• m 0-  ŒUVRES  DE  a- SAINT FRANÇOIS DE SALES  EVEaUE ET PRINCE DE GENEVE  ET  DOCTEUR DE L EGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'après les autographes et les éditions originales enrichie de nombreuses pieces inedites DÉDIÉE A SA SAINTETÉ LÉON XIII ET HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE M^'^ l'ÉVÊQUE d'aNNEGY PAR LES SOINS DE RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU I^^ MONASTERE Tj ANNECY  TOME XVIII LETTRES ~ VOLUME VIII  LIBRAIRIE CATHOLIQUE EMMANUEL VITTE  LYON 5, Place Bellecour, 3  PARIS 14, Rue de l'Abbaye, 14  ANNECY, IMPRIMEPvlE J. ABRY M G M X I I  Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa  http://www.archive.org/details/oeuvresdesaintfr18fran  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES  ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE  DOCTEUR DE L'ÉGLISE  TOME DIX-HUITIÈME  LETTRES  VII r' VOLUME  161 7 - i6i9  Propriété  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES ÉVÊaUE ET PRINCE DE GENÈVE  ET  DOCTEUR DE L EGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'après les AUTOGRAPHES ET LES ÉDITIONS ORIGINALES ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INEDITES DEDIEE A SA SAINTETÉ LEON XIII ET HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE M^"^ l'ÉVÊQUE d'aNNECY PAR LES SOINS DE RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU I^^ MONASTÈRE D'aNNEGY  TOME XVIII LETTRES — VOLUME VIII  LIBRAIRIE CATHOLIQUE EMMANUEL VITTE  LYON 3, Place Bellecour. 3  PARIS 14, Rue de l'Abbaye, 14  ANNECY, IMPRIMERIE J. ABRY MCMXII  AVANT-PROPOS  Une nouvelle série de deux cent trente-deux Lettres et fragments s'offre aujourd'hui aux admirateurs de saint François de Sales (0; elle retrace vingt-sept mois de cette vie féconde qui maintenant semble emprunter quelque chose des beautés sereines du couchant, sans perdre l'éclat rayonnant du plein midi. Dès les premières pages, presque aussitôt après la vigueur tout apostolique du début, par un contraste saisissant, le cœur du Saint se montre à nous, sensible, profond, tendre à Texcès, dans la douloureuse et tou- chante histoire de ses deuils. Il avait un frère, gentilhomme accompli, vaillant guerrier, âme noble et attirante, « aymable a chacun (2) » et honoré des princes. Une fièvre pestilentielle l'emporte en quelques jours, loin des siens, loin de sa femme, la délicieuse Marie-Aimée de Chantai, et celle-ci, après avoir lutté en vain contre sa souffrance, succombe elle- même au bout de trois mois. Déjà nous avons vu pleurer l'Evêque de Genève près de cercueils aimés ; on se souvient de ses accents émus sur Jeanne de Sales et M'"' de Boisy ; mais cette fois, le glaive ^pénètre plus avant, l'âme laisse échapper des mots qui révèlent la profondeur de la plaie, et la blessure saignante est plus longue à se cicatriser. C'est qu'il aimait « incroyablement (3) » le baron et la baronne de' Thorens dont naguère il bénissait l'union providentielle, (i) Outre plusieurs fragments et la plupart des pièces de l'Appendice qui paraissent ici pour la première fois, ce volume contient trente-trois Lettres inédites. (2) Page 15. (3) Page 18.  VI Lettres de saint François de Sales après avoir souri avec une tendresse de père et de frère aux premiers élans de leurs deux cœurs. Au reste, Bernard, c'était l'honneur de la famille, il promettait d'être une de ses gloires, tandis que par ses qualités morales il en faisait le charme. Marie-Aimée, la dame parfaite^ comme autrefois la baronne de Chantai, lui ressemblant encore dans son brusque veuvage, marchait si rapidement sur ses pas vers la perfection, qu'on « pouvoit espérer que dans peu de tems elle seroit une (( autre nostre Mere(ï). » Et tous deux, enlevés au mi- lieu du bonheur le plus pur, des espérances les plus riantes et les plus belles ; si unis dans la vie qu'il ne se peut même que la mort les sépare ! — On comprend la douleur de l'Evèque, doublée de celle, non moins vive, de la Mère de Chantai ; et volontiers l'on pleure avec lui sur tant de promesses d'avenir évanouies, sur ces exis- tences charmantes, disparues comme les fleurs dont parle le Psalmiste : brillantes au matin, et le soir languissantes et flétries. Mais, avec lui aussi, peut-on s'empêcher de bénir la bonté de Dieu qui retire le jeune chevalier d'une profession où se rencontrent « en ce misérable aagel^) » tant d'occasions de pécher, pour le « recueillir... entre ses (( esleus(3), » le fait mourir « saint entre les soldatz, » et donne aTussi à « sa chère espouse... unique fille » du bien- heureux Prélat (4), la fin « la plus sainte, la plus suave « et la plus aymable qu'il est possible de s'imaginer(5) » ? D'autres départs pour l'éternité vont se succéder ; les amis de François de Sales se suivront « sans intermission » dans la tombe (^), et il pourra écrire tristement (7) : « Toute cett'annee j'ay vescu parmi les mortz. » En ces circonstances, l'Evêque de Genève nous appa- raît « tant homme que rien plus (^), » pour employer (i) Page 76. {2) Page 20. (3) Page 17- (4) Page III. (5) Page 75. (6) Page 21. (7) Lettre mccclxv, p. 103. (8) Lettre à la baronne de Chantai, 2 novembre 1607, tome XIII, p. 330.  Avant-Propos vu Tune de ses expressions, avec un cœur de chair et des affections puissantes. Loin de lui le stoïcisme des philo- sophes, la honte des larmes et le silence affecté. Il sait, lui, que rien ne doit être étouffé de ce que Dieu a mis dans sa créature, il sait que son Maître, le Christ, a pris un cœur d'homme et en a sanctifié tous les sentiments. Et il pleure comme Jésus pleura sur Lazare ; et il dit sa douleur à ses parents, à ses Filles, à ceux qui lui font (( rhonneur de » lui « vouloir du bien(0. » La souffrance ne resserre pas les grandes âmes, ne les replie pas sur elles-mêmes; tout au contraire, l'épée sanglante ouvre leur cœur, semble-t-il, pour que cha- cun puisse y venir puiser des trésors de dévouement, de bonté et d'amour. — Tournons ces pages trempées de larmes : voici les noms de la Bellot, u cette chetifve « fille (2) » dont les rechutes, la noire ingratitude, n'ont pu lasser la patience du miséricordieux Prélat; de Crespin, encore plus infortuné que coupable (3) ; de la « fille de « Bons..., pauvre ame » à retirer « duhazard(4); « de TAbbesse du Puits-d'Orbe qu'il faut supporter « emmi » ses « enfances (3), » et d'autres malheureux vers les- quels se penche avec tendresse le compatissant Evêque qui a toujours devant les yeux « saint Pierre, prince des (t pœnitens,... si doux aux pécheurs après quil ne le fut « plus (6). » Et voilà l'homme à qui l'on a donné pour disciple, pour imitateur et continuateur le sombre et dur Jean Duvergier de Hauranne ! Vraiment, l'opposition ne pourrait être plus totale et plus frappante entre un père et un fils. François de Sales et Saint-Cyran, ce sont les deux antipodes. L'un, travaillant à développer et sanc- tifier, en lui et dans les autres, tout germe bon déposé par le Créateur, l'autre ne cherchant qu'à détruire ; l'un faisant de la nature purifiée de ses vices le support, le (i) Page 74. (2) Page 33. { 3) Voir Lettres mcccxxix, mcccxxx, et note (i), p. 56. (4) Pages 48 et 36. (5) Page 48. (6) Page 33.  VIII Lettres de saint François de Sales point d'appui de l'édifice surnaturel, Tautre dont le rêve fondamental fut toujours la contre-nature; l'un formant des libres, enfants d amour qui vont à leur Père en pas- sant joyeusement par dessus tout obstacle, Vautre ne façonnant que des esclaves frémissant de crainte devant un maître cruel, dont ils pensent apaiser le courroux en tuant en eux tout ce qu'il y a mis de vivant. Le second ne veut voir en Dieu que le juge sévère; le premier inter- roge « le cœur de Nostre Seigneur, » pour y trouver dans (( le divin amour » l'origine de toutes choses, même des afflictions les plus dures ; et, sans s'en douter, il exprime d'un mot l'abîme qui sépare leurs doctrines : <( C'est bien « fait de jetter nostre pensée sur la justice qui nous punit, « mais c'est mieux fait encor de bénir la miséricorde qui « nous exerce (0. » Mais pourquoi le nom de Saint-Cyran est-il venu sous notre plume? C'est que, vers la fin du volume, nous entrevoyons la silhouette lointaine de ce mauvais génie de Port-Royal, au moment où la Mère Angélique Ar- nauld entre en scène au milieu des âmes qui, avides de perfection, de lumière et d'obéissance, se jettent aux pieds de l'Evêque de Genève. Quatre lettres seulement à la nouvelle Philothée sont données ici ; il faut attendre celles qui suivront pour étudier à fond cette direction où éclate le mérite sans pair du Maître de la vie spirituelle, et pour pénétrer dans les replis d'un cœur fait pour de grandes choses assurément, riche en ressources de sain- teté, et, plus que nul autre peut-être, réclamant une main ferme qui le maîtrise, un jugement sûr qui le guide, entre les extrêmes où l'entraîne sa pente, par le chemin d'une « douce, paysible et forte humilité! 2). » Il suffit à cette heure de signaler le début de cette impor- tante correspondance, et d'incliner le lecteur à commen- cer sans retard le parallèle entre les deux hommes qui se succédèrent dans la conduite de la célèbre Abbesse. Comment François de Sales l'avait-il connue ? En (i) Lettre mccclxxi, p. 114. (2) Page 399.  Avant-Propos ix 1618, à la suite du Cardinal de Savoie, TEvêque de Genève rentrait à Paris qu'il avait quitté en 1602, simple coadjuteur de M"' de Granier. La face des choses avait bien changé depuis cette époque. Sous le poignard de Ravaillac étaient tombés les desseins du grand Henri et la paix du royaume. Le nouveau Roi, presque un enfant encore, voyait les princes se révolter ; sa mère, après une régence orageuse, relâchait difficilement son auto- rité, tandis que celle des favoris excitait d'universelles colères. A peine trouve-t-on, dans la correspondance du Saint, de discrètes allusions à ces événements. Sa péné- tration n'est pas en défaut sans doute, non plus que son intérêt affectueux pour notre patrie ; mais, homme de Dieu avant tout, ces questions ne paraissent pas de son ressort ; on dirait qu'il se fait un point d'honneur de sa délicatesse et de son silence. En fait de politique, il s'occupe uniquement de Taffaire pour laquelle il est venu, et dont son souverain l'a chargé. Charles-Emma- nuel, en effet, si longtemps et injustement méfiant à son égard , avait enfin reconnu que la loyauté et le dé- vouement, chez l'Evêque de Genève, ne le cédaient ni à la vertu ni au talent de gagner les hommes. Aussi son- gea-t-il à utiliser l'influence que le Prélat avait, malgré Téloignement, gardée à la cour de France; et son fils Maurice se présenta devant Louis XIII entouré des trois hommes les plus remarquables de ses Etats : le grand jurisconsulte Antoine Favre , l'habile diplomate Phi- libert-Gérard Scaglia, et le saint et savant François de Sales. La mission était importante — il s'agissait d'une alliance, la vingtième, entre l'ancienne Maison de Savoie et la royale Maison de France — ; elle fut con- duite avec bonheur par les ambassadeurs, et l'Evêque eut sa part bien marquée dans le succès. On peut suivre, dans les Lettres de ce volume, l'intéressant récit du voyage du Prince-Cardinal et de sa négociation. Départ précipité après des remises sans fin, pompeuses récep- tions dans les principales villes, agréable navigation sur la Loire, entrée solennelle à Paris, telle qu'il ne s'en est  X Lettres de saint François de Sales pas vue « de mémoire d'homme (0; » puis, c'est le por- trait physique et moral de la future princesse de Piémont, plusieurs fois tracée et résumé par ce mot : « C'est la « plus brave Princesse quil est possible de voir (2) ; » enfin, vient l'heureuse conclusion du mariage de Victor- Amédée de Savoie et de Christine de France, et Taimable écrivain n'oublie même pas l'histoire du cartel, digne de rage d'or de la chevalerie, qu'il ne sait <( pas trop bien, » mais qu'il nous raconte avec beaucoup de grâce (3). L'ambassadeur s'est donné tout entier à sa mission ; lorsqu'elle est terminée, l'Evèque songe à retourner dans son diocèse, où il a son « devoir » et ses « chères brebis (4).» Respectueusement, il le rappelle au Prince de Piémont ; mais Victor-Amédée n'avait garde de laisser repartir comme un serviteur ordinaire celui à qui il devait tant, et qu'il voulait placer auprès de Son Altesse Christine en qualité de grand Aumônier. François de Sales, atten- dant les princes, demeura donc à Paris. Si les changements politiques de la capitale Font laissé en apparence indifférent, par contre, la transfor- mation religieuse le frappe dès Tabord. « J'ai trouvé à (( Paris un tel accroissement de piété que c'est mer- ce veille, » écrit-il presque aussitôt son arrivée (5) ; et un peu plus tard (6) : « Il ne se peut dire... combien on voit « d'exemples de pieté icy, mesme au milieu de la cour. » Etait-il donc si étranger à ce mouvement ? La pensée ne lui vint pas, sans doute, que la semence jetée par lui, seize ans auparavant, avait germé dans les âmes, et que ses livres de V Introduction a la Vie dévote et du Traitté de V Amour de Dieu avaient silencieusement, mais efficacement, continué son œuvre. Et pourtant, il fallait bien que chacun le comprît et le reconnût, puis- que, dès la première heure, tous, « serviteurs et servantes (( de Nostre Seigneur, » dont le nombre et la confiance (1) Page 308. (2) Lettre MDiii, p, 347. (3) Ibid. (4) Page 319. (5) Lettre italienne à Dona Ginevra Scaglia, p. 310. (6) Lettre mcdxci, p. 319.  Avant-Propos xi étonnent son humilité (O, accourent à lui, et ne lui lais- seront plus un monnent de repos jusqu'au départ. Il y avait cependant à cette époque des hommes éminents en science et en piété, renommés pour leur talent de direc- teurs. N'importe ! les premiers, ils viennent à TEvêque de Genève comme à leur maître, et tel d'entre eux dé- clarait en avoir plus appris en quelques heures d'entre- tien avec ce saint Prélat que dans de longues études. C'était un maître, en effet, et nul ne l'égalait dans l'art de manier les âmes, de les conduire vers un but unique par des routes adaptées à leur situation, à leur tempérament, à leur caractère ; d'obtenir d'elles une obéissance qui n'était pas une servitude ; de briser leur amour-propre, sans jamais briser leur élan ni blesser leur cœur. Aux filles spirituelles que nous lui connais- sons déjà, et dont plusieurs sont, dans ce volume, des- tinataires de lettres remarquables : M""" de Granieu, de Veyssilieu, Le Blanc, pour ne citer que celles-là, se joi- gnent les femmes de la haute société parisienne. Aujour- d'hui, François de Sales leur donne ses conseils, les pousse dans le chemin de la dévotion où les a introduites la Philothée ; demain, elles seront les auxiliaires de Vincent de Paul dans les œuvres magnifiques qui vont s'épanouir. Elles apprennent de l'Evêque de Genève qu'il faut être « les servantes des pauvres (*), » et, guidées par un homme suscité de Dieu pour ce service royal, elles sauront forcer l'admiration du monde. Les bases se posent maintenant, l'édifice va s'élever bientôt, et la mission de l'Evêque prépare celle de l'humble Prêtre. Dans l'histoire de l'humanité, comme dans celle de cha- que âme, un événement a sa cause dans un événement précédent, et rien n'est intéressant et profitable comme de suivre la marche de la Providence et d'étudier la genèse de ses grandes œuvres. François de Sales, du reste, ne travaille pas seulement la société par ses enseignements et par ses prédications (i) Voir Lettre mdxix, p. 378. (2) Introduction a la Vie dévote, Partie III, chap. xv.  XII Lettres de saint François de Sales — elles furent incessantes pendant ses onze mois de séjour en France — ; n'oublions pas qu'il est le fon- dateur d'un Ordre qui aura sa part, l'histoire nous le dit, dans le renouvellement de la vie monastique et, en général, du sentiment religieux au plus intime de la société fran- çaise du xvir siècle. Et voilà que, dans les plans divins, l'une des raisons du voyage à Paris est l'établissement, au sein même de la capitale, d'une Maison de la Visitation. Un grand pas venait d'être fait pour l'Institut nouveau. Le Bref de Paul V le transformant en Ordre religieux avait été donné le 23 avril i6i8(0, et l'Evèque le fulminait au premier Monastère d'Annecy avant de partir pour la France. Quelques jours après, la Mère de Chantai, reve- nue depuis cinq mois de la fondation de Grenoble, s'éloigne à son tour de la Savoie, se dirigeant sur Bour- ges, où elle jette les fondements d'un Monastère; là, elle attend le signe du Saint pour aller vaillamment souffrir les contradictions, les difficultés de toutes sortes, la pauvreté, dans la première ville de France. Son renom même était un obstacle. On craignait qu'elle n'en- levât (( la vogue .aux autres Maysons religieuses, » et « que, quand on auroit veu cette madame de Chantai, il « n'y auroit plus que pour ellel^). » Le bon Saint écrit cela avec un sourire, mais avec quelque tristesse aussi de voir dominer toujours la prudence humaine jusque dans le cœur des plus parfaits. Il la connaissait si peu lui-même ! il aimait tant les coups hardis, lorsque « Dieu (( requiert que l'on » les « fasse » , et les affaires entreprises « sous la seule Providence » divine (3). Mais il faut le dire, chacun n'a pas comme lui, pour triompher des hommes et des choses, le talent — s'ajou- tant à sa surnaturelle confiance — de demeurer toujours « au fin point de la modération (4), » de trouver ce juste milieu où, suivant les anciens, réside la vertu. Il s'en ( I ) Voir ce Bref à TAppendice I, p. 423. (2) Page 359. (3) Page 365. (4) Page 379.  Avant-Propos xiii servit merveilleusement dans la circonstance, et la Visi- tation s'établit à Paris. Les charmants petits billets du Fondateur à sa sainte coopératrice nous initient à ces commencements pénibles, aux démarches que l'Evêque fait pour ses Filles, sans jamais se rendre importun ni exigeant. Les nouvelles venues n'eurent-elles pas même à endurer la faim ? Ver- tueuses et discrètes comme leur Père, elles lui laissèrent en partie ignorer leur détresse. Et pourtant, il n'aurait eu qu'un mot à dire : grands seigneurs et grandes dames auraient largement pourvu à toutes les disettes, trop heureux de lui témoigner ainsi leur estime. Mais non; là, de même qu'à Annecy, il ne prétend dresser à ses chères (( avettes... qu'une petite ruche médiocre, » sachant bien qu'elles ne se soucieront point de son « embellissement, » mais seulement « de cueillir » leur « miel (0, » et que, (( pèlerines » en route pour « leur cité permanente, » elles ne se mettront pas en peine des incommodités du logis où elles doivent passer « la nuit de cette petite « vie (2). » Et pourquoi voudrait-il pour ses Filles ce qu'il dédai- gne pour lui-même ? Les splendeurs de la cour le laissent insensible ; dans la capitale, il a presque la nostalgie de ses montagnes, et son cœur « se plairoit grandement « d'estre parmi » les a petitesses » de la Savoie (3). Ce n'est pas qu'il soit dépaysé dans ce nouveau milieu. Il recon- naît que la France est la terre de « la franche et générale « courtoysie (4) » et qu'il faut y « estre grandement en res- (( pect (5). » Mais lui, n'est-il pas le gentilhomme consom- mé, auquel son habitudedu monde, sa parfaite éducation, sa vertu donnent une suprême aisance en face des grands_, des têtes couronnées ? Il a du courtisan l'exquise poli- tesse et souvent les mots heureux, quoique exempts de flatterie, sans en avoir jamais la servilité, même quand  (1) Page 7. (2) Page 313. (3) Page 319. (4) Page 316. (5) Page 374.  XIV Lettres de saint François de Sales il est solliciteur. Veut-on voir comme il excelle à de- mander protection sans déroger ? Qu'on lise sa lettre à un gentilhomme de la cour de Rome en faveur des Chanoines de sa cathédrale (0. Mais ce Prélat qui ne le cède en rien à ceux des rangs les plus illustres, quand il s'agit de traiter avec la haute société et d'approcher du trône, reste toujours le Père tendre, charitable, compatissant aux petites gens, pour lesquels son cœur a des attraits particuliers. Si Paris le lasse, — Paris où l'insatiable ambition fait tourner les têtes, où « tout est recherché » avec tant d'ardeur qu'on croirait « que le monde va finir, car tous ont peur qu'il ne « leur manque (2), » — ne serait-ce pas aussi parce qu'il a hâte de se retrouver au milieu du menu peuple de sa ville épiscopale, de ces indigents qu'il connaît par leur nom, dont il a pesé les besoins aux balances de sa maigre richesse ; auxquels, avant de partir, il assure des secours pour qu'ils ne souffrent point de son absence (3)? Que de fois, à travers ces pages nouvelles, nous rencon- trons le saint Evèque s'inclinant, non plus seulement vers les misères morales, mais vers toutes les nécessités matérielles : habitants de la vallée d'Aulps accablés d'un désastre, malheureux prisonniers, converti abandonné des siens et sans ressources, etc. Près de tous, il passe, comme son Maître, en faisant le bien. Quelle belle âme ! Une fois de plus, dans le miroir si limpide de ses écrits, elle nous apparaît noble, pure, atta- chante, pétrie d'amour de Dieu et du prochain. L'Evêque de Genève, écrivant ses Lettres, nous fait songer à ces grands peintres qui ont laissé d'eux-mêmes des portraits immortels, la gloire de nos musées. A son insu, sans y prétendre, sa correspondance continue d'être, dans ce volume comme dans les précédents, son histoire la plus vraie, la plus fidèle, la gloire de la littérature française. Oui, car si nous pouvons dire : quelle belle âme ! ajoutons ( I ) Lettre mcdlxxvi, (2) Page 352. (3) Voir le billet à M. Michel Favre, son aumônier, i6 octobre 1618.  Avant-Propos xv sans hésiter : quelle belle langue ! A mesure qu'on l'étudié, on n'est plus surpris de l'ardeur avec laquelle Ozanam, soutenant sa thèse de doctorat en Sorbonne, revendiquait pour François de Sales une place de choix parmi les fondateurs de la langue française. La richesse, la grâce, la limpidité, la note populaire sans bassesse, le goût de terroir, la bonne humeur, le piquant des saillies heureuses, quoi de plus français que cet ensemble de qua- lités? On les retrouve à chaque page, et avec un à-propos tel, qu'on oublie l'écriture pour retrouver la voix : on ne le lit plus, on croit l'entendre. Trop longtemps, peut-être, nous avons retenu le lec- teur ; qu'il savoure maintenant ce langage d'un écrivain qui, sans prendre « garde a bien bastir » ses « lettres, » sans chercher « les beaux aedifices (0, » produisait d'impérissables chefs-d'œuvre ; qu'il pénètre dans cette âme toujours vivante, et écoute ses pensées qui gardent, après trois cents ans, la même vigueur, la même fraî- cheur qu'au moment où elles jaillirent du cœur du grand Evêque. Les Éditeurs.  Annecy, 21 novembre 19 12, Fête de la Présentation de la Très Sainte Vierge. ( I ) Page 400.  AVIS AU LECTEUR  Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été revues sur les originaux. La provenance indiquée à la fin de chaque pièce, est celle qui nous était connue au moment où elle nous a été communiquée. Lorsqu'un Autographe provient d'une Communauté française exilée ou dispersée, nous donnons l'ancienne adresse de celle-ci. Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d' Autographes ou de copies authentiques, on a dû emprunter le texte à des publications antérieures. Voir à la fin de ce volume la Table de correspondance, et V Avant-Propos du tome XI, pp. xxv-xxvij. Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui pré- cédent chaque pièce ; l'une et Vautre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original, ou quelles sont authentiques, quoique fournies par les textes imprimés. Les points remplaçant quelque énumération de la date indiquent que cette partie de la date est donnée, mais fautivemeyii, par l'édition à laquelle notre texte est emprunté. Quand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument sûre, elle est insérée entre [ ] . Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le texte. Les divergences qui existent entre quelques minutes et le texte définitif sont données au bas des pages. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précèdent immédiatement au texte ; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi . Les pas- sages biffés dans les Autographes sont enchâssés entre fJ . Des points placés au commencement ou à la fin des lettres indiquent un texte incomplet. Quand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois. A la suite du Glossaire se trouve un Index, dans lequel il a été jugé à propos de fondre les noms des destinataires avec les titres des principales notes historiques et biographiques. Toutes les notes concernant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époque ; elles sont désignées par les deux initiales R. E. Sauf indication contraire, tous les renseignements relatifs à la noblesse savoisienne sont empruntés au monumental ouvrage du Comte Amédée de Foras, si dignement continué par le Comte de Mareschal de Luciane : Armoriai et Nobiliaire de l'ancien Duché de Savoie.  LETTRES DE SAINT FRANÇOIS DE SALES  ANNEE 1617 (Suite)  MCCCVIII A M. ETIENNE DUNANT, CURÉ DE GEX (0 Zèle du Saint pour la discipline ecclésiastique. — Il soutient avec fermeté ses droits d'Evêque dans toute l'étendue de son diocèse, et impose sa volonté pour la gloire de Dieu et l'honneur de l'Eglise. Annecy, ii mai 1617. Monsieur, Je ne retarde d'aller a Gex que pour y aller plus a propos (2). Mays en attendant, je vous prie d'advertir tous nos ecclésiastiques de delà de faire retirer promp- tement les femmes quilz ont peut estre en leurs maysons. Et je dis peut estre, parce que je sçai que nul n'en avoit ci devant sinon M. Jaquin (3), auquel j'en ay parlé, et ( I ) Voir tome XIV, note ( i ), p. 63. (2) Ce voyage, retardé plusieurs fois pour diverses raisons, n'eut lieu qu'au mois de juillet. (Voir ci-après, Lettres mcccxiv, mcccxix.) (3) Originaire de Gex, Claude Jacquin avait été ordonné diacre le 17 septembre 1611. Deux ans après, il était, comme sacristain, chargé d'aider M. Dunant, à la fois titulaire et économe de la cure de Gex. Celle de Chevry lui fut aussi confiée ; mais tous les habitants de cette paroisse étaient hugue- nots, et jamais M. Jacquin n'y fit aucun exercice du culte catholique. Le 16 février 1619, il devint curé de Grilly, tout en gardant le titre d' « œconome des biens ecclésiastiques du bailliage de Gex, » que M. Dunant lui avait laissé. Il mourut en 1622. (R. E.) Lettres VIll 1  2 Lettres de saint François de Sales m'asseure quil y aura mis ordre. Que sil ne Ta pas fait il a tort, car il sçait bien ce que je luy- en ay dit. Ni ne veux pas croire quil soit si outrecuidé de dire, comme quelques uns, qu'il est en l'Eglise gallicane en laquelle les prestres sont privilégiés; car je pense qu'il sçait que rp^glise gallicane est un membre de l'Eglise universelle, et que les anciens canons des Conciles y sont receuz, et que les Evesques ne sont pas moins Evesques en France qu'ailleurs, et, qu'en particulier, je ne suis rien moins delà le Rosne que deçà, ains j'affectionne d'esta- blir la discipline ecclésiastique de delà, et sur tout a Gex, avec plus de soin que de deçà, par ce qu'icy les adver- saires de l'Eglise sont moins puissans et moins praesens. Mays, de tout ceci, communiques en avec le P. Com- missaire (0 qui est, je m'asseure, maintenant vers vous, affin quil fortifie mon intention de ses remonstrances, sil y escheoit. Or, mon intention est que nul prœstre n'ayt en sa mayson aucune femme qui y habite, sinon les mères, bellemeres, seurs, belleseurs, tante (c'est a dire seur du père ou de la mère) et nièce, fille de frère Canon, m. OU de seur, selon l'ordre porté par le Concile de Nicee *. Et ce soit asses dit quant a ce point, auquel je veux estre obéi absolument, sachant combien il importe a Ihonneur de l'Eglise. Toutefois, si ledit M. Jaquin n'avoit pas obtempéré et quil demandast quelques quinze jours de delay, vous le luy pourres donner. Je dis de mesme de la distribution des saintes Huiles, en quoy tous nos confrères doivent suivre l'ordre mis au Sinode (-). Il n'est pas expédient pour encor que M. Ja- quin aille faire résidence; car, comme pourroit il faire ( I ) Le P. François de Chambéry, Capucin (voir tomes XI, note ( i ), p. 179, et XVI, note (2), p. 220). (2) A moins de raisons majeures, François de Sales, selon l'ordonnance de Ms"" de Granier, son prédécesseur, réunissait le synode diocésain le mercredi qui suit le deuxième dimanche après Pâques. Celui de 1617 dut donc avoir lieu le 12 avril, jour où tombait ce mercredi. Trente-et-un statuts furent pro- mulgués dans cette assemblée : le neuvième regarde la distribution des saintes Huiles, en désigne les officiers et en règle le temps et la manière; le onzième ordonne aux ecclésiastiques, sous peine d'excommunication, de congédier les femmes qu'ils tiendraient dans leurs maisons, si elles n'ont le degré de parenté indiqué dans la présente lettre du Saint.  Année 1617 .3 commodément la charge de Toeconome que vous luy aves remise ? 11 a promis de faire reparer la mayson presbi- terale de sa cure (0 et accommoder les choses requises a l'exercice, ce qu'attendant il pourra bien suppléer. Le P. Commissaire estant la, je m'asseure, employera sa pru- dence a discerner ce qui sera expédient, afiin que, quand j'y iray avec luy, nous puissions trancher nettement et ordonner a chacun son office et ce quil devra faire. Atant, me recommandant a vos bonnes grâces et priè- res et saluant humblement le P. Commissaire avec tous les Pères (2) et nos confrères M" les curés, je demeure, Monsieur, Vostre très humble confrère, Francs E. de Genève. XI may 161 7, Annessi. Monsieur Monsieur du Nant, Curé de Gex. Revu sur l'Autographe appartenant à M""* la comtesse d'Asnières de Sales, à Metz (Annecy). ( I ) La cure de Chevry (voir ci-dessus, note (5), p. i). (2) Les Pères Capucins du bailliage de Gex.  MCCCIX A MADAME DE LA VALBONNE (0 Double renoncement. — Délicate charité de François de Sales à l'égard de ceux qui n'approuvent pas ses avis. — Quand la perte des Communions n'est pas dommageable à l'âme. Annecy, 15 mai 1617. (2) Il n'y a remède, ma chère Fille : nous avons renoncé aux consolations mondaines, et, non contens de cela, ( I ) Andrée de NicoUe de Crescherel, femme de René Favre de la Valbonne. (Voir tome XV, note ( i ), p. 216.) (2) L'Autographe conservé autrefois à Bourges comprenait seulement le texte reproduit ici, qui paraît former un tout complet; les éditeurs de 1626 et ceux qui les ont suivis le donnent enchâssé dans un autre auquel une étude sérieuse reconnaît une date différente. Nous renvoyons ce dernier à la fin de Tannée 1617.  4 Lettres de saint François de Sales encor nous faut il renoncer aux spirituelles, puisque telle est la volonté de Celuy pour lequel nous devons vivre et mourir. Pensés si nostre Mère ( ^ ) eust fait une grande feste de vous voir a la Visitation, et si vostre consolation m'en eust donné une excellente. Mais puisque le mary ni le confesseur ne l'ont pas treuvé bon (2), il faut demeurer en paix, comme aussi aux retranchemens des Commu- nions. Je ne sçai leurs motifs en cela, et ne les sachant pas, il ne faut pas que j'en die autre chose. Hz ne sçavent peut estre pas aussi les miens, et c'est pourquoy ilz ne les jugent pas dignes d'estre suivis. En cela, chacun a son goust particulier; mais pour vous, je vous asseure bien que vous ne perdres rien, car ce que vous ne gai- gneres pas en la suavité de la Communion, vous le treuveres en l'humilité de vostre sousmission, si vous acquiesces simplement a leurs volontés. Mays de cette crainte qu'on vous donne que vos fré- quentes Communions vous pourroyent tourner a mal, je pense que vous ne vous en deves point mettre en peine, et qu'on ne vous a pas dit cela par discernement de Testât de vostre cœur, mays pour vous mortifier, ou peut estre simplement par manière de desfaite, comme quelquefois il arrive aux personnes mesme fort sages de ne peser pas bien toutes choses. Quand madame la Présidente viendra (3), au moins alhors nous verrons-nous ; et ce pendant, vives toute humble, toute douce, toute passionnée de l'amour sacré de l'Espoux céleste. Je suis en luy, ma très chère Fille^ tout parfaitement vostre. • D'Annessi, le 15 may 161 7. ( i) Lorsque le Saint emploie cette expression, il s'agit toujours de la Mère de Chantai ; nous croyons superflu de le rappeler chaque fois au lecteur. (2) Au mois de janvier, M"^^ de la Valbonne avait déjà fait une tentative infructueuse pour obtenir l'autorisation d'un voyage à Annecy (voir le tome précédent, p. )}6); elle dut revenir à la charge au printemps, sans avoir plus de succès. Il semble que, par les présentes lignes, le Saint réponde à ses regrets et à ses plaintes. (3) Philiberte Martin de la Perouse, femme du président Favre et belle- mère de la destinataire. (Voir tome XIV, note ( i ), p. 372.)  Année 1617 5 MCCCX A M. PHILIPPE DE QUOEX (0 Amour maternel que doivent avoir les ministres de Dieu pour les âmes. — Aimable réponse à une filiale inquiétude. — La « petite ruche » et les « pauvres abeilles. » — Ce qui affligeait l'Evêque de Genève et ce qui le consolait. — Dissension dans un prieuré. Annecy, i6 mai 1617. Monsieur, Sans ofFencer ou quasi sans oiîencer une fille, on la jugeroit peu sage et n'avoir pas la cervelle bien arrestee si, au milieu de la ville, elle ouvroit son sein et exposoit ses mammelles a la veuë de chacun es rues et aux églises ; mais on ne murmurera jamais, et l'on ne le doit pas faire, de voir qu'une mère nourrice ouvre son sein, monstre et donne sa mammelle a son poupon, pour ce que l'on sçait bien qu'elle est nourrice, et que son devoir de mère nour- rice l'oblige a donner le lait a son cher petit poupon en quel lieu et place qu'elle connoist qu'il en a de besoin. Je dis ceci et pour vous et pour moy ; car il faut tous-jours faire ce que nous devons, pour le service de nostre doux et bon Maistre, envers ceux qui sont vérita- blement en luy nos enfans, et leur ouvrir en tout lieu, ou leur nécessité le requiert, le sein maternel de nostre affection a leur salut et leur donner le lait de la doctrine. Je dis maternellement, a cause que l'amour des mères est tous-jours plus tendre envers les enfans que celuy des pères, pour ce, a mon advis, qu'il leur couste plus. Soyons-le pourtant l'un et l'autre ; car c'est le devoir que le Souverain nous a imposé. ( I ) Ce texte est-il unique.^ C'est fort douteux. On croirait reconnaître non seulement différentes dates, mais double destinataire. La majeure partie de la lettre s'adresse certainement à Philippe de Qjaoex (voir tome XII, note ( i ), p. 30) ; peut-être le post-scriptum a-t-il été écrit à son frère, le Prieur de Talloires (voir lome XIV, note ( i ), p. 172). Nous laissons la date indiquée par l'édition de 1641, qui s'applique au moins eu toute assurance aux passages relatifs aux difficultés suscitées contre les Religieuses de la Visitation.  6 Lettres de saint François de Sales (0 Au reste, je vous asseure que j'ay ri, mais sçaves vous, de bien bon cœur, quand j'ay veu, sur la fin de vostre lettre, que l'on vous avoit dit que je m'estois mis en grande cholere, et avois dit tout ce que vous me mar- ques. Et de plus, vous me dites : Mon Père, ne caches point la vérité a vostre filz, qui est perplexe sur ce sujet. Et je vous dis donq que véritablement, mon Filz, mon cœur va rendre a vostre cœur Thommage de la vérité. Si celuy qui vous a fait un narré de ma cholere, n'en eust pas eu davantage que moy, vous ne séries pas en peine de ce chetif Père. Mays je vous supplie, quand il retour- nera a vous, embrassés-le de ma part, et luy donnes double charité, car je vous confesse qu'il n'a pas tout a fait tort. Je suis un chetif homme, sujet a passion ; mais, par la grâce de Dieu, depuis que je suis berger, je ne dis jamais parole passionnée de cholere a mes brebis. Il est vray que, sur la résistance de ces bons NN., je menaçay celuy ci de son Supérieur et l'autre de N. ; mais je ne fis rien en cela que ce que je doys faire et que je feray tous-jours en tel cas (2). Je fus esmeu a la vérité, mais je retins toute mon esmotion, et confessay ma foiblesse a nostre Mère, qui, en cette occasion, n'eut, non plus que moy, aucune ( I ) Les trois alinéas suivants sont donnés d'après le texte inséré dans Y His- toire de la Fondation du ler Monastère d'Annecy, par la Mère de Chaugy, et l'édition de 1641. (2) « Dieu permit pour un grand exercice du saint Prélat et de nostre unique Mère, » raconte la Mère de Chaugy, « ... que le diable jetta tant d'aversion en l'esprit de certaines personnes, de voir dresser ce monastère au lieu ou l'on luy donnoit assiette,... qu'avec une extrême importunité, a grans coups de pierre, ils chassoient les ouvriers de la besougne et leur fesoient mille niches. » (Cf. Lettres de Ste J.-F. de Chantai, vol. I, p. 15 ; la date de 1614 attribuée à la lettre de la Sainte que nous indiquons, est évidemment fausse.) « Une fois, » poursuit VHistoire de la Fondation, « l'insolence de quelques personnes passa si avant, qu'a grans coups de hache, ils rompoient les tours des ouvriers. L'on fut promptement quérir le Bienheureux, la présence du- quel ne fit pas cesser cette action déréglée ; luy, dans son incomparable dou- ceur, se tenant à l'opposite de celuy qui fesoit ce scandale,... luy dit par trois ou quattre fois : — Mon ami, cessé, cessé, je vous prie. — Et voiant qu'il n'en fesoit rien, il luy prit doucement son hacheron de la main; et alors, il raffer- mit son visage, et joignant a sa douceur une majesté, autorité et force pontifi- cale, il reprit fortement ce personnage, fesant entendre que si l'on ignoroit jusqu'où arrive le pouvoir d'un Evesque sur tous ceux qui vivent dans son diocèse, qu'il le leur feroit savoir par expérience. »  Année 1617 7 parole de passion (0; et je vous diray bien de plus : il sennble que ces bonnes gens la se plaisent a luy donner des frequens sujetz de mortification, qu'elle boit insatia- blement. Mais dites moy, Monsieur mon cher Confrère, quel tort avons nous fait a ce bonhomme? Helas ! nostre Mère ni moy ne prétendons qu'a dresser une petite ruche, médiocre et conforme a nostre dessein, pour loger nos pauvres abeilles qui ne se mettront en peine que de cueil- lir le miel sur les sacrées et célestes collines, et non de la grandeur ou embellissement de leur ruche. Il est vray que, quand je considère nostre Mère et ses ûWes, i*)gratias ago eiqui me confortavit, Christojesu Domino nos- tro, quia fidelem me existimavit, ponens in ministe- rio *, a l'occasion de cette Congrégation . C'est asses dire * l Tim., \, 12. la dessus pour vous oster de peine, mon très cher Frère, mon ami; priés seulement pour nous, et tout va bien. Pour le regard de ces bons gentilzhommes ( = ), pour Dieu, Monsieur mon très cher Confrère, absolves de tout ce que je puis absoudre, sans reserve ; car, pourquoy vous reserverois-je aucune authorité que je puisse com- muniquer, puisque vous ne reserves aucune peine que vous puissiés prendre pour le bien de mes chères brebis?  (*) Je rends grâces à Celui qui ma fortifié, au Christ Jésus notre Seigneur, de ce qu'il m'a jugé digne de sa confiance, en m' établissant dans le ministère. ( I ) « Ce Bienheureux allant au parloir vers nostre unique Mère, » continue l'annaliste citée à la note précédente, « luy confessa que ce desordre Tavoit emeu, et qu'il avoit falu qu'il eut pris son cœur a deux mains... afin qu'il ne fit mouvement, ny dit parolle que selon la justice et la droite raison; en quoy il mit en admiration toute l'assemblée, ayant veu reluire en cette seule action tant de mansuétude et de majesté, de douceur et de sainte force tout ensemble. » Quant à la Sainte, elle n'eut en effet « aucune parole de passion. » — « Mon pauvre très cher Père, » écrivait-elle à cette occasion (lettre indiquée ci- dessus), « ceci passera bientôt, et la paix nous durera éternellement, s'il plaît à Dieu. » Ce fut toute sa plainte. (2) Quelques gentilshommes de Genève, peut-être, ou des environs, qui auraient eu recours à M. de Sainte-Catherine, souvent à Thonon, pour être absous de l'hérésie.  8 Lettres de saint François de Sales Helas ! Monsieur mon cher ami, j'ay quelquefois les larmes aux yeux, quand je considère ma babilonique Genève calviniste : (*) Hœreditas nostra versa est ad Thren., uit., 2. altefios */ le sauctuairc est en dérision **, la mayson de .,x I, . -Q-g^ gj^ confusion; et qu'en diray-je? Je ne puis bonne- ment autre chose que pleurer sur ses ruines. Quand je considère nostre pauvre, petite et humble Visitation qui apportera tant^de gloire a Dieu, encor ay je quelque consolation d'estre Evesque de ce diocèse; au moins y auray je fait ce bien. Mais si cet evesché avoit un Hilaire, un Augustin, un Ambro3^se, ah ! ces soleilz dissiperoyent les ténèbres de Terreur. Toutefois je m'ar- Marc, vil, uit. reste, et dis comme les gens de nostre Evangile * : Dieu a tout bien fait. Et vous, mon parfait ami et très cher Confrère, vous feres bien, si vous me croyes incompara- blement Vostre très humble frère et serviteur, (a peu s'en faut que je ne die filz) FRANÇ^ E. de Genève. D'Annessi, le i6 may 1617. ( ' ) J'ay esté vivement touché d'apprendre qu'au prieuré de [Talloires (2)] l'on n'y voit plus la face de la sacrée dilection et union, sans laquelle la Religion n'est qu'une véritable illusion. Le pire est que la dissension est entre les bons, dont elle est plus dangereuse ; et, comme dit saint Bernard parlant des Religieux qu'il estime estre les yeux de l'Eglise, espouse de Jésus Christ, (*) non est  (*) Notre héritage a passé à des étrangers. (*) il n'y a pas une douleur semblable à leur douleur.  ( I ) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 5 . (2) Cest bien le monastère de Talloires qu'on peut indiquer avec le plus de vraisemblance ; on se souvient combien saint François de Sales avait travaillé pour y introduire la réforme et comme il avait été secondé par les frères de Quoex. (Cf. tomes XIV, note ( i ), p. 173, et XVI, notes ( 3 ), p. 113, ( a), p. 137, et Appendice II, C, p. 405.)  Année 1617 9 dolor sicut dolor eorum *. Voslre œil doit discerner ce 'Thren. qui sera propice pour remédier a ce mal ; vostre modéra- tion paternelle doit dissiper les humeurs peccantes ; vostre zèle, vostre justice et vostre force, doit terminer ces discordes .  MCCCXI A MADAME DE LA FLÉCHÈReIO  Quelques nouvelles. — Intérêt de saint François de Sales pour les enfants de la destinataire. — Messages. — « Une carrossée de dames » arrivant de Grenoble. — Les exercices spirituels de M™^ de la Thuille. Annecy, 20 mai 161 7, Nous ferons ce que nous pourrons pour ce pauvre bon- homme affin quil demeure icy, quoy quil me sera ma- laysé, le P. François ( - ) qui sçait tout, estant absent. Dieu accompaigne monsieur le Marquis de Saint Damian (3), avec lequel nous avons esté bien doucement icy, et croy qu'il soit de bonne nature. Puysque monsieur de Charmoysi, nostre cousin (4), a esté d'advis que Ton ramenast le filz (t), il ne peut estre que bon. Vous aures sceu comme nous avons gouverné  (i) Madeleine de la Forest, veuve de Claude-François de la Fléchère. (Voir tome XIV, note (i), p. r.) (2) Très probablement le P. François de Chambéry qui, à cette date, se trouvait à Gex. (Voir ci-dessus, p. 2.) (3) Henri de Maillard, fils du comte de Tournon (voir le tome précédent, note (2), p. 394), se rendait en Piémont pour prendre part à la guerre contre les Espagnols. (4) Cousin à la fois du Saint et de M"i<^ de la Fléchère, Claude de Char- moisy (voir tome XII, note ( i ), p. 216) s'occupait activement des affaires de celle-ci depuis son veuvage. (Cf. le tome précédent, pp. 164, 109, 195.) (^ 3 ) Le fils de M"^" de la Fléchère, Charles (voir tome XV, note ( 2 ), p. 86), avait été envoyé à Lyon pour y continuer ses études. (Cf. le tome précédent, note ( I ), p. 507.)  lo Lettres de saint François de Sales l'Anthoine (0 qui, avec un peu de soin, deviendra brave fille, ayant l'esprit bon comme ell'a, et vous pouves pen- ser si je luy souhaite du bien. Je vous salue mille et mille fois de tout mon cœur, du quel je suis très parfaitement tout vostre. F. E. de G. Annessi, le xx may 1617. Je vous supplie de saluer M"° de BeaufortC^), que je chéris et honnore infiniment, et M""^ de Mirebel(3), et madame de Monthouz un peu a part (4). Nostre Mère est en affaire pour la réception d'une ver- tueuse damoyselle de Grenoble qui est venue ce matin, avec une carrossée d'autres dames qui l'ameynent (5); car il vous faut tenir advertie des particularités de la Mayson, et que M""^ de la Thuille i^) partit hier, ayant fait sa revëue a la Visitation, ou ell'a esté cachée environ sept ou huit jours, avec beaucoup de consolation pour son cœur. A Madame Madame de la Flechere. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Harrow (Londres). (i) Antoinette de la Fléchère, fille de la destinataire, élevée à Tabbaye de Bons, auprès de sa tante. (Voir tome XV, note (2), p. 86.) (2) Jeanne-Aimée de Beaufort (voir le tome précédent, note (5), p. 268). (3) Françoise Portier, femme de Pierre Solliard, seigneur de Miribel. (Voir tome XIV, note (4), p. 120.) (4) Sans doute Claire-Marie de Maillard-Tournon, mariée à Gabriel Guillet de Monthoux. (Voir le tome précédent, note ( i ), p . 305.) (5) M"^ Hélène de Gérard-Réautier (voir ibid., note ( i ), p. 388), destinée à la future fondation de Grenoble, venait, selon l'avis de l'Evêque de Genève, se former à la vie religieuse au Monastère d'Annecy ; elle y prit l'habit le ) ( 4 ) Marguerite de Savoie, duchesse de Mantoue. (Voir tome XVI, note ( i ), p. 104.) 2 Lettres VIll  i8 Lettres de saint François de Sales tesmoigné de vertu en cette occasion. Nous la garderons encor icy quelques jours (0, jusques a ce qu'elle soit bien rassise. Jamais homme ne fut plus généralement regretté que celuy ci. Or sus, ma très chère Fille, consolons nos cœurs le mieux que nous sçaurons, et tenons pour bon tout ce qu'il a pieu a Dieu de faire; car aussi, tout ce qu'il a fait est Cf. Eccii., XXXIX, très bon *. Je rens cette lettre commune a mon très cher frère (0 et a vous, avec espérance de vous voir bien tost. Dieu bénisse a jamais vostre cœur, ma très chère Seur, ma Fille, et je suis sans fin très parfaitement tout vostre, et Vostre plus humble frère et serviteur, Franç% E. de Genève. ("i ) Au départ de son mari pour Turin, Marie-Aimée s'était retirée auprès de sa mère, à la Visitation d'Annecy. (2) Melchior de Cornillon, mari de la destinataire. (Voir le tome précé- dent, note ( I ), p. 254.)  MCCCXVII AU BARON AMÉDÉE DE VILLETTE (0 Deuil profond. — Pleurs et résignation de Marie-Aimée. — Adhérence au vouloir de Dieu. Annecy, 30 mai 1617. Monsieur mon Oncle, Helas ! il n'est que trop vray que vous aves perdu un très humble neveu et fidèle serviteur, et moy mon très cher frère que j'aymois incroyablement pour plusieurs bonnes raysons, outre celle du sang. C'est quasi un songe de gens qui veillent, de sçavoir ce pauvre garçon (i) Amédée de Chevron- Villette (voir tome XI, note ( i ), p. 341).  Année 1617 i^ mort aussi tost qu'arrivé en ce païs-la (0, et sans avoir eu le loysir d'avoir veu le Prince auquel il alloit consa- crer sa vie et son courage. Or, après toutes les idées que le desplaysir me donne, je conclus que Dieu Tayant voulu, c'a esté le mieux. Que son nom soit béni *, et les decretz de sa volonté * J^^» '» ^^ adorés es siècles des siècles. Amen. Certes, je croy bien que M. de Giez, mon cousin (2), M. le Baron de Bonvilaret (3) et mon neveu du Vuaz (4) auront ressenti grandement cette perte, comme sçachant que ce pauvre trespassé les cherissoit et honnoroit très particulièrement, selon que la nature et plusieurs consi- dérations l'y obligeoyent ; mais s'il leur manque, ce n'est pas par son eslection, ni par sa faute. Dieu, par sa bonté, les veuille protéger et conduire parmi les bazars ou cette guerre les porte. Ma pauvre chère seur tesmoigne entre ses pleurs et regretz la plus aymable, constante et religieuse pieté qu'il est possible de dire : en quoy elle nous contente extrêmement, pour le désir que nous avons qu'elle con- serve l'enfant que nous croyons, par bonnes conjectures, avoir esté laissé en ses flancs par le défunt, comme pour quelque sorte d'allégement a ses frères. Que vous diray-je plus, Monsieur mon cher Oncle ? Ce pauvre garçon decedé s'estoit destiné a la vie mili- taire, et pouvoit mourir de cent façons plus lamentables que celle de laquelle il est mort. Béni soit Dieu qui Ta ravi devant les duelz, les mutineries, les desespoirs, et en  ( I ) En Piémont. Bernard venait de passer les Alpes pour aller arrêter les Espagnols qui menaçaient Verceil. Sans avoir eu le temps de combattre, il fut frappé par la mort. (2) Gaspard de Chevron-Villette, fils du destinataire. (Voir tome XV, note ( i). p. 264.) (3) Amé de Pingon-Cusy (voir tome XIV, note (2), p. 288). (4) C'était, non pas le propre neveu du Saint, mais le fils de son cousin- germain Amé de Sales et de sa femme Françoise Puthod. Jacques-François naquit le 23 novembre 1592, et fut seigneur du Vuad ou Vuaz, de l'Ile et Vallières. Le 10 novembre 1608, dans la maison dite « la Cave », à Thorens, TEvèque de Genève assistait à son contrat de mariage avec Marguerite de Lucinge qu'il avait épousée la veille. (Cf. Piccard, Saint François de Sales et sa famille^ Paris 191 1, chap. xxill.)  Matt,  20 Lettres de saint François de Sales somme devant ces innombrables occasions d'offencer Dieu que cette espèce de vacation donne en ce misérable aage. Et pour tout, je ne puis dire autre chose, sinon : (*) Ita^ Pater, qtioniam sic placitum fuit ante te *. J'acquiesce et dis Aineriy non seulement sur les paroles, mais aussi sur les œuvres de Dieu, le suppliant qu'il vous conserve, et demeurant pour jamais, Monsieur, Vostre très humble neveu et fidèle serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Le 30 may 161 7.  (*) Oui, mon Père, car ainsi il a été agréable devant vous.  MCCCXVIII A MADAME DE MONTFORT (0 Réponse à des condoléances, Annecy. 3 juin 1617. Madame ma Cousine, Vous pouves aysement vous imaginer quelle est nostre affliction pour la perte que nous venons de faire, ayant connoissance comme vous de l'amitié qui a tous-jours esté, grâces a Dieu, entre ceux de cette mayson. Je vous remercie très humblement du soin que vous aves pris de nous tesmoigner le ressentiment que vous aves de nostre mal. Je vous supplie de recommander a la miséricorde de Nostre Seigneur le repos de l'ame de nostre pauvre défunt et de nous tous-jours aymer. Je fay la mesme [ I ) Michelle de Cerisier, dame de Montfort (voir tome XV, note ( i ), p. 14). Migne, tome VI, col. 1013, adresse ces lignes « A M"'*' de Montfret » qui est évidemment une erreur de lecture.  Année 1617 21 requeste a monsieur de Montfort (0, auquel, comme a vous, je suis très certainement, Madame ma Cousine, Vostre très humble cousin et serviteur, Franç% E. de Genève. Annessi, 3 juin 161 7. (i) Aimé de Montfort, mari de la destinataire. (Voir tome XVI, note (i), p. 60.)  MCCCXIX AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE ( (inédite) Décès du président de Sautereau. — Un cœur où se mélangent l'amour, l'amertume et la constance. — Prochain voyage à Thonon et à Gex. — Départs répétés pour Téternité. Sales, 21 juin 1617. Monsieur mon Frère, Je regrette extrêmement la perte que nous avons faite par le trespas du bon monsieur le Président de Saute- reau (=), qui vous honnoroit certes plus quil ne se peut dire, et me favorisoit d'un' amitié extraordinaire, a vostre considération. Et donques, comme je voy, c'est presque sans intermission que nos amis se vont séparant de nous tous les jours ; et partant, il se faut résoudre de bonn'heure de n'espérer plus es consolations de cette vie, pour atten- dre plus doucement celles de l'autre vie, en laquelle nos- tre société sera inséparable. J'escris la ci jointe * a madame la Présidente de Sau- * Epist. seq. tereau ( 3 ), non pour la consoler, mais pour luy tesmoigner que je conserveray a jamais la mémoire des infinies obli- gations que j'avois a son défunt ; tandis que je me treuve icy a Sales, auprès de nostre jeune vefve, qui me fait ( I ) Voir tome XI, note ( i ), p. i8. (2) François de Sautereau, président au Parlement du Dauphiné. (Voir le tome précédent, note (2), p. 308.) (3) Marie Gibert (voir ci-après, 'note ( i ), p. 2^).  22 Lettres de saint François de Sales tout estonné de voir en son ame tant d'amour de son mari trespassé et tant de constance a supporter Tamertume du desplaysir de son trespas. Je passeray vandredi a La Roche pour planter la pre- mière pierre de Teglise des Capucins (O, et delà je m'en vay a Thonon, parti (sic) pour consacrer Teglise que les mesmes Pères y ont dressée (2), avec le grand autel des Pères Barnabites (3), partie pour appayser, si je puis, quelques noyses, lesquelles par tentation humaine sont surveniies en la Sainte Mayson (4). Delà je passera)^ a Gex, ou je suis désiré pour pareilles affaires (?), et, Dieu aydant, me rendray a Annessi pour nostre feste de Saint Pierre aux liens (6). ( I ) Au mois de mars 1616, le Saint avait employé son crédit, et avec succès, pour l'établissement des Capucins à La Roche. (Voir le tome précédent, Lettre mclxxxv, et note (2), p. 183.) Le nouveau couvent s'élevait sur le grand jardin de M™® de la Forest, dont le Chapitre de la Collégiale, malgré sa pau- vreté, fit lui-même l'acquisition. (D'après VauUet, ^/s/. ^^ la ville de La Roche, Annecy, 1874, Notes historiques, chap. vi.) {2) Cette cérémonie eut lieu le 9 juillet 1617. La chapelle avait été bâtie sur les ruines du château de la Maison de Savoie, où naquit le bienheureux Amé ; Charles-Emmanuel en avait cédé aux Capucins les galeries et dépen- dances, par patentes du 20 juillet i6or. C'est donc non seulement dans la ville, mais peut-être précisément à l'endroit de la naissance du Prince dont François de Sales poursuivait avec tant de zèle l'entière glorification, qu'il eut le bonheur de lui dédier une église, en même temps qu'à saint François d'As- sise. Benoît XIV, dans son traité de la Canonisation des Saints, signale le fait comme très remarquable, et cite le procès-verbal de cette consécration. Deux autres autels de la chapelle furent consacrés le même jour par l'Evêque de Genève, en l'honneur de la Conception de la Sainte Vierge et de saint Charles Borromée. (Voir Vittoz, StFr. de Sales à Thonon^ Lyon, Périsse, 1865, pp. 317, 318.) (3) Les Barnabites, comme les Capucins, faisaient partie intégrante de la Sainte-Maison, oîi ils étaient entrés en avril 1616 pour diriger le collège. (Voir au tome précédent les notes (i) des pp. 46 et 177.) Dès lors, l'ancienne église des Ermites de Saint-Augustin leur avait été attribuée. (Ibid., note ( i), p. 47-) {4) Il avait fallu la persévérance de François de Sales et l'autorité du duc de Savoie pour établir les PP. Barnabites au collège de Thonon, sous des con- ditions que le Presbytère trouvait désavantageuses pour lui. On se souvient que l'attribution des revenus de Contamine souleva particulièrement les plaintes et réclamations des prêtres séculiers. (Voir ibid., notes ( i ), p. 46, et (7), p. 74.) La lutte continua longtemps, empêchant le plein succès de l'œu- vre, et la transaction arbitrale de 1677 vint bien tard mettre une paix relative entre les deux partis. (5) Quelques-unes de ces affaires sont expliquées dans la lettre du 11 mai, au curé de Gex. (Voir ci-dessus, p. i.) (6) Le Saint revint en effet à Annecy le 30 juillet.  Année 1617 23 Une chose en tout ceci me donne de la peine : c'est que je laisse mon frère de Boysi (0 fort malade d'une fièvre tierce, et que sil est vray que Monseigneur TArchevesque de Lyon aille ambassadeur a Rome, il se pourroit faire quil passast les mons pendant ce tems-la ; ce que toute- fois m'est difficile a croire, puisque, comme je pense, il voudra voir le Roy son maistre avant son départ (2). J'ay perdu un bon et cordial amy en monsieur de Cha- nal, qui ayant esté appelle de Dieu a la vie dévote des quelques années en ça, sera mort en tel estât, je m'as- seure, que nous avons occasion de bénir l'heure de son trespas ; et moy particulièrement, qui ay une invincible rayson de l'estimer heureux, par le conte de sa conscience et de ses bonnes intentions quil me rendit avant son de- part d'Annessi (3). Comm'au contraire, je regretterois in- finiment monsieur de Bourgeois (4) et monsieur de la Pierre ('?), s'ilz s'est03^ent entreservis de bourreau l'un a (i) Jean-François de Sales, vicaire général du diocèse. (Voir le tome pré- cédent, note ( I ), p. 48.) (2) Déjà Msr de Marquemont était en route pour Rome, Arrivé la veille à Chambéry, il en repartait ce jour même, 21 juin, à deux heures après mi- nuit. (Mugnier, Correspondance du Président Favre, tome II, publié par la Société savoisienne, etc., 1905.) Tant de compétiteurs s^'étaient présentés pour recueillir la succession du marquis de Tresnel (voir le tome précédent, note ( I ), p. 246), que Louis XIII, avant de se prononcer, avait pris un moyen terme et délégué Marquemont comme envoyé extraordinaire, pour négocier à la Cour pontificale les intérêts de la couronne de France. Suivant les intentions de son maître, l'Archevêque se montra partisan du duc de Savoie contre TEs- pagne ; Borghese tour à tour lui donna et lui retira sa faveur, tandis que le Nonce Bentivoglio fut constant à le soutenir et défendre. François-Annibal d'Estrées, marquis de Cœuvres, l'ayant enfin emporté sur ses rivaux, M^"" de Marquemont quitta Rome deux mois après l'arrivée du nouvel ambassadeur, juin 1619. (Cf. De Stefani, La Nunpafura di Francia del Card. Bentivoglio^ Lettere a Scipione Borghese, Firenze, Le Monnier, 1863-1870.) (3) François Chanal (voir le tome précédent, note (2), p. 578) mourut à la guerre. C'est à son départ d'Annecy pour le Piémont — sans doute en même temps que Bernard de Sales (commencement de mai) — qu'il rendit au Saint « le conte de sa conscience. » ( 4 ) Commissaire et contrôleur général des guerres en Savoie, Claude Bour- geois ou de Bourgeois, épousa (contrat dotal du 18 juillet 1606) Jeanne de Gerbais. L'année suivante, il devint possesseur du château de Billia, au pays de Gex, sur lequel la dot de sa femme était hypothéquée. ( 5) On peut supposer avec assez de probabilité, que le duelliste adversaire de M. Bourgeois est François de Macognin, seigneur de la Pierre, marié à Antoinette de la Chambre. Il porta longtemps les armes et vivait encore en  24 Lettres de saint François de Sales l'autre, pour s'abismer en la damnation par le duel ; mays, tandis que je le puis, je me veux abstenir de croire une chose si malheureuse. C'est dommage de monsieur de Passier (0 ; et Dieu sçait sil y en aura point d'autres que nous ayons a regretter en cette rencontre. Je supplie de tout mon cœur sa divine Bonté qu'il vous conserve, avec madame ma très chère seurC^) et toute vostre compaignie, et vous saluant tous très humblement, je demeure a jamais, Monsieur mon Frère, Vostre très humble et très obéissant frère et serviteur, Francs E. de Genève. Ma seur(3) vous bayse très humblement les mains, et a madame vostre chère Présidente, et est vostre très humble servante. A Sales, le xxi juin 1617. A Monsieur Monsieur Favre, Baron de Peroges, Premier Président de Savoye, commandant généralement deçà les montz pour S. A. Revu sur une photographie de l'Autographe, conservée à la Visitation d'Annecy. 1650. Originaire de Bons, près Belley, il pouvait avoir facilement des rap- ports, et par suite des différends, avec Claude Bourgeois, propriétaire au pays de Gex. ( I ) François de Sales semble ici regretter une victime de la guerre ; cepen- dant Paul de Passier, seul homme d'épée de sa famille à cette époque, ne mourut pas avant 1626. Fils d'Antoine de Passier et de la seconde femme de son père, Claire d'Aynaud (Jeanne de Menthon mentionnée au tome XI, note (i), p. 49, était la troisième), il fut d'abord (1614) cornette de la compagnie de chevau-légers du marquis de la Chambre, puis lieutenant de la compagnie de cavalerie des ordonnances de Savoie. Par contrat dotal du 25 décembre 1606, il avait épousé Philiberte de Cordon, dernière de sa branche. Trois de leurs filles entrèrent à la Visitation; deux à Annecy, dont l'une, Marie-Thérèse, fut supérieure, et la troisième à Thonon. (2 ) Philiberte Martin de la Perouse, femme d'Antoine Favre. (Voir tome XIV, note (i), p. 372.) (3) La baronne de Thorens.  Année 1617 25  MCCCXX A LA PRÉSIDENTE DE SAUTEREAU (0 François de Sales s'afflige avec la destinataire du décès de son mari. — Comment se préparer à « la vie ou il n'y a plus de mort. >> — Pour l'amour du défunt, sa veuve doit modérer sa douleur. Sales, 2 1 juin 1617. Madame, Vous ne sçauries croire combien m'est sensible Tafflic- tion que vous aves. J'honnorois avec une affection toute particulière lécher seigneur trespassé (2), pour plusieurs respectz ; mais celuy de sa vertu et pieté tenoit lieu de fondement. Quelle pitié qu'en une sayson en laquelle il est si grande disette de telles âmes parmi les gens de ce rang la, nous voyons et souffrons ces pertes si domma- geables au public ! Néanmoins, ma chère Dame, toutes choses considérées, il faut accommoder nos cœurs a la condition de la vie en laquelle nous sommes : c'est une vie périssable et mor- telle, et la mort qui domine sur cette vie ne tient point de train ordinaire; elle prend tantost ci, tantost la, sans choix ni méthode quelcomque, les bons emmi les mauvais et les jeunes parmi les vieux. O que bienheureux sont ceux qui, vivans en continuelle (i) La destinataire et la date sont indiquées par la lettre précédente, p. 21. Marie Gibert, fille unique et héritière de Justine Plouvier et de noble Claude Gibert, seigneur de Chasse et de Chuzelle, conseiller du Roi, général de ses finances en Dauphiné et au marquisat de Saluces, avait épousé François de Sautereau le 24 avril 1583. Leur nièce, Andrée de NicoUe de Crescherel, était devenue la belle-fille d'Antoine Favre ; ainsi s'expliquent les rapports intimes entre les deux familles. La présidente de Sautereau se plaça sous la direc- tion de TEvéque de Genève dès la première station qu'il prêcha à Grenoble, et édifia la ville par ses hautes vertus, surtout, dit V Année Sainie de la Visi- tation (tome VI, p. 393), par sa charité envers les membres souffrants de Jésus-Christ. ( 2 ) Le mari de la destinataire (voir ci-dessus, p. 21).  26 Lettres de saint François de Sales desfiance de mourir, se treuvent tous-jours prestz a mou- rir, en sorte qu'ilz puissent revivre éternellement en la vie ou il n'y a plus de mort ! Nostre bienaymé trespassé estoit de ce nombre la, je le sçai bien. Cela seul, Madame, est suffisant pour nous consoler ; car en fin, en peu de jours, ou tost ou tard en peu d'années, nous le suivrons en ce passage, et les amitiés et sociétés commencées en ce monde se reprendront pour ne recevoir jamais de séparation. Ce pendant, ayons patience, et attendons cou- rageusement que l'heure de nostre départ sonne pour aller ou ces amis sont ja arrivés ; et puisque nous les avons aymés cordialement, persévérons a les aymer, faysons pour l'amour d'eux ce qu'ilz ont désiré que nous fissions et ce que maintenant ilz souhaitent pour nous. Sans doute, ma chère Dame, le plus grand désir que monsieur vostre trespassé eut a son départ fut que vous ne trempassies pas longuement dans le regret que son ab- sence vous causeroit, mais que vous taschassies de mo- dérer, pour l'amour de luy, la passion que son amour vous donnoit ; et maintenant, en son bonheur dont il jouit, ou qu'il attend en asseurance, il vous souhaite une sainte consolation et que, modérant vostre tribulation, vous conservies vos yeux pour un meilleur sujet que les larmes, et vostre esprit pour des plus désirables occupations que celles de la tristesse. Il vous a laissé des gages pretieux de vostre mariage (0 : conservés vos yeux pour regarder a leur nourriture, con- servés vostre esprit pour relever le leur. Faites cela, Ma- dame, pour l'amour de ce cher mari, et vous imagines qu'il vous en a prié a son départ et qu'il vous demande encor cet office ; car en vérité, il Teust fait s'il eust peu, et il désire cela de vous a présent : tout le reste de vos passions peut estre selon vostre cœur, qui est encor en ce monde, mais non pas selon le sien, qui est en l'autre. Et puisque la vraye amitié se plaist a complaire aux justes aggreemens de l'amy, pour complaire a monsieur vostre mari, consoles-vous vous mesme, soulages vostre (i) Guillaume, Marie et Anne-Catherine (voir tome précédent, note (i), p. 333, et note ( 2), p. 308).  Année 1617 27 esprit et relevés vostre courage. Que si ce conseil, que je vous donne avec une sincérité nompareille, vous est ag- greable, prattiqués le, vous prosternant devant Nostre Seigneur, acquiesçant a son ordonnance, et considérant Tame de ce cher défunt qui désire a la vostre une vraye et chrestienne resolution, et vous abandonnant du tout a la céleste providence du Sauveur de vostre ame, vostre protecteur, qui vous aydera et vous secourra, et en fin vous reunira avec vostre trespassé, non point en qualité de femme avec son mari, mais d'heritiere du Ciel avec son cohéritier et de fidèle amante avec son fidèle amant. J'escris ceci. Madame, sans loysir et presque sans haleyne, vous offrant mon très affectionné service qui vous est de long tems acquis, et celuy encor que les mé- rites et la bienveuillance de monsieur vostre mari envers moy pouvoyent exiger de mon ame. Dieu soit au milieu de vostre cœur. Ainsy soit il. France E. de Genève.  MCCCXXI  A LA MERE DE CHANTAL  Une novice de la Visitation malade à la mort; ce qu'il faudrait faire pour ses funérailles. — Le cœur du Saint pour ses filles. — Conseils à la Mère de Chantai. La Roche, 24 juin 1617 (i). En vérité, ma très chère Mère, et moy et tout suis grandement touché de la maladie de cette pauvre chère fille, digne certes d'estre bien aymee (2). Il faut attendre ce que Dieu fera, et non seulement l'accepter, mais, (i) C'est en 1617 que François de Sales se trouvait à La Roche le 24 juin (voir ci-dessus. Lettre mcccxix, p. 22) ; en cette même année la Sœur Marie- Gasparde d'Avisé, novice, fut malade à la mort. (Lettre de la Mère de Chantai, 3 juillet, vol. T, p. 200.) La date de 1616, donnée par Datta, suivi par Vives et Migne, est donc fausse. (2) Sœur Marie-Gasparde d'Avisé (voir tome XVI, note (6), p. 40).  28 Lettres de saint François de Sales autant que nous pourrons, il faudra l'accepter aggrea- blement et amiablement. J'espère quil la nous laissera ; il y en a tant d'autres qui sont eschappees après avoir jette le tac, et qui ont esté moins assistée (sic) qu'elle ne sera. Toutefois je réplique : Ainsy que la volonté de Matt., VI, lo. Dieu sera au ciel, soit fait en terre *. Si ell'estoit preste a passer, on pourroit luy faire faire la profession simplement, en luy lisant, devant, l'oblation et les vœux, qu'elle confirmeroit, sinon qu'elle mesme la peut prononcer. On la pourroit enterrer en l'église, car ell'est asses bénite en la bénédiction des fondemens que nous fismes en la position de la première pierre (0. II faudroit faire venir le vicaire de Saint Maurice ( = ), et trois ou quatre prestres avec luy pour faire l'Office, et mettre simplement 4 cierges blancz au (sic) quatre coins du cors. Vous pourries donner audit vicaire un ducaton, et aux autres prestres a chacun 8 solz d'aumosne affin quilz dissent Messe pour elle. Pour le reste, vous vous conseillieries. Mays, qu'elle vive ou meure, je luy don-  ( I ) Le 18 septembre 1614. (Voir tome XVI, note ( r ), p. 78, et Lettre MLXxxiv, p. 379.) Sœur Marie-Gasparde survécut trente-et-un ans à cette maladie ; et cepen- dant Dieu permit qu'elle fût effectivement enterrée dans Téglise « en la cha- pelle qui est proche de celle de sainte Luce, dans laquelle est le précieux depost de nostre B. H. Mère, a cause d'un debourdement d'eau qui estoit arrivé a la ville, qui avoit rempli nostre sépulcre d'eau, en sorte que l'on n'y pouvoit presque entré. » (Livre du Couvent, du i^"" Monastère d'Annecy.) (2) L'église Saint-Maurice (celle qui était située sous le château et qui fut détruite à la Révolution), la plus ancienne d'Annecy, fut toujours la paroisse de la ville. Une Bulle d'union de l'antipape Pierre de Lune l'annexa en 1397, à la Collégiale de Notre-Dame de Liesse ; mais cette Bulle n'eut force de loi qu'après avoir été renouvelée par Jules II, le 18 juin 1506. Le Chapitre de Notre-Dame devenait vraiment curé de Saint-Maurice, et faisait desservir la paroisse par un recteur ou vicaire. (Voir Mercier, Souv. hist. d'Annecy, 1878, chap. V.) En 1617, le vicaire de Saint-Maurice était Thomas Peyssard, frère d'Antoine (voir le tome précédent, note (2), p. 28). Il reçut les Ordres en 1578, devint curé de Saint-Jorioz en 1586, et de Doucy en 1589. L'année précédente, il avait obtenu, le 8 juin, la paroisse de la Compote qu'il dut céder le 15 du même mois à Louis GiroUet. On le trouve en 1605 qualifié de chanoine de Notre-Dame de Liesse, mais déjà, à partir du i^"" mars 1591 jusqu'au 3 mars 1604, il avait signé comme vicaire les Registres de Saint-Maurice. Après une interruption de deux ans, il reprend cette fonction en juin 1606, la remplit jusqu'au mois de février 1621 et meurt en 1630 (R. E. et Reg. par. d'Annecy.)  Année 1617 29 neray en la sainte Messe que je vay dire, la sacrée béné- diction de Dieu et de son Eglise. O ma très chère Mère, mon cœur, mes espritz et mon ame s'esmeuvent en disant ceci, car j ayme toutes nos filles très cordialement, et celle-là avec une spéciale ten- dreté. Mays sur tout, en pleurant descharges bien vostre cerveau, reposes vous convenablement, et vous divertis- ses le plus doucement que vous pourres ; prenes bien souvent des raysins un peu amollis au vin et eau chaude, et en somme ayes soin de vous conserver la, car icy, ne doutes point ; je suis un certain homme quil ny a rien a craindre, sinon quand je le diray moymesme. Ma très chère Mère, salues et bénisses mille fois cette chère fille de ma part, et ma Seur Marie Michèle (0. Dieu soit a jamais nostre tout, et sa volonté nostre amour. Amen. A La Roche, jour saint Jean. On ne peut partir que le tems ne s'accoise, a cause des ruisseaux, mais soudain quil sera remis je feray porter la présente. A ma très chère Mère en N. S. A la Visitation. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) Fille de Michel Viallon, seigneur de Nouvelles, et de Nicolarde Puthod, novice depuis le 6 juin précédent, Sœur Marie-Michelle de Nouvelles avait alors environ vingt-quatre ans, et fit profession le 7 juin 1618, reçue la pre- mière au rang des Sœurs associées. Elle fut envoyée en 1619 à la fondation du Monastère d'Orléans, et, de là, à celle de Rennes, où elle mourut le 9 octobre 1629. Douée dune « très grande simplicité, » d'une « très douce et extraordinaire confiance en la bonté de Dieu, » elle se reposait « en sa misé- ricorde sans faire nul estât de ses œuvres. » (Livre du Couvent, du i^-" Monas- tère d'Annecy.)  30 Lettres de saint François de Sales MCCCXXII AU PÈRE RENÉ AYRAULT, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS (0 Compliments affectueux à un ancien « compaignon d'escole. » Deux prises de voile à la Visitation. La Roche, [24-28 juin (2)] 1617. Mon Révérend Père, J'ay receu a beaucoup d'honneur la lettre que M"Tavreau(3) ( I ) Au bas de l'Autographe, qui ne porte plus d'adresse, se lisent ces mots : Cette epitre est écrite au Rd Père Ayraud, Recteur du Colege de la Compagnie de Jésus a Dole. — René Ayrault, bien digne par ses mérites et ses vertus de l'estime de saint François de Sales, était angevin. Né le 12 novembre 1^7, moins de vingt ans après il fuyait la maison paternelle pour répondre à l'appel de Dieu et entrer chez les Jésuites. Son père, Pierre Ayrault, lieutenant- criminel au présidial d'Angers, le poursuivit à Paris, puis à Rome; mais le vaillant jeune homme cacha son nom et s'exila de nouveau, s'abritant en Allemagne pour échapper à ceux qui voulaient l'empêcher de servir Jésus- Christ. Cette vocation généreuse souleva, contre la Compagnie, une tempête qui eut un long retentissement, mais elle lui donna un homme dont la fermeté d'âme et la fidélité à Dieu ne pouvaient être suspectées. Le P. Ayrault, profès des quatre vœux le 5 novembre 1605, après avoir rempli les fonctions de pro- fesseur, fut, pendant vingt-trois ans, recteur dans les provinces de Lyon et de Champagne; envoyé à la Flèche en 1633, il y mourut le 18 décembre 1644. (D'après le P. de Gw\\h.exmy,Me'7iologe de la Compagnie de Jésus, et les Notes du R. P. Hafner, archiviste général de la Compagnie.) (2 ) Mois et quantième ont disparu de l'Autographe, mais le séjour du Saint à La Roche en 1617, et par suite la date exacte de cette lettre, se trouvent compris entre le 24 et le 28 juin. (3) Marguerite Favrot naquit à Pontarlier en 1579 « d'une famille très honnorable et de parens tres-vertueux, » Antoine Favrot et Anne Brûle. Mariée bien jeune à un avocat de Poligny, Désiré Masson, elle resta veuve de bonne heure, et s'adonna sérieusement à la piété. Pour y faire plus de progrès encore, elle alla passer six ans en Lorraine sous la conduite d'un grand serviteur de Dieu ; plus tard, la réputation de TEvêque de Genève l'attira en Savoie. Le 6 juin 1617, M""® Masson prit, avec l'habit de la Visita- tion, le nom de Sœur Françoise-Marguerite, et prononça ses vœux l'année suivante. Le Livre du Couvent fait ainsi son éloge : « Elle avoit un très bon jugement, et parloit avec beaucoup de sagesse et de considération. Elle avoit aussi un cœur grand, emporté a l'amour de la sainte pauvreté, a la sobriété et mespris de son corps. » Bientôt (en juillet 1620) nous trouverons sous la plume du saint Fondateur, tracé en quelques lignes, un portrait achevé de la vertueuse Religieuse, alors Assistante-commise à Annecy, « sage, cons- « tante et véritable servante de Nostre Seigneur; un peu sèche et froide  Année 1617 31 et M"^ d'Albamé (0 m'escrivirent de vostre part ; car, outre la douceur que je prens a me ramentevoir le tems auquel nous estions compaignons d'escole ( = ), vos mérites me font grandement estimer tous les tesmoi- gnages quil vous plait me donner de vostre bienveuil- lance, laquelle je vous conjure de me vouloir continuer par vostre courtoysie, bien ayse de sçavoir que vous so)^es arresté en nostre voysinage, sous l'espérance que, par ce moyen, il se pourra bien faire que j'aye encor un jour Ihonneur de vous revoir. Et cependant, je cheriray de tout mon cœur tout ce quil vous plaira de me recommander, comme je fay le sujet d'avoir soin plus particulier de ces deux damoy- selles, desquelles l'une, madamoyselle Favreau, est des- ja voylee, et l'autre le sera soudain que je seray de retour d'un voyage que je vay faire a Thonon (3); et espère que l'un'et l'autre donneront [et recevront (4)] récipro- quement de l'édification et consolation en la Congrégation en laquelle elles ont esté appellees, puisque a ce com- mencement Dieu leur en donne de si bonnes arres.  « de visage, mais bonne de cœur; courte en paroles, mais moelleuse. » Sainte Jeanne de Chantai aima beaucoup cette âme virile et ressentit vivement sa mort, arrivée à Lyon le 29 octobre 1630. La Mère Françoise-Marguerite Favrot revenait alors de Marseille où elle avait fondé en 1623 une Maison de la Visitation. (Voir sa Vie par la Mère de Chaugy, dans Les Vies de VIII vénérables Veves. Religieuses de l'Ordre de la Visitatiofi Sainte Marie, Annessy, Jacques Clerc, mdclix.) (i) Originaire du comté de Bourgogne, Claude d'Albamey demeura fort jeune orpheline de son père, Antoine d'Albamey, et de sa mère, Pierrotte de Vaulgrenant. Une de ses tantes. Religieuse de Saint-Bernard, se chargea de son éducation ; mais la jeune fille, quoique résolue de se donner à Dieu, ne voulut point s'engager dans le Monastère non réformé de sa parente, et préféra se mettre à la suite d'une dame son alliée. Elle avait près de quarante ans lorsqu'elle entendit parler de l'Institut fondé par l'Evêque de Genève; elle y demanda une place et fut agréée par les deux Saints qui l'honorèrent de leur affection et de leur estime. Sœur Claude-Thérèse prit part à l'établissement du Monastère de Belley (août 1622), et, quatorze mois après, à celui de Pont-à-Mousson. En 1636, elle passe au couvent de Metz comme Assistante, et revient mourir au Pont en 1643, le 17 décembre. (D'après le Livre du Cou- vent, du i^"" Monastère d'Annecy.) (2) A Paris, au collège de Clermont. (3) Le voyage dura de la fin de juin au 30 juillet, et la Sœur d'Albamey fut '( voylee » le ^ août. (4 ) Mots oblitérés.  32 Lettres de saint François de Sales Playse a la divine Bonté de vous conserver et prospérer de plus en plus en son saint service, et je suis de tout mon cœur, Mon Révérend Père, Vostre plus humble, très affectionné confrère et serviteur, Francs E. de Genève. 1 617, a La Roche. Revu sur l'Autographe conservé à Beaufort, chez les Sœurs Hospitalières de Saint-Joseph,  MCCCXXIII A LA MÈRE DE CHANTAL (inédite ) Paternelle sollicitude pour la santé de la Mère de Chantai. — Ne pas se con- tenter d'attendre les âmes, mais leur aller au-devant. — La pureté en ce monde. — Désirs d'une sainte mère pour sa fille. Viuz-en-Sallaz, 29 juin 1617 (i). Je suis tous-jours bien brave homme a me porter bien icy et par tout, et n'y a rien a craindre, ma très chère Mère. Mais, comme me pourrois-je empescher d'estre en peine de ce que je suis la, quant a la santé ? Pour Dieu, ne parles pas beaucoup, soulages vous, et vous tenés un peu tran- quille tant d'esprit que de cors ; car le premier accident vous arriva après le traitté avec M. de la Roche ( = ), ou vous ne fustes pas sans parler avec affection, et puis le tracas des malades (3) fit venir le second. Travailles, ma (i) L'Autographe n'a pas de date d'année; mais celle que nous ajoutons est prouvée par l'allusion à la maladie de la Sœur Marie-Gasparde d'Avisé, et par le M traitté avec M. de La Roche. » (Cf. les Lettres mcccxxi, et mcccxxxi, p. 49.) (2) Ce traité eut lieu le 22 juin 1617. Il s'agissait de la vente des vignes situées à Chavoire, sur lesquelles était constituée en partie la dot de la Sœur Claude-Agnès Joly de la Roche. (Voir le tome précédent, note (4), p. 329.) (3) Plusieurs Sœurs du Monastère d'Annecy étaient alors atteintes de graves maladies. « Toutes nos malades sont hors de péril de mort, » écrit la Mère de Chantai le 3 juillet suivant; « elles nous ont fait belle peur, mais surtout la pauvre Sœur Marie-Gasparde; elle la peut bien compter pour une. » (D'après l'Autographe; voir Lettres, vol. I, p. 200.)  Année 1617 33 très chère Mère, mais tout bellement, tout doucement, tranquillement. Je suis consolé que nos pauvres filles soyent un peu al- légées, car je les chéris d'un cœur plus que paternel toutes, et vous sçaves que j'ayme particulièrement cette pauvre Marie Gasparde de tous tems, et, maintenantqu'elle est malade, encor plus tendrement (0. Nous continuerons a faire prier pour elles. J'ay pensé sur cette chetifve fille dont je vous escrivis; et en fin, si elle veut faire une retraitte pour se résoudre, il faut non seulement la recevoir, mais, sil se pouvoit, luy aller au devant (2). Qui sçait si Dieu aura pitié d'elle et luy pardonnera ? Son mauvais naturel ne m'estonne point, car Nostre Seigneur fait quelquefois les enfans d'Abraham des pierres^. La conversion ne dépend pas * Matt.,111, 9. de la nature, mais de la grâce. Je voy que cette venue apportera de l'incommodité, mais, peut estre, bienheu- reuse incommodité, qui se prend pour recueillir l'estranger par l'hospitalité spirituelle. Saint Pierre, prince des pœ- nitens, est devant mes yeux, qui fut si doux aux pécheurs après quil ne le fut plus. Je suis bien en peine de l'autre chère fille, que nous ché- rissons tant en suite de la dilection de sa mère (3); car je (i) Voir ci-dessus, Lettre Mcccxxr, p. 27. (2) Quelques jours après, la Mère de Chantai mandait à la Mère Favre, Supérieure à Lyon : « Nous écrivons un mol à M, l'Aumônier (0 en réponse de celle qu'il avait écrite à Monseigneur pour M"^ Bellot. Si cette pauvre créature veut, nous la retirerons ici et lui ferons de grand cœur l'assistance qu nous sera possible ; mais, comme nous vous avons déjà mandé, il n'y a moyen que vous lui donniez l'entrée en votre Maison de Lyon. Or, si elle ne cherche que Dieu et sa réconciliation avec sa Bonté, elle agréera de venir ici; sinon, la divine Majesté se contentera de notre bonne volonté. » (Lettre du 3 juillet citée plus haut.) Le rapprochement de ce texte avec celui du Saint permet d'indiquer presque avec certitude la « chetifve fille » qui, plus d'une fois déjà, avait été l'objet de la charité miséricordieuse de l'Evêque de Genève et de la sainte Fondatrice. (Voir tomes XV, note ( i ), p. 335; XVI, Lettres dccclxxxiv, p. 21, CMt.viii, p. 155, et note ( i ), p. 319.) (3) C'est Françoise de Charmoisy qui préoccupait le Bienheureux; elle est clairement désignée par ces mots, dans une lettre des premiers jours de (l) Claude de Sevelinges, aumônier de Belleville, ancien confesseur de la Visitation de Lyon. (Voir tomes XV, note ( 2), p. 333, et XVII, note ( 1 ), p. 335.) Lettres Vlil a  34 Lettres de saint François de Sales ne sçai bonnement comme en parler a sa mère, qui en recevra bien du desplaysir, estant bien esloignee de cette humeur-la. Je m'essayeray de l'attirer en confession et de la faire bien confesser, car de la dépend sa délivrance. Il est vray, ma très chère Mère, il y a peu de pureté en ce monde, sinon celle que la pœnitence opère et la vie dévote. Or bien, je vous escrira}^ a toutes occurrences, ma très chère Mère, mon cœur et ma vie ne pouvant subsister avec consolation que par l'unité quil a pieu de faire a Dieu de nous, affin qu'eeternellement nous fussions siens. Madame de la Flechere de ce pais (0, qui vint hier faire sareveiie, vous bayse millefois les mains. C'est une sainte ; elle a grand désir de vous aller voir et de vous mener une sienne brave fille a mon gré, laquelle est aagé (sic) de 19 ans, et, par ouï dire, est un peu touchée d'estre de la Visitation ; et cette bonne mère, qui en brusle, estime que la veiie la fera résoudre \-\ Dieu vous conserve, ma très chère Mère, et remplisse a jamais nostre unique ame de son très pur amour. Amen. A Viu, le jour des deux saints amans, saint Pierre et saint Paul. A ma très chère Mère. A la Visitation, Revu sur TAutographe conservé à la Visitation de San Vito al Tagliamento (Italie). juillet: « la fille de la petite seur. » (Lettre mcccxxxi, p. 49.) On a vu en effet (tome précédent, p. 39), que François de Sales en écrivant à la Mère de Chantai, se plaisait adonner l'appellation de « petite seur» à M""" de Char- moisy, Françoise, la seconde de ses enfants, avait à cette époque environ quatorze ans; sa note sera donnée dans la suite de la correspondance. (r) La fille du baron d'Avully, Madeleine de Saint-Michel, veuve de François de la Fléchère, seigneur de Rovorée. (Voir tome XI, note (2), p. 199, et cf. tome XVII, p. 120.) (2) Il paraît bien qu'elle ne se résolut pas à embrasser la vie religieuse; car Jacquemine ou Jacqueline de la Fléchère, seule fille de Madeleine de Saint-Michel et du seigneur de Rovorée, épousa par contrat dotal du 29 avril 1619, Charles de Compois, baron de Féternes, auquel elle apporta les seigneuries de la Fléchère et de Rovorée. Six enfants naquirent de ce mariage; leur mère, décédée avant le 8 août 1669, figure encore dans une transaction de 1653.  Annhf 1617 35 MCCCXXIV A LA BARONNE DE THORENS, SA BELLE-SOEUR (0 Les consolations d'un « frère et Père tout ensemble. » — Rien de précieux ne s'acquiert sans peine. — Une joie de la Mère de Chantai. Viuz-en-Sallaz, 30 juin 1617. Vous pouves penser, ma très chère Fille, ma Seur, et je croy que vostre cœur vous le dit asses, que j'ay une extrême consolation dans le mien quand vous m'escrives de vos nouvelles; car, puisqu'il a pieu a Dieu, je suis le cher frère et le Père tout ensemble, mais le plus affec- tionné et sincère que vous sceussies imaginer. Or, faites donq bien, ma chère ame, vos petitz effortz, doux, paysibles et amiables pour servir cette souveraine Bonté qui vous y a tant obligée par les attraitz et bien- faitz dont elle vous a favorisée jusques a présent, et ne vous estonnes point des difficultés ; car, ma chère Fille, que peut on avoir de pretieux sans un peu de soin et de peine ? Il faut seulement tenir ferme a prétendre la perfection du saint amour, affin que l'amour soit parfait, l'amour qui cherche moins que la perfection ne pouvant estre qu'imparfait. Je vous escriray souvent, car vous sçaves le rang que vous tenes dans mon esprit, le tout joignant nostre Mère, a laquelle je vous prie de me recommander ; car, bien que je luy escrive *, si est ce qu'il faut un peu * Epist. prseced. employer vostre entremise pour la recréer et res-jouir, d'autant qu'elle prend playsir a sçavoir que vous estes très parfaitement ma très chère fille et que vous me chérisses en cette qualité la. ( I ) La destinataire, que l'édition de 1626 et les suivantes désignent ainsi : Une Religieuse de la Visitation, est, à n'en pas douter, Marie-Aimée de Chantai, baronne de Thorens (voir tome XII, note (3), p. 328) ; mais l'absence d'allusion à son veuvage si récent fait croire que nous n'avons ici qu'un texte tronque.  36 Lettres de saint François de Sales Dieu soit au milieu de vostre cœur et de celuy de nostre chère seur (0, qui est certes ma fille de tout mon cœur; au moins je le croy et le veux tous-jours croire pour mon contentement. Francs E. de Genève. Le 30 juin 1617. (i) Françoise de Rabutin-Chantal, sœur de la destinataire, (Voir tome XII, note ( I ), p. 360.)  MCCCXXV A MADAME LOUISE DE BALLON  La chose la plus étonnante et douloureuse qui se voit tous les jours. — Malgré les épreuves intérieures, aimer Dieu et lui rester fidèle. [Juin 1617 (i).] Ma chère, mais vrayement très chère Fille, ma Cousine, Il la faut certes retirer, cette pauvre ame, du hazard, car la molle façon de vivre du lieu ou elle est, est telle- ment périlleuse, que c'est merveille quand on eschappe de la meslee. Helas ! ma pauvre Fille, vous aves rayson de vous estonner qu'une créature veuille offenser Dieu, car cela surpasse tout estonnement ; mais pourtant cela se fait, comme par malheur on voit tous les jours. Et l'infortunée beauté et bonne grâce que ces pauvres filles ( I ) Le ton de cette lettre est bien celui du Saint s'adressant à sa « petite Cousine » de Tabbaye de Sainte-Catherine ; nous n'hésitons donc pas à l'in- diquer pour destinataire. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 220.) Quant à la date, il paraît raisonnable de Téloigner des premières années de profession de Louise de Ballon, à cause de l'œuvre de délicate charité que lui conseille l'Evêque de Genève, et de la rapprocher des « rudes épreuves » intérieures qui précédèrent les progrès de la vertueuse Cistercienne dans la vie d'oraison. (Cf. Grossi, La Vie de la VhU Mère de Ballon, Annecy, Fon- taine, 1695.) Enfin, peut-être est-il permis d'identifier la « pauvre ame » dont il est parlé ici, et la « fille de Bons » de la lettre de juillet 1617, Jeanne- Antoinette de Chevron-Villette. (Voir ci-après, note (4), p. 48.)  Annéh 1617 37 fainéantes se font accroire d'avoir, parce que ces misé- rables le leur dient, est cela qui les perd, car elles s'amusent tant au cors, qu'elles perdent le soin de l'ame. Or sus, ma Fille, il faut faire ce qui se pourra et demeurer en paix. Et pour vostre regard, ma chère Cousine, ma Fille, il ne faut perdre courage ; car vous deves estre si amou- reuse de Dieu, qu'encor que vous ne puissies rien faire auprès de luy et en sa présence, vous ne laissies pas d'estre bien ayse de vous y mettre pour seulement le voir et regarder quelquefois. Et quelque peu avant que d'aller en Torayson, mettes vostre cœur en paix et en repos, et prenes espérance de bien faire ; car si vous y a'iles sans espérance et des-ja toute degoustee, vous aures peine de vous remettre en appétit. Courage donq, ma petite Cousine, dites a Nostre Sei- gneur que vous ne le laisseres jamais, encor qu'il ne vous communiqueroit jamais aucune douceur ; dites luy que vous demeureres devant luy jusques a ce qu'il vous aye beny *. Quand vostre cœur s'esgarera ou se distraira, * Gen., xxxn, 26. ramenes-le tout doucement a son point, remettes-le ten- drement auprès de son Maistre ; et quand vous ne feries autre chose tout au long de vostre heure que de reprendre tout bellement vostre cœur et le remettre auprès de Nostre Seigneur, et qu'autant de fois que vous l'y re- mettries il s'en destourneroit, vostre heure seroit très bien employée, et feres un exercice fort aggreable a vostre cher Espoux, auquel je vous recommande du mesme cœur que je suis^tout vostre.  38 Lettres de saint François de Sales  MCCCXXVI A UNE DAME Combat et liberté. — Moyen de triompher. — Le principal devoir de la vraie dévotion. — Particulières facilités de la destinataire pour la vie chré- tienne et pieuse. — Témoignages d'honneur et de sainte affection. — Pour- quoi la fécondité est une bénédiction de Dieu. [Juillet 1617 ou 1604 ? (i)] Madame, La lettre que vous m'aves escrite le 16 may et laquelle je n'ay receuë que le 27 juin, me donne grand sujet de bénir Dieu de la fermeté en laquelle il conserve vostre cœur pour le désir de la perfection de la vie chrestienne, lequel je descouvre bien clairement par la naïfveté sainte avec laquelle vous représentes vos tentations et le combat que vous faites ; et je voy bien que Nostre Seigneur vous assiste, puisque pied a pied et jour a jour vous conqueres vostre liberté et affranchissement des imperfections et infirmités principales qui vous ont ci devant affligée. Je ne doute point que dans fort peu de tems vous n'en soyes entièrement victorieuse, puisque je vous voy si courageuse au combat et si pleyne d'espérance et de confiance de vaincre par la grâce de nostre bon Dieu. La consolation que vous aves en cette entreprise est sans doute un vray présage qu'elle vous reuscira très heureusement. (i) On pourrait proposer avec vraisemblance M'"^ de Veyssilieu comme destinataire (voir le tome précédent, note ( i ), p. 571); les conseils donnés ici s'accorderaient assez bien avec ce que nous savons de cette fille spirituelle du grand Evêque. Dans ce cas, ces conseils étant un début de direction, ils ont dû suivre le Carême de 1617, sans toutefois, d'après les premières lignes, devancer le mois de juillet. Il est vrai cependant que le ton général, les avis de ces pages rappellent quelque peu la présidente Brûlart (voir tome XII, note (i), p. 267) et les lettres de 1604 ; de plus, le temps (16 mai-27 juin) mis par le message de la correspondante du Saint pour arriver à Annecy, indiquerait plutôt la Bour- gogne que le Dauphiné comme point de départ. Enfin, il n'est pas impossible que ce texte soit composé de plusieurs fragments de lettres de différentes dates. (Cf. tome XIV, note ( i ), p. 14.)  Année 1617 39 Fortifies- vous donq, Madame, en ce bon dessein, du- quel la fin est la gloire éternelle ; n'oublies rien au logis de ce qui est requis pour en chevir. Continues vos Com- munions et confessions fréquentes, ne passés point de jour sans lire quelque peu dans un livre spirituel, et, pour peu que ce soit, pourveu que ce soit avec dévotion et attention, le prouffit en sera bien grand. Faites Texamen de conscience au soir ; accoustumes-vous aux prières briefves et oraysons qu'on appelle jaculatoires, et le matin, en sortant du lict, mettes-vous tous-jours a genoux pour saluer et faire la révérence a vostre Père céleste, a Nostre Dame et a vostre bon Ange ; et quand ce ne seroit que pour trois minutes, il n'y faut jamais faillir. Ayés quelque image bien dévote et la baysés souvent. Je suis consolé dequoy vous aves l'esprit plus gay que ci devant. Sans doute, Madame, tous les jours vos con- tentemens croistront, car la douceur de Nostre Seigneur se respandra de plus en plus en vostre ame. Jamais per- sonne n'a gousté de la dévotion, qui ne l'ayt bien treuvee souëfve. Je m'asseure que cette gayeté et consolation d'esprit s'estend et rend son odeur pretieuse sur toutes vos conversations et particulièrement sur la domestique, laquelle, comme elle vous est la plus ordinaire et selon vostre principal devoir, aussi s'en doit elle ressentir plus que nulle autre. Si vous aymes la dévotion, faites que tous luy portent honneur et révérence ; ce qu'ilz feront s'ilz en voyent des bons et aggreables efifectz en vous. Mon Dieu, que vous aves de grans moyens de mériter en toute vostre mayson ! Indubitablement vous la pouves rendre un vray paradis de pieté, ayant monsieur vostre mari si propice a vos bons désirs. Hé, que vous seres heureuse si vous observes bien la modération que je vous ay dite en vos exercices, les accommodant le plus que vous pourres a vos affaires domestiques et a la volonté de vostre mari, puisqu'elle n'est point desreglee ni farouche. Je n'ay guère veu de femmes mariées qui puissent estre dévotes a meilleur marché que vous, Madame, qui partant estes fort obligée a vous y avancer. Je voudrois bien que vous fissies l'exercice de la sainte  40 Lettres de saint François de Sales méditation, car il me semble que vous en estes fort capable. Je vous en dis quelque chose pendant ce Cares- me, je ne sçai si vous y aures mis la main ; mays je desi- rerois que vous n'y emploA^assies pas sinon demi heure chasque jour et non plus, au moins de quelques années ; je pense que cela serviroit bien fort a la victoire de vos ennemis. Je suis pressé d'escrire, et néanmoins je ne sçai finir, tant je suis consolé de vous parler sur ce papier. Et croyés. Madame, je vous supplie, que le désir quej'ay une fois receu de vous servir et honnorer en Nostre Seigneur, croist et s'augmente tous les jours en mon ame, marri que je suis d'en pouvoir si peu rendre d'effectz. Au moins ne manque-je point de vous offrir et représenter a la miséri- corde de Dieu en mes foibles et languissantes prières, et sur tout au saint Sacrifice de la Messe ; j'y adjouste tous- jours toute vostre mayson, que je chéris uniquement en vous, et vous en Dieu. J'ay appris que vous esties grosse ; j'en ay béni Dieu qui veut accroistre le nombre des siens par l'augmentation des vostres. Les arbres portent les fruitz pour les hom- mes, mais les femmes portent les enfans pour Dieu ; c'est pourquoy la fertilité est une de ses bénédictions. Faites vostre prouffit de cette grossesse en deux façons : offrant vostre fruit a Dieu cent fois le jour, comme saint Augustin * Confess., 1. I, c. tcsmoiguc * quc sa mère, estant enceinte de luy, avoit viedev.,?art[eUi, accoustumé de faire; puis, es ennuis et afflictions qui chap. XXXVIII.) VOUS en arriveront et qui ont accoustumé de suyvre la grossesse, bénisses Nostre Seigneur de ce que vous souffres pour luy faire un serviteur ou servante, qui, moyennant sa grâce, le louera éternellement avec vous. Dieu en fin soit en tout et par tout glorifié en nos peines et consolations. France, E. de Genève.  Année 1617 41  MCCCXXVII A UNE PERSONNE INCONNUE ( FRAGMENT INÉDIt) Déshonorée devant le monde; en estime devant Dieu. [Mai-juillet] 1617 ( i ). sa femme et TAbbé de la [Mente i^)]. C'est une famille gastee et des âmes perdues , et l'unique fille de cet homme-la, qui est une bonne fille, deshonnoree devant le monde, bien que devant Dieu, estant dévote comme elTest, elle ne laisse pas d'estre d'estime. Or cett'. Revu sur l'Autographe conservé au i^"" Monastère de la Visitation de Marseille. (i) A qui ont été écrites ces lignes ? Peut-être à la Mère de Chantai pour recommander à sa douce charité la malheureuse fille du président Crespin. Pour lui servir d'asile, la Visitation s'offrait à la pensée du Saint. Cette conjecture n'a rien d'étonnant pour qui connaît la bénignité de l'Evéque de Genève. Quant à la date, on ne peut l'indiquer que d'une manière vague, dans les premiers mois qui suivirent l'assassinat de Lucrèce Belly. (Voir le tome précédent, Lettre mccci, p. 390, et ci-après, les Lettres mcccxxix, mcccxxx.) (2) Ce nom est entièrement rayé sur l'Autographe, mais le doute n'est pas possible; il s'agit de Sylvestre de Saluces, abbé de la Mente. (Voir ibid., note (5), p. 390-)  MCCCXXVIII A M. MICHEL FAVRE (O (billet inédit) Demande de nouvelles de deux chers malades. Thonon, 2 juillet 1617 (2). Monsieur Michel, mon ami, Salues, je vous prie, mon frère de ma part, et faites moy sçavoir a tous propos de ses nouvelles, comm'aussi (1) Aumônier de saint François de Sales et confesseur de la Visitation d'Annecy. (Voir le tome précédent, note (1), p. 208.) ( 2 ) La date de ce billet est indiquée par l'absence du Saint d'Annecy, et  42 Lettres de saint François de Sales de ma Mère (0. C'est tout ce que je vous puis dire cette matinée de la tressainte Visitation, vous donnant le bon jour et demeurant Vostre plus humble confrère, Franç% E. de Genève. A Monsieur Michel Favre, A la Visitation. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin, par la maladie de son « frère de Boysi, » Jean-François, dont il demande des nouvelles. (Cf. ci-dessus, Lettre mcccxix, p. 23.) La lettre du 29 juin étant datée de Viuz-en-Sallaz et celles du 7 juillet de Thonon, il est fort probable que l'Evêque passa la fête de la Visitation dans cette dernière ville. ( 1 ) La Mère de Chantai, souffrante aussi à cette époque. (Voir Lettre Mcccxxiii, p. 32.)  MCCCXXIX AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l" (minute ) François de Sales sollicite l'indulgence de Charles-Emmanuel pour un homme plus malheureux que coupable. — Les deux ailes de la renommée des bons princes. Thonon, 7 juillet 1617. (^) Monseigneur, Je demande très humblement pardon a Vostre Altesse, si, en un tems auquel elle est environnée de tant d'af- faires de conséquence (0, je prens la confiance en sa  (a) [L^Autographe d'une première minute, inédite mais incomplète, de cette lettre se conserve à la Visitation d'Annecy. Il est reproduit ci-dessous intégralement, avec la plupart de ses ratures.] Monseigneur, PAvant que je face ma supplication a V. A.J je fluyj demande très hum- blement pardon a V. A., si, en un tems auquel elle est environnée de tant d'affaires de conséquence, je prens la confiance en sa bonté de luy présenter  ( I ) Le duc de Savoie était alors dans de grandes inquiétudes au sujet de la ville de Verceil. assiégée depuis le 24 mai par le gouverneur de Milan. Encore  Année 1617 43 douceur de luy présenter cette supplication, a laquelle je suis forcé par le devoir que ceux de ma condition ont de compatir aux misérables et soulager les désolés, lors mesme qu'ilz sont abandonnés de tout autre secours. Apres, donq, avoir bien sceu que l'estrange accident advenu au sieur [Président Crespin] estoit procédé de malheur, plustost que d'aucune malice ou délibération ( O ; voyant qu'en une si extrême tribulation il recouroit a moy pour obtenir, par ma très humble intercession, l'accès aux pieds de Vostre Altesse, je ne l'ay peu ni voulu esconduire, de peur d'ofFencer Celuy qui jugera les vivans et les mortz selon l'assistence qu'ilz auront , ^^ ^^^^^ ^^^ faite aux affligés *, puysque mesme les deux personnes 34-46.  fcet escritj cette supplication, forcé du devoir que ceux de ma condition ont de fsecourir les,..J compatir aux affligés et fde consoler... d'alléger ceux.,.J de soulager les désolés, et lors particulièrement qu'ilz sont aban- donnés de tout autre secours. Apres donq avoir bien sceu que fce funestej Testrange accident farrivéJ advenu au Président Crespin estoit plus tost procédé de malheur fet de- sastrej que d'aucune malice et délibération, fcomme font foy les....J {') et que d'ailleurs les deux personnes qui en ont esté les plus touchés (sic) semblent conspirer au désir que le coulpable soit absoulz : puisque, quant a l'une, ayant perdu sa mère, elle ne craint rien tant que d'estre encor destituée de son père; et l'autre, soit quil ay (sic) eu compassion fde l'extrême tribu- lationj de ce père et de cette fille, soit qu'il ayt . voyant qu'en une si grande tribulation, fdelaissé dun chacunj il recouroit a moy pour avoir en quelque sorte accès en la miséricorde de V. A., je ne l'ay peu ni volu esconduire, de peur d'offencer Celuy qui fcom- mande a ses. . . J jugera les vivans et les mors selon l'assistence qu'ilz auront fait aux misérables; puysque mesme les deux personnes qui ont esté les plus touchées en ce desastre semblent conspirer au désir de la consolation fdu coulpablej de celuy fqui en est,..J auquel il est fadvenuj arrivé.  quelques jours, et le baron de Digoine-Damas, commandant pour Son Altesse, serait obligé de capituler, faute de poudre; en vain Charles-Emmanuel avait- il essayé d'en faire pénétrer dans la place. La chute de Verceil (26 juillet) eut surtout pour cause le rappel, par la cour de France, des troupes de Les- diguières; la Reine mère ne jugeait plus à propos de combattre contre les intérêts du duc de Mantoue, devenu son cousin par son mariage avec Catherine de Médicis. (Cf. Guichenon, Hist. génêal. de la Maison de Savoie, tome II.) ( I ) Voir au tome précédent la Lettre mccci, p. 390, et plus loin, note ( i ), p. 0.  ( I ) Les cinq lignes suivantes, encadrées d'abord par un trait de plume pour être transposées, représentent une leçon que l'auteur a ensuite abandonnée.  44 Lettres de saint François de Sales qui ont esté les plus touchées en ce desastre semblent conspirer au désir de la consolation de celuy auquel il est arrivé : car la fille (0 ne souhaite rien tant que d'avoir son père, puisqu'elle a perdu sa mère ; et quant a monsieur [l'Abbé de la Mente l^),] soit qu'il ayt eu compassion de ce père et de cette fille, soit qu'il ayt esté animé de ce divin Esprit qui nous fait vouloir du bien Cf. Matt., V, 44. a ceux qui nous font du mal *, il a des-ja protesté qu'il ne vouloit procurer aucune punition, ni faire partie. Reste l'œil du publiq qui, je m'asseure, regardera avec édification la grâce d'un homme qui a tant de raysons et de justes excuses, ainsy que Vostre Altesse jugera bien, si elle commande que rapport luy soit fait de cette desadventure, selon qu'il en résultera des procédures de justice. Et partant. Monseigneur, la faveur que Vostre Altesse fera a cette calamiteuse famille sera également ornée de justice et de miséricorde, qui sont les deux aisles sur lesquelles Taggreable renommée des bons princes vole et au Ciel et en terre, parmi mille bénédictions et de Dieu et des hommes. Playse donq a vostre debonnaireté, Monseigneur, de tendre sa main secourable a ce pauvre désolé, et d'excuser la liberté avec laquelle je luy propose ce bon œuvre, protestant que c'est avec toute la très humble révérence que je doys a Vostre Altesse, a laquelle je souhaite le comble de toute sainte prospérité, demeurant a jamais. Monseigneur, Son très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. Le 7 juUiet 161 7, a Thonon. ( I ) A la date du 29 juin 1619, Jean de Coysia, conseiller de Son Altesse et plus tard sénateur au Sénat de Savoie, signe son contrat de mariage avec D"^ Claude, fille de noble et spectable Georges Crespin, du Dauphiné. C'est, très vraisemblablement, la fille du malheureux Président. (2) Sylvestre de Saluées (voir le tome précédent, note (5), p. 390, et à l'Appendice II, sa lettre au duc de Savoie, 18 juin 1617). Ses bonnes dis- positions ne durèrent pas longtemps, comme on peut le constater par la lettre du président Crespin à saint François de Sales, donnée à l'Appendice I.  Année jôiy 45 MCCCXXX AU PRINCE DE PIÉMONT, VICTOR-AMÉDÉE (O (fragment inédit) Deux offensés qui souhaitent la grâce de l'offenseur. Plus d'infortune que d'iniquité. Thonon, 7 juillet 1617. la fille ne (3) craint rien tant que de se voir privée de son père, a mesure qu'elle se treuve avoir perdu sa mère ; et quant a monsieur l'Abbé de la Menthe, soit quil ayt eu compassion du père et de la fille, soit quil ayt esté ani- mé de l'Esprit céleste qui nous fait souhaiter du bien a ceux mesme qui nous font du mal, il a protesté qu'il ne vouloit en façon quelcomque faire partie, ni procurer aucune punition. Reste le publiq (b) lequel, je m'asseure, ne i^) sera nul- lement scandalisé si, sur forces f5/<;J ray sons justificatives d'un tel accusé, il plait a Son Altesse d'ouctroyer la grâce, laquelle affin de pouvoir plus aysement obtenir, j'addresse a vostre ('^) charité. Monseigneur, cette très humble requeste, fondée partie sur la justice, partie sur la miséricorde ; d'autant que, comme on ne peut pas nier qu'il ny ayt en cet accident quelque sorte d'appa- rence de coulpe, puisqu'il y a des mortz et blessés, aussi faut il confesser qu'il y a beaucoup d'innocence en efifect, et plus de grande infortune que de grande iniquité.  (a) ne — fcraignantj (b) le piihliq — fet la Justice J (c) ne — ftirera nul scandale. . . J (d) a vostre — fbontéj  ( I ) Ce fragment semble faire suite à la variante de la minute précédente ; mais la confrontation des deux Autographes et la mention de « Son Altesse » ne permettent pas de douter qu'il n'y ait deux lettres différentes. François de Sales, comme il le faisait souvent, en écrivant au Duc se sera adressé en même temps au prince de Piémont pour obtenir son appui.  46 Lettres de saint François de Sales Playse donq a Vostre Altesse de gratifier de sa faveur ( ^ ) ce calamiteux demeurant de famille, affin que, par le pardon fait a son chef, elle puisse aucunement subsister après un si funeste esbranlement.  Revu sur l'Autographe appartenant à M"^ Angéline Gavard, à Ville-en-Sallaz (Haute-Savoie).  (e) de sa faveur — fcette pauvrej  MCCCXXXI A LA MÈRE DE CHANTAL Une postulante attendue à Sainte-Catherine et qu'il faut recevoir à la Visita- tion. — Madame du Puits-d'Orbe en route pour Annecy. — Trempe desprit de TAbbesse. — Le Saint offre son logis pour la voyageuse. — Malades corporelles et malades spirituelles. Thonon, vers le 8 juillet 1617 ( i ). Ma très chère Mère, M. le Premier (2) et M. de la Valbonne (3) m'escrivent d'un'affection si extraordinaire pour M'"" de Beauvilars, que j'ay creu ne pouvoir ni devoir l'esconduire (4), atten- du que ce bon seigneur peut et veut tant favoriser nostre mayson d'Annessi en toutes les occurrences esquelles la Congrégation en pourra avoir besoin. Vous verres, sil vous plait, la lettre que j'escris et celles que j'ay receues, (i) L'allusion à la prochaine arrivée de Rose Bourgeois à Annecy, permet de rapprocher cette lettre de la suivante à lAbbesse du Puits-d'Orbe. {2) Antoine Favre, premier président au Sénat de Savoie. (3) René Favre, fils du précédent, seigneur de la Valbonne. (Voir ci-après, note ( I ), p. 57.) (4) Il s'agit sans doute de la fille de Gaspard de Bernières, sieur de Beau- villars, en Dauphiné (voir note ( 4 ) de la page suivante), qui avait épousé, en 1601, Huguette de Copier, ou Coppier, L'enfant n'était « qu'entrée en sa quatorzième année, » comme l'écrit la Sainte à la Mère Favre (Lettre du 8 juillet 1617, vol. I, p. 203), et c'est pourquoi on avait fait difficulté de la recevoir à la Visitation. Rien n'indique qu'elle y vint en effet, car son nom ne figure sur aucun livre de l'ancien Monastère.  Annke 1617 47 par lesquelles, je pense, vous connoistrés que nous ne pouvons pas gauchir. Je voy bien qu'a Sainte Catherine (0, ou on gardoit la place, j'auray a m'excuser, puisque mesme la chère fille ( ^ ) s'estoit desfaite de tout autre besoigne pour avoir le soin de cette fille ; mays j'auray plus tost accommodé cela que mon esprit, si en chose qui se peut j'avois despieu a monsieur le premier Praesident. Dieu, ce crois-je, conver- tira ceci en bien, et si la fille sçait lire et escrire, et qu'elle soit si bien conditionnée qu'on dit, l'incommo- dité ne sera pas si grande. Monsieur le Curé de Bons (3), qui connoit M. de Beauvilars (4), en dit beaucoup de bien. Mays voy la un'autre affaire. M""" du Puys d'Orbe vient ( 5 ), et je ne puis nullement quitter les affaires que j'ay icy sur les bras, qui sont publiques et pour ma charge. Et encor, si un jour suffisoit a voir cette fille, je m'efforcerois de courir jusque la et revenir ; mays, comme vous sçaves, cet esprit est malaysé a s'ouvrir, il y va des jours et des jours. Ma pauvre très chère Mère, ma vie (je vous asseure que je pensois escrire ma mie, mais il ne va pas mal ainsy) ; jedis donq, ma très chère Mère, escrives moy ce que je pourray et devray faire, a vostre advis. Mays, mon Dieu, cette pauvre fille que j'ayme tant (6), a grand tort, ce me semble, d'avoir veu M. de Sauzea (7)  (t) L'abbaye cistercienne de Sainte-Catherine (voir tome XIII, note (4), p. 116). (2) Plutôt Louise de Ballon que Bernarde de Vignod, bien que toutes deux fussent les « chères filles » de TEvêque de Genève. ( 5 ) Jean Mangier (voir tome XIV, note ( i ), p. 38). ( 4 ) Fils de Guillaume de Bernières, Gaspard (voir note ( 4 ) de la page précé- dente) occupa toute sa vie dans un interminable procèsàlui suscité par Jacques de Rochevieille, chanoine de Saint-Chef, au sujet delà maison-forte de Ville- Moirieu, près Crémieu. Propriété de la famille du Bourg, cette maison-forte avait été apportée à M. de Beauvillars par sa femme, veuve en premières noces de Laurent du Bourg-Cézargues. (Rivoire de la Bâtie, Armoriai du Dauphiné.) (5) Rose Bourgeois était en route, en effet, pour Annecy. Elle s'arrêta à Lyon trop longtemps, et n'arriva pas jusqu'en Savoie. (Voir la lettre suivante, et plus loin celle du 13 janvier 1618 à M. Milletot.) (6) L'Abbesse elle-même. (7) André de Sauzéa (voir tome XIII, note (i), p. 271), qui avait été con- fesseur de la Communauté du Puits-d'Orbe.  48 Lettres de saint François de Sales a Lyon ; car, quand il seroit un saint, puisque M. le Premier (0 et M. le Baron d'Origni (2) Taborre (sic) si fort, ne failloit il pas s'abstenir de cette veiie ? Or bien, il ny a remède ; c'est pour cela que Dieu donne ces affections paternellement maternelles, affin qu'on se degouste point de servir ces enfans emmi leurs enfances. Au reste, serves vous absolument de nostre logis pour la recevoir et de tout ce qui y est, sil vous semble bon de la faire loger la. En somme, je ne sçai que vous dire ; vous sçaves mon cœur comme le vostre propre, faites ce que vous verres. O si la petite mayson de M. le fiscal (3) estoit desembarassee, il y auroit commodité ; au moins, moins d'incommodité. Voyla aussi cett'autre fille de Bons qui peut estre viendra (4) : voyla bien du tracas. Tout se convertira en (i) Beau-frère de TAbbesse par son mariage avec Marie Bourgeois (voir tome XII, note ( i ), p. 267). Nicolas Brùlart était fils de Denis Brùlart, baron de la Borde et de Madeleine Hennequin. Il eut d'abord la charge de maître des requêtes au Parlement de Bourgogne ; devenu président en 1602, et premier président en 1610, sur la démission de son père, il mourut en 1627. (Moreri, 1740, tome II.) (2) Guillaume Bourgeois, frère de M"^*^ du Puits-d'Orbe. (Voir tome XIV, note (4), p. 131.) (3) La maison de Maurice Barfelly, procureur fiscal au Conseil de Gene- vois (voir tome XVI, note (2), p. 257), ne fut acquise définitivement que le 15 août suivant. (Voir ci-après. Lettre mcccxlii, p. 62, et les notes qui l'ac- compagnent.) (4) On peut suggérer avec beaucoup de probabilité le nom de Jeanne- Antoinette de Chevron- Villette-la-Couz, Religieuse de l'abbaye de Bons, où les « tendres âmes » couraient de grands dangers par suite des scandales qui, trop souvent, venaient s'ajouter à la décadence de la vie monastique. (Voir tome XIV, note (3), p. 8r, et cf. ci-dessus, Lettre mcccxxv, p. 36.) La Cister- cienne, fille de Pierre de Chevron-Villette, seigneur de la Couz, et de Si- monne de Bussy et Gevressia, était la propre sœur de Françoise-Jéronyme de Villette, professe de la Visitation de Lyon. Notre conjecture s'appuie sur deux lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantai, revues sur les Autographes. « Je saurai la tentation de la pauvre Soeur F. Jéronyme, » écrit-elle à la Mère Favre le 10 avril 1617; « hélas! sa pauvre sœur s'est perdue, à ce que Ton dit; je prie Dieu qu'il la radresse. » (Voir Lettres, vol. I, p. 192.) Et quelques mois plus tard, à la même : . (Ibid., p. 217.)  ( 1 ) La Tour est, dans l'imprimé, une erreur de lecture, et la date de septembre attribuée à cette lettre est inexacte; en la comparant avec celle du 15 août (ibid., p. 213), on se con- vainc en effet qu'elle a dij la précéder.  Année 1617 49 bien, et la peine de l'enfantement estant passée, on se res-jouira du bien qui demeurera. La multitude des occa- sions de bien faire tient quelquefois lieu de croix, mais cet (sic) pourtant la croix la plus douce. Les convulsions des enfantemens, les tranchées, les douleurs sont fas- cheuses ; les stériles, pourtant, les prefereroit (sic) a la tristesse de la stérilité. Nos malades m'ont fait une grande consolation de guérir (0, et ces malades spirituelles nous en feroyent encor un (sic) plus grande si elles guerissoyent. On ne peut pas aymer sans travail, mais le travail est aymable quand on ayme *. ( = ) » Cf. s. Aug., De bono Viduit.,c.xxi. Ce qui me tient en peine pour le fait de la fille de la petite seur (3), c'est que je l'ay oûie en confession et la fille de chambre aussi, et bien que de ce coste la je ne sache chose au monde de ce qu'on dit, si est ce quil faut éviter qu'on le puisse penser. Dieu me conduira, car j'ay cela bien a cœur. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans. Celle-ci dut arriver à Annecy peu après le retour du saint Evêque (30 juillet). Ajoutons qu'il ne pouvait y avoir à cette époque une autre « sœur de la Coût », puisque la mère des deux Religieuses avait passé à de secondes noces et que leur frère Claude ne se maria qu'en 1644. ( I ) Voir ci-dessus, note ( 5 ), p. 52. (2) Ici s'arrête le premier feuillet de l'Autographe; les lignes suivantes sont écrites en marge et continuaient sans doute la troisième page de la lettre, la quatrième étant ordinairement réservée à l'adresse. (3) Françoise de Charmoisy (voir ci-dessus, note (3), p. 33).  Lettres VIII  50 Lettres de saint François de Sales MCCCXXXII A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE (0 Bienvenue à TAbbesse. — La société des âmes pleines d'amour divin allège les afflictions. Thonon, 15 juillet (2) 1617. Ma très chère Seur, Je sçavois vostre venue de deçà par un advis que monsieur le Premier, vostre beaufrere ( 3 ), m'avoit envoyé, et par un billet receu des que je suis icy de madame la Première, nostre bonne seur (4). Et bien que je sois attaché icy encor pour quelque jours, si n'avois-je pas laissé de donner ordre que vous fussies receu (sic) Annessi, comme vous seres, Dieu aydant, a vostre arri- vée (5), laquelle je suis infiniment marri avoir esté retardée par cette (6) ntion. O Dieu, que. . . . vous a causé de desplaysirs ! Venes, ma très chère Seur, et venes bien disposée a suivre mes conseilz, qui parti- ront d'un esprit qui chérit vostre ame nompareillement. Que ce rencontre n'fébranle] point vostre courage ; Dieu convertira tout cela en bien. La bonne madame de Chantai vous attend impatiem- ment ; vous seres, ce me semble, toute alegee du fardeau ( I ) L'Autographe de cette lettre est collé sur un carton, en sorte qu'on ne peut voir l'adresse, écrite sur le verso et dont on aperçoit des traces au recto. Mais la seule lecture et la comparaison de ce texte avec celui de la lettre précé- dente suffisent à persuader que la destinataire est Rose Bourgeois, abbesse du Puits-d'Orbe. (Voir tome XII, note (i), p. 271.) ( 2 ) Le second chiffre du quantième est très oblitéré sur l'Autographe; nous ne donnons 75 que sous réserve, car on pourrait lire aussi 12 ou r^. (3) Nicolas Brûlart, premier président au Parlement de Bourgogne. (Voir ci-dessus, note (i\ p. 48.) (4) La présidente Brùlart, sœur de la destinataire. (Voir tome XII, note ( i ), p. 267.) (5) Voir la lettre précédente, p. 48. (6) Plusieurs mots ont disparu de l'Autographe par suite de l'usure; nous rétablissons entre crochets [ ] ceu.x que le sens permet de supposer, et rem- plaçons les autres par des points de suspension.  Année 1617 51 de vos afflictions quand vous aures esté un jour avec elle et avec ses filles, qui sont, a la vérité, toutes pleines du divin amour et de douceur (0. J'escris a monsieur le lieutenant (2)qui, je [m'assure,] suivra mon advis. Dieu vous bénisse, ma très chère Seur, ma Fille, et je suis en luy, Vostre plus humble frère et serviteur, Franç% E. de Genève. A Thonon le 15 (?) juUiet 161 7. Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Gustave Chevallier, Missionnaire apostolique, à Fixin (Côte-d'Or). (i) Nous avons dit déjà (note (5), p. 47) que la voyageuse ne vint pas à Annecy; cependant, ainsi que l'atteste la lettre du 13 janvier 1618, elle vit le Saint, sans doute à Grenoble, pendant l'Avent de 1617. {2) « Lieutenant général des armées du Roi, baillif de Dijon, capitaine- lieutenant des gensdarmes de M. le Prince, » Claude de Saulx, comte de Tavanes et de Beaumont, était fils de Guillaume de Saulx, deuxième du nom, et de Catherine Chabot. En 1613, il était devenu neveu de l'Abbesse par son mariage avec la fille de la présidente Brûlart, Françoise, qui lui donna onze enfants. (Cf. tome XIV, note (1), p. 278.) Claude mourut de maladie au siège de Fontarabie, en 1638. (Moreri, 1740, tome VII.)  MCCCXXXIII AU CHANOINE JEAN-FRANÇOIS DE SALES, SON FRÈRE (0 Un empressé départ. Thonon, 19 juillet 1017. Mon cher Frère, Ces deux motz sont escritz sur le plus empressé départ (0 Voir le tome précédent, note ( i ), p. 48. — Ce billet et le suivant sont écrits au recto d'un même feuillet, dont le verso porte pour adresse : A Monsieur de Boysi.  52 Lettres de saint François de Sales que je fis onques (0; M. le Collatéral vous le dirais), et tout le reste. Vives joyeux avec Nostre Seigneur. A Thonon, le 19 julliet 1617. A Monsieur Monsieur de Boysi. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Le Saint partait pour Evian et Saint-Paul. Peut-être allait-il conférer avec Claude de Blonay des affaires de la Sainte-Maison, ( 2 ) Claude de Quoex (voir tome XII, note ( i ), p. 84), veuf depuis le 31 mai de sa première femme, Bernardine de Chissé, était allé, au commencement de juillet, sur l'avis de l'Evêque et l'invitation de son frère Philippe, se « pro- mener jusques » à Thonon, pour voir Rose d'Yvoire qu'il épousa bientôt après.  MCCCXXXIV A LA MÈRE DE CHANTAL Annonce de retour. Thonon, 19 juillet 1617. A nostre Mère. Ma très chère Mère, Ces trois motz vous annonceront ma santé et l'espé- rance de vous revoir bien tost. J'escris sur le départ pour Evian, ou je vay le plus empressement que jamais j'allay en lieu du monde; M. le Collatéral vous le dira. Je suis, ma très chère Mère, comme vous sçaves vous mesme, tout vostre. 19 julliet 1617. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation a'Annecy.  Annhk 1617 53 MCCCXXXV A MADAME DE GENEVE, ABBESSE DE BAUME-LES-DAMES (')  Consécration d'une chapelle mortuaire. — Compliments affectueux et saints conseils. Thonon, 24 juillet 1617, Madame ma très chère Mère, Je pars, certes, accablé de mill'affaires, ayant au- jourdhuy consacré la chapelle de monsieur vostre frère, qui sera bien belle, certes, et la tumbe aussi (-). Vous pouves penser si nous avons souvent parlé de vous, mays non pas toutefois si souvent comme j'y ay pensé. Ma très chère Mère, vives tous-jours toute a Dieu, auquel vostre ame est de si long tems consacrée. Sa Passion soit vostre refuge, sa Croix vostre appuy, sa mort vostre vie et sa vie vostre gloire seternelle. Je suis sans fin. Madame ma très chère Mère, Vostre très humble filz et serviteur. Francs, £. de Genève. 24 juUiet 161 7, a Thonon. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy. (i) Le second feuillet de l'Autographe a disparu, et, avec lui, l'adresse. Mais il ne peut y avoir aucun doute que ces lignes ne soient écrites à Mar- guerite de Genève (voir tome XV, note ( i ), p. 262), sœur du marquis de Lullin. (Cf. note (2). p. 13.) (2) Par un acte du 16 septembre 1603, fait à Thonon, François de Sales avait autorisé le marquis de Lullin à « construire une chapelle contiguë à l'église de Notre-Dame de Compassion...., au côté droit, soit de l'Evangile, et sous le toit du bâtiment du prieuré, dit anciennement de Saint-Hippolyte. » La nouvelle construction formait un carré de vingt pieds de côté; un grillage en fer donnant sur l'église, permettait d'en apercevoir le maître-autel. Cette chapelle, dont les Barnabites acceptèrent la charge, avait un recteur, nommé ei entretenu d'un revenu de cent cinquante florins par le fondateur. Elle ren- fermait la tombe de l'illustre famille de Genève. La consécration eut lieu le 24 juillet 1617, et le fait fut consigné dans une longue inscription gravée sur une plaque de marbre noir qui se voit encore, ainsi que celle portant l'épi- taphe du marquis de Lullin, dans un cloître de l'ancien couvent des Minimes, devenu l'hôpital. [R. E. et Revue s.ivoisienne, 20 octobre 1873.)  