracées au début de son livre : « ... Je n'ay voulu user d'aucunes injures ni invectives (( mordantes, comme il a fait, ma nature n'est point « tournée a ce biais. Mais aussi n'ay-je pas voulu tant « affecter la douceur et modestie que je n'aye laissé lieu « a la juste liberté et naïfveté de langage » (p. 27). Les plaintes que le ministre de la Faye élève contre les expressions employées par son adversaire ne sauraient nous faire excuser celles dont lui-même ne rougit pas de se servir. Le Saint rapporte (p. 156) quel- ques-unes des invectives du Brief Traitté contre les catholiques; la Réplique est sur le même ton. L'Auteur de la Défense de la Croix est accusé de n'agir que par (( ambition » et u afin qu'on parle de » lui ; ses raison- nements ne sont que '< fumée sophistique »; il a l'humeur « atrabiliaire )> ; « sa plume est trempée non en encre mais en fiel », comme tous ceux de sa « maledicen- tissime escole » ; les prédicateurs catholiques sont des « docteurs de mensonge », qui « croupissent » en « igno- rance bestiale » et profèrent des « coassements infer- naux. » Le pasteur calviniste s'attaque aux pratiques les plus chères à notre foi, et en parle dans des termes où l'aigreur le dispute à la raillerie la plus grossière ; quelquefois même ses expressions sont trop inconvenantes pour être reproduites. Nous n'insisterons pas davantage ; et, ce dernier point excepté, nous sommes même disposés à accorder une plus grande licence au « traitteur » que nous n'en récla- mons pour son saint Antagoniste; toutefois, les bienséan- ces du langage variant suivant les époques, il était de notre droit de chercher à en connaître les lois telles que les a observées celui qui s'en est constitué juge.  XXXIV Préface de la Défense Nous croyons avoir suffisamment exposé, et justifié au besoin, la doctrine du second traité polémique de notre Saint. Il pouvait donc en toute justice prononcer les paroles que nous a conservées l'un des témoins du Procès de Canonisation (0, que « s'il escrivoit une autre fois » pour la défense de la Croix a ce seroit encores à la plus grande confusion des hérétiques. »  § III. — Style de la Défense de la Croix Rapports qui existent entre cet ouvrage et les autres Œuvres de saint François de Sales Toutes les qualités du style de saint François de Sales, déjà signalées dans l'Introduction générale (2), brillent dans la Défense de la Croix ; la clarté et la netteté de démonstration se rendent surtout remar- quables dans la précision avec laquelle l'Auteur coor- donnant tant de matières diverses, les harmonise pour en faire un tout complet, et encore dans les développe- ments pleins d'intérêt qu'il donne à des questions parfois abstraites, comme, par exemple, dans l' Avant- Propos et le quatrième Livre. Le Saint nous indique lui-même le caractère distinctif du style de son ouvrage, lorsqu'il le compare avec le Traité de V Amour de Dieu, et prie ses lecteurs de se ressouvenir que <( le langage de la guerre est autre « que celuy de la paix. (3) » En effet, ce seul titre , la Défense de la Croix ^ rappelle la lutte; dès les premières pages, le lecteur se sent enveloppé d'une atmosphère belliqueuse , et cette impression persiste jusqu'à la conclusion du livre. Ce traité est, pour ainsi dire, la continuation des Controverses, avec cette différence, que dans celles-ci le saint polémiste s'adres-  (i) Le P Nicolas Desfayet, chanoine régulier de Sixt (Process. remtss. Gebenn. (I), ad art. 13). (2) Tome I, pp. Lxxi-Lxxv. (3) Préface du Traité de l'Amour de Dieu. '  DE l'EsTENDART de LA S*"" CrOIX XXXV sait à la Réforme en général, tandis que dans celui-là il entreprend un de ces combats singuliers dont l'issue égale en importance le succès ou la perte d'une grande bataille. Le champion du divin Crucifié ne perd jamais de vue la cause à laquelle il se dévoue, et ne la laisse pas oublier à ses lecteurs. Dans ses œuvres ascétiques, c'est d'une manière directe que saint François de Sales s'adresse à ses amis : s'il parle avec force, c'est toujours comme un maître, comme un père, qui soutient et console en même temps qu'il instruit et corrige. Ici, c'est indirectement et par son exemple, qu'il élève et encourage dans la lutte : nous le voyons au poste avancé, défendant avec vail- lance une cause commune et écrasant nos ennemis. Une confiance plus intime, une estime et un amour toujours croissants pour la sainte Eglise notre Mère s'enracinent dans les cœurs , quand on lit les paroles de feu que fait entendre le « porte-enseigne » des chevaliers du Christ. Nous l'avons dit plus haut, il ne craint pas de flétrir par leurs noms propres le men- songe , l'imposture et le blasphème. Les expressions d'indignation, de défiance et de dédain, qu'autorise la controverse populaire, tombent parfois de sa plume; parfois aussi, perce çà et là quelque pointe d'ironie, bientôt émoussée par la bonté qui domine toujours en lui. Au milieu de ce chaleureux combat en faveur de la vérité, le Défenseur de la Croix reste lui-même; il fait toujours, en effet, la part de la miséricorde. Sa charité pour les simples et les dévoyés se révèle à travers les paroles les plus énergiques; cette même charité fait à certains moments jaillir de son cœur de suaves accents qui pénètrent l'âme avec d'autant plus d'effi- cacité, que l'on s'attendait moins à les rencontrer dans un écrit de cette nature. C'est vraiment le miel dans la gueule du lion, la douceur qui sort du fort. Il est peu d'endroits, dans les Œuvres de notre Docteur, où la tendresse de sa dévotion se laisse mieux entrevoir que dans la réponse, courte mais expressive (p. 235),  XXXVI Préface de la Défense à l'objection du « traitteur » qui prétendait que la recherche de la Croix empêche la recherche du Sauveur crucifié. Ce qui frappe le plus dans l'ouvrage de la Défense de la Croix, outre l'ardeur martiale qui le caractérise et les sentiments de profonde piété dont il est pénétré, c'est la manière dont l'attention y est soutenue et captivée. De tous les écrits de notre Saint, il n'en est point peut-être de plus intéressant pour la majorité des lecteurs. A tout instant, survient un épisode gracieux, une touchante anecdote, une remarque curieuse, un rapprochement inattendu, une ingénieuse similitude, un mot brillant ou rapide, dans lequel se condense admi- rablement toute une pensée. L'imagination illumine ces pages vivantes et variées. De loin en loin, le saint Auteur s'élève jusqu'à ces hauteurs sublimes qui appartiennent plus spécialement au Traité de V Amour de Dieu. Citons le passage (p. ii6) où il dit que ( l'apparition » de la Croix « faitte a Constantin... ( fut comme un saint signe de la cessation du ( déluge du sang des Martyrs, duquel jusques a ceste ( heure-la toute la terre regorgeoit; » ou encore (p. 2 12) : ( Ce droit d'annoblir les actions lesquelles d'elles- ( mesmes seroyent roturières et indifférentes, appartient ( a la religion comme a la princesse des vertus ; » et ailleurs : « Les mariniers... ne visent au ciel que < pour chercher la terre; au contraire, les Chrestiens... ( ne visent a ces choses qui sont sur terre que pour ( chercher et trouver Jesuschrist qui est au ciel » (var. (o'), p. 235). La beauté, la variété des citations ajoutent un nouveau charme à la diction de notre Saint, surtout lorsque les emprunts faits aux poésies de saint Paulin et de saint Fortunat sont rendus par l'élégante version métrique du Président Favre. Il reste encore à signaler un caractère particulier qui s'attache autant à la matière qu'à la forme des écrits de notre grand Docteur, mais qu'il sera plus à propos de considérer ici sous ce dernier point de vue. Cette qualité , spécialement remarquable dans là Défense  DE l'EsTENDART de LA S*° CrOIX XXXVII de la Croix y dérive de la manière large et philoso- phique avec laquelle l'Auteur embrasse chacun des sujets qu'il traite. Dans l'examen des diverses parties, et en particulier du Livre IV, nous avons déjà fait allusion à cet harmonieux ensemble dont toutes les lignes convergent au même but : le même principe s'applique à tous les détails de cet écrit. A mesure que le saint polémiste expose les divers côtés de son sujet, il donne le sommaire de ce que Ton pourrait appeler la philosophie de la Croix : la théorie de la représen- tation d^un objet par un autre objet (pp. 76, 77, 355), la théorie des signes (pp. 210, 344-350), des noms (pp. 165, 210), des cérémonies (pp. 226-235), des pèlerinages et des reliques (pp. 80, 234, 235). Il établit aussi d'une manière explicite, bien que très rapide, la doctrine de la Tradition , soit en rapportant les paroles de saint Basile (pp. 264, 255), de saint Léon (p. 221) et de saint Augustin (ibid.), soit en rappelant lui-même, dans les termes les plus appropriés et les mieux choisis, les droits et la valeur du « tesmoignage de ceux par l'en- « tremise desquelz et l'Escriture et tout le Christianisme « est venu jusques a nous... » (p. 58). Nous conclurons nos observations sur le style de la Défense de la Croix en appelant l'attention du lecteur sur la merveilleuse fécondité déployée dans ces pages. C'est probablement cette abondance , cette variété qui ont inspiré aux premiers admirateurs de ce traité de lui appliquer, avec une exagération bien pardonnable, le titre fastueux de « Panthologie »^ c'est-à-dire, recueil de tout ce qui pourrait être exposé sur le sujet en question. L'humble Auteur proteste, il est vrai, que (( son advertissement est pauvre » (var. (j), p. 29), mais il en donne la raison : « ... le peu de commodité « que j'ay eu m'a fait tenir le drap court; » et les paroles qui suivent sont dignes de remarque , bien que le Saint ne les ait pas livrées à l'impression : « Aussi l'ay-je nommé premier advertissement pour « monstrer que il y a encor asses de choses a dire (( pour en faire d'autres. »  XXXVIII Préface de la Défense La description des caractéristiques de la Défense de la Croix serait incomplète sans une indication som- maire des rapports qui existent entre cet ouvrage et les autres écrits de notre saint Docteur. Il a été démon- tré plus haut que le style de cette composition rappelle beaucoup celui des Controverses ; la doctrine de ces deux traités présente de si grandes affinités , que le second peut être considéré comme le développe- ment de l'un des « exemples particuliers » promis dans le premier l^). On admire aussi une remarquable unité entre la doc- trine de la Défense de la Croix et celle des œuvres ascétiques, par l'application du grand principe sur lequel repose tout le corps d'enseignement de saint François de Sales : le rôle attribué à la volonté humaine comme moyen de soumettre tout l'homme à la volonté de Dieu. Ce principe, expressément adapté à l'ordre moral dans le Traité de V Amour de Dieu, implicitement contenu dans tous les motifs sur lesquels les Contro- verses appuient l'autorité de l'Eglise, est, dans la Défense de la Croix, appliqué à l'exercice de la vertu de religion. Dans tout cet ouvrage, et surtout au Livre IV, le saint Auteur insiste sur l'importance souveraine de la volonté individuelle ou du « consen- tement » de la volonté humaine, animant, déterminant et exaltant le culte que la créature intelligente offre à son Créateur. Il serait aisé de trouver encore bien des rapproche- ments de détail entre le second traité polémique de notre Saint et ses autres ouvrages (2) ; mais il suffit  (i) Les Controverses, Avant-Propos, p. 12. Comme spécimen de relations spéciales entre les deux ouvrages, voir les passages de la Défense de la Croix sur la croix de saint Thomas (p. 108), le Crucifix de Béryte (p. iio), l'appa- rition de la Croix à Albuquerque (p. 123), le « fait de Julien l'Apostat » (p. 291), la Mission (p. 365) ; et cf. avec les Controverses^ pp. 102, 326, 102, 325, 21-27. (2) Le passage sur les douleurs de Marie (p. 114) présente une grande analogie avec les expressions du Traité de l'Amour de Dieu, liv. V, chap. m. Le thème du « bon chien » échauffé « a la queste » (p. 235) est comme une ébauche de l'histoire du gentilhomme qui mourut d'amour ''sur le mont  DE L'EiSTENDART DE LA S*^ CrOIX XXXIX d'indiquer les rapports généraux qui les relient ensem- ble pour se souvenir que c'est « le même Saint qui parle avec l'onction du même Esprit de vérité dans ces deux sortes d'écrits (^1. »  III  L' Edition actuelle de la « Défense de VEstendart de la sainte Croix »  Le texte de la présente publication de la Défense de la Croix reproduit celui de l'édition princeps de 1600, sauf en un point important : l'orthographe personnelle de saint François de Sales y a été substituée à celle des imprimeurs lyonnais (2). L'ouvrage était connu ; mais il acquiert une nouvelle valeur par l'addition, sous forme de variantes , d'un Manuscrit autographe de cette même Œuvre de notre grand Docteur. Ce précieux document, inédit jusqu'ici, sera tout d'abord l'objet de notre attention; nous donnerons ensuite quelques détails sur l'orthographe adoptée dans cette reproduction, et sur les corrections et additions qu'il a été jugé utile d'y introduire. Le Manuscrit, gardé au Monastère de la Visitation d'Annecy, forme un volume de 133 pages cousues ensemble, et de dix pages détachées. Un feuillet de quatre pages, conservé aux archives de la Visita- tion de Turin , appartient sans nul doute au même  d'Olivet (ibid. , liv. VII, chap. xii ). La comparaison des « mariniers» fp. 235) se retrouve presque littéralement dans Xlntroduction a la Vie dévote^ Part. III, chap. x. (i) Fénelon, Lettres sur l'autorité de l'Eglise, Lettre vu. (2) Voir, pour cette question d'orthographe, la lettre de l'imprimeur Roussin (Appendice II).  XL Préface de la Défense Manuscrit (0; celui-ci présente quelques lacunes cor- rélatives à une partie de l'Avant -Propos et au com- mencement du premier et du deuxième Livre. Les feuilles de ces cahiers ont entre elles plus de dif- férence que celles de l'Autographe des Controverses ; on peut juger de leur forme et de leur caractère géné- ral par le fac-similé mis en tète du présent volume. Cet Autographe est, pour ainsi dire, un premier jet de la Défense de la Croix. Sans doute, le mérite intrinsèque de ce texte est moindre que celui de l'im- primé puisqu'il lui est antérieur, mais il ne laisse pas d'avoir une grande valeur et d'offrir un réel intérêt, soit à raison des matières qu'il renferme, soit à cause de ses rapports avec le travail définitif de l'Auteur. En effet, ces variantes donnent plus de poids encore à la doctrine contenue dans le texte adopté ; elles jettent une nouvelle lumière sur le plan, le style, et la méthode de composition du saint polémiste ; elles révèlent, en outre, plus d'un trait distinctif de son caractère personnel. Les deux rédactions répètent parfois la même affir- mation et corroborent son autorité ; par contre, certains passages de Timprimé qui ne se trouvent pas dans l'Autographe , laissent entrevoir la poursuite des recher- ches et des réflexions sérieuses du saint Auteur. Enfin,  (i) Sur ce nombre de 147 pages, il y en a douze, disséminées çà et là, qui ne sont pas de la main de l'Auteur, mais évidemment écrites sous sa dictée. Il s'identifie même de telle sorte avec son secrétaire, que parfois il reprend la ligne à moitié, corrige de sa propre main, et ajoute les indications et les annotations nécessaires. L'écriture de ces pages ressemble un peu à celle de Louis de Sales, frère du Saint ; néanmoins, les paroles suivantes de Georges Roland donneraient à penser que c'est lui qui a servi de secrétaire à son Maître : « Je dictz que j'ay escript en partie ce livre soubz le Bienheureux qui me le dictoit, moy estant à son service quand il le composoit. » [Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 13.) S'il en est vrai- ment ainsi, l'écriture de Georges Roland s'est considérablement améliorée pendant les trois ou quatre années écoulées depuis la transcription de quel- ques pages des Controverses : peut-être confond-il ces deux traités. Ces pages non autographes correspondent aux variantes suivantes : Avant-propos, pp. 15-18. Liv. I, chap. vi, var. (k), (1); chap. vu, toutes les variantes, excepté var. (d). Liv. II, chap. vi, var. (b), (c) ; chap. vu, var. (i) à var. (r); chap. vm, var. (a) à var. (h); chap. xi, var. (a), et var. (j) à var. (o).  DE l'EsTENDART de LA S*® CrOIX XLI tels passages du Manuscrit qui n'ont pas été admis à prendre place dans la rédaction définitive, conservent néanmoins une réelle valeur (0. Les ratures mêmes du grand Ecrivain ont été quelquefois utilement repro- duites comme indice de sa première pensée, dont on peut ainsi suivre l'élaboration. En lisant les paroles de notre Saint sous leur forme primitive, il devient plus facile de saisir la liaison des idées, de comprendre le sens du discours. Aussi ce Manuscrit a-t-il été d'un grand secours aux éditeurs, et justifie quelques-unes de leurs corrections les plus importantes (2). Pour toutes ces raisons, il a semblé utile de signaler exactement les relations qui existent entre l'ouvrage imprimé et l'Au- tographe ; lorsque aucune divergence n'est indiquée, les deux textes s'accordent, sauf de légères nuances. Ce Manuscrit nous permet aussi de saisir la marche qu'adopta le saint Défenseur de la Croix pour la composition de son ouvrage définitif. En parcourant ces pages , on peut se rendre compte qu'une partie de l 'Avant-Propos et ce qui est ensuite devenu le quatrième Livre représentent le premier travail de l'Auteur sur le Brief Traitté. Le reste du Manuscrit fut probablement écrit après la maladie du Saint (3), et, dès lors, chaque page se rapproche toujours plus parfaitement du texte imprimé. Le feuillet de Turin semble être un fragment de la seconde rédaction du quatrième Livre (4). Toutefois, le Manuscrit que nous avons sous les yeux n^a évidemment pu servir, en aucune de ses parties , comme texte destiné à l'im- pression. Une copie de l'ouvrage complet a dû être faite, peut-être par la main de quelque ami du Saint, et c'est alors, sans doute, que l'analyse marginale y a été ajoutée. La différence la plus saillante qui  (i) Les principaux passages du Manuscrit qui ne figurent pas dans le texte imprimé se trouvent à l'Avant-Propos et aux pp. i8o , i8i, 209, 210, 378, 379- (2) Voir pp. 40, 189, 213, 223, 259, 280. (3) Voir plus haut, p. x. (4) Ce feuillet autographe est reproduit pp. 379-381.  XLii Préface de la Défense existe entre les deux rédactions se trouve au Livre IV qui , dans le Manuscrit est , en grande partie , une analyse de Bellarmin : c'est l'exemple le plus remar- quable du procédé par lequel l'ouvrage de la Défense de la Croix est devenu une œuvre personnelle (0. L'idée principale de l'Auteur, dans le remaniement de cette partie de son sujet, consiste à traiter séparé- ment la question de l'honneur en général , et de V adoration en particulier. Cette première ébauche ofFre un autre intérêt : celui de permettre une étude spéciale du style de notre Saint. Elle est moins correcte que l'ouvrage imprimé, mais elle a quelque chose de plus naïf, de plus naturel, de plus accentué : c'est un miroir exact des premières impressions de l'Auteur. On vit avec lui : non seulement on apprécie ce qu'il aime, mais on devine ce qu'il préfère ; on acquiert une connaissance plus exacte de son parfait jugement, de son goût exquis. Chaque suppression, chaque addition, le chan- gement même des tournures de phrases sont autant de leçons que nous donne ce Maître de la parole. Si parfois l'idée primitive semble préférable à celle qui lui est substituée, on se plaît néanmoins à constater la tendance qui porte le saint Ecrivain à simplifier sa diction , à la rendre toujours plus populaire , plus accessible à tous (2). La question de la méthode de travail de notre grand Docteur est étroitement liée à celle de son style. En parcourant son Manuscrit , on croirait le voir traçant dans les marges de ces feuilles l'expression de  (i) Il est facile d'expliquer la confusion apparente qu'offrent les variantes considérables de la seconde partie du Livre I. Dans sa première étude, sous le titre de VInvention de la Croix, le Saint avait donné une esquisse des faits historiques et répondu aux objections de la Faye; les miracles qui précédèrent et accompagnèrent l'invention de la Croix devaient être traités dans la division intitulée : De la vertu de la Croix. Dans la rédaction définitive, l'Auteur comprit qu'il était préférable de grouper tous les faits qui se rattachent au même sujet, et crut devoir en répartir les matières en cinq chapitres, au lieu des trois divisions qui existaient primitivement. (2) Voir, par exemple, les passages mentionnés dans la note (i), p. xli.  DE l'EsTENDART de LA S**" CrOIX XLIII sa méfiance à Tégard de la sincérité du « traitteur » (p. 59), et l'entendre interrompre son discours (p. 144) pour se remettre à une nouvelle étude de l'objection plausible soulevée à propos du canon du « Concile (( Elibertin » et de la manière d'agir de saint Epiphane. La table des titres de la Croix (var. (i), p. 93) rappelle d'une manière saisissante celle des « Noms que l'An- « cienneté a donnés au Pape N ». Nous ne saurions terminer cette rapide description des qualités et des caractéristiques de l'Autographe de la Défense de la Croix sans dire un mot des lumières que jette cet écrit sur la personnalité de notre Saint. Plus encore que l'ouvrage imprimé , il contient des traits intimes qui révèlent le caractère de saint François de Sales, son patriotisme, ses sympathies, ses prédilec- tions ; il nous laisse pénétrer jusque dans les profon- deurs de son âme, et saisir le mobile de ses actions vertueuses. Son amour de la vérité se montre dans l'adoucissement de certaines expressions quelque peu exagérées, ou encore dans l'hésitation entre une asser- tion pure et simple et une assertion présentée avec la réserve d'un doute possible. Son humilité se fait jour à travers la modification des termes qui tendraient à sa louange. Mais surtout la douceur, la charité du saint Ecrivain débordent de sa plume, lorsque nous le voyons rectifier jusqu'à deux et trois fois un premier élan de zèle et d'indignation : la première et la seconde rédac- tion (pp. 19-24) de la critique générale du Brief Traitté présentent un exemple frappant de ce suave procédé. Les principes de syntaxe suivis par saint François de Sales ayant été suffisamment exposés dans l'Intro- duction générale, nous ne signalerons ici que certaines spécialités d^orthographe propres au présent ouvrage. Celle des variantes est évidemment la reproduction fidèle et intégrale de l'Autographe ; on remarquera la ressemblance de cette orthographe avec celle des (i) Les Controverses, Partie II, chap. vi, art. xiii.  XLiv Préface de la Défense Controverses : c'est ce qui constitue ce que nous pouvons appeler la période du Chablais. L'ortho- graphe du texte principal se conforme autant que possible à celle du Manuscrit ; c'est une moyenne entre les formes les plus anciennes et les plus modernes de cette période, en se rapprochant de ces dernières. Nous retrouvons donc dans cette nouvelle édition les traits réguliers et distinctifs de l'orthographe per- sonnelle de notre Saint (i) : substitution du ;^ à 1'^ dans les mots terminés par l, t, etc. ; 1'^ final remplaçant le ^ pour la seconde personne du pluriel des verbes; la double forme de certains mots d'un usage fréquent, tels que donq, donques ; encor, encores ; mais, mays; tousjours, tous- jours; desja, des-ja. Le c étymolo- gique disparaît habituellement dans les mots tels que faict y dict y etc.; le t est généralement doublé pour produire le féminin de ces mêmes mots. L'accent ^r^z;^ ne paraît jamais ; l'accent aigu, seulement sur Ve final et jamais dans les mots terminés par deux e, où l'on ne retrouve plus le tréma comme dans les Contro- verses ; le trait d'union est bien plus souvent em- ployé que dans ce dernier ouvrage. Bien que Vanalyse marginale, dont on a déjà parlé, ne soit qu'une addition à l'Œuvre du saint Docteur, elle a été adaptée à son orthographe pour éviter une bigarrure. Il n'en est pas de même de l'ancienne Table des matières qui ne se trouvait pas en regard du texte du saint Auteur ; cette Table présente le même caractère que Vanalyse marginale , et l'on peut y remarquer certaines fautes dont notre Saint n'est évidemment pas responsable. L'orthographe du Brief Traitté a été fidèlement respectée dans les nombreuses citations de cet opuscule, dont l'intérêt se lie si étroitement à celui de l'ouvrage qui nous occupe. Pour reproduire le texte précis de la première édition (i) Voir rintroduction générale, pp. xcv-xcviii, et la Préface des Contro- verses, p. CXXXIII.  DE l'EsTENDART de LA S*^ CrOIX XLV de la Défense de la Croix, il fallait corriger les fautes d'impression et les autres inexactitudes qui s'étaient glissées dans ce volume. Ces corrections ont été faci- litées par la table d'errata de la soi-disant seconde édition (0 et la comparaison avec le Manuscrit (2). Les indications des auteurs demandaient un travail spécial de rectification, et la ponctuation a du être entiè- rement revue. Quant à l'ancienne Table des matières, seules les modifications absolument essentielles y ont été admises. Il reste à signaler quelques légères additions, outre celle des variantes qui reproduisent le premier tra- vail du Saint : ainsi quelques indications d'auteurs , omises dans la première édition , ont été suppléées dans celle-ci. Ces indications se distinguent de celles du saint Auteur par leur insertion entre parenthèses (3). Des notes ont été ajoutées dans le but d'expliquer les allusions difficiles à saisir, ou pour donner quelque renseignement bibliographique , comme aussi pour signaler les rares indications douteuses dont il a été parlé plus haut (4). Les variantes de VEpître dédicatoire de l'édition de 1603 ont été reproduites en marge, pour les distinguer des extraits du Manuscrit autographe qui se rapportent à cette même Epître. Ces variantes de 1603 sont évi- demment étrangères au saint Auteur, comme le prouve l'erreur signalée p. 3 ; elles ont cependant été publiées de son vivant, et c'est là leur seul mérite. Les Pièces préliminaires de la première édition, ne  (i) Voir pp. XII, XIII de cette Préface. (2) On peut voir des exemples de ces corrections aux pages indiquées dans la note (2), p. xli; d'autres se trouvent pp. 90, 137, 129, 295, 324. Toutes les éditions de la Défense de la Croix répètent ces erreurs et en ont ajouté d'autres (voir pp. 8, 61, 326, 359). Une erreur du Brief Traitté a été corrigée dans quelques éditions, et cette correction a pour résultat de rendre inintelligible la réponse de notre Saint (pp. 229, 233). De même, l'omission de la note marginale, amari est honorari (p. 305), enlève tout sens à la critique de la Faye dans sa Réplique. (3) Les indications des pages du Brief Traitté^ qui se retrouvent dans la première édition, sont aussi insérées entre parenthèses, mais sans astérisque. (4) Page XX.  XLVi Préface de la Défense pouvant servir d'introduction à une nouvel] e im- pression , ont été reproduites en Appendice. On a cru devoir supprimer celles qui n'avaient aucun rapport direct avec le sujet de la sainte Croix (0. Les Placards et la Thèse sur la Croix, si intimement liés à l'ouvrage de la Défense, ont été également donnés en Appendice, ainsi que deux autres documents d'un haut intérêt. Dans cette étude sur la Défense de VEstendart de la sainte Croix nous n'avons jamais perdu de vue que ce traité est la première œuvre importante qui ait été publiée par son saint Auteur. « C'est , » dit-il lui- même (p. 3), « la première besoigne que j'estale... » Ce serait donc faire tort à saint François de Sales de vouloir placer les compositions de sa jeunesse au même rang que les fruits de la maturité de son génie. Mieux que personne, notre Saint a apprécié cette différence ; aussi plus tard demande-t-il à son lecteur de ne pas chercher à établir de comparaison entre son premier et son dernier ouvrage : <( Saches , » lui dit-il (2) , « qu'en dix et neuf ans on apprend et desapprend (( beaucoup de choses. » Il faut avouer, en effet, que si l'Auteur avait eu les moyens de retoucher son travail , il y aurait certainement apporté quelques perfectionnements, soit sous le rapport de la distribution des matières , soit même relativement à la diction , qu'il aurait pu rendre, ici plus rapide et plus coulante, là, plus concise et plus serrée. Quelques citations des Pères auraient pu être plus heureusement ménagées, et certains passages améliorés, bien que, même dans leur forme primitive, ils soient loin d'être dépourvus d'intérêt. Malgré ces légères imperfections, la Défense de la  (i) Les pièces supprimées sont des « Anagrammes » sur ces mots : Carolus Emanuel, Dux Sabaiidiœ [Sum audax JEneas dum hella euro. Ave, O Cœsar, audax mundi bellus^, un '< Epigramnia » et des « Stances » ; le tout adressé au Duc de Savoie à son entrée à Lyon (décembre 1599). _, (2) Préface du Traité de l'Amour de Dieu.  DE l'EsTENDART de LA S** CrOIX XLVII Croix est un chef-d'œuvre dans son genre et révèle un écrivain et un théologien d'un mérite supérieur. Cet ouvrage termine dignement la première période d'une glorieuse existence apostolique, et nous fait entrevoir les premiers rayonnements de cet astre lumineux qui atteint son apogée dans les incomparables pages du Traité de V Amour de Dieu. La publication de ce livre a, du reste, une providen- tielle actualité à Theure que nous traversons, heure de la puissance des ténèbres où l'impiété renouvelle les sacrilèges attentats de la Réforme contre la Croix et le divin Crucifié. Notre saint Docteur a d'avance protesté contre tous ces attentats, qui souillent la fin du XIX* siècle, comme ils en avaient désolé le commence- ment. Il semble convier tous les catholiques de nos jours à entrer dans les sentiments qui animaient son cœur, lorsqu'il concluait tout ce traité par cette brû- lante exclamation : « ... Non Jésus Christ sans croix, « mays Jésus Christ avec sa Croix et en Croix... ; c'est (( pourquoy je » proteste « avec le glorieux prédicateur « de la Croix , saint Paul (mais faites , mon Dieu , « que ce soit plus de cœur et d'actions que d'escrit et (( de bouche, et qu'ainsy je face la fin de mes jours) : « Ja n' advienne que je me glorifie, sinon en la Croix « de Nostre Seigneur Jésus Christ. Amen. » DOM B. MACKEY, O. S. B.  AVIS AU LECTEUR  Les variantes reproduites en plus petits caractères au bas des pages sont empruntées à un Autographe de la Défense de l'Estendart de la sainte Croix décrit dans la Préface, pp. xxxix-xliij. La lettre de renvoi est ordinairement placée à la fin du passage dont on donne la variante ; dans ce cas, cette lettre marque la fin de la variante et le point de reprise dans le texte. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition, en italiques, des paroles du texte qui la précèdent immé- diatement, excepté lorsque le commencement de cette variante correspond à un alinéa du texte, ou que la corrélation est évidente. Il arrive quel- quefois , mais rarement , que la lettre de renvoi est placée au début du passage dont on donne la variante ; ceci a lieu seulement lorsque la correspondance des passages est très facile à saisir, ou lorsque la même variante occupe une ou deux pages. Les variantes du Livre IV , présentant une grande différence avec le texte imprimé, ont été données intégralement et renvoyées à la fin du Livre dont elles forment comme un second texte. Les variantes de l'édition de i6o^, qui existent uniquement dans l'Epître dédicatoire, ont été reproduites en marge afin de n'être pas confondues avec celles de l'Autographe. Les indications marginales introduites par les éditeurs de la présente Edition sont placées entre parenthèses, pour les distinguer de celles du saint Auteur . Cette remarque ne s applique pas aux indications des pages du Brief Traitté qui figuraient déjà dans la première édition; elles sont également insérées entre parenthèses pour qu'on puisse les distin- guer de celles du Saint, mais sans astérisque.  f  A SON ALTESSE  (i;  y*  ONSEIGNEUR  On n'eut pas plus tost escrit le nom sacerdotal d'Aaron sur ceste ancienne et célèbre baguette réservée dans l'Arche de l'alliance, que soudain elle bourgeonna et se trouva parée de ses feuilles, fleurs et fruitz *, quoy qu'elle * (Num., xvn, 8.) fust auparavant toute morte et sechee. La Croix aussi estoit de soy toute couverte d'ignominie, et signe infor- tuné de malédiction ; mays des Ihors que Pilate, estant indubitablement touché d'en haut, comme a remarqué saint Ambroise *, eut mis sur icelle l'inscription sacrée, *(DeOb.Theo. 45,) Jésus Na^arenus Rex Judœorum , elle fut rendue toute sainte et vénérable par ce tiltre asseuré de son annoblissement. Lhors les noires marques de son infamie furent du tout effacées par le sang sacré de l'Aigneau (^),  (a) [Le Saint nous a laissé plusieurs ébauches du commencement de cette Epître dédicatoire ; voici les plus intéressantes.] Monseigneur, La Croix de soy estoit toute noyre d'ignominie et signe infortuné de maie diction, aussi bien que la verge assignée pour Aaron estoit toute sèche et in- (i) Charles Emmanuel P"", duc de Savoie  Epître dédicatoire  "f Edit. 1603 ^. — broîiillarti — et fumées de parol- les, pour la leur faire paroistre noire et souillée, puysqu ' ilz n'en peuvent du tout faire perdre la veuë. L'un d'entre euxpoussé de ces- te malicieuse ani- mos'té  auquel ayant trempé la première elle en est demeurée pour jamais claire et blanche : comme font les estoles des Bienheureux, qui n'ont tiré leur blancheur que de ce mesme vermeil. L'enfer qui n'a pas asses de charbon ni de fumée pour la noircir, produit néanmoins par fois quelques uns de ses barbouillés, qui, voilés du beau manteau de l'Escriture, jettent devant les yeux des simples gens certains brouïllartz de divers discours, pour faire paroistre au travers d'iceux ceste sainte Croix aussi noire et souillée qu'elle fut onques. L'un d'entr'eux estimant la mettre en la nuit d'un éternel mespris, "t" mit n'agueres au jour un certain petit traitté sans aucun nom d'autheur, d'imprimeur, ni du lieu d'où il sortoit. Or, entre plusieurs de la compaignie de la sainte Croix d'Annessi, qui pouvoyent et se sentoyent obligés de res- pondre a cest escrit, j'en pris fort librement la charge, et fus (a mon advis) advoué de sa divine bonté : car je n'eus pas si tost commencé a dresser cest advertissement, que, pour ne me laisser escrire (^) de sa Croix en clerc d'armes, elle me mit sur les espaules la^ croix d'une aspre et longue maladie ; au relever de laquelle je me  fructueuse, Mays comme quand le nom de ce grand prestre temporel fut inscrit sur ceste vielle baguette elle bourgeonna tout aussi tost, et en moins d'un jour fut couverte du verd de ses feuilles, parée de ses fleurs et chargée de son fruit : ainsy la Croix fut rendue toute sainte et vénérable par le tiltre sacré du grand prestre ddt&rnéi Jésus Na\aremis Rex Judœoriim , que Pilate y voulut mettre si constamment, estant indubitablement touché du ciel, comme S' Ambroyse remarque. Des Ihors son infamie fut effacée par cest escrit, et par ce tiltre elle s'acquit le droit d'estre honnoree de l'univers. Monseigneur, Comm'on lit de cest'ancienne baguette d'Aaron, qu'estant ja toute sèche, elle commença néanmoins a bourgeonner, et en moins d'un jour fut couverte de ses feuilles, parée de ses fleurs et chargée de son fruit, tout aussi tost que le nom de ce grand prestre temporel fut imprimé sur icelle , aussi sçait on bien que la Croix de soy (b) charge, — et commençai tout aussi tost a dresser cest advertissement ; en quoy je fus a mon advis advoué de sa divine bonté. Car affin que je n'escrivisse pas  (i) La Préface explique suffisamment les motifs pour lesq'uels sont ici reproduites ces variantes faussement attribuées au Saint.  AU Duc DE Savoie. 3 trouvay distrait a tant d'occupations, et l'imprimerie tant incommode, que je n'ay peu le produire jusques a ceste heure, qu'en fin il sort, et ne peut i^) sortir sinon a l'abri de la faveur de Vostre Altesse. C'est la première besoi- gne que j'estale, elle est deuë au Seigneur du lieu ; les confrairies de Savoye, pour lesquelles je l'ay dressée, la recevront de meilleur cœur, quand elles verront sur son front le glorieux nom de leur protecteur. Son dessein i P'^ofecteur ~ qui ordinairement est de combattre ^ pour Inonneur de la Croix blanche (^), combat ^ qui est l'enseigne que Dieu a pieça confiée a la serenis- sime mayson de Savoye, a laquelle si la valeur chres- tienne des devanciers n'eust acquis ce bon heur, il luy seroit meshuy très justement deu, pour le saint zèle que ^cuHer'^emenUhors Vostre Altesse a tous-jours eu a la sainte fov et a la qu'elle a procuré, , -^ avectautd ardeur mémoire de la Croix : mays particulièrement quand elle accompagnée de , . . . f^\ j 1 , . 1 sa naturelle dou- a procure si vivement (e), quoy que très doucement, ^ le ceur et clémence, restablissement de la Religion Catholique en ses ballia- ges de Thonon et Ternier, se baignant dans un saint ayse d'y voir par tout replanter les saintz Estendartz de salut. Dequoy si la mémoire se perdoit, (f) la postérité seroit privée d'une des plus riches pièces des actions de nostre aage. Je sçay, Monseigneur, quelles raysons t J'^y bien, Mon- ., . , , rr ' • j -r» . seigneur, des ray- j aurois T* pour n oser pas oiirir a un si grand Prince sons un si petit ouvrage, comme est celuy ci ; mays je n'ignore pas aussi le privilège des primices, et me prometz que le T bon œil que Vostre Altesse a jette sur quelques unes flatté du  (c) heure — En fin le voyci, Monseigneur, qu'il sort et ne veut (d) [Outre la leçon du texte, le Ms. offre la suivante :] Altesse — et non sans cause puysque tout son dessein est de combattre pour Ihonneur de la Croix lavée et blanchie au sang du Rédempteur, (e) confiée — a la très haute et très religieuse mayson de Savoye, a laquelle si la valeur chrestienne de ses pra^decesseurs n'avoit pas encor acquis ce bon heur, il luy seroit néanmoins maintenant très justement deu pour cest'ad- mirable dévotion et zèle que V. A. a tous-jours monstre a la s'* foy catholique et a la memoyre de la Croix. Mays sur tout ces jours passés quand tant de fidèles tesmoins l'ont veue procurer si soigneusement, (f) replanter — le s' Estendart de la Croix ; dequoy si la mémoire se perdoit, je proteste que (i) Evidemment la pensée du Saint est ici dénaturée.  Epître dédicatoire  •j- actions — qui me fait espérer qu'elle  •f Très humble et très obéissant ser- viteur et orateur de Vostre Altesse Franc, de Sales Evesque de Genève  de mes autres actions, "î* ne me sera pas moins favorable en celle ci, a laquelle je ne suis porté d'autre désir que d'estre tenu pour homme, qui est, qui doit, et veut estre a jamais. Monseigneur, Très humble et très obéissant serviteur et sujet de Vostre Altesse François de Sales. ^ (g)  (g) Altesse a — favorablement jette sur quelques unes de mes autres actions, ne sera pas moins bénin [et] favorable a celle ci, * a laquelle je ne suis porté d'aucun'autre ambition que destre reconneu pour homme qui doit et veut vivre et mourir, Monseigneur, Très humble et très obéissant sujet et ser"" de V. A.  (i) [Ici le S' a écrit dans l'interligne les mots suivants, sans toutefois les rattacher à la suite de sa phrase :] '( Je prie Dieu qu'il multiplie les jours de V. A. »  AVANT-PROPOS  DE L'HONNEUR DE DIEU ET DE SA JALOUSIE AVEC qUEL^UES OBSERVATIONS SUR CESTE DEFENSE ET SUR LE TRAITTÉ CONTRAIRE A Messieurs les Confrères des compaignies de penitens de la sainte Croix , des Estat^ de Savoye deçà les inont\  PREMIERE PARTIE  Comme Dieu tout puissant est (3) la première cause a Dieu seul soit de toute perfection, aussi veut-il que toute la gloire luy donneur et gloire. en revienne ; c'est le (b) tribut qu'il demande pour tous ses bienfaitz (c). Les eaux, qui toutes sortent de la mer, ne cessent de ruisseller et flotter jusques a tant qu'elles  (a) est — Tunique source et (b) le — seul (c) bienfait^. — Les créatures ont bien, chacune selon sa mesure, des excel- lences, mays on n'a pas plus tost dit que ce sont des créatures et ouvrages, que l'honneur en est deu au créateur et maistr'ouvrier.  6 Défense de l'estendart de la S*® Croix. * Eccles., I, 7. s'aillent abismer dans i^) leur propre origine*. L'honneur et gloire ne logent pas parmi les créatures pour y séjour- ner et vivre, mays seulement par manière de passage : leur propre domicile c'est la divinité, comme aussi c'est le lieu de leur naissance. L'univers et chaque pièce d'iceluy, pour petite qu'elle soit, a ce commun devoir d'honnorer son Créateur, dequoy les (e) Saintz les somment et solli- citent si souvent et si chaudement par tant d'exhortations et cantiques , que leurs livres en sont pleins ; mais la façon de faire cest hommage est différente. Les créatures intelligentes le font en leur propre personne ; tout le reste le fait par l'entremise des intelligences (^ ), comme par leurs procureurs. Et de fait, puysque la créature raysonnable tire le reste de cest univers a son usage, la rayson veut (g) qu'elle l'acquitte de ce devoir qu'il a, et qu'il ne peut rendre luy mesme ; a faute dequoy tout se * Sap., V, 21. mutinera contre les insensés * au jour du jugement , parce qu'ilz n'auront honnoré et glorifié W sa divine Majesté. C'est donques la seule créature intelligente qui est chargée de rendre a Dieu et payer le devoir d'hon- neur qui luy est deu par toute créature. C'est ce que font éternellement les Bienheureux la haut, jettans (i) leurs couronnes aux piedz de Celuy qui est assis au throsne, avec ceste reconnoissance : O Seigneur, nostre Dieu, vous estes digne de prendre la gloire, l'honneur et la vertu; car vous aves tout créé, et tout est et a *Apoc.,iv, 10,11. esté créé par vostre volonté*. Autant en fait l'Eglise icy bas, par ces solemnelles conclusions de tous ses  (d) cessent — jamais de ruysseler, couler et flotter, jusques a tant qu'elles s'aillent replonger et abismer dedans (e) d'honnorer — et glorifier leur premier autheur et principe, dequoy David et les autres (f ) différente. — Car les créatures intelligentes, et qui ont de l'esprit, le font en leur propre personne, et les autres le font par l'entremise des créatures intelligentes (g) usage — et service, c'est a condition, et la rayson le veut, (h) dequoy — l'univers se mutinera et bandera du tout contre les insensés, quand Dieu tout puyssant tiendra le grand jour de son jugement, ou seront reveuës par le menu toutes les fautes que l'on aura fait d'honnorer et glorifier (i) la haut — en paradis, car ilz viennent jetter  Avant-Propos, f^ Partie. 7 offices (j) : Gloire soit au Père, au Filz et au Saint Esprit. Bénissons le Seigneur, rendons grâces a Dieu. Répétant presque tous les jours, après saint Paul*: * I Tim., i, 17. Au Roy des siècles, immortel, invisible, au seul Dieu soit honneur et gloire. Pour vray, ces vérités sont si évidentes et asseurees qu'elles n'ont besoin que d'estre bien entendues ; car faudroit-il refuser de faire honneur aux pères et mères, aux roys et magistratz, pour dire que toute gloire et honneur appartient a un seul Dieu ? L'honneur de Dieu seroit deshonnoré par cest honneur, et ce respect offen- seroit sa jalousie. Nous voyci en difficulté avec nos Comment les religionnaires (k). L'ennemy de la Croix avec lequel dent. j'entreprens de combattre dit ainsy son advis sur ce sujet (et les autres de son parti ne disent pas mieux) (i) : (p. 5-) « ... nous croyons de cœur et confessons de bouche que (( Dieu seul doit estre servi et honoré... ("^) De faict, (p. 48. « combien que nous puissions honorer les uns les « autres civilement, suivant ce qui est commandé aux  (j) volonté. — C'est ce que fait l'Eglise par cest'ordinaire et solemnelle conclusion de tous ses cantiques et services (k) [Quoique biffées dans le Ms. les lignes suivantes sont utiles pour montrer la suite du raisonnement,] honneur et gloire. — Je ne crois pas qu'il y ait homme qui soit tant soit peu chrestien qui ne responde a ces saintes protestations, Dignum et justum est, cela est digne et juste, comme l'on fait en nos messes Nous nous accordons asses tous a ceste resolution, qu'« Dieu seul soit Lonneur et gloire ; mays, quand on vient a traitter de la manière, du moyen et façon d'en bien venir a bout, c'est la ou nous tumbons en différent tresimportant avec les nouveaux religionnaires. (1) religionnaires. — Car ores que nous soyons d'accord qu'il faut faire considération des différences qu'il y a d'iionnorer, pour bien entendre ceste parole qu'« Dieu seul soit honneur et gloire, si est ce que nous sommes en diffé- rent de ces différences. Car les uns mettent la différence en l'honneur, et les autres en la seule manière d'honnorer ; et, en l'honneur encores, les reformeurs ne produisent autre pour l'intelligence de ces vérités, sinon qu'il y [a] un honneur politique et civil, et un autre saint et religieux. Quand au politique ilz avoiient qu'on le peut donner aux créatures; mays quand a l'honneur religieux ilz disent que c'est d'iceluy que se doit entendre qu'« Dieu seul soit honneur et gloire. Voyons un peu en quelz termes cest ennemy de la Croix, inconneu, avec lequel j'entreprens de traitter, produit cest'opinion (m) honoré... — Ce qu'interprétant ailleurs :  ad- enten-  8 Défense de l'estendart de la S*® Croix. (( inférieurs d'honorer leurs supérieurs, si est-ce que « quand il est question d'honneur religieux ou conscien- (( tieux, ce sont choses non accordantes de donner (( tout honneur à un seul Dieu et à son Fils, et en « départir une portion à aucun homme, ou à la croix (( matérielle, ou à créature qui soit. » Il partage donques l'honneur en civil et en conscientieux, et veut que du dernier s'entende seulement, qu'a Dieu seul soit hon- neur et gloire, Réfutation de leur Mai S je remarque au contraire : que c'est trop retran- ; illlntiiionnTiirci- 'chcr de l'houneur deu a Dieu, d'en lever le civil et poli- vii a Dieu. tiquc ; car si la rayson avancée par les ^ Bienheureux (") est raysonnable, pour vray, non seulement tout honneur religieux, mays aussi tout honneur politique doit estre rendu a Dieu seul. Hz rendent tout honneur a Dieu, parce, disent-ilz, qu'il a tout créé et que tout est par sa volonté. Or, je vous prie. Dieu est-il pas l'autheur et principe de l'ordre politique ? Les roys régnent par ''Prov.,vm, 15,16. luy... et par luy les princes maistrisent * . Il n'y a point de puissance, sinon de Dieu ; le prince est * Rom., XIII, I, 4. serviteur de Dieu *. Et c'est a ceste occasion que les Exod., XXII, 28 ; magistratz sont appelles dieux *. Quelle exemption don- ques peut avoir l'ordre politique et civil, par laquelle tout son honneur ne doive estre rendu a Dieu, puysqu'il en prend son origine 1^ J'admire ce traitteur qui fait tant le Théologien (o), et  (n) qui soit. » — Voyla leur dire sur lequel il y auroit beaucoup de cho- ses a redire. J'en remarqueray seulement quelques unes. 1° Je dis que c'est trop retrancher de l'honneur deu a Dieu d'en lever l'honneur politique et civil ; ceste gênerai proposition qu'a Dieu seul soit tout honneur est trop diminuée et ravalée. Car si la rayson avancée par les Bien- heureux en paradis (o) volonté. — Et je vous prie, Dieu est il pas autheur de l'ordre politique, en est il pas le principe et créateur ? pourquoy donques ne luy en rendra on les honneurs.^ pourquoy n'en prendra-il le tribut qu'il retire de tout le reste de l'univers? Les rois régnent par moy (dit la sagesse infinie de Dieu), les princes (i) C'est à tort que plusieurs éditeurs modernes ont ici substitué le mot Religionnaires à celui de Bienheureux.  Ps. LXXXI, I.  Avant-Propos, f^ Partie. 9 sépare néanmoins l'honneur conscientieux d'avec le Et qu'Urne veulent ^ _ . i honneur civil es- politique, comme si le politique n'estoit pas conscien- tre conscientieux. tieux. Cependant saint Paul n'est pas de cest advis : Soyes siijet\y dit-il, par la nécessité, non seulement pour Vire, mais aussi pour la conscience *. Il y va donques * Rom., xm, 5. de la conscience a honnorer les supérieurs, et l'honneur qu'on leur porte est conscientieux. Te dis outre cela, qu'on doit et peut (p) porter un hon- Et qu'ii^ lèvent aux •^ ' ^ x- JT créatures tout non- neur autre que civil a quelques créatures. Voyla Josué neur autre que d- qui adore l'ange es campaignes de Hiericho *, quel devoir *^josue, v, 15. civil avoit-il a ce faire ? Saiil adore l'ame de Samuel qui s'apparut a lu}^ *, qu'y avoit-il en cela de politique ? Abdias * l Reg., xxvm, 14. adore le prophète Helie *, quelle obligation civile le * m Reg., xvm, 7 portoit a cest acte, puysque Helie estoit personne parti- culière et privée, Abdias, personne publique et des plus signalées de la Cour ? Il y a cent semblables exemples en l'Escriture. (q) Nous devons honneur et respect aux supérieurs ecclésiastiques, quelz qu'ilz soyent ; et quel honneur peut-ce estre sinon religieux et conscientieux, puysque la qualité pour laquelle on les honnore n'a autre V  dominent par moy. Il ni a point de puissance sinon de Dieu, dit s' Pol ; les puissances qui sont, sont ordonnées de Dieu. Qiii resisfa la puissance, résiste a l'ordonnance de Dieu. Le prince est serviteur de Dieu pour ton bien. Pour ceste cause vous payes les tribut^ : car il\ sont ministres de Dieu, employés a cela. Et c'est a cest'occasion que les magistratz sont appelés dieux. Certes cest honneur civil n'a point d'exemption pour laquelle il ne doive estre rapporté a Dieu, puysqu'il en prend son origine. 2° Je m'esmerveille de ce traitteur qui fait tant du Théologien (p) supérieurs — et leur rendr'obeissance, et l'honneur qu'on leur porte est conscientieux. Et voyla quant a ce qu'ilz veulent séparer l'honneur civil d'avec l'honneur religieux, en cest'occasion, comme si tous deux n'estoyent pas deuz a Dieu. 3° Je dis qu'on peut et doit (q) l'Escriture. — Je m'en vais dire ceci en un'autre façon qui confirmera tousjours tant plus la vérité. Les fidelles appartiennent a deux cités différentes : l'une temporelle, a sçavoir, a la republique de laquelle ilz se trouvent icy en terre ; et a ceste considération ilz doivent honneur a leurs supérieurs politiques, aux plus apparens et constitués en dignité. L'autre cité de laquelle ilz sont» c'est ceste grande Hierusalem spirituelle, l'Eglise universelle, entant qu'elle comprend la militante et la triomphante tout ensemble. C'est ce que dit s' Pol : Mes frères, vous n'estes plus pèlerins ni estrangers, mais vous estes concitoyens de sainf^ et domestiques de Dieu. Et quand a ce qui touche la partie militante,  10 Défense de l'estendart de la S*® Croix. cause ni sujet que la religion et conscience ? Les offices et maistrises ecclésiastiques sont toutes ^ autres que les politiques ; elles tendent a diverses fins et par divers * II Par., XIX, II. moyens. Amarias^ disoit Josaphat *, présidera es choses qui appartiennent a Dieu ; Zabadias, fil^ d'Ismaël, qui est duc en la mayson de Juda, sera sur les œu- vres qui appartiennent a l'office du Roy. Ce sont donques deux choses. Selon l'ordre politique, les roys et souverains ne devroyent aucun honneur de soubmission a personne, et néanmoins ilz doivent honnorer les pas- teurs et prelatz de l'Eglise. Car, comme les magistratz politiques président es choses civiles, aussi font les pasteurs es ecclésiastiques ; et le mot de pasteur porte aussi bien son respect que celuy de roy, quoy que ce ne soit par l'ordre politique. ,^ — Disons un mot de l'honneur deu aux Saintz (r) : quelle condition defaut-il aux habitans de ceste heureuse Hie- rusalem pour ne devoir estre honnorés par nous autres mortelz? Pour vray, le moindre d'eux excelle de beau- coup le premier d'entre nous (comme Nostre Seigneur * Matt., XI, II. dit de saint Jean *) ; ilz sont nos supérieurs (s) couronnés de gloire, constitués sur tous les biens de leur Seigneur, amis indubitables et plus proches courtisans d'iceluy, qui partant nous doivent estre très honnorés aussi bien * Ps. cxxxvm, i6. qu'a David *. Hz sont nos citoyens et patriottes, jointz avec nous par beaucoup plus de charité que nous ne sommes entre nous autres (*). Quelle rayson donques y  (r) de roy, — mais ce n'est pas par Tordre politique. Il n'est donques pas vray qu'il ne faille pas donner aucun honneur que politique aux créatures *. Quand a l'Eglise triomphante, c'est la ou est nostre vraye bourgeoisie, puysque nous n'avons pas ici une cité permanente mais en recherchons une future. (s) supérieurs — car ilz sont desja roys, (t) autres. — Ilz nous ayment et sont nos bienfacteurs comme mill'assis- tences que les Anges ont faittes aux hommes le monstrent (et j'en dis tout autant des saintes âmes, car elles sont égales et semblables aux Anges). (i) A cette époque le mot office était indifféremment employé dans les deux genres. {2) Le texte donne cette phrase un peu plus loin, ce qui est plus logique.  Avant-Propos, r® Partie.  11  peut-il avoir pour ne les honnorer pas ? Certes, quand nous n'aurions autre communion avec eux que la seule charité, puysqu'ilz nous devancent en tant de perfections, ce seroit asses pour les nous rendre honnorables. On ne peut invoquer celuy avec lequel on n'a point d'accoin- tance ni de commerce, ou qui ne nous entend pas; mays on le peut bien aymer, par conséquent honnorer, car l'un ne va pas sans l'autre. Mais cest honneur deu aux Bienheureux ne peut estre que conscientieux et religieux; il n'est donques pas vray qu'il ne faille donner aucun honneur c|ue politique aux créatures '. Voyla le dire de mon ennemy asses desfait : je vay maintenant proposer la vérité par ordre. Il y a honneur souverain et subalterne : i^) l'un et l'autre doit estre Propositioit de la vcyifc 'bctf tittc TîO^ rendu a Dieu, mays en différente façon ; car l'un luy table distinction. doit estre porté, et l'autre rapporté. 1. L'hommage ou honneur souverain, absolu et pre- L'honneur souve- mier, vise immédiatement a Dieu, et luy doit estre porté Té^aDilu,*^^^^^' a droit fil ; il n'a point d'autre propre objet que Dieu, ni Dieu ne peut estre purement et simplement objet d'autre honneur que de celuy la, pour la proportion que l'honneur et son objet doivent avoir ensemble. Le souve- rain honneur n'est que pour la souveraine excellence ; qui l'addresseroit ailleurs seroit inepte et idolâtre (v). 2. Autant inepte seroit celuy qui voudroit porter Mais non pas le a Dieu un honneur subalterne, car il n'y a non plus de proportion entre cest honneur la et Dieu, qu'entre la créature et l'honneur souverain ; et comme l'honneur souverain ne peut avoir pour objet qu'une excellence souveraine, aussi l'honneur subalterne ne peut avoir pour objet que l'excellence subalterne. Dire donques qu'il faut honnorer Dieu d'autre honneur que du souverain, c'est dire que l'excellence divine est autre que souveraine,  (u) sans l'autre. — Les Catholiques, au contraire, partageans Thouneur en honneur sauverain et subalterne maintiennent que (v) [Les pages suivantes manquent au Ms.]  (i) Voir la note précédente.  12 Défense de l^estendart de la S*® Croix. puysque l'honneur n'est autre que la protestation de l'excellence de celuy qu'on honnore, comme nous dirons sur la fin de ceste défense. Donques honnorer une créature d'un souverain honneur, c'est protester qu'elle a une souveraine excellence, qui est une bestise ; hon- norer Dieu d'un honneur subalterne, c^est protester que son excellence est subalterne, qui est une autre bestise. Tant s'en faut, donques, que ce soit idolâtrie de donner aucun honneur religieux aux créatures, qu'au contraire il y a un honneur religieux qui ne se peut donner qu'aux créatures, et seroit blasphème de le porter a Dieu : c'est l'honneur subalterne qu'on doit aux Saintz et aux personnes ecclésiastiques, duquel j'ay parlé ci devant. Lequel néanmoins 3. Et néanmoins ccst honucur subalterne qui ne peut luy doit estre rap- . ■"■ ^ porté. estre porté a ceste souveraine excellence, luy peut tousjours et doit estre rapporté, comme a sa source et a son origine ; il faut qu'il soit reconneu d'icelle et de son fief, appartenance et dépendance. Ainsy n'est-il pas dit que les Bienheureux mettent leurs couronnes sur la teste de Celuy qui est assis au throsne, car a la vérité elles seroyent trop petites et de ridicule proportion pour ceste grande majesté ; mais ilz les jettent aux piedz d'Iceluy, en reconnoissance que c'est de luy et de sa volonté qu'ilz les tiennent. Hz ne luy portent pas l'hon- neur qu'ilz tiennent de luy, mais le luy rapportent par le moyen d'un autre infiniment plus grand qu'ilz luy portent, le reconnoissans pour leur principe et créateur. Et comme on void tout l'honneur des magistratz infé- rieurs se rapporter et réduire a l'authorité souveraine du Prince, ainsy tout l'honneur des hommes et des Anges se réduit et rapporte a la gloire de ce suprême principe d'où tout dépend. Et en ceste sorte est-il vray qu'aw seul Dieu immortel^ invisible, soit honneur et gloire, laissant au reste a part ce qui se pourroit dire touchant ceste proposition apostolique, Au seul Dieu soit honneur et gloire, a sçavoir : si l'Apostre veut dire qu'honneur et gloire ne doit estre baillé qu'a Dieu seul, ou s'il veut plustost dire qu'honneur et gloire  Avant-Propos. 2"'° Partie.   ne doit estre baillé a aucun Dieu qui ayt des autres dieux pour compaignons, mais a ce Roy immortel, invisible, qui seul est Dieu. De tout ce discours s'ensuit qu'on peut bien honnorer religieusement quelques créatures, et néanmoins donner tout honneur et gloire a un seul Dieu, qui est un fon- dement gênerai pour tout mon advertissement  SECONDE PARTIE  Or je dis de plus, que non seulement on peut donner L'honneur de Dieu * , ^ ' -^^• -x ^ . i 11 -1 n'ahat point celtiv honneur et gloire a Dieu seul et tout ensemble a quelque des créatures, aim créature, comme a la Croix, mays que pour bien rendre ^^^t^^^^^- a Dieu l'honneur qui luy est deu il est force d'honnorer religieusement quelques créatures, et particulièrement la Croix ; c'est a dire que pour bien honnorer Dieu, non seulement l'on peut, mais l'on doit honnorer la Croix : et c'est l'autre fondement de ma Défense, lequel se prouvera par beaucoup de raysons particulières, mais en voyci la source et l'origine. Si l'on doit quelque honneur a Dieu, c'est sans doute Qualité de Vhon- 11 11 T»T 1-1 11,1 , neiir deu a Dieu. le plus excellent. Mays le plus excellent honneur est celuy par lequel on honnore tant une chose, que pour son respect on honnore encor toutes ses appartenances et dépendances, selon les degrés qu'elles tiennent en ce rang. Partant, Thonneur deu a Dieu doit estre tel, que non seulement il en soit honnore premièrement et princi- palement, mais aussi consequemment toutes les appar- tenances d'iceluy. Or, que le plus excellent honneur soit celuy qui s'estend a toutes les appartenances de la chose honnoree, je ne sçai qui le peut nier, sinon celuy qui  14  Défense de l'estendart de la S^° Croix.  Ps. XCVIII, 5.  * Matt., m, II Joan., I, 27.  * Act., V, 14, 15; XIX, 13.  Ibid., V, 15.  aura juré inimitié a la rayson et nature. L'honneur doit estre mesuré par son objet qui est la perfection et excellence ; mays plus une excellence est parfaitte, ou une perfection excellente, plus elle se communique a tout ce qui luy appartient ou dépend d'elle ; plus don- ques un honneur est excellent, plus s'estend-il et commu- nique a toutes les appartenances de son objet. Nous honnorons jusques aux plus simples appartenances des princes et roys, parce que nous honnorons beaucoup leurs personnes ; mays nous ne tenons pas ce respect a l'endroit des personnes que nous honnorons moins. Aussi appelle-on les plus honnorables, excellens, illustres et très clairs ; car, comme la lueur, splendeur et clairté s'espand et communique a tout ce qui l'approche, et plus elle est grande plus elle s'espand et plus loin, ainsy plus l'honneur d'une chose est grand et plus il rend honnora- bles ses appartenances, selon le plus et le moins qu'elles l'attouchent. Ainsy David tire en conséquence l'honneur deu a l'Arche de l'alliance, de la sainteté de Dieu, duquel elle estoit le marchepied *, comme quelques uns ont remarqué. Et saint Jean, au contraire, par Testât qu'il fait d'une des moindres appartenances de Nostre Seigneur *, monstre combien il en honnoroit la personne. Je ne suis pas digne y disoit-il, de porter ses soliers, ou d'en deslier les attaches. D'où peut venir cest honneur des soliers sinon de l'esclat de la personne a qui ilz estoyent, qui rend saint Jean respectueux et révérend jusques a l'endroit de si peu de chose? Ainsy l'honnorable opinion que ces premiers Chrestiens avoyent de saint Pierre et saint Paul les rendoit honnorables jusques aux ombres et mouchoirs d'iceux *, qu'ilz esti- moyent moyens sortables a leurs guerisons. Mais le trait de l'Escriture est sur tout remar- quable pour nostre intention, quand il est dit * que le nombre des croyans croissoit en sorte qu'il:^ por- toyent les malades en des places ^ sur les lict^, a fin qu'au moins V ombre de saint Pierre les couvrist. Voyes-vous comme l'accroissement de la foy et de l'honneur de Jésus Christ fait croistre l'honneur et  Avant-Propos. 2™^ Partie. 15 estime de ses Saintz et de ce qui dépend d'eux? Ainsy ^ ^ , * De glor. Mart., saint Grégoire de Tours * voulant raconter un miracle i. i, c. xxn. que je reciteray ci après *, il y fait ceste préface : * (infra i. ii, c. « En ce tems ci Jésus Christ est aymé d'une si grande ^^^'^ dilection par une entière foy, que de celuy, la loy duquel les peuples fidelles retiennent es tables de leur cœur, ilz en affigent aussi par les églises et maysons l'image, peinte en des tableaux visibles, pour une remembrance de vertu. » C'est bien une autre philosophie que celle des nova- teurs qui, pour mieux honnorer Jésus Christ, selon leur advis, rejettent les croix, images, reliques et autres appartenances d'iceluy, ne voulans qu'aucun honneur leur soit donné, par ce, disent-ilz, que Dieu est jaloux. Pauvres et morfondus théologiens aquilonaires, qui Jalousie imaginée €}t Dicti "hdf les imaginent en Dieu la sotte et misérable jalousie qu'ilz 7tovateiirs, quelle. ont a l'adventure eux mesmes de leurs femmes, (a) Se moqueroit-on pas de la jalousie de celuy qui ne voudroit que sa femme aymast ni honnorast aucun autre que luy, Réfutée. ni parens, ni amis, ni ceux auxquelz luy mesme feroit honneur et révérence ? Seroit-ce pas une jalousie desre- glee, puysque l'honneur et l'amour qu'une femme doit a son mari l'oblige d'aymer et honnorer tous ceux qui l'attouchent (b) ? Certes la jalousie touche principalement a l'amour. Or Dieu, quoy qu'extrêmement jaloux, non seulement permet, mais commande que nous aymions les créatures, avec ceste seule condition que ce soit pour l'amour de luy. Pourquoy seroit-il jaloux de nous voir honnorer les mesmes créatures a mesme condition , puysqu'il n'est jaloux de son honneur que comme d'une dépendance de son amour ? Au contraire, comme la jalousie de Dieu requiert que nous l'aymions tant et si Vraye jalousie de parfaitement que pour l'amour de luy nous aymions ^^^"  (a) [Ici reprend le Ms.] (b) desreglee, — et comment Thonneur qu'une femme doit a son mari ne luy doit il pas rendre honnorables toutes les personnes qui appartiennent a iceluy }  16 Défense de l'estendart de la S^^ Croix. encor les créatures, aussi veut-il que nous l'honnorions tant que pour son honneur nous honnorions 1^) encor les créatures. Ainsy punit-il Osa du peu de respect qu'il * II Reg., VI, 6, 7. avoit porté a l'Arche de l'alliance *. Mays quelle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de plus près ? Ne se tiendroyent-ilz pas pour beaucoup plus mesprisés si l'on disoit le contraire, les privans de la vigueur qu'ilz ont de respandre et communiquer leurs belles qualités (^) ? Aussi (^), tant s'en faut que Dieu soit jaloux si l'on attribue quelque vertu excellente ou sain- teté, et par conséquent quelque honneur, aux créatures, que plustost seroit-il jaloux si on la leur levoit, puysque on le priveroit d'une des principales propriétés de sa bonté, qui est la communication. La jalousie rayson- Reqtiiert deux nablc dcsire deux choses, a sçavoir : l'amitié deuë, et la privation de tout compaignon en icelle (^). Or, seroit-ce refuser a Dieu l'honneur et l'amour qui luy est deu^ si on ne l'aymoit et honnoroit si parfaitement, que par la l'on n'aymast et honnorast encores toutes les choses qui luy appartiennent, chacune en son rang et degré. Cela offenseroit d'un costé sa jalousie, ainsy que ce seroit offenser un roy, si sous prétexte de l'honnorer on ne tenoit conte de sa couronne, de son sceptre, de sa cour. Par contraire rayson, ce seroit offenser Dieu et sa  (c) de son amour? — Qui voudra considérer les choses de près, il verra que comme Dieu est jaloux, Ihors qu'on ne Tayme pas tant, que pour l'amour de luy on n'ayme encor les créatures, aussi est il jaloux lliors qu'on ne l'honnore pas tant, que pour son respect on n'honnore (d) V alliance. — Mays quel tort feroit-on au soleil de dire que ce qui l'approche de plus près est plus lumineux, et quelle jalousie pourroit avoir le feu de voir qu'on tint pour chaud ce qui l'approche ? Ne les mespriseroit on pas d'avantage si l'on disoit le contraire, leur ostant la vertu qu'ilz ont d'espandre et communiquer leurs qualités ? (e) Ainsy (f) communication. — Mais comme la jalousie raysonnable a deux effectz : l'un de désirer l'amitié qui est deuë, l'autre de n'avoir aucun compaignon en icelle, aussi ne peut-on pas dire que Dieu soit jaloux, sinon quand on l'ayme et honnore moins qu'on ne doit, ou quand on ayme et honnore quelque chose a l'égal de luy, et en pareil grade ; hors de ''la, c'est une impertinence d'alléguer la jalousie de Dieu.  Avant-Propos. 2"^^ Partie. 17 jalousie, qui priseroit, aymeroit ou honnoreroit autre chose que sa divine Majesté d'honneur égal et pareil a celuy qui luy est deu ; comme le sujet et vassal ofFen- seroit son souverain, de prester fidélité et hommage, de mesme sorte et façon que celle qu'il luy doit, a quelque autre seigneur ou prince. — ^ Les schismatiques de noslre aage offensent la jalousie Les huguenot:^ of- de Dieu en la première façon, luy baillans un honneur si stérile et chetif qu'il n'en produise aucun autre pour les choses qui appartiennent a sa divine grandeur. Les payens et idolâtres offensent la jalousie de Dieu en Et^ les payens en la seconde sorte ; car ilz donnent pareil et semblable honneur aux créatures que celuy qui est deu a Dieu seul, puysque multiplians les divinités ilz multiplient encor la gloire qui est incommunicable. Mais l'Eglise chemi- Mais VEgUse oh- ^ . . .^. . ^ . , . . serve l'une et l'aii- nant par le droit milieu de la vente, sans pencher ni tre. a l'une ni a l'autre des extrémités, donne a Dieu un honneur suprême, souverain et unique ; fertile néan- moins et fécond, et qui en produit plusieurs autres pour les choses saintes et sacrées, qui est contre les schisma- tiques et contre les payens et idolâtres. Tous ces honneurs , révérences et respectz qu'elle porte aux créatures, pour excellentes qu'elles soyent, ne sont que subalternes, inférieurs, finis et dependans, qui tous se rapportent, comme a leur source et origine^ a la gloire d'un seul Dieu , qui en est le souverain Seigneur et principe (g).<^ (h) J'ay voulu prendre l'air de mon discours de si loin pour bien descouvrir Testât et le vray point du différent que j'ay avec l'autheur du petit traitté contre lequel je fais ceste Défense , lequel a mon advis est cestuy cy : Si Estât du différent -, r^ ' • . . 1. . dont il est ques- ainsy est que la Croix soit une appartenance religieuse non en ceste De- de Jésus Christ, luy doit-on attribuer quelque honneur ^^^^^'  (g) [Ce dernier alinéa et la phrase qui le précède , ne se trouvent pas au Ms.j (h) Puys donques que plusieurs créatures et particulièrement la Croix appartiennent en une façon spéciale et religieuse a Nostre Seigneur, non seu- lement on peut, mais encor on doit avoir ces choses en honneur et révérence  18 Défense de l'estendart de la S*° Croix. ou vertu dépendante et subalterne ? Et par les fondemens généraux que j'ay jettes cy devant il appert asses de la vérité de la foy Catholique touchant ce point ; et néan- moins, toute ceste Défense n'est employée a autre qu'a la confirmer et faire des preuves particulières de cest article : Qu'il faut attribuer honneur et vertu a la Croix.  TROISIESME PARTIE  Dessein de ceste De- Voyla tout le dessein de ces quattre livres, lesquelz ayans esté dressés pour vostre usage, mes très aymés et très honnorés Frères et Seigneurs en Jésus Christ cruci- fié, j'ay encor a vous dire certaines choses avant que vous entries en la lecture d'iceux (^).  pour porter a Dieu le grand et excellent honneur qui luy est deu. Cest advertissement donques, que je vais faire sur l'honneur et vertu de la Croix, dépend de ceste générale et importante controverse que nous avons avec les schismatiques de nostre aage, a sçavoir, si pour honnorer Dieu comme il faut il est nécessaire de ne porter pas honneur, par aucun instinct de religion, a autre qu'a sa divine Majesté; ou bien si au contraire, pour honnorer Dieu comme il faut, il est nécessaire de porter quelque honneur, par l'instinct de religion, a quelques créatures, selon que Dieu les aura eslevees plus ou moins a quelque grade d'excellence et dignité religieuse. Et comme j'ay fait une preuve générale pour l'affirmation de ceste dernière proposition en gênerai, aussi feray-je une particulière et plus ample preuve de ceste particulière proposition, a sçavoir, que l'honneur de Dieu requiert que l'on attribue quelque honneur et vertu a la sainte Croix. [Il n'y a pas au Ms. distinction de Parties.] (a) Voyla le sujet de tout cest advertissement, lequel ayant dressé pour vostre usage, mes treshonnorés et tresaymés Frères, j'ay a vous advertir de quelques choses dont les unes vous touchent, les autres ma besoigne, et les autres moy mesme.  Avant-Propos. S""" Partie. 19 I. Que mon adversaire ayant fait un amas d'inepties et mensonges en son traitté, sans aucun ordre ni dispo- sition, il m'a semblé que je devois retirer toutes ces Méthode d'icdle. pièces l'une après l'autre, et considérer ou elles se pou- voyent rapporter, et en faire comme quattre monceaux : l'un de ce qui touchoit au déshonneur de la vraye Croix, l'autre a celuy des images de la vraye Croix, le troysiesme de ce qui touchoit au signe d'icelle^ et le quattriesme de ce qui estoit dit contre la Croix généralement. Ce que j'ay fait, et ay observé le meilleur ordre que j'ay peu a respondre a tout cela pièce a pièce, pour faire que ceste Défense fust non seulement une response a ce traitté-la, mays encor un discours bien rangé pour le sujet de l'honneur et vertu de la Croix. Si ay-je quelquefois rompu mon chemin pour rechercher mon adversaire par tout ou il s'alloit desrobbant devant la vérité. Il est malaysé de tenir posture avec celuy qui escrime de seule rage, sans règle ni mesure (^). II. Je proteste aussi que si j'eusse jugé les simples Jugement sur le . t . , , - traitté contraire, gens qui sont deceuz ou nourris en leurs abus par le traitté de mon adversaire et autres semblables, autant indignes de compassion et secours que le traitté de response, je n'eusse jamais dressé i^) cest advertissement;  (b) I. Que mon adversaire n'ayant observé aucun ordre en son traitté, mais ayant seulement fait un amas de mensonges, inepties, calomnies et blasphèmes qu'il a tirés de divers escritz de ceux de son parti, et les a jettes sans aucune disposition dans son traitté comme dans un esgout, il m'a semblé que je devois retirer toutes ces pièces de son traitté et considérer ou elles se pouvoyent rapporter, et en faire comme quattre monceaux : desquelz l'un touchoit au deshonneur de la vraye Croix sur laquelle Nostre Seig"" fut cloué, l'autre aux images permanentes de la Croix, le troysiesme au signe d'icelle, et le quattriesme a ce qui touchoit la Croix généralement. Ce que j'ay fait le plus diligemment que j'ay sceu, et ay observé le meilleur ordre que j'ay peu a respondre a tout cela, pour faire que mon advertissement fut non seulement une responce adversaire, mays encor un traitté méthodique pour le sujet de l'honneur et vertu de la Croix. Si ne puys-je pas nier que je me soys quelque- fois escarté du droit ordre de mon discours, mays ce m'a esté force pour rechercher mon adversaire par tous les cointz ou il s'alloit mussant et desrobbant a la rayson et vérité. Il est malaysé de tenir posture avec un qui escrime de seule rage, sans rayson ni mesure. (c) jamais — pris la peyne de vous dresser  20 Défense de l'estendart de la S*"^ Croix. car le traitté n'est rien qui vaille, ce n'est pas seulement un mensonge bien agencé. Mays affin que je paye en contant l'approbation que je désire de vous W touchant ce jugement, sans attendre que vous ayes leu tout mon advertissement (qui peut estre n'obtiendra pas ceste grâce de vous que vous y employies beaucoup de tems), je vous veux mettre devant quelques pièces de ce beau traitté, affin que vous voyies i^) que peut valoir le tout, (f) Le tout n'est que de 62 petites pages : en la première il n'y a que le tiltre, lequel pour bon commencement est du tout mensonger, car il porte le nom « de la vertu de la  (d) agencé. — C'est un bericle ^ estrange que la passion; celuy qui en est pris au nez voyt toutes choses selon icelle. J'ay veu des personnes du parti schismatique, d'asses bon esprit, faire conte de ce traitté comme d'un gentil ouvrage. J'admirois ce jugement et ne sçavois d'où ilz en pouvoyent prendre l'occasion, sinon qu'a l'adventure la variété a ceste propriété d'avoir grâce ou qu'elle se trouve, et jusques sur les plus mauvais et vicieux sujetz comm'est celuy du traitté. Pour moy, je ne sçaurois en fair'autre jugement que celuy que j'ay fait, que ce n'est sinon un fagot d'inepties et fausetés. Mays affin que je vous paye en contant pour avoir vostr'approbation (e) je vous — vays briefvement mettr'en pièces ce beau traitté, et vous verres (f) [L'ordre de cette analyse du Brief Traitté est, dans le Ms., trop différent de celui du texte pour y être rattaché par fragments ; cette partie est ici reproduite en toute son intégrité.] (p. I.) Tout ce traitté n'a que trente et une feuilles en contant la première ou il ni a que le tiltre. Et j'y trouve de mensonges : 1. Il l'intitule « de la vertu de la Croix et de la manière de Ihonnorer. » (p. 5.) Cest un mensonge, car il ne s'employe qu'a persuader la Croix estre inutile et ne devoir estre honnoree. 2. Il dit que ceux de son parti « rejettent toutes cérémonies avancées outre « et sans la parole de Dieu », et entend de la parole escritte, comme il appert pag. 8, « Prophètes et Apostres » *. Cela est vérifié faux au c. 3. du I. livre.  (i) Bericle, ancien français de hesicîes ; bericle signifie à la fois cristal et lunettes, de heryculus, beryclus, diminutif du latin berylliis, qu'on trouve avec le double sens de cristal et de lunettes dans les textes du moyen-âge. (Diction'"*' étymol. de Brachet.) Ce terme de bericle se retrouve sous la plume du Saint, comme on Ta déjà vu aux Controverses. (2) Allusion à cette phrase du Brief Traitté, p. 8, « ... la Parole de Dieu escrite par les Prophètes et Apostres... »  Avant-Propos. 3™* Partie.  21  (p. 8.)  Croix et de la manière de l'honorer »_, et le traitté n'est employé a autre qu'a persuader la Croix estre inutile et Vérifié par les Mas- 1- m T- .1 -I, . -1 . i phemes du traitté. indigne d honneur, lit quant au reste il lenrichit de ces belles propositions : I. Qu'il faut « concevoir la toute-puissance de Dieu (( par ce qui nous apparoist de la volonté d'icelui, « suivant ce qui est dit au Pseaume : Dieu a fait « tout ce qu'il a voulu. » Pour Dieu, quel blasphème, que Dieu ne puisse sinon ce qu'il a declairé vouloir; mays au contraire. Dieu n'a onques declairé qu'il voulust qu'un chameau entrast par le trou d'une aiguille *, ou que les enfans d'Abraham fussent suscités des pierres *, et toutefois il le peut faire, ainsy que l'Escriture tes- moigne. Et est vray que Dieu a fait tout ce qu'il a voulu, et peut tout ce qu'il veut ; mays c'est une bestise de dire qu'il veut tout ce qu'il peut, ou qu'il ne peut  * Matt., XIX, 24. * (Luc, in, 8.)  3. Il dit que Ihonneur de la Croix (qu'il appelle idolâtrie) [est] remise et rebastie lautre fois en ce tems et au voysinage de Genève , cest a dire An- nemasse. Cela est sot et faux, car jamais le vray Christianisme n'a manqué au dit vilage ni aux environs, et par conséquent ni Ihonneur de la Croix, nonobstant tout l'effort des adversaires. ^ 4. Que N. S. « a esté pendu pour les péchés des esleuz. » Fauceté, car il a enduré pour tout le monde : Tollit peccata mundi. [Joan., i, 29. J Vult omnes homines saîvos fieri. [I Tim., 11, 4.] 5. « Nous devons concevoir la toute puissance de Dieu par ce qui nous « apparoit de la volonté d'iceluy, suivant ce qui est dit au pseaume 115 ' : «■ Dieu a fait tout ce qu'il a voulu. » Quelle folie et blasphème et ineptie. 6. « Melchisedech est dit estre sans père et sans mère, pour ceste seule « rayson que l'Escriture n'en parle aucunement, encor quil soit très certain « quil en avoit comme les autres. » Contradictoire a ce qu'il avoit dit que « ce qui n'est escrit est tenu pour chose nulle. » 7. Il celé que la Vierge fut près de la Croix. Imposture. 8. « Il ni a point de tesmoignage que Dieu aye voulu la Croix de son Filz « venir a notice. » Il y en a mille. 9. « Si on croit les Anciens, Adam a esté enterré en Hebron. » Au contraire. 10. Il prend les ennemis de Christ pour les seulz Juifz, comme si les payens ne l'estoyent, et ce pour réfuter un'histoire très authentique. Ineptie.  (p. 6.)  Blasphème (p. 8)  Blasphème (p. 8).  iP- 9-) Contradiction. (p. 8.) Imposture (p. 9). (Ibid.) Mensonge (Ibid). Ineptie (p. 10).  (i) Ce « mensonge » du Brief Traitté a été , dans la suite du travail, déve- loppé par le Saint, qui en a formé le § III du texte, pp. 25-27. (2) Selon la division hébraïque adoptée par les Novateurs. D'après la Vulgate, c'est le Ps. cxiiij 11.  22  Défense de l'estendart de la S*® Croix.  que ce qu'il a declairé vouloir. Il peut bien mettre cent mille millions de mondes en estre, empescher les scan- dales et blasphèmes , et toutefois il ne le fait pas ; et sans avoir declairé de le vouloir faire il ne laisse pas de le pouvoir faire. Certes Dieu est tout puissant , mais il n'est pas tout voulant. Lises le docte Feuardent * en ses Dialogues^ ou il remarque ce blasphème des novateurs , entre plusieurs autres, (p. 12.) 2. Que Jésus Christ a « beu la coupe de l'ire de Dieu » et que « ses souffrances sont infinies. » C'est le blas- * Insi., 1. II, c.xvi, pheme de Calvin qui dit* que Jésus Christ eut crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malédic- tion et ire de Dieu ; car a la vérité aucune peyne ne peut estre infinie, ni aucun ne peut boire la couppe de l'ire de Dieu, pendant qu'il est asseuré de son salut et de la bienveuillance de Dieu. C'est donq le mesme de dire que Jésus Christ a beu la couppe de l'ire de Dieu et a souffert des peynes infinies, et dire qu'il a eu crainte pour le salut de son ame : or la crainte présuppose probabilité en l'événement du mal que l'on craint : si donques Nostre Seigneur eut crainte de son salut, il eut par conséquent probabilité de sa damnation. De mesme, avoir beu la couppe de l'ire de Dieu ne veut dire autre sinon d'avoir esté l'objet de l'ire de Dieu : si donques Nostre Seigneur a beu la couppe de l'ire de Dieu, il a esté l'objet de l'ire  Blasphème (p. 12)  Contradiction. (p. 12.) Mensonge (p.  ir. Jésus a « beu la couppe de Tire de Dieu... les souffrances sont infinies. » Il joint aux articles de la mort la descente aux enfers, non la résurrection ; ceci put le blasphème. 12, « Les souffrances de Christ ne peuvent estre représentées. » Ineptie contreditte par luy mesme, pag. 17. 13. « Nous ne lisons pas que quand J. C. a fait des miracles il aye fait « aucuns caractères. » Comme si la confusion des accusateurs de l'adultère, en S. Jan, 8, ne fut miraculeuse, et que N. S. ne fit pas alhors des caractères en terre. Et le contredit, pag. 18, disant que « beaucoup de choses merveilleuses ont esté faites par le signe » etc. (i) Feuardent François, Cordelier (i 539-1610). Semaine première des Dialo- gues auxquels sont examinées et confutees cent soixante quatorze erreurs des Calvinistes ; Paris, 1585. — Il publia aussi une Seconde Semaine, réfutant 465 erreurs; Paris, 1598. /  Avant-Propos. 3™* Partie. 23 de Dieu. Item, souffrir des peynes infinies présuppose la privation de la grâce de Dieu, principalement si on parle des peynes temporelles telles qu'il faut confesser avoir esté celles de Jésus Christ : si donques Jésus Christ a souffert des peynes infinies, quoy que temporelles, il aura esté privé de la grâce de Dieu ; qui sont parolles desquelles le blasphème mesme auroit honte, et néan- moins c'est la théologie du traitteur. Faire voir le blas- phème, c'est asses le réfuter. 3. Et ceste proposition n'est-elle pas blasphématoire : (p. 2g.) « Le nom de Dieu, de la Trinité, des Anges et Pro- « phetes, le commencement de l'Evangile de sainct Jean. . . « et le signe de la Croix... ne sont pas choses simplement « recevables... » ? Qu'est-ce donques qui sera recevable ? 4. C'est de mesme quand il allègue pour inconvénient que « Nostre Dame ayt esté compagne des souffrances (p. 47-) de nostre Sauveur » ; car pour vray, si elle n'a esté compagne de ses souffrances, elle ne le sera pas de ses consolations ni de son paradis. Je sçay qu'un bon excusant pourroit tirer toutes ces propositions a quelque sens moins inepte que celuy qu'elles portent de prime face, mais il feroit tort au traitteur qui l'entend comme il le dit ; et n'est pas ray- sonnable que l'on reçoive a aucune sorte d'excuse celuy, Qjù sont inexcusa- lequel va pinçant par le menu tous les motz des hymnes et oraisons ecclésiastiques , pour les contourner a mau- vais sens, contre la manifeste intention de l'Eglise. Voyla un eschantillon de ses blasphèmes ; en voyci un autre de ses mensonges : I. Les Anciens^ dit-il, faisoyent la Croix de peur d'es- item par ses men- .-,. ,., sonores. tre descouvertz ; et tout incontinent après, il dit qu ilz *(p. 16.) (( faisoient ouvertement ce signe pour monstrer qu'ils « n'en avoient point honte... » Ou l'un, ou l'autre est mensonge.  14. Les Anciens faisoyent la Croix de peur d'estre descouvertz; et se Contradiction. contredit la mesme disant qu'ilz « faysoyent ouvertement ce signe pour (P* ^"v « monstrer qu'ilz n'[en] avoyent point honte... et estoyent chevalliers croisés. >*  24  Défense de l'estendart de la S*® Croix.  (p. 22.) 2. « Sainct Hierosme, » dit-il, parlant du Thau men- (Vers. 4, 6.) tionné au ix^ chapitre d'Ezechiel *, « laissant le charactere (( dont a usé le Prophète, a recherché le charactere des (( Samaritains... » C'est un mensonge ; car au contraire, saint Hierosme n^allegue le Thau des Samaritains que pour rechercher celuy dont le Prophète et les anciens Hébreux usoyent. (p- 26.) 3. Il fait dire au placquart que saint Athanase a escrit (( que Dieu a fait prédire le signe de la Croix par Eze- « chiel ; » chose fausse. (ibid.) ^, Il fait dire a saint Athanase « qu'après la venue de (( la Croix toute adoration des images a esté ostee... » C'est une fauseté ; car saint Athanase ne parle pas des images, mais des idoles. (p. 41-) 5. Il dit que « Constantin le Grand fut le premier qui « fit des croix d'estoffe. » Mays Tertullien, Arnobe et Justin le Martyr sont tesmoins irréprochables que c'est une fauseté. (Voyes le ir chapitre de nostre second Livre.) (p. 49-) 6. Il allègue le « huictieme livre d' Arnobe », qui n'en a fait que sept. (Ibid.) 7. Il dit (( la resolution du plaquard » estre que « la Croix doit estre adorée de latrie ; » dequoy le placquart ne dit mot. (p. 50.) 8. Il dit que saint a Athanase, es questions à Antio- chus, atteste que les Chrestiens n'adoroient la Croix », la ou ce docteur dit tout le contraire. (p. 52-) 9. Mais est-il pas playsant quand il attribue une certaine vieille rime françoise aux Heures de l'usage de  Imposture (p. 18). Imposture fp. 20). Contradiction. (p. 21.) Mensonge (p. 22). Mensonge (Ibid).  15. Il dit que nous attribuons a la Croix ce qui est propre au seul Crucifié. 16. Et que nous luy baillons le bois et pierre pour compagnons. 17. « Dieu ne veut la Croix estre attachée aux habitz, ni plantée es villes « et champs. » Contredit page 47 tout ouvertement, et page 46, ou il dit ne la rejetter es matières politiques. 18. Il ment, disant que S' Hierosme, au comment. surEzec, a recherché le T des Samaritains, car au contraire il [a] cherché celuy des vieux Hébreux. 19. Item que S' Hierosme n'a pas estimé sortable le mistere quil [a] attribué a la lettre T. [La suite de cette analyse du Brief Traittè manque au Ms.] ''  Avant-Propos. 3""' Partie.  25  Q.uel est le trait- teur adversaire de la Croix.  Poiirquoy la Dé- fense a esté entre- prise.  (pp. 5 et 6.)  Rome ? Pour vray, un si grand nombre d'impertinences manifestes, avec cent autres telles (que je n'ay voulu cotter par le menu), en si peu de besoigne comme est le traitté, me fait croire que l'autheur ne peut estre sinon quelque arrogant pédant, ou quelque ministre hors d'ha- leyne et morfondu, ou si c'est quelque homme d'éru- dition, la rage et passion luy en aura levé l'usage ; et de vray il fit ceste besoigne fort a la haste, et ne se bailla gueres de loysir après la sortie des placquars. (g) III. La troisiesme chose que je vous diray sera la rayson que j'ay eue d'entreprendre ceste response, et c'est l'occasion que mon adversaire prétend avoir eue de dresser un traitté. Or il la propose luy mesme en ceste sorte : « Nécessité nous est imposée de parler de l'abus « insupportable commis touchant la Croix, afin que tous « apprennent comment il se faut munir contre le poison « de l'idolâtrie que le diable vient à vomir derechef en (( ce temps et en ce voisinage, se servant du bastellage « de certains siens instrumens qui, et par paroles et « par escrits, taschent à rebastir l'idolâtrie, comme les (( murs de Jéricho qui par la voix des trompettes de « Dieu sont tombez, dés bon nombre d'années en ces « quartiers. Nous estimons que ceux qui ont ici apporté « et divulgué les deux escrits qu'ils font voler en forme « de plaquars, ont voulu faire plorer et gémir plusieurs « bons Chrestiens d'entre nous. » Il parle de l'Oraison des Quarante Heures qui se fit au village d'Annemasse, Oraison des Qua- . -, ranfe Heures près l'année MDXCVII , ou accourut un nombre mcroyable ^^ Genève, de personnes, et entre autres la Confrérie des penitens d'Annessi, aisnee de toutes les autres de Savoye ; la- quelle, quoy qu'esloignee d'une journée, sçachant que l'on avoit a dresser une grande croix sur le haut d'un grand chemin tirant vers Genève, près d'Annemasse, se trouva a fort bonne heure en l'église, ou les Confrères ayans communié de la main de Monseigneur le Reverendissime Evesque, elle le suivit aussi a la procession pour faire la  (g) [Ce paragraphe ne se trouve pas au Ms. Voir note (i), p. 21.]  26 Défense de l'estendart de la S** Croix. première heure de l'Oraison, avec la procession de Cha- blais, en laquelle il y avoit desja grand nombre de nouveaux convertis, qui furent comme les primices de la grande moisson que l'on a recueillie de ce mesme païs et du païs de Ternier. Or, sur le soir, les Confrères d'Annessi revenans dévotement en l'oratoire chargèrent Et érection d'une sur leurs espaules la croix, laquelle des le matin avoit esté apprestee et bénie, et s'acheminèrent avec icelle asses loin de la au lieu ou elle devoit estre plantée, chantans sous ce doux fardeau, avec une voix pleine de pieté, l'hymne Vexilla régis prodeunt, ayans tous-jours auprès d'eux Monseigneur le Reverendissime suivi d'une très grande trouppe de peuple. Estans arrivés au lieu destiné, et le saint Estendart arboré, le Révérend Père Esprit de Baumes (lequel avec le Père Chérubin de Maurienne et le Père Antoyne de Tournon, Capucins, faisoyent les prédications des Quarante Heures), estant monté près de la croix, fit une bonne et courte remons- trance touchant l'honneur et érection des croix, après laquelle l'on distribua plusieurs feuilles imprimées, sur le mesme sujet, dressées par quelque bon religieux. Puys tous les Confrères, ayans receu la bénédiction de Monseigneur l'Evesque et a son imitation baysé dévo- tement la croix, prirent en bon ordre et silence le che- min de leur retour a Annessi. Saint et dévot spectacle, et qui tira les larmes des yeux des plus secz qui le virent. L'autheur du traitté sceut comme toutes ces choses s'estoyent passées, et eut communication des feuilles qu'on avoit distribuées, et ce fort aysement ; car tout avoit esté fait aux portes de la ville [de] Genève, c'est a dire une petite lieuë près d'icelle. C'est cela qui l'es- chauffa a faire ce beau traitté, voyant que non seule- ment les paroles et les escritz, mays aussi ces grans exemples de pieté dissipoyent les nuages et brouillas que ceux de son parti avoyent opposés a la blanche clairté de la Croix pour en empescher la vraye veuë, et a cuydé pouvoir encor troubler l'air et offusquer les yeux des simples gens par son traitté. Au contraire, estant  Avant-Propos. 3""^ Partie. 27 des plus anciens confrères de la sainte Croix, et m'estant trouvé en toutes ces actions de pieté, je me sens rede- vable d'en soustenir la justice et bon droit. Cependant c'est une imposture ce que dit le traitteur \ l'honneur et révérence de la Croix (qu'il nomme faussement idolâtrie) avoir esté abattue au lieu ou ces Quarante Heures furent célébrées et ces placquars divulgués, car l'exercice Catho- lique y a tousjours esté maintenu a la barbe de l'here- Ou VexercUe Ca- j . , - tholique a tous- sie, avec un aussi grand miracle comme est celuy par jours esté main- lequel Dieu contient le vaste et fluide élément de l'eau ^^""* dedans les bornes et limites qu'il luy a assignées, qui ne se peuvent outrepasser. Car ainsy a-il borné la maladie chancreuse de l'heresie en certain coin de ce diocèse, en sorte qu'elle n'a peu ronger sur aucune autre partie de ce cors. Dequoy tous tant que nous sommes des mem- bres d'iceluy devons rendre grâces immortelles a la Bonté céleste, sans laquelle nous pouvons bien dire que ceste eau maligne nous eust abismés. IV. J'ay encor a vous dire pour la quattriesme chose, que, ne sçachant qui est l'autheur du traitté auquel je Pourquov le mot de fais response et m'estant force de l'alléguer souvent, j'ay ^^hl^^^n^ce7te^De~- pris congé de me servir du nom de traitteur, lequel je .A«^^- n'emploie qu'a faute d'autre plus court ; et cependant je n'ay voulu user d'aucunes injures ni invectives mor- • dantes, comme il a fait, ma nature n'est point tournée a ce biais. Mais aussi n'ay-je pas voulu tant affecter la douceur et modestie que je n'aye laissé lieu a la juste liberté et naïfveté de langage. Et si mon adversaire se fust nommé, peut estre me fussé-je contraint a quelque peu plus de respect ; mais puysque je ne sçay ni n'ay occasion de sçavoir que ce soit autre qu'un je ne sçay qui, je ne me sens obligé de le supporter aucunement en son insolence. (^) Or je me nomme au contraire, non pour PourquoyVautkeur l'obliger a aucun respect (car a l'adventure que le rang ilmme^'^'"'' ^^  (h) [Ici correspond un fragment qui termine le § III du Ms. ; les passages précédents manquent.] (i) Voir note (i), p. 21.  