m ■.JD cr '.CD  ŒUVRES  I)K   l«  SAINT FRANÇOIS DE SALES KVF.aUH HT PKINCK l)H GfcNÈVh ET DOCTEUR DE l'ÉGLISE  EDITION COiMPLEIE l> APRES LES AUTOGRAPHfcS ET LES HjITIONS OKIOlNALfcN FNRICHIF !>■ SOMBRIt'SRS PIECES INEDITES DÉDIÉE A N. S P. LE PAPE LÉON XIII HONORÉK DK DEUX BRHI «^ PONTIFlCArX ET COURONNÉE PAR I.'aCAI^I M!K FRANÇAISE (JMÎ.IKi: SUK l'invitation T)K m'" 1>()AKI), KVÊQUK n'ANNliCY r\U T F^ SOINS DKS RICLIGIEUSKS DE I.A VI^!TV!!Ov DU I" MONASTKHr. d*annec:y TOME XII LETTRES - VOLUME II  ANNECY MONASTÈRE DE LA VISITATION IMPRIMERIE F. ABRY i curieuse <'t aussi subtile, déjà mûrie ])ar un Um^ el varié ministère, riehe déjà d'obser\ali()ns morales et de souvenirs. Il ne faut ])as en douter, celle rr(''(|uenlalion, (juoicjue rai)i(le, (Tune Cour reg-ardée de tout lemjjs (M)mmc la plu^ haute école de diplomatie (ju'il y ait dans le monde, dut être pour notre Saint un apj)riMUissai;e sui^érieur du maniement des af- faires. 11 y j)ril même, sans y soni^er, une expérience et une formation ([ui lui servirent j)lus tard lorscjuc», devenu évoque, il lui fallut dirii^-er les destinées du diocèse de Genève et remplir ])lus d'une mission délicate pour en défendre les intérêts.  Trois ans après, un autre événement marcpiait celte i)(''- riode déjà si féconde de Tàj^e mûr. Ce fut le vo3'age du Coadjuteur à Paris et le séjour ([u'il y fn durant le })rc- mier semestre de 1602. Les négociations et la prédication se partagèrent le temps de François de Sales. Quand on écrira avec une précision définitive l'histoire de la Contre-Réformation, d'où sortit la ferveur relig-ieuse de la première moitié du XVIT siècle, il sera de toute jus- tice de noter la part glorieuse qui revient à TKvécjue de (lenève dans cette restauration de la piété française. Kt ce serait la faire trop petite de lui donner pc^ur mesure, comme on l'a fait quelquefois, le temps que dura son séjour dans la capitale. Ici les lettres témoignent formellement que l'influence du Saint sur l'essor du sentiment religieux eut une efficacité bien plus durable et lointaine. Sans doute, ses sermons à la cour, dans les grandes ég"lises de Paris, ses entreliens dans les monastères, ses confé- rences aux âmes pieuses, excitèrent ses auditeurs au désir de la perfection avec autant de suavité c^ue de force, et cette exhortation par la parole s'accomj)ag;nait toujours d'une autre prédication — muelle celle-ci — el non mcjins  ( I ) Les Cardinaux Bcllarinin, Barouius, Borghcse. qui fut plus tard Paul V, le P. Juvénal Ancina, alors Oratorion et depuis évéque de Saluées, Léatifié de nos jours, etc.  VIII Lettres de saint François de Sales efficacement persuasive : celle qui émanait de toute sa personne illuminée déjà des doux rayons de la sainteté. Mais qu'allait devenir ce pieux enthousiasme, au départ de celui qui l'avait, plus que d'autres, allumé ? Le promoteur de ce bel élan n'était pas homme à le laisser refroidir. Les âmes d'élite qui l'avaient entendu avaient subi le charme magique de sa parole, et le moyen maintenant de s'en déprendre? Cette petite troupe choisie est en marche vers la perfection, mais le Saint n'est plus là pour exciter tantôt son ardeur, et tantôt la contenir. Qui saura, même parmi les directeurs les plus éclairés de la grande cité, leur continuer le bienfait de ses apai- santes et impulsives exhortations? Aussi, toutes ces âmes se tournent-elles avec un sentiment ingénu de sécurité confiante vers la Savoie, la terre privilégiée qui possède le miraculeux Directeur. Et l'Evêque accueille avec dé- bonnaireté les « paquets » qui affluent de Paris ; il se sent « fort importuné de l'affection extrême » qu'il porte à ces âmes généreuses ; « a la presse d'un monde d'affaires » qui l'environnent (O, il sait dérober des loisirs, et bientôt des bords du lac d'Annecy s'envolent des lettres copieuses et fréquentes qui vont porter le miel parfumé des monta- gnes aux ruches avides des monastères parisiens. La première lettre de direction que nous ayons du Saint paraît dans ce volume. C'est la Lettre CLXViii, elle est datée du 22 novembre 1602. Cette date mérite d'être retenue, car ce jour-là un prosateur de génie faisait entrer dans la littérature française un genre nouveau : la littérature de piété. Quand il écrivit cette lettre, le Saint était dans sa fa- mille, à Sales. Dans la solitude austère et grandiose où se dressait le château paternel, il se préparait par une longue retraite, sous la direction du célèbre P. Jean Fourier, de la Compagnie de Jésus (2), à la cérémonie de son sacre. Elle eut lieu le 8 décembre (3). Il semble (i) Lettre clxviii, p, 137. (2) Voir ci-après, note (i), p. 156. (3) Le 8 décembre de cette présente année sera donc le troisième cente- naire de cet anniversaire mémorable. Hélas! l'un des plus dignes successeurs  Avant Pkoros ix ((u'cn vc jour, a\('(' les cfTiisioiis iiiysliTicuscs du Sacre- ment, (les seiitinients nouveaux s'c'-eoulèrenl clans Tànie (le François de Sales ])()ur lui donner un surcroît de forée vaillante et de j)aternelle tendresse. Le fardeau était dur, il lui arrivera de ^(Mnir sous le poids; mais ce sera la j)lainte dune âme humble (|ui se croit indigne de la ehari^e, jamais le j^-émissement d'un cœur pusillanime (jui t1(''chit (hn-ant les obstacles ou (pii voudrait se d('*ro- ber au travail. J^irmi les mille soucis ([ui \iennent l'as- saillir, le nouvel lù êque garde toujours sa s(îrénitc; et sa bonne humeur, et c'est pn'cisément cette joie, cette douce gaîté intérieure, qui, comme une mousse légère, se ré- pand dans ses lettres et leur donne tant de saveur et d'aimable enjouement. Une passion va dominer mainte- nant toutes les affections de Fran(;ois de Sales : l'amour de l'Eglise de Genève. Elle a reçu sa foi, il l'aimera d'un si indéfectible amour, que les plus séduisantes promesses, les propositions les plus flatteuses que lui fera un jour la France par la bc^uche de son roi, le trouvcrc^nt insensible. Ce ne sont pas seulement de pieux laïques, des Reli- gieuses et des Abbesses qui le consultent comme un oracle; des Evoques eux-mêmes demandent à cet Evéque à peine consacré, un règlement de vie et des conseils pour prêcher leur peuple. Heureuse importunité qui nous a valu les admirables lettres à M"' de Dol et à M^' l'Ar- chevêque de Bourges ( ! L'année 1603, comme on le verra par sa correspon- dance, fut pour le Saint une année de voyages inces- sants, d'affaires accablantes. Un différend est à peine réglé qu'un autre surgit, amenant de nouvelles s(^llicitudes. du saint Evèque de Genève, M»"" Isoard, ne sera plus là pour le célébrer. Sa mort, survenue pendant l'impression de ce douzième volume des Œuvres (3 août 1901), prive les Editeurs d'une affection qui leur était un précieux honneur autant qu'un solide appui. C'est sous ses auspices et grâce à la haute bienveillance do ses encouragements, qu'ils ont commencé la délicate entre- prise et qu'ils l'ont menée jusqu'à ce jour. Leurs vifs regrets pour une telle perte s'atténuent toutefois par le consolant espoir que Dieu a daigné lui-même payer leur dette de filiale gratitude, en faisant bon accueil à l'ànje de son fidèle et si intrépide Serviteur. (i^ Lettres clxxxiv, ccxxvir, ccxxix.  X Lettres de saint François de Sales Le 22 août, il promet au maire et aux échevins de Dijon d'aller prêcher le Carême dans leur ville. Ce fut autant une question d'intérêt qu'une pensée de zèle qui lui fit accepter cette invitation. Le zèle, les intérêts de son dio- cèse, la courtoisie se mêlèrent ensemble pour conduire le Prélat en Bourgogne, mais il devint manifeste par la suite que la Providence avait tout concerté pour y ména- ger la rencontre des deux Saints qu'elle destinait à la fondation d'un nouvel Institut. Comme à Paris, François de Sales prêche, exhorte, converse, instruit, charme, convertit. Il quitte Dijon pour revenir dans ses chères montagnes, et c'est alors que commence cette merveilleuse correspondance avec la baronne de Chantai, qui, depuis trois siècles, n'a pas encore lassé l'admiration. C'est dans le présent volume que prennent date les premières lettres à la fille du président Frémyot et à ses amies de Dijon. S'il n'y a rien au monde d'aussi grand qu'une âme humaine, serait-ce une âme d'enfant, si rien ne saurait égaler en valeur et en beauté un document qui nous en apprendrait la sincère histoire, il faut en convenir, les lettres de l'Evêque de Genève à la femme chrétienne qui sera un jour sainte Jeanne-Françoise de Chantai, défient toute louange, car elles racontent, avec une exquise candeur, l'histoire de deux âmes qui eurent toutes les grâces et toutes les noblesses. Les mystères les plus délicats, les problèmes les plus subtils de la vie intérieure y sont traités avec une profondeur de vue étonnante et, tout à la fois, chose rare, peut-être unique, sur le ton délicieux de la plus charmante simplicité. L'imagination se sent rafraîchie et purifiée en lisant ces pages. Leur beauté morale est d'un ordre à part. Il peut même arriver qu'avec beaucoup de finesse et de culture littéraire on ne la sente pas. L'esprit tout seul de l'homme de goût, la psychologie de l'écrivain, même la plus éveillée, ici ne suffisent pas, il faut quelque chose de plus : la foi ou, à défaut de la foi, cette pureté lim- pide du regard qui a manqué à plus d'un historien et d'un critique.  Avant-Propos XI TcMis ceux (jiriiitéressc l'histoire de rcisci'-Lisinc x-ou- (IroiU l)i(Mi riMiKir([ii('r c|ue ces premirrcs lettres de direc- tion aux i4T<)iij)es de Taris et d(? Dijon, ont un mcVite ([ui leur est proi^re; celui dOUVir le premier ('*panowissenient des idées de saint François de Sales sur la piét(*. Philo- ihèc, les lùit retiens, le Trciittè de V Amour de Dieu ne feront ([u'exposcr, il est \rai a\'e(^ j)lus de plénitude et une ordonnance i)lns rigoureuse, les mêmes pensées. Mais ici nous avons le jet initial dans toute sa naïveté et sa fraîcheur. Rien ne serait picpiant et instructif comme d'étudier à cet ét'aril le d(''\'eloppenient continu, au point de vue historique, des doctrines ascétiques de ll^vêque de Genève. I^st-il besoin de dire que ce travail, comme tous ceux qu'on voudrait tenter sur des sujets analotj^ues, ne sera possible ([u'aj^rès la i)ublication intéi^rale de la Correspondance du Saint ? Ajoutons qu'elle ne se fera pas trop attendre, nous croyons j)ouvoir le promettre, si Dieu daigne ménager à l'Eglise de France, avec la liberté, un peu de sécurité et de paix. DOM B. .Mackey, O. s V>.  AVIS AU LECTEUR  Des Lettres publiées dans ce volume, c'est le plus grand nombre qui ont été revues sur les originaux, comme il est indiqué d'ailleurs à la fin de chacune. Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d' Autographes ou de copies authentiques, on a dû emprunter le texte à des publications antérieures. Voir à la fin de ce volume la Table de correspondance, et l'Avant-Propos du tome précédent, pp. xxv-xxvij. Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précédent chaque pièce ; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original. Qiiand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument sûre, cette date est insérée entre [ ]. Ces signes sont également employés pour les mots quHl a fallu suppléer dans le texte. Les divergences qui existent entre les minutes et le texte définitif sont données au bas des pages. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précédent immédiatement au texte, à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa, ou que la cor- rélation ne soit évidente. La fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi. Les passages biffés dans les Autographes sont enchâssés entre rj . Des points placés au commencement ou à la fin des lettres indiquent un texte incomplet. Qiiand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois. A la suite de la Table de correspondance se trouve un Index des prin- cipales notes historiques et biographiques contenues dans ce volume. Toutes les notes concernant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époque, conservés a l'Evêché d'Annecy. Au besoin, elles sont désignées par les deux initiales R. E. Sauf indication contraire, tous les renseignements relatifs à la noblesse savoisienne sont empruntés au monumental ouvrage du Comte Amédée de Foras: Armoriai et Nobiliaire de l'ancien Duché de Savoie.  LETTRES  DB  SAINT FRANÇOIS DE SALES  ANNEE 1599  CXXI A MONSEIGNEUR CLAUDE DE GRANIER, ÉVÊQUE DE GENEVE  Réponses faites par le Saint-Siège à diverses requêtes présentées au nom de l'Evoque de Genève. — Bel ordre de la Cour romaine. — Eloge de plusieurs Cardinaux. — L'Evêque de Modène nommé nonce en France. — Accident survenu au P. Chérubin. — Dévouement du prieur de Contamiae et du scigucur Bonesio. — Prochain retour en Savoie. Rome, mi-janvier 1599. .Alonseig'neur, Nous allions attendant la commodité de quelques plus asseurees addresses que ne sont les ordinaires en ce tems si troublé, pour envoyer nos lettres de delà, et quelque resolution du chemin que nos affaires prendroyent pour vous en donner quelque advis ; et l'un et l'autre nous est seulement arrivé maintenant. Nous avions proposé dix articles a Sa Sainteté de vostre part (0, et il nous a prou- veu sur quelques uns ; sur les autres il nous a renvoyés au Nonce, et les autres il a presque refusés (sic), ( 1 ) Voir à la fin de ce volume, les suppliques adressées au commencement de janvier IS99 au Pape Clément VIII et au Cardinal Aldobrandino. LBTTi.- II I  2 Lettres de saint François de Sales Il a accordé la des-union des bénéfices de Chablaix, Ternier et autres balliages jusques a la somme nécessaire pour le restablissement de la sainte religion et des pas- teurs. Il a accordé que la provision desditz pasteurs se fit par vous absolument pour ceste première fois ; que vous puissies donner portion congrue a tous curés etiam extra visitationem^^' \ absoudre les haeretiques comme ci devant, pour cinq ans a venir, licence laquelle ilz esti- ment icy perpétuelle par ce qu'il ne couste sinon d'envoyer pour demander la continuation avant qu'elle soit passée. Quand a vos décimes, il renvoyé l'affaire au Nonce afiin quil advise comme Ton pourra jetter vostre rate sur les autres bénéfices moins chargés que l'evesché de Genève (0. Il luy renvoyé encores de prendre advis tou- chant l'affranchissement des talliables , sil sera expé- dient, et comm'il se pourra mieux faire. Quand a la visite des monastères, il l'accorde, et la fera faire le tems estant venu. Quand a la dispense pour nos chanoynes, il l'accorde, pourveu que les chanoynes puyssent servir a leurs cures ; mais ce point n'est encores pas du tout bien esclairci. Quand aux théologales, il ne les veut establir sur les monastères, ne voulant, comme il dit, descouvrir un autel pour en recouvrir un autre. Néanmoins le Cardinal Borghesio (2), nostre commissaire, nous bailla par advis de faire traitter ce point par Monseigneur le Nonce, et que peut estre reussiroit-il ; il faudra donq l'en supplier a nostre retour, et je crois quil s'y employera volontiers. Quand au remuement de nostre cathédrale, il est encor en suspens, par ce que nostre Cardinal commissaire ne sceut pas dire si Tonon estoit plus près de Genève  C) même en dehors de la visite ( I ) On trouve aux Archives Vaticanes (Nxin\. di Savoia, vol. ^6) une lettre écrite sur ce sujet par le Nonce de Turin au Cardinal Aldobrandino le 25 juin 1599. (a) Il sera parlé plus loin du Cardinal Borghese, qui devint Pape sous le nom de Paul V, aussi bien que du Cardinal Baronius à qui saint François de Sales écrivit plusieurs fois.  Annhe 1Ç99 3 ([u'Anncssy. Xcanmoins, ni Sa SaiiUeU'* no les Cardinaux ne le ^ouslcnl i)as trop, estimanl (jne ceux cl'Annessi désirent nostre séjour en leur ville, et ([uilz nous tiennent en tel pris (pie toutes villes font semblables pièces comni'esi la ])ersonne de l'I'A'esque et son Chapitre, et disent rpi'on peut suj)ple('r le fruit de ceste mutation autre- ment. Mays je crois on un nioL cpie tout ce (piil ne nous a pas accordé sera renvoyé a Monscioncur le Xonce. Jamais je ne fus (mi lieu ou le poix fut si g'rand qu'il est en ceste Court. Sa Sainteté ne feroit pas une grâce, pour petite qu'elle soit, qu'elle ne soit pe.see et contre- pesée par conseil de Messieurs les Cardinaux, lesquelz, voyans // Scuit/ssimo di qucsto parcrc^*\ sont aussi eux mesmes d'iceluy. Mays au reste il y reluit presque par tout une courtoisie et maintien angelique, sur tout en nos trois commissaires, les Cardinaux Burghesio, Ari- gone (0 et Bianchetto (2), et par excellence au Cardinal Baronius, qui nous a portés de toute sa faveur tant vers Sa Sainteté que vers les Cardinaux. Je crois que vostre bonté aura aggreable nostre petite négociation, (^noy ([u'ello n'obtienne pas bonnement du tout l'issue de vos saintes intentions. Le seul Cardinal Mathaci{3) estant malade, nous retient encor sans autre  (') le Trcs Saint Pcrc de cet avis  { i) Pompée Arrigoni(i5S2-i6i6), originaire de Milan, d'abord avocat consis- torial, auditeur de Rote (1S91), fut créé Cardinal en 1S96, exerça la charge de dalaire sous les Papes Léon XI et Paul V, et devint archevêque de Béné- vent en 1607. On a de lui des Lettres latines, impriniées parmi celles de Jean-Baptiste Lauri. (1) Laurent Bianchctti, d'une noble famille de Bologne, avait été nommé par Grégoire XIII prélat de la Sacrée Consulte et auditeur de Rote. Sous Sixte-Qiiint, il remplit des missions diplomatiques en France et en Pologne. Clément VIII le promut au cardinalat en rs<)6, le fit entrer dans les Congré- gations de la Signature, du Conseil et du Saint Office, et le nomma protecteur de l'église de Lorette in Urbe. Ce Cardinal, qui s'était vu deux fois sur le point d'être élu Pape, mourut en i6ia, à l'âge de 67 ans. { 3) Jérôme Mattei ou Mathei, de noblesse ro.niaine, était né en 1^46. Après avoir été président et auditeurgénéral de la Chambre Apostolique, il fut créé Cardinal par Sixte-Qiiint eu 15S6, et mourut en i6o^.  4 Lettres de saint François de Sales response, sinon quil reçoit vostre Visitation et si quid erroris admissiim esset in inora, absolvit ad caute- lam ^*\ et fera droit touchant la prsetention que vous aves d'estre mis au nombre des ultramontains pour les termes de vostre Visitation ; mais il ni a pas moyen de tirer aucun'escriture de luy, dautant quil ne peut signer. Quand a la commission que j'avois première et prin- cipale (O, je Tay sollicitée et vers Sa Sainteté et vers TAldobrandino le plus vivement que j'ay sceu, et pour toute resolution on a escrit a Monseigneur nostre Nonce quil traitte avec Son Altesse, affin qu'il ne prenne au- cune resolution touchant le point duquel on le sollicitoit qui pourra servir d'une réelle et légitime rayson de refus a sadite Altesse. Et parce quil ni a point de Nonce en France, il a fallu attendre qu'on en deputast un, qui est Monseigneur de Modene (=^), lequel est arrivé icy et prend ses mémoires pour partir, et entre autres il en aura des bonnes pour nos affaires, comme m'a dit encor ce mattin le Cardinal Aldobrandino. Je l'iray treuver pour l'ins- truire. Voyla, ce crois-je, une partie de ce que nous estions venu faire en chemin, nonobstant la peyne que l'on a eu de les pousser pour les ennuys que le Tybre nous a fait (3). Le Cardinal Sainte Séverine me dit que Monseigneur le Nonce sollicitoit de me faire depescher pour aller vers vous en l'absence du bon P. Chérubin, lequel, a ce qu'on nous advise de deçà, est tumbé en une très lamentable  n et, par précaution, s'il y a quelque faute dans le retard, il vous en absout ( I ) Cette « commission première et principale >> était l'instance à faire pour obtenir que le Saint-Siège s'opposât à ce que Genève fût comprise dans les articles du traité de Vervins (voir notre tome XI, p. 365). (2) Gaspard Silingardo arriva de Modène à Rome vers le 12 janvier 159g. Il en était déjà reparti le 25 pour aller régler les affaires de son diocèse. C'est encore de Modène que le 27 février il adresse au Cardinal Aldobrandino une lettre par laquelle il lui annonce qu'il va enfin se mettre en route pour la France. Le 31 mars il était à Gènes, et arriva à Paris le 30 avril suivant. (Archives du Vatican, Nanj^. di Francia, volumes 47 et 289.) ( 3 ) Un débordement considérable du Tibre avait eu lieu le 24 décembre 1 598.  Annf.e ic;99 5 iiifinniti'' ; et Sa SainlcU* et ces mossiours du Saint Office, Ijref tous les bons, re^^rcttent infiniment cest acci- dent, cl pour la valeur de la personne, qu'il rend inutile, et pour le bruil ((u'cn feront les adversaires, cjui, n'ayant aucune rayson pour leur opiuiastreté, font houelier de tous les sinistres evenemens (jui nous arrivent, pour naturelz et ordinaires quilz soyent. Or bien, je fais tant plus de courage ; et monsieur le Vicaire ( O et moy et nos amis ne l'oublions point en nos i)etites oraysons, comme nous sommes obligés. Je serois ingrat si je ne vous donnois advis que nous avons icy le seigneur chevallier liurcio, prieur de Conta- mine ('\ qui s'employc pour nous a bon escient, et le seigneur Bartîiolommeo Boncsio, canicriero secret o di Sa Sainteté. Or, nous espérons entre cy et Pasques vous bayser les mains et rendre conte en présence du tems et lovsir que nous avons fait des nostre despart ; ce ne sera jamais si tost que je le désire. Et priant Dieu pour vostre longue et bonne santé, je demeure a^tcrncllement, Monseigneur, Vostre très humble filz et servi leur, Franc» De Sales. A Monseigneur Monseigneur le Rever'"<^ E\'csquc et Prince de Genève. Revu sur l'Autographe conserve à la Visitation de Périgueux. ( I ) François de Chissé, vicaire général de M'f de Granier, avait accompagné le Prévôt à Rome, avec ordre de solliciter pour ce dernier les Bulles de coadjuteur de l'Evéque de Genève avec future succession. ( 3 ) Philippe Buccio, chevalier des Saints Maurice et Lazare, remplissait dès IS76 les fonctions d'agent à Rome; on l'y retrouve encore en 1604. Il parait s'être peu occupé des moines de Contamine en Savoie, dont il était prieur commendatairc depuis Tannée 1596.  6 Lettres de saint François de Sales CXXII AU CHANOINE LOUIS DE SALES, SON COUSIN (0 Succès du Prévôt dans r^xaroen public qu'il vient de subir devant le Pape. Rome, 26 mars 1599. Je vous confesse ingenuement que Dieu n'a pas per- mis que nous ayons esté confus dans Texamen (2), quoy qu'en ne regardant que moy mesme je n'attendis que cela. Je vous asseure que M. le Grand Vicaire est sorti du Consistoire plus joyeux que moy. Ce fidèle amy ne s'empressera que trop pour escrire en Savoye les signes de bonté paternelle dont le Pape m'a honnoré, qui m'obligent d'estre plus que jamais bon enfant et bon serviteur de la sainte Eglise Romaine ; mays quoy que nos amis escrivent, souvenes vous que nos amis exagèrent aussi souvent nostre bien que nos ennemis exagèrent nos maux, et qu'en fin nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu Revu sur le texte inséré dans un ancien Ms. de V Année Sainte de la Visitation, conservé au Monastère d'Annecy. (i) Louis de Sales, cousin germain et condisciple de saint François de Sales à La Roche, à Annecy et à Paris, était né le 27 juillet 1564. Déjà cha- noine de la cathédrale en 1385, il facilita l'entrée de son cousin dans l'état ecclésiastique en lui obtenant, à son insu, la dignité de Prévôt de ce Chapitre. Peu après il l'accompagna dans la mission du Chablais, dont il partagea pen- dant quelque temps les travaux et les périls. Nous le voyons aux côtés du jeune Apôtre dans les circonstances les plus solennelles de cette mission, au cours de laquelle il desservit les paroisses à peine organisées de Brens et de Thonon. Le chanoine de Sales remplaça notre Saint devenu Evêque, dans la dignité de Prévôt du Chapitre (30 juillet 1603), et joignit plus tard à cette charge celles de vicaire général et officiai. Il fut aussi curé d'Arbusigny. C'est lui qui publia, de concert avec sainte Jeanne-Françoise de Chantai, la pre- mière édition des Epistres spirituelles de saint François de Sales (voir l'Avant- Propos de notre tome XI, pp. viii-x); mais il mourut avant l'achèvement de cette publication (15 octobre 1625). (2) Voir le tome précédent, note (i), p. 268.  ASNKF. 1599  CXXIII  AU vi'AŒ JUVKNAL ANCINA DE LA CONGRÉGATION DE l'0RAT0IRE(0  Bienveillant accueil reçu Je lEvcquc de Lorctte et de l'Archevêque de Bologne sur la recommandation du P. Ancina; estime que professe pour ce dernier le duc de Savoie. — Oppositions faites par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare à l'exécution du Bref pontifical concernant les biens ecclésiastiques du Chablais. — Voyage projeté de Charles-Emmanuel eu France. — Divers messages. Turin, 17 nui 1599. Molto Rcverendo Padre et Signore mio osservandissimo, Se ben non ho ancora finito il viaggio del mio ritorno per esser stato miseramcnte inchiodato in questa corte un mese intero, devo tuttavia dar raguaglio a V. P. molto R*^' delli molti favori ricevuti da me per mezzo et  Mon très Révérend Père et très honore Seij^neur, Bien que je ne sois pas encore au terme de mon voyage de retour, ayant été misérablement cloué en cette cour un mois entier, je dois cependant donner à Votre très Révérende Paternité le détail de toutes ( I ) Jean-Juvcnal Ancina, qui appartenait à une famille d'origine espagnole, était né à Fossano, en Piémont, le 19 octobre i')44. Il commença à Montpel- lier des études de philosophie et de médecine qu'il poursuivit à Mondovi et i Padoue, où l'activité de son esprit embrassa presque toutes les branches des connaissances humaines. A Turin il prit les grades de docteur en philosophie et en médecine ; il y professait cette dernière science lorsque le comte Madrucci, nommé ambassadeur à Rome, voulut se l'attacher en qualité de médecin. Ancina se lia avec les premiers membres de l'Oratoire, notamment avec Baro- nius, et ne tarda pas à entrer dans lïur Congrégation ^i"" octobre 1^78), après avoir étudié la théologie sous Bellarmin. Il l'enseigna lui-mome d'abord à l'Oratoire de Rome, puis à celui de Naples, où il exerça pendant dix ans son zèle apostolique [ i s8b-i sqô). Un ordre exprès du Pape l'ayant obligé d'accepter l'évéché de Saluces qu'il avait d'abord refusé, il fut sacré le i*"" septembre 1002, et s'occupait activement à la réforme de son diocèse quand il mourut  8 Lettres de saint François de Sales merito suo. In Loreto ho goduto V amarevolezza (sic) et le accoglienze di Monsignore R™° Vescovo (0 et del signor Primicerio (2), che V. P. mi praedisse, t'n mensura * Lucae, vi, 38. cofifcrta et coagitata *, et ci fecero celebrare nella Santa Casa, toccar X Imagine santa et veder tutte le cose praetiose. Monsignor A^escovo non hebbe commodità di favorirme délie sue Opre per non haverne altro essem- plare ch' il suo familiare ; ma ne hebbe desiderio, et mi diede in carico che occorrendomi Toccasione di qualche latore, lo facessi ricordare di mandarmene. In Bologna parimente mi abbracciô con molta carità Monsignor  les faveurs que j'ai reçues en sa considération. A Lorette j'ai joui de la part de M*''"^ le Révérendissime Evêque (0 et de M. le Primicier ( 2 ), mais dans une mesure entassée et débordante, de la bienveillance et du bon accueil que vous m'aviez prédits. Ils nous firent célébrer dans la Sainte Maison, toucher la sainte image et voir tous les objets pré- cieux. M''''' l'Evêque, quoiqu'il eût le désir de me gratifier de ses Œuvres, ne put le faire, n'ayant d'autre exemplaire que celui dont il se sert habituellement ; mais il me chargea, l'occasion de quelque porteur se présentant, de le faire ressouvenir de me les envoyer. A empoisonné le 31 août 1604. Ses éminentes vertus et les miracles qu'il opéra pendant sa vie et après sa mort lui méritèrent les honneurs de la béatifica- tion (30 mai 1889). Le bienheureux Ancina a laissé de nombreux opuscules et des poésies. Il avait publié dans sa jeunesse : YAcademia Siibalpina (Mondovi 1565) et la Naumachia Principum Christianorum, ad Hieronymum Priolum Venetiartim Ducem (Padoue 1566). On verra dans la suite de la correspondance de saint François de Sales quelle estime et quelle affection il avait vouées à TEvêque de Saluces. (i) Rutilius Benzoni, de noblesse romaine, remarquable par sa sainteté et son érudition, était évèque de Lorette depuis l'année 1586. Le siège épiscopal de Recanati qui avait été supprimé cette même année, fut en 1591 reconstitué pour lui et uni à celui de Lorette. Ce Prélat fit rebâtir le palais épiscopal et publia plusieurs dissertations : De Ecclesiastica immunitate, De anno Juhilœi, De Beata Virgine. (Cf. tome V de cette Edition, p. 447.) Il mourut le 31 janvier 1613. (2) Le primicier était, d'après la Bulle d'érection du Chapitre de Lorette (16 mars 1586), le troisième dignitaire de ce Chapitre. A don Ginebro Gentilucci, le premier qui en fut investi, avait succédé (Bulle du 31 octobre 1586) don An- toine-François Costantini, d'une noble famille de Recanati, qui était en même temps vicaire général de l'Evêque. Il possédait encore la dignité de primicier le 34 février 1608. (Archives du Chapitre de Lorette.)  Ansfh IÇ99 9 rill"' ArcMVOsrovo {i\ non srnza mollissimi favori, se bcn non hol)bi modo (ii salutarlo .sonr)n in ipso profcc^ tionis articuîOy i^erclu'; la sera cl niatlina praccedcntc si ritruov»') tra\'aj4"liato dal catarro in modo che non se j^lie poteva domandar audicntia senza grande indiscretione. Basta che j^cr amor suo son stato conosciulo et accarczzato di quelli diioi s(^i^nalali Préelati, la memoriadelli quali non puo se non promoxcrc,' in me li desidcrii del Ixm \i\'ere. Oui in Turino salutai JNlonsij^nor Arcivescovo (') etian- dio a nome di V. P. molto R"\ laquale egli protesta di riverire molto. Feci ])()i la débita riverenza a Sua Al- tezza, dandoglie brève rilatione délia mia negociatione romana délia quale resiù sodisfatto, dall'essame in poi, il quale prima froiite glie parve fuori del dovere (3) ; ma sentite le mie ragioni, restô appagato. Et fra molli c[u^e- siti venne in proposito di V. P. con quelle honorevoli  Bologne aussi M^'"" rillustrissime Arclicvêquc (0 m'embrassa avec beau- coup de charité et me combla de faveurs, quoique je n'aie pu le saluer qu'au moment du départ; car le matin et le soir précédent il se trouva incommodé du catharre de telle sorte qu'on ne pouvait lui demander audience sans une grande indiscrétion. Il suffit de dire que, grâce à vous, j'ai été connu et alTectueusement traité par ces deux insignes Prélats, dont lesouvenir ne peutqu'exciteren moi ledésirde bien vivre. Ici à Turin je n'ai pas manqué de saluer M'»''" l'Arclievèque (2) au nom de Votre très Révérende Paternité, pour qui il m'a protesté avoir une grande estime. J'ai aussi présenté mes liommages à Son Altesse, lui faisant un rapport succinct de ma néi^ociation à Rome. Elle en fut contente, sauf de rcxamcn qui. de prime abord, lui parut hors de propos (3) ; mais après avoir entendu mes raisons, elle en demeura satisfaite. Entre autres discours, Son Altesse vint à me parler de Votre Paternité en des termes aussi honorables qu'on peut l'attendre d'un (i) Alphonse Paleotti, noble bolonais, avait été d'abord archidiacre de Bo- logne, archevêque de Corfou (13 février 1^91) et coadjuteur avec future succession de son cousin, l'illustre Cardinal Gabriel Paleotti, premier arche- vêque de Bologne, auquel il succéda le 37 juillet isoy. Il posa en r6o^ la première pierre de sa cathédr.ilc, et mourut en 1610 à r.ige de 79 ans. (a) Charles Broglia. (3) C'est-à-dire opposé au privilège qui dispensait les Evéqucs de Savoie de tout examen avant leur promotion.  10 Lettres de saint François de Sales parole che da tal Prencipe si devono aspettare, non perô senza un amoroso rissentimento del ricusato vescovato, * Virgil., ^neis, « Et spretœ injuria formœ... manef^ ; » 1. 1, 26, 27. ma, comme dico, con amoroso et non con amaro rissen- timento ; là dove io dissi quel tanto che da V. P. haveva sentito, et si quietô nelle honorevoli parole nelle quali si era comminciato il ragionamento. Fra tanto li signori Cavaglieri di San Lazaro, sapendo ch'io portavo il Brève di Sua Santità col quale si dà authorità a Monsignor di Geneva di applicare le loro entrate che hanno nelle parrochie convertite, alla su- stentatione de'curati, pastori et praedicatori, mi fan citare Lucas, XVI, 2. per render ragione dalla mia villicatione *, et son stato costretto di fermarmi qui sin tanto che Sua Altezza mi ha spedito ; onde spero di partire quanto prima, si per uscir fuori de questi pericoli, che in vero sonno da sti- mare, sî anco per ritornar ail' opéra. Et di tutti li successi segnalati darô sempre conto a V. P. molto R*^^, et anco di me medesimo, come di cosa assolutamente sua. Si spera che Sua Altezza debba andar in Francia dove  tel prince, non cependant sans un affectueux ressentiment au sujet de l'évêché refusé, (( Et l'injure faite à sa beauté méprisée... demeure; » mais, comme je dis, ce fut un ressentiment affectueux et non point amer; alors je lui fis connaître ce que j'en avais appris de vous, et l'entretien se termina dans les mêmes termes honorables avec lesquels il avait été commencé. Cependant MM. les Chevaliers de Saint-Lazare sachant que j'étais porteur du Bref de Sa Sainteté qui confère à M''" de Genève l'autorité d'appliquer à la subsistance des curés, des pasteurs et des prédica- teurs les revenus qu'ils ont sur les paroisses converties, me font citer pour rendre raison de mon administration. J'ai donc été contraint de m'arrêter ici jusqu'à ce que Son Altesse me congédie; néanmoins j'espère partir au plus tôt, soit pour sortir de ces périls, qui vraiment sont à considérer, soit aussi pour retourner à l'œuvre. Je rendrai compte à Votre Paternité de tous les événements remarquables, et aussi de moi-même, comme d'une chose absolument sienne. On espère que Son Altesse ira en France, où elle est ardemment  AnN!-F. 1599 II L' aspettata con j^ran (l('^i(l('^i<) dal Kr, il ([uale a (sic) commesso al IVciK-ipc di ("oiiii (') cl Conte di Soys- s()ns(5) c\\v lo (lebhaiîo inronlraro nelli confini et con- (iiirlo (love si rilrovarà Sua Macstà, con tutti quelli honori rho a Ici si soL,''liono farc, si come la Prcncipcssa (li Coiiti (^) scrisse pcr latore esprcsso ad un suo ncgo- riatore (1) che ha in ciuesta corte. Di Turino si puol dire : Qiiomodo facta est sola *, poichc o^^nuno fuge, ' Thren., i, i. dal Prencipc in ])()i, che tiittaxia disponc di uscire anco luy (sic). In Savoya è grandissimo contagio, nella cittù di Geneva et in certi luoghi vicini a MonmcUiano ; il restante è libero afatto.  désirée par le roi, qui a chargé le prince de Conti ( et le comte de Soissons (2) d'aller à sa rencontre jusqu'aux frontières, et de le conduire ensuite là où se trouvera Sa Majesté, avec tous les honneurs que l'on a coutume de lui rendre à elle-même ; c'est ce que la prin- cesse de Conti ( >) écrivit par un exprès à son ciiargé d'atTaires (4) en cette cour de Savoie. De Turin on peut dire : Comment cst-clU devenuâ déserte? ^u\s(\v\t chacun fuit, si ce n'est le prince qui se dispose néan- moins à sortir lui aussi. La contagion est très grande en Savoie, à Genève et dans les environs de Montmélian ; le reste est tout à fait libre.  (i) François de Bourbon, prince de Conti, souverain de Cliateauregnault, chevalier des Ordres du roi, gouverneur d'Auvergne, de Paris (iS9^), puis du Dauphiné, était né à la Ferté-sous-Jouarre le 19 août 1558. Il suivit la car- rière des armes et mourut le 3 août 1614. (2) Charles de Bourbon, comte de Soissons et de Dreux, pair et grand maître de France, seigneur de Chaslel-Chinon, etc., chevalier du Saint-Esprit, frère consanguin du précédent, était né à Nogent-le-Rotrou, le 3 novem- bre 1^66. Pendant les guerres de la Ligue, il suivit le parti de Henri IV, commanda la cavalerie au siège de Paris (1S90), servit aux sièges de Chartres (1591) et de Rouen (1S92). Le comte de Soissons fut mis à la tète des troupes du roi pendant la guerre de Savoie (1600), et fut nommé, l'année suivante, gouverneur du Dauphiné. Il mourut le i'^'' novembre 1612. {3) Jeanne de Cocme, dame de Bonnestable et de Lucé, veuve de Louis, seigneur de Montafia, en Piémont, avait épousé le 17 décembre 1581 François de Bourbon. Elle mourut le 36 décembre 1601. (4) Probablement Pierre Poggio, seigneur de Saix en Faucigny, qui négo- ciait alors au nom de la princesse de Conti et de sa fille, Anne de Montafia, la vente des terres de Montafia et de Tigliole à la couronne de Savoie. Il est qualifié « agens et generalis negociator Illustrissimarum Dominarum de Montafia. >. (Turin, Archives de l'Archevêché et Archives de l'Etat.)  12 Lettres de saint François de Sales Questo per adesso mi occorre, essendo distratto per le soUecitationi ch'io fô délie cose nostre ecclesiastiche. Et in tanto bascio a V. P. le mani sacrate, prieghandola di tener memoria di me nelle sue orationi, si come io, per debito mio, priegho continuamente il Signor nostro che a beneficio de molti la conservi. Di V. P. molto R'^% Divotissimo et humilissimo servitore, Franc° De Sales, Praevosto di Geneva. Di Turino, alli 17 Maïo 99. Bascio le mani alli R*^" P. Giovan Mattheo, suo fratello, et ambidue li R*" PP. Thomasi (0 et al R. P. Anthonio (2) ;  C'est tout ce que j'ai à vous communiquer pour le moment, distrait comme je le suis par les poursuites que je fais pour nos affaires ecclé- siastiques. En attendant je baise les mains sacrées de Votre Paternité, en la priant de se souvenir de moi dans ses prières, comme pour acquitter ma dette de reconnaissance, je prie continuellement Notre- Seigneur qu'il la conserve pour le bien d'un grand nombre. De Votre très Révérende Paternité, Le très dévoué et très humble serviteur, François de Sales, Prévôt de Genève. De Turin, le 17 mai 1599. Je baise les mains au R. P. Jean-Matthieu, votre frère, aux deux RR. PP. Thomas ( i ) et au R. P. Antoine ( 2 ) , et si l'occasion se présente (i) Ces « deux Pères Thomas » devaient être Thomas Bozio et Thomas Galletti. Le premier, natif de Gubbio (Ombrie), était entré à l'Oratoire vers 1570. On lui doit plusieurs ouvrages, entre autres : De Ecclesice sigttis, De Ruinis Gentium et Regnorum, De anttquo et novo Itaîice statu, etc., ces deux derniers contre Machiavel. Thomas Bozio composait une Vie du bienheureux Ancina quand la mort le surprit le 9 décembre 1610. Thomas Galletti avait été Tun des compagnons de Tarugi dans la fondation de rOratoire de Naples. Dans la suite, il quitta la Congrégation. (2) Antoine Gallonio, Tun des plus chers disciples de saint Philippe de Néri, fut le premier à écrire la Vie de ce Saint. Il composa encore divers autres ouvrages, notamment un traité fort curieux sur les supplices infligés aux Martyrs, Le P. Gallonio mourut en 1605.  Annér 1599 i^ et ocrorrondo di tencrmc nclhi mcinnria di Monsi^ncjr r lllusirissiino Cardinale vosiro (O 1' havcr»') pc*r sumino favore. Al Molto R'" Padrc et S'v^' mio in Christo coicndissimo, 11 P. Giuvcnale Ancina, Theologo dclla Congrcgationc dcll' Oratorio. Runia. Revu sur l'Autographe conserve au Pcnsiounnt de Sainte-Ursule, à Parme.  ce serait pour moi une grande faveur de me rappeler au souvenir de M?' votre Illustrissime Cardinal (i\ A mon très Révérend Père et très honoré Seigneur en Jésus-Christ, Le P. Juvénal Ancina, Théologien de la Congrégation de l'Oratoire. Rome. ( I ) Le Cardinal César Baronius.  CXXIV AU CHEVALIER JOSETH DE RUFFIA (0 Invitation à se rendre en Chablais. Turin, 21 mai 1599. l^lolto Illustre Signore, Il signor PraDsidente di Rochetta è in Savoia, et io vi sarô presto, volendo Iddio. Restarà che anco V. S. molto Illustre non tardi a venire per spedire quel tanto  Très Illustre Seigneur, M. le président de Rochctte est en Savoie, et moi-même j'y serai bientôt, s'il plait à Dieu. Il reste que Votre très Illustre Seigneurie, de son côté, ne tarde pas à s'y rendre, afin de terminer ce qui concerne ( I ) Joseph Canibiano, sjigneur de Ruffî.i, Lisio, Pcrlo et Malpotremo, était fils aiaé de Jean-Baptiste, conseiller et majordome du duc de Savoie, et de  14 Lettres de saint François de Sales che tocca al servitio d' Iddio et délie anime in quelli balliagii di Thonone et Ternier, già che, per quanto vedo, V. S. molto Illustre è nominata per esser praesente aU'essecutione del Brève délia Sede Apostolica. Supplice adunque V. S. che si degni considerare che tanto è in questa occurrentia la ritardatione dell' opra quanto la destruttione, poichè essendo groperatori senza provisione , non possono star cosi se non brevissimo tempo. Onde è ubligatissima in conscientia di non tar- dare a venire, poichè dalla sua venuta dipende il negotio et senza lei non si puô far altro. Si ricordi che questo è servitio d' Iddio, nel quale la negligentia è maledittione*; Jerem.,xLviii, 10. et mi perdoni se io con questa libertà Tinvito a venire senza indugio, perché cosî mi sento ubligato di fare, et stimo di trattare con un signore tanto giuditioso, che conoscerà bene la nécessita che preme. Et per tanto ardisco di replicare che , lasciate da banda tut^e le  le service de Dieu et des âmes dans ces bailliages de Thonon et Ternier, puisque je vois que Votre très Illustre Seigneurie a été nommée pour assister à l'exécution du Bref du Siège Apostolique. Je supplie donc Votre Seigneurie de daigner considérer que, dans cette conjoncture, le retard de l'œuvre équivaut à sa ruine ; car les ouvriers se trouvant sans provision, ne peuvent demeurer ainsi que fort peu de temps. Il en résulte que Votre Seigneurie est absolument obligée en conscience de venir sans retard, puisque de son arrivée dépend le succès de l'entreprise, et que, sans Elle, on ne peut rien. Veuillez vous rappeler qu'il s'agit ici du service de Dieu, dans le- quel toute négligence attire la malédiction, et me pardonnez si avec tant de liberté je vous invite à venir sans délai, car je me sens obligé d'agir ainsi. D'ailleurs, j'estime traiter avec un personnage si judicieux qu'il reconnaîtra facilement l'urgence de la nécessité. C'est pourquoi je m'enhardis à répéter que, laissant de côté toute Lucrèce de Saluces de la Manta. On le trouve mentionné en 1573 comme grand prieur et receveur général de l'Ordre des Saints Maurice et Lazare dans les bailliages du Piémont. Une patente de 1595 lui donne le titre de Grand Croix du même Ordre. Le chevalier Ruffia fut général d'artillerie {5 octobre 1580) et chargé par son souverain de négociations importantes. Il composa des Mémoires publiés sous le titre à'Historico discorso (HistoriiV tatriœ monumeftta. Scriptores, t. I).  Anniîe 1599 iç ronsidcralioni, o di contaj^^ii o di aliri iinj^rdimcnli, V. S. r ubli^atissiina di \cnirc (luanto jiriina dovc io \ ado aspettarla, cou aiiinio di restarc, et là cl dovuiKinu io mi rilrovarô j^iainai, Di V. S. moUo Illustre, AfTettionatissiino cl huniilissimo servitore ncl Si^^nore, Fkanc" Dr Sales, Praovosto di Geneva. Torino, dove io j^lic pr.^glio dal Signore la félicita aeterna. AUi 21 Maio, 99. Al Molto 111'"» Sij^" mio osscrvandissimo, Il Sig-- di RufTia, Gran Priore dolhi Religion delli S'' Mauritio et Lazaro in Pi-jmonte, Consegliere di Stato et Gencrale délia artiglieria di S. A. S. Ruffîa. Revu sur l'Autographe conserve à Turin, Archives de la Grande Maîtrise des Saints Maurice et Lazare.  considération, soit d'épidémie contagieuse, soit d'autres empêche- ments, Votre Seigneurie est absolument obligée de se rendre au plus tôt où je vais l'attendre moi-même, avec la volonté de demeurer à jamais, là et partout où je me trouverai, De Votre très Illustre Seigneurie, Le très atTectionné et très humble serviteur dans le Seigneur, François de Sales, Prévôt de Genève. Turin, d'où je vous souhaite du Seigneur le bonheur éternel. Le 21 mai 1 ^99. A mon Illustrissime et très honoré Seigneur, M. de RutTin, Grand Pheur de l'Ordre des Saints Maurice et Lazare en Piémont, conseiller d'Etat et général de l'artillerie de Son Altesse Scrénissime. Ru nia.  i6 Lettres de saint François de Sales cxxv A M. ANTOINE d'aVULLY Réclamation d'une somme due à M. de Boisy. Sales^ 25 juillet 1599. Monsieur, Obliges moy, je vous supplie, de tant, outre tant de devoirs que je vous auray toute ma vie, que de me faire sçavoir si mon père se pourra promettre quelque paye- ment ou du tout ou d'une partie de la somme qu'il a sur l'hoirie de feu monsieur le baron d'Hermence (M en ceste nécessité qu'il en a maintenant. Ceste sollicitation m'est imposée pour la contribution du soin que je dois aux affaires de mon père, et ne m'en pourroit arriver de plus ennuyeuse. Elle le seroit toutefois encor plus si je n'estois tout seur que vous voudres bien vous représenter la justice du désir que peut avoir un créancier de se servir du sien en son besoin, et un filz, de servir a la rayson- nable volonté de son père. Monsieur, je prie Dieu de tout mon cœur pour vostre prospérité, et vous supplie croire que vous ne sçauries donner crédit vers vous a l'intercession d'homme du monde qui soit plus entièrement et fermement. Monsieur, Vostre très humble [serviteur], Francs De Sales, Prœvost de Genève. A Sales, ou tous vous saluent humblement, et madame vostre partie avec toute vostre famille; le 25 julliet 99. A Monsieur Monsieur d'Avully. Revu sur l'Autographe appartenant à M''*= Vuy, à Carcuge (canton de Genève). { I ) M. d'Avully, l'un des héritiers de son beau-frère le baron d'Hermance, avait à sa charge le devoir d'acquitter une partie des dettes dont était grevée cette succession.  Anm.k 1599  CXX\I  A MONSEIGNEUR JULES-CESAR RICCARlJl AKCIIEVÊglJi: DE HAkl, NONCi: APOSTOLIQUE A TLKIN Retard que les Chevaliers des Saints M.iuricc et L.iziro apportent i l'exécu- tion du Bref apostolitjue. — Activité des Genevois pour entraver les conversions. — Persévérance des convertis; grâces qu'ils reçoivent de Dieu. — Demande de diverses faveurs. Chaiiibéry, 24 acùl 1 v,>9. lllusirissimo et Revercndissimo Sii^nor mio osservandissimo, Fra molle rai;ioni pcv leciuali la difFicollà dei passi ci è dannosa, a me particolarmente par di gran nocumento che pcr questo siamo privi délia consolatione délie leltre di V. S. 111'"' et R'"% et anco di potergliene inviare cosî facil- menle dal cant(3 nostro come dovressimo et desideriamo. Potendo adesso scrivere per ritrovarme qui in Chiam- beri, diro a V. vS. Iir' et R'"' che le cose délia conver- sione in Chiablais et aliri balliaggi, si come non vanno in dietro, cosî non vanno ne anco molto inanzi, perche il progresso dipcnde delli servitii et essercitii catholici, li- quali non si ponno fare con quella decentia et splendore  Mon trôs honoré, Illustrissime et Révérendissimc Seigneur, Parmi les nombreuses raisons pour lesquelles la dilTiculté des pas- sages nous est préjudiciable, il me semble que la plus importante est que nous sommes privés de la consolation de recevoir des lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Réverendissime et que, de notre côté, nous ne pouvons lui en expédier aussi lacilemvnt que nous le devrions et désirerions. Me trouvant maintenant à Ciiambéry, je puis écrire a Votre Sei- gneurie, et lui dire que si bien les atTaires de la conversion du Chablais et des autres bailliages ne reculent pas, de même aussi n'avan- cent-elles pas beaucoup ; car le progrés dépend des otTices et des exercices du culte catholique qui, faute d'argent et d'autres moyens Lettres H a  i8 Letires de saint François de Salhs che converria in questi principii, per mancamento de denari et altri mezzi necessarii ; poichè ne anco li sacer- doti stabiliti in quelle parti hanno le provisioni necessarie alla necessaria sustentatione, si che se Monsignor R'"° Vescovo non li havesse incantati con varie lusinghe et belle parole, non oie ne saria restata la mezza parte. Il che avviene perché Sua Altezza Serenissima havendo deputati il signor primo Prsesidente di questo Senato(0 et il signor cavaglier di Ruffia, per assistenti di Monsi- gnor Vescovo neir assignatione da farsi délie portioni necessarie alli curati sopra li beneficii delli balliagii, secondo Y ordine délia Santa Sede, detto Cavagliere, il quai doveva venire subito quando io partii di Turino, non è mai comparso. Et non si puô negare che in ciô non vi sia colpa, o di estrema negligentia, o di afFettata ritar- datione per mantenere l' indebita possessione de' Cava- glieri circa quelli beneficii , delli quali se ben si va cavando parte deir entrata per Tessercitio catholico, la cosa tuttavia si fa con tanta incommodità che non riesce. Et deir altro canto, non mancano li Genevrini et altri  nécessaires, ne peuvent se faire avec la décence et l'éclat qui seraient convenables dans ces commencements. Et même les ecclésiastiques établis de ces côtés n'ont pas les provisions strictement requises à leur entretien ; de sorte que si M°'' notre Révérendissime Evêque ne les avait charmés par des caresses et de belles paroles, il n'en serait pas resté la moitié. La cause de ceci est que Son Altesse Sérénissime ayant député M. le premier Président du Sénat (0 et M. le cheva- lier de Ruffia pour assister à la répartition que M-"" l'Evêque doit faire, selon l'ordre du Saint-Siège, des parts nécessaires aux curés, prises sur les bénéfices des bailliages, le susdit chevalier, qui, lorsque je partis de Turin, devait venir immédiatement, n'a jamais paru. Et l'on ne peut nier qu'il ne soit coupable en cela, ou d'une extrême négligence, ou d'un retard affecté pour maintenir l'injuste possession des Chevaliers relativement à ces bénéfices ; bien que l'on retire une partie du revenu pour l'exercice du culte catholique, cela se fait cependant avec tant de difficulté que la chose ne peut réussir. D'autre part, les Genevois et d'autres ennemis des environs ne (i) Charles de Rochette. Voir ci-devant, Lettre cxxiv, p. x).  Annék 1599 19 ncniici \irini di ()j)])()r.si al i)r()j^resso dolla santa negotia- tione con si)argere diverse minaccie et ruinori di gucrra, con sparj^ere anco lil)ri et scritti, et mandare secreta- mente spioni et corrullori délie anime fra ([uelli popoli ; et in ogni modo la loro diligentia nel maie riprende la neglig-entia delli Catholiei nel bene. Kt tuttavïa è veris- simo che delli coiucrLili nessiino lia mai fatto segno di voltarsi adielro, et seni])re si vanno fortificando nella fetle et convertendosi alriini delli ostinati che erano ri- masti neir lurresia('). Eté cosa rhiara ehe il Sig-nor Iddio ricerca tla noi grandissima diligentia et zelo nell'ado- ])rarsi in qucsta imprcsa, poicliè egli va etiamdio facendo in quelle bande certe gratie che si ponno chiamar piccoli, anzi grandi miracoli, si comme, havendone più particolar certezza, ne darù raguaglio a V. S. Ill'"\ Aspetto con gran desitlerio l'eslentione délia facoltà di assolvere gl' harrelici extra sacrdJiicjitalciu confes- sionem, perché cie n' è nécessita, et anco avviso délia risolutione che si sarà pigliata Sua Santità circa la  manquent pas de s'opposer au progrès de la sainte négociation en répandant des menaces et des bruits de guerre. Ils répandent aussi des livres et des écrits, et envoient secrètement parmi ces populations des espions et des corrupteursd'àmes ; et en toute fayon, leur diligence pour le mal condamne la négligence des Catholiques pour le bien. Cepen- dant il est très vrai que parmi les convertis aucun n'a jamais fait mine de regarder en arrière ; toujours ils se fortifient dans la foi, tandis qu'il s'en convertit d'autres qui étaient des plus obstinés dans l'iiérésie ( » ), Il est évident que Dieu demande de nous une très grande diligence et un grand zèle à nous employer à cette entreprise, car il accorde dans ces pays certaines grâces que l'on pourrait appeler de petits, ou plu- tôt de grands miracles, comme j'en donnerai connaissance à Votre Seigneurie Illustrissime lorsque j'en serai plus sûrement informé. J'attends avec un grand désir l'extension en dehors de la confes- sion sacramentelle de la faculté qui m'est concédée d'absoudre les hérétiques, car cela est nécessaire. J'attends aussi l'annonce de la dé- cision que Sa Sainteté aura prise relativement à la mission des ( I ) Parmi ces nouveaux convertis les plus marquants étaient l'avocat Claude de Prez et son fils Antoine, Maurice de Brotty et les deux frères Joly.  20 Lettres dh saint François de Sales missione de' Padri Giesuiti, délia quale V. S. 111'"^ et R""* toccava quando io glie basciai le mani appresso Chieri. Veramente, se nella risolutione délia pace si farà un sforzo in far splendidamente rilucere V essercitio et dot- trina catholica in questi paesi, son certo che videbimus * joan., xino. gloriatn Dei"^ et che in questo Giubilaeo forse si resti- tuiranno le possessioni alli antichi padroni, seconde *Levit., XXV, 10,13; la Legge *, perché si vede chiaro che quel tanto di resi- XXVII, 24. ^ ,.' ^ ^^ • ' . • r- - • r . , stentia clie li mmistri Cxenevrini lanno, non nasce tanto d'animo o cuore che glie resti, quanto di rabbia et di- speratione ; et se li prenieremo un poco gagliardamente, saranno spediti, et il popolo loro, già stracco délie loro ciancie, facilmente darà orecchio alla verità. Intendo che il P. Cherubino fa buona sollecitatione appresso Sua Santità, et pare ch'Iddio habbia disposto il cuore del suo Vicario ad attendere a questa nécessita. Monsignor di Geneva è in Tonone, ne ardisce di lasciarlo sin tanto che le cose siano stabilité et saldate ; ciè anco con lui il P. Bernardino Castorio, Jesuito(0. Io son  PP. Jésuites, dont Votre Seigneurie me parla quand je lui baisai les mains près de Chieri. Vraiment, si dans la conclusion de la paix on fait un effort pour faire resplendir l'exercice du culte et la doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être, selon la Loi, les possessions seront, pendant ce Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres ; car on voit clairement que toute la résistance faite par les ministres Genevois provient moins du courage ou de l'ardeur qui leur reste que de rage et de désespoir ; en sorte que si nous les pressons un peu énergiquement, c'en est fait d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la vérité. J'apprends que le P. Chérubin sollicite avec zèle Sa Sainteté, et il paraît que Dieu a disposé le cœur de son Vicaire à s'occuper de cette nécessité. M--''*' de Genève est à Thonon, et il n'ose en partir jusqu'à ce que les choses soient établies et solidement affermies ; le P. Bernardin Cas- torio Jésuite (O est aussi avec lui. Je suis venu ici pour le procès de (i) Le P. Bernardin Castorio, né à Sienne en 1543, était entré dans la Compagnie de Jésus en 1559, et avait fait à Lyon la profession des quatre vœux le 5 août 1384. Il enseigna la philosophie et la rhétorique, fut recteur de Lyon, puis du Collège germanique à Rome, où il mourut le 15 mars 1634.  ANNfcn 1599 21 \-rniil(> iie con tante importunità, perche veramente non ho altro da chi ricorrere senon alla sua bontà, laf[ualc ha usata moco tante volte ch'io non ne sô  la cure du Petit-Bornand ( ' ), laquelle m'ayant été accordée par la fa- veur de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, est occupée par d'autres sans titre, et j'espère que dans peu je me verrai délivré de ces compétiteurs. Je ne veux point perdre le droit que je me suis réservé jusqu'ici de vous faire toujours quelque demande. Il s'agit de pauvres gens qui ont ... échangé des promesses de mariage ; voulant ensuite en venir à l'exécution, on a découvert qu'ils étaient parents au troisième et quatrième degré, ce qu'ils n'avaient pas su jusqu'alors. Et parce qu'il me semble que Votre Seigneurie a le pouvoir d'absoudre et de dispen- ser pour tels mariages, surtout entre les pauvres, je la supplie de daigner leur faire cette grâce. Leurs noms 5ont Claude Fenoland, d'une part, et Pernctte Mermillod de l'autre ; celui-là de la paroisse de Tliorens, et celle-ci de La Roche, tous les deux de ce diocèse. due Votre Seigneurie Illustrissime et Rèvérendissime me pardonne si j'outrepasse les règles de la discrétion en lui écrivant avec tant d'importunité, car je n'ai vraiment personne à qui recourir sinon (i) Voir tome XI àc cc\.ic Evlition. note 'i^ p. "sîS.  32 Lettres de saint François de Sales più fare difficoltà. Non lasciarô di domandarglie ancora avviso délia mente di Sua Santità circa la riformatione delli monasterii di Savoya, opra necessaria quanto possa essere. Priegho poi il summo Iddio di conservar V. S. 111™'' a gloria del suo santo nome et utilità délia santa Chiesa, et facendoli humilissima riverentia con basciarli le sacrate mani, resto aeternamente, Di V. S. 111"^ et R'^% Divotissimo et ubligatissimo servidore, Franc° De Sales, Praevosto di Geneva. In Chiambri, alli 24 Agosto gg. Per esser li passi di Roma chiusi, supplico V. S. Ill""* di commandare che si invii il plico qui giunto. AirilK'' et Rever'"^ Sig^ Padron colendissimo, Monsig^ l'Arcivescoùo di Bari, Nuntio Apostolico appresso S. A. Seren""^. Vigliano. Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives Vaticanes.  à sa bonté ; Elle me l'a témoignée tant de fois que je ne puis faire difficulté de la réclamer. Je ne laisserai pas de vous demander encore quelle est l'intention de Sa Sainteté touchant la réforme des monas- tères de Savoie, œuvre nécessaire autant qu'il se peut dire. Je prie Dieu de conserver Votre Seigneurie pour la gloire de son saint nom et l'utilité de la sainte Eglise, et lui faisant très humble révérence en baisant ses mains sacrées, je demeure éternellement, De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très dévoué et très obli2:é serviteur, François de Sales, Prévôt de Genève. A Chambiry, le 24 août 1599. Les passages de Rome étant fermés, je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de faire expédier le pli ci-joint. A Plllustrissime et Révérendissime Seigneur, Monseigneur l'Archevêque de Bari, Nonce Apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime. — Vigliano.  Année 1599 23  CXWII AU M i: M 1: Rc'ception de deux lettres du Nonce. — Eloge de M«^ de Vienne— Largesses du duc de Savoie; son projet d'établir un collège de Jésuites à Tlionon. — Prochaine arrivée de ces Religieux. — Détails matériels. Tlionon, 23 septembre 1599. Illuslrissimo cl Krvcrcndissimr) Signor mio colendissimo, TI(^l)l)i (liK^ \ri[rrc da V. S. 111'"^ et R'"\ iina per niano (li .^\()nsiL;•n()r R"' di Vicnna, del 31 di Ag-osto, et l'altra per via di Monsignor di Tarentasa ('), del i di Settembrc. Kt quanto alla prima, con ogni prontezza starô a servir detto Monsignor R'"" di Vienna dovunque mi voglia commandar ; et quanto ad informarlo del stato délie cose, io r ho fatto sin adesso et faro tuttavia più con  Mon très honore. Illustrissime et Révérendissime Seigneur, J'ai reçu deux lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révéren- dissime : l'une du 3 1 août, par M^"" le Révérendissime de Vienne, et l'autre du i" septembre, par l'entremise de M-^ de Tarentaise (0. Quant à la première, je me mettrai avec toute diligence au service de M*»'"" de Vienne pour tout ce qu'il voudra me commander ; et quant à l'informer de l'état des choses, je l'ai fait jusqu'à présent et je le ferai toujours plus avec une entière fidélité ; mais c'est un Prélat (i) Jean-François Berliet, seigneur de Chiloup et de La Roche, baron du Bourget, avait été, avant son entrée dans la cléricature, conseiller d'Etat de Son Altesse (is??) «^ premier président de la Chambre des Comptes de Savoie (1S78). Ses souverains l'honorèrent toujours de leur confiance et le chargèrent de plusieurs missions très importantes soit en Piémont, soit auprès de la république de Berne. Il fut nommé archevêque de Tarentaise le 8 no- vembre 1S98; mais ayant dû accompagner le duc Charles-Emmanuel à Paris et y demeurer en qualité d'ambassadeur, il ne se rendit dans son diocèse, dont il avait pris possession par procureur, que le 21 février 1601. M"" Berliet fut un pasteur zélé et vigilant ; il se dévoua avec zèle aux intérêts de son peuple et mourut à Moûtiers le 2 janvier 1607.  24 Lkttres de saint François de Sales molta fedeltà ; ma è Praelato di tanto valore et prudentia, che volgendo T occhio d'ogni intorno, da se stesso scuo- pre et pénétra siii nelle midoUe del negotio. Sia laudato Iddio che queste occasioni occurrano nel pontificato di un Papa di tanto zelo, nella nunciatura di V. S. Ill'"^ et che sia commesso un Prselato di tanto senno corne è Monsignor di Vienna (0, quale, per la molta esperienza délie manière nostre oltramontane, è singo- larmente atto. Egli adunque glie manda la sua informa- tione (2), oltra alla quale non mi occorre altro se non che le cose vanno assai bene di qua et si sperano molto maggiori progressi, massime vedendo che Sua Beatitu- dine se le piglia a petto et ci vuol aiutare, cosa délia quale ciè grandissime bisogno. Ne si potrà mai far tanto che meglio non fosse di fare più, per sradicar Tinfelice  de tant de mérite et de prudence, que, jetant les yeux autour de lui, il découvre par lui-même et pénètre jusqu'aux moelles de l'affaire. Dieu soit loué de ce que ces événements se rencontrent sous le pontificat d'un Pape si zélé, pendant la nonciature de Votre Seigneu- rie, et que l'information soit confiée à un Prélat doué de tant de sagesse comme est M-'" de Vienne (0, qui, par la grande expérience qu'il a de nos mœurs ultramontaines,en est singulièrement capable. Il vous envoie donc son rapport (2), après lequel il ne me reste plus rien à dire, sinon que les choses vont assez bien ici, et que l'on espère de plus grands progrès à l'avenir, surtout en voyant que Sa Sainteté les prend à cœur et veut nous aider, ce dont nous avons un très grand besoin. On ne pourra jamais faire si bien qu'il ne soit mieux de faire (i) Vespasien Gribaldi, archevêque démissionnaire de Vienne en Dauphiné, avait été délégué par Clément VIII afin d'informer sur les mesures à prendre pour l'établissement de la Sainte-Maison. Ce Prélat, natif de Chieri en Pié- mont, était venu s'établir en France, où il fut pourvu de quatre abbayes avant d'être élevé sur le siège métropolitain de Vienne (1567). Cinq ans plus tard il résignait cet archevêché pour se retirer dans son pays natal, d'où nous le voyons revenir en Chablais. Il se fixa dans la petite ville d'Evian et se lia d'une étroite amitié avec l'Apôtre de la région. C'est des mains de Me"" Gribaldi que saint François de Sales reçut la consécration épiscopale (8 décembre 1602); c'est à son dévouement qu'il confia plusieurs fois les intérêts de la Sainte- Maison. M»"" Gribaldi mourut le 21 février 1623, à un âge très avancé. ( 2 ) Ce rapport a été inséré dans le tome VI des Mélanges d'archéologie et tVhistoire, publiés par l'Ecole française de Rome, 1886.  Annf.r 1599 ^5 alboro, il (|ii;il(% stondcndo iii tante parti drl Thristia- ncsinio le vcltMiose foLjlic, sla j)('rô quivi vicino radirato et piaiUato. Cosi fia a dî nostri (die si ])()ssa dire : Jciiri securis aJ fiidicrni positj est *. • M.itt. Perché f5/Vy non comparendo il si^nor cavajL^lier Rufia, non si è potuto esseiiuire il l'.rcve di Sua Santità sin adesso ; per qiiesto, et per allri importantissimi nej^olii, Monsig-nor R"" Vescoxo no^tro si ])arti Doinc^nica pas- sata per andarsene alla volta di Annessi, credendo di passar qiiintli in Chiamberi per trattar ron vSua Altezza Serenissinia acciô si finisra horaniai (juello nei^otio fun- danientale per questa opéra, et che li curati, huoniini di pezzo (sic) che qui s'affaticano, non habbino più quelle incommodità et bisog-ni che sin adesso han patito. Ma inc(Mitrando per sirada il signor Governatore di questa provinciale insieme con monsieur d'Avulli , liquali gli hanno dato nuova del dono di dodeci millia scudi dati da Sua Altezza per riscuotere il ])riorato tli Sanl" llipo- lito di questa terra, con altri béni ecclesiastici per dotar il collegio già destinato de' Reverendi Padri Giesuiti,  davantage encore pour déraciner l'arbre maudit, qui. étendant sur tant de parties du christianisme ses feuilles vénéneuses, est planté et enraciné tout près d'ici. Plaise à Dieu qu'on puisse dire en nos jours : Dèjii la cognée est posée à la racine. M. le chevalier RulTia ne paraissant pas. le Bref de Sa Sainteté n'a pu être jusqu'ici mis en exécution. Pour cette raison et d'autres atTiiires très importantes. M-"" notre Révérendissime Evêque prit Dimanche dernier la route d'Annecy, comptant passer de là à Chambéry, afin de traiter avec Son Altesse Sérénissime et terminer une bonne fois la négociation fondamentale de cette œuvre, en sorte que les curés, hommes de mérite qui se fatiguent ici, n'aient plus à souffrir les pri- vations et les nécessités qu'ils ont endurées jusqu'à présent. Mais ayant rencontré en route M. le Gouverneur de cette province ( » ) avec M. d'Avully, il reçut l'annonce du don de douze mille ccus fait par Son Altesse pour racheter le prieuré de Saint-Hippolyte de cette ville, ainsi que plusieurs autres biens ecclésiastiques, afm de renter ( I ) Pierre-Jérôme de Lambert.  26 Lettres de saint François de Sales onde egli è ritornato per farne fare la cessione alli pos- sessori et spedir il negotio ; il che havendo fatto molto bene, parte domani per la prima impresa, lasciandome qui, si per praedicar, già che non ciè altro predicatore, si anco per darglie raguaglio délie occurrentie et servire Monsignor di Vienna. Scrivo al P. Provinciale de' Giesuiti (0 per affretar la venuta delli sei Padri che Sua Santità vuole mantenere a spese sue, et son certissimo che li haveremo al principio del mese futuro ; cosa di moltissima consolatione per li pastori et per il popolo. Onde fia bisogno che senza indugio si mandino li denari in Chiamberi al P. Rettore del collegio, chiamato P. Stephano Bartolone (2), il quai poi li mandarà qui senz' altro. Questo sarà di giovamento singolarissimo per dar principio al collegio disegnato da  le collège déjà destiné aux RR. PP. Jésuites. C'est pourquoi il est revenu ici pour faire exécuter cette cession aux propriétaires et ter- miner la négociation ; l'ayant heureusement achevée, il part demain pour effectuer son premier dessein, et me laisse ici soit afin de prêcher, puisqu'il n'y a pas d'autre prédicateur, soit pour l'informer de ce qui peut survenir, et servir M^"" de Vienne. J'écris au P. Provincial des Jésuites (0 pour hâter la venue des six Pères que Sa Sainteté veut entretenir à ses frais ; je suis sûr que nous les aurons au commencement du mois prochain, ce qui sera une grande consolation pour les pasteurs et pour le peuple. 11 est donc nécessaire que l'on envoie sans retard l'argent à Chambéry, au P. Recteur du collège, appelé P. Etienne Bartoloni (2), qui l'enverra ensuite ici sans autre délai. Ce sera un singulier avantage pour ( I ) Le P. Jean Gentil, alors provincial de Lyon. Né à Dijon le 8 septembre 1551, il avait été l'un des premiers élèves du collège de Clermont à Paris (1564), d'où il ne tarda pas à passer au noviciat de Billom; il fut ensuite régenta Paris, fit son cours de théologie à Milan en compagnie du P. Coton, et le continua à Rome sous Suarez. Après l'émission de ses vœux solennels (5 août 1590), le P. Gentil dirigea à plusieurs reprises le collège de Dijon et fut neuf ans provincial de Lyon. Il mourut dans sa ville natale en odeur de sainteté le 13 septembre 1623. (2) Etienne Bartoloni, né en i^^^, était entré dans la Compagnie de Jésus à l'âge de vingt ans, et fit profession des quatre vœux le 5 mai 1602. Il en- seigna la grammaire, la logique et la philosophie, fut recteur de Chambéry et de Billom, et mourut le 16 octobre 1612.  Annf^h IÇ99 27 Sua Altc/za, sin laïUo rhc sia pcrfcttamento .stal)iliU) cl (li rclifilii et d' allrc coinnioililà scn/.a Icquali non si ])U() (lar cosî prcsio di inano nr aile Icttioni, nr ad allri csser- ritii nrcrssarii ; ma verra snpplita inlanlo la dcfettuosità con questa opportunissima missionc. \\ voro chc il P. Bornardino Castorio, il (pialo havcndo prodirato (lui un pezzo parti la sctlinuma ])assata, et r pur ritornato con Monsi^iior I< "" et se nr parte anco doinani insieme con Sua Si^iioria R'"\ mi ha detto rhc non solo saria bisoL^no di baver li dcnari n(dlo istesso tompo cbe giunge- ranno (pii li Padri délia missi()n(\ ma sarehho espediente cbe cie ne fosse prima per far^iie il viatieo dalli luoirhi di donde partiranno sin cpii. Non scriverù per ancora a V. S. 111"* rirca le circo- stanze necessarie da sapersi per la supplira ])rcTDsentata da me concernente le prc-ebende tbeoloirali, per non baver ne in carta, ne in memoria quante siano le badie et mo- nasterii atti a supportar c[uesta spesa ; ma essendo Mon- signor R'"' in Annessi me ne mandarà essatta instruttione cavata dalli suoi libri di visita, et io subito ne daro di- stintissimo raguaglio a V. vS. lU'"' et R""", la quale io  ouvrir le collège projeté par Son Altesse, jusqu'à ce qu'il soit parfai- tement pourvu de bâtiments et autres ressources, sans lesquelles on ne peut si tôt commencer les leçons et les autres exercices ; mais en attendant, la mission établie si à propos y suppléera. Le P. Bernardin Castorio. après avoir longtemps prêché ici, partit la semaine passée ; il est ensuite revenu avec M-»'"" le Révérendissime et ropart encore demain avec Sa Seigneurie. Ce Père m'a dit. il est vrai, que non seulement il faudrait avoir l'argent au moment de l'arrivée des Pères de la mission, mais qu'il serait bon d'en avoir d'avance pour four- nir aux frais de voyage depuis le lieu de leur résidence jusqu'ici. Je n'écrirai pas encore à Votre Seigneurie Illustrissime touchant les particularités nécessaires h connaître pour la supplique que j'ai présentée relativement aux prébendes théologales ; car je n'ai conservé ni dans mes papiers ni dans mes souvenirs le nombre des abbaves et des monastères capables de supporter cette dépense ; mais M'"" le Révé- rendissime étant à Annecy m'en enverra l'indication exacte, tirée de ses livres de visite, et aussitôt j'en donnerai un compte-rendu détaillé  28 Lettres de saint François de Sales supplice di perdonarme s' io glie scrivo cosî sconciata- mente per esser distratto a moltissimi negotii. Et prieghando Iddio Signer nostro che le dia la pie- nezza délie sue gratie per consolatione de molti, et in particolar di questa provincia, le bascio humilissima- mente le reverendissime mani. Di V. S. 111"" et R'^% Divotissimo servitore, Franc" De Sales, Prsevosto di Geneva. In Tonone, alli 23 di Settembre 99. Supplice a Y. S. Iir^ di perdonarmi s'io ardisco di inviare T alligata a Roma per mezzo suo, non havendo altro modo per la difficoltà de'passi. Air 111™° et Rever"^" S'ig^ Padron mio colendissimo, Monsig'' l'Arcivescovo di Bari, Nuntio Apostolico appresso S. A. S. Mondovi. Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives Vaticanes.  à Votre Seigneurie, que je supplie de vouloir bien me pardonner si, étant distrait par une multitude d'affaires, je lui écris si mal. C'est en priant Dieu notre Seigneur de vous accorder la plénitude de ses grâces pour la consolation de plusieurs, et en particulier pour celle de cette province, que je baise très humblement vos mains vénérées. De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime, Le très dévoué serviteur, François de Sales, Prévôt de Genève. A Thonon, le 23 septembre 1599. Je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de me pardonner si j'ose expédier à Rome par son entremise la lettre ci-jointe , n'ayant d'autre moyen à cause de la difficulté des passages.  Anm.i- 1599 29 (XXXllI AU DUC DE SAVOIF, CH AI> Le but de son voyage était de régler avec le roi de France le différend qui existait entre eux au sujet du marquisat de Saluées. (2) Le baron de Chevron (voir notre tome XI, note (i), p. 45) avait trois fils : Prosper, Bernard et Benoît-Théophile encore en bas âge. Il est ici question de l'un des deux aînés.  Annhr 1599 33 di Ottobre, cssendo |>('r slradd, et iin'altra del 2 di ciucsto mese, insicinc con alirc duc alli^^ate per Monsi^nor Arcivcscovo di Vienna, aile (juali ho dato i)r()nlo et si- euro ri(\ij)il(). \ lequel en conséquence il a retiré chez lui. J'ai obtenu de Son Altesse une aumône de trente écus d*or pour les frais de voyage d'une femme milanaise qui, étant sortie de Genève avec trois fds et quatre fdles en âge de se marier, veut retourner catholique à Milan ; mais je ne crois pas qu'elle puisse passer de ( i' D'nprcs les généalogies de la famille, M**" Gribahii était fils unique et par conséquent n'avait pas de neveux. Peut-être le Saint désignerait-il sous ce titre l'un des cousins germains du Prélat; nous voyons en effet que l'un des trois, Pompée, coseigneur de Farges, se convertit au catholicisme. Lors de la cession du pays de Gex à la France (1601) il fu^, suivant Esnie Collndon, l'un des gentilshommes « qui demandèrent la messe. »  ^6 Lettres de saint François de Sales bisognarà haver sicurtà délia Inquisitione, onde se occor- rerà, io in questo caso mi praevalerô délia carità di V. S. Ill""^ appresso V inquisitori. Qui, se ben siamo in corte, non habbiam altre nuove senon che Sua Altezza parte per Francia al 25 di questo mese ; perô con libertà di mutatione se occorrerà. Si mormora grandemente che in Geneva si tratta di ricevere Tessercitio catholico in una chiesa, et Sua x'Vltezza mi promette ogni sorte di provisione per il Chiablais, haven- done commandate le lettere et altre scritture necessarie, et li ministri servitori di Sua Altezza mostrano assai più calore deir ordinario ; onde io vado sperando che questo anno sarà et di Giubilaeo et di giubilo grandissimo, ma vi vuol aiuto grande, caldo et persévérante. Solo mi resta a dire a V. S. 111""% con quella confidentia che mi ha concessa per bontà sua et prieghandola di non farne consapevole altri, che a Sua Altezza è parso un poco strano di non esser avvertita prima d' ogn' altro délie cose di Tonone come passano in Roma, con ragua- glio minutissimo, et cosî me ne son avveduto dalle sue  si tôt. Avant tout il faudra, s'il est nécessaire, la mettre en sécurité à l'égard de l'Inquisition, et, dans ce cas, je me prévaudrai auprès des inquisiteurs de la charité de Votre Seigneurie Illustrissime. Bien que nous soyons ici à la cour, nous ne savons aucune nou- velle sinon que Son Altesse partira pour la France le 25 de ce mois ; toutefois, cette date pourra être changée si les circonstances l'exigent. Il est grandement question d'admettre l'exercice du culte catholique dans une église de Genève. Son Altesse m'a promis toutes sortes de provisions pour le Chablais, ayant commandé les lettres d'expédition et autres papiers nécessaires, et ses ministres montrent plus d'empres- sement qu'à l'ordinaire ; c'est pourquoi j'espère que nous aurons cette année et le Jubilé et une jubilation très grande, mais nous avons besoin d'un secours puissant, efficace et persévérant. Il ne me reste plus autre chose à communiquer à Votre Seigneurie sinon de la prévenir, avec cette confiance que sa bonté me permet, et la priant de n'en rien dire à personne, que Son Altesse a trouvé un peu étrange de n'avoir pas été mise au courant avant tout autre, d'une manière exacte et très circonstanciée, de la manière dont les  I  Annf.p. isoo 37 ])ar()l(* rirca qucsto nc^olio ; dcl restante, e^H mostru (li csscr affctlioïKitissimo a (luclla impresa. I)ar(*) poi a V. S. 111"* ra.i(ua,i;ii() di (juanlo liavrrù oporatn, inanzi clic io mi parla , il ((Uiilf havi.Mulo fatto venir pcr mille scudi de lihri (^'\ con inleiuit)ne di usar il restante de j^l'anni suoi a IxMicrn in (Iclla patria sua, non ha potuto ancor ai)rir(î detti lihri, ne adoj^erar il suo xalore, per mancamento de coniniodità ; perehè, con tuLto ciô rhc sia canonico délia Chiesadi ( îen(»va,essond() valeludinarioet^iàdi cincjuanta ciniin'anni, nicntcdinuMio, ercelto la famé, j)atisce gran j)()vertà, si corne farebbonc^ tutti ^l'altri se non havessero ricorso dalle loro ease paterne. K vero che Sua Altezza havendolo sentito nominare lo V(3lse vedere et sentire, et cavatone ^ran j^usto disse che g'iie voleva dar dui^ento scudi di pensione sopra la badia di Pij^nerolo, el fra tanto che scriverebbe all'xVbbate di Abondanzal*) acciô  condition et à leur oiïice. On le voit par expérience pour M. Nou- vcllet (i), dont le P. Chérubin parle dans sa lettre. Il a fait venir pour mille écus de livres, a\ec intention d'employer les années qui lui restent au bien de sa patrie, et cependant, faute de ressources, il n'a pas encore pu ouvrir ces livres ni utiliser son savoir ; car, bien qu'il soit chanoine de l'Eglise de Genève, néanmoins, étant maladif et âgé déjà de cinquante-cinq ans, il endure, à la faim près, une grande pauvreté. Il en serait de même de tous les autres s'ils n'avaient recours à leurs familles. Son Altesse, il est vrai, ayant entendu nommer M. Nouvellet, a voulu le voir et l'entendre, et en ayant été très satisfaite, elle a dit vouloir lui attribuer deux cents écus de pension sur l'abbaye de Pignerol. En attendant elle pensait écrire à l'abbé d'Abondance !-) afin qu'il donne audit docteur, pour cette (b) t/in<) li pasiori destinati pcr quelle pecorelle ; ^'lii che l'aUre cose non sonno sottopostc alla loro considerationc. Monsij^-nor R""" Vescovo è si 11 adesso assai ainnialato, ])arle délie falis^-lie i)()rUile il nie^e ])as>ato in Chiablais, ])arte di dispiacere délia niala sLrada che j)i^dianc) le cose di ([ua. .Monsijrnor di Vienna si era ritirato in un luo^dio di questa diocesi il (juale è, secondo la i^iurisditione temporale, ]Kirle di Savoia, parte de' Valesani i ; ma detti Valesani i;!' hanno fatto inlimare ch'e^rlj habbia da parLirsene, sotto pena délia confiscatione délie cose che si rilrovaranno nellc loro terre. Li Padri délia missione sonno pur ancora in Chiablais, se bene dispersi in varii luoghi per il dubbio de' Clenevrini et Hernesi. Li curati, per la maggior parte, sonno nelle loro chiese, se bene alruni liniidi si sonno ritirati per vedere a che termine capitaranno le cose. Li passi stando occupali corne slanno, sarà cosa  infuLles eût ctc sulTisante pour ébranler considérablement le faible courage des convertis. C'est ce qui inspire la plus j^^rande inquiétude aux pasteurs destinés à la garde de ces brebis ; car le reste n'est pas de leur ressort. M-'"" notre Révcrendissimc Evêque est encore assez malade, soit par suite des fatigues endurées en Chablais le mois dernier, soit à cause du chagrin qu'il éprouve en voyant nos aîTaircs s'engager en une aussi mauvaise voie. M-'"" de Vienne s'était retiré en un lieu de ce diocèse, qui appartient, quant à la juridiction temporelle, partie à la Savoie et partie aux Valaisansl i ^ ; mais ceux-ci lui ont fait intimer l'ordre de se retirer, sous peine de confiscation des biens qu'il possède sur leur territoire. Les Pères de la mission sont encore en Chablais, quoique dispersés en dilTérents endroits par crainte des Genevois et des Bernois. La plupart des curés restent dans leurs paroisses, bien que quelques-uns des plus timides se soient retirés pour voir comme«nt finiront les choses. Les passages étant occupés comme ils le sont, il sera très difficile (i) Salat-Gingolph, situé sur les borJs de la Morge.  52 Lettres de saint François de Sales difficilissima di scrivere a V. S. Iir^ tanto spesso corne si converrebbe ; tuttavia io ne cercarô ogni occasione, non stimando poca consolatione in queste miserie se io posso rappresentarme spesso nella sua memoria et gratia. Pregho il Signor Iddio che le dia ogni vero contento, et facendogli humilissima riverenza gli bascio le reveren- dissime mani. Di V. S. Iir^ et R'"% Divotissimo et humilissimo servitore, Franc" De Sales, Praevosto di Geneva. In Annessi, alli 26 Agosto 1600. Io supplico il signor Secretario di V. S. Ill""^ che si degni inviare il plico qui alligato. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Rome, Archives Vaticanes.  d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime aussi souvent qu'il convien- drait; néanmoins, j'en chercherai toutes les occasions, car parmi ces calamités je ne tiens pas pour une petite consolation de pouvoir me rappeler fréquemment à son souvenir et à sa bienveillance. Je prie le Seigneur notre Dieu de vous donner tout vrai conten- tement, et, vous faisant très humble révérence, je baise vos mains vénérées. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très dévoué et très humble serviteur, François de Sales, Prévôt de Genève. A Annecy, le 26 août 1600. Je supplie M. le Secrétaire de Votre Seigneurie Illustrissime de vouloir bien expédier le pli ci-joint.  ANNEE 1(>01  CXXXVI A MONSEIGNEUR CLAUDE DE GRANIER, ÛvioVK DE GENÈVE Envoi de deux lettres. — Aggravation de la maladie de M. de Boisy. Sales, 10 janvier 1601. .Monscig'neur, Sur la lettre que monsieur de Sanci '^ m'cscrivoit pour me rendre solliciteur auprès de vous de son intention, j'ay ouvert celle quil vous escrivoit, appuyé tant sur la créance qu'il vous plait prendre en la fidélité de l'affec- tion que j'ay a vostre service, qu'aussi sur la crainte que j'avois que ce ne fut pour chose qui meritast que j'al- lasse auprès de vous pour en entendre vos commande- mens. .Mais voyant que le sujet ne portoit point ceste presse, je vous envoyé les deux lettres et demeure icy au devoir cjue j'ay au service de mon père, lequel de jour a autre avance a grans pas a l'autre vie, s'affoiblissant tellement en cellecy que, si Dieu ne nous preste sa main miraculeuse, je me vois dans ]v.ni de jours privé de la (i) Nicolas de Harlny, seigneur de Sancy et de Grosbois. baron de Maule (iS46-i6iq\ fils de Robert de Harlay et de Jacqueline de Morv.l'.ers. suivit d'abord le parti de Henri III, pn's se rangea à celui de Henri iV (i^S,,.. H tut chargé par ce dernier de lever des troupes en Allemagne; et de diriger Tarmée suisse au service de la France dans ses attaques contre la Savoie (is90- M. de Sancy devint surintendant des bâtiments, premier maitre d'hùtel du roi, gouverneur de Chalon-sur-Saône, lieuteuaut-gvoéral en Bourgogne, colo- nel général des Suisses (avril 1^96); en i6co il accompagna Henri IV dans l'expédition de Savoie et commanda les troupes, composées en grande partie d'hérétiques, qui s'emparèrent du ChabUis dont le roi de France le nomma gouverneur. Après avoir abjuré une première fois, il était retourné au protes- tantisme tt ne •« convertit définitivement qu'en i^;;?'  54 Lettres de saint François de Sales consolation que, avec toute ceste mayson, j'ay tous-jours eu en la présence de ce bon père (0. Or Dieu, qui est Seigneur de nos vies, soit a jamais loiié de toutes ses volontés. Je le prieray tous-jours pour vostre prospérité, puysque j'ay cest honneur d'estre advoiié, Monseigneur, Vostre très humble et très obéissant filz et serviteur, Fkanç^ De Sales. A Sales, ou ma mère avec tous les siens et mon père mesme vous baysent très humblement les sacrées mains, 19 janvier. A Monseigneur Monseigneur le Rever'"^ Evesque et Prince de Genève. Revu sur une copie déclarée authentique conservée à la Visitation d'Annecy, (i) M. de Boisy vécut encore jusqu'au 5 avril de cette même année.  CXXXVII AU PÈRE JUVÉNAL ANGINA, DE LA CONGRÉGATION DE l'oRATOIRE (inédite) Remerciements pour l'intérêt qu'il porte au Chablais. — Tribulations qui ont fondu sur cette province. — Espoir d'une prochaine paix. — Les poursuites entreprises au sujet de la coadjutorerie de Genève restent stationnaires. Sales^ 3 février 1601. Molto Reverendo Padre et Signor mio Padron colendissimo, Ho sentito una grandissima consolatione dalla lettera che Vostra Paternità molto R"^" si degnô inviarmi per il  Très Révérend Père et mon très honoré Seigneur, j'ai éprouvé une très grande consolation de la lettre que Votre très Révérende Paternité a daigné m'adresser par M. Philippe de  Annhr i6oi ^5 siLj-nor Philippe) de (Juocx, cl ciô per i)iii ra^ioni ; ma ])arii((^larin('ni(' jxTchc da cjuclla ho conosciuto che non solo (li me, ma di lutta questa provincia tiene singolarc mcinoria cl sollccitudinc, lacjualc non puô esser senon mollo jj^iovcvolc, si comc sin adcsso è stata, et massime iii cpicsli temîM tanlo calamilosi ncUi (piali sedei quasi vidîia et oppressa aDiaritiidinc, ncc est qui console- tur cafH ex omnibus caris cjus *. 'Tiircn., i, i, 4, a. Non si ])uù [dirc| quanti travagli di spirilo habbiam sentito in \cder pericolar questa povera barchetta, già })ur troppo rovinaia fra tanta peste di g-uerra ; et tutta- via, laudalo sia Iddio che ne fra ^l' antichi Catholici, ne fra li niiovamente ridolti, non si è fatlo allro mo- \'imenlo che di nia^'^ior ardore et fcr\'orc. Li noslri sacerdoti stabilili nelle nuove chiese hanno patilo incre- dibilmente, ma con una conslantia tanto grande che è gran consolatione il ricordarsene. Li minislri di Geneva non hanno ])unl() n"iancalo di \'olcr occupar le chiese; ma Monsignor R'"' Vescovo essendosene lamenlato appresso il Re di Francia, egli commando che non havessero da  Quoex, et cela pour plusieurs raisons ; mais particulièrement parce que j'ai compris par son contenu que non seulement vous me conservez un spécial souvenir, mais aussi que vous avez pour toute cette province une sini^ulière sollicitude. Cette sollicitude ne peut lui être que très avantageuse, ainsi qu'elle l'a été jusqu'à présent, surtout en ces temps si calamiteux, durant lesquels elle est deveniu comme une veuve accablée d'amertume, et de tous ceux qui lui étaient chers il n'en est pas un seul qui la console. On ne saurait dire quelles ont été nos angoisses en voyant le péril que courait cette pauvre nacelle, déjà ruinée, hélas ! par une telle peste de guerre. Toutefois, Dieu soit loué de ce que ni parmi les anciens Catholiques, ni parmi les nouveaux convertis il n'y a eu d'autre mouvement que celui d'une plus grande ardeur et ferveur. Nos ecclésiastiques installés dans les nouvelles églises ont incroya blcment soufTert, mais avec tant de constance que c'est une grande consolation de s'en ressouvenir. Les ministres de Genève n'ont pas manqué de vouloir occuper les églises ; mais M--'*" notre Révérendis- sime Evèquc s'en étant plaint au roi de France, celui-ci leur ordonna  56 Lettres de saint François de Sales far simili dissegni. È vero che non è stato senza fatighe che le cose si sonno cosî conservate. La speranza délia vicina pace ci rallegra tutti (O; ma se non succedesse per peccati nostri, in quel caso haveres- simo bisogno di grande aiuto délia Santa Sede appresso il Ré, per non havere da esser mal trattati da quelli de Geneva. Per conto mio, io son risoluto da star saldo sino al fine con quel poco di vigore che sua divina Maestà mi ha dato, massime se Vostra Paternità molto R^^ conti- nuarà di farme partecipe délie sue orationi , insieme con P. Giovan Mathaeo suo fratello, si corne io la supplico divotissimamente. Et basciandoli le sacrate mani, resto aeternamente, Di Vostra Paternità molto R'^^ Humilissimo servitore, Franc** De Sales, Praevosto di Geneva. Da Sales, casa paterna, alli 3 di Febraro 1601.  de renoncer à de semblables desseins. Ce n'est pas sans peine, il est vrai, que les choses se sont ainsi maintenues. L'espoir d'une prochaine paix nous réjouit tous(0; mais si à cause de nos péchés elle ne se concluait pas, nous aurions grand besoin de l'appui du Saint-Siège auprès du roi, afin de n'être pas maltraités par les Genevois. Pour mon compte, je suis résolu de demeurer ferme jusqu'à la fin, selon le peu de vigueur que sa divine Majesté m'a donnée, surtout si Votre très Révérende Paternité, ainsi que le P. Jean-Matthieu, son frère, continue à me faire part de ses prières, comme je l'en supplie très humblement. C'est en baisant vos mains sacrées que je demeure éternellement, De Votre très Révérende Paternité, Le très humble serviteur, François de Sales, Prévôt de Genève. De Sales, ma maison paternelle, le 3 février 1601. ( I ) Le Saint ignorait encore que le traité de paix avait été signé à Lyon le 17 janvicré  Annrh 1601 57 Non lasciarôdidaric avvisoclio la cosa délia coadjutoria non ha pij^^liato ne* sucrosso, ne propfrcsso veruno doppo ressamo; onde se nii favorirà dcllc suc lettere, io la sup- plico di non darnic (jucd lilolo (l(d (pialc io sono indoj^no. Al niolto R'- Pailrc et Sig"" mio in Christo colcndissimo, Il K. W Giovcnalc, Thcologo délia Congregatione dell' Oratorio. Koma. Revu sur l'Antngr.ipfic conserve à Milan, Archives du prince Trivulzio.  Je ne veux pas manquer de vous avertir que l'afTaire de la coadju- torerie n'a eu aucun succès ni avancement depuis l'examen ; c'est pourquoi, si vous me fiivorisez de vos lettres, je vous supplie de ne pas me donner un titre qui ne me convient pas. Au très Rcvcrond Père et mon très vcnéro Seigneur en Jésus-Christ, Le R. P. Juvénal, Théologien de la Congrégation de l'Oratoire. — Rome.  CXXXVIII A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN Constance dos Catholiques de Thonon et de Ternior opprimés par les Genevois. Prière de solliciter les prébendes d'Abondance promises à M. Nouvellet. Annecy, 18 mars 1601. Illustrissimo et Reverendissimo Signore Padron colcndissimo, Andando costi il signor di VilcLta mio zio, maestro di casa di Sua Altczza, mi è parso di dover rompcre questo lungho et violento silentio con far humilissima riverentia a V. S. Iir" et R'"* per mezzo di queste righe, colle quali  Illustrissime, Rcvérendissime et très honoré Seigneur, Mon oncle. M. de Villette. maître d'hôtel de Son Altesse, se rendant auprès de vous, il m'a semblé devoir rompre un silence forcement prolongé, en otTrant par ces lignes mes très humbles hommages à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime. Je lui donnerai en  6o Lettres de saint François de Sales  CXXXIX A M. ANTOINE d'aVULLY Le Saint rend compte de son intervention auprès du duc de Nemours pour le règlement d'une affaire d'intérêt. Annecy, 9 avril 1601 (i). Monsieur, Vostre homme arriva hier tout a propos pour treuver Monseigneur de Nemours encor en ceste ville. Je viens tout maintenant d'auprès de luy, et luy ay représenté ce que vous aves désiré, a quoy il s'est rendu fort aysé ; et ne pouvant employer beaucoup de tems a la considéra- tion de l'affaire pour tant d'affaires que la soudaineté de son despart luy a apportés, il a commandé sur le champ et en ma présence a monsieur le praesident Floccard (2) de le despecher au plus tost que faire se pourra. A quoy ledit sieur Praesident a respondu qu'il le feroit infalli- blement; et despu3^s je l'ay repris, et le Procureur patri- monial (3) encores, lesquelz conformément m'ont dit que sil vous playsoit d'en venir par termes de justice, la chose ne pouvoit pas se terminer du tout si tost, et qu'en ce cas il sera requis de voir ledit Procureur patrimonial répliquer a vos responces. Mays sil vous plait d'en venir  ( I ) Le bas de l'Autographe étant déchiré, le millésime a disparu; néan- moins on peut, indépendamment de la preuve matérielle fournie par l'écriture, le conjecturer presque à coup sûr. Saint François de Sales se trouve à Annecy le 9 avril, et en une année où cette date est antérieure aux solennités pascales; double circonstance qui durant tout le temps de sa prévôté ne se rencontre qu'en 1601. Et, à partir de sa consécration épiscopale, le Saint ne signe plus son nom patronymique, ou du moins, il ajoute à sa signature : E. de Genève, si ce n'est dans des billets familiers qui ne portent quelquefois qu'une simple initiale. {2) Louis Floccard était déjà président de la Chambre des Comptes du Genevois en 1590, et il fut, paraît-il, maintenu dans cette charge jusqu'à sa mort, arrivée en i6oa. {}) Probablement Glande Machet,  Année 1601 61 a l'amiable et prendre un des premiers jours après Pasques, vous séries bien tost expédié. Ceste seconde voye me semble plus sortable. Ce pendant, sur cecy je vous prieray de me donner advis du choix que vous feres, et je le feray sçavoir audit sieur Procureur du domeyne. Monsieur le Président m'a dit que si franchement et ré- solument vous vous contentés de rendre a Monsieur ce quil vous a baillé en eschange et reprendre le Turchet ( ^ ), la chose sera du tout hors de difficulté et de dilation. Monsieur, excusés moy si je vous escris ainsy a baston rompu, car j'ay la teste tant rompue et d'ennuy et d'af- faires que je ne pense guère aux paroles. Je vous salue de tout mon cœur, et madame d'Avully, et vous prie de [croire] que je seray tous-jours fort affectionnement. Monsieur, Vostre humble et très affectionné serviteur, Fkançs De Sales. A Neci, le 9 avril [1601]. Je n'ay pas parlé des 150 escus baillés au conte de Tournon {-) par ce que je n'entendois pas bien l'affaire. A Monsieur Monsieur d'AvuUi. Revu sur l'Autographe conservé à Dôle, Ecole libre de Notre-Dame du Mont-Roland.  ( I ) La seigneurie du Turchet (commune de Menthonnex-en-Bornes) avait été cédée à Anne d'Esté, duchesse de Nemours, par le baron d'Hermance, en échange de la baronnie de Saint-Jeoire (1586), puis vendue le 9 septem- bre 1596 à Jean-Baptiste du Tour par Henri, duc de Nemours. (2) Prosper-Marc de Maillard.  6o Lettres de saint François de Sales  CXXXIX  A M. ANTOINE D AVULLY  Le Saint rend compte de son intervention auprès du duc de Nemours pour le règlement d'une affaire d'intérêt.  Annecy, 9 avril 1601 (i). Monsieur, Vostre homme arriva hier tout a propos pour treuver Monseigneur de Nemours encor en ceste ville. Je viens tout maintenant d'auprès de luy, et luy ay représenté ce que vous aves désiré, a quoy il s'est rendu fort aysé ; et ne pouvant employer beaucoup de tems a la considéra- tion de l'affaire pour tant d'affaires que la soudaineté de son despart luy a apportés, il a commandé sur le champ et en ma présence a monsieur le praesident Floccard (2) de le despecher au plus tost que faire se pourra. A quoy ledit sieur Praesident a respondu qu'il le feroit infalli- blement; et despu3^s je l'ay repris, et le Procureur patri- monial (3) encores, lesquelz conformément m'ont dit que sil vous playsoit d'en venir par termes de justice, la chose ne pouvoit pas se terminer du tout si tost, et qu'en ce cas il sera requis de voir ledit Procureur patrimonial répliquer a vos responces. Mays sil vous plait d'en venir  ( I ) Le bas de l'Autographe étant déchiré, le millésime a disparu ; néan- moins on peut, indépendamment de la preuve matérielle fournie par l'écriture, le conjecturer presque à coup sûr. Saint François de Sales se trouve à Annecy le 9 avril, et en une année où cette date est antérieure aux solennités pascales; double circonstance qui durant tout le temps de sa prévôté ne se rencontre qu'en 1601. Et, à partir de sa consécration épiscopale, le Saint ne signe plus son nom patronymique, ou du moins, il ajoute à sa signature : E. de Genève, si ce n'est dans des billets familiers qui ne portent quelquefois qu'une simple initiale. (2) Louis Floccard était déjà président de la Chambre des Comptes du Genevois en 1590, et il fut, paraît-il, maintenu dans cette charge jusqu'à sa mort, arrivée en 1602. (?) Probablement Cla»ide Machet,  Annék i6oi 6i a l'amiable et prendre un des premiers jours après Pasques, vous séries bien tost expédié. Ceste seconde voye me semble plus sortable. Ce pendant, sur cecy je vous prieray de me donner advis du choix que vous feres, et je le feray sçavoir audit sieur Procureur du domeyne. Monsieur le Président m'a dit que si franchement et ré- solument vous vous contentés de rendre a Monsieur ce quil vous a baillé en eschange et reprendre le Turchet ( ^ ), la chose sera du tout hors de difficulté et de dilation. Monsieur, excusés moy si je vous escris ainsy a baston rompu, car j'ay la teste tant rompue et d'ennuy et d'af- faires que je ne pense guère aux paroles. Je vous salue de tout mon cœur, et madame d'AvuUy, et vous prie de [croire] que je seray tous-jours fort affectionnement, Monsieur, Vostre humble et très affectionné serviteur, Fkanç^ De Sales. A Neci, le 9 avril [1601]. Je n'ay pas parlé des 150 escus baillés au conte de Tournon (-) par ce que je n'entendois pas bien l'affaire. A Monsieur Monsieur d'AvuUi. Revu sur l'Autographe conservé à Dôle, Ecole libre de Notre-Dame du Mont-Roland.  ( I ) La seigneurie du Turchet (commune de Menthonnex-en-Bornes) avait été cédée à Anne d'Esté, duchesse de Nemours, par le baron d'Hermance, en échange de la baronnie de Saint-Jeoire (1586), puis vendue le 9 septem- bre 1596 à Jean-Baptiste du Tour par Henri, duc de Nemours. (2) Prosper-Marc de Maillard.  62 Lettres de saint François de Sales  /  CXL  A MONSEIGNEUR JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN Regret d'apprenJre le rappel du Nonce. — Nouvelles conversions en Cha- blais. — Mauvais vouloir de ceux qui devraient les favoriser. — Succès de la mission entreprise dans le bailliage de Gaillard. — Espoir de ramener à la vraie foi le pays de Gex, — Demande de quelques faveurs. — Travaux apostoliques de l'Archevêque de Vienne et de TEvêque de Genève. Sales, 28 juin 1601. lUustrissimo et Reverendissimo Signor Padron colendissimo, Ho sentito con incredibile dispiacere che V. S. 111'"* et R™* stava per dar fine alla sua fruttuosa nunciatura ; et per questo devo prima ringratiarla, si corne io faccio humilissimamente, delli infiniti favori che mi a (sic) fatti per gratia sua, a consolatione mia et aiuto di questa pro- vincia, délia quale Ella è non solo segnalato benfattore, ma padre amarevolissimo (sic). Io la supplico poi che si degni continuar la gratia sua verso di me douvunque li meriti suoi la portino, et di creder che non haverà gia- mai servitore più dedicato alla sua ubedientia di quello Cf. Lucae, XVII, 10. che io sono, se bene inutile*. Non lasciarô tuttavia di dar raguaglio a V. S. 111""* et  Illustrissime, Révérendissime et très honoré Seigneur, J'ai appris avec un déplaisir incroyable que Votre Seigneurie Illus- trissime et Révérendissime est sur le point de terminer sa fructueuse nonciature. C'est pourquoi je dois vous remercier d'abord, comme je le fais très humblement, des faveurs infinies dont, par votre bonté, vous m'avez comblé pour ma consolation et pour le bien de cette province, de laquelle vous êtes non seulement le bienfaiteur signalé, mais aussi le père très aimant. Je vous supplie ensuite de daigner me continuer vos bonnes grâces partout où vos mérites vous porteront, et de croire que jamais vous n'aurez un serviteur qui soit plus que moi dédié à votre obéissance, quoique je sois inutile. Toutefois, je ne laisserai pas de donner à Votre Seigneurie des  Anniîk 1601 63 R'"* ciel le cose nostre intorno a (rené va. lo son stato in Tononc et nel balliaggio di Chiablais questo mese, per visitarc tiiltc le chiese et sapcre in che stato si ritruova- vano et che modo vi sarebbe de dotarle, si corne m'era stato commesso da Monsignor Vescovo ; et ho ritruovato che quanto alT anime, non obstante la guerra, il numéro era cresciuto da Natale in qua, se bene, perché il'luogo- tenente del governatore dato dal Ré di Francia, mentre vi stette , era hugonotto in grado supremo , alquante pecorelle si erano smarrite, poche in quantità et nulle di qualità. Le feste di Pentecoste io predicai in Tonone, dove li nuovi Catholici, in gran numéro, fecero la Com- munione [con molto(0] frutto. Ma quanto al modo di dotar le chiese, v' è grandissima difficoltà [per le] ragioni che sin adesso vi son state, cioè : Oinnes qiiœriint qtiœ sua surit*, sino al signor Prse- ♦ Philip., n, 21, vosto del Gran San Bernardo (2), il quale, sotto certe  nouvelles de nos affaires aux environs de Genève. J'ai été ce mois-ci à Thonon et dans le bailliage de Chablais pour visiter toutes les églises, savoir en quel état elles se trouvent et par quel moyen on pourrait les doter, comme il m'avait été enjoint par M-"" notre Evêque. Pour ce qui concerne les âmes, j'ai trouvé que, malgré la guerre, le nombre des convertis s'est accru depuis Noël, bien que sous la domi- nation du lieutenant du gouverneur donné par le roi de France, lequel pendant qu'il était là était huguenot au suprême degré, quelques brebis se fussent d'abord égarées ; mais elles sont peu en quantité et nulles en qualité. Aux fêtes de Pentecôte j'ai prêché à Thonon, où les nouveaux Catholiques ont fait en grand nombre la Communion avec beaucoup de fruit. Mais quant au moyen de doter les églises, la difficulté est très grande pour les mêmes raisons qui ont existé jusqu'ici : c'est-à-dire Tous cherchent leurs intérêts, jusqu'à M. le Prévôt du Grand-Saint- Bernard (2) qui, sous certaines prétentions de nominations qu'il  ( i) La rupture du cachet a occasionné dans l'Autographe une déchirure qui a fait disparaître les mots que nous suppléons entre crochets d'après le sens et l'espace qu'ils occupaient dans l'original. (2) André Tillier ou de Tillier, natif d'Aoste, chanoine rJ-gulier de Saint- Ours, avait été élu prévôt du Grand-Saint-Bernard en 1587. Il mourut en 161 r.  64 Lettres de ?a>nt François de Sales praetentioni di nominationi che hebbe avanti l'heresia, viene ad inquietare 1' opra dove puô, et non essendo mai comparso nel tempo délia fatica, vuole adesso pigliar li *Cf. II Cor., VII, 5. beneficii : sî che, forts timorés, intus pugnce *. Quanto poi alli signori Cavaglieri, non si ha da dire altro senon che li loro agenti ancora essi stanno a voler contrastar, sî che non ciè mai fine in questo negotio; et nientedimeno sarebbe necessario che vi si ponesse fine per dar princi- pio a questo altro. Dùoi Padri délia missione et dùoi altri curati del Chia- blais vicini del balliaggio di Gagliardo, sentendo che Sua Altezza era in possesso di detto balliaggio et che vi era un cappitano molto catholico (O, andorono da lui, ofFerendosi di dar principio alla predicatione evangelica et essercitio catholico , il quale non era stato in quel [luogo] perché li Genevrini, a nome del Ré di Francia, sino airhora 1' avevano occupato. Et havendo esso cappi- tano mostrato zelo et desiderio di tanto bene con pro- mettere ogni aiuto a detti Padri, le feste di Pentecoste  avait avant l'invasion de l'hérésie, traverse cette œuvre partout où il peut, et lui, qui n'a jamais paru au temps du labeur, veut mainte- nant s'emparer des bénéfices; de sorte que, craintes au dehors, combats au dedans. Quant à MM. les Chevaliers, l'on n'en peut dire autre chose sinon que leurs agents persistent eux aussi à vouloir contester, si bien qu'on ne voit pas la fm de cette affaire; et cependant il serait nécessaire de la terminer pour donner commencement à celle que voici. Deux Pères de la mission et deux autres curés du Chablais, proches du bailliage de Gaillard, apprenant que Son Altesse était maîtresse de ce bailliage et qu'il s'y trouvait un capitaine très catholique (0, allè- rent s'offrir à lui pour commencer la prédication évangélique et l'exercice du culte, lequel n'existait pas en ce lieu parce que les Genevois l'avaient jusqu'alors occupé au nom du roi de France. Le capitaine témoigna beaucoup de zèle et de désir d'un si grand bien, §n promettant tout appui aux Pères. Aux fêtes de Pentecôte on donna ( I ) Le capitaine Vitto de Bastcrga^ d'origine corse, aussi valeureux guerrier que fervent catholique.  Annéh i6oi 65 si diede principio in quel balliagg'io (distante da Ciencva mezza leg'ha, cioè due millia) con tanto favore del Spirito Santo, che andandovi io il Mercordî délia istessa setti- mana, ritrovai più di cento case catholiche in due par- rochie, et quasi tutte molto ben iora:*parate a simil bene, senza che vi si a travenuta ne forza, ne arlificio altro che la semplice parola. È vero che per esser dette balliaggio non molto discosto delli novi Catholici di Chiablais da iina banda, et dalli vecchi di questa nostra banda del (îenevois, crano mezzo instrutli délia santa religdone. Ecco adunque una nuova fatica a .Monsignor Vescovo in inandar operarii in quella vigiia * et procurarli le pro- * M;>it., xx, \, visioni necessarie. Succédera poi, per quanto si dice, una molto mag'gior fatica nel balliaggio di Gex col V Intérim, il quale dal Re di Francia si introdurrà ; dove bisognarà anco pro- vedere de pastori, essendo adesso detto balliaggio tutto hugonotto et occupato da'Genevrini, li quali restaranno molto intéressât! dal V Intérim se saranno costretti di re- stituire li béni ecclesiastici, sî come io credo che debbano  commencement [à cette œuvre] dans ce bailliage (distant d'une demi-lieue de Genève, c'est à-dire deux milles), et cela avec tant de secours du Saint-Esprit que, m'y étant rendu le mercredi de la même semaine, j'y trouvai, en deux paroisses, plus de cent familles catho- liques. Presque toutes les autres sont fort disposées au même bon- heur, sans que soient intervenus ni force ni artifice autre que la simple parole. Il est vrai que ce bailliage n'étant pas très éloigné des nou- veaux Catholiques du Chablais d'un côté, et des anciens de notre côté du Genevois, les habitants étaient déjà à moitié instruits de la sainte religion. Voilà donc que M^'' notre Hvèque aura de nouvelles fatigues pour envoyer des ouvriers en cette vigne, et leur procurer les provisions nécessaires. A ce que l'on dit, de bien plus grands travaux surviendront dans le bailliage de Gex avec V Intérim que le roi de France doit y intro- duire. Là aussi il faudra pourvoir de pasteurs, car ce bailliage est maintenant entièrement huguenot et occupé par les Genevois, qui demeureront bien compromis par Ylntêrini s'ils sont contraints de restituer les biens ecclésiastiques. Je crois qu'ils doivent l'être, malgré Lettres II ç  66 Lettres de saint François de Sales esser, non estante la clausula délia pace che ognuno debba ritornare nelle possession! nelle quali era inanzi la guerra ; perché no stimo che la Santa Sede, facendo la pace, habbia inteso che li ugonotti guardino li béni délia Chiesa, delli quali sonno sacrilegi et non possessori. Questo è il stato délie cose nostre ; dove io supplicarô instantissimamente V. S. lU'"'' che si degni continuare sua solita sollecitudine verso di esse, [e] in particolare si degni raccommandarle strettamente airillustrissimo suc- cessore. [E] perché io soglio sempre pregar V. S. Ill""* per qualche mia particolare consolatione, la supplicarô che si degni ricordare délie praebende procurate per il signor Nouveletto, veterano nella militia ecclesiastica, délie quale (sic) il signor di Viletta glie darà più distinto raguaglio. Di più, habbiamo in questa diocaesi una damigella la- quale essendo niolto giovane fece voto di castità ; et essendo molto divota, nientedimeno non vuol entrar in Religione, et nel mondo si ritruova in gran difficoltà neirosservare detto voto. Per questo, dalli Padri Giesuiti  cette clause du traité de paix, que chacun doit rentrer dans les do- maines qu'il possédait avant la guerre ; car je ne pense pas que le Saint-Siège en faisant la paix ait entendu que les huguenots gar- dassent les biens de l'Eglise, dont ils sont usurpateurs et non possesseurs. Tel est l'état de nos affaires, auxquelles je supplierai très instam- ment Votre Seigneurie Illustrissime de daigner continuer sa sollicitude accoutumée, et surtout de les recommander vivement à son illustris- sime successeur. Et parce que j'ai l'habitude de vous présenter toujours quelque requête pour ma consolation particulière, je vous demanderai de vouloir bien vous rappeler des prébendes obtenues pour M. Nouvel- let, vétéran de la milice ecclésiastique, dont M. de Villette vous par- lera plus amplement. De plus, nous avons en ce diocèse une demoiselle laquelle, étant fort jeune, fit vœu de chasteté ; quoiqu'elle soit très pieuse, elle ne veut pas néanmoins entrer en Religion, et dans le monde elle ren- contre de grandes difficultés pour l'observation de ce vœu. C'est pourquoi les Pères Jésuites ont jugé qu'il serait à propos de l'en faire  Annhii 1601 67 si g-iudicô a proposilo che ne sia dispensata accio possa esser maritata. Onde supplico V. S. 111'"' che si degni darci la facoltà di dispensar in questo caso, et havermi par iscusato se io con tanta libertà ardisco ricorrere da lei, chè la sua infini ta bon ta ne ô causa. Supplico ultimamente V. S. lU'"'' che si degni permet- termi che od in Roma, o vero in Bari, io possa aile volte scrivere a lei et darglie rilatione délie cose nostre, délie quale (sic) io stimo che Ella haverà sempre gratissima memoria, ricordandosi délie fatiche che in servitio d'Iddio vi a (sic) adoperate. Et io sempre priegharo il Signor Iddio che la conservi et le dia quella lunghissima vit-a che ad utile délia Chiesa è necessaria ; et basciandoli le sacre mani, le f accio humilissima riverentia. Di V. S. lU'"' et R'"% Divotissimo servi tore, Franc° De Sales, Praevosto di Gène va. In Sales, alli 28 Giugnio 1601. Monsignor Arcivescovo di Vienna sta in Tonone molto  relever afin qu'elle puisse se marier. Je supplie donc Votre Seigneurie de vouloir bien nous donner le pouvoir de lui accorder la dispense requise, et de me pardonner si j'ose recourir à Elle avec tant de li- berté, car son infmie bonté seule en est cause. Je vous demande en dernier lieu de me permettre de vous écrire quelquefois soit à Rome, soit à Bari, et de vous renseigner sur nos affaires, dont je crois que Votre Seigneurie gardera toujours un agréable souvenir, se rappelant les travaux qu'Hile leur a consacrés pour le service de Dieu. Pour moi, je prierai toujours le Seigneur de vous conserver et de vous accorder une très longue vie, telle qu'elle est nécessaire pour le bien de l'Eglise. En baisant vos mains sacrées, je vous fais très humble révérence. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très dévoué serviteur, François de Sales, Prévôt de Genève. A Sales, le 28 juin 1601. M-''" l'Archevêque de Vienne est à Thonon en très bonne santé ; il  68 Lettres de saint François de Sales sano et molto fruttuoso a quelli popoli, dandosi tutto alla consolatione délia conversione di queir anime. Monsignor di Geneva va questa settimana prossima in Gagliardo a visitar quella nuova vigna. Air 111™° et Rever""° Sig^' Padron mio colendissimo, Monsig"^^ Arcivescovo di Bari, Nuntio Apostolico appresso S. A. Ser'"^. Turino. Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives Vaticanes.  opère beaucoup de fruit parmi ces populations, se donnant tout entier à la consolation de la conversion de ces âmes. M»'" de Genève ira la se- maine prochaine au pays de Gaillard pour visiter cette nouvelle vigne.  CXLI A DES AMIS (0 (minute inédite) Départ précipité pour traiter des intérêts de la religion dans le pays de Gex. [Fin juillet i6oi.] Non sum nescius quanta vos alacritate de meo tran- sita admonebit mater optima, quae me et tam effusa  Je n'ignore pas avec quel empressement cette excellente mère vous avertira de mon passage , elle qui m'a embrassé avec une (i) Cette minute, qui ne porte ni date ni adresse, doit remonter, d'après les particularités de l'écriture, à l'année i6oi. L'un des destinataires pourrait être le baron de Chevron (voir ci-après p. 70) et l'autre est certainement le président Favre. Ce dernier était revenu tout récemment de Rome, comme le prouve une lettre que le comte de Verrua, ambassadeur de Savoie auprès du Saint-Siège, écrivait au duc le 30 juin, et il avait pour commensal ce « tout aimant Rodolphe » que salue le Saint. Quant à la conférence avec le baron de Lux, elle a dû être occasionnée par les menées que les Genevois faisaient à cette époque pour retenir le pays de Gex sous leur domination, ou du moins pour empêcher d'y rétablir le culte catholique.  Annrf. i6oi 69 animi lactitia complcxum dimiLtC'ndum non exislimasset, nisi causam discessus attulisscm quam omni exceptione majorem non potuit non agnoscere. VA vero vos ipsi ju- dicate qualem esse opporteat qua3 me vos, tam cito reditu- ros, tam exiguo locorum intervallo disjunctos, insalutatos relinquere compellat. i^) Religionis nimirum causa est quEB, cum ubique quidem, apud me vero quam maxime precipua esse debebit, me tanta vi abducit et abstrahit. Diem enim hanc addixit Baro Lucensis (b) délibération! de reb'gionis Cathob'cao apud Gavanos restitutione ; quare veritus ne si dies re infecta abiret, tum apud Deum tum apud homines tenear de mora, de vestra erga me humani- tate confisus, discedo, et hac meœ erga vos observantise contestatione, profiteor me victurum moriturum vestrum fratrem, votis placitisque vestris addictissimum. Amatissimo utinam et amantissimo Rudolpho (0 quam impensissime salutem dicere placeat. Revu sur l'Autographe appartenant à M'"*^ Doroz, née d'Arcine, à Besançon.  âme débordante de joie, et qui n'eût pas consenti à me laisser partir si je ne l'avais contrainte à constater combien est urgente la cause de mon départ. Vous-même, du reste, pouvez juger de cette urgence, puisqu'elle m'oblige à m'éloigner sans vous saluer, vous qui alliez si tôt revenir, vous qu'une si petite distance séparait de moi ! Il s'agit de la religion; or, cette cause qui est la première pour tous, doit l'être surtout pour moi, qu'elle soulève et entraine a\'ec tant de force. Le baron de Lux a fixé ce jour pour une conférence sur le rétablissement de la religion catholique dans le pays de Gex. Si ce jour s'écoulait sans que la question fût réglée, je craindrais d'être responsable du retard devant Dieu et devant les hommes. Aussi, confiant dans votre bienveillance à mon égard, je pars en vous assurant de tout mon respect, et je proteste vouloir vivre et mourir votre frère, tout dévoué à ce que votre bon plaisir réclamerait de moi. Veuillez, je vous prie, saluer le j)lus affectueusement du monde le tout aimé et tout ain:ant Rodolphe ( i). (a) compellat. — TEa nimirum est quaj religioni rcstilueaJce....J (b) Baro Lucensis — fncgotio, tractationi...J  (i) Rodolphe Janssen. Voir plus loin la lettre à Ms^ Gisbert Masius.  /  Lettres de saint Frakçois de Sales CXLII  A MONSEIGNEUR JULES-CESAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN (minute inédite) Le pays de Gex soumis à la France ; intention du roi d'y rétablir la religion catholique; opposition des Genevois ; démarches faites pour en triompher. — Reprise des poursuites commencées au sujet de la coadjutorerie. Chambéry, 20 août 1601 (i). Illustrissimo et Reverendissimo Signore Padron colendissimo, Se bene per relatione del signor Présidente Fabro et anco del signor Barone de Chivron so che forse questa mia lettera non glie capitarà in mano nella sua nuntia- tura, tuttavia non ho lasciato di volerglie dar raguaglio di due cose, al successo délie quali sua authorità et bontà potrà dar molto aiuto nelle occurrenze. Una è circa raccrescimento délia fede santa appresso a Geneva nel balliaggio di Gex, che è di questa diocesi, et si stende dalla Borgogna et paese de' Bernesi a mezzo miglio appresso a Geneva. È stato sin adesso occupato  Illustrissime, Révérendissime et très honoré Seigneur, Bien que d'après ce qui m'a été dit par M. le président Favre et M. le baron de Chevron je sache que peut-être cette lettre ne parviendra pas entre vos mains pendant votre nonciature, je ne veux pas toutefois laisser de vous donner connaissance de deux choses, au succès desquelles votre autorité et votre bonté pourront beaucoup aider à l'occasion. L'une concerne l'extension de la sainte foi près de Genève, dans le bailliage de Gex, qui appartient à ce diocèse, et s'étend des confins de la Bourgogne et du pays des Bernois jusqu'à un demi-mille de Genève. Ce bailliage a été occupé jusqu'à présent par les Genevois au nom du roi de France ; mais depuis quinze jours il a été de nouveau ( I ) Cette date est indiquée par M^'" RiccarJi. Voir à l'Appendice sa lettre du 5 septembre loor.  Annhr i6oi 71 da'Gencvrini a nome dcl Re di Francia, et nuovamente, da quindici giorni, è stato ridotto sotto a quella corona et tolto dalle mani di detti Genevrini ; dove il signor Barone de Lux, il quale al nome del Re ne piglio pos- sesso (0, dichiarô che era intentione di esso Re che ressercitio catholico vi fosse restituilo col mezzo deir/;z- terim a forma di quello che si pratica in Francia. Ma perché Y Intérim francese vuole che si rendano li béni ecclesiastici et le chiese alli sacerdoti, Vescovi et altri, li Genevrini, che occupano le terre [ed] entrate di Monsi- gnor Vescovo di Geneva, del suo Capitolo et altre chiese, protestorno che quello Intérim non gli dovesse pregiu- dicare ; et per questo detto signor Barone di Lux, molto catholico, ha mandato dal Re per havere risolutione circa questa dihicoltà, et Monsignor Vescovo pur anco, dal canto suo, scrisse a Sua Maestà(2) et al signor Nuncio di Francia (3) acciô che le sue ragioni et le nostre fossero conservate. Ma questo è poco se la Santa Sede non adopra viva- mente la sua authorità appresso quella Maestà, acciô che  soumis à sa couronne et arraché aux mains desdits Genevois. M. le baron de Lux, qui en a pris possession au nom du roi ( 0, a déclaré que l'intention du roi lui-même était que l'exercice du culte catho- lique y fût rétabli au moyen de Vlntérim de la même manière qu'il se pratique en France. Mais parce que Vlntérim français veut que les biens ecclésiastiques et les églises soient rendus aux prêtres, aux évê- ques et autres, les Genevois, qui détiennent les terres et les revenus de M"" de Genève, de son Chapitre et d'autres églises, ont protesté que cet Intérim ne devait leur préjudicier en rien. C'est pourquoi M. le baron de Lux, bon Catholique, a mandé au roi pour avoir la solution de cette difficulté, et M^'" l'Evêque a aussi, de son côté, écrit à Sa Majesté (2) et à M. le Nonce de France (3), afin que ses droits et les nôtres soient sauvegardés. Mais ceci est peu de chose si le Saint-Siège n'emploie fortement ( I ) La prise de possession avait eu lieu le 30 juin, mais la prestation de serment ne se fit que le 5 août. (2) Voir à la fin de ce volume la lettre du 5 août 1601. (3) Ibid., lettre du 10 août adressée à M»"" Silingardo, Evoque de Modène.  72 Lkttrrs de saint François de Sales senza rispetto a' Genevrini si esseguisca de':ta restitutione de' béni délia Chiesa, colla quale si farà un sniacco a quelli heretici, il maggior che sin adesso gli sia stato fatto, et senza la quale non si potrà stabilire la santa religione, non potendosi provedere di pastori a quel paese se alli pastori non [si] provede di vitto et di chiesa. Per questo Monsignor Vescovo scrive air 111'"° signor Cardi- nale Aldobrandino (O, et mi è parso doverne dare avviso a V. S. lU'"'' acciô che anco lei s' adopri per simile occa- sione ch'è tanto opportuna alla gloria d' Iddio. L'altra cosa è che io vengo tanto soUecitato da ^lon- signor Vescovo di Geneva et anco, per dirla liberamente, da tutti i più notabili et risguardevoli délia diocesi, non solo ecclesiastici, ma anco laici, che insomma, vinto dalla istantia fattami da loro, ho dato il mio consenso che si ripigliasse il negotio délia coadiutoria di questo vesco- vato, con futura successione in favor mio. Non certo perche io desideri quella dignità, il peso délia quale mi è stato sempre formidabile, massime in questi tempi tanto torbulenti et torbidi, ma per non far resistentia al  son autorité auprès de Sa Majesté, afin que, sans égard aux Gene- vois, on exécute cette restitution des biens de l'Eglise; par ce moyen, ces hérétiques recevront le plus grand affront qu'on leur ait jamais fait jusqu'à présent. Sans cette mesure, la religion ne pourra être réta- blie ; car il est impossible de pourvoir ce pays de pasteurs si on ne pourvoit les pasteurs des ressources nécessaires et d'une église. A cet effet, M-'"notreEvêqueécrità l'Illustrissime Cardinal Aldobrandino (i), et j'ai cru devoir en avertir Votre Seigneurie Illustrissime, afm qu'Elle intervienne aussi dans une occasion si favorable à la gloire de Dieu. L'autre chose est que, en étant vivement sollicité par M-'" l'Evêque de Genève et aussi, pour le dire franchement, par toutes les person- nes les plus notables et les plus distinguées du diocèse, non seulement ecclésiastiques mais encore laïques, cédant enfin à leurs instances j'ai consenti à ce que l'on reprît les négociations commencées pour m'obtenir la coadjutorerie de cet évêché avec future succession. Ce n'est pas certes que je désire cette dignité, dont le poids m'a toujours paru formidable, surtout dans ces temps de confusion et de trouble ; (i) Voir à la fin de ce volume Iri lettre du ii août.  Annf.r 1601 73 parère di tanti huomini da bene et li quali hanno giudi- cato che io non dovevo più ritardar questo negotio. Tut- tavia vi è ancora una gran difficoltà, et forse taie che la Providentia divina, con mezzo di essa, mi farà gratia di lasciarme nella quiète. Et è che per Tingiuria delli tempi passati havendo assai patito la casa mia, et ritro- vandomi da tre mesi in qua privo del mio padre, non ho modo di fare grande spesa, la quale se sarà necessaria, non posso seguitare questa impresa, massime non trat- tandosi di cosa présente, ma di futura, ne di commodità, ma di fatica incredibile ; essendo questa Chiesa privata délia maggior parte délia sua dote, la quale è in mano delli nemici délia fede, et con tante occasioni di faticare che il poco pane che ella dà al suo Vescovo non si puô mangiare senza molto sudore *. * C(. Gen., m, 19. Per questa ragione Monsignor Vescovo scrive al suo agente che vada scuoprendo per mezzo delli amici, et particolarmente deirill'"" signore Cardinal Baronio (O, se si potesse sperar qualche gratia di Sua Santità, et io  mais c'est pour ne pas résister à l'avis de tant de gens de bien qui ont jugé que je ne devais plus retarder cette affaire. Toutefois, il reste encore une grande difficulté, et telle que peut-être ce sera le moyen dont la divine Providence se servira pour me faire la grâce de me laisser en repos. C'est que, ma famille ayant beaucoup souffert par le malheur des temps passés, et me trouvant privé de mon père depuis trois mois, je ne suis pas en mesure de faire une grande dépense. Si elle est nécessaire, je ne pourrai poursuivre cette affaire, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une chose présente, mais future, ni d'avantages, mais de peines incroyables. Cette église est dépouillée de la plus grande partie de ses revenus, qui sont entre les mains des ennemis de la foi ; de plus, il y a tant de travaux à sup- porter que son Evêque ne peut manger qu'au prix de beaucoup de sueurs le peu de pain qu'elle lui donne. Pour cette raison, M^' notre Evêque écrit à son agent qu'il tâche de découvrir, par le moyen de nos amis, et particulièrement de l'Illus- trissime Cardinal Baronius (0, si l'on peut espérer quelque faveur ( I ) Voir à la fia du volume la lettre adressée à ce Cardinal par M^"' de Granier, en date du lo août i6ot.  y4 Lettres de saint François de Sales anco ne supplice humilissimamente V. S. lU'"'' et R""* acciochè non dandosi simili gratie io non entri in questo negotio , il quale non riuscendo per mancamento del modo, potrebbe dar sinistra opinione di qualche altro difetto aquesti miei paesani. Se poi la cosa deve riuscire, io non cessarô di prevalermi délia benevolentia et bontà di V. S. Iir^ et R""^ dove io ne vederô Topportunità, desiderando in questo et in ogni altro disegno esser sem- pre sotto le ali délia sua protettione. Mi rincresce molto che s' habbia da dar principio a questo negotio nel fine délia sua felice et fruttuosa nunciatura, ma cosi vuol la Providentia divina, alla quale rimetto interamente il successo et di questo et de gValtri miei pensieri, et la supplico di conservare ad utile délia santa Chiesa V. S. Iir* et R"'% alla quale bascio humi- lissimamente le mani AiriU'"" et R'^° Padron et Sig^ mio osservandissimo, Il Sig^ Arcivescovo di Bari, Nuntio Apostolico appresso S. A. Seren""*. Turino. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.  de Sa Sainteté. J'en supplie moi-même très humblement Votre Sei- gneurie Illustrissime et Révérendissime, afin que si de telles faveurs ne s'accordent pas, je ne poursuive plus cette affaire ; car si elle n'aboutissait pas, faute de ressources, mes compatriotes pourraient concevoir de mauvais soupçons, et attribuer cet insuccès à quelque autre cause. Si cependant la chose doit réussir, je ne cesserai de me prévaloir de la bienveillance et de la bonté de Votre Seigneurie chaque fois que je le croirai opportun, désirant en ceci comme en tout autre dessein demeurer toujours sous les ailes de sa protection. Je regrette beaucoup qu'il faille entreprendre cette affaire sur la fin de votre heureuse et fructueuse nonciature, mais ainsi le veut la divine Providence. Je lui remets donc entièrement le succès de ceci et de tous mes autres projets, la suppliant de conserver pour l'utilité de son Eglise Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, à qui je baise très humblement les mains  cM  Année 1601 75 CXLIII A MONSEIGNEUR CONRAD TARTARINI, ÉVEQUE DE FORLl (0 Prière de s'intéresser à la restitution des biens ecclésiastiques du pays de Gex. Chambéry, 20 août 1601. lUustrissimo et Reverendissimo Signor Padron colendissimo, Già che le varie nécessita di questa diocaesi mi da- ranno spesso occasione di ricorrere aU'authorità di V. S. lU'"* et R""\ mi è parso che io potevo et dovevo dar prin- cipio da questa, che è segnalata et importantissima. Il paese di Gex, occupato sin adesso da'Genevrini, è capitato, per gl' articoli délia pace *, nelle mani del Ré di * Vide supra, p. 56, Francia, a nome del quale il Barone di Lux ne pigliô fa poco il possesso, con far dichiaratione che Tintentione di detto Ré era di restituirvi Tessercitio délia fede catholica  Ilhistrissime, Révérendissime et très honoré Seigneur, Puisque les divers besoins de ce diocèse me donneront souvent occasion de recourir à l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, il m'a semblé que je pouvais et devais commencer par celui-ci, qui est remarquable et très important. Le pays de Gex , occupé jusqu'à présent par les Genevois, est tombé, par les articles du traité de paix, entre les mains du roi de France, au nom de qui le baron de Lux en a pris possession depuis peu, en déclarant que l'intention du roi était d'y rétablir l'exercice de la foi catholique au moyen de V Intérim de la même manière qu'il se (i) Il est très probable que cette lettre, datée du même jour que la précé- dente, avait été également envoyée à M*?"" Riccardi pour être remise au prélat qui devait lui succéder en qualité de nonce auprès du duc de Savoie. Ce Prélat, dont notre Saint paraît ignorer encore le nom, était Conrad Tartarini ou Tartarino, natif de Città di Castello (Ombrie), qui occupait le siège épiscopal de Forlî depuis le i8 octobre 1^99. Il n'arriva à Turin que le 28 septembre léor. Son zèle, son activité, l'ardeur qu'il déploya pour la conversion des héréti- ques faisait concevoir les meilleures espérances quand la mort l'enleva le 14 février 1602.  76 Lettres ds saint François de Sales col mezzo dell' Intérim a forma di quello che si fa in Fran- cia. Ma perché detto Intérim fa che si rendano le chiese et béni ecclesiastici alli Catholici, li Genevrini, li quali in quel balliagio occupano moite terre, décime et altri béni di Monsignor Vescovo di Geneva, del suo Capitolo et altre chiese, protestorono che quel Intérim non glie dovesse pregiudicare. Per questo, detto Barone di Lux mando dal Ré per haver risolutione di questo dubbio, al quale poi Monsignor Vescovo scrisse dal canto suo, et anco air Iir"° signor Nuncio di Francia sopra questo negocio. Et perché se quella restitutione si fa sarà uno di (sic) grandi colpi che habbino sentito quelli haeretici sin adesso , mi è parso convenevole di dar raguaglio di questa occasione a V. S. 111'"^ et R'"^, acciô che anco lei adopri il suo santo zelo in promovere questa impresa con raccommandarla alla Santa Sede ; che per questo Mon- signor Vescovo di Geneva scrive air 111'"° signor Cardinal Aldobrandino la lettera qui alligata, laquale per magior sicurezza ho indrissato per via di V. S. 111""* et R"'% alla quale basciando humilissimamente le reverendissime mani, priegho dal Signor Iddio buon principio, meglior  pratique en France. Mais parce que ledit ////rr/;// exige que les églises et les biens ecclésiastiques soient rendus aux Catholiques, les Genevois, qui détiennent en ce bailliage un grand nombre de terres, décimes et autres revenus de M-'' l'Evêque de Genève, de son Chapitre et de plusieurs églises, ont protesté que \ Intérim ne devait leur préjudicier en rien. C'est pourquoi, le baron de Lux manda au roi pour avoir la solution de cette difficulté; Monseigneur lui écrivit ensuite de son côté au sujet de cette alTaire, ainsi qu'à M. le Nonce de France. Or, parce que si cette restitution a lieu, ce sera l'un des plus grands coups qu'aient reçus jusqu'ici ces hérétiques, il m'a semblé convenable d'informer de toutes ces choses Votre Seigneurie, afin qu'EUe aussi emploie son saint zèle à favoriser cette entreprise en la recommandant au Saint-Siège. M^' l'Evêque de Genève écrit à cet effet la lettre ci-jointe à l'Illustrissime Cardinal Aldobrandino, laquelle, pour plus grande sûreté, je lui adresse par votre entremise. C'est en baisant très humblement les mains vénérées de Votre Seigneurie que je lui souhaite de Dieu notre Seigneur, avec tout vrai  Année 1601 77 progresse et ottimo fine délia sua tanto importante nun- ciatura, insieme con ogni suo vero contente. Di V. S. 111-^ et R-"', Divotissimo servitore, Franc^ Dh Sales, Prœvosto di Geneva. Da Chiambri, alli 20 di Agosto 1601. AiriU'"'' et R'"" Sig'' mio Padron colcndissimo, Monsig'' il Nuntio Apostolico appresso S. A. S. Turino. Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives Vaticanes. Voir le fac-similé placé en tête de ce volume.  contentement, un bon commencement, un meilleur progrès et une excellente fm de son importante nonciature. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très dévoué serviteur, François de Sales, Prévôt de Genève. De Chambéry, le 20 août 1601. A mon très honoré. Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Ms"- le Nonce Apostolique auprès de Son Altesse Sérénissime. — Turin.  V CXLIV AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL 1^« (minute) Obstination de quelques hérétiques de Thonon. Mesures à prendre pour en triompher. Thonon, commencement d'octobre 1601. iMonseigneur, (a) Apres que j\lon sieur TEvesque de Genève a eu establi les églises en tout ce balliage, horsmis en deux  (a) TLaissé en ceste ville par Mens'" TEvcsque de Genève après quil a eu estably les egUses...J  78 Lettres de saint François de Sales ou trois lieux, et entr'autres en ceste ville (0, faute de moyens convenables, il m'a layssé icy pour quelques jours pour essayer d'attirer ce peu qui reste d'huguenotz hors du fort de leur obstination (b). J'y ay emploj^é tout mon cœur, et espère que Dieu en aura touché quelques uns par les motifz quil luy a pieu m'inspirer (c). Néan- moins je n'ay encor peu tirer d'eux pleyne resolution , et en Siy trouvé des autres qui sont si avant en leur opi- niastreté que mesme ilz refusent leurs aureilles a la sainte parole, et ne veulent se prester a aucune rayson ; gens ignorans et qui d'ailleurs sont de nulle considération. Si que, après avoir fait ce qui a esté de ma capacité et ayant veu que tant de doctes Pères Jésuites et autres prsedicateurs y ont emplo3^é toute leur industrie, je me suys venu rendre aux offi-ciers que Vostre Altesse a ordi- nairement en ce lieu et a tous ceux que j'y ay veu et peu rencontrer, entr'autres a monsieur le marquis de Lulin, pour aprendre d'eux si de nostre costé il demeuroit quel- que diligence a faire. Et tous concourent a cest'opinion, quil n'y a plus aucun moyen de reste pour en chevir, sinon que Vostre Altesse, par un edit paysible, commande que tous ses sujetz a3^ent a faire profession de la foy catholique, et en prester le serment dans deux moys es mains de ceux qui seront dé- putés, ou de vuider ses estatz, avec permission de vendre leurs biens. Plusieurs, par ce moyen, éviteront le bannis- sement du Paradis pour ne point encourir celuy de leur patrie ; les autres, qui seront fort peu en nombre, sont de telle qualité que Vostre Altesse gaignera beaucoup en les perdant, gens desquelz l'affection est des-ja pervertie et qui suyvent le huguenotisme plus tost comm'un parti que comme une religion. Le saint efifect de l'edit que je propose rendra tous-jours plus admirable a tous les vra3's  [h] dé leur ohsiùiation — fet les conduire a vouloir estre instruitz.J (c) ini7ispirer— Fde leur proposer. J  ( I ) La mention faite de la réorganisation des paroisses du Chablais, achevée en septembre i6or," détermine la date de cette lettre.  Année i6oi 79 Catholiques la religion et grandeur de courage de Vostre Altesse, et la douceur d'iceluy forcera tous ses adversaires d'en reconnoistre la clémence, mesme après tant de soin qu'ell'a eu de faire proposer les instructions a ce peuple, duquel maintenant eU'est maistresse sans dependence d'aucun traitté ni condition, ne le tenant que de Dieu. Vostre Altesse me permettra de luy dire ce mot avec le zèle que je dois au service de sa gloire. Chacun sçait qu'elle désire extrêmement de voir ses païs netz du mal de l'heresie, personne n'ignore l'ardeur de son zèle en cest endroit; si elle ne le fait pas, le pouvants! aysement faire, plusieurs croiront que le désir de ne i^) mesconten- ter pas les huguenotz qui sont en son voysinage en soit l'occasion. Et toutefois (e) on estime qu'il ny aura aucun mescontentement pour ce regard ; et quant il y seroit, quil ne devroit entrer en aucune considération auprès de Vostre Altesse, qui n'a que faire d'incommoder ses saintes intentions pour gratifier des gens qui , en cas pareil, (^) ne voudroyent en rien s'accommoder au gré de Vostre Altesse. Monseigneur, je ne puis pas sonder plus avant que cela, et ne sçai sil y a chose au pardela de ceste mienne considération qui puisse ou empêcher ou retarder l'edit que je souhaitte ; en quo}^ je me sousmetz purement a son meilleur jugement. Mais puisque les grans princes ont soin de toutes les pièces de leurs estatz, il est rayson- nable que chacune leur contribue les advis qui semblent astre pour leur service ; ce que je fay avec toute franchise a l'endroit de Vostre Altesse, pour la singulière debonai- reté que Dieu luy a donnée, et de laquelle je me prometz le bonheur d'estre tousjours avoué, ^lonseigneur. Son très humble et très obéissant serviteur et sujet. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.  (d) de }ie — fdeplaire pas aux...j (e) Et toutefois — ppersonne ne juge que ce mescontentement doive...] (f ) pareil, — Tniesprisent tous les désirs des Catholiques... ne cèdent point aux désirs.. .J  8o Lettres de saint François de Sales  CXLV AU BARON DE LUX (0 Ms"" de Granier est prêt à évangéliser le pays de Gex. [Octobre 1601.] Monsieur, Puisqu'il vous a pieu me dispenser d'aller en personne auprès de vous pour vous donner l'advis que vous desires avoir de moy avant que de vous acheminer a Gex, je vous diray simplement sur ce papier que Monsieur l'Evesque se tient tout prest avec la petite trouppe pour arborer la Croix et en publier les mystères par tout ou vous luy en marqueres les lieux et occasions ; il attendra seulement l'assignation du jour que vous luy donneres pour vous rencontrer sur le chemin (2). Je prendray le plus d'ins- truction que je pourray des particularités requises pour ce tant signalé commencement d'une œuvre de laquelle la gloire estant toute a Dieu, comme a sa source, doit néanmoins verser beaucoup d'honneur sur vous, qui estes le principal instrument duquel il s'est voulu servir. Je le prieray toute ma vie pour vostre félicité, et con- fesseray que je dois estre, comme je vous supplie de croire que je seray tousjours, Monsieur, Vostre très humble et très obéissant serviteur, Franc' de Sales, Prœvost de T Eglise de Genève. ( I ) Edme de Malain, baron de Lux et de Montbard, chevalier d'honneur de la reine, lieutenant du roi en Bourgogne (22 novembre 1596) et chevalier de ses Ordres. On verra dans la suite de la correspondance de saint François de Sales combien souvent il eut à traiter avec ce seigneur pour les intérêts de la religion dans le pays de Gex, qui dépendait du gouvernement de Bourgogne. Le baron de Lux fut tué par le chevalier de Guise (5 janvier 1613). (a) Voir à la fin du volume la lettre adressée par Ms"" de Granier au baron de Lux, on date du 8 octobre 1601.  Annéf. i6oi 8i CXLVI AU CARDINAL PIERRE ALDOBRANDINO (O (minute inédite) Henri IV demande l'évangélisation du pays de Gex. — Son désir de restituer au clergé les biens ecclésiastiques usurpés par les Genevois. — Démarches à faire pour obtenir cette restitution. Lyon, 10 novembre 1601. Illustrissimo et Reverendissimo Signore mio colendissimo, Il Re Christianissimo scrisse il 17 Ottobre al signor Vescovo di Geneval^) che egli havesse da mandare nel  Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Le roi très chrétien a écrit le 17 octobre à M^"" l'Evêque de Ge- nève (2) d'envoyer au bailliage de Gex, récemment soumis à sa (i) Pierre Aldobrandino, né à Rome en 1^71, avait été, à l'âge de vingt- deux ans, créé cardinal par son oncle le Pape Clément VIII, qui lui donna une part considérable au gouvernement de l'Eglise. En 1598, le jeune Cardinal prit possession au nom du Saint-Siège du duché de Ferrare, et, deux ans plus tard, se rendit en France pour négocier la paix de Lyon. Paul V le nomma à l'archevêché de Ravenne. Il mourut à Rome le 10 février 1621. {2 ) Les éditeurs de 1626 ont publié la lettre de Henri IV datée du 17 octo- bre 1601 sous l'adresse : « A Monseigneur François de Sales, Evesque de Genève, » sans réfléchir que ce titre était alors porté par Claude de Granier. Hérissant remarqua la bévue, et crut la réparer en changeant la date de la lettre et en l'accompagnant de la note suivante : « L'année est fautive dans mon exemplaire qui date cette lettre de i5oi, car tout ce qui a rapport à l'affaire de Gex fait foi qu'elle se passa en 1602. » La vérité est au contraire, et tout s'accorde à le prouver, que les affaires de Gex commencèrent à se traiter l'année précédente, et que la lettre en question a été adressée par Henri IV à M*'''' de Granier le 17 octobre 1601. En voici la teneur : « Très-cher et bihs-aymé, « Ayant permis à nos subjects du Bailliage de Gex le restablissement de la Religion Catholique en l'estenduë d'iceluy aux lieux où il y aura nombre de Catholiques, et ayant sur ce mandé nostre volonté au sieur de Lux pour la faire observer, nous avons voulu par mesme moyen vous faire entendre la resolution qu'avons prinse sur ce, à tin qu'en ce qui dépend de vostre charge vous envoyez audict Bailliage le nombre de Pasteurs et gens d'Eglise que Lettres II 6  82 Lettres de saint François de Sales balliagio di Gex, nuovamente ridotto a quella corona, pastori et curati competenti per restituirvi l'essercitio délia santa fede catholica, seconde la forma del decreto di Intérim fatto per il restante délia Francia. Et perché detto signor Re domandava il numéro taie quale verrebbe significato dal signor Barone di Lux, luoghotenente nel governo di Borgogna, Bressa et altri paesi nuovamente uniti al regno, io sono venuto qui per sapere più parti- colarmente come haverebbe da passar questo negotio ; il che non è ancora conchiuso. Et fra le altre cose, si è toccato délie intrate del Vescovo et Capitolo di Geneva, et di quelle di San Vit- tore (0, occupate dalli citadini di essa Geneva, et del  couronne, des pasteurs et des curés capables pour y rétablir l'exercice de la sainte foi catholique, selon la teneur du décret de V Intérim fait pour le reste de la France. Et parce que le roi demandait que, quant au nombre, on s'en tînt exactement à celui qui serait marqué par M. le baron de Lux, lieutenant dans le gouvernement de Bourgogne, Bresse et autres pays récemment réunis au royaume, je suis venu ici pour apprendre plus particulièrement comment cette affaire doit se traiter; ce qui n'est pas encore résolu. Entre autres choses, on a parlé des revenus de l'Evêque et du Chapitre de Genève et de ceux de Saint-Victor (O, usurpés par les vous mandera ledit sieur de Lux, lesquels vous luy addresserez après les avoir admonestez de leur devoir, tant pour leur vie, laquelle doit estre exem- plaire pour servir d'instruction, que pour se comporter en toutes leurs actions sans aucun scandale, faire profession de paix et de charité, sans entrer en dispute et en querelle avec aucuns ; nous asseurans que ne faudrez de leur donner caste instruction et leur commander de la suivre, comme nous voulons croire qu'ils feront quand vous les aurez choisis capables de servir esdites charges, ainsi que nous nous asseurons que vous ferez avec la mesme reli- gion, intégrité et conscience qu'avez accoustumé de faire paroistre en toutes autres actions dépendantes de vostre charge, dont nous vous prions d'affec- tion, et Nostre Seigneur, très-cher et bien-aymé, vous avoir en sa saincte garde. De Fontaine-bleau, le dix-septiesme Octobre 1601. » HENRY. POTTIER. (i) Le prieuré de Saint-Victor, de l'Ordre de Cluny, avait été rasé en 1534, ainsi que tout le faubourg de Geuève auquel il avait donné son nom. Les hérétiques s'emparèrent de la plus grande partie des biens de ce monastère qui étaient considérables. Le surplus, situé sur les terres du duc de Savoie, fut acquis aux Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.  Annhf, 1601 83 modo che si haverebbe da tenere in recuperarle. Et per quanto ho potuto scuoprire, il Re vorrebbe in ogni modo haver qualche buon colore per levare dette intrate a quella città, senza ofifendere li cantoni hœretici de' Sguiz- zeri et la Regina d' Inglaterra ( li quali fanno molta instanza in favore de'Genevrini ; et il che egli vorrebbe, è di esserne sollecitato in nome délia Santa Sede, alla quale non haverebbe [da] ricusare tanto giusta petitione. Per questo, inanzi di ritornarmene in Savoya, mi è parso bene di dar raguaglio di tal nécessita a V. S. 111'"^ et R'"% con supplicarla humilissimamente di adoprar in questa occasione il santo zelo che a beneficio di santa Chiesa Iddio gl' ha inspirato. Mi pare che sarebbe molto bene che V. S. 111'"'' [scrivesse] lettere al signor Vescovo di Geneva, approbando che ricerchi tal cosa, et insieme, al signor Nuntio di Francia (2), ordinando che habbia da trattare caldamente appresso quella Maestà ; chè in questo modo la cosa riuscirebbe molto bene et non saria  Genevois, ainsi que des moyens à prendre pour les recouvrer. Autant que j'ai pu le découvrir, le roi voudrait de toute façon avoir quelque bon prétexte pour enlever lesdits revenus à cette ville, sans offenser les cantons hérétiques des Suisses et la reine d'Angleterre ( i ) qui font beaucoup d'instances en faveur des Genevois; et ce qu'il désire c'est d'en être pressé au nom du Saint-Siège, auquel il n'y aurait pas lieu de refuser une si juste requête. C'est pourquoi, avant de m'en retourner en Savoie, il m'a semblé utile de donner connaissance de cette particularité à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, la suppliant très humblement d'exer- cer en cette occasion le saint zèle que Dieu lui a inspiré pour le bien de la sainte Eglise. Il me semble qu'il serait très bon que Votre Seigneurie écrivît une lettre à M-' TEvêque de Genève, encourageant les poursuites qu'il fait à ce sujet, et en même temps une autre à M. le Nonce de France (2) pour lui ordonner d'en traiter énergique- ment avec Sa Majesté. De cette manière, la négociation réussirait très bien ; et ce ne serait pas un petit préjudice pour les Genevois, ( I ) La fameuse Elisabeth, fille de Henri VIII et d'Anne Boleyn, qui régna sur l'Angleterre de 1338 à 1603. (2) Innocent del Bufalo, évêque de Camerino.  84 Lettres de saint François de Sales poca incommodità a'Genevrini, che restarebbono pove- rissimi, ne poco splendore alla religione catholica, et sa- rebbe aprire pian piano la strada per ridurre la stessa città di Geneva a qualche maggior bene. Il che tutto, doppo il Signore Iddio, non habbiamo da sperare senon dalla Santità et bontà di Nostro Signore et dal zelo di V. S. 111"" et R'% alla quale bascio humi- lissimamente le mani. Da Lyone di Francia, alli 10 di Novembre 1601. Revu sur le texte inséré dans le I®'' Procès de Canonisation.  qui demeureraient très pauvres, ni peu de lustre à la religion catholi- que ; ce serait aussi ouvrir peu à peu la voie pour amener à quelque plus grand bien la ville même de Genève. Pour toutes ces choses nous n'avons, après Dieu, rien à espérer sinon de la Sainteté et bonté de notre Saint-Père et du zèle de Votre Seigneurie, à qui je baise très humblement les mains. De Lyon en France, le 10 novembre 1601.  /  CXLVII A M. CLAUDE DE QUOEX(ii  Bonnes intentions âni roi de France en faveur des Catholiques. — Formalités à remplir pour en obtenir la mise à exécution. LyoHj 10 novembre 1601 (a). Monsieur, Nous voici a Lion pour apprendre de monsieur le baron de Lux, lieutenant au gouvernement de Bourgoi- (i) Claude de Quoex, docteur es droits civil et canonique, avocat fiscal de Genevois, se trouvait alors à Rome en qualité d'agent général de la duchesse de Nemours. Il devint premier collatéral au Conseil de Genevois, conseiller du duc de Nemours, puis du duc de Savoie, et « auditeur de camp deçà les monts. » C'était, au témoignage d'Antoine Favre, l'un des « hommes remarquables par leur piété et leur science » dont la petite ville d'Annecy s'honorait alors, et qui devinrent les premiers membres de l'Académie Florimontane, Il mourut en septembre 1625, à l'âge de 56 ans, ( 2 ) La date de cette lettre est déterminée par celle de la précédente.  Annre i6oi 85 g-ne et de Bresse, Verromey et Gex, ce que nous avons a faire pour le restablissement de la religion catholique au balliage de Gex, suivant la lettre que le Ro}^ de France en a escritte a Monseigneur le K'"" Evesque, de laquelle je vous envoyé copie. Et au progrès des discours que j'ay eu avec luy, j'ay treuvé que le Roy et ses gens sont fort disposés a nous rendre nos biens, c'est a dire les biens de nostre Chapitre qui sont riere Gex, mais il desireroit d'en estre recherché et pressé par Sa Sainteté. L'importance sera d'obtenir de nostre Saint Père quil y mette de la ferveur et face que son Nonce qui est en France empoigne vivement ceste sollicitation. Or, pour ce faire, il eut esté requis d'en toucher un mot a Sa Sainteté mesme ; mays parce que cela appar- tient ou a Monseigneur le R'"'' ou a nostre Chapitre, je n'ay pas osé le faire, mais escris seulement au Cardinal Aldobrandin sur ce sujet simplement; mesmement par ce qu'iceluy ayant conclud la paix, demeslera mieux l'affaire avec le Roy, avec lequel, a ce que j'entens, il a quelque secrète intelligence pour ces affaires de religion. Mays ce n'est que peu de chose d'une lettre, car elle n'a point de réplique. Je vous prieray donq de l'accompa- gner ou monsieur Re3^det(0, en la donnant, d'une dé- claration un peu ample de la nécessité que nous avons de l'assistence du Saint Siège, du dommage que cela fera a rheresie et du grand honneur qui en réussira a la sainte Eglise. Outre cela, il y a un point encor plus important, qui est quil seroit expédient que iMonseigneur le Cardinal escrivit une lettre a Monseigneur de Genève, par laquelle il luy donnast courage de demander la restitution de ses biens qui sont a Gex, et un'autre au Nonce, affin quil l'assistast en ceste demande. Vous demanderes pourquoy  (i) Jean Reydet, dont la famille d'origine savoisienne paraît avoir été très liée avec les de Quoex, se trouvait à Rome depuis plusieurs années. En 1591, il sollicite de l'Evêque de Genève des lettres dimissoriales pour recevoir la tonsure. On rencontre plus tard sa signature parmi celles des employés de la daterie romaine, et enfin il se constitue agent de plusieurs de ses compatriotes, entre autres de Thomas Pobel, évêque de Saint-Pa»l-Trois-Chàteaux.  86 Lettres de saint François de Sales il faut procurer ces formalités. Je dis que je n'en sçau- rois rendre autre cause sinon que j'ay descouvert mani- festement quil faut tenir ce chemin. Néanmoins, encor ay je apprins que c'est par ce [que] les cantons huguenotz et la Reyne d'Angleterre s'entremettent pour ceux de Genève, qui sont les possesseurs ou usurpateurs desdits biens, et le Roy voudroit avoir un juste praetexte pour les esconduire. Or, plus apparent n'en peut il avoir que d'estre sollicité par le Saint Siège. Saches au reste que nous sommes fort en affaires pour ce respect, monsieur Rogex (0 et moy, et des fondemens que nous voyons ne pouvons conclure sinon que si nous sommes aydés de ceux qui peuvent et doivent le faire, non seulement cela se fera, mais de plus grandes choses. De vostre part nous nous promettons toute faveur, et de nostre monsieur Reydet. Au reste, tout se porte bien en nostre païs. Et n'estant ceste pour autre, je la finiray, me disant, Monsieur, Vostre humble et plus affectionné serviteur. Franc» De Sales. ( I ) Le chanoine Philibert Roget. Voir le tome précédent, note (2), p. 249.  MEMOIRE SUR UN'OBJECTION C^E FONT CEUX DE GENEVE DELAQUELLE IL SERA BIEN A PROPOS D'INSTRUIRE LE CARDINAL ET DE LA RESPONSE A ICELLE Il y a un article en la paix qui porte que un chacun des deux princes possédera les terres qui luy demeurent a mesmes termes qu'elles estoyent au paravant la guerre. Or, auparavant la guerre, ceux de Genève possedoyent paysiblement les biens de l'Evesque et du Chapitre : donques, encor les doivent ilz posséder. La response peut estre : Que l'article remet les scindiques de Ge- nève en la nue et simple possession de fait, mays il ne la rend pas légitime si elle ne l'estoit pas. Or, auparavant la guerre, ceste pos- session n'estoit pas légitime ; elle ne Test donq pas maintenant. Que si elle ne l'est pas, elle ne doit pas estre maintenue.  Année i6oi 87 Mays on réplique : Qiie veut dire qu'avant la guerre vous ne re- cherchies pas ces biens ? C'estoit par ce que feu Son Altesse ( i ) avoit traittc autrement avec ceux de Berne, et despuis le traitté a esté annuUé par ceux de Berne mesme. Et d'elTait, ce traittc la portoit par exprès que la religion ne seroit point restablie es balliages ; néan- moins, despuis on l'a restablie au veu et sceu de Berne, a quoy on n'a jamais rien opposé : signe évident que ceux de Berne tiennent ledit traitté pour nul. Que sil est nul, ceux de Genève ne s'en peuvent praevaloir. A Monsieur Monsieur de Quoex, Docteur es droitz. A Romme. Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie, (i) Emmanuel-Philibert, duc de Savoie (1553-1580).  CXLVIII A UN INCONNU (minute inédite) Le Saint s'estime heureux d'entrer en relation avec ce personnage et lui promet des documents historiques. [Novembre 1601 (i).] Monsieur, Un mien ami demeurant a Lion m'a demandé (^) quel- ques mémoires sur les particularités de la révolte de Genève, des conversions qui se font auprès et (^) du tems auquel le P. Justinien (2) en a esté Evesque (c). En quoy.  ( a ) Un mien ami fni'a envoyé de Lion un billet par lequel il me demandoitj (b) et — fquel estoit l'Evesque qui l'a prédit, si c'estoit point le Père Justinian. Et par ce quil m'a escrit que c'estoit pour vous quil faysoit ces recherches et que son billiet m'est arrivé en chemin. ..J ( c ) Evesque — fet m'a fait entendre que c'estoit pour vous les communiquer. J I ) Cette minute est écrite sur le même feuillet que celle de la Lettre CXLI. (3) Ange Giustiniani. Voir le tome précédent, note ( i ), p. 297.  88 Lettres de saint François de Sales bien que j'eusse désiré de le servir comm'en toute autre occasion, pour son respect, si est ce que la volonté m'en est beaucoup augmentée quand il m'a dit quil faysoit ceste recherche la pour vous. Car ayant pieça beaucoup honnoré vostre nom, sous lequel (^) tant de beaux ou- vrages, marqués d'une rare vertu et doctrine de leur autheur, (e) paroissent aux yeux du monde, j'ay aussi des Ihors fort souhaitté Ihonneur d'estre en vostre connois- sance ; non que je cuyde y pouvoir entrer que pour fort peu de chose, mais parce que(f) ça tous-jours esté une honneste ambition a ceux qui ont la vertu en révérence, de rechercher la bienveuillance de ceux qui en ont la possession. C'est pourquoy j'ay voulu vous envoyer im- médiatement ces advis pour prendr'occasion (g) de vous demander la faveur de vos bonnes g-races et vous offrir mon humble service, W me promettant aysement d'estre gratiffié par vostre bonté. Je vous prieray m'excuser si je ne vous envoyé pas pour l'heure les mémoires que vous desires au premier article, par ce que je suis en voyage et ne puis pas obtenir de ma souvenance 1^) tout ce que je luy en demande, avec l'as- seurance des particulières circonstances qui sont requises pour s'en bien servir. Mays estant de retour au diocaese, qui sera dans peu de jours, j'en iray a la queste par tout  (d) ceste recherche Ix — fP^^ ^^ ^^^ vous l'avies désirée. ..J Ten avies prié. rCar j'ay creu que, avec ceste occasion, je pourrois, sans marque d'indiscrétion, vous declairer... faysant ce quil désire de moy, je pourrois encores, sans marque d'indiscrétion, entrer en Ihonneur de vostre connoissance;J car fil y a fort long tems que j'honore beaucoupj vostre nom, sous lequel fj'^y veu tant de beaux et bons escritz avec extrême consolation... J (e) autheur — FQui m'a tous-jours fait beaucoup désirer Ihonneur d'estre conneu de vous pour homme. ..J ( f ) parce que — ri'honneste ambition, laquelle a de tous tems esté recom- mandée en ceux qui ont en révérence la vertu, d'estre conneu de ceux...J (g) ces advis — pque j'ay dressé courant et en voyagej pour prendr'occasion fde vous praesenter mon service, comme. ..J (h) service — En quoy fsil vous plait me gratiffier, je m'estimeray extrê- mement. ..J je vous Tsupplie humblement me gratiffier, m'accordant l'un et recevant l'autre ; ce que je...j ( i ) mémoire  Année i6oi 89 ou je cu3^deray en pouvoir rencontrer des pièces, et bien- tost après je les vous envoyeray. Mays touchant les conversions qui se font autour de Genève Revu sur l'Autographe appartenant à M""^ Doroz, née d'Arcine, à Besançon.  CXLIX A MONSEIGNEUR CONRAD TARTARINI ÉVÈQUE DE FORLI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN Evangélisation des bailliages de Gex et de Gaillard. — Prochain voyage du Saint à Paris pour négocier la restitution des biens ecclésiastiques. — Avantages qu'apportera l'établissement de la Sainte-Maison; moyens de lui assurer des ressources. — Renseignements sur Jules-César Paschali et sa famille. Annecy, 21 décembre 1601. lUustrissimo et Reverendissimo Signor Padron colendissimo, Quantunque dalle honorate relation! fatte di me a V. S. 111""^ et R™^ nasce neir animo mio non poca con- fusione, sentendomi privo del bene che presuppongono, mi porgonno (sic) nientedimeno dair altro canto molta consolatione, aprendomi Toccasione di proferirmi a V. S. Ill"*^ per humilissimo et divotissimo servitore, si corne io fo adesso, supplicandola che si degni accettare l'inten- sissimo affetto col quale cosî poca cosa glie vien dedicata.  Illustrissime, Révérendissime et très honoré Seigneur, Bien que l'honorable rapport fait sur mon compte à Votre Seigneu- rie Illustrissime et Révérendissime ne fasse pas naître en mon âme peu de confusion, me sentant destitué du mérite qu'on m'attribue, néanmoins il me donne d'un autre côté beaucoup de consolation, puisqu'il m'offre l'occasion de me présenter à Votre Seigneurie comme son très humble et très dévoué serviteur. C'est ce que je fais actuel- lement, vous suppliant de daigner agréer l'ardente affection avec laquelle le peu que je suis vous est dédié.  CXL.  go Lettres de saint François de Sales Hora dô raguaglio a V. S. IirMelli progressi che si fanno in questa diocsesi, dicendole che sonno felicissimi, no solo in Tonone et Ternier, che è horamai cosa vec- chia, ma etiandio nuovamente nelli balliagi di Gex et Gagliart, che si stendono sino aile porte di Geneva ; nel secondo de' quali Monsignor Vescovo di Geneva ricon- ciliô Otto chiese la settimana passata, ad uso di moite migliaia d' anime ridotte alla fede da Pentecoste in qua, Vide supra, Epist. sî come io diedi in avviso ail' lU™'' suo praedecessore *. Nel primo, che è sottoposto al Ré di Francia, si sonno erette tre parrochie et ivi stabiliti tré de' canonici nostri per la santa prsedicatione (0, liquali fanno molto buon frutto ; ritrovandosi in quelle parti alquanti vecchi Catholici, la fede delli quali stava, come fuoco, nascosta et coperta sot- to la cenere dell'essercitio huguenotto, che solo in quelle bande si usava da sessanta sei anni in qua, et adesso, Ezech., XXXVII, 9. dal vento del verbo divino *, viene scoperta, et danno testimonio alla verità. Altri si convertono, et altri alla conversione si dispongono.  Je vais maintenant rendre compte à Votre Seigneurie des progrès [de la religion] dans ce diocèse, en lui disant qu'ils sont très heureux, non seulement à Thonon et Ternier, car cela est désormais ancien ; mais aussi, tout récemment, dans les bailliages de Gex et de Gaillard, qui s'étendent jusqu'aux portes de Genève. Dans le second de ces bailliages, M^*" l'Evèque de Genève réconcilia, la semaine passée, huit églises pour l'usage de plusieurs milliers d'âmes ramenées à la foi depuis Pentecôte, ainsi que j'en donnai connaissance à votre illustris- sime prédécesseur. Au premier, qui est soumis au roi de France, ont été érigées trois paroisses, dans lesquelles on a installé trois de nos chanoines pour la sainte prédication (O. Ils y opèrent beaucoup de fruit, car il se trouvait en ce pays plusieurs anciens Catholiques dont la foi était cachée et couverte comme un feu sous la cendre du culte huguenot, qui seul s'y pratiquait depuis soixante-six ans ; cette foi étant maintenant mise à découvert par le souffle de la parole divine, ils rendent témoignage à la vérité. D'autres encore se convertissent, et d'autres se disposent à la conversion. (i) Ces trois paroisses étaient Gex, Farges et Asserens, où furent envoyés les chanoines Louis de Sales, Claude Grandis et Antoine Bochut.  Année i6oi 91 Resta che no solo in trè parrochie, ma in tutte, che sonno 26, si restituisca il santo essercitio et che le entrate ecclesiastiche siano tolte alli ministri haeretici et Gene- vrini ; perché quando toccarà al popolo di mantenere li ministri a spese proprie, presto sene straccarà tanto ma- giormente che vederanno buoni sacerdoti ofFerirgli li pa- scoli salutari gratis. Et di questo ha supplicato Monsignor di Geneva alla Santa Sede che si degnasse trattar cal- damente col Ré Christianissimo. Et perché Monsignor r lU'"'' Nuntio di Francia scrive che di ciô V ordine gli è arrivato da Nostro Signore et che no glie manca se non uno de'nostri per darglie particolare raguaglio délie nostre ragioni, spero di partire la terza festa di Natale per andare in Parigi per questo servitio, con proposito tuttavia di ritornare quanto prima al santo Jubileo di Tonone, et massime se sarà vero quel che ci vien detto, cioè, che haveremo in quel tempo il beneficio délia pre- senza di V. S. Iir% laquale sarà in ogni modo utilissima et fruttuosissima. Circa la Casa di Tonone, rispondendo alli capi toccati da V. S. 111""*, [dirô] che per mezzo di quella Casa, la  Il reste que non seulement en trois paroisses, mais en toutes, qui sont au nombre de vingt-six, on rétablisse le saint exercice [du culte] et que les revenus ecclésiastiques soient enlevés aux ministres héré- tiques et aux Genevois ; car, lorsque le peuple sera obligé d'entretenir les ministres à ses frais, il s'en lassera bientôt, et d'autant plus qu'il verra de bons prêtres lui offrir gratuitement de salutaires pâturages. M^"" de Genève a supplié le Saint-Siège de daigner traiter chaudement cette affaire avec le roi très chrétien. Or, parce que Me"" Tlllustrissime Nonce de France écrit qu'il en a reçu l'ordre du Saint-Père, et qu'il ne lui manque qu'un des nôtres pour lui donner une plus particulière connaissance de nos raisons, j'espère partir pour Paris la troisième fête de Noël, afin d'accomplir cette mission. Je me propose toutefois de revenir au plus tôt pour le saint Jubilé de Thonon, surtout s'il est vrai, comme on nous le dit, que nous jouirons alors du bienfait de la présence de Votre Seigneurie Illustrissime qui sera, de toute façon, très utile et très fructueuse. Pour répondre aux points touchés par Votre Seigneurie, je dirai  92  Lettres de saint François de Sales  Gen., III, i";.  • Is., IX, 2 ; Lucœ, I, 79-  Ps. cm, i8.  *Pss.'lxx,3,xxx,3.  * Ps. LXXVIII,  benedetta Vergine, alla quale è dedicata, conculcherà et spe\^arà il velenoso capo del serpente * ridotto in Geneva et Lauzanna ; stabilirà la religione nel paese de' Valezani , corrottissimo et ruinoso nelle cose délia Chiesa ; darà lume aile tenehre * de' Bernesi et altri Sguizzeri, et in somma è indicibile il bene che tal disse- gno puô recare a tutte quelle provincie. Erit mons excel- sus cervis, petra refugium hœrinaceis'^; erit in locum munitum et in domiim refugii, ut innumeri salvi fiant *. Hoggi si truova in termine et forma di casa poco fa uscita dalle mani de soldati et haeretici, cioè desolata et in pomorum custodiam *. Ponno attraversare un cosî bel dissegno le scorrerie de' Genevrini et Bernesi, se le volessero fare, et la povertà di questi paesi. Li remedii potranno essere : che la Santa Sede pigli quel luogho di Tonone in singolarissima pro- tettione, et a tal fine faccia concorrere li Prencipi catho- lici ; che il Serenissimo Duca faccia cinger quella terra de muraglie, il che in poco tempo si puô far, corne da  au sujet de la Maison de Thonon que, par son moyen, la bienheureuse Vierge, à qui elle est dédiée, foulera et Irisera la tète venimeuse du serpent qui s'est réfugié à Genève et à Lausanne ; la religion sera rétablie dans le Valais, pays très corrompu et ravagé en ce qui concerne l'Eglise ; elle illuminera les ténèbres des Bernois et autres Suisses ; en un mot, le bien que ce dessein peut apporter à toutes ces provinces est indicible. Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons ; ce sera un asile assuré et une maison de refuge, afin que des âmes innombrables soient sauvées. Aujour- d'hui elle est dans l'état et a l'apparence d'une maison sortie depuis peu d'entre les mains des soldats et des hérétiques, c'est-à-dire ruinée, et semblable à une cabane destinée à retirer les fruits. Un si beau dessein peut être entravé par les incursions des Gene- vois et des Bernois, s'ils voulaient en faire, et par la pauvreté de ces pays. On pourrait y remédier par les moyens suivants : il faudrait que le Saint-Siège prît sous sa très spéciale protection cet établisse- ment de Thonon, et que, dans ce but, il employât le concours des princes catholiques; que le Sérénissime duc fit ceindre cette ville de murailles, ce qui, de l'avis de personnes expérimentées, peut se faire  Année i6oi 93 isperimentati si dice ; che si usi larga carità et liberalità, et si applichino copiosamente Tentrate di molle inutili badie et beneficii, servatis servandis ; et sopra tutto, che si dia presto di mano alT opéra, realmente et da dovero, chè le buone intention! giovano poco. Et se non si puol fare in un tratto, si faccia poco a poco, comin- ciando dalle parti più necessarie : coUegio, seminario, et cosî di mano in mano. Di Giulio Caesare Paschali(0 ho da dire che è stato moltissimi anni in Geneva, intorno alla quale non hebbe mai fundo ne cosa stabile, anzi era povero et si aiutava col faticare alla stampa, dove era correttore de libri, et colli denari délia cassa et borsa délia natione Italica, come si suole far dalli poveri secreti in quella Babilonia, dove, in questo particolare, priidentiores sunt filiis lucis in generatione sua *. Hebbe tre figliuoli, delli quali duoi * Luc^e, xvi, s. si stimano morti, uno in Piemonte, Taltro in luogho inco- gnito ; il terzo è in casa et vien chiamato Prosper. Hebbe  en peu de temps ; que l'on usât d'une grande charité et libéralité [à l'endroit de cette œuvre] et qu'on y appliquât largement les revenus de bon nombre d'abbayes inutiles et de bénéfices, en observant les réserves de droit. Mais il est surtout requis qu'on mette bientôt la main à l'œuvre, réellement et sérieusement, car les bonnes intentions servent de peu. Si ce bien ne peut s'exécuter tout d'un coup, que du moins on le fasse petit à petit, commençant par les parties les plus nécessaires, telles que le collège, le séminaire, et ainsi successivement. Au sujet de Jules-César Paschali (0, je dois dire qu'il a habité de longues années à Genève, où il n'eut jamais ni fonds ni revenu assuré ; au contraire, il était pauvre et vivait de son travail à une imprimerie, où il était correcteur de livres, et de l'argent de la caisse et bourse de la nation italienne, comme les pauvres honteux ont coutume de faire en cette Babylone, où, pour ce regard, ils sont plus prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière. Paschali a eu trois fils, dont deux sont tenus pour morts, l'un en Piémont, l'autre en un lieu inconnu ; le troisième est chez lui et se nomme Prosper. Il a eu aussi plusieurs filles, dont l'une a été mariée ( I ) Gentilhomme sicilien, établi à Genève avec sa femme Cécile Campa- gnola dès l'année 1554.  94 Lettres de saint François de Sales alquante fîgliuole , délie quali una fu maritata in un gentilhuomo Genevrino chiamato Farnex, signor di Be- singe (0 ; onde puô esser nato Y error délia relatione fatta che detto Paschale sia signor di Besinge. Ha composto libri, ma poco stimati et non stampati. Si stima morto, perché essendo scampato da una grande malatia uscî di Geneva et non è più comparso. Questo è quanto ho potuto saper di questo huomo. Onde non occorrendomi altro per rispondere alla let- tera di V. S. 111™^ del Vl di Novembre, glie bascio per fine humilissimamente le mani reverendissime, supplicandola di darmi la sua gratia et priegando Iddio che a beneficio deir anime la conservi sana et salva a molti anni. Di V. S. Iir'' et R"'% Divotissimo servitore, Franc" De Sales, Prsevosto di Geneva. Di Annessij alli 21 di Décembre 1601. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rome.  à un gentilhomme genevois appelé Fernex, seigneur de Bessinge ( ; de là peut provenir l'erreur de la relation qui fait ledit Paschali sei- gneur de Bessinge. Il a composé des ouvrages, mais peu estimés et non imprimés. On le croit mort, parce qu'ayant échappé à une grande maladie, il sortit de Genève où il n'a plus paru. C'est tout ce que j'ai pu savoir au sujet de cet homme. N'ayant donc plus rien à dire pour répondre à la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime du 6 novembre, je termine en baisant très humblement ses mains vénérées et en la suppliant de m'accorder ses bonnes grâces. Je prie Dieu de vous conserver de longues années sain et sauf pour le bien des âmes. De Votre Seigneurie Illustrissime et Reverendissime, Le très dévoué serviteur, François de Sales, Prévôt de Genève. D'Annecy, le 21 décembre 1601. (i) Jean de FernexavaitépouséLaure Paschali en i587.(Contratdotaldu 21 mai)i  Année 1601 95  CL  A M. LOUIS DE SALES, SON FRERE (0 (inédite) Voies de conciliation à prendre au sujet d'un procès. — Ne pas refuser les avances du procureur Chnppaz. Annecy, 23 décembre 1601. Monsieur mon Frère, Ce pacquet est fort a propos de ces bonnes festes. Nous avons deux procès, ou mediatement ou immédia- tement, avec le procureur Chappaz (2) : Tun est en estre, celuy des Miucet (3) ; lautre n est qu au projet dudit Pro- cureur, qui est celuy quil prsetendoit mouvoir pour la ( I ) Louis de Sales (3 juillet 1577-24 novembre 1654), connu dans sa jeunesse sous le nom de M. de la Thuille, était celui de tous ses frères que saint François de Sales chérissait le plus, à raison de sa douceur et de son éminente piété. Il terminait ses études à Rome quand la mort de son père (5 avril 1601) l'obligea à revenir en Savoie. Telle était la maturité dont il fit preuve, que sa mère voulut lui confier, préférablement à Gallois son frère aîné, la gestion des biens de la famille. Le duc de Nemours le nomma chevalier au Conseil de Genevois (1610) et Charles-Emmanuel P"" le chargea à deux reprises (1604 et 1606) de missions importantes en Suisse. Le successeur de ce prince, Victor-Amédée I^"", confirma Louis de Sales dans la charge de capitaine du château d'Annecy, et, en 1632, érigea en comté les terres de Sales, Thorens, Richemond, Vuad, Jourdil, des Hallies et Rochères, dont il était seigneur. Trois ans plus tard le nouveau comte devint gentilhomme ordinaire de la chambre du duc. Il épousa en premières noces (avril 1603) Philiberte de Pingon Cusy, qui lui donna un fils, Charles-Auguste, plus tard évêque de Genève ; et en secondes noces, Made- leine de Rouer de Saint-Séverin. (2) Voir le tome précédent, note (i), p. 42. (3) Une famille Miucet ou Myeusset avait droit de bourgeoisie à Annecy. Elle était à cette époque représentée par Pierre et Georges. Ce dernier, qui était né à Pers, prend les titres de « noble et spectable ; » il entretint plus tard des relations suivies avec la famille de Sales et déposa au Procès de Canonisation du Saint. D'autres Myeusset habitaient Thorens. Pierre et Antoine traitent, en juil- let 1601 (Minutes de Pierre Lombard, notaire à La Roche et à Thorens), avec les délégués du Chapitre de Saint-Pierre de Genève, pour l'admodiation des biens capitulaires situés dans cette localité.  9t) Lettres de saint François de Sales mayson de monsieur Jan de la Thuille. Or, monsieur Mâ- chât (0 ayant ouvert le propos de venir en appointement de Tun et de l'autre, hier ledit Procureur me vint voir fort tard, et de cent mille paroles je tiray quil desiroit fort nostre amitié ; ou il est le plus grand dissimulateur du monde. Et sur ses offres, je me promis et luy donnay espérance que madame ma mère proposeroit fort volon- tiers ses droitz, et de l'un et de Tautre procès, a une assemblée de gens d'honneur, pour en voir la claïrté et valeur. Je cuyde que ma persuasion est juste et bonne, et que nul ne doit refuser appointement. Au bout de la, n'ayant autre a faire avec luy, il ni aura aucune rayson pour la- quelle nous ne puissions le recevoir a la commune amitié que le voysinage requiert. Et ce pendant, au progrès de ses deportemens en nostre endroit, nous reconnois- trons si nous devrons avancer en familiarité et confiance, ou si nous devrons nous tenir en posture de défiance. Il dit merveilles, et tant, que la moytié suffiroit sil le faysoit ; sur tout il désire d'avoir accès vers vous et de pouvoir aller voir ma mère. Je vous prie de bien prat- Rom., xii, ult. tiquer le saint mot de l'Apostre * : Tu autem, vin ce in hono malum ^*\ et de procurer que ma mère en face de mesme ; nostre nature nous y porte et en devons faire gloire, car chi V aspetta la vince^^\ Ou ce bon homme veut a bon escient nostre amitié, et nous ne la luy devons pas refuser ; ou il la veut seulement apparemment, et telle il la luy faudra donner, et, en peu de tems, au soleil la neige se fondra et l'ordure sera descouverte. Pour moy,  C) Et toi, triomphe du mal par le bien. (**) Qiil attend triomphe.  ( I ) La famille Machet était alors si nombreuse qu'il est difficile d'indiquer celui de ses membres dont il est question ici. Probablement s'agit-il du plus marquant de tous, Claude, collatéral au Conseil de Genevois, qui, au dire d'un contemporain, était « fort remarquable en la poésie. » Aussi fut-il, avec le prési- dent Favre et Claude de Quoex, ses intimes amis, l'un des premiers membres de rAcadémie Florimontane.  Année i6oi 97 je tiens que c'est a bon escient et que si l'inconstance ne le gaste il sera fort nostre. Prudentes, si mp lices. Je finis, et dis que je suis d'advis qu'on prenne jour avec des bons arbitres, [ce] qui pourroit attendre le retour de monsieur le Président ; il le désire, et il seroit le mieux. Mille baysemains a madame ma grande maistresse (i ), a laquelle j'escriray avant mon despart. Las et recreu, je vous salue, estant Vostre humble frère et serviteur, Franc' De Sales. 23 décembre 1601. A Monsieur mon Frère, Monsieur de la Thuile. A Sales. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) Le Saint entendait parler de sa mère, M"""^ de Boisy.  Lettres II  ANNEE 160 2  CLI A M. CLAUDE DE QUOEX Départ du Saint pour Dijon et Paris afin de solliciter le rétablissement de la religion dans le pays de Gex. — Nécessité d'obtenir la médiation du Saint- Siège auprès du roi de France. — Influence du Cardinal d'Ossat sur le monarque. — Nouvelles de M"^^ de Quoex. — Divers messages. — Bon vouloir du baron de Lux ; oppositions de Lesdiguières. Meximieux^ 3 janvier 1602. Monsieur, En peu de motz prou de choses, car je suis pressé. Me voyci a Messemieu avec monsieur nostre Prsesident ( ^ ), et chez luy, devans partir tous deux aujourdhuy pour aller a Dijon, luy, a la solicitation d'un procès qui luy est important, moy, pour y trouver monsieur le mares- chal de Biron (2) et monsieur le baron de Lux desquelz je praetens obtenir une puissante recommandation auprès du Roy, ou, des Dijon, je m'achemineray pour nos affaires de Gex desquelz voyci Testât. Monsieur le baron de Lux, au nom du Roy, conduisit Monseigneur le R""^ au balliage de Gex sur le commen- cement du moys passé, et luy donna trois parroisses pour y exercer la religion catholique : la ville de Gex, (i) Antoine Favre, président du Conseil de Genevois à Annecy. (2) Charles de Gontaud, duc de Biron, gouverneur de Bourgogne dès l'année i^g'?, jouissait encore à cette époque de l'affection du roi, et pouvait patronner efficacement auprès de lui les intérêts de la religion dans le pays de Gex qui dépendait de sa juridiction. On sait comment il s'était signalé aux batailles d'Arqués et d'Ivry, aux sièges de Rouen et de Paris, et quelles bril- lantes distinctions lui avait attirées sa bravoure. Colonel à quatorze ans, il avait été créé maréchal de camp, lieutenant-général, amiral (1392), puis ma- réchal de France (1594), et enfin, duc et pair (1598). Tant de faveurs ne l'em- pêchèrent pas de conspirer contre Henri IV, qui le fit décapiter à la Bastille le 31 juillet 1602. Il n'était âgé que de quarante ans.  Annér 1602 99 Farges et Asserens, et en conséquence, bailla mainlevée a mondit Seigneur R'"*" des revenuz ecclésiastiques des- dites parroisses. Nous ne sommes pas contens de si peu, car nous demandons tout, tant pour Texercice, qui va premier, que pour les biens ; non seulement par ce que cela nous accommodera, mais encor plus par ce que cela incommodera la religion huguenotte, laquelle devant estre entretenue aux despens du peuple, manquera bien tost et indubitablement. Nostre requeste portoit cela. Sur quoy monsieur de Lux nous renvoyé au Roy et a son Conseil ou je vay pour cest effect, appuyé de tant de rayson que, pour peu qu'elle soit aydee, nous serons victorieux. Or, Dieu merci et vous, le Pape nous veut ayder ; cela y est extrêmement requis. Il faut H instare opportune^ importune^. Monseigneur le Nonce de France escrit * Il Tiin.,iv, 2. a Monsieur le R""*^ quil a charge de nous ayder, quil a commencé a le faire, quil trouve le Roy disposé, quil ne faut que bien solliciter et instruire. J'y vay pour cela ; mays, pour ne rien oublier, je voy que le coup de cest affaire gist en un'estroitte recommandation du Saint Siège, laquelle seroit extrêmement efdcace si Sa Sainteté en parloit a Monseigneur le Cardinal d'Aussat, luy com- mandant d'en escrire favorablement au Roy ; car on m'a dit qu'il ny a point d'entremise a Romme a laquelle le Roy défère tant comme a celle la (0. J'espère d'estre a Paris dans 10 ou 12 jours, la ou sil vous plait m'escrire dans les pacquetz de Madame (2), les lettres ne se per- dront point.  (*) Insister à temps et a contre-temps, ( I ) Il est facile de s'expliquer l'influence dont le Cardinal d'Ossat jouissait à la cour par l'importance des services qu'il avait rendus à Henri IV. Ce Prélat qui, d'une condition obscure, s'était élevé par son seul mérite aux plus hautes dignités, avait, étant ambassadeur à Rome, obtenu, de concert avec le Cardinal du Perron, la réconciliation du roi avec le Saint-Siège et l'annulation de son mariage avec Marguerite de Valois. Il fut pourvu de l'abbaye de Notre- Dame de Varennes, de l'évéché de Rennes, et promu au cardinalat en 1599. Le Cardinal d'Ossat mourut à Rome le 13 mars 1604, à l'âge de soixante-sept ans. (2) La duchesse de Nemours. Dans toutes les lettres adressées par le Saint à son ami, cette princesse sera toujours désignée sous le titre de « Madame ».  100 Lettres de saint François de Sales A mon despart du pais j'ay laissé tout en santé, les vostres et les nostres, spécialement madame vostre par- tie (0, laquelle estoit a Polinge quand Monseigneur le R"^ estoit a Gaillart a la bénédiction des églises, ou je fus; et, sur mon chemin, visitay les frères et seurs audit Pollinge et Mairens. Touchant la coadjutorie, je vous bayse les mains de la peyne que vous en aves. Nous verrons que ce fut ; de quel costé qu'aille la barque, le port m'en sera aggreable. Je bayse mille fois les mains a nostre R. P. Juvenal, auquel j'escriray des Paris de statu rerum omnium ^*\ Item, je salue nostre monsieur Reydet in toto corde, messieurs Gojon (2), la patrie (3). Me voyla au reste pour jamais, Monsieur, Vostre humble serviteur, France De Sales. A Messemieu, le 3. jour de janvier 1602. Nous avons laissé a Gex messieurs les chanoynes de Sales, Grandis, Bochuti. Nous sommes incroyablement redevables a la pieté et religion de monsieur de Lux, quil a fait paroistre en toute sa négociation. Monsieur Desdiguieres ( 4 ) se treuv'a Gex le jour que nous y fusmes ;  (*) De l'état de toutes choses. (i) Claude de Quoex avait épousé Bernardine, fille de Jean de Chissé, seigneur de Pollinge, propre nièce de Ms"" de Granier. D'après le Registre paroissial de Saint-Maurice, elle a été inhumée à Annecy le i*"" juin 1617. (2) Plusieurs membres de la famille Gojon résidaient alors à Rome. L'un d'eux, agent dans cette ville en août 1592, s'y retrouve encore en 1614. (3) C'est-à-dire ses compatriotes habitant Rome (voir ci-après, p. 106). Bon nombre dejeunessavoisiens allaient prendre leurs grades dans la ville éternelle. (4) François de Bonne, duc de Lesdiguières (1543-1626), avait mis dès l'ado- lescence son épée au service du parti protestant dont il suivait les erreurs. Le duc de Savoie n'eut pas d'adversaire plus redoutable pendant les longues guerres qu'il soutint contre la France à la fin du xvi^ siècle. Henri IV créa Lesdiguières lieutenant-général de ses armées de Savoie, Piémont et Dauphiné, et maréchal de France (1608). Louis XIII le nomma maréchal de camp, général de toutes ses armées et connétable. Les conférences que ce célèbre person- nage eut avec saint François de Sales, pendrnt les Carêmes que le Saint prêcha à Grenoble, préparèrent de loin sa conversion. Il abjura le protestantisme en 1622  Année 1602 10 i les ministres recoururent a luy, ausquelz il dit quil ni avoit remède, que le Roy le vouloit, mais quilz gardas- sent tant quilz pourroyent les biens d'Eglise, car cela maintiendroit leur religion non obstant nostr'exercice. A Monsieur Monsieur de Quocx, Docteur es Droitz. A Rom me. Seporvis (?) Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat.  CLII  A MONSEIGNEUR CLAUDE DE GRANIER, EVÊQUE DE GENEVE (inédite)  Compte-rendu de sa négociation à la cour de France. — Envoi d'une lettre du Nonce de Paris.  Paris, 8 février 1602. Monseigneur, Apres que la court a esté de retour en ceste ville, Mon- seigneur le Nonce a pris la peyne d'aller chez monsieur de Villeroy (0, auquel Sa Majesté nous avoit addressé pour traitter, et la j'ay bien eu a desbattre pour nos prétentions. Néanmoins, a la fin, j'ay donné ma requeste fondamentale, sur laquelle il me dit que le Conseil nous feroit droit et justice, et que nous n'en doutassions point.  (i) Nicolas de Neuville, seigneur de Villeroy, conseiller et secrétaire d'Etat (isé?), grand trésorier des Ordres du roi (1^78), était l'un des ministres les plus influents de Henri IV, comme il l'avait été de ses deux prédécesseurs. Employé dans des négociations très importantes, il les conduisit avec une prudence et une habileté qui le firent considérer comme le plus grand diplo- mate de son siècle. Pendant cinquante-six ans Villeroy servit l'Etat avec des fortunes diverses, mais avec un dévouement toujours égal. Il mourut le la no- vembre 1617, à l'âge de soixante-quatorze ans.  102 Lettres de saint François de Sales Ce qu'estant, je ne m'en puis retourner que bien depes- ché, Dieu aydant ; aussy vay je esventant certaines con- jectures qui m'en font concevoir très bonne espérance. Il y va un petit de la peyne et du tracas et un peu plus de tems que je ne pensois ; je l'abbregeray néanmoins le plus que je pourray, pour avoir l'honneur d'estre bien tost auprès de vous. Je suis marry que la despence soit si grande que des-ja nous soyons en faute d'argent; tou- tefois, ce n'est ni faute d'espargne ni faute de soin, mays parce que tout nous a esté fort cher. Pourveu qu'il vaille, je pense qu'encor qu'il coste, tout sera trouvé doux. Nous avons un Nonce plein de très bonne volonté et qui s'employe de courage. Je vous envoyé la lettre qu'il vous escrit sur le sujet de ma négociation, et, pour sçavoir plus a plein ce qu'il en esperoit, je me suis dispensé de l'ouvrir, avec la confiance accoustumee en vostre bonté et en l'asseurance que vous aves de la loyauté de mon intention a vostre service. Nous n'avons aucunes nouvelles qui vaillent l'escrire, qui me fera finir par la très humble révérence que je vous fay, vous baysant les sacrées mains, et priant Dieu qu'il vous donne, Monseigneur, ce que vous doit désirer et souhaitter Vostre très humble et très obéissant filz et serviteur, France De Sales. A Paris, le 8 febvrier 1602. Monsieur Deage vous bayse très humblement les mains, comme fait aussy le bon Père Galesius (0, qui part pour aller prescher a Calais. A Monseigneur Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Genève. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation. (i) Probablement le P. Galesius, Cordelier, docteur de la faculté de Paris, dont le talent oratoire avait été fort remarqué en Savoie, soit pendant le Carême de 1597 q^i'il prêcha à Chambéry, soit l'année suivante aux célèbres Qiiarante-Heures de Thonon. C'était, au témoignage du duc de Savoie, un « excellent prédicateur, dont la doctrine était d'une rare profondeur. »  Année 1602 103  CLIII  A M. CLAUDE DE QUOEX  Réponse à deux lettres précédemmeat reçues. — Affaire d'intérêt. — Lenteur des négociations poursuivies à la cour. — Un mot sur les dépenses à faire au sujet de la coadjutorerie, — Le Saint est invité à prêcher le Carême à la chapelle de la reine. — Le P. Juvénal Ancina désire se rendre à Thonon, — Différends soulevés au sujet d'un prieuré.  Paris, 9 mars 1602. Monsieur, J'ay receu deux de vos lettres, l'une du 2 i janvier, l'autre du 5 febvrier, ausquelles je devois une plus sou- daine response que je n'ay pas fait, si j'eusse peu tirer les resolutions qui devoyent servir de matière a mes res- ponses si tost que j'eusse désiré. Je desirois infiniment de faire que Madame vous envoyast argent et, quant et quant, congé pour revenir auprès de madame ma seur (0, laquelle commença des-ja a vous attendre des vostre des- part. Mays pour le second, la resolution ne s'en est encor pas peu prendre ; ce sera neantmoins dans peu de jours, si mon crédit ne manque en ceste ville, si non pour le tems que nous désirerions, au moins sera ce quelque chose autour. Les affaires se vont acheminant en sorte qu'a mon advis, malheur sera bon a quelque chose. Pour le premier. Madame se tient pour asseuree, sur lettres de monsieur de Moyron (2), que vous aures receu 400 escus et vous en envoyé d'icy autre (sic) 400. Je ne laysseray passer aucune occasion de vous servir que je ne la prenne soigneusement, comme je dois. Monsieur le  (i) Madame de Quoex. On a déjà remarqué que le Saint donnait le titre de soeur à la femme de ses plus intimes amis. ( 2 ) François Paquellet, coseigneur de Moyron, trésorier général du duc et de la duchesse de Nemours (1578-1612). Sa famille était très liée avec la famille de Sales. Il mourut en mars 1620.  104 Lettres de saint François de Sales Président et monsieur de Saint Evroul (0 y employent aussi tous bons offices, et ne doute point que vous ne soj'^és contenté. Touchant TafFaire pour lequel je suys icy, je vous diray en deux motz que je ne fus jamais tant empesché, ren- voyé que je suis au Conseil, dans lequel je trouve tout le monde reconnoissant que ma demande est extrême- ment juste; mays au reste, tout y va sur les respectz et retardations mal fondées a mon advis. Dieu me veut exercer. Ce pendant, je vous supplie de tenir main a ce que Monseigneur le Cardinal d'Ossat en escrive, car j'ay extrême besoin de toutes mes pièces. Et notes que si maintenant je ne fay rien, la porte de ceste espérance sera fermée pour un grand tems ; c'est cela qui me fait opiniastrer et rendre importun. Au demeurant, j'ay escrit au païs pour faire envoyer les 200 escus requis pour Taccomplissement de Tentreprinse de la coadjutorie, me retreuvant en lieu ou je ne sçaurois y donner aucun ordre. Je croy que ma bonne mère y pensera a bon escient, puisque, après tant d'advancement et de faveurs receiies, la retraitte seroit ignominieuse. Je vous remercie infiniment de la peyne que vous y aves, et vous supplie de tenir tellement l'affaire sur pied que rien ne gaste pour la réputation. Il s'est icy parlé de guerre, mais vaynement et sans occasion ; je croy que Dieu nous continuera la paix. Monsieur de Quoex vostre oncle i^) m'a escrit des Merly qu'un de ces jours il viendra icy me consoler, et je luy ay escrit que sil ne vient, je l'iray treuver. Attendant l'issue de mes affaires, j'ay esté forcé, par { I ) François Sacquespée de Selincourt, prêtre du diocèse d'Amiens, docteur en l'un et l'autre droits, intendant de la maison de la duchesse de Nemours. Il avait été nommé abbé commendataire de Saint-Evroul, dans le diocèse de Lisieux (1S97), à la recommandation de la duchesse, dont un frère, le Cardinal Louis d'Esté, avait possédé le même bénéfice. En 11^94, M. de Selincourt, alors âgé de quarante ans, avait été proposé pour l'archevêché d'Auch. (Archives Vaticanes, A^m«{. di Francia, vol. 36. Il mourut le 2^ février 161 3. (2) Peut-être s'agirait-il d'Antoine de Q.uoex, né et possessionné à Talloires, qui fut attaché à la maison du duc d'Anjou. Par patentes du 19 mai i'j76, le Sénat de Savoie l'avait exempté de tailles en considération de ses fonctions de « noble barbier et valet de chambre » de ce prince, {Note du comte de Mareschal,)  Année 1602 105 honnesteté, de prêcher en la chapelle de la Reyne trois fois la semaine, devant les princesses et courtisans, n'ayant peu refuser aux prières et commandemens qui m'en ont esté faitz. Mays cela s'entend sans retarder la sollicitation, que je fay lentement pour seconder l'humeur de ceux qui ont le fait en main, ausquelz je suis contraint de m'accommoder. J'escriray a Monseigneur le R""" mon Evesque touchant le saint désir de nostre bon P. Juvenal, afifin que nous puissions avoir tant de consolation que de le voir en nostre diocsese, et pour un si bon sujet (O ; ce seroit bien le vray accomplissement de mes contentemens. Je vous prie humblement de luy bayser les mains de ma part. J'ay receu une lettre de monsieur nostre Ambassa- deur (2), outre ce que vous aves escrit pour le seigneur Persiani (3); marri de ne l'avoir receu sur les lieux ou j'eusse peu faire ce quil me commande, j'escriray au plus tost pour le faire faire. Ce pendant, voyci Tadvis que je luy donne : monsieur le baron de Lux poursuit pour avoir ce prieuré pour un fort honneste ecclésiastique, gentil- homme de Bourgoigne, et, a mon advis, le seul fonde- ment de vacance quil prsetende est tel : Nul homme ne  (i) L'établissement définitif de la Sainte-Maison de Thonon, qui devait se composer de plusieurs sections absolument distinctes, dont l'une comprendrait sept prêtres séculiers vivant selon les règles de l'Oratoire de Rome. Déjà en mai 1601 le P. Juvénal Ancina avait été demandé pour collaborer à cette fon- dation, ce à quoi son zèle pour le salut des âmes et son affection pour saint François de Sales l'eussent fait accéder très volontiers. { 2 ) Philibert-Gérard Scaglia, comte de Verrua, plus tard chevalier de l'An- nonciade 1 1608), appartenait à une illustre famille originaire de Biella, dont les membres remplirent avec succès pendant un siècle des fonctions diploma- tiques. Lui-même avait été ambassadeur à Venise et à Ferrare avant d'être accrédité auprès du Saint-Siège (1599-1608) ; il fut ensuite chargé des mêmes fonctions à Madrid et à Paris, où il mourut en mars 1619. On attribue au comte de Verrua des Avvertimenti politici ; mais l'authenticité de cet ouvrage est contestable. (3) Scipion Persiani, secrétaire de l'ambassade savoisienne à Rome, était pourvu dès l'année 1596 du prieuré de Saint-Jean hors les murs de Genève. Bien des compétiteurs le lui disputaient : c'était en 1598 Louis Perrucard et le baron de Viry (voir le tome précédent, p. 451); outre les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare, c'était en 1602 le baron du Villars, et (voir ci- après p. 115) un conseiller au Parlement de Paris, qui le convoitaient pour leurs fils,  io6 Lettres de saint François de Sales peut avoir bénéfice en France qui ne soit naturalisé fran- çois selon le concordat ; or, monsieur Persiani ne Test pas, donques son bénéfice est vacquant. Il ni a remède, il faut donner ordre a ce point, autrement on aura mille peynes devant ces Parlemens pour le possessoire. Or, ne sçai je si ledit prieuré est deçà ou delà le Rosne ; car sil estoit deçà, nécessairement on le voudroit réduire a la forme des bénéfices de France. Je vous prie rendre ca- pable mondit seigneur de cecy, outre ce que je luy en escris. J'attendray de vous le signe pour faire les remerci- mens nécessaires, et vous salue de toute mon ame, vous suppliant croire que vous obliges Tun des plus humbles et asseurés serviteurs que vous puissies avoir par tant de bons offices que vous me faittes. Je salue aussi monsieur Reydet et tous messieurs de nostre païs, et me redis, comme je feray toute ma vie. Monsieur, Vostre plus humble et asseuré serviteur, France De Sales. A Paris, le g mars 1602. A Monsieur Monsieur de Quoex, Advocat fiscal de Genevois. A Rome. Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie.  Année 1602 107 CLIV A MONSEIGNEUR CLAUDE DE GRANIER , ÉVEQUE DE GENÈVE (inédite) Difficulté et lenteur des poursuites faites à Paris; espérance de les voir aboutir. Paris, 26 mars 1602. Monseigneur, L'affaire pour la sollicitation duquel je suis icy est de si délicate conduitte et bigearre poursuitte que je n'ose encor vous en rien promettre (O, si ce n'est que je conti- nueray d'y mettre tout le soin et affection que vous desires pour le faire résoudre ; ce que j'espère pouvoir bien tost obtenir, sinon avec toutes les bonnes conditions que tous les bons désirent, au moins avec quelque advantage qui nous puisse servir de sujet pour une meilleure espérance. Ce qu'estant fait, je partiray soudain pour me rendre auprès de vous, au bonheur de vostre présence, lequel ne m'arrivera jamais si tost que je le désire. Ce pendant je prie Dieu, Monseigneur, qu'il comble vos souhaitz de ses grâces, et vous bayse très humblement les mains, comme fait monsieur Deage. Vostre très humble et très obéissant filz et serviteur, France De Sales. De Paris, le 26 mars 1602. Monseigneur le Nonce vous salue fort affectionnement, et embrasse vivement l'affaire que vous m'aves confié. A Monseigneur Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Genève. Revu sur le texte inséré dans le I"" Procès de Canonisation. ( I ) Les négociations devenaient d'autant plus difficiles que les Genevois dans le courant de mars avaient envoyé à Paris deux députés, Anjorrant et Chapeaurouge, avec mission de s'opposer énergiquement à la restitution des biens ecclésiastiques du pays de Gex.  io8 Lettres de saint François de Sales CLV AU MÊME (inédite)  Annonce de la visite de M. de Mallians. — Crainte d'échouer dans sa négociation auprès du roi de France. Fontainebleau, lo avril 1602. Monseigneur, Je suis arrivé icy a Fontainebleau sur le despart de monsieur de Mallians (O, lequel me donne espérance qu'il ira a Necy bien tost après son arrivée a Belley. Si cela est, il vous dira mieux qu'homme du monde le succès et la route que mon affaire a prins en ceste court ; aussi bien ne sçaurois-je pas vous Tescrire. Si cela n'est point, j'en escris un eschantillon a monsieur le Vicaire mon frère (2), affin qu'il vous en face rapport. J'appréhende infiniment de m'en retourner sans autre expédition que d'espéran- ces; neantmoins ma conscience me tesmoigne que j'a}^ fait tout ce que je pouvois, et estime que si la moisson ne suit pas de si près le travail et la semence que j'ay fait en ce voyage, elle s'en recueillira neantmoins une fois et dans quelques moys ; en fin, qu'en faysant nostre devoir et ce qui est en nous, il faut subir les effectz que la providence de Dieu a establis. Je n'arresteray guère que je ne prenne la resolution finale nécessaire pour mon retour, lequel je désire pour (i) Jean-Marin de Mallians, seigneur de Vallod, se trouvait alors à Paris pour solliciter la confirmation des privilèges de la noblesse du Bugey. Il avait été nommé par Charles-Emmanuel P"", juge-maje du Bugey (5 novembre 1^89), auditeur général de camp en Bugey et Valromey (7 septembre 1^90), et enfin conseiller d'Etat de Son Altesse (29 mai 1594). Sa femme, Gasparde du Pont, lui donna sept enfants, dont l'un, Jean-François, fut tenu sur les fonts du Baptême par saint François de Sales. Ce seigneur mourut avant 1609. (a) Le vicaire général François de Chissé, à qui, par affection, le Saint donnait le titre de frère,  Année 1602 109 avoir Thonneur d'estre près de vous et recevoir vos com- mandemens avec l'obéissance que vous a vouée, Monseigneur, Vostre très humble filz et très obéissant serviteur. Franc* De Sales. A Fontainebleau, le 4. jour de Pasques 1602. A Monseigneur Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Genève. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.  CLVI AU MÊME (inédite) Nouvelles espérances. — Le Saint a prêché devant le roi ; il est invité à prononcer l'oraison funèbre du duc de Mercœur. Paris^ 18 avril 1602. Monseigneur, Je reviens tout maintenant de Fontainebleau, ou si je n'eusse esté a propos, toute ma négociation estoit ruinée. J'ay tant fait neantmoins que j'en ay repris quelque bonne espérance ; dans deux ou trois jours j'auray l'en- tière resolution. Ce ne sera pas, a Tadventure, avec tout le contentement que nous desirions : il faut tirer du feu ce que l'on en peut sauver. Ce sera tous-jours beaucoup, a ce que disent les expertz. Le jour de Quasimodo le Roy me fit prescher devant luy, et monstra d'en avoir eu du contentement (0. Je m'es- sayeray a me desvelopper le plus tost que je pourray, ( I ) Le bon roi, dont le coup d'oeil était si juste, eut bien vite discerné le mérite du Coadjuteur de Genève. Il résolut de l'attirer en France, et, à diver- ses reprises, lui fit inutilement des propositions propres à éblouir un coeur moins détaché des honneurs et des biens d'ici-bas. Aussi Henri IV disait-il  iio Lettres de saint François de Sales mais le train des affaires est si malaysé en ceste court que quand on pense estre délivré, on est le plus embarrassé. Madame de Mercure m'a envoyé pour m'inviter a faire le sermon funèbre de monsieur son mary dans cinq ou six jours, ce que je ne puis ni dois refuser (O. Monseigneur, je suis si pressé qu'il ne me reste plus de loysir que pour vous bayser très humblement les mains et supplier de me continuer la faveur de vos grâces, comme a celuy qui est a jamais, Monseigneur, Vostre très humble et très obéissant filz et serviteur, Franc' De Sales. A Paris, le i8 avril 1602. Je vous supplie. Monseigneur, de commander a Tun de vos gens d'escrire de mes nouvelles a quelqu'un de mes frères. Monsieur le Président vous bayse humblement les mains. A Monseigneur Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Genève. Rêva sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation. que « M. de Genève estoit parfait, et qu'on ne luy pourroit désirer pour le bien de la France et de l'Eglise, autre sinon qu'il fust a mesme temps en plusieurs lieux, » (Process. remiss. Gebenn. (II), déposition de François de Longeconibe, ad art. 37.) (i) Saint François de Sales prononça effectivement le 27 avril Toraison funèbre de Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, pair de France, lieutenant-général de l'empereur en ses armées de Hongrie, etc., décédé à Nuremberg le 19 février de cette même année, à l'âge de quarante-trois ans. On peut voir dans ce discours (tome VII de la présente Edition, pp. 400-435) les vertus et les hauts faits de cet illustre guerrier, dont la vie, au témoignage du saint Panégyriste, a « esté l'une des plus belles et accomplies entre celles des <( princes des derniers siècles, et comparable a celle des plus excellens de « l'antiquité. »  Année 1602 11 i  CLVII A LA DUCHESSE DE MERC0EUR(0 Il condescend à laisser imprimer l'oraison funèbre du duc de Mercœur, et demande qu'elle soit dédiée à la fille de ce prince. Paris, mai 1602. Madame, Vos premiers désirs ayans tenu lieu de commandemens sur ma volonté Ihors que vous jettastes les yeux sur ma petitesse pour le discours funèbre de feu monsieur le duc de Mercœur, je dois recevoir avec le mesme respect les tesmoignages des seconds, souffrant. Madame, que la pièce soit mise au jour et donnée au public, puisque vous Taggrees. Vous n'y verres rien de moy, Madame, que les simples tesmoignages de ma bonne volonté et les seules marques de mon obéissance, en un sujet, au reste, ou je n'ay pas eu moins de propension que de devoir. Ce qu'il y a de plus considérable c'est le sommaire très fidelle des rares et eminentes vertuz dont Dieu avoit orné la belle ame et assorti le riche naturel du prince decedé. De moy, je confesse n'y avoir contribué que ma foible enonciation et ma voix pour servir d'echo, dans l'estendue d'une petite heure, a la réputation de ce grand prince, qui parloit ( I ) Cette princesse était fille et unique héritière de Sébastien de Luxem- bourg, en qui s'éteignit la branche des Luxembourg-Martigues, alliée à la Maison de Savoie. Dès Tannée i486, les ancêtres de saint François de Sales avaient été au service de cette illustre famille. (Cf. la Préface du Traitté de V Amour de Dieu, tome IV de la présente Edition, p. 18.) La princesse Marie de Luxembourg était née à Lamballe le 15 février 156a. Elle épousa à Paris, le 12 juillet 1575, Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur. Devenue veuve elle s'adonna tout entière aux œuvres de piété jusqu'à sa mort, arrivée le 6 septembre 1623. La duchesse de Mercœur eut trois enfants, dont deux moururent en bas âge. Sa fille, Françoise de Lorraine, porta après elle les titres de duchesse de Mercœur, d'Etampes et de Penthièvre, et de vicomtesse de Martigues. Elle épousa en 1609 César, duc de Vendôme et de Beaufort, et vécut jusqu'au 8 septembre 1669.  112 Lettres de saint François de Sales asses d'elle mesme et qui esclatera a jamais par les beaux exploitz dont non seulement la France et TAllemaigne, mays toute l'Europe, voire toute la chrestienté, ont esté tesmoins. Et si bien Tescrit que j'en donne semble avoir plus de subsistance et de durée que ma voix n'en a eu en les prononçant, ce sera plus par la considération des vertus de ce prince que par le tissu et l'ordre que j'ay tasché d'y apporter en l'escrivant. Au reste, si mon affection et bonne volonté n'estoit garante de ma sincérité et obéissance, la plus belle partie, qui en a esté obmise, auroit rayson de se plaindre ; mais ayant entrepris seulement de faire un simple éloge et sommaire de ce qui estoit convenable au tems, au lieu et a l'assemblée, j'ay deu laisser a l'histoire, qui reserve des volumes entiers pour une si belle vie, de suppléer a mon défaut, me contentant du nom et du devoir de pané- gyriste, dont j'ay tasché de m'acquitter. Que si, après cela, on veut considérer ce qu'il y a du mien, rien sans doute que la sincérité de mes affections et respectz, qui ne mourront jamais pour la mémoire de ce prince, qui ne doit jamais mourir en celle de tous les bons, mais prin- cipalement en la vostre. Madame, qui trouves advanta- geusement dans les vertuz de ce grand prince et cher espoux deffunct, comme aussi dans les vostres qui luy estoyent communes, dequoy vous consoler dans ceste sensible privation ; quoy que la plus solide, la véritable et la plus chrestienne consolation est celle que vous aves puisée dans la source, qui est la volonté de Dieu, qui seul en ceste occasion a donné ce grand calme et ceste absolue résignation qui paroist en vostre esprit. Ce n'est pas qu'après cela, s'il est permis, comme il l'est sans doute, de rechercher quelque adoucissement au dehors, vous n'en ayes un très grand dans le pretieux gage que ce grand prince vous a laissé de vostre mariage ; je veux dire en madamo3^selle de Mercœur, laquelle estant une image vivante du père, elle est aussi la légi- time héritière de ses vertuz , dont il a laissé le soin a vostre conduitte. Madame, pour les cultiver par la noble et chrestienne éducation que vous luy reserves. Si elle  Année 1602 i 13 avoit besoin hors de soy de quelque mémorial de celles du grand prince que le Ciel luy avoit donné pour père, je la prierois, sous vostre adveu et bon playsir, ^Madame, d'aggreer le sommaire que j'en ay dressé en ceste pièce; vous conjurant, puisqu'aussi bien vous desires qu'elle voye le jour, que ce soit sous les auspices et a la faveur du nom de ceste princesse, vostre unique et très chère fille (0. C'est la très humble supplication que vous fait. Madame, Vostre très humble et très obéissant serviteur, France De Sales. (i) Voir tome VII de la présente Edition, p. 398.  CLVIII A M. CLAUDE DE QUOEX Démarches faites auprès de la duchesse de Nemours pour obtenir à M. de Quoex l'autorisation de quitter Rome. — Cause du mécontentement du président Favre. — Affaire de la coadjutorerie. — Faveur dont le Saint jouit à la cour de France. — ■ Divers messages. Paris, 21 mai 1602. Monsieur, J'ay receu vostre lettre du 17 avril, et, pour response, je vous diray que nous allons avançant le plus que nous pouvons auprès de Madame, affin que vous puissies rece- voir la consolation de vostre retour que vous desires ; non que j'y puisse guiere, mais j'y contribue et contribueray le soin que je pourray, et voy ^Madame asses disposée ; mais les exécutions des desseins sont un petit lentes et tardifves, non seulement en cela, mais en tout le reste. J'espère que vous en aures contentement. Je suis seule- ment marri que monsieur de Saint Evroul, qui peut plus que tous, s'en va de ceste ville pour plusieurs jours ; Lettres II 8  114 Lettres de saint François de Sales néanmoins je le presseray qu avant son despart nous puissions ensemblement donner une secousse a l'esprit de Madame, pour faire esclorre une bonne et entière resolution. Touchant monsieur le Praesident, il n'a esté fasché sinon par ce qu'on luy a exaggeré que vous escrivies a Madame que luy seul estoit cause du procès, et seul d'opi- nion quil fut soustenable, et que les voix quil se pro- mettoit pour nous n'estoyent que vanité (0; et cosî discorrendo (*). Dequoy il se treuva a la vérité un petit piqué, et moy, extrêmement marri de l'indiscrétion de ceux qui, sur le desplaisir quil avoit de la perte, luy allèrent alléguer toutes ces choses. Il m'a dit despuis que pour tout cela il ne laisseroit de vous chérir sincèrement, et faire tous les offices que vous sçauries désirer de luy. Je ne suis pas d'advis que vous monstries d'avoir plus aucune défiance de son amitié, puisque il n'en a plus de la vostre. A nostre veiie, vous vous dires tout bellement vos raysons l'un a l'autre, et je vous donneray l'absolu- tion a tous deux. Il ni a point de si parfaitte amitié qui ne se trouble quelquefois par quelque petit nuage, les- ♦ Terent., Act. III, quclz estans passés, (**) amoris redintegratio sunt *. Pour le regard de mon affaire, je vous supplie de l'avoir en recommandation. Mes frères m'escrivent que par deux diverses voyes ilz ont donné ordre a vous faire tenir les  (*) Et ainsi de suite. (**) Sont un renouvellement d'amour. (t) On se souvient que le président Favre avait été envoyé en Italie pouf soutenir les prétentions que la duchesse de Nemours élevait sur la succession du duc de Ferrare. (Cf. le tome précédent, note (i\ p. 334.) César d'Esté ayant fait de vives oppositions, le Président fut d'avis de porter l'affaire devant le tribunal de la Rote, se promettant gain de cause. Sur ces entrefaites, il dut revenir en Savoie et fut remplacé à Rome par Claude de Quoex, Celui-ci, paraît-il, aurait compris bientôt que la sentence ne serait pas favorable à la duchesse ; c'est ce qui arriva effectivement (13 janvier 1602). La nouvelle de la perte du procès, connue à Annecy sur la fin de février, y fit grande sensation, si bien que d'après une lettre de Philippe de Quoex, « on ne parlait d'autre chose dans la ville, donnant tous les torts à monsieur le Président. » De là, le mécontentement de ce dernier.  se. III, 23.  Année i 602 i i 5 200 escus quil faut pour les cscritures, propineslO, etc., et ne doute pas que des-ores vous ne les ayes receuz. J'attens aussi que vous me donnies advis des remercie- mens que j'auray a faire. Bref, je vous recommande mon honneur de tous costés. Cependant, icy je suis traitté en Evesque mal gré que j'en aye, et faut que je le souffre en toutes compagnies et actions, mesmement a la négo- ciation que je fa}', ou ceste prœtendue qualité me sert de beaucoup, si bien il me desplait d'en estre servi avant le tems ; mais manco male^*\ Au demeurant, je crains beaucoup que ma négociation ne me soit guère utile, non obstant beaucoup de faveur que je reçois de presque tous les grans, et mesme du Roy despuis que j'ay eu presché devant Sa Majesté ; car auparavant je ne luy avois pas parlé. Je desirerois fort de sçavoir quelle resolution le sei- gneur Persiani aura prinse pour garantir son prieuré en ceste court ; car j apprens tous les jours qu'il y survient des nouveaux compétiteurs, et entr'autres un filz de mon- sieur Des-Aires, conseil (sic) en la court de Parlement (2). Or, a mon advis, il faut [que] le seigneur Persiani prenne resolution d'en voir une fin en ceste court, ou par la faveur de Monsieur le Cardinal d'Ossat ou de quelqu'autre ; autrement il sera tous-jours inquiété. Je vous supplie de me faire ceste faveur de bayser les mains a monsieur nostre Ambassadeur en mon nom et m'entretenir en sa grâce, que je chéris autant que nul autre de ce monde. Je luy escrirois si cest'occasion m'en donnoit le loysir. Je bayse les mains a monsieur Reydet, a messieurs Gojon et autres de ma connoissance, mays sur tout a nostre R. P. Juvenal, s'il est encor a Rome,  n C'est le moindre mal. ( I ) Terme de chancellerie romaine : droits à payer au Cardinal protecteur pour la transmission des bénéfices passant par le Consistoire. ( 2 ) Probablement Claude de Hère, reçu conseiller au Parlement de Paris le 13 juillet i6or. Nicolas de Hère obtint en effet le prieuré de Saint-Jean hors les murs de Genève. (Voir ci-dessus, note {3), p. 105.)  ii6 Lettres de saint François de Sales dequoy je suis entré en doute par ce que on m'a dit qui! venoit et estoit député pour Thonon. Il se parle icy de quelque trouble du costé de Bresse, mais fort peu asseurement. Si cela estoit ma négociation seroit ruinée, et beaucoup de bonnes choses pour la sainte foy, car l'heresie se nourrit de troubles. Monsieur, je vous salue humblement et suis Vostre humble serviteur, France De Sales. A Paris, le 21 may 1602. Il ni a pas long tems que j'ay veu monsieur de Quoex vostre bon oncle, qui se porte bien. A Monsieur Monsieur de Quoex. Rome. Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, Archives du Sénat de Savoie.  CLIX A M. DE SOULFOUR (0  Remerciements des avances affectueuses qui lui sont faites. — Intérêt pour le monastère des Filles-Dieu. — Eloge de M. Gallemand. — Regret de n'avoir pu se rendre à Pontoise. — Le P. Vicaire de la Chartreuse envoyé à Cahors. Paris, 15 juin 1602. Monsieur, Je ne sçaurois respondre a la courtoisie dont la l^ettre que monsieur vostre filz m'a donnée de vostre part est remplie, car je n'ay pas asses de bonnes et belles reparties (i) Plusieurs Soulfour siégeaient à cette époque au Parlement de Paris, Le correspondant de saint François de Sales paraît être « Nicolas de Soubs le Four, escuyer, seigneur de Menouville, mestre d'ostel ordinaire de Madame » de Nemours. (Bibliothèque Nationale, Pièces originales, vol. 3720.) Dans des quittances délivrées en 1598 et 1600, au nom de sa femme Geneviève Sedille, il prend les titres de seigneur de Glatagny et Gouzangrez.  Année 1602 117 d'esprit. Mais je pense bien avoir asses de vraye et fran- che affection pour correspondre a la faveur que vous me faittes de m'aimer, si eU'est mesurée par Testendue de son acte et non pas par le mérite de l'agissant ; car a ce prix, toute mon ame demeureroit bien bas et hors des prises de la comparaison. Mais trefves je vous supplie, Monsieur ; mon cœur ne peut pas garder les règles de la contenance au sujet de vostre amitié, il en est trop vivement esmeu. J'accepte tout ce que vous me donnes, et vous et madamoiselle vostre partie et la bénédiction des enfans que Dieu vous a donnés, affin de ne vous envier pas la part que vous aures en la sentence* : Beatius est dure quam acci- * Act., xx, 35. pere^*\ Je n'ay rien pour contrechanger vostre bienfait, je confesse que je suis vaincu. Tenes moy, je vous prie, pour esclave, ma cadene me sera très agréable ; aussi sera-elle d'or, et du fin or de charité. J'ay veu en la face de monsieur vostre filz, mais encor en son ame, la vive image de son père. Ceste double relation quil vous a m'oblige dautant plus a luy désirer et voiier tous mes services, et a me souhaitter beaucoup plus de capacité pour luy en rendre. Je n'ay eu la commodité des vostre despart de visiter mes dames Filles de Dieu * sinon une fois en ces octa- * Vide ïnfra, Epist. / X . , , , , P . . CLXVIII. veslO, que je leur presentay un metz du grand lestm qui se celebroit en ce tems-la ; mais je me suis obligé de leur en porter un autre sur le mesme sujet. Je vis a part nostre espousee (2), qui tesmoigne beaucoup de contentement en son esprit et beaucoup de force de courage. Ceste pre- mière veùe luy aura donné confiance pour desployer plus au long ses pensées a la seconde, si elle pensoit tirer  (') // est plus heureux de donner que de recevoir. ( I ) La fête du Saint-Sacrement tombait cette année-là le 6 juin. (2) On employait parfois ce mot pour celui de fiancée. C'est cette dernière acception que lui prête saint François de Sales, en l'appliquant à une novice de la Communauté des Filles-Dieu, qui paraît être la fille de M. de Soulfour, eoaime le prouveraient plusieurs lettres écrites par le Saint en i6o|.  ii8 Lettres de saint François de Sales quelque consolation de la consultation ; mais je crois qu'elle n'en a pas besoin. J'ay eu le loisir de gouverner deux ou trois fois le bon monsieur Galemand(0, avec autant de proffit que j'en ay jamais recueilly d'autre conversation quelcomque ; il a l'esprit vrayement apostolique. J'ay esventé parmi les bonnes âmes le désir qui vous avoit esté proposé de la Congrégation de l'Oratoire, mais je ne voy pas encor la sayson bien arrivée : Dieu fera son œuvre. Je m'attendois avec beaucoup de désir de vous aller voir a Pontoise au jour que nous avions choysi ; mais il faut que je me mortifie et que je perde du tout Tesperance en ce grand contentement, ou que je diffère a un autre tems, car mes affaires me tiennent assiégé et a la gorge, en sorte que je ne puis m'eschapper. Croyes que j'en suis infiniment marri ; mais, si je puis, je ne perdray qu'en l'attente, car estant despeché je retarderay plus tost quelques jours pour rencontrer l'occasion de recevoir ce bien, et Ihors je vous diray plus de nouvelles du dessein des Religieuses reformées que je ne sauroys faire main- tenant, car Sa Majesté en aura receu la requeste et de- clairé son bon plaisir. Vous sçaves bien que Paris perd le P. Don Vicaire, qui s'en va Prieur a Cahors, en Querci (2). (i) Ce saint prêtre travaillait alors activement, de concert avec MM. de Bérulle, de Brétigny et du Val, à l'introduction des Carmélites en France. La duchesse de Longueville, que l'on désirait voira la tête de cette œuvre, voulut avoir l'avis de saint François de Sales. Il se mit donc en relation avec ces vénérables personnages qui le prièrent d'assister aux conférences faites au sujet du Carmel dans l'été de 1602. Quant à M. Gallemand, il était digne à tous égards de l'estime et de l'affec- tion que lui témoignait le Coadjuteur de Genève. Né à Aumale en 1559, Jacques Gallemand montra dès l'enfance des dispositions extraordinaires pour la piété, devint prêtre en 1583 et, dix ans plus tard, curé de sa paroisse natale, qu'il transforma en peu de temps. Son zèle apostolique s'exerça encore à Gisors, Pontoise, Rouen et Paris. Il refusa l'évêché de Senlis afin d'être plus libre de s'employer à la direction des Ursulines et à la diffusion de l'Ordre des Car- mélites, dont il fut supérieur jusqu'à sa mort (1630). (2) Dom Richard Beaucousin, vicaire du monastère des Chartreux, où il avait fait profession en 1591, à l'âge de trente ans. Ce Religieux était très renommé pour son expérience dans les voies intérieures. C'est pour le sous- traire à l'empressement dont il était l'objet que ses Supérieurs l'éloignaient de Paris. Il remplit la charge de prieur à la Chartreuse de Cahors jusqu'à sa mort arrivée le 8 août 1610.  Année 1602 ii^ JNIonsieur, le papier me manque et, en devisant avec vous, Tappetit m'est creu jusques a me porter en ce coin (0 ou je n'ay plus de lieu que pour me recommander hum- blement a vos bonnes prières et a vos grâces et a celles de madamoiselle vostre femme, et me dire pour toute ma vie. Monsieur, Vostre très humble et très asseuré serviteur, Franc' De Sales. A Paris, le 15 juin 1602. A Monsieur Monsieur de Soulfour. A Glatagni. Revu sur l'Autographe conservé à Paris, au Carmel de la rue Denfert-Rochereau . ( 1 ) Les dernières lignes de la lettre sont écrites dans la marge.  CLX A UNE DAxME INCONNUE (0 (fragment) Recommandation en faveur d'un ecclésiastique pauvre. Paris, juin-août 1602. Madame, Ce pauvre homme d'Eglise a estimé quil auroit plus d'accès a vostre charité s'il avoit en main un'attestation de moy de la nécessité en laquelle il est ; et par ce qu'elle m'a esté asseuree d'asses bon lieu, je n'ay sceu luy re- fuser ceste assistence, laquelle il m'a fort instamment { I ) Ce fragment, sans date ni adresse, est écrit sur un feuillet dont le verso est occupé par des notes pour un sermon sur saint Louis qui paraissent être de 1602 (voir notre tome VII, p. 469); il doit remonter à peu près à la même époque. Si nombreuses étaient les relations que le Saint s'était faites  120 Lettres de saint François de Sales demandée, me conjurant par toute la compassion qu'un Chrestien doit a un autre. Je vous supplie très humble- ment, Madame, de n'en point estre importunée, puis que la renommée de vostre bonté et charité est cause qu'elle m'a esté si fort demandée , et l'asseurance et certitude que j'en ay m'a donné le courage de l'oser faire. Je fusse allé moy mesme vous donner cest'attestation [si] je [n'eusse] estimé que vos occupations recevront...  à Paris, qu'il est plus difficile de conjecturer quelle a pu être la destinataire de ces lignes. L'Autographe, conservé à la Visitation d'Annecy, est coupé aux deux tiers de la page. Les quatre premières lignes, que l'éditeur Vives dit avoir dé- couvertes à la Visitation de Rennes, ont seules été publiées; le surplus est inédit.  CLXI A M. DU CHEMIN (O (inédite) Impossibilité de se rendre à Chancenay. — Prière de l'excuser auprès de MM. d'Acy et de Maneuvre. — Témoignages d'affection. Provins, 24 septembre 1602. Monsieur, Je passé (sic) et passe plein de desplaisir de me treuver si près de vous sans avoir le bien de vous revoir, comme j'avois souhaitté faire avec tant de passion. Mais je suis embarqué dans le coche de Chalons qui est inexorable a (i) D'après le contenu de cette lettre on est en droit de penser que le des- tinataire était l'un des frères de M'"^ de Sainte-Beuve. Serait-ce Nicolas Luillier, « sieur de Saint Mesmin » qui, le 23 octobre 1^63, avait rendu hom- mage au roi pour son fief de « Champcenest » près de Provins? Nous n'avons pas trouvé toutefois qu'il soit appelé M. du Chemin. Ce titre était alors porté par les membres de la famille Viole, qui le tiraient d'une terre sise près de Lagny, appelée aujourd'hui Guermantesi  Année 1602 121 divertir de son chemin, et d'ailleurs je suis un petit pressé de faire mon retour, qui m'empêche de chercher autre moyen de me rendre a vostre Champcenai. Croyes moy, je vous supplie, que je ne fay pas volontiers ni de mon gré ceste faute ; j'avois trop de désir de vous revoir et représenter mon humble service a toute la mayson de messieurs d'Acy (O et de Manœuvre (2), a quoy mada- moiselle de Sainte Beuve (3) m'avoit encor animé par le tesmoignage qu'elle m'a rendu qu'ilz s'y attendoyent. Mais puisque je ne puis pas, et qu'aussi est ce un foible tesmoignage de l'affection des serviteurs d'aller faire bonne chère a la table de leurs maistres, je vous conjure, par nostre ancienne connoissance et reciproqu'amitié, de faire treuver bonne mon excuse a mesdits sieurs d'Acy et de Manœuvre, et de les asseurer que je prise leur bien- veiiillance autant qu'autre homme auquel ilz en puissent faire part, et que je suis infiniment obligé a la courtoisie dont ilz m'ont prévenu, et m'en tiens pour redevable serviteur. Je n'ay point de belles parolles, mais oiiy bien d'asseurees resolutions en ces occasions. Quant a vous, je me prometz que vous m'aymeres au travers de toutes les distances du monde, lequel n'est pas asses grand pour borner l'activeté de nostre amitié ; car je juge de la vostre par celle que je sens en mon ame, nonobstant la différence que l'object y peut apporter, qui se treuve aussi grand pour mon action quil est petit pour ( I ) Antoine Hennequin, seigneur d'Acy, conseiller au Parlement, puis président des requêtes du Palais. Il épousa sa cousine, Jeanne Hennequin qui, en 1618, s'intitule : « Veuve de feu Antoine Hennequin, sieur de Chamcenetz. » (Bibliothèque Nationale, Pièces originales, vol. 1509, n° 597.) (2) Jean Hennequin, seigneur de Maneuvre, frère utérin de madame de Sainte-Beuve comme le précédent, secrétaire des finances en 1594. (Bibliothè- que Nationale, ibid.) Il fit partie des Seize et soutint puissamment la Ligue à Paris. En 1618 il confirme la donation précédemment faite à Antoine Henne- quin son frère de la terre de Maneuvre, en faveur de Catherine Hennequin sa nièce, épouse de César de Balzac. Il mourut sans alliance. ( 3 ) Marie Luillier, fille de Jean, seigneur de BouUencourt, Chancenay, etc., et de Renée Nicolai, avait épousé Claude Le Roux, seigneur de Sainte-Beuve, <( conseiller du Roy en sa cour de Parlement. » Veuve à vingt-deux ans, elle consacra son temps à la dévotion, et ses biens à rétablissement du noviciat des Jésuites et du couvent des Ursulines à Paris. Madame de Sainte-Beuve décéda le 39 août 1630, à Tâge de soixante-huit anSi  122 Lettres de saint François de Sales la vostre ; mais Tagent de vostre part ne doit estre vaincu. Pardonnes moy, je vous supplie, si je dis trop de paro- les. Je ne veux dire pour tout sinon que je vous supplie de tout mon cœur de m'aymer de tout le vostre, de faire que messieurs d'Acy et de Manœuvre m'ayment tous- jours, de m'escrire quelquefois par Tentremise de mon- sieur Santeul ( ; et je vous prometz de ma part de vous aymer, honnorer, servir toute ma vie, d'estre tous-jours humble serviteur de toute la mayson de ces seigneurs, et de vous rendre compte de ma vie le plus souvent que je pourray, glorieux que je seray de me resouvenir souvent que vous m'aymes et que je suis, Monsieur, Vostre plus humble serviteur, Francs y)e Sales, esleu E. de Genève. Je vous demande part a vos prières, je vous feray part aux miennes. Monsieur Deage vous salue extrêmement. A Provins, le 24 septembre 1602. A Monsieur Monsieur du Chemin. A Champcenai. Revu sur TAutographe appartenant au marquis de Pinaodan, duc de Rarécourt, à Paris. (i) On rencontre de nombreuses personnes portant alors à Paris le nom de Santeuil, et appartenant probablement à la famille qui a donné naissance au célèbre auteur des hymnes du bréviaire parisien. Celui dont il est ici question pourrait être Denis de Santeuil, à qui l'on attribue des traductions du Combat spirituel et de la Chronique et Institution de V Ordre de saint François, qui sont signées « D. S. Parisien (i). » Un Denis de Santeuil était à la même épo- que « secrétaire de la chambre du Roy. » Serait-ce le même personnage? Enfin, nous trouvons encore en ce temps un marchand de Paris portant les mêmes nom et prénom.  (1) Dans la Préface de l'édition italienne du Combat spirituel, publiée en 1750 à Padoue, par G. Comino, est signalée la version française de cet ouvrage faite en 1608 « par A. D. 5., professeur de théologie à l'Université de Paris. » L'identité de ces initiales avec celles d'André de Sauzéa nous a induits en erreur (voir tome III de notre Edition, noie (:), p. xxxvii). en nous portant à attribuer à ce dernier la version qui parait être due à Santeuil.  Année 1602 123 CLXII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I^"^ Retour de Paris. — Protestations de soumission et de dévouement. Demande de la protection de Son Altesse. Thorens, 14 octobre 1602. Monseigneur, Je donnay advis a Vostre Altesse du voyage que je devois faire en France et du sujet qui m'y portoit, pour lequel ayant presque inutilement employé plusieurs moys, me trouvant maintenant de retour, j'estime aussi luy en devoir donner advis, affin qu'elle sache ou ses commandemens me rencontreront quand il luy plaira m'en honnorer. Ce que je me sens tous-jours plus obligé de faire, devant entrer en la charge d'Evesque par le trespas du bon et saint Praelat duquel Vostre Altesse avoit tant gousté la pieté ( O ; en la succession duquel (puisque ça esté le bon plaisir du Saint Siège et de Vostre Altesse de m'y appeller) j'espère vivre heureusement parmi une infinité de travaux et de peynes qui s'y pré- sentent, sous la faveur et protection de Vostre Altesse, pour la prospérité delaquelle je feray toute ma vie prières a Nostre Seigneur, et demeureray, Monseigneur, Son très humble et très obéissant sujet, serviteur et orateur, France De Sales, esleu Evesque de Genève. De Thorens, le 14 octobre 1602. A Son Altesse. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin. (i) M^"" Claude de Granier, épuisé par les fatigues qu'il avait supportées durant le Jubilé de Thonon, était mort au château de Pollinge le 17 septem- bre 1602, à l'âge de cinquante-quatre ans.  124 Lettres de saint François de Sales CLXIII A M. CLAUDE MARIN (O (fragments inédits) Douleur de la mort de Me"" de Granier. — Indifférence relativement à la dignité épiscopale. Sales, 2 1 octobre 1602. Vous ne sçauries croire le desplaysir que je receu a Lion quand Ton me dit le trespas de feu Monseigneur le Reverendissime, mon bon père En soit ce que la providence de Dieu voudra. Je suis tous-jours celuy d'autrefois ; je ne désire non plus Tevesché que je Fay désirée. Si elle me vient, il la fau- dra porter ; si moins, je me porteray tant mieux moy mesme Vostre très humble serviteur, France De Sales, esleu Evesque de Genève. A Sales, 21 octobre 1602. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation. ( I ) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 312.  CLXIV A M. CLAUDE DE BLONAY (0 Achat de la terre de Thorens par la famille de Sales. — Nécessité de contracter un emprunt pour payer ce domaine. — Prière d'intervenir à cet effet auprès de M. de Prangins. Sales, 21 octobre 1602. Monsieur, Je ne vous escris point maintenant pour vous donner comte de ce que j'ay fait et que je n'ay pas fait en mon (i) Claude, fils de Guillaume de Blonay et de Catherine de Chàtillon, eoseigneur de Saint-Paulj avait épousé Louise de Livron, qui lui donna neuf  Année 1602 125 voyage; ce sera une pièce de nostre entretien a nostre première veûe. Mais je vous escris pour vous supplier de vouloir favoriser toute ceste maison, et moy particuliè- rement, en un'occasion que nous pensons estre a nostre propos. Je pense que vous aures sceu que ma mère et mes frères, avec le reste de casa, ont achepté la terre de Thorens de madame la Duchesse de Mercœur, pour le prix de 6000 escus d'or (O, et pense aussi que vous sçavés que ce n'a peu estre sur la confiance d'aucun trésor que nous eussions en main. Néanmoins, ma mère et ses confé- dérés ont tant fait que le premier payement de six mille francz est prest. Reste quatre mille escus, lesquelz nous ne pouvions assembler que par Texaction de l'argent qui nous est deu et par des ventes d'autres biens, et des en- gagemens ; mais tout cela ne se peut bien faire qu'avec du loisir, comme vous pouves penser. C'est ce qui nous a fait penser a un autre remède, qui est d'emprunter sil se peut , quelque bonne somme de deniers , pour, par après, vendre et mesnager a l'aise nos desseins ; et nous sommes advisés de monsieur de Prangin (2), lequel on estime en semblables occasions asses bon médecin, pour autant quil a les drogues nécessaires, pourveu que son argent soit bien asseuré. Or, en cas quil le voulut, nous  enfants. Pendant la mission du Chablais, saint François de Sales aimait à se reposer de ses labeurs apostoliques au sein de cette pieuse famille. A la suite de l'une de ses prédications, les deux époux se promirent mutuellement que le premier d'entre eux libre par la mort de l'autre se consacrerait au Seigneur. C'est M. de Blonay qui eut à remplir cet engagement. Entré dans les Ordres, il devint curé de Sciez, chanoine de Saint-Pierre de Genève et préfet de la Sainte-Maison de Thonon. Il mourut le 3 novembre 1623. (i) Pendant son séjour à Paris, saint François de Sales avait lui-même conclu cette acquisition au nom des siens. Au contrat, passé le 8 juin 1602, « furent présents en leurs personnes : Princesse Madame Marie de Luxem- bourg, douairière de Mercur, princesse de Martigue..., d'une part, et Messire François de Sales, Prévost de Saint Pierre..., de l'aultre. » Cet acte stipule que le contrat de vente passé le 29 novembre 1559 doit être tenu pour nul et de nul effet. (2) Nicolas de Diesbach, seigneur de Prangins (15=59-1630), natif de Fribourg en Suisse, avait été membre du Conseil des Deux Cents (1583), de celui des Soixante (1587) et conseiller du Petit Conseil (1591). Il fut aussi bailli de Romont (1584), et avoyer de la ville et république de Fribourg (1614).  cxxv.  126 Lettres de saint François de Sales nous essa}^erions de le luy bien asseurer, et, au moins pour mille escus, estimons-nous que monsieur Muneri nous fera le bien de nous cautionner, d'autant que c'est la somme laquelle, ou environ, l'hoire du Baron d'Her- Vidc supra, Epist. mence *, de laquelle il est curateur, nous doit encores (0. Et pour le reste, si on en pouvoit treuver d'avantage, nous nous essayerions de treuver caution bonne et rayson- nable, et payerions les interestz comme il seroit traitté, fort bien et sans peyne. Reste maintenant que quelcun nous face ce bien que de prendre la peyne de sonder si monsieur de Prangin y voudroit entendre, ou bien, a faute de luy, sil se pourroit trouver quelqu'un autre, ou en Valey ou ailleurs de ce costé la qui le voulut faire. Et pour ce regard, la vielle amitié quil vous a pieu de nous porter, et a toute ceste mayson, nous a donné confiance de vous supplier de nous faire ce bon office en quelque façon que ce soit, ou par l'entremise d'amis ou par vous-mesme, comme vous ju- gerés plus a propos. Nous vous en supplions donques humblement, et de nous en donner les advis le plus tost que vostre commodité le permettra. Et en cas que monsieur de Prangin vous semble le plus duisant, vous pourries, sil vous plait, me mettre en considération, et ma promotion a l'evesché, bien que la vérité est que cela ni apporte rien ; mais je le dis seule- ment par ce quil m'ayme et me connoist, et que telle cause est probable. Je remetz en fin toute ceste conduitte a vostre prudence et a la bonne et entière amitié que vous nous portes, sans vous en dire plus de paroles, sinon que la somme que nous désirerions seroit de trois mille, deux mille ou au moins mille escus. J'attens de jour a autre les despeches de Romme né- cessaires pour la resolution et exécution de l'affaire de l'evesché ; les ayant, je vous en feray sçavoir des nou- velles et ne parleray plus que des choses spirituelles, attendant cependant de vous des nouvelles de ces choses (i) Guérin Mugnier ou Muneri, notaire ducal, a commissaire d'extente de Son Altesse en Chablais, » châtelain d'AUinges et de Thonon. 11 épousa le a8 janvier 1607 Amédéenne de Lonnay, et mourut en octobre 1625.  Année 1602 127 temporelles, que je vous supplie d'embrasser pour ceste mayson, qui vous est entièrement acquise et servente, et de moy en particulier, qui ay tous-jours esté et seray toute ma vie, Monsieur, Vostre humble et asseuré confrère et serviteur. Franc'' De Sales, esleu E. de Genève. A Sales, le 21 octobre 1602. A Monsieur Monsieur de Blonnay. A Siez. Revu sur l'Autographe conservé au château de Maria (Chablais), Archives de Blonay.  CLXV A SA SAINTETÉ CLÉMENT VITI ( MINUTE ) Compte-rendu des négociations faites à la cour de France. — Eloge de Ms"" de Granier : son zèle apostolique, sa piété. — Remerciements pour la remise des droits d'annates. — Soumission au Saint-Siège. Sales, fin octobre 1602. Beatissime Pater, Ineunte hoc ipso anno, ex Episcopi, Capituli et cleri hujus Gebennensis voluntate, discesseram apud Christia- nissimum Francorum Regem, tractaturus de Catholica religione restituenda in oppido et universo agro Gaiano :  Très Saint Père, Au commencement de cette année je m'étais rendu à la cour du roi très chrétien pour traiter au nom de l'Evêque, du Chapitre et du clergé de Genève du rétablissement de la foi catholique dans la  128 Lettres de safnt François de Sales negotium quidem pium, quo nuUum sequius proponi po- terat, et cui promovendo nuUa ex parte defuit apostolica sollicitudo Beatitudinis Vestrse, cujus scilicet Nuncius, Episcopus Camerinus, magno zelo, magna prudentia vir, in hanc rem, tum cum Rege ipso, tum etiam cum intimis illius consiliariis, serio saepe et sedulo egit, ut nihil ad spem optati finis desideraretur. At vero (quae est horum temporum injuria !) vix quidquam tandem post multam tam sancti negotii jactationem consecuti sumus, praeter- quam quod tribus in locis nobis religionis Catholicae mys- teria peragere liberum est, addito in id pro sacerdotibus nostris annuo commeatu (0. Quod autem ad caetera spectat, Rex ipsemet duram temporum conditionem objecit : tum se plus omnibus Catholicae religionis in integrum resti- tutionem expetere, sed non id omne sibi licere quod libet, et id genus multa ; ita ut, exactis plane mensibus novem, re propemodum infecta redire coactus sim. Mihi autem redeunti illud quam molestissime accidit,  ville et le bailliage de Gex. Il ne se pouvait proposer d'entreprise plus sainte ni plus équitable ; aussi Votre Sainteté n'a rien épargné de ses soins et de sa sollicitude apostolique pour la faire réussir. L'Evêque de Camerino, son Nonce, personnage plein de zèle et d'une rare pru- dence, s'y est aussi activement employé. Ce Prélat eut à ce sujet de fréquentes et sérieuses conférences, tant avec le roi lui-même qu'avec les plus intimes conseillers de Sa Majesté ; il semblait donc que rien ne contrariait l'espoir du succès désiré. Mais, ô misère de notre temps ! après avoir fait tant de démarches pour cette sainte négociation, à peine avons-nous gagné l'autorisation de célébrer les saints mystères en trois localités, avec la concession à cet effet, d'un revenu annuel pour nos prêtres ( O. Quant au reste, le roi lui-même nous représenta la dureté des temps : « Je désirerais plus que nul autre, » dit-il, « l'entier rétablissement de la religion catholique, mais mon pouvoir n'égale pas mon bon plaisir ; » et semblables propos. C'est ainsi qu'après neuf mois entiers, j'ai été contraint de m'en retourner sans avoir presque rien fait. J'étais en chemin, quand j'appris une très pénible nouvelle : ( I ) L'établissement des trois paroisses (voir ci-dessus, note ( i ), p. 90) avait été confirmé par lettres patentes du 19 septembre 1603.  Année 1602 129 ut Episcopum nostrum Gebennensem una cum Jubilseo Tononiensi diem suum extremum cUiusissc reperirem ; qua nuUa major jactura huic provincise, nulla major tris- titiae causa iis populis accidere potuit. De hoc Pontifice tibi, Pontificum maxime, pro tua vigilantia satis cognito, hoc unum dicam. Huic Ecclesise viginti quinque annis praefuit et assidua praesentia etiam adfuit ; ac partim sua opéra, partim aliéna, oves errantes ad viginti quinque millia in ovile Dominicum reduxit : vir antiqua religione, antiquis moribus, antiqua pietate, antiqua constantia, dignus plane immortalitate, et illa mcmoria quœ in omnium sit benedictione'^ . * Ecdi., xlv, i. Jam vero, Pater Beatissime, hic tantus vir non ita pridem me, nuUo carnis aut sanguinis vinculo sibi cha- rum, in adjutorem et successorem postulaverat, ac etiam, per summam Beatitudinis Vestrœ humanitatem et bene- ficentiam, suo ingenti gaudio obtinuerat ; quare Litteras Apostolicas accepi, quibus me Episcopum in defuncti locum suffectum esse Sancta Sedes Apostolica sancivit. Quorum omnium seriem attentus considère.  notre Révérendissime Evêque venait de finir sa vie en même temps qu'expirait le Jubilé de Thonon. Cette province ne pouvait faire une perte plus considérable, ni ses habitants avoir un plus grand sujet de tristesse. De ce Pontife bien connu de vous, ô Pontife suprême si vigilant, je ne dirai qu'un mot : chargé pendant vingt-cinq ans du gouvernement de cette Eglise, il l'a soutenue par l'assiduité de sa résidence. Par son propre travail, aussi bien que par celui de ses coopérateurs, il a ramené vingt-cinq mille brebis errantes au bercail du Seigneur. Homme de foi antique, de mœurs antiques, d'antique piété et d'antique constance, il est digne assurément d'immortalité et sa mémoire mérite d'universelles bénédictions. Ce grand homme, Très Saint Père, peu de temps avant sa mort, avait demandé de m'avoir pour coadjuteur et successeur, quoique je ne lui appartinsse aucunement par les liens du sang et de la parenté, et il l'avait obtenu, à sa très grande joie, de l'inetïable bienveillance de Votre Sainteté ; j'ai en conséquence reçu les Lettres apostoliques du Saint-Siège qui m'établissent successeur de TEvêque défunt. Je ne cesse de considérer attentivement la suite de ces événements. Lettres II 9  130 Lettres de saint François de Sales Id omnium mihi reliquum est, ut Providentise divinae me et rem universam expansis velis committam ; et tibi, Pater Beatissime et Clementissime, quantas possum maximas gratias agam, ob illa immensa bénéficia quibus me Apostolica tua munificentia cumulasti ; cum non tan- tum episcopatum concessisti, sed ea omnia quae de more ad serarium sive censum Apostolicum ex ea concessione manare debuerant, summa et tanto culmine digna libera- litate remisisti. Cujus beneficii loco nihil quod rependam invenio, prae- ter gratam et propensissimam voluntatem meam, quam universam et integram Beatitudinis Vestrae imperio ac nutui addico, Deum omnium remuneratorem obsecrans, ut eamdem Beatitudinem Vestram multa et felicissima valetitudine Ecclesiae suae quam diutissime servet inco- lumem. Ad sacros autem pedes humillime provolutus , Apostolicam benedictionem expecto, quo munus conse- crationis, quod statim sum suscepturus, mihi et gregi sit uberius et laetius.  Il ne me reste plus rien à faire que de me remettre à la Providence divine, lui confiant avec un abandon absolu le soin de ma personne et de toutes choses. Et à vous, Père très saint et très clément, je rends autant qu'il est en moi les plus vives actions de grâces pour les immenses bienfaits dont votre munificence apostolique m'a comblé. Non content de m'élever à l'épiscopat, Elle a voulu, par une libéralité souveraine, bien digne de la suprême grandeur, me remettre les droits qu'à cette occasion j'aurais dû payer, d'après la coutume, au trésor apostolique. Pour un tel bienfait, je ne puis en rien témoigner ma gratitude si ce n'est par ma bonne volonté reconnaissante et dévouée. Je la sou- mets tout entière aux ordres et au bon plaisir de Votre Sainteté, et de tout cœur je supplie Dieu, le grand rémunérateur, de vous conser- ver très longtemps dans une santé heureuse et inaltérable pour le bonheur de son Eglise. Enfin, prosterné humblement à vos pieds sacrés, j'attends votre bénédiction apostolique, afin que la consé- cration que je vais recevoir m'obtienne à moi et à mon troupeau plus de faveurs et de consolations.  Année 1602 131  CLXVI  AU MEME  (minute) Combien l'établissement des Carmélites en France contribuerait à la gloire de Dieu. — Trois ecclésiastiques de grande vertu désignés pour Supérieurs. — Approbation apostolique sollicitée pour l'exécution de ce projet. Thorens^ commencement de novembre 1602. Beatissime Pater, Cum essem Lutetiae Parisiorum, ejus rei gerendee gra- tia de cujus exitu non ita pridem ad Beatitudinem Vestram litteras dedi, facere non potui quin plures con- ciones haberem, cum ad populum, tum ad Regem ipsum et Principes. Ea autem occasione, Catharina Aurelianen- sis, Princeps a Longa villa (O, virgo non tantum magno- rum Principum sanguine, sed etiam, quod caput est,  Très Saint Père, Pendant mon séjour à Paris, où je traitais l'affaire dont j'ai récem- ment écrit l'issue à Votre Sainteté, je dus accepter de faire de nom- breuses prédications devant le peuple et devant le roi lui-même et les princes. A cette occasion, madame Catherine d'Orléans, princesse de Longueville (0, très illustre non seulement par la noblesse des (i) Cette princesse était fille de Léonor d'Orléans, duc de Longueville, et de Marie de Bourbon, duchesse d'Estouteville. Elle avait renoncé à toute alliance terrestre pour consacrer « tous ses moyens en des œuvres de charité, sçavoir, à nourrir de pauvres honteux, à racheter des prisonniers et à soulager les orfelins et les veuves, à faire instruire de jeunes filles à la pieté et à fonder des monastères de Religieuses. » A la prière de M"'" Acarie, elle se rendit fondatrice du Carmel de Paris, et, de concert avec sa sœur, elle établit encore le prieuré de Notre-Dame de Grâce à la Ville-l'Evêque (1613), dont la Mère Marguerite d'Arbouze fut la première prieure. La princesse Catherine d'Orléans mourut le 39 septembre 1638^ âgée d'environ soixante-treize ans;  i^à Lettres de saint François de ^aleS Christi charitate perillustris, quae per id tempus monaste- rium fœminarum Ordinis Carmelitarum reformatarum in ipsa Parisiens! civitate fundare animo moliebatur, me aliquot excellenti pietate et doctrina theologis adjungen- dum duxit, quorum sententiis animi sui consilium et sen- sum expenderet et probaret. Itaque convenimus omnes aliquot diebus ; eaque re exacte perpensa, vidimus pers- picue consilium hoc a Deo originem duxisse, et ad ejus gloriam multorumque salutem quam maxime spectare. Angebat tamen quod fieri posse non videbatur, ut Fratres ejusdem Ordinis, qui monasterii hujusmodi gu- bernacula susciperent, in Galliam facile inducerentur. Ve- rum huic difficultati obviam itum est, ex recenti exemplo ejus monasterii illius ejusdemque Ordinis, quod in Urbe unius ex Patribus Congregationis Oratorii curae commis- sum est (0. Quare selecti sunt viri très, doctrina, morum integritate ac rerum gerendarum peritia conspicui, qui,  princes de sa maison, mais encore, ce qui est le principal, par son amour pour le Christ, ayant projeté de fonder à Paris un monastère de femmes de l'Ordre des Carmélites réformées, jugea bon de m'ad- joindre à d'autres théologiens d'une piété éminente et d'un profond savoir pour délibérer ensemble sur ce projet de fondation. Nous nous assemblâmes pour cet effet pendant quelques jours ; et ce dessein ayant été mûrement examiné, nous trouvâmes qu'il était inspiré de Dieu et qu'il contribuerait à sa plus grande gloire et au salut d'un grand nombre d'âmes. Une chose toutefois nous préoccupait : il semblait impossible d'introduire maintenant en France des Frères du même Ordre pour gouverner ce monastère. Mais ayant considéré qu'il s'est établi tout récemment à Rome un monastère de Carmélites, qui est confié aux soins d'un Père de la Congrégation de l'Oratoire ( O, la difficulté s'évanouit aussitôt. On a donc choisi trois hommes fort instruits, de mœurs pures, entendus aux affaires, qui fussent à même de prendre (i) Le P. François Soto, natif d'Osmes en Espagne, entré à TOratoire de Rome en 1566. A la prière de quelques-uns de ses compatriotes établis dans cette ville, il y fonda au Monte Pincio (14 avril 1598) et dirigea un monastère de femmes auxquelles il donna la Règle et inspira l'esprit de sainte Thérèse. (C'est aujourd'hui San Giuseppe, via Capo Je Case.) Le P. Soto mourut à l'âge de quatre-vingts ans, le 25 septembre 1619.  Année 1602 133 maximo monasterii bono, operi praefici possent(^\ atque ita deinceps omnibus difficultatibus quae ex locorum et temporum injuria oriebantur sigillatim [obviarentj. Ita factum est satis, ut aliud superesse non videretur quam ut sacrum hoc neg'otium Sanctse Sedis Apostolicse judicio fulciretur, et Régis voluntati permitteretur : ac Régis quidem, praeter multorum spem, statim consensus accessit. Quare nunc ad Beatitudinis Vestrae pedes mitti- tur hic nuntius (2), qui suppliciter ab ea petat Apostolica mandata, quibus res acta constet et perficiatur. Ego vero, Beatissime Pater, qui omnibus propemodum hac de re consiliis interfui, etsi dignus non sum cujus testimonium audiatur, non possum mihi temperare quin, quemadmodum facturum me recepi, testatum faciam, quoad per me fieri potest, e re Christiana fore ut hi cœ- lestes motus, hoc tempore et eo praesertim loco, Vestrae Beatitudinis Apostolicis benedictionibus promoveantur.  la direction de l'œuvre pour le plus grand bien du monastère (0. Ils pourraient ainsi au fur et à mesure remédier à chacune des difficultés que les circonstances des lieux et des temps feraient surgir, 11 ne reste maintenant rien à désirer sinon que le Saint-Siège Apos- tolique approuve cette entreprise, et en confie l'exécution à la volonté du roi, qui a donné aussitôt son consentement contre l'attente de plusieurs. C'est pourquoi ce messager va se jeter aux pieds de Votre Sainteté (2) pour la supplier d'accorder ses Bulles apostoliques, afin d'assurer l'établissement et la consolidation de cette œuvre. Pour moi, Très Saint Père, qui ai assisté à presque toutes les con- férences tenues à ce sujet, je me suis engagé à vous déclarer ce que j'en pense, bien que mon témoignage soit très indigne d'être entendu, et je ne puis m'empêcher d'assurer qu'il sera très utile à la religion que Votre Sainteté favorise de ses bénédictions apostoliques cette céleste inspiration, vu le temps et surtout le lieu où elle s'effectuera. ( I ) Voir ci-dessus, note ( i ). p. 118. (2) Cet envoyé était M. de Santeuil, secrétaire du roi (voir ci-dessus, note ( I ), p. 122), homme « de grand esprit et de conduite dans les affaires, » qui avait quitté Paris à la fin d'octobre. Malgré son habileté et la protection que lui accordait le Cardinal d'Ossat, tant de difficultés entravèrent sa négociation que la Bulle sollicitée pour l'érection du Carmel fut seulement expédiée le 13 novembre 1603.  134 Lettres de saint François de Sales Id Princeps hsec virgo, id permultae alise, id ego cum eis, humillimis petimus precibus. Deus autem optimus maximus Beatitudinem Vestram nobis et bonis omnibus quam diutissime servet inco- lumem.  Cette grâce, la vertueuse princesse, un grand nombre d'autres chré- tiennes, et moi avec elles, nous la sollicitons par de très humbles instances. Daigne Dieu très bon et très grand conserver Votre Sainteté de très longues années pour notre consolation personnelle et pour celle de tous les gens de bien.  