54 Lettres de saint François de Sales  MCCCXXXVI A LA MÈRE DE CHANTAL Des fermiers retardataires à payer. — Fine et aimable proposition du Saint à la Mère de Chantai. Gex, 26 juillet 1617. A nostre Mère. J'envoye prendre des chevaux pour vous aller revoir, ma très chère Mère. Ce billet donq n'est que pour vous saluer en attendant, et vous dire que les fermiers de Monseigneur vostre frère (0 ne me veulent point donner d'argent, par ce, disent ilz, qu'ilz ne peuvent faire vostre somme que d'icy a 15 jours (2). Voyes si vous voules que, pour attendre cela, je retarde icy. Vous aymeres mieux que je vous voye lundi, si ce n'est di- manche (3). Dieu soit a jamais au milieu de nostre unique cœur. A Gex, le 26 juUiet 161 7. Et a ma très chère petite seur, ma fille tout uniquement très aymee (4), que j'ay grande envie de revoir. Revu sur l'Autographe qui appartenait à M. Mercier, chanoine de la cathédrale d'Annecy. (i) André Frémyot, archevêque de Bourges et prieur de Nantua. (Voir tome XII, note ( i ), p, 299.) (2) « Notre bienheureux Père, » dit la Mère de Chaugy (Mémoires, etc., Partie II, chap. 11), n'avait « pas voulu que notre Bienheureuse apportât quant et soi, non seulement du bien de ses enfants, mais non pas même du sien propre, lui commandant de se contenter d'une pension viagère que M^^"" de Bourges, son frère, l'avait priée d'accepter par aumône, et laquelle il lui a toujours continuée tandis qu'elle a vécu. » Cette pension s'élevait, d'après le Livre de Comptes du i^"" Monastère d'Annecy, à environ trois cent soixante- quinze florins. (3) Selon toute probabilité, le Saint rentra, en effet, à Annecy le dimanche 30 juillet. (Voir le billet suivant.) (4) Marie-Aimée, veuve de Bernard de Sales.  Année 1617 55  MCCCXXXVII A LA MfiME Retour de l'Evêque à Annecy. — Pourquoi il veut le lendemain se lever de bonne heure. Annecy, 30 juillet 161 7 ( i ). Me voyci donq arrivé, ma très chère Mère, en très bonne santé, grâces a Dieu. Je dormiray bien cette nuit, sil luy plait, et vous obeiray fort soigneusement. Mais je ne pense pas que demain je puisse ne me lever pas matin, car il y a trop de playsir a jouir de cette douce partie du jour ; et puis, ne faut il pas aller dire vostre Messe, puisque le reste du jour sera pour l'Office de nostre grande feste (2)? Aussi ay-je un désir extrême de vous revoir, et ma très chère petite seur (3), avec nos Filles. Dieu soit a jamais au milieu de nostre unique cœur. Amen. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans. (i) Le retour de François de Sales après une longue absence, à la veille d'un jour dont l'après-midi devait être occupé par « l'Office de nostre grande feste, » indique la date de ce billet : il a été écrit le soir du 30 juillet 1617. (2) La fête de Saint-Pierre-ès-liens, patronale du diocèse de Genève. (3) La baronne de Thorens.  MCCCXXIX.  56 Lettres de saint François de Sales MCCCXXXVIII AU PRÉSIDENT JEAN-GEORGCS CRESPIN (0 (fragment inédit) Raisons d'un retard à écrire. Annecy, [commencement d'août] 1617. J'estois en Chablaix quand je receu la première lettre quil vous pleut de m'escrire, et j'attendois response de *Vide supra, Epist. la supplication que j'avois faite a Son Altesse*, pour pouvoir m'asseurer de celle que j'avois a vous faire. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Casa Coltole)igo. (i) Nous savons déjà la triste aventure de ce président, meurtrier de sa femme, et que l'immense charité autant que l'exacte justice du Saint avaient protégé auprès du duc de Savoie, (Voir le tome précédent, note (4), p. 390, et ci-dessus, Lettre mcccxxix, p. ^2.) Ces données permettent de penser que le présent fragment appartient à une lettre dont il fut destinataire, et en fixent en même temps la date d'une manière approximative. Crespin comptait parmi les familiers d'Antoine Favre ; après avoir été son disciple, il l'avait suivi au Sénat en 1585 comme avocat, et comme sénateur en 1597. Depuis 16x5, il était second président de la Chambre des Comptes. L'émoi fut grand à Chambéry quand, le 15 avril 1617, commença contre lui, au sujet de l'homicide de la dame Présidente, sa femme, une procédure cri- minelle. Elle dura jusqu'à la fin d'avril, et fut peut-être portée à Turin par René Fayre, parti pour le Piémont le 28 de ce même mois. Puis, sans doute sur Tordre du prince, on tâcha de faire le silence sur cette affaire ; mais Crespin résigna ses fonctions et se retira à la Grande-Chartreuse. Un ami de François de Sales l'y accueillit, ayant égard, assurait-il, « a ses mérites et aux bons offices de la sainte affection qu'il a toujours démontrée a ce qui concerne le bien de nostre Ordre. » (Lettre de D. Bruno d'Afifringues à Favre, 10 octobre 1617. Cf. Mugnier, Hist. du Président Favre, Paris, 1902-1903, pp. 427-451.) L'asile était-il trop austère ou trop proche de la Savoie? Dans l'été de 1618, l'infortuné Crespin s'en allait vers un autre ami de l'Evêque de Genève, Mer Fenouillet, avec l'espérance de « finir ses jours en » la « vocation eccle- « siastique, comme dans un havre de grâce... après cette si rude tempeste. «(Voir plus loin la lettre du 4 septembre 1618, et à l'Appendice I, celle du Président au Saint.) En effet, en 1632, nous le retrouvons encore à Montpellier, bienfai- teur de la Visitation de cette ville, et recevant à ce titre une lettre de la Mère de Chantai, où elle le traite de « Votre Révérence. » L'année suivante, la Sainte écrit à la Mère de Marigny : « Voilà M. Crespin que je voudrais bien que vous eussiez assez de crédit pour arrêter en Languedoc et l'empêcher de retourner en Savoie. » (Lettres, vol. IV, 1879, pp. 84 et 186.) Il dut suivre ce sage et pruaent conseil, car rien n'indique qu'il soit revenu dans un pays dont il était si tristement sorti.  ANNtH 1617 57 MCCCXXXIX AU PRÉSIDENT RENÉ FAVRE DE LA VALBONNE (0 Félicitations au destinataire. — Joie du Saint, et celle qu'il promet au nouveau président du Conseil de Genevois. — Le petit Antoine et son grand-père. Annecy, 6 août 1617. Monsieur mon Neveu, Nul ne vous est icy ce que je vous suis, et nul, ni icy ni ailleurs, ne vous veut honnorer et chérir plus que je (r) Fils aîné d'Antoine Favre et de sa première femme Benoîte Favre, René, seigneur de la Valbonne, naquit à Bourg le 8 septembre 1^83. Il épousa en 1611 (contrat dotal du 18 juin) Andrée de Nicolle de Crescherel. Juge- maje à Annecy en juin 1607, installé au souverain Sénat de Savoie le 11 août 1609 (voir tome XIV, pp. 200 et 340), il prit possession de -< son estât et dignité de président eu Genevois » le 14 septembre 1617, sans perdre pour cela les honneurs et les avantages de la charge de sénateur. Son père songea encore, trois ans après, à lui obtenir la succession à la présidence du Sénat, et leur saint ami François de Sales, trouvant M. de la Valbonne « grandement « consciencieux... fort docte... et propre pour rendre beaucoup de service, » (lettre de juin 1620) donna les mains au projet, qui pourtant n'aboutit pas. René mourut à Annecy, le 28 septembre 1656, ayant ordonné qu'on gravât sur sa tombe : Renatus Faher^ haro, senator et prœses, tanquam Joh expectat hic donec veniat immutatio sua. Ce style sentencieux lui plaisait; il couvrit les murs de son château de Proméry d'emblèmes, de devises, d'inscriptions mo- rales, selon le goût du temps. Dans son livre du Bien public (Annecy, 1646), M. de la Valbonne se montre comme son père jurisconsulte éminent; presque toutes les dispositions indi- quées par lui ont passé dans les législatioas modernes ; et il trace l'image de ce qu'il fut comme magistrat, quand il demande à ceux qui ont charge d'ad- ministrer la justice « un esprit_fort et une conscience tendre, » c'est-à-dire du jugement, de l'expérience et une éducation relevée, avec la crainte de Dieu. Le contact fréquent de l'Evéque de Genève n'avait pas peu contribué à développer en lui ces précieuses qualités. « J'ai été dans l'habitude de jouir de la vie familière d'un si grand homme, » dépose-t-il au Procès de Béatification (Process. remiss. Gebenn. (II), ad 7um interrog.), « soit dans mon enfance, soit dans mon adolescence, et surtout pendant cinq ans avant sa très sainte mort où... j'ai demeuré avec lui dans la même maison; chaque jour il m'a été donné du ciel de prendre part à ses entretiens pleins de sua- vité ; et toujours il parlait de l'amour de la vertu, de la fuite des vices, du mépris du monde et des aspects divers des temps présents. » Cependant, sur ces derniers points, René ne se laissa guère persuader; car, dans son testa- ment, il défend à son fils Philibert de rien rabattre des sommes qui lui sont dues et pour lesquelles il a soutenu tant de procès ; il défend en outre à tous ses héritiers d'épouser une femme qui ne puisse produire quatre quartiers de noblesse des deux côtés paternel et maternel, à moins qu'elle n'ait '< vingt  58 Lettres de saint François de Sales souhaite de le faire. Pensés donq, s'il vous plait, quel est mon contentement sur vostre venue en cette ville, pour y posséder la qualité que si souvent je vous avois désirée et laquelle vous est arrivée avec tant d'honneur (0. Le bien est doublement heureux quand il nous arrive heu- reusement, et doublement honnorable quand il nous vient honnorablement. Venes donq, Monsieur mon cher Neveu, venes vers nous et vives avec nous joyeusement et sua- vement, jusques a ce qu'après longues années vous suivies monsieur vostre père au siège souverain, avec autant de consolation publique comme vous venes luy succéder en ce siège subalterne i-). Je salue très humblement ma très chère nièce (3), et me res-jouis avec elle, si elle se res-jouit de venir ; et si elle ne se res-jouit pas, je m'en res-jouis néanmoins, augurant que tout son cœur, que vous aves et qu'elle a, s'en res-jouira quand elle y verra chacun en feste autour de vous et d'elle, pour le contentement gênerai de vostre venue et de la sienne. Dieu soit a jamais au milieu de vostre esprit pour faire Ps. xcviii, 4. justice et jugement *, et pour vous combler de douceur et consolation céleste. Je suis sans fin. Monsieur mon Neveu, Vostre très humble oncle et serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. mille ducatons vaillants » ! (D'après une ancienne copie conservée dans les Archives Lagrange.) Son legs aux Pénitents noirs d'Annecy, avec les condi- tions qu'il impose, témoigne à la fois de sa piété, de son désir de faire le bien et de l'originalité de son esprit. (Voir Mugnier, Hist. du Président Favre, Paris, Champion, 1902-1903, chap. 11, et Revue Savoisienne, 15 mai 1864.) ( I ) La charge de président du Conseil de Genevois était vacante par le décès de Charles-Emmanuel du Coudrey qui se noya malheureusement dans le lac d'Annecy les premiers jours de juillet. (Voir tome XV, note (2), p. 12.) Le duc de Nemours la donna à René Favre de la Valbonne, s'y portant « de son mouvement, » écrit Antoine Favre au duc de Savoie le 28 juillet, « sur la souvenance qu'il a heu de la recommandation qu'il pleut a V. A. S. luy en faire, sont passés trois ans, et sur l'asseurance... que sans doubte V. A. S. auroit l'élection aggreable. » (Mugnier, Correspoyidance du Président Favre, tome II, publié par la Société savoisienne, etc., 1905.) (2) Avant d'occuper la première place au Sénat, Antoine Favre avait en effet rempli les fonctions de président au Conseil de Genevois. ( 3 ) Andrée de NicoUe de Crescherel, femme du nouveau président.  Année 1617 co Je suis seulement en peine de la séparation de mon- sieur vostre père et de son petit Anthoyne François (0, si vous rapportes, ou de celle de ma nièce et de luy si vous ne l'apportes pas; (2) mays vous l'apporteres, je m'asseure, car, comme separeroit-on ma nièce de ses entrailles ? et moy j'auray charge de le caresser souvent de la part de ce grand grand père. Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy. ( i) CetenfantétaitnéàChambéry le 15 novembre 161 5 (voir tome XV, note ( i), p. 217). Il fut baron d'Aiguebelette et chevalier d'honneur au Conseil de Gene- vois. Son grand-père et parrain l'avait fait héritier de sa maison d'Annecy ; son père y ajouta les biens de Vaugelas, de Gillon, etc. Antoine-François mourut en 1690, sans postérité, (2 ) La fin est inédite.  MCCCXL A UNE DAME (0 Ne jamais s'attrister, car Dieu nous aime et nous sommes siens. Annecy, 7 août 1617. Quel bonheur, Madame, d'estre toute a Dieu ! car il ayme les siens, il les protège, il les conduit, il les met au port de la désirable éternité. Demeurés donq ainsy, et ne permettes jamais a vostre ame qu'elle s'attriste ni vive en amertume d'esprit, ou en scrupule, puisque Celuy qui l'a aymee et qui est mort pour la faire vivre, est si bon, si doux, si amiable. Il a voulu, ce grand Dieu, que vous fussies sienne, et vous l'a fait vouloir, et vous l'aves voulu, et il vous a fait prendre tous les vrays moyens pour le devenir. Vous (i) Nous n'avons ici qu'un fragment d'une lettre adressée très probable- ment à une dame de Grenoble. Proposer un nom est bien difficile, aussi ce n'est que sous toutes réserves que nous avancerons celui de M™^ de Veyssilieu. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 371.)  6o Lettres de saint François de Sales Testes donq sans doute, ma très chère Fille, dont je me res-jouis infiniment et en bénis sa miséricorde, comme estant en elle sans fin, Madame, Vostre plus humble et très affectionné serviteur, Franç% E. de Genève. Annessi, le 7 aoust 161 7.  MCCCXLI AU PÈRE PIERRE DE BÉRULLE (O L'Evêque de Genève propose au fondateur de l'Oratoire un établissement dans son diocèse. Annecy, ii août 1617. Monsieur, J'ay bien sujet de vous remercier très humblement pour TofFre qu'il vous a pieu de me faire par l'entremise de monsieur de ForaxC^); mays j'attens de vous rendre ce devoir jusques a ce que je sache si j'auray occasion de me praevaloir de la grâce quil vous plait me faire. Cependant vous sçaves, comme je pense, quelle estime j'ay tous-jours faite de vostre Congrégation (3', et pour cela, des qu'il a pieu a Dieu par sa bonté de la faire esclorre, j'ay tous-jours désiré d'en avoir une Mayson en ce diocœse ; ce que je n'ay sceu faire jusques a présent, qu'a mon advis je puis reuscir de ce dessein. C'est en une ville ou nous aurions un prieuré de huit cens escus d'or de revenu fort liquide, l'église toute faite et presque ameublee, et le lieu beau, amené, près de Genève et Lo- sanne, et auquel on vit presque pour néant, c'est a dire a fort bon marché. Reste qu'il vous playse de me faire ( I ) Voir tomeXII, note (i), p. 1^5. ( 2 ) Guillaume de Bernard de Foras (voir tome XVI, note ( i \ p. 226). (3) Voir tomes XIV. note { i ), p. 207 ; XV, Lettre dccxlv, p. 1^4; XVI, Lettres cm, p. 44, et cml, p. 13^,  6i sçavoir si vous voudries accepter le parti, et si nous pour- rions y avoir d'abord huit prestres, puisque la fondation requiert cela, et si il se pourroit pas faire que l'un des huit exerçast la charge des âmes, aydé par les autres ; car cela estant, je n'auray plus a faire que d'obtenir le consentement de Son Altesse qui, je m'asseure, l'accor- dera volontier ( 0. J'attendray donq de vos nouvelles pour ce regard, et vous conjurant de me recommander souvent a la miséri- corde de Dieu, je demeureray a jamais, de toute vostre Congrégation en gênerai, et de vous en particulier. Monsieur, Très humble confrère et très affectionné serviteur, Francs, g. je Genève. XI aoust 1617, Annessi. A Monsieur Monsieur de Berule, en la Cong"'> de l'Oratoire. A Paris. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Reims. ( 1 ) A la Sainte-Maison de Thonon, les choses ne marchaient pas aussi bien que TEvêque de Genève l'aurait voulu ; il y avait bien des heurts entre les prêtres séculiers et les autres corps réguliers de l'établissement. Pour rétablir la paix et l'ordre, pour diminuer les frais, — car l'insuffisance des ressources était une des grandes causes de conflit — François de Sales ne vit pas de meilleur moyen que de remplacer les huit ecclésiastiques du Presbytère par huit Orato- riens. Cette pensée le poursuivra jusqu'à sa mort. Nous le verrons, dans les années 1620, 1621, 1622, agir persévéramment auprès du prince pour faire réussir ce projet; « sans cela, » écrit-il au duc de Savoie le 3 février 1622, « tout ce qui regarde leglise de Nostre Dame et les bastimens qui en depen- « dent s'en va ruiné. » C'était donc le prieuré de Saint-Hippolyte qu'il offrait, le 11 août 1617, au fondateur de l'Oratoire. Première origine de la paroisse de Thonon, ce prieuré existait déjà au xii° siècle, desservi par des moines de Saint-Benoît; sous la domination protestante, il devint propriété de la commune. On a vu, au cours de la correspondance (tomes XI, p. 309, XII, pp. 25, 33, 39g. 426) les démar- ches multiples de M?"" de Granier et du Prévôt pour le rachat du prieuré et son attribution aux PP. Jésuites qui devaient diriger le collège. Par Bulle du 13 août 1606, Paul V confirmait l'union de ce bénéfice à la Sainte-Maison, union consentie depuis 1601 par Charles-Emmanuel. Ses revenus étaient spé- cialement destinés à l'entretien du Séminaire. (Cf. Piccard, Mém. de VAcad. Saies., tome V, et Lavanchy, id., tome XXXIII.)  62 Lettres de saint François de Sales MCCCXLII A LA MÈRE DE CHANTAL (inédite) Que faire contre les bruyantes réclamations de deux femmes. Annecy^ vers mi-août 1617 (i). Ma très chère Mère, Voyci madame la fiscale qui crie tant qu'elle peut miséricorde (2), et la vefve crie aussi de son costé (3). Il (i) Par contrat dii 16 août 1617, Maurice Barfelly donne aux Sœurs de la Visitation, comme dot de sa fille Louise, une maison située « rue de TAsle, » au nord du monastère et le joignant. En même temps, il leur vend, pour la somme de cinq mille florins, une autre maison et ses dépendances, sise der- rière la première, à Test. Or, la maison donnée avait été acquise par le pro- cureur fiscal, de la veuve Lachenal (voir note (3) ci-dessous); celle-ci y conservait encore « deux cabinetz » édifiés sur une allée formant voûte et conduisant de la rue de la Halle aux bâtiments vendus par Barfelly le 16 août. (Archives de la Visitation d'Annecy.) Les Religieuses furent donc certainement contraintes d'acheter encore ces deux pièces. Ces détails fixent à peu près la date du billet et expliquent les gémisse- ments des intéressées à l'affaire. (2) Jacqueline, fille d'Antoine Déaclard ou Déaclaz, et d'une demoiselle Déage, femme de Maurice Barfelly, conseiller du duc de Nemours et procu- reur fiscal du Genevois (voir tome XVI, note (2), p. 257). Il faut reculer son mariage au-delà de 1591, date de la naissance de son fils Jean. Après plusieurs testaments, elle signe le dernier, à l'insu de son mari, le xo octobre 16x7, dans sa maison de Saint-Jorioz ; neuf de ses enfants y sont nommés. Le i^"" mai sui- vant, Jacqueline était inhumée dans l'église de Saint-Dominique d'Annecy; aussitôt le procureur fiscal chercha à faire annuler l'acte du 10 octobre, allé- guant la « frénésie » qui aurait tourmenté sa femme. En 1624, les débats duraient encore. (Mss. Lagrange.) (3) Fille d'honorable François Rouz, Marie était alors veuve de « M<^ Jac- ques de Lachenal, en son vivant notaire » d'Annecy. Le 29 août x6x8, elle contracte à son tour avec la Visitation pour la vente d'une maison, et, tenace pour le gain comme l'année précédente, elle fait nommer des experts pour l'estimation de son immeuble, réclame des dommages-intérêts pour le « trans- marchement de ses ardes » et l'ennui « de s'aller loger ailleurs ; » enfin, trouve moyen à cette occasion, de se débarraser de quatre créanciers, en passant toutes ses dettes au Monastère. Avant le 19 septembre 16x9, la veuve Lachenal épousa Hugues Carron, fils de « feu honnorable Jeanton Carron, marchand de ceste dicte ville. » (Archives de la Visitation d'Annecy.)  Année 1617 63 m'est advis que vous n'aves rien a faire en ceci, sinon de prendre ce que selon justice et rayson messieurs les députés (O vous bailleront, en le bien payant. Et quant au reste, la vefve ne sçauroit garder ce qu'elle prsetend ; car, quand pour avoir ce qui vous est nécessaire de sa mayson on la luy aura payée, il se treuvera asses de gens qui feront tenir séquestré Targent. Mais je ne puis bonne- ment m'expliquer par escrit ; ce sera demain matin, Dieu aydant. Cependant il faut renvoyer le tout a ce que mes- sieurs les députés feront ; ce que je vous dis par ce que je crain (sic) que ladite madame la fiscale n'aille encor vous parler et crier alarme. Et bon soir de tout mon cœur, ma très chère Mère de tout mon cœur. Revu sur l'Autographe appartenant à M, le chanoine Robert, doyen du Chapitre de Belley, ( I ) Barthélémy Flocard, Horace Bonfils et Roch Calcagni sont nommés comme témoins dans Pacte de vente du 16 août 1617 (voir note ( i ) de la page précédente). Seraient-ce les « députés » chargés de régler les droits du vendeur et de ses voisins ?  MCCCXLIII A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Une dame « un peu brune » sur le Saint. — Pourquoi son protégé n'a pas été pourvu au concours. Annecy, 28 août 1617. Ma très chère Fille, Je le croy que cette bonne dame ( ^ ) sera un peu brune sur moy, par ce que ell' affectionne fort les serviteurs de sa mayson, et l'un d'iceux s'estant présenté au concours dernièrement (2) sous sa recommandation, ne fut pas (i) Impossible de la désigner. (2) Au concours du 18 août 1617. Il s agissait de pourvoir la cure de Douvaine ; elle fut donnée à Jean-Louis Qpestan. (Voir le tome précédent, note (3), p. 328.)  64 Lettres de saint François de Sales prouveu, quoy qu'il soit certes fort capable. May s a la pre- mière commodité, je luy feray sçavoir qu'il m'est impos- sible de le gratifier tandis quil ne sera pas prestre ni lié aux Ordres sacrés ; car, quelle apparence de donner les charges ecclésiastiques de telle conséquence a un qui n'est encor point ecclésiastique, au praejudice de plusieurs honnestes ecclésiastiques qui ont des-ja fait longuement l'exercice et qui ont bien servi l'Eglise ? Je laisse a part qu'il n'est pas du diocsese, car en cela je me puis dispenser. Voyla, ma très chère Fille, tout le sujet qu'elle peut avoir. C'est grand cas comme l'esprit humain est ami de sa volonté, et comme chacun suit l'amour propre sans regar- der ce qui est plus au service de Dieu ! Sur cela je luy escris l'advis requis pour l'affaire de monsieur le Prieur (O ; je ne sçai si cela accommodera son cœur, mais il me tardoit que je le fisse. Au reste, M"" de Chantai (-) ne peut ne vous honnorer et chérir cordialement, puisqu'ell'est la fille de sa mère, et la mienne certes, car je l'ayme bien. Et je suis parfai- tement vostre, mais je dis très absolument, et Jésus soit a jamais nostre vie. Amen. XXVIII aoust 161 7, Annessi. A Madame [Madame] de la Flechere. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) Probablement Jean-François de Blonay (voir tome XII, note ( i ), p. 298, et XV, note ( i ), p. 354). (2) Françoise de Rabutin-Chantal était allée au commencement du mois d'août à Rumilly, auprès de M"'^ de la Fléchère (Lettres de sainte J.-F. de Chantai, vol. I, p. 207); elle devait y être encore.  Année 1617 65  MCCCXLIV A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONIPELLTER (0 (inédite) Paris et Grenoble en attente de lEvéque de Genève pour le Carême. — Mince bagage de science qu'emporte d'Annecy le jeune des Hayes. — Un engagé militaire en congé. — Souvenir douloureux de la mort de Bernard de Sales. — Capitulation devant une « batterie de pleurs ». — La tyrannie du péché. Annecy, 30 août 1617. Monseigneur, Je vous rens grâces très humbles de Ihonneur que vous me faites, qui m'est certes infiniment praetieux ; et pleut a Dieu que je peusse correspondre par autant de services comme j'ay de désirs ! Je suis encor incertain si j'iray a Paris ou si je retour- neray a Grenoble, Son Altesse, laquelle m'a commandé Tun et l'autre, ne m'ayant encor voulu déterminer auquel des deux je m'attacheray (-). Monsieur Garin (3) vous dira toutes nos nouvelles et que nous renvoyons le jeune M. des Hayes (4\ doux, amiable, courtois, a M. son père (5), mais non pas fort sçavant, ains seulement instruit d'un peu de latin et de quelques parties des mathématiques. Je m'asseure que monsieur son père s'en contentera, puisque il ne s'est rien peu faire davantage, quoy que nos Pères Barnabites, ayent coopéré de tout leur pouvoir. ( I ) Voir tome XIV, note ( i ). p. 4. (2) Par lettres datées de Paris, 4 mai 1617, les marguilliers de Saint-André- des-Arts avaient invité François de Sales pour la station du Carême (cf. le tome précédent, note ( i ), p. 593). La décision de Charles-Emmanuel ne vint qu'en octobre; elle envoyait le Saint à Grenoble. (Voir ci-après, Lettre MCccLxvi, p. 105. et à l'Appendice I. la lettre du duc de Savoie, 14 octobre.) (5) Jacquelin Garin (voir ci-après, note (3), p. 107). (4) Louis des Hayes, qui avait passé deux ans au collège d'Annecy. (Voir tomes XVI, note ( , ), p. 340, et XVïI, Lettre mci, p. 27.) (5) Antoine des Hayes (voir tome XII, note ( i ), p. 251). Lettres VIII e  66 Lettres de saint François de Sales Vous m'aves renvoyé M. de Barraux (0, affin quil eût quelque sorte de refuge vers moy en ce qui regarde son bonheur, c'est a dire vostre grâce. Pour cela, suis je obligé de vous asseurer que tous les jours il va de bien en mieux, s'estant rangé a la compaignie de M. le Marquis d'Aix (2), duquel il eut congé, après la misérable prise de Verceil (3), devenir icy, pour toutefois retourner dans peu de jours en Piémont, ou je ne vous diray point quelle perte vous et moy avons faite : vous, d'un serviteur fort asseuré, moy, d'un frère très aymable et qui entroit fort honnorablement en la connoissance et bienveuillance de son Prince (4). (*) Obmutut, Domine, et non aperui Ps, XXXVIII, 10. os meum, quoniam tu fecisti *. La playe est des-ja a moytié soudée, après trois moys. La femme du sieur Gautier m'a forcé par ses larmes de vous supplier. Monseigneur, de recommander sa misère a son mari, ou plus tost la misère de ses filles, car quant a la sienne, elle ne nie pas de l'avoir méritée ( ?). Il ny a moyen de résister a cette batterie de pleurs, et cela m'excusera dequoy je prens cette confiance. M. de Bellerive l*^) avoit renvoyé en Piémont sa Mar- guerite, sur mes exhortations ; mais comme ce sont des  [*) Je me suis tu, Seigneur, et je n ai pas ouvert ma bouche, parce que c'est vous qui Vave:( fait. (i) Le neveu de TEvêque de Montpellier, Michel Fenouillet, seigneur de Barraux. (Voir tome XVI, note (i), p. 339.) (2) Louis de Seyssel-la-Chambre, marquis d'Aix (voir tome XIV, note (2), p. 89). (3) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 42. (4) Comme on l'a vu plus haut (note (4), p. 13), Bernard de Sales était mort le 23 mai. (5) Peut-être s'agit-il de Jacquemine Falquet, femme d'honorable Claude Gauthier. Nous connaissons deux de leurs filles : Aymée et Jeanne-Claude, nées en 1591 et 1593. (Reg. par. d'Annecy.) (6) Georges Plonjon, seigneur de Bellerive et de CoUonges, était fils de Henri Plonjon et de Catherine de Châteauneuf. Issu de deux familles héré- tiques, il s'allia avec une protestante de Montpellier, Jeanne de Pluviers (1602), L'année suivante, il entre au Conseil des Deux-Cents, et en reste membre jusqu'en 1610; à cette date, une prise de corps décernée contre lui l'en fait exclure. Dès 1604, le Consistoire s'était occupé de prévenir la ruine de sa maison qu'acheminait « la pauvre conduite de ce mesnage ; » ce fut bien pire  Annke ibi-j 67 diablesses familières dont on ne se peut défaire après qu'on leur a fait hommage, on m'a dit qu'ell' est retournée d'elle mesme, comme philtree et transportée de la passion de l'amour de cet homme ; mais quant a la vouloir espouser, il proteste de ny avoir jamais pensé. Je le vis l'autre jour passant a Gex (0, et croyois, quelques jours après, de les assembler, ouïr et accommoder, mays je ne fus pas si heureux de la voir ni le revoir ; encor veux je pourtant m'en essayer. La tyrannie du péché est cruelle ; elle oste le jugement, oiiy mesme a ceux qui n'en ont point. Je prie Dieu quil vous conserve et comble de toute sainte prospérité, demeurant a jamais, Monseigneur, Vostre très humble et très obéissant frère et serviteur, Francs, E. de Genève. 30 aoust 161 7, Annessy. A Monseigneur Monseigneur l'Evesque de Monpelier, Conseiller d'Estat de Sa Majesté. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montpellier. en 1617 ; le Conseil de Genève remplit ses Registres du récit des « vitieux deportements » de M. de Bellerive, et des démarches faites auprès du mar- quis de Lans pour qu'il l'oblige « de pourvoir a l'entretenement et nourriture de sa femme et enfants qui sont en extrême nécessité. » Le Consistoire de Montpellier lui-même s'émeut en faveur de Jeanne de Pluviers et la re- commande par lettres à « Nos Seigneurs de Genève. » Les efforts des Consis- toires et du Conseil échouèrent; les ministres de la foi catholique réussirent mieux. Le 12 septembre 1617, les Registres notent que les Capucins « ont esté, avec l'Evesque d'Annecy, instrumens de la reconciliation du sieur de Bellerive avec sa femme. » Celle-ci est appelée le lendemain devant le Con- sistoire pour recevoir des « remonstrances, avec défenses de plus fréquenter ny retirer en sa maison lesdits Capuchins. » Les défenses ne furent sans doute pas respectées, car, plus tard, on retrouve M'"= de Bellerive catholique, et l'un de ses fils, revêtu de l'habit de saint François d'Assise. Quant à Georges Plonjon, il fut emprisonné à Chambéry à la fin de ce mois de septembre 1617, sous diverses inculpations, notamment pour « s'estre du tout mal gouverné en Piedmont, » où il était allé pour le service de Charles-Emmanuel. Son testament est du 5 avril 1619; sa mort précéda le 10 février 1627, date du testament de son fils aîné. (D'après V Armoriai de Savoie et les Reg. du Conseil de Genève, lôo^-iôi-j.) ( I ) Le Saint était revenu depuis un mois déjà de son voyage de Gex. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 55.)  68 Lettres de saint François de Sales  MCCCXLV AU PRÉSIDENT ANTOINE FAVRE (inédite) Une distraction de François de Sales. — Démarches de M™^ de Thorens pour recouvrer les armes de son mari. — Inquiétudes au sujet de la santé de la présidente de la Valbonne. Annecy, 30 août 16 17. Monsieur mon Frère, Hier, parmi un tracas importun, escrivant a monsieur de Charmoysi mon cousin (0, et ayant volonté de vous escrire, je fermay sa lettre comme si c'eust esté a vous, sur le sujet de la maladie de madame la Présidente de Genevois ma nièce (-). Je croy que vous m'excuseres aysement, et mon cousin aussi, qui connoisses asses mon esprit sujet aux evagations. Maintenant, c'est au nom de ma seur de Thorens (3) que je vous escris, et vous présentant son très humble baysemain, je vous supplie de la favoriser en ce qui se pourra bonnement faire pour le recouvrement de certaines armes de feu mon frère son mari, dont ce porteur vous déclarera les particularités ; vous remerciant très hum- blement encor de la part de cette seur du soin quil vous plaist d'avoir es occurrences des affaires de feu mon frère, que nous allons demeslant le mieux que nous pouvons, pour payer cinq ou six cens escus de debtes quil a laissés, en attendant de voir ce que la providence de Dieu fera naistre de sa vefve enceinte. Au reste, je vous supplie très humblement de com- mander que nous soyons advertis de Testât de la maladie de nostre Présidente, car en vérité nous en sommes en (i) Claude de Vidomne de Chaumont, seigneur de Charmoisy. (Voir tome XII, note ( i ), p. 216.) ( 2 ) Andrée de Nicolle de Crescherel, femme de René Favre de la Valbonne, nommé président de Genevois au mois de juillet précédent. (Voir ci-dessus, Lettre mcccxxxix, p. 57.) (5) La veuve de Bernard de Sales, baron de Thorens.  Anniîh 1617 69 peine jusques a l'inquiétude inclusivement, et les Dames de la Visitation n'oublient pas a prier Dieu, comme aussi que sa bonté vous veuille conserver. Je suis, Monsieur mon Frère, Vostre 1res humilie et obéissant frère et serviteur, Franc/, E. de Genève. Annessi, 30 aoust 161 7. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.  MCCCXLVI A MADAME DE BLANIEU (0 Comment ne pas dévier du chemin des ordonnances divines. Annecy^ 30 août 1617. Que faites-vous, ma très chère Fille? car vo3da le mot que vous voules. Mon cœur pense souvent au vostre et, si vous entendies son langage, il vous demande si vous estes tous-jours au pied de la Croix, ou je vous laissay, c'est a dire tous-jours attachée a la tressainte volonté de Dieu, pour ne fourvoyer ni a droitte ni a gauche (ni aux contentemens ni aux afflictions, ni entre les amis ni entre les ennemis) du chemin de ses ordonnances *. Je le croy, *Cf.J*s. cxvm, 32, certes, ma très chère Fille, et je vous en conjure. Ces jours s'escoulent, l'éternité s'approche : passons si droit qu'elle nous soit heureuse. Ce sont les souhaitz que je fay sur vous, ma très chère Fille, a qui je suis fort affectionnement Vostre très humble serviteur en Nostre Seigneur, Francs E. de Genève. Ce 30 aoust 161 7, Annessi. (i) Dans l'édition de 1626, cette lettre précède celle du j avril 1617 dont l'Autographe a été heureusement retrouvé (voir le tome précédent, Lettre Mccxcn), et est adressée à la même personne. Nous pouvons donc, presque avec sûreté, indiquer Marguerite de Sassenage, dame de Blanieu, comme destinataire. (Voir ibid., note ( i ), p. 362.)  3, ; Prov., iv, uït,  70 Lettres de saint François de Sales  MCCCXLVII A LA MÈRE DE CHANTAL Attente et désir du saint Evêque. Annecy, 5 septembre 161 7 (i). Helas, ma très chère Mère, si j'osois j'irois; quand il sera a propos, faites le moy sçavoir. Certes, mon ame est en peine. Dieu, par sa bonté, nous veuille donner l'ame de cet enfant et la vie de la mère, que j'ay dedans mon cœur comme ma pauvre très chère petite fille ( = ). Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives Barolo. (r) Quelques heures suffirent à la naissance, à la mort et à la sépulture du fils posthume de Bernard de Sales. Or, il fut enterré le 5, d'après les Regis- tres paroissiaux ; ce billet a donc été écrit ce jour-là même, de très grand matin, peut-être même dans la nuit. (2) « Ma douleur est a Textremité de la mort, » disait la baronne de Tho- rens aux premières heures de son veuvage ( Vie manuscrite, par la Mère de Chaugy). Il ne fallut en effet que trois mois et demi à cette profonde douleur pour conduire Marie-Aimée à la tombe. L'enfant qu'elle attendait la retenait seul ici-bas ; sa naissance s'annonça inopinément au milieu de la nuit du 4 au 5 septembre. On dut renoncer à faire transporter la jeune femme dans la maison qui lui avait été préparée; la Mère de Chantai reçut elle-même son petit-fils à son arrivée en ce monde, et, pressée par l'urgente nécessité, lui donna sans retard le baptême ; « après quoy, » dit la Mère de Chaugy (ibid.), « ce pauvre petit tourna aussy tost les yeux vers son tumbeau quil les heut ouvers pour voir la lumière du monde, expirant presque aussy tost quil com- mença a respirer, »  MCCCXLVIII A LA MÊME (fragmhnt inédit) Visite différée. Annecy, 5 septembre 1617 (i). Ma très chère Mère, J'ay esté sur le point de vous aller [voir] et dire la (i) L'écriture, le format du papier, indiquent comme très probable l'année 1617, et ces lignes semblent faire suite au billet précédent. Elles seraient donc de la matinée du 5 septembre.  Année i6i  7 7»  Messe en vostre église ; mais ce qu'on m'a dit [duj mau- vais chemin m'a arresté, outre que j'ay quelque [opinion] que je ny doive pas aller encor maintenant. Pour (0.  Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Fribourg. (i) L'Autographe a été mutilé.  MCCCXLIX A M. LAURENT SCOTTO (0 (inédite) Un bénéfice prêt à vaquer. Annecy, 7 septembre 161 7. Illustre et molto Reverendo Signor, In fretta, con queste quattro righe, dico a V. S. che il signor Nicolô Clerico (2) non ha mai voluto resignar la capella (3), ne alcun altro beneficio, quantumque egli sia un pezzo fa ammalato. Per questo, V. S. farà bene di prevalersi del tempo et procurar di haver la nomina- tione de quelli che han \\ juspatronatus, perché li medici Illustre et très Révérend Seigneur, Par ces quatre lignes, je dis en hâte à Votre Seigneurie que M. Nicolas Clerc (2) n'a jamais voulu résigner la chapelle (3) ni aucun autre bénéfice, quoiqu'il soit malade depuis longtemps. C'est pourquoi vous ferez très bien de profiter du temps et de tâcher d'en obtenir la nomination par ceux qui ont le droit de patronage, car les (i) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 292. (2) Voir tome XI, note { i ), p. 345. (3) Le mourant était bénéficier de la chapelle de Notre-Dame et de saint Jean-Baptiste dans l'église de Saint-iNicolas de Villa-en-Michaille, et de celle du Saint-Esprit de l'église de Saint-Félix dont il était aussi curé. Par son testament, du 4 septembre, il désignait Claude Clerc pour recteur de la première; la seconde fut attribuée à Philibert Hudry, le 2 octobre, sur pré- sentation des syndics. (R. E.) C'est peut-être de celle-ci dont parle le Saint.  72 Lettres de saint François de Sales certificano che ben presto detto signor Nicolô morirà (0. D'il che, non havendo potuto far meglio, ho pensato di dover dar aviso a V. S., alla quale io son con tutto il cuore, Affettionatissimo servitore et fratello, Franc°, Vescovo di Geneva. In Annessi, alli 7 di Settembre 161 7. Air Illustre et molto R*^*^ Sig% 11 Sig»" Lorenzo Scotto, Capellano di S. A. Revu sur l'Autographe conservé à Milan, Archives du prince Trivulzio.  médecins assurent que M. Nicolas mourra bientôt (0. Aussi, n'ayant pu mieux faire, j'ai pensé devoir en avertir Votre Seigneurie, à qui je suis de tout cœur, Très affectionné serviteur et frère, François, Evêque de Genève. Annecy, 7 septembre 16 17. A l'Illustre et très Révérend Seigneur, M. Laurent Scotto, Chapelain de Son Altesse. (i) Il dut mourir avant le 21 septembre, date de l'acte de présentation de Philibert Hudry par les syndics.  MCCCL A MADAME DE MONTFORT Nouveau deuil et nouvelle douleur. — Saintes dispositions de la baronne de Thorens à son lit de mort. Annecy, 10 septembre 1617. Madame ma très chère Cousine, Nous n'avions encor achevé nos plaintes pour la perte que nous avions faite en Piémont ( ^ ), que voyci la seconde arrivée, laquelle, je vous asseure, nous est infiniment ( I ) La perte de Bernard de Sales. (Voir ci-dessus. Lettres mcccxv-.mcccxvhi.)  Annkh 1617 73 sensible, celte chère anie ayant tellement vescu parmi nous, qu'elle nous avoit rendus tous parfaitement siens, mais moy plus particulièrement, qu'elle regardoit avec un amour et honneur filial ; et puis, le contrecoup receu par l'affliction de sa digne mère donne surcroist a nostre desplaysir. Mais pourtant, a Timitation de cette défunte, nous em- brassons, aymons et adorons la volonté de Dieu, avec toute sousmission de tout nostre cœur, car c'estoyent presque ses dernières paroles ; vous asseurant que jamais je n'ay veu un trespas si saint que celuy de cette fille, quoy qu'elle n'eust que cinq heures pour le faire (0. Je vous remercie cependant humblement, et M. de Montfort, mon cousin ( = ), de l'honneur de vostre souve- nance, et suis a jamais, Madame ma Cousine, Vostre très humble cousin et serviteur, Franc*, E. de Genève. Le 10 septembre 161 7. (i) Marie-Aimée de Chantai ne survécut que deux jours à son fils (voir ci- dessus, notes ( I ), (2), p. 70). Sur les huit heures du soir, le 6 septembre, le médecin jugea qu'elle n'avait plus que trois ou quatre heures de vie ; François de Sales immédiatement averti, accourut au monastère, accompagné de M. de Boisy, son frère, et de quelques ecclésiastiques, et la trouva au sortir d'une syncope, le corps défaillant, mais Tâme toujours forte, présente à elle-même, et croissant de minute en minute, pourrait-on dire, dans la plus haute perfec- tion. Dieu, selon les propres paroles de la mourante, mettait lui-même la main à cette sainte besogne ! Elle reçut les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie ; puis, s'adressant à l'Evêque et à sa bonne mère, les supplia humblement de lui donner l'habit de la Congrégation. Sa résolution avait été invariable de se donner à Dieu dès la mort de son mari, et celle de son enfant, achevant de la détacher des choses de la terre, venait de ranimer ses désirs. Ils furent exaucés; novice à neuf heures, elle fut professe à dix, prononçant les trois vœux de religion lorsque son saint beau-frère lui eut administré TExtrême-Onction. « Les larmes de tous les assistans ne Tétonnerent point, » raconte l'annaliste de l'Ordre, « ses douleurs extrêmes n'ébranlèrent point sa constance... A deux heures après minuit, elle dit fortement et doucement : — Ah ! voicy la mort,... elle saisit mon cœur; mais mon Jésus en est saisi le premier... — Et prononçant trois fois le sacré nom de Jésus... elle expira, élevant ses yeux au ciel où son ame s'en alloit. » Elle avait dix-neuf ans. deux mois et six jours. (Voir sa Vie par la Mère de Chaugy, dans Les Vies de VII Religieuses de l'Ordre de la Visitation Sainte Marie, Annessy, 1659.) ( 2 ) Le mari de la destinataire (voir tome XVI, note ( i ), p. 60).  y4 Lettres de saint François de Sales  MCCCLI A UN GENTILHOMME (fragment) Sainte mort de la baronne de Thorens. Annecy, vers le 12 septembre 1617 (i). Il a pieu encor, ces jours passés, a Dieu de me visiter en nostre mayson, retirant a soy nostre nouvelle vefve, ma seur de Thorens, femme des plus sages, vertueuses et aymables qu'on eust sceu désirer. Il m'estoit advis que mon frère ne fust pas du tout mort tandis que cette femme vivoit. Elle s'estoit vouée a la Visitation des l'instant de sa viduité et avoit des-ja fait ce projet au despart de son mari ; et Dieu luy a fait la grâce qu'elle est morte en cette mayson, d'une mort marquée de sainteté extraordinaire; elle demanda l'habit et fit les vœux avant que de mourir. Monsieur, il me fait grand bien de vous dire mes dou- leurs, puisque vous me faites l'honneur de me vouloir du bien Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de Marie- Aimée de Rabuiin- Ckatital, baronne de Thorens^ conservée à la Visitation d'Annecy. (i) Quel est le destinataire de ces lignes ? La Mère de Chaugy, qui nous les a conservées, dit seulement : « Nous avons treuvé escript de la main de nostre B. P. ce qui suit, dans une lettre a un seigneur, qui n'est pas imprimée. » L'absence du nom de « frère » fait exclure Foras et Milletot, tandis que les rapports récemment renouvelés avec le marquis de Lullin (voir plus haut, Lettre mcccxxxv, p. 53) pourraient faire songer à lui. La date se déduit de celle de la mort de la jeune Baronne, arrivée « ces « jours passés, » 7 septembre.  Année 1617 75  MCCCLII A LA MÈRE DE BRÉGHARD SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE MOULINS (0 (fragment) Suprême transformation d'une âme. — « Un amour infiniment plus que fraternel. » Annecy, vers le 12 septembre 1617.  Au reste, que dires vous de nos afflictions domestiques? Ce n'est pas Taymable belleseur de Thorens que vous avies veuë, c'est une seur toute autre que nous avons veu trespasser ces derniers jours ; car, des un an en ça, elle estoit tellement perfectionnée qu'elle n'estoit plus con- noissable, mais sur tout despuis sa viduité, qu'elle s'estoit voiiee a la Visitation. Aussi, mon Dieu, quelle fin a elle faite! certes, la plus sainte, la plus suave et la plus ayma- ble qu'il est possible de s'imaginer. Non, je la cherissois d'un amour infiniment plus que fraternel ; mais, ainsy qu'il a pieu au Seigneur, ainsy doit il esire fait : son saint nom soit béni * / Amen. * Job, i, 21.  (1) D'après l'édition de 1626, la lettre suivante s'adresse à la Mère Favre; dans celle de 1641, le présent fragment terminait un texte également attribué à la Supérieure de la Visitation de Lyon, mais composé de plusieurs pièces, (Voir le tome précédent, Lettre mclxviii et les notes (i), (3), p. 150, et ( 2 ), p. 151.) Le sujet étant identique et les termes presque semblables, on peut supposer que ces lignes ont été écrites plutôt à une destinataire différente, très probablement à la Mère de Bréchard qui avait tant connu, elle aussi, la baronne de Thorens.  76 Lettres de saint François de Sales  MCCCLIII A LA MÈRE FAVRE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE LYON Une baronne qui promettait de devenir une autre Mère de Chantai. Sa mort douloureuse et sainte. Annecy, 12 septembre 1617. Vous VOUS imagineres bien de quelle sorte nous avons esté touchés ces jours passés, ma très chère Fille. Ce n'est pas la madame de Thorens que vous aves veuë, quoy que celle-là fust fort aymable : c'est une madame de Thorens toute dediee a Dieu, toute relevée au désir de ne vivre qu'a Dieu, toute pleine de clarté es choses spi- rituelles et de la connoissance de Dieu et de soy mesme, et telle que Ton pouvoit espérer que dans peu de tems elle seroit une autre nostre Mère (0. Je ne vous diray rien de sa fin tressainte ; on vous l'escrira de chez nos Seurs. Entre ceux qui la virent en cette dernière maladie, il y en eut qui, le jour suivant, me vindrent demander congé de l'invoquer, et d'autres qui vindrent renouveller leurs bons propos, esmeus du spectacle de cette mort toute pleine de douleurs extrêmes, et douleurs toutes parsemées de : « Vive Jésus ! Sei- Cant., I, 3. gneur Jésus, tirés moy * a vous. O Passion et Mort de mon Jésus, je vous embrasse, je vous a3'me, je vous adore, vous estes mon espérance. Vive Jésus et Marie, que j'ayme plus que ma vie! » et semblables, prononcés si suavement que merveilles. Or sus, ma très chère Fille, il m'a fait grand bien de { I ) Le saint Evêque avait, en effet, fondé de grandes espérances sur la jeune Baronne, et, « la regardant comme une ame choisie, » dépose Michel Favre (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 39), il « jetla sa mire sur elle pour la façonner et rendre capable d'ayder a l'advancement spirituel des amss en rOrdre de la Visitation. » Et les Sœurs, dit la Mère de Chaugy (ouvrage cité, note ( I ). p. 73), « esperoient que lors que Dieu retireroit leur sainte Paule pour la couronner de gloire, cette aymable Eustochium demeureroit pour leur consolation et pour leur conduite. »  Anneh 1617 77 vous dire ces quiitre motz qui sont un eschantillon de la pieté de cette mort. Cette chère ame est trespassee Seur et Fille de la Visitation tout ensemble. Je suis infiniment vostre. Franç% E. de Genève. Le 12 septembre .... Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de Marie-Aimêe de Rahutin- Chantal, baronne de Thorens, conservée à la Visitation d'Annecy.  MCCCLIV AU CARDINAL ROBERT BELLARMIN (O Un heureux transfuge de l'hérésie. — Pour lui. le Saint réclame le paiement d'une pension promise. — Souhait ardent d'avoir, de la main du savant Cardinal, l'explication de quelque Epître de saint Paul. — Les princes en guerre et le Pacificateur à venir. Annecy, 12 septembre 1617. Illustrissime et Reverendissime Domine mihi semper in Christo colendissime, Dominus Ludovicus Desplans (2), in média civitate Gebennensis natus et in medio populi corda et lahia polluta habentis * educatus, ante multos annos con- *is., vr, 5. versus ad Christum, Pastorem et Eptscopum anima- rum nostrarum*, ejusdem Sponsae suavissimse Ecclesiae •! Petri, n, ult. nimirum catholicse nomen dédit, vel potius reddidit, Illustrissime et Reverendissime Seigneur, objet de ma constante vénération dans le Christ, M. Louis Desplans (2), né en pleine cité de Genève, a été élevé au milieu d'un peuple au cœur et aux lèvres souillés . Mais il y a de longues années déjà que, converti au Christ, Evêque et Pasteur de nos âmes, il est venu, ou plutôt revenu, à sa très douce Epouse, l'Eglise catholique, dans la communion de laquelle il a été rétabli à ( I ) Voir le tome précédent, note ( i ). p. 238. (2) Voir ibid., note (2), p. 202.  78 Lettres de saint François de Sales illiusque communioni restitutus est, idque Romœ, Bea- tissimo P. Papa Clémente octavo ita jubente ; postea vero a Sanctissimo D. Papa Pauîo, quem Deus conservet, canonicatum hujus nostrse Ecclesiae Gebennensis acce- pit, una cum pensione quadam, quse tantisper ejus pau- pertati utcumque sustentandae sufficeret. Nam quod ad canonicatum attinet, nemo sane, quantumvis parcus, ex ejus fructibus vivere posset, quippe qui ad summum 40 scutorum vix unquam ascendunt, et quam ssepissime, ne quidem ad summam 25 aureorum. Nunc vero, cum pen- sione illa frui minime possit, vix est, ac ne vix quidem, ut possit diutius vivere, quandoquidem neque paternis bonis, neque aliis ecclesiasticis gaudet. Ouare iterum recurrit ad fontem Apostolicum, ut vel ei pensio illa stabilis et firma, ac fructuosa reddatur, vel alia pensio aliudve beneficium illi conferatur ; cumque expetiverit, ut eum Illustrissimae Dominationis Vestrae commenda- rem, id quam libentissime facio, et humillime (0. Et hanc occasionem nactus, eidem plurimum gratulor de ultimis duobus libris piissimis quibus fidelium mentes Rome même, et par l'ordre du bienheureux Pontife Clément VIII. Plus tard, il reçut de notre Très Saint-Père le Pape Paul V — que Dieu conserve ! — un canonicat de notre Eglise de Genève, ainsi qu'une pension qui devait tant bien que mal subvenir à sa pauvreté ; car, en ce qui concerne le canonicat, personne assurément, si éco- nome soit-il, ne peut vivre de ses revenus : à peine s'élèvent-ils a quarante écus, et encore, le plus souvent, ils n'atteignent pas même vingt-cinq pièces d'or. Mais voici que son titulaire ne peut en aucune façon toucher la pension. Dans ces conditions, il lui est désormais difficile, ou plutôt impossible de vivre, étant par ailleurs privé de patrimoine et de tout autre bénéfice ecclésiastique. C'est pourquoi il a de nouveau recours à la source Apostolique pour obtenir que cette pension lui soit confirmée et les revenus assurés, ou bien qu'on lui octroie quelque autre pension ou bénéfice. A sa prière, je le recommande très volontiers et en toute humilité à Votre Seigneurie Illustrissime (O. je saisis cette occasion pour vous féliciter vivement de vos deux derniers livres, pleins de piété, par lesquels vous avez ranimé le cœur (1) Ce premier alinéa est inédit.  Annhe 1617 79 et recreavit et ad meliorem frugem excitavit i^\ Sed adhuc unum verbum loqtiar ad dominum tneum *. * Gen., xvm, 27. Quam vellem, Deus bone ! quam vellent etiam plerique viri cordati, ut si non omnes, saltem unam aut alteram etiam ex brevissimis Epistolis Sancti Pauli, tribus illis sensibus quos Dominatio Vestra lllustrissima notât, historico, dogmatico, mystico, explicatam haberemus ; spécimen videlicet et exemplar caeterarum similiter expli- candarum. Sufficeret si vel illam brevem ad Titum, imo ad Philemonem, vel si unum aut alterum caput aliarum, ita expositas haberemus (2). Nam omnes petere aut  des fidèles et les avez excités à poursuivre une perfection plus haute (0. Maisy^ dirai encore un mot à mon seigneur. Combien je voudrais, ô Dieu de bonté ! combien souhaiteraient aussi la plupart des gens de bien, que nous eussions, sinon toutes, au moins Tune ou l'autre des Epîtres de saint Paul, fût-ce des plus courtes, expliquée au triple sens historique, dogmatique et mystique, que signale Votre Illus- trissime Seigneurie. Ce serait un spécimen et un type pour un com- mentaire analogue des autres Epîtres. Il suffirait d'avoir, exposée d'après cette méthode, l'Epître si brève à Tite, ou même celle à Phi- lémon, ou encore tel ou tel chapitre de quelque autre (2). Demander l'explication de toutes, l'attendre de la main illustre de Votre ( i) Le Saint parle ici du deuxième et du troisième opuscule de Bellarmin : I. De ^terna felicitate Sanctoriim, lihri V, ad Illustrissimum et Reverendis- simum D. Cardinaîem Farnesinm. Imprimé pour la première fois à Anvers en 1616, cet ouvrage eut ensuite neuf ou dix autres éditions et fut traduit en diverses langues. — 2. De Gemitn columbœ, sive de bono lacrymarum, libri III, auctore Roberto S. R. E. Card. Bellarmino, e Soc. Jesn, ad ipsam eamdem Reli- gionem suam. Comme pour le précédent, la première édition, faite à Rome en 1617, fut suivie de dix à douze autres et d'un bon nombre de traductions La traduction française parut dès 1617, « a Paris, chez Laurent Sonnius, rue S. Jacques, au Compas d'or, » avec une approbation donnée par les Frères Mineurs, François de Sales, en recevant Le Gémissement de la colombe, ne put se taire de faire Téloge du grand Cardinal : » Ha! » dit-il, « innocente colombe, vous gémissez en ce siècle ; mais dans le Ciel et dans les pertuis de la pierre et dans la caverne de la masure, vous mettrez fin a vos travaux, et ferez sonner vostre voix aux oreilles du céleste Espoux, et monstrerez vostre face; car vostre voix est douce et la face de vostre ame est très-belle. » (Charles-Au- guste, Histoire, etc., liv. IX.) (2) Voir à l'Appendice I, le seul fragment de la réponse du Cardinal qui nous soit parvenu.  8o Lettres de saint François de Sales expectare ab illustrissima manu Dominationis Vestrae sequum sane ac justum non est, quandoquidem illam in extrema hac senectute, post tam multos pro re christiana inde jam ab ineunte propemodum œtate exantlatos labo- res, tanto operi perficiendo, non animi (Deo gratias), sed corporis viribus imparem esse satis suspicari licet. Sane, methodum hanc aperire et tyronibus etiam vix sequen- tibus prseire in hoc campo, operae pretium foret. Intérim autem, dum id summopere expeto, a Deo optimo maximo supplex peto ut Dominationem Vestram lUustrissimam quam diutissime et felicissime servet in- columem. Dominationis Vestrae lUustrissimse et Reverendissimae, Addictissimus, obsequentissimus et humillimus servus, Franciscus, Episcopus Gebennensis. Annecii Gebennensium, 12 Septembris 161 7. Heu, Illustrissime Domine, quot et qualia impendent Ps. cxxi, 7. capitibus nostris mala, nisi fiât pax in virtute Domini *  Seigneurie, serait indiscret et excessif. N'est-il pas permis de craindre, à un âge si avancé, après tant de labeurs supportés dès la jeunesse pour les intérêts de la chrétienté, qu'une pareille œuvre ne soit au- dessus, non de la vigueur de votre esprit, grâce à Dieu, mais de vos forces corporelles ? Frayer cette voie nouvelle dans le champ des Ecritures, à la tête de jeunes recrues à peine en état de vous suivre, serait assurément une œuvre très utile. En attendant, tout en formulant ce vœu de tout cœur, je supplie le Dieu très bon et très grand de garder une vie florissante le plus longtemps possible à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendis- sime, dont je suis Le très dévoué, très obéissant et très humble ser\iteur, François, Evêque de Genève. Annecy en Genevois, 12 septembre 1617. Hélas! Illustre Seigneur, combien de maux, et quels maux sont suspendus sur nos têtes, si la paix ne se conclut par la vertu du Sei- gneur, Dieu des années! Plût au Ciel que les princes catholiques  Année 1617 81 Dei cxercituiim'^ l Utinam esset Principibus catho- M Reg., xv, et pas- siiu. licis cor iinum'^l sed aivistim est cor eorum^ nunc •Act.,iv, 32. interibinit *. Ubi est paccm facicns ** ? Btiam, vcni, *-^u^\l'^^'^^ Domine Jesu * / * ^P^^^- "^'^^ =«• Revu sur une copie conservée à Rome, Archives du Postulateur général des Causes des VVbles et BBx S. J., dossier Bellarmin, carton 4".  n'eussent qu'wn seul cœur ! Mais leur cœur est divisé, donc ils périront ! Où est-il le Pacificateur ? Oui, vene:(, Seigneur Jésus !  MCCCLV AUX RELIGIEUX DU MONASTERE DE SIXT (0 (inédite) Encouragement à la réforme, Annecy, 1 2 septembre 1617. Mes Reverens Frères, Ayant sceu par monsieur le Prieur, monsieur Jean Moccand(2), la bonne disposition en laquelle vous [vous] treuves pour remettre vostre Monastère et Congrégation au train de Tancienne pieté de vostre Ordre, j'en ay loué Dieu de tout mon cœur et m'en suis grandement res-jouy, ( I ) Les Religieux de l'abbaye de Sixt dont les noms nous sont connus étaient alors : Jean Moccand, prieur, Bernard de Passier, un autre Jean Moccand, François Biord, Nicolas Desfayet, Daniel de Lucinge, Bernard Rannaud, Ber- nard et Claude Joenoz, Claude Moccand, Claude de Nambride, Pierre Puget, peut-être Jean de Passier, (Sur le Monastère, voir tome XI, note ( i ), p. 316,) (2) Originaire de Sixt, Jean Moccand était déjà prieur en 1603 (voir tome XII, note (1), p. 226); il le fut jusqu'à sa mort, arrivée le 3 juin 1627. Zélé pour la réforme, il seconda de tout son pouvoir les efforts du saint Evêque, malgré les difficultés soulevées sans cesse par l'abbé commendataire Jacques de Mouxy. (Voir tome XIII, note (2), p. 169.) Cependant les obstacles furent longs à surmonter; huit mois seulement avant sa mort, le fervent Prieur put faire sa profession solennelle suivant les Constitutions données par François de Sales. (D'après YObituairc de Sixt, Bibl. publ. de Genève, Manuscrits, suppl. 388.) Lettres VIII 6  82 Lettres de saint François de Sales comme de chose qui importe extrêmement au service de Dieu, et a vostre salut et consolation, et a l'édification des fidèles. C'est pourquoy je vous exhorte de toutes mes forces de prendre au plus tost entre vous la resolution de com- mencer ; pour a quoy vous servir et assister, je vous envoyeray homme bien instruit et de bonne qualité, quand vous me feres sçavoir qu'il en sera tems, et moy mesme, s'il est requis, je m'y achemineray très volontier, et m'estimeray bien heureux si je puis estre utile a faire reuscir un dessein si honnorable et pieux (0. Prenes courage. Dieu sera parmi vous, qui fera l'œuvre, si vous l'en supplies ; il ne vous a pas donné cette bonne dispo- sition, qu'il ne veuille vous acheminer a la perfection de l'œuvre. J'attendray cependant de vos nouvelles, et vous dési- rant toute sainte consolation, je demeureray, mes Reve- rens Frères, Vostre plus humble et très affectionné frère en Nostre Seigneur, Franç% E. de Genève. Annessi, le xii septembre 1617. A Messieurs Messieurs les Reverens Chanoynes réguliers de S* Augustin et Chapitre du Monastère de Sixt. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation. ( I ) Les exhortations du Saint ne furent pas vaines ; le 20 décembre suivant, « les sieurs Prieur, Religieux et Chanoines réguliers de ce Monastaire... firent promesse et convention de vivre des lors en communion, remettant a cest effect touttes leurs prebandes, vestiaires et autres droictz et devoirs en commun. Lequel acte fut appreuvé et emologué par le Bien-heureux, » le 23 janvier 1618. (Dép. de Jean Moccand, prieur en 1632, Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 43.) Au mois de septembre, François de Sales venait lui- même à Sixt ; il y séjourna trois jours pour dresser les Constitutions et règle- ments qu'il jugea nécessaires; toutefois, le succès complet de la réforme ne fut obtenu que plusieurs années après la mort du saint Evêque.  Année 1617 83  MCCCLVI  A UN GENTILHOMME  Quelques points qui doivent servir à justifier les Religieuses de la Visitation. — Les Sœurs ne manquent ni aux lois civiles, ni aux lois ecclésiastiques dans la construction du monastère.  Annecy, vers 10-15 septembre 1617 (i). Monsieur, Je prens la confiance en vostre charité de vous prier que les pointz suivans soyent bien remonstrés, en sorte que, s'il est possible, l'audiencier les escrive (2). I. Que les Dames de la Visitation ayant acheté au veu et sceu de toute la ville la mayson en laquelle elles sont ( I ) Le destinataire doit être non pas M. de Foras, comme Ta supposé Migne, mais un membre du Conseil de Genevois; peut-être Tun des collaté- raux, Claude de Quoex ou Barthélémy Flocard, On pourrait encore songer à l'avocat Michel Bouvard, très dévoué au Saint et aux intérêts des Religieuses de sa Congrégation. Migne date cette lettre de 1614; mais la mention des traités faits avec les possesseurs des maisons avoisinant le monastère de la Visitation, oblige à la reculer jusqu'en 1617, et le début du procès avec les PP. Dominicains indique la première quinzaine de septembre. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 62, et ci- après, note ( I ), p. 86.) (2) Serge Saget, originaire d'Annemasse, fils de Jean Saget et de Roberte de Sales, occupait alors la charge d' « audiencier au magnificque Conseil de Genevois, » Tout jeune homme, il avait connu François de Sales durant sa vaillante campagne du Chablais et l'avait vu, dans la maison même de son père, composer un traité pour la défense de la sainte Croix. Bientôt après, devenu secrétaire d'Antoine Favre, il accompagne le Prévôt et son ami dans une des visites à Théodore de Bèze. A la suite de son maître, il est à Rome en 1599, lorsque le futur coadjuteur de Mer ^q Granier subit son mémorable examen devant Clément VIII; et tandis que cet événement fait le sujet des conversations de toute la ville, Serge est frappé surtout de la modestie du Saint en une telle rencontre. Du service de Favre, Saget passe à celui du duc de Nemours, et en cette qualité se trouve à Paris pendant le séjour qu'y fit le Serviteur de Dieu en 1602. Enfin, il est avec lui encore à Dijon (1604). le suit dans ses voyages, et peut assurer après sa mort qu'il a « heu Thonneur de le cognoistre et fréquenter durant l'espace de trente cinq ans. » ( Process. remiss. Gebenn. (I), sa déposition, passim.) Serge Saget avait acquis, le i*"" mai 1607, le droit de bourgeoisie à Annecy, pour la somme de « 20 ducatons et deux sellotz. » (Reg. des Délib. municip.)  84 Lettres de saint François de Sales a présent (0, pour y servir Dieu, et s'y estant logées sans opposition ni contradiction de personne, ni mesme des Pères de Saint Dominique, ains au contraire le Révérend Père de Bollo, Supérieur de TOrdre (2), ayant favorisé leur Congrégation et leur séjour en ce lieu la de plusieurs saintes exhortations faites par luy en leur oratoire, elles n'avoyent nul sujet de penser que lesditz Pères eussent pris en si mauvaise part leur demeure en ce quartier. 2. Que despuis, ayant pieu a Dieu de donner accrois- sement a leur Congrégation, elles se sont treuvees en nécessité d'eslargir leur habitation et s'accommoder des maysons voysines, par traittés légitimes faitz avec les possesseurs d'icelles (3) et, par mesme moyen_, elles se sont treuvees en nécessité de bastir et former leur mayson en monastère pour pouvoir observer la clausure et la bienséance de l'habitation (4^ Et partant, ayant besoin d'avancer leur bastiment sur le canal, il a pieu a la pieté de Sa Grandeur (0, a laquelle il appartient, de la leur accorder, ainsy qu'il appert par ses patentes (6) ; et ce, les gens de Sa Grandeur, Messieurs de cette ville, et le Révé- rend Père nostre Maistre le Prieur (7) ouys en toutes les remonstrances qu'il leur pleut de faire i^).  (i) La maison Nicollin avait été achetée le 14 juin 1612 (voir tome XV, note ( I ), p. 245); les Sœurs ne s'y transportèrent que le 50 octobre suivant (ibid,, note (3), p. 282). (2) Pierre de Bollo ou Dubouloz (voir tome XIV, note ( i ), p. 50). (3) Le procureur fiscal Barfelly et la veuve Lachenal. (Voir ci-dessus, p. 62, la Lettre mcccxlii et les notes qui raccompagnent.) (4) D'après Migne, quelques mots de l'original ont été rongés ici par le temps. Plus loin, nous rétablissons entre crochets ceux que le sens permet de supposer, laissant les points de suspension là où la chose devient impossible. ( 5 ) Le duc de Nemours. (6) Ces patentes avaient été données le 20 août 1614; elles autorisaient les Religieuses de la Visitation à « bastir sur la rivière de Thyouz, en délaissant quatorze piedz de roy de vuyde. » (Reg. des Délib, municip., 28 août 1617.) (7) Le P. Bernardin de Charpenne (voir tome XVI, note (ij), p. 239). (8) En effet, tandis que le duc de Nemours se trouvait à Annecy, en 1614 fatigué des poursuites et réclamations qui lui étaient faites, « tant par des réguliers ecclésiastiques que personnes laïcques, » au sujet de l'établissement dans la ville du nouveau couvent, il ordonna « que la cause feust traictée en sa présence. » L'Evêque s'y rendit avec ses adversaires; « et appres que l'affaire feust discutée et disputée de part et d'aultre, et sur les puissantes raisons proposées par le Bienheureux, » Henri de Nemours « imposa silence  Année 1617 85 3. Qu'elles sont extrêmement marries de ne pouvoir eslever leur bastiment sans donner quelque ombre au jardin desditz Pères : que si en cela elles donnent quel- que nuisance, c'est a leur regret et sans leur coulpe, puisque la nécessité de leur édifice les contraint ; en sorte que si elles font quelque incommodité, si ne leur font elles point de tort, estant des incommodités que les vo3^sins, par disposition de droit et la coustume générale des gens, doivent souffrir des vo3\sins. 4. Que néanmoins, bien qu'en cela elles ne fassent rien que selon leur droit et avec légitime authorité de Sa Grandeur et de l'Ordinaire du lieu, elles ont tous- jours désiré pouvoir en quelque façon accommoder leur nécessité urgente de bastir en ce lieu la avec l'utilité desditz Reverens Pères : ayant a ces fins supplié M. Rous- selet (O et M. le Président des Comptes (2), et quelques autres personnes d'honneur, de vouloir moyenner quel- que accommodement qui peust contenter lesditz Pères ; s'offrant, icelles Dames, de faire tout ce qu'il plairoit auxditz seigneurs Rousselet et Président, ou mesme a telz autres qu'on choisiroit, de marquer et ordonner. A quoy elles persévèrent, et prient lesditz Reverens Pères d'en venir a expédient amiable par les voyes qui seront advisees plus propres ; et ce, en considération de la cha- rité religieuse qui doit régner entre des personnes qui, par commune vocation, ont quitté le monde pour servir Dieu, lesquelles se pouvant entr'ayder, le doivent faire, et non pas s'empescher l'une l'autre. 5. Qu'en ce qui regarde la bienséance et la juste dis- tance qui doit estre entre les monastères des femmes et ceux des hommes, elles s'en sont rapportées au jugement du Reverendissime Evesque de ce lieu, lequel est chargé par les Canons et par le Concile de Trente * de prouvoir * Sess. xxv, de a tout ce qui regarde la clausure et asseurance des a ses officiers » et leur commanda « de ne plus troubler ny molester lesdictes Religieuses au parachèvement du bastiment qu'elles avoient commencé. » (Dép. de Georges Rolland, Process. remiss. Gebenn. (I). ad art. 41.) (i) Guillaume Rousselet, pour lors secrétaire du duc de Nemours. Il sera plus tard destinataire. (a) Jacques Pelard, seigneur du Noyret (voir tome XVI, note (3), p. 23),  Regular., c. v.  86 Lettres de saint François de Sales monastères des filles. De sorte qu'iceluy, toutes choses considérées, les ayant authorisees en ce bastiment, elles sont hors de tout reproche et en droit de bastir en ce lieu la ; lequel, au reste, n'est ni proche ni en veuë du mo- nastère desditz Reverens Pères, ains seulement d'un jardin qui leur appartient, escarté de leur monastère et hors l'enclos d'iceluy, lequel, avant que la Congrégation de la Visitation fust, estoit exposé a la veuë des femmes et filles, et au bruit [de celles qui] faisoyent la lessive, [là où] maintenant il semble [que] la condition desditz Reverens [Pères est améliorée,] puisque lesdites Da- mes [et] que les Seurs ne regarderont ni ne seront aucunement [regardées.] Mais sur tout [elles auraient prié lesdits] Reverens Pères, avant que de passer aux ameres et peu edificatives poursuites de procès, de con- venir de gens d'honneur et de qualité qui fissent essay d'accommoder la nécessité qu'elles ont de bastir au lieu que Sa Grandeur leur a accordé, avec l'utilité du mo- nastère de Saint Dominique auquel elles désirent porter respect et honneur (0. ( I ) Dès 1614, il avait été question de l'échange de terrains entre le couvent de Saint-Dominique, celui de la Visitation et le collège des Barnabites (voir tome XVI, p. 226, Lettre CMXcix, et note (2), p. 227); depuis, rien n'était conclu, et la construction du monastère s'était poursuivie au milieu de con- tradictions grandissantes (voir ci-dessus, note (2), p. 6, et Lettre mcccx). Le 28 août 1617, la Ville constate que les Religieuses « ont continué ung basti- ment » sur le canal, « ne délaissant pour vuyde que environ douze piedz, >' au lieu des quatorze marqués par la convention du 28 avril lôr^ (cf. ci-dessus, note {6\ p. 84); ce qui « a esté veriffié... en présence de Illustre et Reveren- dissime seig"" Monseigneur François de Sales...; lesquelles Dames ont confessé librement d'avoir usurpé quelque chose au par dessus le consentement preste par la Ville, et néanmoins il a esté promis de rendre resolution... Partant, plaira adviser si l'on s'opposera ou non. » Les syndics furent tirés de -leur hésitation par l'arrivée du « R. P. Frère Bernardin de Charpenne, Prieur au couvent de Saint-Dominique, accompagné de R. P. Frère Estienne Donnet, supprieur..., qui a dict quil a principalement interest a ceste nouvelle cons- truction, pour plusieurs raisons. » Ces raisons, le Prieur les exposait ce jour même sur place, c'est-à-dire dans le jardin de son couvent où se transportèrent les magistrats d'Annecy. Il remontra « comme le nouveau bastiment... de la Visitation est grandement préjudiciable audict couvent: » i. par l'obstruction partielle d'un courant d'eau ; 2. par le trop proche voisinage des deux mo- nastères ; 3. par l'ombre projetée sur le jardin des Pères qui devient ainsi « stérile et sans fruict. » Le 6 septembre suivant, le Prieur convoque de nouveau les syndics dans  Année 1617 87 Monsieur, je laisse a part les procédures faites, les cautions prestees et ce qui resuite des pièces ; mais ayant veu les Canons, les Conciles et les elucidations du Con- cile de Trente *, il me semble qu'elles doivent rejetter * Sess. xxv, de ,, . 1 j 1 , . , 1 ^ . Regular.,cc.v,vin, sur moy 1 article de la bienséance, comme chose dont je etc., passim. suis chargé. Et qu'il faut encor bien noter la différence qu'il y a entre le monastère et le jardin du monastère, sur tout en cette occurrence en laquelle le jardin est hors de l'enclos du monastère et de sa propre constitution, sujet a la veuë de tout le voysinage ; de sorte que l'on n'empire pas sa condition, ains on l'améliore, puisqu'on leur ostera la veuë des [femmes] qui seront la aux fenes- tres de deront point la.  son jardin où il a fait assembler capitulairement ses Religieux, et là « dénonce nouvelle œuvre » des Religieuses qui font construire une muraille « sur ung fons... qui est de la commodité de Saint Dominique, » et représente les raisons déjà produites le 28 août. Les syndics donnèrent « acte au R. P. Prieur... de ses remonstrances et réquisitions... pour s'en servir ainsy que de raison, >* et pro- mirent de les signifier '< a la R'*^ Dame Supérieure et aultres R^^^ Dames et Religieuses de la Visitation dans demain. » (Reg. des Délib. municip.) Mal- heureusement, la signification ne fut faite que le g; c'était déjà trop tard, le Prieur avait cité en justice la Mère de Chantai et ses Filles. Le procès dura plusieurs mois. « MM. de Saint-Dominiquç... veulent abso- lument 1200 écus d^or pour le morceau de place qui nous est nécessaire, » écrit la Sainte à la Mère de Bréchard (Lettres, vol. I, p. 275). On finit par tomber d'accord pour 10000 florins et deux chandeliers d'argent qui en valaient près de 500. (Livre des contrats permaiients du i®"" Monastère de la Visitation d'Annecy.)  88 Lettres de saint François de Sales  MCCCLVII A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Visite au milieu d'un appointement. — L'avis de François de Sales au sujet des études de Charles de la Fléchère. Annecy, 15 septembre [1617 (i).] J'ay veu ce cher filz (2), mais si peu que c'est presque ne l'avoir pas veu, mesme aujourdhuy quil est venu tan- dis que j'estois en un appointement. Mays pourtant, je le voy plein de bon visage et bien marqué. Je suis d'advis qu'il retourne a Lyon (3), puisque il s'y porte si bien et quil est de si bon naturel quil ne refuse pas l'estude auquel il commence a prendre goust, ainsyque son maistre (4) m'a dit. Mays avant son retour nous aurons bien le contentement de le revoir, et vous aussi, ma très chère Fille, a qui je souhaite mille et mille bénédictions, qui suis infiniment vostre et Vostre très humble serviteur, compère et Père, sans loysir. XV septembre. A Madame Madame de la Fleschere. A Rumilly. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de TEtat. ( I ) La copie de Turin ne porte pas de millésime. Nous proposons 1617, qui fut la seconde année des études de Charles de la Fléchère à Lyon. Cependant, l'absence de toute allusion à la mort si récente de Marie-Aimée de Chantai peut amener le doute; il faudrait alors reculer la lettre jusqu'en 1620; en 1618 et 1619, le Saint n'était pas à Annecy le 15 septembre, et après 1620, le fils de M"^^ de la Fléchère étudiait à Avignon. (2) Charles de la Fléchère (voir tome XV, note (2), p. 86). ( 5 ) Voir ci-dessus, note ( 5 ), p. 9. {4) Serait-ce déjà M. Sappin qui, d'après une lettre du saint Evèque, était auprès de Charles de la Fléchère en 1621, et quitta Lyon pour le rejoindre à Avignon r  Annf.r 1617 89  MCCCLVIII A SA SAINTETÉ PAUL V (0 (minute) L'Evêque de Genève implore une dispense pour les pauvres Clarisses de son diocèse. — Son but est de leur faciliter l'observance de la Règle et la vie de prière. Annecy, 17 septembre 1Ô17. Beatissime Pater, Extant in hac diaecesi Gebennensi duo Monasteria Ordinis Sanctae Clarse, quorum unum ex civitate Geben- nensi in civitatem Annessiacensem (2), alterum, ex oppido Orbensi in oppidum Aquianense (3), haereticorum injuria et violentia ante sexaginta annos expulsa, secesserunt. Cumque Sorores dictorum Monasteriorum, inter varias et frequentissimas paupertatis et mendicitatis serumnas, vitam hactenus utcumque traxerint et sustentaverint ; nunc tamen, post tôt haereticorum incursiones, ac diutur- norum bellorum clades, cum diaecesis ista, miseranda paupertatevexata, illarum mendicitati occurrere deinceps minime valeat ; ad pedes Beatitudinis Vestrse humiliter Très Saint-Père, Il y a dans ce diocèse de Genève deux Monastères de l'Ordre de Sainte-Claire, transférés, depuis plus de soixante ans, l'un de la cité de Genève en celle d'Annecy (2), l'autre de la ville d'Orbe en celle d'Evian ( 3 ), lorsque l'injustice et la violence des hérétiques chassèrent les Religieuses de leurs couvents. Les Sœurs de ces Monastères ont pu, jusqu'à ce jour, tant bien que mal, traîner et soutenir leur vie au milieu d'épreuves diverses et nombreuses, conséquence de la pauvreté et de la mendicité. Mais désormais, ce diocèse, cruellement appauvri par les fréquentes incursions des hérétiques et les ravages de longues guerres, ne peut plus répondre à leurs demandes de (i) Voir tome XIII, note ( i ), p. 69. (2) Voir ibid., note (2), p. 74. (3) Voir tomes XI, note (2), p. 293, et XVII, note (3), p. 338.  90 Lettres de saint François de Sales prostratae, illius providentiam Apostolicam summis votis orant, utinposterum, perejus placitum et dispensationem, illis liceat praedia et alia bona immobilia in communi possidere (O, quemadmodum cum aliis ejusdem Ordinis Sororibus, Gratianopoli degentibus ( = ), minusque egen- tibus, pro Apostolicse Sedis paterna charitate, dispensa- tum esse omnes probi rerum spiritualium aestimatores laudaverunt. Sic enim fiet ut molestissimis anxietatibus animi, quse in tanta rerum omnium inopia spiritum propemodum extinguunt, liberatse et solutae, alacriter in caeteris Regu- lis sui Ordinis adamussim servandis, ac Dei laudibus  secours. Humblement prosternées aux pieds de Votre Béatitude, elles adressent à Votre providence Apostolique les vœux les plus ardents pour qu'elles puissent, sous son bon plaisir et avec sa dis- pense, posséder en commun des biens fonds et autres immeubles ( i ). Cette dispense a déjà été accordée, à Grenoble, par la paternelle cha- rité du Saint-Siège, à d'autres Sœurs du même Ordre, moins pauvres que celles-ci (2). Tous les justes appréciateurs des choses spirituelles ont loué cette mesure. En effet, libres et affranchies par ce moyen des pénibles anxiétés qui, dans un si grand dénûmentde toutes choses, semblent presque étouffer l'élément spirituel, elles se rendront avec ardeur parfai- tes observatrices des autres règles de leur Ordre ; et, avec plus de ( I ) Le 19 janvier 1618, après une audience accordée par le Saint-Père au Cardinal Préfet de la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers, celle-ci concédait aux Clarisses du diocèse de Genève l'autorisation demandée. (Archiv. des Ev. et Rég., Regesta (Moniales), vol. 1618.) (2) Jean d'Armagnac, gouverneur du Dauphiné au xv^ siècle, à la prière instante de Jeanne Baile, fille d'un président au Parlement de Grenoble, obtint pour cette ville, en 1469, du Pape Paul II, la Bulle de fondation d'uu Monastère de Religieuses sous la Règle de Sainte-Claire, selon la réforme de sainte Colette. Le puissant protecteur des Clarisses étant mort, le projet fut ajourné. Jeanne Baile alla prendre le voile au couvent du même Ordre à Chambéry, et en revint en 1478 pour commencer la maison de Grenoble. Elle y mourut en odeur de sainteté. Ce Monastère était encore dans toute sa ferveur quand, en 1614, f aul V, par une Bulle du 4 novembre, lui accorda le pouvoir de recevoir des biens meubles et immeubles et d'en jouir Cette permission ne parut pas une faveur aux généreuses Filles de Sainte-Claire; elles n'en usèrent pas et gardèrent leur pauvreté comme leur plus cher trésor. Chassées de Gre- noble à la Révolution, les Clarisses y sont revenues en 1878. (D'après de VraLnclien, Jeanne Baile et les Clarisses de Grenoble, 1468-1887, Lyon, 1887.)  Année 1617 91 celebrandis, necnon pro Ecclesiae precibus fundendis, longe fœlicius, facilius et attentius incumbant et persé- vèrent.  F. E. Gebennensis. Annessii Gebennensium, 17 Septembris 161 7. joie, de facilité, d'attention et de persévérance, elles s'adonneront à célébrer les louanges de Dieu et à prier pour l'Eglise. François, Evêque de Genève. Annecy en Genevois, 17 septembre 1617.  MCCCLIX AU CARDINAL ROBERT BELLARMIN (minute) La misère des Clarisses du diocèse de Genève. — Ce qu'apprend Texpérience sur la trop grande pauvreté des Monastères de femmes. — Sollicitude du Saint pour des Religieuses exemptes de sa juridiction. — Il dénonce des manquements aux décrets du Concile de Trente, Annecy, 17 septembre 161 7. Illustrissime et Reverendissime Domine mi in Christo colendissime, Habemus hic Monasterium unum Sanctse Clarse, et alterum Aquiani, in quibus Sorores jejuniis, vigiliis, pe- dum nuditate ac multis aliis corporismacerationibus, Deo optimo maximo servire conantur *, cumque mendicatis *Vid.Epist.praeced.  Illustrissime et Reverendissime Seigneur, très vénéré dans le Christ, Nous avons, l'un ici, l'autre à Evian, deux Monastères de Sainte- Claire, où les Sœurs, par les jeûnes, les veilles, la nudité des pieds et beaucoup d'autres macérations corporelles, s'efforcent de servir le Dieu très bon et très grand. Jusqu'à présent, avec des aumônes  92 Lettres de saint François de Sales hinc inde eleemosynis, hactenus quamvis aegerrime, inter multas et frequentissimas segritudines utcumque vixerunt (0. Nunc demum res ad eum statum redacta est, ut nuUa prorsus ratione earum victui provider! possit, nisi Sedes Apostolica cum eis dispensare dignetur, ut in communi praedia et alia bona immobilia possidere possint. Nam triginta annorum bellum durissimum, ac crebrae infestissimaeque hœreticorum incursiones effecerunt, ut in hac Gebennensi diœcesi deinceps inveniri non possint eleemosynse, quae Monasteriis istis sustentandis etalendis sufficere queant. Mittomendicitatem fœminarum, utexpe- rimento certissimo constat, acerrimis soUicitudinibus, continuis, immoderatis ac melancholicis cogitationibus, importunis de modo quaerendi et habendi inventionibus, et inquietissimis anxietatibus plenissimam esse. Quare videns paupertatem hanc extremam interiori [vitae] plurimum obesse, neque posse Moniales istas diu-  mendiées de côté et d'autre, elles ont vécu tant bien que mal, quoi- que très difficilement, au milieu de nombreuses et très fréquentes afflictions (0. Finalement, les choses en sont venues maintenant à un tel point qu'il n'y a plus du tout moyen de pourvoir à leur subsis- tance, si le Siège Apostolique ne daigne leur donner la dispense nécessaire pour qu'elles puissent posséder en commun des biens fonds et autres biens immeubles. En effet, après trente années d'une guerre cruelle, après les fréquentes et désastreuses incursions des hérétiques, on ne peut plus trouver dans ce diocèse de Genève, des aumônes suffisantes pour soutenir et entretenir ces Monastères. Je passe sur ce qu'une expé- rience convaincante nous apprend de la mendicité des femmes : elle est toujours accompagnée de préoccupations pénibles, de soucis im- modérés et continuels, de pensées mélancoliques, d'industries dan- gereuses sur les moyens de demander et d'obtenir, et des plus troublantes inquiétudes. Aussi, voyant cette pauvreté extrême nuire beaucoup à leur vie intérieure et rendre ces Religieuses incapables de persévérer plus (i) Cf. tomes XVI, Lettre cmxiv, p. 71, et XVII, Lettre mcxiv, p. 56, et p. 33«-  Année 1617 93 tius in proposito perseverare, nisi de remedio opportune illis a Sede Apostolica provideatur, quamvis non mihi, sed Ordini Fratrum Minorum cura illarum incumbat, nolui tamen omiltere quin earum super hac re suppli- cationem et preces, quas Sanctissimo Domino nostro offerre intendunt, meis etiam humillimis votis adjuvarem apud Dominationis Vestrœ Illustrissimse clementiam, quam illis summopere cupio propitiam. Eamdem intérim obiter admonens, in istis Monasteriis mulierum hujus provincise nuUo modo observari Concilii Tridentini saluberrima décréta de confessario extraordi- nario bis terve in anno Monialibus dando *, et de puellis *Sess.xxv deRe- gular.,c.xJCf. tom. feminisve ante professionem ab Episcopo probandis *. praeced., pp. 59,60.)  Quin etiam, quando per Jubilaeum cuicumque licet quem maluerint, ab Ordinario approbatum, confessarium eli- gere, per summum nefas istis haec via solandi conscientias suas intercluditur (0. Atque hoc lUustrissimae Domina- tioni Vestrse aperuisse satis sit. longtemps dans leur vocation, si le Siège Apostolique ne pourvoit d'un remède opportun, j'ai tenu — bien que le soin de ces Sœurs incombe, non à moi, mais aux Frères Mineurs — à appuyer les demandes et les supplications qu'elles se proposent d'adresser à Sa Sainteté, par mes très humbles prières à la bonté de Votre Sei- gneurie Illustrissime, que je souhaite beaucoup leur être favorable. Je l'informe en passant que dans ces Monastères de femmes de notre province, on n'observe nullement les très salutaires décrets du Concile de Trente sur le confesseur extraordinaire à donner deux ou trois fois l'année aux Religieuses, et sur l'examen que l'Evêque doit faire des filles ou femmes avant leur profession. Bien plus, alors que, pour le Jubilé, il est permis à chacun de choisir un confesseur à son gré, pourvu qu'il soit approuvé par l'Ordinaire, ce moyen de soulager leur conscience leur est interdit par une cruelle injustice ( i ). Qu'il me suffise de signaler ces faits à Votre Illustrissime Seigneurie. ( I ) Ce n'était pas la première démarche que tentait François de Sales pour obtenir aux Religieuses Clarisses la liberté de conscience. Au printemps de 1613, il avait fait parvenir à Rome, par l'intermédiaire du Nonce de Turin, un Mémoire sur cette question; il y dénonçait les confesseurs et Supérieurs de ces Monastères comme adversaires obstinés de l'exécution des décrets du Concile de Trente. N'ayant rien obtenu, le Saint, non content d'avoir agi auprès du cardinal Bellarmin, adressa, sans doute en même temps que la  Ibid., c. XVII.  94 Lettres de saint François de Sales Deus autem ipsam quam diutissime servet incolumem, cujus sacras manus humillime exosculor. lUustrissimœ et Reverendissimae Dominationis Vestrae, Obsequentissimus et humillimus servus, F., E. G. Annessii Gebennensium, xvii Septembris 1617. Dieu veuille la garder en santé très longtemps encore ! En lui baisant très humblement les mains, je demeure, De Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, Le très obéissant et très humble serviteur, François, Evêque de Genève. Annecy en Genevois, 17 septembre 1617. présente lettre, une nouvelle supplique à la Sacrée Congrégation des Evéques et Réguliers. Ce fut un fils de TOrdre franciscain, le P. Dominique de Cham- béry, qui la présenta. Cette fois, par commandement du Pape, TEvêque de Genève demeura chargé d'insister auprès des Supérieurs pour qu'ils don- nassent un confesseur extraordinaire, ou, en cas de refus, de l'envoyer lui-même. (Archiv.desEv.etRég., Posiiioni, vol. i6i8,Regulares,G, et Re^esta [M.onia\es), vol. 1618.) Malgré tout, les Religieuses ne furent pleinement libres de suivre les prescriptions de l'Eglise à ce sujet qu'en s'eximant, en vertu d'un Bref apostolique, de la juridiction des Cordeliers pour passer sous celle de l'Ordi- naire, ce qui eut lieu sous l'épiscopat de Jean-François de Sales.  MCCCLX A DON JEROME BOERIO, GÉNÉRAL DES BARNABITES (O Eloge du P. Baranzano. — Prière de le renvoyer au collège d'Annecy. Annecy, 23 septembre 1617. Reverendissimo in Christo Padre osservandissimo, Il P. D. Redento ritorna dove la santa ubedientia lo chiama. Egli è persona di bonissime qualità et laquale Révérendissime et très honoré Père dans le Christ, Le P. D. Redento retourne où la sainte obéissance l'appelle. Il a de très bonnes qualités et nous a donné à tous beaucoup (i) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 381.  Année 1617 95 ci ha dato a tutti grand'edificatione (0. Sô che ha fatto errore nelTimpressione de' libri suoi senza la débita licenza (*); ma di questo errore sô che la maggior parte è venuta da una certa simplicità et inadvertenza; et me- diante la paterna et benigna correttione che V. P. R""* glie farà, egli senza dubbio starà horamai saldo. Onde, se V. P. non giudica altrimenti che fosse inconveniente d'édification ( 0. Je sais qu'il a failli en faisant imprimer ses livres sans l'autorisation requise (2), mais je sais aussi que la cause principale de cette faute est une certaine simplicité et inadvertance ; sans doute, grâce à la correction paternelle et pleine de bonté qui lui sera faite par Votre Paternité Révérendissime, il se tiendra désormais sur ses gardes. C'est pourquoi, à moins qu'elle ne le juge pas à propos pour ([) Le P. Redento Baranzano était déjà la meilleure gloire du collège d'Annecy, et son nom, franchissant les frontières, '< sonnait bien haut en France, » suivant l'expression d'un biographe. Il a même traversé les siècles, et est arrivé jusqu'à nous, célèbre encore parmi les savants. Le jeune Religieux n'avait que vingt-cinq ans lorsqu'il inaugura ses cours dans l'établissement chappuisien, le 3 novembre 161 5, et il ne devint prêtre que le 19 décembre suivant, par les mains de saint François de Sales. Origi- naire de Serravalle (diocèse de Verceil), dont son père Pierre-François fut quelque temps podestat, Jean-Antoine avait reçu le nom de Redento à son entrée chez les Barnabites, où il fit profession le 11 avril 1609. Génie vif et prompt, avide de savoir et servi par une mémoire tenace, il avait étudié avec succès et sut enseigner avec charme, suscitant un véritable enthousiasme parmi ses disciples. D. Baranzano quitta la Savoie en octobre 1619 pour se rendre à Paris et s'occuper auprès du Roi des intérêts des Barnabites du Béarn ; il prit ensuite une part active à la fondation du collège de Montargis où l'appelait l'un de ses anciens élèves, Louis des Hayes, et y mourut le 23 décembre 1622, après une trop courte, mais féconde carrière. Bacon, Galilée, Kepler avaient entretenu des relations avec l'éminent Religieux. (D'après Colombo, Intorno alla vita ed aile opère del P. Redento Baran:;ano, scien^iaio da Serravalle-Sesïa, Torino, Vincenzo Bona, 1878.) (2) Résumé des leçons de Baranzano, imprimée aux frais de Louis des Hayes et de Muratori da Savigliano, VUranoscopia venait de paraître ( 1 ). Le système planétaire de Copernic y était développé ainsi que les idées de Galilée. Or, la récente sentence de la Congrégation de l'Index à ce sujet, provoquée par l'imprudence de ceux qui transportaient la question du terrain scientifique sur le terrain religieux, rendait doublement sévères les Supérieurs, sans l'autorisation desquels le livre était mis au jour, D. Redento, dans un opus- cule suivant (Nova de moiu Terrœ Copernicœo juxta Summi Pontificis mentem  ( r ) Uranoscopia, seu de cœb, in qua universa cœlorum doctrina clare, dilucide, et breviter traditur. Pars prima, in qua novo ordine, modo et methodo cœlestia prcedicata communiora explicantur . Pars secunda, in qua singularum sphcerarum essentia, natura, proprietas, theoria, prcedominium, distantia, magnitiido, motus et status, brevi exponitur . Coloniae Allobrogurrij apud Petrum et Jacobum Choûet, 1617, in-40.  g6 Lettres de saint François de Sales per qualche ragione a me sécréta, ardisco di dirli che saria bene di rimandarlo, già che havendo imparata la lingua et essendo molto grato in queste bande, parmi che sarebbe di molta utilità(0. Perô, in tutto io mi rimetto alla molta prudentia di V. P. che Iddio faccia beata nella gratia et gloria ce- leste, et alla quale io voglio sempre restare Servitore et fratello humilissimo et devotissimo, Franc°, Vescovo di Geneva. XXIII Settembre, Annessi. Al R"'" in Christo Padre osservandissimo. Il P. Générale de' Clerici regolari di S. Paolo. Milano. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.  quelque raison que j'ignore, j'ose dire à Votre Paternité qu'il serait bon de le renvoyer ici ; car ayant appris la langue et étant fort goûté en ces quartiers, il me semble qu'il s'y rendrait très utile (0. Cependant, je me remets pour tout à votre grande prudence. Que Dieu comble de bonheur dans la participation de la grâce et de la gloire céleste Votre Paternité, dont je veux demeurer toujours Le très humble et très dévoué serviteur et frère, François, Evêque de Genève. 23 septembre 16 17, Annecy. Au Révérendissime et très honoré Père dans le Christ, Le Père Général des Clercs réguliers de Saint-Paul. Milan. dispuiatio, 1618) répare généreusement sa faute, et s'appliquant à lui-même la belle parole de saint Augustin : « N'ayant pas eu d'abord la sagesse en partage, » dit-il dans la préface, « j'aurai maintenant Thumilité, et n'ayant pas réussi à ne dire que des choses dont je n'aie pas à me repentir, du moins je regretterai d'avoir dit ce que je n'aurais pas dû dire. » Une seconde édition de YVranoscopia (1619) fut corrigée et amendée. — Saint François de Sales parle ici de « livres », au pluriel, peut-être parce que cet ouvrage est divisé en deux parties, ou bien désigne-t-il aussi la Summa Philosophiœ, publiée à Lyon en 1616 avec la permission des Docteurs, mais sans l'approbation des Supérieurs de la Congrégation des Barnabites. ^Cf. Colombo, ubi supra.) ( I ) Le désir du saint Evêque fut réalisé ; D. Baranzano rentrait à Annecy le 30 octobre suivant. (Cf. ci-après, Lettre mccclxxui, p. 116.)  Année 1617 97  MCCCLXI A DON JUSTE GUÉRIN, BARN'ABITB (0 Départ précipité du P. ReJento. — François de Sales ne sait pas encore s'il prêchera à Paris ou à Grenoble. — Le jardin des Barnabites. — Pourquoi le Saint garde une lettre sans l'envoyer. Annecy, 23 septembre 16 17. Mon Révérend Père, C'est sans loysir que je vous escris, car le P. Redento part a Timproviste aujourd'huy *, duquel j'attendois le * Vide Ep. prœced. despart seulement a lundi. Vous recevres un paquet ou sont les livres de Vlntroduction et les nouvelles des- playsantes de nostre perte récente de nostre pauvre et très aymable vefve (-). Madame la Marquise d'Urfé (3) a receu le paquet des mains de monsieur le premier Pré- sident (4), et s'est chargée, de sa grâce, de le vous rendre. Je vous supplie de me faire office vers Monseigneur le Reverendissime Cardinal (5), affin que je puisse sçavoir si ce sera a Grenoble ou a Paris que j'iray cet Advent et ce Caresme; car Son Altesse (^) a promis a monsieur le Mareschal (7) que j'iray a Grenoble, et a d'autres que j'iray a Paris, et je ne sçai auquel des deux son intention est que je m'attache. Or, il est tems que je le sçache, et selon qu'elle me fera entendre, je me resoudray (^). Je (i) Voir le tome précédent, note (i), p. 171. ( 2 ) Marie-Aimée, baronne de Thorens, morte le 7 septembre. (Voir ci-dessus, note (i), p. 73.) (3) Fille d'Antoine de Neufville, seigneur de Magnac, et de Claude du Bellay, Marie de Neufville avait épousé, en 1^96, Jacques, marquis d'Urfé et de Beaugé. Elle mourut en novembre 1639. Son mari, frère aîné de l'auteur de VAstrée, était en ce moment en Piémont, au service du duc de Savoie. (4) Le président Favre, ami intime des d'Urfé. (3) Maurice de Savoie (voir tome XIII, note (i), p. 345). (6) Le duc de Savoie. (7) François de Bonne, duc de Lesdiguières, maréchal de France. (Voir tomes XII, note ( 4 ), p. 100 ; XVII, note ( 2 ], p. 380, et ci-après. Lettre mccclxvi, p. 105.) (8) Voir ci-dessus, note (2), p. 65. Lettres VIII 7  98 Lettres de saint François de Sales vous supplie, mon Révérend Père, de me faire cette faveur que ce soit au plus tost. Nostre Mère se porte bien, Dieu merci, et toute joyeuse de la belle croix ( ^ ). Nous tascherons d'eschapper en toute façon d'avoir besoin du jardin des Pères ( = ), puisque je voy que cela en offence grandement quelques uns, qui m'ont dit que vous avies escrit que vous avies fait toutes les sollicitations. J'espère que Dieu nous aydera. O mon très Révérend cher Père, je suis incomparable- ment tout vostre et de tout mon cœur : c'est ce que je puis dire pour le présent, allant célébrer les Ordres (3). Je salue la signora dona Genevra (4) et dona Bona (5). J'ay receu une lettre de la première qui estoit addressee a Vostre Révérence, et en vostre absence, a moy, en la- quelle j'ay plus de part que je ne mérite ; c'est pourquoy je ne vous la renvoyé pas. Je suis donq infiniment, mon Révérend Père, Vostre très humble et fidèle serviteur, [Franç% E. de Genève.] Annessi, le 23 septembre 161 7. ( I ) Grande et belle croix de cristal, don de Marguerite de Savoie, duchesse de Mantoue, protectrice de la Visitation. La croix « de M™^ la Duchesse » est « bien riche, » écrit la Sainte, « et pour sa valeur » (six cents ducatons) « et pour l'honneur du témoignage de sa protection. » (Lettres, vol. I, p. 223.) (2) La partie du jardin du collège chappuisien qui devait être donnée aux Dominicains en échange de la place que ceux-ci céderaient à la Visitation. (Voir tome XVI, note ( i ), p. 227, et ci-après, note ( i ), p. 120.) D. Juste s'était généreusement employé auprès des princes de Savoie et des Supérieurs pour faire aboutir l'affaire. (3) Ce fut dans l'église de Sainte-Claire qu'eut lieu la cérémonie. (4) Ginevra Scaglia, destinataire le 27 février 1618. (Voir plus loin.) (5) Bonne de Challant, comtesse de San Secondo (voir le tome précédent, note (i), p. 383).  Année 1617 99 MCCCLXII A M. GUILLAUMP: de BERNARD DE FORAS (O Le '< Pré Lombard » demandé au duc de Nemours pour la Visitation. Annecy, 27 septembre 1617. Monsieur mon Frère, Vous recevres par M. Rousselet ( = ) une de mes lettres, par laquelle je vous supplie de nous assister vers Mon- sieur (3) pour obtenir le Pré Lombard en faveur des Seurs de la Visitation (4), et nous vous ouvrons un ex- pédient : qu'au moins il luy playse de permettre que les susdites Dames en eussent la moytié pour donner en eschange aux Pères de Saint Dominique (5), gardant Tautre moytié pour en faire ce que Sa Grandeur voudroit. Mais me doutant que ces Pères de Saint Dominique ne voudront pas lascher ce dont nous avons besoin si on ne leur donne tout le susdit pré, je vous supplie de faire ce qui sera bonnement a faire, affin que Monsieur se contente que nous leur puissions donner le tout. Que s'il ne se peut, alhors on pourra parler de la moytié (<^). ( I ) Voir tome XVI, note ( i ), p. 226. (2) Guillaume Rousselet, secrétaire du duc de Nemours. (3) Le duc de Nemours. (4) On appelait « Pré Lombard » une île carrée, de trois cents toises de tour, située tout près de la ville d'Annecy, séparée de ses murailles seulement par le canal de Thiouz. Aujourd'hui, rattachée à la terre ferme, elle est deve- nue jardin public. En 1602, le 17 mai, Henri de Nemours l'avait achetée, pour 4000 florins, de Louis Flocard, conseiller du prince et président de la Chambre des Comptes du Genevois ; mais la vente ne devait avoir son effet qu'après entier paye- ment. Quand saint François de Sales demandait le Pré Lombard pour ses Filles de la Visitation, rien n'était versé de la somme promise et la famille Flocard demeurait propriétaire ; il n'en fallait pas moins s'adresser au Duc à cause de l'acte de i6o2.(Archiv. delà Visitation d'Annecy, Z/rr^ des contrats permattents.) (5) Voir ci-dessus, note(i), p. 86. (6) Les PP. de Saint-Dominique n'eurent jamais rien du Pré Lombard. En échange des quatre cents mètres carrés environ qu'ils cédèrent en 1618 à la Visitation, ils obtinrent des biens à Annecy-le- Vieux. Quanta l'île, achetée de nouveau (ri avril 1634) par la veuve du duc de Nemours, Anne de Lorraine, d'Henriette Flocard, dame de la Pesse, pour la récréation de son fils Louis de  100 Lettres de saint François de Sales Vous voyes, Monsieur mon Frère, comme je traitte avec vous, car j'escris ceci furtivement sans que per- sonne le sçache, parce que le porteur ne me donne nul loysir. Mon cœur salue et embrasse le vostre, et je suis invariablement, Vostre très humble et très affectionné frère et serviteur, Franç% E. de Genève. 27 septembre 161 7, Annessi. A Monsieur Monsieur de Foras, Gentilhomme de la Chambre de Monseigneur le Duc de Nemours. A Paris. Savoie, elle fut donnée par Charles-Amédée, frère de Louis, et son épouse Elisabeth de Vendôme, au Monastère de la Visitation, en 1644. Les Flocard, s'étant réservé le droit de rachat, protestèrent, ainsi que Jeanne-Aimée de Beaufort, dame de Longecombe, propriétaire d'une pièce du terrain non encore payée par les princes. On traita avec les deux parties : les droits de M™^ de la Pesse et de son fils, abandonnés au Monastère, acquittèrent la dot de Sœur Françoise-Angélique de la Pesse et celle de sa nièce, Marie-Elisabeth ; M""* de Longecombe demanda seulement une Messe et une Communion an- nuelles aux Sœurs de la Visitation. (Archives de la Visitation d'Annecy, Ms, cité.)  MCCCLXIII A madame de granieu Le courage appuyé sur la confiance. — Joie inaltérable des âmes données à Dieu. — (( Religieux entre les soldatz » et « sainte entre les Religieuses. » Annecy, fin septembre ou octobre 1617(1), Je croy fermement, ma très chère Fille, que vostre cœur reçoit de la consolation de mes lettres, qui vous sont aussi escrites d'une affection nompareille, puisqu'il a (i) La date de cette lettre est fixée approximativement par la mention de la mort de M. et de M'"^ de Thorens. Pour la destinataire, ce n'est pas trop se hasarder, nous semble-t-il, de proposer M'"'^ de Granieu. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 395.) Le ton général de ces lignes ne contredit pas à l'hypothèse.  Année 1617 10 i pieu a Dieu que ma dilection envers vous fust toute pater- nelle, selon laquelle je ne cesse point de vous souhaiter le comble de toutes bénédictions. Tenes bien vostre courage relevé, je vous supplie, ma très chère Fille, en la confiance que vous deves avoir en Nostre Seigneur, qui vous a chérie, vous donnant tant d'humbles attraitz a son service, et vous chérit en vous les continuant, et vous chérira en vous donnant la sainte persévérance. Je ne sçai, certes, comme les âmes qui se sont données a la divine Bonté ne sont tous-jours joyeu- ses, car y a-il bonheur esgal a celuy la ? Ni les imper- fections qui vous arrivent ne vous doivent point troubler, car nous ne les voulons pas entretenir et ne voulons jamais y arrester nos affections. Demeurés donq bien en paix, et vives en douceur et humilité de cœur. Vous aves bien sceu, ma très chère Fille, toutes nos petites afflictions, lesquelles j'aurois bien sujet de nom- mer grandes, si je n'eusse veu un amour spécial de Dieu envers les âmes qu'il a retirées d'entre nous ; car mon frère (0 mourut comme un Religieux entre les soldatz, ma seur, comme sainte entre les Religieuses (0. C'est seulement pour les recommander a vos prières que j'en touche ce mot. Monsieur vostre mary a bien rayson s'il m'ayme, car je le veux a jamais honnorer (3) ; et vous, ma très chère Fille, je m'imagine que vous m'affectionnes tous-jours cordialement, et vostre ame vous respondra pour moy que je suis vostre, puisque Nostre Seigneur et Créateur de nos espritz a mis cette liaison spirituelle entre nous. Qu'a jamais son saint nom soit béni et vous rende éter- nellement sienne, qui est le souhait continuel, Ma très chère Fille, de Vostre très humble serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. (i) Bernard de Sales (voir ci-dessus, note ( i ), p. 17). (2) Marie-Aimée de Rabutin-Chantal (voir ibid,, note ( i ), p. 73), (3) Si la lettre s'adresse à M"'^ de Granieu, le « mary » serait François de Gratet. seigneur de Granieu. dont la note est donnée plus loin.  102 Lettres de saint François de Sales MCCCLXIV A UNE RELIGIEUSE (0 L'arbre de vie et la rosée qui le féconde. — Un désir qui sera sûrement satisfait. Annecy, mai-octobre 1617 (2). Ma très chère Fille, Il me semble, certes, que je le voy, ce Sauveur crucifié, au milieu de vostre ame comme un bel arbre de vie, qui, par les fleurs (3) des bons désirs qu'il vous donne, vous promet les fruitz du divin amour qu'il produit ordinaire- ment es lieux ou sont la rosée d'humilité, douceur et sim- plicité de cœur. Vives donq bien ainsy, ma très chère Fille : ce sont mes vœux et mes souhaitz continuelz, com- me vous chérissant d'une affection singulière, et me con- fiant que réciproquement vous souspireres souvent devant sa divine miséricorde pour l'amendement de mon cœur, dont je vous conjure ardemment, ma très chère Fille. Si je puis retourner a Saint André (4), ce sera de toute mon affection : vous aures vostre désir. Que si je ne puis, ( I ) Pendant le temps de ses prédications à Grenoble, le Saint, raconte V Histoire de la Fondation de la Visitation de cette ville, « allait souvent dans les Monastères de Montfleury et des Ayes pour traiter avec les Religieuses d'une plus grande perfection. » L'édition de 1641, en adressant cette lettre A une Religieuse, désigne-t-elle un membre de l'une de ces Communautés ? La réforme, dans l'abbaye cistercienne des Ayes, avait dès lors des aspirantes, et les Sœurs de Ponçonnas et de Buissonrond, les premières à la provoquer, firent profession en septembre 1617. Cinq ans plus tard, ce ne sera qu'après avoir demandé les avis de l'Evêque de Genève qu'elles commenceront à Grenoble même la vie régulière que la Mère de Ballon venait d'inaugurer à Rumilly. Faudrait-il plutôt chercher la destinataire parmi les demoiselles grenobloises, futures Religieuses de la Visitation? Les données manquent pour étayer soli- dement l'une ou l'autre supposition. (2) Les lettres précédentes (voir pp. 65 et 97) parlent des incertitudes dans lesquelles le duc de Savoie tint saint François de Sales touchant la station de TAvent 1617 ; le 14 octobre seulement, il lui mandait d'aller à Grenoble. (Voir sa lettre à l'Appendice I, et ci-après, p. 105.) De là notre date approximative. (3) Le nxoX Jlammes porté par l'édition de 1641 doit être certainement une faute d'impression. (4) Antérieure au xn^ siècle, l'église Saint-André de Grenoble fut l'objet des libéralités du dauphin Guigue-André et de ses successeurs, dont plusieurs y eurent leur sépulture. Elle était membre du prieuré de Saint-Martin ; elle en fut détachée en 1 227 et donnée au Chapitre de Saint- André de Champagnié. Dès lors,  Année 1617 103 vous aures plus que vostre désir, puisque le bon Père que j'ayme et honnore si cordialement (0, y fera cent fois mieux le service de nostre commun Maistre que moy. Francs E. de Genève. sa collégiale fut desservie par un prévôt et douze chanoines qui, en 1308, signèrent un concordat les unissant très étroitement au Chapitre de la cathédrale. Chapelle delphinale, l'église Saint-André était devenue celle du Parlement. (Cf. Chorier, Hist. cren. de Dauphiné, Lyon, J. Thioly, 1672, réimprimée à Valence, 1869.) ( I ) Ne pouvant déterminer la destinataire, il est impossible de désigner le « bon Père >». Les Registres du Parlement se taisent sur le prédicateur qui aurait remplacé l'Evêque de Genève, si celui-ci n'avait pu remonter dans la chaire de Saint-André.  MCCCLXV A MADAME DE GRANDMAISON (0 (inédite) Retour douloureux et résigné sur les deuils multiples de Tannée qui s'achève. — Le Saint prépare la destinataire à celui qui doit la frapper bientôt, — Où se transforment nos amertumes. Bellay, 5 octobre 161 7. Je vous puis dire, Madame ma très chère Seur, que toute cett'annee j'ay vescu parmi les mortz ; car, outre une quantité d'amis et parens que j'ay perdus pour ce monde (= , j'a}^ veu ecclipser en trois moys mon frère, son filz unique et sa femme (3), que je cherissois incom- parablement. Mays, grâces a Dieu, tout cela s'est passé (i) Dos à dos sur un même carton sont collés l'Autographe de cette lettre et une lettre de sainte Jeanne-Françoise de Chantai. On ne peut donc lire l'adresse ; mais la destinataire est indiquée par le texte même, et par cette note du xix"^ siècle, écrite au bas de la lettre de la Sainte : Celle de St Fois de Salles adressée a Mme de Grandmayson — Hélène de Longecombe de Peyzieu (voir tome XV, note ( i ), p. 283). (2 ) Parmi ces amis chers au Saint et dont il pleurait le récent départ, rap- pelons le président du Conseil de Genevois, Charles-Emmanuel du Coudrey (voir ci-dessus, note ( i ), p. 58); François Chanal (ibid., note (3), p. 23); le président de Sautereau (ibid., pp. 21, 25); trois chanoines de Saint-Pierre de Genève, très estimés de leur Evêque, MM. Janus des Oches, Claude Grandis (voir tomes XI, note ( i ), p. 299, et XIII, note (2), p. 195) et François Deles- pine (voir tomes XVI, note ( i), p. 343, et XVII, note (2), p. 350). ( 3) Voir ci-dessus, notes ( i ), p. 17 ; ( i ), (2), p. 70, et ( i ), p. 75.  104 Lettres de saint François de Sales a leur salut; car mon frère, qui estoit allé au service de Son Altesse en soldat, y est mort en Religieux ; son filz est passé en innocence, et sa femme en sainte, après avoir demandé et obtenu Thabit de la Visitation et fait les vœux au lit de la mort. En somme, ma très chère Seur, ma Fille, tel a esté le bon playsir de Dieu, auquel nos volontés doivent estre toutes soumises. Et je voy bien que dans peu de jours vostre bon naturel recevra une pareille attaque ; car je vis hier madame nostre bonne Mère (0, et la trouvay sur les confins de cette vie mortelle, ou sa maladie, et principalement son aage. Tout conduit, et a mon advis, pour lent que soit son passage, elle ne peut pas beaucoup tarder de Tache- ver. Or sus, ma très chère Seur, il faudra bien tenir vostre cœur ferme, affin quil ne chancelé point a cette secousse, mais qu'attaché a la Providence divine, après les premiers eslans de douleur qui sont inévitables, il demeure doucement en paix, en attendant avec une sainte espérance le tems auquel, par le mesme passage, nous irons revoir ceux qui nous prsecedent. Ma très chère Seur, nous avons a remercier Dieu qui nous a si longue- ment laissé cette mère, et n'est pas raysonnable que nous treuvions mauvais sil la reprend, puis que c'est pour luy donner une meilleure vie. Je sçai que vous irés digérer ce desplaysir au pied de la Croix de Nostre Seigneur ou toutes nos amertumes deviennent douces. C'est pourquoy je n'ay plus rien a vous dire, sinon que je ne cesse jamais de souhaiter mille et mille bénédictions a vostre chère ame que j'ayme de tout mon cœur, estant a jamais. Madame ma très chère Seur, Vostre plus humble frère et serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. V octobre 1617. Revu sur une photographie de l'Autographe, conservée à la Visitation d'Annecy. ( I ) Françoise de Dizimieu, dame de Peyzieu (voir tome XV, note ( i ), p. i8i). La mention de cette visite, faite la veille, indique indubitablement la présence du Saint à Bellev.  Annéi-: 1617 105  MCCCLXVI A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONTPELLIER (inédite) Pourquoi le duc de Savoie désigne Grenoble à François de Sales pour les prédications de TAvent et du Carême. — Une ambition de l'apôtre au sujet de Lesdiguières; son peu d'espoir de la voir satisfaite. — Joies qu'il aurait eues à Paris, avantage qu'il trouve en Dauphiné. — La paix sans les effets de la paix. — Doute sur la validité d'une dispense. Annecy, 19 octobre (i) 161 7. Monseiofneur, En fin, après plusieurs incertitudes sur le lieu ou je devois prescher ces Advens et Caresme prochains, Son Altesse me commande de retourner a Grenoble pour complaire a monsieur le mareschal de Lesdiguières ( = ), qui, prié par la cour du Parlement, en a tesmoigné un très grand désir (3). O sil playsoit a Dieu de le toucher, l'attirer et gaigner ! car c'est bien la coustume de sa di- vine providence d'employer les choses basses et infirmes pour les grans efFectz de sa Bonté*. Mais ce souhait, •Cf.iCor.,i,:7-29. entre vous et moy, qui serois estimé homme d'ambition excessive si quelqu'un l'entendoit ; et néanmoins, j'y ay certes aussi peu d'ambition que d'espérance, a cause de l'exclamation du Sauveur * : O quam difficile est homi- *Marc.,x,23;Luc., xviii, 24. nem divitias habentem, etc. v ) Cependant, je confesse que, comme d'un costé ce m'eut  (*) Oh ! quil est difficile à Thomme qui a des richesses, etc. (i) Nous rectifions une erreur de l'ancienne copie : octobre s'impose au lieu d'août, car Tétude de la lettre ne laisse aucun doute pour le mois. (2) Voir à l'Appendice I la lettre du duc de Savoie au Saint, 14 octobre, et cf. ci-dessus, pp. 63 et 97. (5) Ayant appris le succès de l'intervention du maréchal, le Parlement lui- même adressa au saint Evéque une lettre d'invitation, datée du 8 novembre 1617. (Charles-Auguste. Histoire, etc., Preuve 46.)  io6 Lettres de saint François de Sales esté un contentement indicible de jouir de la présence de cet amy incomparable qui me souhaitoit a Paris (0 et de la conversation de plusieurs autres qui me font Ihon- neur de m'affectionner, aussi m'est-ce un grand soulage- ment de m'esloigner si peu de ma résidence quil semble presque que je ne m'en esloigne point; car en somme, ma femme, mes enfans, mon devoir et mes affaires sont icy, puisque Dieu a voulu que j'y fusse père de famille et son œconome. Je fus Tautre jour dire a Dieu a mon très cher, très aymable et très digne voysin Monseigneur de Belley (2), qui s'en rêva en son Paris et païs prescher a Saint Seve- rin (3) ; et outre mille qualités qui m'obligent a l'honno- rer, je le vis si plein d'amour, de respect et d'estime pour vos mérites quil ne se peut rien adjouster, et partant vous fustes une grande part de nos plus doux entretiens. Nous avons la paix, mais non pas encor les effectz de la paix, car l'exécution du traitté est, ce dit on, en quel- que sorte de difficulté (4). Oui cœpit boniim opus, per- * Philip., 1, 6; I Pe- ^ "^ • • i / ♦ » tri, uit., 10. ficiet solidahitque* par sa miséricorde ( ). (*) Celui qui a commencé la bonne œuvre, l'achèvera et l'affermira ( I ) Après des démarches qu'il croyait près de réussir, Antoine des Hayes écrivait, le 14 août 1617, à M. de Charmoisy : « Nous avions espéré de voir, ce Carême, Monsieur de Genève, dont chacun s'était grandement réjoui, mais Ton m'apprend que son voyage est fort traversé. Je vous supplie... favoriser de tout votre pouvoir l'église de Saint-André à laquelle il avait été promis. » (J. Vuy, La Philothce de St Fr . de Sales, 1879, vol. II, p. 157; cf. ci-dessus, note (2), p. 65.) (2) Jean-Pierre Camus (voir tome XIV, note (r), p. 139). (3) Un oratoire de ce nom existait dès les temps mérovingiens. Sur son emplacement, fut bâtie, au xii^ siècle, une église dont il ne reste, pour ainsi dire, plus rien. Cependant, une partie de Tédifice actuel, très intéressant au point de vue archéologique, date du xiii^ siècle ; d'autres, des xv« et xvi°. (D'après une Note de M. Le Grand, archiviste aux Archives Nationales.) ( 4 ) A la suite des préliminaires de Madrid, le traité de paix avait été conclu à Pavie le 9 octobre, entre don Pedro de Tolède, le cardinal Ludovisio et le comte de Béthune. L'ambassadeur de France, par une pièce signée de la main de Sa Majesté Très Chrétienne, assurait le gouverneur de Milan que le duc de Savoie acceptait le traité d'Asti; don Pedro, de son côté, y souscrivait au nom de Sa Majesté Catholique. Là-dessus, on convint que les parties belli- gérantes, à commencer par Charles-Emmanuel, auraient désarmé à la fin de novembre; en outre, qu'elles devaient restituer les places conquises pendant  Année 1617 107 M. le juge mage Arpeaud (0 et messieurs Fenouillet ( = ) mont parlé du mariage de M. Garin (3,', et mont de- mandé si je recevrois la dispense requise venant de Mon- seigneur le Légat d'Avignon (4). C'est la vérité que nous n'avons jamais rien veu de cette authorité, ce païs estant hors de la légation ; si néanmoins le diocaese luy estant marqué il dispense, j'auray tout sujet de croire quil ne fait rien quil ne puisse; mais en chose de telle impor- tance et qui tire conséquence, j'aymerois mieux que l'ex- pédition vint de Rome, pour mettre tout en asseurance. Vous commanderes, et vous seres obéi de tous eux, et de moy en vérité plus affectionnement que de tout le reste, puisque, vous baysant très humblement les mains et vous souhaitant toute sainte fœlicité, je suis, Monseigneur, Vostre très humble et très obéissant frère et serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Annessi, 19 . . . 1617. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Montpellier. la guerre et mettre les prisonniers en liberté. Ce ne fut pas sans grandes diffi- cultés que les diverses clauses s'exécutèrent; on ne satisfit à la dernière que le 10 juillet 1618. (Voir Guichenon, Hist. génêal. de la Maison de Savoie, tome II.) (i) Claude-Nicolas Arpeaud, juge-maje du Genevois. (Voir tome XIV, note (2), p. 340.) Il était parent des Fenouillet depuis que François Fenouil- let, frère de TEvêque de Montpellier, avait épousé en secondes noces Cons- tance Arpeaud, sa sœur ou sa cousine. (Cf. le tome précédent, note (4), p. 77.) (2) Nombreux étaient les MM. Fenouillet, frères et cousins de TEvêque ; il serait difficile de dire quels sont ceux qui s'occupèrent directement du ma- riage de M. Garin. (3) Voirie tome précédent, note(i), p. 152. Jacquelin ou Acquelin Garin, cousin au troisième degré de Nicolarde Fenouillet, fille de François (voir note (i) ci-dessus), qu'il voulait épouser, avait besoin d'une dispense pour contracter cette alliance. Elle fut expédiée de Rome, ainsi que l'Evêque le souhaitait, le i*^'" janvier 1618. Le mariage eut lieu entre 1618 et 1623, date de la naissance de Jean-Pierre, premier enfant de Jacquelin et de Nicolarde. (R. E, et Reg. par. d'Annecy.) ( 4 ) Le Saint veut parler ici du Vice-légat, Jean-François Guidi di Bagne. (Voir le tome précédent, note (2), p. 294.) Depuis longtemps, la dignité de Légat d'Avignon appartenait comme de droit à un cardinal résidant à Rome, qui se faisait représenter par un Vice-légat ; ce cardinal était alors le Secrétaire d'Etat, Scipion Caffarelli-Borghese. (Voir tome XVI, note (2), p. 147.)  io8 Lettres de saint François de Sales MCCCLXVII AU PRINCE DE PIÉMONT, VICTOR-AMÉDÉE L'Evêque de Genève implore la charité du Prince en faveur d'un ancien converti. Annecy, 24 octobre 1617. Monseigneur, Il pleut a Son Altesse, il y a plusieurs années, d'or- donner quelques commodités au cappitaine Henry de la Rose, homme lequel meshuy n'est pas seulement viel, ains décrépite (0; et bien que la libéralité de saditte Altesse fut excitée par diverses considérations, si est ce que celle de la conversion de cette ame en fut le fonde- ment. Et c'est celle qui me fait en toute humilité supplier Vostre Altesse de l'avoir en recommandation, si toute- fois il peut asses vivre pour avoir besoin de ce qu'il recherche ; car il part, ce me semble, a moytié mort, tant il a désir d'avoir moyen de vivre. Dieu, par sa bonté, veuille conserver et prospérer la personne de Vostre Altesse, Monseigneur, de qui je suis Très humble, très obéissant et très fide (sic) orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. Annessi, le xxiiii octobre 161 7. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. (i) Voir tomes XII, Lettre ccxlv, et note ( i ), p. 400; XIV, Lettre dxxix, p. 158; XV, Lettre dcccxviii, p. 289,  Année 1617 109 MCCCLXVIII AU DUC DE SAVOIE, Cil ARLES-EMMANUEL l" Un pauvre capitaine converti, solliciteur de Son Altesse. Annecy, 30 octobre 1617. Monseigneur, Le pauvre cappitaine La Rose, sur le bord de sa fosse, recourt a la bonté de Vostre Altesse pour en obtenir le mo3^en de passer avec quelque soulagement cette extrémité de sa vie. A quoy je joins très humble- ment ma recommandation, avec mille et mille souhaitz que je fay devant Dieu quil comble Vostre Altesse de fœlicité, demeurant, Monseigneur, Vostre très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. Annessi, le xxx octobre 161 7. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de lEtat.  MCCCLXIX A LA MERE DE CIÏANTAL (0 Béatitude des crucifiés. — Le testament de la baronne de Thorens. — Mur- mures faits au sujet d'un projet de mariage pour Françoise de Chantai. Annecy, [15-31 octobre] 1617 (2). Ma très chère Mère, Je ne puis m'empescher d'estre un peu en peyne de ( I ) Le texte publié pour la première fois par Hérissant, tome III, p. 437, avec l'adresse A la Mère de Bréchard, est composé de deux pièces distinctes : le billet ci-joint, certainement écrit à la Sainte, et une lettre du 2 mai 1618 à la Mère Favre. Il est fort probable que les deux Autographes avaient été collés sur un même carton pour être encadrés ; et le copiste, par inadvertance, les aura transcrits à la suite l'un de l'autre, comme un texte unique. (2) M. Coulon, l'homme d'affaires de la Mère de Chantai et de ses enfants, dut venir de Bourgogne en Savoie quelques semaines après la mort de la baronne de Thorens; d'où la date assignée à ces lignes.  110 Lettres de saint François de Sales vostre tracas survenu si mal a propos ; mais ( il faut estre constant et ferme auprès de la croix, et sur la croix mesme, s'il plait a Dieu de nous y mettre. Bien- heureux sont les crucifiés, car ilz seront glorifiés. J'ay cuydé connoistre que M. Colom (2) venoit a double intention. Hier il me demanda comme ma seur (5) avoit disposé, et je le luy dis franchement ; et il tesmoigna de le treuver bon, hormis qu'il eust voulu que M"'' de Chantai eust eu les trois mille escus, ce dit-il. Je ne luy parlay point des mille escus de la légitime (4). Que s'il faut défendre au notaire de n'en rien monstrer, je vous prie d'en prendre la peyne, car je m'en vay dans demi heure au collège (5). Il me parla du mariage de M. de Foras en termes extrêmement extravagans, et me dit qu'il avoit charge de vous en parler et a ma fille (^); mais ces paroles procèdent d'un mauvais fondement, car ilz croyent que l'on vous ayt fait la demande, et a M^'^ de Chantai, pour qu'on veuille mespriser le consentement du frère (7) et de  ( I ) La fin de ce premier alinéa a été interpolée par les éditeurs de 1626 dans une lettre composée de fragments de différentes dates, et dont la plus grande partie a été donnée au tome XV, p. 375. (2) Déjà « capitaine au château de Bourbilly » en 1392, maître Jean Coulon (voir tome XV, note (2), p. 317) fournit, le 2 novembre 1615, le dénombre- ment des terres et seigneuries de Bourbilly et Sauvigny, comme « capitaine et admodiateur à Thoste,... suyvant la charge et procure specialle passé audit CouUon... par Dame Jeanne Fremyot. » (C'^ de Franqueville, Histoire de Bourbilly, Paris, 1907, p. 232.) Le fidèle serviteur des Chantai s'occupe encore des affaires de l'hoirie de Celse-Bénigne en 1628. (Voir Lettres de la Sainte, vol. III, p. 157.) (3) Marie-Aimée de Rabutin-Chantal, baronne de Thorens. (4) Par son testament., fait le 6 septembre à 10 heures du soir, la jeune Baronne avait institué son beau-frère, l'Evêque de Genève, son héritier universel, légué trois mille écus d'or à son frère Celse-Bénigne, mille écus à sa sœur Françoise, et cédé sa légitime — soit ses droits sur les biens pater- nels et maternels — à sa mère, Jeanne-Françoise Frémyot. Celle-ci, le 30 sep- tembre 1617, renonça à ses droits en faveur de François de Sales, qui, en échange, s'engagea à payer au Monastère de la Visitation une rente annuelle de deux cent cinquante florins. (Archives de Thorens-Sales et de la Visitation d'Annecy.) C'est peut-être à cet acte que le Saint fait ici allusion. (5) Au collège des Barnabites. (6) Il sera question de ce projet de mariage pour Françoise de Chantai dans des lettres ultérieures. (7) Celse-Bénigne de Rabutin-Chantal.  