28 Défense de l'estendart de la S*« Croix. auquel je suis en ceste Eglise Cathédrale le mettra en humeur de me traitter plus mal), mais affin que s'il est encor a Genève, d'où son traitté est sorti, il sçache ou il trouvera son respondant s'il a quelque chose a demesler avec luy touchant ce différent ; l'asseurant qu'il ne me trouvera jamais que très bien affectionné a son service par tout ou il ne sera pas mal affectionné au Crucifix et a la Croix, (i) Pourquoy il la de- (j) Au rcste c'cst a VOUS, Messieurs mes Confrères, que aie auxi^onfreres. ' ^ j'addresse mon advertissement, non que je ne souhaitte qu'il soit leu de plusieurs autres, mais, parce que vous vous estes dédiés par une particulière dévotion a l'hon- neur du très saint Crucifix et de sa Croix, vous estes aussi obligés de sçavoir plus particulièrement rendre conte et rayson de cest honneur. Et puysque vous estes tous liés en une sainte société, et que les dévotes actions des Confrères d'Annessi ont baillé en partie sujet a l'es- carmouche que je soustiens, les loix de nos alliances spirituelles requièrent qu'un chacun de vous contribue a mon secours. Et afïin que les armes vous fussent plus a commodité, je vous en ay appresté autant qu'il m'a esté  (i) traitter plus mal), — mais affin que s'il est habitant de Genève d'où son traitté est sorty il sache ou il trouvera son respondant s'il a quelque chose a demesler avec luy, l'asseurant qu'il ne me trouvera jamais que très bien affectionné a son service par tout ou il ne sera pas mal affectionné a celuy du Crucifix et de son Espouse. (j) En fin, Messieurs mes Confrères, receves cest advertissement que j'ay dressé pour vous et le lises de bon cœur, asseurés que vous ne lires jamais escrit d'homme qui soit plus voiié au service de vos âmes que je suis. IV. Encor ay-je a vous dire que je n'ignore pas que plusieurs autheurs de nostr'aage auront traitté dignement de l'honneur de la Croix et de la vertu d'icelle ; mais si nos adversaires diversifient leurs accusations en tant de traittés et discours, il ne me semble que bien, que de nostre costé on multi- plie aussi les responces sans toutefois en diversifier la substance. Je n'ay encor eu que la première nouvelle d'un traitté de la Croix fait par un P. Jé- suite, Jac. Gretser, professeur en l'Université d'Inglestat : ce ne peut estre que quelque chose de beau; il est en latin et peut estre pour les doctes seulement. Cest advertissement a un'autr'air, et fait responce au traitté de Genève; je ne lairray donq pour cela de l'envoyer au rencontre de celuy-la. Hz se trouveront indubitablement d'accord en la conclusion; si l'un a quelque moyen de preuver plus que l'autre, je m'asseure néanmoins que l'un des  Avant-Propos. S'"® Partie.  29  possible en ces quattre livres : lesquelles, si elles ne sont ni dorées ni riches d'aucune belle graveure, je vous prieray de l'attribuer plustost a ma pauvreté que non pas a chicheté. Et toutefois je cuyde avoir fait ce que j'avois a faire, qui n'estoit autre que de respondre au traitteur en ce qui touchoit la Croix. Je laisse tout le reste comme hors de propos, et ne fais que cela. Si trouveres-vous encor icy quelques belles pièces de poésie et versions des vers des anciens Pères (^^ que je cite , lesquelles sont parties de la main de Monsieur nostre Président de Genevois, Antoyne Favre, l'une des plus riches âmes et des mieux faittes que nostre aage ayt portées, et qui par une rare condition sçait extrê- mement bien assortir l'exquise dévotion dont il est animé avec la singulière (i) vigilance qu'il a aux affaires publi- ques. Voulant donq employer ces vers anciens , ne sçachant ou rencontrer un plus chrestien et sortable traducteur pour des autheurs si saintz et graves comme sont ceux que je produis, je le priay de les faire fran- çais ; ce qu'il fit volontiers, et pour le service qu'il a voué a la Croix , et pour l'amitié fraternelle que la di- vine Bonté comme maistresse de la nature a mise si vive et parfaitte entre luy et moy, nonobstant la diversité de nos naissances et vacations, et l'inégalité en tant de dons et grâces que je n'ay ni possède sinon en luy i^). Combattons, Messieurs, tous ensemble sous la très  Qui est le traduc- teur des anciens vers cités en ceste Défense.  autheurs n'en aura pas plus d'ayse l'un que l'autre ; pourveu [que] Jésus Christ soit loué en sa Croix, il n'importe pas beaucoup par qui. Ce pendant je vois bien que mon advertissement est pauvre, et si ne suis pas siche pour tant, mais le peu de commodité que j'ay eu m'a fait tenir le drap court. Aussi l'ay-je nommé premier advertissement pour monstrer que il y a encor asses de choses a dire pour en faire d'autres. Mais considères, je vous prie, que je ne fais icy que ce que je fais : je respons simplement pour Ihonneur de la Croix ; si mon adversaire a meslé plusieurs traitz, je les laisse comme hors de propos ; or je crois avoir asses respondu, qui est tout ce que j'ay tasché. [Reprendre au texte, lig. 8.] (k) Poètes (1) singulière — dextérité et (m) ce qu'il fit volontiers — et promptement, et pour le service de la Croix qu'il affectionne de tout son cœur et pour le contentement d'un très humble  30 Défense de l*estendart de la S*" Croix. sainte enseigne de la Croix, non seulement crucifians la vanité des raysons hérétiques par l'opposition de la sainte et saine doctrine , mais crucifians encor en nous le viel Adam avec toutes ses concupiscences : affin que renduz conformes a l'image du Filz de Dieu , Ihors que cest Estendart de la Croix sera planté sur les murailles de la Hierusalem céleste, en signe que toutes les richesses et magnificences d'icelle seront exposées au butinement de ceux qui auront bien combattu, nous puissions avoir part a ces riches despouïlles que le Crucifix promet pour recompense a la violence de ses soldatz, qui est le bien de l'heureuse immortalité.  frère tel que je luy suis, [pour] ramitié fraternelle que Dieu comme maistre de la nature a mis si vive entre nous deux, nonobstant la diversité de nos naissances et vacations, et l'inégalité des autres dons esquelz je ne luy suys en aucune façon comparable. [La fin de TAvant-Propos manque au Ms.]  LIVRE PREMIER (^^  DE L'HONNEUR ET VERTU DE LA YRAYE CROIX  CHAPITRE PREMIER  DU NOM ET MOT DE CROIX  manières  La croix et son nom estoit horrible et funeste, jusqu'à le mot de croix a ce que le Filz de Dieu, voulant mettre en honneur les ^Evangile, peynes et travaux et le crucifiement, sanctifia première- ment le nom de croix, si que en l'Evangile il se trouve presque par tout en une signification honnorable et reli- gieuse : Qici ne prend sa croix, disoit-il *, et ne vient * Matt., x, 38; après ntoy , n'est pas digne de moy. Donques le mot "^■' ^^' ^^' de croix, selon l'usage des Chrestiens, signifie parfois Et se prend entrais les peynes et travaux nécessaires pour obtenir le salut, comme au lieu que je viens de citer ; par fois aussi, il signifie une certaine sorte de supplice duquel on chastioit jadis les plus infâmes malfaiteurs ; et autres fois, l'ins- trument ou gibbet sur lequel ou par lequel on exerçoit ce tourment.  (i) Le commencement du I'"^ Livre, jusqu'au milieu du chap. m, man- que au Ms.  32 Défense de l'estendart de la S*" Croix, En ccste Défense on Or, je parle icy de la croix en ceste dernière façon, et seule!" ^" ""^ non pour toutes sortes d'instrumens de supplice, mays pour celuy-la particulier sur lequel Nostre Seigneur endura. Entendes donques tous-jours quand je parleray de la Croix, de sa vertu et de son honneur, que c'est de celle de Jésus Christ de laquelle je traitte : donq j'admire le traitteur qui présuppose que nous séparions la Croix de Jésus Christ d'avec Jésus Christ mesme, sans aucune dépendance d'iceluy. Si que, voulant monstrer que les passages des anciens Pères cités es placquars ne sont Dire du traitteur pas bien cutenduz, il parle en ceste sorte : « Quelques (p- 49-) ^^ passages des Anciens y sont alléguez, mais hors et bien « loin du sens des autheurs ; car, quand les Anciens ont (( parlé de la Croix, ils n'ont pas entendu de deux (( pièces traversantes l'une sur l'autre, ains du mystère « de nostre rédemption, dont le vray sommaire et accom- (( plissement a esté en la Croix, mort et passion de Jésus « Christ ; et cest équivoque ou double signification de (( croix, n'estant apperceuë par les sophistes, fait qu'ils Convaincu de terne- « errent et fout crrcr. » Voyla un bien téméraire juge de nostre suffisance, qui croit qu'une distinction si aysee et fréquente nous soit inconneuë. Je laisse ce qu'en *(Contiov.deEcci. dicut Ics doctcs Bcllarmiu *, lib. II. de Ima^., cap. xxiv, *T* 1 \ numpa.j ^^ ^^ ^^ Justus Lipsius, lib. I. dô Cruce ; mais le seul * (Lexicon : Crux.) Calepin en fait la rayson *. Or est-il certain que deux pièces de bois, de pierre, ou de quelqu'autre matière, traversantes l'une a l'autre font une croix, mays elles ne font pas pour cela la Croix de Jésus Christ, de laquelle seule, et non d'aucune autre, les Chrestiens font estât. Et de fauseté. Lcs Pcres douq parlent bien souvent du tourment et de la crucifixion de Nostre Seigneur, mays ilz parlent bien souvent aussi de la vertu et de l'honneur de la Croix, sur laquelle ceste crucifixion a esté faitte. Et ne sçai si le traitteur trouvera jamais au Nouveau Testa- ment que le mot de croix soit pris immédiatement et principalement pour le supplice de la crucifixion, au moins quant aux passages qu'il cite a ceste intention, (p. 7.) « Que par le sang de la Croix de Christ nostre paix a  Partie I. Chapitre i. Article m. ^^ sans scrupule ? c'estoit bien recevoir sa mission a bon escient. Nostre Seigneur mesme, qui estoit le Maistre, ne voulut il pas estre receu de Simeon * qui estoit * Luc n. ^. 28 et prestre, comm'il appert en ce quil bénit Nostre Dame et Joseph, par Zacharie * prestre, et par saint Jan ** ; * Luc. i. ^. 76. et mesmes pour sa Passion, qui estoit l'exécution prin- ' ^' ^^' cipale de sa mission, ne voulut il pas avoir le tesmoi- gnage prophétique du grand Prestre qui estoit pour Ihors*? 4. Et c'est ce que saint Pol enseigne**, quand il * Jo. xi. t- 51. ne veut que personne s'attribue V honneur pastoral ' '^'^' sinon celuy qui est appelle de Dieu. comm'Aaron : car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse , si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de 'Aaron immédiatement , mays Moyse , auquel Dieu fit ce commandement * : Parle a luy, et * Ex. iv. ^. 15. luy 7net^ -mes paroles en sa bouche ; et je seray en ta bouche et en la sienne. Que si nous considérons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5. que la vocation des pasteurs et magistratz ecclésiasti- ques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par manière d'enthousiasme et motion secrette : car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appelle visiblement*, et puys de Nostre * Levit. vm, ^. 12; Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siècles, ne s'est point clarifié soy mesme^, c'est a dire, ne s'est point attribué Vhon- * Heb. v. ^. 5 et 6. neur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict : Tu es mon Fil^, je Vay engendré au jour- dhuy, et. Tu es pr est f éternellement , selon Tordre de Melchisedech. Je vous prie, penses a ce trait. Jésus Christ est sauverain Pontife selon l'ordre de Melchi- sedec : s'est il ingéré et poussé de luy mesme a cest honneur? non, mays y a esté appelle *. Qui Ta appelle? * Vers. 10. son Père Eternel *. Et comment ? immédiatement et * Vers. 5. mediatement tout ensemble : immédiatement, en son Baptesme * et en sa Transfiguration **, avec ceste voix : * Mat. m. t- 17- Cestuyci est mon Fil^ bien aymé auquel j'ay pris m,on bon playsir, escoutes le; mediatement, par les 3  54 Les Controverses Prophètes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes : Tu es mon Fil^, je * Psai. n. t. 7. Vay engendré aujourdhuy'^, Tu es prestr'eternel- * Psai. cK. y. 4. lement, selon V ordre de Melchisedec'^. Et par tout la vocation est perceptible : la parole en la nuëe fut ouye, et en David ouye et leiie ; mais saint Pol , voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Père, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Pro- phètes receuz. Je dis, 3., que l'authorité de la mission extraordinaire ne destruict jamais l'ordinaire, et n'est donnée jamais pour la renverser : tesmoins tous les Prophètes, qui jamais ne firent autel contr'autel, jamais ne renversè- rent la prestrise d'Aaron, jamais n'abolirent les consti- tutions sinagogiques ; tesmoin Nostre Seigneur, qui * Luc. XI. y. 17. asseure * que tout royaume divisé en soymesme sera désolé, et Vune mayson tumhera sur l'autre ; tesmoin le respect quil portoit a la chaire de Moyse, *(Matt.,xxm, 2,3.) la doctrine de laquelle il vouloit estre gardée*. Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, com- ment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger ? Non , non , l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde : Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpétuelle succession, pour la consummation des Saint^, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en Vunité de la foy, et de la connoissance du Fil^ de Dieu, en homme par- faict, a la mesure de Vaage entière de Christ ; affin que noies ne soyons plus enfans , flotans et démenés ça et la a tous vens de doctrine, par la * Ephes. IV. y. 11. piperie des hommes et par leur rusée séduction *. Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons- trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpétuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu*une foy  Partie I. Chapitre i. Article iv. 35 et discipline désordonnée et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insère après *) en la vanité de nos entendemens, * Vers. 17. un chacun se faysant accroire de sentir la motion extra- ordinaire du Saint Esprit : dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu''on puysse praesenter en cest'occasion ; car, si l'extra- ordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain ? au Pacimontain, ou a Blan- drate ? a Blandrate, ou a Brence ? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre ? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire. Or la parole de Nostre Seigneur nous oste de toutes ces diffi- cultés, qui a édifié son Eglise sur un si bon fondem.ent, et avec une proportion si bien entendue , que les portes d'enfer ne prœvaudr ont jamais contre elle"^. * (Matt, xvi, 18.) Que si jamais elles n'ont prsevalu ni prsevaudront, la vocation extraordinaire ny est pas nécessaire pour l'abo- lir : car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extra- ordinaires ? veu que c'est luy qui a édifié l'ordinaire sur soymesme, et Ta cimentée de son sang propre.  ARTICLE IV  Réponse aux arguments des Ministres  Je n'ay encor sceu rencontrer parmy vos maistres que deux objections a ce discours que je viens de faire ; dont l'une est tirëe de l'exemple de Nostre Seigneur et des Apostres, l'autre, de l'exemple des Prophètes. Mays quand a la première, dites moy, je vous prie,  26.  3 6 Les Controverses trouves vous bon qu'on mette en comparaison la voca- tion de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre 1 Seigneur ? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophétisé \ en qualité de Messie ? son tems n^avoit il pas esté deter- Cap. IX. y. 24 et miné par Daniel * ? a-il faict action qui presque ne soit particulièrement cottëe es Livres des Prophètes et figurée es Patriarches ? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la * Agg. n. f. 10. n'avoit il pas esté praedit * ? Il a changé par consé- quence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchi- sedech, beaucoup meilleur ; tout cela n^est ce pas selon * Het. V. f. 6. les tesmoignages anciens * ? Vos ministres n'ont point esté prophétisés en qualité de prsedicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue^ ni pas une de leurs actions ; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beau- coup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car'^ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect. Au moins ne se devroyent ilz pas exempter de produyre des miracles sur une telle mutation, quoy que vous tiries praetexte de l'Escriture ; puysque Nostre Seigneur ne s'en exempta pas, comme * (Art. prseced.) j'ay monstré cy dessus*, encores que le changement quil faysoit fut puysé de la plus pure source des Escri- * Luc. I. f. 70. tures*. Mays ou me monstreront ilz que l'Eglise doive jamais plus recevoir un'autre forme, ou semblable refor- mation, que celle qu'y fit Nostre Seigneur ? Et quand aux Prophètes, j'en voys abusés plusieurs. I. On pense que toutes les vocations des Prophètes ayent esté extraordinayres et immédiates : chose fause ; car il [y] avoit des collèges et congrégations de Prophètes reconneuz et advoiiés par la Sinagogue, comme on peut *iRe IX ^ 20 ^^cueillir de plusieurs passages de l'Escriture. Il y en **iv Reg. II. t- 3- avoyt en Ramatha *, en Bethel **, en Hiericho *** ou ***Vers. 5. . . *iVReg. c.v.t.22; Elisée habita, en la montaigne d'Ephraim *, en Sama- t f^Y^f'eiT^ l'ie * ; Elisée mesme fut oint par Helie ** ; la vocation **n/R^'^^"'^"^6' ^^ Samuel fut recogneiie et advouëe par le grand * I Reg. III. t- 9. Prestre *, et en Samuel recommença le Seigneur a * Vers. 21. s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture*, qui  Partie I. Chapitre i. Article iv. 37 faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congrégations prophétiques *. 2. On pense que * Geneb. Chron., tous ceux qui prophetisoyent exerceassent la charge de ' ' ^^"^° ^° '^ la prsedication : ce qui n'estoit pas, comm'il appert des sergens de Saul et de Saul mesme *. De façon que la * i Reg. xix. ^. 20 vocation des Prophètes ne sert de rien a celle des ^^^' haeretiques ou schismatiques, car : 1 . Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstre cy devant *, ou approuvée du reste de la Sinagogue, * (Art. praeced.) comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu * : et a qui * m Reg. xvn. t. regardera de près l'histoire de cest'ancienne Sinagogue^ ' verra que l'office des prophètes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prsedicateurs. 2. Jamais on ne monstrera prophète qui voulut ren- verser la puissance ordinaire, ains Tout tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaique et Aaronique ; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdo- tale, comme Jeremie, filz d'Helcias *, et Ezechiel, filz de * Jer. i. f. i. Buzi * ; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pon- * Ezech. i. y. 3. tifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices. Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstre, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophète a tesmoins *, comme s'il prenoyt * Cap. vm. ^. 2. le tesmoignage de tous les prestres et prophètes ; et Malachie atteste il pas * que les lèvres du prestre * ^^p- "• J- 7- gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche ; car c'est l'ange du Seigneur des armëes ? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire. 3. Les Prophètes, combien de miracles ont ilz faictz en confirmation de la vocation prophétique ? ce ne seroit jamais faict si j'entrois en ce dénombrement. Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis : tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint  38  Les Controverses  *III Reg. XVIII. ^. 32. et 38.  * L. de Spiritu S'». ^§ 74.) *Inejus vita.{§o6.) * L. V. de civit. Dei, c. XXVI.  * Cocleus in actis Lut. (Serm. defun. Elect.)  * Cap. XXIII. y. 16. 21.  Vers. 25.  * [In lib. De abusu antichr. )  Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve *. 4. En fin, vos ministres auroyent bonne grâce silz vouloient s'usurper le pouvoir de prophètes, eux qui n'en ont jamais eu le don ni la lumière : ce seroit plus- tost a nous, qui pourrions produire infinité des pro- phéties des nostres ; comme de saint Grégoire Tauma- turge, au rapport de saint Basile *, de saint Anthoine, tesmoin Athanase*, de l'abbé Jan, tesmoin saint Augus- tin *, de saint Benoist, saint Bernard, saint François et mill'autres. Si donques il est question entre nous de Tauthorité prophétique, elle nous demeurera, soit elle ordinaire ou extraordinaire, puysque nous en avons l'efFect, non pas a vos ministres qui n'en ont jamais faict un brin de preuve : sinon quilz voulussent appeller prophéties la vision de Zuingle, au livre inscrit, Subsi- dium de Eucharistia, et le livre intitulé, Qiierela Lutheriy ou la prsediction quil fit, l'an 25 de ce siècle*, que sil praechoit encor deux ans il ne demeureroit ni Pape, ni prestres, ni moynes, ni clochers, ni Messe. Et de vray, il ny a qu^un mal en ceste prophétie, c'est seulement faute de vérité ; car il prsecha encor près de vingt deux, et neantmoins encor se trouve il des prestres et des clochers, et en la chaire de saint Pierre est assis un Pape légitime. Vos premiers ministres donques. Messieurs, sont de ces prophètes que Dieu defendoit d'estr'ouys parler, [en] Hieremie * : Ne veuilles ouyr les paroles des pro- phètes qui prophétisent et vous déçoivent ; îl^ par- lent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur. Je n'envoyoys pas les prophètes et il^ couroyent ; je ne parloys pas a eux et il\ prophetisoyent.'^ J'ay ouy ce que les prophètes ont dictj prophetisans en mon nom le mensonge j et disans, j'ay songe y j'ay songé. Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs prophéties et visions ? ou Carolostade avec sa révélation quil disoit* avoir eiie pour sa cène, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre. Contra cœlestes propheta's ? C'est  Partie I. Chapitre i. Article iv. 39 bien eux, au moins, qui ont ceste propriété de n'avoir pas estes envoyés ; c'est eux qui prennent leurs lan- gues, et disent, le Seigneur a dicf^ : car ilz ne sçau- * Vers. 31. royent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune légi- time vocation, et, donques, comme veulent ilz prêcher? (0 On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveii du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de Testât auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique ? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levée de bouclier, et vous de les avoir suyvis ; dont vous estes inexcusables. || Le bon enfant Samuel, humble, doux et saint, ayant esté apellé par trois fois de Dieu, pensa tousjours que ce fut Heli qui l'eut appelle, et a la 4'"^ seulement s'ad- dressa a Dieu, comm'a celuy qui l'appeloit. Il a sem- blé par trois foys a vos ministres que Dieu les eust appelle : i. par les peuples et magistratz, 2. par nos Evesques, 3. par sa voix extraordinaire. Non, non, qu'ilz... Il Samuel fut appelle troys fois de Dieu, et selon son humilité il pensoyt que ce fut une vocation d'hom- me, jusques a tant qu'enseigné par Heli il conneust que c'estoit la voix divine *. Vos ministres , Messieurs , * (i Reg., m, 4-10.) produysent trois vocations de Dieu : par les magistratz séculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aye apellé en ces troys façons la. Mays non, que maintenant, enseignés de l'Eglise, ilz reconnoyssent que c'est une vocation de l'homme, et que les oreilles ont corné a leur viel Adam, et s'en remettent a celuy qui, comm'Heli, prseside main- tenant a l'Eglise. Et voyla la première rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inégalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise. (i) Cf. art. I, p. 22.  CHAPITRE II  Erreurs des Ministres sur la Nature de VEglise  ARTICLE PREMIER  Q]JE L EGLISE CHRESTIENNE EST VISIBLE  Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et \ s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquée de tous costés, \u que personne, tant aveuglé soit il, ne peut praetendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chres- tiens luy ont, et que ce ne soit la vraye, unique, insé- parable et très chère Espouse du Roy céleste ; qui rend vostre séparation d'autant plus inexcusable. Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours Mat. XVIII. ^. 17. se rendre ethnique et publicain^, quand ce seroit a Ad Gai. I. y. 8. la persuasion d'un ange ou seraphim*; mays, a la per- suasion d'hommes pécheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulières, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des prêcheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques scien- ces, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obéissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande  Partie I. Chapitre ii. Article i. 41 repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant. Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneiie de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraye Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imper- ceptible, et par conséquent irremarquable. Je crois que cestecy est l'extrem'absurdité, et qu'au pardela immé- diatement se loge la frénésie et rage(0. Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion ! de l'invisibilité de l'Eglise ; car les uns disent qu'eirest \ invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes yj esleûes et praedestinëes, les autres attribuent cest'invisi- v bilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles : dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Grégoire jusqu'à Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme ; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert. Ceste théologie est [tant] imaginaire et damnatoire, que les autres ont mieux aymé dire que durant ces mill'ans l'Eglise n'estoit ni visible ni invisible, mays du tout abolie et estoufëe par l'impiété et l'idolâtrie. Permettes moy, je vous prie, que je die librement la vérité. Tous ces discours ressentent le mal de chaud ; ce sont des songes qu'on faict en veillant, qui ne valent pas celuy que Nabuchodonosor fit en dormant ; aussy luy sont ilz du tout contraires, si nous croyons a l'in- terprétation de Daniel* : car Nabuchodonosor vit une * Dan. n. f. 34 et pierre taillëe d'un mont sans œuvre de mains , qui ^^* vint roulant et renversa la grande statue, et s'accreut tellement que devenue montaigne elle remplit toute (i) La correspondance des arguments et certains signes de renvoi semblent indiquer que le Saint avait l'intention d'intercaler ici le fragment suivant.  t  42 Les Controverses la terre; et Daniel l'entendit du royaume de Nostre * Vers. 44. Seigneur qui demeurera œternellement *. S'il est *- comm'une montaigne, et si grande qu'elle remplit la "^ ^ , terre, comme sera elle invisible ou secrette ? et s'il dure r ^1^ seternellement , comm'aura il manqué 1000 ans? Et c'est bien du royaume de l'Eglise militante que s'entend ce passage : car, i . celuy de la triomphante remplira le ciel, non la terre seulement, et ne s'eslevera pas au tems des autres royaumes, comme porte l'interprétation de Daniel, mais après la consommation du siècle ; joint que d'estre taillé de la montaigne sans œuvre manuelle : appartient a la génération temporelle de Nostre Sei- / gneur, selon laquelle il a esté conceu au ventre de la Vierge, engendré de sa propre substance sans œuvre humayne, par la seule bénédiction du Saint Esprit. Ou donques Daniel a mal deviné, ou les adversaires de l'Eglise Catholique, quand ilz disoyent l'Eglis'estre invi- sible, cachée et abolie. Ayes patience, au nom de Dieu ; nous irons par ordre et briefvement , monstrant la vanité de ces opinions. Mays il faut avant tout dire que c'est qu'Eglise. Eglise vient du mot grec qui veut dire, appeller ; Eglise donques signifie un'assemblëe ou compaignie de gens appelles : Sinagogue veut dire un troupeau, a propre- ment parler. L'assemblée des Juifz s'appelloyt Sina- gogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise : par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail^ assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appelles ensemble en union de charité par la praedication des Apostres et * In inchoata Ex- Icurs succcsseurs ; dont saint Augustin a dict*: « L'Egli- pos. En. ad Rom., , j i ^' i o* j et in Psai. lxxxi. ^^ ^^t nommcc de la convocation, la Smagogue, du troupeau ; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail. » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chres- tien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier béné- fice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grâce, c'est de l'appeller a l'Eglise ; c'est le premier effect de sa praedestination : Ceux quil a prcedestinés il les  y. I.  Partie I. Chapitre ii. Article r. 43 a appelles, disoit saint Pol aux Romains*; et aux * R. vm. ^. 30. Collossiens * : Et la paix de Christ tressaute en vos ' CoL m. t- 15- cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors. Estr'apellés en un cors c'est estr'apellés en l'Eglise ; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu*, de la vigne et du banquet avec l'Esflise, les * Cap. xx. t- i et \ , . 1 . . ., , i6;xxn. t- 2etM. ouvriers de la vigne et les convies aux noces il les nomme apellés et convoqués : Plusieurs, dict il, sont apellés, tnays peu sont esleu\. Les Athéniens appel- loyent église la convocation des cytoyens, la convoca- tion des estrangers s'apelloyt autrement, àtooikri^JLq ; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saint^ et domestiques de Dieu^. * (Ephes., n, 19.) Voyla d'où est pris le mot d'Eglise, et voicy la défi- nition d'icelle. L'Eglise est une sainte * université ou * Ephes. v. ^. 27. générale compaignie d'hommes, unis* et recueillis en la ad Eph.^'iv t-^^4; profession d'une mesme foi Chrestienne, en la partici- pyp-l ^® umtate ■^ ^ tcclesiœ. pation de mesmes Sacremens et Sacrifice *, et en l'obeis- * [i Cor.] x. y. 16, * j> • • . T . . 1 . usquead[^.2i]; Ad sance ^ d un mesme vicaire et lieutenant gênerai en terre Heb. vu. y. n- de Nostre Seisfneur Tesuchrist et successeur de saint * l^-^^'L^* ^' ^^' '■^^ ^ -^ XXI. ] y, 17. Pierre, sous la charge* des légitimes Evesques. J'ay dict * Ephes. iv. t- n- , . . . . 12. avant tout que c estoit une sainte compaignie ou assem- blée, par ce que la sainteté intérieure (0 J'entens parler de l'Eglise militante de laquelle TEs- criture nous a laissé tesmoignage, non de celle que proposent les hommes. Or, en toute l'Escriture, il ne se trouvera jamais que l'Eglise soit prise pour un'assem- blee invisible. Voicy nos raysons, simplement estalëes : r^ I. Nostre Seigneur et Maistre nous renvoyé a l'Eglise en nos difficultés et dissentions * ; saint Pol enseigne * Mat. xvm. ^. 16. . y son Timothee comm'il faut converser en icelle *, il fit * j ad iimot. m. ^ apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne *, il leur \' ^^^ ^^ ^ remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour régir l'Eglise *, il est envoyé par l'Eglise avec saint * (Vers. 28.) Barnabas, il fut receu par l'Eglise*, il confirmoit les *Act. xv. y. 3et4, Eglises*, il constitue des prestres par les Eglises, il * Vers. 41. (i) Fin du fragment intercalé.  44 Les Controverses * Act. XIV. f. 22. assemble l'Eglise *, il salue l'Eglise en Csesaree **, il a **Ac^t. XVIII. f. 22. persécuté l'Eglise *. Comme se peut entendre tout cecy * Ad Gai. I. y. 13. (l'une Eglise invisible ? ou la chercheroit on pour luy faire les plaintes , pour converser en icelle , pour la régir ? Quand ell'envoyoit saint Pol, elle le recevoit, quand il la confirmoit, il y constituoit des prestres, il l'assembloit, il la saluoit, il la persecutoit, estoit par figure ou par foy seulement et par esprit ? Je ne crois pas que chacun ne voye clerement que c'estoit effectz visibles et perceptibles de part et d'autre. Et quand * Gai. I. ^. 2; I et il luy escrivoit *, s'addressoyt il a quelque chimère II Cor. c. i. f. 2 , , ■: et I. invisible ? 2. Que dira l'on aux prophéties, qui nous repraesen- tent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique ? Hz la dépeignent com- m'une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une * Psai. xLiv. y. 10 l)elle variété d' enrichissemens *^ comm'une tnontai- *is.ïL.f.i;W\ch. gne *, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, IV. y. I. e 2. comme l'arc en ciel, tesmoin fidèle et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posté- rité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre * Psai. Lxxxviii. t- version*: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, Ge'nes!^ix.Y. 13.^' ^^ sicut luna perfccta in œternum, et testis in ccelo fidelis. 3. L'Escriture atteste par tout qu'elle se peut voir et connoistre, ains qu'ell'est conneue. Salomon, es Canti- * c. VI. f. 8. Cant. ques *, parlant de l'Eglise, ne dict il pas : Les filles Vont veûe et Vont prœchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il * Vers. 9. leur faict dire * : Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleûe comme le soleil, terrible comm^un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible ? Et quand il faict * Gant. VI. ^. 12. qu'on l'apelle ainsy* : Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, affin qu'on te voye, et qu'elle res- * Cant. VII. y. i. ponde*: Qu'est ce que vous verres en ceste Sulla- m.itesse sinon les troupes des armées ? n'est ce pas encores la declairer visible ? Qu'on regarde ces admira-  Partie I. Chapitre ii. Article i. 45 blés cantiques et repraesentations pastorales des amours du celest'Espoux avec TEglise, on verra que par tout ell'est très visible et remarquable. Esaïé parl'ainsy d'elle*: Ce vous sera une voye droite, si que les * (Cap. xxxv, 8.) fol^ ne s'égareront point par icelle ; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puys- que les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir ? 4. Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible : car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrere- connoissent les uns et les autres ? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent * ? * Jo. x. y. 4. faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercail ? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut con- noistre son troupeau ni le voir. Je ne sçay s'il me fau- dra prouver que les pasteurs de l'Eglise soyent visibles ; on nie bien des choses aussy claires. Saint Pierre estoit pasteur, ce crois je, puj^sque Nostre Seigneur luy disoit : Repais mes brebis * ; aussy estoyent les Apos- * Jo. uit. f. 17. très, et neantmoins on les a veu *. Je crois que ceux * Mar. i. ^. 16. ausquelz saint Pol disoit : Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour régir V Eglise de Dieu'^^ je crois, * Act. xx. ^. 28. dis je, quil les voyoit ; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [père], le baysans et baignans sa face de leurs larmes *, je crois quil les tou- * (Vers. 37.) choit, sentoyt et voyoit : et ce qui me le faict plus croire , c^est quilz regrettoyent principalement son dé- part par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face*; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les *(Vers, 38.) voyoit. En fin, Zuingle, Œcolampade, Luther, Calvin, Beze, Muscule, sont visibles, et quand aux derniers il y en a plusieurs qui les ont veu, et neantmoins ilz sont appelles pasteurs par leurs sectateurs. On voyt donq les pasteurs, et par conséquent les brebis. 5. C'est le propre de l'Eglise de faire la vraye praedi-  46  Les Controverses  * Gen. XLix et 2.  ^  cation de la Parole de Dieu, la vraye administration des Sacremens ; et tout cela est il pas visible ? comme donques veut on que le sujet soit invisible ? 6. Ne sçait on pas que les douze Patriarches, enfans du bon Jacob, furent la source vive de l'église d'Israël ; et quand leur père les eut assemblé devant soy pour les bénir *, on les voyoit, on s'entrevoyoit entr'eux. Que m'amuse je faire en cela ? toute l'histoire sacrée faict foy que l'ancienne Sinagogue estoit visible, et pourquoy non l'Eglise Catholique ? 7. Comme les Patriarches, pères de la Sinagogue Israelitique, et desquelz Nostre Seigneur est né selon la chair *, faysoyent l'église [Judaïque] visible, ainsy les Apostres avec leurs disciples, enfans de la Sinago- gue selon la chair, et, selon l'esprit, de Nostre Sei- gneur, donnèrent le commencement a l'Eglise Catho- Psai. xLiv. t- 17. lique visiblement, selon le Psalmiste * : Pour tes pères te sont nais des enfans, tu les constitueras princes sur toute la terre : « pour douze Patriarches te sont douze » Apostres , dict Arnobe *. Ces Apostres assemblés en Hierusalem, avec la petite troupe des disciples et la tresglorieuse Mère du Sauveur, faysoyent la vraye Eglise ; et comment ? visible, sans doute, ains tellement visible que le Sainct Esprit vint arrouser visi- blement ces saintes plantes et pépinières du Christia-  * (Rom., IX, 5.)  * (Comment, super nais Psalm. (i) ; in Ps LXXXV. )  Act. II. y, 3.  nisme  --^ 8. Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu ? par la circoncision, signe visible ; nous autres, par le Baptesme, signe visible. Les anciens par qui gouvernés ? par les prestres Aaroniques, gens visibles ; nous autres, par les Evesques, personnes visi- bles. Les anciens par qui prêches ? par les Prophètes et docteurs, visiblement ; nous autres, par nos pasteurs et prsedicateurs, visiblement encores. Les anciens quelle manducation religieuse et sacrée avoyent ilz ? de l'ai- gneau Paschal, de la manne, tout est visible ; nous  (i) Opus communiter Arnobio Juniori adscriptum : Sanctus tamen auctor, cum Erasmo, Trithemio, Baraeo et aliis, illud Arnobio Magno^ attribuit. Vide La Défense de la Croix, lib. II, cap. xii, in fine.  Partie I. Chapitre ii. Article i. 47 autres, du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, signe visible quoy que de chose invisible. La Sinagogue par qui persécutée ? par les Egiptiens, Babiloniens, Madia- nites, PhilivStins, tous peuples visibles ; l'Eglise, par les payens. Turcs, Mores, Sarrasins, hseretiques, tout est visible. Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible ? Mays qu'est ce que l'Eglise ? une assemblée d'hommes qui ont la chair et les os ; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion ? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'où vous peuvent venir ces pensers ? Voyes ses mainSy regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds ^ regardes ses praedicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion : tous sont de chair et d'os. Touches la, venes comm'humbles enfans vous jetter au giron de ceste douce mère ; voyes la, consi- dères la bien tout^en son cors comm'elFest toute belle^ et vous verres qu'ell'est visible, car une chose spiri- tuelle et invisible n'a ni chair ni os comme voyes qu'elle a *. u manteau d'He- lie, * IV Reg., II, 13,14.  Le mont de Sinay *, le temple de Salomon **, l'Arche de l'alliance et cent autres lieux, esquelz la majesté de Dieu s'est monstree, sont tous-jours demeurés vénérables en l'ancienne Loy : comme devons-nous donques philo- sopher du saint Bois sur lequel Dieu a comparu tout embrasé de charité, en holocauste pour nostre nature humaine ? La présence d'un Ange sanctifie une cam- paigne, et pourquoy la présence de Jésus Christ, seul Ange du grand conseil, n'aura-elle sanctifié le saint bois de la Croix? Mais l'Arche de l'alliance sert d'un très magnifique tesmoignage a la Croix : car si l'un des bois pour estre l'escabeau ou marche-pied de Dieu a esté adorable^ que doit estre celuy qui a esté le lict, le siège et le throsne de ce mesme Dieu ? Or, que l'Arche de l'alliance fust adorable, l'Escriture le monstre : Adorés y dit le Psal- miste*, l'escabeau des pied\ d'iceluy , car il est saint. On ne peut gauchir a ce coup, il porte droit dans l'œil du traitteur pour le luy crever, s'il ne void que, si cest ancien bois seulement enduit d'or, seulement marche- pied, seulement assisté de Dieu, est adorable_, le pretieux bois de la Croix, teint au sang du mesme Dieu, son throsne, et pour un tems cloué avec iceluy, doit estre beaucoup plus vénérable. Or, que l'escabeau des piedz de Dieu ne soit autre que l'Arche, l'Escriture le tesmoi- gne ouvertement * ; et qu'il le faille adorer, c'est a dire vénérer, il s'ensuit expressément du dire de David, ou le vray mot d'adoration est expressément rapporté a l'escabeau des piedz de Dieu, comme sçavent ceux qui ont connoissance de la langue Hébraïque. Et de fait, Dieu avoit rendu tant honnorable ceste sainte Arche qu'il n'en falloit approcher que de bien loin *, et Osa la touchant indignement en est incontinent chastié a mort *. Bref, il n'estoit permis qu'aux Prestres et Lévites de toucher et manier ce bois *, tant on le tenoit en respect. Helisee garda soigneusement le manteau de Helie, et le tint pour honnorable instrument de miracle *: pourquoy n'honnorerons-nous le bois duquel Nostre Seigneur  Livre I. Chapitre v. 53 s'afFeubla au jour de son exaltation et de la nostre ? Que dires- vous de Jacob qui adora le bout de la verge de -O^ la. verge de jo- seùh ' Joseph * ? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray * Heb., xi, ar. Jésus ? Hester baysa le bout de la baguette d'or de son espoux *, et qui empeschera l'ame dévote de bayser par * Esther, v, 2. honneur la baguette du sien ? Je sçai la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de saint Paul, mais aussi sçai-je que celle-là de la Vulgaire est la plus asseuree et naïfve, mesme estant rapportée et confrontée avec ce qui est dit d' Hester ; aussi est-elle suivie par saint Chrysostome *. * l° Comment., . . i^t . Heb., c. XI, V. 21. Qui ne sçait que la Croix a esté le sceptre de Jésus item par un passa- Christ, dont il est escrit en Esaye *, Duquel la princi- *^cap. ix^V. pauté est sur son espaule ? car tout ainsy que la clef de David fut mise sur l'espaule d'Eliakim filz d'Elcias *, * Isaiae, xxn, 22, pour le mettre en possession de son Pontificat, Nostre Seigneur aussi print sa Croix sur soh espaule, Ihors que chassant le prince du monde, prenant possession de son Pontificat et de sa Royauté, il attira toutes choses a soy *: comme interprètent saint Cyprien au Livre second** * (Joan., xn, 32.) contre les Juifz, et saint Hierosme au Commentaire*, et * (in isais, ix.) Julius Firmicus Maternus, qui vivoit environ le tems de Constantin le Grand, au livre De tnysteriis* profanarum *{K\.Deerroreexc.) religionum, cap. xxii, et plusieurs autres des Anciens ; quoy que Calvin sur ce passage, sans authorité ni rayson, se moque de cette interprétation^ l'appellant frivole. Et voyla un lieu en l'Escriture, touchant la Croix, outre ceux que le traitteur a allégués quand il a bien osé dire qu'outre cela il n'en lisoit rien. Le bois de la Croix a eu des qualités qui le rendent Et par plusieurs . . . . . ... , . . 1-IT-» .' qualités de lavraye bien vénérable ; c est qu il a este le siège de la Royauté Croix, de Nostre Seigneur, comme dit le Psalmiste * : Dites es * Ps. xcv, 10. nations que le Seigneur a régné par le dois, ainsy que lisent les Septante, saint Augustin *, saint Justin le * in Ps. xcv, 10. Martyr*, et saint Cyprien** qui remarque que l'escri- *i^°o • ^^^A'^b^s teau qui fut mis sur le bout de la Croix, en Hébreu, SinaietSion 1. Grec et Latin, declaira que alhors se verifioit le mistere (i) Inter spuria S. Cyp., tom. II.  54 Défense de l'estendart de la S*® Croix, prédit par David ; dont les Juifz, en haine des Chres- tiens, avoyent raclé le mot a ligno, comme dit Justin. La Croix a esté l'Autel du sacrifice de nostre Rédemp- teur, comme va descrivant saint Paul en l'epistre aux * Cap. rx, II, seqq. Hcbrcux * ; dont il dit, aux Colossiens * *, que Nostre Sei- ap- h 20. gneur a tout pacifié par le sang de sa Croix. C'est son * (Philip., Il, 8, 9.) exaltation \ c'est le temple de ses trophées, auquel il affigea comme une riche despouïlle la cedule du décret * Coioss., II, 14, 15. qui nous estoit contraire *. (a) Mays quand il n'y auroit autre que ce qu'elle est la vraye enseigne, le vray ordre et vrayes armoiries de nostre Roy (b), seroit-ce pas asses pour la rendre véné- rable (c) ? Les coquilles, toysons et jarretiers sont en honneur quand il plait aux princes les prendre pour enseigne de leur ordre : combien sera plus respectable la Croix du Roy des roys_, qu'il a prise pour son ensei- PaHicuiierement gnc ^^) ? Dequoy voicy la prcuve tirée {^) de l'Escriture, par une signalée _ . . tirée de l'Escri- quc Ic traittcur a laisscc par non sçavance. N est-ce pas ^^^''' chose bien remarquable que Nostre Seigneur a voulu prendre un de ses noms de la Croix, voulant qu'il luy demeurast perpétuel, voire après sa résurrection, et comme la Croix est appellee Croix de Jésus, qu'aussi Jésus fust nommé Jésus crucifié (^) .? Cherches-vous * Marc, XVI, 6. Jesus de Nazareth crucifié*} Nous prêchons Jésus * I Cor., 1,23. crucifié*. Jay estimé ne rien sçavoir, sinon le seul * ibid., II, 2. Jesus et iceluy crucifié * . Saint Cyrille Hierosolymitain a remarqué très expressément ce discours sur le milieu de sa Catechisation xiil. Vous ne disies mot de tout cecy, petit traitteur ; estes-vous aveugle, ou si vous faites le fin ? il y a bien a dire entre tesmoigner que Jesus Christ a esté crucifié, et dire qu'il s'appelle Crucifié. Ou trou-  (a) [Ici reprend le Ms.] (b) le vray ordre — les vrayes armoiries de Jesus (c) vénérable — a tout le monde ? (d) leur ordre : — et pourquoy donq N. S. ne rendra-il respectable sa Croix qu'il a choisi pour armoiries de sa Majesté ? (e) tirée — des passages (f ) Crucifix :- '  Livre I. Chapitre v, 55 veres-vous qu*autre que ce Seigneur ayt prins ce nom ? Comme il est appelle Galileen de son païs, Nazaréen de sa ville, il est appelle Crucifié de sa Croix. Quelle ineptie d'apparier les autres instrumentz de sa Passion (g) a celuy ci : car ou trouvera-on que le Sauveur soit appelle fouetté, lié et garotté ? et vous voyes qu'il prend a nom Crucifié ou Crucifix. La ou la distinction, si mal par vous ménagée, de la croix supplice et de la croix instrument de supplice, ne vous sçauroit sauver ; car la crucifixion ne se fait pas par l'affixion au supplice, mays a la croix ou gibbet (h). Si donq Nostre Seigneur a tant honnoré la Croix qu'il a voulu prendre un surnom d'icelle, qui est-ce qui la mesprisera ? Pour vray le traitteur seroit bien désespéré, s'il Réfutation d'une . . t > i-x commune, mays vouloit mesnui se servir de cest argument, tant chante v) sotte objection des parmi les Reformeurs, qu'il faut rejetter la Croix comme ^ -^^rsaires. gibbet de nostre bon Père, et que le filz doit avoir en horreur (j) l'instrument de la mort de son père. S'il alleguoit jamais ceste ineptie : i. on l'enferreroit par Par le dire du trait- son dire propre, quand il loiie infiniment la mort, les ^"'''^P-7-^ passions et les souffrances de Nostre Seigneur, et a rayson ; mays si les propres douleurs et afflictions sont aymables et louables, pourquoy rejettera-on les instru- mentz d'icelles, s'il n'y a autre mal en eux que d'avoir esté instrumentz W ? Le filz ne peut avoir en horreur le gibbet de son père, s'il a en honneur la mort et souffrance d'iceluy ; pourquoy rejetteroit-il les outilz de ce qu'il honnore ? 2 . On luy diroit que la Croix n'a pas  (g) de sa Croix, — Ah que vous estes inepte quand vous voules rendre les autres instrumentz de la Passion esgaux en dignité (h) a la croix — qui est cause de supplice. (i) célèbre (j) le jil^ — ne doit pas voir volontiers (k) de son père. — Car de combien de costés le presseroit on ? s'il osoit plus avancer ces inepties, i. on luy mettroit en teste son dire propre, pag. 7, ou il loue infiniment la mort, la passion, les souffrances de N. S., et a rayson; mays si les propres douleurs ne sont pas rejettables, ains loiiables, pourquoy rejettera on les instrumentz d'icelles, s'il ni a autre mal en eux?  56  Défense de l'estendart de la S** Croix.  Par une distinc- esté Seulement l'instrument des bourreaux pour crucifier '^"' Nostre Seigneur, mays aussi a esté celuy de Nostre Seigneur pour faire son grand sacrifice : c'a esté son Et par une autre sceptre, SOU throsuc ct SOU cspco (1). 3. On luy oppose- roit que la Croix peut estre considérée, ou comme moyen de l'action des crucifieurs, ou comme moyen de la passion du Crucifix : comm'instrument de l'action elle n'est du tout point vénérable i^), car ceste action estoit un très grand péché ; comm'instrument de la passion elle est extrêmement honnorable, car ceste passion a esté une très admirable et parfaitte {°) vertu. Or, Nostre Seigneur prenant a soy cest instrument et en estant le dernier possesseur, il luy a levé toute l'ignominie, la lavant en son propre sang, dont il l'appelle sa Croix et se sur- nomme Crucifix (o). Ainsy l'espee de Goliath estoit horrible aux Israélites (p), pendant qu'elle estoit au flanc de ce géant, laquelle par après fut amie et prisable es * I Reg., xvn, 24, mains du roy David *. Ainsy la verge d'Aaron ne fleurit c I * XXI Q point avant qu'estre destinée a la tribu de Levi, et que le nom sacerdotal d'Aaron (q) y fust inscrit *. Et la Croix qui au paravant estoit une verge sèche et infructueuse, des qu'elle fut dediee au Filz de Dieu et que son nom y fut attaché, elle fleurit et fleurira a jamais a la veuë de tous les rebelles. Ce palais est honnorable, puysque le Roy y a logé et l'a retenu par l'escriteau de son saint et vénérable nom (r).  Et par une compa raison.  * Num., XVII, 8.  (1) mays — a encor esté l'instrument de N. S. pour sur icelle faire son grand sacrifice, son sceptre, sa chaire, son espee et son exaltation. (m) elle n'est — pas respectable (n) incompréhensible (o) luy a levé — tout'ignominie, et Tarrousant de son sang il Ta rendue toute belle, pure et honnorable, dont il l'appelle sienne et prend aussi nom d'elle. (p) estoit — ennemie a l'Israël (q) destinée a — luy et que le nom sacerdotal de Levi (r) verge sèche — infructuose, des que le saint tiltre de la royauté du Filz de Dieu y fut escrit, ell'a fleuri et fleurira a jamais, malgré bon gré les rebelles et refractaires. Ce palais a esté fait honnorable, des qu'on y a veu loger le Roy avec un si honnorable frontispice.  Livre I. Chapitre v. 57 (s) Je vous prie, en fin, de vous resouvenir de l'honneur Conclusion par une . , T- , .^ -. < -VT autre comparai - que saint Jean portoit aux soliers mesmes de Nostre son. Seigneur, il les prisoit tant qu'il s'estimoit indigne de les toucher*; qu'eust-il fait s'il eust rencontré la * Luc, m, i6; Croix? Le parfait honneur s'estend jusques aux moin- ^ ' ' dres appartenances de celuy que l'on ayme.  (s) [Cet alinéa ne se trouve pas au Ms.]  CHAPITRE VI PREUVE CINQUIESME : PAR LE SOUSTERREMENT ET CONSERVATION DE LA CROIX  J'ay monstre cy devant combien la Croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les conséquences tirées a droit fil des saintes Escritures, ou, comme vous aves veu, je n'ay pas eu beaucoup de peyne a respondre aux argumens de ma partie, puysque ayant fait toutes ses propositions négatives, protestant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutefois produit qu'un passage de l'Escriture, em- ployé en un sens très impertinent. Maintenant donques, nous entrons en une seconde manière de prouver la vertu et l'honneur de la Croix, c'est a sçavoir, par le tesmoignage de ceux, par l'entremise desquelz et l'Escri- ture et tout le Christianisme est venu jusques a nous, c'est a dire des anciens Pères et premiers Chrestiens, avec lesquelz le traitteur fait semblant d'avoir eu grand commerce, tant il discourt a playsir de ce qu'ilz ont dit. C'est donques icy une preuve tirée du fait de nos devan- ciers, laquelle présuppose que la vraye Croix de Nostre Seigneur (car c'est celle-là de laquelle nous parlons) leur soit venue a notice ; ce qu'aussi le traitteur tasche de nier le plus pertinemment qu'il luy est possible (a).  (a) [Les passages précédents ne se trouvent pas au Ms., où ce chapitre et le suivant n'en forment qu'un, sous le titre T>e V Invention de la Croix.]  Livre I. Chapitre vi. 59 « Il semble , » dit-il , « que Dieu a voulu prévenir Proposition du ii.ii.-i 11 - r^ • 1. trattteur{p. a.) « lidolatrie, laquelle neantmoins Satan a introduite au « monde ; car, comme il n'a point voulu que le sepulchre « de Moyse ait esté cogneu, aussi n'y a-il point de « tesmoignage que Dieu ait voulu la Croix de son Fils « venir en notice entre les hommes. » Voyla ses propres paroles. Un menteur, s'il ne veut estre du tout sot, doit avoir la mémoire bonne. Ce traitteur, oubliant ce qu'il a dit icy, ailleurs parle en ceste sorte : « Nous Contreditte par luy « ne nions pas que , pour authorizer la prédication « de l'Evangile rejettee alors par les payens ayans « la vogue presque par tout le monde, Dieu n'ait fait « des miracles au nom de Jésus Christ crucifié. Et c'est « ce que Athanase déclare au commencement de son « livre contre les idoles, qu'après la venue de la Croix « toute l'adoration des images * a esté ostee, et que par « ceste marque toutes déceptions des diables sont « chassées. » Accordes, je vous prie, cest homme avec soy mesme. {^) Pour prévenir, dit-il, l'idolâtrie. Dieu veut la Croix de son Filz estre cachée ; par la marque de la Croix toutes déceptions des diables sont chassées : la Croix abolit l'idolâtrie; la Croix est cause de l'idolâtrie. Qui ne voit la contrariété de ces paroles ? L'une ne peut Et convaincue de estre vraye, que l'autre ne soit fause. Mays, laquelle ^ sera vraye, sinon celle que non seulement saint Athanase a proférée, ains est enseignée par Jésus Christ et les Prophètes, et creûe par toute l'ancienneté i^) ?  (b) je vous prie, — ces deux cordes : (c) Qjui ne voit — que ce traitteur est traistre a ses propres propositions r' car après avoir establi l'une il asseure son opposite. Mays puysque ces deux propositions sont contraires, et que la vérité de Tune conclud la fauseté de l'autre, laquelle des deux sera la vraye, sinon celle qui est authorisee par les Prophètes, enseignée par Jesuschrist et creiie par toute l'antiquité? (i) « Il faut prendre garde s'il y [a] point idole au lieu d'image et le noter, » Placée en marge de la citation, au mot images, cette note du Ms. montre la méthode de travail employée par le Saint ; il développe sa remarque dans la suite du chapitre, p. 65.  60 Défense de l'estendart de la S*® Croix. Parles Prophéties; Pour vray tous les Prophetes * ont prédit qu*a la *Isaize, 11, i8: XXXI, j at ^ o • r^ • . 7;Ezec.,vi,6;xxx, venue de Nostre beigneur, par sa Croix et passion, chi^r^'Mai'i^r ^^^ idoles seroyent abolies : Et non mentor ahuntur *Cap. xîii, 3. ultra, il n'en sera plus mémoire, dit Zacharie *. Et vous voules au contraire, traitteur, que la Croix soit une idole, et {^) que l'idolâtrie ait esté catholique, c'est a dire universelle en l'Eglise de Jésus Christ l'espace de mille ans, et que la vraye religion ait esté cachée en un Et par V Evangile; petit fagot de pcrsonucs invisibles et inconneuës. Jésus Christ proteste que si un jour il est eslevé en haut il tirera toutes choses a soy, et le prince du monde *joan., xir, 31, 32. sera chassé* ; et vous voules que l'eschelle de son exaltation ait déprimé et abattu son honneur et service. Toute l'ancienneté s'est servie de la Croix contre le diable, et vous dites que ceste Croix est le throsne de son idolâtrie (e). Et par l'exemple (f) Et quant a l'exemple que vous apportes du sepulchre produit par le mes- ,-»«-. • «i -i me traitté; de Moyse, jc ne sçai comme il ne vous a ouvert les yeux ; car laissant a part la deshonneste comparaison que vous faites entre les Juifz et les Chrestiens, quant au danger de tomber en idolâtrie, ne devies-vous pas raysonner en ceste sorte : Dieu qui n'a pas voulu que le sepulchre de Moyse ait esté conneu, pour prévenir l'ido- lâtrie, a toutefois voulu que le sepulchre de Nostre Seigneur ait esté conneu et reconneu en l'Eglise Chres- tienne, comme tout le monde sçait et personne ne le nie. C'est donq signe que le danger de Tidolatrie n'est pas égal en l'un des sepulchres et en l'autre. Et s'il n'y a pas lieu tant de danger d'idolâtrie en la manifestation du sepulchre de Nostre Seigneur, que pour l'éviter il l'ait fallu tenir caché, pourquoy y en aura-il davantage en la Croix?  (d) au contraire, traitteur, — et c'est un'ineptie de tous les reformeurs, vous voules, dis-je, (e) et vous voules — qu'érigeant sa Croix il ait dressé un'idole ? Toute l'anti- quité s'est servi de la Croix pour combattre le Diable, et vous dites que c'est le throsne de cest ennemi? Quel homm'estes-vous ? Que dites-vous? (f) [Cet alinéa ne se trouve pas au Ms.]  i  Livre I. Chapitre vi.  Gl  Mays, ce dit le traitteur, « il n'y a point de tesmoignage « que Dieu ait voulu que la Croix de son Fils vint a « notice. » Certes, voicy une trop grande négative. Saint Ambroise *\ saint Chrysostome*', saint Cyrille *^, saint Hierosme *^, saint Paulin *^, saint Sulpice *^ et Eusebe *^, Theodoret *®, Sozomene *^, Socrates **°, Nicephore***, Ruffin***, Justinien *^^ et plusieurs autres très anciens autheurs^ sont des tesmoins irréprocha- bles (g) que Dieu a voulu que la Croix de son Filz vint a notice et fust trouvée. Or, voyons maintenant comme nostre traitteur enfile les raysons qu'il a pour sa négative i^). « Car de dire, » ce sont ses paroles, « que la Croix « a esté conservée et enterrée au lieu où elle avoit esté (( érigée, qui estoit comme on devine le lieu où estoit « enterré Adam, cela n'a vray-semblance aucune; car, « si on croit les Anciens, Adam a esté enterré en Hebron « et non près de Jérusalem. » Voyes-vous comme il extravague W? Son intention estoit de prouver que la Croix n'estoit venue a notice ; il le prouve parce qu'il n'est pas vraysemblable qu'elle ait esté enterrée la ou elle est érigée. Ce qu'il adjouste du lieu ou est enterré Adam n'est qu'un incident, et le voyla qu'il se rue a le rejetter comme si c'estoit son principal, sautant ainsy de matière en matière comme vraye sauterelle de ce grand puys de l'Apocalipse *. Et n'est-ce pas une belle conséquence? la Croix n'est pas enterrée la ou elle fut  Bt par toute l'an- tiquité. *^ De ob. Théo. 43. ** Hom. Lxxxiv in Joan. *^ Ep. adConstant. ** Ep. XLVi ad Mar- cel. Lviii ad Paulin. *^ Ep. XI {al. xxxi) ad Sever. *^ Hist., II, xxxiv. *' In Chronico. ** L. I, c. XVII. *9 L. II, c. I. *io L. I, c. XVII. *ii L. VIII, c. XXIX. *i* L. I, c. VII. *i3 Authent., Tit. VII ^ Objection du trait- teur. (p. 9.)  Réfutation de l'ob- jection  * (Cap. IX.)  (g) a notice. » — Vous parles mal, a la vérité ; car qui ne sçait les beaux tesmoignages qu'en font S. Ambroyse, S* Chrisost., Eusebe, Sosomene et miirautres très anciens et irréprochables autheurs. Tous ceux-là tesmoignent {h) fust trouvée. — Mays voyons un peu la rayson du traitteur sur ceste tant générale négative. (i) de Jérusalem. » — C'est l'ordinaire de ces reformeurs d'extravaguer.  (i) « De Moderatore Helenœ ponti. Namque ab omnibus Helenopontus nun- cupatur, quod illi nomen a pientissimo principe Constantino impositum est, occasione honestissimse suae matris, Helenae scilicet, pientissimœ mulieris quae nobis etiam sacrum Christianorum signum invenit. » Le nom de Justin a été, par erreur, substitué à celui de Justinien, dans l'édition 1652 et les éditions postérieures.  62  Défense de l'estendart de la S^ Croix.  Et de l'incident de la sépulture d'A- dam.  * Serm. lxxi De temp. Cf. S. Amb., Ep. xix{al. lxxi) ad Ho- ront. ; S. Athan. , de Pass. Salv. 12^; S. Epiph., Haeres. xj.vi; Orig,, hom. XXXV in Matt.*; S. Cyp., de Resurr.^  érigée, donques elle n'est pas venue a notice ; comme si elle n'eust peu venir a notice sans estre enterrée au lieu ou elle fut dressée. Mays quant a ce qu'il adjouste de la sépulture d'Adam, il monstre combien il a peu de connoissance des Anciens, car la plus grande trouppe d'iceux a soustenu que la Croix fut plantée sur la sépulture d'Adam ; voicy comme saint Augustin en parle * : « Hierosme prestre (J) a escrit qu'il a appris as- seurement des anciens et plus vieux Juifz, qu'Isaac, de volonté, a esté immolé la ou despuys Jésus Christ a esté crucifié... Et mesme par le rapport des Anciens, l'on dit qu'Adam, le premier homme, fut jadis enseveli au lieu ou la Croix est fichée, et que partant on l'appelle le lieu de Calvaire (ou du test), parce que le chef du genre humain fut enseveli en ce lieu-la. Et pour vray, mes Frères, on ne croid pas sans rayson que la ait esté eslevé le Médecin ou le malade gisoit , et estoit bien convenable que la ou estoit tombé l'orgueil humain.  (j) adjouste de la sépulture d'Adam, — je dis qu'il est un grand ignorant, s'il ne sçait qu'une grande trouppe des plus anciens Pères ont soustenu que la Croix fut plantée sur la sépulture d'Adam. [Le Ms. donne en latin les paroles de saint Augustin avec l'introduction suivante :] Nec refragatur D. Augustinus, fidus antiquitatis (etiam teste Calvino) opti- musque interpres. Is enim, tom. 10, Sermone 71 de tempore, Hieronymus, inquit, presbyter etc. [Et saint Augustin, le fidèle et meilleur interprète de l'antiquité, selon Calvin même, n'est pas contraire à cette opinion ; car il dit : « Hierosme prestre » etc.]  (i) Inter dubia S. Athan., tom. III. (2) Cette division, faite par Erasme, n'est plus employée. Dans la Patrolo- gie grecque de Migne, le passage est au séries comment, sup. Matt. 126. Interpretatio Latina. Orig., tom. III. (3} De XII operibus (dl. actionibus) cardinalibus Christi. Cet ouvrage, sou- vent cité par le Saint, et accepté à cette époque par Goulard (Cypriani Opera^ Geneva 1593) et les autres Réformateurs, n'est pas de S. Cyprien et n'est plus imprimé parmi ses écrits. Baluze le donne à la suite des œuvres de S. Cyprien, en l'attribuant à son véritable auteur, Arnauld (ou Ernaud) de Bonneval. Il était écrit au plus tôt en 1154, puisqu'il est dédié au Pape Adrien IV; l'erreur est venue de la fausse indication de quelques copies, portant qu'il était dédié au Pape Corneille, contemporain de S. Cyprien. [Voir D. Mabillon, Annales, liv. LXXX, § 52.]  Livre I. Chapitre vi. 63 la s'inclinast aussi la divine miséricorde. Si que, comme ce sang pretieux daigne toucher, en distillant, la poudre de l'ancien pécheur, l'on croye qu'il l'aye aussi racheté. » Si donq on croid les Anciens, Adam aura esté enterré au mont Calvaire. Mais cela n'est gueres a nostre propos et n'importe pas beaucoup. Le traitteur donq vient a sa seconde rayson, et nous ^"^'-.^ objection du trattteHf.{pp. <)et recharge bien vivement, a son advis. « Item, » dit-il, lo.) « veu que les disciples et Apostres de Jésus Christ ont « esté espars durant la mort d'icelui, et qu'après son « ascension ils ont esté prohibez de parler au nom de « Jésus Christ, que Jérusalem peu après a esté réduite « à totale extrémité et ruine, quelle apparence y a-il « qu'elle ait esté adonc serrée et honorée par ceux qui « ont adhéré à Jésus Christ ? » Un enfant verroit cette ineptie : l'Eglise a esté persécutée, donq elle n'a pas serré la Croix. Au contraire, la persécution l'a fait Réfutation d'icelle, cacher, et incontinent que la persécution a cessé on l'a retrouvée. Item : l'Eglise estoit persécutée, donq elle n'honnoroit pas la Croix. Au contraire, la persécution l'enflammoit davantage a son devoir, mais en secret, de peur d'exposer ce mémorial de la persécution de Nostre Seigneur a l'opprobre des ennemis de la Croix. Mais ce n'est que pour embrouiller que ce traitteur dit ceci, car nous ne disons pas que ce soyent les amis de la Croix qui l'ont ainsy enterrée, ains plustost les ennemis d'icelle, aiïin d'en abolir la mémoire, l'ont ainsy cachée. Ni ne disons pas que ces mesmes ennemis ne rayent peu jetter en mer; au contraire nous disons qu'ilz l'ont peu jetter dans la mer, nonobstant la dis- tance qui est entre le port de Japhet et la ville de Hierusalem, ou avec peyne ou sans peyne, par le moyen des rivières qui Teussent regorgee dans la mer. Et disons encor qu'ilz la pouvoyent brusler ; mays nous admirons d'autant plus la Providence suprême qui n'a pas permis la perte de ce sien Estendart. Or sur tout, le traitteur se fasche de ce qu'on dit que sur le mont de la Croix on adjousta les idoles de Venus et d'Adonis. « Qui est-ce, » dit-il, « qui ne rejettera {pp. loetn.)  64  Défense de l'estendart de la S*° Croix.  Et preuve d'un in- « ceste fable, s'il considère la haine que portoyent cident contre le- t «r ' j. i. i. jv -. ii/r • • -.• quel le traitteur « Juifs a toutes sortes Q images ? » Mais je diray :  les qui samuse. est-ce qui ne rejettera l'ineptie de ce petit traitteur, s'il considère qu'on ne dit pas que ce soyent les Juifz, mais les Gentilz, qui ayent fait cela ? et que ce n'est pas Esope qui raconte ce fait, mais une infinité de très graves * Devit. Const., 1. et aucicns autheurs comme Eusebe*, Ruffin, Paulin, vide supra.) Sulpice, Thcodorct, Sozomene, Socrates. Le seul saint Hierosme devroit suffire pour faire mieux appris ce * (Ep. Lvm.) traitteur ; voyci ses paroles en l'epistre a Paulinus * : « Des le tems d'Adrian jusques au règne de Constantin, l'idole de Jupiter a esté révérée par l'espace de presque cent quattre-vingtz ans sur le lieu de la résurrection de nostre Sauveur, par les Gentilz ; et de mesme en ont-ilz fait a celle de Venus qui estoit eslevee en marbre sur la montaigne de la Croix, les autheurs de la persécution se persuadans que par ce moyen ilz enleveroyent de nostre estomac la foy de la résurrection et de la Croix, s'ilz venoyent a polluer les lieux saintz par leurs idoles. Nostre Bethléem (un petit coin du monde, duquel le *(Ps. Lxxxvi, 12.) Psalmiste chante* la vérité est née de la terre) est maintenant ombragée des boscages d'Adonis, et en la caverne, en laquelle jadis Jésus Christ petit a jette ses cris enfantins, estoit regretté et pleuré l'amoureux de Venus. » Voyes-vous a quel propos ce traitteur allègue la jalousie des Juifz, puysque on ne dit pas que ce fussent les Juifz, mais les Gentilz ? et a quel propos il allègue le tems de la ville de Hierusalem, puysque ce fut après son extermination ? (k) Qui sera donq si désespéré que de mettre en doute ceste histoire tesmoignee par tant de graves autheurs, et tous voysins des tems dont ilz ont parlé^ pour bailler crédit a ce contrediseur qui, sans rayson, après douze  (k) Qiù voudra maintenant estre si désespéré, pour bailler crédit a ce traitteur, que de tenir ceste histoire pour fable, et s' Hierosme avec l'Histoire tripartite qui le suit, pour des Esopes? S' Hierosme, tout voysin des tems dont il parle, a bien mieux sceu la vérité du fait que ce contrediseur qui, sans  Livre I. Chapitre vi. 65 cens ans, les vient impudemment desmentir ? Mais, ce dit le traitteur, « tels contes ne servent sinon à anéantir (p. n.) « la Croix de Christ. » Mais quelle insolence est celle cy, d'injurier tant de saintz Pères, desquelz la suffisance est incomparable, au prix de celle de tous ces nova- teurs ? « La saincte histoire, » réplique le traitteur, « nous Réplique du trait- « enseigne bien une autre façon qu'ont tenue les ennemis '^'"^ (ibid/ (( de la Croix, en ce qu'ils ont rejette la prédication de « l'Evangile... » Voyla pas une belle rayson(i}? Je Rejettee. confesse que celle-là est une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, mais il ne s'ensuit pas qu'ilz n'ayent tenu encor celle qui est récitée par ces anciens Pères ; car l'une n'est pas contraire a l'autre, mays s'entresuivent. _^(nî) Au reste, avant que de finir ce propos, je veux descouvrir un trait de ce traitteur, qui monstre combien il est passionné et de mauvaise foy. Il fait dire a saint (p. 26.) Athanase, au commencement du livre Contre les idoles" j * (Ai. Contra gen- « qu'après la venue de la Croix toute l'adoration des ^^ « images a esté ostee. . . » Voyla une fauseté bien expresse. Imposture du trait- car saint Athanase ne parle point la des images, mays des ^reUttlT''''^''^' ^* idoles. Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, luy qui, es Questions * qu'il a escrittes a Antiochus, dit par exprès *xxxix(a/. xuy ces paroles : « Certes, nous adorons la figure de la Croix composée de deux bois » ? Je sçai bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec la- quelle les Reformeurs veulent maintenir qu'idole et  rayson et sans autheur, après douze cens ans, le vient desmentir. Mais, ce dit le traitteur, telz contes ne servent sinon a anéantir la Croix de Christ. Voyes un peu quelle insolence. Il ne se contente pas de desmentir s' Hierosme et l'antiquité qui font foy de cesfhistoire qu'il appelle conte, mays veut faire croire qu'ilz ont combattu, par cest'histoire, la vertu de la Croix de Jésus Christ. C'est l'ordinaire de ces novateurs, quand les Anciens les condamnent, de les injurier. (1) de l'Evangile — et ont persécuté les Apostres. » Belle rayson. (m) [Cet alinéa ne se trouve pas au Ms., étant le résultat de la recherche indiquée p. 59, note (i).]  66 Défense de l'estendart de la S*« Croix. image n'est qu'une mesme chose ; mais certes, c'est Par la différence une trop grande ineptie, car par la on pourroit dire que feltïmag!^^^ "" Jesus Christ est une idole, puysqu'il est appelle diserte- * II Cor., IV, 4. ment image de Dieu en l'Escriture *. Si donques image et idole n'est qu'une mesme chose, Jesus Christ qui est image de Dieu, sera idole de Dieu, et ceux qui l'adorent seront idolâtres. Tout cela n'est que blasphème. (p. 28.) (n) L'absurdité est toute pareille quand il dit que (( les Impieté descouverie j «j 1 ^ ^' 1 • i au traitteur « noms dcs idolcs out cste Changez, mais les choses (( sont demeurées au Christianisme » ; car, a ce conte-la, Et réfutée. ce que nous appelions Jesus Christ ne sera autre que le Jupiter des payens, et le baptesme de Calvin, Beze et telz autres qui furent baptizés parmi les Catholiques sous le nom de la sainte Trinité, ne sera fait en realité qu'au nom et en la vertu de quelques idoles. Il a bien (pp. 27 et 28.) aussi bonne grâce quand il met différence entre l'ido- Autre impiété re- latrie paycunc et l'idolâtrie chrestienne (car il semble que ses paroles se rapportent a ceste intention) ; c'est comme qui diroit une chaleur froide ou une lumière ténébreuse. Mais tout revient a ce point de faire les Chrestiens idolâtres et Jesus Christ idole. La véhémence du mal-talent que ces reformeurs ont contre l'Eglise Catholique les offusque tellement, que pour nous courir sus ilz vont fondre dans ces précipices. Mais cecy soit dit en passant, pour descharger la croyance que l'anti-  jettee.  (n) [Le passage suivant se trouve, dans le Ms., au commencement du Livre IV, où il sera reproduit en son ordre ; le Saint l'a ensuite transposé au I" Livre.] En la pag. 27 et 28, il establit deux idolâtries : « Qjiand l'idolâtrie paienne « a commencé a décliner de jour a autre, au prix que croissoit la lumière de « la doctrine Chrestienne, le Diable a dressé un'idolatrie autant ou plus dan- « gereuse au milieu de la Chrestienté, tellement que les noms des anciennes « idoles ont esté changés, mais les choses sont demeurées. » Ainsy sembl'il que cest'honneste homme. Dieu me le pardonne, veut dire qu'il y a deux idolâtries, l'une payenne et l'autre chrestienne. Mais il n'est pas possible de penser qu'il y ayt un'idolatrie chrestienne, nomplus que des ténèbres lumi- neuses ou des froides chaleurs. Or bien, ce sont des philosophies dignes de telz novateurs, ou il semble ouvertement dire que la Croix nous est autant idole que Venus et Juppiter aux payens.  Livre I. Chapitre vi. 67 quité nous a faitte du sousterrement et conservation du bois de la Croix, des calomnies et reproches que luy fait ce traitteur. 4^ (o) Et cependant ce n'est pas un petit argument pour Conséquence de ce la vertu et honneur de la sainte Croix, que Dieu l'ayt Thonnlurlt vertu ainsy conservée près de trois cens et trente ans sous ^^ ^^ Croix, terre, sans que pourtant elle soit aucunement pourrie, et que les ennemis du Christianisme ayans fait tout leur possible pour en abolir la mémoire, elle leur ait esté cachée pour estre révélée en un tems auquel elle fust saintement révérée ; et pour tant plus rendre le miracle de l'invention et conservation de ceste sainte Croix illustre, avoir conservé deux autres croix qui donnassent occasion a la preuve miraculeuse que l'on eut de la vertu de la troisiesme. Ce sont donques les parolles de saint Paulin : « Donques, » dit-il, « la Croix du Seigneur Reconneue par S. . ^ , T • r . j 1 Paulin ad Seve- si long tems couverte, cachée aux Juiiz au tems de la ^.^^^^^^ Passion, et qui ne fut point descouverte aux Gentilz, qui sans doute creusèrent et tirèrent beaucoup de terre pour l'édification du temple qu'ilz avoyent dressé sur le Mont de Calvaire, n'a-elle pas esté cachée par la main de Dieu, a ce que maintenant elle fust trouvée quand elle a esté religieusement cherchée? » Le grand Constantin reconnoit en ce fait l'admirable Et par Constantin; providence de Dieu, en l'epistre qu'il escrit a Macaire,  (o) [Le paragraphe suivant forme, au Ms., le commencement du chapitre De la vertu de la Ste Croix. Le Saint, dans son dernier travail, s'est servi de ces mêmes arguments comme preuve de la conservation miraculeuse de la Croix, les résumant toutefois, sous leur titre primitif, au chap. ix, où ils seront intégralement reproduits. Les citations données en latin dans le Ms. sont ici seulement indiquées, étant traduites au texte.] Or combien Dieu ayt rendu honnorable ce sien Sceptre, il appert par le grand nombre de miracles quil a fait en iceluy et par iceluy : 1, En la conservation double, i. Quil Tayt tenu caché a ceux quicomm'enne- mis de la royauté de N. S. eussent aboli ceste sienne verge. Paulinus, ep. ii ad Severum : Ergo Crux Domini etc. Tout est remarquable. 2. Quil ait conservé un bois sous terre si longuement sans pourrir, a sçavoir, près de 330 ans. Ces merveilles sont remarquées par le grand Constantin, in ep. ad Macar,  J  68 Défense de l'estendart de la S** Croix. selon le récit d'Eusebe, lib. III de vit. Constan., cap. XXIX, et de Theodoret, lib. I, cap. xvii, la ou par- lant de la conservation du sepulchre et autres saintz lieux du Calvaire il dit ainsy : « Car, que la remembrance de J la très sainte Passion ait esté si longuement accablée de terre, ainsy par l'espace de tant d'années inconneuë, jusques a ce que le commun ennemi de tous ayant esté exterminé elle apparut a ses serviteurs, pour vray cela surpasse toutes sortes d'admirations. » Et plus bas : « La croyance de ce miracle surpasse toute nature capable de rayson humaine. » Et rapportée a la Mais a qui revient l'honneur de ceste conservation tant gloire de Nostre . 11/-.. • t ^i- t > -. Seigneur. miraculeuse de la Croix, sinon a Jésus Christ crucifie ? « Elle a pris et beu ceste vertu incorruptible du sang de la chair, laquelle ayant souffert la mort n'a point veu la corruption : Istam incorruptibilem virtutem de illius profecto carnis sanguine hibit, quœ passa mortem non vidit corruptionem. » Ce sont paroles * (Ep. XI al. xxxi). de saint Paulin ad Severum *.  apud Theodor., 1. i, c. 17, et apud Eus., 1. 3 de vit. Const. : Nant significatio- nem etc. Il parle de la conservation du sepulchre et autres lieux saintz de Calvaire, et se peut estendre beaucoup plus a la Croix. Mais qui est ce qui a gardé si longuement ceste Croix sans pourrir? S' Pau- lin respond un peu plus bas : Istam imputribilem virtutem de illius, etc.  CHAPITRE VII  DE l'invention DE LA CROIX* : PREUVE SIXIESME  Apres que ce traitteur a discouru a playsir sur le sousterrement et lieu de la Croix (^), il veut en un autre endroit combattre l'invention d'icelle, et veut persuader que ceste invention est inventée. « Il n'est besoin, » Dire du traitteur dit-il, « d'entrer sur la recerche si c'a esté une invention ^ ^^[^Tll") « controuvee ou vraye, combien que Volaterran et « Frère Onufrius Panvinius, de l'ordre des Augustins, en (( ses notes sur Platine, en la vie d'Eusebe Pape 32, « donne assez à entendre que c'est chose incertaine, veu « la diversité qui se trouve es autheurs touchant le temps « de ceste invention. Et, si Ion croid quelques historiens, (( Hélène estoit encore infidèle alors, et Constantin ({ mesme n'estoit pas ferme Chrestien et n'avoit rien en « Syrie adonc ; et quelques uns disent qu'elle ne fut « trouvée du temps du grand Constantin, ains de Cons- « tantin son fils ; joint qu'Eusebe, qui a escrit la vie de <( Constantin et qui parle de ce que Hélène a fait en « Jérusalem, ne dit un seul mot de ceste invention de « Croix. Aussi ne s'accorde sainct Ambroise avec les « autres historiens, car il dit que ceste Croix fut cognue « au titre d'icelle, et les autres disent que ce fut par la  (a) le sousterrement — de la Croix et lieu d'iceluy (i) Voir p. ^ usage. « Dieu a portées en son corps et en son ame, ayant esté ^pp- ^^ ^* ^^-^ « rempli de douleurs, comme dit Esaye, chap. 53, et « ayant esté contristé en son ame jusques à la mort, « voire ayant beu la coupe de l'ire de Dieu, à cause « dequoy il a crié : mon Dieu, mon Dieu, pourquoi « m'as-tu abandonné? il est certain que telles souffrances  (a) [La partie du Ms. correspondant à ce chapitre est intégralement repro- duite ici.] DES 4 USAGES DE LA CROIX. Nous aurons a faire avec le traitteur pour le premier usage de la Croix qui est la repraesentation de la Passion, car il tient que la Passion de N. S. est irrepraesentable par ce qu'elFest indicible et infinie ; item par ce quil la faut croire et que nos sens ne la peuvent comprendre. Il le faut voir parler luy mesme ; « Il est certain que telles souffrances (dit-il en la pag. 12 et 13,) ne se  76 Défense de l'estendart de la S** Croix, « ne se peuvent représenter, car nos sens ne les sau- ce royent comprendre ; mais par la foy nous entendons « qu'elles sont infinies et indicibles, pourtant nous disons « en nostre symbole que nous croyons que Jésus Christ (( a souffert, qu'il a esté crucifié, mort et enseveli, et « est descendu aux enfers : que si cela est indicible, il (( est aussi irrepresentable. » Voyla sa philosophie , mays voyons un peu qu'elle vaut. Réfutation d'iceiuy Si par Ics souffrauces de Nostre Seicfneur, il entend par distinction : o ' Première partie, la valcur et mérite d'icclles^ il dit vray qu'elles sont infinies ; mais il s'explique mal les appellant souffrances, douleurs, tristesses, couppe de l'ire de Dieu et aban- donnement d'iceluy : il faudroit plustost les appeller consolation et douce eau salutaire, de laquelle les abbreu- vés n'auront jamais plus soif. Puys encor dit-il mal, car quoy que ceste valeur et ce mérite de la Passion soyent infinis, et que nos sens ne les puissent compren- dre, ilz sont néanmoins representables, autrement ilz ne seroyent pas croyables : rien n'est creu qui ne soit premier représenté a nostre ouye *, qui est un de nos sens. Daniel représente Dieu*; l'homme est fait a l'image et ressemblance de Dieu *, ce qui ne se peut sans qu'il le représente. Les choses invisibles de Dieu se * Rom., I, 20. voyent de la créature du inonde par les choses faites*.  u peuvent repraesenter, car nos sens ne les sçauroyent comprendre ; mais par la « foy nous entendons qu'elles sont infinies et indicibles, pourtant nous disons H en nostre simbole que Jésus a souffert, quil a esté crucifié, mort et enseveli « et est descendu aux enfers. Que s'il est indicible, il est aussi irrepraesentable. » Voyla sa philosophie toute nouvelle et que je ne me resouviens point avoir leu ni ouy vers pas un autre; mays voyons un peu quil veut dire. Il dit que les souffrances de nostre Seig"' sont infinies ; mais, ou il entend de la valeur et mérite de ces souffrances, et Ihors s'explique mal, appellant [la Passion] souffrances, douleurs, tristesse, couppe de Tire de Dieu, abandon- nement de Dieu, puysque c'est plus tost consolation, douceur, allégresse, l'eau salutaire de laquelle les abbreuvés n'auront jamais plus soif. Et outre ce, il dit mal, car ceste vertu est repraesentable, autrement elle ne seroit pas croyable; car rien n'est creu qui ne soit premier représenté par l'ouye qui est un de nos sens. Et Dieu mesme est representable, comme Daniel le représente, et l'homm'est fait a son image et semblance, ce quil ne pourroit sans le représenter, encor que nos sens ne la puissent percevoir en elle-mesme. Invisibilia Deiy per ea quœ facta sunf, intelîecta conspiciûntur, sempiterna  * Rom. , X 17 * Dan., X, 5- * Gen., I, 27-  Livre I. Chapitre viii. 77 Ainsy les deux nous représentent et annoncent la gloire de Dieu* ; ainsy les Chérubins, quoy qu'invisi- * Ps. xvm, i. blés et surmontans de bien loin la capacité de nos sens, n'ont pas laissé d'estre représentés en l'ancienne Loy *. * Exod., xxv, i8. S'il entend les propres peynes, souffrances et passions Seconde partie, de Nostre Seigneur, il est inepte de dire qu'elles sont irrepresentables ; car, qu'est-ce que representoyent tant de sacrifices sanglans de l'ancienne Loy*? Et qu'est-ce * i Cor., x, n; que représente maintenant l'Eucharistie, sinon la passion ^ '' ^^' "' ^^^^' et mort du Sauveur* ? Jacob n'eut pas plus tost veu la * i Cor., xi, 26. robbe de son filz Joseph ensanglantée, que tout a coup il se représenta tant vivement la mort présupposée d'iceluy, qu'il ne pouvoit estre consolé*. Qui est-ce qui, voyant * Gen., xxxvn, 33, la Croix de Nostre Seigneur, ne se représente sa mort ^^' et passion ? « J^ay veu bien souvent, » dit saint Grégoire Nissene *, « la figure de la Passion, et n'ay peu passer *Orat.deDeit.Fii. les yeux sur ceste peinture sans larmes, Ihors que je n n?c ^syn^^ AcVn voyois l'ouvrage de l'artifice estre demonstré en la ^t'^'- personne signifiée. » C'estoit Ihors qu'il voyoit l'image d'Abraham sacrifiant son filz, tant elle lui representoit piteusement les martires de ces deux personnages, et la passion de Nostre Seigneur qui y estoit figurée. Et est encores inepte, ce traitteur, s'il veut dire que Troîsiesme partie. les souffrances mesmes sont infinies, par ce que boire l'ire de Dieu et estre abandonné d'iceluy est un mal infini ; il semble néanmoins que ce soit son intention,  quoque ejus majestas. Les Chérubins insensibles reprsesentés. Cœîi enarrani gloriam Dei. Ou bien il entend de la passion et souffrance mesme, et Ihors il ne dit rien qui vaille. Pour vray, Jacob se repraesenta les peynes présupposées de son filz voyant sa roubbe coulouree, et N. S. celles de Hierusalem pleurant sur icelle. L'image d'Abraham sacrifiant son filz faisoit pleurer S' Grégoire Nissene, tant elle luy representoit piteusement les martires de ces deux per- sonnages, et la passion de N. S. qui y estoit figurée. Qu'est-ce qui empêche? pour n'estre pas palpables et sensibles? Au contraire, elles estoient tressen- sibles. Et l'Eucharistie repraesente vivement ce s' sacrifice, aussi bien que les anciens sacrifices plus froidement. Mays peut estre quil dira encores que les souffrances mesmes sont infinies par ce que l'ire de Dieu ou l'abandonnement d'iceluy est un mal infini ; et semble que ce soit l'intention de cest homme, quand il dit que N. S. a beu la coupe  78 Défense de l*estendart de la S*^ Croix. quand il dit que le Sauveur a beu la couppe de l'ire de Dieu, et met entre les articles de la Passion la descente aux enfers, ce que sans doute il rapporte a la crainte que Calvin attribue a Jésus Christ, disant qu' « il eut peur et crainte pour le salut de son ame propre, redou- Biaspheme du trait- tant la malcdiction et ire de Dieu. » May s cela est un Hhv Prop Vp-) blasphème intolérable, comme j'ay monstre ci devant ", puysque la crainte présuppose probabilité en l'événement du mal que l'on craint, et que partant Nostre Seigneur auroit eu probabilité de sa damnation, chose horrible a dire. Le traitteur donq ne peut pas dire que les souf- frances de Nostre Seigneur sont irreprensentables pour estre infinies, et moins encor pour estre indicibles ; car Dieu, qui est infini, ne laisse pas de nous estre repré- senté en plusieurs sortes, et sa gloire mesme, quoy qu'elle soit indicible quant a la grandeur de ses perfec- tions. Autrement, ni Dieu, ni sa gloire ne sont pas du tout indicibles, car ilz seroyent incroyables, puysque nous ne croyons que par l'ouye. Fondement du trait- Or, CCS inepties sont miscs en avant par le traitteur, d'autant qu'il pense que pour représenter une chose il la faille ressembler de toutes pièces, ce qui est sot et ignorant ; {^) car les plus parfaittes images ne repre-  de Tire de Dieu, et met entre les articles de la Passion la descente aux enfers, par laquelle, sans doute, il entend la crainte que Calvin, au 1. 2, c. 16, § 12, attribue a N. S., asçavoir, une crainte que N. S. ayt eue pour le salut de son ame propre redoutant la malédiction et Tire de Dieu; puysqu'il ny eut eu rien de fait (dit il § 10.) s'il n'eut souffert que la mort corporelle, mais estoit besoin quil portast la rigueur de la vengeance de Dieu en son ame pour s'opposer a son ire et satisfaire a son jugement. Mays c'est un blasphème intolérable, comme je monstreray ci après. ^ La crainte présuppose probabilité en l'événement du mal qu'on craint : ainsy N. S. eut eu probabilité de sa damnation. Il ne peut donq dire que les souffrances de N. S. soyent infinies et qu'elles ne se peuvent repraesenter. Moins conclud il bien quand il fait ce discours : elles sont indicibles, donques irreprœsentables; car si elles sont indicibles, elles sont incroyables. Or il fait ces inepties pour penser que pour repraesenter une chose, il la faille ressembler de toutes pièces, ce qui est sot et ignorant. (b) [La suite du Ms. est interrompue.] (i) Le Saint, dans son dernier travail, a réfuté cette erreur à rAvant-Propos.  Livre I. Chapitre viii. 79 sentent que les lineamens et couleurs extérieures, et néanmoins on dit, et il est vray, qu'elles représentent vivement. Les choses sont représentées par leurs efFectz, parleurs ressemblances, par leurs causes, et en fin, par tout ce qui en resveille en nous la souvenance ; car tout cela nous rend les choses absentes comme présentes. Le traitteur dit que c'est un article de foy, et partant Une objection d'ùe- luy réfutée incompréhensible a nos sens. Je confesse tout cela, mays je dis aussi que cest article est representable, non pas certes parfaitement (car, qui representeroit jamais la valeur et le prix de ce sang divin , et la grandeur des travaux intérieurs du Sauveur?) mays il est representa- ble comme les hommes et les maysons, dont on ne représente que les visages et façades extérieures. Or, que le bois de la Croix représente la Passion de Nostre Et la vérité confir- Seigneur, la chose est de soy trop claire : l'infaillible rapport que la Croix a au Crucifix ne peut moins opérer que ceste représentation. Dont Ruffin, parlant de la pièce Par Ru/fin, de la Croix que Heleine laissa en Hierusalem, il dit* * (Supra, c. vi; et « qu'elle estoit encores gardée de son tems avec une ^ ^ ' ^ ^^'' soigneuse vénération pour souvenance et mémoire : Etiam nunc ad memoriam sollicita veneratione ser- vatur. » Autant en dit Socrates. Theodoret dit « qu'on Theodoret et So- C fut es la bailla en garde a l'Evesque, a fin qu'elle fust pour ' mémorial de salut a la postérité. » Ainsy Constantin le Constantin, Grand, en l'epistre a Macaire, appelle les lieux du sepul- chre et Croix de Nostre Seigneur : « Significationem Passionis sanctissimce: Signe de la très sainte Passion. » Et saint Paulin, en l'epistre a Severe, luy envoyant une S. Paulin, petite pièce d'une partie de la Croix : « Que vostre foy, » dit-il, « ne soit point restrecie, vos yeux charnelz voyans peu de chose ; mays que, par la veuë intérieure, elle voye en ce petit peu toute la vertu de la Croix, pendant que vous penses voir ce bois-la auquel nostre salut , auquel le Seigneur de majesté, estant cloué, fut pendu, tout le monde tremblant, et vous resjouisses avec crainte. » Et plus bas, parlant de l'invention de la Croix, il dit « que les Juifz l'eussent abolie s'ilz l'eussent trouvée, et n'eus- sent peu souffrir, » ce sont ses paroles, « qu'en la Croix  80 Défense de l*estendart de la S*® Croix. demeurant en estre, la Passion de celuy-la fust honnoree, duquel ilz ne peuvent supporter la résurrection estre révérée, laquelle a esté prouvée par le sepulchre vuide, les sceaux en estans levés. » Et l'expérience; Mays, s'il m'cst permis de parler par expérience, quelle dévotion vit-on s'allumer parmi les deux Confrairies liy a environ qitat- d'Anucssi et de Chambcry, Ihors qu'estans allées en tre ans. procession a Aix, elles eurent ce bien d'y voir la sainte pièce du bois de la Croix, laquelle y est conservée ; personne ne se peut tenir de pleurer et souspirer vers le ciel a la veuë de ce pretieux gage. Combien de saintes resolutions de mieux vivre a l'advenir, et de saintz desplaysirs et regretz de la vie passée prit-on a ceste occasion ? Certes, la simple veuë d'un bois n'eust pas eu ce crédit, si, par la, la toute puissante Passion du Sauveur n'eust esté vivement représentée. Sainte et admirable vertu de la Croix, pour laquelle elle mérite d'autant plus estre honnoree.   CHAPITRE IX  (a) DE LA VERTU DE LA CROIX TESMOIGNEE PAR LES ANCIENS PREUVE HUITIESME  Les Anciens, ayans considéré les raysons que nous Fondemens que les - , . ,,-r^ ., o • . ni Anciens ont eus de avons tirées cy devant de rhscriture bainte pour Ihon-  neur et vertu du bois de la sainte Croix, et ayans esté asseurés de grand nombre de miracles que Dieu avoit fait en iceluy et par iceluy, ilz l'ont employé comme une défense et rempart contre toutes sortes d'adversités. I. Hz sçavoyent que la conservation de ce saint bois de la Croix avoit esté toute miraculeuse : i . en ce qu'elle avoit esté cachée a ceux qui l'eussent abolie s'ilz l'eussent  croire que la Croix avoit grande vertu.  (a) [A partir de ce chapitre jusqu'à la fin du P"" Livre, il n'y a au Ms. qu'une seule grande division, sous le titre De la vertu de la 5'« Croix, où le Saint avait réuni les arguments qu'il a ensuite répartis entre les chapitres vi, VII (voir pp. 67, 71, 73), et principalement aux chapitres ix , x. Les premiers paragraphes sont intégralement reproduits ci-après ; la suite sera donnée sous la forme des variantes ordinaires, les changements d'ordre entre le texte et le Ms. ayant été déjà suffisamment expliqués dans la dernière partie de la Préface.] DE LA VERTU DE LA S*° CROIX. Or combien Dieu ayt rendu honnorable ce sien Sceptre, il appert par le grand nombre de miracles quil a fait en iceluy et par iceluy. 