s — ^ m m < J ^ rq g -, liJ: rr—l =3 m 'N  ŒUVRES  DE  :NT FRANÇOIS DE SALES  EVEQUE DE GENÈVE  ET  DOCTEUR DE L EGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'après les autographes et les éditions originales ENRICHIE DE NOMBREUSES PIECES INEDITES DÉDIÉE A N. S. P. LE P^PE LÉON XIII ET HONORÉE d'uN BREF DE SA SAINTETÉ PUBLIÉE SUR l'invitation DE M^"* ISOARD, É:VÊQUE d'aNNEGV, PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU I^"^ MONASTÈRE d'aNNECY  TOME L — LES CONTROVERSES  ANNECY IMPRIMERIE J. NIÉRAT  mdcccxcii  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES  EVEQUE DE GENEVE  ET  DOCTEUR DE L'ÉGLISE  TOME PREMIER  LES CONTROVERSES  Propriété  H. TREMBLEY, Libraire, rue Corraterie, 4, Genève Dépositaire principal Annecy. — ABRY, Libraire, rue de l'Evêché, 3 Paris. — Victor LECOFFRE, rue Bonaparte, 90 Lyon. — Emmanuel VITTE, Place Bellecour, 3  Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa  http://www.archive.org/details/oeuvresdesaintfr01fran  B.FRANCISCVS SALESIVS EPISG. F.T PRINC.GE.BLN.INST. MQNÏALVlSrr.BV  C.tf Brun drl François de Sales revint à son pays natal pendant l'été de 1592, après avoir visité Rome et les princi- pales villes d'Italie. Ses talents naturels avaient atteint leur complet développement, grâce à un travail sou-  (i) « Atque haec tremens timensque notabam, anno 1590, 15 Decembris, ut pro sententia quam Ecclesia Catholica, Apostolica et Roniana, Mater mea et columna veriiatis, amplexa est, aut deinceps araplectetur, non modo omnes, omnino omni meo renitente intellectu, quas habeo aut habiturus sum con- clusiones, sed etiam caput ipsum a quo manant prorsus abjicere sum paratis- simus, nec quidquam unquam dicturus sum, dum Deus dabit intellectum, nisi quod fidei Catholicas conformius videbitur. Credidi enim, propter quod locutus sum, non, locutus sum propter quod credidi ; hoc est : fides débet esse régula credendi ; sed claudat omnia humilitas, ego autem humiliatus sum nimis. Amen, amen. Mense primo Pontificatus Sanctissimi Domini Nostri Gregorii XIV. »  XLViii Introduction générale tenu, aux ressources exceptionnelles dont il avait été fa- vorisé, grâce surtout aux illuminations surnaturelles de sa précoce sainteté. Son cœur pur et affectueux comme à l'âge où, tout petit enfant, il recevait les baisers et les leçons de sa mère, était maintenant embrasé de la plus généreuse et ardente charité. La sévère abnégation de lui-même avait réduit en telle sorte sa fougue naturelle qu'elle s'était transformée en une forte et persévérante douceur, accompagnée d'un zèle de feu pour la destruc- tion du vice et Tavancement du règne de Dieu. Son ardeur intellectuelle ne devait pas se borner aux bril- lantes études universitaires : Deshayes témoigne (0 lui avoir entendu dire qu'après avoir reçu les saints Ordres (( il alloit continuellement prescher par les villages pour instruire le pauvre peuple et se perfectionner dans la prédication » ; même étant Evoque de Genève, malgré les travaux accablants de la charge pastorale, il consacrait chaque jour deux heures à l'étude de la théologie. Chacun de ses actes renforçait la faculté productrice , et les grandes leçons de l'expérience lui étaient familières ; il le dit lui-même dans la préface de cet incomparable Traité de V Amour de Dieu, résumé et couronnement des travaux spirituels et intellectuels de toute sa vie : « J'ay touché quantité de « poins de théologie, mais sans esprit de contention, « proposant simplement, non tant ce que j'ay jadis « appris es disputes, comme ce que l'attention au ser- « vice des âmes et l'employte de 24 années en la sainte « praedication m'ont fait penser estre plus convenable « a la gloire de l'Evangile et de l'Eglise. » Il resterait à étudier les résultats d'une préparation aussi complète, mais ce serait dépasser le but de cette Introduction. La publication des ouvrages du grand Docteur donnera souvent l'occasion de revenir sur sa personnalité si attachante ; car le rayonnement de cet idéal de perfection s'étend sur le moindre comme (i) Process. remiss. Parisiensis, ad art. lO.  Introduction générale xlix sur le plus important de ses écrits. Il suffira, pour le moment, d'esquisser à grands traits les lignes princi- pales de la vie de saint François de Sales, au point de vue de l'influence que les événements qui les produi- sent et les tracent ont exercée sur les travaux de sa plume apostolique. A son retour d'Italie, le saint jeune homme, reçu avec grande joie au foyer paternel, l'édifia un an à peine par ses fortes et aimables vertus. Réalisant bien- tôt le choix que son cœur avait fait depuis longtemps, il dit adieu à toutes les espérances d'un brillant avenir, afin de posséder exclusivement le Seigneur comme la part de son héritage. N'étant encore que sous-diacre, il dresse les remarquables Statuts de la Confrérie de la Sainte Croix, et, dès cette époque, on peut signaler comme prémices de son zèle plusieurs Lettres et Sermons. Deux sphères d'action bien distinctes se partagent désormais l'existence de notre Saint, et leurs diverses influences s'étendent sur les productions de son génie et de sa piété : comme Apôtre du Chablais il est en- voyé aux brebis égarées, avec mission de les ramener au bercail ; comme Evêque de Genève ses soins doivent surtout être consacrés aux brebis fidèles, bien que, durant toute sa vie, il acquière des droits sans cesse renaissants aux titres de défenseur de la foi et de vainqueur de l'hérésie. De là, deux grandes divisions dans les écrits du saint Docteur : ses Œuvres polé- miques , qui appartiennent plus particulièrement au début de sa vie sacerdotale, et ses Œuvres ascétiques, fruits de l'expérience et des belles et pleines années de son âge mûr. Cette dernière dénomination comprend tout ce qu'il écrivit pour le bien des âmes comme Evêque, prédicateur, directeur spirituel et maître de la vie intérieure. A la période de la mission du Chablais (.1594-1598) se rattache la composition de deux ouvrages de grande importance. Les Controverses, écrites sur des placards ou feuilles volantes destinées à être communiquées de  L Introduction générale main en main parmi le peuple, datent des premiers temps du laborieux apostolat de François de Sales. La Défense de VEstendart de la Sainte Croix fut com- posée dès Tannée 1598, bien qu'elle n'ait été publiée qu'en 1600. Le Saint écrivit encore à la même époque un Traité sur la Demonomanie, des Dissertations sur la Sainte Eucharistie et sur la Virginité de la Sainte Vierge, et plusieurs Sermons, Lettres et Mémoires. Le Premier titre du Code F abri en, com- mencé à cette époque, ne fut terminé qu'en 1605 i^). Avec le séjour de saint François de Sales à Paris en 1602, s'ouvre la série des nobles travaux que lui fit entreprendre son zèle infatigable envers les fidèles enfants de la sainte Eglise. Cette ville, qui avait eu l'honneur de jeter dans l'âme du futur Docteur les premières semences de la science sacrée, avait le droit d'être la première à moissonner les gerbes de ses enseignements ascétiques. Le Roi et ses courtisans, aussi bien que le peuple, furent subjugués par la merveilleuse éloquence du Coadjuteur de Genève et, dès lors, les personnes les plus adonnées à la vie inté- rieure se rangèrent sous sa direction (2). Sans doute, ses instructions étaient surtout orales, et, comme docu- ments de cette importante période, on ne retrouve guère aujourd'hui que V Oraison funèbre du duc de Mer- cœur et le Sermon du jour de V Assomption ; mais la correspondance de notre Saint, aussitôt après son retour à Annecy, et en particulier sa Lettre aux Filles- Dieu, indique assez clairement quel avait été le carac- tère de ses enseignements. La fin de cette mémorable année devait être signalée par un des événements les plus marquants de la vie de saint François de Sales : (i) M"" de Sauzea, qui appartenait à la maison de saint François de Sales de 1602 à 1608, dépose qu'il lui a « veu composer un très docte traicté en latin, De Trinitate^ qui est inséré au commencement du livre de juris- prudence de M. Favre, son frère d'alliance. » (Process. remiss. Parisiensis, ad art. 44.) (2) « Se faysoient dans ce temps la, » dit Georges Roland, « d'fes assemblées de personnes dévotes au logis du seigneur Acarie, ou il feut appelle et prié d'estre leur père spirituel. » {Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 21.)  Introduction générale li sa consécration épiscopale, le 8 décembre 1602. Pen- dant la retraite préparatoire à son sacre, il rédigea le Règlement de vie qu'il s'imposa dès lors comme Evêque de Genève : ce document renferme en peu de pages une profonde substance. A partir de cette époque les écrits de notre Saint se subdivisent encore en deux courants distincts : la correspondance et les enseignements publics ou offi- ciels ; les lettres intimes et les instructions privées. Le premier comprend : V Avertissement aux Confes- seurs, publié à la suite du synode tenu en octobre 1603; plusieurs décrets synodaux, des lettres et d'autres documents concernant l'administration du diocèse ; le Rituale Sacramentorum, publié en 161 2, dans lequel se trouvent comme enchâssés le Formulaire du Prosne et quelques autres pièces de peu d'étendue. Son action comme maître de la vie intérieure et directeur des âmes est surtout saillante dans sa corres- pondance privée, qui prit des proportions de plus en plus considérables à mesure que le cercle d'influence du saint Evêque s'élargissait davantage ; elle en vint à remplir une notable partie de son temps. De cette mul- titude de lettres on n'a encore retrouvé que seize cents environ, dont la plupart traitent de sujets de spiritua- lité ; c'est aussi la matière d'un bon nombre de « petits avis » et autres « escrits dressés pour la conduitte des ames('f))). Ces avis et lettres spirituelles s'adressent à deux classes de personnes : celles que l'habile Direc- teur conduit par les voies ordinaires, et celles qu'il s'eiforce de nourrir « des sentimens plus delicatz de « la dévotion (2) ». Les deux admirables traités, qui de- meureront à jamais les chefs-d'œuvre de la science et du génie du saint Auteur, présentent la même démarcation sous la forme la plus gracieuse et la  (i) « J'ay veu, » dit Louis de Genève, curé de Vyuz en Faucigny, « une infinité d'escrits et traictés par luy dressés pour la conduitte des âmes, lesquelz sont demeurés entre ses papiers sans estre imprimés. » (Process, remiss. Gebenn. (I), ad art. 27.) (2) Préface du Traité de l'Amour de Dieu.  LU Introduction générale plus élevée : V Introduction à la Vie dévote est l'essence de ses enseignements aux âmes qui tendent à la vraie et solide piété, le Traité de l'Amour de Dieu , « l'échelle de ceux qui aspirent à la perfection (i). » Ces conseils de perfection furent surtout adressés par le saint Prélat à ses Filles de la Visitation , et ce fut encore pour elles qu'il écrivit la Déclaration mystique du Cantique des Cantiques (=). De très particulières affinités de sentiments et de tendances attiraient notre grand Docteur vers les âmes consacrées à Dieu : il leur dédia une grande partie de ses travaux apostoli- ques et intellectuels, et laissa de nombreux monu- ments de son zèle dans ces hautes régions de la vie spirituelle. Parmi les écrits les plus remarquables de cette catégorie, se placent au premier rang les Consti- tutions pour les Sœurs Religieuses de la Visitation, que le saint Evèque élabora pendant des années en- tières. Outre cet admirable code de législation mo- nastique, on peut encore citer les Statuts qu'il dressa pour les prêtres de la Sainte-Maison de Thonon, pour les Chanoines réguliers de Sixt, pour les Ermites du Voiron et pour les Bénédictines du Puy-d'Orbe ; règle- ments qui, à eux seuls, suffiraient pour placer saint François de Sales au nombre des fondateurs et réfor- mateurs d'Ordres religieux. Ces âmes, vouées à la vie parfaite, étaient aussi les plus fréquemment gratifiées des instructions orales de notre Saint : les religieuses de la Visitation en furent favorisées entre toutes, et recueillirent de mémoire bon nombre de ses Sermons ; tout spécialement, et avec une rare fidélité, ses Entretiens , inimitable chef- d'œuvre en son genre. Mais la charité du saint Prélat ne savait se refuser à personne, donnant avec lar- gesse la Parole de Dieu à tous ceux qui la lui demandaient ; constamment engagé dans la prédica-  (i) Saint Vincent de Paul. (Process. remiss. Parisiensis, ad art. 26.) (2) Œuvres de sainte Jeanne-Françoise de Chantai , Lettre mcdlxxvi.  Introduction générale lui tion, il avait l'usage d'écrire des notes préparatoires à ses discours. L'un des témoins du Procès de Béati- fication (0 dépose avoir vu sur la table du saint Evèque deux volumes de sermons écrits de sa main , « aussi gros que deux missels ». Une partie considérable de ces autographes a été récemment retrouvée : par le charme des pensées et la profondeur de doctrine qu'elles renferment, ces pages laissent deviner ce que devait être l'onction pénétrante des discours de saint François de Sales. Elles rendent, en effet, tout ce que la plume peut exprimer ; toutefois, on ne saurait oublier que « le coup est bien plus justement porté dans le cœur par la vive paroUe que par Tescrit (2). » Cette vérité s'applique d'une manière spéciale à notre bienheureux Prélat, et son propre témoignage, rap- porté par saint Vincent de Paul (3) en est la meil- leure preuve : « Quand je prêche, » lui dit un jour le saint Evêque, « je sens que quelque chose sort de moi que je ne comprends pas, et non par mon propre mouvement, mais par une impulsion de Dieu. » Avant de terminer cette rapide nomenclature des ou- vrages sortis de la plume de notre grand Docteur, il ne sera pas sans intérêt d'entendre la déposition de son chapelain, le respectable M. Michel Favre. Interrogé sur les œuvres inédites du saint Prélat, il répond ainsi (4) : « Il a encores faict plusieurs petits traictés de dévotion qui ne sont pas imprimés, de confession et communion et aultres ; et avoit deseigné d'en faire encores plusieurs, comme celuy de V Origine des curés, duquel j'ay veu le projet et le commencement, celuy de V Amour du prochain, X Histoire theandrique en laquelle il vou- loit descrire la vie de Nostre Seigneur humanisé et  (i) Amblard Comte, professeur au Collège d'Annecy. (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 44.) (2) Les Controverses, Epître à Messieurs de Thonon. (3) Process. remiss. Parisiensis, ad art. 24. (4) Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 44. Voir la Lettre de saint Fran- çois de Sales à rArchevêque de Vienne, [1609]. Cf, Ch.-Aug. , liv. X et Table des preuves, 64-66,  Liv Introduction générale proposer les moyens de facillement practiquer les maximes evangeliques. » Telles sont les principales productions du zèle ardent et consumant de ce grand Serviteur de Dieu, sainte- ment passionné pour la gloire de son Maître et pour le salut des âmes de ses frères. Il importe maintenant d'examiner, aussi succinctement que peut le comporter un tel sujet, les excellences de ce grand corps d'en- seignement.  II  Caractère des Œuvres de saint François de Sales  Un célèbre critique moderne, parlant de saint Fran- çois de Sales , a dit avec beaucoup de justesse que « l'on n'a pas encore envisagé ce grand homme dans l'ensemble de ses Œuvres (i) ». Les préfaces parti- culières à chaque volume de la présente publication sont destinées à combler quelque peu cette lacune, en attendant que l'Histoire complète du saint Docteur puisse entièrement satisfaire de légitimes désirs. Nous nous bornerons donc ici à grouper les caractères géné- raux de ses Œuvres, quant à la doctrine qu'elles renferment et à la forme qu'elles présentent, donnant, en premier lieu, un aperçu rapide des innombrables témoignages d'estime accordés à sa personne et à ses écrits, témoignages qui sont autant de preuves extrin- sèques de la supériorité de ses enseignements. Même de son vivant , saint François de Sales était considéré par les Pontifes Romains comme un Maître dans l'Eglise : le Bref du Doctorat rappelle que, déjà (i) M. Godefroy, Hist. de la Littérature française, xvi° siècle.  Introduction générale lv en 159Ô , Clément VIII confia au jeune Prévôt la mission délicate de convaincre l'hérésiarque de Bèze et de l'amener à rétractation ; que, plus tard, Paul V demanda l'avis de l'Evêque de Genève sur la question brûlante et vivement disputée De Auxiliis, et voulut que le sentiment du saint Prélat terminât la discussion. Sainte Jeanne-Françoise de Chantai considérait son saint Directeur comme inspiré de Dieu et lisait ses lettres à genoux. Saint Vincent de Paul le nomme « l'Evangile parlant, (Evangelium loquens)i^) », déno- mination la plus magnifique qui ait été donnée à aucun homme depuis les temps apostoliques. Les directeurs les plus éminents , tels que SufFren , Bérulle et le docteur Duval ; des prélats illustres, comme de Marque- mont, de Villars, Camus, Fenouillet, attribuaient leurs lumières à la céleste sagesse de ses conseils. L'auto- rité de saint François de Sales n'était pas moins grande auprès des séculiers : Antoine Favre, l'ora- cle de la Savoie , se constitua son humble disciple dès leur première entrevue en 1593, et la considération dont jouissait l'Evêque savoyard à la cour de Henri IV et à celle de Louis XIII n'est pas moins frappante. Non seulement les hommes les plus recommandables par leur piété, tels que Deshayes et le duc de Belle- garde , l'avaient en haute estime , il était également apprécié par Henri IV lui-même , par Richelieu l^), Marie de Médicis et le rusé connétable de Lesdiguières. En somme, le saint Docteur « a été consulté par les masses comme l'un des plus éminents parmi les anciens Pères de l'Eglise, et l'excellence de sa doctrine, loin de diminuer après sa mort, reçut toujours de nouveaux accroissements (3). » La Bulle de Canonisation , les dépositions des témoins et les lettres postulatoires qui (i) Process. remiss. Parisiensis. ad art. 27. (2) « J'appris a connoistre tout plein de prselatz et particulièrement « M"" l'Evesque de Lusson, qui me jura toute amitié, et me dit qu'en fin « il se rangeroit a mon parti, pour ne penser plus qu'a Dieu et au salut des « âmes. » Lettre (inédite) de saint François de Sales [octobre 1619]. (Archives de la Visitation de Westbury on Trym, Angleterre.) (3) Bref du Doctorat,  LVi Introduction générale la sollicitèrent sont les preuves les plus éclatantes de cette assertion ; les innombrables panégyriques du Saint, de 1623 à 1668, en sont encore un magnifique témoignage. Le Procès De non-cultu de 1648 men- tionne spécialement une centaine d'ouvrages, au milieu d'une infinité d'autres, où les conclusions du futur Docteur sont adoptées comme règle en matières de foi et de morale. L'appréciation des grandes et belles intelligences du XVII' siècle est bien résumée dans le recueil de panégy- riques donné par Biaise en un des volumes supplémen- taires de son édition (0, et les paroles du sage et profond Bourdaloue sont la plus juste expression de ce concert de louanges : (( Après les Saintes Ecritures, il n'y a point d'ouvrages qui aient plus entretenu la piété que ceux de ce saint Evèque... pour former les mœurs des fidèles, nul n'a eu le même don que l'Evèque de Genève (2). » Tous les témoignages du xviii* siècle s'effa- cent devant celui de saint Alphonse de Liguori : dans plusieurs de ses traités il cite notre Saint presque à chaque page, et, comme l'afiirme le P. Mauron, Supé- rieur général des Rédemptoristes (3), « il l'a toujours con- sidéré comme son guide ». Ce document nous amène au XIX* siècle, où une nouvelle gloire, d'éclatants homma- ges saluent le nouveau Docteur. Il faudrait citer toutes les Lettres postulatoires des prélats les plus distingués de l'Eglise universelle, mais les paroles de Mgr Pie sont l'écho le plus autorisé de cette grande voix (4) : (( . . . Pour quiconque a étudié l'histoire et la vie intime de la société chrétienne depuis trois siècles, » dit cet illustre Prélat, « n'est-il pas clair comme l'évi- dence même , que saint François de Sales n'a pas été seulement un personnage docte dans l'Eglise, mais qu'en beaucoup de points doctrinaux et pratiques ses écrits ont fait loi comme étant l'expression de la  (i) Œuvres complètes de saint François de Sales. Paris, 182 1. (2) Panégyrique de saint François de Sales, Partie II. (3) Concessio tituli Doctoris S. Franc. Salesii, postulatio xxxvii, (4) Ibidem, postul. xxvn.  Introduction générale ivii doctrine même de l'Eglise ? Partout où s'est produite en ces derniers âges la sainteté héroïque que l'Eglise a placée ou qu'elle songe à placer sur les autels, chez tous les prêtres et les fidèles en qui la science et la vertu ont été éminentes, dans le monde comme dans le cloître, peut-on disconvenir que les livres du saint Evêque de Genève n'aient exercé une influence marquée, et que le plus vif et le plus pur éclat de toutes les âmes ne soit un rayonnement de la lumière et de la chaleur émanées de lui? Ce sera donc justice de lui décerner Vauréole doctorale, qui est la recon- naissance authentique de cette puissance de communi- cation et de cette vertu diffusive de science et de piété. Pour moi, Très Saint Père, je fais acte de justice comme de gratitude en le déclarant : parmi les préjugés d^école , qui avaient cours encore dans la première moitié de ce siècle, notamment en ce qui est de la constitution monarchique de l'Eglise et du Magistère suprême de son Chef, c'est l'étude familière des Œuvres de saint François de Sales qui a écarté de moi les ténèbres de plus d'une erreur, qui a éclairé dans mon esprit plus d'une obscurité, résolu plus d'un doute, et si j'ai pu avancer tant soit peu dans le mystère de la grâce et dans le sanctuaire secret des Ecritures, je l'ai appris principalement à l'école de ce grand Maître. Combien d'autres que moi ne sont-ils pas dans le cas de rendre le même témoignage?... » Les littérateurs modernes, tels que Godefroy, déjà cité, les libres-penseurs même, tels que Sainte-Beuve, rivalisent avec les auteurs religieux dans les élo- gieuses appréciations d'un homme qui n'a pas moins honoré la littérature profane que les lettres sacrées. Le titre de Docteur de l'Eglise universelle, décerné à saint François de Sales d'après les vœux et aux accla- mations de la Chrétienté tout entière, fut, pour ainsi dire, la canonisation de ses écrits, la plus grande gloire qui puisse être rendue à la divine Sagesse mani- festée dans les Saints.  Lviii Introduction générale  § I. — La doctrine des Œuvres de saint François de Sales La première qualité qui doit être signalée dans cette doctrine de laquelle « s'épanche l'universelle persuasion de la science excellente de saint François de Sales » est V étendue , « l'abondance et variété des matières », dans les trois branches qui se parta- gent ses Œuvres : « la partie ascétique, la polémique, la prédication de la parole de Dieu (i). » Dans V Intro- duction à la vie dévote et le Traité de V Amour de Dieu, le saint Docteur trace les règles précises et pratiques de la conduite des âmes, soit pour diriger leur marche dans les sentiers unis de la dévotion, soit pour guider leur vol vers les plus hautes cimes de la perfection évangélique. Ses Lettres appliquent les mêmes principes à tous les cas particuliers qui peuvent se présenter dans la vie spirituelle ; et non seulement il est Maître de la piété , mais il enseigne l'art de la communiquer aux autres {magisterium pietatis), méritant ainsi , dans toute son acception , le titre de « Docteur de la dévotion » que Tournemine lui assigne (2). Le corps d'enseignement pratique du saint Evêque revêt une excellence particulière, acquiert plus d'am- pleur et de force, par l'exposition, à la fois familière et profonde, des grandes vérités dogmatiques sur les- quelles reposent tous les préceptes de la perfection. La nature et les attributs de Dieu, les mystères de la Sainte Trinité et de l'Incarnation, les prérogatives de la Très Sainte Vierge, la chute et la rédemption de l'homme, la grâce et le péché, les vertus et les vices : — tous ces sujets entrent dans le vaste cadre du Traité de V Amour de Dieu. Saint François de Sales y touche « quantité de poins de théologie » ; il parle de (i) Bref du Doctorat. (2) Mémoires de Trévoux^ juillet, 1736.  Introduction générale lix la « racine » de la charité aussi bien que de ses fleurs et de ses fruits (0. Avec l'instinct prophétique que donne la sainteté, le futur Docteur suit les principes de la théologie jusqu'à leur entier développement : r Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie est déjà un dogme pour lui, et le Bref du Doc- torat rappelle de quelle manière « il a semé les germes du culte du Sacré-Cœur de Jésus ». On ne saurait cependant apprécier toute l'étendue des productions du génie de notre Saint, si l'on con- sidérait seulement les œuvres destinées aux fidèles enfants de l'Eglise ; il est également nécessaire de parler des écrits qui ont eu pour but de la défendre contre les attaques de ses ennemis. Le Bref signale les Controverses comme un livre qui contient « une complète démonstration de la foi catholique », et « pré- lude aux définitions du Concile œcuménique du Vatican sur la primauté et l'infaillibilité du Pontife Romain ». La Défense de VEstendart de la sainte Croix est une revendication triomphante du culte de cet ins- trument de notre rédemption et une apologie de tout le principe sacramentel ; c'est-à-dire de l'usage des choses matérielles dans les rapports entre Dieu et l'homme. Quelque vaste que soit cet horizon, il s'élargit encore quand, d'après les paroles du Bref, le saint Docteur est offert à notre admiration comme « Maître et Res- taurateur de l'éloquence sacrée ». Son Epistre sur la Prédication (=) est un chef-d'œuvre dans son genre, et contient tous les éléments de l'art qu'elle enseigne. Traduite et répandue en Espagne bientôt après la  (i) Préface du Traité de l'Amour de Dieu. (2) Cette Epistre (adressée à Mgr TArchevéque de Bourges, 5 octobre 1604) est eu réalité un Traité d'éloquence sacrée, et, selon toute probabilité, reproduit en substance le document mentionné en ces termes par Jean- François de Blonay, Prieur de Saint-Paul en Chablais : « Le saint Prélat conformoit ses sermons à un Directoire qu'il avoit faict, lequel il m'a communiqué, estant escript de sa main. » (Process. remiss. Gehenn. (I), ad art. 35.) Ce Directoire, destiné à l'usage personnel du saint Auteur, était sans doute en latin ; toutefois, la version latine actuellement connue  Lx Introduction générale mort du bienheureux Prélat, cette Epistre a toujours été extrêmement estimée par les orateurs de cette nation. Saint Alphonse de Liguori en faisait person- nellement usage et forma le clergé d'Italie d'après les principes qu'elle renferme (^). De nos jours, la traduc- tion allemande qu'en a publiée Sailer a fait donner au saint Evèque de Genève le titre de « Maître et Doc- teur des Prédicateurs de l'Allemagne (=^). » Le second grand caractère de l'enseignement de saint François de Sales est la solidité : le nombre, le poids, l'à-propos de ses arguments, et la logique serrée qui les dirige vers leur but. La Sainte Ecriture est la principale source des preuves qu'il allègue. C'est, en effet, le propre du Docteur chrétien d'enseigner la Parole de Dieu et non la sienne, et les Œuvres de notre grand Docteur consistent, pour ainsi dire, uni- quement dans la divine Parole, citée, appuyée par de vigoureuses démonstrations , et envisagée au point de vue pratique : tout le surplus n'en est que le déve- loppement et l'illustration. Il ne se trouve guère de chapitres dans l'Ancien et le Nouveau Testament, dont le Saint ne tire quelque verset; de plusieurs, il cite presque chaque ligne. Son texte, comme celui du « cher saint Bernard », n'est qu'un tissu de la Parole sacrée, avec de courtes explications et déductions : ici les passages convaincants se succèdent rapidement ; ailleurs une seule vérité ou un seul fait alimente tout un chapitre. Il aime à pénétrer jusqu'à la moelle du sens des Saints Livres par cette « méditation des paroles » qu'il révèle au prédicateur comme un secret particu-  de VEpistre sur la Prédication émane de la plume du célèbre docteur Martin Steyaert, professeur royal de théologie à l'Université de Louvain (1647-1701), qui traduisit cette Epistre comme un des plus utiles documents qu'il pouvait offrir à ses disciples : Sancti Francisci Saîesii epist. XXXI, ad quemdam Antistitem, de prœdicandi methodo, mine Latine versa (inter Opuscula D. M. Steyaert, tom. III, Lovanii, Denique, 1703.) , (i) Lettre sur la manière de prêcher évangéliquement. (2) Concessio tituli Doctoris S. Franc. Saîesii, Responsio ad animadv., 33.  Introduction générale lxi lier (i) ; il possède éminemment ce don « d'interpréter les mystères des Ecritures, donnant la clef des énig- mes, jetant une nouvelle lumière sur les passages obscurs (2) ». Le saint Docteur suit toujours la Vul- gate, mais il se sert souvent du grec ou de l'hébreu pour en rendre le sens plus clair. La traduction fran- çaise lui appartient en propre : c'est son langage aussi gracieux que précis, sauf dans le Traité de V Amour de Dieu où, de loin en loin, il emploie la version métrique des Psaumes par Desportes. Saint François de Sales se plaisait à dire que les Œuvres des Pères de l'Eglise ne diffèrent de la Sainte Ecriture sinon comme « un pain mis en pièces, d'un « pain entier », et que les histoires des Saints sont, par rapport à l'Evangile, ce qu' « une musique chantée » est à « une musique notée (3) » ; aussi exploite-t-il vo- lontiers ces sources comme corollaire du Texte sacré. Quelquefois il n'en donne que l'essence, comme dans les quatorze lignes du Traité de V Amour de Dieu qui lui coûtèrent la lecture de douze cents pages in- folio ; d'autre part, peu de maîtres dans l'Eglise de Dieu ont plus explicitement fondé leur enseignement sur les traditions des Pères, des scholastiques et des historiens ecclésiastiques. Il suffit de jeter les yeux sur la longue liste des auteurs qu'il cite pour apprécier l'étendue de ses recherches ; le plus souvent, c'est de sa vaste mémoire , du répertoire formé par de sérieuses études, que le saint Docteur tire les trésors d'érudition dont il parsème ses écrits. Son choix est sans doute dirigé par son sujet ; mais, on le sent, les préférences de l'Auteur le portent vers saint Augustin, le Père de la théologie, saint Grégoire le Grand, saint Chrysostôme, le prince de l'éloquence chrétienne ; les expressions énergiques de saint Jérôme l'attirent non moins que la douceur du langage de saint Bernard ; il faut ajouter, pour la partie polémique, saint Cyprien, (i) Epistre sur la Prédication, § 5. (2) Bref du Doctorat. {3) Epistre sur la Prédication, § 5.  Lxii Introduction générale TertuUien et, tout particulièrement, Vincent de Lérins. Parmi ces nombreuses citations il peut se trouver, très rarement cependant, un texte douteux : le saint Docteur devait quelquefois se fier à des autorités secon- daires et ne pouvait, d'ailleurs, être en avance sur la critique de son temps. L'exactitude, néanmoins, ne lui fait jamais défaut lorsqu'il lui est possible de re- monter aux sources ; ses arguments , admis par ses adversaires même, sont décisifs ad hominem. Du reste, ce n'est jamais sur des témoignages incertains qu'il établit une affirmation positive ; tout au plus les em- ploie-t-il comme un appendice aux preuves incontes- tables tirées de la Sainte Ecriture et de la Tradition universellement reçue. Ces Livres sacrés ne sont pas seuls à raconter les gloires de Dieu à l'aimable Evêque de Genève ; toutes les pages du grand livre de la nature lui sont un vivant commentaire de la divine Parole, et leurs secrets lui sont révélés, dans toute leur étendue et leur admirable beauté (ï), par cette même méditation qui lui fait pénétrer les mystères cachés sous le voile des Saintes Ecritures. Les sciences naturelles, dans le vaste cadre qu'elles remplissent d'après les auteurs tels que Pline et Mattioli , étaient familières à notre Saint ; cependant, les plus intéressantes comparaisons, les images naïves dont il émaille ses récits sont, pour la plupart , le fruit de ses observations personnelles , et n'ont pas moins d'exactitude que de charme. Ici le saint moraliste ne se trompe jamais ; si ailleurs il fait parfois fausse route, c'est en se basant sur les données imparfaites de la science de l'époque. Toute- fois, quand il avance un fait douteux, ce n'est jamais lorsque la vérité de ses arguments dépend de la sup- position, mais seulement lorsque les similitudes sont l'explication ou l'illustration du raisonnement, et qu'une hypothèse peut appuyer sa pensée avec autant d'avan- tage que le ferait une certitude absolue. (i) Voir le Sermon sur saint François de Sales, par M. Olier. Œuvres, édition Migne, tome unique.  Introduction générale lxiii Quant à la raison humaine et au témoignage des auteurs profanes, il leur donne, sous de justes réserves, tout le poids qu'ils méritent ; les philosophes anciens, les proverbes des nations, l'histoire des peuples viennent tour à tour appuyer ses affirmations : dans le Traité de l'Amour de Dieu, il entre dans son dessein de faire rendre témoignage, par le paganisme lui-même, de la supériorité de la morale chrétienne. Aristote , Platon, Epictète, Sénèque, Plutarque sont appelés à jouer un double rôle : d'une part, le bien naturel qui est en eux confirme les vérités de l'ordre surnaturel ; d'autre part , leurs raisonnements incomplets , leurs faux principes , leurs mœurs dépravées , prouvent la nécessité de la révélation divine, la perfection de la vertu chrétienne. Dans son commerce avec l'antiquité, le saint Auteur ne dédaigne pas de se servir quel- quefois de traits familiers de la littérature classique : de nos jours, cette licence produit une sorte de con- traste avec l'élévation ordinaire de son style ; mais ce qui semblerait maintenant un hors-d'œuvre littéraire ne l'était pas alors, et le goût de l'époque exigeait cette condescendance. Il est intéressant de constater les emprunts que saint François de Sales fait aux auteurs profanes ses contemporains, surtout à Montaigne dont il goûtait les Essais (0 : la virile éloquence de cet  (i) Comme on a reproché à saint François de Sales d'avoir cité Montaigne avec éloge, il est bon de rappeler ici que cet écrivain est resté fils dévoué de la sainte Eglise. S'il fut coupable, ce fut surtout par ignorance ; il hasarda des opinions téméraires sur des questions importantes de foi et de morale, sans les avoir préalablement soumises à l'autorité de l'Eglise, qu'il ne cessa cependant jamais de révérer. « Je propose, » dit-il, « des fantaisies informes et irrésolues... je les soubmets au jugement de ceux a qui il touche de régler, non seulement mes actions et mes escrits, mays encores mes pensées... tenant pour absurde et impie si rien se rencontre ignoramment ou inadvertamment couché en ceste rapsodie, contrayre aux sainctes reso- lutions de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romayne, en laquelle je meurs et en laquelle je suys né. » (Essais, liv. I, chap. lvi. Des Prières.) Dans son Histoire de la Littérature française, xvi° siècle, M. Gode- froy parle de Montaigne dans le sens que nous venons d'indiquer. Le livre intitulé. Le Christianisme de Montaigne, Biaise, Paris, 1819, reproduit par Migne dans les Démonstrations Evangéliques, tom. II, contient une juste appréciation de cet auteur.  Lxiv Introduction générale auteur, son mépris des idées basses, son amour pour le peuple, « ceste condition d'hommes qui a besoin de nostre ayde (^) », le rendaient sympathique à notre Saint qui, dès sa jeunesse, partagea ses généreuses aspirations. Les travaux polémiques de saint François de Sales l'obligèrent à consulter une série d'auteurs d'un genre bien différent. Il ne lui suffisait pas de se pourvoir d'armes utiles auprès d'écrivains savants et orthodoxes, tels que Bellarmin , Génébrard , Canisius , Sanders , Cochlée, mais il dut encore approfondir les « raysons « desraysonnables (=) » de ses adversaires hérétiques, et le catalogue de livres prohibés qu'il avait permission de lire (3) montre que, même de ce côté-là, son érudition n'était pas en défaut. C'est surtout en de semblables luttes et lorsque l'ardent Apôtre combat pour la dé- fense de la vérité, que l'on peut admirer la solidité de sa doctrine. Les subtilités purement spéculatives de quelques scholastiques lui sont totalement étrangères, et, quand il emploie le raisonnement et la dialectique, c'est sur- tout pour anéantir les conclusions de ses adversaires et pour faire ressortir la force du témoignage qu'il tire de la Sainte Ecriture ou de quelque preuve supérieure. Quelquefois cependant l'intrépide polémiste rive le clou de l'argument d'un ordre plus élevé par un raison- nement humain, mais irrécusable, qu'il emprunte à saint Thomas, aux livres de Droit, à Aristote, ou qu'il tire du riche fonds de sa propre expérience et de sa profonde connaissance de la nature humaine. La sûreté de la doctrine contenue dans les écrits de saint François de Sales est une question plus impor- tante encore que celle de leur étendue et de leur soli- dité ; elle est déjà, sans doute, suffisamment démontrée par les preuves exposées dans les pages précédentes,  (i) Essais, liv. III, chap. xiii, , (2) Les Controverses, Partie II, chap. i, art. iv. (3) Ce catalogue sera publié à la fin du second volume de cette Edition.  Introduction générale i,xv mais il ne sera pas hors de propos d'y ajouter le témoi- gnage du saint Docteur lui-même : sa grande humilité donne à ses expressions une valeur exceptionnelle. Sainte Jeanne-Françoise de Chantai affirme lui avoir entendu dire « que Dieu l'avoit gratifié de beaucoup de lumières et de connoissances pour l'intelligence des mystères de nostre sainte foi, et qu'/'Z pensait hien posséder le sens et Vintention de VEglise aux mys- tères qu'elle enseigne à ses enfans (0 ». La promotion de saint François de Sales au rang de Docteur de l'Eglise universelle ne laisse plus de doute sur ce point ; mais il ne sera pas inutile de rappeler deux objections qui ont été faites, l'une, contre l'ensei- gnement dogmatique , l'autre , contre l'enseignement moral du saint Evêque de Genève. Chose étrange ! c'est Bossuet qui fait la première de ces objections et s'élève ici contre une doctrine dont ailleurs il exalte si hautement le mérite. Tout en prouvant jusqu'à l'évidence que le faux mysticisme de Fénelon ne trouve aucun appui dans le Traité de V Amour de Dieu ou dans les Entretiens, Bossuet lui-même repro- che à saint François de Sales de s^être servi d^expres- sions peu orthodoxes sur la question de la grâce, et d'être inexact en quelques points de sa théologie morale. L'autorité de l'Evêque de Meaux, donnant à ces accusations un poids qu'elles étaient loin de mériter, a jeté une ombre momentanée sur la doctrine de notre Saint ; mais il sera clairement démontré ailleurs (2) que Bossuet s'est complètement mépris sur le vrai sens des paroles attaquées, et que le bienheu- reux Prélat n'a pas plus failli en ce qui concerne la vérité elle-même qu^en l'exposition de cette vérité. La seconde objection faite contre la sûreté de l'en- seignement de notre grand Docteur c'est, qu'en vou- lant rendre accessible à tous le difficile sentier de la vertu, il en est arrivé à rabaisser le niveau de  {x\ Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 34. (2) Dans rintroduction au Traité de l'Amour de Dieu.  Lxvi Introduction générale la perfection évangélique. On peut répondre , sans craindre un démenti, que si saint François de Sales rend la vertu plus facile, ce n'est pas dans un sens absolu, mais relatif. Tout en indiquant aux âmes de bonne volonté une voie de sanctification plus suave et en apparence plus douce, il est bien loin de favoriser la corruption de la nature. Aussi la sainte Eglise, dans les éloges qu'elle donne aux enseignements du saint Docteur, réunit toujours deux pensées : elle le loue « d'avoir su mettre, sagement et suavement, la vraie piété à la portée des fidèles de toute condition, » et encore, d'avoir « indiqué à tous les chrétiens un chemin de perfection sûr, facile et doux (0. » S'il est vrai de dire que notre aimable Docteur écarte de l'idéal de la sainteté la rigidité pharisaïque qui tendait à le défigurer, il ne l'altère ni ne le rabaisse aucunement. Bossuet , toujours en complet accord avec saint François de Sales en tout ce qui concerne la direction pratique des âmes, lui rend ici pleine justice (2): « Il a ramené la dévotion au monde, » dit-il, « mais ne croyez pas qu'il l'ait déguisée pour la rendre plus agréable aux yeux des mondains : il l'amène dans son habit naturel, avec sa croix, avec ses épines, avec ses souffrances. » L'austère M. Olier exprime la même pensée lorsqu'il appelle saint François de Sales « le plus mortifiant de tous les Saints », parce qu'il demande, non seulement, dans de justes limites, la mortifica- tion de la chair elle-même, mais encore une abnégation totale et ininterrompue des désirs de la chair, une entière crucifixion du cœur (3). Et comment ne serait-il pas mortifiant, au suprême degré, celui dont tous les enseignements n'ont d'autre but que d'unir sans inter- médiaire l'esprit de l'homme à l'esprit de Dieu, à ce Dieu qui s'est appelé un feu consumant, un Dieu saint et fort jaloux ! Le saint Docteur ne rabaisse donc pas le niveau de (i) Bref et Décret du Doctorat. (2) Panégyrique de saint François de Sales, Partie II. (3) Voir le Sermon cité p. lxii, note (i).  Introduction générale lxvii la vertu, mais il inspire plus de force à l'âme pour s'élever vers les hauteurs de la perfection ; il presse la volonté par de « suaves insinuations » ; il lui propose des motifs efficaces, des moyens à la fois sûrs et pratiques. Sans doute, on pourrait extraire de ses ouvra- ges, comme de la Sainte Ecriture elle-même, des pas- sages où le relâchement croirait trouver une excuse ; néanmoins, il ne faut jamais perdre de vue que les principes et les règles de conduite du saint Evêque de Genève constituent un système complet qui doit être envisagé dans son ensemble : ainsi considéré, chaque partie sert de contre-poids à Tautre ; la liberté est accordée , mais sous des conditions qui la rendent inoffensive ; un rempart n'est enlevé que pour être remplacé par un autre, aussi effectif et plus pratique. Ses préceptes de spiritualité , malgré leur modeste apparence , élèvent à l'héroïsme de la vertu par la continuité de leur application et par la captivité à laquelle ils soumettent l'homme tout entier. En résumé, pour répéter le mot sublime de saint Vincent de Paul, l'Evêque de Genève est , dans ses livres comme dans ses prédications, VEvangile par- lant : l'Evangile, avec son code d'abnégation parfaite^ mais aussi TEvangile avec ses douces promesses, avec la présence , l'amour et la grâce du Sauveur ! Cet adorable Sauveur était sur le point de révéler au monde les richesses infinies de son Sacré-Cœur : saint François de Sales fut choisi pour être le Précurseur de cette nouvelle manifestation de la divine charité ; aussi la sainte Eglise dit de lui (i) qu'il est venu aplanir les sentiers escarpés, et qu'il a eu pour mission spé- ciale de faire expérimenter à tous les fidèles la vérité de la parole divine : Mon joug est doux et mon fardeau léger. Saint Jean-Baptiste , au milieu des ombres de l'ancienne Loi, devait faire ressortir l'in- suffisance des préceptes mosaïques par le contraste de ses rigides vertus avec la bénignité de son divin (i) Bref et Décret du Doctorat.  Lxviii Introduction générale Maître ; saint François de Sales devait donner, par le précepte comme par l'exemple, le secret de réaliser la ressemblance parfaite de la créature avec le Dieu fait homme, ce qui est, à la fois, le privilège et le sublime devoir du chrétien.  P^ II, — La Forme des Œuvres de saint François de Sales Sous cette dénomination, la forme des Œuvres de saint François de Sales, nous ne comprenons pas seule- ment l'apparence extérieure des traités, discours, let- tres, dont se compose le corps d'enseignement de notre grand Docteur, mais encore ce mode de concevoir et d'exprimer, aussi nécessaire que la matière même, à la substance de la pensée. Mieux que personne le saint Evêque nous rend cette idée palpable ; il s'adresse ainsi à son disciple dans l'art oratoire (i) : « C'est icy ou « je désire plus de créance qu'ailleurs, parce que je ne « suis pas de l'opinion commune et que néanmoins ce « que je dis c'est la vérité mesme. La forme, dit le « Philosophe (2) , donne l'estre et l'ame a la chose. « Dites merveilles , mais ne les dites pas bien , ce « n'est rien : dites peu, et dites bien, c'est beaucoup. » Cette question, d'une importance capitale, sera envi- sagée sous trois points de vue : le mode particulier au saint Auteur de présenter et de développer le sujet de ses discours parlés ou écrits, selon la fin qu'il se propose d'atteindre ; les qualités de son style proprement dit ; son langage dans les éléments rudimentaires, le choix des mots et les principes de grammaire. Le but de cet Homme apostolique n'était pas seule- ment d'exposer et de défendre en général la doctrine catholique, mais surtout et principalement de rendre  (i) Epistre sur la Prédication, § 7. (2) Voir l'opuscule Axiomata ex Aristotele collecta, sub ''littera F (inter dubia S. Bedae, tom. I Operum, p. 966). Cf. lib. II Physicoriim.  Introduction générale lxix sensible à chaque âme l'obligation de croire les dogmes de notre foi et de pratiquer les vertus chrétiennes. L'ap- plication des principes à la pratique est le trait distinctif, le caractère particulier de notre Saint, parmi les théolo- giens les plus remarquables de son époque ; bon nom- bre d'entre eux avaient déjà défendu victorieusement la vérité contre les novateurs, mais leurs énormes volu- mes latins étaient sans intérêt et presque inaccessibles pour le vulgaire. La grande nécessité de l'heure actuelle s'imposait d'elle-même : il fallait trouver un homme réunissant un double mérite ; d'une part, possédant la science doctrinale dans toute son étendue, et sachant choisir dans l'arsenal des démonstrations de la foi catholique les preuves les plus fortes et les plus con- vaincantes et, au besoin, suppléer de son propre fonds; et, d'autre part, capable de présenter ces vérités au monde sous une forme qui, sans rien enlever à leur solidité, les rendraient attrayantes et populaires dans le plus vrai sens de ce terme. Cet homme doué d'une telle supériorité, formé par la divine Providence, enrichi par elle encore des vertus, des aptitudes qui devaient le rendre propre à sa sublime mission, fut notre grand Docteur. C'est toujours d'après ce principe, de se mettre à la portée de toutes les intelligences, que le saint Evêque choisit et développe ses arguments, donnant un tour pratique aux raisonnements les plus abstraits. Souvent obligé, par la vaste étendue de la matière qu'il traite, de présenter des sommaires où chaque ligne contient une preuve nouvelle, il préfère, lorsque le sujet le permet, ne prendre qu'une ou deux pensées, les suivre jusqu'au bout, les épuiser, pour ainsi dire, afin d'en tirer une application finale bien définie : c'est le conseil qu'il ne cesse d'inculquer aux prédicateurs l^). Parlant des sentences des Pères, « ... Il faut, » dit-il, « les ayant (( citées en latin, les dire en françois avec efficace, et « les faire valoir, les paraphrasant et déduisant vive- (i) Epistre sur la Prédication, § 5.  Lxx Introduction générale (( ment. » « Les exemples, » ajoute-t-il, « ont une force « merveilleuse et donnent un grand goust au sermon ; il (( faut seulement qu'ilz soient propres, bien proposés et « mieux appliqués. Il faut choisir des histoires belles et « esclatantes, les proposer clairement et distinctement, « et les appliquer vivement ; comme font les Pères... » Et pour mieux toucher et convaincre le lecteur ou l'auditeur, il s'identifie, pour ainsi dire, avec lui, et se plaît à le personnifier, non seulement dans ses lettres et ses sermons, mais encore dans ses Traités généraux, qu'il adresse soit à Theotime, soit à Philothee. Il suit, sans doute, un usage généralement admis à son épo- que, mais bien plus encore le penchant sympathique de son propre cœur. On doit « parler a son homme « (allô qui hominetn), » disait- il à son ami Vau- gelas (ï) ; et cet « homme » c'est celui de ses lec- teurs qui a le plus besoin d'être instruit, d^ètre aidé : aussi se met-il à son niveau autant que le sujet le permet, il adapte ses leçons à son ignorance, tandis qu'en même temps, avec un art consommé, il captive l'intérêt des intelligences les plus éclairées. L'éminente supériorité du saint Docteur ne se fait jamais mieux sentir que dans cette apparente simplicité, chef-d'œuvre de son génie et de sa charité, qui le rend vraiment tout à tous pour les gagner tous. « Il est peut-être plus difficile, » disent les Bollan- distes (2), « d'écrire d'une manière exacte sur les matières de dogme, de morale et d'ascétisme, de façon à être compris par les ignorants sans être méprisé des savants, que de composer les plus grands traités de théologie : c'est une difficulté qui n'est vaincue que par les hommes de premier ordre (summis viris). » Outre l'élévation du génie et la puissance de la pensée qui distinguent notre grand Docteur parmi les écrivains les plus remarquables de son époque, l'élé-  (i) Process. remiss. Parisiensis, ad art. 35. (a) Concess. tituli Doctoris S. Franc. Sal., postulat, xxxv.  Introduction générale lxxi gance et le charme de son style lui assurent un autre genre de mérite. Saint François de Sales, placé à l'au- rore du grand Siècle, apparaît comme l'une de ses plus belles figures. Suscité du ciel pour réchauffer les cœurs au souffle divin de T amour, il devait aussi entraîner les esprits par les attraits irrésistibles de sa parole et de ses écrits. Dans cette supériorité de style qui caractérise notre Saint, il faut distinguer le rôle qu'exercent à la fois l'intelligence, l'imagination et le cœur. La culture intel- lectuelle qu'il reçut, fait rayonner sa diction de trois qualités fondamentales : le naturel, la clarté et la force. Il faut avouer, toutefois, que cette première qualité, le naturel, moins saillante dans certains ouvra- ges de sa jeunesse, se développe progressivement dans le cours des années. C'est cette nuance que le saint Evèque semble surtout vouloir indiquer lorsque, parlant du style de Vlntroduction à la Vie dévote et du Traité de V Amour de Dieu, il le qualifie de « gran- dement divers » de celuy qu'il a « employé en la Défense de la Croixi'^) ». Dans ce dernier ouvrage, en effet, ainsi que dans quelques-unes de ses Lettres de 1593-1598 et dans V Oraison funèbre du duc de Mer- cœur ^ le saint Auteur paraît accorder trop d'attention au choix des mots et à la mesure des phrases : c'était là une réminiscence de ses études académiques, mais il s^en affranchit bientôt, d'abord par la nécessité même, puis par la pureté de son goût littéraire. Déjà dans les Controverses, écrites à la hâte, pour le peuple, avec un zèle ardent, presque passionné, il s'était élevé au dessus du formalisme de son époque : quelques années plus tard il avait définitivement compris que « le sou- « verain artifice c'est de n'avoir point d'artifice (=2) », et il arrive, non à une négligence affectée, mais à une gracieuse et naturelle simplicité. La clarté, la netteté et la propriété des termes,  (i) Préface du Traité de l'Amour de Dieu, (2) Epistre sur -la Prédication, § y.  Lxxii Introduction générale essentielles à la démonstration de l'idée, ne sauraient faire défaut à notre saint Docteur ; toujours il va droit au but qu'il se propose : « Je n'ay jamais ouï parler si hautement et si clairement tout ensemble des mystères de la foi, qu'il faisoit, » dit Vaugelas (0. La simplicité des conceptions, la justesse des définitions et distinc- tions, l'ordre et la division logique des matières, la transition graduée du connu à l'inconnu , les illus- trations parlantes sont autant de rayons de lumière éclairant le chemin du lecteur, à travers les ombres des mystères de la foi et les obscurités de la vie spirituelle. Là force de ses discours est fondée sur la solidité et l'heureuse disposition des matières qu'il traite ; elle paraît surtout dans la concision de sa parole décisive et pleine d'autorité, et provient de la manière dont il se rend maître de son sujet et du sentiment de la dignité de son office. Non seulement il explique les difficultés, mais, comme dit Sainte-Beuve (2), « par sa manière élevée, douce et calme, il les empêche de naître. » C'est surtout dans ses Œuvres polémiques, et particulièrement dans les Controverses, telles qu'elles sont sorties de sa plume de feu, qu'il faut étudier l'éner- gie de notre Saint : il y prend une attitude martiale, également propre à inspirer la confiance à ses com- pagnons d'armes et la terreur à ses ennemis. En par- courant ces pages on peut se faire une plus juste idée de ses autres Œuvres, où la force est non moins réelle, bien qu'elle revête une forme différente et soit toute détrempée de douceur. Il ne faut donc jamais perdre de vue cette qualité qui demeure une des principales caractéristiques du style de saint François de Sales : tels, des enfants qui ont toujours suspendue devant les yeux la vaillante épée de leur père, et la regardent avec une respectueuse vénération au milieu des douces familiarités et de la paisible assurance de la vie do- mestique.  (i) Process. remiss. Parisiensis, ad art. 24, (3) Lundis, 3 janvier, 1853.  Introduction générale lxxiii U imagination du saint Evêque de Genève, colorant et embellissant sa pensée, lui donne un nouvel éclat et une plus grande puissance. Les comparaisons abondent sous sa plume, depuis la métaphore produite par une seule expression pittoresque, jusqu'à Tallégorie dont la durée embrasse tout un chapitre : elles sont particu- lièrement employées, soit pour rendre plus intelligible une conception abstraite ou métaphysique, soit pour ennoblir une pensée vulgaire, soit encore pour faire ressortir la beauté de sentiments semblables ou opposés, par les rapports ou les contrastes qu'ils présentent. C'est bien cette qualité qui soutient constamment l'in- térêt du lecteur, lors même que les sujets sont moins capables de l'attirer : sous la plume de l'aimable Ecrivain, jamais rien de monotone, rien de fasti- dieux ; grâce aux descriptions, aux narrations, aux dialogues, le récit devient une série de tableaux et acquiert souvent un charme presque dramatique. Uima- gination joue encore un rôle important dans la cons- truction de certaines phrases incisives, bien cadencées, et parfois même dans un seul mot où la pensée du saint Docteur est enchâssée comme un diamant dans l'or : « Rien de beau, de fort, de touchant, » disait un jour Pie IX, « comme un mot de saint François de Sales. » Ce don d'imagination est si remarquable dans le style du bienheureux Prélat, qu'on est allé jusqu'à dire que c'était « la qualité prédominante » de V Introduc- tion à la Vie dévote i^). Cette assertion a le double tort de subordonner le principal à l'accessoire , et d'être inexacte lors même qu'il s'agirait seulement de qualités littéraires : le Saint possède un mérite supérieur et bien plus rare, celui de faire vibrer son cœur à travers les mots, s'élevant, des accents les plus tendres, les plus suaves, jusqu'au pathétique le plus sublime. Il recom- mande ce style affectif, même dans les traités de théologie (2); il y incite puissamment les prédicateurs (3) : (i) M. Godefroy, Hist. de la Littérature franc., xvi^ siècle, (2) Lettre à un Père Feuillant, 15 novembre 1617, (3) Epistre sur la Prédication, § 7.  