Année 1617 1 1 1 l'oncle (O. Je dis que Ton n'avoit fait aucune demande, ains quelques significations par ci par la, lesquelles ne requeroyent point de responce, laquelle aussi on n'avoit point faite. Soulagés-vous, ma très chère Mère, au mieux qu'il se pourra. Je vous iray voir sans faillir. Dieu soit a jamais au milieu de nostre cœur. Amen. ( I ) M^"" André Frémyot, archevêque de Bourges.  MCCCLXX A UNE PERSONNE INCONNUE (fragment inédit) Douceur de la main divine. — Affliction et consolation. Annecy, [septembre-novembre] 1617 ( i ). Il est vray, Dieu a affligé nostre mayson en la mort de mon frère et de ma seur de Thorens ; mais sa main divinement paternelle nous force d'adorer sa suave bonté qui ne nous a touchés que doucement, puisque mon frère est mort saint entre les soldatz, ou il se treuve si peu de saintz, et ma seur, sa chère espouse et mon unique fille, est morte sainte entre les servantes de Dieu et dans le cloistre, qui est ordinairement un séminaire de sainteté. Elle a fait profession, et est enterrée dans l'habit de la Visitation. Le médecin qui la servoit en sa dernière ma- ladie (2) disoit que si les Anges pouvoyent mourir, ilz voudroyent mourir de la sorte.  Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation du ler Monastère de la Visitation d'Annecy. ( I ) Ces lignes ont été vraisemblablement écrites avant la fin de l'année 1617, mais il est impossible de préciser davantage la date et d'en désigner le desti- nataire. (2) Jean Grandis, médecin de la Visitation d'Annecy. (Voir tome XV, note ( I ), p. 20.)  112 Lettres de saint François de Sales MCCCLXXI A M. JEAN DE LACURNE (0 Lettres perdues. — Eloge des PP. Barnabites ; la seule chose qui leur manque . — Fruits qu'on peut espérer de leur établissement en France. — La divine origine des afflictions. — Souvenir du baron et de la baronne de Thorens. Annecy, 6 novembre 1617. Monsieur, Je n'ay point receu de vos lettres des quil vous pleut de me faire sçavoir que vous desiries des miennes pour ces messieurs de la cour (2), en recommandation de vos droitz. Et je vous prie de croire que je vous ay néanmoins escrit plus d'une fois despuis, et que je suis bien marri quand je sçay que vos addresses me manquent, car je fay beaucoup d'estat de vos escris, esquelz j'apprens ordinairement et treuve une particulière consolation. Mays disons un mot de nos Barnabites, puisque je suis pressé et ne puis pas m'estendre. Ce sont des gens de fort solide pieté, doux et gratieux incomparablement, qui travaillent incessamment pour le salut du prochain ; en quoy ilz [se] rendent admirables également et infa- tigables. Une chose leur manque, que nous supportons facilement icy : c'est qu'encor qu'ilz ayent des excellens praedicateurs, nous ne pouvons pas jouir pour encor de leur talent en cela, d'autant qu'ilz n'ont pas encor (i) Jean de Lacurne de Saint-Palaye naquit à Arnay-le-Duc en 1^70 et y mourut le 21 juin 1631. Pendant quelque temps il exerça la profession d'avocat à Autun, puis, en 1609, devint lieutenant-criminel au bailliage d'Ar- nay-le-Duc. Il n'eut point d'enfants de sa femme Huguette Desvoyo (voir ci-après, note (i), p. 114), et s'adonna avec elle à la piété et aux bonnes œuvres. « Ce sont deux personnes qui me sont très chères en Notre-Seigneur, » assurait sainte Jeanne de Chantai, qui les houora de son amitié jusqu'à leur mort. (Lettres, vol. III, p. 324.) M. de Lacurne fut poète et auteur de Mémoires fort savants; Saumaise va jusqu'à l'appeler « les délices d'Apollon et de toutes les Muses. » (Cf. Papillon, Bibl. des auteurs de Bourgogne ; Courtépée, Descrip- tion du duché de Bourgogne, tome IV.) (2) Du Parlement de Bourgogne.  Année 1617 115 l'usage parfait du langage françois, ains seulement au- tant quil faut pour se faire entendre es cathechismes, petites exhortations et conversations spirituelles; mays ilz le vont aquerant tous les jours. Et il est arrivé encor ces jours passés un malheur, en la perte qu'ilz ont faite d'un Père Parisien qui deceda (0. Pour moy, je pense qu'ilz seront un jour de grand service a la France ; car ilz ne font pas seulement profit en l'instruction de la jeunesse (aussi n'est il pas si requis ou les Pères Jésuites font si excellemment), mais ilz chantent au chœur, con- fessent, cathechisent voire mesme es villages ou ilz sont envoyés, preschent et en somme font tout ce qui se peut désirer, et fort cordialement, et ne demandent pas beau- coup pour leur entretien. Voyla ce que je vous puis dire, et ce qui me feroit désirer leur introduction es lieux ou les Pères Jésuites ne sont pas. Vostre prudence discer- nera ce qui se pourra faire pour les attirer en vostre Autunois (2). (i) Le 22 octobre 1617, à huit heures environ du matin, décéda au collège des Barnabites d'Annecy, le P. Guillaume Cramoisy, parisien de naissance, âgé d'environ quarante-cinq ans. Une fièvre ardente l'avait saisi au retour d'un pèlerinage fait à pied à Saint-Claude ; sa mort fut des plus édifiantes, et il emporta les regrets de ses confrères et de la ville entière. Jean Cramoisy avait dû ce qu'il appelait sa conversion au bienheureux Juvénal Ancina, ainsi qu'il le raconta lui-même à l'Evêque de Genève. Sur le point de se marier après avoir entendu secrètement l'appel à la vie religieuse, il assista par hasard à un sermon de ce grand Serviteur de Dieu sur l'inconstance de l'esprit humain et sur la magnanimité avec laquelle il faut mettre en exécution les inspirations divines. C'était l'heure de la grâce ; le jeune homme entra bientôt chez les Clercs réguliers de Saint-Paul où il prononça ses vœux le 23 septem- bre 1598. Ordonné prêtre, il coopéra d'abord à la fondation du collège de Lodi, et fut envoyé à celui d'Annecy au mois de juillet 161 5. (D'après Char- les-Auguste, Histoire, etc., liv. IX, et les Acta Collegii, Archiv. commun. d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.) (2) Ce ne furent pas les Barnabites que M. de Lacurne attira en son Autu- nois; au moins, nulle trace ne nous est restée de démarches postérieures à cette date faites dans ce but. Par son testament du 23 avril 1631, il institua le P. Rec- teur et les Jésuites de la maison d'Autun ses héritiers universels, « à la charge et condition d'entretenir à perpétuité en la ville d'Arnay-le-Duc, sa chère patrie, deux régents capables et pertinents... pour l'instruction de la jeunesse en la doctrine chrétienne, bonnes mœurs et bonnes lettres. » Au cas « où les dits Religieux viendraient à manquer auxdites charges et conditions, il leur substitue en ses biens la ville d"Arnay-le-Duc, à la charge dudit collège. » L'année suivante, au mois de juin, les PP. de la Compagnie de Jésus prenaient possession de la place. (Annales de la Ville d'Arnay-le-Duc et Courtépée.) Lettres VIII 3  1 14 Lettres de saint François de Sales Je voy, ce pendant, madamoyselle vostre femme (0, que je chéris a la vérité très cordialement, sur la croix, entre les clouz et les espines de plusieurs tribulations qu'elle sent et que vous ressentes. Que vous dirois je sur cela, Monsieur mon très cher Frère ? Interroges souvent le cœur de Nostre Seigneur, d'où cett'affliction procède, et il vous fera sçavoir qu'elle a son origine dans le divin amour. C'est bien fait de jetter nostre pensée sur la justice qui nous punit, mais c'est mieux fait encor de bénir la miséricorde qui nous exerce. Toute cett'annee nous avons vescu parmi les adver- sités, et je croy que vous aures sceu le trespas inopiné de mon frère et de ma seur ( = ), que j'appelle inopiné, car, qui l'eut pensé ? mais trespas très heureux pour le genre et la sainteté du passage ; car, particulièrement ma chère petite seur, fit sa (sic) départ avec tant de pieté et de suavité, qu'un docte médecin qui le vit (3) me dit que si les Anges estoyent mortelz ils desireroyent cette sorte de mort. Mays en somme, que pouvons nous dire en toutes ces occurrences? Il est mieux de ne rien dire, ains ac- quiescer. (*) Obmutui^ et non aperui os meum, quo- * Ps. XXXVIII, lo. nïam, Domine, tu fecisti *. Et a la vérité, pour parler cœur a cœur avec vous, je n'ay presque jamais osé ad- * Vers. ir. joustcr cc qui s'ensuit : (**) Amove a me plagas tuas *. Je prieray Dieu quil sanctifie sa volonté en nous et nous en sa volonté. Quil soit vostre consolation, et de madamoyselle que je vous prie treuver bon que je nomme (*) Je me suis tu, et je n'ai pas ouvert la bouche, parce que, Seigneur, c'est vous qui Vave{ fait. {**) Détourne:( de moi vos coups. ( I ) Huguette Desvoyo ou d'Esvoyo, fille de Jacques, conseiller au bailliage d'Autun, et de Françoise Bernard. Elle mourut le 35 décembre 1630, léguant au Monastère de la Visitation d'Autun quinze cents écus, ses bagues et joyaux, etc., en mémoire et à l'honneur du saint Evêque de Genève; mais les Religieuses ne recueillirent rien de cet héritage, M. de Lacurne ayant suivi trop tôt sa femme dans la tombe. (Reg. par. d'Arnay-le-Duc et Lettres de Ste J.-F. de Chantai, vol. III, pp. 591, 592.) (2) M. et M'"e de Thorens. (3) Jean Grandis (cf. la lettre précédente).  Année 1617 115 ma chère fille. Sic state in Domino , charissimi *, et * Philip., uit., i, diligentem diligite (*). Je suis, Monsieur, Vostre très humble et cordial serviteur, Franç% E. de Genève. 6 novembre 161 7. A Monsieur Monsieur de la Curne, Lieutenant gênerai au balliage d'Arne-le-Duc. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy. (*) Demeure:^ ainsi en Notre-Seigneur , mes bien-aimés, et aimez celui qui vous aime.  MCCCLXXII A LA MÈRE DE CHANTAL Attente de nouvelles de la Fondatrice malade. Annecy, 22 novembre 1617 (i). Ma très chère Mère, La glorieuse sainte Cécile m'appelle au chœur pour ouïr les louanges de son Seigneur, que les musiciens, par dévotion particulière, veulent chanter de sa part. Mays si faut il pourtant sçavoir des nouvelles de ma pauvre malade avant disner. Commandes donq, je vous prie, que (i) Une demi-feuille, unie au présent billet, portait ces mots : Ecrit de la propre main de notre Père St Fr. de Sales. Pour sa chère fille M. Cecille de la Rovere, a Turin; d'où la fausse adresse donnée par les précédents éditeurs. La Mère de Chantai est la vraie destinataire, et la Sœur de la Rovere reçut plus tard en don le précieux Autographe. Quant à la date, si le quantième est clairement désigné par le texte, Tannée semble l'être aussi, la « pauvre malade » dont François de Sales demande des nouvelles n'étant autre que la Sainte elle-même. Or, en novembre 1617, elle fut presque à l'extrémité (voir ci-après, note (2), p. 124); il faudrait remon- ter à 1612 pour la trouver arrêtée par une maladie à cette époque de l'année, mais le titre de « Mère » comme l'appellation de « Madamoyselle » pour Fran- çoise de Chantai, ne permettent pas de songer à ce millésime.  (i6 Lettres de saint François de Sales de la main de madamoyselle de Chantai (0, ma fille bien- aymee, ou de ma chère Seur de Chastel (2), me soit en- voyé quelque petit billet qui m'en apporte, ou du moins quelque message d'honneur. Cependant, bonjour, ma très chère Mère ; Dieu soit nostre médecin et nostre guerison luy mesme. Revu sur une copie conservée à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) La seconde fille de la Sainte. {2) Ici, erreur de lecture de la part des précédents éditeurs qui ont écrit Chantai pour Chastel. La « chère Seur de Chantai » n'aurait pu être que Marie-Aimée, baronne de Thorens, morte le 7 septembre précédent.  MCCCLXXIII A DON JÉRÔME BOERIO, GÉNÉRAL DES BARNABITES ( MINUTE ) Action de grâces pour le retour d'un Religieux. — Les desseins du prince de Piémont et de l'Evêque de Genève sur Contamine ; pour les faire réussir, Tintervention de D. Juste auprès des cours de Savoie et de Rome est nécessaire. — Deux autres affaires importantes demandent ce voyage. — Litige au sujet d'un étang sans poissons; équité et charité du Saint. Annecy, vers la fin de novembre (i) 1617. Reverendissimo in Christo Padre osservandissimo, Ringratio humilmente V. P. R"'' dell'amorevolezza colla quale ha rimandato in questi luoghi il P. D. Re- dento, il quale io spero che farà frutti degni délia sua vocatione et grati a V. P. Révérendissime et très honoré Père dans le Christ, Je remercie humblement Votre Paternité Révérendissime pour la bienveillance avec laquelle elle a renvoyé en ce pays le P. D. Redento qui, je l'espère, fera des fruits dignes de sa vocation et agréables à Votre Paternité . (i) Le P. Redento Baranzano (voir ci-dessus, note (i), p. 95) étant de retour de son voyage à Milan le 30 octobre, cette lettre se place naturelle- ment en novembre, avant le départ du Saint pour Grenoble. La réponse du Général est datée du 21 décembre.  Année 1617 117 Ecco fra tanto la santa et desiderata pace (0, et è hor- mai tempo di veder corne potremo far riuscire i pii disegni del Serenissimo Prencipe di Piemonte per la solida fun- datione de questi diioi collegii di Annessi et Tonone ; per laquale trattando io con Sua Altezza (2), ella si contentô che si pigliasse tutta Tentrata del monasterio di Conta- mina, supprimendo li monaci per più ragioni (3), et trans- ferendo le loro prsebende parte in questo coUegio, et parte in quello di Tonone, con patto perô che si mettano in luogho loro altri tanti Padri Barnabiti in questi collegii, che possano celebrar le Messe aile quali detti monaci erano obligati, et con certe altre conditioni lequali dal P. D. Giusto (4) saranno spiegate a V. P., poichè io le ho poste in scritto alla distesa. Ma ho giudicato bene, si corne ancho il P. D. Giovanni Battista, Superiore di questo coUegio, huomo giudicioso et che dà a questi popoli gran sodisfattione (5), che questo  Voici cependant la sainte paix tant désirée (O; aussi est-ce le moment de voir comment nous pourrons faire réussir les pieux desseins du Sérénissime Prince de Piémont pour consolider la fon- dation de ces deux collèges d'Annecy et de Thonon. Lorsque j'en traitai avec Son Altesse (2), elle agréa que, dans ce but, on prît tout le revenu du monastère de Contamine, supprimant les moines pour plusieurs raisons (5), et attribuant leurs prébendes, partie au collège de cette ville, partie à celui de Thonon, à condition, cependant, de placer dans ces collèges autant de Pères Barnabites qui puissent célébrer les Messes auxquelles les moines étaient tenus. Quelques autres conditions seront expliquées à Votre Paternité par le P. D. Juste (4), car je les ai mises au long par écrit. Toutefois je crois avec le P. D. Jean-Baptiste, supérieur de ce collège, homme judicieux et qui donne beaucoup de satisfaction à la population (7), que cette affaire doit se traiter par le P. D. Juste ( I ) Voir ci-dessus, note ( 4 ), p, 106. (2) Pendant son séjour à Annecy, août-septembre i6r6. (Voir le tome pré- cédent, notes (2), p. 268, et ( i ), p. 290.) (3) Voir ibid., note (i), p. 354. ( 4 ) D. Juste Guérin qui, de Turin, devait se rendre à Milan. (Voir ci-après, note (3), p. 119.) (5) Né à Rome d'Aimé et de Marguerite de Gennari, et baptisé le 28 octo- bre 1583, Jean-Baptiste entra en 1601 chez les Clercs réguliers de Saint-Paul  1 1 8 Lettres de saint François de Sales negotio si debba trattar dal P. D. Giusto, non solamente in questa nostra corte appresso il Serenissimo Prencipe (il che, s'io non m'inganno, sarà cosa facile), ma ancora in Roma, doue detto Padre faccia instantia appresso il signor Ambasciatore di Sua Altezza (0, laquale, con espresso commandamento, farà fare la sollecitatione ; ma sollecitatione che non si farà mai bene se [non da] detto Padre, informatissimo délie cose di qua, et de tutti li motivi et circonstantie che ponno indurre Sua Santità a far la gratia. Onde mi pare necessario che detto Padre vada subito di una corte nell' altra. Et havendo io un par d'altri negotii buoni et laudabili nella Corte di Roma, cioè, per un Seminario in questa diocaesi(-), et per rendre (sic) conto di questa mia Chiesa alla Santa Sede, dovendo in ogni modo mandar costî persona aposta et ben qualificata, non seulement en notre cour auprès du Sérénissime Prince (ce qui, si je ne me trompe, sera cliose facile), mais encore à Rome, où le Père la poursuivrait auprès de l'Ambassadeur de Son Altesse ( i ), la- quelle, par exprès commandement, en ferait faire la sollicitation. Mais cette sollicitation ne pourra jamais être bien faite que par le- dit Père qui est très au courant de la situation locale, non moins que des motifs et des circonstances qui peuvent engager Sa Sainteté à accorder la faveur implorée. C'est pourquoi il me semble nécessaire qu'il aille tout de suite d'une cour à l'autre. J'ai moi-même deux autres bonnes et louables affaires à traiter en Cour de Rome : l'érection d'un Séminaire en ce diocèse (2), et le compte à rendre au Saint-Siège de l'état de mon Eglise. De toutes manières, je devrai y envoyer exprès une personne bien qualifiée; aussi serais-je très où il fit sa profession solennelle le 22 juillet 1602. Le 24 mai 1608, il recevait Tordination sacerdotale, et dès lors commençait ses prédications nombreuses et fécondes en fruits de salut pour les âmes. Le Chapitre général de 1617 le nomma Supérieur du collège d'Annecy ; par sa doctrine et sa vertu, il s'acquit promptement l'estime de saint François de Sales et de toute la population. D. Gennari fit divers voyages en France pour les fondations des collèges de Chabeuil et de Montargis; il devint Supérieur de celui-ci en 1620. Enfin, son dernier champ d'action fut la cité de Casale (Montferrat) ; il y eut un tel succès auprès des calvinistes, que le Pape le créa Consulteur du Saint-Office. Sa mort arriva le 17 octobre 1642, (D'après les Notes dit R. P. Premo/i, Assis- tant général des Barnabites, les Acta CoUegii Annessii et la Vita di Monsignor Giusto Guérin, Milano, 1859, Appendice, p. 2^6.) (i) Philibert-Alexandre Scaglia (voir le tome précédent, note (2), p. 197). (2) Voir ibid., note (2), p. 397, et ci-après, note (3), p. 142.  Année 1617 119 sarei molto ubligato a V. P'-^ et alla Congregatione s'io potessi adoprar detto P. D. Giusto ; et io farei la spesa del viagio, in maniera che la Congregatione non ne senti- rebbe danno nessuno. Et per l'istessa via, detto Padre farebbe duoi altri ne- gotii : uno sarebbe procurar l'unione di certi beneficii non conventuali per il stabilimento del Novitiato di Rumi- gli (0 ; et l'altro, far venire l'approbatione di queste So- relle délia Visitatione, ail' espeditione délia quale si at- tende, ma molto lentamente, corne il R. P. Procurato- re (2) scrive, per esser le Regole in lingua francese : et il P. D. Giusto spedirebbe il negotio in un tratto. Supplico adunque nel nome del Signore V. P. R'"^ di volerci con- cedere detto viaggio (3). Et già che ho parlato di queste Sorelle délia Visita- tione, dirô anco quatro parole sopra Tultimo articolo délia lettera mandatami da V. P. per il P. D. Redento, et supplico V. P. di credere saldamente che io non havrei obligé à Votre Paternité et à la Congrégation si je pouvais employer le P. D. Juste. Je me chargerais des frais du voyage, de sorte que la Congrégation n'en éprouverait aucun dommage. Par ce même moyen, le Père pourrait s'occuper encore de deux autres choses : il ménagerait l'union de certains bénéfices non conventuels pour l'établissement du Noviciat à Rumilly ( O, et il obtiendrait l'approbation des Sœurs de la Visitation, à l'expédition de laquelle on s'emploie, mais très lentement, comme l'écrit le Révérend Père Procureur (2), parce que les Règles sont en français; le P. D. Juste achèverait rapidement l'affaire. Je supplie donc au nom de Notre-Seigneur Votre Paternité Révérendissime de vouloir bien autoriser ce voyage (3). Et puisque j'ai parlé des Sœurs de la Visitation, je dirai encore quatre mots sur le dernier point de la lettre que vous m'avez en- voyée par le P. D. Redento. Je supplie Votre Paternité de croire fermement que je n'aurais jamais songé à demander la pièce (i) Voir le tome précédent, Lettre mccxciii, p. 364, et note (2), p. 365. (2) Le P. Tobie Corona, procureur général des Barnabites à Rome. (Voir ibid., note (3), p. 203.) {3) Autorisé par son Général, D, Juste partit pour Rome dans la seconde quinzaine de janvier, et y arriva vers le 14 février. (Voir ci-après, la lettre écrite à D. Guérin entre le 5 et le 10 mars.)  120 Lettres de saint François de Sales giamai pensato di domandare quella pezza di terra, nella quale è la peschiera senza pesci, del collegio, s'io havessi veduto che il darla fosse stato di pregiuditio alli Padri, massime circa la loro ricreatione, essendomi la sanità et giucundità de' Padri cara quanto la mia propria (0; et io so con quale proportione si debbano risguardare la case (sic) de Religiosi et quella délie Sorelle, onde non vorrei dar incommodità a quella per accommodar questa. Ma per dirlo alla libéra et sinceramente, il prezzo di quella piazza délia peschiera essendo adoprato corne si conviene, sarà molto più utile al collegio che la piazza ; et mi son stupito délia prœoccupatione de questi nostri Padri, alli  de terrain du collège où se trouve l'étang sans poissons, si j'avais vu que cette cession dût porter préjudice aux Pères, surtout en ce qui touche leur récréation ; car leur santé et leur agré- ment me sont chers comme les miens propres (0. Je sais d'ail- leurs dans quelle mesure on doit avoir égard soit à la maison des Religieux, soit à celle des Sœurs; aussi ne voudrais-je point incom- moder celle-là pour accommoder celle-ci. Mais, pour le dire librement et sincèrement, si le prix de cette place de l'étang est employé com- me il convient, il sera bien plus utile au collège que la place elle- même ; voilà pourquoi j'ai été étonné des préventions de nos Pères, (i) Quand, en 1614, on avait projeté rechange des jardins (voir ci-dessus, note (2), p. 98), le P. Général, alors D. Mazenta, avait fait de sérieuses oppo- sitions. Cependant, plein de confiance et de respect pour l'Evêque de Genève, il s'en remit à son avis. Comme rien ne s'était décidé du côté des PP. de Saint-Dominique, tout resta également en suspens avec les Barnabites. On sait où Ton en était à cette heure avec les premiers (voir ci-dessus, note ( i ), p. 86); il fallait connaître sûrement, avant Tissue du procès, ce qu'on pouvait espérer des seconds. D. Juste, dès le début, s'était montré favorable à la cession du jardin; le 15 septembre 1617, il exposait longuement à D. Boerio les fortes raisonsquiplaidaientenfaveur des Sœurs de la Visitation. (Voir à l'Appendice II.) De leur côté, Leurs Altesses insistèrent pour qu'on « leur fît ce plaisir d'accorder la place en question afin d'accommoder ces Dames. »> (Lettre du P. Général à D. Gennari, 26 novembre 1617.) L'affaire se traita en Chapitre à Annecy, le 5 janvier 1618, sur la réquisition du Général qui désirait satisfaire à la fois le Saint, les princes et les Religieuses ; le vote fut pour l'affirmative. Peu après, D. Boerio demandait le plan du collège; il dut recevoir en même temps de nouvelles réclamations de la part de quelques Religieux, car il tâcha dès lors de faire échouer le projet, tout en ménageant ceux qu'il avait tant d'in- térêt à contenter. (D'après les documents conservés à Milan et à Rome, Archi- ves des RR. PP. Barnabites, et les Acta Capituli, Archiv. commun. d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.)  Année 1617 121 quali io non hô voluLo parlarne, perché vedendo che il solo imaginar questo negotio li dava un gran freddo verso di me, non volevo passar inanzi. Ma pero, quantunque il P. Superiore moderno ( ^ ) fosse prseoccupato dalTopinione de Taltri al principio, tuttavia, considerando che a lui toccava il negocio corne capo del collegio, il (sic) volsi parlar con lui, non per persuaderli la mia opinione, ma solamente per farglie intendere che il mio sentimento non era tanto extravagante come altri dicevano. Et adesso ha toccato colla mano che io ho ragione, perché fra le piazze del collegio non ciè la più infruttuosa, ne la manco utile alla recreatione, havendo due fenestre de' Padri Domini- cani lequali sonno di vista immediata sopra quella pezza di terra ; et il P. Priore ( = ), nell'istesso muro che è imme- diatamente sopra quel luogho, praetende di fabricare il Novitiato suo colle finestre dalla istessa banda, nella quale non sô come si possa negare che habbiano jus luminis et fenestrarum, poichè de facto ne hanno già la possessione in quelle due fenestre. Hora veda V. P. R'"'' se sarà gran praegiuditio al coUe- auxquels néanmoins je n'en ai point parlé; car voyant que la seule idée de cette affaire les refroidissait avec moi, je n'ai pas voulu pas- ser outre. Toutefois, bien qu'au commencement le Père Supérieur actuel ( I ) fût prévenu par l'opinion des autres, je pensai que la chose le regardait comme chef du collège, et je me crus obligé de lui en parler, non pour lui persuader de se ranger à mon sentiment, mais seulement pour lui donner à entendre que mon avis n'était pas aussi extravagant que quelques-uns le disaient. En effet, il a main- tenant touché du doigt que j'ai raison; car, dans tout le jardin du collège, il n'est pas une place plus stérile et moins propre à la récréation : deux fenêtres des Pères Dominicains y ont vue directe, et le Père Prieur (2) prétend bâtir son Noviciat contre le mur qui donne juste sur cet endroit-là, avec des fenêtres du même côté. Je ne sais vraiment comment on peut nier qu'ils aient sur celui-ci yws luminis et fenestr arum ^ puisque par ces deux fenêtres ils en ont de fait la possession. Votre Paternité Révérendissime verra maintenant si l'abandon de (i) D. Jean-Baptiste Gennari (voir ci-dessus, note (s), p. 117). (2) Frère Bernardin de Charpenne (voir tome XVI, note (5), p, 239).  122 Lettres de saint François de Sales gio di dar detto luogo ; anzi, se non si alzano le mura di esso luogho che si estendono verso il restante del collegio, quasi tutto il collegio è scoperto alla vista de' Padri Do- minicani. Onde, corne affettionato al collegio et al bene délia Congregatione quanto altro pare mio possa esser, io giudicarei esser espediente che questa vendita si facesse ; et non dubito che V. P. R*"^ vedendo la planta o piano di questo collegio, giudicarà che io ho ragione, si corne in fine il P. Superiore et il P. D. Simpliciano (0 han confessato. Hora ritorno a supplicare V. P. R""^ di concedere il viagio del P. D. Giusto, che mi sarà di manco speza et di magior utilità alla Congregatione. Et non havendo più tempo di scrivere più diffusamente, anzi havendo occa- sione di pregarla che mi scusi se cosî mi son disteso, augurando a V. P. R""^ ogni santa félicita nel servitio del Signore, resto di essa Humilissimo et afFettionatissimo fratello et servitor, Franc°, Vescovo di Geneva. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. cette place porterait grand préjudice au collège. J'ajoute même que si on n'exhausse pas de ce côté les murs qui s'étendent vers l'autre partie du collège, celui-ci demeure presque tout entier découvert aux regards des Dominicains. C'est pourquoi, étant aussi affectionné au collège et au bien de la Congrégation qu'aucun autre peut l'être, j'estimerais qu'il serait expédient de faire cette vente; et sans doute, Votre Paternité Révérendissime, après avoir vu le plan, jugera que j'ai raison, comme l'ont enfin avoué le P. Supérieur et le P. D. Sim- plicien (i ). Je supplie de nouveau Votre Paternité Révérendissime d'autoriser le voyage du P. D. Juste, qui me sera de moindre dépense, et à la Congrégation de plus grande utilité. Et puisque je n'ai pas le temps d'écrire plus longuement, ou plutôt, ayant sujet de vous faire agréer mes excuses pour m'être trop étendu, je souhaite à Votre Paternité Révérendissime tout saint bonheur dans le service du Seigneur, et je dem.eure Son très humble et très affectionné frère et serviteur, François, Evêque de Genève. (i) D. Simplicien Fregoso (voir tome XVI, note (2), p. 231).  Année 1617 123 MCCCLXXIV AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I«' Supplique en faveur de ceux qui s'occupent de « l'art de la soye ». Annecy, 29 novembre 161 7. Monseigneur, Vostre Altesse a des le commencement favorisé l'esta- blissement de Fart et traffiq de la soye en ces cartiers de deçà ( ï ) comme une œuvre de grande utilité au païs et de grande importance pour la gloire de Dieu, affin de divertir les artisans et ouvriers d'aller perdre leurs âmes dans Genève. Playse donq a Vostre Altesse de confirmer les privilèges des-ja accordés aux maistres et apprentifz, et autres personnes qui font profession de cet exercice. Je Ten supplie très humblement, et ne cesse jamais de luy souhaiter toute sainte prospérité, comme je suis obligé de faire, puisque j'ay Ihonneur d'estre, Monseigneur, Très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur de Vostre Altesse, Franç% E. de Genève. XXIX novembre 161 7, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de TEtat. (i) Voirie tome précédent, Lettre mcxvii, p. ô',, note (i), p. 66, et Lettre MCLXxxvii, p. 185.  MCCCLXXV A LA MÈRE DE CHANTAL Salutation affectueuse. Grenoble, 4 décembre 161 7. Dieu, par sa bonté, vous conserve, ma très chère Mère. Mon cœur vous salue infiniment et a tous-jours le vostre  124 Lettres de saint François de Sales au dessus de toutes ses affections. Qu'a jamais so)^es vous bénie ma très chère Mère. Vive Jésus ! 4 décembre 1617, a Grenoble, sans loysir. A ma très chère Mère.  MCCCLXXVI A LA MÈRE FAVRE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE LYON (0 Inquiétudes du Saint au sujet de la Mère de Chantai. Nouvelles et salutations. Grenoble, 4 décembre 161 7. Que vous diray je, ma très chère Fille? Certes, je me porte bien, mais tous-jours en peyne de nostre Mère, que je laissay un peu mieux qu'elle n'estoit il y a dix ou douze jours, mais tous-jours en danger (2). Et pensés si, ayant demeuré despuis la veille de saint André sans sçavoir en sorte que ce soit de ses nouvelles, je dois estre peyné ! La volonté de Dieu soit a jamais Tunique refuge de la nostre, et son accomplissement, nostre consolation. Je suis icy receu avec joye (3), et ne nous manque que (i) Hérissant, tome III, p. 391, et les éditeurs suivants ont donné pour adresse : A Mme Françoise Angélique de Saint-Hermand ; c'est sans doute le nom de la propriétaire qui était inscrit sur l'Autographe. Mais il suffit de lire le texte, le dernier alinéa surtout, pour reconnaître la Mère Favre comme destinataire. (2) La mort de la jeune baronne de Thorens avait « percé et outre-percé » le cœur de sa mère (Lettres^ vol. I, p. 221). L'âme de la Sainte restait forte dans la douleur, mais le corps y succomba. Dès octobre, une violente fièvre quarte se déclara et, le mal grandissant, on crut bientôt qu'il faudrait aussi préparer ses funérailles. On comprend dans quelles inquiétudes l'Evêque s'était éloigné d'Annecy, (3) Cette joie du peuple fut loin d'être partagée par les ministres protes- tants, « qui sçavoyent fort bien qu'il ne venoit que pour leur dommage, » (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv, IX.) D'autre part, quelque jaloux de sa gloire publiait « qu'il était un téméraire d'entreprendre de prêcher deux  Année 1617 125 nostre seur Barbe Marie (0, laquelle sachant vers vous je ne requiers point. Ma très chère Fille, je vous salue de tout mon cœur et suis très parfaitement vostre. Nostre père ( = ) se porte bien ; le frère et la seur vont a Nessi (3), trop heureux que sera ce peuple de les voir. Je salue nos chères Seurs, et ma Seur Marie Aymee (4) très parfaitement, avec ma Seur Jeanne Françoise (5), et ma Seur Marie Catherine (6) et ma Seur Françoise Hie- ronime (7), en somme, toutes sans reserve, et ma Seur années consécutives dans une même ville, et devant un célèbre Parlement; que les hérétiques s'en réjouissaient, espérant que ses redites feraient paraître son ignorance. A quoi l'humble Prélat répondit : « Si je voulais me prêcher moi-même, j'aurais sujet de craindre ; mais ne voulant prêcher que Jésus- Christ et sa gloire, j'espère de faire connaître que notre Dieu est un fonds inépuisable. » (Hist. mste de la. Fondation de la Visitation de Grenoble.) Et en effet, à l'admiration de tous, l'orateur sut présenter sous des formes nouvelles les vérités immuables déjà enseignées dans les stations précédentes. Comme alors, les réformés se mêlèrent aux catholiques pour écouter le Saint, malgré les défenses formelles de leurs pasteurs. Le prêche avait été, à dessein, fixé à l'heure des sermons; mais le temple resta désert, et l'église Saint-André remplie d'une foule de peuple. (Ancien Ms. de V Année Sainte.) (i) La présidente Le Blanc de Mions (voir le tome précédent, note (i), p. ^66). (2) Le président Favre. ( 3 ) Met;[, qui se lit dans les éditions précédentes, est évidemment une erreur de lecture. — René Favre de la Valbonne, nommé président au Conseil de Genevois dès le mois de juillet (voir ci-dessus, note (i), p. 58), se présenta aux syndics d'Annecy en septembre, mais sans doute, il dut retourner à Chambéry, réservant son installation solennelle pour l'ouverture des tribu- naux. La cérémonie eut lieu le lo janvier i6i8. (Reg. des Délib. municip. et Acia Collegii, Archiv. commun. d'Annecy.) (4) Sœur Marie-Aimée de Blonay. ( 5) Soeur Jeanne-Françoise Estienne (voirie tome précédent, note (2 ), p. 359). (6) Grand'tante du célèbre maréchal de Villars, Sœur Marie-Catherine était née à Condrieu, de Claude de Villars et de Marguerite de Fay. Refusant la coadjutorerie de sa sœur aînée, abbesse de l'Ordre de Saint-Benoît, elle vint se présenter à la Visitation de Lyon, parce qu'elle avait appris qu'on faisait, dans cet Institut, « une singulière profession de l'humilité. » Admise à la vêture le 23 août 161 5, à l'âge de vingt-et-un ans, elle prononça ses vœux le 18 juin 1617. Lorsque son frère Claude de Villars eut pourvu à l'établissement du Monastère de Condrieu, elle fit partie du groupe des fondatrices en qualité d'Assistante, son humilité lui ayant fait refuser la charge de Supérieure (1630). Elle dut pourtant l'accepter plus tard à Avignon, de 1636 à 1639, ^^ revint ensuite à Lyon, où elle décéda saintement en 1655. (Livre du Chapitre du i*"" Monastère de Lyon, transféré à Venise en 1801, et Archives de la Visitation d'Annecy.) (7) Sœur Françoise-Jéronyme de Villette ^^voir le tome précédent, note ( i ), P- 159)-  126 Lettres de saint François de Sales Colin (0. Dieu soit a jamais au milieu de leurs âmes. Atnen. 4 décembre 1617, a Grenoble. I ) Isabeau Daniel, veuve Colin, alors novice sous le nom de Sœur Jacque- line-Elisabeth. (Voir tome XVI, note (i), p. 241.)  MCCCLXXVII  A LA MERE DE CHANTAL  Un chant de joie du saint Evêque. — Ses souhaits pour lui-même et pour la destinataire. Grenoble, 8 décembre 1617. Au nom de la tressainte Trinité, trois paroles a ma très chère Mère. Je suis allé tout gay comme un petit oyseau, dans ma chaire, ou j'ay chanté plus joyeusement que l'ordinaire a l'honneur de ce grand Dieu, qui a racheté ma vie de la mort (0, et qui me couronnera * Ps. cil, 4. en sa miséricorde et m.iserations *. Ouy, ma chère Fille, car saint Paul disoit bien a ses enfans : ma joye * Philip., uit., I. et ma couronne *, composée des miséricordes divines. Soyons a jamais tout a Dieu, bénissons son saint nom, et exaltons le throsne de son amour sacré dans nostre ame ; elle vivra jusques au siècle des siècles. Dieu donq soit a jamais béni, qui nous console en * II Cor.,i, 3, 4. toutes nos tribulations *. Dieu soit a jamais béni, et veuille de plus en plus establir l'espérance qu'il nous donne de la guerison de ma très aymee Mère et Fille. Dieu soit béni, et me donne la grâce de luy rendre quel- que service icy, et par tout ou il luy plaira de m'appeller, sur tout en mon diocèse, puisqu'il luy a pieu de m'en charger, et du costé duquel, ou que j'aille, mon cœur s'y tournera a tous momens. ( I ) Allusion à la maladie mortelle de la Fondatrice (voir la Lettre précé- dente et note (2), p. 124). Le Bienheureux venait de recevoir de meil- leures nouvelles. (Cf. note (1) de la lettre suivante.)  Année 1617 127 La glorieuse Vierge soit a jamais honnoree, qui est nostre Dame et Reyne de dilection *. C'est aujourd'huy *Cf.Eccii.,xxiv,24. sa première feste, qui m'est signalée (0, et je viens de Teglise des Pères RecoUetz qui est dediee au mystère qui se célèbre (2). Dieu, Sauveur de nostre ame, qui estes le jour de la clarté éternelle, donnés ce jour temporel et dix mille après, bons et utiles, saintz et aggreables, a la Fille bienaymee qu'il vous a pieu rendre mienne et pretieuse a mon cœur comme moy mesme. Franç% E. de Genève. Jour de la Conception Nostre Dame, 161 7. 1 ) Le 8 décembre 1602, François de Sales avait été sacré dans l'église de Thorens. (2) Voir le tome précédent, note (4), p. 318.  MCCCLXXVIII A LA MÊME (fragment) Messe d'action de grâces pendant laquelle la Sainte Vierge a regardé François de Sales de « bon œil ». Grenoble, 9 décembre (i) 161 7,  Je ne pouvois mieux faire recevoir mon remerciement au céleste Médecin qui vous a guérie, que par les mains de ma Dame sa Mère, Marie conceuë sans péché, nostre chère et souveraine Maistresse. C'est pourquoy, aussi ( I ) Sur la foi de V Année Sainte manuscrite, nous plaçons au 9 décembre ce fragment daté par Migne du 8. En effet, le Saint aura reçu le jour de la fête de Tlmmaculée-Conception Vespérance de la guérison de la Mère de Chantai, comme il l'insinue lui-même, et le lendemain, une assurance plus grande. On pourrait cependant craindre, à cause de la ressemblance des faits, que l'avant-dernier alinéa de la lettre précédente et les présentes lignes soient un même texte; mais le plus probable paraît être qu'il y eut réellement deux visites aux Récollets, et deux lettres différentes.  128 Lettres de saint François de Sales tost après mon pauvre petit sermon, je me suis venu re- poser en son église des Recolletz (O pour célébrer la Messe, durant laquelle cette sainte Dame, de sa grâce, a bien daigné me voir de si bon œil, que j'espère d'y retourner quelquefois pour la supplier de conserver long tems la très chère Mère de laquelle sans doute elle m'a obtenu la guerison Revu sur le texte inséré dans un ancien Ms, de VAnnée Sainte, conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Voir le tome précédent, note (4), p. 318. « Au sortir de son sermon, » raconte Tannaliste, « il alla a pies dans l'église des Recolets... et i célébra la très sainte Messe avec de si grands sentiments de pietté que tous ces bons Pères le crurent extasié, ainsi que nous l'avons appris de la bouche de quel- ques uns qui etoient presens. » (Ancien Ms. de YAnnée Sainte.)  MCCCLXXIX A MADAME DE CHAILLIOL (0 Un heureux mariage. — Exhortation à 1 humilité. — Les avantages de la dévotion. — Quelle vertu il faut « soigneusement nourrir. » Grenoble, 27 décembre 161 7. Madamoyselle, Les marques d'une vraye vertu et pieté que j'ay veuës en vostre ame (2) et l'estime que je fay de vostre mérite ne permettront jamais que je cesse de vous honnorer et chérir parfaitement. C'est pourquoy, bien que par les projetz de Tannée passée je devois m'imaginer que vous n'esties plus icy, si est ce que je n'ay peu m'empescher que d'abord mon cœur ne vous cherchast autour de ( I ) Françoise Béatrix-Robert, l'une des filles de Gaspard, seigneur de Bouquérofi et d'Antoinette Camus, avait épousé, dans le courant de cette année 1617, Claude de Chailliol, lieutenant-général civil et criminel au bail- liage de Briançon. Elle lui porta en dot la terre de Bouquérou. (2) Pendant l'Avent de 1616 et le Carême de 1617.  Année 1617 129 madame vostre mère (0. Et je ne vous ay [cherchée que] pour premièrement me res-jouir avec vous de vostre heureux mariage, car on m'en dit beaucoup de bien ; que vous aves tant de contentement et que vous en rendes tant, que monsieur vostre mari est si vertueux ( = ), et que le lien d'une sainte et forte amitié vous tient unis en- semble ; en somme, que vous aves toute occasion de loiier Dieu, qui vous a fait rencontrer si favorablement le soin de monsieur vostre père (?) et de madame vostre mère. Et puis, me resouvenant que vous aves esté un peu ma fille spirituelle, je vous supplie de vivre bien conformé- ment a la grâce que Nostre Seigneur vous a faite, et de correspondre fidèlement a la lumière qu'il vous a envoyée par tant d'instructions qu'il vous a fait donner. Souvenés vous, Madamoyselle, de vivre tous les jours en humilité, affin que Dieu vous bénisse en toute vostre mayson, puisqu'il est certain que Dieu résiste aux superbes et vains, et donne aux humbles sa grâce *. *jacobi, iv, 6. Rien ne vous honnorera tant que cette humilité, car Dieu exalte les humbles *. Elle vous acquerra (4). . . ♦ Luc, i, 52. [il n'y a rien] qui face tant arriver d'honneur, de répu- tation et de bonheur sur nous que de ne point s'amuser. Je ne vous dis rien de la sainte dévotion, qui est dési- rable en tous tems et tous lieux ; car, comme vous sçaves, parmi les joyes et contentemens, elle modère nos espritz ; (i) M""^ de Bouquéron est destinataire le 18 janvier 1618. (Voir ci-après, Lettre mcccxci, p. 151.) ( 2 ) Claude de Chailliol, fils de François de Chailliol et de Gasparde du Faure, fut comme son père conseiller du Roi, juge présidial, et, depuis 1620, vibaillif du Briançonnais, Il vivait encore en 1635. (D'après Chorier, VEstat politique de la proviyice de Dauphiné^ Grenoble, 107 1, tome III, et Vltiventaire somm. des Arckiv. des Hautes-Alpes, par l'abbé Guillaume, tomes I et V.) (3) Fils de Jean Béatrix-Robert, seigneur de Bouquéron, et d'Anne de la Tour, Gaspard suivit les traditions de sa famille en entrant dans la magistra- ture. D'abord avocat au Parlement de Grenoble, il fut nommé conseiller par lettres royales du 23 juillet 1586, et remplaça François de Sautereau comme président le 21 novembre 1617. Il résigna cet office en 1621. (D'après I'/p/v^h- taire somm. des Arckiv. de l'Isère, par Prudhomme, tome II.) (4) Au lieu de reproduire ici les membres de phrases avec lesquels Héris- sant a cru pouvoir suppléer à une lacune de l'Autographe, nous indiquons celle-ci par des points de suspension. Lettres Vlli 9  130 Lettres de saint François de Sales entre les adversités, elle nous sert de refuge et nous délasse ; et, quoy qu'il nous arrive, elle nous fait bénir Dieu, qui est meilleur que tout. Elle rend la jeunesse et plus sage et plus aymable, et la viellesse moins insup- portable et ennuyeuse. Voyés, je vous supplie, ce que j'ay marqué au livre de * Partie III, chap. V Introducttou u la Vie dévote *, de la douceur et XXXVIII. suavité que Ton doit soigneusement nourrir au mariage ; et pour bien apprendre a prattiquer les enseignemens que vous y treuveres, il faut commencer des maintenant d'en essayer, en faysant faire Texercice du matin et du * Partie II, chap. X, soir *. Et quand vous seres quelquefois en prière, priés, je vous supplie, un peu pour moy, qui de tout mon cœur vous souhaitte, et a monsieur vostre mari que je veux honnorer de toute ma force, mille et mille bénédictions, demeurant, Madamoyselle, Vostre très humble et très affectionné serviteur, Franç% E. de Genève. Le jour de saint Jean l'Evangeliste 161 7. A Madamoyselle [Madamoyselle] de Chaillol. A Briançon.  MCCCLXXX A LA SOEUR DE GERARD, NOVICE DE LA VISITATION (0 La plus grande austérité. — L'école de l'abnégation de la propre volonté. Quelle mortification il faut rechercher. [Grenoble, décembre 1617.] J'ay veu les suggestions que Tennemy de vostre avan- cement fait a vostre cœur, ma très chère Fille, et voy (i) M"^ de Gérard (voir ci-dessus, note (5), p. 10), étant encore dans le monde, avait été fort adonnée aux pénitences corporelles. Cet attrait pour les austérités devint, après son entrée au noviciat, une véritable tentation. « Elle eut d'abord de la peine, » raconte VHistoire de Ai Fondation de la  Annhe ibi7 131 d'ailleurs la grâce que le tressaint Esprit de Dieu vous donne pour vous maintenir forte et ferme en la poursuite du chemin auquel il vous a mis. Ma très chère Fille, ce malin ne se soucie point que Ton deschire le cors, pour- veu qu'on face tous-jours sa propre volonté ; il ne craint pas l'austérité, ains l'obeyssance. Quelle plus grande austérité y peut-il avoir que de tenir sa volonté sujette et continuellement obeyssante ? Demeurés en paix. Vous estes amatrice de ces volon- taires pénitences, si toutefois pénitences se doivent nom- mer les œuvres de l'amour propre. Quand vous pristes l'habit, après plusieurs prières et beaucoup de considéra- tions, il fut treuvé bon que vous entrassies en l'escole de l'obeyssance et de l'abnégation de vostre propre volonté, plustost que de demeurer abandonnée a vostre propre ju- gement et a vous mesme. Ne vous laisses donq point es- bransler, mais demeures ou Nostre Seigneur vous a mis. Il est vray que vous y aves des grandes mortifications de cœur, vous y voyant si imparfaite et digne d'estre souvent corrigée et reprise; mais n'est-ce pas ce que vous deves chercher, que la mortification du cœur et la connoissance continuelle de vostre propre abjection ? Mais, ce dites vous, vous ne pouves pas faire telle pénitence que vous voudries. Or dites moy, ma très chère Fille, quelle meilleure pénitence peut faire un cœur qui fait faute, que de subir une continuelle croix et abnéga- tion de son propre amour ? Visitation de Grenoble^ « à comprendre la perfection cachée sous l'apparente douceur de notre manière de vie ; elle écrivit sa peine à son saint Directeur qui pour lors était absent, et il lui fit cette réponse... » C'est le texte que nous donnons ici. Sœur Jeanne-Hélène (elle avait pris l'habit à Annecy, le 5 août 1617), en- couragée par ces judicieux conseils, poursuivit son noviciat, qu'elle termina à Grenoble par l'émission des vœux, le 19 août 1618. La Mère de Chastel l'emmena en 1624 à la fondation du Monastère d'Aix-en-Provence ; elle en revint en 1625 pour exercer la charge de Supérieure dans celui d'Embrun, établi depuis quelques mois. Après l'avoir gouverné six ans, la Mère de Gérard fonde la Visitation de Sisteron ; réélue à Embrun en 1641, 1644 et 1650, elle est déposée en 1653, et dès lors son nom reste dans l'oubli. (Archives de la Visitation d'Annecy,) Puisque saint François de Sales « était absent » d'Annecy lorsqu'il traça ces lignes, il est vraisemblable de les dater de l'Avent 1617.  132 Lettres de saint François de Sales Mais je dis trop : Dieu luy mesme vous tiendra de la mesme main de sa miséricorde avec laquelle il vous a mis en cette vocation, et l'ennemy n'aura point de victoire sur vous, qui, comme la première fille de ce païs-la (0, Cf. Eccii., H, I. deves estre bien espreuvee par la tentation *, et bien cou- Cf. Apoc, II, 10. ronnee par la persévérance *. Je suis tout vostre, ma très chère Fille. Francs, E. de Genève. ( I ) Si le Saint a écrit de Grenoble, a-t-il vraiment dit : « de ce païs-la » ? Peut-être les éditeurs de 1626 ont-ils fait ici une légère modification.  MCCCLXXXI A LA MÈRE FAVRE, SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE LYON Force des vœux dans l'Institut de la Visitation. — Un procédé que le monde n'approuve pas. — Légitimité de l'expulsion dans les Ordres religieux, et de la prolongation du noviciat. — Douce plainte du saint Fondateur. Grenoble, décembre 1617 (i). Vos vœux, ma très chère Fille, sont aussi fortz que les vœux de tous Ordres de Religion pour obliger la cons- cience des Seurs a leur observance. Il est vray néan- moins qu'une fille qui voudra perdre son ame et son honneur se pourra marier après les vœux, comme feroit la plus grande professe de France si elle se vouloit perdre et se servir de l'Edict de pacification (2). Le formulaire (i) Avant le Bref de Paul V (23 avril 1618) qui ordonnait à saint François de Sales d'ériger la Visitation en Ordre religieux (voir à l'Appendice I), deux Monastères seulement furent fondés : Lj'^on et Moulins. Or, c'est dans la pre- mière de ces villes qu'on souleva des difficultés au sujet des vœux simples que faisaient alors les Religieuses de l'Institut ; la correspondance de TEvéque de Genève et de la Mère de Chantai en témoigne. C'est donc à la Mère Favre que s'adresse cette lettre. Elle a dû être écrite à la fin de 1617, et de Grenoble; plusieurs sérieuses raisons font penser que c'est la lettre du Fon- dateur annoncée par la Sainte à la Supérieure de la Visitation de Lyon le 25 novembre (Lettres, vol. I, p. 232). (2) L'Edit de Nantes (1598) qui termina définitivement les guerres de reli- gion et accorda aux protestants la liberté de leur culte.  Année 1617 133 de vos vœux est fait selon ceux des pareilles Congréga- tions d'Italie, et exprime beaucoup plus la force de l'obligation que ne font la pluspart des formulaires de la Règle de saint Benoist. Le vœu de chasteté est fonda- mental, selon les anciens Pères (0, es monastères des femmes, et les autres ne laissent pas d'estre essentielz. Il est vray, on peut estre dispensé des vœux simples, et des autres aussi ; plus facilement toutefois de ceux la que de ceux ci, mais non sans grande occasion, et Ihors qu'il est expédient : dont les Pères Jésuites se treuvent extrêmement bien, maintenant en partie le lustre de leur très illustre Compaignie par ce moyen, lequel le monde n'appreuve pas, mays ouy bien Dieu et l'Eglise. Et toute l'antiquité des Religions a esté comme cela, la solemnité des vœux ayant esté establie despuis peu de centaines d'années (2). L'expulsion a tous-jours esté parmi les anciens Reli- gieux. C'est une chose rigoureuse que pour ne vouloir pas observer le silence on mist une fille dehors. Ce ne seroit pas faute d'observer le silence, mays pour vouloir obsti- nément troubler et renverser l'ordre et la Congrégation, et mespriser le Saint Esprit qui a ordonné le silence es Maysons religieuses. Que si on n'expulse pour l'obstinée desobeyssance et le mespris affecté de l'ordre, je ne sçai pourquoy on expulsera. En fin, les Religieux, mesme les plus solemnelz, expulsent ; au moins voit-on des (i) On peut citer parmi les Pères latins : saint Cyprien, Liber de Habitu Virginum ; saint Ambroise, De Virginibus et De Viduis ; saint Jérôme, De perpétua Virginitate B. Mariœ, etc.; saint Augustin, De sancia Virginitate, etc. Entre les Pères grecs : saint Grégoire de Nysse, De Virginitate ; saint Basile, Constitutiones monasticœ, etc. (2) Historiens et canonistes sont d'accord pour affirmer que le canon 11^ du premier Concile de Latran (c. viii, D. 27 dans le décret de Gratien), sous Callixte II, en 1123, énonce certainement cette loi. Héfélé (Histoire des Conciles, trad. Delarc, tome VII, pp. 98 seq.) voudrait en faire remonter l'origine plus haut. (Cf. L. Choupin, Valeur des décisions du Saint-Siège, 72^prop. du Syllabus, pp. 349-352.) Remarquons que ni la solennité des vœux considérée en elle-même, ni les effets qu'on lui attribue, ne font partie de l'essence des vœux de religion, qui peuvent exister et ont réellement existé sans cela. Cette solennité est tout entière d'institution ecclésiastique. Saint François de Sales l'explique très exactement dans la Préface des Règles de la Visitation.  134 Lettres de saint François dk Sales Religieux expulsés de l'Ordre de Saint François, voire mesme des Capucins ; et les Pères Jésuites, qui sont si avisés et prudens, expulsent pour les desobeyssances, * VideConstit.sj., pour peu qu'elles soyent affectionnées et entretenues *. n^'ÎJ!^ ^ ^^^' ^' "' La prolongation du noviciat se faysant pour cause, *Concii Trident., ^'est pas Contraire au Concile *, comme ont declairé ceux Sess., XXV, ce. XV, ^ ' XVI, de Reguiar. et qui ont la charge des déclarations d'iceluy, et les docteurs mesmes l'entendent ainsy (0. De fait, les Carmelines la font selon qu'il semble a propos. Si ces bons Messieurs (2) eussent autant estudié et pensé pour censurer comme nous avons fait pour esta- blir, nous n'aurions pas tant d'objections. Or, Dieu soit loiié ! J'espère que bien tost chacun s'accoysera par la conclusion qu'on y mettra a Rome (3). Ma très chère Fille, pour Dieu, ayes bon courage ; c'est aussi pour luy que vous vives et travailles. Il soit a jamais béni et glorifié. Amen. FRANÇ^ E. de Genève. Si ceux qui font cette objection sont gens d'estude, ilz \.u,clli,DeStlfù pourront lire Léonard Lessius, Jésuite *, ou ilz treuveront reiïgioso'Duh.xiv ^e qu'il leur faut. pp.oioseq. (Ed. 4^, ^  Antwerpiae, 16 17.)  ( I ) La Sacrée Congrégation des Cardinaux interprètes du Concile de Trente, érigée par le motii proprio de Pie IV {2 août 1564), fut chargée d'interpréter authentiquement et de faire exécuter les décrets disciplinaires du Concile. Saint Pie V, Grégoire XIII et Sixte V, confirmèrent à la Congrégation ce pouvoir ordinaire. (Cf. Aies, Dictionnaire d^apologétique, art. Congrégations romaines.) Pour les décisions de cette Congrégation au sujet de la prorogation du noviciat, voir Pallottini, Collectio omnium conclusionum et resoîutionmn S. C. Concil. Trid., Voc. Professio religiosa, § 11, n. 65, seq. Le même auteur cite au n° 64, entre autres docteurs ayant écrit sur cette matière, Barbosa, San- chez, etc. (2) Sans doute des membres du clergé de Lyon. ( 3) En effet, elle ne se fit pas attendre (voir ci-dessus, note ( i ), p. 132).  Année 1617 135  MCCCLXXXII A MADAME DE LA VALBONNE Deux vertus essentielles, — Le plus sûr moyeu d'acquérir l'honneur. — Les sécheresses spirituelles et leurs remèdes. — Avis pour la confession. [1615-1617 (i).] Dieu vous bénisse, ma très chère Nièce, ma Fille, de- quoy vous persévères tous-jours au soin de luy garder les plus pretieuses affections de vostre cœur. Que vous seres heureuse, si cette persévérance dure jusques a la fin de cette misérable vie ! car ainsy cette fin sera le sacré commencement d'une belle et tressainte éternité. Il faut bien tous-jours tenir ferme en nos deux chères vertus, la douceur envers le prochain et la très aymable humilité envers Dieu; et j'espère qu'il sera ainsy, car ce grand Dieu qui vous a pris par la main * pour vous * Cf. is., xli, 13; tirer a soy, ne vous abandonnera point qu'il ne vous ayt ^' ^^^"' ^'^' logée en son tabernacle éternel *. Il faut arracher tout *Pss.xxvi,5,xlii,3. a fait le soin des préséances, puisque mesme on ne pos- sède jamais tant l'honneur qu'en le mesprisant*, et que *Ci.lntrod.aiaVie cela trouble le cœur et nous fait faire des eschappees ^^^•'P^'"^^^ ^^^'^^• contre la douceur et l'humilité. Ne vous estonnes nullement de vos distractions, froi- deurs et sécheresses, car tout cela se passe en vous du costé des sens et en la partie de vostre cœur qui n'est pas entièrement en vostre disposition ; mays, a ce que je voy, vostre courage est immobile et invariable es reso- lutions que Dieu nous a donné. Vrayement, ma chère ( I ) On ne peut fixer une date précise à cette lettre, jointe dans les éditions précédentes à celle du 15 mai 1617 (voir ci-dessus, note (2), p. 3). En com- parant les avis que reçoit ici la destinataire à ceux qui lui furent donnés en 1614 {voir tome XVI, p. 209), il est permis de les supposer postérieurs; mais ils doivent avoir précédé l'installation de M^^e de la Valbonne à Annecy, comme présidente du Genevois, en janvier 1618. (Voir ci-dessus, note (3), p. \2^.)  .36  Lettres de saint François de Sales  Fille, il ne faut pas laisser la tressainte Communion pour cette sorte de mal ; car rien ne ramassera mieux vostre esprit que son Roy, rien ne TeschaufFera tant que son soleil, rien ne le destrempera si souëfvement que son bausme. (0 Et ne vous troubles point dequoy vous ne remarques pas toutes vos menues cheutes pour vous en confesser ; non, ma Fille, car, comme vous tombes souvent sans vous en appercevoir, aussi vous vous relevés sans vous en appercevoir. Aussi n'est-il pas dit au passage que * Prov., XXIV, i6. vous m'aves allégué *, que le juste se voit ou sent tom- ber sept fois le jour y mais qu'il tombe sept fois ; aussi il se relevé sans attention a ses relevées. Ne vous mettes donq pas en pe3me pour cela, mais allés humblement et franchement dire ce que vous aures remarqué ; et pour ce que vous n'aures pas remarqué, remettes le a la douce miséricorde de Celuy la qui met la main au dessous de ceux qui tombent sans malice, affin qu'ilz ne se frois- * Ps. XXXVI, 2^. sent point *, et les relevé si vistement et doucement qu'ilz ne s'apperçoivent pas, ni d'estre tombés, parce que la main de Dieu les a recueillis en leurs cheutes, ni d'astre relevés, parce qu'elle les a retirés si soudain qu'ilz n'y ont point pensé. A Dieu, ma très chère Fille, ma Nièce ; conservés tous- jours bien vostre ame bienaymee, et ne tenes pas grand conte de ces années qui passent, sinon pour gaigner la tressainte éternité. FRANC^ E. de Genève.  (i) C'est ici que l'édition de i6ii haut, p. 3.  insère la lettre du 15 mai donnée plus  Année 1617 137  MCCCLXXXIII A LA MERE DE BRÉCHaRD SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE MOULINS (fragment) Pourquoi les premières Mères de la Visitation doivent être très humbles et unies à Dieu.  Septembre 1617-mars 1618 (i).  Mon Dieu, ma très chère Fille, que vous autres qui estes les premières Mères et comme les colomnes de cette petite Congrégation, deves estre grandement humbles, vertueuses et unies a l'esprit de Dieu, puisque vous voyes que de toutes partz Ton vous désire, par tout l'on cherche des greffes et plantes de vos pépinières ; car voyla Gre- noble (-), Turin (3), Montpellier, Valence, Clermont, Le Mans (4), en somme par tout il semble que l'on vous veiiille a Tenvi, sans que par nul artifice on recherche ces recherches Revu sur le texte inséré dans VHistoire de la Fondation du ler Monastère de la Visitation d'Annecy. (i) Après avoir raconté, dans VHistoire de la Fondation du ler Monastère de la Visitation d''Annecy, la mort de la baronne de Thorens, la Mère de Chaugy ajoute : « Il sembloit que cette bénite défunte obtint de Dieu que grand nombre de filles vinssent posséder la chère vocation qu'elle avoit tant aymee, car de tous costés Ton demandoit des establissemens de la Visitation ; ce qui fit escripre a nostre B'^ Père les parolles suivantes a la chère Mère de nostre Maison de Molins : Mon Dieu, ma très chère Fille, » etc. La fondation de Grenoble ayant été résolue définitivement pendant le Carême de 1618, la date de ce fragment se trouve comprise entre cette époque et le mois de sep- tembre 1617. (2) Voir le tome précédent, note (2), p. 343, et ci-après, Lettre mcdxii. (3) Sollicitée dès 1617, la fondation de Turin n'eut lieu qu'en 1638. (Cf. le tome précédent, note (3), p. 385.) (4) Une seule de ces villes posséda un monastère de la Visitation du vivant du saint Evêque ; ce fut Valence, où l'établissement se fit le 10 juin 1621. Montpellier attendit le sien jusqu'au printemps de 1631 ; la Maison de Clermont se fonda le 3 septembre 1649, celle du Mans le 30 juillet 1634.  ANNEE 1618  MCCCLXXXIV AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I®'' Prochain voyage du Cardinal de Savoie en France. — L'Evêque de Genève se dispose à l'accompagner. Annecy, 4 janvier 1618 (i). Monseigneur, Comme Vostre Altesse Serenissime pouvoit choysir mille et mille personnes plus capables de servir digne- ment Monseigneur le Prince Cardinal au voyage de France (2), aussi ne pouvoit elle donner le commande- ment de ce faire a homme qui vive, qui, avec plus de fidélité et de cœur, receut cet honneur, ni qui, avec plus d'affection, se veuille essayer de correspondre par son très humble service a la faveur et gloire que je sens d'y estre appelle. ( I ) Bien que les éditeurs précédents aient supposé que ces lignes avaient le prince de Piémont pour destinataire, leur ton, plus obséquieux que celui de la lettre suivante, donne plutôt à croire qu'elles furent adressées au duc de Savoie. Les deux lettres durent être expédiées simultanément, nul doute qu'elles ne soient aussi de la même date. (2) Le voyage de Maurice de Savoie (voir tome XIII, note ( i ), p. 345), décidé dès la fin de 1617, avait pour but avoué de remercier le roi de France du secours prêté dans la dernière guerre, et de s'entendre avec lui pour mettre complètement fin aux troubles d'Italie. Le but secret, alors à demi soupçonné hors de la cour ducale, et qui devint plus tard le but principal, était le ma- riage de Christine de France avec Victor-Amédée de Savoie. Retardé par l'inexécution du traité de Pavie, le Cardinal ne partit de Turin que le 6 octobre 1618. (Voir plus loin les lettres du 16 octobre, et celle du 9 novembre à Dona Ginevra Scaglia.)  Année i6j8  39  Et attendant un nouveau commandement pour le jour auquel je me rendray a ce devoir, je demeure, Monseigneur, Vostre très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur. Francs, e. de Genève. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.  MCCCLXXXV AU PRINCE DE PIÉMONT, VICTOR-AMÉDÉE (inédite) Reconnaissance et soumission au sujet d'un commandement honorable. Annecy, 4 janvier 1618. Monseigneur, Je reçois a grand bonheur (a) le commandement que Vostre Altesse me fait de suivre Monseigneur le Sere- nissime Cardinal en France, et le feray (b). Dieu aydant, avec tant de fidélité et sujettion (c), que je ne demeriteray point Ihonneur que je possède d'estre i^). Monseigneur, Vostre très humble, très fidèle et très obéissant orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. 4 janvier 1618, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Biblioteca Civica.  (a) [Les variantes qui suivent sont tirées d'un autre texte autographe con- servé au i^"" Monastère de la Visitation de Marseille.] Je reçois a — très grand honneur (b) et — l'executeray (c) de — sujétion et de fidélité (d) point — d'estre advoiié a jamais, comme je la supplie très humblement de faire  !40 Lettres de saint François de Sales  MCCCLXXXVI A DON JUSTE GUÉRIN, BARNABITE Raisons pour lesquelles on sollicite le privilège du petit Office pour les Sœurs de la Visitation. — Demande d'Indulgences pour les Monastères. — Traiter toute cette affaire avec prudence. — Nouvel effort du Saint pour rétablisse- ment d'un Séminaire. Annecy, [commencement de janvier] 1618 (i). Mon Révérend Père, L'affaire des Dames de la Visitation a Rome consiste en ce point : qu'il playse a Sa Sainteté leur permettre de n'estre point obligées a dire le grand Office, pour les raysons suivantes ( = ) : Premièrement, il n'y a nation au monde ou les femmes prononcent si mal le latin qu'en celle de France, et notamment icy; et seroit presque impossible de faire bien apprendre la prononciation de tout le grand Office, la ou il sera aysé de la leur apprendre pour le petit Office de Nostre Dame, comme elles le prononcent en effect fort bien des a présent. Secondement, en cette Congrégation on désire recevoir les filles de petite complexion, et lesquelles, faute de forces corporelles, ne peuvent estre receuës es Religions plus austères. Or, celles qui sont obligées au grand Office, si elles le veulent dire distinctement et posément, ne le peuvent faire sans effort; et si elles le veulent dire viste et couramment, elles se rendent ridicules et inde- (i) Le Religieux auquel les éditeurs précédents adressent ces lignes, est sûrement D. Juste Guérin, chargé de traiter à Rome les affaires de la Visita- tion (cf. ci-dessus, Lettre mccclxxiii, p. 119). Hérissant donne la date de 1617, mais les instructions contenues dans cette lettre ont dû être envoyées au Barnabite peu avant son départ (voir ci-dessus, note ( 3 ), p. 119), pour le mettre au courant de la question. Le commencement et la fin du texte autographe semblent avoir été supprimés. (2) Cf.au tome précédent, p. 242, la lettre du 10 juillet i6r6 à Bellarmin.  Annéh 1618 141 votes. C'est pourquoy il est plus convenable que celles- ci qui, faute de forces corporelles, ne le pourroyent pas dire posément, ne disent que le petit Office. Troysiesmement, il y a exemple a Paris, ou les Seurs de Sainte Ursule, Religieuses des trois vœux solemnelz, ne disent que le petit Office (0. Quatriesmement, les Seurs de la Visitation font plu- sieurs exercices spirituelz qu'elles ne pourroyent pas faire en disant le grand Office. Je pensois vous marquer les autres pointz ; mais je me resouviens que le P. Procureur gênerai ( = ) les a bien au long. Il faut que je vous die que les Règles dont on demande l'approbation sont toutes conformes a la Règle de Saint Augustin, hormis en la clausure absolue, que saint Augustin n'avoit pas establie, a laquelle néanmoins les Seurs se veulent astreindre, selon le sacré Concile de Trente *. Peut estre que le Saint Siège commettra * Sess. xxv, de quelqu'un de deçà, quelques Prelatz de Religions et autres théologiens pour les revoir, corriger et appreuver. Je ne voy pas qu'il soit besoin de vous advertir d'autre ( I ) Il s'était passé pour les Ursulines, à Paris, quelque chose d'analogue à ce qui arriva pour la Visitation. L'Institut que César de Bus et le P. Ro- millon avaient fondé en Provence, sur le modèle établi en Italie par Angèle Merici, n'était qu'une simple Congrégation, sans voeux solennels ni clôture. En 1608, la Mère Françoise de Bermond, la première UrsuUne de France, fut appelée dans la capitale pour prendre la direction de la petite Communauté, née de la Congrégation de Sainte-Geneviève d'où déjà était sorti le Carmel fran- çais. Lorsqu'il s'agit d'ériger définitivement l'Institut, les avis des fondateurs se partagèrent : M'"'= de Sainte-Beuve et M'^^ Acarie, comme aussi MM. de BéruUe et Gallemant, voulurent un vrai Monastère. M. de Marillac resta seul à soutenir l'ancien ordre de choses. L'Evèque de Genève laurait certai- nement appuyé s'il eût été consulté : « Je vous diray sans hésiter, que vous « ne deves nullement vous obliger a la closture ; vostre Institut ne tend pas « a cela, » écrira-t-il en juin 1613 à l'une des filles de Françoise de Xainctonge (Lettre dccclxxxii, tome XVI, p. 18). Les partisans de la clôture triomphè- rent; aussitôt (septembre 1610) les Supérieurs de Provence rappelèrent la Mère de Bermond (voir ibid., note (2), p. 237^. La Bulle de Paul V arriva en septembre 1612; elle érigeait les Ursulines de Paris en Ordre religieux sous la Règle de Saint-Augustin, avec les vœux solennels, et permettait de rem- placer habituellement le Bréviaire par le petit Office de la Sainte Vierge, sauf à certains jours de fête. (Cf. H. de Leymont, Mme de Sainte-Beuve et les Ursulines de Paris, Lyon, 1890, chap. ix, x.) (2) Le P. Tobie Corona, procureur général des Barnabites à Rome, (Voir le tome précédent, note (3), p. 203.)  Sess. XXIII, de  142 Lettres de saint François de Sales chose sur ce sujet, sinon que, quant au Monastère de cette ville, attendu que l'église d'iceluy est consacrée sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame et du glorieux saint Joseph, il seroit désirable que Ton obtinst Indulgence pleniere pour ces jours la, et pour les jours des tiltres des autres May sons et Monastères de cette Congrégation, outre l'Indulgence du jour de la Visitation , qui est le tiltre gênerai de la Congrégation (0. Monseigneur de Lion est la, auquel s'il plaist de favo- riser l'affaire, il peut infiniment en cela. Or, je croy qu'il luy plaira, puisqu'il a en sa ville métropolitaine une Mayson de la Visitation ou Dieu est grandement honnoré. Mais^ mon Révérend Père, il faut traitter toutes choses doucement et avec circonspection. Ce que je dis, parce que quelques ecclésiastiques austères et exactz en leurs personnes ont rendu quelque signe qu'ilz n'estoyent pas satisfaitz dequoy en cette Congrégation il y avoit si peu d'austérité et de rigueur de peynes ; mais il faut tous- jours regarder a la fin, qui est de pouvoir recueillir les filles et femmes débiles, soit en aage, soit en complexion. Je désire encor obtenir une lettre de la Congrégation des Evesques ( = ) a moy et au clergé de ce diocèse, par laquelle il me soit enjoint d'ériger un Séminaire de ceux qui prétendent a Testât ecclésiastique, ou ilz puissent se civiliser es cérémonies, a catéchiser et exhorter, a chanter, et autres telles vertus cléricales; car, quant aux petitz enfans, nous en avons de reste qui veulent estre ecclé- siastiques et qui n'estudient pour autre fin. Or, je désire que le clergé ait part a la lettre, afiin qu'on puisse imposer pour cela quelque petite cotisation  Reform., c. xviii. SUT les bencficcs ( 3 ). Le Concile de Trente * suffiroit, mais (i) Ces Indulgences furent accordées par une Bulle de Paul V. (Voir Pré- face des Règles et Constitutions, et Coustumier et Directoire pour les Sœurs Religieuses de la VisitatioJi Saincte Marie, Paris, Huré, 1637, Directoire pour r Office, 2 juillet.) (2) Voir tome XVI, note (5), p. 148. (3) Dans sa séance du 22 juin 1618, la Congrégation des Evêques et Régu- liers répondait au désir exprimé ici par le Saint, et décidait « de presser TEvê- que de Genève de faire cette bonne œuvre, en consultant son clergé, avec  Année 1618 143 pour le faire valoir plus efficacement, la susdite lettre seroit requise. Je suis Vostre frère et serviteur, Franç% E. de Genève. toute la célérité possible. » François de Sales reçut donc la lettre qu'il dé- sirait, mais elle n'est pas parvenue jusqu'à nous. Au mois d'avril précédent, deux pièces avaient été présentées en son nom à la même Congrégation : une supplique demandant l'autorisation d'ériger un Séminaire à Annecy et un autre à Thonon, et des considérations sur les raisons qui rendaient le diocèse de Genève plus nécessiteux que tout autre de tels établissements. Permission fut accordée à l'Evêque suppliant d'ériger autant de Séminaires qu'il voudrait, à condition que les élèves auraient au moins douze ans et porteraient l'habit clérical et la tonsure. (Archiv, des Ev. et Rég., Regesta (Episcopi), vol. 1618, et Posi\ioni, vol. 1618 (Episcopi), G.)  MCCCLXXXVII A M. BÉNIGNE MILLETOT (O Aimable réponse à la demande d'une cédule d'amitié. — Le voyage de l'Ab- besse du Puits-d'Orbe ; ce que le Saint blâme et regrette. — Une âme que l'amertume trouble démesurément. — Nouvel ami de l'Evêque de Genève. — Tristesses et difficultés au sujet du testament de la baronne de Thorens. Annecy, 13 janvier 1618. Monsieur mon Frère, Je receu a Grenoble la lettre quil vous pleut m'escrire le 6 décembre 161 7 ; mays que vous diray-je ? Ni moy et tout je ne le croy pas que jamais vous puyssies entrer en opinion que je varie et chancelé en la sincère et solide affection que j'ay de vous honnorer et chérir a jamais, sans reserve ni exception quelcomque. Non, Monsieur montres cher Frère, vous n'aures jamais cette cogitation^ et ce n'est pas cela qui vous fait demander une cedule de ( I ) Le ton général de cette lettre, les questions qui y sont traitées, l'appel- lation de (i Frère », la mention des deux filles du correspondant de l'Evêque de Genève, dont l'une Religieuse de la Visitation : tout désigne avec certi- tude pour destinataire Bénigne Milletot (voir tome XV, note ( i ), p. 5}.  144 Lettres de saint François de Sales moy pour vostre asseurance ; car je suis certain que l'amitié dont vous me favorises est si parfaite qu'elle est au dessus de toute desfiance. Et comme m'eussies vous peu tant aymer si vous n'eussies eu le sentiment de rinvariable nature de mon ame en cette passion d'amitié ? Vous le sçaves donq bien, je m'en asseure, je suis exempt de ses vicissitudes, et mesme mon affection ayant rencontré un object si invariablement aymable comme vous estes, mon très cher Frère ; mays il ny a remède, il faut que vostre amour s'esgaye a me demander des certi- tudes du mien, dont toutefois il ne peut douter. Nous sçavons bien cette douce importunité des amans, qui se playsent d'ouïr mille et mille fois repeter qu'on les ayme, non pour s'asseurer, mays pour se complaire en l'asseurance quilz ont, qui semble estre mieux savourée quand ell'est plus souvent répétée. Que si vous voulies néanmoins une cedule de mon cœur, comme vous me le signifiés, envoyés moy donq le vostre sur lequel je l'es- criray, car nul autre papier n'est capable de cette sorte d'escriture. Or sus, c'est asses dit pour cette vérité que jamais vous ne revoqueres en doute. Je viens a l'accessoire de vostre lettre. Je vis, de vray, jyj^me ^^ p^^-g (i'Orbe ( ^ ), et, autant que j'ay sceu connoistre et discerner, son voyage estoit exempt d'aucun mauvais dessein ; car elle venoit, ainsy qu'elle et madame la Première ( = ), ains monsieur le premier Président (3) mesme, m'avoyent adverti au paravant, seulement pour me venir voir et descharger, comme elle me dit, son cœur dé cet amas d'ennuys qu'ell'avoit accueillis des qu'elle ne m'avoit veu. Voyla ce que j'en croy, quoy que j'ay treuvé très mauvais le rencontre et la suite de celuy qui estoit si odieux a tant de gens de respect (4), et qui (i) Rose Bourgeois. On sait qu'elle avait fait, en 1617, un voyage à Lyon; n'ayant pas poursuivi jusqu'en Savoie, elle dut aller voir le Saint à Grenoble pendant l'Avent, (Voir ci-dessus, note (5), p. 47, et Lettre mcccxxxii, p. 50.) (2) La présidente Brûlart, sœur aînée de l'Abbesse du Puits-d'Orbe. (Voir tome XII, note (1), p. 267.) (3) Nicolas Brûlart, mari de la précédente, premier président au Parlement de Bourgogne. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 48.) (4) M. de Sauzéa (voir ci-dessus. Lettre mcccxxxi, p. 47).  Année 1618 145 devoit, par tant de raysons, ne jamais approcher cette trouppe. May s quant a nia chère nièce vostre fille (^), j'en de- meuray fort satisfait ; je vous supplie de vous en asseurer. Pleut a Dieu seulement qu'elles eussent poursuivi leur voyage jusques icy, ou madame de Chantai leur avoit prseparé une douce retraitte pour tant qu'elles eussent volu (-) ; je m'asseure qu'elles s'en fussent retournées fort consolées de voir la dévotion qui se prattique en la Mayson de la Visitation, ou maintenant nostre fille (3) est portière pour la seconde fois, tant on estime sa vertu que de luy donner cette charge, Tune des plus impor- tantes, affin que je vous die encor ce mot de consolation. Je fis tant par mes remonstrances, que l'esprit de M""" du Puis d'Orbe, qui estoit aux abboys a cause de tant de troubles et de regretz dont il estoit accablé, reprit un [peu de vigueur (4)] pour s'en aller en paix et vivre en paix en [son abbaye.] Mays elle m'escrit despuis son re- tour, qu'elle a de rechef treuvé tant de mauvais traitte- mens, qu'ell'a perdu presque toute espérance de jamais avoir la paix. Or, je suis au bout de ma science pour cela. Il y a la des bons Pères Jésuites qui pourront mieux que moy discerner ce qui est requis pour le bien de ce Monastère. Quant a mo}^ je pense que la douceur gai- gneroit plus sur cett'ame qu'aucune autre chose ; au moins vois-je bien que l'amertume la trouble démesurément. { I ) Jeune encore, Michelle Milletot était entrée à Tabbaye du Puits-d'Orbe, et y avait fait profession le 4 octobre 1607. L'amitié de TAbbesse qui en faisait sa compagne de voyage, lui fut fatale ; car elle demeura fidèle à Rose Bourgeois jusque dans son obstination à repousser la réforme tentée par les Bernardines du Val-de-Gràce, sur Tordre de TEvêque de Langres. En 1644, on retrouve Michelle dans le petit groupe séparé de la Communauté régulière ; avec l'Abbesse, elle déclare vouloir entrer dans cette Communauté, mais ni Tune ni l'autre n'y furent admises, tant on redoutait leurs exemples et leurs discours. Elle vivait encore l'année suivante. (Archiv. de la Côte-d'Or, Puits- d'Ofbe, Reg. des vœux et réceptions; voir D. Plancher, Hist. gin. et part, de Bourgogne, Dijon, 1739, tome J, Pièce ccxxxxvi.) (2) Voir ci-dessus, pp. 48, 50. ( 5 ) Marie-Marguerite Milletot, fille du destinataire. ( Voir tome XV, note ( 3 ), p. 6.) (4) Par suite de l'usure, plusieurs mots ont disparu de l'Autographe; quand on a pu les rétablir d'après le sens, on les a mis entre crochets [ ]. Lettres VIII lo  146 Lettres de saint François de Sales Le bon Père Dom Pierre (0 a rayson de m'aymer, puisqu'il vous honnore si fort et que je suis vostre cher frère. Vous l'aves conduit a prsejuger pour moy : et comme pourroit il autrement juger ? Je n'ay pas le bonheur de le connoistre, mais ouy bien de connoistre sa Congrégation que j'ay au milieu de mon cœur, et de laquelle je respecte et le General ( = ) et plusieurs autres grans personnages qu'elle reunit, auxquelz donq je joindray celuy ci et le luy tesmoigneray a la première commodité qui s'en pré- sentera. Que sil se treuve a Paris le moys suivant, j'auray peut estre le bien de l'y voir, car je pense que Monseigneur le Cardinal de Savoye s'y en va, que j'y accompagneray. Son Altesse me l'ayant ainsy commandé * Vide supra, Epist. gans rcscrvc *. MCCCLXXXIV. 1.-1, ♦ Vous aures sceu combien lannee passée nous a este dure par le trespas de mon frère, de son filz et de sa femme qui en moins de quatre moys ont esté emportés (3). Mais, oserois-je vous dire un surcroist de desplaysir qui m'est arrivé en cett' occasion ? Je le feray. Monsieur mon très cher Frère, mais c'est en confiance, vous suppliant que si il ne vous en est parlé, il vous playse n'en rien tesmoigner a personne. Ma pauvre belle seur nous fut ravie a l'improveu trois jours après qu'elle fut accouchée, et n'eut loysir qu'en- viron de cinq heures a mettre ordre a ses affaires. En cette presse, on ne vid jamais un esprit si clair, si doux, si paisible, ni plus de marques d'une vraye sainteté, car jusques au trespas elle souspira des [affections] si extrê- mement dévotes qu'elle nous ravissoit tous en admiration. Or, parmi cela et soudain qu'elle vid qu'elle mourroit de ( I ) D. Pierre de Saint-Bernard, Feuillant, était déjà connu du saint Evêque. (Voir tome XV, note ( i ), p. 227.) Il faudrait donc songer plutôt aux PP. Pierre de Saint-Romuald, Pierre de Sainte-Marie, ou Pierre de Saint-Joseph, du même Ordre, cités dans la déposition du P. Harel, Minime, comme ayant tous trois écrit à la louange de François de Sales. (Process. remiss. Gehenn. (II), ad in- terrog. 12.) (2) D, Sens de Sainte - Catherine (voir le tome précédent, note (i), P-39). (3) Le 23 mai 1617, Bernard de Sales était mort à Turin; son fils et sa femme le suivirent les 5 et 7 septembre. (Voir plus haut, les notes (i) des PP- i7> 70. 73-)  Année 1618 147 cet accident, elle voulut tester, laissant a madame sa mère, a monsieur son frère et a sa seur sa dote, hormis un légat qu'elle fit encor d'environ 900 escus ; et pour le reste, elle me fit son héritier, a la charge que je laisserois l'hé- ritage entier a mes frères (0. Sur quoy je m'apperçois que [M''' de Bourges (2) et les autres] proches de M. le Baron de Chantai ont opinion que j'aye procuré l'advan- tage et commodité que cette pauvre defuncte a laissé a mes frères. Cela, certes, me fait de la peine, carjepre- voy bien que la bienveuillance que ce Prselat et ces mes- sieurs avoyent envers moy s'en rafroidira. Et néanmoins, Monsieur mon très cher Frère, je vous dis le cœur ouvert et devant le Scrutateur des cœurs *, que ni directement * Ps. vu, 10; Sap. ni indirectement, ni par moy ni par entremise d aucun, onques je ne parlois a cette chère seur ni de tester, ni de rien faire de tout ce qu'elle fit pour mes frères. Madame sa mère, qui fut présente a cette action, et pour le moins vingt personnes d'honneur m'en seront tesmoins asseu- rés. Mays il est vray que ceux qui ont veu avec quel amour, quel honneur, quelle douceur cette pauvre fille estoit chérie de tous nous, ne treuvent pas si estrange qu'elle n'ayt pas volu tirer de nostre mayson que ce qu'elle y avoit apporté, sans que par autre voye nous luy ayons ni donné ni pensé a luy donner cette volonté. Je n'ay sceu me retenir, Monsieur mon Frère, de vous dire ce petit mal de cœur, sachant a qui je le dis ; car d'en escrire a M. de Bourges, qui ne m'en a point escrit, je ne le juge pas a propos, et me contente de sçavoir en mon ame que suis exempt de ces viles prattiques, ne sçachant mesme pas ce que les testemens de mes père et mère contiennent, sinon pour rayson des legatz pieux. Mais c'est trop d'une chose que j'escris par eschappee. (i) Après avoir institué l'Evêque de Genève son légataire universel (voir ci-dessus, note (4), p. iio), Marie-Aimée de Chantai lui substituait ses « sei- gneurs beaux frères, » Jean-François, Louis et Janus de Sales, (( qui succéde- ront et tiendront le tronc de ladite maison de Sales et Thorens. » Elle avait donné en outre « en prelegat » aux quatre frères de Sales une somme de « qua- tre cens escus a eulx payables respectivement. . . trois ans après son deces. » (Archives de Thorens-Sales.) (2) Msr André Frémyot, oncle maternel de la défunte. (Voir tome XII, note (i), p. 299.)  14B Lettres de saint François de Sales Dieu, par son infinie bonté, vous conserve et comble de bonheur, Monsieur mon Frère, avec madame ma chère seur (0, et suis Vostre très humble frère et très asseuré serviteur, Francs, E. de Genève. XIII janvier 161 8, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Lyon-Fourvière. ( I ) Claude de Cirey, femme du destinataire qui l'avait épousée en 1586, Elle était fille de Jean de Cirey, auditeur des Comptes à Dijon, et de Guillemette des Barres. On trouve encore des baux à cens signés par elle en 1637. (Archiv. de la Côte-d'Or, E, 1368 et 2166*.)  MCCCLXXXVIII A LA MÈRE DE CHANTAL L'embarras du Saint à l'arrivée de voyageurs dauphinois. Annecy, 13 ou 14 janvier 1618(1). Ma très chère Mère, Nos amis de Grenoble doivent arriver demain. Je les recevray avec playsir, a condition que vous vous char- geres des femmes, car en fin, qu'en ferois-je? ( I ) En quittant Grenoble, aux fêtes de Noël, saint François de Sales donnait l'ordre à trois de ses filles spirituelles, décidées à entrer dans l'Institut de la Visitation, « de partir après les Rois » pour aller commencer leur noviciat à Annecy; elles devaient ensuite faire partie de la fondation de Grenoble. C'étaient M"^* de Glézat, de Garcin du Colombier, du Bonnet de la Bastie. Le contrat de réception de cette dernière (Archives de la Visitation d'Annecy) porte que le départ eut lieu le 12 janvier; les voyageurs durent donc arriver au plus tôt le 14. Quand les généreuses postulantes quittèrent la capitale du Dauphiné, nombre de gentilshommes et de dames les accompagnèrent fort loin hors de la ville ; plusieurs personnes de cette escorte poursuivirent leur voyage jusqu'en Savoie, entre autres M. dUlme, M. de Glézat, frère de la prétendante, et M""* de Glézat, leur mère. ^D'après V Hist. de la Fondation de la Visitation de Grenoble.)  Année 1618 149  MCCCLXXXIX A M. BÉNIGNE MILLETOT Recommandation en faveur d'un ami engagé dans un procès. Voyage du Prince Cardinal de Savoie différé. Annecy, 15-17 janvier 1618 (1). Monsieur mon Frère, Vay-je point trop souvent a vostre porte ? Vous im- portune-je point par mes si fréquentes supplications ? Certes, je ne dois, ni ne puis, ni ne veux manquer au devoir que j'ay a monsieur le Marquis d'Aix (2), qui me fait la faveur de m'aymer très particulièrement et que pour ses rares qualités j'honnore parfaitement. Or, il a un'affaire devant la cour (3) et, de bonne fortune, en la Chambre de la Tournelle en laquelle vous estes (4) ; et je vous supplie donq très humblement, Monsieur mon Frère, de la (sic) gratifier de vostre appuy au soustene- ment de son bon droit, puisque mesme il implore mon (i) Cette lettre a àù. être écrite entre celle du 13 janvier, au même desti- nataire, et celle du 18, d'après laquelle le projet de voyage du Cardinal de Savoie est de nouveau retardé, (Voir ci-après, p. 151.) (a) Louis de Seyssel (voir tome XIV, note (2), p. 89). (3) Il était en procès avec M'"^ de Vellepesle de Villeneuve (voir le tome précédent, notes (1) et (4), p. 361); la cause avait été probablement portée au Parlement de Dijon. (4) Instituée par Charles VII en 1436, modifiée en 1452 et 1519, la Chambre delà Tournelle jugeait en dernier ressort les affaires criminelles. Elle prenait son nom de ce que sa « composition se faisait par l'effet d'un roulement, pour que l'habitude de connaître des affaires criminelles n'atténuât pas la mansué- tude désirable du juge. » Elle ne pouvait connaître des affaires civiles qu'in- cidemment. Son ressort s'étendait non seulement « aux jugements des juges inférieurs, comme les juges royaux et seigneuriaux, mais encore aux déci- sions de certains juges extraordinaires, comme l'Amirauté, la Connétable, les lieutenants de police, etc. »> Les fonctions des membres de la Grand'Chambre se partageaient avec celles de la Tournelle, c'est-à-dire que les présidents à mortier et les conseillers attachés à la Grand'Chambre faisaient à tour de rôle six mois de service à la Grand'Chambre et six mois à la Tournelle. (D'après Moreri, 1740, tome VIII, et Dalloz, Répertoire de jurisprudence, « Organisation judiciaire, » n°* 71, 97. loi.)  150 Lettres de saint François de Sales intercession auprès de vous, sachant le bien que j'ay d'estre advoiié vostre frère. Le voyage du Prince Cardinal de Savoye estant différé pour quelque tems et, comme je croy, jusques a carne- val (0, je suis par conséquent d'autant esloigné de l'espé- rance que j'ay que par quelque rencontre ce voyage me pourra donner le bonheur de vous voir. Mays ce pendant je ne laisseray pas de vous avoir présent a mon ame, ni de prier Nostre Seigneur qu'il vous comble, et madame ma seur (-), de toute sainte prospérité, qui suis, Monsieur mon Frère, Vostre très humble et très affectionné frère et serviteur, Franç% E. de Genève. [A Monsieur] Monsieur Milletot, seig"" de Villy, Conseiller du Roy au Parlement de Bourgoigne. Revu sur l'Autographe qui se conservait au Grand Séminaire de Besançon. ( i) Ce voyage ne fut effectué qu'en octobre. (Voir ci-dessus, note (2 ), p. 138.) (2) La femme du destinataire (voir ibid., note (i), p. 148).  MCCCXC A MADAME DE BLANIEU (0 Le prix de la paix; sa récompense. — Deux moyens de la conserver. Annecy, 18 janvier 1018. Madame, Conservés-le donq bien, ce cœur, en ce juste contente- ment qu'il a de se sentir en paix avec son Dieu ; paix de laquelle le prix n'est point au monde, non plus que la recompense, puisqu'elle vous est acquise par le mérite (i) D'après l'édition de 1626, la destinataire est la même que celle de la lettre du 3 avril 1617 ; donc Marguerite de Sassenage, dame de Blanieu. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 362.)  Année i6i8 151 du sang de nostre Sauveur, et qu'elle vous acquerra le Paradis éternel, si vous la gardes bien. Faites-le donq, ma très chère Fille, et ne fuyes rien tant que ce qui la vous peut oster. Et vous le feres, je le sçai bien ; car vous invoqueres Dieu, affin qu'il vous en continue la grâce, et prendres soin de bien prattiquer ce que je vous ay conseillé, que j'espère de confirmer par mon retour, puisque, comme j'ay opinion, le voyage de ce Prince que je devois accompaigner est retardé (0, Ce pendant, faites-moy part a vos prières, puisque je ne cesseray jamais de vous souhaiter toute sorte de bon- heur, et seray toute ma vie, Ma très chère Fille, Vostre très humble et très affectionné serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Le 18 janvier 161 8, Annessi. (i) Voir ci-dessus, note (2), p. 138.  MCCCXCI A LA PRÉSIDENTE DE BOUQUÉRON (0 Comment le respect règle les témoignages de l'affection. — Souhaits des gens de bien et contradictions au sujet de la fondation du Monastère de Grenoble. — Le service de Dieu, unique bonheur en ce monde. Annecy, i8 janvier 1618. Madame, Si jamais ma bouche a refusé de vous nommer ma fille, c'a esté sans le consentement de mon cœur, qui des le premier abord du vostre sentit bien que Dieu luy donnoit (i) Par les voyageuses grenobloises de janvier 1618, étaient venues pour le Saint des lettres de M. et de M"'« de Bouquéron. (Cf. Lettres de sainte J.-F. de Chantai, vol. I, p. 236.) L'Evéque dut confier sa réponse aux per- sonnes qui avaient accompagné les prétendantes à la Visitation ; elles quit- tèrent Annecy au plus tôt le 18 janvier (Livre des comptes du i^"" Monastère). Nous sommes donc fondés à croire que ces lignes s'adressent à Antoinette  152 Lettres de saint François de Sales une forte et invariable affection, toute vrayement pater- nelle pour vous ; mais on n'ose pas tous-jours parler comme on desireroit, sur tout quand on doit du respect a ceux qui portent les mesmes tiltres que nous voudrions avoir. Certes, puisque vous levoules, je ne sçaurois aussi plus me priver de ce contentement. Et vous diray donq, ma très chère Fille, que je suis bien ayse que ces filles soyent venues icy faire l'ap- prentissage du sacré mestier que par après elles iront exercer, comme j'espère, dedans le païs de leur naissance et de mon affection (^1 : pour moy, je n'en puis plus dou- ter, voyant cette générale concurrence des souhaitz qu'en font tant de gens de bien. Cependant il est fort certain, comme vous dites, que ce bon œuvre ne se fera pas sans quelques contradictions ; car, comme seroit-il bon autre- ment ? Mais pour cette dame, je ne croy pas qu'elle la face longue, puisqu'elle est vertueuse et de bon esprit ; Cf. Ps. xxxn, 10. et puis, Dieu dissipe les cogitations humaines * par sa science céleste (2). Or sus, ma très chère Fille, continués tous-jours a ser- vir ce divin Maistre et Sauveur de vostre ame en pureté et douceur d'esprit : c'est l'unique bonheur que nous pouvons prétendre, et l'infallible asseurance de le Camus, femme du président Gaspard Béatrix-Robert de Bouquéron depuis le 27 septembre 1588. Elle était fille de Claude Camus, seigneur de Vaize, etc., trésorier de France à Lyon, et d'Anne Grollier. L'une des premières, à Gre- noble, elle se mit sous la direction de François de Sales, et son dévouement actif et généreux fut acquis aux Filles de la Visitation. La présidente de Bou- quéron mourut en 1630 (cf. Lettres de la Sainte, vol. III, p. 551). N'ayant pu, selon ses désirs, se retirer au monastère de Grenoble, elle aurait voulu au moins avoir place dans sa sépulture, et fit pour cela un legs de 600 francs. Ses enfants envoyèrent le legs; mais ne purent se résoudre à voir déposer leur mère hors du tombeau de la famille. (Hist. de la Fondation.) (i) A Grenoble (voir ci-dessus, note (i), p. 148). ( 2) L'établissement de la Visitation à Grenoble, si ardemment souhaité dès qu'on avait connu le saint Evéque de Genève en Dauphiné (voir le tome précédent, Lettres mcclxxix, p. 343, et mcclxxxiii, p. 348), trouva des contra- dicteurs aussitôt qu'il fut sur le point de s'effectuer. Une fondation projetée par les Récollets était désirée par plusieurs personnes qui essayèrent de dé- tourner à son profit le zèle des partisans de la Visitation. On réussit même à gagner pour un temps l'esprit de Me"" de Chalcédoine, coadjuteur de l'Evê- que de Grenoble. L'orage ne s'apaisa que pendant le Carême. (Voir ci-après. Lettre mcdxii, et note ( i ), p. 192.)  Année -1618 153 posséder éternellement consiste a Taymer en ce monde fidèlement et confidemment. Je ne suis pas hors d'espérance de vous revoir ce Ca- resme, et de vous dire de vive voix, comme je le dis de tout mon cœur, que je suis, Ma très chère Fille, Vostre très humble et très affectionné serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Le 18 janvier 161 8.  MCCCXCII AU ROI DE FRANCE, LOUIS XIII (0 (minute) L'avis du Saint Dour le rétablissement des Carmes à Gex. — Impossibilité de leur assigner le revenu destiné au service des paroisses. — Travail et dévoue- ment des Capucins. — Deux moyens de hâter l'entière conversion du pays. Annecy, 21 janvier 1618. Sire, Pour obéir au commandement que Vostre Majesté me fait par sa lettre du dernier jour d'aoust 1617, que je n'ay receu sinon quatre mois après, je diray ce qu'il me semble sur la proposition que le Père Provincial des Carmes de la province de Narbonne (2) luy a faite, pour ( I ) Voir tome XVI, note { i ), p. 176. {2) De 1614 à 1618, la province des Carmes de Narbonne, de l'ancienne Observance, fut gouvernée par le P. Nicolas Perriquet. Au prix de grands travaux et sur la fin de son provincialat, dit l'historiographe de cette Province, il rentra en possession du couvent de Gex, ruiné depuis longtemps par les hérétiques. Né en Bourgogne vers 1571, Nicolas Perriquet avait reçu l'habit du Carmel dans le couvent de Dijon, à l'âge de douze ans, et prononcé ses vœux en 1587. Ayant fait de brillantes études à l'Université de Paris, il fut élu à diverses reprises définiteur et prieur de Dijon, de Semur et de Clairval. En 1629, il devient administrateur de Gex. puis, en 165T, prieur de Besançon, où il meurt vers 1639, grand pénitencier de la cathédrale. Le P. Perriquet écrivit des Sermons pour le Carême (Conciones Quadraaesimales) et un traité De casibus conscientice reservatis, ouvrages aujourd'hui perdus. (Bibl. municip. de Dijon, Ms. 620 : Miscellanea atque Collectanea Fr . Roberti Bulle, Dijon, 1771 ; Metn. du couvent des Carmes de Besançon, Besançon. 1768, pp. 290, 291.)  154 Lettres de saint François de Sales le restablissement du couvent que ceux de son Ordre avoyent jadis a Gex(0; et attendu qu'il y a quelques restes des édifices et des biens dudit couvent, je croy bien, Sire, qu'il seroit bon qu'ilz fussent remis en l'Ordre duquel ilz dépendent, a la charge que le service y fust fait selon la proportion du revenu qui en proviendroit. Et parce que maintenant il n'y a pas suffisamment pour entretenir une seule personne, s'il plaisoit a Vostre Ma- jesté leur ordonner les cent cinquante livres sur les tail- les, que ledit Père Provincial luy a demandées en au- mosne, il pourroit par ce moyen y coUoquer quelque habile et discret Religieux, qui, par les voyes ordinaires de la justice et des loix publiques, retireroit petit a petit les pièces esgarees dudit couvent, sans que pour cela aucun eust occasion de se plaindre, ni que personne en fust grandement incommodé. Mais quant aux trois cens livres que ledit Père Pro- vincial demandoit sur les autres revenus ecclésiastiques remis entre mes mains pour le restablissement de l'exer- cice catholique es églises du balliage dudit lieu, je ne voy pas que cela luy doive ni puisse estre accordé ; veu que tout est requis pour estre employé aux services et offices divins et a l'entretien et réparation des édifices sacrés, sans qu'on en puisse rien oster, ainsy que j'ay clairement fait voir audit Père Provincial par les contes de ceux qui, de la part de Vostre Majesté, ont esté establis et commis a la recette desditz revenus. Outre que, s'il y avoit quelque chose de plus, il devroit plustost estre destiné a l'accommodement des Pères Capucins qui, des plusieurs années en ça, résident audit lieu de Gex et y travaillent avec beaucoup de zèle et d'incommodités. Et quant a ce que Vostre Majesté veut sçavoir, s'il seroit point plus a propos d'introduire en la ville dudit Gex quelque compaignie de Religieux reformés, je pense, Sire, qu'il n'y a point de doute, puisque les desvoyés ne sont pas moins attirés a la connoissance du bon chemin par les bons exemples que par les bonnes instructions. ( I ) Voir tome XV, note ( i ). p. 316.  Année 1618 155 Mais le reste des biens du couvent des Carmes estant si petit, serviroit de peu a cela, qui ne peut estre fait que par le dessein exprès de Vostre Majesté et par union de quelque bénéfice riche, quand il viendroit a vaquer, ou par quelque autre libéralité royale. Et Ihors, Sire, si Vostre Majesté me commandoit de nommer quelle com- paignie j'estimerois plus propre pour ce lieu la, je nom- merois celle des Prestres de l'Oratoire, bons a toutes sortes de services spirituelz et qui plus aysement peuvent se mesler parmi les adversaires (0. Que si d'abondant Vostre Majesté me commandoit de luy marquer un autre moyen grandement utile a l'avan- cement de la foy catholique en ce balliage de Gex, je dirois. Sire, que ce seroit d y mettre des officiers catho- liques ; et sans ce moyen icy, les autres n'opéreront que foiblement et lentement. Je prie Dieu, ce pendant, qu'il comble de bénédictions Vostre Majesté, vostre couronne et vostre royaume ; qui suis et seray a jamais, Sire, Vostre très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. Annessi, le 21 janvier 161 8. (i) Les désirs du Saint ne se réalisèrent pas; les Carmes eurent gain de cause, et rentrèrent dans leur couvent le 30 juillet 1618. En 1669, un décret du P. Mathieu Orlandi, Général et Visiteur apostolique de TOrdre, fixa à sept le nombre des Religieux du Monastère de Gex, et même à huit, si, comme ils en avaient l'espoir, ils pouvaient parvenir à augmenter leurs revenus. (D'après les Notes du R. P. Marie-Joseph du S. Cœur, C. d., aumônier du Carmel de Corioule, Belgique.)  156 Lettres de saint François de Sales  MCCCXCIII A LA MÈRE DE CHANTAL Départ d'une belle âme pour le Ciel. — Une demeure toute de paix. Confiance en Dieu, et regrets sur les morts. Annecy, 24 janvier 1618(1). Ma très chère Mère, Quand on m'a osté d'auprès de vous, ça esté pour monsieur de Sainte Catherine (-), mais je pensois que ce fust un accident comme l'autre fois ; et voyla que ça esté pour luy faire saintement dire dix ou douze fois : Vive Jésus ! et protester qu'il avoit toute son espérance en la mort de Nostre Seigneur : qu'il a prononcé avec beaucoup de force et de vivacité, et puis s'en est allé ou nous avons nos prétentions, sous les auspices du grand saint Paul (3). Dieu qui nous V avoit donné pour son service, le nous a osté pour sa gloire : son saint nom Job, I, 21. soit béni * ! (i) Comme la lettre suivante, celle-ci a été datée pour la première fois par Hérissant, tome III, p. 416. Mais le quantième qu'il lui attribue n'est pas juste. C'est le 24 janvier, et non le 25, que moururent D. Simplicien Fregoso et Philippe de Quoex; nous en avons le témoignage dans les Acta Collegii, qui mentionnent au 24 le décès du premier, et dans les Registres paroissiaux d'Annecy qui inscrivent au 25 les funérailles du second (1). ( 2 ) Philippe de Quoex (voir tome XII, note ( i ), p. 30), Ce digne ecclésias- tique, premier prêtre, premier chanoine, et confesseur de l'Evéque de Genève, eut la consolation d'être visité par lui soir et matin pendant les dix jours de sa maladie. La veille de sa mort, François de Sales voulut lui administrer lui- même les derniers Sacrements, et, ne pouvant se résoudre à le quitter, fit apporter son souper près de ce lit de souffrance dont il ne s'éloigna ensuite que sur les pressantes instances de son entourage. Comme le frère du mou- rant, Claude-Louis-Nicolas de Quoex, s'affligeait de la perte qu'il allait faire : « Il ne faut point pleurer, mon filz, » lui dit le saint Prélat, « nostre frère sera bienheureux; je l'ay demandé chaudement a Nostre Seigneur, et il nous a faict sçavoir qu'il le vouloit. Dominus est'. » (Dépos. de Claude-Louis- Nicolas de Quoex, Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 27.) (3) M. de Sainte-Catherine expira à 3 heures de l'après-midi, donc aux premières Vêpres de la Conversion de saint Paul.  ( I ) C'est à tort qu'au tome XII on a rectifié aux Errata la date du 24 donnée p. 50, note ( I ), pour indiquer celle du 23.  Année 1618 157 Demeures cependant en paix, avec mon cœur, au pied de la providence de ce Sauveur pour lequel nous vivons et auquel, moyennant sa grâce, nous mourrons. Dieu reparera cette perte et nous suscitera des ouvriers en lieu de ces deux (0 qu'il a pieu retirer de sa vigne pour les faire asseoir en sa table *. Mais tenes vostre cœur en paix, * Luc, car il le faut; et, comme dit TEscriture *, pleures un * Ecdi. pett sur les irespassés, mais pourtant loiies Dieu en consolation , puisque nostre espérance est vivante. A men. Franç% E. de Genève. (i) D. Simplicien Fregoso, Barnabite (voir tome XVI, note (2), p. 231), était mort le matin du même jour, à 7 heures. « Attendez-moi, dom Père Sim- pliciain, attendez-moi! » s'écria fortement Philippe de Quoex un instant avant de rendre le dernier soupir, « voulant dire que tous deux iraient ensemble au Ciel, » (Arpaud, Vie de Mgr D. Juste Guérin, Anneci, 1837, liv, I, ch. xi.)  MCCCXCIV A LA MÈRE FAVRE, SUPERIEURE DE LA VISITATION DE LYON (fragment) Mort de deux grands serviteurs de Dieu. — Admirable acquiescement du Saint Annecy, 24 janvier 1618 (i). Ma très chère Fille, Il faut demeurer coy en ce que Dieu dispose et ordonne ; nous l'avons mesme fait ce jourd'huy. A 7 heures du ma- tin, nous avons perdu pour cette vie le P. D. Simplicien, et a trois heures le bon monsieur de Sainte Catherine, deux grans serviteurs de Dieu, sans qu'il y aye presque ( I ) Le texte donné par lédition de 1629 est non seulement tronqué, mais sans doute composé de deux fragments, dont le premier parait s'adresser à la Mère Favre. Le double décès mentionné dans ces lignes en indique la date. (Voir la lettre précédente et les notes qui l'accompagnent.) Quant au second fragment, il trouvera sa place plus loin.  xxii. ;o. , XXII, I I,  158 Lettres de saint François de Sales aucun malade en cette ville. O Providence céleste ! sans esplucher vos effectz, je les adore et embrasse de tout mon cœur, et acquiesce a tous les evenemens qui en suc- cèdent par vostre volonté.  MCCCXCV A LA BARONNE DE MENTHON (0 (inédite) Vacance d'un bénéfice. — Trois raisons d'en pourvoir sur-le-champ Benoît de Chevron. Annecy, 26 janvier 1618. Madame, En la vacance de la chapelle de Sainte Catherine ( = ) par le trespas du bon et dévot M. de Quoëx, j'ay rencontré par mon désir le choix que monsieur vostre mari (3) et vous aves fait ; et je n'avois garde de faillir, puisque monsieur le Doyen vous est si proche en toutes façons, que vostre bon naturel ne vous eut pas permis de faire autrement (4). Il m'a dit tout ensemble, et l'obligation (i) Claudine, fille de Claude-Louis de Michaille, seigneur d'Outrechaise, dit de Martel, et d'Adrianne ou Oriane de Mareste, avait épousé (contrat dotal postnuptial du 12 mai 1608) Bernard IV, baron, puis comte de Menthon, veuf de Clémence de Genève, Restée veuve en 1627, elle teste en 1664 et meurt en novembre 167 1. (2) Attenante à l'église du prieuré de Talloires, la chapelle de Sainte-Cathe- rine avait été fondée à la fin du xiii^ siècle par les seigneurs de Menthon. pour leur sépulture, et elle était de leur présentation. Benoît de Chevron- Villette (voir note ( 4 ) ci-après) en fut pourvu le 29 janvier 1618, et eut pour successeur, le 19 février 1621, Antoine Favre, fils cadet du président de Savoie. [R. E.) (3) Bernard de Menthon (voir tome XIII, note (i), p. 319). (4) Jeanne de Menthon, sœur de Bernard, s'était alliée à Hector, baron de Chevron et de Dérée, qui fut gouverneur du prince de Piémont Victor-Amé- dée. De ce mariage, naquit à Turin, en 1587, Benoît, que les plus hautes vertus devaient rendre digne de sa parenté avec François de Sales dont il était cousin issu-de-germain. Bien que tonsuré dès 1601, même minoré en 1603, le jeune homme ne put d'abord résister aux attraits de la cour et de la carrière  Année i6i8 159 qu'il vous en avoit, et la difficulté, ou plustost la considé- ration pour laquelle il n'avoit pas l'acte de la nomination : qui estoit que monsieur vostre mari auroit quelque sorte d'opinion de pouvoir un jour luy mesme la deservir. Mays, Madame, il faut que je vous die trois choses en confiance. L'une est, que quand monsieur le Baron seroit en estât (dont Dieu le garde) de deservir cette chapelle, en estant le nominateur il ne pourroit pas la prendre pour soymesme, car nulle (sic) ne peut estre nominateur de soymesme. L'autre est que laiqs ne peuvent en conscience tenir les bénéfices, ni les nominateurs ne peuvent non plus les tenir en suspens sans ofFencer Dieu et les âmes des armes ; compagnon d'enfance de l'héritier de la couronne, il pouvait espérer le plus brillant avenir. La grâce lui donna la force de le sacrifier, et en accep- tant en 1614 l'élection des chanoines de Notre-Dame de Liesse qui le faisait doyen de leur Collégiale, il résolut d'être entièrement à Dieu. Le 20 septembre suivant, il était sous-diacre, diacre trois mois après, et prêtre le 14 mars 1615. Lorsque, devenu recteur de la chapelle de Sainte-Catherine (voir note (2) de la page précédente), Benoît de Chevron eut des rapports plus fréquents avec son ami Claude-Louis-Nicolas de Quoex et les Religieux de Talloires, la pensée d'une plus grande perfection ne le quitta plus. Il résigne ses bénéfices, refuse le poste d'aumônier de la princesse de Piémont, et prend en 1620 l'habit béné- dictin, ajoutant à son nom de baptême celui de Théophile ; en juin 1621, il pro- nonçait ses vœux. Huit ans plus tard, son mérite le faisait choisir pour prieur claustral, et en 1631 la volonté du duc de Savoie et du Pape le plaçait à la tête du diocèse de Tarentaise. Sacré à Turin en janvier 1633, le nouvel Archevêque se montra ferme à maintenir ses droits et à faire rentrer dans son obéissance tous les membres de son clergé, zélé pour le bien des paroisses qu'il visita ou fit visiter quatre fois en vingt-cinq ans d'épiscopat, entièrement dévoué aux âmes, à tel point que Charles-Auguste de Sales, son grand-vicaire (1636), qui dut le remplacer pendant un voyage à Rome, trouva quïl « étoit le Père et le confesseur universel de toute la ville » de Moûtiers. (De Hauteville, La Maison naturelle de St Fr. de Sales, 1669, Partie III, p. 649.) Toujours fils de saint Benoît, Ms"" de Chevron voulut établir dans son dio- cèse ses frères en religion ; un essai infructueux lui coûta beaucoup de peines, de même que l'établissement des Bernardines à Conflans. Grands furent ses regrets de n'avoir pu fonder aussi dans sa ville épiscopale un Monastère de la Visitation. En 1638, il eut au moins la consolation de recevoir la Mère de Chantai en route pour Turin ; et après lui avoir prodigué les témoi- gnages de sa vénération : « Dieu soit béni, » dit-il, « cette journée n'est pas perdue, car nous avons rendu, selon notre petit pouvoir, nos hommages à une Sainte! » Tenu lui-même pour un saint, Benoît-Théophile de Chevron mourut en prédestiné le 15 juin 1658. Son successeur, Ms"" Milliet de Challes, éleva à sa mémoire un monument gravé d'une longue et belle inscription latine, résumé de sa vie et de ses vertus. (Cf. Notice sur Benoît-Théophile de Che- vron-Ville tte , archevêque de Tarentaise , par Dom B. Mackey, O. S. B., Chambéry, 1904.)  i6o Lettres de saint François de Sales des fondateurs. Et la troysiesme, c'est que, si cette cha- pelle demeure quelque tems sans recteur, elle n'est pas si petite quil ne se treuve des courans qui Timpetreront a Rome; et elle sera bien impetree, attendu la négligence de ceux qui doivent nommer. Sur cela, Madame, il me semble que vous deves des maintenant gratifier ce neveu qui vous appartient en tant de façons, et luy donner la nomination, affin de conserver vos droitz et l'intention des praedecesseurs (0. Pour [ce], je vous escris ainsy librement et sans art, sachant que vous m'aymes franchement, et croires ayse- ment que je parle selon le devoir et l'affection que je vous ay et qui me rend. Madame, Vostre plus humble très affectionné serviteur. Francs, e. de Genève. XXVI janvier 1618, Annessi. A Madame Madame la Baronne de Menthon. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Menthon, au château de Menthon (Annecy). (i) Thomas II, Henri, Humbert, Albert I et Albert II, seigneurs de Men- thon aux XIII® et xiv*^ siècles, avaient fait à la chapelle de Sainte-Catherine différents legs portant obligation de prières pour les défunts.  MCCCXCVI A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'ORBE Très sage avis du Saint au sujet du transfert de Tabbaye du Puits-d'Orbe. — Devoir de TAbbesse pour maintenir ses filles en union et charité. — Humble démarche qu'elle doit faire. Annecy, 30 janvier 1618. Dieu, qui a fait vostre cœur pour son Paradis, ma très chère Fille, luy face la grâce d'y bien aspirer. Je vous escris sans loysir, comme je fay presque tous-jours en cette multiplicité d'affaires qui m'accablent.  Année 1618 161 Je vous ay des-ja escrit qu'il ne failloit nullement pen- ser a transplanter vostre Monastère a Lion ; car, a quel propos oster une si notable fondation d'une province et d'un diocèse pour la porter en un autre ? Ni le Pape, ni l'Evesque, ni le pais, ni le Parlement ne le permettront jamais. Demeurés donq ferme en la resolution de le transférer des chams a la ville, mais en une ville de la province et du diocèse ; s'il se pouvoit, a Langres, ou a Chastillon, ou a Dijon, et icy il seroit mieux. Et ne faut point craindre que vos parens vous y faschassent, car y vivant en une bonne et sainte reformation, chacun vous y reverra avec un amour nompareil ; et puis, il ne faut pas tant regarder a vostre personne particulière qu'au public et a la postérité. Mais si vous ne pouves ranger vostre esprit a cet advis, du moins que ce soit a Chas- tillon (0. Je n'appreuve nullement que vous separies vos filles, tenant les unes comme vos affectionnées et partisanes, et les autres comme distraittes de l'affection qu'elles vous doivent, ni qu'on leur remette leurs pensions ou autres particularités. Il faut que vostre courage surnage a tout cela ; et croyes que si vous estes bien résolue de vivre en charité avec elles, leur monstrant un cœur de douce mère, qui a oublié tout ce qui s'est passé jusqu'à présent, vous les verres toutes revenir a vous dans bien peu de moys ( = ). Madame la Première (3) vous escrira. Je vous prie, escrivés luy en esprit de douceur et d'humilité, et, sans faire conte des choses passées, tesmoignés que vous estes fille de Nostre Seigneur crucifié. Et non seulement a elle, mais escrivés aussi a M. le Président (4) et a monsieur ( I ) Depuis longtemps François de Sales conseillait le transfert de la Com- munauté de la campagne dans une ville. Ce projet s'exécuta le 21 décembre 1619. (Voir tomes XII, note ( i ), p. 27 t, et XIV, note ( i ), p. 359.) Mais Rose Bourgeois ne poursuivit pas plus efficacement la réforme à Chàtillon-sur- Seine qu'elle ne l'avait fait au Puits-d'Orbe. (2) Les deux partis se maintinrent dans la Communauté jusqu'à la mort de l'Abbesse. Les Sœurs qui lui étaient opposées en 1618, furent plus tard les vraies réformatrices. (Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 145.) (3) M»"* Brûlart. (4) Le président Nicolas Brûlart, beau-frère de Rose Bourgeois, (Voir ci- dessus, note ( i), p. 48.) Lettres VIII ii  i62 Lettres de saint François de Sales d'Origny (0, leur disant qu'après tant de tourmens que vousaves souffertz, en fin Nostre Seigneur et vostre voca- tion vous convient de les prier de vous assister au dessein qui a tous-jours esté en vostre ame, de réduire vostre Mo- nastère a quelque perfection de la vie religieuse, et qu'es occasions vous les advertires des moyens requis a cet efFect, a ce qu'ilz vous aydent ; car en fin, ma très chère Fille, il faut avoir la paix, et la paix naist de l'humilité . De renvoyer ce point a eux, il n'est pas raysonnable ; il faut que ce soit vous qui commencies. En somme, il faut amollir et briser ce cœur, ma très chère Fille, et convertir nostre fierté en humilité et résignation. Je salue toutes nos Seursl^), et particulièrement ma- dame la Prieure (5). Dieu, par sa bonté, vous comble de son Saint Esprit, affin que vous vivies en luy et a luy. 30 janvier 161 8. (1) Guillaume Bourgeois, baron d'Origny, frère de la destinataire. (Voir tome XIV, note (4), p. 131.) (2) Les Religieuses du Puits-d'Orbe. (3) Françoise Bourgeois, sœur de TAbbesse. (Voir tome XV, note ( i ), p. 151.)  MCCCXCVII A LA MÈRE DE CHANTAL Discrétion que garde le baron de Chantai et qu'il faut garder avec lui. Annecy, 16 janvier-février 1618 (i). Ma très chère Mère, Vostre Baron (2) ne me parla point de son cousin M. de Rabutin (3), ni moy a luy; mais je croy qu'il ne (i) Le fils de la Sainte vint à Annecy dans l'hiver de 1618; d'autre part, M"® du Colombier, l'une des trois prétendantes grenobloises (voir ci-dessus, note ( I ), p. 148), prit l'habit de la Visitation et le nom de Sœur Françoise- Angélique, le 22 février 1618. Donc, aucun doute quant à l'année ; pour le quantième, il doit être compris dans la dernière quinzaine de janvier ou la première de février. ( 2 ) Celse-Bénigne de Rabutin, baron de Chantai (voir tome XIV, note ( i ), p. 376). (3) Il s'agit de l'un des fils de François de Rabutin, seigneur de la Vaux, et  Année 1618 163 désire pas que vous luy parlies, comme en effect, aussi bien sera-ce chose inutile, sinon en gênerai, et dissimu- lant la particularité. J'iray, si je puis, cet après disné voir M'"" de Colom- bier (O. Ce pendant, je vous donne le bon jour de tout mon cœur. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. d'Hélye de Damas. Ils étaient cousins-germains de Christophe, père de Celse- Bénigne. François, le quatrième, plus près du baron de Chantai par l'âge, est peut-être celui que le Saint désigne ici. Il fut baron de Crux, et épousa Marguerite de la Magdelaine, veuve de Ludovic de la Rivière, dont il n'eut point d'enfants. (C^ de Bussy, Hist. génêal. de la maison de Rahuiin, Dijon, 1866.) (i) Plus encore que ses compagnes, récemment arrivées avec elle de Gre- noble, M"^ du Colombier avait besoin de voir le saint Evêque. « Toute nou- velle dans la milice spirituelle, » remarque VHistoire de la Fondation du Monastère de Grenoble, elle avait failli en route « rendre les armes, » suc- combant au rude combat intérieur et extérieur qui lui était livré. Sa cousine, M"^ de Glézat, instrument déjà de sa vocation, le fut aussi de sa persévé- rance ; encouragée par cette voix amie, Françoise de Garcin du Colombier atteignit Annecy où bientôt elle reçut le voîle de novice (voir note ( i ) de la page précédente). Elle fit profession l'année suivante à Grenoble, et en partit au mois de mars 1625 pour coopérer à l'établissement de la Maison d'Embrun. De fin 1634 à 1641, Sœur Françoise-Angélique gouverna ce Monastère en qua- lité de Supérieure. (Archives du i^^ Monastère d'Annecy.)  MCCCXCVIII AU PÈRE CLAUDE-LOUIS-NICOLAS DE QUOEX PRIEUR DE T.-\LLOIRES Doux reproche à un ami trop affligé. — Aimer le bonheur de ceux qui nous ont quittés pour aller à Dieu. Annecy, fin janvier-février 1618 (i). Mon cher Frère (car je suis en la place de celu}^ que nostre bon Dieu a retiré près de luy), on me vient de (i) Nul doute pour le destinataire ; c'est bien le Prieur de Talloires (voir tome XIV, note ( i ), p. 172) que François de Sales console de la mort de son  164  Lettres de saint François de Sales  * Is., XXV, 8; Apoc. VII, Ult., XXI, 4.  Act., XVII, 28.  * Ps, XXIX, 12.  * Luc, X, ult.  dire que vous pleures continuellement pour cette vérita- blement bien sensible séparation. Il ne faut nullement que cela soit, car, ou vous pleures sur luy, ou pour vous. Si c'est sur luy, pourquoy pleurer, que nostre Frère est en Paradis ou les pleurs n'ont plus de lieu * ? Que si pour vous, n'y a-il point trop d'amour propre (je parle avec vous ainsy franchement), d'autant qu'on jugera que vous vous aymes plus que son bonheur, qui est incomparable? Et voudries vous que, pour vous, il ne fust pas avec Celuy (*) in quo movemur et sumus *, tous tant que nous sommes qui acquiesçons a son saint playsir et divine volonté ? Mais venes nous voir, et souvent, et nous convertirons les pleurs en joye *, nous souvenant par ensemble de celle de laquelle nostre bon frère jouit et laquelle jamais plus ne luy sera ostee *. Et en somme, pensés souvent en elle et en luy, et vous vivres joyeux, comme je le sou- haite de tout mon cœur, avec lequel je me recommande a vos prières et vous asseure que je suis vostre. FRANÇ^ E. de Genève.  [*) en qui nous nous mouvons et nous sommes  frère, Philippe de Quoex, arrivée le 24 janvier 1618 (voir ci-dessus, notes ( i), (2), p. 156). L'invitation du Saint à Taffligé, de venir le visiter souvent, ne permet pas de reculer ces lignes plus tard qu'au commencement de février, le départ pour Grenoble ayant eu lieu le 26 de ce mois.  Année 1618 165 MCCCXCIX AU PÈRE ANGE CALCAGNI, CORDELIER (0 Consolation à un prisonnier. Annecy, 4 février 1618. Molto Reverendo Padre in Christo osservandissimo, Andando costî il signor Rocho suo fratello, anch'io vado con esso lui mentalmente a salutar Vostra Rive- rentia et pregharla che stia allegra quanto Ella potrà in questa sua tribulatione che, gratia al Signore, finira presto, poichè subito che Sua Eccellenza che deve venir fra pochi giorni [sarà giuntal^)], Vostra Paternità sarà messa in libertà (3).  Très Révérend et très honoré Père dans le Christ, M. Roch votre frère se rendant vers vous, je vais aussi en esprit avec lui saluer Votre Révérence et la prier de demeurer joyeuse, autant qu'elle le pourra, en cette tribulation. Grâce à Dieu, elle finira bientôt, puisque dès l'arrivée de Son Excellence, qui doit venir dans quelques jours ( 2 ), Votre Paternité sera mise en liberté ( 3 ). (i) Frère de Roch Calcagni (voir tome XIV, note ( i ), p. 302), le P. Ange était, depuis le mois de mai 1617, Gardien du couvent des Franciscains de Sainte-Marie de la Campagne à Plaisance. On trouve sa signature dans les actes de la Fabrique de l'église jusqu'à la fin de 1617. Du 17 février i6i8 aux derniers jours d'avril, au lieu de la sienne, paraît celle du Vicaire, le P. Ché- rubin. C'est en effet le temps de son voyage en Savoie; il y vint sans doute voir son frère, et, peut-être pour une cause politique, il fut incarcéré. Sa parenté avec un officier du duc de Nemours, son arrivée d'un pays où l'in- fluence de l'Espagne demeurait très grande, suffisaient à le rendre suspect. La meilleure preuve de son innocence, c'est que. à son retour, les Supérieurs le confirmèrent dans sa charge de Gardien ; du 23 juin 1619 au 25 mars 1620, le P. Ange est de nouveau signataire des actes de la Fabrique. Après une seconde interruption, il revient et signe le 24 août 1620; enfin il figure pour la dernière fois le 31 décembre de cette même année ; dès lors, un autre Gardien, le P. Pie de Plaisance, lui succède, et l'on ne sait plus rien de lui. (D'après les notes communiquées par S. G. M^"" Pellizzari, Evêque de Plai- sance.) (2) Le marquis de Lans était alors à Turin ; il revint à Chambéry le 31 mars. (Cf. Mugnier, Les Entrées du Sénat, p. 94.) (3) Voir ci-après. Lettre mcdviii, p. 185.  i66 Lettres de saint François de Sales Et cosî, augurandoli ogni vera consolatione doppo questo travaglio, con tutto il cuore aile sue orationi mi raccommando. Di Vostra Paternità molto Reverenda, AfFettionatissimo corne fratello et servitor, Franc°, Vescovo di Geneva. In Annessi, alli 4 di Febraio 161 8. Al molto R*^" in Christo, Il P. Angelo Calcagno, Guardiano délia Madonna délia Campagna di Piacenza (0. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Morandi, à Plaisance (Italie).  Ainsi, vous souhaitant toute vraie consolation après cette épreuve, je me recommande de tout cœur à vos prières. De Votre très Révérende Paternité, Très affectionné comme frère et serviteur, François, Evêque de Genève. Au très Révérend [Père] dans le Christ, Le Père Ange Calcagni, Gardien de Notre-Dame de la Campagne de Plaisance (i). (i) Déjà en 1030 la Sainte-Vierge était honorée dans ce sanctuaire, car à cette époque on bâtit tout proche, et sans doute pour le desservir, un couvent de Bénédictins. En 1522, pour remplacer le premier édifice aux proportions trop modestes, on commença la construction de l'église actuelle, remarquable par son architecture et les œuvres d'art qu'elle renferme. Les Frères Mineurs, déjà établis à Plaisance, reçurent en 1547 la garde de Sainte-Marie de la Cam- pagne; ils l'ont eue jusqu'à présent, bien que, dépouillés en 1866 de leur antique couvent, ils aient dû en édifier un autre. (D'après une lettre de M^"" l'Evêque de Plaisance.)  