CLXVII AUX SYNDICS D'ANNEGY (0 Réponse à leur lettre de félicitation. Thorens, ii novembre 1602. Messieurs, Je voudrois voir en moy autant de sujet de la joye que vous prenes en (^) ma promotion comme j'en voy en Tamitié que vous me portes ; j'aurois beaucoup moins  (a) [Les variantes qui suivent sont tirées de la minute publiée pour la première fois dans l'édition de 162g. Dans cette édition et dans les suivantes, cette lettre est adressée aux « Chanoines de Nessy » ou « aux Chanoines de Saint-Pierre de Genève l »] que vous — aves de  (i) Les syndics d'Annecy étaient alors « noble et spectable seigneur Pierre de Crans, advocat au Sénat, noble seigneur Jean-Baptiste du Four, maistre Estienne Delespine, honorable homme François Fenolliet. » On trouve dans le Registre des Délibérations municipales (vol. XXIX), à la date du 16 novembre 1602, l'insertion suivante : « En l'absence du seigneur Dufour et du seigneur Fenolliet, scindics, les seigneurs de Crans et Delespine despescherent homme exprès avec une lettre de la ville pour se congratuler  Année 1602 135 d'appréhension de la pesanteur du devoir auquel je suys meshuy engagé (^). Je me confie néanmoins en la bonté de Dieu, qu'elle (c) me donnera la grâce de sa sainte assis- tance pour vous rendre le service que je désire et auquel ma naissance et mon éducation m'invite. Sil vous plaist me faire l'^) ce bien de l'en supplier avec moy, vous aures tous-jours tant plus de rayson de le vous promettre, et moy de l'espérer comme l'un des plus grans contentemens que j'aye jamais souhaitté. Permettes moy ce pendant que je vous salue des icy, attendant que bien tost j'aye le bonheur de me(e) voir en vostre ville, a laquelle je désire toute bénédiction du Ciel (^), et de laquelle je suis entièrement comme de vous, Messieurs, Serviteur bien humble en Jésus Christ, Francs j)e Sales, esleu Evesque de Genève. A Thorens, le 11 novembre 1602. A Messieurs Messieurs les Scindics d'Annessy. Revu sur le texte inséré dans le Registre des Délibérations municipales d'Annecy.  {h) je — me voy porté, (c) de Dieu — (laquelle ne nous défaut jamais es choses nécessaires) qu'il (d) tn invite. — Si vous me faites (e) vous [i) Je désire — la paix et consolation du Saint Esprit avec 111'"^ et R™^ Ss"" François de Sales, Evesque de Genève; dont se treuvant ledit seigneur Dufour a moitié chemin, auroit porté ladite lettre, dont il a faict responce telle que si (sic) après, se glorifiant estrangement de ce qu'il est faict Evesque de sa ville, estimant aultant d'honneur de se nommer bourgeois d'icelle que Evesque; dequoy pour le sacre et entrée proche a faire, il est requis faire quelque chose par la ville. »  136 Lettres de saint François de Sales CLXVIII AUX RELIGIEUSES DU MONASTÈRE DES FILLES-DIEU (0 Témoignages d'estime et d'affection pour leur Communauté. — Pressante exhortation à supprimer les pensions particulières. — Redouter les plus légers abus en matière de pauvreté. — Danger des exemptions et des dis- penses. — Confiance que les Religieux doivent avoir en la divine Providence. — Conseils à prendre pour réformer leur monastère. Sales, 22 novembre 1602. Mes très Révérendes Dames et chères Seurs(a), J'ay pris une telle confiance en vostre charité qu'il ne me semble plus avoir besoin de préface ou avant propos pour vous parler, soit en absence, comme je suis contraint de faire maintenant, soit en présence, si jamais Dieu dis- pose de moy en sorte que j'aye le bien de vous revoir. J'ayme en tout la simplicité et la candeur ; (^) je croy que  (a) [Le premier éditeur qui ait publié cette lettre, Hérissant (1758), dit avoir entre les mains une copie prise sur l'Autographe même conservé alors au monastère des Filles-Dieu et aujourd'hui introuvable. Nous reproduisons la leçon qu'il donne, tout en constatant qu'elle présente quelques fautes et cer- taines lacunes; il est aisé de rectifier les unes et de combler les autres, au moyen d'une ancienne copie conservée à la Bibliothèque Mazarine. Les passages complémentaires empruntés à ce manuscrit sont insérés dans le texte entre crochets, et les simples variantes, signalées au bas des pages, selon notre méthode accoutumée.] Mes Révérendes et très chères Dames (b) et la — rondeur, et  ( I ) La maison des Filles-Dieu était primitivement (1225) un asile établi sur le chemin de Saint-Denis à Paris pour y retirer des femmes de mauvaise vie, converties par les prédications de Guillaume d'Auvergne. Saint Louis favorisa cette maison, qui dans la suite changea de destination; les repenties y firent place à de pieuses filles, dont le genre de vie se rapprochait de celui des béguines. Les places étaient à la nomination alternative de l'évéque et du roi. En i3')8, durant la guerre de Cent ans, on ruina cette maison, de peur qu'elle n'offrît une retraite à l'ennemi. L'Evêque de Paris recueillit les Filles-Dieu (1360^ dans un hôpital dont il leur céda même la propriété, à condition qu'une partie des bâtiments serait réservée à l'hospitalité de nuit. La Communauté ne retrouva pas néanmoins sa prospérité première; en 1483, elle ne se com- posait plus que d'un petit nombre de personnes, si bien que, pour la sauvar  Année 1602 137 vous l'aymes aussi, ce que je vous supplie i^) de conti- nuer, parce que cela est fort séant a vostre profession. Je pense que les tuniques blanches que vous portes en sont le signe. Je vous diray donq simplement ce qui m'a esmeu(d) a vous escrire ainsy a toutes ensemble. Croyes-moy, je vous supplie : je suys fort importuné de l'affection extrême que je porte au bien de vostre mayson ; car ic)'', ou je ne puis vous rendre que fort peu de ser- vices, elle ne laisse pas que de me suggérer une infinité de désirs, qui vous sont inutiles et a moy. Je n'ose pas pourtant rejetter ces inclinations, parce qu'elles sont bonnes et sincères, mays sur tout parce que je croy ferme- ment que c'est Dieu qui me les a données. Que si elles me mettent en danger de quelques inquiétudes, ce n'est pas par leurs qualités, mais par la foiblesse de mon esprit qui est encor sujet au mouvement des vens et de la marée. Or, c'est un vent qui agite maintenant mon esprit en l'affec- tion qu'il (e) vous porte, et ne sçaurois m'empescher de vous le nommer; car c'est le seul sujet qui m'a fait desrober ce loysir pour vous escrire, a la presse d'un monde d'affaires qui m'environnent en ce commencement de ma charge. Je partis de Paris avec ce contentement de vous avoir en quelque sorte (f) tesmoigné l'estime que je faisois de la vertu de vostre mayson, de laquelle l'opinion me donnoit beaucoup de consolation et me prouffitoit intérieurement, m'animant au désir de ma perfection. La sainte Parole * *jons, uit., 6-8  (c) prie (d) induit {e) en l'affection — que je ( f ) façon  d'une ruine imminente, le Saint-Siège l'incorpora à l'Ordre de Fontevrault. Dès lors (1496) le monastère des Filles-Dieu ne fut plus qu'un prieuré dépen- dant de la célèbre abbaye. Les soins que prit saint François de Sales pour y rétablir la parfaite régula- rité durent sans doute être couronnés de succès, puisqu'un contemporain écrit : « La bonne observance régulière y florit aujourd'hui autant que jamais; qui est cause que de 12 Religieuses qu'elles estoient au temps de la reformation [1496], le nombre est tellement augmenté qu'en caste année i6o6, elles sont, tant Sœurs de chœur que converses dédiées À la vie active^ 60, n  138 Lettres de saint François de Sales dit que Jonas se consola a l'ombre du lierre ou de * Sic Septuaginta [la courge *] ; mais un vent chaud et cuisant dessécha, et aliae versiones. . . 1 • xt r- (Videinfra, p. 142.) presque tout en un moment, cest arbrisseau. Un vent fit presque le mesme efFect en la consolation que j'avois en vous. Mais [ne] penses [pas], je vous supplie, que ce fut un vent [de quelque rapport léger, envieux, ou mesdisant ; * Cant., IV, 16. non, a la vérité, ce fut un vent venant] du midy * d'une entière charité ; ce fut un rapport auquel je fus obligé de donner créance par la considération de toutes les cir- constances. Seigneur Dieu, que je fus marry et de ce que Ton me disoit, et de Tavoir sceu seulement en un tems auquel je n'avois pas loysir d'en traitter avec vous ; car je ne sçay si mon affection me trompe, mays je me persuade que vous m'eussies donné une (g) favorable audience, et n'eussies sceu treuver mauvaise aucune remonstrance que je vous eusse faite, puisque vous n'eussies jamais descou- vert en mon ame ni en tous ses mouvemens, sinon une entière et pure affection a vostre advancement spirituel (i^) et au bien de vostre mayson. Mais n'ayant pas deu arrester pour cela, estant appelle icy pour un bien plus grand, je me suis mis a vous escrire sur ce sujet, bien que j'aye quelque tems desbattu en moy mesme si cela seroit a propos ou non ; car il me sembloit presque que cela seroit inutile, d'autant que ma lettre seroit sujette a recevoir des répliques, et m'en feroit ( i ) donner ; qu'elle arriveroit peut estre hors de sayson ; qu'elle ne vous representeroit pas xiaifvement ni mon intention ni mon affection ; que vous estes en lieu ou vous seres conseillées de vive voix par un monde de per- sonnes qui vous doivent estre en plus grand respect que * Lucae, xvi, uit. moy, et que si vous ne croyes a Moïse et aux prophètes * qui vous parleront, malaysement croires vous a ce pau- vre pécheur qui ne peut que vous escrire, et que, outre cela, a ce que l'on m'a dit, quelques autres prédicateurs, meilleurs et plus expérimentés a la conduitte des âmes  (g) une — fort (h) spirituel — a vostre honneur ( i ) serait sujette a — des répliques et n'en sçauroit  Année 1602 139 que je ne suys, vous en ont parlé sans effect. Néanmoins, il a fallu que toutes ces raysons ayent cédé a mon affec- tion et au devoir que Textreme désir de vostre bien m'im- pose. Dieu employé bien souvent les plus foibles pour les plus grans effectz* : que puis-je sçavoir s'il veut (j ) porter * Cf. I Cor., 1,25,27. son inspiration dans vos cœurs par les paroles qu'il me donnera pour vous escrire ? J'ay prié ; je diray bien plus et je ne diray que la vérité, mais cecy suffira : j'ay arrousé ma bouche du sang de Jésus Christ en la Messe, pour vous pouvoir envoyer des paroles convenables et pre- gnantes. Je les planteray donq icy sur ce papier ; Dieu les veuille conduire et addresser en vos espritz pour y servir a sa gloire. Mes chères Seurs, on m'a dit qu'il y a en vostre may- son des pensionnettes particulières et des propriétés, dont les malades ne sont pas esgalement secourues, et les saines ont des particularités aux viandes et habitz sans nécessité, et que les entretiens et récréations n'y sont pas fort dévotes (k). On m'a dit tout cela, et beaucoup d'autres choses qui s'ensuyvent. J'aurois aussi beaucoup de choses a vous dire sur ce sujet ; mais ayes la patience, je vous supplie, faites moy cest honneur de lire attentivement et doucement ce que je vous en représente ; gratifies en cela mon zèle a vous servir ( ^ ). Mes bonnes Dames, vous deves corriger vostre mayson de tous ces defautz, qui sont sans doute contraires a la perfection de la vie religieuse. Laigneau pascal doit estre sa7is macule * .* vous estes des aigneaux de la Pasque, *Exod.,xii, 5. c'est a dire du passage"^, car vous aves passé de l'Egypte * Ibid., f. ir. du monde au désert de la Religion, pour vous acheminer en la terre de promission. Certes, il faut que vous soyes sans tache ou macule apparente ; mays ne sont ce pas des macules bien noires et manifestes que ces defautz et grans manquemens que j'ay marqués ci devant, et princi- palement en une telle mayson ? Il les faut donq corriger.  (j ) s'il — ne veut pas (k) douces (1) gratifies — mon zèle a vostre service.  140 Lettres de saint François de Sales Vous les deves corriger, a mon advis, parce qu'ilz sont petitz, ce semble, et partant il les faut combattre pendant qu'ilz le sont ; car si vous attendes qu'ilz croissent, vous ne les pourres pas aysement (i") guérir. Il est aysé de destourner les fleuves en leur origine, ou ilz sont encor (°) foibles ; mais plus avant ilz se rendent indomptables. *Cap. II, 15. Prenes moy, dit le Cantique*, ces petit\ renardeaux qui ruinent les vignes ; ilz sont petit^, n'attendes pas qu'ilz soyent grans, car si vous attendes, non seulement il ne sera pas aysé de les prendre, mais quand vous les voudres prendre ce sera Ihors qu'ilz auront des-ja tout * Ps. cxxxvi, 8, 9. gasté. Les enfans d'Israël disent (o) en un Psaume* : Filia Babylonis misera; beatus qui tenebit et allidet parvulos tuos ad petram. La fille de Babylone est misérable; oh, que bienheureux est celuy qui escrase et brise tes petit\ contre la pierre. Le desordre, le desreglement des Religions est vra)^ement une fille de Babylone et de confusion ; ah, que bienheureux sont les espritz qui n'en souffrent que (p) les commencemens, ou plustost les terrassent ou fracassent a la pierre de la reformation. L'aspic de dissolution et de desreglement n'est pas encor esclos en vostre ma3^son, mais prenes bien garde a vous : ces defautz en sont les œufz ; si vous les * Cf. is., Lix, 5. couves en vostre sein, ilz esclorront un jour * a vostre ruine et perdition, et vous n'}^ penseres pas (q). Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut (r) sem- bler a quelques unes, n'estes vous pas (s) beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misère, disoit aujourd'huy (0 saint Chrisostome en l'homélie de l'Evan- * In Matt., Hom. gilc de Sainte Cécile*, de laquelle nous faisons la feste; Lxxvm {a . Lxxix). ^^g^^g miscre, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir  (m) facilement (n) encor — petitz et (o) tout gasté. — Il est dit (p) qui — en suffoquent (q) un jour — que vous n'y penseres pas, a vostre ruine et perdition. (r) ces défaut^ — semblent petitz, comme ilz peuvent (s ) pas — toutes ( t ) ce jourd'huy  Année 1602 14* combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et néanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, maminon, dieu des richesses. Et certes, toutes propriétés et particularités de mo3^ens en Religion se réduisent a maminon de V iniquité* ! « C'est pour- * Lucœ, xvi, 9. quoy, » disoit il, « ces pauvres vierges sont appellees folles"*, par ce qu'après avoir dompté le plus fort elles *Matt.,xxv,2, 3,8. se rendent au plus foible. » Vostre mayson excelle en beaucoup d'autres perfections et est incomparable en icelles a toute autre : ne sera-ce pas un grand reproche d'en laisser ternir la gloire par ces chetifves imper- fections ? On vous appelle par une ancienne estime et prérogative de vostre mayson. Filles de Dieu : voules vous perdre cest honneur par le défaut d'une reformation en ces petites défectuosités?!") pour un potage de lentilles, perdre la primogeniture * que vostre nom semble vous * Gen., xxv, 29-3.1. avoir donnée par le consentement de toute la France ? C'est, a la vérité, une marque de très grande imperfection au lion et a l'elephant, qu'après avoir vaincu les tigres, les bœufs, les rhinocéros, ilz s'effrayent, s'espouvantent et trémoussent , le premier devant un petit poulet *, [cMom"vn"hu'us et l'autre devant un rat *, dont la seule veuë leur fait ^"'^i^-' p- 4='^-) , - ■,■,,,- •S.Basil.,Hexaem., perdre courage : cela est un grand deschet de leur gène- 1. ix; Piin., Hist. rosité. C'est aussi une grande tare a la bonté de vostre '^^^■' ^' ^^^^ ' '^^"" mayson d'y avoir des pensions particulières et semblables defautz, après que l'on y a veu tant d'autres qualités louables ; soyés donq fidèles en la reformation de ces menues imperfections, afifin que vostre Espoux vous cons- titue sur beaucoup de perfections et qu'il vous appelle un jour a sa gloire*. *Matt.,xxv,2i, 23. Mais après tout cela, permettes moy, je vous supplie, de vous dire mon opinion touchant ces defautz. Hz sont, a la vérité, petitz si on les met en comparaison des plus grans, car ce ne sont que commencemens, et tout commencement, soit en mal soit en bien, est tous-jours petit ; mais si vous les considères en comparaison de la  (u) d'une reformation — de ces petites défectuosités, et  142 Lettres de saint François de Sales vraye et entière perfection religieuse a laquelle vous deves aspirer, ilz sont sans doute très grans et très dan- gereux. Est ce, je vous supplie, un petit mal que celuy qui attaque et gaste une partie noble de vostre cors, a sçavoir le vœu de pauvreté ? On peut estre bonne Reli- gieuse (^) sans chanter au chœur, sans porter tel ou tel habit, sans telle ou telle abstinence ; mais sans la pau- vreté et communauté, nulle i^') ne le peut estre. Le ver- *Videsupra, p.138. misscau qui rongea la courge de Jonas * sembloit estre petit, mays sa malice estoit si grande que l'arbrisseau en périt. Ces defautz de vostre ma3^son l^) semblent bien minces ; mais leur malice est si grande qu'elle gaste vostre vœu de pauvreté. Ismaël estoit petit garçon ; mais incontinent qu'il com- mença a piquer et agacer Isaac, la sage Sara le fit chas- • Gen., XXI, 9-14. scr, avec Agar sa mère, hors la mayson d'Abraham *. [Vostre mayson est une vraye mayson d'Abraham,] c'est a dire du grand Père céleste ; il y a une Sara et une Agar. [L'une est] ceste partie supérieure et en certaine façon surhumaine, l'esprit et l'intérieur ; et l'autre, plus basse et humaine, est le cors avec son extérieur. L'esprit a engendré le bon Isaac : c'est le vœu que vous aves fait comme un sacrifice volontaire sur la montagne de la Religion, ainsy qu'Isaac sur la montagne de Vision ♦ Ibid,, XXII, 9-12. s'offrit de volonté en sacrifice *. La chair et partie cor- porelle n'engendre qu'Ismaël : c'est le soin et désir des choses extérieures et temporelles. Pendant que cet Ismaël, ce soin et désir n'attaque point vostre Isaac, c'est a dire vostre vœu et profession, bien qu'il demeure chez vous et en vostre mayson, j'en suis content, et, ce qui est le principal, Dieu n'en est point offensé. Mays quand il agace vostre vœu, vostre pauvreté, vostre profession, (y) je vous supplie, mais je vous conjure, chassés le et le  (v) On peut — bien estre Religieux (w) nul {x) de vostre mayson — ces petites affections a la particularité et propriété (y) Mays quand il — heurte Isaac, vostre vœu, vostre profession, vostre pauvreté, non seulement  Annhe 1602 143 bannisses. Qu'il soit tant petit qu'il voudra, qu'il soit tant enfant qu'il vous plaira, qu'il ne soit pas plus grand qu'une fourmy ; mais il est mauvais, il ne vaut rien, il vous ruinera, et gastera vostre mayson. Encor treuvé je ce mal en vostre mayson bien grand parce qu'il y est maintenu, parce qu'il y est en repos et qu'il y séjourne comme habitant ordinaire; c'est le grand mal que j'y voy, que ces particularités sont meshuy (z) bourgeoises. Les mouches mourantes perdent la sua- vité du bausme et unguent*. Si elles ne faisoyent que *Eccie5., x, i. passer sur l'unguent et le succer en passant, elles ne le gasteroyent pas ; mais y demeurant mortes et comme ensevelies, elles le corrompent. Je veux que les manque- mens et defautz de vostre mayson ne soyent que mouches, mais le mal est qu'elles s'arrestent sur vostre unguent, elles y arrestent (»') et y sont ensevelies avec faveur. Pour petit que soit le mal, il croist aysement quand on le flatte et qu'on le maintient : nul ennemy, disent les soldatz, n'est petit quand il est mesprisé. Ce sont les raysons que Dieu m'a données pour vous prier de vouloir reformer vostre mayson touchant ces petites ou grandes fautes que l'on m'a dit y estre ; mays je ne puis assouvir le désir i^l que j'en ay. i^l J'ay encor voulu considérer quelz empeschemens vous  ( z ) le — plus grand mal que j'y voy, que ces particularités y sont mesme (a') séjournent (b') besoin ( c') [On conserve à Casorzo (diocèse de Casale en Piémont) un fragment de la minute autographe que nous reproduisons ici intégralement.] vostre ne fut pas commencé avec ces pensions, ains avec une très exacte pauvreté et résignation de toutes particularités. Mes Seurs, il faut remonter jusques a la source de vostre Religion et boire en icelle Teau de vostre refor- mation ; vous y treuveres un'eau qui vous fera oublier l'affection que vous aves a ces petites particularités. Regardes a la pierre de laquelle vous aves estes tirées, vous n'y verres aucune paille de propriété. FMais quand tout ceci ne se... pour Dieu...J Vous deves donques, ce me semble, vous reformer. Je sçai bien que vous aves de très grans empeschemens de ce faire ; [c'est] cela qui me fait pitié et pourquoy je me suis mis a vous escrire, car j'ay cer- taines considérations sur les empechemens fque je m'imagine estre en vous pour ceste bonne et s**^ action.. .J qui vous peuvent [arrêter] en ce bien, les- quelles a mon advis vous ayderont  144  Lettres de saint François de Sales  Deut., XXIV, I.  Matt., XIX, 7-9.  Gen., XXXI, 34.  pourroyent rendre ce saint œuvre malaysé, et vous en dire mon advis. Je me doute que vous n'estimes pas qu'en ces pensions et autres particularités il y ayt aucune propriété contraire a vostre vœu, parce qu'a Tadventure tout s'y fait sous la permission et licence de la Supérieure. C'est des-ja un mauvais mot que celuy de permission et licence parmi l'esprit de perfection : il seroit mieux de vivre sous ('i') les lois et ordonnances que d'avoir des exemp- tions, licences et permissions. Vous voyes des-ja un sujet de reformation. Moïse * avoit donné une permission et licence touchant l'intégrité du mariage ; Nostre Seigneur reformant ce saint Sacrement et le remettant en sa pu- reté, protesta * que Moïse ne l'avoit permis qu'a force et contrainte, pour («') la dureté de leurs cœurs. Bien sou- vent les Supérieures plient ce qu'elles ne peuvent rom- pre, et permettent ce qu'elles ne peuvent empescher ; et la permission, par après, a ceste ruse et malice, qu'ayant duré quelque tems elle s'en fait accroire et, au contraire des choses qui viellissent, elle se renforce et semble per- dre petit a petit sa laideur et difformité. Les permissions n'entrent jamais que par grâce dans les monastères; mais y ayant pris pied, elles y veulent demeurer par force, et n'en sortent (^'1 jamais que par rigueur. Mays, outre cela, je dis qu'il n'est rien de si sembla- bles que deux gouttes d'eau : néanmoins, l'une peut estre de roses, et l'autre de ciguë ; l'une guérit, et l'autre tue. Il y a des permissions qui peuvent estre aucunement bonnes, mais celle cy ne l'est pas, car c'est en fin une pro- priété, quoy que voilée et cachée ; c'est l'idole que Rachel tenoit cachée sous sa robe *. On dit que la Sujoerieure le permet et que c'est sous son bon playsir : voyla Rachel qui parle. Mays ce sont les pensions d'une telle Seur et non pas d'une autre : vojda l'idole de la propriété. Si ce n'est pas propriété, [que veut dire] que l'une a plus de commodité sans nécessité , et l'autre plus de nécessité  (d') sans (e') permis — que forcé et contraint par (f ) n'en sortent — presque  Année 1602 145 sans commodité ? Que veut dire qu'estant toutes seurs , vos pensions ne sont pas seurs? L'une souffre et l'autre ne souffre point ; l'une a faim y diray je presque comme saint Pol*, Vautre abonde : ce n'est pas la une Communauté ' I Cor., xi, 21 ; ' ^ , Philip., IV, 12. de Nostre Seigneur. Appelles cela comme vous voudres, mais c'est une pure propriété ; car la ou il n'y a point de propriété « il n'y a point de mien et de tien, qui sont les deux motz qui ont produit le malheur du monde *. » Le *s.Chrvsost.,Orat. ,. 1- 1 j- in s. Philog., § I. Religieux qui a un liard ne vaut pas un liard, disoyent les Anciens. L'amour et tendre affection que vous portes a vostre mayson peut aussi estre un grand empeschement a la re- formation d'icelle, par ce que ceste passion ne peut per- mettre que vous pensies mal d'elle, ni que vous oyes de bon cœur les reprehensions qu'on vous en fait. Mais pre- nes garde (g'), je vous supplie ; car l'amour propre est rusé, il se fourre et glisse par tout, et nous fait accroire que ce n'est pas luy. Le vray amour de nos maysons nous rend jaloux de leur perfection réelle, et non de leur (h') réputa- tion seulement. La femme du bon Tobie prit a point d'honneur un advertissement de son mary par ce qu'il sembloit révoquer en doute l'estime de sa famille*. Elle • Tobiœ, n, 19-23. estoit trop pointilleuse : si ce mal n'y estoit pas elle en devoit louer Dieu, s'il y estoit elle le devoit corriger. Il nous faut manger le beurre et le miel avec Nostre Seigneur, adoucir nos espritz et nous humilier, choisissant le bien et rejettant le înal *. Les abeilles ayment leurs • Isaiœ, vu, 15. ruches, qui sont comme leurs maysons (je vous dis un jour que c'estoit comme des religieuses naturelles entre les animaux) ; mays elles ne laissent pas d'esplucher par le menu ce qui y est et de les purger a certains tems. Rien n'est si constant sous le ciel qui ne fléchisse*; * Eccies., n, n. rien de si pur qui ne recueille quelque poussière. C'est bien fait de ne point dire inutilement les de- fautz que l'on voit dans les maysons et de ne les point  g') prenes garde — a voua [h') de leur — perfection en Lettres II  seq  146 Lettres db saint François de Sales manifester ; mays de ne les vouloir pas reconnoistre ni confesser a ceux qui peuvent estre utiles pour y donner remède, c'est un amour des-ordonné. L'Espouse au Can- * Cap. 1, 4, 5. tique confesse son imperfection * :Je suis noire, dit elle, encor que belle; ne prenes pas garde a ce que je suis brune, c'est le soleil qui m'a haslee (^'). Je pense que vous en pouves bien dire autant de vostre mayson : elle est belle et vertueuse, c'est la vérité ; mais la longueur du tems et des années a un petit altéré son teint. Pourquoy ne luy redonneres vous pas ses couleurs (J') par une sainte reformation ? Quand il y a quelque défaut passager dans une mayson, on le peut dissimuler ; mais quand il est permanent et par manière de coustume, il le faut chasser [a cor et a cry s'il en est besoin. Mais ici il n'en est pas besoin] ; il suffit d'y appeller ceux qui y peuvent (^') ser- vir. Ce fut un amour desmesuré en David de ne vouloir pas qu'on desfit Absalom, tout mauvais et rebelle qu'il II Reg., xviii, 5 estoit*. Quicomque ayme sa mayson, en procure la santé, la pureté et reformation. Je pense qu'il y a un autre empeschement a la refor- mation de vostre mayson : c'est que, a l'adventure, vous estimes qu'elle ne pourroit se maintenir sans ces pen- sions par ce qu'elle est pauvre. Au contraire, je pense que le monastère est pauvre par ce que ces pensions y sont. Il y a en Italie deux nobles republiques, Venise et Gennes ; a Venise les particuliers ne sont pas si riches qu'a Gennes, [mais la republique est bien plus riche que celle de Gennes.] La richesse des particuliers empesche celle du public. Si une fois vous esties a bon escient pauvres en particulier, vous séries par après (^') riches en commun. Dieu veut que l'on se fie en luy chacun selon sa voca- tion. Il n'est pas requis en un homme laïc et mondain de s'appuyer en la providence de Dieu en la sorte que nous  ( i' ) décolorée [y ) ses — premières couleurs et beautés {'k'') y peuvent — remédier et (T ) bien tost  Année 1602 147 autres ecclésiastiques devons faire ; car il nous est dé- fendu de thesaurizer et faire marchandises, mais il n'est pas défendu aux mondains ; ni les ecclésiastiques séculiers ne sont pas obligés d'espérer en ceste mesme Providence comme les Religieux ; car les Religieux y doivent espérer si fort qu'ilz n'a)^ent aucun soin de leur particulier pour avoir des moyens. Or, entre les Religieux, ceux de saint François excellent en cest endroit, qui est la confiance et résignation qu'ilz ont en la Providence divine, n'ayant nul mo3^en ni en particulier ni en gênerai, prattiquant pleinement la parole du Psalmiste* : Jacta cogitatum * Ps. liv, 23 (juxta ttium in Domino, et ipse te enutriet ; Jette tout ton ^^ '^"'^'^ ^'^ '4) soin en nostre Seigneur, et il te nourrira. Chacun doit jetter tout son soin en Dieu, et aussi il nourrit tout le monde ; mays chacun ne le jette pas en mesme degré de résignation. Les uns l'y jettent sous le travail et in- dustrie que Dieu leur a donnée et par laquelle Dieu les nourrit ; les autres , plus purement, sans l'entremise d'aucune industrie, tendent a cela. Hz ne sèment ni ne recueillent, et le Père céleste les nourrit^. Or, vostre * Matt., vi, 26. condition religieuse vous oblige a vous resigner en la Providence de Dieu sans l'ayde ni faveur d'aucune pen- sion ni propriété particulière ; c'est pourquoy vous les deves rejetter. David* admire comme Dieu nourrit les petitz poussins * Ps. cxlvi, 9. des corbeaux ; aussi est ce chose admirable. jMais ne nourrit il pas aussi les autres animaux? Si fait, mais non pas de la [mesme] sorte ni si immédiatement, d'autant que les autres sont aydés de leurs pères et mères [et de leur travail ; mais par ce que la condition naturelle de ces petitz poussins porte qu'ilz sont abandonnés de leurs pères et mères,] et n'ont d'ailleurs moyen de travailler, nostre Sei- gneur les nourrit presque miraculeusement. Aussi nourrit il tous-jours ses dévotes servantes et créatures, lesquel- les, par la condition de leur estât et profession, se sont dévouées ('"') a la communauté et pauvreté particulière,  (m') vouées  148 Lettres de saint François de Sales sans l'entremise d'aucun moyen contraire a leur condi- tion. Les Cordeliers ont estimé qu'ilz ne pourroyent vivre en ceste estroitte pauvreté que leur Règle primitive re- queroit ; les Capucins leur ont fait voir clairement que si. Pendant que saint Pierre se fia en Celuy qui l'appelloit il fut asseuré ; quand il commença a douter et perdre la ' Matt., XIV, 27-50. confiance il enfonça dans les eaux *. Faysons ce que nous deV'Ons, chacun selon sa condition et profession, et Dieu ne nous manquera point. Pendant que les enfans d'Israël estoyent en Egypte il les nourrissoit de la viande que les Egyptiens donnoyent ; Ihors qu'ilz furent au désert, Exod., XVI. ou il n'y en avoit aucune, il leur donna la manne *, viande commune a tous et particulière a nul, et laquelle, si je ne me trompe, représente une certaine communauté. Vous estes sorties de l'Egypte mondaine, vous estes au désert de la Religion : ne recherchés plus les moyens mondains, espérés fermement en Dieu; il vous nourrira Videpag.prsced. sans doute *, quand il devroit faire pleuvoir la manne. Je me doute encor qu'il y ayt un autre empeschement a vostre reformation : c'est qu'a l'adventure, ceux qui vous l'ont proposée ont manié la playe un peu asprement. May s voudries vous bien pour cela rejetter vostre gueri- son ? Les chirurgiens sont quelquefois contrains d'ag- grandir la playe pour amoindrir le mal, Ihors que sous une petite playe il y a beaucoup de meurtrisseures et concasseures ; c'a esté peut estre cela qui leur a fait porter le rasoir un petit bien avant dans le vif. Je loue leur méthode, bien que ce ne soit pas la mienne, sur tout a l'endroit des espritz nobles et bien nourris comme sont les vostres ; je croy (°') qu'il est mieux de leur monstrer simplement le mal, et leur mettre le fer en main afiin qu'ilz fassent eux mesmes l'incision. Néanmoins, ne lais- sés pas pour cela de vous reformer. J'ay accoustumé de dire que nous devons recevoir le pain de correction avec beaucoup d'estime, encor que celuy qui le porte soit de- saggreable et fascheux, puisque Helie mangeoit le pain  (ù*) pense  Année 1602 149 porté par les corbeaux *. Ainsy celuy nous doit aggreer * m R^g-, xvm, 6. qui procure nostre bien , quoy qu'il soit de tout point desaggreable et fascheux. Job racloit l'ordure et suppu- ration de ses ulcères avec une pièce de pot cassé"^ ; * Job, n, 8. c'estoit une dure abjection, mays elle estoit utile. Le bon conseil doit estre receu, soit qu'il soit trempé au fiel ou qu'il soit confit au miel. Que tous ces empeschemens ne soyent point asses fortz, je vous prie, pour vous («') retarder de faire le voyage de ceste sainte et nécessaire reformation. Je prie Dieu qu'il envoyé ses Anges pour vous porter entre leurs mains, affin que vous ne heur ti es point aux pierres d'achoppement *. *Psainî.xc, n, 12; Il me reste a vous dire (p') mon advis touchant Tordre '' ' que vous deves(^') tenir. Pries Dieu par des oraisons com- munes et distinctes (J*') a cest effect, qu'il vous fasse voir les defautz de vostre mayson et les moyens pour y remédier et pour recevoir la (s) grâce. Puisqu'il est le Dieu de paix *^ apaises vos espritz, mettes les en repos ; ne per- • I Cor., xiv, 33. mettes pas que la [coustume, la difficulté, je diray clair et net, ne permettes pas que la] contention que vos espritz auront peut estre faite contre ceux qui vous auront cy devant voulu corriger, fasse aucun préjugé contre la lu- mière céleste. Ne tenes plus vostre parti ni celu)^ de vostre mayson, [mays simplement celuy de vostre bien et du bien de vostre mayson.] Faites tout ainsy que si vous voulies instituer une nouvelle Congrégation selon vostre Ordre et vostre Règle ; traittes en les unes avec les autres en esprit de douceur et de charité. Lhors vostre Espoux vous regardera avec ses Anges, comme nous faysons les abeilles quand elles sont doucement empressées a la confection de leur miel, et je ne doute point que ce saint Espoux ne parle a vostre cœur pour vous dire ce qu'il dit a  (o') pour vous — empescher ou (p') donner (q') pourres ( r') destinées (s') sa  150 Lettres de saint François de Sales son serviteur Abraham : Chemines devant moy et soyes * Gen., XVII, I. ^^r/^/^ */ entrés plus avant au désert de la perfection. Vous aves des-ja fait la première journée par l'exacte chasteté, et la seconde par l'obéissance, et une (*') partie de la troisiesme par quelque sorte de pauvreté et com- *Cf. Exod.,xv, 22. munauté * : mais pourquoy vous arrestes vous en si beau chemin, et pour si peu de chose comme sont ces pensions particulières ? Marchés plus avant, achevés la journée : mettes tout en commun, renonces a la particularité, affin * Rom., xiT, I. que, selon la sainte Parole *, vous fassies une sainte immolation et entier sacrifice [a nostre Dieu], en esprit, [en cors] et en biens. Apres que vous aures traitté de vostre affaire avec vostre Espoux et par ensemble, appelles a vostre secours et pour vostre conduitte quelques uns W des plus spiri- tuelz qui sont a Tentour de vous; ilz ne vous manqueront pas. J'en nommerois quelques uns, mais vous les nom- meres mieux que moy, et ceux la mesme, a l'adventure, que je voudrois nommer. Ce sont gens extrêmement bons a cela, des espritz doux et gracieux, condescendans quand ce vient a l'effect, bien que leurs reprehensions semblent un petit aspres et mordicantes. A ceux la vous deves confier (v') vostre affaire, afiin qu'ilz jugent de ce qui sera plus convenable ; car vostre sexe est sujet des la création * Gen , m, 16. a la Condition de l'obéissance*, et ne réussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant a la conduitte et ins- truction. Voyes toutes les excellentes Dames de la Mère de miséricorde jusques a présent, et vous treuveres que je dis vray ; mays en tout je présuppose que l'authorité de Madame de Fontevrault (O tienne son rang. C'est peut estre trop parler et trop escrire d'un sujet duquel vous aves, a l'adventure, les oreilles des-ja trop  (t') et Li seconde — encores par Tobeissance, et une bonne (u') conduitte — quelque homme (v') communiquer  (i) Eléonore de Bourbon, tante de Henri IV, qui gouvernait Tabbaye de Fontevrault dès Tannée 1575 et qui mourut le 26 mars 1611.  Année 1602  »5ï  battues ; mais Dieu, devant lequel je vous escris, sçait que j'ay beaucoup plus d'affection que de paroles en cest endroit. Je suis indigne d'estre escouté, mais j'estime vostre charité si grande que vous ne mespriseres point mon advis, et croy que le bon Jésus ne m'a pas donné tant d'amour et de confiance en vostre endroit qu'il ne vous aye donné une affection réciproque de prendre en bonne part ce que je vous propose pour le service de vostre may- son, laquelle je prise et honnore a l'esgal de toute autre, et l'estime une des bonnes que j'aye veûes. C'est cela qui m'a fait désirer qu'elle soit meilleure et parfaite. Il me fasche de voir de si grandes qualités, comme sont celles de vostre ma3^son, esclaves sous ces menues imperfec- tions, et, comme parle l'Escriture *, de voir vostre vertu * Ps. lxxvh, 6r. réduite en captivité, et vostre beauté spirituelle entre les mains des ennemis. C'est pitié de voir une pretieuse liqueur perdre son prix par le meslange d'une petite souilleure, et un vin exquis, (w) par le meslange de l'eau. Ton vin, dit un Prophète *, est meslé d'eau. Je vous di- * isaiae, i, 22. ray comme vostre saint Patron saint Jan (0 qui reçut com- mandement d'escrire aux prelatz d'Orient* : Je sçay vos * Apoc.,i, n; n, 2, œuvres qui sont presque toutes bonnes, vous estes pres- que très bonnes Religieuses ; mais fay quelque petite chose a dire contre vous, il vous manque quelque chose. Je vous loue en toutes choses, dit saint Pol a ses Corin- thiens *, mais en cela je ne vous lotie pas. Je vous sup- * i Ep., xi, 22. plie et conjure, par la charité qui est entre vous, ostes de vostre mayson ce qui est de trop et adjoustes ce qui y défaut. Donnes moy, je vous prie très humblement, ceste consolation de lire ceste lettre en repos et tranquillité d'esprit, et de la peser non au poids vulgaire, mais au poids du sanctuaire et de la charité. Et je prie Dieu qu'il  (w') un vin exquis — affoibli  (i) L'idée dominante qui inspira la constitution de l'Ordre de Fontevrault était d'honorer les rapports de maternité et de filiation établis entre la Sainte Vierge et saint Jean au pied de la croix.  152 Lettres de saint François de Sales vous donne les resolutions nécessaires a vostre bien, pour la plus grande sanctification de son saint nom en vous, affin que vous soyes de nom et d'efFect ses vrayes filles. Je me prometz l'assistance de vos oraisons pour toute ma vie, et plus particulièrement pour ceste entrée que je fay en la laborieuse et dangereuse charge d'Evesque, affin que y preschant le salut aux autres, je ne sois reprouvé I Cor., IX, ult. a damnation *. Dieu soit nostre (^') paix et consolation. Je suis et seray toute ma vie, Mes Révérendes Dames et très chères Seurs en Jésus Christ, Vostre serviteur très humble et affectionné en Nostre Seigneur (y'), Franc» De Sales, Evesque [élu] de Genève. De Sales, le 22 novembre 1602.  (x') vostre (y') ^/ — très asseuré  CLXIX A M. JANUS DE LA FAVERGE (0 Espoir de le voir à Sales le samedi suivant. — Remerciements pour l'hospitalité offerte à Ms"" Gribaldi. Sales, commencement de décembre 1602. Monsieur mon Oncle, Ma mère et tous les siens vous baysent humblement les mains, et a madame ma tante, du soin que vous aves (i) L'Autographe ne porte ni date ni adresse, mais plusieurs raisons très convaincantes se réunissent pour prouver que cette lettre dut être adressée à M. de la Faverge dans les premiers jours de décembre 1602. I' — La coutume du Saint étant de donner les titres d'oncle et de tante au:*  Année 1602 153 de nostre bonheur. Monsieur VuUiod (0 vous dira meil- leures nouvelles que vous n'avies pas conceûes de son accident. Vous verres, Dieu aydant, le reste dans peu de jours que nous nous promettons Thonneur de vostre présence et de celle de madame ma tante, ma seur, ma commère, a laquelle, pour son arrivée, je garde le baiser solemnel, si elle m'en juge encor digne. Ce sera, sil vous plait, samedi, puisque j'ay accepté de vous l'offre qu'il vous a pieu me faire de loger monsieur TArchevesque de Vienne a son passage. Aussi n'ay je pas estimé de le devoir refuser, car encor que sera avec vostre incommodité, néanmoins il en sera mieux et plus chaudement receu, et vous estes des-ja tant accoustumé a recevoir de nos importunités que ce ne vous est plus guère de peyne. En contrechange, je prieray toute ma vie Dieu pour vostre longue vie, santé et prospérité, et demeureray, Monsieur, Vostre plus humble et asseuré neveu et serviteur et compère, Franc* de Sales, E. esleu de Genève. Revu sur l'Autographe appartenant à M"« Vuy, à Carouge (canton de Genève). cousins germains de son père et de sa mère, il ne désignait pas autrement M. et M""*^ de la Faverge (cf. le tome précédent, note (1), p. 354)- 2. — Ces parents habitaient La Roche, et le Saint avait tenu l'un de leurs enfants sur les fonts du Baptême; de là le nom de « ma commère » donné à M""^ de la Faverge. 3. — M^"" Gribaldi se rendant d'Evian à Thorens pour le sacre de saint François de Sales, qui eut lieu le Dimanche 8 décembre 1602, rien de plus naturel qu'en passant à La Roche, il descendît chez les de la Faverge ; invités eux aussi, ils devaient arriver à Thorens le samedi, veille de la cérémonie. (i) Probablement Janus Vulliod, qui dans plusieurs contrats intervient en qualité d'agent d'affaires des de la Faverge.  154 Lettres de saint François de Sales CLXX A M. PIERRE FAVIER(0 Prière de lui continuer son amitié et d'appuyer une requête présentée au Sénat. Annecy, i6 décembre 1602. Monsieur, Vous aymies feu Monsieur l'Evesque mon praedeces- seur ; vous m'aves aussi favorisé il y a long tems de Ihonneur de vostre bienveuillance, et j'ay tous-jours eu beaucoup de désir a vostre service. C'est pourquoi je vous supplie, sur l'occasion de ma promotion et réception a cest evesché, de m'accorder encor vostre faveur en deux demandes que je vous fais fort humblement : Tune, de m'aymer tous-jours et vous asseurer bien fort de mon service que je vous offre ; l'autre, d'avoir aggreable la requeste que je fai présenter a messieurs du Sénat, puis qu'ell'est droitte, juste et sainte, et pour un qui, priant Dieu pour vous, sera toute sa vie, Monsieur, Vostre humble serviteur en Jesuschrist, France De Sales, Evesque de Genève. A Neci, le 16 décembre 1602. (2) A Monsieur Favier, Advocat gênerai a Chambery. Revu sur l'Autographe conservé à Chambery, Bibliothèque publique. ( I ) Pierre Favier du Noyer de Lescheraine, conseiller d'Etat de Son Altesse, avocat général (6 mars 1600), puis président au Sénat de Savoie (12 juin 1610), mourut le 3 avril 1616. (2) L'Autographe ne porte pas d'adresse, mais sur la feuille qui lui sert d'enveloppe on lit d'une écriture très ancienne l'indication suivante : « Lettre du Bienheureux Françoys de Sales, Evesque de Genève, envoiee au S»"" Pierre Favier, lors conseiller destat et advocat gênerai de feu de glorieuse mémoire Charles Emanuel, Duc de Savoye et Prince de Piedmont. » De plus, une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin, porte l'adresse que nous donnons ici.  Année 1602 155 / CLXXI A M. PIERRE DE BÉRULLE (0  Combien il se réjouirait de le voir venir en Savoie. — Le Saint consacré évêque ; retraite préparatoire faite sous la direction du P. Fourier. — La perfection absolue impossible en ce monde. — Divers messages. Annecy, i8 décembre 1602. Monsieur, La vostre que monsieur Santeul m'apporta m'a extrê- mement consolé par le tesmoignage qu'elle me rend de la continuation de vostre bienveuillance en mon endroit, bien que je n'en eusse aucun doute, asseuré de vostre bonté et constance. J'ay veu que vous panches encor a l'opinion que vous me communiquastes de venir quelque tems a la recollection et retraitte en ces quartiers. Dieu vous veiiille dire luy mesme en vostre cœur ce quil en désire ; mais si ce bonheur m'arrivoit, je le mettrois au premier rang de ceux que j'ay eu ci devant, tout auprès de celluy que j'ay receu en vostre connoissance, car aussi en seroit ce l'accroissement et perfection. Les deux condi- tions que vous mettes pour l'exécution de ce dessein ne me semblent revenir qu'a une seule, d'autant que si vous avés la liberté, je ne doute point que Nostre Seigneur ne { I ) Entre les hommes distingués par leur mérite et leurs vertus dont saint François de Sales s'acquit l'estime et Taffection durant son séjour à Paris, l'un des plus remarquables est sans contredit Pierre de Bérulle. Il était né au château de Sérilly en Champagne, le 4 février 1575. Après avoir fait de bril- lantes études au collège de Clermont, puis à la Sorbonne, il reçut l'ordination sacerdotale le 5 juin 1599, et, dans le courant de cette même année, fut nommé aumônier du roi. Prévenu des dons de la grâce, le jeune prêtre songeait déjà en 1602 à la fondation de l'Oratoire, effectuée en 161 1, et à l'introduction des Carmélites en France. Son désir eût été de voir notre Saint établir lui- même la première de ces oeuvres ; du moins, dans l'accomplissement de la seconde fut-il aidé des conseils du Coadjuteur de Genève, qui, jusqu'à sa mort, demeura en relations intimes avec lui. Contraint de se mêler aux affaires d'Etat, M. de Bérulle travailla à la réconciliation de Louis XIII avec Marie de Médicis, eut à s'occuper du mariage d'Henriette de France avec le prince de Galles, et, en 1627, entra dans le Conseil du roi. La même année il reçut la pourpre romaine, et mourut le 2 octobre 1629.  156 Lettres de saint François de Sales vous face connoistre quil se veut servir de vous pour radministration de son saint Evangile. Je suis Evesque consacré des le jour Nostre Dame, 8 de ce mois, qui me fait vous conjurer de m'ayder tous- jours plus chaudement par vos prières, comme de ma part je ne vous oublie pas, sur tout en la recommandation de la Messe. J'ay eu le bien de faire un peu de recollec- tion et exercice en Tassistence du P. Forier, l'un des excellens Jésuites que j'aye rencontré (0, avant mon sacre. Ce que je vous dis par ce que je vous veux rendre conte de mon esprit comme vous me faittes du vostre, disant que vous continués en une grande variété d'oc- cupations et multitude d'imperfections. Il ni a remède : Cf.Joan.,xiir, 10. nous aurons tous-jours besoin du lavement des piedz *, puisque nous cheminons sur la poussière. Nostre bon Dieu nous face la grâce de vivre et mourir en son service. Je vous supplie. Monsieur, de croire entièrement quil ni a homme au monde qui vous soit plus dédié et affec- tionné que je suis et seray toute ma vie, pour demeurer, Monsieur, Vostre très humble et très affectionné serviteur. Francs De Sales, Evesque de Genève. Avec vostre congé, je vous supplie de me ramente- voir aux prières de madamoyselle vostre mère (2) et de ( I ) Le p. Jean Fourier, né à Xaronval dans le diocèse de Toul le 27 décem- bre 1360, était entré dans la Compagnie de Jésus le 13 décembre 1577, et avait prononcé les vœux solennels le 5 mai 1596. Il était docteuren théologie de l'Uni- versité de Pont-à-Mousson, où il enseigna lui-même plus tard la philosophie et la théologie, devint chancelier, puis recteur de cette Université (1396-1599). Le P. Fourier fut supérieur de la mission des Jésuites à Thonon, d'où il passa au collège de Chambéry en qualité de recteur {1600-1606). Saint François de Sales, qui avait eu l'occasion de l'apprécier, se plaça sous sa direction. C'est par les conseils de ce « grand, docte et dévot Religieux » (voir tome III de la présente Edition, p. 8) qu'il publia son Introduction a la. Vie dévote, et quand il mourut le 28 décembre 1622, c'est le P. Fourier, alors provincial de Lyon, qui reçut son dernier soupir. Ce Religieux, qui avait été chancelier de l'Université d'Avignon, puis provincial de Lorraine, termina sa vie à Saint-Mihiel en janvier 1636. C'était un homme de grande vertu, doué d'un talent remarquable pour le gouvernement. (2) Louise Séguier, veuve de Claude de BéruUe, conseiller au Parlement de Paris. Après avoir pourvu à l'éducation de ses quatre enfants, elle entra  Année 1602 157 madame la lieutenante vostre tante (0. Je suis consolé que Emond(2) soit auprès de vostre personne, asseuré quil y rendra le bon et fidelle service que je vous souhaitte. A Neci, le 18 décembre 1602. Mons'' de Berulle. Revu sur TAutographe conservé à la Visitation de Paray-le-Monial.  au Carmel de Paris, où elle prononça ses vœux le 15 août 1606, sous le nom de Sœur Marie des Anges. Elle y décéda saintement le 2 janvier 1628, assistée par le Cardinal son fils. (i) Marie Thudert, veuve de Jean Séguier d'Autry, frère de madame de Bérulle. L'un de ses fils devint chancelier, l'autre évêque de Meaux. L'une de ses filles, la présidente de Gourgues, fonda le Carmel de Bordeaux; une autre devint Carmélite à Pontoise. Madame d'Autry entra elle même au Carmel de Paris, où elle prit le nom de Sœur Marie de Jésus-Christ. Elle y vécut jus- qu'à l'âge de soixante et onze aus. (2) Edmond de Messa, qui avait quitté le service de M'"'^ Acarie pour passer à celui de M. de Bérulle. Il fut plus tard admis dans la Congrégation de l'Oratoire.  ANNEE 1603  CLXXII A M. CLAUDE d'oRLIÉ (0 (inédite) Remerciements pour l'affection qu'il lui porte. — Assurance de dévouement. Annecy; 3 janvier 1603. Monsieur, Je dois beaucoup a la constance de l'amitié quil vous plait me porter, qui me maintient si vivement en vostre souvenance ou je desirerois bien avoir pris place par quelque bon service que je vous eusse fait. Ce sera tous- jours, Monsieur, quand il plaira a Nostre Seigneur de m'en donner les occasions, que je m'y porteray avec beaucoup d'affection et de fidélité. Je vous supplie de le croire et d'en tirer les preuves par les effectz ou vous me jugerés sortable. Cependant, Monsieur, puisque vous me faittes cest honneur de vous res-jouir de ma promotion a cest evesché, faittes moy encor ceste faveur de m'assister de vos advis et prières pour m'en bien acquitter, comme en contre-  (i) Claude d'Orlié ou d'Orlier, seigneur de Châteauneuf, sénateur au souverain Sénat (1598), conseiller de Son Altesse et gentilhomme de sa chambre, avait été juge-maje du Chablais (1586-1598). Son testament est daté du 34 septembre 1603.  Année 1603 159 change je prieray toute ma vie Dieu pour vostre santé, et me diray, Monsieur, Vostre humble serviteur en N. S*", FriANç" De Sales, Ev. de Genève. A Neci, le 3 de Tan 1603. (0 A Monsieur, Monsieur d'Orlié, Conseillier de S. A. et Sénateur au souverain Sénat de Savoye. A Chambery. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) L'adresse n'est pas de la main du Saint.  CLXXIII A MONSEIGNEUR JUVÉNAL ANCINA, ÉVÊQUE DE SALUCES (inédite ) Consécration du Saint ; son entrée dans sa ville épiscopale. — Il réclame les conseils de Me"" Ancina et la continuation de son affection. — Remerciements. — Projet de pèlerinage à Notre-Dame de Mondovi; espérance de le revoir à cette occasion. Annecy, 10 janvier 1603. Molto Illustre et Reverendissimo Signor et Padron mio colendissimo, Essendo ritornato da Parigi in questo mio paese, ri- trovai che 31onsignor R™° mio era ritornato al suo Crea- tore per un felicissimo transito di questa vita a quell'altra migliore : Ejus memoria in benedicttone *. Onde *Eccii., xlv, r.  Mon très Illustre, Révérendissime et très honoré Seigneur, A mon retour de Paris en ce pays, je trouvai Ms"" mon Révéren- dissime Evêque, dont la mémoire est en bénédiction, retourné à son Créateur par un très heureux passage de cette vie à une vie meilleure.  i6o Lettres de saint François de Sales essendo qui giunte le Bulle et il mandatum per la suc- cessione in persona mia, ho ricevuto la santa consecra- tione il giorno délia Concettione di Maria Vergine, Nostra * p<; XXX, i6. Signora, in cujus manibus sortes mece*, et il Sabbatho seguente venni qui al luogho délia residentia. Et di tutto questo desideravo di dar raguaglio a V. S. R™^, suppli- candola che corne il Signor Iddio ci a {sic) uniti nella vocatione (chè ambidui, corne mi vien detto, Y istesso giorno siamo stati prœconisati), cosî si degni V. S. R*"* tenermi, quantumque indegno, strettamente unito seco nel suo cuore ; et per consequenza, che si degni spesso darmi gl'avisi et ricordi che il Spirito Santo glie inspi- rera, ricordandosi che Ella è stata l'instrumento délia mia promotione et che « qui dat esse, débet dare consequentia *Videopusc.W ^ * ,, tentiœ ex Artstof., etc., litt. D (inter Solamcutc qucsti giorni passati seppi che V. S. R™* Physica, 1. VIII. ' m' haveva mandata la Vita del Beato Filippo (0 et che  C'est pourquoi, les Bulles et le mandatum qui m'appellent à lui succé- der étant arrivés, j'ai reçu la consécration épiscopale le jour de la Conception de la Vierge Marie, Notre Dame, entre les mains de la- quelle j'ai remis mon sort, et le samedi suivant je me suis rendu ici, lieu de ma résidence. Je désirais informer Votre Seigneurie Révé- rendissime de toutes ces choses, et la supplier, puisque le Seigneur notre Dieu nous a unis par une même vocation (car, à ce qu'on me dit, nous avons été préconisés le même jour), de daigner aussi, bien que j'en sois indigne, me tenir étroitement uni à Elle dans son cœur. Veuillez, en conséquence, me donner souvent les conseils et les ins- tructions que le Saint-Esprit vous inspirera, vous ressouvenant que vous avez été l'instrument de ma promotion et que celui « qui donne l'être doit donner ce qui s'ensuit. » J'ai appris seulement ces jours passés que Votre Seigneurie Révé- rendissime m'avait envoyé la Vie du Bienheureux Philippe ( i ) et qu'elle ( I ) Vita. Beaii P. Philippi Nerii, Florentini, Congregationis Oratorii Fun- datoris, in annos digesta, auctore Antonio Gallonio, Romane, ejusdem Congre- gationis Preshytero. Romae, apud Aloysium Zannettum, anno Jubila;! mdc. La version italienne parut l'année suivante sous ce titre : Vita del Beato P. Filippo Neri, Fiorentino, Fondatore délia Congregatione delV Oratorio^ scritta e ordinata per anni da Antonio Gallonio, Romano, Sacerdote delta medesinia Congregatione, In Roma, appresso Luigi Zannetti, mdci.  Année 1603 161 si era persa in strada, laquai perdita m*c molto grave et molesta, et per rispetto del donatore et per rispetto deirobietto. Il K^° de Loyse, canonico di questa mia chiesa (0, mi ha detto con quanta carità V. S. 111"'^ 1' ha favorito et pregatome che io la ringratii ; et cosî faccio. V. S." R""" mi faccia favor di raccommandarme a Mon- signor Nuntio moderno l^) con quattro délie sue parole, perché importa assai per moltissime occorrenze che egli mi voglia bene ; il che non si puô fare senon per mezzo délia carità di V. S. R'"". Spero questo anno di far un viaggio in Piemonte per visitare la chiesa délia ^ladonna del iMondovî, et con questa occasione non mancarô di andar dove V. S. R""" si ritrovarà, acciô che, consertis manibus et os ad 05*, * }}J°^^-\^-^' ' rr ; ... III Joan., y. ult. rinoviamo 1 affetto che se bene no si puo mveterare , cresce nientedimeno almanco nelli sentimenti per la pre- senza. Fra tanto bascio humilmente le mani a V. S. R""**, et priegho il Signor Iddio che ci conduca in queste strade difïicili del governo délie chiese, et che Spiritiis ejus  s'était égarée en route ; cette perte m'est bien désagréable et dom- mageable, soit à cause du donateur soit à cause du don. M. d'Eloise, chanoine de cette église (O, m'a dit avec quelle charité Votre Sei- gneurie l'a favorisé ; il m'a prié de l'en remercier, ce que je fais. Que Votre Seigneurie m'accorde la faveur de me recommander en quatre mots à M^'" le Nonce actuel (2), car il importe beaucoup, dans une foule de circonstances, qu'il m'ait en affection ; ce qui ne peut se faire que par l'entremise de votre charité. J'espère cette année faire un voyage en Piémont pour visiter l'église de Notre-Dame de Mondovî ; à cette occasion je ne manquerai pas de me rendre là où se trouvera Votre Révérendissime Seigneurie, afm que, la main dans la main et bouche à bouche, nous renouvelions cette amitié qui ne peut vieillir, mais dont le sentiment toutefois s'accroît par la présence. En attendant je baise humblement les mains de Votre Révérendissime Seigneurie, et je prie Dieu de nous guider dans ces voies dilFiciles du gouvernement des églises, et que son bon (i) Jean d'Eloise, chanoine de Saint-Pierre de Genève et curé de Minzier, qui s'était rendu à Rome pour solliciter quelque bénéfice. (3) M^r Paul Tolosa, évêque de Bovino, Lettres II 11  i62 Lettres de saint François de Sales * Ps. cxLii, lo. bonus deducat nos in terrant rectam *, et massime me che adesso sonno in questa terra montosa et tortuosa, con diversità di provintie et con V ahominatione délia * Matt,, XXIV, 15. -f 7 , . 4- T-w **Ps. III, 9. desolatione'^. Domini sit 5aZw5 (0 tua **. Di V. S. W% Humilissimo et perpetuo servidore in Christo, Franc° De Sales, Vesc° di Geneva. In Annessi, alli 10 di Gennaro 1603. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy.  Esprit nous conduise dans la terre droite, moi surtout qui suis maintenant dans ce pays montueux et tortueux, appartenant à des provinces diverses, et où règne V abomination de la désolation. Que le Seigneur soit votre salut. De Votre Seigneurie Révérendissime, Le très humble et perpétuel serviteur en Jésus-Christ, François de Sales, Evêque de Genève. Annecy, le 10 janvier 1603. (i) Allusion au nom de Saluces, ville épiscopale de Me"" Ancina.  Année 1603 163  CLXXIV A LA SOEUR DE SOULFOUR, NOVICE AU MONASTÈRE DES FILLES-DIEU ( O Caractères auxquels on peut reconnaître les consolations célestes. — Ne pas subtiliser dans le service de Dieu et supporter ses propres imperfections. — La confiance et la simplicité sont particulièrement nécessaires. — Combien le Saint apprécie la nouvelle traduction de VInstitution spirituelle de Louis de Blois. — Messages pour Sœur Anne Séguier. Annecy, 16 janvier 1603. Ma très chère et très aymee Seur et Fille en Jésus Christ, Dieu seul soit vostre repos et consolation . J'ay receu vos deux lettres par monsieur le président Favre un peu plus tard que vous ne pensies et que je n'eusse désiré, mais asses tost pour me donner de la consolation, y voyant quelque tesmoignage de l'amendement de vostre esprit. Dieu en soit loiié éternellement. Pour responce, je vous diray premièrement, que je ne veux pas que vous usies d'aucune parole de cérémonie ni d'excuse en mon endroit, puisque, par la volonté de Dieu , je vous porte toute TafFection que vous sçauries désirer et ne m'en sçaurois empescher. J'ayme vostre esprit fermement parce que je pense que Dieu le veut, et tendrement parce que je le voy encores foible et jeune. Apportés donq toute confiance et liberté a m'escrire, et demandés ce que vous penseres estre propre pour vostre bien. Cela soit dit une fois pour toutes. (i) Diverses preuves, dont Ténumération serait trop longue, se réunissent pour démontrer que cette Novice est la fille de M. de Soulfour, celle que le Saint (voir ci-dessus, p. 117) appelle « nostre espousee. » Toutefois elle ne persévéra pas dans sa vocation; car le Nécrologe du monastère, qui donne l'article mortuaire de sa tante, la Mère Anne de Soulfour, et de sa compagne, la Sœur Anne Séguier, ne fait nulle mention d'elle. Voir de plus les lettres que lui écrit saint François de Sales (pp. i8o, 202) et celle qu'il adresse à M. de Soulfour (p. 197). Peut-être cette Novice rentrée dans le siècle serait-elle Jeanne de Soulfour, qui délivre une quittance le 27 juin 1623 au nom de son père, « noble homme M""^ Nicolas de Soulfour. » (Bibliothèque Nationale, Pièces originales, vol. 2720).  164 Lettres de saint François de Sales Je voy en vostre lettre une contradiction, laquelle vous y aves mise sans y penser ; car vous me dites que vous estes délivrée de vostre inquiétude , et néanmoins je vous voy encor toute inquiétée a la recherche d'une pré- cipitée perfection. A3^és patience, je vous diray tantost que c'est. Vous me demandes si vous deves recevoir et prendre des sentimens ; que sans eux vostre esprit lan- guit, et néanmoins vous ne pouves les recevoir qu'avec soupçon et vous semble que vous les deves rejetter. Une autre fois, si vous m'escrives sur quelque semblable sujet, donnés moy exemple de Taction de laquelle vous me de- mandes l'advis ; comme seroit a dire de quelqu'un de ces sentimens qui vous aura donné le plus de soupçon pour n'estre pas receu, car j'apprendray bien mieux vostre in- tention. Cependant, voicy mon advis sur vostre demande. Les sentimens et douceurs peuvent estre de l'ami ou de l'ennemi, c'est a dire du malin ou du très bon. Or, on peut connoistre d'où ilz viennent par certains signes que je ne sçaurois pas bien dire tous : en voicy seulement quelques uns qui suffiront. Quand nous ne nous arres- tons pas en iceux, mays que nous nous en servons comme de récréation , pour par après faire plus constamment nostre besoigne et l'œuvre que Dieu nous a donné en charge, c'est bon signe ; car Dieu nous en donne quel- quefois pour cest effect. Il condescend a nostre infirmité : il voit nostre goust spirituel affadi, il nous donne un petit de saulce, non affin que nous ne mangions que la saulce, mais afifin qu'elle nous provoque a manger la viande so- lide. C'est donques une bonne marque quand on ne s'ar- reste pas aux sentimens ; car le malin, donnant les sentimens, veut qu'on s'y arreste, et, qu'en ne mangeant que la saulce, nostre estomach spirituel en soit affoibli et gasté petit a petit. Secondement, les bons sentimens ne nous suggèrent point de pensée d'orgueil, ma5^s au contraire, si le ma- lin prend occasion d'iceux de nous en donner, ilz nous fortifient a les rejetter ; si que la partie supérieure de- meure toute humble et sousmise, reconnoissant que Caleb et Josué n'eussent jamais rapporté le raysin de la terre  Année 1603 165 de promission pour amorcer les Israélites a la conqueste d'icelle*,s'ilz n'eussent pensé que leurs courages estoyent •Num., xm, ai-aî foibles et avoyent besoin d'estre piques. Si qu'en lieu de s'estimer quelque chose par le sentiment, la partie supé- rieure juge et reconnoist sa foiblesse, et s'humilie amou- reusement devant son Espoux, qui respand son baitsme et son parfum affin que les jeunes fillettes et tendres âmes comme elle, le reconnoissent, l'ayment et le sui- vent*; la ou le mauvais sentiment nous arrestant, en lieu * Cant.,i, 3. de nous faire penser a nostre foiblesse, nous fait penser qu'il nous est donné pour recompense et guerdon. Le bon sentiment passé ne nous laisse pas affoiblis, mais fortifiés, ni affligés, ains consolés ; le mauvais, au contraire, arrivant nous donne quelque allégresse, et partant, nous laisse pleins d'angoisses. Le bon sentiment, a son despart, nous recommande qu'en son absence nous caressions, servions et suivions la vertu pour l'advan- cement de laquelle il nous avoit esté donné ; le mauvais nous fait croire qu'avec luy la vertu s'en va et que nous ne la sçaurions bien servir. Bref, le bon ne désire point d'estre aymé, mais seulement que l'on ayme Celuy qui le donne, non qu'il ne nous donne sujet de l'aymer, mais ce n'est pas cela qu'il cherche ; la ou le mauvais veut que l'on l'ayme sur tout. Et partant, le bon ne nous em- presse pas a le rechercher ni a le caresser, mais la vertu [qu'il] nous procure; le mauvais nous empresse et inquiète a le rechercher incessamment. Par ces quattre ou cinq marques vous pourres con- noistre d'où viennent vos sentimens ; et, venans de Dieu, il ne faut pas les rejetter, mais reconnoissant que vous estes encores un pauvre petit enfant, prenes le lait des mammelles de vostre Père, qui, par la compassion qu'il vous porte, vous fait encor office de mère. Tes mammel- les, dit l'Espoux a sa Bienaymee*, sont meilleures que le * Ibid., f^. x, =. vin, fragrantes et odoriférantes de très bons unguens et bausmes. Elles sont comparées au vin parce qu'elles res-jouissent, animent et font faire bonne digestion a l'es- tomach spirituel, lequel, sans ces petites consolations, ne pourroit pas quelquefois digérer les travaux qu'il luy faut  i66 Lettres de saint François de Sales recevoir. Receves les donq au nom de Dieu, avec ceste seule condition, que vous soyes preste a ne les recevoir pas, et a ne les aymer pas et les rejetter quand vous connoistres, par Tadvis de vos supérieurs, qu'ilz ne sont pas bons ni a la gloire de Dieu, et que soyés preste de vivre sans cela, quand Dieu vous en jugera digne et ca- pable. Recevés les donq, dis je, ma très chère Seur, vous estimant foible de l'estomach spirituel, puisque le Méde- cin vous donne du vin, nonobstant les fièvres des imper- fections qui sont en vous. Que si saint Pol conseilla du * I Tim., V, 23. vin a son disciple pour la foiblesse corporelle *, je vous en puis conseiller du spirituel pour la spirituelle. Voyla ma responce asses clairement, ce me semble, a laquelle j'adjouste que vous ne faciès jamais de difficulté de recevoir que Dieu vous envoyé a dextre ou a gauche, avec la préparation et résignation que je vous ay dite ; et quand vous séries la plus parfaite du monde, vous ne devries pas refuser ce que Dieu vous donne, a condition d'estre preste a le refuser si tel estoit son playsir. Néan- moins vous deves croire que, quand Dieu vous envoyera ces sentimens, c'est pour vostre imperfection, laquelle il faut combattre, non pas les sentimens qui servent contre elle. Et pour vous, j'ay seulement un scrupule en ce que vous me dites que ces sentimens sont de la créature ; mays je pense que vous aves voulu dire qu'ilz viennent a vous par la créature, et néanmoins de Dieu, car il me semble que, par le reste de vostre lettre, vous m'en donnes des argumens. Mais quand ilz seroyent de la créature, encor ne seroyent ilz pas a rejetter, puisqu'ilz conduisent a Dieu, ou au moins qu'on les y conduit ; il faudroit seulement prendre garde a ne se point laisser surprendre , selon les règles générales de l'usage des créatures. Je vous diray maintenant ce que je vous avois promis. Il me semble que je vous voy empressée avec grande in- quiétude a la queste de la perfection ; car c'est cela qui vous a fait craindre ces petites consolations et ces senti- »,., j„ mens. Or, je vous dis en vérité, comme il est escrit au lï, 12. Livre des Rois * : Dieu it'est ni au vent fort, ni en  Annkr 1603 167 V agitatioUy ni en ces feux, mais en ceste douce et tranquille /?<9/'/^^ d'un vent presque imperceptil)le. Lais- sés vous gouverner a Dieu, ne pensés pas tant a vous mesme. Si vous desires que je vous commande, puisque vostre Mère Maistresse le veut, je le feray volontier, et vous commanderay premièrement, qu'ayant une générale et universelle resolution de servir Dieu en la meilleure façon que vous pourres, vous ne vous amusies pas a exa- miner et esplucher subtilement quelle est la meilleure façon. C'est une impertinence propre a la condition de vostre esprit deslié et pointu, qui veut tyranniser vostre volonté et la contreroller avec supercherie et subtilité. Vous sçaves que Dieu veut en gênerai qu'on le serve, en l'aymant sur tout, et nostre prochain comme nous mesmes * ; en particulier, il veut que vous gardies une *xMatt,, xxn, 37-40. Règle : cela suffit, il le faut faire a la bonne foy, sans finesse et subtilité, le tout a la façon de ce monde, ou la perfection ne réside pas ; a l'humaine et selon le tems, en attendant un jour de le faire a la divine et angelique et selon l'éternité. L'empressement, l'agitation du des- sein n'y sert de rien ; le désir y est bon, mays qu'il soit sans agitation. C'est cest empressement que je vous de- fens expressément, comme la mère imperfection de toutes les imperfections. N'examinés donq pas si soigneusement si vous estes en la perfection ou non. En voyci deux raysons : l'une, que pour néant examinons-nous cela, puisque, quand nous serions les plus parfaitz du monde, nous ne le devons jamais sçavoir ni connoistre, mais nous estimer tous- jours imparfaitz. Nostre examen ne doit jamais tendre a connoistre si nous sommes imparfaitz, car nous n'en devons jamais douter. De la s'ensuit que nous ne devons pas nous estonner de nous voir imparfaitz, puisque nous ne nous devons jamais voir autrement en ceste vie ; ni nous en contrister, car il n'y a remède ; ouy bien nous en humilier, car par la nous reparerons nos defautz, et nous amender doucement ; car c'est l'exercice pour lequel nos imperfections nous sont laissées, n'estans pas excusables de n'en rechercher pas l'amendement, ni inexcusables de  i68 Lettres de saint François de Sales ne le faire pas entièrement, car il n'en prend pas des imperfections comme des péchés. L'autre rayson est que cest examen, quand il est fait avec anxiété et perplexité, n'est qu'une perte de tems ; et ceux qui le font ressemblent aux soldatz qui, pour se préparer a la bataille, feroyent tant de tournois et d'excès entr'eux que, quand ce viendroit a bon escient, ilz se * Cf. Ps. Lxxvii, 9. treuveroyent las et recreuz * ; ou comme les musiciens qui s'enrouëroyent a force de s'essayer pour chanter un motet ; car l'esprit se lasse a cest examen si grand et continuel, et, quand le point de l'exécution arrive, il n'en peut plus. Voyla mon premier commandement. L'autre, en suite du premier : Si vostre œil est simple, * Matt., VI, S2. tout vostre cors le sera, dit le Sauveur*. Simplifiés vostre jugement, ne faites point tant de reflexions ni de répliques, mais allés simplement et avec confiance. Il n'y a pour vous que Dieu et vous en ce monde ; tout le reste ne vous doit point toucher, sinon a mesure que Dieu le vous commande et comme il le vous commande. Je vous prie, ne regardés pas tant ça et la, tenes vostre veuë ramassée en Dieu et en vous. Vous ne verres jamais Dieu sans bonté, ni vous sans misère, et verres sa bonté propice a vostre misère et vostre misère objet de sa bonté et miséricorde. Ne regardés donq rien que cela, j'entens d'une veuë fixe, arrestee et expresse, et tout le reste en passant. Partant, n'espluchés gueres ce que font les au- tres ni ce qu'ilz deviendront, mais regardés les d'un œil simple, bon, doux et affectionné. Ne requerés pas en eux plus de perfection qu'en vous et ne vous estonnes point de la diversité des imperfections, car l'imperfection n'est pas plus imperfection pour estre extravagante et estrange. Faites comme les abeilles, succès le miel de toutes les fleurs et herbes. Mon troysiesme commandement est que vous faciès comme les petitz enfans : pendant qu'ilz sentent leur mère qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour, et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire : ainsy, tandis que vous appercevres que Dieu vous tient  Année 1603 169 par la bonne volonté et resolution qu'il vous a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et choppemens que vous feres ; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité *. Allés joyeusement et a cœur ouvert le plus 'Cant., 1, r. que vous pourres ; et si vous n'allés pas tous-jours joyeu- sement, allés tous-jours courageusement et confidemment. Ne fuyés pas la compaignie des Seurs, encor qu'elle ne soit pas selon vostre goust; fuyés plustost vostre goust, quand il ne sera pas selon la conversation des Seurs. Aymés la sainte vertu de support et de sainte souplesse, car ainsy, dit saint Pol *, vous accompliras la loy de Jésus Christ. * Gaiat,, vi, 2. En fin, Dieu vous a donné un père temporel sur le- quel vous pouves prendre beaucoup de consolation spiri- tuelle ; (ï) retenes ses advis comme de Dieu, car Dieu vous donnera beaucoup de bénédictions par son entremise. Il m'a envoyé sa traduction de V Institution de Blosius (2) : je l'ay fait lire a la table et l'ay goustee incroyablement ; je vous prie, lises la et la savourés, car elle le vaut. Au demeurant, quand il vous viendra des doutes en ceste vie que vous aves entrepris de suivre, je vous advertis de ne vous pas attendre a moy, car je suis trop loin de vous pour vous assister, cela vous feroit trop languir ; il ne manque pas de pères spirituelz pour vous ayder : em- ployés les avec confiance. Ce n'est pour désir que j'aye { I ) Les précédentes éditions donnent ici la phrase suivante qui est évidem- ment une interpolation : « N'aymes point plus vostre esprit que vostre cors. » (2) D'activés recherches pour découvrir la traduction de VInstttution spi- rituelle de Louis de Blois, dont M. de Soulfour paraît être l'auteur, sont restées sans résultat. Il est certain toutefois que ce personnage n'était pas étranger à des travaux de ce genre, ainsi que le prouve la part qu'il prit à la publication des Œuvres spirituelles et dévotes du R. P. F. Loy s de Granate ; la Dédicace de cet ouvrage à Eléonore de Bourbon, abbesse de Fontevrault, est effective- ment signée N. de Soulfour, (Voir tome III de notre Edition, note (i), p. xxxvi). Quant à la version française de V Institution mentionnée ici, peut-être ferait- elle partie de la collection des opuscules de Louis de Blois qui, d'après le P. Possevin dans son Apparatus Sacer, aurait paru à Douai, chez Balthazar Bellère, en 1596. Probablement c'est cette traduction qui serait signalée dans un catalogue publié en 1603 par le même éditeur, sous ce titre : Institution spirituelle cwec lapendice des livres de Taulere et autres exercices, par Loy s du Bloys, en 16 et 24.  lyo Lettres de saint François de Sales de ne recevoir pas de vos lettres, car au contraire elles me donnent de la consolation, et je les désire, voire avec toutes les particularités des mouvemens de vostre esprit (et la longueur de la présente vous tesmoignera asses que je ne me lasse pas de vous escrire) ; mais affin que vous ne perdies pas tems, et, qu'attendant le secours de si loin, vous ne soyes battue et endommagée de l'ennemi. Quant a mes sacrifices, ne doutés que vous n'y ayes part perpétuellement. Tous les jours je vous présente sur l'autel avec le Filz de Dieu; j'espère que Dieu l'aura aggreable. Asseurés de mesme nostre Seur Anne Se- guier (0, ma fille très chère en Jésus Christ, et madame vostre Maistresse, de laquelle j'ay présenté les salutations au bon monsieur Nouvelet, qui en a fait grand feste. Si vous sçavies la grande multiplicité des affaires que j'ay et Tembarrassement ou je suis en ceste charge, vous auries pitié de moy et prieries quelquefois Dieu pour moy, et il l'auroit bien aggreable. Je vous en supplie, et la Seur Anne Seguier, dites * Ps. cxviii, 94. souvent a Dieu, comme le Psalmiste * : Je suis vostre, sauvés moy, et comme la Magdeleine estant a ses piedz : *joan.,xx, 16. Rahhoni'^, Ah, mon Maistre ; et puys, laissés le faire. Il fera de vous, en vous, sans vous, et néanmoins par vous et pour vous, la sanctification de son nom, auquel soit honneur et gloire. Vostre affectionné et humble serviteur en Jésus Christ, Francs De Sales, E. de Genève très indigne. A Neci, le 16 janvier 1603 (i) Cette Religieuse, fille de Jérôme Séguier et d'Anne Viole, était alors âgée de dix-sept ans, et faisait partie depuis deux ans de la Communauté des Filles-Dieu. Voici la notice que lui a consacrée le Nécrologe de ce monastère : « Le premier jour de novembre 1641 trépassa en paix Révérende Mère Seur Anne Seguier, le ^^ jour de sa maladie. Elle estoit aagée de lvi ans, et de sa religion xli. Elle avoit un bon esprit et fort religieux, extrêmement humble et patiente a souffrir en silence, fort retirée, s'occupant et entretenant avec Dieu. Ses discours n'estoient que de choses saintes, recherchant tousjours de plaire a Dieu. » (Archives nationales, LL 1657, fol. 70.)  Année 1603 171 CLXXV A MADAME DE BEAUVILLIERS, ABBESSE DE MONTMARTRE (0 Souhaits pour la prospérité de l'abbaye. — Prudence et charité qu'il faut apporter à l'œuvre de la réforme. — Recourir aux conseils de quelques personnes de piété. Annecy^ [janvier] 1603. Madame, (a) J'ay receu double "consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, car elle me (^) tes- moigne vostre bienveuillance, que je désire i^) beaucoup,  (a) [Un fragment d'une première minute de cette lettre se conserve à la Visitation d'Annecy; il est ici donné in-extenso. Les cinq premières lignes sont écrites de la main d'un secrétaire et corrigées par le Saint.] Ce me fut une fextremej grande consolation de recepvoir la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, pquand je visj y ayant veu que vous me sçavies bon gré de la souvenance que j'avois de vous et du saint monastère que vous aves en charge ; fcar cela me fait croyre que en contrechange vous vous resouvenes de moy en voz prières... J car j'ay creu que si vous me sçavies gré de si peu de chose comm'est la seule souvenance, vous ["me sçauries...J auries beaucoup plus aggreable flhonneur etj l'estime que j'en fay, qui sont (sic) a la vérité fextremesj bien grande fcomme je dois fairej. Et plus encores de ce que je vous puis asseurer selon Dieu que je prie sa bonté pour vous au saint sacrifice de la Messe, et le fay avec une consolation particulière en ri'esperancej la confiance que j'ay de voir en nos jours sur vostre sacré mont un jardin spirituel plein de fleurs dignes du sang dont il fut arrousé. La faveur que le Roy vous fit fie jour de s' ...J dans l'octave de vostre grand Apostre, quittant sa nomination, en est un fbonJ asseuré praesage, dautant plus quil a esté suivi de la réception de ces jeunes plantes dont vous m'escrives (b) [Les variantes qui suivent sont extraites du fragment autographe d'une seconde minute, conservé au i^"" Monastère de la Visitation de Paris.] La lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys m'a doublement obligé a vostre charité, Tpour le tesmoignage qu'elle me donne de vostre bienveuil- lance et pour la consolation que j'ay receu de l'advis que vous m'aves donné.. .J car elle (c) j'estime  (i) Marie, fille de Claude de Beauvilliers, comte de Saint-Aignan, et de Marie Babou delà Bourdaisière, née en 1^74, avait pris à l'âge de douze ans l'habit de saint Benoît à l'abbaye de Beaumont, et à vingt-quatre ans devenait  1^2 Lettres de saint François de Sales et me donne advis des grâces que Dieu fait a vostre monastère, qui me sont des nouvelles les plus chères que je sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extrê- mement ceste mayson par une certaine inclination que Dieu m'en a donné i'^). J'espère qu'en nos jours on verra vostre mont sacré (^) parsemé de fleurs dignes du sang dont il a esté arrousé, (f) et que leur odeur rendra tant de tesmoignage a la bonté de Dieu que ce sera un vray mont de martyres (0. La faveur que le Roy vous fit dans l'octave de vostre grand Apostre, quittant la (g) nomination, en est un bon praesage, mesmement estant accompagné de la bonne volonté (^) de ces vertueux espritz qui concourent (0 avec le vostre au désir d'un'entiere reformation. (J) Je repré- sente souvent a l'autel ce saint dessein a Celuy qui Ta  (d) advis — du bien de vostre monastère, que je fsouhaittej chéris extrê- mement TEt puis que vous desires que j'en remercie nostre...J et duquel je me res-jouis de toute mon ame en Nostre Seigneur Fde la bonté duquel. ..J (e) vostre — sacré mont tout (f) [La suite de la phrase ne se trouve pas dans la minute.] (g) sa (h) mesmement — fayant esté suivi. ,.J estant accompagné de la réception de ces jeunes plantes dont vous m'escrivés et de la volonté de plusieurs autres ( i ) concurrent ( j ) Madame, ne doutes point que je ne représente en la Messe ceste s'* affec- tion a Celuy qui vous Ta donnée, affin quil la fortifie fet TassisteJ de sa grâce fil en a mis en mon coeur un soin particulier. ..J, sans la perpétuelle assistence de laquelle tous nos effortz sont foibles et inutiles. fC'est pourquoy, Madame, vostre dessein, qui est s',., très bon, a besoin.. .J Et pour vray, j'ay un certain soin en mon cœur fdu succès de vostre bienheureux desseinj qui me fait en désirer des nouvelles, y penser bien souvent encores hors de Tautel et si  abbesse de Montmartre, Tous ses efforts tendirent à introduire la réforme dans cet antique monastère. Elle rencontra les plus violentes oppositions, mais l'appui que lui prêta son beau-frère, M. de Frêne, et les encouragements de plusieurs grands serviteurs de Dieu, notamment de saint François de Sales, du Cardinal de Sourdis, du P. Benoît de Canfeld, l'aidèrent à en triompher. Elle eut la joie de voir la régularité refleurir dans cette abbaye, qu'elle gou- verna près de soixante ans, et où elle mourut en grande réputation de vertu le 21 avril 1637. (i) C'était une opinion généralement admise dès le ix^ siècle que saint Denis, apôtre de la France^ avait, avec plusieurs autres, enduré le martyre sut  Année 1603 173 dressé et qui vous a donné TafFection de Tembrasser, affin qu'il vous face la grâce de le parfaire *. Il m'est advis 'Cf.Philip. 1,6,11,13. que j'en voy la porte ouverte. Je vous supplie seulement, Madame (et pardonnes a la simplicité et confiance dont j'use),. que, parce que ceste porte est estroitte * et mal- * Matt., vu, 13, m- aysee a passer, vous prenies la peync et la patience de conduire par icelle toutes vos Seurs l'une après l'autre ; car de les y vouloir faire passer a la foule et en presse, je ne pense pas qu'il se puisse bien faire. Les unes ne vont pas si viste que les autres. Il faut avoir esgard aux vielles : elles ne peuvent s'accommoder si aysement; elles ne sont pas souples, car les nerfz de leurs espritz, comme ceux de leurs cors, ont des-ja fait contraction. Le soin que vous deves apporter a ce saint ouvrage doit estre un soin doux, gracieux, comj^atissant, simple et débonnaire. Vostre aage et, ce me semble, vostre propre complexion le requiert ; car la rigueur n'est pas séante aux jeunes. Et croyés moy, Madame, le soin le plus parfait c'est celuy qui approche du plus près au soin que Dieu a de nous, qui est un soin plein de tranquillité et de quiétude, et qui, en sa plus grande activité, n'a pourtant nulle esmotion et, n'estant qu'un seul, condes- cend néanmoins et se fait tout a toutes choses*. * Cf. I Cor., ix, aa. Sur tout, je vous supplie, prévales vous de l'assistence de quelques personnes spirituelles, desquelles le choix vous sera bien aysé a Paris, la ville estant fort grande ; car je vous diray, avec la liberté d'esprit que je dois employer par tout, mays particulièrement en vostre en- droit : vostre sexe veut estre conduit, et jamais, en aucune entreprise, il ne reuscit que par la sousmission ; non que bien souvent il n'ayt autant de lumière que l'autre, mais parce que Dieu l'a ainsy establi *. J'en dis trop, Madame, * Gen., m, i6. puisque je ne doute point de vostre charité et humilité ; la colline qui aurait pris, en souvenir de leur triomphe, le nom de Mons Mar- tyrum ou Montmartre. Louis le Gros fonda sur cette colline (1133) la royale abbaye que Marie de Beauvilliers travaillait alors à réformer. Celle-ci obtint en octobre 1602 un édit aux termes duquel le roi renonçait à son droit de nomination et stipulait qu'après la mort de la suppliante, l'abbesse serait élue par les Religieuses de trois en trois ans.  174 Lettres de saint François de Sales mais je n'en dis pas asses selon Textreme désir que j'ay a vostre bonheur, auquel seul vous attribueres, s'il vous plait, ceste façon d'escrire, car je n'ay sceu retenir mon esprit de vous présenter naïfvement ce que ceste afFection luy suggère. Au demeurant, Madame, ne doutés point que je ne vous communique et applique beaucoup des sacrifices que Nostre Seigneur me permet de luy présenter. Je vous supplie de les contrechanger de vos prières et plus fer- ventes dévotions. Vous n'en donneres jamais part a per- sonne qui soit de meilleur cœur, ni plus que moy, Madame, Vostre très humble et très affectionné serviteur en Jésus Christ, Franç% E. de Genève.  CLXXVI AU PÈRE GUILLAUME BOULLIETTE, CORDELIER (O (inédit) Billet d'affaires, Annecy, i8 janvier 1603. Monsieur, Je vous remercie de l'advis que vous me donnés tou- chant la resolution de messieurs de Saint Claude et du soin quil vous plait avoir de cet affaire pour la gloire de Dieu et le bien des brebis quil m'a commises. Je m'en (i) Tout ce que nous avons pu découvrir sur le P. Guillaume Bolliette ou Boulliette, Gardien du couvent des Cordeliers de Moirans, est qu'il était docteur en théologie, et qu'en 1607 il s'occupait à faire achever les cloîtres de son monastère. Si l'on en croit l'historien de cette maison, elle aurait été fondée en 1220, et serait le troisième couvent que l'Ordre possédât en France. Du moins lisait-on au-dessus de la porte de l'église : Prima domiis Ordinis Sancti Francisci in Delphinatn.  Année 1603 1715 sens fort obligé et redevable a vostre charité, a laquelle j'offre de très bon cœur mon service en contreschange, et demeure, Monsieur, Vostre confrère et serviteur bien humble, Franç% Evesque de Genève. A Neci, XVIII, 1603. A Monsieur Monsieur le P. Boulliette, Gardien du Couvent S* France de Moyrens. Revu sur l'Autographe conservé au presbytère de Moirans (Isère).  CLXXVII AU CHEVALIER JOSEPH DE RUFFIA (inédite) Réponse à une lettre de félicitation. Annecy, 22 janvier 1603. Monsieur, Je receu nagueres une des lettres quil vous a pieu m'escrire, si pleyne de tesmoignages de vostre bien- veuillance que je n'en pourray jamais tant mériter. Je voudrois que la res-jouissance que vous prenés de ma promotion a ceste charge eiit autant de sujet en ma ca- pacité et suffisance comm'ellen a en l'amitié delaquelle il vous plait m'honnorer ; Dieu, par sa bonté, m'aydera et suppléera a ce qui me manque. Cependant, Monsieur, je vous supplie, croyes que tout tel que je suis, je ne cederay jamais a pas un de ceux qui vous sont acquis en affection et fidélité ; dequoy quand il vous plaira de tirer les preuves en m'employant, je le prendray en sin- gulière faveur, comme j'eusse fait a vous rendre service sur le particulier sujet pour lequel vous m'escrivies que  176 Lettres ds saint François de Sales vostre agent s'addresseroit a moy, ce quil n a pas fait jusques a l'heure. Je demeureray donques attendant les occasions, et priant Dieu quil vous conserve et donne le comble de ses grâces, comme doit celuy qui est Vostre humble et très affectionné serviteur en Jésus Christ, Franc* De Sales, Evesque de Genève. A Neci, le 22 janvier 1603. A Monsieur Monsieur de Rufia, General de l'artillerie pour S. A. Revu sur TAutographe conservé au château de Ruffia, près de Turin.  CLXXVIII A M. ANTOINE DE REVOL, ÉVÈQUE NOMMÉ DE DOL ( (fragment inédit) Annecy, 31 janvier 1603. Je vous envoyeray l'advis que vous desires de moy touchant la préparation requise pour subir le faix qui pend meshuy sur vos espaules. Dieu, pour le service et gloire duquel je vous le désire, vous veuille disposer luy mesme de sa main, affin que vous soyes son bon ser- Matt.,xxv,2i,23. viteiir et fldelle'^ Revu sur le texte inséré dans le I*"" Procès de Canonisation. (i) Antoine de Revol, originaire du Dauphiné, était né à Paris en 1548. Destiné d'abord à la carrière militaire, il l'abandonna ensuite pour entrer dans l'état ecclésiastique, et devint chanoine régulier de Saint-Ruf en Dauphiné, chanoine et chantre de la cathédrale de Dol, et enfin évêque de cette ville. Il fut sacré à Saint-Martin-des-Cliamps, le 6 janvier 1604, et prit possession le 20 fé- vrier suivant. Durant les vingt-cinq années de son épiscopat, Mt^"" de Revol se fit une règle de conduite des avis reçus de saint François de Sales, à qui l'unissait une profonde amitié. Il mourut en son manoir épiscopal des Ormes, le 6 août 1639.  Année 1603 177 CLXXIX A UNE TANTE (0 Condoléances sur la mort de son mari. Annecy, 13 mars 1603. Madame ma Tante, Si je ne sçavois que vostre vertu vous peut donner les consolations et resolutions nécessaires a supporter avec un courage chrestien la perte que vous aves faitte, je m'essayerois a vous en présenter quelques raysons par ceste lettre ; et, s'il estoit requis, je vous les porterois moy mesme. Mais j'estime que vous aves tant de charité et de crainte de Dieu, que, voyant son bon playsir et sainte volonté, vous vous y accommoderes, et adoucirés vostre desplaysir par la considération du mal de ce monde, qui est si misérable que, si ce n'estoit nostre fra- gilité, nous devrions plustost loiier Dieu quand il en oste nos amis que non pas nous en fascher. Aussi bien^ faut il que tous, les uns après les autres, nous en sortions selon Tordre qui est establi ; et les premiers ne s'en treuvent que mieux, quand ilz ont vescu avec soin de leur salut et de leur ame, comme a fait monsieur mon oncle et mon aisné, duquel la conversation a esté si douce et si utile a tous ses amis, que nous, qui avons esté de ses plus familiers et intimes, ne sçaurions nous empescher d'avoir beaucoup de regret de la séparation qui s'en est faitte. Et ce desplaysir ne nous est pas dé- fendu, pourveu que nous le modérions par l'espérance que nous avons de ne demeurer gueres séparés, mays que dans peu de tems nous le suivrons au Ciel, lieu de nostre ( I ) Il n'a pas été possible, malgré d'activés recherches, de découvrir la desti- nataire de cette lettre ; car saint François de Sales n'a perdu dans les premiers mois de l'année 1603 aucun frère ou beau-frère de son père et de sa mère. On sait du reste qu'il prodiguait les titres d'oncle et de tante non seulement à des cousins germains de M. et de M'"^ de Boisy, mais encore à des parents très éloignés. Lettres II 12  1^8 Lettres de saint François de Sales repos, Dieu nous en faysant la grâce. Ce sera la ou nous accomplirons et parfairons sans fin les bonnes et chres- tiennes amitiés que nous n'avons fait que commencer en ce monde. C'est la principale pensée que nos amis décè- des requièrent de nous, en laquelle je vous supplie de vous entretenir, laissant les desmesurees tristesses pour les espritz qui n'ont point de telles espérances. Cependant, Madame ma Tante, j'ay tant d'affection a la mémoire de nostre deffunct et a vostre service, que vous accroistres infiniment l'obligation que j'y ay si vous me faites l'honneur de me commander avec toute liberté et de m'employer en grand'asseurance. Faites le, je vous supplie de tout mon cœur, et je prie Nostre Seigneur qu'il accroisse en vous ses saintes consolations et vous comble des grâces que vous souhaitte, Madame ma Tante, Vostre très humble neveu et très affectionné serviteur. Franc», E. de Genève. De Neci, ce 13 mars 1603.  CLXXX A M. CHARLES d'aLBIGNy(0 Prochain départ pour le Piémont. — Désir d'obtenir une lettre de recomman- dation auprès du duc. — Il implore sa protection pour un curé fait prisonnier par les Genevois. Annecy,, 29 mars 1603. Monsieur, Je m'attendois, sur l'espérance que vous m'en avies donnée, d'avoir l'honneur de vous voir en cette ville (i) Charles de Simiane de Gordes, seigneur d'Albigny, Bully, Montro- man, etc., était issu d'une illustre famille de la Provence. Après s'être distingué dans le parti de la Ligue durant les guerres de religion, il passa au service du duc Charles-Emmanuel P"", qui le nomma chevalier de l'Annonciade, gouverneur de Savoie, le créa marquis de Maret, Roat, et lui fit épouser (26 février 1607) sa sœur légitimée, donna Mathilde de Savoie. Mais la haute faveur dont  Année 1603 179 quelques jours de cette Semaine Sainte. C'est pourquoi je ne me suis point résolu d'en partir pour vous aller saluer et demander vos commandemens avant mon des- part pour Piémont (O ; ce que j'eusse fait, sans doute, si je ne me fusse promis le premier bonheur. Maintenant, pour rendre a point nommé obéissance aux intentions de Son Altesse, je me resouz de partir lundi prochain ; encor ne sçai-je si sera asses tost pour treuver Leurs Altesses en Piémont (2). Je vous supplie, Monsieur, de me conserver tous-jours Ihonneur de vostre bienveuillance, et de me favoriser d'une recommandation qui me face bien tost despecher ; car outre ce, qu'ayant fait la fidé- lité que je dois je seray fort inutile de delà, je laisse un grand amas d'affaires spirituelles de deçà qui, de leur nature, requièrent la présence de TEvesque. Je me pro- metz aysement cette faveur de vostre bonté, en laquelle seule je puis prendre la confiance que je prens de la vous demander si franchement. Outre cela. Monsieur, je vous fay encor une supplication pour un pauvre curé de Ternier, qui s'appelle Burgiat, curé de Beaumont, qui a esté fait prisonnier de guerre par ceux de Genève (3), affin que si il se fait quelque traitté dans lequel il puisse rencontrer sa délivrance par jouissait alors d'Albigay ne fut pas de longue durée : convaincu d'avoir entretenu de secrètes intelligences avec l'Espagne, il eut la tête tranchée à Moncalieri le 17 janvier 1608. Ses serviteurs furent mis en prison et sa veuve, enfermée dans un monastère. (i) Le but de ce voyage était de prêter serment de fidélité au duc et au prince de Piémont et de leur faire hommage pour la seigneurie de Thy en Sallaz, qui appartenait aux Evêques de Genève dès l'année 1185. C'était la seule des terres de l'évêché dont les Genevois ne se fussent pas emparés. La prestation de serment eut lieu à Mondovi, le i^"" mai 1603. (2) Le duc de Savoie envoyait en Espagne ses fils, Philippe, prince de Piémont, Victor-Amédée et Philibert, dans l'espoir que l'un d'eux hériterait du trône de leur oncle, Philippe III, qui alors n'avait pas d'enfant mâle. Cet ambitieux espoir devait être déçu : l'aîné des trois mourut à Madrid en fé- vrier 1605, et le 8 avril suivant, un fils naissait au roi d'Espagne. (3) François Burgiat ou Duborjal, ordonné prêtre le 25 décembre 1584, avait été institué curé de Beaumont le 24 août 1591; il desservait encore cette paroisse en 1632. C'est vraisemblablement de cet ecclésiastique qu'il est question dans \& Journal d'Esaïe Colladon, à la date du 6 (vieux style) soit 16 mars 1603 : « ... au soir sortirent quelque 7 ou 8 des nôtres... Ils amenèrent le matin 3 ou 4 prisonniers, dont l'un etoit prêtre. »  i8o Lettres de saint François de Sales quelque eschange ou autrement, il vous plaise, Monsieur, luy faire cette charité; et je puis vous asseurer qu'elle sera fleurie devant nostre bon Dieu, puisque il a esté pris sans sa coulpe et quil rendoit fort bien son devoir. Ce pendant, je prie tous-jours sa divine Majesté quil accroisse de jour en jours ses grâces et bénédictions sur vous, de qui je seray toute ma vie. Monsieur, Plus humble et plus affectionné serviteur. Franc-, Evesque de Goneve. A Neci, le Samedi S' 1603. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Lieutenant gênerai de S. A. deçà les montz, Chevallier de son Ordre, etc. Revu sur TAutographe conservé à Sienne, Archives de l'Etat.  CLXXXI A MADEMOISELLE DE SOULFOUR (O Ne pas chercher au loin des directeurs à consulter. — La trop grande mul- tiplicité de désirs est contraire à la perfection ; il faut exécuter ceux qui sont le plus à notre portée et restreindre les autres. — Promesse de prières. — Souvenir conservé à Sœur Anne Séguier. Annecy, [avril-mai] 1603. Madamoyselle ma très chère Fille en Jésus Christ, J'ay receu vostre lettre en laquelle vous vous essayes de me descouvrir Testât de vostre esprit. Je ne puis nier que je ne sois beaucoup consolé de voir la confiance que vous aves en mon affection en vostre endroit, laquelle aussi est autant grande et constante que vous la sçauries désirer. Dieu donq soit loiié en tout et par tout. Mays je m'en vay vous dire deux ou trois petitz motz sur le sujet de vostre lettre. (i) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 163.  Année 1603 181 Premièrement, croyés fermement, je vous supplie, que Topinion que vous aves de ne devoir recevoir allégement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous mettre des objetz esloignés en considération, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens. C'est une maladie d'esprit a ceux qui sont malades au cors de désirer les médecins esloignés et les préférer a ceux qui sont presens. Il ne faut désirer les choses impossibles, ni bastir sur les difficiles et incer- taines. Il ne suffit pas de croire que Dieu nous peut se- courir par toutes sortes d'instrumens ; mais il faut croire qu'il ne veut pas y employer ceux qu'il esloigne de nous, et qu'il veut employer ceux qui sont près de nous. Pen- dant que j'estois la je n'eusse pas rejette ceste persuasion ; mais maintenant elle est du tout hors de sayson. Apres cela il m^ semble que vous aves rencontré le vray sujet de vostre mal, quand vous me dites qu'il vous est advis que c'est une multitude de désirs qui ne pour- ront jamais estre accomplis. C'est sans doute une tenta- tion pareille a la précédente ; ains celle ci est la pièce entière de laquelle l'autre n'est qu'un eschantillon. La variété des viandes, si elles sont en grande quantité, charge tous-jours l'estomach ; mais s'il est foible, elle le ruine. Quand l'ame a quitté les concupiscences et qu'elle s'est purgée des affections mauvaises et mondaines, ren- contrant les objetz spirituelz et saintz, comme toute affamée elle se remplit de tant de désirs et avec tant d'avidité qu'elle en est accablée. Demandés les remèdes a Nostre Seigneur et aux pères spirituelz que vous aves auprès de vous ; car iceux, touchant vostre mal avec la main, connoistront bien quelz remèdes il y faut appli- quer. Néanmoins je vous diray nuement ce qui m'en semble. C'est que si vous ne commences a mettre en exécution quelques uns de ces désirs, ilz se multiplieront tous- jours et s'embarrasseront avec vostre esprit en sorte que vous ne sçaures comme vous en demesler. Il faut donq venir aux effectz. Mays par quel ordre ? Il faut commen- cer par les effectz palpables e.t extérieurs, qui sont le  i82 Lettres de saint François de Sales plus en nostre pouvoir : par exemple, il n'est pas [requis] que vous n'ayes désir de servir aux malades pour Tamour de Nostre Seigneur, de faire quelques vilz et abjectz services en la mayson par humilité ; car ce sont désirs fondamentaux, et sans lesquelz tous les autres sont et doivent estre suspectz et mesprisés. Or, exercés vous fort a la production des effectz de ces désirs la, car l'occasion ni le sujet ne vous en manqueront pas. Cela est entiè- rement en vostre pouvoir, et partant vous deves les exécuter ; car en vain feres vous dessein d'exécuter les choses dont le sujet n'est pas en vostre puissance ou est bien esloigné, si vous n'exécutes celles que vous aves a vostre commandement. Partant, exécutés fidellement les désirs bas et grossiers de la charité, humilité et autres vertuz, et vous verres que vous vous en treuveres bien. Il faut que Magdeleine lave premièrement les piedz de Lucae, vu, 37, 38. Nostre Seigneur, les bayse, les torche *, avant que de Ibid., X, 39. l'entretenir cœur a cœur au secret de la méditation *, et qu'elle respande l'unguent sur son cors avant que de verser le bausme de ses contemplations sur sa Divinité. Il est bon de désirer beaucoup ; mais il faut mettre ordre aux désirs, et les faire sortir en efifect, chacun selon sa sayson et vostre pouvoir. On empesche les vignes et les arbres de porter des feuilles affin que leur humidité et suc soit par après suffisant pour rendre du fruict, et que toute leur force naturelle ne s'en aille en la pro- duction trop abondante des feuilles. Il est bon d'empes- cher cette multiplication de désirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre exécution est plus utile que les grans désirs des choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu désirant plus de nous la fidélité aux petites choses qu'il met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dépendent pas de nous. Nostre Seigneur compare l'ame désireuse de la perfec- Joan., XVI, 21,22. tion a la femme grosse qui enfante* ; mais a la vérité, si la femme enceinte vouloit produire deux ou plusieurs enfans a la fois, et tous deux ensemble, elle ne le sçauroit faire sans mourir; il faut qu'ilz sortent l'un après l'autre.  Année 1603 183 Faites sortir les enfans de vostre ame, c'est a dire les désirs du service de Dieu, les uns après les autres, et vous sentires un grand allégement. Mais en fin, si vous ne treuves point de repos en ces remèdes, ayés patience ; attendes que le soleil soit levé, il dissipera ces broûillars. Ayés bon courage : Cette maladie ne sera pas a la mort, mais affin que Dieu soit glorifié par icelle *. Faittes comme ceux qui sen- * Joan., xi, 4. tent les ennuis et desvoyemens d'estomach sur la mer ; car après qu'ilz ont roulé et leur esprit et leur cors par tout le navire pour treuver allégement, ilz viennent en fin embrasser Tarbre et le mat d'iceluy, et le serrent estroittement pour s'asseurer contre le tournoyement de teste qu'ilz souffrent. Il est vray que l'allégement leur est court et incertain ; mays si vous venes avec humilité embrasser le pied de la Croix, si vous n'y treuves autre remède, au moins y treuveres-vous la patience plus douce qu'ailleurs, et le trouble plus aggreable. Je vous ay voulu dire quelque chose, plus pour vous tesmoigner le désir que j'ay de vostre bien que pour penser que je sois capable de vous y servir. Ne doutés point, au reste, que je ne vous recommande a ce Père de lumière * ; je le fay avec une très grande volonté et in- * Ja^obi, i, 17. clination, croyant, pour ma consolation, que vous me rendrés fidellement le réciproque, dont j'ay a la vérité bon besoin, pour estre embarqué en l'endroit le plus tem- pestueux et tourmenté de toute cette mer de l'Eglise. Je n'oublie point non plus la bonne Seur Anne Seguier, que je chéris tendrement en Jésus Christ. Dieu veuille estre son protecteur en sa sortie (O. Je la vous recommande quand elle sera chez son père (2), car elle ne sera pas (i) Ou ce projet de sortie ne s'effectua pas, ou le séjour de la Religieuse hors du monastère ne fut que de courte durée, puisqu'il n'est pas mentionné dans sa notice. (Voir ci-dessus, note ( i ), p. 170,) Le nom de Sœur Anne Séguier,qui figure dans les premières éditions, est sup- primé à partir de celle de 1637 inclusivement. L'intéressée, qui survécut encore neuf ans, ou quelqu'un des siens aura probablement réclamé cette suppression. (2) Jérôme Séguier, successivement conseiller au Grand Conseil, maître des requêtes et président au Grand Conseil. Il avait épousé Anne Viole le 4 no- vembre 1584.  184 Lettres de saint François de Sales dehors. Elle ne treuvera pas, peut estre, un autre monas- tère chez son père comme vous aves treuvé chez le vostre ; néanmoins j'espère que Dieu la fera cheminer devant * Gen., XVII, i. luy et estre parfaitte *, car j'ay confiance en la miséri- corde de Dieu qu'elle en fera quelque chose de mieux. Je finis, vous priant de continuer en la resolution que vous faittes au milieu de vostre lettre quand vous dites : Je proteste devant Dieu et devant vous que je ne veux que luy et ne veux servir qu'a luy. Amen. « Cela est *In Praefat. Missae. digne est juste *, » puisqu'aussi luy ne veut de vous que vous mesme. Je suis inviolablement et de très bon cœur, Madamoyselle ma très chère Fille en Jésus Christ, Vostre très affectionné serviteur en ce mesme Seigneur, France E. de Genève.  CLXXXII A LA. DUCHESSE DE NEMOURS, ANNE d'eSTE ( (minute ) But du voyage à Turin, dont le Saint est revenu depuis trois jours. — Le duc de Savoie parti pour Nice. — Les ecclésiastiques persécutés par les Genevois. Annecy, vers le 18 mai 1603. Madame, (a) Ce m'est un extrem'honneur d'estre si avant en vostre souvenance que non seulement (^) vous ayes daigné  (a) rQuand j'ay veuj La lettre quil vous pleut fm'escrire le...j m'eavoyer du 16 avril, fje n'ay sceu si je devois plus admirer... J me feroit rougir de honte d'avoir attendu fia faveurj Ihonneur de la semonce que vous me faittes de vous escrire, Tsi j'eusse esté... si mon absencej La lettre quil vous a pieu m'envoyer du 16 avril, avec la semonce que vous me faittes de vous escrire (b) non seulement — RI vous aye pleu...J  (i) Anne d'Esté, fille aînée d'Hercule II, duc de Ferrare, et de Renée de France, fille de Louis XII, avait épousé en premières noces (1548) François  Année 1603 185 m'escrire le 16 avril, mais aussi il vous aye pieu de i^) tesmoigner que vous auries aggreable de recevoir de mes lettres. Mais la favorable plainte que vous me faites a moymesme de n'en point recevoir me couvriroit de honte si j'eusse autant eu de commodité de vous en envoyer comme j'en ay eu de désir ; car, en Tasseurance de vostre bonté, Madame ('^), je n'eusse pas failly de vous faire plus souvent la révérence par lettres, si je n'eusse esté em- pesché par le voyage et séjour que j'ay esté contraint de faire en Piémont, pour obtenir la mainlevée des revenuz de mon evesché que Son Altesse m'avoit fait saysir un peu après que je fus fait Evesque. D'où je ne suis de retour que des trois jours en ça, ayant esté despeché seulement au dernier jour que Son Altesse fut en Piémont, après le- quel il partit pour aller a Nice conduire Messeigneurs les Princes (e) sur la mer pour le voyage d'Espagne, lequel, autre chose ne survenant, je tiens des ormais pour fait : et ce sont toutes les nouvelles de Piémont. Et quant a celles de ce pais, elles sont (f) si désagréa- bles que je ne pense pas vous en devoir entretenir, puis qu'elles ne consistent qu'en volleries et pilleries que font ceux de Genève sur nous, et particulièrement sur les gens d'Eglise qui seulz ne sont receuz a aucune contribution  (c) de — fme semondre a vous demander... commander... désirer de me« lettres plus souvent. J (d) car, — appuyé sur vostre bonté, Madame, et fsur la bienveuillance quilvous... de vostre gracc.J (e) les Prittces — rjusquesa... pour prendre mer...J (f) elles sont — ftelles... si fascheuses que... extrêmement. ..J  de Lorraine, duc de Guise, et en secondes noces (1566), Jacques de Savoie, duc de Nemours. On sait quel rôle prépondérant les princes de Guise ses fils jouèrent durant les guerres de religion, et comment furent massacrés à Amboise le duc et le Cardinal (1588). Leurs frères utérins avaient été entraînés par eux dans le parti de la Ligue. Charles-Emmanuel de Savoie-Nemours, fait prisonnier à Blois avec sa mère, put s'évader comme elle ; après l'assas- sinat du roi il devint gouverneur de Paris, soutenu qu'il était par l'ardeur fanatique de la duchesse. Celle-ci, dès que la paix fut rendue à l'Etat, put se livrer de nouveau à son goût pour les lettres et les arts. Elle mourut à Paris le 17 mai 1607, et fut, le 6 juin suivant, inhumée dans l'église de Notre-Dame d'Annecy, où saint François de Sales prononça son oraison funèbre.  i86 Lettres de saint François de Sales rii composition, dont s'en est ensuivi l'abandonnement d'une grande quantité d'églises (0. Nostre Seigneur y veuille mettre sa bonne main pour nous donner sa sainte paix. (g) Ce pendant je remercie très humblement Vostre Excel- lence du soin qu'ell'a eu de mon frère (2) et la (i^) supplie de me continuer Ihonneur de cette bienveuillance quil luy plait me porter, bien que j'en sois indigne. Et je prieray tous-jours Dieu quil luy playse de vous donner, (sic) me croyant tous-jours iidelle et (0 affectionné au service de Vostre Excellence et de Monseigneur son filz .... Revu sur T Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  (g) m me reste de saluer... remercier.. .J (h) mon frère — fC'est l'un des effectz de vostre grande charité et bonté de cœur ;J et la fsupplier, comme je fay en toute humilité. ..J ( i ) tous-jours — fautantj fidelle et fpassionnéj  (i) Voir ci-après, p. 197, la lettre à M. de Soulfour. (2) Ce frère pourrait être Bernard de Sales, qui séjourna quelque temps à Paris, ainsi que l'indique notre Saint dans une lettre du 7 mars 1608.  CLXXXIII A M. FRANÇOIS DE MENTHON DE LORNAY DOYEN DE NOTRE-DAME d'aNNECY ( ^ ) Ordonnance relative au choix des dignitaires qui doivent assister l'Evêque aux offices de la Fête-Dieu. Annecy, 27 mai 1603. Monsieur le Doyen, Je veux absolument et sans réplique que vos chantres, le sousdiacre que vous me donneres et l'encenseur  ( I ) François de Menthon de Lornay, destiné dès l'enfance à l'état ecclésias- tique, avait été condisciple du Saint à Paris et à Padoue. Alors déjà le jeune étudiant se qualifiait « chanoine et sacristain de Nostre Dame de Liesse. » (R. E.) Il devint doyen de ce Chapitre le 14 décembre 1395, et mourut en juillet 1614.  Année 1603 187 soyent des chanoynes, nonobstant toutes vos coustumes, puisque ceux de mon église sont de cette qualité la. Je le commande a vostre Chapitre et a vous, en vertu de la sainte obédience et sub pœna excommunicationis latœ sententiœ. En foy dequoy j'ay signé la présente. Franc" Dr Sales, Evesque de Genève. A Neci, 27 may 1603. A Monsieur le Doyen de Nostre Dame. Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy.  CLXXXIV A M. ANTOINE DE REVOL, ÉVÊQUE NOMMÉ DE DOL Envoi d'une pièce sollicitée pour lui à Rome. — Obligation pour un évêque de transformer sa vie. — Il lui serait utile de se lier avec quelques grands serviteurs de Dieu; éloge de plusieurs d'entre eux. — Lirres à consulter surtout pendant cette première année, — Avoir une grande dévotion aux saints Anges. — L'Evêque est tenu de prêcher son peuple. Annecy, 3 juin 1603. Monsieur, J'ay receu deux de vos lettres, ausquelles je n'ay pas encor fait response parce que, quand elles arrivèrent icy, je n'y estois pas, mais en Piémont, ou j'ay esté contraint de faire un voyage pour les biens temporelz de cet eves- ché. Maintenant, Monsieur, je vous envoya la provision de Rome que vous desiries, laquelle j'ay ouverte pour sçavoir si tout ce dont vous avies besoin y estoit ; et je voy que tout y est, et quelque chose davantage, dont vous n'aves que faire, ne prejudiciant en rien a la pro- vision pour le reste qui vous est requis. Voyla donques ma promesse accomplie pour ce particulier. Que s'il vous reste quelque difficulté, prenés en la mesme confiance  i88 Lettres de saint François de Sales avec moy ; je vous asseure, Monsieur, que jamais je ne me lasseray de rendre du service a vostre consolation et a vostre esprit, lequel j'espère que Dieu addressera pour le service de plusieurs autres. L'autre partie de ma promesse m'est plus malaysee a mettre en effect pour les infinies occupations qui m'ac- cablent ; car je pense estre a la plus fascheuse charge qu'aucun autre de cette qualité. Néanmoins, voyci un abbregé de ce que j'ay a vous proposer. Vous entrés en Testât ecclésiastique et, tout ensemble, en la cime de cet estât. Je vous diray ce qui fut dit a un berger choisi pour estre Roy sur Israël : Mutaberis in I Reg., X, 6. vintfn alteruin *; il faut que vous soyes tout au-tre en vostre intérieur et en vostre extérieur. Et pour faire cette grande et solemnelle mutation, il faut renverser vostre esprit et le remuer par tout ; et pleust a Dieu que nos charges, plus tempestueuses que la mer, eussent aussi la propriété de la mer, de faire jetter et vomir toutes les mauvaises humeurs a ceux qui s'y embarquent. Mais il n'en est pas ainsy ; car bien souvent nous nous embar- quons et mettons la voile au vent estans très cacochymes, et plus nous voguons et avançons en la haute mer, plus nous acquérons de mauvaises humeurs. Helas, Dieu soit loiié, qui vous a donné le désir de n'en faire pas de mesme ; j'espère qu'il vous en donnera encor le pouvoir Philip., 1,6, II, 13. affin que son œuvre soit parfaitte en vous *. Pour vous ayder a ce changement il faut que vous employés les vivans et les mortz : les vivans, car il vous faut treuver un ou deux hommes bien spirituelz, de la conversation desquelz vous puissies vous prévaloir. C'est un extrême soulagement que d'avoir des confidens pour l'esprit. Je laisse a part M. du Val (0, qui est bon a tout (i) André Duval ou du Val, né à Pontoise le 15 janvier 1564, avait aban- donné l'étude du droit pour se livrer à celle de la théologie. Il reçut le bonnet de docteur le 13 mars 1594, des mains du Cardinal de Plaisance, Légat en France, devint prieur de Sorbonne, et remplit pendant quarante-deux ans la chaire de théologie fondée par Henri IV à la prière de M. de Sancy. L'ensei- gnement ne l'empêcha pas de donner plus de dix-huit stations quadragési- males, d'évangéliser les pauvres, et de s'occuper, de concert avec MM. de Bérulle et Gallemand, de l'introduction et du gouvernement de l'Ordre du  Annér 1603 189 et universellement propre pour semblables offices. Je vous en nomme un autre, M. Galemand, curé d'Aumale ; si par fortune il estoit a Paris, je sçay qu'il vous ayde- roit beaucoup. Je vous en nomme un troisiesme, homme a qui Dieu a beaucoup donné et qu'il est impossible d'approcher sans beaucoup proffiter, c'est M. de BeruUe ; il est tout tel que je sçaurois désirer d'estre moy mesme. Je n'ay gueres veu d'esprit qui me revienne comme celuy la, ains je n'en ay point veu ni rencontré ; mais il y a ce mal, c'est qu'il est extrêmement occupé. Il faut s'en prévaloir avec autant de confiance que de nul autre, mais avec quelque respect a ses affaires. J'ay un très grand amy, que M. Raubon connoist : c'est M. de Soulfour ; il peut beaucoup en ces occasions. Je desirerois que vous le conneussies, estimant que vous en auries beaucoup de consolation. Quant aux mortz, il faut que vous ayes une petite bibliothèque de livres spirituelz de deux sortes : les uns pour vous entant que vous seres ecclésiastique, les autres pour vous entant que vous seres Evesque. De la première sorte vous en deves avoir avant que d'entrer en charge , et les lire et mettre en usage ; car il faut commencer par la vie monastique avant que de venir a l'œconomique et politique. Ayés, je vous prie, Grenade tout entier (0, et que ce soit vostre second bréviaire ; le Cardinal Borromee i^) n'avoit point d'autre théologie pour prescher que celle la, et néanmoins il preschoit très bien. Mays ce n'est pas la son principal usage : c'est qu'il dressera vostre esprit a l'amour de la vraye dévo- tion et a tous les exercices spirituelz qui vous sont néces- saires. Mon opinion seroit que vous commençassies a le  Carmel en France. Saint Vincent de Paul, qui l'avait choisi pour confesseur, disait que la Congrégation de la Mission devait « une bonne partie de son origine et de son institution au vénérable André, » et il ajoutait : « Tout est saint dans M. Duval. » Quand le célèbre docteur mourut, le 9 septembre 1638, il était senior et doyen de la Faculté, On lui doit plusieurs traités de théologie, entre autres De suprema Romani Ponfiftcis in Ecclesiam potesiate, et une Vie de la Bienheureuse Marie de Tlncarnation. (i) Voir notre tome III, note (i), p. xxxvi. (2) Il s'agit de saint Charles Borromee, canonisé en 1610.  190 Lettres de saint François de Sales lire par la grande Guide des Pécheurs (0, puis que vous passassies au Mémorial (=*), et en fin que vous le leussies tout. Mais pour le lire fructueusement il ne le faut pas gourmander, ains le faut peser et priser, et chapitre après chapitre le ruminer et appliquer a l'ame avec beaucoup de considération et de prières a Dieu. Il faut le lire avec révérence et dévotion, comme un livre qui contient les plus utiles inspirations que l'ame peut recevoir d'en haut ; et par la, reformer toutes les puissances de Tame, les purgeant par detestation de toutes leurs mauvaises inclinations, et les addressant a leur vraye fin par des fermes et grandes resolutions. Apres Grenade, je vous conseille fort les Œuvres de Stella, notamment De la vanité du monde (3), et toutes les Œuvres de François Arias, Jésuite (4). Les Confes- sions de saint Augustin vous seront extrêmement utiles, et, si vous m'en croyes, vous les prendres en françois de la traduction de Monsieur Hennequin, Evesque de Rennes (5). Bellintani, Capucin (6), est encores propre pour y voir distinctement plusieurs belles considérations sur tous les mystères de nostre foy, et les Œuvres de Costerus, Jésuite (7). Mais après tous, il me souvient de [1) La Guide des Pécheurs, ou est enseigné tout ce que le Chrestien doibt faire depuis le commencement de sa conversion jusques la fin de sa perfection. Translatée £Espaignol en François par Paul du Mont, Douysien. A Douay, Jean Bogard, 1577. (2) Mémorial de la Vie Chrestienne, traduit en François du commandement du Cardinal de Lorraine par N. Colin. A Douay, chez Jean Bogard, 1576. ( 3 ) // dispreggio délia vanità del Mondo, del R. P. F. Diego di Stella, deir Ordine di San Francesco asservante, nuovamente tradotto dalla Spagnuola nella lingiia Italiana da Gieremia Foresti. Venezia, Angelieri, 1375. ( 4) Les principaux ouvrages du P. Arias (i 533-1605) qui avaient été publiés en français ou en italien à cette époque sont : llprofitto spirituale. Venezia, 1595. — Traicté de V Imitation de N. D. Paris et Pont à Mousson, 1 595, 1596.— Traicté de l'Oraison mentale ou Méditations des mystères de la Vie et Passion de N. S. Lyon, 1598; Douai, 1599. — rUsance de la Confession et S. Communion. Anvers, 1601. (5) Confessions de S. Augustin. Paris, 1577. (6) Prattica delV Oratione mentale di Matthia Bellintani da Sala. Venezia, Dusinelli, mdxcii. (7) Coster François, Jésuite flamand (1531-1619). — Enchiridion Confro- versiarum prœcipuarum nostri temporis, in gratiam Sodalitatis B. M. V. Colonias, 1585, 1587. — Piarum ac Christianarum Institutionum lihri très, in usum Sodalitatis B. M. V. Colonise, 1581. — De universa historia Dominicce Passionis meditationes ^o. Antwerpiae, 1588.  At^née 1603 191 vous recommander les Epis très spirituelles de Jan Avila (O, esquelles je suis asseuré que vous verres plu- sieurs belles considérations et leçons pour vous et pour les autres; et, tout d'un train, je vous recommande les Epistres de saint Hierosme, en son excellent latin. Entant qu'Evesque, pour vous ayder a la conduitte de vos affaires, ayés le livre des Cas de conscience, du Cardinal Tolet (2), et le voyés fort : il est court, aysé et asseuré, il vous suffira pour le commencement. Lises les Morales de saint Grégoire et son Pastoral ; saint Bernard en ses Epistres et es livres de la Considération. Que s'il vous plait d'avoir un abbregé de l'un et de Tautre, ayés le livre intitulé Stimulus Pastorum, de l'Arche- vesque Braccarense, en latin, imprimé chez Keruer(3). Le Décréta Ecclesice Mediolanensis vous est nécessaire, mays je ne sçai s'il est imprimé a Paris. Item, je désire que vous ayes la Vie du bienheureux Cardinal Borro- mee, escritte au long par Charles a Basilica Petrii^ ) en latin, car vous y verres le modelle d'un vray pasteur ; mais sur tout ayés tous-jours es mains le Concile de Trente et son Catéchisme. Je ne pense pas que cela ne vous suffise pour la première année, pour laquelle seule je parle ; car pour le reste, vous seres mieux conduit que cela, et par cela mesme que vous aures avancé en la première année, si vous vous enfermes dans la simplicité que je vous propose. Mais excusés moy, je vous supplie, si je traitte avec cette ( I ) Epistres spirituelles de R. P. Jean de Avila, célèbre Prédicateur d'Espa- gne, utiles et convenables a toutes personnes qui veulent vivre chrestiennement, mises d'Espagnol en François par Luc de La Porte, Parisien. A la Royne. A Paris, chez Robert le Fizelier, mdlxxxvi. — Epistres spirituelles du R. P. J. de Avile... Fidèlement traduictes et mises en meilleur ordre qu'elles ne sont en V exemplaire espagnol, rédigées comme Jin lieu commun... par Gabriel Chappuis, Tourangeau, annaliste et translateur du Roy. Douay, Balthazar Bellere, 1598. (2) Instructio sacerdotum ac de septem peccatis mortalibus (aliter Summa casuum conscientice). Romae, 1601. (3) Stimulus Pastorum , ex sententiis Patrum concinnatorum per R. D. D. Bartholomceum a Martyribus, Archiepisc. Bracharensem et Hispaniœ Primatem. Romae, 1572. — Ce lixre a été publié par les soins de saint Charles Borromée, à qui l'auteur avait communiqué son manuscrit. (4) De Vita et Rébus gestis Caroli Borromœi, Cardinalis, libri septem. Ingolstadt, Sartorius, 1592.  1. IV, c. XIV.  192 Lettres de saint François de Sales confiance ; car je ne sçaurois faire en autre façon pour la grande opinion que j'ay de vostre bonté et amitié. J'adjousteray encor ces deux motz. L'un est qu'il vous importe infiniment de recevoir le sacre avec une grande révérence et disposition, et avec l'appréhension entière de la grandeur du mistere. S'il vous estoit possible d'avoir l'orayson qu'en a faitte Stanislaiis Socolorius, intitulée : De sacra Episcoporum consecratione et inaiigura- tione^ au moins selon mon exemplaire (0, cela vous ser- viroit beaucoup, car, a la vérité, c'est une belle pièce. Vous sçaves que le commencement en toutes choses est fort considérable, et peut on bien dire que (*) « primum Aristot., Physica, in unoquoquc gcncre est mensura cseterorum *. » L'autre point est que je vous désire beaucoup de con- fiance et une particulière dévotion a l'endroit du saint Ange gardiateur et protecteur de vostre diocèse, car c'est une grande consolation d'y recourir en toutes les diffi- cultés de la charge. Tous les Pères et théologiens sont d'accord que les Evesques, outre leur Ange particulier qui leur est donné pour leur personne, ont l'assistence d'un autre commis pour leur office et charge. Vous deves avoir beaucoup de confiance en l'un et en l'autre, et, par la fréquente invocation d'iceux, contracter une certaine familiarité avec eux, et spécialement pour les affaires avec celuy du diocèse, comme aussi avec le saint Patron  O « La première chose en chaque genre sert de mesure à tout le reste. » (i) Voici le titre exact de cet exemplaire, qui appartient aujourd'hui à M. TAbbé E. Misset, directeur de l'Ecole Lhomoad, à Paris, rue Beudant (Monceau) : De Consecratione Episcopi, auciore Stanislao Socolorio, sacrœ Theologiœ Doctore. Opusculum vere aureum, in qtio ritus, vetustas, mysUria, usus conse- crationis Episcopi,functio item et dignitas Episcopalis explicantitr ex sententiis et axictoritate Sanctorum Patrum. Romae, apud haeredes Nicolai Mutii, mdcii. Le volume porte la dédicace suivante : Ad perillustrem et Reverendissimum D. Franciscum de Sales, Episcopnm Nicopoîitannm et electum Gebennensem, de proximo consecrationis munus subeundiim, Claudius de Quoex, grati animi ergo, lifta ciim Biillis ad ipsam consecrationem necessariis, transmittit ab Urbe, nonis Septembris 1602.  Année 1603 193 de vostre cathédrale (0. Pour le surplus, Monsieur, vous m'obligeres beaucoup de m'aymer estroittement et de me donner la consolation de m'escrire familièrement, et croyés que vous aves en moy un serviteur et frère de vo- cation autant fidelle que nul autre. J'oubliois de vous dire que vous deves en toute façon prendre resolution de prescher vostre peuple. Le très saint Concile de Trente *, après tous les Anciens, a déterminé * Sess. v, cap. u. que « le premier et principal office de TEvesque est de prescher ; » et ne vous laisses emporter a pas une consi- dération qui vous puisse destourner de cette resolution. Ne le faittes pas pour devenir grand prédicateur, mays simplement parce que vous le deves et que Dieu le veut. Le sermon paternel d'un Evesque vaut mieux que tout l'artifice des sermons elabourés des prédicateurs d'autre sorte. Il faut peu de chose pour bien prescher, a un Evesque, car ses sermons doivent estre des choses né- cessaires et utiles, non curieuses ni recherchées ; ses paroles simples, non affectées ; son action paternelle et naturelle, sans art ni soin, et, pour court qu'il soit et peu qu'il die, c'est tous-jours beaucoup. Tout cecy soit dit pour le commencement, car le commencement vous en- seignera par après le reste. Je voy que vous escrives si bien vos lettres, et fluidement, qu'a mon advis, pour peu que vous ayes de resolution, vous feres bien les sermons ; et néanmoins je vous dis. Monsieur, qu'il n'en faut pas avoir peu de resolution, mais beaucoup, et de la bonne et invincible. Je vous supplie de me recommander a Dieu ; je vous rendray le contrechange et seray toute ma vie, Monsieur, Vostre très humble et affectionné serviteur, Franç% E. de Genève. A Neci, le 3 juin 1603. (i) Le patron de la cathédrale était saint Samson, premier évêque de Dol, et auparavant archevêque de Saint Da^àd's, au pays de Galles.  