1 En la conservation double, i. Quil l'ayt tenu caché a ceux qui comm'en- nemis de la royauté de N. S. eussent aboli ceste sienne verge. Paulinus, ep. Il ad Severum : Ergo Crux Domini tôt operta œtatibus^, et Judceis in tempore passionis abscondita , neque gentibus, in cedificatione fani terram sine dubio ad ipsam fabricant egerentibus , revelata est^, nonne divina manu lattiit, ut nunc inveniretur cum religiose quœrereiur ? Tout est remarquable. 6  82 Défense de l''estendart de la S** Croix. trouvée, et mesmement aux Gentilz qui fouirent beau- coup la terre ou elle estoit, pour édifier le temple de Venus; 2. et avoit esté trois cens trente ans environ dans la terre sans pourrir. II. Hz avoyent veu les miracles de son invention : i . en ce qu'elle avoit esté révélée a Heleine par divines révé- lations ; 2. en ce que, par l'attouchement d'icelle, la maladie incurable de ceste dame avoit esté guérie, et un homme mort ressuscité.  2. Quil ait conservé un bois sous terre si longuement sans pourrir, a sçavoir près de 330 ans. Ces merveilles sont remarquées par le grand Constantin in ep. ad Macar. apud Theodor., l. i, c. 17, et apud Eus., 1. 3 de vit. Const. : Nam significationem Passionis illius. sanctissimœ tant diu ohrutam terra, sic multorum annorum spatiis fuisse ignoratam, dum communi omnium hoste subîato liheratis famulis suis appareret, omnem profecto admirationis stuporem superat. Et plus bas : Omnem humanœ rationis capacem nattiram istiiis miraculi fides excedit. Il parle de la conservation du sepulchre, et autres lieux saintz de Calvaire, et se peut estendre beaucoup plus a la Croix. Mais qui est ce qui a gardé si longuement ceste Croix sans pourrir ? S' Paulin respond un peu plus bas : Istam imputribilem virtutem... de illius profecto sanguine hihit, quœ passa mortem non vidit corruptionem. 2 En la cause de son invention ; qui est la Divine révélation et volonté. Divinis monita visionibus, dit Eusebe in Chronico, et Ruffin, 1. r, c. 7. Divino inspiraia consilio, dit Paulinus ad Severum. Infuso sibi Sancto Spiritu, dit S* Amb., De oh. Theod. In somnis divinitus admonita , dit Socrates, 1. I, c. 17. 3 En son invention : car Hélène, ayant trouvé trois croix auprès du sépulcre et ne pouvant reconnoistre a plein laquell'estoit la sainte, Macaire Evesque de Hierusalem fit une fort belle prière a Dieu, laquell'est récitée par Rufin, pour obtenir un signe par lequel on peut discerner la Croix. « Il [y] avoit une dame presque morte, » dit- Ruffin, « d'une longue maladie, » disent Socrates et Theodoret, « d'une maladie incurable, » dit Sozomene. On luy applique les croix des deux larrons, mais pour néant ; et tout aussi tost qu'elle fut touchée du bois tressaint sur lequel la mort demeura morte Ihors qu'ell'y fit mourir la vie, la mort se retira bien loin, ne pouvant supporter l'effort de la s'« Croix sur laquelle ell'avoit esté vaincue Ihors qu'ell'osa entreprendre d'y faire mourir la vie. Ainsy ceste femme, guérie sur le champ, se levé sur ses piedz et chemine, louant N. S. crucifié. 4 S' Paulin, Sulpice, Sozomene recitent qu'alhors mesme, au toucher de ce saint bois, un homme mort resuscita. [Suit une longue citation latine de Saint Paulin ; elle est donnée, par  Livre I. Chapitre ix, 83 Cela fut cause qu'ilz la mirent en usage comme un ^«55/ l'ont-zi^ fet- . - . . (, XT 1 . me ment créa : grand remède et préservatif ; et partant, Heleine envoya Tesmoins HeUine, un des clouz de la Croix pour mettre en la couronne (^) de Constantin son filz, « a fin qu'il fust en ayde et secours pour la teste de son filz, et en repoussast les flesches des ennemis : Qui prœsidio esset capiti filii sui, et hostîum tela repelleret. » Ce sont les paroles de Theodoret *. Elle manda encores a l'Empereur une * Ubi supra, c. vi. pièce de la Croix, « laquelle incontinent qu'il eut reçeuë, Constantin le estimant que la ville ou elle seroit gardée seroit main- ' tenue saine et sauve , il l'enferma dedans sa propre statue, laquelle fut colloquee a Constantinople, en la place nommée de Constantin, sur une grande colomne faitte de pierre de porphire. » Voyla comme parle Socrates *. * Ubi supra, c. VI. De la est advenu « que tout le monde s'est efforcé Et tout le monde se- ....... . , Ion S. Chrysosto- d avoir de ce bois, si que ceux qui en ont quelque peu me l'enchâssent en or et le mettent en leur col, estans par la beaucoup honnorés, et magnifiés, et munis, et con- tregardés, quoy que ç'ayt esté le bois de condam- nation. » Saint Chrysostome parle ainsy *, et saint * In serm. Quod r> «Il j TT- 1 1 j. j ^ • j Christus sit Deus. Cyrille de Hierusalem, parlant des tesmoignages de EtseîonS c riiie- Jésus Christ : i^) « Le bois de la Croix en tesmoigne, » dit-il*, « qui apparoist entre nous jusques aujourd'huy, * Catech. x, 19. et entre ceux lesquelz, prenans d'iceluy selon la foy, en  divers fragments, dans ces chapitres ix et x du texte, sauf ce passage :] Ita, ut Crucem Ckristi decuit, experimento resurrectionis inventa et probata Crux Ckristi est. [Ainsi, comme il convenait à la Croix de Jésus-Christ, elle fut trouvée, et son authenticité fut prouvée par l'expérience d'une résurrection.] (b) Heleine — mit un des clouz en la couronne (au casquet, galerce) (c) [Au lieu des paroles de S' Cyrille, le Ms. a celles-ci de Bellarmin (Cont. de Ec. Tr,, lib. II, cap. xxvii), avec une note qui s'y rattache :] Cyrillus Hier., Cath. lo et 13, ait ex ligno Crucis Hierosolymis inventa mundum repletum, plurimis inde particulas petentihus et ohtinentibus. ^ Il faut joindre ceci au tesmoignage de S* Paulin, ou il parle de indetrihile virtute Crucis, [Voir p, 84, lig. 9,]  (i) Cyrille de Jérusalem dit que le monde est plein du bois de la Croix  84 Défense de l'estendart de la S^° Croix. ont rempli des ce lieu presque tout le monde. » Et *lb., IV, lo; xm, 4. ailleurs, parlant de la Passion : « Si je la niois, » dit-il *, « le Calvaire duquel nous sommes tous proches me convaincra, le bois de la Croix me convaincra, lequel des ici a esté espars en tout l'univers par petites pièces. » * In vita Sac Macr. Et saint Grégoire Nissene raconte * que sainte Macrine nsmoïns^ S. Gre- avoit accoustumé de porter une pièce de la vraye Croix ^Stl^Ma^crtnT^ '^ cuchassee dans une petite croix d'argent *. Et S. Paulin; Tout ceci sc rapporte a ce que saint Paulin en dit plus * Supra, c. VI. expressément escrivant a Severe *, la ou ayant dit qu'on ne pouvoit voir la pièce de la vraye Croix qui estoit en Hierusalem sinon par le congé de l'Evesque, il continue en ceste sorte : « Par la seule faveur duquel on a ce bien, d'avoir des petites piécettes et particules de ce bois sacré pour une grande grâce de foy et bénédiction, laquelle Croix mesme, ayant une vive vigueur en une matière insensible, elle preste des ce tems la et fournit de son bois aux désirs presque tous les jours infinis des hommes. Et pour tout cela elle n'en amoindrit point et n'en sent point de perte, et demeure comme si on n'y avoit point touché , les hommes prenans tous les jours d'icelle partagée et divisée, l'honnorans tous-jours néanmoins toute entière. Mais ceste vertu incorruptible, et indom- mageable ou impérissable solidité^ a esté beuë et tirée du sang de la chair laquelle ayant souffert mort n'a point veu la corruption. » Le latin est plus beau : Cujiis Episcopi tantum inunere, de eadem Cruce, hcec minuta sacri ligni ad magnam fidet et henedictionis grattant haheri datur. Quce quidem Crux in mate- ria insens at a vim vivant tenens, ita ex illo tempore innumeris pêne quotidie hominum votis lignum suum. commodat, ut detrimentum non sentiat, et quasi intacta permaneat, quotidie dividuam sunten-  qui fut trouvé à Jérusalem, un grand nombre de personnes en demandant et obtenant des parcelles. (i) Une légère inexactitude se trouve dans ces paroles, qui sont de Bellar- min (Cont. de Ec. Tr., lib. II, cap. xxvii) ; S. Grégoire de Nysse dit que S'<^ Macrine portait sur son cœur un anneau et une croix de fer^ et que la pièce de la vraie Croix était dans l'anneau.  Livre I. Chapitre ix. 85 tibiis et semper totam venerantihus. Sed istam imputribilem virtutem et indetribilem soliditatem de illius profecto carnis sanguine bïbït, quce passa mortem non vidit corruptionemM) Voyla pas de grans tesmoignages de la vertu de la Croix ? Tout le Chris- tianisme en vouloit avoir en ce tems la, et Dieu, se monstrant favorable a ceste dévotion, multiplioit le bois de la Croix a mesure que l'on en levoit des pièces ; signe évident que TEglise de ce tems la avoit une autre forme que la reformation des novateurs. Le mesme saint Paulin, envoyant a saint Sulpice une petite pièce de la Croix : « Receves, » dit-il *, « un grand * Ibid. présent en peu de chose, et en une rogneure presque indivisible d'une petite bûchette, receves une défense pour la vie présente et un gage de l'éternelle. » Ainsy, TesmoinVexperien- , , , 1 1 -xT 1 <^^ faitte et récitée luy mesme raconte, que voyant brusler a JNole par un par s. Paulin; embrasement presque incroyable une mayson qui estoit vis a vis de l'église de saint Félix, il s'eslança contre le feu, et l'esteignit par la vertu d'une pièce de la Croix qu'il tenoit * (e). *(De s. Fel. Natal * X. A/, roem.xxviii) De Cruels œternœ sumptum mihi fragmine lignum ProraOj tenensque manu adversus proeul ingerojlammis... Profuit j et nostram cognovit Jtamma salutem. Nec mea vox aut dextra illum, sed vis Crucis ignem Terruit, inque loco de quo surrexerat ipsOj, Ut circumseptam prœscripto liminejtammam Sidère et extinguifremitu moriente coegitj Et cinere exortam cineri remeare procellam. Quanta Crucis virtus, ut se natura relinquat, Omnia ligna vorans ligno Crucis uritur ignis... Vlcerat ignis aquam ; nos ligno extinximus ignem.  (d) [La fin de cet alinéa ne se trouve pas au Ms.] (e) S' Paulin, nomplus ad Sever., mais Natali. lo, raconte une beirhistoire du brulement d'une maison qui empechoit fort la prospective de Teglise de S' Fœlix, et dit que pour esteindre le feu, quil descrit avoir esté extrêmement grand, il opposa une partie du bois de la Croix quil avoit. [Suivent les vers latins, où l'interruption à la suite de la 2* ligne est signalée en marge : « et post pauca. >>]  86 Défense de l'estendart de la S*« Croix. Comme seroit a dire : « Je prens de ce saint bois de la Croix, et en jette Un seul eschantillon a travers de ce feu; L'on conneut tout soudain combien il avoit peu : La flamme, respectant notre salut, s'arreste. Ce ne fut point ma voix ni ma main plus puissante, Mais TefFort de la Croix qui luy fit ceste peur, Et qui la contraignit de perdre sa fureur, La mesme ou elle avoit esté plus violente ; Et comme s'on eust peu sa rage confiner, On la vit de la cendre en cendre retourner. Quelle est donq, o Chrestiens, de ceste Croix la force, Puysque contre elle en vain la nature s'efforce, S'abandonne soy mesme et luy quitte ses droitz ? Puysque le feu, bruslant toute sorte de bois, Par le bois de la Croix brusle de telle sorte ? Tesmoignant que le feu, ayant surmonté l'eau, Pouvoit estre vaincu (quel remède nouveau) Par le seul bois, pourveu que de la Croix il sorte. » Et une autre veuë Evagrius recite que la ville d'Apamee (f) estant re- ^Evagrius^r '^^ duitte a l'extrémité par le siège de Cosroës, les habitans prièrent leur Evesque, nommé Thomas, de leur monstrer une pièce de la Croix qui estoit la. Ce qu'il fit la portant autour du sanctuaire, et alhors une flamme de feu res- plendissant et non bruslant suivit Thomas allant de lieu en lieu, si que toute la place, en laquelle s'arrestant il monstroit la vénérable Croix au peuple, sembloit brusler, et cecy fut fait non une fois ou deux, mays plusieurs ; chose laquelle présagea le salut d'Apamee qui s'ensuivit * Hist., 1. IV, c. despuys. (g) Ce sont presque les parolles d'Evagrius * qui recite cecy comme tesmoin oculaire.  (f) Evagrius, 1. 4, c. 25, escrit un miracle fait a Aparaee, auquel il estoit praesent estant jeun'enfant avec ses parens; asçavoir, que la ville (g) [La fin de ce chapitre n'est pas dans le Ms., sauf le témoignage de S. Ambroise qui s'y trouve en marge.]  Livre I. Chapitre ix. 87 Ce n'est donq pas merveille si saint Ambroise, parlant Une autre par s. du clou de la Croix, dit * que « c'est un remède pour le *De ob. Theo.,47. salut, et que par une puissance invisible il tourmente les diables » ; et saint Cyrille*, quejusques a son tems le * Catech. xm, 40. , • j 1 /-> • • . '. TT* 1 • «^ 1 Une autre par S. bois de la Croix qui estoit en Hierusalem guenssoit les Cyrille; maladies, chassoit les diables et les charmes. Et saint Grégoire le Grand, Livre troisiesme * de ses Epistres, *(A/. vm.) en la trente cinquiesme parle de l'huile de la sainte Croix, lequel en touchant guerissoit ; et Bede tesmoigne* * De locis sanctis, C XIX* que c'estoit un huile qui sortoit de soy mesme du bois de la Croix. Voyes le grand Cardinal Baronius sous l'an 598. Qu'est-ce que respondra a tout cecy le traitteur ? dira-il que les tesmoins que je produis sont reprochables ? mays certes, ce sont tous autheurs graves. Peut estre respon- dra-il que cependant ilz n'attribuent rien a la sainte Croix ou au seul signe d'icelle ; mays nous avons ja protesté que la Croix n'est que l'instrument de Dieu es œuvres miraculeuses, si que d'elle mesme elle n'a point de proportion avec telles opérations ; le cas est tout semblable en la robbe de Nostre Seigneur et es os d'Helisee *. Je concluray donques avec Justinien l'Em- *(iv Reg. xm, 21.) , , , 1 /-^ . I Conclusion de Tus- pereur, que ça este pour nous que la Croix a este tinienV Empereur. trouvée. « Heleine, » dit-il*, « mère de Constantin le *(Sup.p.6i,not.(i) Grand, femme très dévote, nous a trouvé le sacré signe des Chrestiens. »  CHAPITRE X DE l'honneur de LA CROIX TESMOIGNÉ PAR LES ANCIENS I PREUVE NEUFVIESME  L'antiquité a hon- noré Jésus Christ en la Croix, L.i mettant en lien honnorahle ; * (Cap. prasced.) Tesmoins Constan- tin, S. Chrysostome,  S. Grégoire Nis-  Heleine,  S. Paulin, qui croid Qu'elle sanctifie les lieux, * Supra, c. Ti.  J'ay dit cy dessus que les Anciens avoyent en usage le bois de la sainte Croix pour honnorer en iceluy Jésus Christ crucifié, d'autant que l'honneur de la Croix se rapporte tout au Crucifix. Or cecy a esté tesmoigné en l'ancienneté par plusieurs moyens : Et I. par les lieux honnorables dans lesquelz ilz logeoyent les pièces de la Croix. Nous avons veu * que l'Empereur Constantin en mit une dans sa propre statue en un lieu fort honnorable de Constantinople, comme une sainte défense de toute la ville. Saint Chrysostome nous a tesmoigné qu'on enchassoit les autres en or, et les pendoit-on au col par honneur ; saint Grégoire Nissene nous a dit que sainte Macrine en portoit une dans une croix d'argent (a). Theodoret, Ruffin, saint Paulin et les autres racontent qu'Heleine fit dresser un magnifique temple, sur le mont de la Croix, tout lambrissé en or, dans la sacristie duquel estoit pretieusement gardée une pièce de la Croix. Saint Paulin envoya une petite pièce d'icelle a saint Sulpice pour la consécration d'une Eglise : « Nous avons trouvé, » dit-il *, « dequoy vous envoyer pour la sanctification du temple, et pour com- bler la bénédiction des saintes reliques, c'est a sça- voir, une partie d*une petite pièce du bois de la divine  (a) [Le commencement de ce chapitre ne se trouve pas au Ms. Voir p. 8i, (a).]  Livre I. Chapitre x. 89 Croix. » Et le mesme Paulin mit par honneur, en une belle église de Noie, une pièce (W de la Croix avec les reliques des Saintz, dans le maistre autel, avec ces vers * : * Ep. xn [aixxxn) ad Sever. Hlc pietaSj hie almafideSy hic gloria Christi, Hic est martyr ibus Crux soeiata suis. Nam Crucis e ligno magnum hrevis hastula pignuSj Totaque in exiguo segmine vis Crucis est. Hoc Melanœ* sanctœ delatum munere Nolam, Summum Hierosolymœ venit ah urbe bonum. Sancta Deo geminum vêlant altaria honorem^ Cum Cruce apostolicos quœ sociant cineres. Quam hene junguntur ligno Crucis ossa piorum, Pro Cruce ut occisis in Cruce sit requies.i^) C'est a dire : « Icy la pieté, la foy, la gloire encore De nostre Rédempteur se trouvent assemblés ; Icy la sainte Croix, a soy tient accouplés Les cors de saintz Martyrs que pour siens eU'honnore ; Car, pour peu qu'il y ait de ce bois admirable, Le gage en est très grand, et le moindre festu De toute la grand 'Croix tient toute la vertu. N'estant moins que son tout a tous nous vénérable. C'est de Hierusalem qu'un bien si grand et rare Nous arriva jadis, par le dévot bienfait De Meleine qui fut de nom sainte et d'effect.  (b) divine Croix. » — Item, il tesmoigne en Tepistre 12 ad Sever. qu'en une beireglise de Noie, quil descrit, il avoit honorablement mis une petite pièce (c) requies. — Greg. Niss. 1. de sancto Baptismale *, pag. 333, ita de Crucis ligno scribit : Li^num Crucis omnibus hominibiis salutare est, cum sit pars, ut audio, arhoris vills contemptiorisque quam aliœ multœ sint. [S. Grégoire de Nysse parle ainsi du bois de la Croix : « Le bois de la Croix est salutaire à tout le monde, bien qu'il soit, comme on le dit, d'un arbre plus vil et méprisable que la plupart des autres. »] (i) La vraie leçon est Melani, sous la forme masculine que S' Paulin emploie ordinairement en parlant de S'° Mélanie, à cause de sa magnanimité d'âme. Voir Patrol. lat., tom. LXI, not. 138. (2) In Baptis, Christi, tom. III, p. 578.  90 Défense de l'estendart de la S*« Croix. Qui d'un si riche don ne nous fut point avare. Ces grans et saintz autelz, quoy que couvertement, Présentent au grand Dieu double honneur doublement, Ayans avec la Croix les cendres glorieuses Des Apostres, aussi reliques pretieuses, Qui sont bien a propos jointes en mesme lieu : Cy la Croix, la les os des serviteurs de Dieu, Lesquelz, autrefois, mortz pour la Croix en ce monde, Ores, en la mesme Croix, prennent leur paix profonde. »  Et S. Ambroise ; *DeOb. Théo. 48.  Y faisant des pèle- rinages, tesmoins SocrateSy  * Ubi supra, c. vi. Et S, Paulin, * Vide ibid.  Et Ste Meleine  Et Jean Moscus; * Prat. spirit,, ce. XCI, CLXXX.  La vénérant soient- nellement, tes- moins S. Paulin * Supra.  Et saint Ambroise dit * qu'Heleine fit sagement, laquelle leva la Croix sur le chef des roys, a fin que la Croix fut adorée es roys. i'^) 2. Par les pèlerinages que l'on faisoit en Hierusalem pour visiter la sainte Croix, a Heleine laissa une partie de la Croix en une chasse d'argent, pour souvenance et monument a ceux qui seroyent conduitz du désir de la voir. » Ce sont les paroles de Socrates *. Et saint Paulin dit * que ceste piece-la n'estoit rnonstree sinon les festes de Pasques, « hormis a la requeste de quelques dévotes personnes, qui alloyent seulement en pèlerinage en Hierusalem pour voir ceste sainte relique, en recompense de leur long voyage. » Et tesmoigne que sainte Meleine * avoit esté en Hierusalem a cest efFect, et en avoit apporté une petite pièce du saint bois. Ainsy Jean Moscus Evi- ratus, ou Sophronius *, raconte * que l'Abbé Grégoire avec Tallelaeus firent ce pèlerinage ensemble, et que l'Abbé Jean, anachorète, avoit accoustumé de le faire bien souvent. 3. Par l'adoration solemnelle de ceste mesme Croix qui estoit en Hierusalem ; « laquelle, » et ce sont les paro- les de saint Paulin *, « l'Evesque de ceste ville la produit  (d) [Ce témoignage de S. Ambroise et les trois alinéas suivants ne se trouvent pas au Ms., sauf les citations de S^ Paulin.]  (i) Dès la i»"* édition le nom à.'' Heleine a été, par erreur, substitué ici à celui de Meleine ou Mélanie. (2) Sophronius, qui fut plus tard patriarche de Jérusalem (634), était disciple de Jean Moschus, et travaillait avec lui à la composition de son ouvrage.  Livre I. Chapitre x. 91 toutes les années a Pasques pour estre adorée du peuple, luy estant le premier a l'honnorer : Episcopus urbts ejus quotanniSy cum Pascha Domini agitur, ado- randain populo princeps ipse venerantium promit. » Et ceux que Eviratus raconte y avoir fait pèlerinage, y Et Jean Moscus alloyent pour adorer la sainte Croix et les lieux véné- rables, comme dit expressément l'histoire. 4. Mays il y a bien plus, car, auparavant mesme que Honnorant le lieu t ry ' r . . TT1- ^ r^^ j.' OU elle avoit esté, la Croix fust trouvée par Heleme, les Chrestiens mons- troyent en quel honneur ilz avoyent la Croix, honnorans mesme le lieu ou elle avoit esté plantée ; ce qui est touché par tous les autheurs, mays beaucoup plus expressément Tesmom Soiomene ; par Sozomene qui dit * « que les ennemis de la Croix * Ubi supra, c vi. avoyent dressé un temple a Venus, dans lequel ilz avoyent mis l'idole d'icelle a ceste intention, que ceux qui adoreroyent Jésus Christ en ce lieu-la semblassent adorer Venus, et que, par longueur de tems, la vraye cause vint en oubli pour laquelle les hommes vénèrent ce lieu-la. » Donques les Gentilz virent que les Chrestiens veneroyent ce saint lieu auquel Nostre Seigneur avoit esté crucifié ; combien plus eussent-ilz veneré la sainte Croix ? (e) 5. Et partant, Lactance Firmien , avant que la La ioua?it expresse- /-* ' r . . -^i' •.* ment.tesmoiuLac- Croix fust trouvée, avoit desja escrit : tance, *Carm.de Cruce*. Flecte genUj Ugnumque Crueis venerabile adora. « Plie le genou et adore le bois vénérable de la Croix. » Et Sozomene, après avoir raconté l'histoire de l'in-  (e) Lactance, ïn carminé de Cruce : Flecte genu Ugnumque Crueis venerabile adora. La Sibile, lib. 6, in ftJie : O lignum fœlix in quo Deus ipse pependit. Nec te terra capit, sed cœli tecta videbis, Cum renovata Dei faciès ignita micabit. Desquelz vers Sozomene cite le premier en ceste sorte, après avoir raconté (i) Aliter de Passione Domini. Incerti auctoris,  Et la Si bile;  92  Défense de l'estendart de la S** Croix.  vention de la Croix et les merveilles qui s'y firent : « Ni cela, » dit-il, « n'est pas tant esmerveillable, principa- lement puysque les Gentilz mesme confessent que cecy est un vers de la Sibile :  O lignum felix in quo Deus ipse pependit. « O bois heureux qui tins Dieu mesme en toy pendu. »  Car personne (quoy qu'on voulust par tous moyens combattre contre cecy) ne le sçauroit nier : dont le bois de la Croix et sa vénération a esté presignifié par la * Ubi supra, c. vi. Sibile. » Voyla ses motz *. S'en donnans des (g) 6. Parcc quc Ics Aucieus estimoyeut de beaucoup pièces les uns aux , •• . autres par hon- S entre honuorer quand ilz se donnoyent les uns aux ^^^^ ' autres des pièces de la Croix par présent, comme nous avons veu d'Heleine et de Constantin, de sainte Meleine et de Paulin et de Sulpice. Ainsy saint Grégoire le Grand envoya a Recharet, roy des Visigotz, une particule (^^- de la Croix, comme un grand présent*. Comme, de la mémoire de nos pères, le roy des Abassins envoya par honneur un pareil présent au roy Emmanuel de Portugal, par Matthieu, Arménien, son embassadeur, comme un * Maffaeus, 1. Y i. gage de la fidélité de son alliance * (^).  * Ep., 1. VII IX), ep. cxxii.  rhistoire de Tinvention de la Croix et les merveilles qui y survindrent : Neque certe tantopere mirandum est, prœsertim cum ipsi Gentiles ingénue fateantur hoc esse Sibillœ carmen : u O lignum » etc. Istud enim ita esse nemo, etiamsi acri studio contra pugnare voluerit, pernegabit : quare et lignum Crucis et ejus veneratio a Sybilla prœsignificata est. (g) [Les deux phrases suivantes ne se trouvent pas au Ms.] (h) le roy des Abassins — David, envoya par Mathieu, Arménien, a Emanuel, roy de Portugal, une pièce de la Croix, qui avoit esté jadis envoyée de Hie- rusalem aux roys des Abassins, comm'un présent exquis, et praetieux gage de sa fidélité.  (i) Maffaei, Joannis Pétri, S. ]. {ïfy-^fy^i6o}) Historiarum Indicarum Li- bri XVI. Selectarum item ex India epistolarum, eodem interprète, Libri IV. Florentiae 1588.  Livre I. Chapitre x.  93  (i) 7. Les Anciens ont honnoré la Croix luy attribuans plusieurs noms honnorables* : comme Heleine et saint Ambroise l'ont appellee « Estendart de salut, Triomphe de Jésus Christ, Palme de la vie éternelle, Rédemption du monde, Espee par laquelle le diable a esté tué, Remède de l'immortalité. Sacrement de salut. Bois de vérité ; » saint Paulin l'appelle « Défense de la vie présente, gage de l'éternelle, chose de très grande bénédiction ; » Macaire, Evesque de Hierusalem, l'ap- pelle * « Bois bien heureux, Croix qui a esté pour la gloire du Seigneur; » Justinien l'Empereur, « sacrum Christianorum Signum : Signe sacré des Chrestiens ; » et le grand saint Cyrille *, au récit du traitteur mesme, l'appelle « Bois salutaire », et ailleurs*, « Trophée du Roy Jésus ; » Eusebe, « Bois très heureux; » Lactance, « Bois vénérable. » Ainsy l'antiquité l'a nommée de cent noms très vénérables. (j) 8. Quelques uns des anciens Pères ont estimé que ce mesme bois de la vraye Croix seroit reparé et compa- roistroit au ciel le jour du jugement, selon la parole de Nostre Seigneur*: Alhors apparoistra le signe du Fil\ de l'homme au ciel. C'est l'advis (ce me semble)  Ljiy donnans des filtres honnora- hles ; * Vide loca citala supra, c. VI.  *(In orat, ad Deum, apud Ruf., 1. I, c. VIII.) * Cyril. Alex. Cont. Jul., 1. VI. (P- 37-) * Cyril. Hierosol., Catech. xiii, ^o.  Disans quelle èa- roîstra au ciel;  "^^ Matt., XXIV, 30.  (i) Heletia et Ambros.  Amb.  VextUum salutis. Christi Triumphum. Palma vitœ œiernce. Redemptionem. Gladium quo peremptus est diabolus. Remedîum imtnortalitatis. Sacramentum salutis. Lignum veritatis.  Paul,, ep. II Lignum divinœ Crucis. ad oeverum. Munimentum prœsentis et pignus ceternce sa- lutis.  Paulinus, ibidem.  jRem maximœ hene- dictionis. Liçrnum salutare.  Macarius Ep. Hier., Lignum heatum. inorationeadDeum, Lianum salutare. apud Ruf., 1. I, c. 8. ^"^ r •/ v r» L.rux quœ jutt ad Uo- minicam gloriam.  S. Cyrille, 1. 6 contre Bois salutaire. Julien, au récit du traitteur, p. 37.  Eusebe in Chronico. Damascen,, 1. 4, c. 12,  Beatissimum lignum. Lignum venerandum et sanctificatum.  (j) [La fin de ce chapitre, sauf les trois vers de la Sybille,, ne se trouve pas au Ms.]  94 Défense de l'estendart de la S*® Croix. * II. de saint Chrysostome, au sermon * de la Croix et du * Catech. XIII. larron, et de saint Cyrille en ses Catéchèses*, et de saint Ephrem au livre De la vraye pénitence, chap. m, *(SybiiUna oracu- IV *, et a esté prédit par la Sibile disant* : la, 1. VI, in fine.) O llgnum felix in quo Deus ipse pependit. Nec te terra capit, sed eœli tecta videhis, Cum renovata Del faciès ignita micabit. « O bois heureux qui tins Dieu mesme en toy pendu, Quel honneur te pourroit en terre estre rendu } Au ciel un jour, o Croix, tu seras triomphante, Quand la face de Dieu s'y fera voir ardante. » Et la rayson y est bien apparente, parce que, entre toutes les croix, la vraye Croix est le plus proprement signe et Estendart de Jésus Christ. Et par la crainte de g. Ce n'est douq pas merveille si saint Macaire et phaner!' ^" ^^^~ Heleiue avoyent égale crainte, en l'invention de la Croix, « ou de prendre le gibbet d'un larron pour la Croix du Seigneur, ou que, rejettans le bois salutaire en guise de poutre d'un larron, ilz ne le violassent, » * Ubi supra, c. vi. comme parle saint Paulin * ; ni que saint Hierosme ne pouvoit voir asses tost le jour <( auquel, entrant en la caverne du Sauveur, il peust bayser et rebayser le *(Ubisiipra, p. 51.) saint bois de la Croix » avec la dévote Marcelle *. Et pour vray, « si la robbe et l'anneau paternel ou quelque semblable chose est d'autant plus chère aux enfans, » * De civ. Dei, 1. 1, comme dit saint Augustin *, « que l'affection et pieté des enfans vers leur père est plus grande, » tant plus un Chrestien sera affectionné a l'honneur de Jésus Christ, tant plus honnorera-il sa Croix. Saint Chrysostome pro- * Orat. in laud. tcste * « que si quclqu'uu luy donnoit les sandales et Fx°w/L."*^'''' robbes de saint Pierre, il les embrasseroit a bras ouvertz et les mettroit comme un céleste don dans le plus creux  (i) Ce discours n'est plus imprimé parmi les Œuvres de S. Chrysostome; il est de Métaphraste. Voir Baronius, anno 4jç.  Livre I. Chapitre x. 95 de son cœur » ; combien eust-il plus honnoré la Croix de son Rédempteur? Et saint Auefustin, lequel recite * * De dv. Dei, , . ^. , , ?. j XXII, c. VIII. que plusieurs miracles s estoyent faitz avec un peu de la terre du Mont de Calvaire apportée par Hesperius l'un de ses familiers, et entre autres qu'un paralytique y estant apporté avoit esté soudain guéri, et qu'il avoit mis ceste terre-la honnorablement en l'Eglise : quel respect eust-il porté a la Croix de Nostre Seigneur ? Certes, il n'eust pas fait tant de diversions pour effacer la mémoire des miracles que Dieu fait en icelle, et luy refuser un juste honneur, comme fait le traitteur, tout au long de son escrit.  FIN DU PREMIER LIVRE.  LIVRE SECOND (^^  DE L'HONNEUR ET VERTU DE l'image de la CROIX  CHAPITRE PREMIER DE LA FAÇON DE PEINDRE LA CROIX  C'est icy une forte preuve de l'honneur et vertu de la vraye Croix, car, comme parle le traitteur, « il est aisé (p. 14.) « a recueillir que, si le bois de la Croix n''a point eu « de vertu ni de saincteté, ce qui n'en est que le signe « ou image n'en a non plus » : au contraire donques, si le signe et image de la Croix a beaucoup de sainteté et de vertu, la Croix mesme en aura bien davantage. Prou- Usage de tout ce vaut donques, comme je feray des-ores, la sainteté de ^^'^^^ ^^^^' l'image de la Croix, je la prouve beaucoup plus, et a plus forte rayson, de la Croix mesme. Or, l'on a fait les images de la Croix en diverses sortes, selon la diversité des opinions qui ont esté de la forme et figure de la vraye Croix : car les uns l'ont peinte comme un grand T latin ou grec, comme aussi se faisoit le Thau ancien des Hébreux, duquel saint Hierosme dit * qu'il estoit fait en manière de croix. Ceux *(ln Ezech., ix.) (i) Les cinq premiers chapitres du II® Livre manquent au Ms., qui reprend au milieu du vi*.  98  Défense de l'estendart de la S*^ Croix.  Opinion de Bede touchant la forme de la Croix.  * Quaest. in Gen. (ad sacrif. Isaac). Op in ion commune plus probable.  * § 91» * Cont. Haereses, 1. II, C. XXIV.  Peintures rusti- ques autour de la Croix :  P et X lettres grec- ques ;  Voyle  *Hierogl. (1. L)i. * (Cont. de Ec. Tr., 1. II, c. XXVII.) (p. 41.) Couronne de pier- reries.  cy ont creu que la vraye Croix de Nostre Seigneur a esté composée de deux bois, dont l'un estoit sur le bout de l'autre ; et néanmoins, comme il se voit encores en quelques images, ilz plantoyent sur la Croix un autre petit baston, pour y attacher l'inscription et cause que Pilate y fit mettre. Ceste-cy est l'opinion de Bede *. Les autres, estimans que les deux bois de la vraye Croix se traversoyent en telle sorte que l'un surpas- soit l'autre, ont fait l'image de la Croix en mesme manière, affigeans l'escriteau a la partie plus haute. Et certes, il y a plus de probabilité en cecy, quand ce ne seroit que pour la commune opinion des Chrestiens, et que Justin le Martyr, au dialogue qu'il fit avec Tri- phon *, appariant la Croix a la corne d'un licorne, semble la descrire en ceste sorte ; et saint Irenee dit * que « l'habitude ou figure de la Croix a cinq boutz ou pointes : deux en longueur, deux en largeur, une au milieu sur laquelle s'appuye celuy qui est crucifié. » Et pour tout cela, la Croix ne lairra pas d'estre sem- blable au T latin, grec et hébreu, puysque il y aura peu de différence. Outre cela, les Anciens ont quelquefois peint ou façonné sur la Croix d'autres choses, pour remarquer quelques misteres et moralités : car les uns courboyent le bout de la Croix en forme d'une crosse, pour repré- senter la lettre P des Grecz, un peu plus bas ilz y met- toyent deux pièces en forme de la lettre X, qui sont les deux premières lettres du nom de Christ, et un peu plus bas estoit le traversier de la Croix auquel pendoit un voyle, comme on fait maintenant en nos gonfanons, pour monstrer que c'estoit l'Estendart de Jésus Christ. C'est ainsy que l'a descritte Pierius *, et après luy le docte Bellarmin * et plusieurs autres des nostres, a quoy le traitteur s'accorde. Les autres mettoyent sur la Croix une couronne esmaillee, qui de pierres pretieuses, comme  (i) Jean Pierre (Pierius) Valerianus, littérateur italien, fleurit à Rome, puis à Padoue (1477-1558). Hieroglyphica, sive de sacris j^gyptiorum aliarumque gentium literis comme?itarii. Basileae 1507. ^  Livre II. Chapitre i. 99 Constantin fit en son Labare * ; qui de fleurs, comme fit * Euseb. De vit. __ , 1, , 1 Const., 1. 1, c.xxxi. saint Paulin en une belle église de Noie, sur 1 entrée de laquelle ayant fait peindre en ceste sorte une croix, il De fleurs; y fit mettre ces vers * : *^p- xii(«/.xxxn) •' ad bever. ; et pro  seqq.  Cerne coronatam Domini super atria Christi Stare Crucem^ duro spondentem celsa labori Prœmia : toile Crucem qui vis au/erre eoronam. « Voys, sur le saint portail de ceste église ornée, La Croix de ton Sauveur hautement couronnée, Qui, fidelle, promet aux peynes et travaux De ses vrays courtisans mille loyers très hautz : Prens donq avec sa Croix tous les maux qu'il te donne, Si par elle tu veux prendre un jour sa couronne. »  Et sur trois autres portes de la mesme église estoyent peintes deux croix, deçà et delà, sur lesquelles, outre les couronnes de fleurs, estoyent branchées des colombes, Colombes; avec ceste devise : Ardua floriferœ Crux eingitur orbe eoronœ, Et Domini fuso tincta cruore ruhet : Quœque super signum résident cœleste columbœ Simplicibus produnt régna paiera Dei. « De mille belles fleurs une large couronne La Croix de mon Sauveur tout par tout environne ; Croix qui prend sa couleur de ce rouge et pur sang Qui sort des piedz, des mains, de la teste et du flanc. Deux colombes en sus monstrent qu'il nous faut croire Qu'aux simples seulement Dieu fait part de sa gloire. »  Et sur le mesme sujet : Hae Cruce nos mundo et nobis interfiee mundum, Interitu culpœ vivijlcans animam :  100 Défense de l'estendart de la S**^ Croix. Nos quo que per fie les plae lias tibij Christe, eolumbas Si vigeat puris pax * tua peetorihus . « Fais, Dieu, que par ta Croix nous mourions tous au monde, Fais que le monde aussi meure tout quant a nous ; Ainsy il adviendra pour le salut de tous, Que le péché mourant, la vie en l'ame abonde. Et puysque nos forfaitz nous font abominables, Espure de nos coeurs les cachotz plus infectz : Lhors nous serons, o Dieu, comme colombes faitz, Simples et bien aymés tout aussi tost qu'aymables. »  Le mesme saint Paulin avoit fait peindre la Croix autour de l'autel, avec une trouppe de colombes sur Palmes et aigneau. icelle, et force palmes, et un aigneau qui estoit sous la Croix teinte en sang ; autant desseignoit-il d'en faire en une basilique qu'il faisoit bastir a Fondi : et tout ceci monstre combien d'honneur l'on portoit a la Croix. ^cesTffures '^"'" Coustautiu, mettant la Croix en son Labare, croyoit que * Ubi supra. ce luy seroit un estendart salutaire, comme dit Eusebe * ; y mettant le nom abrégé de Christ, monstroit que la Croix estoit la vraye enseigne de Jésus Christ, et non le siège de l'idolâtrie, comme le traitteur l'a descrit ; y mettant la riche couronne de pierres pretieuses, il de- clairoit que tout honneur et gloire appartient au Cru- cifix, et que la couronne impériale devoit s'appuyer sur la Croix. Saint Paulin mettant la couronne de fleurs sur la Croix vouloit dire, comme il tesmoigne par ses vers, que par la Croix nous obtenons la couronne de gloire ; par les colombes il signifioit que le chemin du ciel, qui a esté ouvert par la Croix, n'estoit que pour les simples et débonnaires ; autres fois, par la trouppe de colombes il entendoit la trouppe des Apostres, qui en leur sim- plicité ont annoncé par tout la parole de la Croix. Par les palmes et par le sang il figuroit la Royauté de Nostre Seigneur ; par l'aigneau qu'il mettoit sous la Croix il representoit Nostre Seigneur, qui, estant immolé (i) Le texte portait /«;'5, d'après les anciennes éditions de S. Paulin.  Livre II. Chapitre i. 101 sur l'autel de la Croix, a levé les péchés du monde. C'estoit une très honnorable persuasion que les Anciens avoyent de la sainte Croix, qui les faisoit ainsy sainte- ment philosopher sur icelle ; par ou l'on peut voir que, quand le traitteur dit que les Anciens ne faisoyent autre Hardiesse ignoran- is dît t^(Xt.ttsttf honneur a la Croix que de la couronner simplement de (p. 47.) fleurs, ce n'est que faute d'en sçavoir davantage. Mays c'est une témérité trop excessive, qu'il mesure les choses par son sçavoir.  CHAPITRE II  DE L ANTIQUITE DES IMAGES DE LA CROIX  Figures de la Croix preuve solide de l'honneur d'i celle.  * (Passim.) * Lib. III. ** Ad Quir., 1. II (ce. XX, XXI, XXIIj.  Ne se peuvent toutes produire.  * De cultu Imag. ** Tract. VI, * Hymni xii (in Exalt. Crucis).  J'aurois une belle campaigne, pour monstrer l'anti- quité de l'image de la Croix, si je voulois m'estendre sus un monde de figures de l'Ancien Testament, les- quelles n'ont esté autres que les images de la Croix, et ne penserois pas que ce fust une petite preuve ; car, quelle rayson y pourroit-il avoir que cest ancien peuple, outre la parole de Dieu, eust encor plusieurs signes pour se rafraischir coup sur coup l'appréhension de la Croix future, et qu'il ne nous fust pas loysible d'en avoir en nostre Eglise pour nous rafraischir la mémoire de la crucifixion passée ? Certes, il n'y auroit si bon traitteur qui ne s'eblouist quand je luy produirois les saintes observations qu'en a fait toute l'antiquité. Et saint Justin le Martyr traittant avec Triphon *, Tertullien avec Mar- cion *, et saint Cyprien avec tous les Juifz **, ont estimé de faire un bon et ferme argument, produisans les figures de l'Ancien Testament pour l'honneur et révé- rence de la Croix : pourquoy ne pourrois-je raysonner sur un mesme sujet, par pareilles raysons, avec un traitteur qui se dit estre Chrestien ? Or, la briefveté a laquelle je me suis lié, ne me permet pas de pren- dre le loysir qu'il faudroit pour faire un si grand amas ; aussi lira-on avec plus de fruit ce que j'en pourrois dire es autheurs que j'ay des-ja cités , et en Jonas d'Orléans *, en saint Gaudence sur l'Exode **, et en la Théogonie de Cosme Hierosolymitain *. Je mé conten- teray seulement de mettre en avant celle que tous les  Livre IL Chapitre ii. 103 Anciens, d*un commun accord, appliquent a la Croix : c'est le Serpent d'airain, qui fut dressé pour la guerison "^t^^/iî/" ^^'^'^^^ de ceux qui estoyent morduz de serpens * ; duquel par- * (Num,, xxi, 9.) lant le traitteur, il remarque qu'il ne fut pas mis ou Dire du traitteur , , 1 • , • -, . touchant icelle. « dresse sur un bois traversier, comme on le pemt com- (p. 56.) u munement, car il estoit eslevé sur un estendard, » dit-il, (( ou sur une perche, comme le texte le dit. » La ou je contremarqueray : i. Que la propriété des motz Rejette pertinem- du texte ne porte aucunement que le Serpent fut ^^^ ' eslevé sur une perche ; aussi Sanctes Pagninus * a laissé le mot d'estendart, qui est sans doute le plus sortable et se rapporte mieux a ce qui estoit signifié. 2. Je remar- que que les estendartz et enseignes se faisoyent jadis en forme de croix, en sorte que le bois auquel pendoit le drapeau traversoit sur l'autre, comme l'on voit au- jourd'huy en nos gonfanons ; tesmoin le Labare des Romains, et Tertullien en son Apologétique * ; si que *(Cap. xvi.) le Serpent, estant mis sur un estendart, estoit par consé- quent sur un bois traversier. 3. Je remarque que le traitteur a tort de contredire en ceci a la commune opi- nion, qui porte que le Serpent estoit eslevé sur un bois traversier, sans avoir ni rayson ni authorité pour soy ; et qu'au contraire, il est raysonnable que saint Justin le Martyr soit préféré en cest endroit, lequel, en l'Apo- logie pour les Chrestiens *, recitant ceste histoire, tes- * Apoi. î, § 60. V moigne que Moyse eslevant le Serpent le dressa en forme de croix. Voyci donques ou je pourrois cotter la première image de la Croix : car puysqu'il est ainsy, qu'une chose pour estre image d'une autre doit avoir deux conditions, l'une qu'elle ressemble a la chose dont elle est image, l'autre qu'elle soit patronnée et tirée sur icelle, le Serpent d'airain, estant dressé en semblable forme que la Croix, et ayant esté figuré, par la pré- voyance de Dieu, sur icelle, ne peut estre sinon une vraye image de la Croix.  (i) Sanctes (Santés, Xantes) Pagninus, Dominicain espagnol (1470-1541). Vet. et Novi Test. 7iova translatio. Lyon, 1528. Vide et ejusdem Thesaurum linguce sacrce, sub voce Vexillum.  104 Défense de l'estendart de la S*® Croix. Mais, pour m'accommoder au traitteur, il me suffira de parler des croix qui ont esté faittes en l'ancienne {p. 4I-) Eglise, dequoy il parle ainsy : « Les signes que Ion Dire du traitteur, r • -^ x. > ^ • ^ • ■« touchant l'antiqut- « laisoit au Commencement n estoient sinon avec le *\ise ChresUeiinë ^^ mouvement de la main appliquée au front ou remuée (( en l'air, n'ayant subsistance en matière corporelle, de (( bois, pierre, argent, or, ou autres semblables. Le « premier qui en fit d'estofFe fut Constantin, lequel « ayant obtenu une notable victoire contre Maxence, (( fit son gonfanon en forme de croix, enrichi d'or et de Cotivaincu d'igno- « pierreries. » J^admire ceste ignorance tant hardie : ^'^"'^^' qui est celuy, tant soit-il peu versé en l'antiquité, qui ne sçache que tout au fin commencement de l'Eglise, les Gentilz reprochoyent de tous costés aux Chrestiens l'usa- ge et vénération de la Croix ? ce qu'ilz n''eussent jamais Tesmotns Tertul- ^ :^ ^-^^z n'cusscnt veu Ics Chresticns avoir des croix. Iten, * (Supra.) Pour vray, Tertullien en son Apologétique * dit qu'on reprochoit aux Chrestiens de son tems qu'ilz estoyent religieux et devotz de la Croix ; a quoy il ne respond autre, sinon : « Qui Crucis nos religiosos putat, con- sectaneus noster erit ciim lignum aliquod propi- tiatur : Celuy qui nous pense religieux de la Croix, il sera nostre sectateur quand il honnore ou flatte quelque bois. » Et après avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pièces de bois qui estoyent peu différentes de la Croix, et que les faiseurs d'idoles se servoyent d'instrumens faitz en forme de croix pour faire les mesmes idoles ; item, qu'ilz ado- royent les victoires, et que le dedans de leurs trophées (c'est a dire les instrumens sur lesquelz on portoit les trophées) estoyent en forme de croix ; item, que la religion des Romains, estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendartz, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux, et que les voyles ou drapeaux des estendartz n'estoyent que comme des manteaux et vestemens des croix, il conclud disant : « Je loue ceste diligence ; vous n'aves pas voulu consacrer des croix nues et descouvertes, ou sans ornement. » La, ou cest autheur si clair voyant ne nie pas, mays confesse plus-  Livre IL Chapitre ii. 105 tost, que les Chrestiens adoroyent la Croix ; ne mettant point autre différence entre les croix des Gentilz et les nostres, sinon en ce que les nostres estoyent nues et sans enrichissemens, et les leurs estoyent vestues de divers paremens. Autant en dit, et beaucoup plus clairement, Justin le Et s. Justin Mar- Martyr en sa seconde Apologie *, la ou ayant monstre * (Hodie I, § 60.) que sans la figure de la Croix l'on ne peut rien faire, et d'avantage, que les trophées et masses que l'on por- toit devant les magistratz avoyent quelque ressemblance de la Croix, et que les Gentilz consacroyent les images de leurs empereurs defunctz par la figure de la Croix, il conclud en fin en ceste sorte : « Puys donques, que par bonnes raysons tirées mesmes de la figure, nous faisons tant que nous pouvons ces choses avec vous, nous serons désormais sans coulpe. » Justin donques confesse qu'en matière de faire des croix, nous ne faisions rien moins que les Gentilz, quoy que ce fust avec diversité d'inten- tions, ce qu'il va déduisant par après fort doctement et ^, .,. ,■ ^ 7. ^ ^ ^ nt Minuiius Peux, au long. Autant en fait Minutius Félix *. * In Octav. Saint Athanase, qui vivoit du tems de Constantin le Et S. Athanase. Grand, au livre des Questions a Antiochus *, fait ceste * xxxix {ai. xu). demande : « Pourquoy est-ce que tous nous autres fidelles faisons des croix pareilles a la Croix de Christ, et que nous ne faisons point de remembrances de la sacrée lance, ou du roseau, ou de l'esponge ? car ces choses sont saintes comme la Croix mesme. » A quoy il respond : « Pour vray, nous adorons la figure de la Croix, la composans de deux bois ; que si quelqu'un des infidelles nous accuse que nous adorons le bois, nous pouvons aysement séparer les deux pièces de bois, et gastans la forme de la Croix, tenans ces deux bois ainsy séparés pour néant, persuader a cest infidelle que nous n'honnorons pas le bois, mais la figure de la Croix : ce que nous ne pou- vons faire de la lance, du roseau et de l'esponge. » Quelle apparence, donques, y a-il que Constantin ayt esté le premier qui a fait la Croix en matière perma- nente ? puysque saint Athanase confesse que tous les fidelles de ce tems la faisoyent des croix de bois et les  106  Défense de l*estendart de la S*** Croix.  Imposture du trait- teur touchant S. Athaitase. (p. 50.)  Traitteur convain- cu par son propre dire :  Motif de Constan- tin a dresser des croix, selon le traitteur.  (p. 42.)  Employé contre le traitteur mesme,  honnoroyent, et en parle comme de chose toute vul- gaire et accoustumee. La ou je ne me puis tenir de remarquer l'imposture du traitteur, lequel citant ce pas- sage de saint Athanase, luy fait dire en ceste sorte : (( Les Chrestiens monstroient qu'ils n'adoroient pas la « Croix quand ils desassembloient ordinairement les u deux principales pièces d'icelle, recognoissans que ce (( n'estoit que bois. » Car au contraire, saint Athanase dit expressément que tous les fidelles adoroyent la Croix, mais non pas le bois. Certes, ces reformeurs en font accroire de belles. Et de vray, au moins ce traitteur devoit considérer que si Constantin dressa son Labare en forme de croix, pour la vision qu'il avoit eue d'une Croix a la façon de laquelle il fit dresser les autres (comme le traitteur mesme confesse que cela s'est peu faire), ce ne sera pas Constantin qui aura fait la Croix le premier en matière subsistante, mais plustost Dieu, qui luy en fit le premier patron sur lequel les autres furent dressées. Que si, au contraire, ce ne fut point par advertissement de Dieu, ni pour aucune vision^ que Constantin fit dresser son Labare et plusieurs autres croix , mais plustost par rayson d'estat, qui est l'opinion laquelle aggree plus au trait- teur, a sçavoir, que « d'autant, » ce sont ses parolles, « qu'il avoit freschement esté eslevé à la dignité impe- « riale, par la volonté des gens de guerre qui l'avoient « préféré aux descendans de Diocletian, il advisa que « le moyen de se maintenir en ceste dignité contre ses « compétiteurs et debateurs seroit de se faire ami des (( Chrestiens, que Diocletian avoit persécutez à outrance, « et à ceste occasion il fit ériger des croix avant mesme (( qu'il fust Chrestien » ; je prendray le traitteur au mot en ceste sorte : Constantin pour se rendre amy des Chrestiens fit dresser plusieurs croix ; donques les Chrestiens de ce tems la aymoyent que l'on dressast des croix. Et qui les avoit gardés d'en dresser jusques a ceste heure la, au moins dedans leurs maysons et oratoires ? ejt comme pouvoit sçavoir Constantin que la manière de flatter les  Livre II. Chapitre ii. 107 Chrestiens estoit de dresser des croix, s'il n'eust conneu qu'ilz en avoyent dressé auparavant et les honnoroyent ? Pour vray, les Reformeurs n'eussent pas esté amis de ces anciens fidèles, ni leur doctrine jugée Chrestienne, puysqu'ilz abattent leurs croix, et taschent de persuader que c'est une « corruption » d'en avoir introduit l'usage (p. 57.) et que « c'est encor plus mal fait de le retenir ; » ce sont les parolles mesmes du traitteur. Et s'il est vray, comme sans doute il est, ce qu'il dit ailleurs, rapporté de saint (p. 20.) Grégoire Nazianzene, que (( la vérité n'est point vérité « si elle ne l'est du tout, et qu'une pierre précieuse perd « son prix à cause d'une seule tare ou d'une seule paille, » la doctrine Chrestienne n'aura plus esté pure du tems de Constantin, selon l'opinion de cest homme, puysque les Chrestiens desiroyent et se plaisoyent que l'on plan- tast des croix, qui est une corruption, « levain et doc- (pp. 20 et 21.) trine erronée, » a son dire. Ce n'est pas peu, a mon advis, d'avoir gaigné ceste confession sur les ennemis des croix, que les Chrestiens il y a treize cens ans aymoyent et desiroyent que l'on dressast des croix ; et ne sçai comme on pourra appointer ce traitteur avec Calvin et les autres novateurs, car luy dit d'un costé que du tems de Constantin il y avoit Et contre Calvin. corruption en l'Eglise, et Calvin avec les autres tiennent que l'Eglise a esté pure jusques presque au tems de Gré- goire le Grand. Car Calvin, parlant de saint Irenee, Ter- tuUien, Origene et saint Augustin, il dit * « que c'estoit *lnsi., 1. IV, en, une chose notoire et sans doute, que despuys l'aage des ^' Apostres jusques a leur tems il ne s'estoit fait nul changement de doctrine, ni a Rome ni aux autres villes ; » et le traitteur mesme (ne sçachant ce qu'il va faisant), parlant du tems de saint Grégoire et reprenant la simplicité des Chrestiens d'alhors, il dit que « leurs (p. 27.) « yeux commençoient fort à se ternir et à ne voir plus « gueres clair au service de Dieu. » Voyes-vous comme il rapporte le commencement de leur prétendue cor- ruption de la doctrine Chrestienne au tems de saint Grégoire ? et néanmoins, quant a la Croix, il l'a rap- portée aux Chrestiens qui vivoyent du tems de Constantin  108  Défense de l'estendart de la S*^ Croix.  le Grand, lesquelz il fait (et c'est la vérité) grans ama- teurs de l'érection des croix, que puys après il appelle corruption. En fin, a ce que je vois, ilz confesseront tan- tost que c'est du tems des Apostres que nostre Eglise a commencé. J'ay donq prouvé, non seulement que ce traitteur est ignorant d'avoir dit que Constantin estoit le premier qui avoit dressé des croix en matière subsistante, mays encor, que l'érection des croix a esté prattiquee entre les plus anciens Chrestiens, car nous n'avons pas de gueres plus anciens autheurs que Justin et TertuUien. Encor diray-je^ Ancinnie croix g^^g ^q jg^ mémoire de nos percs, environ l'an iS46, l'on trouvée es Indes. ^ jr ^ v^-r » * Maffœus, Hist. trouva prcs de Meliapor *, en une petite colline sur la- neiii). ^ quelle l'on dit que les Barbares tuèrent saint Thomas l'Apostre, une croix très ancienne incise sur une pierre carrée, arrousee de gouttes de sang, sur le sommet de laquelle il y avoit une colombe. Elle estoit enfermée dedans un cercueil de pierre, sur lequel il y avoit cer- taine ancienne escriture gravée, laquelle, au rapport des plus expertz Brachmanes, contenoit le martyre du saint Apostre, et entre autres qu'il mourut baysant ceste croix- la, ce que mesme les gouttes de sang tesmoignent. Ceste croix, ayant esté mise en une chapelle que les Portugois édifièrent en ce mesme lieu, toutes les années environ la feste de saint Thomas, ainsy que l'on commence a lire l'Evangile de la sainte Messe, elle commence a suer le sang a grosses gouttes, et change de couleur, paslissant, puys noircissant, et après se rendant bleue céleste et très aggreable a voir, revient en fin a sa natu- relle couleur, a mesme que l'on a achevé le saint Office. Que s'il est arrivé en quelques années que ce miracle ne se soit point fait^ les habitans de ces contrées, enseignés par l'expérience, se tiennent pour menacés de quelque grand inconvénient. Ceci est une chose toute conneuë et qui se fait a la veuë de tout le peuple, dont l'Evesque de Cocine * en envoya une ample et authentique attes- * (Maff., ibid.) tation *, avec le portrait de ceste croix-la, au commen-  (i) « Cocinensis. »  Livre II. Chapitre ii. 109 cernent du saint Concile de Trente : qui est une marque bien expresse que les Apostres mesmes ont eu en hon- neur la sainte Croix. Et comme l'Apostre qui planta la foy parmi ces peuples y porta quant et quant l'usage de la Croix, ainsy Dieu, voulant en ces derniers tems y replanter encores la mesme foy, leur a voulu recom- mander l'honneur de la Croix par un signalé miracle, tel que nous avons recité. Aussi les habitans de Socotore, Croix portée par les isle de la mer Erithree, qui ont esté et sont Chrestiens de Socotore. des le tems que saint Thomas y prêcha, entre les autres cérémonies catholiques ilz ont celle-ci, de porter ordi- nairement une croix pendue au col et luy porter grand honneur *. Or, ce que je vay dire prouvera encores fort * Maff., i. m. vivement ce que j'ay dit ci devant.  CHAPITRE III  DE L ANTIQUITE DES IMAGES DU CRUCIFIX  Le traitteur, qui confesse le moins qu'il peut de ce qui establit la coustume ecclésiastique, après avoir nié qu'avant le tems de Constantin il y eust des croix parmi (p- 47-) les Chrestiens, en un autre endroit dit qu'au commence- Negative du trait- nient, et mcsmc du tems de Theodose, « la Croix n'estoit « sinon deux bois traversans l'un l'autre, et n'y avoit (( point de crucifix, et moins encores de vierge Marie, « comme depuis en quelques croix l'image du crucifix « est d'un costé, et celle de sa mère de l'autre. » Réfutée Je ne sçay qui peut esmouvoir cest homme a faire ceste observation, car que peut-il importer que Ton ait fait des croix simples plustost que des images du Cru- cifix, puysqu'aussi bien c'est chose toute certaine qu'on ne dresse pas des croix sinon pour représenter le Cru- cifix ? mais avec cela, ceste observation est du tout Par S. Athanase, fausc, digne d'uu hommc qui mesprise l'antiquité. Saint * De Pass. imag.^ Athanasc, qui vivoit du tems de Constantin, escrit * une histoire remarquable, de la malice enragée d'aucuns Juifz de la ville de Berite, lesquelz crucifièrent une image très ancienne de Jésus Christ qu'ilz avoyent trouvée parmi eux, en ceste sorte : Un Chrestien s'estoit logé en une mayson de louage, près la synagogue des Juifz, et avoit attaché a la muraille vis a vis de son lict une image de Nostre Seigneur, laquelle contenoit en proportion la stature mesme d'iceluy. Apres quelque (i) Inter spuria S. Athan., tom. IV; sed pervetusta historia.  Livre IL Chapitre iik 111 tems il desloge de la, et prend mayson ailleurs, la ou portant tous ses meubles, il oublia de prendre l'image, non sans une secrette disposition de la Providence di- vine. Du despuys, un Juif print logis la dedans, et, sans avoir pris garde a ceste image, ayant invité un autre Juif a manger, il en fut extrêmement tancé, et quoy qu'il s'excusast de ne l'avoir pas veuë, il fut accusé et déféré comme mauvais Juif, ayant une image de Jésus de Nazareth ; dont les principaux des Juifz, entrans dans la mayson ou estoit l'image, l'arrachèrent et la mirent en terre, puys exercèrent sur elle toutes les semblables actions qui furent exercées sur Jésus Christ quand on le crucifia, jusques a luy bailler un coup de lance sur l'en- droit du flanc. Chose admirable ; a ce coup le sang et l'eau commencèrent a sortir et couler en très grande abondance, si que les Juifz en ayans porté une cruche pleine en leur synagogue, tous les malades qui en furent arrousés ou mouillés furent tout soudainement guéris. Voyla le récit qu'en fait saint Athanase, par lequel l'on peut connoistre que ceste image la estoit l'image du Crucifix, tant parce qu'il eust esté mal aysé au Juif qui accusa celuy qui l'avoit en sa mayson, de reconnoistre si soudainement que c'estoit l'image de Jésus Christ si ce n'eust esté qu'il estoit peint en crucifié, qu'aussi parce que les Juifz n'eussent sceu représenter la cruci- fixion de Nostre Seigneur tant par le menu, comme ilz firent, sinon sur l'image d'un crucifix. Or ceste image, comme il apparut par la relation qu'en fit le Chrestien auquel elle estoit, en présence de l'Evesque du lieu, avoit esté faitte de la main propre de Nicodeme qui la laissa a Gamaliel, Gamaliel a saint Jacques, saint Jacques a saint Simeon, Simeon a Zachee, et ainsy de main a main elle demeura en Hierusalem jusques au tems de la destruction de ladite ville, qu'elle fut transportée au royaume d' Agrippa, ou se retirèrent les Chrestiens de Hierusalem par ce qu'Agrippa estoit sous la protection des Romains. Ce n'est donq pas ce que le traitteur disoit, que les images de la Croix furent seulement faittes du tems de Constantin, et qu'encores de ce tems la et long  112 Défense de l'estendart de la S** Croix. tems après on n'y adjoustoit point de Crucifix, car je ne vois pas qu'il puisse opposer a ceste authorité pour garantir la négative de fauseté et témérité. par S. Chrysosto- Dedans la Liturgie de saint Chrysostome, selon la t)t€ version d'Erasme *, le prestre est commandé, se retour- nant vers l'image de Jésus Christ, de faire la révérence ; ce que, non sans cause, les plus judicieux rapportent a l'image du Crucifix ; car, quelle représentation de Jésus Christ peut-on mettre plus a propos dedans l'église. Par Lactance, et mcsmc vcrs l'autcl, quc celle du Crucifix ? Qui verra *(Vide p. 91.) de bon œil le carme que Lactance a fait * de la Passion de Nostre Seigneur, connoistra qu'il a esté desseigné sur le rencontre que l'on fait de l'image du Crucifix qui est ordinairement au milieu de l'église, en laquelle il fait parler Nostre Seigneur, par un style poétique, a ceux ParS.Damascene, qui entrent dedans l'église. Saint Jean Damascene, qui vivoit il y a passé 800 ans , parlant de l'image du Crucifix il en tient conte comme d'une tradition ancienne * Orth. fid., 1. IV, et légitime. « Par ce, « dit-il *, « que chacun ne connoist pas les lettres ni ne s'addonne a la lecture, nos Pères ont advisé ensemble que ces choses, c'est a dire les misteres de nostre foy, nous fussent représentés comme certains trophées es images pour soulager et ayder nostre mémoire ; car bien souvent, ne tenans pas par négligence la Passion de Jésus Christ en nostre pensée, voyans l'image de la crucifixion de Nostre Seigneur nous revenons a souvenance de la Passion du Sauveur, et nous prosternans nous adorons, non la matière, mays Celuy qui est représenté par l'image. » C'est le dire de ce grand personnage, lequel un peu après pour- suit en ceste sorte : « Or ceci est une tradition non escritte, ne plus ne moins que celle de l'adoration vers le levant, a sçavoir '^, d'adorer la Croix, et plusieurs autres choses semblables a celles qui ont esté dittes. » L'image donques du Crucifix estoit, desja de ce tems-la, receue (i) 5. Chrysost. Liturgia, interpret. Desid. Erasmi, in gratiam Episc. Rof- fensis (Beati Joan. Fisher). Inter spuria S. Chrysost., tom. XIII. (2) A sçavotr. Le mot grec est xat, qui serait plus exactefnent traduit : ff, aussi.  C. XVI.  Livre II. Chapitre m. 113 comme authorisee d'une fort ancienne coustume ; d'où vient donques ceste opinion au traitteur, de dire qu'an- ciennement l'on ne joignoit pas le Crucifix a la Croix, et quel interest a-il en cela sinon d'assouvir l'envie qu'il a de contredire a l'Eglise Catholique ? L'image du Cru- cifix est autant recevable que celle de la Croix. Quand le grand Albuquerque faisoit fortifier Goa, ville principale des Indes orientales, comme l'on abattoit cer- Par une croix trou- taines maysons, on rencontra dedans une muraille une image du Crucifix, en bronze *, par laquelle on eut * Maff. (i. iv). tout a coup connoissance que la religion Chrestienne avoit jadis esté en ces lieux-la, quoy qu'il n'y en eust plus de mémoire, et que ces Chrestiens anciens avoyent en usage l'image du Crucifix. Et ne fut pas une petite consolation a ce grand capitaine et a ses gens, de voir ceste marque de Christianisme en un lieu qui de tems immemorable avoit esté privé de l'Evangile. Quant a la reprehension de ce qu'on met en quelques Reprekensionfaitte ,,. 1 /-. .r- n , ' - 11 1 TiT Par le traitteur, croix limage du Crucmx d un coste, et celle de sa Mère de l'autre, j'ay eu peyne d'entendre ce qu'il vouloit dire. En fin c'est de deux choses l'une. Ou bien il reprend les croix esquelles nous mettons deçà et delà du Crucifix les images de Nostre Dame et de saint Jean l'Evange- liste ; mays en cecy la censure seroit très injuste, car, comme il est loysible et convenable que nous ayons Examinée. l'image du Crucifix, selon la coustume mesme des plus anciens Chrestiens, il est loysible aussi d'avoir des images de Nostre Dame et des Apostres, dequoy saint Lucas sera nostre garant, qui le premier, au récit de Nice- phore Calixte *, fit l'image du Sauveur, de sa Mère, de * L. il, c. xuii; i. saint Pierre et de saint Paul : que s'il est ainsy, ou peut- ' ^* ^^^' on mieux mettre les images de Nostre Dame et de saint Jean qu'auprès de la remembrance du Crucifix ? quand ce ne seroit que pour représenter tant mieux l'histoire de la Passion, en laquelle l'on sçait que Nostre Seigneur vit ces deux singuliers personnages près de sa Croix et recommanda l'un a l'autre *. Ou bien il parle de quelques ^'Joan.,xix, 26, 27. croix ou peut estre il aura veu au dos du Crucifix quelque image de Nostre Dame, et Ihors il aura grand tort de 8  114 Défense de l'estendart de la S*® Croix. vouloir tirer en conséquence contre nous la diversité des volontés des graveurs et peintres, ou de ceux qui font faire les croix ; car, a la vérité, ceste façon de crucifix n'est gueres usitée en l'Eglise ; si ne veux-je pas dire pourtant qu'il y ayt aucun mal en cela. On mettoit bien anciennement des colombes sur la Croix et autour d'icelle, pourquoy n'y peut-on bien mettre une image de la Vierge ou de quelque autre Saint ? J'en ay veu la ou, au dos de la croix, il y avoit des aigneaux pour représenter Nostre Seigneur qui a esté mis sur la Croix comme un innocent * Cap. un, 7. aignelet, ainsy qu'il est dit en Esaye * ; d'autres ou il y avoit d'autres images, non seulement de la Vierge, mays encor de saint Jean, saint Pierre et autres. En ce cas, la croix ne sert pas de croix de ce costé-la (elle en a servi du costé du crucifix), elle sert comme de tableau; aussi ne peint-on pas Nostre Dame en crucifix, ni aucun autre Saint avec Nostre Seigneur. (p- 47-) Au demeurant, ce que le traitteur adjouste que l'on y met rimage de Nostre Dame «. comme si elle avoit esté « compagne des souffrances de nostre Sauveur et qu'elle « eust fait en partie la rédemption du genre humain, » cela, dis-je, vient de son goust qui est corrompu par la defluxion d'un'humeur aigre et chagrine, avec laquelle ces reformeurs ont accoustumé de juger les actions des Catholiques ; car, qui fut jamais le Catholique qui ne sceut que nous n'avons autre Sauveur ni Rédempteur qu'un seul Jésus Christ ? Nous mettons très souvent la Magde- leine embrassant la Croix ; que n'a-il dit que par la nous la croyons estre nostre rédemptrice ? Ces gens ont l'esto- mac et la cervelle gastés, ilz convertissent tout en venin. Nostre Dame ne fut pas crucifiée, mays elle estoit bien sur la Croix quand son Filz y estoit, car la ou est le thresor d'une personne la est son cœur_, et l'ame est plus la ou elle ayme que la ou elle anime. Certes, on trouve presque par tout en l'Evangile ou il est parlé de Nostre Dame, qu'elle estoit avec son Filz et auprès * Joan., XIX, 23. d'iceluy, et sur tout en sa Passion * ; ce ne seroit donq pas hors de rayson de la peindre encores auprès de luy en la Croix, non ja comme crucifiée pour nous, mays comme  Livre II. Chapitre m. 115 celle de laquelle on peut dire, beaucoup plus proprement que de nul autre : Christo c on fixa est Cru ci : Elle est clouée a Jésus Christ en la Croix *. C'a donq esté la * (Gaiat., n, 19. rage que le traitteur a contre les Catholiques, qui l'a empesché de prendre garde a tant de bonnes et reli- gieuses raysons qui peuvent estre en ce fait, pour faire une si maligne conjecture contre nos intentions.  CHAPITRE IV DE l'apparition DE l'IMAGE DE LA CROIX A CONSTANTIN LE GRAND ET EN AUTRES OCCASIONS  ^ C'est une noble preuve de l'honneur et vertu de l'image de la Croix, que Dieu tout puissant l'a fait 1 comparoistre miraculeusement en plusieurs grandes et \j, signalées occasions, et s'en est servi comme de son Estendart, tantost pour asseurer les fidelles, tantost pour espouvanter les mescreans. Importance de Vap- Mais pour vray, l'apparitiou faitte a Constantin le èarition faitte a ^ - , -i i i i ^ Constantin ; Crraud a cste , uou saus cause , la plus célébrée et fameuse parmi les Chrestiens, d'autant que par icelle Dieu toucha le cœur de ce grand Empereur pour luy faire embrasser le parti Chrestien, et fut comme un saint signe de la cessation du déluge du sang des Martyrs, duquel jusques a ceste heure -la toute la terre regor- geoit ; et qu'au demeurant , ceste croix monstree a Constantin fut le patron d'un monde de croix, qui du despuys ont esté dressées par les empereurs et princes chrestiens. Ce que appercevant le traitteur, af&n de rendre Révoquée en doute douteusc l'histoirc de ccstc grande apparition, il devise par le traitteur /-. , . - , . . ^. (p. 42.) en ceste sorte : « Combien que les historiens Chrestiens « parlent d'une apparition de croix en l'air avec ces « mots : Surmonte par ceci , si est-ce que Zosimus , « historien Payen, qui vivoit de ce temps-la et qui a esté « tres-exaet recercheur des faits de Constantin, n'en a « fait mention aucune. Aussi appert-il que les histoires « Ecclésiastiques en parlent diversement, car Eusebe dit « que ceste vision advint en plein midi, et Sozomene  Livre II. Chapitre iv. 117 « escrit qu'elle apparut de nuict à Constantin dormant. « Dieu neantmoins a peu faire ce miracle pour aider à « la conversion de ce Prince encor Payen alors, et qui a « beaucoup servi depuis à l'avancement de la gloire de « Christ, de quelque affection qu'il ait esté induit, car « quelques autheurs le notent de grands défauts. » Voyla son dire, par lequel il cuyde effacer l'apparition de la sainte Croix faitte a Constantin, et ce par deux moyens : Par deux moyens, l'un, opposant aux histoires chrestiennes l'authorité de Zosimus payen ; l'autre, monstrant qu'il y a contrariété sur ce fait entre les autheurs chrestiens. Pyrrho n'enten- droit rien au prix de ce traitteur ; toute sa doctrine consiste a rendre toutes choses douteuses et esbranlees, il ne se soucie pas d'establir autre que l'incertitude ; certes, il ne nie pas que ceste apparition ne soit probable, mays il veut aussi qu'elle soit probablement fause. Or, quant a Zosimus, je ne sçai comme il l'ose pro- Le premier des- duire en ceste cause ici contre tous les autheurs chres- ^"^ ^ " '^^^^ ^' tiens ; car premièrement, Zosimus est tout seul et ne peut point faire de pleine preuve ; secondement, il ne nie pas ceste apparition mays seulement il s'en tait ; tiercement, il est suspect, car il estoit ennemy de la Croix ; quartement, encor qu'il fust exact rechercheur des faitz de Constantin, il ne l'estoit pas toutefois des merveilles de Dieu. Or l'apparition de la Croix fut une œuvre de Dieu et non de Constantin. J'admire la rage de ceste opiniastreté qui veut rendre comparable en authorité le silence ou l'oubli d'un seul historien payen, avec l'asseurance et exprès tesmoignage de tant de nobles et fîdelles tesmoins. Qui ne sçait les sottises que les historiens payens, après Tacitus et autres, ont imposées aux Chrestiens avec leur teste d'asne * ? Je vous laisse a penser s'ilz se sont * Tertuii., Apoio- espargnés a se taire en nos advantages et prérogatives, ^^^' puysqu'ilz ne se sont pas espargnés a dire des fables et faire des contes pour honnir et vitupérer le Christianisme. Pourquoy est-ce que Zosimus sera meilleur que les autres ? Mais quant a ce que le traitteur veut qu'Eusebe Et le second aussi. soit contraire a Sozomene en l'histoire de ceste appari- tion, en ce que l'un dit qu'elle advint en plein midi et  118 Défense de l'estendart de la S** Croix. l'autre de nuit a Constantin dormant, je crois que c'est une contradiction qu'il aura veuë en songe et en dor- * L. I, c. m. niant ; et de fait Sozomene, en cest endroit ici *, fait expresse profession de suivre Eusebe. Oyons-le parler, je vous prie : « Combien que plusieurs autres choses soyent arri- vées a cest empereur Constantin, par lesquelles estant induit il commença d'embrasser la religion Chrestienne, nous avons toutefois appris qu'une vision qui luy fut divinement présentée l'a principalement induit a ce faire. Car, dressant la guerre contre Maxence, il com- mença (comme il est vraysemblable) a douter a part soy quel événement auroit ceste guerre, et quel secours il pourroit appeller, dont estant en ce souci il regarda par vision * le signe resplendissant de la Croix au ciel ; et les Anges assistans près de luy, ja tout esbloui de la vision, luy dirent : En ceci, o Constantin, tu vaincras. On dit encores que Jésus Christ mesme luy apparut et luy monstra la figure de la Croix, et mesme luy com- manda qu'il en fist faire une semblable, et qu'il en usast comme d'une ayde en l'administration de la guerre et comme d'un instrument propre pour obtenir victoire. * De vit. Const., 1. Laquelle chose Eusebe, surnommé Pamphile, asseure * ,c.xxii(a .XXVIII). ^.^Q-j. Q^yg ^Q la bouche propre de l'Empereur qui l'affirmoit par serment, a sçavoir, qu'environ midi, le soleil commençant un peu a décliner, tant l'Empereur mesme que les gens d'armes qui estoyent avec luy avoyent veu le signe de la Croix resplendissant au ciel, formé de la splendeur d'une lumière, auquel estoit ceste inscription : Surmonte par ceci. Car iceluy, faisant voyage en quelque endroit avec son armée, eut en chemin ceste admirable vision , et cependant qu'il demesloit dans son cerveau que voulait dire cela, la nuit le surprint ; si luy apparut Jésus Christ en son repos, avec le signe mesme qui luy estoit apparu au ciel, luy commandant qu'il fist un autre estendart sur le patron (i) Par vision. Le mot grec est ôvap, qui signifie : durant le sommeil, en songe.  Livre II. Chapitre iv. 119 de celuy-la, et qu'il s'en servist comme d'une défense es combatz qu'il avoit a faire contre ses ennemis. » Ce sont, certes, presque les propres motz, non seulement de Sozomene, mays encores d'Eusebe son autheur, tant Hz sont d'accord en ce point. Je sçay qu'un grand docte de nostre aage s'est trompé en cest endroit * , mays il mérite excuse, car ç*a esté au milieu d'une grande et laborieuse besoigne, ou il est tolerable si quelquefois l'on s'endort ; mays le traitteur, en si peu d'œuvre qu'il a fait, nous accusant et formant ses causes d'oppositions, ne peut avoir fait ceste tant évidente faute qu'il ne mérite d'estre tenu pour un imposteur ou pour un ignorant, quoy qu'il fasse l'entendu. Au demeurant, il monstre la haine qu'il porte a la Haine extrême con- . , /-< • j ^ j' 1 •! i^^ l^ Croix. samte Croix, quand pour contredire a son honneur, il va recerchant si curieusement quel a esté Constantin le Grand, et met en doute le zèle avec lequel il a servi a l'honneur de Dieu. Constantin, tant loué par nos devan- ciers, autheur du repos de l'Eglise, « Prince des princes chrestiens, » comme l'appelle saint Paulin *, « très grande * (Ep. xi, al. xxxi, lumière de tous les empereurs qui furent onques, très illustre prêcheur de la vraye pieté, » comme l'appelle Eusebe *, subira en fin finale (si Dieu le permet) les * (De vit. Const., censures et reproches de ces Chrestiens reformés, les- quelz, pires que des chiens, cherchent de souiller les plus pures et blanches vies des Pères du Christianisme. « Quelques autheurs, » dit le traitteur, « le notent de grands défauts. » S'il eust cotté les autheurs et les de- fautz, quoy que c'eust esté sortir hors du chemin de mon affaire, je me fusse essayé d'affranchir ce grand Empereur de ses iniques accusations ; et certes, je sçay bien en partie ce qui se pourroit dire pour charger Constantin de quelques imperfections, mais je ne veux pas faire accroire au traitteur qu'il soit plus sçavant que je le vois, ni pré- supposer qu'il en sçache plus que ce qu'il en dit, car je (i) Ce « grand docte » est Bellarmin (Cont. de Ec. Tr., lib. II, cap. xxviii). Faute de considérer en son ensemble le récit de Sozomene, il présente com- me une contradiction réelle entre les deux auteurs ce qui n'est qu'une légère transposition de circonstances.  1. I, C. XIV.)  120 Défense de l'estendart de la S*® Croix. le vois si passionné en cest endroit, que s'il eust sceu quelque chose en particulier il l'eust bien fait sonner. Or bien, voyla l'apparition faitte a Constantin bien Considération sur asseurcc, en laquelle tout cecy est remarquable. Pre- ConstanUn^^ ^^^ ^ miercment, que par la l'Empereur fut induit a embrasser vivement le parti Catholique, comme par un signe cer- tain que Dieu approuvoit la Croix, et en la Croix tout le Christianisme ; si que l'approbation de la Croix et du Christianisme ne fut qu'une mesme chose. Secondement, combien que Dieu voulust que Constantin reconneust ses victoires de sa libéralité, si voulut-il qu'il sceust que ce seroit par l'entremise du signe de la Croix. Tiercement, non seulement Dieu fit paroistre la Croix au ciel a Cons- tantin comme un tesmoignage de son ayde et faveur, mays encor comme un patron et modèle pour faire faire plusieurs croix matérielles en terre. Quartement, que ce ne fut pas une seule fois que ceste Croix apparut a Constantin, mays deux fois, a sçavoir, de jour en plein midi et de nuit encor. Que si cela n'est pas approuver La Croix apparut l'usagc de la Croix, il n'y aura rien d'approuvé. Mays deux autres fois a , ^ . . t^ -i -vt* i Constantin. outrc CCS dcux fois rccitees par husebe, JNicephore tes- * L. VII, ce. xLvii, moigne * que deux autres fois la mesme Croix apparut a Constantin ; une fois, a la guerre contre les Bisantins, avec ceste inscription : Tu vaincras tous tes ennemis en ce mesme signe ; l'autre fois, en la guerre contre les Scythes. Voyla quant a ce qui touche Constantin. La Croix apparoist Saint Cyrille Hierosolymitain escrit une lettre exprès sur le mont Cal- _, ^ vaire. a Constancc 1 empereur, nlz de Constantin, pour luy faire le récit d'une célèbre apparition de la Croix, faite au ciel, sur le Mont Calvaire. « Ces saintz jours, » dit- il, « de la sainte Pentecoste, environ l'heure de tierce, une très grande croix formée de lumière apparut au ciel sur la très sainte montaigne de Golgotha, estendue jusques au saint mont d'Olivet, veuë non par une ou deux per- sonnes, mais monstree très clairement a tout le peuple de la cité ; et non, comme peut estre quelqu'un penseroit, courant hastivement selon la fantasie, mais tout ouver- tement reconneuë par plusieurs heures sur terre, avec des splendeurs brillantes surpassans les rayons du soleil.  Livre II. Chapitre iv. 121 car si elle eust esté surpassée par iceux, certes elle eust esté offusquée et cachée. » Puys, poursuivant, il dit « qu'a cest aspect, tant les Chrestiens que les payens commen- cèrent a loiier Jésus Christ, et reconnoistre que la très religieuse doctrine des Chrestiens estoit divinement tes- moignee du ciel par ce signe céleste, duquel, Ihorsqu'il fut monstre aux hommes , le ciel s'en resjouissoit et glorifioit beaucoup. » Sozomene en dit de mesme *, et *L. IV, c iv(rt'/. v). tesmoigne que la nouvelle fut incontinent espanchee par tout, par le rapport des pèlerins qui, de tous les coins du monde, abordoyent en Hierusalem pour y faire leurs dévotions. r- Un jour, Julien l'apostat regardant les entrailles d^un animal pour faire quelque devination en icelles, luy Autre apparition de * 1 croix. V apparut une croix environnée dune couronne ; dont *sozom.,i. v,c. n. partie des devins tout espouvantés disoyent que, par la, l'on devoit entendre l'accroissement de la religion Chres- tienne et son éternité, d'autant que la Croix estoit le signe du Christianisme, et la couronne estoit signe de victoire et d'éternité ; encores parce que la figure ronde n'a ni commencement ni fin, mais est par tout conjointe en elle mesme. Au contraire, le maistre devineur presa- geoit par la que la religion Chrestienne seroit comme estoufîee pour ne point croistre davantage, d'autant que le signe de la croix estoit comme enfermé, borné et limité par le cercle de la couronne; tant le diable sçait faire ses affaires en toutes occasions. Or l'événement monstra que le dire des premiers estoit véritable. Une autre fois, le mesme Julien voulant que les Juifz Autre apparition. sacrifiassent*, ce qu'ilz ne vouloyent faire sinon au *(Socrat.,i. m, c lieu du Temple ancien de Hierusalem, il se délibéra de '^^'' le leur faire dresser, contribuant des grandes sommes du thresor impérial ; et ja les matériaux estoyent appres- tés pour rebastir, quand saint Cyrille, Evesque de Hie- rusalem, prédit que l'heure estoit arrivée en laquelle seroit vérifiée la prophétie de Daniel *, répétée par Nostre *(Cap, ix, 26, 27.) Seigneur en son Evangile*, a sçavoir, que pierre sur *{Luc., xxi, 6.) pierre ne demeureroit au temple de Hierusalem : dont la nuit ensuivant, la terre trembla si fort en ce lieu-la,  122 Défense de l'estendart de la S*® Croix. que toutes les pierres de l'ancien fondement du Temple furent dissipées ça et la ; et les matériaux ja préparés, avec les édifices prochains, tous fracassés. L'horreur d'un si terrible accident s'espancha par toute la ville, de façon que de tous costés plusieurs vindrent sur le lieu voir que c'estoit ; et voicy que les merveilles redou- blans, un grand feu sortit de la terre, lequel s'attachant 5. Chrysost. mes- aux prcparativcs faites pour le Temple et aux outilz me tesmoigne ces te particularité en dcs ouvricrs, ne ccssa poiut qu'il ne les eust consommés laudibus s. Pauii! ^ ^^ veuë de tout le peuple. Plusieurs des Juifz espou- vantés confessoyent que Jésus Christ estoit le vray Dieu, et néanmoins demeuroyent tellement saisis de la vieille impression de leur religion, qu'ilz ne la quittèrent point. Si survint un troisiesme miracle ; car la nuit ensuivant apparurent des croix de rayons lumineux sur les veste- mens de tous les Juifz, lesquelz, tant ilz estoyent obsti- nés, voulans effacer le lendemain ces saintes images de leurs habitz par lavement et autres moyens, il ne leur fut onques possible, et par la plusieurs se firent Chrestiens ; mays outre tout cela, un grand cercle apparut au ciel, de- *i Orat. II in jui. dans lequel estoit une croix très resplendissante. Mes (1. xxiïi.) ^^"^ * autheurs sont, en cest endroit, Grégoire Nazianzene**, Z \' \\^ ^^^^^' Ammian Marcellin**, Ruffin*^, Socrates**, Sozomene *^. ** L. III, c. XX. ' ' *5 L. V, c. XXII. Je pourrois produire les autres apparitions que le docte *(Cont. de Ec. Tr., Bellarmin apporte *, comme celle qui se fit en l'air quand 1. II, c. xxvm.) , A 1- 1 • -1 ■»-» 1 empereur Arcadius combattoit contre les Perses pour *Prosper.,Depro- la foy Catholique*, en quoy il fut aydé divinement; miss, divin., 1. III, . ,, , . • , c. XXXIV. comme aussi celle des croix qui apparurent sur les * Paul. Diacon. in vestcmcns au tems de Léon Iconomache *, Ihors que les vita Léon. . . hérétiques exerçoyent leur rage sur les images; et quel- ques autres semblables desquelles les autheurs font mention : mays ce que j'en ay dit jusques a présent suffit pour ce qui touche l'antiquité ; qui en voudra voir davantage, qu'il lise le livret d'Alphonse Ciacone De signis sanctce Crucis *.  (i) Ciaconius (Chacon) Alphonsus, Dominicain espagnol (i 540-1 599). De signis sanctissimœ Crucis quœ diversis regionibus et nuper hoc anno i^pz in Gallia et Anglia divinitus ostensa sunt. Romae 1591.  Livre II. Chapitre iv. 123 De nostre tems, Ihors que le grand capitaine Albu- Apparitions de nos- querque estoit du costé de l'isle Camarane, une grande ^'^^ë^- croix pourprée et très resplendissante apparut au ciel du costé du royaume des Abassins *, laquelle fut veuë * Osorius (De reb. , , T, j -Ti i. • ' X. 'i. Emman., 1. IX) ^ : par toute 1 armée des Portugois qui estoit en ces con- iviaff. (i. V). trees la, avec une incroyable consolation ; et dura l'appa- rition quelque pièce de tems, jusques a tant qu'une blanche nuée la cacha aux yeux de ceux qui, pleurans de joye, ne se pouvoyent saouler de voir ce saint et sacré signe de nostre Rédemption. Dequoy Albuquer- que envoya bien tost après, par escrit, une bien asseu- ree attestation a son maistre Emmanuel, roy de Portugal. De mesme, vers le Japon, apparut une croix en l'air, environ Tan 1558, au rapport de Gaspard Vilela en une sienne epistre * envoyée a ses compaignons de Goa. * {Ad caicem Hist. En la sédition que Pansus Aquitinus esmeut contre Alphonse roy de Congi, son frère aisné, un peu après que la foy Catholique fut semée par les Portugois en ces pays la, l'on vit une grande multitude de soldatz rebelles fuir devant une petite poignée de personnes qui accompagnoyent le Roy * ; dequoy le gênerai de * Maff. (i. I}. l'armée de Pansus rendant rayson, il asseura qu'au commencement de l'escarmouche apparurent, autour du Roy, des hommes d'une façon plus auguste que l'ordi- naire, marqués du signe de la Croix et environnés d'une très claire lueur, combattans très asprement ; dont les soldatz de Pansus estans espouvantés, avoyent pris tout aussi tost la fuite, et que par la reconnoissant qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que celuy des Chrestiens, il prioit qu'on le baptizast avant qu'on le fist mourir (com- me il pensoit que l'on feroit), ayant esté pris prisonnier. Alphonse luy accorda le baptesme, et luy fit grâce de la vie a la charge qu'il s'employeroit a servir au temple de la sainte Croix, peu au paravant édifié en la ville d'Ambasse. Quand Albuquerque reprit la ville de Goa *, les infi- * Maff. (i. IV).  (i) Osorius, Dominicain portugais, Evêque de Sylves (1506-1580). De Rehus Emmanuelis, Lusitanien régis.  124 Défense de l'estendart de la S^" Croix. deles demandoyent très curieusement aux Portugois, qui pouvoit estre ce brave capitaine qui portoit une belle croix dorée et des armes resplendissantes, lequel avoit fait un si grand massacre que les grandes trouppes des Mahometains avoyent esté contraintes de céder a la petitesse des Chrestiens. Or certes, les Portugois n'a- voyent point de capitaine ainsy paré, qui leur fit con- noistre que c'estoit une vision divine par laquelle Dieu les avoit voulu secourir, et quant et quant espouvanter et rompre leurs ennemis. Dernière appari- Au demeurant, aprcs tant d'apparitions de rimaefe et tion de la Croix : -, -, r-' • -r\- r ' r figure de la Croix que Dieu a faites, et fera jusqu'à la consommation du monde, pour consoler les amis de la Croix et effrayer les ennemis d'icelle, au grand jour du jugement, quand le Crucifié sera assis au throsne de sa majesté en l'assistance de tous les Bienheureux, il fera paroistre de rechef ce grand Estendart et signe de la Croix, lequel paroistra Ihors que le soleil et la lune se cacheront dedans une bien grande obscurité. C'est ce *(Cap.xxiv,29,3o.) que dit Nostre Seigneur, en saint Matthieu*, en termes tant exprès, qu'il n'est possible de douter de ceste vérité, sinon a ceux qui ont juré le parti de l'opiniastreté ; tous les Pères anciens, d'un commun consentement, l'ont presque ainsy entendu. L'interprétation qu'on y veut apporter, de dire que Ihors apparoistra le signe du Filz de l'homme, c'est a dire le Filz de l'homme mesme, qui par sa majesté se fera regarder de toutes partz comme une enseigne, est trop forcée et estiree ; on voit a l'œil qu'elle ne sort pas ni ne coule des motz et paroles de l'Escriture, mais d'un préjugé auquel on veut accom- moder les saintes paroles ; c'est une conception qui ne suit pas l'Escriture, mais qui la veut tirer après soy. Et certes, le Sauveur met trop évidemment a part Tappa- rition de son signe d'un costé, et de l'autre sa venue : * ibid. Alhors, dit-il *, paroistra le signe du Fil\ de Vhomme au ciel, et alhors pleureront toutes les tribus de la terre ; et alhors il^ verront le Fil\ de Vhomme venant es nuées du ciel avec une grande vertu et majesté. Son importance. Qr combicu soit grand l'honneur qui revient de ceci  Livre II. Chapitre iv. 125 a la Croix, il n'y a celuy qui en puisse douter ; tant parce qu'elle est appellee signe du Fil^ de l'homme, et que les enseignes, armoiries, signes, estendartz des princes et roys sont très honnorables et respectables, comme tesmoiefne Sozomene *, et avant luy Tertullien **, et * V ^'/' ^^-^ . **Apologet.(c.xvi) l'expérience mesme nous le monstre ; qu'aussi parce que, comme remarquent doctement les Anciens, elle consolera les bons, estant le signe de leur salut, et espouvantera les mauvais, comme fait l'estendart d^un roy vainqueur Ihors qu'il est arboré sur les murailles d'une ville rebelle ; et encor d'autant qu'elle sera comme le trophée du Roy céleste, mis au plus haut du Temple de l'univers, et sera claire et lumineuse Ihors que la lumière mesme s'obscurcira en sa propre source ; comme * Catech. xv, 23. tesmoignent saint Cyrille*, Hypolite le Martyr**, et **^^^Vi°"'''"'"'' saint Ephrem * qui dit qu'elle paroistra et sera produitte * De ver. pœn., ce. devant le Roy comme le sceptre et verge de sa majesté. Or, quel advantage est-ce pour l'honneur et vertu de l'image de la Croix, que Dieu s'en soit servi et servira si souvent pour consoler les siens, effrayer ses ennemis, pour donner les victoires aux empereurs, et pour tesmoi- gner la sienne dernière, Ihors qu'estant assis au throsne de sa majesté il foulera aux piedz tous ses ennemis. (i) Inter spuria S. Hippolyti.  CHAPITRE V COMBIEN GRAND A ESTÉ JADIS l'uSAGE DE LA CROIX, ET COMME ELLE REPRESENTE LE CRUCIFIX ET SA FOY  Dire catholique dît iraitieur; (P- 45-)  (p. 46.)  Le traitteur n'ose pas nier que Timage de la Croix n'ayt esté en ordinaire usage parmi les anciens Chres- tiens. « Il se faut souvenir, » dit-il, « que ce que les anciens Chrestiens ont usé de la Croix en ce qu'ils manioient, cela se faisoit pour prattiquer principale- ment ce que saint Paul disoit : Je n'ay point honte de l'Evangile de Christ ; car, d'autant que tous tant Juifs que Payens se moquoient de Christ, et que la Croix estoit scandale aux uns et folie aux autres, tant plus ils se sont efforcez de la diffamer, tant plus les Chrestiens se sont estudiez à la décorer. A ceste cause ils apposoient la Croix en toutes choses et en tous lieux comme une marque honorable , par la- quelle ils monstroient en efifect qu'ils vouloient avoir part à l'opprobre de Christ dont ils se glorifioient ; et pourtant Chrysostome dit que telle enseigne hono- roit plus que toutes les coronnes et diadèmes ne pouvoient faire. De faict, les Empereurs et Rois l'ont appliquée à leurs coronnes et sceptres pour tant plus confondre et honnir les Juifs et Payens. . . A ceste mesme < occasion ils ont dit que la Croix estoit l'arbre beau ( et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplen- < dissant que les astres ; et Theodoret, au 3. Livre de ( son histoire, chap. 27. escrit que par tout on portoit ( la Croix pour testifier du triomphe de Christ. Mais ( cependant ils n'attribuoient rien à la seule Croix ou ( au seul signe d'icelle, car Constantin faisoit reco- ( gnoissance de la victoire à lui advenue, non à la  Livre IL Chapitre v. 127 « Croix, ains à Christ ; car aussi il fit escrire sur les « croix, par lui érigées, ces trois mots : Jésus Christ « surmonte ; tant s'en faut qu'il ait fait des prières à la « Croix : et Hélène adora le Roy et non le bois ; car « c'eust esté un erreur Payen et vanité meschante, dit « sainct Ambroise. En ceste manière peuvent les Chres- « tiens honorer la Croix. » Que pourroit-on mieux dire a la Catholique? et que disons-nous autre sinon qu'il faut honnorer la Croix pour la protestation de nostre foy, qu'il la faut décorer d'autant plus que ses ennemis la mesprisent, qu'il la faut apposer en toutes choses et en tous lieux comme une marque hon- norable, qu'elle honnore plus et, par conséquent, est plus honnorable que tous les diadèmes et couronnes, qu'il la faut mettre sur les couronnes et sceptres, que c'est un arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres ? Et qu'ay-je protesté cy devant sinon qu'il ne faut rien attribuer a la seule Croix et au seul signe d'icelle, qu'elle ne vaut sinon comme outil sacré et saint instrument de la vertu miraculeuse de Dieu, que la Croix n'est rien si elle n'est Croix de Jésus Christ, que sa vertu ne luy est pas adhérente mais assistante, c'est a sçavoir, Dieu mesme ? Si Constantin a surmonté en la Croix, suivant la divine inscription. In hoc signo vinces, c'a esté par Jésus Christ agent prin- cipal et premier ; s'il a surmonté par la Croix, c'a esté en Jésus Christ comme en la vertu assistante de la Croix. Et d'adorer le bois, c'est une sottise trop extravagante : Ce n'est la pierre ou le bois * Que le Catholique adore, Mays le Roy qui, mort en Croix, De son sang la Croix honnore.  (i) Cette ligne est rétablie d'après les errata, de 1603 et la Déposition de René Favre, Charles-Auguste ('iïw/. du Bx Fi de Sales, liv. III, p. 160. Ed. 1634) dit aussi qu'une « lame de fer-blanc fut apposée à la croix d'Annemasse, en la- quelle l'apostolique François fit escrire un épigramme qu'il avoit luy-mesme composé, portant ce sens, que ce n'est point \z. pierre ny le bois que les Catho- liques adorent... »> La i""* édition portait « Ce n'est X^l poutre ny le bois » ; celle de 1641, suivie par les plus récentes, a faussement substitué ^OMr/rtf ^poutre.  128  Défense de l'estendart de la S*^ Croix.  siste, at/is y con- tredit.  