Année i6i8 167 MCD A M. JEAN DE CHATILLON (0 (inédite) Décisions pour le service de quelques paroisses. Annecy, 6 février 1618. Monsieur, Re non intégra (*), je pense que cette attestation soit suffisante, laquelle pour cela je vous renvoyé, affin qu'elle serve au suppliant. J'ay donné verbalement charge a M. le curé de Vua- lier (2), de dire a monsieur le curé des Alinges (3) et a (*) En l'état de la question, (i) Une lettre adressée le lo mai 1621 à Jean de Châtillon, plébain de Thonon, traite de questions analogues touchant les mêmes paroisses mention- nées ici ; d'où l'on conclut à l'identité du destinataire. (Voir tome XV, note ( i ), p. 58.) (2) « Vualier », soit Vailly, avait pour curé, depuis 161 5, François de Lâchât, né à Sixt en Faucigny, vers 1576, d'égrège Guillaume de Lâchât et de Michière Biord. Il connut de bonne heure François de Sales et subit le charme auquel nul ne pouvait résister, charme qu'il rappelle naïvement en déposant au Procès de Béatification du Saint : « On perdoit le boire et le manger pour l'entendre... Ton ne se fusse jamais vouleu séparer de luy. » En 1600, étant aumônier des Allinges, M. de Lâchât assiste à l'entrevue du Prévôt et de Nicolas de Harlay, gouverneur de la forteresse au nom du roi de France; à partir de ce moment, leur mutuelle intimité devient plus grande. « Je dis avoir accompagné ledict Bien-heureux a la visite d'une infinité de malades, tant dans la ville d'Annecy qu'ailleurs, mesmes estant en voyages, » pourra plus tard affirmer le curé de Vailly ; il suivit aussi le Saint en divers lieux « pour la reformation des monastaires tant d'hommes que femmes. » ( Process. remiss. Gebenn. (I), passim.) L'ami de François de Sales lui survécut jus- qu'en 1656. ( 3 ) Pierre Mojonier (voir tome XII, note ( i ), p. 376). Cet ecclésiastique fut un des premiers à travailler, après le Bienheureux, dans le Chablais. Il avait été ordonné prêtre le 23 mai 1592; trois ans plus tard, il fut institué économe, puis curé de la paroisse de Larringe, et desservait en même temps celle des Allinges dont il reçut officiellement la charge en 1601, et la garda jusqu'à sa mort, en août 1623. (R. E.) Au témoignage de Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. III), c'était un « homme puissant en œuvres et en paroles et qui entendoit fort bien la charge des âmes. »  i68 Lettres de saint François de Sales M. le curé d'Orcier (0, qu'en secourant Draillans ( = ), jusques a ce que nous y puissions mettre autre ordre, et eux et le vicaire des Alinges (3) pourront célébrer deux fois a cette contemplation, car il faut faire ce que Ton peut. Madame d'Orlier (4) me prie qu'elle puisse avoir la chapelle de Saint François, qu'elle dotera. Je vous prie de voir que c'est et m'en tenir adverti, bien que je ne laisseray pas d'en parler avec monsieur de Blonnay (^), puisque il vient de deçà, a ce quil m'escrit. Je suis. Monsieur, Vostre très humble confrère, Franç% E. de Genève. 6 febvrier 161 8, Annessi. D'après une copie de l'Autographe qui appartenait à M. Griolet, et qui a été vendu à Genève en 1910, par M. Thury, ( I ) Le curé d'Orsier était alors Etienne OUivier qui mourut en février 1624. (2) Petite paroisse de trente feux seulement, dépendante de la seigneurie des AUinges, que le Saint entoura de sa sollicitude pastorale. Après l'avoir reconquise à la foi catholique, il la défendit contre les tentatives de l'hérésie et ne cessa de travailler à y organiser les secours spirituels, comme nous l'avons déjà vu (tome XIII, Lettre cclxxxiv, p. 43), et comme nous le ver- rons encore. ( 3 ) M. Rannaud, originaire de Sixt ; il occupa ce poste jusqu'au mois de mars. (4) Peut-être Diane de Rochette, fille du président Charles de Rochette et de Françoise-Marie de Villette-la-Couz. Elle avait épousé en 1592 Charles d'Orlier, juge-maje du Chablais (voir tome XII, p, 481). Vivante encore en 1614, l'était-elle en 1618? C'est probable, mais les documents nous manquent pour l'affirmer. (5) Claude de Blonay.  Année 1618 169 MCDI AU PRINCE DE PIÉMONT, VIGTOR-AMÉDÉE (O Supplique pour l'installaiion des Chartreux à Ripaille. Annecy, 11 février 1618. Monseigneur, Entre les saintz projetz que Dieu inspira a Vostre Altesse tandis qu'elle fut icy, pour restablir le lustre du service divin en ces païs de deçà, Tun estoit de mettre les Pères Chartreux a Ripaille (0, qui de tous tems ont une très particulière obligation et fidèle affection a la coronne de wSavoye, et desquelz la vie et les offices sont d'une merveilleuse édification. C'est pourquoy, Monsei- gneur, le P. Don Laurens de Saint Sixt estant par delà ( 3 ), j'ay creu que ce seroit a propos d'en ramentevoir Vostre Altesse, a ce qu'elle oye avec confiance ce qu'il luy en ( I ) C'est à tort que les éditeurs précédents adressent cette lettre au duc de Savoie. Le destinataire est certainement Victor-Amédée, comme l'indique le souvenir du séjour à Annecy. (2) Voir tome XVI, note ( r ), p. 183. (3) Ce très méritant Religieux était fils de noble Pierre de Saint-Sixt et de Huguette Comte. (Cf. tome XIV, note ( i ), p. 319.) Il fit profession à la Grande-Chartreuse, le 6 octobre 1596. A partir de 1609, son nom est intime- ment lié avec l'histoire de la Chartreuse de Vallon qui va s'éteindre, et avec celle de Ripaille qui doit en recueillir les épaves. Tout en restant procureur de la Grande-Chartreuse, D. Laurent fut nommé administrateur des biens de la première, restitués à TOrdre en 1607; puis, mêlé comme personnage prin- cipal à la fondation de la seconde (1623), il en est d'abord recteur, et, le nou- vel établissement affermi, il en devient prieur en 1628. Dix-neuf ans après, il est transféré, avec le même titre, à la Chartreuse de CoUegno, près Turin. Là, comme dans ses charges précédentes, il montra sa rare capacité pour les affaires ; ce fut même cette aptitude spéciale qui l'arracha une fois encore à son œuvre, et le fit choisir (1652) pour continuer, en qualité de procureur, la restauration de la Chartreuse de Valbonne, où il mourut, en pleine activité, le 14 janvier 1654. D. Laurent de Saint-Sixt ne put pas être un grand contem- platif; '( bon Religieux et zélé a son debvoir, » mais toujours Toutil à la main pour édifier, restaurer les maisons de prière, il eut surtout le mérite de se dévouer sans mesure au bien de son Ordre ; et l'Ordre reconnut ses services et ses vertus par des témoignages exceptionnels d'estime et de reconnaissance après sa mort. (D'après les Nofes du R. P. Archiviste général de r Ordre.)  lyo Lettres de saint François de Sales représentera, puisque non seulement il a pour ce sujet la créance de son General (0, mais aussi une spéciale fidé- lité au service et a l'obéissance de Son Altesse, delaquelle il est nay sujet et vassal. Et ce pendant, je prieray Dieu qu'il comble de ses grâces Vostre Altesse, a laquelle faysant très humblement la révérence, je suis, Monseigneur, Très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Annessi, le xi febvrier 1618. Revu sur l'Autographe conservé à Turin. Archives de l'Etat. ( I ) D. Bruno d'Affringues (voir tome XVI, note ( i ), p. aoo).  MCDII  A LA SOEUR DE BLONAY, MAITRESSE DES NOVICES A LA VISITATION DE LYON (O La foi en la Providence au milieu des sécheresses spirituelles. — Quel examen il faut faire. — Le grand acte d'amour de Notre-Seigneur sur la croix. — Profit que nous devons tirer de nos imperfections. — Vivre joyeuse sous le regard de Dieu. — Saints paternels. Annecy, 18 février 161 8, Ce m'eust esté une consolation sans pair de vous voir toutes en passant (2), mais Dieu ne l'ayant pas voulu, je m'arreste a cela ; et ce pendant, ma très chère Fille, très volontier je lis vos lettres et y respons. O Nostre Dame ! ma très chère Fille, si Nostre Sei- gneur pense en vous et s'il vous regarde avec amour ? Ouy, ma très chère Fille, il pense en vous, et non seu- ( I ) La mention des « chères filles novices » et en particulier de la Sœur Colin, prouve que cette lettre fut écrite à la Directrice de la Visitation de Lyon, Sœur Marie-Aimée de Blonay. (Voir tome XV, note ( i), p. 290.) (2) Si le voyage du Prince Cardinal de Savoie avait eu lieu, comme Ton s'y attendait, le saint Evêque aurait vu, en effet « en passant » ses Filles de Lyon. (Voir ci-dessus, note (2), p. 138.)  Année 1618  '7>  lement en vous, mais au moindre cheveu devostre teste* : 'Matt-.x, 30; Luc, c'est un article de foy, et n'en faut nullement douter. Mays je sçai bien aussi que vous n'en doutes pas, ains seulement vous exprimes ainsy l'aridité, sécheresse et insensibilité en laquelle la portion inférieure de vostre ame se treuve maintenant. Vrayement, Dieu est en ce lieu, et je rC en sçavois rien, disoit Jacob * ; c'est a dire, •Gen., xxvm, 16. je ne m'en appercevois pas, je n'en avois nul sentiment, il ne me sembloit pas. J'ay parlé de ceci au livre de V Amour de Dieu, traittant de la mort de la volonté et des résignations; je ne me souviens pas en quel Livre*. * Liv. ix, ch. m, T^j. T-\' J 1 XI-XIII. lit que Dieu vous regarde avec amour, vous n aves nul sujet d'en douter ; car il voit amoureusement les plus horribles pécheurs du monde, pour peu de vray désir qu'ilz ayent de se convertir. Et dites-moy, ma très chère Fille, n'aves vous pas intention d'estre a Dieu ? ne voudries vous pas le servir fidèlement ? Et qui vous donne ce désir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux ? D'examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist ; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu'il ne vous plaise, car c'est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves créatures, pourveu qu'elles reconnoissent leur misère, si gracieux envers les misérables, si bon envers les penitens ! Et qui n'aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous ? Vous dites bien, ma très chère Fille, que ces tenta- tions vous arrivent parce que vostre cœur est sans ten- dreté envers Dieu ; car c'est la vérité que si vous avies de la tendreté vous auries de la consolation, et si vous avies de la consolation vous ne séries plus en peyne. Mais, ma Fille, l'amour de Dieu ne consiste pas en conso- lation ni en tendreté; autrement, Nostre Seigneur n'eust pas aymé son Père Ihors qu'il estoit triste jusques a la mort * et qu'il crioit : Mon Père, mon Père, pourquoy *Matt., xxvi, 38. m' as-tu abandonné'*} Et c'estoit Ihors, toutefois, qu'il * Ibid.. xxvn, 46. faysoit le plus grand acte d'amour qu'il est possible d'imaginer.  172 Lettres de saint François de Sales En somme, nous voudrions tous-jours avoir un peu de consolation et de sucre sur nos viandes, c'est a dire avoir le sentiment de l'amour et la tendreté, et par conséquent la consolation. Et pareillement, nous voudrions bien estre sans imperfections ; mais, ma très chère Fille, il faut avoir patience d'estre de la nature humaine et non de l'an- gelique. Nos imperfections ne nous doivent pas plaire, Rom., vu, 24. ains nous devons dire avec le saint Apostre * : O moy misérable ! qui me délivrera du cors de cette m.ort? mais elles ne nous doivent pas ni estonner ni oster le courage. Nous en devons voirement tirer la sousmission, humilité et desfiance de nous mesmes ; mais non pas le descouragement ni l'affliction du cœur, ni beaucoup moins la desfiance de Tamour de Dieu envers nous ; car ainsy Dieu n'ayme pas nos imperfections et péchés ve- nielz, mais il nous ayme bien nonobstant iceux. Ainsy, comme la foiblesse et infirmité de Tenfant desplaist a sa mère, et pourtant, non seulement ne laisse pas pour cela de Taymer, ains l'ayme tendrement et avec compassion, de mesme, bien que Dieu n'ayme pas nos imperfections et péchés venielz, il ne laisse pas de nous aymer tendre- ment ; de sorte que David eut rayson de dire a nostre Ps. VI, 3. Seigneur* : Aye miséricorde^ Seigneur, parce que je suis infirme. Or sus, c'est asses, ma très chère Fille. Vives joyeuse : Nostre Seigneur vous regarde, et vous regarde avec amour, et avec d'autant plus de tendreté que vous aves d'imbécillité. Ne permettes jamais a vostre esprit de nourrir volontairement des pensées contraires ; et quand elles vous arriveront, ne les regardés point elles mesmes, destournés vos yeux de leur iniquité, et retournés devers Dieu avec une courageuse humilité, pour luy parler de sa bonté ineffable par laquelle il ayme nostre chetifve, pauvre et abjecte nature humaine, nonobstant ses infir- mités. Priés pour mon ame, ma chère Fille, et me recommandés a vos chères filles novices (0, lesquelles je connois toutes, (i) Elles étaient, à cette date, au nombre de sept : Anne-Marie Bellet et Marguerite Chasselay, qui rentrèrent cette année-là même dans le monde;  Année i6i8 173 fors que ma Seur Colin (0. Je suis entièrement vostre en Nostre Seigneur, qui vive a jamais en nos cœurs. Amen. Annessi, ce xviii febvrier 1618. Jeanne-Françoise Estienne, Françoise-Catherine Orlandini, Jacqueline-Eli- sabeth Daniel, Marie-Madeleiue Ravier et Anne-Claude Colin. ( I ) Nous avons rencontré dès le début de la fondation de Lyon la gracieuse figure d'une enfant de dix ans, inséparable compagne de piété de sa mère Isabeau Daniel, veuve Colin (voir tome XVI, note (1), p. 241). Elle reçoit d'abord la robe grise des Sœurs de la Présentation, avec une cornette que rem- place un petit voile blanc lorsqu'elle suit les congrégées dans leur transfor- mation en Filles de la Visitation. (Voir ibid., note (5), p. 305, et Appendice III, note ( I ), p. 423.) En attendant l'âge d'entrer au noviciat, Claude pratique tous les exercices de la Communauté, et ne connaît d'autre divertissement que de « faire des oratoires. » (Livre du Couvent, du i^"" Monastère de Lyon, trans- féré à Venise.) La Mère de Chantai fut charmée du bon naturel et de la pré- coce maturité de cette toute jeune fille ; elle en donna une preuve en la choisis- sant pour l'assister au parloir, même quand elle s'y trouvait avec l'Evêque de Genève, en 161^ La Mère de Blonay lui montra plus tard semblable confiance, et l'aimable assistante nous a conservé le souvenir de traits charmants de la débonnaireté du saint Prélat, dont elle fut témoin à cette occasion. Le 13 décem- bre 1617, le Chapitre l'admit à la vêture, et l'année suivante, 25 décembre, Sœur Anne-Claude prononça ses vœux. Elle coopéra (1623 et 1641) aux fon- dations d'Avignon et de Tarascon, et mourut en odeur de sainteté dans ce dernier monastère, en décembre 1680. Partout elle avait conquis l'affection et l'estime universelles par une vie d'abnégation, d'obéissance et de charité. (Voir Année sainte de la Visitation, tome XII, p. 115.)  MCDIII A LA MÈRE FAVRE SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE LYON (0 Les mères poules et leurs poussins. — Une école de charité et de patience. — Conseils au sujet de Novices. — Le filet imperceptible de la Providence. — Parure de ce monde et parure du Ciel pour les épouses du Christ. — Humilité du saint Evêque. Annecy, 19 février 16 18. Je vous voy, ma très chère Fille, toute malade et  leure  ( I ) Toutes les éditions précédentes adressent ces pages A une Supérie de la Visitation ; celle-ci, à n'en pas douter, est la Mère Favre : l'ensemble du texte et surtout l'allusion aux maladies de ses Filles, le démontrent.  174 Lettres de saint François de Sales dolente sur les maladies et douleurs de vos filles (0. On ne peut estre Mère sans peyne. Qui est celtiy qui est * II Cor., XI, 29. malade, dit l'Apostre *, que je ne le sois avec luy ? *sjoan.Chrysost., Et nos anciens Pères * ont dit la dessus, que les poules hom.xLviiinMatt.; . S. Aug.,Enarrat.in sont tous-jours affligées de travail tandis quelles con- Beda^^Enarràt ^in duisent leurs poussins et que c'est ce qui les fait glosser Evang. Matt. continuellement, et que l'Apostre estoit comme cela. Ma très chère Fille, qui estes aussi ma grande fille, le mesme Apostre disoit aussi, que quand il estoit infirme, alhors * II Cor., XII, 10. il estoit fort *^ la vertu de Dieu paroissant parfaite en *lbid., y. 9. l'infirmité *. Et vous donq, ma Fille, soyes bien forte parmi les afflictions de vostre Mayson. Ces maladies longues sont des bonnes escholes de charité pour ceux qui y assistent, et d'amoureuse patience pour ceux qui les ont ; car les uns sont au pied de la croix avec Nostre Dame et saint Jean, dont ilz imitent la compassion, et les autres sont sur la croix avec Nostre Seigneur, duquel ilz imitent la Passion. Quant a la Seur de laquelle vous m'escrives. Dieu vous fera prendre le conseil convenable. Cette douceur es souffrances est un pronostic de la future faveur abondante de Nostre Seigneur en cette ame, ou qu'elle aille ou de- meure (2). Salués, je vous supplie, ces deux filles ten- drement de ma part, car je les ayme ainsy. Au demeurant, s'il est treuvé convenable de renvoyer cette Novice, il le faudra faire avec toute la charité pos- sible, et Dieu réduira tout a sa gloire. Dieu garde et * Cf. Ps. cxx, uit. bénit les sorties aussi bien que les entrées * de celles qui font toutes choses pour luy, et qui n'occasionnent pas leurs sorties par leurs mauvais deportemens. Sa provi- dence fait vouloir le sacrifice qu'elle empesche par après (i) L'épreuve devait se prolonger encore plusieurs semaines. Le 14 mars, la Sainte écrit à la Supérieure de Lyon : « Nous trouvons le temps long d'at- tendre de vos nouvelles et de vos pauvres malades que nous supplions Notre- Seigneur de vouloir guérir pour sa gloire et notre consolation. » (Lettres, vol. I, p. 241.) Et c'est seulement le 29 qu'elle peut ajouter : « Je me réjouis du sou- lagement des pauvres malades. » (Ibid., p. 246.) {2) On peut penser qu'il s'agit ici de la Soeur Françoise-Catherine Orlan- dini, novice depuis le mois d'août 1617. Ses infirmités précoces obligèrent à la recevoir au rang des Sœurs associées, lorsqu'elle eut les voix du Chapitre pour la profession.  Année 1618 175 d'estre fait, comme on voit en Abraham *; et me semble *Gen.,xxir, 10-12. que je dis je ne sçay quoy de ceci au livre de VAmojir de Dieu, mais je ne me souviens pas ou *. * Liv. ix, ch. vi. Dilatés cependant vostre cœur, ma chère Fille, mon ame, parmi les tribulations; aggrandisses vostre courage, et voyes le grand Sauveur penché du haut du Ciel vers vous, qui regarde comme vous marches en ces tourmentes, et, par un filet de sa providence imperceptible, tient vostre cœur et le balance en sorte qu'a jamais il le veut retenir a soy. O ma très chère Fille, vous estes espouse non pas encor de Jésus Christ glorifié, mais de Jésus Christ crucifié : c'est pourquoy les bagues, les carquans et enseignes qu'il vous donne et dont il vous veut parer sont des croix, des clouz, des espines, et le festin de ses noces est de fiel, d'hyssope, de vinaigre *. La haut nous aurons les rubis, *Cf Matt., xxvn, les diamans, les esmeraudes *, le moust, la manne ** et le 29.' miel. Je ne dis pas ceci, non, ma chère grande Fille, vous 20. ^^'^ ' ^^'' ^*^' tenant pour descouragee, mais vous tenant pour adoloree, ** ^^- '^'*^' "' '7- et m'estant advis que je dois mesler mes souspirs avec les vostres, comme je sens mon ame meslee avec la vostre. Voyes vous, ne me dites point que vous abuses de ma bonté a m'escrire des grandes lettres ; car en vérité, je les ayme tous-jours suavement. Ce bon Père dit que je suis une fleur et un vase de fleurs, et un phœnix (0 ; mais en vérité, je ne suis qu'un puant homme, un corbeau, un fumier. Mais pourtant, aymés moy bien, ma très chère Fille, car Dieu ne laisse pas de m'aymer et de me donner des extraordinaires désirs de le servir et aymer purement et saintement. En somme, après tout, nous sommes trop heureux d'avoir prétention en l'éternité de la gloire, par le mérite de la Passion de Nostre Seigneur, qui fait trophée de nostre misère pour la convertir en sa miséricorde, a laquelle soit honneur et gloire es siècles des siècles. Amen. ( I ) Le i^"" février 1618, la Mère Favre écrit à son père : « Voyla un paquet pour Ms"" de Genesve, avec une anagramme qu'un bon Religieus a fayt sur son nom. » (Archives de la Visitation du Mans.) L'auteur de Tanagramnie est trèspro- bablement le « bon Père )> dont les comparaisons choquaient l'humilité du Saint.  176 Lettres de saint François de Sales Je suis vostre, ma très chère Fille, vous le sçaves bien, mais je dis vostre d'une façon incomparable. Francs E. de Genève. Le 19 febvrier 161 8.  MCDIV AU PÈRE JEAN-MATTHIEU ANCINA DE LA CONGRÉGATION DE l'oRATOIRE (O ( INEDITE ) Envoi d'un mémoire sur les vertus de Juvénal Ancina. Annecy, 23 février 1618. Molto Reverendo Padre osservandissimo, Mi dispiace sommamente che Vostra Paternità non habbia sin adesso ricevuto l'elogio fatto da me intorno al concetto nel quale ho sempre havuto la felicissima me- moria del nostro iMonsignore R"'° di Saluzzo ( = ). Et ecco che io ne mando un duplicato fatto et scritto in fretta, et dal rozzo mio ingegno, onde non sarà degno d'esser appresentato alli occhi del publico ; ma fatto perô da un cuore che stima sommamente [e] è amantissimo délia ri- cordatione di detto nostro Monsignore. Et ho poco detto, perché non ho havuto tempo da vedere in esso la prattica Très Révérend et très honoré Père, Je regrette infiniment que Votre Paternité n'ait pas encore reçu l'éloge que j'ai fait en témoignage de l'estime en laquelle j'ai tou- jours tenu notre Révérendissime Monseigneur de Saluces, de très heureuse mémoire (2). Voici donc que j'en envoie un double, sorti de mon lourd entendement, et écrit à la hâte ; aussi ne sera-t-il pas digne d'être mis sous les yeux du public. Il est cependant fait par un cœur qui honore grandement et chérit le souvenir de notre Monsei- gneur. J'ai dit peu de chose, parce que je n'ai pas eu le temps de voir { I ) Voir tome XIII, note ( i ), p. 234. (2) L'éloge du bienheureux Juvénal Ancina. frère du destinataire (voir tome XII, note (i), p, 7), sera donné parmi les Opuscules.  Année 1618 177 délie virtù alla distesa ; Vostra Paternità potrà allargar, corregere, abbreviare et mutar corne gli parera. Et me facia gratia di haver sempre una solida dilettione deiranima mia, massime nelli suoi Sacrificii, che cosî reste eternamente, Di Vostra Paternità molto Reverenda, Certissimo et affettionatissimo servitore, Franc", Vescovo di Geneva. Di 23 Febraio 1618, in Annessi. Revu sur une copie conservée à Milan, à la Bibliothèque Aiubrosienne. en lui la pratique des vertus en détail ; Votre Paternité pourra allon- ger, corriger, abréger et changer comme bon lui semblera. Faites-moi la grâce d'avoir toujours une constante dilection pour mon âme, surtout dans vos saints Sacrifices, puisque je demeure à jamais, de Votre très Révérende Paternité, Le très assuré et très affectionné serviteur, François, Evêque de Genève. 23 février 16 18, à Annecy.  MCDV A DONA GINEVRA SCaGLIA (0 Remerciements pour une lettre et un présent. — Sur la demande de la desti- nataire, l'Evêque de Genève lui offre une occasion d'aider les Sœurs de la Visitation. — Nouvelles de la Congrégation. Notre-Dame de Myans, 27 février 1618. Illustrissima Signora mia in Christo osservandissima, Non ero in Granoble quando TEccellentia del signore Très illustre Madame, très honorée dans le Christ, Je n'étais pas à Grenoble quand Son Excellence monsieur votre ( i) Le texte italien est inédit. — La comparaison de cette lettre avec celles que le Saint adresse à « Dona Genevra » suffit pour identifier la destinataire. Dame d'honneur des Infantes de Savoie, Ginevra était fille de Philibert- Lf.ttres VIII 12  178 Lettres de saint François de Sales suo padre vi capitô (0, ma egli tuttavia non lasciô di mandarmi la lettera di V. S. Iir^ in Annessi ; et pochi giorni passati ricevei da parte del buon Padre D. Giu- sto una corona con la croce del legno di San France- sco (2), che pur V. S. 111'"% per quanto mi scrisse detto  père y vint (i), mais il ne laissa pas de m'envoyer à Annecy la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime. Il y a peu de jours, je reçus de la part du bon Père D. Juste un chapelet avec la croix du bois de saint François (2), qui, à ce qu'il m'écrivit, m'est aussi offert par Gérard Scaglia, comte de Verrua, et de Blanche Ponte di Scarnafigi. Au mi- lieu des splendeurs de la cour, elle était Tâme d'un groupe de natures d'élite qui, se glorifiant d'être sous la direction du saint Evêque de Genève, atten- daient avec impatience, pour se donner à Dieu, l'établissement d'un monas- tère de la Visitation à Turin. Dona Ginevra attendit avec plus de persévé- rance que toutes; il fut même question pour elle de venir commencer son noviciat à Annecy ,cf. Lettres de Ste J.-F. de Chantai, vol. I, p. 505). Mais enfin, comme la fondation fut retardée beaucoup plus qu'on n'avait pu le prévoir au début, François de Sales conseilla lui-même à l'aspirante d'entrer au monastère de Sainte-Marguerite, de l'Ordre de Saint-Dominique, à Chieri, près de Turin. Elle y prit l'habit et le nom de Marie-Christine en 1621 ; les princes et princesses assistèrent à la cérémonie avec toute la haute noblesse. (Lettre du Saint à D. Juste Guérin, 12 octobre 1621.) En 1630, elle était déjà abbesse, et le fut plusieurs fois, faisant « des merveilles pour l'avancement spirituel et temporel de ce monastère, se conduisant toujours comme fille de nôtre saint Fondateur dont les ouvrages ont été sa continuelle direction, et dont elle a inspiré la dévotion à toutes les Religieuses de son couvent. » (Hist. de la Fondation de la Visitation de Turin.) Le Saint, lors de son dernier voyage en Piémont, visita sa fille spirituelle : « J'ay veu Seur Marie Chrestienne, » écrit-il à la Mère de Chantai (fin août 1622), « que j'ay treuvee au dessus de tout ce que j'en avois pensé, en pieté, « en générosité. » L'on garda longtemps à Sainte-Marguerite, comme une relique, une table sur laquelle il avait pris son repas. Après avoir subi bien des vicissitudes depuis la dispersion des Dominicaines à la Révolution française, ce monastère est aujourd'hui occupé par les religieux Salésiens. ( I ) Le comte de Verrua (voir tomes XII, note ( 2 ), p. 105, et XVII, note ( 2 ), p. 181) séjourna en Dauphiné dès les premiers jours de janvier 1618 jusqu'à la fin du mois. Il y était venu conférer avec Lesdiguières de l'exécution du traité de Pavie. (2) Ce chapelet, évalué quinze à vingt écus, fut donné plus tard comme souvenir par François de Sales à un jeune peintre nouvellement converti de l'hérésie. Les gens du saint Evêque n'approuvèrent pas cette libéralité, « d'au- tant que le peintre se fut bien contenté d'un chapelet de cinq sols ! — Hé ! qu'importe } respondit-il, laissez l'aller, il en fera son proffit. » (P. de la Ri- vière, La Vie de rillmc et Rme François de Sales, Lyon, 1625, liv. IV, chap. IX.)  Année 1618 179 Padre, mi donava, et laquale io conservarô caramente, ringratiando humilmente il cuore et la mano che la diede. Et se le mie orationi saranno essaudite dal Signor Iddio, a quel cuore sarà dato il cumulo perfetto del céleste amore, et a quella mano Tannello dello sponsalitio eterno col Redentore délie anime, acciô V. S. Iir% corne Ella desidera, viva tutta per Christo et in Christo et a Christo. Detto Padre poi mi scrisse che dove occoresse qualche occasione di agiutare il monasterio délie Sorelle délia Visitatione, io ne scrivessi a V. S. 111'"^ et che Ella poi farebbe l'officio con la Serenissima Infante (0. Et perché dette Sorelle hanno questi giorni passati comprato un certo molino dal Signor Duca di Nemours, et che mo- rendo detto Signor Duca senza figli sarebbe pericolo che la Caméra di Sua Altezza non solamente pigliasse detti molini, ma facesse ancora perdere a dette Sorelle il loro dinario(^5/VJ, per questo si domandaa Sua Altezza (2) che come ha usato con parecchi altri in simili occasioni, cosî si compiaccia di fare in questa opéra pia, rattificando il  vous. Je le garderai précieusement, et en remercie humblement le cœur et la main qui me l'ont donné. Si mes prières sont exaucées par le Seigneur notre Dieu, ce cœur recevra le comble de la per- fection de l'amour céleste, et cette main l'anneau des éternelles épousailles avec le Rédempteur de nos âmes, afin que, suivant les désirs de Votre Seigneurie Illustrissime, elle vive toute pour le Christ, dans le Christ et au Christ. Le Père m'écrivit aussi que si quelque occasion d'aider le monastère des Sœurs de la Visitation se présentait, je le fisse savoir à Votre Seigneurie qui servirait d'intermédiaire auprès de la Sérénissime Infante (0. Et voilà que ces Sœurs ont justement, ces jours passés, acheté un certain moulin de Monsieur le Duc de Nemours ; or, si le prince venait à mourir sans enfants, il serait à craindre que la Cham- bre de Son Altesse, non seulement s'emparât de ces moulins, mais qu'elle fît encore perdre aux Sœurs leur argent. C'est pourquoi on demande à Son Altesse (2) de daigner faire en faveur de cette œuvre de piété ce qu'elle a fait en de semblables occurrences, ratifiant le ( r) Marguerite de Savoie, duchesse de Mantoue, protectrice de l'Ordre de la Visitation. (Voir tome XVI, note ( i ), p. 104.) (2) Le duc de Savoie.  i8o Lettres de saint François de Sales contratto fatto con esso Duca di Nemours o vero con quelli che in vece sua contrattano (0 ; et cosî dette Sorelle supplicano la Serenissima Infante che si degni raccom- mandar il negotio, et V. S. lU""^ che per carità sia l'in- tercessora loro. Et per dargliene animo Tassicuro che quella Congre- gatione va tuttavia crescendo nella perfettione religiosa et dà tanto odore, che da moite bande si domandano So- relle che vadano fondare Monasterii in diversi luoghi (2). Ma si aspettano i dispacci di Roma, per i quali havendo adesso un tanto buon soUecitatore corne è il P. D. Giusto, et tante intercessioni, si è da sperare che presto le have- remo, mediante la gratia del Signore, et massime poichè  contrat passé avec le Duc de Nemours ou avec ceux qui contractent en son nom (0 ; et les Sœurs supplient la Sérénissime Infante de vouloir bien recommander cette affaire, et Votre Seigneurie Illustris- sime, d'intercéder pour elles, par charité. Pour vous y encourager, je vous assure que cette Congrégation croît toujours plus dans la perfection religieuse et répand une telle odeur [de vertu], que de plusieurs côtés on demande des Sœurs pour fonder des Monastères (2). Mais on attend les dépêches de Rome; ayant maintenant pour les obtenir un solliciteur aussi habile que l'est le P. D. Juste, et de si nombreuses recommandations, il faut espérer qu'avec la grâce de Dieu nous les recevrons bientôt, d'autant plus (i) Situés sur la rivière du Thiouz, derrière le monastère de Sainte-Claire, ces moulins avaient été vendus, le i8 janvier 1596, pour deux mille écus d'or et sous droit perpétuel de rachat, à Antoine de Conflens, par le duc de Gene- vois et de Nemours, du consentement d'Anne d'Est, sa mère et curatrice. Les Religieuses de la Visitation, autorisées par lettres patentes du prince, datées de Paris le 28 octobre 1617 (voir à l'Appendice II), et vérifiées par la Chambre des Comptes de Genevois le 14 février t6i8, traitèrent avec le neveu et héri- tier de l'acheteur, Antoine de Boëge, seigneur de Conflens. Le 6 mars, l'acte fut signé ; les Religieuses entraient en jouissance des moulins et de leurs dépendances, mais demeuraient tenues, à peine de nullité du contrat, d'obtenir de Son Altesse Sérénissime des lettres patentes de ratification et approbation de la première et de la seconde vente. (Voir à l'Appendice II leur requête au duc de Savoie.) Le 16 octobre, malgré l'intervention de dona Ginevra, on attendait encore l'expédition de ces patentes. (Turin, Archives de l'Opcra pia Barolo, Paquet 221, n° ir, et Archives de la Visitation d'Annecy, Livre des contrats permanents.) (2) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 137.  13-  a\nnée 1618 181 è servitio et gloria di Sua Divina Maestà et salute délie anime comperate col sang'ue del Redentore, a cui sia dato honore et gloria et henedittione eterna *, et a •Apoc.,iv,9 V. S. lU'"" quelle gralie che da me glie son no desiderate. Di V. S. 111""% Humilissimo et certissimo servitore in Christo, Franc", Vescovo di Geneva. Nel monasterio di Nostra Signora di Mians (0, alli 27 di Febraio 1618. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation d'Annecy. qu'il s'agit du service et de la gloire de sa divine Majesté, et du salut des âmes rachetées par le sang du Rédempteur. A lui soit honneur, gloire et bénédiction éternelle, et à vous, Madame, toutes les grâces que vous souhaite. De Votre Seigneurie Illustrissime, Le très humble et très assuré serviteur dans le Christ, François, Evêque de Genève. Au monastère de Notre-Dame de Myans (0, le 27 février 1618. ( I ) Le très antique sanctuaire de Notre-Dame de Myans est peut-être anté- rieur au xi*^ siècle, et devint célèbre surtout à partir de 1248, date de sa mira- culeuse préservation lors de réboulement du Mont-Granier. Deux siècles plus tard, grâce à la piété de Jacques de Montraayeur, il fut confié aux Religieux de Saint-François qui y demeurèrent jusqu'à la Révolution. C'est de leur couvent qu'est datée la présente lettre. — A la suite du Concordat, Myans fut érigé en paroisse, et le presbytère établi dans une partie de l'ancien mo- nastère. De 1803 à 1860, des curés et des missionnaires desservirent alterna- tivement paroisse et pèlerinage. Les Jésuites leur succédèrent jusqu'en 1877, époque à laquelle de nouveaux missionnaires diocésains ont repris la garde du sanctuaire vénéré. Une des plus belles manifestations catholiques du xix^ siècle à Myans eut lieu le 17 octobre 1855. La statue monumentale de Notre- Dame de Savoie, placée au sommet du clocher de la chapelle, fut bénite solennellement ce jour-là, au milieu d'un concours de quarante mille fidèles et en présence de huit Evêques. (Cf. Maillet, Le pèlerinage de Notre-Dame de Myans, Chambéry, 1900.)  i82 Lettres de saint François de Sales MCDVI AU PRINCE DE PIÉMONT, VICTOR-AMÉDÉE (0 Les nécessités de la Sainte-Maison de Thonon. — Appel à la bonté du prince. Notre-Dame de Myans, 28 février 1618. Monseigneur, La Sainte Mayson de Thonon ne peut subsister che (sic) par la bonté et libéralité de Son Altesse, qui en est la fondatrice, et laquelle partant est suppliée maintenant sur divers articles desquelz la resolution et exécution est nécessaire pour maintenir laditte Mayson, ainsy que le sieur Gilette (2), présent porteur, représentera (?). Playse a Vostre Altesse Serenissime d'estre favorable a ce bon œuvre, comme elle l'est ordinairement a toutes ; c'est la supplication seule que pour le présent je luy fay, et qu'elle me face la grâce de m'advouer tous-jours, Monseigneur, Son très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. A Nostre Dame de Myans, le 28 febvrier 161 8. Revu sur TAutographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) Le Saint mentionnant dans ces lignes '< Son Altesse », il est évident qu'il s'adresse, non au duc de Savoie, mais à Victor-Amédée dont il désirait la recommandation auprès de son père Charles-Emmanuel. ( 2 ) Pierre Gillette (voir tome XIV, note ( i ), p. 37). (5) Les affaires restaient bien compliquées à la Sainte-Maison de Thonon (voir ci-dessus, note (i), p. 6r); il fallait nécessairement aboutir à un accord au sujet du prieuré de Contamine (cf. ibid., note (4), p. 22, et pp. 117, 118) et de l'abbaye de Filly (voir tome XI, note ( i ), p. 252). Ce dernier bénéfice avait été acquis des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare, le 4 octobre 1617, par la Sainte-Maison et le Chapitre de Saint-Jean-de-Maurienne ; mais en vertu d'un échange fait le même jour, la première restait seule propriétaire des revenus de Filly, tandis que le prieuré de Saint-Julien en Maurienne était attribué au second. (Cf. Lavanchy, Mém. de l'Acad. Sales., tome XXXIII, chap. II, m.) En cette année 1618, et sans doute après le retour de Piémont de Pierre Gillette, eut lieu un arbitrage réglant les droits respectifs du Presbytère et des Barnabites sur Contamine et Filly. (Turin, Archives àeVOpera pia Barolo, Paquet 221, n° 10.)  Année 1618 183  MCDVII A MADAME DE VIGNOD RELIGIEUSE DE l'aBBAYE DE SAINTE-CATHERINE Un bouquet mystique à offrir aux Saints ; de quelles fleurs il faut le composer. — Saint Thomas d'Aquin, — Quel est Tennui le plus importun. — Les menues tracasseries exercent l'amour de la propre abjection. — Avis pour supporter et corriger une petite fille d'humeur difficile. Annecy, [février 1606-16 18 (i)-] Vous me demandes, ma très chère Fille, quel bouquet vous pourres donner a vostre Valentin (2)? Il doit estre fait de quelques petites actions de vertu, que vous prat- tiqueres exprès en faveur de ce Valentin céleste, et au bout de la méditation du matin, vous le luy presenteres, affin qu'il le consacre a vostre cher Espoux. Vous pouves aussi en cueillir quelquefois au jardin des Olives, sur le mont de Calvaire (je veux dire ces bouquetz de myrrhe de vostre saint Bernard), et supplier le céleste Valentin de les recevoir de vostre cœur et d'en loiier Dieu, qui est comme s'il en respandoit l'odeur, puisque vous ne pouves ni asses dignement flairer ces divines fleurs, ni asses hautement en loiier la suavité. Vous le pourres encor prier, ce brave Valentin, qu'il prenne aussi ce bouquet, et que de sa main il le vous face odorer, et mesme qu'il vous en rende quelqu'autre en eschange ; qu'il vous donne des gans parfumés, couvrant vos mains d'œuvres de charité et d'humilité, et vous donne des brasseletz de corail, des chaisnes de perles; et ainsy faut (1) L'allusion si caractéristique à saint Bernard désigne comme destinataire une Religieuse de Fabbaye de Sainte-Catherine, et probablement la Sœur Bernarde de Vignod. (Voir tome XIII, note (1), p. 105.) Quant à la date, elle reste obscure, car les avis de cette lettre ont pu être écrits depuis février 1606; à cette époque, Bernarde était déjà sous la direction du Saint. Le texte lui-même ne paraît pas d'une intégrité incontestable ; il pourrait y avoir une interpolation à partir du troisième alinéa, (Cf. tome XIV, note (1), p. 14.) (2) C'est-à-dire au saint Protecteur que la Religieuse avait tiré au sort le 14 février. (Cf. le tome précédent, note ( i ), p. 423.)  184 Lettres de saint François de Sales il exercer des tendresses d'amour avec ces heureux gen- tilzhommes de ce Roy de gloire. Il me semble que ce fut saint Thomas d'Aquin que vous tirastes pour le mois : le plus grand Docteur qui aye jamais esté. Il estoit vierge, et la plus douce et humble ame qu'on sçauroit dire. Or, parlons un peu de ce cœur de ma très chère Fille : s'il estoit a la veuë d'une armée d'ennemis, ne feroit-il pas des merveilles, puisque la veuë et le rencontre d'une petite fille maussade et escervelee le trouble si fort ? Mais ne vous troubles pas, ma très chère Fille, il n'est point d'ennuy si importun que Tennuy qui est composé de plusieurs petites, mais pressantes et continuelles impor- tunités. Nostre Seigneur permet qu'en ces petites rencon- tres nous demeurions courtz, affin que nous nous humi- liions, et que nous sçachions que si nous avons surmonté certaines grandes tentations, ce n'a pas esté par nos forces, mais par l'assistance de sa divine Bonté Je le voy bien, que par ces menues tracasseries il y a force sujetz d'exercer Tamour ou l'acceptation de nostre propre abjection : car, que dira-on d'une telle fille qui n'a point fait profiter et n'a point bien dressé ni donné bonne action a cette petite fille ? Et puis, qu'est ce que nos Seurs diront de voir que pour la moindre importunité qu'une créature nous fait, nous nous desbattons, nous nous plaignons, nous grondons ? Il n'y a remède, ma très chère Fille. La fille de saint Athanase eust acheté cette * Vide Collât. Pa- Condition au prix de l'or *, mais ma fille n'est pas si xiv^èt cf. Inirod^a ambiticusc : elle aymeroit mieux que l'occasion luy fust la Vie dev Part. Qstcc Que d'entreprendre de la faire valoir. Recoures bien III, ch. I (tom. III, ^ ^ p. 127). a l'humilité, et pour ce peu de tems que cet exercice durera, essayés-vous de la supporter en la présence de Dieu, et d'aymer cette pauvre chetif ve pour l'amour de Celuy qui l'a tant aymee qu'il est mort pour elle. Ne la corriges pas, si vous pouves, en cholere ; prenes la peine qu'elle vous donne a gré, et me cro3^es tout vostre. Franç% E. de Genève.  Année 1618 183 MCDVIII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l" Témoignage et intercession en faveur du P. Ange Calcagni. Grenoble, 8 mars 1618. Monseigneur, Le Père Frère Angelo Calcagnio, Gardien des Obser- vantins de Playsance (0, est prisonnier des il y a trois moys a Chamberi ; et par ce que je l'ay souvent veu a Annessi, ou il a quelquefois demeuré les moys entiers avec son frère (2), et n'ay jamais rien reconneu en luy contraire a la pieté et religion, je Tay visité en sa prison, ou je l'ay treuvé comme un homme que le tesmoignage de sa conscience tient asseuré. Et par ce qu'il m'a de- mandé pour l'amour de Dieu mon intercession auprès de Vostre Altesse, je ne la luy ay peu refuser; c'est pour- quoy, croyant fermement que rien ne se treuvera en cette occasion contre son innocence, je fay très humble suppli- cation a Vostre Altesse de luy vouloir départir sa faveur pour sa briefve sortie et son renvoyé en son cloistre (3). Dieu face de plus en plus abonder ses grâces sur la personne de Vostre Altesse, a laque (sic) je suis, Monseigneur, Très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. (4) A Grenoble, le 8 mars 161 8. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de TEtat. (i) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 16^. (2) Roch Calcagni, écuyer du duc de Nemours. (Voir tome XIV. note ( i ), p. 302.) (5) Il y retourna au plus tard en juin, puisque le 23 de ce mois il signe des actes à Sainte-Marie de la Campagne. (4) La date est de la main de Georges Rolland.  i86 Lettres de saint François de Sales  MCDIX A DON JUSTE GUÉRIN, BARNABITE (inédite) Louange à Dieu pour le bon et le mauvais succès de divers événements, — Confiance en la Providence et courage pour agir. — Pourquoi il faut tout tenter et tout sacrifier afin d'obtenir aux Soeurs de la Visitation le privilège du petit Office. Grenoble, [vers 5-10] mars 1618 ( i ). Mon Révérend Père, que je chéris comme mon ame propre, J'ay receu il y a 4 jours vostre lettre du 14 febvrier. Or, Dieu soit loué de vostre arrivée en bonne santé et des peines que vous aves souffertes en chemin, comme encor du mauvais estât auquel vous aves treuvé l'affaire de la Visitation (2), contre Tesperance en laquelle on nous avoit nourri. (*) Si bona suscepimus de manu Domini, Job, II, 10. mala etiam cur non sustinemus * ? Mays je sçai si asseu- rement que nos prétentions tendent a la plus grande gloire de Dieu, que je ne puis perdre Tesperance de les voir reuscir, après que sa divine Majesté aura un peu espreuvé nostre courage. Mays pourtant, affin que de nostre costé nous attirions le bon succès par toute la sousmission quil nous sera possible, je vous diray, mon très cher Père : première- ment, que si vous voyes du jour qu'avec un peu d'impor- tunité nous puissions obtenir les trois articles que nous  (*). Si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, pourquoi ne sM^^oxions-nous pas aussi les maux ? (i) C'est en 1618 que D. Juste se trouvait à Rome pour les affaires de la Visitation, Quant au mois et au quantième, la première ligne du texte les indique approximativement, le voyage des lettres, de Rome à Grenoble, durant près de trois semaines. (2) L'approbation des Constitutions, avec divers privilèges. (Cf. ci-dessus, Lettre mccclxxxvi, p. 140.)  Année 1618 187 demandons (0, je vous supplie de faire tout effort (**) opportune^ importune *. MiTim., uit. 2. 2. Mais toutefois, si vous voyes qu'on ne les puisse pas obtenir tous trois, qu'au moins on tienne bon en la pour- suite de celuy du petit Office ; car le grand Office dissi- peroit et le lustre et la fin de cette Congrégation, puisqu'on ne pourroit pas le dire avec la gravité requise, ni avec la bonne prononciation, et que plusieurs femmes et filles foibles de veùe ou d'estomac, quoy que grandement de- votes d'ailleurs, ne pourroyent estre receiies. Et je sçai en vérité que cet article fait une notable attraction des âmes. Ainsy, pourveu qu'on obtienne cet article, nous serons asses contens, encor qu'on refusera les autres, quoy que grandement désirables. 3. Et plus tost que de mettre le grand Office en cette Congrégation, j'aymerois mieux accepter le parti que Monseigneur de Lyon propose, pourveu qu'on le puisse impetrer du Saint Siège (2) : a sçavoir, que cette Congré- gation demeurast en tiltre de simple Congrégation, avec les vœux simples, et qu'il pleut néanmoins a Sa Sainteté d'annuUer et casser, ou déclarer nulz et de nulz efifectz, tous les mariages que les Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais permettre) voudroyent contracter après avoir faitz lesditz vœux simples, tout ainsy que Grégoire 13 a fait en faveur des Jésuites estudians (5). Ains, si cela se pouvoit obtenir, je l'aymerois mieux que toute autre  [**) à temps et à contretemps. (i) Voir le tome précédent, Lettre mccxix, p. 238. (2) Dans son Mémoire sur la Visitation fait en 1616 (cf. ibid,, pp. 138 et 405), Mer de Marquemont témoignait surtout la crainte que les Sœurs, n'ayant que des vœux simples, pussent rentrer dans le monde, y contracter des alliances valides, et causer ainsi dans leurs familles du trouble, du scandale et des procès. Peut-être avait-il écrit encore récemment à l'Evêque de Genève pour lui proposer ce moyen terme : laisser les vœux simples, mais faire attacher la solennité à celui de chasteté. (Cf. ci-dessus. Lettre mccclxxxi, p. 132.) ( 3 ) Le document en faveur des «Jésuites estudians» auquel le Saint fait allusion, est la Constitution Ascendente Domino, de Grégoire XIII, donnée le vin des calendes de juin 1584. iCf. Instit. Soc. Jesu, Florentias, 1886-1891, p. 94.)  i88 Lettres de safnt François de Sales chose, car toutes les difficultés cesseroyent ; mays j'ay grand peur que cela ne fut encor plus difficile a impetrer du Saint Siège, quoy que l'exemple des Pères Jésuites serviroit de beaucoup pour faciliter Taffaire. 4. Que si en fin on ne peut mieux faire, il faudra au moins tascher d'obtenir que cette Congrégation soit mise en tiltre de Religion, mais avec remission de l'obligation de dire le grand Office, tant en particulier qu'en gênerai, pour le plus long tems que se pourra, comme pour cin- quante ans ou soixante ; car au bout dudit tems on obtien- droit peut estre bien une prolongation, quand le Saint Siège auroit veu par expérience que cette dispense reus- ciroit a plus grand bien. Enfin, cet article du petit Office est si important, que pour l'obtenir il faut se sousmettre a toute sorte d'autres rigueurs (0. Je sçai que si Monseigneur de Lyon affectionne le bon événement de cette négociation, il le fera reuscir heureu- sement ; et bien que je ne luy escrive pas, respectant ses occupations, si ne laisse je pas de luy faire la révérence et vous supplier de l'asseurer de ma fidélité très humble a son service. Et quant a vous, mon Révérend Père, vous sçaves ce que je vous suis, c'est a dire que je suis vostre, sans reserve ni condition, et Vostre serviteur et frère très humble, FRANÇ^ E. de Genève. (*) Al molto R**"' Padre osservandissimo, II P. D. Giusto Guerini, délia Cong^ de Chierici regolari di S. Paolo. Roma. Revu sur l'Autographe conservé à l'évêché d'Asti (Piémont). {*) Au très Révérend et très honoré Père, Le P. D. juste Guérin, de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul. Rome. ( I ) Ce privilège du petit Office auquel tenait si fort le Fondateur fut accordé pour sept ans par Paul V, dans son Bref du 23 avril i6r8. (Voir à l'Appendice I.) Urbain VIII, par Bref du 9 juillet i6î6, le confirma à perpétuité.  Année i6i8 189 MCDX A M. CLAUDE DE QUOEX (0 Dévouement aux Religieux de Talloires en mémoire d'un ami défunt. « Multitude de bonnes occupations. » Grenoble, lo mars 1618. Monsieur, Voyla les deux lettres pour l'affaire des Religieux de Talloire ( = ), que je veux servir, chérir et honnorer com- me leur pieté et les désirs de mon pauvre aysné (3) requièrent ; car les désirs de ce defunct et sa fidèle amitié vivront a jamais en ma mémoire et en mes affections. Que si je n'ay pas escrit plus tost, ça esté sans ma coulpe, a cause de la multitude des bonnes occupations qui m'en- vironnent, outre la principale des sermons (4). Faites moy cependant Ihonneur, je vous supplie, de persévérer a m'aymer, puisque je seray toute ma vie, et ( I ) Voir tome XII, note ( i ), p. 84. (2) Voir ibid., note ( i ), p. 241, et tome XIV, note ( i ), p, 173. L'affaire en question concernait-elle le spirituel ou le temporel du Monastère ? Le saint Evéque s'occupait paternellement de l'un et de l'autre. (Cf. le tome précédent, Lettre mccxlviii, p. 296.) (3) Philippe de Quoex, décédé le 24 janvier précédent (voir ci-dessus, note (2), p, 156). Il s'était beaucoup employé pour faire réussir la réforme du prieuré dont son frère, Claude-Louis-Nicolas, était prieur claustral. (Cf. tome XVI, p. 113, et Appendice II, p. 403.) (4) Voir au tome VIII, pp. 343-369, les cinq sermons attribués avec beaucoup de probabilité à cette station de Carême. Dans une lettre du i^*" février 1620 (voir à l'Appendice I), Artus de Lionne, seigneur d'Aoste, parle des fruits merveilleux des prédications de François de Sales dans la capitale du Dauphiné. Messieurs du Parlement témoignèrent du souvenir plein de reconnaissance qu'ils en gardaient, lorsque, plusieurs années après la mort du Bienheureux, ils offrirent, pour contribuer aux frais de sa canoni- sation, 1000 livres au i" Monastère de la Visitation d'Annecy; ils rappelaient en même temps « que le saint Prélat avait prêché deux années de suite à Grenoble, sans vouloir recevoir d'honoraires, sauf ses déboursés. » (Extrait de VInventaire sommaire des Archives de l'Isère^ par Prudhomme, tome II, B. 2316.)  190 Lettres de saint François de Sales de vous et de celle qui est toute vous mesme ( 0, Monsieur, Plus humble, très affectionné frère et serviteur, Franç% E. de Genève. X mars 1618, a Grenoble. (2) A Monsieur [Monsieur] de Quoex, Conseiller [de S. G.] et Collatéral premier au Conseil de Genevois. Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie. ( I ) Le 3 juillet 1617, Philippe de Quoex écrivait de Thonon, où il avait suivi le Saint, à son frère le collatéral: « Je vous ay promis de vous donner ample information du faict duquel j'ay prins la commission a mon despart. Voicy donc la responce : La dame est de retour en cette ville... Pour sa personne, il n'y a rien a dire ; car elle est d'une très belle taille, vertueuse, dévote, mesnagere, et tellement accompagnée de bonnes qualités, quil n'est pas possible, a l'advis de Monseigneur et mien, d'en rencontrer une plus accomplie et de laquelle vous puissies avoir plus de contentement... Le mariage est petit; en un mot, il n'y a que la qualité de la dame fort considérable, car vous n'en trouveries jamais une mieux a vostre gré ny au mien... Monsei- gneur dict que vous ne feries pas mal de vous venir promener jusques icy, et verries le tout, car il y a de différence beaucoup a voir et ouïr dire ! »> (D'après l'autographe communiqué en 1901 par M. Mugnier.) Claude suivit le conseil, alla en Chablais (cf. ci-dessus, note (2), p. 32), et peu après épousait Rose Forestier d'Yvoire, fille de Claude Forestier (voir tome XIII, note ( I ), p. 195) et de Françoise de Saint-Jeoire. Convertie à la foi catho- lique, sans doute en même temps que son père (1606), elle s'était mariée en 1610 à Claude de Prez qui la laissa veuve en 1614. De son mariage avec M. de Quoex, elle eut une fille, Louise-Françoise, filleule du Saint et de M"'^ de Charmoisy, qui perdit sa mère avant septembre 1624, et devint plus tard Religieuse de la Visitation au 2'' Monastère d'Annecy. ( 2 ) C'est Georges Rolland qui a mis l'adresse.  MCDXI A MADAME DE LESGHERAINE (O Une visite manquée. Grenoble, 10 mars 161 8. Madame, Je n'ay point servi monsieur de Lescheraine vostre ( I ) La seule dame de Lescheraine qui eût, en 1618, un fils adulte, est Catherine de Monthouz (cf. tome XV, note ( i ), p. 88), fille de Claude-Amé de Monthouz en Duyn et de Françoise Grimaldi. Elle avait épousé, en 1394, Antoine de Lescheraine (voir tome XI, note ( i ), p. 283),  Année 1618 191 filz (0, ains je ne Tay mesme pas veu, ni hier quil prit la peine de venir céans tandis que je me praeparois au ser- mon, ni aujourd'huy qu'il m'a apporté vostre lettre, par ce qu'il n'a pas fait sçavoir son nom a celuy a qui il a parlé et que sa discrétion a esté trop grande a s'en retour- ner, me sachant en occupation. Mays, Madame, ne laisses pas, je vous supplie, pour cela de croire qu'en toutes occurrences je ne le serve de tout mon pouvoir avec parti- culière affection, comme estant de tout mon cœur, Madame, Vostre plus humble, très affectionné serviteur. Francs E. de Genève. X mars 16 18, a Grenoble. A Madame Madame de Lescherayne. Revu sur l'Autographe appartenant à M"™* Denarié, à Chambéry. ( I ) Pierre-Louis, unique fils de la destinataire, fut seigneur de la Compote, Montagny, etc. Il teste le 14 février 1640, laissant l'usufruit de ces seigneuries et des biens qu'il possédait à Saint-Jean de la Porte et aux Bauges, à Aurélie Becche, sa femme, dont il n'avait pas eu d'enfant.  MCDXII A LA MÈRE DE CHANTAL (fragment) A quelle condition Dieu bénit les entreprises. — Sortie d'« avettes ». Grenoble, 11 mars 1618. En fin, ma chère Fille, nous venons de conclure avec nos bonnes dames l'establissement de nostre Monas- tère (0. Tout le monde applaudit a ce dessein ; nostre bonne dame la Présidente Le Blanc ( 2 ) a une sainte ardeur pour cela, et moy j'ay une espérance très douce que Dieu (i) L'établissement d'une Maison de la Visitation à Grenoble, qui se pré- parait depuis 1616 (voir le tome précédent, note (2), p. 343, et ci-dessus, note (2), p. 152). (2) Voir le tome précédent, notes (3), p. 22, et ( i ), p. 366.  192 Lettres de saint François de Sales bénira ses intentions, si nous sommes si heureux que de nous humilier comme il faut devant luy, qui veut bien se glorifier en nostre petitesse. Je vous prie, ma très chère Mère, de préparer douce- ment nos petites avettes pour faire une sortie au premier beau tems, et venir travailler dans la nouvelle ruche pour laquelle le ciel prépare bien de la rosée (0.  { I ) La Mère de Chantai, emmenant avec elle les Sœurs Péronne-Marie de Chastel, Claude-Agnès Joly de la Roche, Marie-Marguerite Milletot, Marie- Antoine ThioUier, et les quatre Novices grenobloises, partit d'Annecy vers le 4 avril. La petite troupe demeura deux jours à Chambéry, chez le prési- dent Favre, et arriva le 7, veille du dimanche des Rameaux, dans la capitale du Dauphiné.  MCDXIII A LA MEME (fragment inédit) Pronostic sur une Novice. Grenoble, 15-fin mars 1618 (i).  Il faut que la Seur Anne Françoise face abnégation du désir qu'elle a de demeurer a Annessi (2), parce qu'elle (i) Il est difficile de préciser exactement la date de ce fragment; tout ce qu'on peut assurer, c'est qu'il est postérieur à celui du ii mars, et a précédé les premiers jours d'avril, (2) Ame pleine de courage et d'énergie, M"° de Glézat avait triomphé d'abord de l'amour du monde pour se ranger à la vie dévote sous la direction de l'Evêque de Genève. Victorieuse ensuite de l'amour de sa mère qui, veuve depuis peu et passionnée pour sa fille, cherchait à la retenir auprès d'elle, la prétendante était venue se consacrer à Dieu à Annecy (voir ci-dessus, note ( i ), p. 148), où elle prit le voile de la Visitation et le nom d'Anne-Françoise le 22 février 1618. Lorsqu'il s'agit de retourner à Grenoble, sa ville natale, elle appréhenda de se retrouver près de sa famille et de ses anciennes connais- sances, et fit part à la Mère de Chantai, et par elle au saint Evêque, de ses craintes et de son désir de rester en Savoie. Les lignes du texte sont une partie de la réponse du Fondateur; Sœur Anne-Françoise réalisa pleinement les prévisions qu'il y exprime. Intelligente, fort bien douée pour tous les emplois, elle rendit de très grands services au Monastère de Grenoble, qu'elle  Année 1618 193 sera un bon pilier d'observance et mesme, un jour, une bonne Supérieure de la Mayson de Grenoble.  Revu sur le texte inséré dans Y Histoire de la Fondation de la Visitation de Grenoble. gouverna comme supérieure de 1635 à 1641. Sa vertu fut à la hauteur de ses talents, et peut se résumer dans ces mots d'une ancienne annaliste : « Ses paroles aussi bien que ses actions ne respiraient que sainteté. » (Hist. de la Fondation de la Visitation de Grenoble.) Sœur Anne-Françoise mourut le II avril 1649, à Tàge de soixante-trois ans.  MCDXIV A LA MÈRE DE BRÉCHARD SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE MOULINS Espérance dun prochain revoir. — Projets de fondations à Bourges et à Paris ; celle de Grenoble va se faire. — Un bienfaiteur de la Maison de Moulins. — Œuvres dont Dieu « tiendra bon comte ». Grenoble, 29 mars 1618. Ma très chère Fille, Accablé des sermons et de mllFautres surcharges, je VOUS diray que vous pouves, a mon advis, recevoir ces filles pour soulager vostre MaA^son et gratifier ceste da- moyselle d'honneur qui le désire (^^ puisqu'il ny a nul inconvénient, les personnes estant si discrettes que la discipline n'en sera point incommodée. Encor me confirme-on que cett'esté se fera le voyage de Monseigneur le Cardinal ( = ) ; qui me donne espérance de vous voir. Monseigneur de Bourges, a la vérité, veut faire une Mayson a Bourges, mais ce ne sera pas si tost (3); cependant on en fait une en cette ville, ou nostre (i) Il est fort difficile de dire quelles sont « ces filles » et la c< damoyselle d'honneur » qui les recommandait; YHistoire de la Fondation de Moulins ne fournit aucun renseignement positif à ce sujet. On peut cependant sui4 i -Jt -ï, -SI <  J*-?  Année 1618 199 insolente que de vouloir, par des voyes extraordinaires, empescher aux sujets de la coronne la liberté de servir Dieu selon la religion du Roy et du royaume, en laquelle TEstat a esté et laquelle a tous-jours esté en TEstat, il y a, grâces a Dieu, environ douze cens ans. Monsieur, c'est pour cela que je vous ay supplié de nous faire avoir des magistratz catholiques en ceballiage de Gex(0, qui, par Tauthorité qu'ilz posséderont, pour- ront donner le contrepoids a la multitude et malice des ennemis de la religion du Roy et du royaume, qui sont si hardis au mal et si pleins d'artifices pour l'exécuter que, s'ilz ne sont retenus de main forte, ilz ne cesseront d'empescher par toutes sortes de moyens violens le progrès de la conversion des âmes. Cependant, le favo- rable accueil et les grâces qu'il plaira a Vostre Grandeur de faire a ce jeun'homme qui recourt a vostre bonté, Monsieur, comme a son asyle, serviront de promesse a ceux qui sont si heureux d'estre appelles a la conversion, d'estre protégés envers ceux qui les voudroyent travailler et vexer pour ce sujet. Au reste. Monsieur, c'est meshuy chose superflue de repeter les vœux de mon service, que j'ay fait a Vostre Grandeur, puisque Ihonneur que j'ay de vous oser regar- der et considérer comm'un père très affectionné fait son très aymable filz, met hors de doute le parfait respect et infini amour que mon ame a pour la vostre, que je supplie incessamment Nostre Seigneur de vouloir combler de sa grâce, et demeure invariablement, Monsieur, Vostre très humble et très obéissant serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. 25 avril 1618, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Tours, chez les Religieuses du Saint-Esprit. ( I ) Cette lettre à Bellegarde ne nous est pas parvenue : elle devait être de même date à peu près que celle à Louis XIII qui traite aussi de ce grave sujet. (Voir ci-dessus, Lettre mcccxcii, p. 155.)  200 Lettres de saint François de Sales  MCDXVIII AU PRINCE DE PIEMONT, VICTOR-AMÉDÉE (0 Reconnaissance pour ia protection accordée à de pauvres curés; prière de la continuer. Annecy,. 26 avril 1618. Monseigneur, Je fay en toute humilité action de grâces a Vostre Altesse de la lettre qu'ell'a escritte a monsieur le Marquis de Lans (-) affin qu'il mit ordre a faire payer les curés d'Armoy (3), de Draillens (4), qui de si long tems estoyent en extrême disette et prestz a quiter leurs charges si je ne les eusse soulagés (5). J'espère, Monseigneur, que ledit seigneur Marquis ef- fectuera l'intention de Vostre Altesse, ainsy qu'il m'a asseuré a mon retour de Grenoble ; et ne me reste qu'a la supplier très humblement de vouloir tous-jours ainsy protéger les affaires du service de Dieu, qui en suite mul- tipliera ses grâces sur la vie et la personne de Vostre (i) Un passage de la lettre du 25 août 1618 (voir plus loin) nous apprend que c'est le prince de Piémont qui écrivit, « environ les festes de Pasques, » au marquis de Lans. C'est donc à lui, et non au duc son père, que s'adressent ces lignes. Voir le fac-similé placé en tête de ce volume. (2) Sigismond d'Est, gouverneur de la Savoie. (Voir tome XV, note (i), p. 49-) (3) Né à Samoëns. Jean Musy y fut tonsuré le ti juin 1565, par M»"" Jean Péron, délégué de Ms"" de Bachod. Le 20 mai 1575, il obtient une dimissoire pour se faire ordonner prêtre, et devient sacristain de la Collégiale de Sa- moëns, le 12 mars 1588. Après le retour des paroisses d'Armoy. Reyvroz et du Lyaud à la foi catholique (1589 et 1591), Jean Musy fut le premier à les des- servir. Il mourut en octobre 1621. (R. E.) {4) Saint François de Sales veut probablement parler du curé d'Orcier, Etienne Ollivier, qui avait la charge de secourir la paroisse de Draillant, en attendant qu'on pût pourvoir à un autre ordre de choses. (Voir ci-dessus» Lettre mcd, p. 168.) {■-,) Cf. tome XIII. p. 4?.  Année 1618 201 Altesse Serenissime, a laquelle je fay très humblement la révérence, et delaquelle, Monseigneur, je suis Très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Francs, E. de Genève. XXVI avril 1618, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.  MCDXIX A LA MÈRE DE CHANTAL, A GRENOBLE Charmantes nouvelles de la Communauté d'Aunecy. — Comment employer le nous et nostre. — Avis sur une dispense. — « Un peu de considération humaine » dans des désirs paternels. — Difficultés du mariage de Celse- Bénigne. — La pensée du Saint sur la Communion dans son Institut. — Craintes pour le voyage de la Mère de Chantai à Lyon. — Lettres aux dames de Grenoble; recommandations à ce sujet. Annecy, 30 avril (1) 1618. Il me tardoit bien fort, ma très chère et plus que très chère Mère, de vous escrire des icy, ou je suis arrivé, grâce Dieu, en bonne santé ( = ). Mais quel moyen, je vous prie, a cet abord, parmy ce flux et reflux de visites, et quelque affaire que j'ay treuvé pour Piedmont et Italie (3)? Certes, je n'ay esté que deux fois voir nos chères Seurs, qui font fort bien. Ma Seur Anne Marie est fort dévo- tement sage, comme vous n'en doutes pas (4); ma Seur (i) L'ancienne copie qui nous a fourni ce texte, porte la date du jo may ; il y a évidemment ou erreur de copiste, ou distraction du Saint. La mention de la mort de M.""^ Barfelly (p. 208) ne laisse aucune hésitation pour le mois. (2) Vers le 17 avril, mardi de Pâques, l'Evêque de Genève quitta Grenoble et se rendit à la Grande-Chartreuse, où il passa un ou deux jours. Il rentrait à Annecy le 21, après un court arrêt à Chambéry. (3) Cf. la lettre précédente. (4) En l'absence de la Mère de Chantai, Soeur Anne-Marie Rosset exerçait la charge d'Assistante-commise. (Cf. tomes XIV, note ( i ), p. 230, et XVI, note ( 2 ). p. 81.)  202 Lettres de saint François de Sales Paul Hieronime, a ce qu'on me dit, fait merveille (0, et vostre Econome fait des miracles, hormis que ma Seur Anne Jacqueline i^) luy parle tous-jours savoyard et de la monnoye de Savoye, et elle ne l'entend pas; il faut des truchemens (3). Hier je permis a la Seur Louise Marie (4) d aller voir sa mère en compaignie de ma Seur Anne Marie, parce qu'on ne la pouvoit faire résoudre de se confesser, quoy qu'elle fust en tel danger que les médecins croyoient qu'elle deust mourir cette nuit ; ce qu'elle n'a pas encor fait, bien qu'a ce qu'on dit elle ne puisse pas aller loin. On luy a parlé des huit cens florins qu'elle avoit promis a la Mayson, mays elle a remis a le faire quand elle pourra au desceu de son mary ; on court donq fortune de les perdre (5). Les Pères de Saint Dominique semblent vouloir m'o- bliger de leur jardin sans nous contraindre de vouloir le jardin des Barnabites ; toutefois je ne voy encor rien d'asseuré i^). Le nous et nostre ne me deplaist pas, et toutefois il  ( I ) La Sœur Paule-Jéronyme de Monthouz (voir au tome XVI, les notes ( i ) des pp. 201 et 279) avait remplacé, comme Directrice, la Mère Péronne-Marie de Chastel partie pour Grenoble. (2) Anne-Jacqueline Coste (voir tome XIV, note (2), p, 63). (3) Rien d'étonnant que Sœur Françoise-Marguerite Favrot (voir ci-dessus, note (3), p. 30), native de Franche-Comté, eût de la peine à comprendre le parler savoyard de la bonne tourière. (4) Fille du procureur fiscal Maurice Barfelly et de Jacqueline Déaclard, Sœur Louise-Marie fut baptisée le i^'" septembre 1602. (Reg. par. d'Annecy.) Son entrée au noviciat de la Visitation (août 1617) avait beaucoup facilité l'ac- cord des Religieuses avec son père, au sujet des maisons destinées à agrandir Tenclos du monastère (voir ci-dessus, note (^1), p. 62). Elle prononça ses vœux le 9 septembre 1619, et fut envoyée en qualité d'Assistante à la fondation faite à Rumilly le 29 septembre 1625; elle y mourut le 14 octobre 1631, re- grettée '< de toute la Communauté, qui perdoit en ceste chère Sœur un mo- delle de bonté, douceur et cordialité sincère et colombine. » (Notice manus- crite, par la Mère de Chaugy, Archives de la Visitation d'Annecy.) (5) Déjà, « au desceu de son mary, » Maurice Barfelly, Jacqueline avait fait son testament le 10 octobre 1617 (voir ci-dessus, note ( 2 ), p , 62). Sa fille Louise n'y figurait que pour un legs de cinq florins; les huit cents promis au Monastère compensaient un peu la médiocrité de cet héritage! On ne les reçut pas, puis- que la malade décéda ce jour même, 30 avril; et les anciens livres de comptes ne mentionnent aucun don de la famille Barfelly en l'année 1618. (6) Voir ci-dessus, les notes (i) des pp. 86, 120.  Année 1618  203  faudra le modérer en sorte que par trop grande habitude de parler ainsy on ne rende pas les defautz, péchés, imperfections communs et les confessions inintelligibles aux confesseurs estrangers ; et partant, il semble quil suffiroit de dire nous et nostre de tout ce qui est vraye- ment commun, comme : nostre chambre, nostre chapelet, nostre travail, nostre Seur, nostre Mère, nostre exercice; car on peut bien dire : Je n'ay pas fait nostre exercice du matin, je n'ay pas esté a nostre disner, j'ay pensé dans nostre lict, et semblables (0, Si pour ne point différer de donner Thabit a nostre Seur de Collesieu jusques après vostre despart ( = ), Mon- seigneur de Calcédoine (3) veut dispenser du tems du premier essay, il faut accepter la dispense pour cette fois (4), et le supplier par après de n'en point dispenser que pour des dignes sujetz, attendu que la règle de cet essay est fort utile et salutaire a la Congrégation. J'ay envoyé a ma Seur Anne Marie pour avoir le dou- ble du contract de monsieur le premier Président (?).  ( I ) « Quand les Sœurs parleront de leurs défauts et de ce qui touche a « leur personne, » écrivit plus tard le Fondateur au Coustumier et Directoire pour les Sœurs Religieuses de la Visitation Saincte Marie, « elles useront du « terme singulier,... mais en tout le reste elles parleront en plurier... » (Art, XXIV, Documents fort utiles.) (2) La Mère de Chantai quitta Grenoble après le 10 mai, passa par Lyon, et revint à Annecy dans la dernière semaine du mois. (3) Alphonse de la Croix de Chevrières, fils de Jean de la Croix (voir le tome précédent, note (i), p. 357) et de Barbe d'Arzac. Il fut sacré à Lyon le 9 novembre 1615, avec le titre d'évêque de Chalcédoine et comme coadju- teur de son père à Tévêché de Grenoble, dont il devint titulaire en 1619. L'année suivante, il donne sa démission, et meurt à Saint-Marcellin en 1637. Il avait eu le brevet de conseiller d'Etat, et possédé les prieurés de Notre- Dame de Grosse, en Normandie; de Beaulieu, à Angoulême ; d'Aubigny en Nivernais, et de Saint-Pierre de Joigny, dans le Perche. (Moreri. 1740, tome III.) (4) La dispense ne fut point accordée; Sœur Marie-Hippolyte CoUisieux ne prit l'habit que le 31 juillet. Cette première novice du nouveau Monas- tère appartenait à « une honneste famille de Grenoble, » disent les anciens Mémoires. Ils ajoutent qu'elle reçut bientôt de Dieu un don d'oraison très élevé et que la Providence la gratifia de souffrances non communes, suppor- tées généreusement par la fervente Religieuse jusqu'à sa mort qui arriva le i^"" août 1648. Elle avait environ cinquante-deux ans. (D'après sa Notice ma- nuscrite, par la Mère de Chaugy.) ( 5 ) Antoine Favre.  204 Lettres de saint François de Sales Et a propos de monsieur le premier Président, ma- dame la Première (0 m'a fait entendre, en passant a Chamberi, quil desiroit bien que sa fille fust employée a Turin, si on la peut bonnement retirer de Lion; ce que je ne pense pas (2). M. de la Roche (3) m'en dit autant de la sienne (^), et par conséquent vous vo3'es, ma chère Fille, quil y a un peu de considération humaine en ces bons pères; néanmoins je vous dis tout, affin que vous le consideries et ruminies pour vostre retour, et peut estre que Ton ne demandera des Seurs de deçà que pour un court emprunt. Mais laissons cela. Je parlay a M. Carra (5), qui ne presse nullement la réception de sa fille, et luy est indiffèrent que ce soit ou un jour ou un autre (6). Ma Seur Françoise Marguerite, ce me semble, n"aura achevé son année de probation (1) Philiberte Martin de la Perouse, femme d'Antoine Favre. (2) C'était bien la Mère Marie-Jacqueline Favre que les deux Fondateurs destinaient à la fondation du Monastère de Turin, alors très prochaine, semblait-il. (Cf. ci-dessus, note (i), p. 177.) Mais l'Archevêque de Lyon n'était pas disposé à laisser partir la « grande Fille, w En 1620 seulement, à force de démarches et d'instances, on put la déprendre de la Maison de Belle- cour pour l'employer à établir celle de Montferrand (cf. tome XV, note ( i ), p. 178), sans perdre l'espoir de lui faire passer les monts. Jusqu'en 1627, chaque fois que se renouent les négociations pour l'établissement de la Visitation à Turin, sainte Jeanne de Chantai rappelle à la Mère Favre qu'elle doit y coopé- rer; mais quand, en 1638, la petite troupe des fondatrices put enfin se diriger vers la capitale du Piémont, cette grande Religieuse était décédée depuis dix- sept mois, (3) Jean Joly, seigneur de la Roche et d'Alery (voir tome XIII, note (i), p. 364), (4) Sœur Claude-Agnès Joly de la Roche, alors à Grenoble avec la sainte Fondatrice. Elle sera plus tard destinataire. (Cf. tome XV, note (2), p,i58.) (3) Paul de Beaumont-Carra, fils de Jean de Beaumont et d'Antoinette de Lambert, épousa (contrat dotal du 15 septembre 1580) Antoine-Charlotte de Divonne. Quarante-quatre ans après, la Mère de Chantai écrivait à la fille du vieux seigneur (24 mars 1624) : « Priez pour M. votre père, lequel se porte si bien que l'on parle de le remarier. » (Lettres, vol, II, p. 278.1 II ne paraît pas que ce projet ait eu de suite. Le 26 décembre 1632, Paul de Beau- mont fait son testament, voulant être enterré dans le tombeau de sa famille, à Saint-François de Chambéry. (6) Ce fut en revenant de Grenoble par Chambéry que le Saint parla à M. Carra au sujet de la profession de sa fille, Anne-Catherine, novice à la Visitation d'Annecy depuis le 23 avril 1617. La cérémonie n'eut lieu qu'après le retour de la Fondatrice, le 27 mai 1618. La note de la Mère Anne-Cathe- rine de Beaumont sera donnée plus tard.  Année i6i8 205 que la veille de saint Claude, avec ma Seur Michel et ma Seur Claude Jacqueline (0. Je seray bien marry si le mariage de monsieur de Chantai ne reuscit au gré de ceux quil regarde, et ne m'estonne pas toutefois si la bonne madame Liotart va un peu moins rondement que nous n'avons pas fait de nostre costé, car elle n'a pas peut estre encor bien des- pouillé la robbe du monde, ni perdu la coustume de parler selon la sagesse du monde. Je serois partant bien ayse de sçavoir en gros comme cela se sera passé, ne me pouvant empescher de cette curiosité, a cause du conten- tement que je souhaite a vostre Celse Bénigne, et certes, encor a cette fille, que j'ayme pour l'amour de ma très chère Mère, comme si c'estoyent mes frère et seur(*). Je consens très librement que nostre très chère Seur Peronne Marie (3) communie trois, voire quatre et plus encor de fois la semaine jusques a l'édition des Règles, et que tous-jours une des Seurs communie avec elle; et quand elle ne communiera pas, qu'une Seur communie, (i) L'année de probation ne s'achevait entièrement que le jour même de saint Claude, car c'était le 6 juin 1617 qu'avaient reçu le voile les Sœurs Françoise-Marguerite Favrot (voir ci-dessus, note (3), p. 30), Marie-Michelle Viallon de Nouvelles (ibid., note (i), p. 29) et Claude-Jacqueline Joris, Cette dernière, fille de Claude Joris, de Chambéry, et de Claude Chavent, était entrée au monastère en mars 1617, à l'âge d'environ trente ans. Elle fit pro- fession avec ses deux compagnes le 7 juin 1618, mais pour le rang des Soeurs domestiques ; cependant ses continuelles infirmités ne lui permirent pas de se livrer longtemps aux travaux pénibles, et c'est par une vie de souffrance et de prière qu'elle se sanctifia. Elle mourut le i^"" mars 1636. (Livre du Noviciat et Livre du Couvent, du i^"" Monastère d'Annecy.) (2) Un projet de mariage entre Celse-Bénigne de Rabutin-Chantal et Hu- guette, troisième fille du président Jean Liotard et de Marguerite du Solier. était déjà fort avancé. Le jeune baron, en quittant sa mère (voir ci-dessus, Lettre mcccxcvii, p. 162), s'était rendu à Grenoble, et, le 10 mars, un acte avait été passé en présence de François de Sales. Des difficultés surgirent depuis, tant de la part de TArchevêque de Bourges, André Frémyot, que de celle de M"i^ Liotard, mère de la fiancée (voir ci-après, note ( i ), p. 222) ; elles venaient principalement du règlement de la dot, comme on le verra bientôt. Huguette, ayant dû renoncer à l'alliance du baron de Chantai, épousa Antoine Rostaing d'Urre, seigneur d'Aiguebonne, marquis de Treffort en 1648, lieute- nant-général des armées du Roi en Italie, etc. Veuve vers 1655, elle vivait encore en i66r. (D'après Guy AUard, Dictionnaire du Dauphiné, et Rivoire de la Bâtie, Armoriai du Dauphiné.) ( 3) Sœur Péronne-Marie de Chastel (voir tome XV, note ( i ), p. 133), desti- née à prendre le gouvernement de la nouvelle Maison de Grenoble.  206  Lettres de saint François de Sales  *Sess.XXII,deSa- crif. Missae, c. vi. * Vide Constit. XXI.  * Vid.tom.prseced. Epist. Mccxciv MCCCI.  * Epist. seq.  en sorte que tous-jours quelque Communion se face tous les jours; car je me confirme tous-jours plus au désir que je vous ay communiqué, qu'en cette Congrégation la Communion y soit quotidienne de quelques unes des Seurs a tour, pour le souhait que le sacré Concile de Trente fait de voir que quelqu'un communie a chaque Messe *, ainsy que je le declareray plus a plein aux Règles *. Je croy fermement que ma Seur Barbe Marie (0, m'ayme singulièrement, et n'a pas tort, ni aussi madame de Granieu (2), qui m'est a la vérité précieuse. J'ay envoyé a ma Seur Françoise Marguerite pour faire arrester les mille ducatons a Dole (3). On me tourmente fort icy a l'occasion de vostre passage a Lion, d'autant, dit on, qu'il vous pourroit causer du mal : a quoy je vous supplie de prendre soigneusement garde, car penses si rien m'est si cher, après la sainteté de nostre ame, que la santé de ma Mère (4). Je pense que j'ay tout dit quant aux affaires. Faites vous hardiment communiquer les lettres que j'ay escrit a ma Seur Barbe Marie, car il y en a, a mon advis, qui sont bien bonnes*. Puisque vous voules tout avoir, j'en ay escrit une bonne une fois a madame de Vissilieu (5), et si j'ay du loysir, j'en escriray une autre a madame de la Baume (6) et vous l'envoyeray a cachet volant *: mais il la faudra bien cacheter, car je ne sçay pourquoy, mais il est vray que les advis secretz frappent mieux le cœur jusques a ce que l'on soit fort avancé au renonce- ment de son propre amour. Je salue d'un cœur incomparablement paternel toutes  ( I ) La présidente Le Blanc. ( 2 ) Laurence de Ferrus, dame de Granieu (voir le tome précédent, note ( i ), P- 395)- (3) Sans doute ces mille ducatons faisaient partie de la dot de la Sœur Françoise-Marguerite Favrot, qui fut versée au mois d'août par M. Clément, venant de Dole à Annecy pour assister à la profession de ses deux filles. ( 4) Voir ci-dessus, note ( 2 ), p. 203. ( 5) Marguerite de la Croix de Chevrières, dame de Veyssilieu (voir le tome précédent, note (1), p. 571). (6) Catherine de la Croix de Chevrières, femme de Pierre de la Baume. (Voir note (i ) de la lettre suivante.)  Année 1618 207 nos chères Filles (0, quej'ayme tous les jours plus, m'es- tant advis que je dois cela a TafFection qu'elles ont de bien servir Dieu. En somme, je me repose en vous comme a moy mesme pour bien faire mes honneurs et mes amours envers ces bénites âmes qui m'ayment pour l'amour de Nostre Seigneur. Il faut remettre les lettres que j'escriray a madame de la Baume et a madame de Pisançon (2) et a madame Odoyer (3), a M. d'Urme\4), affin quil les rende, car il le désire. Madame la conseillère Le Maistre me pria de la vous recommander, et sans doute elle a besoin qu'on asseure son ame, pleine de bonne volonté, mais un peu sujette aux abattemens de courage et melancholie : ce pourquoy il la faut encourager et un peu prendre par la main ('■>). Vives toute en la vie et en la mort de Celuy qui vit pour nous faire mourir a nous mesme, et est mort pour nous faire vivre a luy mesme *. Ainsy soit il, ma très * Cf. Il Cor., v, 15. chère et très unique Mère. Amen. Je ne vous dis rien de madame de Bouqueron et de ses filles (^), car vous sçaves asses de quel cœur je suis pour elles et pour mesdames de Saint iVndréu). Or sus, vive  ( I ) Les Sœurs de la nouvelle fondation. (Voir ci-dessus, note ( t ), p. 192.) (2) Anne Baliy, fille de Jean Bally, conseiller au Parlement, et de Cathe- rine Oddoz ou Odde de Triors. Elle était devenue la belle-sœur des dames de la Baume et de Veyssilieu par son mariage avec Jean de la Croix de Che- vrières, seigneur de Pisançon, maître de camp d"infanterie. (3) Marguerite de Fay, femme de Jean-Claude Audeyer. (Voir le tome pré- cédent, note (7), p. 389.) ( 4) Jean-François d'Ulme, chanoine de Grenoble, qui sera destinataire. (Cf. ibid., note (2), p. 390.) ( 5) Fille d'Antoine de la Porte et d'Hélène Cousin, Lucrèce épousa le II décembre 1591, Jean-Louis Le Maistre, qui mourut doyen des conseillers au Parlement de Grenoble en 1627. (D'après des Notes de M. le comte de Terrehasse.) ( 6) Antoinette Camus, dame de Bouqueron (voir ci-dessus, note ( i ). p. I71), eut six filles : Marie et Laurence qui épousèrent Sébastien et Artus Pourroy ; Virginie, mariée à Aymar Marnais; Françoise, dame de Chailliol depuis 1617 (voir ci-dessus, note ( i ), p. 128) ; Anne et Mérite qui s'allièrent à Pierre Mitalier et à Charles du Peloux. Nous ignorons la date de leurs mariages ; quelques-unes pouvaient être encore auprès de leur mère en 1618. ( 7 ) Honorade de Simiane, fille de François de Simiane, seigneur de la Coste, et de Claire Guérin, avait épousé, par contrat passé à Forcalquierle 12 février  2o8 Lettres de saint François de Sales Jésus! Amen. Cachetés bien ces lettres après que vous les aures veuës, et les remettes au bon M. d'Urme auquel j'escris quil les donne. J'abonde un peu en dilection et es paroles d'icelle en ce commencement ; vous sçaves que c'est selon la vérité et la variété de ce vray amour que j'ay aux âmes. Maintenes moy bien es bonnes grâces de celles que Dieu veut estre plus de mon soin. C'est le 30 [avril] 161 8. Je ne vous envoyé pas le contract (0, d'autant que je n'ay peu le faire copier, et si il me semble quil ne soit pas trop bien fait ; mais je vous en escriray plus amplement. Dieu soit béni éternellement dans le cœur de ma très chère Mère comme dans le mien propre. Aymes bien madame de Granieu, car quant a madame Barbe Marie, il y a si long tems quil ne le faut plus dire. J'ay receu la lettre que vous m'escrives, du 22 de ce mois, allant donner la dernière bénédiction a madame la procu- reuse fiscale qui a perdu tout sentiment (2). Faites bien sécher les cachetz volans, affin qu'on ne s'apperçoive que les lettres ayent esté veuës. Revu en partie sur une ancienne copie conservée au i^"" Monastère de la Visitation de Marseille. 1572, Artus Prunier, seigneur de Saint-André-de-Rosans, président au Parle- ment du Dauphiné, et l'un des plus signalés personnages de son temps. Hono- rade devint veuve le 4 mai 1616. Sa belle-fille était Marguerite de Bellièvre, femme de Laurent de Prunier Saint-André. (Voir le tome précédent, note (3), p. 389.) ( I ) Le contrat du président Favre (voir ci-dessus, p. 203), (2) M™° Barfelly (cf. ibid., p. 202).  Année 1618 209  MCDXX  A MADAME DE LA BAUME Baser sa dévotion sur de fortes maximes. — Le « grand artisan de miséricorde. » — Quel doit être le seul souci des enfants de Dieu. — Confiance et abandon en la Providence. — Qu'importe le temps à qui regarde Téternité ? — Moyen de transformer en roses toutes les croix. Annecy, 30 avril 1618 (i)- Vive Jésus ! Playse au Saint Esprit de m'inspirer ce que j'ay a vous escrire, Madame, et s'il vous plaist, ma très chère Fille. Il n'est besoin, pour vivre constamment en dévotion, que d'establir des fortes et excellentes maximes en son esprit. La première que je souhaite au vostre, c'est celle de saint Paul * : Tout revient au bien de ceux qui ayment * Rom., vm, 28. Dieu. Et a la vérité, puisque Dieu peut et sçait tirer le bien du mal, pour qui fera-il cela, sinon pour ceux qui, sans reserve, se sont donnés a luy ? Ouy, mesme les pé- chés, dont Dieu par sa bonté nous défende, sont reduitz par la divine Providence au bien de ceux qui sont a luy. Jamais David n'eust esté si comblé d'humilité s'il n'eust péché, ni Magdeleine si amoureuse de son Sauveur s'il ne luy eust remis tant de péchés, et jamais il ne les luy eust remis si elle ne les eust commis. Voyés, ma chère Fille, ce grand artisan de miséricorde : il convertit nos misères en grâces, et fait la theriaque (i) Biaise, dans son édition de 1833 (Lettres, vol. III, p. 401), annonce qu'il a retrouvé la date de cette lettre, et ajoute au quantième donné pré- cédemment l'année 1622. Comme il n'indique pas la source où il a puisé son renseignement, nous sommes en droit de ne pas accepter aveuglément ce millésime, et de rapprocher ces pages de celles que le Saint écrit le 30 avril 1618 à la Mère de Chantai, lui annonçant une lettre pour M'"*^ de la Baume (voir ci-dessus, p. 206). La destinataire est en effet, si nos conjectures ne nous trompent pas, Ca- therine de la Croix de Chevrières, fille de Jean de la Croix et de Barbe d'Arzac, mariée avant 1603 à Pierre de la Baume, conseiller au Parlement de Grenoble, maître des Requêtes de Marie de Médicis, doyen du Conseil souverain de Savoie, etc. Lettres Vlil 14  XII, 7-  2 10 Lettres de saint François de Sales salutaire a nos âmes, de la vipère de nos iniquités. Dites moy donq, je vous prie, que ne fera-il pas de nos afflic- tions, de nos travaux, des persécutions qu'on nous fait ? Si donq il arrive jamais que quelque desplaysir vous touche, de quel costé que ce soit, asseures vostre ame que, si elle ayme bien Dieu, tout se convertira en bien. Et quoy que vous ne voyes pas les ressortz par lesquelz ce bien vous .doit arriver, demeures tant plus asseuree qu'il arrivera. Si Dieu vous jette la boiie de l'ignominie sur les * Cf. Joan., IX, 6, 7, yeux, c'est pour vous donner la belle veuë * et vous rendre un spectacle d'honneur. Si Dieu vous fait prendre une * Act., IX, 4. cheute, comme a saint Paul qu'il jetta en terre *, c'est pour vous relever a gloire. La seconde maxime, c'est qu'il est vostre Père; car autrement il ne vous commanderoit pas de dire : Nostre * Matt., VI, 9. Père qui estes au ciel *. Et qu'aves vous a craindre, qui estes fille d'un tel Père, sans la providence duquel pas Luc, XXI, 18 ; cf. un seul cheveu de vostre teste ne toinberaia.msiis *? C'est merveille qu'estant filz d'un tel Père, nous ayons ou puis- sions avoir autre soucy que de le bien a3^mer et servir. Ayes le soin qu'il veut que vous ayes en vostre personne et en vostre famille, et non plus, car ainsy vous verres qu'il aura soin de vous. « Pense en moy, » dit il a sainte Catherine de Sienne, de laquelle nous célébrons aujour- *B.Raym.deCap., d'huy la feste (0, {( et je penseray en toy *. » O Père Pars I^ c^x'. ^^°" éternel, dit le Sage *, vostre providence gouverne tout. * Sap., XIV, 3. La^ tro3^siesme maxime que vous deves avoir, c'est celle que Nostre Seigneur enseigna a ses Apostres : Qu'est ce * Luc, XXII, 35. qui vous a manqué * ? Voyes vous, ma chère Fille, Nostre Seigneur avoit envoyé les Apostres ça et la, sans argent, sans baston, sans souliers, sans besace, re- * Matt., X, 9, 10. vestus d'une seule soutane *, et il leur dit par après : Quand je vous ay ainsy envoyés, quelque chose vous * Luc, XXII, 35, 36. a-elle manqué ? Et il^ liiy dirent : Non *. Or sus donq, ma Fille, quand vous aves eu des afflictions, mesme du tems que vous n'avies pas tant de confiance en Dieu, estes vous perie dans l'affliction ? Vous me dires : Non . ( I ) Cette allusion à la fête de sainte Catherine de Sienne prouve que le quantième (28 avril) porté par les éditions précédentes est une erreur.  Annék i6i8 211 Et pourquoy donq n'aures vous pas courage de reûscir de toutes les autres adversités ? Dieu ne vous a pas aban- donnée jusques a présent ; comme vous abandonnera-il des a présent, que, plus qu'auparavant, vous voules estre sienne ? N'appréhendes point le mal a venir de ce monde, car peut estre ne vous arrivera-il jamais, et en tout événe- ment, s'il vous arrive. Dieu vous fortifiera. Il commanda a saint Pierre de marcher sur les eaux ; et saint Pierre voyant le vent et l'orage, eut appréhension, et l'appré- hension le fit enfoncer, et il demanda secours a son Maistre, qui luy dit : Homme de peu de foy, pourquoy as-tu douté? Et luy tendant la main, il l'asseura *. * Matt., xiv, 29-31, Si Dieu vous fait marcher sur les flotz de l'adversité, ne doutés point, ma Fille, n'appréhendes point. Dieu est avec vous ; ayes bon courage, et vous seres délivrée. La quatriesme maxime, c'est celle de Teternité. Peu m'importe qui je suis parmi ces momens passagers, pourveu qu'éternellement je sois en la gloire de mon Dieu. Ma Fille, nous allons a l'éternité, nous y avons presque des-ja l'un des pieds ; pourveu qu'elle nous soit heureuse, qu'importe-il que ces instans transitoires nous soyent fascheux ? Est il possible que nous sçachions que nos tribulations de troys ou quatre jours opèrent tant d'éternelles consolations *, et que nous ne veuillions pas *II Cor., iv, 17. les supporter? En fin, ma très chère Fille,  Ce qui n'est pour l'éternité Ne peut estre que vanité.  La cinquiesme maxime, c'est celle de l'Apostre * : Ja *Gaiat., uit., 14. n'advienne que je me glorifie^ sinon en la Croix de vcion Jésus. Plantés en vostre cœur Jésus Christ crucifié, et toutes les croix de ce monde vous sembleront des roses. Ceux qui sont piqués des espines de la couronne de Nostre Seigneur, qui est nostre chef, ne sentent guère les autres piqueures. Vous treuveres tout ce que je vous ay dit, es troysiesme, quatriesme ou cinquiesme et dernier Livres de V Amour  212 Lettres de saint François de Sales * Liv. III, chap. ii, de Dicu *. Vous treuveres beaucoup de choses a ce propos m; liv. IV, ch. xi: , i ^-, ■ t -, , t i ^> i / , liv. XII, ch. IX. en la grande Guide des pécheurs, de Grenade \^). Il faut que je finisse, car on me presse. Escrives moy confidemment, et me marques ce que vous jugeres que je puisse pour vostre cœur, et le mien le contribuera très affectionnement ; car je suis en toute vérité, Madame, Vostre très humble et asseuré serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Quand madame de Vicillieu (2) sera de retour, je luy escriray ; cependant, s'il vous vient en commodité, dites luy que je suis sien. Le . . avril, Annessi. f I ) Voir les tomes III, note ( i ), p. xxxvi, et XII, note ( i ), p. 190. (2) La sœur cadette de la destinataire, Marguerite, dame de Veyssilieu. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 371.)  MCDXXI A DON JUSTE GUÉRIN, BARNABITE (fragment) Esprit conciliant et condescendant du Saint. — Pourquoi les Sœurs de la Visitation se contenteront d'être logées « avec incommodité. » — Pèlerines en route vers la cité permanente, hôtesses d'une nuit. Annecy, [fin avril] 1618 (i). Quant au jardin, mon très cher Père, je n'y pense plus ; non que je ne voye bien que le projet que nous avions fait n'incommodoit pas le [collège,] ains l'accom- modoit par le moyen de la recompense que nous eussions donnée; mais, par la grâce de Dieu, je n'eus jamais ( I ) La date approximative se déduit de l'étude des lettres échangées entre les Barnabites d'Annecy et leur Supérieur général, au sujet de l'affaire traitée ici. (Voir la note suivante.)  Année i6i8 213 désir de me rendre contentieux, ni de blesser Tesprit de personne ( 0. Nos Filles de la Visitation feront leur bastiment avec incommodité, mais elles s'en contenteront très volontier, ains, je puis dire, elles en seront très contentes, puisqu'il ne se peut mieux. Et puis, elles sçavent qu'il n'est pas hors de propos que les fidèles espouses de Celuy qui n'eut jamais ni logis ni ou reposer son chef en ce monde * * Matt., vm, 20. ne soyent pas logées a leur commodité. Comme vous sçaves, mon cher Père, la iMere qui gouverne cette nou- velle trouppe (2) a si bien appris a loger au mont de Calvaire, que tout autre logis terrestre luy semble encor trop beau. Elle n'a donq nul sentiment du refus, sachant bien que les pèlerines qui devront avoir retraitte en ce logis *, n'y devant habiter que la nuit de cette petite vie, * Cf. Heb., xi, 13. seront, Dieu aydant, si attentives a tirer païs dans le beau séjour de leur cité permanente *, que le reste leur sera * Ibid., uit., 14. indiffèrent. En fin, mon très cher Père, nous sommes enfans de la Providence céleste ; Dieu aura soin de ses servantes selon son bon playsir. Il faut avoir patience : (*) Qiti seminant in lachrymis, in exiiltatione metent*. Ainsy les rosiers * Ps. cxxv, 5. produisent premièrement les espines, puis les roses.  Revu sur le texte inséré dans VHistoire de la Fondation du ler Monastère de la Visitation d'Annecy.  [*) Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans l'allégresse. (i) Nous avons dit plus haut (note ( i ), p. 120) le bon vouloir de Leurs Altesses, du P. Boerio et de D. Juste pour accommoder le Monastère de la Visitation par la cession d'une pièce de terrain. Ce bon vouloir échoua devant de multiples obstacles ; et le 21 mars 1618, le Général des Barnabites écrivit à D. Juste et au Supérieur dAnnecy son désir que l'affaire fût entièrement lais- sée de côté. D, Guérin, centriste, fit ses excuses au Fondateur ; il en reçut « cette sainte reponce : Quant au jardin, » etc. (Hist. de la Fondation du ler Monastère d'Annecy.) (2) La Mère de Chantai.  214 Lettres de saint François de Sales MCDXXII A MADAME GOTTIN (0 (inédite) Recommandation à la destinataire de soumettre sa volonté à celle de Dieu. Annecy^ [fin avril ou mai 1618 (2).] Ma très chère Fille, En fin, le bon mary (3) m'a prié de vous recommander ce que vous sçaves vous avoir esté non seulement re- commandé, mais commandé au nom de Dieu, a la vo- lonté duquel il faut joindre et lier inséparablement la vostre. Or, faites le donq courageusement et pour l'amour de Celu}^ qui, pour vostre amour, a bien souffert la mort. Atant, je suis Vostre plus humble. Francs E- de Genève. (4) A Mad'« Madi« Cottin. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Amiens. (i) Complétons la note d'Isabeau d'Aspres ou Daspres (voir le tome pré» cèdent, note ( i ), p. 376) en disant qu'elle était fille de Claude d'Aspres, « capitaine-châtelain, concierge des prisons à Grenoble, » mort avant 1605, et de Marguerite Coste. (D'après Prudhomme, Inventaire somm. des Archiv. de l'Isère, tome I, pp. 34, 357.) (2) Ecrite pour contenir les désirs impatients de M""^ Cottin de se retirer du monde, cette lettre paraît dater du retour des prédications du Carême en 1618. (3) Denis Cottin, capitaine-châtelain de Grenoble, garde des prisonniers du Palais, huissier en la chancellerie près de la Cour. (Voir le tome précédent, note ( I ), p, 376.) L'hypothèse émise au sujet de « M. le Maistre » (note (2), ibid.)ne subsiste plus. Celui-ci n'est certainement pas le mari de M""^ Cottin ; on peut proposer avec beaucoup de vraisemblance François Coste, Maître aux Comptes depuis 1592, et qui le fut jusqu'à sa mort, 1620. Ce serait un parent, le frère peut-être, de Marguerite Coste (voir note ( i ) ci-dessus), qui aurait pris le soin de la famille de sa sœur après le décès de Claude d'Aspres. (D'après Prudhomme, ubi supra, pp. 89, 90.) (4) L'adresse est de la main de Jean-François de Sales.  Année 1618 215 MCDXXIII A LA MÈRE FAVRE, SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE LYON (0 Espoir d'aller à Lyon. — Le premier Président de Savoie et sa famille attendus à Annecy. Annecy, 2 mai 1618. Il faut tous-jours tesmoigner a ma très chère grande Fille que j'ay une continuelle mémoire d'elle, et un mot suffit pour cela. Me voicy de retour (-), ma très chère Fille, et, parmi Tesperance de la paix (3), je nourris celle de vous voir en l'occasion du voyage de M. le Prince Cardinal, s'il est vray qu'il se face, comme nos courtisans m'asseurent(4). Si moins, je feray mon voyage a Saint Brocard (^), et allant ou revenant, je prendray la consolation de voir cette grandement très chère Fille, que mon ame ayme très singulièrement, et avec elle, ces autres chères filles qui l'environnent. Ce pendant, le bon père viendra icy faire les Roga- tions avec nous, et madame la Présidente et les frères (6), (i ) Hérissant qui, le premier, a publié cette lettre, se trompe en l'adressant à la Mère de Bréchard (voir plus haut, note ( i ), p. 109) ; tout, dans le texte, indique la Mère Favre comme destinataire. Depuis Tannée précédente, celle-ci témoignait un ardent désir de revoir son bienheureux Père. (Voir à l'Appen- dice I, sa lettre du 26 septembre 1617,) (2) De retour de Grenoble (voir ci-dessus, note (2), p. 201). (3) La paix était signée déjà, mais les puissances belligérantes n'en avaient pas encore rempli les conditions. (Voir ibid., note (4), p. 106.) (4) Voir ibid., note (2), p. 138. (^) Ici, l'éditeur de 1758 a lu : « 'i>2\xi\-Brocard » ; mais n'a-t-il pas mal lu .' car aucune localité de ce nom ne se trouve en France. Peut-être l'Auto- graphe portait-il Saint Bonnei, seigneurie des Camus dans le Lyonnais. L'Evêque de Belley pouvait y avoir donné rendez-vous à son saint ami. (6) Outre René de la Valbonne, la Mère Marie-Jacqueline Favre avait encore cinq frères vivants (voir tome XI, note ( i ), p. 79^ Il est difficile de dire les- quels d'entre eux devaient accompagner leur père et leur belle-mère à Annecy. Le 19 mai, samedi précédant les Rogations, le Conseil de Ville délibère sur les présents à faire à Antoine Favre dont l'arrivée est imminente. Ce jour même, il fait offrir « a Monseigneur le Reverendissime Evesque de Genève..., qui sans doubte logera ledit S"" Président a son logis, et pour tant de faveur quil faict journellement a la ville,... ung cocq d'Inde, deux chappons et ung levrau. » (Reg. des Délib. municip.)  2i6 Lettres de saint François de Sales ou nous ne serons pas sans parler de vous. De vous dire des nouvelles de Grenoble, ce seroit chose superflue, car nostre Mère vous en fera part suflisante (0. De celles d'icy, que vous diray je, sinon que tout y va très bien. Reste que vous continuies aussi comme vous faites, que vous m'aymies tous-jours cordialement, et que vous priies Dieu pour mon cœur, affin qu'il vive tout a luy. Le vostre sçait bien que je suis sien. D'Annessi, le 2 may 161 8. ( I ) En retournant de Grenoble en Savoie, la Mère de Chantai passa par Lyon. (Voir ci-dessus, note (2), p. 205.)  MCDXXIV A LA MÈRE DE CHANTAL, A GRENOBLE (fragment) Petites violettes à transplanter en divers jardins. Annecy, [commencement de mai 1618(1).] L'esprit humain ne peut comprendre comment nos pauvres, basses et petites violettes de la Visitation sont désirées en plusieurs jardins ( = ). Revenes donq, ma chère Mère, pour tirer d'icy de ces petites plantes de bénédic- tion et les transplanter ailleurs, a la gloire de nostre doux Jésus, que je supplie de vous bénir.  ( I ) Charles-Auguste (La Vie de la Mère Marie Aymée de Blonay, 1655, chap. vn) donne ce fragment comme ayant été écrit à la Mère de Chantai en 161 5, lorsqu'elle était à Lyon ; une étude sérieuse permet de croire qu'il s'est mépris et que ces lignes furent envoyées en 1618, à Grenoble, alors que les demandes de fondations arrivaient de toutes parts. (2) Outre les fondations déjà traitées en 1616 (voir le tome précédent, no- te (2), p. 141, et Lettre mclxxiv, p. 162) et celles qui se préparaient à la fin de 1617 (voir ci-dessus, Lettre mccclxxxiii, et note (4), p. 137), on peut encore citer celles de Bourges (voir ibid., note (3), p. 193), de Chalon-sur-Saône (cf. Lettres de la Sainte, vol. I, p. 210) et de Dijon. Pour cette dernière ville, le projet d'établissement avait été conçu dès 161 1 ; les demoiselles Bertot et Pa- rise, promotrices de cette œuvre, la poursuivaient à travers d'inextricables difficultés qui ne furent vaincues qu'en 1622.  Année 1618 217 MCDXXV A LA MÈRE FAVRE, SUPERIEURE DE LA VISITATION DE LYON (inédite) Deux visites promises à la Mère Favre. — Lettres envoyées et reçues. Annecy, 9 mai 161 8 ( i). Ma très chère Fille, Je vous respons a petitz pointz, estant extrêmement pressé. Je croy que nostre Mère vous donnera le conten- tement que vous desires (2), car je la layssay résolue a cela, comm'une Mère très amoureuse de sa très chère fille; et si ses forces et les nécessités de cette Mayson d'icy le permettoyent, je croy mesme qu'eiriroit volon- tiers a Moulin. J'espère que, quant a moy, j'iray et vers vous et a Moulin, passant a Paris, puisque on tient asseuré le voyage du Prince Cardinal pour cet esté, lequel ne reus- cissant pas, au moins iray je vers vous, prendre la con- solation de vous voir, et vostre chère trouppe, exceller en la sainte dévotion, comme Ton me dit que vous faites. Qu'a jamais Dieu en soit loiié. Il est certain que je vous escrivis des Grenoble une fois par monsieur de Bauvillars, gentilhomme de Cre- mieu (3), et l'autre, ce me semble, par monsieur Orlan- dini, ecclésiastique, frère de l'une de nos Seurs (4). (i) Le Saint n'a pas ajouté Tannée au quantième, mais les faits mentionnés dans ces lignes ne laissent aucun doute pour 1618. (2) De s'arrêter à Lyon au retour de Grenoble. (Voir ci-dessus, note (2), p. 203, et p. 206.) (3) Gaspard de Bernières, seigneur de Beauvillars. (Voir ibid., note (4), P- 47-) (4) La famille Orlandini était originaire de Florence; elle s'établit à Lyon vers le milieu du xvi^ siècle, en la personne de Guillaume Orlandini, négo- ciant, qui fut sans doute le grand-père de l'ecclésiastique, messager du Saint, et de Catherine Orlandini qui, entrée au monastère de Lyon à Tàge de vingt- quatre ans, y fut admise à l'habit le 1 2 août 1617, et reçut le nom de Françoise- Catherine. (Cf. ci-dessus, note (2), p, 174.) Elle fit profession le q septembre 1618 et décéda le 22 juillet 1625. (Livre du Chapitre et Livre du Couvent, du i^"" Monastère de Lyon, transféré à Venise.)  2i8 Lettres de saint François de Sales J'escris a M'" de la Moutiere, que j'honnore grandement pour plusieurs raysons (0, et a monsieur l'Aumosnier (2). Je salue nos Seurs pour vous, et donneray vostre lettre a monsieur de Boysi (3) quand il sera de retour des chams ou il est. La chère belle et bonne seur (4) se porte bien, et nous tressaillons desja d'ayse en l'attente de monsieur le père et madame la Présidente dans dix jours (5). Dieu soit au milieu de vostre cœur, et je suis de tout le mien, tout invariablement et très parfaitement vostre, ma très chère grande Fille, ma bien aymee Fille. Amen. Vive Jésus ! IX may. A ma très chère grande Fille, Sup« de S^e Marie. Revu sur l'Autographe conservé chez les Sœurs Bénédictines de Santa Cecilia, à Rome. (i) Toutes les recherches faites pour identifier « M"^ delà Moutiere » sont restées sans résultat. (2) Claude de Sévelinges, aumônier de Belleville, ancien confesseur de la Visitation de Lyon. (Voir tome XV, note (2), p, 533.) (3) Jean-François de Sales. (4) La présidente de la Valbonne. (5) Voir ci-dessus, p. 215.  MCDXXVI A LA MÈRE DE CHANTAL, A GRENOBLE (inédite) Encore l'affaire des jardins. — Les lettres de M. de Granier. — Difficultés au sujet d'un contrat de mariage. — Roses changées en épines. — La clarté dans les affaires. Annecy, 10 mai 1618 (i). Ma très chère Mère, Je vous ay escrit ce matin ( = ) avant que de prendre le (i) La mutilation de l'Autographe l'a laissé sans signature et sans date. Il est facile pourtant de déterminer l'année et presque sûrement le quantième : la Mère de Chantai quitta Grenoble pour Lyon en mai 1618, et la lettre annoncée ici à M"'^ Liotard est datée du 10 mai. (2) Cette lettre n'a pas été retrouvée.  Année i6i8 219 gelap du bon monsieur de Granieu (0, et ay respondu a vos deux lettres du i*"' et 'j" de ce moys. Tout mainte- nant je reçois celle du 5 et j'adjouste ces deux motz. Les Pères de Saint Dominique m'ont offert un parti pour avoir ce morceau de jardin dont nous avons besoin, sans toucher a celuy des Pères Barnabites (2), mais parti si impossible et, si je ne me trompe, desraysonnable, qu'en fin ce n'est rien. Dieu y mettra sa main, sil luy plait, et nous en fera treuver d'autres. Vous vous resouviendres bien de ce que vous me dites de M. de Grenier et de ses lettres (3); j'ay sceu que c'est, et m'est advis que c'est si peu de chose, que si vous n'en pouves parler fort doucement et impercepti- blement, il ne seroit presque pas bon d'en rien dire, de peur d'effaroucher cette pauvre fille qui se promet tant de consolation de vostre veue (4) ; et peut estre les termes généraux suffiront, sil ne se présente d'autre biais bien propre pour venir aux particuliers. Si vous voyes quil y ayt quelque messeance de manger en mesme table avec vostre conducteur, vous pourres bien manger dessus vostre lit, comme lasse, et y faire manger auprès de \o\xs vostre conducteur. Vrayement, je seray bien ayse de revoir M. de la Gran, que j'honnore chèrement pour la bonté de son cœur au (i) François de Gratet, seigneur de Granieu, Faverges, Dolomieu, le Bou- chage, etc., fut trésorier général de France en Dauphiné, comme son père, Pierre-Jacques de Gratet, qui avait mérité cette charge par son dévouement au Roi pendant les guerres civiles. Sa mère était Clémence Rabot, sœur du président d'IUins. Il épousa (25 avril 159")) Laurence de Ferrus (voir le tome précédent, note ( i ), p. 395), et l'aimable vertu de sa compagne l'attira bientôt à une vie très sérieusement chrétienne: les pauvres et les Religieux purent l'appeler leur père et leur appui. Quand M""^ de Granieu se mit sous la con- duite de l'Evéque de Genève, son mari eut une large part des bénédictions et des grâces qui descendirent sur la famille par l'entremise du Serviteur de Dieu. Il apprit surtout de lui, dit un ancien historien, à « finir saintement ses jours. » (Menestrier, Vie de Laurence de Ferrus, dame de Granieu, dau- phinoise, Lion, Brun, 1898.) (2) Voir ci-dessus, p. 202. (3) Sans doute le Saint veut parler de lettres écrites par Denis de Granier (voirie tome précédent, note (1), p. 323) à la Mère Favre. Celle-ci avait une certaine influence sur le trop inconstant chanoine ; elle devait s'en servir heureusement plus tard pour le ramener dans la bonne voie. (4) Voir la lettre précédente.  220 Lettres de saint François de Sales service de Dieu (0. Nous avertirons affin qu'on face la profession au tems que vous désirés (2). Que je suis en peine, ma très chère Mère, de crainte que nostre mariage, dont nous nous promettions tant de consolation, ne se rompe (3) ; car de ne pas communiquer très clairement et sans replys toutes les difficultés quil y a, a M. de Chantai (-i) et a Monseigneur de Bourges (5), il ny a point d'apparence ; et de les leur communiquer, il y a toute apparence que Monseigneur de Bourges se rebu- tera de voir que cette terre dont on avoit parlé ne soit pas terre, ains une ma3^son seulement ; que mesme on ne la veuille donner que pour après le trespas, et non aux noces ; que l'argent n'est pas exigeable pour estre colloque a propos des affaires que l'on a, et que l'on veuille tant de pompe, que deux ou trois mille escus ne suffiront pas : de sorte que rien ne demeure qui puisse bien contenter son esprit que vous connoisses, sinon la fille, que tout le monde avoiie estre digne d'amour. Et puis, cette méthode de se desfaire du gentilhomme que vous sçaves (^), engendrera elle pas indubitablement (i) Le prieuré de Lagrand, au diocèse de Gap, remonte au xi* siècle. D'abord de la dépendance du Saint-Sépulcre d'Acquapendente (Italie), puis de Tabbaye de Cluny, il devint lui-même chef de nombreux prieurés, églises ou filleules. Depuis le 23 janvier 1609, son prieur et seigneur était Louis de Simiane de la Coste, fils de Jean-Baptiste de Simiane et de Marie de Portes, qui possédait encore le prieuré de Saint-Michel-de-Connexe et un canonicatà Grenoble. Ce digne ecclésiastique fut un des premiers et des principaux bien- faiteurs de la Visitation de Grenoble; pendant plusieurs années (1636-1664), sans avoir le titre de Père spirituel du Monastère, il en remplit avec zèle toutes les fonctions au nom de l'Evêque, M^"" Pierre Scarron. (Diaprés Vln- ventaire somm. des Archiv. des Hautes-Alpes, ^zx l'abbé Guillaume, tome VIII, et VHist. de la Fondation de la Visitation de Grenoble.) (2) Trois Novices attendaient le retour de la Fondatrice, et sans doute aussi le règlement de leur contrat, pour prononcer leurs vœux. C'étaient les Sœurs Claude-Catherine de Vallon (voir tome XIV, note ( i ), p. 554). Hélène-Marie Le Blanc et Anne-Catherine de Beaumont (voir ci-dessus, note (6), p. 204). La première fit profession le 23 mai et les deux autres le 27. (3) Le projet de mariage entre Celse-Bénigne de Rabutin-Chantal et Huguette Liotard. (Voir ci-dessus, p. 205, et la lettre suivante.) (4) Celse-Bénigne, fils de la Mère de Chantai. (5) André Frémyot tenait lieu de père aux enfants de sa sainte sœur. Il devait, pour faciliter le mariage, avantager son neveu d'une pension et donner les bagues à la fiancée. (Cf. Lettres de la Sainte, vol. I, p. 245.) (6) Un autre prétendant, sans doute, d'Huguette Liotard.  Annéf 1618 221 des querelles, puisque il s'est declairé de sa prétention a M. de Chantai et a moy, a qui mesme il a monstre l'escrit ? En somme, il arrive souvent en ce monde que les roses se convertissent en espines. J'ay pensé que je devois escrire un mot a M'"" Lyotart *, * Epist. seq. laquelle je ne nie pas qu'elle ne me dit qu'elle ne vouloit pas donner cette pièce, qu'ell'appelloit terre, qu'hors du contract de mariage : dequoy je me remis, comme des autres particularités, a ce qui seroit avisé entre vous, comme peu expert en telles affaires. Ce sera pourtant grand domage si ce mariage ne se fait, car a mon advis, les parties se fussent fort entr'aymees, et les parens con- tentés de cette aymable fille. Pour moy, je faisois conte de quinze mille escus bien revenans en argent, et quinze mille en la terre ; car si ell'eut esté terre de cinq cens escus de revenu, elle les valoit fort bien. Et néanmoins, si on fait 24 mille qui soyent franchement et clairement asseurés et recevables, quant a l'argent, selon la néces- sité des affaires de M. de Chantai, je pense que l'on devra passer outre. C'est une belle chose que la clarté es affai- res. J'ay a contre cœur tout (0 En somme, je recom- [mandej supplie d'accroistre en crainte filiale et parfaite ces dames : ma Seur Barbe Marie (2', madame de Granieu, avec toutes en esprit continuellement. A ma très chère Mère Madame de Chantai. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Chambéry. ( I ) La moitié du second feuillet de l'Autographe a été coupée; nous donnons ce qu'il en reste, en laissant aux lignes leur disposition première, afin que le lecteur se rende compte de ce qui manque. L'adresse se trouve au verso, soit à la quatrième page. (2) La présidente Le Blanc de Mions.  222 Lettres de saint François de Sales MCDXXVII A MADAME LIOTARD (0  Regrets du Saint en apprenant les obstacles qui s'opposent à la conclusion d'une alliance. — Prière de la faciliter.  Annecy, lo mai 1618, Madame, J'ay sceu par une lettre de madame de Chantai, que le désirable mariage qui fut conclu en mon logis se treu- voit plein de difficultés en l'esclaircissement des articles particuliers; et je confesse que, le croyant si convenable et propre au contentement des parties et de leurs amis, je ne puis m'empescher d'en estre en peyne (2). En suite de quoy, comme je conseille a madame de Chantai de ne point s'arrester a la diminution des espérances que nous avions des biens, aussi vous conjure-je. Madame, d'apporter de vostre costé tout ce qui peut faciliter et rendre douce et aggreable l'exécution d'une si bonne ( I ) La lecture de la lettre précédente et du présent texte suffit à fixer la destinataire. « La bonne madame Liotart... n'a pas peut estre encor bien despouillé la « robbe du monde, ni perdu la coustume de parler selon la sagesse du monde, » écrit le Saint à la Mère de Chantai à la fin d'avril 1618. (Lettre mcdxix, p. 205.) Cependant, depuis plusieurs mois, Marguerite du Solier, fille de Jean du Solier, sieur de la Mure, et veuve (1603) de Jean Liotard, président à la Chambre des Comptes du Dauphiné, souhaitait se retirer à la Visitation de Lyon « pour lui servir de passage au dessein » qu'elle avait « de se consacrer à Dieu. » (Lettres de la Sainte, 17 septembre 1617, vol. I, p. 222.) Mais elle n'avait « point de disposition pour la Religion, » la Fondatrice est obligée de le reconnaître, tout en regrettant que « cette pauvre femme-là » ne pût être « assistée et aidée » comme elle l'aurait voulu. (Ibid., 25 juin 1618, vol. I, p. 265.) La charitable Sainte recommandera encore M"'^^ Liotard à la sollici- tude de la Mère de Chastel, supérieure à Grenoble, oubliant ainsi le défaut de désintéressement et de loyauté qui fit rompre un projet de mariage fort goûté de son fils Celse-Bénigne. On trouve encore Marguerite du Solier signa- taire d'un acte en 1623. (2) Voir ci-dessus, note {2), p. 205.  Année 1618 223 œuvre, et de prendre la méthode la plus claire et franche. Et ce pendant, je demeure très asseurement, Madame, Vostre plus humble serviteur Franç% E. de Genève, 10 may 16 18, Annessi. Je souhaitte mille et mille bénédictions a Mesdamoy- selles vos filles, que je chéris et honnore de tout mon cœur, et suis leur serviteur (0. ( I ) Huguette Liotard avait deux sœurs aînées : Catherine, mariée à Jean de Dorgeoise la Tivolière, et Marguerite, femme de Gabriel de Grôlée de Mépieu, qui demeura l'amie fidèle et dévouée de la Mère de Chantai. Celle-ci écrira en 1630 : « Pour notre chère madame de Mépieu, c'est une petite âme que j'aime bien. » (Lettres, vol. III, p. 451.) Elle fut une des bienfaitrices de la Visitation de Crémieux.  MCDXXVIII AU DUC DE NEMOURS, HENRI DE SAVOIE (0 Recommandation en faveur d'un avocat. Annecy, ii mai 1618. Monseigneur, En cette vacance de Testât d'advocat de Vostre Gran- deur en ce Conseil de Genevois, advenue par la promo- tion de monsieur Ouvrier a celuy de sénateur (2), je croy que le sieur Mottier sera proposé a Vostre Grandeur ; et je puis dire que si elle luy fait la grâce de le recevoir en cette charge, ell'en sera extrêmement bien servie, non seulement par ce que c'est Tun des plus dignes advo- catz que nous ayons en ce païs, mais aussi par ce qu'il (i) Bien que l'Autographe ne porte point d'adresse, le titre de « Vostre Grandeur >> et le sujet de la lettre désignent clairement le correspondant du Saint. (2) Henri Ouvrier (voir tome XVI, note {4), p. 60) fut reçu au Sénat le 13 juin 1618.  224 Lettres de saint François de Sales affectionnera ardemment son devoir (O. Et les effectz de ce véritable tesmoignage en seront mes garens ; qui me fait le proférer hardiment, priant au reste la divine Bonté qu'elle face abonder Vostre Grandeur en bénédic- tions, et demeurant. Monseigneur, Vostre très humble et très obéissant orateur et serviteur. Francs, E. de Genève. XI may 1618, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibliothèque Nationale, Fonds français, 3809, fol. 80. ( I ) La recommandation du Saint eut son effet : Robert Mottier, originaire de Thônes, docteur ès-droits, devint avocat au Conseil de Genevois. Il acquit le titre de noble en 1621, par son élection de premier syndic de la ville d'Annecy. (Reg. des Délib. municip.)  MCDXXIX A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Un mal moins grand qu'on ne pensait. — Prochain retour de la Mère de Chantai. Annecy, 15 mai 1618 (O- J'ay esté bien en peine d'abord, mais en fin j'ay sceu, ma très chère Fille, que ce n'estoit que les attaques ordinaires. Dieu soit loué ! Du reste, nous en parlerons avec un peu plus de loysir quand vous viendres icy ; et cependant, voyla un billet de nostre Mère, que j'ay ouvert comm'addressé a [ma] fille et très chère fille. Elle sera icy de vendredi en huit jours (2). (i) La date de l'année, qui manque sur l'Autographe, est justifiée par l'annonce d'un retour de la Mère de Chantai à Annecy pour la fin du mois de mai; ce qui ne se présente qu'en 1618. (2) Voir ci-dessus, note (2), p. 203. François de Sales écrit ces lignes un mardi; le vendredi suivant tombait, par conséquent, le 18, ce qui fixerait au 25 l'arrivée de la Fondatrice. Elle n'eut lieu en réalité que le 26. (Voir ci-après, Lettre mcdxxxi, p. 227.)  Annhe i6i8 225 Dieu, par sa bonté, vive et règne en nos cœurs. Amen. xiliii may. A Madame Madame de la Flechere. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat,  MCDXXX A M. GUILLAUME DE BERNARD DE FORAS Témoignage d'amitié. — Ombre à la joie du saint Evêque au sujet du mariage de Henri de Nemours. Annecy, 18 mai 1618. Monsieur mon Frère, Quelle apparence y auroit il de laisser partir ce por- teur, de mes amis et confrères, sans luy donner ces quatre motz? car ne faut il pas, le plus souvent que l'on peut, ramentevoir cette juste et inviolable affection plus que fraternelle que mon cœur a envers vous ? Il est vray, Monsieur mon très cher Frère, plus l'honneur et le bien de vous revoir m'est différé, plus ce sentiment va croissant en moy. Au reste, on nous a annoncé de toutes partz le mariage de Sa Grandeur (0 ; mais j'attens que vous me le faciès sçavoir, avant que j'en tesmoigne ma joye, comme je dois, a sadite Grandeur, avec laquelle je me res-jouirois bien davantage si on ne nous asseuroit pas, par la mesme ( I ) Dès 1609, il était question du mariage de Henri de Nemours avec la petite-nièce du premier mari de sa mère, Anne de Lorraine, duchesse d'Au- male, fille de Charles de Lorraine (cf. tome XIV, note ( i ), p. 184). En 161 r, le projet avait été rompu sur les vaines espérances que le politique Charles- Emmanuel donna à son cousin de lui accorder l'infante Catherine (cf. tome XV, note (2), p. 79). Déçu dans son attente, le duc de Nemours renoua ses an- ciennes négociations, et, non sans difficulté, les fit heureusement aboutir. Le 14 avril 1618, par l'intermédiaire de Jacques de Montgommery, seigneur de Courbazon, à qui il avait passé procuration, le prince signait à Bruxelles l'acte de son mariage avec Anne de Lorraine. Lettres VIII tc  226 Lettres de saint François de Sales nouvelle, qu'elle se resoult de ne venir plus icy. Or sus, la Providence divine sçait ce qu'elle a a faire de nous. Cependant, aymes tous-jours constamment, Monsieur mon Frère, celuy qui, a jamais, sans cesse et sans reserve, est et veut estre Vostre très humble frère et serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Ce i8 may 1618. On dit tous-jours que Monsieur le Cardinal fera son voyage, et que je l'accompagneray (O. A Monsieur [Monsieur] de Foras, Gentilhomme de la Chambre de M. le Duc de Nemours. A Paris. (i) Voir ci-dessus, note (2), p. 138, et pp. 193, 215.  MCDXXXI A M. CLAUDE DE BLONAY Union de joies et de peines. — La Mère de Chantai est à Lyon et se dispose à rentrer à Annecy. Annecy, 19 mai 1618. Monsieur, Je participe a tous vos contentemens et a tous vos des- playsirs, selon nostre réciproque, ancienne et invariable amitié; c'est pourquoy je regrette la perte de la présence de monsieur vostre beaufilz (0, et prie Dieu quil console sa chère vefve, a laquelle je voudrois bien pouvoir rendre du service. La Visitation vous attend, et M""^ de Chantai me con- jura a son départ, ou par une lettre, de vous conjurer de (i) Amé de Mojonnier, fils de Jean de Mojonnier et de Louise de Laconay, avait épousé la fille aînée de Claude de Blonay, Françoise-Madeleine. Il teste et codicille les 30 avril et 18 mai 1618.  Année lôib 227 les assister a présent (0. ElTest maintenant a Lyon avec nostre fille ( = ), et sera icy dans huit jours pour recevoir la profession de M'" de Vallon (3) et de M'" Carra (4) le dimanche entre les octaves de l'Ascension. Monsieur nostre Prieur (5) vous dira les nouvelles tous- jours plus asseurees de la paix (6). Je suis, Monsieur, Vostre très humble confrère, FRANÇ^ E. de Genève, xvilii mai 1618. A Monsieur Monsieur de Blonnay, Prefect de la S^^ Mayson. Revu sur l'Autographe qui appartenait à M. l'abbé Pettex, curé de Marignier, près Bonneville (Haute-Savoie). (i) C'était probablement le paiement de la dot de 3000 florins promise à la Sœur Marie-Aimée, que réclamait instamment la Mère de Chantai. Il' se fit bien attendre encore. (2) Sœur Marie-Aimée de Blonay. (3) La profession de Sœur Claude-Catherine Joly de Vallon fut avancée au 23 mai. (Cf. ci-dessus, note (2), p. 220.) (4) Sœur Anne-Catherine de Beaumont-Carra (voir ibid., note (6), p. 204). (5) Jean-François de Blonay, prieur commendataire de Saint-Paul en Cha- blais. (Voir tome XV, note ( i ), p. 354.) (6) Voir ci-après, note (3), p. 236,  MCDXXXII A M.\DAME DE GRANIEU (0 Quelles consolations donner à la Mère de Chastel après le départ de la Mère de Chantai. Annecy, 20 mai 1618 (2). Pour moy, ma chère Fille, je n'escris a ce coup qu'a vous, car je m'imagine que la bonne Mère sera partie, ( I ) L'intimité qui s'établit promptement entre M'"'? de Granieu et la Mère de Chastel, et que l'on peut constater en d'autres lettres de François de Sales, nous permet d'assurer que ces lignes ont été écrites à la première. (2) Nous corrigeons le quantième, 10 mai, donné par les éditions précé- dentes, et que dément cette phrase du Saint : « Je n'escris a ce coup qu'a « vous. » Le 10, il écrivait encore à M*"*^ Liotard et à la Mère de Chantai, et celle-ci ne quitta Grenoble qu'après cette date.  228 Lettres de saint François de Sales et ce porteur est un personnage qui fait profession d'estre des grandes connoissances de monsieur vostre mary(i) et ne me donne que ce moment pour vous escrire. Mais que vous diray-je ? Ceux qui n'ont qu'une volonté et qu'un cœur, c'est a dire, ceux qui pour tout ne cherchent que le divin amour céleste et que la volonté et le cœur du Sauveur régnent, ilz sont inséparables. C'est pour- quoy, ma très chère Fille, prenes la peyne, je vous prie, de dire cela de ma part a ma Seur Peronne Marie (-), laquelle, au départ de cette chère Mère, sera, je pense, un peu attendrie. Mais qu'elle soit asseuree que Dieu l'assistera en sa besoigne ; et a la première commodité je luy escriray moy mesme. Ce pendant, vives toute a ce cœur et pour ce cœur du Sauveur, ma très chère Fille, et je suis, certes, vostre très parfaitement, et Vostre serviteur plus humble, FRANÇ^ E. de Genève. .. may i6i8, Annessi. Madame la Présidente Le Blanc sçait bien ce que je luy suis, et pressé de donner vistement ce billet, je ne luy puis escrire ; je la salue néanmoins de tout mon cœur. ( i) François de Gratet, seigneur de Granieu (voir ci-dessus, note ( i ), p. 219). (2) En revenant à Annecy, la sainte Fondatrice laissait pour Supérieure du nouvel établissement de Grenoble, la Mère Péronne-Marie de Chastel.  MCDXXXIII A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Sollicitude paternelle. — Visites consolantes. Annecy, 22 mai 1618. Que faites vous, ma très chère Fille ? car je suis en peine de ce violet que vous avies l'autre jour, bien que ce porteur m'a dit que vous vous porties bien, grâces a Dieu. Oh ! ce grand Dieu qui est propice aux cœurs de bonne  Année i6i8 229 volonté *, soit a jamais la vie du vostre, ma très chère ' Luc, n, 14. Fille, et du mien, qui est vostre et ne cesse jamais de vous souhaiter cette sainte vie de l'amour céleste. Nous sommes icy parmi les consolations que cette bonne compaignie nous donne (0, attendans pour com- pliment de bonheur la venue de nostre chère Mère ( = ). Vives, ma très chère Fille, et soyes toute a Dieu, qui m'a rendu et fait vivre tout vostre. Annessi, le xxii may 16 18. A Madame Madame de la Flechere. Revu sur une copie déclarce authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. { I ) Le président Antoine Favre et sa famille. (Voir ci-dessus, Lettres mcdxxiii et MCDXxv, pp. 215, 217.) ( 2 ) Voir ibid.. note ( 2 ), p. 22^.  MCDXXXIV A L.\ PRÉSIDENTE LE BL.