Lxxiv Introduction générale « Il faut que nos paroles soient enflammées..., qu'elles « sortent du cœur, plus que de la bouche. On a beau « dire, mais le cœur parle au cœur, et la langue ne (( parle qu'aux oreilles. » Et ce ne sont pas des senti- ments humains qui dirigent sa plume, c'est l'onction de l'Esprit d'amour, la charité surnaturelle : ce feu qui consume le saint Ecrivain, il veut qu'il s'allume et qu'il brûle dans toutes les âmes. « On sent qu'il aime et qu'il doit être aimé, « dit Tournemine (0, « mais qu'il veut que Dieu seul soit aimé. » Il faut remonter à cette source divine pour juger le style de notre saint Docteur : il parle le langage de l'Eden, le langage de l'innocence originelle ; ce qui, selon l'appréciation d'un monde corrompu et corrupteur, serait une douceur d'expression trop molle, une tendresse fade et exagérée, n'a chez lui rien que de vrai, de noble et de pur. Il reste à signaler une qualité qui résume tout, et caractérise en un seul mot la manière d'écrire et de parler de saint François de Sales : cette qualité est la persuasion, mais la persuasion sous son aspect le plus aimable, provenant de « cette éloquence fami- lière et de conversation, plus effective que les discours étudiés et sublimes (2). » Le saint Docteur n'est pas un écrivain ordinaire, même la plume en main il est orateur : cette forme oratoire se retrouve, non seu- lement dans ses Sermons et ses Entretiens , mais plusieurs autres de ses ouvrages, tels que ses Lettres, ses Controverses, son Traité de V Amour de Dieu, en présentent l'allure. La persuasion, qui est le but de tout discours, est bien le dessein que se propose le saint Auteur dans tous ses écrits ; de là provien- nent, comme de leur source, l'exposition claire, les fortes déductions de la vérité, l'indication des moyens à prendre pour aplanir les obstacles , la puissance et la majesté de la parole. C'est pour arriver à cette fin que l'imagination est captivée, l'intérêt soutenu ;  (i) Mémoires de Trévoux, juillet 1736. (2) Tournemine, ibidem.  Introduction générale lxxv c'est encore dans ce but que le cœur du grand Ecri- vain déborde, et pénètre toutes les productions de sa plume avec une puissance irrésistible qui entraîne la volonté, lors même qu'il semble n'avoir d'autre motif que d'éclairer l'intelligence : en un mot, pour employer son propre témoignage (0, il est « effectif » parce qu'il est « affectif ». Il importe maintenant de considérer le langage pro- prement dit, dans ses termes et ses principes, tel qu'il a été si habilement employé par notre saint Docteur comme réflecteur de sa pensée. Les développements qu'exige ce sujet s'appliquent évidemment en premier lieu à l'idiome maternel de saint François de Sales, mais, en une certaine mesure, ils peuvent également se rapporter à l'italien, et surtout au latin, dont notre Saint fit un fréquent usage. La langue italienne ne lui servit guère que dans ses rapports avec le Nonce du Pape, à Turin, et les Princes de Piémont; mais le latin a toute sa prédilection. Il le manie avec autant d'élé- gance que de pureté, et ses lettres au Président Favre montrent à quel point il possède les secrets de la langue maîtresse, et avec quelle grâce il s'en sert pour rendre jusqu'aux moindres nuances de sa fertile pensée. Toutefois, lorsqu'il s'agit des Œuvres du Doc- teur qui a illustré la langue française, c'est dans l'em- ploi de celle-ci qu'il faut surtout étudier Tépanouisse- ment du génie littéraire de notre Saint. La langue du xvi^ siècle, pleine de verve et de ca- ractère, d'harmonie et de couleur, manquait cependant d'un code fixe qui pût sauvegarder son existence indé- pendante. Bientôt enlacée par des théories plus étroites, elle perdit ses allures franches et libres, et, au milieu des richesses et des clartés de la littérature moderne^ on peut justement regretter ces expressions naïves et pleines de vie , représentant les êtres ou les choses tels que la nature elle-même nous les montre. Les (i) Lettre citée plus haut, p. lxxiii, note (2).  Lxxvi Introduction générale différences qu'offre la langue du xvr siècle, avec celle du XIX* , ne constituent pas pour la première une infériorité : ce principe une fois posé, il sera plus facile d'apprécier les charmes et la beauté des écrits de saint François de Sales, le haut rang qu'ils occupent dans la littérature française. Ce maître écrivain sut éviter les écueils de l'indépendance, et trouver dans la liberté un essor pour son génie; tandis que sa plume élégante, par sa souplesse et sa noble simplicité, nous conservait le beau langage de l'époque de Henri IV, si justement admiré de nos jours. « Il importe beaucoup de regarder en quel aage on « escrit, » dit le Saint lui-même, dans sa préface du Traité de V Amour de Dieu; d'après ce principe, il sut utiliser les travaux de ses devanciers, s'approprier les grâces de leur style, sans imiter leurs défauts. Les latinismes, néologismes, emprunts à l'italien, beau- coup moins fréquents chez lui que chez la plupart de ses contemporains, deviennent sous sa plume, non plus une expression exotique, mais une tournure pleine de charme, rendant toute la netteté de sa pensée et la force de son argument. L'Académie française apprécia la supériorité de saint François de Sales, n'hésitant pas à le placer parmi les auteurs « qui avaient écrit le plus purement notre langue », et à présenter ses Œuvres comme modèles (i). Vaugelas rend cet irrécusable témoignage à notre Saint (2) : « Son langage estoit net, nerveux et puissant en persuasion , mais surtout il excelloit en la pro- priété des mots , dont il faisoit un choix si exquis que c'estoit ce qui le rendoit ainsy lent et tardif a s'expliquer. » De nos jours, M. Godefroy assure (3) que saint François de Sales « doit être placé tout au premier rang de ceux qui dénouèrent notre langue , et qu'il est de ce petit nombre de maîtres qui ne sauraient être lus de trop près ni trop étudiés. » (i) En 1635. ^°^^ 1^ Préface de la vi^ édition du Dictionnaire de l'Académie. (2) Process. remiss. Parisiensis, ad art. 24. (3) Hist, de la Litférat. franc,, xvi* siècle.  Introduction générale lxxvii La littérature du xvi* siècle est trop connue dans ses grandes lignes, dans ses moindres nuances, pour qu'il soit nécessaire d'en faire ici une étude spéciale qui s'écarterait du but de cette Introduction. Quel- ques mots suffiront pour dessiner les traits caractéris- tiques de notre saint Auteur, les particularités person- nelles qui le distinguent. A l'époque où vivait saint François de Sales, les principes de la grammaire, n'étant pas encore fixés, permettaient à la pensée de se mouvoir avec plus d'élas- ticité et de souplesse : sacrifier la forme à la logique de l'expression, telle était la loi plus généralement suivie ; les rigides théories de la syntaxe étaient aussi, le plus souvent, laissées à la discrétion de l'auteur, les détails minutieux de l'orthographe, livrés à son caprice ; de là, ces nombreuses variations se retrouvant même jusqu'à la fin du xvir siècle. Habitué à manier le latin avec élégance et sûreté, le saint Docteur adopte souvent, de préférence, l'ortho- graphe de l'étymologie latine, lorsque le choix lui est laissé. De même, pour les noms dont le genre varie à son époque, il suit fréquemment celui du latin ; il s'y rattache souvent aussi pour les différents accords des adjectifs et des verbes. On sait combien les règles des participes différaient alors des règles mo- dernes ; toujours ami de l'ordre , saint François de Sales les suit avec beaucoup d'à-propos : toujours il se range au parti de la raison et du bon goût. Anti- cipant sur notre langue actuelle, il devance souvent ses contemporains , sait éviter leurs défauts , donne , en un mot , une première impulsion au grand siècle littéraire. Quelquefois , cependant , un contraste semble se produire sous la plume du saint Auteur ; à côté d'un principe que la pénétration et la vivacité de son génie a su découvrir et adopter, on remarque une sorte d'irré- gularité : fautive en apparence, cette irrégularité, cette variation est en réalité le trait distinctif de son époque, elle permet au savant Ecrivain de suivre la pente de  Lxxviii Introduction générale son instinct naturel. Libre et dégagé de l'attention minutieuse qu'imposent nos règles multiples d'ortho- graphe, son esprit concentre son effort dans la netteté de l'expression , la clarté des arguments , la grâce des peintures vives et colorées. Ainsi s'explique cette licence si fréquente chez notre Saint : écrire le même mot de différentes manières , souvent même à des intervalles très rapprochés ; il laisse courir sa plume sous l'inspi- ration du moment, aucune entrave ne comprime l'essor de son génie. L'emploi de la syllepse, si fréquent au xvi° siècle, convient spécialement à la trempe d'esprit du saint Docteur: c'est Vidée qui domine chez lui, il sait à propos lui sacrifier les mots ; une froide et sèche théorie ne paralyse pas l'action de sa pensée, elle apparaît au lecteur avec tout le charme et l'intérêt de sa naïve expression. Le même principe d'accord se retrouve sous toutes les formes dans les écrits de saint François de Sales, mais toujours dans la limite des licences permises par son siècle. Toujours logique, l'orthographe de notre Saint n'a rien de choquant : entraîné par le charme du style, le lecteur oublie les variations et la difficulté, s'identifie avec son Auteur, trouve la clarté et la lumière au milieu des obscurités mêmes. Quelques détails relatifs à cette orthographe person- nelle de saint François de Sales seront donnés dans la quatrième partie de cette Introduction , où il sera traité des diverses particularités de la présente Edition ; mais il importe de jeter tout d'abord un coup-d'œil sur celles qui l'ont précédée.  Introduction générale lxxix  III  Editions antérieures des Œuvres de saint François de Sales  Il ne suffirait pas d'avoir envisagé les Œuvres de saint François de Sales selon l'ordre historique et chro- nologique de leur composition, et d'en avoir examiné succinctement les caractères généraux et particuliers ; pour en avoir une idée complète, il convient d'étudier la manière dont elles ont été présentées au public et les circonstances qui ont déterminé ces éditions successives. La division logique de ce sujet s'impose d'elle-même : elle comprendra ^ les ouvrages du saint Docteur im- primés séparément , et les Œuvres complètes ou données comme telles.  § I. — Œuvres imprimées séparément Les ouvrages que saint François de Sales a fait impri- mer lui-même sont au nombre de neuf, et comme l'au- thenticité du texte est incontestable, sauf en ce qui regarde les fautes d'impression, il suffira d'en indiquer les titres selon l'ordre de leur publication. 1. — Simple Considération sur le Symbole des Apostres, pour con- firmation de la Foy Catholique , touchant le Tressainct Sacrement de l'Autel. 1597 ou 1598. Réimprimé dans une brochure appelée La Conférence accordée, etc., Binet, Paris, 1598. 2. — Défense de l'Estendart de la saincte Croix de Nostre Sauveur Jesus-Christ. Divisée en quatre Livres. Par François de Sales, Prévost de l'Eglise Cathédrale de Sainct Pierre de Genève. A Lyon, par Jean Pillehotte, à l'enseigne du nom de Jésus, 1600.  Lxxx Introduction générale 3. — Oraison funehre sur le trespas de très-haut et tres-illustre prince Philippe Emmanuel de Lorraine, Duc de Mercœur et de Penthevre... Faicte et prononcée en la grande église de Nostre Dame de Paris le 27 avril 1602 par Messire François de Sales Coadjuteur et esleu Evesque de Genève. 4. — Constitutiones Synodales Diœcesis Gehennensis, a Francisco de Sales, Episcopo et Principe Gehennensi latce, die 2 octobris 160^. Tononii, Marcus de la Rue. 5. — Avertissement aux Confesseurs, (Imprimé en suite du même Synode.) 6. — Introduction à la Vie Dévote, par François de Sales, Evesque et Prélat de Genève. A Lyon, chez Pierre Rigaud, en rue Mercière, au coing de rue Ferrandiere, à l'Horloge, mdcix (i). Avec appro- bation des Docteurs, et Privilège du Roy. 7. — Rituale Sacramentorum ad prœscriptionem Sanctce Romance Ecclesiœ, jussu Reverendissimi Patris, Francisci de Sales, Episcopi et Principis Gehennensis editum. Lugduni, apud Joannem Charvet, 16 12. 8. — Traicte de V Amour de Dieu, par François de Sales, Evesque de Genève. A Lyon, chez Pierre Rigaud, rue Mercière, au coing de rue Ferrandiere, à l'enseigne de la Fortune, mdcxvi. 9. — Règles de Sainct Augustin, et Constitutions pour les Sœurs Religieuses de la Visitation. A Lyon, par Jaques Roussin, mdcxix. Les deux ouvrages suivants furent imprimés du vivant du Saint Evêque de Genève, mais sans aucun contrôle de sa part. Demandes aux Ministres de la prétendue Religion reformée sur leur doctrine touchant la Cene{^). (1597 ou 1598. Imprimé dans La Confé- rence accordée, etc.)  (i) La date (8 août 1608) de la Préface de cette première édition, s'accor- dant avec ces mots du Saint, « Ce livret sortit de mes mains en 1608 », semblerait montrer que V Introduction à la Vie dévote parut effectivement pendant cette même année. Toutefois, la date du Privilège du Roy (10 novem- bre 1608) et les termes de cette pièce prouvent que l'édition princeps ne put être publiée avant la fin de 1608. La seconde édition porte également le millésime mdcix ; la préface est datée : « A Necy, jour sainte Magdeleine, 1609. » (2) Cet opuscule a été faussement attribué au P. Chérubin, et reproduit à ce titre par M. l'Abbé Truchet dans sa Vie du Père Chérubin de Maurienne, chap. IX. On ne peut cependant douter qu'il n'émane de la plume de saint François de Sales : x. — A cause des paroles qui le terminent : « Ce qui soit « dit attendant que l'ample responce dressée sur un petit traitté de la Croix,  Introduction générale lxxxi Titulus primus, De Summa Trinitate et Fide Catholica (0. Dans le Codex Fahrianus, 1606. Enfin le Saint eut une grande part à la composition de trois Thèses (2), imprimées dans le livre La Confé- rence accordée, et intitulées : I. Vertu du signe de la Croix. II. Comme la Croix doit estre honnoree. III. La Croix est sainctement veneree. (Publiées en placard, 1597.) Aussitôt après la mort du bienheureux Prélat on s'occupa de réunir les nombreux écrits qu'il avait laissés, soit dans les archives de l'Evêché, soit dans celles de la famille de Sales et de la Visitation d'An- necy ; les recherches se continuèrent auprès des diverses personnes que l'on pouvait supposer avoir en leur possession quelques-uns de ces précieux autographes. On publia d'abord certains documents ascétiques, enca- drés par le P. de la Rivière, Minime, dans la Vie du Saint (1624) (3) ; les mêmes fragments furent édités à part dans un petit recueil intitulé : Les Sacrées Reli- ques du Bien-heureux François de Sales... Lyon, Candy, mdcxxvi. C'est le point de départ de cette classe des Œuvres du saint Docteur, qui, depuis 1652, prit le nom d'Opuscules j bientôt on comprit sous cette désignation d'autres écrits de peu d'étendue, et même des pièces officielles. « n'agueres imprimé a Genève, sorte de la main des imprimeurs. » Ces dernières paroles ont été supprimées dans la reproduction que M. l'Abbé Truchet a faite de l'écrit en question. On devine que cette « ample res- ponce » n'était autre que la Défense de l'Estendart de la sainte Croix qui parut peu après. 2. — L'opuscule, publié en placard (voir la brochure : Responses Chrestiennes à un Placard intitulé : Demandes aux Ministres, etc., 1^98), fut imprimé par Binet, conjointement avec la Simple Considération sur le Symbole. Or saint François de Sales déclare ouvertement qu'il est l'auteur de ce dernier écrit (voir la Préface du Traité de l'Amour de Dieu). Mais M. l'Abbé Truchet n'hésite pas à l'attribuer également au P. Chérubin. 3. — Enfin, le style de cet opuscule ne laisse aucun doute sur son auteur, (i) Dans la publication de cet ouvrage, les modifications que le Président Favre semble lui avoir fait subir seront, autant que possible, distinguées de l'œuvre même du Saint. (2) Cette question sera traitée dans la Préface de la Défense de l'Estendart de la sainte Croix. (3) Liv. I, ce. x-xin ; III, xxx-xxxm ; IV, xl.  Lxxxii Introduction générale Le second ouvrage posthume de notre grand Docteur fut un choix de Lettres y au nombre de 520, recueillies et classées par sainte Jeanne-Françoise de Chantai : l'humilité de la Sainte lui fit mettre sa personnalité à couvert sous le nom de Louis de Sales , cousin du saint Prélat ^'0. Cet ouvrage a pour titre : Les Epistres du Bien-heureux Messire François de Sales, Evesque et Prince de Genève, Instituteur de V Ordre de la Visitation de Saincte Marie, divisées en sept Livres. Recueillies par Messire Louys de Sales, Prévost de l'Eglise de Genève. A Lyon, par Vincent de Cœursilly, et se vendent à Paris, chez Sebastien Huré, rue Sainct Jacques, au Cœur-bon, mdcxxvi. L'unique but de la Fondatrice de la Visitation était de répandre la doctrine ascétique de son saint Direc- teur ; elle voulait aussi cacher l'identité de plusieurs personnes, encore vivantes, dont il était question dans ces écrits intimes. De là, bien des retouches et des suppressions considérables qui, toutefois, n'altèrent pas la substance de ces précieux enseignements. Tandis qu'elle s'efforçait de réunir la correspondance de son bienheureux Père, sainte Jeanne-Françoise de Chantai s'occupait également à la rédaction d'un ou- vrage de grande importance pour les Maisons de l'Or- dre , ouvrage qui lui a souvent été attribué , mais qui est en substance une œuvre posthume de saint François de Sales. De toute la législation monastique donnée à ses filles , le saint Fondateur n'avait pu faire imprimer que les Constitutions , avec sa belle traduction de la Règle de saint Augustin, précédée d'une remarquable Préface ; il existait en outre un certain nombre de règlements, coutumes et avis spi- rituels dressés par le bienheureux Prélat, et depuis longtemps en vigueur dans les Monastères de l'Ins- titut. Faciliter aux Religieuses de la Visitation l'usage (i) Cette édition ne donne pas le texte des Lettres italienifes et latines, mais seulement la traduction faite par Charles-Auguste de Sales. La seconde édition (1628) publia le texte original.  Introduction générale lxxxiii de ce recueil était d'autant plus nécessaire qu'il conte- nait le Directoire spirituel, dont la pratique assidue, conjointement avec celle des Constitutions y imprime à la fille de saint François de Sales la physionomie qui lui est propre. Le saint Auteur de ce code avait déjà commencé à en revoir les divers articles (0 , et l'on en retrouve quelques fragments autographes. Sainte Jeanne- Fran- çoise de Chantai le coordonna en un volume qui fut examiné par les premières Mères de l'Institut de la Visitation , convoquées à cet effet au i^"" Monastère d'Annecy. Elles furent unanimes à affirmer qu' <( il n'y avoit rien en iceluy que les advis spirituels , coustumes et intentions de nostre Bien-heureux Insti- tuteur, Père et Fondateur (2). » Le dit recueil fut publié en 1628 sous ce titre : Coustumier et Directoire pour les Sœurs Religieuses de la Visitation de Saincte Marie. A Lyon, pour Vincent de Cœursilly, en rue Tupin, à l'Enseigne de la Fleur de Lis, mdcxxviii. (3) Dans plusieurs de ses Lettres (4) sainte Jeanne-Fran- çoise de Chantai atteste que le Coutumier est l'œuvre de son bienheureux Père : rien n'est donc plus certain, du moins quant à la substance de ces documents spi- rituels et monastiques, et particulièrement en ce qui regarde le Directoire. Toutefois , les Lettres de la sainte Fondatrice prouvent également que, de concert avec les premières Mères, elle se permit plusieurs retou- ches et quelques additions, particulièrement en ce qui  (i) Lettre cdlxviii de sainte Jeanne-Françoise de Chantai. (2) Acte capitulaire en date du 21 juin 1624. (3) En 1631, le Directoire spirituel fut imprimé à part, par les soins de la Mère Marie-Jacqueline Favre , sous le titre : Vive Jésus. Directoire des choses spirituelles pour les Sœurs de la Visitation , mdcxxxi. Donné pour la première fois à la suite de la Règle et des Constitutions en 1633, il les suivit, dès lors, inséparablement, comme en étant le complément nécessaire. On n'en trouve plus aucune édition authentique à laquelle le Directoire ne soit joint. Il est également reproduit dans chaque édition du Coutumier. (4) Lettres cdlxviii, cdlxxvii, dciv.  Lxxxiv Introduction générale concerne l'administration matérielle des Monastères. L'édition définitive du Coutumier ne fut imprimée qu'en 1637. Peu après la publication des Lettres et du Coutu- mier, des circonstances particulières amenèrent sainte Jeanne-Françoise de Chantai à faire paraître les Entre- tiens. Il a été dit plus haut que ce dernier ouvrage ne fut pas rédigé par saint François de Sales, mais fidè- lement recueilli par les Religieuses de la Visitation, qui écrivaient les paroles de leur bienheureux Père aussitôt qu^elles venaient d'être prononcées. Ces conférences avaient déjà été réunies en un volume manuscrit à l'usage des Monastères de l'Institut , sainte Jeanne- Françoise de Chantai se proposait de faire imprimer ce recueil « pour la consolation particulière de nos Mai- sons, » dit-elle (^) ; mais le manuscrit inachevé tomba entre les mains de certaines personnes qui le livrèrent au public avec beaucoup de fautes et d'inexactitudes (2). Pour réparer ce fait regrettable, la Sainte se vit con- trainte de donner la même publicité au texte authen- tique qui fut édité sous ce titre : Les vrays Entretiens spirituels du Bien-heureux François de Sales, Evesque et Prince de Genève, Instituteur et Fondateur de l'Ordre des Religieuses de la Visitation Saincte Marie. A Lyon, par Vincent de Cœursilly, Marchand Libraire, en rue Tupin, à l'enseigne de la Fleur de Lys, mcdxxix. Il sera question des Sermons dans les Œuvres de 1641. Le mode de publication des Controverses a été apprécié plus haut (3) ; elles furent éditées pour la première fois dans les Œuvres de 1672. Parmi les ouvrages encore inédits de saint François de Sales, les plus importants sont :  (i) Entretiens, épître des Religieuses de la Visitation. (2) Entretiens et Colloques spirituels du B. François de Sales, Lyon, 1628. (3) Page XXX.  Introduction générale lxxxv 1 . — Les écrits de la jeunesse du saint Docteur, dont on a parlé dans la première partie de cette Introduc- tion , Essais sur l'Ethique chrétienne, Observa- tiones theologicœ. 2. — Une partie des Controverses. 3. — Une courte Dissertation sur la Sainte Eucha- ristie et deux sur la Virginité de la Sainte Vierge. 4. — Un grand nombre de Sermons et de Lettres. 5. — Le Traité sur la Demonomanie , ou, des Energumenes (0. 6. — Les fragments du livre de V Origine des Curés (2). 7. — Les fragments de V Histoire theandrique, de V Amour du prochain, de la Metanie (3). Ces fragments n'ont pas encore été retrouvés.  (i) Tout porte à croire que cet opuscule a été livré par son Auteur au Cardinal de BéruUe, qui Taurait reproduit dans son Traité des Energumenes. En effet, l'identité des matières et la ressemblance de la forme semblent être absolues dans ces deux ouvrages, et les extraits du TraitJ de la Demo- nomanie que Charles-Auguste donne dans son Histoire du B. François de Sales (liv. III), se retrouvent littéralement dans le Traité des Energumenes du Cardinal de BéruUe. Le Marquis de Cambis (Vie manuscrite de saint François de Sales, 1762) a moins d'autorité que Charles-Auguste, puisqu'il semble n'avoir pas vu l'opuscule dont il parle ; toutefois, son analyse de la Denionomanie s'accorde en plusieurs points avec l'ouvrage du Cardinal de Bérulle. Quant à l'objection qui résulte de ce que BéruUe s'est donné comme auteur du Traité des Energumenes, ainsi qu'il se voit dans ses Œuvres et que Deshayes le rapporte (voir note (i), page xxxvii}, loin d'infirmer notre suppo- sition elle l'appuierait au contraire, en prouvant que notre Saint, mù par sa modestie et son désintéressement habituel, se dépouilla de son ouvrage et le céda en toute propriété à son ami, le Cardinal de Bérulle, de même qu'il donna au Président Favre son Premier Titre du Code Fahricn. (2) Il existe dans la Bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris, un manuscrit intitulé : Traicté des Paroisses, du B. François de Sales. Revendiqué. Suivi de plusieurs passages... souvent imprimés au commencement, et après omis. Ce manuscrit, d'un auteur inconnu et sans intérêt intrinsèque, démontre toutefois (par ces mots « revendiqué » et « imprimés ») l'existence d'un livre attribué à saint François de Sales, qui aurait eu pour titre : Traicté des Paroisses. Aucun exemplaire de ce livre n'a pu être retrouvé ; peut-être contenait-il les fragments de l'ouvrage sur V Origine des Curés. (3) Voir Charles-Auguste, Histoire, etc.. Table des Preuves, n° 64. Plus tard Charles-Auguste lui-même écrivit un livre sous ce titre : Metanie, petit traicté mystique de la Pénitence. Annessy, par André Leyat, mdcxlv.  Lxxxvi Introduction générale  § II. — Œuvres complètes, ou données comme telles. Une des plus chères ambitions de sainte Jeanne- Françoise de Chantai était de réunir les Œuvres dis- séminées de son bienheureux Père (^) ; en 1626, le libraire Pierre Rigaud , de Lyon , s'offrit à réaliser ce dessein. Il ne fut pas possible pour lors de profiter de sa bonne volonté, mais le même projet fut repris par le Commandeur de Sillery, vers l'an 1633, avec l'agrément et le concours de la sainte Fondatrice de la Visitation. Tandis que le Commandeur poursuivait les préparatifs de sa grande entreprise, d'autres admi- rateurs du saint Evêque de Genève, mus par la même inspiration et plus diligents à la suivre, firent paraître la première édition des Œuvres réunies, en un volume in-folio intitulé : Les Œuvres de Messire François de Sales, Evesque et Prince de Genève, d'heureuse et saincte Mémoire, Fondateur de l'Ordre de Nostre Dame de la Visitation : cy devant séparément publiées, et imprimées en divers temps et en divers endroits, tant du vivant, comme après le decés de VAutheur ; et à présent recueillies dans un corps de Volume pour la plus grande commodité des personnes qui aspirent à la perfection chres- tienne. Edition nouvelle (2), reveue et plus exactement corrigée que les précédentes, et disposée selon l'ordre déduit dans V Advertissement ; avec la Table particulière des Chapitres et argumens, à la fin de chaque Traité. A Tolose, par Pierre Bosc et Arnaud Colomiez, mdcxxxvii. Cette édition comprenait : U Introduction à la Vie dévote, le Traité de V Amour de Dieu, ^^2 Lettres, réparties en vii Livres, Les vrays Entretiens, la Simple Considération sur le Symbole, la Défense de VEsten- dart de la sainte Croix, V Avertissement aux Confes- seurs et les Sacrées Reliques. C'est une reproduction des  (i) Lettre dccxxxi de sainte Jeanne-Françoise de Chantai. (2) Il n'y a aucune trace d'une édition générale des Œuvffs de saint François de Sales avant celle-ci ; la désignation, Edition nouvelle, se rapporte sans doute à une révision du texte des Œuvres imprimées séparément.  Introduction générale lxxxvii ouvrages imprimés séparément; on y remarque des cor- rections intelligentes, surtout en ce qui concerne la tra- duction des Lettres faite par Charles-Auguste de Sales. Il ne semble pas que sainte Jeanne-Françoise de Chantai ait eu connaissance de cette édition (0 ; quoi qu'il en soit, elle continua à seconder le Commandeur de Sillery dans la préparation de la sienne. Le décès de cet illustre ecclésiastique (26 septembre 1640) n'ar- rêta pas la publication dont l'impression était terminée ; elle parut en deux volumes in-folio sous le titre : Les Œuvres du Bien-heureux François de Sales, Evesque et Prince de Genève : reveiies et augmentées d'un grand nombre de Pièces qui n'ont jamais paru avant cette Edition. Oit est adjoustee la Vie de ce parfait Prélat, composée nouvellement par le P. Nicolas Talon, de la Compagnie de Jésus. A Paris, chez Arnould Cottinet, rue des Carmes, proche la MazLire ; Jean Roger, au Carrefour Saincte Geneviève, à l'image Nostre Dame ; et Thomas Lozet, rue des Amandiers, aux deux Dauphins. Et se vendent chez Gervais AlHot, rue Sainct Jacques, à la Prudence, et en sa boutique au Palais, proche la Chapelle sainct Michel ; et Robert Bertault, en la Gallerie des Prisonniers, MDCXXXXI. Cette édition contenait les mêmes ouvrages que la précédente, avec l'addition de 53 Lettres et des Ser- mons, dont 2 5 avaient été trouvés écrits de la main du saint Docteur, et les autres, au nombre de 33, recueillis par les Religieuses de la Visitation. Quelques- uns de ces derniers, de même que les Entretiens, exhalent tout le parfum du style de saint François de Sales, mais la lecture des autres ne laisse pas la même impression d'entière authenticité. Sainte Jeanne- Françoise de Chantai , peu satisfaite de la manière dont ces Sermons avaient été reproduits, en fit pré- parer une nouvelle édition qui fut publiée seulement en 1643. C)n y joignit les 53 nouvelles Lettres et la Déclaration Mystique du Cantique des Cantiques. Le nouveau texte des Sermons diffère peu de l'ancien, et les changements adoptés ne sont pas toujours des (i) Lettre mdccxlviii de sainte Jeanne-Françoise de Chantai,  Lxxxviii Introduction générale améliorations : aussi Tédition des Sermons de 1641 demeure, malgré tout, préférable à celle de 1643. Les Œuvres de 1647 (Paris, Jacques Dallin), reproduisent l'édition de 1641, avec le nouveau texte des Sermons ; la Déclaration Mystique y est ajoutée , et les 53 Lettres classées et distribuées entre les vu livres des Epistres Spirituelles. Une nouvelle édition, d'autant plus importante qu'elle devait servir de base à toutes celles qui l'ont suivie, parut en 1652 (0, en un volume in-folio, avec ce titre : Les Œuvres du Bien-heureux François de Sales, Evesque et Prince de Genève, Instituteur des Religieuses de la Visitation de Saincte Marie :. reveu'és et très-exactement corrigées sur les premiers et plus fidèles exem- plaires ; enrichies nouvellement de plusieurs Emblèmes et Figures Sym- boliques, des citations de l'Escriture Saincte et d'annotations en marge. Avec un abbregé de sa Vie, et une Table tres-ample des matières et des choses plus remarquables , qui manquoit cy-devant à cet ouvrage. A Paris, chez la vefve de Sebastien Huré et Sebastien Huré, rue Sainct Jacques, au Cœur-bon, mdcxxxxxii. C'est une reproduction de Tédition de 1647, si ce n'est qu'elle ne renferme pas les Sermons ; pour la première fois le titre de Sacrées Reliques est changé en celui à' Opuscules. Le texte de cette publication est épuré d'un certain nombre de fautes qui s'étaient introduites dans les précédentes ; mais, d'autre part, les éditeurs se permirent certains changements peu avantageux, et c'est à cette époque que remonte l'origine de plusieurs regrettables altérations et substitutions de mots. Les deux éditions de 1663 et celle de 1669, par Léonard, reproduisent l'édition de 1652, avec la réin- sertion des Sermons d'après le texte de 1643. Les Œuvres de 1672, aussi par Léonard, en huit volumes in- 12°, donnant le même texte que celles de 1669, ont un intérêt spécial en ce qu'elles renferment le livre des  (i) Les Œuvres de i6 plume anticiper avec une remarquable précision sur les règles modernes. Malgré ces avanta- ges justement appréciés dans une étude particulière, il n'a pas été possible d'adopter d'une manière absolue la ponctuation des autographes de notre Saint, l'unifor- mité n'en étant pas assez soutenue : le texte imprimé présentera donc une ponctuation régulière s'harmo- nisant avec le style et la pensée du saint Auteur. La tâche n'est pas sans difficulté : on sait combien les tournures de phrases du xvr siècle diffèrent du style moderne], et combien il est malaisé d'y adapter les règles de la ponctuation actuelle ; souvent même il est nécessaire de les sacrifier pour assurer l'intelligence du texte. Quant à la ponctuation des éditions originales , elle est à rectifier en plusieurs points : irrégulière et souvent fautive, elle jette parfois sur le texte une véri- table obscurité qui disparaîtra dans la présente pu- blication. (i) Tournemine, Mémoires de Trévoux, )m\\e\. 1736,  Introduction générale ci  § III. — Ordre de publication. Parmi les nombreuses productions du cœur et de l'esprit de notre saint Docteur, quatre grands traités, deux polémiques et deux ascétiques, occupent le premier rang et méritent d'être signalés tout d'abord à l'atten- tion du lecteur. Dans les précédentes publications, soit qu'il s'agisse des classifications plus précises de Vives et de Migne, ou des compilations moins déterminées des anciens éditeurs, on avait assigné un ordre de pré- séance aux deux principales œuvres ascétiques de saint François de Sales, en reléguant ses traités polémiques à une place inférieure. Malgré cet usage traditionnel, il a paru préférable, dans cette Edition authentique, de suivre l'ordre de la composition pour la publication de ces quatre ouvrages principaux : cette disposition permettant de suivre, non seulement le développement intellectuel du saint Ecrivain, mais encore l'épanouisse- ment de ses dons surnaturels. Quant aux autres œuvres de notre Saint, elles seront réparties selon les quatre grandes divisions qui les distinguent. D'après ce clas- sement, la collection des Œuvres de saint François de Sales se subdivise naturellement comme il suit : 1° Les Controverses 2° Défense de VEstendart de la sainte Croix 3° Introduction a la Vie dévote 4'' Traité de V Amour de Dieu 5"" Entretiens 6° Sermons 7"" Lettres 8° Opuscules Pour la reproduction des Lettres, l'ordre chronolo- gique s'impose de lui-même dans une édition authen- tique et complète : la correspondance du saint Evêque de Genève forme son histoire la plus belle et la plus vraie, en disperser les pages serait la détruire entière- ment. Le manque d'ordre dans la classification des  cil Introduction générale Lettres est un des plus regrettables défauts de quelques éditions précédentes , il importe d'y remédier dans celle-ci. Des groupements de Lettres, déterminés par l'analogie des matières traitées , sont tolérables dans un recueil destiné à une simple lecture de piété, ou dans une collection de Lettres choisies j mais une édition complète ne peut admettre cette marche con- traire à l'histoire et à la logique. Semblables à des perles disséminées, les Lettres de saint François de Sales ont perdu, au milieu de classifications arbitrai- res, une grande partie de leur doux rayonnement : l'heure est venue de leur rendre l'intérêt qu'elles avaient en sortant de l'inimitable plume qui les traça. Aucun soin ne sera épargné pour atteindre ce but : toutefois, malgré les diligentes recherches faites jus- qu'ici, cette correspondance si riche et si attachante présente encore de nombreuses lacunes ; les éditeurs, pour les combler, sollicitent le concours bienveillant de tous les admirateurs du saint Evêque de Genève. Les personnes qui auraient le bonheur de posséder quelques-uns de ces précieux manuscrits sont instam- ment priées de les communiquer au Monastère de la Visitation d'Annecy. Ces pièces, reçues avec vénération, seront immédiatement copiées et renvoyées à leurs possesseurs. Toutes les précautions seront prises pour éviter la plus légère détérioration. Cet appel n'est pas spécial aux Lettres de notre grand Docteur, il s'étend à tous ses autographes, de quelque sujet qu'ils traitent, et lors même qu'ils sembleraient de peu d'importance ; car, ainsi qu'on a pu le voir plus haut, un certain nombre de ses écrits ne sont pas encore retrouvés. La plus vive reconnaissance accueillera cette commu- nication ; celle des manuscrits déjà connus et édités n'est pas moins utile, tant il importe de rétablir le texte authentique en remontant aux sources. Ainsi que l'on a pu s'en convaincre, le but unique de cette Introduction générale a été de fairfe mieux apprécier le mérite et l'excellence des Œuvres de notre  Introduction générale cm grand Docteur, afin d'exciter les lecteurs à s'en nour- rir avec plus d'avidité ; car, pour comprendre l'âme et le cœur de saint François de Sales, pour pénétrer dans l'intime sanctuaire de sa pensée, ce n'est pas un commentaire de ses Œuvres, ce sont ses Œuvres mêmes qu'il faut lire et méditer. Pendant les jours de sa vie mortelle, la seule approche, la seule vue de cet aimable Saint calmait les passions agitées, relevait les courages abattus ; une seule de ses paroles, le son même de sa voix suffisait à toucher, éclairer, ravir ! L'influence céleste qu'exerçait le contact du saint Evêque de Genève dure encore, elle s'échappe de chacune des pages de ses écrits : que d'âmes y ont puisé le courage, la paix, les nobles inspirations, les généreux dévoûments ! Il est impossible d'appliquer son intelligence à ces admirables ouvrages, sans être fortifié, sans devenir meilleur. Les historiens de saint François de Sales nous appren- nent que, lorsque l'on ouvrait son glorieux tombeau, les parfums surnaturels qui s'en exhalaient envahissaient toute sa « bien aimée ville d'Annecy » et s'étendaient aux alentours : ce divin arôme se fait encore sen- tir, il s'échappe surtout des « reliques de l'esprit » de notre grand Docteur, et déjà toute l'Eglise de Dieu est remplie de V odeur de ce parfum. Cette bienheureuse effusion doit s'étendre encore davantage, de là l'immense désir et l'extrême jalousie qui animent les éditeurs des Œuvres de saint François de Sales : désir de faire toujours mieux connaître, toujours plus aimer notre grand Docteur, jalousie qui n'admet aucune addition, aucune altération, aucun mélange qui puisse gâter la douceur du baume de ses écrits. Toutefois, les « artisans de cette grande œuvre (i) » n'ont garde d'attribuer aux soins qu'ils prennent, au zèle qu'ils déploient, à la sévère exactitude qu'ils se sont prescrite les augustes encouragements et la haute approbation qui leur sont donnés ; ils préfèrent se rappeler les paro- les de Jean Miget, dévoué postulateur de la cause de (i) Lettre d'approbation de Mgr lEvêque d'Annecy.  civ Introduction générale Canonisation du vénérable Evêque de Genève, lorsque, étant sollicité de s'appliquer en même temps à une autre poursuite, il répondait : « Les faveurs que le Saint Esprit a inspiré à Sa Sainteté de protéger nostre cause sont fondées sur des raisons si hautes, relevées, surna- turelles et à nous incogneues, lesquelles je ne sçay pas si elles auront des correllatifz transcendens pour s'appliquer à un'autre cause... où les raisons seront bien différantes (^). » On peut croire, sans trop de présomp- tion, que c'est sous l'influence de semblables divines ins- pirations que notre Très Saint Père le Pape Léon XIII a pris sous son patronage spécial « cette œuvre, aussi importante pour les services qu'elle est appelée à ren- dre , qu'elle est élevée par son objet (2). » Cette Edition est, en effet, une hymne de louange entonnée à la gloire de la Sagesse éternelle se commu- niquant à une intelligence créée, digne de refléter son rayonnement divin sur l'Eglise et le monde; c'est l'éloge le plus vrai qui puisse être fait des enseignements de notre grand Docteur lui-même , la plus complète réalisation des paroles inspirées (3) qui lui furent appli- quées par Clément VIII : Bibe, fili mi, aquam de cisterna tua et fluenta putei tui ; deriventur fontes tui foras et in plateis aquas tuas divide : Buve^, mon fils, des eaux de votre citerne et de la source de votre puits ; faites que V abondance de vos eaux se répande sur toutes les places publiques. DOM B. MACKEY, O. S. B.  (i) Lettre autographe, 30 octobre 1656. (Archives de la Visitation d'Annecy.) (2) Bref de Sa Sainteté Léon XIII. (3) Prov., V, 15, 16.  LES CONTROVERSES  PREFACE  Aperçu historique des Controverses  Lorsque, en septembre 1594, saint François de Sales, docile à la voix de son Evêque, entreprit la tâche diffi- cile et périlleuse de ramener à la vraie foi le pays du Chablais, longtemps, à l'exemple de son divin Maître, il étendit ses mains vers un peuple incrédule et rebelle (^) qui refusait de venir entendre la parole de vérité. Depuis deux générations la croyance de l'Eglise Catholique, décriée et travestie par les ministres calvi- nistes, était devenue un objet de mépris et de haine pour les malheureux habitants de cette belle province. Un motif non moins puissant d'opposition au nouvel Apôtre était la crainte des Bernois. La trêve qui per- mettait la mission de saint François de Sales était précaire ; le peuple qu'il aspirait à convertir avait bien plus d'appréhension des violentes représailles de ses redoutables voisins que de déférence envers son souve- rain légitime, résidant habituellement à Turin. « Les « Bernois , Genevois et semblables enfans de perdi- (i) Rom., X, 21.  cviii Préface des Controverses (( tion, » écrivait le Saint (i), « menaçoyent le peuple « par leurs espions et le destournoyent de venir enten- « dre nos prédications ; ils crioyent que ces trefves « n'estoyent que trefves , que la paix n'estoit pas « encores establie, qu'en bref on chasseroit par force (( le Duc et les prestres et que l'heresie demeu- « reroit sauve et entière. » En de telles conjonctures un missionnaire ordinaire se fût découragé et eût abandonné la partie, attendant un avenir meilleur : il n'en fut pas ainsi de notre indomptable Apôtre ; son zèle fertile en ressources lui fit entrevoir et saisir le moyen de triompher des difficultés de la position et d'atteindre, malgré eux, les auditeurs récalcitrants. Ce message de paix et de salut qu'il ne pouvait faire entendre, il se mit à récrire et le fit distribuer en feuilles volantes à ceux que la peur ou la mauvaise volonté retenaient loin de lui. Telle fut l'origine des Controverses. Heureuse nécessité qui, l'emportant sur la modestie du jeune Missionnaire, lui fit entreprendre le « mestier juré (=») » d'écrivain et nous valut ce monument inestimable d'une œuvre toute apostolique ! Ces feuilles furent écrites dans l'intervalle des pré- dications ; car François de Sales continuait quand même à évangéliser ces obstinés : d'autre part, il soutenait le courage du petit troupeau de fidèles catholiques et souvent aussi les nuits qui suivaient ses laborieuses journées étaient consacrées au travail. Le saint Auteur ne commença les Controverses que le 25 janvier 1595(3), (i) Lettre latine au Pape Clément VIII, 15 novembre 1603, traduite dans les Epistres de 1626. (2) Les Controverses, p. 4. (3) Voir la fin de Tépître « A Messieurs de Thonon » (p. 6). Le Saint ne désigne que le jour ; les paroles « quelques moys « de la 2« leçon (p. i) permettent de préciser l'année 1595. L^autographe reproduit dans cette leçon porte l'indication suivante du notaire du premier Procès de Canonisation : « 1394, Décembre. De Tonoa ». René Favre de la Valbonne ( Process. remiss. Gebenn. (II), ad art. 13) dit aussi : « commencement de Décembre 1594 » ; en effet rien n'empêche que cette Adresse n'ait précédé celle que reproduit la i""* leçon, les deux autographes présentant des différences très remarquables.  Préface des Controverses cix mais avant cette date il y fait une allusion dans une lettre à son ami Antoine Favre(i) : « Maintenant je presse « davantage ces messieurs de Thonon , et les presserai « infiniment plus lorsque j'aurai conduit à terme, autant « que ma capacité me le permettra, un petit ouvrage « que je médite depuis longtemps, et que vous aurez (( approuvé mon entreprise. » La réponse de l'illustre sénateur est plus significative encore, et prouve que saint François de Sales avait quelque projet de faire imprimer ces placards, projet qui ne fut cependant pas mis à exécution. « Ce me serait un très grand plaisir de voir vos premières feuilles contre les hérétiques, « lui écrit-il (2), « car je brûle d'un désir incroyable de lire ce que vous avez écrit, sachant que ce sera quelque chose digne de vous et de toute la république chrétienne. Et il ne faut pas craindre que ces écrits me soient moins agréables si vous me les exposez feuille par feuille... Je n^ai pu encore traiter avec notre imprimeur, et je ne ferai rien avant d'avoir reçu quelque chose de vous. » A cette lettre encourageante le Saint répond avec empressement (3) : « Vous désirez voir les premiè- « res pages de mon ouvrage contre les hérétiques; je le « désire aussi extrêmement, et je ne porterai pas mes « enseignes dans les rangs de l'ennemi avec toute (( l'ardeur que mérite cette cause avant que vous n'ayez « approuvé mon dessein , le plan de la bataille et « la tactique adoptée. Mais [je sens la difficulté] de  (i) « Nu7ic paiillo pressius rem cum iis Tononensihus ago. Agamque hrevi pressissime, uhi quod jam pridem medifahar opiisculum ad maturitatem, qualem meum fert tngetiiiim, perduxero, et tu negotinm prohaveris. » (Lettre inédite, sans date, Process. remiss. Gehenn. (I), Script, compuls.) Le contenu de cette lettre indique approximativement l'époque de sa rédaction. (Cf. V Année Sainte des Religieuses de la Visitation, 7 janvier.) (2) Lettre latine inédite, 3 février, 1595. (Process. remiss. Qebenn. (I), Script, compuls. ) (3) « Quod optas, priores mei in hœreticos operis paginas vider e, ego sum- mopere desidero, nec prius qua par est alacritate in hostium cuneos signa infé- rant, quant tu consilium meum ac ordinem modumque certandi probaveris. Verum operis... (lacune dans la copie du Procès) ... nec eas habeo copas auxtliares quarum ope fretus negotium premere possim ; libris careo mihi necessariis. » (Lettre inédite, Process. remiss. Gebenn. (I), Script, compuls.)  ex Préface des Controverses « Tentreprise et, de plus, il me manque les troupes « auxiliaires dont j'aurais besoin, je veux dire les livres « nécessaires. » Le 7 mars (1595), nouvelle lettre au sénateur Favre(0; cette fois notre Saint lui apprend qu'il s'est établi à Thonon pour serrer ses adversaires de plus près, et il ajoute : « Mes prédications plus « fréquentes m'empêchent de m'appliquer autant qu'il le « faudrait à nos méditations contre les hérétiques (=). » Ces extraits nous permettent de suivre la marche progressive des Controverses. Les derniers jours du mois de mars furent consacrés aux travaux apostoliques nécessités par le saint temps du Carême et les fêtes pascales (26 mars). Le mois d'avril fut surtout employé à instruire Tavocat Poncet et à le recevoir dans le sein de l'Eglise catholique. Il ne semble donc pas que le saint Missionnaire ait eu le loisir de reprendre d'une manière suivie le travail des Controverses jusqu'à son retour d'Annecy, où il était allé passer les fêtes de la Pente- côte. L'allusion à « l'Evangile du jourdhuy » (p. go) se rapporte à la fête des saints Pierre et Paul (3), et le souvenir qui rappelle « saint François, a la glorieuse « et tressainte memoyre duquel on celebroit hier par « tout le monde feste » (p. 194), marque le 4 octo- bre 1595 comme la date centrale de la composition des Controverses. Déjà un grand revirement s'était opéré dans le peuple, l'heure qui devait décider de son retour à Dieu était près de sonner. Ce fut le dix-huitième dimanche après la Pentecôte que l'Apôtre du Chablais prêcha son fameux sermon sur la très sainte Eucharistie (4), le terminant (i) Lettre inédite (Process. remiss. Gehenn. (I), Script, compuls.). La même lettre, avec la même date, est également citée par René Favre (Process. remiss. Gehenn. (II), ad art. 13). Il est donc évident que le Saint résidait à Thonon quelque temps avant le mois de juillet 1595, date adoptée jusqu'ici par ses biographes. (2) « Freqiientioribus concionibus impedior, quominus j'ustam operam possim tm.pendere meditationibus nostris in hœreticos. » (3) Une lettre inédite du Saint , découverte depuis l'impression de la note (i), page 90, permet d'affirmer cette date. '' (4) Sermon inédit, dont l'autographe, portant l'indication « Dom. 18 post Pentecosten, z^p^, n est conservé au Monastère de la Visitation de Turin.  Préface des Controverses cxi par un appel chaleureux aux brebis égarées, les pres- sant de revenir aux pâturages de la vraie vie. Le lendemain (i8 septembre) notre Saint écrivit encore à son ami (0 : « Mon frère, nous commençons d'avoir une ouverture fort ample et fort aggreable à nostre mois- son Chrestienne ; car il s'en manqua fort peu hier que monsieur d'Avully et les Syndiques de la ville (qu'ils appellent) ne vinssent ouvertement à ma prédication , parce qu'ils avoyent oiiy dire que je devois disputer du tres-auguste Sacrement de l'Eu- charistie. Sur lequel mystère ils avoyent une si grande envie d'entendre de ma bouche le sentiment et les raisons des Catholiques, que ceux qui n'osèrent pas encore venir publiquement, de peur qu'ils ne semblassent de manquer à la promesse qu'ils s'estoyent jurée, m'entendirent d'un certain lieu secret, si toutesfois ma petite voix peut estre portée à leurs oreilles... Ainsi nous l'a rapporté monsieur l'advocat Ducrest que Messieurs de Thonon avoyent resoulu en commun conseil de nous présenter par escrit la confes- sion de leur foy. .. » Les Controverses, ou du moins une partie de ce travail apostolique, avaient porté leurs fruits. Le saint Apôtre le continua avec un zèle infa- tigable, exposant les principes fondamentaux de la foi catholique et les développant dans toutes leurs con- séquences. Bientôt les habitants de Thonon et des environs vinrent toujours plus nombreux recevoir la loi de sa bouche, et la rédaction des Controverses, n'ayant plus de raison de se poursuivre, cessa graduel- lement durant l'année 1596. Saint François de Sales conserva toutefois un exem- plaire de ces feuillets , écrits pour la plupart de sa propre main : sa grande modestie ne pouvait l'aveugler  (1) Lettre latine, traduite par Charles-Auguste (Histoire du B. François de Sales, liv. II), et dont la date est précisée par René Favre (Process. remiss. Qebenn. (II), ad art. 13). L'erreur que Charles-Auguste a commise en fixant l'époque de la rédaction de cette lettre au « second Caresme à Tonon, » a jeté une grande confusion sur la chronologie de l'apostolat de saint François de Sales dans le Chablais.  cxii Préface des Controverses au point d'ignorer leur valeur. En parcourant ces pages, il est facile de se rendre compte des retouches et des corrections faites par le saint Auteur; il avait évidem- ment l'intention de livrer ces feuilles à l'impression, avec d'autres documents du même genre, datant de la même époque. Dans une lettre à l'Archevêque de Vienne (^), il exprime clairement ce dessein : (( J'ay (( de plus, » lui dit-il, « quelques matériaux pour l'in- (( troduction des apprentifz a l'exercice de la predica- « tion evangelique, laquelle je voudrois faire suivre « de la méthode de convertir les hérétiques par la « sainte prédication ; et en ce dernier livre je voudrois, « par manière de pratique, desfaire tous les plus appa- « rens et célèbres argumens de nos adversaires, et « ce, avec un style non seulement instructif, mais « affectif, a ce qu'il profitast non seulement a la con- « solation des catholiques , mais a la réduction des « hérétiques. A quoy j'employerois plusieurs médita- (( tions que j'ay faites durant cinq ans en Chablais, « ou j'ay presché sans autres livres que la Bible et « ceux du grand Bellarmin. » Après la mort de saint François de Sales les feuillets des Controverses furent disséminés, et dans les Scrip- turce compulsatce du premier Procès de Canonisation on ne trouve aucune trace de cette Œuvre polémique, sinon une des deux Adresses « a Messieurs de Tho- non(2) ». Lorsque Charles-Auguste écrivait V Histoire de son saint Oncle, il avait retrouvé quelques-unes de ces précieuses pages (3^ qui furent plus tard réunies aux autres. Le tout demeura enfoui dans les archives du château de la Thuille sans que personne, selon toute apparence, ait eu connaissance de ce dépôt; mais en 1658 Charles-Auguste, alors Evêque de Genève, eut Theureuse fortune de recouvrer ce trésor. Le moment était pro- pice, car la copie de ces feuilles put être insérée dans (i) En 1609. (2) Pages 1-6, 2^ leçon, {3) En voir l'analyse dans V Histoire du Saint, liv. III.  Préface des Controverses cxiir le second Procès de Canonisation qui devait incessam- ment partir pour Rome. A l'occasion des fêtes de Béa- tification et de Canonisation de saint François de Sales, le Manuscrit original des Controverses fut offert au Pape Alexandre VII : ce Pontife, qui avait élevé sur les autels l'Apôtre du Chablais, apprécia vivement ce riche présent et le légua aux Princes Chigi, à la famille desquels il appartenait. C'est dans cette bibliothèque princière que se trouve encore aujourd'hui cet ouvrage d'un prix inestimable, à l'exception d'un certain nombre de feuilles conservées aux archives du i^' Monastère de la Visitation d'Annecy. Les éloges décernés au Manuscrit des Controverses par les Commissaires apostoliques du Procès de Canoni- sation déterminèrent l'impression de cet écrit, et le P. Harel, Minime 1^), fut chargé de la révision prépara- toire. Ce n'est pas le lieu de parler des erreurs com- mises par cet éditeur; il sufiit de dire que, son travail étant achevé, le traité parut pour la première fois dans le huitième volume de l'édition des Œuvres de notre Saint, par Léonard, en 1672. Il fut réimprimé par Biaise, en 1821, avec toutes les fautes de la première édition, et, de plus, avec des notes entachées de galli- canisme, injurieuses à Thonneur de saint François de Sales et propres à jeter une ombre défavorable sur cette grande Œuvre polémique. Il est vrai que, dans un des volumes supplémentaires, Biaise donne un meilleur texte pour une partie du chapitre sur le Pape ; mais ce ne fut qu'au moment du Concile du Vatican que l'on put vraiment apprécier l'importance du traité des Con- troverses (2). La lecture de la page autographe du saint Docteur, où le Souverain Pontife est qualifié du  (i) Le P. Jacques Harel, vicaire général de son Ordre pour les provinces des Gaules, a beaucoup travaillé aux poursuites de la Canonisation de saint François de Sales. C'est ce même religieux qui a préparé pour l'impression les Vies des premières Mères de la Visitation. (2) Voir l'opuscule Le Pape, par saint François de Sales, Paris (Palmé\ MDcccLXxi. Cet ouvrage du Cardinal Mermillod reproduit la partie des Controverses déjà rétablie par Biaise, précédée d'une introduction.  Cxiv Préface des Controverses titre de « Confirmateur infallible (i) », produisit une impression profonde sur l'esprit des Pères du Concile, et en détermina plusieurs à souscrire à la définition de l'Infaillibilité Pontificale. Le Procès du Doctorat de saint François de Sales, dans lequel sont insérées quel- ques-unes des feuilles inédites conservées à la Visitation d'Annecy, augmenta encore le désir conçu par les admirateurs de notre Saint de posséder enfin une édition complète et correcte de ces pages précieuses. Une traduction anglaise, qui parut en 1886 (2), fut la première réalisation de ce souhait : elle rendait les pensées du saint Auteur, les véritables traits caractéris- tiques de sa première Œuvre polémique. Néanmoins, quelques lacunes s'y font sentir ; plusieurs passages de l'autographe d'Annecy manquaient au traducteur, et la copie prise sur l'autographe de Rome laissait beaucoup à désirer sous le rapport de la parfaite exactitude. C^était à Annecy même, auprès du glorieux tombeau de saint François de Sales, que ces pages éparses devaient se réunir, recouvrer leur primitive beauté et reconstituer ce monument de la science et de la sainteté de notre grand Docteur.  II  Caractère des Controverses  Le traité des Controverses a été l'objet d'appré- ciations élogieuses de la part de nombreux auteurs et théologiens ; toutefois, ceux-là seuls qui ont lu le texte authentique de cet ouvrage ont pu le juger en connais- sance de cause et en porter un témoignage qui mérite (i) Cette page est reproduite en fac-similé au commencement/du volume. (2) Works of S. Francis de Sales, translated hy the Rev. H. B. Mackey, O. S. B. Vol. III, The Cathoîic Controversy. London, Burns and Oates, 1886.  