Si donques le traitteur tenoit parolle, et demeuroit ferme a confesser qu'en ceste manière peuvent les Chres- tiens honnorer la Croix, et sur tout que par tout on portast la Croix pour tesmoigner du triomphe de Christ, comme il confesse que l'on faisoit anciennement au récit de Theodoret, et qu'on l'apposast en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, je confesserois de mon costé, avec tous les Catholiques, qu'il auroit bien entendu la vertu de la Croix et la manière de l'honnorer, et que, comme il s'est vanté, il auroit prêché Jésus Christ crucifié. Mays le pauvre homme n'arreste gueres en ceste démarche ; il a dit ceci pour amuser son lecteur, et Auquel il ne per- quand cc vicut au joludrc, il renverse tout ce qu'il avoit establi pièce après pièce, et va sans jugement contredire a tout ce qu'il avoit dit, avec des misérables exceptions et limitations. Il avoit dit qu'en tous lieux et toutes choses on pouvoit apposer la Croix comme une marque honnorable ; main- tenant, pour se desdire honnestement, il partage toutes les choses en deux, en politiques et non politiques, et puys limite la générale proposition que la Croix doit seulement estre apposée es choses politiques : « S'il est (( question, » dit-il, « que nous conversions parmi les « Juifs ou Mahumetistes, nous pouvons porter nos ensei- (( gnes et armes croisées pour monstrer ouvertement aux « infidèles que nous sommes Chrestiens , et que nos « adversaires sont infidèles et mescreans ; ainsi peut-on « graver la Croix en la monnoye, pour monstrer qu'elle <( est battue au coin d'un Prince Chrestien ; ainsi la Croix « peut estre mise es portes des villes, chasteaux et « maisons pour monstrer haut et clair que les habitans « de tels lieux font profession de Chrestienté. Ainsi (( jadis fut ordonné que les instrumens des contracts qui (( se passoient devant notaires publics dévoient avoir le « signe de la Croix, comme il en est parlé au livre du « Code; et en pareilles choses politiques nous ne rejet- ce tons pas l'usage de la Croix matérielle. » Voyla sa première limitation. / La seconde est qu'elle ne soit mise es temples : «... en  Première contra diction.  (pp. 46 et 47.  Seconde contradic tion.  Livre II. Chapitre v. 129 « fin, » dit-il, « les choses sont allées si avant que la (p- 48-) « Croix a esté mise es temples. » Il avoit dit que la Croix estoit une marque honnora- Iroisiesme. ble, mays puys après, pour s^en desdire, il dit qu'il ne (p- 48.) luy faut porter aucun honneur religieux ou conscien- tieux. Il avoit dit que les Anciens apposoyent la Croix en Quattrlesme. toutes choses et en tous lieux comme une marque hon- norable, et qu'on la portoit par tout pour testifier du triomphe de Christ, et bien tost après il fait dire aux mesmes Anciens, par la bouche d'Arnobe, ces paroles : (p- 49-) « Nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix. » Ce petit traitteur est un protee * et caméléon. Cependant, il me laisse a prouver par ordre que la Proposition de ce qu il faut prouver Croix peut et doit estre apposée aux choses sacrées et contre h traitté; notamment au temple, qu'elle est honnorable d'un hon- neur religieux, que les Anciens l'ont désirée et honno- ree, et qu'elle est un remède salutaire au genre humain, ce qu'il trouve encores mauvais. Mays avant toutes (p- 53-) choses il me faudra monstrer briefvement que la Croix représente Jésus Christ crucifié et la Passion d'iceluy, afiin que l'humeur ne luy prenne pas de refuser l'image de la Croix a cest usage, comme il a fait cy devant (p. 12.) de la vraye Croix. Et pour commencer : « Bien souvent, » dit saint Jean ^t premièrement _. , que la Croix re- Damascene, '< ne nous ressouvenans pas (et ce par présente la Pas- negligence) de la Passion de Jésus Christ, voyans l'image ^^'^'^' de la crucifixion d'iceluy nous revenons en mémoire de sa Passion *. » C'est pourquoy tous les Anciens, après * Supra, c. m. Jésus Christ mesme, l'ont appellee l'enseigne du Filz de Dieu. « Paula, » comme parle saint Hierosme *, * Epitaph. Pauiae : ,,. . ,,, - ,,, (Ep. cvm) ad Eust., « Visita tous les lieux samtz avec telle ardeur qu elle § 9.  (i) Le mot proche, qui se trouve dans la i""^ édition, changé en celui de polype ou polyphe dans les postérieures, est évidemment une faute d'im- pression ; La Paye lui-même (Réplique, Préface, p. 2) n'hésite pas à lire « Protée ». Au reste, ce mot se rencontre ailleurs sous la plume du Saint, notamment dans un plan de sermon, prêché à Paris en 1619 : Ut protheus et caméléon. Ce sermon a été publié pour la première fois dans l'édition Béthune (Paris, 1833), et reproduit dans celle de Migne, tome IV, col. 1533. 9  130 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. ne pouvoit estre retirée des premiers, n'eust esté le désir qu'elle avoit de voir le reste ; prosternée donq devant la Croix, elle adoroit la comme si elle y eust veu le Seigneur attaché et pendant ; entrée dedans le sepulchre, elle baysoit la pierre de la résurrection laquelle l'Ange avoit roulée arrière de l'huis, elle lechoit d'une bouche fidelle, comme des eaux infiniment désirées, la place du cors, en laquelle gisoit le Seigneur ; » tesmoi- gnage certain que la Croix luy representoit le Crucifié. Chacun ne peut pas lire les livres sacrés, ni avoir tous- jours le prédicateur aux aureilles ; ce donq que fait l'Escriture et le prédicateur en tems et lieu, la Croix le fait en toutes sortes d'occasions, en la mayson, au che- min, en l'église, sur le pont, en la montaigne ; ce nous est un familier et perpétuel record de la Passion du Sauveur. Julien l'apostat reprochoit aux Chrestiens que rejettans les armes de Jupiter, sa selle et ses boucliers, ilz adoroyent le bois de la Croix et peignoyent la Croix sur leurs frontz et devant leurs maysons. Or saint Cy- rille, pour luy faire response, fait un beau dénombre- ment des principaux articles de nostre foy, et puys * s. Cyril. (Alex.) adiouste * : « Le Bois salutaire nous fait souvenir de Cont. Jul., 1. VI. ^ ^ . ^ j • j toutes ces choses, et nous advise de penser que, comme *llCor.,v, 14, 15. dit saint Paul *, ainsy qu'un est mort pour tous^ ainsy faut-il que les vivans ne vivent plus a soy, mays a Celuy qui est mort et ressuscité. » Le traitteur mesme (pp. 37 et 38.) produit en ceste sorte ce passage de saint Cyrille, con- fessant que la croix que les Chrestiens mettoyent devant leurs maysons estoit la marque et l'enseigne publique de Jésus Christ ; confession bien contraire a ce qu'il avoit dit, que la Passion de Nostre Seigneur estoit irrepresentable. Ainsy, quand nos Chrestiens ont descouvert quelque nouveau païs es Indes, pour le dédier a Jésus Christ ilz y ont planté l'estendart de la Croix ; dont Pierre Alvarez Capral, ayant pris pied au Brésil, il y esleva une très haute croix, de laquelle tout ce païs la fut plusieurs * (Maff., 1. II.) années nommé région de Sainte Croix*, jusque^ a tant que le peuple, laissant ce nom sacré, l'appella Brésil, du  Livre II. Chapitre v. 131 nom du bois de Brésil que l'on en tire pour la teinture. Et du viel tems, Ihors que l'on renversa en Alexandrie les idoles de Seraphis plantées par toutes les portes, fenestres, posteaux et murailles, on mit en leur place le signe de la Croix, au récit de Ruffin *, et Ihors fut * L- n, c. xxix. vérifié ce qu'Esaye prédit* : En ce jour-la, V autel * Cap. xix, 19,20. du Seigneur sera au milieu de la terre d'Egypte, et le tiltre du Seigneur près le terme d'icelle, et sera en signe et en tesmoignage au Seigneur Dieu des armées en la terre d'Egypte,  CHAPITRE VI  LA CROIX PEUT ET DOIT ESTRE EN USAGE ES CHOSES SACREES  C'est une playsante fantasie que celle du traitteur quand il trouve bon que l'on employé la Croix es choses politiques, mays non pas es sacrées. « On peut, » dit-il, « graver la Croix en la monnoye, la planter devant les (( villes, chasteaux et maisons. » Et pour quel usage tout cela, je vous prie ? « Pour monstrer, » respond-il, « haut (( et clair qu'on est Chrestien. » Mays cela, n'est-ce pas L'usage de la Croix un usagc rcligicux ? La coufcssion et protestation de la Tiqiièl ains seule- ^^J n'cst-cc pas uuc actiou purement Chrestienne ? Et de ment religieux, i^Xt, qui prcudroit la croix politiquement, elle ne repre- senteroit que mal heur et malédiction ; si donques l'usage de la Croix n'est que religieux, pour estre bon ou peut-il estre mieux employé qu'es choses sacrées ? Si la Croix est bien séante devant les villes et maysons pour monstrer que les habitans de telz lieux font profession de Chres- Et sur tout es egli- ticnté, ne sera-elle pas mieux a propos es églises et ^^^' temples pour monstrer que ceux qui s'y assemblent font profession de Chrestienté, que ce sont lieux chrestiens et non mosquées turquesques ? Tesmoin Vancienne Au demeurant, Ics Ancicus mettoyent la Croix es * (Cap!'i.) églises, tesmoin ce que j'ay recité cy devant* de saint Paulin qui en tesmoigne tout ouvertement, et de Lac- tance Firmien, de l'intention duquel on ne sçauroit douter *(Carm. deCruce. si l'on considcrc commc il parle* : Vid. p. 91.) Quisquis ades medUque subis in limine iempli, Siste parurrij insontemque tuo pro crimine passum Respiee me, me conde animo, me in pectore serva.  Livre IL Chapitre vi. 133 nie ego qui easus hominum miseratus aeerbos. Hue veni, paeis promissœ interpres, et ampla Communis cidpœ veniaj hic clarissîma ah alto Reddita lux terris, hic aima salutis imago : Hic tibi sum requies^ via recta, redemptio vera, Vexillumque Dei signum et memorabile fani *. Ce qui se peut, a mon advis, rendre françois en ceste sorte : « Toy qui viens sur le seuil, du milieu de ce temple Arreste un peu sur moy tes yeux et me contemple ; Retiens-moy bien avant dedans ton cœur fiché, Innocent que je suis, et mort pour ton péché. Je suis cil qui, d'un cœur et d'un œil pitoyable, Regardant a Testât de l'homme misérable, Descendis icy bas. Ambassadeur de paix. Et portant le pardon gênerai des forfaitz. Icy reluit d'en haut une lumière pure, Et de l'humain salut le portrait et figure ; Je suis icy pour toy repos très asseuré. Le droit et bon chemin, le rachat avéré, L'Estendart et drapeau du grand Dieu redoutable, Et de ce temple- cy l'enseigne remarquable. » Qui ne voit qu'il introduit l'image du Crucifix au Qui u mettoH en- milieu de l'église, admonestant celuy qui entre? Autant [l'JrcoZLfnous, en dis-je de ce que j'ay rapporté* de la Liturgie de *(Cap. m.) saint Jean Chrysostome. Le bon père Nylus, en une epistre qui est récitée au II Concile de Nicee *, conseil- * Act., iv. loit a Olimpiodorus de faire mettre la Croix en l'église du costé du levant, et deçà et delà es murailles les Et du costé d'orient. histoires du Viel et Nouveau Testament. Sophronius, ou bien Joannes Moscus Eviratus, recite * qu'un orfèvre * (Prat. spir., cap. apprentif ayant charge de faire une croix d'or pour estre p^oo.)^ ^ supra, mise et donnée a l'église, il y mesla, outre le poids de l'or qu'on lui avoit fourni, une certaine quantité du sien. Celuy qui faisoit faire la croix, Tayant trouvée plus (i) Fani. Aliter, sed minus recle, fati.  134 Défense de l'estendart de la S*® Croix. pesante, cuyda(^) que cest apprentif eust changé ou altéré le fin or qu'il luy avoit baillé, et commençoit fort a se fascher ; mais le garçon luy fit ceste vraye (b) et sainte excuse, que n'ayant pas le moyen de faire une croix entière du sien pour dédier a Dieu, il avoit au moins voulu employer ce peu qu'il avoit pour rendre plus belle et grosse celle qu'il luy avoit fait, et qu'au reste il n'y avoit que du i^) fin or. Response qui pleut tant a celuy qui avoit commandé la croix, que n'ayant point d'enfans il adopta cestuy-la (^). Anastase Sinaitain, en l'oraison * (Patroi. graeca, De sacra sifiuxt * , tcsmoigne tout clairement que la sTi!) ^ ' ^° coustume estoit que la Croix fust es églises ; or il mourut il y a mille ans passés, tesmoin le docte Baro- * Anno 599. nius * (e). La coustume donques estoit d'avoir des croix es églises, et sur tout des que (f) l'Empire fut chrestienné sous Constantin, car au paravant on n'en avoit pas si (p- 43-) grande commodité. Constantin, dit le traitteur, faisant ériger une croix de bronze, « il ne la mit pas en « un temple, car alors les temples de Rome servoient (( encores aux idoles payennes. » Il est tousjours sur son impie distinction d'idole payen et idole chrestien ; cependant il est vray qu'en ce tems de persécution, les Chrestiens, ayans peu d'églises dédiées, faisoyent leurs assemblées ou ilz pouvoyent (g). Mais des-lhors que l'Eglise fut délivrée des tyrannies, on vit (h) la Croix par tout célébrée « es maysons, es places, es solitudes,  (a) [Ici reprend le Ms.] (b) noble (c) pour dédier a — Nostre Seigneur, il avoit voulu employer ce peu qu'il avoit pour rendre au moins plus grosse celle qu'il luy avoit fait faire, et qu'au reste il n'y avoit autre chose que le (d) il adopta — ce garçon apprentif. (e) [Cette dernière phrase ne se trouve pas au Ms.] (f ) des que — les persécutions cessèrent et que (g) d'églises dédiées, — il falloit qu'ilz se contentassent de faire leurs assemblées comm'on se rencontroit. {h.) fut délivrée — de ces tyrannies, les croix furent dressées par tout. On vit alhors  Livre II. Chapitre vi. 135 es chemins, es montaignes, W es vallées, en la mer, es navires, es isles, es lictz, es vestemens, es armes, aux chambres et couches nuptiales, es banquetz, es vases d'argent et d'or, es margarites, es peintures des murailles, es cors des animaux malades, es cors possédés par les diables, es guerres, en paix, es jours, es nuitz, es assemblées des delicatz mondains, es rangz des moynes, tant chacun va a l'envy d'avoir ce don admira- ble pour soy. C'est une grâce merveilleuse ; aucun ne se confond, aucun n'a honte pensant que c'a esté une marque de mort maudite, mays chacun se pare d'icelle beaucoup plus que des couronnes , des diadèmes, ou de plusieurs carquans et doreures esmaillees de pier- reries. Et non seulement on ne la fuit pas, mays est désirée et aymee, chacun en fait conte, elle reluit par tout et est eparse es murailles des maysons, aux sommetz, es livres, es cités, es rues, es lieux habités et inhabités. » C'est le dire du grand saint Chrysostome * qui, pour * in serm. Quod , , r ' • j j i_ ^ Christus sit Deus. vray, n eust pas eu a taire un si grand dénombrement des lieux et choses esquelles la Croix estoit employée, si de son tems l'Eglise eust esté formée sur le patron de la reformation des huguenotz. (J) Pourroit-on bien dire de Genève, la Rochelle et autres telles villes '^) ce que saint Chrysostome dit de l'Eglise de son tems? Nous n'y voyons aucune croix érigée ni aux portes de ville, ni devant les maysons, chasteaux, forteresses, contratz, testamentz : au contraire, on les a renversées, effacées autant que l'on a peu (i). Que sert-il donq de dire qu'en semblables choses politiques ilz ne rejettent point M la Croix matérielle ? Beaucoup moins en mettent-ilz sur les  (i) es montaignes, — es collines, (j) des huguenot^. — Tesmoin les croix abattues et renversées en tant et tant de lieux. (k) et autres — villes huguenottes (1) aucune croix érigée — en signe et remembrance de la Passion du Sau- veur ; on n'en voit point devant les maysons, point devant leurs villes et chasteaux, point devant leurs contratz et testementz. {xa) rejettent point — l'usage de  136 Défense de l^estendart de la S^^ Croix. animaux malades ou sur les cors possédés du malin, car ce seroit confesser la vertu de la Croix et l'employer a usage sacré. Aussi peu en ont-ilz es rondeaux et assem- blées des mondains, et moins parmi les rangz des moynes. (û) Ce n'est pas donq de nostre aage ni des hier que les choses sont allées si avant que la Croix a esté mise es temples, comme semble vouloir dire le traitteur.  (n) [Ce passage ne se trouve pas au Ms.]  CHAPITRE VII (a) LA CROIX A ESTÉ EMPLOYEE AUX SACREMENS ET AUX PROCESSIONS  Il faut que je die mon opinion de l'intention de saint Chrysostome quand il dit que « la Croix estoit célébrée es rondeaux et démarches des delicatz mondains et es rangz des moynes : In choreis delicatorum et tnonachorutn ordinibus » ; (b) cela ne me destourne point de mon chemin. Je crois qu'il entend parler des processions des séculiers, et des moynes, tant parce que Processions des se- la propriété des motz dont il use m'invite!'^) a ceste "* ^^^^ ^ moynes. intelligence, qu'aussi parce qu'anciennement et notam- ment de son tems, on portoit les croix aux processions. Les Ariens avoyent composé des himnes et chansons pour leur secte, et les faisoyent chanter alternativement en leurs processions, sur tout aux solemnités, i^) Dimanche et Samedi ; saint Chrysostome douta que, par ce moyen, quelques uns de son peuple ne fussent attirés (plusieurs se laissent aller a ces délicatesses extérieures sans sonder le mérite et le fonds de l'affaire, tesmoins les pseaumes(^) de Marot), et partant il dressa son peuple a semblable  (a) [La partie du Ms, correspondant au IP Livre n'a pas de distinctions précises entre les chapitres ; elle est une suite non interrompue de la réponse du Saint aux arguments de la Faye, cités chap. v.] (b) Mays si faut-il que je die mon opinion de l'intention de S' Chrisost. quand il parle des rondeaux et démarches des delicatz mondains et des rangz des moynes, de choreis delicatorum et monachorum ordinibus ; car aussi bien (c) parce que — les motz dont il use invitent (d) sur tout — les festes soUeainelles et le (e) tesmoins les — psalmes et chansons  138 Défense de l'estendart de la S*® Croix. manière de chanter, et dans peu de tems les Catholiques surpassèrent en ceci les hérétiques, non seulement en nombre, mais en appareil (f) ; car les images et enseignes La Croix y estoit de la Croix, faites d'argent, precedoyent avec des flam- jhmibeaux^ " beaux allumés, et l'eunuque de l'Impératrice avoit charge de fournir aux despens et faire dresser des psalmes et * L. VIII, c. vm. himnes : c'est Sozomene qui fait ce récit ici *. On portoit donq de ce tems la des croix d'argent et des flambeaux allumés aux processions (g). Une grande peste pressoit un jour l'Allemaigne, tout le vo3^sinage en estoit espouvanté ; les habitans de Reims en Champagne recourent a Dieu avec l'interces- sion de saint Remy, prennent un parement du sepulchre d'iceluy, allument force cierges et flambeaux, avec des croix font une procession solemnelle et générale par tous les coins de la ville, chantans des himnes et cantiques sacrés. Qu'advint-il ? La contagion environne de toutes pars la cité^ mais arrivant justement jusques au lieu ou la procession avoit esté, comme si elle eust veu la les bornes et limites de son pouvoir, non seulement elle n'osa pas entrer dedans, mais encor ce qui estoit des-ja d'infection fut par ce moyen repoussé : saint Grégoire * De gior. Conf., de Tours *, qui vivoit il y a près de mill'ans, en est mon c.LXXix.(Bredenb., •, * • -^ -r- • i i Sac. Coll. 1. IV 1.) autneur. Ainsy les iimpereurs ont mis ordre par leurs loys, que la Croix fust portée es processions par les députés a ce faire, et puys rapportée en un lieu décent * Vide iu notis 2. et honncstc * ; cela me fait bailler aux parolles de saint Chrysostome le sens que j'ay dit.  (f ) en ceci — de beaucoup leurs adversaires hérétiques, non seulement en nombre, mais en appareilz et ornementz (g) aux despens — et frais, et de procurer les himnes et psalmes. On portoit donq les croix d'argent aux processions, avec les cierges allumés, car c'est Sozomene qui fait ce récit. (i) Bredenbach Tilmann, chanoine de Cologne (1544-1587). Sacrarum Col- lationum Lihri VIII. — C'est dans ce recueil que le Saint a puisé la plupart des citations de S. Grégoire de Tours. (2) Auth., Coll. IX, Tit. XV (al. VI), cap. xxxii, « Omnibus autem, » sed, novo jure, cap. de Episc. et Cler. ; et Constit. cxv, « Non liceat, »  Livre II. Chapitre vu. 139 Or non seulement les Anciens portoyent les croix aux Croix en la come- c7'ation des églises églises et processions, mais consacroyent les églises étante^,- avec icelles et les mettoyent sur les autelz. « Nostre Crucifix, » dit saint Augustin, « est ressuscité de mort et est monté aux cieux ; il nous a laissé la Croix en mémoire de sa Passion, il a laissé sa Croix pour la santé. Ce signe est un rempart pour les amis et une défense contre les ennemis ; par le mistere de ceste Croix les ignorans sont catéchisés, par le mesme mistere la fontaine de la régénération est consacrée, par le mesme signe de la Croix les baptisés reçoivent les dons de grâce ; par l'imposition des mains avec le caractère de la mesme Croix on dédie les basiliques, on consacre les autelz, on parfait les Sacremens de l'autel ; avec l'en- tremise des paroUes du Seigneur, les prostrés et lévites sont par ce mesme promeuz aux Ordres sacrés, et géné- ralement tous les Sacremens ecclésiastiques sont parfaitz en la vertu d'iceluy. » C'est le tesmoignage de saint Au- gustin *, car jaçoit (h) que ce sermon ne fust pas de * Serm. xix {al. saint Augustin, comme respond le traitteur (chose certes oTsanctist^^^^ très mal aysee a prouver contre le propre tiltre et inscrip- ^P- ^^'^ tion), si est-ce que ce point ici est de saint Augustin, car il dit tout le mesme en ses Traittés sur saint Jean qui sont indubitablement siens. « En fin, » dit-il*, « qui est * Tract, cxvm. le signe de Jésus Christ que chacun connoist, sinon la Croix de Jésus Christ ? lequel signe s'il n'est appliqué ou au front des croyans, ou a la mesme eau par laquelle ilz Et en tous les Sa- sont régénérés, ou a l'huile par lequel ilz sont chresmés{i), ou au sacrifice duquel ilz sont nourris, rien de tout cela ne se parfait a droit. Comment donq ne sera-il rien signifié de bon par ce que les mauvais font, puysque par la Croix de Christ que les mauvais ont faite, tout bien nous est marqué et signé en la célébration de ses Sacremens. » Ou donq que le sermon que j'ay allégué soit de saint Augustin, ou de Fulgence son  (h) ores (i) il{ sont — ointz de chresmç  cremens  140 Défense de l'estendart de la S^^ Croix. disciple, ou de quelqu'autre, si est-ce que la sentence que j'en ay rapportée est de (j) saint Augustin. Saint Chry- sostome en avoit dit au paravant tout de mesme en ceste * Hom. Lv {al. uv) sorte * : « Portons d'un cœur joyeux la Croix de Jésus ^° ^^^' Christ comme une couronne, car toutes les choses qui profitent a nostre salut sont consumées par icelle; car^ quand nous sommes régénérés la Croix de Jésus Christ y est, quand nous sommes repeuz de la très sacrée viande, quand nous sommes colloques pour estre consa- crés en l'Ordre, par tout et tous-jours ceste enseigne de victoire nous assiste. Partant (k), portons avec grande affection la Croix au dedans des maysons et es murailles (vous voyes qu'il parle du signe et image de la Croix), et es fenêtres, et au front encores, et en l'esprit, car cela est le signe de nostre salut... (i) » Et peu après, parlant encores de la Croix, il dit ainsy : « Laquelle il ne faut pas simplement former avec le doigt au cors, mays premièrement en l'esprit avec une grande foy ; car si tu l'imprimes en ceste sorte en ta face, pas un des meschans démons, voyant la lance par laquelle il a receu la playe mortelle, ne t'osera attaquer. « Il répète * In serm. Quod le mcsme aiUcurs *, disant : « Ceste maudite et abomi- Christus sit Deus. ^ , - - . , . .,/->.. nable marque de dernier supplice, a sçavoir la Croix, a esté faite plus illustre que les couronnes et diadèmes, car le chef n'est point tant aorné ^'^) par une couronne royale comme par la Croix, qui est plus digne que tout honneur ; et de celle qu'au paravant on aborrissoit, on en  (j) rapportée — a esté receue par (k) nous assiste. — Et affin que le traitteur ne produise pas en cest endroit sa distinction de la croix tourment et passion du Sauveur, et de la croix instru- ment, ou signe de l'instrument, de la Passion du Sauveur, il est tout clair par les parolles suivantes que s' Chrisostome parle du signe ou image de la Croix : Partant, dit-il (1) de nostre salut — de nostre commune liberté, de la debonnaireté et humilité de Nostre Seigneur, car il a esté mené a la mort comme une brebis. Quand donq tu te signes de la Croix, repense en toy mesme a toute la cause de la Croix, et esteins en toy les feux de l'ire et des autres passions ; quand tu te signes de la Croix, arme ton front d'une grande fiance et ton esprit d'une grande liberté. » (m) orné  Livre IL Chapitre vu. 141 cherche si curieusement la figure si que l'on la trouve par tout, vers les princes, sujetz, hommes, femmes, vierges, mariées, serfz, libres ; a tout coup chacun se signe d'icelle, la formant en nostre très noble membre, car on la figure tous les jours en nostre front comme en une colomne. Ainsy elle reluit en la Table sacrée, ainsy en l'ordination des prestres_, ainsy encor de rechef En l'ordination des es Cènes mistiques avec le Cors de Jésus Christ; on la void célébrer par tout (n)... » Qui ne void donq combien expressément saint Augustin et saint Chrysostome tes- moignent que la Croix estoit employée a tout, et sur tout es choses saintes et sacrées, qui n'estoyent pas estimées pour telles si elles n'estoyent .signées de la Croix. Mais saint Augustin remarque particulièrement que la Croix estoit nécessaire au Sacrement de l'Autel, Et en V Eucharistie. qu'il nomme Sacrifice duquel sont nourris les Chrestiens ; autant en dit saint Chrysostome : l'enseigne de la Croix, dit-il, (o) nous assiste « Ihors que nous sommes nourris de la très sacrée viande, » et elle « reluit en la sacrée Table, et de rechef en la Cène mistique avec le Cors de Jésus Christ. » Que pourroit-on dire plus exprès ? Mais remarquons (p) que saint Chrysostome dit sépa- rément que la Croix « reluit en la Table sacrée », et tantost après « qu'elle reluit de rechef en la Cène mis- tique avec le Cors de Jésus Christ ; » car il semble par la qu'il veuille dire que la Croix estoit non seulement  (n) célébrer par tout — es maysons, en la place, » et ce qui s'ensuit, comme je l'ay cité peu au paravant. [Voir p. 134, lig. 28.] (o) la Croix estoit employée — parmi les anciens Chrestiens en toutes sortes d'usages, et non seulement es choses civiles et naturelles, mais encor es choses saintes, sacrées et religieuses, lesquelles n'estoyent pas estimées telles si elles n'estoyent signées de la Croix. Et entre autres, s' Augustin a tesmoigné qu'elle estoit nécessaire au Sacrement de l'Autel et au Sacrifice duquel sont nourris les Chrestiens, qui n'est autre que le très auguste Sacrement de l'Eucharistie ; et s' Chrisostome, usant d'autres parolles, dit que l'enseigne de la Croix (p) dire plus — au vif pour tesmoigner que non seulement la Croix estoit dedans les églises, mais encor sur les autelz et tables sacrées, la ou se fait le Sacrifice et Cœne du Cors de Jesuschrist ? Et certes ce n'est pas chose peu considérable  142 Défense de l''estendart de la S*° Croix. a l'Autel ou Table sacrée (suivant ce qu'il est commandé aux prestres, en sa Liturgie, de faire la révérence se retournans vers l'image de Jésus Christ, et que saint Paulin recite d'avoir mis l'image de la Croix près l'autel, * (Supra, ce. I, m.) comme j'ay dit cy devant*), mais encor que l'image et figure de la Croix estoit empreinte en la très sacrée viande de l'Eucharistie. Aussi es (q) préparatoires de la Liturgie ou Messe de saint Chrysostome, traduitte par Léo Tuscus *, le diacre doit, avec une lancette, faire le signe de la Croix sur le pain a consacrer, et quand ce vient a la célébration il est ordonné que l'on mette les pains sur l'autel en forme de croix ; ce que mesme Nico- las Cabasile * espluche par le menu 'J) en l'exposition de * (Cap. VIII.) la Liturgie *. Je sçay qu'il y a plusieurs pointz en ce que j'ay dit qui se rapportent au simple signe de la Croix (s), mays il y en a beaucoup qui ne peuvent estre entenduz que de la croix faitte en matière subsistante, comme quand il est dit que on mettoit la Croix es maysons, murailles, fenestres, en la Table sacrée, et qu'avec le caractère d'icelle on dedioit les basiliques : or je n'ay pas osé séparer ce que mes autheurs avoyent conjoint. Cependant, il appert qu'on ne doit point mettre de barrière entre la Croix et les choses religieuses, selon la créance de l'antiquité. C'est grande pitié que d'un superbe et mal instruit on ne le peut faire démordre W.  (q) très sacrée viande — et très auguste Sacrement de TEucharistie. Ce que je pense d'autant plus asseurement qu'es (r) par le menu — rendant la rayson de cela (s) qui se rapportent — au signe de la Croix fait avec la main en l'air (t) Cependant j'ay fait voir combien mon adversaire a eu tort de mettre une barrière entre l'usage de la Croix et les choses religieuses, et combien il a mal apprins en cela la créance de l'antiquité. C'est grande pitié que d'un superbe mal instruit il ne peut démordre, on ne le peut tirer de l'erreur; l'opinion qu'il a de soi mesme fait que son erreur luy semble vérité. (r) Liturgiœ sive Missœ Sanctorum Patrum Jacohi Apostoli... Chrysostomi... interprète Leone Thusco. / (2) Cabasilas Nicolaus, Archevêque de Thessalonique dès 1350, neveu de Nilus Cabasilas. Sacrœ Liturgiœ expositio : Patrol. grasca, tom. CL. — La  /  Livre II. Chapitre vu. 143 Calvin avoit dit * que « si l'authorité de l'Eglise ancienne * Inst., i, i, c. xi, a quelque vigueur entre nous, nous notons que par Dire de Calvin fon- r espace de cinq cens ans ou environ, du tems que la tTgel des huguè- Chrestienté estoit en sa vig-ueur et qu'il y avoit plus ^°H touchant ce ^ . point, grande pureté de doctrine, les temples des Chrestiens ont(W esté netz et exemptz de telle souilleure » ; il parle ainsy des images de Jésus Christ et des Saintz, et peu après il dit que « si on compare un aage avec l'autre, rintegrité de ceux qui se sont passés d'images, mérite bien d'estre prisée au pris de la corruption qui est surve- nue despuys. Or, je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Pères eussent privé a leur escient l'Eglise d^une chose qu'ilz eussent conneu luy estre utile et salu- taire ? » Les pauvres huguenotz avoyent esté apprins comme cela par le père de leur reformation ; on leur a Rejette. monstre mille fois que c'estoit une fauseté, et que es cinq cens, voire es trois cens premières années, il y avoit des images es églises : ilz dient néanmoins, autant (v) im- pudemment que jamais, que l'ancienneté ne mettoit point des images aux églises. Mays ayant monstre le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire : Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Pères, Chry- sostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage (w) une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse ? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de ^ . * /^ ^^"^ Impériale. leur aage ; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy : « Que * Vide in notis ^, l'Evesque, consacrant une église ou monastère, consacre  (u) ont — communément (v) que c'estoit une — faute, et que les Anciens mesme es cinq cens, voire es trois cens premiers ans avoyent des images en leurs temples. Hz ne sont point plus sages pour tout cela, ilz ne peuvent commander a leur opinion qu'elle cède a la rayson, mays dient aussi (w) Paulin — et autres, eussent mis en usage es églises Liturgie de S, Chrysostome et l'œuvre de Cabasilas sont citées d'après le recueil d'opuscules sur la S'^ Eucharistie, fait par Claude de Sainctes, Liturgiœ sive Missœ Sanctorum Patrum, etc., Antwerpiœ, Plantinus, 1560. (i) Auth. de Monach., § « Illud igitur » : Coll. I, Tit. V, cap. i.  144 Défense de l'estendart de la S*® Croix. le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix) ; ainsy qu'il commence l'édifice met- tant un si bon et propre fondement. « Il dit le mesme * Vide in notis i. en plusieurs endroitz *, et veut qu'avant le bastiment on plante tous-jours « venerahilem et sanctissimam Cru- cem, la vénérable et très sainte Croix. » Que sçauroit-on dire a tant de si grans tesmoins ? (^) (p. 50-) Le traitteur, pour ne sembler estre du tout muet, nous Passage d'Epipha- opposc qu'Epiphanius « passant par un villag^e nommé ne falsifié, aile- a -. i i . i i . ^ué par le trait- « Anablatha, estant entre en un temple ou pendoit un *^"'^' « voile teint et peint ayant une image comme de Jésus « Christ ou de quelque sainct, il mit en pièce ce voile, « d'autant que cela estoit contre les Escritures ; comme « cela se lit plus au long en son epistre translatée par * (Ep. i-i.) (( sainct Hierosme *. » Or je responds : i. Que ceste der- ^raysons!^^^ ^^^^^ niere pièce d'epistre, citée par le traitteur, n'est aucune- ment de saint Epiphane, ains un agencement estranger ; comme il appert en ce que le sens de l'epistre estoit du tout bien achevé sans ceste piece-la, que ceste pièce est hors de propos, qu'elle ne ressent aucunement la phrase de saint Epiphane ou de saint Hierosme, et que les Ico- noclastes, citans tous les tesmoignages qu'ilz peurent des anciens Pères, et nommément de saint Epiphane, * (Act. V.) ainsy qu'il est déduit au second Concile de Nicee *, ne produisirent jamais ceste pièce de l'epistre traduitte par saint Hierosme. 2. Je responds qu'en ceste piece-la il est dit que l'image peinte sur le voyle estoit d'un homme pendu, comme de Jésus Christ ou de quelqu'autre, contre les Escritures ; il se pouvoit donques faire que ceste image fust dressée contre la vérité de l'histoire de la  (x) tesmoins ? — Ici faut joindre la responce a l'objection d'Epiphane, alléguée pag. 50, et celle du Conc. Elibert., pag. 54. [Cette réponse, donnée au texte dans la suite de ce chapitre, ne se trouve pas au Ms.] (i) Auth. de eccles. tit. et priv., § « Si quis autem » : Col^. IX, Tit. XIV, cap. vu; Novel. IV, in princip. Novel., « De his qui eccl. vel orat. aedific. »; et Novel. CXIX.  Livre II. Chapitre vu. 145 Passion de Nostre Seigneur, avec quelque indécence, dont saint Epiphane ne se pouvoit asseurer que c'estoit qu'elle representoit, et partant eut rayson de la déchirer. Mais que peut tout cela contre les images de la Croix et du Crucifix qui représentent au vray la Passion de Nostre Seigneur, ainsy qu'elle est descritte en l'Evangile ? Si un evesque trouvoit dans quelque église de sa charge l'image d'un Crucifix qui representast Nostre Seigneur non cloué mais attaché avec des cordes sur la croix, comme l'on voit par la faute des peintres, en plusieurs images, le bon et le mauvais larron penduz en ceste sorte, feroit-il pas son devoir de déchirer et rompre telle image ? et faudroit-il dire pourtant qu'il rejettast l'usage des images propres et bien faittes ? De pareille force est le tesmoignage du Concile Eli- bertin, cité par le traitteur, auquel il est dit « qu'en (p. H-) « l'église on ne doit point avoir de peintures, afin que Objection d'un ca- . , , , . . , . non. (( ce qui est honore et adore ne soit peint es parois. » Car je dis premièrement, que telle occasion peut naistre Response. en quelque province par laquelle on devra défendre que les images ne soyent point es églises, comme si les infi- delles, Maures, Turcz et hérétiques ravageoyent les tem- ples, brisoyent les images et les outrageoyent en mespris de ce qu'elles représentent, il ne seroit que bon de leur en lever toute commodité et occasion. Je dis seconde- ment, que la défense du Concile Elibertin, selon la portée de la rayson laquelle y est alléguée, ne s'estend pas aux images mobiles, mays a celles seulement qui sont peintes en et sur les murailles, et ne seroit a l'ad- venture pas mal que telle défense fust observée parce que telles images sont sujettes a se gaster, desfaire et effacer, non sans quelque mespris de leur saint et sacré usage, qui est la rayson du Concile disant : « Ne quod colitur aut adoratur in parietibus depingatur : Affin que ce qui est honnoré ou adoré ne soit peint es mu- railles. » Troisiesmement, je dis que puysqu'on ne peut pas sçavoir le propre et particulier motif de ce Concile, et qu'il n'estoit que provincial et de dix-neuf evesques seulement, il n'est raysonnable de le vouloir rendre 10  146 Défense de l'estendart de la S** Croix. opposant au gênerai consentement et a la coustume de l'Eglise ancienne qui recevoit les images aux églises, comme j'ay prouvé cy devant. May s qui voudra voir quelque chose de plus, touchant ces deux objections, qu'il lise ceux qui ont traitté la controverse des images.  'tJ'  K'I-  CHAPITRE VIII  LA CROIX A ESTÉ HONNORABLE A TOUTE l'aNTIQUITÉ  « Quand il est question de reformer les desordres, il <( faut ensuivre le dire de Jésus Christ en sainct Matthieu, « chap. 19 : Il n'estoit pas ainsi au commencement. Si « donc au commencement, lors que l'Eglise a esté pure « et la vérité syncere, le signe de la Croix n'a point esté « fait, elle n'a point esté dressée, saluée ni adorée, c'est (( tres-mal fait d'avoir introduit ceste corruption (qui ne « peut estre bonnement appellee coustume), et c'est encor « plus mal fait de la retenir. » C'est un discours du (p. 57.) traitteur, auquel je responds en ceste sorte : si Ihors que l'Eglise estoit pure, au commencement, on a fait le signe de la Croix, on l'a dressée, saluée et honnoree, c'est très mal fait d'avoir introduit la présomption (qui ne se peut bonnement appeller reformation) d'abattre, mespriser et deshonnorer le signe de la Croix (a) ; certes, au commen- cement on ne faisoit pas ainsy. L'Eglise estoit pure. L'ancienne Eglise selon la confession des Reformateurs, les cinq cens pre- mières années, et, s'il faut croire le traitteur, les yeux (p. 27.) des Chrestiens commencèrent seulement « à se ternir « et à ne voir plus guère clair au service de Dieu » au tems de saint Grégoire Pape. Voyons comme on se gou-  (a) reformation) — de se moquer du signe de la Croix, de Tabattre, mes- priser et deshonnorer  148 Défense de l'estendart de la S** Croix. vernoit alhors touchant l'honneur de la Croix, et nous trouverons que les payens appelloyent les Chrestiens, Accusée d'honnorer par injure, (^) « religieux et devotz de la Croix: reli- ^°^^' giosos Crucis. » TertuUien, respondant pour eux, ne le Elle le confesse. nie en aucuno façon, ains le concède (c) ; autant en fait Justin le Martyr ; saint Athanase dit ces propres paroles : (( Pour vray, nous adorons la figure de la Croix, la com- *(Cap. n.) posans de deux bois. » J'ay cité cy dessus* ces tesmoi- gnages, avec plusieurs autres. Or ces grans personnages vivoyent W en la fleur de l'Eglise, dont saint Thomas et saint Bonaventure ont dit l'honneur de la Croix et des autres images estre une tradition Apostolique ; car, voyans qu'il a commencé tout aussi tost que le Christianisme, Aussi est-ce une ira- et quo si l'on remonte d'aage en aage dans le tems des quT.^ ^°^°^~ Apostres on en trouvera une observation perpétuelle, * Cont. Don., 1. II, ilz sc sont tenuz en la règle de saint Augustin * qui porte, î.* V^'c' xxm.^^^' q.^6 << l'<^^ croit très justement que ce que l'Eglise uni- verselle tient, et n'est institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, n'a point esté baillé sinon par l'authorité Apostolique. » Saint Jean Damascene, long tems avant eux, en avoit dit tout de mesme : « C'est, » dit-il, « une tradition non escritte, aussi bien que l'ado- ration vers le levant, a sçavoir, d'adorer la Croix... (e) » * Supra, p. 112 (et ce sont SCS parolcs *. Et saint Basile, beaucoup plus m nota (2.) ancien, parlant de Jésus Christ, de sa Mère, de ses Apos- * Ep. in jui. (apud tres. Prophètes et Martyrs, il dit* qu'il « honnore les IV.) °°^* ^*^*' ^ ' histoires de leurs images et qu'il les adore tout ouverte- ment, car, » dit-il, « cecy estant baillé par les saintz Apostres, il ne le faut pas défendre, mays en toutes nos  (b) alhors — en l'Eglise touchant l'honneur de la sainte Croix ; car, quant a l'érection d'icelle nous en avons traitté cy devant. Tout au commencement de l'Eglise, les Chrestiens estoyent appelles (c) ne le nie — point, ains plustost le confesse (d) avec plusieurs autres — que l'on y peut rapporter; et personne ne peut nier que ces grans personnages n'ayent vescu (e) d'adorer la Croix — et plusieurs autres choses pareilles a celles qui ont esté dittes n ;  Livre IL Chapitre viii. 149 églises, nous dressons leurs histoires. » Le second Con- cile de Nicee, ayant parlé de l'honneur de la Croix et des (0 images, conclud en ceste manière * : « Celle-ci est * Act. m. la foy des Apostres, celle-ci est la foy des Pères. » Et la mesme * est récitée l'epistre du bienheureux père Nylus * Act. iv. au Proconsul Olympiodorus qui vouloit bastir un temple, par ou (g) il luy conseille de mettre l'unique et seule image de la Croix au lieu sacré vers l'orient. Or, qui ne sçait qu^anciennement les Chrestiens adoroyent vers le levant ? Ce Père donq vouloit que la Croix fust mise au lieu vers lequel se faisoit l'adoration. Constantin, comme dit Sozomene *, dressa (^) son Labare en forme de croix * L. I, c iv. parce que la coustume estoit que les soldatz fissent révé- rence a cest estendart, a fin que, par la, peu a peu ilz fussent accoustumés, par la continuelle veuë et vénéra- tion de la Croix, a rejetter le paganisme et embrasser la foy de Jésus Christ. Saint Chrysostome * appelle la figure * Supra, c. vu. de la Croix « plus digne que tout honneur : omni cultu digniorenij » et commande en sa Liturgie, comme j'ay dit n'agueres *, que le prestre venant a l'autel fasse la * {Cap. m.) révérence a la Croix. Saint Augustin tesmoigne *, que combien qu'ancienne- * in Ps. xxxvi ment on crucifiast les mal-faiteurs, de son tems toutefois ^^°^^^° ^^'^^^ ^'' on n'en crucifioit point. « D'autant, » dit-il, « que la Croix est honnorable et finie ; elle est finie quant a la peyne, mays elle demeure en gloire, et des lieux des supplices elle est passée sur le front des Empereurs. » Aussi le traitteur confesse que les meschans eussent esté (p. 47-) (( honorez par tel supplice, » dont le bienheureux Prince des Apostres, saint Pierre, devant W estre crucifié, pria A.ussi S. Pierre r . 1 ' 1 , » • . , . Vhonnoroit, que ce lust les piedz contre-mont s estimant indigne d'estre crucifié en mesme manière que son Maistre, com-  (f ) et des — autres (g) par — laquelle (h) dit Sozomene, — fit expressément dresser (i) saint Pierre, — voyant quil devoit  150 Défense de l*estendart de la S*** Croix. * Catai. Scr. Ec- me dit saint Hierosme *, et saint Dorothée le touche **. **^Svlopsis 1 (Pa- Saint André, son aysné, ne se pouvoit saouler de saluer troi.gr., tom.xcii ^^ caresser la croix en laquelle il devoit estre pendu, col. 1059). ^ ^ ^ Et s. André encor. tant il s'cstimoit houuoré de mourir de ceste mort-la G), selon le tesmoignage des prestres d'Achaïe au livret qu'ilz firent de son martyre. Or, ce fut Constantin qui abolit le supplice de la croix, « d'autant qu'il honnoroit beaucoup la Croix, tant pour l'ayde qu'il avoit receuë aux combatz en vertu d'icelle, que pour la divine vision *L. I, c. VIII. qu^il en avoit eue, » comme parle Sozomene*; lequel dit a ce propos une chose bien rerriarquable si elle est *L. II, ce. XII, XIV. conférée avec un trait d'Eusebe en la vie de Constantin *. Eusebe tesmoigne qu'avant que Constantin donnast la bataille contre Licinius, il se retira hors le camp au tabernacle ou pavillon i^) de la Croix avec quelque nom- bre des plus devotz qu'il trouva près de soy, et ce pour prier Dieu et se recommander a sa miséricorde, ce qu'il avoit accoustumé de faire en toutes semblables occasions. Sozomene, d'autre part, escrit que ce grand Empereur avoit fait faire un pavillon ou tabernacle en guise d'une église ou chapelle qu'il portoit tous-jours avec soy quand il alloit a la guerre, affin que tant luy que l'armée eust un lieu sacré auquel on loiiast Dieu, on le priast et on peust recevoir les sacrés misteres, car les prestres (sa- cer dotes) et diacres suivoyent tous-jours ce tabernacle Eglise ou chapelle a ceste intention. Qui ne voit maintenant que le taber- aediee a Vhonneur iii/^«i 1 it^-i de la Croix il y a. nacle de la Croix duquel parle Eusebe, n estoit autre ijooans. chose que l'église ou chapelle portative de laquelle Sozomene tesmoigne ? Il y avoit donq, au camp de Cons-  (j) son aysné, — tant selon la génération charnelle que selon la vocation divine, ne se pouvoit saouler de caresser, saluer et honorer la croix en laquelle il devoit estre pendu, tant il s'estimoit heureux de mourir de ceste sorte de mort, jadis abominable mais maintenant désirable ; (k) au tabernacle — ou en la tente (i) Opus falso S. Dorotheo adscriptum. Videtur esse cujusdam Procopii, Tyri presbyteri. Vide D. Ceillier, Hist. des auteurs sacrés, tom. XI, 'C. lxxiu. Ed. Vives, 1862.  Livre II. Chapitre viii. 151 tantin, une église de Sainte Croix (i), et non seulement la Croix estoit en l'église, mais l'église mesme estoit dediee a Dieu sous le nom et vocable de la Croix : grande preuve de l'honneur qu'on portoit a la Croix. A mesme intention les empereurs Theodose et Valentin Prohibition, pour . ^ l honneur de la. ont fait ceste loy : « Ayans sur tout un grand som de Croix. conserver la religion de la suprême Divinité, qu'il ne soit loysible a personne de graver ou peindre le signe du Sauveur Jésus Christ, ou en terre, ou en pierre ou en marbre qui soit mis a terre*. » C'estoit * Vide in notis i . parce qu'ilz vouloyent que la Croix fust en lieu honnorable, et non a terre ou elle pouvoit estre foulée aux piedz, tant ilz portoyent de respect a ce saint por- trait : ainsy Justinien l'appelle très sainte Croix * et * Supra (c. vu). vénérable. Sedule, très ancien poète, parle de l'honneur de la Croix en ceste sorte * : f (Carmen. Pasch., 1. V.) Pax Cruels ipsefaitj violentaque rohora membris Illustrans propriis pœnam vestivit honore^ Suppliciumque dédit signum magis esse salutis, Ipsaque sanetijicans in se tormenta heavit. Neve quis ignoret speciem Crueis esse colendam, Quœ Dominum portavit ovans ratione potenti. Quatuor inde plagas quadrati colligit orbis. (( O Croix, il fut ta paix, et par sa chair si digne Rendant ta cruauté plus que jamais insigne, Il a de tant d'honneur ta honte revestu, Et fait que ton supplice (o estrange vertu) Soit de nostre salut la preuve plus certaine, Bienheurant les tormens dont il souffrit la peyne. Qui donques niera qu'il nous faille honnorer L'image de la Croix, ou qui peut l'ignorer }  (1) une église — Sainte Croix (i) Lib. I Codicis, Tit. VIII, Lex unica : « Cum sit nobis cura... Nemini licere signum Salvatoris » etc.  152 Défense de l'estendart de la S*° Croix. Puysqu'en triomphe ell'a porté nostre grand Maistre, Et par vive rayson le portant fait paroistre Que bien qu'en quattre pars le monde est partagé, Il est tout en la Croix comm'en un abrégé. » * In Apotheosi (11. Prudence, encor plus ancien, tesmoigne * que les empe- reurs Chrestiens honnoroyent i^) la Croix : Ipsa suis Christum capltolia Romula mœrent Prineiplhus lueere Deum : Jam purpura supplex Sternitur yEneadœ rectoris ad atria Christi, Vexillumque Cruels summus dominator adorât. « Le Capitole on voit a Rome despité Que Jésus, par ses roys, soit pour Dieu réputé ; Es églises on voit, tout a terre abattue, La pourpre des Romains humblement estendue, Et de ce monde bas le souverain monarque Adore de la Croix l'estendart et la marque. » A ceste coustume des Empereurs se rapporte l'advertis- * Hincmarus , in scment quc saint Remy fit * au roy Clovis H : vita Remig. Mitis déporte colla, Sleamber, Ineende quod adorastlj Et adora quod incendisti. « Sicambrien gracieux, Baisse le col et les yeux, Brusle la chose adorée, Puys adore la bruslee (o). » C'est qu'il le veut rendre capable du Christianisme,  (m) adoroyent (n) fit — a Clovis, le premier ro)'' chrestien des François (o) Brusle Tidoradoree Adore la Croix bruslee.  Livre II. Chapitre viii. 153 qui fait brasier les idoles et honnorer (p) la Croix. Mays a quoy, je vous prie, visoit la bravade (i) que les payens faisoyent aux Chrestiens, récitée par Minutius Félix au (0 huitiesme Livre joint a ceux d'Arnobe * : « Voicy *(Videinfra, c.xn.) des supplices pour vous, et des tormens et des croix, non plus pour adorer mays pour souffrir (s) » ? n'estoit-ce pas une presupposition de l'honneur que les Chrestiens faisoyent a la Croix qui leur faisoit avancer ces parolles : Ecce vobis supplicia, tormenta, et jam non adorandœ sed subeiindœ cruces ? En voyla bien asses pour convaincre le (0 traitteur, qui a bien osé dire que du tems de la pure et primitive Eglise on n'a dressé ni veneré la Croix, ou bien, qui revient tout en un, qu'il ne luy faut porter aucun honneur religieux ; car, a quel autre honneur se peut rapporter ce que j'ay produit jusques icy ?  (p) adorer (q) rodomontade (r) récitée par — celuy qui a fait le (s) porter (t) En voyla — certes bien asses pour faire voir au jour l'impudente fauseté du  CHAPITRE IX  COMME LA CROIX EST SALUEE, ET SI ELLE EST INVOQUEE EN l'eGLISE  (p. 48.) Accusations géné- rales du traitteur contre l'Eglise.  (p. 50.)  Le traitteur, (a) non content d'avoir dit en gênerai qu'il ne faut vénérer la Croix ni la dresser a aucun usage religieux, se jette a faire des reproches a l'Eglise sur certaines particulières actions d'honneur qui se font a la Croix, lesquelles, selon son (^) souverain advis_, ne sont autres qu'idolâtries et forceneries. Il se plaint donq en ceste sorte : « I. Les choses sont allées si avant que la Croix a esté mise es temples ; a esté saluée par ces mots : O Crux avBy c'est à dire. Croix bien te soit, qui sont propos ineptes ; 2. et incontinent invoquée en disant : Auge piis justitiam reisque dona veniam, c'est à dire, augmente la justice aux bons et donne pardon aux coulpables; 3. item, Crucem tuam adoramus Domine, c'est à dire, Seigneur nous adorons ta Croix ; qui sont propos blasphématoires, car c'est Jésus Christ à qui telle prière doit estre faite et dressée, c'est Jésus Christ qui est le Fils lequel doit estre baisé *, et non pas le bois de sa Croix... mais d'autant que l'Eglise Romaine s'addresse à la croix matérielle, il appert que c'est idolâtrie insupportable. 4. Et afin qu'il ne semble qu'on leur face tort par tels propos, voici les mots  I  (a) Néanmoins cest homme ne se peut saouler de chicaner et contredire, et (b) selon son — brave et (i) Allusion au vers. 12 du Ps. 11, Apprehendite disciplinam, que les Réfor- mateurs ont traduit, « Baisez le fils »,  Livre II. Chapitre ix. 155 dont ils usent quand ils bénissent le bois de la Croix * : (p. 51.) Seigneur, que tu daignes bénir ce bois de la Croix, à ce qu'il soit remède salutaire au genre humain, fer- ( meté de foy, avancement de bonnes œuvres, redemp- < tion des âmes, défense contre les cruels traicts des ( ennemis ; item : Nous adorons ta Croix ; item : O ( Croix qui dois estre adorée, o Croix qui dois estre ( regardée, aimable aux hommes, plus saincte que tous, < qui seule as mérité de porter le talent du monde, doux ( bois, doux doux, portans doux faix, sauve la présente compagnie assemblée en tes louanges ; item, : Croix fidèle, arbre seule noble entre toutes, nulle forest n'en porte de telle en rameaux, en fleur et en germe ; le bois doux soustient des doux doux et un faix doux. 5. De mesme estoffe est la prière Françoise qui se lit (p. 52.) presques en toutes les Heures, qu'on appelle ; au moins l'ay-je leuë en celles que Michel Jove a imprimées à Lyon, l'an i568, qui sont à l'usage de Rome ; en voici les termes : « Saincte vraye Croix adorée, <( Qui du corps Dieu fut aornee, « Et de sa grand' sueur arrosée, « Et de son sang enluminée ; « Par ta vertu, par ta puissance, « Garde mon corps de mal meschance, « Et m'ottroye par ton plaisir « Que vray confez puisse mourir. « 6. Et n'a pas esté seulement appellee la Croix aoree, « c'est à dire adorée, mais aussi le Vendredi a esté dict « Aoré, c'est à dire adoré, à cause de l'adoration de la Croix de ce jour-là... 7. Pareilles inepties et blasphe- (p. 53.) « mes se commettent autour de la lance, de laquelle « saincte lance la feste se célèbre le Vendredi après les « octaves de Pasques, et lui est addressee la prière sui- « vante : Bien te soit fer triumphal, qui entrant en la  «  (i) Le Bi'ief Traitté donne, avec la traduction, le texte latin de ces prière? liturgic^ues,  156 Défense de l*estendart de la S*® Croix. « poictrine vitale ouvre les huis du ciel ; heureuse lance, « navre-nous de l'amour de celui qui a esté percé par « toi. » Voyla les subtiles recerches i^) que fait ce playsant traitteur pour convaincre les Catholiques d'estre « for- (pp, 52 et 53.) (( cenez, rendus punais par l'idolâtrie et plus stupides « que le bois », car c'est ainsy qu'il nous traitte. De Beze luy avoit ouvert le chemin en ses Marques de * (Pag. 59.) l'Eglise*^ y que ce grand esprit de Sponde^ luy a si bien effacées qu'il m'eust osté l'ennuy de respondre en ce point, si Dieu ne l'eust voulu lever des ennuys de ce monde {^) avant que son œuvre fust achevée. Je responds donques au traitteur, a de Beze_, et a leurs semblables (^), cottant par ordre les griefz qu'ilz ont peu prétendre en cest endroit et les raysons pour lesquelles ilz ne sont recevables. Qu'on peut parler a (f) j. Hz trouvcut mauvais Que Ton parle a la Croix, 7/7 C^fO toc XX qu'on la salue, et beaucoup plus qu'on l'invoque, puys- qu'elle n'a ni sentiment ni entendement ; mais a ce conte Selon î'Escriture {\ se faudroit moqucr des saintz Prophètes, qui en mille endroitz ont addressé leurs paroles aux choses insensi- bles : O deux jettes {è) la rosée d'en haut, et que les  (c) Voyla les remarques (d) c'est ainsy qu'il — parfume son livre pour nous injurier. Or De Beze avoit desja ouvert le chemin a ce mien adversaire en ses Marques de l'Eglise que le grand Sponde luy [a] si bien effacées ; et m'eut bien osté Tennuy de respondr'en cest endroit si Dieu ne l'eut retiré a soy (e) fust achevée. — Je vais donques respondre et a ce traitteur, et a De Beze, et a tous semblables chicaneurs (f) [Les objections de La Faye contre la salutation et V invocation de la Croix sont, au Ms,, réfutées séparément sous forme de paragraphes distincts ; au texte, elles sont simplement considérées dans leur ensemble. Il en résulte de légères différences d'ordre qu'il n'est pas nécessaire de signaler individuellement.] (g) distilles (i) Traicté des vrayes, essencielles et visibles marques de la vraye Eglise Catholique, par Théodore de Be^e. Jean le Preux (Genève), mdxcii, (2) Jean de Sponde (1559-1595), frère aîné de Henri de Sponde, Evêque de Pamiers ; il fut Maître des Requêtes sous Henri IV. Response du feu Sieur de Sponde au Traicté des Marques de l'Eglise, fait par Th. de Be^e. Bourdeaux, Sim. Millanges, 1595.  1  Livre II. Chapitre ix. 157 nues pleuvant le Juste, que la terre s'ouvre et qu'elle germe le Sauveur * ; O deux, oyes ce que je dis ** ; J/^^^*' ^^^' S- f invoque a tesmoins le ciel et la terre* ; Bénisses, * (isai£e,"V, 2.) ' soleil et lune, le Seigneur * ; Loues-le, soleil et * (Dan., m, 62.) lune(^)* ; Qii'as-tu, mer, qui te fasse fuir, et toy, * (Ps. cxLvm, 3.) o Jordain, que tu sois retourné arrière * ? (^) Saint * (Ps. cxm, ^.) André * ne vit pas si tost la croix en laquelle il devoit * (Acta s. Andr.) estre crucifié qu'il s'escrie saintement : « O bonne Croix Et les Anciens ; qui as receu ton ornement des membres de mon Seigneur, long tems désirée^ soigneusement aymee, cerchee sans relasche, et en fin préparée a mon esprit désireux, reçois- moy d'entre les hommes et me rends a mon Maistre, affin que celuy-la me reçoive par toy, qui par toy m'a racheté. » La dévote Paula *, entrée dans l'estable ou * s. Hieronymus T.-r . o • • 11 ^ 1 ^^ Epitaph, Paulae. Nostre beigneur nasquit, avec des larmes entremeslees (Ep. cvm ad Eust.) de joye, souspiroit en ceste sorte : « Je te salue, o Beth- léem, mayson de pain, en laquelle est né ce Pain qui est descendu du ciel ; je te salue Ephrata, région très fertile et porte fruit, de laquelle Dieu est la fertilité. » Lactance, parlant du jour de la Résurrection, « Salve festa dies, » dit-il*, « toto venerabilis œvo : Je te * Carm. deResur., salue, o jour a tous tems vénérable. » Ce sont des façons ^ ' ^^* ordinaires aux âmes vivement esprises de quelque affec- tion. Qui ne sçait (j) combien les apostrophes et proso- popees sont en commun usage a toute sorte de gens ? Et quelle plus grande ineptie que de faire le fin a repren- dre semblables termes ? (k) Et quel danger peut-il avoir en ce langage : Donne aux bons accroist de justice Pardonne aux pécheurs leur malice ;  (h) et lune ; — loues le, o tontes estoilles et lumière (i) arrière ? — et mille semblables. (j) affection. — Y a il homme si sot qui ne sache (k) semblables — façons de parler ? C'est donq une inepte subtilité de chi- caner contre le bon et ancien Theodulphe, Evesque d'Orléans, touchant son himne Vexilla régis prodeunt, et une expresse malice et impudence de vouloir s'opposer a toute l'Eglise qui l'a si saintement et si long tems chanté. Mays,  158 Défense de l^estendart de la S*^ Croix. qui a son patron et modelle en l'Escriture Sainte, et mille traitz des plus (i) anciens Pères pour garantz ? La rosée qu'Esaye demande aux cieux, n^est autre que le * {Ps. cxLviii, 8.) Sauveur ; et David * demande au feu, gresle, neige, glace, qu'elles louent Dieu ; et saint André a la Croix, qu'elle le rende a son Maistre ; mays ces choses leur sont autant impossibles que de pardonner aux pécheurs M. Mays comme cela Or, quoy qu'cu toutes ces manières de dire les parolles soyent addressees a la Croix, au ciel, a la neige et sem- blables choses inanimées, si est-ce que l'invocation passe plus outre et se rapporte a Dieu et au Crucifix. Voicy * Josue, X, 12, 13. un exemple signalé : Josué désire * que le soleil et la lune s'arrestent et parent au milieu de leur carrière ; a quoy, je vous prie, s'addresse-il pour en avoir l'efFect? Quant a l'intention, pour vray, il fait sa requeste a Dieu : Tune locuutus est Josue Domino ^ in die qua tradidit Amorrhœum in conspectu filiorum Israël: Alhors Josué parla au Seigneur, en la journée que Dieu livra V Amorrheen a la veuë des en/ans d'Israël. Voyla son intention qui va droit a Dieu, mais quant a ses paroles elles n'arrivent que jusques au soleil et a la lune : Dixitque coram eis : Sol, contra Gabaon ne movearis, et luna contra vallem Aialon : Et dit devant iceux : O soleil, n'avance point contre Ga- baon, et toy, o lune, contre la vallée d'Aïalon. Voyla les paroles qui sont dressées au soleil et a la lune, et voicy  je vous prie, voyons le tout entier, comm'il est saint et bien fait. Je le mettray d'un costé en son latin, et de l'autre en françois de la belle et dévote traduc- tion de Monsieur le président Favre. [Suit le Vexilla, transféré dans le texte au Livre IV, chap. xi.] Qui ne voit que, quoy que les parolles s'adressent a la Croix, Ihonneur toutefois en revient a Dieu nostre Sauveur, par la conclusion de l'hymne ? (1) des plus — saintz et (m) pour garanti ^ — O cieux, jettes la rosée d'enhaut ; n'est ce pas invoquer les cieux, autant inanimés que la Croix, et pour une grâce encor plus grande que celle qu'on demande a la Croix, puysque ceste rosée n'est autre que le Sauveur, comm'il se voit par la suite des paroles ? David demande au feu, gresle, neige, glace, et autres telles choses insensibles qu'elles loiient Dieu ; mays cela leur est autant impossible qu'a la Croix de pardonner aux pécheurs.  Livre II. Chapitre ix. 159 l'effect qui ne part que de la main de Dieu : Stetit ita- que sol in medio cœli, et non festinavit occumhere spatio unius diei; non fuit postea et antea tam longa aies, obediente Deo voci ho mini s : Donques le soleil s'arresta au milieu du ciel et ne se coucha point par V espace d'un jour ; onques auparavant ni après, jour ne fut si grand. Dieu obéissant ou secondant a la voix de Vhomme. Ceste prière, donques, « Donne aux bons accroist de justice », n'a que le son extérieur des paroles qui va a la Croix, le sens et l'intention se rapporte du tout au Crucifix ^^). Quand Josué demande au soleil qu'il cesse son mouvement, c'est prier Dieu qu'il l'arreste ; quand nous demandons a la Croix qu'elle pardonne aux pécheurs, c'est prier le Crucifié qu'il nous pardonne par sa Passion ; et si les paroles semblent mal addressees quant a leur propre signification, elles sont néanmoins redressées par l'intention de ceux qui les profèrent, et n'y a aucune messeance, parce que ces façons de parler sont ordinaires, familières et bien en- tendues de ceux qui ne sont pas chicaneurs et mal affec- tionnés. 2. J'ay donques asses respondu a la plainte que fait le traitteur touchant la salutation et invocation de la Croix, et, par conséquent, a ce qu'il peut alléguer de la prière faite en la rime françoise qu'il dit estre es Heures « faites a l'usage de Rome. » J'admire seulement Ineptie du traitu. ceste délicate ame, laquelle ayant dit que ceste rime (o) se trouve « presques en toutes les Heures, » interprète tout a coup son « presques » de celles seules de Michel Jove^ imprimées l'an 1568 ; et, pour estre encor plus inepte, veut mettre en usage une vielle rime platte françoise es offices de Rome (p). Ne sçait-il pas qu'on  (n) Crucifié. (o) Hz se plaignent encor d'une prière en rime françoise quilz disent estre es Heures faites a l'usage de Rome. J'admire le traitteur, qui fait tant le bel esprit, qui dit que ceste prière (p) en usage — les rithmes françoises es offices de Rome. C'est resver, non pas discourir.  IGO  1)u:fknse de l'estendart de la S*° Croix.  Des vendredis blanc^. (pp. 60 et 61.)  ne parle pas françois a Rome, et sur tout es offices ? La mesdisance n'a soin que de parler, il ne luy chaud de sçavoir comment. Or veut-il (q) faire passer ceste calomnie sous corde, parce que Ijien souvent les libraires joignent avec les Heures en un mesme volume plusieurs traittés et oraisons, bien souvent mal a propos, sans congé ni rayson ; mays («"i luy qui ose bien censurer les œuvres de saint Augustin, et en rejetter plusieurs pièces comme n'ayans le style et la gravité assortissante aux autres, quoy qu'elles soyent comprises sous le mesme tiltre, n'a-il pas conneu (s) que ces rimes françoises et autres telles oraisons ne sont pas des appartenances de l'office et des Heures de Rome ? Il est sot s'il ne l'a considéré, il est imposteur s'il l'a considéré. Ce n'est pourtant pas pour absurdité que j'estime estre en l'estofFe de ceste rime-la que j'en parle ainsy, car elle ne contient rien qui n'aye une bonne (0 intelligence, comme il appert asses de ce que j'ay dit cy devant. 3. Autant en dis-je de la dévotion dont se servent aucuns la Semaine Sainte, et les vendredis blancz *, que le traitteur avance et tasche de noircir ; ce sont observations dignes de luy ("), et ne touchent aucunement l'I^glise Catholique, car ces dévotions n'ont aucune autho- rité publique, ni ne sont jointes aux Heures comme  (q) comment. — Ccsl hoiuine (iiii fait tant le sçnvant au bréviaire, dcvoit bien cotter l'heure en laquelle on chante ceste vielle rime jilatte ; est-ce a Matines, Laudes, Prime ou Vespres? linseignes, je vous prie, ceste nouvelle anthienne a nos ecclésiastiques. Il veut (r) mays — il ne sçauroit se sauver d'estre rcconneu pour imposteur, (s) mesme tiltre — des œuvres de saint Augustin, n'a il pas sceu connoistre (t) une bonne — et sainte (u) le traitteur avance — et met en la liste de ses griefz. Pour vray, ces observations partent d'une mauvaise... [volonté? le mot est oblitéré.]  (i) « La dévotion » que La Paye '< avance, » et « tasche de noircir » en y ajoutant plusieurs circonstances fausses et ridicules, est la récitation, durant la Semaine Sainte ou pendant une série de 12 vendredis, d'un certain nombre de Pater et Ave en l'honneur de la sainte Passion de Notre Seigneur.  Livre II. Chapitre ix. 161 parties d'icelles ; nos (v) calendriers approuvés ne font mention ni des vendredis blancz ni des vendredis noirs. M Une sottise ne laisse pas d'estre telle pour estre impri- mée, ou attachée au bout de quelques beaux livres i^). Si ne veux-je pas dire que la substance de ces dévotions soit mauvaise ; il y a, a l'adventure, quelques circon- stances plustost légères que vicieuses, mays c'est une vanité intolérable d'aller a la recherche de ces pointillés au milieu d'une dispute sérieuse (y).  (v) parties d'icelles ; — il est bien aysé a reconnoistre a qui ne veut estre trompé volontairement. Certes ni nos Heures, ni nos (w) vendredis noirs. — La liberté que les libraires ont eu d'imprimer, a mis en avant plusieurs œuvres que l'Eglise rejette : (x) imprimée — et attachée au bout de quelque beau livre. (y) de ces dévotions — soyt aucunement mauvaise, car je ne le cuyde pas, quoy qu'a l'adventure il [y] a quelques circonstances plus tost légères que vicieuses. Mays c'est bien une vanité intolérable au milieu des disputes sérieuses d'aller a la recherche de ces pointillés, et s'auiuser sur des choses de si peu d'importance et dont il n'est point question ; c'est pour remplir le papier et amuser les simples.  11  CHAPITRE X DES TILTRES ET PAROLES HONNORABLES QUE l'eGLISE DONNE A LA CROIX  (a) 4. Le traitteur et de Beze trouvent mauvais que nous disions, Crucem tuam adoramus Domine : Sei- gneur nous adorons ta Croix ; car c'est le Filz qui doit estre baysé et non pas la Croix, disent-ilz. Mays atten- dant de respondre encor plus au long au Livre qua- Paroîes addressees triesme, je dis qu'il n'y a pas autre inconvénient d'adorer a la Croix, legi- . . t r a Hmes, la Croix aux Chrestiens, qu aux J uifz l'Arche de l'alliance, * (Supra, 1. 1, c. V.) comme j'ay monstre qu'ilz faisoyent, ci devant*; ni de la bayser, que de bayser le bout de la verge de Joseph, * (Gen., xLvii, 31; comme fit Jacob* selon la plus vraysemblable opinion, ou Heb. XI. 21.) * (Esther, v, 2.) ccllc d'Assucrus^, comme fit Hester selon la sainte parole*. Je dis que la plus pure Eglise l'a adorée et l'a tenue pour adorable, comme je prouve, et l'a baysee encor, comme tesmoigne saint Chrysostome en l'homélie. De V adoration de la Croix K Je dis qu'on bayse asses par honneur le prince et le roy quand on bayse le bout de  (a) Hz trouvent mauvais que nous disions, Crucem tuam adoramus Domine : Seigneur, nous adorons ta Croix; car c'est le Filz qui doit estre baisé et non pas le bois de sa Croix, disent-ilz. Mays attendant de respondre plus au long en la quatriesme partie, je dis qu'il ni a pas autre inconvénient d'adorer la Croix aux Chrestiens, qu'aux Juifz l'Arche de l'alliance, comme j'ay monstre quilz faisoyent par la volonté de Dieu, ci devant ; 2. que toute la plus pure Eglise l'a adorée et tenue pour adorable, comme j'ay prouvé ; 3. qu'on bayse asses par honneur le prince et le roy quand on bayse le bout de son manteau (i) Inter spuria S. Chrysost., tom. III, col. 835.  Livre IL Chapitre x. 163 son manteau ou de son sceptre, ains on ne bayse pas autrement les mains aux souverains que baysant leurs manteaux ; l'honneur fait a telles appartenances se rap- porte a ceux de qui elles sont. Aucun ne trouveroit mauvais qu'un sujet dist et protestast : Sire, j'honnore vostre sceptre, vostre couronne ou vostre pourpre ; ainsy Nostre Seigneur a aggreable qu'on die : Seigneur, j'honnore ou adore (car l'un et l'autre en cest endroit n'est qu'une mesme chose, comme il sera dit au qua- triesme Livre) j'adore, dis-je, vostre Croix. C'est donq une chicanerie estrange d'appeller cela idolâtrie, puys- que tout l'honneur en revient a Jésus Christ, qui n'est pas un idole mais vray Dieu. 5. Hz nous reprochent la bénédiction de la Croix ; Etu bénédiction .-, . . . , , , . i /T,\ • d'icelle encores, mais, ou ilz trouvent mauvais qu on la benie, et \°) je leur oppose saint Paul, qui dit* que toute créature est * l Tim., iv, 4, 5. sanctifiée par la parole de Dieu et par V oraison ; ou ilz trouvent mauvais les tiltres que l'on baille a la Avec tous les tiîtres . ,. . / \ 1 . honnorahles qu'on Croix en ceste bénédiction et en \'^) plusieurs autres par- Uy donne, ties de nos offices, et Ihors je leur oppose toute Tanti- quité. Quelz tiltres veulent-ilz lever a la Croix ? Je crois que voici ceux qui les faschent le plus (^) : Remède salu- taire du genre humain, rédemption des âmes, très ado- rable, plus sainte que tout, nostre unique espérance. Qui ne sçait que les plus saintz et anciens Pères de TEglise l'ont ainsy appellee ? Saint Chrysostome, en une seule  ou de son sceptre, ains on ne bayse pas autrement les mains aux sauverains que baisant le bout de leurs manteaux. Et Ihonneur fait aux repraesentations et remembrances appartient et se rapporte a celuy qui est représenté ; et comme aucun roy ne trouveroit mauvais qu'un sujet dit et protestât : Sire, j'honore vostre coronne ou vostre pourpre, ainsi Nostre Seigneur a aggreable qu'on luy die : Seigneur, j'honnore ou adore (car l'un et l'autre n'est qu'une mesme chose, comme je deduiray ci après,) j'adore, dis je, vostre Croix. C'est donq une chicanerie et folie insupportable d'apeller cela idolâtrie, puysque tout cest honneur-la revient a Jesuschrist, qui n'est pas idole mais vray Dieu. (b) trouvent mauvais qu'on — en face la bénédiction, et Ihors (c) les — beaux tiltres qu'on baille a la Croix, tant en l'orayson de ceste bénédiction qu'en (d) voici — les plus hautz  164  Défense de l'estendart de la S** Croix.  * In venerandani Crucem ^.  * Hom. LV [al. liv) in Matt. * De ver. pœn., c. m.  *S.Ath.invit. ejus. * Honi. vm De di- versis *. * Euseb., De vit. Const., 1. 1, c.xxxi. * Cont. Faust., 1. XII, c. XXX ; et in Ps. XXXVI. * (Apol. I.) * Supra, c. vu.  * Supra, c. VIII.  homélie*, luy baille passé cinquante tiltres d'honneur, et entre autres il l'appelle « espérance des Chrestiens, résurrection des mortz, chemin des désespérés, triomphe contre les diables, père des orphelins, défenseur des vefves, fondement de l'Eglise, médecin des malades. » En la première homélie de la Croix et du larron, il l'appelle « substance de toute joye spirituelle et eslar- gissement abondant de tous biens ; » en la seconde, il l'appelle « nostre (^) soleil de justice, » et ailleurs *, « espee par laquelle Jésus Christ a rompu et anéanti les forces du diable. » Saint Ephrem l'appelle * « pretieuse et vivifiante, vainqueresse (^) de la mort, espérance des fidelles, lumière de l'univers, huissiere (g) du Paradis, exterminatrice des hérésies, fermeté de la foy, grande et salutaire défense et gloire perpétuelle des bien sen- tans {^) et leur rempart inexpugnable : » ce dernier tiltre luy est encor baillé par le grand saint Antoyne *. Origene l'appelle « nostre victoire * », Eusebe et le grand Constantin, « signe salutaire*», saint Augustin, (( honnoree et honnorifiee * », Justin le Martyr, a ensei- gne principale de force et principauté * », Justinien l'Empereur, « vrayement vénérable et adorable* », et saint Chrysostome encor l'appelle « plus digne que toute vénération et révérence : omni cultu digniorem *. » Quel reproche nous peut-on faire si nous parlons le langage de nos pères et de nostre mère ? C'est aux hérétiques nourris hors de la patrie et mayson, de produire des motz nouveaux et de trouver estrange le langage des domestiques.  (e) en la seconde, il — dit que la Croix nous a prouveu de sainteté et nous a esté faite (f ) victrice (g) ouvreuse (h) bien sentans — en aeternité,  (i) Inter spuria S. Chrysost., tom. III, col. 815. (2) De diversis Evangelii locis. Homiliae quae hodie locum non habent inter Origenis opéra.  Livre II. Chapitre x. 165 Au demeurant, les motz n'ont autre valeur que celle Comme u les faut entendre; qu'on leur baille. Je dirois volontiers qu'ilz sont comme les chiffres zéro, qui ne valent sinon a mesure des nom- bres qui les précèdent ; les noms aussi n'ont leur signi- fication qu'a proportion de l'intention avec laquelle on les produit, comme les robbes plissees qui sont larges et estroittes selon le cors sur lequel elles sont mises. Y a-il mot de plus g-rande sie^nification que le mot de Dieu, Par exemples pre- qui signme le souverain Iistre et 1 Infini ? néanmoins par fois le Saint Esprit raccourcit tant qu'il le fait joindre aux créatures : J'ay dit, vous estes dieux * ; Dieu * Ps. lxxxi, 6. se trouve en V assemblée des dieux, or au milieu il jugre les dieux * ; Je Vay constitué Dieu de Pharao **. * ibid., vers. i. *^ ' ^ -^ ** Exod, VII I. Joseph fut appelle Sauveur *, aussi fut bien Osée filz de * oen., xu, 45.* Nun *, mays ce mot n'eut pas tant d'estendue sur eux * Num., xm, 17; -, ^ . -r^. T-'i juT' (Act., VII, 45; Heb., comme sur Nostre Seigneur. Dieu envoya son l^ilz ajjin iv, 8.) que le monde fust sauvé par iceluy * ; saint Paul fut *Joan., m, 17. fait tout a tous ajfin qu'il sauvast tous * : voyla des * l Cor., ix, 22. parolles bien pareilles quant a l'escorce, mays leur sens est bien différent l'un de l'autre. Ces espritz clair voyans qui adorent Dieu au second ordre des Anges sont appel- lés Chérubins, et leurs images sont appellees * Cheru- *Exod., xxxvn, 7. bins ; voyla un mesme mot, mays les choses sont diffé- rentes. C'est une sotte subtilité de tant disputer des motz quand il appert de la bonté de l'intention ; la règle est générale qu'il les faut entendre selon la capacité du sujet dont il est question, secundum sudjectam materiam : il est force que les choses s'entreprestent leurs noms les unes aux autres, car il y a plus de choses que de motz, mays c'est a la charge qu'ilz ne soyent appliqués que (0 selon l'estendue et valeur des choses pour lesquelles on les employé. Jésus, saint Paul et la Croix sauvent ; voyla un seul mot, mays employé a plu- sieurs sens et différemment : quant a Jésus, il sauve comme principal agent méritoire, et qui fournit a la  (i) appliqués que — pour repraesenter  166 Défense de l'estendart de la S*® Croix. rançon en toute (i) abondance; au regard de saint Paul, il sauve comme procureur et solliciteur, et la Croix com- me instrument et outil de nostre rédemption. Les paroles des gens de bien et sages sont tousjours prises sage- ment et en bonne part, par les gens de bien i^) : qu'y a-il de meilleur et de plus sage que l'Eglise ? c'est une malice expresse de tirera un sens blasphématoire (i) ses paroles, qui peuvent avoir un sens bienséant et sortable sans forcer la commune et ordinaire manière d'entendre. La Croix est un remède salutaire, rédemption des âmes, très adorable, nostre unique espérance, plus sainte que tout ; cela s'entend selon le rang qu'elle tient entre les instrumens de la Passion et de nostre salut ; qui Tenten- droit comme du Rédempteur mesme seroit inepte et sot, car le sujet en est du tout, sans difficulté, inepte et inca- pable (m). Malice des adver- (n) Et a ce propos, quand j'av veu Illyricus ou Simon saires descouverte. * (L. v, Chrysost.) Goulart*, au Catalogue des tesmoins de leur vérité prétendue, après avoir cité saint Chrysostome attribuant a la Croix plusieurs beaux tiltres, adjouster par forme de commentaire : Encomia Crucis Chrysostomus suo more canit, signo quod signatce rei convenit tri- huens ; ista vero postea pontificii non sine hlas- phemia et idolatria ad signum ipsum retulerunt ;  (j ) en toute — suffisance et (k) Les paroles des — sages et bons sont tousjours prises sagement et en bonne part, par les sages et bons (1) blasphématoire — et idolatrique (m) en est — sans doute ni difficulté, du tout incapable. (n) [Cet alinéa ne se trouve pas au Ms., mais il correspond à une allusion faite ailleurs par le Saint au sujet de Simon Goulart et de son édition du Catalogue d'IUyricus. Voir variante (d), chap. xii, p. 185.] (i) Francowitz Mathias Flach (Flaccus Illyricus), né en Illyrie, ministre et historien protestant (1521-1575). Goulart (ou Goulard) Simon, né à Senlis, ministre du quartier S. Gervais à Genève (i 543-1628). Cafalogiis testium veritatis, qui ante nostram œtatem Pontifici Romano atque Papismi erroribus reclamarunt. Postrerna hac editione emendatior et duplo auctior redditus. mdxcvii, A. Candidi, Lugdunis. — Dedicatio habet literas S. G. S. (Simo Goulart Senlisiensis).  Livre II. Chapitré x. 167 c'est a dire : « Chrysostome, a sa façon, chante les louanges de la Croix attribuant au signe ce qui con- vient a la chose signifiée, mais par après les papaux ont rapporté ces choses au signe mesme, non sans blasphème et idolâtrie; » quand j'ay veu cela, dis-je, j'ay admiré la véhémence de ceste passion qui ne permet aux nova- teurs de prendre en bonne part de l'Eglise Catholique les mesmes motz et les mesmes parolles qu'ilz prennent bien en bonne part de la bouche de saint Chrysostome. Qui leur a dit^ je vous prie, que parlans comme saint Chrysostome, nous entendons autrement que luy ? C'est chose certaine que nous attribuons bien souvent au signe ce qui convient a la chose signifiée, comme quand nous disons : Sire, j'honnore vostre sceptre, ou bien : Sei- gneur, j'adore vostre Croix. En fin ce seroit bien en cest endroit ou auroit lieu la distinction tant prechee par le traitteur, de la croix tourment et de la croix instrument de tourment, car bien souvent, louant la Croix, on n'entend pas parler du seul bois ou signe de sa Croix, ains encores des tour- mens et peynes que Nostre Seigneur a soufFertz. Mais le traitteur n'a garde d'employer la distinction a bien et a propos (o). 6. Le traitteur passe outre a se plaindre de ce qu'on Plainte du trait- , , , . i . « ^^«^ touchant appelle le Vendredi « aore, c est a dire adore, a cause vhonneurdu Ven- de l'adoration de la Croix de ce jour-la. » Or ne sçai-je fe^-etteT^^^'^^" ^^ bonnement si aoré veut dire adoré ou doré, ou bien, de requeste, prière et oraison, mais je dis : i. Que ce mot ne touche sinon certaines parties de la France, ailleurs on ne l'appelle point ainsy (p). 2. Que c'est un nom bien appliqué, car en cest endroit adoré ne veut dire autre que veneré et honnoré ; or qui ne sçait que les (q) jours  (o) instrument de tourment, — mais il n'a garde de s'en servir a propos et a bien, ce n'est pas son dessein. Or je Temployeray a cest'intention ci après, (p) de ce jour-la. » — Je dis pour responce : i. Que cela ne touche sinon certaines parties de la France, et non l'Eglise universelle. (q) et honnoré ; — or qui ne sçait que tout ce qui est saint est honnorable et vénérable ? Les  rejettee.  168 Défense de l'estendart de la S** Croix. esquelz se sont faites quelques saintes actions, ou bien ceux esquelz on en fait mémoire, sont par tout en l'Escri- * Levit., XXIII, 37. ture appelles très saintz, très célèbres et vénérables * ? Le Dimanche est appelle jour du Seigneur pour ce qu'il * Serm. cliv De est dcdié a Dicu ; saint Augustin * l'appelle vénérable, *Tsupra, c. ix.^, commc Lactancc * et saint Chrysostome * * appellent **Serm.'viDeRe- ^^ mcsme le jour de Pasques ; pourquoy ne sera vene- surr ^ rable (0 le Vendredi dédié a Dieu en honneur de la Passion ? 3. Je dis de plus que la rayson principale pour laquelle ce jour-la est appelle aoré, n'est pas l'adoration extérieure de la Croix (s), mais la sainteté de la mort du Sauveur, laquelle y est célébrée, dont l'adoration exté- rieure n'est qu'une protestation. Antiquité du Ven- Or combicu soit ancienne la célébration du Vendredi, dredt Saint, ^^ ^^^ ^^^^ ^^ Vendredi Saint, a l'honneur de la Croix, saint Chrysostome en tesmoignera (*) : « Commençons * Hom. n de Cruce aujourd'huy, mcs très chers, » dit-il*, « a prêcher du et latrone. trophcc de la Croix ; honnorons ceste journée, ains soyons plustost couronnés en célébrant ce jour, car la Croix n'est point honnoree par nos paroles, mays nous mériterons les couronnes de la Croix par nostre fidelle confession ; aujourd'huy la Croix a esté fichée et le *(Horu.ideiisdem.) monde a csté Sanctifié. » Et ailleurs * : « Aujourd'huy Nostre Seigneur a esté pendu en la Croix ; célébrons de nostre costé sa feste d'une trop plus grande joye pour apprendre la Croix estre la substance de toute nostre resjouissance spirituelle, car au paravant le seul nom de la croix estoit une peyne, mays maintenant il est nommé pour gloire, jadis il portoit l'horreur de condemnation, maintenant c'est un indice de salut, car la Croix est * (Hom. II de iisd.) cause de toute nostre félicité. » Et plus bas * : « Ainsy saint Paul mesme a commandé que l'on celebrast feste  (r) vénérable — et honorable, ou honnoré et veneré, (s) n'est pas — l'adoration de la Croix extérieure (t) de la Croix, — le grand Chrisostome en est tesmoin asseuré (i) Inter spuria S. Chrysost., tom. II, col. 821.  Livre II. Chapitre x. 169 pour la Croix, adjoustant la cause en ceste sorte : Par ce que Jésus Christ nostre Basque a esté im- molé" pour nous. Voys-tu la liesse reçeuë pour le regard * (I Cor., v, 7.) de la Croix ? car en la Croix Jésus Christ a esté im- molé. (^) » Sozomene tesmoigne * que Constantin le Grand, *L. i c vm ; cf. Eus. . r^. , , . De vit, Const., 1. long tems avant samt Chrysostome, « a venere le jour iv, c. xvm. du Dimanche comme celuy auquel Jésus Christ ressus- cita des mortz, et le Vendredi comme celuy auquel il fut crucifié ; car il porta beaucoup d'honneur a la sainte Croix, tant pour le secours receu par la vertu d'icelle en la guerre contre les ennemis, qu'aussi pour la divine vision qu'il eut d'icelle. » Mays non seulement saint Chrysostome escrit qu'on honnoroit beaucoup le Ven- dredi pour la Croix, ains dit ouvertement* qu'au Ven- cr^d^ "supra. ^^*'^' dredi Saint on adoroit la Croix. « Le jour anniversaire Et de l'adoration . ~ . ^ . y et bayser de la revient qui représente la trois fois heureuse et vitale croix en iceiuy. Croix de Nostre Seigneur, et la nous propose pour estre veneree, et nous fait chastes et nous rend plus robustes et promptz a la course de la carrière des saintes absti- nences ; nous, dis-je, qui d'un cœur sincère et avec lèvres chastes (v) la vénérons : nos qui sincero corde eam, castisque lahris veneramur. » Or sus donques, quel danger y a-il d'honnorer la Croix, la bayser, et de nommer le Vendredi aoré ou adoré, voire quand on le nommeroit (w) ainsy pour l'adoration de la Croix qu'on fait ce jour-la ? Pourquoy appelloit-on le jour de Pasque, Pasque, sinon parce qu'en iceiuy se fit le passage du Seigneur, et de ce passage prit son nom et le jour et l'immolation laquelle s'y faisoit ? Les jours prennent leur nom bien souvent de quelque action faite en  (u) [Le Ms. donne la citation en latin avec l'addition suivante :] Novum altare constitutum est, quia novum sacrificitim atque omnibus inopi- natum. [Un nouvel autel est érigé, parce qu'il y a un sacrifice nouveau et tout extraordinaire.] (v) [En marge du Ms. :] On baisoit la Croix. (w) danger y a-il — de nommer le Vendredi Saint aoré ou adoré, s'il est tressaint, s'il est vénérable et honorable a cause |de la Passion endurée en iceiuy ? Mays quel danger i auroit-il encor quand on l'apelleroit  170 Défense de l'estendart de la S** Croix. iceux ; aussi le Vendredi peut estre dit aoré a Toccasion de l'adoration de la Croix faite en iceluy ; mays comme on n'appelloit pas les tables, couteaux, nappes et autres appartenances de l'immolation de la Pasque du nom de Pasque W, ainsy n'appelle-on pas aoré ni le lieu, ni l'estui, ni les doigtz, ni la main qui touchent la Croix, (r- 52-) comme veut inférer le traitteur * : la rayson est ouverte, parce que tout cela n'est pas dédié a la célébration de ceste action ou adoration comme (y) le jour ; mais le traitteur n^a ni règle ni mesure a faire des conséquences, pourveu qu'elles soyent contraires a l'antiquité ce luy est tout un. De r honneur de la (z) y, Tg ^{^ ^q mcsme quaut a la laucc, qu'elle est lance, ^ '- nonnorable pour avoir trempé au sang de Nostre Sei- * (Ubi supra, 1. I, gncur. Saint Ambroise confesse * que « clavus ejus in honore est, que le clou de Nostre Seigneur est en honneur ; » pourquoy non la lance? aussi saint Athanase *(Quasst.xLiadAn- l'appelle sacrce *. Que si on luy addresse quelques tioch.) . . - . , . ^ . , prières, c est pour exprimer un desir bien aiiectionne, et non pour estre ouy ou entendu d'icelle ; c'est de Nostre Seigneur duquel on attend la grâce : si l'on en fait feste c'est pour remercier Dieu de la Passion de  [x] faite en iceluy ; — et comme on n'appelloit pas pour tout cela Pasque les nappes qui touchoyent Taigneau paschal et les autres appartenances de cest'immolation (y) action — et honneur comm'est (z) 7, J'en dis de mesme quand a la lance, asçavoir, qu'ell'est digne de beaucoup d'honneur pour avoir esté tainte en un si prastieux sang. S* Ambroise confesse que clavus ejus in honore est, que le clou de Nostre Seigneur est en honneur; pourquoy non la lancer ainsy S' Athanase l'appelle sacrée. Et quand a la prière qui luy est addressee, ce n'est qu'en mesme sorte que Ion en addresse a la Croix, dequoy j'ay respondu ci dessus ; c'est pour exprimer un desir bien affectionné, et non pour penser estre ouy et entendu d'icelle. Qixand a la feste de la sainte lance, on ne peut trouver mauvais qu'elle se face pour remercier Dieu de la Passion de son Filz et de son praetieux sang (i) Allusion à ce passage du Brief Traitté, faisant suite au n° 6 qui est cité chap. ix, p. 155 : « Que si le temps auquel la Croix est adorée, est dit adoré, le lieu et « l'estui où ceste Croix sera mise sera aussi adoré, et les mains et doigts de « ceux qui la manieront seront adorez, »  Livre II. Chapitre x. 171 son Filz et de son sang respandu, dequoy la lance a3^ant esté l'instrument elle en est aussi le mémorial, et en esmeut en nous la vive appréhension qui nous fait faire feste ; quoy que nos calendriers ordinaires ne font aucune mention de ceste solemnité, qui n'est aucune- ment commandée en l'Eglise Romaine. J'ay donq asses deschargé l'Eglise des inepties et paroles idolatriques que le traitteur luy vouloit imposer. Il n'y a rien de si grave et bienséant dequoy Democrite ne rie , rien de si ferme dequoy Pyrrho ne doute ; la témérité de l'heretique, qui n'a ni front ni respect mays tient ses conceptions pour des divinités, se rit et mocque de toutes choses : qui des cérémonies, qui des paroles, qui du Purgatoire, qui de la Trinité, qui de l'Incarna- tion, qui du Baptesme, qui de l'Eucharistie, qui de l'Epistre de saint Jaques, qui des Machabees, et tous avec une esgale asseurance ; ilz sont assis sur la chaire pestilente de mocquerie , leurs mocqueries empestent beaucoup plus les simples que leurs discours.  respandu, dequoy la sainte lance ayant esté Tinstrument, ell'en est quand et quand le mémorial et en esnieiit en nous une vive appréhension qui nous fait faire feste. Bien diray-je que TEglise Romayne ne fait pas ceste feste, ni nest point faite mention d'icelle aux calendriers ordinaires. Voyla donq la sainte Eglise Catholique deschargee de toutes les inepties et paroles idolatriques que ses ennemis luy vouloyent imposer, autant que mon dessein le permet. Il ni a rien de si grave et bien formé dequoy Democrite ne rie, il ni a rien de si divin dequoy Momus ne se mocque, il ni a rien de si ferme et asseuré dequoy Pirrho ne doute. La témérité des hommes n'a ni front ni respect ; mays sur tout l'heretique, qui tient ses imaginations et conceptions pour des divinités, ne laisse aucune chose dont il ne rie, mocque et doute : qui des cérémonies, qui des paroles, qui de la Trinité, qui de l'In- carnation, qui du Baptesme, qui de l'Epistre de S' Jaques, qui des Maccabees, et tous avec un'esgale insolence et asseurance ; ilz sont assis sur la chaire de pestilence et de mocquerie, leurs mocqueries empestent beaucoup plus les simples que leurs discours.  CHAPITRE XI  L IMAGE DE LA CROIX EST DE GRANDE VERTU  Encor desplait-il au traitteur que nous appellions la * (Supra, p. 129.) Croix remède salutaire * : les Anciens l'ont ainsy appel- Preuve de la vertu lee, et Dieu, par mille expériences, en a rendu tesmoi- de la Croix : ^, , 1 1 • / \ . gnage. Non seulement autour de la croix l») qui apparut * Euseb., De vit. a Constantin * estoyent escrittes ces parolles, Surmonte xxvm-xxxi. ' par ceci, mais Nostre Seigneur luy commanda qu'il fist faire une pareille croix pour s'en servir comme d'une défense en bataille, dont il fit dresser son Labare, richement esmaillé, en ceste forme-la, duquel il se servoit comme d'un rempart contre tout l'effort de ses ennemis, et sur ce patron fit faire plusieurs autres croix qu'il faisoit tousjours porter en teste de son armée. Entre autres, en la bataille qu'il gaigna sur Maxence, il reconneut que Dieu l'avoit très favorablement assisté par l'enseigne de la Croix ; car estant de retour d'icelle, après qu'il eut rendu grâces a Dieu, il fit poser des escriteaux et colomnes en divers endroitz *, esquelz il declairoit a un chacun la force et vertu du signe salu- taire de la Croix ; et, particulièrement, il fit dresser au fin milieu d'une principale place de Rome sa statue tenant en main une grande croix, et fit inciser en carac-  Par l'armée de Constantin^  * Ibid., c. XL.  (a) remède salutaire : — mais pourquoy, je vous prie ? Je laisse a part Tauthorité des Anciens qui l'ont ainsin appellee ; mille expériences font foy que Dieu se sert de son image pour nous délivrer de plusieurs maux et nous faire plusieurs biens. Non seulement autour de ceste croix tant signalée  VI-IX.  