^NC DE MIONS (inédite) Un petit signe du cœur. — Messages affectueux. Annecy, 23 mai iôi8. Ce n'est pas escrire, ceci, ma très chère Fille; c'est seulement, comme par un petit signe, vous faire sçavoir que ce cœur duquel vous estes la fille a receu vostre lettre avec beaucoup de joye et ne cesse point de vous désirer la perfection de l'amour cœleste. Vives ainsy, ma très chère Fille, de cette vie divine, toute remise es mains de Nostre Seigneur. A la venue de nostre Mère j'apprendray toutes vos nouvelles, et puis j'escriray a la première commodité. Cependant, salues chèrement tout ce qui est plus cher a mon ame dans vostre Grenoble. Mays vous sçaves que la  230 Lettres de saint François de Sales nouvelle Mere(0 est ma fille; si est bien madame de Granieu ; salues les donq comme il faut. Dieu vous sauve toutes. Amen. XXIII may, sans loysir et presque sans voir du tout. 1 6 1 8. A Madame Madame la Présidente Le Blanc. Revu sur TAutographe conservé à Florence, dans l'oratoire privé de M^"" Donat Velluti-Zati, duc San Clémente, Archevêque titulaire de Patras (Grèce). ( I ) La Mère Péronne-Marié de Chastel.  ' . MCDXXXV A UNE TANTE (O Condoléances et consolations. — Le chemin de la félicité future. Rempart contre le torrent des adversités. Annecy, 29 mai 1618. Madame, J'ay regardé avec compassion Testât de vostre cœur, des que j'ay sceu le desplaysir qu'il a receu ces jours passés ; car encor que je sache bien que, grâces a Dieu, Texperience et accoustumance que vous aves faite des quelques années en ça a souffrir les mescontentemens, aura affermi vostre ame et animé vostre courage pour n'estre plus si extraordinairement sensible a ces coups inévitables de nostre condition mortelle, si est ce que d'ailleurs je crains que ces recharges si fréquentes n'es- tonnent vostre resolution. ( I ) La différence de ton assez marquée entre le dernier alinéa et les pre- miers semblerait indiquer un texte bâti, mais il est impossible de décider à quel fragment se rapporterait alors la date. Si toute la lettre a été vraiment adressée à une Tante, comme le disent les éditions précédentes, on ne peut proposer que Jeanne de Menthon, veuve d'Hector de Chevron-Villette (voir tome XIII, note (2), p. 344), accablée de deuils depuis 1607, et qui dut perdre son fils Bernard entre 1617 et 1620.  Année 1618  23  Mais toutefois, Madame, je ne laisse pas d'espérer qu'a- près tant de remises de vostre volonté a celle de Dieu, après tant de considérations que vous aves faites sur la vanité de cette vie et sur la vérité de la future, après tant de protestations de vouloir estre irrévocablement attachée a la suite de la Providence céleste, vous ne treuvies une solide consolation au pied de la croix de Nostre Seigneur, ou la mort nous a esté rendue meilleure que la vie ; et cette illusion de la vie de ce monde n'aura pas eu le crédit, je m'asseure, de vous faire desmarcher des resolutions que Dieu vous fit prendre sur les evenemens d'autrefois. En somme. Madame, il faut s'accommoder a la nécessité et la rendre utile a nostre félicité future, a laquelle nous ne devons ni pouvons aspirer que par ce chemin de croix, d'espines, d'afflictions. Et en vérité, il importe peu (ains il importe beaucoup) a ceux que nous chérissons, que leur séjour soit court parmi le tracas et les misères de cette vie ; et quant a nous, cela ne nous toucheroit point, si nous sçavions considérer que c'est la' seule éternité a laquelle nous devons dresser tous nos désirs. Pour Dieu, ma très chère Tante, et certes, pour parler selon mon cœur, ma très chère Fille, ne vous laisses pas emporter au torrent des adversités, ains attachés vous aux pieds de Nostre Seigneur et dites luy que vous estes sienne ; qu'il dispose de vous et de ce qu'il a voulu estre vostre, a son gré, en vous asseurant, et a vous et aux vostres, la tressainte éternité de son amour. Ces momens ne méritent pas qu'on y pense, sinon pour parvenir a ce bien. Je suis. Madame, Vostre très humble neveu et serviteur, France E. de Genève. Ce 29 may 1618, Annessi.  Lettres de saint François de Sales  MCDXXXVI  A UNE DAME lO La souffrance des séparations. — Par quelle pensée s'en consoler. Encouragement paternel à écrire souvent. Annecy, 30 mai 1618. Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma très chère Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces séparations ; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces séparations extérieures, ni aux desplaysirs qui en procèdent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux em- pesche la libre communication des âmes, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres. Mays pourtant, ma très chère Fille, il y a bien dequoy vivre content en la tressainte dilection que Dieu donne aux âmes unies a mesme dessein de le servir, puis- que le lien en est indissoluble, et que rien, non pas mesme la mort, ne le peut rompre, demeurant éternelle- ment ferme sur son immuable fondement, qui est le cœur de Dieu, pour lequel et par lequel nous nous chérissons. Et vous voyes, ce me semble, des-ja en ces paroles le désir que j'ay que vous vous servies de mon ame avec toute confiance et sans reserve. Que si de m'escrire sou- vent de ce qui regarde la vostre vous sert de consolation, comme vous me le signifies, faites le confidemment, car je vous asseure que la consolation sera bien réciproque. Et que cela soit dit une fois pour toutes. Certes, je le dis en vérité, je vous chéris très particu- lièrement des que je vis en vostre cœur les arrhes du saint amour de Dieu envers vous, tesmoignees par les (i) Nul doute que la destinataire ne soit une dame de Grenoble; et c'est avec grande probabilité que nous suggérons le nom de Marguerite de la Croix de Chevrières, dame de Veyssilieu. (Voir le tome précédent, note (i), p. 371.)  Année 1618  233  attraitz qu'il vous fait a son service. Bienheureuse que vous seres, si, comme vous estes résolue de faire, vous les receves humblement et les prattiques fidellement, ainsy que de toute mon affection je le souhaite, demeurant a jamais, ma très chère Fille, et d'un cœur vrayement paternel, Vostre très humble et invariable serviteur. Francs, E. de Genève. Ce 30 mav 1618.  MCDXXXVII A L.^ MÈRE DE CHANTAL Conséquence d'un accablement d'affaires. — Annonce d'un mariage. Annecy, fin mai ou commencement de juin 1618(1). Vrayement le serein d'hier ni le vent ne m'ont fait aucun ennuy, ma très chère Mère ; mais ouy bien l'acca- blement d'aujourd'huy qui m'a empesché d'aller saluer vostre cher cœur en présence, nonobstant le juste empres- sement du mien ; je veux dire de vous aller voir moy mesme, qui en avois tant de désir. Or sus, il n'y a re- mède; c'a esté le béni mariage de madamoyselle de Cha- vannes, qui en fin reiiscira, comme je pense ( = ). Conservés-vous bien parmi cette fièvre salutaire. Oh ! Dieu vous conserve, ma très chère Mère, et vous comble de bénédictions par tout ou vous estes, et moy aussi. Vive Jésus ! Amen. Voyla la lettre de madame de Gouffier (3). ( I ) D'après le texte, ce billet a été écrit évidemment entre le retour de Greno- ble de la Mère de Chantai, 26 mai, et le mariage de M"^ de Chavanes, 19 juin, de l'année 1618. (2) Fille de Claude de Chavanes, ami et condisciple de François de Sales (voir tome XI, note (2), p. 52). et de Jeanne-Marie Fornerat de Cursinge, Marguerite de Chavanes épousa, le 19 juin 1618, le fils de Thomas Calcagni, Roch, écuyer de la grande écurie du duc de Genevois (voir tome XIV, note ( i ), p. 302), Les parents de la jeuue fille étaient morts avant 1604 ; le Saint s'inté- ressait d'autant plus à elle, et lui-même bénit son mariage dans sa chapelle particulière. (3) Elisabeth des Gouffiers (voir tome XV, note (i), p. 3431.  234 Lettres de saint François de Sales  MCDXXXVIII A M. GUILLAUME DE BERNARD DE FORAS Les étoiles pâlissant devant le soleil. — Une nouvelle apprise « a tastons. » Souhaits de bonheur au duc de Nemours. — Aimable plaisanterie. Annecy, fin mai-juin (i) 1618. En somme il est donq vray, Monsieur mon Frère, que les estoilles ne sont plus en veuë quand le soleil Test sur nostre horizon, et qu'ainsy ce grand contentement que vous contemples au mariage de Monsieur (2) vous vaut tellement que nous ne sommes plus en mémoire. Or sus, nous nous res-jouissons, certes, avec vous, et de tout nostre cœur, de ce mesme bonheur que nous estimons grand ; mais nous avons sceu cette heureuse Nouvelle a tastons, ramassant ça et la les asseurances que nous en avions parmi le bruit qui s'en faysoit; car ni Monsieur, ni aucun de sa part, ni nul homme du monde ne nous en a donné aucun advis. Mais Dieu soit loiié, et veuille multiplier ses bénédictions sur cette sainte liayson. Et vous. Monsieur mon Frère, passé ces premiers ra- vissemens que la grandeur de vostre jo3^e vous donne, vous vous demettres, je m'asseure, a nous vouloir encor un peu gratifier de vostre bienveuillance. Ce pendant, croyés que, quant a moy, je demeure immobile en l'af- fection que j'ay de vivre a jamais Vostre plus humble et affectionné frère et serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. A Monsieur [Monsieur] de Foras, Gentilhomme ordinaire de la Chambre de Monseigneur le Duc de Nemours. ( I ) La présente lettre doit être postérieure à celle du 18 mai au même destinataire, et antérieure au 9 juillet, date à laquelle le mariage du prince de Nemours était officiellement connue à Annecy, puisque, ce jour-là, la Ville décrète qu'un feu de joie sera fait comme réjouissance de cet heureux évé- nement. (a) Le duc de Nemours (voir ci-dessus, note ( i ), p. 225).  Année 1618 235  MCDXXXIX A LA MÈRE DE GHANTAL (fragment) Comment se disposer à recevoir le comble du saint amour. — D'où procède la souveraine unité dans une âme.  [Mai ou juin 1614-1618 (i).  Or sus, Dieu ne donne pas tant de désir a nostre très uni- que cœur, qu'il ne nous veuille favoriser de quelque efFect correspondant. Espérons donq, ma très unique Mère, que le Saint Esprit nous comblera un jour de son saint amour ; et, en attendant, espérons perpétuellement, et faysons place a ce sacré feu, vuidant nostre cœur de nous mesmes tant qu'il nous sera possible. Que nous serons heureux, ma très chère Mère, si nous changeons un jour nostre nous mesme a cet amour qui, nous rendant plus un, nous vuidera parfaitement de toute multiplicité, pour n'avoir au cœur que la souveraine unité de la tressainte Trinité, qui soit a jamais bénite au siècle des siècles ! Amen. (i) Les éditeurs de 1626 ont accroché ce fragment à la fin de la lettre du i^"" ou 2 mars 1615 (voir tome XVI, p. 311), dont le texte est composé de plusieurs pièces; assurément, le passage final n'est pas de la même date que la première partie de la lettre. (Voir ibid,, note ( i ), p. 511.) Ces lignes semblent avoir été écrites aux environs de la Pentecôte; aucun indice pour préciser davantage la date vague que nous leur attribuons.  36 Lettres de saint François de Sales  MCDXL A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÊQUE DE MONTPELLIER (0 La vanité d'un chef de guerre. — La vanité d'un portrait. Annecy, 3 juin 1618. Monseigneur, Ce digne porteur vous dira ce que nous sommes et ce que nous fa3^sons. Nous sommes tous-jours espérant et attendant la reddition de nostre Verceil, laquelle devroit il y a long tems estre faite, selon la rayson et les pro- messes, mais qui ne devroit pas estre si tost attendue, selon l'honneur de celuy qui tient la ville (2), qui exprès, dit on, ne la veut pas faire selon les articles et a point nommé, affin que Ton ne puisse pas dire que c'est par l'authorité du Roy qu'il fait ce dernier accomplissement de la paix (3). En somme, la vanité prévaut. Ouy mesme, je le puis dire, sur le sujet de l'image qu'on vous porte (4), laquelle, vuide d'ame et de cœur, (i) L'ancienne copie que nous reproduisons n'a pas d'adresse; mais c'est bien à Ms"" Fenouillet que le Saint a coutume de donner des nouvelles des armes de Savoie. (2) C'était le marquis de Monténégro, Jérôme Caraffa. petit-neveu de l'il- lustre Cardinal de ce nom, et fils de Renaud Caraffa. Il était né en 1564 et avait été élevé avec soin par son grand-oncle. Sa carrière militaire commença dans les Pays-Bas, sous le duc de Parme ; puis il servit dans le Milanais sous don Pedro de Tolède, passa en Allemagne, sur la demande de l'Empereur qui le fit prince de l'Empire, et revint en Espagne en 1628. Il était vice-roi d'Aragon lorsque le gouverneur des Pays-Bas l'appela auprès de lui. Le mar- quis de Monténégro mourut à Gênes en 1633, sans laisser de postérité d'Hip- polyte de Lanoy, son épouse. (Moreri, 1740, tome II.) ( 3 ) Le certificat de désarmement du duc de Savoie (cf. ci-dessus, note (4), p. T06) avait été apporté, de la part du roi de France, au gouverneur de Milan, le 18 février et le 20 avril ; Verceil ne fut restitué que le 15 juin. La nouvelle en parvint à Annecy le 18 juin, et aussitôt des actions de grâces et des ré- jouissances publiques furent ordonnées. (Cf. au tome VIII de notre Edition, p. 370, le Sermon du 24 juin 1618.) (4) On peut signaler plusieurs portraits de François de Sales antérieurs à :6i8 ; entre autres, celui envoyé à TEvêque de Bàle en 1617 (voir tome XIV, note (3), p. 215); mais plus d'une fois les amis du Bienheureux n'avaient  Annke ibi8 237 et n'estant que vaine représentation d'un homme qui n'est que vanité *, prévaut sur moy, qui desirerois bien * Ps. xxxvm, 6. d'aller en présence auprès de vous pour vous offrir de vive voix mon très humble service et jouir de l'honneur de vostre veiie. Mais ne pouvant pas encor, je demeure, et suis de plus en plus désireux d'estre reconneu et advoué de vous, Monseigneur, Vostre très humble et très obéissant frère et serviteur, Francs E- de. Genève. Ce jour sacré de la Pentecoste 1618, a Annessi. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Toulouse. obtenu que des refus à leurs désirs. Enfin, au mois de juin 1618, raconte l'Année Sainte manuscrite, « une dame dévote » — peut-être M."^^ de Granieu (voir la lettre suivante) — « trouva l'invention de le lui faire dire par M. Michel Favre, son confesseur, lequel dit au Saint, avec un peu de sévérité... quil etoit cause de plusieurs péchés véniels de murmure et d'inquiétude que le prochain fesoit sur sa résistance a se laisser peindre; quil le prioit de s'en amender. Le bon Saint s'y soumit avec une admirable simplicité. » Quand le peintre, Jean-Baptiste Costaz, « eut pris une fois bien au naturel l'image de cet homme de Dieu, il en fit une très grande quantité de copies, parce que chacun en vouloit avoir. » Puis, par une ruse ingénieuse, il obtint une nouvelle séance de pose, de trois ou quatre heures, à la fin de laquelle le condescen- dant Evêque lui dit : « Vous m'avez causé une grande mortification, mais je vous pardonne, a condition que vous n'y retourniez jamais. »  MCDXLI  A MADAME DE GRANIEU  Les « empeschemens » du saint Evêque et sa paternelle bonté. — Envoi de deux portraits. — « Le secret des secretz en l'orayson. » — Quelle est la meil- leure prière. — Double travail de la « petite mouche a miel, » — Messages de père et d'ami. Annecy, 8 juin 1618. Par cette si asseuree commodité, je vous diray, ma très chère Fille, que nostre Mère dit la vérité : je suis extrêmement accablé, non tant d'affaires comme d'em- peschemens, mais d'empeschemens dont je ne puis me  238 Lettres de saint François de Sales desprendre. Neantmoins je ne voudrois certes pas, ma chère Fille, que pour cela vous laissassies de m'estrire quand il vous plaira ; car la réception de vos lettres me délasse et me recrée beaucoup. Seulement faut-il que vous me soyes un peu bonne, en m'excusant quand je seray un peu tardif a respondre, puisque je vous puis asseurer que ce ne sera jamais que par nécessité que je dif- fereray, mon esprit prenant bien playsir a visiter le vostre. Je ne vous sçaurois rien refuser, ma très chère Fille, et partant, les deux portraitz que vous desires se feront (0. Que n'ay-je désiré de conserver l'image de nostre Père Cf. Gen., 1, 26, 27. céleste en mon ame, avec l'intégrité de sa ressemblance * ! Ma très chère Fille, vous m'ayderes bien a demander la grâce qu'elle soit réparée en moy. Vostre sorte d'orayson est très bonne, ains beaucoup meilleure que si vous y faysies des considérations et discours, puisque les considérations et les discours ne servent que pour exciter les affections ; de sorte que s'il plait a Dieu de nous donner les affections sans discours ni considération, ce nous est une grande grâce. Le secret des secretz en l'orayson, c'est de suivre les attraitz en simplicité de cœur. Prenes la peine ou de lire, ou de vous faire lire si vos yeux ne peuvent fournir a cela, le sep- tiesme Livre du Traité de V Amour de Dieu, et vous y treuveres tout ce qui vous sera nécessaire de connoistre f d,e l'orayson. Je me resouviens fort bien qu'un jour en la confession vous me dites comme vous faysies, et je vous dis que cela alloit fort bien, et qu'encor qu'il falut porter un point, si toutefois Dieu vous tiroit a quelque affection soudain que vous séries en sa présence, il ne falloit point s'attacher au point, ains suivre l'affection ; et quand elle sera plus simple et plus tranquille, elle sera meilleure, car elle attache plus fortement l'esprit a son object. Mays, ma très chère Fille, estant une fois résolue de cela, ne vous amuses point, au tems de l'orayson, a vouloir sçavoir ce ( I ) C'étaient les portraits des deux Fondateurs de la Visitation que M""* de Granieu avait instamment demandés. (Voir ci-dessus, note (4), p. 236, et ci- après, Lettre MCDXLix, p. 251.)  Année [618  39  cxxxviii, 10.  que vous faites et comme vous pries ; car la meilleure prière ou orayson, c'est celle qui nous tient si bien em- ployés en Dieu que nous ne pensons point en nous mes- mes, ni en ce que nous faysons. En somme, il faut aller la simplement, a la bonne foy et sans art, pour estre auprès de Dieu, pour l'aymer, pour s'unira luy. Le vray amour n'a guère de méthode. Demeures en paix, ma très chère Fille, marches fidè- lement au chemin auquel Dieu vous a mis ; ayes bien soin de contenter saintement celuy quil vous a associé (O et, comme une petite mouche a miel, en faysant soigneu- sement le miel de la sacrée dévotion, faites encor bien la cire de vos affaires domestiques ; car si l'un est doux au goust de Nostre Seigneur, qui estant en ce monde mangea le beurre et le miel *, Tautre aussi est a son honneur, puisque il sert a faire les cierges allumés de l'eedification du prochain. (2) Dieu, qui vous a pris par la main pour vous mettre au chemin de sa gloire, vous conduira *, ma très chère * Cf. Ps. lxxh, 24, Fille. Je ne cesseray jamais de l'en supplier, car croyes, ma très chère Fille, que je chéris tendrement etplus que paternellement vostre ame et vostre cœur, que Dieu veuille de plus en plus rendre siens. Amen. Vive Jésus ! VIII juin 1618. Je vous supplie, ma chère Fille, de saluer la bonne Mère (5) et nos Seurs de la Visitation, puisque je n'ay nul moyen d'escrire davantage : ce sera au premier loy- sir. Dieu aydant. Elles sçavent bien, comme je pense, de quelle sorte je suis a elles. Cette Mère m'est grande- ment a cœur ; Dieu l'assistera et bénira ses bons désirs. J'ay un monde de lettres a escrire, mais je ne puis présentement. Je salue très humblement monsieur vostre cher mari et suis fort asseurement son serviteur. Je doy ( I ) François de Gratet, seigneur de Granieu (voir ci-dessus, note ( i ), p. 219). (2) L'alinéa suivant est tronqué dans les éditions précédentes, et le post- scriptum est inédit. {3) La Mère Péronne-Marie de Chastel, supérieure de la Visitation de Grenoble.  240 Lettres de saint François de Sales une response a M. d'Aouste, vostre bienaymé et bien aymable cousin ( ^ ), mais je payeray la debte, quoy qu un peu plus tard, Dieu aydant ; dites le luy, je vous supplie, ma très chère Fille. A Madame [Madame] de G[ranieu] (2). Grenoble. Revu sur TAutographe conservé à la Visitation de Chambéry. (i) Bonne de Portes, tante maternelle de M"^^ de Granieu, avait épousé Sébastien de Lionne, seigneur de Leyssin, Aoste, etc. De ce mariage, naquit à Grenoble, le i^"" septembre 1583, Artus ou Arthur qui, dès 1605, était con- seiller au Parlement et marié à Isabeau de Servien, qu'il avait épousée en secondes^noces. Elle le rendit père d'Hugues, le futur ministre de Louis XIV> et mourut peu après. Artus ne chercha de consolations que dans la piété, entra dans les Ordres et devint chanoine de Grenoble. Quelques années plus tard, la Visitation s'établissait dans la capitale du Dauphiné; M. d'Aoste en fut le meilleur ami, et bientôt le Père spirituel; il s'était fait lui-même le disciple du saint Evêque de Genève, à qui il écrivait souvent, dit l'Histoire de la Fondation^ pour lui rendre compte de l'état de la Maison. (Voir à l'Appendice I, une de ses lettres au Bienheureux.) La Mère de Chantai avait « une dilection très particulière et spéciale » pour ce vertueux ecclésiastique (Lettres, vol. IV, pp. 461, 462), et s'estimait « très honorée » qu'il eût daigné r« accepter non seu- lement pour sa sœur, mais pour sa très humble fille. » (Ibid., vol. III, p. 486.) En 1638, la Visitation de Grenoble fut privée de cet excellent Supérieur, lors- que Artus de Lionne devint évêque de Gap par la mort de Charles-Salomon du Serre dont il était déjà coadjuteur. Préconisé à Rome le 11 avril 1639, sacré à Paris le 27 novembre suivant, il prit possession du siège épiscopal par procureur, le 24 mars 1640, et fit son entrée à Gap le 19 avril. Comme son maître et ami François de Sales, le nouveau Pasteur déploya un zèle tout apostolique et une charité que sa grande fortune seconda merveilleusement; comme lui encore, attaché de coeur à son vaste et pauvre diocèse, il refusa le riche évêché de Bayeux et l'archevêché d'Embrun. On doit à cet amour pour son Eglise les recherches qu'il entreprit sur son histoire et le précieux Roolle des Evesques de Gap. Craignant que sa vieillesse ne fût nuisible à ses diocésains, Artus de Lionne laissa l'administration à Pierre Gaillard, vicaire-général et officiai, et se retira (19 avril i66î) à Paris, auprès de son fils Hugues. Il mourut pieusement le 18 mai suivant. (D'après l'abbé Guillaume, Inventaire somm . des Archiv. des Htes-Alpes, Gap, 1897, Série G, tome III, p. xviii.) (2) Le nom de la destinataire a été enlevé à l'ouverture de la lettre; il ne reste que le G.  Année 1618 241  MCDXLII A DON JUSTE GUÉRIN, BARNABITE (fragment) Un serment inutile. — Protestation d'amitié. Annecy, 17 juin 1618. Mon Révérend Père, Je vous respons bien courtement, mais c'est par force, n'ayant autre loysir que pour cela. Vrayement, mon Père, il n'est nul besoin de serment pour me faire croire la vérité de vostre sincère, cordiale, intime et invariable amitié envers moy; car je la croy, je la sçai, je la voy, je la sens, je la touche, et il faudroit que mon ame fust inanimée et mon cœur insensible, s'il en doutoit. Mays croyes bien réciproquement, mon très cher Père, que mon esprit correspond très exactement au vostre pour ce regard, et que je suis très indissolublement et invaria- blement vostre, sans reserve ni exception quelcomque ; mais voyes vous, je dis vostre, en sorte que mon cœur en cela n'a point de sentiment qui n'y consente. (0 Annessi, 17 juin 161 8. ( I ) L'auteur de la Vie de D. Juste ajoute, après avoir cité ce fragment : « Le reste de la lettre regarde les affaires de la Visitation et de la Sainte- Maison de Thonon, et pour les convertis qu'il recevait au giron de l'Eglise. »  Lettres VIII  242 Lettres de saint François de Sales  MCDXLIII A MADAME DE LA FOREST RELIGIEUSE DE l'aBBAYE DE BONS (0 (inédite) Comment apaiser, par humilité et douceur, un cœur mécontent. Nul déshonneur à pardonner. Annecy, 20 juin 1618. Ma très chère Seur, Je voy bien es lettres que vous m'aves envoyées, le cœur de cette chère seur (2) tout gros d'ennuy et de mes- contentement ; il faut avoir patience avec son naturel et ne point s'estonner. Nostre seur de la Flechere (3) m'a dit comme tout estoit passé, car je n'en sçavois autrement chose quelcomque. Il me semble que vous pourres luy respondre en peu de paroles quant a ce qui regarde la grâce, en luy disant que en la grande presse qu'on vous a donnée, pour laquelle vous n'avies nul loysir d'attendre sa response, vous aves pris advis de ceux que vous aves jugé vous le pouvoir donner ; et que, en fin, selon leur conseil, vous aves fait ce que vous aves fait, marrie que vous seres si elle Ta a contrecœur ; et qu'elle excuse vostre simplicité, et n'im- pute toute cette procédure qu'au manquement d'expérience es telles occurrences (car en somme, ma très chère Fille, il faut aflfoiblir la passion de cette seur ainsy par humi- lité et douceur) ; qu'il ny a d'empesché que ceux qui se treuvent en la meslee, et les filles n'auront ni honneur ( I ) L'adresse A Madame de la Flechere que porte la copie conservée à Turin est certainement fausse, puisque M""^ de la Fléchère elle-même se trouve men- tionnée dans ces lignes. La destinataire est évidemment sa sœur, Jeanne- Bonaventure de la Forest, Religieuse de l'abbaye de Bons. (Voir tome XIV, note (i), p. 204.) ( 2 ) Ennemonde de la Forest, veuve d'Emmanuel-Philibert Roero de Bressieu. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 189.) (3) Madeleine de la Forest, sœur de Jeanne-Bonaventure et d'Ennemonde,  Année 1618 245 ni deshonneur en tout ceci, car on sçaura tous-jours que ce sont des filles. Et puis en fin, il faut revenir au point : il ny a point de deshonneur a pardonner, ou sil y a de deshonneur, ce n'est que devant le monde. Je suis sans loysir, et suis Vostre très humble frère et serviteur, Franç% E. de Genève. Vous treuveres Monseigneur de Belley revenu (0. XX juin 1618. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. ( i) Probablement de Paris, où M»"" Camus prêcha dix années consécutives l'Avent et le Carême.  MCDXLIV A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Deux mots écrits en allant à Vêpres. — Ne pas se mettre en peine après avoir fait ce que l'on a cru être bon. Annecy, 21 juin 1618 ( i). Ma très chère Fille, Allant a Vespres et faire la bénédiction et procession, je vous escris ces deux motz. Vous verres ce que j'escris a nostre chère seur de Bons *. Pauvre fille, elFest bien * Epist. prasced. en peine, mais il n'y a pas de quoy, car elle a fait ce qu'ell'a cuydé estre bon. Je croy que nostre seur qui est en Piémont (2) n'eut pas fait ainsy, mays elle ne peut pas gouverner tout ; la pauvre chère seur Religieuse a fait selon sa condition. Tout cela reviendra a bien, moyennant la grâce de Dieu, a laquelle je recommande vostre ame qui m'est chère comme la mienne propre. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) La corrélation de cette lettre avec la précédente indique qu'elle a été écrite presque en même temps. Mais le saint Evêque mentionnant la proces- sion, il est probable qu'elle est du jour d'octave de la Fête-Dieu, soit du 21 juin. (2) M'"^ de Bressieu.  244 Lettres de saint François de Sales  MCDXLV A LA MÈRE DE CHASTEL SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE GRENOBLE (fragment) Un homme « tout spirituel et tout de Dieu. » — Avis du Saint pour la conduite intérieure. [Annecy, juin-juillet 1618 (i).] Je vous dis, ma chère Fille, que non seulement vous pouves, ains que vous feres parfaitement bien d'ouvrir vostre cœur tout candidement au Père Isnard; il est non seulement docte et religieux, mais il est tout spirituel et tout de Dieu ; vostre cœur bienaymé aura de la consola- tion et du profïit a recevoir ses advis (2). Il faut que je vous die, ma chère Fille, que, gardant nostre liberté, je treuve qu'en plusieurs rencontres il y peut avoir un incomparable advantage (sans s'attacher toutefois a des directions particulières) de faire passer le ( I ) Il est difficile de fixer exactement la date de ce fragment. La Mère de Chaugy, qui nous Ta conservé, nous dit seulement que la Mère de Chastel « se voyant privée de la conduite de nôtre glorieux Fondateur et de nôtre vénérable Mère, et ayant trouvé dans Grenoble le Père Isnard, de la Com- pagnie de Jésus, personnage d'une réputation extraordinaire et dans l'estime d'une tres-eminente pieté... elle demanda avis a nôtre digne Père et Directeur de luy ouvrir confidemment son intérieur. » (Les Vies de quatre des premières Mères, 1639-1892, Vie de la Mère de Chastel, chap. xx.) Ceci eut lieu dans les premiers mois qui suivirent le départ de Grenoble de la Mère de Chantai (juin-juillet 1618), et la réponse du Saint ne dut pas se faire attendre. (2) Le P. Jacques Isnard était né en 1581 dans le diocèse de Saint-Flour. Entré dans la Compagnie de Jésus en 1602, il y fit en 1619 la profession des quatre vœux. Sa vie religieuse se partagea entre l'apostolat de l'enseignement et celui de la prédication ; elle se termina par une mort qui eut le mérite du martyre, car le P. Isnard, alors recteur du collège d'Aix, succomba victime de son dévouement aux pestiférés, le 29 décembre 1629. Eminent controversiste, ce saint Religieux « était devenu la terreur des ministres qui, » dit un historien, « de loin l'insultaient, » mais « n'osaient pas le regarder en face, à moins qu'ils ne fussent cinq ^u six contre un, » (Prat, Recherches hist. et critiques sur la Cie de Jésus en France, 1876, tome IV, p. 85.) Non moins habile à guider les âmes dans les voies de la perfection qu'à les ramener dans le chemin de la foi, il entretint d'intimes rapports avec la Visitation de Grenoble dès qu'elle fut établie, et, admirant surtout la haute vertu de la Supérieure, il lui ouvrit le livre des Saintes Ecritures où bientôt elle se rendit savante.  Année 1618 245 jugement de quelqu'un par dessus le nostre pour nostre conduite intérieure : ainsy le divin Espoux renvoyoit son amante aux tabernacles des pasteurs *. 'Cant., i, 7.  Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère de Chastel, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.  MCDXLVI AU DUC ROGER DE BELLEGARDE Inquiétudes au sujet de la santé du destinataire et action de grâces pour sa guérison. — Que faire pour le bien de la vie conservée. — Recommanda- tion en faveur d'un nouveau converti. Annecy, 9 juillet 1618. Monsieur mon très cher Filz, Je ne vous sçaurois dire de combien d'afflictions mon cœur a esté tourmenté parmi les incertitudes de vostre santé. Que de divers advis j'ay receus il y a environ deux mois ! Mais Dieu soit loiié, qu'après avoir pleuré et ame- rementregretté sur vostre trespas, qu'on m'avoit annoncé, je bénis sa divine Majesté et la supplie avec une incom- parable consolation pour vostre vie que, certes, vous deves meshuy chérir, Monsieur mon très cher Filz, puis- que vous voyes combien elle est désirée, comme très utile, par tant de gens de bien ; car on m'escrit de Gex que parmi tout vostre gouvernement ( on a fait des actions de grâces publiques a la divine Bonté pour vostre guéri- son. Et en ce païs mesme de deçà, si on ne les a fait publiques, on les a fait générales, et moy je les ay fait très particulières, comme ayant receu en vostre conser- vation un des plus singuliers bienfaitz que j'aye receus il y a long tems. Aymés-la donq vostre chère vie. Monsieur mon très cher Filz, et faites ensuite deux choses pour son bien. L'une sera de la conserver soigneusement par les moyens ( I ) Le duc de Bellegarde était gouverneur de la Bourgogne, de la Bresse et du'^Bugey.  246 Lettres de saint François de Sales convenables, estayant et appuyant l'infirmité d'icelle et le penchant que Taage et les maladies lu}^ ont causé, par le repos et règlement propre a cela. L'autre, et la première, sera que, si jusques a présent vous aves eu intention de dédier tous les momens de vostre vie présente a l'immortalité et éternité de la future, vous en redoublies la resolution et les vœux, contant les jours et les heures, et les emplo3^ant afFectionnement a vostre advancement en l'amour divin, a l'amplification de la pieté parmi les mondains, et en somme, a l'exécu- tion des saintes vertus que la grâce de Dieu et vostre bon naturel vous ont fait aymer et désirer il y a long tems. Pour moy, je ne cesse point, certes, de prier a ce dessein, que par un asseuré pressentiment je voy des-ja, ce me semble, tout exécuté, avec un surcroist de contentement indicible de sçavoir combien monsieur vostre frère (0 fraternise heureusement pour ce regard. Au demeurant, Monsieur mon Filz, le jeune Bursal, de Gex (O, s'estant converti a la foy catholique par la bonté de Dieu, a tant receu de mauvais et indignes trait- temens en sa patrie par ses bourgeois et mesme par ses proches, qu'il a esté contraint de se retirer a Paris, ou il à pensé de pouvoir treuver quelque condition de service pour s'entretenir ; et nos ecclésiastiques de Gex m'asseu- rent qu'il est fort bon enfant. Ce qui me fait vous supplier très humblement, Monsieur mon Filz, d'avoir quelque soin de luy, affin que l'on voye que ceux qui abandonnent cette fause religion pour embrasser celle du Roy et du royaume, qui est la seule vraye religion, ne sont pas abandonnés de ceux qui tiennent les meilleurs rangs au service du Roy et de la coronne. Vives longuement, heureusement et saintement ; c'est le souhait personnel. Monsieur mon Filz, de Vostre très humble et très obéissant serviteur, Franç% E. de Genève. Ce 9 juUiet 161 8, a Annessi. ( I ) Le baron de Termes (voir le tome précédent, note ( i ), p. 130). (a) Cf. ci-dessus, p. 198, la lettre au même, du 25 avril.  Année 1618 347  MCDXLVII A LA MÈRE DE BRÉCHARD SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE MOULINS (0 (inédite) Envoi d'une lettre pour M'"^ des Gouffiers. — Comment vivre au-dessus du monde et de ses embûches. Annecy, i8 juillet 1618. Ma très chère Fille, Je vous supplie de faire donq seurement tenir cette response que je fay a madame de Gouffiez (2), puisqu'elle désire tant de l'avoir. Le parti qu'elle propose pour vous est incomparable, sil reuscit, et pourra mesme fort faci- lement obtenir de Rome le petit Office a perpétuité. Courage, ma très chère Fille, tenes vostre esprit haut eslevé au dessus de ce monde et de toutes les embusches qu'il nous tend. Je veux dire, ma très chère Fille, que vostre cœur ayant toute sa confiance en la bonté de celuy de Nostre Seigneur, vous deves vivre joyeusement, pay- siblement et généreusement en vostre charge, que sa divine providence fera et portera avec vous. Ainsy soit il. Vostre, très parfaitement vostre, ma très chère Fille, croyes le bien, car ainsy est il. F. E. de Gen. 18 julliet 1618. A ma très chère Fille. Revu sur l'Autographe appartenant à M'"* Gaulard, à Auxonne (Côte-d'Or). ( I ) Le Saint n'a pas mis à l'adresse le nom de la destinataire, mais celle-ci est désignée avec certitude par l'envoi d'une lettre pour M""^ des Gouffiers. ( 2 ) Elisabeth Arnault des Gouffiers (voir tome XV, note ( i ), p. 543), après avoir procuré l'établissement des Religieuses de la Visitation à Moulins (voir tome XVII, note ( i ), p. 256), et y être restée dix-huit mois, s'employait maintenant à préparer une fondation à Paris. (Cf. ci-dessus, note (2), p. 194.)  248 Lettres de saint François de Sales MCDXLVIII au chanoine JEAN-FRANÇOIS D'ULME (0 Contradictions suscitées à la Visitation. — Le vaisseau « prest a singler et a faire voyle. » — Pourquoi les Sœurs de Grenoble sont heureuses. — Fleurs de suavité. Annecy, vers le 18 ou le 19 juillet 1618 (2), Monsieur, Je ne m'estonne point de l'empressement que ces bons personnages ont a destourner les âmes que Dieu appelle a la Visitation (?); car encor me semble-il que cette bienaymee petite Congrégation est quitte a bon marché des persécutions et contradictions que l'ennemi de son progrès luy suscite et a accoustumé de susciter en toute pareille occasion. Certes, je croy pourtant qu'il n'en peut ( I ) Le p. Ménestrier, dans son Histoire de la Visitation, cite deux passages de cette lettre comme adressés à M. Ménard, chanoine-sacristain de Saint- Nizier(voir le tome précédent, note ( 3),p. 103); ce qui a induit Migneen erreur. Le rapprochement de ces pages avec celles que sainte Jeanne de Chantai écrit le 14 juillet 1618 à la Mère de Chastel (Lettres, vol. I, p. 274 ; texte revu sur l'Autographe), nous convainc que le vrai destinataire est M. d'Ulme, chanoine de Grenoble. C'était, d'après VHisioire de la Fondation de la Visitation de cette ville, un « ecclésiastique fort estimé et en réputation d'une extraordinaire vertu et piété..., frère de l'Archevêque d'Embrun. » — Honoré du Laurens, mort archevêque d'Embrun en 1612, avant d'entrer dans les Ordres avait été marié à Anne d'Ulme, fille de François d'Ulme ou d'Ulmo, seigneur de Montravail, avocat général de Provence. Le chanoine Jean-François d'Ulme serait donc, sans doute, fils de ce dernier et beau-frère d'Honoré du Laurens. Deux voyages à Annecy, en septembre 1617 et en janvier 1618, pour traiter l'entrée à la Visitation de sa fille spirituelle, Jeanne du Bonnet de la Bastie (cf. ci-dessus, note (i), p. 148), le lièrent plus particulièrement aux deux Fondateurs. Il fut, le premier, confesseur des Filles de Sainte-Marie à Grenoble, et garda cette charge jusqu'en^i620 ou 1621. Quelques petites difficultés lui firent quitter ce poste ^voir à l'Appendice I, la lettre d'Artus de Lionne au Saint), mais il demeura l'ami du Monastère, et nous le voyons, en 1625, accompagner à Em- brun les Soeurs qui allaient fonder une nouvelle Maison de la Visitation dans cette ville. (2) Hérissant donne la date du 2 juillet 1618, mais il semble plus exact, d'après l'étude de la correspondance de la Mère de Chantai, de placer cette lettre après le 14 juillet, tout près de celle écrite par le Saint, le 19, à M"»* de Granieu. Les deux messages durent être confiés au même porteur. (5) Cf. ci-dessus, note (2), p. 152.  I  Année 1618  249  plus, car, comme un plaideur qui a mauvaise cause, il ne sçait plus que faire, sinon caler et prendre des délais. J'ay receu de Rome commission d'ériger cette Congré- gation en tiltre de Religion, avec tous les privilèges, prééminences, immunités et grâces qu'ont toutes les autres Religions, et ce, sous la Règle de saint Augus- tin (0. Dites a cette bonne ame qu'elle entre asseurement a Sainte Marie (2); bien qu'elle ne soit pas encor Reli- gion, elle le sera bien tost, et j'oserois dire que, devant Dieu, elle l'a tous-jours esté, puisque, par sa grâce, l'on y a tous-jours vescu religieusement. Certes, asses entre sur la mer qui entre dans un vaysseau qui est a l'embou- cheure du Rosne, prest a singler et faire voyle. Nostre Mère ira cet hiver faire une Mayson a Paris (3), et, comme je prevoy, avec tant de bonheur, d'advantage, de protection et d'assistance, qu'après cela je m'asseure que tout demeurera calme et en paix. J'estime nos Seurs de vostre ville trop heureuses de jouir, comme elles font, des effectz de vostre charité, soin et affection. O quelle suavité a mon chetif cœur paternel, de sçavoir que mon frère très aymable est tout charitablement cordial a mes Filles bienaymees ! Je vous en fay mille très humbles actions de grâces, Monsieur mon très cher Frère, et vous proteste que, recevant vostre lettre, il me sembloit cueillir des fleurs de suavité incom- parable sur le coupeau d'une de nos montaignes, ou j'estois alhors (4). C'estoit en l'octave de nostre grand saint Jean, ou, me souvenant que l'Evangeliste de nostre Princesse * * Luc, i, 15. di\.de\\iy : Et vinum et siceram non bibet (*), j'admiray  {*) Et il ne boira ni vin ni autre liqueur enivrante ( I ) Le Bref d'érection de la Visitation en Ordre religieux est du 23 avril 1618. (2) « Je pense, » mande la Mère de Chantai le 14 juillet à la Supérieure de Grenoble, « que Monseigneur écrira à M. d'Ulme comme la Seseriti peut entrer parmi nous en parfaite assurance. » (D'après l'Autographe; voir Lettres, vol. I, p. 274.; C'est certainement la « bonne ame » dont il est ici question: mais nous ne trouvons aucun nom se rapprochant de celui-là parmi les pre- mières Religieuses de la Visitation de Grenoble, ( 3 ) La Sainte partit d'Annecy le aa octobre, pour Bourges et Paris. (4) Peut-être aux Voirons.  250 Lettres de saint François de Sales la douceur de Dieu, de m'abreuver, moy chetif homme, du vin de la charité que le Saint Esprit a respandu Rom., V, 5. en nos cœurs *. Vivons ainsy, mon très cher Frère, et croyes que, tant que je vivray, je porter ay la qualité de Vostre très obéissant frère et serviteur, tout inutile et tout affectionné, Franç% E, de Genève.  MCDXLIX  A MADAME DE GRANIEU  Heureuse occasion d'avoir de mutuelles nouvelles. — Ce que dit un portrait au coeur filial. — Conseils au sujet du confesseur et de la confession, — Salutations paternelles. Annecy, 19 juillet 1618. Je vous escris, ma très chère Fille, a mesme que je vay monter sur le bateau pour aller visiter un monastère de Religieux reformés desquelz pour le présent j'ay charge (0; mais ce gentilhomme, qui est et mon parent et mon grand amy (0, allant vers M. le Mareschal (3), il faut a quel prix que ce soit qu'il vous porte de mes nouvelles, puisque mesme il reviendra et m'en pourra rapporter des vostres. Or, je respons a vos deux derniers billetz, lesquelz, comme tout ce qui vient de vous, m'ont donné une consolation nompareille. ( I ) Le prieuré de Talloires (voir tomes XII, note ( i ), p. 241, et XIV, note ( i ), p. 173). Dans cette visite, TEvêque unit la chapelle de Saint-Jacques-le-Majeur à la mense conventuelle. Le 22, il traverse le lac et se rend au prieuré de Saint-Jorioz, où il fait une translation des ossements de saint Joire. (2) Ce gentilhomme, parent et ami de François de Sales, est certainement M. de Charmoisy, -mis en relations particulières avec le gouverneur du Dau- phiné au sujet des prétentions opposées des Seigneurs de Berne et du duc de Longueville sur la principauté de Neuchâtel. Il venait de traiter ces graves questions au nom de Charles-Emmanuel, comme son ambassadeur extraor- dinaire en Suisse. (Cf. J. Vuy, La Philoihée de St Fr. de Sales, 1878, I, chap. XIV.) (3) Le maréchal de Lesdiguières (voir tome XII, note (4), p. ioo\  Année 1618 251 Vray Dieu, ma très chère Fille, que sera ce quand nous verrons aeternellement la face du Père éternel en elle mesme, puisque le portrait mort et muet d'un chetif homme res-jouit le cœur d'une fille qui l'ayme ( ? Mays, ce me dites vous, ce portrait n'est pas muet, car il parle a vostre esprit et luy dit des bonnes paroles. Or bien, c'est a vos seules aureilles, qui escoutent si délicatement, que sans dire mot il parle, vous remettant en imagination ce que je disois lorsqu'en chaire je vous representois la volonté de Dieu^ qui est vostre sanctification *. Mays * i Thess., iv, 3. laissons cela. Communies tous-jours comme vous faites ; confesses vous hardiment a monsieur d'Aouste (2) : en ce parquet la, il ni a point récusation a craindre. Vrayment, il faut que je die a ma très chère fille, que ma mère, avant que mourir, fit sa confession générale a moy (3), et me rendoit despuis tous les ans conte de sa vie avec une grande humilité ; et ma pauvre belleseur, de la sainte mort de laquelle ma Seur Peronne Marie vous tesmoignera (4), en fit de mesme. Il ny a donq point de danger en ce que vous faites devant un tel cousin. Vous pourres néanmoins rendre conte a vostre ancien confesseur de tems en tems, pour luy tesmoigner que vous le respectes tous-jours. Ne vous mettes nullement en peine de n'avoir pas la mémoire si tenante en la recherche de vos fautes, car ce n'est pas le manquement de mémoire qui desplait a Dieu, c'est le manquement de volonté ; et, grâces a sa Bonté céleste, vous ne manques pas en ceci. Il est vray, je suis débiteur a monsieur d'Aoste et a (i) Doublement précieux à M.""^ de Granieu, puisqu'il lui venait directe- ment de son père spirituel (voir ci-dessus, Lettre mcdxli, p. 238), ce portrait de François de Sales eut sur elle une influence remarquable et, à son dire, miraculeuse. Le P. Balthazard de Bus, S. J., qui la dirigea après le Saint, assura plusieurs fois « qu'elle n'avoit jamais regardé ce portrait » sans recevoir « de nouvelles lumières et une particulière impression du mystère de la très sainte Trinité. » (Menestrier, Vie de Laurence de Ferrus, dame de Granieu, p. 8.) (2) Artus de Lionne, cousin-germain de M""^ de Granieu, (Voir ci-dessus, note ( I ), p. 240.) (3) Cf. tome XIV, p. 261. (4) La Mère Péronne-Marie de Chastel, alors supérieure à Grenoble, était encore à Annecy lorsque la jeune baronne de Thorens y décéda saintement.  252 Lettres de saint François de Sales monsieur de la Gran (0 de je ne sçai quoy que je leur promis, mais je ne tarderay pas de m'en aquiter a mon premier loysir. Vives tous-jours toute en Dieu, ma très chère Fille, et je vous asseure que puisqu'il luy plait, et je sens bien qu'il luy plait et luy plaira tous-jours, je suis très parfai- tement vostre, et de tout mon cœur. Je salue la chère Mère de delà, qui est bien ma fille, et nos Seurs et nos Novices (2), et toute cette Mayson la. Mays, ma très chère Fille, recommandes tous-jours mon cœur a la miséricorde de Nostre Seigneur, que je supplie vous combler de sa bénédiction, avec monsieur vostre cher mari et toute vostre famille (3). Annessi, le 19 juUet 1618. A Madame [Madame] de Granieu. Grenoble, Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Chambéry. (i) Louis de Simiane de la Coste, abbé de Lagrand. (Voir ci-dessus, note (i ), p, 220.) ( 2 ) La Mère de Chastel. les Sœurs venues avec elle d'Annecy (voir ci-dessus, note ( I ), p, 192) et les quatre Novices dauphinoises qui avaient pris Thabit reli- gieux en Savoie (ibid., notes ( i) des pp. 130, 148). (3) Deux fils et deux filles, au moins, .iiaquirent du mariage de M. et de M'ne de Granieu. L'aîné, Pierre, seigneur du Bouchage, épousa Marguerite de Clermont-Montoison, et fut président au Parlement; son frère, Claude, sei- gneur de Dolomieu, devint président au bureau des trésoriers généraux de France en la généralité du Dauphiné, et s'unit à Marguerite de la Poioe-Serrière. La fille aînée prit une alliance dans la maison de Saint-Paul, et la cadette eut la meilleure part à la Visitation de Grenoble, où elle vécut saintement sous le nom de Sœur Marie-Madeleine. (Cf. Chorier, L' Estât politique de la province de Dauphiné^ 1671, tome III, art. Grattet.)  Année i6i8  253  MCDL A MESSIEURS DU CONSEIL DE LA SAINTE-MAISON DE THONON (0 Projet d'une assemblée pour le bien de la Sainte-Maison. Annecy, 23 juillet 1618. Messieurs, Outre Textreme désir que j'ay tous-jours eu de voir une resolution au maniment des affaires de la Sainte Mayson, par laquelle tous ceux qui y servent a Dieu puissent vivre avec plus de tranquillité qu'on n'a pas fait jusques a pré- sent, monsieur le Marquis de Lans me convie a m'em- ployer a cela, s'offrant de son costé de contribuer toute son authoritéet son pouvoir. C'est pourquoy, toutes choses considérées, j'ay creu qu'il estoit requis de faire un'as- semblee a cett'intention et qu'il seroit a propos qu'elle se fit icy, affin que nous fussions plus près de Son Excel- lence, pour, en cas quil fut nécessaire, recourir a elle (*). Pour cela, j'ay prié ce Père (3) de procurer de delà une assemblée préparatoire, en laquelle vous deputeres ceux qu'il vous semblera plus propres a laditte resolution ; et pourveu que le jour de Saint Pierre aux liens et celuy de Nostre Dame ad Nives soyent exceptés, tout autre tems ( I ) Voir le tome précédent, note ( i ), p, 291. (2) L'assemblée demandée par François de Sales se tint sur le commande- ment du prince de Piémont et du marquis de Lans, en présence du « sieur conseiller d'Estat et président d'Hostel et » du '( sieur de Monthoux, conseiller de S. A. S., sénateur au souverain Sénat de Savoye, avec les Rev^* Pères de Tardi, provincial des Capucins, et le P, Genand, touts deux faisants pour la Sainte Maison, et le Rev'* Père Dom Emilio Ferrier, procureur desdits Pères Bernabites. » (Turin, Archives de VOpera pia Barolo, Paquet 221, n° 10.) On y décida que Filly et Contamine (voir ci-dessus, note (3), p. 182), sans cesser d'être membres de la Sainte-Maison, seraient attribués, quant à leurs revenus, à Tentretien du collège et des Barnabites. La pièce citée ne porte que la date de l'année, r6i8. (3) On peut proposer avec une égale vraisemblance le P. de Tardy, en religion Dominique de Chambéry, pour lors provincial des Capucins (voir le tome précédent, note ( i ), p. 182), ou le P. François de Chambéry (voir tome XI, note ( I ), p. 179), qui faisait de très fréquents voyages à Annecy.  2 54 Lettres de saint François de Sales m'est indiffèrent, vous priant seulement, sil se presentoyt commodité, de m'en advertir. Cependant, je demeure, Messieurs, Vostre très humble confrère, Franç% E. de Genève. XXIII juUiet 1618, Annessi. A Messieurs Messieurs du Conseil de la S*^ Mayson. A Thonon. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Lyon-Fourvière.  MCDLI A LA MÈRE FAVREj SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE LYON (inédite) Estime que l'on fait du crédit du Saint; celle qu'il en fait lui-même. Annecy, vers le 26 juillet i6i8 (i). Cette lettre vous est estroittement recommandée, ma très chère Fille, par celuy qui Ta escritte en chemin, allant d'icy en Bornand (2) ; car quant a moy, je ne vous dis rien pour le présent, sinon que je feray response a ces bons Pères desquelz vous m'envoyastes les lettres (3). Et ne laisse pas d'admirer comm'ilz désirent que j'escrive au Roy de leurs affaires, moy que le Roy ne sçait pas estre au monde ; car, quel crédit puis je avoir en chose de cette conséquence? Néanmoins, puis que le P. de Lesseau(4) ( I ) La lettre promise par François de Sales en faveur des Célestins, écrite le 31 juillet, et l'affaire de M"'^ Liotard (voir note (2) de la page suivante) fixent très approximativement la date de ces lignes vers le 26 de ce mois. ( 2 ) Probablement au Grand-Bornand, vaste paroisse au sommet de la vallée de Thônes. Il y a aussi le Petit-Bornand, dans le défilé entre la vallée de Thônes et celle de Bonneville. (3) Les Pères de la Congrégation des Célestins. Nous n'avons pas la réponse du Saint à ces Religieux; mais voir ci-après sa lettre à Louis XIII. (4) Guillaume de Lesseau (voir tome XV, note ( i ), p. 351).  Année 1618 255 le veut, je le feray et vous envoyeray la lettre * par ma * Epist. seq. Saur Barbe Marie, nostre très chère fille (0. Cependant, demeures tous-jours toute en Dieu, qui, a la vérité, a conduit nostre esprit pour le sujet de la bonne M'^'^Liotard (2). Qu'en soit il béni a jamais. Amen. Je salue chèrement nos Seurs. Revu sur l'Autographe conservé à l'évêché d'Alexandrie (Piémont). (i) M'"« Le Blanc de Mions était arrivée le 14 juillet à Annecy. ( 2 ) Marguerite du Solier, veuve Liotard, était entrée à la Visitation de Lyon avec quelque velléité de vie religieuse, mais elle ne put y persévérer. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 222.)  MCDLII AU ROI DE FRANCE, LOUIS XIII Petite mer agitée. — Eloge des PP. Célestins. — Double sentiment de TEvèque de Genève en approchant le trône de France. Annecy, 31 juillet 1618. Sire, La Congrégation des Cœlestins, agitée maintenant en France de quelque contention (O, espère que la venue ( I ) L'Institut des Célestins prit le nom de son fondateur, Pierre de Murrone, quand celui-ci devint le Pape Célestin V. Urbain IV l'approuva en 1264, et en fit une Congrégation bénédictine. La ferveur première s'était peu à peu ralentie dans la province française, formée sous Philippe-le-Bel. Au commencement du xvii^ siècle, le Provincial, Charles de Champigny, voulut essayer une réforme. Pour réussir, il fonda deux noviciats, l'un à Paris, l'autre à Avignon, et déposa plusieurs prieurs réfrac- taires au rétablissement de l'ancienne observance ; toutes ces mesures furent sanctionnées par l'autorité Apostolique. — A l'instigation de Claude de Mar- seille, le prieur déposé de Paris, les Visiteurs de l'Ordre citèrent à leur barre le Provincial. Celui-ci, malgré son appel au Pape, fut à son tour démis de sa charge, et même plus tard jeté en prison. Le conflit dura longtemps entre les partisans et les adversaires de la réforme. Enfin, Paul V écrivit à l'Abbé général des Célestins, Celse Americi ou Amerighi, et l'envoya visiter tous les monas- tères de l'Ordre en France, avec plein pouvoir pour juger les causes qui avaient été déférées au Saint-Siège. (Bref du 21 mai 1618, Archives Vaticanes ; cf. Becquet, Gallicœ Cœlestinorum Congregationis Ord. S. B., monasteriorum fundationes, viroriimqite vita aiit scriptis illustrium elogia historica, Parisiis, 1719.)  256 Lettres de saint François de Sales de son Abbé gênerai, qui est de plus commis expressé- ment par nostre Saint Père le Pape, calmera et accoy- sera aysement leur petite mer ; mais sur tout, si l'œil de Vostre Majesté en favorise le dessein ( 1 ). C'est de quoy. Sire, vostre justice et pieté est suppliée très humblement par cette trouppe de très fidèles sujetz et très devotz orateurs que Vostre Majesté a en cet Or- dre, tous-jours jusques a présent de grande édification, et mesme sous vostre couronne royale, laquelle les a aussi tous-jours gratifiés de sa spéciale protection. Et puisque il a désiré que j'adjoustasse ma très humble recommanda- tion a leur demande ( = ), je le fay. Sire, avec toute révé- rence, quoy que je me sente très indigne d'approcher le trosne de Vostre Majesté, parce que la renommée de vostre debonnaireté et dévotion me promet autant d'accès auprès de vostre esprit royal que ma bassesse me donne de juste sujet de respect et de vénération. Playse a la souveraine miséricorde de Dieu de vous bénir. Sire, d'une très longue et très heureuse et tres- sainte royauté, souhait continuel que je fay pour Vostre Majesté, comme estant Son très humble et très obéissant orateur et serviteur, François, Evesque de Genève. Annessi, le xxxi juillet 161 8. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibliothèque Nationale, Fonds français, 17362, p. 157. ( I ) Le seul monastère de l'Ordre qui eût le titre d'abbaye était celui du Saint-Esprit de Murrone, dans la Fouille, et il servait de résidence au Supérieur ou Abbé général. Celse Americi avait déjà ce titre en 1606. Son séjour en France eut tout le succès qu'on en espérait. Après avoir été présenté au Roi par le Nonce, il commença la visite des monastères, tint le Chapitre général le 17 octobre, à Paris, et repartit pour Rome vers la fin du mois, laissant toutes les discordes apaisées et la ferveur prête à refleurir. La Congrégation française des Célestins, ainsi renouvelée, s'unit à la Congrégation de Saint- Maur. (D'après un registre conservé à Paris, Archiv. Nat., LL 1503, fol. 54 seq., et une lettre du Nonce Bentivoglio au Cardinal Borghese, 24 octobre 1618, La Nun^iaiura di Francta, etc., vol. III, p. 52.) (2) Voir la lettre précédente.  Année 1618 257 MCDLIII A LA MERE DE CHANTaL (inédite) Vraie cause du peu de santé d'une Novice. — Que faire en face de caprices inguérissables, Annecy, 31 juillet 1618 (i). J'escrivoys au Roy *, ma très chère Mère, quand ma "Epist. prsced. Seur Anne [Jacqueline ( = )] est arrivée. Je ne voy pas qu'il y ayt autre chose a dire en l'affaire de nostre chère Seur, sinon qu'il faut au plus tost faire le renvoy de cette pauvre fille (3). Madame [de] Brochenu, sa tante (4), me dit a Grenoble qu'elle desiroit [qu'on] la renvoyast en la Mayson de Grenoble, estimant [que Tair] luy seroit plus propre ; c'est pourquoy il ny [aura pas] grande difficulté de la renvoyer, en disant [que ce] n'est pas l'air, mais la volonté de cette fille [qui r]afïiige. Il faudra pourtant luy faire sçavoir a [bon]n' heure son renvoyé, et le faire charitablement. [Ce n']est pas mauvais signe, mais bon, quand il se fait ainsy quelque petite purgation ; et comme ce seroit ( I ) La date est fixée par ces paroles du Saint : « J'escrivoys au Roy... » C'est bien de la lettre de 1618 qu'il s'agit; l'affaire traitée dans ces lignes ne laisse point de doute à ce sujet. (2) Sœur Anne-Jacqueline Coste, première tourière de la Visitation. (Voir tome XIV, note (2), p. 63.) Les mots entre crochets [ ] ont disparu de l'Autographe par suite d'une déchirure. (3) Il y avait alors à la Visitation de Lyon une Novice dauphinoise : Mar- guerite de Revel, fille de Laurent de Revel, seigneur de Chasselay, et de Polixèoe d'Aquin ; sa réception à la véture est notée au 4 juin 1617 dans le Livre du Chapitre. Elle quitta le monastère peu après cette lettre, et, en 1623, elle épousait Paul Janon du Perron, avocat au Parlement, qui, par ce mariage, fut substitué aux nom et armes de la branche aînée des Revel. (Cf. Rivoire de la Bâtie, Armoriai du Dauphiné. p. 317.) (4) Philippe de Peyre, dame de Bourchenu, porta en dot cette terre à son mari, Ennemond Moret, conseiller au Parlement de Grenoble. C'est à la requête de celui-ci que fut dressé le contrat de mariage de sa nièce, Margue- rite de Revel. (Cf. ibid.) Lettres VIII 17  258 Lettres de saint François de Sales cruauté de renvoyer les filles par nos caprices, aversions ou inclinations, aussi seroit ce cruauté de les retenir contre les leurs, quand ilz ne sont pas guérissables. Bon jour, ma très chère Mère; après disné j'auray le bien de vous voir, car j'ay donné parole a nostre seur d'Aiguebelette (0. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Caen. (i) Françoise-Melchionne du Four, femme de René Chabod-Lescheraine, seigneur d'Aiguebelette. (Voir tome XIV, note (i), p. 393.)  MCDLIV AUX CONSULS DE CHABEUIL (0 Le Saint congratule les consuls de l'établissement projeté des PP. Barnabites dans leur ville. Annecy, 10 août 1618. Messieurs, Je me res-jouis de voir que nos bons Pères Barnabites prennent resolution d'envoyer a Milan vers leur Gene- ral (2) pour pouvoir satisfaire a vos désirs, et prendre vostre petit collège, lequel, a mon advis, deviendra grand, s'ilz sont secondés de vostre assistence, comm'ilz ont occasion d'espérer (3^ Pour moy, je vous asseure que ce (i) D'après le Registre des Délibérations consulaires de Chabeuil (Archiv. commun., BB, 2), les consuls étaient, en 1618, Claude Bolat et Marc Roux. La famille de ce dernier est encore représentée. (2) D. Jérôme Boerio. ( 3 ) La petite ville de Chabeuil posséda des écoles dès 1519 au moins. En 1601, l'un de ses habitants, Jean Reynaud, notaire, légua cent vingt écus an- nuels pour la fondation d'une maison d'éducation où les enfants seraient reçus gratuitement, et qu'il voulait confiée à des '< gens d'église, » de préférence à l'Ordre de Saint-Pierre ou des Doctrinaires. Les Fils de César de Bus aban- donnèrent ce collège vers 1604, faute de ressources; la Ville songea alors aux Jésuites avec qui on demeura longtemps en pourparlers. A leur défaut, les consuls s'adressèrent aux Barnabites, et leur député, Reymond, vint à Annecy le 9 juillet 1618. Il en repartait lé 14 avec les PP. de Gennari et Baranzano. Ceux-ci furent reçus avec grand honneur dans la petite cité; le Supérieur  Année i6i8 259 me sera tous-jours de la consolation quand je sçauray que vous aures du contentement en ce sujet, auquel, et en tout autre, je vous offre de rechef tout ce que je puis et que je suis, vous souhaitant, et a vostre ville, toute sainte bénédiction, et demeurant de tout mon cœur, Messieurs, Vostre très humble et très affectionné serviteur en Nostre Seigneur, Franç% E. de Genève. X aoust 161 8, Annessi. Je pense. Messieurs, que Monseigneur de Valence, vostre Evesque ( ^ ), pourra tout et voudra tout pour cette affaire, et que ces Pères luy seront fort agréables, et que par eonsequent il sera a propos que de bon'heure on prêcha, D. Redento confessa, et en revenant en Savoie le 26, ils n'avaient que des actions de grâces à rendre à Dieu. Le 17 août, D. Jean-Baptiste de Gennari partit pour Milan, porteur d'une lettre de saint François de Sales (voir ci- après, p. 263), afin de conférer de cette affaire avec le P. Général, Tout sem- blait bien marcher. Mais au 19 février 1619, une lettre de D. Baranzano aux consuls de Chabeuil, laisse deviner chez ces derniers un peu de refroidisse- ment. Le Général trouva lui-même beaucoup de difficultés à un établissement dans une si petite ville, et les Barnabites ne vinrent pas en Dauphiné. En 1620, nouvelle offre du collège aux Jésuites, puis aux Minimes. Les Dominicains s'y établissent vers 1661, et sont remplacés en 1726 par les prêtres du Saint- Sacrement de Valence, qui demeurent régents des classes jusqu'en 1791. (D'après Lacroix, Le Collège de Chabeuil, 1891, et les Acta Collegii Annessii, Archiv. commun. d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.) (i) Originaire de la Guyenne, Pierre-André de Gelas de Leberon avait reçu, le 27 juillet 1597, de son oncle, Charles de Leberon, les évêchés de Valence et de Die ; mais les bulles de Rome se firent attendre jusqu'en 1599. Le nouveau Prélat trouvait deux diocèses ruinés par l'hérésie, bouleversés par les guerres de Religion ; les églises détruites, les monastères déserts, un clergé ignorant et rebelle. La tâche était rude; Pierre-André en mesura l'éten- due dans la visite générale qu'il fit en 1604. Il mit courageusement la main à l'œuvre, soutenu par son zèle et sa vertu, peut-être encore par le désir d'offrir à Dieu et à TEglise une réparation du mal fait par le trop célèbre Jean de Montluc, son grand-oncle, prédécesseur de Charles de Leberon sur le siège épiscopal. Pierre-André soumet les chanoines, essaye de rappeler les Reli- gieux, approuve la fondation des Capucins à Crest, établit les Jésuites à Die et tente de les installer à Valence; lui-même prêche de parole et d'exemple. Son œuvre n'était pas terminée que déjà ses forces étaient usées. Pensant que l'air natal les ferait revivre, il partit pour le prieuré de Sainte-Livrade (Lot- et-Garonne) dont il était commendataire. Il y mourut le 15 septembre 1622. (D'après J. Chevalier, Essai historique sur VEglise et la ville de Die, Valence, 1909, tome III.;  26o Lettres de saint François de Sales Tadvertisse, affin qu'il coopère auprès de Sa Majesté et puis auprès de messieurs du Parlement. A Messieurs Messieurs les Consulz de Gliabeul. Revu sur l'Autographe conservé aux Archives communales de Chabeuil (Drôme).  MCDLV A LA PRÉSIDENTE DU FAURE (0 Réponse à des témoignages de confiance et d'affection. — Prières et souhaits pour la destinataire. Annecy, lo août 1618. Madame, Ce porteur m'a fort obligé par la peine qu'il a prise de me venir voir, mais encor plus par le soin qu'il a eu de me dire de vos nouvelles, puisqu'elles sont toutes bonnes, et qu'avec cela, pour me donner plus de gloire et de con- tentement, il m'a dit que vous avies souvent mémoire de moy; car je confesse franchement que ce bonheur m'est grandement prsetieux, selon l'extrême affection que je sens en mon ame a chérir et honnorer singulièrement la vostre qui m'est tous-jours présente, je vous asseure, au moins en mes principales prières, qui sont celles de la sainte Messe. Et aussi, certes, serois-je extrêmement in- grat si je ne correspondois de tout mon cœur a la sainte confiance que le vostre a pris en moy. Dieu, par sa bonté, vous veuille combler de ses plus désirables bénédictions, ma très chère Fille, et vous ren- dre de plus en plus toute parfaitement sienne. En cette (i) Justine Dalphas, fille unique de Théodore Dalphas ou d'Alphas. con- seiller au Parlement du Dauphiné, et de Méraude Truffai, avait épousé Fran- çois du Faure, qui devint président au Parlement en 1610. Elle était veuve en 1657. Cette dame travailla beaucoup avec Mn^^ de Granieu et plusieurs autres à rétablissement de la Visitation à Grenoble.  Année i6i8 261 espérance vives joyeusement, et en fin éternellement sans fin, ma très chère Fille, selon le souhait continuel de Vostre très humble et très affectionné serviteur, Franç% E. de Genève. X aoust 161 8, Annessi. A Madame Madame la Présidente du Faure. Revu sur l'Autographe appartenant à M. Gauduel, à Grenoble.  MCDLVI A MADAME DE GRANIEU (0 L'obéissance et le pain quotidien. — Explication d'un avis mal compris. — Comment la confiance restreint le nombre des lettres. — L'amour céleste exercé ici-bas. — Préparation dun sermon. Annecy, 14 août 1618. Vous le voyés bien, ma très chère Fille, si l'obéissance est aymable : vous allies avec un peu de répugnance (2), et vous y aves treuvé la permission de recueillir force manne céleste. Or ainsy soit il et a la très bonne heure, que tous-jours, quand vous obeires, vous vous treuvies de plus en plus unie a nostre wSauveur. Vous aves donq extrêmement bien fait d'obéir a vostre confesseur, et vostre confesseur a bien fait de vous im- poser l'obéissance en un sujet si agréable. Je ne seray jamais celuy qui vous ostera vostre pain quotidien * * Luc, xr, 3. tandis que vous seres bien obéissante. Je veux dire, ma très chère Fille, que vous communiies hardiment tous- jours, quand ceux a qui vous vous confesses diront oiiy, outre les Communions ordinaires que je vous ay marquées. Quand je vous escrivis que vous rendissies comte de * Vide supra. Epist. tems en tems a vostre ancien confesseur*, je ne voulois mcdxux, p.251. ( I ) La comparaison de cette lettre avec celle du 19 juillet (p. 250) suffit à démontrer que Tune et l'autre s'adressent à la même destinataire. ( 3 ) Il en coûtait un peu à M""* de Granieu de s'adresser, pour la confession, à M. d'Aoste, son cousin. On a vu que le Saint l'y avait beaucoup encouragée.  203 Lettres de saint François de Sales pas dire que vous fissies des revëues, car il suffit que ce soit d'année en année a celuy que vous voudres ; mais je voulois dire que vous allassies vous représenter a luy pour luy faire connoistre la continuation de vostre sousmis- sion, partie pour vous humilier, partie pour le consoler. Je suis bien ayse que vous ayes une parfaite confiance a la Mère de delà (0, car je croy qu'elle vous sera utile, et c'est une Mère qui est toute ma très chère fille et en laquelle j'ay toute confiance aussi ; et sans cette confiance je luy escrirois plus souvent, mais je m'en dispense, comme je feray de vous a qui j'escris maintenant par rencontre, et j'en suis bien ayse. Mon Dieu, ma très chère Fille, que l'amour ceeleste est a5^mable, voire mes- me quand il est exercé icy bas parmi les mystères de nostre mortalité ! la distance des lieux, ni rien du monde ne luy peut oster la suavité. Ainsy me semble il que je suis tous-jours avec vostre cœur et avec celuy de cette chère Mère, et que nos cœurs s'entretiennent les uns aux autres, ains ne sont qu'un cœur qui, de toute sa force, veut aymer Dieu, et ne s'ayme qu'en Dieu et pour Dieu. La tressainte Vierge, nostre Dame et Maistresse et nostre sainte Abbesse, soit a jamais nostre Mère et Directrice. Et je cesse de vous escrire davantage, malgré mon inclination, pour aller penser comment elle mourut d'amour et comme ell'est coronnee de son amour au Ciel, pour en parler demain a mon cher peuple de cette ville qui s'y attend (2). Je ne pense pas que nostre Mère d'icy vous escrive, mais elle vous a bien escritte au milieu de son cœur. Dieu soit a jamais nostre tout. Amen. xiiii aoust 1618. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le baron d'Yvoire, au château d'Yvoire (Haute-Savoie). ( I ) La Mère Péronne-Marie de Chastel, dont les conseils, tous appuyés sur la doctrine de V Introduction à la vie dévote, étaient fort goûtés des dames de Grenoble. « C'était un proverbe commun dans la ville, » raconte VHistoire de la Fondation, « que personne ne fréquentait le Monastère et la Mère de Chastel, qui ne devînt Philothée. » (2) On peut voir au tome VIII de cette Edition, p. 376, le sommaire de ce Sermon.  Année i6i8 263 MCDLVII A DON JEROME BOERIO, GÉNÉRAL DES BARNABITES L'offre d'un collège aux PP. Barnabites, — Réponses à des objections. Annecy^ 16 août 1618. Reverendissimo Padre osservandi.ssimo, Si propone alla Paternità Vostra R'""" l'occasione di accettare un collegio nella provincia del Delfinato ('', il quale veramente è piccolo, ma è tuttavia commodo per far connoscere in quelle bande la Congregatione sua, et in consequentia per farla gustare et dilatare nel regno di Francia. Onde questi nostri Padri havendone trattato meco per cavar il mio sentimento, mi è parso di doverli dar animo a procurare che detto luogho sia accettato. Ma non lascio di vedere che Vostra Paternità potrà consi- derare in questo alcune difficoltà. I. Che quella communità non dà molto sufficientè- mente per stabilirvi numéro convenevole de Padri. Ma ciè buona speranza di amplificatione, massime che Mon- signor Vescovo di Valenza (2), veramente valentissimo et  Révérendissime et très honoré Père, On propose à Votre Révérendissime Paternité d'accepter un col- lège dans la province du Dauphiné (0. A la vérité, il est petit, mais néanmoins très propre à faire connaître votre Congrégation en ce pays, et par conséquent à la faire goûter dans le royaume de France et s'y étendre. C'est pourquoi, nos Pères d'ici ayant traité de cette affaire avec moi pour en avoir mon sentiment, j'ai cru devoir les encourager à s'employer pour que l'offre de ce collège fût acceptée. Je ne laisse pas cependant de voir que Votre Paternité pourra trouver à cela quelques difficultés. I. Que la commune ne donne pas assez pour établir un nombre suffisant de Pères. Mais il y a bon espoir d'une augmentation de re- venu, d'autant plus que Ms' l'Evêque de Valence {2), Prélat vraiment (i) A Chabeuil (voir ci-dessus, note (3), p. 258). ( 2 ) Ms"" Pierre-André de Leberon (voir ibid., note ( i ), p. 259). .  264 Lettres de saint François de Sales zelantissimo Prselato, so che volentieri ajiutarà il negotio et haverà singolar sollecitudine in promovere detta Con- gregatione. 2. Parera forsi duro che voglia quella communità che i figliuoli delli hseretici siano ricevuti al collegio per im- pararvi le lettere ; ma oltre che habbiamo l'essempio nelli collegi de Padri Giesuiti, non solamente questa conditione non ci deve ritardare, anzi ci deve incitare, perché non ciè forsi più facil strada di convertir gl'heeretici che questa, et essendo usato questo mezzo con destrezza, farà mirabil riuscita. 3. Le Messe si potranno ridurre facilmente daU'Ordi- nario, et col tempo, essendosi amplificate le entrate, potrà la Congregatione scarigarsi. 4. Se bene par duro a questi nostri Padri che voglia quella communità astringerli di non pigliar altri studii in quella provincia 7^ leghe vicine a quel di Chabeuil, tut- tavia non mi par inconveniente, già che la Congregatione puô dilatarsi pigliando chiese ad ufficiare, et che si eccet- tarà la theologia et philosophia. de grand mérite et très zélé, aidera volontiers, je le sais, au succès de l'affaire et protégera la Congrégation avec une particulière sol- licitude. 2. Peut-être semblera-t-il dur que la commune exige l'admission au collège des fils des hérétiques pour y apprendre les lettres. Tou- tefois, outre que nous avons l'exemple des collèges des Pères Jésuites, cette condition, loin de nous faire hésiter, doit au contraire nous exciter à accepter ; car peut-être n'y a-t-il pas de voie plus facile pour convertir les hérétiques que celle-ci, et ce moyen employé avec adresse aura un merveilleux succès. 3. Les Messes pourront se réduire facilement par l'autorité de l'Ordinaire, et, avec le temps, les revenus étant augmentés, la Congrégation aura de moins lourdes charges. 4. Si bien il semble dur à nos Pères que la commune veuille les astreindre à ne pas accepter d'autres classes en cette province dans un rayon de sept lieues autour de Chabeuil, cela ne me paraît pas un inconvénient ; car la Congrégation peut s'étendre en prenant des églises pour les desservir. De plus, l'enseignement de la théologie et de la philosophie sera excepté.  Année 1618 265 Per il restante me rimetto alla molta prudentia del nostro Padre Prevosto, latore ( ^ ), ringratiando pur Vostra Paternità che ci habbia dato detto P. Prevosto et inviati questi novi Padri che sonno tanto amarevoli (2). Et pre- ghando il Signor Iddio che a Vostra Paternità R""* dia ogni vero contento, la saluto humilmente. Di Vostra Paternità R"% Humil et aflfettionatissimo fratello et servitore, Franc", Vescovo di Geneva. In Annessi, alli xvi di Agusto 16 18. Al R""" in Christo Padre osservandissimo, Il P. Générale de' Chierici regolari di S. Paulo. Revu sur l'Autographe conservé à Rome, dans les Archives des RR. PP. Barnabites.  Quant au reste, je m'en remets à la grande prudence de notre Père Prévôt, présent porteur (0 ; je remercie aussi Votre Paternité de nous l'avoir donné et de nous avoir envoyé ces nouveaux Pères qui sont si aimables (2). Priant Dieu notre Seigneur d'accorder tout vrai contentement à Votre Paternité Révérendissime, je la salue humblement. De Votre Paternité Révérendissime, L'humble et très affectionné frère et serviteur, François, Evêque de Genève. Annecy, le 16 août 1618. Au Révérendissime et très honoré Père dans le Christ, Le Père Général des Clercs réguliers de Saint-Paul. (i) D. Jean-Baptiste de Gennari, supérieur du collège d'Annecy (voir plus haut, note (5), p. 117), qui partit pour Milan le lendemain ; il revint le 2 sep- tembre. (Acta Collegii.) (2) Ces Pères étaient: D. Flavien Moroni, de Verceil, D. Jean-Dominique Meda, milanais, et D. Lucien Fauldrier, français, originaire d'Etampes, tous trois arrivés à Annecy le 17 mai précédent. (Ibid.)  266 Lettres de saint François de Sales  MCDLVIII A LA MÈRE DE CHASTEL SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE GRENOBLE (0 (fragment) Tenir son cœur au-dessus des variations de la dévotion sensible. Annecy, 19 août 16 18. Dites moy, ma très chère Fille, vostre cœur que fait il ? Il est, je m'asseure, plus brave que l'ordinaire en cette sainte octave en laquelle on célèbre les triomphes de nostre Reyne, en la protection de laquelle nostre esprit repose et nostre petite Congrégation respire. O ma Fille, il le faut tenir haut eslevé ce cœur, et ne permettre point qu'aucun accident de sécheresse, d'empressement ou d'ennuy l'estonne, puisque, encor que cela le puisse esloigner de la consolation sensible de la charité, il ne le peut toutefois esloigner de la véritable charité, qui est la souveraine grâce de Dieu envers nous pendant cette vie mortelle. Nos imperfections a traitter des affaires tant intérieures qu'extérieures sont un grand sujet d'humilité, et l'humilité produit et nourrit la générosité et confiance. Annessi, le 19 aoust 161 8. (i) Dans l'édition de 1626, ce fragment commence un texte dont la suite est empruntée à une lettre du 2 mars 1622, adressée à la Mère de Chastel. Il n'y a aucune raison pour ne pas reconnaître la même destinataire à ces lignes, d'autant qu'elles conviennent bien à la Supérieure de Grenoble, fort dévote envers la Sainte Vierge, et souvent accablée par le poids de sa charge.  Année 1618 267 MCDLIX AU PRINCE DE PIEMONT, VIGTOR-AMEDÊE (0 Insuccès de précédentes démarches. Nouvelles instances en faveur de deux pauvres curés. Annecy, 25 août 1618. Monseigneur, Quoy que Vostre Altesse Serenissime ayt souvent com- mandé, comme la justice et pieté requeroit, que les curés d'Armoy et de Draillens fussent payés de leurs pen- sions (2), néanmoins il (sic) n'ont jamais peu retirer un seul liard despuis quatre ans en ça, quelle sollicitation qu'eux et moy en ayons sceu faire, et qu'elle (sic) re- monstrance que nous ayons proposée de l'extrême néces- sité que ces parroisses ont d'estre assistées. C'est pour- quoy, Monseigneur, je suis forcé de recourir de rechef a l'aequité et bonté de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse d'user de sa providence en cett'occasion et d'or- donner ces payemens, en sorte que meshuy ces pauvres ecclésiastiques puissent en paix faire le service de Dieu en leurs églises ; et cette divine Majesté en bénira de plus en plus Vostre Altesse, Monseigneur, de laquelle je suis Très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur. Francs, e. de Genève. XXV aoust 161 8, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. ( I ) Le destinataire de cette requête, que les éditeurs précédents ont cru être le duc de Savoie, est certainement Victor-Amédée. prince de Piémont. Pour s'en convaincre, il suffit de lire la lettre suivante et celle du 26 avril. (2) Voir ci-dessus, Lettre mcdxviii, et notes (3), (4), p. 200.  268 Lettres de saint François de Sales MCDLX A M. JEAN CARRON (0 ( inédite) Premier témoignage d'honneur et d'estime. — L'insuccès des démarches et la vanité des promesses faites en faveur des curés d'Armoy et de Braillant. — Triste état de leurs paroisses. — Financiers à court d'argent. — Moyen proposé par le Saint pour remédier au mal. Annecy, 25 août 1618. Monsieur, Je ne vous rendis onques aucun tesmoignage de l'hon- neur que je vous porte, ni de l'estime que je fay de vostre amitié ; mais la faveur que vous m'aves faite de m'as- seurer de vostre assistance es occasions, me promet que vous me la departires au sujet qui s'en présente. Quand Monseigneur le Serenissime Prince estoit icy il y a deux ans (0, je luy representay la justice de la demande des curés d'Armoy et de Draillens, selon la requeste ci jointe (3); et Son Altesse commanda, et par escrit et de bouche, qu'ilz fussent payés, en considération de ce que leur payement estoit de droit divin et humain. (i) Saint François de Sales déclare qu'il écrit pour la première fois à son correspondant; celui-ci n'est donc ni Vibod, ni Boschi, mentionné d'ailleurs au post-scriptum. Selon toute probabilité, c'est le secrétaire du prince de Piémont, Jean Carron qui, par son père Claude, était originaire du Bugey. Sa charge de maître auditeur à la Chambre des Comptes de Savoie lui avait valu l'anoblissement en 1614; Charles-Emmanuel lui donna en 1617 la sei- gneurie de Saint-Thomas de Cœur, et, deux ans plus tard, celle de Buttigliera. Il fit partie de la suite du Cardinal Maurice dans son voyage de i6r8 à Paris. M. de Saint-Thomas, comme on l'appelait à la cour, devint secrétaire d'Etat par lettres patentes du 25 février 1633, servit fidèlement la régente, et mourut en janvier 1649. ^^ avait été marié trois fois; sa seconde femme fut Antoine- Françoise Dumercie et la troisième, Marie Tonda. (D'après Claretta, Storia délia Reggen^a di Cristina di Francia, seconda Parte, Torino, 1869, ^^P- ''^'j p. 348, et Carutti, Cariche del Piemonte, etc., Torino, 1798, tom. III, Tit. 11.) (a) Voir ci-dessus, note (3), p. 12. {3) Elle sera donnée avec les Opuscules.  I  Année 1618 269 Despuis, sadite Altesse Ta de rechef commandé par lettres fort expresses, que vous, Monsieur, escrivites environ les festes de Pasques a monsieur le Marquis de Lans (O, auquel je les rendis moy mesme ; et ne se peut dire de quelle asseurance il me promit que j'en verrois les effectz. Mays pour tout cela, non plus que pour trente pareilles promesses, rien ne se fait, ains finalement Son Excellence a déclaré qu'il n'y avoit pas moyen ; qui me fait de rechef hurter a la providence de sadite Altesse *. * Vide Ep. praeced. Et si elle sçavoit la nécessité qu'il y a que ce payement se fasse, je m'asseure qu'elle le presseroit grandement ; car. Monsieur, il n'y a rien en ces parroisses (je dis rien pour tout) pour l'entretenement du service de Dieu et des âmes. Son Altesse (2) ayant voulu d'authorité souve- raine, contre les arrestz du Sénat, que tout le revenu que l'Eglise y possedoit fut relasché a ceux de Genève, assi- gnant seulement a chaque curé cinquante escus pour son entretien (3). Et il n'y a moyen d'en rien avoir, ains faut qu'ilz despensent beaucoup par empruntz, pour solliciter inutilement ce qui est deu si justement. Or, si Son Altesse nous renvoyé aux trésoriers, gabel- liers, financiers, nous n'en aurons jamais chose du monde, car ilz se treuvent tous-jours courtz d'argent pour nous. Nous la supplions donq d'assigner nostre payement sur les tailles ordinaires des mesmes parroisses, avec com- mandement a la Chambre de faire descharger les païsans d'autant, et jusques a la concurrence de ce qui nous est deu. Et les parroisses en seront soulagées, car elles payeront plus a commodité, et les curés asseurés, tant de ce qui leur est deu et qu'ilz doivent réciproquement (i) Voir ci-dessus, Lettre mcdxviii, p. 200. (2) Le duc de Savoie, {}] Le cinquième article du traité de Saint-Julien, conclu entre le duc de Savoie et Genève (21 juillet 1603) avait abandonné aux Genevois « les biens, fruits et revenus d'Armoys, Draillans et autres lieux... possédés par les Sei- gneurs de Genève en Tannée 1589. » (Fleury, Hist. de l'Eglise de Genève^ Genève, 1880, tome II, chap. ix.) Le Sénat, interprète des clauses, se basant sur la dernière phrase de l'article sujette à faire naître la contestation, avait sans doute rendu ultérieurement des arrêts favorables aux catholiques relati- vement à ces bénéfices. Charles-Emmanuel, peut-être redoutant la guerre, serait intervenu de son « authorité souveraine » pour les adjuger à Genève.  2^0 Lettres de saint François de Sales ailleurs ou ilz ont emprunté, que de ce qui leur doit ci après estre payé pour leurs pensions. Mais encor, s'il n'y a de bonnes clausules dérogatoires, courrions nous fortune de n'avoir rien, tant sommes nous favorisés en nos poursuites, pour justes qu'elles soyent ! Ce que je dis, non pour me plaindre de la Chambre, qui est certes marrie de nous voir maltraitter non obstant les arrestz qu'elle a rendus pour nous contre les gabelliers, mais pour vous supplier. Monsieur, de ne rien oublier es depesches, affin que nous vous soyons, et ces curés et moy, de plus en plus obligés (0. Comme, me promettant vostre assistance, je me confesse des maintenant estre et vouloir estre toute ma vie, pour me dire et tenir, Monsieur, Vostre plus humble et très affectionné serviteur, Francs E. de Genève. 25 aoust 161 8, Annessi. Monsieur, je n'ay pas creu de devoir importuner mon- sieur Boschiz (2) par une lettre en cette occasion, estimant de devoir en cela espargner son loysir et me contenter de le supplier, par vostre entremise, de [me] tenir pour son très obligé serviteur, qui se promet sa faveur et en cette occurrence et es autres, pour sa bonté. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. (i) Malgré les réclamations du Saint, les gabelliers restèrent chargés de payer les pauvres curés d'Armoy et de Braillant, et ne s'acquittèrent guère mieux que par le passé de cette obligation, car la Chambre des Comptes dut rendre encore à ce sujet un nouvel arrêt en 1622. (2) Annibal Boschi (voir le tome précédent, note ( i ), p. 309).  Année 1618 271 MCDLXI AU PÈRE LÉONARD LESSIUS, DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS (0 Pourquoi le Saint aime et vénère le P. Lessius. Trois livres du docte Jésuite; appréciation de François de Sales. Annecy, 26 août 1618. Admodum Révérende in Christo Pater, Attulit mihi Paternitatis Vestrae litteras dilectissimus nobis magister Gabriel (2), quse ut perhonorificae ita et jucundissimae mihi fuerunt. Amabam jampridem, imo etiam venerabar te nomenque tuum, mi Pater, non solum  Très Révérend Père dans le Christ, Notre cher maître Gabriel (2) m'a apporté la lettre de Votre Pa- ternité, dont j'ai été charmé autant qu'honoré. Depuis longtemps j'aimais, bien plus, je vénérais votre personne et votre nom, mon (i) Entre les hommes illustres de la Compagnie de Jésus qui servaient alors Dieu et l'Eglise, le P. Léonard Lessius mérite un rang à part. Sa « science des choses divines rappelle les admirables contemplations de saint Denis l'Aréopagite, et » ses « vertus parurent dignes d'être proposées au Saint- Siège en vue des honneurs de la béatification. » Ainsi s'exprime le P. de Guilhermy dans son Ménolo^e de la Compagnie de Jésus (Paris, 1899, Germanie, seconde Série, P^ Partie, p. 59). Lessius, dont le vrai nom est Leys, était né à Brecht, près d'Anvers le i^"" octobre 1554; à dix-huit ans, déjà maître ès- arts, il entrait au noviciat des PP. Jésuites. Après avoir suivi deux ans à Rome les cours de théologie de François Suarez, il enseigna lui-même cette science sacrée pendant quinze ans à Louvain, et fut dix-sept ans préfet des études. Ses livres et la renommée de sa sainteté avaient rendu son nom célèbre. Bellarmin, et d'autres encore, essayèrent de l'attirer au centre de la catholicité ; mais son humilité l'empêcha de céder à ces instances. Il mourut à Louvain le 15 janvier 1623; ses ossements, retrouvés et reconnus, scellés après procès- verbal, reposent dans le chœur de l'église des Jésuites, à Louvain. (2) Le Saint donne-t-il ici un nom de famille ou un nom de baptême? L'incertitude rend l'identification presque impossible. Toutefois on peut citer un Gabriel Bemmelius, de Bruxelles, que Val. Andréas signale de la manière suivante dans sa Bibliotheca Belgica (Louvain, 1643) • " Docteur en droit canon, de l'Université de Louvain, en 1612, personnage versé dans l'étude des sciences et des belles-lettres; auteur du Triumphos SS. Ignatii de Loyola et Francisci Xaverii, Societ. Jesu, in Divos relatonim. Bruxell. 1622. »  Septuag.  272 Lettres de saint François de Sales quia soleo quicquid ex vestra illa Societate procedit magnifacere, sed etiam quia sigillatim de Vestra Reve- rentiamultaaudivi praeclara primum, deinde vidi, inspexi et suspexi. Vidi namque ante aliquot annos opus illud utilissimum De Justitia et Jure (0, in quo et breviter simul et lucu- lenter difficultates illius partis theologise, prae cseteris authoribus quos viderim, egregie solvis. Vidi postea consilium quod a magni consilii An- * is., IX, 6 ; juxta gelo * per te mortalibus datum est de vera Religione eligenda (^); ac demum obiter vidi in bibliotheca Col- legii Lugdunensis Tractatum de Praedestinatione (3), et  Père ; non seulement à cause de l'estime que je fais toujours de tout ce qui tient à votre Compagnie, mais encore à cause des œuvres remarquables de Votre Révérence, dont j'ai d'abord entendu parler, et qu'ensuite j'ai vues, examinées, admirées. En effet, j'ai lu, il y a quelques années, ce traité si utile De la justice et du Droit (0, dans lequel, avec autant de concision que de clarté, vous résolvez excellemment, et mieux qu'aucun des auteurs que je connaissais, les difficultés de cette partie de la théologie. J'ai vu depuis le conseil que, par votre intermédiaire, V Ange du grand conseil donne aux pauvres mortels toucliant le choix de la vraie Religion (2). Enfm, passant à Lyon, j'ai vu dans la bibliothèque du Collège, votre Traité de la Prédestination (3). Comme il arrive ( I ) De Justitia et Jure cœterisque virtutibus cardinalibus, libri I V. Ad 2. 2. D. Thomce^ a quœst. 4y usque ad quœst. 161. Autkore Leonardo Lessio e Socie- iate Jesu, S. Tkeol. in Academia Lovaniensi prof essore. (Lovanii, ex officina Joannis Masii. Anno mdcv.) L'archiduc Albert, gouverneur des Pays-Bas, fai- sait toujours placer ce livre devant lui, à côté de l'épée de la justice, dans la salle où il rendait ses jugements. (Ménologe, etc., ubi supra.) (2) Cet ouvrage convertit un grand nombre d'âmes, entre autres le comte Jean de Nassau. Il fut publié à Anvers sous ce titre : Quœ fides et religio. sit capessenda, Consultatio. Aitctore Leonardo Lessio, Soc. Jesti, S. Theologiœ Professore. (Antverpiae, ex officina Plantiniana, apud Joannem Moretum, CID.IDCIX.) (3) Déjà dans des traités précédents, Lessius avait émis sa pensée sur ce grave sujet. Les disciples de Baïus le dénoncèrent comme novateur, et les Universités de Louvain et de Douai prononcèrent contre lui la censure. Vengé par Sixte-Quint, le docte Jésuite soutint avec plus d'ardeur sa thèse, et l'ex- posa dans le livre dont parle ici saint François de Sales : De gratia efficaci Decretis Divinis libertate Arbiîrii et Praiscieniice Dei conditionata Dispuiatio  Année 1618 273 quamvis nonnisi sparsim ut fit oculos in eum injicere contigerit, cognovi tamen Paternitatem Vestram senten- tiam illam antiquitate, suavitate ac Scripturarum nativa authoritate nobilissimam, de prsedestinatione ad gloriam post praevisa opéra, amplecti ac tueri. Quod sane mihi gratissimum fuit, qui nimirum eam semper, ut Dei mise- ricordiae ac gratiae magis consentaneam, veriorem ac amabiliorem existimavi ( ^ ), quod etiam tantisper in libello de Amore Dei indicavi *. * Liv. m, chap. v. Cum igitur ita erga Paternitatis Vestrae mérita, quam dudum laudaverant apud me opéra ejus, affectus essem mirifice, profecto gavisus sum me tibi vicissim utcumque etiam charum esse. Quod ut semper contingat, et dictum magistrum Gabrielem commendatissimum habebo, et si quid unquam potero, quod tibi placere cognoscam, id exequar quam impensissime. Valeat intérim Reverenda Paternitas Tua, et te Deus  en ces occasions, je n'ai pu qu'y jeter rapidement les yeux ; cela m'a suffi pour me rendre compte que Votre Paternité y embrasse et soutient cette doctrine, qui a pour elle l'antiquité, le charme propre et le pur sens de l'Ecriture, de la prédestination à la gloire en suite de la prévision des œuvres. Cette constatation m'a été d'autant plus agréable, que moi-même j'ai toujours regardé cette opinion comme plus vraie et plus aimable, en tant que plus digne de la grâce et de la miséricorde divine (0. Ainsi l'ai-je indiqué dans mon petit livre de V Amour de Dieu. Ayant de tels sentiments pour vos mérites dont vos œuvres ont fait depuis longtemps l'éloge auprès de moi, mon Père, est-ce mer- veille si je me suis réjoui en voyant à mon tour l'amitié dont vous voulez bien m'honorer ? Pour que vous me la continuiez toujours, je tiendrai maitre Gabriel pour très recommandé, et je n'épargnerai rien, à l'occasion, de ce que je saurai vous être agréable. En attendant, j'envoie à Votre Paternité tous mes souhaits de santé. Que Dieu, jusquà la vieillesse et au dernier déclin de l'âge, ne apologetica, Leonardi Lessii e Societate Jesii, S. Theol. in Academia Lovaniensi Professofis. Duce aliœ ejusdem Auctoris Disputaiiones : altéra de Prœdesti- natione et Reprobatione Ancrelorum et hominum, altéra de Prcedestinatiotie Christi. (Antverpise, ex officina Plantiniana, apud Joannem Moretum, mdcx.) (i) Voir tome IV de cette Edition, p. xli, et tome XIII, note (2), p. 326. Lettres VIII i8  274 Lettres de saint François de Sales Ps. Lxx, i8. usque in senectam et senium nunquam derelinquat *, sed canos tuos benedictionibus Caeli omet et compleat. Admodum Reverendae Paternitatis Vestrse, Humilis et addictissimus frater ac servus in Christo, Francs Episcopus Gebennensis. Annessi Gebennensium, xxvi Augusti 1618. Admodum R. P. in Christo Patri Leonardo Lessio, Societatis Jesu Theologo clarissimo. Revu sur deux fac-similé de l'Autographe, conservés à la Visitation de Nancy et à celle de Fribourg. retire jamais de vous sa main protectrice, et que les bénédictions du Ciel, dont je le prie de vous combler, soient l'ornement de vos cheveux blancs. Je suis, de Votre très Révérende Paternité, Le très humble et très dévoué frère et serviteur dans le Christ, François, Evêque de Genève. Annecy en Genevois, le 26 août 16 18. Au très Révérend Père dans le Christ, Léonard Lessius^ Eminent théologien de la Compagnie de Jésus.  MCDLXII A DON JUSTE GUÉRIN, BARNABITE Chant de victoire avant le triomphe. — Un contrat rompu. Désir d'avoir quelques livres. Annecy, 27 août 1618. Je ne vous escris jamais qu'avec précipitation, mon Révérend Père, maysilfaut (sic) mieux pourtant quelque chose que rien. Je chantay, l'autre jour, la victoire avant le triomphe, quand je vous escrivis que nous estions d'accord avec les Pères de Saint Dominique ; car, comme le contract a esté dressé, il (sic) n'ont pas volu tenir pa- role, de sorte quil faudra marcher dans les termes de la justice, laquelle si elLest un peu bien administrée, ilz  Annéh ibi8 275 se repentiront d'avoir refusé dix mille florins de ce qui n'en vaut pas cinq cens. Or, je voy bien que, quo}\qu'on leur donnast, ou un autre jardin, ou autre chose, il sera impossible de les ranger, car ilz s'obstinent par pure ten- tation. La rupture du contract se fit hier seulement, et je n'ay encor pas eu loysir de penser a ce qu'il faut faire sur cela; mays, y ayant pensé, je le vous escriray (0. Cependant, tenes moy continuellement en vostre cœur, comme un homme qui est parfaitement vostre et ne sera jamais que vostre, et vostre d'une façon nompareille. Je seray bien ayse si je puis avoir la Règle de saint Augustin, d'Italie ( = ), car j'ay celle des Augustins de France (3), outre la latine qui est en ses Œuvres *; et * ^pi^t. cix. qui pourroit avoir les Constitutions des Angéliques (4), ( I ) Le Fondateur voulait absolument terminer à l'amiable le procès pendant entre les PP. de Saint-Dominique et les Religieuses de la Visitation depuis septembre 1617 (voir ci-dessus, note (i), p. 86). La défaite qu'il déplore dans cette lettre ne lui fit pas perdre courage; car le 15 septembre suivant, une transaction était enfin signée entre les deux parties, en présence de l'Official, Jean-François de Sales, l'Evêque étant alors à Sixt. La Congrégation de la Visitation Sainte-Marie, en la personne de Georges Rolland agissant pour elle, outre les dix mille florins qu'elle devait payer pour la pièce de terre cédée, acceptait encore des conditions de construction très onéreuses au point de vue pécuniaire. (Archives de la Visitation d'Annecy, Livre des contrats permanents.) (2) Une version italienne de la célèbre Règle venait d'être imprimée en 1617 pour les Frères de Saint-Jean-de-Dieu : Regola di Sto Agostino con Vespo- sitione di Ugone da S. Viltore, et Constitutioni délia Religione del divoto Gio- vanni di Dio. Roma, Stamp. délia Caméra Apostolica, 1617. (3) Za Règle prescrite par S. Augustin aux Nonains et Religieuses, extraite de son epistre CIX et tournée de latin en françois par Jean de Chahanel... avec le Miroir des Religieuses et autres petits traicte; de dévotion. (Tolose, V"* de J. Colomiez, 1612.) ( 4) Fondées par la comtesse de Guastalla en 1534 (voir tome XVI, note ( i ), p. 246), les Angéliques furent en 1536 placées par Paul III sous l'autorité des Clercs réguliers de Saint-Paul. Par l'ordre de saint Charles Borromée, le Vénérable Charles Bascapé, Barnabite, et plus tard Général de son Institut, leur dressa des Constitutions ; mais le grand Cardinal voulut laisser au temps d'en faire l'épreuve, et ne les fit pas publier. L'approbation définitive fut donnée par le cardinal Frédéric Borromée, et elles s'imprimèrent pour la première fois en 1626, sous ce titre : Costituiioni e Regole del monastero di S. Paolo di Milano, formate da S. Carlo, Cardinale Arcivescovo, e confermate con autorita Apostolica dall'Illmo Sig. Cardinale Borromeo, successore, l'anno 162^. (In Milano, pei gl'impressori Archiepiscopali, mdcxxvi.) François de Sales n'eut donc jamais ce livre entre les mains; mais il en avait pu voir le manuscrit lors de son voyage à Milan, en 161 3.  276 Lettres de saint François de Sales elles serviroyent beaucoup. — Je suis ce que je viens de dire, plus que vostre. XXVII aoust 16 18. (0 Au R. Père en Nostre Seigneur, Le R. P. Don Juste Guerin, Prévost en la Congreg°" des Clercz de S' PauL A Tiiurin. aux Barnabites. Revu sur l'Autographe appartenant à M"* Adélaïde Vuy , à Carouge (Genève). ( r ) L'adresse est de la main de Jean-François de Sales.  MCDLXIII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l" Les victimes d'un désastre aux pieds de Son Altesse. — L'Evèque joint ses supplications aux leurs pour obtenir la pitié du prince. Annecy, 30 août 1618. Monseigneur, Ces pauvres gens de la Vald'Aux, comme esperdus d'une ruine présente qui les accable, n'ont sceu ou se jetter a refuge qu'aux pieds de Vostre Altesse (0. Et certes, je ne voy nullement qu'une main moins forte et un (sic) providence moins paternelle que la vostre, Mon- seigneur, les puisse garentir; car je pense qu'ilz n'ont a se plaindre principalement que de leur malheur, contre lequel rien ne peut leur donner allégement que le bonheur d'estre regardés en pitié de Vostre Altesse, a laquelle Dieu, qui void leur extrême misère, inspirera, comm'ilz espèrent, quelque moyen favorable pour les retirer de ce gouffre. ( I ) La vallée d'Aulps, dans le Haut-Chablais, s'étend sur une longueur de trente kilomètres du confluent des trois Dranses aux limites du Valais. Quel désastre l'avait désolée ? Eboulement ou inondation ? Les recherches faites à ce sujet n'ont eu aucun succès, non plus que celles relatives au résultat de la requête du Saint.  Année 1618 277 C'est ce en quoy j'implore avec eux la grâce de Vostre Altesse, a laquelle faysant très humblement la révérence et souhaitant le comble de toute sainte prospérité, je demeure, Monseigneur, Très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. XXX aoust 1618, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.  MCDLXIV .\ DON JUSTE GUÉRIN, BARNABITE (fragment) Affectueux reproches à un ami qui ne prend pas assez de soin de sa santé. Annecy, 30 août 1618. O mon cher Père, vous aves donq esté malade deux fois en si peu de tems? C'est signe que vous n'aves pas asses soin de conserver vostre santé, et néanmoins vous estes obligé d'avoir ce soin la, pour servir tant mieux nostre grand Maistre et ses enfans, puisque vostre voca- tion vous y astreint. Faites le dores-en-avant, mon très cher Père ; mais je vous le dis tout de bon, et avec tout le cœur que j'ay pour vous et de tout le crédit que j'ay envers vous. (0  (i) Le P. Arpaud, en citant ces lignes dans la Vie de D. Juste Guérin, termine ainsi : « Le reste porte des affaires qu'il lui recommande pour la gloire de Dieu. » Il est regrettable que le texte complet n'ait pu être retrouvé.  278 Lettres de saint François de Sales MCDLXV A UN RELIGIEUX (O (fragment) Course raoide d'une âme vers le sommet de la perfection. Le mystère d'un nom. Annecy, 13-fin août 1618 (2). Mon Révérend Père, En fin vostre bonne Nièce a surmonté généreusement toutes les difficultés et tous les obstacles qu'on opposoit a son dessein. Elle est dans le noviciat, et je vous asseure que si elle persévère a courir, comme elle commence, dans les vo3^es de Dieu, elle se treuvera bien tost au sommet de la montagne du Seigneur (3). Elle ne m'a pas ( I ) Nous lisons dans la Vie de la Mère Marie-Marguerite Michel (voir note (3) ci-dessous) : « La famille des Clément, dont elle est sortie, a donné à divers Ordres religieux des personnes d'un mérite extraordinaire. » Mais ne sachant à quel Ordre appartenait le destinataire, les recherches faites pour le découvrir ont été fort difficiles, et elles sont malheureusement demeurées infructueuses. (2) M"- Michel prit l'habit de la Visitation le 15 août 1618, jour où ses deux tantes maternelles, Marie-Gabrielle et Anne-Marguerite Clément, fai- saient profession. François de Sales ne dut pas tarder à donner à l'oncle les bonnes nouvelles de sa nièce; c'est la raison de notre date approximative. (3) Pour arracher au siècle et à l'amour du plaisir cette âme dont il voulait faire un vase d'élection, Dieu avait dû employer le tout puissant moyen de la croix. Plus tard, Marie-Marguerite s'en réjouissait et s'en humiliait : « Comme les Israélites s'ils n'eussent pas été battus et froissez de coups, ils n'auroient point pensé d'aler au désert pour faire des sacrifices au vrai Dieu, » disait-elle, « de même je n'aurois pas non plus pensé à venir lui faire des sacrifices dans la Religion, s'il ne m'avoit pas châtiée jusqu'à me déboiter les os. » La petite vérole l'avait défigurée, deux accidents douloureux la rendirent boiteuse, et chaque épreuve fut précédée d'une apparition mystérieuse ne laissant aucun doute sur son but divin. Sous cette ruine de la beauté extérieure, vivait une âme ornée des dons de l'esprit et du cœur, que les Fondateurs aimèrent et cultivèrent spécialement. Dès qu'elle eut le voile noir (1620), François de Sales voulut que la conduite des Novices lui fût confiée ; « elle étoit née, » assurait-il, « pour la direction. » La Sainte le reconnaissait aussi : '< Dieu vous a donné un talent particulier pour cela, » lui écrivait-elle alors que vingt-cinq filles se pressaient dans son noviciat de Besançon. La Mère Marie-Marguerite Michel, après avoir gouverné les Monastères de Belley et de Dijon, commen- çait (1630) dans cette capitale de la Franche-Comté, la série de ses fondations;  Année 1618 279 caché que la grâce divine luy avoit fait remarquer que ces trois noms de Marie, Marguerite, Michel, luy impo- soyent l'obligation d estre une fille d'orayson, de morti- fication et de victoire. Je ne doute point qu'elle n'en vienne la, et qu'elle ne soit un jour une grande servante de Dieu Fribourg, Dole, Salins, Soleure, Gray, Gruyère, lui durent des Maisons de la Visitation ; son zèle l'eût volontiers conduite jusque sur la terre lointaine du Canada pour y porter la semence de son Institut. Les contradictions et les souffrances ne lui manquèrent pas; cette grande Religieuse les supporta avec autant d'humilité que de courage : « Ne vous affligez pas, mes en- fants, » disait-elle à ses Filles, « ce ne sera pas l'œuvre de Dieu qui sera détruite, ce ne sera que mon orgueil et ma témérité. » Verceil et Arône furent les derniers monastères témoins des vertus de la Mère Marie-Marguerite. Elle fut supérieure au premier de 1657 à 1662; élue au second cette même année, elle y mourut trois mois après son arrivée, le 29 août. (Voir sa Vie par la Mère de Chaugy, dans Les Vies de plusieurs Supérieures de l'Ordre de la Visitation Sainte Marie, Anneci, Fonteine, mdcxciii.)  MCDLXVI AU CHANOINE HONORÉ DES ÉCHELLES (0 L'inconstance, loi des choses de ce monde; les amitiés saintes en triomphent. — Désir de quelques jours de repos à Bellay. — La demeure des Filles de la Visitation ici-bas, leur demeure dans réterniié. — Eloge de la Mère de Chantai. Annecy, [août-septembre 1618.] Entre les incertitudes du bienaymé vo3^age qui nous devoit assembler pour plusieurs moys. Monsieur mon très ( I ) Le second alinéa de cette lettre parlant évidemment de Me"" Camus, le 7iotable Ecclésiastique ou V Ecclésiastique de distinction que les éditeurs précé- dents assignent comme destinataire à ces lignes, appartenait donc au clergé de Belley. La probabilité est presque une certitude pour Honoré de Belli des Echelles, fils de Jean de Belli, seigneur des Echelles et de Vareilles, et de Catherine de Belli. Il fut, dit Guichenon (Hist. de Bresse et de Bugey, 1650, Partie III, continuation), « prestre, chanoine et primicier en l'église cathé- drale de Belley, officiai et vicaire général » de cet évêché, et testa le 27 fé- vrier 1655. — Sainte Jeanne de Chantai parle souvent de M. des Echelles au cours de sa correspondance; dans un billet inédit, elle fait ainsi l'éloge de ce digne ecclésiastique qui fut Supérieur de la Visitation de Belley : C'est  28o Lettres de saint François de Sales cher Frère, je ne regrette rien tant que de voir différer le bonheur que nos cœurs se promettoyent de se pouvoir entretenir a souhait sur leurs saintes prétentions (0 ; mais le monde et tous ses affaires sont tellement sujetz aux loix de l'inconstance, qu'il nous en faut souffrir Tin- commodité, tandis que nos cœurs disent : (*) Non mo- vebor in ceternum *. Non, rien ne nous esbranlera en Tamour de la Croix et en la chère union que le Crucifix a fait de nos espritz. Mais voyci le tems qu'il faut employer l'advantage que nostre amitié a au dessus de celle des enfans de ce monde, et la faire vivre et régner glorieusement, nonobstant l'absence et division des sé- jours ; et cela, a cause que son autheur n'est point lié au tems ni au lieu. Certes, mon très cher Frère, ces amitiés sacrées que Dieu a fait sont indépendantes de tout ce qui est hors de Dieu. Oh ! si j'estois véritablement Théophile, comme vostre grand Prélat m'appelle (plus selon la grandeur de sa charité que selon la connoissance qu'il a de mes infir- mités), que je vous serois aggreable, mon très cher Frère ! Mays si vous ne me pouves aymer parce que je ne le suis, aymes moy afîfîn que je le sois, priant nostre grand An- drophile qu'il me rende par ses prières son Théophile. J'espère d'aller faire dans quelques jours un peu de saint repos auprès de luy, qui est nostre commun phœnix, pour odorer les bluettes de cinnamome dans lesquelles il veut mourir, pour plus heureusement revivre parmi les  (*) Je ne serai jamais ébranlé. « un des sages, capables et vertueux Pères spirituels qui soient dans l'Ordre, auquel j'ai une pleine confiance, tant pour sa rare probité, que pour l'entière affection qu'il a pour toutes les Maisons de la Visitation ; outre que notre Bienheureux Père nous l'a donné, qui l'aimait chèrement. « Hérissant attribue à cette lettre la date de 1617 ; mais il est impossible de la faire concorder avec les divers événements qui y sont mentionnés. Celle que nous proposons convient, à la rigueur, à tous; cependant il faut recon- naître que nous pouvons bien nous trouver en face d'un texte composé de plusieurs fragments d'époques différentes, ( I ) Il s'agit du voyage à Paris, où l'Evèque de Genève devait se rencon- trer avec celui de Belley et son grand-vicaire.  Année i6i8 281 flammes de l'amour sacré duquel il escrit les saintes pro- priétés dans une histoire qu'il compose (0. Mays, qui vous a peu dire que nos bonnes Seurs de la Visitation ont esté traversées pour leurs places et basti- mens ( = ) ? O mon cher Frère, (*) Dominas refugium factus est riobis * ; Nostre Seigneur est le refuge de *Ps. lxxxix, i, leurs espritz, ne sont elles pas trop heureuses? Et comme nostre bonne Mère, toute vigoureusement languissante, me dit hier, si les Seurs de nostre Congrégation sont bien humbles et fidèles a Dieu, elles auront le cœur de Jésus, leur Espoux crucifié, pour demeure et séjour en ce monde, et son palais céleste pour habitation éternelle. Il faut que je dise a roreille de vostre cœur, si amou- reusement aymé du mien, que j'ay une suavité d'esprit inexplicable de voir la modération de cette chère Mère et le desengagement total des choses de la terre qu'elle a tesmoigné parmi toutes ces petites traverses. Je dis ceci a vostre cœur seulement, car j'ay fait resolution de ne rien dire de celle qui a entendu la voix du Dieu d'Abraham : i**) Egredere de terra tua, et de cognatione tua, et de domo patris tui, et veni in terra quam monstravero tibi *. En vérité, elle le fait, et plus que cela. Or, il me * Gen.. xn, i. reste de la recommander a vos prières, parce que les frequens assautz de ses maladies nous donnent souvent des assautz d'appréhension, bien que je ne cesse d'espérer  (*) Le Seigneur est devenu notre refuge. (**) Sors de ton pays, et de ta parenté, et de la maison de ton père, et viens en la terre que je te montrerai. ( I ) Si cet alinéa est de 1618, il s'agit de La Mémoire de Darie, composée vers ce temps-là par TEvèque de Belley, mais publiée seulement en 1620. L'auteur y raconte en style de roman la vie et la mort de Marie-Aimée de Chantai, baronne de Thorens ; elle y est désignée sous le nom de Darie, et son mari sous celui de Chry santé; le Saint lui-même y figure sous le nom de Théophile. L'allusion est évidente ; elle peut être de 1618. Est-elle posté- rieure à l'impression de 1620 ? L' « histoire » destinée à faire voir « les saintes « propriétés de l'amour sacré, » serait alors : Agathonphile ou les Martyrs Siciliens, Agathon, Philargyrippe, Tryphine et leurs associes : histoire dévote ou se découvre l'art de bien aymer pour antidote aux deshonnestes affections. Le privilège est du 17 décembre 1620, ( 2 ) Voir ci-dessus, notes ( 2 ), p. 6, et ( i ), p. 86.  282 Lettres de saint François de Sales que le Dieu de nos pères multipliera sa dévote semence comme les estoilles du ciel et le sahlon qui se void Gen., XXII, 17. sur Vurefie des mers *. Mais, mon Dieu, c'est trop dire en ce sujet, ou je ne voulois rien dire. Toutefois c'est a vous, a qui toutes choses sont disables, puisque vous aves un cœur incom- parable en dilection pour celuy qui, avec un amoureux respect, vous proteste qu'il est incomparablement, Monsieur, Vostre très obéissant et très aymant serviteur et confrère en Jésus Christ, Franç% E. de Genève.  MCDLXVII A M. FRANÇOIS FYOT DE BARAIN (0 Grande union des chanoines de Saint-Pierre de Genève avec leur Evêque, — Celui-ci soutient leurs droits dans un procès avec la ville de Seyssel. Annecy, 3 septembre 1618. Monsieur, J'ay un Chapitre autant bien qualifié qu'il se peut dire ; c'est pourquoy, outre le devoir que j'ay au service de Dieu et de l'Eglise, j'en ay un bien particulier a mes Chanoynes, qui, par un asses rare exemple, ne sont Act., IV, 32. qu un cœur et o^'uname * avec moy au soin de ce ( I ) François Fyot, seigneur de Barain et de Vauginois — dont le nom a été mal lu par Hérissant (1758) qui imprime Frotharain, ou mal écrit par un secré- taire du Saint chargé de mettre l'adresse — était né à Dijon le 20 novembre 1560. Tout dévoué à Henri IV, il s'endetta de plus de vingt-quatre mille livres pour le service du Roi qui le fit conseiller du Parlement, séant à Semur, en 1592. Il fut encore commissaire de la Chambre de justice, conseiller d'Etat, et l'un des juges du maréchal de Marillac qui s'opposèrent à sa condamnation. Intègre et savant magistrat, humain et bienfaisant envers les infortunés, Fyot de Barain, plus connu sous le nom de Fyot de Vauginois. mourut en 1636, doyen de sa compagnie. Il fut inhumé dans l'église Saint-Etienne de Dijon où l'on dressa à sa mémoire un monument sur lequel sa seconde femme, Christine Morin, fit graver une inscription. (D'après Palliot, Le Parlement de Bourgogne^ 1649; Girault, Essais hist. et biogr. sur Dijon, 1814, etc.)  Année 1618 283 diocajse. Pour cela, Monsieur, j'implore avec eux vostre justice et pieté pour la conservation de leur droit en l'affaire qu'ilz ont avec messieurs les scindiqs et habi- tans de Sessel (0, lesquelz, si je ne suis grandement trompé, ont bon besoin d'estre rangés et remis en devoir» tant envers les ecclésiastiques qu'envers le magistrat ( = ). Mays de cela, Monsieur, vous en discerneres et jugeres, tandis que priant Dieu qu'il vous face de plus en plus abonder en sa grâce, je veux estre a jamais de tout mon cœur, Monsieur, (3) Vostre Francs, g^ ^^q Genève. Annessi, 3 septembre 161 8. A Monsieur [Monsieur] Fiot [de] Barain, Conseiller du Roy au Parlement de Bourgoigne. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Amiens. ( I ) En 1618, Seyssel avait pour syndics : noble Louis de Vigniod, seigneur de Bioleaz, et spectable Claude Montanier. ( 2 ) Le procès entre le Chapitre de Saint-Pierre de Genève et les habitants de Seyssel durait depuis i6i 5 (voir tome XVI, note ( i ), p. 334). Il reprit avec une nouvelle activité en 1618; au mois de juillet, le Conseil de Seyssel en- voyait deux messagers à TEvêque de Genève pour traiter de cette affaire à l'avantage de la ville, et un député à Dijon, Jehan Girard, pour en surveiller la marche auprès du Parlement. Le 28 novembre suivant, c'est Hector Parpil- lion, coseigneur de Chappelle, qui prend à son tour, dans le même but, le chemin de Bourgogne. Il fallut attendre jusqu'au 11 août 1627 l'arrêt de la Cour. Il donnait raison aux chanoines; mais les conclusions furent adoucies par ceux-ci dans la transaction du 13 janvier 1631. (Archiv. de Seyssel, Délib. du Conseil de Ville, reg. n^ 3, et liasse n** 74.) (3) L'Autographe a été mutilé; mais l'éditeur de 1758 nous a conservé signature, date et adresse.  284 Lettres de saint François de Sales  MCDLXVIII A MONSEIGNEUR PIERRE FENOUILLET ÉVÉQUE DE MONTPELLIER Remerciements pour Taccueil fait au président Crespin. — Naufragé abordant au havre de grâce. — Le voyage du Cardinal de Savoie est toujours incertain. Annecy, 4 septembre 1618. Monseigneur, On ne remercie pas le soleil dequoy il fait le jour, ni la lune dequoy elle esclaire la nuit, parce que c'est leur nature. Ni je ne vous remercieray pas du bon accueil que vous aves fait a monsieur le Président Crespin (0, soit que vous Tayes fait selon la générosité de vostre esprit, qui vous est naturelle, soit que vous Tayes fait selon la bienveuillance que vous me portes, de laquelle l'habitude est passée meshuy en nature par la multitude de l'exercice que vous en faites continuellement. Seule- ment vous diray je que je prie Dieu d'en estre le rému- nérateur, luy qui en est l'autheur en vous. Au demeurant, comme je loue le désir que ledit sieur Président a de finir ses jours en nostre vocation ecclé- siastique, comme dans un havre de grâce pour passer au havre de gloire après cette si rude tempeste et Tessay des plus cruelz orages du monde, aussi suis je de vostre advis, que ce soit après s'estre enrayé pour un peu du naufrage duquel il sort. Nous sommes icy en paix, mays non pas du tout exemptz des ressentimens de la guerre passée (2); playse a Dieu qu'ilz ne dégénèrent pas en recheute. Pour moy, je ne sçay encor si j'iray a Paris ou non, cette incertitude dépendant de celle du voyage de Mon- seigneur le Prince Cardinal (3) et de celle qui est ordi- naire es cours; ou, pour ne point mentir, je ne dis rien, (i) Jean-Georges Crespin (voir ci-dessus, note ( i ), p. 56). (2) La guerre du Montferrat définitivement terminée par la reddition de Verceil, le 15 juin 1618. (Voir ci-dessus, note (3), p. 236.) {3) Voir ci-après, note (3), p. 296.  Année 1618 285 sinon peut estre qu'il est vray, et peut estre que non. Mais je dis toutefois qu'il est vray, et ne sera jamais autrement, que je suis de tout mon C(X3ur invariablement, Monseigneur, Vostre très humble et très obéissant frère et serviteur, France, E. de Genève. 4 septembre 16 18, a Annessi. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Toulouse,  MCDLXIX A LA PRÉSIDENTE DU FAURE (inédite) Lettres qui soulagent au lieu de surcharger. — Demande et promesse de prières. Annecy, 22 septembre 16 18. Vous ne sçauries, je vous asseure. Madame, m'escrire trop souvent, ni donner du divertissement a mes occu- pations par vos lettres, qui plus tost me soulagent par la consolation que j'ay de sçavoir des nouvelles de vostre cœur qui m'est extrêmement cher, et que je prie de tout le mien de vouloir continuer sa charité envers mon ame, la recommandant souvent a Nostre Seigneur; comme de mon costé je ne cesseray jamais de vous souhaiter la tressainte persévérance, avec un continuel accroissement en l'amour céleste de sa divine Majesté, qui est le comble de tout bonheur. Demeurés en paix, ma très chère Fille, et bénisses de plus en plus la Bonté divine qui vous veut toute pour elle. Je suis sans fin, d'un cœur nompareil, Madame, Vostre plus humble, très fidèle serviteur, Francs E. de Genève. 22 septembre 16 18. A Madame Madame la Présidente du Faure. Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy.  286 Lettres de saint François de Sales MCDLXX A madame de granieu (0 Ne pas craindre d'écrire souvent. — Le souhait du Saint pour l'âme de sa chère fille. — Espérance d'un revoir. Annecy, 22 septembre 1618. Vous faites certes très charitablement, ma très chère Fille, de m'escrire souvent, car en vérité, vos lettres me consolent et recréent extrêmement, puis que Dieu a voulu que mon cœur soit si paternel qu'il ne se peut dire plus, pour vous, qui estes réciproquement ma fille très * Cf. Philip. ,uit.,i. désirable * es entrailles de nostre Sauveur. Faites donq tous-jours bien ainsy, escrives moy tous-jours quelques motz, et moy, quand je pourray, je vous rendray soi- gneusement la pareille. Dieu est bon, ma très chère Fille, et puis qu'il luy a pieu de vous donner le désir de son pur amour, il le rendra un jour parfait. C'est cela que souvent je luy demande pour vostre chère ame, ma Fille, laquelle j'ayme comme la mienne propre. Je vous escris sans loysir et seulement pour respondre a vostre petit billet; un'autre fois que j'auray plus de commodité, je respondray a vos deux précédentes, et qui sçait si dans le moys prochain jepasseray a Grenoble ( = )? J'en ay certes quelqu'esperance : soit fait selon le bon playsir de Dieu. Je suis vostre. F., E. de Genève. 22 septembre 161 8, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de la Côte-Saint-André. (i) Impossible de voir l'adresse, l'Autographe étant collé sur un carton; cependant il n'est pas difficile de reconnaître M"^^ de Granieu dans cette « fille très désirable » que poursuit le désir du « pur amour », et qui écrit souvent de petits billets au saint Evêque de Genève. (2) Il y passa en effet dans la seconde quinzaine d'octobre, comme le té- moigne une lettre de la Mère de Chantai à la Mère de Chastel. (Lettres^ vol. I, p. 284.)  Année 1618 287 MCDLXXI A DOM BRUNO d'aFFRINGUES, GÉNÉRAL DES CHARTREUX (O Messages affectueux par un Capucin en route pour la Chartreuse. Annecy, 22 septembre 1618. Mon très Révérend Père, Outre le désir que j'ay de me ramentevoir souvent en vostre bonne grâce, ce bon Père Capucin, qui est gran- dement de mes amis, m'en a reveillé la volonté quand il m'a dit qu'il alloit exprès voir cette sainteté (sic) solitude en laquelle (*) beneplacitum est Deo habitare in ea * ; * Ps. lxvh, 17. et que particulièrement il desiroit de vous bayser les mains, poussé de la renommée qu'il a pieu a Dieu que vous ayes, qu'il honnore avec inclination comm'estant du voysinage du lieu de vostre naissance (2). Ainsy donq, mon très Révérend Père, je vous salue très humblement par cette entremise, et vous souhaitant toute sainte prospérité, je demeure a jamais Vostre très humble et très affectionné serviteur et confrère. Francs E. de Genève. XXII septembre 16 18, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à la Trappe de Westuialle (Belgique). C) il a plu à Dieu dljahiter (i) Le feuillet qui portait l'adresse a été détaché de l'Autographe; la « sainte solitude » semble désigner la Chartreuse comme demeure du desti- nataire, tandis que le titre de « très Révérend Père » et Tallusion à '< la renom- mée» indiquent clairement D. Bruno d'Affringues. (Voir tome XVI, note ( i ), p. 200.) (2) Qjjel est le Capucin du diocèse de Saint-Omer qui, en septembre 1618, allait d'Annecy à la Grande-Chartreuse, pour visiter D. Bruno? Un docu- ment imprimé de 1618, porte le nom d'un P. Jacques de Saint-Omer qui aurait assisté, comme représentant des Provinces de Flandre, au Chapitre général tenu à Rome cette année-là, et n'aurait quitté la Ville éternelle qu'après le 8 juillet. En rentrant en France à pied, il pouvait passer par Annecy au mois de septembre. (Note du R. P. Edouard d'Alençon, archiviste général des FF. MM. Capucins.) Mais où et quand avait-il connu l'Evêque de Genève r  288 Lettres de saint François de Sales  MCDLXXII A MESSIEURS LES AVOYERS ET LES MEMBRES DU CONSEIL DE VILLE DE FRIBOURG (0 Gracieuses offres de service. — Pourquoi le Saint veut toujours obliger les magistrats de Fribourg. Annecy, 23 septembre 1618. Messieurs, Jamais il ne se présentera occasion de vous rendre service, que je ne l'employé avec toute l'affection et sin- cérité que Vos Excellences pourroyent désirer ; et non seulement par le devoir d'amitié et voysinage, mais par une spéciale inclination que j'ay envers vostre très catho- lique, très pieuse et très illustre Republique et Seigneurie, je m'estimeray tous-jours fort heureux quand je pourray exécuter vos désirs. Ainsy, ces bons et devotz ecclésias- tiques s'en revont promeuz aux saintz Ordres (2), marri que je suis que une quantité d'occupations qui me sont surveniies en ces deux jours ne m'a3^ent permis de les caresser a mon gré, selon l'affection que je porteray toute ma vie a tous ceux qui me seront recommandés de Vos Excellences, que je prie Dieu vouloir combler de (i) L'Autographe étant encadré, on ne peut voir l'adresse, si elle existe ; mais sur l'encadrement se lisent ces mots : « Lettre écrite de la propre main de S' François de Sales A leurs Excellences de Fribourg. » En 1618, Charles de Montenach était l'avoyer régnant ; il n'assista pas cepen- dant à la séance du Conseil, du 8 octobre, dans laquelle on lut le message de l'Evêque de Genève, réponse à celui des magistrats de Fribourg, en date du 6 septembre (voir à l'Appendice I), L'avoyer Nicolas de Diesbach présida cette assemblée, formée des conseillers Python, Alex, Paccot, Gerwer, Lary, Erhart, Zimmerman, Mayer, Gottrau, Kessler et Vonderweidt. (Note de M. Tobie de Raemy, archiviste de l'Etat de Fribourg.) (2) A l'ordination générale faite par le Saint le 22 septembre 1618, Pierre Salbiner, fribourgeois, du diocèse de Lausanne, reçut la tonsure, les Ordres mineurs et le sous-diaconat; Balthazard Weber, de même origine, fut ordonné diacre. (R. E.) Du premier, nous ne savons rien ; le second devint en 1622 curé de Dirlaret, puis, de 1623 à 1632, de la paroisse d'Ueberstorf, et on le trouve en 1634 chanoine de l'église collégiale de Saint-Nicolas de Fribourg. (D'après une Note de M. de Raemy.)  Année 1618 289 bénédictions, et sa tressainte Mère de les conserver sous sa douce protection, qui suys très cordialement, Messieurs, Vostre plus humble et très affectionné serviteur, amy et voysin. Francs E. de Genève. XXIII septembre 161 8, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Fribourg.  