Lettkes II  194 Lettres de saint François de Sales CLXXXV A M. ANTOINE DE LA PORTE (0 (inédite ) Dispositions bienveillantes du duc de Savoie envers M™® de Mercœur. — Jugement d'un procès entre cette princesse et don Amédée de Savoie. — Le Saint s'excuse de n'avoir pu achever le payement de la terre de Thorens. Annecy, 6 juin 1603. Monsieur, Je reviens naguère de Piémont, ou je vis Son Altesse et l'entretins quelque tems sur les affaires que Madame a de deçà, et le treuvay fort disposé a luy donner toute assistence et faveur pour en chevir. Je luy proposay que, venant un agent de Madame, il seroit expédient de com- mander a quelques uns des ofiiciers de la justice de ter- miner en une journée amiable toutes les difficultés qu'elle avoit, soit avec le seigneur Dom Amedeo ( = ), soit avec autres ; ce que Son Altesse accorda fort volontier, et monstra de priser extrêmement tout ce qui appartenoit au contentement de Madame, comme sa parente proche et vefve d'un prince son parent, et des louanges duquel il me dit merveilles. Mais ce pendant que je traittoys ces choses en Piémont, la Chambre des Comptes acheminoyt le procès que Ma- dame a avec le seigneur Dom Amedeo pour Conflens, si que, a mon arrivée, je le treuvay prest a juger ; et, selon l'advis du juge, j'escrivis tout aussi tost a Son Altesse (i) Dans un inventaire de la Chambre des Comptes de Savoie et dans d'autres documents on trouve mentionné « noble Antoine Perret, seigneur de la Porte, » comme étant procureur et négociateur général de Marie de Luxem- bourg, duchesse de Mercœur. (Voir le tome précédent, note (2), p. 7») ( 2 ) Don Amédée ou Amé de Savoie, fils donné du duc Emmanuel-Philibert, était marquis de Saint-Rambert, comte de Conflans, grand-croix des Saints Maurice et Lazare, commandeur de Savoie, chevalier de l'Annonciade, lieute- nant-général de Son Altesse en deçà des monts. Ce prince, qui dans diverses rencontres servit utilement les intérêts de l'Etat, mourut à Turin en 1610.  I  Année 1603 195 pour avoir surseance et ordre que tout fut retardé, suivant l'accord qu'il m'avoit fait de terminer les differens sans procès. Mais tout cela pour néant, car ma lettre ne fut pas en chemin que larrest sortit tel que le juge vous escrira (0, ainsy quil m'a dit. J'en fus extrêmement marri pour m'estre treuvé court au service que j'avois désiré rendre a Madame. Je treuvay en Piémont monsieur le référendaire Millet (2), et passay en Maurienne pour parler a Monsieur l'Evesque (3) touchant Faverges (4) ; ilz persistent, et s'of- frent de solliciter, ayant procure de IMadame, pour faire rendre les deniers sans que Madame en face la despence, suivant les mémoires que je vous en laissay. Le marquis de Lulin escrivit a Madame pour acheter Doin, et j'en- voyay la lettre ; je ne sçai si elle l'aura receûe : il attend response. Reste que je parle de moy, qui suis très marri de ne pouvoir si tost chevir du payement de Thorens * ; mais *Videp.i25,not.( ( I ) L'arrêt en question, signé J.-C. de la Roche et Bay, fut rendu en faveur de don Amédée le 17 mai 1603. (Archives de la Chambre des Comptes de Savoie, Arrests, vol. 31.) (2) François-AmédéeMilliet(i55g-i63i) était docteur en droit de l'Université de Toulouse (11 octobre 1583), conseiller d'Etat, premier référendaire ordinaire et maître des requêtes (patentes du 15 juin I784), commandeur de Lémenc, baron de Faverges, seigneur de Marcié, du Chesnay, etc. C'est en sa faveur que, pour prix de vingt-cinq années de fidèles services, la baronnie de Faverges fut érigée en comté (patentes du 8 janvier 1609). (3) Philibert-François Milliet, frère du précédent (i ',61-1625), prieur com- mendataire de Saint-Pierre de Lémenc (1583), docteur de la Sapience de Rome (i 585), abbé d'Aulps, doyen de Viry, avait été d'abord coadjuteur de son oncle, Pierre de Lambert, évéque et prince de Maurienne, auquel il succéda le 6 mai 1591. Charles-Emmanuel P"", qui l'avait en grande estime, le créa conseiller d'Etat, chancelier de l'Ordre de TAnnonciade, et le choisit pour ambassadeur en Espagne et à Rome. Ces emplois n'empêchèrent pas l'Evèque de Maurienne de s'appliquer avec zèle à l'administration de son diocèse et à l'évangélisation de son peuple. En 1618 il fut transféré sur le siège archi- épiscopal de Turin, qu'il occupa jusqu'à sa mort. (4) Le fief de Faverges, vendu par le duc Charles de Savoie à François I*"" de Luxembourg (5 mai 1506), avait été inféodé, après la mort de Sébastien de Luxembourg, petit-fils de ce dernier (1569), à Louis Milliet, père de l'Evêque et du référendaire. Opposition fut faite au nom de l'unique héritière de Sébas- tien, Marie de Luxembourg encore pupille, qui épousa plus tard le duc de Mercoeur ; mais, par arrêt de la Chambre des Comptes (12 novembre 1571), elle avait été condamnée à relâcher ce fief. De là les questions financières effleurées dans cette lettre.  196 Lettres de saint François de Sales j'espère que Madame aura quelque considération au mal- heur qui nous accable de deçà et auquel Thorens mesme a une grande part. Je m'essayeray de la contenter au plus tost, n'ayant aucun affaire mondain en mon esprit que celluy-la, et de luy rendre tous les services quil me sera possible en toutes occurrences, comme tres-obligé que j'y suis. Faittes moy cet honneur, Monsieur, que de l'en asseurer et luy présenter une très humble révé- rence en mon nom, ce pendant que je prieray Dieu quil vous comble de ses grâces et que je suis, Monsieur, Vostre serviteur plus humble, Franc» De Sales, Evesque de Genève. A Neci, 6 juin 1603. A Monsieur Monsieur de la Porte, Surintendant de la mayson de Madame la Duchesse de Mercœur. Revu sur l'Autographe conservé au i^"" Monastère de la Visitation de Paris.  CLXXXVI A M. CHARLES d'aLBIGNY (l) Réclamations au sujet d'une mesure contraire aux immunités ecclésiastiques. Annecy^ 14 juin 1603. Monsieur, J'ay considéré Texpedient que le sieur cappitaine de Moyron (2) propose pour descharger les ecclésiastiques du logement de guerre et y ay veu plusieurs inconve- niens, et, entre les autres, celuy que je crains le plus, ( I ) L'Autographe, conservé à la chapelle de l'Evêché de Sienne, est entouré d'un encadrement de marbre fixé dans la muraille, de telle sorte qu'il n'est pas possible de voir le verso sur lequel doit se trouver l'adresse. Le contenu de la lettre prouve néanmoins qu'elle a dû être écrite à M. d'Albigny, gouver- neur de la Savoie. (a) Jean Paquellet de Moyron, frère de François (voir ci-dessus, note (2), p. 103), avait été condisciple du Saint à Paris et était demeuré son ami. Il  Année 1603 197 qui est que la liberté et immunité ecclésiastique en seroit, ce me semble, directement violée. C'est pourquoyj 'envoyé le porteur auprès de vous, Monsieur, pour vous les re- présenter, estimant de ne treuver pas moins de faveur pour nostre droit que nous y en avons tous-jours treuvé, et que je me prometz d'en treuver ci après. Cependant, et moy et tous les ecclésiastiques qui sont icy, nous prierons Dieu pour vostre santé, et je de- meureray. Monsieur, Vostre serviteur très humble, Franc'' De Sales, Evesque de Genève. A Neci, le xiiii juin 1603. remplit en 1588 et 1590 les fonctions de capitaine de la ville d'Annecy, en 1603 celles de second syndic, et jusqu'à sa mort, arrivée au commencement d'octo- bre 1643, ^^ fit toujours preuve d'un grand dévouement pour ses concitoyens. Dans les séances du Conseil municipal du 3 et du 13 mai de cette année, Paquellet avait en effet proposé un « expédient » qui devait, pensait-il, calmer les plaintes des habitants, lassés de loger les garnisons espagnoles massées à Annecy pour protéger la ville contre les incursions des Genevois. Il s'agissait, pour supprimer cette servitude, de lever un impôt qui pèserait également sur tous les Annéciens. Le clergé et la noblesse, voyant leurs privilèo-es lésés par cette mesure, élevaient à leur tour de vives protestations.  CLXXXVII A M. DE SOULFOUR (inédite) Abandon et désolation de cent églises aux environs de Genève. — Union de prières. — Projet d'écrire à M. Asseline. — Divers messages. Annecy^ 15 juin 1603. Monsieur, Il me semble quil y a cent ans que je ne vous ay escrit, et deux cens que je n'ay receu de vos nouvelles. Mon voyage de Piémont a esté cause de l'un ; je ne sçai qui l'a esté de l'autre. Nos nouvelles ne sont que des  198 Lettres de saint François ce Sales vielles misères, entre lesquelles les plus grandes sont celles qui concernent Tabandonnement de cent églises autour de Genève, presque désolées (0. Dieu néanmoins nous fait des consolations en ce que jamais nos ennemis ne sont rencontrés quilz ne soyent battus. J'ay de peyne, par la grâce de Dieu, autant que j'en puis porter ; je de- sire que vous m'aydies fort par vos prières et par celles de vos amis. Jamais je ne vous oublie aux miennes que je fay a l'autel, ni le filz ni nostre fille, de laquelle mon •V^idesupra,p.i63, esprit ne peut abandonner le soin, quoy qu'inutile*. Je doy une lettre a monsieur Asseline (^^ et un'autre encores, que je luy addresseray, a un de ses amis qu'il * Vide infra, p. 207, a voulu rendre le mien par la règle de communication * ; °° ■^^^* je n'ay le loysir de payer maintenant, ce sera a la pre- mière commodité. Cependant continues, je vous prie, a m'aymer, et me donnes advis de vostre santé et des vostres. Je désire encor de sçavoir de celle de la Mère Anne, vostre seur (3), et de Testât de Seur Anne Seguier. J'ay un certain cœur tenant qui jamais ne lasche sa prise. Vous m'aves salué au nom de madamoiselle de Fon- taine (4), de madame Fillard (5) ; je vous prie qu'elles le ( I ) Irrités du coup de main tenté par le duc de Savoie contre leur ville au mois de décembre précédent, les Genevois ne cessèrent dès lors d'user de représailles envers les Catholiques. A tout instant ils faisaient des sorties qui répandaient la terreur dans tous les environs. Le 15 février, le Nonce de Savoie décrit au Cardinal Aldobrandino l'attaque soutenue à Saint-Julien par Vittoz contre « quatre cents fantassins et soixante cavaliers >> genevois. Le 22 du même mois, il raconte comment les Genevois ont jeté l'effroi dans la ville de Thonon qu'ils menaçaient de saccager, et le 9 mars, il parle encore d'une course à Evian, dans laquelle, malgré la défense de leur chef, les hérétiques pillèrent plusieurs maisons et dépouillèrent l'église. Des propositions de paix échangées en avril n'ayant pas abouti, les incursions des Genevois recommencèrent plus menaçantes encore, et quelques ecclésiastiques ayant été appréhendés, les autres cherchèrent leur sécurité dans la fuite. (Archives Vaticanes, Borghese, série III, 95, c^' *.) (2) Il sera parlé plus loin de M. Asseline, qui entra dans l'Ordre des Feuillants 011 il fut connu sous le nom de dom Eustache de Saint-Paul. (3 ) La sœur de M. de Soulfour était Religieuse aux Filles-Dieu. On trouve en effet dans le Nécrologe de ce monastère la mention suivante : « L'an mil vi*^ XI décéda Anne de Soulfour le iiii^ jour d'aoust. » ( 4 ) Probablement M"® de Fonteines-Marans, qui devait être la célèbre Mère Madeleine de Saint-Joseph, l'une des plus pures gloires du Carmel de France. (5) Peut-être cette dame appartenait-elle à la famille Filliard, de Cusy en Savoie, qui avait été anoblie par patentes du i'^'" mai 1595.  Année 1603 199 soyent de ma part par vostre entremise. Je vous embrasse de tout mon cœur et suis, Monsieur, Vostre serviteur très humble, Franc*, Ev. de Genève. Le XV juin 1603. J'escris a madame de Montmartre en response de celle qu'elle m'escrivit et que vous m'en- voyastes. Voyes la, et la fermes, sil vous plait. A Monsieur Monsieur de Soulfour. A Glatagni. Revu sur l'Autographe appartenant à la Vicomtesse de Saint-Seine, château de Saint-Seine (Côte-d'Or).  CLXXXVIII AUX CHANOINES DE LA COLLÉGIALE DE SAINT-JACQUES DE SALLANCIIES Il les engage à accepter une fondation qui leur est offerte pour l'entretien de quatre enfants de chœur. Annecy, 24 juin 1603. Messieurs, J'ay veu les propositions que monsieur Loquet fait pour fonder a ses despens Tentretenement de quattre enfans de chœur en vostre église et, quant et quant, j'ay aussi veu les responses que vous y aves faittes (0. Et ayant considéré l'un et l'autre, j'ay jugé que vous estiés de bon accord en effect, encor quil semble qu'il y ait quelque différence en paroles ; car ayant demandé a ( i) Les pourparlers relatifs à cette fondation se prolongèrent encore long- temps, car c'est seulement le 15 avril 1605 que, par acte notarié, Nicolas Locquet, chanoine de la collégiale de Sallanches, céda au Chapitre dont il faisait partie un capital de « 815 ducattons de sept florins chacun, faisant le total de florins 5705... pour nourriture et entretien de quatre enfants de chœur, outre ceux qui portent l'eau bénite par la ville, et encore pour une Messe répondue par lesdits enfants de chœur, célébrable le samedi. » (Etat des Fondations du Chapitre de Sallanches, dressé en 1768.) Le chanoine Locquet mourut en 1606.  200 Lettres de saint François de Sales monsieur Loquet sil vouloit vous obliger par sa fonda- tion a fournir plus quil ne vous reviendroit du revenu d'icelle, il m'a dit que nanni : aussi ne seroit-il pas bien raysonnable. J'ay encor voulu sçavoir sil desiroit plus de soin et d'obligation de vostre Chapitre a la conserva- tion du fondz et des revenuz de sa fondation que vous n'en aves au demeurant des biens de vostre église ; il m'a semblablement dit que non, et que son intention n'estoit que de vous obliger d'avoir un pareil soin de la main- tenance et conservation de sa fondation que celuy que vous estes obligés d'avoir du reste de vos revenuz et autres fondations. Or, cela est fort raysonnable ; car quand il ni auroit aucune clausule obligatoire, si est ce que vous ne la57'sseries d'estre redevables de maintenir soigneusement et en bons pères de famille telz biens et fondz ; mais pour tout cela vous ne sériés pas tenuz ni a l'impossible ni a la charge, si les moyens se perdoyent sans vostre faute et coulpe. C'est mon advis , lequel je pense estre digne d'estre suivi ; autrement je ne le vous proposerois pas. C'est pour cela que je vous ay voulu escrire ces deux motz, me doutant que, faute de vous entr'entendre, cette œuvre ne se perdit, comme il arrive bien souvent des bons desseins. Néanmoins, si vous estimes pour quelque autre rayson de devoir apporter de la difficulté en cet affaire, je vous prieray de m'en advertir, affin que j'ap- porte le plus que je pourray de diligence et industrie pour accommoder le tout a la gloire de Dieu, ornement de son service et vostre contentement. Cependant, je me recommande a vos oraysons, et prie réciproquement Nostre Seigneur quil vous accompagne de ses grâces et nous donne a tous l'esprit et zèle de son service, qui est ce que doit désirer, Messieurs, Vostre humble confrère et serviteur en Jesuschrist, Francs Evesque de Genève. A Neci, xxiiii juin, jour de S' Jan 1603. Revu sur l'Autographe appartenant à M. VuUiet, à Annecy.  Année 1603 201 CLXXXIX A M. CHARLES d'aLBIGNY Il sollicite une place pour le neveu de l'Evêque défunt. Annecy, [fin juin 1603.] Monsieur, Je vous suppliay, a mon despart de Chamberi, de vouloir donner une place en la cavallerie au sieur de Grenier, d^Hiene (i), que je dois affectionner pour estre neveu de feu Monsieur l'Evesque, mon bon prédécesseur ; vous me listes la grâce, Monsieur, de me l'accorder. Il me reste a vous en ramentevoir aux occasions, qui m'a fait maintenant vous en rafraischir la première supplica- tion que je vous en ay faite, laquelle vous gratifieres, je m'en asseure, non seulement pour l'humble et entière affection de laquelle je vous honnore, mais aussi en contemplation de ce bon Praelat decedé, duquel les mé- rites vivent devant Dieu et en vostre souvenance. Je supplie sa divine Majesté qu'elle vous bénisse de ses plus chères faveurs, et suis. Monsieur, Vostre serviteur plus humble, Franc', E. de Genève. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gênerai. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. (i) Probablement Pierre-Claude de Granier, seigneur du Châtelard, qui habitait Yenne, et qui y fut inhumé le 17 novembre 1625.  202 Lettres de saint François de Sales cxc A MADEMOISELLE DE SOULFOUR Suites que laissent certaines infirmités spirituelles : leur utilité. — La per- fection absolue impossible en ce monde. — Avoir de grandes prétentions au service de Dieu, mais ne pas s'étonner si elles ne peuvent être entièrement réalisées. — Ne pas se préoccuper des dangers à venir. — Assurance de dévouement. Annecy, 22 juillet 1603. Madamoy selle, Je receu par mon frère une de vos lettres qui me fait louer Dieu dequoy il a donné quelque lumière a vostre esprit. Que s'il n'est encor pas du tout desengagé, il ne s'en faut pas estonner. Les fièvres spirituelles, aussi bien que les corporelles, sont ordinairement suivies de plu- sieurs ressentimens, qui sont utiles a celuy qui guérit pour plusieurs raysons , mais particulièrement parce qu'ilz consument les restes des humeurs peccantes qui avoyent causé la maladie, affin qu'il n'en demeure pas un brin ; et parce que cela nous remet en mémoire le mal passé, pour faire craindre de la recheute, a laquelle bien souvent nous nous porterions par trop de licence et de liberté, si les ressentimens, comme menaces, ne nous retenoyent en bride pour nous faire prendre garde a nous jusques a ce que nostre santé soit bien confirmée. Mais, ma bonne Fille, puisque vous voyla a moitié eschappee de ces terribles passages par ou vous aves esté conduitte, il me semble que vous deves maintenant pren- dre un peu de repos, et vous arrester a considérer la va- nité de l'esprit humain, comme il est sujet a s'embrouiller et embarrasser en soy mesme. Car je suis asseuré que vous remarqueres aysement que les travaux intérieurs que vous aves souffertz ont esté causés par une multitude de considérations et de désirs, produitz avec un grand empressement pour atteindre a quelque perfection ima- ginaire. Je veux dire que vostre imagination vous avoit formé une idée de perfection absolue, a laquelle vostre volonté se vouloit porter; mays, espouvantee de la grande  Année 1603 203 difficulté, ou plustost impossibilité, elle demeuroit grosse au mal de l'enfant, sans pouvoir enfanter*. A cette occa- *Cf.IVRcg.,xix, sion, elle multiplioit des désirs inutiles, qui, comme des bourdons et freslons, devoroyent le miel de la ruche, et les vrays et bons désirs demeuroyent affamés de toutes consolations. Maintenant donq prenés un petit haleyne, respires quelque peu, et, par la considération des dangers eschappés, divertisses ceux qui pourroyent advenir ci après. Tenés pour suspectz tous ces désirs qui, selon le commun sentiment des gens de bien, ne peuvent pas estre suyvis de leurs effectz : telz sont les désirs de certaine perfection chrestienne qui peut estre imaginée mais non pas prattiquee, et de laquelle plusieurs font des leçons, mais nul n'en fait les actions. Sçachés que la vertu de patience est celle qui nous asseure le plus de la perfection *, et s'il la faut avoir avec * Jacobi, i, 4. les autres, il faut aussi l'avoir avec soy mesme. Ceux qui aspirent au pur amour de Dieu n'ont pas tant besoin de patience avec les autres comme avec eux mesmes. Il faut souffrir nostre propre imperfection pour avoir la perfec- tion ; je dis souffrir avec patience, et non pas aymer ou caresser : l'humilité se nourrit en cette souffrance. Il faut confesser la vérité, nous sommes des pauvres gens qui ne pouvons gueres bien faire ; mais Dieu, qui est infiniment bon, se contente de nos petites besoignes, et a aggreable la preparatïoji de nostre cœur *. Et "^ Ps. ix, penuit. qu'est ce a dire, la préparation de nostre cœur? Selon la sainte Parole*, Dieu est plus grand que nostre cœur, *i joan., m, 20. et nostre cœur est plus grand que tout le monde. Quand nostre cœur, a part soy, en sa méditation, prépare le ser- vice qu'il doit rendre a Dieu, c'est a dire quand il fait ses desseins de servir Dieu, de l'honnorer, de servir le pro- chain, de faire la mortification des sens extérieurs et in- térieurs et semblables bons propos, en ce tems la il fait des merveilles ; il fait des préparations et dispose ses actions a un degré si eminent de perfection admirable. Toute cette préparation néanmoins n'est nullement pro- portionnée a la grandeur de Dieu, qui est infiniment ^Zw5 grand que nostre cœur; mais aussi cette préparation est  204 Lettres de saint François de Sales ordinairement plus grande que le monde, que nos forces, que nos actions extérieures. Un esprit qui, d'un costé, considère la grandeur de Dieu, son immense bonté et dignité, ne se peut saouler de luy faire des grandes et merveilleuses préparations. Il luy prépare une chair mortifiée sans rébellion, une atten- tion a la prière sans distraction, une douceur de conversa- tion sans amertume, une humilité sans aucun eslancement de vanité. Tout cela est fort bon, voyla des bonnes prépa- rations ; encor en faudroit il davantage pour servir Dieu selon nostre devoir. Mays au bout de la, il faut chercher qui le face ; car quand ce vient a la prattique, nous de- meurons courtz, et voyons que ces perfections ne peuvent estre si grandes en nous ni si absolues. On peut morti- fier la chair, mais non pas si parfaittement qu'il n'y ayt quelque rébellion ; nostre attention sera souvent inter- rompue de distractions, et ainsy des autres. Et faut il pour cela s'inquiéter, troubler, empresser, affliger ? Non pas, certes. Faut il appliquer un monde de désirs pour s'exciter a parvenir a ce signe de perfec- tion ? Non, a la vérité. On peut bien faire des simples souhaitz qui tesmoignent nostre reconnoissance ; je puis bien dire : Hé, que ne suis je aussi fervent que les Séra- phins pour mieux servir et loiier mon Dieu ! Mais je ne doy pas m'amuser a faire des désirs comme si en ce monde je devois atteindre a cette exquise perfection, disant : Je le désire, je m'en veux essayer, et si je ne puis y atteindre je me fascheray. Je ne veux pas dire qu'il ne faille se mettre en chemin de ce costé la ; mais il ne faut pas désirer d'y arriver en un jour, c'est a dire en un jour de cette mortalité, car ce désir nous tourmenteroit, et pour néant. Il faut, pour bien cheminer, nous appliquer a bien faire le chemin que nous avons plus près de nous, et la première journée, et non pas s'amuser a désirer de faire la dernière pendant qu'il faut faire et devuider la première. Je vous diray ce mot, mais retenes le bien : nous nous amusons quelquefois tant a estre bons Anges, que nous en layssons d'estre bons hommes et bonnes femmes. Nostre imperfection nous doit accompaigner jusques au  Année 1603 205 cercueil. Nous ne pouvons aller sans toucher terre; il ne faut pas s'y coucher ni vautrer, mais aussi ne faut il pas penser voler ; car nous sommes des petitz poussins qui n'avons pas encores nos aisles. Nous mourons petit a petit ; il faut aussi faire mourir nos imperfections avec nous de jour en jour. Chères imperfections, qui nous font reconnoistre nostre misère, nous exercent en l'humilité, mespris de nous mesmes, en la patience et diligence, et nonobstant lesquelles Dieu considère la préparation de nostre cœur, qui est parfaitte. Je ne sçai si je vous escris a propos ; mais il m'est venu au cœur de vous dire cecy, estimant qu'une partie de vostre mal passé vous est arrivée de ce que vous aves fait des grandes préparations ; et voyant que les eflfectz estoyent très petitz et les forces insuffisantes pour prat- tiquer ces désirs, ces desseins et ces idées, vous aves eu des certains crevé cœur, des impatiences, inquiétudes et troubles ; puis ont suivi des desfiances, allanguissemens, abbaissemens ou défaillances de cœur. Or, si cela est, soyés bien sage par ci après. Allons terre a terre, puisque la haute mer nous fait tourner la teste et nous donne des convulsions. Tenons nous aux pie d^ de Nostre Seigneur avec la sainte Mag- deleine * de laquelle nous célébrons la feste ; prattiquons ♦ Lucœ, x, ^c^. certaines petites vertuz propres pour nostre petitesse. A petit mercier, petit panier. Ce sont les vertuz qui s'exercent plus en descendant qu'en montant, et partant elles sont sortables a nos jambes : la patience, le support des prochains, le service, l'humilité, la douceur de cou- rage, l'affabilité, la tolérance de nostre imperfection, et ainsy ces petites vertuz. Je ne dis pas qu'il ne faille monter par l'orayson, mays pas a pas. Je vous recommande la sainte simplicité. Regardés devant vous, et ne regardés pas a ces dangers que vous voyes de loin, ainsy que vous m'aves escrit. Il vous sem- ble que ce soyent des armées ; ce ne sont que des saules esbranchés, et ce pendant que vous regardés la, vous pourries faire quelque mauvais pas. Ayons un ferme et gênerai propos de vouloir servir Dieu de tout nostre  2o6 Lettres de saint François de Sales cœur et toute nostre vie ; au bout de la, n'ayons soin * Matt., VI, 34. du lendemain *. Pensons seulement a bien faire aujour- d'huy ; et quand le jour de demain sera arrivé il s'ap- pellera aussy aujourd'huy, et Ihors nous y penserons. Il faut encores en cest endroit avoir une grande confiance et résignation en la providence de Dieu. Il faut faire *ExoJ., XVI, 16-21. provision de manne pour chasque jour, et non plus*; et ne doutons point, Dieu en pleuvra demain d'autre, et passé demain, et tous les jours de nostre pèlerinage. J'appreuve infiniment l'advis du Père N., que vous ayes un directeur, entre les bras duquel vous puissies doucement déposer vostre esprit. Ce sera vostre bonheur si vous n'aves nul autre que le doux Jésus, lequel, comme il ne veut pas que l'on mesprise la conduitte de ses ser- viteurs quand on la peut avoir, aussi quand elle nous défaut, il supplée pour tout ; mais ce n'est qu'a cette extrémité, a laquelle si vous estes reduitte, vous l'expe- rimenteres. *Yidesupra,p.iSi. Ce quc je VOUS cscrivis * n'estoit pas pour vous garder de communiquer avec moy par lettres, et de conférer de vostre ame qui m'est tendrement chère et bienaymee, mais pour esteindre l'ardeur de la confiance que vous avies en moy, qui, pour mon insuffisance et pour vostre esloignement, ne puis vous estre que fort peu utile, bien que très affectionné et très dédié en Jésus Christ. Escrivés moy donq en confiance, et ne doutés nullement que je ne responde fidellement. J'ay mis au fons de la lettre ce que vous desiries, affin qu'elle soit pour vous seulement. Priés fort pour moy, je vous supplie ; il n'est pas croyable combien je suis pressé et oppressé sous cette grande et difficile charge. Vous me deves cette charité par les loix de nostre alliance, et puisque je vous contre- change par la continuelle souvenance que je porte de vous a Tautel et en mes foibles prières. Béni soit Nostre Seigneur. Je le supplie qu'il soit vostre cœur, vostre ame, vostre vie, et je suis Vostre serviteur. Francs E. de Genève.  Année 1603 207  CXCT A UN INCONNU (minute) Remerciements pour une lettre reçue. — Assurances de dévouement. Annecy, [fin juillet 1603 (i).] Monsieur, Je garde tous-jours et regarde souvent la lettre que monsieur le président Favre, mon frère, m'apporta de vostre part. Je la garde, par ce que c'est le seul tiltre par lequel je vous puis demander l'estroitte bienveiiil- lance qu'elle me promet ; je la regarde, pour y voir cette mesme bienveuillance (^) si courtoysement dépeinte que je ne la sçaurois voir ailleurs avec plus de (b) douceur et playsir. (^) Rencontrant donques cette commodité d'envoyer des lettres a Paris au jour anniversaire de celuy auquel vous me fîtes Ihonneur de m'escrire la vostre, j'ay voulu vous en rafraichir la mémoire et vous supplier de me continuer tous-jours i^) cette affection quil vous pleut me  (a) cette mesme bienveuillance — Tdopeinte avec tant de faveur.. .J (b) de — fconsolationj (c) PAyant donques cette commodité d'escrire a Paris et me rencontrant au jour anniversaire de celuy auquel vous me fistes cet honneur de m'envoyer... m'escrire... J (d) continuer tous-Jours — fen cette affection libérale, honnorable en vous et glorieuse pour moy...J cette mesme faveur fcomme j'en nourris chèrement la reconnoissance... je nourris chèrement l'affection a vostre service. ..J de laquelle fje me sens tant obligé, avec le regret de ce que mon dernier voyage de Paris, qui me fut si heureux...J ( I ) La date de cette lettre est presque aussi difficile à préciser que l'adresse. D'après l'écriture elle serait de 1603, et le destinataire serait alors l'un des personnages avec lesquels le Saint s'était lié l'année précédente durant son séjour à Paris, peut-être celui-là même dont il parle à M. de Soulfour (voir ci-dessus, p. 198). On aurait droit de s'étonner que saint François de Sales, dont la courtoisie était si parfaite, ait attendu, pour répondre à une lettre^ l'anniversaire du jour où elle lui a été adressée. Toutefois ses expressions sont trop explicites pour qu'il soit possible d'y contredire^  2o8 Lettres dh saint François de Sales tesmoigner. Je regrette tous-jours de n'avoir eu autant de bonheur pour la connoistre pendant que je fus a Paris comme j'ay de devoir maintenant a la reconnoistre (^) ; ce que je fay avec toute la sincérité que vous sçauries désirer d'un homme (f) duquel vous aves entièrement acquis le service et volonté, comme je vous supplie de croire, et de nourrir cett'amitié que vostre seule bonté a fait naistre pour m'en favoriser, tandis que de mon costé je prieray Dieu quil vous comble de ses grâces, et demeu- reray inviolablement Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  (e) a la reconnoistre — fine confessant extrêmement obligé par tous les services que je vous puis...J (f) d'un homme — fqui n'est riche... qui, sans pouvoir vous rendre son service, le desireroit...J  CXCII AU BARON DE LUX (0 (minute inédite) Prière de s'opposer aux prétentions injustes d'un gentilhomme. [Annecy, 1603, avant août.] [Monsieur] de la Bastie de Dombes (2) me fait une re- charge de toute autre façon ; car il vient [sic] a Farges (i) Cette minute ne porte ni date ni adresse; mais, d'après l'écriture, elle paraît être de 1603, et le contexte prouve qu'elle aurait été destinée au baron de Lux, lieutenant du roi en Bourgogne, duquel dépendaient la Bresse et le Bugey. Ce seigneur était sur le point de se rendre à Belley où saint François de Sales le rejoignit le 9 août suivant. De là, ils allèrent à Gex, en compagnie du duc de Bellegarde. (2) Jacques de Champier, baron de la Bastie, seigneur de Langes en Niver- nais, Argy, Monceaux et Corcelles, chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, gouverneur de Dombes par patentes de Louis de Bourbon-Montpensier, prince de Dombes (8 novembre 1579), devint bailli de Gex en 1610 (patentes du 28 juillet, datées de Paris). Il mourut vers 1625.  Année 1603 209 et Asserens, ou il monstra (^) un'extreme affection et resolution pour empescher la jouissance des biens qui estoyent clairement donnés et ouctroyés pour l'entrete- nement du pasteur de ces lieux en Tordonnance que vous, Monsieur, en avies faitte par les patentes de l'establisse- ment(0. Pour moy, a cette dernière allarme, a peu que je ne perdis courage, comm'ayant des-ja esté long-uement debout et en faction pour les praecedentes difficultés ; outre ce, quil me sembloit que meshuy la chose devoit estr'asseuree, puisque la court de Parlement avoit inter- posé son arrest. Je fus estonné de ce que monsieur de la Bastie y estoit venu luy mesme, qui tesmoignoit un'ardeur d'esprit et une volonté tout'entiere ; mais je le fus encor plus quand je sceu que ce n'estoit point pour luy ni pour aucun de ses enfans, mais pour un tiers (b). Je ne doutay point aussi qu'estant ce quil est, il ne deut recevoir beaucoup de faveurs en tous ses désirs. C'est cela qui me mit fort en peyne, en laquelle je serois encor si je ne me fusse resouvenu que vous l'aymies et avies beaucoup d'autho- rité sur luy ; car j'ay pensé qu'encor quil eut fait tant de démonstration de roydeur, si est ce que vostre entremise le plieroit tous-jours assés a la rayson quand il vous plai- roit de l'y employer. Ce que je vous supplie humblement de faire, non seulement pour Ihonneur et service de Dieu, qui vous est le plus cher, mais encor pour Ihonneur de la première action que vous aves faitte en ce sujet et qui a servi de fondement a toute cette suitte. Dieu vous a choysi pour commencer un si saint œuvre et, par la, vous a assés obligé d'en désirer et solliciter le progrès et Tac- complissement. Je vous supplie. Monsieur, de le faire et de modérer l'affection de monsieur de la Bastie (c), puis  [a) ou il nions fra — fautant de cholere et de...J [b) un tiers — fcar cela monstroit encor plus d'affection. J [c) de modérer — Tle désir... l'affection qu'aj monsieur de la Bastie fa ce tiers pour lequel il débat contre le bien publiq et Testablissement des ames...j (i) Cet établissement avait eu lieu le 30 novembre 1601. Cf. la lettre du 3 janvier 1602, p. 98. Lettres II 14  210 Lettres de saint François de Sales que mesme le sieur lieutenant civil et criminel de Gex (0 nous a renvoyé tous deux devers vous pour estre réglés sur rintelligence de vostre ordonnance, laquelle, bien qu'elle soit très claire, on veut néanmoins obscurcir. J'ay déduit ce fait un peu bien au long affin que, par ce moyen, vous sceussies les accidens survenuz en une besoigne que je vous ay veu embrasser avec tant de fer- veur, au milieu de la rigueur du plus grand froid de l'année, avec tant de consolation de tous ceux qui furent presens, et spécialement de feu Monsieur TEvesque mon prédécesseur, qui, pendant quil a vescu despuis, ne sceut onques s'empescher d'en faire feste. i^) Au demeurant. Monsieur, j'ay tous-jours esté extrême- ment curieux de sçavoir des nouvelles de vostre santé, et les dernières que j'en ay eiies ont esté que vous avies esté(^) prendre congé de Monsieur et Madame de Ne- mours pour venir de deçà pour le service du Roy ; qui m'a fait mettre en doute si ceste lettre vous rencontreroit encor a Paris ou si vous séries des-ja en chemin : c'est pourquoy j'en ay fait un duplicat, afîin que l'un fut en- voyé d'un costé et l'autre de l'autre. Et cependant que j'attends l'asseurance de la réception, je prieray Dieu quil vous comble de ses bénédictions, et demeurera}^ de toute mon affection, Monsieur, Vostre serviteur plus humble. Revu sur TAutographe conservé à la Visitation d'Annecy.  (d) feste. -^ TEt [en] outre, m'a laissé son successeur de Textreme honneur quil portoit a vos mérites, lequel, joint a celuy que je vous avois...J (e) vous avies esté — fa l'ilostel de Nemours.. J (i) Pierre de Brossesj écuyer, seigneur de Tournny, Chambésy, Pregny et Vesancy au pays de Gex, né en 1569, avait été nommé lieutenant civil et cri- minel au bailliage de Gex par patentes du 11 juillet 1601. Il prit une part importante à la conclusion du traité de Lyon, fit partie à Genève du Conseil des Deux Cents jusqu'en 1603, et demeura grand bailli de la noblesse du pays de Gex de 1601 à 1612. Il mourut en 1617. (Note de M. Vidart, de Divoutte.)  Année 1603 211 CXCIII AU DUC DE NEMOURS, HENRI DE SAVOIE (O (minute inédite) Exposé des différends qui existent entre le Chapitre de la cathédrale et celui de Notre-Dame de Liesse pour une question de préséance.— Les usages des Chapitres de Paris ne peuvent faire loi pour ceux d'Annecy, Annecy, [juillet-septembre] 1603. Monseigneur, Je remercie très humblement Vostre Excellence du soin qu'eira eu de respondre a la supplication que je luy avois faitte, pour avoir congé de terminer par le droit et justice le différent que le Chapitre de l'église (^) ca- thédrale de ce diocaese a avec celuy de Nostre Dame de cette ville (2). En quoy la vérité est que je n'ay pas liberté de faire élection d'aucun expédient, comme j'au- rois si j'en estois le juge souverain, puisque le Saint {a) de r église — fde S' Pierre de GeneveJ ( I ) Pour s'expliquer le recours du Saint au duc de Nemours, il faut se souvenir que le duché de Genevois, dont la capitale était Annecy, avait été donné en apanage à la branche cadette de la Maison de Savoie, sous la suze- raineté de la branche aînée. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 61.) Le destinataire de cette lettre est Henri, fils de Jacques de Savoie-Nemours et d'Anne d'Esté (cf. ibid., note (2), p. 47), né à Paris en 1572, connu d'abord sous le titre de marquis de Saint-Sorlin. Les brillantes qualités du jeune prince lui méritèrent à tel point l'estime du duc de Savoie que celui-ci voulait lui confier le gouvernement du marquisat de Saluées, bien qu'il n'eût que seize ans. Ayant été entraîné par les Guise, ses frères utérins, dans le parti de la Ligue, il devint gouverneur du Dauphiné, fit en 1596 sa soumission à Henri IV, et se distingua au siège d'Amiens. Plus tard, le duc de Nemours séjourna à Annecy, où il essaya de secouer le joug de son suzerain, et, par son caractère soupçonneux, suscita maintes difficultés à saint François de Sales. Revenu de ses préventions, ce prince, qui avait épousé Anne de Lorraine (contrat dotal du 14 avril 1618), voulut que son fils aîné fût baptisé par l'Evêque de Genève (1619), et quand celui-ci expirait à Lyon, on le vit solliciter avec larmes sa dernière bénédiction. Henri de Savoie-Nemours mourut à Paris le 10 juillet 1632 ; ses funérailles eurent lieu à Annecy le 7 août suivant. ( 2 ) Le Chapitre de la collégiale de Notre-Dame de Liesse, duquel dépendait la paroisse d'Annecy, et qui la faisait desservir soit par l'un de ses membres  2 12 Lettres de saint François de Sales Siège Apostolique et le siège de Vienne, qui est métro- politain de ce diocsese, m'ont entièrement lié les mains, et particulièrement pour le regard de la façon de procéder que monsieur le Praesident de Genevoys m'a proposée, qui fut celle que feu Monsieur TEvesque Justinien fit prattiquer une fois. Dequoy, sur (^) la plainte faitte par le Chapitre de la cathédrale, il fut reprins par le Saint Siège, et condemné par sentence du Métropolitain (<=) a maintenir la préséance et praecedence i^) de la cathédrale absolument. Dont je n'ay plus le choix (e), sinon pour aller ou n'aller pas a la procession, mais non pas pour y aller autrement qu'avec l'entière praecedence de la cathédrale. Aussi, a la vérité, les exemples de la Sainte Chapelle et Sainte Geneviefve ne reviennent nullement a ce sujet, dautant que ni la Sainte Chapelle ni Sainte Geneviefve ne sont point églises sujettes a l'Evesque, mais exemptes, et partant n'ont autre devoir que de révérence a l'église cathédrale du diocaese ou elles se treuvent, mais non pas d'aucune subordination ni dependence. C'est pourquoy l'Abbé de Sainte Geneviève, suivant le cors de la Sainte,  (b) sur — n'appellationj (c) du Métropolitain — fde ne point mettre l'un des Chapitres... J (d) et prœcedence — fdu Chapitre cathedral...J {e) je nay plus — feslection d'aucun expédient, sinon de...J le choix ppour la manière de faire la procession. ..J soit par un autre prêtre de son choix, disputait aux chanoines de la cathé- drale la préséance à la procession du Saint-Sacrement. (Cf. ci-dessus, p. i86, lettre du 27 mai 1603.) C'était ressusciter une vieille querelle, dont le Pape Sixte-Quint, par l'entremise du Cardinal Caraffa, avait jadis remis le jugement à Ms"" de Granier (22 mars 1589). Condamnés de nouveau par sentence de l'Evèque diocésain, les chanoines de Notre-Dame en appelèrent au Métropo- litain et, appuyés par les syndics d'Annecy, réclamèrent l'intervention du duc de Nemours. Ce prince fit examiner le litige par d'habiles jurisconsultes, et crut tout concilier en décidant que le Chapitre de la cathédrale occuperait l'un des côtés de la procession et celui de la collégiale l'autre, comme il se pratiquait à Paris quand le Chapitre de Notre-Dame marchait en procession arec ceux de la Sainte-Chapelle et de Sainte-Geneviève. Cette décision, lésant les droits de son Chapitre, ne put être acceptée par saint François de Sales. Après de longues discussions, il finit par obtenir que les prérogatives de ses chanoines fussent respectées.  ratio XLvii (i).  Annéh 1603 213 donne la bénédiction avec l'Evesque. Ou au contraire, le Chapitre de Nostre Dame est purement et simplement sujet a TEvesque de Genève, et, le siège vacant, du Chapitre cathedral et de son Vicaire. Et bien que la Sainte Chapelle et Sainte Geneviève soyent des églises exemptes, si est ce qu'elles n'iroyent pas a costé de la cathédrale si elles n'avoj^ent des privilèges spéciaux du Saint Siège a cest effect ; ce que tesmoigne le docteur Chassanee en son Cathalogue*, disant que les Rois de Tars iv, consi ic France ont obtenu cela par privilège spécial, que leur chapelle estant prés de leur personne, (^) sont esga- lees (sic) avec toutes cathédrales. Mais le Chapitre de Nostre Dame n'a jamais eu aucun privilège de cette sorte Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  (f) de leur personne, — fva de pair.J ( I ) Z). Bartholomœi Chassanœi Burgundii, apnd Aquas Sexfias in Senatu decuriœ prœfectiis, Cataloorus Gloriœ Mundi, in 12 libros divisus, humanœ sortis snmmam artificiose compîectens, sed ita auctiis... ut omnes hactenus œditiones longe snperet. Lugduni, apud Ant. Vincentium in Veronica, mdxlvi. La pre- mière édition (1529) est dédiée au chancelier du Prat.  AUTRE MINUTE DE LA MÊME LETTRE (inédite) Monseigneur, Je remercie très humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de respondre a la supplication que je luy fis, pour avoir son congé de terminer par le droit et les constitutions de l'Eglise le différent de precedence qui est entre le Chapitre de Saint Pierre et celuy de Nostre Dame en cette ville. Je luy représente maintenant la  214 Lettres de saint François de Sales mesme supplication, et qu'il luy playse de se faire dire les raysons (^) qui m'ostent le pouvoir d'employer l'expé- dient que monsieur le prsesident Favre m'a proposé, (b) J'en ay fait un memoyre que j'ay addressé a monsieur de la Bretonniere ( ^ ). Vostre Excellence me face la grâce de prendre la peyne de les considérer, et je suis asseuré qu'elle me commandera de passer outre a l'exécution de l'intention de l'Eglise, et a Messieurs de Nostre Dame de n'y appor- ter plus aucune difficulté. Mais sur tout je supplie très humblement Vostre Excellence de leur défendre l'usage de son nom pour se défendre en si mauvaise cause, et contre moy, Monseigneur, qui [suis] si jaloux du respect (c) que je dois a tout ce qui luy appartient, quil ne sera jamais besoin de m'en resouvenir. Mais je me resouviens aussi, Monseigneur, que vous estes si entier en la pieté, que vous ne voudres jamais (d) en rien authoriser ceux qui voudront rompre les ordonnances de l'Eglise, sous le voyle et prétexte d'estre advoiiés vos chapelains. J'espère au contraire Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  (a) de se faire — frapporter... reciterj les raysons pque j'ay, pour lesquelles je ne puis nullement employer.. J (b) rn a proposé. — TA cett'intentionj {c) et contre — fune créature... un homme J qui est si jaloux du respect pquil vous doit, Monseig"", que sil y avoit apparence de droit... sil falloit violer le droit, ne le violeroit...J (d) Monseigneur^ — Fque le prince qui le porte est si Catholique. ..J entier en fsa pieté, quil ne voudroit...J la pieté, que vous ne voudres jamais rompre Tordre de l'Eglise et les ordonnances du S' Siège, pour authoriser... (i) Charles Chaliveau de la Bretonniere, intendant du duc de Nemours, fut abbé commendataire de Saint-Evroul en Normandie de 1615 à 1625, année de sa mort. Antoine des Hayes, secrétaire des commandements du duc de Nemours, portait aussi le titre de seigneur de la Bretonniere.  ANNIiE 1603 215 CXCIV A M. CHARLES d'aLBIGNY Prière de s'intéresser à un créancier de la Sainte-Maison de Thonon. Annecy, 2 août 1603 (0. Monsieur, Je me suis fort peu meslé des affaires de la Mayson de Thonon jusques a prsesent ; néanmoins, ayant icy un créancier d'icelle, homme de mérite et qui est en extrême nécessité, je me suis des-ja essayé de le faire payer par autre voye, selon les moyens que le Père Chérubin m'avoit proposés. Mais n'estans réussis et voyant la né- cessité de ce créancier croistre tous les jours, je me suis enquis sil y auroit aucun autre moyen pour faire ce payement ; et on m'a dit que Son Altesse avoit ordonné certaine pension anniielle a ladite Mayson, delaquelle on pourroit bien prendre la somme requise, qui n'est que de 80 escus, et particulièrement sil vous playsoit d'en dire un mot de faveur. C'est pourquoy. Monsieur, je vous en sup- plie humblement, et de me pardonner si je suis si prompt a vous importuner, puisque c'est pour un œuvre charitable et le soulagement des affligés, comm'est ce créancier. Je prie Dieu cependant pour vostre santé, que je sou- haitte longue et heureuse, comme doit, Monsieur, Vostre serviteur plus humble. Francs Evesque de Genève. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gênerai deçà les montz. Revu sur l'Autographe appartenant au marquis Bonaventure Chigi-Zondadari, à Sienne. (1) Cette lettre n'est pas datée; mais comme sur le verso une main étran- gère a écrit : « Receu le 3^ aoust 1603, >> et que d'Albigny se trouvait alors à Chambéry, il est probable qu'elle a été expédiée la veille.  2i6 Lettres de saint François de Sales CXCV A M. CLAUDE DE CIIARMOISy(0  j^^me ^Q Beaulieu demandée en mariage par M. de Sainte-Claire; avantages que présenterait cette alliance. — Elle désire à ce sujet l'avis de M. de Charmoisy. Annecy, 6 août 1603. Monsieur mon Cosin, Despuis vostre despart, madame de Beaulieu (2) a esté demandée en mariage par monsieur de Sainte Clere(3), qui est gentilhomme, fort homme de bien et d'honneur, grand Catholique et craignant Dieu, qui sont des qualités pour lesquelles ell'a fort gousté Toffre de ses affections. Mais se resouvenant que feu monsieur de la Barge (4), son frère, Tavoit laissée en ce pais principalement en ( r ) Claude, fils de Charles Vidomne de Chaumont, seigneur de Charmoisy, Marclaz et Villy (voir le tome précédent, note ( i ), p. 57), et de Françoise de Bellegarde, était parent et ami intime de saint François de Sales. Très considéré à la cour des ducs de Nemours et de Savoie, il fut créé par le premier de ces princes, gentilhomme ordinaire de sa chambre, grand gruyer en Genevois, Fau- cigny et Beaufort (22 mars 1601) et nommé par le duc de Savoie conseiller d'Etat, gentilhomme de sa chambre, grand maître de l'artillerie (1617), ambas- sadeur aux Ligues Suisses, etc. M. de Charmoisy, qui avait toujours été fidèle à ses princes dans la prospérité comme dans la disgrâce, mourut à Chambéry le 28 octobre 1618. (2) Madeleine de la Barge, veuve de Michel de Combelles, seigneur de Chabannes. Le Saint s'intéressait spécialement à cette dame que, d'après Charles-Auguste de Sales, il avait « délivrée de la vexation des diables. » Il n'est pas possible d'indiquer la date de son mariage avec M. de Sainte-Claire. (5 ) Jacques Orlandin ou Orlandini, seigneur de Sainte-Claire et Vesancy au pays de Gex, et écuyer, qui appartenait à une famille originaire de Florence, avait abjuré le protestantisme l'année précédente au Jubilé de Thonon. Il épousa effectivement Madeleine de la Barge, devint bailli de Gex (patentes du 24 juin 1626) et mourut vers 1631. (4) Louis, seigneur de la Barge, baron de Meymont et de la Pérouse, destiné par sa famille à l'état ecclésiastique, avait pris rang parmi les chanoines comtes de Lyon; à la mort de ses frères aînés il rentra dans le monde, devint écuyer du roi, et fut pendant quelque temps son lieutenant en Vivarais. (GénJaloorie de la famille de la Barge de Certeaii.) On trouve inscrits sur le Registre delà Confrérie de Notre-Dame de Compassion de Thonon, en juin 1602, « hault et puissant seigneur Loys de la Barge, et dame Françoise de Sainteran, sa femme. »  Année 1603 217 la confiance quil avoit de vostre amitié et que vous en auries soin, dequoi aussi ell'a ressenti beaucoup d'effectz, elle n'a pas voulu passer outre a prendre la dernière re- solution en ce sujet sans vous en donner advis et prendre vostre congé. C'est pourquoi elTenvoye monsieur Sapientis(^\ au- quel j'ay donné ce mot pour vous tesmoigner qu'après avoir sceu ce dessein, et l'avoir considéré et recommandé a Dieu avec le soin que j'eusse fait pour une propre fille de ma mère, j'ay estimé qu'il estoit fort bon et sortable, et ne m'est demeuré aucune difficulté pour retenir mon jugement, que le devoir qu'ell'a d'attendre le vostre, lequel je pense ne pouvoir pas estre beaucoup dissem- blable au mien. Au demeurant, hier vostre brave Henri (2) me fit Ihon- neur de me venir faire mille caresses céans et me donner les signes de l'héréditaire bienveiiillance quil me portera a l'advenir, comme estant filz de père et mère a qui je suis inviolablement, Monsieur mon Cosin, Cosin et serviteur plus humble, France Evesque de Genève. Monsieur Le Grand (3) est a Belley et me tient en suspens, par l'incertitude de son arrivée en ce diocaese, si j'auray la commodité d'aller a Thonon pour la mi aoust. A Neci, VI aoust 1603. A Monsieur Monsieur de Charmoysi. Revu sur l'Autographe appartenant à M"« Vuy, à Carouge (canton de Genève). ( I ) Plusieurs familles Sapientis ou Sage étaient fixées en Savoie. On trouve notamment à cette époque, Urbain Sage, religieux du Saint-Sépulcre d'An- necy, et le notaire Humbert Sage, plus tard déposant au Procès de Béatification de notre Saint. (2) Henri de Cliarmoisy, alors âgé d'environ deux ans. (3) Roger de Saint-Lary, duc de Bellegarde, grand écuyer de France, lieutenant-général en Bourgogne, dont il sera souvent question dans la suite de cette correspondance.  2i8 Lettres de saint François de Sales CXCVI A M. CHARLES d'aLBIGNY (inédite) Il implore la continuation de sa protection pour la Sainte-Maison de Thonon. Annecy, 22 août 1603. Monsieur, Le R. Père Chérubin, prsesent porteur, m'a dit et fait entendre combien de zèle Dieu vous a donné a Tadvan- cement des affaires de la Sainte Maison de Thonon et le bon commencement que vous y aves fait donner. C'est cela, Monsieur, qui me fait espérer d'en voir bien tost tout d'une main un heureux accomplissement, pour lequel ledit P. Chérubin allant a Chamberi, je vous supplie. Monsieur, de continuer vostre faveur a ce saint œuvre affin que la conclusion s'en puisse prendre au plus tost, a faute delaquelle je voy l'establissement de l'église de Thonon demeurer en suspens. Je ne crains nullement de vous estre importun pour des semblables occasions qui tendent a la gloire de Dieu, delaquelle il vous a donné tant de jalousie et de sainte ambition. Je le prie quil vous comble de ses grâces et suis. Monsieur, Vostre serviteur très humble, Franc., Evesque de Genève. A Neci, 22 aoust 1603. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gênerai deçà les montz. A Chamberi. Revu sur TAutographe conservé à la Visitation de Bologne.  Année 1603 219 CXCVII A M. ANTOINE DE LA PORTE (inédite) Recommandation en faveur d'un homme qui désirait affermer la terre de Duingt. — Plusieurs affaires d'intérêt seraient à terminer. — Encore un mot sur le payement de Thorens. Annecy, 22 août 1603. Monsieur, Cet honneste homme est bourgeois de cette ville, et reconneu de tous pour fort homme de bien. Il désire de prendre a ferme de Madame la terre de Duin, et je suis obligé de vous tesmoigner que ne pense pas que Madame puisse mieux remettre la susdite ferme qu'es mains d'un homme de ceste sorte. C'est pourquoy, si je suis creu, vous ne le laisseres pas revenir sans traitter avec luy, et mesme pour les prises des années passées, desquelles il désire avoir honneste prix en payant argent content. Si Madame eut fait response a la lettre de monsieur le marquis de Lulin par laquelle il luy demandoit la sus- dite terre a achepter, je penserois qu'elle la voulut vendre*; mais ne ra3^ant pas fait, j'estime qu'elle la veut * Conferatur Epist. garder, et en ce cas elle ne sçauroit mieux faire pour ce particulier que d'employer ce porteur. Vous aures sceu comme le seigneur Dom Amedeo de Savoye a remporté gain de cause contre Son Excellence pour Conflens, non obstant tout l'essay que je fis en mon voyage de Piémont de faire retarder l'issue du procès, dont ledit seigneur Dom Amé m'a sceu fort mauvais gré. Il seroit bon de donner ordre une fois pour toutes a tous ces affaires de deçà, et mesme a celu}" que Madame a avec les enfans de feu monsieur le chancelier Millet (O, (i) Louis Milliet, baron de Faverges et de Challes, premier président au Sénat de Savoie, grand chancelier, né à Chambéry le 26 juin 1527, mort à Moncalieri le 12 février IS99. H fut « le réformateur de la justice et des  CLXXXV.  220 Lettres de saint François de Sales dequoy ayant escrit plus d'une fois, je m'estonne de n'en avoir nulle response. Madame pourra treuver estrange le retardement de son payement de Thorens ; mais il n'est pas croyable combien nous avons eu de difficultés jusques a présent pour ces troubles des guerres, qui ne font que de finir. Croyés, je vous supplie, que je n'ay nul souci du monde que pour ce particulier, et que je ne laisse passer aucune occasion sans m'en empresser. J'attens response, et priant Dieu qu'il vous comble de ses grâces, je suis toute ma vie, Monsieur, Vostre serviteur très affectionné, Franç% Evesque de Genève. 22 aoust. A Monsieur Monsieur de la Porte, Surintendant de la mayson de Madame la Duchessse de Mercœur. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. finances, un des plus grands hommes de son siècle et de notre pays, et l'un des plus habiles ministres qui aient jamais concouru à la prospérité de la dynastie savoyarde. »  CXCVIII AU MAIRE ET AUX ÉGHEVINS DE DIJON (O Réponse à l'invitation qui lui est faite d'aller prêcher le Carême à Dijon. Annecy, 22 août 1603. Messieurs, Ce m'est un'extreme faveur que vous ayes désiré de m'avoir en vostre ville pour le service de vos âmes, et ne puis penser comme ce bon heur m'est arrivé que vous ( i) Le maire de Dijon était « Jean de Frazans, seigneur d'Orain, docteur en droit, avocat au Parlement, échevin et garde des Evangiles, élu vicomte majeur le 20 juin X603. » Le 23 juin de cette même année avait eu lieu l'élection"  Année 1603 221 sachies mon nom et que je suis au monde. Cela m'es- tonne d'autant plus que je me voy esloigné de le mériter, n'ayant rien en moy qui puisse respondre a l'opinion que vous aves de moy qu'une fort entière affection a l'accroissement de la gloire de Dieu et a ceux qui la désirent, entre lesquelz sachant que vous tenes des pre- miers rangs, je vous supplie de croire que vous ne me sçauries faire voir aucun'occasion de vous rendre service que je ne m'y porte de tout mon cœur. En cette volonté, je m'essayeray de vaincre toutes les difficultés qui me pourroyent destourner de me rendre auprès de vous au tems que vous m'aves marqué en vostre lettre. JNlais vous me permettres, s'il vous plait, de vous dire que si vous aviés aggreable que ce fut seulement pour le Caresme, je n'aurois a vaincre nulle difficulté, car je n'en rencontrerois pas une. Ce sera pour l'Advent que j'auray beaucoup a débattre pour m'eschapper des grandes incommodités qui se présentent contre l'extrême désir que j'ay de vous contenter; et néanmoins, plus tost que de vous donner aucun sujet de croire que je veuille user d'aucune exception a vos volontés, je vous asseure des maintenant que si vous mesme ne me donnés le pouvoir de demeurer icy l'Advent, je n'y demeureray non plus que le Caresme, mays forceray tous les empesche- mens pour me trouver en tous deux les tems en vostre ville. J'attendray donques de vous, par ce porteur, la déclaration de vostre volonté, a laquelle, toutes considé- rations laissées, je me rangeray entièrement.  des échevins, et six de ceux qui devaient sortir de charge furent retenus par le maire pour assurer une administration plus régulière. C'était Bénigne Chisseret, bourgeois, Guillaume Berbisey, lieutenant particulier au bailliage de Dijon, Robert Caillin, procureur à la Chambre des Comptes, Gobin De- requeleyne, conseiller provincial de l'artillerie en Bourgogne, Claude Mou- chet, avocat à la cour, Bénigne Perruchon, bourgeois. Quatorze nouveaux échevins furent élus en 1603, et de plus, leur étaient adjoints des conseillers ecclésiastiques, qui assistaient aux délibérations de la Chambre de ville : Jules Milletot, Albert Dubois, grand-prieur de Saint-Etienne, Jean Millière, prieur d'Epoisses, chanoine de la Sainte-Chapelle, Laurent Davignon, curé de Saint-Philibert, Pierre Vautherin, chanoine de Saint-Denis de Vergy et cha- pelain de Saint-Jean. (Archives municipales de Dijon, Registre des DclibJra- iions de la Chambre de Ville.)  222 Lettres de saint François de Sales Dieu vous veuille donner, Messieurs, le comble de ses grâces, et a moy autant de pouvoir quil m'a donné d'affection de me faire connoistre Vostre serviteur plus humble en Jésus Christ, François, Evesque de Genève. A Neci, 22 aoust 1603. A Messieurs Messieurs les Viconte majeur et Eschevins de la ville de Dijon. Revu sur l'Autographe conservé aux Archives municipales de Dijon.  CXCIX A M. JACQUES EXCOFFIER, CURÉ DE CHEVÉNOZ (O (inédite) Ordre de biner. — Encouragement à se rendre plus capable de ses fonctions. Thonon, 21 septembre 1603. Monsieur le Curé, Jay entendu que vous ne voulies continuer de dire deux Messes suyvant la permission que je vous en avoys donné, qui me fait vous dire que jusques a ce que je vous enlevé le pouvoir vous ne cessies de servir Vincie comme vous aves de coustume. Je vous advertis aussy que prenies peyne a vous rendre plus cappable pour exercer telle charge, a quoy vous estes tenu. M'assurant donques que vous ne manqueres a bien rendre vostre devoir, je demeure. Monsieur le Curé, Vostre plus affectionné en Jesuschrist, Franç% E. de Genève. A Thonon, le 21 septembre 1603. A Monsieur Mons^ le Curé de Chevenoz. Revu sur l'original appartenant à M. l'avocat Coppier, à Chambéfy. ( I ) Le destinataire de cette lettre, dont la signature seule est autographe^ était curé de Chevenoz, et de son annexe, Vinzier, dès le 21 novembre 1601*  Année 1603 223 ce A M. LOUIS DONIER (0 Prière de lai envoyer le bilan des comptes de la Sainte-Maison. Annecy, 23 octobre 1603. Monsieur, Voicy une lettre qui m'arrive de Monseigneur le Nonce de Turin, qui me conjure de luy envoyer « un picolo bilancio delli conti che sonno stati veduti in Tonone circa le cose délia Santa Casa , perché gioverà molto appresso Sua Santità per ottenere moite gratieO. » Sil ne tient qu'a cela, il me semble, Monsieur, que je les doy envoyer ; mais je ne puis si je ne Tay, ni l'avoir que par vostre moyen, que j'implore a cet effect, et vous supplie de m'aymer tous-jours et croire que, priant Dieu pour vostre santé, je demeure toute ma vie, Monsieur, Vostre serviteur plus humble, France E. de Genève. A Neci, xxiii octobre 1603. A Monsieur Monsieur Bonier, Conseiller de S. A. et son Advocat Patrimonial en Savoye. A Chamberi. Revu sur l'Autographe appartenant à M. J. Pearson, à Londres.  n « un petit bilan des comptes qui ont été revisés à Thonon tou- chant les affaires de la Sainte-Maison, parce qu'il sera très utile auprès de Sa Sainteté pour en obtenir beaucoup de faveurs. » ( I ) « Noble et spectable Louis Bonier, avocat patrimonial (1586) et conseiller de Son Altesse » (1608), acheta de M^"" Berliet, archevêque de Tarentaise, la seigneurie de Bonport (inféodation par patentes du ir mars 1605), Sa femme, Anne Carra, est veuve quand elle figure en qualité de marraine le 9 juin 1613; (Note du comte de Mareschal.)  224 Lettres de saint François de Sales CCI A MONSEIGNEUR CHARLES BROGLIA, ARCHEVEQUE DE TURIN (0 Affaires d'intérêt concernant la Sainte-Maison. Annecy, 7 novembre 1603. Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio osservandissimo, Non dubito punto che dal P. Cherubino haverà inteso V. S. 111"'* et R™* con quanta diligentia si sonno fatti i conti délia Santa Casa di Tonone per quelle che di qua dei monti si è trovato. Resterebbe di far anco quelli délie cose di là delli monti. Per il che mi ha preghato il Consiglio di detta Casa di supplicar a nome suo V. S. 111""* et R""* che, come capo principalissimo délie cose di essa et Primicerio, si degni far render li conti al signor  Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Je ne doute point que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendis- sime n'ait appris par le P. Chérubin avec quel soin ont été faits les comptes de la Sainte-Maison de Thonon pour ce qui a été trouvé au deçà des monts. Reste à dresser ceux qui concernent les affaires d'au delà des monts. C'est pourquoi le Conseil de ladite Maison m'a de- mandé de supplier en son nom Votre Seigneurie de vouloir bien, en qualité de premier supérieur et de Primicier de cette institution, faire ( I ) Charles Broglia, né à Chieri, de l'illustre famille des Santena, avait été appelé en 1592 à succéder sur le siège archiépiscopal de Turin au Cardinal Jérôme délia Rovere. Le duc de Savoie l'avait en grande estime; lorsqu'il devait s'éloigner de la capitale, c'est à l'Archevêque de Turin qu'il confiait la surveillance de ses quatre fils, et ceux-ci témoignaient autant de soumission et de déférence au Prélat qu'au prince lui-même. Les sollicitudes que lui donnait l'administration de son diocèse n'empêchaient pas Ms"" Broglia de s'occuper activement d'assurer la prospérité de l'Eglise en Chablais ; non seulement il accepta le titre de Primicier de la Sainte-Maison, mais il prit vivement à cœur les intérêts de cette institution dont les débuts furent si traversés. (Archives Vaticanes, Borghese, série III, 97, d.) Ms"" Broglia mourut aussi saintement qu'il avait vécu, le 22 février 1617.  Année 1603 225 Gabaleone (O, et commandarglie di dar prima dodeci du- catoni al sig-nor de Prissy (2), che glie sonno da detta Casa legitimamente dovuti, sî corne ne testificarà detto P. Che- rubino. Et sopra tutto mi diede carico detto Consiglio di ringratiare humilmente V. vS. lU'"'^ et R'"'' délia molta carità et sollecitudine paterna che délie cose délia Casa Ella sin adesso ha havuta, et pregharla che si degni continuare : che è quanto ho da scriverglie in questa occasione. Et per fine, glie pregho dal Signor Iddio ogni vero contento. Di V. S. 111'"^ et R'"% Plumilissimo servitore, Franc, Vescovo di Geneva. In Annessi, alli 7 di Novembre 1603.  rendre compte à M. Gabaleone (i) et lui donner ordre de payer d'abord à M. de Prissy (2) douze ducatons qui lui sont justement dus par cette Maison, ainsi que pourra l'attester le P. Chérubin. Le Conseil m'a surtout chargé de remercier très humblement Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de la grande charité et de la paternelle sollicitude qu'Elle a témoignées jusqu'ici pour les affaires de cette Maison, la priant de vouloir bien continuer. C'est tout ce que j'ai à vous écrire dans la circonstance présente. En finissant, je vous souhaite du Seigneur notre Dieu tout vrai contentement. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très humble serviteur, François, Evoque de Genève. Annecy, le 7 novembre 1603. ( I ) Jean-Baptiste Gabaleone, seigneur d'Andeseno et Baldichieri, conseiller d'Etat et général des Postes, remplit des ambassades importantes en Suisse et en Angleterre; il était alors surintendant général des finances, et comme tel devait fournir les subsides alloués par le duc de Savoie à la Sainte-Maison. (2) Le nom de M. de Pressy ou de Prissy était porté à cette époque par Claude-François Pobel.  Lettres II  226 Lettres de saint François de Sales CCII AU PRIEUR ET AUX RELIGIEUX DU MONASTERE DE SIXT (0 (inédite) Désir de connaître les résultats obtenus par la visite épiscopale. Assurance de dévouement. Annecy, 14 novembre 1603. Messieurs mes Frères en Jésus Christ, Je désire fort de sçavoir quelz efFectz auront suivi les ordonnances faittes en nostre visite, tant de vostre costé que de celuy de monsieur TAbbé. C'est pourquoy je vous prie de me faire ce bien de m'en donner advis entre cy et Noël, poinct par poinct, affin que si je doy contribuer quelque diligence a l'entière exécution d'icelles, je n'y manque par ignorance de la nécessité. Monsieur de Saint Paul (2) me dit que monsieur l'Abbé avoit laissé d'accenser l'abbaye, selon qu'il m'avoit donné parolle, pour quelques paroUes laschees de vostre part, qui estonnerent les fermiers qui s'offroyent. Si cela est, vous aures occasion d'en tenir quitte ledit sieur Abbé, puisque quant a moy, cela ne m'importe point, pourveu que vous soyes payés comme il faut, qui est mon seul re- gard pour ce particulier. Ce que vous manquant, si vous m'en donnes advertissement, je ne feray aucune faute de ( I ) L'une des premières préoccupations de saint François de Sales après son élévation à l'épiscopat, avait été la réforme des monastères de son diocèse. Celui de Sixt (voir le tome précédent, note ( x ), p. 316) avait attiré le plus son attention; le 25 septembre 1603, il procédait à la visite canonique de cette maison, et prenait des mesures pour y rétablir la régularité. La Commu- nauté, dont TAbbé commendataire était Jacques de Mouxy, se composait alors de huit Religieux : Jean Moccand, prieur, Bernard et Claude de Passier, un autre Jean Moccand, François Biord, Pierre Pugin, Nicolas Desfayet et Bernard de Lucinge. (2) Peut-être s'agirait-il de l'un des neveux de l'Abbé commendataire, Humbert, fils de Jean-François de Mouxy, seigneur de Saint-Paul, près de Grésy-sur-Aix.  Année 1603 227 m'essayer d'y remédier, honteux que je serois de faire des ordonnances aux visites des autres monastères, ainsy que nostre Saint Père et Son Altesse le veulent, si a la première j'avois esté du tout inutile. Je me recommande a vos prières desquelles, a la vérité, j'ay bon besoin, et suis, Messieurs, Vostre très humble confrère et serviteur en Jésus Christ, Franc", E. de Genève. Annessi , ce quatorziesme novembre mil six centz et trois. A Messieurs les Prieur et Religieux de Sixt. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.  CCIII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL 1^ Envoi d'une attestation relative à la conversion des bailliages de Chablais, Gaillard et Ternier. Annecy, 15 novembre 1603. Monseigneur, J'envoye a Vostre Altesse l'attestation (0 qu'elle desi- roit de moy sur la conversion des peuples de Chablaix, Gaillart et Ternier. Je ne sçai si je Tauray dressée au gré de Vostre Altesse ; mais je sçai bien que je n'ay pas peu esgaler le mérite du sujet par aucune sorte de nar- ration, ni le désir que j'aurois de rendre très humble obéissance aux commandemens et intentions de Vostre (i) Cette attestation n'est autre que la lettre suivante, adressée au Pape Clément VIII à la prière du duc de Savoie. (Voir à l'Appendice la lettre de ce prince en date du 25 octobre 1603.)  228 Lettres de saint François de Sales Altesse. Elle me fera cette faveur, je l'en supplie très humblement, de me donner le bonheur de sa grâce, et je prie Nostre Seigneur pour la santé et prospérité de Vostre Altesse, de laquelle je suis, Monseigneur, Très humble et très obéissant orateur et serviteur. Francs Evesque de Genève. A Annessi, 15 novembre 1603.  CCIV  A SA SAINTETE CLEMENT VIII (minute) Exposé des causes qui ont provoqué l'apostasie du Chablais : pression exercée par les Genevois. — Envoi de missionnaires. — Zèle déployé par le duc de Savoie ; éloge de ce prince. — Conversion de toute la province. Annecy, 15 novembre 1603. Beatissime Pater, Cum rerum Christianarum firmitas a Sanctse Sedis Apostolicae sollicitudine , secundum Deum , pendeat, multum sane interest ut quae in rem Ecclesiae distinctis passim locis geruntur vere et ex fide apud eam proferan- tur, ne scilicet objecta summae illius curae pastorali, aut vera pro falsis, aut falsa pro veris exponantur. Ouam ob causam, cum in hac diœcesi quae Sedis Apostolicae  Très Saint Père, Après Dieu, c'est le Saint-Siège Apostolique, c'est sa vigilance qui assure la stabilité de la république chrétienne. Aussi importe-t-il beaucoup de lui faire un rapport consciencieux et fidèle des événe- ments qui intéressent l'Eglise en chaque pays ; sinon, quand on soumettra un exposé de faits à la sollicitude souveraine du Pontife, on pourra faire passer pour vrai ce qui est faux ou pour faux ce  Année 1603 229 voluntate mihi commissa est, maxima facta sit iis nostris temporibus rerum in melius mutatio, non debeo commit- tere quin de vero illarum statu quam potero clare ac distincte, omnino autem ex veritate, apud Sedem Apos- tolicam narrationem deferam. Ea autem ut plena sit, paulo altius ordiar necesse est. Quo tempore Gallorum Rex, Franciscus primus, omnem propemodum Sabaudiam occupavit, Bernenses Helvetii, Lutherana ac Zuingliana lue non ita pridem infesti, in partes Sabaudiae sibi viciniores irruptionem fecerunt, animosque civibus Genevensibus addiderunt ut Christi suavissimum jugum ac proprii Principis imperium ex- cuterent, ac in istam seditionem democraticam qua nunc vexantur, speluncam scilicet latronum et exulum *, *xMatt.,xxi, i3;cf. infœlici mutatione degenerarent. Verum, ut a Gallorum ^^'' ^^"' ' armis initium duxerat Bernensium irruptio et tirannis in nostros Sabaudos, ita etiam pax, cum conditione rerum restituendarum in integrum, inter Henricum, Francisci Régis filium , et Emmanuelem Philibertum,  qui est vrai. Or, le diocèse dont, par la volonté du Siège Apostolique, j'ai la garde, a vu de nos jours ses affaires s'améliorer très heureuse- ment. Cette situation nouvelle, je dois l'exposer au Siège Apostolique ; je le ferai avec autant de clarté et de précision que possible, mais en tout cas, avec un souci absolu de la vérité. Pour être complet, il sera nécessaire de reprendre les choses d'un peu plus haut. Pendant que la Savoie presque tout entière était au pouvoir du roi de France François I^"", les Suisses Bernois, infectés depuis peu du venin de l'hérésie luthérienne et zwinglienne, se jetèrent sur ces quartiers de Savoie qui confinent à leur pays. Cédant à leurs per- suasions, les habitants de Genève secouèrent le joug très suave du Christ et, du même coup, l'autorité de leur propre souverain. Us en vinrent, par le plus malheureux des changements, à tomber jusqu'au fond de cette démocratie dont l'esprit séditieux agite à cette heure le pays, et en fait en quelque sorte luw caverne de voleurs et de bannis. Or, comme les armes des Français avaient occasionné cette irruption des Bernois et leur domination si funeste à nos Savoisiens, par contre, quand la paix se fit entre Henri, fils de François l", et Emmanuel- Philibert, duc de Savoie, ce fut avec la condition de rétablir l'ancien-  230 Lettres de saint François de Sales Sabaudiae Ducem, ansam dédit Bernensibus de restitu- tione provinciarum quas occupaverant serio cogitandi. Adduci tamen non potuerunt ut omnia quae ceperant redderent, nec ut ea quae restituere parati erant sine injusta conditione dimitterent. Quare, cum res non ferret ut tune cum eis armis decerneretur, actum factumque est ut Dux reciperet quatuor illa quae vocant balliagia Tono- nense, Terniense, Galliardense et Gayanum, siveGexense, quae quatuor ex partibus civitatem Gebennensem cingunt illique circum circa obvolvuntur ; hoc tamen addito pacto, nulla ut in eis Catholicae religionis officia celebrarentur. Iniqua plane conditio, sed spe melioris eventus toleranda, et illorum temporum ac rerum constitutioni congruens. Inter haec, Emmanuel Philibertus Dux, ut erat apprime Catholicus, nullum cogitandi finem facit quanam demum ratione illius conditionis vexationem redimere queat ; sed frustra, cum Divina Providentia non illi tantum honorem, sed Carolo Emmanueli, filio, destinasset. Cum ergo ante aliquot annos Bernenses et Genevenses cum Gallis copias  état de choses. C'est ce qui donna l'idée aux Bernois de songer sé- rieusement à restituer les provinces dont ils s'étaient rendus maîtres. Toutefois on ne put les amener à faire une entière restitution, et même les restitutions auxquelles ils se résignèrent étaient accompagnées d'une condition injuste. D'autre part, on n'était pas en mesure de se faire justice par la force des armes; voici donc ce qui fut conclu et ce qui fut fait : le duc reprendrait ce qu'on appelle les quatre bailliages de Thonon, Ternier, Gaillard et Gay ou Gex, qui confinent à Genève de quatre côtés et s'étendent tout autour de cette ville, à la condition expresse toutefois qu'il ne s'y ferait aucun exercice de la religion catholique. Certes, la clause était tout à fait inique, mais on s'y résigna dans l'espérance de jours meilleurs ; d'ailleurs les circonstances des temps et des lieux n'en comportaient pas d'autre. Cependant le duc Emmanuel-Philibert, en bon et sincère Catholi- que qu'il était, pensait constamment, mais en vain, au moyen d'an- nuler cet article vexatoire du traité. Ce n'est pas à lui, mais à son fils Charles-Emmanuel, que la divine Providence réservait cette gloire insigne. En effet, il y avait quelques années que les Bernois et les Genevois avaient allié leurs troupes à celles de la France. Brisant  Année 1603 231 conjunxissent, fide priorum contracluum fracta, iterum in eadem balliagia armis impetum faciunt; perfidia sane quoad dici potest plane fausta et opportuna, quando Dux, ex violatae fidei occasione, inviolata? fidei populos illos restituit. Cui tamen operi ne multorum hominum mérita deessent, illud sine multis et diuturnis bellorum laboribus, multoque sparso hinc inde sanguine perfici non potuit, dum pro armorum vicissitudine varie ab utraque parte decertatum sit. At tandem aliquando induciae fiunt, cum Dux balliagia duo, Tononense et Terniense, jam teneret. NuUa mora : rébus vix sic stantibus, Carolus Emmanuel iniqua con- ditione liberatum se sentiens, in ipso propemodum indu- ciarum articulo, Episcopum praedecessorem meum, eu jus memoria in benedictione*, statim monet ut Catholicos *Eccii concionatores illis populis convertendis immittat , [et] velle se omnino Catholicam religionem illis restitui. Epis- copus, mirum in modum gavisus, Terniensi balliagio duos concionatores, unum ex Dominicana familia, alterum ex  alors avec la parole donnée précédemment, ils envahirent de nou- veau les quatre bailliages susdits. De leur part, c'était une pure perfidie, mais, le croirait-on Pelle nous fut propice et singulièrement profitable, car le duc s'autorisant de leur foi violée, rendit ces peuples à la foi chrétienne, celle-là inviolable. Comme si l'entreprise ne pouvait être exécutée sans le méritoire concours d'un grand nombre de personnes, elle coûta bien des labeurs, de longues guerres, san- glantes à la fois pour les deux partis, car les succès furent partagés selon la vicissitude des armes. Enfin la trêve fut résolue, quand déjà le duc occupait les deux bailliages de Thonon et de Ternier. Dès ce moment, encore que les choses fussent à peine assurées, Charles-Emmanuel se sentit délivré de la clause inique imposée par les hérétiques. Aussitôt, dans le temps même où se concluait la trêve, il pria l'Evêque mon prédé- cesseur, dont la mémoire est en bénédiction, d'envoyer à ces populations des prédicateurs catholiques pour les convertir, en alTirmant sa volonté formelle de rétablir chez elles la religion catholique. Cette résolution causa au Prélat une joie inexprimable ; il envoya au bailliage de Ternier deux prédicateurs, l'un de la famille Dominicaine,  232  Lettres de saint François de Sales  Societate Jesu addicit(0; Tononensi autem duos e sua Cathedrali : Ludovicum de Sales, qui nunc Prsepositus est ipsius Ecclesiae, et me, nunc quidem Episcopum indi- gnum, tune autem Praepositum. * joan., VIII, 38. Jam ergo, de eo quod vidi loquor * et quod ut ita * I Joan., ï, 1-3. dicam manies meae contrectaverunt *^ ut sim impuden- tissimus si mentior, imprudentissimus si rem nescio. Igitur, cum balliagia illa ingressi sumus, misera ubique rerum faciès apparebat. Videmus enim sexaginta quatuor parrochias, in quibus, exceptis Ducis officiariis quos sem- per habuit Catholicos, ne centum quidem ex tôt hominum millibus Catholici inveniebantur. Templa partim diruta, partim nuda, nullibi nullibi Crucis signa, nullibi altaria, ac ubique fere omnia antiquae et verae fidei deleta vesti- gia. Ubique ministri, ut vocant, hoc est, hseresis doctores, domos evertentes, sua dogmata ingerentes, cathedras oc- Moan^' Vvii i" • ^upantcs, turpïs liicri gratia^. Bernenses, Genevenses II Thess., II, 3. et id genus perditionis filii *, per suos exploratores.  l'autre de la Compagnie de Jésus ( i ) ; et au bailliage de Thonon, deux autres de son église cathédrale : Louis de Sales, qui en est maintenant le prévôt, et moi, qui en suis aujourd'hui l'évêque, quoique indigne, et qui, pour lors, en étais le prévôt. Je parle donc de ce que j'ai vu, et pour ainsi dire, de ce que mes mains ont touché ; le dernier des hommes si je dis le contraire de la vérité, le plus inconsidéré, si je ne la connais pas. A peine entrés dans ces bailliages, un spectacle attristant s'offrit partout à nos yeux. Nous avions devant nous soixante-quatre paroisses ; or, si l'on excepte les officiers catholiques du duc, qui n'en voulut jamais avoir que de tels, on n'eût pas trouvé une centaine de fidèles sur une population de plusieurs milliers d'âmes. Des temples la plupart détruits ou dé- pouillés; plus, absolument plus de croix, plus d'autels, mais partout les vestiges de l'ancienne et vraie foi anéantis. Partout des ministres, comme on les appelle, c'est-à-dire des maîtres d'hérésie, pervertissant les familles, insinuant leur doctrine, envahissant les chaires, en vue d'un gain honteux. Les Bernois, les Genevois, et autres semblables enfants de perdition, terrorisaient le peuple, par le moyen de leurs  ( I ) Ce dernier était le P. Jean Saunier. (Voir le tome précédent, note ( 1 ), p* 261.)  Année 1603 233 minis populum deterruere ab audiendis nostrorum con- cionibus : inducias nimirum istas inducias esse, pacem nondum constitutam, mox Ducem atque adeo sacerdotes expellendos armis, hœresim sartam tectam remansuram. Nostri tamen rem pro virili promovent, ac primarios primum viros aliquot ex haeresis vorticibus in commu- nionis Catholicee portum recipiunt, sexque variis locis erectae [sunt] Catholicorum parrochiae : très in Tononensi, très item in Terniensi agro (cur autem plures non erige- rentur, partim operariorum paucitas, partim quod non suppeteret unde sustentari possent, partim quia pace non- dum firma, res adhuc incertae videbantur), et e Patrum Capuccinorum Ordine novi et strenui adveniunt messores, qui alacritate et zelo multorum vices supplebant. Itaque ita biennium traducitur, cum Dux, in re quam vive gerebat praecordiis impatiens morarum, ipsemet venire, Tononenses qui praecipui videbantur convenire ac cum eis coram agere constituit. Idque accidit anno millesimo quingentesimo nonagesimo octavo, adeoque  émissaires, pour les détourner de nos prédications. « La trêve, » disaient-ils, « n'est qu'une trêve, la paix n'est point conclue ; bientôt nous chasserons par les armes duc et prêtres, et notre parti, défiant toute insulte, restera seul triomphant. » Sans s'émouvoir, nos missionnaires poussèrent hardiment l'entre- prise. Quelques-uns des principaux seigneurs furent par eux retirés du gouffre de l'hérésie, et ramenés au port de la communion catho- lique. Six paroisses furent érigées en divers lieux: trois dans le bail- liage de Thonon et autant dans celui de Ternier (on ne put en établir davantage, faute d'ouvriers évangéliques, faute de fonds suffisants pour leur subsistance, et aussi parce que la paix n'ayant rien de stable, les choses flottaient dans l'incertitude), et l'Ordre des Capu- cins envoya de nouveaux aides, moissonneurs intrépides dont chacun, par son zèle infatigable, réalisait le travail de plusieurs. Deux années se passèrent donc de la sorte quand enfin le duc, dans une affaire qu'il avait si vivement prise à cœur, ne s'accommoda plus des retardements. Aussi se décida-t-il à venir lui-même à Thonon pour réunir les principaux de la ville et traiter en personne avec eux. Le voyage eut lieu en 1598; il fut couronné d un tel succès que  234 Lettres de saint François de Sales fœliciter successit ut Illustrissimus et Reverendissimus Cardinalis Florentinus, a latere Sedis Apostolicae Lega- tus, diebus aliquot interpositis adveniens, multa jam ho- minum millia viderit conversa esse, quibus quidem ipse partim absolutionem contulit, partira ab Episcopo praede- cessore meo, partim etiam a me dari voluit, cum scilicet in tanta pœnitentium copia, omnibus diei horis paratus esse deberet aliquis qui ad caulas Christi redeuntes oves exciperet. Quem profecto tam insignem et ingentem animorum motum ut in supremum rerum omnium immobilem Mo- * Ex Prœfat. Missœ. torem referre « dignum et justum est*, » sic quoque ingénue fatendum illum Ducis zelo, tamquam optimo instrumento, vel maxime usum fuisse. Illis enim aliquot mensibus quibus Dux hinc conversioni procurandae in- cubuit atque adeo Tononi moratus est, cor ejus peculiari quadam gratia in manu Dei esse videbatur, ut ad quod- *Prov.,xxi, I. cumque vellet converteret illud * ; cum sive publicis ad populum cohortationibus ac vocibus Catholico Principe dignis, sive privatis monitis ad eos qui videbantur haere- * Gaiat., n, 9. sis majores columnce *, sive exemplis bonorum operum,  riUustrissime et Révérendissime Cardinal de Florence, Légat a latere du Saint-Siège Apostolique, arrivant quelques jours après, y fut témoin de la conversion de plusieurs milliers de personnes. Une partie abjura entre ses mains ; il adressa les autres à l'Evêque mon prédé- cesseur ou à moi. Avec une telle multitude de pénitents, il fallait en effet qu'à toute heure un prêtre fût prêt pour accueillir ces brebis qui revenaient au bercail du Christ. Sans doute, « il est digne et juste » de rapporter au suprême, à l'immuable Moteur de toutes choses le mouvement si remarquable et si profond qui s'est fait dans les âmes ; mais, avouons-le sincèrement, Dieu a daigné se servir surtout du duc de Savoie et de son zèle, comme du principal instrument. Pendant les quelques mois que le prince s'occupa d'amener la conversion du pays, durant son séjour à Thonon, son cœur, par une grâce singulière, semblait être dans les mains de Dieu, tant il en suivait docilement les impressions. Tantôt il faisait publiquement des exhortations au peuple; tantôt il entamait des conférences privées avec ceux qui passaient pour les plus fortes  Année 1603 235 omnibus animi dotibus ac viribus, cum populo illo uni- verso contenderet ut illum Ecclesise Catholicae inferret referretque, constitutiis scilicet Dux a Deo super plebem illam, prœdicans prœceptiim ejus*. Nec destitit un- *Ps. n, 6. quam donec mutata rerum facie, veluti exacta hyeme et redeunte vere, ubique appareret « arbor décora et ful- gida * « vivificae Crucis, ubique Ecclesiae cantus, wtvox *Exhyrano F^x^V/a turturis audiretur in terra illa, et vînecu illae instau- rditdèrecentesç]}ieJlorentes darent odorem suum*. Di- * Cant., n, n-iv cam intrépide, nusquam suavius, nusquam efficacius hoc nostro tempore haereticorum tanta copia ad sanani fidem adducta est. Hue usque tamen pars ista maxima illorum populorum ad Ecclesiam reversa aliquot habebat immixtos utriusque sexus haereticos, qui cseteris obstinatiores in errore per- manebant. Quibus cum mederi aliter non posset Dux, ne reliquam plebem inficerent eos demum edicto publico discedere praecepit. Hujus edicti terrore perculsi, aliquot etiam conversi sunt, nimirum dum configitur spina *, * Ps. xxxi, 4.  colonnes de l'hérésie. L'exemple des bonnes œuvres, ses grandes qualités d'âme, ses meilleures ressources, il mettait tout en jeu dans ce corps à corps avec le peuple qu'il voulait ramener tout entier à l'Eglise Catholique. Il apparaissait vraiment comme le prince établi par Dieu sur son peuple, pour annoncer ses préceptes, et il ne se donna du repos que le jour où les affaires changèrent de face. Alors l'hiver ayant/«/, le printemps souriait ; partout on voyait se dresser « l'arbre précieux et resplendissant » de la Croix vivifiante ; de toutes parts l'Eglise faisait entendre ses chants comme la voix de la tourterelle, et renouvelées, /^wr/s5^«^ de nouveau, les vignes exhalaient leur parfum. Je puis le dire avec assurance, nulle part, en ces temps-ci, le retour d'un aussi grand nombre d'hérétiques à la vraie foi ne fut marqué d'un tel caractère de douceur et de sincérité. Toutefois, pendant que la majeure partie de ces populations était rentrée dans l'Eglise, au milieu d'elles restèrent quelques hérétiques de l'un et de l'autre sexe, qui, plus obstinés que les autres, s'entêtaient dans leurs erreurs. Le duc redouta le danger de perversion pour le reste des habitants. Afin de le prévenir (n'ayant pas la possibilité de re- courir à un autre moyen), il enjoignit aux obstinés, par un édit public,  2)6 Lettres de saint François de Sales Isaias, xxvni, 19. et afflictio dat intellectum auditui *. Ut nullum lapi- dem relinqueret Dux religiosissimus quem ipsemet suis, ut ita dicam, manibus non moverit, per blanditias, per minas, ut quoad per eum fieri posset populi illi conver- terentur ; et quod laude dignius est, magna consilii sui parte contra sentiente et consulente. Nam et recte memini interfuisse me consilio super ea re habito, speciali nimi- rum mandato Principis accersitus, in quo plerique con- siliariorum rem illam tune aggredi tempus non esse, resque non ferre mordicus asserebant, neque sane sine probabili illarum quas Status appellant rationum mo- mento, quibus tamen omnibus unam religionis rationem Dux sanctissime prseposuit ac praetulit, idque videntibus, spectantibus ac frementibus Bernensium legatis, qui illis ipsis diebus ut id averterent solemnem egerint legatio- nem. Verum balliagium Galliardense remanebat adhuc in potestate Genevensium, ex induciarum conditionibus, atque adeo ad illud nullus Catholicae fidei patebat aditus; at cum paulo post per pacis décréta redditum etiam  de quitter le pays. Terrifiés par cet ordre sévère, quelques-uns se convertirent ; car \es piquants des épines et de l'affliction donnent l'in- telligence à l'ouïe. On le voit, il n'est pas de pierre que ce très zélé prince n'ait voulu, pour ainsi dire, remuer de ses propres mains : caresses, menaces, il n'a rien épargné de ce qui était en son pouvoir pour ramener ces peuples ; et, ce qui est encore plus digne d'éloges, il agissait ainsi à rencontre des avis et des sentiments d'un grand nom- bre de ses conseillers. J'ai gardé le souvenir très précis d'une réunion à laquelle le prince m'avait spécialement convoqué. Plusieurs conseil- lers soutinrent obstinément que le moment n'était pas venu de rien entreprendre, que les événements s'y opposaient. Certes, ils ne man- quaient pas d'apporter de spécieuses raisons, de celles qu'on appelle raisons d'Etat ; mais toutes ces raisons cédèrent, et, devant la haute piété du prince, elles firent place à une seule raison : la raison de reli- gion. La scène eut lieu sous les yeux des députés Bernois indignés ; car ils étaient venus précisément avec la mission officielle de parer ce coup. Pourtant le bailliage de Gaillard restait toujours aux mains des Genevois, d'après les articles de la trêve ; il était donc fermé à la foi catholique. Mais dès que la paix, peu de temps après, l'eut  Année 1603 237 fuissel Duci, in illud immissi [sunt] opcrarii, Ducis expen- sis, ex Societate Jesu et cleri secularis sacerdotes qui exiguo tempore, magnis laboribus, maxima Dei gratia, rem propemodum omnem perfecerunt. Itaque, ut rem magnam paucis dicam, ante duodecim annos in sexaginta quatuor parrochiis urbis Genevsc vicinioribus, murisque illius, ut ita dicam, adjacentibus haeresis publiée docebatur, ac ita universa occupabat ut nuUus Catholicss religioni locus superesset. Nunc autem totidem iisdemque locis Ecclesia Catholica extendit pal- mites suos, ac ita viget ut nullus hseresi locus sit relictus ; cumque antea ne centum quidem viri in tôt parrochiis Catholici apparerent, nunc ne centum quidem haeretici videantur, sed ubique Catholicao fidei sacra fiunt cele- branturque, adhibitis unicuique parrochiae propriis curio- nibus. Sicque factum ut tria illa balliagia quae ex pacis conditionibus Duci obtigerunt, omnino Ecclesise restituta sint, ac, quod caput est, ita in fide et religione recepta persévèrent, ut nuUis extremorum bellorum persecutio- nibus, nuUis hsereticorum minis ab ea se dimoveri passi  remis au pouvoir du duc, celui-ci y envoya à ses frais des mission- naires de la Compagnie de Jésus et du clergé séculier. A eux tous, en peu de temps, avec de grands labeurs et avec la très grande grâce de Dieu, ils achevèrent presque la sainte entreprise. Pour résumer l'historique de cette grande œuvre en quelques mots, il y a douze ans, dans soixante-quatre paroisses voisines de Genève et, pour ainsi dire, sous ses murs, l'hérésie occupait des chaires publiques ; elle avait tout envahi ; à la religion catholique il ne restait plus un pouce de terrain. Aujourd'hui, dans les mêmes quartiers, l'Eglise Catholique étend de part et d'autre ses branches, avec des poussées si vigoureuses que l'hérésie n'y a plus de place. Jadis on avait peine à compter cent Catholiques entre toutes les paroisses réunies ; aujourd'hui on n'y verrait pas cent hérétiques. Partout l'on célèbre et l'on fréquente les mystères de la foi catholi- que ; chaque paroisse est pourvue de son curé ; enfin ces trois bail- liages, que les clauses du traité ont remis au duc, sont tout à fait restitués à l'Eglise, et, ce qui importe le plus, c'est qu'après avoir recouvré la foi et la religion, leurs habitants ont persévéré sans que  238 Lettres de saint François de Sales sint. Qui sane unicus fere ac solus bellorum exactorum fructus huic disecesi contigit. Superest vero, Pater Sanctissime, ut opus hoc, magnum *lTim.,i, 15. profecto et acceptione digmiin'^^ Ducem tanti operis instrumentum efficax, disecesim hanc universam multis nominibus miserandam, Sedes Apostolica intima soUi- citudine ac gratia complectatur ac foveat ; idque imis summisque praecibus humillime a Vestrae Sanctitatis clementia expeto pariter et expecto, Christumque illi semper propitium praecor. Ut autem omnia quae hic scripta sunt omnino ex veri- tate et sincera religione narrata esse non sit dubium, iis subscripsi sigillumque hujus episcopatus Gebennensis imprimendum curavi. Et quia plerique meae Ecclesiae Cathedralis canonici et alii spectatas fidei et doctrinae * Cf. I Joan., I, I. viri ea ipsa viderunt, imo etiam tetigerunt *, cum illis populis erudiendis operam suam in Domino coUocave- * Virgilius, ^neis, rint, rerumque recte gestarum « pars magna » fuerint *, ' * eos quoque subscripsisse operœ pretium duxi, ut veritati  ni les persécutions des dernières guerres, ni les menaces des héréti- ques aient jamais pu les ébranler. Voilà bien, certes, le seul et unique avantage que les guerres passées ont valu à ce diocèse. Et maintenant, Très Saint Père, cette restauration catholique, importante à coup sûr et digne de considération, ce prince qui en a été l'heureux instrument, ce diocèse tout entier qui mérite la sym- pathie à tant de titres, attendent du Siège Apostolique, des marques sérieuses de sollicitude, des témoignages de tendresse et votre bien- veillante protection. C'est avec de très humbles et très vives instances que je les sollicite de la clémence de Votre Sainteté, et, dans l'espoir de les obtenir, je prie le Christ de vous être toujours propice. Pour ne laisser planer aucun doute sur la vérité et la sincérité par- faites de ma relation, je l'ai signée moi-même au bas, et j'y ai fait apposer le sceau de l'évêché de Genève. En outre, plusieurs chanoines de mon Eglise cathédrale, et d'autres personnes d'une probité et d'une doctrine éprouvées ont vu et en quelque sorte touché les choses dont je vous fais le récit, car ils ont collaboré dans le Seigneur à l'instruc- tion de ces peuples et ils ont été pour « une grande part » dans tout ce qui s'est fait. C'est pourquoi j'ai cru que leurs signatures ne seraient  Année 1603 239 plurimorum testimonio roboratso plurima quoque ac constans fides adhibeatur (0. Annessii, 15 Novembris 1603. Beatissimo in Christo Patri et Domino, Clementi VIII, Pontifici Maximo. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.  pas sans utilité, car les faits attestés par un grand nombre de témoins obtiennent du même coup une grande et solide créance (i). Annecy, le 15 novembre 1603. Au Très Saint Père et Seigneur dans le Christ, Clément VIII, Souverain Pontife. (i) Ces signatures ne figurent pas dans le Procès de Canonisation.  ccv  A MONSEIGNEUR PAUL TOLOSA, EVEQUE DE BOVINO NONCE APOSTOLIQUE A TURIN (O (minute inédite) Tous les monastères de Savoie, ceux des Chartreux exceptés, ont besoin de réforme ; autorité requise à celui qui entreprendrait cette œuvre. — Utilité de l'intervention du Sénat. — Différentes mesures proposées. — Monastères à supprimer. — Situation anormale de ceux de Sixt et de Peillonnex. Annecy, [fin 1603]. Illustrissimo et Reverendissimo Signore mio colendissimo, Rispondendo alla lettera scrittami ciè un pezzo da V. S. 111'"^ et R'"^ circa la reformatione de' monasterii  Mon très honoré. Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Je réponds à la lettre que Votre Seigneurie Illustrissime et Révé- rendissime m'a écrite il y a quelque temps relativement à la réforme ( I ) Paul Tolosa, natif de Naples, religieux Théatin et prédicateur distingué, avait été préconisé évêque de Bovino le 30 avril 1601 et nommé l'année  240 Lettres de saint François de Sales di questa diocesi, io dirô con ogni sincerità et libertà il parère mio, già che per ubidienza, da V. S. 111"'^ et R'""* tal obligo mi viene imposto (O. È certo tanto inveterata [la rilassatezza] de tutti li monasterii di Savoya, eccettando perô quelli delli Cer- tosini (2), che un ordinario rimedio non sarebbe bastante a risanarli. Per questo sarebbe bisogno che il riformatore fosse di grande authorità et prudentia, et che havesse una amplissima facoltà di fare secondo le occurrenze ; et non solamente amplissima, [ma] absoluta et senza appella- tione, perché li monaci nel litigare sonno avvezzi et po- tenti. Et per scacciare ogni sorte di modo di scampare, sarebbe bisogno che Sua Altezza Serenissima [facesse] a ciô convenire il suo Senato di qua de' monti , chè senza quella interventione non si farebbe niente ; et questo potrebbe farsi senza prejudicio délie giurisditioni  des monastères de ce diocèse. Voici ma pensée en toute sincérité et liberté, puisque l'obéissance que je dois à Votre Seigneurie m'oblige de la proposer (O. 11 est certain que le relâchement de tous les mo- nastères de Savoie, excepté toutefois ceux des Chartreux (2), est tellement invétéré qu'un remède ordinaire ne suffirait pas à les assai- nir. Pour réussir, il faudrait un réformateur de grande autorité et prudence, muni de très amples pouvoirs dont il userait selon les occasions ; je dis non seulement très amples, mais absolus et sans appel, car les moines sont très expérimentés et habiles dans la chi- cane. Et pour leur enlever tout moyen de se soustraire à la réforme, il faudrait que Son Altesse Sérénissime fit intervenir dans cette affaire son Sénat de Savoie, car sans cette intervention on n'obtiendra rien. Ceci pourrait se faire sans préjudice des juridictions ecclésiastiques, suivante nonce à Turin. Rappelé quatre ans plus tard dans son diocèse, il le gouverna avec beaucoup de sagesse, devint en 1616 archevêque de Chieti, et mourut saintement le 3 octobre 1619. (i) Le 24 août 1603 le Nonce de Turin écrivait au Cardinal Aldobrandino : « ... Cosî anco in Savoia ho pregato Monsignor Vescovo di Geneva, dandoli Tautorità che rai concedono le facultà daterai da Nostro Signore, di visitare li raonasterii de' regolari, huoraini et donne... » (Archives Vaticines, Bor£^hese, série III, 95, c^.) (2) Cette assertion ne porte que sur les monastères d'antique observance, car les trois maisons de Frères-Mineurs Capucins, établies depuis peu dans le diocèse de Genève, y répandaient une grande édification.  Annfh 1603 241 ecclesiastiche, poichè quello braccio secolare non con- correrebbe che per provedere alT essecutione necessaria, dove fosse di bisogno. Sarebbe molto espediente, per quanto pare a me, che in certi monasterii si mettessero altri monaci, corne di FuUiensi o Certosini ; in certi altri che vi si mettessero, in vece de' monaci, preti secolari o canonici. Et la ragione di questo mio parère è che parte delli monasterii sonno sottoposti a superiori i quali non essendo riformati, quantunque si riformassero li sudditi la reformatione durarebbe poco. Verbi gratia : habbiamo qui vicino il priorato di Talloyres, casa honoratissima quanto alla fon- dationeiO, et appresso Geneva il priorato di Contami- na (=) et la badia di Entremonti (3) ; il primo è sottoposto  puisque le bras séculier n'interviendrait que pour faire exécuter au besoin les mesures jugées nécessaires. Il serait expédient, me semble-t-il, qu'en certains monastères on introduisît des Religieux d'une Congrégation différente, tels que des Feuillants ou des Chartreux, et qu'en d'autres on remplaçât les moines par des prêtres séculiers ou des chanoines. Voici la raison qui me porte à désirer cette mesure : une partie des monastères étant soumis à des supérieurs non réformés, la réforme, quand bien même leurs inférieurs l'accepteraient, ne pourrait être durable. Par exemple, nous avons près d'ici le prieuré de Talloires, maison de fondation très illustre ( i ), et, près de Genève, le prieuré de Contamine ( 2 ) et l'abbaye d'Entremont ( 3 ) ; le premier dépend de l'Abbé de Savigny en France, ( I ) Bien que la vie monastique eût été pratiquée à Talloires dès l'aunée 879, Rodolphe III, dernier roi de la Bourgogne transjurane, est considéré comme le véritable fondateur du prieuré établi dans cette localité. Il le dota vers l'an ior6 à la prière de sa femme, la reine Hermengarde, et le soumit à l'abbaye de Savigny, gouvernée alors par l'Abbé Ithérius, moine de Cluny. (2) Le prieuré de Contamine-sur-Arve avait été fondé en 1083 par Guy de Faucigny, évêque de Genève, qui promulgua Tacte de fondation dans la salle capitulaire de Cluny, en présence de saint Hugues, et unit à perpétuité le nouveau prieure à la célèbre abbaye. Une armée protestante qui dévasta le Fau- cigny dans l'été de 1589, s'abattit sur Contamine, dont elle réduisit en cendres les bâtiments, Téglise et la sacristie exceptées. La dispersion momentanée des moines amena le relâchement. On verra dans la suite de cette correspondance tout ce que fit saint François de Sales pour réformer soit Talloires, soit Conta- mine, et comment il prépara l'introduction des Barnabites dans cette dernière Maison. (3) Le monastère d'Entremont, fondé par Amédée comte de Genève, avait Li;TTRE5 II 16  242 Lettres de saint François de Sales air Abbate di Savigny in Francia, il seconde ail' Abbate di Cluni, il terzo air Abbate di San Rufo di Valenza. Hora, tutti questi superiori et li loro monasterii, corne potranno conservare la disciplina et riformatione nelli sudditi, poichè essi non la osservano, neque quid sit reformatio sciunt ? Per questo dico che 1' uno di questi duoi mezzi sarà necessario per lontanarne il scandalo loro : o vero met- tervi altri monaci riformati, o farne collegiate secolari, o sottoporli, per il terzo, a qualche Congregatione ri- formata dell'Ordine del quale sonno, o per il quarto mezzo sottoporli ail* Ordinario, si corne erano molti ec- cellenti monasterii anticamente, inanzi ch' havessero l'essentioni. Gli altri sarà necessario secolarizarli, corne il monastero di Six (0, quello di Pellionex (^), del  le second de l'Abbé de Cluny, la troisième de l'Abbé de Saint-Ruph de Valence. Or, comment tous ces supérieurs et leurs monastères pourront-ils maintenir la discipline et la réforme chez leurs inférieurs, puisqu'ils ne l'observent pas eux-mêmes et qu'ils ignorent même ce qu'est la réforme ? C'est pourquoi, à mon avis, l'une de ces deux mesures serait néces- saire pour en éloigner le scandale : ou bien y placer d'autres moines réformés, ou en faire des collégiales séculières ; ou encore, comme troisième expédient, les soumettre à une Congrégation réformée de l'Ordre auquel ils appartiennent; enfin, un quatrième moyen serait de les soumettre à l'Ordinaire, ainsi que l'étaient jadis plusieurs excel- lents monastères avant que les exemptions fussent en usage. Quant aux autres, tels que les monastères de Sixt (i), de Peillonnex (^\ été élevé au rang d'abbaye en 1154, tout en restant dépendant d'Abondance. En 1279 il passa dans la filiation de Saint-Ruph de Valence. Deux siècles plus tard (1490), l'abbaye d'Entremont tomba en commende, ce qui amena la décadence. Le premier Abbé commendataire est Philippe de Luxembourg, évêque du Mans. (i) Voirie tome précédent, note (i), p. 316, et ci-dessus, note (i), p. 226. (2) Ce prieuré de Peillonnex, qui subissait alors une si sombre éclipse, était par son antiquité le premier des monastères de la Savoie. Fondé au cours du X* siècle par Gérold, évêque de Genève, et soumis en 11 56 à la Règle de Saint-Augustin, il avait vu pendant plusieurs siècles la pénitence et la prière fleurir dans ses murs. L'incendie du prieuré par les Genevois (5 août 1589) obligea les Religieux à se disséminer dans des habitations  Annéh 1603 243 SepolcroiO, di questa terra, et simili; perché li Frati sonno Canonici regolari di Sant'Ago.stino,ma d'una certa Congregatione che non ha ne générale, ne provinciale, ne Capituli, ne visita, ne forma di fare voto espresso, ne Regola, ne Constitution^ È vero che dal Vescovo sonno visitati quelli di Six et di Pellionex, et cosi li ho visitati, ma non ho potuto ridurli a Regola, poichè non ne hanno; solamente li ho fatto osservare le Constitutioni ordinarie, corne se fossero canonici secolari, aspettando che si possa pigliar conclusione migliore deir essere loro Revu sur le texte inséré dans le I*"" Procès de Canonisation.  du Sépulcre en cette ville (i), et semblables, il est nécessaire de les séculariser, vu que les moines sont Chanoines réguliers de Saint- Augustin, mais d'une certaine Congrégation qui n'a ni général, ni provincial, ni Chapitre, ni visite, ni forme expresse de vœu, ni Règle, ni Constitutions. Il est vrai que ceux de Sixt et de Peillonnex sont visités par l'Evêque ; c'est ainsi que je les ai visités moi-même, mais je n'ai pu les astreindre à l'observance de la Règle puisqu'ils n'en ont pas; seulement je leur ai fait observer les Constitutions ordinaires, comme s'ils eussent été chanoines séculiers, en attendant que leur situation puisse être régularisée privées. Cet état de choses, qui se prolongea près d'un siècle, accéléra la ruine des observances monastiques. Saint François de Sales mit tout en œuvre pour les rétablir, et, dès le début de son épiscopat, visita Peillonnex ; il n'est pas possible toutefois de préciser la date de cette première visite. Le procès-verbal de celle qu'il y fit le 30 août 1606 nous a seul été conservé. Les moines de Peillonnex adoptèrent vers 1683 les Constitutions données par le saint Evéque aux Religieux de Sixt, et, détail intéressant à signaler, en 1695 °° trouve déjà dans leur église une chapelle dédiée à saint François de Sales. (i) Les chanoines hospitaliers du Saint-Sépulcre étaient établis à Annecy dès le milieu du xiv*^ siècle. Leur premier Prieur dont le nom soit connu est le bienheureux André d'Antioche, qui mourut à Annecy avant 1360. Son tom- beau fut honoré par des miracles. On lit à ce sujet dans le Theatrum Sabandiœ : « Sepulchrum... in qiio asservari fertur corpus viri Dei Afidrece, principis Antiocheni, quem commendat gratia sanitatum. » Dans la suite, le relâchement s'introduisit parmi les chanoines. Les Archevêques de Tarentaise, auxquels le Saint-Siège les avait soumis (10 juin 1417), travaillèrent mais vainement à les réformer. Ils se sécularisèrent vers la fin du xvm'^ siècle.  244 Lettres de saint François de Sales CCVI A MADAME DE BOISY, SA MERE (0  Allusion aux tribulations endurées durant la mission du Chablais. Témoignages d'affection. [1603 (2).] Je vous escris cecy, ma très chère et bonne Mère, en montant a cheval pour Chamberi. Ce billet n'est point cacheté, et je n'en ay aucune inquiétude; car, par la grâce de nostre Dieu, nous ne sommes plus en ce fascheux tems ou il nous failloit cacher nécessairement pour nous escrire en termes d'amitié, et pour nous dire quelque parole de consolation. O vive Dieu, ma bonne Mère! Il est vray que le souvenir de ce tems la produit tous-jours quelque sainte douceur a ma pensée. Tenés vous joyeuse en Nostre Seigneur, ma bonne Mère, et sçachés s'il vous plaist que vostre pauvre filz se porte bien, par la divine miséricorde, et se prépare de (i ) Françoise, fille de Melchior de Sionnaz et de Bonaventure de Chevron- Villette, promise dès Tâge de sept ans (contrat dotal du 12 mai 1560) à François de Sales, de vingt-sept ans plus âgé qu'elle, Tavait épousé dès qu'elle fut nubile. (Cf. le tome précédent, note ( i ), p. 33.) Entre autres seigneuries, elle lui ap- portait en dot celle de Boisy, à condition qu'il en prendrait le nom. De cette alliance naquirent treize enfants dont saint François de Sales fut l'aîné. On sait quels soins sa pieuse mère mit à le former à la vertu, comment elle favorisa son entrée dans l'état ecclésiastique et sa mission dans le Chablais. A l'insu de M. de Boisy, elle envoyait à son fils secours et encouragements durant cette laborieuse campagne apostolique ; c'est ce à quoi il est fait allusion dans ce billet. M""* de Boisy eut la joie d'assister à la consécration épiscopale de notre Saint et de voir une partie des succès obtenus par ses travaux. Elle le choisit pour directeur, et cette grande chrétienne rendit le dernier soupir (i*"" mars 16 10) sous les bénédictions de celui qu'elle nommait à la fois son père et son fils. (2) Cette lettre n'est pas datée; mais l'allusion qu'elle contient aux tribula- tions de la mission du Chablais comme à des faits encore récents, indique qu'elle remonte aux débuts de l'épiscopat du Saint. Nous ne trouvons pas, il est vrai, de preuve positive qu'il se soit rendu directement à Chambéry en 1605; mais ses affaires l'appelaient assez souvent dans cette ville pour qu'il ait dû y aller plusieurs fois au cours de cette année.  Annéh 1603 245 vous aller voir le plus tost et le plus longuement qu'il luy sera possible, car je suis tout a vous. Je le doy, et vous le sçaves que je suis Vostre filz, François, Evesque.  ce VII A UN PRÉLAT (0 (fragment inédit) Difficultés que suscite une mesure récemment imposée. [Annecy, 1603-1604 (2).] Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio osservandissimo, Vengo ogni giorno tuttavia tanto aifaticato délie dif- ficoltà et inconvenienti che nascono délia (sic) nécessita da poco tempo in qua posta, di non lasciar passare le semplici signature senza spedire le Bolle per li beneficii minori, che io sono sforzato di ricorrere di nuovo alla carità di V. S. 111'"" et R'"^, supplicandola che si degni Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Je suis chaque jour tellement fatigué des difficultés et contre- temps que provoque la mesure imposée depuis peu, de ne pas laisser passer les simples signatures sans expédier les Bulles pour les petits béné- fices, que je me vois contraint de recourir de nouveau à la charité de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, la suppliant de daigner ( I ) Le destinataire de cette lettre est probablement l'Evèque de Bovino, uonce apostolique à Turin (voir ci-dessus, p. 239). Peut-être encore serait-ce le Cardinal Aldobrandino. (2) C'est seulement d'après l'écriture que l'on peut conjecturer à quelle époque ce fragment dut être écrit.  246 Lettres de saint François de Sales CCVIII A MONSEIGNEUR GISBERT MASIUS, ÉVÊQUE DE BOIS-LE-DUG (O (minute) Union créée entre les deux Prélats par les persécutions qu'ils endurent de la part des hérétiques. — Recommandation en faveur de Rodolphe van Dunghen; éloge de ce personnage. 1603-1604. Perillustrissimo ac Reverendissimo in Christo Patri et Domino, D. Gisberto, Episcopo Buscoducensi, Franciscus, indignus Gebennensis Episcopus et Princeps, salutem in Christo plurimam. Quam fuerit in usu inter priscos illos Ecclesise Pastores scriptionis epistolarum ofïicium , nemo sane est qui nesciat ; et tu, Reverendissime Pater, id omnium minime ignoras : char it as mutua sola scribendi causa , cujus Coioss., m, 14. sacrum perfectîonis vinculum * nulla locorum distantia solvit.  A rillustrissime et Reverendissime Père et Seigneur en Jésus-Christ, Monseigneur Gisbert, Evêque de Bois-le-Duc, François, indigne Evêque et Prince de Genève, présente mille salutations dans le Christ. C'était l'usage parmi les anciens prélats de l'Eglise de s'écrire des lettres : tout le monde le sait, et vous, Reverendissime Père, vous l'ignorez moins que personne. Ces relations épistolaires s'inspiraient d'un seul motif : la charité mutuelle, ce lien sacré de la perfection, qu'aucune distance ne saurait détruire. (1) Gysbertus ou Giselbertus Masius occupa le siège de Bois-le-Duc dans les Pays-Bas du 25 mars 1594 au 11 juillet 1614. Le i*"" novembre 1601, sa ville épiscopale avait été investie par l'armée du prince Maurice d'Orange. Le froid intense qui survint contraignit à lever le siège; néanmoins les troupes ennemies continuèrent à occuper les alentours, et l'Evéque se trouvait ainsi bloqué dans la ville, dont il n'aurait pu sortir sans s'exposer à de graves périls. Cet état de choses se prolongea jusqu'en 1629, époque où le prince Frédéric- Henri d'Orange s'empara de Bois-le-Duc.  Année 1603 347 Ea ergo mihi primo causa scriptionis satis esse visa est, quae majoribus unica propemodum esse solebat ; praeser- tim cum non tantum dignitatis ecclesiasticae, sed etiam afflictionis (contrario licet génère) communione conjunga- mur. Nam tu quidem, Reverendissime Domine, ab haere- ticis, ut audio, obsidione conclusus, civitate sola potiris ; ego contra, ab hsereticis exclusus, sola propemodum careo civitate. Dissimile, sed non inaequale malum, exilium et carcer, ut me tibi jure Christian© visitationis , te mihi hospitalitatis officia persolvere sit sequum. Me ergo tu, quo possum modo, per litteras nimirum salutatus, Isetis, opinor, excipies oculis, et pro tua charitate complecteris. Accedit et alia scriptionis causa, commendandi scilicet D. Rudolphum, filium Joannis a Dunghen (0, tuae diœ- cesis virum, qui et ipse primus Reverendissimae Paterni- tatis Vestrae colendae animum injecit, cum inter multas  Ce sentiment, le mobile à peu près unique de nos Pères, a suffi pour me décider à vous écrire, surtout quand une dignité ecclésias- tique toute semblable, et un sujet d'affliction tout pareil, quoique en sens inverse, établissent entre nous un singulier rapprochement. Les hérétiques, à ce qu'on dit, Reverendissime Seigneur, vous tien- nent bloqué dans votre ville assiégée, et vous n'avez que votre seule cité épiscopale en votre possession . Quant à moi, c'est tout le contraire ; en me chassant, les hérétiques m'ont presque tout laissé, à l'excep- tion de ma ville épiscopale. Pour être différents, l'exil et la prison sont deux maux qui s'équivalent. Aussi, en strict droit chrétien, si j'ai le devoir de vous rendre visite, vous avez celui de me faire un accueil hospitalier. Je pense donc que si je vous salue par lettres (et le puis-je faire autrement?), vous me recevrez d'un air souriant et vous m'embrasserez selon les effusions de votre charité. J'ai d'ailleurs une autre raison de vous écrire : je veux vous recom- mander M. Rodolphe, fils de Jean van Dunghen ( i ), votre diocésain. C'est lui qui le premier m'a donné l'idée de rendre mes devoirs à Votre Reverendissime Paternité. Il se plaît souvent à dire que vous ( I ) Rodolphe Janssen, communément appelé van den Dunghen ou Dungen, du village hollandais où il naquit, avait été licencié en droit canon et en droit civil à l'Université de Douai. C'est pendant son séjour chez le président Favre qu'il s'acquit l'estime et l'affection de saint François de Sales (voir ci-dessus, p. 69). On ignore l'époque de son retour en Hollande, et par suite il n'est pas  248 Lettres de saint François de Sales laudes, quibus te dignum ssepe praedicat, hanc adjiceret, multam quidem suorum civium erga Principes suos devotionem, tua tamen prsesertim opéra efFectum quod urbs illa jam toties [tam] inusitatis quoque stratagemati- bus tentata, in hostium potestatem nondum venisset ; illud nimirum tuum esse eloquium ac vim dicendi, ut Josue, VI, 20. cum buccinœ clangore mûri Hierichuntini sint eversi *, tubse tuae evangelicse sonitu Buscoducensia mœnia et propugnacula sarta tecta hucusque permanserint. Cum ergo discessurus addidisset hic tuarum virtutum cultor, existimare se, si aliquod vitae suae apud nos lau- dabiliter actae testimonium ad te deferret, plurimum hoc illi in omni vitae génère subsidii allaturum ; ego, pro ea qua praesentem complexus sum amicitia, non potui quin et discedenti hoc amoris officium lubens impenderem, eumque tibi, quanto possum studio, commendarem. Jam  méritez de grandes louanges, principalement pour ceci : ses conci- toyens, si attachés qu'ils soient à leurs princes, doivent surtout à votre vigilance de n'avoir pas vu leur ville tomber au pouvoir des ennemis, malgré les stratagèmes inouïs tant de fois employés pour la séduire. En vérité, votre parole et votre éloquence ont un singulier effet : jadis, au bruit strident des trompettes, les murs de Jéricho tombèrent ; mais au son de votre voix, pareille à un clairon évangélique, Bois- le-Duc a vu ses murailles et ses défenses se tenir debout et demeurer jusqu'ici hors de toute atteinte. Cet homme, qui rend un tel hommage à vos mérites, me fit savoir, étant sur son départ, que s'il pouvait vous présenter une attestation de la vie honorable qu'il a menée parmi nous, cela lui serait, en toutes circonstances, d'une précieuse utilité. Je lui ai témoigné trop d'amitié pendant qu'il était ici pour lui refuser, maintenant qu'il nous quitte, cette marque d'affection.- Aussi je vous le recommande volontiers et avec toutes les instances possibles. Pendant près de possible de préciser la date de cette Lettre ccvii, lettre non datée dans les précédentes éditions. Toutefois elle doit être antérieure de plusieurs mois au choix que Ms"" Masius fit de Rodolphe van Dunghen pour occuper un canonicat dans sa cathédrale de Saint-Jean, et desservir en qualité de curé la paroisse Saint-Pierre de Bois-le-Duc (2 décembre 1604). Cet ecclésiastique ne jouit pas longtemps de ces deux bénéfices, car la mort l'enleva le 17 février 1607. (Note du R. P. van Meurs, S.J.)  \  Annék 1603 249 triennium fere in domo ac contubernio illustris et cla- rissimi viri Antonii Fabri, ducatus Gebennensis Praesidis, vixit,mens8e ejusdem et sermonis ac disciplinae particeps : quo toto tempore mitto quanta cura jurisprudentiam et litteras coluerit ; sed quod apud me caput est, pietatis et religionis officia semper dilig-entissime amplexus est, ut nunc redeuntem sicut omni virtutum et pietatis génère onustam navim institoris * videre liceat. Quod et tibi, • Prov., xxxi, h. Reverendissime Pater, gratissimum fore non ambigo, et hominis plurimum diligendi causam per se acceptissi- mam. Si quid tamen ad hsec meum adjicere potest sufFra- gium, illud sponte ac lubens confero ; et me tibi, Reverendissime Pater, tuisque omnibus rationibus ac voluntatibus addico et dico. Bene vale et Christum habeto propitium, meque illius misericordiœ precibus pro tua charitate concilia.  trois années il a vécu sous le toit et dans l'intimité de l'illustre et si fameux Antoine Favre, président du duché de Genevois : il a été son commensal, il a joui de ses entretiens et de ses leçons. Il n'est pas besoin de dire avec quel zèle il s'est appliqué, pendant tout ce temps, au droit et aux belles-lettres ; mais ce qui importe davantage à mes yeux, il a embrassé avec une exactitude scrupuleuse et qui ne s'est jamais démentie, les devoirs de la piété et de la religion. Il me semble donc le voir retourner maintenant vers vous pourvu d'une rare pro- vision de vertus et de piété, semblable au navire d'un marchand qui revient avec une riche cargaison. Tout ceci, Reverendissime Père, vous fera sans doute un très grand plaisir, et je suis sûr aussi que vous accorderez volontiers vos sympathies à un homme si digne d'être aimé. Si mon suffrage peut être de quelque valeur après tout ce que je viens de dire, je le lui donne de grand cœur. Et quant à moi, Reverendissime Père, je me déclare entièrement dévoué à votre personne, à tous vos intérêts, ainsi qu'à votre bon plaisir. Jouissez d'une santé parfaite, et que le Christ vous soit propice ; puissé-je, à la faveur de vos charitables prières, obtenir sa miséricorde !  250 Lettres de saint François de Sales CCIX A M. ANTOINE DUNANT, CURÉ d'aBONDANGE (0 Ordre de transférer à d'autres jours des aumônes générales. 1603-1604 (2). Monsieur, J'entens que l'on fait certaines aumosnes générales (a) en Abondance et La Chapelle le jour mesme de Pente- coste (b), au moyen dequoy plusieurs circonvoysins aban- donnent les offices de leurs parroisses, et ceux du lieu (<^) sont fort distraitz de leurs devoirs et dévotions au pré- judice de Ihonneur qui est deu a un jour de si grande solemnité. C'est pourquoy je vous prie (^) de faire trans- férer ladite aumosne en un autre jour moins célèbre, affin que l'un des biens n'empesche point l'autre. Mais il faut que cela se face sans réplique, et partant je désire que vous vous y employés vivement («). Et me recommandant a vos prières, je demeure. . . . A Mons^ le Curé d'Abondance. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  (a) [Sur cet Autographe, dont le bas est coupé, figurent des additions et des corrections qui paraissent être de la même main que le texte de la Lettre cxcix. Nous les reproduisons sous forme de variantes.] générales — en vostre surveillance {\)) de Pentecoste — et de la Faste Dieu (c) des lieux (d) ordonne (e) vivement — et me donnies advis de l'exécution. { I ) Antoine Dunant, moine de l'abbaye d'Abondanco, avait été institué v,uré de la paroisse du même nom et de son annexe, La Chapelle d'Abondance, le 24 octobre 1596. Il mourut le 20 avril 1605. ( 2) Cette lettre, qui ne porte aucune date, a dû être écrite en 1603 ou dans es premiers mois de l'année suivante, car d'après la teneur d'un acte notarié, passé à Thorens le 26 octobre 1604, on voit que les aumônes générales ne se faisaient déjà plus alors aux jours de la Pentecôte et de la Fête-Dieu.  ANNEE 1604  ccx A M. ANTOINE DES HAYES (0 Félicitations pour le pardon accordé à un contradicteur. — Remerciements. — Désir de terminer sans procès un différend avec rArchevêque de Bourges. — Le Saint n'abandonne jamais Tétude de la théologie. — Affaire d'intérêt. — Estime pour les Pères Jésuites : joie de les savoir rentrés en France. Annecy, lô janvier 1604. Monsieur, J'ay despuis peu receu deux de vos lettres. La première m'advertit de l'ennuy que vous a fait un secrétaire au traitté des offices de Montargis. Je participeray tous-jours a tous les evenemens aggreables et desaggreables qui vous toucheront ; mais je me res-jouis de cettuy-ci qui vous a donné sujet de prattiquer la charité chrestienne au par- don que vous aves fait a celuy qui, sans sujet, avoit prat- tiqué la desloyauté mondaine en vostre endroit. C'est en cette action en laquelle gist le plus grand effort de la  (i) Antoine des Hayes, « gentilhomme servant de la Maison du roi, écuyer du duc de Nemours, » était fils d'André des Hayes, conseiller au Par- lement, et de Geneviève Le Noir. Ses relations avec saint François de Sales, commencées en 1600, devinrent telles qu'on le nommait « l'arch'intime » de l'Evèque de Genève, d'après l'expression de ce dernier. Des Hayes, qui avait épousé Marie Chapelle (contrat dotal du 16 juillet 1597), P^^^ ^^^ns la suite les titres de seigneur de la Bretonnière, de Courmenin et de Courton, secrétaire des commandements du duc de Nemours, maître d'hôtel et conseiller du roi en son Conseil d'Etat et privé. Vers le milieu de 1605, il fut nommé capitaine  252 Lettres de saint François de Sales force et constance d'un généreux esprit, et qui attire le plus la faveur du Ciel. Vives tous-jours comme cela, Mon- sieur, et parmi Forage de la mer ou vous estes, regardés perpétuellement vostre port. Il m'a fallu dire ce mot pour vous tesmoigner Tayse que je reçois de vostre vray bien parmi les phantosmes de vostre mal apparent ; mais le bon est qu'après tout cela la victoire vous demeure, comme indubitablement elle fera tous-jours, et cela me donne encor du contentement selon le monde et selon Dieu. Vostre seconde lettre me donne advis de quelques bons offices qu'avés pris la peyne de faire pour les affaires de Gex en mon nom, lesquelz ont esté faitz si a propos que non plus, sur les difficultés que Monsieur Fremyot, Archevesque de Bourges, me fait au relaschement des biens ecclésiastiques qu'il avoit obtenuz du Roy par sur- prise, au préjudice de la concession que Sa Majesté en avoit faitte précédemment a l'Eglise et aux curés (O. Car si je ne puis par autre voye chevir de ce saint dessein, sur le souvenir que Sa Majesté a de cette affaire et de sa promesse par vostre moyen, je recourray a elle pour faire faire un commandement absolu audit Archevesque, plus- tost que de plaider a Dijon, comme j'ay fait ci devant, considérant bien que les procès entre gens de la qualité de laquelle luy et moy sommes ne peuvent estre que scandaleux. Je ne puis encor rien dire pertinemment de la volonté dudit seigneur Archevesque que je ne me sois abouché avec luy, comme j'espère faire restant a Dijon ce Caresme, ou j'ay accordé d'aller plus pour cette seule affaire que pour nulle autre ; estimant que j'y seray d'ailleurs asses inutile, principalement maintenant que gouverneur de la ville et du château de Montargis. (La remise de ses lettres de provision à la municipalité eut lieu le 21 août de la même année.) Le 21 octobre suivant le Conseil délibère sur les propositions faites par Antoine des Hayes touchant l'établissement d'un siège présidial à Montargis, et l'introduction des Jésuites pour l'éducation de la jeunesse. Le gouverneur ne s'occupa pas avec moins de zèle de l'établissement des Barnabites dans la même ville (14 maiiéîo). Il mourut le 30 mai 1637, âgé d'environ cinquante-huit ans. (Bibliothèque Nationale, Dossiers bleus, vol. 352 ; Invejitaire sommaire des Archives de Montargis.) ( I ) Le doyenné de Gex avait été cédé à l'Evêque de Genève par patentes royales du 19 septembre 1602.  