Livre II. Chapitre xi. 173 teres qui ne se pouvoyent effacer ceste inscription latine : HOC SALUTARI SIGNO YERO FORTITUDINIS INDICIO CIYITATEM VESTRAM TYRANNIDIS JUGO LIBERAYl ET S. P. (^ R. IN LIBERTATEM YINDICANS PRISTIN-^: AMPLITUDINI ET SPLENDORI RESTITUI C'est a dire : « J'ay délivré vostre cité du joug de tyran- nie par cest estendart salutaire, marque de vraye force, et ay restabli en son ancienne splendeur et grandeur le Sénat et Peuple Romain^ le remettant en liberté *. » * Ibid., c. xu. Ce fut la confession qu'il fit de la Croix vainqueresse. Une autre fois *, combattant contre Licinius, ayant * Ibid., i. ii, ce. au front de son armée l'estendart de la Croix, il multi- plioit tousjours les trophées de sa victoire, car par tout ou ceste enseigne fut veuë (^), les ennemis prenoient la fuite et les vainqueurs les chassoyent. Ce qu^ayant entendu l'Empereur, s'il voyoit quelque partie de son armée s'affoiblir et allanguir en quelque endroit , il commandoit que l'on y logeast ceste enseigne salutaire comme un secours asseuré pour obtenir victoire, par l'ayde de laquelle la victoire fut soudainement acquise, d'autant que les forces des combattans, par une certaine vertu divine, estoyent beaucoup affermies. Et partant on députa cinquante soldatz des plus entenduz et vaillans qui accompagnoyent ordinairement l'estendart pour le prendre et porter tour a tour. Un de ces porte-enseigne, se trouvant emmi une aspre et forte escarmouche, fut si poltron qu'il abandonna ce saint drapeau, et le remit (c) a un autre pour se pouvoir sauver des coupz ; il ne fut pas plus tost hors de la meslee et sauvegarde (d) de la sainte enseigne, que le voyla transpercé d'une javeline au milieu du ventre, dont il meurt sur le champ. Au  (b) par tout ou — cest estendart de la Croix fut veu (c) ce saint — estendart, et le bailla (d) hors — du combat et de la protection  174 Défense de l'estendart de la S*® Croix. contraire, celuy qui print la croix au lieu de cestuy-ci, quoy qu'on luy greslast dessus une infinité de dars, ne peut onques estre offensé, les flesches venans toutes se ramasser et ficher dans l'arbre ou lance de l'estendart. Chose miraculeuse, qu'en si peu de lieu(«) il y eust si grande quantité de flesches, et que celuy qui le portoit demeurast ainsy sain et sauve. De la advint que Lici- nius, reconnoissant au vray quelle force combien divine et inexplicable il y avoit au Trophée salutaire de la Passion de Jésus Christ, il exhorta ses trouppes de n'aller point contre iceluy ni le regarder, d'autant qu'il luy estoit contraire et avoit beaucoup de vigueur. Ce ne sont pas des contes de quelque vieille ; Constantin asseura Eusebe de tout ceci, et Eusebe l'a despuys (^) * L. II, c. XVI. escrit, duquel j'ay presque suivi les propres paroles *. De mesme, les Scythes et Sauromates qui avoyent ren- du tributaires les empereurs precedens, furent reduitz sous l'Empire par Constantin, qui dressa contre eux ceste mesme enseigne triomphante, se confiant en Tayde de son Sauveur ; et partant il vouloit que sur les armes on gravast le signe du Trophée salutaire, et qu'on le portast en teste de son armée : c'est encor un récit * L. IV, ce. Y, XXI. d'Eusebe *. (g^ Par le roy Oswaid Le roy Oswald , devant que combattre contre les barbares, dressa une grande croix de bois, et s'estant mis a genoux avec toute son armée, obtint de Dieu la victoire qu'il eut sur le champ ; despuys, grand nombre de miracles se firent en ce lieu la, plusieurs mesme venoyent prendre des petites bûches du bois de ceste croix, lesquelles ilz plongeoyent dans Teau qu'ilz faisoyent boire aux hommes et animaux malades, Et Bothelmus, et soudaiu ilz estoyent guéris; Bothelmus, religieux  (e) ou lance — de l'enseigne. Chose miraculeuse, qu'en si peu de lieu que contenoyt cet estendart (f ) beaucoup de — vertu. Ce ne sont pas des contes de quelque vielle ; le grand empereur Constantin tesmoignoit asseurement tout ceci a Eusebe, qui despuys le mit en ^ (g) d'Eusebe. — Voyla pas un grand tesmoignage pour la vertu de la Croix }  Livre IL Chapitre xi. 175 d'Hagulstadt, s'estant brisé et rompu le bras, appliqua sur soy certaine racleure de ce bois et tout incontinent il fut guéri : Bede le Vénérable * est mon autheur. * Hist. Ecci. Angi., Combien de merveilles furent faittes par Limage du * Crucifix en la ville de Berite au rapport de saint Atha- nase * ? Apres la mort de Julien l'apostat, se fit un * Supra, c. m. si grand tremblement de terre que la mer sortant de ses propres bornes, il sembloit que Dieu menaçast le monde d'un déluge universel ; les citoyens d'Epidaure, estonnés de cela, accoururent a saint Hilarion, qui pour Par S. Hilarîony Ihors estoit en ce païs la, et le mirent au rivage, ou, tout aussi tost qu'il eut fait trois signes de Croix au sable, la mer qui s'estoit tant enflée, demeura ferme devant luy, et après avoir fait grand bruit se retira petit a petit en elle mesme : saint Hierosme en est le tesmoin *. * (in vit. s. Hiiar.) Cosroes envoya certains Turcz marqués a Constan- Par les infidèles. tinople ; l'Empereur, voyant qu'ilz portoyent l'image de la croix au front, s'enquit d'eux pourquoy ilz portoyent ce signe duquel au reste ilz ne tenoyent conte ; ilz respondirent que jadis en Perse estoit advenue une grande peste, contre laquelle certains Chrestiens qui estoyent parmi eux leur baillèrent pour remède de faire ce signe la : c'est Nicephore Calixte qui le dit *. * L. xviil, c. xx. Les habitans d'une certaine ville du Japon, ayans apprins par l'expérience et par les Portugois qui y estoyent que la Croix servoit de grand 0^) remède contre les diables, firent dresser des croix en presque toutes leurs maysons, avant mesme qu'ilz fussent Chrestiens, au rapport du grand François Xavier * (0. Ainsy saint Chrysostome * In epist. (ad cal- j , -^ 1 1 /-x • i cem Hist. Indic. raconte que de son tems on marquoit de la Croix les Maff^i.) maysons, les navires, les chemins, les lictz, les cors des animaux malades, et ceux qui estoyent possédés du diable, « tant chacun tire a soy, » dit-il *, « ce don * Supra, c. vi. admirable. » « Peignons la Croix en nos portes, » disoit  (h) de grand — et pregnant ( i ) François Xavier — en une sienne lettre escritte a ses compagnons d'Europe.  176 Défense de l'estendart de la S** Croix. * De ver. pœn., c. saint Ephrem *, (( armons-nous de ceste armeure invin- cible des Chrestiens^ car a la veuë de ceste enseigne les puissances contraires estans espouvantees se reti- rent. )) La rayson de leur retraitte est parce que, * Catech. xiii, )6. comme dit saint Cyrille *, 0) « quand ilz voyent la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a brisé la teste du dragon ; » « et si la veuë seule *(Hom.Lv, a/. Liv, d'un gibbet, » dit saint Chrysostome *, « nous fait hor- reur, combien devons-nous croire que le diable ayt de frayeur quand il voit la lance par laquelle il a receu le coup mortel » ? Je ne veux pas oublier a dire que parmi * Montaigne, Es- les barbares des Indes *, long tems avant nostre aage, saies, 1, II, c. xii. i i,t- -i • on trouva ceste marque de IrLvangile ; nos croix y estoyent en diverses façons en crédit, on en honnoroit les sépultures, on les appliquoit a se défendre des visions nocturnes et a les mettre sur les couches des enfans contre les enchantemens. Or le traitteur, produisant fort froidement ce que Sozomene dit de la vertu de la Croix portée en l'armée (p- 57-) de Constantin, parle en ceste sorte : « Il reste un tes- « moignage du premier livre de Sozomene, chap. 4, « où il est dit que les soldats de Constantin ont gran- « dément honoré son estendard fait en forme de croix, « et que quelques miracles ont esté faits parmi eux. » Voyla une objection bien exténuée ; le discours de Sozomene est bien autre que cela, mais je l'ay desja * Supra, c. VIII. recité ailleurs*, et W quoy que le traitteur se fasse beau jeu, si ne laisse-il pas d'estre bien empesché a respondre. Il dit donq que le récit de Sozomene « estant confessé, « ne conclud pas qu'on doive adorer la croix matérielle; « car quand ils l'auroient adorée ou auroient fait chose « non faisable, c'est chose résolue qu'ils ne doivent  (j) se retirent. » — Et la rayson pour laquelle les Diables craignent la Croix n'est autre sinon celle que dit saint Cyrille : (k) bien exténuée ; — je proposerois volontiers le beau discours que Sozomene fait en cest endroit, pour monstrer combien le traitteur est rusé de le propo- ser si maigrement pour luy lever la force qu'il a contre sei inepties ; mais je l'ay desja recité ailleurs, et comme que ce soit,  Livre II. Chapitre xi. 177 « estre imitez. » Mais que ne parles-vous franchement, o traitteur? ou ilz l'ont adorée ou non. Si vous dites que non, convainques donq Sozomene et plusieurs autres autheurs de fauseté, et quelz tesmoins aves-vous pour leur opposer ? que s'ilz Tont adorée, confesses que nous ne faisons que ce qui se faisoit W en la plus pure Eglise. Hz auroyent fait, ce dites-vous, chose non faisable ; vous parles a crédit et ne le sçauries prouver ('"). Quel pouvoir aves-vous de juger si rigoureusement ces vieux Chrestiens et les autheurs qui les loiient ? Apres ceste (°) response le traitteur nous veut rejetter Objection du trait- dessus nostre propre argument en ceste sorte : « La (pp*. 57 et 58.) « conclusion peut estre faite au contraire, assavoir, si « la Croix doit estre adorée pource qu'elle fait miracle, « il s'ensuit que la croix qui ne fait pas miracle ne doit (( estre adorée. Or est-il certain que de cent mille croix « il ne s'en trouvera trois qui facent miracle, quand « bien on advouëra les contes qu'on en fait, comme « Teffect le monstre et les histoires des exorcistes le « conferment. » Voyla pas une ignorance lourde (o) ? Le formel et premier fondement pour lequel la Croix est honnorable c'est la représentation de Jésus Christ crucifié, que toutes les croix font autant l'une que l'au- tre ; mays outre cela il y a des autres particulières et secondes raysons qui rendent une croix plus honnorable et désirable que Tautre : si non seulement elle repré- sente Nostre Seigneur, mays a esté touchée par iceluy ou par ses Saintz, ou a esté (p) employée a quelque  (1) confesses — franchement que nous ne faisons pas en cest endroit autre que ce qui a esté fait (m) chose non faisable \ — je le nie, et vous ne Taves encores point prouvé et n'est pas en vostre pouvoir de le faire sinon que vos opinions passent pour des arrestz en l'Eglise. (n) rigoureusement ces — anciens Chrestiens, et Sozomene mesme qui les loiie ? Apres ceste lourde (o) le conferment. » — N'est ce pas une ignorance intolérable en un traitteur qui fait tant l'honneste homme ? (p) ses Saint:f, — elle sera encores honnorable pour ceste occasion comme sainte relique ; si Dieu l'a 12  176 Défense de l'estendart de la S** Croix. * De ver. pœn., c. saint Ephrem *, (( armons-nous de ceste armeure invin- cible des Chrestiens^ car a la veuë de ceste enseigne les puissances contraires estans espouvantees se reti- rent. » La rayson de leur retraitte est parce que, * Catech. xm, 36. comme dit saint Cyrille *, (J) « quand ilz voyent la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a brisé la teste du dragon ; » « et si la veuë seule *(Hom.Lv, a/. 1.1V, d'un gibbct, » dit saint Chrysostome *, « nous fait hor- reur, combien devons-nous croire que le diable ayt de frayeur quand il voit la lance par laquelle il a receu le coup mortel » ? Je ne veux pas oublier a dire que parmi * Montaigne, Es- les barbares des Indes *, long tems avant nostre aage, saies, 1. II, c. XII. , i,t- -i . on trouva ceste marque de llivangile ; nos croix y estoyent en diverses façons en crédit, on en honnoroit les sépultures, on les appliquoit a se défendre des visions nocturnes et a les mettre sur les couches des enfans contre les enchantemens. Or le traitteur, produisant fort froidement ce que Sozomene dit de la vertu de la Croix portée en Tarmee (p- 57-) de Constantin, parle en ceste sorte : « Il reste un tes- « moignage du premier livre de Sozomene, chap. 4, « où il est dit que les soldats de Constantin ont gran- « dément honoré son estendard fait en forme de croix, « et que quelques miracles ont esté faits parmi eux. » Voyla une objection bien exténuée ; le discours de Sozomene est bien autre que cela, mais je l'ay desja * Supra, c. VIII. rccité ailleurs*, et (k) quoy que le traitteur se fasse beau jeu, si ne laisse-il pas d'estre bien empesché a respondre. Il dit donq que le récit de Sozomene « estant confessé, « ne conclud pas qu'on doive adorer la croix matérielle ; « car quand ils l'auroient adorée ou auroient fait chose « non faisable, c'est chose résolue qu'ils ne doivent  (j) se retirent. » — Et la rayson pour laquelle les Diables craignent la Croix n'est autre sinon celle que dit saint Cyrille : (k) bien exténuée ; — je proposerois volontiers le beau discours que Sozomene fait en cest endroit, pour monstrer combien le traitteur est rusé de le propo- ser si maigrement pour luy lever la force qu'il a contre seà inepties ; mais je Tay desja recité ailleurs, et comme que ce soit,  Livre II. Chapitre xi. 177 « estre imitez. » Mais que ne parles-vous franchement, o traitteur? ou ilz l'ont adorée ou non. Si vous dites que non, convainques donq Sozomene et plusieurs autres autheurs de fauseté, et quelz tesmoins aves-vous pour leur opposer ? que s'ilz l'ont adorée, confesses que nous ne faisons que ce qui se faisoit (i) en la plus pure Eglise. Hz auroyent fait, ce dites-vous, chose non faisable ; vous parles a crédit et ne le sçauries prouver (i"). Quel pouvoir aves-vous de juger si rigoureusement ces vieux Chrestiens et les autheurs qui les louent ? Apres ceste (^) response le traitteur nous veut rejetter Objection du trait- dessus nostre propre argument en ceste sorte : « La (pp*. 57 et 58.) (( conclusion peut estre faite au contraire, assavoir, si « la Croix doit estre adorée pource qu'elle fait miracle, « il s'ensuit que la croix qui ne fait pas miracle ne doit (( estre adorée. Or est-il certain que de cent mille croix « il ne s'en trouvera trois qui facent miracle, quand « bien on advouëra les contes qu'on en fait, comme « l'effect le monstre et les histoires des exorcistes le « conferment. » Voyla pas une ignorance lourde (°) ? Le formel et premier fondement pour lequel la Croix est honnorable c'est la représentation de Jésus Christ crucifié, que toutes les croix font autant l'une que l'au- tre ; mays outre cela il y a des autres particulières et secondes raysons qui rendent une croix plus honnorable et désirable que Tautre : si non seulement elle repré- sente Nostre Seigneur, mays a esté touchée par iceluy ou par ses Saintz, ou a esté (p) employée a quelque  (1) confesses — franchement que nous ne faisons pas en cest endroit autre que ce qui a esté fait (m) chose non faisable \ — je le nie, et vous ne l'aves encores point prouvé et n'est pas en vostre pouvoir de le faire sinon que vos opinions passent pour des arrestz en TEglise. (n) rigoureusement ces — anciens Chrestiens, et Sozomene mesme qui les loiie ? Apres ceste lourde (o) le conferment. » — N'est ce pas une ignorance intolérable en un traitteur qui fait tant l'honneste homme ? (p) ses Saint^, — elle sera encores honnorable pour ceste occasion comme sainte relique ; si Dieu l'a 12  178 Défense de l'estendart de la S*« Croix. œuvre miraculeuse, certes elle en sera d'autant plus honnorable, mays quand ni l'un ni l'autre ne se rencon- treroit, l'image de la Croix ne laisseroit pourtant d'estre sainte a cause de sa représentation îq). Si donq on me demande pourquoyj'honnore l'image de la Croix, j'appor- teray ces deux raysons : parce qu'elle est une remem- brance (^) de Jésus Christ crucifié, et parce que Dieu fait bien souvent des merveilles par icelle, comme par un outil sacré (s) ; mais la première rayson est la princi- pale et sert de rayson a la seconde, car la Croix ne représente pas la Passion parce que Dieu fait miracles par icelle, mais au contraire Dieu se sert plustost de la Croix pour faire des miracles que de plusieurs autres choses, parce que c'est l'image de sa Passion. Ainsy, a qui demanderoit pourquoy les Genazareens desiroyent si ardemment de toucher le seul bord ou frange de la * (Matt., XIV, 36.) robbe de Nostre Seigneur *, on respondroit que c'est d'autant qu'ilz tenoyent ceste robbe comme instrument de miracles et guerisons. Que si on demandoit encores pourquoy ilz avoyent ceste honnorable conception de ceste robbe-la plustost que des autres, sans doute que c'est parce qu'elle appartenoit a Nostre Seigneur (*). La robbe et la Croix appartiennent premièrement a Nostre Seigneur, voyla la source de leur dignité ; que si par après il s'en sert a miracle, c'est un ruisseau de ceste source. Ce n'est 1^) pas tant sanctifier et honnorer une chose de s'en servir a chose sainte, comme c'est la declairer sainte et honnorable. La Croix donq de Jésus Christ est honnorable parce qu'elle est une apparte- nance sacrée d'iceluy, mais elle est d'autant plus declairee  (q) de sa représentation — pour laquelle mesme ell'est plus tost employée a miracle que Timage de quelqu'autre bois. (r) deux raysons — principales : par ce qu'ell'est une sainte remembrance et mémorial (s) sacre-saint (t) Nostre Seigneur — voyci donq le fondement de cest honneur. (u) leur dignité ; — puys il s'en sert a miracle, voyla l'un des ruisseaux; il ne s'en sert pas avant qu'elles luy appartiennent, mais après. Aussi n'est ce  Livre II. Chapitre xi. 179 telle , que Nostre Seigneur l'emploie a miracle : le miracle donq n'est ni le seul ni le principal fondement de la dignité de la Croix, c'est plustost un effect et consé- quence d'icelle. Les (v) prélat^ qui font leur devoir sont dignes de double honneur* ; et, je vous prie, *(i Tim., v, 17.) ceux qui ne font leur devoir doivent-ilz estre mesprisés ? Au contraire saint Paul tesmoigne qu'on leur doit, ce nonobstant, honneur et révérence ; la rayson est parce que leur bonne vie n'est pas la totale cause du devoir que l'on a de ces honneurs, mays la dignité du grade qu'ilz tiennent sur nous. Pline et Mathiole * nous descrivent une herbe propre contre la peste, la colique, la gravelle, nous voyla a la cultiver pretieusement en nos jardins ; peut estre néan- moins que de mille millions de plantes de ceste espèce la,(w) il n'y en aura pas trois qui ayent fait les opéra- tions que ces autheurs nous en promettent : nous les prisons donq toutes parce qu'estans de mesme sorte et espèce que les trois ou quattre qui ont fait opération, elles sont aussi de mesme valeur ou qualité. Hé pour Dieu, nos anciens Pères, arboristes spirituelz, nous descri- vent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remède de nos maux, et sur tout des diable- ries (^) et enchantemens ; ilz nous font foy de plusieurs  (v) l'emploie a miracle — Certes si la Croix n'estoit honnorable, sinon entant qu'ell'est instrument de miracles, il y auroit quelqu'apparence en Tobjection que ce traitteur nous fait; mays puysque ce n'est la ni le seul ni le principal fondement de sa dignité, le discours du traitteur est indigne d'estre considéré. Les prestres et (w) Mais quoy, ne prise-on pas les arbres et les plantes qui ont propriété de guérir de quelques maladies, quoy que jamais nous n'en ayons eu aucune expérience ? Mathiole, Pline et ces autres nous descriront un'herbe bonne contre la peste, la cholique, la gravelle ; nous la foulions aux piedz au para- vant, maintenant nous la cultivons dans nos jardins ; de cest'espece d'herbe, peut estre de cent mille plantes (x) nos anciens Pères, — herboristes spirituelz, nous ont-ilz pas descritte la Croix pour le plus pretieux arbre du monde, propre a la guerison et remède de nos maux, et sur tout des sorceleries, impietés ( I ) Mattioli Petrus Andr., médecin célèbre, docteur en l'Université de Padoue {1500-1577). Commentaria in VI Lihros Dioscoridis. Venetiis, Valgrisi, 1565.  180 Défense de l'estendart de la S*« Croix. asseurees expériences et preuves qu'ilz en ont faites : pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espèce et sorte que celles qui firent jadis miracle ? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et propriété puysqu'elles sont de mesme forme et figure ? Si ce n'est pas a tout propos et indifférem- ment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armées qu'en celle de Cons- tantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain (y) Médecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expédient de l'appliquer a tel efifect ; (z) mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de représenter la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy. Ainsy Constantin vit autour de la seule croix qui lui apparut au ciel ces motz : Surmonte par ce signe ; mais cela ne s'entendoit pas seulement de la  (y) de vertu — entre les mains de nos soldatz et enseignes qu'eiravoit, portée par les gens d'armes de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'ilz avoyent, ou que le grand (z) Ni les choses mesmes naturelles, en leur plus grande vigueur, ne produisent pas, le plus souvent, leurs effectz selon leur pouvoir; le méde- cin rabbat et esmousse leur force, le malade n'observant pas les règles les rend bien souvent inutiles, les faudra-il pour cela rejetter? Pour vray, entre les gens de jugement, la valeur et dignité de toute une espèce et sorte de choses se connoit asses bien par la valeur et dignité de quelques particuliers et individuz, quand la valeur et dignité prend sa source de la forme. Or, quand a la dignité de la Croix, elle dépend de la forme, entant qu'elle représente la Passion du Sauveur, et non de la matière ; si que la propriété de faire miracles, qu'on a descouverte en plusieurs croix, rend honnorables toutes les autres avant mesme qu'on y ait veu autres miracles, dautant que l'unité et identité de forme tesmoigne asses l'identité et unité de qualité. Le médecin qui te monstre une herbe propre a chasser les vers et guérir de la morsure du serpent n'entend pas de celle seule quil te monstre en son jardin ; cela se rapporte a toute l'espèce de cest'herbe, autant a de pouvoir celle qui croist chez toy et chez tes voysins. Les Pères qui te parlent et tes- moignent de la vertu et vigueur de la Croix entendent de toutes les croix faites pour repraesenter le mistere de la Passion : la mesme vertu est en toutes, mais les effectz ne sont pas égaux, selon la sainte disposition du t>on plaisir de Dieu. Ainsy Constantin vit autour de la croix qui luy apparut au ciel : Surmonte en ce signe ; mais cela ne s'entendoit pas de ceste figure de croix  Livre II. Chapitre xi. 181 croix particulière qui estoit au ciel, ains encor des autres pareilles. Et de fait, au tems que Constantin combattoit, ceste croix céleste n'estoit plus en estre, ains le Labare et autres croix patronnées sur icelle, différentes voire- ment quant a la matière et individu, mais de mesme espèce quant a la forme. (^') Au demeurant, quand le traitteur allègue les histoi- Allégation du trait- res des exorcistes, je ne sçay ou il a l'esprit ; car puysque ainsy est, que de chasser les diables est une marque qui suit les croyans et l'Eglise, et que parmi les Reformeurs il ne se voit ni exorciste ni aucune guerison de démo- niaques, il devroit meshui reconnoistre ou est la vraye Eglise : or cela est hors de nostre sujet. Mais quant aux exorcismes « du tant sainct et renommé docteur Picard (p. 58.) « et autres Sorbonistes » ou du « moine de sainct Benoist « mené à Rome par le cardinal Gondy » qui ne peurent sortir leur effect, ainsy que dit le traitteur, ce n'est pas grand' merveille ; l'oraison de saint Paul ne valut Rétorquée sur luy , . 1 , , , . . , , et confutee. rien moins pour n avoir obtenu le bannissement de cest esprit charnel ; l'oraison obtient les miracles, mais non pas tousjours ni infalliblement , et ne faut pour cela mespriser sa vertu. C'est grand cas que cest homme trouve estrange que nos exorcistes ne chassent pas tous- jours les diables des cors, et ne voudroit pas qu'on  particulière qui estoit au ciel, ains encor des autres pareilles. Et d'effect, au tems que Constantin combattoit, ceste croix cœleste n'estoit plus en estre, mais le Labare et autres croix patronnées sur celle-là, différentes voirement en matières, mais de mesme espèce quand a la forme. Tu surmonteras par ce signe ; non pas seulement par cest individu et particulier formé au ciel, mais par ce mesme signe exprimé et formé sur l'or, le bois et autres matières inférieures ; car ce signe au ciel, et ceux-là en terre, ne sont qu'un en forme et espèce, quoy que differens individuz particuliers, et quand a la matière. Il faut ainsy descendre a ces menues pensées de logique, pour suivre nostre victoire par tout-la ou l'ennemi se cuide eschapper. (a') Quand aux exorcismes du bon et renommé docteur Picard et autres Sorbonistes qui ne peurent sortir leur efïect, ce n'est pas grand'merveille ; l'orayson de S' Fol ne valut rien moins pour n'avoir obtenu le bannissement de cest esprit charnel; l'oraison obtient les miracles, mais non tousjours ni infalliblement, et néanmoins il ne faut pour cela la mespriser ni sa vertu. C'est grand cas ; vous nous voules faire trouver estrange que nos exorcistes ne chassent pas infalliblement tous les Diables des cors possédés, et vous ne  182 Défense de l'estendart de la S*® Croix. trouvas! estrange que les ministres n'en chassèrent jamais un seul. Les Pères se sont contentés, pour prouver la vertu de la Croix, de tesmoigner que les diables la craignent et en sont tormentés, et cest homme veut qu'infalliblement elle les chasse. Et quoy ? si le cors est tormenté par le démon affin que l'esprit du possédé *(I Cor., V, 5.) soit sauvé (comme parle l'Apostre*), voudries-vous que l'exorcisme ou la prière empeschast cest efFect ? Vous erres, n'entendans ni les Escritures ni la vertu de * (Matt., xxn, 29.) J)ieu *. Cependant, Picard * que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zèle qu'il avoit au service de Dieu ; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos académies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus (p. 58.) saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siège de la sainteté plus que les autres ; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jésus Christ, lequel elles représentent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siège du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de  voules pas que nous trouvions estrange que vos ministres n'en chassent pas un seul de tous. Les Anciens se sont bien contentés, pour prouver la vertu de la Croix, de dire et tesmoigner que les Diables la craignent, qu'ilz en sont tor- mentés et vexés, et vous voules qu'infalliblement elle les chasse. Et quoy ? si le cors est tormenté par le Diable affin que l'esprit du possédé soit sauvé, comme parle l'Apostre, voudries-vous que l'exorcisme ou la prière empechast cest effect ? Vous erres, n'entendans ni les Escritures ni la vertu de Dieu. Au demeurant, je dis qu'ouy, que Picard estoit estimé saint et grand person- nage pour le zèle et grande affection quil avoit au service de Dieu. Les Sorbonistes vous ennuyent, leur nom vous est desplaisant ; ce n'est pas mer- veille, c'est un arsenal infallible contre vos congrégations ministrales. Les croix de Romme n'ont pas autre sainteté que les autres, car elles n'ont point d'autre qualité que les autres, ni ne sont le siège de la sainteté plus que les autres. Toutes les Croix de Jesuschrist sont sièges de Jesuschrist qui est un par tout , et non pas siège du Pape ( duquel vous avies envie de parler, si un peu de honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eut  (i) Picard (Le Picart) François, 1504-1556, Docteur de Sorbonne .-et Doyen de S. Germain l'Auxerrois.  Livre IL Chapitre xi. 183 honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appelle Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jésus Christ en l'Eglise, se tient néanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste première, absolue et souveraine Sainteté qui est Jésus Christ crucifié.  saysi pour ce coup), du Pape, dis je, lequel estant appelle Sainteté pour l'excellence de Toffice quil a au service de Jesuschrist en son Eglise et néanmoins se tient pour bien honnoré d'honorer le seul signe de ceste première, absolue et sauveraine sainteté de Jesuschrist crucifié.  CHAPITRE XII la croix a tous- jours esté desiree, et du tesmoignage d'arnobe  Croix désirée. L^ vertu que les Aiiciens ont remarquée en la Croix, outre la chère et pretieuse mémoire de la Passion, la leur a rendue extrêmement désirable et, comme parle * (Supra, c. VII.) saint Chrysostome *, « de celle (a) que chacun avoit en horreur, on en cherche si ardemment la figure. C'est une estrange grâce, personne ne se confond, personne ne se donne honte pensant que c'a esté l'enseigne d'une mort maudite ; au contraire, chacun s'en tient pour mieux paré que par les couronnes, joyaux et carquans, et non seule- ment elle n'est point fuie, mais elle est désirée et aymee, et chacun est soigneux d'icelle et par tout elle resplen- dit. » Icy joignent (b) les exhortations que l'ancien Ori- gene et saint Ephrem, avec plusieurs autres, font pour recommander l'usage de la Croix ; et partant, dit le * (Ubi supra, c. x, premier * : « Levons joyeux ce signe sur nos espaules, ^' ^ ^'' portons ces estendars des victoires ; les diables les voyans, * (Cap. praeced.) trembleront. » « Peignons, » dit le second *, « ce signe  (a) Or puysque Dieu a voulu si souvent honnorer Timage de la Croix Tesle- vant a son service es opérations miraculeuses, ce n'est pas merveille si toute l'antiquité en a fait tant de conte, et Ta si fort désirée : « De celle (b) elle resplendit. » — Ce sont les paroles de S' Chrisost., qui monstrent (p. 45.) combien est véritable ce que le traitteur avoit confessé, que les Anciens apposoyent la Croix en toutes choses et tous lieux comme une marque honnorable, et qu'on la portoit par tout pour testifier du triomphe de Christ; et au contraire, combien est inepte ce quil fait dire aux mesmes Anciens, quilz n'honnoroyent ni desiroyent avoir des croix. Hé, je vous prie, z, quoy se peuvent rapporter  Livre IL Chapitre xii. 185 vivifique en nos portes ; » fichons et gravons, dit saint Chrysostome *, « avec grand soin la Croix au dedans * (Supra, c. vu.) des maysons, es murailles, es fenestres. » « Pour vray, nous adorons la figure de la Croix la composans de deux bois, » dit en termes exprès le grand Athanase *. * {Supra, c n.) Si est-ce, dit le petit traitteurC^), que « ces mots exprès Objection du trait- « se lisent au huictieme livre d'Arnobe, respondant à (pp. ^^ et 30.) « l'objection des Payens qui blasmoient les Chrestiens « comme s^ils eussent honoré la Croix : nous n'honorons « ni ne desirons d'avoir des croix. » Je viens de rencon- trer ceste mesme objection en Illyricus au livre X du Catalogue des tesmoins de la vérité prétendue, qui est, ce me semble, le lieu ou ce traitteur l'a puisée; mays il ne la couppe pas du tout si courte que cestuy-cy. « Arnobe, » dit-il, « qui vivoit l'an 330, livre VIII Contre les Gentil^, réfutant ceste calomnie comme si les Chrestiens eussent adoré les croix (lesquelles ilz fai- soyent en l'air a fin d'estre reconneuz par ceste profession extérieure d'avec les payens), respond en ceste sorte : Nous n'honnorons ni desirons les croix, vous voirement qui consacres des dieux de bois, adores par fortune des * croix de bois comme parties de vos dieux. » Or (d) je remarque que ces deux livres reformés ont ceste contra- riété, que ce que le petit traitteur («) applique aux croix  (c) Si est-ce, dit le traitteur (d) ceste mesme objection — au livre dixiesme du Cathalogue des tesmoins de la vérité reformée, contre le Pape, qui est, ce me semble, le lieu ou ce traitteur la puysee ; mays il ne la couppe pas du tout si court que cestuy-ci, car il cite en ceste sorte : Arnobius qui vixit anno j^o... [A la suite des paroles d'Illyricus, se trouve cette allusion, signalée p. i66, (n), au sujet de Simon Goulart :] L'autheur de ce Cathalogue est ce grand parleur et faiseur de contes, lUiricus ; mais un certain autre reformé, qui met ces lettres S. G. S. pour son nom, en est le reformeur, restaurateur et augmen- tateur. Je proteste que mes yeux ne virent onques escrit plus fade, mol, faux et inepte ; il entreprend de tirer en tesmoignage contre l'Eglise Catholique toutes sortes d'autheurs, jusques a S' Thomas d'Acquin, S' Bonaventure, Scotus, Durandus. Mays ce quil en produit n'a aucune vigueur ni force contre nous, et fait toucher au doigt l'extrême disette que ces reformeurs ont de tesmoi- gnages d'antiquité, puysque ilz empruntent les noms des anciens et recens doc- teurs avec si peu d'apparence et si faulses enseignes comm'ilz font. Or bien, (e) le petit — traitté  186. Défense de l*estendart de la S** Croix. matérielles, le Catalogue l'assigne au signe fait en l'air, mays ilz n'ont qu'une intention, de contredire a l'Eglise : Tun ne veut confesser ce qui est présupposé en l'objection des payens, a sçavoir, que les Chrestiens eussent si anciennement des croix en matière subsis- tante, et l'autre, le confessant, veut monstrer par la qu'il ne les faut point honnorer. Mays pour venir a mon propos, prenons, je vous prie, (^) rayson en paye- Response première, ment. Est-il raysonnablc que ce traitteur qui, a plu- sieurs passages de saint Augustin, ne respond autre sinon que les livres allégués ne sont pas de saint Augus- tin, sans autre rayson sinon qu'Erasme et les docteurs de Louvain l'ont ainsy jugé, est-il raysonnable, dis-je, qu'il soit receu a produire un huitiesme livre d'Arnobe Contre les Gentil^, puysque c'est chose asseuree qu'Arnobe n'en a escrit que sept ? A l'adventure que le traitteur ne sçavoit pas ceci ; mais un homme si aigre et chagrin a censurer les (g) autres, ne peut estre excusé par l'ignorance, laquelle ne sert qu'aux humbles. Voyci * (Ep. Lxx, ad Ma- les paroles de saint Hierosme*, qui estoit tout voysin d'Arnobe : (^) « Arnobe, » dit-il, « a basti sept livres contre les Gentilz, et autant son disciple Lactance. » Si j'estois autant indigent de droit et de rayson que le traitteur, je m'arresterois la sans apporter autre response (i).  (f) contredire a l'Eglise : — le Cathalogue applique les paroles de son Arnobe au signe de la Croix fait en Tair, par ce qu'il luy fâche de confesser ce qui est présupposé en l'objection des payens, a sçavoir, que les Chrestiens eussent si anciennement des croix en matière subsistente ; le Traitté l'applique aux croix matérielles, par ce qu'il luy semble que ce tesmoignage sert a son propos pour monstrer qu'anciennement la Croix n'estoit pas honnoree parmi les Chrestiens. Mays, pour venir a mon propos, pour Dieu, prenes (g) que sept? — Peut estre que le traitteur ne le sçavoit pas, mais un homme si aigre et chagrin a censurer les escritz des (h) qu'aux humbles. — Ce n'est pas par le tesmoignage d'un Erasme ni autres, qui ont vescu les douze cens ans après les autheurs de la phrase et stile desquelz ilz veulent juger, que je veux monstrer ce huitiesme Livre n'estre d'Arnobe ; c'est S^ Hierosme, tout voysin d'Arnobe, qui est mon autheur, en l'epistre ad Magnum : (i) Lactance. » — Si j'avois autant besoin de rayson et droit que mon traitteur, je m'arresterois la sans apporter autre response au dire de ce hui- tiesme Livre, sinon disant qu'il n'est pas d'Arnobe.  Livre IL Chapitre xii. 187 Mais je dis en second lieu, que quand ce huitiesme Seconde. Livre seroit d'Arnobe, si ne faudroit-il pas l'entendre si cruement et dire (J) que les Chrestiens de ce tems-la ne désirassent ni n'honnorassent les croix en aucune façon. Ma rayson est claire ; on ne (k) sçauroit nier que tout a l'environ du tems d'Arnobe les Chrestiens dressoyent, honnoroyent et desiroyent les croix. « Arnobe, » dit Illy- ricus, (^) « vivoit environ l'an 330 » : environ ce tems-la vivoyent Constantin le Grand, saint Athanase, saint An- thoine, saint Hilarion, Lactance Firmien ; un peu aupara- vant vivoyent Origene, TertuUien, Justin le Martyr; un peu après, saint Chrysostome, saint Hierosme, saint Augustin, saint Ambroise, saint Ephrem : Constantin fait dresser des croix pour se rendre aggreable aux Chres- tiens, et les rend adorables a ses soldatz ; saint Athanase proteste que les Chrestiens adorent la Croix, et que c'est un pregnant remède contre les diables ; saint Hilarion l'employé contre les desbordemens de la mer ; Lactance, disciple d'Arnobe, fait un chapitre tout entier de la vertu de la Croix * ; Origene exhorte qu'on s'arme de la sainte * Divin, instit., l. Croix; TertuUien confesse que les Chrestiens sont reli- c. xxvn.^AHi^ubi gieux de la Croix, autant en fait Justin le Martyr ; ^upra. saint Chrysostome en parle comme nous avons veu, et saint Ephrem aussi ; (n^) saint Ambroise asseure * qu'en * Serm. xuii 1.  (j) si cruement — que de penser (k) est claire ; — c'est chose toute certaine, et homme ne le (1) dit Ilîyricus, — ou son augmentateur, {m) aggreable aux Chrestiens, — comme le traitteur Ta confessé, il les rend adorables a ses soldatz, comm'il a esté déduit ci devant; S' Athanase proteste haut et clair que tous les Chrestiens adorent la Croix, et que ce signe est un pregnant remède contre les Diables ; S' Anthoine en dit de mesme ; S' Hilarion l'employé contre les desbordemens de la mer, comme un remède prompt et salutaire ; Lactance Firmien, disciple d'Arnobe, fait un beau chapitre tout entier a l'honneur du signe de la Croix et de sa vertu ; Origene exhorte vive- ment qu'on se couvre de la sainte Croix ; Tertulien confesse que les Chrestiens sont religieux de la Croix, aussi bien que Minutius Fœlix, Justin le Martir et plusieurs autres très anciens ; S' Chrisostome en mill'endroitz en parle très vivement pour recommander son honneur; (i) Hodie hom. lxxxix inter homilias S. Maximi Turonensis,  tist., 1. î, c. XXII.  18Ô Défense de l'estendart de la S** Croix. ce signe de Jésus Christ gist le bon heur et prospérité de tous nos affaires ; saint Hierosme loue Paula prosternée devant la Croix ; saint Augustin tesmoigne que ceste Croix est employée en tout ce qui concerne nostre salut : * Cont. Jui. Dona- n'ay-jc pas donq rayson (") de dire ce que saint Augustin * dit a Julien, qui alleguoit saint Chrysostome contre la croyance des Catholiques : Itane, dit-il, ista verba sancti Joannis Episcopi audes tanquam e contrario tôt taliumque sententits collegarum ejus opponere, eumque ah illorum concordissima societate sejun- gère et eis adversarium constituere ? Sera-il donq dit, petit traitteur, qu'il faille apposer (o) ces paroles d'Ar- nobe « comme contraires a tant et de telles sentences de ses collègues, et le séparer de leur très accordante compaignie, et le leur constituer ennemy et adversaire »? Pour vray, si Arnobe vouloit que la Croix ne fust au- cunement ni désirée ni honnoree, il desmentiroit tous les autres ; si au contraire les autres Pères vouloyent que la Croix fust désirée et honnoree de toute sorte d'hon- neur et en toute façon, ilz desmentiroyent Arnobe, ou l'autheur du Livre que le traitteur luy attribue (p). Ne les mettons pas en ces dissentions, baillons a leur dire un sens commode par lequel ilz ne s'offensent point les uns les autres, accommodons-les ensemble s'il se peut faire, et demeurons avec eux ; c'est la vraye règle de bien lire les Anciens. La Croix donq a esté honnoree et désirée ; (q) cela ne se peut nier absolument, nous en avons trop de tesmoi- gnages, il le faut seulement bien entendre. Ell'a certes esté honnoree, non d'un honneur civil, car elle n'a point  (n) nostre salut — Hé, je vous prie, n'ay-je pas rayson (o) donq dit, — o traitteur, que vous osies opposer (p) Pour vray, — si l'autheur du 8 Livre attribué a Arnobe veut que la Croix ne fut aucunement ni désirée ni honnoree, il desment ceste grande trouppe de Pères que j'ay cotté, et un'innonibrable multitude d'autres. Si au contraire ces autres Pères veulent que la Croix fut désirée et honnoree de toute sorte d'honneur et désir, et en toutes façons, ilz desmentiront 'cest autheur-la. ((j) a esté — désirée et honnoree entre les plus anciens Chrestiens; certes  Livre II. Chapitre xii. 189 d'excellence civile qui le mérite, ni d'un honneur reli- gieux absolu et suprême, car elle n'a point d'excel- lence absolue et suprême, mays d'un honneur religieux subalterne, moyen et relatif, comme son excellence est vrayement religieuse, mays dépendante, et puisée du rapport (0, appartenance et proportion qu'elle a au Crucifix. Au rebours, la Croix n'a pas esté désirée ni honnoree comme une divinité ou comme les idoles, ce qui n'est point contraire a ce qu'ont dit les Anciens (s). Les Gentilz donques qui voyoyent la Croix estre en honneur parmi les Chrestiens, croyoyent qu'elle fust tenue pour Dieu comme leurs idoles, et le reprochoyent aux Chrestiens. Arnobe (*), visant a l'intention des accu- sateurs plus qu'a leurs paroles, nie tout a fait leur dire : « Nous ne desirons pas, » dit-il, « les croix ni ne les hon- norons ; » cela s'entend en la sorte et qualité que vous cuides et selon* le sens de vostre accusation. Il arrive souvent de respondre plus a l'intention qu'aux paroles, et c'est la rayson i^) de bailler plustost tout autre sens a la parole d'un homme de bien, que de le luy bailler faux et menteur, tel que seroit celuy d' Arnobe s'il contre- disoit au reste des autheurs anciens (v). Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de Respomespreeeden- ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes ^^ <=onpimees.  (r) et puisée — de la relation (s) n'a pas esté — honnoree ni désirée ; cela peut avoir un bon sens et véritable, non contraire a ce qu'ont dit ces Anciens, car il est vray qu'elle n'a pas esté désirée ni honnoree comme une divinité ou comme les idoles. (t) aux Chrestiens. — L'autheur du 8 Livre attribué a Arnobe (u) vostre accusation. — Dont voulant rejetter leur accusation sur eux mesmes : « Vous au contraire qui consacres des dieux de bois, adores aussi peut estre les croix de boys, comme partie de vos dieux. » Voyes vous qu'il parle de l'honneur et désir d'une chose comme de dieu et idole? Certes, il arrive bien souvent de respondre plus a l'intention de celuy qui interroge ou demande qu'a ses paroles, et est rayson (v) seroit celuy — de l'autheur du huitiesme Livre contre les Gentilz, s'il con- tredisoit au reste des autheurs anciens. [La fin du chapitre ne se trouve pas au Ms.] (i) Corrigé d'après le Ms. et les errata de 1603. Ce passage se lit ainsi dans toutes les éditions : « cela ne s'entend... ni selon » etc.  190 Défense de l'estendart de la S** Croix. digne de respect, car c'est Minutius P'elix, advocat ro- * (In Octav., cap. main, lequel en cest endroit* imite, voire mesme presque ^^^•^ es paroles, TertuUien et Justin le Martyr, ne se conten- tant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par après fait deux choses : l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorées et enrichies, [et que] leurs trophées de vic- toire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié : Si- gna ipsa et cantahra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratce cruces sunt et ornatœ ? trophœa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur ; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recom- mandable selon la nature mesme , alléguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix ; puys conclud en ceste sorte : Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio for- matur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost ; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son inten- Troisiesme respon- tion. Je sçay qu'en peu de parolles on pouvoit respondre que quand Minutius a dit, cruces nec colimus nec optamus, il entendoit parler des fourches et gibbetz, mais l'autre response me semble plus naïfve. Tesmoignaffe d'Ar- Cependant que nous avons combattu pour Arnobe et nobepoitrJaCrotx. vi » - < ^ r- - r - i soustenu qu il n a pas mespnse la Croix, taisons luy en dire a luy mesme son opinion. Arnobe donques luy mesme, sur le Pseaume Lxxxv, interprétant ces parolles, Fac mecum signum in bonum, il introduit les Apostres parlans ainsy : « Car iceluy Seigneur res- suscitant et montant au ciel, nous autres ses Apostres et  Livre II. Chapitre xii. 191 Disciples aurons le signe de sa Croix a bien avec tous les fidelles, si que les ennemis visibles et invisibles voyent en nos frontz ton saint signe et soyent confon- duz, car en ce signe-la tu nous aydes, et en iceluy tu nous consoles, o Seigneur, qui règnes es siècles des siècles. Amen. » Quelqu'un pourra dire que ces com- mentaires ne sont pas d'Arnobe le rhetoricien, mais il n'aura pas rayson de le dire ^ Et c'est asses.  (i) Arnobii Commentarios super Psalmos Davidis, ineunte saeculo decimo sexto in cœnobio Francodalensi inventes, Trithemius, Erasmus et alii magno Arnobio tribuebant. Postea Arnobio juniori addicebantur, et inter ejus opéra hodie imprimuntur, qnamvis Laurentius de la Barre egregiis argumentis illos iterum Arnobio magno vindicaverit. Vide Patrol. lat., tom. LUI.  ^  CHAPITRE XIII COMBIEN l'on doit PRISER LA CROIX PAR LA COMPARAISON d'iCELLE AVEC LE SERPENT d'aIRAIN "^  S'il est escrit qu'il L'oschappatoire ordinaire des huguenotz, de demander faille honnorer la 1 1 -r^ • Croix. quelque passage exprès en 1 iiscriture pour recevoir quelque article de créance, semble demeurer encor en main au traitteur, car il me dira : Ou est-il dit qu'il faille honnorer les images de la Croix et qu'elle ait les vertus que vous luy attribues ? J'ay des-ja respondu au commencement du premier Livre, mays maintenant je Cela n'est necessai- dis, premièrement, qu'on n'est pas obligé de faire voir Te, exprès en l'Escriture commandement de tout ce que Ton fait. Me sçauroit-on monstrer (3) qu'il faille avoir en honneur et respect le Dimanche et le tenir pour saint plus que le Jeudi ? Item l'Eucharistie, si elle n'est autre qu'une simple commémoration de la Passion, comme présupposent les Reformés : on trouvera bien qu'il faut  (a) Le grand argument du traitteur semble encor luy demeurer en main, quoy que j'aye preuve que la Croix a esté dressée, lionnoree et tenue pour remède salutaire en toute TEglise ancienne ; car il me dira : Ou est il escrit quil faill'honnorer la Croix et qu'eU'ait les vertus que vous luy attribues ? C'est une quaestion que le peuple huguenot a continuellement en bouche, c'est un eschappatoire gênerai quilz employent a toutes occasions. Mays cest argument n'est plus grand a qui aura leu le commencement de la première partie de cest advertissement, car ce que j'ay dit la se peut fort bien rapporter icy. J'en rediray briefvement la substance en façon que ceste répétition ne soit pas infructueuse. Je dis donq, premièrement, que je ne suis pas obligé de faire voir en l'Escriture Sainte, par termes exprès, aucun commandement de dresser et honnorer la Croix, quoy que je la dresse et honnofe. Me sçauroit on monstrer par escrit  Livre II. Chapitre xiii. 193 s^esprouver soy mesme et ne la manger pas indigne- ment *, mais qu'il y faille aucun honneur extérieur, ou *(lCor.,xi,28,29.) me le monstrera-on ? Et pourquoy, je vous prie, aura-on plus de crédit a brusler et briser les croix, les appeller idoles et sièges du diable, qu'a les dresser, honnorer et appeller saintes, pretieuses, triomphantes? car si cecy ^ , . . , ' r j i_omme il est escrit n'est escrit cela l'est encor moins. Rejetter ce que quU faut konno- l'Eglise reçoit, part d'une excessive insolence. Je trouve Façon première. en l'Escriture qu'il faut ouïr l'Eglise *, qu'elle est * (Matt., xvm, 17.) colomne et fermeté de vérité*, que les portes d'en- * (iTim., m, 15.) fer ne prévaudront point contre elle*, mais je ne *(Matt.,xvi, 18.) trouve point en l'Escriture qu'il faille abattre ce qu'elle dresse, honnir ce qu'elle honnore. Il faut croire aux Escritures ainsy que l'Eglise les nous baille, il faut croire a l'Eglise ainsy que l'Escriture le commande. ^) L'Eglise me dit que j 'honnore la Croix, il n'y a huguenot si affilé qui peut monstrer que l'Escriture le défende ; mais (c) l'Escriture, qui recommande tant l'Eglise, re- commande asses les croix dressées en l'Eglise et par l'Eglise. T ,. /J^ ■n.T. ^ /-. . f • * »•■! Façon seconde. Je dis (^), avec Nicephore Constantinopolitain , qu il est * Diaiog. orthod.  (b) ou me le monstrera-on ? — Si ce n'est qu'une remembrance et figure de la Passion, vous honnores donques les remembrarces et figures. Et pourquoy non la Croix qui me repraesente si vivement la mesme Passion ? L'Eucharistie, ce me dires-vous, est une repraesentation plus excellente. Je le veux, mais aussi ne veux je pas que vous honnories également l'un et l'autre, ains seule- ment que vous ayes en révérence et l'un et l'autre, chacun en son rang. Et pourquoy, je vous prie, aures vous plus de crédit a brusler et briser les croix, ce que jamais vous ne trouvères en l'Escriture, a les apeller idoles et siège du Diable sans aucun'authorité, que moy a les dresser, et apeller saintes, pre- tieuses, triomphantes, chasse-Diable? Bref, rejetter ce que toute l'Eglise reçoit, part d'une excessive insolence ; et je trouve bien en l'Escriture qu'il faut ouir l'Eglise sur peyne d'estre tenu pour peager et payen, qu'ell'^i/ la. colomne et fermeté de vérité , que les portes d'enfer ne prœvaudront point contre; mais je ne trouve point en l'Escriture qu'il faille rejetter ce qu'elle croit et reçoit, renverser ce qu'elle establit, honnir et mespriser ce qu'elle honnore ; je lis es Escritures qu'il faut lire les Escritures et ouir l'Eglise ; mais je n'y lis point qu'il faille se servir de l'Escriture contre l'Eglise, ni de l'Eglise contre l'Escriture, ni que l'Eglise enseigne contre l'Escriture, ni l'Escriture contre l'Eglise ; il faut croire aux Escritures, il faut croire a l'Eglise. Or (c) le défende; — bien luy monstreray-je que (d) Je dis, secondement 13  194  Défense de l'estendart de la S*^ Croix.  Façon trotsiesme.  Façon quatriesme.  commandé d'honnorer la Croix « la ou il est commandé d'honnorer Jésus Christ ; d'autant que l'image est insé- parable de son patron, n'estant l'image et le patron qu'une chose, non par nature mais par habitude et rapport, et que Timage a communication avec son patron, de nom, d'honneur et d'adoration, non pas a la vérité également mais respectivement. » La verge de Moyse, d'Aaron, l'Arche de l'alliance 1^) et mille telles choses, ne furent-elles pas tenues W pour saintes et sacrées et par conséquent pour honnorables ? ce n'estoyent toute- fois que figures de la Croix ; pourquoy donq ne nous sera honnorable l'image fe) de la Croix ? Disons ainsy : n'est-ce pas avoir en honneur une chose, de la tenir pour remède salutaire et miraculeux en nos maux ? mais quel plus grand honneur peut-on faire aux choses que de les avoir en telle estime et recourir a elles pour telz effectz (h) ? or, les premiers et plus affectionnés Chres- tiens avoyent ceste honnorable croyance de l'ombre de saint Pierre, néanmoins leur (i) foy est loiiee et ratifiée par le succès et par l'Escriture mesme, et cependant l'ombre n'est autre qu'une obscurité confuse et très im- parfaitte image et marque du cors, causée non d'aucune réelle application, mais d'une pure privation de lumière. L'honneur de ceste vaine, frivole et légère marque est receu en l'Escriture ; combien plus (j) l'honneur des ima- ges permanentes et solides, comme est la Croix ? En fin je produis Thonnorable rang que le Serpent d'airain, figure (k) de la Croix, tenoit parmi les Israélites,  (e) de l'alliance — le Serpent d'airain (f) tenues — en l'ancienne Loy (g) sera honnorable — la figure plus expresse (h) et miraculeux — a nos maux ? Sans doute (car quel plus grand honneur peut on faire aux choses que de les avoir en estime ?) (i) saiyit Pierre — et leur (j) L'honneur de ceste — si vaine, vuide, frivole, légère, exténuée et maigre marque et trace est receu en l'Escriture ; combien plus, et a plus forte rayson, (k) Mais par ce que j'ay avancé l'honnorable rang que le Serpent d'airain, expresse figure et repraesentation  Livre II. Chapitre xiii. 195 pour monstrer qu'autant en est-il deu aux autres images de la Croix qui sont parmi le Christianisme. La rayson est considérable, comme je vay faire voir par les répliques que j'opposeray a ce qu'en dit le (^) traitteur, lequel, avec un grand appareil, produit ce mesme Serpent d'airain Ohjectfon de l'ad- contre nous affin qu'il nous morde, en ceste sorte : Mais ce qui est allégué du 21. chap. des Nombres ne (p. 55.) doit estre passé légèrement, car s'il y a exemple qui rabbate formellement et fermement l'abus commis touchant la Croix, c'est celui du serpent d'airain. Icelui avoit esté basti par le commandement de Dieu, pourtant ce n'estoit pas une idole, car, combien que par la Loy générale Dieu eust défendu de faire image de chose qui fust au ciel, en la terre, ni es eaux sous la terre, si est-ce que n'estant astreint à sa Loy ains estant au dessus d'icelle, il a peu dispenser, comme de faict il a dispensé lui-mesme de sa Loy, et a com- mandé de faire ce serpent qui a esté figure de l'exal- tation de Jésus Christ eslevé en croix, comme lui- mesme le tesmoigne en sainct Jean, chap. 3. » ("^) Et peu après : « Or voyons ce qui est advenu : depuis (p. 56.) ( adonc jusques au temps du bon roi Ezechias, c'est à ( dire par l'espace d'environ 735 ans, il n'a point esté c parlé de ce serpent d'airain. Et estant advenu qu'alors ( le peuple lui faisoit des encensemens, c'est à dire ( l'adoroit, quoi qu'il eust esté fait par Moyse et eust ( esté conservé par l'espace de 735 ans, Ezechias le < rompit et brusla. Dont nous recueillons du moindre ( au plus grand : si les images en gênerai, et spécial e- ( ment celle de la Croix, ne se font point par l'ordon- < nance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni < oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs  (1) / • n de la Croix. représentant la Passion de Nostre Seigneur par 1 expres- sion de la figure de la Croix faitte avec le simple mouvement. J'ay dit que c'est une cérémonie, et voici C'est une ceremo- dequoy. Un habile homme rend utiles et met en œuvre tous ses gens, non seulement ceux qui sont de nature active et vigoureuse, mais encor les plus molz. Ainsy la vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre a Dieu autant que faire se peut l'honneur qui luy est deu, tire au service de son dessein les actions vertueuses, les dressant toutes a l'honneur de Dieu ; elle se sert de la foy, constance, tempérance, par le bien croire, le martyre, le jeusne : c'estoyent desja des actions vertueuses et bonnes d'elles mesmes, la religion ne fait que les contourner a sa particulière intention qui est d'en honnorer Dieu. Mais non seule- ment elle employé ces actions qui d'elles mesmes sont utiles et bonnes, ains met en besoigne des actions indif- férentes et lesquelles d'ailleurs seroyent du tout inutiles :  (b) [Les passages du Ms, qui correspondent à la leçon du texte sont ici reproduits intégralement, quant à ce commencement du chapitre, afin d'en faciliter le parallèle avec la première ébauche donnée p. 209.] Le signe de la Croix est une caeremonie Chrestienne avec laquelle nous représentons la crucifixion de Nostre Seigneur, exprimans sa figure par un simple mouvement. Cecy bien entendu suffîroit a rompre et dissiper tous les efforts que fait le traitteur pour nous arracher Tusage de ce saint signe. L".' « Cest chose certaine, » dit le traitteur, « que Dieu n'opère point par /p. je \ <( seules figures ou caractères ; car es choses naturelles la vertu procède de « l'essence et qualités d'icelles, es choses supernaturelles Dieu y besoigne « par vertu miraculeuse non attachée a signe ni a figure. » J'ay respondu a ceci quand j'ay dit que le signe de la Croix estoit une cérémonie, car voici dequoy. La vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre autant que faire se peut l'honneur qui est deu a Dieu, fait comme le soigneux et habile père de famille, qui met en œuvre et rend utiles toutes ses gens, non seulement ceux qui ont la nature vigoureuse et active, mais encor les plus molz et faineantz : elle tire au service de son dessein toutes les actions vertueuses, les dressant a l'honneur de Dieu. L'architecte employé a son bastiment le travail du charpentier, masson, serrurier, tuillier : ainsy la religion se sert de la foi, force, tempérance, tirant d'elles le bien croire, le martire, le jeusne pour en honnorer Dieu ; c'estoyent desja des actions ver- tueuses en elles mesmes, et la religion s'en sert a sa particulière intention. Elle employé encor a sa vigne les actions indifférentes et lesquelles dailleurs  212 Défense de l'estendart de la S*® Croix. * Matt., XX, 6, 7. comme ce bon homme de l'Evangile *, qui envoya en sa vigne ceux qu'il trouva oyseux et desquelz aucun ne s'estoit voulu servir jusques a l'heure. Les actions indif- férentes demeureroyent inutiles si la religion ne les employoit; estans employées par icelle, elles deviennent nobles, utiles et saintes, et partant capables de recom- pense et du denier journalier. Ce droit d'annoblir les actions lesquelles d'elles-mesmes seroyent roturières et indifférentes, appartient a la religion comme a la prin- cesse des vertus ; c'est une marque de sa souveraineté, dont elle s'y plait tant que jamais il n'y eut religion qui ne se servit de telles actions, lesquelles sont et s'appel- çiue cest que cere- lent proprement cérémonies des Ihors qu'elles entrent '"^"^^' au service de la religion. Et pour vray, puysque l'homme tout entier avec toutes ses actions et dépendances doit honneur a Dieu, et qu'il est composé d'ame et de cors, d'intérieur et d'extérieur, et qu'en l'extérieur il y a des Combien elle est en actions indifférentes, ce n'est pas merveille si la religion, ^gi(fn. ^' ^ '^ qui a le soin d'exiger de luy ce tribut, demande et reçoit en payement des actions extérieures, indifférentes et corporelles. Considérons le monde en sa naissance : Abel et Caïn * Gen., IV, 5, 4. font des offrandes * ; quelle autre vertu les a sollicités  seroyent inutiles, comme cest homme de TEvangile, lequel y envoya ceux quil avoit trouvé oisifz emmi la place, personne ne s'en estant voulu servir jusques a l'heure. Les actions indifférentes demeureroyent inutiles et oysifves du tout si la religion ne les employoit ; mays estant mises en œuvre par la religion, elles deviennent nobles, utiles, saintes, et partant capables de Gen., z^, y. 22. recompence et du denier journallier. La religion, comme princesse entre les Levo manum meam etc. saintes vertus morales, annoblit les actions humaines, lesquelles dailleurs ne seroyent que roturières, les employant a son service, et après cela elles sont apellees cérémonies sacrosaintes; ce qu'estant une marque de la sauveraine principauté de la religion, elle s'y plait tant que jamais il ni eut religion sans cérémonies. Et certes, puysque l'homme tout entier avec toutes ses dépendan- ces et actions doit honneur et gloire a son Dieu, et quil est composé d"ame et de cors, d'intérieur et extérieur, et quil produit en son extérieur des actions indifférentes (car les mauvaises n'ont point d'usage la ou il s'agit d'honnorer Dieu), ce n'est pas merveille si la religion, qui a le soin d'exiger de luy ce tribut, prend et reçoit en payement des actions extérieures, indifférentes et corporelles.  Livre III. Chapitre i.  213  a ce faire sinon la religion ? Peu après, le monde * sort de l'arche (c), comme de son berceau, et tout incontinent un autel est dressé, et plusieurs bestes consommées i'^) sur iceluy en holocauste dont Dieu reçoit la fumée pour odeur de suavité**. S'ensuit le sacrifice d'Abraham *2, de Melchisedech *^ 1^) d'Isaac **, de Jacob *^, et le change- ment d'habit avec lavement d'iceluy *^. La loy de Moyse avoit une grande partie de son exercice en cérémonies. Venons a l'Evangile : combien y voit-on de cérémonies en nos Sacremens *, en la guerison des aveugles **, ressuscitation des mortz *, au lavement des piedz des Apostres * ? L'huguenot dira qu'en cela Dieu a fait ce qu'il luy a pieu, qui i^) ne doit estre tiré en conséquence par nous autres ; mais voicy saint Jean qui baptise *, saint Paul qui se tond en Cenchree selon son vœu *, il prie les genoux en terre avec l'Eglise Miletaine * : toutes ces actions estoyent d'elles mesmes stériles et infruc- tueuses, mays estans employées au dessein de la religion, elles ont esté cérémonies honnorables et de grand poids. Or je dis ainsy : que le signe de la Croix de soy-mesme n'a aucune force, ni vertu, ni qualité qui mérite aucun honneur, et partant je confesse « que Dieu n'opère point (( par seules figures ou characteres , » comme dit le traitteur, et qu' « es choses naturelles la vertu procède  *^ Gen., viii, 18-21. ** Ibid., XII, 8; xiii, 18; XXII, 13. *' Ibid., XIV, 18. ** Ibid., XXVI, 25. ** Ibid., XXVIII, 18; XXXIII, 20; XXXV, 14. *8 Ibid., XXXV, 2, 3.  *Luc. xxii; Joan. m. ** Marc. VIII ; cf. vu. * Joan., XI, 35-44, * Ibid., XIII, 4, 5.  * Marc, I, 4. * Act., xviii, 18. * Ibid., XX, ^6.  (p. 15.)  (c) Considérons — je vous prie, le monde en sa naissance : qu'est ce qui esmeut Abel et Gain de faire ces offrandes quilz firent a Dieu, sinon la religion } quell'autre vertu les eut peu solliciter a ceste reconnoissance ? Le voyla peu après quil sort de l'arche de Noe (d) consumées (e) S'ensuit — le sacerdoce de Melchisedech avec son sacrifice de pain et vin ; puys ceux d'Abraham, (f ) en cérémonies. — En l'Evangile, combien est ce qu'on en peut remar- quer ? En nos Sacremens, en la guerison des aveugles, au lavement des piedz des Apostres, et mill'autres endroitz lesquelz je ne veux pas produire dautant quilz touchent a ce que l -i , 1 • • . pour les ceremo" que ces reformes observent plusieurs cérémonies et nies; coustumes outre et sans l'Escriture ; ce n'est donq pas faute de trouver nos cérémonies en l'Escriture qu'ilz les blasment (^). 2. S'il faut servir Dieu selon son ordonnance, il Seconde; faut sur tout obéir a l'Eglise et garder ses coustumes ; qui fait autrement, le Sauveur le prononce * estre * Matt., xvm, 17. payen et publicain. Et (p) saint Paul, enseignant que les hommes doivent prier a teste nue et les femmes a teste couverte , qui n'est qu'une pure cérémonie ,  (n) long tems après — la mort des Apostres et Evangelistes qui ont escrit le Nouveau Testament, qui est la vraye, pure et très claire rayson, il se met a dire que (o) I. J'ay monstre au commencement de ce livre que ces reformés obser- vent plusieurs casremonies et autres coustumes outre et sans la parole de Dieu escritte, es solemnités de leurs mariages, au baptesme, en la cœne ; ce n'est donq pas faute de trouver nos caeremonies en l'Escriture quilz les blasment, mais faute de les trouver a leur goust, selon leur esprit de contradiction. (p) obéir a l'Eglise et — recevoir ses observations, car qui ne l'oit, Jesus- christ le prononce estre payen et peager, c'est a dire meschant homme. Et pour vray,  (i) Ce texte de saint Paul, faussement indiqué par La Faye, comme le remarque notre Saint, p. 23^, § 6, est aux Philippiens, chap. m, 3.  230 Défense de l*estendart de la S*« Croix. il ne presse ceux qui voudroient chicaner au contraire, sinon de ceste parole : Nous n'avons point telle * I Cor., XI, i6. coustu7ne j ni V Eglise de Dieu *. Il ne parle pas la le jargon huguenot, mais le vray et simple langage Catholique ; la coustume de l'Eglise de Dieu luy sert de rayson. Aussi ceste Espouse est trop assistée de son Espoux pour broncher et decheoir en son chemin (q). Troisiesme; 3. Si pour honnorcr et servir Dieu en esprit et vérité il faut rejetter les cérémonies qui ne sont com- mandées en termes exprès dans l'Escriture, donques saint Paul ne devoit pas ordonner aux hommes de prier descouvertz et les femmes affeublees (r), puysqu'il n'en avoit aucun commandement, ni les Apostres defen- * Act., XV, 20. dre le sang et suffoqué *. Et pourquoy est-ce, o refor- meurs, que vous pries mains jointes et agenouillés (s) ? Nous avons, dires-vous, l'exemple de Jésus Christ et des Apostres. Mays si leur exemple a quelque pouvoir sur vous, que ne laves-vous les piedz avant la cène, comme Nostre Seigneur en a non seulement monstre * Joan., XIII, 5, 14, l'exemple mais invité a iceluy(t)*? que n'oignes-vous vos *^Marc., VI, 13; malades d'huile, comme faisoyent les Apostres*? que Jacob., V, 14. j^g laisses-vous toutes vos possessions et commodités a leur exemple ? que ne faites-vous la cène a la cène, c'est a dire au souper, et non au matin et des-jeuner (u) ?  (q) il ne — rend autre rayson contre ceux qui voudroient débattre et chicaner au contraire, sinon : Nos talent consuetudinem non habemus, neque Ecclesia Dei. Il ne parle pas la le jargon des reformés, mais le langage des simples Catholiques ; il n'allègue point l'Escriture, mais la coustume de l'Eglise. Or ce qui est selon l'ordonnance de l'Eglise est asses selon l'ordon- nance de Dieu ; cest'Espouse est de trop bonne intelligence avec son Espoux pour establir chose qui ne luy soit aggreable. (r) ne devoit pas — commander aux hommes de prier a teste descouverte et les femmes a teste couverte (s) Et pourquoy — pries-vous, les mains jointes, les genoux en terre? ou trouves-vous quil soit commandé ? (t) Mays si — cela a quelque pouvoir sur vous, que ne laves-vous les piedz a ceux qui veulent prendre vostre cœne, comme Nostre Seig*" en a non seulement monstre l'exemple mais invité a l'imitation d'iceluy ? (u) les Apostres ? — que ne faites vous la cœne a la cœne, et non au matin et des-juner comme vous faites. ,  Livre III. Chapitre iv. 231 4. Mais qui ouyt jamais telle conséquence? il faut Quatriesme; prier en esprit et vérité, donques il ne faut pas prier avec cérémonie (v). Les cérémonies sont-elles contraires a Tesprit et vérité, pour bannir l'un par Testablissement de l'autre ? Qui chargea Abraham , Aaron , Moyse , David, saint Paul, saint Pierre et mille autres, de prier les mains levées et les genoux en terre ? et cela les empeschoit-il de prier en esprit et vérité, ou d'estre vrays adorateurs ? C'est une ignorance effrontée de tirer les Escritures a des sens tant ineptes ; c'est une impieté formée, non pas une pieté reformée (w). Tant s'en faut que prier en esprit et vérité soit prier sans cérémo- nies, qu'a peyne se peut-il faire que celuy qui prie en esprit et vérité ne face des actions et gestes extérieurs assor- tissans aux affections intérieures, tant les mouvemens intérieurs de l'ame ont de prise sur les mouvemens du cors (x). Et « je ne sçai comment, » dit saint Augustin *, * De cura pro , r . • mort., c. V. « ces mouvemens du cors ne se pouvans taire smon que l'esmotion de l'esprit précède, et de rechef ces mouvemens estans faitz au dehors perceptiblement , Tesmotion invisible et intérieure en croist , si que l'affection du cœur qui a précédé a produire ces mou- vemens extérieurs croist et s'augmente par ce qu'ilz sont faitz et produitz (y). » Une ame bien esmeuë est esmeuë par tout, en la langue, aux yeux, aux mains.  (v) avec — des cérémonies. (w) a l'esprit et vérité, pour — les bannir par l'establissement de l'esprit et vérité ? Qui avoit commandé a Salomon, David, Abraham, Aaron, Moise, S' Pol, S' Pierre et miU'autres Sains, de prier a genoux et levant les mains? et comment, ne prioyent-ilz donques pas en esprit et vérité, ou n'estoyent- ilz pas vrays adorateurs ? Quelle ignorance effrontée; tramer l'Escriture a un sens tant inepte, nest-ce pas un'impieté formée, au lieu d'une pieté reformée ? (x) que prier — sans cérémonies soit prier en esprit et vérité, qu'a peyne se peut-il faire que celuy qui prie en esprit et vérité ne face quand et quand des actions et gestes extérieurs, tant l'ame est liée estroittement a son cors, tant les mouvemens de l'esprit ont de prise sur ceux du cors. (y) au dehors perceptiblement, — ce mouvement invisible et intérieur qui les a faitz en croit, si que l'affection du cœur qui a précédé pour produire ces mouvemens extérieurs, par ce quilz sont faitz, ell'en croist et s'augmente. »  232 Défense de l'estendart de la S*« Croix. Prier en esprit et vérité c'est prier de bon cœur et affectionnement, sans feinte ni hypocrisie, et au reste y employer tout Thomme, l'ame et le cors, affin que ce que Dieu a conjoint ne soit séparé (2). Je laisse a part la naïfve intelligence de ces parolles de Nostre Seigneur (a'), qui oppose l'adoration en esprit a l'adora- tion propre aux Juifz, qui es toit presque toute en figures, J ombres et cérémonies extérieures, et l'adoration en I vérité a l'adoration fause, vaine, hérétique et schismati- " que des Samaritains ; ce que je fais icy n'a pas besoin de plus long discours (b'). Cinqutesme; ^^ Si parce que saint Paul nous enseigne de ne connoistre pas Jésus Christ selon la chair il ne se faut amuser a la Croix, ni a semblables choses ter- riennes, pourquoy fait-on conte de la mort et Passion de Jésus Christ, qui n'appartiennent qu^a sa chair et pour le i^') tems de sa mortalité ? Que voules-vous dire, o traitteur ? Qu'il ne faut connoistre Jésus Christ selon la chair ? Si vous entendes selon vostre chair ou celle des autres hommes, je le confesse absolument ; mais vous seres inepte de (<^') rejetter, par la, la Croix, car la Croix n'est ni selon vostre chair ni selon la mienne, elle luy est contraire et ennemie. Si vous entendes selon la chair de Jésus Christ mesme, comme c'est le sens plus sortable (e'), il ne faudra pas dire qu'absolument il ne faille connoistre et reconnoistre Jésus Christ selon  I  (z) de bon cœur — bien affectionnement, non faintement ni par hipocrisie, et au reste employer l'homme tout entier a cest exercice, l'ame et le cors ensemble, affin que ce que Dieu a conjoint ne soit séparé en l'homme. (a') Je laisse — la vraye et naifve intelligence de ces parolles de Nostre Sauveur , (b') n'a pas besoin — que je la desduise plus au long. (c') de la mort — de Jesuschrist, des Sacremens ? Doit on priser la mort de Jésus ? sa Passion et ses afflictions ne doivent elles pas demeurer présentes a nostre mémoire ? et néanmoins ce sont choses qui n'appartiennent qu'a sa chair au (d') vostre chair — et la mienne, je le confesse absolument; mais vous estes inepte de vouloir (e') plus — naif et receu entre les Anciens ''  Livre III. Chapitre iv. 233 la chair ; car n*est-il pas né de la Vierge selon la chair ? n'est-il pas mort, resuscité et monté au ciel, selon la chair ? n'a-il pas sa vraye chair a la dextre du Père ? n'est-ce pas sa chair réelle selon la vérité, ou au moins le signe de sa chair selon la vanité de vos fantasies, qu'il nous a donnée en viande ? faudroit-il donques oublier tout cela, avec le Verbum caro fac- tum est*i^l? Quand donques saint Paul dit qu'il ne * (Joan., i, 14.) connoit Jésus Christ selon la chair, c'est selon la chair de laquelle il parle ailleurs * (g'), disant que Jésus Christ * Heb., v, 7. es jour de sa chair a offert des prières et suppli- cations a son Père ; ou le mot de chair se prend pour mortalité, infirmité et passibilité, comme s'il eust dit que Jésus Christ, pendant les jours de sa chair mortelle, infirme et passible, a offert prières et supplications a son Père 1^'). Ainsy, disant qu'il ne connoit plus Jésus Christ selon la chair, il ne veut dire autre sinon qu'il ne tient plus ni ne connoit Jésus Christ pour passible et mortel, qualités naturelles de la chair, et en un mot qu'il ne le connoit plus selon la chair accompagnée des infirmités de sa condition naturelle (0. 6. Autant hors de rayson allegue-il (J) saint Paul au Sixiesme. III des Colossiens * ; car, outre ce que les parolles qu'il * (Vide not. (i), p. dit y estre n'y sont point, quand elles y seroyent elles '^' ne nous seroyent point contraires, puysque nous confes-  (f ) la chair ; car n'est-il pas — resuscité selon la chair, monté au ciel en chair ? et n'est-ce pas sa chair selon la vérité, ou le signe de sa chair selon vos phantasies, quil nous laisse pour estre la vraye viande et nourriture de nos espritz et cors ? faudroit-il oublier tout cela, avec le mistere de son Incarnation ou le Verbum caro factum est? (g') il parle — luy-mesme (h') a son Père; ou — la chair signifie la mortalité et passibilité ou chair mortelle, comme s'il disoit que Jesuschrist pendant les jours de sa chair mortelle a prié. {i') dire autre sinon qu'il — ne le tient ni connoit plus passible et mortel, propriétés naturelles de la chair ; en un mot quil ne le connoit plus selon la chair accompagnée de ses qualités naturelles. {j') hors de — propos allegue-il le mesme  234 Défense de l'estendart de la S*« Croix. sons qu'il faut servir Dieu en esprit, se glorifier en Jésus Christ, et ne se point confier en nostre chair ; mais tout cela ne met point le cors ni ses actions extérieures hors de la contribution qu'il doit au service de son Dieu. Or(k') peut estre vouloit-il alléguer ce qui * Vers. I, 2. est dit en ce chap. m aux Colossiens *, et qui joindroit bien mieux a son propos (!') : Sï vous estes resuscités avec Jésus Christ, cherches les choses qui sont en haut, la ou Jésus Christ est séant a la dextre du Père; savoures les choses qui sont la sus, non celles qui sont sur la terre. Car, s'ensuivroit-il point de ces paroles qu'il ne faut tenir aucun conte de la Croix, de la Crèche, du Sepulchre^ et autres reliques de Nostre Seigneur qui sont ici bas en terre ? A la vérité cela seroit bien employé ("^") contre ceux qui arreste- royent leurs intentions et termineroyent leurs désirs aux choses qui sont icy bas; Cherches, leur diroit-on, ce qui est en haut : Sursum corda ; mais nous ne tenons point arrestees nos affections ni a la Croix ni aux autres reliques, nous les portons au royaume des cieux, employans a la recherche d'iceluy toutes les choses qui nous peuvent ayder a relever nos cœurs vers Celuy auquel elles se rapportent : il faut monter au ciel, c'est la nostre visée et dernier séjour, les choses saintes d'icy bas nous servent d'eschellons pour y atteindre (°').  (k') qu'il faut servir — Dieu en esprit (sans toutefois mettre hors du ser- vice de Dieu le cors ni ses actions), se glorifier en Jesuschrist, et ne se point confier en nostre chair. Qui nia jamais ces vérités entre les Catholiques? Mais (T) bien — plus apparemment a son intention (m') s'ensuivroit-il — pas de la quil ne faut tenir conte de la Croix, Sepulchre, Crèche de N. S., ni des autres reliques qui sont ci bas en terre? Cest'objection auroit force, seroit bien employée, (n') icy bas ; — on leur pourroit bien dire : Cherches ce qui est en haut : Sursum corda; mais nous n'arrestons point nos affections a la Croix, au Sepul- chre, ni a autre chose terrestre, nous cherchons le royaume des cieux ; seu- lement nous employons a ceste recherche la Croix, Sepulchre et autres saintes reliques et images qui peuvent nous ayder de beaucoup a relever nos pensées et affections vers Celuy auquel elles attouchent : il faut que nous allions au ciel, c'est la nostre visée et butte, mais nous pouvons employer les choses saintes et autres d'icy bas, comme des eschellons pour attaiàdre la haut.  Livre III. Chapitre iv. 235 K) Les mariniers, qui voguent a l'aspect et con- duitte des estoilles, ne vont pas au ciel pour cela mais en terre, aussi ne visent-ilz pas au ciel sinon pour chercher la terre ; au contraire, les Chrestiens, ne res- pirans qu'au ciel ou est leur thresor et le port asseuré de leurs espérances, regardent bien souvent aux choses d'icy bas, mais ce n'est pas pour aller a la terre, ains pour aller au ciel. Cherches Jésus Christ et ce qui est en haut, ce me dites-vous. Je le cherche, pour vray, et tant s'en faut que la Croix, le Sepulchre et autres saintes créatures m'en destournent, comme vous penses, qu'elles m'eschaufFent et empressent d'avantage a ceste queste. Les fumées et traces ne retirent pas le bon chien de la queste, mais l'y eschauffent et animent ; ainsy esventant en la Croix, en la Crèche, au Sepulchre, les passées et alleures de mon Sauveur, tant plus suis-je esmeu et affectionné a ceste bénite recherche, il me tire par la après soy comme par l'odeur de ses onguens. Me voyla donq desfait de cest homme tant importun, pour le gênerai des cérémonies; il faut que je suive mon propos.  (o') Les mariniers, qui voguent a l'aspect et conduitte des estoilles, ne vont pas au ciel pour cela mais en terre, et ne visent au ciel que pour chercher la terre ; au contraire, les Chrestiens qui eslevent leurs affections a Jésus Christ par les choses d'icy bas ne vont pas en terre mais au ciel, car ilz ne visent a ces choses qui sont sur terre que pour chercher et trouver Jesuschrist qui est au ciel. Cherches Jesuschrist, ce me dittes vous. Je le cherche, pour vray, et tant s'en faut que ces saintes créatures et reliques m'en destournent, qu'elles m'eschauffent d'avantage et m'empressent a ceste queste. Comme les fumées et traces ne retardent point la queste du chien mais l'y eschauffent, ainsy reconnoissant en la Croix, au Sepulchre, aux reliques, la fumée et trace de mon Sauveur, tant plus suys-je nnimé et mon affection esmeuë a ceste beniste recherche ; il me tire après soy, par la, comme par l'odeur de ses unguens. Me voyla donq desfait de cest homme tant importun ; il faut que je suive mon propos.  CHAPITRE V LA CROIX DOIT ET PEUT ESTRE EMPLOYEE A LA BENEDICTION DES CHOSES, A l'eXEMPLE DE l'eGLISE ANCIENNE  Puysqu'on peut prier par les saintes et légitimes cérémonies, pourquoy ne priera-on pas par (») le signe de la Croix, sainte et Chrestienne cérémonie ? Mays Bénédiction des cre- parlons pouT cc coup de la bcnediction des créatures atures que c est ; . ^ qui a accoustumé d'estre faitte (b; en l'Eglise, laquelle n'est autre qu'une prière et bon souhait par lequel on demande a Dieu quelque grâce et bienfait pour la créature sur laquelle on a quelque advantage ou supériorité, car c'est sans contradiction que ce qui est moindre est béni par le meilleur *. Or monstrons l'usage que le signe de la Croix a en cest endroit. En l'ancienne Loy, ou tout se faisoit en ombre et figure (c), la bénédiction ordinaire que les prestres fai- soyent avoit entre autres ces deux parties extérieures : l'une estoit que le prestre y employoit ces paroles déterminées W : Le Seigneur te bénie et garde ; le  * Heb., VII, 7.  Comme elle se fai- soit en l'ancienne Loy;  (a) Puysque Ton peut prier par les cérémonies, pourquoy ne priera-on par (b) Mays parlons — maintenant de la bénédiction des créatures qui a accoustumé de se faire (c) par le meilleur — et monstrons qu'elle se peut et doit faire par le signe de la Croix ; voyci dequoy. En l'ancienne Loy, ou tout se faysoit en figure et comm'ombre des choses a venir (d) déterminées — et précises, comme Dieu l'avoit commandé  Livre III. Chapitre v. 237 Seigneur te monstre sa face et aye miséricorde de toy ; le Seigneur retourne son visage vers toy, et te baille la paix *. L'autre estoit que le prestre eslevoit * Num., vi, 24-36. la main, comme tesmoignent les Rabbins, au rapport du bon et docte i^) Genebrard *, et qu'il est aysé a * In notis Chroni- recueillir de la prattique qu'on voit en l'Escriture : ^^* ' ^' ^'^' Aarony dit-elle*, eslevant sa main vers le peuple, le * Levit., ix, 23. henit ; coustume laquelle prit son origine de la loy de nature, ainsy qu'il appert en la bénédiction que Jacob donna a ses petitz enfans *, et a duré encores au tems *Gen.xLviii, 14,15. de Nostre Seigneur, dont saint Matthieu dit * que les * Cap. xix, 13. Juifz luy amenoyent les petit^ enfans a ce qu'il leur imposast les mains, c'est a dire a ce qu'il les benist. Et de fait, saint Marc tesmoigne en termes exprès * * Cap. x, 16. que Jésus Christ, ayant prins (^) ces petit^ en ses bras, mettant ses mains sur eux il les bénit. Or on observe encor en toutes les bénédictions Et comment en VE~ ecclésiastiques ces deux choses, mais avec une plus ^'^^' claire manifestation des misteres qui y sont contenuz. I. On invoque le nom du Père, et du Filz, et du Saint Esprit ; c'est ce que l'on faisoit anciennement a couvert, car ou visoit, je vous prie, (g) ceste répétition ternaire : Le Seigneur te bénie, le Seigneur te monstre sa face, le Seigneur retourne son visage vers toy, sinon au  (e) du — grand (f) qu'on voit en l'Escriture — de ceste cérémonie aux bénédictions : Aaron, dit elle, eslevant sa main vers le peuple, le bénit; coustume laquelle avoit son origine des le tems de Jacob, et duroit encores au tems de Nostre Seigneur, qui est la cause pour laquelle TEvangeliste, voulant dire que les Juifz amenoyent les petitz enfans a N. S. affin quil les bénit, il dit : Alhors furent présentés des petit\ a Jésus, a ce quil leur imposast les mains ; comra'il appert joignant a ce texte celuy de S* Marc qui, tesmoignant que N. S. a approuvé et observé ceste coustume, dit en termes exprès qn' ayant prins (g) Or on observe encor es bénédictions qui se font en l'Eglise les mesmes choses, mais a descouvert : car, i. on invoque ordinairement es bénédictions le nom du Père, et du Filz, et du S' Esprit. C'est ce que l'on faisoit en Tancienne Loy a couvert, car a quoy, je vous prie, se rapportoit (i) Notœ Chronicce, sive ad Chronologiam et universam historiam methodus. Parisiis, apud P. L'Huillier, etc., 1584.  238  Défense de l*estendart de la S*® Croix.  * Ps. Lxvi, 7, 8.  * Luc, XXIV, 50.  * Ubi supra.  mistere de la très sainte Trinité ? aussi bien que la bénédiction de David * : Dieu nous bénie, nostre Dieu, Dieu nous bénie ? (^) 2. Au lieu qu'anciennement on levoit ou imposoit simplement les mains, maintenant on exprime le signe de la Croix pour protester que toute bénédiction a son mérite et valeur de la Passion de Jésus Christ, laquelle est encores appellee exaltation. Que dira l'huguenot ? Si on levé la main pour bénir, c'est a l'imitation du Sauveur qui, montant au ciel, bénit les Disciples eslevant les mains * ; si on fait le signe de la Croix, c'est pour monstrer d'où nos béné- dictions ont leur vigueur et force. Jacob toucha des-ja ceste forme * quand il croisa ses mains, bénissant les enfans de Joseph, pour préférer le moindre a l'aisné, présageant que Nostre Seigneur, ayant les bras en croix , beniroit le monde en sorte que les Gentilz demeureroyent en eifect préférés aux Juifz. Mays puys- que le Sauveur, dira peut estre l'huguenot, bénissant ses Apostres, n'usa point du signe de la Croix, pourquoy est-ce que vous l'employés ? Pour vray, je ne sçai si le Sauveur fit ce signe, car l'Escriture qui ne l'asseure pas ne le nie pas aussi ; si sçai-je bien que le Crucifix mesme, bénissant, n'a pas eu besoin d'user du signe de la Croix, car qu'a-il besoin de s'invoquer soy mesme, ou protester que la bénédiction vient de luy?(i) Au demeu-  (h) Dieu nous henie? — C'estoit une secrette et misterieuse invocation de la Trinité, laquelle les Chrestiens, qui sont au midi de la lumière cceleste, font clairement et distinctement. (i) / j. r ^ j enfansfiaure qu'il Circoncision, figure du Baptesme, tut commandée pour i/s faut baptiser. les petitz enfans en l'ancienne Loy * ; Calvin ne fait * (Levit., xu, 3.) point de difiiculté de fonder, sur ce commandement fait en la figure, une certaine preuve de l'article du baptesme des petitz enfans contre l'Anabaptiste * : * Ibid., §§ 4, 5.  {n) point forclos — ni exclus, pourquoy est ce que ces religionnaires le forcloront ? Calvin, confessant qu'on ne sçauroit monstrer expressément (o) de mesme (p) Item, si la figure est commandée, la chose figurée — est elle pas encor asses commandée, puysque la figure n'est prattiquee pour autre que pour asseurer Tevenement de la chose figurée ? Or, s'il faut plus tost croire a S' Aug'" qu'au traitteur, cest arrousement des posteaux a esté figure du signe que l'on fait sur le front des Chrestiens, Si donques la figure est commandée aux Juifz, il y a asses de fondement pour les Chrestiens pour la tenir pour commandée.  ce. m, IV. ** De S C. XXVII  254 Défense de l'estendart de la S*® Croix. pourquoy ne sera-il loysible a saint Augustin, et aux autres Pères, de tirer en conséquence la marque du sang de l'aigneau imprimée sur l'entrée des maisons, pour monstrer le devoir que nous avons de marquer nos frontz, comme le sursueil de ceste habitation ter- restre, du signe de la sainte Passion ? Voyla bien asses de commandement. 3. Mais, parce qu'il n'est pas du tout exprès en l'Escriture, les Apostres le laissèrent expressément en l'autre partie de la doctrine Chrestienne et Evangelique, appellee Tradition : « (q) Quelle que soit la conversation et action qui nous exerce, nous touchons nostre front du signe de la Croix. Que si tu demandes le commandement escrit de ces observations, tu n'en trouveras point (0; on te met au devant la Tradition pour authrice (s), la coustume confirmatrice , et la foy observatrice. » Ce sont les paroles de l'ancien * De cor. mil., TertuUien * ; et (t) saint Basile disoit peu après ** : ce. III IV. **De Spir. Sanct, « Nous avons quclqucs articles qui sont prêches en l'Eglise de la doctrine baillée en escrit, nous en rece- vons aussi quelques autres de la tradition des Apostres laissée en mistere, » c'est a dire en secret, « lesquelz tous deux ont pareille force pour la pieté, et personne n'y contredit pour peu qu'il sçache quelz sont les droitz ecclésiastiques. Car si nous taschons de rejetter les coustumes non escrittes comme n'estans guère impor-  (q) pourquoy ne sera-il — aussi bien loysible a S' Aug'" et Lactance de prouver par l'aigneau Paschal, figure de la Passion, duquel la marque estoit imprimée sur les sursueilz des maisons, le devoir que nous avons de nous marquer sur le front, comme sur le sursueil de cest'habitation corporelle, du s* signe de la Passion ? Voila donq bien asses de commandement de faire le s' signe de la Croix au front ; mais parce qu'il ni [en] a point de particulier et spécial en termes exprès en l'Escriture, les Apostres le laissèrent en l'autre partie de la doctrine qu'on nomme Tradition. « A tout acheminement et progrès, a toute entrée et sortie, au vestir et chausses, aux bains et tables, aux lumières, aux litz, aux sièges, (r) tu n'en trouveras — point (a sçavoir, ainsy particularisé en termes exprès) (s) autheur ^ (t) Ce sont les — propres paroles de Tertulien, l'un des plus anciens autheurs que nous ayons ; et le grand  Livre III. Chapitre vu. 255 tantes, nous condamnerons aussi imprudemment les choses nécessaires a salut qui sont en l'Evangile ; ains plustost nous ravallerons la prédication mesme de la foy, a une parole nuë et vaine. De ce genre est (affin que je cotte de premier (^) ce qui est le premier et très vulgaire) que nous signons du signe de la Croix ceux qui ont mis leur espérance en Jésus Christ : qui l'a enseigné par escrit? » Aves-vous ouy, petit traitteur (v), ce grand et ancien maistre, comme il tient l'observation de se signer au front pour toute commandée, quoy qu'elle ne soit expressément escritte ? Que luy sçauries- vous opposer, sinon qu'il est homme, a vostre accous- tumee ? Et certes il est homme, mais très chrestien (w) et très entendu en la loy Evangelique, régentant en l'Eglise au tems de sa plus grande pureté. C'estoit Ihors, comme l'appelle saint Grégoire Nyssene *, « une voix * Orat funeb. in . r- n -1 1 11 • I \ Basilium ^. et trompette magnmque , et 1 œil de 1 univers ; » l^) c'estoit un seul Evesque , mais accordant et de très bonne intelligence, en la doctrine et discipline ecclé- siastique, avec tous ses collègues (y). (z) IV. En fin je voudrois bien que le traitteur cottast le tems auquel est né l'erreur d'attribuer au bois ce qui est propre au Crucifié. S'il entend parler de l'honneur de la Croix, qu'il reprend en l'Eglise Catholique, il ne  (u) le premier (v) Aves-voHs ouy , — traitteur (w) très chrestien — mais très zélé (x) de sa plus grande — clairté et pureté; et comme S' Grégoire Nissene l'appelle « Toeil de l'univers, voix et trompette magnifique ; » (y) collègues (z) [Cet alinéa ne se trouve pas au Ms., où une nouvelle division, corres- pondant aux chapitres viii et ix du texte, commence ici sous le titre, De deux autres raysons. Le Saint introduit ces deux principales raisons par la simple indication de six autres moins importantes, lesquelles se trouvent au texte à la fin de ce chapitre vir.] (i) Hoc loco S. Basilius magnifiée laudatur a fratre ejus Nysseno, sed verba citata videntur esse Nazianzeni, in carminé, Basilii magni Epitaphium, ubi S. Basilium vocat : « Nuntium veritatis magnisonum, clarissimum oculum Christianorum. »  256 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. sçauroit monstrer quand il est né, car il a tousjours esté ; et est inepte disant qu'il est né de simplicité, car saint Ambroise, saint Paulin, saint Augustin et mille autres telz Pères qui ont enseigné cest honneur, comme j'ay asses prouvé es deux premiers Livres, estoyent a la vérité simples comme colombes, mais ilz estoyent aussi, a Tegal, prudens comme serpens ; si que leur sainte simplicité ne pouvoit enfanter aucun erreur. Voyla l'injure que ces novateurs font a l'ancienneté, bien mal adoucie de l'attribuer a simplicité ; car ceste simplicité errante et mère d'erreur s'appelle folie en ceux qui ont charge des peuples. Et ce pendant le traitteur calomnie, disant qu'on attribue au bois de la Croix ce qui est propre au Crucifié, car jamais nous n'y pensasmes ni ne le fismes, comme j'ay monstre cy devant. Au reste, c'est une playsante gradation que celle que fait cest homme, disant que l'erreur d'honnorer la Croix est « né « de simplicité, accreu par ignorance et débattu main- « tenant par opiniastreté. » Car par la il attribue a nostre aage la science et connoissance avec opiniastreté, aux prédécesseurs une simple ignorance, et aux plus anciens Chrestiens une simplicité ignorante , puys- qu'autre simplicité ne peut causer l'erreur : la ou, au contraire, ces Anciens si clair-voyans seroyent bien plus inexcusables d'avoir donné commencement a l'er- reur, s'il y en avoit, que nous qui en serions les sec- tateurs beaucoup moins entenduz et sçavans ; ce seroit nous qui errerions par simplicité et ignorance a la suite des Anciens. Mays, je m'amuse trop avec ce gros discoureur. Six autres raysons III. La troisicsme rayson, de se signer au front, est pour le s t'orne de la . /n.i '^tt- • t j. Croix au front, ainsy(a) touchcc par samt Hierosme : « Le prestre bifi^* df vesf. Sa- ^^ l'ancienne Loy portoit une lame de très fin or cerd. attachée a sa tiare, pendant sur le front, en laquelle estoit gravé, Sanctum Domino : Saint au Seigneur ;  (a') Nos Anciens ont produit quelques autres raysons pour lesquelles on se signe au front, pour la plus part. Celleci donq sera la troisiesme,  Livre III. Chapitre vu. 257 et devoit tousjours avoir cest escriteau sur le front affin que Dieu luy fust propice*. Ce que jadis estoit * (Exod., xxvm, monstre en la lame d'or, nous est monstre au signe de la Croix ; le sang de l'Evangile est plus pretieux que l'or de la Loy. » Pour monstrer donq que les Chres- tiens , estans îcn royal sacerdoce *, sont saintz au * (i Petr., n, 9.) Seigneur par le sang du Sauveur, au lieu de la lame d'or ilz portent (^'1 le signe de la Croix sur le front. Voici encor d^autres raysons, marquées par l'ancien Origene * et saint Chrysostome **. IV. Le signe de la * Homii. vm De /-. . 1 .i 1 . -i- 1 diversis. (Vide p. Croix est nostre estendart, il doit estre au lieu plus 164, not. (2.) apparent de nostre ville. V. C'est nostre trophée, il le chii^tursit Deus^ faut lever au plus haut de nostre temple, et comme sur une honnorable colomne. VI. C'est nostre couronne, il la faut sur nos testes. VIL C'est nostre (<^') escusson, il le faut sur nostre portail et au frontispice de nos maysons. VIII. C'est une marque honnorable, il la faut faire avec la main droitte comme plus noble, et la placer sur la plus illustre pièce de nostre cors. Il y en a mille semblables chez les Anciens. {^')  (b') au Seigneur, — au lieu de la lame d'or ilz impriment (c') nostre — propre (d') nos maysons. — 8. Comme c'est une très noble marque, et que partant on la fait de la main droitte comme la plus noble, aiusy la loge-on sur la plus noble place de nostre cors.  17  CHAPITRE VIII AUTRE [neuvième] RAYSON POUR LAQUELLE ON FAIT LE SIGNE DE LA CROIX AU FRONT, TIREE DU PROPHETE EZECHIEL  Du signe Thau. (a) Dieu uppella Vhomme qui estait vestu de lin, * Cap. IX, 3-6. dit le prophète Ezechiel *, et qui avait Vescritaire de Vescriveur sur ses reins, et le Seigneur luy dit : Passe par le milieu de la cité au milieu de Hieru- salem, et marque de Thau les frans des hammes qui gémissent et sauspirent paur tantes les abami- natians qui se fant au milieu dHcelle. Et tout incontinent après il commande a six personnes qui portoyent les vases de la mort en leurs mains, de massacrer tout ce qui se trouveroit dans la cité. May s, dit-il, sur quicamque vous verres Thau, ne le tues pas. {^) Ce Thau, marque de sauvement, ne signifioit autre que la Croix ; or, il estoit imprimé sur le front, c'est pourquoy nous faisons la Croix au front. Belle preuve de l'honneur et vertu de la Croix, et  (a) 9. Mays une des plus célèbres raysons pour laquelle on met au front le signe de la Croix, est celle que le traitteur tasche si fort de rejetter, tirée du prophète Ezechiel. En voyci la substance : (b) Ce Thau, marque de sauvement et prseservation, disent les Anciens, ne signifioit autre que la Croix; or il estoit imprimé sur le front, nous devons donques imprimer sur le front la marque de la Croix : preuve belle et considérable pour l'honneur et vertu de la Croix, qui mérite  Livre III. Chapitre viii. 259 d'autant plus considérable que le traitteur tasche de l'obscurcir. Voyons donques par le menu ce qu'il en dit, et l'examinons. I. Ayant recité le texte d'Ezechiel en ceste sorte, opinion du trait- « Marque de la marque les fronts des hommes », il version du passage poursuit ainsy : « En ce sens et en pareils mots l'a ^^^ ^'^'^ . « traduit le translateur Grec, comme aussi sainct Hie- « rosme remarque que les Septante interprètes et {( Aquila et Symmachus * ont dit de mesme, assavoir, (p. 22.) « mets le signe ou la marque sur les fronts. Car aussi « Thau en Hebrieu signifie une marque ou un signe, et « est tiré du mot Thavah, c'est à dire, signifier ou « designer. » Ce ne sont pas grand'nouvelles que cela ; Examinée. mille des nostres l'ont des-ja remarqué, et entre autres Sixte Sienois * ^. Mays quelle conséquence en peut-on * Bibiioth. sancta, tirer contre nous ? Faisons que ceste traduction fust (c) ' ' la meilleure, n'y aurons-nous pas tousjours cest advan- tage, que le signe de la Croix, estant le plus excellent des purs et simples signes (^), et le grand signe du Fiiz de La Croix signe du l'homme^, il peut et doit estre entendu, plus proprement  dautant plus d'estre bien retenue, que le traitteur tache de Tesbranler et la nous faire cheoir des mains. Voyons donques par le menu ce quil nous oppose en cest endroit, et le renversons. I. 11 remarque que au lieu que nostre version Vulgaire porte : Marque Thau sur le front, les Septante, Aquila et Simmachus ont tourné : Metz le signe ou la marque sur les frons ; oyons le parler luy mesme. Ayant rapporté [Reprendre au texte, lig. 4.] (c) signifier ou designer. » — Ce n'est rien de nouveau que cecy ; mille des nostres nous Tavoyent ja enseigné, entr'autres Six. Sen., 1. 