MCDLXXIII A LA MÈRE DE CHANTAL François de Sales seconde, sans les connaître, les désirs de la Mère de Chantai. Annecy, [1613-octobre 161 8 (i).] Ma très chère Mère, Voyla les lettres, et celle que j'escrivois quand ma Seur Anne Jacqueline (2) est venue, estoit a M. de Lea- val (3). Regardes donq si vos désirs ont du pouvoir sur mon esprit, que ne les sachant pas, je les seconde. Qu'a jamais les divines inspirations fassent de si puissantes influences en nostre cœur, que sa volonté soit parfaite- ment faite en nous. Amen. Vive Jésus ! Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de TEtat. ( 1 ) Ne pouvant préciser de quel M. de Léaval il est question dans ces lignes, on ne peut que leur donner une date extrêmement vague. Elles sont posté- rieures à 1612, ainsi que l'indique l'appellation de « ma très chère Mère », et antérieures au 18 octobre 1618, puisque la mention de la Sœur Anne-Jacqueline prouve la présence des deux Saints à Annecy. (2) Sœur Anne-Jacqueline Coste, tourière de la Visitation. (Voir tome XIV, note (2), p. 63.) (3) Un M. de Léaval fut choisi, en 1619, par l'Evéque de Genève et le pré- sident Favre, pour gouverneur de Henri de Charmoisy après la mort de son père. C'était un gentilhomme savoisien, d'une fortune médiocre, mais d'une vertu éprouvée. Il suivit son pupille en Piémont et s'acquitta avec dévouement de sa mission auprès de lui jusqu'en 1621, semble-t-il.  Lettres VIII 19  290 Lettres de saint François de Sales  MCDLXXIV A LA MÊME (billet inédit) Une bannière, ou une croix de confrérie à restaurer. Annecy, [1616-octobre 1618 (i).] Voyla la plus belle des trois. Qui auroit le loysir d'y mettre un autre rideau, il ne la connoistroit pas, ou bien qui en osteroit le boys pour la luy rendre plus portable. Mays tenes bien comte, car en somme, je suis homme qui ne veux rien perdre. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le baron de Viry, au château de Cohendier (Haute-Savoie). (i) Ce billet a été écrit tandis que les deux Fondateurs étaient à Annecy, donc, au plus tard, en 1618. D'autre part, l'écriture semble postérieure à celle de 1613-1615. C'est tout ce qu'il est possible de dire.  MCDLXXV  A LA MEME  Sollicitude paternelle du Saint pour ses Filles. — Quelque chose que la Mère de Chantai ne saura peut-être jamais. — Une postulante pauvre qu'il faut gratifier. Annecy, commencement d'octobre 1618 (i). Ma très chère Mère, Il faut que je vous die que j'ayme bien cette pauvre Seur Estiennette (0, et pensant en elle il me {sic) venu (i) Les dates d'entrée au noviciat des Sœurs « Estiennette » et « Fontani » fixent celle de cette lettre. (2) Etiennette Devillers, fille de Richard Devillers et de Claudine Martel, entra au monastère d'Annecy en septembre 1618, prit l'habit religieux le 9 sep- tembre 1619 et fit profession l'année suivante. Reçue au rang des Sœurs domes- tiques, elle fut admise à celui des Sœurs de chœur dans la Maison de Marseille, à la fondation de laquelle elle avait coopéré. Sœur Marie-Tiennette y mourut le 21 avril 1640, laissant le souvenir d'une remarquable humilité. ('Zic/'^s du Noviciat et du Couvent, du i^'' Monastère d'Annecy.)  Année 1618  291  en l'imagination que peut estre a elle quelque scrupule sur ses confessions, puisque hier elle me dit qu'elFavoit un grand désir de faire une confession générale. Je vou- drois donq que vous sceussies cela d'elle, mais il faudroit que ce fut dextrement, affin que, s'il n'estoit pas besoin, elle ne s'embarassast pas en cet article, et si elle en avoit besoin, qu'elle le dit, et vous me le feries sçavoir. Vous sçaves, ma très chère Mère, ce que je suis a ceux que j'affectionne, et sur tout a nos Filles ; mais vous ne sçaures jamais peut estre ce que je vous suis, tant Dieu m'a rendu vostre. Je vay aux Cappucins (0 pour un appointement. Il faudra passer la pauvre Fontani pour 400 ducatons et diminuer la liste des meubles (2), car monsieur le colla- téral Flocard (?) dit que ses frères sont pauvres (4) et que ce sera aumosne, et ell'est fille d'une si bonne mère (5). Revu sur l'Autographe appartenant à M"^ Hélène de Thiollaz, au château de Monpont, près Alby (Haute-Savoie). ( I ) Voir tome XV, note ( 4 ), p. 374. (2) Le 15 octobre 1618, des mains du saint Evêque qui fut le prédicateur de la cérémonie (voir tome IX, p. 208), Jeanne-Claudine de Pignier de Fontany reçut le voile de la Visitation et le nom de Sœur Jeanne-Marie. Elle avait dix- neuf ans ; son père, Antoine de Pignier, seigneur de ou du Fontany, était mort avant le mois de février 1617 ; sa mère, Françoise Piossasco d'Airasca, vivait sans doute encore. La profession de la Novice fut retardée jusqu'au 26 mars 1623, à cause du règlement de ses affaires temporelles, malgré un pre- mier contrat du 20 mars 1619. '< Notre Sœur Jeanne-Marie est toute malade, » écrira la Sainte à la Mère de Chastel en 1626, « un peu difficile d'esprit qu'elle ne peut manier comme elle voudrait, un peu chagrine, mais las! tant bonne, tant sincère, tant fidèle à ses exercices! Il la faut traiter fort cordialement. » (Lettres^ vol. II, p. 598.) Elle mourut le 17 mai 1672, au monastère de Seyssel où elle avait été envoyée comme fondatrice en 1651. (D'après les Livres du Noviciat et du Couvent, du i^"" Monastère d'Annecy.) (3) Barthélémy Flocard (voir le tome précédent, note ( i ), p. 303^ (4) Antoine, Denys et Humbert de Pignier étaient encore pupilles en 1622. Nous retrouverons plus tard l'aîné comme destinataire; le second entra chez les Augustins, et Humbert chez les Dominicains, Leur sœur Péronne fut Reli- gieuse à Sainte-Catherine. (5) Françoise Piossasco d'Airasca (en Savoie, d'Erasque) épousa d'abord Claude Busillet, conseiller du Roi en son siège présidial de Lyon ; de son second mari, Jean-François, seigneur de Monthouz en Duyn (contrat dotal du î5 novembre 1592), elle eut un fils posthume, Jean-Marc, qui se fit Capucin. Enfin, par contrat dotal du 17 novembre 1594, elle s'alliait à Antoine de Pi- gnier, seigneur de Fontany. Françoise Piossasco était décédée lors de l'acte du 20 mars i6ig. (Voir note (2) ci-dessus.)  292 Lettres de saint François de Sales MCDLXXVI A UN GENTILHOMME (0 (inédite) Offre de services et demande de protection. Annecy, 16 octobre 1618. Monsieur, L'essay que je fis de vostre courtoysie il y a 20 ans que je fus a Rome, le récit que m'en fait monsieur le chanoyne Desplans (2), la considération de Ihonneur ou vos mérites vous portent, m'obligent a vous offrir mon service, quoy qu'inutilement, puisque, estant si peu de chose comme je suis, je ne me puis pas promettre le pouvoir de vous en rendre. Et bien que cette mesme considération me deut retenir de vous importuner, si est ce qu'en l'occasion que ledit sieur Desplans vous représente pour le secours des Cha- noynes de mon Eglise, je ne laisseray pas de vous sup- plier de nous estre favorable a tous, affin que les uns soyent aydés, et moy consolé de les voir un peu assistés et délivrés de pauvreté, vous asseurant. Monsieur, que vous obligeres force gens d'honneur et qui ont affection (i) D'après la teneur de la lettre, le destinataire était à Rome durant le séjour qu'y fit le Saint, du 17 décembre 1598 au 31 mars 1599; ^*» ^" 1618, il y occupait une place lui permettant d'aider de sa protection les chanoines de Saint-Pierre de Genève. Ces données sont insuffisantes pour identifier sûrement le personnage. Sous toute réserve, nous proposerons Jean de Vignod, docteur ès-droits, procureur en la cour de Rote, qui meurt à Rome en 1619, léguant à sa parente Charlotte de Vignod, femme de Claude de Varax, une maison qu'il possédait près de l'église Santa Maria in Vallicella. (Note de M. le chanoine Gonthier.) Peut-être était-il le fils d'un autre Jean de Vignod. décédé dans la même ville en 1594. (Voir tome XI, Lettre i.xxvii, p. 212, note ( i ), p. 213, et Appendice, p. 432.) (2) Louis Desplans (voir le tome précédent, note (2), p. 202).  Année 1618 293 de marcher de bien en mieux au service de Dieu ; et en mon particulier, j'en demeureray a jamais, Monsieur, Vostre très humble et très affectionné serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. XVI octobre 161 8, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Bar-le-Duc, au couvent des Sœurs Dominicaines.  MCDLXXVII AU CARDINAL FRÉDÉRIC BORROMÉE ARCHEVÊQUE DE MILAN (0  Envoi d'une harangue du cardinal du Perron, et promesse de son oraison funèbre.  Annecy, i6 octobre 1618. Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio colendissimo, Questi honorati Padri Visitatori de Barnabiti (2) hanno trovato in me una particolarissima memoria delli favori ricevuti di V. S. 111"'^ (3); et havendomi significato che  Illustrissime, Révérendissime et très vénéré Seigneur, Ces honorés Pères Visiteurs des Barnabites ( ^ ) ont trouvé chez moi un très particulier souvenir des faveurs reçues de Votre Seigneurie Illustrissime (3) ; et comme ils m'ont dit que vous aviez quelque (i) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 156. (2) Les PP. Fidèle Menti et Elisée Délia Torre, visiteurs généraux de la Congrégation des Barnabites, étaient arrivés à Annecy le 2 septembre 1618 avec D. Gennari qui revenait de Milan (voir ci-dessus, note (1), p. 265}. Ils visitèrent rétablissement de Thonon {25 septembre-9 octobre) et reparti- rent pour l'Italie le 20 octobre. (3) Lors du voyage de saint François de Sales à Milan, fin avril 1613. (Voir tome XVI, note (2). p. i.)  294 Lettres de saint François de Sales Ella tiene notitia délia nostra lingua francese, glie mando con humil (0 questa oratione o harenga fatta [dal Cardinal] del Perrone (2), opra bellissima, s' io non m'inganno, [per] la vivacità del' ingegno che in essa è mostrata. Et se essendo in Parigi, dove vado per accompa- gnare il Prencipe Cardinale di Savoya, posso veder qual- che oratione funèbre di detto fû Cardinale del Perrone, non mancarô di darne parte a V. S. 111"*, non dubitando che haverà a caro il saper la morte fœlicissima et piena di zelo di questo grand'huomo et Prelato (3). Et fratanto, basciando humilissimamente le sacre mani  connaissance de notre langue française, je vous adresse en toute humilité ( i ) ce discours ou harangue faite par le cardinal du Per- ron (2), œuvre très belle, si je ne me trompe, pour la vivacité du génie qui la caractérise. Si je puis trouvera Paris, où je vais accom- pagner le Prince cardinal de Savoie, quelque oraison funèbre de feu le cardinal du Perron, je ne manquerai pas d'en faire part à Votre Seigneurie Illustrissime, qui, je n'en doute point, aura pour agréable d'apprendre les particularités de la mort très heureuse et pleine de piété de ce grand homme et Prélat (3). En attendant, je baise les mains sacrées de Votre Seigneurie  (i) L'Autographe, assez endommagé par rhumidité, présente plusieurs lacu- nes. Nous y suppléons selon le sens par des mots entre crochets [ ], sauf ici où il est difficile de décider si le Saint a écrit con humiltà, leçon donnée par les éditeurs précédents, ou bien : con humilissa rtveren^a, ce qui paraî- trait plus probable d'après la place. ( 2 ) C'est sans doute la harangue du 2 janvier 1615 aux Etats généraux, que TEvêque de Genève envoyait au cardinal Borromée. Infidèlement reproduite d'abord dans le procès-verbal des Etats, elle fut publiée par l'orateur sous ce titre : Harangue de Jacques Davy, cardinal du Perron, aux Estais, sur Varticle du serment (Paris, Estienne 1615). On la réimprima quatre fois cette même année. Le 26 novembre r6i8, Frédéric Borromée remerciait le Saint de cet envoi, par une lettre dont Migue, tome VI, col. 1019, a donné une traduction ; mais, malgré de minutieuses recherches faites aux Archives Borromeo et à la Bibliothèque Ambrosienne, le texte original n'a pu être retrouvé. (3) Le grand Cardinal (voir tome XVI, note (2), p. 353) était mort le 5 sep- tembre précédent, dans l'hôtel de Sens, à Paris. Bien des voix célébrèrent sa mémoire, et François de Sales put choisir, entre cinq ou six oraisons funèbres imprimées à Paris en 1618, celle dont il voulait faire part à l'Archevêque de Milan.  Année i6i8 295 di V. S. 111'"' et ritornando a farli profonda riverenza, resto Suo divotissimo et humilissimo [servitore], Franc", Vesco[vo di Geneva.] XVI Ottobre 161 8, Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à Milan, à la Bibliothèque Ambrosienne.  Illustrissime, et lui renouvelant mes profonds hommages, je demeure Son très dévoué et très humble serviteur, François, Evêque de Genève. 16 octobre 1618, Annecy.  MCDLXXVIII A DONA GINEVRA SCAGLIA (0 (inédite ) Nouveaux délais pour la fondation de Turin. — Départ pour la France; joie au sujet d'un compagnon de voyage. — L'itinéraire de la Mère de Chantai différent de celui de TEvêque de Genève. Annecy, i6 octobre 1618. lUustrissima Signora mia in Christo osservandissima, Essendosi data la parola mia et quella délia Madré per Bourges et Parigi, saria impossibile di far altra- mente ( ^ ) ; ma ella ritornarà presto, cioè questa prima (sic), et fra tanto le cose del Monasterio di Turino si salda- Très Illustre Dame, très honorée dans le Christ, Ma parole et celle de la Mère étant données pour Bourges et Paris, il serait impossible d'agir autrement (2). Mais notre Mère reviendra bientôt, c'est-à-dire au printemps, et d'ici là, les affaires du Monastère (i) Cette lettre est certainement adressée à Dona Ginevra Scaglia ; la simple lecture du texte suffit à le démontrer. {2) « Voilà donc qu'il faut partir, mais non pas devant lundi, » écrit la Mère de Chantai, le 17 octobre 1618. (Lettres, vol. I, p. 282.) Ce fut en effet le lundi, 22 octobre, qu'elle s'éloigna d'Annecy avec les Sœurs destinées à la fondation de Bourges.  296 Lettres de saint François de Sales ranno et pigliaranno fondamento ( 0. Si riserba la Sorella Paola Hieronima di Monthouz per accompagnarla etesser impiegata in Turino, già che questo è gusto di V. S. et, corne si spera, sarà gusto del Serenissimo Prencipe (2). Et quanto a me, parto adesso adesso per andarmene servir il Serenissimo Prencipe Cardinale (3), già che cosi vuole Sua Altezza ; et se è vera la nuova che mi vien data che il signor Marchese fratello di V. S. facci il viagio, mi sarà una particolar consolatione (4), et tanto più se io fossi tanto felice di darli qualche segno délia molta servitù ch'io tengo verso il signor Comte (5) et la persona di V. S. de Turin s'affermiront sur un fondement plus solide (0. On réserve la Sœur Paule-Jéronyme de Monthouz pour accompagner la Mère et être employée à Turin, puisque cela agrée à Votre Seigneurie, et agréera, nous l'espérons, au Sérénissime Prince (2). Pour moi, je suis sur mon départ pour le service du Sérénissime Prince Cardinal (5), ainsi que l'a voulu Son Altesse. Si la nouvelle que Ton vient de m'annoncer est vraie, que M. le Marquis votre frère est du voyage, ce me sera une particulière consolation ( 4), surtout si j'ai le bonheur de pouvoir lui donner quelque marque de mon pro- fond attachement pour M. le Comte (5) et pour vous, Madame. (i) La fondation n'eut lieu qu'en 1638. ( 2) La Sœur Paule-Jéronyme de Monthouz (voir au tome XVI, les notes ( i ), des pp. î6i et 279), à qui l'on pensait encore en 1620 pour la fondation de Turin, n'y fut cependant pas employée. Les charges honorables que quelques- uns de ses parents avaient à la cour de Savoie pouvaient lui attirer une spé- ciale bienveillance du prince Victor-Amédée. (3) Maurice de Savoie, parti de Turin le 6 octobre, arriva à Montmélian le 17. C'est ce jour-là ou le lendemain que l'Evèque de Genève dut quitter Annecy pour rejoindre le cortège princier. (4) Le marquisat de Caluso avait été apporté en dot (1606) à Auguste- Manfred Scaglia, fils aîné de Philibert-Gérard, par Marguerite Biandrate di San Giorgio, veuve de Charles-Guillaume Valperga, possesseur de cette seigneurie. Auguste-Manfred préféra toujours cependant à son titre de mar- quis celui de comte de Verrua qu'il prit à la mort de son père. Vaillant mi- litaire, il se distingua lors du siège de Verceil (1617), devint grand écuyer de Madame Royale, maréchal de camp en France, où il fut ambassadeur de 1619 à 162T, général de l'infanterie ducale en 1633, et mourut le 6 octobre 1637. (D'après les documents conservés aux Archives de Turin.) (5) Philibert-Gérard Scaglia, comte de Verrua (voir tomes XII, note (2), p. 105, et XVII, note (2), p. 181). Il fit en effet partie de l'ambassade, ainsi que son fils le marquis de Caluso.  Année 1618 297 Raccommandar a V. S. il nostro P. Dom Giusto (0 par cosa ingiuriosa alla charità che ella tiene; ma mi è lecita per darglie qualche testimonio del mio afîetto verso di lui. Délia ratificatione del mollino per queste Madri non si ha nuova veruna, et non so doiie sarà capitata Tamo- revole cura che V. S. si è degnata pigliarne (0. La Madré fa una strada per andar a Bourges différente dalla nostra, et restarà in Bourges mentre sarô in Parigi ; ma non lasciarô di dar parte delli progressi di questa Con- gregatione a V. S. 111'"% già che tanto glie vuol bene. Cosî mi tengha nella gratia sua V. S. 111"'^, et io a lei pregho il perfetto et puro amor divino. Di V. S. iir% Certissimo et humilissimo servo in Christo, Franc, Vescovo di Geneva. In Annessi, alli xvi di Ottobre 161 8. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Biandrate di San Giorgio, au château de Piasco, près Turin, Vous recommander notre bon P. D. Juste (O serait une chose injurieuse à la bienveillance que vous lui portez ; elle ne m'est per- mise qu'en témoignage de l'affection que j'ai pour lui. De la ratification pour les moulins de ces Mères, nous n'avons aucune nouvelle, et je ne sais où aura échoué le soin bienveillant que Votre Seigneurie a daigné prendre de cette affaire (2). La Mère suivra, pour aller à Bourges, une route différente de la nôtre et demeurera dans cette ville tandis que je serai à Paris ; mais je ne laisserai pas de vous faire part des progrès de notre Congréga- tion que Votre Seigneurie aime tant. Veuillez aussi, Madame, me conserver dans vos bonnes grâces, et à mon tour, vous souhaitant le parfait et pur amour de Dieu, je suis. De Votre Seigneurie Illustrissime, Le très assuré et très humble serviteur dans le Christ, François, Evêque de Genève. Annecy, 16 octobre 16 18. ( I ) D. Juste Guérin. (2) Voir ci-dessus, Lettre mcdv, p. 179, et note ( i ), p. 180.  298 Lettres de saint François de Sales  MCDLXXIX AU PÈRE JEAN-MATTHIEU ANCINA DE LA CONGRÉGATION DE l'oRATOIRE (0 Pourquoi le Saint est obligé de renoncer à écrire la Vie de Juvénal Ancina. Ses regrets, Annecy, 16 octobre 16 18. Molto Reverendo Padre, singolarmente carissimo et osservandissimo, Quantunque io vedeva di non poter in niun modo scri- vere convenientemente la Vita délia felice memoria di Monsignor Vescovo suo fratello (2), per la mia troppo grande rozzessa et insufficientia, nientedimeno il diletto ch'io havrei di dar gusto a V. R. et de dar testimonio délia stima di questo gran servo d'Iddio, mi dava un certo che di speranza di poterlo fare in qualche modo. Ma vedendomi adesso tirato in Parigi, per servire il Sere- nissimo Prencipe Cardinale nostro in questo viagio di Francia, io perdo ogni sorte di speranza di scrivere, et massime che detta historia richiede di esser scritta da  Très Révérend Père, très particulièrement aimé et honoré, Bien que je fusse convaincu de ne pouvoir en aucune façon écrire convenablement la Vie de Monseigneur l'Evêque votre frère, d'heu- reuse mémoire ( 2 ), à cause de ma trop grande rusticité et insuffisance, néanmoins la satisfaction que j'aurais eue d'agréer à Votre Révérence et de rendre témoignage de mon estime pour ce grand serviteur de Dieu, me donnait quelque espérance de pouvoir entreprendre ce travail. Mais me voyant maintenant appelé à Paris pour servir notre Sérénissime Prince Cardinal en ce voyage de France, je perds tout espoir de le faire, d'autant plus que l'histoire dont il s'agit requiert ( i) Il est facile de reconnaître, à la lecture du texte, que ces lignes s'adres- sent au frère de TEvêque de Saluces, le P. Ancina, désigné seulement sous son titre de Religieux par les anciens éditeurs. (Cf. ci-dessus, Lettre mcdiv, p. 176.) (2) Le bienheureux Juvénal Ancina (voir tome XII, note ( i ), p. 7).  Année i6i8 299 huomo che possa saper moltissime particolarità che io non posso cognoscere ne intender qui, et molto meno in Francia. Mi perdoni adunque V. P. s'io non la servo in questa occasione, che per altro mi sarebbe stata gratissima, et veda che la sola impossibilità m'impedisce. Ma non lasciarô a suo tempo di mandargli alcune osservationi circa queir historia (0, che potranno forsi giovare al scrittore ; et in ogni modo sono et sarô sempre, Di Vostra Paternità, Certissimo et afFettionatissimo fratello et servitore, Franc°, Vescovo di Geneva. In Annessi, alli xvi di Ottobre 161 8. un écrivain qui soit à même de savoir beaucoup de particularités que je ne puis connaître ni apprendre ici, et moins encore en France. Pardonnez-moi donc si je ne sers votre Paternité en cette occasion qui cependant m'eût été si agréable, et voyez que la seule impossi- bilité m'en empêche. Toutefois je ne manquerai pas de vous envoyer en leur temps quelques remarques touchant cette histoire ( i ) ; peut- être pourront-elles être utiles à l'auteur. De toute manière, je suis et serai toujours, De Votre Paternité, Le très assuré et très affectionné frère et serviteur, François, Evêque de Genève. A Annecy, le 16 octobre 1618. (i) Si François de Sales écrivit ces « remarques », elles ne sont pas par- venues jusqu'à nous.  300 Lettres de saint François de Sales MCDLXXX A M. MICHEL FAVRE (0 Une liste de nécessiteux à soulager. Annecy, i6 octobre 1618. Monsieur Michel, Je vous prie que de l'argent qui viendra entre vos mains, qui m'appartiendra, vous delivries a madame la collatérale Flocard ( = ), six florins pour la Jeanne Peloux de Genève ; autres trois florins pour la Gautier, et trois pour la Jaquemine de Bœuf ; et a la Janine, trois pour la Marguerite de Grenoble, et quatre pour la femme de Maleteste (3). Franç% E. de Genève. XVI octobre 1618, Revu sur l'Autographe conservé à Rome, chez les Dames du Sacré-Cœur de la Trinité du Mont. ( I ) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 208. (2) Claudine, fille d'Hugues Viallon, seigneur de la Pesse, et de Françoise Crassus, avait épousé à l'âge de vingt-cinq ans, Barthélémy Flocard, par contrat du 16 février 1603. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 303.) Elle fut inhu- mée le 4 avril 1644. (Reg. par. d'Annecy.) (3) « Quand ce Bienheureux faisoit voyage, » rapporte Michel Favre dans sa déposition (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 26), « il ne manquoit point de me laisser une liste des personnes misérables et nécessiteuses, et de la som- me quil vouloit estre distribuée a un chescun d'icelles, et aucunes fois il me nommoit quelque personne de confiance a laquelle j^'aurois a remettre en gros telles aumosnes pour les distribuer tant plus secrettement. » Nous avons ici une de ces listes des protégées du saint Evêque ; « la Jeanne Peloux de Genève » et « la Marguerite de Grenoble » étaient vraisemblablement des converties qu'il avait retirées à Annecy ; souvent ses charités allaient à cette sorte de pauvres, au témoignage du même déposant. « La Gautier » pourrait être la malheureuse femme nommée dans une lettre à M^"" Fenouillet (voir ci- dessus, p. (i^). Le faubourg de Bœuf, habité par « la Jacquemine » était à Annecy le quartier des pauvres.  Année 1618 301  MCDLXXXI A LA MÈRE DE BRÉCHARD SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE MOULINS Les excuses que doit faire la Mère de Bréchard, pour le Saint et pour elle-même. Annecy, 16 ou 17 octobre 1618 ( i ). Ma très chère Fille, Tout a la haste, et sans haleyne ni loysir, j'escris a monsieur vostre grand bienfacteur (2) par cette si asseu- ree commodité. Faites luy bien excuses, et commences a vous excuser vous mesme de Texces dont vous aures usé a dire du bien de moy affin quil m'aymast, car me voyla a la veille d'estre conneu de luy, puisque le Prince Cardinal fait indubitablement son voyage (3). Ma très chère Fille, Dieu soit au milieu de vostre cœur. Amen. {a) [A ma tr]es chère Fille en N. S,, [La Mère] Jeanne Charlotte de [Brécharjcl, Supérieure de la Congrégation de la Visitation. A Moulins. Revu sur l'Autographe couservé à la Visitation de Nevers. (i) La nouvelle assurée du voyage du cardinal Maurice arriva à Annecy vers le 17 octobre (cf. Lettres de la Mère de Chantai, vol. I, p. 282) ; ces lignes furent donc écrites ce jour-là ou la veille. (2) Cette lettre à M. de Palierne, trésorier de France à Moulins, n'a pas été retrouvée. (Voir ci-dessus, p. 194.) (3) L'ambassade de Savoie ne passa pas à Moulins, comme le Saint l'avait espéré. De Montmélian (voir ibid., note (3), p. 296), elle s'était rendue à Grenoble, où Lesdiguières fit une splendide réception au Prince Cardinal ; le 2t octobre, quittant la capitale du Dauphiné, elle vint à Lyon et y séjourna si peu que François de Sales eut à peine le temps de voir, à la Visitation, la Mère de Chantai et ses Filles. De Roanne à Orléans, le voyage se fit sur la Loire (voir ci-après, p. 307). (4) Les mots entre crochets [ ] ont été enlevés à l'ouverture de la lettre.  302 Lettres de saint François de Sales MCDLXXXII A LA MÈRE FAVRE, SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE LYON (fragment) Servantes, grandes et petites, de la Mère de Dieu, unies dans son amour. [Orléans, commencement de novembre i6i8 (i).] Je vous envoyeray la copie du^^Bref par lequel nostre Congrégation est establie en tiltre de Religion ( = ). J'ay presché ce soir au couvent des Carmélites de cette ville (3). Oh! Dieu soit béni, qu'estant filles toutes et servantes de la mesme Mère de Dieu, quoy qu'elles grandes et vous petites, vos cœurs soyent unis par sa sainte dilection que cette sacrée Mère verse dedans le cœur de toutes les Seurs. (i) Dans l'édition de 1626, ce fragment forme le second alinéa d'une lettre du i^"" octobre 1620, adressée A une Supérieure de la Visitation ; nous croyons devoir l'en détacher, l'envoi du Bref de Paul V ayant dû suivre d'assez près sa promulgation au Monastère d'Annecy. D'autre part, à la date indiquée, le saint Fondateur était en Savoie et ne pouvait prêcher dans aucun couvent de Car- mélites. Plusieurs raisons semblent militer en faveur de la Mère Favre comme destinataire et du mois de novembre comme date ; cependant nous ne donnons l'une et l'autre que sous toutes réserves, ces lignes pouvant avoir été écrites aussi après le sermon fait par l'Evêque de Genève aux Carmélites de Tours, vers le 20 septembre 1619. (2) Le Bref de Paul V, du 23 avril 1618, ne fut mis en exécution que le 16 octobre suivant. (La date du 9, donnée au tome XVII, note (3), p. 138, est celle de l'approbation des Constitutions.) Ce jour-là, François de Sales, « come fondateur et commis du Saint Siège Apostolique, » vint au monastère et ordonna « que l'on gardât la clôture selon le sacré Consille de Trante et la solanité des veux..., fesant entendre la grâce et Thoneur que Dieu fesoit a cette petite Congrégation, d'une petite ninphe l'avoir rendue sy prontement une mère abeille. » (Histoire de la Fondation du ler Monastère d'Annecy, par la Mère de Chaugy.) (5) Si la date que nous attribuons à ces lignes est exacte, le saint Evêque les a écrites d'Orléans, seule ville qui possédât alors un Carmel entre celles qu'il traversa de Lyon à Paris. Les Filles de sainte Thérèse s'y étaient établies le 25 mars 1617, appelées par M'"^ Sein, issue d'une ancienne famille de Tours. Du monastère de Pontoise sortirent les premières Religieuses : la Mère Marie du Saint-Sacrement (M'"^ de Saint-Leu) et cinq compagnes. (Voir Chroniques de l'Ordre des Carmélites, Troyes, 1856, tome III, pp. 183 seq., etc.)  Année 1618 303 Soyés tous-jours toute courageuse, ma très chère Fille, et vives toute en Celuy pour lequel et par lequel vous estes créée, baptizee et eslevee a cette sublime dignité d'espouse de Jésus Christ. Vostre très affectionné père et serviteur, Franç% E. de Genève.  MCDLXXXIII A M. GUILLAUME DE BERNARD DE FORAS Grand désir de TEvêque de Genève d'obliger M. de Montholon. — Difficultés d'accepter les prédications de l'Avent à Saint-André-des-Arts. Etampes, 5 novembre 1618, C'est moy qui veux respondre, Monsieur mon très cher Frère, puisque c'est a moy a qui Ihonneur dont vous parles a nostre frère ( s'addresse. Or, vous juges donq bien qu^estant auprès de ce Prince (2) pour ce voyage, je ne suis plus a moy, ni n'ay point de liberté que celle qu'il me donnera. Et toutefois, tout cequejepourrayjeleferay, affin qu'il veiiille bien me permettre que je face tout ce que monsieur de Montelon désirera de moy pour la chaire de Saint André, estimant la bienveuillance de ce seigneur au dessus de toute la pensée quil en sçauroit avoir, comme en vérité je suis obligé de faire pour plusieurs respectz (3). Des demain donq je parleray au Cardinal affin que, sil se peut sans incommoder son service, je soys tout réservé a (i) Jean-François de Sales qui accompagna l'Evêque de Genève à Paris. (2) Le cardinal Maurice de Savoie. (3) François de Montholon ou Monthelon. marguillier de Saint-André de Paris, avait déjà, avec MM. Mareschal et Maillet, par une lettre du 4 mai 1617, invité François de Sales à prêcher le Carême dans leur paroisse. Au ï*"" janvier 1618, après six ans d'exercice de sa charge, il demanda à être rem- placé, mais il dut prolonger ses fonctions jusqu'au i^*" janvier i6iq, auquel jour le curé et les membres de la Fabrique le remercièrent « de l'honneur qu'il avoit fait a ladite parroisse et des bons prédicateurs qu'il auroit pourveu en ladite église. » (Archiv. Nat., LL bSô, fol. 49,) M. de Montholon sera des- tinataire.  304 Lettres de saint François de Sales Saint André ; et s'il ne se peut pour l'Advent, comme a la vérité il sera difficile que ce soit, pour autant d'autres occasions quil plaira a mondit sieur de Montelon de me marquer (0. Mays quant au logis, il me faut laisser ou le fourrier du Roy me fourrera (2); car, quoy qu'inutile, ce Prince me veut voir assidu auprès de sa personne, et la rayson veut que je rende ce devoir en suite de l'intention de Son Al- tesse (3). Mays j'ay tort [de] dire tant de choses sur ce papier, puisque me voyci a la veille de vous voir en pré- sence, et de prendre avec monsieur de Montelon tous les moyens de suivre au plus près qu'il se pourra toutes ses volontés. Bonjour, Monsieur mon très cher Frère ; Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur. A Estampes (4), le 5 novembre 1618. A Monsieur Monsieur de Forax. Revu sur l'Autographe conservé à la Maison-Mère des Religieux des SS. Cœurs, dits de Picpus, à Paris. ( I ) Le saint Evêque sut triompher de toutes les difficultés, et, pour la station de l'Avent, il montait dans la chaire de Saint-André. Cette vieille église avait été bâtie dans le grand clos de Laas, d'où son nom de Saint- André de Laas, puis des Aas et des Ars (que Ton écrivit encore des Arcs, des Arts); elle appartint primitivement au Monastère de Saint-Séverin dont l'Abbé nommait le curé. Ce droit passa en 1345 à l'Université. Enrichie et agrandie aux xv*^ et xvi® siècles, l'église fut vendue le 4 fructidor, an V, et démolie en 1809. (Voir Cocheris, Histoire de la ville et du diocèse de Paris de Vabbé Lebeuf, 1863-1867, tome III, p. 275; éd. de 1883, tome I, p. 284.) (2) A Lyon, l'escorte princière avait rencontré M. Le Largi, maréchal des logis du Roi, chargé de pourvoir aux logements aux différentes étapes ; mais ce fut M. de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, qui eut ce soin à partir de Chartres. Le Prince Cardinal et TEvêque de Genève furent logés à Paris à rhôtel d'Ancre, anciennement de Picquigny. ( 3) Le duc de Savoie. (4) D'Orléans (voir ci-dessus, note (3), p. 301) le cardinal Maurice et sa suite se rendirent à Chartres, en passant par Etampes, d'où le Saint date cette lettre. (Voir ci-après, note ( i ), p. 308.)  Année i6i8  MCDLXXXIV  A DONA GINEVRA SCaGLIA  305  Projets de voyages pour la Mère de Chantai. — La bienveillance du comte de Verrua pour François de Sales, — Un Cardinal et un Evêque ramant sur la Loire. — Tout Paris à la rencontre de Maurice de Savoie, — Portrait de la future princesse de Piémont. — Accroissement de piété dans la capitale. Paris, 9 novembre 1618. Illustrissima Signora mia osservandissima, Hier sera ricevei la lettera di V. S. lU'"'' per via del signor Vardelli (0, et la ringratio humilmente del favor che Ella mi fa di scrivermi, che me dà mille consolationi. La Madré ( = ) dunque, per providentia particolare d'Iddio, si trovô in strada et giunta in Borges quando ricevei il memoriale del Serenissimo Prencipe ( 3 ) ; et cosi, da Borges verra, come credo, qui in Parigi per fundar un Monasterio, perché se bene la morte del Cardinale Perrone mette un poco de difïicoltà aile dispositioni che egli vi haveva messe, tuttavia vedo che poco a poco  Illustrissime et très honorée Madame, Je reçus votre lettre hier au soir par M. VardeUi ( i ), et je remercie humblement Votre Illustrissime Seigneurie de la faveur qu'elle me fait de m'écrire, car cela me donne mille consolations. La Mère (2), donc, par une spéciale providence de Dieu, se trou- vait déjà en voyage et même était arrivée à Bourges lorsque me parvint le mémoire du Sérénissime Prince (3). De Bourges elle vien- dra, je crois, à Paris, pour fonder un Monastère ; car, bien que la mort du cardinal du Perron amène quelques difficultés dans les dispo- sitions qu'il avait prises, je vois néanmoins que petit à petit elles (i) Serviteur, peut-être, de la maison Scaglia. (2) La Mère de Chantai, ( 3 ) Ce mémoire du prince Victor-Amédée concernait-il la fondation projetée d'un Monastère de la Visitation à Turin .- Lettres VIII 20  3o6 Lettres de saint François de Sales vanno disparendo(0. £t da questa città, nel ritorno pas- sarà in Digione, oûe le cose sonno apparechiate per la fundatione di un'altro Monasterio (2) ; et alla prima (sic) potrà andare in Turino, se pur le cose si trovaranno in stato di dovervi far la fundatione (3). Et cosî spero che senza perdere tempo, ell'a (sic) impiegherà bene le giornate, pur che sua divina Maiestà Tagiuti et conforti. L'Illustrissimo signor Conte (4) stamolto bene, et per gratia sua mi dà tutti li segni d'amarevolezza che si possono desiderare ; et per strada mi disse che voleva parlar meco délie cose di V. S. 111'"% ma sin adesso non l'ha fatto, ne credo che sia per farlo cosî presto, essendo assai occupato intorno alli negotii che tutti sopra le brac- cia sue ricadono et sopra quelle deirillustrissimo signor Marchese suo fratello (5). Il viaggio è stato buonissimo, il Serenissimo nostro  disparaissent (0. En quittant cette ville, elle passera à Dijon, où tout est prêt pour la fondation d'un autre Monastère (2), et au printemps elle pourra se rendre à Turin, si toutefois les choses sont en état pour l'établissement (3). Ainsi j'espère que, sans perdre de temps, elle emploiera bien ses journées, pourvu que la divine Majesté l'aide et la conforte. L'Illustrissime M. le Comte (4) se porte très bien et me donne, grâce à sa bonté, tous les témoignages de bienveillance qu'on saurait souhaiter. Il me dit en chemin qu'il voulait me parler de ce qui concerne Votre Illustrissime Seigneurie, mais il ne l'a pas fait jusqu'à présent ; je ne crois pas même qu'il le puisse de si tôt, occupé com- me il l'est par les affaires qui toutes retombent sur ses bras et sur ceux de M. le Marquis votre frère (0. Le voyage a été excellent ; notre Sérénissime Seigneur est venu ( I ) Du Perron était décédé le 5 septembre (voir ci-dessus, note ( 3 ), p. 294). Les anciennes relations de la fondation du Monastère de Paris ne nous ont pas gardé le souvenir de ce qu'il avait fait pour préparer les voies à réta- blissement. Quant aux difficultés, elles devaient se prolonger plus que le Saint ne le pensait alors. (Voir ci-après, pp. 317, 333.) (3) La Mère de Chantai jeta en effet les fondements de la Maison de Dijon le g mai 1622, à son départ de Paris. (Cf. ci-dessus, note (2), p. 216.) (3) Voir ibid., note ( i ), p. 296. (4) Le père de la destinataire, Philibert-Gérard Scaglia, comte de Verrua. (5) Auguste-Manfred Scaglia, marquis de Caluso (voir note (4), p. 296).  Année 1618 307 Padrone essendo venuto allegramente, et havendo rice- vute moltissime carezze et applausi generali de grandi et minimi, ognuno benedicendo Iddio et la Casa de Pren- cipi nostri, et testificando un fervor particolare per il matrimonio ricercato (0. Et li cinque giorni di naviga- tione (2) ho havuto tempo di godere la presenza del Serenissimo Cardinale, non senza parlare di moltissime cose buone ; et due volte il giorno Sua Altezza legeva libri francesi per andar di più in più imparando la lingua et le cose di questo Regno. Et anco aile volte vogava et mi faceva vogare con lei, pensando al principio che io non sapessi quelFarte, nella quale tutta via s'è trovato che io era dottore. Essendo giunti a Orléans, incontrati da monsieur de Betune (3) et di Modena (4), siamo stati duoi giorni per  joyeusement. Partout il a reçu un accueil très empressé, avec un applaudissement général des grands et des petits ; chacun bénissait Dieu et la Maison de nos Princes, témoignant un ardent désir du mariage projeté (0. Pendant les cinq jours de navigation (2), j'ai pu jouir à loisir de la présence du Sérénissime Cardinal, non sans parler de beaucoup de bonnes choses. Deux fois par jour, Son Altesse lisait des livres français pour apprendre de plus en plus la langue et s'ini- tier aux affaires de ce royaume. Parfois même elle ramait et me faisait ramer avec elle, pensant d'abord que je ne savais pas cet art, dans lequel pourtant il s'est trouvé que j'étais déjà passé docteur. Arrivés à Orléans, accueillis par MM. de Béthune(3) et de Mo- dène(4) qui étaient venus à notre rencontre, nous arrêtâmes deux ( r) Entre Victor-Amédée de Savoie et Christine de France. (2) Voir ci-dessus, note (3), p. 301. (3) Fils de François de Béthune et de Charlotte Dauvet, Philippe, comte de Selles, Charost, etc., eut quelque chose du génie de son frère le grand Sully. Il se distingua surtout par son talent diplomatique dans les ambassades qui lui furent confiées : en Ecosse en 1399, à Rome en 1601, auprès des ducs de Savoie et de Mantoue (i6r6), de l'Empereur et des princes d'Allemagne (1619), du Pape Urbain VIII (1624). Il fut marié deux fois : en février 1600 à Catherine Le Bouteiller, et en novembre 1608 à Marie d'Alègre, veuve de Jean de Sabrevois. M. de Béthune mourut à l'âge de quatre-vingt-huit ans dans son château de Selles, en 1649. (D'après Moreri, 1740, tome II.) (4) Cousin et confident intime de Luynes, François de Rémond était né de Laurent de Rémond, seigneur de Modène, et de Françoise Gautier. Son père avait obtenu de Charles IX, en mars 1 573, des lettres de naturalisation pour lui  3o8 Lettres de saint François de Sales riposare un poco, et ivi, il giorno di tutti Santi, Sua Al- tezza fece la santissima Comunione, et poi, a piccole giornate, siamo venuti qui ; et non si puô dire con quanto honore fu ricevuta Sua Altezza, ne quanto fosse il popolo che venue fuori per vederla, ne si è veduto, di memoria d'huomo, tanta concurrentia per entrata de Prencipe (0. Il Re, poi, la Regina, Monsieur fratello del Re, Madama magiore et minore fecero caresse grandissime a detta  jours pour nous reposer un peu ; là, Son Altesse fit la sainte Com- munion pour la fête de la Toussaint, puis, à petites journées, nous vînmes jusqu'ici. Il ne se peut dire avec quels honneurs Son Altesse fut reçue, ni combien grande était la foule sortie pour la voir ; de mémoire d'homme, on n'avait vu pareille affluence pour une entrée de prince (0. Le Roi, la Reine, Monsieur frère du Roi, Madame l'aînée et Madame la cadette firent ensuite grande fête à Son et pour son fils, car ils étaient originaires du Comtat Venaissin. François arriva aux honneurs en même temps que le duc de Luynes ; en 1617, il est conseiller dEtat, conseiller aux Conseils d'affaires et direction des finances et gouverneur de Fougères en 1620, grand Prévôt de France en 1621. Choisi pour ambassa- deur extraordinaire afin de rétablir la paix entre le roi d'Espagne et le duc de Savoie, il avait préparé de loin, à la cour de Turin, le mariage du prince de Piémont et de Christine de France qui était maintenant sur le point de se décider. Plus tard, la faveur l'abandonna, et Richelieu le tint quatre ans à la Bastille. Le Cardinal-ministre se souvenait sans doute des efforts tentés en r6i8 par Modène, sur l'ordre du Roi, pour éloigner de la Reine mère l'Evêque de Luçon. François de Rémond avait épousé, le 18 février 1602, Catherine d'Alle- mand ; il mourut à une date qui nous est inconnue et fut enterré dans la chapelle des Pénitents-gris à Avignon. (D'après d'Hozier, Armoriai de France ; De Stefani, La Nun^iatura di Francia del Card. Bentivoglio, passim, etc.) ( I ) Ce fut le 31 octobre, au soir, que le Cardinal de Savoie débarqua dans la ville d'Orléans; il logea à l'hôtel du comte de Saint-Pol, et François de Sales avec lui. Le 5 novembre, le Prince couchait à Chartres où, le lendemain matin, le marquis de Cœuvres et M. de Bonneuil vinrent le prendre avec les carrosses de la cour. On dîna à Bourg-la-Reine, et quelques heures après eut lieu l'entrée solennelle à Paris, Toute la noblesse accourut au-devant du fils de Charles-Emmanuel qui, pour honorer sa maison, avait près de lui les deux hommes les plus remarquables de la Savoie : l'Evêque de Genève et le prési- dent Favre. Celui-ci aimait à rappeler, quatre ans plus tard, « l'enivrement de la gloire » auquel il céda ce jour-là en se voyant placé dans la même voi- ture que son ami et en entendant les murmures louangeurs de la foule : « Voilà l'illustre Evêque de Genève, le plus grand théologien de nos jours! Voilà le président Favre qui a publié tant d'ouvrages, et qui est devenu comme le frère de François de Sales par la tendre affection et incomparable amitié qui les unit! » (Cf. Mugnier, Hist. du Président Favre, 1902-1903, chap. xx.)  Année 1618 309 Altezza (0, ma sopra tutti il Re che tutti li suoi dicono haver fatto segni straordinarii di allegrezza (2). Madama magiore è compitissima, havendo scolpita la maestà et benignità nel volto ; et è grande per l'età sua, et ha una gratia incomparabile a carezzare con modestia et gravita singolare (3). Il suo prsedicatore, molto mio amico Altesse ( i ), mais le Roi surtout qui, au dire de tous les siens, a donne des marques extraordinaires de joie (2). Madame l'aînée est accomplie, la majesté et la bonté sont emprein- tes sur ses traits ; elle est grande pour son âge et met une grâce in- comparable à accueillir, avec une modestie et une gravité singulière, ceux qui l'approchent ( 3 ). Son prédicateur, mon grand ami et homme ( I ) Pour la première fois, lEvêque de Genève se trouvait en face des augus- tes enfants du Roi qu'il avait aimé et pleuré. L'aîné, Louis XIII, avait alors dix-sept ans, de même que son épouse Anne d'Autriche. Gaston était né en 1608, précédant d'un an « Madame la cadette, » tandis que « Madame l'aînée » devait compléter ses treize ans le jour même de son mariage avec le prince de Piémont. Pendant son séjour en France, le saint Prélat reverra plus d'une fois les membres de la famille royale; chacun lui vouera une estime et une véné- ration qui croîtront avec les années et dont les témoignages se multiplieront après sa mort. La Reine, alors, les reportera sur la Mère de Chantai et sur l'Ordre de la Visitation dont elle fut l'amie et la protectrice. A son tour, le Saint lui montrera sa spéciale bienveillance en guérissant miraculeusement le roi Louis XIII (voir tome XVI, note ( i ), p. 176), et plus tard son fils, le jeune Louis XIV, réduit à l'extrémité par une petite vérole des plus malignes. Sa belle-soeur Henriette partagea ses sentiments pour les Filles de celui qui, en 1619, lui prédisait « une gloire plus solide » que celle de la nouvelle princesse de Piémont. Solide et durable, en effet, la gloire acquise par l'épouse de Char- les I*"" d'Angleterre autant dans les jours de sa grandeur qu'au temps de son infortune. Bossuet le redisait, en 1669, devant le cœur de la princesse, dans l'église de la Visitation de Chaillot, fondation d'Henriette de France et son asile durant de longues années. Quant au duc d'Orléans, la Mère de Chaugy nous raconte qu'en l'année 1642, « en deux mois consécutifs qu'il demeura en » la ville d'Annecy, il « ne passa aucun jour de venir entendre deux Messes auprès du tombeau du Serviteur de Dieu; une, disoit il, pour rendre son devoir a TEglise, et l'autre pour honnorer et invoquer son protecteur François de Sales. » (Process. remiss. Geben/i. (II), ad içum interrog.) (2) Maurice de Savoie fut reçu par Louis XIII en audience privée, le soir même de son arrivée; la réception solennelle eut lieu le lendemain. Le 12 novembre, l'ambassadeur de Charles-Emmanuel demandait au nom de son père la main de Christine de France pour le prince de Piémont. Agréant la demande, mais sans y donner une solution immédiate, le Roi emmena à Saint-Germain son hôte illustre. (3) « C'est un joyau de piété et de vertu, » écrivait d'elle le nonce Benti- voglio (vol. III, p. 65 de l'ouvrage cité à la p. 308). Mais il avoue aussi que la fille de Henri IV aurait préféré un roi à l'héritier du duché de Savoie.  310 Lettres de saint François de Sales et huomo di gran pietà (0, mi disse che haveva una divo- tione singolare, una prudentia esquisita et una bontà notabilissima. Non si puô dire poi in che concetto sia qui il nostro Prencipe magiore ; tutti lo chiamano spec- chio de Principi in bontà verso li popoli, in pietà, in for- tessa et in summa in tutte le parti che si possono deside- rare. Et quanto a Sua Altezza Serenissima, ella ha tanti servitori qui partiali che non si possono numerare, et le lodi sue si publicano ognora. Ma ho torto, perché so che si mandaranno rilationi par- ticolarissime di tutto il viagio et de tutte le cose successe qui. Dirô solamente che ho trovato Parigi con tanto accrescimento di divotione che è un stupore; et quel che è sopra tutto, il Re ha un concetto tanto alto délia san- tissima religione catholica, che si ha da sperare ogni beneditione in questo Regno. Al nostro buon P. D. Giusto mille et mille saluti, et non mancarô di fare tutti li officii che si potranno per sua Congregatione nell'occorrenze.  très pieux ( i ), m'a dit qu'elle est douée d'une rare piété, d'une exquise prudence, d'une bonté remarquable. Il ne se peut dire en quelle estime est ici notre Prince majeur : tous l'appellent le miroir des princes en bonté pour les peuples, en piété, en vaillance, enfin en toutes les qualités qu'on saurait désirer. Quant à Son Altesse Séré- nissime, si nombreux sont ici ses partisans dévoués, qu'il est impos- sible de les compter ; partout on publie ses louanges. Mais j'ai tort [de vous en écrire si long], sachant qu'on doit envoyer des relations détaillées du voyage et de tout ce qui s'est passé, j'ajouterai seulement que j'ai trouvé à Paris un tel accroisse- ment de piété que c'est merveille ; le Roi surtout a une si haute idée de la très sainte religion catholique, qu'on peut espérer toutes sortes de bénédictions sur ce royaume. A notre bon Père D. Juste mille et mille salutations; je ne man- querai pas, à l'occasion, de faire à sa Congrégation tous les bons offices que je pourrai. (i) Serait-ce le P. Binet, Jésuite? Au moment du mariage de la Princesse, il lui dédie La Vie du Bieit-heureitx Amedee duc III de Savoye, dans des ter- mes qui dénoteraient une certaine intimité avec la cour. Au reste, c'était en effet « un homme très pieux » et « grand ami » du Saint; il sera destinataire.  Année i6i8 311 Iddio sia eternamente lodato, et Egli dalla sua santa mano tengha et benedica V. S. lU'"', délia quale io sono Humilissimo et certissimo servitore, Franc", Vescovo di Geneva. 9 Novembre 16 18, in Parigi. Digratia, V.S. Iir"^saluti cordialmente il nostro Padre D. Giusto, (0 quelle Serenissime non mancarô di offerire preci et Sacrificii Air III""*^ Sig""^ mia osservandissima, La Sig'"^ Donna Genevra Scaglia. Turino. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de San Remo (Italie). Dieu soit éternellement loué ; qu'il daigne, de sa sainte main, tenir et bénir Votre Seigneurie Illustrissime, dont je suis Le très humble et très assuré serviteur, François, Evêque de Genève. 9 novembre 16 18, à Paris. De grâce, que Votre Illustrissime Seigneurie veuille bien saluer cordialement notre Père D. Juste, (0 ces Sérénissimes. . . je ne manquerai pas d'offrir prières et Sacrifices A l'Illustrissime et très honorée Madame, Dona Ginevra Scaglia. — Turin, (i) Le bas de l'Autographe a été coupé, il n'en reste que deux demi- lignes.  MCDLXXXV A MADAME DE CHARMOISY (0 Le seul mot de consolation que puisse dire le Saint. — Comment apaiser les sanglots et soupirs. Paris, novembre 1618. Mon esprit ne peut cesser de penser en vous, ma très chère Cousine, ma Fille, et ne voudroit faire autre chose (i) Dans l'édition de 1626, cette lettre suit celle du 10 septembre 1617 à M'"= de Montfort, avec cette adresse : A la mesme. Plérissant (tome III, p. 329),  312 Lettres de saint François de Sales que de vous parler en la façon qu'il peut, et ne sçait néanmoins que vous dire, estant, comme le vostre, encor tout estonné ; sinon, ma très chère Fille, que le divin Espoux de nos âmes veut que nous regardions tous nos evenemens dans le sein de sa céleste Providence et que nous jettions nos affections en l'éternité, ou nous nous reunirons tous pour ne jamais plus estre séparés. O ma Fille, pourquoy nous sommes nous jamais asseurés et confiés en la vanité de cette vie périssable ? Nos préten- tions sont au delà, ou il faut donq lancer nos affections. En somme, vous voyla, ma très chère Fille, au vray essay de la fidélité que vous deves a Dieu, auquel vous aves si souvent resigné toutes vos adventures. Ma très chère Cousine, tenes vostre cœur en haut et mettes le sacré Crucifix sur vostre poitrine, affin qu'il accoyse vos sanglotz et souspirs. Soyes bien toute sienne et, croyes moy, il sera tout vostre. Pour moy, je ne puis pas dire plus que jamais, mais s'il se pouvoit dire, certes, je dirois qu'inséparablement, plus que jamais, je suis Tout vostre, sans condition ni reserve, FRANÇ^ E. de Genève. admettant l'identité de destinataire, ajoute la date de septembre i6iy. Mais il est évident que ces lignes, écrites à une veuve, cousine de François de Sales, furent envoyées à M"'^ de Charmoisy (voir tome XIII, note ( i ), p. 179), pour la consoler de la mort de son mari, arrivée le 28 octobre r6i8. Claude Vidomne de Chaumont, seigneur de Charmoisy (voir tome XII, note ( I ), p, 216), avait été désigné par le duc de Savoie pour accompagner le cardinal Maurice à Paris. Il était sur le point de partir (24 octobre) quand la maladie l'arrêta à Chambéry. Le 26, il fit un premier testament modifié par celui du lendemain, et le 28, le vieil ami et cousin de l'Evêque de Genève mourut chrétiennement, sans revoir sa femme, alors malade elle-même à Mar- claz. L'oraison funèbre du seigneur de Charmoisy fut prononcée dans l'église Saint-François d'Annecy, le 17 décembre, par D. Candide Postcolonna, Bar- nabite. (D'après J. ^\yy ^La Philothée, etc.,I, chap. xiv, xv, eiÏQS Acta Coîlegii Annessii.)  Année i6i8 313 MCDLXXXVI A LA MÈRE FAVRE, SUPERIEURE DE LA VISITATION DE LYON (fragment) Une pépinière de fondations. — Vertus à y enraciner. Ce que la Mère Favre doit lire dans le cœur de son père spirituel. Paris, [fin novembre ou décembre 1618 (i).] Vous me distes, ma très chère Fille, qu'en vostre Ma3^son on faisoit particulière profession de l'égalité d'esprit. Pour Dieu, je vous en conjure, taschés de bien establir cet esprit la en tout, avec celuy de la douceur et humilité réelle. Je regarde meshuy vostre Mayson comme une pépinière de plusieurs autres ; c'est pourquoy il faut son- ger d'y enraciner les grandes et parfaites vertus de l'abnégation de son amour propre, l'amour de son abjec- tion, la mortification des humeurs naturelles, la sincère dilection, affin que Nostre Seigneur et sa tressainte Mère soyent glorifiés en nous et par nous. Nous avons icy la cour, cela m'oste beaucoup de mon loysir d'escrire a mon gré ; mais ma grande Fille se con- tentera bien aussi de lire dans mon cœur de loin, que je suis parfaitement sien en Celuy qui, pour estre nostre et affin que nous fussions siens, voulut bien mourir pour nous. Vives toute a Dieu, ma très chère Fille, donnes tous les momens de vostre vie avec un grand soin a Celuy qui vous prépare son amiable éternité. Je suis tout vostre. Francs E. de Genève. ( i) La « grande.Fille » dont le saint Evéque parle dans le second alinéa est certainement la Mère Favre. Il l'avait vue à son passage à Lyon vers la fin d'octobre (cf. ci-dessus, note (3), p. 301), et les conseils donnés dans ces lignes ont dû, semble-t-il, suivre d'assez près cette rapide visite. « Nous avons icy la cour, » dit François de Sales. La date ne pourrait-elle donc pas se fixer après le retour de Saint-Germain où le Roi avait emmené le cardinal Maurice aussitôt son arrivée }  3 '4 Lettres de saint François de Sales  MCDLXXXVII A LA MÈRE DE BRÉCHARD SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE MOULINS (0 Comment Dieu bénit une œuvre. — Trois fondements de la Visitation. La racine de la joie. Paris, 3 décembre i6i8. Je salue vostre cœur de tout le mien et vous prie d'aymer tous-jours bien ce vieux père qui vous chérit, certes, de tout son cœur de plus en plus, ma très chère Fille, et se res-jouit d'apprendre que, grâces a Dieu, cette Mayson la s'advance en humilité, douceur, paix et amour divin. Qu'a jamais l'éternelle Bonté soit bénie ! On parle fort de faire un Monastère de la Visitation a Turin ( 2 ). Voyla, ma très chère Fille, comme Dieu multiplie et bénit l'œuvre qu'il luy a pieu de faire commencer par la petitesse et abjection de troys petites créatures, les- quelles pour cela doivent s'esvertuer d'estre de plus en plus toutes a la divine Majesté et a cette vocation, pour la rendre tous les jours plus aggreable a Dieu. Je vous escris selon mon sentiment présent, car il faut que j'escrive ains}^ a l'ame de ma très chère Fille, priant Dieu qu'il la face sainte, et moy aussi, qui suis tant esloigné de ce bonheur. Encor vous faut-il dire ce mot, ma très chère Fille : si vous n'estes pas favorisée, aymés bien cette abjection. Cf. Ps.cxxxvii, 6. Croyes moy, Dieu void volontier ce qui est mesprisé *, et la bassesse aggreee luy fut tous-jours aggreable. Dieu est si bon, qu'il visitera intérieurement nostre Visitation, la fortifiera et l'establira a la solide humilité, simplicité et mortification. ( I ) Cette lettre fut écrite certainement à l'une des trois premières Mères, et non moins certainement à la Mère de Bréchard qui, à Moulins, n'était « pas favorisée, » et avait tout lieu d'aimer « cette abjection. » Il est vraisemblable que nous n'avons ici qu'un texte tronqué, peut-être même composé de plusieurs fragments, (2) Voir ci-dessus. Lettres mcdlxxviii, p. 293, et mcdlxxxiv, p. 306.  Année 1618 315 Vives joyeuse tant que vous pourres, de cette joye paisible et dévote de laquelle l'amour de nostre abjection est la racine. Ma très chère Fille, je vous salue d'un esprit qui est inséparablement vostre. Vive Jésus ! Amen.  Francs E. de Genève.  Le 3 décembre 161 8.  MCDLXXXVIII AU PRINCE DE PIEMONT, VIGTOR-AMÉDÉE Félicitations à Victor-Amédée au sujet de son mariage. — Eloge de la future princesse de Piémont. — Grand prince et très digne cardinal. Paris, 18 décembre 1618. Monseigneur, En cette générale allégresse de tout ce royaume sur l'heureuse conclusion du mariage de Vostre Altesse (0, je ne puis ni ne dois m'empescher de rendre quelque tesmoignage de la mienne, laquelle, certes, est d'autant plus grande, que d'un costé je suis plus obligé a la bonté de Vostre Altesse, et de l'autre j'ay reconneu plus par- ticulièrement un très parfait assemblage de perfections en Madame, au visage, au maintien, au parler ; en la conduitte de laquelle on remarque tant de traitz de bonté, de prudence, de douceur et de dévotion, qu'on ne sçait discerner laquelle de ces perfections y est plus parfaite. Et parce que la Sainte Escriture dit * que le mary d'une * EccH., xxvi, femme bonne est heureux, je puis des a présent augurer toute sorte de bonheur a Vostre Altesse pour ce regard, et en bénir Nostre Seigneur de tout mon cœur, puisque, ( r ) Le 12 novembre, Louis XIII avait agréé la demande officieuse de la main de sa sœur Christine, pour Victor-Amédée de Savoie. (Voir ci-dessus, note (2), p. 309.) Le 21, le cardinal Maurice la renouvela officiellement, et le mariage fut résolu en principe, bien qu'on attendît encore, pour en rendre la nouvelle publique, Tasseniiment du roi d'Espagne.  3i6 Lettres de saint François de Sales * Prov., XIX, 14. comme la mesme Escriture nous annonce *, la mayson et les richesses nous sont acquises par nos, pères, mais la femme sage et vertueuse, a proprement parler, est donnée comme un pretieux présent de la libéralité divine. Au surplus, Monseigneur, je ne sçaurois exprimer avec combien de grâce Monseigneur le Cardinal se comporte en cette cour, et combien il est adroit a mesler la qualité de grand Prince que sa naissance luy a donnée, avec celle de très digne Cardinal que sa profession luy fait tenir, alliant admirablement bien la franche et générale courtoysie, qui est si désirée et estimée de cette nation, avec la modestie et bienséance qui y est si pretieuse, comme par tout le monde. Ainsy donq, Monseigneur, a Dieu soit de toutes parts * I Tim., I, 17 ; houneur et gloire, avec très humble action de grâces * pour les consolations qu'il donne et qu'il prépare encor a Son Altesse Serenissime (0 et a la vostre, de laquelle je suis sans fin, Monseigneur, Vostre très humble, très fidèle et très obéissant orateur et serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Paris, 18 décembre 161 8. ( I ) Le duc de Savoie.  Apoc. VII, 12.  MCDLXXXIX A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Douloureuses nouvelles de Savoie ; nombreuses et bonnes affaires à Paris. Difficultés pour rétablissement de la Visitation. Paris, 19 décembre 16 18. Cro3^es, ma très chère Fille, que le trespas de ce cou- sin (0 et Tapprehension des regretz de la chère cousine m'ont vivement touché ; mays parmi tout cela. Dieu soit ( 1 ) M. de Charmoisy (voir ci-dessus., note ( i ), p. 311).  Année i6i8  3'7  béni qui, par sa providence, réduit toutes choses au proffit des siens *, * Cf. Rom. Je suis icy presque accablé d'affaires, toutes bonnes, grâces a Nostre Seigneur. Vous en sçaures le détail par mon frère de Thorens (0, car je m'imagine qu'on luy en escrit par le menu. Nous aurons au moins la plus ver- tueuse Princesse qui vive (=). J'ay escrit selon que nostre seur, M'""" de Bressieu, desiroit, au P. D. Juste (3). Nostre bonne Mère se porte bien a Bourges (4). Icy, nous avons beaucoup de peine a faire reuscir l'establis- sement de la Congrégation et crains grandement qu'il ne soit différé (5), bien que c'est merveille de la quantité des âmes qui désirent en estre. Si pour vostre consolation vous desires aller a la Visi- tation passer quelques jours, pourveu que ce soit sans en ( I ) Louis de Sales, devenu baron de Thorens à la mort de son frère Bernard. (Voir tome XII, note (i), p. 95.) (2) Christine de France accordée en mariage à Victor-Amédée de Savoie. (Voir la lettre précédente.) (3) Ennemonde de la Forest, dame de Bressieu (voir le tome précédent, note ( I ), p. 189), désirait-elle l'intervention de D. Juste Guérin, alors à Turin, dans les affaires ennuyeuses qu'elle avait en Piémont? (4) La Mère de Chantai était arrivée dans cette ville le 14 novembre. Cinq Soeurs l'accompagnaient (voir ci-après, note (3), p. 352); Tune d'elles, Soeur Anne-Catherine de Beaumout, devait suivre plus tard la Sainte à Paris. Aux instances de TArchevéque, M^"" Frémyot, pour avoir une Maison de la Visitation dans sa ville épiscopale (voir ci-dessus, note (3), p. 193), s'étaient jointes les démarches d'une aspirante à la vie religieuse, M'"^ de Lissay. Grâce au père de cette jeune fille, le « Maire fit, avec messieurs les échevins, convo- quer les Conseillers et les personnes les plus considérables de la ville... Re- connoissant qu'il y alloit de l'honneur et de la gloire de Dieu, et de l'utilité publique, on conclut l'établissement. » (Hist. de la Fondation de la Visitation de Bourges.) Les Religieuses furent reçues avec un enthousiasme et une affec- tion que Ms"" Frémyot et M. de Neufchèzes, son neveu et grand-vicaire, sen- taient plus que tous. Nulle fondation n'avait eu plus de promesses et de garants de prospérité matérielle : de riches prétendantes s'étaient annoncées ; le Prélat avait donné ordre à ses officiers de veiller aux besoins de la petite Communauté. Les officiers oublièrent les ordres de leur maître, et « les neuf filles de 10.000 écus qui servaient de fondement à ce nouveau monastère » se réduisirent « à une ». Et la Sainte continuait : « Il ne s'était encore rien commencé de plus appuyé sur la divine Providence, et c'est ce qui nous console. » (Lettres, vol. I, p. 288.) Précieux débuts pour la première Maison établie depuis la transformation de l'Institut en Ordre religieux, avec la clô- ture et les voeux solennels. (^) Voir ci-dessus., p. 305, et note (i), p. 306.  3i8 Lettres de saint François de Sales sortir pendant ledit tems, vous le pouves. Salues, je vous prie, nos chères Seurs, car il n'y a moyen d'escrire; et nostre seur de Bons (0 et M"" la Comtesse et ses filles (2). Dieu soit a jamais nostre Tout, ma très chère Fille. Je suis en luy, plus vostre qu'il ne se peut dire. A Paris, le 19 décembre 161 8. A Madame Madame de la Flechere. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. (i) Jeanne-Bonaventure de la Forest, Religieuse à Bons. {2) La veuve du comte de Tournon (voir tome XV, note (2), p. i), sa fille Marguerite et mesdames de la Croix et Guillet de Monthoux (voir tomes XVI, notes ( 5 ), p. 204, ( I ), p. 78, et XVII, note (i ), p. 505). La comtesse de Rossillon, fille aînée de Philiberte de Beaufort, ne demeurait pas en Savoie.  MCDXC A LA MÈRE DE GHANTAL, A BOURGES (fragment) Un sermon devant « la Reyne et son beau monde. » Paris, 24 décembre 1618. Oiiy, ma Fille, j'ay presché ce matin devant la Reyne et tout son beau monde (0; mais en vérité, je n'ay pas presché avec plus de soin, plus d'affection ni plus de playsir qu'en ma pauvre petite Visitation. Ah ! ma Fille, que la vive présence du Roy et de la Reyne du Ciel fait bien éclipser devant les yeux de nostre cœur toutes autres grandeurs de la terre ! Revu sur un ancien Ms. de \' Année Sainte, conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Devant la reine Anne d'Autriche (voir ci-après, Lettre mcdxcii, p. 320).  Année 1618 319  MCDXCI A MADAME DE LA FLÉCHÈRE Permission et conditions pour l'entrée de la destinataire à la Visitation. — Pourquoi le Saint est de bon cœur à Paris, pourquoi il y souffre, Paris, 29 décembre 1618. Ma très chère Fille, Je vous ay des-ja escrit * que vous pourries entrer *Epist.MCDLxxxix. avec nos Seurs, puisque vous en estes de cœur, d'affec- tion et de prétention, pourveu que vous n'en sorties point pour aller parmi la ville, ailleurs. Je voy les douleurs et estonnemens de vostre cœur, parmi lesquelz Dieu ne laisse pas de régner ; c'est pour- quoy vous ne deves pas vous en tourmenter. Je suis icy jusques a Pasques (0; et croyes moy, ma très chère Fille, puisqu'il le faut, j'y suis de bon cœur, mais d'un cœur qui se plairoit grandement d'estre parmi nos petitesses et dans mon païs. Il ne se peut dire toute- fois combien on voit d'exemples de pieté icy, mesme au milieu de la cour. Mais, en somme, je n'y ay pas mon devoir, ni mes chères brebis. Dieu soit béni ! Ayes bon courage ; il faut passer parmi les ronces et espines en ce désert, pour aborder a la terre de promission. Je suis vostre ma très chère Fille. Paris, le 2 g décembre 1618.  ( I ) En 1619, Pâques tombait le 51 mars, et le départ du prince de Piémont avait d'abord été fixé pour cette époque. Mais il ne quitta la cour de France que le 24 septembre.  320 Lettres de saint François de Sales MCDXCII A LA MÈRE DE CHANTAL, A BOURGES (fragments) Un novice qui ne sera pas profès. — Racine, branches et fruits. — Pommes de senteur entre les mains de Dieu. — Le dépouillement total de soi-même, combien difficile. Paris, 29 décembre 16 18 (i). Ne croyes pas, ma très chère Mère, qu'aucune faveur de la cour me puisse engager. O Dieu, que c'est chose bien plus désirable d'estre pauvre en la mayson de Dieu, • Ps. Lxxxiii, II. que d'habiter dans les grans palais des Rois * ! Je fay icy le noviciat de la cour; mais jamais je n'y feray pro- fession, Dieu aydant. La veille de Noëljepreschay devant la Reyne, aux Capucines (2), ou elle fit sa Communion ; mais je vous asseure que je ne preschay ni mieux ni de meilleur cœur devant tous ces princes et princesses que je fay en nostre pauvre petite Visitation de Nessi. O Dieu, ma très chère Mère, il faut bien mettre son cœur en Dieu et ne point jamais l'en oster. Il est luy * Ephes., II, 14. seul nostre paix *_, nostre consolation et nostre gloire : que reste-il, sinon que nous nous unissions de plus en ( i) Dans la première édition, cette lettre porte la date du 29 décembre i6iç, et débute par un alinéa que nous retrouverons au 18 septembre de cette même année. Le suivant : « Ne croyes pas, » etc., et le dernier ne peuvent être que du temps de Noël 1618, alors que l'Evêque de Genève séjournait à Paris. Qjaant aux deux paragraphes : « O Dieu, ma très chère Mère, » et : « Cou- rage, » etc., ce sont certainement encore des coutures ; mais l'impossibilité de les classer sûrement nous oblige à les donner ici. (Cf. tome XIV, note (i), p. 14.) (2) Près des jardins des Tuileries, dans la rue Saint-Honoré, s'élevait le couvent des Capucins, fondé en 1574 par Catherine de Médicis, et plus tard illustré par le P. Joseph du Tremblay ; non loin, dans la même rue, s'étaient établies les Capucines. Il est difficile de dire dans lequel de ces deux cou- vents François de Sales communia la reine Anne d'Autriche, car VAnnée Sainte manuscrite porte : « aux Capucins^ » et la première édition des EpisireSy suivie par les autres jusqu'à Hérissant, donne : « aux Capucines, » (Cf. ci-dessus, Lettre mcdxc.)  Année 1618 321 plus a ce Sauveur, affin que nous portions bon fruit *? 'Joan., xv, 3. Ne sommes nous pas bien heureux, ma chère Mère, de pouvoir enter nos cœurs sur celuy du Sauveur qui est enté sur la Divinité? car ainsy, cette infiniment souve- raine Essence est la racine de l'arbre, duquel nous som- mes les branches *, et nos amours les fruitz : ça esté le * Ibid. sujet de ce matin. Courage, ma chèrement unique Mère, ne cessons point d'eslancer nos cœurs en Dieu : ce sont ces pommes de senteur qu'il se plait a manier, laissons les luy donq manier a son gré. Ouy, Seigneur Jésus, faites tout a vostre gré de nostre cœur; car nous n'y voulons ni part ni portion, ains le vous donnons, consacrons et sacrifions pour jamais. (0 Je salue chèrement nos Seurs. Je suis marri que nostre Seur [Jeanne-Marie] ayt la fantasie de changer de May- son ( = ). Quand sera ce que nous ne voudrons rien, ains lais- serons entièrement le soin a ceux a qui il appartient de vouloir pour nous ce qu'il faut ? Mais il n'y a remède : la propre volonté est bridée par l'obeyssance, et toutefois on ne peut Tempescher de regimber et faire des caprices ; il faut supporter cette infirmité. Il y va bien du tems avant que nous soyons du tout despouillés de nous mesmes et du prétendu droit de juger ce qui nous est meilleur, et de le désirer. J'admire le petit Enfant de Bethlehem, qui sçavoit tant, qui pouvoit tant, et, sans dire mot quelcom- que, se laissoit manier, et bander, et attacher, et enve- lopper comme on vouloit. Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur et du mien, ma très chère Mère. Franç% E. de Genève. Le 29 décembre .... (i) Ici, les éditeurs de 1626 intercalent quelques lignes de la lettre du 5 avril 1607. (Voir tome XIII, dernier alinéa de la Lettre cccxci, p. 276.) (2) Sœur Jeanne-Marie de la Croix de Fésigny, l'une des coopératrices de la fondation de Moulins. (Voir le tome précédent, note (i\ p. 26:^.) Le saint Evêque la désigna plus tard pour la Maison de Paris.  Lettres VIII  322 Lettres de saint François de Sales  MCDXCIII A UN ECCLÉSIASTIQUE Le mot du plus franc amour selon la nature et la grâce. — Assaut d'humilité et d'affection. [1618 (I).] Monsieur, Je vous ay tesmoigné par mes lettres que je prendrois a faveur de me nommer vostre frère, qui est le mot du plus franc et désirable amour de tous ceux que la nature nous a donné et que la grâce nous ordonne. Mays quand je parle avec vous sous ce tiltre de frère, c'est avec un très singulier sentiment de fraternité ; et toutefois, vous me demandes encor que je sois vostre père et que vous soyes mon filz. Certes, je ne sçaurois refuser mon con- sentement a vos désirs ; mais usons un peu de tempéra- ment, je vous supplie, qui m'oste le blasme d'estre un peu trop facile en un sujet ou il y a danger d'outrecuydance. Les frères aisnés succedoyent aux pères, anciennement, dans les familles, et estoyent comme vice pères de leurs frères, en sorte que c'estoyent des frères pères, et des pères frères ; et les puisnés estoyent des enfans frères et des frères enfans. Or sus, soyons comme cela. Il est vray, l'affection que j'auray pour vous tiendra rang, puis- qu'il vous plait, de paternelle, a cause de sa force et cons- tance, et de fraternelle, pour sa confiance et privauté; ' Adagium Pytha- q^ commequc cc soit, « la charité esorale ceux qui l'ont * » gorae attributum. t -i •> o t. avec tant d'art, qu'ilz sont entre eux frères, pères, mères, enfans. Or, c'est celle la dont vous me parles, mon très (i) Comment concilier l'adresse A un Religieux, donnée par les premiers éditeurs, avec l'appellation de Monsieur dont use le Saint à l'égard de son correspondant? Nous croyons plus sûr d'indiquer pour destinataire Un ecclé- siastique, qui pourrait bien être Artus de Lionne, seigneur d'Aoste, et Père spirituel de la Visitation de Grenoble (voir ci-dessus, note ( r ), p. 240). Ce pieux ecclésiastique se nommait le fils de l'Evêque de Genève, et lui témoigna toujours une grande et filiale vénération. Plusieurs lettres ayant été déjà échangées entre eux, comme le montre la première phrase du texte, celle-ci doit dater probablement de la seconde moitié de 1618.  ANNtE 1618 323 cher Frère ; c'est pourquoy je vous diray encor, mon très cher Filz, et mon très cher Père encor. Et moy, ne pouvant sans préjudice du porteur escrire plus longuement, je demeureray d'un cœur paternelle- ment fraternel, Vostre très affectionné père et frère, France E. de Genève.  MCDXCIV A LA MÈRE DE CHASTEL SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE GRENOBLE Conseils de prudence au sujet de visions et de révélations. — Ruses du malin esprit. — Exemple de Nicole Tavernier. — Quelle conduite tenir à l'égard d'une âme qui marche par une voie extraordinaire; la leçon qu'elle doit apprendre. — Puissance de Timagination. Paris, [fin 1618 ou commencement de 1619 (i).] Puisque je n'ay sceu plus tost, ma très chère Fille, je respondray maintenant aux deux pointz principaux pour lesquelz vous m'aves cy devant escrit. En tout ce que j'ay veu de nostre Seur Marie Cons- tance (2), je ne treuve rien qui ne me face penser qu'elle (i) Nous avons dit (note (2), p. 286) qu'en se rendant à Paris, l'Evêque de Genève avait passé à Grenoble en octobre 1618; c'est alors qu'il vit la Sœur Marie-Constance. Cette lettre doit donc dater de la fin de 1618 ou du commen- cement de 1619. (2) Les avis sûrs et parfaitement sages donnés ici par François de Sales, au sujet des choses extraordinaires qui se passaient en cette Novice de vingt- cinq ans, contribuèrent à préparer en elle une œuvre de Dieu magnifique. Toutes les ruses de Tennemi écartées, toutes les superfluités de l'imagination retranchées, Faction divine s'exerça librement ; et parmi les premières Mères de la Visitation, Sœur Marie-Constance de Bressand est une de celles à qui l'on peut donner le titre de précurseur de la bienheureuse Marguerite-Marie, Consacrée tout entière à l'amour de l'humanité sainte de Jésus, elle reçut d'intimes communications du Sacré-Cœur ; elle s'y était disposée par une humi- lité profonde, et M. Olier, qui fut longtemps à la fois son maître et son disci- ple, la tenait pour une âme des plus anéanties qu'il eût connues. La Mère de Bressand était née à Grenoble, et dès l'âge de sept ans avait reçu l'appel à la vie parfaite. Si un instant le monde lui sourit, la lecture de l'Introduction a la Vie dévote la ramena à sa première ferveur, et ses progrès  lib. VI, ep. xxii.  324 Lettres de saint François de Sales soit fort bonne fille, et que partant il la faut aymer et chérir de très bon cœur. Mais quant a ses visions, révé- lations, prédictions, elles me sont infiniment suspectes, comme inutiles, vaines et indignes de considération ; car d'un costé, elles sont si fréquentes, que la seule fréquence et multitude les rend dignes de soupçon. D'autre part, elles portent des manifestations de certaines choses que Dieu déclare fort rarement : comme, Tasseurance du salut seternel, la confirmation en grâce, le degré de sain- teté de plusieurs personnes, et cent autres choses pareilles qui ne servent tout a fait a rien ; de sorte que saint Gré- goire ayant esté interrogé par une dame d'honneur de rimperatrice, qui s'appelloit Grégoire, sur Testât de son s. Greg. Mag., futur salut, il luy respondit * : « Vostre douceur, ma Fille, me demande une chose qui est esgalement et difficile et inutile. » Or, de dire qu'a l'advenir on connoistra pourquoy ces révélations se font, c'est un prétexte que celuy qui les fait prend pour éviter le blasme des inutilités de telles choses. Il y a plus : que quand Dieu se veut servir des révélations qu'il donne aux créatures, il fait précéder ordinairement ou des miracles véritables, ou une sainteté très particulière en ceux qui les reçoivent. Ainsy le malin esprit, quand il veut notablement tromper quelque per- sonne, avant que de luy faire faire des révélations fauses, il luy fait faire des prodiges faux et luy fait tenir un train de vie fausement saint. Il y eut du tems de la bienheureuse Seur Marie de l'Incarnation (0, une fille de bas lieu qui fut trompée furent tels que TEvêque de Genève, en 1617, la jugea capable délire le Traitté de V Amour de Dieu. L'année suivante, la jeune fille prenait l'habit de la Visi- tation, et le 19 août 1619 elle prononça ses vœux. Dix mois après, Sœur Marie- Constance fut envoyée au Monastère de Paris où elle remplit les charges d'Assistante et de Directrice. En 1625, elle commence à Moulins une longue car- rière de supériorité qu'elle continuera à Nantes et à Grenoble. Elle mourut dans sa Maison de profession, en octobre 1668. Le Fondateur l'avait appelée « une rare fille », et la Mère de Chantai n'avait pas craint de lui dire à elle- même (Lettres, vol. III, p. X04) : « Vous étesl'une de nos Supérieures que j'aime et estime le plus, et à qui j"ai entière confiance. » (Voir sa Vie dans VAtinée Sainte, 1870, tome X, p. 583.) ( I ) M'"" Acarie (voir tome XIII, note ( i ), p. 153).  Année 1618 325 d'une tromperie la plus extraordinaire qu'il est possible d'imaginer (^^. L'ennemy, en figure de Nostre Seigneur, dit fort long tems ses Heures avec elle, avec un chant si mélodieux qu'il la ravissoit perpétuellement. Il la com- munioit fort souvent sous l'apparence d'une nuée argen- tine et resplendissante, dedans laquelle il faysoit venir une fause hostie dedans sa bouche. Il la faysoit vivre sans manger chose quelcomque. Quand elle portoit l'au- mosne a la porte, il multiplioit le pain dans son tablier, de sorte que, si elle ne portoit de pain que pour trois pau- vres et il s'en treuvoit trente, il y avoit pour donner a tous très largement, et d'un pain fort délicieux, duquel son confesseur mesme, qui estoitd'un Ordre très reformé, envoyoit ça et la parmi ses amis spirituelz, par dévotion. Cette fille avoit tant de révélations, qu'en fin cela la rendit suspecte envers les gens d'esprit. Elle en eut une extrê- mement dangereuse, pour laquelle il fut treuvé bon de faire faire essay de la sainteté de cette créature ; et pour cela, on la mit avec la bienheureuse Seur Marie de l'In- carnation, Ihors encor mariée, ou estant chambrière et traittee un peu durement par feu monsieur Acarie ( = ), on descouvrit que cette fille n'estoit nullement sainte, et que sa douceur et humilité extérieure n'estoit autre chose qu'une doreure extérieure que l'ennemy employoit pour faire prendre les pilules de son illusion, et en fin on descouvrit qu'il ny avoit chose du monde en elle qu'un amas de visions fauses. Et quant a elle, on conneutbien que non seulement elle ne trompoit pas malicieusement le monde, mais qu'elle estoit la première trompée, ny ayant de son costé aucune autre sorte de faute, sinon la complaysance qu'elle prenoit a s'imaginer qu'elle estoit sainte, et la contribution qu'elle faisoit de quelque simu- lation et duplicités pour maintenir la réputation de sa (i) Tous les historiens de la bienheureuse Marie de rincarnation ont parlé de cette fille de Reims, nommée Nicole Tavernier, dont la sainteté apparente en imposa d'abord aux plus éclairés dans les choses spirituelles. Les détails que relate dans cette lettre l'Evêque de Genève complètent ceux de du Val, Boucher, etc. (2) Pierre Acarie, mari de la Bienheureuse. (Voir tome XV, note (2),  326 Lettres de saint François de Sales vaine sainteté. Et tout cecy m'a esté raconté par la bien- heureuse Seur Marie de Tlncarnation. Voyes, je vous prie, ma chère Fille, l'astuce et finesse de l'ennemy, et combien ces choses extraordinaires sont dignes de soupçon. Néanmoins, comme je vous ay dit, il ne faut pas pour cela mal traitter cette pauvre Seur, laquelle, comme je croy, n'a point d'autre coulpe en son affaire que celle du vain amusement qu'elle prend en ces vaines imaginations. Seulement, ma très chère Seur, il luy faut tesmoigner une totale négligence et un parfait mespris de toutes ses révélations et visions, tout ainsy que si elle racontoit des songes ou des resveries d'une fièvre chaude, sans s'amuser a les réfuter ni combattre ; ains au contraire, quand elle en veut parler, il faut luy donner le change, c'est a dire, changer de propos et luy parler des solides vertus et perfections de la vie religieuse, et particulièrement de la simplicité de la foy, par laquelle les Saintz ont marché, sans visions ni révélations parti- culières quelcomques, se contentans de croire fermement en la révélation de l'Escriture Sainte et de la doctrine apostolique et ecclésiastique, inculquant bien souvent la sentence de Nostre Seigneur : Il y aura plusieurs faiseurs de miracles et plusieurs prophètes ausquelz il dira a la fin du monde : Retires vous de moy, ouvriers d'ini- ♦Matt., VII, 22,23; quité ; je ne vous connois point *. Mais pour l'ordi- Luc, XIII, 27. naire, il faut dire a cette fille : Ma Seur, parlons de nostre leçon que Nostre Seigneur nous a recommandé d'ap- prendre, disant : App renés de moy que je suis hum- * Matt., XI, 29. hle et doux de cœur *. Et en somme, il faut tesmoigner un mespris absolu de toutes ces révélations. Et quant au bon Père qui semble les appreuver, il ne faut pas le rejetter ni disputer contre luy, ains seulement tesmoigner que, pour espreuver tout ce traffiq de révélations, il semble bon de le mespriser et n'en tenir conte. Voyla donq mon advis, pour le présent, quant a ce point. (0  (i) Ici, la copie de M. Michel Favre, reproduite par les éditeurs de 1626, insère une partie d'une autre lettre qui est certainement de Tannée 1622. Les trois alinéas qui suivent appartiennent-ils vraiment au texte de 1618 ? L'édition  Année 1618 327 J'avois oublié de vous dire que les visions et révé- lations de cette fille ne doivent pas estre treuvees es- tranges, parce que la facilité et tendreté de l'imagina- tion des filles les rend beaucoup plus susceptibles de ces illusions que les hommes : c'est pourquoy leur sexe est plus addonné a la créance des songes, a la crainte des espritz et a la crédulité des superstitions. Il leur est sou- vent advis qu'elles voyent ce qu'elles ne voyent pas, qu'elles oyent ce qu'elles n'oyent point et qu'elles sentent ce qu'elles ne sentent point. Playsante histoire d'une de mes parentes, de laquelle le mary estant mort en Piémont, s'estant imaginée qu'il l'avoit laissée grosse, elle demeura en cette imaginaire grossesse quatorze mois, avec des imaginaires douleurs et des imaginaires sentimens des mouvemens de l'enfant, et a la fin cria tout un jour et toute une nuit parmi des tranchées imaginaires d'un imaginaire enfantement ; et qui l'eust creuë a son serment, elle eust esté mère sans faire aucun enfant. Il faut donq traitter cet esprit la avec le mespris de ses imaginations, mays un mespris doux et sérieux, et non point mocqueur ni desdaigneux. Il se peut bien faire que le malin esprit ayt quelque part en ces illu- sions ; mais je croy plustost qu'il laisse agir l'imagination , sans y coopérer que par des simples suggestions. La similitude apportée pour l'explication du mystère de la sainte Trinité est bien jolie, mays elle n'est pas hors de la capacité d'un esprit qui se complaist en ses propres imaginations.  Revu en partie sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à la Visitation de Venise. princeps les y unit, mais D. Jean de Saint-François (La Vie du Bien-heureus François de Sales, Evesque et Prince de Genève, Paris, 162^, liv. IV, p. 334), après avoir cité tout ce qui précède, ajoute : « Il écrit d'une autre en ces termes : « J'avois oublié de'vous dire que les visions et révélations de cette « fille, » etc. Nous ne pouvons donc affirmer qu'il s'agisse encore de la Sœur de Bressand.  328 Lettres de saint François de Sales MCDXCV AU PERE GÉRARD DE TOURXON, CAPUCIN (0 L'esprit de contrariété là où devraient. régner l'union et la « conformité. » — Un poste favorable pour un ecclésiastique. — Sollicitude du Saint pour quelques paroisses du pays de Gex. — Son humilité et sa reconnaissance à l'égard du destinataire. Paris, fin 1618 ou commencement de 1619 (2). Mon Révérend Père, Ce m'est un desplaysir sensible de voir un si grand manquement de douceur parmi messieurs nos ecclésias- tiques de delà (3), et ne sçai ce que je ne ferois pas pour modérer leurs passions. Mays il ny a remède ; l'esprit de contrariété se fourre par tout, mais plus violemment ou il sçait que l'unité et conformité seroit de plus grande édification. J'escris a monsieur le Curé (4) affin qu'il ne remue rien ni contre M. Jaquin (5), ni contre M. Paris (<^) jusques a mon retour, qui sera. Dieu aydant, soudain après Pasque (7). Je seray bien ayse que M. Jaquin soit en quelque lieu (i) Ce Religieux appartenait à la Province de Lyon; tout ce qu'on sait de lui, c'est qt'il était, en 1613, Gardien du couvent de Chàlons, et de celui du Puy en 1625. (Note du R. P. Edouard d'Alencon, archiviste général des FF. MM. Capucins.) (2) Le projet alors existant du retour en Savoie pour Pâques ne permet pas d'éloigner beaucoup cette lettre de celle du 29 décembre à M'"^ de la Fléchère (voir p. 319). D'autre part, elle est certainement antérieure au 16 février 1619, jour auquel M. Jacquin résigne sa cure de Chevry. (3) Du pays de Gex. Dans sa lettre du 11 mai 1617 (voir ci-dessus, p. i), le saint Evéque laisse entrevoir qu'il y avait des dissensions entre les ecclésias- tiques de cette région, et, à cette date, sa présence devenait nécessaire pour « trancher nettement et ordonner a chacun son office et ce quil devra faire. » (4) Etienne Duaant, curé de Gex. (Voir à l'Appendice I, sa lettre au Saint.) ( ^) Claude Jacquin (voir ci-dessus, note (3), p. i). (6) La famille Paris était d'AUonzier ; elle compte trois prêtres contempo- rains du Saint. Celui dont il s'agit ici est probablement François ; ordonné diacre par Ms"" de Granier, le 19 décembre 1^98, il reçut la prêtrise le 6 mars suivant. Quelle charge remplissait-il au pays de Gex au commencement de 1619 ? Nous ne le savons pas. Le 14 mai de cette année-là, il fut nommé curé d'AUonzier et mourut en juin 1637. (R. E.) (7) Cf. ci-dessus, note ( i ), p. 319.  Année i6i8  32(  ou il puisse s'exercer en sa vocation, puisqu'a Chevry il n'a pas la commodité, et comme quelques uns pensent, ni beaucoup de volonté, dautant qu'il ny a point encor fait de service. De sçavoir sil seroit expédient de le loger ou a Sessi, ou a Grilly, je n'en puis pas bien résoudre de si loin, encor que j'inclinerois plus tost a Grilly, puisque luy mesme y incline ; et je croy qu'il y fera bien, car il a asses de capacité pour se rendre capable, quand il voudra y soigner (0. Reste, mon Révérend Père, qu'il vous playse de vous treuver avec les trois ou quatre ecclésiastiques que je marque en la lettre que j'escris a M. le Curé, pour faire un advis de ce qui sera nécessaire estre fait pour Sessi, Grilly, Chevry, Versoex, Thuery ; et j'escris un billet a monsieur Rogex (2) affin qu'il face des provisions selon cela, ayant créance que je ne sçaurois mieux faire que de suivre si bon conseil. Je ne suis pas prest a consentir qu'on oste le service de l'église de Gex, ni que M. Paris soyt maltraitté, car je l'estime trop. Que si j'ay treuvé bon que M. Jaquin ny eut plus rien a faire, ça esté par ce qu'il failloit préférer l'un des deux, dont le premier ne vouloit point de compaignon, ni le second de maistre. Volontier je remetz M. Dagan en l'exercice de ses Ordres, et suis bien ayse que vous en rendiés bon tesmoi- gnage(3). Je suis en butte a tous les complaignans, et puis en certaine façon dire : (*) Quis infirmatur, et ego  (*) Qui est infirme avec lequel je ne sois infirme ? (i) Il fut en effet institué curé de Grilly le i6 février 1619. (2) En l'absence de Jean-François de Sales, alors à Paris, Philibert Roget (voir tomes XI, note (2), p. 249, et XVI, note ( i ), p. 335) remplissait les fonc- tions de vicaire général. (3) On peut proposer Guillaume Dagand. prêtre depuis le 23 mars 1613, et curé de La Motte-en-Bauges le 10 septembre 1615, qui mourut en 1626; ou encore, et peut-être avec plus de probabilité, Martin Dagand, originaire d'Al- lèves, qui entra dans les Ordres en 1614. On ne connaît pas ses différents postes jusqu'en 1626. A cette date, il est chanoine de Peillonnex ; plus tard il devint chapelain de Saint-Théodore à Bogève, possesseur des bénéfices de Burdignin et de Brenthonne, et finalement 1^1658) curé de Foncenex. (R. E.)  330 Lettres de saint François de Sales * II Cor., XI, 29. non infirmor *? Vous participés avec compassion, je m'asseure, a toutes nos imbécillités et misères, et aves bon besoin d'exercer la patience parmi la multitude de nos impatiences, devant estre arbitre parmi nous, affin de nous tenir en paix et tranquillité d'esprit. Dieu en sera vostre recompense : ainsy Ten supplie-je, et demeure, Mon Révérend Père, Vostre plus humble confrère et serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. Paris. Au R. P. en N. S. Le P. Gérard de Tournon, Prasdicateur de l'Ordre des Capucins. Gex. Revu sur une copie authentique conservée à la Visitation d'Annecy.  I  ANNEE 1619  MCDXCVI A LA PRÉSIDENTE DE HERSE (0 Le Saint accepte une invitation et le carrosse de la Présidente. Paris, 1619 ( 2 ), V. f J. De tout mon cœur, Madame, je me treuveray ou vous me marques et quand vous me marques, et ne refuse pas la commodité de vostre carosse, puisque je n'en ay point que de ceux qui me favorisent; parmi lesquelz vous estes, je vous asseure, l'une des âmes a laquelle je souhaite plus chèrement, tendrement et fortement toute sorte de sainte consolation, estant sans fin et sans reserve, Vostre très humble serviteur en Nostre Seigneur, Francs E. de Genève. A Madame [Madame] la Présidente de Herse. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Poitiers. (i) Charlotte de Ligny, fille de Jean de Ligny, seigneur de Rentilly et de Charlotte Séguier, avait épousé Michel Vialart de Herse, conseiller du Roi et président aux Requêtes. Femme d'un « esprit élevé, d'un courage indomp- table, d'une ardeur sans pareille pour le bien, » elle fut l'amie et l'émule de toutes les nobles dames qui s'adonnèrent à une piété sérieuse sous la direction de François de Sales, et se trouvèrent ainsi toutes prêtes à se dévouer à la charité sous l'impulsion de Vincent de Paul. Celui-ci appelait M"™^ de Herse « la chari- table présidente. « Il lui dut une maison à Frèneville, et des secours abondants pour toutes ses œuvres, surtout pour celle des Ordinands ; le grand attrait de la pieuse femme était, en effet, d'aider à la sanctification du clergé. Cousine de M. Olier, elle fut heureuse de le recevoir avec ses compagnons dans son châ- teau de Marchefroy et de soutenir ainsi le début des missions de la fervente Société. M'^^de Herse vivait encore en 1653. (D'après Moreri; Bougaud, Hist. de St Vincent de Paul, Paris, 1889, tome I, p. ^■^^■, Vie de M. Olier^ Paris- Lyon, 1853, tome I, pp. 2, 212.) (2) Ce billet, que Migne a placé en 1621, n'a pu être écrit que pendant le séjour de saint François de Sales à Paris en 1619, mais il est impossible d'en préciser davantage la date.  332 Lettres de saint François de Sales MCDXCVII A LA MÈRE DE CHANTAL, A BOURGES Les aventures de Celse-Bénigne et les tourments de la Mère de Chantai. — Consolations et encouragements. — Le bonheur de ceux qui sont à Jésus- Christ. — Un prétendant grandement en peine. Paris, 5 janvier 1619. * VideEpist.MCDxc, Vous aures, je m'asseure, receu deux de mes lettres *, MCDxcii. ^^ ^^^^ chère Mère, quand celle ci arrivera, et croyes que je ne perdray désormais nuiroccasion. ( Je suis grandement en peine de vostre affliction , bien que je n'en sache pas les particularités ; mais je voy bien, par ce peu de paroles que vous m'escrivés, que vous la sentes vivement (2). Ma très chère Mère, cette vie mor- telle est toute pleine de telz accidens, et les douleurs de l'enfantement durent souvent plus que les sages femmes ne pensent. En quelles occurrences pouvons nous faire les grans actes de l'invariable union de nostre cœur a la volonté de Dieu, de la mortification de nostre propre amour et de l'amour de nostre propre abjection, et en somme, de nostre crucifixion, sinon en ces si aspres assautz ? Ma très chère iMere, vous ay-je pas souvent intimé la nudité de toutes les créatures, pour se revestir •Cf.Rom.,xni,uit.; de Nostre Seigneur crucifié*? Or sus. Dieu sera au P es., IV, 34. milieu de vostre cœur, qui vous affermira, et j'espère ( I ) Ce second alinéa, sauf la dernière phrase, avait été inséré par les pre- miers éditeurs dans un texte bâti, sous la date du 11 janvier 1619. (Voir ci- après, note (i), p. 339-) {2) C'était l'impétueux et brillant Celse-Bénigne qui faisait ressentir à sa mère « les plus sensibles douleurs, » ainsi qu'elle l'écrit à M"'^ de la Fléchère. « La cause, » continue-t-elle, « je vous la dirai à bouche. » (Lettres, vol, I, p. 303.) Etait-ce encore un de ces duels fréquents où le jeune baron risquait avec une si grande insouciance et sa vie et son âme ? Ou bien l'esprit railleur qu'il tenait des Rabutin lui avait-il attiré quelque mésaventure ? «< Chantai se moque de tout le monde, » répéteront plus tard sans relâche ses envieux au roi qui lui donnait sa faveur. Que d'autres sujets, peut-être, aux larmes de la Mère de Chantai! « J"ai eu bien des croix... et me suis trouvée avoir le cœur fort maternel, » confiait-elle à la Mère de Chastel ; « Dieu convertira tout à sa gloire. » (Ibid., p. 302.)  I  Année 1619 333 qu'il conduira ce filz a bon port et que vous aurés encor la consolation intérieure de le sçavoir (0. Je me porte fort bien, et je pense qu'aujourdhuy on résoudra sur nostre affaire, qui a esté grandement agité (2). Plus je vay avant en la connoissance du monde, plus j'estime heureux ceux qui sont a Jesuschrist, quoy qu'ilz endurent pour luy (3). Je n'ay seulement pas loysir de revoir vostre lettre pour voir si j'y oublie rien. Annessi, tout va bien, grâces a Dieu. Le bon M. de Forax est un peu malade, et gran- dement en peine sur le sujet de sa prétention (4). C'est, a mon gré, le plus digne d'amitié quil est possible de voir. Mon frère ('•>) est encor aussi un peu mal de son pied. J'ay eu un certain engourdissement de jambes, qui passe, et ne m'a nullement empesché d'aller et faire tout ce que j'ay volu. ( I ) Elle l'eut en effet; et quelques jours après le glorieux trépas du baroa de Chantai au combat de l'île de Ré, elle pouvait écrire à une de ses Filles : « Il est vrai que j'ai ressenti cette mort, non toutefois comme mort, mais comme vie pour l'âme de cet enfant. Dieu m'ayant donné un sentiment très tendre et une lumière fort claire de sa miséricorde envers cette âme. » (Lettres, vol. III, p. 91.) (2) Il s'agissait de la fondation d'un Monastère de la Visitation à Paris. La comtesse de Saiut-Pol, M"'^* de Villesavin et des Gouffiers, la présidente Amelot, et plusieurs autres, faisaient des instances pour obtenir cet établisse- ment. (Cf. ci-dessus, p. 317.) (3) Cette phrase a été interpolée par les éditeurs de 162Ô dans une lettre composée de fragments de différentes dates. L'un d'eux a été donné au tome XVII, p. 324 (voir les notes (i) et (2) de cette page, et, ci-après, note (2), p. 346). (4) Dès avant le 4 janvier 1616, il était question du mariage de Françoise de Chantai avec Guillaume de Bernard de Foras. ^Cf. Lettres de la Sainte, vol. I, p. 73, et voir ci-dessus. Lettre mccclxix, p. iio.) En 1619, cette alliance paraissait près de se conclure ; le 20 janvier, la Mère de Chantai, alors à Bourges, attendait l'arrivée de sa fille qu'une maladie avait retenue en Savoie, et écrivait : <( Je pense que dès qu'elle sera arrêtée quelque part, que le ma- riage se fera bientôt. » (Lettres, vol. I, p. 293.) Et un mois après : « Vous ai-je dit que Françoise était à Dijon et que tous les parents s'accordent à son mariage? Mais M. de Foras est retenu par Monseigneur à cause de quelque digne occasion qui regarde son bien. » (Ibid., p. 312.) Pendant ce délai, la jeune fille eut le temps de réfléchir, et le 5 mai, sa mère avouait, non sans tristesse, qu'elle avait « chancelé pour les commodités temporelles. » (Ibid., p. 319.) L'année suivante, Françoise devait rencontrer en M. de Toulongeon, peut-être autant de mérite, et sûrement plus de richesses que dans le courtisan du duc de Nemours. ( 5) Jean-François de Sales.  534 Lettres de saint François de Sales J'avois grand désir de voir Monseigneur nostre Arche- vesque (^', mais puis qu'il ne vient pas, je me res-jouis en la consolation que vous aves de sa présence et luy bayse très humblement les mains, et salue de tout mon cœur nos très chères Seurs (-) ; qui suis infiniment, ainsy que vous sçaves, ma très chère Mère, vous mesme, en une façon incomparable tout vostre. A Paris, 1619, le V janvier. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Sormani-Andreani, à Milan. ( I ) L'Archevêque de Bourges, André Frémyot. (2) Les Sœurs fondatrices du Monastère de Bourges (voir ci-après, note (3), P- 552).  MCDXCVIII  A UNE RELIGIEUSE  Le cœur de l'Enfant Jésus : ses attraits. — Une sainte jalousie. — Comment concourir, du fond du cloître, à la prédication du Saint. — Efficacité de la prière. [Paris, vers le 6 janvier 16 19 (i).] Et croyes moy bien aussi, ma chère Fille, que ce m'est une fort particulière consolation de recevoir de vos lettres et de vous envoyer des miennes. Vous estes bien auprès de cette cresche sacrée en laquelle le Sauveur de nos âmes nous enseigne tant de vertus par son silence. Mays, qu'est ce qu'il ne nous dit pas en se taisant ? Son petit cœur, pantelant d'amour ( I ) Le texte indique que ces lignes furent écrites vers le temps de l'Epipha- nie, c'est-à-dire dans les premiers jours de janvier, et tandis que le Saint prê- chait « au monde les louanges de Dieu. » Or, les stations de l'Avent finissaient ordinairement à Noël ; à Paris, au contraire, les prédications de l'Evêque de Genève ne furent point interrompues, et il ne quitta la chaire de Saint-André- des-Arts que pour en occuper d'autres dans nombre d'églises de la capitale. C'est sur ces données que nous appuyons la date proposée. Quant à la destinataire, on pourrait songer à la Sœur Claude-Agnès Joly de la Roche, alors Assistante-couimise au Monastère d'Annecy, très particuliè- rement douée pour bien parler de Dieu ; ou encore à une des Religieuses de Sainte-Catherine, avec lesquelles François de Sales aimait à méditer les mys- tères de la Crèche.  Annke 1619 335 pour nous, devroit bien enflammer le nostre. Mais voyes combien amoureusement il a escrit vostre nom dans le fond de son divin cœur, qui palpite la sur la paille pour la passion affectueuse qu'il a de vostre avancement, et ne jette pas un seul souspir devant son Père auquel vous n'ayes part, ni un seul trait d'esprit que pour vostre bon- heur. L'aymant attire le fer, l'ambre attire la paille et le foin : ou que nous soyons fer par dureté, ou que nous soyons paille par imbécillité, nous nous devons joindre a ce souverain petit Poupon, qui est un vrai tire cœur. Ouy, ma Fille, ne retournons point en la région de laquelle nous sommes sortis *; laissons pour jamais * Cf. Mstt, u, 12. l'Arabie et la Chaldee, et demeurons aux piedz de ce Sauveur. Disons avec la céleste Espouse * : J'ay treuvé * Cant., m, 4. Celuy que mon cœur ayme, je le tiens, et ne V aban- donner ay. Helas! ma chère Fille, l'envie que vous me portes procède elle de ce que je presche au monde les loiianges de Dieu? O que c'est quelquefois un grand contentement au cœur de publier la bonté de ce qu'on ayme ! Mays si vous desires de prescher avec moy, je vous en prie, faites le, ma Fille, tous-jours, priant Dieu qu'il me donne des paroles selon son cœur et selon vos souhaitz. Com- bien de fois arrive il que nous disons des bonnes choses parce que quelque bonne ame nous les impetre ? Ne presche elle pas asses, et avec cet advantage, que n'en sçachant rien elle ne s'en enfle point? Nous ressemblons aux orgues, ou celuy qui met le souffle fait en vérité le tout et n'en porte point laloiiange. Aspirés donq souvent pour mo}^, ma Fille, et vous prescheres avec moy ; et moy, croyes moy, je joins mon ame a la vostre tous les jours par le lien du tressaint Sacrement, que je ne reçoy point qu'avec vous et pour vous. Faites donq, ma Fille, faites mille fois le jour ces saintes aspirations a Dieu, protestant que vous estes toute, totalement, a jamais et éternellement sienne. Vive Jésus ! car c'est nostre vie *. Qu'a jamais son * Cf. Phiiip., i, 21, saint amour vive et règne dans nos cœurs.  336 Lettres de saint François de Sales  MCDXCIX A DONA GINEVRA SCAGLIA Au milieu des affaires de la cour, François de Sales n'oublie pas la vocation de sa fille spirituelle. — La conduite de la Providence sur ses serviteurs. — Quand différer l'exécution d'un vœu en toute sûreté de conscience. Paris, 7 janvier 1619. Illustrissima Signora mia in Christo osservandissima, Ecco che parte il signor Marchese suo fratello con tutte le buone speditioni che si potevano desiderare (0; et rimettendomi a quello che da lui si saprà, dirô solamente a V. S. 111""^ che non mancarô punto di far tutti l'officii che possibili mi saranno appresso l'Eccellentia del signor Conte (2), acciô agiuti il buon desiderio di V. S (3). Et piacendo al Signore, haverô facilita horamai de trattar con lui quando non haverà più tanti negocii adosso, mentre si aspettarà la venuta del Serenissimo sposo (4). Illustrissime Madame, très honorée dans le Christ, Voilà que M. le Marquis votre frère part avec toutes les dépêches aussi bonnes qu'on pouvait les souhaiter ( i ). M'en remettant à ce qu'on apprendra par lui-même, je dirai seulement à Votre Illustris- sime Seigneurie, que je ne manquerai pas de faire tout ce qui me sera possible auprès de Son Excellence M. le Comte (2), afin qu'il seconde votre pieux désir (3). S'il plaît à Dieu, j'aurai désormais plus de facilité de traiter avec lui ; car il ne sera plus surchargé de tant d'affaires tandis qu'on attendra la venue du Sérénissime époux( 4). (i) Auguste-Manfred Scaglia, marquis de Caluso (voir ci-dessus, note (4), p. 296), ne partit que le samedi suivant, comme le dit le Saint dans le post- scriptum, emportant les articles du contrat de mariage de Christine de France, signé la veille, 11 janvier. (2) Philibert-Gérard Scaglia, comte de Verrua, père de la destinataire. (Voir note ( 5), ibid.) (3) Dona Ginevra songeait à se faire Religieuse et à établir un Monastère de la Visitation à Turin, (Cf. ci-dessus. Lettre mcdlxxviii, p. 295.) (4) Le prince de Piémont, Victor-Amédée, arriva le 6 février à Paris, avec son frère, le prince Thomas, après un rapide voyage par Montmélian, Cham- béry, Grenoble, Lyon, Roanne.  Année 1619 337 Et veramente, detta Sua Eccellentia mi favorisée di una particolarissima confidentia ; onde spero di poter qualche cosa con essa. V. S. 111'"' fa bene di rimettere nelle mani d'Iddio quel che tocca al P. D. Giusto ; et già che lui non è consape- vole del negotio fatto (0 Se nascerà qualche calomnia, la divina Providentia la farà presto finire, che cosî tratta ella ordinariamente con suoi servi. De gratia, che la chara anima di V. S. non si lasci turbare da scrupuli circa il voto fatto da lei d'esser Reli- giosa; perché chi non difFerisce il pagamento senon per pagar in moneta più magnifica, non deve esser chiamato mal pagatore, massime doiie il giorno ne il tempo non è praefisso. La charità è regina délia conscientia, et dove dice che per magior gloria dello suo Sposo si differisca, non deve la conscientia temere. V. S. aspetta il tempo nel quale seco tirarà parechie altre anime : aspetti pure et non dubiti, che è meglio senza dubbio il far cosi. Non so ancora quando io sia per ritornare in là, ma so bene che se cosî placera al Signore, io non tardarô d'andar  Et vraiment, Son Excellence me favorise d'une confiance toute par- ticulière, ce qui me fait espérer pouvoir quelque chose sur elle. Votre Seigneurie Illustrissime fait bien de remettre entre les mains de Dieu ce qui concerne le P. D. Juste ; et puisqu'il n'est pas au courant du fait (0 S'il s'élevait quelque calomnie, la divine Providence la fera bientôt cesser, car c'est ainsi qu'elle agit d'ordi- naire avec ses serviteurs. De grâce, que votre chère âme ne se laisse pas troubler par des scrupules touchant le vœu que vous avez fait d'être Religieuse ; car, qui ne diffère le paiement que pour payer en meilleure monnaie ne doit pas être appelé mauvais payeur, surtout lorsque le jour ni le temps n'ont pas été fixés. La charité est la reine de la conscience ; quand elle dit de différer pour la plus grande gloire de l'Epoux, la conscience ne doit point craindre. Votre Seigneurie attend l'heure où elle pourra tirer après soi plusieurs âmes : attendez donc et ne crai- gnez rien, car sans aucun doute il est mieux de faire ainsi. Je ne sais encore quand je retournerai en Savoie, mais je sais bien (i) Qiaelques mots ont disparu par l'usure de l'Autographe. Lettres Vlll 22  338 Lettres de saint François de Sales in Torino o col Serenissimo Cardinale, o col Serenissimo Prencipe (0. Viva tutta in Dio, a Dio et per Dio V. S . Iir% alla quale di tutto il mio cuore sono Servitore humilissimo et certissimo, Franc°, Vescovo di Geneva. VII Gennaio i6ig, Parigi. Si ritarda il signor Marchese sino a Sabatho ( = ). lllma 5igra osscrvandissima, La Sig^* Dona Genevra Scaglia. Turino. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Harrow (Londres). que, s'il plaît à Dieu, je ne tarderai pas d'aller à Turin, ou avec le Sérénissime Cardinal, ou avec le Sérénissime Prince (i). Que Votre Illustrissime Seigneurie vive toute en Dieu, à Dieu et pour Dieu ; de tout cœur je suis Son très humble et très assuré serviteur, François, Evêque de Genève. 7 janvier 1619, ^ Paris. On arrête M. le Marquis jusqu'à samedi (2). A Pillustrissime et très honorée Dame, Dona Ginevra Scaglia. Turin. (i) Le cardinal Maurice retourna en Piémont les premiers jours de mars, Victor-AméJée attendit septembre; mais l'Evêque de Genève ne suivit ni l'un ni Fautre à Turin. Il ne devait revoir cette ville qu'en 1622, quelques mois avant sa mort. (2) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 336.  Année 1619 339  MD A LA MÈRE DE CHANTAL, A BOURGES (fragments) Jésus crucifié et Jésus glorifié. — Quand est-ce que Dieu supporte notre fardeau avec nous. Paris, 1 1 janvier 1619. Ma Mère toute très chère, Si vous n'aves gueres ni d'or, ni d'encens pour offrir a Nostre Seigneur, vous aures au moins de la mirrhe *, * Cf. Matt.,ii, n. et je voy qu'il l'accepte très aggreablement, comme si ce fruit de vie vouloit estre confit en la mirrhe d'amer- tume, tant en sa naissance qu'en sa mort *. En somme, *Cf.joaD.,xix, 39. Jésus glorifié est beau ; mais quoy qu'il soit tous-jours très bon, si semble-il qu'il le soit encor plus crucifié. C'est, pour ce tems présent, vostre Espoux, ma très chère Mère; a l'advenir, ce sera luy mesme glorifié. (0 Or sus, c'est Dieu qui veut ainsy mettre nostre cœur au sec; ce n'est donq pas une rigueur, c'est une douceur. Voyla que je vous dis, ma très chère Mère; et tout de mesme pour les nouvelles des desplaysirs de M. [de Chantai ( = ).] En fin, Nostre Seigneur, peut estre, nous veut ainsy conduire entre les espines désormais ; et je confesse, pour le regard de moy mesme en mo}^, qu'il en est bien tems : en vous, je le supplie de toutes mes forces qu'il attrempe tous-jours doucement son calice ; mais que nostre volonté ne soit pas faite , ains la sienne toute sainte *. Ayés bon courage, car pourveu que nostre cœur * Luc, xxn, 4c. luy soit fidèle, il ne nous chargera point outre nostre ( i) Ici, les éditeurs de 1626 ont interpolé un passage de la lettre du 5 jan- vier : « Je suis grandement en peine de vostre affliction. . . » ;^Voir ci-dessus, note (i), p. 332.) (2) Celse-Bénigne de Rabutin-Chantal (voir note (2), ibid.).  340 Lettres de saint François de Sales pouvoir, et supportera nostre fardeau avec nous quand il verra que, de bonne affection, nous sousmettrons nos espaules. (0 Franç% E. de Genève. Le 1 1 janvier 1619. (i) Deux ou trois lignes empruntées à la lettre du 19 janvier terminent ce texte dans la première édition et dans celles qui l'ont suivie. (Voir ci-après, note (4), p. 349.)  MDI  A madame de granieu  Grand et doux moyen de n'être jamais séparés. — Une recherche inutile. — Où la Sainte Vierge tient son noviciat. — Nouvelles de la Mère de Chantai. — Prédications multipliées, — La mort de M. de la Coste. Paris, 16 janvier 1619. Je sçai bien, ma très chère Fille, que vostre cœur bienaymé demeure doucement resigné entre les bras de la divine Providence. Soit que nous allions, soit que nous revenions, soit que nous soyons en un lieu, soit que nous soyons en divers lieux, pourveu que nous soyons avec Dieu nous ne pouvons jamais estre séparés ; et mesme, si nous avons mémoire de la parole de Nostre Seigneur quand il dit a sa très chère Mère : Ne sçavies vous pas Luc, ir, 49. qu'il failloit que je fusse es affaires de mon Père * ? car il veut dire que il importe peu ou que nous soyons, pourveu que nous vivions au service du Père céleste. C'est pourquoy, ma très chère Fille, nous serons tous- jours ensemble et mon cœur sera [toujours (0] insépa- rable du vostre, puisque, grâces a Dieu, nous n'avons [qu'une] volonté, qui est d'accomplir la sienne selon nostre petitesse, abjection et misère. (i) L'Autographe a souffert : il porte sur la marge des traces de brûlure. Quelques mots effacés sont rétablis entre crochets [ ], autant que possible, d'après le sens et la place qu'ils devaient occuper.  Année 1619 341 Et bien, ma très chère Fille, [votre lettre] m'a repré- senté l'histoire du débat que vous eustes. . . . quand vous desirastes d'estre ma fille ; et il n'y a nul [mal] que vous ne sachies pas si bien exprimer en présence vos petites conceptions comme vous faites en absence. Ne vous [mettez] nullement en considération d'où cela pro- cède, car il n'importe [guère.] Je participe par ressentiment au mal que monsieur vostre mari souffre (0 et a la peine que vous en aves, parmi laquelle nostre très sacrée Maistresse et Abbesse vous peut bien donner de la consolation, vous menant sur la montaigne de Calvaire ou elle tient le noviciat de son monastère, monstrant la leçon non seulement de bien souffrir, mais de souffrir amoureusement tout ce qui nous arrive, et a nos plus chers. Je pense que le bon cousin, M. de La Gran ( ^ ), y aura bien esté pour apprendre a supporter le deplaysir que le trespas de son père luy aura causé (3). J'ay prié Dieu pour cett'ame que j'honno- rois beaucoup, mais je n'ay pas escrit a ce filz par ce que je n'ay sceu cett'affliction que tard et hors de sayson de consoler. Nostre Mère se porte bien a Bourges, et croy qu'elle viendra icy avant Pasques, puisque il y a de l'apparence qu'on y fera un Monastère (4), bien que jusques a présent il y ayt eu des grandes traverses du costé de l'esprit mondain, qui a tous-jours un peu de crédit, mesme parmi les gens de bien, [si qu'il faut être] grandement sur ses gardes. (i) François de Gratet était sujet à des accès de goutte. (Voir ci-dessus, note ( I ), p. 219.) (3) Louis de Simiane de la Coste, prieur de Lagrand. (Voir ibid,, note ( i ), p. 220.) (3) Docteur en droit, avocat, puis conseiller au Parlement de Grenoble, Jean-Baptiste de Simiane de la Coste venait de mourir après avoir, le 16 no- vembre 1618, résigné sa charge en faveur de l'un de ses fils. Il avait eu pour parents François de Simiane et Claire Guérin. Lui-même laissa, de Marie de Portes, Louis, Abel et Claude. (D'après Rivoire de la Bâtie, Armoriai du Dauphiné, et Prudhorame, Inventaire sommaire des Archives de V Isère, tome II, p. 28.) (4) Les difficultés en partie surmontées, la Mère de Chantai arriva pour la fondation dans la capitale le 6 avril. (Cf. ci-dessus, pp. 517, 335, et ci-après, pp. 351, 364.)  342 Lettres de saint François de Sales Je me porte bien, ma très chère Fille, quoy qu'accablé du travail des prsedications [qu'il me faut] faire a-tous propos, et devant les peuples et devant la cour ( ; mays cela ne durera que jusques a Pasques [que, Dieu] aydant, je me retireray en mon petit bercail (2). Dieu soit a jamais la vie de nos cœurs, ma très chère [Fille, et] veuille y régner éternellement. C'est par luy et en luy que je suis et seray invariablement, très abso- lument vostre, ma très chère Fille, toute, certes, et a jamais bienaymee. Franç% E. de Genève. XVI janvier 161 9, a Paris. Je voudrois bien avoir loysir d'escrire a madame de Saint André, car il m'est advis que je luy doy cela pour l'affliction que son cœur aura eu au trespas de mon- sieur de la Coste (3); mays il nya moyen. Je m'en vay prier pour elle, et vous prie de la saluer [humble]ment, ma très chère Fille. Mays que dira nostre bonne et très aymee Seur Marie Peronne (4) ? Si je puis, je luy escriray, car je ne sçai si je pourray ; [mais] son cœur sçait bien de queiraffection je suis sien. A Madame Madame de Granieu. Revu sur un fac-similé de l'Autographe, conservé à la Visitation d'Annecy. (i) En vérité, c'était « a tous propos, et devant le peuple et devant la cour, » que le saint Evêque distribuait la parole de Dieu. Après sa station à Saint-André-des-Arts, toutes les églises et chapelles de Paris voulurent l'en- tendre, et il lui arriva de prêcher deux, trois et jusqu'à quatre fois un même jour. « D'où Ton a remarqué despuis, » dit Charles-Auguste, « qu'il fit autant de prédications à Paris qu'il y a de jours en l'an. » (Histoire, etc., liv. IX.) (2) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 319. (3) Honorade de Simiane, femme d'Artus Prunier de Saint-André (voir ci- dessus, note (7), p. 207), était sœur de Jean-Baptiste de Simiane de la Coste. {4) La Mère Péronne-Marie de Chastel, supérieure du Monastère de la Visitation de Grenoble.  Année 1619 343 MDII A MADAME DE VEYSSILIEU (0 Le « tracas insupportable » de Paris. — Un cher malade en voie de guérison, — Ce qu'il faut pour vivre content en ce monde. — Filiale confiance en Dieu et paix entre ses bras, Paris, i6 janvier 1619. Il me semble, ma très chère Fille, que vostre cœur est tellement asseuré de l'invariable affection que j'ay pour luy, qu'il ne sçauroit mesliuy plus en douter : ce que Dieu fait est bien fait. Que si j'ay retardé a vous escrire, attribués-le, je vous prie, a ce tracas insupportable parmi lequel il faut faire plus qu'on ne peut et qu'on ne veut, et ne faire pas ce que l'on veut, encor que l'on le peut. J'ay bien appréhendé ci devant que la maladie du bon monsieur vostre père ne vous tinst en peine ; mais main- tenant que, grâces a Dieu, il reprend forces et santé, je suis bien fort soulagé de ce costé la. O Dieu, ma très chère Fille, que c'est une leçon digne d'estre bien entendue, que cette vie ne nous est donnée que pour acquérir l'éternelle ! Faute de cette connois- sance, nous establissons nos affections en ce qui est de ce monde dans lequel nous passons ; et quand il le faut quitter, nous sommes tout estonnés et effrayés. Croyés moy, ma chère Fille, pour vivre content au pèlerinage, il faut tenir présente a nos yeux l'espérance de l'arrivée en nostre patrie, ou éternellement nous arresterons ; et ce pendant croire fermement (car il est vray) que Dieu qui nous appelle a soy regarde comme nous y allons, et ne permettra jamais que rien nous ad- vienne que pour nostre plus grand bien. Il sçait qui nous (i) Nous proposons avec beaucoup de vraisemblance M™^ de Veyssilieu pour destinataire. Outre le ton de la lettre qui lui convient très bien, nous avons encore pour appuyer notre conjecture la mention de la maladie de « monsieur vostre père. » c'est-à-dire de Jean de la Croix de Chevrières, qui habitait alors Paris, et, après une rechute, mourut le 8 mars suivant. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 357, et ci-après. Lettre mdxi.)  344 Lettres de saint François de Sales sommes, et nous tendra sa main paternelle es mauvais pas, affin que rien ne nous arreste. Mais pour bien jouir de cette grâce, il faut avoir une entière confiance en luy. Ne prevenes point les accidens de cette vie par appré- hension, ains prevenes les par une parfaite espérance qu'a mesure qu'ilz arriveront, Dieu, a qui vous estes, vous en délivrera. Il vous a gardée jusques a présent ; tenes tous seulement bien a la main de sa Providence, et il vous assistera en toutes occasions, et ou vous ne * Cf. Deut., I, 31. pourres pas marcher, il vous portera *. Que deves vous craindre, ma très chère Fille, estant a Dieu, qui nous a si fortement asseurés qua ceux qui Vayment tout re- * Rom., vm, 28. vicfit a bonheur*? Ne pensés point a ce qui arrivera *Cf. Matt., VI, uit. demain *, car le mesme Père éternel qui a soin aujour- d'huy de vous, en aura soin et demain et tous-jours : ou il ne vous donnera point de mal, ou s'il vous en donne, il vous donnera un courage invincible pour le supporter. Demeures en paix, ma très chère Fille ; ostés de vostre imagination ce qui vous peut troubler, et dites souvent a * Ps. XXX, 15. Nostre Seigneur : O Dieu, vous estes mon Dieu *, et * Ps. XXIV, 2. je me confier ay en vous*; vous m'assisteres et seres *Ps. xc, 2. mon refuge *, et je ne craindray rien, car non seu- * Ps. XXII, 4. lement vous estes avec moy *, mais vous estes en moy, *joan., XV, 4. et moy en vous *. Que peut craindre l'enfant entre les bras d'un tel père ? Soyés bien un enfant, ma très chère Fille ; et, comme vous sçaves, les enfans ne pensent pas a tant d'affaires, ilz ont qui y pense pour eux ; ilz sont seulement trop fortz s'ilz demeurent avec leur père. Faites donq bien ainsy, ma très chère Fille, et vous seres en paix. Amen. Vostre très humble serviteur, Francs E. de Genève. De Paris, le 16 janvier 161 9.  Année 1619 345  MDIII A LA MÈRE DE CHANTAL, A BOURGES Abjuration d'un gentilhomme. — A quelles conditions peut-on recevoir les infirmes à la Visitation. — Sans jambes, si elle n'est point estropiée de cœur, une Sœur est capable de tous les exercices essentiels de la Règle. — « La plus brave princesse » qui se puisse voir et le cartel de son royal fiancé. — Celse-Bénigne s'apprivoise avec le Saint; ce qui lui manque pour faire des merveilles. — Le projet de mariage entre M."^ de Chantai et M. de Foras. Paris, 19 janvier 1619. Ma très chère Mère, Je reviens asses tard des Bénédictins (O ou, grâces a Dieu, j'ay receu au giron de TEglise un fort honneste gentilhomme, de bon esprit et de bonnes lettres ( = ), et si, je doy prescher demain; c'est pourquoy je vous res- pondray courtement a vos lettres précédentes. Nous ne vous envoyerons pas encor ni Tune ni l'autre de ces dames : l'une, qui est la mariée, par ce qu'elle ne (i) L'abbaye bénédictine de Saint-Germain-des-Prés, placée d'abord sous le vocable de Sainte-Croix et de Saint-Vincent, fut fondée vers 543 par Childebert P^ Différentes réformes s'y succédèrent; en 1614, les moines obtinrent un Bref de Paul V pour introduire celle de Saint-Vanne de Lorraine. Mais ce premier dessein fut sans résultat, comme aussi leurs démarches pour avoir à leur tête r£vêque de Genève, après la mort du prieur commenda- taire, le prince de Conti (13 août 1614). Le succès devait être plus beau pour s'être fait plus attendre: en 1631, l'abbaye de Saint-Germain devint le chef de la grande Congrégation réformée de Saint-Maur. Elle subsista jusqu'à la Révolution française, après avoir été gouvernée par une succession presque ininterrompue de quatre-vingt-huit abbés. Son église, où, le 28 avril 1619, François de Sales consacra l'autel récemment restauré des saints Symphorien et Germain, est aujourd'hui l'une des paroisses les plus importantes de Paris. (Voir Gallia Ckristiana, et D. Bouillart, Hist. de l'abbaye de Saint-Germain des Prés, Paris, 1724.) (2) Durant son séjour à Paris, l'Evêque de Genève fit une copieuse moisson d'âmes parmi les hérétiques; aussi il est difficile d'identifier le converti dont il parle ici. Rappelons toutefois que cinq jours avant, c'est-à-dire le 14 janvier, prêchant dans l'église Sainte-Madeleine, il prit pour texte ces paroles : Jésus a été obéissant jusqu'à la mort de la croix. « Un hérétique l'atendit dans la sacristie après le sermon, » poursuit l'Année Sainte manuscrite, « et luy dit avec beaucoup de fierté que ce tême de son discours etoit hors de tems. Le Saint lui répondit en souriant : — C'est pour vous. Monsieur, que j'ai parlé, par ce que je sçais que vous êtes desobeisant a l'Eglise. — Cet homme fût si touché de cette réponce, qu'il se fit instruire et se convertit, » Serait-ce son abjuration que l'infatigable apôtre reçut le 19 janvier à l'abbaye de Saint-Germain.