Annfr 1604 253 la présence des Pères Jésuites ne laisse cette ville la en aucune nécessité d'assistence spirituelle. Néanmoins, la parole ayant esté donnée avant leur retour, et les néces- sités de mon diocèse le requérant, je m'essayeray de coopérer avec eux a Vœiivre de Nostre Seigneur"^, *cf.iCor.,uit.,i estudiant tous-jours en théologie, comme il a pieu au Roy de me faire resouvenir, comme n'ayant nul autre désir que celuy la, ni aucune autre occupation qui me soit aggreable. J'espère que Sa Majesté n'aura jamais sujet de penser autrement de moy ni de mes deportemens. M. de la Porte est en ces quartiers, qui prendra quel- que argent de nous, ainsy qu'il m'escrit, et que Madame de Mercœur m'a commandé de luy donner en déduction de nostre dette envers elle. Je ne laisseray pas de presser le plus que je pourray pour en envoyer de delà, mays il faut que je vous confesse la vérité : c'est icy un pauvre païs et auquel il est malaysé de treuver des sommes après tant de remuemens et troubles. J'ay appris que M. de Berulle m'a fait l'honneur de m'envoyer le livre que je desirois ; mais je ne doute point qu'il l'aura confié a mon frère*, qui n'en aura pas eu le *Videsupra, p.ii soin proportionne au prix que je lay de tout ce qui part dudit seigneur de Berulle, de la bienveuillance duquel je suis autant jaloux que nul autre. J'escris sur ce sujet a mon frère, affin que, s'il ne l'a perdu, je le puisse avoir par la première commodité. Je me suis extrêmement res-joui du bon succès des affaires des Pères Jésuites en France (0, a laquelle, comme vous sçaves, je désire et souhaitte toute bonne et sainte prospérité, qui ne luy peut jamais arriver que par la renaissance de son ancienne vertu et pieté, a laquelle cette excellente Compaignie peut infiniment contribuer, estant favorisée du zèle de Sa Majesté comme elle va estre, a ce qu'on me dit. Je ne sçay comme je doy vous remercier de tant de faveurs que vous me faites ; l'amas des obligations en est (i) Les Jésuites, bannis en 1594 par arrêt du Parlement de Paris, venaient d'être rappelés par un édit royal rendu à Rouen le i^"" septembre 1603 et enregistré au Parlement le 2 janvier suivant.  254 Lettres de saint François de Sales si grand que j'en ay l'esprit et le cœur tout saysis. Je prie continuellement Nostre Seigneur pour vostre santé et contentement, et suis inviolablement, Monsieur, Vostre très humble et fidelle serviteur. Francs E. de Genève. i6 janvier 1604. L'argent de bon qui doit estre a Gex, les pensions des ministres payées , est entre les mains des ministres mesmes qui opiniastrent autant pour ne le rendre pas que pour aucun article de leur foy ; mais je verray si a Dijon je pourray y mettre du remède. A Monsieur des Hayes, Gentilhomme de la Mayson du Roy, Escuyer de Monsieur le Duc de Genevois et de Nemours.  CCXI A UN INCONNU (minute inédite) Réponse aux reproches adressés au Saint, relativement au séjour qu'il projetait de faire hors de la Savoie. Annecy, février 1604. (^) Monsieur, Je vous remercie très humblement du soin qu'il vous plait tesmoigner a mon bien par l'advis que le bon Père  (a) [Cette lettre et la suivante, conservées à la Visitation de Turin, sont écrites sur le même feuillet. La minute que nous donnons ci-dessous en seconde leçon est de la main du Saint et occupe la première page; la seconde et la troi- sième pages sont demeurées en blanc, et la quatrième contient les deux minutes reproduites dans notre texte, sous les numéros ccxi et ccxii. Elles sont écrites par secrétaire.] Monsieur, Je vous remercie très humblement du soin quil vous a pieu me tesmoigner  Année 1604 255 Recteur (0 m'a donné de vostre part. Et ne vy jamais mon esprit party au choix de deux inconveniens, comme je Tay eu en ceste occasion ; mais ayant tout considéré, j'ay fait élection de celluy qui pouvoit recepvoir plus de remède et qui ne tumboit pas si droittement sur le ser- vice des âmes, aymant mieux m'exposer a la mercy de Topinion des bons qu'a la cruauté de la calomnie des mauvais. Pleut a Dieu que Tadvis me fust arrivé en un tems auquel j'eusse peu regaigner ma liberté sans la perte de tant d'affaires ecclésiastiques; j'eusse bien tost treuvé la resoulution. J'accuse fort vollontier la pauvreté de mon esprit, qui, regardant touttes choses en leur face naturelle, n'a sceu pénétrer jusques a ce succès. Si Dieu m'accompagne, Monsieur, je reviendray bien tost appres Pasques, avec un dessein inviollable de ne jamais sortir du diocèse, je ne dis plus sans le congé, mais bien sans le commandement de Son Altesse, et espère que les jours suyvans jugeront les precedens de  de mon bien par Tadvis que le bon P. Recteur m'a donné de vostre part. Pleut a Dieu quil me fut arrivé en un tems auquel j'eusse peu recouvrer ma liberté sans la perte de mon honneur et de tous les affaires ecclésiastiques que par force je doy traitter a Dijon. Je ne me vy jamais l'esprit parti entre deux desplaysirs et pertes comme je l'ay eii au choix que j'ay deu faire d'aller ou de demeurer. Mais ayant tout considéré, j'ay fpreferé la perte du costé ou j'ay veu...J fait élection du mal qui pouvoit recevoir plus de remède et qui ne tumboit pas si droittement sur le service des âmes. J'accuse fort volontiers mon enfance qui, fprenantj regardant toutes choses selon leur face naturelle, n'a pas sceu fdiscerner ce que je devoy...J considérer cet événement. Si Dieu m'accompagne, Monsieur, je reviendray immédiatement après Pasques, avec un inviolable dessein de ne jamais sortir de mon diocaese de ce costé la, je ne diray plus sans le congé, mais sans le commandement exprès fde ceux desquels. ..J de S. A. fdesquelz je crains maintenant le... a l'inten- tion desquelz... duquel j'ay tous-jours tant craint de... désiré de me ranger.. J et espère que les jours suivans jugeront les precedens de ma vie, et le dernier les jugera tous. Le P. Recteur, auquel je doy des-ja tant, m'obligera bien encor de vous dire quelque particularité Fde l'ennuy avec lequel je m'en vay, puisque ce n'est.. .J sur ce sujet. Je prie Nostre Seigneur quil vous comble de ses grâces, et je suis sans fin, Monsieur, Vostre  (i) Le P. Jean Fourier, recteur de Chambéry (voir ci-dessus, note ( i ), p. 156).  256 Lettres de saint François de Sales Cf. I Cor., m, 13. ma vie et que le dernier les jugera tous *. Le Père Recteur me fera ce bien de vous dire plus de particularités sur ce suject, et je prieray Dieu pour vostre prospérité, de- meurant sans fin, Monsieur, Vostre très humble serviteur.  CCXII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l'^'^ (minute) Annonce de son prochain départ pour Dijon. — Protestation de fidélité. Annecy, février 1604. Monseigneur, Il y a quelque tems que monsieur de Villette m'as- seura de la part de Vostre Altesse qu'elle auroit aggreable que j'allasse a Dijon ce Caresme et que j'y preschasse, pour y avoir plus de faveur aux affaires ecclésiastiques de Gex que je dois traitter avec la court de Parlement de ce pa3^s la. Sur ceste asseurance je m'y en vay, Mon- seigneur, toujours esgal a moy mesme au désir extrême que j'ay de rendre très humble service et obéissance a Vostre Altesse, avec touttes les preuves d'un'inviollable fidellité. Je n'y seray que le moins que je pourray, comme y estant hors de l'air de ma tranquilité. Que pleut a Dieu, Monseigneur, que les nouvelles qui courent il y a quelques moj^s de deçà de la restitution de Gex a Vostre Altesse ne soyent autant certaines qu'elles sont désirables ; j'en auro}^ ce particulier contentement de voir la sainte religion asseuree en tout mon diocèse, sans employer ny tant de peine ni tant de soing comme je suis obligé de faire maintenant.  Année 1604 2^7 Je fay en toutte humilité la révérence a Vostre Altesse et prie Dieu pour sa prospérité, désirant l'honneur d'estre toutte ma vie advoùé, ^Monseigneur, Son très humble et très obéissant serviteur et orateur.  CCXIII A SA SAINTETÉ CLÉMENT VIII ( MINUTE ) Difficultés que présente radministration de la partie française du diocèse de Genève.— Le Saint contraint de se rendre à Dijon y prêchera le Carême. Annecy, fin février 1604. Beatissimo Padre, Frà le moite miserie di questa diocesi, una è la divi- sione délia giurisditione temporale di essa, essendo che, se bene la maggior parte è sottoposta al Serenissimo Duca di Savoya, nientedimanco una parte notabilissima è sotto alla corona di Francia. Et da questa diversità de Principi nasce in me una nécessita di trattar et star bene con ambidue, et con li loro luogotenenti et Parlamenti, o vero Senati ; nel che non ho poca difficoltà, massime dalla banda di Francia, essendo che loro sanno ch' io  Très Saint Père, Parmi les nombreuses difficultés que présente l'administration de ce diocèse, l'une des plus considérables vient de ce qu'il est soumis à deux juridictions temporelles différentes; bien qu'il soit en grande partie sous la domination du Sérénissime duc de Savoie, néanmoins une partie très considérable est soumise à la couronne de France. Cette diversité de souverains m'oblige nécessairement à traiter et à demeurer en bonne intelligence avec tous deux, ainsi qu'avec leurs représentants et leurs Parlements ou Sénats ; ce qui ne me cause pas peu d'embarras, surtout à l'égard de la France, où l'on sait que je Lettres II 17  258 Lettres de saint François de Sales sonno Savoyardo et che délia Savoya sonno feudatario. Et perché il Parlamento di Digione è superiore di quella parte délia diocesi che è in Francia, cinque difficoltà in questa mutatione ho da trattare con esso. La prima è per conto del balliagio di Gex, per li béni ecclesiastici del quale (sebene sonno pochi, perché in tre luoghi soli vi si fa essercitio catholico) bisogna litigare con un Consigliere di esso Parlamento. La seconda, del modo di visitare quella parte délia diocesi, perché é prohibito di cavare alcun denario dal popolo , né per fabriche di chiesa, né per altro. La terza, che quelli po- poli nuovamente separati dalla Savoya domandano un vicario foraneo. La quarta, che se bene per li ufïicii fatti con diligentia dairiir° signor Nuntio Apostolico di Francia non si tratta più di stabilir Tessercitio heretico nel luogo di Sessel (0, tuttavia vengo avvertito che se io  suis savoyard et feudataire de la Savoie. Or, parce que la partie de ce diocèse qui appartient à la France relève du Parlement de Dijon, je dois traiter avec lui pour cinq chefs différents. La première question est relative au bailliage de Gex ; quoique les biens ecclésiastiques soient peu considérables dans ce bailliage (l'exercice du culte catholique n'ayant été rétabli que dans trois lieux seulement), il faut néanmoins plaider contre un conseiller dudit Par- lement. La seconde concerne la manière de visiter cette partie du diocèse, car il est défendu d'exiger aucun argent du peuple, soit pour la bâtisse des églises, soit pour autre chose. La troisième difficulté vient de ce que ces populations, récemment détachées de la Savoie, demandent un vicaire forain. La quatrième est celle-ci : grâce à la diligente intervention de M''' Tlllustrissime Nonce de France, il n'est plus question d'établir le culte hérétique à Seyssel (0 ; toutefois, à (i) On lit dans une lettre du Nonce de Savoie au Cardinal Aldobrandino en date du 25 octobre 1603 (Archives Vaticanes, Borghese, série III, 9s, c») : « Monsignor Vescovo di Geneva, con una di 18 del présente, mi scrive con molta amaritudine che nella terra di Sesel, dominio hora del Re di Francia et diocesi di lui, si tratta di metter Tessercitio heretico; et pure non vi è delli habitanti ne anco uno heretico, ne vi fu mai taie essercitio, essendosi conser- vata senipre quella terra senza corrutione alcuna. » Le 10 janvier 1604 M^"" del Bufalo, Nonce de France, écrivait au même Cardi- nal: «M. Le Grand... mi ha mandate ad assicurare che al dette luogo di Sesel non si metterà altrimenti il maledetto essercitio heretico. » (Ibid., Francia, vol. 49.)  Annf.f. 1604 259 non do particolare informationc délie circonstanze che debbono impedire tal stabilimento, non sarà la cosa sra- dicata, ma solamente quietata. Et la quinta, che molti Catholici di Gex che per via d(dre(litLo délia libertà, che chiamano, potrebbono haver V essercitio catholico nelle loro parrochie, non hanno chi proponga le loro suppliche, ne chi ne faccia la soUecitatione. Per questo, Beatissimo Padre, son sforzato di andare, doppo di haver havuta licentia da Sua Altezza di Savoya, in detto Digione, fuori délia diocesi, ma capo délia parte dalla diocesi che hora è in Francia ; dove io farô quel tanto che Iddio mi concédera in servitio di quelle nego- tiationi sopra scritte, et del tutto darô raguaglio ad am- biduoi r lU""' signori Nunzii di Vostra Santità, di Francia et di Savoya. Non crederù giamai che Vostra Beatitudine debba riprovar questa poca absentia che son sforzato di fare per li bisogni délia diocesi, laquale io lascio molto ben provista nelle cose spirituali et spero di rivedere fra duoi mesi ; massime perché quelli signori di quella città, sapendo la nécessita mia di andare costî, mi hanno pregato di volervi fare le prediche quadragesimali, et stimando  moins que je ne donne un mémoire particulier des circonstances qui doivent en empêcher l'établissement, ce projet ne sera point aban- donné, mais seulement ajourné. Et en cinquième lieu, bon nombre de Catholiques de Gex qui, moyennant l'édit appelé de liberté, pourraient obtenir l'exercice de la religion dans leurs paroisses, n'ont personne pour présenter leurs requêtes ni pour en solliciter l'entérinement. C'est pourquoi. Très Saint Père, après m'être muni de l'autorisa- tion de Son Altesse de Savoie, je suis contraint d'aller à Dijon, ville située hors de mon diocèse, mais dont relève cette partie du diocèse appartenant à la France. Là je travaillerai, selon que Dieu m'en don- nera le moyen, à l'arrangement des affaires indiquées ci-dessus, et je rendrai compte de tout aux deux Nonces de Votre Sainteté en France et en Savoie. Jamais je ne pourrai croire que Votre Béatitude doive dés- approuver cette courte absence que je suis contraint de faire pour les besoins du diocèse. Je le laisse fort bien pourvu de secours spirituels, et j'espère le revoir dans deux mois. Surtout les notables de Dijon, sachant que je devais me rendre dans leur ville, m'ont prié d'y prêcher  260 Lettres de saint François de Sales che quella fatica giovarebbe a cavar con più prestezza et favore li negotii miei dalle mani loro, ho liberamente acconsentito. Nientedimeno non ho voluto lasciar di dirne conto a Vostra wSantità, sî corne io desidero di fare di tutte le mie attioni, lequali dal beneplacito Apostolico in tutto et per tutto hanno da esser regolate. Et cosî, chiedendo la santa benedittione da Vostra Beatitudine, bascioli con humiltà li santi piedi. F. V. di G.  le Carême. J'y ai volontiers consenti, pensant que cet apostolat con- tribuerait à terminer phis promptement et plus heureusement les affaires que j'ai avec eux. Néanmoins je n'ai pas voulu manquer de rendre compte à Votre Sainteté de cette détermination, comme je désire faire de toutes mes actions, qui doivent en tout et partout être réglées par le bon plaisir apostolique. Je sollicite donc la sainte bénédiction de Votre Béatitude et je baise très humblement ses pieds sacrés. F. E. de G.  CCXIV A M. JACQUES DE VALLON (O Condoléances sur la mort de son père. Annecy, fin février 1604. Monsieur mon Cosin, Je puis dire que ce fut sans ma faute que nous lais- sasmes retourner vostre laquais sans response a la lettre que vous aves pris la peyne de m'escrire. M. Deage fut celuy qui me trompa, ayant luy mesme le premier esté trompé par sa surdité ; car il me dit que vostre laquais (i) Jacques de Gex, seigneur de Vallon, Morillon, Arbusigny, Couvette, Châtelard du Foug et Montfort, baron de Saint-Christophe (1622), gentil- homme de la chambre du duc de Nemours. Sa femme était Antoinette-Françoise Vidomne de Charmoisy. Il mourut le 8 mars 1631.  Annke 1604 261 estoit sorti de la ville le soir pour faire son partement plus matin, qui me garda d'escrire comme je devois. Je suis trop long a faire cette excuse, mays pardonnes moy. Ce que je crains [est] le deschet de l'opinion que vous m'asseures vous aves de mon affection, laquelle, si elle pouvoit croistre, s'augmenteroit tous les jours comme vous en faites naistre en tout tems de nouveaux sujetz, comme est la patience qu'il vous a pieu avoir a ma prière a l'endroit de M. de Bellecombe ( ; de laquelle ne voulant plus abuser, Monsieur, on ne vous priera point de la continuer plus avant, [craignant] de la voir em- ployer avec vostre incommodité et sans leur prouffit, puisqu'ilz ne s'en sont servis a faire l'appointement que vous desires. J'ay sceu le trespas de monsieur vostre père, mon Oncle (2), bien tost après qu'il fut advenu, et en ressentis les afflictions que je devois a l'amitié de laquelle il avoit tous-jours honnoré nostre mayson et a la perte que vous aves faitte, laquelle je sçeus bien [appréhender] par la mémoire de celle que peu d'années auparavant j'avois fait moy mesme sur un pareil sujet. Je n'attendis pas, croyés le bien je vous supplie, de recommander son ame a Nostre Seigneur que vous m'en eussies adverti, mais luy rendis ce devoir sur le champ a la première nou- velle ; et n'eusse pas retardé non plus a vous escrire pour vous faire la cérémonieuse (3) offrande du service de nostre mayson et du mien en particulier, si je n'eusse sceu que vous nous croyes tout vostres pour une bonne fois, sans qu'il soit nécessaire d'en renouveller si souvent ( I ) Jean-François de Thoyre, seigneur de Bellecombe, Siriez, Cholex, Chateaublanc d'Onion, Gravernel, etc., et coseigneur de la Bastie-Dardel. Il mourut le lo mars 1625. Deux de ses seigneuries provenaient de sa femme, Françoise de Cholex, dame de Bellecombe (contrat dotal du i*"" mai 1564). (2) Charles de Gex, seigneur de Vallon, était mort le 31 janvier de cette année. Il était allié à la famille de Sales par sa femme, Michelle Martin du Fresnoy (contrat dotal du 7 janvier 1553), cousine de M"^^ de Boisy au second degré. (3) Il est fort douteux que cet adjectif ait été employé ici par saint François de Sales ; mais l'Autographe n'ayant pu être recouvré, les éditeurs sont contraints de se contenter du texte donné par Hérissant, quoiqu'il soit fautif en plusieurs endroits. Les mots qu'il a été facile de rétablir d'après le sens, sont placés entre crochets.  202 Lettres de saint François de Sales les reconnoissances. Et quant aux consolations, je sçai qui vous estes, et ma cousine aussi, et laisse au bon Jésus, lequel vous aves en vostre esprit, a vous faire cet office. J'en dis de mesme de M. du Villars mon cousin (0.  (i) Claude de Gex, seigneur du Villard, frère de M. de Vallon.  ccxv  A LA BARONNE DE GHANTAL  26 avril 1604 ( I ). Dieu, ce me semble, m'a donné a vous (^) ; je m'en asseure toutes les heures plus fort. C'est tout ce que je vous puis dire; recommandés moy a vostre bon Ange (^).  (a) [Charles-Auguste de Sales (Histoire du B. François de Sales, liv. VI) donne ce billet avec de légères variantes ; nous les indiquons ici.] a vous — pour le service de vostre ame (b) dire — maintenant. [M.Hamon (Vie de saint François de Sales, tome I,liv. IV, chap.iii) a publié, sans en signaler la source, la leçon suivante, reproduite par Vives et Migne :] Dieu, ce me semble, m'a donné à vous; je m'en assure à toutes les heures davantage. Je prie la Bonté divine de nous mettre souvent ensemble dans les sacrées plaies de Jésus-Christ, et de nous y faire rendre la vie que nous en avons reçue. Je vous recommande à votre bon Ange ; faites-en autant pour moi qui vous suis dédié en Jésus-Christ. François, E. de Genève.  (i) D'après la Mère de Chaugy ce billet, qui est inséré dans le Procès de Canonisation de sainte Jeanne-Françoise de Chantai, lui fut écrit « a la pre- mière disnee » que le Saint « fit au partir de Dijon. » Or, il avait quitté cette ville le 26 avril, accompagné d'une escorte nombreuse, qui le suivit jusqu'à Beaune. C'étaient six des échevins députés par le corps de ville, et en outre « les sieurs de Vellezelle, de Villars fils, Robin et son frère, le sieur advocat Morel, le maistre des enfans de la Sainte-Chapelle, le sieur Blondeau... avec vingt deux chevaux et des serviteurs de pied. » (Archives municipales de Dijon, Registre des Délihérations de la Chambre de Ville.)  Annéh 1604 263 CCXVI A LA MÊME ( Le désir de la sainteté et l'amour de la viduité sont pour une veuve les deux supports de l'édifice spirituel: comment les affermir. — Amour de Dieu et de la sainte Eglise. — Devoir de prier pour les pasteurs et prédicateurs. — Envoi d'un écrit de dévotion. Annecy, 3 mai 1604. Madame, C'est tous-jours pour vous asseurer davantage que j'observeray soigneusement la promesse que je vous ay faitte de vous escrire le plus souvent que je pourray. Plus je me suis esloigné de vous selon l'extérieur, plus me sens-je joint et lié selon l'intérieur. Je ne cesseray jamais de prier nostre bon Dieu qu'il luy plaise de parfaire en vous son saint ouvrage *, c'est a dire le bon désir et dessein * Cf. PhiUp., i, 6. ( I ) Ce n'est pas une simple note biographique, ce seraient de longues pages que réclamerait la mémoire de cette femme éminente dont la vie, pendant dix-huit ans, s'identifia presque avec celle de saint François de Sales. C'est elle qui va désormais occuper la plus large place dans la correspon- dance du Saint ; elle qui recevra la confidence de ses plus intimes pensées, qui sera le plus cher objet de son affection, mais affection si haute, si transfigurée par la charité divine, qu'on se demande ce qu'il faut admirer le plus, de sa délicate pureté ou de sa profonde tendresse. Tour à tour, la veuve désolée, avec l'évocation de ses joies évanouies, avec ses douleurs toujours présentes, la mère de famille avec ses craintes et ses espérances, revivront, comme par une sorte de réverbération, sous la plume de saint François de Sales. Cette correspondance nous permettra de saisir sui le vif la docilité de la disciple et la sagesse du directeur, concourant dans une parfaite harmonie à préparer ce chef-d'œuvre de la grâce qu'on appelle une âme de sainte. Résumons en quelques mots cette féconde existence. Jeanne-Françoise, fille de Bénigne Frémyot, second président au Parlement de Bourgogne, et de Marguerite de Berbisey, était née à Dijon le 23 janvier 1^72. Son union avec Christophe de Rabutin, baron de Chantai (contrat dotal du 28 décembre 1592), fut bénie par la naissance de six enfants, dont deux mouru- rent en bas âge. Rien n'avait troublé le bonheur de sa vie conjugale lorsqu'un tragique accident de chasse la rendit veuve à vingt-huit ans. Se retournant alors avec l'énergie d'une âme toute virile vers Jésus, l'Epoux qui ne meurt jamais, elle fit vœu de chasteté perpétuelle, et s'adonna toiit entière aux œuvres de piété et de miséricorde. Quatre ans plus tard, saint François de  264 Lettres de saint François de Sales de parvenir a la perfection de la vie chrestienne ; désir lequel vous deves chérir et nourrir tendrement en vostre cœur, comme une besoigne du Saint Esprit et une estin- celle de son feu divin. J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme : chacun le va voir et chérit pour Tamour du plantateur ; c'est pourquoy, ayant veu en vous Tarbre du désir de sainteté que Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le chéris tendrement, et prens playsir a le considérer plus maintenant qu'en présence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy : Dieu vous croisse, o bel arbre planté ; divine semence céleste. Dieu vous veuille faire produire vostre fruit a Cf. Ps. 1, ). maturité *, et Ihors que vous Taures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger. Madame, ce désir doit estre en vous comme les orangers de la coste ma- rine de Gennes, qui sont presque toute l'année chargés Sales étant venu prêcher le Carême à Dijon, ces deux grandes âmes, qui avaient été révélées l'une à Tautre dans de mystérieuses visions, se reconnurent à leur première rencontre (5 mars 1604), et dès lors s'établirent entre elles ces rela- tions dont nous allons suivre les phases diverses et les merveilleux résultats. Après avoir donné sa fille aînée, Marie-Aimée, en mariage à Bernard de Sales, l'un des frères cadets de l'Evêque de Genève, la baronne de Chantai devint — osons-nous dire la fondatrice, car son humilité récusa toujours ce titre, — du moins la pierre fondamentale de l'Ordre de la Visitation (6 juin 1610). De concert avec le saint Evêque, elle en fixa les Règles, en détermina les pratiques, et contribua, soit par un concours personnel, soit par ses conseils, à l'établissement de quatre-vingt-six monastères de cet Institut. Quand le saint Fondateur eut quitté la terre, elle fit écrire sa Vie (1624), publier ses Epistres spirituelles (1626), ses Vrays Entretiens spirituels (1629), et seconda le commandeur de Sillery dans la préparation de l'édition des Œuvres du Bienheureux François de Sales {1641). C'est encore elle qui fit com- mencer le Procès de Béatification du grand Evêque dont elle avait été la plus ardente admiratrice. Le recueil de Lettres qui forme la majeure partie de ses Œuvres (Paris, Pion, 1874-1879) renferme, outre l'autobiographie de la Sainte et la peinture de la Visitation à son âge d'or, les documents d'une spiritualité aussi sûre que forte et élevée, commentaire original de la doctrine de saint François de Sales. On lui doit aussi le livre des Réponses sur les Règles et Constitutions de son Ordre, ouvrage si rempli de sagesse et d'onction que saint Vincent de Paul ne pouvait le lire sans verser des larmes. Cette grande Servante de Dieu, dont la liturgie célèbre « l'admirable force d'esprit, » mourut au Monastère de Moulins entre les bras de la duchesse de Montmorency, le 15 décembre 1641. Elle a été béatifiée par Benoît XIV le 13 novembre 1751, et canonisée par Clément XIII le 16 juillet 1767.  Année 1604 26^ de fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble ; car vostre désir doit tous-jours fructifier par les occasions qui se présentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et néanmoins il doit ne jamais cesser de souhaitter des nou- veaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont les fleurs de Tarbre de vostre dessein ; les feuilles seront les fréquentes reconnoissances de vostre imbé- cillité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons désirs : c'est la Tune des colomnes de vostre tabernacle. L'autre est l'amour de vostre viduité, amour saint et désirable pour autant de raysons qu'il y a d'estoilles au ciel, et sans lequel la viduité est mesprisable et fause. Saint Paul * nous commande d'honnorer les vefves qui * I Tim., v, 3. sont vrayement vefves ; mays celles qui n'ayment pas leur viduité ne sont vefves qu'en apparence, leur cœur est marié. Ce ne sont pas celles desquelles il est dit * : * ^s. cxxxi, i,. Bénissant je beniray la, vefve ; et ailleurs*, que Dieu *Pss.lxvii,6,cxlv, est le juge, protecteur et défenseur des vefves. Loiié soit Dieu, qui vous a donné ce cher et saint amour ; faites le croistre tous les jours de plus en plus, et la consolation vous en accroistra tout de mesme, puisque tout l'édifice de vostre bonheur est appuyé sur ces deux colomnes. Regardés au moins une fois le moys si l'une ou l'autre est point esbranlee, par quelque dévote méditation et con- sidération pareille a celle de laquelle je vous envoyé une copie, et que j'ay communiquée avec quelque fruit a des autres âmes que j'ay en charge. Ne vous lies pas toute- fois a cette mesme méditation, car je ne la vous envoyé pas a cet efifect, mais seulement pour vous faire voir a quoy doit tendre l'examen et espreuve de soy mesme que vous deves faire tous les moys, affin que vous sachies vous en prévaloir plus aysement. Que si vous aymes mieux repe- ter cette mesme méditation, elle ne vous sera pas inutile. Mais je dis, si vous l'aymes mieux, car en tout et par tout je désire que vous ayés une sainte liberté d'esprit touchant les moyens de vous perfectionner; pourveu que les deux colomnes en soyent conservées et affermies, il n'importe pas beaucoup comment. Gardés vous des scrupules et vous reposes entièrement  266 Lettres de saint François de Sales sur ce que je vous ay dit de bouche, car je Tay dit en Nostre Seigneur. Tenes vous fort en la présence de Dieu par les moyens que vous sçaves. Gardés vous des empres- semens et inquiétudes, car il n'y a rien qui nous empesche plus de cheminer en la perfection. Jettes doucement vostre cœur es playes de Nostre Seigneur, et non pas a force de bras ; ayés une extrême confiance en sa misé- ricorde et bonté qu'il ne vous abandonnera point, mays ne laissés pas pour cela de vous bien prendre a sa sainte Croix. Apres l'amour de Nostre Seigneur je vous recommande celuy de son espouse l'Eglise, de cette chère et douce colombe laquelle seule peut pondre et faire esclorre les colombeaux et colombelles a l'Espoux. Loiiés Dieu cent fois le jour d'estre « fille de l'Eglise, » a l'exemple de la Mère Thérèse qui repetoit souvent ce mot a l'heure de * Ribera, Vita Ma- sa mort avcc uuc cxtrcmc consolation *. Jettes vos yeux mrnt^T^got'iîlîl' ^ur TEspoux et sur r Espouse, et dites a l'Espoux : O que c- XV. vous estes Espoux d'une belle Espouse ! et a l'Espouse : Hé, que vous estes Espouse d'un divin Espoux ! Ayés grande compassion a tous les pasteurs et prédicateurs de l'Eglise, et voyés comme ilz sont espars sur toute la face de la terre, car il n'y a province au monde ou il n'y en ayt plusieurs. Priés Dieu pour eux afihn qu'en se sauvant ilz procurent fructueusement le salut des âmes ; et en cet endroit, je vous supplie de ne jamais m'oublier, puisque Dieu me donne tant de volonté de ne jamais vous oublier aussi. Je vous envoyé un escrit touchant la perfection de la vie de tous les Chrestiens (i). Je l'ay dressé non pour vous, mays pour plusieurs autres ; néanmoins vous verres en quoy vous le pourrés faire valoir pour vous. Escrives- moy, je vous supplie, le plus souvent que vous pourres, avec toute la confiance que vous sçaures ; car l'extrême désir que j'ay de vostre bien et advancement me donnera de l'affliction si je ne sçay souvent a quoy vous en estes. (i) L'écrit ici mentionné, ainsi que ceux dont il est question dans les deux lettres suivantes (pp. 269 et 271), sera publié parmi les Opuscules de saint François de Sales.  Annék 1604 267 Recommandés moy a Nostre Seigneur, car j'en ay plus de besoin que nul homme du monde. Je le supplie qu'il vous donne abondamment son saint amour, et a tout ce qui vous appartient. Je suis sans fin et vous supplie me tenir pour Vostre serviteur tout asseuré et dédié en Jésus Christ, Franç% E. de Genève. A Neci, le jour Sainte Croix 1604  CCXVII A LA PRÉSIDENTE BRULART (i]  En quoi consiste la perfection propre aux femmes du monde : s'unir à Dieu par la méditation, Tusage des Sacrements, les pieuses lectures et les fré- quentes oraisons jaculatoires. — S'unir au prochain par l'affabilité, les œuvres de miséricorde, la condescendance envers ses proches. — Rendre la piété aimable en la rendant utile et agréable à tous.  Annecy, 3 mai 1604. Madame, Je ne vous puis pas donner tout a coup ce que je vous ay promis, car je n'ay pas asses d'heures franches pour mettre tout ensemble ce que j'ay a vous dire sur le sujet que vous avés désiré vous estre expliqué par moy. Je vous le diray a plusieurs fois, et outre la commodité que j'en auray, vous aurés aussi cellela, que vous aures du tems pour bien remascher mes advis.  ( I ) Cette Présidente était Marie Bourgeois, fille de Claude Bourgeois, sei- gneur de Crépy, d'Origny, et de Françoise de Montholon. Elle avait épousé Nicolas Brùlart, baron de la Borde, qui remplit d'abord la charge de maître des requêtes, devint président au Parlement de Bourgogne (1602), puis pre- mier président (1610) par la démission de son père. M""^ Brùlart mourut le 22 juillet 1622, et fut inhumée chez les Cordeliers de Dijon.  268 Lettres de saint François de Sales Vous avés un grand désir de la perfection chres- tienne : c'est le désir le plus généreux que vous puissies avoir, nourisses-le et le faittes croistre tous les jours. Les mo3^ens de parvenir a la perfection sont divers selon la diversité des vocations ; car les Religieux, les vefves et mariés doivent tous rechercher cette perfection, mais non pas par mesme mo3^en. A vous. Madame, qui estes mariée, les moyens sont de vous bien unir a Dieu et a vostre prochain et a ce qui despend d'eux. Le moyen pour s'unir a Dieu ce doit estre principale- ment l'usage des Sacremens et Torayson. Quant a l'usage des Sacremens, vous ne devés nullement laisser escouler aucun moys que vous ne communiyes, et mesme dans quelque tems, selon le progrès que vous aurés fait au service de Dieu et selon le conseil de vos pères spirituelz, vous pourres vous communier plus souvent. Mais quant a la Confession, je vous conseilleray bien de la fréquenter encor plus, principalement sil vous arrivoit quelque imperfection delaquelle vostre conscience fut affligée, comm'il en arrive bien souvent au commencement de la vie spirituelle. Néanmoins, si vous n'avies pas les com- modités requises pour se confesser, la contrition et repen- tance suppleeroit. Quant a l'orayson, vous la devés fort fréquenter, spécia- lement la méditation, a laquelle vous estes assés propre, ce me semble. Faittes en donquestous les jours une petite heure le matin avant que de sortir, ou bien avant le sou- per, et gardés vous bien de la faire ni après le disner ni après le souper, car cela gasteroit vostre santé. Et pour vous ayder a la bien faire, il faut qu'avant icelle vous sachies le point sur lequel vous devés méditer, affin que, commençant l'orayson, vous ayes vostre matière preste. Et a cet efifect, il faut que vous ayés les autheurs qui ont couché les pointz des méditations sur la vie et mort  *Vide supra, p. 190, not. (6). de Nostre Seigneur, comme Grenade (0, Bellintani  *  ( I ) Dévotes cofttemplations et spirituelles instructions sur la Vie, Passion, Mort, Résurrection et Ascension de N. S. J. C. Traduict de l'espagnol de R. P. Louis de Grenade par F. de Belleforest. Paris, De la Noue, 1573.— Cf. le Mémorial, le Supplément au Mémorial, etc.  I  Annéf. 1604 269 Capillia(0, Bruno (^^ dans lesquelz vous choysirés la méditation que vous voudrés faire, et la lires attentive- ment pour vous en resouvenir au tems de l'orayson, et n'avoir autre chose a faire que de les remascher, suyvant tous-jours la méthode que je vous mis par escrit en la méditation que je vous donnay le Jeudy Saint*. ♦Vidcsupra,p.266, Outre cela, faittes souvent des oraysons jaculatoires a Nostre Seigneur, et ce a tous (sic) les heures que vous pourres et en toutes compaignies, regardant tous-jours Dieu dans vostre cœur et vostre cœur en Dieu. Prenes playsir a lire les livres que Grenade a fait de rora3'Son et méditation*, car il ni en a point qui vous instruise mieux * Vide ubi contra. ni avec plus de mouvemens. Je voudroy quil ne se pas- sast aucun jour sans que vous donnassies une demi heure ou un'heure a la lecture de quelque livre spirituel, car cela vous serviroit de preedication. Voyla les principaux moyens de se bien unir avec Dieu. Quant a ceux qui servent pour se bien unir avec le prochain, ilz sont en grand nombre, mais je n'en diray que quelques-uns. Il faut considérer le prochain en Dieu, qui veut que nous Taymions et caressions. C'est l'advis de saint Paul *, qui ordonne aux serviteurs de servir Dieu * Ephes., uit., y-]. en leurs maistres et leurs maistres en Dieu. Il faut s'exercer en cet amour du prochain, le caressant exté- rieurement ; et, bien qu'il semble au commencement que c'est a contre cœur, il ne faut point laisser pour cela, car ceste répugnance de la partie inférieure en fin sera vainciie de l'habitude et bonn'inclination qui sera pro- duitte par la répétition des actions. Il faut rapporter a ce point les oraysons et méditations , car après avoir demandé l'amour de Dieu il faut tous-jours demander (i) Capiglia (Capilla) André, Chartreux espagnol, évèque d'Urgel, mort en 1610. Méditations sur les Evangiles... et festes des Saincts, divisées en trois Parties. Composées en espagnol par le P. Dont André Capiglia, prieur de la. Chartreuse dicte Porta Cœli, nouvellement traduictes en françoyspar R.G.A. G. Paris, De la Noue, 1601. (2) Bruno Vincent, Jésuite italien (1532-1594). Méditations sur les Mystères de la Passion et Résurrection de Jésus Christ Nostre Seigneur... traduites d'italien en françoys par Philibert Du Sault, chanoine de Bourdeaux. Douay, Baltazar Bellere, 1596.  270 Lettres de saint François de Sales celuy des prochains, et particulièrement de ceux ausquelz nostre volonté n'a nulFinclination. Je vous conseille de prendre quelquefois la peyne de visiter les hospitaux, consoler les malades, considérer leurs infirmités, attendrir vostre cœur sur icelles et prier pour eux en leur faysant quelqu'assistence. Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari, vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs séjours aux églises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive quelquefois, vous ren- dant contreroUeuse des actions d'autruy ou trop desdai- gneuse des conversations ou les règles de dévotion ne sont pas si exactement observées ; car en tout cela il faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu. Vous ne devés pas seulement estre dévote et aymer la dévotion, mais vous la deves rendre aymable a un chacun. Or, vous la rendres aymable si vous la rendes utile et aggreable. Les malades aymeront vostre dévotion silz en sont charitablement consolés ; vostre famille, si elle vous reconnoist plus soigneuse de son bien, plus douce aux occurrences des affaires, plus amiable a reprendre, et ainsy du reste ; monsieur vostre mari, sil void que a me- sure que vostre dévotion croist vous estes plus cordiale en son endroit et plus soiiefve en Taffection que vous luy portés ; messieurs vos parens et amis, silz reconnoissent en vous plus de franchise, de support, de condescendence a leurs volontés qui ne seront pas contraires a celle de Dieu. Bref, il faut, tant qu'il est possible, rendre nostre dévotion attrayante. J'ay fait un petit advertissement sur le sujet de la * Vide supra, p. 266, perfection de la vie chrestienne *, dont je vous env^oye une copie que je désire estre communiquée a Madame du Puis d'Orbe. Prenes-la en bonne part, comm'aussi cette lettre, qui sort d'un'ame qui est entièrement affectionnée a vostre bien spirituel, et qui ne désire rien plus que de voir l'œuvre de Dieu parfait en vostr'esprit.  Annff. 1604 271 Je vous supplie de me donner quelque part en vos prières et Communions, comm'aussi je vous asseure que je vous feray toute ma vie part aux miennes et seray sans fin, Madame, Vostre serviteur plus affectionné en Jésus Christ, Franç% E. de Genève. 3 mai 1604. A Madame Madame la Présidente Brulart. A Dijon. Revu sur l'Autographe conservé à la Maison-Mère des Religieux des SS. Cœurs, dits de Picpus, à Paris.  CCXVIII A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE ( i ) Moyens à employer pour la réforme de son monastère : bons exemples, douceur, fidélité aux exercices spirituels. Annecy, 3 mai 1604. Madame, J'ay envoyé a madame la présidente Brulart, vostre seur un escrit que je désire vous estre communiqué*; '^ Vide contra, non pas que celuy que je vous ay donné * ne suffise pour * Videsupra,p.266, vous et pour ce tems, mais afîin que vous ayés tous-jours plus d'esclaircissement en vostre esprit, a Tadvancement duquel je me sens tant obligé que je ne suis de rien plus désireux en ce monde, non seulement pour cette grande confiance que Dieu vous a donnée en mon endroit, mays ( i) L'abbaye royale du Puits-d'Orbe était située dans le bailliage d'Auxois, sur les confins de la Bourgogne et de la Champagne, Il est difficile d'indiquer la date de fondation de ce couvent, dont l'église fut consacrée en 1129. L'Abbesse qui le gouvernait en 1604 était Rose Bourgeois de Crépy, sœur cadette de la présidente Brulart. Probablement, selon l'abus régnant à cette époque, le titre de cadette, de par la volonté de son père, lui avait tenu lieu de vocation à la vie religieuse. Néanmoins, touchée par les exhortations de saint François de Sales, elle résolut de réformer non seulement sa vie privée  272 Lettres de saint François de Sales aussi pour celle qu'il me donne que vous servires beau- coup a sa gloire. N'en doutés point, Madame, et ayés bon courage. Je suis infiniment consolé du playsir que vous prenes a lire les Œuvres et la Vie de la Mère Thérèse, car vous verres le grand courage qu'elle eut a reformer son Ordre, et cela vous animera sans doute a reformer vostre Monastère, ce qui vous sera bien plus aysé qu'il ne fut pas a elle, puisque vous estes Supérieure perpétuelle. Mais tenes la méthode que je vous ay dite, de commen- cer par l'exemple ; et bien qu'il vous semblera prouffiter peu au commencement, ayés néanmoins de la patience, et vous verres ce que Dieu fera. Je vous recommande sur tout l'esprit de douceur, qui est celuy qui ravit les cœurs et gaigne les âmes. Tenes bon et ferme en ce commen- cement a bien faire tous vos exercices, et prépares vous Cf. Eccius., 11, r. aux tentations et contradictions * ; car le malin esprit vous en suscitera infiniment pour empescher le bien qu'il prévoit devoir sortir de vostre resolution ; mais Dieu sera vostre protecteur. Je l'en supplie de tout mon cœur et l'en supplieray tous les jours de ma vie. Je vous prie de me recommander a sa miséricorde, et croire que je suis, autant que vous le sçauries désirer et que je puis, Madame, Vostre serviteur très affectionné en Jésus Christ, FRANç^ E. de Genève. A Neci, le jour Sainte Croix, 3 mai 1604. Mon compagnon (0 m'a dit en chemin que vous desiries mais encore son abbaye, et à cet effet elle entretint une correspondance suivie avec le saint Evêque. Les oppositions qui se produisirent au-dedans et les influences défavorables du dehors firent échouer ce projet. Le transfert de la Communauté à Chàtillon-sur-Seine (21 décembre 1619) ne ramena pas la ré- gularité. Dans la suite, les irrésolutions de l'Abbesse, son insubordination envers TEvéque de Langres , dans le diocèse duquel était située l'abbaye, compliquèrent encore les difficultés. Plus heureuse que Rose Bourgeois, Jeanne de Chauvigny de Saint-Agoulin, qui lui succéda (Bulle du 25 mai 1657), parvint à rendre au monastère la prospérité et la ferveur. ( I ) Quel est celui de ses compagnons de voyage que le Saint désigne ici ? Nous ne saurions le préciser. Le Registi-e des Délibérations de la Chambre de Ville de Dijon en mentionne deux. C'est d'abord « le sieur Brunet, homme  I  Annhe 1604 2")^ venir a Saint Claude et qu'a cette occasion j'auray le bien de vous voir. Je vous prie qu'en ce cas la je le sçache avant le tems, affin que je me puisse treuver en lieu et loysir propre a vostre consolation. A Madame l'Abbesse du Puis d'Orbe. En son Monastère. d'Eglise, » auquel fut délivrée « la somme de cent cinquante livres pour four- nir aux frais de voyage » du saint Evêque, « pour s'en retourner avec sa suite en sa maison, et pour ceux emploies a venir en cette ville. » C'est ensuite « le sieur de Saint Pol, durant cinq jours entiers... logé chez M* Régné avec son cheval... qu'il ramenoit pour la monture dudit sieur de Genefve pour son retour. »  CCXIX A UN CALVINISTE (0 (minute) Sans certaines conditions les conférences sont infructueuses. — Les hérétiques doivent prouver leurs négations. — Prières pour les morts. — Canonicité des Livres des Machabées et de l'Apocalypse. — Promesse de ne pas refuser une conférence avec les Genevois s'ils la demandent. [Annecy, mai 1604.] Monsieur, Mon dessein ne fut pas d'entrer en aucune conférence avec vous ; la prochaine nécessité de mon despart m'en ostoit entièrement l'occasion. Si les conférences ne se ( I ) La date de cette minute est conjecturée d'abord par l'écriture; en outre il est très vraisemblable qu'elle a suivi de près le Carême de 1604. Durant cette station, en effet, le Saint, d'après Charles-Auguste de Sales, « le plus souvent traictoit des matières controversées entre les Catholiques et hugue- nots... lesquels il peschoit tous les jours a Nostre Seigneur, au grand bien de son Eglise. » Lui-même écrit (voir lettre du 14 août 1604) : « Quelques hugue- « notz se sont convertis » alors. Un certain émoi dut à cette occasion se produire parmi les calvinistes de Dijon, et l'exemple du fameux ministre Cassegrain, qui proposa une dispute publique au Prédicateur, fut probablement suivi par quelqu'autre de ses coreligionnaires, car évidemment cette lettre n'est pas destinée à Cassegrain. A ce dernier le saint Evoque était prêt à accorder une conférence, tandis qu'il répond ici par un refus à une proposition semblable. Lettres II 18  274  Lettres de saint François de Sales  font bien conditionnées et accompagnées de loysir et de commodités de les parachever, elles sont infructueuses. Je ne regarde qu'a la gloire de Dieu et (^) le salut du prochain ; ou cela ne peut estre procuré, je ne fay point de conférence. Vous sçavés bien ce que je veux dire quand je parle du Livre des Maccabees II 5^ en a deux, et deux font un cors de livre. Je ne prendray pas la peyne de vous en dire d'avantage, car je ne piquotte point. Il est vray que nous disons et affermons, et que vous niés et rejettes. L'Eglise a tous-jours esté combattue par cette mesme façon ; mais vos négatives doivent estre preuvees par une mesme sorte de preuve qu'est celle que vous exigés de nous, car c'est a celuy qui nie de preuver, quand il nie contre la possession et que sa négative sert de fonde- ment a son intention. Les jurisconsultes vous le tesmoi- gneront, puisque c'est d'eux (b) que la maxime est tirée* : vous n'en refuseres pas l'explication. La prière pour les trespassés a esté faitte par toute * Instit., 1. III, c. V, l'ancienne Eglise, Calvin mesme le reconnoist * ; les Pères 8 10. l'ont preuvee par l'authorité du Livre des Maccabees et l'usage gênerai de leurs prédécesseurs. Vo3^és la fin et le commencement du livre de saint Augustin, qu'il a fait *DeCuraproMor- sur ce sujet *. Nous marchons sur leurs pas et suivons tuis gerenda. leurs traces. Ni les Livres des Maccabees, ni l'Apocalipse n'ont pas esté si tost reconneus que les autres ; l'un et l'autre néanmoins le fut esgalement au Concile de Car- * Prosp.,Chronic. thage, OU saint Augustin assista*. On a douté lo3^si- blement de quelques Livres canoniques pour un tems, desquelz il n'est pas loysible de douter maintenant ; les passages que j'ay cités sont si exprès qu'ilz ne peuvent estre divertis a autre sens. Je vous conjure, par les entrailles de Jésus Christ, de vouloir meshuy lire et l'Escriture et les anciens Pères avec un esprit deschargé de préoccupations : vous verres  *Videtom.praeced. hujus Edit., Epist. LXI.  (a) et — {ne me veux nullement acquérir de la réputation. ..J (b) [La moitié de l'Autographe ayant été coupée, le texte, à partir d'ici jusqu'à ligne 6 de la page suivante, est emprunté à l'édition de 1641.]  Annff. 1604 275 que les parties principales et essentielles de la face de l'Eglise ancienne sont entièrement conservées en celle qui est maintenant. On me dit que Dieu a mis en vous beaucoup de dons de nature ; n'en abusés pas pour for- clorre ceux de la grâce, et considères attentivement les qualités de la part en laquelle vous desires conférer. Il ne seroit pas possible de faire avec proffit des con- férences par escrit entre nous, nous sommes trop esloi- gnés de séjour ; et que pourrions nous escrire qui n'ait esté répété cent fois ? Si la commodité le permettoit , croyes que je ne la refuserois pas, non plus que je ne la refuseray pas aux sieurs ministres de Genève, mes voysins, quand il la désireront en bons termes. Confères a vostre salut l'attentive méditation sur nos raysons et sur les anciens Pères, et j'y confereray mes pauvres et chetives prières, que je presenteray a la misé- ricorde de nostre Sauveur, auquel et pour Tamour duquel je vous offre mon service et suis Vostre serviteur bien humble, Franc., E. de Genève. Revu en partie sur l'Autographe conservé à la Visitation de Soleure.  ccxx AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l^"^ Pauvreté du prieuré de Bellevaux, Le Prieur est digne des libéralités de Son Altesse. Annecy, 29 mai 1604. (0 Monseigneur, J'ay receu commandement de Vostre Altesse de luy donner advis certain de Testât du prieuré et monastère de Bellevaux (2), par ce que sil est si misérable que Ton ( I ) Cette lettre est écrite par secrétaire, sauf la clausule et la date qui sont de la main du Saint. (2) Le prieuré clunisien de Bellevaux en Bauges, dans le diocèse de Ge- nève, fondé en 1078 parNanthelme de Miolans, subsista jusqu'en 1788. D'après  276 Lettres de saint François de Sales luy a fait entendre, elle veut relascher les décimes au Prieur (0. J'obéis donques a la voulonté de Vostre Altesse, et sur une particulière connoissance que j'ay de la vérité, je la puis asseurer que ce monastère, qui fust jadis asses célèbre, est presque ruiné quant aux bastimens, et telle- ment appauvri quant au revenu qu'il ne sçauroit de long tems rendre cent ducatons annuels a son Prieur ; et pour la présente année, ayant receu un grand degast par la tempeste, il n'y a pas, a beaucoup près, dequoy supporter les charges. A quoy adjoustant l'indigence du nouveau Prieur (2) et le désir quil a de résider et bien faire son devoir, la conclusion ne peut estre sinon que Vostre Altesse fera une sainte aulmosne d'exercer sa libéralité en ce sujet. Je fay très humblement la révérence a Vostre Altesse, priant Nostre Seigneur quil multiplie ses faveurs et sur elle et sur ses désirs, et demeurant, comme je dois, Monseigneur, Très humble et tres-obeissant serviteur et orateur de Vostre Altesse, Franç% E. de Genève. A Neci, le 29 may 1604. A Son Altesse. Revu sur l'origiiial appartenant au comte Olivieri, à Turin. l'historien Besson, « l'église fut sacrée en grande solennité et avec un concours prodigieux de peuple, qui s'y rendit de toute part, environ l'an 1090, par Boson, archevêque de Tarentaise, assisté de Boson, évêque d'Aoste, et de Conon, évêque de Maurienne. » ( I ) Les décimes étaient une des formes de l'impôt perçu par les ducs de Savoie sur les biens ecclésiastiques. Charles-Emmanuel P"", pour lever cet impôt, avait obtenu en 1587 une autorisation du Saint-Siège qui fut pendant longues années renouvelée de trois en trois ans. (2) Aimé ou Aimon Mermonio de Luyrieu avait été institué prieur com- mendataire de Bellevaux le 24 mai 1603. Le 30 janvier 1626, il permuta ce bénéfice contre le doyenné de Sallanches. (R. E.)  Annér 1604 277  CCXXI A LA BARONNE DE CHANTAL Il rassure M""^ de Chantai sur linquiétude qu'elle éprouve de l'avoir consulté à l'insu de son directeur. — L'unité de direction ne doit pas nuire à la liberté d'esprit. — Lettre reçue de l'Archevêque de Bourges. Annecy, 14 juin 1604. Madame, Ce m'a esté une très grande consolation d'avoir eii la lettre que vous m'escrivites le 30 de may. Toutes ses parties sont aggreables : la souvenance que vous avés de moy en vos prières, car cela tesmoigne vostre charité ; la mémoire que vous avés des sermons que j'ay fait ce Caresme, car encor que de mon costé il ni aye eu autre chose qu'imperfection, si est ce que c'a tous-jours esté parole de Dieu, delaquelle le souvenir ne peut que vous estre fort utile ; le désir que vous aves de la perfection, car c'est un bon fondement pour l'obtenir. Tout cela donques me console, comm'aussi ce que vous m'escrivés que le Révérend Père que le Seigneur vous a baillé pour directeur ( O avoit treuvé fort bon que pendant mon séjour a Dijon vous m'aves communiqué vostr'ame, et que mesme il ne treuveroit pas mauvais que vous me donnassies quel- quefois de vos lettres. Madame, si vous vous en resouvenés, je vous dis bien cela mesme, quand vous me dites que vous craignes de (i) On aimerait de connaître avec quelques détails cet homme bizarre, presque célèbre à cause de son étrangeté même. Ses contemporains, par charité sans doute, n'ont parlé de lui qu'en des termes fort vagues. De leurs témoi- gnages on peut induire toutefois que sa prudence et son désintéressement n'étaient pas à la hauteur de son zèle. Voici d'après la Mère de Chaugy (Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne-Françoise Fréntvot de Chantai, P^ Partie, chap. xi) dans quelles cir- constances la baronne de Chantai fit la rencontre de ce « Révérend Père » : « Etant allée à Notre-Dame de l'Etang... elle y trouva un bon Religieux et quelques âmes dévotes. Ces personnes, qui étaient des enfants spirituels de ce  278 Lettres de saint François de Sales ravoir ofFencé ayant receu les petitz advis que je vous donnay verbalement sur le sujet de vostre affliction inté- rieure qui vous troubloit en la sainte orayson. Car je vous dis qu'en cela vous ne sçauries avoir fait faute, puis- que le mal vous pressoit et vostre médecin spirituel estoit absent; que cela n'estoit pas changer de directeur, ce que vous ne pouviés faire sans perte bien grande, mais que c'estoit seulement se soulager pour l'attendre ; que mes advis ne s'estendoyent que sur le mal présent, qui requeroit un remède présent, et partant ne pouvoyent nullement prejudicier a la conduitte générale de vostre premier directeur. Et quant au scrupule que vous aviés de m'avoir demandé mon advis pour l'addresse de toute Vostre vie, je vous dis que vous n'aviés non plus contre- venu aux loix de la submission que les âmes dévotes doivent a leur père spirituel, par ce que mes conseilz ne seroyent rien plus qu'un escrit spirituel duquel la prat- tique seroit tous-jours mesurée par le discernement de vostre directeur ordinaire, selon que la présence de son œil et la plus grande lumière spirituelle, avec la plus entière connoissance qu'il a de vostre capacité, luy don- nent le moyen de le mieux faire que je ne puis, estant ce que je suis ; joint que les advis que je pensois vous donner seroyent telz quilz ne pouvoyent estre que bien bon Père, la pressèrent fort de communiquer de son âme avec lui, à quoi elle se soumit pour leur condescendre, et fut tout étonnée qu'il l'engageât à le prendre pour directeur... Croyant que c'était la volonté du souverain Maître, » elle « se laissa lier par ce berger, lequel, étant bien aise d'avoir cette sainte brebis entre ses mains, l'attacha à sa direction par quatre vœux : le premier, qu'elle lui obéirait; le second, qu'elle ne le changerait jamais ; le troisième, de lui garder la fidélité du secret en ce qu'il lui dirait ; le quatrième, de ne conférer de son intérieur qu'avec lui. » Pendant plus de deux ans cette inexorable servitude pesa sur la Sainte, « inquiétée plutôt que dirigée par la voix de ce pasteur, » qui « la tenait en une anxiété perpétuelle. » Sur ces entrefaites, saint François de Sales vint prêcher le Carême à Dijon, Bien qu'elle sût, par une révélation surnaturelle, que le Ciel avait destiné le saint Prélat à sa conduite intérieure, elle ne lui ouvrit pas d'abord son âme. Dans ce même temps le farouche « berger » s'absenta. Pressée d'une tentation violente, la pieuse veuve se crut en droit de demander lumière et consolation à TEvêque de Genève, et, après de dou- loureuses perplexités, résolut même de le prendre définitivement pour guide. Mais bientôt, troublée par de nouvelles alarmes, elle se reprocha cette démar- che comme une transgression des promesses qui la liaient à l'autorité du  Année 1604 279 accordans avec ceux du Père directeur. Mays quand vous m eustes nommé le personnage , resouvenés vous , je vous supplie, que je vous dis avec pleyne confiance qu'il me connoissoit et m'avoit fait le bien de me promettre un jour son amitié, et que je m'asseurois quil ne treu- veroit point mauvaise la communication que vous avies eiie avec moy, tant je le tenois de mes amis. Vous voyes donq, Madame, que je jugeay fort bien de tout cela, et n'employay guère de tems ni de considération pour me résoudre a ce jugement. Je me res-jouis donques que vous ayes reconneu combien il est véritable que ceux qui sont bien accordans en l'intention du service de Dieu ne sont jamais guère esloignés d'affections et conceptions. Je loiie infiniment le respect religieux que vous portes a vostre directeur et vous exhorte de soigneusement y persévérer; mais si faut il que je vous die encor ce mot. Ce respect vous doit sans doute contenir en la sainte con- duite a laquelle vous vous estes si heureusement rangée, mais il ne vous doit pas gehenner, ni estouflfer la juste liberté que l'Esprit de Dieu donne a ceux quil possède*. ' n Cor., m, 17. Pour certain, ni recevoir les advis et enseignemens des autres, ni recourir a eux en l'absence du directeur, n'est nullement contraire a ce respect, pourveu que le directeur et son authorité soit tous-jours preeferé. Béni soit Dieu. premier directeur. De là des craintes, de cruelles inquiétudes, d'angoissants scrupules, que le Saint s'efforcera de dissiper dans la plupart des lettres écrites durant la fin de Tannée 1604. A partir de cette époque le « bon Père » rentre dans l'ombre, et depuis, un mystère, impénétrable semble-t-il, enveloppe son nom. Les recherches les plus minutieuses faites par les éditeurs, et celles qu'ont entreprises pour eux quelques érudits Dijonnais, n'ont pu réussir à percer l'incognito derrière lequel il se dérobe. Etait-il à demeure sur la sainte colline ? Serait-ce un Reli- gieux, venu de Dijon au sanctuaire vénéré? Ms»" Bougaud a-t-il eu quelque raison sérieuse d'avancer, dans son Histoire de sainte Chantai^ qu'il apparte- nait à l'Ordre des Minimes? Nous ne saurions le dire. Il est sûr toutefois que la chapelle de Notre-Dame-d'Etang dépendait de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon. Les moines en confiaient la desserte à un chapelain, alors Nicolas Briet (lettres de provision du 21 avril 1587), et à quelques ermites. Ne fau- drait-il point chercher le mystérieux personnage dans ce groupe, ou plus vraisemblablement encore parmi les Religieux de l'abbaye? Plusieurs fois en effet un « Père de Saint Bénigne » est mentionné dans la correspondance de saint François de Sales, avec des réticences qui donnent jour à quelques conjectures.  28o Lettres de saint François de Sales Je vous ay voulu resouvenir de tout ce que je vous ay dit en présence, et y adjouster ce que j'ay pensé en escrivant pour vous représenter pour un bon coup mon opinion sur ce scrupule ; et si, j'ose bien me promettre que si vous la proposes a vostre directeur la première fois que vous le verres, il se treuvera autant conforme avec moy en cet endroit comm'il Ta esté en l'autre. Mais je laisse cela a vostre discrétion, de luy proposer ou non ; bien vous supplieray-je de le saluer a mon nom et Tas- seurer de mon service. Je Tay longuement honnoré avant que de l'avoir veu ; l'ayant veu, mon affection s'en est accreùe, et m'estant apperceu du fruit quil a fait a Dijon (car vous n'estes pas seule), je luy ay donné et voiié au- tant de cœur et de service quil en sçauroit désirer de moy. Je vous chéris en luy et luy en vous, et l'un et l'autre en Jésus Christ (0. Monsieur l'Archevesque (2) m'a escrit une lettre si excessive en faveurs que ma misère en est accablée ; il le faut pardonner a sa courtoisie et naturelle bonté, mais je m'en plains a vous par ce que cela me met en danger de vanité. Vous ne m'escrives pas de la santé de mon- sieur vostre père, et toutefois j'en suis extrement dési- reux ; ni de monsieur vostre oncle (3) que je vous avois supplié de saluer de ma part. Au demeurant, puisque le Père directeur vous permet de m'escrire quelquefois, faites le, je vous prie, de bon cœur, encor que cela vous donnera de la distraction, car ce sera charité. Je suis en un lieu et en une occupation qui me rend digne de quelque compassion, et ce m'est con- solation de recevoir, parmi la presse de tant de fascheuses et difficiles affaires, des nouvelles de vos semblables ; (i) Des paroles d'une telle courtoisie à l'égard d'un tel homme paraîtraient singulièrement exagérées sous la plume du Saint, si la lettre du 24 juin (voir ci-après, p. 282) n'expliquait les délicates raisons de prudence et de charité qui les ont dictées. (2) André Frémyot, archevêque de Bourges, frère de la Sainte. (3) Probablement Claude Frémyot, seigneur d'Is-sur-Tille, qui avait épousé Marthe de Berbisey. D'abord contrôleur en la Chancellerie près le Parlement de Dijon, il résigna cet office en 1577, et fut, la même année, nommé président en la Chambre des Comptes, charge qu'il exerça jusqu'en 1611.  Année 1604 281 ce m'est une rosée. Je vous tesmoigne par cette longueur combien mon esprit aggree la conversation du vostre. Dieu nous face la grâce de vivre et mourir en son amour et sil luy plait, pour son amour. Je Ten supplie, et vous salue bien humblement, (O donnant la sainte bénédiction a vos petitz enfans, si vous estes a Chantai ; car si vous estes a Dijon je ne le voudrois entreprendre en la pré- sence de monsieur leur oncle, bien que leur petit age- nouillement et vostre demande me fit faire une pareille faute a mon despart. Dieu soit vostre cœur et vostre ame, Madame, et je suis Vostre plus humble et affectionné serviteur, Franç% E. de Genève. 14 juin 1604. A Madame Madame la Baronne de Chantai. Revu sur l'Autographe conservé dans la salle Capitulaire de Notre-Dame, à Paris. ( I ) La suite de cette phrase est inédite, ainsi que les lignes 21-24 ^.e la page précédente.  CCXXII A M. CHARLES d'aLBIGNY Opportunité de quelques modifications dans les lois relatives à l'immunité des églises. Annecy, 20 juin 1604. Monsieur, Le désir que vous avés que les soldatz puissent estre tirés des lieux sacrés pour estre chastiés selon leurs dé- mérites est fort juste et propre a la conservation du bien publiq. J'ay eu tant de distractions pour ne l'avoir pas voulu permettre (O, que j'ay bien occasion aussi de mon ( I ) Le Saint avait eu, entre autres, maints ennuis au sujet d'un soldat espagnol, Antoine Garcia, retiré de force de l'église de Faverges, où il s'était réfugié pour jouir^du bénéfice de l'immunité.  282 Lettres de saint François de Sales costé de souhaitter que les loix de Timmunité des églises soyent modérées a cet efFect. Ce n'est néanmoins pas a moy de le faire, qui suis sujet ; c'est pourquoy j'ay sup- plié Monsieur le Nonce de m'en faire venir un petit mot de déclaration qui me descharge de leur rigueur, laquelle, ce me semble, n'est pas sortable en ce tems, en ce lieu, en ces occasions. Je vous supplie. Monsieur, d'avoir aggreable que j'at- tende puisque ma condition le requiert, en laquelle je prie Dieu tous les jours pour vous, et suis. Monsieur, Vostre serviteur plus humble, Franç% E. de Genève. 20 juin 1604. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevallier de l'Ordre de S. A. et son lieutenant gênerai deçà les mons. Revu sur l'Autographe conservé à Florence, dans l'oratoire privé de Mb"" Donat Velluti-Zati, duc San Clémente, évèque de Pescia (Toscane).  CCXXIII A LA BARONNE DE GHANTAL Encore l'unité de direction et la liberté qu'elle comporte ; comment l'entendait sainte Thérèse, et comment il faut la pratiquer à son imitation. — Protesta- tion d entier dévouement. — Combien sont indissolubles les liens formés par la charité. — Secret que doit garder le pénitent sur ce qui est dit en confession. — Chercher un remède à la tristesse et à l'ennui dans les plaies de Notre-Seigneur. — Mystérieuse formation du Christ dans l'àme chrétienne. Annecy, 24 juin 1604. (a) Madame, L'autre lettre vous servira pour contenter le bon Père 277-280. " ' '"^ 2, qui vous desires la pouvoir monstrer *. J'y ay fourré  (a) [Un fragment inédit d'une première leçon de cette lettre se conserve à la Visitation d'Annecy; il est ici reproduit in extenso :] Madame, Je vous ay escrit l'autre lettre en sorte que je pense que vous la  Année 1604 283 beaucoup de choses pour empescher le soupçon qu'il eut peu prendre qu'elle fut escritte a dessein, et Tay néan- moins escritte avec toute vérité et sincérité, ainsy que je doy tous-jours faire ; mais non pas avec tant de liberté comme cellecy, en laquelle je désire vous parler cœur a cœur. Je suis bien d accord avec ceux qui vous ont voulu donner du scrupule, quil est expédient de n'avoir qu'un père spirituel, l'authorité duquel doit estre en tout et par tout praeferee a la volonté propre, et mesme aux advis de tout autre particulière personne ; mais cela n'empesche nullement le commerce et communication d'un esprit avec un autre, ni d'employer les advis et conseilz que l'on reçoit d'ailleurs. Peu auparavant que je receusse vos lettres, un soir je prins en main un livre qui parle de la bonne Mère Thérèse *, pour délasser mon ame des * Vide supra, p.266. travaux de la journée, et je treuvay qu'ell'avoit fait vœu d'obéissance particulière au P. Gracian, de son Ordre (0, pour faire toute sa vie ce quil luy ordonneroit qui ne seroit contraire a Dieu ni a l'obéissance des supérieurs  pourrés faire voir a qui vous désirés. J'y ay fourré beaucoup de choses pour empescher le soupçon qu'on élit peu prendre qu'elle fut escritte a dessein. Je l'ay faitte avec sincérité et vérité, comme je doy faire en toutes occasions, mais non pas avec tant de liberté comme celleci, en laquelle je vous parle, ce me semble, coeur a cœur. La peyne que vostre esprit reçoit de la difficulté qu'on luy a proposée touchant l'unité du père spirituel me semble avoir fort peu de fondement; car toute la confiance que vous aves en moy selon Dieu n'est point contraire a l'unité du père spirituel, puisque, comme je vous dis, en toutes occurrences ou mon advis sera dissemblable au sien, le sien doit estre praeferé, si que en tout et par tout son authorité demeure solidement conservée sur vostre vo- lonté. La plus grande obéissance des Religieux et Religieuses ne s'estend ni peut s'estendre plus loin que cela. Peu au paravant que je receusse vostre lettre, un soir je prins en main un livre qui parle de la bonne Mère Thérèse, pour délasser mon esprit qui estoit recreu des affaires quil avoit portées le long du jour, et je treuvay qu'ell'avoit vouée toute obéissance au P. Gracien, de son Ordre, pour toutes les occasions esquelles celle des supérieurs et supé- rieures ne la previendroit point. Vous voyés bien qu'en cela ell'avoit divers  (i) Jérôme Gratien de Aldorete, né à Valladolid en 1^45, avait pris rhabi^ des Carmes le 25 mars 1572. Il mourut à Bruxelles (1614), en grande réputation de vertu.  284 Lettres de saint François de Sales ordinaires de TEglise et de son Ordre. Outre cela, elle ne laissoit pas d'avoir tous-jours quelque particulier et grand confident auquel elle se communiquoit, et duquel elle recevoit les advis et conseilz pour les prattiquer soigneusement, et s'en prsevaloir en tout ce qui ne seroit contraire a Tobedience voiiée ; dont elle se treuva fort bien, comm'elle mesme a tesmoigné en plusieurs endroitz * Vide loca apud de ses cscritz *. C'est pour vous dire que l'unité de père Riberam,ubip.266. . . , ^ , - ^ n • • spirituel ne forclost point la confiance et communication avec un autre, pourveu que l'obéissance promise demeure ferme en son rang et soit praeferee. Arrestés vous-la, je vous supplie, et ne vous mettes nullement en peyne en quel degré vous me devés tenir, car tout cela n'est que tentation et vaine subtilité. Que vous importe-il de sçavoir si vous me pouves tenir pour vostre père spirituel ou non, pourveu que vous sachies quell'est mon ame en vostre endroit et que je sache quell'est la vostre au mien ? Je sçai que vous aves une entière et parfaitte confiance en mon affection ; de cela je n'en doute nullement, et en reçoi de la consolation. Saches aussi, je vous supplie, et croyes-le bien, que j'ay une vive et extraordinaire volonté de servir vostre esprit de toute l'estendue de mes forces. Je ne vous sçaurois pas expliquer ni la qualité ni la grandeur de cett'aflfection que j'ay a vostre service spirituel; mais je vous diray bien que je pense qu'ell'est de Dieu et que pour cela je la nourriray chèrement, et que tous les jours je la voy croistre et s'augmenter notablement. Sil m'estoit bien  devoirs d'obéissance, et tous deux par differens veuz. Mais, outre cela, elle ne laissoit pas d'avoir des intimes et conjfidens amis spirituelz, avec lesquelz elle communiquoit de Testât de son ame, les oyoit et suivoit leurs advis en tout ce qui ne se treuvoit pas contraire a l'obéissance voiiée. Madame, vous n'aves point de devoir d'obéissance en mon endroit, car je ne l'ay jamais entendu comme cela; seulement vous ay-je promis et asseuré qu'en tout ce que mes foibles forces pourront porter, je serviray de toute mon ame au bien et a l'advancement de vostre esprit, et n'espargneray ni soin ni travail pour ce service. L'ardant désir que vous aves eii de mon assistence en ce qui regarde vostre conduitte, et l'extrem'inclination que je ressenti ('sïVj de vous contenter ne me permirent pas d <  Année 1604 285 séant je vous en dirois davantage, et avec vérité, mais il faut que je m'arreste la. Maintenant, ma chère Dame, vous voyes asses clairement la mesure avec laquelle vous me pouves employer, et combien vous pouves avoir de confiance en moy. Faites valoir mon affection, usés de tout ce que Dieu ma donné pour le service de vostre esprit : me voyla tout vostre, et ne penses plus sous quelle qualité ni en quel degré je le suis. Dieu m'a donné a vous ; tenes moy pour vostre en luy et m'appelles ce quil vous plaira, il n'en importe. Encor faut il que je vous die, pour coupper chemin a toutes les répliques qui se pourroyent former en vostre cœur, que je n'ay jamais entendu quil y eut nulle liayson entre nous qui portast aucune obligation, sinon celle de la charité et vra^^e amitié chrestienne, delaquelle le lien est appelle par saint Paul le lien de perfection'', et ♦Coioss.,111, 14. vrayement il l'est aussi, car il est indissoluble et ne reçoit jamais aucun relaschement. Tous les autres liens sont temporelz, mesme celuy des vœuz d'obéissance, qui se rompt par la mort et beaucoup d'autres occurrences ; mais celuy de la charité croit avec le tems et prend nou- velles forces par la durée. Il est exempt du tranchant de la mort, de laquelle la faux fauche tout sinon la charité : La dilection est aussi forte que la mort et plus dure que V enfer y dit Salomon *. Voyla, ma bonne Seur (et * Cant., uit., 6; cf. permettes moy que je vous appelle de ce nom, qui est ^ ^^ï"-' x"^' S- celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent Tintim'amour qu'ilz s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté. Leur force n'est que suavité, leur violence n'est que douceur ; rien de si pliable que cela, rien de si ferme que cela. Tenes moy donques pour bien estroittement lié avec vous, et ne vous souciés pas d'en sçavoir d'avantage, sinon que ce lien n'est contraire a aucun autre lien, soit de vœu soit de mariage. Demeu- rés donques entièrement en repos de ce costé-la. Obéisses a vostre premier conducteur filialement et librement, et serves vous de moy charitablement et franchement.  286 Lettres de saint François de Sales Je respons a un autr 'article de vostre lettre. Vous aves eu crainte de tumber en quelque duplicité quand vous aves dit que vous m'avies communiqué vostre esprit et que vous m'avies demandé quelques advis. Je suis consolé que vous aves en horreur la finesse et duplicité, car il ni a guère de vice qui soit plus contraire a l'embonpoint et grâce de l'esprit. Mais si est ce que ce n'eut pas esté du- plicité, puisque si en cela vous avies fait quelque faute a cause du scrupule que vous avies en me communicant vostre cœur et me demandant des instructions, vous l'avies suffisamment effacée par après pour n'estre plus obligée de le dire a personne. Néanmoins je loiie vostre candeur et me res-jouïs que vous l'ayés dit, comm'aussi tout le reste, bien que vous devés estre ferme en la reso- lution que je vous donnay, que ce qui se dit au secret de la Pœnitence est tellement sacré quil ne se doit pas dire hors d'icelle. Et quicomque vous demande si vous aves dit ce que vous aves dit avec le seau (sic) tressaint de la Confession, vous luy pouves hardiment et sans péril de duplicité dire que nanni : il ni a nulle difficulté en cela. Mais bien, béni soit Dieu ; j'aime mieux que vous exce- dies en naïfveté que si vous en manquiés. Toutefois, un autre coup, demeurés ferme, et tenes pour non dit et totalement tëu ce qui est couvert du voyle sacramental. Et ce pendant ne vous mettes nullement en scrupule, car vous n'aves point offencé le disant, bien qu'a l'adventure vous eussies mieux fait le celant, a cause de la révérence du Sacrement, qui doit estre si grande qu'hors iceluy il ne soit rien mentionné de ce qui s'y dit. Je me resou- viens bien ou vous me parlastes sur ce sujet la première fois. Vous me dites que peut estre auray-je le bien de vous voir environ la septembre. Ce me sera un'extreme consola- tion, comm'aussi devoir madame Brulart et madamoyselle de Vilars (0. Le sachant, je m'essayeray de vous donner autant de loysir quil me sera possible, et prieray Dieu (i) « Madamoyselle de Vilars » est l'une des correspondantes du Saint : sa note biographique, avec les lettres qui lui ont été adressées, paraîtra dans le volume suivant.  Annfe 1604 287 particulièrement affin que je vous puisse estre autant utile a toutes comme je suis affectionné. J'ay reprins la plume plus de douze fois pour vous escrire ces deux feuilles, et sembloit que Tennemi me procuroit des distractions et affaires pour m'empescher de ce faire. Interprétés a bien cette longueur, car j'en ay usé pour eschapper, sil m'est possible, les répliques et scrupules qui naissent asses volontiers es espritz de vostre sexe. Gardes vous en, je vous supplie, et ayes bon courage. Quand il vous surviendra quelqu'ennu}^ ou intérieur ou extérieur, prenes entre vos bras vos deux resolutions et colomnes de l'édifice, et, comme une mère sauve ses enfans d'un danger, portés-les es playes de Nostre Sei- gneur et le pries quil les vous garde et vous avec elles, et attendes la dedans ces sainte cavernes * jusques a ce que * Cant., n, 14; cf. la tempeste soit passée. Vous aures des contradictions et ^^■' ^^^' ^' amertumes; les tranchées et convulsions de l'enfantement spirituel ne sont pas moindres que celles du corporel : vous aves essayé les unes (b) et les autres. Je me suis souventesfois animé parmi mes petites difficultés par les paroles de nostre doux Sauveur qui dit * : La fcînme, " Joan., xvi, 21. quand elle enfante, a une grande détresse; mais après V enfantement elle oublie le mal passé parce qu'un enfant luy est né. Je pense qu'elles vous consoleront aussi, si vous les considères et répètes souvent. Nos âmes doivent enfanter non pas hors d'elles mesmes mais en elles mesmes, un enfant masle, le plus doux, gracieux et beau qui se peut désirer. C'est le bon Jésus qu'il nous faut enfanter et produire en nous mesmes* ; vous en estes * Cf. Gaiat.,iv, 19. grosse, ma chère Seur, et béni soit Dieu qui en est le Père. Je parle comme cela, car je sçay vos bons désirs ; mais courage, car il faut bien souffrir pour l'enfanter. L'Enfant aussi mérite bien qu'on endure pour l'avoir et pour estre sa mère. C'est trop vous entretenir ; je m'arreste, priant ce céleste  (b) [L'Autographe de la fin de cette lettre n'ayant pu être retrouvé, ce qui suit est emprunté au texte de Tédition de 1626.]  288 Lettres de saint François de Sales Enfant qu'il vous rende digne de ses grâces et faveurs, et nous face mourir pour luy, ou au moins en luy. Ma- dame, pries-le pour moy, qui suis fort misérable et accablé de moy mesme et des autres, qui est une charge intolérable si Celuy qui m'a des-ja porté avec tous mes I Pétri, II, 24. péchés sur la Croix * ne me porte encores au Ciel. Au de- meurant, je ne dis jamais la sainte Messe sans vous et ce qui vous touche de plus près ; je ne communie point sans vous, je suis en fin autant vostre que vous sçauries souhaitter. Gardes vous des empressemens, des melan- cholies, des scrupules. Vous ne voudries pour rien du monde offencer Dieu, c'est bien asses pour vivre joyeuse. Ma bonne mère est vostre servante, et tous ses enfans vos serviteurs ; elle vous remercie très humblement de vostre bienveiiillance. Mon frère (0 se sent infiniment obligé a la souvenance que vous aves de luy et la contre- change par la continuelle mémoire qu'il a de vous a Tautel ; il est absent, maintenant que j'escris. Je désire sçavoir le nom et Taage de vos enfans, parce que je les tiens pour miens selon Dieu. Je n'ose pas presser les dames que vous me nommes du voyage parce qu'il ne me seroit pas séant ; je le désire néanmoins, et me console en l'espérance que j^en ay. Madame, Vostre serviteur plus humble et entièrement dédié en Nostre Seigneur, FRANÇ^ E. de Genève. Amen. Le jour saint Jan, 1604. Revu en grande partie sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) Le chanoine Jean-François de Sales, qui avait accompagné le Saint à Dijon,  ÀNNKb 1604 289  CCXXIV A SA SAINTETÉ CLÉMENT VIII Recommandation en faveur d'André de Sauzéa proposé pour révêché de Bellay. Annecy, 15 juillet 1604. Beatissimo Padre, (a) È vacante un pezzo fa la diocaesi Bellicense (0, con- tigua a questa di Geneva, et al Re Christianissimo moite persone sonno state proposte acciô si degnasse favorirle appresso la Santa Sede in questa occasione ; fra le quali ciè un sacerdote francese, Andréa de Sauzea, (b) huomo di moite qualità, biion theologo et predicatore zelante l'^), et di costumi lodevoli (2). Et perché quella Chiesa vacante,  Très Saint Père, Le diocèse de Belley, limitrophe de celui de Genève, est sans titu- laire depuis quelque temps (O. Plusieurs candidats ont été proposés au roi très chrétien afm d'être par lui recommandés au Saint-Siège. On distingue entre autres, un prêtre français, André de Sauzéa : c'est un homme plein de qualités, bon théologien, prédicateur zélé et de mœurs irréprochables (2). Or, quoique cette Eglise vacante soit très (a) [Les variantes qui suivent sont extraites d'une minute autographe conservée à la Visitation d'Annecy.] rVile et indegno sojetto com'io sono, ardisco di scrivere a V. B''°...J (b) sonno state proposte — Tper nominare alla S''"* Sede Apostolica...J accioche si degnasse volerli favorire appresso V. S'=* délia sua nominatione ; fet sin adesso, per quanto intendo, non havera nominato nessuno...J fra li quali cie uno chiamato Andréa di Sauzea, del regno di Francia, (c) \ela7ite — délia santa fede catholica  (i) L'Evêque de Belley, Jean Godefroi de Ginod, était décédé le 12 avril de cette année 1604. (2) André de Sauzéa étant Tun des correspondants de notre Saint, sa note biographique sera jointe à la première lettre qui lui est adressée. Lettres II 19  290  Lettres de saint François de Sales  se bene è molto povera, è nientedimeno di importanza (^ per essere vicina ail' heresia et su le frontière, et che al bene («) di questa di Geneva conduce molto la sainte (^) di quella : per questo, Padre Beatissimo, (g) sapendo io che Vostra Beatitudine, la quale ha una sollecitudine essattissima in provedere le chiese cathedrali , vuole usare di spéciale (^) providentia Apostolica alla provi- sione di detta Chiesa Bellicense, ardisco, vile et indegna creatura ch'io sono, di supplicarla che sia servita di voler assai gratificare quel theologo sopranominato, ad honor del Signor Iddio et beneficio délie anime. Ne questo desidero per interesse mio particolare, poichè non ho conosciuto quel personaggio se non doppo che da  pauvre, elle est néanmoins importante, car elle se trouve dans le voi- sinage des hérétiques et sur les frontières ; le bien de ce diocèse peut contribuer beaucoup à celui du diocèse de Genève. C'est pourquoi, Très Saint Père, sachant que Votre Béatitude pourvoit avec une très diligente sollicitude les églises cathédrales et qu'EUe veut user d'une bienveillance apostolique toute spéciale à l'égard de l'Eglise de Belley, j'ose, quelque chétif et indigne que je sois, la supplier de favoriser le théologien susnommé, pour l'honneur du Seigneur notre Dieu et le bien des âmes. Ce n'est pas un intérêt personnel qui me sollicite, (d) ^ — tuttavia molto importante (e) et che — alla fsaiiitaj consolatione (f) la — sanita et conservatione (g) [Pour la suite de cet alinéa l'Autographe présente deux leçons; la première est reproduite in extenso et les variantes de la seconde sont signalées :] ardisco, vile et indegna creatura com' io sono, di supplicar a V. B"", che havendo Ella una sollecitudine essattissima in provedere tutte le chiese cathe- drali, et volendo anco particolarmente applicar essa sua cura fpaternaj Aposto- lica nella provisione di questa diœcaesi, si corne vengo avvertito; et dove fosse il suo beneplacito di voler favorire detto Andréa de Sauzea, sô certo che appresso sua divina Maesta ne haverebbe molta gratia, et appresso la diocaesi vacante singolar merito. fil che, Padre B™°, io dico non certo che io vi...J Et in questo, Padre B™°, non son mosso da interesse mio particolare, poiche quel theologo non é rné mio parente, né manco di...J né anco di questa mia patria, essendo fegli francese...J anzi del regno di Francia ; ma io Io desidero perche sarebbe una promotione utile alla salute di moite anime, et a questa diocassi vicina di molta consolatione. Sia adunque servita la S"^ V. di volere (h) che Vostra Beatitudine — hâ una sollecitudine essattissima in provedere tutte le chiese cathedrali et che vuole particolarmente applicar la sua  Annéf, 1604 291 un anno in qua(0 egli ha fatto alquante prsediche in questa diocaesi di Geneva, con molto gusto et frutto degli uditori (i ). Riceva Vostra Beatitudine questa mia supplica con quella sua suavissima clementia che a me diede confi- denza di scriverle sopra questo negotio. Et basciando i sacri piedi Apostolici, chiedo la sua santissima benedit- tione.(k) Di Vostra Beatitudine, Umilissimo et indegno servo, Franc°, Vescovo di Geneva. In Annessi, alli 15 di Luglio 1604. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.  puisque je ne connais ce personnage que depuis un an ; il a fait plusieurs prédications dans ce diocèse de Genève, au grand avan- tage et à la satisfaction des auditeurs. Que Votre Béatitude reçoive ma requête avec cette très suave clémence qui m'a donné confiance de lui écrire sur cette affaire. C'est en baisant vos pieds sacrés et apostoliques que je demande votre sainte bénédiction. De Votre Béatitude, Le très humble et indigne serviteur, François, Evêque de Genève. A Annecy, le 15 juillet 1604. ( i ) che (p. 290, lig. 9) — si degni favorire assai quel theologo sopranominato, a beneficio dell' anime et servitio d' Iddio nostro Sig''°. Ne a questo desiderio son mosso da interesse mio particolare, rnon havendo né anco conosciuto quel sojettoj senon doppo che da un anno in qua... essendo detto Sauzea del regno di Francia... poiche non [lo] ho né anco conosciuto senon doppo che da Parigi essendo venuto, (j ) di Geneva, — fdove egli era venuto, essendo egli di paese molto discosto da questo, pur del regno di Francia. J (k) quella sua — clementia suavissima fcolla quale Ella dâ fiducia...J dalla cognitione délia quale procède questa confidenza mia di scrivergli in questo negotio. Et basciando li piedi Apostolici di V. P. S""*, chiedo la sua santa benedittione, restando... [La minute ne porte ni clausule ni date.]  292 Lettres de saint François de Sales CCXXV A M. CHARLES d'aLBIGNY Règlement d'une affaire d'intérêt concernant la Sainte-Maison. Sales, 1 1 août 1604. Monsieur, Le seigneur chevalier Lobet(0 m'a treuvé chez ma mère, ou je n'ay sceu luy donner autre satisfaction que de vous supplier bien humblement, comme je fay, qu'il vous playse, Monsieur, de faire examiner ses prétentions autant comme il se peut sommairement, en la présence des seigneurs officiers de Son Altesse qui ont charge de la conservation des biens de la Sainte Mayson ; et je donne des a présent mon consentement a tout ce qui sera advisé et treuvé raysonnable pour terminer cette affaire. Je diray bien néanmoins que je pense plus a propos que la Mayson retienne le tiltre en donnant une pension sortable a la valeur du prieuré, comme seroit de la moytié ou autrement, ainsy qu'il sera jugé; et cela fait, a cette prochaine feste de Nostre Dame de septembre, tout le Conseil de la Mayson se treuvant a Thonon il pourra ratifier le traitté. Je ne voy point d'autre moyen de servir en cette affaire le seigneur Lobet, eu esgard a la haste qu'il a de s'en retourner en Piémont, et puisque les affaires de cette Sainte Mayson ne sont pas au pouvoir de moy seul, qui, en cette occasion et en tout'autre, feray tous-jours joindre  (i) Jean-François, fils d'Antoine Lobet ou Loubet, lequel était médecin du duc de Savoie. Ce prince avait en juillet 1601 sollicité du Saint-Siège pour le chevalier Loubet la commende du prieuré de Saint-André de Bellentre en Tarentaise (Archives Vaticanes, Borghese, série III, 64, a, et 95, d) ; mais un peu plus tard ce bénéfice avait été uni à la Sainte-Maison de Thonon (Bulle Exigit incnmhentis, 12 avril 1604). De là les réclamations de l'intéressé.  Année 1604 293 ma volonté a vos désirs, comme doit celuy qui, priant Dieu pour vostre prospérité, sera toute sa vie. A Sales, le 11 aoust 1604. Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Biblioteca Civica.  CCXXVI A M. CLAUDE DE BLONAY Difficulté que présente la nomination à un bénéfice. Sales, 1 1 août 1604. Monsieur, J'estois icy quand ce porteur a esté a Neci. Je voy seulement une difficulté : c'est quil me dit que Nové est de la présentation de Montjou ; ce qu'estant, sans doute monsieur le Praevost remuera quelque chose sur cette nouvelle provision, sinon que la pauvreté du bénéfice le face desfier de treuver homme capable (0. Il sera bon, ce me semble, de tenir la chose secrette pour quelque tems, cependant que je feray chercher dans les visites quid juris et que je penseray aux remèdes propres. Si j'ay le bien de voir monsieur d'Abondance je traitteray fort et ferme de Saint Gingoulf, et m'essayeray de faire qu'il soit accomodé de quelque revenu (2). Je m'attens d'aller pour la septembre a Thonon, et la, ( I ) Le Prévôt de Montjou, soit du Grand Saint-Bernard, avait droit de présentation à la cure de Novel en Chablais. Or, le 10 août de cette année 1604, Antoine Bron avait été institué recteur de cette paroisse sans l'inter- vention du Prévôt, André Tillier, ce qui donnait lieu de redouter quelques oppositions de la part de ce dernier. (2) Dès le xiii^ siècle Saint-Gingolph était uu fief de l'abbaye d'Abondance, En 1563, Tabbé Claude de Blonay donna ce fief en albergenient à Jacques du Nant, seigneur de Grilly et de Saint-Paul ; mais dans la suite l'abbaye regretta cette cession et en sollicita juridiquement le retrait, ce qu'elle ne put obtenir.  294 Lettres de saint François de Sales selon vostre advis, je m'essayeray d'obtenir la courtoysie de monsieur Muneri, delaquelle vous m'escrivés. Je suis, Monsieur, Vostre confrère plus humble, FRANÇ^ E. de Genève. XI aoust 1604. A Monsieur Monsieur de Blonnay. Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais), Archives de Blonay.  CCXXVII A MONSEIGNEUR ANTOINE DE REVOL, ÉVEQUE DE DOL Témoignages d'affection. — Carême prêché à Dijon. — Eloge des Dijonnais : fruits de salut opérés parmi eux. — Conversions dans le pays de Gex. — Réplique Chrestienne du ministre La Paye. — Le Saint hésite à la réfuter. Annecy, 14 août 1604. Monsieur, La dernière lettre que je receus de vous fut celle par laquelle vous me fistes Thonneur de m'advertir que vous * Vide supra, p. 176, avics rcceu la sainte consécration*, et que vous vous retiries auprès de vostre troupeau. Ce me fut une bien grande consolation, laquelle je vous tesmoignay par la response que je vous fis ; car je n'eusse pas peu m'en empescher, j'en estois touché très vivement. Mais, a ce que M. Favier m'a fait sçavoir, vous n'aures pas receu ma lettre. Ne croyés jamais, je vous supplie. Monsieur, que ni la mémoire ni la reconnoissance du devoir que j'ay a la bienveuillance quil vous a pieu de me promet- tre me puisse défaillir : non, sans doute. Je suis par tout le reste de mon ame fort imbecille et foible ; mais j'ay l'affection fort tenante et presque immuable a l'endroit de ceux qui me donnent le bonheur de leur amitié, comme je croy fermement que vous aves fait. Que si vous n'aves  Annéh 1004 295 pas receu de mes lettres si souvent que j'eusse souhaitté, attribués-le a toute autre sorte de manquement plustost qu'a celuy de Taffection. Mais non plus sur ce sujet ; nostre communic^ation doit estre franche, entière et fa- milière. Je vous diray donq, Monsieur, que, despuis les der- nières nouvelles que vous aves eues de moy, j'ay esté perpétuellement parmi les travaux et traverses que le monde fait naistre en ma charge, et me semble que cette année m'a esté encor plus aspre que celle du noviciat ; mays je puis dire aussi que nostre bon Maistre m'a beau- coup assisté de ses saintes consolations, qui m'ont fortifié en sorte que je puis dire d'avoir nagé parmi les eaux d'amertume sans en avoir avalé une seule goutte. Que Dieu est bon ! Il connoist bien mon infirmité et ma déli- catesse ; c'est pourquoy il ne me permet point de seule- ment gouster les eaux de Mara que premièrement il ne les ayt adoucies par le bois sacré de son assistence et consolation *. ' ^^Q^-. ^v, 23-15. Voyla, Monsieur, en gênerai ce que j'ay fait. Ce Caresme j'ay presché a Dijon, ou j'avois de bonnes et importantes affaires pour cest evesché, lesquelles j'ay, par ce moyen, terminées avec tout l'heur que je pouvois désirer. Je ne rencontray jamais un si bon et gratieux peuple, ni si doux a recevoir les saintes impressions. Il s'y est fait quelque fruit, nonobstant mon indignité, non seu- lement pour ceux qui m'ont attentivement escouté, mais aussi pour moy, qui ay reconneu en plusieurs personnes tant de vraye pieté que j'en ay esté esmeu. Quelques huguenotz se sont convertis ; quelques gens douteux et chancelans se sont affermis; plusieurs ont fait des confes- sions générales, mesme a moy, tant ilz avoyent de con- fiance en mon affection ; plusieurs ont pris nouvelle forme de vivre, tant ce peuple est bon. Encor vous diray-je cecy : j'y ay reconneu plusieurs centaines de personnes laïques et séculières qui font une vie fort parfaitte, et, parmi le tracas des affaires du monde, font tous les jours leur méditation et saintz exercices de l'orayson mentale. A mon retour, en suitte de ce que j'y avois traitté et  296 Lettres de saint François de Sales qui avoit esté le sujet qui m'avoit fait sortir de mon dio- cèse, je vins a Gex, ou M. le baron de Lux et quelques uns de cette court de Parlement estoyent arrivés pour, de la part du Roy, affermir Testablissement de Texer- cice catholique que les huguenotz avoyent totalement esbranlé, et résoudre de plusieurs difficultés que l'esprit chicaneur de Theretique y avoit fait naistre (0. Plusieurs parroisses, a cette occasion, vinrent demander Texercice de la sainte Eglise, qui jusques a Theure n'avoyent pas osé (2); et le Roy du despuis le leur a accordé, bien que l'exécution en soit un petit retardée pour des considéra- tions que la malice du tems donne. Le ministre La Faye, de Genève, a fait un livre exprès contre moy (3) ; il n'espargne pas la calomnie. Il laisse a part la grande multitude de mes imperfections, qui sont sans doute blasmables, et ne me censure que de celles que je n'ay point, par la grâce de Dieu : d'ambition, d'oysiveté extérieure, luxe en chiens de chasse et escuries, et semblables folies, qui sont non seulement esloignees (i) La principale de ces difficultés était relative aux presbytères et aux cimetières; en dépit d'une ordonnance déjà ancienne du baron de Lux (30 no- vembre 1601), les calvinistes se refusaient obstinément à les restituer aux Catho- liques. Saint François de Sales se rendit à Gex pour solliciter cette restitution, et présenta à cet effet deux suppliques qui furent apostillées le 11 mai 1604 par l'un des commissaires du roi, M. Briet, conseiller au Parlement de Dijon. Un arrêt rendu en conséquence obligea les calvinistes à partager le cimetière avec les Catholiques et à leur abandonner la maison presbytérale. (2) Ces paroisses, d'après un mémoire qui paraîtra parmi les Opuscules du Saint, sont Péron, Cessy, Versonnex et Challex, (3) L'ouvrage en question parut sous le titre suivant : Repliqite Chrestienne a la response de M. F. de Sales, se disant Evesque de Genève, sur le Traicté de la vertu et adoration de la Croix, par Antoine de La Faye, Ministre de la Parole de Dieu en VEglise de Genève. De l'imprimerie de Jacob Stasr, mdciiii. Ce livre du pasteur protestant est digne en tous points, par la violence du langage, du Brief Traitté auquel il fait suite. Des propositions émises ou des comparaisons employées dans la Défense de VEstendart de la sainte Croix, l'auteur s'efforce de dégager des conclusions outrageantes pour la personne du Saint et pour son caractère. Exemple : « Aussi ne vont les Chrestiens à la chasse après Christ comme les chiens des veneurs qui suivent les fumées et les passées de la beste, comme parle le Traditionneur » (c'est ainsi que La Faye désignait saint François de Sales), « voulant faire entendre par ces manières de parler qu'il n'est ignorant du mestier des veneurs et qu'il va à la chasse. » Un tel ouvrage ne méritait que le mépris : malgré les instances de ses amis, le saint Evèque refusa de le réfuter. (Cf. tome II de cette Edition, pp. xxii seq.)  Année 1604 297 de mon affection, mays incompatibles avec la nécessité de mes affaires et la forme de vie que ma charge m'im- pose. Or, béni soit Dieu qu'il ne sçait pas mes maladies, puisqu'il ne les voudroit guérir que par la mesdisance. Je bransle a sçavoir si je doy respondre, et n'estoit l'opi- nion de mes amis qui me combat, je serois résolu a la négative ; mesme que j'ay en main quelque petite besoi- gne qui sera sans doute plus utile que celle la, et je suis si tourmenté de la multiplicité des sollicitudes que je n'ay nul loysir d'estudier. Monsieur, je pense que vous connoistres par cette lettre combien est grande l'asseurance que je prens en vostre amitié, puisque je suis si long et si libre a vous dire ces menusailles de mon particulier, lesquelles ne vous peu- vent estre présentées que sous une extrême confiance de vostre bonté. Mais les anciens Evesques n'en faysoyent pas moins, et la communication que vous me permettes d'avoir avec vous m'est d'autant plus douce que nous sommes plus esloignés l'un de l'autre ; car je pense que c'est de la largeur ou longueur du royaume de France. Permettes moy, je vous supplie, que je désire de sçavoir presque aussi particulièrement de vos nouvelles comme je vous en dis des miennes, mais sur tout si vous ne montes pas en chaire, ou au moins si vous ne faites pas de sermons a l'autel ; et pardonnes moy, Monsieur, si c'est trop. Je me res-jouis que M. Soulfour soit nostre commun res- pondant* ; cette entremise, a mon advis, est fort aggrea- * Cf. supra, p. li ble. Dieu, par sa bonté, nous rende dignes de l'office auquel il nous appelle. Je ne suis jamais a l'autel que je ne l'en supplie, et nommément pour vous. Monsieur, de qui je me prometz un riche contreschange, a qui je bayse très humblement les mains, et suis inviolablement, Monsieur, Vostre indigne et moindre frère et très asseuré serviteur, Franc», Evesque de Genève. A Neci, la veille de l'Assomption, 14 aoust 1604.  298 Lettres de saint François de Sales CCXXVIII A M. JEAN-FRANÇOIS DE BLONAY (O Prochain pèlerinage à Saint-Claude. Invitation à transmettre à F Abbé d'Abondance. Annecy, 18 août 1604. Monsieur, Je me res-jouis fort des bonnes nouvelles de monsieur d'Abondance et de Testablissement des Feiiillans (2), Il me treuvera en toutes occasions son fort affectionné serviteur ; mais voicy un inconvénient. Je partiray irre- missiblement le 23 de ce mois pour aller a Saint Claude rendre un viel vœu que j'y ay et que ma mère a fait pour moy en une de mes maladies ; le 24 j'y seray, le 25 j'y arresteray, et ne pense pas estre icy que le 27 au soir. Je deliberois de revenir a Sales, mais je change fort volontier d'advis et me treuveray icy le 27, pour y donner une chambre a monsieur d'Abondance selon nostre petitesse. Je vous prie de l'y semondre en mon nom, mais bien vivement ; et sil arrive devant moy, monsieur Deage le recevra et vous aussi. Je suis. Monsieur, Vostre confrère plus affectionné et bien humble, FRANÇ^ E. de Genève. XVIII aoust 1604. Monsieur le Vicaire (3) respond au reste. Je differerois ( I ) Jean-François, fils de Claude de Blonay et de Louise de Livron (cf. ci-dessus, note ( i ), p. 124), avait dès sa jeunesse été l'objet d'une prédilec- tion spéciale de la part de saint François de Sales. C'est d'après ses conseils qu'il fut envoyé à l'Université d'Avignon et entra dans l'état ecclésiastique ; c'est de sa main qu'il reçut tous les Ordres (sous-diaconat : 29 septembre 1603; diaconat : 18 décembre 1604 ; prêtrise : 18 février 1606) ; c'est d'après les avis du Saint qu'il régla toute sa vie. M. de Blonay devint prieur commendataire de Saint-Paul en Chablais. Il mourut à Chambéry le 22 septembre 1642. (2) Voir la lettre au Pape en date du 27 octobre de cette même année. (3) Jean Favre, frère du célèbre président Antoine Favre, avait été d'abord chantre de l'église Notre-Dame de Bourg (cf. le tome précédent, note { r ), p. 132),  Annéh 1604 299 bien mon voyage, mais j'ay des autres assignations qui ne me laissent libre que ce tems-la pour le faire. A Monsieur Monsieur de Blonnay, Prieur de S' l^aul. Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais), Archives de Blonay. puis chanoine et officiai de Saint-Pierre de Genève. Nommé vicaire capitu- laire au décès de M^"" de Granier, il fut maintenu par saint François de Sales dans la charge de vicaire général jusqu'à sa mort, arrivée à Chambéry le ") septembre 161 5. Le chanoine Favre posséda plusieurs bénéfices, entre autres la commende du prieuré d'Allondes dans le diocèse de Tarentaise.  CCXXIX A MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT, ARCHEVÊQUE DE BOURGES (0 Obligation pour un Evéque de prêcher son peuple. — Des trois conditions nécessaires au prédicateur. — Fin qu'il doit se proposer : instruire et émou- voir. — Objet de la prédication : l'Ecriture Sainte expliquée selon les quatre sens dont elle est susceptible ; la doctrine des Pères et des Docteurs, les exemples des Saints; interpréter le « grand livre » de la création. — Eviter les citations mythologiques. — Des comparaisons et des allégories. — Disposition des matières ; différentes méthodes à adopter selon la diversité des genres : sermons sur les mystères et les vertus, homélies, panégyriques. — La forme : du style et de l'action. — Pressante exhortation à prêcher ; rien n'est impossible à l'amour. Sales, 5 octobre 1604. Monseigneur, Il n'est rien d'impossible a l'amour ; je ne suis qu'un chetif et malotru prédicateur, et il me fait entreprendre de vous dire mon advis de la vraye façon de prescher. Je ne sçai si c'est l'amour que vous me portes qui tire cette eau de la pierre"^, ou si c'est celuy que je vous porte lxxvii,'i6.' (i) Ce Prélat, qui eut le bonheur d'être l'ami d'un Saint et le frère d'une Sainte (cf. ci-dessus, note ( i ), p. 263), était né à Dijon le 26 août 1573. Le président Frémyot son père lui donna pour précepteur Claude Robert, premier auteur de la Gaîlia Christiana, et l'envoya étudier la jurisprudence à Padoue sous le célèbre Pancirole. Tandis que les traditions de sa famille l'attiraient vers la carrière parlementaire, les dignités ecclésiastiques venaient au devant de  Num.  300 Lettres de saint François de Sales qui fait sortir des roses de Tespine. Permettes-moy ce mot d'amour, car je parle a la chrestienne, et ne treuvés pas estrange que je vous promette des eaux et des roses ; car ce sont des epithetes qui conviennent a toute doctrine catholique, pour mal ageancee qu'elle soit. Je vay com- mencer : Dieu y veuille mettre sa bonne main. Advis sur la vraye Pour parler avec ordre, je considère la prédication en wam^r^r e près- ^^^ quattrc causes : l'efficiente, la finale, la matérielle et la formelle ; c'est a dire, qui doit prescher, pour quelle fin l'on doit prescher, que c'est que l'on doit prescher et la façon avec laquelle on doit prescher. Qui doit prescher. Nul uc doit prcschcr qu'il n'aye trois conditions : une bonne vie, une bonne doctrine, une légitime mission. Je ne dis rien de la mission ou vocation; seulement je remarque que les Evesques ont non seulement la mission, lui. D'abord Abbé commendataire de Saint-Etienne de Dijon, et plus tard prieur de Nantua, André Frémyot, conseiller dès 1599 au Parlement de Bourgogne, entra dans les Ordres. Il n'était que sous-diacre lorsque, sur la présentation du cardinal d'Ossat, Clément VIII le préconisa archevêque de Bourges (16 juin 1603). Sacré à Paris le 6 décembre, il différa la célébration de sa première messe jusqu'au Jeudi-Saint de Tannée suivante, et fut assisté à l'autel par TEvêque de Genève. A partir de cette époque s'établit entre les deux Prélats l'étroite amitié qui nous a valu cette magnifique lettre sur la prédication, véritable chef-d'œuvre du genre (i). M^"" Frémyot favorisa rétablissement de plusieurs Communautés religieuses dans son diocèse : Capucins, Augustins, Minimes (i6i5\ Carmélites (1617) et enfin Religieuses de la Visitation (1618). On lui doit un traité De Notis Eccle- siœ (1610), dédié à Henri IV, et divers écrits de moindre importance. Des causes politiques l'ayant obligé à résigner son archevêché (1621), il obtint en compensation les abbayes de Breteuil et de Ferrières, ainsi que le prieuré de Nogent-le-Rotrou. Quelques années plus tard (1626) il remplit une ambassade auprès d'Urbain VIII, qui l'appelait c< l'ornement des églises de France. » Ce même Pontife le nomma Commissaire apostolique pour le Procès de Béatifi- cation de saint François de Sales. Après avoir passé de longues années dans la pratique de toutes les bonnes œuvres et répandu d'immenses largesses dans le sein des pauvres, Ms"" Frémyot mourut à Paris le 13 mai 1641, et fut inhumé dans l'église du i^"" Monastère de la Visitation. (1) On s'est longtemps demandé si cette Lettre, dont l'Autographe est actuellement introu- vable, a été rédigée en français ou en latin. Aucun doute sérieux ne nous parait possible elle a certainement été écrite en français, car les délicates nuances du style de notre Saint que l'on retrouve ici trahissent manifestement un texte original. (Cf. tome 1er de cette Edition, note (2), p. Lix.) Selon toute vraisemblance, c'est aux premiers éditeurs qu'il faut attribuer l'espèce d'analyse introduite dans le texte. Nous la reproduisons sous forme de notes marginales, mais en caractères italiques afin de la distinguer des autres indications.  Annf.k 1604 3<->' mais ilz en ont les sources ministérielles, et les autres prédicateurs n'en ont que les ruysseaux. C'est leur pre- mière et grande charge; on le leur dit en les consacrant *. ' Pontificale Rom. Hz reçoivent a cet effect une grâce spéciale en la consé- cration, laquelle ilz doivent rendre fructueuse. Saint Paul * en cette qualité s'escrie : Malheur a moy si je * l Cor., ix, 16. n'evangeli^e. Le Concile de Trente* : « C'est, » dit il, "Ubisupra, p.193. (( le principal devoir de l'Evesque que de prescher. » Cette considération nous doit donner courage, car Dieu en cet exercice nous assiste spécialement ; et c'est merveille combien la prédication des Evesques a un grand pouvoir au prix de celle des autres prédicateurs. Pour abondans que soyent les ruysseaux, on se plaist de boire a la source. Quant a la doctrine, il faut qu'elle soit suffisante, et n'est pas requis qu'elle soit excellente. Saint François n'estoit pas docte, et néanmoins grand et bon prédicateur, et en nostre aage, le bienheureux Cardinal Borromee n'avoit de science que bien fort médiocrement : toutefois il faisoit merveilles. J'en sçai cent exemples. Un grand homme de lettres (et c'est Erasme) a dit que le meilleur moyen d'apprendre et de devenir sçavant c'est d'ensei- gner ; en preschant on devient prescheur. Je veux seule- ment dire ce mot : le prédicateur sçait tous-jours asses quand il ne veut pas paroistre de sçavoir plus que ce qu'il sçait. Ne sçaurions-nous bien parler du mystère de la Trinité ? n'en disons rien . Ne sommes nous pas asses versés pour expliquer Vin principio de saint Jan ? laissons-le la ; il ne manque pas d'autres matières plus utiles. Il n'est pas question qu'on fasse tout. Quant a la bonne vie, elle est requise en la façon que dit saint Paul de l'Evesque, et non plus ; de façon qu'il n'est pas besoin que nous so)^ons meilleurs pour estre prédicateurs que pour estre Evesques. C'est donq des-ja autant de fait : Oportet, dit saint Paul*, Episcopum * I Tim., m, 2. esse irreprehensibilem (^). Mays je remarque que non seulement il faut que  (a) Il faut que VEvèque soit irrépréhensihle.  302 Lettres de saint François de Sales l'Evesque et prédicateur ne soit pas vicieux de péché mortel, mays de plus qu'il esvite certains péchés venielz, voire mesme certaines actions qui ne sont pas péché. *De Consid., i.li, Saint Bernard, nostre Docteur, dit ce mot* : « Nugse secularium sunt blasphemiae clericorum i^). » Un séculier peut joiier, aller a la chasse, sortir de nuict pour aller aux conversations, et tout cela n'est point reprehensible, et, fait par récréation, n'est nullement péché. Mais en un Evesque, en un prédicateur, si ces actions ne sont assay- sonnees de cent mille circonstances qui malaysement se peuvent rencontrer, ce sont scandales et grans scandales. On dit : Hz ont bon tems, ilz s'en donnent a cœur joye. Allés après cela prescher la mortification ; on se mocquera du prescheur. Je ne dis pas qu'on ne puisse joiier a quelque jeu bien honneste une fois ou deux le moys par récréa- tion ; mais que ce soit avec une grande circonspection. La chasse, elle est interdite du tout. J'en dis de mesme des despenses superflues en festins, en habitz, en livres ; es séculiers ce sont superfluités, es Evesques ce sont des *DeMorib.,etOf- grans pcchés. Saint Bernard * nous instruit disant : Cla- fic. Episc, c. II, §7. ^ ^ ^ TVT *Matt., XV, 23. mant pauperes post nos*: «Nostrum est quod))expenditis, (( nobis crudeliter eripitur quidquid inaniter expendi- tur {^). » Comme reprendrons nous les superfluités du monde si nous faysons paroistre les nostres ? iTirn.,111, 2; Tit., Saint Paul dit* : Oportet Episcopum esse hospita- lem (^). L'hospitalité ne consiste pas a faire des festins, mais a recevoir volontier les personnes a table, telle que les Evesques la doivent avoir et que le Concile de Trente Sess.xxv,deRef., détermine* : Oportet mensam Episcoporum esse fruga- lem(e). J'excepte certaines occasions que la prudence et charité sçavent bien discerner.  (b) « Les mêmes choses qui chez les séculiers ne sont que baga- telles deviennent blasphèmes chez des clercs. » (c) Les pauvres crient après nous : « Ce que vous prodiguez nous appartient ; toutes vos dépenses inutiles sont un vol cruel que vous nous faites. » (d) Il faut que VEvèque soit hospitalier. (e) 11 faut que la table des Evèques soit frugale.  1,7,8  c. I.  Anniîh 1604 303 Au demeurant, on ne doit jamais prescher sans avoir célébré la Messe ou la vouloir célébrer. Il n'est pas croyable, dit saint Chrysostome *, combien la bouche qui * HomiiiaxLVj (aï. a receu le Saint Sacrement est horrible aux démons. Et ^'•^) ^" J°^°' § 3- il est vray ; il semble qu'on puisse dire après saint Paul * : * il Cor., xm, 3. An experimentum quœritis ej'us qui loquitur in me Christus (f) ? On a beaucoup plus d'asseurance, d'ardeur et de lumière. Quamdiu sum in mundo, dit le Sau- veur*, lux sum mundi^è). Chose certaine, que Nostre *joan.,ix, 5. Seigneur estant en nous réellement , il nous donne clairté, car il est la lumière"^. Aussi, les disciples d'Em- *ibid., i, 9; xn, 46. maùs ayans communié, eurent les yeux ouvert^^. * Lucœ, uit., 31. Mais au fin moins faut il estre confessé, suyvant ce que Dieu dit, au rapport de David * : Peccatori autem dixit * Ps. xux, 16. Deus : Qiiare tu enarras justitias meas et assumis testamentum meum per os tuum (h) ? Et saint Paul * : * i Cor., ix, uit. Castigo corpus meum et in servitutem redigo, ne cum aliis prcedicaverim ipse reprobus efficiar i'^). Mays c'est trop sur ce point. La fin est la maistresse cause de toutes choses ; c'est De u fin du Pre- elle qui esmeut l'agent a l'action, car tout agent agit et ^^'^'^«''• pour la fin et selon la fin. C'est elle qui donne mesure a la matière et a la forme : selon le dessein qu'on a de bastir une grande ou une petite mayson, on prépare la matière, on dispose l'ouvrage. Quelle donques est la fin du prédicateur en l'action de prescher ? Sa fin et son intention doit estre de faire ce que Nostre Seigneur est venu pour faire en ce monde ; et voicy ce qu'il en dit luy mesme * : Ego veni ut vitam * Joan., x, 10. habeant, et abundantius habeantii ). La fin donques du  (f ) Est-ce que vous voule:( éprouver le Christ qui parle en moi? (g) Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. (h) Mais Dieu a dit au pêcheur : Pourquoi oses-tu annoncer mes pré- ceptes et parler au nom de ma loi ? {^) Je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de peur qii après avoir prêché aux autres je ne sois moi-même réprouvé. {')) Je suis venu ajin qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient plus abondamment.  304 Lettres de saint François de Sales prédicateur est que les pécheurs mortz en l'iniquité vivent a la justice, et que les justes qui ont la vie spirituelle rayent encores plus abondamment, se perfectionnans * Cap. 1, 10. de plus en plus, et, comme il fut dit a Hieremie *, ut evellas et destruas les vices et les péchés, et œdifices et plantes W les vertuz et perfections. Quand donques le prédicateur est en chaire, il doit dire en son cœur : Ego vent ut isti vita.m habeant, et abundantius habeant. Or, pour chevir de cette prétention et dessein, il faut qu'il face deux choses : c'est enseigner et esmouvoir. En- seigner les vertuz et les vices : les vertuz pour les faire aymer, affectionner et prattiquer ; les vices pour les faire détester, combattre et fuir. C'est, tout en somme, donner de la lumière a l'entendement et de la chaleur a la volonté. C'est pourquoy Dieu envoya aux Apostres, le jour de la Pentecoste, qui fut le jour de leur consécration episcopale, ayans des-ja eu la sacerdotale le jour de la *^Luc3e, XXII, 19. Cène *, des langues de feu **; afnn qu'ilz sceussent que *^''^'^ la langue de l'Evesque doit esclaircir Tentendement des *Cf.s.Bern.,Serm. auditcuTs et eschauffcr leurs volontés*. II in Pent., §§ 7, 8. ^ . , . ,. 1 ^ • • 1 Je sçai que plusieurs disent que, pour le troisiesme, le prédicateur doit délecter ; mays quant a moy, je distin- gue, et dis qu'il y a une délectation qui suit la doctrine et le mouvement. Car qui est cette ame tant insensible qui ne reçoive un extrême playsir d'apprendre bien et sain- tement le chemin du Ciel, qui ne ressente une consolation extrême de l'amour de Dieu? Et pour cette délectation, elle doit estre procurée ; mais elle n'est pas distincte de l'enseigner et esmouvoir, c'en est une dépendance. Il y a une autre sorte de délectation qui ne dépend pas de l'en- seigner et esmouvoir, mays qui fait son cas a part et bien souvent empesche l'enseigner et l'esmouvoir. C'est un certain chatouillement d'oreilles, qui provient d'une cer- taine élégance séculière, mondaine et prophane, de cer- taines curiosités, ageancemens de traitz, de parolles, de  (k) Afin que tu arraches et que tu détruises... et que tu édifies et que h1 nntpç  tu plantes  Année 1604 305 motz, bref, qui dépend entièrement de l'artifice : et quant a celle cy, je nie fort et ferme qu'un prédicateur y doive penser ; il la faut laisser aux orateurs du monde, aux charlatans et courtisans qui s'y amusent. Hz ne preschent pas Jésus Christ crucifié *, mais ilz se preschent eux * 1 Cor., i, 23,11, 2. mesmes. Non sectamur lenocinia rhetorum, sed veritates __ • . :k f ^ \ *Cf.Com.in I Cor., piSCatorum * ( M. interOp. s. Ambr.; Saint Paul * déteste les auditeurs ùrurientes auri- ^^ '' ^7; s. Aug., ^ Serin. Lxxxvii, ex. bus ("i), et par conséquent les prédicateurs qui leur veulent » n ixm., iv, 3. complaire. Cela est un pedantisme. Au sortir du sermon je ne voudrois point qu'on dist : O qu'il est grand orateur ! o qu'il a une belle mémoire ! o qu'il est sçavant ! o qu'il dit bien ! Mais je voudrois que l'on dist : O que la péni- tence est belle ! o qu'elle est nécessaire ! Mon Dieu, que vous estes bon, juste ! et semblable chose ; ou que l'au- diteur, ayant le cœur saysi, ne peust tesmoigner de la suf- fisance du prédicateur que par l'amendement de sa vie. Ut vitam habeant, et abundantius habeant*. *Videsupra,p.303. Saint Paul dit en un mot a son Timothee * : Prcedica CequeiePredica- teur doit prescner. verbum^"^). Il faut prescher la parole de Dieu. Prce- *iiEp., iv, 2. dicate Evangelium, dit le Maistre *. Saint François, * Marc.,uit., 15. duquel aujourd'huy nous faysons la feste, explique cela, commandant a ses Frères de prescher les vertuz et les vices, l'enfer et le Paradis *. Il y a suffisamment dequoy * Régula secunda en TEscriture Sainte pour tout cela, il n'en faut pas davantage. Se faut-il donq point servir des Docteurs chrestiens et des livres des Saintz ? Si faut, a la vérité. Mais qu'est-ce autre chose la doctrine des Pères de l'Eglise que l'Evan- gile expliqué, que l'Escriture Sainte exposée ? Il y a a dire entre l'Escriture Sainte et la doctrine des Pères comme entre une amande entière et une amande cassée,  (1) Nous ne cherchons pas les charmes des rhéteurs, mais les vérités des pêcheurs. (m) Qui veulent qu'on leur chatouille les oreilles. (n) Prêche la parole. Lettres II 20  IX.  306  Lettres dh saint François de Sales  * Epist. Lxvi Pammach., S !  de laquelle le noyau peut estre mangé d'un chacun, ou comme d'un pain entier et d'un pain mis en pièces et distribué. Au contraire donq il faut s'en servir, car ilz ont esté les instrumens par lesquelz Dieu nous a com- muniqué le vray sens de sa Parole. Mais des histoires des Saintz s'en peut on pas servir ? Mais, mon Dieu, y a il rien de si utile, rien de si beau ? Mais aussi , qu'est autre chose la vie des Saintz que l'Evangile mis en œuvre? Il n'y a non plus de différence entre l'Evangile escrit et la vie des Saintz qu'entre une musique notée et une musique chantée. Et des histoires prophanes, quoy ? Elles sont bonnes, mais il s'en faut servir comme l'on fait des champignons, fort peu, pour seulement resveiller l'appétit ; et Ihors encor faut il qu'elles soyent bien apprestees, et, comme ad dit saint Hierosme *, il leur faut faire comme faisoyent les Israélites aux femmes captives quand ilz les vou- loyent espouser : il leur faut rogner les ongles et couper Deut., XXI, 11-13. les cheveux*, c'est a dire les faire entièrement servir a l'Evangile et a la vraye vertu chrestiennê, leur ostant ce qui se treuve de reprehensible es actions payennes et pro- Jerem., XV, 19. phanes, et faut, comme dit la sainte ParoUe *, separare pretiosum a vilii^). En la valeur de César l'ambition doit estre séparée et remarquée ; en celle d'Alexandre, la vanité, la fierté et superbe ; en la chasteté de Lucrèce, sa désespérée mort. Et des fables des poètes? O de celles la point du tout, si ce n'est si peu et si a propos, et avec tant de circons- tances, comme contrepoisons, que chacun voye qu'on n'en veut pas faire profession ; et tout cela si briefvement que ce soit asses. Leurs vers sont utiles : les Anciens les ont parfois employés, pour devotz qu'ilz fussent, mesmes jusques a saint Bernard, lequel je ne sçay pas ou il les Act., XVII, 28. avoit appris. Saint Paul fut le premier a citer Aratus * Tit.,i, 12. et Menander *. Mays quant aux fables, je n'en ay jamais rencontré en pas un sermon des Anciens, sauf une seule  (o) Séparer h précieux du vil.  Année 1604  yn  d'Ulysses et des syrenes employée par saint Ambroyse en un de ses sermons *. C'est pourquoy je dis, ou du tout point, ou si peu que rien. Il ne faut pas mettre l'idole de Dagon avec l'Arche d'alliance *. Et des histoires naturelles ? Très bien, car le monde, fait par la parole de Dieu, ressent de toutes pars cette parole ; toutes ses parties chantent la louange de l'Ou- vrier. C'est un livre qui contient la parole de Dieu, mais en un langage que chacun n'entend pas. Ceux qui l'en- tendent par la méditation font fort bien de s'en servir, comme faisoit saint Anthoine *, qui n'avoit nulle autre bibliothèque. Et saint Paul dit * : Invisihilia Dei per ea quœ facta sunt intellecta conspicïuntur ip); et David* : Cœli enarrant gloriam Dei (q). Ce livre est bon pour les similitudes, pour les comparaysons a mi- nori ad majus t'') et pour mille autres choses. Les an- ciens Pères en sont pleins, et l'Escriture Sainte en mille endroitz : Vade ad formicam* ; Sicut galltna congre- gat pullos suos"^; Ouemadfnodum desiderat cervus"^^; Quasi struthio in deserto *; Videte lilia agri"^* (s) ; et cent mille semblables. Mais sur tout, que le prédicateur se garde bien de ra- conter des faux miracles, des histoires ridicules, comme certaines visions tirées de certains autheurs de basse ligne, choses indécentes et qui puissent rendre nostre mi- nistère vituperable et mesprisable. Voyla ce qu'il me semble touchant la matière en gros ; reste néanmoins a dire en particulier des parties de la matière du sermon. La première partie de cette matière ce sont les passages de l'Escriture, lesquelz a la vérité tiennent le premier  ^Enarr. in Ps.xLui, §73- * I Reg., V, 2.  •Vide S. Athan., in Vita ejus. * Rom., I, 19, 20.  Ps. xvin, I.  ' Prov., VI, 6. ' Matt., XXIII, 37, '*Ps. XLI, I. ' Thren., iv, 3.  Matt.  VI, 2J  (p) Les perfections invisibles de Dieu sont rendues compréhensibles par les choses qui ont été faites. (q) Les cieux racontent la gloire de Dieu. (r) Du moindre au plus grand. (s) Va à la fourmi. Comme la poule rassemble ses poussins. Comme le cerf soupire. Comme l'autruche dans le désert. Voye^ les lis des champs,  3o8 Lettres de saint François dk Salf.s rang et font le fondement de Tedifice ; car en fin nous ♦Videsupra,p.305. preschons la purole *, et nostre doctrine gist en l'autho- rité. Ipse dixit, Hœc dicit Dominusi^), disoyent tous * joan., VII, i6. Ics Prophctes. Et Nostre Seigneur mesme * : Doctrina mea non est inea, sed ejus qui misit me (^). Mais il faut, tant qu'il est possible, que les passages soyent naïf- vement et clairement bien interprétés. Or, on peut bien user des passages de l'Escriture, les expliquant en l'une des quattre manières que les Anciens ont remarquées : Littera facta docet ; quid credas, allegoria ; Quid speres, anagoge ; quid agas, tropologia (v). Il n'y a pas trop bonne quantité, mais il y a de la rime, et encor plus de rayson. Pour le regard du sens littéral, il se doit puiser dans les commentaires des Docteurs, c'est tout ce qu'on en peut dire ; mays c'est au prédicateur de le faire valoir, de peser les motz, leur propriété, leur emphase. Comme, par exemple, hier j'expliquois en ce village (i) le comman- dement: Diliges Dominum Deuin tuum ex toto corde, *Deut.,vi,5;Matt., ^^ f^f^ anima, ex tota mente'^'\^). Je pensois avec *Serni.xxin Gant, nostre saint Bernard* : ex toto corde, c'est a dire cou- rageusement, vaillamment, fervemment, par ce qu'au cœur appartient le courage ; ex tota anima, c'est a dire affectueusement, par ce que l'ame entant qu'âme est la source des passions et affections; ex tota mente, c'est a dire spirituellement, discrètement, par ce que mens, c'est l'esprit et partie supérieure de l'ame, a laquelle appar- tient le discernement et jugement pour avoir le \ele  ( t ) Lui-même Va dit. Voici ce que dit le Seigneur. (u) Ma doctrine Ji' est pas de moi, mais de Celui qui m'a envoyé. (v) La lettre enseigne les faits ; l'allégorie, ce que tu dois croire ; l'anagogie ce que tu dois espérer; la tropologie, ce que tu dois faire. (w) Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. ( I ) Au village de Thorens, où le Saint avait prêché le 3 octobre, xvii* Di- manche après la Pentecôte, sur l'Evangile du jour.  