2, Bibliot. Mays quelle conséquence peut avoir ceci contre nous .^ Faisons, je vous prie, que sa traduction soit (d) des purs — signes et marques (i) Voir les fragments des Hexapla d'Origène ; Opéra, tom. VI, pars m. La version de Symmachus manque pour ce passage ; Aquila traduit : Mar- que;f le Thau. (2) Sixte Siennois, né à Sienne, en 1520, renonça au Judaïsme pour embras- ser la Religion Catholique ; il mourut dans l'Ordre des Dominicains, en 1569. (3) Corrigé d'après le Ms., et selon l'argument même dont la i""* édition donne correctement la suite, tandis qu'elle présente ici cette leçon évidem- ment fautive : « signe du Filz de Dieu, n  260 Défense de l'estendart de la S*'' Croix. qu'autre quelconque , sous le nom et mot absolu de marque ou signe? Car ainsy, quoy qu'il y peut avoir plusieurs signes du Filz de l'homme, quand toutefois il est parlé absolument du signe du Filz de l'homme, les Anciens l'ont entendu (e) du signe de la Croix ; et saint *(Ep. Lxiv.) Hierosme_, en l'epistre a Fabiole *, prenant le signe d'Ezechiel, non pour la lettre Thau simplement, mays pour signe et marque en gênerai, ne laisse pas pourtant de l'appliquer a la Croix : « Alhors, » dit-il, « selon la parole d'Ezechiel, le signe estoit fiché sur le front des gemissans ; maintenant, portans la Croix nous disons, Seigneur, la lumière de ta face est signée sur *(Ps. IV, 7.) nous*. » Ainsy, quand il est dit en l'Apocalipse ** : **Cap. vu, 3. • j. ■ j. 7 4. -7 Ne nuises point a la terre, m a la mer, m aux arbres, jusques a ce que nous ayons marqué les serviteurs de nostre Dieu en leurs frons^ la marque dont il est question n'est autre que la Croix, comme sont d'advis Œcumene, Rupert, Anselme et plusieurs * In Commentario. autres devanciers*, avec grande rayson ; car^ quelle autre marque peut-on porter sur le front, plus honno- rable devant Dieu le Père, que (^) celle de son Filz ? et a quelle sorte de marque peut-on mieux déterminer toutes ces saintes paroles, qu'a celle de laquelle nous sçavons tous les plus grans serviteurs de Dieu avoir esté marqués et en avoir fait tant d' estât (g) ? Dire du traitteiir, II. Aprcs que le traitteur a ainsy colloque son opinion touchant les inter- . i , ■> . •, ^^ .■, .,. pretations des An- toucliaut la vcrsiou dc cc licu , il poursuit amsy : ■' ^^ V « Vrai est que Theodotion et l'interprétation Vulgaire (( ont retenu le mot de Thau, le prenant matériellement « comme on parle aux escholes, sur quoi plusieurs ont  (e) plusieurs signes du Fil^ de Vhomnie, — si est ce que quand il est dit absolument, le signe du Filz de l'homme, les Anciens l'entendent de la Croix; quand les Chrestiens parlent de se signer, ilz veulent entendre (f) plusieurs autres — des devanciers et Anciens, avec grande rayson ; car, quell'autre marque plus honnorable pouvons -nous porter devant Dieu, que , (g) de laquelle nous — voyons marqués tous les plus anciens et saintz serviteurs de Dieu ?  ciens  Livre III. Chapitre viii. 261 < philosophé à leur plaisir : car, comme le mesme sainct Hierosme escrit, les uns ont dit que par la lettre Thau, qui est la dernière de l'alphabet Hebrieu, ( estoient signifiez ceux qui avoient une science par- ( faite ; les autres ont dit que par la mesme lettre ( estoit entendue la Loy, qui en Hebrieu est appelée ( Thorahj duquel mot la première lettre est Thau ; < et finalement le mesme sainct Hierosme, laissant le < charactere dont a usé le Prophète, a recherché le ( charactere des Samaritains, et dit que Thau, entre les Samaritains, a la ressemblance d'une croix, mais il ne peint point la figure de ce Thau des Samaritains ; et pourtant icelui, sentant que ce sien dire estoit recerché de trop loin, adjouste, incontinent après, une autre exposition, c'est assavoir, que comme la lettre Thau est la dernière en l'alphabet, ainsi par icelle estoient représentés les gens de bien estans de reste de la multitude des mal vivans. » Voyla la seconde desgainee du traitteur a ce propos, sur laquelle j'ay a dire plusieurs choses. 1. L'ancienne Vulgaire et générale édition mérite Confuté. bien ce crédit, qu'on ne la laisse pas témérairement (^) pour autre quelconque ; et partant, puysque elle retient le Thau pour la marque de laquelle devoyent estre marqués ces gemissans, nous ne le devons pas rejetter pour peu(0. 2. C'est très mal parlé de dire que plusieurs ont philosophé sur cela <( à leur plaisir », entendant des an- ciennes considérations faittes sur ceste Prophétie ; car ces anciens et graves espritz n'ont pas manié les Escri- tures a leur playsir, mais leur playsir par l'Escriture (i).  (h) Voyla — sa seconde desgainee, sur laquelle je dis: i. Que l'ancienne Vulgaire et approuvée édition mérite bien ce crédit, qu'on ne la laisse pas (i) ces gemissans, — nous avons grande occasion de le retenir aussi. ( j ) entendant des — considérations que les Anciens ont apportées a l'intel- ligence de ceste Prophétie ; car ces graves et saintz espritz n'ont pas manié les Escrittures a leur playsir, mais leurs playsirs par les Escrittures.  262 Défense de l'estendart de la S*' Croix. 3. Aussi, quoy que saint Hierosme produise plusieurs sens, si ne sont-ilz pas contraires, mais peuvent tous joindre ensemble sur celuy que saint Hierosme estime le plus sortable, et lequel est plus doux et naïf : car le comble de connoissance, signifié par la fin et comble des lettres, qui est Thau, gist a sçavoir et prattiquer la Loy, laquelle est encor signifiée par Thau, d'autant que le mot Thorah, qui signifie la Loy^ se commence par Thau. Or la Loy ne s'observe que par le reste et petit nombre des bons, et ce en vertu de la Croix et mort du Sauveur, le signe de laquelle est sur leur front, exprimé par la lettre Thau hébraïque. C'est philosopher a l'honneur de Dieu, non pas a plaisir (k). 4. Mays, n'est-ce pas une trop grande ruse, de vou- loir (0 faire croire que saint Hierosme ne s'est voulu arrester sur la troisiesme interprétation comme la sen- tant recherchée trop au loin, et que partant il a apporté l'autre ? Certes, c'est une fauseté expresse ; car, i . la dernière interprétation est plus forcée, la troisiesme plus coulante H. Quelle convenance y a-il entre le reste des meschans, et la dernière lettre de l'alphabet ? mays elle est grande entre l'ancien Thau hébreu et la Croix, comme dit (^) le mesme saint Hierosme. 2. Saint  (k) 3. Aussi, quoy que S' Hierosme produise plusieurs interprétations, si ne sont elles pas contraires, mais peuvent toutes joindre très bien ensemble sur celle que S' Hierosme estime la plus sortable, et laquelle est la plus naifve : car la science parfaitte et complette consiste en la connoissance de la Loy et exécution d'icelle, qui n'appartient et ne se trouve qu'es gens de bien, qui sont de reste de la multitude des meschans, suyvant la sainte parole. Or tout cela est consommé, et dépend de la Croix et mort de nostre Seig'" : ainsi donques, le comble de connoissance, signifié par la fin et comble des lettres, qui est Thau, gist a sçavoir et prattiquer la Loy, laquelle est encor signifiée par Thau, d'autant que le mot thorah, qui signifie la Loy, se commence par ceste lettre la, ce qui ne se fait que par le reste et petit nombre des gens de bien, lesquelz ne le font qu'en vertu de la sainte Croix, le signe de laquelle est sur leur front, exprimé par la lettre Thau des Hébreux. C'est philosopher a l'honneur de Dieu, non pas a plaisir, cela. (1) 4. Mays prenes garde a ce traitteur, car il est traistre ; il veut (m) apporté l'autre — Cela est faux ; car, i. la dernière interprétation est beaucoup plus forcée que la troisiesme. (n) entre — la lettre ancienne Thau des Hébreux et la Croix, comme tesmoigne  Livre III. Chapitre viii. 263 Hierosme répète ailleurs la troisiesme interprétation, qui monstre asses qu'il la tient pour loyale ; j'ay cité le lieu ci dessus * (o). 3. Il proteste ouvertement que c'est * (Pag. 260.) son opinion, car, après avoir allégué les deux premières, il produit la troisiesme ainsy : « Mais(p) affin que nous venions a nos affaires, par les anciennes lettres des Hébreux, desquelles jusques a ce jourd'huy les Sama- ritains se servent, la dernière lettre Thau a la ressem- blance de la Croix, laquelle est peinte au front des Chrestiens et signée par la fréquente inscription faite avec la main. » (q) 5. Et par ceci l'on void combien le traitteur a ou d'ignorance ou de malice, quand il dit que saint Hie- rosme a laissé le caractère dont a usé le Prophète, pour rechercher le caractère des Samaritains. Y a-il si pauvre homme qui ne sçache qu'Ezechiel a vescu avant Esdras? puisque celuy-la mourut en la captivité, et celuy-ci après icelle et la restauration du Temple. Qui ne sçait qu'Esdras a esté le dernier en la continuelle succession des Prophètes ? Or, ce fut Esdras qui changea les anciennes lettres des Hébreux en celles que nous avons maintenant, mais les Samaritains les retindrent. (Voyes ce qu'en dit saint Hierosme in Prologo galeato ^.) Ezechiel donques, qui escrivit avant la muta-  (o) répète ailleurs — ceste mesme interprétation, qui monstre quil la tient pour loyale, ainsy que j'ay cité ci dessus, quoy qu'avec un peu de différence. (p) après avoir — cité les deux premières : « Mais, ce dit, (q) 5. Par ou l'on peut descouvrir combien le traitteur est encor ou ignorant ou meschant, quand il dit que S' Hierosme a laissé le caractère dont a usé le Prophète et a recherché le caractère des Samaritains. I a-il homme si ignorant chronologien qui ne sache qu'Ezechiel a vescu avant qu'Esras ? puisque celuy-la mourut en la captivité, et celluy ci après icelle et la restau- ration du Temple. Qiii ne sçait que Esraz a esté le dernier en la continuelle succession des Prophètes? Or, ce fut Esras qui changea les anciennes lettres des Hébreux, que les Samaritains retindrent, comme S' Hierosme mesme tesmoigne in Prologo galeato, initio. Ezechiel donques, qui avoit escrit au (i) Le Prologue casqué. C'est l'introduction aux Livres des Rois (in lihros Samuel et Malachim), en laquelle S. Jérôme défend son Canon des Saintes Ecritures. Opéra, tom. IX; voir surtout les notes, coll. 549, 550.  264 Défense de l*estendart de la S** Croix. tion, se servit de l'ancienne forme des lettres hébraïques, selon lesquelles le Thau estoit semblable a la Croix. Tant s'en faut donques que saint Hierosme ait laissé le caractère dont usa le Prophète, qu'au contraire il l'est allé rechercher dans l'antiquité des lettres hébraï- ques, qui estoit demeurée parmi les Samaritains. Ni saint Hierosme ne recherche pas le caractère des Samaritains, comme dit le traitteur, mais plustost celuy des Hébreux anciens, « duquel, » dit-il, « jusques a ce jourd'huy les Samaritains se servent », sçachant que c'estoit de cest ancien caractère duquel Ezechiel avoit indubitablement usé, puysque le changement n'estoit encor pas fait quand il fit et prononça sa Prophétie. Reproche fait par m. Le traitteur reproche de rechef a nostre ravson le traitteur ti l in- . -, i -r-k • terpretation com- tirce de la Prophétie d' Ezechiel, la disproportion qu'il *rolme, ^ ' ^'^' ^^^ ostro entre la Croix et Tancien Thau des He- (pp. 22 et 33.) breux (0. « Mais soit, » dit-il, « que la lettre Thau ait « esté peinte en charactere Hebrieu, ou en charactere (( Samaritain par une seule figure, il est aisé à voir (( qu'il y a peu de similitude à une croix entière :  paravant, s'estoit servi des premières et anciennes figures des lettres des Hébreux, selon lesquelles le Thau estoit en forme et ressemblance d'une croix, comme dit S' Hierosme. Quand donques Ezechiel escrivit, le caractère du Thau n'avoit encor point esté changé par Esras, et estoit en forme de croix : dont tant s'en faut que S' Hierosme ait laissé le caractère dont a usé le Prophète, qu'au contraire il l'est allé rechercher très a propos. Il faut qu'une bien grande passion ait poussé ce traitteur a telles inepties. 6. Mais encor est ce une bien expresse malice quand il dit que S' Hierosme a recherché le caractère des Samaritains, puysque S' Hierosme proteste tout haut que ce quil dit est selon lancienne forme des lettres hébraïques , laquelle est demeurée en celle des Samaritains. S* Hierosme donques ne fait point de fondement sur ce que Thau estoit en forme de croix selon les Samaritains, mais sur ce quil estoit en forme de croix selon le charactere ancien des Hébreux, duquel Ezechiel avoit indubitablement usé puysque le changement de charactere n'estoit encor pas fait. H faut que je confesse que, voyant ces inepties si rusément cousiies et qui tromperoyent aysement les moins versés et diligens, je suis forcé de croire que ce traitteur a beaucoup moins de jugement ou de candeur que d'érudition. (r) 3. n oppose de rechef a nostre rayson tirée de la Prophétie, la dis- proportion quil dit y avoir entre la Croix, et le Thau des Samaritains et anciens Hébreux.  Livre III. Chapitre viii. 265 « car le charactere Hebrieu est fait ainsi, n, et le « charactere Samaritain ainsi, T, qui n'est pas la vraye « figure d'une croix, car il y défaut la partie du dessus, « où estoit fiché l'escriteau ou titre de la croix, comme (( l'a bien remarqué Lypsius, au chap. lo. de son i. livre « de la Croix. » Ne voicy pas de grandes finesses (s) ? I. Il y a peu de similitude, dit-il, du Thau, T, a une Examiné et effacé. croix entière, -j- . Mais quelle plus grande similitude y peut-il avoir, sinon que le Thau fust une croix ? Certes, nous ne disons pas que le Thau soit une croix*, ains qu'il la ressemble ; or, similia non stint eacïem. Ce n'est pas une croix (*), mais il ne s'en faut gueres. Et pleust a Dieu que ces reformeurs eussent imité ce rare et grand esprit. Juste Lipsius ^ ; ilz ne seroyent plus ennemis de la Croix (").  (s) de la Croix. » — Voicy pas un estrange homme? [t] Ce 71 est p.is — voirement une croix entière (u) gueres. — Je n'ai pas encor veu le livre de Lipsius qu'il a fait de la Croix, quoy que je Taye désiré ; ces guerres passées nous ont infiniment incommodé pour avoir les livres que nous desirions ; aussi ce quil en allègue ne fait rien contre nous. Pleut a Dieu que ces reformeurs eussent bien jette les yeux sur ce rare et bel esprit de nostre eage, ilz ne seroyent plus enne- mys de la Croix comme ilz sont. (i) Les recherches modernes prouvent que le Thau avait, en tous les anciens alphabets hébreux, la vraie forme d'une Croix. On le voit sous la forme X à l'inscription Moabite, « Stèle de Mésa », qui se conserve aujourd'hui au Musée du Louvre, et qui date d'environ 900 ans avant J.-C. Dans les anciennes gemmes et médailles judaïques, il est exprimé par -+-, X- Les gram- maires de Gesénius et de Kalisch (Londres) assurent que la signification du mot Thau est croix, ou, signe de la croix. Comme les Samaritains ne firent qu'adopter les anciens caractères hébreux, chez eux la forme primitive du Thau fut aussi une croix, laquelle dégénéra ensuite en A ; on le trouve ainsi au petit ouvrage faussement attribué à S. Jérôme, De formis Hebraicarum litterarum (Opéra S. Hieron., tom. XI, col. 309). La forme T est le caractè-re grec du Thau hébraïque. Voir sur toute cette question les notes des éditeurs, aux ouvrages d'Origène et de S. Jérôme indiqués précédemment, et au Commentaire du même S. Jérô- me, in E\ech., ix, 4. Voir aussi la grande Table des Caractères Sémitiques, du Docteur Julius Euting, et le Lexicon Hebr.-Chald. de Gesénius, au mot IH, (2) Lipsius, après avoir négligé ses devoirs catholiques pendant plusieurs années, fit un acte public d'adhésion à l'Eglise, en 1590. A la fin de la dédicace de son livre, De Cruce, qu'il publia en 1592, il dit, se servant  266 Défense de l^estendart de la S** Croix. 2. Il a tort aussi d'alléguer que le caractère Hébreu est fait ainsy, n, car c'est le caractère tel qu'on le fait aujourd'huy, duquel nous ne parlons pas, ains de celuy qui estoit au tems d'Ezechiel, lequel, comme dit saint Hierosme, ressembloit a la Croix (v). 3. Et quant au caractère Samaritain , je ne sçai s'il estoit du tout tel au tems de saint Hierosme qu'il est aujourd'huy. Cela crois-je bien, que s'il eust eu plus de forme de croix qu'il n'a, les Juifz et Rabbins l'eussent changé en haine de la Croix, laquelle ilz détestent tant qu'ilz ne la veulent pas mesme nommer, comme a * (Supra, CI.) remarqué le docte Genebrard, et je l'ay dit ailleurs * (w). Autre reproche IV. Le traittcur oppose encores « que si la diction (P- 23.) ^^ Thau a esté descrite avec ses consonantes et une « voyelle , comme aujourd'hui elle se lit au texte (( Hebrieu, en ceste manière, in *, il y a encores moins « d'apparence. » Rejette, La OU je dis que [comme] Thau veut dire un signe et une lettre particulière, ressemblante a la Croix, si la Prophétie s'entend d'un signe absolument , il faudra tousjours le rapporter a iceluy de la Croix, a cause de l'excellence d'iceluy, comme j'ay dit ci devant; et déplus, ce signe estant exprimé par un mot qui a en teste et en sa première lettre la figure de la Croix, et non seule-  (v) 2. Mays a il pas tort d'alléguer que le caractère hébreu est fait ainsy T\ } car nous ne parlons pas du caractère hébreu tel qu'on l'a aujourd'huy, ains de celuy qu'on avoit au tems d'Ezechiel, lequel, comme dit S' Hierosme, avoit la ressemblance de la Croix. (w) comme a — doctement remarqué l'un de mes maistres, grand en plusieurs excellerites qualités, mais particulièrement en la connoissance des langues. des paroles de Tertullien {De Prœscr.^ cap. xxxvr) : u Tibi adhœreo, statu felix Ecclesia, cui totam doctrinam Apostoli Petrus et Paulus cum san- guine suo profuderunt. » f i) La voyelle dont parle La Paye n'est pas au texte de son Brief Trait té. Cette omission peut être, il est vrai, une faute d'impression ; toutefois, c'est, de sa part, ou mauvaise foi, ou profonde ignorance, de supposer que le prophète Ezéchiel ait pu employer un caractère inventé seulement après le \y'^ siècle de l'ère Chrétienne.  Livre III. Chapitre viii. 267 ment cela, mais signifie encor un certain seul caractère qui a semblance de croix, nous sommes tousjours plus contrains, par la considération de tant de circonstances, a prendre ce signe de la Prophétie pour celuy de la Croix. Mais si la parole Thau ne signifie pas seulement une borne et signe, ains encor une croix, comme Tasseure Genebrard *, homme extrêmement ou incroyablement *iaPs.Lxxvn, 47. versé en la langue hébraïque , quelle plus grande lumière voudroit-on en .confirmation de nostre dire ? (^) V. « Mais, » ce dit le traitteur, « après les mots il faut Sens proposé par le . . traitteur examiné « venir au sens, (y) et confuté. (( Premièrement il appert par ce qui est recité au ^P* ^^"^ (( huictieme et neufvieme chapitres d'Ezechiel, que tout « ce qui est là dit, a esté représenté en vision mentale, <( tellement que la chose n'a esté réellement faite. » (z) Ici je consens volontiers, et dis que ceste vision, estant spirituelle, elle a d'autant plus de rapport a l'esprit  (x) La ou Je dis — premièrement, que un grand docte en la langue hébraïque tient que Thau ne signifie pas seulement une borne et signe, mais Geneb. encor une croix; disant que la ou au Psalme il y a, selon nostre version, 77> 7' 47" Et conversi sunf, et tentaveriint Deiim, et Sanctum Israël exacerbaverunf, on pouvoit bien mettre, et Sanctum Israël crucifixerunt ; en sorte que le Psalraiste tance les rebellions des Hébreux, faysant allusion au genre de mort duquel ilz devoyent faire mourir N. Sauveur. Dautant, dit-il, que Thau ne signifie pas seulement une borne, mais aussi une croix, d'où vient le verbe sitvah. Si cela est, quelle plus grande lumière voudroit on pour confirmation de nostre rayson ? 2. Mays a qui voudra chicaner au prouffit (en faveur) des Juifz pour n'accorder pas cela, il me suffira bien que Thau y soit escrit au long, car Thau veut dire un signe et une lettre particulière ressemblante a la Croix ; si que estant parlé d'un signe absolument, il faudroit tousjours entendre de celuy de la Croix, a cause de l'excellence d'iceluy, comme j'ay dit ci dessus ; mais ce signe estant exprimé par un mot qui a en teste et en sa première lettre la forme de la Croix, et qui non seulement a en teste et en sa première lettre la forme de la Croix, mais signifie encores un seul caractère qui ressemble a la Croix, il semble que nous soyons contrains, par la considération de ces circonstances, a prendre ce signe de la Prophétie pour celuy de la Croix. (y) au sens. » — Or sus, je le veux, et partout je suivray ma victoire sous l'enseigne de la Croix. (z) Pour ma part, je suis de cest advis. Mais a quoy peut servir cest'observation , sinon pour monstrer que ceste vision , estant spiri- tuelle, ell'a dautant plus de rapport a l'esprit de l'Evangile que non  268 Défense de l'estendart de la S** Croix. de l'Evangile que non pas au cors de la Loy ancienne, en sorte que la chose n'ayant point esté réellement faitte sur la vielle et matérielle Hierusalem, elle a deu estre réellement vérifiée en la Hierusalem nouvelle et Chres- tienne. (P- 23-) « En second lieu, c'est chose claire, » dit le traitteur, « que ceste Prophétie estoit proprement et particulie- (( rement dressée contre la ville de Jérusalem , et « l'exécution d'icelle s'est veuë alors que les Babylo- « niens ont prins et rasé la ville de Jérusalem et « emmené quelques restes du peuple en captivité. C'est « donc hors de raison que ce qui a esté dit pour un « certain temps et lieu, et pour certaines personnes, « soit destourné et assigné ailleurs que n'a jamais esté « l'intention de l'Esprit de Dieu qui a parlé par la « bouche d'Ezechiel. » (^') Ici j'aurois bien a dire, mais il suffit a mon dessein : I. Que ores que ces paroles d'Ezechiel soyent dressées immédiatement contre Hierusalem, c'est néanmoins une ignorante conséquence de conclure qu'elles ne doivent estre appliquées a la Hierusalem spirituelle. Combien y a-il de prophéties qui visent a la vérité de TEvangile, qui néanmoins quant a leur premier sens ne touchoyent qu'a ce qui se faisoit en l'ombre et figure de la Loy vielle ? Voyla le Psalme Lxxi, Deus judicium tuum régi da; il vise du tout a nostre Sauveur et a sa royauté, quoy  pas au cors de la Loy; tellement que la chose n'ayant point esté réellement faitte sur la Hierusalem ancienne, ell'a deu estre réellement vérifiée en la Hierusalem nouvelle et Chrestienne. (a') Ici j'aurois beaucoup a dire, mais il suffit a mon intention : i. Que ores que ces paroles d'Ezechiel soyent dressées immédiatement contre Hieru- salem, si est ce que c'est un'ignorante et impudente conséquence de conclure qu'elles ne peuvent ou doivent estre appliquées a la Hierusalem spirituelle. Car, je vous prie, combien i a-il de prophéties qui visent a l'Eglise Evan- gelique et au royaume de Nostre Sauveur, lesquelles néanmoins quand a leur premier sens ne touchent qu'a ce qui s'est fait en la Loy et sinagogue ; mais combien m'en sçauroit-on monstrer d'autres? Par exemple, voyla le Psalme 71, Deus judicium tuum régi da ; me confesseres-vous pas quil vise du tout a Jesuschrist et a son royaume, quoy quil soit dressé immédiatement pour  Livre III. Chapitre viii. 269 que immédiatement il fut dressé pour Salomon, lequel y sert d'ombre et figure a représenter Jésus Christ*, * Vide s. Aug., De Prince de la paix éternelle. Item, ce qui est dit es c. vm. ' ' ' Livres des Rois *, Je luy seray Père et il me sera fil^, * ^ R«g-» vu, 14. ne s'entend-il pas tout droit, et en son premier sens, du roy Salomon, filz de Bersabee ? néanmoins cela se rapporte et revient au Sauveur du monde, sinon que, pour retenir vos inepties en crédit, vous rejetties encor l'Epistre aux Hébreux , car ce texte y est appliqué formellement a Jésus Christ *. Et ceste parole. Vous * ^^P- 1> 5- ne briseres pas un os d'iceliiy, est entendue de Jésus Christ par saint Jean *, et néanmoins elle fut ditte * Joan., xix, ^d. immédiatement de l'aigneau Pascal *. Qu'Ezechiel donques * Exod., xu, 46. dresse sa Prophétie contre Hierusalem, si ne laissera- elle pas de devoir estre entendue pour le mistere de l'Eglise Evangelique. 2. Mays, quand ce n'eust esté que P<^>'^^ opposés au pour la révérence des Anciens qui ont rapporté le Thau d'Ezechiel a la Croix, le traitteur devoit plustost passer les années a en rechercher les raysons, que de dire ainsy insolemment que c'estoit chose hors de rayson, que ce texte estoit destourné, et que ce n'avoit jamais esté l'intention du Saint Esprit qu'il fust ainsy entendu. Pour ne voir la raison qui a esmeu nos Pères a dire  Salomon qui y sert de figure pour repraesenter nostre Sauveur ? Vous ne Foseries nier. Item, ce qui est dit es Livres des Rois, Je luy seray Père et il me sera fili, n'est-il pas dit, quand au premier sens, du roy Salomon? et néanmoins il se rapporte a Jesuschrist, sinon que pour retenir vos inepties en crédit vous rejetties encor l'Epistre aux Hébreux avec les autres pièces de l'Escriture que vous aves retranchées ; car, en cest'Epistre-la l'Apostre applique formellement ce texte a Jesuschrist. Et ceste parole ne visoit elle pas a Jesuschrist : Pas un os d'iceluy ne sera brisé, ou, Vous ne briseres pas un os d'iceluy? Sans doute, car S' Jan l'interpraste ainsy, et néanmoins elle fut dressée immédiatement a l'aigneau Pascal. Encor donques que la Prophétie d'Ezechiel soit dressée contre Hierusalem, si ne laisse elle pas de pouvoir et devoir estre entendue pour le mistere de l'Eglise Evangelique. 2. Mays, quand ce ne seroit que pour l'authorité des anciens Pères qui ont rapporté le signe Thau d'Ezechiel au mistere de la Croix, ce traitteur devoit plus tost passer les années entières a en rechercher les raysons, que de dire ainsin effronté- ment comm'il a fait que c'estoit chose hors de rayson, et que ce texte estoit destourné, et que ce n'avoit jamais esté l'intention du S' Esprit quil fut ainsin entendu. Pour ne voir pas la raison qui a esmeu nos Pères a dire cq  *  270 Défense de l'estendart de la S** Croix. quelque chose, on ne doit pour cela les juger des-raison- nables ; il seroit mieux de dire comme cest autre : ce que j'en entens est beau, et aussi, crois-je, ce que je n'entens pas. Or combien de Pères, les- quelz ont rapporté ce ïhau d'Ezechiel a la Croix : ^ Hom. viii De di- Origene * : « Le massacre ayant commencé en la personne 164^1101. (2.) ' > dit-il, [Reprendre au texte, lig. 7.] [h] peremptoire: — au 13.C. del'Apoc.jilest expressément escrit de l'Antichrist (c) C'estoit donq une marque extérieure et corporelle; car comment eut elle mis différence entre ceux qui avoyent pouvoir de traffîquer et ceux qui ne l'avoyent pas, si elle n'eut esté visible ? et puys ceste alternative, ou en leur main, ou en leur front, ne monstre elle pas que c'estoit un'autre marque  278 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. pas que sera une marque perceptible, et autre que d'estre affectionné a l'Antéchrist? Et comme pourroit- elle, autrement, mettre différence entre ceux qui avoyent pouvoir de trafïiquer, et ceux qui ne l'avoyent pas, si elle n'estoit visible? comme sçauroit-on ceux qui au- royent le nombre, ou le nom, ou la marque, si elle estoit au cœur ? Or, ce qui est dit au chapitre seiziesme de l'Apocalipse, se rapporte a ce qui avoit esté dit au chapitre treiziesme ; si donq en l'un des lieux la marque de l'Antéchrist est descritte visible, elle sera aussi visible et extérieure en l'autre, la chose est toute claire : c'est donq mal entendu de dire que ceste marque de l'Antéchrist n'est point réelle ni perceptible. Que si l'Antéchrist, comme singe, voulant faire et contrefaire le Christ, marquera ses gens au front, et par la les obligera a ne se point signer de la Croix, comme dit Hippolite, combien affectionnement devons-nous retenir l'usage de ce saint signe , pour protester que nous sommes Chrestiens et jamais n'obéirons a l'Antéchrist ? Remarque. Les ministres avoyent enseigné leurs huguenotz que les couronnes des ecclésiastiques estoyent les marques de la beste, mais voyans qu'ilz ne pouvoyent porter une plus expresse marque de beste que de dire cela, puysque  que d'estre affectionné a l'Antichrist ? Item, comm'eut on peu sçavoir ceux qui avoyent le nombre, ou le nom, ou la marque, si elle n'eut esté extérieure? Or, ce qui est dit au c. i6, du chastiment de ceux qui avoyent la marque de l'Antichrist, ou se rapporte-il, sinon a ce qui avoit esté dit au c. 13, de ceste marque ? si donq en l'un la marque est descritte visible et extérieure, elle sera aussi visible et extérieure en l'autre; la chose le crie de soymesme- C'est donq très mal entendu de dire que ceste marque de l'Antichrist n'est point réelle ni extérieure ; dont nous tirons une tant plus ferme rayson pour faire le signe réel de la Croix au front. Car si l'Antichrist, voulant faire du Christ et contrefaire comme un singe nostre Seig"", marquera ses gens au front, si par sa marque, comme dit Hippolite, il obligera ses vassaux et sujetz a ne se point signer du signe de la Croix, combien affectionnement devons nous retenir l'usage du signe de la Croix en nos frontz, pour protester que nous sommes Chrestiens et ne voulons jamais recevoir la marque antichrestienne? Les ministres avoyent instruit leurs sectateurs de crier contre les couronnes des prestres et religieux, que c'estoit la marque de la beste, dautant, disoyent- ilz, que le pape est Antichrist, et les prestres sont marqués de sa'' marque. Mais, voyans quil ne se pouvoit trouver aucune plus grande m.arque de beste  Livre III. Chapitre ix. 279 d'un costé, la plus grande partie des papaux (qu'ilz appellent) ne la portent pas, et saint Jean tesmoigne que tous les sectateurs de la beste porteront sa marque, et d'autre costé, que ceux qui ne portent pas la couronne cléricale ne laissent pas de trafïiquer, et qu'au contraire le traffic est prohibé a ceux qui la portent, cela les a fait jetter a ceste interprétation, que la marque de la beste devoit estre invisible : c'est tousjours marque de beste, ou d'opiniastreté bestiale, comme je viens de monstrer. Voyla dix raysons de faire et recevoir la Croix au front, tant au Baptesme et Confirmation qu'es autres occasions, a la suite de toute l'ancienne Eglise : dont saint Ambroise * fait dire a la bienheuree sainte Agnes, * Serm. xc K que Nostre Seigneur l'avoit marquée en la face a fin qu'elle ne receust autre amoureux que luy ; et saint Augustin, sur saint Jean * : « Jésus Christ n'a pas voulu * Tract, m, initio, qu'une estoille fust son signe au front des fidèles, mais sa Croix : par ou il fut humilié il est par la glorifié ; » et Victor d'Utique descrivant le supplice fait a Arma- gaste, il dit * que le tourment luy avoit tellement estiré * Victor Vitensis, le front, que la peau ne ressembloit qu'aux toiles i. if §^1!^*^^°^^^'' d'araignes, tant elle estoit mince et estendue : « Le front, )) dit-il, « sur lequel Jésus Christ avoit planté  que de dire cela, puysque d'un costé, tous ceux quilz prétendent estre serviteurs de TAntichrist ne la portent pas, et FApocalipse tesmoigne que tous la porteront, et d'autre part, que ceux qui ne la portent pas ne laissent pas de traffiquer, ains qu'au contraire le trafiq est interdit a ceux qui la portent, ilz se sont jettes sur cest'interpretation, que ceste marque estoit invisible ; mais ça esté tousjours reprendre la marque de la beste, comme j'ay asses fait voir. Voyla donq les raysons que nous avons pour recevoir le signe de la Croix au front, tant au Baptesme et Confirmation qu'es autres occasions, suyvans en cela toute la plus ancienne Eglise : dont S' Ambroise fait dire a la glorieuse S'^ Agnes, que Nostre Seig"" l'a marquée en sa face, a ce que ne receut autre amoureux que luy; [Reprendre au texte, lig. i6.] (i) Hodie epistola prima inter Epistolas Segregatas S. Ambrosii ; Opéra, tom. IV, col. 735.  280 Défense de l*estendart de la S*® Croix. l'estendart (d) de sa Croix. » Coustume \ laquelle, comme elle est du tout mesprisee par les huguenotz, aussi estoit-elle superstitieusement observée par les *Prateoius, ubisu- Isins, heretiques Indois *, qui non contens de faire sim- pra, c. I, p. 21 . piement le signe de la Croix au baptesme de leurs enfans , le leur impriment sur le front avec un fer chaud. Les folz vont tousjours par les extrémités i^).  (d) renseigne (e) Les fok — se logent tousjours aux extrémités. (i) Corrigé selon le Ms. Dans la i""" édition se trouve le mot Croix, qui ne s'accorde pas aussi bien avec la suite de la phrase.  CHAPITRE X FORCE DU SIGNE DE LA CROIX CONTRE LES DIABLES ET LEURS EFFORTZ  Si la sainteté et suffisance des anciens Pères a quelque Par u dire des Pe- crédit chez nous, voicy asses de tesmoins pour nous faire '^^^' reconnoistre la vertu de la Croix (a), i. Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur * : « Ayes tous-jours en * Ep. ad Burdig. ^ esprit, en bouche et en signe, la Croix du Seigneur auquel vous aves creu, vray Dieu et Filz de Dieu ; car la Croix du Seigneur est vostre armeure invincible contre Satan , heaume défendant la teste , cuirasse conservant la poitrine, bouclier rabattant les traitz du malin, espee qui ne permet que l'iniquité et embusches diaboliques (^) de la meschante puissance s'approchent d'elle ; par ce seul signe la victoire céleste nous a esté donnée, et par la Croix le Baptesme a esté sanctifié. » 2. Saint Ignace, disciple de saint Jean * : « Le prince * Ep. ad Phiiipp. » de ce monde se resjouit quand quelqu'un renie la Croix, car il a bien reconneu que la confession de la Croix estoit sa mort, d'autant que cestui ci ^ est un trophée contre sa vertu, lequel voyant il s'effraye, et l'oyant  (a) Combien le signe de la Croix ait de vertu contre les Diables, en voicy des tesmoignages. (b) daemoniques (i) Epistola haec perperam S. Martiali adscribitur, sed vide notam editoris apud D. Ceillier, Hisf. des auteurs sacrés, tom. VIII, cap. xn, pag. 126 Ed. Vives, 1862. (2) Inter spuria S. Ignatii. (3) C'est-à-dire, le signe de la Croix.  282 Défense de l'estendart de la S*° Croix. *Hoai. vin, De di- il craint. )) 3. Origene * : <.<. Resjouissons-nous, mes versis. (Supra, p. -^^ , - . 1 1 • • ^ • 1 164, not. (2.) -breres très aymes, et levons les mams saintes au ciel, en forme de croix ; quand les démons nous verront armés en ceste sorte, ilz seront opprimés. » 4. Saint * De incarn. Verbi Athanasc * : (( Tout art magique est repoussé par le Dei, Ç^ -^7, 48. . 1 1 i^ . 1 1 . T- signe de la Croix, tout enchantement est levé. » lit bien tost après : « Vienne qui cherche l'expérience de ces choses, a sçavoir, de la pompe des démons, de la tromperie des devinemens et merveilles de la magie, qu'il use du signe de la Croix (qu'ilz pensent estre ridi- cule) nommant seulement Jésus Christ : il verra par iceluy chasser les diables, les devins vse taire, et toute magie * Divin. Institut., et enchantement se destruire. » 5. Lactance * : « Comme ' ■ ' iceluy, » (Jésus Christ) « vivant entre les hommes, chas- soit tous les diables par sa parole, ainsy maintenant ses sectateurs chassent ces mesmes espritz infectz, et par le nom de leur Maistre et par le signe de la Passion. De- quoy la preuve n'est pas malaysee, car quand ilz sacri- fient a leurs dieux, si quelqu'un y assiste ayant le front signé, ilz ne font aucunement leurs sacrifices. » 6. Saint *S. Athan., in vita Authoine * bravoit ainsy les diables : i^) « Si vous aves s. Ant., §§ 9. 15. •; . quelque vigueur, si le Seigneur vous a baillé quelque pouvoir sur moy, venes, me voicy, dévores celuy qui vous est accordé ; que si vous ne pouves, pourquoy le tasches-vous en vain? car le signe de la Croix et la foy au Seigneur nous est un mur inexpugnable. » Ainsy disoit-il a ses disciples : « Les diables viennent la nuit feignans estre anges de Dieu ; les voyans, armes-vous et vos maysons du signe de la Croix, et aussi tost ilz seront reduitz a néant, car ilz craignent ce trophée, auquel le Sauveur, despouillant les puissances de l'air, * Supra, 1. II, c. VII, il les mit en risée. » 7. Saint Chrysostome * : « Il ' a appelle prix la Croix ; laquelle il ne faut pas simple-  (c) leurs sacrifices. » — S' Anthoine, au rapport de s* Ath., faisoit ce brave reproche aux dasmons : (i) S. Chrysostome parle de S. Paul (I Cor., vu, 33).  Catech., Sermo II, cap. I.  Livre III. Chapitre x. 283 ment former du doigt au cors, mais, a la vérité, premiè- rement en l'ame ; car, si en ceste façon tu l'imprimes en ta face, pas un des diables n'osera t'attaquer, voyant la lance par laquelle il a receu le coup mortel. » 8. Saint Ephrem * : « Orne et environne tous tes membres de ce * De vera pœnit., signe salutaire, et les malheurs ne t'approcheront point ; car a la veuë de ce signe les puissances adversaires espouvantees et tremblantes s'enfuient. » g. Saint Cyrille Hierosolimitain * : « C'est le signe des fidel- * Supra, i. Il, c.xi, les et la terreur des démons, car il a triomphé » (il ^' ^'^ parle de Nostre Seigneur) « d'iceux en ce signe ; monstre-le hardiment , car voyans la Croix ilz se re- souviennent du Crucifix , ilz craignent Celuy qui a froissé le chef('i) du dragon. » lo. Saint Augustin * : *^ De Symboio ad « Si par fois l'ennemy veut dresser des embusches, que le racheté sçache qu'avec le mot du Symbole et l'es- tendart de la Croix il luy faut aller au devant. » Voyla un accord remarquable des voix de ces irréprochables Sénateurs de l'Eglise (^).  (d) les chefz (e) aller au devant. » — Ne voyla pas une belle noblesse de tesmoins? Que luy pourra opposer le traitteur ? dira il encores quilz ne parlent pas du signe de la Croix? Mais Toseroit il bien dire s'il considère que S' Martial dit, « Ayes la Croix en esprit, bouche et signe ; » « le \ oyant », dit S' Ignace ; « en forme de Croix », dit Origene ; « le signe de la Croix », dit S' An- thoine, et son Athanase ; « le signe de la Passion », dit Lactance ; « imprimé en ta face et formé du doigt au cors », dit S' Augustin ; « a la veue de ce signe », dit S' Ephrem ; « le signe des fidelles », dit S' Cirille ; et en fin S^ Augustin, qui joint l'enseigne de la Croix avec le mot du Simbole, monstre asses, par l'allusion quil fait aux soldatz qui ont le mot du guet et les contre marques, que l'un et l'autre est visible, extérieur et en signe. Il ni a parole si ferme que l'homme passionné ne plie a son biais, mais cela s'appelle chfcaner et grimauder devant les bonnes âmes. Que si le traitteur dit que tout ceci ne se doit pas entendre d'un signe nud, je n'auray sinon a protester quil veut perdre le tems et amuser les gens, puysque j'ay tant dit par tout que je ne parle ici du signe de la Croix sinon comme d'une sainte cérémonie par laquelle les Chrestiens font profession de leur foy, adorent et invoquent le Crucifix, qui est a dire, que ce saint signe prend toute sa force et vertu de la mort et passion qu'il représente, et de la majesté du Roy duquel il est la marque, l'enseigne et ordre. [Il y a, au Ms., division formelle entre les deux parties de ce chapitre ; voir variante (f).]  284 Défense de l'estendart de la S*« Croix. Et par l'expérience. Voicy maintenant des expériences asseurees de leur s^'Hiiar^^^ô"''*^ dire(f). « Saint Hilarion * ouyoit un soir le brayement des petitz enfans, le beellement des brebis, le bugle- ment des bœufz, avec des bruitz esmerveillables de voix diverses ; Ihors il entendit que c'estoyent illusions diaboliques, parquoy il s'agenouilla et se signa au front de la Croix de Jésus Christ, de sorte qu'estant armé d'un tel heaume de la foy, gisant malade, il com- battoit plus vaillamment... mais tout incontinent qu'il eut invoqué Jésus Christ, toute ceste apparence fut, devant ses yeux, engloutie en une soudaine ouverture de terre. » La Croix le fortifie, et faire la Croix s'appelle « invoquer Jésus Christ », ce qui est remar- quable (g). *Ubi supra. Lactance raconte * (h) que quelques Chrestiens, assis- tans a leurs maistres qui sacrifioyent aux idoles , faisans le signe de la Croix chassèrent leurs dieux , si qu'ilz ne peurent figurer leurs devinations dans les entrailles de leurs victimes ; ce qu'entendans les devins, ilz irritoyent ces seigneurs, a la sollicitation des démons, (i) contre la Religion Chrestienne, et les indui- soyent a faire mille outrages aux églises : dont Lactance ayant conclud contre le paganisme pour la Religion Chrestienne, il dit en ceste sorte : << Mais les payons disent que ces dieux ne fuyent pas devant la Croix par crainte, mais par haine. Ouy, comme si quelqu^un (J ) pouvoit haïr sinon celuy qui nuit ou peut nuire ; ains  (f) LA VERTU DE LA CROIX PREUVEE PAR EXEMPLES Ces si grans et anciens Chrestiens n'ont pas donné si hardiment et soigneu- sement ce conseil, d'employer la Croix contre les effortz du Diable, sans quilz eussent une grande asseurance de [la] force d'icelle ; cela suffit a un homme de bien, mais affin qu'il ni ait plus aucun'occasion d'en douter, je produiray icy les expériences quilz en ont eu. (g) ouverture de terre; » — c'est S' Hierosme qui raconte ceci. (h) Lactance adjouste aux paroles que nous avons citées de luy ci desus, (i) ^^ qu'entendans les devins, — a la sollicitation des Daemons, ilz irri- toyent ces seigneurs ^ ( j ) Ouy, — réplique Lactance, comme si quelcun  Livre III. Chapitre x. 285 il estoit séant a la majesté de ces dieux de punir et tourmenter (k) ceux qu'ilz haïssoyent, plustost que de fuir ; mays d'autant qu'ilz ne peuvent s'approcher de ceux esquelz ilz voyent la marque céleste, ni nuire a ceux que l'Estendart immortel contregarde comme un rempart inexpugnable, ilz les faschent et affligent par les hommes, et les persécutent par les mains d'autruy ; ce qu'a la vérité, s'ilz confessent, nous avons gain de cause. » C'est certes très bien dit a ce grand personnage. (M Julien TApostat, désirant sçavoir quel seroit le succès du dessein qu'il avoit de se rendre maistre absolu de l'Empire, ayant rencontré certain sorcier et devin entra avec luy en une profonde grotte ; et en la descente ouyt des bruitz horribles, sentit des grandes puanteurs i^) et vit des fantosmes enflammés, « dont tout effrayé il recourt a la Croix et viel remède, et se signe d'icelle, prenant pour son protecteur Celuy duquel il estoit per- sécuteur. » Chose admirable : « ce signe eut vertu, les diables sont surmontés et les frayeurs cessent. Qu'advint- il de plus ? Le mal reprend haleyne ; il poursuit outre, il est animé a son entreprise, et les frayeurs le pressent de plus fort, il recourt l'autre fois au signe de la Croix et les diables sont domptés. Julien, apprentif en ce mestier, demeure tout esbahi » de voir les diables vaincus par la Croix ; le maistre sorcier le tance, et, contournant le fait a son advantage, luy dit : Ne penses pas, je vous prie, qu'ilz ayent eu peur ; « ilz ont prins en abo- mination ce signe, non pas qu'ilz en ayent esté espou- vantés (°). Le pire l'emporte, il dit ceci et le persua- da: Abominationi illis fuimus, non timori. Vincit quod pejus est , hœc dixit simul et persuasit. »  (k) affliger (1) Je n'auray jamais fait si je veux entasser ce que j'ay rencontré en miirendroitz des Anciens, sur ce sujet ; mays je suis obligé de dire encor ceci. (m) en une — grotte creuse et profonde; et en la descente il ouyt des sons horribles, sentit des odeurs très puantes (n) quil:{ en ayent — eu crainte.  286 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. *Orat. lin Juiian., Ce sont parolcs de saint Grégoire Nazianzene*, qui ^^ ^^' ^ ' recite l'histoire, avec Theodoret et V Histoire tripar- tite (o). * Diaiog., 1. III, c. Saint Grégoire le Grand raconte * qu'un Juif, se trouvant une nuit en un temple d'Apollo ou plusieurs diables estoyent assemblés comme tenans conseil, s'estant signé de la Croix, il ne peut onques estre offensé par iceux ; d'autant, disoyent-ilz, que « c'est un vaisseau vuide, mays il est marqué. » C'est asses pour mon entreprise ; mays, oyons ce que le traitteur dira a ceci, car il parlera a quel pris que ce soit (p). Response du trait- I. Il rcspoud donq a ce dernier exemple que, « qui eur a . regoi- ^^ voudroit en uu mot se desvelopper de ce passage, diroit (p- '1') (( que tels Dialogues sont remplis de récits frivoles. » Réfutée. De fol jugc bricfvc sentence. Saint Grégoire le Grand, ancien et vénérable Père, fait ce récit ; le traitteur, qui au plus ne peut estre que quelque vain ministre, l'accuse de niaiserie et mensonge : a qui croirons-nous ? Grand cas si tout ce qui ne revient pas au goust de ces nova- teurs doit estre tenu pour fable (q). Mays que peut-il  (o) Ce sont — motz de S' Grégoire Nazianz., qui recite cest'histoire, et Theodoret encores, avec l'Histoire tripartite. (p) S' Grégoire, 1. 3. DiaL, c. 7, dit qu'un Juif estant une nuit en un temple d'idole, vit une grande assemblée de Diables ; il se signa de la Croix, et il fut exempt de tout mal. Oyons maintenant que le traitteur dira a ceci, car a quel pris que ce soit il parlera. (q) hriefve sentence. — Qu'ay-je a dire a ceci sinon que S' Grégoire le Grand est S' Grégoire, et le traitteur un huguenot inconneu ? S' Grégoire a tousjours esté en tresbonne réputation en l'Eglise, cestuy ci le vient accuser de niaiserie et mensonge, sans aucune preuve. Varius Sucronensis accusoit de trahison ^ïmilius Sçaurus, grand homme de bien; ^milius n'usa point d'autre défense sinon de ces quatre ou cinq paroles : « Varius Sucronensis dit que ^milius Sçaurus, corrompu par une pension royale, a trahi l'empire du peuple Romain; ^milius Sçaurus dit quil ne pensa jamais a cela : auquel des deux croyes vous? » Le peuple, satisfait de ce dit justificatif, rejetta bien loin ce impudent Varius. Je dirois volontiers icy, et en pareilles occasions, de mesme : le traitteur, homme inconneu et qui au pis ne peut estre que quelque vain pédante ou ministre, accuse S' Grégoire le Grand d'avoir abusé le monde racontant des fables pour des histoires ; S' Grégoire le nie : a qui croires vous? Grand cas, si tout ce qui ne revient a l'hilmeur de ces no- vateurs doit estre tenu pour fable. [La fin de l'alinéa du texte ne se trouve pas au Ms.]  Livre III. Chapitre x. 287 cotter d'absurde en ce récit pour le rejetter, partant de si bon lieu comme est le tesmoignage de saint Grégoire ? Sera-ce que les diables tiennent des assemblées et conseilz ? mays l'Escriture y est expresse *, et saint Jean *iii Regum, xxn, ^ . ••! 1 * o 1 10-23; II Par., XVIII, Cassian raconte un pareil exemple . oera-ce que le 18-22. signe de la Croix empesche les efFortz du diable ? mays j" yiH^^^ xvî'^""^' tous les anciens et plus purs Chrestiens l'ont creu et enseigné, et mille expériences en ont fait foy. Qui a donques peu inciter ce traitteur a faire ce jugement contre saint Grégoire, sinon la rage dont il est animé pour soustenir ses opinions ? II. Mais ayant ainsy respondu a saint Grégoire en Responses genera- particulier, il baille des générales responses pour rabat- tre la pointe de tous ces miracles allégués , et de plusieurs autres, i. « (0 Dieu a permis souvent que des (p 19.) (( choses se fissent, lesquelles il n'approuvoit pas, comme « infinis effects advenus jadis autour des oracles anciens « le tesmoignent ; et quand cela advient, dit Moyse au (( 13. du Deuteronome, parlant des prodigieux effects « des faux-prophetes, Dieu veut esprouver si on le « craint et si on l'aime tout seul. Car il ne suffit pas « de dire que quelque chose soit advenue, mais il faut (( sçavoir si Dieu en est l'autheur, si c'est chose qui « tende au salut des hommes et à la gloire de Dieu... « 2. Il s'est peu faire que pour eng^-aver au cœur des (p. 20.) « hommes une plus profonde pensée de la mort et « passion de Nostre Seigneur Jésus Christ, sur les « commencemens de la prédication Evangelique Dieu <( quelquesfois a voulu qu'il se soit fait des choses « extraordinaires ; et pourtant, si alors il a pieu à Dieu « monstrer quelques fois sa debonnaireté aux siens, il « le faut recognoistre pour le remercier de son support. « Mais s'il a voulu que ceux qui estoient ja peu voyans « vissent encores moins, ou que mesmes ils devinssent  (r) Voyla ce quil dit a S' Grégoire en particulier. 2. Mais en général, il respond aux deux derniers exemples (car il n'a point parlé des deux premiers) et a tous autres telz, en termes généraux, i. que  288  Défense de l'estendart de la S^^ Croix.  (P- 27-)  {p. 28.;  :p- 29.)  Examinées et réfu- tées.  ( aveugles, recognoissons ses jugemens et retenons pure sa vérité. » 3. (s) Que si ces effectz sont faitz « par la force de Jésus Christ, c'a esté moyennant l'invocation du Nom d'icelui et non par un signe ; que si c'a esté par mauvais moyen, un charme aura esté chassé par un contre-charme... Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour décevoir les hommes; lequel Satan, se voyant deschassé de son fort par Jésus Christ, a basti un autre fort contre le mesme Jésus Christ, en em- ployant à tel effect la simplicité des Chrestiens... et en fuyant devant la Croix il a fait comme ceux qui reculent pour plus avancer. » 4. Et parlant de l'exem- ple (t) de Julien l'Apostat, il dit « que l'exemple d'un tel misérable ne doit estre allégué pour establir une doctrine en l'Eglise, cartel exemple n'est pas louable... tellement qu'on peut bien faire ceste conclusion : puis que Julian l'Apostat et semblables ont fait ce signe et en ont esté, comme on dit, secourus, il est apparent que cela ne procède de Dieu , ains qu'il est venu de Satan qui l'a de plus en plus voulu troubler et enlacer, par le juste jugement de Dieu. Car ce cas advenu extraordinairement a servi pour tant plus confondre cest abominable, tant en sa conscience que devant tous hommes et devant Dieu. » (u) Voyla en somme les responses du traitteur. Or je leur oppose : i. leur contrariété, incertitude et doute ; il ne sçait a qui bailler l'honneur de ces evene- mens : « Si c'est par la force de Jésus Christ... si c'est  (s) 3. Il dit encor ailleurs, [i] Et parlant — sur le fait (u) Voyla en somme ses responces, ausquelles j'oppose ^ : i. leur contraire variété, leur incertitude et doute ; ce ne sont qu'embarassemens et surprinses, il ne sçait a qui bailler Thonneur de ces merveilles : « Si c'est par la force « de Jesuschrist, » « si c'est par mauvais moyen ; » « il s'est peu faire que  (i) Il y a, pour ces divers points du Ms., correspondance substantielle avec le texte, mais, comme la division est différente, les chiffres ne corres- pondent pas toujours exactement.  Livre III. Chapitre x. 289 « par mauvais moyens... Il s'est peu faire que pour (( engraver une plus profonde pensée de la mort et « passion de Jésus Christ... Que si c'a esté Dieu donnant (( efficace d'erreur à Satan pour décevoir les hommes... » Quelz embarrassemens : monstre-il pas, avec ces irré- solutions, qu'il est bien empesché, et qu'il va sondant le guay pour essayer s'il pourra trouver quelque response ? 2. Je leur oppose toute l'ancienneté, laquelle, avec un consentement nompareil, enseigne que ces merveilles advenues sont de la main de Dieu. Si, ces grans Pères que nous avons cités, et en si grand nombre, nous inviteroyent-ilz bien a faire le signe de la Croix s'ilz doutoyent que le diable n'en fust l'autheur ? * Et qui doutera que Jésus Christ en soit l'autheur, s^il considère, comme Lactance déduit *, combien cela tend a l'hon- * (Supra.) neur de Dieu, que le simple signe de sa Passion chasse ses ennemis? 3. J'oppose, que ces responses ressentent puamment l'heretique et désespéré ; c'a esté le train ordinaire aux anciens rebelles d'attribuer les miracles aux charmes et a l'opération des diables : tesmoins les Scribes et Pharisiens qui attribuoyent les œuvres de  « Dieu quelquefois a voulu quil se soyent faites des choses extraordinaires; » « Dieu a permis souvent que des choses se fissent, lesquelles il n'approuvoit « pas ; » « s'il a pieu a Dieu de monstrer sa debonnaireté ; » « mais s'il a « voulu que ceux qui estoyent ja peu voyans devinssent aveugles. » Quelz laberinthes : monstre-il pas, avec ces doutes et irrésolutions, quil est bien empêché et quil ne passe pas outre a aucune responce, mais quil va seule- ment sondant le guay pour essaïer s'il pourra passer? 2, Je leur oppose toute l'antiquité, laquelle, avec un consentement nompareil, enseigne que ces merveilles advenues sont de la main de Dieu, Considères, je vous prie, tous ces Pères que nous avons cités en si grand nombre, nous inviteroyent-ilz bien a nous servir de la Croix contre le Diable s'ilz pensoyent, comme ce traitteur, que le Diable avançast par la son intention, faisant semblant de reculer pour mieux avancer ? Confessés donq, traitteur, si nous errons, que tous ces Anciens ont erré ; ou confesses librement que vous ne tenés conte ni d'eux ni de leur doctrine. 3. Mais ces responces sentent-elles pas du tout l'heretique? Ça esté le train perpétuel des hasretiques de dire que les miracles sont faitz en vertu du Diable et par charmes : tesmoin les Scribes et Phariseens (i) Voir no 5 du Ms. 19  290 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. *Matt.,xii, 2^;Luc. Jesus Christ a Beelzebub*, les Vigilantiens, au rapport * Cont. Vigii., § lo. de saint Hierosme *, et les Ariens selon saint Ambroise **. s'iT^ixnr^^'^'^'^ -^^ ^^^ ^® Tertullien * est mémorable; persuadant a sa * Ad Uxor., 1. II, femme de ne se remarier point a un infidelle : « Te C. V. , cacheras-tu, » dit-il, « Ihors que tu signes ton lit et ton cors ? ne semblera-il pas que tu faces une action magi- que ? » Voyes-vous comme Tertullien attribue aux payens le dire des huguenotz, a sçavoir, que le signe de la Croix sert a la magie? 4. J'oppose^ que la consé- quence de telz effectz a tousjours esté a la gloire de Dieu, et tendoit au salut des hommes ; tous les Pères l'ont ainsy remarqué. N'est-ce pas la gloire de Dieu et le bien des hommes que le diable soit dompté et rejette? Certes, entre les grans eifectz de la crucifixion du Filz de Dieu, il y conte luy-mesme celuy ci : Maintenant * joan.,xn, 31. le princô de ce monde sera mis dehors"'^ et c'est cela qui fait que le diable fuit devant la Croix comme devant la vive représentation de ceste crucifixion . 5. J'oppose que, puysqu'il s^est peu faire que les mer- veilles faittes a la Croix ayent esté faittes par la force de Dieu, pour engraver la pensée de la mort et passion de nostre Sauveur au cœur des hommes, comme le traitteur confesse, il a eu tort et s'est monstre trop passionné d'aller rechercher une autre cause de ces miracles, car celle ci est plus a l'honneur de Dieu et au salut des hommes que non pas de dire que le diable en a esté l'autheur, comme le mesme traitteur dit par après. 6. J'oppose, que c'est ouvrir la porte a la mescreance, laquelle, a tous les miracles des exorcismes, tant de Nostre Seigneur que de ses disciples, respondra que le  qui disoyent que nostre Seig"" chassoit les Diables au nom de Beelzebub, les Serm. 91 de invent. Vigilanciens, au rapport de S' Hierosme, les Arriens, tesmoin S. Ambroise. S Crerv. et Prot. Lg ^j^j-g jg Xertulien est mémorable ; parlant a sa femme, et persuadant qu'une femme Chrestienne ne se marie point a un infidelle : Te cacheras-tu, dit il, Ihors que tu signes ton lit et ton cors, et ne semblera-il pas que tu faces quelqu'action magique ? Voyes-vous comme ces huguenotz paganizent quand ilz disent le signe de la Croix servir a la magie ?  Livre III. Chapitre x. 291 diable fait semblant de reculer pour mieux avancer *. Et quant a ce que le traitteur dit, que le diable a employé a cest efFect la simplicité des Chrestiens, il y auroit de l'apparence si on luy produisoit le tesmoignage de quelques idiotz ; mais quand on luy produit les Martial, Ignace, Origene, Chrysostome, Augustin, comme ose-il les accuser d'une simplicité folle, ou plustost de niai- serie ? Y a-il homme qui vive qui leur soit comparable, nomplus en suffisance qu'en sainteté, parlant de la plus part ? (v) 7. Et quant au fait de Julien l'Apostat, lequel le traitteur dit ne devoir estre suivi, ains plustost rejette, je remonstre que c'est un trait de mauvaise foy au traitteur de gauchir ainsy a la rayson vive ; car, qui produit onques ce fait comme de Julien l'Apostat ? On l'avance pour monstrer que le signe de la Croix a tant de vertu contre les malins, que non seulement ilz le craignent en bonnes mains, mais encor es mains de qui que ce soit, dequoy le cas advenu a Julien fait une claire preuve. Pour vray, saint Grégoire Nazianzene et Theodoret * tiennent résolument que les diables fuirent * (Lib. Ill, c i.) pour la crainte qu'ilz eurent voyans la Croix : per- mettes-nous, traitteur, que nous soyons de leur opinion plustost que de la vostre ou de celle du maistre char- meur. Le devin, au récit de ces ancie^is Pères, pour ne confesser pas la honteuse fuite de ses maistres estre procedee de peur, dit a Julien qu'ilz avoyent eu la  (v) 4. Mais, pour Dieu, considérés la bonne-foi de ce traitteur qui, parlant de Julien l'apostat, dit que le fait de ce misérable ne doit estre suivi. Quel homme voici? ne s'y fie qui ne voudra, car il est traistre. Qui a jamais produit ce fait comme de Julien l'apostat ? On allègue l'effect du signe de la Croix, lequel a vertu es mains de qui que ce soit, dautant que le Diable le craint, non tant pour la dévotion de qui le fait, que pour l'appréhension quil a de voir la marque de sa desfaitte. A vostr'advis, l'argument n'est il pas bon : ce s' signe, quoy qu'en mauvaise main espouvante le Diable, combien plus en une bonne main et fidelle ? Pour vray. S' Grégoire Nazianzene et Theodoret ne sont pas de l'opinion du traitteur ; oiiy bien le maistre devin et charmeur qui taschoit, en bon huguenot, de remonstrer tant quil pouvoit que les (]) Voir n'' 2 du Ms.  292 Défense de l'estendart de la S^<^ Croix. Croix en abomination, non a crainte. Vincit quod deterius est, dit saint Grégoire Nazianzene, « le pis l'emporte ; » mais s'il eust veu le traitteur attribuer la fuite des malins a ruse et stratagème, comme s'ilz faisoyent les fins, feignans de fuir pour surprendre leur homme, je crois qu'il eust dit, Vincit quod pessimum est : le pis du pire l'emporte. Et de vray, qu'y aura-il de résolu au monde s'il est loysible de bailler ces sens aux miracles et actions extraordinaires ? sera-il pas aysé a l'obstination d'attribuer la resuscitation des mortz mesmes aux illusions diaboliques ? Mays qu'estoit-il besoin au diable de faire le fin avec Julien l'Apostat, nomplus qu'avec le Juif duquel saint Grégoire le Grand fait le récit ? qu'eust-il prétendu par ceste simulation, avec des gens qui luy estoyent des-ja tout voués ? que pouvoit-il acquérir davantage sur Julien, qui l'adoroit et descendoit pour se rendre a luy ? Notes, je vous prie, le mot de saint Grégoire Nazianzene, quand il dit que Julien eut recours « au viel remède », c'est a sçavoir, a la Croix, remède qu'il avoit appris du tems qu'il estoit Catholique. Ah, traitteur, vous rendres un jour conte  Diables n'avoyent pas eu crainte de la Croix. Mais il ne s'advisa pas de rejetter leur fuitte sur la cause que ce traitteur produit; il ne pensoit quil y peut avoir autre sujet sortable pour ceste fuite que la crainte ou Tabomina- tion, mais ce traitteur adjouste la troisiesme, qui est le stratagème, comme si le Diable faisoit le fin et le niais, faignant de fuir pour revenir d'autre costé. Qu'y aura-il d'asseuré au monde s'il est loysible au premier venu de bailler ces sens aux œuvres miraculeuses ? qui n'attribuera la resuscitation des mors, guerison des malades, et semblables miracles, a l'illusion des Daemons ? Mays qu'estoit il besoin au Diable de faire le fin avec Julien l'apostat qui luy estoit des-ja tout voiié ? qu'eut il prétendu par ceste simulation? Quoy ? de le rendre idolâtre de la Croix? n'estoit-il pas des-ja tant idolâtre quil en puoyt ? Quoy donques ? le vouloit-il faire retourner au Christianisme ? Notes, je vous prie, ce que dit S' Grégoire après avoir proposé la couleur et excuse que le devin apporta a la fuite des Diables : Vincit, dit-il, quod deterius est, le pis l'emporte. Mais je crois quil vous eut ouy, il eut dit : Vincit quod pessimum est. Notes aussi quil dit que Julien eut recours « au viel remède >>, c'est a dire, au remède quil avoit apprins du tems quil estoit Catholique. Julien estoit bien apostat et idolâtre, mais ce remède n'estoit ni â'postatique, ni idolatrique ; il ne l'avoit pas apris parmi les idolâtres, mais parmi les Chrestiens. Ah, traitteur, vous rendrés conte un jour de ces subtilités,  Livre III. Chapitre x. 293 de ces vaines subtilités, par lesquelles vous destournes toutes choses a vostre impieté. (^v) 8. Non, traitteur, vos finesses sont cousues a fil blanc, le diable en tient la maistrise sur vous. Quelle finesse seroit-ce au diable de fuir devant la Croix ? puysque par ceste fuite les siens entrent en défiance de son pouvoir, et les bons en sont consolés, comme font foy tant de Pères, qui tous reprochent au malin et a ceux de son parti ceste sienne fuite, et Julien qui en fut tout esbranlé, et le Juif converti. 9. Mais, dit le trait- teur, Moyse advise qu'il ne faut croire aux effectz pro- digieux des faux prophètes. Cela va bien ; mais la Croix n'est pas faux prophète, c'est un signe saint, signe de Christianisme, comme a confessé le traitteur mesme, dont en la main de qui qu'il soit le diable le craint. Et tant de Saintz qui ont employé ce signe a œuvres miraculeu- ses, les osera-on bien infamer du nom de faux prophètes?  avec lesquelles vous destournés les choses les plus saintes a impieté. [Pour le point suivant, voir le n° 2 du texte.] 5. Mais il faut considérer, dit le traitteur, si ce qui se fait tend a la gloire de Dieu. Et qui ne sçait que c'est a la gloire de Dieu de reconnoistre son pouvoir jusques a la moindre chose qui luy appartienne.'' Or, que ce soit a Tutilité et salut des hommes, personne ne le peut nier, qui considérera que les miracles faitz a la Croix de nostre S"" confirment la foy que nous avons en Jésus Christ crucifié, comme déduit tresbien Lactance, et S' Ambroise. Car, qui voit ce Diable fuir devant la Croix, que peut il penser autre sinon que ceste marque est de grande vertu .^ Et d'où peut venir ceste vertu a un signe et figure de soy mesme abject et contemptible, sinon par la force de Celuy qui y a esté crucifié ? (w) 6. Mais quelle apparence i a-il eu en tous ces miracles pour laquelle on puisse douter que le Diable ne fut autheur? i. Le Diable est chassé; 2. de la, il n'avance point son royaume ni son crédit, et sa fuite n'a point fait plus mauvais Chrestiens ceux qui l'ont apperceùe : au contraire, s'ilz estoyent infidèles ilz en ont esté esbranlés, s'ilz ont esté Chrestiens ilz en ont esté consolés. 7. Mais Moyse advise quil ne faut croire aux effectz prodigieux des faux prophètes. Cela est vray, quand ilz les font avec leurs signes et en confirmation de leur doctrine ; mais les merveilles faites par le signe de la Croix, sont faittes par un signe saint, signe de la Religion Chres- tienne, et non pour confirmer aucune fause religion, ains pour confirmer la bonne et vraye. [Bien que biffé dans le Ms,, le passage suivant a paru digne d'être reproduit.] 8. Mais, me sera-il pas loysible de mettre en œuvre les raysons avec lesquel- les N. S. défendit son honneur contre les Juifz, qui luy reprochoyent qu'il chas-  294 Défense de l*estendart de la S*® Croix. (x) lo. Or, quand de ces merveilles- quelqu'un auroit pris occasion de superstition, si ne faudroit-il pas pour- tant attribuer ces merveilles au diable. Les merveilles advenues par le Serpent d'airain furent divines, quoy *iiVReg.,xviii,4.) que le peuple en print occasion d'idolâtrer * : il faudroit donq corriger l'abus et retenir l'usage, comme on fait non seulement des choses bonnes et saines, telles que la Croix, mais des nuisibles et venimeuses, ii. En fin, tant d'autres miracles se sont faitz par le signe de la Croix, outre la fuite des malins, qui ne se peuvent rapporter a aucune simulation ou stratagème d'iceluy^ qu'on ne doit pas nomplus le croire de ceux ci.  soit les Diables au nom de Beelzebub ? Mais, prouvés que la Croix soit charme. . . (x) 8. Et quand de ces merveilles s'en ensuivroit que quelques uns abu- sassent tant de la Croix qu'ilz s'en fissent idolâtres, si ne faudroit-il pas pourtant attribuer ces merveilles au Diable ; car elles auroyent esté bien faittes, mais la conséquence d'en idolâtrer auroit esté mal faitte, comme les merveilles advenues par le Serpent d'airain furent divines, quoy que le peuple en print occasion d'idolâtrer. 9. Or, en fin, ilz se sont faitz tant d'autres miracles par le signe de la Croix, outre la fuitte des Diables, lesquelz ne se peuvent attribuer a ce stratagème, qu'on ne le doit pas nomplus croire de ceux ci. [Ici se termine la partie du Ms. concernant le IIP Livre.]  CHAPITRE XI  FORCE DU SIGNE DE LA CROIX EN AUTRES OCCASIONS  La Croix pour deux raysons a tant de vigueur contre Authoritésetexem- i. Il 1, 5111 ^1 P^^^ fondés sur lennemy : lune, d autant quelle luy représente la ray son pour la mort du Sauveur qui le dompta et subjugua, ce que sa -^^rtu de la Croix, superbe obstinée hait et craint extrêmement ; l'autre, parce que le signe de la Croix est une courte et pre- gnante invocation du Rédempteur, et en ceste dernière considération il peut estre employé en toutes occasions ou peut estre employée la prière et oraison. Or, quelle occasion peut-on penser ou la prière ne soit utile? soit pour chasser les venins, rendre la veuë aux aveugles, guérir les maladies, estre garanti de ses ennemis : tel est l'usage du saint signe. Certes, Prochorus *, autheur non vulgaire, recite que Par laquelle sont . . T T^ ,., . iiri'', • Qiieris les malades saint Jean rLvangeliste guent un malade lebricitant , et boiteux, faisant le sisfne de la Croix et invocant le nom de *iiivitaSjoan.Ap. ^ ce. XXXI, XXXIU *. Jésus ; et que le mesme Saint signa du signe de la Croix un boiteux des deux jambes, luy commandant de se lever, et tout soudain il se leva. L'histoire de Cyrola, evesque arien, et de son aveugle est illustre. (i) Bien que corrigée dans les Errata de 1603, la faute de la i""* édition, où se lit Porcheriis, a été reproduite dans toutes les éditions postérieures. (2) Hodie ab omnibus rejicitur, ut apocrypha, haec vita S, Joannis. Vide Migne, Dictionnaire des Apocryphes, sub voce Prochorus. Plures autem ex novatoribus illam ut genuinam olim ediderunt ; imprimis, Mich. Neander de Sorau, ad calcem 3» editionis Catechesis Mart. Luther i parvœ, Basil., 1567. Videatur et opus J. J. Grynaei, Monumenta Patrum Orthodoxographa, tom. I, Basil., 1569.  296 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. Cyrola, voyant Eugène avec Vindimialis * et Longinus, Evesques Catholiques , faire plusieurs miracles pour confirmation du parti Catholique, cuyda faire un grand coup pour sa secte s'il pouvoit tant faire qu'on creust qu'il avoit la mesme vertu ; et prend un misérable, l'apaste et le manie, en sorte qu'il le fait contrefaire l'aveugle et se mettre en pleine assemblée pour l'atten- dre quand il passeroit et luy demander guerison. Ce pauvre abusé se met en posture et joue son personnage ; Cyrola cuyde jouer le sien, se retire, met la main sur ce feint aveugle et, avec certaines paroles, luy com- mande d'ouvrir les yeux et voir. Mais ce fut un vray miracle hérétique : car ce pauvre homme qui feignoit d'estre aveugle se trouva réellement aveugle, avec une si véhémente douleur d'yeux qu'il luy sembloit qu'on les luy crevast. Il accuse sa feinte et simulation, et son séducteur tout ensemble, avec la somme d'argent qu'il avoit receuë pour ce jeu auquel il perdit la veuë, et demande ayde et remède a nos Evesques Catholiques, lesquelz ayans sondé sa foy eurent pitié de luy, « et se prevenans l'un l'autre d'un mutuel honneur, » (ce sont les *Hist. Francorum, propres parolcs de saint Grégoire de Tours*, qui est mon autheur) « une sainte contention s'esmeut entre eux qui seroit celuy-la qui feroit le signe de la bienheureuse Croix sur ses yeux : Vindimialis et Longinus prioyent Eugène, Eugène au contraire les prioit qu'ilz luy impo- sent les mains ; ce qu'ayans fait et luy tenans les mains sur la teste, saint Eugène, faisant le signe de la Croix Et les aveugles; sur Ics ycux de Taveuglc, dit : Au nom du Père, et du Filz, et du Saint Esprit, vray Dieu, lequel nous confes- sons trine en une égalité et toute puissance, que tes yeux soyent ouvertz ; et tout aussi tost, la douleur ostee, il revint a sa première santé. » Aves-vous veu, traitteur, le signe de la Croix employé a la restitution de la veuë de ce misérable, et les saintz Evesques s'entre présenter l'honneur de le faire ? Dires-vous que le diable fit ce  (i) Sic scribitur in antiquis editionibus S. Greg. Turonen^is : hodie Vendimialis,  Livre III. Chapitre xi. 297 jeu en faveur des Catholiques contre les Ariens ? quelle eschappatoire pourres-vous trouver ? Les Ariens de Nicee obtindrent de Valens, empereur hérétique, l'église des Catholiques : saint Basile, adverti de cela, recourt a l'Empereur mesme, et luy rem^onstre si vivement le tort qu'il faisoit aux Catholiques, que l'Empereur en fin laissa au pouvoir de saint Basile de décider ce différent, avec ceste seule condition, qu'il ne se laisseroit point transporter au zèle de son parti, c'est a dire, des Catholiques, au préjudice des Ariens. Saint Basile reçoit ceste charge, et fit ceste ordonnance inspiré sans doute du ciel, que l'église fust bien fermée, et cachetée ou scellée tant par les Ariens que par les Catholiques ; puys, que les Ariens employent trois jours et trois nuitz en prières, et viennent par après a l'église, que si elle s'ouvroit pour eux ilz en demeureroyent maistres pour jamais ; si moins, les Catholiques veille- royent une nuit, après laquelle ilz iroyent a l'église, psalmodians avec la Litanie, et si elle s'ouvroit pour eux ilz en demeureroyent possesseurs perpetuelz, si elle ne s'ouvroit, qu'elle fust aux Ariens. Les Ariens eurent la sentence pour aggreable, mays les Catholiques murmuroyent qu'elle estoit trop favorable aux Ariens, et qu'elle avoit esté proférée par crainte de l'Empereur. Cependant elle s'exécute : les Ariens prient trois jours et trois nuitz, viennent aux portes de l'église (extrême- ment bien fermées, car et l'un et l'autre parti en avoit esté fort curieux), y arrestent des le matin jusques a Sexte, crians leurs Kyrie eleison, mays pour néant; si qu'en fin, ennuyés de l'attente, ilz s'en vont. Dont saint Basile, convocant généralement tout le peuple fidèle, le conduit hors la ville en l'église de saint Diomede mar- tyr, ou il employé toute la nuit en prières ; et le matin, l'amené vers l'église, chantant ce verset : « Dieu saint, saint fort, saint et immortel, ayes miséricorde de nous. » Puys, arrivé au parvis du temple ou les Ariens s'estoyent arrestés précédemment^ il dit au peuple : « Dresses les mains en haut, au ciel vers le Seigneur, et cries Kyrie eleison, » Ce que faisant le peuple, saint Basile  298 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. Et les portes fer- les Signant et bénissant, il commande que l'on face mees, ouver es , q\\qi^qq^ et signant par trois fois les portes de l'église, dit : « Béni soit le Dieu des Chrestiens es siècles des siècles. Amen. » Le peuple répliquant, « Amen », en vertu de l'oraison les verroux et serrures se desfont, et les portes, comme poussées par quelque vent impétueux, s'ouvrent soudainement. Lhors, ce grand Evesque chanta : O Princes, levés vos portes, et vous, portes eter- *(Ps. XXIII, 7, 9.) nelleSy esleves-vous et le Roy de gloire entrera * ; et entrant dedans le temple, avec le saint peuple, il y fit le divin mistere. Il y a, en ceste histoire, trois ou quattre pointz de mauvaise digestion pour vostre estomach, o traitteur, si vous n'estes guéri despuys vostre traitté : les églises des Saintz, ou l'on va prier Dieu ; les saintes psalmodies avec les Litanies, en forme de processions ; la bénédiction episcopale sur le peuple avec le signe de la Croix (Sanctus Episcopus illos consignans, dit *InvitaS.Basiiiii. saint Amphilochius *, qui est mon autheur) ; le signe de la Croix employé pour faire ce miracle ; et ce qu'il est dit, que saint Basile estant entré fit le divin mistere, fecit diviniun mysterium, car c'est une phrase qui n'est pas sortable ni a la prière, laquelle ilz avoyent ja faitte toute la nuit , ni au sermon , car prêcher ne s'appelle pas, faire, mais publier, le divin mistere, ni certes a vostre cène, en laquelle il ne se fait rien de divin, mais s'administre seulement un pain ja fait et préparé. Je ne vois pas que vous puissies respondre a ce tesmoignage de la vertu de la Croix ; car si vous dites que le diable fit cela pour faire le matois, saint Amphi- loche vous remonstre que, par ce miracle, les Catholiques furent consolés et plusieurs Ariens se convertirent : quel advantage donques eust recerché le diable en cest affaire ? et je vous remonstre que vous n'aves pas asses d'honneur pour rendre suspect saint Basile de magie ou sorcelage, ni saint Amphiloche de mensonge ou fadaise. Si vous dites que saint Amphiloche attribue le miracle  (i) Opusculum hoc non est S. Amphilochii, sed recentio^'ris et incerti auctoris. Vide Tillemont, Hist. EccL, Note lxxxii sur S. Basile,  Livre III. Chapitre xi. 299 a la vertu de l'oraison, c'est ce que je veux : car le signe de la Croix est une partie de l'oraison que fit saint Basile, tant sur le peuple le bénissant, que sur les portes les signant ; et a quel autre efFect l'eust-il employé ? Une dame Carthaginoise avoit un chancre au tetin, Etunchana-egueri; mal, selon l'advis d'Hippocrate, du tout incurable ; elle se recommande a Dieu, et, s'approchant Pasques, elle est advertie en sommeil d'aller au baptistère et se faire signer de la Croix par la première femme baptisée qu'elle rencontreroit : elle le fait, et soudain elle est guérie. Le traitteur, a ce coup, est bien empesché ; il chancelle, et ayant fait le récit de l'histoire très imper- tinemment, tasche de se desrobber a ceste pointe que luy avoit jettee le placquart. Quant au récit, il le fait ainsy : « Une certaine dame de Carthage fut guérie d'un (p- 3=-' « chancre à la mammelle, avant esté advertie en dormant (( de remarquer avec le signe de la Croix la première « femme baptizee qui viendroit au devant d'elle. » Cela n'est aucunement ni vray ni a propos, car elle ne fut point advertie de remarquer l'autre avec le signe de la Croix, mays de se faire signer elle mesme du signe de la Croix sur le lieu du mal. Le désir de reprendre offusque ces pauvres reformeurs. Quant a la response, il la fait a son accoustumee, sans jugement ni candeur, (p. 33.) a sçavoir, que ceste dame « s^estoit adressée aupara- « vant au seul Dieu », auquel elle rapporta sa guerison, et non a aucun signe. C'est estre insensé, car qui dit jamais qu'aucune guerison ou miracle, fait ou par le signe de la Croix ou autrement, doive estre rapporté a autre qu'a Dieu seul, qui est le Dieu de toute conso- lation * ? Nostre différent gist a sçavoir si Dieu employé *(ii Cor., t, 3.) le signe de la Croix a faire des miracles par les hommes, puysque c'est chose hors de doute qu'il employé bien souvent plusieurs choses aux effectz surnaturelz. Le traitteur dit que non, et ne sçait pourquoy nous disons qu'ouy et le prouvons par expérience ; est-ce pas ineptie de répliquer que c'est Dieu qui fait ces miracles, puys- qu'on ne demande pas qui les fait, mais comment et  300 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. par quelz instrumens et moyens ? C'est Dieu qui la guérit, et pouvoit la guérir sans la renvoyer a l'autre femme qui la signa ; il ne veut pas, mais la renvoyé a ces moyens desquelz il se veut servir. Voulons-nous estre plus sages que luy, et dire que ces moyens ne sont pas sortables ? il luy plait que nous les employions, les voulons-nous rejetter? Or c'est saint Augustin qui est * De civit. Dei , authcur de ce récit *, et l'estime tellement propre a la 1. XXII, c. viii. , .. , _^. ,., ,. • . »•! • ^ louange de Dieu, qu il dit tout suivant qu il avoit fort tancé ceste dame guérie de ce qu'elle n'avoit pas asses publié ce miracle. Un bon huguenot, au contraire, l'eust fait enterrer bien avant, et ce, par zèle de la pureté reformée ; mais ces grandes âmes anciennes se conten- toyent de la pureté formée. Et tous autres mal- Au demeurant, l'oraison du signe de la Croix estoit neuf s chassés. . . . en si grand crédit en l'ancienne et primitive Eglise, qu'on l'employoit a tous rencontres ; on s'en servoit comme d'un gênerai préservatif de tous malheurs, en * Supra, 1. II, c. VI. mer, en terre, comme dit saint Chrysostome *, es cors des bestes malades, et en ceux qui estoyent possédés du diable. Saint Martin protestoit de percer toutes les esquadres des ennemis et les outrepasser , pourveu *S.Suip Sever.,in qu'il fust armé du sioine de la Croix*; saint Laurent vita s. Mart. ^ . guerissoit les aveugles par iceluy ; Paula mourant, se * (S. Hieronymus, sisfua la bouche de la Croix*; saint Gordius martyr, in Epitaph. Paulae. ^ . ^ . Ep. cviii, ad Eust.) devant aller au tourment en la ville de Cesaree, il y alla joyeusement s'estant muni du signe de la Croix, *Hom. inS. Gord. dit Saint Basile*. Ainsy le grand saint Anthoine, ren- contrant ce monstre sylvestre, faune ou hyppocentaure, qui le vint trouver Ihors qu^il alloit voir saint Paul premier hermite, il fit incontinent le signe de la Croix * S. Hieronym. in pour s'asscurcr *. Ou ic lie puis Oublier le Livre de vitaS.PauliErem. J r § 7. ' Mathias Flaccus Illyricus, augmenté a Genève, intitulé Cathalogus testium veritatis, lequel, par une authen- tique impudence, citant saint Anthoine contre nous en * {L. IV, Anton, son raniJf *, dit qu'il a leu sa vie et n'a pas trouvé qu'il Eremita. Vide p. ^ ^ * ^ 166, not. (i.) ayt employé le signe de la Croix. Jusques a quand trompera-on ainsy les peuples ? Certes, les tesn^oignages que j'ay cités au chapitre précèdent sont pris dans saint  Livre III. Chapitre xi. 301 Athanase, et celuy-ci dans saint Hierosme. Or, j'ay dit qu'en ces occasions la Croix avoit vertu comme une oraison fort vigoureuse, dont il s'ensuit que les choses signées ont une particulière sainteté, comme bénites et sanctifiées par ce saint signe et par ceste célèbre oraison, extrêmement pregnante, pour estre instituée, approuvée et confirmée par Jésus Christ et par toute son Eglise. Si que les Anciens faisoyent grande profes- sion de prier Dieu levans les bras haut en forme de croix, comme il appert de mille tesmoignages, mays sur tout de celuy que j'ay produit de l'ancien Origene, cy dessus * : par ou, non seulement ilz faisoyent comme * (Cap. x.) un perpétuel signe de Croix, mays mortifioyent encores la chair, imitans Moyse qui surmonta Amalech Ihors qu'il prioit Dieu en ceste sorte *, figurant et présageant * Exod., xvu, n. la Croix de Nostre Seigneur qui est la source de toutes les faveurs que peuvent recevoir nos prières. Saint Cyprien, saint Grégoire Nazianzene et mille autres très anciens nous enseignent ainsy.  FIN DU TROISIESME LIVRE  I  I  i  LIVRE QUATRIESME '  DE LA QUALITÉ DE L'HONNEUR  Q\J ON DOIT A LA CROIX  CHAPITRE PREMIERE  ACCUSATION DU TRAITTEUR CONTRE LES CATHOLIQUES  Apres que le traitteur a mis en campaigne sa solem- nelle distinction entre l'honneur civil et l'honneur conscientieux , que j'ay suffisamment renversée en mon Avant-Propos*, il fait de sursaut ceste desgainee : Vray est que les questionnaires ne se sont pas teus là dessus, car on a demandé de quelle sorte d'honneur elle devoit estre adorée. Quelques uns ont dit que la vraye Croix, qui avoit touché au corps de Jésus Christ, devoit estre adorée de latrie,, ou pour le moins de hyperdulie, mais que les autres dévoient estre servies de l'honneur de dulie ; c'est à dire, que la vraye  (!••« Partie. (pp. 48 et 49.  (i) La partie du Ms. concernant le IV<^ Livre, ayant un ordre très différent de celui du texte, est reproduite intégralement à sa suite (voir pp. 373-382). La correspondance est indiquée en tête des chapitres lorsqu'elle est générale, au passage même quand elle est partielle. Voir note (i), p. 373. La dernière partie de la Préface complète les renseignements nécessaires à l'intelligence du Ms. et de ses divers rapports avec le texte. (2) Voir Ms,, p. 374.  301 Défense de l'estendart de la S^' Croix. (( Croix devoit estre révérée de l'honneur deu à Christ, « et les autres croix dévoient estre honorées de l'hon- (( neur que les serviteurs doivent à leurs maistres : et « c'est la belle resolution du présent second plaquard. » Or le placquart ne prend en aucune façon telle reso- lution ; il ne parle ni peu ni prou de latrie, dulie, hyperdulie, ni n'employé la distinction de la vraye Croix de l'image de la Croix et du signe d'icelle. Voicy purement sa conclusion : « Nous devons estre poussés a vénérer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux célèbres, pour nous esmouvoir a la mémoire du bénéfice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire. Amen. » Aussi n'estoit-ce pas le dessein de l'autheur des placquars, sinon de rendre conte de la dévote érection de la Croix que nostre Confrérie d'Annessi fit auprès d'Annemasse, laquelle n'estoit pas une pièce de la vraye Croix, mais seulement une image d'icelle. Proposition du su- gj est-cc quc, parcc que ce traitteur produit les jet de ce Livre. questions des scholastiques avec supercherie, je veux en peu de paroles descouvrir en ce Livre, le plus naïfve- ment que je sçaura}^ la doctrine Catholique touchant la qualité de l'honneur deu a la Croix. Et remarque ce pendant que les questionnaires, qui espluchent si menue- ment les différences d'honneur qu'on doit a la Croix, monstrent asses qu'ilz sont saisis de la sainte et pure * (2« Partie). jalousie de laquelle j'ay traitté en l'Avant-Propos * : car, comme ilz veulent attribuer a la Croix l'honneur qui luy est deu, selon le rang qu'elle tient entre les dépen- dances de nostre Sauveur, aussi prennent-ilz soigneuse- ment garde de ne luy en bailler que ce qu'il faut, et sur tout de n'altérer en rien l'honneur de Dieu, ni baillant moins de respect a sa Croix, ni plus aussi, qu'il ne veut et requiert. Par ou le traitteur est asses convaincu de calomnie, quand il nous accuse de bailler des compai- gnons a Dieu.  i  CHAPITRE II  DE l'honneur, que c'eST ; A QUI ET POURQUOY IL APPARTIENT d'honnorer ET d'estre HONNORÉ  J'ay besoin de dire un mot de l'honneur, parce que Honneur', que c'est; l'adoration est une espèce et sorte d'iceluy. L'honneur, donques *, est une protestation ou reconnoissance de *s.Thom., irii*, l'excellence de la bonté de quelqu'un. Or je l'entends ad. 3/ ' ' ainsy : I. Connoistre la bonté excellente d'une personne n'est ^^ «'^^^^ P^^ ««'? connaissance, pas l'honnorer ; l'envieux et malin connoist l'excel- lence de son ennemy, et ne laisse pourtant de le vitu- pérer. Faire des révérences et démonstrations extérieures a quelqu'un n'est pas aussi l'honnorer; les flatteurs et affronteurs en font a ceux qu'ils tiennent les plus indignes du monde. La seule détermination de la volonté, par laquelle on tient en conte et respect une personne selon l'appréhension qu'on a de sa bonté, est celle la en laquelle gist la vraye essence de l'honneur. Il y a peu de différence entre l'objet de l'amour et celuy de l'honneur * : celuy la tend a la bonté, et celuy ci a * « Amari est ho- 1, -,1 11-1 . • •-! 1 ^' • f norari ^. » Arist., 1 excellence de la bonté ; aussi y a-il peu de diversité a Ethica, L viii, c philosopher de l'un et de l'autre. Faisons en comparaison, "^"^ ^■^^' ^^^" la connoissance de l'un servira a celle de l'autre. L'amour est causé par la connoissance de quelque bonté, l'honneur par la connoissance de l'excellence de la  (1) « Etre aimé est être honoré. » La phrase complète d'Aristote est « Etre aimé paraît être près d'être honoré. »  306 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. bonté. L'amour produit ses démonstrations extérieures et les offices qu'on fait au bien de celuy qu'on ayme ; l'honneur produit aussi les signes et protestations exté- rieures : mays comme l'amour, a proprement parler, n'a son domicile qu'au cœur de l'amant, aussi l'honneur réside dans la volonté de l'honnorant. On appelle amitié les bons offices extérieurs, on appelle honneur les démonstrations extérieures, mays ces noms n'appar- tiennent a l'extérieur que pour l'alliance qu'on presup- Mays une recon- posc d'iceluy avec l'interieur. Si donq je dis que naissance et reso- t. j t. lution de volonté 1 houneur est une protestation ou reconnoissance, je l'entends, non de celle qui se fait par les apparences extérieures, autrement les Anges et espritz ne sçauroyent honnorer, mays de celle qui se passe en la volonté qui se resoult d'estimer une personne selon son mérite, car ceste resolution est la vraye et essentielle forme de l'honneur. Touchant un bien i 2. Or, si l'honncur gist proprement en la volonté, il faut qu'il tende au bien, qui est le seul objet d'icelle ; jamais elle ne s'employe sinon a son but et objet, ou aux appartenances d'iceluy. Mays il y a trois sortes de bien : l'honneste, Tutile, le délectable. L'honneur tend Honneste. du tout a l'honuestc, le mot mesme le porte ; aussi l'honnesteté n'est ditte telle, que parce qu'en elle gist Testât et l'arrest de l'honneur : honestas, dit Isidore, *s.Thom.,iPil«-', quasi honoris status". L'honneur y va; y estant il Qu. CXLV, Art. i; ^, t- 1 • J ' J Qu. LXiii, Art. m; S arrcste. Lt quel bien honneste y a-il, que la vertu et c."n (W. v^^' ' ^' ^^^ appartenances ? La bonté donques, de laquelle l'hon- neur est une reconnoissance, ne peut estre que de ce rang. Or, si le bien honneste ou la vertu se considère simplement comme bien, il sera aussi simplement et seulement en objet a l'amour; mays si on le considère Excelie7ît et emi- comme excellent, eminent et supérieur, c'est Ihors qu'il tient. s'attirera l'honneur comme son propre tribut, lequel a son naturel mouvement au bien honneste sous la con- sidération particulière de quelque excellence et emi- nence : de quelque excellence, dis-je, car, soit que le (i) Voir Ms., pp. rji-ri9-  Livre IV. Chapitre ii. 307 bien honneste ayt quelque excellence sur celuy qui honnore ou non, il suffit qu'il ayt quelque excellence pour estre un vray sujet de l'honneur. J'ay donques dit, pour toutes ces raysons, que l'honneur * estoit une pro- * Aristot., Ethica, testation de l'excellence de la bonté. i.viii, c.\i%ubi- 3. Et quand j'ay dit, de la bonté de quelqu'un, c'est ^emEÛstratius^ a dire, de quelque personne, j'ay eu ceste rayson : l'excellence de la bonté, laquelle est le propre objet de l'honneur, n'est sinon la vertu ; la vertu ne se trouve sihon es personnes : donques l'honneur ne se rapporte ou mediatement ou immédiatement qu'aux personnes, les- quelles sont le sujet lequel est honnoré, et leur vertu le sujet pour lequel elles sont honnorees, objectum quod et objectum quo, disent nos scholastiques. Ce discours Qui peut honmrer, r 1 . j .1 ' j. ^ ' A I Oit estre honnoré. lorclost de pouvoir honnorer, ni estre honnore, toute chose insensible , brute ou insensée , les diables et damnés ; car tout cela n'a, ni peut avoir, aucune bonté d'honnesteté pour estre honnoré, ni n'a aucune volonté ou bonne affection a l'endroit de la vertu pour l'hon- norer. Si ces choses honnoroyent la vertu, elles seroyent Qd n'est capable ^ -, -, -^^ ,, d'honneur passif, honnorables elles mesmes pour ce respect, d autant ne l'est aussi de qu'honnorer la vertu est chose honnorable ; comme au ^^^'''Z- contraire, qui est honnorable il peut honnorer, car il a la vertu, et la vertu ne peut loger qu'en ceux qui la prisent et honnorent. Que si on honnore quelque chose Honneur des choses .^ 1 ^ insensibles. insensible ou non vertueuse, ce ne sera pas pour y arrester et coUoquer simplement et absolument l'hon- neur, mais pour le passer et rapporter a quelque vertu et vertueux. L'honneur du magistrat passe et revient a Dieu et a la republique qu'il représente ; Thonneur de la viellesse, a la sagesse, de laquelle elle est une honnorable marque ; l'honneur de la science, a la dili- gence et autres vertus, desquelles elle est et l'efFect et la cause. Parlons des choses sacrées : l'honneur des  (i) Eustratius était Evêque de Nicée au xn^ siècle. L'allusion à ce commen- tateur et les chiffres de renvois semblent indiquer, comme ayant été suivie par le Saint, l'édition d'Aristote : Aristotelis Staoiritœ Moralia Nichomachia, cum Eustratii . . . nonnullorumque aliorum Qrcecorum explanationibus . . , a Feliciano Latinitate donata. Parisiis, Roigny, 1543.  