Préface dks Controverses cxv d'être pris en considération. Ces témoignages se résu- ment d'abord en celui des Commissaires apostoliques du second Procès de Canonisation ; puis, de nos jours, ils se condensent dans le jugement porté par les Pères du Con- cile du Vatican et les théologiens du Procès du Doctorat. La Mère de Chaugy rapporte en ces termes le senti- ment des Commissaires de 1658 (i) : « Messeigneurs nos Juges disent que les Athanase, les Ambroise et les Augustin n'ont pas plus ardemment soustenu et défendu la foi que ce Bienheureux. » Les témoignages plus récents sont admirablement résumés et confirmés par le Bref et le Décret du Doctorat. Le premier de ces documents signale les Controverses comme « une complète démonstration de la foi catholique. » Les paroles du Décret sont encore plus significatives : « Une merveilleuse science théologique resplendit dans cet ouvrage, on y remarque une méthode excellente, une logique irrésistible, soit par rapport à la réfutation de l'hérésie, soit relativement à la démonstration de la vérité catholique, et surtout en ce qui concerne l'auto- rité , la primauté de juridiction et Tinfaillibilité du Pontife Romain. Saint François de Sales a défendu ces vérités avec tant de science et de clarté qu'il semble même avoir préludé aux définitions du Concile du Vatican. » Ces déclarations d'une si haute portée amèneront le lecteur à étudier avec d'autant plus d'intérêt le grand ouvrage recommandé à son attention. Le premier objet de cette étude sera le Manuscrit autographe considéré en lui-même ; il sera ensuite traité du plan et de la division de cette Œuvre polémique, puis de la valeur de la doctrine qu'elle renferme, et, en dernier lieu, des qualités du style, des relations qui existent entre cet ouvrage et les autres écrits du saint Docteur, comme aussi de la lumière qui rejaillit de cette com- position sur le caractère et la personne même de l'Apô- tre du Chablais.  [1) Lettre circulaire adressée aux Monastères de la Visitation, 1658.  cxvi Préface des Controverses Il va de soi que le sujet de ces remarques successives est le traité des Controverses selon le texte et l'ordre intégral, tel qu'il est actuellement publié, et non tel qu'il a été édité jusqu'ici.  § r. — Le Manuscrit des Controverses Le Manuscrit que nous désignerons désormais sous le nom d'Autographe Chigi, se compose de huit « cahiers » et sept « feuilles séparées » ; le tout, minutieusement décrit par François Favre (0, contient 275 pages, outre les attestations. Les feuilles gardées au i^' Monas- tère de la Visitation d'Annecy ont absolument la même apparence que celles de l'Autographe Chigi (2), ce sont incontestablement des pages des mêmes cahiers. Seul le feuillet formant la 2^ leçon, pp. 1-6, est d'un type quelque peu différent (3). La disposition des cahiers et des feuilles séparées de l'Autographe Chigi n'est évi- demment pas due au saint Auteur, mais probablement au premier éditeur : aussi est-elle extrêmement défec- tueuse. Il faut en dire autant de la pagination faite après le classement, ou plutôt, la désorganisation des feuillets. Le volume, richement relié, porte les armoiries du Pape Alexandre VII imprimées sur la couverture. Une copie, reliée de la même manière, et datant pro- bablement de l'époque de la Canonisation de saint François de Sales, est jointe à l'original. Jusqu'ici nous avons désigné le Manuscrit Chigi comme autographe, bien que certaines feuilles (4) de  (i) Attestations d'authenticité (p. 397 du présent volume). (a) Le fac-similé placé au commencement de ce volume donne la forme exacte et le caractère ordinaire de ces pages. (3) Cet autographe se conserve au Monastère de la Visitation de Rennes. (4) Ces feuilles sont indiquées dans l'attestation de François Favre (p. 397). Dans le présent volume, les pages copiées par Georges Roland sont pp. 91-140 et la 2^ leçon de pp. 247-302 ; les pages 362-383, et p. 384 sauf lés cinq der- nières lignes, ont été copiées par Louis de Sales ; les pages 167-170, la 1^^ leçon de pp. 171-175 et les lignes 1-7 de p. 176 « sont d'une main estrangere ».  Préface des Controverses cxvii ces cahiers ne soient pas écrites par notre Saint lui- même. L'authenticité de ces pages est suffisamment démontrée par l'identité du style et la réunion des cahiers ; mais ce qui prouve évidemment que les co- pistes n'étaient autres que des secrétaires du saint Auteur, ce sont les corrections et les annotations ajou- tées de sa main. Aucune distinction ne peut donc être faite entre les diverses parties du Manuscrit , quant à leur provenance et à leur authenticité.  § II. — Le but et le plan des Controverses Le but poursuivi par notre grand Docteur dans son traité des Controverses était de prouver « que <( tous ceux sont en faute qui demeurent séparés de « l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine » (p. 4). Il l'affirme « premièrement, par certaines raysons gene- « raies ; 2. en des exemples particuliers » (p. 12). Son premier plan n'embrassait donc que deux Parties, mais dans la suite de son travail, les « raysons générales » se subdivisent en deux sections : les premières tendent à prouver que, par les instigations des ministres, les pauvres dévoyés avaient été « levés du giron de la (( vraye Eglise par schisme » ; les secondes démontrent clairement que les prédicateurs de fausses doctrines avaient « osté » au peuple « la lumière de la vraye « foy par l'heresie » (pp. 147, 345). Ces deux divisions des « raysons générales » forment ainsi la première et la seconde Partie ; les « exemples particuliers » en forment maintenant une troisième qui a de plus grands rapprochements avec la seconde (p. 147, 2' leçon). La première Partie de cet ouvrage a donc pour but de combattre le schisme chez les malheureux habitants du Chablais, et les « raysons » du saint Missionnaire se réduisent à trois preuves principales, réunies sous le chef général de la suprématie exclusive de la sainte Eglise. Il commence par dénier l'autorité usurpée par les ministres, en prouvant la nécessité de la vraie Mis-  cxviii Préface des Controverses sion, en indiquant les marques qui la caractérisent et en démontrant qu'elle a fait complètement défaut aux dissidents. Dans le chapitre suivant, le vaillant Apôtre démasque les subterfuges par lesquels ces faux pré- dicants, pour soutenir leur rôle d'envoyés, s'efforcent de ternir le type véritable de la sainte Eglise de Dieu. En dernier lieu, il nous montre cette même Eglise Catholique avec toutes ses gloires et les Marques évi- dentes qui la désignent comme l'unique et véritable Epouse du divin Rédempteur (0. Dans la seconde Partie le saint Auteur prend l'héré- sie corps à corps, en établissant la Règle ou les Règles de la foi : la révélation divine renfermée dans les Ecri- tures et la Tradition, exprimée par les divers organes de la sainte Eglise, confirmée par les miracles et s'har- monisant avec la raison naturelle. Cette question est envisagée à un triple point de vue : « Je monstreray « premièrement, » dit le Saint, « que les Règles que je (( produis sont vrayes Règles, puys, comme vos docteurs (( les ont violées, » enfin, « que nous autres Catholiques (( les avons gardé très étroittement » (p. 147, 2^ leçon). Il traite les deux principaux articles de la discussion dans la seconde Partie, le dernier point est réservé pour la troisième. Dans chacune de ces divisions , l'ordre et le plan adoptés par le saint Docteur sont si logiques, si lumineux, que tout éclaircissement paraît superflu. Des nombreux « exemples particuliers » qu'il se disposait à donner dans la dernière Partie de son  (i) L'examen du Manuscrit des Controverses semblerait indiquer que le saint Auteur avait eu l'intention de placer le chapitre des Marques de l'Eglise avant celui de sa Nature (cf. note (i), p. 107); mais ce point n'a pas de conséquence. Une question plus importante serait celle des rapports qui existent entre les pp. 73-83 et le chapitre sur l'Eglise, dans la seconde Partie. Le renvoi marqué par notre Saint (p. 210) prouve qu'il avait l'intention de reporter en ce lieu quelques-uns des passages précédents, le titre de l'arti- cle VII (p. 77) a une sorte d'analogie avec les titres des chapitres de la seconde Partie, et la remarque p. 107 peut se rapporter à ce changement projeté. D'autre part, la question de V Infaillibilité de l'Eglise (pp. 73-77) s'unit à celle de son Indéfectihilitè (pp. 61-72) pour compléter l'exposition des Pré- rogatives [Dotes) de l'Eglise, et par conséquent cette question appartient très convenablement à la première Partie.  Préface des Controverses cxix ouvrage (^), on ne retrouve aujourd'hui que les Sacre- mens et le Purgatoire ; mais il avait déjà gagné sa cause par l'exposition de ses « raysons générales, » et le caractère complet (2) des grands principes auxquels il donne des bases si solides, n'est nullement infirmé par le nombre plus ou moins grand d'exemples qui viennent les appuyer.  III. — La Doctrine des Controverses  Tous les éditeurs des Œuvres de saint François de Sales ont désigné sous le nom de Controverses l'Œuvre polémique dont nous traitons actuellement. Ce nom, accepté dans cette Préface, est en effet bien choisi et propre à représenter le caractère de l'ouvrage de l'Apô- tre du Chablais, en montrant ses points de contact avec les Controversice de Bellarmin. Cependant, pour approfondir la nature de ce traité il faut rappeler les diverses dénominations que son saint Auteur lui donne. Jamais il ne désigne ces feuilles sous le nom de Controverses ; ainsi qu'on l'a dit plus haut , il les appelle quelquefois ses « Méditations » ; toutefois, le nom dont il se sert dans l'ouvrage même est celui de « Mémorial » (pp. 158, 346). Or, il qualifie du même nom le Commonitorium de Vincent de Lérins (p. 121) ; et, en effet, en comparant le traité polémique de notre Docteur avec ce chef-d'œuvre , continuellement cité dans les Controverses, on se rend facilement compte que saint François de Sales a suivi le même plan que  (i) Voir pp. 18, 19, 343, 347, } (Process. remiss. Gebenn. (I), Script, compuls.) L'histoire de la controverse entre du Perron et le ministre Tilenus fait surtout apprécier la prudence de ces conseils ; voir le livre : Le Cardinal du Perron, orateur, controversiste , écrivain , par M. l'Abbé 'Feret. Paris , Didier, 1879. (i) Lettre du Saint au P. Bonnîvard; voir la note précédente.  Préface des Controverses cxxvn justice de sa cause. L'Apôtre du Chablais sait faire front à ses ennemis et, sans ménagement, il qualifie les mensonges et les impostures des ministres des noms qui leur conviennent ; en face de l'hypocrisie et du blasphème il sait manier avec vigueur le glaive de l'ironie. Et cependant, de l'aveu même de ses enne- mis, l'influence modératrice de sa charité se fait jour à travers les paroles les plus véhémentes. Le « bon Patriote ^0 », organe du parti de l'opposition, dont les violentes invectives, les grossières railleries assail- lent le P. Chérubin, M. d'AvuUy et Petit, le ministre converti, ne décoche aucun trait contre celui qui est la cause principale de la défaite du calvinisme. Ce pamphlet se borne à engager le peuple chablaisien à se tenir sur ses gardes, afin de ne pas se laisser charmer par la « langue enchanteresse » du mission- naire et par « les bonnes intentions qu'il allègue ». La charité de l'ardent Apôtre surabonde en effet dans les pages des Controverses comme dans chacun de ses autres écrits , bien qu'elle emprunte un aspect différent. Le style de notre Saint est « non seulement « instructif, mais affectif (=^) » : c'est le secret de sa persuasion. S'il adresse des paroles énergiques au peuple dévoyé, s'il lui reproche sa triste défection, ce n'est que pour arriver au plus pénétrant, au plus tendre appel. On sent qu'il n'a qu'un but : communi- quer, faire goûter à ses auditeurs, à ses lecteurs, le bonheur dont il jouit lui-même Il n'est pas hors de propos de répéter ici la parole bien connue du Cardinal du Perron. Ce grand homme se plaisait à dire qu'il « se chargeait de convaincre les hérétiques », mais que « pour les convertir » il fallait « les conduire à Monsieur de Genève ». Cette parole serait inexacte si elle impliquait que les raisons produites par saint François de Sales étaient inférieures à celles du célèbre controversiste de la  (i) Lettre d'un bon Patriote escrite a ses compatriotes de Chahlais. mdxcviii. (2) Voir plus haut, p. cxii.  cxxviii Préface des Controverses cour de Henri IV ; mais elle exprime bien l'onction des discours de notre Saint, cette force secrète qui agit sur le cœur, subjugue la volonté et constitue le plus puissant de tous les moyens de persuasion. Quelques mots suffiront pour indiquer les relations du traité des Controverses avec les autres Œuvres de notre grand Docteur. Par ses affinités spéciales cet écrit se rapproche évidemment des ouvrages de la même classe, la Défense de VEstendart de la sainte Croix, le Premier Titre du Code Fabrien et les Sermons de controverse, qui sont autant de dévelop- pements de cette Œuvre fondamentale. D'autre part, les enseignements polémiques qu'elle contient ont cer- tains rapports avec quelques pages des œuvres ascéti- ques. Le même cœur, le même esprit se retrouvent partout. Les chapitres de ce volume, sur la mission, sur la fécondité de l'Eglise, sur les vœux de religion, trouvent un écho dans les cinquième et huitième livres du Traité de V Amour de Dieu (0. Les Controverses présentent encore un intérêt par- ticulier en ce qu'elles jettent une nouvelle lumière sur une période importante de la vie de saint François de Sales, et aident à mieux saisir certains traits de son caractère. Les écrivains qui n'appartiennent pas à la religion catholique ont cherché à expliquer par des raisons humaines la rapide et merveilleuse conversion du Chablais. A leur point de vue et selon leurs suppo- sitions gratuites, ce sont des moyens de séduction et de persécution qui ont amené en si peu de temps le revi- rement de tout un peuple. Les auteurs catholiques réfutent victorieusement ces accusations, en montrant sous leur vrai jour le caractère et les moyens d'action  (i) Comme exemples de passages correspondants entre les deux Traités on peut citer la similitude du « col de la colombe » (Préface du Traité de l'Amour de Dieu), celle de la « perdrix larronnesse w (liv. I, chap. xvi), la comparaison sur « l'intention » (liv. XII, chap, viii). Tous ces passages pré- sentent quelques rapprochements avec les Controverses, pp. 14, 205; 138; 358.  Préface des Controverses cxxix du saint Apôtre ; toutefois, les Controverses fourni- raient à elles seules une réponse suffisante. A l'époque où elles furent rédigées, l'autorité des Saints Livres était admise de tous et, en relisant aujourd'hui ce traité fondé sur la pierre ferme de l'Ecriture, le lecteur impartial comprendra que la conviction ait dû se faire aisément dans les esprits droits et honnêtes. Ces esprits étaient conquis ; le Saint n'avait pas besoin d'appeler à son aide la séduction et la persécution. On ne saurait donc trop apprécier l'importance des Controverses ^ non seulement pour expliquer la conversion du Cha- blais, mais aussi pour justifier victorieusement saint François de Sales des prétendus attentats à la liberté de conscience que certains auteurs protestants osent lui reprocher.  III  La présente Edition des Controverses  Les détails qui viennent d'être donnés suffisent pour démontrer la valeur du traité des Controverses et la nécessité d'en posséder une édition intégrale parfaite- ment conforme au Manuscrit original. Pour atteindre ce but, il n'y avait qu'à reproduire exactement l'Auto- graphe Chigi , après avoir comblé les lacunes qu'il présente par les feuilles conservées au i^'' Monastère d'Annecy. C'était, par le fait même, réparer toutes les mutilations que le R. P. Harel avait fait subir à cet ouvrage lors de la première impression. L'exposé des procédés téméraires de cet éditeur est nécessaire pour compléter l'historique du Livre qui nous occupe, et pour prouver la nécessité de la présente Edition. L'incompétence du P. Harel se signale d'abord par diverses omissions de plusieurs parties considérables  Cxx^ Préface des Controverses de l'Autographe Chigi : ces omissions portent sur une feuille de l'Avant-Propos général, une feuille de l'Avant-Propos de la deuxième Partie et toute la secon- de leçon du chapitre sur le Pape. De plus, l'éditeur change l'ordre et la division de l'ouvrage et, bien qu'il constate dans son Avis au lecteur que u la distri- bution de ce traité en trois Parties est conforme à l'intention du sainct Evesque », il n'hésite pas à le diviser en quatre. La répartition des diverses matières n'est pas mieux ordonnée. Ne se rendant pas compte de la méthode adoptée par l'Auteur, qui traite sous deux aspects différents les sujets du Pape, de l'Eglise et des Miracles , le P. Harel combine à sa manière des sujets dissemblables dans une même section, tandis qu'ailleurs il sépare ce qui devrait demeurer uni. Les Parties de l'ouvrage subissent à leur tour une nouvelle désorganisation. Dans la première Partie, l'éditeur sup- prime un chapitre et réunit les deux autres en un seul. La parfaite symétrie de la seconde Partie est détruite : outre qu'elle est divisée et que Tordre en est essen- tiellement changé , les Discours XLiv , XLVI , XLVII confondent, de la manière la plus étrange, les sujets de VEglisey des Conciles^ des Pères, du Pape et de la Rayson naturelle. C'était déjà une faute que de répartir l'ouvrage en Discours : saint François de Sales s'était primitive- ment servi de cette désignation, mais il la changea lui- même, et emploie expressément les dénominations de chapitres et d'articles. La division abusive a aussi pour résultat d'altérer habituellement les titres donnés par l'Auteur. Les omissions et le classement défectueux des matiè- res qui composent le traité des Controverses sont certainement regrettables ; mais que dire des retouches effectuées par le P. Harel dans le style et les paroles mêmes de notre grand Docteur ? Quelques-unes de ces altérations sont peut-être dues à l'ignorance des copis- tes ; le plus grand nombre, toutefois, ont été évidem- ment accomplies de propos délibéré. Le P. Harel dit  Préface des Controverses cxxxi ne s'être permis que « l'adoucissement de quelques mots », mais, à la faveur de ce palliatif, il opère des retouches importantes. Pas une page, en effet, et presque pas une phrase de quelque étendue, où l'on ne rencontre des modifications considérables, prove- nant, pour la plupart, de la substitution du style faible et décoloré de l'éditeur, au langage concis, nerveux et plein de naïveté du saint Apôtre. Quelques changements sont absurdes (0, d'autres ont un tort plus grave encore : ils détruisent la puissance des raisonnements et le sens des conclusions : ainsi, la substitution des mots d' « au- torité permanente » à ceux de « confirmateur infallible » n'est rien moins qu'une falsification des paroles du grand Docteur sur une matière d'une importance capitale. On comprend aisément qu'après avoir si peu ménagé le texte même , l'éditeur ne se fasse pas scrupule de donner d'une manière très inexacte les indications de la Sainte Ecriture et des Pères : défaut qui a pour résultat de jeter une nouvelle ombre sur l'érudition du Maître. Les éditions suivantes ont reproduit celle du P. Harel avec peu d'améliorations, si l'on excepte le passage dont il a été question plus haut (2) et la rectification de quelques indications. Les meilleures intentions ne pou-  (i) Voici quelques exemples des bévues du P. Harel, tirés seulement de trois Discours, et qui se retrouvent encore dans les éditions modernes : Discours XLIX (pp. 94-97 de cette Edition) : Seneque Staphul^ pour Frédéric Staphyl ; Tilmant, Heshisme et Oraste, ausquel^ fadjouste Brance et Val- lenger, pour Tilmann Heshusius et Eraste , tesmoin Brence et Bulinger ; Tesan^aus , pour Jehan Hus ; Tan:[uelins, pour Zuingliens ; Cormasse, pour Wormace. Discours LIV (pp. 102-105 de cette Edition) : Diogene d'Archada, pour Diegue d'Alcala ; Virne, pour Cocine ; Albugaire, pour Albuquerque ; caravanes, pour Camarane ; Bardée, pour Bolsec. Discours LVI (pp. 111-117 de cette Edition) : besoins, pour Psalmes ; donna gaiement, pour Guyenne, donna ; Patonerche, pour Patriarche ; Thesbes, pour Trêves ; Grégoire de Napan^e, pour Grégoire, Damascene. Pour excuser quelque peu ces méprises et d'autres semblables, il faut remarquer qu'elles se rencontrent plus particulièrement dans la partie du Manuscrit des Controverses copiée par Georges Roland, dont récriture et l'orthographe sont extrêmement défectueuses. Plusieurs heures d'étude et de comparaison ont été quelquefois nécessaires pour déchiffrer un seul mot tracé par ce copiste. (2) Page cxiii.  cxxxii Préface des Controverses vaient amener que des corrections insignifiantes, aussi longtemps que l'on n^était pas en mesure de reproduire le Manuscrit original (^). Le mérite de l'Edition actuelle des Controverses sera facilement démontré. C'est la contre-partie des défauts signalés plus haut : intégrité de l'ouvrage par la publication des feuilles d'Annecy qui complètent le Manuscrit Chigi ; rétablissement de l'ordre suivi par le saint Auteur {-) ; fidèle reproduction du texte original avec l'orthographe primitive. Ceci demande quelques développements : ils se rapportent à la parfaite fidélité de la copie du Manuscrit original, et aux particularités grammaticales et orthographiques de l'ouvrage qui nous occupe. La Lettre d'Approbation de M^'' l'Evêque d'Annecy, reproduite au commencement du présent volume, indi- que suffisamment les titres de crédit du théologien expérimenté à qui la difficile transcription des Con- troverses a été confiée. Qu'on y ajoute l'expérience acquise par l'étude assidue des manuscrits originaux servant de base à la nouvelle édition des Œuvres de saint Thomas d'Aquin, et les circonstances particuliè- rement favorables dans lesquelles s'est trouvé le docte religieux. En effet, par la haute faveur de l'illustre Prince Chigi, le Manuscrit des Controverses a été confié (( pendant plusieurs années » (3) au Révérend Lecteur en théologie ; ce qui a permis à la fois une étude calme et approfondie (4), et la collation soigneuse  (i) Voir dans Téditioa Vives (tom. VIII, pp. ix-xi de la Préface), des exemples de l'impossibilité de rectifier les fautes de la première édition des Controverses sans avoir l'original en main. (2) La Table de Correspondance (p. 405) permet une exacte comparaison entre l'ancien et le nouvel ordre des Controverses. Elle indique également les passages nouvellement édités. (3) Voir l'Attestation, p. 396 de ce volume. (4) Par suite des circonstances qui exigeaient une transcription rapide, et malgré la compétence des éditeurs, de nombreuses erreurs se sont glissées dans la copie des feuilles d'Annecy insérées dans le Procès du Doctorat.  ï  Préface des Controverses cxxxiir de la copie avec l'original, travail d'une importance égale à celui de la transcription même. Les principes exposés dans l'Introduction générale (0 quant au genre des substantifs, aux règles d'accord, aux participes, à l'emploi de la syllepseC^) et aux spécialités de l'orthographe de notre Saint trouvent une fréquente et particulière application dans le traité des Controverses. De nombreux exemples de la double forme ortho- graphique de quelques mots et de l'emploi indistinct de t pour y (comme dans martir, mistere), se ren- contrent dans cet ouvrage. Uœ étymologique est fréquemment conservé dans quelques mots dérivant du latin : prœparer, prœlat, hceresie, ceternité. Ce trait particulier de l'orthographe de saint François de Sales est remarquable dans les Controverses, où les textes latins abondent. Le c étymologique est souvent gardé àdiU?, faict, dict, conduict. Cette forme qui disparaît ensuite graduelle- ment appartient surtout à l'époque des Controverses. A la période de la composition de cet ouvrage se rattache aussi l'emploi du tréma sur e dans les mots féminins terminés par deux e (voir p. i, desrobbëe, reprcesentëe). U accent aigu qui n'est mis ordinairement , selon l'usage de l'époque, que sur Ve final, se trouve quel- quefois au commencement et au milieu des mots (voir p. 147, étroittement, p. 11, répandu, p. 69, expressé- ment), et très rarement sur la finale de la seconde personne du pluriel des verbes. Uélisîon de Ve devant une voyelle est adoptée selon l'usage admis au xvr siècle. Le trait d'union est rarement employé dans les Controverses ; un seul point d' exclamation s'y trouve : on a cru devoir se conformer en cela à la ponctuation de l'Autographe. (i) Pages Lxxvii, xcvii, xcviii. (2) Les principaux exemples de syllepse se rencontrent sur les pp. 82, 83, 165, 192, 261, 359, 382.  cxxxiv Préface des Controverses L'orthographe du Saint a été substituée à celle des trois copistes nommés plus haut, mais on l'a simplifiée le plus possible : les variations trop fréquentes, l'éli- sion de Ve^ l'emploi de Vœ^ etc., sont supprimés ; l'apostrophe a été mise régulièrement à qu'il, s' il y que le Saint écrit le plus souvent en un seul mot. Quelques détails relatifs au travail supplémentaire des éditeurs complètent Texposé de tout ce qui con- cerne la présente publication. Ce travail se rapporte principalement aux divisions de l'ouvrage des Con- troverses , à la distinction établie entre les deux leçons, à quelques mots ajoutés pour l'intelligence du texte, aux notes et aux indications. Malgré l'intention manifeste de saint François de Sales, de diviser son ouvrage en Parties et de le sub- diviser en chapitres et en articles, il omet quelquefois les titres de ses divisions. Ceux qui ont dû être suppléés par les éditeurs sont distingués par des caractères italiques (^), à l'exception des titres des trois Parties et des trois pièces préliminaires, pp. i, 7, 17. Lorsque TAutographe renferme deux leçons du même passage, la plus définitive comme rédaction est choisie pour texte om première leçon ; \di seconde est placée immédiatement au dessous du texte, en caractères plus fins, bien qu'elle ait la même valeur quant à ses parties additionnelles {^). On remarquera que quelques mots sont ajoutés au texte, entre crochets ; ceci ne se présente que lorsque les bords des feuilles manuscrites ont subi l'injure du temps ou quelques déchirures accidentelles (3). Il a été jugé préférable de donner une Table générale  (i) Il suffit de jeter un coup-d'œil sur la Table des Matières pour se rendre compte des titres de chapitres et d'articles ajoutés par les éditeurs. (2) Les chiffres et les adjectifs numéraux étant indifféremment employés dans l'Autographe pour représenter les nombres, on a cru devoir respecter et reproduire cette irrégularité. D'autre part, il a semblé plus utile d'ouvrir les abréviations du saint Auteur, surtout dans la première leçon. (3) Les principales, on peut même dire les seules additions de ce genre se rencontrent à des intervalles réguliers, sur les pages qui correspondent  Préface des Controverses cxxxv portant les noms des auteurs et des livres cités, plutôt que de multiplier les notes bibliographiques au bas des pages. Les notes des éditeurs qui ne se rapportent qu'aux indications marginales sont en latin, comme les indications elles-mêmes. En reproduisant les indications des passages de la Sainte Ecriture données par le saint Auteur, le signe f. du verset a été conservé dans ce volume pour rendre plus exactement le Manuscrit original. La divi- sion des versets que notre Saint emploie pour les citations des Psaumes diffère quelque peu de celle qui est actuellement adoptée. Quelques autres remarques utiles à l'intelligence du texte seront faites dans VAvis au Lecteur, placé en regard de la première page des Controverses. L'exposé qui précède suffit pour donner une idée du haut intérêt qui s'attache à la lecture du traité des Controverses ; c'est une révélation du cœur et de l'esprit de notre grand Saint, au point de vue sous lequel il a certainement été le moins étudié. Tous louent sa douceur ; peu connaissent sa force. On admire le grand Mystique dont les conseils élèvent les âmes choisies au repos de l'union divine , on oublie le vaillant Apôtre dont la puissance de per- suasion a fait rentrer dans les voies de la vérité tant de milliers d'hérétiques. A notre époque de scepticisme et d'indifférence, la publication de cet ouvrage semble tout spécialement appelée à réveiller la foi parmi les catholiques et à leur faire apprécier le bonheur inesti- mable de servir <( le Dieu vivant de l'Eglise et l'Eglise « du Dieu vivant. » Mais c'est à nos frères égarés que ces pages sont particulièrement destinées : c'est un appel nouveau que notre grand Docteur leur fait entendre. Les paroles qu'il leur adressait ont conservé, à trois cents ans de au bord des feuillets usés ou détériorés : ce sont les pp. 163-168, 233-235, 351-354. Quelques mots ont été suppléés de la même manière, pp. 86, 8g, où le sens de la phrase était incomplet.  cxxxvi Préface des Controverses distance, toute leur actualité. Puissent-elles renouveler parmi les hérétiques de nos jours les prodiges de con- version de la mission du Chablais ! Plusieurs protestants de bonne foi admirent dans saint François de Sales un moraliste accompli ; puissent-ils, de cette admiration, passer à la confiance en ses enseignements dogmatiques et le prendre pour Docteur dans la foi, comme il est leur Maître dans la morale ! C'est à sa chère et malheureuse Genève que le Saint s'adresse surtout ; c'est d'elle qu'il voudrait être en- tendu. Le pontife Onias fut aperçu devant le trône de Dieu toujours suppliant pour Jérusalem coupable ; ainsi saint François de Sales doit-il toujours intercéder en faveur de la ville pervertie qu'il a tant aimée et pour laquelle il eût voulu donner sa vie. Ses supplications obtiendront sans doute aux habitants de Genève, qu'une grâce spéciale soit attachée pour eux à la lecture des Controverses. Ce livre contribuera peut-être, dans une large mesure, à hâter le jour béni où la cité de Calvin répondra aux pressantes invitations du zèle et de la charité de notre grand Docteur : « Voules vous estre « mis comme pierres vivantes es murailles de la céleste (( Hierusalem? » lui dit-il (p. 344), « levés vous des mains « de ces bastisseurs desreglés qui n'adjustent pas leurs « conceptions a la foy, mais la foy a leurs concep- « tions ; venes et vous présentes a l'Eglise, qui vous (( posera, si a vous ne tient, en ce céleste bastiment, « a la vraye règle et proportion de la foy : car, jamais « personne n'aura place la haut, qui n'aura esté poli (( et mis en œuvre sous la règle et l'esquierre cy bas. » DOM B. MACKEY, O. S. B.  AUTEURS DU XIV^ DU XV« ET DU XVI° SIÈCLE NOMMÉS PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES DANS LES CONTROVERSES  I. — CATHOLIQUES Augustin d'Eugubium. Voir Steuchus. Baronius César, oratorien italien, cardinal (1538-1607). Annales Ecclesiastici, a Christo nato ad annum 1 1 ç8, auctore Cœsare Baronio. Romae, 1 588-1607 (2^ édition). Bellarmin Robert, jésuite italien, professeur au Collège Romain, puis cardinal et archevêque de Capoue (i 542-1621). Disputationes Roherti Bellarmini Politiani, de Controversiis Chris- tiance fidei. Edith secimda, Ingolstadii, Sartorius, 1588-1593. BoLSEc Jérôme-Hermès, médecin français, mort en 1585. Histoire de la vie, mœurs, actes, doctrine, constance et mort de Jean Calvin, jadis ministre de Genève ; recueilly par M. Hierosme Hermès Bolsec, docteur médecin à Lyon. Lyon, Patrosson, 1577. BusÉE (Busœus) Pierre, jésuite allemand, professeur d'Ecriture Sainte à Vienne, Autriche (1540-1587). Opus Catechisticiim, sive de Summa Doctrinœ Christiance D. Pétri Canisii , Scripturce testimoniis sanctorumque Patrum sententiis illustratum, opéra D. Pétri Buscei, Noviomagi. Colonise, Gervinus Calenius, 1569, 1570. (Voir Canisius.) Campion Edmond (le Bienheureux), Martyr, jésuite anglais, (1540-1581). Rationes decem , redditce academicis Angliœ, Ingolstadii , David Sartorius, 1584.  cxxxviii Auteurs du xiv, xv, xvi siècle Canisius Pierre, jésuite allemand, recteur du Collège de Fribourg (1521-1597). Summa Doctrinœ Christianœ, per quœstiones tradita. [Viennae, Aus- triae] 1554. (Voir Busée.) Caraffa Jean-Pierre (Theatinus), napolitain, cardinal, puis Pape sous le nom de Paul IV (1495- 15 59). Consilium de emendanda Ecclesia, autore J. P. Caraffa... 1555. Signé : Gaspar, Gard. Gontarenus, Joannes Petrus, Gard. Thea- tinus, Jacobus, Gard. Sadoletus, Reginaldus, Gard. Anglicus. CocHLÉE (Cochlœus) ]e3in, allemand, chanoine de Breslau (1479-1 552). Commentartus de actis et scriptis Lutheri, saxonis, chronographice, ex ordine , ah an. i^ij usque ad an. 1^46 conscripta. Apud S. Victorem, prope Moguntiam, ex offic. Franc. Behem, 1549. In causa Religionis Miscellaneorum lihri très. Ingolstadii, 1545. GoMMiNES (de) Philippe, historien, flamand de naissance, mais rési- dant en France (1445-1509). Memoyres sur l'Histoire de Louis XI et de Charles y III. Paris, 1528. Gontarenus (Contarini) Gaspard, vénitien, cardinal (1483-1542). (Voir Caraffa.) EcHius (Eck) Jean, suédois, professeur de théologie à Ingolstadt (1486-1543). Ennequin. Voir Hennequin. Erasme Désiré, hollandais, professeur à Rotterdam (1466-1536). Feu ARDENT François, cordelier français (1539-1610). Semaine première des Dialogues anxquels sont. . . computees 164 erreurs des Calvinistes. Paris, 1585. Semaine seconde... 46^ erreurs. Paris, 1598. (Voir le livre : Theomachia Calvinistica ; XVI lihris profligantur 1400 errores. Goloniag Agrippinae, ex officina Gholiniana, 1629.) Fischer (Fisher) ]ç.2iV\. (le Bienheureux), Martyr, cardinal, évêque de Rochester (Roffensis), Angleterre (1469-1535). Garetius Jean, flamand, chanoine régulier à Louvain, mort en 1571. Classes novem de ver a Corporis Christi prœsentia in sanctissimo Eucha- risties Sacramento, adversus pestem Calvinianam. Parisiis, 1562. Génébrard Gilbert, bénédictin français, professeur d'Hébreu au Gollége Royal, puis archevêque d'Aix (1537-1597)- Gilherti Genehrardi theologi Parisiensis, divinarum hehr aie ar unique literarum professoris regii, Chronographiœ lihri quatuor. Parisiis, Gobinus, 1579. (Editio secunda, 1589.) ' Psalmi Davidis, calendario Hehrœo... exornati. Paris, LuUier, 1577.  NOMMÉS DANS LES CONTROVERSES CXXXIX GuiDO (de Perpignan), français, 12'' Supérieur général des Carmes, puis évêque d'Elne, mort vers 1330. Summa de Hœresihus. Hay Jean, jésuite écossais, professeur de théologie à Tournon, mort en 1607. Demandes faictes aux ministres d'Ecosse, mises en nostre langue fran- çaise. Lyon, J. Pillehotte, 1583. Antimoine aux Responses que Th. de Be:(e faict à ^7 Demandes, sur 206 proposées aux ministres d' Ecosse , etc. Tournon, 1588. HENNEauiN Aymar, français, évêque de Rennes, mort en 1596. Confessions de saint Augustin, etc. Paris, 1577. JoiNViLLE (Seigneur de) Jean, écrivain français (1223-13 17). Histoyre de saint Loys, IX^ du nom, Roy de France. Louis de Grenade, dominicain espagnol (i 504-1 588). Introduction au Symbole de la Foi. Lyra (de) Nicolas, de Lyre en Normandie, franciscain (1270- 1340). Postillce perpétuée, seu brevia Commentaria in universa Biblia (aliter Biblia cum Glossis). Montaigne (Seigneur de) Michel, littérateur français (i 533-1 592). Essais de Michel, Seigneur de Montaigne. . . Livre premier et second. A Bourdeaux, par S. Millanges, 1580. MoRUs (More) Thomas (le Bienheureux), Martyr, Chancelier d'An- gleterre (1 478-1 535). PoLus (Pôle) Reginald, anglais, cardinal (1500-1558). (Voir Caraffa.) Possevin Antoine, jésuite italien (1533-1611). Notœ Divini Verbi et Apostolicœ Ecclesiœ fides ac faciès ex quatuor Œcumenicis Synodis... adversus responsum D. Chytrœi. Posnaniae et Wolrabii, 1586. Préau (du) Gabriel, français, docteur en Sorbonne (1511-1588). De vitis, sectis et dogmatibus Hœreticorum omnium elenchus alpha- beticus. Cologne, 1569. RiBERA François, jésuite espagnol ( 1537-159 0- De Templo et de iis quœ ad Templum pertinent, libri quinque. Antverpise, apud Petrum Bellerum, 1593. Sadoletus Jacques, itahen, cardinal (1478-1547). (Voir Caraffa.) Saintes (de) Claude, français, docteur en Sorbonne, évêque d'Evreux (1525-1591). Déclaration d'aucuns atheismes de Calvin et de Be{e. Paris, 1567. Examen doctrinœ Calvinianœ et Be:(anœ de Cœna Domini,  cxL Acteurs du xiv, xv, xvi siècle Sanders Nicolas, professeur de théologie à Louvain /'i 527-1 583). De visibili nionarcbia Eccîesùe libri octo. LoN'anii, i 57 1 . Staphyl Frederick, allemand, recteur de l'Université d'ingolstadt ( 15 14-1564'. Theologia Martini Lutheri trimembris epitonie, collecta IVormatiœ, durante Colloquio, anno i yyj. (Le livre cité par le Saint est la 3® Partie de cet ouvrage, sous le titre : De siiccessione et con- cordia discipulorum Martini Lutheri in Augustana Confessione.) Stapleton Thomas, anglais, professeur à Louvain (i 535-1 598). Promptuarium Catholicum ad instructionem concionatorum contra hœreticos nostri temporis, super oninia Evangelia totius anni. Lug- duni, ex officina juntarum, mdxci. Steuchus Augustin (Eugubinus) , de Gubbio, Italie, chanoine régulier du Saint-Sauveur, gardien de la Bibliothèque pontifi- cale sous Paul III, puis évèque de Ghisaimo, mort vers i 540. Recognitio Veteris Testamenti ad Hebraicam veritatem. Venetiis , Aldus, 1529. Theatinus. Voir Caraffa. TiTELMANN François, capucin flamand (1489- 1535). Epistola apologetica... pro opère collatiomim ad Veteris ecclesiasticœ interpretationis Novi Testanienti defensionem. Antverpias, 1530. ToLETUs (Tolède, Tolet) François, jésuite espagnol, cardinal (1532-1596). Biblia sacra, Sixti Quinti j'ussu recognita [a M. A. Columna, F. Toleto, etc.]. Introductio apologetica. Romae, 1592. D. F. Toleti in Joannis Evangelium Commentarius. Romae, 1588. Vatable François, français, professeur d'Hébreu au Collège Royal, mort en i 547. Biblia sacra, Hebraice, Grœce et Latine... cum an notât ionibus F. Vatabli. Parisiis, 1587.  1  I  NOMMÉS DANS LES CONTROVERSES CXLl  II. — HÉRÉTIQUES  BÈZE (de) Théodore, français, disciple et successeur de Calvin à Genève (15 19-1605). (Voir Marot.) Ad Sehast. Castellionis calumnias responsio. Stephanus, 1563. Apologie, etc. (C'est le même livre que Response, etc.) Commentaria in Josiie, in Joannem. De Cœna Domini. Genève, Robert Estienne, 1559. Icônes, id est, verce imagines virorum doctrina simul et pietate illus- trium, etc. Apud Joannem Laonium, mdlxxx. La Bible... Je tout reveu et conféré sur les textes Hehrieux et Grecs par les Pasteurs et Professeurs de l'Eglise de Genève [T. de Beze, A. La Paye, S. Goulart, etc.]. Genève, 1588. Novum Testamentum, denuo a T. B. verswn, cum ejusdem annotât. 1557. Response de Théodore de Be:(e, pour la Justification gratuite... par la seule foy : contre un certain escrit sans le nom de son autheur, imprimé nagueres furtivement, et semé ça et là par un certain Antoine Lescaille. Traduicte de Latin en François. Par Jean le Preux, MDXcii. (En latin, Apologia, etc.; voir note (2) p. 221.) Sum?na doctrince de re Sacratnentaria. J. Bonae fidei, 1 560. Traicté des vrayes, essencielles et visibles Marques de la vraye Eglise Catholique. Jean le Preux, Genève, mdxcii. (En latin. De veris . . . Ecclesiœ notis, 1579.) Blandrate Georges, piémontais, successivement luthérien, calviniste et unitaire, mort vers 1590. Brence (Althamer) André, luthérien allemand, pasteur à Anspach (1499-1570). BucER Martin, allemand, pasteur à Strasbourg, professeur d'Hébreu à Cambridge (1491-1551). De liber arbitrio, in libro De concordia JVittembergensi. 1536. BuLLiNGER Henri, suisse, successeur de Zwingle à Zurich (i 504-1575). Calvin Jean, français, auteur de la secte qui porte son nom, principal ministre de Genève (i 509-1 564). Acta Synodi Tridentince , cum antidoto. Genevce, 1547- Catéchisme françois de Genève. 1537. Commentaires sur V Epistre aux Ephesiens. De œterna Dei prœdestinatione. Genevœ, 1552. Impietas Valentini Gentilis détecta. [Genevas] 1561.  cxLii Auteurs du xiv, xv, xvi siècle Institution de la Religion Chrestienne, par Jean Calvin. Basle, 1535. Instructio contra libertinos. Inter Opuscula, 1552. Carlostadt André, allemand, pasteur à Witttemberg, ensuite à Bâle (1483-1581). De ahusu antichristiano Dominici panis et calicis (Vonn dem wyder- christlichen misshrauch, etc.J. Basle, 1524. Castalio Sébastien, bressan, professeur de Grec à Bâle (15 15-1563). Centuriateurs de Magdebourg. Société de luthériens qui a écrit l'histoire de l'Eglise par centuries, ou siècles. Ecclesiastica Historia... per aliquot... viros in urbe Magdeburgica. Basileae, per Joannem Oporinum, 15 59-1 574. Chytrée David , allemand , professeur de théologie à Rostock (1530-1600). Eraste Thomas, médecin allemand, professeur à Bâle (1523-1583). Heshusius Tilmann, luthérien allemand, professeur de théologie à Heidelberg, Jéna, etc. (1526-1588). Husjean, hérésiarque de la Bohême (1373-141 5). Jérôme de Prague, compatriote et disciple de Jean Hus (1392-1416). Luther Martin, allemand, fondateur de la prétendue Réforme, ministre à Wittemberg, Saxe (1483-1546). Adversus armatuni virum Cochlœum. Wittembergae, 1523. Assertio omnium articulorum M. Lutheri, per Bullam Leonis novissime damnatorum. Wittembergae, 15 18. Confutatio rationis Latomianœ. 1534. Contra cœlestes prophetas. Wittembergae, 1525. Contra hœresium innovationes. De abroganda Missa Privata. 1521. De captivitate Babylonica Ecclesiœ. 1520. De Conciliis (von den Conciliis und Kirchen). Wittemberg, 1539. De Libertate Christiana. Wittembergae, 1520, De Potestate Papce (Resolutio super propos. XIII Lipsica). 15 19. De Servo arbitrio, Wittemberg, 1522. Epistola ad Georgium, ducem Saxoniœ. 1526. Epistola contra Regem Angliœ. 1525. Epitalamium . 1523. In 5 Libros Moysi; in Psalt., Job et Salomonis libros. Operationes in Psalmos. 1521. Resolutiones (Voir Assertio, etc., et De potestate Papce). Querela M. Lutheri de seditione, seu sermo, etc. , Quod hœc verba Christi, « Hoc est corpus meum, » adhuc Jirmiter stent, contra svermericos s/)/'nYws (schwermgeister). 1527.  NOMMÉS DANS LES CONTROVERSES CXLHI Sermo de faner e Eîectorfs Principis. 1525. Sermo de natali B . Mariœ (von der Himmelfahrt Mariœ). 1524. Sermo in I Pétri Epistolam (Episteln D. Pétri, predigt 1^24). Sermones conviviales (Tischreden, oder, Colloquia doctoris M. Luther i). Eisleben, 1566. M AROT Clément, poète français, (1495-1544). Pseaumes de David, mis en rime françoise par C. Marot... et... T. de Be{e. 1560. Martyr Pierre (Fermigîi), italien, professeur de théologie à Zurich et à Cambridge (1499-1562). Defensio doctrinœ veteris de sacrosancto Eucharistice sacram. [1559.] Commentarii in Judices. In D. Pauli priorem ad Corinth. epist. D. Pétri Martyris Vermilii commentarii doctissimi. Tiguri, Boschoverus, 1567. Melancthon Philippe, luthérien allemand, successeur de Luther à Wittemberg (1497- 15 60). Mercerus Jean (Henri ?), français, professeur d'Hébreu au Collège Royal où il devint calviniste, mort en 1570. MuscuLE Wolfgang , lorrain , professeur de théologie à Berne (1497-1563). OcHiN Bernardin, calviniste italien, pasteur à Genève, Bâle, Zurich (1487-1564). Olivetanus. Voir Robert. Œcolampade Jean, allemand, principal ministre à Bâle (i 482-1 531). Pacimontain (Le) Balthazar, anabaptiste hollandais, mort vers 1530. Pomeran (Bugenhagen) Jean, luthérien de Poméranie, professeur de théologie à Wittemberg (1485- 1558). Robert Pierre (Olivetanus), calviniste français, mort vers 1539. La Bible, en laquelle sont contenus le Vieil Testament et le Nouveau ; translatés en Françoys, le Vieil de V Ebrieu et le Nouveau du Grec. Wingle dict Pirot, picard, Neufchastel, 1535. WiCLEF (de IVycliffe) ]t2in, hérésiarque anglais (i 324-1384). Zwingle Ulric, suisse, principal ministre à Zurich (1487-1531). De ver a et f al sa religione commentarius. Tiguri, 1525. Sermo de Providentia. Subsidium sive coronis de Eucharistia. Tiguri, 1525.  AVIS AU LECTEUR  Il a été jugé utile de donner ici quelques renseignements purement typographiques, et de répéter quelques indications nécessaires pour saisir la marche suivie par les éditeurs dans la publication du présent volume. 1° Le titre général, Controverses, adopté dès la première édition (i6y2) , a été maintenu dans celle-ci. Les divisions principales de l'ouvrage en Parties et Chapitres ont été tracées par le saint Auteur lui-même, aussi bien que les subdivisions désignées par les Editeurs sous le nom 6, accompare tous les hommes, tant reprouvés que esleuz, a des brebis : Omnes nos quasi oves erravimus, et }^. 7. il accompare Nostre Seigneur : Quasi ovis ad occisionem ductus est ; et tout au long du c. 34 d'Ezechiel, ou sans doute tout le peuple d'Israël est apellé brebis , sur lequel David devoit régner. Mays qui ne sçait qu'au peuple d'Israël tout n'estoit pas prsedestiné ou esleii? et neantmoins ilz sont apellés brebis, et sont tous ensemble sous un mesme pasteur. Nous confessons, donques, quil y a des brebis sauvées et praedestinëes, desquelles il est parlé en saint Jan, il y en a d'autres damnées, desquelles il est parlé ailleurs, et toutes sont dans un mesme parc. Semblablement, qui nie que Nostre Seigneur con- noisse ceux qui sont a luy ? Il sceut sans doute ce que Judas deviendroit, neantmoins Judas ne layssa pas d'estre de ses Apostres ; il sceut ce que dévoient devenir les disciples qui s'en retournèrent en arrière pour la *jo. VI. y. 67. doctrine de la realité de la manducation de sa chair*, et neantmoins il les receut pour ses disciples. C^est bien autre chose estre a Dieu selon l'éternelle praescience, pour l'Eglise triomphante, et d'estre a Dieu selon la praesente Communion des saintz, pour l'Eglise mili- tante. Les premiers sont seulement conneuz a Dieu, les derniers sont conneuz a Dieu et aux hommes. « Selon l'éternelle praescience , » [dit] saint Augus- *Tract.xLvinjoan. tin*, « O Combien de loupz sont dedans, combien de (§ 12.) . brebis dehors. » Nostre Seigneur donques connoist ceux qui sont a luy pour l'Eglise triomphante, mays outre ceux la il y en a plusieurs autres en l'Eglise militante desquelz la fin sera en perdition, comme le * II Tim. II. ^. 20. mesme Apostre monstre quand il dict *, qu'^;^ une grande mayson il y a de toutes sortes de vases, et  Partie I. Chapitre ii. Article il  59  mesme quelques uns pour l'honneur^ autres pour r ignominie. De mesme ce que saint Jan dict *, 11^ sont sortis *(Ubi supra.) d'entre nous, inays il\ n'estoyent pas d'entre nous, ne faict rien a propos, car je diray, comme dict sainct Augustin * : ilz estoyent des nostres ou d'entre nous 'Tract, lxi in jo. numéro, et ne l'estoyent pas merito, c'est a dire, comme le mesme Docteur : « Hz estoyent entre nous et des nostres par la communion des Sacremens, mays selon la particulière propriété de leurs vices ilz ne l'estoyent pas ; » ilz estoyent ja hérétiques en leur ame et de volonté, quoy que selon l'apparence extérieure ilz ne le fussent pas. Et n'est pas a dire que les bons ne soyent avec les mauvais en l'Eglise, ains, au contrayre, comme pouvoient ilz sortir de la compaignie de l'Eglise silz ny estoyent ? ilz estoyent sans doute de faict, mais de volonté ilz en estoyent déjà dehors. En fin, voicy un argument qui sembl'estre assorti de forme et de figure : « Celuy n'a Dieu pour père qui n'a l'Eglise pour mère * », chose certayne ; de mesme, qui * Cyp. i. De unit. ^■^ recelas ic AT^ Sol n'a Dieu pour père n'aura point l'Eglise pour mère, très certain : or est il que les reprouvés n'ont point Dieu pour père ; donques ilz n'ont point l'Eglise pour mère, et par conséquent les reprouvés ne sont en l'Eglise. Mays la responce est belle. On reçoit le premier fonde- ment de ceste rayson, mays le second, que les reprou- vés ne soyent enfans de Dieu, a besoin d'estre espluché. Tous les fidèles baptizés peuvent estre apellés filz de Dieu pendant quilz sont fidèles, sinon qu'on voulut oster au Baptesme le nom de régénération ou nativité spiri- tuelle que Nostre Seigneur luy a baillé * ; que si on * Jo. m. ^. 5. l'entend ainsy, il y a plusieurs reprouvés enfans de Dieu, car combien y a il de gens fidèles et baptizés qui seront damnés, lesquelz, comme dict la Vérité*, croyent * Luc. vm. ^. 13. pour un tems, et au tems de la tentation se retirent en arrière : de façon qu'on niera tout court ceste se- conde proposition, que les reprouvés ne soyent enfans ^d Gai. 3. t- de Dieu; car estans en l'Eo-lise ilz peuvent estr'appellés ^^■^Omnesvosfiin ' c> JT xrr- Dei estis per fiaem enfans de Dieu par la création, rédemption, régénéra- in Christo jesu, et  6o Les Controverses tamen vocat/«5^«- tion, doctrine, profession de foy, quoy que Nostre Tena\tt'^lc%^.^m, Seigneur se lamente d'eux en ceste sorte par Isaie , ^'^'^•) J'ay nourry et eslevé des enfans et il\ m'ont ines- * Is. I. ^. 2. prisé^. Que si on veut dire que les reprouvés n'ont point Dieu pour père par ce quilz ne seront point héritiers , selon la parole de l'Apostre , S'il est fil^ * Ad Gai. IV. y. 7. // ^st hœritter'^, nous nierons la conséquence; car non seulement les enfans sont en l'Eglise, mays enco- res les serviteurs, avec ceste différence, que les enfans y demeureront a jamais comm'heritiers, les serviteurs non , mays seront chassés quand bon semblera au * Cap. VIII. y. 35. Maistre. Tesmoin le Maistre mesme , en saint Jan *, et le filz pénitent, qui sçavoit bien reconnoistre que plusieurs mercenaires avoient des pains en abondance chez son père, quoy que luy, vray et légitime filz, * Luc. XV. y. 17. mourut de faim avec les porceaux * : qui rend preuve de la foy Catholique pour ce sujet. O combien de servi- * Cap. X. y. 7. teurs , puys je dire avec l'Ecclesiaste *, ont estes veu\ a cheval, et combien de princes a pied comme valet^ ; combien d'animaux immondes et de corbeaux en cest' Arche ecclésiastique ; o combien de pommes belles et odoriférantes sont sur le pommier vermoulues au par dedans, qui neantmoins sont attachées a Tarbre et tirent le bon suc de tige. Qui auroyt les yeux asses clair voyans pour voir l'issue de la course des hommes, verroit bien dans l'Eglise dequoy s'escrier : Plusieurs sont apellés et peu sont esleu\; c'est a dire, plusieurs sont en la militante qui ne seront jamais en la triom- phante. Combien sont dedans qui seront dehors, comme Athan. in vita. saint Anthoyne prévit d'Arrius *, et saint Fulbert de (§ 82.) *Guiiei.Bibiiothe- Bcrcngaire *. C'est donq chose certayne, que non seule- carius (Malmesbu- i. 1 1 1 - j. i. riensis), 1. III de i^^nt les cslcuz mays les reprouves encores peuvent estre gestis Angiorum. g^ sout de l'Eglisc, et qui, pour la rendre invisible, ny met que les esleuz, faict comme le mauvais disciple qui, pour ne secourir point son maistre, s'excuse de n'avoir rien apris de son cors mais de son ame.  Partie I. Chapitre ii. Article m. 6i  ARTICLE III  L EGLISE NE PEUT PERIR  Je seray d'autant plus brief icy, que ce que je deduy- ray au chapitre suyvant(i) sert d'une forte preuve a ceste créance de l'immortalité de l'Eglise et de la perpétuité d'icelle. On dict donques, pour détraquer le joug de la sainte sousmission qu'on doit a l'Eglise, qu'ell'estoit perie il y a quatre ving et tant d'années, morte, ensevelie, et la sainte lumière de la vraye foy estainte : c'est un blasphème pur que tout cecy contre la Passion de Nostre Seigneur, contre sa providence, contre sa bonté, contre sa vérité. Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur mesme * : * Jo. xn. f. 32. Sï je suys une foy s eslevé de terre f attirer ay a moy toutes choses ? a il pas esté eslevé en la Croix ? a il pas souffert ? et comme donques auroyt il layssé aller l'Eglise quil avoit attirée, a vau de route ? comm'auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher ? Le prince du monde, le diable, avoit il esté chassé * avec le * Vers. 31. saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans pour revenir maistriser mill'ans ? voules vous évacuer en ceste sorte la force de la Croix ? estes vous arbitres de si bonne foy que de vouloir si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre desormays un'alter- native entre sa divine bonté et la malice diabolique ? Non, non, quand un fort et puyssant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surynonte, il luy levé les armes et le despoûille^. Ignores vous que Nostre Seigneur se soyt *Luc. xi. ^.21.22. acquis l'Eglis'en son sang*? et qui pourra la luy lever ? * Act. xx. ^. 28. (i) Article xv, où le Saint reprend les mêmes arguments, en termes à peu près semblables.  62 Les Controverses penses vous quil soit plus foible que son adversaire ? ah, je vous prie, parlons honorablement de ce cappitaine; et qui donques ostera d'entre ses mains son Eglise ? peut estre dires vous quil peut la garder mais quil ne veut ; c'est donq sa providence, sa bonté, sa vérité que vous attaques. La bonté de Dieu a donné des dons aux hommes, montant au ciel, des apostres, prophètes, evange- listeSy pasteurs, docteurs, pour la consommation des saint\, en V œuvre du ministère, pour Vedifi- * Ephes. IV. ^ 8. cation du cors de Jésus Christ'^\ La consommation 1 1 X 2 • des saintz estoyt elle ja faicte il y a onze cens ou douze cens ans ? l'édification du cors mistique de Nostre Sei- gneur, qui est TEglise, avoit elle esté parachevée ? Ou cesses de vous apeller aedificateur, ou dites que non ; et si elle n'avoit esté achevée, comme de faict elle ne l'est pas mesme maintenant, pour quoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu que de dire quil ayt osté et levé aux hommes ce quil leur avoit donné ? C'est une des * Ro. XI. '^. 29. qualités de la bonté de Dieu que, comme dict saint Pol *, ses dons et ses grâces sont sans pœnitence, c'est a dire, il ne donne pas pour oster. Sa divine providence, des qu'ell'eust crée l'homme, le ciel, la terre, et ce qui est au ciel et a la terre, les conserva et conserve per- pétuellement, en façon que la génération du moindre oysillion n'est pas encores estainte; que dirons nous don- ques de l'Eglise ? Tout ce monde ne luy costa de premier marché qu'une simple parole : Il le dict et tout fut *(Ps. cxLvm, 5.) faict *^ et il le conserve avec une perpétuelle et infalli- ble providence ; comment, je vous prie, eust il aban- donné l'Eglise qui luy coste tout son sang, tant de peynes et travaux ? Il a tiré l'Israël de l'Egipte, des desers, de la mer Rouge, de tant de calamités et capti- vités, et nous croirons quil ayt layssé engolfé le Chris- tianisme en l'incrédulité ? Il a tant eu de soin de son Agar, et il mesprisera Sara ? il a tant favorisé la ser- Genes. XXI. ^ . 10. vante qui devoit estre chassée hors de la mayson *, et n'aura tenu conte de l'Espouse légitime ? il 'aura tant honnoré l'ombre, et il abandonnera le cors ? O que ce  II. 12.  Partie I. Chapitre il Article m. 63 seroit bien pour néant que tant et tant de promesses auroyent estees faites de la perpétuité de cest'Eglise. C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante* : Dieu Va * P^ai. xlvu. t- 8. fondée en éternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, in diells efiis'jus- trosne du Messie filz de David, en la personne du 1'^''^ et abundantia ^ pacts, donec aiife- Pere éternel) sera comme le soleil devant moy, et ratur Uma, id est, 77 I. ^ -xj. j. '± ' ± t ± .in œte7-num : quae comme la lune parjattte en éternité, et le tesmoin pax quae justitia fidèle au ciel * ; Je mettray sa race es siècles des sie- *^^\^^ Lxxxvm" "^ des et son trosne comme les jours du ciel, c'est adiré, 37- autant que le ciel durera"^ ; Daniel l'apelle ** Royaume * Vers. 30.^ qui ne se dissipera point éternellement, l'Ange dict ^^' "' ^' ^^' a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin *^ et parle de l'Eglise comme nous le prouvons * Luc. i. y. 33. ailleurs * ; Isaïe avoit il pas predict ** en ceste façon de ^^ i'E^iise^'fsu^^ra^ Nostre Seisrneur : S'il met et expose sa vie pour le ^ï"^- h p- 42.) 7/7 7 77 "'Cap. LUI, Y. 10. pèche il verra une longue race, c'est a dire, de longue durée ? et ailleurs * : Je feray un' alliance perpétuelle * Cap. lxi. y. 8. avec eux ; après*: Tous ceux qui les verront (il parle * (Vers. 9.) de l'Eglise visible) les connoistront ? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de révoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpétuité ? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prœvaudront point contr'elle^? * Mat. xvi. v. 18. et comme vérifiera -on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus ? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi^, comme l'enten- * Mat. uit. >•. uit. drons nous si voulons dire que l'Eglise puisse périr ? Mays voudrions nous bien casser la belle règle de Gamaliel qui, parlant de l'Eglise naissante, usa de ce discours* : Si ce conseil ou cesV œuvre est des hommes * Act. v. ^ 38. 39. elle se dissipera , mays si elVest de Dieu vous ne sçauries la dissoudre ? L'Eglise est ce pas l'œuvre de Dieu ? et comment donques dirons nous qu'elle soit dissipée ? Si ce bel arbre ecclésiastique avoit esté planté de main d'homme, j'avoueroys aysement quil pourroit estre arraché , mays ayant esté planté de si bonne main qu'est celle de Nostre Seigneur, je ne sçaurois  64 Les Controverses conseiller a ceux qui entendent crier a tous propos que l'Eglise estoit perie sinon ce que dict Nostre Seigneur : Laisses la ces aveugles , car toute plante que le Père *Mat. XV. y. 13.14- céleste n'a pas plantée sera arrachée'^, mays celle que Dieu a plantée ne sera point arrachée. *i Cor. XV. t- 23.24. Saint Pol dict* que tous doivent estre vivifiés cha- cun en son ordre ; les prémices ce sera Christ, puys ceux qui sont de Christ, puys la fin : entre Christ et les siens, c'est a sçavoir, l'Eglise, il ni a rien d'entre- deux, car montant au ciel il les a layssés en terre, entre l'Eglise et la fin il ni a point d'entredeux, d'autant qu'elle devoit durer jusques a la fin. Quoy ? ne falloit il pas que Nostre Seigneur régnât au milieu de ses enne- mis jusqu'à ce quil eut mis sous ses pieds et assujetty *Ps. cix. ^. 1. 2. 3; tous ses adversaires"^ } et comme s'accompliront ces or. XV. y. 25. authorités si l'Eglise, royaume de Nostre Seigneur, avoit esté perdu et destruict ? comme regneroit il sans royaume, et comme regneroit il parmi ses ennemys sil ne regnoit ça bas au monde ? Mays, je vous prie, si cest'Espouse fut morte après que du costé de son Espoux endormy sur la Croix ell'eust premièrement la vie, si elle fut morte, dis je, qui l'eust resuscitée ? Ne sçait on pas que la résurrec- tion des mors n'est pas moindre miracle que la création, et beaucoup plus grand que la continuation et conser- vation ? Ne sçait on pas que la reformation de l'homme [est] un bien plus profond mistere que la formation, et *(Ps. cxLvm, 5.) qu'en la formation Dieu dict, et ilfutfaict^? il inspira * (Gen., II, 7.) Vame vivante *^ et il ne l'eut pas si tost inspirée que ce celest'homme commença a respirer ; mays en la reformation Dieu employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, mourut mesme sur ceste reformation. Et qui donques sera si osé de dire que cest'Eglise est morte, il accuse la bonté, la diligence et le sçavoir de ce grand reformateur, et qui se croit estre le reformateur ou resuscitateur d'icelle, il s'attribue l'honneur deu a un seul Jesuchrist, et se faict plus qu'Apostre. Les Apostres n'ont pas remis l'Eglise a vie, mays la luy [ont] conser- vée par leur ministère après que Nostre Seigneur l'eust  Partie I. Chapitre ii. Article m. 65 establie; qui donques dict que l'ayant trouvé morte il l'a resuscitêe, a vostr'avis mérite il pas d'estr'assis au trosne de témérité ? Nostre Seigneur avoit mis le saint feu de sa charité au monde *, les Apostres avec le * Luc xn. f. 49- souffle de leur preedication l'avoyent accreu et faict courir par tout le monde : on dict quil estoit estaint par mi les eaux d'ignorance et d'iniquité ; qui le pourra rallumer? le souffler ni sert de rien, et quoy donques? il faudroit peut estre rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jesuchrist, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu, ou s'il suffira que Calvin ou Luther soient au monde pour le rallumer? Ce seroit bien de vray estre des troysiesmes Helies, car ni Helie ni saint Jan Baptiste n'en firent onques tant ; ce seroit bien laysser tous les Apostres en arrière, qui portèrent bien ce feu par le monde, mays ilz ne l'allumèrent pas. « O voix impudente, » dict saint Augustin contre les Donatistes *, * In Psai. ci., Ser. (( l'Eglise ne sera point par ce que tu ni es point ? » ' Non, non, dict saint Bernard*, « les torrens sont venus, * Ser. lxxix. in les vens ont soufflé* et l'ont combattue, elle n'est point *"Mat. vu. ^. 25. tumbëe par ce qu'ell'estoit fondée sur la pierre, et la pierre estoit Jésus Christ *. » * i Cor. x. t- a- Et qu'est ce autre chose dire que l'Eglis'a manqué sinon dire que tous nos devanciers sont damxués ? ouy, pour vray, car hors la vraye Eglise il ni a point de salut, hors de cest' Arche tout le monde se perd. O quel contrechange on faict a ces bons pères qui ont tant souffert pour nous prœserver l'héritage de l'Evangile, et maintenant, outrecuydés que sont les enfans, on se mocque d'eux, on les tient pour folz et insensés. Je veux conclure ceste preuve avec saint Augustin *, * De unit. Eccias . . r^ ^ 1 C. XV (al. XVIl). et parler a vos mmistres : « Que nous apportes vous de nouveau ? faudra il encor une foys semer la bonne semence, puysque des qu'ell'est semëe elle croit jusqu'à la moysson * ? Si vous dites estre par tout perdue celle * Mat. xm. f. 30. que les Apostres avoyent semëe, nous vous respondons : lises nous cecy es Saintes Escritures, ce que pour vray vous ne lires jamais que premièrement vous ne nous monstries estre faux ce qui est escrit, que la semence 5  66 Les Controverses qui fut semëe au commencement croistroit jusqu'au tems de moyssons. » La bonne semence ce sont les enfans du Royaume, la zizanie sont les mauvais, la Vers. 38 et seq. nioysson c'cst la fin du monde *. Ne dites pas donques que la bonne semence est abolie ou estouffëe, car elle croit jusques a la consommation du siècle.  ARTICLE IV  LES CONTRERAYSONS DES ADVERSAIRES ET LEURS RESPONCES (ij  1. L'Eglise fut elle pas tout'abolie quand Adam et Eve péchèrent ? Responce : Adam et Eve n'estoyent pas Eglise, ains le commencement d'Eglise ; et n'est pas vray que fut perdue alhors encor qu'ell'eust esté, car ilz ne péchèrent pas en la doctrine ni au croire, mais au faire. 2. Aaron, sauverain Prestre, n'adora il pas le veau d'or avec tout son peuple ? Responce : Aaron n'estoit * C'estoH Moise, eucorcs pas sauvcraiu Prestre ni chef du peuple*, ains Ex. 4. y. 16. .1. , 11 *Ex. XL. 1^. 12. 13; le tut par après*; et n est pas vray que tout le peuple Sm Tuai imUo^c" îdolatrast, car les enfans de Levi n'estoyent ilz pas * p^"* î,- r §"^^s ^^ Dieu ? et se joignirent ilz pas a Moyse * ? 3. Helie se plaint d'estre seul en Israël. Responce : Helie n'estoit pas seul en Israël homme de bien, puys- quil y en avoit 7000 hommes qui ne s'estoient pas * III Reg. XIX. ^. abandonné a Tidolatrie *, et ce qu'en dict le Prophète n est que pour mieux exprimer la justice de sa plainte ; et n'est pas vray qu'encor que tout Israël eut manqué l'Eglise pourtant eut esté abolie, car Israël n'estoit pas toute l'Eglise, ains en estoit desja séparé par le schisme * Cap. XII. f. 31 de Hieroboam *, et le royaume de Juda en estoit la meilleure et la principale partie ; c'est d'Israeî non de (i) Cf. la fin d'art, xv, chap. m ; et voir note (i), p. 61.  et 2  Partie I. Chapitre ii. Article iv. 67 Juda_, aussy, de quoy Azarie prœdit * quil seroit sans * n Par. xv. y. 3. prestre et sacrifice. 4. Isaie dict * que de pied en cap il ni avoit aucune * (Cap. i, 6.) santé en Israël. Responce : Ce sont des façons de parler, et de détester le vice d'un peuple avec véhé- mence ; et encores que les prophètes, pasteurs et prédi- cateurs usent de ces générales façons de parler, il ne les faut pas vérifier sur chaque particulier, mays seu- lement sur une grande partie , comm'il appert par l'exemple d'Helie, qui se plaignoit d'estre seul, et neant- moins il y avoit encores 7000 fidèles. Saint Pol se plaint aux Philippiens * que chacun recherchoit son propre * Philip, n. y. m. intérêt et commodité, neantmoins, a la fin de l'Epistre, il confesse quil y en avoit plusieurs gens de bien de part et d'autre. Qui ne sçait la plainte de David * : // ni * Psal. xm. y. 4. a celuyy mesm'un tout seul, qui face bien ? et qui ne sçait de l'autre costé quil y eut plusieurs gens de bien de son tems ? Ces façons de parler sont fréquentes, mays il n'en faut faire conclusion particulière sur un chacun ; davantage, on ne prouve pas par la que la foy eut manqué en l'Eglise, ni que l'Eglise fut morte, car il ne s'ensuit pas, si un cors est par tout malade donques il est mort. Ainsy sans doute s'entend* tout * s. Aug. 1. de unit. , j , T ^ , ^ Eccles.c.x('rt/. xiii). ce qui se trouve de semblable es menaces et repre- hensions des Prophètes. 5. Hieremie défend * qu'on ne se confie point au * Cap. vu. f. 4. mensonge, disant, le Temple de Dieu, le Temple de Dieu. Responce : Qui vous dict que sous prsetexte de l'Eglise il faille se confier au mensonge ? ains , au contraire, qui s'appuye au jugement de l'Eglise s'ap- puye sur la colonne et fermeté de vérité'^, qui se fie * (i Tim., m, 15.) a l'infallibilité de l'Eglise ne se fie pas au mensonge, si ce n'est mensonge ce qui est escrit * : Les portes * (Matt, xvi, 18.) d'enfer ne prœvaudr ont point contre elle. Nous nous fions donques en la sainte parole qui promet perpétuité a l'Eglise. 6. Est il pas escrit quil faut que la discession et la séparation vienne ^, et que le sacrifice cessera**, et qu'a *^n Thés. n. y. 3. grand peyne le Fil^ de Vhomme trouvera la foy en  "Dan. XII. y'. II.  68 Les Controverses terre a son second retour visible, quand il viendra * (Luc, xvm, 8.) juger*? Responce : Tous ces passages s'entendent de l'affliction que fera l'Antichrist en l'Eglise les ♦Daniel, vu. j!\ 25, trois ans et demy quil y régnera puyssamment * ; Apoc. x" t. 2, c! non obstant cela, l'Eglise durant ces troys ans mesme ^"' t- '^^' ne manquera pas, ains sera nourrie et conservée parmi les desers et solitudes ou elle se retirera, comme dict * Apoc. XII. t- M- l'Escriture *.  ARTICLE V  QUE l'église n'a jamais ESTÉ DISSIPEE NI CACHEE (i)  Il La passion humayne peut tant sur les hommes, qu'elle les pousse a dire ce qu'ilz désirent devant qu'en avoir aucune rayson, et quand ilz ont dict quelque chose, elle leur [fait] trouver des raysons ou il ni en a point. I a il homme de jugement au monde qui ne connoisse clairement , quand il lira l'Apocalipse de saint Jan , que ce n'est pas pour ce tems quil est dict que la femme (c'est a dire, l'Eglise) s'en fuit en la solitude ? Il Les Anciens avoyent sagement dict que bien sçavoir reconnoistre la différence des tems es Escritures estoyt une bonne règle pour bien les entendre, a faute dequoy les Juifz a tous coupz s'sequivoquent , attribuantz au premier advenement du Messie ce qui est proprement dict du second, et les adversaires de l'Eglise encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Grégoire jusqu'à cest aage qu'elle doit estre du tems de l'Antichrist. Hz tournent a ce biays ce qui est * Cap. XII. y. 6. et escrit en l'Apocalipse *, que la femme s'en fuit en la solitude, et prennent conséquence que l'Eglise a esté (i) Cf. chap. m, art. xvii; et voir note (i), p. 61.  Partie I. Chapitre ii. Article v. 69 cachée et secrette, espouvantëe de la tirannie du Pape, il y a miU'ans, jusqu'à ce qu'elle s'est produicte en Luther et ses adhserens. Mays qui ne voit que tout ce passage respire la fin du monde et la persécution de l'Antichrist ? le tems y estant déterminé expressément de trois ans et demy *, et en Daniel aussy**; et qui * Vers. 6 et 14. voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escri- ^°* ^"" ^' ture a déterminé, contrediroit tout ouvertement a Nostre Seigneur, qui dict quil sera plus tost accourcy, pour V amour des esleu\ *. Comment donques osent ilz trans- * Mat. xxiv. t- 22. porter cest escrire a une intelligence si esloignëe de l'intention de l'autheur, et si contrayre a ses propres circonstances ? sans vouloir regarder a tant d'autres paroles saintes qui monstrent et asseurent haut et clair que l'Eglise ne doit jamays estre si cachée es solitudes jusqu'à cest'extremité la, et pour si peu de tems, ou on la verra fuir, d'où on la verra sortir. Je ne veux plus ramener tant de passages ja cottes cy dessus *, ou * (Art. i.) rEcflis'est dicte semblable au soleil, lune, arc en . ^ , *^ Psal. Lxxxvm. y. Ciel*, a une reyne"^"^, a une inontaigne aussy grande 37. que le monde^, et un monde d'autres ; je me conten- et^^^^' ^"^* ^ ^° teray de vous mettr'en teste deux grans colonnelz de * ^^"^^ "• t- 35- l'ancienne Eglise, des plus vallians qui furent onques, saint Augustin et saint Hierosme. David avoit dict : Le Seigneur est grand et trop plus louable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne d'iceluy. « C'est la cité, » dict saint Augus- tin *, « mise sur la montaigne, qui ne se peut cacher, * In Psai. xlvu. (§§ c'est la lampe qui ne peut estre celée sous un tonneau, \^ gp', joan. conneiie de tous, a tous fameuse, car il s'ensuit : Le mont Sion est fondé aven: grande joye de Vuni- vers. » Et de faict, Nostre Seigneur, qui disoit que personne n'allume la lampe pour la couvrir sous un muy"^, comm'eust il mis tant de lumières en l'Eglise * Mat. v. ^. 15. pour les aller cacher en certains recoins inconneuz ? Il poursuit*: « Voyci le mont qui remplit l'universelle * Tract, i in Ep.jo. r 11 • 1 • f 1 -1 1-1 «1 1» (§ 13, ordine inver- lace de la terre, voyci la cite delaquelle il est dict : so.) La cité ne se peut cacher qui est située sur le monf^. * (Matt., v, 14.) Les Donatistes (les Calvinistes) rencontrent le mont, et  yo Les Controverses quand on leur dict, montés, ce n'est pas une mon- taigne, ce disent ilz, et plus tost y donnent et l'heurtent du front que d'y chercher une demeure. Esaïe, qu'on lisoit hier, cria : Il y aura es derniers jours un mont prœparé, niayson du Seigneur, sur le couppeau des * Cap. 11. ^. 2. montaigneSy et toutes s'y couleront a la file * ; Qu'y a il de si apparent qu'une montaigne ? mays il se faict des montz inconneuz par ce quilz sont assis en un coin de la terre. Qui d'entre vous connoit l'Olimpe ? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe ; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a remply toute la face de la terre. La pierre taillée du mont sans * Dan. II. ^.34. 35. œuvre manuelle "^^ n'est ce pas Jésus Christ, descendu de la race des Juifz sans œuvre de mariage ? et ceste pierre la ne fracassa elle tous les royaumes de la terre, c'est a dire , toutes les dominations des idoles et dsemons ? ne s'accreut elle pas jusqu'à remplir tout l'univers? C'est donq de ce mont quil est dict, pr cep are sur la cime [des] mons ; c'est un mont eslevé sur le sommet de tous les mons, et toutes gens se rendront vers en iceluy. Qui se perd et s'esgare de cest mont ? qui choque et se casse la teste en iceluy ? qui ignore la cité mise sur le mont ? mays non, ne vous esmerveilles pas quil soit inconneu a ceux cy qui haissent les frères, qui haissent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en ténèbres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont séparés du reste de Tunivers, ilz sont aveugles de mal talent. » Ce sont les paroles de saint Augustin contre les Donatistes, mays l'Eglise présente resemble si parfaittement a l'Eglise première, et les hérétiques de nostr'aage aux anciens, que , sans changer autre que les noms , les raysons anciennes combattent autant collet a collet les Calvi- nistes, comm'elles faysoient ces anciens Donatistes. * Adver. Lucifer. Saint Hierosmc * entre en cest' escarmouche d'un ^^' autre costé, qui vous est bien aussy dangereux que l'autre, car il faict voir clairement que ceste dissipation praetendue, ceste retraitte et cachette, abolist la gloire  Partie I. Chapitre il Article v. 71 de la Croix de Nostre Seigneur ; car, parlant a un schismatique réuni a l'Eglise, il dict ainsy : « Je me rejouys avec toy, et rends grâces a Jésus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es réduit de bon courage de l'ardeur de fauceté (i) au goust et saveur de tout le monde ; et ne dis pas comme quelquesuns : O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué'^, desquelz la voix impie * (Ps. xi, i.) évacue la Croix de Jésus Christ, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret que le Seigneur a proféré des pécheurs*, il l'entend estre dict de tous les hommes. *(Ps. xxix, 10. Vi- Ti/T • » 1 • ■!->.•• 1 ^^ locum S. Hie- JMays ja n advienne que Dieu soit mort pour néant ; le ron.) puyssant est lié et saccagé, la parole du Père est accomplie : Demande moy, et je te donner ay les gens pour hceritage, et pour ta possession les homes de la terre *. Ou sont, je vous prie, ces gens trop * Psai. n. ^. 8. religieux, ains plustost trop prophanes, qui font plus de sinagogues que d'églises ? comme seront destruittes les cittés du diable, et en fin, a sçavoir en la consom- mation des siècles, les idoles comme seront ilz abbatus? Si Nostre Seigneur n'a point eu de l'Eglise, ou s'il Ta eu en la seule Sardigne, certes il est trop appauvry. Hé, si Satan possède une fois l'Angleterre^ la France, le Levant (2), les Indes, les nations barbares et tout le monde, comment auront esté ainsy accueilly et con- traints les trophées de la Croix en un coin de tout le monde ? » Et que diroit ce grand personnage de ceux qui non seulement nient qu'ell'aye esté générale et universelle, mays dient qu'elle n'estoit qu'en certaines personnes inconneiies, sans vouloir déterminer un seul petit vilage ou elle fut il y a quattre vingtz ans ? n'est ce pas bien avilir les glorieux trophées de Nostre Seigneur ? Le Père céleste, pour la grand'humiliation et anéantisse- ment que Nostre Seigneur avoit subi en l'arbre de la Croix * , avoit rendu son nom si glorieux que tout * Phii- n. t- 8- 9- genou se devoit plier en sa révérence, mays ceux cy  (i) Olim, a falsitatis ardore ; hodie, a falsitate (sahitate?) Sardorum. (2) Britannias, Gallias, Orientem.  72  Les Controverses  ne prisent pas tant la Croix ni les actions du Crucifix, ostant de ce conte toutes les générations de mill'ans. Le Père luy avoit donné en héritage beaucoup de gens, par ce quil avoit livré sa vie a la tnort, et avoyt * is. LUI. t- 12. esté mis au rang des meschans hommes"^ et voleurs, mays ceux cy luy amaigrissent bien son lot, et roignent si fort sa portion qu^a grand peyne durant mill'ans aura il eu certains serviteurs secretz, ains n'en aura du tout point eu ; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestien, et qui aves estes en la vraye Eglise : ou vous avies la vraye foy, ou vous ne l'avies pas ; si vous ne Tavies pas, o misérables, vous * Mar. XVI. ^. i6. estcs damnés *, et si vous l'avies, pourquoy la celles vous aux autres? que n'en laissies vous des memoyres? que ne vous opposies vous a l'impiété, a l'idolâtrie ? ou si vous ne sçavies pas que Dieu a recommandé a un * Ecciesiastici XVII, chacun son prochain"^ ? certes. On croit de cœur ^' ^^' pour la justice, mays qui veut obtenir le salut il faut *Ro. X. y. io;Luc. faire la confession de sa foy*, et comme pouvies vous ^Psai. cxv. t- 1- ^ire, J'ay creu, et par ce j'ay parlé * ? O misérables encores, qui ayant un si beau talent l'aves caché en * Mat. xxv. f. 25. terre ; si ainsy est, vous estes es ténèbres extérieures *. Mays si au contrayre, o Luther, o Calvin, la vraye foy a tousjours esté publiée et continuellement praechëe par tous nos devanciers, vous estes misérables vous mesmes, qui en aves une toute contraire, et qui pour trouver quelque excuse a vos volontés et fantasies, accuses tous les Pères ou d'impiété s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.  30  Partie I. Chapitre ii. Article vi. 73  ARTICLE VI  l'église ne peut errer (i)  Quand Absalon voulut une fois faire faction et divi- sion contre son bon père David, il s'assit près de la porte au chemin, et disoit a tous ceux qui passoyent : Il ni a personne constitué du Roy pour vous ouyr, hé, qui me constituera juge sur terre, affin que tous ceux qui auront quelque negotiation viennent a moy et que je juge justement * ? ainsy solicitoit il les coura- * H Reg. xv. t- 2. ges des Israélites. O combien d'Absalons se sont trouvés en nostr'aage, qui, pour seduyre et destruyre les peuples de l'obéissance de l'Eglise et des pasteurs, et solliciter les courages chrestiens a rébellion et révolte, ont crié par toutes les advenues d'AUemaigne et de France : il n'y a personne constitué de Dieu pour ouyr les doutes sur la foy et les resouvre; l'Eglise mesme, les magistratz ecclésiastiques, n'ont point de pouvoir de déterminer ce quil faut tenir en la foy et ce que non ; il faut chercher autres juges que les praelatz, l'Eglise peut errer en ses decretz et règles. Mays quelle plus dommageable et temerayre persua- sion pouvoyent ilz faire au Christianisme que cellela ? Si donques l'Eglise peut errer^ o Calvin, o Luther, a qui auray je recours en mes difficultés ? a l'Escriture, disent ilz : mays que feray je, pauvr'homme ? car c'est sur l'Escriture mesme ou j'ay difficulté ; je ne suys pas en doute s'il faut adjouster foy a l'Escriture ou non, car qui ne sçait que c'est la parole de vérité ? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de cest'Escriture, ce (i) Voir Partie II, chap. m.  74 Les Controverses sont les conséquences d'icelle, lesquelles estans sans nombre, diverses et contraires sur un mesme sujet, ou qu'un chacun prend parti qui en l'une qui en l'autre, et que de toutes il ny en a qu'une salutaire, ah, qui me fera connoistre la bonne d'entre tant de mauvaises ? qui me fera voir la vraye vérité au travers de tant d'apparentes et masquées vanités ? Chacun se voudroit embarquer sur le navire du Saint Esprit , il ny en a qu''un, et celuy la seul prendra port, tout le reste court au naufrage ; ah, quel danger de mesprendre : l'égale ventance et asseurance des patrons en déçoit la plus part, car tous se ventent d'en estre les maistres. Qui- comque dict que nostre Maistre ne nous a pas laissé des guides en un si dangereux et malaysé chemin, il dict quil nous veut perdre ; quicomque dict quil nous a embarqués a la mercy [des vents] et de la marëe, sans nous donner un expert pilote qui sache bien entendre sur la bussole et la charte marine, il dict que ce Sei- gneur a faute de provoyance ; quicomque dict que ce bon Père nous a envoyés en cest'escole Ecclésiastique, sachant que l'erreur y estoit enseignée, il dict quil a voulu nourrir nostre vice et nostre ignorance. || Qui ouyt jamais deviser (0 d'une académie ou chacun enseignât, personne ne fut auditeur ? Telle seroit la republique Chrestienne si les particuliers... Car si l'Eglise mesme erre, qui n'errera ? et si chacun y erre, ou peut errer, a qui m'addresseray je pour estre instruit ? A Calvin ? mays pourquoy plus tost qu'a Luther, ou a Brence, ou au Pacimontain ? Nous ne sçaurions donques ou recourir en nos difficultés si l'Eglis'erroit. || Mays qui considérera le tesmoignage que Dieu a donné pour l'Eglise, si authentique, il verra que dire^ l'Eglise erre, n'est autre sinon dire. Dieu erre, ou se plaict et veut qu'on erre, qui seroit un grand blasphème : Mat. XVIII. y. 17. car, n'est ce pas Nostre Seigneur qui dict * : Si ton [frère] a péché (contre toy)^ dis le a l'Eglise ; que si quelqu'un n'entend VEglise^ quil te soit comme eth- (i) Voir Part. II, chap. m, art. 11, fin.  t- 17-  Partie I. Chapitre ii. Article vi. 75 nique et peager ? Voyes vous comme Nostre Seigneur nous renvoyé a l'Eglise en nos difFerens, et quelz qu'ilz soyent ? mays combien plus es injures et difFerens plus importans ? certes, si je suys obligé, après l'ordre de la correction fraternelle, d'aller a l'Eglise pour fayre aman- der un vicieux qui m'aura offencé, combien plus seray je obligé d'y déférer celuy qui apelle toute l'Eglise Babilone, adultère, idolâtre, mensongère, parjure? d'autant plus principalement qu'avec ceste sienne mal- veillance il pourra desbaucher et infecter tout'une pro- vince, le vice d'heresie estant si contagieux que comme chancre il se va tousjours traynant plus avant * pour * n ad Timot. un tems. Quand donques j'en verray quelqu'un qui dira que tous nos pères, ayeulz et bisayeulz ont idolâtré, corrompu l'Evangile et prattiqué toutes les meschancetés qui s'ensuyvent de la cheute de Religion, je m'addres- seray a l'Eglise, le jugement de laquelle chacun doit subir. Que si elle peut errer, ce ne sera plus moy, ou l'homme, qui nourrira cest erreur au monde, ce sera nostre Dieu mesme qui Tauthorisera et mettra en crédit, puysqu'il nous commande d'aller a ce tribunal pour y ouyr et recevoir justice : ou il ne sçait pas ce que s'y faict, ou il nous veut décevoir, ou c'est a bon escient que la vraye justice s'y administre, et les sentences sont irrévocables. L'Eglise a condamné Berengaire ; quicom- que en veut débattre plus avant je le tiens comwi'un payen et peager, affin d'obéir a mon Seigneur, qui ne me laysse pas en liberté en cest endroit, mays me com- mande : Tiens le comin'un payen et peager. C'est le mesme que saint Pol enseigne, quand il appelle l'Eglise colomne et fermeté de vérité"^. N'est *i adiimot. m. t- ce pas a dire que la vérité est soustenue fermement en l'Eglise ? ailleurs la vérité n'est soustenue que par interva- les, ell'en tumbe souvent, mays en l'Eglise ell'y est sans vicissitude, immuablement, sans chanceler ; bref, stable et perpétuelle. Respondre que saint Pol veut dire que l'Escriture a esté remise en garde a l'Eglise, et rien plus, c'est trop ravaler la similitude quil propose, car c'est bien autre chose, soustenir la vérité, que, garder l'Escri-  15-  76 Les Controverses ture. Les Juifz gardent une partie des Escritures, et beaucoup d'heretiques encores, mays pour cela ilz ne sont pas colomnes et fermetés de la vérité. L'escorce de la lettre n'est ni vérité ni faulseté, mays selon le sens qu'on luy baille ell'est véritable ou faulse. La vérité donques consiste au sens, qui est comme la mouelle, et partant, si l'Eglis'estoit gardienne de la vérité, le sens de l'Escriture luy auroit esté remis en garde, il le fau- droit chercher chez elle, et non en la cervelle de Luther, ou Calvin, ou de quelque particulier ; dont elle ne pour- roit errer, ayant tousjours le sens des Escritures. Et de faict, mettr'en ce sacré depositoire la lettre sans le sens, ce seroit y mettre la bourse sans l'argent, la coquille sans le noyau, la gayne sans l'espëe, la boete sans l'unguent, les feuilles sans le fruict, l'ombre sans le cors. Mays dites moy, si l'Eglise a en garde les Escritures, pourquoy est ce que Luther les prit et les porta hors d'icelle ? et pourquoy est ce que vous ne prenes de ses mains aussy bien les Macabbëes, l'Ecclésiastique et tout le reste comme l'Epistr'aux Hebrieux ? car elle proteste d'avoir aussy chèrement en garde les uns que les autres. Bref, les paroles de saint Pol ne peuvent souffrir ce sens qu'on leur veut bailler. Il parle de * (Ibidem.) l'Eglisc visible, car ou adresseroit il son Timothëe * pour converser ? il l'apelle mayson de Dieu ; ell'est donq bien fondée, bien ordonnée, bien couverte contre tous orages et tempestes d'erreur : ell'est colomne et fermeté de la vérité ; la vérité donques est en icelle, ell'y loge, ell'y demeure, qui la cherch'ailleurs la pert. Ell'est bien tellement asseurëe et ferme que toutes les portes d^enfer, c'est a dire toutes les forces ennemies, * Mat. XVI. y. 18. ne sçauroient s'en rendre maistresses * ; et ne seroit ce pas place gaignëe pour l'ennemy si l'erreur y entroit, es choses qui sont pour l'honneur et le service du * Ephes. I. ^. 22; Maistre ? Nostre Seigneur est le chef de V Eglise* ; a on point d'honte d'oser dire que le cors d'un chef si saint soit adultère, prophane, corrompu? et qu'on ne die pas que ce soit de l'Eglise invisible, car s'il y a point : *(Art. I.) d'Eglise visible (comme je l'ay monstre cy dessus*)  Partie I. Chapitre ii. Article vu.  77  Nostre Seigneur en est le chef ; oyes saint Pol * : * Eph- 1. ?• 22. Et Ipsum dédit cap ut supra omnem ecclesiam^ non sur un'eglise de deux que vous imagines , mais sur tout'Eglise. La ou deux ou trois se trouveront asservi- hlés au nom de Nostre Seigneur, il se trouve au milieu d'eux^ : ah, qui dira que l'assemblée de l'universelle *Mat. xvm. (^.20.) Eglise de tous tems ayt esté abandonnée a la mercy de Terreur et de l'impiété ? Je conclus, donques, que quand nous voyons que l'Eglise universelle a esté et est en créance de quelqu' arti- cle, soyt que nous le voyons exprès en l'Escriture, soyt quil en soit tiré par quelque déduction, ou bien par Tradition, nous ne devons aucunement conteroller ni disputer ou douter sur iceluy, ains prester l'obéissance et l'hommage a ceste céleste Reyne que Nostre Seigneur commande, et régler nostre foy a ce niveau. Que si c'eust esté impieté aux Apostres de contester avec leur Maystre, aussy le sera ce a qui contestera contre l'Eglise; car si le Père a dict du Filz, Ipsum audite'^y le Filz a * (Matt.,xvii, 5.) dict de l'Eglise, Si quis Ecclesiam non audiverit, sit tihi tanquam etnicus et putlicanus'^. *(Matt., xvm, 17.)  ARTICLE VII  LES ministres ONT VIOLE l'aUTHORITÉ DE l'eGLISE  Je ne suys pas maintenant en grand peyne de mons- trer combien vos ministres ont avily la sainteté et majesté de l'Eglise. Hz crient haut et clair qu'ell'a de- meuré 800 ans en adultère et antichrestienne, des saint Grégoire jusqu'à Wiclef, que Beze * tient pour le pre- * (in lib. Icônes, mier restaurateur du Christianisme. Calvin * se voudroit * (instit., 1. IV, c bien couvrir par une distinction, disant que l'Eglise ^"^'§^3-) peut errer en choses non nécessaires au salut, non es autres, mays Beze confesse librement qu'ell'a tant erré  78 Les Controverses * (De veris Eccies. qu'elle n'est plus Eglise * ; et cela n^est ce pas errer en notis, circa finem.) . . -i . -^ .-1 . .« choses nécessaires au salut? mesme quil avoue qu hors TEglise il ni a point de salvation. Il s'ensuit donques de son dire, quoy quil se tourne et contourne de tous costés, que l'Eglis'a erré es choses nécessaires a salut : car, si hors l'Eglise on ne trouve point de salut, et l'Eglise a tant erré qu'elle n'est plus Eglise, certes en elle ni a point de salut ; or est il qu'elle ne peut perdre le salut que se destournant des choses nécessaires a salut, ell'a donq failly en choses nécessaires a salut : autrement, ayant ce qui est nécessaire a salut elle seroit la vraye Eglise, ou on se sauveroit hors la vraye Eglise, qui ne se peut. Et dict de Beze quil a apris ceste façon de parler de ceux qui l'ont instruict en sa religion prsetendue, c'est a dire, de Calvin ; et de vray, si Calvin pensoit que TEglise Romayne n^eust pas erré es choses nécessaires a salut il eust eu tort de s'en séparer, car y pouvant faire son salut, et y estant le vray Christianisme, il eust esté obligé d'y demeurer pour son salut, lequel ne pouvoit estr'en deux lieux differentz. On me dira peut estre que de Beze dict bien que l'Eglise Romayne qui est aujourdhuy erre en choses nécessaires, et que partant il s'en est séparé, mays quil ne dict pas que la vraye Eglise ait jamais erré. Mays on ne se peut eschapper de ce costé la : car, quell'Eglise i avoit il au monde il y a deux cens, trois cens, quatre cens et cinq cens ans, sinon l'Eglise Catholique Ro- mayne, toute telle qu'ell'est a praesent ? il ni avoit point d'autre sans doute ; donques, c'estoit la vraye Eglise et neantmoins erroit, ou il ni avoit point de vraye Eglise au monde : et en ce cas la encores est il contraint d'avoiier que cest anéantissement estoit venu par erreur intolérable et en choses nécessaires a salut, car, quand a ceste dissipation de fidèles et secrett' Eglise quil cuyde produire, j'en ay desja asses faict voir la vanité cy * (Art. praeced.) devant*; outre caque quand ilz confessent que l'Eglise visible peut errer, ilz violent l'Eglise a laq'uelle Nostre Seigneur nous adresse en nos difficultés, et que saint *(iTim.,in, 15.) Pol d,jpe\\e colomne et pilier de vérité"^, car ce n'est  Partie I. Chapitre ii. Article vu. 79 que de la visible delaquelle s'entendent ces tesmoi- gnages, sinon qu'on voulut dire que Nostre Seigneur nous eust renvoyé a parler a une chose invisible, imper- ceptible et du tout inconneiie, ou que saint Pol enseignât son Timothëe a converser en un'assemblëe delaquelle il n'eut aucune connoissance. Mays n^est ce pas violer tout le respect et la révérence deiie a ceste Reyne espouse du Roy céleste, d'avoir ramené sur ses terres quasi toutes les troupes que cy devant, avec tant de sang, de sueurs et de travaux, ell'avoyt par solemnelle punition bannies et chassées de ses confins, comme rebelles et conjurées ennemyes de sa coronne, j'entens, d'avoir remis sus pied tant d'heresies et fauses opinions que l'Eglise avoit condamnées com- me entreprenans la sauverayneté sur l'Eglise, absoulvans ceux qu'ell'a condamnés, condamnés ceux qu'ell'avoit absoutz ? Voyci des exemples. Simon Magus disoit que Dieu estoit cause de péché, dict Lyrinensis * ; mays Calvin et Beze n'en disent rien *(Common. i)§24. moins, le premier au traitté De V éternelle prcedesti- voyes Claude de nation, le second en la Responce a Sebastien Castalio. Saintes es A^>^^/i- w^5 ■ et Frère F.Feu- Quoy quilz nient le mot ilz suyvent la chose et le cors de ardent, en sesDia- cest'hseresie, si hseresie se doit appeller, non athéisme ; mfn,^en ses Co^«/?o- de quoy tant de doctes hommes les convainquent par ^^^^^^(^i ^^P^^i ■^ -^ ^ -"^ en ses Demandes et leurs propres paroles que je ne m'y amuseray pas. Responces. Judas, dict saint Hierosme *, pensoit que les miracles * In Math, (xxvi, • 1 ., .'11 . 1 T^T , o • r . 48.) Ainsi faysoit quil voyoït partir de la mam de Nostre Seigneur tussent Porphire, et Euno- operations et illusions diaboliques ; je ne sçay si vos fra^viSanthim^^" ministres pensent ce quilz dient, mays que disent quand Voyes Calvin, en . . .sa préface sur son on produict les miracles sinon que ce sont sorcelenes ? 7;«/;Y. ; et les Cen- les glorieux miracles que Nostre Seigneur faict au Martir^in'c! 8 ju- Mondevis (3), au lieu de vous ouvrir les yeux, qu'en "^îcum. dites vous ? Les Pepuziens, dict saint Augustin*, (ou Montanistes *De Haeres. c.xxvn. (i) Theomachia Calvinisiica, lib. II, cap. xii. (2) Controv. de Conciliis et Ecclesia, lib. IV, cap. ix. (3) Le pèlerinage de Mondevis (Mondovî) en Piémont a commencé au printemps de 1595. Voir la lettre du Nonce, Riccardi, au cardinal Aldobran- dino, II sept. 1595. (Archives du Vatican, Nonc. di Savoia, vol. xxxii, p. 2si.)  8o Les Controverses * De Haeret. (1. I, et Phriges comme les apelle le Code *) admettoyent a la ^ ' ^' ^ dignité de prestrise les femmes ; qui ne sçait que les frères Anglois tiennent Elisabeth leur Reyne pour chef de leur église ? * Prœfat. in Diai. Les Manicheens, dict saint Hierosme*, nioient le libéral arbitre : Luther a faict un livre contre le libéral arbitre, quil apelle De servo arhitrio ; de Calvin je * (/fod^zV Ep. xxm.) m'en rapporte a vous. Amb., Ep. 83*, Manichœos ob Dominicce diei jejunia jure damnatnus. Les Donatistes croy oient que l'Eglise s^estoit perdue en tout le monde, et qu'elle leur estoit demeurée seule- *Aug., Hccres.Lxix. ment a eux * ; vos ministres parlent ainsy. Encores *Aug., Contra litt. croyoyeut ilz qu'un mauvais homme ne peut baptiser*; e 1 lani, . .ci. -^jç-^gf ^^ disoit tout autant, que j'apport'en jeu par ce * (In lih. Icônes, que de Beze * le tient pour un glorieux reformateur. * Optât., 1. II cont. Quand a leurs vies, voyci leurs vertus* : ilz donnoient Parm., eti. VI. j^ trespraeticux Sacrement aux chiens, ilz jettoyent le saint Chresme a terre, ilz renversoyent les autelz, rompoyent les calices et les vendoyent , ilz rasoyent la teste aux prestres pour lever la sacrée onction , ilz levoyent et arrachoyent le voyle aux nonains pour les prophaner. * Hieronimus, li- Jovinien *, au tesmoisfnaofe de saint Auofustin (1. De bris duobus adver- , ., ' -,-,,?. * x , . , sus jovinianum. hceresiDus, ud quodvuLt Deus^, c. 82.), vouloit quon "vuftdlum!) ' niangeast en tout tems et contre toute prohibition * Luth., Serm. de toutcs sortes de viandcs,* disoit quc Ics jcusncs n'cstoycut Natali B. Mariae, et . , ... , , -r-^.. , r , , in I. Pétri Episto- pomt mcritoircs dcvaut Dieu, que les sauves estoyent *Tdem in E itaia- ^^^^^^ ^^ gloirc, * que la virginité n'estoit rien plus mio. que le mariage, et * que tous les péchés estoyent * Calvin, in Anti- , . . . doto, Sess. VI. égaux : chez vos maistres on enseigne le mesme. Vigilance (comm'escrit saint Hierosme, 1. Adversus * (Ep. Lxi, ad Vigi- Vigilantium, et 2 epistolis adversus eundem'^) nia lant., Ep. cix, ad . i o • Riparium.) qu OU dcut avoir en honneur les reliques des baints, que les prières des Saints fussent profitables, que les prestres deussent vivr'en caelibat, la pauvreté volontaire : que ne nies vous pas de tout cecy ? Environ Van ^24. Eustathius mcsprisa les jeusnes ordinaires' de l'Eglise, les Traditions ecclésiastiques, les lieux des saints Martirs et les basiliques de dévotion. Le récit en est faict par  Partie I. Chapitre ii. Article vu. 8i le Concile Gangrense*, in prcefatione, ou pour ces *(ConciL,an. 328.) raj^sons il fut anathematisé et condamné. Voyes vous combien il y a qu'on a condamné vos reformateurs ? Eunomius ne vouloit point céder a la pluralité , dignité, antiquité, comme tesmoigne saint Basile contre Eunomius, 1. i *. Il disoit que la seule foy suffisoit a * (§ 3.) salut et justifioit, Aug., Haer. 54. Quand au premier trait, voyes de Beze en son traitté Des marques de l'Eglise'^ ; quand au second, n'est il pas d'accord avec * (initio.) ceste tant célèbre sentence de Luther *, que de Beze * De captiv. Babil, tient pour tresglorieux reformateur : Vides quain dives sit homo Christianus sive hapti^atus , qui etiam volens non potest perdere salutem suam, quantiscumque peccatiSy nisi noUt credere ? Aerius, au récit de saint Augustin *, nioit la prière * Hasres. un. pour les mors, les jeunes ordinaires, et la supériorité de l'Evesque par dessus le simple prestre ; vos ministres nient tout cela. Lucifer apelloit son église seulement la vraye église, et disoit que l'Eglise ancienne, d'Eglise estoit devenue un bordeau. Hier., Contra Lucif.'^; et que crient *(§r.) vos ministres tout le jour ? Les Pelagiens se tenoyent asseurés et certains de leur justice*, promettoyent le salut aux enfans des fidèles * Hieron., adver. . -^ ^ ., , . . Pel.l. III.(§i7,i8.) qui mouroyent sans Baptesme^, ilz tenoyent tous pecnes * Aug. 1. vi contra pour mortelz *. Quand au premier, c'est vostr'ordinaire J^meT^adv^Pen lanofaofe, et celuy de Calvin in Antidoto. sess. 6 * ; le i- ii- ^ ^ ' ^ ' ' * (Ad cap. XII.) second et troysiesme est trop trivial parmi vous pour en dir'autre chose. Les Manichéens rejettoyent les sacrifices de l'Eglise Vide Aug., 1. xx , , . , ™ . .. contra Faustum. et les images ; et qu ont faict vos gens ? Les Messaliens mesprisoyent les ordres sacrés, les églises et les autelz, comme dict saint Damascene, Hser. 80; Ignatius (apud Theodoretum, Dialogo 3, qui dicitur Impatibilis *j .* Eucharistias et oblationes *{inïine.) non admittunt, quod non confiteantur Eucharis- tiam esse carnem Servatoris nostri Jesu Christi, quce pro peccatis nostris passa est, quant Pater henigni- tate suscitavit ; contre lesquelz a escrit saint Martial, 6  82 Les Controverses Epistola ad Burdegalensesi^). Berengaire volut dire le mesme long tems après, et fut condemné par trois Conciles, aux deux derniers desquelz il abjura son haeresie. Julien l'Apostat mesprisoit le signe de la Croix, Soc, *rProSoz.,i. V, c. 1. 3. c. 2.*; aussi favsoit Xenaïas, Niceph., 1. 16. c. 27; XVII ^) i. I 1 les Mahumetains n'en font rien moins, Damascene, * (AL Cl.) Hseresi centesima*. Mays qui voudra voir cecy bien au *(Devisib.Monar- long, quil voye Sander, * 1. 8. c. 57, et Belarmin, In *(Contr.'de Conc. fiotts Ecclesîœ'^. Voyes vous les moules sur lesquelz i^x.f "^*' ^' ^^' """ ^°^ ministres ont jette et formé leur reformation ? Or sus, ceste seuralliance d'opinions, ou pour mieux dire, cest estroit parantage et consanguinité, que vos premiers maistres avoyent avec les plus cruelz, enviellis et conjurés ennemis de l'Eglise, vous devoyt elle pas destourner de les suyvre et vous renger sous leurs en- seignes ? Je n'ay cotté pas un'haeresie qui n'ait esté tenue pour telle en l'Eglise que Calvin et Beze confessent avoir esté vraye Eglise, a sçavoir, es premiers cinq cens du Christianisme. Ah, je vous prie, n'est ce pas fouler aux pieds la majesté de l'Eglise, que de produyre comme reformations et réparations nécessaires et saintes, ce qu'ell'a tant abominé Ihors qu'elle estoit en ses plus pures années, et qu'ell'avoyt terrassé comm^impieté, ruyne et degast de la vraye doctrine ? L'estomac délicat de ceste céleste Espouse n'avoit pieça peu soustenir la violence de ces venins, et l'avoit rejette avec tel effort que plu- sieurs veynes de ses Martirs en estoyent esclattëes, et maintenant vous le luy reprsesentes comm'une prae- cieuse médecine. Les Pères que j'ay cité ne les eussent jamais mis au roole des hseretiques s'ilz n'eussent veu le cors de l'Eglise les tenir pour telz ; c'estoyent des plus orthodoxes, et qui estoyent confédérés a tous les autres Evesques et Docteurs catholiques de leur tems, qui monstre que ce quilz tenoyent pour heeretique l'estoyt a bon escient. Imagines vous donques ceste (i) Rejicitur hodie haec epistola, cum caeteris olim S. Martial! adscriptis ; sed vide notam éditons apud D. Ceillier, Hist. des auteurs sacrés, tom. VIII, cap. XII, pag. 126, Ed. Vives, 1862.  Partie I. Chapitre il Article vil 83 venerabrantiquité, au ciel au tour du Maistre, qui re- gardent vos reformatoyres : ilz y sont allés combattans les opinions que les ministres adorent, ilz ont tenuz pour hseretiques ceux dont vous suyves les pas ; penses vous que ce quilz ont jugé erreur, hœresie, blasphème es Arriens, Manichéens, en Judas, ilz le trouvent main- tenant sainteté, reformation, restauration ? Qui ne voit que c'est icy le plus grand mespris qu'on peut fair'a la majesté de l'Eglise ? Si vous voules venir a la succes- sion de la vraye et sainte Eglise de ces premiers siècles, ne contrevenes donq pas a ce qu'ell'a si sollemnelle- ment establi et constitué. Personne ne peut estre héri- tier en partie, et en partie non ; acceptes l'héritage réso- lument : les charges ne sont pas si grandes qu'un peu d'humilité n'en face la rayson, dir'adieu a ses passions et opinions, et passer conte du différent que vous aves [avec] l'Eglise ; les honneurs sont infinis, d'estr' héri- tiers de Dieu, cohceritiers de Jesuchrist^, en l'heu- * (Rom., vm, 17.) reuse compaignie de tous les Bienheureux.  CHAPITRE III Les Marques de l'Eglise ARTICLE PREMIER De l'Unité de l'Eglise : Marque première La vraie Eglise doit être une en chef I.  (I Tim., m, 15.)  (Ps. LXXXIII, 5.) (Luc, I, 32.) (Joan., XIV, 2.) ' (Vers. I.)  Combien de fois et en combien de lieux, l'Eglise, tant militante que triomphante, et au Viel et au Nouveau Testament, soit appellëe mayson et famille, il me sem- bleroit tems perdu d'en vouloir faire recherche, puisque cela est tant commun es Escritures que ceux qui les ont leiies n'en douteront jamais, et qui ne les a leiies, incontinent quil les lira, il trouvera quasi par tout ceste façon de parler. C^est de l'Eglise que saint Pol dict a son cher Thimotee, 3 * : W scias quomodo oporteat te conversari in domo Dei, quce est Ecclesia, co- lumna et flrmamentum veritatis ; c'est d'icelle que David dict * : Beati qui habitant in domo tua Do- mine; c'est d'elle que l'Ange dict*: Regnabit in domo Jacob in œternum ; c'est d'elle que Nostre Seigneur : In domo Patris mei mansiones multce sunt*, Simile est regnum ccelorum homini patrifamilias^ Mat. 20 * ; et en cent mill'autres lieux.  Partie I. Chapitre m. Article i. 85 Ores, l'Eglise estant une mayson et famille, le maistre d'icelle il ne faut pas douter quil ni en a qu'un seul, Jesuchrist , ainsy est elle appellëe mayson de Dieu. Mays ce Maistre et Père de famille, s'en allant a la dextre de Dieu son Père, ayant laissé plusieurs servi- teurs en sa mayson, il voulut en laisser un qui fust serviteur en chef, et auquel les autres se rapportassent ; ainsy dict Nostre Seigneur*: Qtiis putas est servus * (Matt., xxiv, 45.) fidelis et prudens, quem. constituit Domimis super familiam suam ? Et de vray, sil ni avoit un maistre valet en une boutique, penses comme le trafiq iroit, sil ni avoit un roy en un roiaume, un paron en un navire, et un père de famille en une famille, et de vray ce ne seroit plus une famille ; mays escoutes Nostre Seigneur, S' Mat. 12 * : Omnis civitas vel domus divisa contra * (Vers. 25.) se non stabit. Jamais une province ne peut estre bien gouvernée d'elle mesme, principalement si ell'est grande. Je vous demande , Messieurs les clair voians , qui ne voules pas qu'en l'Eglise il y ait un chef, me sçauries vous donner exemple de quelque gouvernement d'appa- rence auquel tous les gouvernemens particuliers ne se soyent rapportés a un ? Il faut laisser a part les Macé- doniens, Babiloniens, Juifz, Medes, Perses, Arabes, Siriens, François, Espagnolz, Anglois, et un'infinité des plus remarquables, esquelles la chose est claire. Mays venons aux republiques : dites moy, ou aves vous veu quelque grande province qui se soit gouvernée d'elle mesme? jamais. La plus belle partie du monde fut une fois de la republique des Romains, mais une seule Romme gouvernoit, une seule Athènes, Cartage, et ainsy des autres anciennes^ une seule Venise, une seule Gennes, une seule Lucerne, Fribourg et autres. Jamais vous ne trouvères que toutes les parties de quel- que notable et grande province se soient employées a se gouverner soy mesme, mays falloit, faut et faudra que ou un homme seul, ou un seul cors d'hommes resi- dens en quelque lieu, ou une seule ville, ou quelque petite portion d'une province, aye gouverné le reste de la province, si la province estoit grande. Messieurs qui  86 Les Controverses vous playses es histoires, je suys asseuré de vostre voix, vous ne permettres pas qu'on m'en démente. Mays supposé , ce qui est très faux, que quelque province particulière se fust gouvernée d'elle mesme, comment est ce qu'on le pourroit dire de l'Eglise Chrestienne, laquelle est si universelle qu'elle comprend tout le monde ? comment pourroit elle estre une si elle se gouvernoit d'elle mesme ? autrement, il faudroit tous- jours avoir un concile debout de toutes les eveschés, et qui l'advoera? il faudroit que tous les Evesques fussent tousjours absens, et comme se pourroit faire cela? Et si tous les Evesques estoient pareilz, qui les assem- bleroit ? Mays quelle peyne seroit ce, quand on auroit quelque doute en la foy, de fayre assembler un concile ? Il ne se peut nullement donques fayre, que toute l'Eglise, et chasque partie d'icelle, se gouverne elle mesme sans se rapporter Tune a Tautre. Or, puysque j'ay suffisamment prouvé quil faut qu'une partie se rapporte a l'autre, je vous demande la partie a laquelle on se doit rapporter. Ou c'est une province, ou une ville, ou un'assemblee, ou un parti- culier : si c^est une province, ou est elle ? ce n'est pas l'Angleterre, car quand ell'estoit Catholique, ou [lui trou- vez-vous ce droit? si vous proposez une autre province,] (0 ou sera elle ? et pourquoy plustost celle la qu'un'autre? outre ce que pas une province n'a jamais demandé ce privilège. Si c'est une ville, il faut que ce soit l'une des patriarchales : ores, des patriarchales il ni en a que cinq, Rome, Antioche, Alexandrie, Costantinople et Hierusalem ; laquelle des cinq ? toutes sont payennes fors Romme. Si donques ce doit estre une ville, c'est Romme, si un'assemblee, c'est celle de Romme. Mais non ; ce n'est ni une province, ni une ville, ni une simple et perpétuelle assemblée, c'est un seul homme chef, constitué sur toute l'Eglise : Fidelis servus (Ubi supra.) et pTudenSj quent constitua Dominus'^\ Concluons donques que Nostre Seigneur, partant de (i) « quand elle estoit Catholique ou ' ou sera elle »  Partie I. Chapitre m. Article i. 87 ce monde, affin de laisser unie toute son Eglise, il laissa un seul gouverneur et lieutenant gênerai, auquel on doit avoir recours en toutes nécessités.  2. Ce qu'estant ainsy, je vous dis que ce serviteur gêne- rai, ce dispensateur et gouverneur, ce maistre valet de la maison de Nostre Seigneur, c'est saint Pierre, lequel a rayson de cela peut bien dire : O Domine, quia ego servus * ; et non pas seulement servus, mais dou- * (Ps. cxv, 6.) blement, quia qui hene prœsunt duplici honore digni sunt^ ; et non seulement servus tuus, mais encores * (i Tim., v, 17.) filius ancillce tuœ. Quand on a quelque serviteur de race, a celluyla on se fie davantage, et luy baille on volontier les clefz de la maison ; donques non sans cause j^introduis saint Pierre, disant, O Domine, etc., car il est serviteur bon et fldelle * auquel, comme a * (Matt., xxv, 21, serviteur de race, le Maistre a baillé les clefz : Tihi dabo claves regni cœlorum."^. Saint Luc nous monstre *(Matt., xvi, 19.) bien que saint Pierre est ce serviteur, car, après avoir raconté * que Nostre Seigneur avoit dict par advertisse- * (Cap. xn, 37.) ment a ses disciples : Beati servi quos cum. venerit Dominus invenerit vigilantes ; anaen, dico vobis, quod prcecinget se, et faciet illos discumbere, et transiens ministrabit illis, saint Pierre seul interrogea Nostre Seigneur * : Ad nos dicis hanc parabolam * (Vers. 41.) an et ad omnes ? Nostre Seigneur, respondant a saint Pierre, ne dict pas : Qui put as erunt fidèles, comm'il avoit [dit] beati servi, mais*, Quis putas est dis- * (Vers 42.) pensator fidelis et prudens, quem constituit Domi- nus super familiam suam ut det illis in tem.pore tritici mensuram ? Et de faict, Theophylacte * dict que * icy. saint Pierre fit ceste demande comme ayant la supres- me charge de l'Eglise, et saint Ambroise, 1. 7.* sur * (§ 131-) saint Luc, dict que les premières paroles, beati, s'en- tendent de tous, mais les secondes, quis putas, s'en- tendent des Evesques, et beaucoup plus proprement du sauverain, Nostre Seigneur, donques, respond a  88 Les Controverses saint Pierre comme voulant dire : ce que j'ay dict en gênerai appartient a tous, mais a toi particulièrement, car, qui penses tu estre Le serviteur prudent et fidèle ? Et de vray, si nous voulons un peu espelucher ceste parabole, qui peut estre le serviteur qui doit donner le froment sinon saint Pierre, auquel la charge de nourrir * (joan.,.xxi, 17.) les autrcs a estëe donnée : Pasce oves meas'^1 Quand le maistre de la maison va dehors, il donne les clefz au maistre valet et œconome, et n'est ce pas a saint Pierre * (Matt., XVI, 19.) auquel Nostre Seigneur a dict * : Tihi daho claves regni ccelorum ? Tout se rapporte au gouverneur, et le reste des officiers s'appuyent sur iceluy, quand a Tauthorité, comme tout l'édifice sur le fondement. Ainsy saint Pierre est appelle Pierre sur laquelle l'Eglise est *(Vers. 18.) fondée : Tu es Cephas, et super hanc petram *; or est il que cephas veut dire en siriac une pierre, aussi bien que sela en hébreu, mais l'interprète latin a dict PetruSj pour ce qu'en grec il y a Petros, qui veut aussi bien dire pierre comme ^^^r<3: ; et Nostre Seigneur, *(Vers. 24.) en saint Mathieu, 7 *, dict que Vhomme sage f ai et sa Notes le pronom mayson et la fonde sur le rocher, supra petram : en quoy le diable, père de mensonge, singe de Nostre Seigneur, a voulu faire certaine imitation, fondant sa malheureuse hérésie principalement en un diocèse de saint Pierre (0, et en une Rochelle. De plus, Nostre Seigneur demande que ce serviteur soit prudent et fidèle, et saint Pierre a bien ces deux conditions : car, la prudence comme luy peut elle manquer, puysque ni la chair ni le sang ne le gouverne poinct, mais le Père * (Vers. 17.) céleste * ? et la fidélité comme luy pourroit elle fallir, puysque Nostre Seigneur [dit] : Rogavi pro te ut * (Luc, XXII, 33.) ^lon deficeret fides tua * ? lequel il faut croire que * (Heb., V, 7.) exauditus est pro sua reverentia *^ de quoy il donne * (Luc, ubi supra.) bien bou tcsmoignagc quand il adjouste*. Et tu cou- ver sus confirma fratres tuos, comme s'il vouloit dire : j'ay prié pour toy, et partant sois confirmateur des (i) Le diocèse de Genève, dédié à saint Pierre ad Vincula.  Partie I. Chapitre m. Article i. 89 autres, car pour les autres je n'ay pas prié sinon quilz eussent un refuge asseuré en toy.  Concluons donques quil falloit, que Nostre Seigneur abandonnant son Eglise quand a son estre corporel et visible, il laissast un lieutenant et vicaire gênerai visi- ble, et cestuy ci c'est saint Pierre, dont il pouvoit bien [dire] : O Domine, quia ego servus tuus. Vous me dires, ouy^ mais Nostre Seigneur n'est pas mort, et d'abondant il est toujours avec son Eglise, pourquoy donques luy bailles vous un vicaire ? Je vous respons que n'estant pas mort il n'a poinct de successeur, mais seu- lement un vicaire, et d'abondant, quil assiste vrayement a son Eglise en tout et par tout de sa faveur invisible, mais, affin de ne faire pas un cors visible sans un chef visible, il luy a encores voulu assister en la personne d'un lieutenant visible, par le moyen duquel, outre les faveurs invisibles, il administre perpétuellement son Eglise en manière et [forme] {^) convenable a la suavité de sa disposition. Vous me dires encores, quil ni a poinct d'autre fon- dement que Nostre Seigneur en l'Eglise : Fundamen- tuin aliud nemo potest ponere prceter id quod positum est, quod est Christus Jésus *. Je vous * (i Cor., m, n.) accorde que tant la militante que la triomphante Eglise sont fondées sur Nostre Seigneur comme sur le fonde- ment principal, mays Isaïe nous praedict qu'en l'Eglise on devoit avoir deux fondements, au chap. 28 * : Ecce * (Vers. 16.) ego ponam in fundamentis Sion lapidem, lapident prohatum, angularem, prcetiosum, in fundamento fundatum. Je sçay bien comm'un grand personnage (2) l'explique, mays il me semble que ce passage la d' Isaïe (i) « en manière et convenable » (2) Probablement F. Foreiro (Forerius), Dominicain portugais, un des grands théologiens du Concile de Trente : Isaiœ prophetœ vêtus et nova ex hebrœo versio, cum Commentario, Venetiis, 1563. Ce Commentaire a été reproduit par Migne, Scripturœ cursus.  90  Les Controverses  se doit du tout interpréter sans sortir du chap. i6 de saint (Cap. XXVIII, 13.) Mathieu, Evangile du jourdhuy (i). La donques * Isaïe, se plaignant des Juifz et de leurs prestres en la personne de Nostre Seigneur, de ce que ils ne voudroyent pas croyre, Manda, remanda, expecta, reexpectâ, et ce qui s'ensuit, il adj ouste : Idcirco hcec dicit DominuSy et partant le Seigneur a dict, Ecce ego mittam in fundamentis Sion lapident. Il dict in fundamentis, a cause qu'encores les autres Apostres estoyent fondements de TEglise : Et m^urus (Cap. XXI, 14.) civitatis, dict l' Apocalipse *, hahens fundamenta duo- decim, et in ipsis duodecim, nomina duodecim Apos- (Ephes., II, 20.) tolorum Agni , et ailleurs*, Fundati super funda- menta Prophetarum et Apostolorum, ipso summo (Ps. Lxxxvi, I.) lapide angulari Christo Jesu, et le Psalmiste * , Fundamenta ejus in montibus sanctis ; mais entre tous il y en a un lequel par excellence et supériorité est apellé pierre et fondement, et c'est celuy auquel Nostre Seigneur a dict : Tu es Cephas, id est, Lapis. Lapidem prohatum. Escoutes saint Mathieu*; il dict que Nostre Seigneur y jettera une pierre esprouvëe : quelle preuve voules vous autre que cellela, Quem dicunt homines esse Filium hominis ? question diffi- cile, a laquelle saint Pierre, expliquant le secret et ardu mistere de la communication des idiomes, respond si pertinement que rien plus , et faict preuve quil est vrayement pierre, disant. Tu es Christus, Filius Dei vivi. Isaïe poursuit et dict : lapidem prcetiosum. Escoutes l'estime que Nostre Seigneur faict de saint Pierre : Beatus es, Simon Bar Jona. Angularem. Nostre Seigneur ne dict pas quil fondera une seule muraille de l'Eglise, mais toute, Ecclesiam meana. Il est donq angulaire in fundamento funda- tum, fondé sur le fondement ; il sera fondement mais non pas premier, car il i aura ja un autre fondement, Ipso summo lapide angulari Christo *.  '(Cap. XVI, i3seq.  * (Ephes., supra.  (i) Sans doute le 29 juin ou le 2 août.  Partie I. Chapitre m. Article ii. 91 Voila comme Esaïe explique saint Mathieu, et saint Mathieu, Isaïe. Je n'auroys jamais faict si je voulois dire tout ce qui me vient au devant de ce sujet.  ARTICLE II l'église catholique est unie en un chef visible CELLE des PROTESTANS NE l'esT POINT, ET CE QUI s'eNSUIT  Je ne m^amuseray pas beaucoup en ce point. Vous sçaves que tous tant que nous sommes de Catholiques reconnoissons le Pape comme vicaire de Nostre Sei- gneur : TEglise universelle le reconneut dernièrement a Trente^ quand elle s'addressa a luy pour confirmation de ce qu'elle avoit résolu, et quand elle receut ses députés comme présidons ordinaires et légitimes du Concile. Je perdrois tems aussi de vous [prouver que vous] n'aves point de chef visible ; vous ne le nies pas. Vous aves un supresme Consistoire, comme ceux de Berne, Genève, Zurich et les autres, qui ne dépend d'aucun autre. Vous estes si esloignés de vouloir reconnoistre un chef universel, que mesme vous n'aves point de chef pro- vincial ; les ministres sont autant parmi vous l'un que l'autre, et n'ont aucune prérogative au Consistoire, ains sont inférieurs, et en science et en voix, au président qui n'est pas ministre. Quant a vos evesques ou surveillans, vous ne vous estes pas contentés de les ravaler jusqu'aux rangs des ministres, mais les aves rendus inférieurs, aiïin de ne laisser rien en sa place. Les Anglois tiennent leur Reyne pour chef de leur église, contre la pure Parole de Dieu : si ne sont ilz pas si désespérés, que je sçache, qu'ilz veuillent qu'elle soit chef de l'Eglise Catholique, mais seulement de ces misérables pays.  92  Les Controverses  Bref, il n'y a aucun chef parmi vous autres es choses spirituelles , ni parmi tout le reste de ceux qui font profession de contredire au Pape. Voicy maintenant la suite de tout cecy. La vraye Eglise doit avoir un chef visible en son gouverne- ment et administration, la vostre n'en a point, donques la vostre n'est pas la vraye Eglise. Au contraire, il y a une Eglise au monde, vraye et légitime, qui a un chef visible, il n'y en a point qui en aye un que la nostre, la nostre donques seule est la vraye Eglise. Passons outre.  ARTICLE III DE l'unité de l'église EN LA FOY ET CREANCE LA VRAYE EGLISE DOIT ESTRE UNIE EN SA DOCTRINE  * (I Cor., 1, 13.) Jésus Christ j est il divisé * ? Non, pour vray, car il est Dieu de paix non de dissention, comme saint Pol * (ibid., XIV, ^^.) enseignoit^ar toutes les églises"^. Il ne se peut donques faire que la vraye Eglise soit en dissention ou division de créance et doctrine, car Dieu n'en seroit plus autheur * (Matt., XII, 25.) ni espoux, et, comme royaume divisé en soy mesme *, elle periroit. Tout aussi tost que Dieu prend un peuple a soy, comme il a faict l'Eglise, il luy donne l'unité de cœur et de chemin. L'Eglise n'est qu'un cors, duquel tous les fidelles sont membres, joint^ et liés ensemble * (Ephes., IV, 16.) par toutes les jointures"^ ; il n'y a qu'une foy et un esprit qui anime ce cors. Dieu est en son saint lieu, il rend sa maison peuplée de personnes de mesme * (Ps. Lxvii, 6, 7.) sorte et intelligence'^ ; donques la vraye Eglise de Dieu doit estre unie, liée, jointe et serrée ensemble en une mesme doctrine et créance.  Partie I. Chapitre m. Article iv. 93  ARTICLE IV l'église CATHOLIQ.UE EST UNIE EN CREANCE LA PRETENDUE REFORMEE NE l'eST POINT  « Il faut, » ce dict saint Irenee *, « que tous les * (Contra Haeres., ndelles s assemblent et viennent joindre a 1 hglise Romaine, pour sa plus puissante principauté. » « C'est la mère de la dignité sacerdotale, » ce disoit Julius premier *. C'est « le commencement de l'unité de *Episti ad Orient. -I , . 1, . , -. . Episcop., §iv. Vide prestnse , » c est « le lien d unité , » ce dict saint Concii.,an.336.)(0 Cyprien*; « Nous n'ignorons pas, » [dit] il encores (2), * (Epist. lv, § 14; « qu'il y a un Dieu, qu'un Christ et Seigneur, lequel nous avons confessé, un Saint Esprit, un Evesque en l'Eglise Catholique b). » Le bon Optatus disoit ainsy aux Donatistes * : « Tu ne peux nier que tu ne sçaches *(peschism.pon., qu'en la ville de Rome la principale chaire a esté pre- mièrement conférée a saint Pierre, en laquelle a esté assis le chef de tous les Apostres, saint Pierre, dont il fut appelle Cephas, chaire en laquelle l'unité fut de tous gardée, affin que les autres Apostres ne voulussent pas se prétendre et défendre chacun la sienne, et que des ores celuy la fust schismatique et pécheur, qui vou- droit se bastir une autre chaire contre ceste unique chaire. Donques en ceste unique chaire, qui est la pre- mière des prérogatives, fut assis premièrement saint Pierre. » Ce sont presque les paroles de cest ancien et saint Docteur. Tous tant qu'il y a de Catholiques en  (i) De hac epistola, aliisque Ecclesise antiquae monumentis ex Conciliorum collectione citatis, consule annotationes Labbsei et asseclarum, in magnis Conciliorum editionibus. (a) S. Cornélius, Epist. xlvi inter Epist. S. Cypriani. (3) Voir les Notes préparatoires, p. 18.  1. H, §§ 2, 3-)  94  Les Controverses  cest aage sont en mesme resolution ; nous tenons l'Eglise Romaine pour nostre rendes vous en toutes nos diffi- cultés, nous sommes tous ses humbles enfans et prenons nourriture du lait de ses mammelles, nous sommes tous branches de ceste tige si féconde i'^) et ne tirons autre suc de doctrine que de ceste racine. C'est ce qui nous tient tous parés d'une mesme livrée de créance, car, sçachant qu'il y a un chef et lieutenant gênerai en l'Eglise, ce qu'il resoult et détermine avec l'advis des autres Prelatz, Ihors qu'il est assis sur la chaire de saint Pierre pour enseigner le Christianisme, sert de loy et de niveau a nostre créance. Qu'on coure tout le monde, et par tout on verra mesme foy es Catholiques ; que s'il y a quelque diversité d'opinion, ou ce ne seroit pas en chose appar- tenant a la foy, ou tout incontinent que le Concile gêne- rai ou le Siège Romain en aura déterminé, vous verres chacun se ranger a leur définition. Nos entendemens ne s'esgarent point les uns des autres en leurs créances, ains se maintiennent très estroittement unis et serrés ensemble par le lien de l'authorité supérieure de l'Eglise, a laquelle chacun se rapporte en toute humilité, et y appuie sa foy comme sur la colomne et fermeté de * (lTim.,m, 15.) verîté* ; nostre Eglise Catholique n'a qu'un langage et un mesme parler par toute la terre. Au contraire. Messieurs, vos premiers maistres n'eu- rent pas plus tost esté sus pied, ilz n'eurent pas plus tost pensé de se bastir une tour de doctrine et de science qui allast toucher a descouvert dans le ciel, et leur acquist la grande et magnifique réputation de reforma- teurs, que Dieu, voulant empescher cest ambitieux dessein, permit entre eux une telle diversité de langage et de créance, qu'ilz commencèrent a se cantonner qui ça qui la, si que toute leur besoigne ne fut qu'une misé- rable Babel et confusion. Quelles contrariétés a produit la reformation de Luther : je n'aurois jamais faict si je les voulois mettre sur ce papier ; qui les voudra voir qu'il lise le petit livre de Frédéric Staphyl, De Con- (i) Mot douteux dans le Ms.  V  Partie I. Chapitre m. Article iv. 95 cordia discordiy Sander, livre 7« de sa Visible mo- narchie, et Gabriel de Preau, en la Vie des hérétiques. Je diray seulement ce que vous ne pouves pas ignorer, et que je vois maintenant de mes yeux. Vous n^aves pas un mesme canon des Escritures ; Luther n'y veut pas l'Epistre de saint Jaques, que vous receves. Calvin tient estre contraire a l'Escriture qu'il [y] aye un chef en l'Eglise ; les Anglois tiennent le contraire. Les huguenotz françois tiennent que selon la Parole de Dieu les prestres ne sont pas moindres que les Evesques ; les Anglois ont des Evesques qui com- mandent aux prestres, et entre eux, deux Archevesques, dont l'un est appelle Primat, nom auquel Calvin veut si grand mal*. Les Puritains en Angleterre tiennent ='(lnst.,i.iv,c.vi.) comme article de foy qu'il n'est pas loysible de prêcher, baptizer, prier, es églises qui ont esté autrefois aux Catholiques, mais on n'est pas si despiteux de deçà : mais notes que j'ay dict qu'ilz le tiennent pour article de foy, car ilz souffrent et les prisons et les bannisse- mens plustost que de s'en desdire. Ne sçaves pas qu'a Genève l'on tient pour superstition de célébrer aucune feste des Saintz ? et en Suisse on les fait, et vous en faites une de Nostre Dame (i). Il ne s'agit pas icy que les uns les fassent, les autres non, car ce ne seroit pas contrariété de religion, mays ce que vous et quelques Suisses observes, les autres le condamnent comme con- traire a la pureté de religion. Ne sçaves pas que l'un de vos plus grans ministres (2) dict a Poissy que le Cors de Nostre Seigneur estoit « aussi loin de la cène que la terre du ciel » ? et ne sçaves pas encores que cela est tenu pour faux par plusieurs des autres? l'un de vos maistres n'a il pas confessé dernièrement la realité du Cors de Nostre Seigneur en la cène, et les autres la nient ilz pas (3) ? Me pourres vous nier, qu'au fait de la (i) La fête de T Annonciation. Voir de Haller, Histoire de la révolution religieuse dans la Suisse occidentale, chap. xxiv, note. (2) Théodore de Bèze. (3) Allusion aux traités de Tilmann Heshusius, Contra Be^ianam exegesim Sacramentorutn, De Cœna, etc., qui ont provoqué le Kreophagia de T. de Beze?  96 Les Controverses justification vous soyes autant divisés entre vous autres comme vous Testes d'avec nous ? tesmoin V Anonyme dïsputateuri^). Bref, chacun parle son langage a part, et de tant d'huguenotz auxquelz j'ay parlé, je n'en ay jamais trouvé deux de mesme créance. Mays le pis est que vous ne vous sçauries accorder ; car, ou prendres vous un arbitre asseuré ? Vous n'aves point de chef en terre pour vous addresser a luy en vos difficultés ; vous croyes que l'Eglise mesme peut s'abu- ser et abuser les autres ; vous ne voudries mettre vostre ame en main si peu asseuree, ou vous n'en tenes pas grand conte. L'Escriture ne peut estre vostre arbitre, car c'est de l'Escriture mesme dequoy vous estes en procès, voulans les uns Tentendre d'une façon, les autres de l'autre. Vos discordes et disputes sont immor- telles si vous ne vous ranges a l'authorité de l'Eglise : tesmoin les colloques de Lunebourg, de Mulbrun, de Mombeliard, et celuy de Berne dernièrement ; tesmoin Tilmann Heshusius et Eraste, tesmoin Brence et Bulin- ger. Certes, la division qui est entre vous au nombre des Sacremens [est remarquable] : maintenant, commu- nément, parmi vous on ne met que deux Sacremens ; *(lnst.,i.iv,c.xiv, Calvin en a mis trois*, adjoustant au baptesme et cène, ^ ^°*^ l'ordre ; Luther y met la pénitence pour troisiesme puys *(DeCaptiv. Bab., dit qu'il n'y en a qu'un * ; en fin les protestans au collo- ^°^*^°"^ que de Ratisbonne, auquel se trouva Calvin, tesmoin Beze en sa Vie, confessèrent qu'il [y] avoit sept Sacre- mens. En l'article de la toute puissance de Dieu, com- ment est ce que vous y estes divisés ? pendant que les uns nient qu'un cors puisse estre, voire par la vertu divine, en deux lieux, les autres nient toute puissance absolue, les autres ne nient rien de tout cela. Que si je voulois vous monstrer les grandes contrariétés qui sont * (In lib. Icônes, en la doctrine de ceux que de Beze reconnoit * tous etc.) , pour glorieux reformateurs de l'Eglise , a sçavoir , Hierosme de Prague, Jehan Hus, Wiclef, Luther, Bucer, Œcolampade, Zuingle, Pomeran et les autres, je n''aurois (i) Cf. Partie II, chap. iv, art. m.  Partie I. Chapitre m. Article iv. 97 jamais faict : Luther seul vous instruira asses de la bonne concorde qui est entre eux, en la lamentation qu'il faict contre les Zuingliens et Sacramentaires *, qu'il *(in Uh. Quod hase 11 A 1 1 T 1 • ' ( \ verba, etc.) appelle Absalons, et Judas, et espritz svermenques U), l'an mil cinq cens vingt sept. Feu son Altesse de très heureuse mémoire, Emmanuel Philibert, raconta au docte Anthoyne Possevin qu'au colloque de Wormace (2), quand on demanda aux protestans leur confession de foy, tous, les uns après les autres, sortirent hors de l'assem- blée, pour ne se pouvoir accorder ensemble. Ce grand Prince est digne de foy, et il raconte cecy pour y avoir esté présent. Toute ceste division a son fondement au mespris que vous faites d'un chef visible en terre, car, n'estans point liés pour l'interprétation de la Parole de Dieu a aucune supérieure authorité, chacun prend le parti que bon luy semble : c'est ce que dit le Sage *, * (Prov., xm, 10.) que les superbes sont tousjours en dissention, qui est une marque de vraye hérésie. Ceux qui sont divi- sés en plusieurs partis ne peuvent estre appelles du nom d'Eglise, parce que, comme dict saint Chrisos- tome*, « le nom d'Eglise est un nom de consentement * (in Ps. cxxix.) et concorde. » Mays quant a nous autres, nous avons tous un mesme canon des Escritures, et un mesme chef, et pareille règle pour les entendre; vous aves diversité de canon, et en l'intelligence vous aves autant de testes et de règles que vous estes de personnes. Nous sonnons tous au ton de la trompette d'un seul Gedeon, et avons tous un mesme esprit de foy au Seigneur et a son lieutenant, Vespee des décisions de Dieu et de l'Eglise*, selon la parole * (J^id., vu, 20.) des Apostres*, Visum est Spiritui Sancto et nobis. * (^^t., xv, 28.) Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armée du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et (i) Svermeriqiies, de svermericus employé par Cochlaeus pour traduire le mot allemand schwermer, enthousiaste, fanatique. (2) W oxm.s (Wormacia, Vormaciû), septembre, 1557.  98  Les Controverses  massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que *{Cap. XIX, 2, 3.) dict Dieu par Isaïe * : Les Egyptiens choqueront con- tre les Egyptiens, et V esprit d'Egypte se rompra : * (De agone Christ, et saint Augustin dict* que « comme Donatus avoit '^' ^^^^'^ tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une jour- nelle séparation des siens estoit divisé en luy mesme. » Geste seule Marque vous doit faire quitter vostre pre- * (Matt., xii, 30.) tendue église, car, qui n'est avec Dieu est contre Dieu*; Dieu n'est point en vostre église, car il n'habite point * (Ps. Lxxv, 3.) qu'en lieu de paix *, et en vostre église il n'y a ni paix ni concorde.  ARTICLE V  DE LA SAINTETE DE L EGLISE : MARQUE SECONDE  L'Eglise de Nostre Seigneur est sainte : c'est un article de foy. Nostre Seigneur s'est donné pour elle, affin de la sanctifier"^ ; c'est un peuple saint, dict saint Pierre * ; l'Espoux est saint, et l'Espouse sainte ; elle est sainte estant dediee a Dieu, ainsy que les aisnés en l'ancienne Sinagogue furent appelles saintz, pour ce seul respect *. Elle est sainte encores parce que l'Esprit qui la vivifie est saint *, et parce qu'elle est le cors mis- tique d'un chef qui est très saint*. Elle l'est encores (0 parce que toutes ses actions intérieures et extérieures sont saintes ; elle ne croit, ni espère, ni ayme que sain- tement ; en ses prières, prédications, Sacremens, Sacri- fice, elle est sainte. Mais ceste Eglise a sa sainteté (Ps. xLiv, 14, 15.) intérieure, selon la parole de David *, Toute la gloire de ceste fille royale est au dedans ; elle a encores sa sainteté extérieure, en franges d'or environnée de  (Ephes., V, 26 (I Pet, II, 9.)  * (Exod., XIII , 2 ; Luc, II, 23.) * (Joan. , VI , 64 ; Rom, VIII, II.) * (Ephes, I, 22, 23.)  (i) Voir p. 47, note (i).  Partie I. Chapitre m. Article vi.  99  belles variétés. La sainteté intérieure ne se peut voir; l'extérieure ne peut servir de Marque, parce que toutes les sectes s'en vantent, et qu'il est mal aysé de recon- noistre la vraye prière , prédication et administration des Sacremens. Mais, outre tout cela, il y a des signes avec lesquelz Dieu faict connoistre son Eglise, qui sont comme parfums et odeurs, comme dict l'Espoux es Can- tiques * : L odeur de tes vestemens comme V odeur de V encens ; ainsy pouvons nous , a la piste de ses odeurs et parfums *, quester et trouver la vraye Eglise, et le giste du filz de la licorne *.  (Cap. IV, II.) (Ibid., I, 3.) (Ps. xxviir, 6.  ARTICLE VI  LA VRAYE EGLISE DOIT RELUIRE EN MIRACLES  L'Eglise, donques, a le lait et le miel sous sa langue *, en son cœur, qui est la sainteté intérieure laquelle nous ne pouvons voir ; elle est richement parée d'une belle robbe bien recamee et brodée a variétés"^, qui est la sainteté extérieure laquelle se peut voir. Mays, parce que les sectes et hérésies desguisent leurs veste- mens en mesme façon sous une fause estoffe , outre cela elle a des parfums et odeurs qui luy sont propres, et ce sont certains signes et lustres de sa sainteté, qui luy sont tellement propres qu'aucune autre assemblée ne s'en peut vanter, particulièrement en nostre aage : car, premièrement, elle reluit en miracles, qui sont très souëfves odeurs et parfums, signes exprès de la présence de Dieu immortel ; ainsy les appelle saint Augustin *. Et de faict, quand Nostre Seigneur partit de ce monde, il promit que l'Eglise seroit suivie de miracles : Ces marques, dict il, suivront les croyans : en mon nom tl\ chasseront les diables, il^ parleront nouveaux langages, il\ osteront les serpens, le venin ne leur  (Gant., IV, II.) Vs. XLiv, 10.)  * (Confess. c. vil.)  1. IX,  100 Les Controverses nuira point, et par l'imposition des mains ilz guériront ' (Marc, uit., 17, les malades *. Considérons, je vous prie, de près ses ' '^ paroles . i . Il ne dict pas que les seulz Apostres feroient ces miracles, mais simplement ceux qui croi- ront. 2. Il ne dict pas que tous les croyans en particu- lier feroient des miracles, mais que ceux qui croiront seront suivis de ces signes. 3. Il ne dict pas que ce fust seulement pour dix ans, ou vingt ans, mais simple- ment que ces miracles accompagneront les croyans. Nostre Seigneur donques parle aux Apostres seulement, mais non pour les Apostres seulement ; il parle des croyans en cors et en gênerai, a sçavoir, de l'Eglise ; il parle absolument, sans distinction de tems. Laissons ces saintes paroles en l'estendue que Nostre Seigneur leur a donnée : les croyans sont en l'Eglise, les croyans sont suivis de miracles, donques en l'Eglise il y a des miracles ; il y a des croyans de tous tems, les croyans sont suivis de miracles, donques en tous tems il y a des miracles. Mais voyons un peu pourquoy le pouvoir des miracles fut laissé en l'Eglise : ce fut sans doute pour confirmer la prédication evangelique ; car saint Marc le tesmoi- * (Heb., II, 4.) gne, et saint Pol, qui dict * que Dieu donnoit tesmoi- gnage a la foy qu'il annonçoit, par miracles. Dieu mit * (Exod., IV.) en main de Mo3^se ces instrumens affin qu'il fust creu *, dont Nostre Seigneur dict que s'il n'eust faict des mira- * (joan., XV, 24.) clés Ics Juifz n'cusscnt pas esté obligés de le croire *. Or sus, l'Eglise doit elle pas tousjours combattre l'infi- délité ? et pourquoy donques luy voudries vous oster ce bon baston que Dieu luy a mis en main ? Je sçay bien qu'elle n'en a pas tant de nécessité qu'au commence- ment ; après que la sainte plante de la foy a prins bonne racine on ne la doit pas si souvent arrouser ; mais aussi, vouloir lever en tout l'efifect, la nécessité et cause demeurant en bonne partie , c'est très mal philosopher. Outre cela, je vous prie, monstres moy quelque saison en laquelle l'Eglise visible aye esté sans miracles, des qu'elle commença jusqu'à présent. Au tems des Apostres  Partie I. Chapitre m. Article vil ioi se firent infinis miracles, vous le sçaves bien ; après ce tems la, qui ne sçait le miracle recité par Marc Aurele Anthonin *, faict par les prières de la légion des soldatz * (Vide s. justini Chrestiens qui estoyent en son armée, laquelle pour * '''^^'' cela fut appellee Fulminante ? Qui ne sçait les miracles de saint Grégoire Thaumaturge , saint Martin , saint Anthoyne, saint Nicolas, saint Hilarion, et les merveil- les [qui arrivèrent] aux Theodose et Constantin ? dequoy i, ce. xxv]ii°xxix.) les autheurs sont irréprochables, Eusebe *', Rufin *^, Ixxnn ' ^ ^^' '^' saint Hierosme *^, Basile**, Sulpice *^, Athanase *^. *'(invitaS.Hiiar.) ^ • • r -I • 1 • . !»• • -. , "MOe Spir.Sancto, Qui ne sçait encores [cej qui advint en linvention de la c xxix.) sainte Croix, et au tems de Julien l'Apostat ? Au tems ^efinv^us^Ànton!) de saint Chrysostome*, Ambroise**, Augustin***, on a * (Advers. judseos, veu plusieurs miracles qu'eux mesmes recitent. Pour- s^PauiI,'£rmo^v^ quoy voules vous, donques, que la mesme Esflise cesse !*(??• ^™-) ^ . *^ *-^*(De civit. Dei , maintenant d'avoir des miracles? quelle rayson y auroit i. xxii, c. vm ; •1 -^ r> j. • Conf., 1. IX, c. VII.'' il ? Four vray, ce que nous avons tousjours veu, en toutes sortes de saisons, accompagner l'Eglise, nous ne pouvons que nous ne l'appellions propriété de l'Eglise : la vraye Eglise donques faict paroistre sa sainteté par miracles. Que si Dieu rendoit si admirable et le Pro- pitiatoire, et son Sinaï, et son buisson ardent, parce qu'il y vouloit parler avec les hommes, pourquoy n'a il rendu miraculeuse son Eglise, en laquelle il veut a jamais demeurer ?  ARTICLE VII l'église CATHOLiaUE EST ACCOMPAGNEE DE MIRACLES ET LA PRETENDUE NE l'eST POINT  Icy maintenant je désire que vous vous monstries raysonnables, sans chicaneries et opiniastreté. Informa- tions prinses deiiement et authentiquement, on trouve que, sous le commencement de ce siècle, saint François  102 Les Controverses de Paule a fleuri en miracles indubitables, comme est la ressuscitation des mortz ; on en trouve tout autant de saint Diegue d'Alcala : ce ne sont pas bruitz incertains, mais preuves assignées, informations prinses. Oseries vous nier l'apparition de la Croix faicte au vaillant et catholique capitaine Albuquerque et a toutes siennes gens, en Camarane (0, que tant d'historiens * ^Vide Maffœum, escrivcnt *, et a laquelle tant de gens avoyent eu part? ^^ " ^ '' ■ Le dévot Gaspard Berzee, es Indes, guerissoit les malades priant seulement Dieu pour eux a la Messe, et si soudainement qu'autre que la main de Dieu ne l'eust peu faire. Le bienheureux François Xavier a guéri des paralitiques, sourds, muetz, aveugles, a ressuscité un mort, son cors n'a peu estre consumé quoy qu'il eust esté enterré avec de la chaux, comme ont tesmoigné *(Maff.,i. XV, sub ceux qui Tout veu entier quinze mois après sa mort*; ^°^""' et ces deux derniers sont mortz des 45 ans en ça. En Meliapor on a trouvé une croix, incise sur une pierre, laquelle on estime avoir esté enterrée par les Chrestiens du tems de saint Thomas : chose admirable neantmoins véritable, presque toutes les années, environ la feste de ce glorieux Apostre , ceste croix -la sue abondance de sang, ou liqueur semblable au sang, et change de couleur, se rendant blanche pasle, puys noire, et tantost de couleur bleue resplendissante et très aggreable, en fin elle revient a sa couleur natu- relle ; ce que tout le peuple voit , et l'Evesque de Cocine (2) en a envoyé une publique attestation, avec * 'Maff., 1. II, sub l'image de la croix, au saint Concile de Trente *. Ainsy se font les miracles es Indes ou la foy n'est encores du tout affermie ; desquelz je laisse un monde, pour me tenir en la briefveté que je dois. Le bon Père Louys de Grenade, en son Introduction * (Pars II, c. XXIX, SUT le Symbole"^, recite plusieurs miracles recens et ^ ^"' irréprochables. Entre autres, il produit la guerison que (i) Camaranam insiilam (texte latin de Maffasus). (2) Cochin (Cocina), ville maritime au sud-ouest de THindoustan, dans la Province ecclésiastique de Goa. Depuis la prise de la ville par les Hollandais, en 1663, les Evêques de Cochin ont fixé leur résidence à Coilan.  Partie I. Chapitre m. Article vu. 103 les Roys de France catholiques ont faict, de nostre aage mesme, de l'incurable maladie des escrouelles, ne disant autre que ces paroles : « Dieu te guérit, le Roy te touche », n'y employant autre disposition que de se confesser et communier ce jour la. J'ay leu l'histoire de la miraculeuse guerison de Jaques, filz de Claude André, de Belmont, au balliage de Baulme, en Bourgogne : il avoit esté huit années durant mueti^) et impotent; après avoir faict sa dévotion en l'église de saint Claude le jour mesme de la feste, huitiesme Juin 1588(2), il se trouva tout soudainement sain et guéri. Cela l'appelles vous pas miracle ? Je parle de chose voisine, j'ay leu l'acte public, j'ay parlé au notaire qui l'a receu et expédié, bien et deiiement signé, Vion ; il n'y manqua pas de tesmoins, car il y avoit du peuple a milliades. Mays que m'arreste je faire a vous produire les miracles de nostre aage ? saint Malachie, saint Bernard et saint François estoyent ilz pas de nostre Eglise ? vous ne le sçauries nier ; ceux qui ont escrit leurs vies sont très saintz et doctes, car mesme saint Bernard a escrit celle de saint Malachie, et saint Bonaventure celle de saint François, auxquelz ni la suffisance ni la conscience ne manquoyent point, et neantmoins ilz y racontent plusieurs grans miracles : mays sur tout les merveilles qui se font maintenant, a nos portes, a la veiie de nos Princes et de toute nostre Savoy e, près de Mondevis (3), devroyent fermer la porte a toutes opiniastretés. Or sus, que dires vous a cecy? dires vous que l' Anti- christ fera des miracles ? Saint Pol atteste qu'ilz seront faux*, et pour le plus grand que saint Jan produit**, * (Il Thess., n, 9. c'est qu'il fera descendre le feu du ciel. Satan peut faire telz miracles, ains en a faict sans doute ; mais Dieu lais- sera un prompt remède a son Eglise, car a ces miracles la les serviteurs de Dieu, Helie, Enoch, comme tesmoignent (i) Mot douteux dans le Ms. (2) En 1588, la fête de saint Claude, 6 juin, coïncidant avec le lundi de Pentecôte, dut être transférée au 8, (3) Voir p. 79, note (3).  **(Apoc., XIII, 13.  104 L^^ Controverses (Cap. XI, 5, 6.) l'Apocalipse * et les interprètes, opposeront des autres miracles de bien autre estoffe, car, non seulement ilz se serviront du feu pour chastier miraculeusement leurs ennemis, mais auront pouvoir de fermer le ciel a fin qu'il ne pleuve point, de changer et convertir les eaux en sang, et de frapper la terre du chastiment que bon leur semblera ; trois jours et demy après leur mort ilz ressusciteront et monteront au ciel, la terre tremblera a leur montée. Alhors donq, par l'opposition de vrays miracles^ les illusions de l'Antichrist seront descou- vertes, et comme Moïse fit en fin confesser aux magi- * (ExoJ., viii, 19.) ciens de Pharaon, Digitus Dei est hic^, ainsy Helie et Enoch feront en fin que leurs ennemis dent gloriam * (Apoc, XI, 13.) Deo cœli *. Helie fera en ce tems la de ses saintz tours de prophète, qu'il faisoit jadis pour dompter l'impiété * (III Reg., XVIII.) des Baalites et autres religionnaires *. Je veux donq dire, i. que les miracles de l'Antichrist ne sont pas telz que ceux que nous produisons pour l'Eglise, et partant ne s'ensuit pas que, si ceux la ne sont pas Marque d'Eglise ceux cy ne le soyent pas aussi ; ceux la seront monstres faux et combattus par des plus grans et solides, ceux cy sont solides, et per- sonne n'en peut opposer de plus asseurés. 2. Les mer- veilles de l'Antichrist ne seront qu'une bouttade de trois ans et demy, mais les miracles de l'Eglise luy sont tellement propres que des qu^elle est fondée elle a tous- jours esté reluisante en miracles ; en l'Antichrist les miracles seront forcement, et ne dureront pas, mais en l'Eglise ilz y sont naturellement en sa surnaturelle nature, et partant ilz sont tousjours, et tousjours rac- compagnent, pour vérifier la parole, ces signes suivront * (Marc, uit., 17.} cetix qui croiront *. Vous diries volontiers que les Donatistes ont faict (De Unit. Eccies., miraclcs, au rapport de saint Augustin*; mais ce n'es- toyent que certaines visions et révélations, desquelles ilz se vantoyent sans aucun tesmoignage : certes, l'Eglise ne peut estre prouvée vraye par ces visions particulières ; au contraire, ces visions ne peuvent estre prouyees ou tenues pour vrayes sinon par le tesmoignage de l'Eglise,  C. XIX.  Partie I. Chapitre m. Article vu.  105  dict le mesme saint Augustin *. Que si Vespasien a guéri un aveugle et un boiteux, les médecins mesmes, au récit de Tacitus *, trouvèrent que c'estoit un aveu- glement et une perclusion qui n'estoyent pas incurables; ce n'est donques pas merveille si le diable les sceut gué- rir. Un Juif estant baptizé se vint présenter a Paulus , evesque novatien, pour estre rebaptizé, dict Socrates *; l'eau des fons tout incontinent s'esvanouit : ceste mer- veille ne se fit pas pour la confirmation du Novatianisme, mays du saint Baptesme, qui ne devoit pas estre réitéré. Ainsy « Quelques merveilles se sont faictes », dict saint Augustin *, « chez les payens » : non pas pour preuve du paganisme, mays de l'innocence, de la virginité et fidé- lité, laquelle, ou qu'elle soit, est aymee et prisée de Dieu son autheur. Or ces merveilles ne se sont faites que rarement ; donques on n^en peut rien conclure : les nuées jettent quelques fois des esclairs, mays ce n'est que le soleil qui a pour marque et pour propriété d'esclairer. Fermons donques ce propos. L'Eglise a tousjours esté accompagnée de miracles solides et bien asseurés, comme ceux de son Espoux , donques c'est la vraye Eglise ; car, me servant en cas pareil de la rayson du bon Nicodeme*, je diray : Nulla societas potest hcec signa facere qiiœ hœc facit, tam illustria aut tain cons- tanteTy nisi Dominiis fiierit cum illa ; et comme disoit Nostre Seigneur aux disciples de saint Jan , Dicite, cceci vident, cl au di ambulant, surdi audiunf^, pour monstrer qu'il estoit le Messie, ainsy, oyant qu'en l'Eglise se font de si solemnelz miracles, il faut conclure que vere Dominus est in loco isto *. Mais quant a vostre prétendue Eglise, je ne luy sçau- rois dire autre sinon, Si potest credere, omnia possi- bilia stint credenti"^ ; si elle estoit la vraye Eglise elle seroit suivie de miracles. Vous me confesseres que ce n'est pas de vostre mestier de faire des miracles, ni de chasser les diables ; une fois il réussit mal a l'un de vos grans maistres qui s'en vouloit mesler, ce dict Bolsec * : ////' de mortiiis vivos suscitahant, ce dict Tertullien*,  (Ibido  (Hist.,l.IV,§8i.)  (Lib. VII, c. xvii.)  *(Deciv. Dei, 1. X, c. XV.)  (Joan., III, 2.  "■ (Matt., XT, 4, 5; Luc, VII, 22.)  (Gen,, XXVIII, 16.)  (Marc, IX, 22.  * (In vita Calvini, c. XIII.) *(DePrres.,c.xxx.)  io6 Les Controverses istidevivis mortuos faciunt. On faict courir un bruit que l'un des vostres a guéri une fois un démoniaque ; on ne dict toutefois point, ou, quand, comment, la per- sonne guérie, ni quelque certain tesmoin. Il est aysé aux apprentifz d'un mestier de s'equivoquer en leur premier essay ; on faict souvent courir certains bruitz parmi vous pour entretenir le simple peuple en haleyne, mais n'ayans point d'autheur ne doivent avoir point d'au- thorité : outre ce que, au chassement du diable, il ne faut tant regarder ce qui se faict, comme il faut consi- dérer la façon et la forme comme on le faict ; si c'est par oraisons légitimes et invocations du nom de Jésus Christ. Puys, une hirondelle ne faict pas le printems ; c'est la suite perpétuelle et ordinaire des miracles qui est Marque de la vraye Eglise, non accident : mais ce seroit se battre avec l'ombre et le vent, de réfuter ce bruit, si lasche et si débile que personne n'ose dire de quel costé il est venu. Toute la responce que j'ay veiie chez vous, en ceste extrême nécessité, c'est qu'on vous faict tort de vous demander des miracles : aussi faict on, je vous promets ; c'est se mocquer de vous, comme qui demanderoit a un mareschal qu'il mist en œuvre une emeraude ou diamant. Aussi ne vous en demande je point ; seulement je vous prie que vous confessies franchement que vous n'aves pas faict vostre apprentissage avec les Apostres, Disciples, Martyrs et Confesseurs, qui ont esté maistres du mestier. Mays quand vous dites que vous n'aves besoin de miracles parce que vous ne voules establir une foy nouvelle, dites moy donq encores si saint Augustin, saint Hierosme^ saint Grégoire, saint Ambroise et les autres preschoyent une nouvelle doctrine, et pourquoy donq se faisoit il tant de miracles et si signalés comme ilz produisent ? Certes, l'Evangile estoit mieux receu au monde qu'il n'est maintenant, il y avoit de plus excel- lens pasteurs, plusieurs martyres et miracles avoyent précédé, mays l'Eglise ne laissoit pas d'avoir encores ce don des miracles, pour un plus grand lustre 4e 1^ très  Partie I. Chapitre m. Article vu. 107 sainte Religion. Que si les miracles doivent cesser en l'Eglise, c'eust esté au tems de Constantin le Grand, après que l'Empire fut faict Chrestien, que les persé- cutions cessèrent, et que le Christianisme estoit bien asseuré, mais tant s'en faut qu'ilz cessassent alhors, qu'ilz multiplièrent de tous costés. Au bout de la, la doctrine que vous presches n'a jamais esté annoncée, en gros, en détail ; vos prédécesseurs hérétiques Tout preschee, auxquelz vous vous accordes avec chacun en quelque point et avec nul en tous, ce que je feray voir cy après (0, Vostre église ou estoit elle, il y a 80 ans? elle ne faict que d'esclore, et vous l'appelles vielle. Ha, ce dites vous, nous n^avons point faict nouvelle église, nous avons frotté et espuré ceste vielle monnoye, laquelle, ayant long tems demeuré couverte es masures, s'estoit toute noircie, et souillée de crasse et moisi. Ne dites plus cela, je vous prie, [que] vous aves le metail et calibre ; la foy, les Sacremens, sont ce pas des ingre- diens nécessaires pour la composition de TEglise ? et vous aves tout changé, et de l'un et de l'autre ; vous estes donques faux monnoyeurs, si vous ne monstres le pouvoir que vous prétendes de battre sur le coin du Ro}^ telz calibres. Mais ne nous arrestons pas icy : aves vous espuré ceste Eglise ? aves vous nettoyé ceste monnoye ? monstres nous , donques , les caractères qu'elle avoit quand vous dites qu'elle cheut en terre, et qu'elle commença a se rouiller. Elle tomba, ce dites vous, au tems de saint Grégoire ou peu après. Dites ce que bon vous semblera, mais en ce tems la elle avoit le caractère des miracles ; monstres le nous maintenant, car, si vous ne nous monstres bien particulièrement l'inscription et l'image du Roy en vostre monnoye, et nous la vous monstrons en la nostre, la nostre passera comme loyale et franche, la vostre, comme courte et rognée, sera renvoyée au billon. Si vous nous voules représenter l'Eglise en la forme qu'elle avoit au tems  (i) Voir chap. ii, art. vu, pp. 79-83, Tordre des matières ayant été changé par le Saint en sa dernière rédaction. Cf. Partie II, chap. m, art. 11, fin.  io8 Les Controverses de saint Augustin, monstres la nous non seulement bien disante mais bien faisante en miracles et saintes opérations, comme elle estoit alhors. Que si vous voulies dire qu'alhors elle estoit plus nouvelle que maintenant, je vous respondrois , qu'une si notable interruption comme est celle que vous prétendes, de 900 ou mille ans, rend ceste monnoye si estrange que si on n'y voit en grosses lettres les caractères ordinaires, l'inscription et l'image, nous ne la recevrons jamais. Non, non, l'Eglise ancienne estoit puissante en toute saison, en adversité et prospérité, en œuvres et en paroles, comme son Espoux, la vostre n'a que le babil, soit en prospérité ou adversité ; au moins qu'elle monstre maintenant quelques vestiges de l'ancienne marque, autrement jamais elle ne sera receue comme vraye Eglise, ni fille de ceste ancienne Mère. Que si elle s'en veut vanter davantage, on luy imposera silence avec ces saintes (joan., vm, 39.) paroles : Si filii Ahrahce estis, opéra Ahrahce facile^ : la vraye Eglise des croyans doit tousjours estre suivie de miracles, il n'y a point d'Eglise en nostre aage qui en soit suivie que la nostre, la nostre donques seule est la vraye Eglise.  ARTICLE VIII  L ESPRIT DE PROPHETIE DOIT ESTRE EN LA VRAYE EGLISE  La prophétie est un très grand miracle, qui consiste en la certaine connoissance que l'entendement humain a des choses sans expérience ni aucun discours naturel, par l'inspiration surnaturelle ; et partant, tout ce que j'ay dit des miracles en gênerai doit estre employé en * (Cap. II, 28, 29.) cecy : mays, outre cela, le prophète Joël predict* qu'au dernier tems, c'est a dire, au tems de TEglise evange- * {Act., II, 17. j lique, comme interprète saint Pierre *, Nostre Seigneur  Partie I. Chapitre m. Article ix. 109 respandroit sur ses serviteurs et servantes de son Saint Esprit, et qiCil^ prophétiseraient ; comme Nostre Seigneur avoit dict* : Ces signes suivront ceux * (Marc, uit., 17.) qui croiront. Donques, la prophétie doit tousjours estre en l'Eglise, ou sont les serviteurs et servantes de Dieu, et ou il respand tousjours son Saint Esprit. L'Ange dict, en l'Apocalipse *, que le tesmoignage * (Cap. xrx, ro.) de Nostre Seigneur c'est V esprit de prophétie : or, ce tesmoignage de l'assistance de Nostre Seigneur n'est pas seulement donné pour les infidelles, mais princi- palement pour les fidelles, ce dict saint Pol*; comme * (i Cor.,xiv, 22.) donques diries vous que Nostre Seigneur l'ayant donné une fois a son Eglise il le luy leva par après ? le princi- pal sujet pour lequel il luy a esté concédé y est encores, donques la concession dure tousjours. Adjoustes, comme je disois des miracles, qu'en toutes les saisons l'Eglise a eu des prophètes ; nous ne pouvons donques dire que ce ne soit une de ses propriétés et une bonne pièce de son douaire. Jésus Christ, montant aux deux, il a mené la captivité captive, il a donné des dons aux hommes ; car il a donné les uns pour apostres, les autres pour prophètes, les autres pour evangelistes, les autres pour pasteurs et docteurs"^ : l'esprit apos- *(Ephes.,iv,8, n.) tolique, evangelique, pastoral et doctoral est tousjours en l'Eglise, et pourquoy luy lèvera on encores l'esprit prophétique ? c'est un parfum de la robbe de ceste EspOUSe*. MCant, IV, II.)  ARTICLE IX l'église CATHOLiaUE A l'eSPRIT DE PROPHETIE LA PRETENDUE NE l'a POINT  Il n'y a presque point eu de Saintz en TEglise qui n^ayent prophétisé. Je nommeray seulement ceux cy plus recens : saint Bernard, saint François, saint Dominique^  110 Les Controverses saint Anthoyne de Padoue, sainte Brigitte, sainte Cathe- rine de Sienne, qui furent très asseurés Catholiques ; les Saintz desquelz j'ay parlé cy dessus sont du nombre, et en nostre aage, Gaspard Berzee et François Xavier. Il n'y a celuy de nos ayeux qui ne racontast très asseu- rement quelque prophétie de Jehan Bourgeois (0, plu- sieurs desquelz Tavoyent veu et ouy. Le tesmoignage *(Apoc., utsupra.) de Nostre Seigneur c'est Vesprit de prophétie'^. Produises nous maintenant quelqu'un des vostres qui ait prophétisé pour vostre église. Nous sçavons que les Sybilles furent comme les prophetesses des Gentilz, des- quelles parlent presque tous les Anciens; Balaam aussi *(Num.,xxn-xxiv.) prophétisa *, mais c'estoit pour la vraye Eglise ; et partant leur prophétie n'authorisoit pas l'église ; en la- quelle elle se faisoit, mais celle pour laquelle elle se faisoit : quoy que je ne nie pas qu'entre les Gentilz il n'y eust une vraye Eglise de peu de gens, ayans la foy d'un vray Dieu et l'observation des comman- demens naturelz en recommandation , par la grâce divine ; tesmoin Job en l'ancienne Escriture, et le bon * (Act., X, 2, 7.) Cornélius, avec ces autres soldatz craignans Dieu^, en la nouvelle. Ores, ou sont vos prophètes ? et si vous n'en aves point, croyes que vous n'estes pas du cors pour l'édification duquel Nostre Seigneur [les] a laissés, *(Ephes.,iv,ii,i2.) au dire de saint Pol*; aussi, Le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est Vesprit de prophétie. Calvin a voulu, ce semble, prophétiser, en la préface sur son Caté- chisme de Genève, mais sa prédiction est tellement favorable pour l'Eglise Catholique, que quand nous en aurons l'efifect nous sommes contens de le tenir pour tel quel prophète. (i) Un saint Cordelier de Myans, qui a prêché en Faucigny et fondé le couvent de Cluses. Voir Fodéré, Narration des couvents de saint François, etc., p. 833 ; Grillet, Dict. de Savoie, tom. III, p. 163. Cf. Mémoires et docu- ments publiés par l'Académie Salésienne, tom. XI, Cluses et le Faucigny, chap. XII.  Partie I. Chapitre m. Article x. m  ARTICLE X LA VRAYE EGLISE DOIT PRATTIQUER LA PERFECTION DE LA VIE CHRESTIENNE  Voici des rares enseignemens de Nostre Seigneur et de ses Apostres. Un jeune homme riche protestoit d'avoir observé les commandemens de Dieu des sa tendre jeu- nesse ; Nostre Seigneur, qui voit tout, le regardant Vayma, signe qu'il estoit tel qu'il avoit dict, et néan- moins il luy donne cest advis : Si tu veux estre par- faict, va, vens tout ce que tu as, et tu auras un trésor au ciel, et me suis'^. Saint Pierre nous invite *(Marc., x, 17-ai; __ . . Matt., XIX, 16-21.) avec son exemple et de ses compaignons : Voici, nous avons tout laissé et t'avons suivi; Nostre Seigneur recharge avec ceste solemnelle promesse : Vous qui m'aves suivi seres assis sur dou\e chaires, jugeans les dou\e tribus d'Israël, et quicomque laissera sa mayson, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses en fans, ou ses champs, pour mon nom, il en recevra le centuple, et possédera la vie éternelle'^. Voyla les paroles, *(Matt..xix, 27-29.) voicy l'exemple. Le Fil^ de Vhomme n'a pas lieu ou il puisse reposer sa teste"^ ; il a esté tout pauvre pour * (ibid., vm, 20.) nous enrichir*; il vivoit d'aumosnes, dict saint Luc**: * (il Cor., vm, 9.) Mulieres aliquce ministrahant ei de facultatibus ^^* ^"^' ^' suis; en deux Psalmes * qui touchent proprement sa *(Pss. cvui, 22, — ». 4, , ' . xxxix, 18.) personne, comme mterpretent saint Pierre ^ et saint * (Act., i, 20.) Pol *, il est appelle mendiant ; quand il envoyé près- * (Heb., x, 7.) cher ses Apostres, il les enseigne, Neqiiid tollerent in via nisi virgam tantum, et quHl^ ne portassent ni pochette, ni pain, ni argent a la ceinture, mays chaussés de sandales, et quHl^ ne fussent affeuhlés  1 1 2 Les Controverses (Marc.; VI, 8,9.) de dcux robbes*. Je sçay que ces enseignemens ne sont pas com m an démens absolus, quoy que le dernier fust commandement pour un tems ; aussi n'en veux je rien dire autre sinon que ce sont très salutaires conseilz et exemples. En voicy encores d'autres semblables, sur un autre sujet. Il y a des eunuques qui sont ainsy nés du ventre de leur mère, il y a aussi des eunuques qui ont esté fait^ par les hommes, et il y a des eunuques qui se sont chastrés eux mesmes pour le royaume (Matt., XIX, 12.) des deux; qui potest capere, capiat^. C'est cela (Cap. Lvi, 3-5.) mesme qui avoit esté predict par Isaïe * : Que V eunu- que ne dise point, voicy je suis un arbre sec, parce que le Seigneur dict ainsy aux eunuques : qui gar- deront mes Sabbat^, et choisiront ce que je veux, et tiendront mon alliance, je leur b ailler ay, en m,a mayson et en mes murailles, une place et un nom meilleur que les enfans et les filles, je leur bailleray un nom sempiternel qui ne périra point. Qui ne voit icy que l'Evangile va justement joindre a (Cap. XIV, 3, 4.) la prophétie ? Et en l'Apocalipse *, ceux qui chantoyent un cantique nouveau, qu'autre qu'eux ne pouvoit dire, c'estoyent ceux qui ne s' est oy eut point souillés avec les femmes, parce qiCil^ estoyent vierges ; ceux la suivent VAigneau ou qu'il aille. C'est icy ou se rapportent les exhortations de saint Pol : Il est bon a " '^ Cor., VII, I.) Vhomme de ne toucher point la femme *. Or je dis a qui n'est pas naarié, et aux vefves, qu'il leur sera ' (Vers. 8.) ^^^ de dcmcurcr ainsy, comme moy *. Qtiant aux vierges, je n'en ay point de commandement , mais j'en donne conseil, comme ayant receu miséricorde ' (Vers. 25.) de Dieu d'estre fidèle *. Voicy la rayson : Qui est sans femme, il est soigneux des choses du Seigneur, comme il plaira a Dieu, mais qui est avec sa femme, il a soin des choses du monde, co7nme il agréera a sa femme, et est divisé; et la femme non mariée et la vierge pensent aux choses du Seigneur, pour estre saintes de cors et d'esprit, mais celle qui est mariée pense aux choses mondaines, comme elle  Partie I. Chapitre m. Article x.  Ï13  plaira a son mary. Au reste, je dis cecy pour vostre prouffit ; non pour vous mettre des laqs, mais [pour] ce qui est honneste, et qui vous facilite le m.oyen de servir Dieu sans empeschemens *. Apres : Donq qui joint en mariage sa pucelle il f ai et bien, et qui ne la joint point f ai et m-ieux"^. Pnys, parlant de la vefve : Qu'elle se marie a qui elle voudra, pourveu que ce soit en Nostre Seigneur, mais elle sera plus heureuse si elle demeure ainsy, selon mon conseil ; or pense je que j'ay V esprit de Dieu *. Voyla les instructions de Nostre Seigneur et des Apostres, et voicy l'exemple de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, de saint Jan Baptiste, de saint Pol, saint Jan et saint Jaques, qui tous ont vescu en virginité, et, en l'An- cien Testament, Helie, Helisee, comme ont remarqué les Anciens. En iin, la très humble obéissance de Nostre Seigneur, qui est si particulièrement notée es Evangiles, non seu- lement a son Père *, a laquelle il estoit obligé, mays a saint Joseph, a sa Mère *, a César auquel il paya le tribut*, et a toutes créatures, en sa Passion, pour l'amour de nous : Humiliavit semetipsum, factus ohediens usque ad mortem, mortem autem crucis^. Et l'humi- lité qu'il monstre d'estre venu enseigner, quand il dict : Le Fil^ de Vhomme n'est pas venu pour estre servi, mays pour servir"^. Je suis entre vous co^nrne celuy qui sert *. Ne sont ce pas des perpétuelles répliques et expositions de ceste tant douce leçon, Apprenes de moy que je suis débonnaire et humble de courage"^? et de ceste autre, Si quelqu'un veut venir après moy, qu'il renonce a soy mesme, qu'il prenne sa croix tous les jours, et qu'il me suive * ? Qui garde les com- mandemens il renonce asses a soy mesme pour estre sauvé, c'est bien asses s'humilier pour estre exalté*, mais d'ailleurs il reste une autre obéissance, humilité et renoncement de soy mesme, auquel l'exemple et les en- seignemens de Nostre Seigneur nous invitent. Il veut que nous apprenions de luy l'humilité, et il s'humilioit, non seulement a qui il estoit inférieur entant qu'il portoit 8  (Vers. 32-35.)  (Vers. 38.)  (Vers, ult.)  (Joan., VI, 38.) (Luc, II, 51.) (Matt,, XVII, ult.) (Philip., II, 8.)  (Matt, XX, 28.) (Luc, xxn, 27.) (Matt., XI, 29.)  (Luc, IX, 23.)  ^Matt., XXIII, 12.)  114 Les Controverses * (Philip., II, 7.) la forme de serviteur'^, mais encores a ses inférieurs mesmes ; il désire donques que, comme il s'est abaissé non jamais contre son devoir mais outre le devoir, ainsy nous obéissions volontairement a toutes créatures * (I Pet., II, 13.) pour l'amour de luy * : il veut que nous renoncions a nous mesmes par son exemple, mais il a renoncé si fermement a sa volonté qu'il s'est sousmis a la croix mesme, et a servi ses disciples et serviteurs, tesmoin celuy qui le trouvant estrange luy disoit : Non lavabis *(jorn., xiii, 8.) iniJiî pedes in ceternum'^. Que reste il donques, sinon qu'en ces paroles et actions nous reconnoissions une douce invitation a une sousmission et obéissance volon- taire, vers ceux auxquelz d'ailleurs nous n'avons point d'obligation ? ne nous appuyans point tant peu soit il sur nostre propre volonté et jugement, selon l'advis du *(Prov., m, 5.) Sage*, mais nous rendans sujetz et esclaves a Dieu et aux hommes, pour l'amour de Dieu. Ainsy les Recha- * (Cap. XXXV.) bites sont loués magnifiquement, en Hieremie *, parce qu'ilz obéirent a leur père Jonadab en choses bien dures et estranges, auxquelles il n'avoit point d'autho- rité de les obliger ; comme estoit de ne boire vin, ni eux ni les leurs quelconques, ne semer, ne planter ni avoir vignes, ne bastir. Les pères, certes, ne peuvent pas si fort estreindre les mains de leur postérité si elle n'y consent volontairement ; les Rechabites toutefois sont loués et bénis de Dieu, en approbation de ceste volontaire obéissance avec laquelle ilz avoient renoncé a eux mesmes d'une extraordinaire et plus parfaicte renonciation. Or sus, revenons maintenant au chemin. Ces exem- ples et enseignemens si signalés de pauvreté, chasteté, abnégation de soy mesme, a qui ont ilz esté laissés ? a l'Eglise. Mays pourquoy ? Nostre Seigneur le declaire : * (Matt., XIX, 12.) Qiii po test cap ère capiaf^. Et qui le peut prendre? * (I Cor., VII, 7.) celuy qui a le don de Dieu *, et personne n'a le don de * (Sap., viii, 21.) Dieu que celuy qui le demande* : mays, comme invo- queront il\ celuy auquel il^ ne croyent point ? comme croiront il\ sans prescheur ? et comme près- *(Rom., X, 14, 15.) citeront il:^ s'il^ ne sont envoyés'''? or il n'y a point  Partie I. Chapitre m. Article x. 115 de mission hors l'Eglise, donques, Qui potest capere capiat ne s'addresse immédiatement qu'a l'Eglise et pour ceux qui sont en l'Eglise, puysque hors de l'Eglise il ne peut estre en usage. Saint Pol le monstre plus clairement * : Hoc, ce dit il, ad utilitatem vestram * (i Cor., vu, 35.) dico : Je dis cecy pour vostre prouffit ; non pour vous dresser des pièges et laqs, inais pour vous in- citer a ce qui est honneste, et qui vous donne aysance et facilité de servir Dieu et Vhonnorer sans empes- chement. Et de faict, les Escritures et exemples qui sont en icelles ne sont que pour nostre utilité et instruction * ; * (Rom., xv, 4.) l'Eglise donques devoit prattiquer et mettre en œuvre ces si saintz advis de son Espoux , autrement c'eust esté en vain et pour néant qu'on les luy eust laissés et proposés : aussi les a elle bien sceu prendre pour soy et en faire son prouffit, et voicy dequoy. Nostre Seigneur ne fut pas plus tost monté au ciel, qu'entre les Chrestiens chacun vendoit son bien et apportoit le prix aux pieds des Apostres * ; et saint * (Act, i^, 34, 35.) Pierre, prattiquant la première règle, disoit * : Auriun * (Ibid., m, 6.) et argentum non est mihi. Saint Philippe avoit quatre filles vierges"^, qu'Eusebe tesmoigne avoir tousjours * (ibid., xxi, 9.) demeuré telles * ; saint Pol garda la virginité ou le * (Hist., 1. v, c. célibat*, aussi firent saint Jan et saint Jaques; et quand *'(i cor., vu, 7.) saint Pol* reprend comme damnables certaines jeunes *(iTim,,v, n, 12.) vefves quœ postquam lascivierint in Christuîn nu- here volunt, habentes damnationem quia primajn fidem irritant fecerunt, le Concile 4 de Carthage * * (Can, civ.) (auquel se trouva saint Augustin), saint Epiphane *, * (De Hœres., lxi, saint Hierosme*, avec tout le reste de l'antiquité, l'in- *(Adv. jovin., 1. 1, terpretent des vefves qui, s'estans voiiees a Dieu de ^ ^^"^ garder chasteté, rompoyent leur vœu, se lians au ma- riage contre la foy qu'au paravant elles avoyent donnée au céleste Espoux. De ce tems la donques, le conseil des eunuques et l'autre que saint Pol baille estoyent prattiqués en l'Eglise. Eusebe de Cesaree raconte * que les Apostres insti- * (Quaest. ad Mari- tuerent deux vies, l'une selon les commandemens, l'au- ca, tom. xxii,^cS. tre selon les conseilz ; et qu'il soit ainsy il appert ^°°7-)  ii6 Les Controverses évidemment, car, sur le modelle de la perfection de vie qu'ont tenue et conseillée les Apostres, une infinité de Chrestiens ont si bien formé la leur que les histoires en sont pleines. Qui ne sçait combien sont admirables les rapportz que faict Philon le Juif de la vie des pre- miers Chrestiens en Alexandrie, au livre intitulé De vit a supplicum , ou Traitté de saint Marc et ses *(^Hist.,i.il,c.xvi.) disciples? comme tesmoignent Eusebe *, Nicephore **, * (De vîris lîiustr", Saint Hierosmc * et, entre autres, Epiphane ** qui dict **(bTH£?res.,xxix, ^^^ Philon cscrivant des Jesseens il parloit des Chres- ^§ 4, 5-) tiens, qui pour quelque tems après l'Ascension de Nostre Seigneur, pendant que saint Marc preschoit en Egypte, furent ainsy appelles, ou a cause de Jessé, de la race duquel fut Nostre Seigneur, ou a cause du nom de Jésus, nom de leur Maistre et qu'ilz avoient tousjours en bouche : or, qui verra les livres de Philon, connoistra en ces Jesseens et thérapeutes, guérisseurs ou ser- viteurs, une très parfaicte renonciation de soy mesme, de sa chair et de ses biens. Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur, en une epistre qu'il escrit aux Tholo- sains (0, raconte qu'a sa prédication la bienheureuse Valeria, espouse d'un roy terrestre, avoit voiié la virgi- nité de cors et d'esprit au Roy céleste. Saint Denis, en ' (Cap. VI, § 1, 3.) son Ecclésiastique Hiérarchie * , raconte que les Apostres ses maistres appelloient les religieux de son tems thérapeutes, c'est a dire, serviteurs ou adora- teurs , pour le spécial service et culte qu'ilz faisoyent a Dieu, ou moynes, a cause de l'union a Dieu en la- quelle ilz s'avançoyent. Voyla la perfection de la vie evangelique bien prattiquee en ce premier tems des Apostres et leurs disciples , lesquelz ayans frayé ce chemin du ciel si droit et montant, y ont esté suivis a la file de plusieurs excellens Chrestiens. Saint Cyprien garda la continence et donna tout son * fin vitaS. Cypr., bien aux pauvres, au récit de Pontius diacre*; autant , ,, " en firent saint Pol premier hermite , saint Anthoyne * (In vita S. Anto- • tt a */ • nii, §2.) et samt Hilarion, tesmoin saint Athanase * et saint (i) Voir p. 82, note (r).  Partie I. Chapitre m. Article x. 117 Hierosme*. Saint Paulin Evesque de Noie, tesmoin saint * (invitisSS.PauU Ambroise *, issu d'illustre famille en Guyenne, donna * (Epis^t?Lvm.)° tout son bien aux pauvres, et, comme deschargé d'un pesant fardeau, dit adieu a son pays et a son parentage, pour servir plus attentivement son Dieu ; de l'exemple duquel se servit saint Martin *, pour quitter tout et pour * (S. Suip. Sev., in . \ , , r . V^ T^ • vitaS.Mart.,§a5.) inciter les autres a mesme perfection. Georges, Patriar- che Alexandrin, recite* que saint Chrysostome aban- * (In vita s. Joan. donna tout et se rendit moyne. Potitianus, gentilhomme ^^^' africain, revenant de la cour de l'Empereur, raconta a saint Augustin qu'en Egypte il y avoit un grand nom- bre de monastères et religieux, qui representoyent une grande douceur et simplicité en leurs mœurs, et comme il y avoit un monastère a Milan, hors ville, garni d'un bon nombre de religieux, vivans en grande union et fraternité, desquelz saint Ambroise, Evesque du lieu, estoit comme abbé ; il leur (0 raconta aussi, qu'auprès de la ville de Trêves il y avoit un monastère de bons reli- gieux, ou deux courtisans de l'Empereur s'estoyent ren- dus moynes, et que deux jeunes damoiselles, qui estoyent fiancées a ces deux courtisans, ayans ouy la resolution de leurs espoux, voiierent pareillement a Dieu leur vir- ginité, et se retirèrent du monde pour vivre en religion, pauvreté et chasteté : c'est saint Augustin qui faict ce * (Conf., 1. viii, récit *. Possidius en raconte tout autant de luy, et qu'il institua un monastère*, ce que saint Augustin luy mesme * (l^ vita cjus, ce recite en une sienne epistre *. Ces grans Pères ont esté * '(Epist. ccxi.) suivis de saint Grégoire, Damascene, Bruno, Romuald, Bernard, Dominique, François, Louis, Anthoyne, Vin- cent, Thomas, Bonaventure, qui tous, ayans renoncé et dict un éternel adieu au monde et a ses pompes, se sont présentés en un holocauste parfaict a Dieu vivant. Maintenant, concluons : ces conséquences me sem- blent inévitables. Nostre Seigneur a faict coucher en ses Escritures ces advertissemens et conseilz de chas- teté, pauvreté et obéissance, il les a prattiqués et faict prattiquer en son Eglise naissante; toute l'Escriture et (i) Alypius était avec saint Augustii},  ii8 Les Controverses toute la vie de Nostre Seigneur n'estoit qu'une instruc- tion pour l'Eglise, l'Eglise donques devoit en faire son prouffit, ce devoit donques estre un des exercices de l'Eglise que ceste chasteté, pauvreté et obéissance ou renoncement de soy mesme ; item, l'Eglise a tousjours faict cest exercice en tous tems et en toutes saisons, c'est donques une de ses propriétés : mays a quel propos tant d'exhortations si elles n'eussent deu estre prattiquees ? La vraye Eglise donques doit reluire en la perfection de la vie Chrestienne ; non ja que chacun en l'Eglise soit obligé de la suivre, il suffit qu'elle se trouve en quelques membres et parties signalées, affin que rien ne soit escrit ni conseillé en vain, et que l'Eglise se serve de toutes les pièces de la Sainte Escriture.  