Annéh 1604 309 secundurn scientiam et discrclionem * (^^. Ainsy ce mot * Rom., x, 2. diliffere doit estre pesé, par ce qu'il vient de eligo * et * Sk s. Thomas, représente naïfvement le sens littéral, qui est qu il faut art. 3. que nostre cœur, nostre ame et nostre esprit choisissent et préfèrent Dieu entre toutes choses, qui est le vray amour appréciatif duquel les théologiens interprètent ces paroles. Quand il y a diversité d'opinions entre les Pères et Docteurs il se faut abstenir d'apporter les opinions qui doivent estre réfutées, car on ne monte pas en chaire pour disputer contre les Pères et Docteurs catholiques ; il ne faut pas révéler les infirmités de nos maistres et ce qui leur est eschappé comme hommes *, ut sciant gantes ' Rom.,vi, 19. quoniam homines sunt*^y). Mais on peut bien apporter * Ps. ix, uit. plusieurs interprétations, les louant et faysant valoir toutes l'une après l'autre, comme je fis, le Caresme passé, de six opinions et interprétations des Pères sur ces pa- roles : Dicîte quia servi inutiles sumus * (z), et dessus * Lucas, xvn, 10. ces autres paroles : Non est meum dare vobis * (^') ; car, * Matt., xx, 23. si vous vous en resouvenes, je tiray de chacune de très bonnes conséquences, mais je teus celle de saint Hilaire, ce me semble *; ou si je ne le fis, je fis faute, et le devois * vide tom. viii n • » 11 1 • , , -. huj.Edit., pp. u,io. faire, parce qu elle n estoit pas probable. Pour le sens allégorique, il faut que le prédicateur observe quatre ou cinq pointz. Le premier est de tirer un sens allégorique qui ne soit point trop forcé, comme font ceux qui allegorisent toutes choses; mais faut qu'il soit naïfvement tiré, sortant de la lettre, comme saint Paul fait, allegorisant d'Esaii et Jacob au peuple Juif et Gen- til *, de Sion ou Jérusalem a l'Eglise**. ^^Rom., ix, 11-13. Secondement, ou il n'y a pas une très grande appa- Heb., xn, 22, 23'. rence que l'une des choses ayt esté la figure de l'autre, il ne faut pas traitter les passages l'un comme figure de  (x) Selon la science et la discrétion, (y) Afin que les peuples sachent qu'ils sont boninies. (z) Dites que nous sommes des serviteurs inutiles. (a') Ce n'est pas à moi de vous l'accorder.  3IO Lettres de saint François de Sales l'autre, mais simplement par manière de comparayson ; comme, par exemple, le genévrier sous lequel Helie III Reg.,xix,4, 5. S'endormit de détresse* est interprété allegoriquement par plusieurs de la Croix ; mais moy j'aymerois mieux dire ainsy : Comme Helie s'endormit sous le genévrier, ainsy nous devons reposer sous la Croix de Nostre Sei- gneur par le sommeil de la sainte méditation ; et non pas : Ainsy qu'Helie signifie le Chrestien, le genévrier signifie la Croix. Je ne voudrois pas asseurer que l'un signifie l'autre, mays je voudrois bien comparer l'un a l'autre, car ainsy le discours est plus ferme et moins reprehensible. Tiercement, il faut que l'allégorie soit bienséante ; en quoy sont reprehensibles plusieurs qui allegorisent la défense faitte en l'Escriture a la femme de ne point prendre l'homme par ses parties deshonnestes, au Deu- teronome, chapitre xxv : Si habuerint inter se jur- gium viri duo, et unus contra alterum rixari cœpe- rit, volensque uxor alterius eruere virum suutn de manufortioris, miseritque manum et apprehenderit verenda ejus, abscides manum illius, nec flecteris super eam ulla misericordia ; et disent qu'elle repré- sente le mal que fait la Synagogue de reprocher aux Gentilz leur origine, et qu'ilz n'estoyent pas enfans d'Abraham. Cela peut avoir de l'apparence; mais il n'a pas de la bienséance a cause que cette défense porte une imagination dangereuse en l'esprit de l'auditeur. Quartement, il ne faut point faire d'allégories trop grandes, car elles perdent leur grâce par la longueur et semblent [tendre] a l'affectation. Cinquiesmement, il faut que l'application se face claire- ment et avec grand jugement, pour rapporter dextrement les parties aux parties. Il faut presque observer les mesmes règles au sens anagogique et tropologique ; dont Tanagogique rapporte les histoires de l'Escriture a ce qui se passera en l'autre vie, et le tropologique les rapporte a ce qui se passe en Tame et conscience. J'en mettray un exemple qui servira pour tous les quatre sens.  Annfh 1604 311 Ces paroles de Dieu parlant d'Esaù et Jacob : Duœ gentes sunt in utero tuo, et duo populi ex utero tuo dividentur, populusque populum superahit, et major serviet minorti^^), en Genèse, xxv *, littéralement s'en- * v^ers. 23. tendent des deux peuples sortis, selon la chair, d'Esaïi et de Jacob, c'est a sçavoir les Idumeens et les Israélites, dont le moindre, qui fut celuy des Israélites, surmonta le plus grand et Taisné, qui fut le peuple d'Idumee, au tems de David. Allegoriquement, Esaù représente le peuple Juif, qui fut Taisné en la connoissance de salut ; car les Juifz furent les premiers preschés. Jacob représente les Gen- tilz, qui furent les puisnés ; et néanmoins les Gentilz ont en fin surmonté les Juifz. Anagogiquement, Esaii représente le cors, qui est Taisné ; car avant que l'ame fust créée, le cors fut fait et en Adam et en nous*. Jacob signifie Tesprit, qui est *Gen.,ii,7;iCor. puisné. En l'autre vie Tesprit surmontera et dominera ^^' '^^' ^^" sur le cors, lequel servira pleinement a Tame et sans contradiction. Tropologiquement, Esaii c'est l'amour propre de nous mesmes ; Jacob, l'amour de Dieu en nostre ame. L'amour propre est l'aisné, car il est né avec nous ; l'amour de Dieu est puisné, car il s'acquiert par les Sacremens et pénitence ; et néanmoins il faut que l'amour de Dieu soit le maistre, et quand il est en une ame, l'amour propre sert et est inférieur. Or, ces quattre sens donnent une grande, noble et bonne matière a la prédication, et font merveilleusement bien entendre la doctrine : c'est pourquoy il s'en faut servir, mays avec les mesmes conditions que j'ay dit estre requises a l'usage du sens allégorique. Apres les sentences de l'Escriture, les sentences des Pares et Conciles tiennent le second rang ; et pour le  ( b') Deux nations sont dans tes entrailles et deux peuples qui s'élèveront l'un contre l'autre sortiront de ton sein ; l'un de ces peuples surmontera l'autre, et l'aîné servira le plus jeune.  312 Lettrrs de saint François de Sales regard d'icelles, je dis seulement que, si ce n'est bien rarement, il faut les choisir courtes, aiguës et fortes. Les prédicateurs qui en allèguent de longues allanguissent leur ferveur et l'attention de la pluspart des auditeurs, outre le danger auquel ilz s'exposent de manquer de mémoire. Les courtes sentences et fortes sont comme celle *Serm.cLxix,c.xi. de saint Augustin * : « Qui fecit te sine te, non » salvabit 'Idem, Enarrat. in « te sine te(c'); )) et l'autre* : Qui pœnitentibus veniam s. CI, erm. 1,^10. pj.Qj^jgj|-^ tcmpus pœnitendi non promisit («i'); et sembla- bles. En vostre saint Bernard il y en a une infinité ; mais il faut, les ayant citées en latin, les dire en françois avec efficace, et les faire valoir, les paraphrasant et déduisant vivement. S'ensuyvent les raysons qu'une belle nature et un bon esprit peut fort bien employer ; et pour celles ci, elles se trouvent chez les Docteurs, et particulièrement chez saint Thomas plus aysement qu'ailleurs. Estans bien déduites, elles font une fort bonne matière. Si vous voules parler de quelque vertu, allés a la Table de saint Thomas, voyés ou il en parle, regardés ce qu'il dit ; vous treuveres plu- sieurs raysons qui vous serviront de matière : mays au bout de la, il ne faut pas employer cette matière sinon qu'on puisse fort clairement se faire entendre, au moins aux médiocres auditeurs. Les exemples ont une force merveilleuse et donnent un grand goust au sermon ; il faut seulement qu'ilz soyent propres, bien proposés et mieux appliqués. Il faut choisir des histoires belles et esclattantes, les proposer clairement et distinctement, et les appliquer vivement, comme font les Pères proposans l'exemple d'Abraham * Gen., XXII. qui immole son filz *, pour monstrer que nous ne devons rien espargner pour faire la volonté de Dieu ; car ilz re- marquent tout ce qui peut rendre recommandable l'obéis- sance d'Abraham. Abraham, disent-ilz, viel ; Abraham,  (c') « Celui qui t'a créé sans toi ne te » sauvera « pas sans toi. » (^') Celui qui a promis le pardon aux pénitents, n'a pas promis le temps de faire pénitence.  Annék 1604 3' 3 qui n'avoit que ce filz si beau, si sage et vertueux et si aymable ; et néanmoins, sans réplique, sans murmurer et hésiter, il le mené sur le mont, et veut bien luy mesme de ses propres mains l'immoler. Et certes, ilz font l'ap- plication encores plus vive. Et toy, Chrestien, tu es si tenant, si froid, si peu résolu a immoler, je ne dis pas ton filz ni ta fille, ni tous tes biens, ni une grande partie, mais un seul escu pour l'amour de Dieu a secourir les pauvres, une seule heure de tes passetems pour servir Dieu, une seule petite affection, etc. Mais il faut prendre garde a ne faire pas des descrip- tions vaines et flacques, comme font plusieurs escoliers qui, en lieu de proposer l'histoire naïfvement et pour les mœurs, se mettront a descrire les beautés d'Isaac, Tespee tranchante d'Abraham, l'enceinte du lieu du sacrifice et semblables choses impertinentes. Il ne faut estre aussi ni si court que l'exemple ne pénètre pas, ni si long qu'il ennuyé. Il faut aussi se garder de faire des introductions de colloques entre les personnes de l'histoire, sinon qu'elles soyent tirées des paroUes de l'Escriture, ou très proba- bles. Comme en cette histoire : qui introduit Isaac se lamentant sur l'autel, implorant la compassion pater- nelle pour s'eschapper de la mort, ou bien Abraham disputant en soy mesme et se plaignant, il fait mal et tort a la valeur et resolution de l'un et de l'autre. Ainsy ceux qui par la méditation ont rencontré des colloques, doivent observer deux règles en la prédication : l'une, de voir s'ilz sont solidement fondés sur une apparente probabilité ; l'autre, de ne point les proposer fort longs, car cela refroidit et le prédicateur et l'auditeur. Les exemples des Saintz sont admirables, et sur tout de ceux de la province ou on presche, comme de saint Bernard a Dijon. Il reste un mot a dire des similitudes : elles ont une efficace incroyable a bien esclairer l'entendement et a esmouvoir la volonté. On les tire des actions humaines, passant de l'une a l'autre ; comme de ce que font les bergers a ce que doivent faire les Evesques et pasteurs.  3^4 Lettres de saint François de Sales comme fit Nostre Seigneur en la parabole de la brebis * Lucae, xv, 4-7. perdue * ; des histoires naturelles, des herbes, plantes, animaux, et de la philosophie, et en fin de tout. Les simi- litudes des choses triviales, estans subtilement appli- quées, sont excellentes ; comme Nostre Seigneur fait en * Matt., XIII, 3-23. la parabole de la semence *. Celles qui sont tirées des histoires naturelles, si l'histoire est belle et l'application belle, c'est un double lustre ; comme celle de TEscriture * Ps. cil, 5. de la rénovation ou rajeunissement de l'aigle *, par nostre pénitence. Or, il y a un secret en ceci qui est extrêmement proufi- table au prédicateur : c'est de faire des similitudes tirées de l'Escriture, de certains lieux ou peu de gens les sçavent remarquer; et ceci se fait par la méditation des paroles. * Ps. IX, 7. Exemple : David parlant du mondain, dit * : Periit memoria eorum cum sonitu (^'). Je tire deux similitu- des de deux choses qui se perdent avec le son. Quand on casse un verre, en se cassant il périt en sonnant ; ainsy les mauvais périssent avec un peu de bruit ; on parle d'eux a leur mort. Mais comme le verre cassé demeure du tout inutile, ainsy ces misérables, sans espoir de salut, demeurent a jamais perduz. L'autre : quand un grand riche meurt, on sonne toutes les cloches, on luy fait des grandes funérailles ; mais, passé le son des cloches, qui le bénit ? qui parle de luy? Personne. Saint Paul parlant de celuy qui n'a point de charité et fait quelques œuvres, *i Cor., xm, I. il dit* qne factus est sicut œs sonans, aut cymhalum tinniens (^'). On tire une similitude de la cloche, qui appelle les autres a l'église et n'y entre point ; car ainsy un homme qui fait des œuvres sans charité, il édifie les autres et les incite au Paradis, et il n'y va point luy mesme. Or, pour rencontrer ces similitudes, il faut considérer les motz, s'ilz sont point métaphoriques ; car quand ilz  (e') Leur mémoire a péri avec le son. ( f ) Il est semblable à un airain sonnant ou à une cymbale retentissante.  Année i 604  3"5  le sont, tout aussi tost il y a une similitude a qui les sçait bien descouvrir. Par exemple : Viam mandatorum tuorum cucurri cum dilatasti cor meum * (g') ; il faut considérer ce mot dilatasti et celuy de cucurri, car il se prend par métaphore. Or maintenant, il faut voir les choses qui vont plus viste par dilatation, et vous en treu- veres quelques unes, comme les navires quand le vent estend leurs voiles. Les navires donques qui chomment au port, si tost que le vent propice les saysit aux voiles et qu'il les emplit et fait enfler, elles singlent. Et certes, ainsy le peuple. Lhors que le vent favorable du Saint Esprit entre dans nostre cœur, nostre ame court et single dans la mer des commandemens. Et certes, qui observera cecy fera fructueusement beaucoup de belles similitudes, esquelles similitudes il faut observer la décence a ne dire rien de vil, abject et sale. Apres tout cela, je vous advise qu'on se peut servir de FEscriture par application avec beaucoup d'heur, encores que bien souvent ce qu'on en tire ne soit pas le vray sens ; comme saint François disoit * que les aumosnes estoyent « panis Angelorum, » parce que les Anges les procuroyent par leurs inspirations, et applique le pas- sage*: Panem Angelorum manducavit homoi^'). Mays en cecy il faut estre discret et sobre.  Ps. cxviii, 32.  • s. Bonav.,ia Vita ejus, c. VII.  Ps. Lxxvii, 25.  Il faut tenir méthode sur toutes choses ; il n'y a rien qui ayde plus le prédicateur, qui rende sa prédication plus utile et qui aggree tant a l'auditeur. J'appreuve que la méthode soit claire et manifeste, et nullement cachée, comme font plusieurs qui pensent que ce soit un grand coup de maistre de faire que nul ne connoisse leur mé- thode. Dequoy, je vous prie, sert la méthode si on ne la voit et que l'auditeur ne la connoisse ? Pour vous ayder en cecy, je vous diray que, ou vous  De la disposition de la matière.  (g') fai couru dans la voie de vos commandements lorsque vous ave:( dilaté mon cœur. { h' ) L'homme a mangé U pain des Anges.  3i6 Lettres de saint François de Sales voules prescher quelque histoire, comme de la Nativité, Résurrection, Assomption, ou quelque sentence de TEscri- Lucae, xiv, ii. ture, commc : Omnis qui se exaltât humiliabitur*^'^'), ou tout un Evangile ou il y a plusieurs sentences, ou la vie de quelque Saint avec quelque sentence. Quand on presche une histoire, on se peut servir de Tune de ces méthodes : i . Considérer combien de person- nages il y a en l'histoire que vous voules prescher ; puys, de chacun tirer quelque considération. Exemple : En la Résurrection je voy les Maries, les Anges, les gardes du sepulchre et nostre doux Sauveur. Es Maries j'y voy la ferveur et diligence ; es Anges, la joye et jubilation en leurs habitz blancz et en leur lumière ; es gardes je voy la foiblesse des hommes qui entreprennent contre Dieu ; en Jésus je voy la gloire, le triomphe de la mort, l'es- pérance de nostre résurrection. 2. On peut prendre en un mystère le point principal, comme en l'exemple précèdent, la résurrection ; pu3^s considérer ce qui a précédé ce point la et ce qui s'en est ensuyvi. La résurrection est précédée de la mort, de la descente aux enfers, de la délivrance des Pères qui estoyent au sein d'Abraham, de la crainte des Juifz qu'on ne desrobbe le cors ; la résurrection, en cors bienheu- reux et glorieux. Ce qui s'ensuit, c'est le tremble-terre, la venue et apparition des Anges, la recherche des dames, la response des Anges ; et en toutes ces parties il y a merveilles a dire, et par bon ordre. 3. On peut en tous mystères considérer ces pointz : qui ? pourquoy ? comment ? Qui resuscite ? Nostre Sei- gneur. Pourquoy ? pour sa gloire, pour nostre bien. Com- ment ? glorieux, immortel, etc. Qui est nay ? le Sauveur. Pourquoy ? pour nous sauver. Comment ? pauvrement, nud, froid, en un estable, petit enfant. 4. Apres avoir proposé par une petite paraphrase l'histoire, on peut quelquefois en tirer trois ou quattre considérations. La première, qu'est ce qu'il en faut  (i') Quiconque s'exalte sera humilié.  Annkf i()04 317 apprendre pour édifier nostre foy ; la seconde, pour ac- croistre nostre espérance ; la troisiesme, pour enflammer nostre charité; la quatriesme, pour imiter et exécuter *. En •ConferaturSermo ,, 1 1 1 I-» ,• T-k ^ r XVII, tom. VII huius 1 exemple de la Résurrection : Pour la foy, nous voyons ^^-^^^ ■' la toute puissance de Dieu, un cors passer au travers de la pierre, estre devenu immortel, impassible et tout spiri- tualisé. Combien est ce que nous devons estre fermes a croire qu'au Saint Sacrement ce mesme cors n'occupe point de place, ne peut estre ofifencé par la fraction des espèces, et qu'il y est en une façon spirituelle, quoy que réelle. Pour Tesperance : Si Jésus Christ est resuscité, nous resusciterons, dit saint Paul* ; il nous a frayé le * i Cor., vi, 14; chemin. Pour la charité : Tout resuscité qu'il est, il con- verse néanmoins encor en terre pour instruire l'Eglise, et retarde de prendre possession du Ciel, lieu propre des cors resuscités, pour nostre bien *. O quel amour ! Pour * Act., i, 3. l'imitation : Il est resuscité le troisiesme jour ; o Dieu, que ne resuscitons-nous par la contrition, confession et satisfaction ? Il force la pierre ; vainquons toutes difficultés. Quand vous voules prescher une sentence, il faut consi- dérer a quelle vertu elle se rapporte, comme par exem- ple : Qui se humiliât exaltabitur* {)) ; voyla le sujet 'Vide contra. de l'humilité bien clair. Mais il y a d'autres sentences ou le sujet n'est pas si descouvert, comme : Quomodo hue intrasti non habens vestem nuptial^m*(^')?Yoj\si *Matt., xxn, 12. la charité ; mays vous la voyes couverte d'une robbe, car la robbe nuptiale c'est la charité. Ainsy donques, ayant descouvert en la sentence que vous voules manier la vertu a laquelle elle vise, vous pourres réduire vostre sermon a méthode, considérant en quoy gist la vertu, les vrayes marques d'icelle, ses effectz et le moyen de l'acquérir ou exercer ; qui a tous-jours esté ma méthode, et j'ay esté consolé d'avoir rencontré le livre du Père Rossignol, Jésuite, conforme a cette méthode. Le livre est  ( j' ) Celui qui s'humilie sera exalté, ( k' j Comment es-tu entré ici sans avoir la robe nuptiale ?  3i8 Lettres de saint François de Sales intitulé : De Actionibus Virtutum, imprimé a Venise i^); il vous sera fort utile. Il y a une autre méthode, monstrant combien cette vertu dont il s'agit est honnorable, utile et délectable ou playsante, qui sont les trois biens qui se peuvent désirer. Encores peut-on traitter autrement : c'est a sçavoir, des biens que cette vertu donne et des maux que le vice opposé apporte ; mais la première est la plus utile. Quand on traitte un Evangile ou il y a plusieurs sen- tences, il faut regarder celles sur lesquelles on se veut arrester, voir de quelles vertuz elles traittent, et en dire succinctement selon ce que j'ay dit d'une seule sentence, et les autres les parcourir et paraphraser. Mais cette fa- çon de passer sur tout un Evangile sentencieux est moins fructueuse, d'autant que le prédicateur ne pouvant s'ar- rester que fort peu sur chacune sentence, ne peut les bien demesler, ni inculquer a l'auditeur ce qu'il désire. Quand on traitte de la vie d'un Saint la méthode est diverse. Celle que j'ay tenue en l'orayson funèbre de * Vide tom. VII hu- Monsieur de Mercure est bonne * parce qu'elle est de saint *"Tit., ii'/ia. '^^''' Paul* : \Jt pie erga Deum, sobrie erga seipsum, juste erga proximum vixerit (i') ; et rapporter les pièces de la vie du Saint chacune a son rang. Ou bien de considérer ce qu'il fit agendo, qui sont ses vertuz ; patiendOj ses souf- frances, soit de martyre ou de mortification ; orando (°ï'), ses miracles. Ou bien de considérer comme il a combattu le diable, le monde, la chair : la superbe, l'avarice, la concupiscence, qui est la division de saint Jan : Omne, * î Ep., II, i6. dit il *, quod est in mundOy aut est concupiscentia Garnis, etc. (^') Ou bien, comme je fis a Fonteynes (2), sur saint Bernard : comme il faut honnorer Dieu en son  ( 1' ) Comme il vécut pieusement à l'égard de Dieu, sobrement à l'égard de lui-même, justement à l'égard du prochain. (in') Agissant... souffrant... priant. ( n') Tout ce qui est dans îe monde est, ou concupiscence de la chair, etc. (i) Rossignolo Bernardin, Jésuite piémontais (1563-1613). De Actionibus Virtuits, ex S. Scripturis et Patribus, libri duo. Venetiis, 1603. (a ) Fontaine-lez-Dijon, lieu de naissance de saint Bernard.  Annhb 1604 319 Saint et le Saint en Dieu ; comme il faut servir Dieu a l'imitation de son Saint ; comme il faut prier Dieu par rintercession de son Saint ; et ainsy effleurer la vie du Saint dont on parle, et mettre chaque chose en son lieu. Voyla bien asses de méthodes pour commencer; car après un peu d'exercice vous en feres d'autres qui vous seront propres et meilleures. Il me reste a dire pour la méthode, que je mettrois volontier les passages de l'Es- criture les premiers, les raysons secondement, les simi- litudes troisiesmement, et quatriesmement les exemples, s'ilz sont sacrés ; car s'ilz sont prophanes, ilz ne sont pas propres a fermer un discours : il faut que le discours sacré soit terminé par une chose sacrée. Itein, la mé- thode veut que le commencement du sermon jusques au milieu enseigne Tauditeur, et que despuis le milieu jusques a la fin il Tesmeuve. C'est pourquoy les discours affectifz doivent estre logés a la fin. Mais après tout ceci, il faut que je vous die comme il faut remplir les pointz de vostre sermon, et voir comment. Par exemple, vous voules traitter de la vertu d'humilité, et vous aves disposé vos pointz en cette sorte : i . En quoy gist cette vertu; 2. ses marques; 3. seseffectz; 4. moyen de l'acquérir. Voyla vostre disposition. Pour remplir de conceptions, vous chercheres en la table des autheurs les motz humilitas, humilis, sitperbia, superbus, et verres ce qu'ilz en disent ; et treuvant des descriptions ou définitions, vous les mettres sous le tiltre : « En quoy gist cette vertu, » et tascheres de bien esclaircir ce point, monstrant en quoy gist le vice contraire. Pour remplir le second point, vous verres humilitas ficta en la table, humilitas indiscreta (°'), et sembla- bles ; et par la vous monstreres la différence entre la fause et vraye humilité. S'il y a des exemples de l'une et de l'autre, vous les apporteres ; et ainsy des autres deux pointz. Intelligenti pauca (p).  (o') Humilité feinte... humilité indiscrète. Cp') Pour l'intelligent, peu de mots suffisent.  320 Lettres de saint François de Sales Les autheurs ou ces matières se treuvent sont saint Thomas ( ^ ), saint Antonin (2), Guillelmus Episcopus Lug- dunensis, in Summa de virtutibus et vittis (3), Summa prœdicantium Philippi Diez et tous ses Sermons (4), Vide supra, pp. Osorius (5), Grenade en ses Œuvres spirituelles*, Hylaret *^' ^^''' en ses Sermons (6), Stella in Lucam (7), Salmeron (8) et Barradas (9), Jésuites, sur les Evangiles. Saint Grégoire entre les Anciens excelle, et saint Chrysostome avec saint Bernard. Mais il faut que je die mon opinion. Entre tous ceux qui ont escrit des sermons, Diez m'aggree infiniment : il va a la bonne foy, il a l'esprit de prédication, il inculque bien, explique bien les passages, fait de belles allégories et similitudes, des hypotyposes nerveuses, prend l'occa- sion de dire admirablement, et est fort dévot et clair. Il luy manque ce qui est en Osorius, qui est l'ordre et la méthode, car il n'en tient point ; mays il me semble qu'il se le faut rendre familier au commencement. Ce que je dis, non pour m'en estre fort servi, car je ne l'ay veu qu'après beaucoup de tems, mays parce que je le connois tel, et me semble que je ne me trompe pas. Il y a un Espagnol qui a fait un gros livre qui s'appelle Sylva Allegoriarum (^o), lequel est très utile a qui le sçait bien ( I ) Summa Theologice, etc. (2) Summula Cotifessionalis. (3) Guillaume Pérauld ou Pérarde, Dominicain, dix ans évêque coadjuteur de Lyon sous Philippe de Savoie, qui occupa ce siège de 1246 à 1267. {4) H. P. F. Philippi Dic^, Lusitani, Ord. Min., Conciones quadruplices in Evangeîia. Salmanticae, 1582. Diez mourut en 1601. (5) Osorius Jérôme, Dominicain portugais, évêque de Sylves (1506-1580). Paraphrases et Commentarii in S. Scripturam. Romas, 1592. (6) Hylaret Maurice (i 539-1 591), Sacrce décades quinquepartitœ. Conciones Qjuadr âge simule s atque Paschalcs... Collectore F. Mauricio, Franciscano En- golimensi. Lugduni, mdxci. Sermons catholiques, etc. (7) Stella (voir ci-dessus, note (3), p, X90). Commentarii in Lucœ Evan- gelium. Alcala, 1578. (8) Salmeron Alphonse, Jésuite espagnol (1515-1595). Commentarii in Evangelicam Historiam et in Acta Apostolorum. Madriti, L. Sanchez, 1598. (9) Barradas Sébastien, Jésuite portugais (1543-1615). Commentarii in Con^ cordiam et Historiam Evangelicam. Conimbricae, etc., 1599-1612. (10) Sylva Allegoriarum totius S. Scripturœ, auctore F. Hieronymo Laureto, Cervariensi, monacho Benedictino in cœnobio Montisserati. Parisiis, apud Micha- elem Sonnium, 1584. Lauretus était abbé de Guixoles vers 1564.  Annre 1604 321 manier, comme aussi les Concordayiccs de Benedicti ('>. Voyla, ce me semble, le principal de ce c[ui me vient maintenant en mémoire pour la matière. Monsieur, c'est icy ou je désire plus de créance qu'ail- De laforme^ce^ta , . dire comme il faut leurs, parce que je ne suis pas de 1 opinion commune, et frrscher. que néanmoins ce que je dis c'est la vérité mesme. La forme, dit le Philosophe*, donne Testre et l'ame " Vide opusc .sv«- , , -r>,. .,, . , ,. , . tentias ex Aristot., a la chose. Dites merveilles, mais ne les dites pas bien, etc., iitt. ¥ finter ce n'est rien ; dites peu et dites bien, c'est beaucoup, p'h^vsfcl^^'ir^'^^' Comme donq faut il dire en la prédication ? Il se faut garder des quanquam et longues périodes des pedans, de leurs gestes, de leurs mines, de leurs mouvemens : tout cela est la peste de la prédication. Il faut une action libre, noble, généreuse, naïfve, forte, sainte, grave et un peu lente. Mais pour l'avoir que faut-il faire? En un mot, parler affectionnement et dévotement, simplement et candidement et avec confiance ; estre bien espris de la doctrine qu'on enseigne et de ce qu'on persuade. Le souverain artifice c'est de n'avoir point d'artifice. Il faut que nos paroles soyent enflammées, non pas par des cris et actions desmesurees, mais par l'affection intérieure ; il faut qu'elles sortent du cœur plus que de la bouche. On a beau dire, mais le cœur parle au cœur, et la langue ne parle qu'aux oreilles. J'ay dit qu'il faut une action libre, contre une certaine action contrainte et estudiee des pedans. J'ay dit noble, contre l'action rustique de quelques uns qui font profes- sion de battre des poings, des piedz, de l'estomach contre la chaire, crient et font des hurlemens estranges, et sou- vent hors de propos. J'ay dit généreuse, contre ceux qui ont une action craintifve, comme s'ilz parloyent a leurs pères, et non pas a leurs disciples et enfans. J'ay dit naïfve, contre tout artifice et affectation. J'ay dit forte, [i) La Somme des peche\ et les Remèdes d'iceux, p.ir F. Jean Benedicti, Frère Mineur. Lyon, Pesnot, 1584. Ce Religieux vivait encore en i6ir. Ce qui est désigné ici sous le titre de Concordances n'est qu'une sorte de Table, par laquelle Fauteur indique comment on peut trouver dans son livre l'interprétation morale de tous les Evangiles du Carême. Lettres II 21  322 Lettres de saint François de Sales contre certaine action morte, molle et sans efficace. J'ay dit sainte, pour forclorre les muguettes courtisanes et mondaines. J'ay dit grave, contre certains qui font tant de bonnetades a l'auditoire, tant de révérences et puys tant de petites charlateries, monstrans leurs mains, leur surplis, et faysans telz autres mouvemens indecens. J'ay dit un peu lente, pour forclorre une certaine action courte et re- troussée, qui amuse plus les yeux qu'elle ne bat au cœur. Je dis de mesme du langage, qui doit estre clair, net et naïf, sans ostentation de motz grecz, hébreux, nou- veaux, courtisans. La tisseure doit estre naturelle, sans préface, sans ageancemens. J'appreuve que Ton die pre- mièrement, au premier point, et secondement, au second, affin que le peuple voye l'ordre. Il me semble que nul, mais sur tout les Evesques, ne doivent user de flatterie envers les assistans, fussent ilz rois, princes et Papes. Il y a bien certains traitz propres a s'acquérir la bienveiiillance, dont on peut user par- lant la première fois a son peuple. Je suis bien d'advis qu'on tesmoigne le désir qu'on a de son bien, qu'on commence par des salutations et bénédictions, par des souhaitz de le pouvoir bien ayder au salut ; de mesme a sa patrie : mais cela briefvement, cordialement et sans paroles attiflfees. Nos anciens Pères et tous ceux qui ont fait du fruit se sont abstenuz de tous fatras et jolive- tés mondaines. Hz parlent cœur a cœur, esprit a esprit, comme bons pères aux enfans. Les ordinaires appella- tions doivent estre, mes frères, mon peuple (si c'est le vostre), mon cher peuple, Chrestiens auditeurs. L'Evesque doit donner a la fin la bénédiction, le bon- net en teste, et icelle achevée, saluer le peuple. On doit finir par des paroUes courtes, plus animées et vigou- reuses. J'appreuve le plus souvent la recollection ou re- capitulation, après laquelle on dit quatre ou cinq motz de ferveur, ou par manière d'orayson, ou par manière d'imprécation. Il est bon d'avoir certaines exclamations familières et judicieusement prononcées et employées, comme : O Dieu, bonté de Dieu, o bon Dieu, Seigneur Dieu, vray Dieu, eh, helas, ah, mon Dieu!  Annék 1604 323 Pour la préparation au sermon, j 'approuve qu'elle se fasse des le soir, et que le matin on médite pour soy ce que l'on veut dire aux autres. La préparation faitte au- près du Saint Sacrement a grande force, dit (xrenade*, Î^v7*°c'^m'^^'^"* et je le croy. J'ayme la prédication qui ressent plus a l'amour du prochain qu'a l'indignation, voire mesme des huguenotz, qu'il faut traitter avec grande compassion, non pas les flattant, mais les déplorant. Il est tous-jours mieux que la prédication soit courte que longue, en quoy j'ay failli jusques a présent : que je m'amende. Pourveu qu'elle dure demi heure, elle ne peut estre trop courte. Il ne faut point tesmoigner de mescontentement, s'il est possible ; mais au moins point de cholere, comme je fis le jour de Nostre Dame quand on sonna avant que j'eusse achevé. Ce fut une faute, sans doute avec plusieurs autres. Je n'ayme point les plaisanteries et sobriquetz ; ce n'en est pas le lieu. Je finis disant que la prédication c'est la publication et déclaration de la volonté de Dieu faitte aux hommes par celuy qui est la, légitimement envoyé, affin de les instruire et esmouvoir a servir sa divine Majesté en ce monde, pour estre sauvés en l'autre. Monsieur, que dires vous de cela ? Pardonnes moy, je vous supplie; j'ay escrit a course de plume, sans aucun soin ni de paroles ni d'artifice, porté du seul désir de vous tesmoigner combien je vous suis obéissant. Je n'ay point cité les autheurs que j'ay allégués en certains en- droitz ; c'est que je suis aux chams, ou je ne les ay pas. Je me suis allégué moy mesme ; mais c'est. Monsieur, parce que vous voules mon opinion et non celle des autres. Et quand je la prattique moy mesme, pourquoy ne le diray-je pas ? Il faut, avant que je ferme cette lettre, que je vous conjure, Monsieur, de ne la point faire voir a personne duquel les 3^eux me soyent moins favorables que les vostres, et que j'adjouste ma très humble supplication que  324 Lettres de saint François de Sales vous ne vous laissies emporter a nulle sorte de considé- ration qui vous puisse empescher ou retarder de prescher : plus tost vous commenceres, plus tost vous reuscires. Et prescher souvent ; il n'y a que cela pour devenir maistre. Vous le pouves, Monsieur, et vous le deves. Vostre voix est propre, vostre doctrine suffisante, vostre maintien sortable, vostre rang très illustre en l'Eglise. Dieu le veut, les hommes s'y attendent ; c'est la gloire de Dieu, c'est vostre salut : hardiment, Monsieur, et courage, pour l'amour de Dieu, Le Cardinal Borromee (O, sans avoir la dixiesme partie des talens que vous aves, presche, édifie, se fait saint. Nous ne devons pas chercher nostre honneur, mais celuy de Dieu ; et laissés faire, Dieu cherchera le nostre. Commencés, Monsieur, une fois aux Ordres, une autre fois a quelque Communion : dites quattre motz, et puys huit, et puys douze, jusques a demi heure ; puys montés en chaire. Il n'est rien d'impossible a l'amour. Nostre Seigneur ne demanda pas a saint Pierre : Es-tu sçavant ou éloquent ? pour luy dire : Pasce oves meas ; mais : *joan.,ult., 15-17. Amas me* (^'i ? Il suffit de bien aymer pour bien dire. Saint Jan mourant ne sçavoit que repeter cent fois en un quart d'heure : « Mes enfans, aymés vous les uns les * Apud s. Hieron., autres *, )) et avec cette provision il montoit en chaire : et Comm, in Galat., » , -, . , , ad vr, 10. nous faysons scrupule d y monter si nous n avons des myrobolans d'éloquence ! Laissés dire a qui alléguera la suffisance de Monsieur vostre prédécesseur (2) : il com- mença une fois comme vous. Mais mon Dieu, Monsieur, que dires vous de moy qui vay si simplement avec vous ? L'amour ne se peut taire  (q') Pais mes brebis... M' aimes-tu? ( I ! Saint Charles Borromée. (2) M^"" Renaud de Beaune, d'abord évèque de Mende (1568), puis arche- vêque de Bourges (1581). Ce Prélat, dont le zèle égalait le savoir et l'éloquence, s'était signalé par son dévouement à Henri IV. C'est même lui qui reçut l'abju- ration du roi, mais sans entente préalable avec le Saint-Siège. Aussi Clément VII I refusa-t-il longtemps de ratifier sa nomination à l'archevêché de Sens. M^"" de Beaune n'occupa ce siège que quatre ans, et mourut à Paris le 27 septembre 1606.  Annrh 1604 ^25 ou il y va de l'iiiterest de celuy qu'on ayme. Monsieur, je vous ay juré fidélité, et Ion souffre beaucoup d'un ser- viteur fidelle et passionné. Vous ailes. Monsieur, a vostre troupeau (0 : hé, que ne m est il loysible de courir jusques la pour vous assister, comme j'eus Thonneur de faire a vostre première Messe ! Je vous y accompagneray par mes vœux et désirs. Vostre peuple vous attend pour vous voir et estre veu et reveu de vous ; de vostre commen- cement ilz jugeront du reste : commencés de bonne heure a faire ce qu'il faut faire tous-jours. O qu'ilz seront édi- fiés quand ilz vous verront souvent a lautel sacrifier pour leur salut; avec vos curés traitter de leur édification, et en chaire parler de la parolle de reconciliation ^ et mi Cor., v, 19. prescher ! Monsieur, je ne fus jamais a l'autel sans vous recom- mander a Nostre Seigneur; trop heureux si je suis digne que quelquefois vous m'y porties en vostre mémoire. Je suis et seray toute ma vie, de cœur, d'ame, d'esprit. Monsieur, Vostre très humble serviteur et très petit et obeyssant frère, France E. de Genève. Du 5 octobre 1604. J'ay eu honte relisant cette lettre, et si elle estoit plus courte je la referois ; mais j'ay tant de confiance en la solidité de vostre bienveiiillance, que la voyla, Monsieur, telle qu'elle est. Pour l'amour de Dieu, aymés moy tous- jours, et me tenes pour autant vostre serviteur qu'homme qui vive, car je le suis. ( I ) M^"" Frémyot avait pris possession de son diocèse par procureur le 24 dé- cembre 1603. Il y fit son entrée solennelle le 24 octobre suivant.  326 Lettkks dk saint François de Sales ccxxx AU PRÉSIDENT BÉNIGNE FRÉMYOT (0  Intimité avec TArchevêque de Bourges. — Affection pour toute la famille du Président. — Comment il faut se préparer à la mort : se détacher peu à peu des choses de la terre. — Considérations à faire chaque jour. — Ce qu'est la sagesse pour les jeunes gens et ce qu'elle doit être pour les vieil- lards. — Choix de lectures. — Triple baiser à donner au Crucifix. Sales^ 7 octobre 1604. Monsieur, La charité est esgalement facile a donner et a recevoir les bonnes impressions du prochain ; mais si a sa géné- rale inclination on adjouste celle de quelque particulière amitié, elle se rend excessive en cette facilité. Monsieur de Bourges et madame de Chantai, vos chers et dignes (i) Noble et belle figure de magistrat que celle de ce Bénigne Frémyot, père de sainte Jeanne-Françoise de Chantai et bisaïeul de M™^ de Sévigné ! Il était fils de Jean Frémyot et de Guillemette Godran, et porta les titres de seigneur de Beauregard et de Thote. Successivement maître en la Chambre des Comptes (1571), avocat général au Parlement (1573), second président en la même Cour (16 novembre 1581), il remplissait cette dernière magistrature au moment où se livraient les guerres de religion. Les membres les plus qualifiés du Parlement adhérèrent à la Ligue. Dès l'abord M. Frémyot la jugea comme chacun devait l'apprécier plus tard; il quitta Dijon, entraînant à sa suite les magistrats fidèles au roi, et déclara le Parlement de Bourgogne transféré à Flavigny. La confiscation de ses biens, les vexations de tous genres auxquelles ses proches furent en butte n'ébranlèrent pas la constance de l'intrépide Par- lementaire. Les ligueurs le menacèrent de tuer son fils, le futur Archevêque de Bourges, dont ils s'étaient emparés. On connaît sa magnanime réponse : « Il vaut mieux au fils de mourir innocent, qu'au père de vivre perfide. » Aussi modeste dans la prospérité qu'il avait paru inébranlable dans le péril, l'intègre magistrat refusa les honneurs par lesquels Henri IV voulut plus tard recon- naître sa fidélité, et n'accepta que par dévouement les fonctions de maire de Dijon pendant les difficiles années 1595, 1596. L'incorruptible énergie de sa foi et l'élévation de son caractère le rendaient bien digne d'être le père d'une Sainte. Ce grand chrétien mourut à Dijon dans la nuit du 20 au 21 janvier 1611. « Par les exemples qu'il donna comme par le rôle qu'il joua dans la politique, sa vie justifia la devise de sa famille : Sic virtus super astra vehit. Ainsi la vertu élève au-dessus des astres. » (De la Cuisine, Histoire du Parlement de Bourgogne.)  Annék 1604 327 enfans, m'ont sans doute esté trop favorables en la per- suasion qu'ilz vous ont faitte de me vouloir du bien ; car je voy bien, Monsieur, par la lettre qu'il vous a pieu de m'escrire, qu'ilz y ont employé des couleurs desquelles ma chetifve ame ne fut onques teinte. Et vous. Monsieur, n'aves pas esté moins aysé ni, comme je connois, moins ayse de leur donner une ample et libérale créance. La charité, dit TApostre *, croit tout et se res-jouit du ' i Cor., xm, 6, 7. bien. En cela seul ilz n'auront pas sceu passer la mesure a dire, ni vous, Monsieur, a croire que je leur ay voiié toutes mes affections, qui vous sont par ce moyen acqui- ses, puisqu'ilz sont vostres avec tout ce qu'ilz ont. Permettes moy, Monsieur, que je laisse courir ma plume a la suitte de mes pensées pour respondre a vostre lettre. C'est bien la vérité que j'ay reconneu en Monsieur de Bourges une si naïfve bonté et d'esprit et de cœur que je me suis relasché a conférer avec luy des ofiices de nostre commune vocation, avec tant de liberté que, reve- nant a moy, je n'ay sceu qui avoit usé de plus de simplicité, ou luy a m'escouter, ou moy a luy parler. Or, Monsieur, les amitiés fondées sur Jésus Christ ne laissent pas d'estre respectueuses pour estre un peu fort simples et a la bonne foy. Nous nous sommes bien couppé de la besoigne l'un a l'autre ; nos désirs de servir Dieu et son Eglise (car je confesse que j'en ay, et luy ne sçauroit dissimuler qu'il n'en soit plein) se sont, ce me semble, aiguisés et animés par le rencontre. Mais, Monsieur, vous voules que je continue de mon costé cette conversation, et sur ce sujet, par lettres. Je vous asseure que si je voulois je ne m'en sçaurois empes- cher ; et de fait, je luy envoyé une lettre de quattre feuilles, et toute de cette estoffe. Non, Monsieur, je n'ap- porte plus nulle considération a ce que je suis moins que luy, ni a ce qu'il est plus que moy et en tant de façons : (( n Amor sequat amantes *. » Je luy parle fidellement et * Adagium Pvtha- ^ . ^ r ^ • 11 gorae attributuin. avec toute la confiance que mon ame peut avoir en celle ^  (*) « L'amour égale ks amants, »  328 Lettres de saint François de Sales que j'estime des plus franches, rondes et vigoureuses en amitié. Et quant a madame de Chantai, j'ayme mieux ne rien dire du désir que j'ay de son bien éternel que d'en dire trop peu. Mais M. le Président des Comptes, vostre bon frère (0, ne vous a-il point dit qu'il m'aymoit aussi bien fort ? Je vous diray bien au moins que je m'en tiens pour tout asseuré. Il n'est pas jusques au petit Celse Bé- nigne (2) et a vostre Aymee (3) qui ne me connoissent et qui ne m'ayent caressé en vostre mayson. Voyés, Mon- sieur, si je suis vostre, et par combien de liens. J'abuse de vostre bonté a vous desployer si grossièrement mes affections ; mais, Monsieur, quicomque me provoque en la contention d'amitié, il faut qu'il soit bien ferme, car je ne l'espargne point. Si faut-il que je vous obéisse encores en ce que vous me commandes de vous escrire les principaux pointz de vostre devoir. J'ayme mieux obéir au péril de la dis- crétion, que d'estre discret au péril de l'obéissance. Ce (i) Claude Frémyot (voir ci-dessus, note (3), p. 280). (2) Celse-Bénigne de Rabutia Chantai, « un des plus accomplis cavaliers de France, soit pour le cors, soit pour l'esprit, soit pour le courage, » (Histoire généalogique de la Maison de Rabutin) était par sa mère petit-fils du prési- dent Frémyot. De brillantes qualités et de graves défauts le rendirent tour à tour l'orgueil et la désolation des siens. Ni la virile éducation maternelle, ni les austères leçons de son aïeul et de son oncle, l'Archevêque de Bourges, ni la douce influence de sa jeune femme, Marie de Coulanges, ne purent avoir raison de sa fougueuse humeur. Ami du prince de Chalais et du comte de Boutteville, il faillit payer comme eux de sa tête, les plus folles aventures. Les prières et les larmes de sa sainte mère lui obtinrent une fin plus honorable et plus chrétienne. Il mourut à l'âge de trente et un ans (22 juillet 1627), en combattant à l'île de Ré pour la cause de l'Eglise et celle de la patrie. Le baron de Chantai ne laissait qu'une fille, Marie de Rabutin Chantai, qui devait être la célèbre marquise de Sévigné. (3) Marie-Aimée de Rabutin Chantai, sœur cadette de Celse-Bénigne, était alors âgée de six ans. Rien de plus gracieux, de plus attachant que la courte destinée de cette enfant, épanouie sous l'ombre protectrice de deux Saints. Elevée d'après les conseils de saint François de Sales, c'est de sa main qu'elle reçut la bénédiction nuptiale (13 octobre 1609). Son mariage avec Bernard de Sales, baron de Thorens, la rendit belle-sœur du saint Evêque. Mère à qua- torze ans, veuve à dix-huit (23 mai 1617), elle mourait quelques mois plus tard (7 septembre 1617), après avoir reçu le voile de la Visitation des mains des deux Fondateurs de l'Institut. Saint François de Sales nous fera suivre lui- même dans ses lettres les phases diverses de cette brève existence; il racontera en termes attendris la mort admirable de celle qui, si elle eût vécu de plus longs jours, serait devenue, dit-il, « une autre Mère de Chantai. »  Année 1604 3^9 m'est, a la vérité, une obéissance un petit aspre ; mays vous jugeres bien qu'elle en vaut mieux. Vous excèdes bien en humilité a me faire cette demande : pourquoy ne me sera-il loysible d'excéder en simplicité a vous obéir? Monsieur, je sçai que vous aves fait une longue et très honnorable vie, et tous-jours très constante en la sainte Eglise Catholique ; mais au bout de la, c'a esté au monde et au maniement de ses affaires. Chose estrange, mais que l'expérience et les autheurs tesmoignent : un cheval, pour brave et fort qu'il soit, cheminant sur les passées et alleures du loup s'ensfourdit et perd le pas *. Il n'est pas * Piin., Hist. nat., . "" , , f 1. XXVIII, c. xuv possible que vivans au monde, quoy que nous ne le tou- ^al. x). chions que des piedz, nous ne soyons embroiiillés de sa poussière*. Nos anciens pères, Abraham et les autres, ^'Cf.s.Leon.,Serm. ,. . 11 11 ^ XLII frt/. XLl), C. I. presentoyent ordinairement a leurs hostes le lavement des piedz * ; je pense. Monsieur, que la première chose * Gen., xvni, 4. qu'il faut faire c'est de laver les affections de nostre ame pour recevoir l'hospitalité de nostre bon Dieu en son Paradis. Il me semble que c'est tous-jours beaucoup de repro- che aux mortelz de mourir sans y avoir pensé ; mais il est double a ceux que Nostre Seigneur a favorisés du « Bien de la viellesse (0. » Ceux qui s'arment avant que l'alarme se donne le sont tous-jours mieux que les autres qui, sur l'efifroy, courent ça et la au plastron, aux cuissars et au casquet. Il faut tout a l'ayse dire ses adieux au monde, et retirer petit a petit ses affections des créatures. Les arbres que le vent arrache ne sont pas propres pour estre transplantés parce qu'ilz laissent leurs racines en terre ; mays qui les veut porter en une autre terre, il (i) On conserve à la Bibliothèque publique de Dijon un exemplaire de l'ouvrage du Cardinal Gabriel Paleotti (voir ci-dessus, note (2), p. 9), De Bono senectutis. Ce volume a été offert au président Frémyot par saint François de Sales lui-même. Sur le premier feuillet de garde le Saint a écrit la dédicace suivante : Franciscus, Episcopus Gebennensis, felicissimam senectutem at boniim opti- mum senectutis amplissimo D. Benigno Fremyoto exoptans , ei hune librutn, observantiœ ac amoris pignus mittit. — (François, Evéque de Genève, offre ce livre au très honoré seigneur Bénigne Frémyot, comme un témoignage de respect et d'affection, en lui souhaitant, avec une très heureuse vieillesse, ce que la vieillesse promet de meilleur.)  330  Lettres de saint François de Sales  Ps. XXVI, 13.  Matt., XXIV, 44.  * Ep. LU, ad Nepo- tian.,§§2, 3.  III Reg., I, 1-4.  * Auctoris incerti, in App.Op.S.Bern. • Serm. lxxxvii de Diversis.  faut que dextrement il desengage petit a petit toutes les racines l'une après Tautre. Et puisque de cette terre misé- rable nous devons estre transplantés en celle des vivans*, il faut retirer et desengager nos affections Tune après l'autre de ce monde. Je ne dis pas qu'il faille rudement rompre toutes les alliances que nous y avons contractées (il faudroit a l'adventure des effortz pour cela) ; mais il les faut descoudre et desnouer. Ceux qui partent a l'improu- veuë sont excusables de n'avoir pas pris congé des amis et de partir en mauvais équipage, mais non pas ceux qui ont sceu l'environ du tems de leur voyage. Il se faut tenir prest^* ; ce n'est pas pour partir devant l'heure, mays pour l'attendre avec plus de tranquillité. A cet efifect, je croy, Monsieur, que vous aures une incroyable consolation de choisir de chasque jour une heure pour penser, devant Dieu et vostre bon Ange, a ce qui vous est nécessaire pour faire une bienheureuse retraitte. Quel ordre a vos affaires s'il failloit que ce fust bien tost ? Je sçai que ces pensées ne vous seront pas nouvelles ; mais il faut que la façon de les faire soit nou- velle en la présence de Dieu, avec une tranquille atten- tion, et plus pour esmouvoir l'affective que pour esclairer l'intellective. Saint Hierosme a plus d'une fois * rapporté a la sa- pience des vielles gens l'histoire d'Abisag, Sunamite, dormant sur l'estomach de David, non pour aucune vo- lupté mais seulement pour l'eschauffer *. La sagesse et considération de la philosophie accompagne souvent les jeunes gens : c'est plus pour recréer leur esprit que pour créer en leurs affections aucun bon mouvement ; mais entre les bras des anciens, elle n'y doit estre que pour leur donner de la vraye chaleur de dévotion. J'ay veu et joui de vostre belle bibliothèque : je vous présente, pour vostre leçon spirituelle sur ce propos, saint Ambroyse, De bono mortis, saint Bernard, De interiori domo*, et plusieurs homélies esparses de saint Chrysostome. Vostre saint Bernard dit * que l'ame qui veut aller a Dieu doit premièrement bayser les piedz du Crucifix, purger ses affections et se résoudre a bon escient de se  Année 1604 331 retirer petit a petit du monde et de ses vanités ; puys bayser les mains, par la nouveauté des actions qui suit le changement des affections ; et en fin le bayser en la bouche, s'unissant par un amour ardent a cette suprême Bonté. C'est le vray progrès d'une honneste retraitte. On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit luy seul et premièrement l'Arabie Heureuse a l'odeur des bois aromatiques qui y sont * ; aussi, luy * PHn., Hist. nat., seul y avoit sa prétention. Ceux qui prétendent au pais ' '«^-^Luf^ .xixj. éternel, quoy que singlans en la haute mer des affaires de ce monde, ont un certain pressentiment du Ciel qui les anime et encourage merveilleusement ; mays il faut se tenir en prouë et le nés tourné de ce costé la. Nous nous devons a Dieu, a la patrie, aux parens, aux amis. A Dieu premièrement, puis a la patrie ; mais pre- mièrement a la céleste, secondement a la terrestre. Apres cela a nos proches ; mays « nul ne vous est si proche que vous mesme, » dit nostre Seneque chrestien *. En fin aux *s. Bern., DeCon- amis : mais n'estes vous pas le premier des vostres ? Je c! ni. '^■^' ' ' remarque ( que saint Paul dit a son Timothee*: Attende * i Ep-, iv, 16; cf. tibi et gregi ; primo tihi, deinde g regï^*\ dit il. •> » - • C'est bien assés, Monsieur, si ce n'est trop pour cette année, laquelle s'enfuit et s'escoule de devant nous, et dans ces deux moys prochains nous fera voir la vanité de sa durée, comme ont fait toutes les précédentes qui ne durent plus. Vous m'aves commandé que toutes les années je vous escrive quelque chose de cette sorte : me voyla quitte pour celle ci, en laquelle je vous supplie d'oster le plus de vos affections de ce monde que vous pourres, et, a mesure que vous les arracheres, de les transplanter au Ciel. Et pardonnes moy, je vous en con- jure par vostre propre humilité, si ma simplicité a esté  (*) Prends garde à toi et au troupeau ; premièrement à toi, puis au troupeau. ( I ) Les anciennes éditions portent: <( Il remarque, » etc., ce qui est évidem- ment fautif; car cette phrase, qui rapproche deux textes de saint Paul, ne se trouve nulle part dans les Œuvres de saint Bernard.  332 Lettres de saint François de Sales si extravagante en son obéissance que de vous escrire avec tant de longueur et de liberté sur un simple com- mandement, et avec une entière connoissance que j'ay de vostre extrême suffisance, qui me devoit ou retenir au silence ou en une exacte modération. Voyla des eaux. Monsieur; si elles sortent d'une maschoire d'asne, Samson judic.,xv, 19. ne laissera pas d'en boire *. Je prie Dieu qu'il comble vos années de ses bénédic- tions, et suis d'une affection totalement filiale, Monsieur, Vostre serviteur plus humble et obéissant. Francs E. de Genève. Le 7 octobre 1604, a Sales.  CCXXXI A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE Envoi d'un écrit sur l'oraison. — Méditer de préférence la Vie et la Passion du Sauveur ; auteurs à consulter. — Combien est utile la méditation des fins dernières; elle doit se terminer par des actes de confiance. — Exercices spirituels à faire chaque jour. — Formulaire pour la Confession dressé par le Saint en faveur de l'Abbesse. — Moyens à employer pour la réforme de son monastère : « quatre artifices » pour inspirer Tesprit d'obéissance. — Vie commune. — Clôture, gardienne de la chasteté. — En cette œuvre procéder avec douceur. — A quel âge admettre les jeunes filles à la première Communion. Sales, 9 octobre 1604. Madame, J'ay longuement retenu vostre laquay Philibert, mais c'a esté parce que je n'ay jamais eu un seul jour a moy, encor que je fusse aux chams ; car la charge que j'ay porte tout par tout son martyre avec soy, et ne puis pas dire qu'une seule heure de mon tems soit a moy, sinon celles ausquelles je suis a l'Office : tant plus desiré-je d'estre très estroittement recommandé a vos prières.  Annér 1604 333 Je vous envoyé, ma cliere Fille (et voyla le mot que vous voules et que mon cœur me dicte), un escrit touchant la façon de faire Torayson mentale qui me semble la plus aysee et utile. Je vous ay mis quelques autres exer- cices et des oraysons jaculatoires. Cela suffira bien pour vous enseigner la forme qu'il faut tenir a passer la journée. Je désire que vous la communiquies a madame la Présidente vostre seur (0, et a madame de Chantai, car je pense qu'elle leur sera utile. Quant a la matière de vos méditations, je désire que pour l'ordinaire ce soit sur la Vie et Mort de Nostre Sei- gneur, car ce sont les plus aysees et les plus proufitables. Les livres que je vous conseille, ce sont Bruno, Jésuite ; Capiglia, Chartreux ; Bellintani, Capucin*; mais sur tout * Vide supra, pp. Grenade, au Vray Chemin i^), pour ce commencement. ^^ ' ^" Bruno et Capiglia vous pourront servir pour les festes et Dimanches, et les autres deux le long de la semaine. Mais quoy que vous voyies [en] ces autheurs qui sont excellens, ne vous départes point de la forme que je vous ay envoyée. Faites tous-jours l'entrée de Torayson en vous mettant en la présence de Dieu, l'invoquant et proposant le mys- tère ; et après les considérations, faites tous-jours les actes des affections, non pas de toutes, mays de quelques unes, et les resolutions ; après cela l'action de grâces, TofiTre, la prière ; en fin lises bien le petit mémorial que je vous envoyé et le prattiqués. Quant a la méditation de la mort, du jugement et de l'enfer, elle vous sera fort utile, et vous en treuveres les matières en Grenade bien au long. Mais, ma Fille, je vous prie, que toutes ces méditations la des quatre fins se finissent toutes par l'espérance et confiance en Dieu, et non pas par la crainte et TefFroy ; car quand elles finissent par la crainte elles sont dangereuses, sur tout celles de la mort et de l'enfer. Il faut donq, qu'ayant considéré ( I ) Madame Brulart. {2) Le Vray C/iemïn et adresse pour parvenir a la grâce de Dieu, par Louis de Grenade. Traduict de l'espagnol en français p^ar François Belle-Forer.t . Anvers, 1=^97.  334 Lettres de saint François de Sales la grandeur des peynes, et l'éternité, et vous estant excitée a la crainte d'icelles et fait resolution de mieux servir Dieu, vous vous representies le Sauveur en croix, et, re- courant a luy les bras estenduz, vous l'allies embrasser par les piedz, avec des acclamations intérieures pleines d'espérance : O port de mes espérances, ah, vostre sang me garentira ; Je suis vostre, Seigneur, et vous me Ps. cxviii, 94. sauveres *. Retires vous en cette affection, remerciant nostre Sauveur de son sang, l'offrant a son Père pour vous délivrer et le priant qu'il vous l'applique. Mais ne failles pas a tous-jours finir par Tesperance, autrement vous ne retireries nul prouffit de telles méditations. Et tenés cette règle perpétuellement, que jamais vous ne deves finir vostre orayson qu'avec confiance ; car c'est la vertu la plus requise pour impetrer de Dieu, et celle qui l'honnore le plus. Vous pourres donq faire ces méditations des quatre fins de l'homme tous les trois mois une fois, et ce en quatre jours. Pour l'ordre de prier la journée, il me semble de vous avoir asses esclaircie en ce petit mémorial que je vous envoyé. Je vous le diray néanmoins icy un petit plus particulièrement. Sçachant que vous estes fort matineuse, je dis que le matin, estant levée, vous deves faire vostre méditation, et l'exercice du matin que j'ay appelle prépa- ration, a la charge que le tout ne durera au plus que trois quartz d'heure, ne désirant pas que la méditation et l'exercice arrivent a une heure. Apres cela vous pouves disposer de vos affaires de ce jour-la jusques a l'Office, s'il y a du tems. A la Messe, je vous conseille plustost de dire vostre Chapelet qu'aucune autre prière vocale ; et, le disant, vous le pourres rompre quand il faudra observer les pointz que je vous ay marqué, a l'Evangile, au Credo^ a l'Eslevation, et puis reprendre ou vous aves laissé. Et ne doutés nullement qu'il n'en sera que mieux dit par toutes ces interruptions ; et si vous ne le pouves achever a la Messe, ce sera a quelque heure du jour, et ne sera besoin que de poursuivre ou vous aures laissé. Au repas, j'appreuverois que vous observassies de faire  Annhk i()04 3 3 "5 dire le Benedicite et les (Traces ecclésiastiques qui sont a la fin du Bréviaire ; et cela vous le pourres introduire au mesme tems que vous introduires le Bréviaire de Trente, ou devant, s'il vous semble, et, petit a petit, faire que chaque Dame le die a son tour ; car l'Eglise ne l'a pas fait mettre sinon a fin que nous l'observions. Estant a An- nessy, je l'observe tous-jours. Un petit devant le souper il vous seroit fort utile de prendre demi quart d'heure de recueillement a remascher la méditation du matin, sinon qu'a cette heure-la on dist Complies au Monastère. Le soir avant que d'aller coucher, j'appreuve que si Teglise n'est point esloignee de vos chambres, ni trop incommode, vous y allies toutes ensemble, et qu'estans arrivées et mises a genoux et en la présence de Dieu, la semainiere fasse l'office de l'examen de conscience en cette sorte : Pater noster, et dire secrettement le reste ; Ave Maria et Credo, et a la fin : carnis resurrectio- nem, vitam œternam. Amen. Puis toutes ensemble le Conflteor jusques a mea ciilpa, et s'arrester un petit demi quart d'heure a faire l'examen, puis achever mea ciilpa, et le reste, Misereatur et Indulgentiam. Apres cela les Litanies de Nostre Dame, et après, l'orayson de Nostre Dame, ou celle qui est après : Visita, quœsumus, Domine, habitationem, et ce qui s'ensuit. Apres cela : Inpace in idipsum * ; les autres respondent : Dormiam ' Ps. iv, g. et requiescam. Benedicamus Domino ; Deo gratias. Requiescant in pace. Et des cette heure-la, que chacune se retire a sa celle, après s'estre saluées toutes ensemble. Au demeurant, ma chère Dame, sur tout il faut que vous la première, et puis les autres, tenies un ordre non seulement pour les Offices, mais aussi pour s'aller cou- cher et lever ; autrement vous ne pourres pas continuer en santé : et cela s'observe en toutes assemblées. Les veillées du soir sont dangereuses pour la teste et l'esto- mach. Je conseillerois que le disner ne fust point plus tard que dix heures, ni le souper que six, ni le coucher que de neuf a dix, et le lever entre quatre et cinq, si quelque complexion particulière ne requiert davantage de tems pour dormir ou n'en puisse pas tant dormir. Mais  3^6 Lettres de saint François de Sales il faut que, pour n'en pas tant dormir, la cause soit bien reconneuë ; car entre les filles, il semble que six heures soyent presque requises, et voulant faire autrement on demeure sans vigueur le long de la journée. Ne faites point Torayson mentale après disner, si ce n'est quatre heures après, ni jamais après souper. Aux jours de jeusne on peut faire collation a sept heures ; et pour le regard du jeusne, pour vous, il suffira de com- mencer par le vendredy et vous en contenter pour quel- que tems, et mesmement parce qu'il faut que vous soyes avec les autres et qu'il faut les conduire petit a petit. Estant malade, ne faites point d'autre orayson que jaculatoire, et ayés soin de vous, obéissant soigneusement au médecin, et croyes que c'est une mortification aggrea- ble a Dieu ; et quand vos Seurs le seront, soyes fort affec- tionnée a les visiter, secourir et faire servir et consoler. Mesme s'il y en a de maladives, monstres leur une tendre compassion , les dispensant aysement des charges de l'Office, selon que vous jugeres convenable, car cela les gaignera infiniment. Pour le regard des Communions et Confessions, je treuve bon que ce soit tous les huit jours, et que le soir du samedi vous adjousties au Visita Torayson du Saint Sacrement. Je vous envoyé un petit formulaire de Con- fession que j'ay dressé exprès pour vous. Je n'y metz pas tout, mays seulement ce que j 'ay creu a propos pour vostre instruction. Vous le pourres communiquer a madame Bruslart et de Chantai, et aux Religieuses que vous verres disposées a en faire prouffit. Je n'ay pas icy les livres qui en traittent, et peut estre le disent-ilz mieux que moy ; mais il n'importe : si vous le treuves ailleurs, tant mieux. Quant a la reformation de vostre Mayson, ma chère Fille, il faut que vous ayes un cœur grand et qui dure. Je vous voy dedans, sans doute; si Dieu vous donne sa grâce et quelques années de vie, ce sera vous qui seres employée de la divine Providence a cette sacrée besoi- gne, et sans beaucoup de peyne. Cela me plaist que vous estes peu de filles, la multitude engendre confusion. Mais comment commenceres vous ?  Annkk 1604 337 Voyci mes pensées. L'exacte reformation d'un monas- tère de filles consiste en Tobedience bien observée, la pauvreté et la chasteté. Il vous faut bien garder de donner ni peu ni prou aucune alarme de vouloir reformer ; car cela feroit que tous les espritz chatouilleux dresseroyent leurs armes contre vous et se roidiro3^ent. Sçaves vous ce qu'il faut faire ? Il faut que d'elles mesmes elles se refor- ment sous vostre conduitte et qu'elles se lient a l'obéis- sance et pauvreté. Mais comme quoy ? Allés de loin a loin, gaignés ces jeunes plantes qui sont la et leur inspi- rés l'esprit d'obéissance ; et pour ce faire usés de trois ou quatre artifices. Le premier c'est de leur commander souvent, mais des choses fort petites, douces et légères, et ce devant les autres ; et puis, la dessus, les en loiier modestement, et les appeller a l'obéissance avec des termes d'amour : Ma chère Seur, ou Fille, et semblables ; et plustost leur dire avant que de le faire : Si je vous prie de ceci ou de cela, le feres-vous pas bien pour l'amour de Dieu ? Le second c'est de leur jetter devant des livres propres a cela, et entr'autres il y en a trois admirables que je vous conseille d'avoir, et quelquefois leur en lire a part les pointz plus sortables. Ce sont : Platus, Du Bien de VEstat religieux, lequel est traduit en françois et im- primé a Paris (I); Le Gerson des Religieux, composé par le Père Pinel, imprimé a Lion et a Paris (2) ; Le Désirant ou Thresor de Dévotion, imprimé a Paris et a Lion. Item, parler souvent de l'obédience, non pas comme la désirant d'elles, mays comme désirant de la rendre a quelqu'un. Par exemple : Mon Dieu, que les (i) Platus (^Pialti) Jérôme, Jésuite milanais, mort en 1591. La première édition de son livre parut en 1601. Voici le titre de la seconde : Trois livres du Bien de lEstat religieux^ faicts latins par H. Platus, et françois par Phi- lippe le Bel, airé de Luiarches. Seconde édition, Paris, mdcvii. (a) Pinelli Luc, Jésuite italien, entré dans la Compagnie en 1562, mort en 1607. Le Gerson de la Perfection religieuse, et de l'Obligation que chaque Religieux a de V acquérir. Composé par le R, P. Lucas Pinelli, de Melfe, de la Compagnie de Jésus, et en cette seconde Edition reveu par l'Autheur et aug- menté presque par tout, nommément au quatriesme Livre. Le tout nouvellement traduit de V Italien en François. A Lyon, par Jean Pillehotte, a Tenseigne du Nom de Jésus, mdciv. Lettres II a*  ^}S Lettres de saint François de Salhs Abbesses qui ont des Supérieures qui leur commandent, ou bien des Supérieurs, sont bien plus ayses ! elles ne craignent point de faillir, elles ne font rien qu'a propos, toutes leurs actions sont bien plus aggreables a Dieu ; et semblables petites amorces. Le troysiesme c'est de commander si doucement et amiablement qu'on rende Tobeissance aymable ; et, après qu'elles vous auront obéi, adjouster : Dieu vous veuille recompenser de cette obéissance. Et ainsy vous tenir fort humble. Le quatriesme c'est de faire profession vous mesme de ne vouloir rien faire que par Tadvis et conseil de vostre père spirituel, auquel néanmoins vous n'attribueres nul- lement aucun tiltre de commandement, ni a ce que vous feres par sa direction aucun tiltre d'obéissance, de peur d'exciter des contradictions, et que les malins ne suscitent des jalousies en l'esprit de ceux qui sont Supérieurs de vostre Monastère, car cela gasteroit tout. Et je suis expé- rimenté de semblables accidens pour les avoir veuz ad- venir en France, en des Monastères ou il n'y a pas eu peu de pe3me d'apayser ces orages. J'en dis de mesme de la pauvreté. Il faut les y conduire petit a petit, en sorte qu'inspirées en cette douce façon, dans quelque tems toutes leurs pensions soyent mises ensemble en une bourse, de laquelle on tirera tout ce qui sera nécessaire, esgalement et a propos, selon la néces- sité d'une chacune, comme il se fait en plusieurs monas- tères de France que je sçay. Mais pourtant il ne faut donner nulle alarme de tout cela, ains les y conduire par des douces et souëfves inspirations, a quoy aussi servi- ront les livres susditz. Quant a la chasteté il faut commencer ainsy : tes- moigner vous mesme que vous n'estes jamais si contente que quand vous estes seule avec elles ; qu'il vous semble que c'est la plus grande consolation d'estre ainsy en vostre conversation particulière entre vous autres Seurs ; que vous voudries que chacun demeurast en son lieu, les mondains chez eux et vous av^ec elles ; qu'aussi bien les mondains ne viennent aux monastères que pour en tirer,  Annhh 1604 339 ou pour en faire des contes ça et la et se mocquer des Religieuses ; et semblables petites inspirations. Mays que ce soit en sorte qu'il semble que vous ne le dites que pour vostre particulier, et vous verres que, petit a petit, elles seront bien ayses de retrancher les sorties au monde et les entrées des mondains ; et en fin, un jour (il suffira bien si c'est après une année, voire deux) vous feres passer cela en constitution et en ordre, car c'est en fin la gardienne de la chasteté que la clausure. Je suis consolé de sçavoir que presque tout est de jeu- nesse, car cet aage est propre a recevoir les impressions. Au monastère de Montmartre, près Paris, les jeunes, avec leur Abbesse encores plus jeune, ont fait la refor- mation *. *Videsupra,p.i7i Quand vous rencontreres des difficultés et contradic- tions, ne vous essayes pas de les rompre, mais gauchisses dextrement et plies ; avec la douceur et le tems, si toutes ne se disposent pas, ayés patience, et avancés le plus que vous pourres avec les autres. Ne tesmoignes pas de vouloir vaincre; excusés en Tune son incommodité, en l'autre son aage, et dites le moins qu'il vous sera pos- sible que c'est faute d'obéissance. Mais dites moy, estimés vous peu ce que vous aves des-ja fait pour l'Office, pour la table, pour le voile et semblables choses ? Seigneur Jésus ! Nostre Seigneur demeura trois ans et demi a former le collège de ses douze Apostres, encores y avoit il et un traistre et beaucoup d'imperfections quand il mourut. Il faut avoir un cœur de longue haleyne ; les grans desseins ne se font qu'a force de patience et de longueur de tems ; les choses qui croissent en un jour se perdent en un autre. Courage donq, ma bonne Fille, Dieu sera avec nous. Ma Fille, j'appreuve la charité que vous voules faire a cette pauvre créature esgaree, pourveu qu'elle revienne avec esprit de reconnoissance et pénitence ; et si elle vient en cette sorte, elle treuvera plus doux que sucre et miel d'estre reculée au dernier rang et de ne point avoir part aux honneurs de la Mayson, jusqu'à ce que les vertuz qu'elle pourra faire paroistre en contreschange  ^40 Lettres de saint François dh Sales des fautes passées la puissent relever aux autres hon- neurs, horsmis le rang, qu'il est bien raysonnable qu'elle perde absolument. En particulier, je suis bien d'advis que vous relevies son esprit avec douceur et que vous invities a en faire de mesme toutes les Dames, car TApostre Gahit., VI, I. dit tout net * que les plus spirituel^ doivent relever les defaillans en esprit de douceur, quand ilz viennent en esprit de pénitence. Ainsy faut-il mesler la justice avec la bonté, a la façon de nostre bon Dieu, a fin que la charité soit exercée et la discipline observée. Je treuverois bon que l'exercice de Texamen ne se fist qu'une grosse demie heure ou trois quartz d'heure après souper, et que pendant les trois quartz d'heure on fist un peu de récréation a deviser honnestement, voire a chanter des chansons spirituelles, au moins pour ce com- mencement. Vos jeunes filles doivent estre communiees pour le plus tard a onze ans, présupposant qu'elles ayent la connois- sance qu'ordinairement l'on a en ce tems la. Et la pre- mière fois qu'elles communient, il est bon de prendre vous mesme la peyne de les bien instruire de la révérence qu'elles y doivent porter, et de leur faire marquer le jour et l'an en leur Bréviaire pour en remercier Dieu toutes les années suivantes. Voyla, ce me semble, que je vous ay respondu a tout ce que vous me demandies, Madame ma chère Seur. Il me reste a vous dire que, sans cérémonie, je suis entiè- rement vostre et de toute vostre Abbaye, ou j'espère voir un jour fleurir de toutes pars la sainte dévotion ; en ce que je pourray, je contribueray et ce que Dieu me don- nera d'esprit et mes foibles prières. Je ne manque jamais de vous loger amplement en la mémoire de la sainte Messe, et croyes que si vous vous desires près de moy, je me désire bien aussi près de vous. Mais nous sommes asses près, puisque Dieu nous joint au désir de le servir ; demeurons en Dieu, et nous serons ensemble. Je le sup- plie de tout mon cœur qu'il vous fortifie de plus en plus en son amour, avec toutes mesdames vos Religieuses, que je salue et prie de ne point m'oublier en leurs  Annék 1604 341 oraysons, ma3^s de me donner quelques uns des souspirs de dévotion qu'elles jettent au Ciel, ou est leur espérance. Amen. Je suis, Madame ma très chère Seur, Vostre frère et serviteur en Jésus Christ, FRANÇ^ E. de Genève. A Sales, le jour de saint Denys 1604. Prenes en bonne part, je vous prie, ma façon d'escrire  si grossière ; je n'escris qu'a (i)  ( I ) Ce post-scriptuiu inachevé ne figure que sur un tiré à part de cette lettre jusque-là inédite, publié à Paris en 1678.  CCXXXII  A LA MEME  Promesse de Taider dans la réforme de son monastère. — Recourir aux conseils du P. de Villars. — Demande de prières pour TEvèque de Saluces récemment décédé. — Livres qu'il serait utile à TAbbesse de consulter, — M'"<^ de Boisy projette de placer sa fille au Puits-d'Orbe. Sales, 13 octobre 1604. Madame ma très chère Seur et Fille en Nostre Seigneur, Je vous veux mettre icy quelques pointz a part, que je désire vous estre particuliers. Je vous supplie par les entrailles de Nostre Seigneur de croire, sans aucunement douter, que je suis entièrement et irrévocablement au service de vostre ame, et que je m'y employeray de toute Testendue de mes forces, avec toute la fidélité que vous sçauries jamais souhaitter. Dieu le veut, et je le connois fort bien ; je ne puis rien dire davantage. Sur ce bon fon- dement j'appliqueray mon esprit et mes prières a penser en tout ce qui sera utile et requis pour faire une parfaitte reformation de tout vostre Monastère ; ayés seulement un grand courage et plein d'espérance. C'est tout ce qu'il nous faut pour le présent, car vous seres assaillie sans  342 LrTTRES DR SAtNT FRANÇOIS DE SaLES doute ; mais avec Tesprit d'une douce vaillance nous che- virons de ce bon dessein, Dieu aydant. Et pour le présent, il faut bien establir l'intérieur de vos Seurs et le vostre sur tout, car c'est la vraye et solide méthode ; et dans quelque tems nous establirons l'extérieur, a l'édification de plusieurs âmes. Croyés que j'y penseray a bon escient. Quant au désir que vous aves de refaire vos vœux entre mes mains et m'en envoyer un escrit, puisque vous estimes que cela vous donnera tant de repos, j'en suis content, pourveu que vous adjousties a Tescrit cette condition, a l'endroit ou vous parleres de moy : « sauf l'authorité de tous légitimes Supérieurs ; » et ne faut pas que rien de cela se sçache. J'escris a Monsieur vostre père et le mien une lettre propre, a mon advis, pour gaigner son esprit a nostre dessein, lequel je ne luy dépeins pas si grand comme il est parce que cela le rebuteroit luy estant proposé tout a coup, et petit a petit il le goustera indubitablement. Je me dispense un peu de vous en cette lettre-la, mais vous sçaves bien que ce n'est tout que pour la gloire de Dieu et vostre bien, a quoy je regarde sans plus en tout cecy. Je sçai que vous me tenes pour trop vostre pour inter- préter aucune chose venante de moy qu'a bien et a droitte intention. Il faut avoir patience en ce qu'il veut ses opi- nions estre suivies, car il fait tout par excès d'amitié, et j'espère qu'ainsy comme je luy escris nous gaignerons Vide Epist. seq. beaucoup sur luy. J'escris un mot a Madame vostre seur *, que je ne puis qu'aymer extrêmement, estant ce qu'elle est. Monsieur vostre père me semble le désirer par la lettre qu'il m'a escritte. Vide supra, p. 333. J'ay bien peur que l'escrit de la méditation * ne soit si mal fait que vous ne sachies pas le lire ; vous prendres la peyne, s'il vous plaist, de le faire mettre au net pour le pouvoir lire avec plus de fruit. J'estois si indisposé quand je le fis escrire, que je ne peus y mettre la main pour l'escrire, me contentant de le dicter. Il n'y a nulle apparence humaine que je puisse jamais avoir la consolation de voir le Puis d'Orbe ; mais le grand désir duquel je suis porté a vostre service spirituel me  Annéh 1604 343 fait espérer que Nostre Seigneur m'y conduira par sa providence quand il en sera tems, si ma chetifve coopé- ration est requise a vostre bon dessein. Persévères a faire lire a la table, et mesme quelquefois en vostre chambre, en compaignie de vos Seurs. Il faut disposer petit a petit la matière de l'entière reformation, et la plus grande préparation c'est de rendre les cœurs doux, traittables et désireux de la perfection. Prevales- vous de l'assistence du bon Père de Villars ( ^ ), lequel, en response du billet que je vous donnay a Saint Claude (2), m'escrit qu'il aura un particulier soin de vous servir. Vous feres bien de vous arrester aux dévotions que je vous ay présentées et de ne point varier sans m'en ad- vertir ; Dieu aura aggreable vostre humilité en mon endroit et vous les rendra fructueuses. Monsieur l'Evesque de Saluées, est decedé despuis peu (3). C'estoit Tun des plusgrans serviteurs de Dieu qui fust de cet aage, et de mes plus intimes amis ; il fut fait Evesque en un mesme jour avec moy. Je vous demande un Chapelet pour son repos, car je sçai que si je fusse trespassé devant luy, il m'en eust fait faire la charité (i) Le p. Jean de Villars, né à Lyon le 20 janvier I0o, était entré dans la Compagnie de Jésus le 8 septembre 1577. Il fit la profession des quatre vœux le 24 août 1602, et mourut dans sa ville natale le 23 avril 1626. Bien qu'il fût doué de grands talents pour la chaire, ses supérieurs l'occupèrent de préfé- rence à la direction des collèges. Il était en 1604 recteur à Dijon. Ses vertus, sa prudence, son expérience des voies intérieures lui acquirent l'amitié de saint François de Sales et la confiance de plusieurs personnes de haute piété. La baronne de Chnntal entre autres le choisit pour confesseur, et c'est même à sa persuasion qu'elle se rangea définitivement sous la conduite du saint Evéque de Genève. (3) Dans les derniers jours du mois d'août précédent, TEvèque de Genève avait fait un pèlerinage à Saint-Claude en compagnie de sa mère et de sa jeune sœur. Il y avait donné rendez-vous à la baronne de Chantai et à ses pieuses amies, l'Abbesse du Puits-d'Orbe et la présidente Brûlart. ( 3 ) Juvénal Ancina, décédé le 31 août de cette même année. (Voir ci-dessus, note ( I ), p. 7.) Comment expliquer cette assertion de saint François de Sales : « Il fut fait Evesque en un mesme jour avec moy, » quand on sait qu'il a été lui-même préconisé le 15 juillet et sacré le 8 décembre 1602, et son ami, pré- conisé le 26 août et sacré le i^'" septembre de la même année ? Peut-être Clé- ment VIII avait-il eu le projet de les promouvoir tous deux en même temps, et, averti de ce projet, le Saint ne l'aurait pas été des difficultés qui auraient pu en empêcher l'exécution. Dans une lettre au bienheureux Juvénal Ancina lui- même (voir ci-dessus, p. 160) il est beaucoup moins affirmatif cà cet égard.  344 Lettres de saint François de Sales comme cela par tout ou il eust eu du crédit. Si j'eusse eu le tems a moy, je vous eusse escrit en meilleur ordre ; mais tout ce que j'escris ce n'est que par morceaux, selon le loysir que je puis avoir. Croyés que j ay bien besoin de vos prières. Les livres que vous pouves avoir pour le présent, sont : Platus, Du Bien de V Estât de religion; Le Gerson des Videsupra,p.337- RcUgieux , de Luc Pinel*; Paul Morigie, De l'insti- tution et commencement des Religions ( O ; les Œuvres idem,p i69,n.(2). de Grenade, imprimées nouvellement a Paris* ; Bel- idem,p.i9o,n.(6). lintani. De l'Orayson mentale *, les Méditations de ldem,p.'269,n.(r). Capiglia, Chartreux * ; celles de saint Bonaventure ; Le Désirant ; les Œuvres de François Arias et sur tout idem,p.i9o,n.(i). V Imitation de Nostre Dame* ; les Œuvres de la Mère Thérèse ; le Catéchisme spirituel de Cacciaguerre et ses autres Œuvres ( = ). Cela vous suffira, ou une partie, avec ceux que je sçai que vous aves des-ja. Dieu, ma très chère Seur, soit vostre conducteur, protecteur et conservateur, vostre prétention et vostre confiance. Amen. Vostre serviteur très asseuré en Nostre Seigneur, France E. de Genève. Madame, j'oubliois presque de vous dire que ma mère et moy avons fait un projet de vous envoyer après l'hiver prochain ma jeune seur que vous vistes a Saint Claude ( 3 ), (i) Morigia Paul, Jésuate milanais, Général de son Ordre (1525-1604). HistoricL deW origine ditutte le Religioni, librilll. Venezia, Zoppio, 1569, 1581. (2) Buonsignore Cacciaguerra (i 495-1 566) est l'un des compagnons de saint Philippe de Néri des plus recommandables par son savoir et sa sainteté. Il a laissé plusieurs ouvrages spirituels très appréciés, mais aucun ne porte le titre indiqué ici par le Saint. Le livre en question est évidemment le Dialogo spirituale del venerabile prête Buonsignore Cacciaguerra, con la lettera a Felice, vergine di Barbarano, sua pénitente. Venezia, Farri, 1575. — Ce livre, sous forme de demandes et de réponses, contient des enseignements théologiques et ascétiques pleins de sagesse et d'onction. On doit au même auteur les Traités de la Sainte Communion et de la Tribulation, des Lettres spirituelles, et la Vita di Felice di Barbarano. (3) Jeanne de Sales, treizième et dernier enfant de M'"® de Boisy, était alors âgée de onze ans. (Voir le tome précédent, note ( i ), p. 33.) Au mois de juin suivant elle fut effectivement envoyée au Puits-d'Orbe et y resta plus d'une année. Mais comme elle n'éprouvait aucun attrait pour la vie religieuse,  Annéh 1604 345 en intention que si Dieu la favorise de l'inspiration d'estre Religieuse, elle le soit, le tems estant venu, par vostre grâce et assistence ; trop heureuse qu'elle sera d'arriver en cette Mayson-la a mesme tems que la dévo- tion s'y allumera. Que si elle n'est pas digne de ce lieu, ou moy de ce contentement, au moins aura-elle ce bon- heur, ou qu'elle aille, d'avoir esté en si bon lieu. Et le tout se fera, Dieu aydant, sans aucune incommodité de personne, sinon celle de son esprit. Voyés, Madame ma chère Seur, si nous voulons nous obliger bien estroit- tement a vostre service ; cela dit sans cérémonie. Le 13 octobre 1604. on la retira du Monastère. Après l'avoir laissé séjourner quelque temps à Dijon auprès de la présidente Brùlart, sœur de TAbbesse, M"'^ de Boisy voulut confier sa fille à la baronne de Chantai. Elle n'y demeura pas longtemps ; une courte maladie l'emporta dans sa quatorzième année (8 octobre 1607). La fin prématurée de cette jeune sœur a inspiré à saint François de Sales quelques- unes des pages les plus touchantes qui soient tombées de sa plume.  CCXXXIII A LA PRÉSIDENTE BRULART Quand faudrait-il refaire une confession générale. — Qu'est-ce que la dévo- tion. — Deux choses qu'une chrétienne doit observer « pour estre vrayement dévote. » — Promptitude requise dans leur observance ; quelques réflexions pour l'acquérir. — Pratiques proposées pour chaque jour. — Il faut rendre la dévotion « fort aymable, » surtout à notre famille. Sales, [13 octobre] 1604. Madame, Ce m'a esté un extrême contentement d'avoir eu et veu vostre lettre ; je voudrois bien que les miennes vous en peussent donner un réciproque, et particulièrement pour le remède des inquiétudes qui se sont eslevees en vostre esprit despuis nostre séparation. Dieu me veuille inspirer. Je vous ay dit une fois, et m'en resouviens fort bien, que j'avois treuvé en vostre confession générale toutes  34^ Lettrf-s de saint François de Sai.ks les marques d'une vraye, bonne et solide confession, et que jamais je n'en avois reçeu qui m'eust plus entière- ment contenté. C'est la vraye vérité, Madame ma chère wSeur; et croyes qu'en telles occasions je parle fort pure- ment. Que si vous aves omis quelque chose a dire, con- sidérés si c'a esté a vostre escient et volontairement ; car en ce cas la, vous devries sans doute refaire la confes- sion, si ce que vous auries omis estoit péché mortel, ou que vous pensassies a cette heure la que ce le fust. Mais si ce n'est que péché véniel, ou que vous l'ayes omis par oubliance et défaut de mémoire, ne doutés point, ma chère Seur ; car, au péril de mon ame, vous n'estes nul- lement obligée de refaire vostre confession, ains suffira de dire a vostre confesseur ordinaire le point que vous aures omis : de cela j'en respons. N'ayés pas crainte non plus de n'avoir pas apporté tant de diligence qu'il failloit a vostre confession générale ; car je vous redis fort clairement et asseurement que si vous n'aves point fait d'omission volontaire, vous ne deves nullement refaire la confession, laquelle, pour vray, a esté très suffisam- ment faitte ; et demeurés en paix de ce costé la. Que si vous en confères avec le Père Recteur (0, il vous en dira le mesme, car c'est le sentiment de l'Eglise nostre mère. Toutes les règles du Rosaire et du Cordon n'obligent nullement ni a péché mortel ni a véniel, ni directement ni indirectement ; et, ne les observant pas, vous ne pe- cheres non plus que de laisser une autre sorte de bien a faire. Ne vous en mettes donq nullement en peyne, mays serves Dieu gayement et en liberté d'esprit. Vous me demandes le moyen que vous deves tenir pour acquérir la dévotion et paix de l'esprit. Ma chère Seur, vous ne me demandes pas peu ; mais je m'essayeray de vous en dire quelque chose, car je vous le dois. Mais re- marqués bien ce que je vous diray. La vertu de dévotion n'est autre chose qu'une générale inclination et promp- titude de l'esprit a faire ce qu'il connoist estre aggreable a Dieu ; c'est cette dilatation de cœur de laquelle David (i) Le p. de Villars (voir ci-dessus, note ( i ), p. }4}.  Annrk 1604 347 disoit * : fay couru en la voye de vos commandemens ' Ps- cxvm, 32. quand vous aves estendu mon cœur. Ceux qui sont simplement gens de bien cheminent en la voye de Dieu ; mays les devotz courent, et quand ilz sont bien devotz, ilz volent. Maintenant je vous diray quelques règles qu'il faut observer pour estre vrayement dévote. Il faut avant toutes choses observer les commandemens généraux de Dieu et de l'Eglise, qui sont establis pour tout fidelle chrestien, et sans cela il n'y peut avoir au- cune dévotion au monde : cela, chacun le sçait. Outre les commandemens généraux, il faut soigneusement obser- ver les commandemens particuliers qu'un chascun a pour le regard de sa vocation ; et quicomque ne le fait, quand il feroit resusciter les mortz, il ne laisse pas d'estre en péché, et damné, s'il y meurt. Comme, par exemple, il est commandé aux Evesques de visiter leurs brebis, les enseigner, redresser, consoler : que je demeure toute la semayne en orayson, que je jeusne toute ma vie, si je ne fay cela je me pers. Qu'une personne face miracle estant en estât de mariage, et qu'elle ne rende pas le devoir de mariage a sa partie ou qu'elle ne se soucie point de ses enfans, elle est pire qu'infidelle, dit saint Paul*; et i Tim, v. 8. ainsy des autres. Voyla donq deux sortes de commandemens qu'il faut soigneusement observer pour fondement de toute dévo- tion; et néanmoins la vertu de dévotion ne consiste pas a les observer, mais a les observer avec promptitude et volontier. Or, pour acquérir cette promptitude, il faut employer plusieurs considérations. La première, c'est que Dieu le veut ainsy, et est bien la rayson que nous fassions sa volonté , car nous ne sommes en ce monde que pour cela *. Helas, tous les * l Pétri, iv, 2. jours nous luy demandons que sa volonté soit faitte *, * Matt., vr, to. et quand ce vient a la faire nous avons tant de peyne ! Nous nous offrons a Dieu si souvent, nous luy disons a tous coupz : Seigneur, /^ suis vostre *^ voyla mon cœur; * Ps. cxvm, 94. et quand il nous veut employer nous sommes si lasches ! Comme pouvons-nous dire que nous sommes siens si nous ne voulons accommoder nostre volonté a la sienne ?  348 Lettres de saint François de Sales La deuxiesme considération c'est de penser a la nature des commandemens de Dieu, qui sont doux, gratieux et souëfves, non seulement les généraux, mays encores les particuliers de la vocation. Et qu'est ce donques qui vous les rend fascheux? Rien, a la vérité, sinon vostre propre volonté, qui veut régner en vous a quel prix que ce soit ; et les choses que peut estre elle desireroit si on ne les luy commandoit, luy estant commandées elle les rejette. De cent mille fruitz délicieux, Eve choisit celuy qu'on * Gen., iTi, 1-6. luy avoit défendu *, et sans doute que si on le luy eust permis elle n'en eust pas mangé. C'est, en un mot, que nous voulons servir Dieu, mais a nostre volonté et non pas a la sienne. Saiil avoit commandement de gaster et ruyner tout ce qu'il rencontreroit en Amalech : il ruyna tout, horsmis ce qui estoit de pretieux, qu'il réserva et en fit sacrifice; mais Dieu declaira qu'il ne veut nul sacrifice * iReg., XV, 3-23. contre l'obéissance*. Dieu me commande de servir aux âmes, et je veux demeurer a la contemplation : la vie contemplative est bonne, mais non pas au préjudice de l'obéissance. Ce n'est pas a nous de choysir a nostre vo- lonté ; il faut voir ce que Dieu veut, et si Dieu veut que je le serve en une chose, je ne doy pas vouloir le servir en une autre. Dieu veut que Saùl le serve en qualité de roy et cappitaine, et Saùl le veut servir en qualité de * Ibid., XIII, 9-13. prestre * : il n'y a nulle difficulté que celle cy est plus excellente que celle la; mais néanmoins Dieu ne se paye pas de cela, il veut estre obéi. C'est grand cas, Dieu avoit donné de la manne aux *Exod.,xvT, 14-31; enfans d'Israël, une viande très délicieuse* ; et les voyla xvi"Vo!''^"*^' ^^ ' qii'ilz n'en veulent pas, mais recherchent en leurs désirs *Num., XI, 4, s. les aulx et les oignons d'Egipte *. C'est nostre chetifve nature qui veut tous-jours que sa volonté soit faitte, et non pas celle de Dieu. Or, a mesure que nous aurons moins de propre volonté, celle de Dieu sera plus ayse- ment observée. 3. Il faut considérer qu'il n'y a nulle vocation qui n'ayt ses ennuis, ses amertumes et degoustemens ; et, qui plus est, si ce n'est ceux qui sont pleinement resignés en la volonté de Dieu, chascun voudroit volontier changer sa  Annék 1604 349 condition a celle des autres : ceux qui sont Evesques voudroyent ne Testre pas ; ceux qui sont mariés vou- droyent ne l'estre pas , et ceux qui ne le sont le vou- droyent estre. D'où vient cette générale inquiétude des espritz, sinon d'un certain desplaysir que nous avons a la contrainte, et une malignité d'esprit qui nous fait pen- ser que chascun est mieux que nous ? Mais c'est tout un : quicomque n'est pleinement resigné, qu'il tourne deçà et delà, il n'aura jamais repos. Ceux qui ont la fièvre ne treuvent nulle place bonne ; ilz n'ont pas demeuré un quart d'heure en un lict qu'ilz voudroyent estre en un autre : ce n'est pas le lict qui en peut mais, c'est la fièvre qui les tourmente par tout. Une personne qui n'a point la fièvre de la propre volonté se contente de tout ; pourveu que Dieu soit servi, elle ne se soucie pas en quelle qualité Dieu l'employé : pourveu qu'il face sa volonté divine, • ce luy est tout un. Mais ce n'est pas tout. Il faut non seulement vouloir faire la volonté de Dieu, mais pour estre dévot, il la faut faire gayement. Si je n'estois pas Evesque, peut estre que, sachant ce que je sçay, je ne le voudrois pas estre ; mais l'estant, non seulement je suis obligé de faire ce que cette pénible vocation requiert, mais je doy le faire joyeusement, et doy me plaire en cela et m'y aggreer. C'est le dire de saint Paul * : Chascun demeure en sa * i Cor., vu, 24. vocation devant Dieu. Il ne faut pas porter la croix des autres, mais la sienne ; et pour porter chascun la sienne, Nostre Seigneur veut qu'un chascun se renonce soy mesme *^ c'est a dire a sa propre volonté. Je voudrois * Matt., xvi, 24. bien ceci et cela, je serois mieux ici et la : ce sont ten- tations. Nostre Seigneur sçait bien ce qu'il fait ; faysons ce qu'il veut, demeurons ou il nous a mis. Mais, ma bonne Fille (permettes moy que je vous parle selon mon cœur, car je vous ayme comme cela), vous voudries avoir quelque petite prattique pour vous con- duire. Outre ce que j'ay dit qu'il failloit considérer, I. faites la méditation tous les jours, ou le matin avant disner, ou bien une heure ou deux avant le souper, et ce, sur la Vie et Mort de Nostre Seigneur ; et a cest  5^0 Lkttres de saint François de Sales efFect, serves vous de Bellintani, Capucin, ou de Bruno, * Vide supra, pp. Jesuite*. Vostre méditation ne doit estre que d'une grosse demi heure, et non plus, au bout de laquelle adjoustés tous-jours une considération de l'obéissance que Nostre Seigneur a exercée a l'endroit de Dieu son Père, car vous treuveres que tout ce qu'il a fait il l'a fait pour com- *joan.,v,3o,vi,38. plaire a la volonté de son Père* ; et la dessus, esvertues vous de vous acquérir un grand amour de la volonté de Dieu. 2 . Avant que de faire ou vous préparer a faire aucune des choses de vostre vocation qui vous faschent, pensés que les Saintz ont bien fait gayement d'autres choses plus grandes et fascheuses : les uns ont souffert le martyre, les autres ont souffert le deshonneur du monde. Saint François et tant de Religieux de nostre aage ont baysé et rebaysé mille fois des ladres et ulcérés ; les autres se sont confinés es desers ; les autres, sur les galères avec les soldatz ; et tout cela pour faire chose aggreable a Dieu. Et qu'est ce que nous faysons qui approche en difficulté a cela ? 3. Pensés souventesfois que tout ce que nous faysons a sa vraye valeur de la conformité que nous avons avec la volonté de Dieu : si qu'en mangeant et beuvant, si je le fay parce que c'est la volonté de Dieu que je le face, je suis plus aggreable a Dieu que si je souffrois la mort sans cette intention la. 4. Je voudrois que souvent parmi la journée vous in- voquassies Dieu affin qu'il vous donnast l'amour de vostre vocation, et que vous dissies comme saint Paul quand il * Act., IX, 6. fut converti : Seigneur, que voules vous que je face * ? Voules vous que je vous serve au plus vil ministère de vostre mayson ? Ah, je me reputeray encor trop heureuse : pourveu que je vous serve, je ne me soucie pas en quoy ce sera. Et venant au particulier de ce qui vous faschera, dites : Voules vous que je face telle et telle chose ? Helas, Seigneur, encor n'en suis je pas digne ; je le feray très volontier : et ainsy, que vous vous humilies fort. O mon Dieu, quel thresor vous acquerres, plus grand sans doute que vous ne sçauries estimer.  Année 1604 351 5. Je voudrois que vous considerassies combien de Saintz et Saintes ont esté en vostre vocation et estât, et qu'ilz s'y sont tous accommodés avec une grande douceur et résignation, tant au Nouveau qu'en l'Ancien Testa- ment : Sara, Rebecca, sainte Anne, sainte Klizabeth, sainte Monique, sainte Paule et cent mille ; et que cela vous anime, vous recommandant a leurs prières. Il faut aymer ce que Dieu ayme : or, il ayme nostre vocation ; aymons-la bien aussi, et ne nous amusons pas a penser sur celle des autres. Faysons nostre besoigne ; a chascun sa croix n'est pas trop. Meslés doucement l'of- fice de Marthe a celuy de Magdeleine * ; faites diligem- * i-ucae, x, 38-^3. ment le service de vostre vocation, et souvent revenes a vous mesme et vous mettes en esprit aux piedz de Nostre Seigneur, et dites : Mon Seigneur, soit que je coure, soit que je m'arreste, je suis toute vostre, et vous a moy *; ^Cant.,11, lo, vi, 2. vous estes mon premier Espoux, et tout ce que je feray, c'est pour l'amour de vous, et cecy et cela. Vous verres l'exercice de Torayson que j 'envoyé a ^la- dame du Puis d'Orbe* : tirés-en une copie, et vous en * Vide supra, pp. prévales, car je le désire. Il me semble que, faysant le '^^' ^^^' matin une demi heure d'orayson mentale, vous deves vous contenter d'ouyr tous les jours une Messe, et, parmi la journée, lire une demi heure de quelque livre spiri- tuel, comme de Grenade ou de quelque autre bon autheur. Le soir, faire l'examen de conscience, et, le long de la journée, faire des oraysons jaculatoires. Lises fort le Combat spirituel, je vous le recommande. Les Diman- ches et festes vous pourres, outre la Messe, ouyr Vespres (mais cela sans adstriction) et le sermon. N'oubliés pas de vous confesser tous les huict jours et quand vous aures quelque grand ennuy de conscience. Pour la Communion, si ce n'est au gré de Monsieur vostre mari, n'excèdes point pour le présent les limites de ce que nous en dismes a Saint Claude * : demeurés ferme, ' Hem, p. 34^,0. 2). et communies spirituellement ; Dieu recevra en conte la préparation de nostre cœur *. * p»- •^' p^""^*- Souvenes vous de ce que je vous ay si souvent dit : faites honneur a nostre dévotion ; rendes la fort aymable  352 Lettres de saint François de Sales a tous ceux qui vous connoistront, mays sur tout a vostre famille ; faites que chascun en die du bien. Mon Dieu, que vous estes heureuse d'avoir un mari si raysonnable et souple ! vous en devés bien loiier Dieu. Quand il vous surviendra quelque contradiction, resignés vous fort en Nostre Seigneur, et vous consolés sçachant que ses faveurs ne sont que pour les bons ou pour ceux qui se Ct.iiTini.,iii, 12. mettent en chemin de le devenir*. Au demeurant, sçachés que mon esprit est tout vostre. Dieu sçait si jamais je vous oublie, ni toute vostre famille, en mes foibles prières ; je vous ay très intimement gravée en mon ame. Dieu soit vostre cœur et vostre vie ! France E. de Genève.  CCXXXIV  A LA BARONNE DE CHANTAL  Marques de la volonté de Dieu dans le choix d'un directeur. — « Lien admi- rable » établi par Dieu entre les deux Saints. — Remèdes aux tentations contre la foi. — Exercices de piété à remplir chaque jour : méditation, audition de la Messe, oraisons jaculatoires, prières du soir, lecture spiri- tuelle, — Usage du jeûne et de la discipline. — Fréquente Communion. — j Pour l'éducation de ses enfants agir « a la façon des Anges. » — Assistance I des pauvres et des malades. — Devoirs envers son père et son beau-père. — De l'esprit de liberté : il est insinué dans le Pater. — Signes auxquels on peut le reconnaître ; défauts qui lui sont opposés. — Exemple de plusieurs Saints. — Professer une grande dévotion envers saint Louis. — Mort de LEvêque de Saluées. Sales, 14 octobre 1604. Vive Jésus Madame, Pleust a nostre bon Dieu que j'eusse autant de m.oyç.n de me bien faire entendre par cest escrit comme j'en ay de volonté ; je m'asseure que pour une partie de ce que vous desires sçavoir de moy vous séries consolée, et par- ticulièrement pour les deux doutes que Tennemy vous  Année 1604 353 suggère sur le choix que vous aves fait de moy pour estre vostre père spirituel. Mais je m'en vay vous dire ce que je pourray, pour exprimer en peu de paroles ce que je pense vous estre nécessaire sur ce sujet. Pour le premier, le choix que vous aves fait a toutes les marques d'une bonne et légitime eslection ; de cela n'en doutés plus, je vous supplie. Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a porté presque par force et avec con- solation ; la considération que j'y ay apporté avant que d'y consentir ; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons appliqué le juge- ment de vostre confesseur, bon, docte et prudent (0 ; ce que nous avons donné du loysir aux premières agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal fondées ; ce que les prières non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont précédé, sont indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu. Les mouvemens de l'esprit malin ou de l'esprit humain sont bien d'autre condition. Hz sont terribles et vehemens, mais sans constance. La première parole qu'ilz jettent a l'oreille de l'ame qui en est agitée c'est de n'ouïr point de conseil, ou, si elle en oyt, que ce soyent des conseilz de gens de peu et sans expérience. Hz pressent, ilz veu- lent qu'on trousse marché avant que de l'avoir traitté, et se contentent d'une courte prière, qui ne sert que de prétexte pour establir des choses les plus importantes. Il n'y a rien de pareil en nostre fait. Ce n'a esté ni vous ni moy qui en avons fermé le traitté ; c'a esté un troysiesme, qui en cela n'a peu regarder qu'a Dieu seul. La difficulté que j'y apportay au commencement, qui ne procedoit que de la considération que j'y devois appli- quer, vous doit entièrement résoudre ; car croyés bien que ce n'estoit pas faute de très grande inclination a vostre service spirituel (je Tavois indicible), mais parce qu'en chose de telle conséquence je ne voulois suivre ni vostre désir ni mon inclination, ains Dieu et sa provi- vidence. Arrestes-vous la, je vous supplie, et ne disputés ( I ) Le p. de Villars (voir ci-dessus, note ( i ), p. 343). Lettres II âj  354 Lettres de saint François de Sales plus avec Tennemy en ce sujet ; dites luy hardiment *Cf. Pss. cxiii, II, que c'est Dieu qui Ta voulu et qui Ta fait*. Ce fut Dieu cxxxiv, 6. . 1 , . ,. . qui vous embarqua en la première direction, propre a vostre bien en ce tems la ; c'est Dieu qui vous a portée a celle ci, laquelle, bien que l'instrument en soit indigne, il vous rendra fructueuse et utile. Pour le second, ma très chère Seur, sçachés que, comme je viens de dire, des le commencement que vous conferastes avec moy de vostre intérieur Dieu me donna un grand amour de vostre esprit. Quand vous vous de- clarastes a moy plus particulièrement, ce fut un lien ad- mirable a mon ame pour chérir de plus en plus la vostre, * Vide supra, p. 262. qui me fit vous escrire que Dieu m'avoit donné a vous*, ne croyant pas qu'il se peust plus rien adjouster a l'affec- tion que je sentois en mon esprit, et sur tout en priant Dieu pour vous. Mays maintenant, ma chère Fille, il y est survenu une certaine qualité nouvelle qui ne se peut nommer, ce me semble ; mais seulement son effect est une grande suavité intérieure que j'ay a vous souhaitter la perfection de l'amour de Dieu et les autres bénédic- tions spirituelles. Non, je n'adjouste pas un seul brin a * Ps. Lxxii, 26. la vérité, je parle devant le Dieu de mon cœur * et du vostre. Chasque affection a sa particulière différence d'avec les autres ; celle que je vous ay a une certaine particularité qui me console infiniment, et, pour dire tout, qui m'est extrêmement prouffitable. Tenes cela pour une très véritable vérité et n'en doutés plus. Je n'en vou- lois pas tant dire, mais un mot tire l'autre, et puis je pense que vous le mesnageres bien. Grand cas ce me semble, ma Fille : la sainte Eglise de Dieu, a l'imitation de son Espoux, ne nous enseigne point de prier pour nous en particulier, mais tous-jours pour nous et nos frères Chrestiens : « Donnés nous, » dit elle, « accordés nous, » et en semblables termes qui en com- prennent plusieurs. Il ne m'estoit jamais arrivé, sous cette forme de parler générale, de porter mon esprit a aucune personne particulière : despuis que je suis sorty de Dijon, sous cette parole de nous, plusieurs particulières personnes qui se sont recommandées a moy me viennent  Année 1604 355 en mémoire ; mais vous, presque ordinairement la pre- mière, et quand ce n'est pas la première, qui est rare- ment, c'est la dernière pour m'y arrester davantage. Se peut-il dire plus que cela ? Mais, a l'honneur de Dieu, que ceci ne se communique point a personne ; car j'en dis un petit trop, quoy qu'avec toute vérité et pureté. En voyla bien asses pour respondre cy après a toutes ces sugges- tions, ou au moins pour vous donner courage de vous mocquer de leur autheur et luy cracher au nés. Je vous diray le reste un jour, ou en ce monde ou en l'autre. Pour le troysiesme, vous me demandes les remèdes au travail que vous donnent les tentations que le malin vous fait contre la foy et l'Eglise ; car c'est cela que j'entens. Je vous en diray ce que Dieu me donnera. Il faut, en cette tentation, tenir la posture que l'on tient en celle de la chair : ne disputer ni peu ni prou, mais faire comme faysoyent les enfans d'Israël des os de TAigneau pascal, qu'ilz ne s'essayoient nullement de rompre, mays les jettoyent au feu*. Il ne faut nullement respondre ni *Exod.,xii, 10, 46; faire semblant d'entendre ce que l'ennemy dit; qu'il J°^°-» ^''^^ 3 • clabaude tant qu'il voudra a la porte, il ne faut pas seu- lement dire : Qui va la ? Il est vray, ce me dires-vous, mais il m'importune, et son bruit fait que ceux de dedans ne s'entendent pas les uns les autres a deviser. C'est tout un ; patience, il se faut parler par signes : il se faut prosterner devant Dieu et demeurer la devant ses piedz ; il entendra bien, par cette humble contenance, que vous estes sienne et que vous voules son secours, encores que vous ne puissies pas parler. Mays sur tout tenes vous bien fermée dedans, et n'ouvres nullement la porte, ni pour voir qui c'est ni pour chasser cet importun ; en fin il se lassera de crier et vous laissera en paix. Il en seroit tan- tost tems, me dires-vous. Je vous prie, ayés un livre intitulé De la Trihillation, composé par le P. Ribadeneira (0 en espagnol et traduit en françois (le Père Recteur vous dira ou il est imprimé)^ (i) Ribadeneira Pierre, Jésuite espagnol (1527-1611). Traicté de la Trihn- lation, escrit en Espagnol... nouvellement mis en François par le R. P. Fran- çois Solier de la mesme Compagnie, Douay, Baltazar Bellere, 1599; Paris> 1600,  356 Lettres de saint François de Sales et le lises soigneusement. Courage donques, le tems en sera tantost : pourveu qu'il n'entre point, il n'importe. C'est cependant un très bon signe que l'ennemy batte et tempeste a la porte, car c'est signe qu'il n'a pas ce qu'il veut. wS'il l'avoit eu, il ne crieroit plus; il entreroit et s'arresteroit. Notés cela pour ne point entrer en scrupule. Apres ce remède je vous en donne un autre. Les tenta- tions de la foy vont droit a l'entendement pour l'attirer a disputer, a resver et songer la dessus. Sçaves vous ce que vous feres pendant que l'ennemy s'amuse a vouloir esca- lader l'intellect? Sortes par la porte de la volonté et luy faites une bonne charge ; c'est a dire, comme la tentation de la foy se présente pour vous entretenir : Mais comment se peut faire cecy ? mais si cecy, mais si cela ? faites qu'en lieu de disputer avec l'ennemy par le discours, vostre partie affective s'eslance de vive force sur luy, et mesme joignant a la voix intérieure l'extérieure, criant : Ah traistre, ah malheureux, tu as laissé l'Eglise des Anges, et tu veux que je laisse celle des Saintz ! Desloyal, infidelle, perfide, tu présentas a la première femme la * Gen., m, 1-6. pomme de perdition *, et tu veux que j'y morde. Arrière^ o Satan; il est escrit : Tu 7ie tenteras point le Sei- *Matt.,iv, 10,7. gneur ton Dieu *. Non, je ne disputeray point, ni con- testeray. Eve voulant disputer se perdit ; Eve le fit et fut seduitte. Vive Jésus en qui je croy vive l'Eglise a laquelle j'adhère ! et semblables paroles enflammées. Il en faut dire aussi a Jésus Christ et au Saint Esprit, telles qu'il vous suggérera, et mesme a l'Eglise : O mère des enfans de Dieu, jamais je ne me separeray de vous ; je veux mourir et vivre en vostre giron. Je ne sçai si je me fay bien entendre. Je veux dire qu'il faut se revancher avec des affections et non pas avec des raysons, avec des passions et non pas avec des consi- dérations. Il est vray qu'en ce tems de tentation la pau- vre volonté est toute sèche ; ma3's tant mieux, ses coupz seront tant plus terribles a l'ennemy, lequel voyant qu'en lieu de retarder vostre advancement il vous donne sujet d'exercer mille affections vertueuses, et particulièrement de la protestation de la foy, il vous laissera en fin finale.  Année 1604 357 Kn troysiesme lieu, il sera bon d'appliquer quelquefois cinquante ou soixante coupz de discipline, ou trente, selon que vous seres disposée. C'est grand cas comme cette recette s'est treuvee bonne en une ame quejecon- nois. C'est sans doute que le sentiment extérieur divertit le mal et l'affliction intérieure, et provoque la miséri- corde de Dieu ; joint que le malin voyant que l'on bat sa partisane et confédérée, la chair, il craint et s'enfuit. Mais de ce troysiesme remède il en faut user modéré- ment, et selon le prouffit que vous en verres reuscir par l'expérience de quelques jours. Au bout de tout cela, ces tentations ne sont que des afflictions comme les autres, et faut s'accoiser sur le dire de la Sainte Escriture *: Bienheureux est qui souffre Macobi, i, 12. la tentation, car ayant esté esprouvé, il recevra la couronne de gloire. Saches que j'ay veu peu de per- sonnes avoir esté avancées sans cette espreuve, et faut avoir patience; nostre Dieu, après les bourrasques, en- voyera le calme. Mais sur tout serves-vous du premier et second remède. Pour le quatriesme point, je ne veux point changer les offres que vous listes la première fois que vous voûastes, ni la place qui vous fut donnée, ni tout le reste. Quant a vos prières quotidiennes, voyci mon advis. Le matin, faites la méditation avec la préparation, telle que je l'ay marquée en l'escrit que j 'envoyé a cette in- tention *. Adjoustés le Pater noster, Y Ave Maria^ le * vide supra, pp. Credo, le Veni Creator Spiritus, Y Ave maris Stella, ^^^' ^'^^' ^^^" VAngele Dei et une courte orayson pour les deux saintz Jan et les deux saintz François d'Assise et de Paule, que vous treuveres dans le Bréviaire, ou peut estre les aves vous des-ja dans le livret que vous penses m'envoyer. Salués tous les Saintz avec cette oraison vocale : « Sainte Marie et tous les Saintz, veuilles intercéder pour nous vers Nostre Seigneur, affin que nous obtenions d'estre aydés et sauvés par Celuy qui vit et règne es siècles des siècles. Amen. » Sancta Maria et omnes Sancti, inter- cedite pro nohis ad Dominum, ut nos mereamur ah eo adjuvari et salvari qui vivit et régnât in sœcula  358 Lettres de saint François de Sales * Ex hora Primae. scBculorum. Amen*. Ayant salué les Saintz qui sont au Ciel, dites un Pater noster et VAve pour les fidelles trespassés et un autre pour tous les fidelles vivans. Ainsy vous aures visité toute l'Eglise, dont Tune des parties est au Ciel, l'autre en terre et l'autre sous terre, comme saint ♦^Philip., Il, 10. Paul * et saint Jan ** tesmoignent. Cela vous tiendra une ' ' ' heure bien ronde. Oyés tous les jours la Messe, quand il se pourra, en la façon que j'ay descritte en Tescrit de la méditation, et, soit a la Messe, soit le long du jour, je désire que le Chapelet se dise tous les jours, le plus affectueusement qui se peut. Le long du jour, force oraysons jaculatoires, et particulièrement celles des heures, quand elles son- nent : c'est une dévotion utile. Le soir, avant souper, j'appreuve un petit de recollec- tion, avec cinq Pater noster et Ave Maria aux playes de Nostre Seigneur. Or, la recollection se pourra faire avec une entrée de Tame en Tune des cinq playes de Nostre Seigneur pour cinq jours ; le sixiesme, dans les espines. de sa couronne, et le septiesme, dans son costé percé, car il faut commencer la semaine par la et la finir de mesme ; c'est a dire, les Dimanches il faut revenir a ce cœur. Le soir, environ une heure ou une heure et demie après souper, vous vous retireres et dires le Pater noster, VAve, le Credo ; cela fait, le Confiteor jusques a mea culpa ; puis l'examen de conscience, après lequel vous acheveres le mea culpa, et dires les Litanies de Nostre Dame de l'église de Lorette ; ou bien, par ordre, les sept Litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, des Anges, et ainsy des autres, telles qu'elles sont en un livre fait exprès. Il est vray qu'il est malaysé a treuver, ce me sem- ble, et partant, ne les treuvant pas, celles de Nostre Dame suffiront. Cela vous tiendra près d'une demi heure. Tous les jours, une bonne demi heure de leçon spirituelle. C'est bien asses pour tous les jours ; les festes vous y pourres adjouster d'estre a Vespres et dire l'Office de Nostre Dame. Mais si vous aves grand goust aux prières que ci devant  Année 1604 359 vous aves faites, ne changés pas, je vous prie, et s'il vous advient de laisser quelque chose de ce que je vous ordonne, ne vous mettes point en scrupule, car voyci la règle générale de nostre obéissance escritte en grosses lettres : IL FAUT TOUT FAIRE PAR AMOUR ET RIEN PAR FORCE ; IL FAUT PLUS AYMER l'obéissance QUE CRAINDRE LA DESOBEISSANCE. Je vous laisse Tesprit de liberté, non pas celuy qui forclost l'obéissance, car c'est la liberté de la chair ; mais celuy qui forclost la contrainte et le scrupule ou empressement. Si vous a3^mes bien fort Tobeissance et sousmission, je veux que s'il vous vient occasion juste ou charitable de laisser vos exercices, ce vous soit une espèce d'obéissance, et que ce manquement soit suppléé par l'amour. Je désire que vous ayes une traduction françoise de toutes les prières que vous dires ; non pas que je veuille que vous les disies en françois, ains en latin, car elles vous rendront plus de dévotion ; mais c'est que je veux que vous en ayes aucunement le sens, mesme les Litanies du Nom de Jésus, de Nostre Dame et des autres. Mais faites tout cecy sans empressement et avec esprit de dou- ceur et d'amour. Vos méditations seront sur la Vie et Mort de Nostre Seigneur. J'appreuve que vous employés les Exercices de Taulere(0, les Méditations de saint Bonaventure et celles de Capiglia * ; car c'est en fin tous-jours la vie de * Vide supra, p. 269, Nostre Seigneur que ses Evangiles. Mais il faut réduire * "^ le tout a la manière que je vous envoyé dans l'escrit. Les méditations des quatre fins de l'homme vous seront utiles, a la charge que vous les finissies tous-jours par un acte de confiance en Dieu, ne vous représentant jamais ni la mort ni l'enfer d'un costé, que la Croix ne soit de l'autre, pour, après vous estre excitée a la crainte par Tun, re- courir a l'autre par confiance. L'heure de la méditation ne soit que de trois quartz au plus. J'ayme les cantiques spirituelz, mais chantés avec affection. (i) Tauler Jean, Dominicain allemand (1294-1361). Exercices spirituels sur la Vie et Passion de Jésus Christ.  360 Lettres de saint François de Sales Pour Tasnesse, j'appreuve le jeusne du vendredi et le souper sobre du samedi. J'appreuve qu'on la matte le long de la semaine, non tant au retranchement des viandes (la sobriété estant gardée) comme au retranchement du choix d'icelles. J'appreuve que néanmoins on la flatte quelque- fois, en luy donnant a manger de Tavoyne que saint Fran- •VideS.Bonav.,ia çois luy donnoit pour la faire aller viste * : c'est la dis- Vita ejus, c. V. . ,. . .,, r. . , , . •• cipline, qui a une merveilleuse force, en piquant la chair, de resveiller l'esprit ; seulement deux fois la semaine. Vous ne deves pas relascher de la fréquence de la Communion, sinon que vostre confesseur le vous com- mande. J'ay cette consolation particulière les festes de sçavoir que nous communions ensemble. Pour le cinquiesme point, c'est la vérité que je chéris d'une très particulière dilection et nostre Celse Benine et tout le reste de vos enfans. Puisque Dieu vous a donné ce cœur de les désirer totalement au service de Dieu, il les faut nourrir a ce dessein, leur inspirant souëfvement des pensées conformes a cela. Ayés les Confessions de saint Augustin, et lises soigneusement des le huitiesme Livre ; vous verres sainte Monique vefve, avec le soin de son Augustin, et plusieurs choses qui vous consoleront. Quant a Celse Benine, il faut que ce soit avec des mo- tifz généreux, et qu'on luy plante dans sa petite ame des prétentions au service de Dieu toutes nobles et vaillan- tes, et luy ravaler fort les appréhensions de la gloire purement mondaine ; mays cela petit a petit. A mesure qu'il croistra, nous penserons aux particularités requises, Dieu aydant. Ce pendant prenes garde, non seulement pour luy, mais pour ses seurs, qu'ilz ne dorment que seulz, le plus qu'il se pourra, ou avec des personnes es- quelles vous puissies avoir autant de juste confiance comme en vous mesme. Il n'est pas croyable combien cet advis est utile ; l'expérience me le rend recomman- dable tous les jours. Si Françoise veut de son gré estre Religieuse, bon (0 ; (i) Non vraiment, Françoise de Rabutiu Chantai n'avait aucun attrait pour la vie monastique. Cette enfant, alors âgée de cinq ans, serait même devenue fort mondaine sans la surveillance ée sa mère qui comprima cei tendances, En  Année 1604 361 autrement je n'appreuve pas qu'on prévienne sa volonté par des resolutions, mais seulement, comme celle de toutes les autres, par des inspirations soùefves. Il nous faut le plus qu'il est possible agir dans les espritz comme les Anges font, par des mouvemens gracieux et sans vio- lence. Cependant j'appreuve bien que vous en faciès nourrir en la Religion du Puis d'Orbe, en laquelle j'es- père que la dévotion va refleurir bien tost a bon escient, et je veux que vous cooperies a cette intention. Mais a toutes ostés-leur la vanité de Tame : elle naist presque avec le sexe. Je sçai que vous aves les Epistres de saint Hierosme en françois : voyés celle qu'il escrit de Paca- tula *, et les autres pour la nourriture des filles** ; elles * Epist. cxxvm, ad -r-, r • 11- Gaudent. VOUS recréeront. Il faut néanmoins user de modération; *»Epp. xxn, ad Eu- j'ay tout dit quand j'ay dit des inspirations soùefves. tani^cxx^x"'rd D^- Je voy que vous deves deux mille escuz : le plus que nietriad. Cf. Epist. Lxxixad Salvinam. VOUS pourres, hastes-en le payement, et gardes sur tout de retenir rien de personne, tant qu'il vous sera possible. Faites quelques petites aumosnes, mays avec grande humilité. J'ayme la Visitation des malades, des vieux, et des femmes principalement, et des jeunes quand ilz le sont bien fort. J'ayme la Visitation des pauvres, spécia- lement des femmes, avec grande humilité et debonnaireté. Pour le sixiesme point, j'appreuve que vous partagies vostre séjour auprès de monsieur vostre père et de mon- sieur vostre beau père, et que vous vous exercies a pro- curer le bien de leur ame a la façon des Anges, comme j'ay dit. Si le séjour de Dijon est un petit plus grand, il n'importe ; c'est aussi vostre premier devoir. Taschés de quittant le monde, cette mère prudente ne put se résoudre à confier sa fille à des mains étrangères. Elle l'emmena en Savoie, la fit élever sous ses yeux à la Visitation d'Annecy, et, à vingt et un ans, la donna en mariage au comte de Toulongeon, qui mourut gouverneur de Pignerol (20 septembre 1633). M""* de Toulongeon devait lui survivre plus d'un demi-siècle et s'attirer durant ces longues années l'estime générale par la dignité de sa conduite. Toutefois, l'économie peut-être excessive dont elle usa dans la gestion de sa fortune, excita plus d'une fois la verve moqueuse de son gendre, le trop fameux comte de Bussy Rabutin, et de sa nièce, la non moins railleuse marquise de Sévigné. La vénérable douairière mourut le 4 décembre 1684, et, selon son désir, fut inhumée dans l'église de la Visitation d'Autun, sous les dalles de Li chapelle qu'elle y avait fait ériger en l'honneur de saint François de Sale»/  562 Lettres de saint François de Sales vous rendre tous les jours plus aggreable et humble a l'un et l'autre des pères, et procurés leur salut en esprit de douceur. Sans doute que Thyver vous sera plus propre a Dijon. VideEpist.ccxxx. J'escris a monsieur vostre père*; et parce qu'il m'avoit commandé de luy escrire quelque chose pour le salut de son ame, je l'ay fait avec beaucoup de simplicité, peut estre trop. Mon advis gist en deux pointz : l'un, qu'il face une générale reveuë de toute sa vie, pour faire une péni- tence générale ou confession, c'est une chose sans la- quelle .nul homme d'honneur ne doit mourir ; l'autre, qu'il s'essaye petit a petit de se desprendre des affections du monde, et luy en dis les moyens. Je luy propose cela, a mon advis, asses clairement et doucement, et avec ce terme, qu'il faut non pas du tout rompre les liens d'al- liance qu'on a aux affaires du monde, mais les descoudre et desnoûer. Il vous monstrera la lettre, je n'en doute point ; aydés-le a l'entendre et a la prattiquer. Vous luy deves une grande charité a l'acheminer a une fin heureuse, et nul respect ne vous doit empescher de vous y employer avec une humble ardeur, car c'est le premier prochain que Dieu vous oblige d'aymer ; et la pre- mière partie que vous deves aymer en luy c'est son ame, et en son ame, la conscience, et en la conscience, la pureté, et en la pureté, l'appréhension du salut éternel. J'en dis de mesme du beau père. Peut estre que monsieur vostre père, ne me connoissant pas, treuvera ma liberté mauvaise ; mais faites moy con- noistre a luy, et je m'asseure qu'il m'aymera pour cette liberté plus que pour autre chose. J'escris a Monsieur de Vid.Epist.ccxxix. Bourges Une lettre de cinq feuilles *, ou je luy marque la façon de prescher, et avec cela je m'espanche a luy dire mon advis de plusieurs parties de la vie d'un Arche- vesque. Or, pour celuy la, je ne doute point qu'il ne l'ayt aggreable. En fin, que voules vous plus? père, frère, oncle, enfans, tout cela m'est infiniment a cœur. Pour le septiesme point, de l'esprit de liberté, je vous diray que c'est. Tout homme de bien est libre des actions de péché mortel et n'y attache nullement son affection :  Année 1604 363 voyla une liberté nécessaire a salut ; je ne parle pas de celle la. La liberté de laquelle je parle c'est la liberté des enfans bienaymés*. Et qu'est ce ? C'est un desenga- * Rom., vim, 21. gement du cœur chrestien de toutes choses, pour suivre la volonté de Dieu reconneuë. Vous entendres aysement ce que je veux dire si Dieu me donne la grâce de vous proposer les marques, signes, effectz et occasions de cette liberté. Nous demandons a Dieu, avant toutes choses, que son nom soit sanctifié^ que son royaume advienne, que sa volonté soit faite en la terre comme au Ciel*. Tout *Matt., vi, 9, u cela n'est autre chose sinon l'esprit de liberté ; car, pour- veu que le nom de Dieu soit sanctifié, que sa Majesté règne en nous, que sa volonté soit faite, l'esprit ne se soucie d'autre chose. Première marque. Le cœur qui a cette liberté n'est point attaché aux consolations, mais reçoit les afflictions avec toute la douceur que la chair peut le permettre. Je ne dis pas qu'il n'ayme et qu'il ne désire les consola- tions, mais je dis qu'il n'engage pas son cœur en icelles. Deuxiesme marque. Il n'engage nullement son affection aux exercices spirituelz ; de façon que si, par maladie ou autre accident, il en est empesché, il n'en conçoit nul re- gret. Je ne dis pas aussi qu'il ne les ayme, mays je dis qu'il ne s'y attache pas. 3. Il ne perdgueres sa joye, parce que nulle privation ne rend triste celuy qui n'avoit son cœur attaché nulle part. Je ne dis pas qu'il ne la perde, mais c'est pour peu. Les effectz de cette liberté sont une grande suavité d'esprit, une grande douceur et condescendance a tout ce qui n'est pas péché ou danger de péché ; c'est cette hu- meur doucement pliable aux actions de toute vertu et charité. Exemple : Une ame qui s'est attachée a l'exer- cice de la méditation, interrompes la, vous la verres sortir avec du chagrin, empressée et estonnee. Une ame qui a la vraye liberté sortira avec un visage esgal et un cœur gracieux a l'endroit de l'importun qui l'aura incom- modée, car ce luy est tout un, ou de servir Dieu en méditant, ou de le servir en supportant le prochain ;  364 Lettres de saint François de Sales Tun et l'autre est la volonté de Dieu, mais le support du prochain est nécessaire en ce tems la. Les occasions de cette liberté sont toutes les choses qui arrivent contre nostre inclination; car quicomque n'est pas engagé en ses inclinations ne s'impatiente pas quand elles sont diverties. Cette liberté a deux vices contraires : l'instabilité et la contrainte, ou la dissolution et la servitude. L'instabilité d'esprit ou dissolution est un certain excès de liberté par lequel on veut changer d'exercice, d'estat de vie, sans rayson ni connoissance que ce soit la volonté de Dieu. A la moindre occasion on change d'exercice, de dessein, de règle ; pour toute petite occurrence on laisse sa règle et sa louable coustume, et par la, le cœur se dissipe et se perd, et est comme un verger ouvert de tous costés, duquel les fruitz ne sont pas pour le maistre mais pour Cf.Ps.Lxxix, î;. tous passans *. La contrainte ou servitude est un certain manquement de liberté par lequel l'esprit est accablé ou d'ennuy ou de cholere quand il ne peut faire ce qu'il a desseigné, encor qu'il puisse faire chose meilleure. Exemple : Je desseigné de faire la méditation tous les jours au matin ; si j'ay l'esprit d'instabilité ou dissolution, a la moindre occasion du monde je differeray au soir : pour un chien qui ne m'aura laissé dormir, pour une lettre qu'il faudra escrire, bien que rien ne presse. Au contraire, si j'ay l'esprit de contrainte ou servitude, je ne laisseray pas ma méditation ores qu'un malade ayt grandement besoin de mon assis- tence a cette heure la, ores que j'aye un depesche de grande importance et qui ne puisse estre bien différé ; et ainsy des autres sujetz. Il me reste a vous dire deux ou trois exemples de cette liberté, qui vous feront mieux connoistre ce que je ne sçay pas dire. Mais premièrement il faut que je vous die qu'il faut observer deux règles pour ne point chopper en cet endroit. C'est qu'une personne ne doit jamais laisser ses exercices et les communes règles des vertus sinon qu'il voye la volonté de Dieu de l'autre costé. Or, la volonté de Dieu se manifeste en deux façons : par la nécessité et par la charité. Je veux prescher ce Caresme en un petit  Année 1604 365 lieu de mon diocèse (0. Si cependemt je deviens malade ou que je me rompe la jambe, je n'ay que faire de regret- ter et m'inquieter de ne point prescher, car c'est chose certaine que la volonté de Dieu est que je le serve en souffrant et non pas en preschant. Que si je ne suis pas malade, mais il se présente une occasion d'aller en un autre lieu ou, si je ne vay, ilz se feront huguenotz, voyla la volonté de Dieu asses declairee pour me faire douce- ment contourner mon dessein. La deuxiesme règle est que, Ihors qu'il faut user de liberté par charité, il faut que ce soit sans scandale et sans injustice. Par exemple, je sçay que je serois plus utile quelque part bien loin de mon diocèse : je ne dois pas user de liberté en cela, car je scandalizerois et ferois injustice, parce que je suis obligé icy. Ainsy, c'est une fause liberté aux femmes mariées de s'esloigner de leurs maris sans légitime raj^son, sous prétexte de dévotion et charité. De manière que cette liberté ne prejudicie jamais aux vocations ; au contraire, elle fait que chascun se plaist en la sienne, puisque chascun doit sçavoir que c'est la volonté de Dieu qu'on y demeure *. *ICor.,vii, 20, 24. Maintenant je veux que vous consideries le Cardinal Borromee qu'on va canoniser dans peu de jours i-). C'estoit l'esprit le plus exacte, roide et austère qu'il est possible d'imaginer ; il ne beuvoit que de l'eau et ne mangeoit que du pain ; si exacte que, despuis qu'il fut Archevesque, en vingt quatre ans, il n'entra que deux fois en la mayson de ses frères, estans malades, et deux fois dans son jardin : et néanmoins, cet esprit si rigoureux, mangeant souvent avec les Suisses ses voysins, pour les gaigner a mieux faire, il ne faisoit nulle (3) difficulté de faire deux carouz (i) La petite ville de La Roche, à trente kilomètres d'Annecy, où le Saint prêcha effectivement le Carême de 1605. (2) A l'époque où cette lettre fut écrite, le Procès de Canonisation du saint Archevêque de Milan était si avancé qu'on en attendait prochainement Tisssue. Dans le courant de ce même mois d'octobre l'examen de la Cause avait été confié à trois auditeurs de Rote, sur le témoignage desquels l'affaire serait immédiatement traitée en Consistoire. Mais la mort des Papes Clément VIII et Léon XI fit ajourner le décret de canonisation jusqu'au i*^'" novembre 1610. {3) Ce qui suit jusqu'à la page 369, ligne 2, est donné d'après l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  1. 