308 Défense de l'estendart de la S'*^ Croix. églises et vases sacrés va et vise a la Religion, de la- quelle ilz sont instrumens ; l'honneur des images et Croix se rapporte a la bonté de Dieu, de laquelle elles sont des mémoires ; l'honneur des personnes Ecclésias- tiques, a Celuy duquel ilz sont les officiers. Bref, le viel mot est certain : L'honneur est le loyer de la vertu. Non que la vertu ne mérite une autre recompense inhé- rente, utile et délectable, mais parce que l'honneur purement et simplement n'a point d'autre objet que la vertu et le vertueux ; si qu'estant poussé ailleurs, comme sur les choses inanimées, il n'y fait aucun séjour, mais y passe seulement entant qu'elles appartiennent en quelque sorte a quelque sujet vertueux, ou a la vertu mesme ou en fin il se rend comme dans son propre et naturel domicile. Que s'il est dit quelquefois que les choses inanimées et les diables donnent honneur a Dieu, ce n'est pas que cest honneur-la sorte de ces choses comme de la cause, mais seulement comme d'un'occasion que les hommes en prennent d'honnorer Dieu ; ou c'est parce que telles choses font les extérieures démonstra- tions d'honneur, lesquelles, quoy que privées de leur ame, qui est l'intention intérieure, ne laissent pas de retenir devant les peuples le nom d'honneur, ainsy que l'homme mort est appelle homme.  CHAPITRE III»  DE l'adoration ; QUE c'est  Voyons l'opinion du traitteur, et considérons la valeur de ses argumens. Son opinion est en un mot : « Adorer, (p- 55.) « c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les ge- « noux. » Mon Dieu, que cela est grossier ; mettons en avant la vérité, elle renversera asses d'elle mesme le mensong'e. L'adoration est une spéciale manière et sorte d'hon- Adoration, que c'est. neur : car l'excellente bonté pour laquelle on nonnore un autre peut estre de deux façons ; ou elle est emi- Deux sortes d'ex- cellencc ; nente, supérieure et advantageuse sur celuy qui honnore, ou non. Si elle ne l'est pas^ il w'y a lieu que pour le simple honneur, tel qu'il peut estre mesme de pair a pair, voire de supérieur a inférieur, et duquel parle l'Apostre quand il dit *, Honore invicem prœvenientes : * Rom., xn, 10. vous prevenans en honneur; et saint Pierre disant*, *iPetr.,ii, 17. omnes honorate : honnores un chacun; dont il est dit mesmement qu'Assuerus honnora Mardochee *. Eustra- *Esther, vi. tins met pour exemple Thonneur que s'entreportoyent saint GrcQ-oire Nazianzene et saint Basile*. Si, au con- *(inAnst , Ethica, O 1. IX, C. T.) traire, l'excellence de la bonté pour laquelle on honnore Quelle est requise ... i_ ^ Vadoration. se trouve supérieure et advantageuse sur 1 honnorant, Ihors il y va, non d'un simple honneur, mays de l'hon- neur d'adoration ; et partant, comme l'honneur n'est que la profession ou reconnoissance de l'excellence de la (i) Voir Ms., pp. 376, 377.  310  Défense de l'estendart de la S*® Croix.  * {Cap. praeced.) Trois actions en l'a- do ration : ConnoissancCf Sousmission, Signes extérieurs.  L'essence de l'ado- ration ne gisi ni en la première,  * Rom., I, 21.  * (Jerem., ii, 20.)  Nien la troisiesme. «  * (Ps. xcvi, 8.)  bonté de quelqu'un, aussi l'adoration est la reconnois- sance de l'excellence de la bonté eminente et supérieure a l'endroit de celuy qui honnore. Une simple excellence de bonté suffit au simple honneur, mays a l'honneur d'adoration il faut une excellence supérieure, au regard de l'honnorant. Or, a bien honnorer, comme j'ay dit ci devant *, il y va trois actions ; il y en va bien autant, et a plus forte rayson, a bien adorer, puysqu'adorer n'est autre qu'une excellente sorte d'honnorer. i. Il faut connoistre et appréhender la superieurité de l'excellence adorable ; c'est la première action, laquelle appartient a l'enten- dement. 2. Il faut se sousmettre, reconnoistre et faire profession d'inferieurité, ce qui touche a la volonté. 3. Et, pour la troisiesme, il faut faire au dehors des signes et démonstrations de la sousmission qui est en la volonté. Mays en laquelle de ces actions consiste la vraye et propre substance de l'adoration ? Ce n'est pas en la première, car les diables et ceux desquelz parle saint Paul*, qui, connoissans Dieu, ne Vont pas glorifié comme Dieu, ains secoiians le joug ont dit, nous ne servirons point *, ilz l'ont conneu, mays non pas recon- neu. Ceste première action n'est que le fondement et principe de tout l'édifice de l'adoration, ce n'est pas l'édifice mesme. Sera-ce point donques la troisiesme action, du tout extérieure et corporelle , en laquelle gist la vraye essence de l'adoration ? Le traitteur le dit, comme vous aves veu : « Adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux. » Je dis que non, et le prouve indubitablement, pourveu que j'aye protesté que je parle de la vraye essence de Tadoration : I. Si l'adoration gist en ces actions extérieures, les Anges et bien heureux espritz ne pourroyent pas adorer, car ilz n'ont ni genoux ni teste pour les ployer et incliner ; néanmoins ilz ont commandement d'adorer : Adores-le, o tous vous, Anges d'Iceluy *. Je, ne crois pas qu'aucun entende que les encensemens qu'ilz jettent  Livre IV. Chapitre m. 311 a Dieu soyent materielz, car saint Jean declaire *, au * Apoc, v, 8; vm, contraire, que ce sont les oraisons des Saint^. Que s'il est dit * qu'ilz jettent leurs couronnes aux piedz de * (Ibid., iv, lo.) Celuy qui sied au throsne, bien que leur adoration soit exprimée par une action extérieure si ne se doit-elle pas entendre que de l'esprit ; car, comme leurs cou- ronnes et félicités sont spirituelles, aussi l'hommage, reconnoissance et sousmission qu'ilz en font, n'est que purement spirituelle. 2. Mais, pour Dieu, les paralytiques et percluz qui n'ont aucun encens, ni genoux, ni mouvement a leur disposition, peuvent-ilz pas adorer Dieu? ou s'ilz sont exemps de la loy qui dit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu * ? * (Matt, iv, lo.) 3. O Chrestiens de genoux, et materielz, vous sçaves si bien alléguer hors de propos et saison, quand vous combattes les sacrées cérémonies, que les vrays ado- rateurs adorent en esprit et en vérité * : certes, ces * (Joan., iv, 23.) saintes paroles ne bannissent point les actions exté- rieures quand elles procèdent de l'esprit et vérité, mais ne voyes-vous pas tout ouvertement qu'elles décernent contre vous que la vraye et essentielle adoration gist en la volonté et action intérieure ? 4. Et de fait, qui diroit jamais que les actions exté- rieures des hypocrites, voire les génuflexions de ceux qui baffoiioyent nostre Sauveur au jour de sa Passion, luy mettans la couronne d'espines en teste et le roseau en main, plians les genoux devant luy, fussent des vrayes adorations et non pas plustost des vrays vitupères et affrons? L'Escriture * appelle bien cela adorer et *(Matt.,xxvii, 29; saluer, mais elle declaire tout sur le champ qu'elle ^ "' ^^' ^"^ ^^'' l'entend, non selon la realité et substance, mais selon l'extérieure apparence et feinte, disant qu'ilz se moc- quoyent de luy. Qui oseroit appeller ces malheureux vrays adorateurs, et non pas plustost vrays mocqueurs? Les choses portent aucunes fois le nom de ce dont elles ont les apparences, sans pour cela laisser d'estre indi- gnes de le porter ; comme quand les enfans de ce monde sont appelles prudens *, et leur ruse ou finesse, *(Luc., xvi, 8.)  312  Défense de l'estendart de la S^® Croix.  * (I Cor., I,  Q.'ioy que die le traitteur.  (p. y>')  sagesse, quoy que ce ne soit que folie devant Dieu et en realité * ; ainsy appelle les impertinences du traitteur, raysons, quoy qu'elles soyent indignes de ce nom. Considérons donq un peu quelles raysons le trait- teur produit pour monstrer qu' « adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux. » « Cela, » dit-il, se void par la façon de parler de l'Escriture, qui par le fléchissement de genoux désigne l'idolâtrie, comme il appert par la response faite à Elie, i. Rois ', chap. 19, où les vrais serviteurs de Dieu, opposez ( aux idolâtres, sont désignez parce qu'ils n'avoient ( point ployé le genou devant Baal ni baisé en la ( bouche d'icelui. Aussi use l'Escriture de ces mots ( pour descrire les idolâtres, que ils se sont courbez, ( qu'ils ont fait encensemens, ont baisé la main ou les ( lèvres ; ce que font ceux de l'Eglise Romaine à leurs < images, reliques et Croix : dont la conclusion est mani- ( feste, que s'ils ne sont idolâtres, si font-ils ce que ( font les idolâtres. » Est-il possible que ce traitteur ait escrit ces choses veillant ? Si le fléchissement de genouïl estoit idolâtrie, on ne sçau^oit aller sans ido- lâtrer, car pour aller il faut fléchir le genouïl. Fléchir le genouïl, voire se prosterner en terre, est une action indifférente et n'a aucun bien ni aucun mal que par l'objet auquel on la dresse, c'est de l'intention dont elle procède qu'elle a sa différence de bonté ou de malice.. Pour faire que fléchir le genouïl soit idolâtrie, il y faut deux parties : l'une, que ce soit a un idole, car qui flechiroit le genouïl au nom de Jésus, comme il est raysonnable que chacun face, ou devant prince, seroit-il idolâtre? l'autre, que non seulement le genouïl fléchisse a l'idole, mays que ce soit volontairement ; il faut que le cœur plie a mesme que le cors, car l'idolâtrie, comme tout autre péché, prend a l'ame et a l'intention, que si rexterieur a quelque mal il sort de la comme de sa source. Qui est affectionné aux idoles, quand il n'auroit  (i) Selon la division hébraïque adoptée par les Novateurs. P'après la Vulgate, c'est le IIP Livre des Rois.  Livre IV. Chapitre m. 313 ni genouïl ni jambe et seroit plus immobile qu'une pierre, il est néanmoins vray idolâtre ; et, au contraire, qui auroit tous-jours les genoux plantés en terre ne seroit pour tout cela idolâtre sans ces deux conditions, l'une, qu'il fust ainsy volontairement, l'autre, que ce fust a l'honneur d'un idole. Ainsy ne fut-il onques dit que fléchir le genouïl soit idolâtrer, mais ouy bien de le fléchir a Baalim *, Astaroth, Dagon, et semblables *(lllReg. xix, i8.) abominations; autant en dis-je de bayser la main, voire le pied, faire encensemens et se courber. Quand donq le traitteur dit que les Catholiques font ces actions exté- rieures aux reliques, images et Croix, il dit vray en certaine façon ; mais, pour conclure par la que les Catholiques sont idolâtres, il luy reste a prouver que les images, reliques et Croix sont des idoles, ce qu'il ne sçauroit faire ni luy ni ses partisans, je les en desfie. Il ne suffit pas pour estre mauvais, idolâtre et sorcier, de faire ce que telles gens font, si on ne le fait a mesme intention et avec mesmes circonstances. Les idolâtres plient les genoux, font des encensemens, des temples, des autelz, des festes, des sacrifices : autant en font les Catholiques, donques ilz sont idolâtres. La conséquence est sotte ; car encor que ces actions soyent pareilles es uns et es autres d'estoffe et de matière, si ne le sont- elles pas de forme, de façon et intention : or. Dieu ne regarde pas tant ce qui se fait, comme la manière avec laquelle il se fait. L^idolatre dresse toutes ses actions a l'idole, c'est cela qui le fait idolâtre ; au contraire, l'intention du Catholique, en toutes ses actions^ est toute portée a son Dieu, c'est cela qui le fait Catholi- que. Le tyran et le prince font mourir, a l'un c'est crime, a l'autre justice ; le brigand et chirurgien couppent les membres et tirent du sang, l'un pour tuer, l'autre pour guérir. Nous faisons quelque chose de ce que font les idolâtres, mais nous ne faisons rien comme eux : l'objet de nostre Religion est Dieu vivant, qui la rend toute sainte et sacrée. Il faut donq conclure indubitablement que la vraye Mais seulement eu et pure essence de l'adoration gist en l'action intérieure ^ ^^'^^^ ^'  314 Défense de l'estendart de la S*® Croix. de la volonté, par laquelle on se sousmet a celuy qui est adoré ; et que la connoissance, action de l'entende- ment, précède la sousmission comme fondement ; au contraire, l'action extérieure suit la sousmission comme effect et dépendance d'icelle.  i  CHAPITRE IV ^  DE CE QUI PEUT ADORER ET ESTRE ADORE  La suprême excellence est adorable de tous et ne Dieu ne peut ado- peut adorer aucun : si elle est suprême, comme pourra- ^^''' elle en reconnoistre aucune autre pour supérieure ? Les advantages que l'excellence divine tient sur tout autre sont infinis, et d'infinie eminence, tout est bas ou rien en comparaison. Dieu donques, comme Dieu, ne peut adorer, mais il peut bien honnorer, puysque le simple honneur n'a pour objet que la simple excellence, et non pas une excellence supérieure, comme l'adoration. Par contraire rayson, les choses irraysonnables ne peuvent Ni les choses in-ay. son trahies, adorer, a cause de leur extrême bassesse, car elles sont privées de connoissance, et par conséquent de volonté et reconnoissance. Les diables et damnés ne peuvent Ni les damnés. adorer, j'en ay dit la rayson n'agueres * ; ilz connoissent * (Cap. m.) la bonté, mais ilz la détestent et blasphèment, leur volonté la hait et abomine : Qui te confessera en enfer y o Seigneur Dieu ? disoit David '. Mais s'ilz * Ps. vi, 5. n'adorent Dieu, pourront-ilz pas adorer autre que Dieu ? Je dis que non, a proprement parler. L'adoration est une sorte d'honneur, l'honneur est pour la vertu : or ces misérables n'ont aucune affection a la vertu, et toutefois en ceste affection gist l'essence de l'honneur. L'honneur part d'une volonté bien ordonnée, qui fait profession et reconnoissance de quelque excellence : (i) Voir Ms., pp. 577, 378.  3ï6 Défense de l'estendart de la S^° Croix. les damnés ont leur volonté toute désordonnée et gastee, qui ne fait profession que de mal ; s'ilz reconnoissent quelque superieurité, ce n'est jamais que forcement et ne peut estre adoration. Voyla quant a l'adoration active. Tout peut estre ado- May S quant a la passive, les seulz damnés en sont du ré, hormis les daiu- ,,,'i .•- i, 11 nés, tout et Simplement prives, par ces raysons : lexcellence de leur nature ne tend a aucune bonté, ains est irrévo- cablement contournée au mal ; or, tout honneur tend a la vertu et honnesteté ; leur excellence est accablée et estouffee par l'extrême misère et vileté. L'honneur pré- suppose bonne affection a l'endroit de celuy qu'on honnore : or, les malins nous sont irréconciliables, et ne devons les avoir en aucun commerce d'affection, ains a une totale aliénation et abomination. Tout autre chose Mays diversement, peut cstrc adorcc, mays avcc une très grande différence et diversité d'adoration, et pourveu que ce soit sans donner aucune occasion de scandale.  CHAPITRE V  l'adoration se fait a dieu et aux CREATURES  Le mot d'adorer, d'où qu'il soit sorti, ne veut dire Dieu est adorable r . -r\' j ^^ i^s créatures autre que taire révérence, ou a JJieu ou aux créatures, aussi ; quoy que le simple vulgaire estime que ce soit un mot propre a l'honneur deu a Dieu. Abraham adore le peuple de la terre, c'est a dire les enfans de Heth *, c'estoyent * Gen., xxm, 7. des créatures; de mesme son parent Loth *, Josué **, * ibid., xix, r. Balaam * adorent les Anges ; Saûl adore l'ame de ^^ Num!,' XX11V31. Samuel *; Isaac, bénissant son filz Jacob, luy souhaitte "iReg.,xxvm, 14. que les peuples le servent, et que les enfans de sa mère l'adorent * ; Joseph songe que ses père, mère et frères * Gen., xxvn, 29. l'adorent*; David commande qu'on adore l'escabeau *lbid.xxxvii,9, 10. des piedz de Dieu parce qu'il est saint *. Mais ce seul * Psaim. xcvm, 5 ; CXXXT 7 passage de Paralipomenon * suffisoit : Benedixit omnis * i pLr.. xxix, 20. ecclesia Domino Deo patruin stiorum ; et inclina- verunt se et adoraverunt Deum, et deinde Regem : Toute Veglise bénit le Seigneur Dieu de leurs pères ; et s'inclina et adora Dieu, et par après le Roy, Voyla le mot d^adoration employé pour Thonneur fait J a Dieu et aux créatures. Les Anciens ont suivi ce chemin, si que saint Augus- ' tin dit *, que nous n'avons aucune simple parole latine -'' De civit. Dei , pour signifier la vénération deuë a Dieu seul, mais xlo), ad Deograt. avons destiné a cest usage le mot grec de latrie, faute j (i) Voir Ms., pp. 374-376-  318 Défense de l'estendart de la S*** Croix. Néanmoins le mof d'autre plus commode. Néanmoins, encor que le mot plus ^propre a si- d'adoration signifie non seulement la révérence deuë a gniper l'honneur j)jgu mais eucor Celle qu'on doit aux créatures, si aeu a Dieu seul. ' ^ ' est-ce qu'il panche un peu plus et est plus sortable a signifier la révérence deuë a Dieu ; c'est pourquoy les Anciens ont par fois dit sans difficulté qu'on pouvoit adorer les créatures, et par fois ilz ont fait scrupule de l'advouer, principalement Ihors qu'ilz ont eu affaire avec les chicaneurs et hérétiques. Par exemple, saint *Apoi.cont.Rufin., Hierosme proteste*: « Je suis venu en Bethléem, et 1 III {(il II ) 8 '''' ay adoré la crèche et berceau du Seigneur » ; et * Epitaph Paui« ailleurs* : « A Dieu, o Paula, et ayde par prières ton (Ep. cviii, ad Eust.) . ^ x- x- devot serviteur. » Néanmoins le mesme nie en autres occasions qu'on puisse adorer ni servir par dévotion aucune créature : '< Nous ne servons ni adorons les Séraphins, ni aucune chose qu'on puisse nommer en ce * Ep. Lin (al. cix), sicclc OU en l'autre *. » « Qui adora jamais les Martyrs, ad Riparium, § i. . . . i. T-k- * -^ ti i i *Cont. Vigii., §5- qui cuyda jamais un homme estre Dieu ? » il prend la le mot d'adorer pour l'honneur qui se fait a Dieu. * De obit. Theod., Saint Ambroisc * : « Heleine, » dit-il, « trouva la ^ ' ^ ' ^^' Croix du Seigneur ; elle adora le Roy, non le bois parce certes que cela est erreur payen, mais elle adora Celuy qui pendit au bois. » Il parle la de l'adoration en sorte qu'il semble ne vouloir qu'elle appartienne qu'a Dieu , mais bien tost après il l'estend encores aux créatures : « Heleine fit sagement qui esleva la Croix sur la teste des roys, a fin que la Croix de Jésus Christ soit adorée es roys; cela n'est pas insolence, mais dévotion et pieté, Ihors qu'on défère a la sacrée Rédemp- tion. » Et plus bas il introduit les Juifz, se lamentans de l'honneur qu'on fait a Nostre Seigneur, en ceste sorte : « Nous avons crucifié Celuy que les roys adorent ; voyla que mesme le clou d'iceluy est en honneur, et ce que nous luy avons planté pour sa mort est un remède salutaire, et, par une certaine vigueur invisible, tour- mente les démons. Les roys s'inclinent au fer de ses piedz, les empereurs préfèrent le clou de sa Croix a leurs couronnes et diadèmes. » Aves-vous ouy, refor- més, les plaintes de ceste canaille retaillée? ilz regrettent  Livre IV. Chapitre v. 319 l'honneur et la vertu de la Croix : Seigneur Dieu, que voules-vous devenir, vous autres , qui en faites de mesme ? Saint Athanase parlant a Antioche * : « Pour vray, » * Supra, i. il, c n. dit-il, « nous adorons la figure de la Croix la compo- sans de deux bois. » Mais contre les Gentilz * il change * Contra Gentes, de termes, disant : « Jésus Christ seul est adoré. » Le mesme, instruisant l'ame fidelle, au livre De la virgi- nité* : « Si un homme juste, » dit-il, <( entre chez toy, * (§22.) luy allant au rencontre tu adoreras en terre a ses piedz avec crainte et tremblement, car ce ne sera pas luy que tu adoreras, mais Dieu qui l'envoyé. » Mais traittant contre les hérétiques* : « La créature, » dit-il, « n'adore * Serm. m cont. Arian. (ante med.) point la créature. » Saint Epiphane, traittant avec les devotz des loiianges de sainte Marie Mère de Dieu (car le sermon est ains}^ intitulé ') : « Je vois, » dit-il, « qu'elle est adorée par les Anges. » Mais réfutant les hérétiques* : « Marie, » *(Cont. Coiiynd., HaE?r6s. Lxxix 5 o.) dit-il, « soit en honneur, le Seigneur soit adoré. » J'ay donq prouvé : i. que le mot d'^idorer s'applique non seulement a l'hommage deu a Dieu, mais aussi a l'honneur deu aux créatures; l'Escriture citée et les passages des Pères en font foy. 2. Et que toutefois ce mesrne mot panche un peu plus et est plus duisant a signifier Thonneur deu a Dieu seul, considération qui a meu les Anciens d'employer a l'ordinaire autres paroles Comme Us Anciens -,1,,,.. ..^, ■!.. ont usé du mot que celle d adoration pour signmer la révérence deue d'adoration. aux Saintz et autres créatures, ou s'ilz n'y ont employé d'autres motz ilz ont limité celuy d'adoration par quel- que modération. Ainsy saint Cyrille dit, contre Julien *, * Lib. VI (post ,1 -1 f> . 1. med.). que « nous n adorons pas les oaintz comme dieux, mays nous les honnorons comme personnes principales. » Le second Concile de Nicee * appelle la vénération des * Act. vu. Saintz, « adoration honoraire : honorariam adora- tionem. » Et le Concile de Trente suivant ce train, « Adorons, » dit-il *, « Jésus Christ, et vénérons les * Sess. xxv. Saintz par les images que nous baysons » ; il employé (1) Inter dubia S. Epiph., tom. III, col. 486.  320 Défense de l'estendart de la S*® Croix. pour Nostre Seigneur le mot d'adorer, et pour les Saintz celuy de vénérer. Adoration, princi- Or ce discours dépend de deux principes : le premier, pale sorte d'hon- , . , . i i,-, i, i . nenr ; qu entre toutes les espèces d honneur ladoration est la * De civ. Dei. 1. X, plus digne, * dont saint Augustin dit *, que u les hommes C. IV sont appelles servables et vénérables, que si on y veut joindre beaucoup, ilz seront encores ditz adorables » ; il faut une grande qualité pour rendre une chose ado- Ceiie de Dieu,^ suc rablc. Le sccond principe est, qu'entre toutes les ado- et moelle de r ado- . -, . . -p-.. ration. rations cellc qui appartient a Dieu est incomparablement la plus grande et pretieuse ; elle est le suc de toute adoration, ou, comme Anastase, Evesque de Theopolis, -iiNicaen.,Act.iY. dit*, l'emphase et excellence de tout l'honneur 2. Ce qu'estant ainsy, puysque le mot d^adoration signifie la reconnoissance qu'on fait de quelque supérieure et eminente excellence, il joint beaucoup mieux a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des créatures, car il y trouve toute Testendue et perfection de son objet, ce qu'il ne trouve pas ailleurs. Bref, l'adoration n'appartient pas également a Dieu et aux créatures, il y a a dire de l'infinité ; celle qui est deuë a Dieu est si excellente en comparaison de tout autre faitte aux créatures, que n'y ayant presque aucune proportion, les autres adorations ne sont presque pas adoration au prix de celle qui appartient a Dieu. Si que l'adoration estant la suprême sorte d'honneur, elle est particulièrement propre a la *s.Thom.,iiMi''»', suprême excellence de Dieu*; et si bien elle peut estre Qu3sst. LXXXIV, ., ' , . Art. I. attribuée aux créatures , c est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque évidente circonstance, on ne réduit la signification du mot d'ado- ration a l'honneur des créatures, elle panchera tous-jours (i) Voir Ms., p. 376, lig. 42. (2) Saint Anastase était Patriarche de Théopolis (Antioche), au vi= siècle. (Voir Patrol. grasca, tom. LXXXIX, col. 1289.) Les Actes latins du second Concile de Nicée, traduisant fidèlement le grec, donnent ainsi ses paroles : Itaqiie Sanctos et Angeles adorare quidem licet, honoris quippe indicium est adorafio, etc. ; où le mot indicium est mis pour le grec six^acrcç, pris dans sa signification propre, démonstration, manifestation, et non dans sa signification dérivée, emphase : « Il est permis d'adorer les Saints et les Anges, Tadoration n'étant autre qu'une démonstration de l'honneur » etc.  Livre IV. Chapitre v. 321 a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot équivoque ou qui signifie deux diver- ses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation , est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse : analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato. Ainsy, au devis qui se passa entre Nostre Seigneur et la Samaritaine*, *Joan.,iv, 20-24. le mot d'adorer, qui y est mis tout court sans autre addition, signifie non seulement l'adoration deuë a Dieu seul, mais la plus excellente de toutes celles qui se font a Dieu, qui est le sacrifice, comme prouvent plusieurs grans personnages, par raysons inévitables. J'ay dit ceci, tant parce qu'en cest aage si fascheux et chicaneur il est expédient qu'on sçache parfaittement ce que valent les motz, qu'aussi pour respondre au traitteur qui, nous reprochant que nous adorons la Croix et les images, se baillant beau jeu sur nous, dit que « la réplique est frivole de dire qu'on ne les adore imposture du trait- « pas puis qu'on ne met pas sa fiance en elles » ; car "^"^'(p. 54.) je dis, au contraire, que le traitteur est extrêmement Descouverte. frivole de s'imaginer ceste réplique pour nous, laquelle nous n'advouons pas ainsy crue comme elle est couchée, ains, nous tenans sur la démarche de l'Escriture Sainte et de nos devanciers, nous confessons qu'on peut loysi- blement adorer les saintes créatures , notamment la Croix, et disons tout haut avec saint Athanase * : « Nous * (Supra.) adorons la figure de la Croix », et avec Lactance * : * (Supra, 1. 1, c. x, « Fléchisses le genou, et adores le bois vénérable de P'^^'-' la Croix. » Vray est que le Catholique discret, sçachant que le mot d'adorer panche plus a l'honneur deu a Dieu qu'a celuy des créatures, et que le simple vulgaire le prend ordinairement a cest usage, le discret Catholique, dis-je, n'employera pas ce mot sans y joindre une bonne declairation ; ni parmi les schismatiques, hérétiques, reformeurs et bigearres, pour leur lever tout sujet de calomnier ; ni devant les menus et débiles espritz, pour ne leur donner aucune occasion de mesprendre, car les Anciens ont fait ainsy. Quand on dit, donques, qu^on 21  322 Défense de l'estendart de la S*® Croix. ne met pas sa fiance en la Croix, c'est pour monstrer qu'on ne l'adore pas en qualité de Dieu, et non pour dire qu'on ne l'adore pas en aucune façon ; mays le traitteur traitte la Croix, nostre cause et la sienne, selon son humeur.  CHAPITRE VI  LA DIFFERENCE DES HONNEURS OU ADORATIONS GIST EN l'action DE LA VOLONTÉ  Puysque la propre et vraye essence de l'adoration Différence d'kon- • ticiiv dchcyid de lu réside en la volonté et non en l'extérieure démonstration, volonté et inten- la grandeur et petitesse des adorations, et leurs propres '^^^'' différences, se doit estimer selon l'action de la volonté purement et simplement, et non selon l'action de l'en- tendement, ni selon les révérences extérieures. Tel connoist en son ame quelque excellent advantage d'un autre sur luy, qui néanmoins ne le voudra pas recon- noistre a proportion de ce qu'il le connoist, ains beaucoup moins ou plus : tesmoin ceux qui, connoissans Dieu ne Vont pas adoré comme Dieu *. L'adoration, donques, ou * (Rom., i, 21.) l'honneur, n'aura pas la différence de sa grandeur ou petitesse de l'entendement. De mesme. Toute Veglise, dit la sacrée Parole*, bénit le Seigneur Dieu de ses *(i Par.,xxix, 20.) pères ; et s'inclinèrent et adorèrent Dieu, et le Roy après. Hz font indubitablement deux adorations, l'une a Dieu, l'autre au Roy, et bien différentes ; toutefois ilz ne font qu'une inclination extérieure : l'égalité, donques, de la sousmission externe n'infère pas égalité d'hon- neur ou adoration. Le patriarche Jacob, panché et prosterné a terre, adora sept fois son frère aisné Esaii* ; *Gen.,xxxiii, 3. les frères de Joseph l'adorèrent prosternés a terre * ; la *lbid.,xi.m,26,28.  324 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. *ll Reg., XIV, 4. Thecuitaine cheut en terre devant David, l'adorant*; les enfans des Prophètes, venans au rencontre d^Helisee, * IV Reg., Il, 15. l'adorèrent prosternés en terre*; la Sunamite se jetta * Ibid., IV, 27, 37. aux piedz d'Helisee * ' ; Judith, se prosternant en terre, * Judith, X, 20. adore Holofernes * : ces saintes âmes que pouvoyent- elles faire plus que cela , quant a l'extérieur, pour l'adoration de Dieu? L'adoration, donques, ne doit pas estre jugée selon les actions et démonstrations exté- rieures. Jacob se prosterne également devant Dieu et devant son frère, mais la différente intention qui le porte a ces prostrations et inclinations rend l'adoration qu'il fait a Dieu, se prosternant, toute différente de Et pourquoy. Celle qu'il fait a son frère. Nostre cors n'a pas tant de plis ni de postures que nostre ame, il n'a point de plus humble sousmission que de se jetter a terre devant quelqu'un ; mais l'ame en a une infinité de plus grandes, de manière que nous sommes contraintz d'employer les génuflexions , révérences et prostrations corporelles indifféremment, ores a l'honneur souverain de Dieu, ores a l'honneur inférieur des créatures ; nous nous en servons comme des jettons, ores pour dix, ores pour cent , ores pour mille , laissans a la volonté de bailler diverse valeur a ces signes et maintiens extérieurs, par la diversité des intentions avec lesquelles elle les commande a son cors. Et n'y a, a l'adventure, aucune action extérieure, pour humble qu'elle soit, qui ne puisse estre employée a l'honneur des créatures, estant produitte avec une intention bien réglée, sinon le seul sacrifice, avec ses principales et nécessaires appartenances, lequel ne se peut dresser qu'a Dieu seul en reconnoissance de sa souveraine seigneurie ; car, a qui ouyt-on jamais dire : je t'offre ce sacrifice, o Pierre, o Paul ? Hors de la, tout l'extérieur est sortable a la révérence des créatures, n'entendant toutefois y com- prendre les parolles, entre lesquelles il y en a beaucoup qui ne peuvent estre appliquées qu'a Dieu seul.  (i) On lit Giesi, au lieu à'Helisee, dans la F^ édition et toutes les éditions postérieures.  Livre IV. Chapitre vi. 325 Le traitteur, qui met Tessence de l'adoration en la génuflexion et autres actions externes, comme font tous les schismatiques de nostre aage, est obligé par consé- quent de dire, que, la ou il y a pareille prostration ou révérence extérieure il y a aussi pareille adoration. Il faut bien cela pour engeoler le menu peuple ; mays, que me respondra-il a ceste demande ? la Magdeleine Demande au trait- est aux piedz de Nostre Seigneur et les lave *, Nostre * luc., vu, 38. Seigneur est aux piedz de saint Pierre et les lave * ; l'ac- * Joan., xm, 6. tion de la Magdeleine est une très humble adoration : dites-moy, traitteur mon amy, l'action de Nostre Seigneur que fut-elle? Si ce ne fut pas une adoration, comme il est vray, donq s'incliner, faire les révérences et plier les genoux n'est pas adorer comme vous avies dit. Item, donq, une mesme action peut estre faitte par adora- tion, et la mesme sans adoration; et partant on ne sçauroit tirer conséquence de l'égalité des adorations par l'égalité des actions extérieures, ni la différence aussi. Si l'action de Nostre Seigneur fut adoration aussi bien que celle de la Magdeleine (vous estes asses bon pour le vouloir soustenir, principalement si vous esties un peu surpris de colère), donq il adora les créatures : pourquoy donq ne voules-vous pas que nous en faisions de mesme ? Pour vray, establir l'essence et les différences des adorations es actions extérieures, c'est la prendre sur Nostre Seigneur qui l'establit dans l'esprit*; *(joan., iv, 23.) et sur le diable mesme, lequel ne se contente pas de demander a Jésus Christ qu'il s'incline, mays veut que, s'inclinant, il l'adore : Si te prosternant , dit-il, tu m'adores, je te donner ay toutes ces choses^ ; il ne se * Matt., iv, 9, 10. soucie point de l'inclination et prostration, si l'adoration ne l'accompagne. O reformation, en veux-tu plus sçavoir que ton maistre? Le nostre, respondant au tien, pour monstrer l'honneur deu a Dieu ne dit point, tu t'inclineras, d'autant que l'inclination est une action purement indif- férente ; mays dit seulement : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu. Et parce que l'adoration n'est pas encor du tout propre et particulière pour l'honneur de Dieu, mays peut encor estre employée pour les créatures, il  * Quaest. lxi.  326  Défense de l'estendart de la S*® Croix.  adjouste a l'adoration le mot de latrie, disant : tu ser- viras a iceluy seul. ^ « Aussi ne dit-il pas, tu adoreras le seul ^ Seigneur ton Dieu, mays ouy bien, tu serviras a iceluy seul, la ou au grec le mot de latrie est em- ployé » ; ceste observation est expressément du grand saint Augustin, es Questions sur le Genèse *. On peut adorer autre que Dieu, mays non pas servir autre que Dieu du service appelle, selon les Grecz, latrie.  (i) Voir Ms., p. 375. (2) Le mot seul, qui est essentiel à l'argument de S. Augustin, a été omis dans l'édition de 1652 et dans toutes les éditions postérieures.  \  CHAPITRE VII ' PREMIERE DIVISION DES ADORATIONS : SELON LA DIFFERENCE DES EXCELLENCES  Il touche donq a la volonté de donner et l'essence et les différences aux adorations ; mais quelz moyens tient- elle a les leur donner? Deux principalement : le pre- Beux moyens a di- ,,. .,.1 1-1 1 11 versifier les ado- mier est par la diversité des excellences pour lesquelles rations. elle adore les choses, a diverses excellences il faut divers honneurs ; le second est par la diversité des façons avec lesquelles les excellences pour lesquelles on adore sont participées et possédées par les objetz adorables, car, comme il y a diverses excellences, aussi peut-on participer diversement et en plusieurs manières une mesme excellence. Partageons maintenant toutes les adorations selon Premier moyen,^ , , 1,... -. ,, T^^ P'^^' i<^ diversité les plus générales divisions des excellences. loute des excellences'. excellence ou elle est infinie ou finie, c'est a dire, ou divine ou créée. Si elle est infinie et divine, l'adoration A la suprême excei- LêTtcc L hoffuctty de qui luy est deuë est suprême, absolue et souveraine, et latrù ;  C. I.  s'appelle latrie, d'autant que, comme dit saint Augustin *, * De civ. Dei, L x, « selon l'usage avec lequel ont parlé ceux qui nous ont basti les divines paroles, le service qui appartient a adorer Dieu, ou tousjours ou au moins si souvent que c'est presque tousjours, est appelle latrie : Latria, secun- dum consuetudinem qua locuti sunt qui nobis divina eloquia condiderunt, aut semper aut tant frequen- (I) Voir Ms., pp. 376, 377.  328  Défense de l'estendart de la S*® Croix.  A toutes autres honneurs subal- ternes,  A la surnaturelle, honneur reliçrieux.  ter ut p cène semper, ea dicitur servitus qiiœ pertinet ad colendum Deum ; » autre mot n'y a-il en la langue latine qui signifie simplement l'adoration deuë a Dieu seul. Si l'excellence est finie, dépendante et créée, l'adoration sera subalterne et inférieure. Mais parce que de ceste seconde sorte d^excellence il y a une innombrable variété et diversité, divisons-la en- cores en ses plus générales pièces, et l'adoration qui luy appartient sera de mesme divisée. L'excellence créée, ou A l'excellence créée elle cst naturelle OU Surnaturelle : si elle est naturelle, /Torl'/f^'^''^''"'''"' il luy faut une adoration civile, humaine et simplement morale, ainsy honnore-on les sages et vaillans. Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou suprême, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindi*e que la divine et est tousjours subalterne ; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, dévote, ou cons- cientieuse , mais particulièrement on l'appelle dulie entre les théologiens : car iceux, voyans le mot grec de dulie s^appliquer indifféremment au service de Dieu * et des créatures *, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appelle adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux créatures surnaturellement ex- cellentes, adoration de dulie ; et pour mettre encores quelque différence en l'honneur des créatures, ilz ont dit que les plus signalées s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et générale dulie.  * x\pOC., XXII, 9. *Tit., II, 9; I Cor IX, 19.  CHAPITRE VIII » AUTRE DIVISION DES ADORATIONS : SELON LA DIFFERENCE DES MANIERES AVEC LAQUELLE LES EXCELLENCES SONT PARTICIPEES  La seconde différence des adorations dépend de la Second moyen de di- ■yrr 1 r • i 11 i versifier les ado- dinerence des laçons ou manières avec laquelle les rations : selon la choses qu'on adore participent les excellences pour ^["'-'^^'^^ partuipa- ^ ^ ^ ^ tion de l excellen- lesquelles on les adore ; car il ne suffit pas de participer ce. a une grande excellence pour estre beaucoup honno- rable, si on n'y participe excellemment. On honnore toute sorte de magistratz pour l'excellence du prince duquel ilz sont les serviteurs et ministres ; l'excellence pour laquelle on les honnore n'est qu'une, mais on ne les honnore pas également, parce que tous ne parti- cipent pas également a ceste excellence. Un mesme soleil rend inégalement claires les choses , selon le plus et le moins qu'elles luy sont proches, ou qu'elles reçoivent ses rayons. En ceste sorte nous ne partageons pas les adorations ou honneurs selon les excellences, mais selon les différentes manières de participer aux excellences ; je dis donq ainsy : Ou la chose que nous adorons a l'excellence, pour Ou la chose est ex- 1 ^^ t .1 cellente de soy et laquelle nous adorons, en soy mesme et de soy mesme, p^r soy, comme et l'adoration absolue et indépendante, souveraine et ^'^^''' suprême luy sera deuë : c'est Dieu seul qui est capable (i) Pour la correspondance des chapitres viii-xii avec le Ms. , voir PP- 377-379-  330 Défense de l'estendart de la S*® Croix. de cest honneur, parce qu'il est seul en soy, de soy et par soy mesme excellent, ains l'excellence mesme. Ou elle est excei- Qu elle l'aura en soy, mays non pas de soy, comme ont lente en soy, mays , . , i a • ,, non de soy ; plusieurs hommcs ct Ics Angcs, qui ont réellement en eux les bontés et vertus pour lesquelles on les honnore, mays ilz ne les ont pas d'eux mesmes, ains par la grâce de Dieu ; et partant, l'honneur qui leur est deu est a la vérité absolu, mays non pas suprême ni indépendant, ains subalterne et dépendant, car, comme ilz tiennent leur excellence de Dieu, aussi l'honneur qu'on leur fait a rayson d'icelle doit estre rapporté a Dieu : de ceste sorte d'adoration n'est capable que la créature intelli- gente et vertueuse, car autre que celle-là ne peut avoir la vertu en soy, qui est l'excellence pour laquelle on On elle n'est excei- honnorc. Ou la chose adorable n'aura réellement, ni lente ni en soy ni ^ . 1111 111 1 de soy, mays par de soy ni en soy, 1 excellencc pour laquelle on adore, uuon^' ^^ ^"^^"~ mays seulement par une certaine imputation et relation, a cause de l'alliance, appartenance, ressemblance, pro- portion et rapport qu'elle a avec la chose qui en soy mesme a l'excellence et bonté ; et Ihors l'adoration deuë aux choses pour ce respect est appellee respective, rapportée ou relative : de laquelle sont capables toutes les créatures, tant raysonnables qu'autres, hormis les misérables damnés, qui n'ont autre rapport qu'a la misère, laquelle offusque en eux tout ce qui y peut estre demeuré de leurs naturelles facultés. Mays Dieu, qui n'est capable d'autre excellence que de l'indépendante, n'est capable d'autre adoration que de l'indépendante ; la manière d'avoir la perfection avec dépendance et d'ailleurs que de soy, est trop basse et vile pour Dieu, et beaucoup plus la manière de l'avoir par imputation ou relation ; ces menus honneurs ne sont pas sortables pour une excellence infinie. L'honneur, donques, souverain et suprême est deu a Dieu, non seulement pour la perfection infinie qui est en luy, mais encor pour la manière avec laquelle il l'a, car il l'a de soy mesme et par soy mesme. L'hon- neur absolu subalterne n'est que pour les créatures intelligentes , lesquelles seules ont en soy la vertu  Livre IV. Chapitre viii. 331 qui requiert l'honneur absolu, mais elles ne l'ont pas de soy, et partant il est subalterne. L'honneur relatif ou rapporté est, en certaine façon, propre et particu- lier pour les créatures irraysonnables, d'autant qu'elles ne sont capables d'autre honneur, n'estans vertueuses ni d'elles mesmes ni en elles mesmes. Et néanmoins, les créatures intelligentes sont encor capables de cest honneur relatif aussi bien que de l'absolu subalterne; ainsy puis-je considérer saint Jean, ou comme très saint personnage , et par la je l'honnore d'honneur absolu quoy que subalterne, ou comme proche parent de Nostre Seigneur, et par la je l'honnore d'un honneur relatif et rapporté.  CHAPITRE IX d'où se prend la DIFFERENCE DE LA GRANDEUR OU PETITESSE ENTRE LES HONNEURS RELATIEZ, ET DE LA FAÇON DE LES NOMMER  Deux fondement de L'honneur relatif doit estre prisé a la mesure et au deu^plu" Vhon- poids de l'excellence a laquelle il vise, et selon la 'q^fs^l^fxem^' ^^ï^ersité avec laquelle l'excellence se trouve en la chose honnoree. Par exemple, je veux mettre en comparaison l'image du prince avec le filz d'un amy : si je considère la qualité des excellences pour lesquelles j'honnore et ^ l'un et l'autre, j^honnoreray plus l'image du prince que le filz de l'amy (je suppose que ce filz ne me soit res- pectable que pour l'amour du père), parce que l'image du prince appartient a une personne qui m'est plus honnorable ; mais si je considère le rang et degré d'ap- partenance que chacune de ces choses tient a l'endroit des excellences pour lesquelles on les honnore, j'hon- noreray beaucoup plus le filz de mon amy que l'image du prince, car, bien que je prise plus le prince que le simple amy, si est-ce que l'image appartient incompara- blement moins au prince que le filz a l'amy. De mesme, selon la première considération , Timage de Nostre Seigneur est plus honnorable que le cors d'un martyr, d'autant qu'elle appartient a une infinie excellence, et le cors du martyr n'appartient qu'a une excellence limitée ; mais selon la seconde considération le cors du saint est plus vénérable que l'image de Nostre Seigneur,  Livre IV. Chapitre ix. 333 car encor que l'image de Dieu appartient a une excellence infinie, si luy appartient-elle presque infiniment peu, au prix de ce que le cors appartient de fort près au martyr, duquel il est une partie substantielle qui ressuscitera pour estre faitte participante de la gloire. Pour donq donner le juste prix d'honneur respectif ou relatif qui est deu aux choses, il faut considérer et poiser l^excel- lence a laquelle elles appartiennent, et quant et quant le rang et grade d'appartenance qu'elles ont a l'endroit de ceste excellence. Ainsy la vraye Croix et l'image de la Croix méritent un mesme honneur entant que l'une et l'autre se rapportent a Jésus Christ , mais elles le méritent bien différent entant que la vraye Croix appartient plus excellemment a Jésus Christ que ne fait pas l'image de la Croix ; car la vra)^ Croix luy appar- tient comme relique , instrument de la Rédemption , autel de son sacrifice et son image encor, mais l'image de la Croix ne luy appartient que comme remembrance de sa Passion. La différence de leur adoration ne se prend pas du sujet auquel elles appartiennent, mais de la façon en laquelle elles luy appartiennent; elles appar- tiennent a un mesme sujet, mais non pas en mesme façon ains diversement, c'est ce qui en diversifie et rend différentes les vénérations. Mais, comme nommerons-nous ces adorations relatives Manière de nommn- , -, ^' rc -^ If^ honneurs rela- selon leurs ditierences ?  1. Pour vray, il ne les faut jamais appeller adorations simplement et sans bonnes limitations, car, si le mot d'adoration panche plus a signifier l'honneur deu a Dieu seul que le subalterne, et que partant il ne doit pas estre employé a signifier le subalterne sinon qu'il soit borné par quelque addition, combien moins le faut-il mettre en usage pour signifier les adorations relatives et imparfaittes, sinon qu'on aye limité la course de sa signification a la mesure de l'honneur qu'on veut nommer. 2. Il ne suffit pas d'appeller une de ces adorations adoration relative ou imparfaitte, car par ces paroles on ne mettroit aucune différence entre elles : toutes ont  *ifh  334 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. part a ce nom d'adoration relative comme a leur genre, ceste estofFe leur est commune ; elles sont toutes de ceste espèce d'honneur qu'on appelle adoration, et toutes de ceste espèce d'adoration qu'on appelle relative. Il faut donq accourcir encor ces deux noms par quelque addition ; mais ou prendra-on ceste addition ? Il la faut chercher en la qualité de l'excellence a laquelle vise Tadoration : si elle vise a l'excellence divine, il la faut appeller adoration relative de latrie, car l'honneur qui a pour son sujet la Divinité est appelle latrie ; si elle vise a l'excellence surnaturelle créée, on l'appelle ado- ration relative de dulie, ou hyperdulie, selon le plus et le moins de l'excellence, car ainsy appelle-on l'honneur deu aux excellences surnaturelles ; si l'adoration vise a une excellence purement humaine , elle se nommera adoration relative humaine, ou civile. 3. Qui voudra encor plus particulariser ces adora- tions, selon le divers rang de rapport et appartenance que la chose qu'il en veut honnorer tient a l'endroit de l'excellence a laquelle il vise, il le pourra faire aysement disant, par exemple : j'honnore telle chose d'adoration de latrie respective, comme relique, ou image, ou mémo- rial, ou instrument de Jésus Christ. Ainsy faut-il parler des reliques, images ou instrumens des Saintz, laissant chaque chose en son grade; car, a la vérité, les reliques, comme les clouz, la vraye Croix, le saint Suaire, méri- tent plus d'honneur relatif de latrie que ne font les images ou simples Croix de Nostre Seigneur, d'autant qu'elles appartiennent a Nostre Seigneur par une rela- tion plus vive et estroitte que les simples remembrances. Etraysonpourquoy. 4. Et n'y a ccluy qui doive trouver estrange que ces menus honneurs imparfaitz et relatifz portent les noms des honneurs absolus et parfaitz de latrie, superdulie et dulie, car, comme pourroit-on mieux nommer les feuilles que du nom de Tarbre qui les produit et duquel elles dépendent ? Les choses que nous honnorons d'honneur relatif sont appartenances et dépendances des excel- lences absolues ; les honneurs que nous leur faisons sont aussi des appartenances et dépendances des hon-  Livre IV. Chapitre ix. 33â neurs absolus que nous portons aux excellences absolues. La Croix est une appartenance de Jésus Christ, l'honneur de la Croix est appartenance de l'honneur de Jésus Christ ; l'honneur de Jésus Christ s'appelle justement latrie, l'honneur de la Croix est une appartenance de latrie, c'est une feuille de ce grand arbre, c^est une plume de cest aigle qui vise droit au soleil de la Divinité. Pour- quoy appelle-on l'image de saint Claude, saint Claude, et le cors mort d^iceluy encores, sinon pour la relation et rapport que l'une et l'autre appartenance ont a ce Saint, vivant? De mesme peut-on appeller l'honneur deu au cors et image de ce Saint, du nom de l'honneur deu au Saint mesme^ car autant de proportion que l'image ou le cors d'un saint homme a a la personne du saint propre, autant en a l'honneur deu au cors et a Timage d'un saint avec l'honneur qui est deu a la personne d'ice- luy. L'homme en peinture est homme, un homme mort est homme^ mais non pas simplement homme, ains homme par proportion, représentation et relation : de mesme, l'honneur deu a l'image et au cors de cest homme, s'il est simplement homme, sera humain, non absolument, mays par proportion et relation ; s'il est homme saint, l'honneur sera de dulie, mays respective et relative ; si c'est l'image de Jésus Christ, l'honneur sera de latrie, mays respective. Si on me demande quel amour me fait caresser le laquais de mon frère, voire son chien, je ne sçaurois nier que ce ne soit l'amour fraternel, et que ces affections et beneficences ne soyent fraternelles ; non que j'estime le laquais ni le chien, mon frère, mays parce qu'ilz appartiennent a mon frère ; aussi, la pro- pension ou inclination que j'ay a leur bien, n'est pas simplement fraternelle et de mesme estoffe que celle que j'ay a l'endroit de mon frère, mais elle y a son rap- port et relation , dont elle peut estre ditte fraternelle relative. Ces honneurs relatifz et imparfaitz procèdent des honneurs absolus et parfaitz, et non seulement en procèdent, mais s'y rapportent et réduisent ; ce n'est pas merveille s'ilz empruntent le nom du lieu de leur nais- sance et de leur finale retraitte.  336 Défense de l'estendart de la S*° Croix. Il ne faut nommer 5. Au demeurant, jamais il ne faut dire qu'on adore les honneurs rela- ,,,, .,,^. ., t-^. tify du nom des de 1 adoratiou de latrie, simplement, autre que Dieu tout \ZipUmenu'^'''' puissant. Le docte Bellarmin le prouve suffisamment *, *(Cont.deEcci.Tr. quand il ne produiroit autre que le Concile septiesme * (Act. VII.) gênerai *, qui détermine clairement qu'il faut honnorer les images mais non pas de latrie, car ce qui se dit a ce propos des images appartient a toutes autres appar- tenances extérieures de Dieu ; et certes, puysque l'hon- neur de latrie est le souverain, il n'est deu qu'a la souveraine excellence. J'ay dit, l'adoration de latrie simplement, d'autant que si on parle d'une latrie impar- faitte et relative, avec semblables modérations et exté- nuations, on la doit attribuer a la Croix et autres appartenances de Jésus Christ, autrement non, en façon que ce soit. La rayson est parce que, selon la règle des logiciens, le mot qui signifie deux ou plusieurs choses, l'une principalement et directement, l'autre par simili- tude et proportion, estant mis a part seul et sans limitation il signifie tousjours la chose principalement signifiée : analogum par se sumptiim stat pro fainosiori stgnificato. Si on dit, homme, cela s'entend d'un homme vray et naturel, non d'un homme mort ou peint ; si on dit latrie, c'est la vraye latrie et non la latrie imparfaitte et relative. Que si j'ay tousjours dit qu'il ne falloit pas mesme dire simplement qu'on adoroit les créatures, sinon qu'on y employast des circonstances qui restreignissent la signification du mot adorer, d'au- tant qu'il panche plus a l'honneur de Dieu qu'a celuy des créatures^ combien plus ay-je rayson de dire qu'il ne faut jamais mettre en usage le mot seul de latrie pour aucun autre honneur que pour celuy de Dieu seul, puysque ce mot de latrie a esté particulièrement choisi et destiné a ceste seule signification, et ne peut meshuy avoir autre usage sinon par proportion et extension. Pour vray, le mot équivoque se prend tousjours en sa principale signification quand il est mis seul et sans limitation, et non jamais pour les significations acciden- taires et moins principales. En voyla bien as'ses, ce me semble, pour les bons entendeurs.  CHAPITRE X  RESOLUTION NECESSAIRE d'uNE DIFFICULTÉ  Il vaut mieux loger icy ce mot que de l'oublier, car il est nécessaire. Si l'adoration relative des apparte- nances de Jésus Christ s'appelle latrie imparfaitte, parce qu'elle se rapporte a la vraye et parfaitte latrie deuë a Jésus Christ^ et de mesme l'adoration respective qu'on porte aux appartenances de Nostre Dame s'appelle hyper- dulie, d'autant qu'elle vise a la parfaitte hyperdulie deuë a ceste céleste Dame, ou l'adoration respective qu'on porte aux appartenances des Saintz s'appelle dulie relative, d'autant qu'elle se réduit a la parfaitte dulie deuë a ces glorieux Pères, pourquoy n'appellera-on adoration de latrie l'honneur qu'on fait a la Vierge Mère de Dieu, et aux Saintz, puysque l'honneur de la Mère et des serviteurs redonde tout et se rapporte entiè- rement a l'honneur et gloire du Filz et Seigneur Jésus Christ, nostre souverain Dieu et Rédempteur ? Tout honneur se rapporte a Dieu, comme il a esté clairement déduit en l' Avant-Propos *, donq tout honneur est, et * (i''^ Partie.) se doit appeller, adoration relative de latrie. Ceste diffi- culté mérite response ; je la prendray du grand docteur ^ ^^ jjj sentent saint Bonaventure *. (Dist.ix,Quasst.iii, Les honneurs subalternes se rapportent a Dieu en Différence entre le deux façons : ou comme a leur premier principe et ^honneurs'^^ont l dernière fin, ou comme a leur objet et sujet. Or, Thon- Dieu; neur subalterne, quoy que absolu et propre, se rap- porte a Dieu comme a son principe premier et fin 2?  338 Défense de l'estendart de la S*"^ Croix. dernière, et non comme a son objet; mais l'honneur relatif se rapporte a Dieu comme a son objet et sujet, dont il est nommé honneur de latrie. Il est néanmoins imparfait et relatif, d'autant qu'il n'a pas Dieu pour son objet entant que Dieu se considère en soy mesme ou en sa propre nature, mais seulement entant qu'il est représenté et reconneu en ses appartenances et dépen- dances, par la relation et rapport qu'elles ont a sa divine Majesté. La révérence que saint Jean portoit aux soliers *{joan., I, 27.) de Nostre Seigneur, s'estimant indigne de les porter*, estoit une sainte affection de latrie, mais de latrie rela- tive, par laquelle il adoroit son Maistre, non en sa propre personne, mais en ceste basse et abjecte appartenance. Les honneurs, donq, qui visent a Jésus Christ comme a leur principe et fin finale seulement, ne se peuvent ni doivent nommer en aucune façon latrie ; mays ceux qui se rapportent a Jésus Christ comme a leur objet se peuvent et doivent appeller latrie, mays relative et imparfaitte. Or, l'honneur de la Vierge et des Saintz a pour son objet leur propre excellence, qui se trouve réellement en leurs personnes, et partant il a son propre nom de dulie et hyperdulie, bien qu'il se rapporte par après a Dieu comme a sa fin et a son principe. L'hon- neur de la Croix et autres appartenances de nostre Sauveur a pour son objet Nostre Seigneur mesme, qu'il considère et reconnoit en ces choses insensibles par la relation qu'elles ont a luy, si qu'on appelle ray- Exempie a propos, sonnablcmcnt cest honneur-la, latrie relative. Ainsy donne-on le pain au pauvre en aumosne, et au prestre en oblation ; l'un et l'autre don vise et tend a Dieu, mays différemment : car l'aumosne vise a Dieu comme a sa fin, et a pour son objet le pauvre, l'oblation vise a Dieu comme a son propre objet , quoy qu'elle soit receuë par le prestre.  CHAPITRE XI  DEUX FAÇONS D HONNORER LA CROIX  On peut honnorer les choses absentes, voire passées On peut honnorer , o , . -.,. 1, . , les choses absentes et lutures, au moins conditionnellement, aussi les peut-on et passées. priser et loiier. Combien de fois et en combien de façons les anciens Pères firent-ilz honneur et adoration au Messie futur ? Et pour vray, a bien considérer l'essence de l'honneur et adoration, elle ne requiert point la présence de son objet, et peut avoir lieu pour les choses passées et futures. Le petit traitteur n'oseroit nier ceste doctrine; « Nous ne pouvons, » dit-il, « jamais assez (p. 38.) « honorer la Croix, mort et passion de nostre Seigneur. » Or la mort et Passion est passée, Jésus Christ ne meurt plus, il ne souffre plus ; on peut donq honnorer les choses absentes et qui ne sont point. Marchons mainte- nant avec ceste supposition. On peut considérer la vraye Croix comme elle se Honneur de la , r^ .r- Croix comme elle trouve maintenant, séparée et desprise d avec le Lrucmx, est maintenant; et Ihors elle sera pretieuse relique du Sauveur, son lict d'honneur, throsne de sa royauté, trophée de sa victoire et glorieux instrument de nostre Rédemption. Or, comme toutes ces qualités sont relatives et du tout rapportées a Jésus Christ^ aussi l'honneur qu'on fait a la Croix en vertu d'icelles est tout relatif au mesme Seigneur, et partant^ comme appartenant au Sauveur, c'est un honneur de latrie ; comme ne luy appartenant pas directement mais relativement , c'est une latrie imparfaitte et relative, et laquelle ne doit pas simplement  * Joan., I, 27 • *IVReg.,ii, 13.14 * (In vita S. § 93-) Ant. * (Cap. XI, 10.) Comme elle jadis ; fut  340 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. estre ditte latrie, ni mesme adoration, selon saint Bona- venture. Livre III Sur les Sentences, comme j'ay déduit * (Cap. praeced.) ci devant *. Tel fut l'honneur que l'antiquité rendoit a la Croix, souhaittant d'en avoir les petites pièces qui en furent esparses par tout le monde, au rapport de saint *(Supra, 1. 1,c. IX.) Chrysostome et saint Cyrille * ; pareil a celuy que saint Jean portoit aux soliers de Nostre Seigneur, qu'il s'esti- moit indigne de manier *, pareil a celuy qu'Helisee deferoit au manteau d'Helie, qu'il gardoit si chèrement *, et saint Athanase a celuy de saint Anthoine *, et égal a celuy que tous les Chrestiens portent au très saint Sepulchre de Nostre Seigneur, prédit par le prophète Esaye * en termes exprès. On considère aussi la Croix, non ja comme elle est a ceste heure, séparée de son Crucifix, en guise de relique, mays comme elle fut au tems de la Passion, Ihors que le Sauveur estoit cloué en icelle, que ce pretieux arbre estoit chargé de son fruit, que ce there- binthe ou myrrhe distilloit de tous costés en gouttes du sang salutaire ; et en ceste considération nostre ame honnore la vraye Croix du mesme honneur qu'elle honnore le Crucifix, non tant (a parler proprement) relativement, comme plustost consequemment et par participation ou redondance. Car tout ainsy que la gloire de Nostre Seigneur, au jour de sa Transfiguration, espandit et communiqua ses rayons jusques sur ses * Matt., XVII, 2. vestemens qu'elle rendit blancz comme neige * , de mesme, la latrie de laquelle nous adorons Jésus Christ crucifié est si vive et abondante, qu'elle rejallit et redonde a tout ce qui le touche et luy appartient : telle fut l'opinion de ceste pauvre dame qui se contentoit de * (Ibid., IX, 20.) toucher le bord de la robbe du Sauveur* ; ainsy ba3^sons- nous la pourpre et robbe des grans. Or cela n'est pas tant adorer que coadorer, par accident et conséquent, la robbe ou la Croix. Pour vray, aucun n'honnore le roy a cause de sa robbe, mays aussi aucun ne sépare la robbe, du roy, pour adorer simplement la personne royale ; on fait la révérence au roy vestu, et nous adorons Jésus Christ crucifié ; l'adoration portée au Crucifix fait rêver-  Livre IV. Chapitre xi,  341  beration et reflexion a la Croix, aux clouz, a la couronne, comme a choses qui luy sont unies, jointes et attachées : dont ceste adoration, ou plustost coadoration, estant un accessoire de l'adoration faitte au Filz de Dieu, elle porte le nom et appellation de son principal, ressentant aussi de sa nature. A ceste façon d'adorer et considérer la Croix, se rapportent presque toutes les plus solemnelles parolles, loiianges et cérémonies qui se prattiquent en l'Eglise Catholique a l'endroit de la Croix; mais entre autres, tout le saint et dévot hymne composé par le bon Theodulphe, ancien Evesque d'Orléans * ; voyons-le en toutes ses pièces, latin et françois :  L'Eglise, pour le plus, la considère comme elle fut Ja- dis,  Vexilla Régis prodeunt^ Fulget Cruels mysterium, Quo carne carnis eonditor Suspensus est patibulo. Quo vulneratus insuper Muerone diro lancece^, Ut nos lavaret crimine Manavit unda et sanguine. Impleta sunt quœ concinit David Jideli carminé j Dicens in nationihus, Regnavit a ligno Deus. Arhor décora etfidgida, Ornata Régis purpura., Electa digno stipite Tarn sancta membra tangere. Beata cujus hrachiis Secli pependit pretium^ Staterafacta eorporis^ Prœdamque tulit Tartari.  L'estendart vient du Roy des roys, Le mystère luit de la Croix, Ou pend en chair sainte, sacrée, Cil qui toute chair a créée. Ou de plus est ja mort blecé, Le flanc par la lance percé ; Pour nous rendre netz de soûilleure Le sang sort, et Teau tout a Theure. Ores on void vérifié Ce que David avoit crié : Que Dieu, par le bois qui le serre, Regneroit un jour sur la terre. Arbre beau, tout resplendissant De la pourpre du Roy puissant, Arbre sur tous autres insigne, Par Tattoucher de chair si digne. Heureux qui tins es bras pendu Le prix du monde tout perdu, Le cors deçà, comme en balance, Delà, l'enfer et sa puissance.  (i) Voir Livre II, chap. ix, p. 157, (k). L'hymne Vexilla Régis n'est pas de Theodulphe (ix^ siècle), mais de S. Venantius Fortunatus {vi^ siècle), Miscellanea, 1. II, c, vu. Theodulphe est l'auteur de la prose Gloria laus et honor, que l'Eglise chante, ainsi que le Vexilla, le dimanche des Rameaux.  342 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. O CrUX, ave, SpeS unicaj Je te salue, o sainte Croix, Hoc passionis tempore, Nostre espoir seul, en ces destroitz : Auge pils justltiam. Donne aux bons accroist de justice, Relsque dona veniam. Pardonne aux pécheurs leur malice. Te, SUmma Deus Trinitas, Dieu seul grand, haute Trinité, Collaudeé Omnis SpirituS ; Tout esprit lotie ta bonté ; QuOS per Crucis mysterium Si la Croix sauve les coulpables, Salvas_,rege per sœcula. Amen. Rens-nous de perdus perdurables. Et parle a la Croix. Qui ne voit qu'en toutes ces parolles on considère la a ceste considéra- ^ . ^ 1,1.1 tion. Croix comme un arbre auquel est pendant le pretieux fruit de vie, Créateur du monde, comme un throsne sur lequel est assis le Roy des roys ? C'est de mesme quand (p. 51.) l'Eglise chante ce que le petit traitteur nous reproche : (( O Croix qui dois estre adorée, ô Croix qui dois estre (( regardée, aimable aux hommes, plus saincte que tous, « qui seule as mérité de porter le talent du monde ; « doux bois, doux doux portans doux faix... » C'est la version du traitteur, qui n'est pas, certes, trop exacte ; le latin est plus beau : O Crux adoranda, o Crux speciosa, hominibus amahilis, sanctior universis, quœ sola digna fuisti portare talentum mundi ; dulce lignum, dulces clavoSy dulciaferens pondéra... Et ailleurs : Crux fidelis, inter omnes arbor una nobiliSj nulla silva talem profert, fronde, flore, germine; dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus y sustinet ; qui est une pièce de Thymne composé par le * (MisceiL, 1. II, bon pcrc Fortunatus, Evesque de Poitiers *. Toutes ces *' ""^ parolles visent a la Croix clouée et jointe a son Cru- cifix, telle qu^'elle estoit au tems de la Passion. Mays pourquoy la salue-on, pourquoy luy parle-on comme l'on feroit au Crucifix mesme ? certes, c'est parce que les motz vont a la Croix mays l'intention est dressée au Crucifix ; on parle du Crucifix sous le nom de la Croix. Ne disons-nous pas ordinairement : il appella cinquante cuirasses, cinquante lances, cent mousquetz, cent che- vaux? n'appellons-nous pas, l'Enseigne d'une compai- gnie, celuy qui porte l'enseigne ? Si parlans des chevaux nous entendons les chevaliers, si par les mousquetz,  Livre IV. Chapitre xi. 343 lances, cuirasses, nous entendons ceux qui portent les mousquetz, lances et cuirasses, pourquoy par la Croix n'entendrons-nous bien le Crucifix ? Ne parlons-nous pas souvent du Roy de France et du Duc de Savoye sous les noms de Fleur de lis et Croix blanche, parce que ce sont les armes de ces souverains Princes ? pour- quoy ne parlerons-nous du Sauveur sous le nom de la Croix, qui est sa vraye enseigne ? C'est donq en ce sens qu'on s'addresse a la Croix, qu'on la salue et invoque ; comme aussi nous nous addressons au siège et y appel- ions, pour dire qu'on appelle a celuy qui sied au siège. Mais il faut joindre a ceci ce que j'ay dit au second Livre, chap. ix et x.  CHAPITRE XII  DEUX AUTRES SORTES d'hONN'EUR POUR LA CROIX  Deux sortes de si- Il y a deux sortes de signes : car les uns représentent Naturel^, ©t signifient naturellement, par la dépendance, appar- tenance, rapport ou proportion qu'ilz ont a l'endroit des choses représentées par iceux ; ainsy les fumées et lesses des cerfz et sangliers, ou leurs foyes et traces, sont signes naturelz des bestes qui les ont jettees et faittes, par la dépendance et rapport qu'elles ont avec icelles ; ainsy la fumée est signe du feu, et l'ombre du Et arbitraires; cors. D'autrc part, il y a des signes qui ne représentent ni signifient aucune chose naturellement, mays par l'institution et volonté des personnes , comme quand anciennement les commissaires de guerre ou contre- rolleurs mettoyent le Thita, 0, pour signe de mort, et le Thau, T, pour signe de vie : O multum ante alias infœlix litera Thita * ; ou quand Raab mit une cordelle rouge pendue a sa (i) Ce vers latin, imité de Virgile (^neid., 1. III, lin. 321), est attri- bué par l'ancien scoliaste sur Persius (Satyrarum, 1. IV, lin. 13), à un auteur anonyme : TJnde quidam ait : « O multum » etc. ; mais quelques édi- teurs l'ont introduit dans le texte de Persius lui-même. La lettre 0, étant l'initiale du mot ©avaxoç, mort, reçut son épithète '( malheureuse » de ce qu'elle fut autrefois employée dans le langage judi- ciaire pour signifier la peine capitale, de même qu'aux inscriptions publi- ques et registres militaires elle indiquait les décès ; on la trouve avec la même signification dans les nécrologes monastiques. Voir Lipsius (De recta pronunc. linguœ latince, cap. xiv), et Du Cange (Glossarium, lettre Th). C'est à tort que, dans ce dernier ouvrage, le vers « O multun^ >» etc. est attribué au scoliaste sur Juvénal.  Livre IV. Chapitre xii. 345 fenestre, pour marque de la sauvegarde que les Israé- lites devoyent a sa mayson * : car quelle convenance ou * Josue, n, i8. proportion y a-il entre les choses signifiées et telz signes, qui se puisse dire naturelle?^ Je ne dis pas que ces signes ayent esté institués sans rayson ni mistere, mays je dis que de leur nature ilz n'avoyent aucun rapport a ce qu^ilz signifioyent, et qu'il a esté besoin que, par l'institution humaine, ilz ayent esté assignés et con- tournés a cest usage ; la ou les signes naturelz, sans l'entremise d'aucune institution, par la naturelle liaison et proportion qu'ilz ont avec leurs objetz, ilz les signi- fient et représentent. Or, la figure de la Croix peut avoir et l'un et l'autre Lci Croix est de ,. . , . 1 . l'une et Vautre usage : elle peut estre signe naturel, et signe volontaire sorte. ou arbitraire. Certes, la Croix a une naturelle conve- nance et proportion avec le Crucifix et la crucifixion, les motz mesmes le monstrent, et partant elle représente et signifie naturellement le Crucifix. C'est son ordi- naire usage, lequel n'excède point sa portée naturelle ; et considérée en ceste sorte on l'honnore de Thonneur Entant que signe ., . , . • jî 14.* naturel, quel tion- que j ay si souvent remarque, a sçavoir, dune latrie neur lùy est deu ; imparfaitte et relative, telle que Ton porte au livre des Evangiles et autres choses sacrées, ainsy qu'il est déter- miné au Concile septiesme, Act. vu*, et au Concile *( Vide supra, c.ix.) huitiesme, Act. x * ; laquelle est réellement et imme- *(Reguia 3.) diatement portée et dressée a la Croix comme a son premier et particulier objet, puys tout d'un coup rap- portée et redressée au Crucifix comme a son objet final, universel et fondamental, puysque l'honneur porté a la Croix (entant qu'elle est remembrance du Crucifix et de sa crucifixion) n'est autre sinon une dépendance, appartenance et accessoire de la grande et souveraine latrie deuë a la majesté de Celuy, lequel estant égal a Dieu son Père, s'est humilié et abbaissé jusques a la mort de la Croix *. * (Phiiip., n, 6-8.) Voyla l'honneur deu a la Croix comme signe naturel de nostre Sauveur souffrant et pâtissant pour nous , (i) Voir, p. 2IO, un passage du Ms. traitant des signes arbitraires.  346 Défense de l'estendart de la S*° Croix. auquel, pour l'affranchir de tous reproches, il a esté VinstUution hii- expédient de faire entrevenir l'institution du peuple matne entrevient ^ . in r r' a cesie significa- Chrestien ; car puysque la figure de la croix, selon sa tiojt nature e. nature^ n'a nomplus de proportion a la Croix du Sauveur qu'a celle des larrons qui furent crucifiés près de luy, ou de tant et tant de milliers de crucifix qu'on a fait mourir ailleurs et a autres occasions, pourquoy prend- on ainsy indistinctement les croix pour remembrances et signes naturelz de la seule Passion du Sauveur, plus- tost que des autres? Certes, je l'ay des-ja dit, il a esté besoin que l'institution du peuple Chrestien ait eu lieu en cest endroit, pour retrancher et accourcir la signifi- cation et représentation que la figure de la croix pouvoit avoir naturellement, a ce qu'elle ne fust en usage pour autre que pour représenter et signifier la sainte cruci- fixion du Rédempteur ; ce qui a esté observé des le tems de Constantin le Grand. Mais comme je ne traitte ici que de la Croix de Jésus Christ, aussi n'entens-je parler d'autre figure de croix que de celle qui, parti- culièrement et destinement, est employée a représenter Jésus Christ crucifié. Si qu^il n'y eschoit aucune dis- tinction, d'autant que la figure de la Croix de Jésus Christ n'a autre naturelle proportion qu^a la crucifixion de Jésus Christ, puysque on l'a ainsy limitée et bornée ; comme l'image de César n'a autre rapport qu'a César si on la considère ainsy particularisée, quoy que si on la considère comme image d'homme elle puisse avoir pro- portion a tout homme. Je maintiens donq que les Croix des Chrestiens n'ont autre naturelle signification que de la Passion de Jésus Christ, puysque les Chrestiens ne prisent autre image ou figure de croix, sinon celle en particulier qui est image de la Croix de leur Sauveur. La Croix signe ar- Voyons maintenant si l'imaefe de la Croix de Jésus hitratre .* ^, , Christ peut avoir quelque autre usage honnorable, par le choix et institution du peuple Chrestien, outre celuy qu'elle a de sa nature. La volonté des hommes n'a pas ce pouvoir de bailler aucune réelle valeur aux choses outre celle qu'elles ont de leur nature, mays elle peut bien leur bailler un prix imaginaire et une estimation  Livre IV. Chapitre xii. 347 supposée ou feinte, selon laquelle on les honnore ou deshonnore plus ou moins. Par exemple : l'ambassadeur Exemples de Bel- du roy est aucunes fois honnoré comme ambassadeur, et Ihors il est luy mesme honnoré a proprement parler ; car aussi, a proprement parler, il est ambassadeur, qui est la qualité pour laquelle on l'honnore, bien que ce soit en contemplation d'autruy, a sçavoir, du roy. Autres fois on honnore l'ambassadeur en guise du roy, de l'honneur propre au roy, et Ihors, a proprement parler, c'est le roy qui est honnoré en son ambassadeur, et non pas l'ambassadeur mesme, parce que proprement l'ambassadeur n'est pas le roy, il tient seulement lieu pour le roy, et le représente par la fiction et supposition que les hommes en font. De mesme, quand quelqu'un prend possession de quelque chose pour un autre il n'est pas proprement possesseur, ains celuy pour lequel la possession est prise. Item, quand on fait a l'endroit des statues des princes trespassés tous les honneurs et cérémonies qu'on feroit a l'endroit du roy vivant, comme quand, selon le tesmoignage de Sextus Aurelius Victor*, * (De vita et mori- T^. .j j'i- 1 13 i A. , r , bus Imper. Roman. irajan, ja decede, triompha a Kome, et sa statue fut Trajanns.) assise pour luy au char triomphal. On ne sçauroit dire que telz honneurs soyent proprement portés aux statues, ains aux princes représentés par les statues, non d'une représentation naturelle, mays d'une représentation arbi- traire, feinte, et imaginée par l'institution des hommes. Le docte Bellarmin produit ces exemples*. Il y en a i^^n^^ê'^xxT^'^'^* d'autres non moins a propos ; comme celuy qui est Autres exemples; recité par Nicetas Choniates, au Livre cinquiesme des gestes de l'empereur Manuel Comnenus*, de l'image de * (Hist. Byzant. , Nostre Dame assise sur un char triomphal d'argent cxxxixITolIoî!) doré, et menée parmi la ville de Constantinople, en reconnoissance de la victoire obtenue sur les Panno- niens par l'Empereur, a la faveur de l'intercession de la glorieuse Vierge. Car, qui ne voit en ceste célébrité le triomphe déféré non a l'image, mays a Nostre Dame représentée par l'image? et de plus, ceste image repré- senter la Vierge, non d'une simple représentation selon sa portée naturelle, mays d'une représentation instituée  348 Défense de l'estendart de la S*° Croix. par la fiction et estimation arbitraire des hommes ? Ainsy voit-on ordinairement les effigies et images des- honnorees pour les malfaiteurs qu'on ne peut attrapper : on pend et brusle leurs représentations en leur place, comme si c'estoit eux, et Ihors le deshonneur ne se fait pas a l'image proprement, mays au malfaiteur au lieu duquel elle est supposée ; aussi ne dit-on pas, on a pendu l'image de tel ou tel malfaiteur, mays plustost, on a pendu tel et tel en effigie, d'autant que telles exécutions ne se font sur les images sinon entant qu'en icelles on tient, par la fiction du droit, les malfaiteurs estre chastiés, desfaitz et punis. Les images , donques , outre leur faculté naturelle qu'elles ont de représenter les choses desquelles elles sont images, par la convenance et proportion qu'elles ont avec icelles, peuvent estre employées a une autre représentation et lieutenance par la fiction et institution des hommes. Et c'est ainsy, pour revenir au point, que l'image de la Croix, outre la naturelle qualité qu'elle a de représenter Jésus Christ crucifié, qui la rend honno- rable d'un honneur de latrie imparfaitte, outre cela, dis-je, elle peut estre destinée et mise en œuvre par le choix et fiction des hommes a tenir le lieu et la place du Crucifix, ou plustost de la vraye Croix entant que Q,uei honneur luy jointe au Crucifix : et considérée en ceste sorte. Thon- es t de t€ CTl CCS te qualité; ncur et revcrcuce qu'on luy fait ne vise proprem.ent qu'au Crucifix, ou a la Croix jointe au Sauveur, et non a l'image de la Croix, qui n'a autre usage, en ce cas, que de prester son extérieure présence pour recevoir les actions extérieures deuës au Crucifix, au lieu et place d'iceluy qu'elle représente et signifie, et cela sert a l'extérieure protestation de l'adoration que nous faisons au Crucifix. Exemples. Ce fut a ccste considération que le glorieux Prince des Apostres, saint Pierre, estant cloué sur la croix, disoit au peuple : « Cestuy-ci est le bois de vie, auquel le Seigneur Jésus estant relevé tira toutes choses a soy, cestuy-ci est l'arbre de vie auquel fut crucifié le cors du Seigneur Sauveur » ; ainsy qu'Abdias Babylonien  Livre IV. Chapitre xii. 349 recite (si le tiltre du livre ne ment) au Livre premier du Combat Apostolique \ Et l'autre Apostre, aisné de saint Pierre : « Je te salue, o Croix, qui as esté dediee au cors de Jésus Christ, et ornée par les perles de son cors ; o bonne Croix, qui as pris ta beauté et ton lustre des membres du Seigneur », et ce qui suit, au récit des prestres d'Achaïe *. Qui ne void que les croix ni de l'un * (Patroi. gr^ca, ni de l'autre des frères n'estoyent pas la vraye Croix i *.) du Sauveur ? et néanmoins ilz s'addressent a icelles ne plus ne moins comme si c'eust esté la mesme Croix de salut. D'où vient cela, sinon qu'ilz consideroyent ces croix-la en guise et au lieu de la vraye Croix ? Et c'est ainsy que l'Eglise ordonne que le jour du Vendredi Saint le peuple, prosterné a genoux, vienne bayser Limage de la Croix ; car ce n'est pas a l'image que l'on monstre que cest honneur se fait, sinon entant qu'elle représente Jésus Christ crucifié tel qu'il estoit au jour de sa Passion, duquel elle tient la place pour recevoir ceste action extérieure simplement, sans que l'intention s'arreste aucunement a la figure présente. Et qu'il soit ainsy, on use de paroles qui le descouvrent asses, car celuy qui fait le saint office chante : « Bcce lîgnum Criicis , Voici le bois de la Croix, auquel le salut du monde a esté pendu ; » et on luy respond : « Venes et adorons. » Or on ne regarde point si l'image proposée est de bronze, ou d'argent, ou d'autre matière, qui monstre asses que Ihors qu'on l'appelle bois, c'est entant qu'on la présente au lieu et en guise de la vraye Croix. Et de fait, comme on attribue tous les honneurs des jours de la Nativité, Passion et Résurrec- tion de Nostre Seigneur aux jours qui les représentent  (i) De Historia certaminis Apostolici. Opus apocryphum, sed vetustum et saeculo decimo sexto, post editionem Lazianam, plus minusve receptum. Vide Migne, Dictionnaire des Apocryphes, sub voce Abdias ; et Tillemont, Hist. EccL, Note II sur S. André. (2) Natalis Alexander (Hist. EccL, tom. I) et alii hanc Epistolam ut genuinam propugnant ; communiter tamen inter scripta authentica prinii aevi non admittitur. Vide Migne (ubi in nota praeced., sub voce Andréas), et Tillemont (ubi in nota pra»ced.).  350 Défense de l'estendart de la S*« Croix. et tiennent leur place, selon l'institution des anniver- saires et commémorations qu'on en fait, aussi fait-on pareilz honneurs a l'image de la Croix, quant a l'exté- rieur, qu'au Crucifix, mais ce n'est que pour commé- moration, et en vertu de la supposition que l'on fait que l'image représente le Crucifix et soit en son lieu a la réception de ces cérémonies extérieures. Certes, il est mal aysé de contourner a autre sens les extérieurs honneurs faitz anciennement a l'Arche de l'alliance ; et les Anglois honnorent, a mesme considération, le siège vuide de leur Reyne. Or, comme que ce soit, quand on honnore ou la Croix en guise du Crucifix, ou autre chose quelle que ce soit au lieu de ce qu'elle représente, on les honnore aussi improprement qu'elles sont impro- prement ce qu'elles représentent. L'adoration, donques, faitte a la Croix en ceste sorte, n'est proprement ado- ration qu'a Tesgard du Crucifix, et a l'endroit de la Croix ce n'est qu'une adoration impropre et représen- tative. Autre manière, im- On pcut dire que la Croix est encor adorée, selon propre j d'honno- . . rer la Croix. quelque extérieure apparence , quand on prie Dieu devant la Croix sans autre intention que de monstrer qu'on prie en vertu de la mort et Passion du Sauveur ; mais on peut beaucoup mieux dire que cela n'est adorer la Croix ni peu ni prou, puysque ni l'action extérieure ni l'intérieure n'est dressée a la Croix ; ne plus ne moins que Ihors que nous adorons du costé d'Orient, selon l'ancienne tradition, nous n'adorons en aucune façon rOrient, mais monstrons seulement que nous ado- *(Luc., I, 78.) rons Dieu tout puissant, qui s'est levé a nous d'en haut* (joan., I, 9.) pour esclairer tout homme venant en ce monde *. Au demeurant, les pièces du vray bois de la Croix, telles que nous les avons aujourd'huy, estans mises en forme de croix (comme est la sainte Croix d'Aix en Savoye), outre les sortes d'honneur qu'elles méritent par manière de reliques, peuvent avoir tous les usages de l'image de la Croix. C'est pourquoy la bienheureuse Paule, adorant la vraye Croix qui estoit en Mierusalem de son tems, se prosternoit devant elle comme si elle y  ^  Livre IV. Chapitre xii. 351 eust veu le Sauveur pendant, au récit de saint Hierosme en son epitaphe *. De mesme, le signe de la Croix fait *Ep.cvni, adEust. par le mouvement a tous les usages des images de la Croix, et par conséquent part a tous les honneurs ; et outre cela il a encor * pour son particulier et ordinaire honneur d'estre une briefve et puissante oraison , a rayson dequoy il est très vénérable. (i) Voir Ms., p. 37g.  CHAPITRE XIII '  — — > L HONNEUR DE LA CROIX N EST CONTRAIRE AU COMMANDEMENT PREMIER DU DECALOGUE, ET BRIEFVE INTERPRETATION D'ICELUY  ^  Mais une grande objection semble encor demeurer * Exod., XX. 3-5. sus pied, car il est escrit * : Tu n'auras point autres dieux devant moy. Tu ne te feras aucune idole taillée, ni similitude quelconque des choses qui sont au ciel en haut, ni en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras : car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux. Il est donq défendu d'avoir les images de la Croix et autres quelconques. Les schismatiques et autres adversaires de l'Eglise font profession de puiser en ce commandement toutes les injures exécrables qu'ilz vomissent contre les Catholiques, comme quand ilz les appellent idolâtres , superstitieux , punais , forcenés , insensibles, ainsy que fait le petit traitteur en plusieurs endroitz. Il ne sera donq que bon de le bien considérer touchant la prohibition qu'il contient, de ne faire simi- litude quelconque, qui est ce qui touche a nostre propos. Or j'en ay rencontré quattre signalées interprétations. Première interpre- I. Lcs Juifz prennent tant a la rigueur les motz de tation du premier ^ 1 r ^«i • commandement, ccstc dciense, qu ilz rejettent toutes images de quelle des juify, sorte qu'elles soyent, et leur portent une grande haine, (i) Voir Ms., p. 379.  Livre IV. Chapitre xiii.  353  comme le petit traitteur dit. Geste opinion est du tout barbare. Les images des Chérubins, lions, vaches, pommes-graines, palmes *, Serpent d'airain **, sont ap- prouvées en l'Escriture ; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la semblance de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvée * ; les Juifz monstrent a Jésus Christ l'image de César, et il ne la rejette point * ; l'Eglise a eu de tous tems l'image de la Croix_, ainsy que j'ay monstre au second Livre; par nature, on fait la similitude de soy mesme aux yeux des regardans, en l'air, en l'eau, au verre, et la peinture est un don de Dieu et de nature. Ceste interprétation, donq, combat l'Escriture, l'Eglise, la nature, et n'est aucunement sortable aux paroles précédentes, qui défendent plura- lité de dieux, a quoy la défense des images ne sert a rien, ni aux paroles suivantes, qui défendent l'ado- ration des similitudes, car a quoy faire défendre l'ado- ration, s'il n'est loysible de les avoir ni faire? si on défend d'avoir simplement aucune similitude, qu'est-il besoin d'en défendre l'adoration ? II. Un tas de schismatiques et chicaneurs confesse qu'il n'est pas défendu, au commandement dont il est question, d'avoir et faire des similitudes et images, mais seulement de les mettre et faire es églises et temples. Ceste opinion est plus notoirement contraire a l'Escriture que la précédente : car les Juifz et Maho- metains ont au moins prétexte es motz du commande- ment, qui portent tout net qu'on ne face aucune simi- litude ; mais ceux de ceste autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin de l'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images es églises qu'ailleurs. Les Juifz ont au moins quelque escorce de l'Escriture a leur advantage en ce point, mais ceux ci, qui ne font que crier l'Escriture, n'en ont ni suc ni escorce, et néanmoins, qui ne les croira a leur parole ilz le procla-  (p. II.) Confntec ; * Exod., XXV, i8 ; III Reg., VI, 23, 29; VII, 29, ^2. ** Num., XXI, 9. *Josue,xxii, 10, 30. *(Matt., XXII, 19-21.)  Seconde interpré- tation, du trait- teur, p. 49, et de Be^e, en l'epistre liminaire de son livre des Images, au Roy d'Ecosse^, Réfutée ;  (i) Icônes, id est, Verœ Imagines virorum doctrina simul et pietate illus- trium, etc. Apud Joannem Laonium, mdlxxx. — Cet ouvrage contient les portraits et courtes biographies des hérésiarques et principaux adversaires du Saint-Siège.  354 Défense de l'estendart de la S*® Croix. meront idolâtre et antechrist. Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Chérubins, vaches, lions, grenades et palmes estoyent anciennement, sinon au Temple ? et quant aux Chérubins, au lieu le plus sacré. Voyla un grand exemple pour nous, qui le nous veut arracher des mains il doit apporter une grande authorité a garend ; nostre exemple est en l'Escriture, il faut une aussi grande authorité pour nous en prohiber l'imitation, il ne suffira pas d'y apporter des discours. Dieu proposa l'ornement des images en ce vieux Temple, a la veuë d'un peuple si enclin a l'idolâtrie; qui gardera TEglise d'orner les siens des remembrances de la Croix et des glorieux soldatz qui, sous cest Estendart, ont abattu toute ridolatrie? Aussi, certes, l'a-elle fait de tous tems ; jamais elle n'eut temple (qu'on sçache) sans Croix, *(L. II, c. VI.) comme j'ay prouvé ci dessus*. Que si les églises sont maysons du Roy des roys, les ornemens y sont fort convenables ; le temple est image du Paradis, pourquoy n'y logera-on les portraitz de ce qui est en Paradis ? quelles plus saintes tapisseries y peut-on attacher? Et outre tout cela, ceste interprétation, tant prisée par les novateurs, ne joint aucunement a l'intention de la loy qui veut rejetter toute idolâtrie ; car, ne peut-on pas avoir des idoles et idolâtrer hors les temples aussi bien * (Gen., XXXI, 19.) que dans iceux ? Certes, l'idole de Laban * ne laissoit pas d'estre idole, encor qu'elle ne fust en l'église ou *Exod.,xxxii, 4. Temple, ni le veau d'or* aussi. Ce commandement, donq, ne rejetteroit pas asses toute idolâtrie. Troisiesme inter- III. Autres out dit que par ccste défense les autres « ^on, ressemblances ne sont rejettees, sinon celles qui sont faittes pour représenter immédiatement et formellement Dieu selon l'essence et nature divine. Et ceux ci ont Vraye, dit la vcHté quaut a ce point, que les images de Dieu, a proprement parler, sont défendues ; mais ilz ont mal entendu le commandement, estimans qu'autres simili- tudes n'y soyent défendues sinon celles de Dieu. Qu^'ilz ayent bien dit quant au premier point, il n'y a point de doute, car ilz parlent des images extérieures, corporelles et artificielles. Or telles images, a propre-  Livre IV. Chapitre xiii. 355 ment parler^ doivent représenter aux sens extérieurs la forme et figure des choses dont elles sont images, par la similitude qu'elles ont avec icelles : mais le sens extérieur n'est pas capable d'appréhender par aucune connoissance la nature de Dieu, infinie et invisible ; et quelle forme ou figure peut avoir similitude avec une nature qui n'a ni forme ni figure, et qui est nompareille ? Ce qui soit dit sans rejetter les images esquelles on représente Dieu le Père en forme d'un viellard, et le Saint Esprit en forme de colombe ou de langues de feu ; car elles ne sont pas images de Dieu le Père, ou du Saint Esprit, a proprement parler, mais sont images des apparences et figures par lesquelles Dieu s'est manifesté, selon l'Escriture, lesquelles apparences et figures ne representoyent pas Dieu par manière d'ima- ges, mais par manière de simples signes. Ainsy le buisson ardent et semblables apparences n'estoyent pas images de Dieu, mais signes d'iceluy ; et tous les por- traitz des choses spirituelles ne sont pas tant portraitz de ces choses-la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestées. On ne rejette pas nomplus les images ou figures mistiques, comme d'un aigneau pour représenter le Sauveur, ou de colombes pour signifier les Apostres, car ce ne sont pas images des choses qu'elles signifient, nomplus que les motz, ou les lettres, des choses qu'elles dénotent ; elles représentent seulement, aux sens extérieurs, des choses lesquelles, par voye de discours, remettent en mémoire les choses mistiquement signifiées par quelque secrette convenance. Bien que je serois d'advis, après le docte Bellarmin *, qu'on ne multipliast pas beaucoup *(Controv.deEcci. de telles images des choses invisibles, et qu'il ne fust ym!^/"^ ' ' ^' loysible d'en faire sans le jugement de quelque discret théologien. Mays au bout de la, je dis que le commandement de Ma^s non suffisante Dieu a beaucoup plus d^estendue que ne porte ceste "' egi ime , considération ; car, si ce commandement ne défend que les images de la Divinité, a quoy faire sera-il particu- larisé de ne faire similitude quelconque des choses qui  356 Défense de l'estendart de la S*® Croix. sont au ciel, en terre et es eaux ? Item, qui adoreroit l'idole d'une chose créée, ne seroit-il pas idolâtre, contre ce commandement ? Donques, ceste interprétation n'est pas légitime ni sortable a la loy. Quatrtesme et le- IV. Voici donqucs en fin la droitte et chrestienne iritime interpréta- .,-•,. , , , , . tion : intelligence de ce commandement, deduitte par ordre le plus briefvement et clairement que je sçauray : r idolâtrie a deii^^ I. L'idolatrie gist en deux sortes d'actions : les unes ^'^^ ^"' sont intérieures, par lesquelles on croit et reconnoit j pour Dieu ce qui n'est pas Dieu ; les autres sont exté- rieures, par lesquelles on proteste de l'intérieur par les inclinations et sousmissions extérieures. Les premières actions peuvent estre sans les secondes, et semblable- ment les secondes sans les premières ; car celuy qui est affectionné aux idoles, quoy qu'il n'en face aucune démonstration, il est idolâtre, et celuy qui volontaire- ment adore ou honnore les idoles extérieurement, quoy qu'il ne leur aye aucune affection, il est idolâtre exté- rieurement, et tant l'un que l'autre offense l'honneur Et le premier com- dcu a Dicu. Or, les actious intérieures d'idolâtrie sont mandement aussi, -, n •> i '-n y l • l -u i contre l'nne et l'an- dcfcnducs par CCS parolcs : lu fi auTus potnt a autres ^doiaîriT-'^ ^^ ^^" ^iôux dcvatit moy ; les extérieures sont rejettees par les suivantes : Tu ne te feras point d'idole, ni simi- litude quelconque , tu ne les adoreras point ni serviras ; lesquelles deux prohibitions, ne visans qu'a un mesme but de rejetter toute idolâtrie, ne font qu'un seul commandement constitué de deux parties. Que s'il est ainsy, comme je n'en doute point, ceste prohibition de ne faire aucune similitude se doit entendre non absolument et simplement, mais selon la fin et intention du commandement, comme s'il estoit dit : Tu n'auras point d'autres dieux que moy ; tu ne te feras aucu- ne idole, ni aucune similitude, a sçavoir, pour l'avoir en qualité de Dieu, ni les adoreras point ni serviras en ceste qualité-la ; en manière que tout ce qui est porté en ce commandement soit entièrement rapporté a ce seul point, de n'avoir autre Dieu que le yray Dieu, de ne donner a chose quelconque l'honneur deu a sa divine Majesté, et en somme de n'estre point idolâtre.  Livre IV. Chapitre xiii. 357 2. Mais si quelqu'un veut débattre que la prohibition -^^^ ^i quelqu'un j_ , . , 1 , -r>v -j '^^"^ faire deux ae n avoir autre que le seul vray Dieu soit un comman- commandemens du dément séparé de l'autre défense, Tu ne te feras aucune P^^^^^^^ idole ou semhlance quelconque, pour ne m'amuser a le convaincre par vives raysons que je pourrois pro- duire a ce propos, je me contenteray qu'il m'accorde, Encor est-il con- que la prohibition de ne faire aucune similitude et de les adorer n'est qu'un mesme et seul commandement (ce que, certes, on ne peut nier en aucune façon, sinon que, contre la pure et expresse Escriture *, on veuille * Exod., xxxi, i8; xxxiv 28 ' Dent faire plus de dix commandemens en la Loy, et qu'on iv, i3;ix, 9; x, 4.' veuille lever a ces loys le nom de Decalogue). Car, si ce n'est qu'un seul commandement qui défende de ne faire semblance quelconque et de ne les adorer, il faut que l'une ou l'autre des deux parties qu'il contient soit la principale et fondamentale, et que l'autre se rapporte a elle, comme a son but et projet : que si l'une ne se rapportoit a l'autre et n'en dependoit, ce seroyent deux commandemens et non un seul. Or, je vous prie, quelle jugera-on estre la principale partie de ce second com- mandement (je parle ainsy pour éviter débat), ou ceste- ci : Tu ne te feras aucune idole taillée, ni similitude quelconque, ou celle-ci : Tu ne les adoreras ni ser- viras ? Pour vray, on ne peut dire que la prohibition de ne faire aucune similitude soit le projet et but de tout le commandement, car a ce conte-la il ne faudroit avoir ni faire image quelconque, qui est une rage trop expresse. Et d'ailleurs, comme pourroit-on réduire la prohibition de n'adorer les similitudes a celle-là de ne les faire point ? S'il est défendu de ne les faire, a quel propos défendre de ne les adorer ? Puysque sans les faire on ne les peut adorer, il y auroit une trop grande superfluité en ce commandement, de plus qu'aux autres. Donques, la principale partie de ce commandement. Sens du premier ... ,. '.L.,' A ' J J commandemenf, en qui est toute sa substance, son intention et projet, est peu de mot^, la prohibition de n'adorer ni servir aux idoles et simi- litudes des choses créées; et l'autre prohibition, de ne les faire point, se rapporte a ne les adorer point ni servir, comme s'il estoit dit : Tu ne te feras aucune  358  Défense de l'estendart de la S** Croix.  