ARTICLE XI LA PERFECTION DE LA VIE EVANGELIQUE EST PRATTICLUEE EN NOSTRE EGLISE, EN LA PRETENDUE ELLE Y EST MESPRISEE ET ABOLIE  L'Eglise qui est a présent, suivant la voix de son Pasteur et Sauveur, et le chemin battu des devanciers, loiie, approuve et prise beaucoup la resolution de ceux qui se rangent a la prattique des conseilz evangeliques^ desquelz elle a un très grand nombre. Je ne doute point que si vous avies hanté les congrégations des Chartreux, Camaldulenses, Celestins, Minimes, Capucins, Jésuites, Theatins, et autres en grand nombre esquelles fleurit la discipline religieuse, vous ne fussies en doute si vous les devries appeller anges terrestres ou hommes célestes, et ne sçauries quoy plus admirer, ou en une si grande jeunesse une si parfaicte chasteté, ou parmi tant de doctrine une si profonde humilité, ou entre tant de  Partie I. Chapitre m. Article xi. 119 diversité une si grande fraternité ; et tous, comme ce- lestes abeilles, ménagent en l'Eglise et y brassent le miel de l'Evangile avec le reste du Christianisme, qui par prédications, qui par compositions, qui par méditations et oraisons, qui par leçons et disputes, qui par le soin des malades, qui par l'administration des Sacremens sous l'authorité des pasteurs. Qui obscurcira jamais la gloire de tant de religieux de tous Ordres et de tant de prestres séculiers qui, laissans volontairement leur patrie, ou pour mieux dire leur propre monde, se sont [exposés] au vent et a la marée pour accoster les gens du Nouveau Monde, a fin de les conduire a la vraye foy et les esclairer de la lumière evangelique ? qui, sans autre appointement que d'une vive confiance en la providence de Dieu, sans autre attente que de travaux, misère et martyre, sans autres prétentions que de l'honneur de Dieu et du salut des âmes, ont couru parmi les cannibales, Canariens, nègres, Brésiliens^ Moluchiens , Japonnois et autres estrangeres nations, et s'y sont confinés, se bannissans eux mesmes de leurs propres pays terrestres, afiin que ces pauvres peuples ne fussent bannis du Paradis céleste. Je sçay, quelques ministres y ont esté, mais ilz sont allés avec appointement humain, lequel quand il leur a failli, ilz s'en sont revenus sans faire autre, parce qu'un singe est tousjours singe ; mais les nostres y sont demeurés en perpétuelle continence, pour féconder l'Eglise de ces nouvelles plantes, en extrême pauvreté, pour enrichir ces peuples du traffiq evangelique, et y sont mortz en esclavage, pour mettre ce monde la en liberté chrestienne. Que si, au lieu de faire vostre prouffit de ces exem- ples et conforter vos cerveaux a la suavité d'un si saint parfum, vous tournes les yeux devers certains lieux ou la discipline monastique est du tout abolie, et n'y a plus rien d'entier que l'habit, vous me contraindres de dire que vous cherches les cloaques et voiries, non les jar- dins et vergers. Tous les bons Catholiques regrettent le malheur de ces gens, et détestent la négligence des pas-  120 Les Controverses teurs et l'ambition des aises (0 de laides âmes, qui, voulans tout manier, disposer et gouverner, empeschent l'élection légitime et l'ordre de la discipline pour s'attri- buer le bien temporel de l'Eglise. Que voules vous ? le Maistre y avoit semé la bonne semence, mais l'ennemy * (Matt., XIII, 24, y a sursemé la zizanie*; cependant l'Eglise, au Con- ^'^'' cile de Trente, y avoit mis bon ordre, mais il est mes- prisé par ceux qui le dévoient mettre en exécution, et tant s'en faut que les docteurs Catholiques consentent a ce malheur, qu'ilz tiennent estre grand péché d'entrer en ces monastères ainsy desbordés. Judas n'empescha point l'honneur de l'ordre apostolique, ni Lucifer de l'angelique, ni Nicolas du diaconat ; ainsy ces abomi- nables ne doivent empescher le lustre de tant de devotz monastères que l'Eglise Catholique a conservés, parmi toute la dissolution de nostre siècle de fer, afïin que pas une parole de son Espoux ne demeurast en vain, sans estre prattiquee. Au contraire , Messieurs , vostre église prétendue mesprise et déteste tant qu'elle peut tout cecy ; Calvin, * (Cap. XIII.) au Livre 4 de ses Institutions *, ne vise qu'a l'abolis- sement de l'observation des conseilz evangeliques. Au moins, ne m'en sçauries vous monstrer aucun essay ni bonne volonté parmi vous autres, ou jusques aux mi- nistres chacun se marie, chacun traffique pour assem- bler des richesses, personne ne reconnoist autre supé- rieur que celuy que la force luy faict advoùer ; signe évident que^ceste prétendue église n'est pas celle pour laquelle Nostre Seigneur a presché, et tracé le tableau de tant de beaux exemples : car, si chacun se marie, que deviendra l'advis de saint Pol, Bonum est homini * (I Cor., VII, I.) mulierein non tangere"^ ? si chacun court a l'argent et aux possessions, a qui s'addressera la parole de Nostre Seigneur, Nolite thesauri^are vohis thesauros in * (Matt., VI, 19.) terra *, et l'autre, Vade, vende omnia, da pauperi- *(ibid.,xix, 21.) hus"^? si chacun veut gouverner a son tour, ou se trou- vera la prattique de ceste si solemnelle sentence. Qui (i) Mots douteux dans le Ms.  Partie I. Chapitre m. Article xii. 121 vult ventre post me abneget semetipsum'^} Si donq * (Luc., ix, 23. vostre église se met en comparaison avec la nostre, la nostre sera la vraye Espouse, qui prattique toutes les paroles de son Espoux, et ne laisse pas un talent de l'Escriture inutile ; la vostre sera fause, qui n'escoute pas la voix de l'Espoux, ains la mesprise : car il n'est pas raisonnable que, pour tenir la vostre en crédit, on rende vaine la moindre syllabe de l'Escriture, laquelle, ne s'addressant qu'a la vraye Eglise, seroit vaine et inutile si en la vraye Eglise on n'employoit toutes ses pièces.  ARTICLE XII DE l'universalité OU CATHOLICISME DE l'eGLISE MARaUE TROISIESME  Ce grand Père Vincent le Lirinois, en son très utile Mémorial'^, dict que sur tout on doit avoir soin de croire *(Comnionit. i,§2. « ce qui a esté creu par tout [toujours, de tous. »] (^) .  comme les fourbeurs et chaudronni'^rs, car le reste du monde nous appelle Catholiques ; que si on y adjouste Romaine , ce n'est sinon pour instruire les peuples du siège de l'Evesque qui est Pasteur gênerai et visible de l'Eglise, et ja du tems de saint Ambroise *, ce n'estoit * (Vide lib. De ex- -1 T-^ . -1 ' 1 , cessa Sat., § 47.) autre chose estre Romains de communion qu estre Catholiques. Mays quant a vostre église, on l'appelle par tout hu- guenote, calvinique, zuinglienne, hérétique, prétendue, protestante, nouvelle ou sacramentaire ; vostre église n'estoit point devant ces noms , ni ces noms devant vostre église, parce qu'ilz luy sont propres : personne (i) La suite de cet Article et le commencement du suivant manquent dans le Ms.  123  Les Controverses  *(Cant., IV, 7.) * (I Tini., III, 15.)  * (Ubi supra, art. IV, p. 97.) * (De Cœna Dom, ; Apol. pro Justifie, et ubi in nota (3), P- 95-)  * (Vide lib. contra Epist.Fundament., C. IV.)  ne vous appelle Catholiques, vous ne Toses pas quasi faire vous mesmes. Je sçai bien que parmi vous vos égli- ses s'appellent reformées, mais autant ont de droit sur ce nom les luthériens, ubiquitistes, anabaptistes, trini- taires et autres engences de Luther, et ne le vous quit- teront jamais. Le nom de Religion est commun a l'église des Juifz et des Chrestiens, a l'ancienne Loy et a la nouvelle ; le nom de Catholique c'est le propre de l'Eglise de Nostre Seigneur ; le nom de reformée est un blasphème contre Nostre Seigneur, qui a si bien formé et sanctifié son Eglise en son sang, qu'elle ne devoit jamais subir autre forme que d'espouse toute belle *, de colomne et fermeté de vérité"^. On peut reformer les peuples et particuliers, mais non l'Eglise ni la Reli- gion, car, si elle estoit Eglise et Religion elle estoit bien formée, la dififormation s'appelle hérésie et irreli- gion ; la teinture du sang de Nostre Seigneur est trop vive et fine pour avoir besoin de nouvelles couleurs : vostre église donques, s'appellant reformée, quitte sa part a la formation que le Sauveur y avoit faitte. Mais je ne puis que je ne vous die ce que de Beze, Luther et Pierre Martyr en entendent : Pierre Martyr appelle les luthériens, luthériens, et dict que vous estes frères avec eux, vous estes donques luthériens ; Luther vous appelle svermeriques et sacramentaires * ; de Beze appelle les luthériens, consubstantiateurs et chimiques*, et neant- moins les met au nombre des églises reformées. Voyla donques les noms nouveaux que ces reformateurs ad- voiient les uns pour les autres ; vostre église, donques, n'ayant pas seulement le nom de Catholique, vous ne pouves dire en bonne conscience le Symbole des Apos- tres, ou vous vous juges vous mesmes, qui, confessans l'Eglise Catholique et universelle, persistes en la vostre qui ne l'est pas. Pour vray, si saint Augustin * vivoit maintenant, il se tiendroit en nostre Eglise laquelle, de tems immemorable, est en possession du nom de Catholique.  Partie I. Chapitre m. Article xiii.  123  ARTICLE XIII  LA VRAYE EGLISE DOIT ESTRE ANCIENNE L'Eglise pour estre Catholique doit estre universelle en tems, et pour estre universelle en tems il faut qu'elle soit ancienne ; l'ancienneté donques est une propriété de l'Eglise, et en comparaison des hérésies elle doit estre plus ancienne et précédente, parce que, comme dict très bien TertuUien *, la fauseté est une corruption * ( Apoioget. , c. de vérité, la vérité donques doit précéder. La bonne f™' ^ y] ^ ^'' semence est semée devant l'ennemy, qui a sursemé la zizanie bien après*; Moyse devant Abiron, Datan et *(Matt.,xiii,34,25.) Coré ; les Anges devant les diables ; Lucifer fut debout au jour avant qu'il cheut es ténèbres éternelles ; la pri- vation doit suivre la forme. Saint Jan dict des héréti- ques : 11^ sont sortis de nous"^, Hz estoyent donques *(iJoan.,n, 19.) dedans avant que de sortir ; la sortie, c'est Theresie, l'estre dedans , la fidélité. L'Eglise donques précède l'heresie : ainsy la robbe de Nostre Seigneur fut entière avant qu'on la divisast *, et bien qu^Ismaël fust devant *(Joan.,xix,23,24.) Isaac, cela ne veut dire que la fauseté soit devant la vérité, mays l'ombre véritable du Judaïsme devant le cors du Christianisme, comme dict saint Pol *. * (Heb., x, i.)  ARTICLE XIV l'église CATHOLiaUE EST TRES ANCIENNE LA PRETENDUE TOUTE NOUVELLE  Dites nous maintenant, je vous prie, cottes le tems et le lieu ou premièrement nostre Eglise comparut des  124 Les Controverses l'Evangile, l'autheur et le docteur qui la convoqua : j'useray des mesmes paroles d'un Docteur et Martyr de *(B.Edm.Campion, nostre aage, dignes d'estre bien pesées *. « Vous nous Deceni Rationes , » < j • r • j. § VII, Historia.) coniesses, et n oseries taire autrement, que pour un tems l'Eglise Romaine fut Sainte, Catholique, Apostoli- que : Ihors qu'elle mérita ces saintes loiianges de l'Apostre : Vostre foy est annoncée par tout le *(Rom.,i, 8.) monde'^. Je fais sans cesse mémoire de vous**. Je *'*(Vers Q ) ^ J J sçay que, venant a vous, j'y viendray en abondance * (Cap. XV, 29.) de la bénédiction de Jésus Christ*. Toutes les églises * (Cap. XVI, 16.) en Jésus Christ vous saluent*. Car vostre obeis- * (Vers. 19.) sance a esté divulguée par tout le monde*; Ihors que saint Pol, en une prison libre, y semoit l'Evan- *(Act.,uit., 30,31; gile*; Ihors qu'en icelle saint Pierre gouvernoit V Eglise *(i Pet!, V, ^3.) ranaassee en Babylone* ; Ihors que Clément, si fort * (Philip., IV, 3.) loué par TApostre *, y estoit assis au timon ; Ihors que les Césars prophanes, comme Néron, Domitien, Trajan, Anthonin, massacroyent les Evesques romains, et Ihors mesme que Damasus, Siricius, Anastasius, Innocentius y tenoyent le gouvernail apostolique : mesme au tes- *(inst., .IV, c. VI, moignage de Calvin*, car il confesse librement qu'en ce tems la ilz ne s'estoient encores point esgarés de la doctrine evangelique. Or sus donques, quand fut ce que Rome perdit ceste foy tant célébrée ? quand cessa elle d'estre ce qu'elle estoit ? en quelle saison, sous quel Evesque, par quel moyen, par quelle force, par quel progrès, la religion estrangere s'empara elle de la cité et de tout le monde ? quelles voix, quelz troubles, quelles lamentations engendra elle ? hé, chacun dormoit il par tout le monde pendant que Rome, Rome, dis je, forgeoit de nouveaux Sacremens, nouveaux Sacrifices, nouvelles doctrines ? ne se trouve il pas un seul histo- rien , ni grec ni latin, ni voisin ni estranger, qui ayt mis ou laissé quelques marques en ses commentaires et mémoires d'une chose si grande ? » Et certes, ce seroit grand cas si les historiens, qui ont esté si curieux de remarquer jusques aux moindres mutations des villes et peuples, eussent oublié la plus notable de toutçs celles q^ui se peuvent faire, qui est de  §16  Partie I. Chapitre m. Article xiv. 125 la religion, en la ville et province la plus signalée du monde, qui est Rome et Tltalie. Je vous prie. Messieurs, si vous sçaves quand nostre Eglise commença Terreur prétendu, dites le nous franchement, car c'est chose certaine que, comme dict saint Hierosme *, Hœreses *(Adv. Lucif., §28, ad originem revocasse, réfutasse est. Remontons le ^^°^ sensum.) cours des histoires jusqu'au pied de la Croix, regardons deçà et delà, nous ne verrons jamais, en pas une saison, que ceste Eglise Catholique ait changé de face, c'est tousjours elle mesme en doctrine et en Sacremens. Nous n'avons pas besoin contre vous, en ce point, d'autres tesmoins que des yeux de nos pères et ayeux, pour dire quand vostre église commença. L'an 151 7 Luther commença sa tragédie, l'an 34 et 35 on en joua un acte par deçà, Zuingle et Calvin furent les deux principaux personnages. Voules vous que je cotte par le menu comment, par quelz succès et actions, par quelles forces et violences, ceste reformation s'empara de Berne, Genève, Lausanne et autres villes ? quelz troubles et lamentations elle a engendrés ? vous ne prendries pas playsir a ce récit, nous le voyons, nous le sentons : en un mot, vostre église n'a pas 80 ans, son autheur est Calvin, ses effectz, le malheur de nostre aage. Que si vous la voules faire plus ancienne^ dites ou elle estoit avant ce tems la : ne dites pas qu'elle estoit mais invi- sible, car, si on ne la voyoit point qui peut [savoir] qu'elle ait esté ? puys Luther vous contredit * qui * (In opusc Contra r , j. '^ 1. 'j. j. . 1 haeresium innov.) contesse qu au commencement il estoit tout seul. ^ Or, si Tertullien, ja de son tems, atteste que les Catholiques debouttoyent les hérétiques par leur pos- tériorité et nouveauté, quand l'Eglise mesme n'estoit qu'en son adolescence (Solemus, disoit il *, hœreticos, * (Adv. Hermog compendii gratia, de posterioritate prœscrihere), combien plus d'occasion avons nous maintenant ? Que si Tune de nos deux églises doit estre la vraye, ce tiltre demeurera a la nostre qui est très ancienne, et a vostre nouveauté, l'infâme nom d'heresie.  6-> I.  126 Les Controverses  ARTICLE XV  LA VRAYE EGLISE DOIT ESTRE PERPETUELLE (0  Quoy que l'Eglise fust ancienne, si ne seroit elle pas universelle en tems si elle avoit manqué en quelque saison. L'heresie des Nicolaïtes est ancienne, mais non universelle, car elle n'a duré que bien peu, et comme une bourrasque qui semble vouloir déplacer la mer puys tout a coup se perd en elle mesme, et comme un champignon, qui naist en quelque mauvaise vapeur, en une nuict comparoist et en un jour se perd, ainsy toutes hérésies, pour anciennes qu'elles ayent esté, se sont esvanouies, mais l'Eglise dure perpétuellement. * (joan., xij, 32.) Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur * : Sï je suis une fois eslevé de terre fattireray toutes choses a moy ? a il pas esté levé en croix ? et comme donques auroit il laissé aller l'Eglise qu'il avoit attirée, a vau de route ? comme auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher ? Le diable, prince du monde, * (Vers. 31.) avoit il esté chassé * avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans , pour par après revenir maistriser mille ans ? voules vous évacuer en ceste sorte la force de la Croix ? voules vous si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre une alternative entre luy et le diable ? Pour vray, quand un fort et puissant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix y que si un plus fort survient et * (Luc, XI, 21, 22.) le surmonte, il luy levé les armes et le despouille *. Ignores vous que Nostre Seigneur se soit acquis * ;Act.,xx, 28.) l'Eglise en son sang*? et qui pourra la luy lever, et ester d'entre ses mains ? Peut estre dires vous qu'il peut (i) Cf. chap. II, art. m.  Partie I. Chapitre m. Article xv.  127  la garder mais qu'il ne veut ; c'est donq sa providence que vous accuses. Dieu a donné des dons aux hommes, des apostres, prophètes, evangelistes, pasteurs, docteurs, pour la consommation des saint^, en V œuvre du m,inis- tere, pour V édification du cors de Christ *. La con- sommation des saintz estoit elle ja faicte il y a onze cens ans? l'édification du cors mistique de Nostre Sei- gneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevée ? Ou cesses de vous appeller edificateurs, ou dites que non ; et si elle n'avoit esté achevée, pourquoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu, que dire qu'il ayt osté et levé aux hommes ce qu'il leur avoit donné ? Les dons et grâces de Dieu sont sans pénitence *, c'est a dire, il ne les donne pas pour oster. Sa divine providence conserve perpétuellement la génération du moindre oysillon du monde^ comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang et tant de peynes et travaux ? Dieu tira l'Israël de l'Egypte, des desers, de la mer Rouge, des calamités et captivités, comment croirons nous qu'il ayt laissé le Christianisme en l'in- crédulité ? s'il a tant aymé son Agar, comme mesprisera il Sara ? C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante : Dieu Va fondée en éternité'^ ; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en éternité, et le tesmoin fldele au ciel"^ ; fe mettray sa race es siècles des siècles"^ ; Daniel l'appelle** Royaume qui ne se dis- sipera point éternellement ; l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'aura point de fin *; Isaïe dict de Nostre Seigneur * : S'il met et expose sa vie pour le péché il verra une longue race; et ailleurs * : Je feray une alliance perpétuelle avec eux; ceux qui les verront les connoistront. N'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, a dict que les portes d' enfer ne prévaudront point contre elle *^ et qui promit a ses Apostres, pour eux et leurs successeurs, Voyci que je suis avec vous Jus-  (Ephes., IV, 8, II,  12.  [Rom,, xî, 29.)  (Ps. XLVII, 8.)  * (Ps. Lxxxvm, 37.) *■ (Vers. 30.) **^Cap. n, 44.) *(Luc., I, }^.) * (Cap. un, 10.) * (Cap. Lxi, 8, 9.)  (Matt., XVI, 18.)  128 Les Controverses *(Matt.,xxvni, 20.) ques u la consommation du siècle"^? Si ce conseil, dict Gamaliel, ou ceste œuvre est des hommes elle se dis- sipera, mays si elle est de Dieu vous ne sçauries * (Act., V, 38, 39.) la dissoudre * .* l'Eglise est œuvre de Dieu, qui dori- ques la dissipera? Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Père céleste n'a pas plantée sera arra- *(Matt.,xv,i3,i4.) chee"^, mays l'Eglise a esté plantée de Dieu et ne peut estre arrachée. *(iCor.,xv,23,24.) Saint Pol dict* que tous doivent estre vivifiés cha- cun a son tour ; les prémices ce sera Christ, puys ceux qui sont de Christ, puys la fin : il n'y a point d'entre deux entre ceux qui sont de Christ et la fin, d'autant que l'Eglise doit durer jusques a la fin. Il falloit que Nostre Seigneur regnast au milieu de ses ennemis Jusqu'à ce qu'il eust mis sous ses pieds et * (Ps. cix, I, 2; assujetti tous ses adversaires"^, et quand les assujet- I Cor., XV, 25.) .... . 1 . tira il tous sinon au jour du jugement? mays ce pendant il faut qu'il règne parmi ses ennemis : ou sont ses ennemis sinon ça bas ? et ou règne il sinon en son Eglise ? Si ceste Espouse fust morte après qu'elle eut receu la vie du costé de son Espoux endormi sur la Croix, si elle fust morte, dis je, qui l'eust resuscitee? La résurrec- tion d'un mort n'est pas moindre miracle que la crea- * (Ps. cxLvm, 3.) tion : en la création Dieu dict, et il fut faict *^ il * (Gen., II, 7.) inspira Vame vivante *^ et si tost qu'il l'eut inspirée l'homme commença a respirer ; mays Dieu voulant reformer l'homme il employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, et mourut sur l'œuvre. Qui donques dict que l'Eglise estoit morte et perdue, il accuse la provi- dence du Sauveur ; qui s'en appelle reformateur ou res- taurateur, comme Beze appelle Calvin, Luther et les autres, il s'attribue l'honneur deu a Jésus Christ, et se faict plus qu'apostre. Nostre Seigneur avoit mis le feu * (Luc, XII, 49.) (ie sa charité au monde *, les Apostres avec le souffle de leurs prédications l'avoyent estendu et faict courir par l'univers : on dict qu'il estoit esteint ,par l'eau de l'ignorance et superstition ; qui le pourra rallumer ? le souffle n'y sert de rien ; il faudroit donques peut estre  Partie I. Chapitre m. Article xv. 129 rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jésus Christ, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu ? sinon que l'on veuille mettre Luther et Calvin pour pierre angulaire du bastiment ecclésias- tique. (( O voix impudente, » dict saint Augustin contre les Donatistes *, « que l'Eglise ne soit point parce que * (in Ps. ci, Semo tu n'y es pas. » « Non, non, » dict saint Bernard*, * '(Sermo lxxix in ({ les torrens sont venus, les vens ont soufflé* et l'ont *(Matt. vu, 25.) combattue, elle n'est point tombée, parce qu'elle estoit fondée sur la pierre, et la pierre estoit Jésus Christ*. » * (i Cor., x, 4.) Quoy donques ? tous nos devanciers sont ilz damnés ? ouy pour vray, si l'Eglise estoit perie, car hors l'Eglise il n'y a point de salut. O quel contrechange ; nos Anciens ont tant souffert pour nous conserver l'héritage de l'Evangile, et maintenant on se mocque d'eux et les tient on pour folz et insensés. « Que nous dites vous de nouveau ? » dict saint Au- gustin *, « faudra il encores une fois semer la bonne * (De unit. Eccl., semence, puysque des qu'elle est semée elle croist '^^ ^^"-^ jusqu'à la moisson*? Que si vous dites que celle que les *(Matt., xm, 30.) Apostres avoyent semée est par tout perdue, nous vous respondrons, lises nous cecy es Saintes Escritures, et vous ne le lires jamais que vous ne rendies faux ce qui est escrit, que la semence qui fut semée au commence- ment croistroit jusqu'au tems de moissonner. » La bonne semence ce sont les enfans du Royaume^ la ^i^anie sont les mauvais, la moisson c'est la fin du monde*. * (Vers. 38, 39.) Ne dites pas donques que la bonne semence soit abolie ou estouffee, car elle croist jusques a la fin du monde. (0 L'Eglise donques ne fut pas abolie quand Adam et Eve péchèrent ; car, ce n'estoit Eglise ains commen- cement d'Eglise : outre ce qu'ilz ne péchèrent pas en la doctrine ni au croire, mais au faire. Ni quand Aaron dressa le veau d'or*; car, Aaron * (Vide loca supra, n'estoit pas encores sauverain Prestre ni chef du peuple, c'estoit Moyse, lequel n'idolâtra pas, ni la race de Levi qui se joignirent a Moyse. (i) Cf. chap. II, art. iv.  66.  130  Les Controverses  *(lllReg.,xix, M.) Ni quand Helie se lamentoit d'estre seul*; car, il ne parle que d'Israël, et Juda estoit la meilleure et princi- pale partie de l'Eglise : et ce qu'il dict n'est qu'une façon de parler pour mieux exprimer la justice de sa plainte, car au reste il y avoit encores sept mille hommes qui ne s'estoyent encores point abandonnés a Tido- * (Vers. i8.) latrie *. Ce sont donques certaines expressions et dé- monstrations véhémentes, accoustumees es prophéties, qui ne doivent [se] vérifier sinon en gênerai pour un *;Ps. XIII, 4.) grand desbordement , comme quand David disoit * : * (Philip., Il, 21.) Non est qui faciat bonum, et saint Pol * : Omnes quœrunt quœ sua sunt. Ni ce qu'il faut que la séparation et devoyement * (H Thess., n, 3.) vienne"^ y Ihors que le sacrifice cessera""*, et qu'a grand * (Luc.,' XVIII, 8.) peyne le Fil^ de Vhomme trouvera foy en terre"^ ; car, tout cecy se vérifiera es trois ans et demy que l'Antichrist régnera, durant lesquelz toutefois l'Eglise ne périra point , mays sera nourrie es solitudes et * (Vide loca supra, descrs, comme dict l'Escriture*. P. 68.)  ARTICLE XVI  NOSTRE EGLISE EST PERPETUELLE ; LA PRETENDUE NE L EST PAS  (Art. XIV.) Je vous diray, comme j'ay dict cy dessus *, montres moy une dizaine d'années, des que Nostre Seigneur est monté au ciel, en laquelle nostre Eglise n'ayt esté : ce qui vous garde de sçavoir dire quand nostre Eglise a commencé, c'est parce qu'elle a tousjours duré. Que s'il vous plaisoit vous esclaircir a la bonne foy de cecy, Sanderus, en sa Visible Monarchie, et Gilbert Gene- brard, en sa Chronologie, vous fourniroient asses de lumière, et sur tous le docte César Baron, en ses Annales. Que si vous ne voules pas de prenlier abord abandonner les livres de vos maistres, et n'aves point  Partie I. Chapitre m. Article xvii. 131 les yeux sillés d'une trop excessive passion , si vous regardes de près les Centuries de Magdebourg, vous n'y verres autre par tout que les actions des Catho- liques ; car, dict très bien un docte de nostre aage *, * (B. Edm, Cam- « S ilz ne les y eussent recueillies ilz eussent laisse mille xiv, p. 124. j et cinq cens ans sans histoire. » Je diray quelque chose de cecy cy après *. * (Art. xvm, xx.) Or, quant a vostre église, supposons ce gros men- songe pour vérité, qu'elle ayt esté du tems des Apostres, si ne sera elle pas pourtant l'Eglise Catholique : car, la Catholique doit estre universelle en tems, elle doit donques tousjours durer ; mais dites moy ou estoit vostre église il y a cent, deux cens, trois cens ans, et vous ne le sçauries faire, car elle n'estoit point ; elle n'est donques pas la vraye Eglise. Elle estoit, ce me dira peut estre quelqu'un, mais inconneiie : bonté de Dieu, qui ne dira le mesme ? Adamites, Anabaptistes, chacun entrera en ce discours; j'ay ja monstre * que * (Cap. n, art. i.) l'Eglise militante n'est pas invisible , j'ay monstre * * (Art. pra;ced.) qu'elle est universelle en tems, je vais monstrer qu'elle ne peut estre inconneiie.  ARTICLE XVII LA VRAYE EGLISE DOIT ESTRE UNIVERSELLE EN LIEUX ET EN PERSONNES (0  Les Anciens disoyent sagement que sçavoir bien la différence des tems estoit un bon moyen d'entendre bien les Escritures, a faute dequoy les Juifz [errent,] entendant du premier avènement du Messie ce qui est bien souvent dict du second, et les ministres encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Grégoire (i) Cf. chap. Il, art. v.  132 Les Controverses en ça qu'elle doit estre au tems de rAntichrist. Hz tour- • (Cap. XII, 6, 14.) nent a ce biais ce qui est escrit en l'Apocalipse *, que la femme s'enfuit en la solitude, dont ilz prennent occasion de dire que l'Eglise a esté cachée et secrette jusqu'à ce qu'elle s'est produicte en Luther et ses adherens. Mays qui ne voit que ce passage ne respire autre que la fin du monde et la persécution de l' Anti- christ ? le tems y estant expressément déterminé de *(Cap. XII, 7.) trois ans et demy, et en Daniel aussi*. Or, qui voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escriture a déterminé, contrediroit au Seigneur qui dict qu'il sera ♦ (Matt., XXIV, 22.) piustost accouTci, pouT V awiouv des esleu^^. Comme donques osent ilz transporter ceste Escriture a une in- telligence si contraire a ses propres circonstances ? Au contraire, l'Eglise est dicte semblable au soleil, a la *jPs. Lxxxvm, 37.) lune, a l'arc en ciel*, a une reyne**, a une montaigne * (Dan., II,' 35.') aussi grande que le monde * ; elle ne peut donques estre secrette ni cachée, mays doit estre universelle en son estendue. Je me contenteray de vous mettre en teste deux des plus grans Docteurs qui furent onques. David avoit dict : Le Seigneur est grand et trop plus loiiable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne *(Vide loca supra, d'iceluv. « C'cst la cité, » dict saint Augustin *, « assise pp. 69, 70.) sur la montaigne, qui ne se peut cacher, c'est la lampe qui ne peut estre couverte sous un tonneau, conneùe et célèbre a tous, car il s'ensuit : Le mont Sion est fondé avec grande joye de l'univers. » Et de faict, Nostre Seigneur, qui disoit que personne n'allume la lampe pour la couvrir sous un muy, comme eust il mis tant de lumières qui sont en l'Eglise pour les couvrir et cacher en certains coins ? « Voyci le mont qui remplit l'univers, voyci la cité qui ne se peut cacher. Les Donatistes rencontrent le mont, et quand on leur dict, montés, ce n'est pas une montaigne, ce disent ilz, et plustost y choquent du front que d'y chercher une demeure. Isaïe , qu'on lisoit hier, cria : Il y aura es derniers jours un m.ont préparé sur le couppeau des montaigneSy mayson du Seigneur, et toutes  Partie I. Chapitre m. Article xvii. 133 gens sy couleront a la file. Qu'y a il de si apparent qu'une montaigne? mays il se faict des montz inconneuz parce qu'ilz sont assis en un coin de la terre. Qui d'en- tre vous connoit l'Olimpe ? personne , certes , ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe ; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a rempli toute la face de la terre. La pierre taillée du mont sans œuvre manuelle, n'est ce pas Jésus Christ, descendu de la race des Juifz sans œuvre de mariage ? et ceste pierre la ne fracassa elle pas tous les royaumes de la terre, c'est a dire, toutes les dominations des idoles et démons ? ne s'ac- creut elle pas jusqu'à remplir le monde ? C'est donq de ce mont qu'il est dit, préparé sur la cime des mons ; c'est un mont eslevé sur le sommet des mons, et toutes gens se rendront vers iceluy. Qui se perd et s'esgare de ce mont ? qui choque et se casse la teste en iceluy ? qui ignore la cité mise sur le mont ? mays non, ne vous esmerveilles pas qu'il soit inconneu a ceux cy qui haïssent les frères, qui haïssent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en ténèbres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont séparés du reste de Tunivers, ilz sont aveugles de mal talent » : c'est saint Augustin qui a parlé. Maintenant oyes saint Hierosme, parlant a un schis- matique converti * : « Je me resjouis avec toy, » ce dict * (Vide loca supra, il, « et rends grâces a Jésus Christ mon Dieu^ de ce que ^^* ^°' '^ tu t'es réduit de bon cœur de l'ardeur de fausseté au goust de tout le monde ; ne disant plus comme quelques uns : O Seigneur, sauves moy, car le saint a man- qué, desquelz la voix impie vide et avilit la gloire de la Croix, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret qui a esté proféré des pécheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes. Mays ja n'advienne que Dieu soit mort pour néant, le puissant est lié et saccagé, la pa- role du Père est accomplie : Demande moy, et je te donner ay les gens pour héritage, et les homes de la terre pour ta possession. Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui  134  Les Controverses  font plus de sinagogues que d'églises ? comme seront destruittes les cités du diable , et les idoles comme seront ilz abattus ? Si Nostre Seigneur n'a point eu d'Eglise, ou s'il l'a eue en la seule Sardigne, certes il est trop appauvri. Ha, si Satan possède une fois le monde, comment auront esté les trophées de la Croix ainsy accueillis et contraints en un coin de tout le monde ? » Et que diroit ce grand personnage s'il vivoit mainte- nant? N^est ce pas bien avilir le trophée de Nostre Seigneur ? le Père céleste, pour la grande humiliation et anéantissement que son Filz subit en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tous genoux * (Philip., n, 8-10.) se dcvoicnt plier en la révérence d'iceluy *, et parce qu'il avoit livré sa vie a la mort, estant mis au * (is., LUI, 12.) 7^a7ig des meschans * et voleurs, il avoit en héritage beaucoup de gens ; mays ceux cy ne prisent pas tant les passions du Crucifix, levans de sa portion les géné- rations de mille années, si que a peyne durant ce tems il ait eu quelques serviteurs secretz, qui en fin ne seront qu'hypocrites et meschans ; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestiens, et qui aves esté en la vraye Eglise : ou vous avies la foy, ou vous ne l'avies pas ; si vous ne l'avies pas, o misera- * (Marc, XVI, i6.) bles, VOUS cstcs damnés *, et si vous l'avies, que n'en laissies vous des mémoires, que ne vous opposies vous a l'impiété ? Ne sçavies vous que Dieu a recommandé *(Eccius.,xvii, 12.) le prochain a un chacun*? et qviion croit de cœur pour la Justice, mays qui veut obtenir salut il faut faire * (Rom., X, 10 ; la confession de foy*? et comme pouvies vous dire, *^Ps. cxv, I.) f^y creu, et partant fay parlé'^ 7 Vous estes encores misérables, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre. Mays si, au contraire, o Calvin et Luther, la vraye foy a tousjours esté publiée par l'antiquité, vous estes misérables vous mesmes qui, pour trouver quelque excuse a vos fantasies, accuses tous les Anciens ou d'impiété s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.  Partie I. Chapitre m. Article xviii.  135  ARTICLE XVIII l'église CATHOLiaUE EST UNIVERSELLE EN LIEUX ET EN PERSONNES LA PRETENDUE NE L'EST POINT  L'universalité de l'Eglise ne requiert pas que toutes les provinces ou nations reçoivent tout a coup l'Evan- gile, il suffit que cela se fasse l'une après l'autre ; en telle sorte neantmoins que l'on voye tousjours l'Eglise, et qu'on connoisse que c'est celle la mesme qui a esté par tout le monde ou la plus grande partie, affin qu'on puisse dire : Venite ascendamus ad montem Domini'^. Car l'Eglise sera comme le soleil, dict le Psalme*, et le soleil n'esclaire pas tousjours également en toutes les contrées, il suffit qu'au bout de l'an nemo est qui se ahscondat a calore ejus"^ ; ainsy suffira il qu'au bout du siècle la prédiction de Nostre Seigneur soit vérifiée, qu'il fallait que la pénitence et remission des péchés fust preschee en toutes nations, commençant des Hier usaient *. Or l'Eglise au tems des Apostres jetta par tout ses branches, chargées du fruict de l'Evangile, tesmoin saint Pol*; autant en dict saint Irenee en son tems**, qui parle de l'Eglise Romaine ou Papale a laquelle il veut que tout le reste de l'Eglise se réduise « pour sa plus puissante principauté. » Prosper parle de nostre Eglise, non de la vostre, quand il dict * (i) : « Par l'honneur pastoral, Rome, siège de Pierre, Est chef de l'univers ; ce qu'elle n'a par guerre Ou par armes reduict a sa sujettion, Ores lui est acquis par la religion ; »  (Is., II, 3.) (Ps. LXXXVIII, 37.  (Ps. XVIII, 7.)  Luc, ult.  47-  (Coloss., I, 6.) (Supra, art. iv, p.  93-  * (Carmen de In- gratis, Pars P, lin. 40-42.)  (i) Voir les Notes préparatoires, p. 17.  136 Les Controverses car vous voyes bien qu'il parle de l'Eglise qui recon- noissoit le Pape de Rome pour chef. Du tems de saint Grégoire il y avoit par tout des Catholiques, ainsy qu'on peut voir par les epistres qu'il escrit aux Evesques presque de toutes nations. Au tems de Gratien, Valen- tinien et Justinien, il y avoit par tout des Catholiques Romains , comme on peut voir par leurs lois. Saint *(Videinejusvita. Bernard en dict autant de son tems*; et vous sçaves CLx5i:xv,coi.294.) bien ce qui en estoit au tems de Godefroy de Bouillon. Despuys, la mesme Eglise est venue a nostre aage, et tousjours Romaine et Papale, de façon qu'encores que nostre Eglise maintenant seroit beaucoup moindre qu'elle n'est, elle ne lairroit pas d'estre très Catholique, parce que c'est la mesme Romaine qui a esté, et [qui a] pos- sédé presque en toutes les provinces des nations et peuples innombrables. Mais elle est encores mainte- nant estendue sur toute la terre, en Transylvanie, Po- logne, Hongrie, Bohesme et par toute l'Allemagne, en France, en Italie, en Sclavonie, en Candie, en Espagne, Portugal, Sicile, Malte, Corsique, en Grèce, en Arménie, en Syrie, et tout par tout : mettray je icy en conte les Indes orientales et occidentales ? Dequoy qui voudroit voir un abrégé, il faudroit qu'il se trouvast en un Chapitre ou assemblée générale des religieux de saint François appelles Observantins : il verroit venir de tous les coins du monde, viel et nouveau, des religieux a l'obéissance d'un simple, vil et abject ; si que ceux la seulz luy sembleroyent suffire pour vérifier ceste partie de la •(Cap. I, II.) prophétie de Malachie * : In omni loco sacrificatur nomini meo. Au contraire. Messieurs, les prétendus ne passent point les Alpes de nostre costé ni les Pyrénées du costé d'Espagne, la Grèce ne vous connoist point, les autres trois parties du monde ne sçavent qui vous estes, et n'ont jamais ouy parler de Chrestiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous estes ; en Allemagne, vos compaignons luthériens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent vostre por- tion, en Angleterre, les puritains, en France, les liber-  Partie I. Chapitre m. Article xix. 137 tins : comme donques oses vous plus vous opiniastrer de demeurer ainsy a part du reste de tout le monde a guise des Luciferiens et Donatistes ? Je vous diray, comme disoit saint Auefustin a l'un de vos semblables *, * (^e unit. EccL, ° . C, XVII.) daignes, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Nostre Seigneur ayt perdu son Eglise par tout le monde, et qu'il ayt commencé de n'en avoir qu'en vous seulement. Certes, vous appau- vrisses trop Nostre Seisrneur, dict saint Hierosme *. * (Supra art. xvn, ^ ° . . , . p- 134; cf. p. 71.) Que si vous dites que vostre église a desja esté catholi- que au tems des Apostres, monstres donques qu'elle estoit en ce tems la, car toutes les sectes en diront de mesme ; comme enteres vous ce petit bourgeon* de religion prétendue sur ce saint et ancien tige ? faites que vostre église touche par une continuation perpé- tuelle l'Eglise primitive, car si elles ne se touchent, com- ment tireront elles le suc l'une de l'autre ? ce que vous ne feres jamais. Aussi ne seres vous jamais, si vous ne vous ranges a l'obéissance de la Catholique, vous ne seres jamais, dis je, avec ceux qui chanteront : Rede- tnisti nos in sanguine tuo, ex omni tribu, et lingua, et populo , et natione, et fecisti nos Deo nostro regnum *. ' * ^^p^"' ^' 9' '''^  ARTICLE XIX  LA VRAYE EGLISE DOIT ESTRE FECONDE  Peut estre dires vous, a la fin, que cy après vostre Eglise estendra ses ailes, et se fera catholique par la succession du tems. Mays ce seroit parler a l'adventure; car, si les Augustin, Chrysostome, Ambroise, Cyprien, Grégoire, et ceste grande trouppe d'excellens pasteurs, n'ont sceu si bien faire que l'Eglise n'ayt donné du nez en terre bien tost après, comme [disent] Calvin,  138  Les Controverses  Luther et les autres, quelle apparence y a il qu'elle se fortifie maintenant sous la charge de vos ministres, lesquelz ni en sainteté ni en doctrine ne sont compa- rables avec ceux la ? Si l'Eglise en son printems, esté et automne n'a point fructifié, comme voules vous qu'en son hiver l'on en recueille des fruictz ? si en son adolescence elle n'a cheminé, ou voules vous qu'elle coure maintenant en sa viellesse ? Mais, je dis plus. Vostre église non seulement n'est pas catholique (0, mais encores ne le peut estre, n'ayant la force ni vertu de produire des enfans, mais seule- ment de desrobber les poussins d'autruy, comme faict la perdrix ; et neantmoins c'est bien l'une des propriétés de l'Eglise d'estre féconde, c'est pour cela entre autres qu'elle est appellee colombe"^ ; et si son Espoux quand il veut bénir un homme rend sa femme féconde, sicut vitis ahundans in laterihus domus suce *^ et faict habiter la stérile en une famille, mère joyeuse en plusieurs enfans *^ ne devoit il pas avoir luy mesme une Espouse qui fust féconde ? Mesme que selon la sainte Parole, ceste déserte devoit avoir plusieurs enfans *^ ceste nouvelle Hierusalem devoit estre très peuplée et avoir une grande génération : Am^bulabunt g entes in lumine tuo, dict le Prophète *, et reges in splendore ortus tui. Leva in circuitu oculos tuos et vide; omnes isti congregati sunt, venerunt tibi ; filii tui de longe venient, et filice tuce de latere (Cap. LUI, II, 12.) surgent ; et*: Pro eo quod laboravit anima ejus, ideo dispertiam ei plurimos. Or ceste fécondité de belles nations de l'Eglise se faict principalement par la prédication, comme dict saint Pol * : Per Evangelium ego vos genui : la prédication donques de l'Eglise doit estre enflammée : Ignitum, eloquium, tuum Domine"^ ; et qu'y a il de plus actif, vif, pénétrant et prompt a convertir et bailler forme aux autres matières que le feu ?  (Cant., VI, 8.;  (Ps. cxxvii, 3.)  Ts. cxii, g.)  * (Is. , LIV, I Galat., IV, 27.) * (Is., Lx, 3, 4.  (I Cor., IV, 15.)  (Ps. cxviii, 140.  \\) Voir les Notes préparatoires, p. 17.  Partie I. Chapitre m. Article xx. 139  ARTICLE XX  L EGLISE CATHOLiaUE EST FECONDE ; LA PRETENDUE STERILE  Telle fut la prédication de saint Augustin en Angle- terre, de saint Boniface en Allemagne, de saint Patrice en Hibernie, de Willibrord en Frize, de Cyrille en Bohesme, d'Adalbert en Pologne, d'Astric en Hongrie, de saint Vincent Ferrier, de Jean Capistran ; telle la prédication des Frères fervens , Henry, Anthoyne, Louis , de François Xavier et mille autres, qui ont renversé l'idolâtrie par la sainte prédication, et tous estoyent Catholiques Romains. Au contraire, vos ministres n'ont encores converti aucune province du paganisme, ni aucune contrée : diviser le Christianisme, y faire des factions, mettre en pièces la robbe de Nostre Seigneur, ce sont les effectz de leurs prédications. La doctrine Chrestienne Catholi- que est une douce pluie, qui fait germer la terre infruc- tueuse ; la leur ressemble plustost a une gresle qui rompt et terrasse les moissons, et met en friche les plus fructueuses campaignes. Prenes garde a ce que dict saint Jude * : Malheur, ce dict, a ceux qui périssent *(Vers. 11-13.) en la contradiction de Coré ; Coré estoit schismati- que : ce sont des souilleures a un festin, banque- tans sans crainte, se repaissans eux inesmes, nuées sans eaux qui sont transportées ça et la aux vens ; ilz ont l'extérieur de TEscriture, mays ilz n'ont pas la liqueur intérieure de l'esprit : arbres infructueuses de V automne ; \\z n'ont que la feuille de la lettre, et n'ont point le fruict de l'intelligence: doublement mort^ ; mortz quant a la charité par la division, et quant a la foy par l'heresie : desracinés, qui ne peuvent plus porter fruict; flot^ de mer agitée, escumans ses  140  Les Controverses  confusions de desbatz, disputes et remuemens ; planè- tes errantes, qui ne peuvent servir de guide a per- sonne, et n'ont point de fermeté de foy mays changent a tous propos. Quelle merveille donques si vostre prédication est stérile ? vous n'aves que l'escorce sans le suc, comme voules vous qu'elle germe ? vous n'aves que le fourreau sans espee, la lettre sans l'intelligence, ce n'est pas merveille si vous ne pouves dompter l'ido- (II Tim., III, 9.) latrie : ainsy saint Pol*, parlant de ceux qui se séparent de l'Eglise, il proteste sed ultra non proficient. Si donques vostre église ne se peut en aucune façon dire catholique jusques a présent, moins deves vous espérer qu'elle le soit cy après ; puysque sa prédication est si flaque, et que ses prescheurs n'ont jamais entrepris, (De Praescr., c. comme dict Tertullicn *, la charge ou commission ethni- cos convertendî, mays seulement nostros evertendi, O quelle église, donques, qui n^est ni unie, ni sainte, ni catholique, et, qui pis est, ne peut avoir aucune ray- sonnable espérance de jamais l'estre.  \  XLII.)  ARTICLE XXI  DU TITRE D'APOSTOUaUE I MARaUE Q.UATRIESME (l)  i) L'exposition de cette dernière Marque ne se trouve pas dans le Ms.  SECONDE PARTIE  LES RÈGLES DE LA FOI  AVANT-PROPOS  Si l'advis que saint Jan donne *, de ne croire pas a * l Jo. iv. t- r. toutes sortes d'esprit^, fut onques nécessaire, il l'est maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'esgale asseurance, demandent créance parmi la Chrestienté en vertu de la Parole de Dieu ; après lesquelz on a veu tant de peuples s^escar-  SECONDE PARTIE QUE LES MINISTRES DE LA RELIGION PRETENDUE ONT VIOLÉ TOUTES LES LOIX DE LA FOI CATHOLIQUE AVANT PROPOS Si l'advis que S* Jan donn'aux Chrestiens, de ne croire pas a toutes sortes d'esprit^, fut onques nécessaire, il l'est encores maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'egale asseurance, demandent créance parmi le Christianisme en vertu de la Parole de Dieu ; après lesquelz on a veu tant de peuples  142 Les Controverses ter, qui ça qui la, chacun a son humeur. Comme le vulgaire admire les comètes et feuz erratiques, et croit que ce soyent des vrays astres et vives planettes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se coulent en l'air le long de quelques vapeurs qui leur servent de pasture, et n'ont rien de commun avec les astres incorruptibles que ceste grossière clarté qui les rend visibles ; ainsy le misérable peuple de nostre aage, voyant certaines chaudes cervelles s'en- flammer a la suite de quelques subtilités humaines, esclairees de l'escorce de la Saint'Escriture, il a creu que c'estoyent des vérités célestes et s'y est amusé, quoy que les gens de bien et judicieux tesmoignoient que ce n'estoyent que des inventions terrestres qui, se consumants peu a peu, ne laisseroyent autre memoyre d'elles que le ressentiment de beaucoup de malheurs qui suit ordinairement ces apparences. O combien estoit il nécessaire de ne s'abbandonner pas a ces espritz, et premier que de les suivre, esprouver (I joan.,ubisup,) s'îl^ cstoyetit de Dieu ou non"^. Helas, il ne manquoit  s'escarter, qui ça qui la, chacun a son humeur. Par ce que, comm'on voit le vulgaire admirer les comètes et les feux erratiques, et croire fermement que ce soyent des vrays astres et vives planètes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se vont coulant en l'air le long de quelques vapeurs, pendant quil y a dequoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent toujours quelques mauvays effectz, et n'ont rien de commun avec ces astres incorruptibles que ceste grossière clairté ; ainsy les misérables peu- ples de nostr'aage, voyans certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaynes, par ce quilz y voyoient quelques lueurs de l'escorce de la Parole de Dieu, ilz ont creu que c'estoyent des vérités caelestes et sy sont amusés, quoy que les gens de bien descouvroyent et tesmoignoyent que ce n'estoyent que des inventions terrestres, et qui bien tost se dissiperoyent, ne layssans autre memoyre d'elles que le ressentiment des malheurs qui les suyvent. , O combien donques estoit il nécessaire de ne s'abandonner pas a ces espritz, et premier que de les suyvre, esprouver sil{ estoyent de  Partie II. Avant-Propos. 143 pas de pierres de touche pour descouvrir le bas or de leurs happelourdes, car Celuy qui nous fait dire que nous esprouvions les espritz, ne l'eut pas fait s'il n'eut sçeu que nous avions des Règles infallibles pour re- connoistre le saint d'avec le faint esprit. Nous en avons donques_, et personne ne le nie, mays les séducteurs en produysent de telles quilz les puyssent faulser et plier a leurs intentions, affin qu'ayans les règles en main ilz se rendent recommandables, comme par un signe infal- lible de leur maistrise, sous prétexte duquel ilz puys- sent former une foy et religion telle qu^ilz l'ont ima- ginée. Il importe donques infiniment de sçavoir quelles sont les vrayes Règles de nostre créance, car on pourra aysement connoistre par la l'heresie d'avec la vraye Religion, et c'est ce que je pretens faire voir en ceste seconde Partie. Voyci mon projet. La foy Chrestienne est fondée sur  Dieu ou non. Helas, il ne manquoit pas de pierres de touche pour connoistre le bas or avec lequel ilz pipoyent le monde, car Celuy qui nous faict dire que nous esprouvions les espritz silz sont bons ou mauvais, ne l'eut pas faict sil n'eust sceu que nous avions des Règles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le fainct esprit, le consolateur d'avec le desolateur. Nous avons donques en l'Eglise des Règles très certaines pour connoistre la doctrine fause d'avec la vraye, et pour establir nostre foi ; (i) et c'est icy ou je vous ap- pelle et vous prie de juger justement : car je me prometz de vous monstrer tresclairement, que Calvin et tous vos ministres ont violé en leur doctrine toutes les Règles de la vraye foi et de la praedication Chrestienne ; affm que, comme vous aves veu quilz vous ont levé du giron de la vraye Eglise, vous voyes encores quilz vous ont osté la lumière de la vraye foi, pour vous faire suivre les illusions de leurs nouveautés. Voyci donq mon projet. || La foy Chrestienne est fondée sur la Parole de Dieu tout puyssant, sauveraine et suprême vérité ; c'est cela qui la met au premier rang et degré d'asseurance et certitude, en quoy il ni a rien icy bas qui luy soit comparable. Or, ceste Parole a esté révélée || La foy Chrestienne est fondée sur la Parolle (i) Voir i^e leçon, p. 147.  144 Les Controverses la Parole de Dieu ; c'est cela qui la met au sauverain degré d'asseurance, comm'ayant a garend cest'eternelle et infallible vérité ; la foy qui s'appuye ailleurs n'est pas Chrestienne : donques la Parole de Dieu est la vraye Règle de bien croire, puysqu'estre Fondement et Règle en cest endroit n'est qu'une mesme chose. Mays parce que ceste Règle ne règle point nostre croyance sinon quand ell'est appliquée , proposée et declairee, et que cecy se peut bien et mal faire, il ne suffit pas de sçavoir que la Parole de Dieu est la vraye et infallible Règle de bien croire, si je ne sçai quelle parole est de Dieu, ou ell'est, qui la doit proposer, appliquer et declairer. J'ay beau sçavoir que la Parole de Dieu est infallible, que pour tout cela je ne croiray pas que Jésus est le Christ Fil^ de Dieu vivant, si je ne suys asseuré que ce soit une parole révélée par le *(Matt., XVI, 16,17.) Père céleste *^ et quand je sçauray cecy, encor ne seray je pas hors d'affaire, si je ne sçai comm'il le faut enten- dre, ou d'une filiation adoptive, a l'Arrienne, ou d'une filiation naturelle, a la Catholique, Il faut donques, outre ceste première et fondamentale Règle de la Parole de Dieu, un'autre seconde Règle par laquelle la première nous soit bien et deuement pro- posée, appliquée et declairee ; et affin que nous ne soyons sujetz a l'esbranslement et a l'incertitude, il faut  que Dieu luymesme a révélée ; c'est cela qui la met au suprême rang et degré d'asseurance et certitude, comm'ayant a tesmoin cest'eternelle et infallibrauthorité et vérité première, qui ne peut non plus décevoir et mentir qu'elle peut estre deceiie et trompée ; la foy qui n'a son fondement et appuy sur la Parole de Dieu n'est pas une foy Chrestienne : donques la Parole de Dieu est la vraye Règle de bien croire aux Chrestiens, puisqu'estre Fondement et Règle n'est qu'une mesme chose en cest endroit. Mays parce que ceste infallible Règle ne peut régler nostre croyance sinon qu'elle nous soit appliquée, prechee, proposée et declairee, et qu'elle peut estre bien et mal appliquée, prechee, proposée et declairee, encor devons nous avoir  Partie II. Avant-Propos. 145 que non seulement la première Règle, a sçavoir, la Parole de Dieu, mays encor la seconde, qui propose et applique ceste Parole, soit du tout infallible, autrement nous demeurons tousjours en bransle et en doute d'estre mal réglés et appuyés en nostre foy et croyance ; non ja par aucune defaute de la première Règle, mays par l'erreur et faute de la proposition et application d'icelle. Certes, le danger est égal, ou d'estre desreglé a faute d'une juste Règle, ou d'estre mal réglé a faute d'un'application bien réglée et juste de la Règle mesme. Mays cest'infallibilité, requise tant en la Règle qu'en son application, ne peut avoir sa source que de Dieu mesme, vive et première fontaine de toute vérité. Passons outre. Or, comme Dieu révéla sa Parole et parla pieça par la bouche des Pères et Prophètes, et finalement en son Filz *, puys par les Apostres et Evangelistes, desquelz *(Heb., i, 1,2.) les langues ne furent que comme plumes de secrétaires escrivans très promptement*, employant en ceste sorte * (Ps. xuv, 2.) les hommes pour parler aux hommes, ainsy, pour pro- poser, appliquer et declairer ceste sienne Parole, il employé son Espouse visible comme son truchement et l'interprète de ses intentions. C'est donq Dieu seul qui règle nostre croyance Chrestienne , mais avec deux instrumens, en diverse façon : i. par sa Parole, comm'avec une règle formelle ; 2. par son Eglise, com- me par la main du compasseur et régleur. Disons ainsy : Dieu est le peintre, nostre foy la peinture, les couleurs sont la Parole de Dieu, le pinceau c'est l'Eglise. Voyla donques deux Règles ordinaires et infallibles de nostre croyance : la Parole de Dieu qui est la Règle fondamentale et formelle, l'Eglise de Dieu qui est la Règle d'application et d'explication. Je consider'en ceste seconde Partie et l'un'et l'autre ; mays, pour en rendre le traitté plus clair et maniable, j'ay divisé ces deux Règles en plusieurs, en ceste sorte : La Parolle de Dieu, Règle formelle de nostre foy, ou ell'est en VEscriture ou en la Tradition : je traitte premièrement de l'Escriture, puys de la Tradition. 10  146 Les Controverses L'Eglise, qui est la Règle d'application, ou elle se declaire en tout son cors universel, par une croyance générale de tous les Chrestiens, ou en ses principales et nobles parties, par un consentement de ses pasteurs et docteurs ; et en ceste dernière façon, ou c'est en ses pasteurs assemblés en un lieu et en un tems, comm'en un Concile gênerai, ou c'est en ses pasteurs divisés de lieux et d'aage mays assemblés en union et correspon- dance de foy, ou bien, en fin, ceste mesm'Eglise se declaire et parle par son chef ministerial : et ce sont quattre Règles explicantes et applicantes pour nostre foy(i), V Eglise en cors, le Concile gênerai, le consente- ment des Pères et le Pape ; outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher d'autres, celles ci suffisent pour affermir les plus inconstans. Mays Dieu, qui se plait en la surabondance de ses faveurs, voulant ayder la foiblesse des hommes, ne laisse pas d'adjouster par fois a ces Règles ordinaires (je parle des l'establissement et fondation de l'Eglise), une Règle extraordinaire, trescertaine et de grand'impor- tance ; c'est le Miracle, tesmoignage extraordinaire de la vraye application de la Parole divine. En fin, la Ray son naturelle peut encor estre ditte une Règle de bien croire, mays négativement, et non pas affirmativement ; car qui diroit ainsy, telle proposi- tion est article de foy donques ell'est selon la rayson naturelle, ceste conséquence affirmative seroit mal tirée, puysque presque toute nostre foy est hors et par dessus nostre rayson ; mays qui diroit, cela est un article de foy donques il ne doit pas estre contre la rayson naturelle, la conséquence est bonne, car la rayson naturelle et la foy estans puysees de mesme source et sorties d'un mesm'autheur, elles ne peuvent estre contraires. Voyla donques 8 Règles de la foy : l'Escriture, la Tradition, l'Eglise, le Concile, les Pères, le Pape, les Miracles, la Rayson naturelle. Les deux premières ne sont qu'une Règle formelle, les quattre suivantes ne (i) Voir les Notes préparatoires, p. i8.  