1  C. XI.  }66 Lettres de saint François de Sales ou brindes avec eux a chasque repas, outre ce quil avoit beu pour sa soif. Voila un trait de sainte liberté en l'homme le plus rigoureux de cet aage. Un esprit dissolu en eiit fait trop ; un esprit contraint eut pensé pécher mortellement ; un esprit de liberté fait cela par charité. Spiridion, un ancien Evesque, ayant receu un pèlerin presque mort de faim en tems de Caresme et en un lieu ou il ni avoit aucune chose que de la chair salée, il fit cuire cette chair et la présente au pèlerin. Le pèlerin n'en vouloit pas manger, non obstant sa nécessité ; Spi- ridion, qui n'en avoit nulle nécessité, en mange luy le premier par charité, afiîn d'oster par son exemple le scru- Sozom.,Hist.Ecci., pulc du pèlerin *. Voyla une charitable liberté d'un saint homme. Le P. Ignace de Loyole, qu'on va canoniser (0, le Mer- credi Saint, mange de la chair sur la simprordonnance du médecin, qui le jugeoit expédient pour un petit de mal quil avoit. Un esprit de contrainte se fut fait prier trois jours. Mais je vous veux praesenter un soleil au pris de tout cela, un vray esprit franc et libre de tout engagement, et qui ne tient qu'a la volonté de Dieu. J'ay pensé sou- vent quell'estoit la plus grande mortification de tous les Saintz de la vie desquelz j'ay eu connoissance, et après plusieurs considérations je treuvay celle ci. Saint Jan Baptiste alla au désert a l'aage de cinq ans, et sçavoit que nostre Sauveur et le sien estoit nay tout proche de luy, c'est a dire une journée ou deux ou trois, comme cela. Dieu sçait si ce cœur de saint Jan, touché de l'amour de son Sauveur des le ventre de sa mère, eut désiré de jouïr de sa douce praesence. Il passe néanmoins vint et cinq ans la au désert, sans venir une seule fois pour voir (î) Depuis neuf ans déjà des démarches avaient été entreprises par la Compagnie de Jésus en vue d'obtenir la canonisation de son Fondateur, Le succès paraissait si certain que saint François de Sales considérait le Procès comme terminé avant même qu'il eût été commencé dans les formes cano- niques. C'est seulement dans les premiers mois du pontificat de Paul V que les lettres rémissoriales furent expédiées et que la Cause prit une marche régu- lière. La béatification du Serviteur de Dieu eut lieu le 3 décembre 1609^ et sa canonisation le 13 mars 1622.  Année 1604 367 Nostre Seigneur et, sortant, s'arreste a cathechiser sans venir a Nostre Seigneur, et attend quil vienne a luy. Apres cela, l'ayant baptisé, il ne le suit pas, mais demeure a faire son office*. O Dieu, quelle mortification d'esprit. Matt.,iii,LuccE,iiT. Estre si près de son Sauveur et ne le voir point, l'avoir si proche et n'en jouir point. Et qu'est-ce cela sinon avoir son esprit desengagé de tout, et de Dieu mesme, pour faire la volonté de Dieu et le servir ; laisser Dieu pour Dieu, et n'aymer pas Dieu pour Taymer tant mieux et plus purement? Cest exemple estoufîe mon esprit de sa grandeur. J'ay oublié a dire que non seulement la volonté de Dieu se connoit par la nécessité et charité, mais par l'obédience ; de façon que celuy qui reçoit un comman- dement doit croire que c'est la volonté de Dieu. N'est ce pas trop ? mais mon esprit court plus viste que je ne veux, porté de l'ardeur de vous servir. Pour le huitiesme point, resouvenes vous du jour du bienheureux Roy saint Louïs, jour auquel vous ostastes de rechef ou de nouveau la couronne de vostre royaume a vostre propre esprit pour la mettre aux pieds du Roy Jésus *; jour auquel vous renouvelastes vostre jeunesse *Cf. Apoc, iv, 10. comme V aigle *^ vous plongeant dans la mer de la pœ- ' Ps. en, 5. nitence, jour fourrier du jour seternel pour vostr'ame (0. Resouvenes vous que sur les grandes resolutions que vous declairastes de vouloir estre toute a Dieu de cors, de cœur, d'esprit, je dis Amen de la part de toute l'Eglise nostre mère, et a mesme tems la Sainte Vierge, avec tous les Anges et Bienheureux, firent retentir au Ciel leur grand Amen et Alleluya. Resouvenes vous de faire estât que tout le passé n'est rien et que tous les jours il (i) Le 25 août de cette année 1604 la baronne de Chantai avait fait une confession générale au saint Evêque (voir ci-dessus, note (2), p. 343), qui lui donna ensuite un billet écrit de sa main et conçu en ces termes : « J'accepte « au nom de Dieu la charge de vostre conduitte spirituelle, pour m'y employer « avec tout le soin et fidélité qui me sera possible, et autant que ma qualité et « mes devoirs precedens me le peuvent permettre. » De son côté, elle renou- vela devant le Saint son vœu de chasteté, fit celui d'obéissance entre ses mains et lui envoya plus tard la formule de ces engagements, comme on le voit à la page suivante. (Mémoires de la Mère de Chaugy, V^ Partie, chap. xv.)  368 Lettres de saint François de Sales vous faut dire avec David : Tout maintenant je corn- * Ps. ixxvî, II. mence a bien aymer mon Dieu*. Faites beaucoup pour Dieu et ne faites rien sans amour ; appliques tout a cet *Cf. I Cor., X, 31. amour, manges et beuvés pour cela*. Ayes dévotion a saint Louys et admires en luy cette grande constance. Il fut Roy a douz'ans, eut neuf en- fans, fit perpétuellement la guerre ou contre les rebelles ou contre les ennemis de la foy, vescut passé 40 ans Roy ; et, au bout de la, après sa mort, son confesseur, saint homme, jura que, l'ayant confessé toute sa vie, il ne * Gaufridus, e\\\s l'avoit trcuvé cstrc tombé en péché mortel*. Il fit deux Confesser, in Vita , , ^ -^ r- i ejus, c. I. voyages outre mer ; en tous deux il fit perte de son armée, et au dernier il mourut de peste, après avoir lon- guement visité, secouru, servi, pensé (sic) et guéri les pestiférés de son armée, et meurt gay, constant, avec *Pss.v,8,cxxxvn;2. un vcrsct de David en bouche*. Je vous donne ce Saint pour vostre spécial patron pour toute cett'annee ; vous Taures devant vos yeux avec les autres sus nommés. L'année qui vient, sil plait a Dieu, je vous en donneray un autre, après que vous aures bien proffité en l'escole de cettuyci. Pour le neufviesme point, croA^es de moy deux choses : l'une, que Dieu veut que vous vous servies de moA^ et n'en doutes point ; l'autre, que en ce qui sera pour vostre salut. Dieu m'assistera de la lumière qui me sera néces- saire pour vous servir ; et, quand a la volonté, il me l'a des-ja donnée si grande qu'elle ne peut l'estre d'avantage. J'ay receu le billet de vos vœux, que je garde et regarde soigneusement comm'un juste instrument de nostre al- liance toute fondée en Dieu, et laquelle durera a l'seter- nité , moyennant la miséricorde de Celu}^ qui en est l'autheur. Monsieur TEvesque de Saluées, l'un de mes plus in- times amis et des plus grans serviteurs de Dieu et de l'Eglise qui fut au monde, est decedé despuis peu, avec un regret incro^^able de son peuple, qui n'avoit joû}' de ses travaux qu'un an et demi; car nous avions esté faitz •Vide supra, p.343, Evesques ensemble et tout d'un jour*. Je vous demande °°*'^^^' trois Chapeletz pour son repos, asseuré que je suis que  Année 1604 369 sil m'eut survescu il m'eut procuré une charité pareille vers tous ceux ou il eut eu crédit. Vous m'escrives en un endroit de vostre lettre en façon qu'il semble que vous tenes pour résolu que nous nous reverrons un jour. Dieu le veuille, ma très chère Seur, mais pour mon regard je ne voy rien devant mes yeux qui me puisse faire espérer d'avoir liberté d'aller de delà ; je vous en dis la rayson en confiance estant a Saint Claude. Je suis icy lié pieds et mains ; et pour vous, ma bonne Seur, l'incommodité du voyage passé ne vous estonne-elle point? Mais nous verrons entre cy et Pasques ce que Dieu voudra de nous ; sa sainte volonté soit tous- jours la nostre. Je vous prie de bénir Dieu avec moy des eifectz du voyage de Saint Claude ; je ne vous les puis dire, mais ilz sont grans. Et a vostre premier loysir, escri- ves-moy l'histoire de vostre porte de saint Claude (O, et croyés que ce n'est point par curiosité que je la vous demande. (2) Ma mère vous est tellement acquise que rien plus. J'ay esté consolé de voir que vous appelles de si bon cœur Madame du Puis d'Orbe seur; c'est une grand'ame, si ell'est bien assistée, et Dieu se servira d'elle a la gloire de son nom. Aydes-la et la visites par lettres ; Dieu vous en sçaura gré. wSi je me veux croire je ne finiray ( I ) Voici en quels termes la Mère de Chaugy (Mémoires sur la vie et les vertus de sainte Jeanne- Françoise FrJniyot de Chantai, V^ Partie, chap. x) raconte cette histoire : Un matin la baronne de Chantai « étant au lit un peu assoupie, elle se vit dans un chariot avec une troupe de gens qui allaient en voyage, et lui semblait que le chariot passait devant une église où elle vit une quantité de personnes qui louaient Dieu avec grande jubilation et gravité. Je voulus, dit-elle parlant de cela, m'élancer pour m'aller joindre à cette bénite troupe et entrer par la grande porte de l'église qui m'était ouverte ; mais je fus repoussée, et j'ouïs distinctement une voix qui me dit : Il faut passer outrer et aller plus loin ; jamais tu n entreras au sacré repos des enfants de Dieu que par la porte de Saint-Claude. » Cette vision prophétique devait se réaliser le 2^ août 1604 à Saint-Claude (voir ci-dessus, note (2), p. 343). En confiant son âme à la direction de l'Evê- que de Genève la sainte Veuve entrait réellement dans le « repos des enfants de Dieu. » Elle y entra plus avant encore lorsque, six ans plus tard, par une autre coïncidence remarquable, elle embrassa la vie religieuse le jour même de la fête de saint Claude (6 juin 1610). (2) L'Autographe de la fin de cette lettre, à partir d'ici, est conservé au second Monastère de la Visitation de Paris. Lettres II 3if  370 Lettres de saint François de Sales point cette lettre, escritte sans autre soin que de vous respondre. Je la veux pourtant finir, vous demandant une grand'assistence de vos prières ; et que j'en suis néces- siteux ! Je ne prie jamais sans vous avoir pour une partie du sujet de mes supplications ; je ne salue jamais mes Anges que je ne salue le vostre ; rendes moy la pareille, et vostre Celse Benine aussi, pour lequel je prie tous-jours et pour toute vostre compaignie. Croyes bien que je ne les oublie point, ni feu monsieur leur père vostre mari (O, en la sainte Messe. Dieu soit vostre cœur, vostr'esprit, vostre ame, ma très chère Seur, et je suis en ses entrailles, Vostre serviteur très dédié, France E. de Genève. (2). . . avec liberté par ce que c'est par homme. . . Pries quelquesfois pour la réduction de ma misérable Genève. A Sales, le xiiii octobre 1604. (i) Christophe, fils unique de Guy de Rabutin Chantai et de Françoise de Cosseret, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi (1595), baron de Chantai et de Bourbilly, seigneur de Sauvigny, mort d'un accident de chasse (1600) « avec une fermeté et une résignation aux volontés de Dieu, digne du mary d'une Sainte. Cette mort extraordinaire interrompit une grande fortune que Christophle (sic) auroit faite assurément, s'il avoit vescu un âge un peu avancé (car il n'avoit que )6 ou 37 ans quand il mourut). Il y en avoit déjà et plus de vint qu'il fesoit parler de luy à la guerre. Il se signala particulièrement au combat de Fontaine Françoise, ou il fut blessé à la veue du Roy Henry qua- triesme, et au témoignage de ce prince, il ne contribua pas peu à la victoire. La manière dont le Roy parla de Chantai au sortir du combat lui fit plus d'honneur dans l'esprit des justes estimateurs de la gloire que tels bâtons de maréchaux de France n'en firent pendant ce règne à quelques particuliers. En ce tems là comme en celuy cy les recompenses d'honneur n'étoient pas toujours pour les plus dignes, mais seulement pour les plus heureux. » (Histoire gé- néalogique de la Maison de Rabutin, par le comte de Bussy.) (2) Une partie de la marge à gauche, qui probablement contenait le com- mencement et la fin de cette phrase, a été coupée. Ne devrait-on pas lire : «< Je vous escris avec liberté par ce que c'est par homme de connoissancc ou de confiance ? »  Annf.e 1604 371 ccxxxv A SA SAINTETÉ CLKMENT VIII (minute) Décadence de l'observance régulière dans la plupart des monastères de Savoie. — Recours au Saint-Siège pour obtenir l'introduction des Feuillants au monastère d'Abondance. Annecy, 27 octobre 1604. Beatissime Pater, Bonis Religiosis melius nihil esse, malis nihil pejus, et veteres dixerunt, et hac setate ita compertum est ut de illis cum Hieremia * dici merito possit : Si ficus sint * Cap. xxiv, 1-3. bonae, bonus valde esse ; si malae, înalas valde. Nulla vero orbis Catholici diœcesis malarum istarum ficuum nocumentis adeo patet quam ista Gebennensis, qua nulla magis bonarum ficuum proventu recreanda foret. Hic enim, Pater Beatissime, in ipsa certaminis acie consti- tuti, inimicorum vires cominus experimur, quorum inge- nium est ex moribus nostrorum depravatis Ecclesiae illibatam doctrinam carpere, ac infirmas populi mentes  Très Saint Père, Il n'est rien de meilleur que les bons Religieux, rien de pire que les mauvais. Les anciens l'ont dit, et de nos jours l'expérience le vérifie si bien qu'on pourrait justement citer à ce propos la parole de Jérémie : Si les f gués sont bonnes, elles sont très bonnes; mauvaises, elles sont très mauvaises. Or, de toute la chrétienté, le diocèse le plus exposé au fléau des mauvaises figues c'est celui de Genève, et pour- tant nul n'aurait plus besoin de se refaire par une cueillette d'excel- lentes figues. Ici, Très Saint Père, placés au front même de la bataille, nous subissons les premiers chocs de Tennemi, dont c'est précisément la tactique de profiter de la dépravation des nôtres pour s'en prendre à la pure doctrine de l'Eglise et pour démoraliser les esprits faibles»  372 Lettres de saint François de Sales dejicere. Quo nomine eo magis dolendum est, inter multa Monasteria variorum Ordinum quse in hac diaecesi sunt sedificata, vix unum reperiri in quo religiosa disciplina labefactata, imo potius conculcata penitus non fuerit ; ut ne quidem vestigium veteris illius cœlestis flammse appa- reat, adeo ohscuratum est auriim et mutatus color * Thren., iv, i. ejus OptimUS *. Cui quidem malo nullo praesentiore remedio medici- nam fieri posse existimant periti rerum œstimatores, quam si ex reformatis et recenti Spiritus Sancti igné accensis et inflammatis Congregationibus viri Religiosi adducantur, et in locum eorum (ut modestissime dicam) * Lucae, xiii, 7. qui terram hactenus perperam occupaverunt *, suffician- tur. Hoc consilio adductus est Vespasianus Agacia ut Monasterium Sanctse Mariae de Abundantia (O, cujus ille Abbas commendatarius existit, Religiosis Sancti Ber- nardi Fuliensibus, quorum bonus odor multis jam in locis manavit, si qua fieri posset opéra attribueret et commit- teret, amotis inde sex monachis, omnibus propemodum senio ac disciplinae religiosae crassissima ignorantia, non laborantibus modo, sed pêne confectis. Res sane bona et  Certes, il est très affligeant qu'entre plusieurs monastères de divers Ordres établis dans ce diocèse, on n'en puisse à peine trouver un seul où la discipline ne soit ébranlée, et même tout à fait foulée aux pieds, en sorte qu'on ne voit plus même un vestige de l'antique et céleste ferveur, tant l'or s'est obscurci, tant son vif éclat s'est altéré. Le meilleur remède à ce mal, au dire de personnes éclairées, c'est de choisir dans les Congrégations nouvellement réformées, embrasées et enflammées du feu du Saint-Esprit, de vrais Religieux afm de les substituer à ceux qui, pour ne rien dire de plus, ont occupé indigne- ment la terre. Dans cette pensée, Vespasien Aiazza, abbé commen- dataire de Notre-Dame d'Abondance (0, a projeté d'attribuer et de remettre ce Monastère aux Religieux Feuillants de Saint-Bernard, dont la bonne odeur s'est répandue dans beaucoup d'endroits, après en avoir banni six moines qui, presque tous usés de vieillesse, végè- tent comme ensevelis dans la plus grossière ignorance de la discipline (i) Voir le tome précédent, note (i), p. 266.  \  Année 1604 373 omni acceptione digna *_, ut pro spinis flores in horlum *lTiiii.,i, i^.iv.q. Ecclesise inferantur. Id autem ut succederet, omnia cum Generali Fuliensis illius Congregationis parata ac delineata sunt quae in eam rem necessaria videbantur ( ; ita ut nihil praeter unum, sed illud quidem maximum ac praecipuum, desiderari posse videatur : Sedis nimirum Apostolicae beneplacitum quo omnia haec et fiant et facta constent ac firmentur. Cum autem hujus rei utilitas in hanc ovilis Dominici partem cujus curam Apostolica vestra providentia mihi demandavit primum derivanda sit, non debui committere quin ego quoque humillimis ad pedum oscula precibus a Beatitudine Vestra efflagitem , ut suam paternam et  monastique. Œuvre excellente, œuvre digne de toute louange, de transplanter dans le jardin de l'Eglise des fleurs à la place des épines ! Pour assurer le succès de l'entreprise, toutes les dispositions jugées nécessaires ont été prises et concertées avec le Général des Feuil- lants (O. 11 ne reste plus maintenant qu'une chose à obtenir, mais c'est la plus sérieuse, elle est capitale : je veux dire l'approbation du Siège Apostolique, grâce à laquelle tout sera effectué et ensuite fer- mement consolidé. L'utilité de cet établissement rejaillira sur cette portion du bercail du Seigneur dont votre sollicitude apostolique m'a confié la garde. Aussi ai-je cru de mon devoir, en baisant les pieds  (i) Dom Pierre de Saint-Bernard Matharel, profès de l'abbaye de Feuil- lants (1581;, nommé Supérieur Général en i6or. Il mourut le 22 mars 1606. Un acte notarié avait été passé en présence de lEvêque de Genève, le 26 octobre 1604, au château de Sales, entre TAbbé commendataire, Vespasien Aiazza (voir le tome précédent, p. 225), et dom Jean de Saint-Malachie agissant au nom de son Supérieur. A la teneur de cet acte les Feuillants seraient défi- nitivement substitués aux Chanoines de Saint-Augustin à Tabbaye de Notre- Dame d'Abondance. Mais avant d'en venir à l'exécution il fallait l'approbation du Saint-Siège : on dut l'attendre près de deux ans. Clément VIII mourut sans l'avoir accordée. C'est seulement le 28 septembre 1606, que son successeur, Paul V, donna le Bref qui mettait les Pères Feuillants en possession de l'abbaye. Ces Religieux y furent introduits le 7 mai suivant. Les six Chanoines qu'ils venaient remplacer se retirèrent dans les diverses maisons de leur Ordre situées en Savoie : Thomas Bidal et Jean Cornut, à Sixt; Jacques de Compois et François de Thorens, à Peillonnex; Jean de Thorens, à Saint-Jeoire près de Chambéry. Quant à Jean Moccand, l'autorité diocésaine le maintint à Abondance en qualité de curé de la paroisse.  374 Lettres de saint François de Sales Apostolicam gratiam huic negotio liberaliter impertiri dignetur. Christus Dominus Sanctitatem Vestram quam diutis- sime nobis servet incolumem. Beatitudinis Vestrae, Indignus et humillimus servus, F. E. G. Annessii Allobrogum, xxvii Octobris 1604. Beatissimo in Christo Patri et Domino, Domino Clementi VIII, Pontifici Maximo.  de Votre Béatitude, de la supplier très humblement qu'EUe daigne favoriser cette affaire de sa paternelle et apostolique bienveillance. Que le Christ souverain nous conserve le plus longtemps possible Votre Sainteté dans une santé parfaite. De Votre Béatitude, Indigne et très humble serviteur, F. E. de G. Annecy en Savoie, 27 octobre 1604. Au Très Saint Père et Seigneur dans le Christ, le Souverain Pontife Clément VIII.  CCXXXVI AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I^  Requête pour obtenir que les Feuillants soient mis en possession de Tabbaye d'Abondance. — Recommandation en faveur du chanoine Nouvellet.  Annecy, 27 octobre 1604. Monseigneur, Je sçai des long tems combien Vostre x\ltesse désire la reformation des monastères de deçà les mons, et qu'eira tous-jours jugé que le meilleur moyen d y par- venir c'estoit d'oster par voye raysonnable les moynes et  toui.praeced.,p.392.  Année 1604 575 Religieux qui, jusques a présent, s'y sont mal comportés, et y mettre en leur place des autres Religieux des Con- grégations reformées. C'est pourquoy je ne doute nulle- ment que Vostre Altesse n'ayt fort aggreable le dessein que le sieur Abbé d'Abondance a fait d'introduire en son monastère les bons Pères de Saint Bernard, lesquelz, par leur bonne vie et doctrine, repareront les ruines que les autres ont faittes par leur mauvais exemple. Je dois néanmoins en faire ma très humble supplication a Vostre Altesse, comme celuy qui en recevra autant de consola- tion que les peuples de ce diocsese en recevront d'sedi- fication. Permettes moy. Monseigneur, que je supplie encor Vostre Altesse que le bon docteur monsieur Nouvelet puisse avoir la prsebende théologale d'Evians comme les autres théologaux praecedens l'ont eue*, puisqu'il ne la *Videsupra,p.47,et méritera pas moins qu'eux, et que cette pauvre ville n'en a pas moins nécessité maintenant qu'ell'a eii ci devant. Je confesse que le sieur Abbé est si extrêmement chargé de despences quil luy sera malaysé de la payer ; mais, Monseigneur, sil playsoit a Vostre Altesse d'ordonner que ses pensionnaires y contribuassent chascun quelque partie, il ni auroit plus nulle difficulté. Je l'en supplie avec tout'humilité et confiance en son saint zèle au bien des âmes de ses sujetz. Je prie Dieu qu'il multiplie ses faveurs en Vostre Al- tesse, a laquelle faysant très humblement la révérence je demeure. Monseigneur, Son très humble et très obéissant orateur et serviteur, FRANç^ E. de Genève. A Neci, XXVII octobre 1604. A Son Altesse. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.  376 Lettres de saint François de Sales  CCXXXVII AU MÊME Procès intenté par le Prévôt du Grand Saint-Bernard au sujet de la cure des Allinges. — Le Saint inaplore la protection de Son Altesse. Annecy, 31 octobre 1604. Monseigneur, La cure des Alinges, qui ne fut onques a la disposition du Praevost de Montjou, a esté légitimement conférée a un fort honneste prestre (0 lequel, des le commencement du restablissement de la sainte religion en ces quartiers la, y a très utilement travaillé. Je ne fus pas plus tost en cette charge que le sieur Praevost de Montjou m'a fait appeller pardevant Monsieur TArchevesque de Tharan- tayse (2), et avec moy ledit curé, pour voir rompre toutes les provisions faittes de laditte cure par feu Monsieur l'Evesque mon praedecesseur, de dévote mémoire. J'ay res- pondu, Monseigneur, et suis tous-jours prest a respondre. Et néanmoins, le sieur Praevost de Montjou m'envoye une lettre de Vostre Altesse qui me defFend de l'attaquer en procès. Monseigneur, il a tort, et c'est a moy de supplier très humblement Vostre Altesse de luy commander de ne point troubler l'establissement des curés de Chablaix, qui a tant cousté et de peynes et de soin au zèle de Vostre (i) Ce « fort honneste prestre » était Pierre Mogenier ou Mojonier, natif de Sixt, institué (7 juin 1601) par Me"" de Granier curé de la paroisse des Allinges, qu'il desservait par dévouement depuis cinq ans. De son côté, le Prévôt du Grand Saint-Bernard faisait valoir des droits sur cette cure, de laquelle il s'était complètement désintéressé pendant que les revenus avaient été saisis par les protestants ou attribués aux Chevaliers des Saints Maurice et Lazare. Aussitôt la réorganisation du culte catholique, il avait nommé curé des Allinges Nicolas Perret, l'un de ses Religieux (ai octobre 1597). L'Evêque de Genève ne tint nul compte de cette nomination. De là, un procès qui se pro- longea durant la plus grande partie de l'épiscopat de saint François de Sales, et se termina par une transaction le 21 mai 1618. (2) Mar Jean-François Berliet (voir ci-dessus, note { i ), p. 23).  Année 1604 377 Altesse. Il a des-ja esté condamné devant les officiers de Vostre Altesse ; il a néanmoins recouru a Sa vSainteté, laquelle a député Monsieur deTharantayse, devant lequel il me fait appeller, et ou, j'espère, son tort sera reconnu sil ne cesse de nous travailler. Vostre Altesse a la Mayson de Saint Bernard en sa protection, mais elle n'a pas moins sous sa grâce et sin- gulière faveur cette misérable evesché de Genève, pour conserver, avec ses commandemens, les droitz de Tun'et de l'autre ; qui est tout ce que je puis souhaitter en cette occasion particulière, en laquelle j'ay trois grans advan- tages. C'est quil s'agist non de mes actions, mais de celles de feu Monsieur mon praedecesseur, que Vostre Altesse a tous-jours jugé fort homme de bien ; je suis défendeur et en possession, et mon adversaire en cette cause a esté tous-jours condamné jusques a présent. Avec ces raysons, je me prometz que Vostre Altesse aura ag- greables mes procédures, et qu'en sachant les fonda- mens (sic), elle commandera au sieur Prsevost de cesser et faire cesser les siennes. Je prie Nostre Seigneur quil comble Vostre Altesse et sa couronne de toute félicité et prospérité, et luy faysant très humble révérence, je demeure, comme je doy et veux toute ma vie, Monseigneur, Très humble et tres-obeissant serviteur et orateur de Vostre Altesse, Franç% E. de Genève. A Neci, le xxxi octobre 1604. A Son Altesse. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.  378 Lettres de saint François de Sales  CCXXXVIII a m. PIERRE-LÉONARD DE RONCAS BARON DE CHATEL'ARGENt(0 Même sujet. Annecy, 31 octobre 1604. Monsieur, Je viens de recevoir une lettre de Son Altesse par la- quelle elle me commande que je ne poursuive plus le procès qui est entre monsieur de Montjou d'une part, et le curé des Alinges et moy de l'autre. Je proteste, Monsieur, que ledit sieur Praevost tient tort de l'audience du Prince; car je ne l'ay jamais tiré en instance et ne pensois guère en luy quand, tout aussi tost que je fus en cette charge, il me fit citer et le pauvre curé, auquel il a fait faire de la despense fort hors de propos, et a moy aussi. J'ay de l'advantage par tout, car ledit sieur de Montjou a esté condamné devant les officiers de Son Altesse, et je suis défendeur et en possession, et respons non de mes actions mais de celles de feu Monsieur de Genève mon praede- cesseur, et en faveur d'un curé qui, des le fin commen- cement, a servi fort utilement a la gloire de Dieu en cette parroisse la. Je m'asseure que sur ces fondemens Son Altesse aura aggreables mes procédures, et n'approuvera pas celles de mon adversaire, lequel ayant de gayeté de cœur, ce semble, choysi le parti de l'assaillant et l'exer- ceant de tout son pouvoir, ne doit pas ni ne peut, sans avoir tort de moy, me faire prohiber celuy du défendant. ( I ) Pierre-Léonard de Roncas, baron de Châtel-Argent, premier secrétaire d'Etat (avril 1603), remplit vingt-deux ambassades à Rome, en Allemagne, en Espagne et en France. Mais tous les éminents services rendus à son prince ne l'empêchèrent pas de partager la disgrâce du marquis de Simiane (voir ci-dessus, note ( i ), p. 178). Plus heureux toutefois que ce dernier, le baron de Châtel-Argent, après avoir subi une longue réclusion à Ivrée, recouvra non seulement la liberté, mais encore la faveur de ses souverains, dont il jouit jusqu'à sa mort (1639).  Année 1604 379 Monsieur, j'ay veu que la lettre qu'il a pieu a Son Altesse m'envoyer estoit sortie de vostre main, qui m'a fait croire que je devoys vous supplier de prendre en protection mon droit pour ce sujet, comme je vous sup- plie bien humblement, me resouvenant que vous m'aves fait l'honneur de m'aimer il y a long tems, et me pro- mettant la mesme faveur encor maintenant que je suis, Monsieur, Vostre serviteur plus humble, Francs E- de Genève. XXXI octobre 1604, a Neci. A Monsieur Monsieur de Chastelargent, Conseiller et Secrétaire d'Estat de S. A. Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de la Grande Maîtrise des Saints Maurice et Lazare.  CCXXXIX AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I^"^ L'Abbé d'Abondance n'est pas en mesure de fournir une pension à M. Nouvellet . Prière au prince de vouloir bien intervenir. Annecy^ 12 novembre 1604. Monseigneur, Le bon homme monsieur Nouvelet avoit esté prouveu de la charge théologale d'Evian, et par conséquent de la praebende d'icelle. Mais monsieur l'Abbé d'Abondance se treuve fort empesché a la vouloir payer, d'autant quil entre en une bonne despense pour introduire les Pères Feuillans en son AbbaJ^e, et que d'ailleurs il est fort chargé de pensions ; il dit néanmoins que si ceux qui ont les pensions vouloyent supporter charitablement la moytié de laditte praebende, il contribueroit volontiers l'autre moytié.  380 Lettres de saint François de Sales Mais cela ne se peut ni attendre ni espérer sinon de la bonté et providence de Vostre Altesse qui le com- mandast a l'Abbé et aux pensionnaires, en faveur des âmes qui en seroyent assistées et du bon monsieur Nou- velet, duquel la pauvreté seroit soulagée et la viellesse consolée, et qui ne respire ni devant Dieu ni devant les hommes que la grandeur et sainte prospérité de Vostre Altesse, de Messeigneurs ses enfans et de la postérité, pour laquelle je prie aussi tous les jours sa divine Ma- jesté, comm'estant. Monseigneur, Très humble et très obéissant serviteur et orateur de Vostre Altesse, Francs E. de Genève. XII novembre 1604, a Neci. A Son Altesse. Revu sur l'Autographe coniervé à Turin, Archives de l'Etat.  CCXL A LA BARONNE DE CHANTAL Conseils relatifs au règlement d'une affaire d'intérêt. — D'une certaine im- puissance spirituelle et des tentations qui en dérivent. — Lutte entre la partie supérieure et la partie inférieure de l'àme. — Combattre les désirs empressés. — Indifférence à pratiquer dans l'acceptation des croix. — On peut se plaindre à Notre-Seigneur. — Choix de lectures. — Avis sur la manière de faire l'aumône. — Joie du Saint dans l'attente d'une grande épreuve. — Respect dû à un ancien directeur, — Deux sortes de bonnes volontés : l'une qui remplit l'enfer, l'autre le Paradis. Annecy, 21 novembre 1604. Madame ma très chère Seur, Nostre glorieuse et tressainte Maistresse et Reyne, la Vierge Marie, de laquelle nous célébrons aujourdhuy la Praesentation , veuille prsesenter nos cœurs a son Filz et nous donner le sien. Vostre messager m'est arrivé au  not. (i).  CXLII, 10.  Année 1604 381 plus fort et malaysé endroit que je puisse presque ren- contrer en la navigation que je fay sur la mer tempes- tueuse de ce diocaese, et n'est pas croyable combien vos lettres m'ont apporté de consolation. Je suis seulement en pe3^ne si je pourray tirer de la presse de mes affaires le loysir quil faut pour vous respondre si tost comme je désire et si bien comme vous attendes. Je diray ce que je pourray tumultuayrement, et sil me reste quelque chose après cela, je vous l'escriray dans bien peu de tems par homme de connoissance qui va a Dijon et revient. Je vous remercie de la peyne que vous aves prise a me desduire l'histoire de vostre porte de saint Claude *, et Vide supra, p. 369, prie ce béni Saint, tesmoin de la sincérité et intégrité de cœur avec laquelle je vous chéris en Nostre Seigneur et commun Maistre, quil impetre de sa sainte bonté l'assis- tence du Saint Esprit qui nous est nécessaire pour bien entrer au repos du tabernacle de l'Eglise *. (0 C'est asses * Cf. Pss. xiy, dit une fois pour toutes : ouj^, Dieu m'a donné a vous ; je dis uniquement, entièrement, irrévocablement ( = ). Pour vostre procès, je vous diray qu'en ayant conféré avec un des excellens hommes qui vivent , affin quil m'aydast a m'en bien esclarcir, j'ay rencontré, ce me semble, le nœud de Taffaire pour vous bien et solidement conseiller pour nostre ame, qui est a Dieu et delaquelle, pour l'amour d'icelluy, il nous faut estre fort jaloux. C'est que j'ay veu que le contract des moulins et la transac- tion de la succession ont esté faitz a mesme jour, mesme heure, par le mesme notaire, en la mesme ma5^son, de- vant les mesmes tesmoins. Cela les rend correspectifz l'un a l'autre, et delà s'ensuit que, voulant faire casser et rompre celuy des moulins a cause de l'énorme lésion, il faut aussi rompre et casser celuy de la transaction qui luy est correspectif , et laysser les affaires au mesme estât auquel elles estoyent avant la transaction et l'achapt des (i) Le texte, à partir d'ici jusqu'à ligne 34 de la page suivante, a été sup- primé par les premiers éditeurs. (2) Les mots qui terminent cette phrase : «je dis uniquement, entièrement, irrévocablement, » ont été ajoutés par le Saint en marge de l'Autographe.  382 Lettres de saint François de Sales moulins. Car, puisque vous voules oster les quatorse mille francz a celuy a qui ilz avoyent esté donnés pour le faire transiger, il est bien raysonnable que la tran- saction quil a faitte pour les avoir soit aussi gastee. Vous voules reprendre ce que vous luy avés donné, qui est la somme de 14000 francz ; rendes luy aussi ce que vous avés de luy a cette considération, qui est la cession de cette succession. Que si il ni avoit nul droit en ce tems- la, il n'en aura non plus maintenant. En cette façon je ne voy pas quil y ait rien a craindre pour nostre chère ame, car vous ne luy faites nul tort de reprendre ce que vous luy aves donné, luy rendant ce quil vous a donné. Je ne suis pas bien asseuré si je dis bien en ceci, parce qu'a Tadventure n'ay-je pas bien conceu le fait avec toutes ses circonstances ; car je suis extrêmement dur a Tintelligence de ces choses-la. C'est pourquoy, en ayant conféré avec des personnes enten- dantes au mestier et consciencieuses, desquelles vous ne manques pas a Dijon, si mon opinion n'est pas jugée bonne ne la suives pas, mais la leur, car je le désire ainsy, bien que j'espère que j'auray bien deviné, selon la proposition que vous m'en avés faitte. Prenes garde, en la poursuite du procès, de ne point relascher de la pure et entière charité du prochain, et faittes les sollici- tations religieusement ; et, moyennant cela, ne vous laysses nullement inquiéter d'aucun scrupule, car il ni a nul danger. Je ne vous diray plus rien du doute que vous avies si Dieu vouloit ou ne vouloit pas ce qui se passa a Saint Claude ; car, puisque sa bonté s'est inclinée jusques aux aureilles de vostre cœur pour s'en declairer a vous, il n'est plus qusestion que vous en douties. Pour mo}^, il ne me seroit pas possible, quand je le voudrois, d'en entrer en aucune difficulté. Je viens a vostre croix, et ne sçai si Dieu m'aura bien ouvert les yeux pour la voir en ses quattres boutz. Je le souhaitte infiniment et l'en supplie, affin que je vous puisse dire quelque chose bien a propos. C'est une cer- taine impuissance, ce me dites vous, des facultés ou parties  I  Année 1604 383 de vostre entendement qui l'empesche de prendre le con- tentement de la considération du bien, et, ce qui vous fasche le plus, c'est que, voulant Ihors prendre resolution, vous ne sentes point la solidité accoustumee, ains vous rencontrés une certaine barrière qui vous arreste tout court ; et de la vient le torment des tentations de la foy. C'est bien dit, ma chère Fille, vous vous exprimés bien ; je ne sçai si je vous entens bien. Vous adjoustés que néanmoins la volonté, par la grâce de Dieu, ne veut que la simplicité et fermeté en l'Eglise, et que vous mourries volontiers pour la foy d'icelle. O Dieu soit béni, ma chère Fille, Yinfirmité n'est pas a la mort, mais affin que Dieu soit glorifié en icelle*. Vous aves deux peuples au ventre de vostre *joan., xi, 4. esprit, comm'il fut dit a Rebecca ; Vun combat contre Vautre, mais en fin le plus j eune surmontera Vaisné^. *Gen., xxv, 23. L'amour propre ne meurt jamais que quand nous mou- rons, il a mille moyens de se retrancher dans nostre ame, on ne l'en sçauroit desloger ; c'est l'aisné de nostr'ame, car il est naturel, ou au moins connaturel ; il a une légion de carabins avec luy, de mouvemens, d'actions, de pas- sions ; il est adroit et sçait mille tours de souplesse. De l'autre costé, vous aves l'amour de Dieu, qui est conceu après et est puisné ; il a aussi ses mouvemens, inclinations, passions, actions. Ces deux enfans en un mesme ventre s'entrebattent comm'Esau et Jacob ; c'est pour quoy Rebecca s'écrie : M'estoit il pas mieux de mourir que de concevoir avec tant de douleurs * ? De ces convulsions * Cf. ibid., y. 22. s'ensuit un certain degoustement qui fait que vous ne savoures pas les meilleures viandes. JNlais que vous im- porte-il de savourer ou ne savourer pas, puis que vous ne laissés pas de bien manger ? Sil me failloit perdre l'un des sentimens, je choysirois que ce fut le goust, comme moins nécessaire, voire mesme que l'odorat, ce me semble. Croyes-moy, ce n'est que le goust qui vous manque, ce n'est pas la veûe. Vous vo3"es, mais sans con- tentement ; vous maschés le pain comme si c'estoyent des estouppes, sans goust ni saveur. Il vous semble que vos resolutions sont sans force par ce qu'elles ne sont pas  384 Lettres de saint François de Sales gayes ni joyeuses, mais vous vous trompés, car TApostre " Rom., vu, 21-25. saint Paul bien souvent n'en avoit que de cette sorte-la *. La pauvre Lia est un petit chassieuse et laide, mais il faut que vostre esprit couche avec elle avant que d'avoir *Gen., XXIX, 16-28. la belle Rachel *. Et courage, car elle ne laissera pas de faire des beaux enfans et des œuvres aggreables a Dieu. Mais je m'arreste trop. Vous ne vous sentes pas ferme, constante, ni bien ré- solue. Il y a quelque chose en moy, ce dites vous, qui n'a jamais esté satisfait, mais je ne sçaurois dire que c'est. Je le voudrois bien sçavoir, ma chère Fille, pour vous le dire ; mais j'espère qu'un jour, vous oyant a loysir, je l'apprendray. Cependant, seroit-ce point peut estre une multitude de désirs qui fait des obstructions en vostre esprit ? J'ay esté malade de cette maladie. L'oyseau atta- ché sur la perche se connoit attaché et sent les secousses de sa détention et de son engagement seulement quand il veut voler ; et tout de mesme, avant qu'il aye ses aisles il ne connoit son impuissance que par l'essay du vol. Pour un remède donques, ma chère Fille, puisque vous n'aves pas encor vos aysles pour voler et que vostre propre impuissance met une barrière a vos eflfortz, ne vous débattes point, ne vous empressés point pour voler ; ayes patience que vous a5^es des aisles pour voler comme les * Ps. Liv, 7. colombes *. Je crains infiniment que vous n'ayes un petit trop d'ardeur a la proye, que vous ne vous empressies et multipliies les désirs un petit trop dru. Vous voyes la beauté des clartés, la douceur des resolutions ; il vous semble que presque presque vous les tenes, et le voysi- nage du bien vous en suscite un appétit démesuré, et cet appétit vous empresse et vous fait eslancer, mais pour néant ; car le Maistre vous tient attachée sur la perche, ou bien vous n'aves pas encor vos aisles, et ce pendant vous amaigrisses par ce continuel mouvement du cœur et alanguisses continuellement vos forces. Il faut faire des essays, mais modérés, mais sans se débattre, mais sans s'eschauffer. Examines bien vostre procédure en cet endroit ; peut estre verres vous que vous bandes trop vostr'esprit au  i  I J  Année 1604 3^5 désir de ce souverain goust qu'apporte a Tame le ressen- timent de la fermeté, constance et resolution. Vous aves la fermeté, car qu'est ce autre chose fermeté que vouloir plus tost mourir qu ofFencer ou quitter la foy ? mais vous n'en aves pas le sentiment, car si vous l'avies vous auries mille joj^es. Or sus, arrestes vous, ne vous empresses point ; vous verres que vous vous en treuveres mieux et vos aisles s'en fortifieront plus aysement. Cest empres- sement donques est un défaut en vous, et c'est ce je ne sçai quoy qui n'est pas satisfait, car c'est un défaut de résignation. Vous vous resignes bien, mais c'est avec un mais ; car vous voudries bien avoir ceci et cela, et vous debates pour l'avoir. Un simple désir n'est pas contraire a la résignation ; mais un pantelement de cœur, un debatte- ment d'aysles, un'agitation de volonté, une multiplication d'eslancemens, cela indubitablement est faute de résigna- tion. Courage, ma chère Seur ; puisque nostre volonté est a Dieu, sans doute nous sommes a luy. Vous avés tout ce quil faut, mais vous n'en avés nul sentiment ; il ni a pas grande perte en cela. Sçavés vous ce quil faut faire? Il faut prendr'en gré de ne point voler, puisque nous n'avons pas encor nos aisles. Vous me faites resouvenir de Moyse. Le saint homme, arrivé sur le mont de Phasga, il vit toute la terre de pro- mission devant ses yeux, terre a laquelle il avoit aspiré et espéré quarant'ans continuelz, parmi les murmurations et séditions de son armée et parmi les rigueurs des desers : il la vit et ni entra point, mais mourut en la voyant*. Il *Deut.,ult., 1-5. avoit vostre verre d'eau aux lèvres et ne pouvoit boire. O Dieu, quelz souspirs devoit jetter cett'ame. Il mourut- la, plus heureux que plusieurs qui moururent en la terre de promission, puisque Dieu luy fit Ihonneur de Tense- pulturer luymesme *. Or sus, sil vous failloit mourir * Ibid., 5-. 6. sans boire de l'eau de la Samaritaine*, et qu'en seroit *.Joan., iv, 15. ce pour cela, pourveu que nostr'ame fut receue a boire seternellement en la source et fontaine de vie*? Ne vous * rs. xxxv, 10. empresses point a des vains désirs, et mesme ne vous em- presses pas a ne vous empresser point. Ailes doucement vostre chemin, car il est bon. Lettres II aj  3^6 LrTTRFS DR SAINT FRANÇOIS DR SaLES Saches, ma très chère Seur, que je vous escris ces choses avec beaucoup de distractions, et que si vous les treuves embrouillées ce ne sera pas merveille, car je le suis moymesme, mais. Dieu merci, sans inquiétude. Vou- les vous connoistre si je dis vray que le défaut qui est en vous c'est de cett'entiere résignation? Vous voules bien avoir une croix, mais vous voules avoir le choix ; vous la voudries commune, corporelle et de telle ou telle sorte. Et qu'est cela, ma Fille très aymee ? Ah non, je désire que vostre croix et la mienne soit entièrement croix de •Joan.,xix,2'7;Ga- Jesiischrisf^ ei quand a l'imposition d'icelle et quant au lat., ult., lA. i • T , -i-^- ■ , . «1 r • choix. Le bon Dieu sçait bien ce quil lait et pourquoy ; c'est pour nostre bien sans doute. Nostre Seigneur donna *IIReg.,ult.,i2-M. le choix a David de la verge delaquelle il seroit affligé * ; et. Dieu soit béni, mais il me semble que [je] n'eusse pas choysi, j'eusse laissé faire tout a sa divine Majesté. Plus une croix est de Dieu, plus nous la devons aymer. Or sus, ma Seur, ma Fille, mon ame (et ceci n'est pas trop, vous le sçaves bien) (0, dites moy. Dieu n'est il pas meilleur que l'homme ? mais l'homme n'est il pas un * Isaias, XL, 17. vray néant en comparaison de Dieu*? Et néanmoins voyci un homme, ou plustost le plus vray néant de tous les neans, la fleur de toute la misère, qui n'ayme rien moins la confiance que vous aves en luy, encor que vous en aj^es perdu le goust et le sentiment, que si vous en avies tous les sentimens du monde ; et Dieu n'aura-il pas aggreable vostre volonté bonne, encor qu'elle soit sans •Ps. cxviii, 83. nul sentiment ? Je suis, disoit David *, comniiine vessie sechee a la fumée du feu, qu'on ne sçauroit dire a quoy elle peut servir. Tant de sécheresses qu'on voudra, tant de stérilités, pourveu que nous aymions Dieu. Mais avec tout cela vous n'estes pas encor au pais ou il ni a point de jour, car vous aves le jour par fois et Dieu vous visite. Est il pas bon a vostre advis ? Il me semble que cette vicissitude vous le rend bien savou* reux. (2) J'appreuve néanmoins que vous remonstriés a (i) Les mots compris dans cette parenthèse ont été également ajoutés eu marge par le Saint. (2) L'original de cette lettre se composait de deux grandes feuilles; la  Ankm'ih 1604 387 nostre doux Sauveur, mais amoureusement et sans em- pressement, vostre affliction, et, comme vous dites, qu'au moins il se laisse treuver a vostre esprit ; car il se plait que nous luy racontions le mal qu'il nous fait et que nous nous plaignions de lu}^, pourveu que ce soit amou- reusement et humblement, et a luy mesme, comme font les petitz enfans quand leur chère mère les a fouettés. Cependant il faut encor un petit souffrir, et doucement. Je ne pense pas qu'il y ayt aucun mal de dire a Nostre Seigneur : Venes dans nos âmes ; non, cela n'a nulle apparence de mal. Ce Seigneur sçait si j'ay jamais communié sans vous des mon despart de vostre ville... Dieu veut que je le serve en souffrant les stérilités, les angoisses, les tenta- tions, comme Job, comme saint Paul, et non pas en pres- chant. Serves Dieu comme il veut ; vous verres qu'un jour il fera tout ce que vous voudres et plus que vous ne sçauries vouloir. Les livres que vous lires demi heure sont Grenade, Gerson (0, la V/e dejestis Christ mise en françois, du latin de Ludolphe Chartreux, la Mère Thé- rèse, le Traitté de l'Affliction, que je vous ay marqué en la précédente lettre*. Hé, serons nous pas un jour ♦Vide p. 35= tous ensemble au Ciel a bénir Dieu éternellement ? Je l'espère et m'en res-jouïs. La promesse que vous fistes a Nostre Seigneur de ne jamais rien refuser de ce qui vous seroit demandé en son nom, ne vous sçauroit obliger sinon a le bien a3^mer ; c'est a dire que vous pourries l'entendre en telle façon que la prattique en seroit vicieuse, comme si vous don nies plus qu'il ne faut et indiscrètement. Cela donq s'entend en observant la vraye discrétion, et, en ce cas la, ce n'est première, conservée à la Visitation de Turin, contient la partie du texte qui précède. La première moitié de la feuille suivante n'a pu être recouvrée; mais il est très probable qu'elle n'a pas été insérée in extenso dans l'édition princeps, qu'à défaut d'original nous suivons pour les pages 387, 388, où l'absence de transitions laisse facilement deviner des suppressions. La dernière partie de l'Autographe est conservée à la Visitation de Nantes ; elle correspond à nos pages 38g, 390. ( I ) Il s'agit probablement ici du livre de VlniiLition de Jcsns-Chrisi, désigné communémeni alors sous le nom de l'auteur auquel il était le plus générale* ment attribué» (Voir tome III de cette Editian, note ( i ;, p. 107.)  388 Lettres de saint François de Sales non plus que de dire que vous aymeres bien Dieu et vous accommoderes a vivre, dire, faire et donner selon son gré. Je garde les livres des Psaumes, et vous remercie de la musique, en laquelle je n'entens rien du tout, bien que je l'ayme extrêmement quand elle est appliquée a la louange de Nostre Seigneur. Vrayement, quand vous voudres que je depesche et que je treuve du loysir sans loysir pour vous escrire, envoyés * Vide infra, p. 396. moy ce bon homme [Rose*]; car, sans mentir, il m'a pressé si extrêmement que rien plus, et ne m'a point voulu donner de relasche, pas seulement d'un jour ; et vous dis bien que je ne voudrois pas estre juge en un procès duquel il fust solliciteur. Je ne puis laisser le mot de Madame, car je ne veux pas me croire plus affectionné que saint Jan TEvange- liste, qui néanmoins en TEpistre sacrée qu'il escrit a la •Epist.li,ji-jiM,5. sainte dame Electa * l'appelle Madame ; ni estre plus sage que saint Hierosme, qui appelle bien sa dévote Eus- *Epist. xxn, § 2. tochium Madame *. Je veux bien néanmoins vous défen- dre de m'appeller Monseigneur ; car encor que c'est la coustume de deçà d'appeller ainsy les Evesques, ce n'est pas la coustume de delà, et j'ayme la simplicité. La Messe de Nostre Dame que vous voules voiier pour toutes les semaines le pourra bien estre, mais je désire que ce ne soit que pour une année, au bout de laquelle vous revoiieres, s'il y eschoit ; et commencés le jour de la Conception Nostre Dame, jour de mon sacre, et auquel je fis le grand et espouvantable vœu de la charge des âmes et de mourir pour elles s'il estoit expédient. Je de- vrois trembler m'en resouvenant. J'en dis de mesme du Chapelet et de Y Ave maris Stella. Je n'ay observé ni ordre ni mesure a vous respondre ; mais ce porteur m'en a levé le moyen. J'attens de pied coy une grande tempeste, comme je vous ay escrit au commencement, et pour mon particulier, mais joyeuse- ment ; et, regardant en la providence de Dieu, j'espère que ce sera pour sa plus grande gloire et mon repos, et beaucoup d'autres choses. Je ne suis pas asseuré qu'elle arrive, je n'en suis que menacé. Mais pourquoy vous dis-je  Année 1604 389 ceci ? Et pour ce que je ne m'en sçaurois empescher ; il faut que mon cœur se dilate avec le vostre comme cela; et puisqu'en cett'attente j'ay de la consolation et de l'es- pérance de bonheur, pourquoy ne vous le dirois-je pas ? mais a vous seule, je vous prie. Je prie soigneusement pour nostre Celse Bénigne et pour toute la petite trouppe de filles ; je me recommande aussi a leurs prières. Resouvenes vous de prier pour ma Genève, affin que Dieu la convertisse. Item, resouvenes vous de vous comporter avec un grand respect et honneur en tout ce qui regardera le bon Père spirituel que vous sçavés*; et mesme traittant avec ses disciples et enfans * Vide supra, Epp. . .^ , ., . ^ , , CCXXI, CCXXIII. spirituelz, quilz ne reconnoissent que la vraye douceur et humilité en vous. Si vous recevies quelques reproches, tenes vous douce, humble, patiente et sans autre mot que de vraye humilité, car il le faut. Dieu soit a jamais vostre cœur, vostre esprit, vostre repos, et je suis. Madame, Vostre très dédié serviteur en Nostre Seigneur, F. (0 Ma mère malade vous salue humblement et vous offre son très humble service et de toute sa mayson. Je suis si pressé que j'ay transposé les pages, mais vous les remettres par la marque. A Dieu soit honneur et gloire *. • I Tira., 1, 17. Jour de la Praesentation de Nostre Dame, 21 novem- bre 1604. J'adjouste ce matin, jour sainte Cécile, que le proverbe tiré de nostre saint Bernard* : L'enfer est plein de *Cf. Soiiioq.,intcr bonnes volontés ou désirs, ne vous doit nullement trou- ^* * ^^^'' ^ ^' bler. Il y a deux sortes de bonnes volontés. L'une dit : Je voudrois bien faire, mais il me fasche et ne le feray pas ; l'autre dit : [Je] veux bien faire, mais je n'ay pas tant de pouvoir que de vouloir, c'est cela qui m'arreste. La première remplit l'enfer, la seconde le Paradis. La (i) Les deux phrases suivantes sont inédites.  390 Lettres de saint François de Sales première volonté ne fait que commencer a vouloir et dé- sirer, mais elle n'achevé pas de vouloir; ses désirs n'ont pas asses de courage, ce ne sont que des avortons de volonté, c'est pourquo}^ elle remplit Tenfer. Mais la se- conde produit des désirs entiers et bien formés, et c'est * Dan,, IX, 33. pour celle la que Daniel fut appelle homme de désirs *. Nostre Seigneur vous veuille donner la perpétuelle assistence de son Saint Esprit, ma Seur et Fille très aymee. A Madame Madame la Baronne de Chantai.  CCXLI A MADAME BOURGEOIS, ABBESSE DU PUITS-d'oRBE Ce qu'il faut faire quand on éprouve de la difficulté à méditer. — Les longues veilles du soir « débilitent le cerveau. » — Comment on peut servir Dieu dans les maladies. — « Baume pretieux » pour les adoucir. — Lectures proposées. — Obéissance au médecin, — Dignité royale des malades. — « Dequoy les Anges nous portent envie. » — La Messe et la Communion au temps de maladie. Annecy, vers le 22 novembre 1604. Ma très chère Seur, Nostre Seigneur vous veuille donner son Saint Esprit, pour faire et souffrir toutes choses selon sa volonté. Vostre ♦Videinfra,p. 396. homme [Rose *] me presse si fort de le depescher que je ne sçai si je pourray vous respondre entièrement ; au moins vous diray je quelque chose, selon que Dieu m'en donnera la grâce. J'ay esté consolé que [Philibert] arriva si a propos * Epistoiae ccxxxr, avec mcs lettres *. Tous vos degoustemens ne m'eston- nent point ; ilz cesseront un jour. Dieu aydant, et si bien vous aves donné peu de satisfaction a ce bon Père (^', (i) Le P. de Villars ^voir ci-dessus, p. 343).  ccxxxii.  Année 1604 39 I je m'asseurc qu'il ne s'en troublera point ; car je le tiens pour capable de connoistre les divers accidens d'une ame qui commence a cheminer au chemin de Dieu. Pour moy, ma chère Seur et Fille, ne doutés nullement, vous ne sçauries m'estre importune ; et si Nostre Seigneur m'avoit autant donné de liberté et de commodité de vous assister comme j'en ay de volonté et d'affection, vous ne me ver- ries jamais las de vous servir a la gloire de Dieu, car je suis pleinement vostre, et vous ne sçauries avoir trop d'asseurance de moy pour ce regard. Touchant la méditation, je vous prie de ne point vous affliger si parfois, et mesme bien souvent, vous n'y estes pas consolée; mais poursuives doucement et avec humilité et patience, sans pour cela violenter vostre esprit. Ser- ves-vous du livre quand vous verres vostre esprit las ; c'est a dire lises un petit et puis médités, et puis relises encor un petit et puis médités, jusques a la fin de vostre demie heure. La Mère Thérèse en usa ainsy du commen- cement, et dit qu'elle s'en treuva fort bien *. Et puisque "Vita a seipsacon- 1 ^ , .,1. -11 scripta, c. ix; Iter nous parlons confidemment, j adjousteray que je 1 ay Perfect., c. xvm. ainsy essayé et m'en suis bien treuvé. Tenes pour règle que la grâce de la méditation ne se peut gaigner par aucun effort d'esprit ; mays il faut que ce soit une douce et bien affectionnée persévérance, pleine d'humilité. Tous vos autres exercices vous les continueres en la façon que je vous les ay marqués. Pour le coucher je ne changeray point d'opinion, s'il vous plait ; mais si le lict vous desplait et que vous n'y puissies pas tant demeurer que les autres, je vous permettray bien de vous lever une heure plus matin ; car, ma chère Seur, il n'est pas croya- ble combien les longues veilles du soir sont dangereuses et combien elles débilitent le cerv^eau. On ne le sent pas en jeunesse, mais on le ressent tant plus par après, et plusieurs personnes se sont rendues inutiles par ce moyen la. Je viens a vostre jambe malade et qu'il faut ouvrir. Ce ne sera pas sans des douleurs extrêmes ; mais mon Dieu, quel sujet est-ce que sa bonté vous donne de probation ,„ ^ •* * ^ * Ps. cxviii, 71 ; Ja- en ses commandemens " ! O courage, ma chère Seur; cobi, i, 12.  392 Lettres de saint François de Sales nous sommes a Jésus Christ, voyla qu'il vous envoyé ses livrées. Faites estât que le fer qui ouvrira vostre jambe soit Tun des cloux qui perça les pieds de Nostre Sei- gneur. O quel honneur ! Il a choysi pour luy ces sortes * Cf. Heb., xn, 2. de faveurs *, et les a tant chéries qu'il les a portées en Paradis ; et voyla qu'il vous en fait part. Et vous me dites que vous me laisses a penser comme vous servires Dieu pendant le tems que vous seres sur le lict ! Et suis content d'y penser, ma bonne Fille. Sçaves vous ce que je pense ? A vostre advis, ma chère Seur, quand fut-ce que nostre Sauveur fit le plus grand ser- vice a son Père ? Sans doute que ce fut estant couché sur l'arbre de la croix, ayant pieds et mains percés ; ce fut la le plus grand acte de son service. Et comme le servoit il ? En souffrant et en offrant ; ses souffrances estoyent •Ephes., V, 2. une odeur de suavité a son Père*. Et voyla donques le service que vous feres a Dieu sur vostre lict : vous souf- f rires et offrires vos souffrances a sa Majesté. Il sera sans * Ps. xc, 15. doute avec vous en cette tribulation, et vous consolera *. Voyla vostre croix qui vous arrive : embrassés-la, et la caressés pour Tamour de Celuy qui vous l'envoyé. David affligé disoit a Nostre Seigneur : J'ay fait le muet et n'ay dit mot, parce que cest vous, o mon Dieu, qui * Ps. xxxviM, 10. m' av es fait ce mal que je souffre*. Comme s'il disoit : Si un autre que vous, o mon Dieu, m'avoit envoyé cette affliction, je ne l'aymerois pas, je la rejetterois ; mais puisque c'est vous, je ne dis plus mot, je l'accepte, je la reçois, je l'honnore. Ne doutés point que je ne prie fort Nostre Seigneur pour vous, affin qu'il vous face part de sa patience, puisqu'il luy plait vous faire part de ses souffrances. Je le dois, je le feray, et seray en esprit près de vous pendant tout vostre mal ; non, je ne vous abandonneray point. Mays voyci un baume pretieux pour adoucir vos douleurs. Pre- nes tous les jours une goutte ou deux du sang qui distille des playes des pieds de Nostre Seigneur et le faites passer par la méditation, et avec imagination trempés reverem- ment vostre doigt en cette liqueur et l'appliqués sur vostre mal, avec l'invocation du doux nom de Jésus, qui  Année 1604 393 est un huyle respandu, disoit TEspouse aux Cantiques *, • Cap. i, 2. et vous verres que vostre douleur s'amoindrira. Pendant ce tems la, ma chère Fille, dispenses vous de l'Office pour tous les jours que les médecins vous le con- seilleront, encor qu'il vous semblera que vous n'en ayes pas besoin : je vous l'ordonne comme cela au nom de Dieu. Si ces lettres vous arrivent avant le coup, faites chercher par tout le Traitté de Cacciaguerre, De la Tri- hulation'^y et le lises pour vous préparer; si moins, •vide supra, p. 344, faites-le vous lire paysiblement a quelqu'une de vos plus "° • ^-'• dévotes pendant que vous seres au lict, et croyes moy, cela vous soulagera incroyablement. Jamais je ne fus si touché d'aucun livre que de celuy la, en une maladie très douloureuse que j'eus en Italie (0. L'obéissance que vous rendres au médecin sera infiniment aggreable a Dieu, et mise en conte au jour du jugement. Je ne puis vous envoyer maintenant l'escrit de la Com- munion, car vostre homme me presse trop. Je vous l'en- voyeray bien tost, car j'en auray commodité ; mays ce pendant vous treuveres dans Grenade tout ce qui est requis, et dans la Prattique spirituelle (*). O que j'ay esté consolé de voir que vous aves franchi toutes diffi- cultés pour faire tout ce que je vous escrivis touchant vos vœux et la Confession. Ma chère Seur, il faut tous- jours faire comme cela, et Dieu sera glorifié en vous. Vous aures très souvent de mes lettres et a toute occa- sion. Pendant que je vous penseray affligée dans le lict, (i) A Padoue, pendant qu'il faisait son cours de droit. (2) Il est très difficile de connaître avec certitude l'ouvrage que le Saint a voulu désigner sous ce nom. Un livre de piété très répandu au commencement du xvii^ siècle portait le titre de Pratique spirituelle de la dévote Princesse de Parme... tant pour se convertir a Dieu que pour faire progrès aux sainctes vertus. (Anvers, 1588.) Il en est un autre intitulé Pratique spirituelle d'une servante de Dieu, h l'exemple de laquelle se peut exercer toute Religieuse ou personne spirituelle ; fort utile pour vivre spirituellement dedans les Monastères et hors d'iceux. Traduit d^Italien en François par M. F. Gilbert de la Brosse, Angevin. A Paris, chez Pierre de Bresche, rue Saint Estienne des Grecs, à l'image S. Chris- tofle. MDCXxvi. — Certaines indications faisant suite aux pièces préliminaires permettent de supposer que d'autres éditions ont précédé celle de 1626. Est-ce l'un de ces deux ouvrages que le Saint a eu en vue ? Dans le cas affirmatif ce serait plus vraisemblablement le dernier, qui renferme un cha- pitre spécial sur la sainte Communion.  394 Lettres de saint François de Sales je vous porteray (mais c est a bon escient que je parle), je vous portera}^ une révérence particulière et un honneur extraordinaire, comme a une créature visitée de Dieu, habillée de ses habitz et son espouse spéciale. Quand Nostre Seigneur fut a la croix il fut declairé Roy, mesme * Matt., xxvii, 37. par ses ennemis * ; et les âmes qui sont en croix sont declairees reynes. Vous ne sçaves pas dequoy les Anges nous portent envie. Certes, de nulle autre chose que de ce que nous pouvons souffrir pour Nostre Seigneur, et ilz n'ont jamais rien souffert pour luy. Saint Paul, qui avoit esté au Ciel et parmi les félicités du Paradis, ne se tenoit pour heu- *ii^Cor., XII, 3-5, Yeux qu'en ses ïnfinnïtés* et en la Croix de Nostre *Gaiat.,uit., 14. Seigneur *. Quand vous aures la jambe percée, dites a * Ibid., y. 17. vos ennemis la parole du mesme Apostre * : Au demeu- rant, que nul ne me vienne plus fascher ni troubler, car je porte les marques et signes de mon Seigneur en înon cors. O jambe laquelle estant bien employée vous portera plus avant au Ciel que si elle estoit la plus saine du monde ! Le Paradis est une montaigne a laquelle on s'achemine mieux avec les jambes rompues et blessées qu'avec les jambes entières et saines. Il n'est pas bon de faire dire les Messes dans les cham- bres ; adorés des le lict Nostre Seigneur a l'autel et contentes vous. Daniel ne pouvant aller au Temple se * Dan., VI, 10. tournoit de ce costé la pour adorer Dieu* ; faites en de mesme. Mais je suis bien d'advis que vous communiies tous les Dimanches et bonnes festes au lict, autant que les médecins vous le permettront : Nostre Seigneur vous * Ps. XL, A. visitera volontier au lict de Taffliction *. J'ay receu le billet joint a vostre lettre (0 ; ne doutés nullement que je ne Taye très aggreable. Je l'accepte de tout mon cœur, et vous prometz que j'auray le soin de vous que vous desires, autant que Dieu m'en donnera de force et de pouvoir. Je prie sa divine Majesté qu'il vous comble de ses grâces et bénédictions, et toute vostre Mayson.  (i) Probablement le billet qui contenait la formule de ses vœux {voir ci-dessus, p. 342).  i  k  Année 1604 395 Dieu soit éternellement béni et j:^iorifié sur vous, en vous et par vous. Amen. Je suis, ma très chère Fille, Vostre serviteur très affectionné en Nostre Seigneur, Franç% E. de Genève. Je vous supplie qu'il vous plaise faire recommander a Dieu un bon œuvre que je souhaitte voir accompli, et sur tout de le recommander vous mesme pendant vos tourmens ; car en ce tems la, vos prières, quoy que courtes et de cœur, seront infiniment bien receuës. De- mandés en ce tems la a Dieu les vertuz qui vous seront plus nécessaires.  , / CCXLII A LA PRÉSIDENTE BRULART C'est la dévotion bien réglée que le Ciel bénit. —- Il faut servir Dieu à la campagne aussi bien qu'à la ville. Annecy, vers le 22 novembre 1604. Madame, Je loue Dieu de tout mon cœur de voir en vostre lettre le grand courage que vous aves de vaincre toutes les difficultés pour estre vrayement et saintement dévote en vostre vocation. Faites le, et attendes de Dieu de grandes bénédictions, plus sans doute en une heure d'une telle dévotion, bien et justement réglée, qu'en cent jours d'une dévotion bigearre, melancholique et dépendante de vostre propre cervelle. Tenés ferme en ce train, et ne vous lais- ses nullement esbranler en cette resolution. Vous aves, ce me dites vous, un peu relasché de vos exercices aux chams. Et bien, il faut retendre l'arc et recommencer avec tant plus de soin ; mais une autre fois il ne faut pas que les chams vous apportent cette incom- modité. Non, car Dieu y est aussi bien qu'en la ville.  39^ Lettres de saint François de Sales Vide supra, p. 351. Vous aves maintenant le petit escrit de la méditation *, prattiqués le en paix et repos. Pardonnes moy, ma chère Dame, si je trousse un peu plus court ma lettre que vous ne desireries ; car ce bon homme Rose me tient tellement au collet pour le faire depescher qu'il ne me donne pas le loysir de pouvoir escrire. Je prie Nostre Seigneur qu'il vous donne une singulière assistence en son Saint Esprit, affin que vous le servies de cœur et d'esprit selon son bon playsir. Priés-le pour moy, car j'en ay besoin, et jamais je ne vous oublie en mes foibles oraysons. Si monsieur vostre mary ne me tient pas pour son serviteur il a bien tort, car je le suis très asseurement, et de tout ce qui vous appartient. Dieu soit a jamais avec vous et en vostre cœur. Amen. Franc*, E. de Genève.  CCXLIII A LA BARONNE DE CHANTAL (inédite) Deux abus à éviter relativement au confesseur : s'attacher à sa conduite au point de « perdre la vraye liberté; » en changer « sans propos. » — Remar- ques sur divers écrits et une sorte de testament spirituel. — Message pour M""* Brûlart. — Le Saint ne veut pas que ses lettres soient communiquées. Annecy, 7 décembre 1604. Madame, Je ne puis laisser partir aucun messager d'ici qui s'en aille de delà sans luy donner de mes lettres, et au moins pour vous. Cettuici aussi ne me donne pas loysir d'escrire qu'a vous. Despuis le despart de vostre homme j'ay feiiilleté tous les escritz que vous m'avies envoyés, et ni ay rien treuvé qui ne soit bien bon, sinon le point qui regarde la confession, ou il est dit quil faut tous-jours changer de  Année 1604 397 confesseur. Cela est contraire a Tadvis de tous les servi- teurs de Dieu et a l'expérience et a la rayson. Il faut donques ne point changer de confesseur quand l'on en a rencontré un bon, si ce n'est avec beaucoup de sujet. Il est vray que c'est un grand abus de tellement se lier a un confesseur que sil advient de n'en avoir pas la com- modité, pour cela on s'en inquiète ou trouble ; car c'est s'attacher a l'instrument de nostre bien et non pas a l'ouvrier d'iceluy, qui est Dieu, et par conséquent perdre la vraye liberté. Mais aussi, d'aller changeant sans pro- pos c'est un'espece de dissolution, delaquelle il arrive que jamais la complexion de nostr'esprit n'est reconnëue par nostre médecin spirituel ; et comment donques nous sçaura- il gouverner? Or bien, cela suffit. Tenes vous donques a vostre confesseur sans contrainte, et quand pour quelque sujet il le faudra changer, que ce soit sans dissolution. J'ay bien opinion que dedans ces escritz il y a plusieurs pointz de très difficille prattique, et qui font une abstrac- tion d'esprit un petit excessive a qui voudroit les empoi- gner de haute lutte. Mais il faut aussi y apporter le remède convenable, qui est de ne point se roydir en leur exercice qu'avec advis et modération, et après qu'on aura fort usé les pointz plus aysés. Je n'ay pas loysir de vous en dire autre chose. J'ay veu le testament des deux Religieux, par lequel l'ame se donne toute a Dieu. Il est fort ample, et ne treuve que bon quil soit porté sur soy, et plus au cœur. C'est pour respondre a la petite marque que vous avés mis en marge. Je voy la dedans, ma très chère Fille, que vous aves tout laissé a Dieu, pour estre exercée par toutes sortes d'aridités, tentations et secousses selon son bon playsir : resouvenés vous en bien. Mais voyla que vous me dires : C'est que les testamens n'ont point d'effect que par la mort du testateur *. Dieu donques nous * ileb., ix, 16, 17. face bien mourir sur sa sainte Croix, affin que nous soyons entièrement siens. Mon Dieu, que vous estes obligée a l'amour de sa divine bonté I Sans doute, toutes choses bien considérées, il vous a esté expédient d'estre conduite par ou vous aves esté conduite jusques a présent ; mais  39^ Lettres de saint François de Salfs jusques a présent. O que les sentiers de la providence que " Rom , xr, 33. Dieu a des siens sont admirables et ùnperscrutables* ! Si cet homme ne passoit a Genève je vous eusse ren- voyé tous vos papiers ; mais je craindroys quil ne fut recherché la dedans, et qu'ilz les voulussent voir et s'en mocquassent, comm'ilz ont accoustumé de faire des choses qui ne sont pas a leur goust. Ce sera a la pre- mière commodité. Faites moy ce bien que de saluer en mon nom madame Brulart, a laquelle je ne puis escrire faute de lo^^sir, et aussi n'ay je pas autre sujet que de la saluer. Tout maintenant j'ay receue une lettre de Mon- sieur de Bourges du 27 aoust ; je ne sçai ou ell'a esté jusques a présent. Elle ne regarde qu'un affaire tempo- rel; je luy en feray response dans bien peu, ne désirant rien tant que de me conserver sa bonne grâce. Vivons a Jésus Christ, ma chère Seur, soyons entière- ment a luy. Ses sacrées mains nous ont basti et foJ'- *]oh,x,s. mes*; qu'elles facent de nous ce quil leur plaira. Et courage, nous ne nous sçaurions confier a des mains plus amies et favorables. J'attens tous les jours un assault, * Vide supra, pp. comme je vous escrivois par la dernière *, mais il ne sçait ^^^' ^^^' venir. Mon Dieu qui connoist ma foiblesse ne la voudra pas espreuver, et se sera peut estre contenté de la menace. Pries le pour moy : quil me fortifie, et puis qu'il me *Cf. s. Aug.,Con- charge*. xxxv.l.'"^' "•''''"'' A monsieur vostre père et oncle mille salutations. Ma chère Seur et ma Fille, tous les jours je donne vostre cœur a Dieu avec celuy de son Filz en la sainte Messe ; donnes luy le mien, et je vous advoiieray au jour du jugement. Dieu soit vostre amour, vostre cœur, vostre courage, et je suis, Ma très chère Seur, Madame et ma Fille, Vostre serviteur plus humble et dédié en Nostre Seigneur, F. Je veux bien que vous communiquies mes advis qui regardent vostre conscience avec vostre confesseur, mais nompas mes lettres, qui sont un petit trop naifves et  Annkf. 1604 399 cordiales pour estre veïie.s par des yeux autres que bien simples, et respondans a mon intention toute franche et ronde en vostre endroit. A Neci, VII décembre, veille de la Conception. Dieu bénie nostre Celse Benine et ses trois seurs ; c'est ainsy que je les salue. iMa mère est tous-jours malade, mais sans danger. A Madame Madame la Baronne de Chantail (sic), chez Monsieur le Pra^sident Fremiot son Pcre. A Dijon. Revu sur l'Autographe conservé à la Grande-Chartreuse.  CCXLIV A MESSIEURS DU CONSEIL DE LA SAINTE-MAISON DE THONON Envoi de quelques papiers. Annecy, 7 décembre 1604. Messieurs, Je vous envoyé l'original que vous avés désiré de moy, avec quelques autres papiers qui regardent le mesme su- jet, et ne sçai pourquoy les scindiques de Thonon prenent ce biais de nier une chose si claire et quilz ne peuvent ignorer (O. Je prie Nostre Seigneur quil vous donne abondamment l'assistence de son Saint Esprit, et suis, Messieurs, Vostre serviteur plus humble en Nostre Seigneur, Franç% E. de Genève. VII décembre 1604. A Messieurs Messieurs du Conseil de la S^« Mayson de Thonon. Revu sur l'Autographe conservé à Genève, Bibliothèque publique. ( I ) Les administrateurs de la Sainte-Maison étaient en procès avec les syndics de Thonon au sujet du pfieuré de Saint-Hippolyte, et de la cure de TuUy. Ce procès se termina par une transaction le 24 juin 1605.  400 Lettres de saint François de Sales CCXLV A M. CHARLES d'aLBIGNY (inéditb) Prière de vouloir bien donner audience à un nouveau converti. Annecy, 23 décembre 1604. Monsieur, Ce porteur, qui s'appelle Henri de la Rose (vulgo na- tivo), de Matisco, mais qui a vescu une grande partie de son aage a Genève, est venu a moy pour recevoir l'absolution de son haeresie, laquelle je luy ay conférée ( ^ ). Au bout de la, il m'a parlé d'un affaire duquel je ne suis pas bien capa- ble, mais que j'ay estimé digne de n'estre pas entièrement mesprisé. C'est pourquoy je luy ay donné advis de passer jusques a vous, Monsieur, qui jugeres de sa proposition, laquelle, a ce quil m'a dit, il n'a communiqué a homme du mondé que a moy, qui ne l'ay pas bien entendue. J'attens que le P. Recteur (2) aille auprès de vous. Monsieur, pour vous esclarcir sur le sujet de vostre lettre dont il vous pleut m'honnorer, et cependant je suis pour toute ma vie. Monsieur, Vostre serviteur très humble, Franç% E. de Genève. XXIII décembre 1604. A Monsieur Monsieur d'Albigni, Chevallier de l'Ordre de S. A. et son Lieutenant gênerai deçà les mons. Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy. (i) Ce personnage qui, au témoignage du Saint (lettre du 9 mai 1609}, était « Fun des plus apparens convertis qui soyent sortis de Genève, » avait vu tous ses biens confisqués par ses anciens coreligionnaires. Il se retira d'abord à Annecy, où le saint Evèque pourvut à ses besoins et lui obtint ensuite une place au château de Montmélian. L'une de ses filles entra au monastère de Sainte-Claire d'Annecy. (3) Le P. Jean Fourier, recteur du collège de Chambéry (voir ci-dessus, note (i), p. 156).  Annér 1604 401 CCXLVI A M. JANUS DE LA FAVERGE (inédite) Réponse à une lettre de recommandation. — Souhaits de bonne année. — Le Saint se promet beaucoup de consolation du Carême qu'il doit prêcher à La Roche. Annecy, 30 décembre 1604. Monsieur mon Oncle, J'ay receu vostre lettre par les mains de ce mesme por- teur, duquel le droit sera conservé fort soigneusement, non seulement pour le devoir que j'ay de rendre cet office a tous ceux de ce diocsese, mais aussi pour la recom- mandation que vous m'en faites, laquelle aura tous-jours autant de pouvoir sur moy que nulFautre. Si monsieur le Président eiit esté icy, j'eusse sur le champ essayé de faire ce que vous désirés de moy vers luy, comme je le feray. Dieu aydant, tout aussi tost quil sera de retour de Chamberi qui sera, comm'il m'escrit, aux Rois. Je ne voy l'heure en laquelle je me rendray au près de vous et de vostre ville, pour le contentement que j'en prsetens *. Le vous puisse je rendre en quelque façon * Vide supra, p. 3^5» réciproque, et je l'espère de la bonté de Dieu, lequel je supplie de tout mon cœur vous donner bon commence- ment, meilleur progrès et très bonne fin de cette nouvelle année qui nous arrive. Son Saint Esprit veuille tous-jours vous consoler de ses bénédictions , avec madame ma bonne tante et seur, et toute vostre suitte ; et je suis de très grand'affection, Monsieur mon Oncle, Vostre serviteur, neveu et compère bien humble, France E. de Genève. Ce 30 décembre 1604. A Monsieur mon Oncle, Monsieur de la Faverge. Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Foras, château de Thuyset, près de Thonon. Lettres II 26  402 Lettres de saint François de Sales CCXLVII A UN INCONNU (fragment inédit) [1604.] Monsieur, Entre plusieurs embarassemens qui rendent ma charge pesante, j'en ay un pour les cu?es de Saint Sergue, Perrigni, Fessi, LuUy, Brenthonoz et Lulin, desquelles les portions congrues furent tirées par feu Monsieur mon prédécesseur, en partie sur les revenuz de Tabbaye d'Aux(i), d Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) Cette question des « portions congrues » à donner aux curés du Chablais avait été traitée entre M. d'Albigny et l'Evéque de Genève en septembre 1604.  CCXLVIII A MONSEIGNEUR ANDRÉ FRÉMYOT, ARCHEVEQUE DE BOURGES (fragment) Envoi d'un règlement de vie. — Dans quel esprit l'observer. — Savoir y déroger pour servir le prochain. — Ne jamais lui sacrifier « la tressainte liberté d'esprit. » [.604(1)]. Monseigneur, C'est pour vous obéir que je vous envoyé ce pauvre escrit, lequel, pour la plus grande partie de ses pointz, vous sera inutile. Ce n'est pas certes qu'il ne fust desi- derable que nos maysons episcopales fussent dans ce (i) C'est par suite d'une faute de lecture dans le Manuscrit de V Année Saifite de la Visitation, que l'éditeur Datta attribue à cette lettre la date de 1609. Ms"" Frémyot avait réclamé les conseils de l'Evcque de Genève dès qu'il fut en rapports avec lui (cf. ci-dessus, p. 327) ; cette lettre a donc dû être écrite dans le courant de 1604.  Année 1604 403 règlement, nous sçavons ce que saint Paul en dit* ; mais *ITim.,iii,i-5;Tit., je sça}' par mon expérience qu'il faut s'accommoder a la ' nécessité du tems, du lieu, de l'occasion et de nos occupa- tions. Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon règlement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir; et, en faysant cet escrit que je vous envoyé, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouy bien de me régler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grâce d'aymer autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage. En somme, Monseigneur, nous devons dire avec le grand Evesque d'Hippone * : *Confess., l. XIII, « Amor meus pondus meum (*). » Revu sur un ancien Ms. de V Année Sainte de la Visitation, conservé au Monastère d'Annecy.  n « Mon amour est mon poids. »  C. IX.  CCXLIX A UNE INCONNUE (inédite) Encouragements donnés à une résolution généreuse. — Offres charitables pour la seconder. — Un cœur attendri par la douleur est plus accessible à la grâce. [1602-1604 (i).] Je laisse a part tout le reste de vostre lettre pour louer, bénir et remercier Dieu de la resolution quil a planté en vostre ame : je le prie de nourrir et arrouser de ses bé- nédictions ceste plante. J'ay tous-jours esté avec vostre ( I ) Adresse, date, clausule, signature, tout fait défaut à cette lettre de tour- nure si énigmatique; cependant l'Autographe n'a subi aucune mutilation. C'est évidemment à dessein que l'Auteur s'entoure de mystère. Une simple initiale tient lieu du titre à donner au destinataire (p. 40^, lig. 26). Cependant il ne  404 Lettres de saint François de Sales cœur des hier, et luy ay souhaitté ce qui luy est arrivé ; bien plus, mon cœur m'avoit presque dit ce qui est des- cendu dans le vostre. L'amour fait quelquefois des prae- sages par la force de la simpathie. Aussi ay renversé sans dessus dessous mon entendement et mes livres et ceux de mes amis pour treuver quelque facilitation au dessein que je presageois vous devoir advenir, et ay treuvé que tout est aysé et revient a bien a ceux que Dieu * Cf. Rom., VIII, 28. veut tant aymer que de se faire aymer par eux*. Nous n'aurons pas besoin d'aller a Romme pour aller en Hie- rusalem, c'est a dire en la paix de nos consciences ; Dieu a estendu sa main jusques icy pour nous embrasser. Je me resoudray encor plus avant de ce que nous au- rons a faire et, l'ayant bien dressé par ordre, je vous tes- moigneray que les offres que je vous fis partoyent [d'une] volonté bien asseuree a vostre service. Mais si faut il que je vous die ce mot : le rocher d'Horeb estoit vif et dur ; sil jetta de l'eau ce ne fut point par mollesse, ce fut que Dieu le toucha *. Ce n'est pas pusillanimité d'avoir tes- moigné dans les yeux le coup que l'on ressent au cœur. Que sil y a de l'extraordinaire, tant plus doit on croire que le coup vient d'en haut, puysque les coups ordinaires n'ont pas ce pouvoir. La terre sèche ne reçoit pas si a propos le soc ni la semence ; Dieu fait pleuvoir pour semer sa grâce. Courage, JMadame ; ce seroit une vraye et prodigieuse pusillanimité en un'ame bien née de quitter une telle resolution que celle que vous aves receu ; Dieu, qui vous l'a donnée, ne la retirera jamais si vous ne la chassés. Conservés la donques, et croyes que je suis au grand jamais et tous-jours. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de San Vito al Tagliamento (Vénétie). nous semble pas douteux que cette M. ne doive s'interpréter par Madame. De plus — particularité que nous rencontrons ici pour la première fois — plusieurs autres mots sont représentés par une seule lettre ; c'est ainsi que l'Autographe porte v. pour vostre ; D. pour Dieu ; v. c. pour vostre cœur ; sans d. d. pour sans dessus dessous. A en juger d'après l'écriture et l'ortho- graphe, cette lettre doit remonter aux débuts de l'épiscopat du Saint.  M INUTES ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES POUR DIVERSES PERSONNES  CCL AU DUC DE NEMOURS, HENRI DE SAVOIE POUR UN PÈRE DE FAMILLE (inédite) Instances à l'effet d'obtenir que son fils lui soit rendu. [1596-1599 (I).] Monseigneur, Je vous remercie en toute humilité de la faveur avec laquelle il vous a pieu m'escrire pour me rendre doux et léger le besoin que j'ay, sur mes vieux jours, de mon filz, lequel, puysqu'il trouveroit pardeça (a) plus de guerre qu'il ne luy seroit nécessaire pour acquérir de la réputation en sa propre patrie, ne peut avoir autre sujet d'arrester d'avantage a venir me servir que vostre commandement. Mays, Monseigneur, (b) vous pouves  [z) pardeça — Ten sa patrie, de très belles occasions pour s'acquérir beaucoup de réputation.. J (b) Mays— rje vous suppliej Monseigneur, [-que la mesme bienveûillance avec laquelle il vous plait de favoriser le filz, vous face faire considération aux nécessités de la viellesse du père, et quej  (i) C'est uniquement d'après l'écriture que l'on peut conjecturer approxi- mativement l'époque à laquelle cette minute a été écrite. Elle semble destinée au duc de Nemours qui guerroya plusieurs fois en France pendant les dernières années du xv!*^ siècle.  4o6 Lettres de saint François de Sales tousjours avoir tout autant de serviteurs auprès de vous quil vous plaira d'en recevoir, et je ne puis me voir sou- lagé d'autre filz que de celluy la. Je vous supplie donq très humblement que la mesme bonté avec laquelle il vous plait de favoriser le filz de vostre bienveuillance, vous mette en considération des nécessités de la viellesse du père, qui, priant Dieu pour vostre santé et prospérité, vous est et sera a jamais, comm'il a tousjours esté et doit estre, Monseigneur, Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  CCLI  A SA SAINTETE CLEMENT VIII POUR LES CATHOLIQUES DE THONON Actions de grâces pour la bienveillance spéciale que leur témoigne le Souverain Pontife. Thonon, octobre 1599. Sanctissime Pater, I Pétri, II, uit. Quod nos oves non ita pridem errantes *, nunc autem ad caulas Christi reversas, tanta sollicitudine ac chari- tate complectatur Sanctitas Tua, sicuti ex litteris aman- tissimorum nostri virorum qui in Urbe versantur, ac prsesertim ex Archiepiscopi Viennensis ad nos adventu  Très Saint Père, Nous donc, jadis hrehis égarées, revenues maintenant à la bergerie du Christ, nous voici l'objet de la sollicitude et de l'affection de Votre Sainteté. C'est par les lettres de nos dévoués amis de Rome, c'est surtout de la bouche de l'Archevêque de Vienne, arrivé parmi  ÉCRITES POUR DIVERSES PERSONNES 407 cognovimus (O, illud ipsum est procul dubio, quod ab iis qui nos per Evangeliiim in Christo gcnuerunt * statim * I Cor., iv, 15. initio audivimus : unum esse nimirum in terris Pastorem maximum, cui sic absolute, sic indistincte suas oves Christus commiserit, ut planum sit « non aliquas desi- g-nasse, sed assiufnasse omnes *, » cuique proinde, prœter * S- Bern., DeCon- ' '=' / J. a _ Sld.,1. 11, C. VIII. ïnstantiain qtiotidianam, solUcitudo sit omnium hc- clesiarum *. * ^^ ^°^' ^'' ^^■ Principatum namque Apostolici sacerdotii et zelum tali congruentem fastigio in Beatitudine ïua agnoscimus, quam propterea Pétri, cujus tenes sedem, vices etiam in eo vel maxime sustinere laetamur, quod ovibus non prae- esse tantum, sed praesertim prodesse velle videamus ; omnibus sane, nobis autem seorsim quam impensissime. Qui ob id, ad pedes Beatitudinis Tuae provoluti, gratias agimus quantas possumus maximas , praecamurque ut ea bénéficia quibus jam nostram hanc provinciam nos- que auctiores facere animo destinavit Apostolico, pergat  nous, que nous en avons reçu l'assurance (0. Nous voyons là, justifié sans aucun doute, l'enseignement recueilli à l'origine, des lèvres de ceux qui nous ont engendrés à Jésus-Christ par l'Evangile : c'est qu'il n'y a sur la terre qu'un Pasteur suprême, auquel le Christ a confié ses brebis, mais si absolument et si indistinctement qu'il est de toute évidence qu'il « ne lui en a pas désigné quelques-unes en particulier, mais qu'il les lui a remises toutes ; » et c'est pourquoi celui-ci, en por- tant le poids de ses préoccupations quotidiennes, doit veiller avec un soin attentif sur toutes les Eglises. Aussi reconnaissons-nous dans Votre Béatitude la primauté du sacerdoce catholique, avec le zèle qui convient à une dignité si au- guste. De Pierre, Elle occupe le siège, mais Elle imite aussi et de très près la conduite, car il est consolant de voir qu'Elle ne veut pas seulement commander aux brebis, mais qu'Elle tient surtout à les assister, toutes sans doute, mais nous autres en particulier, avec un absolu dévouement. C'est pourquoi, prosternés aux pieds de Votre Béatitude, nous lui rendons les plus vives actions de grâces. Qu'Elle daigne continuer, nous l'en supplions, à nous et à toute cette pro- vince, les bienfaits dont votre âme apostolique s'est plu déjà à nous ( I ) Voir ci-dessus, note ( r), p. 24.  4o8 Lettres de saint François de Sales promovere, neve suam clementiam uUo unquam tempore nobis déesse patiatur. Sic enim fiet ut quemadmodum munere, sic immortalibus meritis sit beatissima. Ita Deus immortalis Beatitudinem Tuam quam diutis- sime Ecclesiae suae servet incolumem. Sanctitatis Tuae, Humillimi servi ac devotissimi in Christo filii, Thononenses Incol/E Catholici. Revu sur le texte inséré dans le I*"" Procès de Canonisation.  enrichir. Qu'Elle ne souffre pas que sa bienveillance vienne jamais à nous manquer. Ainsi, non seulement en vertu de votre charge, mais encore par vos immortels mérites, vous aurez droit à la bienheureuse félicité. Dans cette vue, que Dieu immortel daigne conserver le plus long- temps possible à son Eglise les jours de Votre Béatitude ! Nous sommes, de Votre Sainteté, Les serviteurs très humbles et très dévoués fils dans le Christ, Les Habitants catholic^es de Thonon.  MINUTES ECRITES POUR MONSEIGNEUR DE GRANIER  CCLII A MONSEIGNEUR BONAVENTURE SECUSIO PATRIARCHE DE CONSTANTINOPLE, NONCE EXTRAORDINAIRE EN FRANCE (i ) (inédite)  Instances pour obtenir que le Nonce intervienne auprès du roi de France en faveur du Chablais. Septembre 1600. Illustrissimo et Reverendissimo Signore, È fama publica nella diocesi di Geneva che Sua Maestà Christianissima ha concesso con la republica di Berna et Geneva che habbino da pigliar, guardare et possedere li balliaggi di Chablais et Ternier ; il che succedendo si rovinarebbe aiFatto Tessercitio catholico in quelle bande,  Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Le bruit s'est répandu, dans le diocèse de Genève, que Sa Majesté très Chrétienne a conclu avec la république de Berne et de Genève un accord, par lequel elle autorise celle-ci à saisir, garder et posséder les bailliages de Chablais et de Ternier. S'il est vrai, ce serait la ruine totale du culte catholique en cette région ; plus de cent paroisses, (i) Bonaventure Secusio, appelé de Caltagirone du lieu de sa naissance, Général des Mineurs Observants (1593-1600), patriarche de Constantinople (10 mars 1599). Cet habile diplomate, auquel Clément VIII confia plusieurs négociations importantes, avait contribué à la conclusion du traité de Vervins (1598) ; en septembre 1600 il se trouvait, en qualité de Nonce extraordinaire, auprès de Henri IV alors à Grenoble, Saint François de Sales s'y rendit en personne afin de remettre au Nonce la lettre qu'il avait lui-même rédigée pour Ms"" de Granier. Au commencement d'octobre suivant, M^"" Secusio accompagnait à Annecy le roi de France, et continuait à mériter l'éloge que  410 Lettres de saint François de Sales dove sono da cento et più parrochie, parte catholiche an- tiche, et andarebbono tolti quelli popoli dall' obedienza délia santa Chiesa. Dal che nascerebbe grandissimo scandalo apresso tutti li buoni et grandissimo disgusto alla Santità del Papa, la quale ha tanta sollecitudine di quelli balliaggi, che ad utile loro particolare vi mantiene apresso délia Caméra Apostolica una missione di Gie- • Vide supra, p. 24, suiti, et vi mandô è già un pezzo il Signor Gribaldo *, che fu già Arcivescovo di Vienna, per vedere se vi fosse commodità d' erigere Università di studi ; il quale Arci- vescovo vi è ancora per provedere ail' essecutione di detto dissegno. Et per quella provincia si è eretta in Roma una particolare Congregatione di Prelati, chiamata délia Promotione délia fede, délia quale il Signor Cardinal Aldobrandino è Prefetto, et si è destinato il Signor Car- * Vide supra, Epist. dinal Baronio per Protettore di essa *. Onde si supplica V. S. 111™' et R"' che si degni trat- tarne colla Maestà del Re Christianissimo, acciô si degni  pour une partie anciennement catholiques, se verraient ainsi sous- traites à l'obéissance de la sainte Eglise. Il en résulterait un grand scandale pour tous les bons et une grande douleur pour le Pape. Sa Sainteté entoure d'une telle sollicitude ces bailliages que pour leur utilité Elle entretient une mission de Pères Jésuites sur les revenus de la Chambre Apostolique. Depuis longtemps Elle y a député M^"" Gri- baldi, ancien Archevêque de Vienne, pour examiner s'il serait possible d'y établir une Université ; ledit Archevêque s'y trouve encore, afin de pourvoir à l'exécution de ce dessein. De plus, une Congrégation spéciale de Prélats, appelée de la Promotion de la foi, a été érigée à Rome en faveur de cette province ; M. le Cardinal Aldobrandino en est Préfet, et M. le Cardinal Baronius en a été nommé Protecteur. C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurie Illustrissime et Révé- rendissime de vouloir bien traiter des affaires du Chablais avec Sa Majesté le roi très chrétien, afm qu'il daigne faire à ces peuples la Henri IV lui avait donné par ces paroles : C'est un « très habile homme et qui n'est apprentif au mestier qu'il faict. » Le Prélat diplomate devint successive- ment évêque de Patti en Sicile (1601), puis archevêque de Messine (i6os), d'où il fut transféré à l'archevêché de Catane. C'est dans cette dernière ville qu'il mourut (29 mars 1618), à Tàge de cinquante ans. (Note du i?. P. Edouard d'A lençon, Capucin.)  ÉCRITES POUR M-'' DE GrANIER 41I far gratia a quelli popoH di non darli nelle mani di quelle republiche heretiche ; o se in ogni modo li vuol dare, li dia con questa conditione, che per conto délia religione non vi sia fatta innovatione veruna, ma siano lasciati nel stato nel quale si ritrovano adesso Air III"^'' et R'"° Sig""® et Patron mio osservandissimo, Il Sig""^ Nuntio Apostolico apresso il Re Christianissimo. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.  grâce de ne pas les livrer entre les mains de ces républiques héréti- ques ; ou, si absolument il veut les livrer, que ce soit du moins sous cette réserve, que nulle innovation ne sera faite en ce qui concerne la religion, mais que toutes choses seront maintenues dans l'état où elles se trouvent maintenant  CCLIII AU CARDINAL FRANÇOIS DE JOYEUSE ( Les Bernois prétendent s'emparer des bailliages de Thonon et de Ternier. — Coup-d'œil rétrospectif sur l'apostasie et sur la conversion de ces provinces, — Demande de la protection du Cardinal auprès du roi de France. [Septembre-octobre 1600.] Monseigneur, Me sentant chargé du soin du plus (a) important evesché de tout ce voysinage, ce m'a esté une incroyable conso- lation d'avoir sceu que vous esties auprès de Sa Majesté,  ( a ) du plus — raffligé etj (i) François, fils de Guillaume vicomte de Joyeuse et de Marie de Batarnay, recommandable plus encore par son mérite personnel que par l'illustration de sa naissance, se montrait digne du titre de « colomne du tressaint Siège Apos- tolique » que lui donnait saint François de Sales. Archevêque de Narbonne à vingt ans (1582), cardinal à vingt et un (12 décembre 1583), archevêque de Toulouse à vingt-deux, il contribua beaucoup à la réconciliation de Henri IV  412 Lettres de saint François de Sales car je ne doutois pas qu'une sayson si pleyne de diffi- cultés ne fit naistre (^) beaucoup d'occasions esquelles ceste pauvre et tant affligée Eglise que Dieu m'a confiée auroit extrême nécessité d'ayde et d'appuy ; et ne pouvois d'ailleurs souhaitter un appuy et asseurance plus ferme et solide que d'une telle colomne du tressaint Siège Apos- tolique que vous estes, i^) Je lotie donq Dieu qui nous a establi pardeça ceste i^) pierre de refuge"^; et, pour em- ployer ceste faveur, je vous supplie, Monseigneur, d'avoir aggreable que je luy reprsesente une des plus importantes nécessités de ceste Eglise. J'entens un gros bruit qui porté que les Bernois (e) taschent par toutes voyes d'avoir congé de Sa Majesté de se saysir des balliages de Thounon {sic) et Ternier, qui sont de mon diocaese ; je me sens obligé en ma conscience de vous repraesenter la dommageable consé- quence qui s'ensuivroit d'une telle saysie. Il y a environ soixante et cinq ans que les Bernois se saysirent de ces mesmes balliages et de celluy de Gex, et ne les eurent pas plus tost, qu'a vive force ilz y plantèrent l'haeresie, delaquelle ces pauvres âmes demeurèrent empestées, jus- ques a ce qu'appres, par la grâce de Dieu, y avoir fait  (b) pas — qu'en une sayson si pleyne de difficultés il ne m'arrivast (c) que vous estes. — fSi que Tescarlatte sacrée dont vous estes revestu ne me permet pas de paslir parmi les craintes ausquelles ma vocation m'oblige. J (d) Dieu — fde vostre si nécessaire venue en ces contrées... J qui a prasparé pardeça une telle (e) TLe bruit court icy...J J'entens un gros bruit [en ces quartiersj qui porte que les Bernois Font instamment sollicité auprès de S. M.... persuadent très instamment. ..J  avec l'Eglise Romaine. Dès lors le monarque ne cessa, comme son prédécesseur, de lui donner des preuves de confiance. Il le choisit pour protecteur des affaires de France en Cour de Rome, le nomma en 1604 à l'archevêché de Rouen, et plus tard le chargea de négocier la paix entre le Saint-Siège et la république de Venise (1607). C'est le Cardinal de Joyeuse qui sacra à Reims le roi Louis XIII (17 octobre 1610), lui qui présida au nom du clergé les Etats Géné- raux de 1614. Entouré de l'estime universelle, il mourut à Avignon le 27 août 1615, après avoir fait un grand nombre de fondations pieuses. Il établit entre autres un Séminaire à Rouen, une maison d'Oratoriens à Dieppe, et une autre de Jésuites à Pontoise ; c'est à l'église de ce dernier établissement qu'il légua son cœur.  RCRITES POUR M-'' DR GraNIER 413 prescher la foy catholique trois années continuellement, en fin, des trois années en ça, ces peuples pour la plus part (qui revient a quatorse ou quinze militâmes) ont esté ramenés au giron de l'Eglise, sous l'expresse et formelle authorité du Saint Siège Apostolique. De laquelle réduc- tion. Monseigneur le Cardinal de Medicis, pour Ihors Légat a laterCy a esté non seulement tesmoin, mais fut encor luy mesme instrument, en ayant conféré l'absolu- tion a un très grand nombre des convertis. Dequoy ayant fait récit a Sa Sainteté, elle m'envoya un Brief apostoli- que (0 affin que je reprinse les revenus ecclésiastiques de ces balliages et, par tout ou il me sembleroit, je restablisse les églises, y constituant absolument des curés, pasteurs et praedicateurs. Ce que j'estois sur le point de faire 1^), et cependant avois des-ja, des le passage de mondit Sei- gneur Légat, establi par tout des pasteurs par provision. Despuys, Sa Sainteté y avoit envoyé et entretenu (g) a ses propres despens une mission de Religieux Jésuites pour avancer tous-jours tant plus ceste sainte œuvre, qu'elle jugeoit si digne d'estre favorisée (^) qu'elle avoit mesme dressé dés quelques moys en ça une Congrégation a Romme pour cest effect, delaquelle Monseigneur le Cardinal Aldobrandino, son neveu, estoit le chef, et avoit fait protecteur particulier de l'œuvre Monseigneur le Cardinal Baronio, avec dessein d'3^ dresser une Univer- sité. Si que il sembloit que Dieu (0 voulut particulière- ment esclairer de son œil de miséricorde ceste province, après tant de ténèbres (j) lesquelles ravo3^ent obscurcie si long tems. Or, Monseigneur, puysque la providence de Dieu, sans laquelle rien ne se fait icy bas, ouvre aux armes du Roy  (f) de faire — fce moys d'aoust passé quc.J (g) Sa Sainteté — avoit fdestinéj et entretenu fde faitj [\\) favorisée — fde tant d'assistencej (i) que Dieu — fet le S' Siège.. .J {]) de ténèbres — pqui y avoyent duré si long.,.J  ( I ) Ce Bref est datj du 24 mars 1599.  4Î4 Lettres de saint François de Sales le passage et chemin W a ces balliages, il me semble que je vous dois supplier très humblement et par les entrailles de Jésus Christ, comme je fais, de prendre en singulière protection auprès de Sa Majesté la conservation de ces saintes (1) nouvelles plantes, lesquelles sont autant plus chères a TEglise leur mère, a ceux qui les ont plantées et a Sa Sainteté, qui les a arrousees de tant de bien- faitz, qu'elles sont encor tendres et exposées a beaucoup de vens. Entre lesquelz, le plus aspre et dangereux (™) pour elles, pour tous les bons, qui leur peut arriver, seroit celuy duquel il court des-ja certain bruit, venant, a Tad- venture, de ceux qui sont ennemis de leur conscience, (") ennemis de toute TEglise tressainte, pour le service delaquelle je supplie le grand Père de famille de vous conserver longuement, et faire vivre saintement en toute prospérité, selon la volonté de Celuy qui m'en donne une d'estre éternellement Vostre très humble et très obéissant serviteur. (o) A Monseig^ Monseigr l'Illustrissime et R'"^ Monseig"" le Cardinal de Joieuse. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.  [k) et chemin — [s\ ayséj ( 1 ) de — ria s"= foy enj ces (m) Entre lesquels — fil en court un,J le plus aspre et dangereux pqui leur peut arriver, et le plus lamentable, a mon advis...J (n) [La fin de cette minute manque dans l'Autographe ; elle est donnée d'après l'édition de 1641, moins toutefois la signature F. E. de Genève. Cette si gnature est évidemment ajoutée à tort ; car la lettre, qui traite d'événements arrivés à la fin de 1600, est écrite au nom de M^"" de Granier.] (o) [L'adresse n'est pas de la main du Saint.]  ÉCRITES POUR M-' DE GrANIER 415 CCLIV A M. NICOLAS DE SANCY (0 Encore les affaires du Chablais. — Remerciements pour l'assurance donnée relativement au maintien de la religion catholique dans cette province. — Il n'est pas possible d'accorder au baron du Villars les bénéfices ecclésias- tiques qu'il sollicite pour sou fils. Annecy, 6 novembre 1600. Monsieur, Je viens de recevoir la lettre que vous m'escrivistes a Genève le xilir d'octobre, laquelle, quoy que tard, m'est arrivée fort a souhait pour avoir veu au fin commence- ment d'icelle que le Roy vous depeschant de delà pour son service, vous commanda de tenir main de tout vostre pouvoir a ce que l'exercice de la religion fut maintenu en son intégrité, selon l'ordre et acheminement que j'y avois ci devant donné. Dequoy je me suis d'autant plus res-joiiy en Jésus Christ que tout a l'heure j'avois eu advis comme asseuré que l'exercice de l'heresie se devoit res- tablir a Thonon sous vostre permission ; ce que toutefois je ne voulois ni pouvois me persuader, tant pour la ferme créance que j'ay en la franchise avec laquelle vous che- mines au service de Dieu, qu'aussi pour les saintes in- tentions que Sa Majesté très Chrestienne a touchant ce point, comm'elle me declaira ouvertement estant en ceste ville (2) ; sans l'asseurance desquelles j'eusse imploré le crédit que nostre Saint Père a en son endroit, ainsi que je dois et que Sa Sainteté m'a commandé de faire a toutes les occasions qui se pra^senteront pour le bien de ces nouvelles plantes qui luy sont si chères. Vous m'aves donques infiniment obligé par ceste nouvelle asseurance que vous me faites que tout demeurera en son intégrité, ( I ) Voir ci-dessus, note ( i ), p. 53. (2) Henri IV séjourna à Annecy du 5 au 9 octobre 1600.  4i6 Lettres de saint François de Sales sans altération d'aucun nouveau meslange ; dont je vous remercie bien humblement. Et touchant la provision de la cure de Saint Mathieu et doyenné de VuUionnex, que vous desiries de moy en faveur du filz de monsieur le baron du Villars (O, je vous prie, Monsieur, de faire considération de Testât auquel je suis touchant les bénéfices de ces balliages. Sa Sainteté sachant fort distinctement la disposition de ces pauvres * Vide supra, p. 413, peuples, me depescha un Brief exprès et bien ample * par lequel elle me charge de desunir tous les bénéfices, tant curés qu'autres, des balliages de Thonon et Ternier, lesquelz jusques a Theure avo3^ent estes unis a la Milice de Saint Lazare. Et outre ce, de prendre sur tous autres bénéfices desdits balliages, de quelle qualité qu'ilz fus- sent, et sur tous biens dependantz de l'Eglise, ce qui seroit nécessaire pour les portions des curés et praedicateurs, en cas que les bénéfices de Saint Lazare ne fussent suflB.sans, avec tout pouvoir d'unir les parroisses ensemble ou les diviser selon que je jugerois a propos. Or, Monsieur, j'estois sur le point de voir la dernière exécution de ceste volonté du Saint Siège quand ces troubles de guerre survindrent, et, en considération de la ruine de beaucoup d'églises et du peu de revenu des autres, j'avois presque par tout uni plusieurs parroisses en une, selon les distances et autres circonstances des lieux, et entr'autres j'avois joint les cures de VuUionnex, Confignon et Bernex, tant pour la commodité des revenuz que par ce que l'église de VuUionnex est en masures ; et du tout j'ay envoyé au Saint Siège distincte et vraye instruction. Si que je suis obligé a suyvre ce qu'une fois pour tout j'en ay ordonné après meure délibération, puis- que l'advis en est allé jusques aux mains des supérieurs, et que d'ailleurs malaysement se pourroit il mieux faire. Mays sur tout, après que j'auray levé du doyenné de Vul- lionnex la portion nécessaire pour le curé de Bernex en supplément de ce qui manquera d'ailleurs, je n'en puis ( I ) Peut-être François de Boyvia, le seul des fils du baron du Villars qui nous soit connu. Un Maximin Boyvin fut institué curé de Saiut-Girod le 9 mars 1607 ; mais nous n'avons pas de preuve qu'il fût frère du précédent.  ÉCRITES POUR M°'" DE GrANIER 4^^^ aucunement disposer au prapjudice du tiers qui s'est tous- jours maintenu en possession avec provision de Romme. Qui me fait vous supplier, Monsieur, de prendre en bonne part si je ne rapporte au contentement de monsieur du Villars ce que vous desiries, puys quil tient au pouvoir que je n'ay plus et non a l'affection, laquelle j'y ay très en- tière, quand ce ne seroit que pour Ihonneur que je porteray tous-jours a tout ce qu'il vous plaira me recommander. Ce qu'attendant de tesmoigner par effect quand il plaira a sa divine Bonté m'en donner le pouvoir, je la prieray vous donner, Monsieur, longue et heureuse vie en la béné- diction de sa sainte grâce. (0 Vostre bien humble et affectionné serviteur. D'Annessi, ce 6 de novembre 1600. A Monsieur Monsieur de Sancy, Conseiller d'Estat, Colonnel des Suisses, Capitaine de cinquante hommes d'armes et commandant au duché de Chablaix et balliage de Ternier pour Sa Majesté. Revu sur l'Autographe conservé au presbytère de Bernex (canton de Genève). (i) La clausule n'est pas de la main du Saint.  CCLV AU BARON FRANÇOIS DU VILLARS (0 Raisons qui ne permettent pas de donner au fils de ce seigneur la cure et le doyenné de Vuillonnex. Annecy, 6 novembre 1600. Monsieur, J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de désir d aggreer a tous vos semblables, et a vous particulière- ment des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de (i) François de Boyvin, baron du Villars-sous-Salève, maître d'hôtel de la reine Louise de Lorraine, veuve de Henri III, gentilhomme ordinaire de la Lettres II ^7  4i8 Lettres de saint François de Sales vostre conversation, au tems que vous me remettes en mémoire par vostre lettre ; qui me rend autant plus de regret me voyant les mains liées et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recom- mande si affectionnement, puis que quant a la cure je suis engagé dans Tordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siège Apostolique, par lequel eU'est unie avec celles de Bernex et de Confignon. Et quant au doyenné, je ne sçaurois rompre la provision de Romme faitte pour monsieur d'Angeville (0, ni faire chose quelcomque a son prsejudice sans Touir juridiquement avec connois- sance de cause. Je me prometz tant de vostre vertu, que je luy propose la rayson ainsi simplement, estimant qu'elle la recevra de bon cœur. Faittes moy donq ce bien. Monsieur, et croyes, je vous prie, qu'en toutes occasions ou j'auray le pouvoir esgal a la volonté vous me rencontreres tous- jours prompt et prest pour le contentement de vos désirs; de quoy je prie Dieu me mettre bien tost en main les occasions et vous donner, Monsieur, heureuse et longue vie en sa grâce et protection. (2) Vostre très affectionné serviteur. A Monsieur Monsieur le baron du Vilars. Revu sur TAutographe conservé au presbytère de Bernex (canton de Genève). chambre du roi, conseiller d'Etat. Nommé bailli de Gex par patentes du 16 janvier 1601, il remplissait encore cette charge en 1618. On lui doit d'im- portants Mémoires sur les guerres du Piémont (15 59-1 569), et plusieurs autres ouvrages. (i) Voir le tome précédent, note ( i ), p. 152. (2) La clausule et Tadresse de cette lettre ne sont pas de la main du Saint, non plus que l'adresse de la lettre suivante.  ÉCRITES POUR M^'' DR GrANIF.R 419  CCLVI A M. NICOLAS DE SANCY Violences exercées contre les Catholiques en l'absence de M. de Sancy. — Recours à l'autorité de celui-ci pour obtenir la répression définitive des protestants. Annecy, [janvier^ 1601. Monsieur, Soudain que je me suis apperceu de vostre retour es balliages desquelz vous aves le gouvernement, je me suis délibéré de vous faire les plaintes lesquelles pendant vostre absence j'ay esté contraint addresser ailleurs. Les huguenotz, sachans bien quilz n'oseroyent en vostre prœ- sence user de la violence quilz ont accoustumé d'employer a Tadvancement de leur hceresie, ne vous eurent pas si tost perdu de vëue qu'ilz font sortir de Genève des mi- nistres et autres telles gens, non seulement pour prêcher publiquement, mais aussi pour honnir et profaner nos églises, renverser nos autelz et desrobber les cloches et autres meubles sacrés, comm'ilz ont fait a Veyri, Saint Julien et en deux lieux de Chablais, injurians et mena- çans les personnes (0. Au mo^'en dequoy, ayans contrains quelques uns des pasteurs catholiques d'absenter, sur tout en Ternier, ilz veulent maintenant usurper leurs places*. 'Cf.Epist.cxxxv: Or, iMonsieur, je sçai ce que Sa JMajesté en a résolu (a), car elle m'en a donné sa parole qui doit servir de mille asseurances. Je sçai ce que vous m'en aves escrit, en quoy  (a) en a résolu — fcomme très Chrestienne qu'ell'estj  (i) MM. de Sancy et de Montglat (voir ci-dessus, note ( i ), p. 58) avaient pris possession du fort des Allinges, au nom du roi de France (18 décem- bre 1600), avec promesse de maintenir la religion catholique, rétablie depuis peu dans le Chablais. Presque aussitôt M. de Sancy dut s'éloigner (le 22 dé- cembre il se trouvait à Nantua}. Sûrs de la tolérance de M. de Montglat leur coreligionnaire, les hérétiques mandèrent aux Allinges le ministre Jacquemot, qui prêcha publiquement la veille de Noël, et des déprédations de tous genres furent commises par eux dans diverses localités.  42Ô Lettres dé saint François de Sale^ je prens toute confiance. Il reste, Monsieur, qu'estant maintenant sur les lieux, vous faciès prendre une finale resolution ausditz huguenotz et ministres de ne plus nous troubler ni attaquer l'Eglise, soit en ses personnes ou en ses choses. Je vous en supplie et conjure par Ihonneur et fidélité que vous deves a Jesuschrist, et encor de me donner advis s'il sera besoin que je recoure derechef pour cest effect au Roy, de la bonté et parole duquel je me prometz toute justice, mesmement estant appuyé sur le crédit de Sa Sainteté que j'imploreray, résolu que je suis de ne m'espargner en rien pour la bergerie qui m'a esté confiée. Je me tiens asseuré de vostre faveur en ceste occasion, laquelle attendant je prie Dieu quil vous doint, Mon- sieur, le comble de ses grâces et bénédictions. A Mons'' de Sancy. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  CCLVII A SA SAINTETÉ CLÉMENT VIII (inédite) Les Jésuites en Chablais : toute la province bénéficie de leur apostolat.— Avec le concours de quelques auxiliaires, ils ont évangélisé le bailliage de Gail- lard. — Un collège de la Compagnie de Jésus à Thonon serait une puissante citadelle opposée à Thérésie. — Reste la conversion plus difficile du pays de Gex. — Il faudra y employer les mêmes Religieux, secondés par une élite de missionnaires séculiers. Viile-en-Sallaz, mi-juillet 1601. Beatissime Pater, Etsi rem Christianam qu.se in hac provincia fœlicissime promovebatur bellorum nuper grassantium sevitia non  Très Saint Père, La cause chrétienne faisait dans cette province de consolants progrès, lorsque les guerres récentes lui occasionnèrent par leur  ÉCRITES POUR M-'' Dk GrANIKR 421 mediocriter turbaverit, tamen i^) quamprimum, Beatitu- dinis Vestrae Apostolicis auspiciis, tôt malorum hiems et imber abiit et reccssit, vinea hœc longe suavius de- dit odorem suuni, ficusque uberiores protulit grossos Sîios *. Sunt enim in oppido Tononiensi sex e Societate 'C;int.,ii, n, 13. Jesu Religiosorum (0, qui populum concionibus docent, excipiendis confessionibus instant, et pueros, cum litte- rarum primordiis tum fidei rudimentis, ingenti totius provinciae bono et laetitia instituant. Ex iis duo, ipso Pentecostes sacro die, adjunclis aliquot ex secularibus sacerdotibus qui jamdudum in agro Tononiensi operi evangelico incubuerant, in loca Genevse viciniora (quae omnia balliagii de Gagliard nomine veniunt), non minus opportune quam fœlici ausu irruptionem fecerunt, tanta  violence de sérieuses entraves ; soudain Votre Béatitude Apostolique nous ménagea son intervention, et aussitôt, comme par enchante- ment, Vhiver et les pluies, cause de tant de désastres, s'enfuirent et prirent fin ; cette vigne répandit son parfum, mais il était bien plus doux; le figuier poussa ses premières figues, mais elles étaient beaucoup plus belles. La cité de Thonon possède en effet six Religieux de la Compagnie dejésus (0. Ils instruisent le peuple par leurs prédications, s'adonnent au ministère des confessions, et forment les enfants aux éléments des belles-lettres aussi bien qu'aux principes de la foi. C'est là un bienfait immense pour toute la province ; c'est pour elle un grand sujet de consolation. Deux d'entre eux, le jour même de la solennité de la Pentecôte, prirent quelques aides parmi les prêtres séculiers qui depuis longtemps se sont voués dans le champ des âmes de Thonon aux labeurs évangéliques, puis, ensemble, ils en- trèrent soudainement dans les localités les plus voisines de Genève, comprises sous le nom de bailliage de Gaillard. C'était un coup d'au- dace dont le succès égala l'à-propos, car il y eut du côté de Dieu très (a) tamen — f-.-ea pax quœ, postea ejus a Deo per sumiuaiu Sedis Apostolicae solicitudinem processit, operis tarditatem longe l^etiore successu compensavit. Quamprimum namque hiems... tôt malorum hiems iransiit et imber recessit, et S'""s Sabaudiie Dux suam ditionem a Geuevei.sibus...J  ( I ) Ces six Jésuites étaient les PP. Antoine Colombat, Gérard Portail, Grégoire Guyard, Claude Nicolas, Gabriel Félix, et le Frère coadjuteur Matthieu Salan.'  422  Lettres de saint François de Sales  * Cf. supra, pp. 6j\, 65.  * Tit., III, 4.  Matt., IX, ult.  Dei optimi maximi voluntate et animorum contentione ut quinque hebdomadarum spatio plus quam quingenti utriusque sexus hominibus ex haeresis horrendo baratro sint erepti et in album Catholicorum restituti *. Pro quibus sane successibus, tibi in primis, secundum Deum, gratias quantas possum maximas agere debeo, Pater Beatissime ; quandoquidem non tua tantum cura, quse semper erga hanc diœcesim magna fuit, sed etiam tua liberalitate et Apostolica charitate tuisque impensis manipulum illum Societatis Jesu, [quem] Missionem ap- pellant, habemus, illiusque opère biennio integro fruimur et gaudemus. Verum quia in dies, quae Salvatoris est benignitas'^, messis hsec fit latior (b), nec plures ex illo Jesuitarum manipule, vinea Tononiensi avocari possunt quin grave sentiat damnum, Beatitudinem Vestram, quae Domini messis vices in terris gerit, enixe rogo ut rursum initiât operarios in inessem *. Et quidem, si quo modo fieri queat, nihil utilius huic provincise contingere potest  bon, très grand, une si particulière assistance, et parmi les âmes, un tel élan, qu'en l'espace de cinq semaines, plus de cinq cents personnes des deux sexes furent arrachées à l'horrible gouffre de l'hérésie, et leurs noms rétablis sur les registres de la catholicité. Pour toutes ces bonnes fortunes, après Dieu, c'est à vous assuré- ment, Très Saint Père, c'est à vous que reviennent mes très profondes actions de grâces. Ce n'est pas seulement à votre bienveillance, la- quelle a toujours été insigne envers ce diocèse, c'est encore à votre libéralité, à votre charité apostolique, c'est à vos largesses person- nelles que nous devons de posséder parmi nous cette poignée de braves de la Compagnie de Jésus, qu'on appelle « la Mission. » C'est grâce à votre médiation que, depuis deux années entières, nous avons le bonheur de jouir de leurs travaux. Cependant, par la bénignité du Sauveur, le champ de la moisson s'agrandit de jour en jour; d'autre part, sur cette petite troupe de Jésuites quelques hommes de plus ne peuvent être enlevés à la vigne de Thonon sans qu'elle en reçoive un grave préjudice. Je supplie donc instamment Votre Béatitude, qui remplace sur terre le Maître de la moisson, d'envoyer de nouveaux ouvriers an champ de la récolte; car le plus grand service qu'on puisse  (b) est bent'gnitas, — in hanc messem quam latissimus patet aditus  ÉCRITHS POUR M'"" DK GrANIER 425 quam si collegium Societatis Jesu in oppido ipso Tono- niensi construatur et erigatur ; ex eo namque, non modo nunc aliquot Religiosi in omnes liujus diocaGsis partes excurrere possent, sed etiam deinceps plerique et sacer- dotes et juvenes veluti ex îSeminario prodirent, qui circum circa per vicos et oppida Kvangelium inferrent ; atque ita validam haberemus (<^) arcem ex qua veluti ex oppo- sito contra Genevensis et Lausanensis collegiorum insa- nos impetus dimicaremus. Est enim oppidum ïononiense inter utramque i^) civitatem situm, ut si qui sit in eo ambidexter miles, utramque possit impetere. At vero, quia ut collegium hujusmodi erigatur, nec tam cito, nec tam facile fieri, forsitan fieri potest, et se- getesjam stint albcv ad messem*, intérim dum majora * Joan., iv, 35. Sanctitas Vestra moliatur (^), satis huic operi fieri posset ut in duplicatum campum duplicatum deinceps mittat operariorum numerum, et Missionem hanc ad Apostoli- cum duodenarium numerum conférât. Quod quam e re  rendre à cette province, ce serait, si la chose est possible, de construire et d'ériger à Thonon même un collège de la Compagnie de Jésus. Dès maintenant il fournirait quelques Religieux qui s'occuperaient à par- courir tous les quartiers du diocèse. Dans la suite, la maison serait comme un Séminaire, d'où bon nombre de prêtres et de jeunes gens se répandraient de ci de là, à travers les bourgades et les villes pour y implanter l'Evangile. Nous aurions ainsi une puissante citadelle, d'où prenant l'offensive contre les communautés de Genève et de Lau- sanne, nous pourrions soutenir leurs furieuses attaques. Notre ville de Thonon est en effet placée de telle sorte entre ces deux dernières, qu'un soldat, s'il pouvait combattre des deux mains, pourrait les attaquer toutes deux en même temps. Toutefois, la fondation d'un collège de ce genre ne serait peut-être pas si prompte ni si facile à faire ; et pourtant les champs blanchissent déjà pour la moisson. Aussi, tandis que Votre Sainteté prépare de plus grands projets, il suffirait, en attendant, que dans ces deux chantiers Elle doublât les ouvriers, ce qui porterait la Mission au (c) haberemus — ppropugnaculumj (d) utramque — ppaludemj (e) moliatur — f-per Christum illam quam humilliiue obtestor...J  25  424 Lettres de saint François de Sales hac Christiana futurum sit, (f) ex eo satis manifestum est quod non modo parta tueri, sed pedetentim perdita quae- rere neque jam qusesitas arces tantum propugnare, sed quserendas expugnare hoc tempore debemus. Nam prse- ter (g) balliaggia Tononiense, Ternense et Gagliardense, quae jam plurimo labore parta tueri sane sit aequissimum, superest balliagium Gaianum, quod ut est valde latum, ita difficillimae est expugnationis ; est enim inter Bernen- sium et Genevensium ditiones situm, veluti inter letiferas paludes, quarum pestilentibus aquis ita alluitur ut vix sanari posse videatur, nisi prius injecto in aquas ipsas Cf. Exod.,xv, 23- salutifero Crucis ligno *. Et nihilominus Francorum Rex cui ea pars hujus diaecœsis cum reliqua quae ultra Roda- num est ex pacis conditionibus obtigit, Catholicae fidei ritus ibi restitui omnino quantum audio decrevit ea ta- men lege (Intérim [ut] appellant) ut haeresi quoque suus supersit locus (h). Qua sane unicuique maie sentiendi  nombre apostolique de douze. L'avantage qui en résulterait pour la cause chrétienne est assez évident. Non seulement, en effet, nous devons en ce moment garder les positions acquises, mais chercher à regagner pied à pied le terrain perdu ; non seulement défendre les citadelles conquises, mais tâcher d'en enlever de nouvelles. Pour conquérir les bailliages de Thonon, de Ternier et de Gaillard il a fallu des labeurs extraordinaires ; c'est donc un devoir strict de les défen- dre. Mais il en reste un autre, celui de Gex, lequel, à cause de sa grande étendue, sera d'une conquête très difficile. Situé entre les gouvernements de Berne et de Genève, comme entre deux marais pestilentiels, il s'abreuve à leurs eaux empoisonnées. Aussi semble- t-il presque impossible de l'assainir, si tout d'abord on ne jette dans les eaux elles-mêmes le bois salutaire de la Croix. Cette portion de mon diocèse, avec ce qu'il en reste au delà du Rhône, est échue au roi de France, en vertu du traité de paix. Il y a ordonné l'entier réta- blissement du culte catholique, je l'entends dire du moins, mais sous la réserve (l'Intérim, comme on l'appelle,) qui tolère une place à l'héré- sie. C'est, au fond, la liberté laissée à chacun de mal penser et d'agir (f ) futurum sit, — Pnon facile est dictu nisi qui cognoverit...J (g) prœter — fagros Tononienses...J (h) Idcus, — rQuare sane conscientiae libertate, ut appellant.. J  ÉCRITES POUR M-"" DE GrANIER 425 faciendive libertate concessa, miram in modum crescit Evangelii promulgandi difficultas, cui ferendse viribus opus est et viris egregie cordatis. Ouare si aliquot mihi e Societate Jesu suppetant homines docti, ut esse soient, quibus adjungam Ecclesiae hujus mea3 Prœpositum ac item nonnullos alios ex canonicis aliisque sacerdotibus quos ad id aptiores existimaverim, operae prœtium etiam in tanta difficultate spero sane te facturum, Pater Beatissime, te, inquam, quem mihi authoritate Apostolica, generali ve- luti concursu, cooperantem agnosco. Ita etiam, ne libera- litate et ope destitui patiaris ïuam Beatitudinem precor quam humillime et obtestor in Christo Domino, quem canis et votis tuis sanctissimis propitium totis visceribus exopto. Pedes Apostolicos osculor. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes.  de même ; voilà ce qui multiplie étrangement les difficultés de pro- pager l'Evangile. Pour y faire face, il faut des trésors d'énergie et des âmes intrépides. Si j'avais sous la main quelques hommes de la Compagnie de Jésus, instruits comme ils le sont d'ordinaire, je leur adjoindrais le Prévôt de mon Eglise, et aussi quelques chanoines et autres ecclésiastiques qui me sembleront le plus capables pour ce ministère. Je me plais à espérer, Très Saint Père, que, malgré de si délicates difficultés, l'importance de l'entreprise sera de vous juste- ment appréciée, de vous, dis-je, dont l'autorité apostolique collabore en quelque sorte à mon œuvre par une providence générale. En re- connaissant ce précieux concours, j'ose aussi prier très humblement Votre Béatitude de ne pas nous priver de ses libéralités et de son assistance ; je l'en conjure dans le Christ Notre-Seigneur, à qui je demande, du fond de mon âme, d'être propice à votre vieillesse et à vos très saints désirs. Je baise vos pieds apostoliques.  426 Lettres de saint François de Sales CCLVIII AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL 1^^ (inédite) Plaintes contre les syndics de Thonon qui refusent de remettre aux Jésuites le prieuré de Saint-Hippolyte ; combien il est urgent d'obtenir cette cession. Ville-en-Sallaz, 30 juillet 1601. Monseigneur, Ce pendant que par Theureuse reprise que Vostre Al- tesse fait de la possession de son balliage de Galliard, l'Eglise va regaignant (^) sous son authorité les âmes les- quelles (b) y estoyent perdues par Theresie, Tennemi sousleve des secrettes embusches aux desseins qui furent si saintement faitz a Thonon. Vostre Altesse, qui jugea bien que pour restablir la foy catholique en ce balliage un collège de Jésuites en devoit estre l'un des fondemens, avoyt commandé aux scindiques de Thonon de vuider leurs mains du prieuré qui est en ladite ville i^\ et le re- mettre aux Pères Jésuites pour le commencement dudit collège, avec intention néanmoins de rembourser ladite ville de Targent qu'elle avoit délivré a l'achapt de ce bé- néfice, par de bonnes (d) assignations qu'elle leur avoyt *Cf. supra, pp. 25, accordées *. A quoy personne n'avoit apporté de la diffi- ^^' culte pendant que les scindiques y ont esté catholiques ;  ( a) [Les variantes qui suivent sont tirées d'une première minute autographe conservée à la Visitation de Rennes.] r Eglise — regaigne (b) qui (c) Vostre Altesse, — laquelle avoit bien jugé que pour bien establir la religion en ce balliage un collège de Pères Jésuites estoit extrêmement requis, avoyt, selon son zèle, commandé a ceux de la ville de Thonon de vuider leurs mains du prieuré qui y est {à.) de rembourser — la ville de l'argent délivré pour l'achapt dudit prieuré, par des légitimes  ÉCRITES POUR M*^' DR GrANIER 427 mais des l'année passée, que la guerre ouvrit la porte a ceste poignée d'heretiques qui y est pour faire entrer ceux de leur secte au scindicat et maniement de la ville, les ditz Pères Jésuites y ont receu plusieurs empechemens, et sur tout n'agueres que i^) lesditz scindiques se sont opposés a leur i^) jouissance, sous prsetexte que les assi- gnations n'ont pas eu efFect ; ce que la guerre a causé. Si que, par ces menées, le dessein du collège est presque anéanti ; dont les Pères Jésuites se fussent retirés (g), silz n'eussent esté retenuz par les offices que ceux aus- quelz ilz ont de l'amitié y ont apporté (^0. C'est cela, Monseigneur, qui me fait importuner Vostre Altesse pour la supplier humblement, comme je fais, d'apporter a ce des-ordre le remède qu'elle connoistra bien y estre propre ; et je prieray tous-jours Dieu pour sa longue et (0 heureuse santé, demeurant, Monseigneur, (j ^ De Ville en Sala, près de Genève, le 30 juUiet 1601. Revu sur le texte inséré dans le P"" Procès de Canonisation.  (e) que la guerre — bailla le cœur a ceste poignée d'heretiques, laquelle y est de reste, de faire des scindiques de leur ligue, les Pères Jésuites y ont receu plusieurs empechemens, et particulièrement maintenant que, par escrit, (f)la (g) ri ont pas — couru a leur prouffit depuis le recommencement de la guerre; [ce qui n'a pu estre fait...J Ce qui a réduit le dessein du collège presque a néant, et eut esté cause de la retraitte des Jésuites qui y sont (h) fait { i ) Vostre Altesse — de ce mot de requeste, par laquelle je la supplie d'ap- porter le remède qu'elle sçaura bien reconnoistre propre a ce des-ordre; et je supplieray Dieu, comme je fais tous-jours, pour son (j ) [La minute de Rennes n'est pas datée,]  428 Lettres de saint François de Sales ceux AU ROI DE FRANCE HENRI lY (inédite) Espoir que la conversion du pays de Gex sera facilitée par la réunion de ce territoire à la France. — Recours à la protection de Sa Majesté. Ville-en-Sallaz, 5 août 1601. Sire, Je loue Dieu de la réception que Vostre Majesté a faitte de son païs de Gex, qui est dépendant de mon diocèse, * Vide supra, p. 71, par la fidélité que les habitans d'iceluy luy ont jurée*, ^'' croyant que leur réduction a son obéissance serviroit de porte a la réduction de leurs âmes en TEglise Catholique. Dequoy, bien que je ne doute nullement, si est ce que sur ce poinct je me sens redevable de supplier très hum- blement Vostre Majesté qu'en suite de V Intérim publié par tout le royaume, il luy plaise donner libre et favo- rable accès a l'exercice catholique en ce petit coin de Gex, lequel meshuy dépend de ce grand théâtre auquel Vostre Majesté fait si heureusement les actions royales, et, qu'en exécution, les biens ecclésiastiques jadis destinés a ce service, soyent restablis a ceux qui le feront et aus- quelz ilz appartiennent, avec les temples et églises. La bonté et justice de ceste requeste m'en promet un favorable appoinctement, comme la grandeur du courage de Vostre Majesté m'asseure d'une pleine et soudaine jouis- sance du bien que j'en pretens, qui n'est principalement que la gloire de nostre bon Dieu, l'establissement de la- quelle est l'unique gloire de la très chrestienne couronne qu'il a donnée a Vostre Majesté, et laquelle je le supplie luy vouloir très longuement conserver en toute félicité et pour son service, désirant vivre tous-jours en Thonneur d'estre. Sire, de Vostre Majesté, Très humble et très obeyssant serviteur. De Ville en Sallaz, près de Genève, ce 5 aoust lôoi. Revu sur le texte inséré dans le I*"" Procès de Canonisation,  ÉCRITES fOUR M-'' DE GRANlEk ^2^  CCLX A .MONSEIGNEUR GASPARD SILINGARDO ÉVÊQUE DE MODÈNE, NONCE APOSTOLIQUE EN FRANCE (O Sollicitations pour obtenir l'intervention du Nonce dans les affaires du pays de Gex. Ville-eii-Sallaz, lo août 1601. (2) Illustrissimo et Reverendissimo Signore mio osservandissimo, Essendo il paese di Gex, vicino a Geneva, di questa mia diocaesi, ridutto naovamente alla ubedienza del Re Christianissimo colTaver grhabitatori di esso fatti li giu- ramenti, hommagi et fedeltà da farsi in simil caso, ho mandato espresso al signore Barone di Lux, luoghote- nente di Sua Maestà in detto paese, alla quale ancora ho scritto, acciochè ivi si restituisca V essercitio délia santa fede catholica, et che le chiese siano applicate, insieme colle loro entrate, alli pastori et altri che appartengono canonicamente, si corne si è fatto per tutta la Francia  Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Le pays de Gex, qui avoisine Genève et fait partie de mon diocèse, a été soumis de nouveau à la domination du roi très chrétien : les serments, hommages et protestations de fidélité usités en pareil cas ont été rendus par les habitants. En conséquence j'ai recouru à M. le baron de Lux, lieutenant de Sa Majesté en ce pays, et j'ai aussi écrit au roi afin d'obtenir le rétablissement du culte catholique et la resti- tution des églises, avec leurs revenus, aux pasteurs et autres qui en sont les possesseurs canoniques, ainsi que cela s'est fait dans toute la ( I ) Ce Prélat, transféré du siège de Ripatransone à celui de Modène (19 fé- vrier 1593), fut accrédité en qualité de Nonce auprès de Henri IV au commen- cement de Tannée 1599 (voir note (2), p. 4) et demeura en France jusqu'au mois d'août 1601. Saint François de Sales ignorait encore, quand il écrivit cette lettre, que le destinataire était rappelé en Italie. M^"" Silingardo mourut en 1607. (2) Le texte original de cette lettre est publié ici pour la première fois. L'éditeur Migne s'est borné à donner une traduction française.  430 Lettres de saint François de Sales * Vide supra, Epp. col mezzo dello editto de V Intérim *, Et perché questa è ' * opra santissima et molto desiderata da Sua Beatitudine, supplice V. S. 111'"'' et R""^ che si degni fare viva instantia appresso di quella corona, sapendo certo che coirautho- rità sua potrà far riuscir questo negotio efficacemente et subito, essendo io praeparato [a] far quanto mi toccarà i^^. Et di questo ricorso che hô a V. S. Iir' et R"^^ ne dô pur adesso raguaglio alla Santità di Nostro Signore, laquale so certo che haverà gratissimi et charissimi il zelo et sol- lecitudine quali in questa occasione si spenderanno da V. S. lU'"^ et R'"% alla quale bascio humilmente le mani, preghando il Signore Iddio che gli dia ogni vero contento. Di V. S. Iir^ et R"% Humil servitor. De Villa in Salla, apressoGeneva,allixd'Agosto 1601. Airill'"^ et R""" Sig'' mio osservandissimo, Monsig'' il Vescovo di Modena, Nuntio Apostolico apresso Sua Maestà Christianissima. — In Parigi. Revu sur l'Autographe conservé à Milan, Archives Trivulzio.  France conformément à l'édit de \' Intérim. Et parce qu'il s'agit d'une œuvre très sainte et fort désirée de Sa Béatitude, je supplie Votre Seigneurie de daigner présenter à cette couronne de vives instances ; car je suis certain qu'Elle pourra, grâce à sa haute influence, conclure cette négociation avec autant de bonheur que de promptitude ; de mon côté je suis prêt à faire tout ce qui dépendra de moi. Je préviens aussi maintenant Sa Sainteté de mon recours à Votre Seigneurie, et je suis sûr que le zèle et la sollicitude que vous emploierez en cette occasion lui seront très agréables et précieux. Je vous baise humblement les mains, priant Dieu notre Seigneur de vous accorder tout vrai contentement. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, L'humble serviteur. De Ville-en-Sallaz, près de Genève, le 10 août 1601. A mon très honoré, illustrissime et Révérendissime Seigneur, M^' l'Evêque de Modène^ Nonce Apostolique auprès de Sa Majesté très Chrétienne. — A Paris, (a) subito,—^ et io non nianco di praeparare quanto ffia bisogno dal canto mio. /  ÉCRITES POUR M-*" DE GraNIER 43 1  CCLXI AU CARDINAL CLSAR BARONIUS (inédite) L'Evèqne de Genève a choisi le Prévôt de son église catliéJrale pour coadjuteur avec future succession. — Difficultés qui entravent la poursuite de l'affaire. — Le Cardinal Baronius prié d'obtenir une réduction des frais exigés par la Chambre Apostolique. Ville-en-Sallaz, 10 août 1601. lUustrissimo et Reverendissimo Signor mio osservandissimo, Supplicai alla Santità di Nostro Signore, sonno circa duoi anni, che si degnasse conferire la coadiutoria di questo mio vescovato, ciim futura successione, nella persona del signor Prsevosto délia mia Chiesa * ; et col 'Cf. supm, pp.72- favor di V. S. 111'"" et R'"% Sua Beatitudine si contenta '^^' di gratificarmi, sî che, procedendosi a Tessame, fu ritro- vato capace et approbato*. Nientedimeno, parte per l'in- 'Vide supra. Epist. . cxxii, et toin. pras- giuria délia guerra che sopragiunse, parte anco perche ced., p. 268, not.(i). detto Praevosto non ha le commodità necessarie a tal im- presa, Tessecutione di quella gratia si è ritardata sin adesso, che non dubitando punto che quello che una volta piacque a Sua Santità glie sia anco sempre grato, et vedendo ogni hora aggravarsi T età mia et moltiplicarsi  Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, 11 y a environ deux ans j'ai supplié Sa Sainteté de daigner accorder la coadjutorerie de mon évêché, avec future succession, à M. le Prévôt de mon église cathédrale, et, grâce à la protection de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Sa Béatitude voulut bien me l'accorder ; aussi le candidat, ayant été soumis à l'examen, fut jugé capable et agréé. Néanmoins, soit par le malheur de la guerre qui survint alors, soit encore parce que le Prévôt manque des res- sources nécessaires, la concession de cette faveur est restée jusqu'ici sans effet. Je ne doute point, cependant, que ce qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne lui soit toujours agréable; c'est pour- quoi, me voyant accablé sous le poids des années, et les occasions  43^ Lettrés de saInt FRA^içoIS de Sales le occasioni di faticare in questa vigna, ricorro Taltra volta alla bontà di V. S. Iir" et R"% acciô si degni ado- prar il suo santo zelo nell' aiuto mio per vincere la diffi- coltàdel mancamento délia commodità di detto Prsevosto, la quai sola ci resta. Et certo, se le fatighe da lui fatte da molti anni in qua nella conversione de gl' hseretici et quelle che egli è per fare in questo faticoso campo sa- ranno poste in consideratione, credo che la Santa Sede glie moltiplicarà le gratie et sminuirà le spese che altri- mente sarebbono da farsi et che egli non puô fare. Dal canto mio, è chiaro che alla elettione di tal co- adiutore non son mosso da alcun rispetto humano di sangue o parentela, ne da preghiere che me ne siano State fatte ; ma solo da puro desiderio délia maggior glo- ria d' Iddio et servitio délia santa Chiesa. Onde spero anco nella providentia divina et délia Sede Apostolica che da nessuna humana difficoltà potrà esser impedito questo mio intento, massime si {sic) V. S. 111'"^ et R'"'' vi concorre col favor délia sua solita carità et benignità, laquai sola mi fa animo di supplicarnela.  de travailler en cette vigne se multipliant de plus en plus, je recours de nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin qu'Elle daigne em- ployer son saint zèle pour m'aider à triompher de la difficulté que crée la situation gênée dudit Prévôt ; c'est la seule qui nous reste à surmonter. Assurément, si les travaux qu'il a, pendant plusieurs années, soutenus pour la conversion des hérétiques, et ceux qu'il est sur le point d'entreprendre en ce champ laborieux sont pris en consi- dération, je crois que Sa Sainteté lui multipliera ses faveurs et réduira les frais qu'il devrait faire et que, sans cette réduction, il n'est pas en mesure de soutenir. De mon côté, il est évident que, dans le choix d'un tel coadjuteur, je ne suis poussé par aucune vue personnelle, par aucune considéra- tion du sang ou de la parenté, ni par aucune sollicitation étrangère ; mon seul et unique mobile, c'est le désir de la plus grande gloire de Dieu et du service de la sainte Eglise. C'est pourquoi j'espère aussi de la providence divine et de celle du Siège Apostolique qu'aucune diffi- culté humaine ne pourra entraver l'exécution de mon projet, surtout si Votre Seigneurie veut bien l'appuyer par un effet de sa charité et de sa débonnaireté accoutumées, qui seules m'encouragent à l'en supplier.  ÉCRITES POUR M-*" DE GrANIER 433 Et basciandoli humilmente le mani, glie priegho da nostro Signor Iddio ogni vero contente. Di V. S. 111"" et R'"% Humil servitor. De Villa in Sala, appresso Geneva, alli x di Agosto 1 60 1 . Air Ill"^° et R"'° Sig"" mio osservandissimo, Monsig"" il Cardinal Baronio. Roma. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.  En VOUS baisant humblement les mains, je vous souhaite de Dieu notre Seigneur tout vrai contentement. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, L'humble serviteur. De Ville-en-Sallaz, près de Genève, le 10 août 1601. A mon très honoré, illustrissime et Révérendissime Seigneur, M^"" le Cardinal Baronius. Rome.  CCLXII AU CARDINAL PIERRE ALDOBRANDINO (inédite) Nouvelles sollicitations pour le rétablissement du culte catholique dans le pays de Gex. VilIe-en-Sallaz, 11 août 1601. lUustrissimo et Reverendissimo Signor et Padron mio colendissimo, *Havendo adesso il Re Christianissimo pigliato il pos- *Cf. supra, pp. 72, sesso et ricevute le fedeltà del paese di Gex, che è di ^ '  Mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, Le roi très chrétien vient de prendre possession du pays de Gex, et il a reçu le serment de fidélité des habitants. Ce pays, qui fait partie Lettres II 28  434  Lettres de saint François de Sales  questa diocsesi et sin adesso era occupato da Genevrini, •Epist. ccLix. ho subito scritto a Sua Maestà Christianissima * et al si- gnor Barone di Lux, suo luogotenente in detto paese i^>, domandando che Tessercitio catholico vi fosse stabilito, con restitutione délie chiese et béni ecclesiastici ad uso délia santa religione catholica, si corne si è fatto in tutto il regno di Francia (b). Et per haver questo mio intento con più prontezza et efficacia, ho pregato Monsignor Nuntio Apostolico apresso quella corona(^) che vi vo- * Vide supra, Epist. lesse concorrere colla sua sollecitatione *. CCLX» Et perché so che la Santità di Nostro Signore haverà a caro questo negotio (^), et che V. S. Iir^ et R""^ si adopra sempre con gran zelo in simili disegni («), io la supplico humilmente che si degni dar ordine a detto Signor Nuntio acciô che faccia quest'officio caldamente et con fervore(^) ;  de mon diocèse, a été jusqu'à présent occupé par les Genevois. J'ai aussitôt écrit à Sa Majesté très Chrétienne et à M. le baron de Lux, son lieutenant dans le susdit pays, pour solliciter le rétablissement du culte catholique, et la réapplication au service religieux des églises et des biens ecclésiastiques, comme il a été fait dans tout le royaume de France. Et pour réussir plus promptement et plus efficacement dans ce dessein, j'ai prié M'*" le Nonce Apostolique auprès de cette couronne de vouloir bien joindre ses sollicitations aux nôtres. Comme je sais que Sa Sainteté agrée fort cette négociation, et que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime intervient toujours avec beaucoup de zèle en semblables rencontres, je la supplie très humblement de donner ordre audit M. le Nonce de presser vivement et chaleureusement cette poursuite ; car M. le baron de Lux me fait dire  (a) [Les variantes de cette lettre et de la suivante sont tirées de premières minutes autographes conservées à la Visitation d'Annecy.] questa — mia diocaesi et è stato occupato sin adesso da Genevrini, ho subito mandat© dal S"" Barone di Lux, suo luogotenente in detto paese, et anco scritto a Sua Maestà (b) tf/ heni ecclesiastici — alli pastori et sacerdoti che a tal essercitio saranno destinati. ( c) ho — supplicato Monsig"" il Nuntio Apostolico apresso quella corona accio (à) a caro — che questo negotio riesca (e) imprese (f) dar ordine — al sopradetto Sig"" Nuntio accio che in questa occasione faccia ufficii caldissimi et soUeciti vivamente  ECRITES POUR M^"" DE GrANIER 435 poichè il signor Barone di Lux mi fa dire che non sola- mente questa sollecitatione sarà molto fruttuosa, ma che sarà gratissima ad esso signor Ré, il quale ha dichiarato di volerlo fare in ogni modo is\ se ben per certi rispetti soprasede a Tessecutione sin tanto che glie ne sia falta instantia. Spero adunque nella Providentia divina et nella bontà et grandessa d'animo di V. S. lU"" et R'"" di veder presto questo segnalato efFetto, a magior gloria di sua divina Maestà, laquale io pregho che la conservi molti anni a beneficio délia santa Chiesa. Et le bascio humilmente le mani. (h) Di V. S. 111"^^ et R""% Humilissimo servitore. De Villa in Sala, alli xi d'Agosto 1601. Air 111"^° et R'"" Padron et Signor mio osservandissimo, Il Sig^ Cardinale Aldobrandino. In Roma. Revu sur le texte inséré dans le P'' Procès de Canonisation.  que non seulement elle sera très fructueuse, mais encore très agréa- ble au roi. Sa Majesté a déclaré être absolument résolue à entériner notre requête, bien que, pour certaines considérations, elle sursoie à l'exécution jusqu'à ce qu'on ait présenté des instances. J'espère donc de la divine Providence et de la bonté et magnanimité de Votre Seigneurie, que je verrai bientôt aboutir cette négociation à la plus grande gloire de sa divine Majesté. Je la prie vous conser- ver de longues années pour le bien de la sainte Eglise, et je vous baise humblement les mains. De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, Le très humble serviteur. De Ville-en-Sallaz, le 11 août 1601. A mon très honoré, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, M. le Cardinal Aldobrandino. A Rome. (g) Jton soîamente — detta sollecitatione sarà fruttuosa, ma che sarà grata al signor Ré, il quale ha fatto dichiaratione di volerlo fare (h) [Ici se termine la minute d'Annecy.]  436  Lettres de saint François ue Sales  CCLXIII  AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL l^"^  Combien il serait nécessaire d'établir à Thonon un collège de Jésuites. — On pourrait en attendant confier à ces Religieux celui d'Annecy. — Intervention de Son Altesse sollicitée à cet effet.  * Vide supra, Epist. CCLVIII.  Thonon, 14 septembre 1601. Monseigneur, (^) La multiplication des peuples lesquelz i^) se vont d'heure a autre reduysans au giron de l'Eglise, sous l'heu- reuse authorité de Vostre Altesse, fait de plus en plus (c) croistre la nécessité d'ouvriers et pasteurs ecclésiastiques ; a laquelle il me sera des ores impossible de bien prouvoir s'il ne se fait (^) quelque collège de Pères Jésuites en ce mien diocaese, duquel, comme d'un Séminaire, je puisse retirer gens capables a cest eflFect(e). C'est pour cela. Mon- seigneur, que j'ay ci devant supplié Vostre Altesse pour l'érection d'un bon collège en ceste ville de Thonon *, a quoy Vostre Altesse avoit libéralement entendu. Mays voyant maintenant que sa bonne volonté ne pourra pas si tost estre mise en son entier efifect (f) pour les difficultés que le tems y a despuis fait naistre, j'ay estimé qu'en attendant de voir sur pied le collège de ceste ville, il seroit fort a propos que lesdits Pères Jé- suites entrassent au collège d'Annessi, pour disposer les escoliers qui y sont a ce dessein, et donner advancement a ceux qui se commencent a former (g) en la petite escole  (a) rje voy tous les jours croistre, par la grâce de Dieu et sous Tauthorité de V. A., la nécessité de bons ouvriers et pasteurs en ce mien diocaese par...J (b) lesqueli — par la grâce de Dieu et sous l'authorité de V. A., (c) VEglise, — fmet tous les jours en plus grand besoin. ..J fait tous les jours (d) a laquelle— fmalaysement pourray-je...j il me sera impossible de prou- voir si Ton ne dresse (e) retirer — des gens eapables et propres a ce dessein. {i) de Thonon — Mays voyant maintenant que ce bon œuvre ne pourra pas si tost estre mis a fin (g) fay — considéré quil seroit fort a propos de loger lesdits Pères Jésuites  ÉCRITES POUR M-'" DR GrANIER 437 quilz ont ic}^ laquelle il soroiL sur tout requis de conti- nuer (h). Et pour ce que tout cecy doit dépendre du bon playsir de Vostre Altesse, je la supplie très hum])leinent d'en escrire au R. P. General de l'Ordre (0, a ce qu'il commande au Provincial de ceste Province (2) de faire ( ^ ) entrer quelques Pères audit collège d'Annessi, ou par ce moyen ilz pourront suppléer au besoin 1 j ) que la retarda- tion du collège de ceste ville peut apporter, (k) auquel, par après, ilz pourront estre transférés Ihors qu'il sera dressé. La mesme bonté de Vostre Altesse qui me fait oser l'importuner si souvent pour ces bonnes causes, m'en fait encor espérer favorable issue, laquelle attendant, je con- tinueray mes prières a Dieu tout puissant, (M quil luy playse donner a Vostre Altesse, Monseigneur, parfaitte et longue prospérité ("^) pour le bien et conservation de son peuple (°) et accroissement de la sainte religion (o). De Vostre Altesse, Très humble serviteur et orateur. De Thonon, le 14 septembre 1601. A Son Altesse. Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy.  au collège d'Annessi, lequel est desja tout dressé ; ou, en attendant que celluyci fut sur pied, ilz pourroyent donner advancen)ent aux escoliers qui se commen- cent a former ficy a Thonon, ou aussi il ne faudroit pas laisser sans...J (h) il serait — requis sur toutes choses de faire continuer. [ï] du bon playsir de — V. M., je supplie très humblement V. A. d'escrire au R. P. General de leur Ordre, a ce qu'il donne ordre que jusques a ce que le collège de Thonon soit érigé, le P. Provincial de ceste province face (j ) d'Annessi — pour y instruire la jeunesse; et par ce moyen on pourroit suppléer au besoin de pasteurs (k) [La suite de cette phrase ne se trouve pas dans la première minute.] (1 ) ces bonnes — œuvres m'en promet encor favorable succès, lequel atten- dant je continueray a prier sa divine Majesté (m) et longue — santé, avec toute félicité et contentement, (n) ses peuples (o) foy. [Clausule, date et adresse manquent dans l'Autographe.] ( I ) Le T. R. P. Claude Aquaviva, qui gouverna la Compagnie de 1581 à 1615. (2) Le Provincial de Lyon était alors le P. Christophe Balthazar,  438 Lettres de saint François de Sales CCLXIV A M. CHARLES d'aLBIGNY Ordres à donner pour la restitution des revenus ecclésiastiques du bailliage de Gaillard. Thonon, 15 septembre 1601. Monsieur, Je voy qu'il est requis de faire la distribution des diesmes ecclésiastiques qui ont esté saysis au balliage de Galliard par vostre authorité, aux pasteurs qui y sont en charge; et par ce que monsieur de Rovinoz, juge du lieu (O, qui les a saysiz, desireroit avoir vostre comman- dement pour les lascher, je vous supplie de luy ordonner quil ayt a les délivrer ou faire délivrer entre les mains du sieur chanoyne Gottri, lequel j'y ay député œconome, comme de mesme la rente de Colonge sur l'abbaye de Bellerive (2) et autres revenuz ecclésiastiques, affin que, comme je puys prouvoir de pasteurs aux peuples, je puysse aussy prouvoir d'entretenement aux pasteurs, l'un estant nécessaire a l'autre. Ce que me promettant de vostre zèle et prudence, je prieray Dieu qu'il accroisse en vous ses saintes grâces, et demeureray. Monsieur, (3) Vostre bien humble et affectionné serviteur. A Thonon, le 15 septembre 1601. A Monsieur Monsieur d'Alblgni, Lieutenant gênerai deçà les montz pour S. A. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Claude du Rouvenoz, juge de Gaillard et lieutenant en la judicature mage de Ternier et Gaillard; il mourut vers 1634. (3) L'abbaye de Bellerive, de l'Ordre de Cîteaux, avait été détruite par les Genevois en 1535. Tous les biens furent saisis par eux, ainsi que ceux de la paroisse voisine, et, afin d'en jouir avec quelque apparence de légalité, ces héré- tiques, en percevant les revenus, s'attribuaient le titre de curés de Collonges. (3) La clausule n'est pas de la main du Saint.  ÉCRiTts rouR M»' DE Granier 439  CCLXV AU BAROxM DE LUX (inédite) Désir de « voir sous la faucille de la parole de Dieu » la moisson du pays de Gex. — Chanoine mandé pour apprendre ce que l'on peut se promettre à cet égard. — Le Pape « attend de jour a autre les premières nouvelles » da cette évangélisation, Ville-en-Sallaz, 8 octobre 1601. Monsieur, Aiant donné le dernier ordre a l'establissement des églises et pasteurs des balliages de Chablaix et Ternier, et jette des bons commencemens de semblables efFectz au balliage de Galliard, je vay m'entretenant en ce voysi- nage pour attendre le tems d'en pouvoir faire de mesme au balliage de Gex, selon le bon playsir de Sa Majesté très Chrestienne. A ceste intention, j'ay retenu quelques bons hommes d'Eglise, de mes chanoynes et autres *, que * Vide supra, p. 80. je n'ay voulu employer ailleurs, pour les reserver a ceste moisson, laquelle je désire extrêmement voir sous la fau- cille de la parole de Dieu et instruction catholique. Et par ce que je n'en puis espérer sinon ce que le Roy en ordonnera, je vous envoyé ce chanoyne de mon Eglise pour apprendre de vous ce que je m'en dois promettre; dequoy je vous prie luy vouloir donner les advis pour me les apporter, et de trouver bonne l'ardeur de mon désir en un affaire qui me doit estre si recommandable, et au succès duquel j'auray l'un de mes plus chers contente- mens, et Sa Sainteté encores, laquelle en attend de jour a autre les premières nouvelles. Je ne vous prieray pas de prester l'ayde de vostre fa- veur a un si saint souhait, car je sçai que vostre pieté vous y tient tout entièrement dédié ; mays je prieray bien Dieu quil luy plaise vous maintenir et accroistre en  440 Lettres de saint François de Sales ceste chrestienne et sainte affection, et de me donner le bon heur de pouvoir tesmoigner combien je désire estre, Monsieur, Vostre bien humble serviteur. (0 De Ville en Salaz, près Genève, ce 8 octobre 1601. A Monsieur Monsieur le Baron de Lux, Chevalier des deux Ordres, Lieutenant pour Sa Majesté au duché de Bourgoigne et pays de Bresse, Byeugey, Varromey, etc., etc. Revu sur l'Autographe conservé à l'évêché de Fribourg. (i) La date et l'adresse ne sont pas de la main du Saint.  CCLXVI AU DUC DE SAVOIE, CHARLES-EMMANUEL I^« (inédite) Manque de ressources pour assurer le service religieux dans trois paroisses récemment converties, celle de Thonon entre autres. — On pourrait y pourvoir au moyen des revenus de l'abbaye de Filly. Ville-en-Sallaz, 9 octobre 1601. Monseigneur, Je me suis essayé d'establir les églises de Chablaix et Ternier et l'ay presque fait, Dieu merci i^), en la façon  (a) [Les variantes qui suivent sont extraites d'une première minute auto- graphe conservée à la Visitation d'Annecy.] Monseigneur, Je donnay n'a gueres advis a Vostre Altesse de l'establissement rque j'ay fait en Chablaix... que j'ay ordonné des églises et pasteurs de Cha- blaix et Ternier, desquelles il en demeure encores deux ou trois a prouvoir; et eusse bien désiré la pouvoir asseurer de...J des églises de Chablaix et Ternier; et eusse bien désiré ppouvoir suivre par tout...j y pouvoir faire, pour Tad- vancement de Ihonneur de Dieu, ce que Sa Sainteté m'avoit très étroittement ordonné par son Brief... rje donnay n'a gueres advis a V. A. de l'establissement des églises fait en  ÉCRITES POUR M'"" DE GrANIER 44I de laquelle je donnay n'a guère advis a Vostre Altesse ; n'en demeurant que trois (b) pour l'establissement des- quelles je n'ay encor peu (c) treuver les moyens nécessai- res, et entre autres pour celle de Thonon, en (". Io mi trovo in estrema afflittione essendo piaciuto al Signore Iddio di privarmi del signor Cardinal Caietano, mio padrone, con il quale restano estinte tutte le mie consolationi humane. Prego V. S. ad  470 Appendice haver memoria nelli suoi sacrificii di quell' anima benedetta, et con basciar le mani a Monsio-nor Arcivescovo di Vienna, a lei mi offero et raccommando di cuore. Di V, S. molto Reverenda, Come fratello afTettionatissimo, G. Cesare, Arcivescovo di Bari. Dal Mondovi, a di 4 di Gennaro 1600. Al Molto Rev»^" Sig''% Il Sig^ Francesco de Sales, Pievosto di Geneva.  IX Molto Reverendo Sio^nore  * Vide Epist. cxxxni. * Più presto del solito m' è venuta 1' ultima di V. S. di 17 di Gen- naro scritta d'Annessi, 1' havendo io ricevuta a 30 ; et ail' istesso tempo essendomi occorso di scrivere a Roma, mandai l' alligato plico * Vide tom. pr.-eced., di V. S. al signor Présidente Fabro *, diretto al mio agente che ^'" ' ' "° • ^' • haverà cura di recapitarlo subito. Mi sono rallegrato di haver inteso prima [délia malattia] la convalescenza di V. S., et spero che con la consolatione spirituale che godera a Tonone ripigliarà anco le forze del corpo. * Vide supra, p. ^7, Io ho un dolore intensissimo d' intendere che il signor Novelletto * et altre persone ecclesiastiche di valore non si possino trattenere costi per mancamento di commodità, et se bene la volontà di Nostro Signore sia ottima, nondimeno si vada dilatando per puro difetto di per- sone che sollecitino a Roma. Io non manco di prendere quai si voglia occasione per soUecitare et importunare ; ma fmalmente le lettere non operano come fa la viva voce et come farei con la presenza se mi trovassi in Savoia. 11 Padre Fra Cherubino era buono instrumento per scaldare et sollecitare, ma li suoi Superiori con Io tenendo lontano da Roma mi fanno dubitare che non Io tengano del tutto risanato del suo humore malinconico ; onde, in absentia sua, sarebbe manco maie di darne carico al signor Présidente Fabro, che tirasse inanti l'unione delli priorati conceduti da Nostro Signore alla Casa di To- none : chehavutaquestagratia, si potrebbe appresso tentare qualche altro aiuto da Sua Beatitudine. QLianto alla visita di Savoia, io, se ben sia stracchissimo et poco atto, non son per ricusar mai nissuna fatica in servitio di Dio bene- detto et délia religione cattolica ; ma non conviene che io sia quello che Io propona o Io ricordi. Quando la Sua Santità Io me commandi,  Lettrhs Dh M^' Jules-CfIsar Riccarui 471 io saro prontissimo a obedire ; et in quel caso, li Cavallieri di San Lazaro credo che si risolverebbono di rendere più facibnente le loro commende, perché io [non] vorrei se non una facoltà assai ainpla da Sua Santità, et se non la sapessi mettere in essecutione sarebbe mia colpa. Io scrissi a V. S. a lungo a 4 di Gennaro et aspetto risposta di quelle lettere, et in particolare che il Signor Vescovo di Geneva dia conto a qualche sollecitatore in Roma appresso il signor Cardinale Aldobrandino per haver la speditione délie prébende theologali et altri capi concernenti alla sua diocesi. sopra li quali mi ha scritto ultimamente Sua Signoria che ne farà spedire Brève spéciale quando vi sia persona che Io soUeciti. Et con questo fine, a V. S. mi ofTero con tutto l'animo et bascio le mani al Signor Arcivescovo di Vienna et a monsieur d'AvuUy. Di V. S. molto Reverenda, Corne fratello affettionatissimo, G. Cesare, Arcivescovo di Bari. Di Mondovi, al i°di Febraro 1600. Al Molto Rev''" Sig''«, 11 S\g^ Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.  X Molto Reverendo Signore, A 4 di Gennaro io scrissi a lungo a V. S. et medesimamente al primo di Febraro, et staro aspettando ch' Ella me accusi la ricevuta di esse, con la data délie giornate, per poter far li duplicati in caso che qualcuna di esse fusse smarrita ; et V. S. si ricordi di tener sempre quest'ordine nel darmi risposta. Ho ricevuta V ultima sua di 24 di Gennaro et me son tanto ralle- grato del suo ritorno a Tonone quanto mi son contristato délia morte inaspettata del signor Prior di Tarentasa (0, havendo io perduto un grand' amico et una persona molto honorata, et la quale poteva essere molto utile al Signor Arcivescovo* et alla Chiesa di Tarentasa. * vide supra, p. Perô questo è il fme délia conditione humana, et ci resta di pregar Dio benedetto a darli requie, et a noi gratia di servirlo fmchè giunga r hora nostra. (i) Jean-Philippe Chevallard, docteur es droits, vicaire général de l'Ar- chevêque de Tarentaise.  not. (1).  472  Appendice  lo ho ricevuto due lettere del Padre Bonaldo ( i ) che non conten- gono altro se non che si fa frutto ; ma perché Nostro Signore non si contenta délie cose universali, et V. S. è anco informata délia dili- gentia esquisita del signor Cardinale di Santa Severina, io essorto il Padre a scrivermi più spesso et più minutamente di tutto quello che passa cosi circa le scole corne circa la conversione degli heretici et de- vide supra, p. 465. votione delli Cattolici. Mando al Padre Rettore di Ciamberi * un' altra polizza di cento et otto scudi d'oro per 1' altro trimestre, et mi con- tento che T altro sia comminciato al primo di Novembre, se ben loro non giunsero se non verso la fme di Décembre ; et questi 108 scudi serviranno per Febraro, Marzo et Aprile. Et perché presuppongo che in questo tempo V. S. si trovi molto occupata nelle solite sue fatiche délie prediche non aggiungerô altro, se non assicurarla ch' io la tengo sempre scolpita nel cuore, si corne mérita la singolare sua virtù et bontà. Et me le offero et raccom- mando con tutto 1' animo. Di V. S. molto Reverenda, Come fratello affettionatissimo, G. Cesare, Arcivescovo di Bari. Dal Mondovi, a 24 di Febraro 1600.  Il Sigr  Al Molto Rev*^" Sig'^^ Francesco de Sales, Prevosto di Geneva.  (i) Le P. François Bonald, de la Compagnie de Jésus.  XI  * Vide tom. prœced. p. 45, not. (1).  Molto Reverendo Signore, Per via di Ciamberi ho ricevuta una lettera di V. S. di 12 di Marzo, et poi dal signor Barone di Civrone* me ne è stata mandata un' altra di 24, nella quale mi ha accusate le mie di 14 di Gennaro et del primo et vintiquattro di Febraro. Quella di 12 io ho mandata in mano di Nostro Signore acciô gli serva per ricordo et stimolo di effettuar qualche cosa circa le gratie di Tonone ; et presto haveremo risposta circa li capi di convalidare li matrimonii contratti in grado prohibito senza dispensa, et di ottener F altra per quella figliola che si vuol maritare con quello suo parente in quarto, et la risolutione circa l'assolvere gli usurarii. Intanto ho sentito molto piacere che li Padri délia missione facciano  p. 292, Ilot. (2I.  LbTTktS Dh M-"" JULEb-CÉSAk RiCCARDI 473 frutto et elle il numéro degli herctici di Tonone sia ridolto a poco, et che neir abbadia dell' Abundantia V. S. habbia trovato minor scan- dalo di quel che si supponeva ; et poichè r Abbate délia Novalesa* ci * cf. tom. praeced. tiene manco monaci di quel che doverebbe, io dô facultà a V. S., in caso che esso se li habbia appropriati a se, di sequestrar in questa ricolta prossima li frutti délia sua badia, per impiegar a bénéficie d'essaChiesa tutta quella portioneche esso indebitamente si ha tolta : et cosi r esseguisca in mio nome. Ho sentito dispiacere infmito che il Signor Arcivescovo di Vienna resti tanto gravato del mal dell'occhio destro, et spero in Dio che col caldo et con un cauterio se ne potrà liberare. V. S. gli basci caramente le mani da niia parte, chè io non gli scrivo per non darli gravezza di leggere la lettera et di rispondere. Et a V. S. mi offero et raccommando di cuore. Di V. S. molto Reverenda, Come fratello afFettionatissimo, G. Cesare, Arcivescovo di Bari. Dal Mondovi, a 20 di Aprile 1600. Al Molto Rev'J" Sig'"», 11 Sig*" Prevosto di Geneva.  XII  Molto Reverendo Signore, Dal signor Barone di Civrone mi fu mandata pochi giorni sono una lettera di V. S. di 20 di Aprile, con un'altra inclusa di Sua Al- tezza per il signor Abbate délia Novalesa, nella quale si ricercava a voler dar tre prébende délia sua badia dell' Abondanza al signor dottor Novelletto ; et conforme a l' instantia di V. S., non mancai anchor io di scriverli eftkacissimamente, se ben non era necessario che io m' interponessi dove concorreva l'authorità di Sua Altezza*. * cf. supra, p. 47. Il suddetto signor Abbate mi ha risposto quello che V. S. vederà dairalligata sua lettera, otferendo di darli una prebenda che solo dice esser vacante et che, per servira Sua Altezza, 1' haverebbe tolta ad un suo parente al quale l' haveva promessa. Io haverei desiderato di ottener più per il suddetto signor dottor Novelletto, il quale V. S. potrà render sicuro che mi trovarà prontissimo a farli sempre servitio.  474 Appendice (0 Mandai a Nostro Signore la lettera che V. S. mi scrisse in ma- teria délie usure et délie convalidationi de' matrimonii, et supplicai anco Sua Santità a volermi dar facoltà di poter dispensât gratis quella figliola che voleva contrarre matrimonio con un suo parente in quarto grado. Sua Beatitudine si è contentata di darmela benigna- mente, et qui alligata V. S. haverà la speditione. Quanto poi alla convalidatione de' matrimonii et la remissione délie usure, il modo che V. S. propose piacque a Sua Santità et se ne è contentata, dan- domi tutta la facultà necessaria, corne V. S. vederà dalle alligate copie di tre lettere del signor Cardinale Aldobrandino. Qiiesta medesima facultà la subdelego a V. S. acciô faccia tutto quello che potessi far io se fussi présente ; et sapendo io la sua prudentia et circonspettione, mi assicuro anco che 1' usarà in quello modo et a quel tempo che giudicarà espediente per beneficio di quelle anime. Et con questo fine, me le offero et raccommando di cuore. Di V. S. molto Reverenda, Corne fratello affettionatissimo, G. Cf.sare, Arcivescovo di Bari. In Mondovi, a i6 di Maggio i6oo. Al Molto R'^o S\g^% Il Sig'' Francesco de Sales, Prevosto di Geneva. In Tonone. ( r ) Ce second alinéa est publié ici pour la première fois d'après le texte original; il a été donné en substance dans la version latine et dans la version française de l'Histoire de saint François de Sales par son neveu Charles-Auguste.  XIII  CXLIII  Molto Reverendo Signore, Vide Epp. cxL, cxLii, * Nel mese di Luglio hebbi una lunga lettera di V. S. nella quai mi dava particolare avviso del frutto che havevano fatto li Padri Gesuiti nel balliaggio di Galiart ; ma da tre mesi in qua mi son trovato sem- pre in letto, tanto gravemente indisposto che non è stato possibile di farli risposta. Mandai bene l' istessa lettera di V. S. a Sua Santità, laquai la lesse con molto gusto et mi ordinô di dar animo a quelli Padri et a V. S. di continuar nella conversione di quelle parti, perche dal canto suo l'haverebbe sempre favorita et protetta vivamente. Et perché in quella lettera V. S. proponeva il caso di quella damigella  LhTTKES Dt M-'" Jui.fcS-CÉbAk RiCCARDI 475 chc havcva fatto voto di castità et non li bastava l'animo di osscr- varlo, Sua Santità mi ha comnicsso di dar facultà a V. S. in nonic suo elle, parcndoli cspedientc, col parer dci Padri Gesuiti, di dispcn- sarla o commutarla, laccia quelle che giudicarà più a proposito. Ho poi riccvuta l'altra di V. S. di 20 di Agosto scrittami da Ciam- beri, et non mancarô di mandai* subito le lettere di Monsignor Vescovo di Geneva a Nostro Signore et al Cardinal Aldobrandino'' ; Epist. cclxh. et aggiungerô io per lettere quelli officii clie sono obligato pcr la ri- cuperatione delli béni ecclesiastici nel balliaggio di Gex, et giunto a Roma ne farô tanto più viva instantia con Sua Santità in voce. Io sto aspettando il mio successore * per la scttimana seguente, al * vide supra, p. 75, quale non lasciarô di raccommandare con ogni caldezza possibile la missione di Tonone et raguagliarlo particolarmente délia qualità di Monsignor Vescovo et di molti meriti di V. S. ; et se le forze me Io permetteranno, io partirô subito di qua per dar fine a questa nuntia- tura, laquale ha durato sette anni, con infmiti miei travagli. In ogni loco portarô scolpita V. S. nel cuore, con desiderio ardentissimo di farle servitio ; et me le raccommando con tutto l'animo. Di V. S. molto Reverenda, Come fratello aflfettionatissimo, G. Cesarr, Arcivescovo di Bari. In Torino, a v di Settembre 1601. Al Molto Rev''° Sig^-e, 11 S\g^ Francesco di Sales, Prevosto di Geneva. A Ciamberi.  LETTRES DE M^^ ANTOINE DE REVOL ÉYÊQUE DE DOL  I Monsieur, * Vide Ep'st. cLxxxiv. * Je SLiis honteux d'avoir esté si long temps a vous respondre ; je desirois satisfaire a vostre mémoire affm de vous en donner advis par mesme moien. J'y ay apporté tout le soing et invention quy m'a esté possible, quy est d'où a procédé cette longueur. En fm, après m'estre informé exactement en cette ville, je me suis aidé de Monsieur Favier pour y emploier un sien amy sur le lieu, quy est un honneste gentilhomme, chanoine en l'Eglise de Poictiers, duquel vous verrez, sil vous plaist, la responce que je vous envoie. Que si vous estimez que par cette voie il se puisse quelque chose davantage, commandez moy librement, comme vous pouvez, faisant estât. Monsieur, que je con- fesse de ne devoir point tant a homme du monde qu'a vous, l'obligation que je vous ay estant infinie par les bons offices que vous me rendez d'un bien quy n'a point de fin. Que pleust a Dieu que pour resentiment de tant de faveur je peusse vous rendre aultant de service comme je vous en présente de remercimentz ; vous verriez de quel courage je recognoistroy le plain pouvoir que vous avez sur moy, dont attendant qu'il s'offre quelque occasion, je vous supplie. Monsieur, de prendre toute créance de ma disposition a l'obéissance que je vous doibz. Du reste, je praticquerey voz bonnes instructions au plus près de la lettre qu'il me sera possible, et premièrement pour ce quy est de * Vide supra, p. i8s, l'eslection de Monsieur du Val *, tant pour prendre de la conduitte not. (I). J 1 1 • ' r r . , , de luy en la vie que vous m avez proposée, que pour me servir de la Lettre Apostolique que vous m'avez envoiée, de laquelle j'ay différé d'user attendant que j'eusse asseurance de l'expédition de mes Bulles, pour laquelle ces jours passez nous avons fourny a la composition qu'on nous a faict de deux mil escus pour tout. Aussy que j'ay doubté si j'en avois bien grand besoing, d'autant que despuis, les parties ont revocqué toutes promesses suspectes, et : quod consensu et pacto contractum est, contrario consensu et pacto dissohitur, et obligatt'o inde nata (quy est icy ex delicto per pactum illicitiim contracta) ipso jure tollitur. De faict, ma partie m'a promis et juré de se contenter de ce quy luy sera légitimement permis, et de reparer avec moy ce que nous aurons tnal faict. Pour tesmoignage, il m'a desja relasché un  Lettres dh M^"" Antoine de Rrvol 477 prieuré qu'il avoit faict mettre quelque temps au paravant en mon nom et qu'il m'avoit faict promettre de luy rendre, protestant de ne se vouloir jamais mesler de beneffice plus qu'il ne luy sera permis. Cela estant, et les susdites maximes veritablesy«r^ Poli, comme elles le sont iiirefoii, il y a que doubter s'il est besoing d'aultre remède. Toutesfois, je ne m'en croirey pas ; saint Hyerosme disoit de soy : Ea etiam de qnihus me scire avhitrahar interrogare me solitum, quanto magis de iis super qiiihus anceps eram/yen enquerrey ceux que vous m'avez nommé, ou, si vous me faictes ce bien de m'adjouster vostre advis, j'en serey encor plus asseuré, n'ayant point tant de créance a nul aultre qu'a vous. j'ay faict provision des livres que vous m'avez marqué, principa- lement de tous ceux du premier temps, selon vostre division ; entre lesquelz, après Grenade que j'ay tout en sa langue, au moins ce quy s'en trouve, je trouve admirables les epistres d'Avila ; mais il les fauldroit avoir aussy en la langue de l'auteur, car la traduction en françois est très mal faicte. Je les lirey soigneusement et comme par vostre advis, vous suppliant neantmoins. Monsieur, me départir tousjours de voz bons discours et instructions par les vostres, que je prise et chéris par dessus tout, et ou je trouve plus d'ediffication qu'en livre quelconque, comme venant de personne que je tiens pour un digne exemple a tous ceux quy ont charge en cet estât. Je vous baise très humblement les mains, et suis a jamais, Monsieur, Vostre très humble et très obéissant serviteur, Revol, nommé Ev. de Dol, A Paris, ce i^*" d'aoust 1603. A Monsieur Monsieur l'Evesque de Genève. A Annessy. Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.  II Monsieur, * Je n'ay pas oublié le devoir que je vous ay, encor qu'il y ait long ' Vi.ie Hj-ist. ccxxvn. temps que je ne vous en aye rendu des effectz. J'attendoy de sçavoir si l'on vous auroit rendu celles que je vous escrivis sur la réception de la lettre de Rome quil vous pleust m'envoier '^\ désirant en avoir des * vide supra, p. 187. nouvelles advant que de vous importuner d'aultres lettres. En fin, n'en ayant sceu rien apprendre, j'ay creu qu'en tout cas vous n'au- riez point désagréable ce tesmoignage de l'affection que je vous doy,  47^ Appendice vous suppliant de prendre en bonne part que je vous rende conte de moy despuis le temps que vous n'avez eu des miennes, et que je vous donne advis jusques ou je suis advancé en la profession dont vous Episi. ci-xxxiv. m'avez faict l'honneur de me donner les premières instructions *. Je vous direy donc, Monsieur, qu'en fin j'ay eu mes expéditions de Rome avec la grâce de nostre Sainct Père telle que je la pouvoy es- pérer, sinon que j'eusse eu le gratis entier. Je les receuz quelques jours ad\'ant les festes de Nocl passé, et me disposoy après au sacre, que je receuz le jour de la festc des Roys de la main de Monsieur l'Ar- chevesque d'Aix (0, assisté de Messieurs de Bologne (2) et de Mas- con (3), aiant auparavant usé de la préparation dont vous me fistes ce bien de m'advertir, le mieux qu'il m'a esté possible ; non pas toutes fois si bien que j'eusse désiré. 11 ne reste maintenant que de m'aller rendre au lieu ou je suis en- voie ; ce que je suis prest de faire dans quelques jours, avec l'aide de Dieu, et de commencer a mettre la main a l'œuvre ; ou, si je ne crai- gnoy de vous estre importun, je vous supplieroy volontiers, conti- nuant ce que vous avez commencé en moy, de me vouloir assister de voz bons advis et conseilz, que je mettrey peine d'ensuivre au plus près quil me sera possible, sil vous plaist de m'en favoriser. Je ne vous direy pas combien je m'en tiendrey vostre obligé, quy vous suis desja tout acquis, et suis entièrement a vous par tant d'occasions que je déses- père de vous en pouvoir jamais assez donner de recognoissance ; vous suppliant neantmoins de croire qu'il ne se descouvrira aulcun endroict de le pouvoir faire que vous ne me voiez efforcer en mon debvoir. Et sur cette asseurance de mon service, je vous supplie de m'ai- mer et me conserver l'honneur de voz bonnes grâces, priant Dieu, Monsieur, qu'il vous donne, en très parfaicte santé, très longue et très heureuse vie. Vostre très humble serviteur et confrère indigne, Antoine Revol, Ev. de Dol. A Paris, ce xx'^ janvier 1604. Si vous me faictes l'honneur, Monsieur, de me donner de voz nouvelles, vous pourrez addresser a M. de Soulfour*pour les bailler a M. Favier, quy me les fera asseurément tenir en vostre maison de Dol. A Monsieur Monsieur l'Evesque de Genève. A Annessy. Revu sur rAulographe conservé à la Visitation d'Annecy. (i) Paul Hurault de THospital, archevêque d'Aix de 1595 à 1624. (2) Claude Dorniy ou d'Ormy, évêque de Boulogne de 1600 à 1626. (3) Gaspard Dinet, évêque de Mâcon de 1^,99 à i6ig.  * Vide supra, p. 1 16 not. (1), et p. 297.  D  LETTRE DE M'^^'^ ANDRE FREMYOT ARCHEVLQUE DE BOURGES  Monsieur, * Je ne vous escris pas pour me ramentevoir en vostre mémoire ; * vide supra, p. 2S0. je sçay l'honneur que vous me faictes de m'aymer, et le rang que vous tenez en la mienne me promet que j'ay quelque place en la vostre. Nous jugeons des intentions d'autruy par les nostres ; ainsi, chérissant voz mérites d'une si particulière inclination, je dois croire que si le sujet manque de mon costé pour vous convier a ce mesme désir, ne pouvant m'aymer pour l'amour de moy, du moins vous m'aymerez par ce que je vous honore et que je vous ayme. Et a la vérité, Monsieur, il faudroit n'avoir ni jugement ni recognoissance si, après avoir heu Ihonneur de vostre fréquentation, l'on pouvoit vivre sans vous chérir et sans avoir du regret de vostre absence. Pour moy, je la supporte avec tant d'impatience, que, n'estoit la créance que j'ay que ce n'est pas estre tout a faict séparé de vous que d'estre en vostre esprit, je blasmerois le jour que je vis reluire tant de rares vertus en vous, puis qu'il failloit en estre si tost et si long temps privé. Mais je me trompe ; il m'en est resté une image si vive et si bien représentée, que bien souvent je prends la figure pour le vray naturel, tant les sainctcs impressions ont de force en nos âmes que ce qu'elles ont une fois gravé y demeure perpétuellement. Les vostres, qui sont de cette qualité, auront le mesme effect et me ren- dront constant en la resolution d'estre toute ma vie. Monsieur, Vostre très humble frère et serviteur, André, Ar. de Bourges. A Dijon, ce 7 juin [1604]. A Monsieur Monsieur le Reverendissime Evesque et Prince de Genève. A Nicy. Revu sur rAutogniphe appartenant à M. le comte de Roussy de Sales, au château de Thorens-Sales.  LETTRE DU MAIRE ET DES ECHEVINS DE DIJON v^.  Monsieur, Vide Epist. cxcviii. ^'' La l'eputation qu'aves acquise par tout, et mesme en ces quar- tiers, du zèle et affection qu'aves a l'iionneur et service de Dieu et a procurer de tout vostre pouvoir l'advancenient de son Eglise Catho- licque, Nous a faict prandre la hardiesse de vous faire une prière aul- tant pleine d'affection que d'assurance que l'on nous a donné de la pouvoir obtenir et de n'en estre esconduictz. C'est quil vous plaise, Monsieur, nous faire cest honneur qu'en l'Advent et Caresme pro- chain nous soyons instruictz par vos sainctes et doctes prédications. Ce vous sera beaucoup d'incommodité, voires aultant qu'a nous de bon heur de vous avoir ; touteffois, tascherons par tous les moiens a nous possibles de vous en révérer. Nous n'heussions manqué a ce debvoir de vous envoyer l'ung des nostres pour vous en supplier de nostre part ; mais le péril et danger des chemins nous en ont retenu, avec la faveur que nous a faict Mon- vide supra, p. 27?, sicur Brunct * de prandre a sa charge de vous donner cestes, avec nostre supplication, et mesme vous la présenter sil est possible, avec la semblable affection de laquelle, recepvant ung sy grand bien de vous, nous desirons demeurer a jamais, Voz bien humbles et plus affectionnés amys et serviteurs. Les VicoNTE Majeur et Eschevins de la ville de Dijon. Par ordre : Martin. A Monsieur Monsieur de Salles, Evesque et Prince de Genefve, estant de présent a Nicy. Revu sur rAutographe inédit, conservé à la Visitation d'Annecy. ( I ) Cette lettre n'est pas datée ; mais la délibération municipale en laquelle il a été décidé que TEvêque de Genève serait prié de prêcher le Carême à Dijon s'est tenue le 12 août 1603; il est très probable que Tinvitation a été faite sans délai puisque la réponse du Saint est datée du 22 août.  not.(i).  LETTRE DE M. CHARLES D'ORLIE   Monsieur, Je me resjoiiys infiniment avec vous de l'advenement de Vostre Reverendissime Seigneurie en l'Evesché titulaire de Nicopoli, et beau- coup plus en l'ample et grande evesché de Genève, comme serviteur très humble et très ancien que je lui suis, mesme des nos estudes de Paris, et, pour mieux dire, des le berceau ; me resjoiiyssant d'ail- leurs du bien et bon heur que, par ce moyen, arrive a voz diocezes. Et encores que l'honneur qui vous accompagne en ceste charge pas- torale meritoirement soit accompagné de beaucoup de peines et travaux, neantmoins je sçay que Vostre Reverendissime Seigneurie, bruslant du zèle de l'honneur de Dieu et advancement de sa gloire, portera ce fardeau joyeusement, qu'est le bien et salut de vos diocé- sains. Tesmoingt en est ce peuple Chablasien, pour laisser vos autres mérites a part, lequel, comme fidèle Apostre d'iceluy, avez engendré en Nostre Seigneur et Rédempteur Jésus Christ. Ce n'est pour user d'aucune flatterie, ains seulement pour vous tesmoigner par ces présentes, continuation du très humble service et obéissance que j'ay voué a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme aussy pour ne me perdre et esgarer en l'haute mer de vos louanges. Attendant doncques l'honneur de voz commandementz, je supplie très humblement Vostre Reverendissime Seigneurie qu'il luy plaise s'acheminer bien tost par deçà pour donner ordre aux affaires de ceste Saincte Maison érigée en ce lieu, et notamment pour l'ouverture de l'Université, qu'il convient faire ce mois en ceste ville et ensuivant le très exprès commandement que j'en ay de Son Altesse. De quoy il m'a semblé estre expédient en advertir Vostre Reverendissime Sei- gneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant , yj^^ ,^^ pr^ced., permettre a Monsieur Grandis *, a Monsieur Théodore ( 2 ), a Monsieur P,dem;pp'-4s^not.(.), Chevallier * et autres qu'il vous plaira (nommément le Révérend Père 544. not.(4)? ^ * ^ , • Vide supra, p. 156, Fourrier*), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre licence not. (i). ( i) Charles d'Orlié ou d'Orlier, jugc-maje duChablais, fils de Claude (voir ci-dessus, p. 158). (2) Théodore Warouf, originaire de Gouda en Hollande, chanoine de Saint* Pierre de Genève et de la collégiale de La Roche. Lf.ttrf.5 II 3*  482  Appendice  ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir résider du moins la plus part de la sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez ; vous asseurant que, ce faisant, outre le mérite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien qui en arrivera a ce pays et a tout Testât de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la conversion des hérétiques que Son Altesse aura très aggreable, ainsy que je peux remarquer par les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur recevoir vostre sainte bénédiction . comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet. Attendant donc vostre arrivée en ce pays , et sur tout vostre prompte et favorable response, avec vostre permission je baise très humblement les mains a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme celuy qui a esté, est et sera, aydant Dieu, Monsieur, De Vostre Reverendissime Seigneurie, Très humble et très obéissant serviteur, Charles d'Orlié. A Tonon, maison vostre, ce 5 décembre 1602. Revu sur le texte inédit, inséré dans le 11^ Procès de Canonisation.  TABLE DE CORRESPONDANCE DE CETTE NOUVELLE ÉDITION AVEC LES PRÉCÉDENTES ET INDICATION DE LA PROVENANCE DES MANUSCRITS  CXXIV  NOUVELLE tDlT:ON TROVENANCE DES MSS. PREMIERE PUBLICATION ^ l) EDITIONS MODERNES CXXI PÉmcuHux. Visitation Dut ta, i, n. 193 \ ^J^'"'^ ^"'' P' '^7 ( Mi^ne, VI, col. 547 t Annecy. Visitation l'An- \ i CXXII (fragment)... cien Ms. de yAnncei'^"''''^'''"^''^'^''^'- \ ^'''' ^^' P- 3 ( Sainte) } '^^^^t^on {i68()) ^ Mig. y, col. 363 Q^^^^JJT \ Parme. Pensionnat de \ Procès de Canonisation \ Sainte-Ursule ( du B. Ancina [i-j^i) TuRiN.G^"^ Maîtrise des i. Revue Savoisicnnc,]zxx- SS. Maurice et Lazare f Aier 1880 CXXV Carougb ( Genève ). ^"' V"y Mig, VI, col. 1068 ^ T?^wr. \^^-u- \T ^- i Pératé, La mission de CXXVI \ Rome Archives Vatica- ^ ^^ ^ ^^^^^ ^^ ^^^^_ ^^^(^^^^^ora,^6) l u,,;^,s86) CXXVII Idem Ibid. CXXVIII Turin. Archiv. de LEtat Az/At, i, p. 234 \ ^''^'- ^"» P- 9^ ^ '^4^- VI, col. 575 , ^ . ... , (' Mugnier, S. Fr. de S. ^ i CiîAMBERY.Archivesdu \ ° , , . CaaIX \ n. ^ , ^ . Docteur en droit, eic. Sénat de Savoie / ,^, ,, q,, ', ( (Chambery, 1885) CXXX Rome. Archives Vatica- nes (Sav., 36) PJraté CXXXI I" Procès de Canonis hiédite CXXXII Idem Inédite CXXXIII Annecy. Visitation.... £>,t/A7, i, p. 240 -,.' ' ^' ' ' ' ^ ^ { Mig. VI, col. 580 (i) C'est sous toutes réserves que nous indiquons les publications dans lesquelles les lettres ont paru pour la première fois. Voir à l'Avant-Propos du tome précédent des détails sur l'origine et la valeur de ces diverses publications. La numérotation des pièces étant souvent très fautive dans les éditions du xvir siècle, quand nous devrons remonter à ces éditions, au lieu de citer le numéro d'ordre des Lettres, nous nous bornerons à indiquer la série, soit le Livre dans lequel elles sont insérées»  484  NOUVELLE EDITION CXXXIV cxxxv  CXXXVI... CXXXVII . CXXXVIII.  CXXXIX.  CXL.. CXLI., CXLII  CXLIII CXLIV.  CXLV.  CXLVI . CXLVII.  CXLVIII. CXLIX . .  PROVENANCE DES MSS. Romans. Visitation.. . . Rome. ArchivesVatica- nes (Sav., 38, Copie) Annecy. Visit. (Copie) Milan. Archives du prince Trivulzio .... Rome. Archives Vatica- nes ( Borghese, iir, 11) DÔLE. Ecole libre de N.-D. du Mont-Roland Rome. Archives Valica- nes(Boro-/u'se,iv, 281) Besançon. M'"- Doroz P"" Procès de Canonis. Rome. Archives Vatica- nes( Borghese, w, 281) Turin. Visitation  jer Procès de Canonis. Chambéry. Archives du Sénat de Savoie Besançon. M'^^^ Doroz  PREMIERE publication  Pêraté  Mémoires derAcadém. Salés., t. VI (1883) EtudesreligieusesS.J., mai 1900 Mémoires de l'Académ . Salés., t. VI  Mémoires de TAcadém , Salés., t. VI. Datta, I, p. 246  Hérissant, i, p. 123,  M II a nier  CL.. CLI.  Rome. Visitation Datia, i, p. 249  CLII. CLIII CLIV CLV. CLVI  CLVII . CLVIII  CLIX,  CLX..<  lignes 1-4,  suite  CLXI  CLXII CLXIII (fragments)  CLXIV.  Annecy. Visitation . . . Chamdéry. Archives du Sénat de Savoie pr Procès de Canonis. Chambéry. Archives du Sénat de Savoie Jer Procès de Canonis. Idem Idem  Chambéry. Archives du Sénat de Savoie Paris. Carmel rue Den- fert-Rochereau Annecy. Visitation.... Paris. Marquis de Pi- modan Turin. Visitation P'"" Procès de Canonis. Marin (Chablais). Ar- chives de Blonay.. . .  Ain or nier  Mu ff nier  Œuvres 1652, 1. vu.  Mngnier Etudes religieuses S.J. mars 1868  Revue Sav., mars 1880 Mémoires derAcadém. Salés., t. VI  EDITIONS MODERNES Inédite Mig. VI, col. 918 Inédite  Inédite Inédite Viv . IX, p. 510 Mig. , VI, col. 584 Viv. IX, p. 3 25 Mig. . V, col. Inédite Inédite 373 Viv. IX, p. : 513 Mig. VI, col. Inédite 585  Inédite  Inédite Inédite Inédite Viv. V, p. 460 Mig. IV, col. 1555, et V, col. 367  Viv. XI, p. 379 Mig. V, col. 141 1 Inédite Inédite Inédits  485 NOUVELLE ÉDITION PROVENANCE DLS MSS. PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES 1' Epislres spirituelles l CI.XV ^ 1626 (texte français), ] ^V'"' '^' ^' ^"*^ f 16.9 (texte latin;, 1. i { ^'^^- ^' ^°^- "^ CLXVI IbiJ S ï^-v,,p.io5  / Mirr. V. col.  397  ; , . , . , , ( Despiiie et Scr.iiul, S. S Annecy. Archives de la \ „ , ,. r^ ,. I ■,, ,^ ■ 1 rr.de b. y se:> Reliques ville Copie^ / , J , „ . CLXVII, V t - ^ sous la Terreur {ï8b'^)  texte définitif  [ mi nu  te  ^ Episfres spirituelles \ Viv. vi, p. 90  I 1626, 1. vir ( Mig.v, G. 189 et 394 variantes... Paris. Bibliothèque  ( Viv VI p 7 'î texte IlèrissAut, i, p. 136 ...... ' ' ^' " i ^^'g- V, col. 379  CLXVIII, ^, ■ ,r ■ . Mazarine (Copie;.. . . p.i43,var.(c') CASORZo(Piéniont). Ar- chives publiques ^ Carouge (Genève;. ;^ J.Yuy, La P/ii!otlu'e,u ^^^^ \ M"<=Vuy \ (.879\p. 274 CLXX Chambéry. Bibliothè- que publique ^ig- vr, col. 1069 [ Iso 5^/^5(1669), I'-'^ Partie )  Viv.  Viv. Mia.  Epistres spirituelles 1626 (texte français) 1629 (texte latin\ 1. 1, ^'f- \ Hérissant, Opuscules, ^ Viv i ". P- 315 i ^^g- \ Epistres spirituelles \ Viv \ 1626, 1. i \ Mig ( Ibid., 1626 (texte fran < çais\ 1629 (texte ita ( lien), 1. I ) ^ TT. ■ . \ "^''^ Hérissant, vi, p. 236.. ,^.^  Viv. Mie  Inédite Inédite VI, col. 933 Inédite VII, p. 94 VI, col. 597 VIT, p. 95 VI, col. 601 Inédite IX, p. 337 vr, col. 601 VI, p. 159 V, col. 409 Inédite VII, p. 89 V, col. 364 Inédit VII, p. 240 V, col. 1400 VI, col. 932 VII, p. 98 V, col. 421 Inédits VI, p. 17 6 V, col. 427 • VI, p. 177 V, col. 425 XII, p. 142 V, col. 1633  487  NOUVELLK EDITION  texte  ^^^^ ' variantes., autre leçon CCXVI CCXVII CCXVIII CCXIX ccxx CCXXI CCXXII j I pp. 282-287 ccxxiii'": "-""•• 1 suite [ variante (a) / texte déli- CCXXIVj nitif. ( minute. . . . ccxxv CCXXVI j CCXXVII CCXXVIII j CCXXIX CCXXX  PROVENANCE DES MSS. Procès de Canonis. de \ S"^ J.-F. de Chantai.. ) \ l \ l Paris. Maison-Mère des ^ ReligieuxdesSS.ee. ) SoLEURE. Visitation \ (fragments ; voir rc- ' marque (b), p, 274). . ) Turin. Comte Olivieri Paris. Salle capitulaire j de Notre-Dame ( Florence. Me"" San Cle- j mente, Ev. de Pescia ) Annecy. Visitation... ( ) Annecy. Visitation Turin. Archiv. de l'Etat ) (Copie) ) Annecy. Visitation . . . Turin. Bibl. Civica... Marin (Chablais). Ar- i chives de Blonay. . . . (  PREMiIrE I'UBUCATION r/6'deS"'J.-F.deChan- tal,par le P.Fichet(i), P*' Partie, chap. xi Vie du Saint par Char- les-Auguste, liv. VI Hamon, Vie de S. Fr. ^^S.(i854\t.I,l.IV,c.ni Ep is très spirifue lies 1626, 1. IV Ibid., 1. III  EUITiONS MODERNES  Hérissant, i, p. 254 . Œuvres i6.|r, t. II cpist. XVI  Datfa, I, p. 28:  Bpisfres spirituelles 1626, 1. II  Datta, I, p. 282,  Epistres spirituelles 1626, 1. II  Batta, I, 2S3.  ^ Viv. i Mig. i ^-• ( ^^^>. \ Viv. i Mig. ^ Viv. i ^^^'>. \ Viv. ( >^^.-- ^ Viv. ( ^^ig- I Viv. Mig. [ (voir Viv. M:g. { Viv. ) Micr.  X, p. ir V, col. 428 X, p. 22 V, col. 446 X, p. 123 V, col. 547 VI, p. 187 V, col. 445 IX, p. 563 V, col. 1618 VII, p. 104 VI, col. 605 X, p. 25 V, col. 452 not.(i),p.28i; VI, p. 193 VI, col, 606 X, p. 29 V, col. 454  Marin (Chablais). Ar- chives de Blonay . . .  DatLi, I, p. 285 Mémoires de l'Académ , Salés,, t. VI Hérissant, i, p, 27S . . A//woîV^.s de l'Académ , Salés., t. VI Epistres spirituelles 1626, 1. I  Ibid., 1. III  \ VIV. VII, p. 105 ( Mig. VI, col, 607 Viv. vir, p. 107 Mig. VI, col. 607  ( Viv. IX, p. 341 ( Mig. V, col. 460  Viv. V, p. 500 Mig. IV, col, 647 et V, col. 463 (deux i'^ '■5 alinéas) Viv. X, p. ^6 Mig. V, col, 463  (i) Les saintes Reliques de VErothée, en la sainte vie de la Mère Jeanne Françoise de Fremiot (sic). Baronne de Chatital, première Supérieure, et Fondatrice de V Ordre de la Visi- tation sainte Marie. Excellent original de sainteté, et vray pourtrait de VEspoxise de Jésus. De la main du R. P. Alexandre Fichet, Théologien, de la Compagnie de Jésus. A Lyon, chez Vincent de Cceursillys, en rue" Tupin, à l'enseigne de la fleur de Lis. mdclxii.  NOUVELLE EDITION ccxxxr ccxxxii CCXXXIII (pp.352-365  PROVENANCE DES MSS.  CCXXXIV  ccxxxv  Ipp. 366-369 j (11.1,2).. \ Un  Annecy. Visitation . Paris. Visit. fa'» M'  CCXXXVI Turin. Archiv. de l'Etat  CCXXXVII IJ(  CCXXXVIII  Turin. G^° Maîtrise des SS. Maurice et Lazare  CCXXXIX Turin. Archiv. de l'Etat /'texte incomplet l(voirn.(i),p.38i)  ccxL\'PP-^^„°-'^_^_-;/|  Turin. Visitation  pp. 387,388(11. 1-36J suite  CCXLI  CCXLII.. CCXLIII. CCXLIV . CCXLV.. CGXLVI  Grande-Chartreuse, . Genève. Bibliot. publ , Annecy. Visit. (Copie) Thuyset (Thonon). Comte de Foras  PREMIERE PUBLICATION EDITIONS MODERNES Lettre spirituelle h une [ Viv. vi, p. 198 Abbesse (1678) (i) . . . \ Mig. v, col. 473 \ Hérissant. Opuscules,^ Viv. vu, p. 108 i n, p. 320 \ Mig. V, col. 487 (, Epistres spirituelles \ Viv. x, p. 48 i 1626, 1. m \ Mig. V, col. 480 i Ibid., Lu S 7'^'- ^' P- 56 f M!g. V. col. 490 Ibid., 1626 (texte fran- ( çais),i629(texte latin), ^"'' ^'"' P- ^^^ 1. I {^'S"' '^'. col. 505 Datta, I, p. 206 ... ' ^, ^ ^ ( Mtg. VI, col. 609 Ibid., p. 2S8 ' ^ / ( Mtg. VI, col. 610 Revue Savoisienne, jan- vier 1880 r» 4t \ ^^^- 'V'", p. 122 Datta, I, p. 290 { - . . ' ^ ^ ^ ' ' ^ ' \ Mig. VI, col. 611 Epistres spirituelles ) i626,Lv i^'^-v, col. 511 B.jtta, I, p. 293 Ibid., VI, col. 613 Viv. X, p. 76 Epistres spirituelles t Viv. x, p. 42 1626, 1. V ( Mig. V, col. 468 1^ Œuvres, 1641, t. II, i y/r. XII, p. 96 ( epist. XXXVI l Mig. v, col. 1 582 Inédite Datta, I, p. 301 ,,. ^, , ' ^ ^ ■> ( Mtg. VI, col. 619 Inédite Inédite  ( I ) Lettre spirituelle de Saint François de Sales, Evesqne et Prince de Genève, écrite h une Abbesse de son temps, touchant la manière de bien gouverner son Monastère. Très utile à tous Supérieurs et Supérieures de Communauté Religieuse, et à toutes les personnes qui ont quelque authorité sur les autres. Première Edition, non encore mise en lumière. A Paris, chez Jacques de Laize-de-Bresche, rue S. Jacques devant S. Benoist, à l'Image S. Joseph. MDCLXXVIII. Sur l'exemplaire de cette plaquette conservé au i'^'' Monastère de la Visitation de Paris on lit la note suivante, d'une très ancienne écriture : « Agrès sil vous plaist ma Révérende ('izVj cette lettre dont jay veu l'original escrit de la main de vostre S' Fondateur, et vous souvenes en vos S'<^« Communions et s"=s oraisons de vostre plus humble et plus affectionné en Jésus et Marie. « Fr. CosME DE Mante, Capucin ind. »  NOUVELLE EDITION CCXLVII (frngment; CCXLVIII j CCXLIX CCI . CCLI CCLII ccLiir CCLIV ) CCLV CCLVI CCLVII ( variantes. . CCLIX CCLX j CCLXI ( variantes. . CCLXIIl!*"'' ( variantes. . CCLXIV CCLXV CCLXViS ^^''^''•••••- f variantes. . CCLXVII CCLX VIII CCLXIX CCLXX  PROVENANCE DES MSS. Annecy. Visitation . . . Idem. (Ancien Ms. de ) l'Annt'e Sainte) \ San ViTo al T.\glia- MENTo(Vénétie). Visi- tation Annecy. Visitation.. . . I^'" Procès de Canonis. \ Idem Tuiux. Visitation BhRNEx (canton de Ge nève). Presbytère. . , Idem Annecy. Visitation... Rennes. Visitation.. . . P"" Procès de Canouis. ) Rennes. Visitation.... \ P-- Procès deCanonis. Milan. Archives du ) prince Trivulzio . . . . j Turin. Visitation P"" Procès de Canonis Annecy. Visitation. . Idem (Copie) Idem (Autographe).. Idem Fribourg. Evèché. . . Idem Annecy. Visitation . . Idem \ ( P"" Procès de Canonis. Londres. M'"* A. Mor- rison  489 PkLMlÈRL PUBLICATION EDITIONS MODERNES Inédit \ Vii\ vu, p. 1^3 Datfa, n, p. 32 , w • , . Inédite Inédite K/V du Saint, par Char- \ Vro. vni, p. 13,^ les-Auguste, liv. III { ^l'g- v, col. 3 j8 Inéditi ,„ ^ . TT \ ^'■^' '^' P- 321 Cc/a'/'^i 164T, t.II.ep.ii 1 ... . ' ^ ( Mig. V, col. 370 Fleury, Hist. de l'Egli- se de Genève{i%%o),\.. II Ibid. Mig- VI, col. 917 Inédite Inédite Inédite \ Mig. vr, col. 919 i (traduction) Inédite Inédite Mig. vr, col. 920 Mig. IX, col. 46 Inédite Inédite Inédite Epis très spirituelles { Viv. ix, p. 326 1626, 1. I ( Mig. V, col. 373 Inédite Inédite  APPENDICE  I P' Procès de Canonis. II Idem Datta, \  p. 245  III.  I^ Annecy. Visitation. . . Ibid., p. 276  Inédite Viv. IX, p. 308  ' ' ^- -'♦^ ^Vi/^. vr, col. 583  IP' Procès de Canonis. Ibid., p. 268 \ /:"■ '^' P- 33^ i Mig. VI, col. 597  ^ Viv. IX, p. 338 { Mig. VI, col. 602  490 NOUVELLE ÉDITION  TROVENANCE DES MSS.  PREMIÈRE PUBLICATION ÉDITIONS MODERNES  I II III IV V VI VII VIII IX X XI l i^"" alinéa XII.. . / suite XIII I II D E F  B P"" Procès de Canoais. Idem Annecy. Visitation (An- ) cienne copie) \ I^"" Procès de Canonis. Idem  Datta. I,  p. 230.  Idem Dafta, i, p. 2;  Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem.  ^ Cf. Vie du Saint, par } Charles-Aug., liv. IV  Inédite Inédite Viv. IX, p. 294 Mig. VI, col. 573 Inédite Inédite Viv. IX, p. 298 Mig. VI, col. 577 Inédite Inédite Inédite Inédite Inédite Inédit Cf. Viv. IX, p. 30g Cf. Mig.v, col. 367 Inédite  Annecy . Visitation ^^i- ^x» col. 37  Idem,  Ibid., col. 6]  Tiiorens-Sales. Comte de Roussy de Sales Mior. ix, col. 64  Annecy. Visitation... IP Procès de Canonis.  Inédite Inédite  I  INDEX DES PRINCIPALES NOTES HISTORIQUES ET BIOGRAPHIQUES CONTENUES DANS CE VOLUME { i )  Abondance (Introduction des Feuillants à l'ab- baye d') Pages 373 AcY Antoine Hennequin (seigneur d') » 121 Albigny Charles de Simiane de Gordes (seigneur d') » 178 Aldobrandino Pierre, Cardinal » 81 Ancina Jean-Juvénal (Bienheureux), Oratorien, Evêque de Saluces » 7, 343 Arrigoni Pompée, Cardinal » 3 Barge Louis de la » 216 Baronius (Baronio) César, Cardinal » 42 Bartoloni Etienne, Jésuite » 26 Bastie Jacques de Champier (baron de la) » 208 Beaucousin Richard, Vicaire de la Chartreuse de Paris » 118 Beaulieu Madeleine de la Barge (dame de) » 216 Beaune Renaud (de), Archevêque de Sens » 324 Beauvilliers Marie (de), Abbesse de Montmartre » 171 Bellecombe Jean-François de Thoyre (seigneur de) » 261 Bellevaux (prieuré de) » 275 Benzoni Rutilius, Evêque de Lorette et Recanati » 8 Berliet Jean-François, Archevêque de Tarentaise » 23 BÉRULLE Louise Séguier (dame de) » 159 BÉRULLE Pierre, Cardinal de » 1515 Bianchetti Laurent, Cardinal » 3 BiRON Charles de Gontaud (duc de) » 98 Blon AY Claude de » 1 24 Blonay Jean-François de » 298 ( i) Dans cet Index on a donné aux personnages une désignation identique à celle que leur attribue le texte des Lettres. Saint François de Sales emploie communément le nom sous lequel ils sont le plus connus : c'est tantôt le nom patronymique, tantôt cslui de quelque seigneurie. D'autres fois il ne les désigne que par leur charge : dans ce cas, cette indication est ajoutée à la suite du nom.  492 Lettres de saint François de Sales BocHUT Antoine Pages 46 BoisY Françoise de Sionnaz (dame de) » 244 BoLLiETTE ou BouLLiETTE Guillaume, Cordelier. . » 174 BoNiER Louis » 223 Bourgeois Rose, Abbesse du Puits-d"Orbe » 27 i Bozio Thomas, Oratorien » 12 Bretonnière Charles Chaliveau de la » 214 Broglia Charles, Archevêque de Turin » 224 Brosses Pierre de » 210 Brulart Marie Bourgeois (dame) » 267 Buccio Philippe » 5 BuRGiAT ou DuBORjAL François, curé de Beaumont » 179 Cacciaguerra Buonsignore, Oratorien » 344 Castorio Bernardin, Jésuite » 20 Chantal Celse-Bénigne de Rabutin (baron de). . . » 328 Chantal Christophe de Rabutin (baron de) » 370 Chantal Françoise de Rabutin » 360 Chantal Jeanne-Françoise Frémyot (Sainte), ba- ronne de » 263, 367, 369 Chantal Marie-Aimée de Rabutin » 328 Chapitres de la Cathédrale et de N.-D. de Liesse (Différend au sujet de la procession du Saint- Sacrement) » 211 Charmoisy Claude Vidomne de Chaumont (sei- gneur de) » 216 Chemin Nicolas Luillier ? du » 120 Contamine-sur-Arve (prieuré de) » 241 Conti François de Bourbon (prince de) » 11 CoNTi Jeanne de Coëme (princesse de) » 11 CosTANTiNi Antoine-François, primicier de Lorette » 8 Directeur (premier) de la baronne de Chantal . . » 277 DuNANT Antoine, curé d'Abondance » 250 Dunghen ou Dungen Rodolphe Janssen (van den) » 247 Du VAL ou du Val André » 188 Entremont (monastère d') » 241 ExcoFFiER Jacques » 222 Favier Pierre du Noyer de Lescheraine » 154 FiLLEs-DiEU (Communauté des) » 136 Floccard Louis » 60  Indhx des notes 493 FouRiER Jean, Jésuite Pa<^es i 56 Frémyot André, Archevêque de 'khii-j^cs » 299 pRÉMYOT Bénigne »> 326 Frémyot Claude » 280 Gabaleone Jean Baptiste ') 225 Galésius, Cordelier » 102 G ALLEMAND Jacqucs » 118 Galletti Thomas, Oratorien » 12 Gallonio Antoine, Oratorien » 12 Gentil Jean, Jésuite, Provincial de Lyon » 26 Gottry Nicolas » 4^ Gratien Jérôme de Aldorete, Carme » 283 Gribaldi Pompée » 35 Gribaldi Vespasien, Archevêque de Vienne » 24 Hayes Antoine des » 251 Joyeuse François, Cardinal de » 4^ ^ Lesdiguières François de Bonne (duc de) » loo Lobet ou LouBET Jean-François » 292 LocauET Nicolas » i99 LoRNAY François de Menthon (de), doyen de Notre-Dame d'Annecy » 186 Lux Edme de Malain (baron dj) » 80 LuYRïEu Aimé Mermonio (de), Prieur de Bellevaux » 276 Machet Claude » 96 Mallians Jean-Marin de. » 108 Maneuvre Jean Hennequin (seigneur d.) » 121 Masius Gysbertus, Evêque de Bois-le-Duc » 246 Matharel Pierre de Saint-Bernard, Général des Feuillants » 373 Mattei ou Mathri Jérôme, Cardinal » 3 MÉDio Jacques de » 49 Mercœur Françoise de Lorraine (duchesse de). . . » 1 1 1 Mercœur Marie de Luxembourg (duchesse de). . . » m Mercœur Philippe-Emmanuel de Lorraine (duc de) » 1 10 Mess A Edmond de » 157 Milliet François-Amédée » 195 Milliet Louis » 219 Milliet Philibert-François, Evéque de Maurienne » 195  494 Lettres de saint François de Sales MiucET ou Myeusset (familles) Pages 95 M0GENIER ou MojoNiER Pierre, curé des AUinges » 376 Montglat Robert de Harlay (baron de) » 58, 419 Montmartre (abbaye de) » 172 MoYRON François Paquellet (coseigneur de) » 103 Moyron Jean Paquellet de » 196 MuGNiER ou Muneri Guérin » 126 Nemours Anne d'Esté (ducliesse de Genevois et de) » 184 Nemours Henri de Savoie (duc de Genevois et, de) » 211 NouvELLET Claude-Etienne » 47 Orléans Catherine (d'), princesse de Longueville » 131 Orlié ou Orlier Claude d' » 158 OssAT Arnaud, Cardinal d' » 99 Paleotti Alphonse, Cardinal-Archevêque de Bo- logne » 9 Peillonnex (prieuré de) » 242 Pierre de Saint-Bernard. Voir Matharel » 373 Porte Antoine Perret (seigneur de la) » 194 PoTHON Aaron » 49 Prangins Nicolas de Diesbach (seigneur de) » 125 Puits-d'Orbe (abbaye du) » 271  QuoEx Antoine de » 104 QuoEx Bernardine de Chissé (dame de) » 100 QuoEx Claude de » 84 QuoEx Philippe de » 30 Revol Antoine (de), Evêque de Dol » 176 Reydet Jean » 85 RoNCAS Pierre-Léonard (de), baron de Chàtel- Argent , » 378 Rose Henri de la » 400 RouvENOz Claude du. ....... = » 438 RuFFiA Joseph Cambiano (seigneur de) » 13 Sainte-Beuve Madeleine Luillier (dame de) » 121 Sainte-Claire Jacques Orlandin ou Orlandini (seigneur de) » 216 Sainte-Maison de Thonon, * » 105  Index df.s notes Saint-Evroul François Sacquespée de Selincourt, Abbc de Pages Saint-Sépulcre (prieuré du) » Sales Jeanne de » Sales Louis (de), seigneur de la Thuillc » Sales Louis (de), chanoine t> Sancy Nicolas de Harlay (seigneur de) » Santeuil Denis » Savoie Don Aniedeo ou Amé de » Scaglia Philibert-Gérard, ambassadeur de Savoie auprès du Saint-Siège a Secusio Bonaventure (de Caltagirone), Patriarche de Constantinople, Nonce extraordinaire en France » SÉGUiER Anne, Religieuse aux Filles-Dieu » SÉGUiER d'Autry Marie Tudert (dame) » SÉGUIER Jérôme » SiLiNGARDO Gaspard, Evêque de Modène, Nonce en France » Sixt (Visite canonique du monastère de) » SoissoNs Charles de Bourbon (comte de) » SoTO François, Oratorien » SouLFOUR Anne (de), Religieuse aux Filles-Dieu . . » SouLFOUR Nicolas de » Talloires (prieuré de) » Tartarini ou Tartarino Conrad, Evêque de Forli, Nonce à Turin » Tillier ou de Tillier André, Prévôt du Grand- Saint-Bernard )) ToLOSA Paul, Evêque de Bovino, Nonce à Turin » Vallon Charles de Gex (seigneur de) » Vallon Jacques de Gex (seigneur de) » ViLLARs François de Boy vin (baron de) » Villars Jean (de), Jésuite * ViLLEROY Nicolas de Neuville (seigneur de) »  53  495 104 243 344 95 6 419 194 loq  409 170 157 183 429 226 1 1 132 198 116 241 75 239 261 260 417 343 lOI  GLOSSAIRE  DES LOCUTIONS ET DES .MOTS SURANNES ou TRIS DANS UNE ACCF.I'TION INUSITHF. AUJOURD'HUI QUI SE TROUVENT DANS LES LETTRES DE SAINT FRANÇOIS DE SALES CONTENUES EN CE VOLUME (Les mots dtsthignès par UJie* ont paru dans h Glossaire des tomes prJccdents.)  A — pour avec (v. p. 349, lig. 1). *ACCOISER [s) — se calmer (voir p. 3^7). Cf. le lat. ACQUIESCERE. * ACCOMODÉ — pour pourvu (voir p. 293)- ACCORDANT — qui cotîcorde, qui a la même volonté (v. p. 279). ADDRESSE — pour moyen de faire parvenir, conduite, direction morale (v. pp. I, 278). *ADDRESSER — pour introduire, façonner, diriger (v. pp. 139, 188, 190). ADSTRICTION — du lat. astrictio, obligation (v. p. 351). * ADVENTURE (a 1', par) —peut-être. * ADVEU — pour approbation, agré- ment (v. p, 113). AFFECTIONNEMENT — avec affec- tion, avec ardeur (v.pp.107,321,418). AFFECTIVE (1') — la faculté d'affec- tion (v. p, 330). *AGEANCEMENT— ^/s/os/V/o/z/^-Zs*? en vue de Vagrément, ornement (v. p. 322). * AINS — mais, mais plutôt^ mais encore. Lettres II  *ALANGUIR, ALLANGUIR— ren- dre languissant (v. pp. 312, 384). ALLANGUISSEMENT — langueur (v. p. 20^). ALLEURE — pour chemin parcouru par la bête (v. p. 329). ' AMIABLE, AMIABLEMENT - ai- mable, aimablement. * A PEU QUE— à peu de chose près, p^u s'en faut (v. p. 209}, 'APPARENT — du lat. apparens, éclatant (v. p. 86). APPOINCTEMENT — pour accom- modement. résolution (voir p. 428). Cf. rital. APPUNTAMENTO, APPOINTE — pourvu (voir page 444)- • APPREHENDER — du lat. appre- HENDERE, comprendre, saisir par l'esprit (v. p. 261). ' APPREHENSION - action de saisir par Vesprit, d'apprécier (v. pp. 192, 360, 362). APPRINS — participe passé du verbe apprendre (v. p. 86). ''APPRIVOISER — pour familiari- ser (v. p. 30).  498  Lf.TTRHS DR SAINT FRANÇOIS DH SaLKS  ARREMENS — du lat. arrementa, errements (v. p. 49). Cf. le Glossaire de Du Cange. ARRESTER — pour différer (v. pp. 108, 405). * ARTIFICE — pour adresse, habile combinaison de moyens (v. pp. 323, 443). Cf. le lat. ARTIFICIUM. ASSEURÉ-pour/<';-m^,s/rtè/^(v.p.404l ASSEURÉ (estre) — pour être en assu- rance, en sécurité (v. p. I48). * ASSEUREMENT - pour avec certi- tude {v. p. 116). * ASSEURER \%) — pour se tnettre en sûreté (v. p. 183). * ASSORTIR — pour pourvoir, four- nir (v. pp. III, 41 1)- * A TANT — là-dessus (v. p. 49). ATTENDRE A{s) — 'ponT compter sur (v. p. 169). ATTIFFÉ — orné (v. p. 322). * AUCUN, AUCUNE— ipouv un, quel- que, une, quelqu'une (v. pp. 330, 3^0). ♦AUCUNEMENT — quelque peu (v. pp. M4, 359)- AUTOUR— Y>our environ (v. p. 103). *AYSE — pour Joie, consolation (v. p. 252). AYSÉ — pour accommodant (v. p. 60). * BAILLER - donner. BAYSEMAIN — formule de civilité, de compliment (v. p. 97). * BIGEARRE — bi-^arre. BONNEMENT — pour facilement (v. p. 3). BONNETADE — salutation faite en tirant son bonnet (v. p. 322). BOURGEOIS (estre) — au figuré, avoir pris pied (v. p. 143). BRICOLE — action de chanceler, de trébucher (v. p. 168). Cf. l'ital. bar- COLLAMENTO, BARCOLLARE. BRINDE — toast (v. p. }66). Cf. l'ital. BRINDISI. * CADENE — du lat. catena, chaîne, lien (v. p. 117). CAPABLE (estre) — pour avoir l'in- telligence d'une affaire, la compren- dre, la saisir (v. p. 400). Cf. l'ital. BSSER CAPACE.  CAPABLE (rendre) — pour instruire, informer (v. p. 106). CARABIN — soldat de cavalerie lé- gère au XVF siècle (v. p. 383). CARESSER — pour faire bon accueil, traiter avec bienveillance, avec affec- tion (v. pp. 30, 269). CAROUZ (faire des) — trinquer (voir p. 361). De Tallemand GARAUS. Voir le Diction'"^ de Hatzfeld et Dar- mesteter au mot carrousse. *CASQUET — ancien terme militaire: casque léger et ouvert (v. p. 329). * CE — pour ceci, cela. CELEBRE — du lat. cbleber, solennel (v. p. 250). CELLE — du lat. cella, cellule (voir p. 335)- ♦CEPENDANT, CE PENDANT — pour pendant, pendant ce temps (voir pp. 49, 61, 104 etc.) CESTE — employé substantivement pour cette lettre (v. p. 86). ♦ CETTUY CI, CESTE CI — celui-ci, celle-ci. ♦CHACUNE — pour chaque (voir p. 318). CHAMS (aux) — pour h la campagne (v. pp. 39^ 444). CHARLATERIE — charlatanerie (v. p. 323). CHEMIN (en) — pour acheminé (voir p. 4). • CHEVIR — venir a bout (v. pp. 78, 194, 252 etc.) CIRCONSTANCE — terme de rhéto- rique : lieu commun comprenant ce qui a rapport à la personne, à la chose, au lieu, k la manière, au temps (v. p. 306). Cf. le Diction'"'^ de Littré. CL.^ USURE — du lat. clausura, clô- ture (v. p. 339). ♦COMME — pour <:omm^/i/(v. pp. 181, 302, 318, etc.) COMME QUOY — locution interro- gative, pour comment {y. p. 337). ♦COMMODITÉ - pour facilité, moyen de recourir à (v. pp. 217, 274, 397)- COMPLIMENT — pour complément (v. pp. 442, 446.)  Glossaire  499  COMTl-, CONTE — pour compie (v. pp. 5, 124, 1^6, etc.) CONCASSEURli — fracture (voir p. 148]. Cf. lat. CONQUASSARE. CONCURRIR — Ju lat. conxurrhre, conconrir v. vnr. (i), p. 172). * CONFERER — du lat. conkerre, contribuer (v. p. 275). CONFORMEMENT — pour^/"«//row- tnun accord (v. p. Oo). CONSIDERABLE — pour digne de consid.'raiion (v. pp. 192, 443). * CONTEMPLATION (en) — pour en considh-iition (v. p. 201). CONTENT — pour comptant (voir p. 219). * CONTENTION— du lat. coNTENTio, forte opposition, lutte (v. pp. 149, 328). * CONTREROLLER - contrôler (v. p. 167). CONTREROLLEUX — contrôleur (v. p. 270). •CONVERSATION — pour com- merce, société (v. p. 177). •COSTER — coûter (v. p. 102). COUCHER — pour exposer far écrit (v. p. 268\ * COURAGE — pour V^/><'(v.p.i86). ENDOMMAGÉ — pour blessé (voir p. 170). ENDROIT (en cest) — pour en cela, en ce sujet (v. p. 147). EN ESTRE — qui existe (v. p. 93). Du lat. IN ESSE. * ENSEMBLEMENT — ensemble (voir p. 114). *ENSEPULTURER - donner la 5/- /»;///Mr^(v.p.383),Dulat. SEPULTURA. * ENSUIVRE, ENSUYVRE (s') — pour suivre [w.i^^. 312, 335). ENTENDANT — pour entendu (voir p. 382). ENTENDRE — pour acquiescer (voir p. 436).  ENTR'EXTENDRE (s') — s'entendre Vun Vautre (v. p. 200). ENTREPRINSE — pour affaire'\yo\x p. 104). *ENTRETENEMENT — entretien (v. pp. 199, 209, etc.) * ENTRETENIR (s') — pour s arrêter, séjourner (v. p. 439). *ESCLAIRCIR — ■çoViX éclairer (voir PP- 30^> 334, 381). ESLANCEMENT — pour mouvement, élan (v. pp. 204, 383). * ESMOUVOIR— ^OMx exciter, mou- voir (v. pp. 137, 303). * ESTABLIR — pour décider (voir p. ^y^^). Cf. le lat. sTABiLis. ESTROITTEMENT , ÉTROITTE - MENT — pour fortement, stricte- ment {v.^.if)}, etvar.(a),p.44o, etc.) Cf. Tital. STRETTAMENTE. ESVENTER — flairer; au figuré, observer, chercher à pénétrer (voir pp. 102, 118). Cf. le Diction^e de Hatzfeld et Darmesteter. * ET SI — pour toutefois (v. p. 280). * EXACTE — pour sévère, rigoureux (v. p. 365). Du lat. EXACTUS. *FAILLY — pour manqué (v.p. i83\ Du lat. populaire fallire. * FATRAS — amas de choses fasti- dieuses, paroles ou écrits (v. p. 322). Cf. le Diction'-'^ de Littré. FAUTE (a) — à défaut (v.pp. 126,218). FAUTE (estre en) — pour être dé- pourvu (v. p. 102). FAUTE (ne faire) — pour ne pas man- quer (v. p. 226}. FERME — pour conclu, arrêté (voir p. 333). Du lat. FIRMARE, rendre ferme, stable. FLACQUE — du lat. flkccvs, flasque (v. p. 313). FLEURI — du lat. floridus, excellent (v. p. 180). FLUIDEMENT (escrire) - en style coulant (v. p. 193). FONDAMENT — du lat. fundamen- Tuu, fondement (v. p. 377). * FORCE (a) — par force (v. p. 144). » FORCLORRE — exclure (v. pp. 273, 284, etc.)  Glossaire  501  FORME — pour manit-re [v. pp. 29s, 297). Cf. Tital, FORMA. ♦FORTUNE (par) - /..ir /lasani {voir p. 189). •FOURRIER — avant-coureur (voir p. 367). FRAGRAXT — du lat. tragrans, odorant, parfume (v. p. 163). * GARDER — pour etnpêc/ier{v. p. 206). GARDIATEUR— du bas-lat. garoia- TOR, /rardien (v. p. 192). GASTER — pour détruire {w p. 3.18). * GAUCHIR — prendre les choses de biais (v. p. 339), * GOURMANDER — pour lire avi- dement (v. p. 190). Cf. le Diction'^'^ de Hatzfeld et Darniesteter. GOUVERNER — pour 5- qu'alors (v. p. 443). * LAI — laïque (v. p. 49). * LA OU — pour au contraire (voir p. 165). LEÇON — pour lecture (v. pp. 330, 358). * LEVER — du bas-lat. lbvare, ôter, prélever, enlever (v. pp. 388, 416, 444)- * LHORS — pour alors, en ce temps-là. * LIBERTINAGE — état de celui qui s'affranchit de toute règle (v. p. 403). * MACULE — du lat. macula, tache, souillure (v. p. 139). MADAMOISELLE — appellation usitée Jadis à l'égard de toute femme mariée qui 7i était pas noble, ou qui, étant noble, n'était pas titrée (voir pp. 119, 121, 156). MAIN (tout d'une) — pour tout d'un trait (v. p. 218). MAINTENANCE — action de main- tenir (v. p. 200). * MALOTRU — misérable (v. p. 299). •MANQUEMENT — pour manque (v. pp. 364, 441). MARINE — powx maritime {y .p .26/O. * MARRI, MARRY —fâché; adjectif participe de l'ancien verbe marrir. Cf. le Diction"''^ de Hatzfeld et Dar- mesteter. MEMOIRE — pour w^w^«/o(v.p.34o). MENUSAILLE — menuaille ; quan- tité de choses petites (v. p. 297).  502  Lettres de saint François de Sales  * MHSH UY — iUiJouyd'Iiui, désormais. *MESMEMENT— même, surtout. MIS A FIN — terminé (v. var. (f), p. 436). MONASTIQUE — du grec monos (seul), personnel.^ privé yv. p. 189). MOYEN — pour ressource pécuniaire (v. pp. 147, 148). MUGUETTE - flatterie, adulation (v. p. 322). NANNI — nenni (v. pp. 200, 286). NE — pour ni (v. p. 3, lig. i), NON PLUS — pour rien plus, plus rien (v, pp. 252, 295). * NOURRIR — pour élever, entrete- nir (v. pp. 148, 208, 264, etc.) * NOURRITURE — pour éducation (v.p.361). * OBEDIENCE — du lat. obedientia, obéissance (v. pp. 337, 367). * OFFICE — pour assistance, service (v. p. 427). OFFRE — pour offrande {v. pp. ^^^, * ONQUES — du lat. vsqtjam, jamais. ORES QUE — bien que (v. p. 364). * OR SUS — parole d\ncouragement. Cf. l'ital. ORSÛ. *OUBLIANCE — de l'ancien ital. OBLIANZA, oubli (v. p. 346). OUTRE (bien) — pour extrêmement (v. p. 29). OYT (elle) — 3^" personne du présent de Findicatifdu verbe oî (v.p.353). PANTELEMENT — action de pante- ler, de haleter (v. p. 385). PAR — au lieu àepoiir (v. p. 165, lig. 3), * PARACHEVER — compléter, par- faire [w. p. 274). * PAR APRES — après, ensuite, dans la suite. * PARDEÇA — de ce côté-ci (voir pp. 405, 412). PARDELA (au) — au-delà (v. p. 79). PAR EXPRES — pour expressément (v. p. 87). PARTEMENT — départ (v. p. 261). Cf. l'ancien ital. partimento, /jr- ten^^a.  PARTIE — familier : femme a V égard du mari (v. pp. 16, 100, 117). PARTY — pour partagé, hésitant (v. p. 235). Du lat. PARTIRI, PARTIRB, partager. * PASSEE — trace laiss 'e en passant par certains animaux (v. p. 329). PATRIOTTE — pour compatriote (v. p. 31). PENSIONNETTE - petite pension (v. p. 139I * PETIT (un) — pour un peu (v. pp. 102, 146, 203, etc.) * PIEÇA — il y a longtemps, il y a quelque temps; étym., pièce et A (v. pp. 88, 418). PLANTATEUR — du lat. plantator, planteur (v. p. 264). * PLAYSANT — pour agréable (voir p. 318). PLEIN (a) — complètement (v.p.ic2). Cf. l'ital, APPiENO. PLEUVRA — pour fera pleuvoir [voir p. 206;. POIX — pour poids, contrôle (v. p. 3). * POUR — il cause de (v.p.144). * POUR AUTANT — pour d'autant (v. pp. 125, 444). * POUR CE — pour parce. POUR CE REGARD, POUR MON REGARD — pour quant à cela, quant à moi (v. pp. 79, 391, 369). * PREIGNANT — /;v.s5a«/(v.p. 139). * PREMIER — pour en premier lieu^ le premier (v. p. 99). * PRENDRE (en) — pour en être, ar- river (v. p. 168). PRENDRE (se) — pour sattacher (v. p. 266). * PRESCHEUR — prédicateur (voir p. 301). * PRINS — participe passé du verbe prendre (v. pp. 108, 115, 444). *PRIS - ponx prix [\. p. 3). * PRIS (au)— en comparaison {y. p. )66). •PRISE — pour récolte (v. p. 219). *PROBATION — du lat. probatio, épreuve (v. p. 391). •PROCEDURE— pour manière de procéder (v. p. 384), PROGRES (au) — pour dans la con- tinuation, dans la suite (v. pp. 85, 96).  Gl.OSSAIRF.  503  * PROU — beaucoup, assei. * PROU VOIR — pourvoir. PUREMENT — pour sincèreinfut, franchement (v. p. 3.|''i\ * PURGER — pour nettoyer, purifier (v. pp. i.n, 190). •Q.UAND — pour quant ^v. pp. 2, 368, etc.) * QUANT ET QUANT - avec, simul- tanément (v. pp. 103, 199). QUARTEMENT — quatrièmement (v. p. 310^. QUE CE FUT — pour ce quil en sera (v. p. 100}. QUI — pour c^t// 351, en marge : Lucae, x, ^8-^^ — lire : ^8 ^2.  l.ETTRFS II  TABLE DES MATIERES  Avant-Propos v Avis au Lecteur xii  ANNEE 1599 Lettre CXXI — AM=''DE GrANIER. — Réponses faites par le Saint- Siège à diverses requêtes présentées au nom de l'Evèque de Genève. — Bel ordre de la Cour romaine. — Eloge de plusieurs Cardinaux. — L'Evêque de Modène nommé nonce en France. — Accident survenu au P. Chérubin. — Dévouement du prieur de Contamine et du seigneur Bonesio. — Prochain retour en Savoie. I CXXII — Au Chanoine de Sales. — Succès du Prévôt dans l'exa- men public qu'il vient de subir devant le Pape 6 CXXIIl — Au PÈRE AnCINA. — Bienveillant accueil reçu de l'Evèque de Lorette et de l'Archevêque de Bologne sur la recommanda- tion du P. Ancina ; estime que professe pour ce dernier le duc de Savoie. — Oppositions faites par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare à l'exécution du Bref pontifical concernant les biens ecclésiastiques du Chablais. — Voyage projeté de Charles- Emmanuel en France. — Divers messages n CXXIV — Au Chevalier de Ruffia. — Invitation à se rendre en Chablais I 2 CXXV — A M. d'AvulLY. — Réclamation d'une somme due à M. de Boisy 16 CXXVl — A M'"" RiCCARDI. — Retard que les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare apportent à l'exécution du Bref apostolique. — Activité des Genevois pour entraver les conversions. — Persé- vérance des convertis ; grâces qu'ils reçoivent de Dieu. — Demande de diverses faveurs I y CXXVII — Au MÊME. — Réception de deux lettres du Nonce, — Eloge de Me"" de Vienne. — Largesses du duc de Savoie; son projet d'établir un collège de Jésuites à Thonon. — Prochaine arrivée de ces Religieux. — Détails matériels 23 Lettres II 33  5o8 Lettres de saint François de Sales CXXVIII — Au Duc DE Savoie. — Bonne harmonie qui règne entre l'Archevêque de Vienne et TEvêque de Genève, — Espérances que fait concevoir le collège des Pères Jésuites 29 CXXIX — A M. de Quoex. — Lettre reçue de M. de Qiioex. — Recommandation en faveur de trois jeunes gentilshommes 30 CXXX — A M°'" R1CCARDI. — Rupture des communications entre Annecy et Chanibéry. — Libéralités du duc de Savoie pour le Chablais. — Arrivée d'un Père Jésuite à Thonon, où cinq autres sont encore attendus. — Les intérêts de la mission activement poursuivis à Rome. — Aumône faite par le duc à une protestante convertie, — Prochain départ de Son Altesse pour la France. . , ^ i CXXXI — Au MÊME (Inédite). — Ordres donnés par le duc de Savoie en faveur de la maison de refuge projetée à Thonon. — Il est urgent que les pouvoirs spéciaux concédés aux missionnaires ne soient pas suspendus pendant l'année du Jubilé. — Procès re- latif à la cure du Petit-Bornand 28 ANNÉE 1600 CXXXII — Au Cardinal Baronius (Inédite). — Bienveillance du Saint-Siège pour la mission du Chablais. — Joie de savoir le Cardinal nommé protecteur de cette œuvre 42 CXXXIII — A M^^"" RiCCARDI. — Réception de plusieurs lettres. — Eloge de quelques ecclésiastiques. — Les bonnes intentions du duc de Savoie en faveur du chanoine Nouvellet restent sans effet. 45 CXXXIV — A M. POTHON (Inédite). — Demande de pièces néces- saires à la poursuite d'un procès 49 CXXXV — A M-*" RiCCARDI. — Dangers que courent les Catholi- ques du Chablais ; leur constance en face du péril. — ■ Indisposition de Ms"" de Genève. — L'Archevêque de Vienne expulsé par les Valaisans 50 ANNÉE 160I CXXXVI — A M=^ DE GraniER. — Envoi de deux lettres. - Aggravation de la maladie de M. de Boisy 53 CXXXVII — Au PÈRE AnCINA (Inédite). — Remerciements pour l'intérêt qu'il porte au Chablais. — Tribulations qui ont fondu sur cette province. — Espoir d'une prochaine paix.— Les poursuites entreprises au sujet de la coadjutorerie de Genève restent sta- tionnaires 54 CXXXVIII — A M^"" RiCCARDI. — Constance des Catholiques de Thonon et de Ternier opprimés par les Genevois. — Prière de solliciter les prébendes d'Abondance promises à M. Nouvellet. . . 57  Table des Matières 509 CXXXIX — A M. d'AvullY. — Le Saint rend compte de son in- tervention auprès du duc de Nemours pour le règlement d'une affaire diiitcrèt 60 -^ CXL — A M'-'' RiCCARDI. — Regret d'apprendre le rappel du Nonce. — Nouvelles conversions en Chablais. — Mauvais vouloir de ceux qui devraient les favoriser. — Succès de la mission entre- prise dans le bailliage de Gaillard. — Espoir de ramener à la vraie foi le pays de Gex. — Demande de quelques faveurs. — Travaux apostoliques de l'Archevêque de Vienne et de TEvêque de Genève 62 CXLI — A DES AMIS (Inédite). — Départ précipité pour traiter des intérêts de la religion dans le pays de Gex 68 CXLII — A M-' RiCCARDI (Inédite). — Le pays de Gex soumis à la France ; intention du roi d'y rétablir la religion catholique; opposition des Genevois; démarches faites pour en triompher. — Reprise des poursuites commencées au sujet de la coadjutorerie. yo CXLIII — A M^'"TaRTARINI. — Prière de s'intéresser à la restitution des biens ecclésiastiques du pays de Gex nz -> CXLIV — Au Duc DE Savoie. — Obstination de quelques hérétiques de Thonon. — Mesures à prendre pour en triompher nn CXLV — Au Baron de Lux. — M»^ de Granier est prêt à évan- géliser le pays de Gex 80 CXLVI — Au Cardinal Aldobrandino (Inédite). — Henri IV demande l'évangélisation du pays de Gex. — Son désir de restituer au clergé les biens ecclésiastiques usurpés par les Genevois. — Démarches à faire pour obtenir cette restitution 8 1 CXLVII — A M. DE QUOEX. — Bonnes intentions du roi de France en faveur des Catholiques. — Formalités à remplir pour en obtenir la mise à exécution 84 Mémoire 86 CXLVIII — A UN inconnu (Inédite). — Le Saint s'estime heureux d'entrer en relation avec ce personnage et lui promet des docu- ments historiques 87 CXLIX — A M»"" TaRTARINI. — Evangélisation des bailliages de Gex et de Gaillard. — Prochain voyage du Saint à Paris pour négocier la restitution des biens ecclésiastiques. — Avantages qu'apportera l'établissement de la Sainte-Maison; moyens de lui assurer des ressources.— Renseignements sur Jules-César Paschali et sa famille 89 CL — A M. DE Sales, son frère (Inédite). — Voies de conciliation à prendre au sujet d'un procès. — Ne pas refuser les avances du procureur Chnppaz g^  5io Lettres de saint François de Sales ANNÉE 1602 -^CLI — A M. DE QuOEX. — Départ du Saint pour Dijon et Paris afin de solliciter le rétablissement de la religion dans le pays de Gex. — Nécessité d'obtenir la médiation du Saint-Siège auprès du roi de France. — Influence du Cardinal d'Ossat sur le monarque, — Nouvelles de M"'^ de Quoex. — Divers messages. — Bon vouloir du baron de Lux ; oppositions de Lesdiguières ^8 CLII — A M»*" DE Granier (Inédite). — Compte-rendu de sa négociation à la cour de France. — Envoi d'une lettre du Nonce de Paris 101 CLIII — A M. DE QyOEX. — Réponse à deux lettres précédem- ment reçues. — Affaire d'intérêt. — Lenteur des négociations poursuivies à la cour. — Un mot sur les dépenses à faire au sujet de la coadjutorerie. — Le Saint est invité à prêcher le Carême à la chapelle de la reine. — Le P. Juvénal Ancina désire se rendre à Thonon. — Différends soulevés au sujet d'un prieuré 103 CLIV — A M""" DE Granier (Inédite). — Difficulté et lenteur des poursuites faites à Paris; espérance de les voir aboutir.... 107 CLV — Au MÊME (Inédite). — Annonce de la visite de M. de Mal- lians. — Crainte d'échouer dans sa négociation auprès du roi de France 1 08 CLVI — Au MÊME (Inédite). — Nouvelles espérances. — Le Saint a prêché devant le roi; il est invité à prononcer l'oraison funèbre du duc de Mercoeur lOO CLVII — A LA Duchesse de MercŒUR. — Il condescend à laisser imprimer l'oraison funèbre du duc de Mercœur, et demande qu'elle soit dédiée à la fille de ce prince III CLVIII — A M. DE Quoex. — Démarches faites auprès de la duchesse de Nemours pour obtenir à M. de Quoex l'autorisation de quitter Rome. — Cause du mécontentement du président Favre. — Affaire de la coadjutorerie. — Faveur dont le Saint jouit à la cour de France, — Divers messages I 1 3 CLIX — A M. DE SOULFOUR. — Remerciements des avances affec- tueuses qui lui sont faites. — Intérêt pour le monastère des Filles-Dieu. — Eloge de M. Gallemand. — Regret de n'avoir pu se rendre à Pontoise. — Le P. Vicaire de la Chartreuse envoyé à Cahors I 1 6 CLX — A UNE DAME INCONNUE. — Recommandation en faveur d'un ecclésiastique pauvre I I O CLXI — A M. DU Chemin (Inédite). — Impossibilité de se rendre à Chancenay, — Prière de l'excuser auprès de MM. d'Acy et de Maneuvre. — • Témoignages d'affection 1 20  Table des MatiÈkhs 511 CLXII — Au Duc DE Savoie. — Retour de Paris. — Protestations de soumission et de dévouement. — Demande de la protection de Son Altesse I 23 CLXIII — A M. Marin (Fragments inédits). — Douleur de la mort de M^*"" de (iranicr. — Indifférence relativement à la dignité épiscopale I 24 CLXIV — A M. DE BlONAY. — Achat de la terre de Thor us par la famille de Sales. — Nécessité de contracter un emprunt pour payer ce domaine. — Prière d'intervenir à cet effet auprès de M. de Frangins I 24 CLXV — A S. S. Clément VIII. — Compte-rendu des négociations faites à la cour de France. — Eloge de M-"" de Granier : son zèle apostolique, sa piété. — Remerciements pour la remise des droits d'annates. — Soumission au Saint-Siège 1 27 CLXVI — Au MÊME. — Combien l'établissement des Carmélites en France contribuerait à la gloire de Dieu. — Trois ecclédastiques de grande vertu désignés pour Supérieurs. — Approbation apos- tolique sollicitée pour l'exécution de ce projet 1 3 l CLXVII — Aux Syndics d'Annecy. — Réponse à leur lettre de félicitation 134 CLXVIII — Aux Religieuses du Monastère des Filles-Dieu. — Témoignages d'estime et d'affection pour leur Communauté. — Pressante exhortation à supprimer les pensions particuliè- res, — Redouter les plus légers abus en matière de pauvreté. — Danger des exemptions et des dispenses. — Confiance que les Religieux doivent avoir en la divine Providence. — Conseils à prendre pour réformer leur monastère 136 CLXIX — A M. DE LA FavERGE — Espoir de le voir à Sales le samedi suivant. — Remerciements pour l'hospitalité offerte à Me-" Gribaldi 1^2 CLXX — A M. FaviER. — Prière de lui continuer son amitié et d'appuyer une requête présentée au Sénat I 54 CLXXI — A M. DE BÉRULLE. — Combien il se réjouirait de le voir venir en Savoie, — Le Saint consacré évêque ; retraite préparatoire faite sous la direction du P. Fourier. — La perfection absolue impossible en ce monde. — Divers messages 155 ANNÉE 1603 CLXXII — A M. d'OrliÉ (Inédite). — Remerciements pour l'affection qu'il lui porte. — Assurance de dévouement I 58 CLXXIII— A M^"" AnGINA (Inédite). — Consécration du Saint; son entrée dans sa ville épiscopale. — Il réclame les conseils de  512 Lettres de saint François de Sales Me"" Anciua et la continuation de son affection. — Remerciements. — Projet de pèlerinage à Notre-Dame de Mondovî ; espérance de le revoir à cette occasion 1 en CLXXIV — A LA Sœur de SoulfOUR. — Caractères auxquels on peut reconnaître les consolations célestes. — Ne pas subtiliser dans le service de Dieu et supporter ses propres imperfections. — La confiance et la simplicité sont particulièrement nécessaires. — Combien le Saint apprécie la nouvelle traduction de l'Insti- tution spirituelle de Louis de Blois. — Messages pour Sœur Anne Séguier 1 63 CLXXV — A l'AbbeSSE de Montmartre. — Souhaits pour la pros- périté de Tabbaye. — Prudence et charité qu'il faut apporter à Tœuvre de la réforme. — Recourir aux conseils de quelques personnes de piété 1 -7 1 CLXXVI — Au PÈRE BoulliETTE (Inédit). — Billet d'affaires 174 CLXXVII — Au Chevalier de Ruffia (Inédite). — Réponse à une lettre de félicitation 1 75 CLXXVIII — A M. DE Revol (Fragment inédit) 176 CLXXIX — A UNE TANTE. — Condoléances sur la mort de son mari 1 77 CLXXX — A M. d'AlBIGNY. — Prochain départ pour le Piémont. — Désir d'obtenir une lettre de recommandation auprès du duc, — Il implore sa protection pour un curé fait prisonnier par les Ge- nevois 178 CLXXXI — A M"^ DE SoULFOUR. — Ne pas chercher au loin des directeurs à consulter. — La trop grande multiplicité de désirs est contraire à la perfection ; il faut exécuter ceux qui sont le plus à notre portée et restreindre les autres. — Promesse de prières. — Souvenir conservé à Sœur Anne Séguier 180 CLXXXII — A LA Duchesse de Nemours. — But du voyage à Turin, dont le Saint est revenu depuis trois jours. — Le duc de Savoie parti pour Nice. — Les ecclésiastiques persécutés par les Genevois 1 84 CLXXXIII — A M. DE MenTHON de LorNAY. — Ordonnance re- lative au choix des dignitaires qui doivent assister TEvêque aux offices de la Fête-Dieu 1 86 ' CLXXXIV — A M. DE Revol. — Envoi d'une pièce sollicitée pour lui à Rome. — Obligation pour un évêque de transformer sa vie. — Il lui serait utile de se lier avec quelques grands serviteurs de Dieu ; éloge de plusieurs d'entre eux. — Livres à consulter sur- tout pendant cette première année. — Avoir une grande dévotion aux saints Anges. — L'Evêque est tenu de prêcher son peuple, 187  Taiu.k dhs MatiÎiKES 513 CLXXXV — A M. DK I.A PoK TE (Imditc). — Dispositions bicnvcil- lantes du duc de Savoie envers M""= de Mcrcœur. — Jugenieul d'un procès entre cette princesse et don Amôdée de Savoie, — Le Saint s'excuse de n'avoir pu achever le payement de la terre de Thorens 1 94 CLXXXVI — A M. d'AlbiGNY. — Réclamations au sujet d'une mesure contraire aux immunités ecclésiastiques iq6 CLXXXVIl — A M. DE SOULFOUR (Inédite). — Abandon et déso- lation de cent églises aux environs de Genève. — Union de prières, — Projet d'écrire à M. Asseline. — Divers messages.. , . iC)y CLXXXVIII — Aux Chanoines de la Collégiale de Saint- Jacques DE SalLANCHES. — Il les engage à accepter une fondation qui leur est offerte pour l'entretien de quatre enfants de chœur I99 CLXXXIX — A M. d'AlbiGNY. — Il sollicite une place pour le neveu de l'Evèque défunt 20 1 CXC — A M"^ DE SoULFOUR. — Suites que laissent certaines infirmités spirituelles : leur utilité. — La perfection absolue impossible en ce monde. — Avoir de grandes prétentions au service de Dieu, mais ne pas s'étonner si elles ne peuvent être entièrement réalisées. — Ne pas se préoccuper des dangers à venir. — Assurance de dévouement 202 CXCI — A UN INCONNU. — Remerciements pour une lettre reçue. — Assurance de dévouement 20^ CXCII — Au Baron de Lux (Inédite). — Prière de s'opposer aux prétentions injustes d'un gentilhomme 2o8 CXCIII — Au Duc DE Nemours (Inédite). — Exposé des différends qui existent entre le Chapitre de la cathédrale et celui de Notre- Dame de Liesse pour une question de préséance. — Les usages des Chapitres de Paris ne peuvent faire loi pour ceux d'Annecy, , , , 2 I I Autre minute de la même lettre (Inédite) 213 CXCIV — A M. d'AlBIGNY. — Prière de s'intéresser à un créancier de la Sainte-Maison de Thonon 2 1 5 CXGV — A M. DE ChaRMOISY. — M^^*^ de Beaulieu demandée en mariage par M. de Sainte-Claire; avantages que présenterait cette alliance, — Elle désire à ce sujet l'avis de M. de Charmoisy.. . , 216 CXCVI — A M. d'Albigny (Inédite). — Il implore la continuation de sa protection pour la Sainte-Maison de Thonon 2 1 8 CXCVII — A M. DE LA Porte (Inédite). — Recommandation en faveur d'un homme qui désirait affermer la terre de Duingt. — Plusieurs affaires d'intérêt seraient à terminer. — Encore un mot sur le payement de Thorens 210  514 Lettres de saint François de Sales CXCVIII — Au Maire et aux Echevins de Dijon. — Réponse à l'invitation qui lui est faite d'aller prêcher le Carême à Dijon. 220 CXCIX — A M. ExCOFFlER (Inédite), — Ordre de biner. — Encou- ragement à se rendre plus capable de ses fonctions 222 ce — A M. BoNlER. — Prière de lui envoyer le bilan des comptes de la Sainte-Maison 223 CCI — AM^''BrOGLIA. — Affaires d'intérêt concernant la Sainte-Maison, 224 CCII — Au Prieur et aux Religieux du Monastère de Sixt (Inédite). — Désir de connaître les résultats obtenus par la visite épiscopale. — Assurance de dévouement 226 CCIII — Au Duc DE Savoie. — Envoi d'une attestation relative à la conversion des bailliages de Chablais, Gaillard et Ternier... 227 -^ CCIV — A S. S. Clément VIII. — Exposé des causes qui ont pro- voqué l'apostasie du Chablais: pression exercée par les Gene- vois. — Envoi de missionnaires. — Zèle déployé par le duc de Savoie ; éloge de ce prince. — Conversion de toute la province. 228 CCV — A M^"" TOLOSA (Inédite). — Tous les monastères de Savoie, ceux des Chartreux exceptés, ont besoin de réforme; au- torité requise à celui qui entreprendrait cette œuvre. — Utilité de l'intervention du Sénat. — Différentes mesures proposées. — Monastères à supprimer. — Situation anormale de ceux de Sixt et de Peillonnex 239 CCVI — A M""^ DE BoiSY. — Allusion aux tribulations endurées durant la mission du Chablais. — Témoignages d'affection 244 CCVII — A UN Prélat (Fragment inédit). — Difficultés que suscite une mesure récemment imposée 245 CCVIII — A M'"" MaSIUS. — Union créée entre les deux Prélats par les persécutions qu'ils endurent de la part des hérétiques. — Recommandation en faveur de Rodolphe van Dunghen ; éloge de ce personnage 246 CCIX — A M. DuNANT. — Ordre de transférer à d'autres jours des aumônes générales 25O ANNÉE 1604 CCX — A M. DES HaYëS. — Félicitations pour le pardon accordé à un contradicteur. — Remerciements. — Désir de terminer sans procès un différend avec l'Archevêque de Bourges. — Le Saint n'abandonne jamais l'étude de la théologie. — Affaire d'intérêt. — EstimepourlesPères Jésuites: joie de les savoir rentrés en France. 25 I CCXI — A UN INCONNU (Inédite). — Réponse aux reproches adressés au Saint, relativement au séjour qu'il projetait de faire hors de la Savoie 254  Table des Matières 515 CCXII — Au Duc DE Savoie. — Annonce de son prochain départ pour Dijon. — Protestation de fidélité 256 CCXUI — A S. S. Clément VIII. — Difficultés que présente l'admi- nistration de la partie française du diocèse de Genève.— Le Saint contraint de se rendre à Dijon y prêchera le Carême 257 CCXIV — A M. DE Vallon. — Condoléances sur la mort de son père 260 CCXV — A LA Baronne de Chantal 262 CCXVI — A la même. — Le désir de la sainteté et l'amour de la viduité sont pour une veuve les deux supports de l'édifice spi- rituel : comment les affermir. — Amour de Dieu et de la sainte Eglise. — Devoir de prier pour les pasteurs et prédicateurs. — Envoi d'un écrit de dévotion 263 CCXVII — A la Présidente BrULART. — En quoi consiste la per- fection propre aux femmes du monde : s'unir à Dieu par la méditation, l'usage des Sacrements, les pieuses lectures et les fréquentes oraisons jaculatoires. — S'unir au prochain par l'affa- bilité, les œuvres de miséricorde, la condescendance envers ses proches. — Rendre la piété aimable en la rendant utile et agréable à tous 367 CCXVIII — A l'AbBESSE du PuiTS-d'OrbE. — Moyens à employer pour la réforme de son monastère : bons exemples, douceur, fidélité aux exercices spirituels 27 I — ?CCXIX — A UN Calviniste. — Sans certaines conditions les con- férences sont infructueuses. — Les hérétiques doivent prouver leurs négations. — Prières pour les morts. — Canonicité des Livres des Machabées et de l'Apocalypse. — Promesse de ne pas refuser une conférence avec les Genevois s'ils la demandent. . . 273 CCXX — Au Duc DE Savoie. — Pauvreté du prieuré de Belle- vaux. — Le Prieur est digne des libéralités de Son Altesse 275 CCXXI — A LA Baronne de Chantal. — Il rassure M"'<^ de Chantai sur l'inquiétude qu'elle éprouve de l'avoir consulté à l'insu de son directeur. — L'unité de direction ne doit pas nuire à la liberté d'esprit. — Lettre reçue de l'Archevêque de Bourges 277 CCXXIÎ — A M. d'AlbiGNY. — Opportunité de quelques modifi- cations dans les lois relatives à l'immunité des églises 28 1 CCXXIII — A LA Baronne de Chantal. — Encore l'unité de direc- tion et la liberté qu'elle comporte; comment l'entendait sainte Thérèse, et comment il faut la pratiquer à son imitation. — Protestation d'entier dévouement. — Combien sont indissolubles les liens formés par la charité. — Secret que doit garder le péni- tent sur ce qui est dit en confession. — Chercher un remède à la  5i6 Lettres de saint François de Sales tristesse et à l'ennui dans les plaies de Notre-Seigneur. — Mys- térieuse formation du Christ dans l'âme chrétienne 282 CCXXIV — A S. S. Clément VIII. — Recommandation en faveur d'André de Sauzéa proposé pour l'évêché de Belley 289 CCXXV — A M. d'AlbiGNY. — Règlement d'une affaire d'intérêt concernant la Sainte-Maison 202 CCXXVI — A M. DE BlonaY. — Difficulté que présente la nomi- nation à un bénéfice 293 CCXXVII — A M""" de Revol. — Témoignages d'affection. — Carême prêché à Dijon. — Eloge des Dijonnais : fruits de salut opérés parmi eux. — Conversions dans le pays de Gex. — Réplique CJirestienne du ministre La Paye. — Le Saint hésite à la réfuter 294 CCXXVIII — A M. DE BlONAY. — Prochain pèlerinage à Saint- Claude. — Invitation à transmettre à l'Abbé d'Abondance 29S "^ CCXXIX — A M^''" FrÉMYOT. — Obligation pour un Evêque de prêcher son peuple. — Des trois conditions nécessaires au pré- dicateur. — Fin qu'il doit se proposer : instruire et émouvoir. — Objet de la prédication : l'Ecriture Sainte expliquée selon les quatre sens dont elle est susceptible ; la doctrine des Pères et des Docteurs, les exemples des Saints ; interpréter le « grand livre » de la création. — Eviter les citations mythologiques. — Des comparaisons et des allégories. — Disposition des matières ; différentes méthodes à adopter selon la diversité des genres : sermons sur les mystères et les vertus, homélies, panégyriques. — La forme : du style et de l'action. — Pressante exhortation à prêcher ; rien n'est impossible à l'amour 299 CCXXX — Au Président FrÉMYOT. — Intimité avec l'Archevêque de Bourges. — Affection pour toute la famille du Président. — Comment il faut se préparer à la mort : se détacher peu à peu des choses de la terre. — Considérations à faire chaque jour. — Ce qu'est la sagesse pour les jeunes gens et ce qu'elle doit être pour les vieillards. — Choix de lectures. — Triple baiser à donner au Crucifix 326 CCXXXI — A l'AbbESSE du PuiTS-d'OrBE. — Envoi d'un écrit sur l'oraison. — Méditer de préférence la Vie et la Passion du Sauveur; auteurs à consulter. — Combien est utile la méditation des fins dernières; elle doit se terminer par des actes de confiance. — Exercices spirituels à faire chaque jour. — Formulaire pour la Confession dressé par le Saint en faveur de l'Abbesse. — Moyens à employer pour la réforme de son monastère : « quatre arti- fices » pour inspirer l'esprit d'obéissance. — Vie commune. —  Table des Matières 517 Clôture, gardienne de la chasteté. — En cette œuvre procéder avec douceur. — A quel âge admettre les jeunes filles à la pre- mière Communion 552 CCXXXII — A LA iMHME. — Promesse de l'aider dans la réforme de son monastère. — Recourir aux conseils du P. de Villars. — De- mande de prières pour TEvêque de Saluées récemment décédé. — Livres qu'il serait utile à l'Abbesse de consulter. — M'"" de Boisy projette de placer sa fille au Puits-d'Orbe 341 CCXXXIII — A LA Présidente BrulaRT. — Quand faudrait-il re- faire une confession générale. — Qu'est-ce que la dévotion. — Deux choses qu'une chrétienne doit observer « pour estre vraye- ment dévote. >♦ — Promptitude requise dans leur observance; quelques réflexions pour l'acquérir. — Pratiques proposées pour chaque jour. — Il faut rendre la dévotion « fort aymable, » sur- tout à notre famille 54c CCXXXIV — A LA Baronne de ChaNTAL. — Marques de la volonté de Dieu dans le choix d'un directeur. — u Lien admi- rable » établi par Dieu entre les deux Saints. — Remèdes aux tentations contre la foi, — Exercices de piété à remplir chaque jour : méditation, audition de la Messe, oraisons jaculatoires, prières du soir, lecture spirituelle. — Usage du jeûne et de la discipline. — Fréquente Communion. — Pour l'éducation de ses enfants agir « a la façon des Anges. » — Assistance des pauvres et des malades. — Devoirs envers son père et son beau-père. — De l'esprit de liberté : il est insinué dans le Pater. — Signes auxquels on peut le reconnaître ; défauts qui lui sont opposés. — Exemple de plusieurs Saints. — Professer une grande dévo- tion envers saint Louis. — Mort de l'Evèque de Saluées 352 CCXXXV — A S. S. Clément VIII. — Décadence de l'observance régulière dans la plupart des monastères de Savoie. — Recours au Saint-Siège pour obtenir l'introduction des Feuillants au monastère d'Abondance jy I CCXXXVI — Au Duc de Savoie. — Requête pour obtenir que les Feuillants soient mis en possession de l'abbaye d'Abondance. — Recommandation en faveur du chanoine Nouvellet 574 CCXXXVII — Au MÊME. — Procès intenté par le Prévôt du Grand Saint-Bernard au sujet de la cure des AUinges. — Le Saint im- plore la protection de Son Altesse 5-^5 CCXXXVIII — A M. DE Roncas. — Même sujet 378 CCXXXIX — Au Duc DE Savoie. — L'Abbé d'Abondance n'est pas en mesure de fournir une pension à M. Nouvellet. — Prière au prince de vouloir bien intervenir 2-70  5i8 Lettres de saint François de Sales CCXL — A LA Baronne de ChANTAL. — Conseils relatifs au règlement d'une affaire d'intérêt. — D'une certaine impuissance spirituelle et des tentations qui en dérivent. — Lutte entre la partie supérieure et la partie inférieure de l'âme. — Combattre les désirs empressés. — Indifférence à pratiquer dans l'accepta- tion des croix. — On peut se plaindre à Notre-Seigneur. — Choix de lectures. — Avis sur la manière de faire l'aumône. — Joie du Saint dans l'attente d'une grande épreuve. — Respect dû à un ancien directeur. — Deux sortes de bonnes volontés : l'une qui remplit l'enfer, l'autre le Paradis 380 CCXLI — A l'AbBESSE du PuITS-d'OrBE. — Cequ'ilfautfaire quand on éprouve de la difficulté à méditer. — Les longues veilles du soir « débilitent le cerveau. » — Comment on peut servir Dieu dans les maladies. — « Baume pretieux » pour les adoucir. — Lec- tures proposées. — Obéissance au médecin. — Dignité royale des malades. — (( Dequoy les Anges nous portent envie. » — La Messe et la Communion au temps de maladie sgo CCXLII — A LA Présidente BrULART. — C'est la dévotion bien réglée que le Ciel bénit. — Il faut servir Dieu à la campagne aussi bien qu'à la ville 305 CCXLIII — A LA Baronne de Chantal (Inédite). — Deux abus à éviter relativement au confesseur : s'attacher à sa conduite au point de « perdre la vraye liberté ; » en changer « sans propos. » — Remarques sur divers écrits et une sorte de testament spiri- tuel. — Message pour M'"= Brùlart. — Le Saint ne veut pas que ses lettres soient communiquées ^^6 CCXLIV — A Messieurs du Conseil de la Sainte-Maison de ThONON. — Envoi de quelques papiers 3^9 CCXLV — A M. d'AlBIGNY (Inédite), — Prière de vouloir bien donner audience à un nouveau converti 40O CCXLVI — A M. DE LA FaVERGE (Inédite). — Réponse à une lettre de recommandation. — Souhaits de bonne année. — Le Saint se promet beaucoup de consolation du Carême qu'il doit prêcher à La Roche 40 1 CCXLVII — A UN INCONNU {Fragment inédit j 402 CCXLVIII — A W FrÉMYOT. — Envoi d'un règlement de vie. — Dans quel esprit l'observer. — Savoir y déroger pour servir le prochain. — Ne jamais lui sacrifier « la tressainte liberté d'esprit. » 402 CCXLIX — A UNE INCONNUE (Inédite). — Encouragements donnés à une résolution généreuse. — Offres charitables pour la seconder. — Un cœur attendri par la douleur est plus accessible à la grâce. 403  Tabi-H des Matihrf.s 519 MINUTES ÉCRITES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES POUR DIVERSES PERSONNES CCL — Au Duc DE Nemours, pour un père de famille (Inédite). — Instances à l'effet d'obtenir que son fils lui soit rendu 405 CCLI — AS. s. Clément VIII, pour les Catholiques de Thonon. — Actions de grâces pour la bienveillance spéciale que leur témoi- gne le Souverain Pontife 406 MINUTES ÉCRITES POUR MONSEIGNEUR DE GRANIER CCLII — A M»"* SecusiO (Inédite). — Instances pour obtenir que le Nonce intervienne auprès du roi de France en faveur du Chablais 409 CCLIII — Au Cardinal de Joyeuse. — Les Bernois prétendent s'emparer des bailliages de Thonon et de Ternier. — Coup-d'œil rétrospectif sur l'apostasie et sur la conversion de ces provinces. — Demande de la protection du Cardinal auprès du roi de France 4 1 I CCLIV — A M. DE Sancy. — Encore les affaires du Chablais. — Remerciements pour l'assurance donnée relativement au maintien de la religion catholique dans cette province. — Il n'est pas possible d'accorder au baron du Villars les bénéfices ecclésias- tiques qu'il sollicite pour son fils 41c CCLV — Au Baron du Villars. — Raisons qui ne permettent pas de donner au fils de ce seigneur la cure et le doyenné de Vuillonnex 4 1 y CCLVI — A M. DE Sancy. — Violences exercées contre les Catholiques en l'absence de M. de Sancy. — Recours à l'autorité de celui-ci pour obtenir la répression définitive des protestants. 419 CCLVII — A S. S. Clément VIII (Inédite). — Les Jésuites en Chablais : toute la province bénéficie de leur apostolat. — Avec le concours de quelques auxiliaires, ils ont évangélisé le bail- liage de Gaillard. — Un collège de la Compagnie de Jésus à Thonon serait une puissante citadelle opposée à l'hérésie. — Reste la conversion plus difficile du pays de Gex. — Il faudra y em- ployer les mêmes Religieux, secondés par une élite de mission- naires séculiers 420 CCLVIII — Au Duc DE Savoie (Inédite). — Plaintes contre les syndics de Thonon qui refusent de remettre aux Jésuites le prieuré de Saint-Hippolyte; combien il est urgent d'obtenir cette cession 426  520 Lettres de saint François de Sales CCLIX — Au Roi de France (Inédite). — Espoir que la conver- sion du pays de Gex sera facilitée par la réunion de ce ter- ritoire à la France. — Recours à la protection de Sa Majesté 428 CCLX — A M='' SiLINGARDO. — Sollicitations pour obtenir Finter- vention du Nonce dans les affaires du pays de Gex 42Q CCLXI — Au Cardinal Baronius (Inédite). — L'Evêque de Genève a choisi le Prévôt de son église cathédrale pour coad- juteur avec future succession. — Difficultés qui entravent la poursuite de l'affaire. — Le Cardinal Baronius prié d'obtenir une réduction des frais exigés par la Chambre Apostolique 43 i CCLXII — Au Cardinal Aldobrandino (Inédite). — Nouvelles sollicitations pour le rétablissement du culte catholique dans le pays de Gex 4 j 3 CCLXlil — Au Duc de Savoie. — Combien il serait nécessaire d'établir à Thonon un collège de Jésuites. — On pourrait en attendant confier à ces Religieux celui d'Annecy. — Intervention de Son Altesse sollicitée à cet effet 436 CCLXIV — A M. d'AlbiGNY. — Ordres à donner pour la restitu- tion des revenus ecclésiastiques du bailliage de Gaillard 438 CCLXV — Au Baron de Lux (Inédite). — Désir de « voir sous la faucille de la parole de Dieu » la moisson du pays de Gex. — Chanoine mandé pour apprendre ce que l'on peut se promettre à cet égard. — Le Pape « attend de jour a autre les premières nouvelles » de cette évangélisation 439 CCLXVI — Au Duc DE Savoie (Inédite). — Manque de ressources pour assurer le service religieux dans trois paroisses récem- ment converties, celle de Thonon entre autres. — On pourrait y pourvoir au moyen des revenus de l'abbaye de Filly 440 CCLXVII — Au MÊME (Inédite). — Rien ne s'est fait pour l'emploi des revenus ecclésiastiques du Chablais sans avoir entendu les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare. — Force a été de passer outre à leurs protestations, tout en sauvegardant leurs intérêts. — Il est urgent de pourvoir de pasteurs Thonon et deux autres localités 443 CCLXVIII — Au Roi de France. — Trois curés établis dans le pays de Gex. — « La bonté du commencement » fait « désirer le progrès » de la conversion de ce bailliage. — Ce qu'à cet effet l'on attend de la protection du roi de France 445  Tabi.f. df.s Matikkhs i2l  SUPI'r.IQUES  CCLXIX — A S. S. Clhment VIII (Inédite). — L'Evùque de Genève sollicite l'autorisation de communiquer la facultl- d'absoudre les hérétiques et de lire leurs ouvrages. — Il serait nécessaire de subvenir à la gène des nouveaux convertis par la fondation d'un établissement approprié à leurs besoins. — Contributions géné- reuses, mais insuffisantes, faites dans ce but par le duc de Savoie et daulres personnes 44y CGLXX — Au Cardinal Ai.dobxandino (Inédite). — Prière de plaider auprès de Sa Sainteté divers intérêts du diocèse de Ge- nève : entretien des curés, création de prébendes théologales, requête des chanoines de la cathédrale, décimes de l'Evéque 451  APPENDICE LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES PAR QUELQUES CORRESPONDANTS A — LETTRES DE CHARLES-EMMANUEL I*^^ DUC DE SAVOIE I 457 Il 458 m 459 IV 460 B LETTRES DE M""" JULES-CÉSAR RICCARDI ARCHEVÊQUE DE BARI, NONCE APOSTOLIQUE A TURIN 1 4^1 II 462 III 463 IV 465 V 466 VI 466 VII 467 VIII 468 IX 47« X 471 XI 472 XII 473 XIII 474  1850i5  522 Lettres de saint François de Sales C — LETTRES DE M""" ANTOINE DE REVOL, ÉVÊQUE DE DOL 1 476 H 477 D LETTRE DE M-"" ANDI?É FRÉMVOT, ARCHEVÊQUE DE BOURGES 479 E LETTRE DU MAIRE ET DES ÉCHEVINS DE DIJON 480 F LETTRE DE M. CHARLES D'ORLIÉ 48 1  Table de correspondance de cette nouvelle Edition avec les précédentes, et indication de la provenance des Manuscrits 483 Index des principales Notes historiques et biographiques. ... 491 Glossaire des locutions et des mots surannés 497 Errata 506  Annecy, imprimé par J. Niérat, 1902. — 8234  BX 1750 .F7 1892 v.l2 SMC Francis, Oeuvres de saint François de Saleç, eveque de Genève et a Edition complète d'après les autographes et les éditions OriainalPS pnrirhïp Hp nnmhr