-  346 Lettres de saint François de Sales veut donner que cinq cens francz de pension, se sous- mettant, quant au reste, que sa fille de chambre estant espreuvee, si elle n'est propre a demeurer on la puisse chasser; et pour ses moyens, bien qu'elle ne se déter- mine a rien, si me semble-il qu'elle se laissera conduire. L'autre, qui est a mon gré une brave et digne femme, par ce que voulant meshuy essayer si nous pourrons faire reuscir nostre dessein sans ce bon seigneur, qui, a la vérité, est incomparable a tenir les aiîaires en longueur, nous aurons grandement besoin d'elle et de sa conduite qui est très bonne (0. (2) Ce sera éternellement mon sentiment qu'on ne laisse jamais de recevoir les filles infirmes en la Congrégation, sinon que ce fut des infirmités marquées aux Règles (3), telle que n'est pas celle de [cette] fille qui n'a point d'usage de ses jambes, car, sans jambes, on peut faire tous les exercices essentielz de la Règle : obéir, prier, chanter, garder le silence, coudre, manger, et sur tout avoir patience avec les Seurs qui la porteront, quand elles ne seront pas prestes et promptes a faire la charité ; car il faudra souvent qu'elle supporte celles qui la por- teront, si l'esprit de dilection ne les porte. Si donq ell'a de quoy nourrir celles qui la porteront, je ne voy rien qui doive empescher sa réception, si elle n'est point estropiée de cœur; ains je l'ayme, la pauvre fille, de tout mon esprit (4). ( I ) Il n'a pas été possible de découvrir le nom des deux dames dont le départ pour Bourges était retardé, ni celui du « bon seigneur » qui traînait les choses en longueur. Tout au plus, pour ce dernier, pourrait-on songer au grand-vicaire, Sylvius de Pierrevive, que nous retrouverons plus tard mêlé aux affaires de la Visitation de Paris. (2) Tout l'alinéa suivant faisait partie, dans l'édition princeps, d'un texte fabriqué dont nous avons déjà reproduit des fragments en les plaçant à leur vraie date. (Voir le tome précédent, p. 324, Lettre mcclxviii, et note ( 5 ), où il faut lire ip janvier au lieu de p; cf. aussi ci-dessus, note (3), p. 333.) (3) « On excepte, » dit François de Sales dans ses premiers manuscrits des Constitutions, « celles qui auroyent quelque mal contagieux ou dangereux, « comme les escrouelles, lèpre, le haut mal, et autres semblables. » (Auto- graphe conservé à la Visitation de Thonon ; cf. les Constitutions imprimées : De la fin pour laquelle cette Congréffation a été instituée.) (4) La « pauvre fille » si aimée du compatissant Fondateur doit être la Sœur Marie-Françoise Thibaut, entrée au monastère de Bourges le 27 février 1619, à l'âge de dix-neuf ans. Elle y vécut jusqu'au 11 novembre 1629, « plus  Année 1619 347 Nostre M"'" de Gouffier ne s'en ira pas, et je vay espiant une bonne commodité pour revoir un peu son esprit ( 0. Vous ne doutes plus de nostre mariage, je m'asseure ; car vous aures sceu meshuy que le contract fut solem- nisé il y a g jours, que tout s'est passé avec un bonheur nompareil ( = ). Les ambassadeurs ont visité nostre chère petite Madame, avectiltre de Vostre Altesse et conjouis- sance de son mariage : c'est la plus brave Princesse quil est possible de voir. Le Roy a escrit a M. le Prince de Piémont avec le tiltre de beau frère ; le Roy d'Espagne a rendu tesmoignage d'aggreement. En Piémont et Sa- voye on a fait des allégresses incroyables les festes de Noël, lors que le Prince eut receu les couleurs des faveurs ou les faveurs de couleurs de Madame ; et le Prince publia un cartel pour un tournois gênerai, auquel il invite toute l'Italie a venir voir mourir a ses pieds tous ceux qui diront que l'amarante n'est pas la plus belle de toutes les couleurs, et la Princesse qui favorise cette cou- leur, la plus digne qui est (^^zVJ jamais esté, et que chevalier qui est son esclave n'est pas le plus heureux du monde. Mais certes, je ne sçai pas trop bien l'histoire de ce cartel ; aussi n'est elle pas trop propre pour estre leiie en en souffrant qu'en agissant, ayant vrayement expérimenté la charitable dou- ceur de l'esprit de l'Institut pour les infirmes... De son costé, » elle « se rendit si humble, dévote et bonne malade que celles qui la servoient dévoient bien espérer de joûyr du mérite de sa patience. » (Notice manuscrite, par la Mère de Chaugy.) La Mère de Chantai, vraie fille du doux Evêque de Genève, avait, elle aussi, une spéciale tendresse pour cette Sœur qu'elle se plaisait à appeler « sa petite brebis. « (i) Ce n'était pas chose facile, on le sait, de revoir et manier l'esprit de l'ancienne Religieuse du Paraclet, et la difficulté allait grandissant tandis qu'elle se fourvoyait au milieu d'interminables procès avec ses soeurs, procès « qui n'étoient nullement aprouvés de notre Bienheureux Père. » (Hist. de la Fon- dation de la Visitation de Paris.) (2) Les prières du Saint n'étaient pas étrangères au succès de cette grande affaire. Antoine Favre se plut à l'affirmer plus tard, rappelant qu'au moment où lui-même et le comte de Verrua ne songeaient plus qu'à retourner en Pié- mont, découragés par de graves difficultés, François de Sales leur rendit l'es- pérance. Un matin, au sortir de Tautel : « Attendez, » leur dit-il, « et Dieu fera tout. » Quelques jours après, le ii janvier, le contrat de mariage entre Christine de France et Victor-Amédée de Savoie était signé. (D'après Cambis, Vie manuscrite de St François de Sales, tome II, p. 717.)  348 Lettres de saint François de Sales refectoir. Je veux dire en somme que nostre mariage est fait, et Son Altesse ne fit jamais tant de démonstration d'une véritable et extraordinaire [joie] comm'il fait main- tenant. M. le Prince sera icy dans troys semaines (0. Voyla pour ce point. Monsieur le Baron de Chantai (2) me fit presque mentir quand je vous escrivis, car il arriva céans comme j'avoi-s envoyé la lettre, et commença fort a s'apprivoyser avec moy, mays il ne me parla point de ses affaires. Je feray tous mes eflfortz pour le faire entrer au service de Monsei- gneur le Prince, et croy quil ne sçauroit mieux faire. Mays ce que je crain, c'est que d'abord on ne le mettra pas en fortune, ains faudra qu'il la gaigne par la sujettion et par sa vertu, bien que, moyennant cela, il y a apparence qu'il la fera proportionnée a sa condition. Je luy en par- leray a la première comodité. Qui lu}^ pourroit persuader que la douceur et courtoysie est incomparablement plus honnorable que la violence et fierté, le mettroit au chemin de faire des merveilles. Vous sçaves, ma très chère Mère, que la mayson du Prince est un monastère, et que pour chose du monde il ne veut souffrir les desordres ; et bien que venant icy il veuille s'accommoder a la liberté du pais, si est ce quil la veut vertueuse. Somme toute, je feray tout mon pouvoir pour le filz de ma très chère Mère, le frère de ma très chère seur (3), et le neveu d'un tel oncle (4) qui m'en escrit. M. de Forax le rencontra, et se firent mille caresses ; mais parce que c'estoit en rue ilz ne parlèrent de rien. Ce qui tient en peine M. de Forax, c'est premièrement qu'il ne sçait ou aller prendre la finale conclusion de son ma- riage, ou de sa prsetention (5), puisque madamoyselle de Chantai n'est pas auprès de vous, et que, ni elle sans vous, ni vous sans elle ne feres rien. 2. Il ne sçait encor si M. de Chantai le voudra, mais de ce second il s'en pourra  (i) Voir ci-dessus, note (4), p. 336. (3) Celse-Bénigne (voir ibid., pp. 332, 339). (3) Marie-Aimée de Chantai, baronne de Thorens. (4) MB"" André Frémyot. (5) Voir ci-dessus, Lettre mcdxcvii, p. 333.  Année 1619 349 esclarcir. 3. Il ne sçait ni combien on luy donne de dote, ni si elle sera liquide, ou sil faudra la prendre des mains de M. de Chantai. Pour moy, j'explique ces choses a ma façon, n'entendant rien aux termes et cérémonies avec lesquelles il faut procéder en un'afiFaire que je ne fis jamais, Dieu merci. Et je vous asseure que le pauvre garçon n'en est guère plus grand docteur que moy, ouy bien en toute sorte de vertu, pieté et courtoysie; et luy est advis qu'encor qu'il n'espouseroit pas M''° de Chantai, laquelle pourtant il a bien envie d'espouser, il ne lais- seroit pas d'estre vostre filz. Mon engourdissement de jambes n'est rien de doulou- reux, ni qui m'empesche de marcher des que j'ay fait dix ou douze pas (0. Je pense que c'est que je suis vieux ; en somme, ce n'est rien, je vous asseure. Mon frère (2) est au lit, mais il se porte bien. M. Flocard (3) est tous-jours icy nostre camarade, et tous-jours plein de vertu et de respect pour vous. (4) Dieu vous bénisse et toutes nos Seurs ; mays Dieu vous bénisse, ma très chère Mère, que je chéris plus que moymesme, ou comme moymesme. A Paris, le 19 janvier 16 19. Je m'en vay faire response a Monseigneur nostre Ar- chevesque (3), et puis a M™' du Puys d'Orbe qui m'a envoyé homme exprès. Ma très chère Mère, je suis tout vostre. A Madame [Madame] de Chantai. [A] la Visitation. Bourges. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Thonon. (1) Cf. ci-dessus, p. 333. (2) Jean-François de Sales (voir ibid.). (3) Le collatéral Barthélémy Flocard (voir le tome précédent, note ( 1 ), p. 303). (4) Les éditeurs de 1626 ont interpolé les deux lignes qui suivent à la fin de la lettre du 11 janvier, (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 540.) (5) Cette lettre à l'Archevêque de Bourges n'a pas été retrouvée, non plus que celle à Rose Bourgeois, abbesse du Puits-d'Orbe.  350 Lettres de saint François de Sales  MDIV A LA MÊME Celse-Bénigne recommandé au Cardinal de Savoie. — Affectueux éloges de M. de Foras. — Projet de fondation dans la capitale. — Les Haudriettes. — Monde et mondains. — Messages d'affection paternelle. Paris, 2 1 janvier 1619 (i). Ma très chère Mère, Epist. pra»ced. Je VOUS escrivis avanthier *, non sans un grand em- peschement, car j'estois grandement chargé, et croyois que le messager deut partir hier de grand matin ; despuis, j'ay receu la lettre ci jointe de la pauvre petite seur (2), et un'autre par laquelle elle me dit que je face entrer sa fille auprès de nostre Princesse, ce que je m'essayeray défaire. Dieu aydant (3). Voyla une lettre de ma Seur Claude Agnes (4), que vous verres; puisque elle dit que elles n'ont point de vos nouvelles, je luy vay [écrire que vous êtes] asses bien, Dieu aydant. J'ay des-ja parlé a M. nostre bon Prince Cardinal pour favoriser l'entrée de monsieur le Baron de Chantai au service de M. son frère (?); il m'a promis de s'y employer. J'en parleray ou il faudra, et feray tout ce qui sera en moy. M. de Forax m'a veu ce matin et vit hier monsieur de Chantai duquel, ainsy qu'il m'a dit, ilreceut nouvelles caresses et comme de frère a frère. Je ne dis ( I ) La lettre à la Sœur de la Roche, annoncée dans les présentes lignes, est datée du 21 janvier; celle-ci doit être du même jour, surlendemain du 19, car, dit François de Sales : « Je vous escrivis avanthier. » Il est vrai que Ton ne peut, sans sourire, constater, dans ce long courrier de trois pages si pleines, une lettre faite « non sans un grand empeschement » et tandis que le Saint était « grandement chargé. » (2) M""* de Charmoisy, veuve depuis trois mois. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 311.) (3) Aucun document ne prouve que Françoise de Charmoisy soit entrée au service de la princesse Marie-Christine. (4) Soeur Claude-Agnès de la Roche, Assistante-commise à la Visitation d'Annecy. (Voir ci-après, note (i), p. ^'j^,) (5) Voir la lettre précédente, p. 348.  Année 1619 351 ceci pour rien, mais je le dis a ma chère Mère : si j'avois une seyr digne de M. de P^orax et que j'eusse cinquante mille escus a luy donner, je le ferois de tout mon cœur ( . Plus je vay, plus je Tayme. Nous avons fait une petite conférence ce matin, de troys dames (2), pour voir comme nous ferons pour le dessein de l'introduction de nostre Visitation. Nous treu- vons treze mille escus d'or et quinze cens francz de revenu pour commencer ; de sorte que nous allons tra- vailler a bon escient, et la bonne fille M'"° de Gouffier va revoir toutes les dames qui doivent estre de la partie, pour estre bien asseurés de l'affaire. Quant a l'autre dessein, il subsiste tous-jours et je le laisse sur pied. Chacun n'est pas de la bonté de nostre Monseigneur l'Archevesque (3), car on veut reconsidérer nos Règles, et chacun y treuve son adiré, qui d'une façon, qui d'un'autre. Nous sommes reduitz a cette pro- position, qu'on recevra dans les Audriettes nos Seurs, a la charge qu'elles recevront des filles, des l'aage de 14 a 15 ans, qui ont besoin de se retirer pour faire choix de leur vocation, lesquelles seront en un quartier a part, ou deux ou trois des Seurs les gouverneront ; et pendant le tems qu'elles demeureront, ne sortiront point et vivront en obéissance, en attendant que Dieu leur envoyé l'ins- piration ou quelque parti (4). Voyci maintenant mon (i) Voir la lettre précédente, p. 348. (2) Probablement, les trois dames nommées ci-dessus, note (2), p. 333. (3) L'Archevêque de Bourges, André Frémyot. (4) Plusieurs de ceux qui ne voyaient pas de bon œil la venue des Filles de l'Evêque de Genève, imaginèrent, pour entraver la réussite de Taffaire, de mettre en avant la condition que la nouvelle Communauté s'unirait à celle des Haudriettes. Ces Religieuses devaient leur existence à Etienne Haudri, maître drapier de Paris, et à sa femme, Jeanne La Dalomie, qui vivaient dans les premières années du xiv^ siècle. Le fils des fondateurs, nommé aussi Etienne, et plusieurs membres de la famille firent des donations successives à cette Congrégation, spécialement destinée à des veuves qu'on appela com- munément les « Bonnes femmes ». Leur établissement, rue de la Mortellerie, comprenait aussi un hôpital, et des statuts leur furent donnés en 1414. Au commencement du xvii^ siècle, une réforme était nécessaire; le cardinal de la Rochefoucauld, leur Supérieur, voulut l'entreprendre. C'est pour la faciliter, sans doute, que Henri de Gondi, cardinal de Retz, et d'autres personnes bien intentionnées donnèrent les mains au projet d'union de la Visitation et des Haudriettes. On poursuivit cette pensée même après l'arrivée de la Mère de  352 Lettres de saint François de Sales sens : je leur laisseray faire le projet, et si es particula- rités de la besoigne il y a chose qui répugne, on refusera ; car ce sera asses tost quand ilz me parleront clair, ce que jusques a présent ilz n'ont pas fait. Cependant, en me proposant le parti, ce sera asses appreuver nostre Institut et praejuger pour le recevoir. Mon Dieu, que ce grand embaras de Paris rend les affaires difficiles ! Faites bien mes excuses vers Monseigneur nostre Ar- chevesque si je ne luy escris pas fort au long. Peut estre aurons nous besoin de la faveur de monsieur le Grand (0 pour tesmoigner des qualités de monsieur le Baron de Chantai, aflfîn que non seulement il entre au service du Prince, mais qu'il entre d'abord en qualité qui le puisse contenter et messieurs ses parens ; mais je croy que M. le Grand le fera volontier. Vous ne sçauries croire, ma très chère Mère, combien tout est recherché en ce tems icy ; je croy que le monde va finir, car tous ont peur qu'il ne leur manque. Or sus, ma très chère Mère, saches que nostre partage en ce monde est en la croix ; il le sera en l'autre en la gloire (2). Amen, amen. Vive Jésus! Je salue très chèrement ma Seur Anne Marie, ma Seur Marie Marthe, ma Seur Anne Catherine, ma Seur Hé- lène, ma Seur. . . (3) Je vous asseure que je ne treuve pas Chantai à Paris; mais grâce à la prudence, au tact et à l'humilité de la Sainte, elle n'aboutit pas. Quant aux « Bonnes femmes, » le cardinal de la Rochefou- cauld leur prescrivit, le i8 août 1620, un nouveau règlement, ajoutant aux vœux de chasteté et obéissance, celui de pauvreté et l'obligation de la clôture; le 6 septembre 1622, il transférait la Communauté rue Saint-Honoré, et elle prenait le vocable de l'Assomption. Plus tard, les Filles de saint François de Sales devaient encore retrouver sur leur chemin les anciennes Haudriettes. Un essaim, sorti de l'Assomption et tombé dans la dernière décadence, fut confié en 1661 au zèle de la Mère Louise-Angélique de Lafayette ; mais le mal était trop grand, et les Religieuses furent dispersées en diverses Communautés. (D'après des Noies de M. Lemoine^ bibliothécaire-archiviste du Ministère de la Guerre, et d'anciens Mémoires conservés au i*"" Monastère d'Annecy.) (i) Roger, duc de Bellegarde. (2) Phrase insérée par les premiers éditeurs dans le texte de la lettre de fin avril-mai 1613, donnée au tome XV, p. 375. (Cf. note ( i }, p. 376.) (3) Sœur Anne-Marie Rosset, supérieure; Sœur Marie-Marthe Legros (voir tome XV, note (2), p. 233); Sœur Anne-Catherine de Beaumont-Carra (cf. ci- dessus, note (6), p. 204). Sœur Marie-Hélène Le Blanc avait fait profession le 27 mai 1618, au monastère  Année 1619 353 maintenant les autres qui sont avec vous, car je les vis si vistement a Lyon que je ne Tobservay pas. Or sus, toutes, toutes, de tout mon cœur. Amen. Revu sur l'Autographe conservé au Petit Séminaire de Zillisheim (H'^-Alsace). d'Annecy où elle était entrée Tannée précédente, à Tàge de trente ans. Ses parents se nonimaicnt Etienne Le Blanc et Humberte de la Palud. La Mère de Chantai l'amena à la fondation de Bourges, et elle édifia cette nouvelle Maison par d'humbles et solides vertus, jusqu'au 22 avril 1659, jour de sa mort. (Livres du Noviciat et du Couvent, du i^*" Monastère d'Annecy.) La dernière des Sœurs venues en Berry avec la sainte Fondatrice était Jeanne-Françoise Estienne, professe du Monastère de Lyon. (Voir le tome précédent, note (2), p. 359.)  MDV  A LA SOEUR DE LA ROCHE, ASSISTANTE-COMMISE DE LA VISITATION d'aNNECy(0 Gracieuse annonce de François de Sales à sa correspondante. — Sainte liberté et surnaturelle prudence à garder au sujet des confesseurs extraordinaires. — Espérances pour l'établissement de la Visitation à Paris. — Salutations. Paris, 21 janvier 1619. Ma très chère Fille, Non, je vous prie, ne vous retenes point de m'escrire quand il vous plaira, car pourveu que vous a3'es pa- tience de ne recevoir des responses que quand j'auray la ( i) Plusieurs fois déjà nous avons nommé la fille aînée du gouverneur du château d'Annecy, Jean Joly de la Roche d'Alery, et de Claudine de Locatel, ces fidèles amis et disciples de l'Evêque de Genève, (Voir tomes VI, p. xii ; XIII, note ( i), p. 364 ; XV, note (2), p. 158 ; XVII, note (4), p. 329, etc.) Toute faite de grâce et d'énergie, attirante par ses dons extérieurs, par l'éclat et la solidité de son esprit, Claudine avait beaucoup plu au monde, et le monde ne lui avait pas déplu, quand, à vingt ans, le 25 janvier 1612, elle vint frapper à la porte de la petite maison de la Galerie et y entra en même temps que Marie-Aimée de Blonay. Son noviciat, qu'elle obtint de recom- mencer six ans après, l'établit dans cette humilité profonde qui, sans rien diminuer du charme surnaturel de sa personne, devait être, avec un don d'oraison très élevé, son caractère distinctif. Quand la Mère de Chantai partit pour Bourges, Sœur Claude-Agnès fut chargée de la Communauté d'Annecy en qualité d'Assistante-commise. En juillet 1620, elle quittait à son tour la  Lettres Vil  23  354 Lettres de sa[nt François de Sales commodité de les faire, je n'auray jamais que beaucoup de contentement d'avoir souvent de vos lettres ; car si vous ne le sçaves pas, je vous annonce que vous estes bien ma très chère fille (0. Pour le point que vous me marques, il ne faut nulle- ment altérer la règle du confesseur extraordinaire (2) ; ni aussi estonner ce (sic) Seurs infirmes qui ont appétit d'avoir communication avec le confesseur extraordinaire plus souvent que quatre fois Tannée. Mais il faut que si les Seurs n'ont pas la confiance de demander a parler a luy, luy mesme l'ayt de demander de parler a elles quel- quefois, et sil ne l'avoit pas, il faut que vous la luy don- nies, si c'est un Père qui la puisse recevoir ; car, comme il faut pourvoir d'une juste liberté aux Seurs pour la communication, aussi les faut-il retenir dans la règle de la simplicité et humilité ; et n'est pas raysonnable que la foiblesse de quelques unes face multiplier les confes- sions extraordinaires a toute la Congrégation, et mette en tristesse et ennuy le pauvre confesseur ordinaire. Bref, si chasque Seur veut estre de croire en ses appetitz inté- rieurs, la sousmission et la liayson se perdra, et, avec elle, la Congrégation : dequoy Dieu nous veuille garder.  Savoie pour aller fonder à Orléans le neuvième Monastère de l'Institut dont elle était la neuvième Religieuse, L'estime générale lui fut bientôt acquise ; les personnes du plus haut rang, même parmi les ecclésiastiques, tenaient à grand bonheur de s'éclairer de ses lumières et de s'aider de ses conseils; des conversions éclatantes furent plus d'une fois le fruit de ses entretiens. L'Evé- que de Nantes la réclama pour son diocèse, mais la ville de Rennes l'obtint et la vit arriver en 1628, à la tête d'un nouvel essaim de la Visitation. Pour la Mère de la Roche, les faveurs d'En-haut s'unirent, nombreuses, à celles de la terre. Le bienheureux Evêque de Genève, à peine fut-il mort, visita sa chère Fille par des odeurs célestes bien souvent renouvelées, et, après Annecy, Orléans fut plus que nulle autre ville, témoin des miracles opérés par Tinter- cession du Serviteur de Dieu. La souffrance pourtant n'oublia pas cette privi- légiée du Ciel, et la sainte Fondatrice pouvait lui écrire dès 1623 : « Je vois l'état admirable où la bonté de Dieu vous tient. Oh! quand est-ce que vous avez mérité tant de grâces et de faveurs que de souffrir au corps de si vives douleurs, et de si sensibles épreuves en votre âme? » (Lettres, vol. III, p. 523.) Ce martyre continua jusqu'au 30 décembre 1630, jour de son heureuse mort. La Mère Claude-Agnès avait trente-huit ans. (Voir sa biographie dans Les Vies de quatre des premières Mères, par la Mère de Chaugy, 1659-1892.) ( I ) Ce premier alinéa est inédit. (2) Voir le tome précédent. Lettre mcviii, p. 42, et note (2), p. 43.  Année 1619 355 Celles donq qui voudront communiquer extraordinaire- ment, qu'elles le facent en esprit d'une douce liberté, et qu'elles se confessent, sil [leur] plait, en communiquant, sans solliciter les autres au mesme désir et sans les forcer par menées a les imiter. Nostre Mère se porte bien, grâces a Dieu (0. Icy, nous taschons a vaincre les tentations suscitées contre l'intro- duction de la Visitation, et espère que nous le ferons l^). Dieu vous bénisse, (3) ma très chère Fille, et je suis en luy très parfaitement vostre. Je salue de tout mon cœur nos chères Seurs, que j'ayme infiniment en Nostre Sei- gneur d'un'affection incomparable. XXI janvier 1619, Paris. Je salue par vostre entremise madame la P[residente] ma très chère fille (4), et M""" de Vars (5), et si la chère seur de la Flechere(^) estoit la, m[ille et] mille foys. Je pensois escrire tout plein, mais (7).,. A ma très chère Seur en N. S., Ma Seur C. Agnes, Vice Sup^ de la Visitation. Annessi. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Amiens. { I ) L'édition de 1626 et les suivantes suppriment cette phrase. (2) Voir la lettre précédente, p. 351. (3) Le reste de la lettre est inédit. (4) La présidente de la Valbonne. {5) Hélène d'Arerex était fille de Charles d'Arerex ou d'Arères, du pays de Gex, et de Charlotte Bernard. Par contrat dotal du 6 août 1604, elle épousa Alexandre de Regard, seigneur de Morgenex et de Vars, qu'elle perdit proba- blement avant 161 5. La pieuse veuve donna deux filles à l'Institut de la Visi- tation, et se donna elle-même par la sainte profession, le 2 juillet 1628. De- venue Soeur Marie-Hélène, elle fut employée à la fondation du second Monastère d'Annecy, puis à celle de Pignerol où elle mourut le 5 janvier 1649. (Archives de la Visitation d'Annecy, Collection J. Viiy , et Livre du Couvent.) (6) Madeleine de la Forest, veuve de Claude-François de la Fléchère. (7) Les derniers mots étaient peut-être : nul moyen. Ils ont été enlevés par une déchirure.  356 Lettres de saint François de Sales MDVI A LA COMTESSE DE ROSSILLON (0 Prière d'agréer une protestation de respect et d'affection. — Souhait du cœur. Délicat conseil à une jeune cousine. PariS; 27 janvier 1619 (2). Madame ma très chère Cousine, ma Fille, Laisserois-je bien aller auprès de vous ce dignefrere(3), sans luy donner ces quatre motz par lesquelz il vous puisse tesmoigner la protestation que je luy ay faite delhonneur et, si vous me le permettes, de Tamour que je vous veux porter toute ma vie ? Faites moy, je vous prie, la faveur, ma très chère Fille, de l'avoir aggreable, et de me dépar- tir réciproquement le bonheur que je désire tant, d'estre conservé en vostre bonne grâce. Au demeurant, persévères bien, ma très chère Fille, a reluire en vertu et pieté devant Dieu et les hommes, puisque sa divine Majesté vous a donné et l'inclination, et l'inspiration, et la resolution pour cela. C'est le sou- hait que fait mon cœur pour le vostre bienaymé, ma très chère Cousine, ma Fille, et suis Vostre très humble cousin et serviteur, Franç% E. de Genève. Je salue bien chèrement madamoyselle de Tornon, ma cousine (4), et désire bien qu'elle ayme plus la beauté (i) Fille aînée de Prosper-Marc de Maillard, comte de Tournon, et de Phi- liberte de Beaufort, Hélène-Ferdinande devint bientôt demoiselle d'honneur des Sérénissimes Infantes de Savoie. Dans leur propre appartement, au palais de Turin, fut signé (29 octobre 1609) le contrat de mariage de la jeune fille avec Jean-Baptiste de Malarmay, comte de Rossillon, qui la laissa veuve en 1622. (2) Bien que la date de l'année manque, elle est tout indiquée par la ville d'où cette lettre fut écrite. (3) Marc-François de Malarmay de Lauray, abbé de Goaille, frère du comte de Rossillon. Nous le retrouverons plus tard parmi les correspondants du Saint. (4) La sœur cadette de la destinataire, Marguerite de Maillard-Tournon voir tome XVI, note (5), p. 204).  Année 1619 357 de son ame et face plus pour raccroissement d'icelle que pour celle de son cors, car il y a longtems qu'elle sçait bien que j'ayme son cœur. XXVII janvier, a Paris. A Madame Madame la Comtesse de Rossillion. Bezançon. Revu sur TAulographe conservé chez les RR'*-^ Sœurs Augustines, à Rœulx (Belgique, Prov. de Hainaut).  MDVII A MADAME DE VILLENEUVE (O Des tentations '< plus ennuyeuses que périlleuses. » — Promesse d'une entrevue. Paris, janvier ou février 1619. Ma très chère Fille, Ayant bien veu la lettre que vous me donnastes aux (i) L'étude du texte nous amène à la presque certitude que cette lettre, écrite de Paris et avant l'établissement de la Visitation dans cette ville, s'adresse à Marie Lhuillier, dame de Villeneuve. Elle était née en 1595, de François Lhuillier, seigneur d'Interville et de Frouville, et d'Anne Brachet, de la noble famille des Hennequin, Après avoir terminé son éducation dans la royale abbaye de Longchamps.. Marie épousait à quinze ans Claude Marcel, sieur de Villeneuve, conseiller du Roi et maître des Requêtes. Les livres de l'Evêque de Genève tombèrent bientôt entre les mains de la jeune femme, qui conçut une telle estime pour leur auteur, qu'elle résolut de le consulter sur le grave sujet de la nullité du mariage de sa sœur, la future Mère Hélène-Angé- lique Lhuillier. Un voyage à Annecy était décidé lorsque survint l'annonce de la prochaine arrivée du Serviteur de Dieu dans la capitale. M""* de Villeneuve donna toute son âme au saint Directeur, dont le regard sur et pénétrant dis- tingua les desseins particuliers de la Providence à son égard. Elle aussi devait avoir la gloire de doter l'Eglise d'une nouvelle famille religieuse, et c'est du grand Evêque qu'elle reçut les premières idées de son dessein. Il lui répéta plus d'une fois que si Dieu lui conservait la vie, il travaillerait à l'établisse- ment d'une Communauté de filles et de veuves employées à l'instruction et édification du prochain. M™^ de Villeneuve résolut alors de se dévouer à cette œuvre, et obtint du Bienheureux une copie des Constitutions primitivement dressées pour les Sœurs de Sainte-Marie. Sur ces Constitutions se calqueront plus tard celles des Filles de la Croix ; mais la pieuse fondatrice dut attendre longtemps l'heure de Dieu. Ce fut en 1636 seulement qu'elle put commencer  35^ Lettres de saint François de Sales Bénédictins (O, j'ay certes ressenti grandement la peine de celle qui me Ta escritte, non que pour cela je la voye en aucun danger, mais par ce qu'ell'est affligée; et j'ay tant de part en elle qu'il est impossible que son affliction ne m'afflige. Ces grandes tentations sont plus ennuyeuses que périlleuses. O Dieu, que safoy est bonne et qu.'e\Yest Matt., XV, 28. grande * / car si elle n'estoit grande et forte, elle ne feroit pas des répugnances si pressantes aux suggestions. Grâces a Dieu, ma très chère Fille, qui esprouve cet'ame, comme j'espère, pour la bien affiner en Tamour de son abjection et en la mortification de sa propre estime (2). Quand vous me verres après le sermon, ou aujourdhuy ou demain, nous prendrons jour et heure pour parler avec elle. Cependant, voyla des lettres. Nous apprendrons aujourdhuy ou demain des nouvelles des despeches de nostre Sainte Marie (3). son Institut, soutenue par saint Vincent de Paul et d'autres personnages émi- nents, encouragée par la Mère de Chantai qui lui écrivait : « Je vois que la souveraine Providence fait recueillir par ce moyen quelques pensées et désirs de notre Père... j'en ressens une consolation fort tendre. » Celle qui depuis son veuvage (1618) n'avait vécu que pour la piété et la vertu, voulut se don- ner plus complètement à Dieu, et, le 14 septembre 1641, M»"^ de Villeneuve devint, par l'émission des vœux, simple membre de la Congrégation qu'elle avait fondée. Elle l'édifia près de neuf ans encore, et termina saintement sa vie le 15 janvier 1650. Ses restes furent inhumés au monastère de la Visitation de la rue Saint-Antoine, dont elle était la fondatrice, titre qu'elle acquit aussi pour le second monastère de la même ville. (D'après sa déposition, Process. remiss. Parisiensis, et sa Notice insérée dans le Directoire pour les Sœurs de la Congrégation de la Croix établie dans le Diocèse de Treguier ; Treguier, Pierre Le Vieil.) ( I ) De l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés (voir ci-dessus, note ( r ), p. 345). (2) Dans sa déposition au Procès de Béatification de TEvêque de Genève, ^me de Villeneuve parle de ses propres tentations contre la foi, calmées par le Serviteur de Dieu, et ajoute : « Je sçay d'une ame qui m'est très intime. . . et de profession religieuse... et estrangement tentée de la foy, avoir esté notablement soulagée luy parlant, ou le regardant, et mesme pensant a luy. » (Process. remiss. Parisiensis, ad art, 24.) Cette âme n'est autre que celle de sa soeur, Hélène-Angélique Lhuillier, qui, à son tour, déposant sur le même article, nous apprend comment le Saint lui ôta si bien ses peines contre la foi qu'elle ne les ressentit plus jamais. — Il peut donc s'agir ici, soit de la pre- mière dont François de Sales parlerait à la tierce personne, soit de la seconde qui, ayant grande confiance en sa cadette, n'aurait pas craint de la prendre comme intermédiaire. (3) Le futur Monastère de la Visitation. C'est sur la marche des affaires concernant cette fondation que nous basons notre date approximative. (Cf. ci-dessus, p. 351, et ci-après, notes ( i ), p. 359, (2), p. 364.)  Année 1619 359 Bonjour, ma très chère Fille ; le doux Jésus soit a jamais au milieu de vostre cœur. Amen. Revu sur l'Autographe conservé au Carmel du Mans.  M D VIII A LA MÈRE DE CHANTAL, A BOURGES (fragment) Les craintes de la prudence humaine au sujet de la fondation d'un Monastère de la Visitation à Paris. Paris, vers le 20 février 16 19 (i). O ma chère Mère, que la prudence humaine est ad- mirable ! Croiries vous que des grans serviteurs et ser- vantes de Dieu m'ont encor dit aujourd'huy que la douceur et la pieté de nostre Institut estoyent tellement au goust des espritz françois, que vous osteries toute la vogue aux autres Maysons religieuses ; que quand on auroit veu cette madame de Chantai, il n'y auroit plus que pour elle. Or sus, cela n'est rien. Dieu, qui voit que nous ne venons pas a Paris pour nous faire voir, mais affin de faire voir a sa Bonté plusieurs âmes s'acheminer purement a son saint service, nous aydera. Je respons de la sincérité de vos intentions comme des miennes propres, si tien et mien se doit dire entre nous, que Dieu a unis pour luy rendre un mesme service.  Revu sur le texte inséré dans le Ms. original des Mémoires, etc., par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Une lettre de la Mère de Chantai, datée du 22 février, semble une allusion très directe à celle-ci : « Monseigneur nous mande, » dit-elle, « que notre établissement est résolu par une autorité absolue de Dieu, ayant été combattu plus qu'il ne se peut dire, et par quantité de personnes de grande dévotion qui pensent que nos Soeurs étant là auront la vogue et diminueront l'estime des autres. » (Lettres, vol. I, p. 308.) Le Saint aurait donc écrit peu avant cette date, soit aux environs du 20.  360 Lettres de saint François de Sales MDIX A DONA GINEVRA SCAGLIA (0 Détails sur la mort du comte de Verrua. — Consolations à sa fille. — La pensée du prince de Piémont sur la fondation de la Visitation à Turin. — Une vertu plus nécessaire que la magnanimité. Paris, 17 mars 1619. Illustrissima Signora mia et Figliuola nelle viscère di Christo amantissima, Ecco che finalmente, nello horologio délia Providentia divina essendo sonnata l'hora délia partenza che haveva da fare il signor Conte, padre di V. S., per ritornar nella mano del Creatore dalla quale fu già creata Tanima sua, in fine ha fatto felicemente il passaggio (2) : poichè ha- vendo un pezzo fa ricevuto il bénéficie délia absolutione et Comunione, in circa quindeci giorni o tre settimane avanti la morte fece un altra confessione, et continué quasi ogni giorno a confessarsi secondo che s'andava ricordando delli suoi difetti ; et volse che io lo visitassi,  Illustrissime Madame et Fille bien aimée dans les entrailles du Christ, Voici que, à l'horloge de la divine Providence, ayant sonné pour M. le Comte votre père l'heure du départ de cette vie, pour s'en retour- ner entre les mains du Créateur d'où son âme était sortie, il a fait heu- reusement ce passage (2). En effet, quoiqu'il eût reçu il y a quelque temps le bienfait de l'absolution et de la Communion, quinze jours ou trois semaines environ avant sa mort il fit encore une confession, et continua à se confesser presque chaque jour à mesure qu'il se rappelait ses fautes. 11 voulut que je le visitasse, et traita avec moi de ( I ) Le contenu de la lettre indique sûrement la destinataire, désignée dans rédition de 1626 comme une Dame piedmontoise. Jusqu'à présent les éditeurs n'ont donné qu'une traduction du texte italien qui, par conséquent, est inédit. (2) Philibert-Gérard Scaglia, comte de Verrua, mourut à Paris les premiers jours de mars 1619. C'est le gentilhomme dont parle Me"" Camus dans VEsprit du B. François de Sales (Paris, AUiot, 1640), tome IV, Partie X, Sect. xxx.  Année 1619 361 et communico meco il modo che voleva tenere per assicu- rare le cose délia conscientia sua. Et certo, dappoi, quando io lo visitava, parlava meco con un amor riverentiale verso la dignità nella quale, quantunque indegno, io mi trovo ; che mostrava bene la sua religione. Et cavando la sua berretta, me porgeva la mano acciô io la toccassi et glie dessi la beneditione. Di poi, venendo il tempo di darglie il Viatico, temevano di turbarlo et volsero che io glie dicessi, et lo feci, et trovai che lo volse di buonis- sima voglia ; si che io glie lo diedi per contentar la sua divotione et riverentia, et poi TOglio Santo. Agonizô poi duoi giorni et mezzo, et mentre hebbe l'uso dei sensi mostrô d'haver Tanimo verso il Signore ; et per fine, quantumque io Thavessi visto poche hore inanzi, non fui tuttavia présente al passaggio, del quale non s'avedevano, se non il mio fratello (0, il quale hebbe questa ventura di dargli Tultima beneditione. Ho voluto scrivere questo a V. S. 111""*, parendomi che la conclusione di San Paulo * sia buona : Aduiique, • l Thess., iv, uit. consolatevi in queste parole; che per i figliuoli d'Iddio  la manière qu'il pensait tenir pour assurer sa conscience. Depuis lors, quand j'allais le voir, il me parlait avec un amour plein de révérence pour la dignité dont je suis revêtu, quoiqu'indigne ; ce qui montrait bien sa religion. Puis, se découvrant, il me tendait la main pour que je la touchasse et demandait ma bénédiction. Le moment venu de lui administrer le saint Viatique, on craignit de le troubler, et on me chargea de lui en parler ; je le fis, et trouvai qu'il l'agréait très vo- lontiers. Aussi, pour satisfaire sa dévotion et son respect, je le lui donnai moi-même, et ensuite l'Extrême-Onction. Il resta deux jours et demi en agonie, et tant qu'il conserva l'usage de ses sens, il témoi- gna que son esprit était tourné vers le Seigneur. Bien que je l'eusse vu quelques heures avant sa mort, je ne fus cependant pas présent au suprême passage, dont personne ne s'aperçut, sauf mon frère (O qui eut le bonheur de lui donner la dernière bénédiction. J'ai voulu écrire tout cela à Votre Seigneurie Illustrissime parce que, me semble-t-il, la conclusion de saint Paul est bonne : Consolez- vous donc en ces paroles; car cette consolation suffit aux enfants de (i) Jean-François de Sales.  362 Lettres de saint François de Sales basta questa consolatione, che i defunti habbiano ricevuti li remedii efficaci délia santa Chiesa inanzi la partenza. *s.Boaav.,Legend. Et aggiungo a V. S. la consolatione di San Francesco*, S.Franc. Ass., c. II. ,.,.,- , , ., che adesso non havendo piu il padre temporale, potra piu * Matt., VI, 9. schiettamente [dire] : Pater noster, qui es in cœlis *, a nome del quale Padre céleste io ho cominciato a chia- mar V.S. : Figliuola mia dilettissima. Del testamento, io non sô le particularità, quantumque io fui testimonio dell'approbatione di esso fatta dal notaro. Resta che io glie dica che il Serenissimo Prencipe ha sempre la voluntà salda per il Monasterio ( ; ma dice che glie scrivono di Piemonte che le cose d'esso sono in buon stato, et non essendo cosi, che al ritorno farà ogni cosa : et per fine, che bisogna haver un poco di patienza, et se V. S. s'inquiéta [e] che non vogl' aspettare, che vengha in Annessi. Ma io dico che è meglio che aspetti un poco, per magior gloria d'Iddio et sainte deU'anime ; chè al più non potranno passare se non alquanti mesi  Dieu , que leurs défunts aient reçu avant leur départ les secours efficaces de la sainte Eglise. Et pour Votre Seigneurie, j'ajoute la consolation de saint François ; maintenant, n'ayant plus de père temporel, vous pourrez dire avec plus de vérité : Notre Père, qui êtes aux deux. Aussi, est-ce au nom de ce Père céleste que j'ai commencé à vous appeler : Ma Fille bien aimée. Je ne sais pas les particularités du testament, quoique j'aie été témoin de l'approbation qui en fut donnée par le notaire. Il me reste à vous dire que le Sérénissime Prince a toujours sa volonté bien arrêtée pour la fondation du Monastère (0. On lui écrit de Piémont, que cette affaire est en bonne voie, dit-il ; mais quand il n'en serait pas ainsi, il arrangera toutes choses à son retour. Enfin, ajoute Son Altesse, il faut avoir un peu de patience, et si Votre Sei- gneurie s'inquiète et ne veut pas attendre, qu'elle vienne à Annecy. Mais moi je dis qu'il vaut mieux que vous attendiez un peu, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes ; car il ne se passera guère que quelques mois tout au plus, avant de voir la fin ( I ) Le prince de Piémont, Victor-Amédée, s'intéressait à la fondation d'un Monastère de la Visitation à Turin.  I  Année 1619 363 che non si veda il fine del negotio (0. Hoimè ! carissima Signera mia Figliuola, le cose del servitio d'Iddio pas- sano con queste difficoltà et dilationi ; onde bisogna havere non solamente la magnanimità, ma ancora, et moltopiù, la longanimità. Non scriverô al nostro P. Don Giusto, huomo seconde il cuor mio ; ma egli sa bene che io lo amo et riverisco con tutto l'animo mio. Et cosî glie lo dira V. S. 111""% che Dio voglia cumulare di sue santissime beneditioni. Di V. S. iir% Humilissimo et certissimo servitore, Franc"^, Vescovo di Geneva. Alli 17 di Marzo, 161 9. Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.  de cette affaire ( i ). Hélas ! Madame ma très chère Fille, les choses du service de Dieu ne se font qu'avec ces difficultés et délais ; c'est pourquoi il faut avoir non seulement la magnanimité, mais encore, et bien plus, la longanimité. Je n'écrirai pas à notre Père D. Juste, cet homme selon mon cœur ; mais il sait bien que je l'aime et révère de toute mon âme. Veuillez le lui dire, et que Dieu daigne combler Votre Seigneurie Illustrissime de ses très saintes bénédictions. De Votre Seigneurie Illustrissime, Le très humble et très assuré serviteur, François, Evêque de Genève. Le 17 mars 1619. ( I ) Au lieu de quelques mois, près de vingt ans devaient encore s'écouler avant la conclusion du projet. (Voir ci-dessus, note (2), p. 204.)  364 Lettres de saint François de Sales  MDX A LA MÈRE DE CHANTAL, A BOURGES (fragments) Nécessité de presser le départ pour Paris. — Hardiesse de l'entreprise. Renouveler son courage pour le service de Dieu. Paris, 21 ou 22 mars 1619(1). Ma très chère Mère, Je vous escris peu, selon mon désir; beaucoup selon mon loysir, dont je n'eus jamais moins, ce me semble, ni jamais plus de force et de santé. En somme donq, vous aures, le Samedi saint, un carrosse a Orléans, qui y ar- restera le jour de Pasques, passé lequel vous pourres partir et venir ( = ). Je voy la mortification qu'il y a de voyager parmi ces bons jours et, pour toute bonne chose, je voudrois vous délivrer de cette peine ; mays nous sommes pressés de mon retour, pour l'incertitude du tems auquel il me le faudra faire (3), et chacun crie que vous venies avant mon départ. En quel estât sont les affaires^ vous l'apprendres de la bonne madame de Royssieux (4), une toute bonne, toute vertueuse  (i) La date de cette lettre se déduit de l'étude des événements qui se suc- cédèrent pendant la Semaine-Sainte, et que nous rapportent VHistoire de la Fondation de Paris et celle de Bourges. Le message de François de Sales dut arriver à la Mère de Chantai le soir du dimanche des Rameaux, 24 mars; il était donc parti de Paris le 21 ou le 22. (2) Plusieurs Sœurs du Monastère de Moulins, destinées à la fondation de Paris, étant venues rejoindre la Sainte à Bourges le 28 mars, la petite troupe se mit en marche le lundi de Pâques, et après deux jours de halte à Orléans, gagna la capitale le samedi de la même semaine. (Cf. ci-dessus, note (4). p. 541.) (3) Ce retour fut différé jusqu'au mois de septembre. (Cf. ci -dessus, note(i), p. 319.) (4) Antoinette de Grossaine, fille unique de Jérôme de Grossaine, seigneur d'Irval, d'Avaux, etc., vicomte de Vandeuil, avait épousé, le 2^ août 1584, Jean- Jacques de Mesmes, seigneur de Roissy ou Roissieux (voir tome XV, note ( i), p. 272). Par ce mariage, elle était devenue l'alliée de M'"<=' de Sainte-Beuve,  Année 1619 365 (0 Cette affaire s'entreprend sous la seule Providence de Dieu C'est un coup de hasard, et plus que cela ; mays Dieu requiert que Ton le fasse, et il vaut mieux n'estre appuyé que sur sa tressainte Providence que de se gouverner selon la sagesse et prudence humaine. Ma chère Mère, prenons nouveau courage, ou plustost renouvelions nostre ancien courage pour faire merveil- les au service de Dieu et de nostre bienaymee petite Congrégation qui est toute sienne.  de Villeneuve, Brûlart,. de Herse, toutes filles spirituelles du saint Evèque de Genève. On peut encore suggérer, mais avec moins de vraisemblance, le nom de Françoise Couvay, veuve de Nicolas Dieudonné, sieur du Mont, qu'on trouve en 1616, mariée à Jacques de Royssieux, maître d'hôtel ordinaire du Roi de 1613 à 1625. (i) Ces deux derniers alinéas sont extraits, le premier, des Lettres de la Mère de Chantai (vol. I, p. 314); le second, du Ms. original des Mémoires, etc., par la Mère de Chaugy. Le contexte, la concordance des dates et des faits, tout nous amène à conclure qu'ils ne sont l'un et l'autre que des fragments de cette lettre du 21 ou 22 mars.  MDXI A MADAME DE VEYSSILIEU Quatre lignes sorties du cœur. — Aspirer aux contentements de l'éternité à mesure que Dieu nous sèvre de ceux de ce monde. Paris, 26 mars 1619 ( i ). Ma très chère Fille, Si j'estois auprès de vous, je vous dirois bien plus de choses que je n'en sçaurois escrire, et si j'estois en un autre lieu je vous escrirois plus amplement que je ne puis faire en celuy ci. Ces quattre lignes partent de mon (i) Nul doute que ces lignes ne soient adressées à Marguerite de la Croix, dame de Veyssilieu, pour la consoler de la mort de son père, Jean de la Croix de Chevrières, évêque de Grenoble, décédé à Paris le 8 mars 1619. (Cf. ci- dessus, Lettre mdii, p. 343.) La première édition date la lettre du mardi saint. Or, en 1619, le mardi- saint tombait le 26 mars ; c'est donc à tort que les éditeurs suivants ont donné : 26 avril.  366 Lettres de saint François de Sales cœur pour faire sçavoir au vostre que si je ne Tay visité de présence en son affliction, c'a esté, je vous asseure, d'une affection grande et avec beaucoup de sentimens. Mais en fin, ce père est trespassé en sorte que, si la foy de la vie éternelle règne en nos espritz comme elle doit, nous devons estre grandement consolés. Petit a petit, Dieu nous sevré des contentemens de ce monde ; oh ! ma très chère Fille, il faut donq ardemment aspirer a ceux de l'immortalité, et tenir nos cœurs eslevés au Ciel ou sont nos prétentions et ou nous avons meshuy une grande partie des âmes que nous chérissons le plus. •Ps.cxii, 2. Qu'a jamais soit heni le nom de Nostre Seigneur * et que son amour vive et règne au milieu de nos âmes. La mienne salue cordialement la vostre, et suis, ma très chère Fille, très parfaitement Vostre très humble serviteur, FRANÇ^ E. de Genève. A Paris, le Mardi saint.  MDXII A UNE DAME (0 (inédite) Une jeune fille prisonnière chez les hérétiques. Paris, 5 avril (2) 161 9. Madamoyselle, Parce que l'autre jour je vous vis en peine pour Dorothée (3), j'ay creu que je devois vous donner advis ( I ) En l'absence d'indices sûrs, nous ne pouvons que proposer, mais non désigner une destinataire. Serait-ce Madeleine Lhuillier, dame de Sainte-Beuve, la fondatrice des Ursulines de Paris (voir tome XII, note (3), p. 121)? On sait qu'elle s'occupa beaucoup de la conversion des hérétiques, et ses rela- tions avec l'Evêque de Genève pendant son séjour en France en 1602 et en i6ig permettent de songer à elle. (2) Si notre conjecture sur le voyage « a quatre lieues d'icy » est juste, la date que nous proposons l'est aussi. (Voir note (2) de la page suivante.) (3) Sans doute une jeune fille que les hérétiques voyaient incliner vers le catholicisme ; il a été impossible de découvrir à quelle famille elle appartenait.  Année 1619 367 qu'hier, revenant du Louvre tout de nuit, je treuvay céans des Pères Bénédictins qui me dirent qu'une jeune fille s'estoit peu auparavant addressee a eux pour me faire sçavoir que Dorothée estoit détenue par force chez madame de la Trimouille (0, qui l'avoit mise entre les mains de deux ministres, et que ce matin ilz la vouloyent emmener, et non obstant toutes les résistances qu'elle faysoit. Je pense que de Genève on aura mis ordre icy pour faire cela; mays je ne voy quasi point de remède, et mesme estant contraint, comme je suis, de partir pour aller a quatre lieues d'icy (2), d'où je ne seray de retour que ce soir, et croy que des ce matin on a emmené cette fille. Demain j'auray le bien de vous voir, sil plait a Dieu, et ce pendant, je prie sa divine Majesté qu'elle vous comble de ses plus favorables bénédictions, qui suis, Madamoyselle, Vostre serviteur très humble, FRANÇ^ E. de Genève. Revu sur l'Autographe conservé au Noviciat de la Compagnie de Saint-Sulpice, à Issy (Paris). (i) Charlotte-Brabantine de Nassau, veuve depuis 1604 de Claude de la Trémoille, était fille du fameux GuiUaume-le-Taciturne, prince d'Orange, l'un des chefs du protestantisme hollandais. Sa mère, Charlotte de Bourbon-Mont- pensier s'était évadée de son abbaye de Jouare pour embrasser la religion réformée; elle passa en Allemagne et se maria en 1574. M.™*^ de la Trémoille tint de ses parents l'attachement à son culte et fut une huguenote ardente et sectaire. Elle mourut en 1631, après avoir eu le déplaisir de voir son fils aîné, Henri, se faire catholique. (Voir H. de la Trémoille, Les Trémoille pendant cinq siècles^ Nantes, 1895.) ( 2 ) Le 5 avril i6ig, René de Thou, seigneur de Bonneuil, conduisit l'Evèque de Genève à l'abbaye de Maubuisson, pour y donner la confirmation à sa fille Marie, alors auprès de la Mère Angélique Arnauld. Le saint Prélat prêcha, confirma l'enfant et s'en retourna le jour même. Il est probable qu'il s'agit ici de cette course, bien que Maubuisson fût plus éloigné de Paris que des quatre lieues indiquées par François de Sales.  368 Lettres de saint François de Sales  MDXIII A MADAME ANGÉLIQUE ARNAULD, ABBESSE DE PORT-ROYAL A MAUBUISSON (O Ce que le Saint a vu dans le cœur de la destinataire. — Pourquoi Dieu n'exauce pas tout de suite nos prières. — La Visitation fondée à Paris. Paris, 26 avril 1619. Madame, Ce me sera tous-jours une fort particulière consolation quand j'auray le bonheur de recevoir de vos lettres; car en vérité, je vous chéris et honnore parfaitement, puis (x) A bien étudier le texte, il est évident que nous avons ici la première lettre que saint François de Sales écrivit à la Mère Angélique Arnauld, début d'une correspondance dont la beauté et l'intérêt feront à jamais regretter les considérables lacunes. La Mère Arnauld nous le dit elle-même : ce qui en fut imprimé n'en est que la minime partie ; le reste, hélas! semble irrémédiable- ment perdu. La jeune et déjà célèbre Abbesse avait alors vingt-sept ans. Née le 8 septembre 1591, entrée à huit ans dans l'Ordre de Saint-Benoît de par la volonté de son père Antoine Arnauld et de son grand-père maternel, Simon Marion ; abbesse de Port-Royal par bulles subrepticement obtenues de Rome en dissimulant l'âge de cette enfant; Angélique Arnauld, à dix-sept ans, avait entendu l'appel à une vie parfaite, y répondant de toute la plénitude d'une âme qui ne savait rien faire à demi. Après avoir réformé son propre Monastère, elle était venue à Maubuisson remédier aux désordres causés par l'Abbesse, Angélique d'Estrées; aux prises avec « d'extrêmes difficultez, » raconte-t-elle dans sa déposition (Process. remiss. Parisiensis, ad art. 27), « je recherchay le moyen de pouvoir veoir » l'Evêque de Genève, « en espérant secours de luy dont j'avois ouy tant de merveilles. » Il vint le 5 avril (voir note ( 2 ), de la page précédente). De ce jour, Angélique Arnauld sentit qu'elle avait trouvé enfin un maître et un père. Le Saint admira les dons de Dieu en cette âme qui dépassait de si haut le vul- gaire ; il l'aima, et mit tout en œuvre pour répondre à sa totale confiance et pour la guider vers les sommets où, semblait-il, elle devait faire sa demeure. Il faut étudier les lettres à la Mère Angélique ; on y retrouve, pour ainsi dire, la photographie de cette nature riche et complexe, et déjà l'on peut entrevoir, dans les tendances que combat l'habile Directeur, surtout dans « cet amour « de la propre excellence, » (Lettre du 4 février 1620) — trait de race des Ar- nauld — les ressources que saura exploiter Saint-Cyran pour faire de l'Abbesse presque un chef de parti, et la rendre superbe jusqu'à résister à l'autorité de l'Eglise, elle qui, au temps de François de Sales, souhaita passionnément, dans sa soif d'obéissance, l'humble voile de la Visitation. Avant de tomber aux mains du patriarche du Jansénisme, Angélique avait contribué, sous la direction de M^r Zamet, à la fondation des Bénédictines du Saint-Sacrement. Elle les quitta brusquement lorsque l'Evêque de Langres, s'apercevant avec  I  Année 1619 369 qu'il a pieu a Nostre Seigneur de me faire voir vostre cœur, et au milieu d'iceluy, le sacré désir d'aymer inva- riablement cette divine Bonté, en comparayson de la- quelle comme il n'y a rien de bon, aussi n'y a-il rien d'aymable. Mays croyes bien, ma très chère Fille (car je ne puis empescher mon cœur de pousser ce mot cordial), croyes, je vous supplie, que si mes souhaitz sont exaucés, vous feres un continuel progrès en cette sainte dilection ; car je n'oublieray jamais d'en supplier Dieu et de luy offrir plusieurs Sacrifices a cette intention. Mais il faut dire quelque chose sur vostre lettre. Vous voyes comment la Providence céleste est douce envers vous, et qu'elle ne diffère son secours que pour provoquer nostre confiance. L'enfant ne périra jamais, qui demeurera entre les bras d'un Père qui est tout puis- sant. Si nostre Dieu ne nous donne pas tous-jours ce que nous luy demandons, c'est pour nous retenir auprès de luy et nous donner sujet de le presser et contraindre par une amoureuse violence, ainsy qu'il fit voir en Emmaiis, avec ces deux pèlerins avec lesquelz il n'arresta que sur la fin de la journée, et bien tard, et quand ilz le forcè- rent *. En somme, il est gracieux et débonnaire; car *Luc., uit., 29. soudain que nous nous humilions sous sa volonté, il s'accommode a la nostre. Tasches donq, ma très chère Fille, a fortifier de plus en plus vostre confiance en cette sainte Providence, et l'adorés fréquemment en vos re- traittes spirituelles, et par ces regars intérieurs dont nous parlons en la prattique (0. Je loiie Dieu que vous soyes plus constante, nonobstant vos perpetuelz tracas domestiques, parmi lesquelz il faut faire valoir vostre dilection, comme le courage es batailles. ejEfroi des menées de Jean Duvergier de Hauranne et des ravages déjà faits par sa doctrine, voulut y mettre ordre. Déposée, sur sa demande, de sa charge d'abbesse, en 1630, mais frémis- sante au rang secondaire, la Mère Arnauld sut garder toujours par son in- fluence, qu'elle reprît la crosse ou non. la première place soit à Port-Royal des Champs, soit à Port-Royal de Paris. C'est dans ce dernier monastère que, le 6 août 1661, l'indomptable Abbesse terminait, dans des ombres épaisses et lourdes, une vie dont le matin avait paru si radieux. ( I ) Un écrit, sans doute, que saint François de Sales avait donné à la Mère Angélique. Lettres VIII 24  370 Lettres de saint François de Sales Madame de Chantai est icy avec sa petite trouppe. Le vingt huitiesme avril elle commenceront a chanter les Offices en publiq ( ^ ), ayant treuvé beaucoup plus de faveur en l'ame de Monsieur le Cardinal (2), que les premières apparences ne promettoyent. Je ne manqueray pas d'imprimer un singulier amour pour vostre personne en cette Congrégation, spécialement au cœur de madame de Chantai, vous asseurant que je désire grandement que vous soyes toute comblée de cette pure charité qui vous rende a jamais aymable a Dieu et a toutes les créatures qui le servent. Ainsy soit il. Et je suis sans fin, Vostre très humble et très certain serviteur et frère, Franç% E. de Genève. Le 26 avril, a Paris. (1) Il y avait trois semaines que la Mère de Chantai était installée dans une petite maison de M"'^ des Gouffiers, au faubourg Saint-Marceau, avec les Soeurs Anne-Catherine de Beaumont et Jeanne-Marie de la Croix, professes d'Annecy; Marie-Anastase Pavillon, Marie-Marguerite des Serpens de la Guiche, novices de Moulins, et une Sœur domestique. (Cf. ci-dessus, note ( 2 ), p. 364.) L'établissement canonique ne se fit pourtant que le i^"" mai, les per- missions n'étant point encore obtenues, tant les adversaires de la Visitation avaient su circonvenir l'esprit du cardinal de Retz. (Cf. ibid., pp. 351, 352, et ci-après, note (3^ p. 373.) (2) Henri de Gondi, fils d'Albert, duc de Retz, marquis de Belle-Isle, et de Catherine de Clermont, était né en 1572. Il avait vingt-quatre ans lorsque le Roi le désigna pour futur successeur de son oncle, Pierre de Gondi, évêque de Paris, qui démissionna en 1602 et mourut en i6r6. Deux ans après, Henri recevait la pourpre et prenait le nom de cardinal de Retz. Ce fut un Prélat (( des plus eminens en charité, humilité, douceur d'esprit, zelez a la gloire de Dieu et prudentz, » assure un de ses contemporains, prêtre de son diocèse (Pierre Berger, Process. remiss. Parisiensis, ad art. 24). Tous les historiens confirment ce témoignage. Comme chef du Conseil et premier ministre d'Etat, le Cardinal suivit Louis XIII dans sa campagne contre les huguenots du Midi, et il mourut devant Béziers au mois d'août 1622. (Voir Moreri, Hœfer, Cia- conius, etc.)  Année 1619 371 MDXIV A LA MÈRE DE CHANTAL, A PARIS Une journée laborieusement et fructueusement employée. — Proposition d'une maison pour les Filles de la Visitation. Paris, 28 avril 1619 (i). Ma très chère Mère, Voicy le conte de ma journée. Ayant passé toute la matinée a Saint Germain et deux heures qu'au chemin qu'en chaire, et un'heure et demi avec des dames qui me sont venu voir après le sermon, j'ay treuvé le bon M. Ber- ger (2) qui ira voir M. le grand Vicaire (3), pour luy annoncer et faire treuver bon le jour auquel vous com- menceres a paroistre (4), estimant que ce compliment estoit nécessaire. Delà je suis allé chez M""' la Marquise ( I ) La cérémonie qui retint TEvêque de Genève toute la matinée à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés est très probablement la consécration de l'autel de saint Symphorien (voir ci-dessus, note ( i ), p. 345)- La date du 28 avril est donc tout indiquée. (2) Pierre Berger, né à Sedan, de Pierre Berger et de Marie Bouchart, était un calviniste converti, conseiller au Parlement, comme Tavait été son père. Il entra dans les Ordres en 1622, sur le conseil de François de Sales, pour rendre à Dieu « actions de grâces plus solennelles de » sa « conversion de Theresie... a la foy catholique » (Process. reniiss. Parisiensis, ad art. 42), et devint cha- noine de l'Eglise de Paris. Ami et admirateur du saint Evêque de Genève, il fut tout dévoué à ses Filles, et son nom se retrouve plus d'une fois dans les lettres de la Mère de Chantai. (3) Cousin de Pierre de Gondi, dontla mère se nommait Marie-Catherine de Pierrevive, Sylvius de Pierrevive, clerc du diocèse de Turin, entre au Chapitre de Notre-Dame de Paris le 22 septembre 1580. En 1582, il est prê- tre; deux ans plus tard, prieur de Sorbonne et chanoine-chantre; en 1607, chancelier de Notre-Dame et de l'Université. L'Evêque, son parent, l'avait choisi dès 1590 pour son vicaire général ; il garda ce titre auprès de Henri et de Jean-François de Gondi. Très actif et entreprenant, c'est lui qui réellement gouvernait le diocèse. Il mourut le 19 mars 1627, dans sa soixante-dixième année, et fut inhumé à Notre-Dame, devant la chapelle Saint-Crespin. (D'a- près une Note de M. Levesque^ bibliothécaire de Saint-Sulpice.) (4) Ce jour même, les Sœurs commençaient à dire l'Office en public (voir la lettre précédente), et le i^"" mai devait avoir lieu l'établissement solennel. (Cf. ci-dessus, note (i), p. 570.)  372 Lettres de saint François de Sales de Verneùil, que j'ayme certes bien, car elPest, a mon advis, bien franche (0. Or, elle m'a dit enfin quil failloit prendre la mayson qui est près de l'hostel de Guise (2) et qui est, ce dit elle, a madamoyselle de Creil (3); et qu'elle la nantira d'une rente qu'elle respondra de valoir 24 mille escus, dont par après vous luy tiendres conte a commodité, ce qu'elle veut donner detrait. Elle dit plus : que l'hostel du Cardinal de Guyse, qui est proche de cette mayson, nous sera encor vendu si nous voulons. Mays prenes garde, néanmoins, qu'on ne luy desrobe pas ses tapisseries. Ne voyla pas une bonne négociation ? Or sus. Dieu soit au milieu de nostre cœur, ma très chère Mère. Revu sur TAutographe appartenant à M""® la marquise Pensa, à Turin. ( I ) La trop célèbre fille de François de Balzac, seigneur d'Entragues, et de Marie Touchât, Henriette, tenait de Henri IV son titre de marquise de Ver- neùil. Eloignée de la cour après 1605, forcée depuis 161 1 de vivre dans une retraite presque complète, Dieu lui laissa vingt-deux ans encore pour se pré- parer à la mort. (2) Cet hôtel, où sont installées aujourd'hui les Archives Nationales, appar- tenait à la famille du cardinal de Guise, Louis de Lorraine (1575-1621), alors archevêque de Reims, fils du duc de Guise assassiné aux Etats de Blois. Sa mère, Catherine de Clèves, vivait encore, et sans doute le Cardinal habitait auprès d'elle pendant ses séjours à Paris, d'où vient que le Saint désigne plus bas cet hôtel sous son nom. (3) Au numéro 35 de la rue des Francs-Bourgeois, au 74 de la rue des Ar- chives, se trouvent des immeubles signalés comme ayant appartenu, au xvu® siècle, à des membres de la famille de Creil. Tout proche encore de l'hôtel de Guise, dans la rue des Vieilles-Haudriettes, Adrienne Gamin, veuve depuis i6og de Jean de Creil, seigneur de Gournay, et mère de la présidente Amelot, possédait une maison. (Acte du 18 juillet 1633, conservé à la Bibl. Nat., Pièces originales, vol. 924, art. Creil, fol. 73.) C'est l'une de ces trois qu'on songeait à faire acheter en 1619 à la Mère de Chantai. Il était difficile, en effet, à la petite Communauté de rester plus longtemps dans sa demeure provisoire, si- tuée, dit V Histoire de la Fondation, « entre deux tripots, ayant jour et nuit le tintamarre des joueurs. » Mais la négociation n'aboutit pas. Les Sœurs de la Visitation louèrent une maison au faubourg Saint-Michel et s'y transportèrent le 2 juillet. Deux ans après, elles s'établirent dans la rue du Petit Musc, et enfin, tout à côté, dans les dépendances de l'hôtel Zamet, rue Saint-Antoine.  Année 1619 373  MDXV A LA MÊME Annonce d'une visite, et d'un visiteur qu'il faut traiter avec prudence. Paris, 29 ou 30 avril 1619 (i). Ma très chère Mère, Je m'en vay a vous tout présentement, mays M. Ber- ger (2) y arrivera peut estre encor plus tost que moy. Tesmoignes luy beaucoup d'obligation, et si d'aventure il parloit de la charge des Pœnitentes (3), ne le rebuttes pas, ains dites simplement que pour maintenant vous ( i) Ce billet a dû suivre de très près celui du 28 avril et précéder l'établis- sement solennel des Filles de la Visitation, i^"" mai. (2) Pierre Berger (voir ci-dessus, note (2), p. 371). ( 3 ) La Maison des Filles de la Madeleine ou Madelonnettes avait été fondée av. mois d'août 1618 par MM. de Montry et du Fresnes. La marquise de Mai- gn^lay mérita aussi le titre de fondatrice par l'intérêt et les dons généreux qu'elle prodigua à cette œuvre. Quand il s'agit de rétablissement de la Visi- tation à Paris, plusieurs personnes pensèrent qu'au lieu de faire un nouveau couvent, il fallait confier aux Filles de Sainte-Marie la conduite des Repenties ; l'Evêque, Henri de Gondi, entra dans ces vues. Avec sa prudence ordinaire, François de Sales ne repoussa pas brusquement la proposition. « Un jour que l'on avoit prié ce Bienheureux d'aller donner l'habit a trois de ces filles, » ra- conte l'Histoire de la Fondation de la Visitation, « l'on luy demanda si l'on accor- deroit pas a Monseigneur le Cardinal de Reth que les Sœurs de Saincte Marie viendroient, au lieu de s'establir, establir les Pénitentes. Ce Bienheureux fust tardif a respondre, et mestant la main sur ses yeux, se tint un peu en silence ; après quoy il dit : « Il n'est pas temps de faire cette besougne, le fruict n'est pas meur. » Et adjousta en une autre occasion : « Laissé venir le temps, cette maison de Saincte Magdelaine reheusira plus avantageusement que l'on ne sçauroit pencer. » En rappelant cette « autre occasion, » l'annaliste veut-elle parler du sermon fait par le Saint aux Pénitentes le 22 juillet? — En 1629, le « fruict » était <« meur. » Du consentement de la Mère de Chantai, le i*"" Mo- nastère de Paris envoyait quatre Sœurs sous la direction de la Mère Anne- Marie Bolain, gouverner la Madeleine, située alors sur la paroisse de Saint- Nicolas-des-Champs. Par leurs soins, l'ordre et la ferveur régnèrent dans la Maison, des Constitutions furent dressées, et le Pape Urbain VIII, par Bulle du 15 décembre 1631, érige et institue ce Monastère sous la Règle de Saint- Augustin et le titre de Sainte-Madeleine. Les Religieuses de la Visitation en gardèrent la direction jusqu'en 1671. (Archives Nationales, S 4740, et Hist. de la Fondation du itr Monastère de la Visitation de Paris, par la Mère de Chaugy.)  374 Lettres de saint François de Sales n'aves point de personnes capables de cela, et que si Dieu en envoyé a Tadvenir, ce sera aux Supérieurs d'en disposer selon que Dieu les inspirera ; car en ce pais il faut grandement estre en respect. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  MDXVI A LA MÈRE DE CHASTEL SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE GRENOBLE (fragment inédit) La présidente Le Blanc parmi les Anges. Paris, commencement de mai 1619 (r). Vous n'aves donq plus parmi vous, ma très chère Fille, M""^ la Présidente Le Blanc ; or, je croy qu'elle est parmi les Anges. En vérité, c'estoit une rare femme; Grenoble perd en elle un rare exemple de vertu {-).  Revu sur le texte inséré dans l'Histoire manuscrite de la Fondation de la Visitation de Grenoble. ( I ) A la date du 5 mai 1619, la Mère de Chantai s'afflige avec la Mère Favre sur la mort de la présidente Le Blanc de Mions. (Lettres, vol. I, p. 319.) Le présent message de l'Evêque de Genève à la Mère de Chastel ne serait-il pas parti de Paris en même temps que le courrier pour Lyon ? Au moins n'en dut- il pas être très éloigné. (2) Cette vertueuse dame, fidèle jusqu'au bout à son amitié pour les Filles de Sainte-Marie, leur envoya des présents lors de sa dernière maladie, « man- dant à la Supérieure : Voilà encore pour notre Saint-Sacrement. » Depuis sa conversion, l'Eucharistie était en effet sa grande dévotion, et « presque toutes les paroisses aux environs de Grenoble ont ressenti les effets de sa charité et de son soin. » Elle sollicita la faveur de revêtir avant sa mort l'habit de la Visitation, ce qu'on lui accorda ; mais sa famille ne voulut point accéder à son désir d'être inhumée dans la sépulture des Sœurs. (Hist. de la Fondation de la Visitation de Grenoble.)  Année 1619 375  MDXVII A LA MÈRE DE CHANTAL, A PARIS En quête d'un carrosse. Paris, mai 1619 ( i ). J'envoyeray prier M. des Hayes (2) de prester son carrosse et de vous aller prendre ; s'il se treuve prest, je m'asseure qu'il le fera. Si moins, il faudra, comme tous-jours, avoir patience. Je pense toutefois que si on prioit M""" de Royssieux (3), peut estre vous envoyeroit elle bien le sien, ou madame la Contesse de Joigni (-<); et je m'advise que celuy de M'"° de Royssieux n'est pas a elle, mais a son beaufrere (5). Nostre Seigneur soit au milieu de vostre cœur. Revu sur l'Autographe qui se conservait chez les PP. Missionnaires de Saint-François-de-Sales d'Annecy. ( r ) Il est fort probable que le carrosse cherché devait conduire la Mère de Chantai visiter des logis pour sa Communauté. (Cf. ci-dessus, note ( 3 ), p- 372.) Déjà le 28 avril, il était question d'un transfert, et le 20 mai on était encore à la recherche d'une maison convenable (cf. Z^//r^s de la Sainte, vol. I, p. 323); aussi ce billet paraît-il bien placé dans le courant de mai. (2) Antoine des Hayes (voir tome XII, note ( i ), p. 251). (3) Voir ci-dessus, note (4), p. 364. (4) Plus connue encore sous le nom de M™<^ de Gondi, Françoise-Margue- rite de Silly, fille d'Antoine de Silly, comte de la Rochepot, et de Marie de Launay, avait épousé vers 1600, Philippe-Emmanuel de Gondi, comte de Joi- gny. On sait ce que fut pour la famille du général des Galères celui qu'on appelait alors « M. Vincent ». La comtesse, à l'âme aussi délicate et timide que belle et profonde, trouvait dans sa direction lumière, appui, consolation. Depuis un an, elle avait obtenu son retour de Châtillon-les-Dombes, tout à propos pour qu'il pût connaître « M. de Genève » et contracter avec lui une indissoluble amitié. Plus d'une fois les deux Saints durent se rencontrer sous le toit de la comtesse de Joigny. Cette admirable femme avait été l'initiatrice de l'œuvre des missions, et son zèle d'apôtre rivalisait avec celui de Vincent de Paul dans toutes les œuvres de charité spirituelle et corporelle. Elle en fut la victime; à quarante-deux ans, épuisée par ses courses perpétuelles auprès des pauvres, par ses veilles au chevet des mourants, elle succombait à Paris le 22 juin 1625. Philippe-Emmanuel de Gondi ne put se consoler de cette perte, et peu après, il entrait à l'Oratoire. (Voir Chantelauze, St Vincent de Paul et les Gondi, et Bougaud, Hist. de Si Vincent de Paul, tome I, liv. I, chap. iv-vii.) (5) Si « M'"^ de Royssieux » est Antoinette de Grossaine, son beau-frère serait Jean de Barillon, fils d'Antoine de Barillon, seigneur de Mancy. Veuf de Claude Dannès en 1597, il avait épousé en secondes noces Judith de Mesracs, sœur de Jacques, seigneur de Roissy. (D'après une Note de M. Lemoine.)  37^ Lettres de saint François de Sales MDXVIII a m. MICHEL BOUVARD (0 Insuccès des démarches du Saint en faveur de M. de Quoex. — Recomman- dations au sujet de diverses affaires. Paris, i8 mai 1619. Monsieur, Respondant a la dernière lettre que vous aves pris la peine de m'escrire, je vous diray que je n'ay rien oublié de tout ce que j'ay peu pour servir le pauvre M. le Colla- téral de Quoex en son affliction (2). Mays, a ce que je voy, mes remonstrances et supplications ont esté char- mées par quelque esprit contraire, la force duquel Dieu a permis avoir esté plus grande. De dire d'où ce malheur m'est arrivé, je ne le puis qu'en devinant. Les tribulations ne seroyent pas tribulations si elles n'affligeoyent, et les ( I ) Le 7 juin 1632, appelé à déposer au Procès rémissorial de Genève pour la canonisation de François de Sales, Michel Bouvard se dit fils de Jean Bouvard et d'Antoinette Mermod, âgé d'un peu plus de cinquante ans. Doc- teur en droit après ses études aux Universités de Toulouse et de Louvain, avocat dès 1610, collatéral au Conseil de Genevois avant 1624, il fut aussi conseiller du duc de Nemours. Il apprécia plus que tous ces titres Tamitié et la confiance dont Thonora le saint Prélat. Celui-ci mit largement à profit sa science, son expérience et son dévouement. Sur sa demande, Bouvard assiste aux concours pour la collation des bénéfices, il est désigné comme assesseur au tribunal de TOfficialité et comme arbitre dans les arrangements soumis à la sagesse de TEvêque, il rédige des actes importants et même est choisi pour écrire, sous la dictée de François de Sales, son testament. Michel Bouvard dépose de nouveau au second Procès de Béatification en 1652, et à cette date, il est encore premier collatéral au Conseil de Genevois. Il avait épousé Philiberte Mingon. (2) Sigismond d'Est, gouverneur de la Savoie, avait donné ordre, en janvier 1618, au collatéral Claude de Quoex, d'exiger les trois quartiers dus par le Genevois, et de veiller à la subsistance des troupes logées dans cette province. Est-ce cette gestion délicate, et assez étrangère aux ordinaires fonctions du magistrat, que la Chambre des Comptes examina en 1619.^ Le résultat fut, pour M. de Quoex, l'obligation de payer environ mille ducatons, sous peine d'emprisonnement jusqu'à libération de la somme. Elle était lourde et ne put être versée d'un coup. François de Sales, après avoir vaine- ment essayé de prévenir la détention de son ami, poursuivit auprès du duc de Savoie sa mise en liberté, comme le prouve la lettre du 11 juillet de cette année. On ne sait ce qu'il obtint. (Cf. Mugnier, Saint François de Sales docteur en droit, avocat, sénateur, Chambéry, 1885, p. 108.)  Année 1619 377 serviteurs de Dieu n'en sont gueres exempts ; leur bon- heur est réservé pour la vie future. Et néanmoins, j'espère que le coup que M. le Collatéral recevra ne sera pas si grand comme l'appréhension. Monseigneur le Duc de Nemours escrit a messieurs ses officiers qu'ilz luy donnent advis sur la demande que je fay des protocoles du chastelain Musici (0, que M. [Bar- felly (2)] a pris et gardés jusques a présent de son autho- rité. Je vous prie de prendre la peine de les instruire de mon droit, comme encor de ne vous lasser pas a bien conduire par vos advis l'affaire que j'ay avec M. de Mar- cossey (3). Je suis cependant de tout mon cœur, Monsieur, Vostre très humble, très affectionné serviteur, Francs E. de Genève. 18 may 16 ig, a Paris. A Monsieur [Monsieur] Bouvart, Advocat au souverain Sénat de Savoye. (r) Notaire et châtelain à Viuz-en-Sallaz, Pierre de Musy reçoit Tacte de prise de possession du mandement de Thiez par Gallois de Sales, agissant au nom de son frère TEvêque de Genève (i^"" février 1603). En 1606 et 1608, il est fermier de TEvêque, et meurt avant le 6 juillet 1637. De sa femme, Françoise Moulin, il eut, entre autres enfants, deux filles qui furent Religieuses de la Visitation, L'aînée, Françoise-Jacqueline, était supérieure à Moulins quand la Mère de Chantai y termina sa sainte vie. (D'après les Mém. et doc. de VAcad. Salés., tome XIX, et le Livre dn Noviciat du i^"" Monastère d'Annecy.) (2) C'est le Baihellis de l'édition de 1758, qui est évidemment Maurice Barfelly. (Voir tome XVI, note (2), p. 257.) (3) La terre de Marcossey fut érigée en comté (10 avril 1618) en faveur du fils de Jean-François de Marcossey, Jean, seigneur du dit lieu,.., de Going, Essey, Passavant, baron de Sainct Georges et de Haussonville, places rière les Estatz de Monsieur le duc de Lorraine, . , . son conseiller d'Estat, chef et bally de la province des Vosges, et premier gentilhomme de la Chambre du sieur de Vaudemont, » (Ouvrage cité note ( i ) ci-dessus.) Or, Marcossey faisait partie du mandement de Thiez, fief des Evéques de Genève, Le nouveau comte voulut traiter avec François de Sales « sur l'in- dampnité dudit Marcocet, quil desiroit eximer, avec les biens despendantz, de l'auchtorité que ledit Bienheureux avoit comme seigneur temporel. » Des experts furent nommés ; le saint Prélat s'en remit complètement à eux et ne té- moigna jamais « de vouUoir avoir plus ou moins d'argent. » (Process. remiss. Gebenn. (I), déposition de Claude de la Frasse, commissaire général de la Chambre des Comptes du Genevois, ad. art. 45.) — Jean de Marcossey mou- rut à Nancy en 1620 ou 1621, sans laisser de postérité.  378 Lettres de saint François de Sales  MDXIX A MADAME ANGELIQUE ARNAULD, ABBESSE DE PORT-ROYAL A MAUBUISSON Les pensées de François de Sales sur la confiance qu'on lui témoigne. — Pour- quoi il est bon de prendre avis de diverses personnes. — Réponse à la crainte de suivre ses inclinations tout en obéissant. — Promesse d'une visite ou d'une lettre. Paris, 25 mai 1619. Madame, Non, je vous supplie, ne soyes jamais en crainte de m'importuner par vos lettres ; car je vous dis en vraye vérité qu'elles me donneront tous-jours une très grande consolation, tandis que Dieu me fera la grâce d'avoir le cœur en sa dilection, ou du moins désireux de la posséder. Or cela soit dit pour une bonne fois. Il est vray, sans doute, ma très chère Seur, que si je ne fusse pas venu en cette ville, malaysement eussies-vous peu communiquer vos affaires spirituelles avec moy ; mais puisqu'il a pieu a la Providence céleste que j'y sois, il n'y a nul inconvénient que vous employés cette occasion, si vous penses qu'il soit a propos. Et ne croyés nullement que j'aye cette cogitation que vous recherchies l'excellence du personnage, car, bien que cette sorte de pensée est grandement convenable a ma misère, si est ce qu'en telles rencontres elle ne me vient pas ; ains au contraire, il n'y a peut estre rien qui soit plus capable de m'acheminer a l'humilité, admirant que tant de serviteurs et servantes de Nostre Seigneur ayent une si grande confiance en un esprit si imparfait comme est le mien. Et je prens un grand courage sur cela de devenir tel qu'on m'estime, et espère que Dieu me donnant la sainte amitié de ses enfans, me donnera la sienne tressainte, selon sa miséricorde, après qu'il m'aura fait faire une pénitence convenable a mon mal. Mais j'ay quasi tort de vous dire tout ceci. C'est donq ce meschant esprit qui, a jamais privé d'a- mour sacré, voudroit empescher que nous jouissions des  Année 1619 379 fruitz de celuy que le Saint Esprit veut estre prattiqué entre nous, affin que, par les réciproques communica- tions saintes, nous ayons moyen de croistre en sa céleste volonté. Il est malaysé, ma très chère Seur, de treuver des espritz universelz qui puissent esgalement bien discerner en toutes matières : aussi n'est il pas requis d'en avoir de telz pour estre bien conduit, et n'y a point de mal, ce me semble, de recueillir de plusieurs fleurs le miel qu'on ne peut pas treuver sur une seule. Ouy ; mais, ce me dites vous, ce pendant je vay dextrement favorisant mes inclinations et humeurs. Ma chère Seur, je ne voy pas qu'il y ayt grand danger en cela, puisque vous ne voules pas suivre vos inclinations qu'elles ne soyent appreuvees ; et quoy que vous cherchies des juges favorables, si est ce toutefois que, les prenant bons, sages et doctes, vous ne sçauries mal faire de suivre leurs opinions, bien que désirées par vous, pourveu qu'au reste vous proposies naifvement vos affaires et les difficultés que vous aves. Il suffit, ma très chère Seur, de se sousmettre aux advis, et n'est pas ni nécessaire ni expédient de les désirer contraires a nos in- clinations, ains seulement de les vouloir conformes a la loy et doctrine céleste. Pour moy, je pense que nous ne devons pas appeller les amertumes en nos cœurs comme fit Nostre Seigneur, car nous ne les pouvons pas gou- verner comme luy ; il suffit que nous les souffrions pa- tiemment. C'est pourquoy il n'est pas requis que nous marchions tous-jours contre nos inclinations, quand elles ne sont pas mauvaises et qu'ayant esté examinées elles ont esté treuvees bonnes. Il n'y a pas grand mal d'ouyr les personnes et les affai- res du monde quand c'est pour y mettre du bien, et ne faut pas estre pointilleuse en l'examen qu'on en fait ; car c'est chose moralement impossible de demeurer beau- coup au fin point de la modération. Mays, ma très chère Seur, je ne voudrois pas que vous manquassiés a l'oray- son, au moins de demi heure, sinon que ce fust pour des occasions violentes, ou quand l'infirmité corporelle vous tient.  380 Lettres de saint François de Sales Au reste, je feray l'une des deux choses ; car, ou je vous escriray avant mon départ plus au long, ou je vous iray voir au jour que j'ay marqué a ce bon et aymable porteur (0. Et croyes, je vous supplie, que rien ne m'em- peschera d'avoir ce dernier [contentement] que l'impos- sibilité, et prendray tout le loysir que vous desires ; tant il est vray que je désire infiniment le vostre, et que Dieu m'a donné une très singulière affection pour vostre cœur, que sa divine Majesté veuille combler de bénédictions. Alhors donq nous parlerons a souhait de vostre conduitte et de tout ce qu'il vous plaira me proposer, sans que je m'excuse de rien, sinon quand je n'auray pas la lumière requise pour vous respondre. J'auray une grande satisfac- tion de revoir M'"'' vostre chère seur quand il luy plaira (2). Demeurés donq toute en Dieu, ma très chère Fille, et en luy je seray a jamais, sans reserve et de toute mon ame, Vostre très humble frère et invariable serviteur. Francs, e_ (\q Genève. Le 25 may. Je salue infiniment M"^ vostre petite seur et la supplie de prier Dieu pour moy (3). (i) Le départ du Saint ayant été différé jusqu'au mois de septembre, il put retourner plusieurs fois à Maubuisson et y faire même des séjours assez pro- longés. (Voir ci-après, note (i), p. 399.) (2) M.™^ Le Maistre, Catherine Arnauld, qui sera destinataire. {3) Ce post-scriptum, donné par Migne, tome VI, col. 1028, renferme, sem- ble-t-il, une erreur. « Madamoyselle vostre petite seur » ne pourrait désigner que Madeleine Arnauld, alors âgée de huit à neuf ans. Cette enfant était-elle allée passer quelques jours à Maubuisson ? c'est possible ; mais sa sœur Marie- Claire, professe de Port-Royal depuis 1616, y était certainement, coopérant, sous la direction de son aînée, à la réforme de l'abbaye. Le Saint n'aurait pas manqué de la saluer dans cette lettre ; donc, ou il s'agit d'elle ici, ou la phrase a été modifiée dans le texte. Nous retrouverons plus tard Marie-Claire Arnauld; quant à Madeleine, caressée par l'Evêque de Genève à Andilly, en septembre 1619, elle l'entendit prédire sa vocation religieuse. En effet, quatre ans après, la jeune fille entrait à Port-Royal où elle vécut effacée par suite de ses infirmités.  Année 1619 381 MDXX A M. SOUDAN DE LA PALME (0 (inédite) Un parrain heureux des nouvelles de son filleul. — Prochain départ de Paris. — Deux adresses pour les lettres. Paris, 25 mai 1619. Mon Filieul, J'ay esté grandement ayse d'avoir appris de vos nou- velles et que vous soyes en cet honneste exercice que vous faites. Je ne vous sçaurois asseurer de mon séjour en cette ville, par ce que devant faire mon retour a la sui- te de Madame sœur du Roy, nostre Princesse, je seray obligé de partir quant et elle, qui partira sur la fin de ce moys, comme l'on dit (2). Mays je vous diray bien que vostre père se portoit fort bien quand je vins, et vos frères aussi. Vous pourres tous-jours, quand vous voudres, nous faire sçavoir de vos nouvelles, addressant vos lettres icy, a Maurice des Melliers (3), valet de chambre de monsieur [le] Comte de Moret ( 4 ), qui est de nos voysins de Thorens ; ou bien mesme a Roiien, a monsieur l'advocat Monet, qui est de la Bonneville (5). (i) Peut-être fils de Jacques Soudan, notaire à Thorens (voir tome XI, p. 35). Il n'a pas été possible de trouver des renseignements sur ce filleul du saint Evéque. (2) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 319. (3) Maurice des Meillers ne serait-il pas le fils de Biaise des Meillers ou Démeiller, l'un des plus anciens domestiques de la maison de Sales, qui fut présent à la naissance du Saint, le vit et l'admira dans sa petite enfance r (4) Né en ibo8 de Henri IV et de Jacqueline de Bueil, comtesse de Moret, Antoine de Bourbon posséda en commende les abbayes de Savigny, de Saint-Etienne de Caen, de Saint- Victor de Marseille et de Signy. Il mourut le i^"" septembre 1632 au combat de Castelnaudary. (Moreri, 1740, tome IV.) (5) Claude-Aymon Monet était fils de Jacques Monet, avocat fiscal du Faucigny. Après avoir terminé ses études de droit à Turin, il passa en France, où il s'acquit de la réputation comme avocat, et devint professeur de droit à l'Université d'Orléans (1626). Louis XIII, voulant le retenir dans son royaume,  382 Lettres de saint François de Sales Cependant, je prie Dieu qu'il vous bénisse, mon Filleul, et suis de tout mon cœur, Vostre plus affectionné parrein, amy et voysin a vous faire service, Franç% E. de Genève. Le 25 may 16 19. A Monsieur Soudan de la Palme, escrivain. A Honnefleur. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans. lui accorda des lettres de naturalisation. En 1643, ^^ Duchesse régente, Marie- Christine, le nomma sénateur à Chambéry ; la mort le surprit à Orléans avant qu'il pût retourner en Savoie (26 mai 1646). Aymon Monet avait épousé Marie Beaucorps en juillet 1619. (D'après Moreri, tome VI, et Grillel, Dictionnaire historique, etc., Chambéry, 1807, tome I.)  MDXXI A MADAME DE CHARM0ISY (inédite) L'Evêque de Genève solliciteur pour M'"^ de Charmoisy. — Difficultés d'ob- tenir et circonspection à garder dans les demandes. — Approches du retour en Savoie. Paris, 28 mai 1619. Ma très chère Cousine, ma Fille, Pour Villy, je croy que nous obtiendrons ce que nous demandons. Pour la chatelanie de Salanche, Monsieur me l'accorda il y a long tems, et tascheray d'en faire faire les despeches, mays, a ce que j'entens, ce sera inu- tilement. Pour Samoen, je ne voy pas que pour le présent cela se puisse (0. ( I ) La veuve de Claude de Vidomne de Charmoisy poursuivait pour sa seigneurie de Villy, en Faucigny. une affaire déjà heureusement acheminée avant la mort de son mari. Il s'agissait d'une reconnaissance de juridiction, et c'était à « Monsieur », duc de Nemours, suzerain de tout le Genevois, qu'il  Année 1619 383 Quant a xM. Meynier ( ' ), Monseigneur le Prince n'estant pas icy, ains a la cour, a Tours (2), je ne voy pas qu'on y puisse faire autre chose. Mays croyes moy, je vous supplie, que quand il y seroit, nous n'en aurions rien davantage, ni par la voye de Madame, qui ne demande rien en matière d'affaires que ce que Monseigneur son mari luy suggère de demander ; et il ne veut rien tou- cher, ni d'une sorte ni d'autre, a ce qui doit estre pris des mains de Son Altesse (3). Et si vous voyies ce que je voy, vous ne douteries point de cette vérité, ni monsieur Meynier non plus ; et icy comme ailleurs, mais plus icy qu'ailleurs, il faut aller tendrement aux demandes. Mays vous sçaures mieux tout ceci bien tost, que j'auray Ihonneur de vous voir, sil est vray que Monsei- gneur le Prince s'en aille dans 15 jours, et Madame dans 15 après, comm'on nous dit (4). Je suis icy tout fin seul des serviteurs de Son Altesse. Je prie Dieu qu'il vous comble de bénédictions, ma très chère Cousine, ma Fille, et suis de tout mon cœur, Vostre très humble cousin et serviteur, Francs E. de Genève. Je n'oublie point le désir de monsieur de Vallon, mon cousin (5), et m'essayeray de le faire reuscir ; maisj'attens fallait s'adresser pour ces questions-là. Quant à la maison-forte de Sallanches, venue à M. de Charmoisy par sa mère Françoise de Bellegarde, et à Samoëns, nous ne savons quel sujet réclamait l'intervention de François de Sales. ( I ) Un Pierre Meynier, membre du Conseil général de Thonon, est nommé dans diverses pièces de 1593 à 1634. Aucune preuve ne nous permet de l'iden- tifier certainement avec le personnage dont parle ici le Saint. (2) Après le traité d'Angouléme (30 avril), que Marie de Médicis ne se décidait pas à ratifier, Louis XIII était parti pour Orléans vers le 8 mai, afin d'essayer d'amener sa mère à la paix avec des conditions raisonnables. La cour se fixa ensuite à Tours, se rapprochant ainsi de l'Angoumois, et le prince de Piémont l'y avait suivie, bien que sa jeune femme demeurât pour lors à Paris. (3) Le duc de Savoie. (4) Voir ci-dessus, notes ( i ), p. 319, et (3), p. 364. ( 5 ) Jacques de Gex, beau-frère de M. de Charmoisy (voir tome XII, note (i), p. 260). Le contenu d'une requête au duc de Nemours — requête qui sera don- née avec les Opuscules — nous porte à croire que « le désir » auquel l'Evêque fait allusion concernait l'affaire des armoiries du seigneur de Vallon, rasées de l'église de Samoëns par ordre souverain. (Voir tome XVI, notes (i) des pp. 99, 100.)  384 Lettres de saint François de Sales Toccasion plus propre, et tandis, je le salue très hum- blement. Le 28 may 1619, ^ Paris. A Madame Madame de Charmoysi. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montluel.  MDXXII A MADAME DE VILLESAVIN (0 Comment supporter les petites persécutions des enfants du monde. — Salomon, ses richesses, et « son inénarrable malheur. » — La devise du Christ. — Un adieu jusqu'à l'éternité. — Pourquoi se réjouir de s'être aimés en cette vie. Paris, mai 1019. Ma très chère Fille, Vous seres souvent parmi les enfans de ce monde qui, selon leur coustume, se moqueront de tout ce qu'ilz verront ou penseront estre en vous contre leurs misé- rables inclinations. Ne vous amuses point a disputer (1) C'est avec beaucoup de probabilité que nous proposons M'"« de Ville- savin comme destinataire, et, comme date très probable aussi, le mois de mai 1619, moment où Louis XIII quitta Paris pour se rapprocher d'Angoulême, refuge de la Reine mère. (Voir note (2) de la page précédente.) Jean Phéli- peaux, seigneur de Villesavin, suivit la cour; sa femme, Isabelle Blondeau, l'accompagna, et nous la retrouverons à Tours, en septembre, lors du passage du saint Evêque. Mais au printemps, François de Sales se croyait sur son départ et ignorait le chemin du retour; il pouvait donc écrire : « Vous vous « en ailes, et moy je m'en vay aussi, sans aucune espérance de vous revoir « en ce monde. » Cette séparation, qui semblait définitive, devait être d'autant plus sensible à M'"^ de Villesavin qu'elle connaissait depuis longtemps et très intimement le Serviteur de Dieu. Leur première rencontre eut lieu à Dijon en 1604 : depuis, dit-elle, « j'ay eu l'honneur de » le « veoir maintes fois... tant en la maison de mon père, » Guy Blondeau (cf. tome XIV. p. 69), « qu'en celle de... mon mary, et ailleurs. » (Sa déposition, Process. remiss. Pari- siettsis, ad interrog. 5 et 6.) Beaucoup de lettres furent échangées entre eux; très peu nous ont été conservées. M'"^ de Villesavin sut employer les « com- « modités de la vie présente » dont Dieu l'avait comblée à se faire des trésors dans le Ciel, car elle se montra toujours l'une des plus ardentes promotrices des bonnes œuvres à Paris, Elle mourut dans une extrême vieillesse, en 1687.  Année 1619 385 avec eux, ne tesmoignes nulle sorte de tristesse de leurs attaques; mais, avec joye, ries de leurs risées, mesprises leur mespris, joiies vous de leurs remonstrances, moques vous modestement de leurs moqueries et, sans faire attention a tout cela, marches tous-jours gayement au service de Dieu, et, au tems de Toraison, recommandes ces pauvres espritz a la divine miséricorde. Hz sont dignes de compassion de n'avoir point d'intention d'hon- neste entretien qu'en riant et gaussant sur des sujetz dignes de respect et révérence. Je voy que vous abondes en commodités de la vie pré- sente ; prenes garde que vostre cœur n'y demeure point engagé. Salomon, le plus sage des mortelz, commença son inénarrable malheur par la complaysance qu'il prit es grandeurs, ornemens et magnifiques appareilz qu'il avoit, bien que tout cela fust selon sa qualité *. Conside- * Cf. m Reg., x, - . . 14 seq. : Hccles., rons que tout ce que nous avons ne nous tait estre rien „, 4.12. plus en effect que le reste du monde, et que tout cela n'est rien devant Dieu et les Anges. Souvenes vous, ma très chère Fille, de bien faire la volonté de Dieu es rencontres ou vous aures le plus de difficulté. C'est peu de chose de plaire a Dieu en ce qui nous plaist : la fidélité filiale requiert que nous luy vou- lions plaire en ce qui nous desplaist, nous remettans devant les yeux ce que le grand Filz bienaymé disoit de soy mesme : Je ne suis pas venu pour faire ma vo- lonté, mays pour faire la volonté de Celuy qui m'a envoyé"^; car aussi n'estes vous pas chrestienne pour *Joan., vk58. faire vostre volonté, mais pour faire la volonté de Celuy qui vous a adoptée pour estre et sa fille et son héritière éternelle *. Au reste, vous vous en ailes, et moy je m'en vay aussi, sans aucune espérance de vous revoir en ce monde. Prions bien Dieu qu'il nous face la grâce de vivre tellement selon son bon playsir en ce pèlerinage, qu'estant arrivés en la céleste patrie nous nous puissions res-jouir de nous estre veus icy bas et d'y avoir parlé des mystères de l'éternité. En cela seul nous devons prendre jo3^e de nous estre aymés en cette vie : que le tout a esté pour la Lettres VIII  * Cf. Rom., VIII, 1 5,  3^6 Lettres de saint François de Sales gloire de sa divine Majesté et nostre salut éternel. Con- serves la sainte gayeté cordiale qui nourrit les forces de l'esprit et édifie le prochain. Ailes ainsy en paix, ma très chère Fille, et Dieu soit a jamais vostre protecteur. Qu'a jamais il vous tienne de Cf. Ps. Lxxii, 24. sa main et vous conduise au chemin de sa sainte volonté *. Ainsy soit il, ma très chère Fille, et je vous prometz que tous les jours je renouvelleray ces sacrés souhaitz sur vostre ame, que la mienne chérira a jamais inviolable- ment. Et a Dieu soit a jamais louange, action de Apoc, VII, 12. grâces et bénédiction. Anaen *. Franç% E. de Genève.  MDXXIII A LA MÈRE DE CHANTAL, A PARIS Un conseil de conscience. — Ce qui « osta un peu Tasseurance » au saint prédicateur. Paris, mai ou juin 1619 (i). Monsieur de la Pause (2) me parla hier, et espère de conduire l'affaire a bon port (?). Il me dit toutefois que ( I ) Une étude sérieuse permettant de désigner presque sûrement l'affaire dont il s'agit dans ce billet, du même coup destinataire et date se trouvent justifiées. C'est avec la Mère de Chantai, en mai ou juin 1619, que François de Sales traite de l'entrée de M'"^ du Tertre à la Visitation. (Voir note (3) ci-dessous.) (2) Né d'une famille noble et hérétique du diocèse de Nîmes, Jean Plan- tavit de la Pause avait professé la doctrine de Calvin comme ministre à Béziers. Il abjura en 1604; les Jésuites furent ses maîtres dans la sacrée théo- logie, à l'étude de laquelle il se livra aussitôt après sa conversion. Au retour d'un voyage à Rome, il devint grand-vicaire du cardinal delà Rochefoucauld, grand aumônier de France. M. de la Pause fut ensuite aumônier d'Elisabeth, sœur de Louis XIII et reine d'Espagne., et enfin évéque de Lodève en 1625. Ce Prélat savant et pieux appela le premier en province les prêtres de Saint- Sulpice. Contraint par ses infirmités,, il résigna son évêché, et se retira à Béziers où il mourut le 28 mai 1651, à Tàge de soixante-quinze ans. (Voir Moreri, 1740, tome VII.) (3) Une jeune veuve, que nous retrouverons bientôt, objet de la charité illimitée de François de Sales, donnait alors de graves soucis à ses parents  Année 1619 387 Monseigneur de la Rochefoucault (0 vouloit assembler un conseil de conscience pour se déterminer, et peut estre est ce pour cela que le P. Supérieur de Saint Louys vous veut parler i-). Moy je me porte bien, et hier je n'eu nulle peine, sinon en la si longue attente qu'on fit faire aux auditeurs, qui me donna certes de l'inquiétude, et m'osta un peu Tasseu- rance ; mays, comme vous sçavés, ces choses-la sont de peu de considération en moy qui suis certes tous-jours de plus en plus vostre en Nostre Seigneur. J'en le bien d'entretenir un peu Monseigneur d'Ayre. Mon Dieu, que c'est un digne Prselat (5) ! par son amour du monde et des plaisirs. Son honneur, l'avenir de ses deux enfants, pouvaient être compromis. M. et M"^° de Morville estimèrent que le meilleur remède était de confier leur fille, Marie-Aimée, dame du Tertre, à l'Evêque de Genève, pour la faire retirer dans un monastère de la Visitation. Le cardinal delà Rochefoucauld, le P. Binet s'occupèrent de cette affaire; les lettres du Saint et de la Mère de Chantai en font foi. A la fin de juillet 1619, M'^e du Tertre partit pour la Visitation de Moulins. (i) François de la Rochefoucauld, fils de Charles, comte de Randan, et de Fulvie Pic de la Mirandole, naquit à Paris le 8 décembre 1558 et fut élevé au collège de Clermont. L'Eglise et l'Etat le comblèrent d'honneurs : suc- cessivement évêque de Clermont (1585) et de Senlis (1613), cardinal du titre de Saint-Callixte (1607), abbé de Sainte-Geneviève-du-Mont et de Tour- nus, commandeur des Ordres du Roi, grand aumônier de France (1618), président au Conseil d'Etat (1622) ; son mérite, plus que sa naissance, lui valut tous ces titres. Jusqu'à sa mort, la vénération universelle l'entoura, et Paul V disait lui-même : « La France n'a jamais eu un cardinal de plus grande piété et dévotion que celui-ci. » Son zèle le porta surtout à s'occuper de la réforme des Ordres religieux tombés en décadence. En 1619 commen- cèrent, sous son inspiration, entre la cour de France et la cour de Rome, d'importants pourparlers à ce sujet. Ils aboutirent, en 1622, à un Bref de Grégoire XV chargeant le cardinal de la Rochefoucauld de cette grande et délicate mission. Pour s'y donner tout entier, il se démit de son évèché de Senlis; de ses efforts naquit la Congrégation des chanoines réguliers dits Genovéfains. Le pieux Cardinal mourut le 14 février 1645 ^^ ^^^ inhumé dans son abbaye de Sainte-Geneviève, tandis que son cœur était déposé au collège de Clermont. (Cf. Ciaconius, Hùi. Poniif. et Card., Romas, 1677, tome IV, et Moreri, 1740, tome VII.) (2) Le Supérieur de la Maison professe des Jésuites de Saint-Louis, à la rue Saint-Antoine, était alors le P. Etienne Binet. (3) C'était en effet un très «digne Praslat » que Philippe de Cospéau, évêque d'Aire depuis 1607. Originaire de Mons en Hainaut, étudiant à Lou- vain, puis en Sorbonne, il avait été, en 1602, l'auditeur assidu du Coadjuteur de Genève; il en fit son modèle pour la prédication, ce qui contribua sans doute à son renom d'orateur. Son admiration pour François de Sales s'accrut quand il le connut mieux, lors du voyage de 1619. La Mère de Chantai  388 Lettres de saint François de Sales Or sus, Nostre Seigneur soit a jamais au milieu de vostre cœur. Amen. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montélimar. mandait à son bienheureux Père en 1621 : « De vous, je n'oserais écrire ce qu'il en dit; c'est sa douceur et ses délices de parler de vous.» (Lettres, vol. I, p. 587.) A cette époque, M^"" de Cospéau venait d'être nommé évéque de Nantes; il appela dans sa ville épiscopale les Filles de la Visitation, et témoigna toujours un paternel intérêt à cet Institut, où trois de ses nièces firent profession. En 1636, il quitta le siège de Nantes pour celui de Lisieux, et c'est là que, âgé de soixante-dix-huit ans, il fit une sainte mort en 1646. Lui aussi s'occupa activement et fructueusement de la réforme des couvents, et contribua à l'établissement à Paris des Carmélites et des Bénédictines du Calvaire. (D'après la Gallia Christiana, et Livet, Cospéau, Paris, 1854.)  MDXXIV A MADAME ANGÉLIQUE ARNAULD, ABBESSE DE PORT-ROYAL A MAUBUISSON Les noms de « plus grande force pour tesmoigner la dilection. » — Un senti- ment que le Saint veut conserver soigneusement. — Desseins de Dieu sur l'Abbesse de Port-Royal. — Le livre de D. Sens et la manière de le compren- dre. — Remarque pleine de sagesse et de délicatesse de l'Evêque de Genève au sujet de la doctrine du Général des Feuillants. — Ne pas trop se charger d'austérités. Paris, vers 15-20 juin (i) 16 19. Il n'y aura donq plus en moy de Monsieur pour vous, ni en vous de Madame pour moy ; les anciens, cordiaux et charitables noms de Père et de Fille sont plus chres- tiens, plus doux, et de plus grande force pour tesmoigner la dilection sacrée que Nostre Seigneur a voulu estre entre nous. Et je dis ainsy hardiment, que Dieu a voulu estre entre nous, parce que je le sens puissamment, et ne croy pas que ce sentiment puisse venir d'ailleurs. Et de plus, je connois qu'il m'est proffitable et qu'il m'encourage a mieux faire : c'est pourquoy je le conser- veray soigneusement. De vous dire que vous en faciès de (i ) En comparant les textes on se persuade que cette lettre doit être placée entre celle du 25 mai et celle du 25 juin, à la même destinataire, et, sans doute, après la visite de l'Evêque de Genève à Maubuisson, le 11 juin.  Année 1619 389 mesme, je ne le feray pas ; car s'il plait a Dieu, il vous l'inspirera, et je ne puis douter qu'il ne le face. Or sus donq, ma très chère Fille, c'est la vérité que je suis meshuy en si grande incertitude du tems de mon départ (0 que je n'ose plus me promettre la consolation de vous revoir de mes yeux mortelz ; mays si j'en ay le loysir, je le feray très afifectionnement, et si je croy que vostre cœur bienaymé en doive recevoir quelque notable utilité, je feray tout ce que je pourray pour cela. Cependant, ma très chère Fille, souvenes vous souvent de ce que je vous ay dit: Dieu ajetté les yeux sur vous pour se servir de vous en choses de conséquence et vous tirer a une excellente sorte de vie. Portés donq respect a son eslection et suives fidèlement son intention. Animes conti- nuellement vostre courage d'humilité, et vostre humilité, c'est a dire vostre misère et le désir d'estre humble, ani- mes les de confiance en Dieu, en sorte que vostre cou- rage soit humble et vostre humilité courageuse. Parsemés toutes les pièces de vostre conversation, tant intérieure qu'extérieure, de sincérité, douceur et allé- gresse, suivant l'advis de l'Apostre * : Res-jotiisses vous * Philip., uit.,-^, 5. tous-jours en Nostre Seigneur ; je vous dis de rechef, res-jouisses vous. Que vostre modestie soit conneuë de tous les hommes. Et s'il est possible, soyes esgale en humeur, et que toutes vos actions se ressentent de la resolution que vous aves faite d'aymer constamment l'a- mour de Dieu. Ce bon porteur, que j'ayme cordialement parce qu'il est tout vostre, vous porte le livre du P. Dom Sens, General des Feûillans, ou il y a une grande et profonde doctrine spirituelle, pleine de maximes très importan- tes (2). S'il vous sembloit qu'il vous portast hors de la (i) Voir ci-dessus, note (3), p. 364. ( 2 ) Le livre de D. Sens de Sainte-Catherine|(voir tome XVII, note ( i ), p. 39) dont il est ici question, doit être celui qui parut en 1619, à Paris, chez Jean Henqueville : Les Exercices spirituels distribués en vingt Méditations. A la x'"* Méditation de la P® Partie, De la Confession, l'auteur dit que ceux-là se trompent qui croient « n'avoir rien fait... dont ils se doivent confesser,... attendu qu'il n'y a homme sur terre, pour si juste qu'il soit, qui passe les jours et les heures sans tomber véniellement. » (Cf. l'alinéa qui suit.)  390 Lettres de saint François de Sales sainte allégresse que je vous conseille si fort, croyes que ce n'est pas sa prétention, ains seulement de rendre sé- rieuse et grave cette joye, comme aussi faut il qu'elle soit. Et quand je dis grave, je ne dis pas morne, ni affec- tée, ni sombre, ni desdaigneuse, ni altiere, mais je veux dire sainte et charitable. Le bon Père a une opinion, fondée en sa vertu et hu- milité, qu'on ne puisse pas passer un jour sans péché véniel, dont on se puisse accuser en confession. Mais l'expérience en ceci m'a fait voir le contraire, car j'ay veu plusieurs âmes bien examinées ne dire rien que je peusse remarquer estre péché ; et entre autres, l'heureuse ser- vante de Dieu, madamoyselle Acarie(0. Je ne dis pas que peut estre il ne se passast quelques coulpes vénielles ; mais je dis qu'elle ne les pouvoit remarquer en son exa- men, ni moy reconnoistre en sa confession, et que par- tant j'avois ra37'son de luy faire repeter l'accusation de quelque coulpe ancienne. Vous ne dires point ceci a personne, s'il vous plait, ma très chère Fille ; car je révère si hautement ce bon Père et tout ce qu'il dit, que je ne voudrois pas qu'il sceust qu'en ceci mesme je me retirasse de luy. Outre que je ne sçai pas comme il aura touché cet article, ne l'ayant pas leu en son livre, que je n'ay point veu encor, ains seulement le luy ayant ouy dire ; et je parle avostre cœur confidemment. Ne vous charges pas de trop de veilles ni d'austérités (et croyés moy, ma très chère Fille, car j'entens bien ce que je dis en ceci), mais ailes au Port Royal de la vie religieuse par le chemin royal de la dilection de Dieu et du pro- chain, de l'humilité et de la debonnaireté. Si jamais vous m'escrives des nouvelles de vostre cœur, vous n'aves point besoin de vous signer, ni de marquer le lieu d'où vous m'escrives, ni de parler de vous, ains seulement de la fille que je vous a)^ recommandée. Je ne sçay pourquoy je vous escris si largement ; c'est mon cœur qui ne se lasse pas de parler au vostre, mais il faut (i) Voir tome VI, Entretien XV, p. 284, et Appendice I, p. 434.  Année 1619 391 que je finisse pour entrer au bain, puisque je suis entre les mains du médecin (0. Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma très chère Fille, et je suis de tout le mien invariablement, Vostre Père et serviteur, Franç% E. de Genève. ( 1 ) L'Evêque de Genève payait l'abus que son zèle faisait de ses forces ; le 9 juillet, la Mère de Chantai écrivait : « Hélas! ce bon et très cher Père se trouve tout mal. » (Lettres, vol. I, p. 328.) Ce fut l'occasion pour les grands et le peuple, de témoigner de leur estime et vénération pour le Servi- teur de Dieu. L'inquiétude générale ne fut heureusement pas de longue durée ; le 22 juillet, la Sainte pouvait assurer que « Monseigneur se » portait u bien x. (Ibid., p. 330.)  MDXXV AU PRINCE DE PIÉMONT, VICTOR-A.MÉDÉE (0 Une dame d'honneur de la princesse de Piémont retenue à Paris. Paris, 19 juin 1619. Monseigneur, La bonne madame de Saint George ( = ) fait elle mesme par lettre ses excuses a Vostre Altesse, dequoy elle ne s'est (i) Le contenu de la lettre prouve qu'elle s'adresse non pas au duc de Savoie, comme les éditeurs précédents l'ont supposé, mais à son fils Victor- Araédée. (Cf. note ( i ) de la page suivante.) (2) Jeanne de Harlay, baronne de Montglat, fille de Robert de Harlay et de Françoise de Longuejoue, avait épousé, le 13 octobre 1599, Hardouin de Clermont, seigneur de Saint-Georges. Elle fut successivement dame d'hon- neur de Christine et de Henriette de France, et, après le mariage de ces deux princesses, gouvernante d'Anne-Marie d'Orléans, duchesse de Mont- pensier. Ayant rejoint la princesse de Piémont à Tours, elle l'accompagna à Turin, où naquit son fils François de Paule, en 1620. Vraie dame de cour comme sa mère, M""^ de Saint-Georges était moins portée à la dévotion que sa cousine germaine, M""^ de Bréauté (voir tome XVI, note (3), p. 246); aussi François de Sales s"appliqua-t-il soigneusement à faire le contrepoids de ses inclinations mondaines. Elle-même Tavoue dans sa déposition (Process. remiss. Parisiensis, ad. art. 26) : « Voyant que je m'enfonçois trop avant  392 Lettres de saint François de Sales peu mettre en chemin pour suivre Madame (O ; mays elle n'a pas Tasseurance de nommer la cause de son retarde- ment, par ce qu'elle est extraordinaire pour elle qui, n'ayant peu devenir grosse en tant d'années de son ma- riage, a rencontré ce contentement en celle ci, comme plus heureuse pour la bénédiction des noces. Et d'autant qu'elle m'a prié de l'escrire a Vostre Altesse, je Tay fait. Monseigneur ; suppliant encor pour moy vostre bonté de se resouvenir que je ne suis plus icy, il y a quelques moys, que pour y attendre les commandemens qu'elle me fera au retour de M. Carron(2), puisqu'elle me l'a ordonné, et qu'en tout je veux vivre. De Vostre Altesse, Monseigneur, Le très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Francs, E. de Genève. Paris 19 juin 16 19. aux pensemens de ceste vie, et que je plongeois mon cœur dans le monde plus qu'il n'estoit de besoing, il m'exhortoit de me desprendre de toutes ces pretensions et de n'avoir de l'ambition que pour le divin amour. » Jeanne de Harlay mourut dix ans après son mari, le 28 février 1643. (C^* Moreri, 1740, tomes III, IV.) (i) Christine de France allait à Tours où son mari, le prince de Piémont, avait accompagné le Roi au mois de mai. (Cf. ci-dessus, note (2), p. 383.) Le 5 juin, il était revenu dans la capitale pour préparer le départ de la princesse, et le 15 il se trouvait à Angoulème, ainsi que son frère, le prince Thomas, pour négocier, auprès de la Reine mère, sa réconciliation avec Louis XIII. (2) Jean Carron, ^secrétaire du prince Victor-Amédée. (Voir ci-dessus, note ( i), p. 268.)  Année 1619 393  MDXXVI AU DUC ROGER DE BELLEGARDE Instante requête au destinataire pour l'heureuse conclusion d'un procès entre les chanoines de Saint-Pierre de Genève et les habitants de Seyssel. Paris, 21 juin 1619. Je n'ay garde, certes, Monsieur mon très cher Filz, de donner la liberté a mon cœur d'entretenir le vostre, maintenant qu'il est tout environné des affaires de la cour (0. La seule nécessité de mon Eglise me dispense de ce respect, pour vous supplier, comme je fay très humblement, de vouloir retirer la connoissance du diffé- rent qui est entre maditte Eglise et les sieurs habitans de Sessel (2) par devant vous, au tems et au lieu qu'il vous plaira de marquer. Non que nous voulions vous donner l'importunité d'assister a la meslee des alléga- tions qui se feront de part et d'autre, mais seulement nous souhaiterions que l'affaire se passast en lieu ou vous puissies, en un mot de vostre authorité, déterminer ce qui sera jugé convenable par ceux a qui il vous plaira de donner le soin de voir le droit et le juste ; autrement, Monsieur mon Filz, il ny a nul moyen de finir cette conteste, laquelle toutefois est de conséquence pour le repos des âmes des uns et des autres. Playse vous donq, je vous en supplie de rechef très humblement, de nous faire a tous cette grâce, et d'advertir les uns et les autres de vostre volonté, afïin que, ce pen- dant, le procès cesse, et qu'ilz se praeparent a venir, icy (i) François de Sales fait allusion à la réconciliation de Marie de Médicis avec son fils, qui se traitait alors et tenait en éveil tous les gouverneurs des provinces. D'un côté, la Reine mère avait essavé de les gagner à sa cause après sa fuite de Blois; d'autre part, des levées d'armes furent ordonnées par le Roi au cas où le duc d'Epernon et les partisans de la Reine exciteraient une révolte. (2) Voir ci-dessus, note (2), p. 285.  394 Lettres de saint François de Sales ou a Digeon, au tems de vostre commodité. Et bien que je nomme ces deux lieux, ce n'est pas pour prsevenir vostre volonté, ains seulement pour tesmoigner qu'y ayant en l'un et en l'autre des gens dignes de créance, il sera peut estre plus a propos d'y faire venir des parties qui ont besoin d'estre rangées par l'advis de juges de qualité, et sur tout par vostre commandement. Je suis encor icy pour quelques jours, attendant ce qu'il plaira a Monseigneur le Prince de Piémont de m'or- donner sur mon retour (0, lequel, si je fay selon mon souhait, se fera du costé ou vous serés, pour avoir encor le bien et le contentement de vous revoir et recevoir Ihonneur de vos commandemens. Et tandis, je prie Dieu, Monsieur mon très cher Filz, qu'il vous comble de toute parfaite prospérité avec tout ce qui vous est plus cher, et suis invariablement, d'un cœur paternellement passionné, Vostre très humble et très obéissant serviteur, Francs, e. de Genève. XXI juin 1619, a Paris. A Monsieur Monsieur de Bellegarde, Marquis de Seurre, etc. (2) Revu sur l'Autographe conservé à l'Hospice du Grand-Saint-Bernard. (i) Voir ci-dessus, note (3), p. 364, et ci-après, p. 411. (2) L'adresse manque à l'Autographe; mais elle est donnée, sans doute incomplètement, dans Tattestation latine d'authenticité, datée du ri août 1798.  Année 1619 395 MDXXVII A LA MÈRE DE CHANTAL, A PARIS Un sentiment de rame du Saint au lieu d'un bouquet du désert, — Deux regards qui rendent bienheureux. — Comment faire la grille du chœur. — La première profession à la Visitation deParis. Paris, 23 juin 1619 (i). Ma très chère Mère, Je voudrois bien, certes, avoir quelque beau bouquet du désert de nostre glorieux saint Jean pour le présenter a vostre chère ame; mais la mienne, plus stérile que le désert, n'a sceuy en treuver aujourdhuy, bien qu'en vérité ell'ayt eu ce matin et ayt encor présentement un certain petit, insensible sentiment de ne vouloir plus vivre selon la nature, mais, tant qu'il se pourra, selon la foy, l'espé- rance et la charité chrestienne, a l'imitation de cet homme angelique que nous voyons, dans ce profond désert, ne regarder que Dieu et soymesme. O que bienheureux est l'esprit de celuy qui ne void que ces deux objetz, dont Tun le ravit a la dilection souveraine, et l'autre le ravale a l'ab- jection extrême ! car, que pouvoit dire ce grand hermite, en un lieu ou il n'avoit que Dieu et luy, sinon : « Qui estes vous. Seigneur, et qui suis-je * ? » • Spéculum vitae s, (2) Quant a vostre treille, je pense qu'il la faut, pour d[um'!'' le présent, faire de boys, tandis que vous estes a louage, et qu'il y faut faire une porte, sans que toute la treille s'ouvre (3) ; car, quant a la Profession, le Pontificalreveu. ( I ) Le quantième est indiqué par les souhaits de fête à la Mère de Chantai, et l'année par la profession de Sœur Marie-Anastase. (2) Dans l'édition princeps, ce qui suit est remplacé par un fragment sur saint Jean-Baptiste que nous avons donné au tome XVI, p. 55. Hérissant et ceux qui l'ont suivi maintiennent l'interpolation et ajoutent le passage auto- graphe supprimé en 1626. (3) 11 s'agit de la petite fenêtre « haute d'un pied et demi, et large d'un grand pied, pour donner le voile aux Religieuses, et au besoin la Commu- nion, » que marque le Coustumier et Directoire .. . de la Visitation Saincte Marie, art. xxxvii, Des grilles du chœur et meubles de l'église.  39^ Lettres de saint François de Sai es et imprimé par ordre du Pape, fait sortir les filles pour venir faire le vœu ( ; et quant a parer l'autel, on verra si on pourra continuer a faire (2) Je n'y voy nul inconvénient ; mais il faut subir Tesprit des autres. Vrayement, si on veut faire professer ma chère Seur Anastase le jour de la Visitation, je seray bien ayse d'estre l'officiant, et on pourra supplier un de ces sei- gneurs pour un autre jour ou pour le Dimanche dans Toctave (3) Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Poitiers. (i) L'édition du Pontifical romain à laquelle saint François de Sales fait allusion est sans doute celle qui, revue et corrigée par ordre de Sa Sainteté Clément VIII, fut publiée en 1596.. avec la Constitution apostolique du 10 fé- vrier : Ex quo in Ecclesia. Voir, dans ce Pontifical, le formulaire De Bene- dictione et Consecratione Virginum. ( 2 ) Le bas de l'Autographe a été coupé; la suite du texte est écrite dans la marge. ( 3 ) Ce fut seulement le 9 juillet que la Sœur Marie-Anastase Pavillon, novice venue de Moulins à la fondation de Paris, prononça ses vœux; six prétendantes prirent en même temps l'habit. Le saint Evêque présida la céré- monie et prêcha. Quant à la nouvelle professe, après avoir supporté géné- reusement les peines des débuts dans la capitale, elle retrouva les mêmes difficultés et les mêmes mérites à la fondation de Meaux ( 1650), et à celle du Mans (1634) dont elle fut la première Supérieure. Rappelée à Paris, Sœur Marie-Anastase se dévoua à la Maison de la Madeleine où elle exerça six ans la charge de Directrice (voir ci-dessus, note (3), p. 373), puis revint à son monastère de profession et y mourut le 24 octobre 1654. (Voir sa notice dans V Année Sainte de la Visitation, tome X, p. 658.)  Année 1619 397  MDXXVIII A UNE DAME Pourquoi on ne peut pas recevoir M"'^ du Tertre à la Visitation de Paris. Réserve et prudence du saint Evêque. Paris, juin 1619 ( i). Madame, J'ay promis a madame Goulay de vous tenir advertie de ce que j'aurois fait en son affaire, et je tiens parole. Je n'ay encor rien sceu apprendre distinctement de la resolution prise par messieurs du Conseil de Monseigneur le Cardinal de Retz (2). Je croy néanmoins que je la sçauray ce soir, ayant supplié M. de Pierrevive, son Vicaire gênerai (?), de m'en esclaircir. Mays pourtant, les Seurs de la Visitation disent qu'elles se sont apperceuës que ledit Conseil ne treuve nullement convenable qu'elles reçoivent cette bonne dame (4), parce que leur Monastère est tout composé de Novices, et si récent en cette ville que la réputation en est délicate, comme regardé curieusement en ce commencement, et ( I ) L'affaire dont il s'agit dans cette lettre est évidemment celle de M""^ du Tertre, née Gruet ou Le Gruet de Morville (voir ci-dessus, note (3), p. 386), et sans trop nous aventurer, nous pouvons supposer qu'en imprimant Goulay, Hérissant, coutumier du fait, a commis une erreur de lecture ; à moins que ce ne soit là le nom patronymique du seigneur du Tertre. Des découvertes ultérieures éclaireront peut-être ce point obscur. Mais à qui lEvêque de Genève donnait-il des nouvelles de « la resolution « prise par messieurs du Conseil? » Deux personnes peuvent être proposées : M""® d'Assv ou d'Acy, soit Jeanne Hennequin, femme d'Antoine Hennequin, seigneur d'Assv (cf. tome XII, note (i), p. 121), et Ui""" Chauvelin, sœur de M™° du Tertre. L'une et l'autre sont continuellement mêlées aux débats, aux discussions et aux décisions dans la triste histoire de la future Sœur Marie- Aimée de Morville. — Quant à la date, la marche des faits indique le mois de juin. (2) Henri de Gondi, évêque de Paris (voir ci-dessus, note (2). p. 370). (3) Sylvius de Pierrevive (voir ibid., note (3), p. 371). (4) M'"*' du Tertre, en effet, ne fut pas reçue au Monastère de Paris, mais envoyée à celui de Moulins.  39^ Lettres de saint François de Sales regardé de beaucoup d'espritz fort tendres ; que, de plus, ledit Conseil a mis en considération que mondit seigneur le Cardinal avoit tous-jours declairé qu'il ne soufFriroit jamais qu'on y entrast, sinon pour y vouloir demeurer tout a fait : qu'en suite de cela il fut conclu qu'on ne la recevroit point pour quelque tems ; mais que si elle estoit bien tendre et qu'elle voulust estre Religieuse a bon escient, on la pourroit recevoir, comme vous me dites vous [mesme, quand on] auroit bien espreuvé sa vocation, et qu'une des bonnes marques seroit qu'elle se contentast d'aller pour quelque tems en quelqu'un des monastères de France, pour ensuite revenir icy. Voyla en substance ce que j'en appris hier de la Mère Supérieure (0, laquelle me nomma son autheur, bien digne de foy ( = ) ; mais parce qu'il n'est pas du Conseil, je m'addressay hier a M. de Pierrevive, qui, je m'asseure, me donnera plus de clarté. Cependant, Madame, vous jugeres que si la chose est telle, je ne dois rien dire sur ces Messieurs, estans les interprètes du Prélat ; et n'estant icy qu'en attente de mon départ, je dois en tout et par tout suivre leurs senti- mens, outre que ce seul bruit donne tant d'appréhension a ces Seurs, que s'il est vray, je n'oserois leur persuader une réception de laquelle elles auroyent tant de degoust. Vous mesnageres, s'il vous plait, cet advis, en attendant celuy que je vous donneray soudain que j'auray receu response de monsieur le grand Vicaire ; et tenes moy, je vous en supplie, Madame, pour Vostre bien humble, et très affectionné serviteur. Francs E. de Genève. ( I ) La Mère de Chantai. (2) Peut-être le P. Etienne Binet qui, on Ta vu, s'occupait de cette affaire. (Cf. ci-dessus, Lettre mdxxiii, p. 386, et ci-après, p. 413.)  Annhe 1619 399  MDXXIX A MADAME ANGÉLIQUE ARNAULD, ABBESSE DE PORT-ROYAL A MAUBUISSON Une confession générale faite « a la desrobee. » — Promesse d'un revoir. — Le chemin d une « excellente sorte de vie. » — Divin compagnon de route ; manière de le suivre. — Méditation du Saint sur la Communion. Paris, 25 juin 1619. Je ne vous escris pas, ma très chère Fille, car je n'en ay pas le loysir ce matin, un'ame pressée de retourner aux chams et venant faire sa confession générale a la desrobee m'ostant cette commodité. Je salue seulement vostre chère ame, a laquelle il ne se peut dire combien la mienne chetifve est affectionnée, ne cessant de luy désirer la perfection du divin amour. Et vrayement, je la reverray avant mon départ, s'il se peut (O, afftn que la connoissant encor plus particulièrement, je puisse, si Dieu en dispose ainsy, la servir plus a son souhait es occurrences. Dites cependant a cette fille bienaymee que je vous ay tant recommandée et que j'ay tant a cœur (2), que je per- sévère a luy dire que Dieu la veut tirer a une excellente sorte de vie ; dont elle doit bénir cett'infinie Bonté qui l'a regardée de son œil amiable. Mays je luy dis aussi que le chemin par lequel elle doit suivre cette vocation n'est point extraordinaire; car, ma chère Fille, c'est une douce, paysible et forte humilité, et une très humble, forte et paysible douceur. Dites luy, ma très chère Fille, qu'elle ne doit en sorte quelcomque penser si elle sera des âmes basses ou des hautes, ains qu'elle suive la voye que je luy ay marquée, (i) L'Evêque de Genève était de nouveau à Maubuisson le 17 juillet; il y prêcha et reçut le vœu de chasteté de M"'* Le Maistre, Catherine Arnauld. A la fin du mois d'août eut lieu sa dernière visite. (2) On se souvient que le Saint, pour ménager l'Abbesse, lui avait conseillé de lui parler d'elle-même sous cette dénomination. (Voir ci-dessus, p. 590.)  400 Lettres de saint François de Sales et qu'elle se repose en Dieu ; qu'elle marche devant iceluy en simplicité et humilité ; qu'elle ne regarde point ou elle va, mais avec qui elle va. Or, j'entens qu'elle va avec son Roy, son Espoux et son Dieu crucifié ; ou qu'eiraille, elle sera bienheureuse. C'est aller avec TEs- poux crucifié que de s'abaisser, s'humilier, se méspriser soymesme jusques a la mort de toutes nos passions, et Philip., II, 8. je &\s jusques a la mort de la croix *. Mais, ma chère Fille, notes que je réplique que cet abaissement, cett'hu- milité, ce mespris de soy mesme doit estre prattiqué dou- cement, paisiblement, constamment, et non seulement suavement, mais allègrement et joyeusement. Dites luy qu'elle communie hardiment en paix, avec toute humilité, pour correspondre a cett' Espoux (sic), qui, pour s'unir a nous, s'est anéanti et suavement abaissé, jusques a se rendre nostre viande et pasture, de nous qui sommes la pasture et viande des vers. O ma Fille, qui se communie selon l'esprit de l'Espoux s'anéantit soymesme et dit a Nostre Seigneur : Masches moy, digères moy, anéantisses moy et convertisses moy en vous. Je ne treuve rien au monde dequoy nous ayons plus de possession et sur quoy nous ayons tant de domi- nation que la viande que nous anéantissons pour nous conserver ; et Nostre Seigneur est venu jusques a cet excès d'amour, que de se rendre viande pour nous. Et nous, que ne devons nous pas faire affin quil nous pos- sède, quil nous manie, quil nous masche, quil nous avale et ravale, qu'il face de nous a son gré ? Si l'on murmure, sentes-le humblement et amoureu- sement ; les murmurations se convertiront en bénédic- tions. Du reste, je vous en parleray en présence. Ne prenes point garde a bien bastir vos lettres pour me les envoyer, car je ne cherche point les beaux aedi- fices, ni le langage des Anges, ains les nids des colombes et le langage de la dilection. Vives toute a Dieu, ma très chère Fille, et recommandes souvent a sa Bonté l'ame de celuy qui, d'un'afifection invariable, est tout dédié a la vostre. F., E. d. G.  Année 1619 401 Je pensois ne vous escrire que pour vous saluer, mais insensiblement je vous ay escrit. Je salue la chère petite fille Seur Marie Angélique de Thouz et luy souhaite un'heureuse persévérance (0. Mon frère vous salue très humblement ( = ), et moy, nos très chères Seurs (3). Le 25 juin 161 9. A Madame Madame l'Abbesse de Port Royal, m. f. (ma fille). A Maubuysson (4). Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Meaux. (i) C'était la jeune fille que François de Sales avait confirmée le 5 avril, sur la demande de son père, René de Thou de Bonneuil (voir ci-dessus, note (2), p. 367), et qui, novice à Maubuisson, reçut le nom de Marie-Angélique de Saint-Paul. Elle sera destinataire. (2) Il est probable que Jean-François de Sales avait accompagné son frère dans ses précédentes visites à Maubuisson; il y alla certainement le 17 juillet, et, avec l'avis du Saint, entreprit la conversion d'une Religieuse, M"'^ de la Serre, dont les manières mondaines l'avaient frappé. Le zélé M. de Boisy obtint des promesses, mais peu de résultats. (3) Les Religieuses de Maubuisson. (4) Cette antique abbaye, de l'Ordre de Cîteaux comme celle de Port- Royal, devait sa fondation à Blanche de Castille qui l'appela Sainte-Marie la Royale (1241). Le nom de Maubuisson lui vint de la terre dite Malodunum, achetée peu après par la pieuse fondatrice. Blanche voulut avoir sa sépulture dans l'abbaye ; saint Louis et plusieurs de ses successeurs l'enrichirent de dons et de privilèges. Foyer de ferveur pendant longtemps, Maubuisson avait, de même que tant d'autres Monastères, passé par la période du relâchement, suivie d'une décadence rapide, et était finalement tombé aux mains d'Angélique d'Estrées, la sœur de Gabrielle. La scandaleuse conduite de cette indigne Ab- besse, vingt-cinq ans impunie, reçut enfin son châtiment. Par ordre du Roi, ^me d'Estrées, qui avait refusé formellement de comparaître devant l'Abbé de Cîteaux, fut emmenée de force et séquestrée aux Pénitentes de Paris, le 3 février 1618. Quelques jours après, Angélique Arnauld venait, sur l'ordre de son Supérieur, essayer de relever l'abbaye de sa ruine morale. Elle réussit au prix de grandes difficultés, nous le verrons plus tard. (Cf. Gallia Chris- ttana, etc.)  Lettres VIII  402 Lettres de saint François de Sales  MDXXX AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l^'^ (0 « Quatre lignes pour gage. » Paris, 28 juin 1619. Monseigneur, Bien que je n'aye aucun autre sujet d'escrire a Vostre Altesse, si est ce que ayant prié ce gentilhomme, mon ami, et qui est grandement affectionné a la Mayson de Vostre Altesse, de luy faire la révérence de ma part, je luy donne ces quatre lignes pour gage, et en toute humi- lité je demeure, De Vostre Altesse, Monseigneur, Très humble, très obéissant et très fidèle orateur et serviteur, Franç% E. de Genève. XXVIII juin 1619, a Paris. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. (i) Point d'adresse sur l'Autographe. Nous maintenons celle que donnent Datta, Vives et Migne, tout en émettant la pensée que le prince de Piémont pourrait bien être le destinataire. En effet, TEvêque, écrivant au duc de Savoie, n'aurait-il pas fait mention de son fils et de sa nouvelle belle-fille ? La question serait peut-être plus facilement résolue s'il était possible de trouver la trace du gentilhomme porteur du billet.  Année 1619 403 MDXXXI A UN GENTILHOMME (0 La clarté de l'Ecriture, et l'obscurité de l'esprit humain. — Contradictions des luthériens et des calvinistes dans l'explication de certains passages. — L'Eglise, gardienne et interprète infaillible de la Parole de Dieu. Paris, 2 juillet 1619. Monsieur, Il est fort vray que TEscriture sacrée contient avec beaucoup de clarté la doctrine requise pour vostre salut, et ne pensay jamais le contraire. Il est encor vray que c'est une très bonne méthode d'interpréter l'Escriture sacrée de conférer les passages d'icelle les uns avec les autres, et réduire le tout a l'analogie de la fo}^ ; et cela aussi l'ay-je tous-jours dit *. Mais toutefois, je ne laisse *ctLesControver- pas de croire fort asseurement et de dire constamment Edit.)7p^art. ii,^Jh! que, nonobstant cette admirable et amiable clarté de "'' ^^^- '• l'Escriture es choses nécessaires a salut, Tesprit humain ne treuve pas tous-jours le vray sens d'icelle, ains peut errer, et d'effect erre très souvent en l'intelligence des passages les plus clairs et les plus nécessaires a l'establis- sement de la foy : tesmoins les erreurs luthériennes et les livres calvinistes, qui, sous la conduitte des pères de la prétendue reformation, demeurent en une contention irréconciliable sur l'intelligence des paroles de l'institu- tion de l'Eucharistie ; et se vantant l'un et l'autre parti d'avoir soigneusement et fidèlement examiné le sens de ces paroles par le rapport de la conférence des autres passages de l'Escriture, et le tout adjusté a l'analogie de la foy, demeurent néanmoins contraires en l'intelligence des paroles de si grande importance. L'Escriture est donq claire es paroles ; ma3^s l'esprit de l'homme est obscur, et, comme une choiiette, ne peut ( I ) Hérétique nouvellement converti., ou hérétique à convertir, ce gentil- homme demeure inconnu.  I Tim., III, I!  404 Lettres de saint François de Sales voir cette clarté. La méthode susmentionnée est très bonne, mais Tesprit humain n'en sçait pas user. C'est l'Esprit de Dieu, Monsieur, qui nous a donné l'Escriture, et c'est le mesme Esprit qui en donne le vray sens, et ne le donne qu'a son Eglise, colomne et appuy de vérité *; Eglise par le ministère de laquelle ce divin Esprit garde et maintient sa vérité, c'est a dire le vray sens de sa Parole; et Eglise qui seule a l'infallible assistance de * joan., XIV, 17. V Esprit de vérité *, pour bien, deuëment et infallible- *Cï.LesControver- ment trcuvcr la vérité en la Parole de Dieu *. Si que, qui 5 ' j.' not. (2), et XVI, p. 335, la cure de Sacconex, comme vacante, lequel ne la ose accepter que not. (1). premièrement il -ne puisse veoir quelque revenu certain ; ce (sic) soubmettant et remettant le tout a vostre bien heureux et désiré retour et bon plaisir ( 0. Au reste, il en a pris la gardiature et charge dy faire le service divin, de quoy monsieur Cheynel (2) n'en est pas (i) Pierre Poncet fut en effet institué curé de Sacconex le 19 décembre de cette année. ( Voir tomes XV, note ( 3 ), p. 60, et XVI, note ( i ), p. 219. ) (a) L'économe de la paroisse de Bons, Claude de Cheynel, desservait en même temps celle du Grand-Sacconex. (Voir tomes XV, note (i), p. 340, et XVI, note (3), p. 220.)  428  Appendice  ♦Cf. tom. XVI,Epist CMXCV, p. 220.  * Vide p. I, not. (3).  autrement content. Ce pendant hier, a ma présence, il promit a mon- sieur Poncet de luy remettre et quitter ledit bénéfice d'icy a Noël, n'attendant autre que de recouvrer tout ce que luy est deub de sa pension *, et vous en donner avis. Si vous trouvés bon que cela soit, lors monsieur Gobet, au lieu de Versoix (qui est un lieu plus impor- tant et qui requier un homme bien capable), pourroit estre institué deSessy (0. Monsieur Bernard (2) aussy desireroit d'y venir, mais il seroit plus nécessaire audit Versoix, si sa volonté y acquiesce. Au reste, les catholiques dudit Versoix se plaignent grandement de ce que M'' Gobet ny faict aucun service , et ny a moyen qu'il y fasse, puis qu'il ne reçoit aucune commodité pour y vivre et qu'il n'y a lieu pour y célébrer. Mais je luy ay faict entendre que, ou il entrera en payement, qu'il fasse son devoir et service en l'église de Souvernier, toute proche de Versoix et de l'habitation de monsieur de Cottalliod : et ainsi il consoleroit tous ces bons catholiques de part delà. A faute que ledit s'' Cottalliod ne peut obtenir de monsieur Jaquin* ce qu'il vous a pieu ordonner pour son filz, j'ay esté contrain moy- mesme de prendre ce jeune homme avec moy, pour consoler le père et la mère qui sont fort pauvres. Le petit filz de Montanier, l'ayant aussy gardé deux moys, est maintenant a Tonon, et son père vous en rend un monde d'actions de grâces, encores quil ne ce soit pré- valu de ce que luy avez ottroyé. Verne (sic) hraelita, et dignus tanti Vide p. 328, not. (6). heneficU. M. Paris* n'en a pas esté content, ne regardant qu'a son profit particulier ; lequel ne m'en veut point du bien, ne m'ayant jamais voulu rendre les clefz de ma cure, dans la quelle je l'avoys logé gratuitement pour luy faire du bien, luy ayant encor accomodé d'un jardin 3 ou 4 années. Pour toute recompence, il m'a refusé les clefz, comme aussy les robbes que vous aviez commandé de faire pour les enfantz qui respondroient les Messes. Je desiroys les donner a des pauvres petitz enfantz tout nuds, et paroissiens, qui portent l'eau beniste par les maysons, qui seroient très contens de les avoir et servir les Messes cum décore. J'en ay prié M'' Paris les me vouloir rendre, lequel n'a jamais voulu ce faire. Pour cela, ny pour autres choses, n'ayez. Monseigneur, aulcune doubte quil en survienne aucun desordre, car je prometz a Vostre Reverendissime Seigneurie que je m'armeray d'une forte patience jusques a ce que, par vostre ordonnance, droict soit faict a un ches- cun. Ce pendant, je ne cesseray jamais, après un très humble baise- mains, supplier la divine clémence vous préserver longuement sur  (i) Ordonné prêtre en 161 5 et d'abord vicaire à Versoix, Jean Gobet en devint curé le 7 mars 1624 et mourut en 1631. (R. E.) (a) Serait-ce Pierre Bernard, natif d'Ardon, tonsuré le 16 juin 1576?  Lettres de auELdUES correspondants 429 terre pour son service et consolations de vos peuples et diocœsains, et rendre vostre voyage heureux pour le bien et respiration de la patrie. Dieu soit en vostre garde. Amen. Demeurant, Monseigneur, Vostre très humble, très obéissant et fidelle S. et serviteur, DuNANT, Curé de Gex. Ce XIII octobre 1618. Monseigneur, permettez moy que je vous donne avis des empes- chementz que ceux de la r. p. r. apportent aux catholiques en plu- sieurs lieux du Balliage : comme a Divonne, les habitans du lieu n'ont jamais permis qu'aucun catholique si soit retiré ; des particuliers y ont battus et blessés monsieur le Curé, l'ayant aggressé sur le chemin pour le vouloir tuer, comme conste par les informations prinses, lesquelles le s'" Curé n'a voulu poursuivre, voyant la diffi- culté et longueur de la Justice de Gex. Dernièrement, les R. P. Cappucins estantz au pays de Vaux, dans le chasteau de monsieur de Prengin de Grang Cour ( i ). seigneur de Fribourg, les domestiques se plaignoient a eux qu'ilz viendroient (sic) volontier venir a Divonne (lieu plus proche) pour ouyr la S. Messe, mais quilz n'osoient a cause d'eux qui ne le veulent permettre. La sepmaine passée arriva un cas fort estrange a la maison dudit s^ Curé, par lequel ce peut veoir de quel esprit sont guidez les auteurs d'iceluy, qui sont gens du lieu. Certaine femme, sous l'ombre d'amitié, donne a une petite niepce quil a avec soy , aagée de quelques 15 ou 16 années, des pommes en quelque quantité. Jaçoit que la dicte fille fit tous les refus de les accepter, de peur de désobéir a M"" sondit oncle, les reçoit neantmoins ; mais, par la volonté de Dieu, au lieu de les manger elle les jette au feu pour les cuire, au moins une partie. Voicy que ces pommes estant chaudes, qu'elles sautent toutes hors du feu, les unes en haut, les autres par la chambre, avec du bruit. La fille voyant cela, estant toute espouvantee d'un tel stratagème, sort dehors a la rue, appelle une femme pour venir voir telle chose; retornent dedans, mettent le reste des dictes pommes au feu, arrive le semblable. Que peut Ion penser quil fut arrivé a ceste créature si elle en eust mangé? Enfin, si Dieu ne nous avoit en sa s^^ protection, jamduduui consumpti esseiiius. Revu sur l'Autographe inédit conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Nicolas de Diesbach, seigneur de Prangins, baron de Grandcour. (Voir tome XII, note ( 2 ), p, 125, et ci-dessus, note ( i ), p. 288,)  4?o Appendice G LETTRE DU PRÉSIDENT CRESPIN ^^^  Monseigneur, Je ne pouvoy entendre une nouvelle plus aggreable que celle que • Videtom.XH.p. 49, monsieur de Medio * a donné à Monseio^neur le R'"^ (2) de vostre not. (3), et XVII. p. 89. . , r^ . ,. . 1 r> • ^ 1- 1 * • * not. (2). voiage de Pans, avec Monseigneur le Prince Cardinal*, vous voiant et Epist'^MCDLxxinil regardé sur le théâtre de ce grand monde de deçà comme l'instru-  MCDLXXXrV.  ment plus considérable pour conduire à heureuse fin l'alliance d'un si illustre et si vertueux Prince, avec une si grande Princesse que Madame de France ; y aiant pour associé monsieur le premier Pré- sident (3), à qui l'envie eust volontiers ravy cet honneur, si son mérite ne le luy eust conservé. Et comme, Monseigneur, vous m'avez tousjours favorisé de Ihon- neur de vostre amitié, c'est en l'occasion de ceste commune resjouis- sance que je désire d'en ressentir principalement les effects, sur l'asseurance que j'ay que le tort que monsieur de la Mente m'a fait luy estant représenté par vous (4), Monseigneur, vostre respect adoucira sa passion et le fera rougir en son ame de la perfidie pre- mièrement, et despuis de l'impie cruauté avec laquelle il s'emporte * Vide tom. praeced., en mon endroict *, en recompense de mon affection, delaquelle mon- p. 390 ; supra, Epist. Mcccxxix, Mcccxxx, et sieur le Présidant peut estre tesmoing, sil luy plaît de se resouvenir inra, ppen , A. ^qj^j^j^j^ ^g fois je le suis allé importuner pour ledit sieur. Je croy que Monseigneur le R™% qui va recherchant fort curieusement touttes les occasions de m'obliger, ne perdra aussi ceste cy de se joindre a vous, Monseigneur, pour un œuvre si charitable, et quil y contri- buera fort volontiers tout son crédit, quoyque touttesfois le vostre seul peut suffire pour le faire réussir. Car je ne doubte point quil n'en faille venir là, recognoissant ledit s»" Abbé si passionné, quil ne se contentera point de m'avoir contrainct de le diffamer par ma fuitte (1) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 56. (2) Pierre Fenouillet, évêque de Montpellier. (Cf. ibid., Lettre mcdlxviii, p. 284.) (3) Le président Favre (voir tome XI, note ( i ), p. 18, et cf. ci-dessus, note (i), p. 308). (4) Sylvestre de Saluces de la Mente (voir le tome précédent, note (5), p. 390) était alors ambassadeur de Savoie à la cour de France.  Lettres de cluelclues correspondants 431 en tous les lieux que je me suis réfugié, mais se voudra diffamer luy mesme a Paris par les difficultés quil y apportera, si vostre respect, auquel je m'asseure quil déférera, ne le retient. Que si peut estre il desiroit que je luy fisse une déclaration semblable a celle quil m'a fait présenter autresfois, je vous supplie, Monseigneur, de luy enlever toutte espérance, puisque aussi il se doibt resouvenir quej'ay mieux aimé m'exposer a l'hazard d'un rigoureux arrest, que de me faire ce préjudice de me charger contre la vérité du faict. Je confesse, Monseigneur, que je ne mérite une faveur si signalée, n'aiant jamais eu Ihonneur de vous servir. Mais aussi, ce sera un œuvre digne d'un grand Prélat comme vous estez, de prendre en main la cause d'un vostre très humble serviteur que l'impiété a opprimé, et duquel vous ne recevrez pas moins de gloire devant les hommes que devant Dieu, que je prie de tout mon cœur de me faire la grâce que je puisse un jour vous randre preuve certeine de l'affection avec laquelle je me recognoy. Monseigneur, de V. S. R'"^, Très humble et très obéissant serviteur, Crespin. A Beziers, ce dernier novembre 16 18. Monsieur de la Mente se doit contenter que je porte la peyne quil meritoit luy mesme, par l'oppression quil m'a fait en justice et vers S. A., laquelle luy serrera la porte du Ciel sil ne me donne la satis- faction quil doibt. Que sil a esté excéder (sic), il le doibt rapporter a sa perfidie et a son imprudence, car sil se fust bien informé de moy, il heust sceu que je n'estoy pas si lasche que de souffrir une si grande injure sans en faire démonstration et ressentiment. Revu sur l'Autographe inédit appartenant à M. le comte de Roussy de Sales, Archives de Thorens-Sales (Annecy).  432 Appendice  H  LETTRE DU CHANOINE ARTUS DE LIONNE SEIGNEUR d'aOSTE (0  Monseigneur et mon très honoré Père, ♦videp.189, not.(4). * Si le Ciel, pour un comble de faveurs, nous faisait la grâce de vous ouïr encore un Carême, je pense que Grenoble serait du tout inondé de bénédictions célestes. Déjà, il semble que Notre-Seigneur ait dit à notre Grenoble ce trait de David : Inimicos ejus induam con- fusione ; super ipsum autem efflorehit sanctificatio niea. Véritablement, Monseigneur, vos saints discours ont vêtu nos ennemis de confusion ; car, combien d'âmes avez-vous tirées d'entre les dents cruelles de ce lion rugissant ! Vous l'avez spolié de sa conquête, nous en sentons tous les jours les effets ; et, si j'ose ajouter ma pensée, je dirai que la sanctification de Dieu fleurit sur Grenoble, par le moyen de vos très chères Filles, nos Sœurs de la Visitation. Il n'est pas croyable comme leurs saintes mœurs, leur pureté de vie et leur céleste conversation attirent les cœurs et l'estime de tout le monde. Elles ont fait presque autant de Philothées qu'il y a [de] dames dans Grenoble. O combien de vanités renversées ! combien d'inutiles conversations distraites ! combien de pertes de temps heureusement rachetées ! On ne coiffe plus Hécube en Hélène, mais on renverse Bélial aux pieds de Jésus- Christ. Pour moi, je vous confesse, mon très honoré Père et Seigneur, que j'estime pour Tune des rares faveurs du Ciel que j'aie jamais •cf.'Epist. MCDxciii et reçues, celle d'estre vostre fils * et le petit frère de la Visitation, où votre esprit règne, ce me semble, en sa plénitude ; et je demande continuellement à Dieu la grâce de pouvoir bien concevoir cet esprit et le réduire à mon usage. Tout va avec grande bénédiction; il n'y a que notre bon monsieur d'Ulme qui, par une jalousie spirituelle, voulant être tout à la Visi- tation, il veut la Visitation trop à lui, ce qui lui donne trop peu de • videp.248, not.(i). repos et à notre bonne Mère (2) trop d'exercices *. Mais, vrai Dieu, Monseigneur, cette fille de votre cœur est bien fournie de votre (i) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 240. (2) La Mère Péronne-Marie de Chastel (voir tome XV, note ( i ), p. 133),  I  Lettres de auELoyss correspondants 433 patience, douceur et discrétion, qu'à peine le bonhomme peut-il juger que par lui-même il se rend trop importun. Et moi aussi sans doute, mon très honoré Seigneur, en la longueur de ce discours ; mais l'amour de fils me fait oublier le respect de disciple, et mon bonheur me fait croire que vous ne me dénierez jamais la qualité de Votre très humble fils, disciple et obéissant serviteur, Artus de Lionne. De Grenoble, le 1" février 1620. Revu sur le texte inséré dans V Histoire de la Fondation de la Visitation de Grenoble, par la Mère de Chaugy, conservée au i^"" Monastère d'Annecy ( i ). { I ) L'orthographe moderne est substituée à celle trop défectueuse du ma- nuscrit.  Lettres VIII a8  II LETTRES & PIÈCES DIVERSES  LETTRE DE L'ABBÉ DE LA MENTE <0 AU DUC DE SAVOIE (fragment)  Monseigneur,  p. 390.  Vide p. 44, not. (2). *J'ay infiniment à me plaindre à V. A. que nonobstant toutte poursuite que j'aye sceu faire, présenté les lettres de V. A. à Messieurs du Sénat, leur commandant de n'octroyer plus aucun dellay au Vide tom. prœced., presidan Crespin sur l'assassinat qui m'a esté faicty a deux moys*. ayns de veuUoyr le juger prontemant ; neantm.oings, au préjudice de mon honneur et de ma réputation, et de la justice qu'ils doyvent à un chasqun, ils vont prolongant le jugemant, ayant de nouveau octroyé un prolong de troys semaynes pour ce (sic) représenter ; en- core qu'an mespris de la justice, un chasqun croye qu'il ne soyt jamais parti de ce lieu, estan porté d'une partie de ses (sic) Messieurs du Sénat ausquels il est apparanté. Qui me faict supplier très humble- ment V. A. me faire la faveur de m'octroyer les patantes et lettres a cachet nécessaires pour en avoyr ma rayson, suyvan la très humble prière que luy en fera le Conte de Verzolo de ma part ; auquel me remettant, je me diray à jamays. Monseigneur, deV. A., Très humble, très fidèle et très obéissant sujet, vassal et serviteur, L'Abbé de la Mante. DeChambery, ce 18 de juin 16 17. Revu sur l'Autographe inédit, conservé à Turin, Archives de l'Etat (Francia, Lettere Ministri, Mazzo i6). (i) Sylvestre de Saluces de la Mente, abbé commendataire d'Hautecon^be. (Voir le tome précédent, note (5), p. 390.)  Lettres et pièces diverses 435  LETTRE DE DON JUSTE GUÉRIN ( A D. BOERIO, GÉNÉRAL DES BARNABITES (2)  Bgnedicite Pater. * Essendo in Annessi, fu pregato nostro R. Padre Provinciale (?), • vide p. uo, not.(i). con molta instanza, da Monsignor R'"^ Vescovo di Geneva, acio fosse contento esso et dare licenza et autorità a nostri Collegiali d'Annessi di rimettere, o per vendita o per commutazione, un certo spazio di sito d'un cantone d'un pratticello ove é una peschiera del nostro Collegio, alli Fratti di S. Domenico, acio essi rimettino altrettanto sito del loro giardino, necessario per la fabrica d'un mo- nastero di Monache fondato et eretto da detto Monsignor R""". Et per moverli maggiormente a fargli la grazia, gli ha monstrato una lettera missiva del nostro Padre précédente Générale (4), per la quale egli rimetteva tutto questo negozio in petto di detto Monsignor R'"^, atteso il singolare affetto che sempre ci ha monstrato in tutte le occasioni ; il quale all'hora non esegui secondo la rimissione faltagli, parte per causa délie sue moite occupazioni che lo tirarono fuori délia sua diocesi, parte ancho perché vedeva che alcuni de nostri Padri di Annessi lo facevano tanto mal volentieri che non ne restavano con- tent!, et sperando detto Monsignore, o di fare contentare li detti Padri di S. Domenico che non ricercassero detto sito da noi, overo di sforzarsi di disporre in modo taie la fabrica di detto monastero accio non havesse bisogno di detto sito. Ma tutto gli è stato impos- sible, perché è talmente angusto il luogho che non sene puô passare, et gli detti Domenicani amorevolmente non si sono mai contentati ; anzi, di più et di peggio, alli giorni passati hanno mossa lite contro le dette Monache per il già fabricato *, per il che viene interrotta la * vide p. 86, not. (o, fabrica et li santi dissegni di Monsignor R""^, al quale rincresce noM'IT'^*"'^^^^''' estremamente et l'uno et l'altro. ( I ) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 171. (2) Voir ibid., note ( i ), p. 381. ( 3) D. Urbain Peyra, élu provincial pour le Piémont et la Savoie au dernier Chapitre général, arriva le 10 juillet 1617 à Annecy avec D. Juste Guérin, et en repartit le 21 août. (Acta Collegii Annessii.) (4) Le P. Jean-Ambroise Mazenta (voir tome XVI, note (2), p. 190).  436 Appendice Et havendo havuto risposta dal nostro R. P. Provinciale ch'egli non poteva dare autorità di alienare, l'ha pregato et me instantemente acciô ne scrivessimoalla Sua Molto Reverenda Paternità, pregandola, et li RR. PP. Assistenti, acciô si compiacia di rimettere parte di dette sito, et dia quella facoltà che sarà necessaria alli nostri per alienare, o per vendita o per commutazione ; et promette detto Monsignor R™° che sarà in evidentem utilitatem nostram, et dice che vole che li nostri •videEpist.McccLxxiii, stessi Padri siano giudici di questa évidente utilità *. pp. 1 19-122. r^' • ' Di piu, essendo noi giunti in Torino, fu ricercato detto nostro • Vide tom. XIII, p. 345, Padre Provinciale dal Serenissimo Prencipe Cardinale di Savoia * et not. (i). ^ * Vide tom. xvi,p. 104, délia Serenissima Infante Margarita, Duchessa di Mantova *, alla quale detto R. Padre parlô, et di propria bocca lo pregô instante- mente di fare tutto quello che potrà, et pregarne da parte di Loro Altezze Serenissime la Sua Molto R. P. acio per ogni modo sia fatta la grazia a dette Monache, délie quali ella è la protettrice et il Serenissimo Prencipe Maggiore (i) protettore, aile quali sono affe- zionatissime Loro Altezze per la molta bontà di dette Monache, a beneficio de quali in questa parte dice che impiegarà il favore del Serenissimo Ducca suo padre (2), se farà di bisogno, et de tutti suoi fratelli li Serenissimi Prencipi (3). Per il che, havendo inteso le suddette et seguenti cose, nostro R. Padre Provinciale et io insieme, di comune concerto, scriviamo questa alla S. M. R. P., et la nostra opinione, sottoposta pero a quella di S. M. R. P., che non si puo negare questa grazia : poichè quando habbiamo opposto che nel contratto ch'habbiamo fatto con la città d'Annessi v'è scritto che non alienaremo li béni di detto CoUegio ; et di più, che alcuni délia città m'hanno detto che più presto litiga- ranno con noi che permettere che sia fatta alcuna alienazione, Loro Altezze Serenissime hanno risposto che quando i loro sudditi sapranno che taie è la loro volontà, nessuno d'essi contradirà, perché essendo necessario detto sito per la fabrica di detto monastero, vogliono che per ogni modo li sia rimesso ; atteso che il sito del Collegio è grandissime et questa parte non è di nécessita per la fabrica nostra, et che si esibisce ampla sodisfazione, rilevandosi d'ogni indennità, anzi facendo detta alienazione in nostra utilità : si che gli pare che concorrendo la nécessita di dette Monache, et un poco di nostra commodità, la charità et una certa equità vole che tal cosa si faccia ; et per tanto, che si contentiamo noi solamente, che faranno (i) Victor-Amédée, prince de Piémont (voir le tome précédent, note { i ), P- 45)- {2) Le duc de Savoie, Charles-Emmanuel I*'"(voir tome XI, note ( i ), p. 168). (3) Les princes Victor-Amédée, Maurice et Thomas,  I  Lettres et pièces diverses 437 bene contentare li altri che si volessero opporre. Hora, vedendo la risoluzione di Loro Altezze Serenissime, pare che non possiamo fare di meno, perché habbiamo bisogno di loro ogni hora. Di più, mi scordavo di dire che detto Monsignor Rmo ha promesso che ci comprarà una casa immediatamente annessa ad un altro prat- ticello pur nel sito stesso del nostro Collegio, dell'altra parte, che sarà altrettanto sito, et farà fare ancho un'altra peschiera più bella di quella che di présente habbiamo ; et questo si puô fare, perché habbiamo un canale del lago che inonda di tutta quella parte nostro Collegio. Di più, l'istesso canale d'acqua ch'ora é peschiera et che si rimetterà alli Fratti, sempre perseverarà nello stesso corso suo et purgarà i luoghi comuni, i quali di présente sono in fondo di detto canale, ma perô da banda nostra ; et quando faremo fabricare, forsi che bisognerà levargli d'indi. Et questo tutto possiamo fare commo- damente, perché possiamo tirare tanta aqua et per tutte le parti del Collegio che vogliamo. Quanto a me, id est Don Giusto, altre volte é stato contrario a questo, perché temevo che alcuni de nostri boni amici d'Annessi non s'inimicassero ; ma hora che vedo che tutto questo si farà senza perdere l'amicizia loro, et non facendolo forsi che perderessimo quella delli Serenissimi Prencipiet Prencipesse, che pure più importano, sono di parère che si faccia la grazia, perché non facendola perdaremo più di quello che vale tal sito ; et anche farla per charità, più principal- mente *. • vide Epist. mcdxxi, Aspettando dunque la risposta, chiedo la sua benedizione et mi raccomando aile sue dévote orazioni et santissimi Sacrificii. Di Torino, alli 15 Settembre 16 17. D. GiusTO. Revu sur l'Autographe conservé à Milan, dans les Archives du R. P. Provincial des Barnabites, au collège Saint-Barnabe.  et p. 213, not. (i).  43^ Appendice  LETTRES PATENTES DE HENRI DE SAVOIE, DUC DE NEMOURS ^0 EN FAVEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION d'aNNECY  not. (2).  Vide p.i8o,not.(i). * Henry DE Savoye, Duc de Gcncvois, de Nemours et de Chartres, Marquis de Sainct Sorlin, de Sainct Rambert, Comte de Genève, de Gisors, Baron de Faucigny et Beaufort. A tous qu'il appartiendra, sçavoir faisons que sur la remonstrance que Nous a esté faicte de la part des Révérendes Dames Religieuses de la Visitation de Nostre ville d'Annessy, contenant que pour avoir moyen de vivre et s'entretenir en ycelle, soubs les règles establies par nostre Sainct Père le Pape, elles ont besoing d'avoir des revenus asseurés et proches de la dicte ville ; et estant informées que M^ An- ♦videtom.xiv,p.39i, thoine de Boege, dict de Contiens *, tient de Nous, soubs grâce de reachept perpétuel, les moulins assis dans Nostre dicte ville d'An- nessy, soubs la rivière de Thiouz, proche l'église Saincte Claire, qu'elles ne peuvent commodément avoir sinon qu'il Nous plaise leur permettre d'entrer en Nostre lieu et place ; Nous inclinant volon- tairement a leur prière, appres avoir ouy les gents de Nostre Conseil près Nostre personne, et désirant de tout Nostre pouvoir l'accroisse- ment et augmentation du culte divin, et préférant la gloire et hon- neur de Dieu a l'interest particulier des droicts de Nostre domeyne : Avons octroyé et permis, octroyons et permettons par ces pré- sentes aux dictes Dames de la Visitation d'entrer en Nostre lieu et place, et de prendre et retirer les fruicts des dicts moulins, en payant par elles audict de Conflens les sommes portées par son contract d'engaigement du dixhuictiesme janvier mil cinq cents nonante six, et aux charges et conditions portées par yceluy, avec pouvoir de faire en yceux des nouveaux artifices pour la plus grande commodité de Nos subjects. Sy donnons en mandement a nos chers bien aymés et feaulx (i) Voir tome XII, note (i ), p. an.  Lettres et pièces diverses 439 Conseilliers, les gents tenants Nostre Chambre des Comptes de Genevois, de vérifier et interiner ces présentes, et du contenu en ycelles faire souffrir et laisser jouyr pleynement et paysiblement les dictes Dames de la Visitation, sans difficulté; et a nous (sic) advo- cats et procureurs fiscaulx et domaniaux, d'y prester consentement. Car telle est Nostre volonté. Faict a Paris, ce vingthuitiesme octobre mil six cents et dix sept. Henry de Savoye. Visées, scellées par Monseigneur. ROUSSELET. D'après une copie inédite de l'époque, conservée à Turin, Archives de V Opéra pia Barolo, Paquet 221, n° 11.  REQUÊTE DES RELIGIEUSES DE DA VISITATION D'ANNECY  AU DUC DE SAVOIE  A Son Altesse Serenissime. * Exposent en toute humilité les Révérendes Dames Religieuses *videp.i8o, not.(i). de la Congrégation par elles érigée dans Vostre Ville et cité d'An- nessy, soubs le tiltre de la Visitation de Nostre Dame, Vous (sic) très humbles Oratrices : comme pour vivre plus commodément dans leur dicte Congrégation du peu de revenu que chescune d'elles y raporte, et mieux vacquer au service pour lequel elles se sont sé- questrées tout a faict du monde, elles auroient besoing de quelque fond proche de la dicte ville, que leur raportast du bled pour leur provision. Et pour avoir ceste commodité, elles auroient supplié Monseigneur le Duc de Genevois et Nemours, de leur baillir pouvoir de rachepter les moulins par luy venduz, a faculté de rachapt perpé- tuel, situés dans Vostre dicte Ville d'Annessy,a feu Noble Anthoine de Conflens, pour le mesme prix et somme, charges et conditions portées par le contract de vente passée a Lagnieu, le dixhuictiesme  440 Appendice janvier mil cinq cents nonante six, par devant M« Burdet, nottaire, dont la copie est ci joincte. Ce que mondict Seigneur de Nemours leur aurort accordé facile- ment, par Patentes données a Paris le vingt-huictiesme octobre der- • Vide supra, p. 458,0. nier, cy joinctes *, avec la vérification qu'en a faict Vostre Chambre des Comptes de Genevois, et le contract de cession de droicts qu'en a passé noble Anthoine de Boege, dict de Conflens, son [neveu], par devant M^ Duret, nottaire, le sixiesme mars de l'année courante. La rattification duquel contract les Dames suppliantes desireroient obte- nir de Vostre Altesse Serenissime ; et ycelle faire vérifier en Vostre souveraine Chambre de Savoye, pour l'asseurance de leurs deniers a l'advenir. Que les faict recourir a la bonté, clémence et pieté accoustumée * Vide Epist. MCDv, pp. de Vostre dicte Altesse *, a ce qu'il luy plaise ratiffier, confirmer et approuver tout le contenu au dict contract, et ordonner qu'elles jouyront du fruict et bénéfice d'yceluy jusques a ce qu'elles soient remboursées du prix porté par le dict contract, et despence qu'elles ce trouveront avoir faicte aux bastiments et artifices nouveaux qu'elles prétendent faire au lieu ou sont situés les dicts moulins, conformément aux Patentes sus designées et vérification d'ycelles. Et a ces fins, plaira a Vostre Altesse Serenissime enjoindre a sa dicte Chambre des Comptes de Savoye, de vérifier les Patentes que leur seront expédiées pour le faict que dessus, sans aulcune difficulté et sans aulcung esmolument, en dérogeant pour ce regard, entant *Cf. supra, p. 297. que de besoing, a tous edicts a ce contraires * : affin que les dictes Dames puissent jouyr plus seurement et paisiblement de la commo- dité des dicts moulins, et faire leurs fonctions avec plus de tranquil- lité d'esprit au service de Dieu, qu'elles prient incessamment pour la prospérité de Vostre Altesse, conservation et accroissement de ses Estats et de Nous (sic) Seigneurs les Princes Ser'"®^ qu'il veillie combler de ses grâces et bénédictions. [Mars] 1618.(1). D'après une minute médite, conservée à Turin, Archives de V Opéra pia Barolo, Paquet 221, n<* 11. ( I ) Le mois et le quantième ne sont pas indiqués dans la minute reproduite ci-dessus; mais, d'après les faits qui y sont rappelés et la note donnée plus haut, p. 180, il semble probable que cette requête fut dressée au mois de mars.  GLOSSAIRE  DES LOCUTIONS ET DES MOTS SURANNES ou pris dans une acception inusitée aujourd'hui (O  (V astérisque désigne les mots qui ont paru dans le Glossaire des tomes précédents.)  * A — pour avec (p. 235, lig, 9), comme un (p. 417, lig. 26), dans (p. 314, lig. 23), de (pp. 69, lig. 2 ; 151, lig. 10; 35S lig- 7 ; 369» lig- 25 ; ?77' lig- ^o). en (p. 207, lig. 3), par (pp. 38, lig. 9; 412, lig. 33), pour (p. 146, lig. 25), ^OMr ?/« (p. 232, lig. 13). *AAGE — pour temps (p, 20). * ABONDANT (d') — ^^/)/7<5 (p. 155). ABORD — pour arrivée (p. 201). ABORD (d') — pour tout de suite (pp. 352, 412). * ACCOMMODEMENT— pour avan- tage matériel {v>. 154). * ACCOMMODER — pour satisfaire (p. 64). *ACCOUSTUMANCE — habitude, action de s'accoutumer (p. 230). * ACCOUSTUMÉ [avoir) — avoir cou- tume (pp. 40, 416). *ACCOYSER, ACCOYSER (s') — apaiser^ calmer (pp. 256, 312, 414), s'apaiser, se calmer, se tranquilliser (pp. 29, 134), Cf. le lat. ACQUIESCBRE.  *A CE Q.UE — pour afin que (pp. 162, i6q). * ACTION — pour éducation, bonnes manières (p. 184). ACCUEIL — pour bienveillance (p. 406). ACCUEILLI — pour reçu, accumulé (p. 144). ADIRE (son) — son mot àdire{^. 351). ADOLORÉ — endolori, affligé (p. 175). Cf. Tital. ADDOLORATO. ADVENTURES — pour événements de la vie (p. 312). ADVISE — pour Jugé, trouvé (p. 85). * AFFECTION — pour ardeur (p. 32), désir, volonté [p. 412). AFFECTION (de bonne) — pour de bon cœur (p. 340^ * AFFECTIONNÉ — pour dévoué (p. 27), volontaire [p. 134), qui est affec- tionné à (p. 161). * AFFECTIONNEMENT — affectueu- sement, avec affection (pp. 15, 69, 389, etc.), avec ardeur, :[éle{p. 246).  ( I ) Nous n'avons pas songé à dresser ici, pour ce volume, en toute rigueur scientifique, le Lexique de saint François de Sales. Un tel travail, à peine est-il besoin de le dire, ne pourra être établi qu'après rachèvement de cette publication. Notre but a été surtout de rendre provisoirement service aux lecteurs français ou étrangers qui seraient peu familiarisés avec les particu- larités du vieux langage. On voudra bien, en se servant de ce recueil, se souvenir de la pensée d'ordre tout pratique qui Ta inspiré.  442  Lettres de saint François de Sales  AFFECTIONNER — pour avoir a \ cœur, désirer ardemment {'çnp. 2, 188), *AGGREABLEMENT— pour de bon cœur (p. 28). AGGREABLEMENT (recevoir) — pour agréer (p. 408). *AGGREEMENT — pour désir, ce qui agrée {p, 26). *AINS — au contraire, bien plus, et même, mais, mais au contraire, mais plutôt. ALLEGRESSES — pour réjouissances (P- 347)- * AMENE —du lat. amœnus. d'un as- pect agréable (p. 60). *A MESME QUE — au moment mê- me où. (p. 250), AMEUBLÉ — meublé (p. 60). * AMIABLE — doux, aimable. *AMIABLEMENT — aimablement, doucement (pp. 28, 198). ♦AMPLIFICATION — du lat. ampli- FiCATio, accroissement {]p. 246). A PEU — pour peu (p. 8). ARENE — du lat. arena, rivage (p. 282). *ARRESTÉ — ^oxir fixé (p. 412). ASSEURE EN — pour appuyé sur (p. 312). * ASSEUREMENT — pour sans hési- tation, en toute assurance (p. 249). ASSEURER — pour fortifier, affer- mir (pp. 207, 211). * ASSEURER (s') — pour être sûr, se persuader, avoir confiance (pp. 2, 39, 6r, etc.) *ATANT — en attendant, là-dessus (p. 3, 214). *ATTREMPER — adoucir, tempérer (p- 339). * AU — pour dans ce (p. 150, lig. 28), dans le (pp. 386, lig. 6; 412, lig. 25), le (pp. 39, lig. 8; m, lig. 5), par le (p. 231, lig. 2^), pour le (p. 282. lig. 23). * AUCUNEMENT — pour en quelque façon (p. 46). * AUTANT — pour aussi (p. 282). * AVANCER — pour faire progresser, prospérer fp. 194). * AVANT QUE DE — avant de (pp. 74, 324)-  AVEC — pour che^i (p. 319). *AVETTE — abeille (p. 192). BABILONIQUE — qui ressemble à Babylone (p. 8). * BAILLER — donner (p. d^). * BAYSEMAIN — compliment (p. 68). * BELLEMENT (tout) — avec calme (p. ^■^) tout doucement, tranquille- ment (pp. 37, 410). *BIEN — ^ovLX plaisir, avantage (pp. 367. 387). *BIENFACTEUR — du lat.BENEFAC- TOE, bienfaiteur (p. 301). * BONNEMENT — pour vraiment (p. 34), bien, suffisamment (p. 63), fa- cilement (pp. 68, 204). * BRAVE — pour accompli, parfait (p- 347)- BRIEFVE — çoux prompte (p. 185). CALAMITEUX — pour accablé de malheurs (pp. 44, 46). * CARESSER — pour bien accueillir, donner des témoignages d'honneur, de bienveillance (p. 288). ♦CARMELINE — Carmélite (p. 134). *CARQUANT — collier (p. 175). *CE — pour ceci, cela; c'est (p. 207, lig. 13). * CEANS — ici (pp. 191, 348, 367). *CE PENDANT - pour en atten- dant, maintenant, présentement. * CHAMBRIERE — femme de cham- bre {y^. 325). *CHAMS (aux, des) — ^omx a la cam- pagne (pp. 399, 406, 410), de la campagne {"Ç)^. 161, 218). Cnkl'ELK^lE — châtellenie [^. 582). *CHEVIR — venir à bout (p. 39). *CI APRES — pour dans la suite, plus tard (p. 270). CIVILISER (se) — pour se former, s'accoutumer (p. 142). ♦CLAUSULE — clause (p. 270). Du lat. CLAUSULA. *CLAUSURE — du lat. clausura, clôture (pp. 84, 85, 141, 413). * COGITATION - du lat. cogita- Tio, pensée (pp. 143, 152, 378). * COLLOQUER — du lat. collocarb, placer {pp. 154, 220).  Glossaire  443  •COMME — pour comment, de quelle manière, que (pp. 2, 65, iio, 19"), etc.) •COMME QUE CE SOIT — quoi qu'il en soit (p. 322). COMMODITÉ (a) — pour commodé- ment, facilement (p. 269). COMMUNIER (se) — pour commu- nier (p. 400), COMPLAIGNANT — plaignant (p. 329)- • COMPLIMENT — pour complément (p. 229). •COMTE — pour compte (pp. 194, 261, etc.) • CONDITIONNÉ — pour pourvu des qualités requises (p, 47), CON JOUISSANCE — congratulation (P- 347)- ♦CONSPIRER AU — pour s'unir dans le (p. 44). ♦CONTE, CONTER — pour compte, compter. ♦CONTEMPLATION (a cette) — en considération de cela (p, 168). ♦CONTESTE — contestation, débat (P- 393)- ♦CONVERSATION — pour relations de société (p. 39), compagnie, société (p. 106). ♦COULPE — du lat. culpa, faute, culpabilité (pp. 85, 189, 326, 390). ♦COUPEAU — czw^ (p. 249). ♦ COURAGE — pour confiance assurée (p. 211), âme (p. 408). COURANT — pour poursuivant (p. 160). * CREANCE — pour autorisation, let- tres de créance (p. 170), croyance (p. 327), certitude (p. 329). •CUYDER — du lat. cogitare, pen- ser, croire (pp. iio, 243). ♦DAMOYSELLE (voir MADAMOY- SELLE) — appellation usitée jadis à l'égard de toute femme mariée qui n'était pas noble, ou qui, étant noble, n'était pas titrée (pp. 193, 413). DANS — pour avec (p. m), DANS LE — pour au (p. 278). *DE — pour a (pp. 202, lig. 8; 314, lig. Il), flt)tf<:(pp.46,lig. 17: 269, lig.  5), depuis (pp. 53. lig. 8; 200, lig. s), dès (p. 27, lig. 14), du (p. 243, lig. 3), par (p. 288, lig. 14), pour (p. 262, lig. II). DEÇA — en deçà (p. 2). ♦ DEÇA (de) — de ce côté-ci, de ce pays, d'ici, en ce pays, zV/(pp. 12, 123, 141, 204, etc.) DECLAIRER DE (se) — pour décla- rer, s'ouvrir de [■p. 221). •DEDANS — pour dans (pp. 70, 152, 325). * DELA (de) — de là, du lieu oii vous êtes, de cette région, là-bas (pp. i, 2^3, 262, 328, etc.) •DELA LE — au-delà du (p. 2). ♦DEMETTRE (se) — pour s'abaisser (p. 234). * DEMEURANT — pour reste (p. 46). ♦DES — pour t/^ (p. 217). DESADVENTURE — malheur (p. 44). Cf. Tital. DISAV VENTURA. ♦DESCEU (au) — à Vinsu (p. 202). DESEMBARRASSÉ — débarrassé (p. 48). ♦DESENGAGEMENT — dégagement (p. 281). DESFIANCE — pour attente mêlée de crainte (p. 26). • DES ICY — d'ici, de ce lieu (p. 201). ♦ DES IL Y A — depuis (pp. 185, 410). ♦DESIR — pour V accomplissement, la réalisation d'un désir (p. 102). ♦DESMARCHER — ^^>«r/i> (p. 231). * DESPLAYSANT — pour douloureux, triste (p. 97). ♦DES QUE — pour depuis que, de- puis le moment oii (pp. 50. 112, 198). ♦DES QUELQUES... PLUSIEURS ANNEES EN ÇA, DES UN AN EN ÇA — depuis quelques . . . plusieurs années [pp. 23, 230, 154), depuis un an (p. 75). ♦DESSUS — pour sur {p. 219). DETRAIT — déduit (p. 372). ♦ DEVANT — pour avant, auparavant (pp. 19. 20, 28). ♦DEVERS — du côté de, vers [p. 172). ♦DISCOURS — poux réflexions, rai- sonnements (p 238). DISPOSÉ — pour testé, fait ses dis- positions testamentaires (p. no).  444  Lettres de saint François de Sales  * DIVERTIR — du lat. divertere, dé- tourner, empêcher (pp. 123, 416). DIVERTISSEMENT (donner du) - pour empêcher, mettre obstacle (p, 285). DOMMAGE DE (c'est) — c'est une chose fâcheuse que la perte de (p. 24). *DONT — pour ce dont, de quoi (p. \02), par conséquent, c'est pourquoi (p. 8). * DORES EN AVANT — dorénavant (p. 277). *DOTE — dot{^. 146). *DOULOIR (se) — se plaijidre (p. 410). Du lat. DOLERE. * DOUTER— iponx craindre (p. 29). * DRESSER — pour ériger (p. 22). * DU TOUT — pour absolument, com- plètement, entièrement, tout h fait.  *EMMI — au milieu de, dans, parmi. *EMPESCHE — pour embarrassé (p. 242). *EN — pour à (pp. 157, lig. 6; 170, 11. 27, 28; 2TO, lig. 23, etc.), à faire (p. 86, lig. 2), à /a (p. 219, lig. 20), au (p. 283, lig. 5), dans la (p. 348, lig. 28), par (p. 393, lig. 13), vers (p. 416, lig. 23). *EN ÇA — jusqu'ici (p. 267). Cf. l'ital. IN QUA. *ENCOR (pour) — pour le moment (pp. 2, 112, 412). *EN LIEU — pour à la place, au lieu (pp. 157, 404). EN MOY — pour en mon pouvoir (p. 35°)- ENTRESERVIR (s') — 5^ servir mu- tuellement, l'un à Vautre (p. 23). *ENTRETENEMENT — entretien (p. 269). * ENTRETENIR (s') — pour se tenir mutuellement (p. 262). * ENVERS — pour contre (p. 199). *ESCHEOIT (s'il y) — s'il est né- cessaire (p. 2). *ESLECTION — pour choix persoti- «^/(pp. 19, 389, 412). Du lat. ELEC- Tio, choix. ESSAY — pour action d'éprouver (p. 284).  * ESSAYER (s") — pour essayer (pp. 138, 184, etc.) *ESTABLIR — du lat. stabilire, ren- dre stable, affermir (p. 126). ESTIME (d') — estimable (p. 41). ESTOIT — pour s'était (p. 242). *ESTONNE — pour émerveillé, frap- pé d'admiration (p. 22). *ESTONNEMENT — pour émotion (p. 319). * ESTONNER — pour effrayer (p. 3 3), troubler, inquiéter (p. 354). ♦ESTONNER (s') — poux ébranler [-p. 230), s'alarmer (p. 242), se décon- certer (p. 351. ESTRE DE CROIRE — être cru (P- 354)- *ESTROITTEMENT — pour parti- culièrement, spécialement (p. 254). Cf. l'ital. STRETTAMENTE. * ET SI — pour et encore, de plus (pp . 208, 345). ET TOUT — pour aussi [j^p. 27, 143). * EVENEMENT — pour issue, succès (p. 188). EXiiCUTION — pour pratique (p. 246). * FAIRE — pour accorder (p. 46), don- 7ier, procurer (p. 49 ', être de (p. 196), établir, fonder (pp. 193, 249, 341), rendre (p. 21). FAIRE FAUTE — pour faillir, com- mettre une faute .p. 131). *FASCHEUX — pour fâché, mécon- tent (p. 416). FIN POINT (au) — au Juste point (p- 379)- FORTUNE (mettre en) — donner un emploi avantageux (p. 348). FOURVOYER — pour se fourvoyer (p. 69). FRATERNISER — ressembler 'a son frère (p. 246). * FRATERNITÉ — ^ovitT ensemble des frères et des sœurs (p. 13). •GAUSSER — pour se gausser, se railler (p. 385). GELAP — julep (p. 219). GRACE \i\^\5 — grâce a Dieu, Dieu merci (p. 201).  I  Glossaire  445  *GRAND CAS (c'est, c'est un)— c'est une chose surprenante (pp. 64, 198). *GRATIEUX — pour suave, doux (pp. 412, 41:)). GRÉ (a) — de bon gré (p. 184). * HONNESTE — pour honorable (p. 64). *HURTER — pour recourir (p. 269). * ICY — pour ci (pp. 155, 352). * IMBÉCILLITÉ — du lat. imbecilli- TAS, faiblesse, impuissance, infir- mité, imperfection{^^. 172, 330, 335). *IMPROUVEU (a 1')- àVimproviste (p. 146). ♦INCOMMODÉ - pour altéré (p. 193), dans lagêne, gêné (p. 410). INCOMMODE DE — pour gêné pour le (p. 413). •INCOMMODER — pour nuire à (P- 3<53)- ♦INCOMMODITÉ — du lat. incom- MODITAS, difficulté (p. 196). * INFIRME — du lat. infirmus, fai- ble (p. 105). *JA — pour déjà (p. 26), jamais (p. 211). JETTER A REFUGE (se) — se réfu- gier (p. 276). *JOURD'HUY (ce) — aujourd'hui (pp. 157, 414). *LA OU — pour tandis que (p. 140). LARGEMENT — pour longuement (p. 390). * LEGAT — du lat. legatum, legs (pp. 146, 147). LE TOUT — pour tout (p. 35). "MADAMOYSELLE (voir DAMOY- SELLE) — (pp. 31, 114, 129, etc.) MAL — pour malheur (p. 20). •MANQUEMENT — pour manque, défaut fpp. 242, 251, 328, 410). * MARRI, UkK'KX — fâché, peiné, regrettant. MESCONTENTEMENT — pour pei- ne, épreuve (p. 230). *MESHUY — désormais, dorénavant, maintenant.  *MESME — pour surtout, d'autant plus (pp. 144, 367). •MOYENNER — procurer en servant d'' intermédiaire (p. 85). MULTITUDE — pour répétition très fréquente (p. 284). •MURMURATION — murmure (p. 400). *NI — pour et (pp. 2, lig. 2; 143, lig. 2^; 284, lig. 4). NONOBSTANT — pour malgré cela (p. 412). •NOURRITURE — pour éducation (p. 26). •NUISANCE — dommage (p. 85). ♦ODORER — du lat. oho-RKVii, flairer, sentir le parfum (p. 280). •OFFICE — pour moyen (p. 232). •OFFICE (faire) — intervenir, rendre service (p. 97). • ONQUES — du lat. umquam, jamais (pp. 52, 147, 268). •ORATEUR — titre que prenaient autrefois les gens d''Eglise écrivant a des souverains (pp. 11, 108, 155, etc.) ORDONNER — pour faire donner par commandement (p. 154). •OR SUS — or donc, eh bien; parole d'encouragement. Cf. l'ital. orsu. • OU — pour c est pourquoi (p. 284, lig. 26). •OUTRE — pour au delà de (p. 339). •OUTRECUIDÉ — présomptueux, téméraire (p. 2). •OYE, OYENT — formes inusitées du verbe ouïr (pp. 169, 327). •PAR APRES — ensuite. *PAR DELA — là oii vous êtes, au delà des monts (p. 169). PAR ENSEMBLE — ensemble (p. 164). ♦PARMI — pour au milieu de tout cela (p. 146), dans (pp. 245, 319, 411), pendant {p. 364). PASSIONNÉ — pour ardemment affectionné (p. 394). • PASTURE — pour aliment, nourri- ture (p. 400).  446  Lettres de saint François de Sales  *PLAYSE VOUS — pour quil vous plaise (p. 393). * PLEIN (a) — complètement, expres- sément (p. 206). Cf. Tital. APPiENO. PLEIN DE BON VISAGE — avec très bonne mine (p. 88). PLUS — pour encore, de plus (p. 19). * POINT — pour ne point (p. 154). 'PORTION — pour partie (p. 171). POSITION — ^OMX pose (p. 28). *POUR CE Q\5'^ — parce que (p. 5). PRtÏJUGER — pour juger d'avance favorablement (p. 352). PRENDRE — pour faire (p. 210). PROFESSER (faire) — ^^owx faire fai- re la profession religieuse a, faire prononcer les vœux a (p. 396). PROPOS DES (a) — pour selon les (p. 220). PROPOSÉ — ipourfait (p. 267). * PROSPERER — pour faire prospé- rer (pp. 12, 32, 108). *PROUVEU — pourvu (p. 64). 'PROVIDENCE — pour prévoyance, soin, sagesse (pp. 267, 276). PURGATION — pour purification, élimination (p. 257). * QUANT ET 'ELL'E — avec elle{p. 381). QU'AU... QU'EN — tant en... qu'en [p. 371). * QUE — pour de (p. 251). 'QUI — pour ce qui (pp. 193, lig. 25; 224, lig. 2; 269, lig. 8). * RAMASSER (l'esprit) — le concen- trer sur un objet, le recueillir {^p. 136). 'RAMENTEVOIR — faire ressouve- nir de (p. 169), se rappeler, se res- souvenir de (p. 225). *RAMENTEVOIR (se) — se rappeler (pp. 31, 287). 'RECHARGE — ponr épreuve renou- velée (p. 230). 'RECOMPENSE — pour compensa- tion, dédommagement (p. 212). ♦REFORMATION — du lat. refor- MATio, réforme (pp. 161, 403). * REGARD (pour ce, pour le) — pour à ce sujet (pp. 6r, 315^ à cet égard, sur ce point {ç. 246), au sujet, pour ce qui est (pp. 7, 339).  'REGARD (pour vostre) —pour ce qui vous concerne (p. 37). * REGARDER — pour veiller (p. 26) . REGRETTÉ SUR - déploré (p. 245). RELEVEE — action de se relever (p. 136). * RELIGION — pour état religieux (p. 8), Ordre religieux (pp. 133,. 140, 141, etc.) RELIGION (Ordres de) - Ordres religieux (p. 132). 'REMONSTRANCE — pour exposé (p. 267). REMONSTRE — pour démotitré, ex- posé (p. 83». ' RENCONTRE (le) — pour la rencon- tre fpp. 144, 184), RENCONTRÉ LE CHOIX - trouvé par hasard le choix (p. 158). RENCONTRER LE SOIN (faire) — faire trouver, recueillir le fruit des soins (p. 129). 'REPLIQUER — du lat. replicare, répéter (pp. 28, 400). •REPRESENTER — pour présen- te,' (p. 40), présenter de nouveau (p. 262). REPUGNANCE — pour résistance (p. 358)- 'RESERVER — pour épargner, pri- ver de (p. 7). RESIGNÉ — pour remis, confié -ç. 3 1 2). ' RESOLU — pour plein de courage, raffermi (p. 17 j. 'RESOLUTION — pour résignation courageuse (p. 27). 'RESOUDRE - décider, juger (p. 329), prendre une décision, une dé- termination (p. 333). * RESPECT — pour considération (pp. 25, 303). 'RESSENTIMENT — pour sentiment (pp. 17, 232), sentiment de chagrin, regret {pp. 20, 341). 'RETARDEMENT — délai, retard (pp. 392, 410), prolongation de sé- jour (p. 411). REUSCIR DE — venir à bout de, faire réussir {p. 60), sortir heureusement de {p. 211). REUSCISSANT — pour s effectuant (p. 218).  Glossaire  447  *REVA, REVONT (s'en) - s'en re- tourne, s'en re/ourneni{pTp. io6, 288), •REVIGORÉ — remïs en vigueur (p. ri). SECTATEUR — du lat. sbctator, compagnon^ celui qui suit (p, 16). SENS — pour sentiment (p. 352). •SENTIMENT — pour peine, regret (P- 213}. SEULEMENT TROP - augmentatif de bien assej^ (p. 344). *SI — pour aussi (p. 378, lig. 21), aussi, de même (p. 250, lig. i), ce- pendant, néanmoins (pp. 8^, lig, 6; 346, lig. 5; 339, lig. 8); vraiment (p. 115.- lig- 21). *SI EST CE QUE — cependant, il iieyi est pas moins vrai que [pp. 108, 128, 232, 348), néanmoins (pp. 49, 230, etc.), toutefois (pp. 35, 378). *SI MOINS — sinon (pp. 215, 375). •SI QUE — de sorte que (p. 404). SOIN (de mon) — pour confié à mes soins (p. 208). •SUITE — pour action de suivre (p. 144). •SUPPORT — pour protection (p. 408). SUPPORTER — poMX porter [p. 340). *SUR — pour après (p. 398. lig. 18), au sujet de (pp. 33, lig. 9; 174, lig. i; 251, lig. II). •TANDIS — en attendant (pp. 384, 394, 411)- •TANT — pour autant de temps (p. MS). •TANT PLUS — d'autant plus (p. 210).  •TENANT — pour exact, fidéleip. 251). •TENDRE — pour délicat, touché sen- siblement (p. 398, 11. I, 7). •TENDREMENT — pour prudem- ment, délicatement (p. 383). * TENDRETÉ — du lat. teneritas, tendresse (pp. 29, 172), sentiment affectueux (p. 171), impressionnabi- lité [p. 327). TESTEMENT — testament (p. 147). •TIRER — pour attirer (p. 389). •TOUT AINSY QUE — poMX comme (p. 326). •TOUT FIN S^\5L — absolument seul (p- 383). •TRAVAIL — pour peine (p. 49), in- quiétude, sollicitude (p. 174). •TRAVAILLER — pour molester (p. 199). •TREILLE —grille (p. 395). TRIBULATION — pour douleur (p. 26).  •VACATION — emploi, occupation (p. 20). •VERS — pour a (p. 352), auprès de (pp. 2, 66, 97, etc.) *VEÙE — pour entrevue, rencontre (P...48). * VEÙE (de vostre) — de vous voir (pp. 219, 237). •VIANDE — pour mets, aliment (p. 172), nourriture (p. 400). •VIEL — viexix (p. 108). * VIOLENTE — pour/>r^5S^M/^(p. 379). VIOLET — pour tache violette (p. 228). * VOIREMENT —a la vérité (p. 172).  INDEX  DES CORRESPONDANTS  ET DES PRINCIPALES NOTES BIOGRAPHIQUES ET HISTORIQUES DE CE VOLUME (O  Affringues Bruno (d'), Général des Chartreux Pages 287 Aire (Ayre) Evêque d'. Voir Cospéau. Albamey (Albamé) Claude d' (Claude-Thérèse, Religieuse de la Visitation) » 31 Allinges (curé et vicaire des). Voir Mojonier et Rannaud. Amf.rici ou Amerighi Celse, Abbé général des Célestins » 256 Amis de saint François de Sales décédés » 103 Ancina Jean-Matthieu, de la Congrégation de l'Oratoire » 176, 298 Angéliques (Congrégation des) » 275 Annecy. Voir Barnabites, Dominicains, Pré Lombard, Saint-Maurice, Visitation. Annecy (Exemption d'impôts pour) » 11 Aoste (Aouste) Artus de Lionne* (seigneur d'). Voir Ecclésiastique » 240, 322, 432 Armoy (curé et paroisse d'). Voir Musy » 269, 270 Arnauld Angélique, Abbesse de Port-Royal. . » 368, 368, 378, 388, 399, 409 Arnauld Madeleine » 380 Avignon. Voir Légat. (i) Les pages des Lettres sont indiquées par des chiffres ordinaires; les caractères et les chiffres gras désignent les noms des correspondants et leurs notes biographiques. Quant aux autres notes, leurs titres sont donnés en caractères ordinaires. Les noms suivis d'un astérisque * indiquent les auteurs ou les destinataires des pièces qui figurent à l'Appendice. Dans cet Index, on a donné aux personnages la désignation que leur attribue le texte des Lettres. (Cf. tome XII, note (i), p. 491.) Lettres VIII 29  4'50 Lettres de saint François de Sales Avise Marie-Gasparde (d'), Religieuse de la Vi- sitation Pages 28 Avoyers et Conseil de Ville de Fribourg"^ » 288, 288, 4^6 Ayes (abbaye des) » 102, 195, Ayrault René, Jésuite » 30, 30 Ballon Louise (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine » 36 Baranzano Redento, Barnabite » 95 Barfelly Jacqueline Déaclard (dame) » 62, 202 Barfelly (maisons). Voir Lachenal et Visita- tion d'Annecy. Barfelly Marie-Louise, Religieuse de la Visi- tation » 202 Barillon Jean de » 375 Barnabites. Voir Baranzano, Boerio, Cra- MOisY, Gennari, Guérin. Barnabites à Chabeuil. Voir Chabeuil. Barnabites d'Annecy (Affaire des jardins); Voir Dominicains, Guérin, Visitation d'Annecy. . » 98, 120,213 Barnabites d'Annecy (Religieux et Supérieur des). Voir Gennari 265 Barnabites de Thonon » 22 Barnabites (Visiteurs généraux des) » 293 Baume Catherine de la Croix de Chevrières (dame de la) » 209, 209 BÉATRix-RoBERT Gaspard. Voir Bouqjuéron. Beaumont-Carra Anne-Catherine (de), Reli- gieuse de la Visitation » 204 Beaumont-Carra Paul (de). Voir Carra. Beauvillars Gaspard de Bernières (seigneur de) » 47 Beauvillars (M"« de) » 46 Beliarmin Robert*, Jésuite (Cardinal) » 77,79,91,423 Bellegarde Roger de Saint-Lary (duc de). ... » 198, 245, 393 Bellerive Georges Plonjon (seigneur de) » 66 Bellot (M"e) » ^^ Bemmelius Gabriel » 271 Bénédictins de Paris. Voir Saint-Germain-des- Prés. Berger Pierre » 37 1 Bépulle Pierre de » 60 Béthune Philippe de » 307 Blanieu Marguerite de Sassenage (dame de). . » 69, 150  Index des correspondants et des notes 451 Blonay Claude de Pages 13, 229 Blonay Marie-Aimée (de), Religieuse de la Vi- sitation » 1 70 Boeplo Jérôme *, Général des Barnabites » 94, 1 16, 263, 435 Bolsy Jean-François de Sales (de). Voir Sales. Bons (fille de). Voir Chevron-Villette-La- Couz. Bornand » 254 Borromée Frédéric, Cardinal, Archevêque de Milan » 293 Bouquéron Antoinette Camus (dame de). .. . » 151, 151 Bouquéron (filles de M»"^ de). Voir Chailliol. . » 207 B0UQ.UÉRON Gaspard Béatrix-Robert (seigneur de) » 129 Bourchenu (Brochenu) Philippe de Peyre (da- me de) » 257 Bourgeois Claude de » 23 Bourgeois Rose, Abbesse du Puits-d'Orbe. . . » 47, ^o, 51, 144, 160 Bouvard Michel » 376, 376 Bréchard Jean de » 14 Bréchard Jeanne-Charlotte (de), Religieuse de la Visitation » i4, 75» *37> 193, 247, 301, 314, 411 Bressand Marie-Constance (de), Religieuse de la Visitation » 323 Brulart Marie Bourgeois (dame) , . » 38 Brulart Nicolas, premier Président au Parle- ment de Bourgogne » 48 Calcagni Ange, Cordelier » 165, 165 Caluso Auguste-Manfred Scaglia (marquis de) » 296, 336 Capucins de La Roche (couvent et église des) » 22 Capucins de Thonon (Saint François de Sales consacre l'église des) » 22 Capucins et Capucines de Paris (couvents des) » 320 Carmel d'Orléans » 302 Carmes de Gex (couvent des) » 155 Carmes de la Province de Narbonne (Provincial des). Voir Perricluet. Carra Paul de Beaumont » 204 Carron Jean » 268, 268  452 Lettres de saint François de Sales CÉLESTiNs (Abbé général des). Voir Americi. CÉLESTiNs de France (Congrégation des) Pages 255, 256 Chabeuil (collège de). Voir Consuls » 258 Chailliol Claude de » 1 29 Chailliol Françoise Béatrix-Robert (dame de). . » 128, 128 Chalcédoine (N[°' de). Voir Croix de Chevrières. Chantal Celse-Bénigne de Rabutin (baron de) . . >) 205,332,333 Chantal Françoise de Rabutin. Voir Foras. . . » 333 Chantal Jeanne-Françoise Frémyot (Sainte), Mère de. Voir Thorens, Visitation de Bour- ges et de Paris » 7, 27, 32, 46, 52, 54, 54, 55, 62, 70, 70, 98, 109, 115, 123, 124, 126, 127, 148, 156, 162, 191, 192, 192, 201, 216, 218, 224, 233, 235, 257, 289, 290, 290, 295, 318, 320, 332, 332, 333, 339» 345. 350, 359' 359, 364, 37'.373'375'386, 395, 406,409, 414,418 Chapitre de Saint-Pierre de Genève (Procès avec la ville de Seyssel). Voir Seyssel. Charles-Emmanuel l^'^ *, duc de Savoie. Voir Montferrat » II, 42, 109, 123, 138, 185, 276, 402, 407, 422, 434, 439 Charmoisy Claude Vidomne de Chaumont (sei- gneur de) » 250, 312 Charmoisy Louise du Chastel (dame de). Voir ViLLY » 311, 382 Chastel Péronne-Marie (de), Religieuse de la Visitation. Voir Isnard » 244, 244, 262, 266, 323, 374 Chatillon Jean de » 167 Chavanes Marguerite de » 233 Chevron-Vi Mette Amédée (de). Voir Villette. Chevron-Villette Benoît (de), doyen de Notre- Dame de Liesse d'Annecy » 1 58 Chevro n-Vil lette Jeanne de Menthon (dame de). Voir Tante » 230, 230 Chevron-Villette-la-Couz Jeanne-Antoinette (de), Religieuse de l'abbaye de Bons » 48 Christine de France, princesse de Piémont. Voir Mariage » 309 Clarisses de Grenoble » 90 Clarisses du diocèse de Genève » 90, 93  Index des correspondants et des notes 453 Clerc (Clerico) Nicolas (bénéfices de) Pages 71 Colin Anne-Claude, Religieuse de la Visitation » 173 Collatéral (M. le). Voir Quoex. CoLLisiEux (Coîlesieu) Marie-Hippolyte, Religieu- se de la Visitation » 203 Colombier Françoise de Garcin du (Françoise- Angélique, Religieuse de la Visitation). Voir Visitation de Grenoble » 162, 163 Concours » 6} Congrégation des Cardinaux interprètes du Concile de Trente » 134 Conseil DE Genevois (audiencier au). Voir Saget. Conseil de Genevois (Président du). Voir Val- bonne » 58 Conseil de la Sainte-Maison de Thonon . . » 253 Conseil de Ville de Fribourg. Voir Avoyers. Consuls de Chabeuil » 258, 258 Copnillon Gasparde de Sales (dame de) » 16 CosPÉAu Philippe (de), Evêque d'Aire » 387 CosTE François » 214 Coste Jean-Baptiste de Simiane (seigneur de la) » 341 CoTTiN Denis » 214 Cottin Isabeau Daspres, dame (Françoise-Elisa- beth, Religieuse de la Visitation) » 214, 214 Coulon Jean » 1 1 o Cramoisy Guillaume, Barnabite » 113 Creil Adrienne Gamin (dame de) » 372 Creil (maisons appartenant à la famille de). . . » 372 Crespin Claude (M"«) » 44 Crespin Jean-Georges * » 56,56,430 Croix de Chevrières Alphonse (de la), Evêque de Chalcédoine » 203 Croix de Chevrières Jean (de la), Evêque de Grenoble » 343 Dagand Guillaume » 329 Dagand Martin » 329 Destinataires inconnus. Voir Ecclésiastiqjue, Religieux » 74, 83 , 1 1 1 , 292, 403 Destinataires inconnues. Voir Religieuse, Tante » 38,41,59, 232, 366, 397  454 Lettres de saint François de Sales Devillers Etiennette (Marie-Tiennette, Reli- gieuse de la Visitation) Pages 290 Dominicains d'Annecy (Affaire des jardins). Voir Barnabites et Visitation d'Annecy » 98, 99 Dominicains d'Annecy (Leurs différends avec la Visitation). Voir Visitation d'Annecy... » 6, 86, 275 Doyen (M. le) de Notre-Dame de Liesse d'Anne- cy. Voir Chevron-Villette. Draillant (curé et paroisse de) » 168, 200, 269 , 270 Dunant Etienne *, curé de Gex » i , 426 Ecclésiastique (un). Voir Aoste » 322 Eclieiles Honoré de Belli (seigneur des).... » 279, 279 Faune Justine Dalphas (dame du) » 260, 260, 285 Favre Antoine » 21, 68, 215, 308 Favre Antoine-François » 59 Favpe Marie-Jacqueline *, Religieuse de la Visi- tation » 76, 124, 132, 157, 173, 204, 215. 217, 254, 302, 313, 421 Favre Michel » 41, 300 Favre René. Voir Valbonne. Favrot (Favreau) Marguerite (Françoise-Mar- guerite, Religieuse de la Visitation) » 30 Fenouillet (famille) » 107 Fenouillet Pierre, Evêque de Montpellier.... » 65, loç, 236, 284 Filles de la Croix (Congrégation des). Voir Villeneuve. Fléchère Jacqueline de la » 34 Fléciière Madeleine de la Forest (dame de la) » 9, 63, 88, 224, 228, 243, 316, 319 Flocard Claudine Viallon de la Pesse (dame). . » 300 Fontany (famille de Pignier de) » 291 FoNTANY Françoise Piossascod'Airasca (dame de) » 291 Fontany Jeanne-Claudine dé Pignier de (Jeanne- Marie, Religieuse de la Visitation) » 291 Foras Guillaume de Bernard (de). Voir Chantal Françoise » 99, 225, 234, 303, 333  Index des correspondants et des notes 455 Forest Jeanne-Bonaventure (de la), Religieuse de l'abbaye de Bons. . . • Pages 242 Fribourg. Voir Avoyers. Fyot de Barain François » 282,282  Gabriel (maître). Voir Bemmelius. Garin Jacquelin » 107 Gaudier Antoine, Jésuite » 4^4 Gauthier (Gautier) famille » 66 GÉLAS DE Leberon Pierre-André, Evêque de Valence et de Die » 259 Genève Marguerite (de), Abbesse de Baume- les-Dames » 53 Gennari Jean-Baptiste (de), Supérieur des Bar- nabites d'Annecy » 117, 265 Gérard de Réautier Jeanne-Hélène (de), Re- ligieuse de la Visitation » 10, 130, 130 Gérard de Tournon, Capucin » 328,328 Gex. Voir Carmes. Gex (Voyage de saint François de Sales à) . . . . » i Glézat Anne-Françoise (de), Religieuse de la Visitation » 192 GoNDi Henri (de), Cardinal de Retz, Evêque de Paris » 370 GoNDi (M'"^ de). Voir Joigny. Gouffiers Elisabeth Arnault (des). Voir Visita- tion DE Paris » 247, 347 Grandmaison Hélène de Longecombe de Pey- zieu (dame de) » 103 Granieu (enfants de M""^ de) » 252 Granieu François de Gratet (seigneur de) ... » 219 Granieu Laurence de Ferrus (dame de) » 100, 227, 237, 250, 251, 261, 286, 340 Grenoble. Voir Saint-André, Visitation de Grenoble. Grenoble (Saint François de Sales à). Voir Saint- André, Visitation de Grenoble » 6s, 105, 124, 128, 189 Guérin Juste *, Barnabite » 97, I 19, 140, 186, 195, 212, 241, 274, 277, 435 Guise (hôtel de) » 372 Guise Louis de Lorraine, Cardinal de » 372  45 6 Lettres de saint François de Sales H AUDRiETTES C/^Min>//d5J Congrégation des .. . Pages 351 Herse Charlotte de Ligny (dame Vialart de). . » 33 i, 331 IsNARD Jacques, Jésuite » 244 Jacques de Saint-Omer, Capucin » 287 Jaccluin Claude » i Jean-Baptiste (Don), Supérieur des Barnabites d'Annecy. Voir Gennari. JÉSUITES. Voir Ayrault, Bellarmin, Gaudier, Isnard, Lessius » 187 JÉSUITES d'Autun. Voir Lacurne. Jésuites de Paris (Maison et Pvccteur du Noviciat de). Voir Gaudier » 414 JoiGNY Françoise-Marguerite de Silly (comtesse de) » 375 Joly de la Roche Claude-Agnès. Voir Roche (de la). Joris Claude-Jacqueline, Religieuse de la Visi- tation » 205 Lâchât François (de), curé de Vailly » 167 Lachenal Marie Roux (veuve). Voir Barfelly et Visitation d'Annecy » 62 Lacurne Huguette Desvoyo (dame de) » 114 Lacurne Jean de » 112, | 12, 113 Lagrand (la Gran) Louis de Simiane de la Coste (prieur et seigneur de). Voir Simiane de la CosTE » 220 Lagrand (prieuré de) » 220 LÉAVAL (M. de) » 289 Le Blanc Marie-Hélène, Religieuse de la Visi- tation )) 352 Le Blanc de MIons Ennemonde Chausson (dame) » 197, 229, 374 LÉGAT et Vice-Légat d'Avignon » 107 Le Maistre Lucrèce de la Porte (dame) » 207 Lescheraine Catherine de Monthouz (dame de) » 190, 190 Lescheraine Pierre-Louis de » 191 Lessius (Leys) Léonard, Jésuite, et ses ouvra- ges » 271,271, 272 Lhuillier Hélène-Angélique, Religieuse de la Visitation. Voir Villeneuve » 358  I  Index des correspondants et des notes 457 Lieutenant (M. le). Voir Saulx. Lionne Artus (de) *. Voir Aoste Pages 432 Liotard (filles de M^^^) » 223 Liotard Huguette. Voir Chantal Celse-Bénigne » 205 Liotard Marguerite du Solier (dame) » 222, 222, 255 Louis XIII » 153,255,333 Louis Xlll et Famille royale » 309 LuLLiN (chapelle du marquis de). Voir Thonon » 13, 53 LuLLiN Gaspard de Genève (marquis de) » 74 Madeleine (Congrégation des Filles de la). . . . » 373 Maineville (Mencville) ( i ) . Marcossey Jean de » 377 Mariage du Prince de Piémont avec Christine de France. Voir Favre (Antoine), Louis Xlll, Maurice de Savoie, Sales (François), Victor- Amédée » 3 1 5 , 347 Marie de Médicis » 383, 393 Marquemont Denis-Simon (de), Archevêque de Lyon » 23 Maubuisson (abbaye et abbesse de). Voir Arnauld » 40 1 Maubuisson (Saint François de Sales à) » 367, 399, 401, 409 Maurice de Savoie, Cardinal (Son voyage en France) » 138,296,301, 304, 308, 309, 338 Mente Sylvestre de Saluces * (abbé de la). . . . » 434 Menthon Claudine de Michaille (baronne de). . » 158,168 Michel Marie-Marguerite, Religieuse de la Visi- tation » 278 Milletot Bénigne » 143, 149 Milletot Claude de Cirey (dame) » 148 Milletot Michelle, Religieuse du Puits-d'Orbe » 145 Moccand Jean, Prieur de Sixt » 81 ( i) Pierre de RoncheroUes, seigneur de Maineville, né de François de Ron- cheroUes et d'Hélène d'O, épousa le 18 janvier 1603 Marie Sublet, fille de Michel Sublet, seigneur d'Hendicourt. Elle mourut le 22 janvier 1639, et son mari le 3 octobre 1658. (Bibl. Nat., Cabinet des Titres, Pièces originales, vol. 2539, art. RoncheroUes, fol. 172.) Il s'agit donc de l'un ou de l'autre si saint François de Sales a vraiment écrit M. de Meneville. Ces détails nous sont parvenus trop tard pour nous permettre de les insé- rer dans la note (3) de la page 414.  45^ Lettres de saint François de Sales MoDÈNE François de Rémond (seigneur de). . . Pages 307 MojoNiER Pierre, Curé des Allinges » 167 MojONNiER Amé de » 226 MoNET Claude- Aymon » 381 MONTENEGRO Jérôme Caraffa (marquis de) » 236 MoNTFERRAT (Guerre du). Voir Verceil. ..... » 106, 236 MoNTFLEURY (monastère des Dominicaines de) » 195 Montfort Michelle de Cerisier (dame de) » 20, 72 MoNTHOLON François de » 303 MoNTHOUz Paule-Jéronyme (de), Religieuse de la Visitation » 296 MoRET Antoine de Bourbon (comte de) » 381 M0TTIER Robert » 224 MusY Jean, curé d'Armoy » 200 MusY (Musici) Pierre ( i ) de » 377 Myans (couvent et sanctuaire de Notre-Dame de) » 181 Nemours François-Paul (de), prince de Genevois » 405 Nemours Henri de Savoie * (duc de Genevois et de) » 223,225,405, 438 Nemours Henri de Savoie (duc de Genevois et de) et la Visitation d'Annecy. Voir Visitation d'Annecy » 84, 1 80 Notre-Dame de la Campagne de Plaisance (cou- vent et sanctuaire de). Voir Calcagni » 166 Nouvelles Marie-Michelle (de), Religieuse de la Visitation » 29 Orlandini Françoise-Catherine, Religieuse de la Visitation » 1 74, 2 1 7 Orlier Diane de Rochette ? (dame d') » 168 Paris. Voir Capucins, Haudriettes, Jésuites, Madeleine (la), Saint-André-des-Arts,Saint- (i) On conserve aux Archives des Hospices d'Annecy, des Patentes de Henri de Nemours, « portant permission a R""^ François de Sales et a ses suc- cesseurs d'aberger les protocolles du mandement de Thiez. » Ces Patentes, qui sont certainement de 1614, nous apprennent que Pierre de Musy était mort avant cette date et que le saint Evêque avait remis les protocoles à son fils Claude-Gaspard. Mais celui-ci n'étant pas nommé avec le titre de « chaste- lain » dans la pièce citée, il n'est pas possible de dire si c'est lui ou son père que mentionne la lettre du 18 mai 1619.  Index des correspondants et des notes 459 Germain-des-Prés, Saint-Séverin, Ursuli- NEs, Visitation de Paris. Paris (Saint François de Sales à). Voir Maurice de Savoie Pages 65, io6, 296, 308, 334, 342, 345 Paris François » 328 Passier Paul de » 24 Paul V * » 89, 423 Pause Jean Plantavit (de la) » 386 Pavillon Marie-Anastase, Religieuse de la Vi- sitation » 396 Pénitentes (les). Voir Madeleine. PERRiauET Nicolas, Provincial des Carmes de la Province de Narbonne » 153 Perron Jacques Davy, Cardinal du » 294 Peyssard Thomas, vicaire de Saint-Maurice d'Annecy » 28 Pierre François de Macognin (seigneur de la) » 23 P1ERREVIVE Sylvius (de), grand-vicaire de l'E- vêque de Paris » 371 Pisançon Anne Bally (dame de) » 207 Port-Royal (Abbesse de). Voir Arnauld. Pré Lombard » 99 Puits-d'Orbe (Communauté du) » 161 Puits-d'Orbe (M™^ du). Voir Bourgeois Rose.  Quoex Claude de » 52, 189, 376, 408 Quoex Claude-Louis-Nicolas (de), Prieur de Talloires » 163 QyoEX Jean-Baptiste de » 408 Quoex Philippe (de). Voir Sainte-Catherine. . » 5. 156, 157 QyoEx Rose Forestier d'Yvoire (dame de) » 190 Rabutin François ? de » 162 Rannaud (M.), vicaire des AUinges » 168 Redento (Don), Barnabite. Voir Baranzano. Religieux (un) » 278 Religieuse (une) » 102,334 Retz (Cardinal de). Voir Gondi. Revel de Chasselay Marguerite (de), Novice de la Visitation » 257  460 Lettres de saint François de Sales Roche Claude-Agnès Joly (de la), Religieuse de la Visitation Page; Rochefoucauld François (de la), Cardinal » RoissiEUX (Royssieux) ou Roissy Antoinette de Grossaine (dame de Mesmes de) » Rossillon Hélène-Ferdinande de Maillard-Tour- non (comtesse de) » Royssieux Françoise Couvay (dame de) » Saget Serge » Saint-André Honorade de Simiane (dame Prunier de) » Saint-André de Grenoble (église de) » Saint- André- des-Arts de Paris (église de). ... » Sainte-Beuve îVladeleine Lhuillier (dame de). , » Sainte-Catherine (chapelle de) » Sainte-Catherine (M. de). Voir QuoEx Philippe. Sainte- Maison de Thonon. Voir Barnabites de Thonon, Conseil de la Sainte-Maison . . . ^ . » 253 Saint-Georges Jeanne de Harlay (dame de) . . , » Saint-Germain-des-Prés de Paris (abbaye de). . » Saint-Hippolyte de Thonon (prieuré de). Voir Sainte-Maison » Saint-Maurice d'Annecy (église et vicaire de). Voir Peyssard » Saint-Séverin de Paris (église de) » Saint-Sixt Laurent (de), Chartreux » Salbiner Pierre , » Sales Bernard (de). Voir Thorens. SALES FRANÇOIS * de (Saint). Voir Amis, Arnauld, Bellarmin, Bellerive, Capucins de Thonon, Clarisses du diocèse de Genève, DraillanTjGex, Grenoble, Lâchât, LouisXllI, Madeleine (la), Marcossey, Mariage, Mau- BUissoN, Nemours (François-Paul), Paris, QyoEx (Philippe), Saint-Germain-des-Prés, SÉMINAIRE, SixT, Talloires, Thorens (Marie- Aimée), Villeneuve, Visitation » 201, 215, 236, 250, 251, 286, 300, 302, 338, 347» 39» Saies Jean-François (de). Voir Boisy » Saulx Claude de . . »  353, 353 387 364 356, 356 365 83 207 102 304 366 158, 160  22, 61, 182, 39» 345 61 28 106 169 288  6,7, 106, 178,  51,401 5'  Index des correspondants et des notes 461 Sautereau Marie Gibert (dame de) Pages 25, 25 ScAGLiA Auguste-Manfred. Voir Caluso. Scaglla Ginevra )> 177,177,295, 305, 336, 360 ScAGLiA Philibert-Gérard, comte de Verrua. . . » 178, 296, 360 Scotto Laurent » 71 Séminaire pour le diocèse de Genève (Projet de fondation d'un) « 142 Seyssel (Procès entre le Chapitre de Saint-Pierre de Genève et la ville de) » 283 Seyssel (syndics de) » 283 SiMiANE de la Coste Jean-Baptiste (de). Voir COSTE. SiMiANE de la Coste Louls (de). Voir Lagrand. Sixt (Prieur et Religieux de). Voir Moccand. . . » 81, 81, 82 SoissoNs Anne de Montafia (comtesse de) » 406 Soudan de la Palme François (0 » 381 Synode de 1617...., » 2 Talloires (prieuré de) » 8, 250 Tante (une) » 230 Tavernier Nicole » 325 Tertre Marie-Aimée de Morville (dame du). . . » 386, 397 Thibaut Marie-Françoise, Religieuse de la Visi- tation » 346 Thonon. Voir Barnabites, Capucins, Lullin, Sainte-Maison, Saint-Hippolyte. Thorens Bernard de Sales (baron de). Voir Sales » 13, 16, 17, 19 Thorens (fils posthume du baron de) » 70 Thorens Marie-Aimée de Rabutin-Chantal (ba- ronne de) » 35,70,73, 76, 110, 147 Tournelle (Chambre de la) . . » 149 Trémoille (Trimouille) Charlotte-Brabantine de Nassau (dame de la) » 367 (i) La vingt-quatrième feuille était tirée lorsque nous sont arrivés quel- ques renseignements sur ce correspondant du Saint, Dans les anciens registres des tabellions royaux « en la viconté d'Auge » (Etude de M^ Bréard, notaire à Honfleur), se trouve, au 27 mars 1619, l'original du contrat de mariage de « François Soudan, dit de la Palme, fils aisné de Jacques Soudan, notaire pu- blic et curial d'Annessy, et de honorable femme Claude Caillât ; icelluy natif de La Luaz, parroisse de Thorens, et bourgeois de La Roche en Genevois, de présent demeurant en la ville de Honnefleu, » — avec « Marie, fille de feu Noël Le Mal, vivant capitaine de navire, » et « de Charlotte Guychard. »  462 Lettres de saint François de Sales Ulme Jean-François d' ... Pages 248, 248 Urfé Marie de Neufville (marquise d') » 97 Ursulines de Paris » 141 Vailly (Vualier) curé de. Voir Lâchât. Valbonne André de Nicolle de Crescherel (dame delà) » 3. Ï35 Vaibonne René Favre (seigneur de la). . . . » 57,57,58,125 Valence Evêque (de). Voir Gélas de Leberon. Vars Hélène d'Arerex, dame de (Marie-Hélène, Religieuse de la Visitation). ... » 355 Verceil (prise et reddition de) » 42, 236 Verneuil Henriette de Balzac (marquise de) » 372 Verrua Philibert-Gérard Scaglia (comte de). Voir Scaglia. Veyssilieu Marguerite de la Croix de Chevriè- res (dame Rabot d'Aurillac de) » 38, 59, 232, 343. 365 Victor-Amédée de Savoie, prince de Pié- mont. Voir Mariage. . , » 12, 45, 108, 139, 169, 182, 200, 267, 315, 319, 336, ^ 391, 392, 405, 410 Vignod Bernarde (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine » 183 Vignod Jean de » 292 ViLLARs Marie-Catherine (de), Religieuse de la Visitation » 125 Villeneuve Marie-Lhuillier (dame de), fonda- trice des Filles de la Croix » 357» 357, 358 Villesavin Isabelle Blondeau (dame de) » 384, 384, 415 ViLLESAViN Jean Phélipeaux (seigneur de) » 417 Villette Amédée de Chevron (baron de) » 18 ViLLY (seigneurie de) » ^82 Visitation (Coutumes et Règles de la) » 187, 188, 203, 302, 346, 395, 406, 418 — Projets de fondations » 137,216,306 Visitation d'Annecy (Achat de moulins du duc de Nemours). Voir Nemours » 180 — Affaire des jardins et autres. Voir Barnabites, Dominicains, Pré Lombard » 32,98, 120, 275  Index des correspondants et des notes 463 Visitation d'Annecy (Eglise et monastère de la). Voir Barfelly (maisons^, Lache- NAL, Nemours Pages 6, 84, 86 — Religieuses * de la. Voir Albamey, Avise, Barfelly, Blonay, Bré- chard, Chantal, Chastel, De- VILLERS, FaVRE, FavROT, FoNTA- NY, JoRis, Le Blanc, Michel, MoNTHOuz, Nouvelles, Roche (de la), Vars » 32, 201, 202, 205, 220, 438, 439 Visitation de Bourges (Fondation, fondatrices et Religieuses de la). Voir Le Blanc, Thibaut » 193,295,317 Visitation de Grenoble (Fondation, fondatri- ces et Religieuses de la). Voir Aos- te, Bressand, Collisieux, Colom- bier, GÉRARD DE RÉAUTIER, GlÉZAT, UlME » 148, 152, IQ2 Visitation de Lyon (Religieuses de la). Voir Colin, Orlandini, Revel de Chas- SELAY, ViLLARS )) I72, I74 Visitation de Paris (Fondation, fondatrices et Religieuses de la). VoirCREiL, Gouf- FIERS, HaUDRIETTES, MADELEINE (la), Pavillon » 194,333,341, 359> 3^4, 370, 37'. 372, 375, 407 Visitation de Turin (Fondation de la). Voir Favre, Monthouz, Scaglia (Gi- nevra) » 204, 363 Vœux de Religion (solennité des) » 133 VuAZ ou VuAD Jacques-François de Sales (sei- gneur du) » 19  Weber Balthazard,  »  TABLE DE CORRESPONDANCE DE CETTE NOUVELLE ÉDITION AVEC LES PRÉCÉDENTES ET INDICATION DE LA PROVENANCE DES MANUSCRITS  NOUVELLE EDITION MCCCVIII  PROVENANCE DES MSS. Metz (Annecy). C'esse d'Asnières de Sales. .  MCCCIX.  r '•■■■ MCCCX pp. 6, 7, (suite  Annecy. Visit. (Hisi. de la Fondation) Harrow (Londres). Vi- sitation MCCCXII Turin. Archiv. de l'Etat  MCCCXI.  MCCCXIII. MCCCXIV. MCCCXV.. MCCCXVI,  ANNBCY.Ch"J.-M. Che- valier  MCCCXVII  MCCCXVIII MCCCXIX..  Annecy. Visitation (Photographie). . .  MCCCXX,  PREMIÈRE PUBLICATION ( I ) ÉDITIONS MODERNES { Biaise, Nouvelles iné- i Vives, yii, p. n'y l dites (1833), p. 41. .. I Migne, vi, col. 877 ' Epistres spirituelles , \ \ 1626, 1. 11; Hérissant, I Viv. xi, p. 22 ) m, p. 302. (Voir note ( Mig. v, col. 1046 . (2), p. 3) ) \ / S Œuvres, 1641, t. II, \ Viv. ix, p. 488 epist. XLVi ) Mig. V, col. 1048 Inédite î Viv. VI, p. 402 ^^^^'^'"' P- ^°4 \ Mig. V,, col. 748 C Viv. VI, p. 401 I^^^-'P- '°^ î ^.^. VI, coL 748 Mig. V, col, 1050 ( Epistres spirituelles, C Viv. xi, p. 26 \ 1626, 1. V ( Mig. V, col. 1052 ( Viv. XI, p. 24 ^^'"^ \ Mig. V, col. 1051 J Viv. XI, p. 28 ^^''^ \ Mig. V, col. 1053 Mig. VI, col. 1013 Inédite Epistres spirituelles , t Viv. xii, p. 170 1626, 1. V i Mig. V, col. 1644  (i) Les indications qui figurent dans cette colonne sont données sous toutes réserves, et pour des raisons déjà exposées dans l'Avant-Propos du tome XI. La numérotation des pièces étant souvent très inexacte dans les éditions du xvii^ siècle, quand nous remontons à celles-ci, au lieu de citer le numéro d'ordre des Lettres, nous indi- quons seulement la série, soit le Livre dans lequel elles sont insérées.  Lettrks VU!  30  466 NOUVELLE ÉDITION MCCCXXI MCCCXXII MCCCXXIII MCCCXXI V MCCCXXV MCCCXXVI MCCCXXVII (fragt).. MCCCXXVIII MCCCXXIxr'^^*^'-' (variante MCCCXXXî fragment) MCCCXXXI MCCCXXXII MCCCXXXIII MCCCXXXIV MCCCXXXV MCCCXXXVI MCCCXXXVII MCCCXXXVIII(frag) MCCCXXXIX MCCCXL MCCCXLI MCCCXLII MCCCXLIII MCCCXLIV MCCCXLV MCCCXLVI MCCCXLVII MCCCXLVIII (frag') MCCCXLIX MCCCL  PROVENANCE DES MSS.  PREMIERE PUBLICATION  Annecy. Visitation... Datta, n, p. 159... Beaufort. Sœurs Hos- } ^7, . pitalièresdeS'-Joseph ) > -• F- ?V' San Vito al Taglia- MENTO (Italie). Visita- tion Epistres sbirituelles, 1626, 1. IV  Marseille. Visitation (i"^"" Monastère) Turin. Visit. (Copie)..  Ibid.. 1. II.  Ibid., 1. m,  Bp is très spiritue lies , 1626, 1. I  \ i 16  Annecy. Visitation... Ville-en-Sallaz (H'^- Savoie). M"^ Gavard Le Mans. Visitation.. FixiN(Côte-d'Or).Abbé Gustave Chevallier . . Annecy. Visitation... Idem Nancy. Visitation.... Annecy. Ch"' Mercier Le Mans. Visitation.. Turin. Casa Cottolengo ^ Annecy. Visitation l (Copie)  Reims. Visitation. . . . Belley. Ch" Robert. Annecy. Visitation.. Montpellier. Visit. Turin. Visit. (Copie). ,  Turin. Archives Ba- rolo Fribourg. Visitation.. Milan. Archives Tri- vulzio  Annales Salésien7tes, 20 septembre i88g  Mémoires de l'Acad, Salés., t. VI (1883)  Epistres spirituelles, 1626, 1, IV  Datta, II, p. 205  Epistres spirituelles, 1626, 1. IV Biaise, Nouvelles iné- dites (1835!, p. 23. . .  Epistres spirituelles, 1626. 1. V . . ,  EDITIONS MODERNES Viv. VII, p. 309 Mig. VI, col. 726 Viv. XI, p. 87 Mig. V, col. 1416 Inédite Viv. XI, p. 30 Mig. V, col. 1053 Viv. XI, p. 462 Mig. V, col. 1493 Viv. XII, p. 91 Mig. V, col. 1579 Inédit Inédite Viv. VII, p. 334 Mig. V, col. 1055 Inédite Inédit Mig. VI, col. 1057  Mig. IX, col. 94 Ibid., col. 112 Inédite  Mig. VI, col. 1009 Inédit Mig. VI, col. 985 (V. note (2), p. 59) Viv. XI, p. 31 Mig. V, col. 1057 Viv. VII, p. 335 Mig. V, col. 1057 Inédite Viv. VII, p. 337 Mig. VI, col. 749 Inédite Inédite Viv. XI, p. 33 Mig. V, col. 1058 Viv. VII, p. 338 Mig. VI, col. 867 Inédit Inédite Viv. VU, p. 339 Mig. v, col. 1060  467  NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. PPEMIÈBE PUBLICATION / Annecy. Visitation(' K/V  ÉDITIONS MODERNES  MCCCLl (fragment),  , , - . [ Vte de la Sœur Marie ) manuscrite de Marie- \ , , , ^, , ,f »r- 10 ^ . , , r, , , . 'v Aymée de (chantai) Miff.w, col. 1054 , Atmée de Rabuttn- ),,,,, ^ \ ( ChaM) ( (■659)(0.oh.x,„...) ! Œuvres, 1641, t. II. ep. xLViii. (Voir note ( i ), P- 75) Annecy. Visitation ('FîV ( Vie de la Sœur M.- A. manuscrite de M. -A. \ de Chantai {i6<^i.)), ch. de Rabutin-Chantal) . [ xiii Rome. Archiv. du Pos- \ tulateur des ^ Causes / des VVbles et BB'^ 1 S. J. (Copie) )  MCCCLIII  11*='" alinéa  Viv. VII, p. 345 MifT, V. col. 1075 Viv. XI, p. 38 Mig. V, col. l(M)3  Inédit  MCCCLIV<  /suite Idem MCCCLV P"" Procès de Canonis. MCCCLVI MCCCLVII Turin. Archiv. de lEtat (Copie)  MCCCLVIII.  MCCCLIX  Actes Béatif. Vén.Card. Bellarmin, Summa- riumaddiiionale, p. 53  Epistres spirituelles, 1626 (texte français), 1629 (texte latin), 1. 1  Inédite Mig. VI, col. 1078 Ibid., col. 1058  IV. VI, p. 403  M.  'g-  col. io6s  MCCCLX... MCCCLXI . . MCCCLXII. MCCCLXIII  Ibid.  Viv. VI, p. 405 Mig. V, col. lObS \ Turin. Archiv. de l'Etat ) _ ^ \ Fù'. vu, p. 341 i , _ . , \ Datta, II. p. 206 \ -kjr 1 { (Copie) ) ' ^ f Af?^. VI, col. 749 A/ z^-. VI, col. 1083 i Vtv. VII, p. 342 Hérissant, m, p. 353.. i 1^ • 1 ' ' *^ ■'^^ l Mtg. V, col. 1071 ^ Œuvres, 1641, t. II, v Viv. xi, p. 43 ( epist. xxxîv f ^^g- "^S ^^^- 1073 Viv. XI. p. 473  MCCCLXIV MCCCLXV Annecy. Visitation (Photographie) MCCCLXVI Montpellier. Visita- tion ^Copie) l Turin. Archives de MCCCLXVII j j,£^^^ MCCCLXVIII Idem  Ibid., epist. xxxii. . . .  MCCCLXIX.  Datt^,  Ibid.  II, p. 209  p. 210 Hérissant, m, p. 437. (Voir les notes ^( i ), pp. 109, lie)  ( Mig. V, col. 1054 Inédite Inédite ^ Viv. IX, p. 491 } Mig. VI, col. 751 ^ Viv. IX, p. 492 ( Mig. VI, col. 752 / Viv. VII, p. 355 l Mig. Vj col. 1108  ( i) Les Vies de VII Religieuses de l'Ordre de la Visitation Sainte Marie. . . par la Mère Françoise Madelene de Chaugy, Supérieure du premier Monastère de cet Ordre. A Annessy, par Jacques Clerc, mdclix.  468 NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. MCCCLXX (fragment) Annecy. Visit. (Hist. de la Fondation). . . . MCCCLXXI Nancy. Visitation ..  PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  Œuvres, 2291 . ,  1652, col.  Turin. Archiv. de TEtat } ^ (Copie) |Z)««^,ii, p. 353.  MCCCLXXII MCCCLXXIII Annecy. Visitation.... MCCCLXXI V Turin. Archiv. de TEtat MCCCLXXV  Ibid., p. 212 Ibid., p. 211 Hérissant, m, p. 392.  MCCCLXXVI . . MCCCLXXVII. MCCCLXXVIII  Ibid., p. 391  Inédit Viv. IX, p. 493 Mig. V, col. 1074 Viv. XII, p. 184 Mig. VI, col. 837 Viv, VI, p. 419 Mig. VI, col. 753 Viv. VI, p. 418 Mi£^. VI, col. 752 Viv. XI, p. 46 Mig. V, col. 1089 Viv. XI, p. 45 Mig. V, col. 1088 Viv. XI, p. 46  MCCCLXXIX . MCCCLXXX.. MCCCLXXXI. MCCCLXXXII  Epistres spirituelles, 1626, 1. V ( Mig. V, col. 1089 Annecy. Visitation (An- ] cien Ms. de VAmte'e i Mig. vi, col. 1014 Sainte) ) TT, • ^ i ^^^' ^^i P' 48 Hérissant, m, p. 396. . ) w • , i t: py f Mtg. V, col. 1090 Epistres spirituelles , ( Viv. xi, p. 172 1626, 1. IV ( Mig. V, col. 1210 i Viv. XI, p. 452  Annecy. Visit. (Hist. de la Fondation). .. .  MCCCLXXXIII(frag') MCCCLXXXIV Turin. Archiv. del'Etat Z)a^/^, 11, p. 219  Ibid., 1. VI Ibid., 1. II. (Voir notes (i), pp. 135, 136).... Lettres de SteJ.-F. de Chantai (1877), ( i ), vol.I, p. 221, note(i).  Mig. v, col. 1487 Viv. XI, p. 21 Mig. V, col. 1046  (texte MCCCLXXXV) ^var'"  MCCCLXXXVI.  MCCCLXXXVII.. MCCCLXXXVIII. MCCCLXXXIX...  Turin. Bibl. Civica. . . Marseille. Visitation (i^"" Monastère)  Lyon-Fourvière. Visi- tation  Viv. VII, p. 346 Mig. VI, col. 757 Inédit Viv. VII, p. 34^ 1626, 1. I i Mig. V, col. 1091 Ibid., 1 "' ^ ^^''- ^"' P- ^^9  Epistres spirituelles.  Besançon. Grand Sé- minaire  Etudesreligieuses S.J., mars 1866  Hérissant, vi, p. 3,  MCCCXC MCCCXCI. MCCCXCII  Mig. V, col. 1034  Mig. VI, col. 1092 Viv. VII, p. 379 Mig. V, col. 1130 Viv. XI, p. 51  Epistres spirituelles, 1626, 1. IV { Mig. V, col. 1092 Œuvres, i6'!,2, col. 2202 { .,. . ^ ^ \ Mtg. V, col. 1092 Epistres spirituelles, \ Viv. ix, p. 501 1626, 1. I \ Mig. V, col. 1093  (i) Sainte Jeanne-Françoise Fréinyot de Chantai, sa Vie et ses Œuvres; Lettres, vol. I, Paris, Pion, 1877.  469  NOUVELLE EDITION MCCCXCIII  PROVENANCE DES MSS.  PREMIÈRE PUBLICATION EDITIONS MODERNES ^ Episfres spirituelles , \ Viv. vil, p. 347 ( 1. V / ^'^- V, col. 1098 MCCCXCIV(frag') j Ibid., 16=9, 1- v,. (Voir j F... xi, p. 53 ( note (i), p. X57) ( Mtg. V, col. iO()^ Château de Menthon ] MCCCXCV ] (Annecy). C'^ de Men-[ In<^di/e thon ; Instructions et prati- ( Viv. vu, p. 348 que de piété ^ 1688 (i ) ' ^ig ■ v, col. 1096 ) \ Viv. XI, p. 412 [ Datta, II, p. 549 , -. ,0 \ Episfres spirituelles, ( Viv. xii, p. 180 { 1626, 1. V ' ^^g- V, col. 1650 MCCCXCIX Plaisance. C'^Morandi P//-^//, 1886 ( 2 ), p. 80 Inédite ( Viv. VI, p. 426  MCCCXCVI . MCCCXCVII. MCCCXCVIII  Turin. Archives de l'Etat (Copie)  MCD GENÈvE.M.Thury^i9io) MCDI Turin. Archiv. de l'Etat  Datta, 11, p. 220  { Mig. VI, col. 758  MCDII.  MCDIII.  Epistres spirituelles., \ Viv. xi, p. 55 1626, 1. III { ^^g' V, col. 1099 \. Viv. VII, p. 350  Ibid., 1. IV.  MCDIV Milan. Bibliothèque Ambrosienne (Copie) j,^p.x^ ( Annecy. Visitation r (Copie) MCDVI Turin. Archiv. del'Etat Datta, u, p. 221 MCDVII  Mig. V, col. iioi Inédite Mig. VI, col. 1014 (traduction) Viv. VI, p. 427 Mig. VI, col. 759 Viv. XI, p. 477  MCDVIII Turin. Archiv. del'Etat Datta, 11, p. 222 MCDIX AsTi(Piémont).Evêché  ^ Œuvres, 1641, t. II, ) epist. xxviii i Mig. v, col. 1507 Viv. VI, p. 42  -- -.^„ ( Chambery. Archiv. du ( Sénat de Savoie MCDXI Chambery. M»"^ Dena-  Mugnier, 5. Fr. de S. Docteur en droit, etc. (Chambery, 1885)  Mig. VI, col. 760 Inédite  Année Sainte de la Vi-  Mig. VI, col. 1085 Viv. XI, p. 58 sit. (1689), t. I, p. 302 ) Mig. V, col. 1105 Inédit  MCDXII (fragment) ! Annecy. Visit. (Hist. mste de la Fondation de Grenoble) ) MCDXIV Annecy. Visit. (Fac-si- milé de l'Autographe) Mig. ix, col. 1407 Epistres spirituelles , t Viv. vu, p. y^^ 1626, 1. VI \ Mig. V, col. 1106 ( I ) Voir tome XVI, note ( i ), p. 454. (3) André Pératé, La Mission de François de Sales dans le Chahlais, documents inédits tirés des Archives du Vatican (extrait des Mélanges d'Archéol. et d'Hist. publiés par l'Ecole franc, de Rome, tomd VI), Rome, Cuggiani, 1886.  MCDXV  470 NOUVELLE ÉDITION MCDXVI MCDXVII MCDXVIII MCDXIX MCDXX MCDXXI S »'^ alinéa ' suite . . . MCDXXII MCDXXIII MCDXXIV MCDXXV MCDXXVI MCDXXVII MCDXXVIII MCDXXIX MCDXXX MCDXXXI MCDXXXII MCDXXXIIl MCDXXXI V MCDXXXV MCDXXXVI MCDXXXVII MCDXXXVIII  PROVENANCE DES MSS.  Tours. Religieuses du Saint-Esprit  PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  Epistres spirituelles , 1626. 1. III  Turin. Archiv. de l'Etat Datta, 11, p. 227 Marseille. Visitation. ; i<=^ M.ère (Copie). . . .' \ Hérissant, m, p. 454. • Epistres spirituelles. 1626, 1. II Annecy, Visit. (Hist. ) de la Fondation) \ Idem Amiens. Visitation  Rome. Bénédictines de Santa Cecilia Chambéry. Visitation.  Paris. Biblioth. Nat, Fonds français, 3809,  Hérissant, m, p. 438. (Voir note ( i ), p. 109) Charles-Auguste, Vie de la Mère de Blonay (1655), chap. VII  Hérissant, iri, p. 440. . Etudes religieusesS.J .,  fol. 80 ) "^^■^^^900 Turin. Archiv. de l'Etat (Copie)  MARiGNiER(H'*-Savoie) Abbé Pettex  Hérissant, ni, p. 445. .  Turin. Archiv. de l'Etat (Copie) Florence. Ms"" San Clé- mente , Archevêque tit. de Patras (Grèce).  Hérissant, m, p. 442..  Epistres spirituelles, 1626, 1. V \ Œuvres, 1652, epist. ( Lxxii, col. 1712 Hérissant, Opuscules, IV, p. 15 Hérissant, m, p. 447 . .  Viv. XI, p. 64 Mig. V, col. rio^ Inédite Viv. VI, p. 430 Mig. VI, col. 762 Viv. VII, p. 360 M^ig. V, col. 1114 Viv. XI, p. 347 Mig. V, col. 1364 Inédit Mig. IX, col. 94 Inédite Viv. VII, p. 356 Mig. V, col. II 08 Mig. VI, col. 108 1  Inédite Inédite Viv. XI, p. 65 Mig. V, col. 1109  Mig. VI, col. 1059 Viv. VII, p, 358 Mig. V, col. iiii Mig. V, col. iirt Viv. VII, p. 357 Mig. V, col. trio, et VI, col. 1054 Mig. VI, col. 1016 Inédite Viv. XI, p. 67 Mig. V, col. II 12 Viv. XI, p. 68 Mig. V, col. II 13 Viv. XI, p. 411 Mig. V, col. 1443 Viv. VII, p. 359 Mia. V, col. II 12  47'  NOUVELLE ÉDIIION MCDXXXIX (frag')  PROVENANCE DES MSS. PREMIÈRE PUBLICATION i^.DITIONS MODERNES  MCDXL  MCDXLI  \pp. 237-259 'post-script . MCDXLII (fragment)  MCDXLIII MCDXLIV  MCDXLV (fragment]  MCDXLVI . MCDXL VII  Toulouse. Visitation \ (Copie) ( Chambéry. Visitation | Idem  Turin. Visit. (Copie). . Turin. Archiv. de l'Etat (Copie) Annecy. Visitation ( Vie manuscrite de la Mère de Chastel)  AuxoNNE (Côte-d'Or). Mn'e Gaulard  X, p. 500 V, col. 951  Epistres spirituelles^ \ 1626, 1. iii. (Voir note f ,^ . ' (O.P .,,)......... ^'^ Mk"" Douais, La Visita- tion de Toulouse (Pa- ris, 1905), ch. XIV, p. 107 Epistres spirituelles, 1626, 1. II. (Voir (2), p. 239). ItKidit Arpaud, Vie de Mgr D. \ Juste Guérin (1837), f Mig. vi, col. 1016 liv. I, chap. XII } Inédite  les, , _,. / Viv. XI, p. 70 \ Mig. V, col. 1 1 1(  MCDXLVIII  Vie de la Mère P. -M. de Chastel (1659), ch. XX Hérissant, m, p. 470. .  Œuvres, 1641, t. II, epist. XL VII  MCDXLIX Chambéry. Visitation jDa//^, 11, p. 228.  MCDL. MCDLI  MCDLII . MCDLIII MCDLIV.  Lyon-Fourvière. Visit. Alexandrie (Piémont). Evêché Paris. Bibl.Nat.,i^o«^5 français, i']}62, p. 157 Caen. Visitation Chabeuil (Drôme). Ar- chives communales. .  Biaise, Nouvelles iné- dites (1833), p. 55; Bé- thune (1833), XVI, p. VI Lacroix, Le Collège de Chabeuil, 188 1  MCDLV... MCDLVI., MCDLVII,  Grenoble. M. Gauduel Hérissant, m, p. 476.  Château d'Yvoire (H'^-Savoie). Baron d'Yvoire Rome. Archives des PP. Barnabites  Epistres spirituelles , 1626, 1. II Vie de D. Juste Guérin (ital. i859)(i), p. 244  Mig. VI, col. 1054 Viv. XI, p. 66 Mig. V, col. iiio Viv. IX, p. 505 Mig. V, col. II 22 hiédite Viv. VII, p. 366 Mig. V, col, 112 1, et VI, col. 1020 Viv. XI, p. 72 Mig. VI, col. 763 Mig. VI, col. 1017 Inédite Viv. VII, p. 369 Mig. VI, col. 886 Inédite  Viv. XI, p. 74 Mig. V, col. 1124 Viv. XI, p. 75 Mig. y, col. 1125  ( I ) Vita del Servo di Dio Monsignor Giusto Guérin, Vescovo Principe di Ginevra, délia Congre ga:{ione dei Chierici Regolari Barnahiti, descritta dal P . Mauri\io Arpaud, tradotia dal francese dal P . D. Mauro Rusca délia stessa Congrega^ione, ed ora nuovamente riveduta ed ampliata. Milano, Ditta Boniardi-Pogliani di E. Besozzi, 1859.  472 NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DES MSS. PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES MCDLVIII MCDLIX Turin. Archiv. de TEtat Datta, u, p. 2)0.  Epistres spirituelles , 1626, 1. VI. (Voir note (0, p. 266)  Viv. XI, p. 77 Mig. V, col. 112^  MCDLXI  MCDLXII S ^^«°"^= (Genève). M"« Adélaïde Vuy  Viv. VI, p. 431 Mig. VI, col. 764 Inédite Viv. IX, p. 507  MCDLX Turin. Visit. (Copie) \ Fribourg et Nancy. Vi- 1 „, ^. ^_^ \ sitation (Fac-similé). . \ Hérissant, m, p. 484. . | ^^.^ ^^ ^^^^ ^^^j J. Vuy, La Philotkée de St Fr. de Sales, II, (1879), p. 284 MCDLXIII Turin. Archiv.de l'Etat Datta, u, p 2^1. . . .[X^-'^^' ^' t'^'' , ^ '^ { Mig. VI, col. 765 IArpaud, Vie de D.Jus- J te Guérin (1837), liv. ( Mig. vi, col. 1017 I, chap. XII, p. 91. . . \ I Vie de la Mère Marie- \ MCDLXV (fragment) ) Marguerite Michel Ibid., col. 1095  ) Marguerite Mie) \ (1695) (0» P- M7'  MCDLXVI MCDLXVII Amiens. Visitation. . . . Visitation  MCDLXVIII  Œuvres, 1641, t. II, ^ Viv. xi, p. 41 epist. XLix \ Mig. V, col. 1069 TT . ■ n ^ Viv. VI, p. 435 tlerissant.xw.p. ifiQ. . \ ,^ . , ■ r ~< -> f Mtg. V, coL II 29 Me-" Douais, La Visi- tation de Toulouse, chap. XIV, p. 108  MCDLXXIII  Toulouse . (Copie) MCDLXIX Annecy. Visitation (Copie) Inédite MCDLXX Côte-Saint-André. Vi- sitation ^ig- "^i> col. 1018 MCDLxxi \ ^/rx^pr.'.''":': i '" '-^^' c^'») MCDLXXII Fribourg. Visitation Afî]^. vi, col. 942 Turin. Archives <^e J ( Viv. xi, p. 415 l'Etat (Copie) S ^^'^''' "' P- 35^ \ ^^^^ ^^^ ^^^ g^g Château DE Cohendier MCDLXXIV ] (H'^-Savoie). Baron f Inédite de Viry ! Château de Monpont (Alby). M"« Hélène^ M^;^. vi, col. 1094 de ThioUaz. MCDLXXVI Bar-le-Duc. Sœurs Dominicaines Inédite Viv. IX, p. 513 Mig. VI, col. 765  MCDLXXVII,  \ Milan. Bibliothèque , ) . , . \ Datta, II, p. 252. ' Ambrosienne S ' ' r ;>  (i) Les Vies de plusieurs Supérieures de V Ordre de la Visitation Sainte Marie, revues et corrigées par un Père de la Compagnie de Jésus. A Anneci, chez Humbert Fontaine, MDCXCIII. .  473  nouvelle édition 1>r0venance des mss. Château de Piasco MCDLXXVIII J (Turin). O"^ Biandrate di San Giorgio  PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  MCDLXXIX.  MCDLXXX MCDLXXXI MCDLXXXII(frag'  MCDLXXXIIl.  MCDLXXXIV MCDLXXXV MCDLXXXVI (frag») MCDLXXXVII MCDLXXXVIII MCDLXXXIX  MCDXC (fragment).. MCDXCI MCDXCII (fragments) MCDXCIII  MCDXCI V^  pp. 323- 326 . . . .  fin,  Rome. Dames du Sacré- Cœur de la Trinité du Mont Nevers. Visitation. . . .  Paris. Maison-Mère des Religieux des SS. Cœurs San Remo (Italie), Vi- sitation  D. Martène, Voyage littéraire de deux Bé- nédiciins [PanSy 1709), Part. I, p. 178 Pe'raté, 1886, p. 83  Epistres spirituelles, 1626, 1. VI. (Voir note (O, P-302) Biaise, Nouvelles iné- dites (1833), p. 23... Datta, II, 234 Epistres spirituelles , 1626, 1. V Œuvres, 1641, t. II, epist. XIX Epistres spirituelles , 1626, 1. IV  Datta, II, p. 240.  Turin. Archiv. de l'Etat (Copie) Annecy. Visitation. (Ancien Ms. de V An- née Sainte)  Datta, II, p. 242,  Epistres spirituelles , 1626, 1. VI. (Voir les notes(i),pp.320,32i)  Venise. Visit. (Copie)  Ibid., 1. VII Vie du Saint, par D. Jean de Saint-Fran- çois (1624) ( i) Epistres spirituelles , 1626, 1. II Ibid. (Voir note ( i ), P- 326)  Inédite  Viv. IX, p. 511 Mig. V, col. 1132  Mig. VI, col. 1028 Viv. XI, p. 237 Mig. V, col. 1268 Viv. VII, p. 370 Mig. VI, col. 867 Viv. VII, p. 372 Mig. VI, col. 768 Viv. XI, p. 35 Mig. V, col. 1061 Viv. XI, p. 469 Mig. V, col. 1498 Viv. XI, p. 81 Mig. V, col. 1133 Viv. VII, p. 376 Mig. VI, col. 771 Mig. VI, col. 1019 Viv. VII, p. 378 Mig. VI, col. 772 Mig. VI, col. 1085 ( Viv. XI, p. 161 \ Mig. V, col. 1200 Viv. XI, p. 384 Mig. V, col. 141 5 f Viv. VI, p. 528 [Mig. V, col. 1447 \ Viv. VI, p. 534 \ Mig. V, col. 1453  {1) La Vie du Bien-Heureus Mre François de Sales, Evesque et Prince de Genève, Instituteur de l'Ordre des Religieuses de la Visitation de Sainte Marie, par le R. P. Dom Jean de S. François, Supérieur General de la Congrégation des Feuillens. A Paris, chez Michel Soly, MDCXxiv. (Liv. IV, pp. 328-335.)  474  NOUVELLE EDITION  PROVENANCE DES MSS.  PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  MCDXCV.. MCDXCVI.  i®'"alinéa  Annecy. Visitation (Copie) Poitiers. Visitation.. Milan. C^^ Sormani- Andreani  \11. 4-17,  Idem,  suite..  Idem.  MCDXCVIII  MCDXCIX.  Harrow (Londres). Vi- sitation  MD (fragments),  MDI  Annecy. Visitation (Fac-similé)  MDII  deux premiers alinéas  Thonon. Visitation  MDIII(3« alinéa,  Id(  suite Idf  MDIV.  ZiLLiSHEiM (Alsace). Pe- tit Séminaire  il"'' alinéa MDvPP-^^f/^^-^-") / 355(11- 1-8)... fin  Amiens. Visitation Idem  MDVL. MDVII.  Idem Roeulx (Belgique). Sœurs Augustines.. Le Mans. Carmel. . .  Viv. XII, p. 14 Mi£'. V, col. 1134 Mï^. VI, col. 1048 ( Vzv. XI, p. 82 JJatta, II, p. 245 ) i^- 1 » ' f t;> f Afz^. V, col. 1135 Epistres spirituelles , \ _ 1626, 1. V. (Voir note r/^' ^'' ?" ^^ / \ \ ? Mior. V, col. II 35, (0, p- 332) \ / 1 r, ,, 1 et IX, col. 100 Datta, II, p. 243 / ' Daita^ ibid. (Voir note î Viv. xi, p. 83 (3)» P- 333) I ^ig- V, col. 1136 Epistres spirituelles, \ r ù ^ T\ xj. \ V^'v- XII, p. 197 1626, 1. vu; Z)^//d!, II, ,^. , 1 o l Miff-. V. col. i6s8 P- 355 ) ^ ' ' ; Cibrario, Lettere inédi- te di Santi, etc. (186 1) (0. P- 137 : Epistres spirituelles, \ I 1626, 1. V. (Voir notes [ Mig. ix, col. 100 (0, PP- 339, .340).... ) f Publiée par le C^** de ! Buffières et M. de ' Jussieu (1878) (2) Œuvres, 1652, 1. VI, C Viv. xi, p. 85 epist. Lxx f Mig. v, col. 1136 ( Viv. VII, p. 380 Datta, II. p. 245 ] , ,. , ■ ^ ^^ ( Mig. VI, col, 772 Epistres spirituelles . \ ^^ ... Q ' I Viv. ibid. 1626, 1. V, p. 585 ; [ ^ ^^ /- \ A/ïo'. ibid,, col. 773 Datta, 11, p. 246 ) ^ ' "^ Datta, ibid. (Voir note ) Viv. ibid,, p. 381 (4), P- 349) \ ^^g' ibiti- iV Ami de la Religion, \ Paris, 22 sept, 1859, [ Mig. v, col. 1699 (Voir note ( 2), p, 352) ) Inédit \ Epistres spirituelles, ( Viv. vu, p. 383 f 1626, 1, VII f Mig. Vj col, 1138 Inédite Revue cath. de Louvain, janvier 1851 Mig. VI, col. 1055  (1) Lettere inédite di Santi, Papi, Principi, illustri guerrieri e letterati.con note edillustra- \ioni del Cavalière Luigi Cibrario. Torino, tipografia eredi Botta, mdccclxi. (2) Lettre inédite de saint François de Sales, publiée avec des notes et des éclaircissements par le Cte Amalric Lombard de Buffières et Alexis de Jussieu, archiviste de la Savoie. Paris, Pion, 1878.  475  NOUVELLE ÉDITION  MDVIII (fragment).  texte italien  Mi^. VI, col. 1356  MDIX  PROVENANCE DES MSS. PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS .MODERNES i Mémoires, par la Mère de Chaugy (Paris, 1874), Partie II, ch. XII. Cf. Maupas (i ), Partie II, ch. xiii. . . Turin. Visitation (Copie)  Itraduction in- complète  i'^'' fragment. MDX/ 2'^ fragment. 3^ fragment.  Inédit Epistres spirituelles, \ Viv. xi, p. 92 1626, 1. I ' Mig. V, col. 1141 Viv. XI, p. 43? Mig. V, col. 1476, et VI col. 1025  Hérissant, v, p. 240.  Annecy. Visitation (Au- t Lettres de Ste J.-Fsede tographe de la Sainte), j Chantai [\%']']),\o\. I, Voir note( I ), p. 365 ( p. 314 Idem.(Ms.originaldes l Maupas, Vie delà VbU Mémoires, etc., Tpzx\z\ Mère J.-Fse Fremiot (1643), Part. II,ch. XII  Mère de Chaugy)  MDXI  Epistres spirituelles, 1626, 1. V  IssY(Paris). Noviciatde MDXII \ la Compagnie de S'- Sulpice  Viv. XI, p. 91 Mig. V, col. II 40 Inédite  MDXIII.  MDXIV.  i Epistres spirituelles, ^ Viv. xi, p. »9 ( 1626, 1. IV ( M.ig. V, col. 1139 ■ Viv. VII, p. 383 Turin. M^^ Pensa Datta, n, p. 312 \ ^.ig. vi, col. 813 et ( 1032  MDXV. Annecy. Visitation Idem. (Hist. de la Fon- MDXVI (fragment)... ^ dation de la Visita- tion de Grenoble). . . . Annecy. Missionnaires MDXVII ] de Saint-François-de- Sales  MDXVIII MDXIX...  Datta, II, p. 352 Hérissant, iv, p. 533. Epistres spirituelles, 1626, 1, m  MDXX Le Mans. Visitation.. MDXXI Montluel. Visitation MDXXII MDXXIII MoNTÉLiMAR. Visitation  Epistres spirituelles^  Mig. VI, col. 1026 Inédit  Viv. XI, p. 414 Mig. VI, col. 836 Viv. VII, p. 386 Mig. V, col. 1142 Viv. XI, p. 93 Mig. V, col. IT42, et VI, col. 1026 Inédite Inédite Viv. XII, p. 133  [626, 1. VI f Mig. V, col. 1614 Viv. XI, p. 98 Mig. VI, col. 876  {\) La Vie de la vénérable Mère Jeanne Françoise Fremiot, Fondatrice, première Mère et Religieuse de l'Ordre de la Visitation de Saincte Marie, par Messire Henry de Maupas du Tour, Evesque et Comte du Puy. Paris, chez Simeon Piget, mdcxliii.  476  NOUVELLE EDITION ^texte tron- qué  PROVENANCE DES MSS.  MDXXIV<  itexte com- plet  MDXXV.. MDXXVI  Grand-Saint-Bernard Hospice  ,/ texte tron- \ que et in- MDXXVIlJ terpolé.. /texte au- \ thentique MDXXVIII  Poitiers. Visitation.  Spp. 399, 401 (11. I,.).. fin  MDXXX. MDXXXI  MDXXXII , MDXXXIII MDXXXIV.  Meaux. Visitation... Idem Turin. Archiv. de l'Etat Turin. Archiv. de l'Etat Le Mans. Visitation., Turin. Bibl. Civica (Copie)  MDXXXV..., MDXXX VI.., MDXXXVII.. MDXXXVIII. MDXXXIX... MDXL  Turin. Archiv. de l'Etat  Turin. Archives de l'Etat (Copie)  PREMIERE publication EDITIONS MODERNES Epistres spirituelles, 1626, 1. IV D. Martène, Voyage \ littéraire de deux Bé- I Viv. xi, p. 127 «^Vzc/ï«^ (Paris, 1709), r Mig. v, col. 1170 Part. I, p. 178 ) T\ ^4^ \ ^^^- vu. p. 387 Datta, II, p. 249 1 ' Mig. VI, col. 775 Mémoires de l'Académ. Salés., t. XVII (1894) Epistres spirituelles, 1626, 1. VII Hérissant, vi, p. 365. ( Viv. xii, p. 227 (Voir note (2), p. 395) f Mig. v, col. 1679 ,, . , , \ Viv. XI, p. 131 Ibid., IV. p. 76 j ,^. , ' f Mtg. V, col. 1173 Epistres spirituelles, C Viv. xi, p. 96 1626, 1. IV f Mig. V, col. 1145 ( Viv. XI, p. 98 5/«z5.(i82i),iii,p.i6oJ3^^^^^^^^1 „^^ ( Viv. VII, p. 388 Datta, II, p. 250 1 Mz;^. VI, col. 776 Epistres spirituelles, ( Viv. ix, p. 514 1626, 1. VII \ Mig. V, col. 1146 ( Viv. VII, p. 389 Datta, II, p. 251 I Mig. VI, col. 776 Mî^^.ibid., col. 1009 ( Viv. VII, p. 390 Datta, u,^.^.^^ \^.^^ VI, col. 776 „ , . , \ Vi-°- V"» P- 593 Hérissant, IV, p. 50.. i ,-. , « ' ' ^ ^ f Mig. V, col. 1148 ^ ( 'Viv. VII, p. 391 Datta, II. p. 254 ! w- 1 ' ^ ^^ \ Mig. VI, col. 777 Epistres spirituelles, { Viv. xi, p. 10 1 1626, 1. II \ Mig. V, col. 1151 „, . , \ Viv- vu, p. 394 Hérissant, iv, p. 32. . 5 , ,. , ' ' ^ ^ { Mig. V, col. 1149 Epistres spirituelles, { Viv. xii, p. 60 1626, 1. II f Mig. V, col. 1557 ^ ( Viv. XI, p. 88 D-ita,n,^.^A3 î M.;r. VI, col. 831  APPENDICE ^ I  A Annecy. Visitation Inédite B Il** Procès de Canonis. Z)«// — Moyen de transformer en roses toutes les croix 2C9 MCDXXI — A DON GuÉRIN. — Esprit conciliant et condescendant du Saint. — Pourquoi les Sœurs de la Visitation se contenteront d'être logées « avec incommodité. » — Pèlerines en route vers la cité permanente, hôtesses d'une nuit 2 12 MCDXXII — A M™« CotTIN (Inédite.) — Recommandation à la destinataire de soumettre sa volonté à celle de Dieu 214 MCDXXIII — A LA MÈRE Favre. — Espoir d'aller à Lyon. — Le premier Président de Savoie et sa famille attendus à Annecy.. 21 5 MGDXXIV — A LA mère de ChaNTAL. — Petites violettes à trans- planter en divers jardins 2 16  4^8 Lettres de saint François de Sales MCDXXV — A LA MÈRE Favre (Inédite). — Deux visites promises à la Mère Favre. — Lettres envoyées et reçues 2 17 MCDXXVI — A LA mère de Chantal (Inédite). — Encore l'affaire des jardins. — Les lettres de M. de Granier. — Difficultés au sujet d'un contrat de mariage. — Roses changées en épines. — La clarté dans les affaires 2 1 8 MCDXXVII — A M'"® LioTARD. — Regrets du Saint en apprenant les obstacles qui s'opposent à la conclusion d'une alliance. — Prière de la faciliter 222 MCDXXVIII — Au Duc de Nemours. — Recommandation en faveur d'un avocat 22^ MCDXXIX — A M'^^ DE LA FlÉCHÈre. — Un mal moins grand qu'on ne pensait. — Prochain retour de la Mère de Chantai,. 224 MCDXXX — A M. DE Foras. — Témoignage d'amitié. — Ombre à la joie du saint Evêque au sujet du mariage de Henri de Nemours '. 225 MCDXXXI — A M. DE BloNAY. — Union de joies et de peines. — La Mère de Chantal est à Lyon et se dispose à rentrer à Annecy 226 MCDXXXII — A M-^^ DE GraNIEU. — Quelles consolations donner à la Mère de Chastel après le départ de la Mère de Chantal 227 MGDXXXIII — A M™« DE LA FlÉÇHÈRE. — Sollicitude paternelle. — Visites consolantes 228 MCDXXXI V — A LA Présidente Le Blanc de Mions (Inédite). — Un petit signe du cœur. — Messages affectueux 229 MCDXXXV — A une tante. — Condoléances et consolations. — Le chemin de la félicité future. — Rempart contre le torrent des adversités 23O MCDXXXVI — A UNE DAME. — La souffrance des séparations. — Par quelle|-pensée s'en^^consoler. — Encouragement paternel à écrire souvent 232 MCDXXXVII — A LA MÈRE DE Chantal. — Conséquence d'un accablement d'affaires. — rAnnonce d'un mariage 233 MCDXXXVIII — A M. DE Foras. — Les étoiles pâlissant devant le soleil. — Une nouvelle apprise « a tastons. » — Souhaits de bonheur au duc de Nemours. — Aimable plaisanterie 234 MCDXXXIX — A LA MÈRE DE Chantal. — Comment se disposer à recevoir le comble du saint amour. — D'où procède la souve- raine unité dans une âme 235 MCDXL — A M^"" FenOUILLET. — La vanité d'un chef de guerre. — La vanité d'un portrait 236  i  Table des Matières 489 MCDXLI — A M'"« DE GkANIEU. — Les « empeschemens » du saint Evêque et sa paternelle bonté. — Envoi de deux portraits. — « Le secret des secretz en l'orayson. » — Quelle est la meilleure prière. — Double travail de la « petite mouche a miel. » — Mes- sages de père et d'ami 237 MCDXLII — A DON GuÉRIN. — Un serment inutile. — Protestation d'amitié 24 1 MCDXLIII — A M"^» DE LA FOREST (Inédite). — Comment apai- ser, par humilité et douceur, un cœur mécontent. — Nul dés- honneur à pardonner 242 MCDXLIV — A M'"^ DE LA FlÉCHÈRE. — Deux mots écrits en allant à Vêpres. — Ne pas se mettre en peine après avoir fait ce que l'on a cru être bon 243 MCDXLV — A la Mère de Chastel. — Un homme « tout spi- rituel et tout de Dieu. » — Avis du Saint pour la conduite intérieure 244 MCDXLVI — Au Duc de BellEGARDE. — Inquiétudes au sujet de la santé du destinataire et action de grâces pour sa guérison. — Que faire pour le bien de la vie conservée. — Recommandation en faveur d'un nouveau converti 245 MCDXLVII — A LA MÈRE DE Bréchard (Inédite). — Envoi d'une lettre pour M"™^ des Gouffiers. — Comment vivre au-dessus du monde et de ses embûches 247 MCDXLVIII — Au Chanoine d'Ulme. — Contradictions suscitées à la Visitation. — Le vaisseau « prest a singler et a faire voyle. » — Pourquoi les Sœurs de Grenoble sont heureuses. — Fleurs de suavité 248 MCDXLIX — A M"'® de Granieu. — Heureuse occasion d'avoir de mutuelles nouvelles. — Ce que dit un portrait au cœur filial. — Conseils au sujet du confesseur et de la confession. — Salu- tations paternelles 250 MCDL — A MM. DU Conseil de la Sainte-Maison de Thonon. — Projet d'une assemblée pour le bien de la Sainte-Maison... 253 MCDLl — A LA MÈRE Favre (Inédite). — Estime que l'on fait du crédit du Saint ; celle qu'il en fait lui-même 254 MCDLII — Au Roi de France. — Petite mer agitée. — Eloge des PP. Célestins. — Double sentiment de l'Evêque de Genève en approchant le trône de France 2Ç'5 MCDLIIl — A LA MÈRE DE ChanTAL (Inédite). — Vraie cause du peu de santé d'une Novice. — Que faire en face de caprices in- guérissables 257 MCDLIV — Aux Consuls de ChaBEUIL. — Le Saint congratule  490 Lettres de saint François de Sales les consuls de rétablissement projeté des PP. Barnabites dans leur ville 258 MCDLV — A la Présidente du FaURE. — Réponse à des témoi- gnages de confiance et d'affection. — Prières et souhaits pour la destinataire 260 MCDLVI — A M'"® DE GraNIEU. — L'obéissance et le pain quoti- dien. — Explication d'un avis mal compris. — Comment la con- fiance restreint le nombre des lettres. — L'amour céleste exercé ici-bas. — Préparation d'un sermon 26 1 MCDLVII — Au GÉNÉRAL des Barnabites. — L'offre dun col- lège aux PP. Barnabites. — Réponses à des objections 263 MCDLVIII — A LA MÈRE DE ChasTEL. — Tenir son cœur au-dessus des variations de la dévotion sensible 266 MCDLIX — Au Prince de Piémont. — Insuccès de précédentes dé- marches. — Nouvelles instances en faveur de deux pauvres curés. 267 MCDLX — A M. Carron (Inédite). — Premier témoignage d'hon- neur et d'estime. — L'insuccès des démarches et la vanité des promesses faites en faveur des curés d'Armoy et de Braillant. — Triste état de leurs paroisses. — Financiers à court d'argent. — Moyen proposé par le Saint pour remédier au mal 268 MCDLXI — Au PÈRE LeSSIUS. — Pourquoi le Saint aime et vénère le P. Lessius. — Trois livres du docte Jésuite; appréciation de François de Sales 27 I MCDLXII — A DON GuÉRIN. — Chant de victoire avant le triom- phe. — Un contrat rompu. — Désir d'avoir quelques livres... 274 MCDLXIII — Au Duc de Savoie. — Les victimes d'un désastre aux pieds de Son Altesse. — L'Evêque joint ses supplications aux leurs pour obtenir la pitié du prince 276 MCDLXIV — A DON GuÉRIN. — Affectueux reproches à un ami qui ne prend pas assez de soin de sa santé 277 MCDLXV — A UN Religieux. — Course rapide d'une âme vers le sommet de la perfection. — Le mystère d'un nom 278 MCDLXVI — Au Chanoine des Échelles. — L'inconstance, loi des choses de ce monde; les amitiés saintes en triomphent. — Désir de quelques jours de repos à Belley. — La demeure des Filles de la Visitation ici-bas, leur demeure dans l'éternité. — Eloge de la Mère de Chantai 279 MCDLXVII — A M. FyOTDE Barain. — Grande union des chanoi- nes de Saint-Pierre de Genève avec leur Evêque. — Celui-ci soutient leurs droits dans un procès avec la ville de Seyssel. . . . 282 MCDLXVIII — A M»"^ FenOUILLET. — Remerciements pour l'accueil fait au président Crespin. — Naufragé abordant au havre de grâce. — Le voyage du Cardinal de Savoie est toujours incertain 284  Table des Matières 491 MCDLXIX — A LA Présidente du Faure (Inédite). — Lettres qui soulagentau lieu desurcharger. — Demande et promesse de prières. 285 MCDLXX — A M'"® de GraNIEU. — Ne pas craindre d'écrire sou- vent. — Le souhait du Saint pour l'âme de sa chère fille. — Es- pérance d'un revoir 286 MCDLXXI — Au GÉNÉRAL des Chartreux. — Messages affec- tueux par un Capucin en route pour la Chartreuse 287 MCDLXXII — Aux AvoYERs et aux Membres du Conseil de Ville de FribouRG. — Gracieuses offres de service. — Pour- quoi le Saint veut toujours obliger les magistrats de Fribourg. . 288 MCDLXXIII — A LA mère de ChaNTAL. — François de Sales se- conde, sans les connaître, les désirs de la Mère de Chantai 289 MCDLXXI V — A LA même [Billet inédit). — Une bannière, ou une croix de confrérie à restaurer 29O MCDLXXV — A LA MÊME. — Sollicitude paternelle du Saint pour ses Filles. — Quelque chose que la Mère de Chantai ne saura peut-être jamais. — Une postulante pauvre qu'il faut gratifier. 29O MCDLXXVI — A UN GENTILHOMME. — Offre de services et de- mande de protection 202 MCDLXXVII — Au Cardinal BoRROMÉE. — Envoi d'une harangue du cardinal du Perron, et promesse de son oraison funèbre. . . . 293 MCDLXXVIII — A DON A SCAGLIA (Inédite). — Nouveaux délais pour la fondation de Turin. — Départ pour la France; joie au sujet d'un compagnon de voyage. — L'itinéraire de la Mère de Chantai différent de celui de l'Evêque de Genève 295 MCDLXXIX — Au PÈRE AnCINA. — Pourquoi le Saint est obligé de renoncer à écrire la Vie de Juvénal Ancina. — Ses regrets. 298 MCDLXXX — A M. FaVRE. — Une liste de nécessiteux à sou- lager 300 MCDLXXXI — A LA MÈRE de BrÉCHARD. — Les excuses que doit faire la Mère de Bréchard, pour le Saint et pour elle-même 30 1 MCDLXXXII — A LA mère Favre. — Servantes, grandes et peti- tes, de la Mère de Dieu, unies dans son amour 302 MCDLXXXIII — A M. de Foras. — Grand désir de l'Evêque de Genève d'obliger M. de Montholon. — Difficultés d'accepter les prédications de l'Avent à Saint-André-des-Arts 303 MCDLXXXIV — A DONA ScaGLIA. — Projets de voyages pour la Mère de Chantai. — La bienveillance du comte de Verrua pour François de Sales. — Un Cardinal et un Evêque ramant sur la Loire. — Tout Paris à la rencontre de Maurice de Savoie. — Portrait de la future princesse de Piémont. — Accroissement de piété dans la capitale jqç  492 Lettres de saint François de Sales MCDLXXXV — A M'"® de CharmOISY. — Le seul mot de conso- lation que puisse dire le Saint. — Comment apaiser les sanglots et soupirs 3 11 MCDLXXXVI — A LA MÈRE FavRE. — Une pépinière de fonda- tions. — Vertus à y enraciner. — Ce que la Mère Favre doit lire dans le cœur de son père spirituel 3 1 2 MCDLXXXVII — A LA MÈRE de BrÉCHARD. — Comment Dieu bénit une œuvre. — Trois fondements de la Visitation. — La racine de la joie 2 1 4 MCDLXXXVIII — Au Prince de Piémont. — Félicitations à Vic- tor-Amédée au sujet de son mariage. — Eloge de la future prin- cesse de Piémont. — Grand prince et très digne cardinal 215 MCDLXXXIX — A M'"^ de la FlÉCHÈRE. — Douloureuses nou- velles de Savoie; nombreuses et bonnes affaires à Paris. — Diffi- cultés pour rétablissement de la Visitation 316 MCDXC — A LA MÈRE DE ChanTAL. — Un sermon devant « la Reyne et son beau monde » 318 MCDXCI — A M°^® DE LA FlÉCHÈRE. — Permission et conditions pour l'entrée de la destinataire à la Visitation, — Pourquoi le Saint est de bon cœur à Paris, pourquoi il y souffre 319 MCDXCII — A LA MÈRE DE ChanTAL. — Un novice qui ne sera pas profès. — Racine, branches et fruits. — Pommes de senteur entre les mains de Dieu. — Le dépouillement total de soi-même, combien difficile 3 20 MCDXCIII — A UN ecclésiastique. — Le mot du plus franc amour selon la nature et la grâce. — Assaut d'humilité et d'affection. . 2 22 MCDXCIV — A LA Mère de ChasTEL. — Conseils de prudence au sujet de visions et de révélations. — Ruses du malin esprit. — Exemple de Nicole Tavernier. — Quelle conduite tenir à l'égard d'une âme qui marche par une voie extraordinaire; la leçon qu'elle doit apprendre. — Puissance de l'imagination... 525 MCDXCV — Au PÈRE GÉRARD DE ToURNON. — L'esprit de contrariété là où devraient régner l'union et la « conformité. » — Un poste favorable pour un ecclésiastique. — Sollicitude du Saint pour quelques paroisses du pays de Gex. — Son humilité et sa reconnaissance à l'égard du destinataire 328 ANNÉE 16 19 MCDXCVI — A LA Présidente de Herse. — Le Saint accepte une invitation et le carrosse de la Présidente 331 MCDXCVIl — A LA MÈRE DE ChaNTAL. — Les aventures de Celse-Bénigne et les tourments de la Mère de Chantai. —  Table des Matières 493 Consolations et encouragements. — Le bonheur de ceux qui sont à Jésus-Christ. — Un prétendant grandement en peine ^^2 MCDXCVIII — A UNE Religieuse. — Le cœur de l'Enfant Jésus : ses attraits. — Une sainte jalousie. — Comment concourir, du fond du cloître, à la prédication du Saint. — Efficacité de la prière, 334 MCDXCIX — A DONA SCAGLIA. — Au milieu des affaires de la cour, François de Sales n'oublie pas la vocation de sa fille spirituelle. — La conduite de la Providence sur ses serviteurs. — Quand différer l'exécution d'un vœu en toute sûreté de conscience 33^ MD — A LA MÈRE DE ChaNTAL. — Jésus crucifié et Jésus glori- fié. — Quand est-ce que Dieu supporte notre fardeau avec nous. 330 MDI — A M'"® DE GraNIEU. — Grand et doux moyen de n'être jamais séparés, — Une recherche inutile. — Où la Sainte Vierge tient son noviciat. — Nouvelles de la Mère de Chantai. — Prédi- cations multipliées, — La mort de M, de la Coste 34O MDII — A M"''' DE VeyssiLIEU. — Le « tracas insupportable » de Paris. — Un cher malade en voie de guérison. — Ce qu'il faut pour vivre content en ce monde. — Filiale confiance en Dieu et paix entre ses bras ^43 MDIII — A LA MÈRE DE ChanTAL. — Abjuration d'un gentilhomme, — A quelles conditions peut-on recevoir les infirmes à la Visi- tation. — Sans jambes, si elle n'est point estropiée de cœur, une Sœur est capable de tous les exercices essentiels de la Règle. — « La plus brave princesse » qui se puisse voir et le cartel de son royal fiancé. — Celse-Bénigne s'apprivoise avec le Saint; ce qui lui manque pour faire des merveilles. — Le projet de mariage entre M"^ de Chantai et M. de Foras 24c MDIV — A LA MÊME. — Celse-Bénigne recommandé au Cardinal de Savoie, — Affectueux éloges de M, de Foras. — Projet de fondation dans la capitale. — Les Haudriettes. — Monde et mon- dains. — Messages d'affection paternelle scq MDV — A LA Sœur de la Roche. — Gracieuse annonce de Fran- çois de Sales à sa correspondante. — Sainte liberté et surnatu- relle prudence à garder au sujet des confesseurs extraordinaires. — Espérances pour l'établissement de la Visitation à Paris. — Salutations 353 MDVI — A LA Comtesse de RosSILLON. — Prière d'agréer une protestation de respect et d'affection. — Souhait du cœur. — Dé- licat conseil à une jeune cousine 3c6 MDVII — A M'"^ DE Villeneuve. — Des tentations '. plus en- nuyeuses que périlleuses. » — Promesse d'une entrevue 557  494 Lettres de saint François de Sales MDVIII — A LA MÈRE de ChANTAL. — Les craintes de la prudence humaine au sujet de la fondation d'un Monastère de la Visita- tion à Paris scq MDIX — A DONA SCAGLIA. — Détails sur la mort du comte de Verrua. — Consolations à sa fille. — La pensée du prince de Piémont sur la fondation de la Visitation à Turin. — Une vertu plus néôessaire que la magnanimité 260 MDX — A LA Mère de ChaNTAL. — Nécessité de presser le dé- part pour Paris. — Hardiesse de Tentreprise. — Renouveler son courage pour le service de Dieu 564 MDXI — A M™* DE VeysSILIEU. — Quatre lignes sorties du cœur. — Aspirer aux contentements de l'éternité à mesure que Dieu nous sèvre de ceux de ce monde 265 MDXII — A UNE DAME (Inédite). — ■ Une jeune fille prisonnière chez les hérétiques 366 MDXIII — A l'AbbeSSE de PorT-RoyAL. ^ Ce que le Saint a vu dans le cœur de la destinataire. — Pourquoi Dieu n'exauce pas tout de suite nos prières. — La Visitation fondée à Paris 368 MDXIV -- A LA Mère de ChanTAL. — Une journée laborieuse- ment et fructueusement employée. — Proposition d'une maison pour les Filles de la Visitation ^y I MDXV — A LA MÊME. — Annonce d'une visite, et d'un visiteur qu'il faut traiter avec prudence 373 MDXVI — A LA Mère de Chastel ( Fragment inédit) . — La pré- sidente Le Blanc parmi les Anges 374 MDXVII — A LA Mère DE ChANTAL. — En quête d'un carrosse. 375 MDXVIII — A M. Bouvard. — Insuccès des démarches du Saint en faveur de M. de Quoex. — Recommandations au sujet de diverses affaires 376 MDXIX — A l'AbbESSE de Port-Royal. — Les pensées de Fran- çois de Sales sur la confiance qu'on lui témoigne. — Pourquoi il est bon de prendre avis de diverses personnes. — Réponse à la crainte de suivre ses inclinations tout en obéissant. — Promesse d'une visite ou d'une lettre 3^8 MDXX — A M. Soudan de la Palme (Inédite). — Un parrain heureux des nouvelles de son filleul. — Prochain départ de Paris. — Deux adresses pour les lettres 38 1 MDXXI — A M°^« DE Charmoisy (Inédite). — L'Evêque de Ge- nève solliciteur pour M"'^ de Charmoisy. — Difficultés d^obtenir et circonspection à garder dans les demandes. — Approches du retour en Savoie 382 MDXXII — A M™«DeVillESAVIN. — Comment supporter les petites  Table des Matières 495 persécutions des enfants du monde. — Salomon, ses richesses, et M son inénarrable malheur. » — La devise du Christ. — Un adieu jusqu'à réternité. — Pourquoi se réjouir de s'être aimés en cette vie 384 MDXXIII — A LA Mère de ChanTAL. — Un conseil de conscience. — Ce qui « osta un peu Tasseurance » au saint prédicateur. . 386 MDXXIV — A l'Abbesse de Port-Royal. — Les noms de « plus grande force pour tesnioigner la dilection. » — Un sentiment que le Saint veut conserver soigneusement. — Desseins de Dieu sur l'Abbesse de Port-Royal. — Le livre de D. Sens et la manière de le comprendre, — Remarque pleine de sagesse et de délicatesse de l'Evêque de Genève au sujet de la doctrine du Général des Feuillants. — Ne pas trop se charger d'austérités 388 MDXXV — Au Prince de Piémont. — Une dame d'honneur de la princesse de Piémont retenue à Paris agi MDXXVI — Au Duc de BellEGARDE. — Instante requête au des- tinataire pour l'heureuse conclusion d'un procès entre les cha- noines de Saint-Pierre de Genève et les habitants de Seyssel.. 303 MDXXVII — A la Mère de ChanTAL. — Un sentiment de l'âme du Saint au lieu d'un bouquet du désert. — Deux regards qui rendent bienheureux. — Comment faire la grille du chœur. — La première profession à la Visitation de Paris îqc MDXXVIII — A UNE DAME. — Pourquoi on ne peut pas recevoir M^ie (lu Tertre à la Visitation de Paris. — Réserve et prudence du saint Evêque 207 MDXXIX — A l'Abbesse de Port-Royal. — Une confession générale faite « a la desrobee. » — Promesse d'un revoir. — Le chemin d'une « excellente sorte de vie. » — Divin compagnon de route; manière de le suivre. — Méditation du Saint sur la Communion 3 qg MDXXX — Au Duc de Savoie. — « Quatre lignes pour gage. » 402 MDXXXI — A UN gentilhomme. — La clarté de l'Ecriture, et l'obscurité de l'esprit humain. — Contradictions des luthériens et des calvinistes dans l'explication de certains passages. — L'Eglise, gardienne et interprète infaillible de la Parole de Dieu. 403 MDXXXII — Au Prince de Piémont. — Remerciements et sou- mission. — Le duc et la duchesse de Nemours 4O5 MDXXXIII — A LA Mère de ChaNTAL. — Une protectrice pour la Visitation. — Préparatifs d'une cérémonie de profession 406 MDXXXIV — Au Duc de Savoie. — Témoignage en faveur du collatéral de Quoex. — Quelle correction permettent l'équité et la clémence pour des fautes sans malice. — Espérance en la bonté du prince aq-j  496 Lettres de saint François de Sales MDXXXV — A LA Mère de ChanTAL. — Le Saint, malade, traité par une « archimedecine. » — Confessions avant de « s'en aller aux chams » aoq MDXXXVI — Au Prince de Piémont. — La détresse du duc de Nemours. — François de Sales appuie sa cause. — Désir de l'Evêque de retourner en son diocèse 4 10 MDXXXVII — • A LA Mère de BrÉCHARD, — Une jeune veuve qui désire la vocation religieuse. — Pourquoi le saint Fondateur a choisi le monastère de Moulins pour sa retraite. — De quelle tyrannie délivrer cette âme, quel joug lui imposer 411 MDXXXVIII — A LA Mère de ChanTAL. — Obligeante inter- vention de M. de Neufchèzes dans une affaire. — Le saint Evêque, malade, est obligé de contremander plusieurs sermons. 41 4 MDXXXIX — A M'"^ DE ViLLESAVIN. — Un même trésor pour tous les cœurs des enfants de Dieu. — Ne pas se lasser ni lasser les autres par la longueur des exercices spirituels. — Conduite à tenir dans les conversations. — Chasser la tristesse. — Envoi d'une méthode pour s'unir à Notre-Seigneur 415 MDXL — A LA Mère de ChanTAL. — Programme d'unejoumée. 418  APPENDICE I LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS A LETTRE DE LA MÈRE FAVRE, SUPÉRIEURE DE LA VISITATION DE LYON 421 B LETTRE DE CHARLES-EMMANUEL I^R, DUC DE SAVOIE ^22 G LETTRE DU CARDINAL ROBERT BELLARMIN 423 D BREF DE SA SAINTETÉ PAUL V 423 E LETTRE DES AVOYERS ET DU CONSEIL DE LA VILLE DE FRIBOURG 426 F LETTRE DE M. ETIENNE DUNANT, CURÉ DE GEX 426 G LETTRE DU PRÉSIDENT CRESPIN 43O H — LETTRE DU CHANOINE ARTUS DE LIONNE, SEIGNEUR D-AOSTE 432 II LETTRES ET PIÈCES DIVERSES A — LETTRE DE L'ABBÉ DE LA MENTE AU DUC DE SAVOIE 434 B LETTRE DE DON JUSTE GUÉRIN A D. BOERIO, GÉNÉRAL DES BARNABITES 435  Table des Matières 497 C — LETTRES PATENTES DE HENRI DE SAVOIE, DUC DE NEMOURS, EN FAVEUR DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'ANNECY 438 D REQUÊTE DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION D'ANNECY AU DUC DE SAVOIE 439  Glossaire des locutions et des mots surannés 441 Index des correspondants et des principales notes biographi- ques et historiques de ce volume 449 Table de correspondance de cette nouvelle Edition avec les précédentes, et indication de la provenance des Manuscrits. 46,  185008  Imprimé par j. Abry., Annecy. — 17951  »  /  BX 1750 .F7 1892 v.l8 SMC Francis, Oeuvres de saint François de Sales, eveque de Genève et d Edition complète d'après les autographes et les éditions orioinaief^ Rnrirhip rlp nnmhr