Partie II. Avant-Propos. 147 sont qu'une Règle d'application, la septième est extra- ordinaire, et la huittiesme, négative. Au reste, qui voudroit réduire toutes ces règles en une seule, diroit que l'unique et vraye Règle de bien croire c'est la Parolle de Dieu, preschëe par l'Eglise de Dieu. (i) Or, j'entreprens icy de monstrer, clair comme le beau jour, que vos reformateurs ont violé et forcé toutes ces Règles (et il suffiroit de monstrer quilz en ont violé l'une, puysqu'elles s'entretiennent tellement que qui en viole l'une viole toutes les autres) ; affin que, comme vous aves veu en la première Partie qu'ilz vous ont levés du giron de la vraye Eglise par schisme, vous connoissies en ceste seconde Partie quilz vous ont osté la lumière de la vraye foy par l'heresie, pour vous tirer a la suitte de leurs illusions. Et me tiens tousjours sur une mesme posture, car je prouve premièrement que les Règles que je produitz sont très certaines et infalli- bles, puys je fais toucher au doigt que vos docteurs les ont violées. C'est icy ou je vous apelle au nom de Dieu tout puyssant, et vous somme de sa part de juger justement.  Or, je me tiendray tousjours sur une mesme démarche, car je monstreray, p"^*, que les Règles que je produis sont vrayes Règles, puys, comme vos docteurs les ont violées : et par ce que je ne pourrois pas aysement prouver que nous autres Catholiques les avons gardé très étroittement, sans faire des grandes interruptions et digressions, je reserveray ceste preuve pour la troysiesme Partie, qui servira encores d'une très sohde confirmation pour toute la seconde Partie. (i) Voir 2* leçon, p. 143.  CHAPITRE PREMIER QUE LES REFORMATEURS PRvETENDUS ONT VIOLÉ LA SAINTE ESCRITURE, PREMIERE REGLE DE NOSTRE FOI ARTICLE PREMIER LA SAINTE ESCRITURE EST UNE VRAYE REGLE DE LA FOI CHRESTIENNE  Je sçai bien, Dieu merci, que la Tradition a esté devant tout'Escriture, puysque mesm'une bonne partie de l'Escriture n'est que Tradition reduitte en escrit avec un'infallible assistence du Saint Esprit ; mays parce que l'authorité de l'Escriture est plus aysement receûe par les reformateurs que celle de la Tradition, je com- mence par cest endroit, pour faire un 'entrée plus aysee a mon discours. La Sainte Escriture est tellement Règle a nostre créance Chrestienne, que qui ne croit tout ce qu'elle  QUE LES MINISTRES ONT VIOLE LA S" ESCRITURE I. REGLE DE NOSTRE FOI LA STE ESCRITURE EST UNE VRAYE REGLE DE LA FOI CHRESTIENNE L'Escriture Sainte est tellement Règle de la foi Chrestienne, que nous sommes obligés par toute sorte d'obligation de croire tresexac-  I  1  Partie II. Chapitre r. Article i. 149 contient, ou croit quelque chose qui luy soit tant soit peu contraire, il est infidèle. Nostre Seigneur y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy * ; les Saddu- * Jo. v. f. 39. ceens erroyent pour ignorer les Escritures*: c'est donq * Marc. xn. ^. 24. un niveau très asseuré, c'est un flambeau luysant es obscurités^ comme parle saint Pierre *, lequel ayant * H Pet. i. f. ig. ouy luy mesme la voix du Père en la Transfiguration du Filz, se tient néanmoins pour plus asseuré au tesmoignage des Prophètes qu'en ceste sienne expé- rience*. Mays je pers tems ; nous sommes d'accord en * (Vers. 17, 18.) ce point, et ceux qui sont si désespérés que d'y contre- dire, ne sçavent appuyer leur contradiction que sur l'Escriture mesme, se contredisans a eux mesmes avant que de contredire a l'Escriture, se servans d'elle en la protestation quilz font de ne s'en vouloir servir.  tement tout ce qu'elle contient, et de ne croire jamais ce qui luy est tant soit peu contraire ; car, si Nostre S"" mesme y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy *, il faut que ce soit un niveau * Jo. 5. i. 39. tresasseuré. Les Sadducaeens erroyent, par ce quil{ ne sçavoyent pas les Escritures'^ ; ilz eussent mieux faict d'y esfr'ententif{, comme a un * Marc. 12. *. 24. flamhleau esclairant es obscurités, selon l'advis de S* Pierre*, lequel * 2. Petri i. -ir. 19. ayant luy mesme ouy la voix du Père en la Transfiguration, se tient neantmoins pour^/ws asseuré es tesmoignages des Prophètes qu'en ceste sienne expérience. Quand Dieu dict a Josué*, Non recédât volumen * Cap. i.jos. i/. 8. legis hujus ah ore tuo, il monstre clairement quil vouloit quil l'eut tousjours en l'esprit, et que jamais il ny laissât entrer aucune per- suasion contraire. Mays je pers le tems ; ceste dispute seroit propre contre les libertins, nous sommes a mon advis d'accord en ce point.  150 Les Controverses  ARTICLE II  COMBIEN ON DOIT ESTRE JALOUX DE SON INTEGRITE  Je ne m'arresteray pas nomplus gueres en cest en- droit. On appelle la Sainte Escriture, Livre du Viel et Nouveau Testament. Certes, quand un notaire a expé- dié un contract ou autr'escriture, personne n'y peut remuer, oster, adjouster un seul mot sans estre tenu pour faulsaire : voicy l'Escriture des testamentz de  COMBIEN ON DOIT ESTRE ZELATEURS DE LEUR INTEGRITE Quand un testament est confirmé par la mort du testateur, il ny faut adjouster, diminuer ni changer en façon que ce soit ; qui le feroit seroit tenu pour un faulsaire. Les Saintes Escritures ne sont ce pas le vray testament de Dieu aeternel, bien scelé et signé en son * Heb. 9. i. 15. sang, confirmé par la mort * ? que sil est ainsy, combien se faut il garder d'y remuer aucune chose ? « Le testament, » dict ce grand *Lib. I, ff.de testam.(i) Ulpien *, « est une juste sentence de nostre volonté de ce que quelqu'un veut estre faict après sa mort. » Nostre S^ par ses Saintes Escritures, nous monstre ce quil nous faut croire, espérer, aimer et faire, et ce par une juste sentence de sa volonté : si nous y adjous- tons, levons ou changeons, ce ne sera plus la juste sentence de la volonté de Dieu ; car Nostre S'" ayant adjusté l'Escriture a sa volonté, si nous y adjoustons du nostre nous ferons la sentence plus grande que la volonté du testateur, si nous en ostons nous la ferons plus courte , si nous y changeons nous la rendrons bossue , et ne pourra plus joindre a la volonté de l'autheur ni n'en sera plus la juste sentence. Quand deux choses sont bien justes ensemble, qui (i) Domitii Ulpiani fragmenta Libri regularutn singularis, vulgo, Tituli ex corpore Ulpiani^ tit. xx ; in Jure Antejustinianeo. Cf. Digest., 1. XXVIII, tit. I.  Partie IL Chapitre i. Article ii. 151 Dieu, expédiée par les notaires a ce députés ; comme la peut on altérer tant soit peu sans impieté ? Les promesses ont esté dittes a Abraham , dict saint Pol *, et a sa semence; il n'est pas dict y et ses *Ad. Gai. m.y. 16. semences, comme en plusieurs, mais comm'en une, et a ta semence, qui est Christ : voyes, je vous prie, combien la variation du singulier au plurier eust gasté le sens misterieux de ceste parole. Nostre Seigneur met en conte les iota, voire les seulz petitz pointz et accens de ces saintes paroles * ; combien donques est il * Mat. v. y. 18. jaloux de leur intégrité ? Les Ephrateens disoyent sibolleth, sans oublier pas une seule lettre, mais par ce quilz ne prononçoyent pas asses grassement, les Galaa- dites les esgorgeoyent sur le quay du Jordain *. La * Jud. xn. f. 6. seule différence de prononciation en parlant , et en escrit la seule transposition d'un point sur la lettre sein, faysoit tout Tequivocque, et, changeant le j'amin en semol, au lieu d'un espi de blé signifioit une. charge ou fardeau. Qui change tant soit peu la sainte Parole  remue l'une levé l'égalité et la justice d'entr'elles ; si c'est une juste sentence, a quoy faire l'altérerons nous? Nostre S*" met en conte jusques au moindr'accent, au moindr'iota de l'Escriture *, combien donques punira il ceux qui violeront leur * Mat. 5. {i-. 18.) intégrité ? Mes frères, dict S* Pol *, je parle selon l'homme, mays * Ad Gai. 3. i. 15. 16. personne ne mesprise le testament confirmé d'un homme, ni n'ordonne outre cela; et pour monstrer combien il importe de laisser l'Escritur'en sa naiveté, il met un exemple : Ahrahœ dictœ sunt promissiones et semini ejus ; non dicit, et seminibus, quasi in multis, sed quasi in uno, et semini tuo, qui est Christus : voyes vous, je vous prie, la variation du singulier au plurier combien ell'eust gasté le sens ? Les Ephra- teens* disoyent sibollet, et n'oublioient pas une seule lettre, mays *Jud. 12.^.6. par ce quilz ne le prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les egorgeoyent sur le quai du Jordain. La seule différence de pro- nonciation faysoit l'équivoque en parlant, et en escrit la transposition d'un seul point sur la lettre sein faict le mesme équivoque, et, changeant le jamin en semol, au lieu d'un espi de blé signifie un pois ou charge : mays quicomque change, levé ou joint le moindre accent du monde en l'Escriture il est sacrilège, et mérite la mort,  152 Les Controverses * (Levit., X, 9, 10.) mérite la mort, qui ose mesler le prophane au sacré *. * (joan., I, I, 2.) Les Arriens corrompoyent ceste sentence de l'Evangile*, In principio erat Verhum, et Verbutn erat apud Deum, et Deiis erat Verhum, Hoc erat in principio apud Deum, en remuant un seul point; car ilz lisoyent * Aug., 1. III. De ainsy * : Et Verhum erat apud Deum,, et Deus erat. doct. Christiana, /^ ''■,,.. ^ - . ^ -, c. II. (ici ilz mettoyent le point, puys recommençoyent la période.) Verhum hoc erat in principio apud Deum. Hz mettoyent le point après Verat, au lieu de le mettr'apres le Verhum ; ce qu'ilz faysoyent de peur d^estre convaincuz par ce texte que le Verbe est Dieu : tant il faut peu pour altérer ceste sacrée Parole. Quand le vin est meilleur il se ressent plus tost du goust estranger, et la cimetrie d'un excellent tableau ne peut souffrir le meslange de nouvelles couleurs. Le sacré depost des Saintes Escritures doit estre gardé bien conscientieusement.  qui ose mesler le prophane au sacré. Les Arriens, comme raconte L. 3 de doct. Christian, gt Aug. *, corrompoyent ceste sentence du p"" chapitre de S* Jan, In principio erat Verhum, et Verhum erat apud Deum, et Deus erat Verhum, Hoc erat, etc., sans y faire autre que remuer un point ; car ilz lisoyent ainsy, Et Verhum erat apud Deum, et Deus erat. Verhum hoc erat in principio apud Deum, au lieu de lire, et Deus erat Ver- hum. Hoc erat in principio apud Deum ; ce quilz faysoyent de peur d'accorder que le Verbe fut Dieu : tant il faut peu pour altérer ceste sacrée Parole. Qui manie des grains de verre, sil en pert un, deux, et trois, c'est peu de chose, mays sil en avoit autant perdu de perles orien- tales, la perte seroit grande. Quand le vin est meilleur il se ressent plus tost du goust estranger, et l'exquise cimetrie d'un excellent tableau ne peut souffrir le meslange de nouvelles coleurs. Tell'est la conscience avec laquelle nous devons contempler et manier le sacré depost des Escritures.  c. 2  Partie II. Chapitre i. Article m. 153  ARTICLE III  CLUELZ SONT LES LIVRES SACRES DE LA PAROLE DE DIEU  Tous les Livres sacrés sont premièrement divisés en deux, en ceux du Viel Testament et ceux du Nouveau : puys, autant les uns que les autres sont partagés en deux rangs ; car il y a des Livres, tant du Viel que du Nouveau Testament, desquelz on n'a jamais douté quilz ne fussent sacrés et canoniques, il y en a desquelz l'on a douté pour un tems, mais en fin ont estes receuz avec ceux du premier rang. Ceux du premier rang, de TAncien Testament, sont les cinq de Moyse, Josué, les Juges, Ruth, 4 des Rois, 2 de Paralipomenon , 2 d'Esdras et de Nehemie, Job, 150 Pseaumes, les Proverbes, l'Ecclesiaste, les Canti- . ques, les 4 Prophètes plus grans, les douze moindres. Ceux ci furent canonisés par le grand Sinode ou se trouva Esdras et y fut scribe^ et jamais personne ne douta de leur authorité qui ne fut tenu péremptoirement hérétique, comme nostre docte Genebrard va deduysant *soiisrandumon- en sa Chronolo^'ie^. Le second ranef contient ceuxci : de 3638, pag. 92 de -r^ -T- . T • ■■ l'édition de Paris, Hester, Baruch, une partie de Daniel, Tobie, Judith, la ran 1589.  QUELZ SONT LES LIVRES SACRES DES SAINTES ESCRITURES Le Concile de Trente* propose ces Livres icy pour sacrés, divins ^ (Sess. iv.) et canoniques : le Genèse, Exode, Levitique, Nombres, Deutero- nome, Josué, Juges, Rutii, quatre des Rois, deux de Paralipomenon, deux d'Esdras, le i., et le 2. qui est appelle de Nehemie, Thobie, Judith, Hester, Job, cent cinquante Psalmes de David, les Paraboles, l'Ecclesiaste, le Cantique des Cantiques, la Sapience, l'Ecclésiastique, Isaïe, Hieremie avec Baruch, Ezechiel, Daniel, Ozëe, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Micheas, Nahum, Abacuc, Sophonias, Aggaee,  154 Les Controverses Sapience, l'Ecclésiastique, les Macchabées, premier et second. Et quand a ceux ci il y [a] grand'apparence, au 9i,^et\"u^b^[ann?i dire du mesme docteur Genebrard *, qu'en l'assemblée 3860, pag. 97. q^j sg f[^ gn Hierusalem pour envoyer les 72 interprètes de Mens, et Pond.; ^^ ^gipte, CCS Livrcs, qui n cstoycut cucorcs en estre josephe,hh. 2 con- g^and Esras fit le premier canon, furent alhors cano- tra Appionem. ^ -^^ Epiphane ne parle nisés, au moius tacitcmcut, puysqu'ilz furent envoyés que pour Baruch. - i • i • i T»r -. avec les autres pour estre traduitz ; hormis les Macha- bees, qui furent receuz en un'autr'assemblee par après, en laquelle les prsecedens furent derechef approuvés : mays comme que ce soit, par ce que ce second canon ne fut pas faict si authentiquement que le premier, ceste canonisation ne leur peut acquérir un'entiere et indubitabl'authorité parmi les Juifz, ni les esgaler aux Livres du premier rang. Ainsy dirai je des Livres du Nouveau Testament, qu'il y en a du premier rang, qui ont tousjours esté reconneuz et receuz pour sacrés et canoniques entre les Catholiques : telz sont les 4 Evangiles, selon saint Mathieu, saint Marc, saint Luc, saint Jan, [les Actes des Apôtres,] toutes les Epistres de saint Pol hormis celle aux Hebrieux, une de saint Pierre, une de saint Jan. Ceux du second rang sont l'Epistre aux Hebrieux, celle de saint Jaques, la seconde de saint Pierre, la second'et troisiesme de saint Jan, celle de saint Jude, l'Apocalipse, et certaines parties de saint Marc, de saint Luc et de l'Evangile et Epistre première de saint Jan : et ceuxci ne furent pas d'indubitabl'authorité en l'Eglise au commencement, mais, avec le tems, en fin furent reconneuz comme ouvrage sacré du Saint Esprit, et non pas tout a coup, mais a diverses fois. Et pre- mièrement, outre ceux du premier rang tant du Viel  Zacharie, Malachie, deux des Machabees, le i. et 2. ; du Testament Nouveau, 4 Evangiles, selon S* Mathieu, S* Marc, S* Luc et S* Jan, les Actes des Apostres par S* Luc, 14 Epistres de S* Pol, aux Romains, deux aux Chorinthiens, aux Galathes, aux Ephesiens, aux Philip., aux Collos., deux aux Thessalo., deux a Timot., a Tit.,  Partie II. Chapitre i. Article m. 155 que du Nouveau Testament^ environ l'an 364 on receut au Concile de Laodicee * (qui depuis fut approuvé au *^^^""- "^- ^^'''^'' Concile gênerai sixiesme (0 *), le livre d'Hester, l'Epis- * Can. n. tre de saint Jaques, la 2. de saint Pierre, la 2. et 3. de saint Jan, celle de saint Jude, et l'Epistre aux Hébreux comme la quatorsiesme de saint Pol. Puys, quelque tems après, au Concile 3. de Cartage*, auquel se * Can. xlvu. trouva saint Augustin*, et a esté confirmé au 6. gênerai, *Prosp., inChron. de TruUes, outre les Livres precedens du second rang, furent receuz au canon comme indubitables, Thobie, Judith, deux des Macchabées, la Sapience, l'Ecclésias- tique et l'Apocalipse ; mais avant tous ceux du second rang, le Livre de Judith fut receu et reconneu pour \ divin au premier gênerai Concile de Nicee, ainsy que saint Hierosme en est tesmoin, en sa prseface sur iceluy. Voyla comm'on assembla les deux rangs en un, et |{ furent renduz d'esgale authorité en l'Eglise de Dieu ; mays avec progrès et succession, comm'une bell'aube levante qui peu a peu esclaire nostr'hemisphere. Ainsy fut dressé au Concile de Cartage la mesme liste des  a Philem., aux Hébreux, deux de S* Pierre, 3 de S* Jan, une de S* Jaq., une de S* Jude et l'Apocalipse. Le Concile de Florence, il y a environ 160 ans, proposa et receut tous les mesmes du consen- tement de toute l'Eglise, tant grecque que latine ; mays long tems au paravant, il y a douze cens ans ou environ qu'au Concile 3 de  Can. 47.  Cartage*, ou S* Augustin se trouva**, tous les mesmes Livres ** Au redt de Prosper, ^ in Chron. furent receuz. Avant le tems du Concile de Chartage ilz ne furent pas tous proposés pour canoniques par aucun décret de l'Eglise générale, mays y en a quelques uns de l'authorité desquelz les Anciens Pères ont douté ; a sçavoir, d'Hester, Baruc, Thobie, Judith, la Sapience, l'Ecclésiastique , les Machabëes , l'Epistr'aux Hebrieux , celle de S* Jaques, la 2. de S* Pierre, la 2. et 3. de S* Jan, de l'Epist. de S* Jude (i) C'est-à-dire, le Concile Quintsext, ou in Trullo, regardé comme sup- plément des Conciles V et VI : voir Concilia, anno 680 ; Corpus Jiiris Canon., Decreti I* Pars, Dist. xvi, Can. v, vi, vu; Hefele, Conciliengesch., 1. XVII. Cf. Concess. tituli Doctoris S. Franc. Sal., Responsio ad animad- versiones, etc., § 99.  i5<  Les Controverses  * Can. n.  * L. II. De doct. Christiana, c, viii.  Livres canoniques qui a despuys tousjours esté en l'Eglise Catholique , et fut confirmée au sixiesme gênerai *, au grand Concile de Florence en l'Union des Armé- niens (i), et en nostr'aage au Concile de Trente, et fut suivie par saint Augustin *.  * Ep. ad Hedib. c. 3. (Ep. cxx.) * L. 2 contr. Pelagian. (S 16.) ' Eus., 1. 3 Hist. c. 39.  et de l'Apocalipse. Mesme en quelques uns des autres Livres, de l'authorité desquelz jamais on ne douta parmi l'Eglise, il y a cer- taines parties lesquelles les Anciens n'ont pas tous tenu pour authentiques, (2) comme l'histoire de Susanne en Daniel, le cantique des trois enfans et l'histoire de la mort du dragon au 14. chap. ; aussy on douta pour un tems du dernier chapitre de S* Marc, comme dict S* Hieros. *, et de l'histoire de la sueur de N. S. au jardin d'Olivet, qui est en S* Luc 22. chap., au récit du mesme S* Hier. * Au chap. 8 de S* Jean on a douté de l'histoire de l'adul- tère, ou au moins quelques uns ont soupçon qu'on ayt douté * ; et du verset 7 du dernier chap. de la p'"® de S* Jan. Voyla tant que nous pouvons sçavoir les Livres et les parties desquelz on aye douté anciennement, dont nous ayons quelqu'apparence, et neantmoins tous ces Livres, avec toutes leurs parties, sont receuz en l'Eglise Catholique. (3) Mais voici la difficulté. Si ces Livres ne furent pas des le com- mencement indubitables en l'Eglise, comm'est ce que le tems leur peut acquérir cest'authorité ? Pour vray, l'Eglise ne sçauroit rendre un Livre canonique sil ne l'estoit, mays l'Eglise peut bien declairer qu'un Livr'est canonique qui n'estoit pas tenu pour tel d'un chacun, et ainsi le mettr'en crédit parmi le Christianisme, nom pas changeant la substance du Livre, qui de soy estoit canonique, mays changeant la persuasion des Chrestiens, la rendant très asseurëe de ce dont elle ne l'estoit pas. Mays l'Eglise mesme, comme se peut elle résou- dre qu'un Livre soit canonique? |l car elle n'est plus conduite par nouvelles révélations, mays par les anciennes apostoliques, esquelles ell'a l'infallibilité d'interprétation ; que si les Anciens n'ont pas eu révélation de l'authorité d'un Livre, comme donques la peut elle sçavoir ? || Elle considère le tesmoignage de l'antiquité, la confor- mité que ce Livre a avec les autres ja receuz, et le commun goust  (i) Dccretum pro Jacobinis, cui inscrta décréta pro Graecis et Armenis, Pars III» Actorum. Concilia, tom. XVIII, col. 1222, edit. Coleti; Venetiis, 1728. (2) Cf. art. V, p. 172. (3) Voir !'■'= leçon, p. 17^.  Partie II. Chapitre i. Article m.  Ï57  A peu que je n'ay oublié de dire, vous ne deves point entrer en scrupule sur ce que je viens de deduyre, encor que Baruch ne soyt pas nommément cotté au Concile de Carthage, mais seulement en celuy de Florence et de Trente ; car, d'autant que Baruch estoit secrétaire de Jeremie*, on mettoit en conte parmi les *jerem.xxxvi.^.4.  que le peuple Chrestien y prend : car, comm'on peut connoistre quell'est la propre viande et prouffitable des animaux quand on les y voit prendre goust et s'y nourrir saynement, ainsy quand l'Eglise voit que le peuple Chrestien savoure volontiers un Livre pour canonique, et y faict son prouffit, elle peut connoistre que c'est une pasture propre et saine aux espritz chrestiens ; et comme, quand on veut sçavoir si un vin est de mesme creu qu'un autre, l'on les apparie, regardant si la couleur, l'odeur et le goust est pareil en tous deux, ainsy quand l'Eglise a bien considéré un Livre avoir le goust, l'odeur et la couleur, la sainteté du stile, de la doctrine et des misteres, semblable aux autres canoniques, et que d'ailleurs ell'a le tesmoignage de plusieurs bons et irréprochables tesmoins de l'antiquité, elle peut declairer le Livre pour frère germain des autres canoniques. Et ne faut pas douter que le S* Esprit n'assiste en ce jugement a l'Eglise, car vos ministres mesme confessent que Dieu luy a remis en garde les Saintes Escritures, et veulent dire que c'est a cest'intention que S* Pol l'apelle* colomne et fermeté de vérité ; et comme les garderoit elle, si elle ne les sçait connoistre et tirer du meslange des autres livres ? Mais combien est il important a l'Eglise qu'elle puysse sçavoir en tems et lieu quell'escriture est sainte et quelle non ; car, si elle recevoit un'escriture non sainte pour s^® elle nous conduiroit a la superstition, et si elle refusoit Ihonneur et la créance qui est deiie a la Parole de Dieu a un'escriture sainte, ce seroit impieté. Si donques Nostre S'" défend son Eglise contre les portes d'enfer, si jamais le S* Esprit luy assista pour luy de si près qu'elle peut dire, Visum est Spiritui S^^ et nohis *, il faut fermement croire quil l'inspire en ces occasions de si grande conséquence ; car ce seroit bien la laisser au besoin, sil la laissoit en ce cas. duquel dépend non seulement un article ou deux de nostre foi, mays le gros de nostre religion. Quand donques l'Eglise a declairé qu'un Livr'est canonique, nous ne devons jamais douter quil ne le soit. Nous [sommes] en ce faict de pareille condition ; car Calvin, et les bibles mesme de Genève, et  * I. ad Timot. •5-)  3. (*.  (Act., XV, 28.)  158 Les Controverses Anciens le Livre de Baruch comm'un accessoire ou appendice de Jeremie, le comprenant sous iceluy, ainsy que cest excellent théologien Belarmin le prouve en ses * (De Verbo Dei), Cofitroverses *. Mays il me suffit d'avoir dict cecy ; mon Mémorial n'est pas obligé de s'arrester sur chasque particularité. Somme, tous les Livres, tant du premier que du second rang, sont également certains, sacrés et canoniques.  ARTICLE IV PREMIERE VIOLATION DES SAINTES ESCRITURES FAITTE PAR LES REFORMATEURS, RETRANCHANS PLUSIEURS PIECES d'iCELLES  Voyla les Livres sacrés et canoniques, que l'Eglise a receu et reconneu unanimement des douze centz ans en ça : et avec quell'authorité ont osé ces nouveaux refor- meurs biffer tout en un coup tant de nobles parties de  les Luthériens, reçoivent plusieurs Livres pour saintz, sacrés et canoniques qui n'ont pas esté advoûez par tous les Anciens pour telz, et desquelz on a esté en doute : si l'on en a douté ci devant, quelle rayson peuvent ilz avoir pour les tenir asseurés et certains » Cont. Ep. Fund. c. 5. maintenant? sinon celle qu'avoit S* Augustin*, Ego vero Evangelia non crederem nisi me Catholicce Ecclesice commoveret authoritas ; ou ' Ser. 191 de Temp. comm'il dict aillcurs*! Novum et Vêtus Testamentum in illo Librorum (Hodie ccxxxvi in Ap- pendice, 5 6.) numéro recipimus quem sanctœ Ecclesice Catholicce tradit authoritas.  COMBIEN LES MINISTRES ONT VIOLE L INTEGRITE DES ESCRITURES Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zèle, et d'entrer en une 'chrestienne Psai. 4. (i'. 5.) cholere, sans péché*, considérant avec quelle témérité ceux qui ne  Partie II. Chapitre i. Article iv. 159 la Bible ? Hz ont raclé une partie d'Hester, Baruch, Thobie, Judith, la Sapience, l'Ecclésiastique, les Macca- bees ; qui leur a dict que ces Livres ne sont pas légi- times et recevables ? pourquoy desmembrent ilz ainsy ce sacré cors des Escritures ? Voyci leurs principales raysons, ainsy que j'ay peu recueillir de la vielle praeface, faicte devant les Livres praetenduz apocriphes imprimés a Neufchastel, de la traduction de Pierre Robert, autrement Olivetanus, parent et amy de Calvin*, et encores de la plus nou- *Beze, en la prae- velle, faitte sur les mesmes Livres par les professeurs et pasteurs pretenduz de l'église de Genève, l'an 1588. I. « Hz ne se trouvent ni en Ebreu ni en Caldee, esquel- les langues jadis ont estes escritz (fors a l'adventure le Livre de Sapience), dont grande difficulté seroit de les restituer. » 2. « Hz ne sont point receuz comme légi- times des Ebreux » ; 3. « ni de toute l'Eglise. » 4. Saint Hierosme dict* quilz ne sont point estimés « idoines » * (Prœfat. in Hb. , 1, , . , , 1 . , . . Salom., Ad Chro- pour « corroborer 1 autnorite des doctrines ecclesiasti- mat. et Heiiodor.) ques. » 5. Le Droit Canon « en profère son jugement* » ; *Can.staRomana, 6. et la Glose*, « qui dict qu'on les lit mais non point ^ pars.) en gênerai, comme si elle vouloit dire que générale- Dist! xvi. Iibid]' ment par tout ne soyent point approuvés. » 7. « Hz ont estes corrompuz et falsifiés, » comme dict Eusebe * ; * L. iv. c. xxn. 8. (( notamment les Macchabées, » 9. et spécialement le second, que saint Hierosme dict '*' « n'avoir trouvé * (in Proiogo ga- en Ebreu. » Voyla les raysons d'Olivetanus. 10. H y Sam.etMai.) a en iceux «. plusieurs choses fauses, » dict la nouvelle praeface. Voyons maintenant ce que valent ces belles recherches.  font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Père Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si célèbre alliance? Comm'oses vous biffer, o minis- tres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclésiastique, les Machabëes ; pourquoy démembres vous ainsy la S*® Escriture ? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés ? L'on en doute en l'ancienne  i6o Les Controverses I. Et quand a la première : estes vous d'avis de ne recevoir pas ces Livres par ce quilz ne se trouvent pas en Hébreu ou Caldee? receves donques Tobie, car saint Hierosme atteste quil Ta traduit de Caldee en Latin, en * Epistoia ad Chro- l'epistre que vous cités vous mesme*(0, qui me fait matium et Helio- dorum. (Praefat. in croire que VOUS n estes guère gens a la bonne loy ; et ° ^^^^'^ Judith, pourquoy non ? qui a aussi bien esté escrit en Caldee, comme dict le mesme saint Hierosme, au Pro- logue ; et si saint Hierosme dict quil n'a peu trouver le 2. des Machabees en Hébreu, qu'en peut mais le pre- mier? receves-le tousjours a bon conte, nous traitterons par après du second. Ainsy vous diray je de l'Ecclésias- tique, que saint Hierosme a eu et trouvé en Hébreu, comme il dict en sa préface sur les Livres de Salomon. Puys donques que vous rejettes esgalement ces Livres escritz en Hébreu et Caldee avec les autres qui ne sont pas escritz en mesme langage, il vous faut chercher un autre prsetexte que celuy que vous aves allégué, pour racler ces Livres du canon : quand vous dittes que vous les rejettes par ce quilz ne sont escritz ni en Hébreu ni en Caldee, ce n'est pas cela, car vous ne rejetteries pas.  Eglise : et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hébreux, de celle de S* Jaques, de S^ Jude, de la seconde de S* Pierre et des deux dernières de S* Jan, et sur tout de l'Apo- * Euseb., 1. 4 Hist c. calipse * ? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves Hieron.,in Epistoia ad faict ceux la? Dites franchement que [ce quel vous en aves faict, ce Dardanum. (Ep. cxxix, , , ■- -' S 3.) n a este que pour contredire a l'Eglise : (2) il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la prière pour les trépassés, l'Ecclésiastique vous piquoit en ce quil attestoit du libéral arbitre et de Ihonneur des reliques ; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accom- moder a vos cervelles, vous aves retranché la s*^ Parole pour ne retrancher point vos fantasies ; comme vous laveres vous jamais (i) Un signe placé en marge de FAutographe, vis-à-vis ces paroles adressées à Olivetanus, indique que le Saint avait reconnu la différence /entre les deux Epîtres ad Chrom. et Heliod., et qu'il avait Tintention de changer sa phrase. (2) Voir i'« leçon, p. 166.  Partie II. Chapitre i. Article iv. i6i a ce conte, Tobie, Judith, le premier des Machabees, l'Ecclésiastique, qui sont escritz ou en Hébreu ou en Caldee. Mays parlons maintenant pour les autres Livres, qui sont escritz en autre langage que celuy que vous voules. Ou trouves vous que la règle de bien recevoir les Saintes Escritures soyt, qu'elles soyent escrittes en ces langages la plustost qu'en Grec ou Latin ? vous dittes quil ne faut rien recevoir en matière de religion que ce qui est escrit, et apportes en vostre belle préface* * (Ad interprétât. , apocryph. Oliva- ie dire des jurisconsultes : Erubescimus sine lege tani.Supra,p. 159.) loqui ; vous semble il pas que la dispute qui se faict sur la validité ou invalidité des Escritures soyt une des plus importantes en matière de religion ? sus donques, ou demeurés honteux, ou produises la Sainte Escriture pour la négative que vous soustenés : certes, le Saint Esprit se declaire aussi bien en Grec qu'en Caldee. On auroit, dittes vous, « grande difficulté de les restituer », puys qu'on ne les a pas en leur langue ori- ginaire. Est ce cela qui vous fasche ? Mais pour Dieu, dittes moy, qui vous a dict quilz sont perduz, corrom- puz ou altérés, pour avoir besoin de restitution ? Vous praesupposes peut estre que ceux qui les auront traduitz sur l'originaire auront mal traduit, et vous voudries avoir l'original pour les collationner et les juger. Laissés vous donq entendre, et dittes quilz sont apo- criphes par ce que vous n'en pouves pas estre vous mesme le traducteur sur l'original, et que vous ne vous pouves fier au jugement du traducteur : il ni aura donq  de ce sacrilège ? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclésiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci ? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a conce- voir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incrédulité vous prive ; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre témérité, et receves l'Escriture. 11  l62  Les Controverses  rien d'asseuré que ce que vous aures conteroUé ? mons- tres moy ceste règle d'asseurance en l'Escriture. Plus, estes vous bien asseuré d'avoir les textes hébreux des Livres du premier rang ainsy purs et netz comm'ilz *VoyesBeiar.(Con- estoyent au tems des Apostres et des 70*? Gardes de trov.de Verbo Dei), , . . 1. II. c. II. mesprendre ; certes, vous ne les suives pas tousjours, et ne sçauries en bonne conscience : monstres moy encor cecy en la Saint' Escriture. Voyla donques vostre pre- mière rayson bien desraysonnable. 2. Quand a ce que vous dittes que ces Livres que vous appelles apocriphes ne sont point receuz par les Hébreux, vous ne dittes rien de nouveau ni d'important ; saint Augustin proteste bien haut * : « Libros Macha- beorum non Judœi sed Ecclesia Catholica pro cano- nicis habet : Non les Juifz, mais l'Eglise Catholique tient les Livres des Machabees pour canoniques. » Dieu merci, nous ne sommes pas Juifz, nous sommes Catholiques : monstres moy par l'Escriture que l'Eglise Chrestienne  * L. XVIII de la Cité, c. XXXVI.  *i L. 7. Strom. c. i6 (in fine). '2 L. 3. Epist-g-ff/orf/^ Ep. LXVI.) *3 L. 4 de Fide, c. 4 (al. VIII, S 87). ** L. ad Oros. cont. Priscil. (c. XI.) *5 Serm. de (Opère et) Eleemos. *6 L. de Tobia, c. i. *' Orationede Avaritia. *8 Lib. deexhort. Mar- tyrii, c. 11. *9 Oratione de Mach. •10 L. 2. de Jacob (i), c. 10, II, 12. *" L. 18 de civit. Dei, c. 36.  Je veux mettre le faict sur les Livres qui vous fâchent le plus. Clément Alexandrin *\ Cyprien *^, Ambroise*^ Augustin ** et le reste des Pères tiennent l'Ecclésiastique pour canonique ; S* Cyp. *", S* Amb. *^ S* Basile *' honorent Tobie pour Escriture S*® ; S* Cyp. encores*^, S* Greg. Nazianz. *', S* Amb. **" en ont autant creu des Machabees; S* Augustin proteste*" que Libros Machahceorum non Judœi sed Ecclesia Catholica pro canonicis habet. Que dires vous a cela ? que les Juifz ne les avoient pas en leurs cathalogues ? S* Au- gustin le confesse, mais estes vous Juifz ou Chrestiens ? et si vous voules estre appelles Chrestiens, contentes vous que l'Eglise Chres- tienne les reçoive : la lumière du S* Esprit s'est elle estainte avec la Sinagogue? N. S. et les Apostres n'ont ilz pas eu autant de pouvoir que la Sinagogue ? Et bien que l'Eglise n'ait pas pris l'authorité de ses Livres de la bouche des Scribes et Pharisiens, suffira il pas qu'elle l'ait prise du tesmoignage des Apostres ? Or, il ne faut pas penser que l'ancienn'Eglise et ces très anciens Docteurs eussent pris la hardiesse de mettre ces Livres au roole des canoniques si elle n'en  (i) Job, loco Jacob, apud Sanctum auctorem, ex errore typographico apud Bellarminuni, Contr. de Verbo Dei, lib, I, cap. xv.  Partie II. Chapitre i. Article iv.  163  n'aye pas autant de pouvoir pour authoriser les Livres sacrés qu'en avoit la Mosaique : il ni a en cela ni Escri- ture ni raison qui le monstre. 3. Oûy, mais toute l'Eglise mesme ne les reçoit pas, dites vous. Et de quell'eglise entendes vous ? certes, l'Eglise Catholique, qui est la seule vraye, les reçoit, comme saint [Augustin] vient de vous attester mainte- nant , et le répète encores [ailleurs] * ; le Concile de Carthage, celuy de Trulles, 6. gênerai (0, [celuy] de Florence, et cent autheurs anciens, en sont [tesmoins] irréprochables *, et saint Hierosme nommément , qui atteste [du Livre] de Judith * quil fut receu au Concile premier [de Nicee]. Peut estre voules vous dire qu'an- ciennement quelques Catholiques doutèrent de leur authorité ; c'est selon la division que j'ay faitte ci des- sus * : mais quoy pour cela ? le doute de ceux la a il peu empêcher la resolution de leurs successeurs ? est ce a dire que si on n'est pas tout au premier coup résolu, il faille tousjours demeurer en bransle, incertain et irréso- lu? A l'on pas esté pour un tems incertain de l'Apoca- lipse et d'Ester ? vous ne l'oseries nier, j'ay de trop bons  * L. IL de doct. Christiana, c. viii.  * (Vide in art. prae- ced. p. 155. * In pr^efatione.  (Art. praeced.)  eust eu quelque advis par la Tradition des Apostres et leurs disciples, qui pouvoyent sçavoir en quel rang le Maistre mesme les tenoit ; sinon que pour excuser nos fantasies, nous accusions de propha- nation et sacrilège ces tant s*^ et graves Docteurs, avec toute l'Eglise ancienne. Je dis l'Eglis'ancienne, par ce que le Conc. de Cartage, Gelasius, in decreto de Lihris canonicis'^ quil fit avec le conseil de septante Evesques, Innocent i'", en l'epistre ad Exuperium'*, S* Augustin *, ont vescu avant S* Grégoire, avant lequel Calvin confesse "^ que l'Eglise estoit encores en sa pureté '; et neantmoins ceux la font foi que tous les Livres que nous avions pour cano- ^ ^'^ niques quand Luther comparut, estoyent ja telz en ce tems la. Si vous voulies lever le crédit a ces saintz Livres, que ne le levies vous a l'Apocalipse, delaquelle on a tant douté, et a l'Epistr'aux Hebrieux ? (2)  * (Concilia, anno 494.) * (Ep. VI.) * L. 2. de doct. Chris- tiana, c. 8. (Inst., 1. IV, c. n,  (i) Voir p. 155, note (i). (2) Pour la suite de cette leçon voir p. 171.  164 Les Controverses * In Sinopsi(i). tesmoins ; d'Ester, saint Athanase * et saint Grégoire * In Carm. de Lib. Nazianzene *, de l'Apocalipse, le Concile de Laodicee : sacris, sive c;enui- ^ . 1 , , nisScripturis.(Lib. et néanmoins vous les receves ; ou receves-les tous, I, Sect. I, § XII.) puysqu'ilz sont d'esgale condition, ou n'en receves point, par mesme rayson. Mays, au nom de Dieu, quelle humeur vous prend-il d'alléguer icy l'Eglise, l'authorité delaquelle vous tenes cent fois plus incertaine que ces Livres mesme, et que vous dittes avoir esté fautifve, inconstante , voire apocriphe , si apocriphe veut dire caché ; vous ne la prises que pour la mespriser et la faire paroistre inconstante, ores advouant ores desa- vouant ces Livres. Mais il y a bien a dire entre douter d'une chose si ell'est recevable, et la rejetter : le doute n'empêche pas la resolution suivante, ains en est un prseallable ; rejetter prœsuppose resolution. Estre in- constant ce n'est pas changer un doute en resolution, mais ouy bien changer de resolution en doute ; ce n'est pas instabilité de s'affermir après l'esbranlement, mays ouy bien de s'esbransler après l'affermissement. L'Eglise donques, ayant pour un tems laissés ces Livres en doute, en fin les a receu en resolution authentique ; et vous voules que de ceste resolution elle retourne au doute. C'est le propre de l'heresie et non de l'Eglise de prou- **(Art.Teq'. p!'i7^.) fîtcr aiusy de mal en pis*; mays de ceci ailleurs**. 4. Quand a saint Hierosme que vous allégués, ce n'est rien a propos, puysque de son tems l'Eglise n'avoit encor pas pris la resolution qu'ell'a prise despuys, tou- chant la canonisation de ces Livres, hormis pour celuy de Judith. 5. Et le canon Sancta Romana, qui est de Gelaise premier, je crois que vous l'aves rencontré a tastons, car il est tout contre vous ; puysque, censurant les Livres apocriphes , il n'en nomme pas un de ceux * Sur la fin du ca- que nous rcccvons , ains au contraire atteste * que non. (Vide supra, r^ , • , ,, , , ,. p. 159.) lobie et les Maccabees estoyent receuz publiquement en l'Eglise. 6. Et la pauvre Glosse ne mérite pas que vous la (i) Inter dubia S. Athan., tom. IV, col. 294.  Partie II. Chapitre i. Article iv. 165 glossies ainsy, puysqu'elle dict clairement* que « ces * Can. Ca^tones , y . ,1 . j. . 1 . I^ist. XVI. (Decreti Livres sont leuz, mais non peut estre généralement. » j. Pars.) Ce « peut estre » la garde de mentir, et vous Taves oublié ; et si elle met en conte ces Livres icy dont est question, comm'apocriphes, c'est parce qu'elle croyoit que apocriphe, volut dire, n'avoir point de certain autheur , et partant y enroolle comm'apocriphe le Livre des Juges : et sa sentence n'est pas si authen- tique qu'elle passe en chose jugée ; en iin , ce n'est qu'une glosse. 7. Et ces falsifications que vous allègues ne sont en point de façon suffisantes pour abolir l'authorité de ces Livres, par ce qu'ilz ont esté justifiés et espurés de toute corruption avant que l'Eglise les receut. Certes, tous les Livres de la Saint'Escriture ont esté corrompuz par les anciens ennemis de l'Eglise, mais, par la providence de Dieu, ilz sont demeurés francz et netz en la main de l'Eglise comm'un sacré depost, et jamais on n'a peu gaster tant d'exemplaires quil n'en soit asses demeuré pour restaurer les autres. 8. Mays vous voules sur tout que les Maccabees nous tumbe des mains, quand vous dittes qu'ilz ont estes corrompuz ; or, puysque vous n'avances qu'une simple affirmation, je n'y pareray que par une simple négation. 9. Saint Hierosme dict [qu'il] n'a sceu trouver le 2. en Hébreu; et bien, que [le premier y soit;] le second n'est que comme une epistre que [les Anciens] d'Israël envoyèrent aux frères Juifz qui estoyent hors la Judée, et si ell'est escritte au langage le plus conneu et com- mun de ce tems-la, s'ensuit il qu'elle ne soit pas rece- vable ? Les ^giptiens avoyent en usage le langage grec beaucoup plus que l'hébreu , comme monstra bien Ptolomee quand il procura la version des 72 ; voyla pourquoy ce 2. Livre des Maccabees, qui estoit comme une epistre ou commentaire envoyé pour la consolation des Juifz qui habitoyent en Egipte, a esté escrit en Grec plus tost qu'en Hébreu. 10. Reste que les nouveaux praefaceurs monstrent ces fausetés desquelles ilz accusent ces Livres, ce qu'a  i66 Les Controverses la vérité ilz ne feront jamais ; mays je les voys venir : (i) ilz produiront l'intercession des Saintz, la prière pour les trépassés, le franc arbitre, l'honneur des reliques et semblables pointz, qui sont expressément confirmés es Livres des Maccabees, en l'Ecclésiastique et autres Livres quilz prsetendent apocriphes. Prenes garde, pour Dieu, que vostre jugement ne vous trompe ; pourquoy, je vous prie, apelles vous faucetés ce que toute l'anti- quité a tenu pour articles de foy ? que ne censures vous plus tost vos fantasies, qui ne veulent embrasser la doctrine de ces Livres, que de censurer ces Livres, receuz de si long tems, par ce quilz ne secondent pas a vos humeurs ? parce que vous ne voules pas croire ce que ces Livres enseignent, vous les condamnes ; et que ne condamnes vous plustost vostre témérité, qui se rend incrédule a leurs enseignemens ? Voyla, ce me semble, toutes vos raysons esvanouyes, et n'en sçauries produire d'autres ; mays nous sçaurons bien dire, que sil est ainsy loysible indifféremment de rejetter ou révoquer en doute l'authorité des Escritures desquelles on a douté pieça, quoy que l'Eglise en aye déterminé, il faudra rejetter ou douter d'une grande partie du Viel et Nouveau Testament. Ce n'est donq pas un petit gain a l'ennemy du Christianisme, d'avoir de plein sault raclé en la Sainte Escriture tant de nobles parties. Passons outre. (i) Voir a* leçon, p. i6o, i6i.  Partie II. Chapitre i. Article v. 167  ARTICLE V SECONDE VIOLATION DES ESCRITURES PAR LA REGLE QUE LES REFORMEURS PRODUISENT POUR DISCERNER LES LIVRES SACRÉS d'AVEC LES AUTRES ET DE aUELCLUES MENUS RETRANCHEMENS D'iCEUX aui s'en ensuivent  Le marchand rusé tient en monstre les moindres pièces de sa boutique, et les offre les premières aux acheteurs, pour essayer s'il les pourra déduire et vendre a quelque niais. Les raysons que les reformeurs ont avancées au chapitre précèdent (0 ne sont que biffes, comme nous avons veu, desquelles on se sert comme d'amusement, pour voir si quelque simple et foible cervelle s'en voudroit contenter : et de faict, quand on vient au joindre, ilz confessent que ni l'authorité de l'Eglise, ni de saint Hierosme, ni de la Glosse, ni du Caldee, ni de l'Hébreu, n'est pas cause suffisante pour recevoir ou rejetter quelque Escriture. Voicy leur pro- testation en la Confession de foy présentée au Roy de France par les François prétendus reformés : après qu'ilz ont mis en liste, en l'Article troisiesme, les Livres qu'ilz veulent recevoir, ilz escrivent ainsy en l'Article quatriesme : « Nous connoissons ces Livres estre canoniques et règle très certaine de nostre foy, non tant par le commun accord et consentement de l'Eglise, que par le tesmoignage et persuasion inté- rieure du Saint Esprit, qui les nous faict discerner  (i) Voir Varticle précédent, le mot chapitre ayant ici le sens de division en général.  i68 Les Controverses d'avec les autres livres ecclésiastiques. » Quittans donques le champ des raysons précédentes pour se mettre a couvert, ilz se jettent dans Tinterieure, secrette et invisible persuasion qu'ilz estiment estre faicte en eux par le Saint Esprit. Or , a la vérité , c'est bien procédé a eux de ne vouloir s'appuyer en cest article sur le commun accord et consentement de l'Eglise ; puysque ce commun accord a canonisé l'Ecclésiastique, les [Livres des] Ma- chabees, tout autant et aussitost que l'Apocalipse, et neantmoins ilz veulent recevoir [celuy ci] et rejetter ceux la : Judith , authorisé par le grand premier et irréprochable Concile de Nicee, est biffé par les refor- meurs ; ilz ont donques rayson de confesser qu'en la réception des Livres canoniques, ilz ne reçoivent point l'accord et consentement de l'Eglise, qui ne fut onques plus grand ni plus solemnel qu'en ce premier Concile. Mais pour Dieu, voyes la ruse, u Nous connoissons, » disent ilz, « ces Livres estre canoniques, non tant par le commun accord de l'Eglise : » a les ouyr parler, ne diries vous pas qu'au moins en quelque façon ilz se laissent guider a l'Eglise ? Leur parler n'est pas franc : il semble qu'ilz ne refusent pas du tout crédit au commun accord des Chrestiens, mais que seulement ilz ne le reçoivent pas a mesme degré que leur persuasion inté- rieure, et neantmoins ilz n'en tiennent aucun conte ; mais ilz vont ainsy retenus en leur langage pour ne paroistre pas du tout incivilz et desraysonnables. Car, je vous prie, s'ilz deferoient tant soit peu a l'authorité ecclésiastique, pourquoy recevroient ilz plustost l'Apo- calipse que Judith ou les Machabees, desquelz saint Augustin et saint Hierosme nous sont fidèles tesmoins qu'ilz ont esté receuz unanimement de toute l'Eglise Catholique? et les Conciles de Carthage, Trulles, de Flo- *(Vide in art. prœ- rencc, nous en asseurent*. Pourquoy disent ilz donques, ced,, p, 163.) ,.. . T- ^ 1. ' qu ilz ne reçoivent pas les Livres sacrés « tant par le commun accord de l'Eglise que par l'intérieure persua- sion » ? puysque le commun accord de l'Eglise n'y a ni rang ni lieu. C'est leur coustume, quand ilz veulent  Partie II. Chapitre i. Article v. 169 produire quelque opinion estrange, de ne parler pas clair et net, pour laisser a penser aux lecteurs quelque chose de mieux. Maintenant, voyons quelle règle ilz ont pour discer- ner les Livres canoniques d'avec les autres ecclésiasti- ques : « Le tesmoignage, » disent ilz, « et persuasion intérieure du Saint Esprit. » O Dieu, quelle cachette, quel brouillart, quelle nuict ; ne nous voyla pas bien esclaircis en un si important et grave différent ? On demande comme Ton peut connoistre les Livres cano- niques, on voudroit bien avoir quelque règle pour les discerner, et l'on nous produit ce qui se passe en Tinte- rieur de Tame , que personne ne voit, personne ne connoit, sinon l'ame mesme et son Créateur. 1. Monstres moy clairement que ces inspirations et persuasions que vous prétendes sont du saint et non du faint esprit ; qui ne sçait que l'esprit de ténèbres comparoit bien souvent en habit de lumière? 2. Monstres moy clairement que, Ihors que vous me dites que telle et telle inspiration se passe en vostre conscience, vous ne mentes point, vous ne me trompes point. Vous dites que vous sentes ceste persuasion en vous, mais pourquoy suis je obligé de vous croire? vostre parole est elle si puissante, que je sois forcé sous son authorité de croire que vous penses et sentes ce que vous dites ? je vous veux tenir pour gens de bien , mais quand il s'agit des fondemens de ma foy, comme est de recevoir ou rejetter les Escritures ecclésiastiques, je ne trouve ni vos pensées ni vos paroles asses fermes pour me servir de base. 3. Cest esprit faict il ses persuasions indifféremment a chacun, ou seulement a quelques uns en particulier? si a chacun, et que veut dire que tant de milliades de Catholiques ne s'en sont jamais aperceuz , ni tant de femmes , laboureurs et autres parmi vous ? si c'est a quelques uns en particulier, monstres les moy, je vous prie, et pourquoy a ceux la plus tost qu'aux autres ? quelle marque me les fera connoistre et trier de la presse du reste des hommes ? Me faudra il croire au  lyo Les Controverses premier qui dira d'en estre ? ce seroit trop nous mettre a l'abandon et a la mercy des séducteurs : monstres moy donques quelque règle infallible pour connoistre ces inspirés et persuadés , ou me permettes que je n'en croye pas un. 4. Mays en conscience, vous semble il que l'intérieure persuasion soit un moyen suffisant pour discerner les Saintes Escritures, et mettre les peuples hors de doute ? Que veut donq dire que Luther racle l'Epistre de saint Jaques, laquelle Calvin reçoit? (i) accordes un peu, je vous prie, cest esprit et sa persuasion, qui persuade a l'un de rejetter ce qu'il persuade a l'autre de recevoir. Vous dires peut estre que Luther se trompe, il en dira tout autant de vous ; a qui croire ? Luther se moque de l'Ecclesiaste , il tient Job pour fable ; luy opposeres vous vostre persuasion ? il vous opposera la sienne : ainsy cest esprit, se combattant soy mesme, ne vous laissera autre resolution que de vous bien opiniastrer de part et d'autre. 5. Puys, quelle rayson y a il que le Saint Esprit aille inspirant ce que chacun doit croire a des je ne sçay qui, a Luther, a Calvin, ayant abandonné sans aucune telle inspiration les Conciles et l'Eglise tout entière ? Nous ne nions pas, pour parler clairement, que la connoissance des vrays Livres sacrés ne soit un don du Saint Esprit, mays nous disons que le Saint Esprit la donne aux particuliers par l'entremise de l'Eglise. Certes, quand Dieu auroit révélé mille fois une chose a quelque particulier nous ne serions pas obligés de le croire, sinon que Dieu le marquast telle- ment que nous ne puissions plus révoquer en doute sa fidélité ; mays nous ne voyons rien de tel en vos refor- meurs. En un mot, c'est a l'Eglise générale que le Saint Esprit addresse immédiatement ses inspirations et persuasions, puys, par la praedication de TEglise, il les communique aux particuliers ; c'est l'Espouse en laquelle le laict est engendré, puys les enfans le succent (i) Voir 2* leçon, p. 172,  Partie 11. Chapitre i. Article v. 171 de ses mammelles : mays vous voules, au rebours, que Dieu inspire aux particuliers , et par leur moyen a l'Eglise, que les enfans reçoivent le laict, et que la mère soit nourrie a leurs tetins ; chose absurde. Or, si l'Escriture n'est violée et sa majesté lezee par Testablissement de ces intérieures et particulières inspi- rations, jamais elle ne fut ni sera violée ; car ainsy la porte est ouverte a chacun de recevoir ou rejetter des Escritures ce que bon luy semblera. Hé de grâce, pour- quoy permettra on plus tost a Calvin de racler la Sapience ou les Maccabees, qu'a Luther de lever l'Epis- tre de saint Jaques ou l'Apocalipse, ou a Castalio, le Cantique des Cantiques, ou aux Anabaptistes, l'Evan- gile de saint Marc, ou a un autre, le Genèse et l'Exode? si tous protestent de l'intérieure révélation, pourquoy croira l'on plustost l'un que l'autre ? Ainsy ceste Règle sacrée, sous praetexte du Saint Esprit demeurera des- reglee, par la témérité de chaque séducteur. Connoisses, je vous prie, le stratagème. On a levé tout'authorité a la Tradition, a l'Eglise, aux Conciles ; que demeure il plus ? l'Escriture. L'ennemy est fin ; s'il la vouloit arracher tout a coup il donneroit l'alarme ;  (i) Mays je reviens a vous, Messieurs de Thonon, qui aves preste l'oreille cy devant a telles gens ; je vous prie, disons en conscience, i a il de l'apparence que Calvin sache mieux quel fondement avoyent ceux qui doutoyent anciennement de ces Livres, et quel fondement ceux qui n'en doutoyent point, que les Evesques et Conciles de ce tems la ? et néanmoins, toutes choses bien considérées, l'antiquité les a receuz; qu'alléguerons nous au contraire? O s'il estoyt loysible aux hommes, pour mettre leurs opinions a cheval, de se servir de l'Escriture comme d'estriefz, les accourcir et alonger chacun a sa taille, a quoy, je vous prie, en serions nous ? Ne connoisses vous pas le stratagème ? On levé tout'authorité a la Tradition, a l'Eglise, aux Conciles, aux Pasteurs; que demeure il plus? l'Escriture. L'ennemy est fm ; sil la vouloit arracher tout a coup il donneroit l'alarme ; il en levé une grande partie tout au commencement, puys, (i) Voir p. 163, note (2).  172 Les Controverses il establit un moyen certain et infallible pour la lever pièce a pièce tout bellement, c^est ceste opinion de l'in- térieure inspiration, par laquelle chacun peut recevoir ou rejetter ce que bon luy semble : et de faict, voyes un peu le progrès de ce dessein. Calvin oste et racle du canon, Baruch, Tobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesias- * (Vide loca infra.) tiquc, les Maccabccs * : Luther levé l'Epistre de saint Jaques, de saint Jude, la 2. de saint Pierre, la 2. et 3. de saint Jan, TEpistr'aux Hébreux ; il se mocque de l'Eccle- siaste, et tient Job pour fable. En Daniel, (0 Calvin a biffé le cantique des trois enfans, l'histoire de Susane et celle du dragon de Bel; item, une grande partie d'Hester. En l'Exode on a levé, a Genève et ailleurs parmi ces reformeurs, le 22. verset du 2^ chapitre, lequel est de telle substance que ni les 70 ni les autres tra- ducteurs ne l'auroyent jamais escrit sil n'eut esté es originaux. De Beze met en doute l'histoire de l'adultère, * (Cap. VIII, i-ii.) en l'Evangile de saint Jan* (saint Augustin advise que  ores une pièce, ores l'autre, en fin il vous mettra tout a nud, sans Escritures ni Parole de Dieu. Calvin levé 7 Livres de l'Escriture, * (In locis pluribus ins- Baruch, Tob., Jud., Sap., Ecclésiastique, Machab. * : Luther oste l'Epistre de S* Jaques, de S* Jude, la 2. de S* Pierre, la 2. et 3. de Mn prologis Bibiiorum S* jau, l'Epistr'aux Hebrieux * j il se mocque de l'Ecclesiaste, il tient et horum librorum. -fc / " In serm. conviviaii- Job pour fable *. (2) Accordes un peu, je vous [prie], ce faint esprit, qui et Tit. de lib. Vet. et oste dans le cerveau de Luther ce quil remet dans celuy de Calvin : Novi Testamenti. ui m -x x-j. j- j x j VOUS semble il que ce soit une petite discorde entre ces deux evan- gelistes ? || Vous dires que vous ne tenes pas grand conte de l'esprit de Luther, les siens ne se soucient pas nomplus de celuy de Calvin. || Mays voyes le progrès de vostre bell'eglise, comm'ell'avance tousjours ses desseins. Calvin avoit levé 7 Livres, ell'a osté le 8., * ^^P- 3- d'Hester (3) ; en Daniel , elle raie le cantique des trois enfans *, * Cap. 13, l'histoire de Susane* et celle du dragon tué par Daniel**. En * Beza, in c. 8. jo. l'Evangile de S* Jan, ne met on pas en doute parmi vous* l'histoire de (i) Cf. art, III, p. 136. (2) Voir I'"*' leçon, p, 170. (3) Calvin supprima les derniers chapitres d'Esther, à partir de chap. x, vers. 4 ; de Bèze rejeta le Livre entier. Plus tard Téglise de Genève revint à Topinion de Calvin.  Partie II. Chapitre i. Article v.  173  pieça les ennemis du Christianisme l'avoyent rayé de leurs livres, mais non pas de tous, comme dict saint Hierosme). Es misterieuses parolles de l'Eucharistie, ne veut on pas esbranler l'authorité de ces motz, Qui pro vobis funditur"^, par ce que le texte grec monstre clairement* que ce qui estoit au calice n'estoit pas vin, mais le sang du Sauveur ? comme qui diroit en François, Ceci est la coupe du nouveau testament en mon sangy laquelle sera respandue pour vous ; car en ceste façon de parler, ce qui est en la coupe doit estre le vray sang, non le vin, puysque le vin n'a pas esté respandu pour nous, mais le sang, et que la coupe ne peut estre versée qu'a rayson de ce qu'elle contient. Qui est le couteau avec lequel on a faict tant de retranche- mens ? l'opinion de ces inspirations particulières ; qu'est ce qui faict si hardis vos reformeurs a racler, l'un ceste pièce, l'autre celle la, et l'autre un'autre ? le prétexte de ces intérieures persuasions de l'esprit, qui les rend sauverains, chacun chez soy, au jugement de la validité ou invalidité des Escrittures (i).  (Luc, XXII, 20. (Vide infra.)  la femme adultère ? S* Augustin avoit bien dict autrefois * que les * l. 2. De aduiterinis ennemis de la foi l'avoyent biffé de leurs livres, mays nom pas de tous, comme dict S* Hierosme *. Veut on pas lever ces paroles de * ^- ^' *^°"^" ^^'^^• * Cap. 22. "if. 20. S* Luc*, qui pro vohis fundetur, par ce que le texte grec monstre xb uTcàp ùawv èx^u- clairement que ce qui estoit au calice n'estoit pas vin, mais le vray '^ô\}.t^o^ (2). sang de Nostre Seigneur ? comme qui diroit en françois, Ceci est la coupe du nouveau testament en mon sang, laquelle sera répandue pour vous ; car, en ceste façon de parler, on voit clairement que ce qui est en la coupe doit estre le sang, non du vin, car le vin n'a pas esté répandu pour nous, mais le sang. En l'Epistre de S* Jan*, ont ilz * «• c. 4. *. 