Prouvé ment,  evidem -  Par l'Escriture,  * Cap. XXVI, I.  * Cap. XX, 23.  Et par les paroles suivantes et précé- dentes,  * {2« Partie.) Et par le sujet du commandement,  idole ni semhlance quelconque, pour les adorer et servir. Voyla le vray suc de ce commandement, ce qui se peut connoistre évidemment par les grans advantages que ceste interprétation tient sur toutes les autres, car : 1. Elle est puisée tout nettement de la parole de Dieu, en laquelle ce qui est dit obscurément en un lieu a accoustumé d'estre dit plus clairement en un autre, notamment es articles d'importance et nécessaires. Or, ce qui est dit ici par reduplication de négative, Tu ne feras aucune idole, ni semhlance quelconque, tu ne les adoreras ni serviras, est mis au Levitique * purement et simplement, ainsy que nous le declairons, en ceste sorte : Vous ne vous feres aucune idole et statue, ni dresseres des tiltres, ni mettres aucune pierre insigne en vostre terre pour V adorer. Et en l'Exode *, Dieu inculquant son premier commandement. Vous ne vous feres point des dieux d'argent ni d'or, dit-il, monstrant asses que s'il a défendu de ne faire aucune similitude, ce n'est sinon a fin qu'on ne les face pour idolâtrer. 2. Ceste interprétation joint très bien a toutes les autres pièces non seulement du premier commandement, mays de toute la première Table, lesquelles ne visent qu'a l'establissement du vray honneur de Dieu ; car elle levé toute occasion a l'idolâtrie et a toute superstition qui peut offenser la jalousie de Dieu, sans néanmoins lever le droit usage des images, ni imposer a Dieu une jalousie desreglee et excessive, selon ce que j'ay dit en l'Avant-Propos *. 3. Et comme ceste interprétation ne rejette aucune- ment le vray usage des images, en quoy les Juifz et Turcz errent, aussi rejette-elle et abolit tout usage des images, statues et similitudes qui est contraire a l'hon- neur de Dieu, non seulement es temples et églises, ce qui ne suffit pas, comme pensent follement plusieurs novateurs, ni seulement des similitudes faittes pour représenter la Divinité , qui ne suffit pas nomplus , comme estiment plusieurs autres , mais absolument  Livre IV. Chapitre xiii. 359 tout usage idolatrique : qui est le vray et unique projet de ce premier commandement. 4. Adjoustes la convenance de l'idolâtrie intérieure Et par la conve- avec l'extérieure. L'idolâtrie [intérieure] ne consiste pas Heur aV intérieur, a se représenter en l'ame les créatures par les espèces et images intelligibles, mais seulement a se les repré- senter comme divinités ; tout de mesme, l'idolâtrie extérieure ne consiste pas a se représenter les créatures par les ressemblances et images sensibles, mais seule- ment a se les représenter comme divinités : si que, comme le commandement, Tu n'auras autres dieux devant moy, ne défend point de se représenter inté- rieurement les créatures, aussi la prohibition. Tu ne te feras similitude quelconque y ne défend pas de se représenter extérieurement les créatures^ mais de les représenter pour Dieu en les adorant et servant ; c'est cela seul qui est défendu, tant pour Tinterieur que pour l'extérieur. 5. Et de plus, ceste interprétation est du tout con- ^t P^^: Vauthoritè n ,. ,,. ti de V Eglise, forme a la très ancienne et catholique coustume de la sainte Eglise , laquelle a tousjours eu des images , notamment de la Croix, qui est autant a dire comme asseurer qu'elle est selon l'intention du Saint Esprit. Bref, le dire de Tertullien * est tout vray : « Non * Cont. Marcion., videntur similitudintun prohibitarum legi refra- gari non ^ in eo similitudinis statu deprehensa ob quem similitudo prohibetur : Ces choses-la ne sem- blent contrarier a la loy des similitudes prohibées, les- quelles ne se retrouvent en Testât et condition de similitude pour lequel la similitude est défendue. » Que l'on ayt, donques, des images de la Croix aux Conclusion pour .. l usage des images champs, es villes, sur les églises, dans les églises, sur et de la Croix. les autelz ; tout cela n'est que bon et saint, car estant fait et institué et prattiqué pour la conservation de la mémoire que nous devons avoir des bénéfices de Dieu, et pour honnorer tant plus sa divine bonté, ainsy que j'ay monstre tout au long de ces Livres, il ne sçauroit (1) Ce non est omis, par erreur, dans les éditions Vives et Migne.  360 Défense de l'estendart de la S*® Croix. estre défendu en la première Table, qui ne vise qu'a Testablissement du vray service de Dieu et abolisse- ment de l'idolâtrie. De mesme, que l'on honnore la Croix en tout et par tout, puysqu^on ne l'honnore que pour tant plus honnorer Dieu ; que toute la vénération qu'on luy porte est relative et dépendante, ou accessoire, a l'endroit de la suprême adoration deuë a sa divine Majesté ; que ce n'est qu'une branche de ce grand arbre : cela n'est en façon quelconque défendu, puysque ceste semblance et figure n'est pas employée a l'action pour laquelle les similitudes sont prohibées, qui est l'idolâtrie. Car la Croix, prinse en la façon que la prennent les Catholiques, ne peut estre ni idole ni sujet d'idolâtrie, tant s'en faut qu'elle le soit, idole n'estant autre que la représentation d'une chose qui n'est point de la condition qu'on la représente, et une image fause, * Cap. II, i8. comme dit le prophète Habacuch *, et l'apostre saint * I Cor., VIII, 4. Paul * : or, la Croix représente une chose très véritable, c'est a sçavoir, la mort et Passion du Sauveur ; et ne la fait-on pas pour l'adorer et servir, mais pour adorer et servir en icelle et par icelle le Crucifix, suivant le vray * (Quaest. XXXIX ad mot de saint Athanase*: Qui adorât imaginem, in illa adorât ipsum Regem. Si que, non seulement le vray usage des sacrées et saintes images n'est aucune- ment défendu, mais est commandé et comprins par tout ou il est commandé d'adorer Dieu et d'honnorer ses Saintz, puysque c'est une légitime façon d'honnorer une personne, d'avoir fait son image et portrait pour le priser selon la mesure et proportion de la valeur du principal sujet.  CHAPITRE XIV  CONFESSION DE CALVIN POUR l'uSAGE DES IMAGES ^^  Entre tous les novateurs et reformeurs, il n'en a point esté, a mon advis, de si aspre, hargneux et implacable que Jean Calvin. Il n'y en a point qui ayt contredit a la sainte Eglise avec tant de véhémence et chagrin que celuy-la, ni qui en ayt recherché plus curieusement les occasions, et sur tout touchant le point des images. C'est pourquoy, ayant rencontré en ses Commen- taires sur Josiié * une grande et claire confession en '•" (l^^ cap. xxn.) faveur du juste usage des images, je l'ay voulu mettre en ce bout de livre, a fin qu'on connoisse combien la vérité de la créance Catholique est puissante, qui s'est eschappee et levée des mains de ce grand et violent ennemy qui la detenoit en injustice *. Or, a fin que tout * (Rom., i, i8.) soit mieux poisé, je mettray et son dire et le sujet de son dire au long. Les enfans d'Israël estoyent des-ja saisis de la terre iH^ioire remar-  de promission, les lotz et portions avoyent este assi- gnés a une chacune des tribus, si que le grand Josué estima de devoir congédier les Rubenites, Gadites, et la moitié des Manasseens, lesquelz, ayans des-ja prins et receu le lot de leur partage au delà du Jordain, avoyent néanmoins assisté en tout et par tout au reste des enfans d'Israël, pour les rendre paisibles posses- seurs de la part du pais que Dieu leur avoit promis, comme se rendans evictionnaires les uns pour les autres. Estans donques congédiées les deux tribus et demy  quahle.  362 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. pour se retirer au lieu de leurs partages en la terre de Galaad, arrivées qu'elles furent es confins et limites du Jordain, elles y dressèrent un autel d'infinie grandeur. Les Israélites qui estoyent demeurés en Canaan eurent nouvelles de l'édification de cest autel, et doutèrent que les Rubenites, Gadites et ceux de la my-tribu de Ma- nassé ne voulussent faire schisme et division en la religion, d'avec le reste du peuple de Dieu, au moyen de cest autel. Dequoy pour sçavoir la vraye verité_, ilz leur envoyèrent en ambassade Phinees, filz du grand sacrificateur Eleazar^ lequel, présupposant une mauvaise intention en l'édification de cest autel, tança bien aspre- ment de prime face les bastisseurs d'iceluy, comme s'ilz eussent voulu innover en matière de religion, et dresser autel contre autel. A quoy les deux tribus et demy firent response qu'ilz craignoyent qu'a l'advenir la pos- térité des autres tribus ne voulust forclorre leurs enfans de l'accès du vray autel qui estoit en Canaan, sous prétexte de la séparation que le Jordain faisoit entre l'habitation des uns et des autres, d'autant que l'une estoit deçà et l'autre delà laditte rivière. Et pourtant nous avons dit, ce furent leurs paroles, que s'tl^ veulent nous dire ainsy^ ou a nostre postérité y alhors nous leur dirons : voyes la similitude de l'autel de VEternel, que nos pères avoyent fait, non point pour Vholocauste ni pour le sacrifice^ ains * (In loco, fy. 26, a ce quHl soit tesmoin entre vous et nous *. Calvin -•8 "1 traduit ainsy *, et sur l'excuse des deux tribus et demy fait ce commentaire : « Néanmoins si semble-il qu'il y a eu encor quelque faute en eux, a cause que la Loy défend de dresser des statues de quelque façon qu'elles soyent : mays ^ l'excuse est facile, que la Loy ne con- damne nulles images sinon celles qui servent de repré- senter Dieu ; ce pendant, de lever un monceau de pierres en signe de trophée, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour réduire en mémoire quelque  (i) Selon l'hébreu. (2) Voir Ms., p. 579.  Livre IV. Chapitre xiv. 363 bénéfice de Dieu excellent^ la Loy ne l'a jamais défendu en passage quelconque, autrement et Josué et plusieurs saintz Juges et Roys qui sont venuz après luy se fussent souillés en une nouveauté profane. » Ce Commentaire est considérable, car ce fut la der- nière besoigne de son autheur (comme dit Beze en sa préface sur iceluy), et qui le représente le mieux, et partant ce qu'il y a dit doit prévaloir contre tout ce qu'il a dit en ses autres escritz, inconsidérément et eschauffé au desbat qu'il avoit suscité. Mays, sur tout, le texte porte une signalée considération pour l'esta- blissement du juste usage des images et remembrances des choses saintes : considerons-le donques, et finissons tout cç Traitté au nom de Dieu.  CHAPITRE XV  ce  _J^ CONSIDERATION SUR LE TEXTE ALLEGUE DE JOSUÉ, ET CONCLUSION DE TOUT CEST OEUVRE ^^^  * (josue, XXII.) Donques, les deux trit)us et demy*, d'une part, furent Comparaison des , , . deux tribus et de- recherchees comme suspectes de schisme, a cause de la l^lTrléi d^'lfne i"emembrance de l'autel qu'elles avoyent érigée, et nous,^ part,etdesCatho- ^e l'autre costé, sommes charg-és d'idolâtrie et accusés tiques et Refor- mes de Vautre. de supcrstitions pour Ics images de l'autel de la Croix, que nous dressons et eslevons par tout. Les accusations sont presque semblables, mais : Première differen- i. Les accusés et accusatcurs de part et d'autre sont extrêmement differens ; car les accusateurs des deux tribus et dem}^ ce furent les dix tribus d'Israël, lesquelles, a l'esgard des deux et demy, i. estoyent le gros et le cors de l'Eglise, les deux et demy n'en estoyent qu'un membre et portion ; 2. les dix estoyent en possession du vray tabernacle et autel, les deux et demy n'en avoyent que la communication ; 3. les dix tribus avoyent en elles et de leur costé la chaire de Moyse, la dignité sacerdotale, l'authorité pastorale et succession Aaroni- que, les deux et demy n'estoyent qu'un simple peuple et parcelle de la bergerie. Tout cela estoit un grand droit apparent et solide aux dix tribus, pour entre- prendre la correction du fait des deux tribus et demy, lesquelles, en multitude, dignité et prérogative, leur estoyent du tout inférieures.  Livre IV. Chapitre xv. 365 Mais si nous considérons nostre condition, de nous qui sommes Catholiques, et celle des novateurs qui nous accusent si asprement, nous verrons que tout y va a contrepoids, i. Les Catholiques, qui sont les accusés, sont le tige et cors de l'Eglise ; les novateurs ne sont que branches taillées et membres retranchés. 2. Les Catholiques sont en une ferme et indubitable possession du tiltre de vraye Eglise, tabernacle de Dieu avec les hommes *, autel sur lequel seul l'odeur de suavité *(ln loco, y. 19; est aggreable a Dieu * ; les novateurs qui ne font que *^(Ez*e'ch.7xx, 40, naistre de la terre, comme potirons, n'en ont qu'une 41; Ephes., v, 2.) vaine et fade usurpation. 3. Les Catholiques ont en eux et a leur faveur la chaire de saint Pierre, la dignité sacerdotale, l'authorité pastorale, la succession Aposto- lique ; leurs accusateurs sont nouveaux venuz , sans autre chaire que celles qu'ilz se sont faittes eux mesmes, sans aucune dignité sacerdotale, sans authorité pasto- rale, sans aucun droit de succession, ambassadeurs sans astre envoyés, délégués sans délégation, messagers sans mission, enfans sans père, exécuteurs sans commission. Ce sont des pointz qui rendent suspecte, ains convaincue d'attentat, toute la procédure des censures que les refor- meurs font contre nous qui sommes Catholiques, aux- quelz ilz sont inférieurs en tant et tant de façons, et si notoirement. II. Il y a encor une autre différence, entre le sujet de Seconde; l'accusation faitte contre les deux tribus et demy par le reste d'Israël , et de celle que les novateurs font contre nous, laquelle est bien remarquable. L^erection des remembrances et similitudes servit d'occasion a l'une et a l'autre accusation : a l'une, l'érection de la similitude de l'autel de la Loy, a l'autre, Teslevation de la remembrance de l'autel de la Croix ; mays il y a cela a dire entre Tune et l'autre érection, que l'érection de la similitude de l'autel de la Loy estoit une œuvre notoirement nouvelle, qui, partant, meritoit bien d'estre considérée comme elle fut avec un peu de soupçon, et que l'approbation d'icelle fust précédée d'un bon exa- men ; mays l'érection de la similitude de l'autel de la  366 Défense de l'estendart de la S*^ Croix. Croix, prattiquee de tous tems en l'Eglise, portoit par son antiquité une ample exemption de toute censure et accusation. Troisiesme; III. De plus, il y eut cucor une grande différence en la manière de procéder a l'accusation ; les dix tribus, quoy que supérieures aux deux et demy, ne se ruent pas de première volée a la guerre, mais : i. envoyent une honnorable légation aux accusés pour sçavoir leur intention touchant l'édification de leur autel nouveau ; et a cest effect, 2. ilz employent l'authorité sacrée de leur Grand Prestre et Pasteur, et la civile de leurs prin- cipaux chefz ; 3. ne demandans pas absolument que l'autel dont il estoit question fust rasé et renversé, mais simplement que les deux tribus et demy, en édifiant un autre autel, ne facent aucun schisme ou division en la religion ; 4. et n'allèguent point d'autre autheur de leur correction que TEglise : Voici que dit toute * (In loco, i^. 16.) la congrégation de V Eternel *. O sainte et saine procédure. Tout au contraire, les reformeurs qui sont nos accu- sateurs, quoy que notoirement inférieurs, i. se sont de plein saut jettes aux foudres, tempestes et gresles de calomnies, injures, reproches, diffamations, et ont armé leurs langues et leurs plumes de tous les plus poignans traitz qu'ilz ont sçeu rencontrer entre les despouïlles de tous les anciens ennemis de l'Eglise, et tout aussi tost les ont dardés avec telle furie, que nous serions des-ja perduz, si la vérité divine ne nous eust tenuz a couvert *(Ps. xc, 5.) sous son impénétrable escu * (je laisse a part la guerre temporelle suscitée par ces evangelistes empistolés par tout ou ilz ont eu accès); 2. et a leur prétendue reformation n'ont employé que la prophane audace des brebis contre leurs pasteurs, des sujetz contre leurs supérieurs, et le mespris de l'authorité du Grand Prestre evangelique, lieutenant de Jésus Christ ; 3. ren- versans, brisans et rompans, de leur propre authorité, les Croix dressées, sans autre examen de la drpitte pré- tention ni du droit prétendu de ceux qui les avoyent eslevees ; 4. contre le manifeste consentement de toute  Livre IV. Chapitre xv.  3G7  l'Eglise, contredisans ouvertement a toute la congré- gation de V Eternel, aux Conciles généraux, au perpé- tuel usage des Chrestiens. Ces si grandes différences entre nos accusateurs, leur sujet et manière de procéder, d'une part, et les accusa- teurs, ou plustost correcteurs, des deux tribus et demy, leur sujet et manière de procéder, de l'autre part, présupposent une autre quatriesme différence, et en produisent une cinquiesme. IV. Elles présupposent une grande différence en l'in- Quatriesme; tention des uns et des autres. Les dix tribus n'avoyent autre projet que d'empescher le schisme et division, ce fut la charité qui les poussa a cest office de correction. Qui pourra asses loiier le zèle qu'ilz font paroistre en l'offre qu'ilz font a ceux qu'ilz veulent corriger ? Que si la terre de vostre possession est immonde, passes en la terre de la possession de V Eternel, en laquelle le tabernacle de VEternel a sa demeurance, et ayes vos possessions entre nous, et ne voies rebelles point * ^, etc. C'est un offre digne de la congrégation * (in loco, t. ig.) de Dieu. Au contraire, toutes les poursuites des reformeurs contre nous ne respirent que sédition, haine et division ; leurs offres ne sont que de leur quitter le gouvernement de l'Eglise, les laisser régenter et maistriser, passer sous le bon playsir de leurs constitutions. Et quant au point particulier dont il est question, ilz ont fait voir clairement qu'ilz n'ont esté portés d'autre affection au brisement et destruction des Croix de pierre et de bois, que pour ravir et envoler celles d'or et d'argent, ren- versans l'ancienne discipline Chrestienne qui ne donne prix a la Croix que pour la figure, puysqu'ilz ne la prisent que pour la matière. V. Mays en fin que s'est-il ensuivi de tant de diver- Cinquiesme. sites ? Certes, ce qu'on en devoit attendre : de différentes causes, differens effectz. Les dix tribus, lesquelles, par tant de prérogatives et raysons, avoyent le droit de  (i) Traduit selon l'hébreu, de même qu'au chapitre précédent.  368 Défense dé l'estendart de la S^" Croix. correction, n'eurent pas si tost ouye la declairation de l'intention des deux tribus et demy, qu'ilz la reçoivent amiablement et, sans presser d'aucune réplique ni re- charge la response et excuse des accusés, se reposent tout entièrement sur leur parole. La charité les pousse également a se formaliser sur l'érection de l'autel nou- veau et a recevoir l'excuse de ceux qui l'avoyent érigé ; le cas néanmoins estoit extrêmement chatouilleux en cas de religion, la séparation des habitations rendroit le soupçon du schisme fort juste : mais, charité est toute patiente, elVest bénigne, elle ne pense point mal^ elle ne se plaist point sur Viniquité, mais se corn- *(i Cor., XIII, 4-7.) plaist a la vérité, elle croit tout, elle espère tout*. Au rebours, l'Eglise Catholique, avec tant de signalés advantages et de si claires marques de son authorité et sainteté, ne peut trouver aucune excuse si sacrée, ni faire aucune si solemnelle justification de son dessein en l'érection et honneur des Croix, que ses accusateurs ne taschent de contourner a impieté et idolâtrie, tant ilz * (Apoc, XII, To.) sont accusateurs naturelz des frères *. Nous avons beau Dureté des refor- protcstcr de la bonté de nos intentions et de la blan- meurs, * (Num., XVI.) cheur de nostre but, ces nouveaux venuz, ces Abirons , * (II Reg., VI, 16, ces Micholistes * mesprisent tout, prophanent tout. Il n'y a excuse qu'ilz n'accusent, il n'y a rayson qui les paye. On ne peut vivre avec eux, sinon les pieds et mains liés pour se laisser traisner a tous les précipices de leurs opinions. Hz ne regardent qu'au travers de leurs des- seins ; tout ce qu'ilz voyent leur semble noir et renversé et avoir mestier de leur main reformatoire, tant ilz sont esperduëment reformeurs. Nous gravons sur le fer et le cuivre, et protestons devant le ciel et la terre, que Ce n'est la pierre ou le bois Que le Catholique adore, Mais Dieu, lequel, mort en Croix, De son sang la Croix honnore ; que nous ne faisons l'image de la Croix pour repré- senter la Divinité, mais en signe de trophée pour la  Livre IV. Chapitre xv. 369 victoire obtenue par nostre Roy, pour tesmoignage du grand miracle par lequel la vie s'estant rendue mortelle^, elle rendit la mort vivifiante, et pour réduire en mémoi- re l'incompréhensible bénéfice de nostre Rédemption. A Calvin, auquel ces occasions semblent légitimes pour Et malicieuse ac- . . ceptation des per- dresser des represent^ltlons (nonobstant la rigueur des sonnes ; motz de la Loy), quand il s'agit d'excuser les deux tribus et demy, a Calvin, dis-je, et aux autres refor- meurs, ce ne sont qu'hipocrisies, abus et abomination en nous. Pour déduire la drogue de leur reformation, ilz taschent a difFormer et rendre suspectes les mieux formées intentions. Nos saintes excuses, ou plustost nos saines declairations, qu'ilz devroyent recevoir pour le repos et tranquillité de leur tant inquiétée conscience, sans plus s'effrayer et trémousser en la vanité des songes qu'ilz font sur la prétendue idolâtrie de la Croix, c'est cela mesme qu'ilz rejettent et abhorrissent le plus, et l'appellent « Endormie * », par mespris et desdain. Ce sont ennemis implacables ; leur cœur est de boue, Ennemis impUca- la clairté l'endurcit ; il n'y a satisfaction qui les con- ' tente ; si on ne se rend a la merci de leur impiteuse correction, la rage de leur mal-talent ne reçoit aucun (i) Le Saint fait allusion à ces mots du Brief Traitté (pp. 53, 54) : « Nous « n'ignorons pas leurs beaux vers, Effigiem Ckristi, etc., mais nous disons « que c'est une drogue semblable à celle que Ton appelle l'Endormie ; car (( voirement, c'est pour endormir les ignorans. » La Faye parle ici des vers latins qui, avec la traduction, « Ce n'est la pierre » etc., furent gravés sur la plaque de fer-blanc attachée à la Croix d'Annemasse. Ces vers sont cités dans la déposition de Balthazar Maaiglier, curé d'Annemasse lors des Qiiarante Heures. Après en avoir décrit les diverses cérémonies et la part qu'y prit le saint Apôtre, le déposant ajoute : « ... ce pendant le sieur « Favre, Président du Genevois, faisoit attacher ces vers a la grande Croix : « Effigiem Christi qui transis pronus honora, « Non tamen effigiem, sed quem repraesentat adora. » Beatif. et Canonis. F. de Sales, Gebennensis (I), tom. III, p. 568 (16 junii, 1632), Le nom « Endormie », que La Faye applique à l'inscription placée sur la Croix d'Annemasse, est donné à quelques plantes somnifères, comme à la jusquiame (hyoscyamus niger), au pavot blanc (papaver somniferum), et, en quelques provinces, à une espèce de stramoine (datura stramonium). Ancien- nement, la potion faite avec le suc de ces narcotiques était aussi appelée Endormie, et c'est sans doiite la « drogue » dont parle La Faye. 24  370  Défense de l'estendart de la S*^° Croix.  Pour lesquels il faut espérer,  Et prier le Cruci- fix,  * (Luc, XXIII, 34.  remède. Que ferons-nous donq avec eux ? cesserons- nous de nous employer a leur salut, puysqu'ilz n'en veulent pas seulement voir la marque ? Mais comme pourrions-nous désespérer du salut d'aucun , emmi la considération de la vertu et honneur de la Croix ? arbre seul de toute nostre espérance, duquel Thonneur plus reconneu et certain gist en la vertu qu^il a de guérir non seulement les playes incurables et mortelles, mais aussi de guérir la mort mesme, et la rendre plus pretieuse et saine sous son ombre que la vie ne fut onques ailleurs. Plantés donq sur nos genoux, liés avec les bras de la sainte méditation, liés, dis-je, et noiiés au pied de cest arbre, o Catholiques mes Frères, plus les paroles, les escritz, les deportemens de nos accusateurs respi- reront une haine irréconciliable a l'endroit de la Croix et de ses devotz , plus de nostre costé devons-nous souspirer chaudement pour eux, et crier de tout nostre cœur a Celuy qui pend aux branches, pour feuille, fleur et fruit, Seigneur, p ar donnes-leur , car il\ ne sçavent ce qu'il^ font * :  Je te salue, o sainte Croix, Nostre espoir seul en ces destroitz : Donne aux bons accroist de justice, Pardonne aux pécheurs leur malice.  Il n'y a glace qui ne fonde a tel vent, ni telle amertume qui n'adoucisse au plonger de ce bois. C'est la ou doivent nicher toutes nos espérances , et de nostre amendement et de la conversion des dévoyés, laquelle Et les ayder par il faut aussi aydcr par voye de remonstrance et instruc- tnstructions. . -1-^. ■•, • -1 1 • /->, .. 1 • » tion, car Dieu la ainsy establi. C est ce que j ay désire faire en cest escrit pour les simples qui en ont plus de besoin, aussi leur cœur plus tendre et humide pourra peut estre bien recevoir l'impression du signe de la Croix d'une si foible main comme est la mienne, la ou les cœurs de pierre et de bronze de ceux qui pensent estre quelque chose ne presteroyent jamais' sinon au ciseau et burin de quelque plus ferme ouvrier. Que si  Livre IV. Chapitre xv. 371 Dieu favorise mon projet de quelque désirable effect, si en ce combat que j'ay fait pour son honneur contre ce traitteur inconneu, il luy plaist me mettre en main quelques despouïlles, c'est a luy seul que l'honneur en est deu, c'est en la Croix, comme en un temple sacré, ou elles doivent estre pendues en trophées. Que si mon insuffisance et lascheté me prive de tout autre gain, au moins auray-je ce bon heur d'avoir combattu pour le plus digne Estendart qui fut, est, et sera, et qui est le plus envié du monde. L''enseigne de la Croix ne fut pas plus tost desployee. Combien la Croix ,1-^ 1 •!•• iTTi a esté combattue ; quelle fut exposée a la contradiction des Juitz, héré- tiques et perfides, desquelz parlant saint Paul * : Plu- * PhiUp., m, i8. sieurs, disoit-il, cheminent , desquels je vous parlais bien souvent, et maintenant je le dis en plorant, ennemis de la Croix de Jésus Christ. C'estoyent des reformeurs qui estimoyent indigne de la personne du Filz de Dieu qu'il eust esté crucifié, ainsy que le grand cardinal Baronius déduit doctement et au long en ses Annales*. Des Ihors, par une suite perpétuelle, * (Anno éo.) les Talmudistes, Samaritains, Mahometains, Wicle- fistes, et semblables pestes du monde, ont continué ceste contradiction a l'endroit du saint Estendart, quoy que sous divers prétextes. Les attaques semblent redou- bler en nostre aage ; LAntechrist approche tousjours Pourquoy plus en -, , .,. . , -, nostre aage; plus, ce n est merveille si ses trouppes s avancent plus dru. Quand cest homme de péché et roy de l'abomination sera venu, ce sera Ihors que le drapeau de la Croix sera le plus attaqué ; mays face l'enfer tous ses effortz, tous- jours cest Estendart paroistra haut eslevé en l'armée Elle demeurera vîc- Catholique. Les Apostres, Disciples et premiers Chres- tiens, voyans les hérétiques estimer la croix indigne de Jésus Christ, mirent en tout et par tout l'usage du signe de la Croix, pour s'honnorer eux mesmes en Jésus Christ, et Jésus Christ en la Croix. Et comme l'Eglise, nomplus que l'Apostre, n'a jamais estimé d*e sçavoir ni prescher autre que Jésus Christ, et iceluy crucifié *, * i Cor., n, 2. aussi n'a-elle jamais honnoré sinon Jésus Christ, et iceluy crucifié ; non Jésus Christ sans croix , mays  372  Défense de l'estendart de la S^*^ Croix.  * ijoan., IV, 22.1  Jésus Christ avec sa Croix et en Croix. Nous adorons ce que nous sçavons *, or nous sçavons Jésus Christ en Croix et la Croix en Jésus Christ ; c'est pour- quoy je fais fin par cest abrégé et de la doctrine Chrestienne et de tout ce que j'ay déduit jusques a présent, protestant avec le glorieux prédicateur de la * Gaiat., VI, 14. Croix, saint Paul * (mais faites, mon Dieu, que ce soit plus de cœur et d'actions que d'escrit et de bouche , et qu'ainsy je face la fin de mes jours ) : Souhait chrestien. ja n' advienne que je me glorifiey sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jésus Christ. Amen.  FIN  1 DE LA MANIERE D HONORER LA CROIX  C'est en cest endroit ou Tinsolence des reformateurs s'exerce le plus, et plus impudemment. Car une partie d'entr'eux, mal gré bon gré le propre tesmoignage que nous avons de nostre conscience, nous veut persuader que nous tenons les Croix pour des divinités et les adorons de Ihonneur deu a Dieu tout puyssant. L'autre partie, reconnoissant fort bien que nous ne recognoissons qu'un seul Dieu et que Ihonneur que nous portons a la Croix est tout autre que celuy qui est deu a Dieu, ne laissent pour cela de crier que nous sommes idolâtres. Nostre traitteur, pour n'oublier rien au logis, fait l'un et l'autre. Encor quil sache que les placquars quil veut combattre, ne demandent autr'honneur pour la Croix que a cause de la repraesentation quelle fait de Nostre Seigneur, et par conséquent un honneur respectif et qui se rapporte ailleurs, si ne laisse-il pas de dire, pag <^ et 6, que ces placquars contiennent choses idolatriques, que nos prêcheurs prêchent l'idolâtrie. En la pag. 27 et 28, il establit deux idolâtries : «. Quand l'idolâtrie paienne f< a commencé a décliner de jour a autre, au prix que croissoit la lumière de « la doctrine Chrestienne, le Diable a dressé un'idolatrie autant ou plus (( dangereuse au milieu de la Chrestienté, tellement que les noms des « anciennes idoles ont esté changés, mais les choses sont demeurées. » Ainsy sembl'il que cest honneste homme. Dieu me le pardonne, veut dire qu'il y a deux idolâtries, l'une payenne et l'autre chrestienne. Mais il n'est pas possi- ble de penser qu'il y ayt un'idolatrie chrestienne, nomplus que des ténèbres lumineuses ou des froides chaleurs. Or bien, ce sont des philosophies dignes de telz novateurs, ou il semble ouvertement dire que la Croix nous est autant idole que Venus et Juppiter aux payens. (i) La partie du Ms. concernant le IV^ Livre est ici reproduite intégrale- ment, et la correspondance avec les chapitres du texte indiquée en marge (voir note (i), p. 303); le premier alinéa est une simple introduction, le second a été transposé, par le Saint, au Livre P"", chap. vi, p. 66.  374  Défense de l'estendart de la S**' Croix.  Chap. I. Mays eu la pag. 48. il nous veut prendre par un autre biais : « Quand il « est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non « accordantes de donner tout honneur a un seul Dieu et a son Filz, et en « départir une portion a aucun homme, ou a la Croix matérielle, ou a « créature qui soit. » Par ou il semble vouloir dire, qu'encor que nous adorions Jesuschrist et le reconnoissions pour seul Dieu avec le Père et le S^ Esprit, nous ne laissons pas d'estr'idolatres disans : Seigneur nous adorons ta Croix, qui sont, dit-il, paroles blasphématoires. Mais il poursuit : « Vray est que les questionnaires ne se sont pas teuz la « dessus, car on a demandé de quelle sorte d'honneur elle devoit estr'adoree. « Quelques uns ont dit que la vraye Croix, qui avoit touché au cors « de Jesuschrist, devoit estr'adoree de latrie ou pour le moins d'hiperdulie, « mais que les autres croix devoyent estre servies de Ihonneur de dulie ; « cest a dire, que la vraye Croix devoit estre révérée de Ihonneur deu a « Christ, et les autres croix devoyent estr'honnorees de Ihonneur que les « serviteurs doivent a leurs maistres : et c'est la belle resolution du présent « second placquart. » Or je layss'a part que c'est un mensong'expres que la belle resolution du placquart soit telle que dit ce contrediseur ; car il ne parle ni peu ni prou de latrie, dulie ou hiperdulie, ni ne se sert point de la distinction de la vraye Croix d'avec l'image ou signe d'icelle. Car voicy la resolution du placquart : « Nous devons estre poussés a vénérer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux célèbres, pour nous esmouvoir a la memoyre du bénéfice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen. » Aussi n'estoit ce pas le dessein de l'autheur des placquars sinon de rendre conte, par l'escrit quon distribua a Annemasse, de la dévote érection de la Croix que nostre Confrérie y fit, laquelle n'estoit pas une pièce de la vraye Croix, mais seulement un'image d'icelle. Or, bien que d'avoir descouvert le mensonge c'est asses l'avoir refuté, si est ce néanmoins, que par ce que ce traitteur produit ceste doctrine comm'absurde, je veux ici, autant que la briefveté que j'ay entreprins de suivre me le permet, proposer au vray la resolution Catholique touchant Ihonneur de la Croix. Chap. V. Il faut donq sçavoir, premièrement, que le mot d'adorer, en la saint'Escri- ture, ne veut dir'autre chose que faire révérence et vénération, comme de fait c'est sa vraye signification; si que il ne signifie pas seulement la révérence ou hommage fait a Dieu, mais aussi Ihonneur et vénération fait aux hommes, aux Anges et autres choses crées et saintes. Ainsy est il dict, Dominum Deum tuum adorahis : Tu adoreras le Seig'' ton Dieu, Deut. 6 et 10, Mat. 4; Josué adora l'Ange, Jos. «j ; aussi fit Balaam, Num. 22, comm'avoyent fait aupa- ravant Abraham, Gen. 18, et Lot, Gen. 19 ; Saûl adore l'ame de Samuel, I. Reg. 28 ; les enfans des prophètes adorent Helisee^, 4. Reg. 2; Abraham adora le peuple de la terre, c'est a dire, les enfans de Heth, Gen. 23, et David commande que l'on adore V escabeau des pied\ de Dieu par ce quil est saint, c'est a dire, l'Arche de l'alliance. Par ou Ion void que le mot d'adorer s'employe pour toute sorte de révérence qui se fait a Dieu, aux Anges, aux hommes saintz, aux hommes non saintz, et aux créatures inanimées; mais ce seul lieu de Paralipom. i. c. ult., suffisoit pour tout : Benedixit omnis ecclesia Domino Deo patrum suoritm; et iiiclinaverunt se, et adoraverunt Deum et deinde Regem.  i] Helie, au lieu d'Helisee, dans le Ms., par méprise. Voir IV Reg., 11, is.  Livre IV. 375 Et tout de mesme, TEglise sainte et ses Docteurs applique ce mot d'adorer pour Ihonneur de Dieu et des créatures i, selon ce que S' Augustin tesmoigne tout ouvertement, que nous autres Latins n'avons point de mot particulier pour signifier le service deu a Dieu seul, mais avons emprunté le mot de latrie des Grecz, 1. lo. de Civit. c. i, et epist. 59, ad Deogratias; et néan- moins a qui considérera de près la manière de parler de FEscriture et des Anciens, il verra que le mot d'adorer panche un peu plus a la signification de Ihonneur deu a Dieu seul, que non pas aux autres. C'est pourquoy, adorer, simplement pris et absolument, signifie en l'Escriture adorer Dieu, Jo. 4 ; et par mesme rayson les Anciens ont quelquefois fait difficulté de l'appliquer a Ihonneur des créatures, quoy quilz sceussent que cela se pouvoit faire. Dequoy la rayson est par ce que l'adoration n'appartient pas également a Dieu et aux créatures, il y a a dire de l'infinité : l'adoration donques deiie a Dieu est si excellente en comparaison de celle que l'on fait aux créatures, que, ni ayant presque point de proportion, l'adoration des créatures n'est presque pas adoration au pris de celle que l'on fait a Dieu. Comme par exemple, S' Hierosme, 1. 2. Apol. contr. Rufinum : Vent Bethléem, et prœsepe Domini et incunahula adoravi. Et epist. 53, ad Riparium : Non Seraphim et omne nomen quod nominatur et in prœsenti seculo et in futuro colimus et adoramus. (Et tamen in epitaphio Paulae : Vale, Paula, et cultorem tuum orationibus j'uva.) Et c. 3. Danielis, in hsec verba. Et statuant quam fecisti non adoramus : Cultores Dei imagines adorare non dehent. Et lib. contra Vigilantium: Quis Martires adoravit ? quis hominem putavit Deum ? Voyes vous comm'il prend le mot d'adorer pour un honneur par lequel on estime la chose adorée estre Dieu ? De mesme S' Amb., orat. de ob. Theod.: Invenit Helena Crucem Domini; Regem adoravit, non lignum iitique, quia hic gentilis est error, sed adoravit illum qui pependit in ligno. Et toutefois bien tost après : Sapienter Helena egit quœ crucem in capite regum levavit et locavit, ut Crux Christi in regibus adoretur ; non insolcntia ista sed pietas est, cum defertur sacrœ redemptioni. Et peu après il introduit les Juifz disans : Nos crucifiximus quem reges adorant. Ecce et clavus ejiis in honore est, et quem ad mortem impressimus remedium salutis est, atque invisibili quadam potestate dœmones torquet ; et après : ferro pedum ejus reges inclinantur, clavum Crucis ejus diademati sno prœferunt imper ator es ; etc. S' Athan,, 1. contr. Gentil., initio : Solus adoratur Christus. Idem, q. 39 ad Antiochum : Crucis certe figuram ex 2 lignis componentes adoramus. Ser. 3. cont. Arianos : Creatura creaturam non adorât. Et le mesme, lib. de Virginitate: Si homo j'ustus œdes tuas intraverit, cum timoré et tremore occurrens illi ado- rabis humi ad pedes illiiis, non enim eum sed Deum adorabis qui illum mittit. Epiph., hasr. 79, Collyridianorum : Sit in honore Maria, Dominus adoretur. Et le mesme. De laudibus Stae Mariae Deipar^, parlant de la glorieuse Vierge : Conspicio, dit-il, illam ab Angelis adorari. Et S' Aug. remarque, q. 61. in Gen., que il n'est pas dit: Tu adoreras (Voir p. ^26.) le seul Seigneur ton Dieu, mays ouy bien : Tu serviras au seul Seigneur ton Dieu, ou au grec le mot de latrie est employé, qui signifie un service deu a Dieu seul. (i) « Mais avec ceste différence que quand elle traitte avec ses ennemis, elle n'use pas le plus souvent du mot d'adorer sinon pour Ihonneur deu a Dieu. » Bien que légèrement biffé dans le Ms., ce passage est reproduit comme variante du texte, chap. v, p. 318, lig. 8, et p. 321, lig. 35.  376 Défense de l'estendart de la S*° Croix. On voit donq ce que je viens de dire, que les anciens Pères rapportent le mot d'adorer a Ihonneur deu aux créatures, et que néanmoins ilz ont estimé quil estoit un peu plus duysant et sortable a signifier particulièrement Ihonneur deu a Dieu tout puyssant. Et de vray, puysque le mot d'adorer ne signifie autre que l'action par laquelle une personne honnore un'autre en reconnoissance de quelqu'advantageuse excellence qu'ell'y pens'estre, l'ado- ration joint beaucoup mieux a Ihonneur deu a Dieu qu'a celuy que l'on rend aux créatures; car quand elle s'adress'a Dieu, elle prend toute l'estendue et desploye toute sa force sans estre contrainte ni limitée a certain ply ou mesure, comme ell'est quand on l'adress'aux créatures. Si que entre toutes les sortes d'honneur, l'adoration est la plus excellente, et entre toutes les adorations celle-là qui se fait a Dieu est incomparablement la plus digne (dont Anast., Episc. Theopoleos, act. 4a yœ sinodi, dit qu'ell'est, Emphasis seu cxcelleniia honoris), ains si digne qu'au prix des autres elle seule s'apell'adoration. Et c'est a ceste considération que bien souvent les Anciens ont employé d'autres motz plus généraux pour signifier la révérence deûe aux Saintz et autres créatures, ou s'il ny ont pas employé d'autres motz ilz ont limité le mot d'adoration par quelque addition. Ainsy S' Cyrille dict : Nos non adorare Sanctos ut deos, sed honorare ut primarios viros , 1, 6 cont. Jul., post médium. Et le second concile de Nicee, act. 7, apelle Ihonneur fait aux Saintz, honorariam adorationem. Et le concile de Trente, sess. 25 : Per imagines quas oscuîamur Chri'itum adoremus et Sanctos veneremur , ou le mot d'adorer revient a nostre Seigneur, et aux Saintz celuy de vénérer. Or en fin, comme que ce soit, parmi le vulgaire du Christianisme ce mot d'adorer ne se rapporte qu'a Ihonneur qui est deu a Dieu, qui sera cause que nous le laisserons a ce seul usage comm'au principal; et parlans de Ihonneur deu aux créatures nous mettrons en oeuvre des motz plus communs et d'indubitable signification, ou moins douteuse, comm'est honnorer, révérer, vénérer et semblables. Chap. III, p. jop. Secondement, il faut sçavoir qu'honnorer un personnage n'est autre sinon S. Th., 2 2. q. tesmoigner de l'excellence que nous croyons estr'en luy. Or cest'excellence 145. a. I. ad 3, ho- peut estre de deux sortes : car, ou c'est un'excellence qui ne rend celuy qui noi es con es a 10 ^ possède advantageux ou supérieur sur celuy qui le veut honnorer, et Ihors quaedam de excel- ^ , , lentia alicuius. il "i ^ li^^ ^^^ poiir le simpl honneur et ne se peut former aucun adoration ; tel est l'honneur que s'entreportent les gens de bien les uns aux autres, comme, par exemple, S' Basile a S' Grégoire Naz., tesmoin Eustratius sur le p"" chapitre du 9 des Ethiques, selon le dire de l'Apostre : Honore invicem prœvenientes, Ro. 12. Ou cest'excellence, de laquell'on rend tesmoignage par l'honneur, est advantageuse a celuy que nous honnorons, sur nous, et Ihors nous le pouvons, ains devons, adorer, puysque la rayson veut que nous nous reconnoissions et faisions profession d'estr'inferieurs a ceux qui ont quelque (Voir p. J20.) advantage d'excellence et eminence sur nous. Dont S' Aug., 1. 10. c. 4. de Civit., dit que les hommes sont appelles colendi et venerandi, si autem ntultum addideris, et adorandi, cité par S' Thomas, 2 2. q. 84. a. i. Et partant, comme Arist. 1. 4. Eth. l'honneur n'est que le tesmoignage de l'excellence de quelqun en gênerai, c. 3. et 1. o. c. 8, aussi l'adoration n'est que le tesmoignage d'un'excellence advantageuse et et ibidem Eust. . i> , -, , 1 ■ j supérieure, a 1 endroit de celuy qui adore. Chap. VII. Or, selon que les excellences de ceux que nous adorons sont advanta- geuses sur nous plus ou moins, les adorations sont aussi différentes, comme remarquent doctement S' Aug., 1. 10. de Civit. c. i et 4, le bon P. Jonas, Evesque d'Orléans, 1. i. de Imag., et S' Thomas, 2 2. q. 84. a. i^ S' Bonav. et les autres scholastiques. Si l'excellence surpasse infiniment, comme fait la  Livre IV. 377 Divine, Tadoration est absolue et sauverayne, qui ne peut jamais estre trop humble et reconnoissante, et est apellee latrie : car, comme dit S' Aug., 1. lo de Civit. Dei, c. i, Latria, secundum consuetudinem qua lociiti sunt qui nobis Divina eloquia condiderunt (basti), aut semper aut- tant fréquenter ut pcene semper, ea dicitur servitus quœ pertinet ad colendum Deum. Si l'excellence est crée, comme celle des Anges et des hommes saintz ou supérieurs, l'adoration est limitée et bornce a la mesure de Texcellence pour laquell'on adore, et s'apelle dulie parmi les Théologiens. Car ayans remar- qué que le mot grec de dulie s'appliqu'indifferemment au service de Dieu » a Apocal, 23. f. 9. et des créatures b, et que le mot de latrie, comme dit le grand S' Aug. en b Ad Tit. 2. j!^. 9 ; plusieurs endroitz, n'est presqu'appliqué qu'au service de Dieu, ilz ont appelle ^ Cor. 9. 19. le service deu a un seul Dieu, latrie, et celuy qui se peut rapporter aux créatures, dulie. Et pour mettre encores quelque différence en Ihonneur fait aux créatures selon la diversité des excellences, ilz ont dict que les plus excellentes s'honnoroyent d'hiperdulie. 3. Il faut sçavoir qu'en l'adoration parfaitte, 3 actions se rencontrent : l'une Chap. III, de l'entendement, par laquelle l'on connoit l'excellence de la personne qu'on PP- 3^*^~J^4' adore ; l'autre de la volonté, par laquelle on se sousmet et fait on révérence a la personne qu'on adore ; et la troysiesme par les signes extérieurs du cors. Entre lesquelles actions, la 2. est la principale et formelle : car la pre- mière est bien souvent sans adoration, comm'es Diables, qui, reconnoissans la majesté de Dieu, ne l'adorent pourtant pas ains s'opposent tant quilz peu- vent a son excellence, et ceux desquelz parle S' Pol, Rom. i, qui, connois- sans Dieu ne Vont pas glorifié comme Dieu ; la troysiesme peut estre faitte par mocquerie et hipocrisie ; la seule seconde est tousjours vraye adoration. 4. Il s'ensuit de ce qui a esté déduit jusques a prœsent, i. qu'autre que la Chap. IV. créature ne peut adorer ; car Dieu qui ne peut rencontrer hors de soi aucune excellence qui soit advantageuse sur luy, ains devance de l'infinité toute autre perfection, il ne peut adorer chose quelqu'onque. 2. Il s'ensuit que l'adorer appartient a la seule créature connoissante, car pour reconnoistre un'excel- lence et se sousmettre volontairement a icelle par quelque protestation, ne peut se faire sans intelligence et libre volonté. 3. Il s'ensuit que l'adoration ^ ne se peut faire qu'a la nature intelligente ; car, puysque l'adoration se fait en reconnoissance de quelqu'excellence supérieure, les advantages que la natur'intelligente tient sur tout'autre sont si grans, qu'elle ne se doit sous- mettre a aucun autre, tout le reste luy est inférieur et dédié a son usage et service. 5. L'excellence pour laquelle on honnore, principalement, les créatures, Chap. II, c'est la vertu, comme monstre S* Thomas, le tirant d'Aristote (1. 4 Eth. c. 5. . jt/'' -^^f'JS'^'rr 4.1 > rTJi.i.V r. u t et Chap.VIII-XII. et 1. I. c. 5.), q. 145. [a. i,j ad 2 et 3. et q. 63. a. 3. Puys on honnore encor les autres excellences qui sont ou comm'instrumens, ou comme des acheminemens a la vertu, Mays la vertu pour laquell'on reçoit honneur n'est pas tousjours nostre, ains bien souvent d'autruy : comm'on honore les supérieurs quoy que mauvais, pour la vertu de Dieu et de la republique de laquell'ilz tiennent le lieu ; ainsy les pères et maistres sont honnorables pour la participation quilz ont de la dignité de Dieu qui est suprême Père, principe, recteur et Seig"" ; ainsy les vieux, parce que la viellesse est un signe de sagesse, comme tes- moignant de l'expérience ; ainsy les riches, comm'ayans un bon instrument pour ayder et conserver la republique. (i) C'est-à-dire, l'adoration absolue. Voir chap. viii, p. 330.  378 Défense de l'estendart de la S*® Croix. (Voir p. ^i6.) Or de tout cecy s'ensuit que quoy que les Diables sont plus excellens que nous, nous ne leur devons aucun honneur, parce que leur excellence ne tend point a bien, mays l'ont du tout destournee a mal, et ce irrévocablement ; joint quell'est accablée de la suprême misère. Item, que Ihonneur praesup- pos'amitié, et nous avons les Diables pour ennemis irréconciliables, avec lesquelz nous n'avons ni devons avoir aucun commerce ni amitié, ains les devons avoir en exécration et abomination. Il s'ensuit encor que la créature irraysonnable n'estant capable d'aucun honneur puysqu'elle ne peut estre ni vertueuse ni honteuse, si on Thonnore on ne la doit honnorer pour ce qui est d'elle mesme ni pour son propre estoc, mais comm'appartenance, instrument, signe ou acheminement de la vertu ou du vertueux. Mettons divers exemples pour bien digérer ceste doctrine. On honnore la viellesse par ce qu'elle tesmoigne l'expérience, et l'expérience apporte la prudence ; on honnore les riches par ce que la richesse est signe d'industrie et est instrument de beaucoup de vertuz, comme de la libéralité et magnificence ; on honnore les magistratz par ce quilz reprassentent Dieu et la republique; on honnore les moindres officiers des princes, et leurs couronnes, sièges, sceptres, par ce que ce sont signes et appartenances de leur authorité ; on honnore la science par ce qu'ell'est instrument de beaucoup de bien, signe de diligence et acheminement de bien faire, comm'on déteste l'ignorance par contraires raysons. Parlons des choses sacrées : on honnore les églises, les vases sacrés, par ce quilz sont instru- mens de la religion et service de Dieu ; on honnore les images, comme le Serpent d'airain et le Coffre de l'alliance, par ce quilz représentent N. S. et quilz sont des acheminemens. Or ces choses qui n'ont aucun motif en elles mesme pour estre honnorees sinon le rapport qu'elles ont a Dieu ou aux créatures intelligentes et vertueuses, ces choses, dis je, peuvent estr'honnorees en diverses sortes. Et employons un exemple pour mieux entendre : Car, I. il se peut faire qu'une chose appartenante a un ami nous fera simplement resouvenir de celuy a qui ell'appartient, et partant sera cause par ce souvenir qu'elle reveille en nous, que nous honnorerons celuy a qui eirappartient ; et Ihors, si l'on dit que nous honnorons ceste chose la, ce sera parler fort improprement, car toute nostre intention s'addresse a l'amy, et non a la chose qui luy appartient, laquelle, ayant remis l'amy dedans nostre memoyre, luy quitte la place en sortant elle mesme, de façon que bien souvent nous ne pensons plus a elle, tant s'en faut que nous l'honnorions. Je ne sçay si le chien de Thobie sera un bon exemple a ce propos. Thobie le filz revient de Rages, le chien vient courant devant et arrive aux pieds de Thobie le père comm'un certain messager de la venue de son filz, faisant feste avec sa queiie; incontinent le père se levé et court au devant de son filz. Le chien arrive le premier et asseure le viellard de la venue du filz ; cependant le père laisse-la le chien et court a son filz auquel il reserve toute la caresse. Ainsy la chaire, l'espee, les armes du père seront comme certains messagers qui ren.ettront le père en la memoyre du filz, et cependant le filz laissera-la toutes ces choses, et ne pensant plus qu'au père, l'honnorera de tout son cœur, [et] luy réservera toutes les caresses. Et Ihors ces choses seront comme les fourriers, qui ayans conduitz les autres au logis en sortent eus mesme et ni arrestent plus. 2. Il se peut faire qu'une chose appartenante a un autre, non seulement nous fera resouvenir de l'amy, mais le nous représentera si vivement que nostre imagination le tiendra comme praesent et esmouvra nostr'affection a  Livre IV. 379 luy comm'estant la praesent d'une réelle prœsence. Dont le filz, voyant la chaire, la roubbe, l'image de son père, dira : il me semble que je voys mon père la sur ceste chère, dans sa roubbe et en cest'image. Et par ce sembler pourra bien estr'esmeu a baiser et la roubbe et la chaire et l'image, sans estre pour cela trompé, puisquil ne juge pas la chos'estre présente, mays l'imagine comme présente; et l'imagination, n'estant qu'une première appréhension, n'affirme ni nie rien, et cependant ne laisse pas d'esmouvoir l'affection. Ce qui se resoult a ceste explication : Mon père pouvoit estre icy ; s'il y estoit, comme je l'honnorerois, [La suite du Ms. est interrompue ; les deux passages suivants sont des citations détachées.] (( L'excuse est facile, que la Loy ne condamne nulles images sinon celles qui servent de représenter Dieu ; ce pendant, de lever un monceau de pierres Chap. XIV, en signe de trophée, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou P- 3^^' pour réduire en mémoire quelque bénéfice de Dieu excellent, la Loy ne l'a jamais défendu en passage quelconque. » Cal. in c. 22. Jos, ^. 26. Honor erga gratos conservas benevolentiœ erga communem Dominum indicium est. [S. Basil., Oratio in SS. Q,uadraginta Martyres.]  [Bien qu'incomplète et avec un caractère différent, cette partie du Ms. se rattache à la précédente, ainsi qu'il est plus amplement exposé dans la dernière partie de la Préface.] pour son particulier et ordinaire honneur d'estre une briefve et vigou- Chat. XII, reuse orayson, a rayson dequoy il est bien fort vénérable. /. J5-r. En voyla asses pour mon dessein, mais il semble qu'une solemnelle Chah. XIII. objection demeure encor sus pied, qui peut arrester le cours de la créance Catholique. C'est l'Achilles des novateurs, il la faut donq faire pour par après la desfaire. Elle se fait ainsy : il est défendu tresexpressement de faire les statues et similitudes de chose aucune quelle qu'elle soit, beaucoup plus de les vénérer et adorer ; il ne faut donq pas seulement avoir les images de la Croix, combien moins les adorer? Pour desfaire cest argument il faut seulement bien entendre comme les statues et similitudes sont prohibées, car en mesme façon ne faudra-il point avoir les images de la Croix, ni les vénérer. Que s'il ne faut avoir aucune similitude pour aucun usage que ce soit, il ne sera pas loysible nomplus d'avoir des Croix : mais s'il est permis de faire et avoir quelque similitude pour quelque particulière occasion, il sera loysible d'avoir des Croix et les honnorer. Mettons donq au net la pro- hibition divine en ses termes : Tu ne te feras aucune statue^ ni toute similitude qui est au ciel en haut, et en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras : car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux, et ce qui suit. Considérons maintenant comm'elle s'entend. Premièrement, je ne doute point que ceste prohibition ne soit une pièce et appartenance du premier commandement, qui porte : Tu n'auras point de dieux estrangers devant tnoy, et partant je ne conte pas ceste prohibition pour second commandement, mais pour une partie du premier, auquel est  380 Défense de l'estenhart de la S*® Croix. défendue Tidolatrie tout entière : car Tidolatrie parfaitte git en deux sortes d'actions, intérieures et extérieures; les intérieures sont défendues par la première partie de ce premier commandement, qui porte : Tu n auras point de dieux estrangers devant moy \ les extérieures sont rejettees par les paroles suyvantes : Tu ne te feras aucun idole ou statue, et ce qui s'ensuit. Que sil est ainsyn, pour bien entendre la seconde partie il la faut faire respondre, joindre et ressortir de la première. 2. Que si néanmoins quelqu'un veut opiniastrement débattre que la seconde défense proposée en ce premier chef des commandemens, Tu ne te feras aucune statue, et ce qui suit, soit un commandement a part et séparé, qui face non une seconde partie du premier commandement, mais un second commandement de la première Table, pour ne m'entretenir hors de mon dessein a le convaincre par rayson, je diray seulement qu'au moins ne sçauroit on nier que la défense de ne faire aucune similitude ou statue ne soit un mesme commandement avec ce qui s'ensuit : Tti ne les adoreras ni serviras, et n'aye rapport a ce premier point : Tu n'auras aucuns dieux estrangers devant moy. Dont il s'ensuit quil faut que l'un des pointz s'entende conformément a l'autre. Certes, la vérité y est tout'ouverte. Cela remarqué, je rencontre quattre signalées intelligences de ceste défense , Tu ne te feras aucune statue ou ressemblance, en laissant a part quelques autres plus subtiles. 1. Les Turcz et Juifz Talmudistes, prenans ceste défense a la rigueur des motz, estiment qu'il ne soit loysible d'avoir ou faire aucune sorte d'image pag. II. en façon quelcomque : quand aux Juifz, le petit traitteur le confesse ouver- tement, et pour les Turcz il ni a aucune difficulté. Or ceste opinion est du tout barbare, combattue par l'authorité de l'Escriture, de l'Eglise et de la Ex. 25; 3 Reg. 6 nature. Les images des Chérubins, des lions, vaches, pommes graines, Ser- et 7, iNu. 21. pent d'airain, sont approuvées en l'Escriture ; les enfans de Ruben, Gad et Josue, 22. f. 26. Manassé firent la similitude de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvée ; Mat. 22. les Juifz monstrent a Nostre Seigneur l'image de Cœsar et il ne la rejette point, ains l'approuve. L'Eglise a eu de tous tems des images de la Croix, comme j'ay prouvé bien au long au 2. Livre. Par nature on fait l'image de soymesme aux yeux de ceux qui nous voyent, es verres, es eaux, en l'air, et la peinture est un don de Dieu et de nature. Bref, ceste intelligence n'a aucune convenance avec les paroles praecedentes ou suivantes, puysqu'avoir et faire des images ne tend en aucune façon a Tidolatrie. 2. Certains autres ont dit qu'il n'estoyt voirement pas défendu d'avoir et faire des images, mais seulement d'en avoir es temples et églises. C'est une opinion nouvelle, vaine et haeretique, suivie par un grand tas de schismati- ques et chicaneurs, mais ell'est plus notoirement contraire a l'Escriture que la précédente, et non moins a l'Eglise de Dieu et a la nature. Car, quand a l'Escriture, les Talmudistes et semblable canaille se couvrent au moins des motz d'icelle, qui portent tout a plat qu'on ne face aucune similitude ; mais ceux de cest'autre ligue ne sçauioyent produire un seul brin d'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images aux temples ou églises qu'ailleurs. Les Juifz n'ont nomplus le suc de l'Escriture que ceux ci, mais ilz ont pour le moins l'escorce touchant ce point ; et ceux ci, qui ne font que crier l'Escriture, n'en produisent ni suc ni escorce, mais avancent leur volonté comme parole de Dieu, et qui ne les croira ilz le proclameront antichrist. Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Chérubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dan^ le Temple? et quand aux Chérubins, au lieu du Temple le plus sacré et considérable. Voyla  Livre IV. 381 wn exemple signalé pour nous ; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours ; uostre exemple est en TEscriture et de Dieu, il faut TEscriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation. Si Dieu voulut ainsyn orner ce vieux Temple a la veuë d'un peuple si sujet a l'idolâtrie, qui gardera l'Eglise d'orner les siens des images de la Croix et de ceux qui sous ce saint Estendart ont renversé toute l'idolâtrie? Aussi certes l'a-elle fait de tous tems, et ne sçauroit on monstrer que les Chrestiens ayent eu jamais des églises ou temples qu'elle ny aye eu des Croix et autres images, comme j'ay suffisamment prouvé ci dessus. Et pour vray, la rayson naturelle monstre que si les églises sont maysons du Roi des roix, les ornemens y sont très convenables, et si elles sont maysons du Saint des Saintz, les ornemens y doivent estre les plus saintz ; or plus saintz ornemens n'y peut on mettre que les reprassentations des choses saintes ; le temple est image du ciel, pourquoy ni logera-on les images de ce qui est au ciel ? 3. Il y en a d'autres qui ont dit que, par ceste prohibition, autres images ou similitudes n'estoyent défendues sinon celles qui servent de repraesenter Dieu selon la nature de sa Divinité : et je m'y accorde simplement et pure- ment, s'ilz rejettent les images qu'on feroit pour représenter la propre forme et essence Divine immédiatement ; car Dieu estant infini et invisible il ne sçauroit estre représenté par les choses visibles immédiatement et formelle- ment. Quelle forme peut avoir aucune convenance avec Celuy qui n'a aucune forme ? Et toutes les images que l'on fait de Dieu le Père et du Saint Esprit ne servent a autre qu'a représenter les figures et formes sous lesquelles et par lesquelles il s'est manifesté selon l'Escriture, lesquelles formes et figures ne reprassentoyent pas Dieu selon sa Divinité par manière d'images et statues de Dieu, mais par manière de simples signes. Or, tout ce qui est signe n'est pas image, quoy que ce qui est image soit signe : ainsin la colombe et les feux descendans estoyent signes, non image du Saint Esprit ; ainsi quand les Anges parloyent en forme d'homme, ceste forme la estoit signe, non image de l'Ange. Les images donq qu'on fait de Dieu, des Chéru- bins et Anges, ou des âmes, ne sont pas tant images de ces choses la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestées. Que si on parle des images et figures mistiques, comme d'un aigneau pour repraesenter Nostre Seigneur, de colombes pour représenter les Apostres, ce ne sont non plus images des choses qu'elles repraesentent mistiquement que les motz sont images des choses quilz signifient, et les lettres des motz quelles dénotent ; car elles ne représentent pas ces choses la aux sens, comme font les images, mais des objetz tout différents par lesquels, avec beaucoup de discours, on se repraesente les choses mistiquement signifiées. Si donques on dit que le commandement de Dieu rejette les images qui seroyent faittes pour repraesenter au sens extérieur la Divinité, comme c'est le propre des images de repraesenter leurs propres objetz, je suys de cest advis-la, laissant néanmoins le bon usage des images qui représentent les apparitions Divines, ou quelque propriété de sa Divine Majesté par quelque misterieuse et secrette signification. Mais je dis outre tout cela que la force de la prohibition, de ne faire similitudes de quoy que ce soit, portée au commandement de Dieu, n'est pas suffisamment deduitte par ceste considération. [La suite du Ms. est interrompue : ici se termine tout ce qui a pu en être retrouvé.]  1  TABLE  DES PRINCIPALES MATIERES  CONTENUES  EN CE PRESENT ŒUVRE  A  Adam enterré au mont de Cal- vaire, selon les Anciens 63 Adoration, que c'est 309 Comme les Anciens ont usé du mot d'adoration 318 Trois actions en l'adoration. . . . 310 Une mesme action peut astre faite par adoration, et la mesme sans adoration 32^ Adoration absolue independen- te, souveraine et suprême . . . 329 La vraye et essentielle adora- tion gist en la volonté et action intérieure 311 L'adoration ne doit pas estre ju- gée selon les actions et dé- monstrations extérieures 324 L'adoration en esprit, et l'adora- tion en vérité 231, 232 L'adoration se fait à Dieu et aux créatures 317 Adoration de la Croix [et] vers le levant, tradition ancienne et légitime 112, 149 Adoration relative de dulie ou hyperdulie 334  Adoration de la figure de la Croix, prouvée par sainct Athanase 63 Adoration relative humaine et civile 334 Adoration [relative] de latrie.. 334 Adoration de la Vierge Marie et des Saincts, comme s'ap- pelle 328, 337 Establir l'essence et différence des adorations es actions extérieures 32^ Division des adorations selon la différence des excellences... 327 Ne faut jamais nommer adora- tions, simplement 333 Adorer, ce mot que signifie. 317, 321 Le mot d'adorer panche plus à l'honneur de Dieu qu'à celuy des créatures 318, 336 De ce qui peut adorer et estre adoré 3'^^ Dieu ne peut adorer, bien hon- norer, et comment 3i'> Adorer la Croix, que c'est. 321, 322 Adorer la figure de la Croix.. . 148 Adorer et vénérer, comme s'en- tendent 319, 320 A la façon ancienne d'adorer et considérer la Croix, l'Eglise se rapporte 341  (i) Reproduite de la ne Edition, à cause de son intérêt littéraire, cette Table n'est cepen- dant pas l'oeuvre du Saint, comme le prouvent les nombreuses fautes qu'elle renferme ; les principales sont corrigées ici, tout en gardant le plus possible le caractère d'intégrité. Voir à la dernière partie de la Préface.  384  Table des principales Matières  Les choses irraisonnables ne peuvent adorer, ni les damnez. Tout peut estre adoré, horsmis les damnez, mais diversement, et comment Agneaux au dos de la Croix, pour représenter Jésus Christ mis en Croix comme un inno- cent agnelet Agrippa estoit sous la protec- tion des Romains; les Chres- tiens de Jérusalem destruicte [se retirent en son royaume]. Le peu de différence qu'il y a entre Tamour et l'honneur. . Sainct André ne se pouvoit saou- ler de saluer et baiser la croix en laquelle il devoit estre pendu, se sentant estre hon- noré de ceste mort là... 150, Anges et hommes n'ont pas les vertus et boutez d'eux mes- nies , ains par la grâce de Dieu Monsieur le Président de Ge- nevois, Antoine Favre, tra- ducteur des vers citez par l'auteur de la présente Défen- se Antichrist, homme de péché, beste farrouche Les Apostres ont eu en honneur la saincte Croix et ont planté l'usage d'icelle Apostrophes et prosopopées sont en commun usage à toutes sortes de gens Apparition de la Croix à Cons- tantin, oeuvre de Dieu et non de Constantin Plusieurs apparitions de la Croix en divers endroits, et de nos- tre aage 122- L'Arche de l'alliance estoit adorable L'Arche de l'alliance sert d'un magnifique tesmoignage de la Croix Arche de l'alliance estoit le mar- chepied de la saincteté de Dieu Osa puni pour avoir porté si peu  315  316  114  16 191  305  157  3}(^  29 275 109 157 117 124  de respect et honneur à l'Ar- che de l'alliance Tesmoignage d'Arnobe pour la Croix 190 Arnobe n'a escrit que sept livres, et non huict 186 Arnobe n'a pas mesprisé la Croix, et comme il s'entend ce qui est rapporté de luy au huictiesme Livre (de Minutius Félix), à luy attribué. . . 189, 190 Plusieurs Arriens convertis , ayans veu les miracles par l'oraison et signe de la Croix. 298 Arriens faisoyent chanter en leurs processions hymnes et chansons, par eux composées. 137 En l'Escriture, l'attouchement et possession du Maistre donne pouvoir et vertu à chose pour vile qu'elle soit. Exemples d'Helisee, Moyse, Aaron et autres 3^ Pourquoy l'auteur de la Défen- se se nomme 27, 28 Pourquoy l'auteur a dédié la Défense aux Confrères 28 Authorité pastorale à qui appar- tient 365  Le baiser sainct [de la Croix].. . 162 Comme la bénédiction ordinaire se faisoit en l'ancienne Loy. 236, 237 Bénédiction des créatures en l'Eglise 236 La bénédiction de la Croix. . . . 163 Bénédictions ecclésiastiques... 237 Bethlehem, maison de pain, saluée par la dévote Paula. . 1^7 Trois sortes de bien 306 Honnorable le bois que Nostre Seigneur porta 51 Le Seigneur a régné par le bois. 51 Le bois de la Croix a eu des qua- litez qui le rendent bien véné- rable ' 53, 54 Feu, estant en une maison,  CONTENUES EN CE PRESENT ŒuVRE  385  estaint par la vertu d'une pièce de bois de la Croix. ... 85 Bois de la Croix employé com- me une défense et rempart contre toutes adversitez 81 Plusieurs grands miracles que Dieu a fait par le bois de la Croix 82 Le bois de la Croix a esté espars en tout l'univers par petites pièces 84 Le bois de la Croix multiplioit à mesure que l'on en levoit des pièces 84 Une saincte pièce du bois de la Croix de Jésus Christ con- servée à Aix 80 Une petite pièce du bois de la Croix, défense pour la vie pré- sente et un gage de l'éternelle. 85 Plusieurs tesmoignages des An- ciens de la vertu du bois de la Croix 83-87 Du bois de la Croix plusieurs tiltres honnorables 95 Le mesnie bois de la vraye Croix apparoistra au ciel au jour du jugement; sera réparée 93 Au Brésil a esté eslevee une grande Croix par Dom Alva- rez Capral, etc 130 Brise-Croix punis et miraculeu- sement chastiez 202 Le buisson ardent et semblables apparences n'estoyent images de Dieu, mais signes d'iceluy. 335  Les Catholiques sont le tige et corps de l'Eglise 365 Les Catholiques ont en eux et à leur faveur la chaire de sainct Pierre, la dignité sacer- dotale, l'authorité pastorale et la succession Apostolique. 365 Cérémonie, que c'est 212 Cérémonie, combien est en usa- ge en la religion 212  226  231  Cérémonie du signe de la Croix représente la Passion de Jésus Christ 215 Cérémonie de lever les mains et les yeux en priant 226, 227 Cérémonies en priant 227 Cérémonies, plusieurs aux Sa- cremens et autres choses, en l'Evangile 213 Toutes cérémonies bonnes et légitimes peuvent estre em- ployées à la bénédiction des choses Cérémonies de l'Eglise ne sont contraires à l'esprit et vérité. Hérétiques rejectent toutes cé- rémonies avancées outre et sans la parole de Dieu ; les preuves au contraire par plu- sieurs exemples 37, 38 Charité, et la description d'icel- le par sainct Paul 368 Chérubins au second ordre des Anges 165 Chérubins, quoy qu'invisibles, ont esté représentez en l'an- cienne Loy 77 Les Chrestiens ont dés le com- mencement de l'Eglise fait dresser des croix loé, 108 Chrestiens de Jérusalem se reti- rent au royaume d'Agrippa. . m Sainct Athanase dit que les Chrestiens adoroyentla Croix. 24 Croix portée par les vieux Chrestiens de Socotore 109 Chrestiens appeliez par les payens, religieux et dévots de la Croix 148 Chrestiens anciennement ado- royent vers le levant 149 Les cieux nous représentent la gloire de Dieu 77 Circoncision, figure du Baptes- me 253 Le clou de la Croix mis à la couronne de Constantin re- pousse les ennemis 83 Un des doux de la Croix en- voyé par Heleine à Constan- tin son fils, pour mettre à la couronne de sa couronne. ... 83  25  386  Table des Matières  Cognoistre Jésus Christ selon la chair et non selon la chair. 232, 233 Trouppe de colombes mises anciennement sur la Croix et autour d'icelle, et force palmes, et un agneau sous la Croix tainte de sang, et raison pourquoy, et significa- tion çg, 100, 114 Sens du premier commande- ment, en peu de mots.. 357, 358 Quatre interprétations du pre- mier commandement; [celles] des Juifs [et autres] confu- tees 352-30 Confrairie des Penitens d'Annes- sy, aisnee de toutes les autres de Savoye 25 Confréries d'Annessy et Cham- bery allans en procession à Aix, voir une saincte pièce du bois de la Croix 80 Consacrer avec le signe de la Croix 246 Consécration des églises et au- thels avec les Croix 13g Consécrations sont les plus ex- cellentes invocations qui se facent en l'Eglise 246 Constantin le Grand loiié par nos devanciers, autheur du repos de l'Eglise, appelle Prin- ce des princes Chrestiens, très- grande lumière de tous les Chrestiens i ig Constantin le Grand a beaucoup servy pour l'advancement de la gloire de Christ 117 Considération sur la croix appa- rue à Constantin 120 La Croix apparut à Constantin deux autres fois 120 Constantin le Grand recognoist ses victoires de sa libéralité [de Dieu, par la Croix] 120 Croix rapportée aux Chrestiens durant le temps de Constan- tin le Grand 107 Confession de Constantin de la Croix vainqueresse 173 La croix monstree à Constantin le Grand fut le patron d'un  monde de croix [dressées] par les empereurs et princes chres- tiens n6 Constantin, pour se rendre amy des Chrestiens, fit dresser plu- sieurs croix 106 Constantin le Grand fit dresser au milieu de la principale pla- ce de Rome sa statue tenant en main une grande croix; voyez la signification d'i- celle 172, 173 Chose miraculeuse advenue à deux porte-enseignes de l'ar- mée de Constantin, à l'un qui abandonna l'estendart de la Croix et l'autre qui laprint. 173, 174 Constantin le Grand abolit le supplice de la croix pour l'honneur qu'il luy portoit. . . 150 Couronne de pierreries, fleurs, colombes et autres choses précieuses mises ancienne- ment sur la Croix, et raison pourquoy, et signification. 98-100 Le mot de croix a esté sanctifié en l'Evangile ; se prend en trois manières 31 L'Eglise ny les Catholiques n'ont jamais abusé de la Croix ny autres images 200 La Croix a esté l'autel du sacri- fice de nostre Rédempteur. . . 54 Le précieux bois de la Croix de Jésus Christ, adorable et vé- nérable 52 La Croix du Seigneur armeure invincible des Chrestiens con- tre Sathan; mur inexpugnable aux Chrestiens, et autres til- tres et epithetes. 175, 176, 281-283 La Croix doit et peut estre em- ployée à la bénédiction des choses à l'exemple de l'Eglise ancienne 236 La Croix par tout et en tous en- droicts célébrée 134, 135 Croix est employée aux béné- dictions sacramentelles et aux processions 137-139, 246 Combien la Croix a esté com- battue 371  CONTENUES EN CE PRESENT ŒuVRE  387  Croix de Jésus Christ conservée près de trois cens trente ans sous terre sans estre aucune- ment pourrie 67, 82 Triple considération de la Croix de Jésus Christ 33 La saincte Croix appellee Croix de Jésus 44-47 Toute l'ancienneté s'est servie de la Croix contre le diable. . 60 Les diables craignent la Croix et en sont tourmentez 182 La Croix n'est point tenue pour Dieu, comme les Gentils tien- nent leurs idoles 189 La Croix a tousjours esté dé- sirée 184-189 Plusieurs epithetes de la Croix et significations d'icelle. 139, 140 Erection d'une croix près de Genève 26 La Croix appellee par les An- ciens l'Enseigne du Fils de Dieu 54, 129 Entre toutes les croix, la vraye Croix, est le plus proprement signe et Estendart de Jésus Christ 94 Que la Providence divine n'a permis la perte de son Esten- dart qu'est la Croix 63 Les Anciens mettoyent la Croix es églises (Lactance, premier allégué), au milieu d'icelles et du costé de levant.. 132-134 L'autheur de ceste Défense par- le seulement de la Croix de latroisiesme manière, sçavoir, [de la Croix] en laquelle Jésus Christ endura 32 Faire la Croix au front pour dé- tester l'Antichrist 275-278 Par le signe de la Croix sont guéris malades et boiteux, et les aveugles 295, 296 Prohibition pour l'honneur de la Croix de n'en graver ou peindre en terre, ou en pierre ou en marbre qui soit mis en terre 151 La vraye Croix de Jésus Christ est venue à la notice des  hommes 58, 61 Honneur deu à la Croix et à sa vertu, quoy qu'il n'y eust rien en escrit d'icelle i3> 37 La Croix a esté marque hon- norable , de toute antiqui- té 128, 129, 147 La Croix est instrument de Dieu es œuvres miraculeuses 87 La Croix apparut sur le Mont de Calvaire 120 La confession de la Croix est la mort du prince du monde. . . 281 Croix mise devant les maisons des Chrestiens estoit marque et enseigne publique de Jésus Christ 130 La vraye Croix appartient à Jé- sus Christ comme relique, instrument de la Rédemp- tion 333 La vraye Croix représente la mort et Passion de Jésus Christ, preuve 73 La Croix représente Jésus Christ crucifié et la Passion d'iceluy, le Crucifix et sa foy 126-129 Quels moyens on tint pour re- cognoistre la Croix de Jésus Christ 73 Qu'on peut parler à la Croix, selon les Escritures 156 La Croix b nous laissée par Jésus Christ en mémoire de sa Passion 139 Tout ce qui se dit de la robbe de Jésus Christ se lit de sa Croix avec une esgalle asseu- rance 48-50 La Croix n'est pas faux prophè- te, c'est un signe sainct, signe du Christianisme 293 Comme la Croix est saluée, et si elle est invoquée en l'Eglise 154 Croix appellee par Justinien Em- pereur, la saincte Croix.... 151 La Croix est sanctifiée par l'at- touchement de Jésus Christ et autrement 4^ La Croix sanctifie les lieux où est quelque pièce d'icelle.. 88-90  388  Table des Matières  adorer mais  153  [66  167  71  Croix non pour pour souffrir • • • Le mot de croix n'est prins im- médiatement et principale- ment pour le supplice de la crucifixion La Croix a ses tiltres qui s'en- tendent selon le rang qu'elle tient entre les instrumens de la Passion et de nostre salut. Croix tourment et croix instru- ment de tourment Dieu a voulu que la Croix de son Fils fust trouvée, par tes- moignages de plusieurs graves autheurs Ancienne croix trouvée aux In- des, sur le sommet de laquelle il y avoit une colombe 108 Les Pères parlent bien souvent du tourment et crucifixion de Jésus Christ, mais ils parlent aussi souvent de la vertu et de l'honneur de la Croix sur laquelle ceste crucifixion a esté faicte La Croix, verge et sceptre de Jésus Christ Croix a une grande vertu et doit estre honnoree La vertu et honneur de la Croix prouvée ^9) La Croix, comme plusieurs au- tres choses, a une vertu assis- tante par laquelle Dieu fait des miracles, etc Saincte et admirable vertu de la Croix; mérite d'estre gran- dement honnoree La vertu de la Croix tesmoignee par les Anciens La Croix peut et doit estre en usage es choses sacrées La Croix demeure victorieuse. La Croix paroistra et sera pro- duicte devant le Roy, au jour du jugement, comme sceptre et verge de sa Majesté Les croix se font par le com- mandement de Dieu qui le suggère à l'Eglise, etc Les croix de Rome ne sont plus  sainctes que les autres 182 Croix dressées pour représenter le Crucifix "° Jésus Christ prend à nom Cru- cifié ou Crucifix 54-56 Différence entre tesmoigner que Jésus Christ a esté crucifié et dire qu'il s'appelle Crucifié. On ne crucifioit point les mal- faicteurs au temps de sainct Augustin  54  149  A Dieu seul, honneur et gloire. 5 Dieu se représente à nous en plusieurs sortes 7^ Le mot de Dieu signifie le sou- verain Estre et l'Infiny 165 Dieu tout-puissant est la pre- mière cause de toute perfec-  tion.  5  32 53 34 58 49 80  13Î 371  22  68  Dieu est tout-puissant, mais il n'est pas tout voulant Rien de bon, rien de sainct ne se fait que Dieu n'en soit autheur. Le Dimanche appelle le jour du Seigneur, parce qu'il est dé- dié à Dieu; appelle vénérable. Diacre doit avec une lancette faire un signe de la Croix sur le pain à consacrer M2 Diables fuirent pour la crainte qu'ils eurent voyans la Croix. Docteurs anciens de l'Eglise, Ignace, Origene, Chrysosto- me, Augustin et autres, in- coriparables tant en suffisance qu'en saincteté Dulie, entre les théologiens.  E  291  291 328  125  196  Eau beneiste, sa force et vertu avec le signe de la Croix L'Eglise ancienne, pure ... 107,  240 147  CONTENUES EN CE PRESENT ŒuVRE  389  L'Eglise Catholique , quelles marques elle a de son autho- rité, saincteté, etc 368 L'Eglise ne peut errer 196 Il faut croire à l'Eglise, ainsi que l'Escriture commande 193 Eglise ou chapelle portative dé- diée à l'honneur de la Croix, y a 1300 ans, appellee église de Saincte Croix, au camp de Constantin 150, 151 Il n'y a rien de meilleur et plus sage que l'Eglise 166 Empereurs chrestiens honno- royent la Croix 152 L'usage de l'encens en l'Eglise . 199 Ennemis de la Croix 107 Ephrata, région tres-fertile de laquelle Dieu est la fertilité, saluée par Paula 137 L'érection de la similitude de Tautel de la Loy ; et l'érection de la similitude de l'autel de la Croix practiquee de tout temps en l'Eglise 365, ^66 L'on ne void pas une croix éri- gée aux villes de Genève, Rochelle et autres sembla- bles 13c L'Escriture recommande l'Eglise. 193 Sainct Paul ne tient pas pour nul tout ce qui n'est pas en l'Escriture 41, 42 Choses qui ne sont pas néces- saires au salut peuvent estre bonnes et recevables sans Escriture [selon Chandieu]. . . 39 Les fidelles ont loiié la vertu de la Piscine, de l'ombre de sainct Pierre, des mouchoirs de sainct Paul, la robbe saincte de Jésus Christ, sans aucune authorité de l'Escriture. . 38, 39 Esdras changea les anciennes lettres des Hebrieux en celles que nous avons maintenant. . 263 Luthériens et Calvinistes ne sont d'accord pour le regard du Sainct Esprit 38 Estendarts et enseignes se fai- soyent jadis en forme de croix. 103 Evangelistes empistolez, quels. ^66  Eucharistie 216 En l'Eucharistie l'enseigne de la Croix nous y assiste 141 Diversité des excellences pour lesquelles l'on adore 327 Définition de ceste excellence. 327 L'exercice Catholique a tous- jours esté maintenu, à la bar- be de l'heresie, près de Ge- nève 27  Fidelles adoroyent la Croix , mais non le bois 106 Tous les fidelles du temps de Constantin le Grand faisoyent des croix de bois et les honno- royent 105, 106 Sans la figure de la Croix l'on ne peut rien faire 105 Figure de la Croix plus digne que tout honneur 149 Production des figures de l'An- cien Testament pour l'hon- neur et révérence de la Croix 102, 103 Figures de la Croix, quelles en l'Ancien Testament 194 Finesses du traicteur cousues à fil blanc 293 Forme de la Croix selon l'opi- nion de Beda et d'autres, et la commune opinion des Chres- tiens gy, (j8 Foy des Apostres et foy des Pères pour Ihonneur de la Croix 149 Foy Catholique semée au pais des Portugois 133  G  Plier et fleschir les genoux et faire les révérences n'est pas adorer 312, 313, 325  390  Table des Matières  Les Gentils consacroyent les images de leurs empereurs de- functs par la figure de la Croix 105 La gloire de Dieu se représente à nous en plusieurs sortes. ... 78  H  Haine extrême que portent les infidelles contre la Croix. . . . 204 Heleine inspirée d'aller à la recherche du sainct bois de la Croix 71 Heleine, niere de Constantin, trouva près de Jérusalem le tres-heureux bois de la Croix près du Sepulchre 72, 82 Heleine fit dresser un magnifi- que temple sur le mont de la Croix, dans la sacristie duquel estoit précieusement gardée une pièce de la Croix 88 Heleine adora le Roy et non le bois 127, 318 Plusieurs historiens payens ont imposé plusieurs sottises aux Chrestiens 117 De faire hommage à Dieu, façon différente 6 Honneur, que c'est 305-308 Honneur d'adoration 309 Plusieurs fois et façons les an- ciens Pères ont fait honneur et adoration au Messie futur. 339 Qualité de l'honneur à Dieu.. 13 Les Bien-heureux là haut et l'E- glise icy bas rendent honneur et gloire à Dieu seul 6, 7 Comme les religionnaires en- tendent l'honneur deu à Dieu. 7,8 L'honneur deu aux Bien-heureux ne peut estre que conscien- tieux et religieux ïi L'honneur absolu subalterne. 330, 337 L'honneur de la Croix... 255, 256 Donner aucun honneur [reli- gieux] aux créatures n'est ido- lâtrie 12  Honneur de la Croix et autres images est une tradition Apos- tolique 148 Les Anciens se donnoyent des pièces de la Croix les uns aux autres par honneur 92 L'honneur de la Croix n'est con- traire au commandement pre- mier du Decalogue, et briefve interprétation d'iceluy 352 Honneur de la Croix comme elle est maintenant 339 Entre honneur civil et conscien- tieux, distinction quelle, 8, 303 Les novateurs lèvent l'honneur civil à Dieu 8 On doit porter un honneur au- tre que civil à quelques créa- tures ; preuve par plusieurs exemples 9 Deux autres sortes d'honneur pour la Croix 344 Touthonneur se rapporte à Dieu. 337 L'honneur de Dieu n'abbat point celuy des créatures ains l'es- tablit 13 Honneur que l'antiquité rendoit à la Croix 340 L'honneur souverain et suprême est deu à Dieu 330 Honneur des personnes ecclé- siastiques 308 L'honneur tend du tout à l'hon- neste 306 L'honneur de Jésus Christ s'ap- pelle justement latrie 335 Honneur aux images, mais non de latrie 336 Honneur des images et de la Croix se rapporte à la bonté de Dieu 308 Honneur des choses insensibles. 307 L'honneur est le loyer de la vertu 308 L'honneur au magistrat 307 Qui n'est capable de l'honneur passif ne l'est aussi de l'actif. 307 Le parfaict honneur s'estend jus- ques aux moindres apparte- nances de celuy que l'on ayme. 57 L'honneur relatif ou rappprté. 330-338 Honneur deu aux Saincts, avec  CONTENUES EN CE PRESENT ŒuVRE  391  plusieurs exemples de l'Escri- ture 9, lo L'accroissement de la foy et de l'honneur de Jésus Christ fait croistre l'honneur et estime des Saincts, etc T4, 15 Honneur souverain et subalter- ne doit estre rendu à Dieu, mais en différente façon 11 L'honneur souverain doit estre porté à Dieu, mais non pas honneur subalterne 11 Honneur subalterne doit e§tre rapporté à Dieu 12 L'honneur de la Vierge Marie, des Saincts et de la Croix . . . 338 La différence d'honneur dépend de la volonté et intention. . . . 323 Honneur est une recognoissance et resolution de volonté 306 Façon de nommer les honneurs relatifs 333-336 Différence, d'où se prend, de la grandeur ou petitesse entre les honneurs relatifs, expli- quée par exemples 332 Qui peut honnorer ou estre honnoré 307 Les Anciens ont honnoré la Croix luy attribuant plusieurs noms honnorables. . 93, 163, 164 Manière impropre d'honnorerla Croix 350 Raisons pour lesquelles les Croix sont plustost honnorees que les lances, crèches et sepul- chres 205, 206 L'on peut honnorer religieuse- ment quelques créatures, et neantmoins donner tout hon- neur et gloire au seul Dieu. . 13 L'antiquité a honnoré Jésus Christ en la Croix 88 Pourquoy c'est que l'on honno- ré l'image de la Croix : pour deux raisons, etc 177, 178 Les Chrestiens ont honnoré le lieu où la Croix avoit esté plantée 91 Roys et souverains doyvent hon- norer les pasteurs et prélats. . 10 On peut honnorer les choses  absentes et passées 339 La Croix honnoree par pèleri- nages, par l'adoration solen- nelle que l'on faisoit en Jé- rusalem 90, 91 Honnorer les Saincts 319 Les Anglois à quelle considéra- tions honnorent le siège vuide de leur Reyne 350 Honte de la Croix de Jésus Christ, que c'est 249, 250 L'hymne Vexilla Régis prodeunt se rapporte à la façon d'ado- rer et considérer la Croix; com- posé par [Fortunatus] ancien Evesque [de Poitiers] 341 Autre hymne composé par For- tunatus, Evesque de Poictiers, parlant à la Croix 342  Vraye jalousie de Dieu .... 15, 16 Jalousie imaginée en Dieu par les novateurs, quelle; réfutée. 15 Jalousie touche principalement à l'amour . 15 La jalousie raisonnable requiert deux choses 16 Les schismatiques de nostre aage offensent la jalousie de Dieu en une des deux choses, et les payens en l'autre 17 Mais l'Eglise observe l'une et l'autre 17 Les habitans d'une certaine ville [du] Jappon, ayans apprins que la Croix servoit de grand remède contre les diables, fi- rent dresser des croix en pres- que toutes leurs maisons, avant mesme qu'ils fussent Chres- tiens 175 L'idolâtre dresse toutes ses ac- tions à l'idole, c'est cela qui le fait idolâtre 313 Idolâtrie a deux parties 356 L'idolâtrie est mauvaise en tou- te façon 196  392  Table des Matières  Avoir des images hors et outre l'Escriture n'est idolâtrie ny superstition 198 Imposture du traicteur sur le livre de sainct Athanase con- tre les idoles 65 L'image de sainct Claude appel- lee sainct Claude , et pour- quoy 33 197, var. (s) : bornée — après ce mot le Saint ajoute dans l'interligne les paroles suivantes, au tems de sa, sans achever la phrase. » 233, ligne II : es jour — lire : es jours. y> 305, indication ; ad. 3 — lire ; ad 3.  TABLE DES MATIERES  Préface v Avis au lecteur xlviii  Epître dédicatoire au Duc de Savoie i Avant-Propos 5  LIVRE PREMIER DE l'honneur et VERTU DE LA VRAYE CROIX Chapitre P'" — Du nom et mot de croix 31 Chap. II — Que la Croix a une grande vertu et doit estre honnoree. Preuve première : par ce que le traitteur confesse estre escrit d'icelle 34 Chap. III — Qu'il ne faudroit laisser d'honnorer la Croix et sa vertu, quoy qu'il n'y eust rien en escrit d'icelle : preuve seconde 37 Chap. IV — Preuve troisiesme de la vertu et honneur de la Croix : par un passage de l'Escriture outre ceux que le traitteur avoit allégués ... 44 Chap. V — Preuve quatriesme : par autres passages de l'Escriture 51 Chap. VI — Preuve cinquiesme : par le sousterrement et conservation de la Croix 58 Chap. VII — De l'invention de la Croix : preuve sixiesme. . 69 Chap. VIII — Que la Croix représente la Passion de Nostre Seigneur : preuve septiesme 75 Chap. IX — De la vertu de la Croix tesmoignee par les Anciens : preuve huitiesme 81 Chap. X — De l'honneur de la Croix tesmoigné par les Anciens : preuve neufviesme , 88  430  Table des Matières  LIVRE SECOND DE l'honneur et VERTU DE L'IMAGE DE LA CROIX Chap. P*" — De la façon de peindre la Croix 97 Chap. 11 — De l'antiquité des images de la Croix 102 Chap. III — De l'antiquité des images du Crucifix 1 10 Chap. IV — De l'apparition de l'image de la Croix a Cons- tantin le Grand et en autres occasions 116 Chap. V — Combien grand a esté jadis l'usage de la Croix, et comme elle représente le Crucifix et sa foy 126 Chap. VI — La Croix peut et doit estre en usage es choses sacrées 132 Chap. VII — La Croix a esté employée aux Sacremens et aux processions 137 Chap. VIII — La Croix a esté honnorable a toute l'antiquité 147 Chap. IX — Comme la Croix est saluée, et si elle est invo- quée en l'Eglise 154 Chap. X — Des tiltres et paroles honnorables que l'Eglise donne a la Croix 162 Chap. XI — L'image de la Croix est de grande vertu 172 Chap. XII — La Croix a tous-jours esté désirée, et du tes- moignage d'Arnobe 184 Chap. XIII — Combien l'on doit priser la Croix par la com- paraison d'icelle avec le Serpent d'airain. ... 192 Chap. XIV — De la punition de ceux qui ont injurié l'image de la Croix, et combien elle est haïe par les ennemis de Jésus Christ 202  LIVRE TROISIESME DE l'honneur et VERTU DU SIGNE DE LA CROIX Chap. P"" — Définition du signe de la Croix 209 Chap. II — Le signe de la Croix est line publique pro- fession de la foy Chrestienne /. . . 218 Chap. III — Du fréquent et divers usage du signe de la Croix en l'ancienne Eglise 223  Appendice 431 Chap. IV — Toutes cérémonies bonnes et légitimes peuvent estre employées a la bénédiction des choses 226 Chap. V — La Croix doit et peut estre employée a la bénédiction des choses, a l'exemple de l'Eglise ancienne 236 Chap. VI — La Croix est employée es consécrations et bénédictions sacramentelles 246 Chap. VII — Ray sons pour lesquelles on fait le signe de la Croix sur le front de ceux qu'on baptise, et en autres occasions 249 Chap. VIII — Autre [neuvième] rayson pour laquelle on fait le signe de la Croix au front, tirée du pro- phète Ezechiel 258 Chap. IX — Rayson dixiesme pour laquelle on fait la Croix au front, qui est pour détester l'An- téchrist 275 Chap. X — Force du signe de la Croix contre les diables et leurs effortz 281 Chap. XI — Force du signe de la Croix en autres occasions 295  LIVRE QUATRIESME DE LA QUALITÉ DE L'HONNEUR QU'ON DOIT A LA CROIX Chap. I*^'" — Accusation du traitteur contre les Catholiques 303 Chap. II — De l'honneur, que c'est ; a qui et pourquoy il appartient d'honnorer et d'estre honnoré. . . 305 Chap. III — De l'adoration ; que c'est 309 Chap. IV — De ce qui peut adorer et estre adoré 315 Chap. V — L'adoration se fait a Dieu et aux créatures. . 317 Chap. VI — La différence des honneurs ou adorations gist en l'action de la volonté 323 Chap. Vil — Première division des adorations : selon la différence des excellences 327 Chap. VIII — Autre division des adorations : selon la diffé- rence des manières avec laquelle les excel- lences sont participées 329 Chap. IX — D'où se prend la différence de la grandeur ou petitesse entre les honneurs relatifz, et de la façon de les nommer 332  185025  432 Table des Matières Chap. X — Resolution nécessaire d'une difficulté 337 Chap. XI — Deux façons d'iionnorer la Croix 339 Chap. XII — Deux autres sortes d'honneur pour la Croix. . 344 Chap. XIII — L'honneur de la Croix n'est contraire au com- mandement premier du Decalogue, et briefve interprétation d'iceluy 352 Chap. XIV — Confession de Calvin pour l'usage des images 361 Chap. XV. — Considération sur le texte allégué de Josué, et conclusion de tout cest Œuvre 364 Manuscrit du quatrième Livre 373  Ancienne table des matières 383  Glossaire des locutions et mots surannés 401 APPENDICE I — Les Placards ; la Thèse sur la Croix Premier Placard 405 Second Placard 407 Thèse sur la Croix 409 II — Lettre du libraire Roussin à saint François de Sales. . . 411 III — Pièces préliminaires de la i''® Edition Conformité de la très saincte adoration de la Croix 412 Anagramme sur les mots François de sales 418 D. Francisco de Sales 42 1 Author ad Lectorem 421 Ejusdem Authoris Protestatio 421 Ad Populum Christianum 421 Carmen in Commendationem operis 422 Sonnet contre les Hérétiques 423 Sonnet à la Croix 423 Approbations 424 IV — Liste des livres prohibés dont l'usage était permis à saint François de Sales 425 Errata 428  1  BX 1750 .F7 1892 v.2 SMC Francis, Oeuvres de saint François de Sale$, eveque de Genève et d Edition complète d'après les autographes et les éditions oriqinales enrichie de nomhr