3. pas osté ces nobles paroles. Qui solvit Jesiim ex Deo non est? Que dites vous. Messieurs? si vostre église poursuit en ceste liberté de conscience, ne faisant poinct de scrupule d'oster ce que bon luy  (i) Voir les Notes préparatoires, p. 18. (2) Dans le grec, remploi du nominatif au lieu du datif montre que sera répandu est attribué au calice, TîOTyjpiov, et non au sang, atjxaTt, relation que le latin et la traduction française ordinaire ne précisent pas ; le Saint l'exprime en variant le genre.  174 Les Controverses (Vide loca supra, (0 Au contraire, Messieurs, saint Augustin proteste  *  p. 158  « Ego vero Evangelio non crederem, nisi me Catho- licœ Ecclesiœ commoveret authoritas : Je ne croirois pas a l'Evangile si Tauthorité de l'Eglise Catholique ne m'esmouvoit ; » et ailleurs : « Novutn et Vêtus Testa- mentum in illo Librorum numéro recipimus quem, sanctce Ecclesiœ Catholicœ tradit authoritas : Nous recevons le Viel et Nouveau Testament au nombre de Livres que l'authorité de la saint' Eglise Catholique propose. » Le Saint Esprit peut inspirer que bon luy semble, mays quand a l'establissement de la foy publi- que et générale des fidèles, il ne nous addresse qu'a l'Eglise ; c'est a elle de proposer quelles sont les vrayes Escritures, et quelles non : non qu'elle puysse donner vérité ou certitude a TEscriture, mays elle peut bien nous faire certains et asseurés de la certitude d'icelle. L'Eglise ne sçauroit rendre un livre canonique sil ne l'est^ mais elle peut bien le faire reconnoistre pour tel, non pas changeant la substance du livre, mays changeant la persuasion des Chrestiens, la rendant tout'asseuree de ce dont ell'estoit douteuse. Que si jamais nostre Rédempteur défend son Eglise contre les portes d'enfer, si jamais le Saint Esprit l'inspire et conduit, c'est en ceste occasion ; car ce seroit bien la laisser du tout et au besoin, sil la laissoit en ce cas duquel dépend le gros de nostre religion. Pour vray, nous serions très mal asseurés si nous appuyions nostre foy sur ces particulières inspi- rations intérieures, que nous ne sçavons si elles sont ou furent jamais que par le tesmoignage de certains parti-  semble, bien test l'Escriture vous manquera, et se faudra contenter des Institutions de Calvin, lesquelles il faut bien estre je ne sçay quoy d'excellent, puysqu'elles censurent les Escritures mesme. Vous diray je encor ce mot ? Vostre bell'eglise avec [sa liberté] ne s'est pas contenté de retrancher de l'Escriture les Livres, les cha- pitres, les clausules, les motz, entier, mays ce qu'elle n'a osé lever  (i) Voir 2" leçon, pp. 156-158. Cf. art. iv, p. 164.  Partie II. Chapitre i. Article v. 175 culiers ; et supposé qu'elles soyent ou ayent esté, nous ne sçavons si elles sont du vray ou faux esprit ; et sup- posé qu'elles soyent du vray esprit, nous ne sçavons si ceux qui les recitent les recitent fidellement ou non, puys qu'ilz n'ont aucune marque d'infallibilité. Nous mériterions d'estre abismés, si nous nous jettions hors le navire de la publique sentence de l'Eglise, pour voguer dans le miserabl'esquif de ces persuasions particulières, nouvelles , discordantes ; nostre foy ne seroit plus Catholique, ains particulière. Mais avant que je parte d'icy, je vous prie, refor- meurs , dittes moy ou vous aves pris le canon des Escritures que vous suives. Vous ne l'aves pas pris des Juifz, car les Livres Evangeliques n'y seroyent pas, ni du Concile de Laodicee, car l'Apocalipse n'y seroit pas, ni du Concile de Cartage ou de Florence, car l'Ecclé- siastique et les Maccabees y seroyent ; ou l'aves vous donq pris ? Pour vray, jamais il ne fut parlé de sembla- ble canon avant vous ; l'Eglise ne vit onques canon des Escritures ou il n'y eut ou plus ou moins qu'au vostre : quelle apparence i a il que le Saint Esprit se soit recelé a toute l'antiquité, et qu'appres 1500 il ait descouvert a certains particuliers le roolle des vrayes Escritures? Pour nous, nous suyvons exactement la liste du Concile Laodicean, avec l'addition faitte au Concile  elle l'a corrompu et violé par ses traductions. Un exemple ou deux suffiront, (i) je n'ay ni le loysir ni la commodité de poursuivre le reste : vous trahissent ilz pas, pauvres gens ? quand ilz vous font chanter, au Psalme 8 * : * Vers. 7. « Tu l'as faict tel que plus il ne luy reste Fors estre Dieu, mays tu l'as, quand au reste, » etc. G que vous estes contens de pouvoir psalmodier et chanter ces rimes françoises Marottees ; il vaudroit bien mieux se taire en latin que de blasphémer en françois. Frênes en gré cest advis : quand (i) Voir p. 186.  176 Les Controverses de Cartage et de Florence ; jamais homme de jugement ne laissera ces Conciles, pour suivre les persuasions des particuliers. Voyla donq la fontaine et la source de toute la viola- tion qu'on a faict de ceste sainte Règle ; c'est quand on s'est imaginé de ne la recevoir qu'a la mesure et règle des inspirations que chacun croit et pense sentir.  ARTICLE VI COMBIEN LA MAJESTÉ DES SAINTES ESCRITURES A ESTE VIOLEE ES INTERPRETATIONS ET VERSIONS DES H/€RETIQÎJES  Affin que les religionnaires de ce tems desreglassent du tout ceste première et tressainte Règle de nostre foy, ilz ne se sont pas contentés de raccourcir et défaire de tant de belles pièces, mays l'ont contournée et détournée chacun a sa poste, et [au lieu] d'adjuster leur sçavoir a ceste règle, ilz l'ont réglée elle mesme a l'esquerre de leur propre suffisance, ou petite ou grande. L'Eglise avoit généralement receu, il y a plus de mill'ans, la version latine que l'Eglise Catholique produit, saint Hierosme, tant sçavant homme, en estoit l'autheur ou le correcteur ; quand voicy en nostr'aage s'eslever un espais brouillart  VOUS chantes ce verset la, de qui penses vous parler ? vous parles de Nostre Seigneur, sinon que, pour excuser la témérité de Marot et de vostr'eglise, on biffe encor l'Epistre aux Hébreux de la Bible ; • Ad Heb. 2. i. 6. 7. 8. car S* Pol expose la * ce verset de Nostre Seigneur. Et si vous parles de Nostre Seigneur, pourquoy dites vous quil est « tel quil ne luy reste plus que d'estre Dieu » ? certes, sil luy reste encores d'estre Dieu maintenant, il ne le sera jamais : que dites vous, pai4vres gens ? quil reste a Jésus Christ d'estre Dieu ? voyes vous comme ces gens vous font passer la bocconade de l'Arrianisme, en chantant ceste  Partie II. Chapitre i. Article vi. 177 de V esprit de tournoyement *, lequel a tellement * is. xix. f. 14. esblouy ces regrateurs de vielles opinions qui ont couru cy devant, q^ue chacun a voulu tourner, qui d'un costé qui d'autre, et chacun au biais de son jugement, ceste sainte sacrée Escriture de Dieu : en quoy, qui ne voit la prophanation de ce vase sacré de la sainte lettre, dans laquelle se conservoit le précieux basme de la doctrine Evangelique ? Car, n'eust ce pas esté prophaner l'Arche de l'alliance, si quelqu'un eust voulu maintenir qu^un chacun la pouvoit prendre, la porter chez soy et la démonter toute et dépecer, puys luy bailler telle forme quil eust voulu, pourveu quil y eust quelque ap- parence d'Arche ? et qu'est ce autre chose soustenir que l'on peut prendre les Escritures, les tourner et accom- moder chacun selon sa suffisance ? Et néanmoins, des lors qu'on asseure que l'édition ordinaire de l'Eglise est si difforme quil la faut rebastir tout a neuf, et qu'un homme particulier y met la main et commence ce train, la porte est ouverte a la témérité : car si Luther l'ose faire, et pourquoy non Erasme? et si Erasme, pourquoy non Calvin ou Melancthon ? pourquoy non Henricus  rimaillerie? je ne suys esbahi si Calvin confessoit a Valentin Gentil* *L.advers.Gentiiem,m , ^ ,. , réfutât. 10. protheseos. que le nom de Dieu par excellence n appartenoit qu au Fere. Voyla les belles eversions de l'Escriture ausquelles vous vous playses tant, voyla le blasphème que vostr'eglise chante en cors, et qu'elle vous faict repeter si souvent, (i) Aux Actes *, ou il y a, Non derelinques ani- * 1 c i/. 27. mam meam in inferno, ilz tournent, Non derelinques cadaver meum in sepulchro* : qui vit jamais semblable version? au lieu de l'ame * Beze, en sa pr* ver- (et c'est de Nostre Seigneur dont il est parlé), y mettre charoigne, au lieu de l'enfer, y mettre sepulchre. j'ay veu en plusieurs bibles parmi ce pais une fauseté bien subtile ; es misterieuses paroles de l'institution du tressaint Sacrement, au lieu quil y a. Hoc est corpus meum : Cecy est mon cors, on y avoit mis. C'est cy mon cors : mais qui ne voit la finesse ? Or sus, vous aves veu quelque chose de la violence et prophana- tion que vos ministres font es Escritures ; que vous semble mainte-  sion.  (i) Voir p. 179, en marge, la note du Saint. 12  lyS Les Controverses Mercerus, Sebastien Castalio, Beze, et le reste du monde ? pourveu qu'on sache quelques vers de Pindare, et quatre ou cinq motz d'Hébreu, au près de quelques bons Trésors de l'une et l'autre langue. Et comme se peuvent faire tant de versions, par si différentes cervelles, sans la totale eversion de la sincérité de l'Escriture ? Que dites vous ? que l'édition ordinaire est corrom- pue ? Nous avoiions que les transcriveurs et les impri- meurs y ont layssé couler certains sequivocques, de fort peu d'importance (si toutefois il y a rien en l'Escriture qui puysse estre dict de peu d'importance), lesquelz le * Sess. IV. Concile de Trente * commande estre levés, et que d'ores en avant on prene garde a la faire imprimer le plus cor- rectement quil sera possible ; au reste, il n'y a rien qui ny soit très sortable au sens du Saint Esprit qui en est l^autheur : comme ont monstre ci devant tant de doctes * Genebrard, in gens dcs nostrcs *, qui sc sont opposés a la témérité de praef. Psalt. et in , - . . Psait.; Titeiman. ces nouvcaux lormatcurs de religion, que ce seroit per- co • Toietan'' Tn^'i' ^^^ tcms d'en vouloir parler davantage ; outre ce que pag. A/o/. ; Beiar- ce seroit folie a moy de vouloir parler de la naifveté minus (Controv. a^ Verbo Dei, 1. II, des traductions, qui ne sceuz jamais bonnement lire ce. ix-xiv), et alii. i • i. i> j i • j. avec les pointz en 1 une des langues nécessaires a ceste connoissance, et ne suys guère plus sçavant en l'autre. Mays quoy ? qu'aves vous faict de mieux ? chacun a prisé la sienne, chacun a mesprisé celle d'autruy ; on a  nant de leur procédure? Que deviendrons nous si chacun prend licence, quand il sçaura deux motz de Grec et connoistra les lettres des Hebrieux, de remuer ainsy tout sans dessus dessous ? Je vous ay faict voir, donques, ce que j'avois promis, que ceste p*"® Règle de nostre foy a esté, et est encores, violée très malheureusement en vostre praetendue église ; et affm que vous sachies que c'est une propriété de l'heresie de dépecer ainsy les Escritures, je fermeray ce propos par ce que Tertulien dict des sectes de son tems : Ista * De Praescript. (c. hcvresis, d'ict il *, qudsdam Scripturas non recipit , et si recipit, non recipit intégras, et si aliquatenus intégras prcestat, nihilominus diversas expositiones commentata pervertit.  Partie II. Chapitre i. Article vu. 179 tournaillé tant qu'on a voulu, mays personne ne se conte de la version de son compaignon : qu'est ce autre chose que renverser la majesté de l'Escriture, et la mettre en mespris vers les peuples, qui pensent que ceste diversité d'éditions vienne plustost de l'incertitude de TEscriture que de la big^arrure des traducteurs? Icyfaut rappor- ^ '-' ter la faute faite bigarrure laquelle seule nous doit mettre en asseurance sur ces par.,'}^on de l'ancienne traduction, laquelle, comme dict le Con- (v[de p^^i^^!) cile *, l'Eglise a si longuement, si constamment et si * (Ubi supra.) unanimement approuvée.  ARTICLE VII  DE LA PROPHANATION ES VERSIONS VULGAIRES  Que sil en va ainsy des versions latines, combien est grand le mespris et prophanation qui s'est faict es versions françoises, alemandes, polonnoises et autres langues : et néanmoins voicy un des plus pregnans artifices que l'ennemi du Christianisme et d'unité ait employé en nostr'aage pour attirer ^es peuples a ses cordelles ; il connoissoit la curiosité des hommes, et combien chacun prise son jugement propre, et partant il a induict tous les sectaires a traduire les Saintes Escritures, chacun en la langue de la province ou il se cantonne, et a maintenir ceste non jamais ouye opi- nion, que chacun estoit capable d^entendre les Escri- tures, que tous les devoyent lire, et que les offices publiques se devoyent célébrer et chanter en la langue vulgaire de chaque province. Mays qui ne voit le stratagème ? il ni a rien au monde qui passant par plusieurs mains ne s'altère, et perde son premier lustre. Le vin qu'on a beaucoup versé et reversé s'esvente et perd sa force, la cire estant maniée change couleur, la monoye en perd ses caractères ;  i8o Les Controverses croyes aussy que TEscriture Sainte, passant par tant de divers verseurs, en tant de versions et reversions, ne peut qu'elle ne s'altère. Que si aux versions latines il y a tant de variété d'opinions entre ces tournoyeurs , combien y en a il davantage es éditions vulgaires et maternelles d'un chacun, esquelles chacun ne peut pas reprendre ni conteroller. C'est une bien grande licence a ceux qui traduysent, de sçavoir quilz ne seront point conterollés que par ceux de leur province mesme ; chaque province n'a pas tant d'yeux clairvoyans comme la France et TAUemaigne. « Sçavons nous bien, » dict * Le s^ des Montai- un docte prophane *, « qu'en Basque et en Bretaigne il gnes, 1. I. c. LVi. -^ j • ,-,■,. , . - . y ait des juges asses pour establir ceste traduction faicte en leur langue ? l'Eglise universelle n'a point de plus ardu jugement a faire. » C'est l'intention de Satan de corrompre l'intégrité de cest testament ; il sçait ce quil importe de troubler la fontaine et de l'empoysonner, c'est gaster toute la troupe segalement. Mays disons candidement ; ne sçavons nous pas que Act. II. f. 9. 10. les Apostres parloyent toutes langues*? et que veut dire quilz n'escrivirent leurs Evangiles et Epistres qu'en Hebrieu, comme saint Hierosme atteste de l'Evangile de * Praefat. in Math, saint Matthieu*, en Latin, comme quelques uns pensent Evang.) de celuy de saint Marc, et en Grec, comm'on tient des *ExPontificaiiDa- autrcs Evangiles; qui furent les trois langues choysies *, masi, in vita Pétri , -, /^ • 1 tvt ^ o • 1 (Concilia, an. 43); des la Croix mesme de Nostre beigneur, pour la prae- Psaîniôs (^To ^^ dicatiou du Crucifix ? Ne portèrent ilz pas l'Evangile par tout le monde, et au monde ny avoit il point d'autre * Act. II. f. II. langage que ces trois la ? si avoit a la vérité *, et néan- moins ilz ne jugèrent pas estre expédient de diversifier en tant de langues leurs escritz : qui mesprisera don - ques la coustume de nostre Eglise, qui a pour son garand l'imitation des Apostres ? || Dequoy nous avons une notable trace et piste en l'Evangile : car le jour que Nostre Seigneur entra en Hierusalem, les troupes alloyent criant, Osanna filio David; benedictus qui * Mat. XXI. ^. 9. venit in noinine Domini ; osanna in excelsis* ; et ceste parole, Osanna, a estëe laissée en son entier parmi les textes grecz de saint Marc et saint Jan, signe  II.  Partie II. Chapitre i. Article vu.  i»i  que c'estoit la mesme parole du peuple : or est il que Osanna, ou bien Osianna (et l'un vaut l'autre, disent les doctes en la langue*), est une parole hebraique, non * Genebrard, (in) siriacque, prise, avec le reste de ceste louange la qui fut donnée a Nostre Seigneur, du Psalme 117*. Ces * Vers. 24. peuples, donques, avoyent accoustumé de dire les Psal- mes en Hebrieu, et néanmoins l'Hébreu n'estoit plus leur langue vulgaire, ainsy qu'on peut connoistre de plusieurs paroles dites en l'Evangile par Nostre Seigneur, qui estoyent siriacques, que les Evangelistes ont gardées, comme Abba, Haceldema , Golgotha, Pascha et autres, que les doctes tiennent n'estre pas hebraiques pures mais siriaques, quoy qu'elles soient appellees hebraiques par ce que c'estoit le langage vulgaire des Hébreux des la captivité de Babiloyne. || Laquelle, outre le grand poids qu'elle doit avoir pour contrebalancer a toutes nos curiosités, a une rayson que je tiens pour très bonne ; c'est que ces autres langues ne sont point réglées, mays de ville en ville se changent en accens, en frases et paroles, elles se changent de sayson en sayson, et de siècle en siècle. Qu'on prenne en main les Memoyres du sire de Joinville, ou encores celles de Philippe de Commines ; on verra que nous avons du tout changé leur langage : qui neantmoins dévoient [être] des plus politz de leur tems , estans tous deux nourris en court. Si donques il nous failloit avoir (sur tout pour les services publiqs) des bibles chacun en son langage, de cinquant'ans en cinquante il faudroit remuer mesnage^ et tousjours en adjoustant, levant ou changeant une bonne partie de la naifveté sainte de l'Escriture , qui ne se peut faire sans grande perte. Bref, c'est chose plus que raysonnable qu'une si sainte Règle comm'est la sainte Parole, soit conservée es langues réglées, car elle ne pourroit se maintenir en ceste parfaitte intégrité es langues bastardes et des- reglees. Mays je vous advise que le saint Concile de Trente * * Reg. iv. Ub. pro- . . 1 , 1 i • 1 • • ... hibjt. (Ad calcem ne rejette pas les traductions vulgaires imprimées par condi. Trid.) l'authorité des ordinaires, seulement il commande qu'on  i82 Les Controverses n'entreprene pas de les lire sans congé des supérieurs ; ce qui est très raisonnable, pour ne mettre pas ce couteau, ^Heb. IV. ^. 12. tant affilé et tranchant a deux costés"^, en la main de qui s'en pourroit esgorger soymesme, dequoy nous parle- ' (Art. X.) rons cy après * ; et partant il ne trouve pas bon que chacun qui sçait lire, sans autr'asseurance de sa capacité que celle quil prend de sa témérité, manie ce sacré mémorial, a Ni n'est certes rayson, » me souviens je ^(Ubisup., p. i8o.) avoir leu en un essay du S" de Montaigne*, « de voir tracasser, » entre les mains de toutes personnes, c( par une salle et par une cuysine, le saint Livre des sacrés misteres de nostre créance ; ce n'est pas en passant et tumultuairement quil faut manier un estude si sérieux et vénérable ; ce doit estre un'action destinée et rassise, alaquelle on doit tousjours adjouster ceste prseface de nostr'office, Sursum corda, et y apporter le cors mesme, disposé en contenance qui tesmoigne une parti- culière attention et révérence. » Et « crois davantage, » dict il, « que la liberté a chacun de » le traduire, et « dissiper une parole si religieuse et importante a tant de sortes d'idiomes, a beaucoup plus de danger que d'utilité. »  ARTICLE VIII DE LA PROPHANATION aui SE FAICT [en employant la langue vulgaire aux offices publics]  * Sess. XXII. (cap. Le Concilc défend * aussy que les services publiqs Vlii et CâO TX C3n IX.)' ' de l'Eglise ne se facent pas en vulgaire, mays en langue réglée, chacun selon les anciens formulaires approuvés par l'Eglise. Ce desvit prend en partie ses raysons de ce que j'ay ja dict ; car, sil n'est pas expédient de tra- duire ainsy a tous propos de province en province le  Partie II. Chapitre i. Article viii, 185 texte sacré de TEscriture , la plus grande partie, et quasi tout ce qui est es offices, estant pris de la Sainte Escriture, il n'est pas convenable de le mettre nomplus en françois : sinon quil y a d'autant plus de danger de reciter es services publiqs la Saint'Escriture en vul- gaire, que non seulement les vieux mays les jeunes enfans, non seulement les sages mais les folz, non seu- lement les hommes mais les femmes, et, en somme, qui sçait et qui ne sçait lire, pourroyent tous y prendre occasion d'errer, chacun a son goust. Lises les passages de David ou il semble quil murmure contre Dieu de la prospérité des mauvais ; vous verres l'indiscret vulgaire s'en flatter en ses impatiences : lises la ou il semble demander vengeance sur ses ennemis ; et l'esprit de vengeance s'en affleublera : lises voir ces célestes et tresdivines amours es Cantiques des Cantiques ; qui ne sçaura les bien spiritualizer n^ prouffitera qu'en mal * : * [il Tim., m, 13.) et ce mot d'Osëe, Vade et fac tihi filios fornicatio- num"^, et ces actes des anciens Patriarches, ne don- * Osqqi. cf. 2. neroyent ilz pas licence aux idiotz ? Mays sachons un peu, de grâce, pourquoy on veut avoir les Escritures et services divins en vulgaire. Pour y apprendre la doctrine ? mays certes, la doctrine ne s'en peut tirer si quelqu'un n'a ouvert l'escorce de la lettre, dans laquelle est contenue l'intelligence ; ce que je deduyray tantost en son lieu* : la prédication sert a *(Art. x.) ce point, non la recitation du service ; en laquelle la Parole de Dieu est non seulement récitée , mays exposée par le pasteur. Mays qui est celuy, tant houppe soit il et ferré, qui entende sans estude les Prophéties d'Ezechiel et autres, et les Psalmes ? et que servira donques aux peuples de les ouir, sinon pour les pro- phaner et mettre en doute ? et quand au reste, nous autres Catholiques ne devons en aucune façon réduire nos offices sacrés aux langages particuliers, ains plus tost, comme nostr'Eglise est universelle en tems et en lieux, elle doit aussi faire ses services publicqs en un langage qui soit de mesme universel en tems et en lieux, tel qu'est le Latin en Occident, le Grec en  184 Les Controverses Orient ; autrement nos prsestres ne sçauroyent dire Messe, ni les autres l'entendre, hors de leurs contrées. L'unité et la grand'estendue de nos frères requiert que nous disions nos publiques prières en un langage qui soit un a toutes nations ; en ceste façon nos prières sont universelles, par le moyen de tant de gens qui en chaque province peuvent entendre le Latin ; et me semble en conscience que ceste seule rayson doit suffire, car, si nous contons bien, nos prières ne sont pas moins entendues en Latin qu'en François. Car, divisons le cors d'une republique en trois parties, selon l'ancienne division françoise, ou, selon la nouvelle, en quatre. Il y a 4 sortes de personnes : les ecclésiastiques, les nobles , ceux de roubbe longue et le populas ou 3» estât ; les trois premiers entendent le Latin ou le doivent entendre, silz ne le font, leur damp. Reste le 3* estât, duquel encores une partie l'entend ; le reste, pour vray, si on ne parle le propre barragouin de leur contrée, a grand peyne pourroit il entendre le simple récit des Escritures. Ce tresexcellent théologien Robert *inhacqu«stione. Belarmin * raconte, pour l'avoir appris de lieu très Dei^L n, c! xvO ° asseuré, qu'une bonne femme, ayant ouy en Angleterre un ministre lire le chap. 25 de l'Ecclésiastique (quoy quilz ne le tiennent si non pour ancien, non pour cano- nique), parce quil est, la, discouru de la mauvaistie des femmes, elle se leva, disant : « Et quoy? c'est la parole * (Ibidem.) de Dieu? mays du diable. » Il recite encores*, le prenant * L. IV Hist. c. de Theodoret*, un bon et juste mot de saint Basile le XVII (a . XVI). Grand : l'escuyer de cuysine de l'Empereur voulut faire l'entendu a produire certains passages de l'Escriture ; * (Vide locum The- Tuum cst de puLmeuto cogitarcy'^ non dogmata o oreti.) divina decoquere ; comme sil eust dict : mesles vous de gouster vos sauces, non pas de gourmander la Vide infra. ^ (i) divine Parole. (i) Voir p. 191.  Partie II. Chapitre i. Article ix. 185  ARTICLE IX  De la profanation des Psaumes en suivant la version de Marot et en les chantant partout indifféremment  Mays entre toutes les prophanations, il me semble que cellecy se faict voir a travers des autres, qu'es temples, publiquement et tout par tout, aux champs, aux boutiques, on chante la rimaillerie de Marot comme Psalmes de David. La seule insuffisance de l'autheur, qui n'estoit qu'un ignorant, la lasciveté de laquelle il tes- moigne par ses escritz, sa vie très prophane et qui n'avoit rien moins que du Chrestien, meritoit qu'on luy refusast la fréquentation de l'église ; et néanmoins son nom et ses psalmes sont comme sacrés en vos églises, et les chante l'on parmi vous autres comme s'ilz estoyent de David : la ou, qui ne voit combien est violée la sacrée Parole ? car le vers, sa mesure, sa contrainte ne permet pas qu'on suyve la propriété des motz de l'Escriture, mais y mesle l'on du sien pour rendre le sens parfaict et comble, et a esté nécessaire a cest ignorant rimeur de choisir un sens la ou il y en pouvoyt avoir plusieurs. Et quoy ? n'est ce pas une prophanation et violation extrême d'avoir laissé a ceste cervelle esventëe un jugement de si grande conséquence, et puys suivre aussy estroittement le triage d'un basteleur, es prières publiques, comm'on fit jamais jadis l'interpré- tation des 70, qui furent si particulièrement assistés du Saint Esprit ? combien de motz, combien de sentences couche il la dedans, qui ne furent jamais en l'Escriture; c'est bien autre que de prononcer mal scibolleth *. Tou- * (Cf. p. 151.) tefois, on sçait bien quil ni a rien qui ayt tant chatouillé ces curieux, et surtout les femmes, que ceste authorité de  i86 Les Controverses chanter en l'église et assemblée. Certes, nous ne refu- sons pas a personne de chanter avec le chœur, modes- tement et décemment ; mays il semble plus convenable que les ecclésiastiques et députés chantent pour l'ordi- naire, comm'il fut faict a la dédicace du Temple de Salomon, 2 Parai. 7. ^. 6. O que l'on se plaict a faire voir sa voix es églises : mays vous trahit on pas en ces chantemens qu'on vous faict faire ? Je n'ay ni la commodité ni le loysir de poursuivre le reste ; quand vous cries ces vers du Psalme 8., ut sup. (^) Et quand a ceste façon de faire chanter indifférem- ment , en tous lieux et en toutes occupations , les Psalmes, qui ne voit que c'est un mespris de religion ? N'est ce pas offencer la Majesté divine, de luy parler avec des paroles tant exquises comme celles des Psal- mes sans aucune révérence ni attention ? dire des prières par voye d'entretien, n'est ce pas se mocquer de Celuy a qui on parle ? Quand on voit, ou a Genève ou ailleurs, un garçon de boutique se jouer au chant de ces Psalmes, et rompre le fil d'une très belle prière pour dire. Monsieur, que vous plaict il ? ne connoist on pas bien qu'il faict un accessoire du principal, et que ce n'est sinon pour passetems quil chante ceste divine chanson, quil croit neantmoins estre du Saint Esprit ? Ne faict il pas bon voir ces cuysiniers chanter les Psalmes de la Pœnitence de David, et demander a chasque verset le lart, le chapon, la perdrix ? « Ceste * (Ubi supra, art. voix, )) dict dcs Montaigucs *, « est trop divine pour VII, p. i8o.) , . ,, , , , . n avoir autre usage que d exercer les poulmons et plaire aux oreilles. » Je confesse qu'en particulier tous lieux sont bons a prier et toute contenance qui n'est pas péché, pourveu qu'on prie d'esprit, par ce que Dieu voit l'intérieur, auquel gist la principale substance de l'oray- son ; mays je crois que qui prie en publiq doit faire démonstration extérieure de la révérence que les paroles propres quil profère demandent ; autrement il scan- dalize le prochain, qui n'est pas tenu de penser quil ayt (i) Voir pp. 175, iy6, 2^ leçon.  Partie II. Chapitre i. Article ix. 187 de la religion en l'intérieur, voyant le mespris en l'extérieur. Je tiens , donques , que tant pour chanter comme Psalmes divins ce qui est bien souvent fantasie de Marot , que pour le chanter irreveremment et sans respect, on pèche tressouvent, en vostre tant reformée église, contre ceste parole, Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate oportet adorare"^ : car, outre ce qu'en ces psalmes vous attri- *]o.vr.f.2^. bues au Saint Esprit bien souvent les conceptions de Marot, contre la vérité, la bouche aussy crie, par mi les rues et cuysines, o Seigneur, o Seigneur, que le cœur ni l'esprit n'y sont point, mays au traffiq et au gain ; et, comme dict Isaïe *, vous vous eslances de * Cap. xxix. f. 13. bouche vers Dieu, et le glorifies de vos lèvres, mays vostre cœur est bien loin, de luy, et vous le craignes selon les commandemens et doctrines des hommes. Pour vray, cest inconvénient de prier sans dévotion arrive bien souvent aux Catholiques, mais ce n'est pas par l'adveu de l'Eglise, et je ne reprens pas maintenant les particuliers de vostre parti, mais le cors de vostre [église,] laquelle par ses traductions et libertés met en usage prophane ce qui devroit estre en très grande révérence. Au chapitre 14 de la i. aux Corinthiens*, Mulieres * (Vers 34.) in ecclesia taceant semble s'entendre aussy bien des cantiques que du reste : nos religieuses sunt in ora- torio, non in ecclesia.  i88 Les Controverses  ARTICLE X DE LA PROPHANATION DES ESCRITURES PAR LA FACILITÉ QP'lLZ PR/tTENDENT ESTRE EN l'iNTELLIGENCE DE l'ESCRITURE  L'imagination doit avoir grande force sur les enten- demens huguenotz, puys qu'elle vous persuade si fer- mement ceste grande absurdité, que les Escritures sont aysëes a chacun, et que chacun les peut entendre : et de vray, affin de produire les traductions vulgaires avec honneur, il failloit bien parler ainsy. Mays dites la vérité ; penses vous que la chose aille ainsy ? les trouves vous si aysëes ? les entendes vous bien ? si vous le pen- ses, j'admire vostre créance, qui est non seulement sur l'expérience, mays contre ce que vous voyes et sentes. Sil est ainsy, que l'Escriture soit si aysëe a entendre, a quoy faire tant de commentaires des An- ciens et tant de commenteries de vos ministres ? a quel propos tant d'harmonies, et a quoy faire ces escoles de théologie ? Il ne faut, ce vous dit on, que la doctrine de la pure Parolle de Dieu en l'Eglise. Mays ou est ceste Parole de Dieu ? en l'Escriture ; et l'Escriture est ce quel- que chose de secret? non pas, ce dit on, aux fidèles : a quoy faire donq ces interpréteurs, ces prœdicans? si vous estes fidèles, vous y entendres autant qu'eux ; ren- voyés les aux infidèles, et gardes seulement quelques diacres pour vous donner le morceau de pain et verser le vin de vostre souper ; si vous pouves vous repaistre vous mesmes au champ de l'Escriture, qu'aves vous a faire de pasteurs? quelque jeun'innocent et pur enfant qui sçaura lire en fera bien la rayson. Mays d'où vient ceste discorde, si fréquente et irréconciliable, qui est entre vous autres frères en Luther, sur ces seules paroles, Cecy est mon cors, et sur le point de la justi-  Partie II. Chapitre i. Article x. 189 fication ? Certes, saint Pierre n'est pas de vostre advis, * Cap. m. f. 16. qui admoneste, en sa 2. Epistre *, que es Epistres de saint Pol tl y a certains traict\ difficiles, que les ignorans et remuans dépravent, comme le reste de VEscriture, a leur propre malheur. L'eunuche tré- sorier gênerai d'Ethiopie estoyt bien fidèle, puysqu'il estoit venu adorer au Temple de Hierusalem ; il lisoyt * Act. vm. f. 37 et . 20. Isaïe *, il entendoit bien les paroles, puys quil deman- * Vers. 34. doit de quel Prophète s'ente?îdoit^ ce quil avoit leu ; neantmoins il n'en avoit pas l'intelligence ni l'esprit, comme luy mesme confessoit : Et quomodo possum * Vers 31. si non aliquis ostenderit m-ihi*? Non seulement il n'entend pas, mays confesse de ne le pouvoir sil n'est enseigné ; et nous verrons une lavandière se vanter d'entendre aussy bien TEscriture que saint Bernard. Ne connoisses vous pas l'esprit de division ? il faut s'asseurer que l'Escriture est aysëe, affin que chacun la tirasse, qui ça qui la, que chacun en face le maistre, et qu'elle serve aux opinions et fantasies d'un chacun. Certes, * Psaim. cvm. {f. 7 3') David la tenoyt pour malaysëe, quand il disoit * : Da mihi intellectum ut discam mandata tua. Si on vous *(Epist. un.) a laissé l'epistre de saint Hierosme, ad Paulinum *^ devant vos bibles, lises la ; car il empoigne ceste cause tout exprès. Saint Auofustin en parle en mille lieux, * L. Xli. c xiv. mais sur tout en ses Confessions^ : en 1 epistre 119^^ inquisit. januarii, il confesse d'ignorer beaucoup plus en l'Escriture quil ii^. n. A . Ep. lv.) n'y sçait. Origene et saint Hierosme, celluyla en sa *(Opera, tom. m, prseface sur les Cantiques *, celluyci en la sienne sur * (ôpera, tom. V, Ezechiel *, recitent quil n'estoit pas permis aux Juifz ^°^' ^5-)(') devant l'aage de 30 ans, lire les 3 premiers chapitres de Genèse, le commencement et la fin d'Ezechiel ni les Cantiques des Cantiques, pour la profondité de leur difficulté, en laquelle peu de gens peuvent nager sans s'y perdre ; et maintenant chacun en parle, chacun en juge, chacun s'en faict accroire. Or, combien soit grande la prophanation de ce costé personne ne le pourroit suffisamment penser qui ne  (i) Hodie haec praefatio, ad Pauîam et Eustochium, confunditur cum textu.  190 Les Controverses l'auroit veu : pour moy je diray ce que je sçay, et ne mens point. J'ay veu un personnage en bonne compai- gnie, auquel estant objectée a un sien devis la sentence de Nostre Seigneur, Qui percutit te in maxillam, * Luc. VI. f. 29. prcehe ei et altérant'^, l'entendit incontinent en ce sens, que comme [pour] flatter un enfant qui estudie bien^ on luy met légèrement a petitz coups la main a la joue pour rinciter a mieux, ainsy vouloit dire Nostre Sei- gneur, a qui te trouvera bien faysant et t'y consolera, fais si bien qu'il ait occasion a l'autre fois de consoler davantage et te flatter bu amadoiier des deux costés. Ne voyla pas un beau sens et rare ? mays la rayson estoit encores plus belle, par ce qu'a Tentendre autrement ce seroit contre nature, et qu'il faut interpréter l'Escri- ture par l'Escriture , ou nous trouvons que Nostre Seigneur n'en fit pas de mesme quand le serviteur le frappa : c'est le fruict de vostre triviale théologie. Homme de bien, et qui a mon advis ne voudroit pas mentir, m'a raconté quil a ouy un ministre en ce pais, traittant de la Nativité de Nostre Seigneur, asseurer quil n'estoit pas né en une crèche, et exposer le texte, qui est exprès au contraire, paraboliquement, disant : Nostre Seigneur dict bien quil est la vigne, et il ne l'est pas pour cela, de mesme, encor quil soit dict quil est né en une crèche, il ny est pas né pour cela, mais en quelque lieu honnorable, qui en comparaison de sa grandeur se pouvoit appeller crèche. La couleur de cest'interpretation me faict encor plus croire l'homme qui me l'a dict, car estant simple et sans sçavoir lire, a grand peyne quil l'eut controuvëe. C'est chose très étrange de voir comme ceste suflisance praetendue faict prophaner l'Escriture. * (Aliter c. XXV, Hic adscribcuda sunt ea verba c. 35 * Vincentii Liri- Commonit. I.) • tit • j i_ i .\ r^ » ^ ' nensis : Nain vtdeas eos, etc. (0 Cecy n est ce pas (i) Nam videas eos volare per singula quœque sanctœ legis volumina, per Moy si per Regum libros, per Psalmos, per Apostolos, per Evange/îia, per Pro- phetas. Sive eiiam apud suos, sive alias, sive privatim, sive publiée, stve in sermonibus, sive in libris, sive in convivits, sive in plateis, etc.  Partie II. Chapitre i. Article xi. 191 faire ce que dict Dieu en Ezechiel, 34, f. 18 : Nonne satis vobis erat pasciia bona depasci ? insuper et reliquias pascuarum vestrarum conculcastis pedibus. Ad hoc signum ^ addendum est caput de prophana- tione per Psalmos Davidis versibus redditos (0.  ARTICLE XI RESPONCE AUX OBJECTIONS, ET CONCLUSION DE CE premier ARTICLE (2)  S''ensuyt ce que vous allègues pour vostre defence. Saint Pol semble vouloir qii'on face le service en langue intelligible, aux Corinthiens *. Vous verres que * I Cor. c. xiv. pour cela il ne veut pas qu'on diversifie le service en toutes sortes de langages, mais seulement que les exhor- tations et cantiques qui se faysoyent par le don des langues soyent interprétés, affin que Teglise ou on se trouve sache que l'on dict : Et ideo, qui loquitur lingua, oret ut interpretetur *. Il veut donques que * Vers. 13. les louanges qui se faysoyent en Corinthe se fissent en Grec, car, puys quilz se faysoyent non ja comme ser- vices ordinaires, mays comme cantiques extraordinaires de ceux qui avoyent ce don, pour consoler le peuple, il estoyt raysonnable quilz se fissent en langue intelligible, ou que on les eust interprété sur le champ ; ce quil semble monstrer quand plus bas il dict * : Si ergo * (Vers. 23.) conveniat universa ecclesia in unum, et otnnes linguis loquantur, intrent autem idiotce aut infi- dèles, nonne dicent quod insanitis ? et plus bas * : * (Vers. 27, 28.) (i) Voir p. 184. L'ordre des articles ix et x a été changé selon cette indication du Saint. (2) Le mot article est employé dans le sens de division ou chapitre.  192 Les Controverses Sive lingua quis loquitur, secundum duos aut ut multum très, et per partes, et unus interpretetur ; si autem non fuerit interpres, taceat in ecclesia, sibi autem loquatur et Deo. Qui ne voit quil ne parle pas des offices solemnelz en Teglise, qui ne se faysoyent que par le pasteur, mays des cantiques qui se faysoyent par le don des langues, quil vouloyt estre entenduz ; car, de vray, ne l'estans pas, cela detournoyt rassemblée et ne servoit de rien. Or de ces cantiques parlent plusieurs Pères, mays entr'autres Tertulien, lequel deduysant la Voyes l'annota- Sainteté dcs agapes ou charités des Anciens dict * : ^maf^ E^nf'uin ^^^^ manualcm aquam et lumina, ut quisque de E. de Rennes, sur Scripturis Sanctis vel de àroàrio ins^enio totest, le 2. chap. du liv. . ^ , . , . ^ six des Confess. de provocatur in medium Deo canere. '^'^"^* Ohj . Populus hic labiis me honorât, cor autem * (Is., XXIX, 13.) eorum * ; cela s'entend de ceux qui chantent et prient, en quel langage que ce soit, et parlent de Dieu par manière d'acquit , sans révérence et dévo- tion ; non de ceux qui parlent un langage a eux inconneu mays conneu a l'Eglise, et néanmoins ont le cœur ravi en Dieu. *(Cap. II, II.) Ohj . Es Actes des Apostres * on louoit Dieu en toutes langues : aussy faut il, mays es offices universelz et catholiques il y faut une langue universelle et catholique ; hors de la, que toute langue confesse que le Seigneur * (Philip., Il, II.) Jésus est a la dextre de Dieu le Pere^. * Cap. XXX. (j^. II- Au Deuteronome * est il pas dict que les comman- demens de Dieu ne sont pas secretz ni celés ? et le * Psai. XVIII. (^. 9.) Psalmiste dict il pas : Frceceptum Domini lucidum"^ ; * Psai. cxviii. {f. Lucerna pedibus meis verbum tuum * ? Tout cela va bien, mays il s'entend estant prechëe et expliquée et bien entendue, car, Quomodo credent sine prœdi- •(Rom., X, 14.) cante*? et tout ce que David grand prophète a dict, ne doit estre tiré en conséquence sur un chacun. Mays on m'objecte a tous propos : ne dois je pas chercher la viande de mon ame et mon salut? pauvre homme, qui le nie ? mays si chacun va aux pasturages comme les vielles oyes , a quoy faire les bergers ? cherche les pastiz, mays avec ton pasteur. Se mocque-  Partie II. Chapitre i. Article xi. 193 roit on pas du malade qui voudroit chercher sa santé en Hipocrate sans l'ayde du médecin ? ou de celuy qui voudroit chercher son droit en Justinien (0 sans s'ad- dresser au juge ? Cherchez, luy diroit on, vostre santé, mais par le moyen des médecins ; et vous, cherchez vostre droit et le procurez, mais par les mains du magistrat. Qtiis mediocriter sanus non intelligat Scripturarum expositionem ah Us esse petendam qui earum sunt doctores ? dict saint Augustin *. Quoy ? * Lib. i. de morib. si personne ne trouve son salut que qui sçait lire les Escritures , que deviendront tant de pauvres idiotz ? certes, ilz trouvent et cherchent leur salut asses suffi- samment, quand ilz apprennent de la bouche du pasteur le sommaire de ce qu'il faut croire, espérer, aymer, faire et demander a Dieu. Croyes qu'encores selon l'esprit il est véritable ce que disoit le Sage * : Melior * Prover. xxvm. est pauper ambulans in simplicitate sua quant dives in pravis itinerihus ; et ailleurs* : Simplicitas * Cap. xi. j^^ 3. justorum diriget eos ; et * : Qui ambulat siinpliciter * Cap. x. ^■. 9. ambulat confidenter. Ou je ne voudrois pas dire quil ne faille prendre peyne d'entendre, mays seulement qu'on ne se doit pas penser de trouver de soymesme son salut ni son pasturage, sans la conduicte de qui Dieu a constitué pour cest eifect, selon le mesme Sage * : Ne * (Ibid., m, 3.) innitaris prudent ice tuce ; et*, Ne sis sapiens apud te- *(Vers. 7.) metipsum : ce que ne font pas ceux qui pensent en leur seule suffisance connoistre toute sorte de misteres, sans observer l'ordre que Dieu a establi, qui en a faict entre nous les uns docteurs et pasteurs^, non tous, et un *(Ephes.,iv, n.) chacun pour soymesme. Certes, saint Augustin* trouva * L. viii. Conf. c. que saint Anthoyne, homme indocte, ne layssoit pas de sçavoir le chemin de Paradis, et luy avec sa doctrine en estoit bien loin alhors, parmi les erreurs des Manichéens. Mays j'ay quelques tesmoignages de l'antiquité et quelques exemples signalés, que je vous veux laysser a la fin de cest article (2) pour sa conclusion. (i) Le nom de Justinien a été substitué par le Saint à celui de Bariole, qu'il avait écrit en premier lieu. (a) Cf. note (2), p. 191. 13  vm.  194  Les Controverses  • De verb. Domini Saint Augustiiî*: Admoneuda fuU charitas vestra Ser vni. c. xxxvi. coufessiomm non esse sem-ber vocem peccatoris ; CI.) quia inox ut hoc verhum sonuit [171 ore] lectorïs, secutus est etiani sonus tunsionis pectoris vestri. Audito, scîlicet, quod Dominus ait, Confiteor tibi, *(Matt.,xi,25;Luc., Pater*, in hoc ipso quod sonuit Confiteor, pectora X 21.) vestra tutudistis : tundere autem pectus quid est, nisi arguer e quod latet in pectore, et evidenti pulsu occultum castigare peccatum ? quare hoc fecistis, nisi quia audistis , Confiteor tibi, Pater? Confiteor audistis, quis est qui confitetur 7ion atten- distis ; nunc ergo advertite. Voyes vous comme le peuple oyoyt la leçon publique de l'Evangile, et ne l'entendoit pas, sinon ce mot, Confiteor tibi, Pater ? qu'il entendoit par coustume, par ce qu'on le disoit tous au commencement de la Messe, comme nous faysons maintenant : c'est sans doute que la leçon s'en faysoit en Latin, qui n'estoit pas leur langage vulgaire. ^lays qui veut voir le conte que les Catholiques font de la Sainte Escriture et le respect quilz luy portent, quilz admirent le grand cardinal Borromëe , lequel n^estudioit jamais sur les Saintes Escritures sinon a genoux, luy semblant quil oyoyt parler Dieu en icelles, et que telle révérence estoit deiie a une si divine audience. Jamais peuple ne fut mieux instruict, selon la malice du tems, que le peuple de Milan sous le cardinal Borromëe ; mays l'instruction du peuple ne vient pas a force de tracasser les saintes Bibles, et lisotter ceste divin'Escriture, ni chanter ça et la en forme de fantasies les Psalmes, ains de les manier, lire, ouyr, chanter et prier avec appréhension vive de la majesté de Dieu a qui on parle, de qui on lit ou escoute on la Parole, tousjours avec ceste praeface de l'ancienn'Eglise, Sursiun corda. Ce grand amy de Dieu, saint François, a la glorieuse et tressainte memoyre duquel on celebroit hier (i) par tout le monde feste, nous monstroit un bel exemple de (i) 4 octobre, 1395.  C. X.  Partie II. Chapitre i. Article xi. 195 l'attention et révérence avec laquelle on doit prier Dieu. Voyci ce qu'en raconte le saint et fervent docteur de l'Eglise, saint Bonaventure * : Solitus erat vir * (incita s. Franc, sanctus horas canonicas non minus timorate per- solvere quam dévote ; nam licet ociilorum, stotnachi splenis et hepatis œgritudine lahoraret , nolehat muro vel parieti inhcerere duin p s aller et , sed horas semper erectus et sine captttio, non gyrovagis oculis nec cum aliqua syncopa persolvehat ; si quando esset in itinere constitutus figebat tune temporis gressum, hujusmodi consuetudinem rêve- rentem et sacrant propter pluviarum inundantiam non omittens ; dicebat enim : si quiète comedit corpus cibum suum, futurum cum ipso vermiiun escam, cum quanta pace et tranquillitate accipere débet anima cibum vitce ?  CHAPITRE II QUE L'EGLISE DES PR^TENDUZ A VIOLÉ LES TRADITIONS APOSTOLIQUES, 2^ REGLE DE LA FOY CHRESTIENNE  ARTICLE PREMIER  aUE C EST QUE NOUS ENTENDONS PAR TRADITION APOSTOLiaUE  * Sess. IV. Voicy les paroles du saint Concile de Trente *, par- lant de la vérité et discipline Chrestienne Evangelique : Perspiciens (sancta Sinodus) hanc veritatem et dis- ciplinant contineri in Libris scriptis et sine scripto Traditionihus, quce ah ipsius Christi ore ab Apos- tolis acceptée, aut ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditœ, ad nos usque pervenerunt ; orthodoxorum Patrum exempta se- cuta, omnes Libros tain Veteris quant Novi Testa- mentiy cum utriusque unus Deus sit auctor, nec non Traditiones ipsas, tum ad fidem tum ad mores pertinentes, tanquant vel oretenus a Christo vel a Spiritu Sancto dictatas, et continua successione in Ecclesia Catholica servatas, pari pietatis affecta ac reverentia suscipit et veneratur. Voyla, a la vérité, un décret digne d'une assemblée qui puysse dire,  Partie II. Chapitre ii. Article i. 197 Visum est Spiritui Sancto et nobis*; car il ny a * (Act., xv, 28.) presque mot qui ne porte coup sur les adversaires et ne leur levé tous armes du poingt. Car, dequoy leur proufitera meshuy de crier : In vanum colunt tne, docentes mandata et doctrinas hominum'^. Irritum fecistis mandatum Dei brobter \}^' ^^^^- (^ 13; . •' ^ ^ Marc, VII, 7.) traditionem vestram*. Ne intendas fahulis Judai- * Mat. xv. (^. 6.) ^/5 *. j^mulator existens paternarum tnearum *(Tit., i, 14); i. tu traditionum'^. Videte ne quis vos decipiat per phi- ^Gài!'i ('^f 14.) losophiam et inanem fallaciam, secundum tradi- tionem homlnum'^. Redempti estis de vana vestra * Coi. n. (>-. 8.) conversatione paternce traditionis'^ ? Tout cecy n'est '" i- Pet. i. (^. 18.) point a propos ; puysque le Concile proteste clairement que les Traditions quil reçoit ne sont ni traditions ni doctrines des hommes, ains, quœ ab ipsius Christi are ab Apostolis acceptœ, vel ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante^ quasi per manus traditœ, ad nos usque pervenerunt : ce sont donques Parole de Dieu, doctrine du Saint Esprit, non des hommes. En quoy vous verres arrester quasi tous vos ministres, faysans des grandes harangues pour monstrer quil ne faut mettre en comparayson la tradition humayne avec l'Escriture ; mays a quel propos tout cela, sinon pour enjôler les pauvres auditeurs ? car jamais nous ne dismes cela. En cas pareil ilz produysent contre nous ce que saint Pol disoit a son bon Timothëe * : Omnis scrip- * il Timot. m. (jî^. tura divinitus inspirata utilis est ad docendum, ad corripiendum^ ad erudiendum in justitia, ut perfectus sit homo Dei, ad omne bonuin opus instructus. A qui en veulent ilz ? c'est une querelle d'Allemand. Qui nie la très excellente utilité de l'Escri- ture, sinon les huguenotz qui en lèvent des plus belles pièces comme vaynes? Elles sont très utiles, certes; ce n'est pas une petite faveur que Dieu nous a faict de les nous conserver parmi tant de persécutions : mays l'uti- lité de l'Escriture ne rend pas les saintes Traditions inutiles, nom plus que l'usage d'un œïl, d'une jambe, d'une oreille, d'une main, ne rend pas l'autre inutile ;  16. 17.)  198 Les Controverses dont le Concile dict : Omnes Lihros tam Veteris quant Novi Testamenti, nec non Traditiones ipsas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur. Belle façon de raysonner : la foy proufite, donques les œuvres ne proufitent de rien. * jo. XX. [f. 30, De mesme * : Multa quidem et alia signa fecit ^^ Jésus quœ non sunt scripta in libro hoc; hcec autem scripta sunt ut credatis quod Jésus est Filius [Dei]j et ut credentes vitam habeatis in nomine ejus : donques il ny a rien autre a croire que cela ; belle consé- quence ! Nous sçavons bien que Quœcumque scripta * (Rom., XV, 4.) sunt ad nostram doctrinam scripta sunf^ ; mays cela empêchera il que les Apostres prsechent ? Hœc scripta sunt ut credatis quod Jésus est Filius Dei; mays cela ne suffit pas, car, quomodo credent sine * (ibid., X, 14.) prcedicante"^ ? Les Escritures sont données pour nostre salut, mays nompas les Escritures seules, les Traditions y ont encor place : les oyseaux ont l'aisle droite pour voler ; donques l'aysle gauche ny sert de rien ? ains l'une ne va pas sans l'autre. Je laysse a part les respon- ces particulières, car saint Jan ne parle que des miracles quil avoyt a escrire, quil tient suffire pour prouver la divinité du Filz de Dieu. Quand ilz produysent ces paroles. Non addetis ad verbum quod ego prœcipio vobis, nec auferetis ab * Deut. IV. (^. 2.) eo"^ ; Sed licet nos aut angélus de ccelo evangeli^^et vobis prceter quant quod evangeli^avintus vobis , * Gai. I. {f. 8.) anathenta sit *^ ilz ne disent rien contre le Concile, qui dict expressément que la doctrine Evangelique ne con- siste pas seulement es Escritures, mays encores es Traditions. L'Escriture donques est Evangile, mais nom pas tout l'Evangile, car les Traditions sont l'autre partie : qui enseignera donques outre ce qu'ont ensei- gné les Apostres, maudict soit il ; mays les Apostres ont enseigné par escrit et par Tradition, et tout est Evangile. Que si vous considères de près comme le Concile apparie les Traditions aux Escritures, vous verres quil ne reçoit point de Tradition contraire a l'Escriture ; car il reçoit la Tradition et l'Escriture avec  Partie II. Chapitre ii. Article ii.  199  pareil honneur, parce que l'une et l'autre sont ruysseauz très doux et purs, qui sont partis d'une mesme bouche de Nostre Seigneur, comme d'une vive fontayne de sapience, et partant ne peuvent estre contraires, ains sont de mesme goust et qualité, et se joignans ensemble arrousent gayement cest arbre du Christianisme, quod fructum suum dahit in tempore suo *. Nous appelions donques Tradition Apostolique la doctrine, soit de la foy soit des mœurs, que Nostre Seigneur a enseignée de sa propre bouche ou par la bouche des Apostres ; laquelle n'estant point escritte es Livres canoniques, a esté ci devant conservée jusqu'à nous comme passant de main en main, par continuelle succession de l'Eglise : en un mot, c'est la Parole de Dieu vivant, imprimée non sur le papier"^ mais dans le cœur de l'Eglise * seulement. Et ny a pas seulement Tradition des cérémonies, et de certain ordre extérieur arbitraire et de bienséance, mays, comme dict le saint Concile, en doctrine qui appartient a la foy mesme et aux mœurs ; quoy que, quand aux Traditions des mœurs, il y en a qui nous obligent très étroittement, et d'autres qui ne nous sont proposées que par conseil et bien- séance, et cellescy n'estans observées ne nous rendent pas coulpables, pourveu qu'elles soyent approuvées et prisées comme saintes, et ne soyent mesprisées.  (Ps. I, 3.)  (II Joan., f. 12.) (II Cor., III, 2, 3.)  Le docte Anthoyne Possevin , Concra Chytreum, sect. 2. c. 3, remarque que la doctrine Chres- tienne ne s'appelle pas Eugraphium , mays Euangelium.  ARTICLE II  qu'il y a des traditions APOSTOLiaUES EN l'eGLISE  Nous confessons que la tressainte Escriture est très excellente et très utile'^ \ elle est escrite affïn que nous * (Vide loca supra, pp. 197, 198.) croyons ; rien ne luy peut estre contraire que le men- songe et l'impiété : mays pour establir ces vérités il ne faut pas rejetter cellecy, a sçavoir^, que les Traditions  200 Les Controverses sont très utiles ; données affin que nous croyons; rien ne leur est contraire que l'impiété et le mensonge ; car pour establir une vérité il ne faut jamais destruire l'autre. L'Escriture est utile pour enseigner ; appre- nes donques de l'Escriture mesme quil faut recevoir avec honneur et créance les saintes Traditions. S'/7 ne faut rien ad jo us ter a ce que Nostre Seigneur a com- mandé, ou est ce quil a commandé qu'on condamnast les Traditions Apostoliques ? pourquoy adjoustes vous cecy a ses paroles ? ou est ce que Nostre Seigneur l'a jamais enseigné ? que tant s'en faut quil ait jamais commandé le mespris des Traditions Apostoliques, que jamais il ne mesprisa aucune tradition du moindre prophète du monde : coures tout l'Evangile, et vous n'y verres censurées que les traditions humaynes et * (In Corp. juris contraires a l'Escriture. Voyes la Nouvelle 146*. Que si thJnticîefcoiL IX, Nostrc Seigneur ni ses Apostres ne l'ont jamais escrit, tit. XXIX.) pourquoy nous evangelises vous ces choses cy ? au contraire, il est défendu de lever rien de l'Escriture, pourquoy voules [vous] lever les Traditions, qui y sont si expressément authentiquées ? *ll.Thess.n.(>M4.) N'cst cc pas la Saint'Escriture de saint Pol qui dict*, Itaque, fratres, tenete traditiones quas accepistis, sive per sermonem sive per epistolam ? Hinc patet quod non omnia per epistolam tradiderunt Apos- toli, sed multa etiam sine literis ; eadem vero fide digna sunt tam ista quant illa, dict saint Chrysos- *(Homii. IV in II tomc, en SOU commentaire sur ce lieu*. Ce que saint MH^'.^sf/et III Jan mesme confirme* : Multa habens scribere vobis, (^13, i4)Epistoia. fiQiiii p^^ chartam et atramentum ; spero enim me futurum apud vos, et os ad os loqui ; c'estoyent choses dignes d^estre escrites, néanmoins il ne l'a pas faict, mays les a dites, et au lieu d'Escriture en a faict Tradition. Formant habe sanorum verborum, quce a me audisti : bonum depositum custodi, disoit saint Pol * II Timot. I {y. a SOU Timothec * ; n'estoit ce pas luy recommander ^^' ^ la Parole Apostolique non escritte ? et cela s'appelle *(Cap. II, 2.) Tradition. Et plus bas* : Quce audisti a me per  Partie II. Chapitre ii. Article ii. 20 » tnultos testes, hœc commenda fidelibus hominihus, qui idonei erunt et altos docere. Qu'y a il de plus clair pour la Tradition ? Voyla la forme : l'Apostre parle, les tesmoins le rapportent^ saint Timothëe le doit enseigner a d'autres, et ceux la aux autres ; voyla pas une sainte substitution et fidecommis spirituel ? Le mesm'Apostre loiie il pas les Corinthiens de l'observation des Traditions ? Quod per omnia, dict, met memores estis, et sicut tradidi vobis prcecepta mea servatis *. Si c'estoit en la seconde des Corin- * I Cor. xi. f. 2. thiens, on pourroit dire que par ses commandemens il entend ceux de la première, quoy que le sens y seroit forcé (mays a qui ne veut marcher tout ombre sert), mays cecy est escrit en la première ; il ne parle pas d'aucun Evangile, car il ne l'appelleroit ^"à.^ prcecepta mea : qu'estoit ce donques sinon une doctrine Aposto- lique non escritte ? cela nous l'appelions Tradition. Et quand a la fin il leur dict, Cœtera cum venero dis- ponatn'^y il nous laysse a penser quil leur avoyt enseigné * Cap. xi. ^\ 34. plusieurs choses bien remarquables, et néanmoins nous n'en avons aucun escrit ailleurs : sera il donq perdu pour l'Eglise ? non certes, mais est venu par Tradition, autrement l'Apostre ne l'eust pas envié a la postérité et l'eust escrit. Et Nostre Seigneur dict : Multa habeo vobis dicere quce non potestis portare modo *. Je vous demande, * Jo. xvi. (^. 12.) quand leur dict il ces choses quil avoit a leur dire ? pour vray, ou ce fut après sa résurrection les 40 jours quil fut avec eux, ou par la venue du Saint Esprit; mais que sçavons nous que c'est quil comprenoit sous ceste parole, Multa habeo, et si tout est escrit ? il est bien dict * quil fut 40 jours avec eux, les enseignant du * (Act., i, 3.) royaume des cieux, mays nous n'avons ni toutes ses apparitions ni ce quil leur disoit en icelles (^l. (i) Voir parmi les sermons du Saint ceux qui traitent de la Tradition.  CHAPITRE III QUE LES MINISTRES ONT VIOLÉ L*AUTHORITÉ DE L'EGLISE, 3E REGLE DE NOSTRE FOY  ARTICLE PREMIER aUE NOUS AVONS BESOIN DE QUELau'AUTRE REGLE OUTRE LA PAROLE DE DIEU  Quand Absalon (i) voulut une fois faire faction contre son bon père, il s'assit près de la porte au chemin, et disoit aux passans : Il ny a personne constitué du Roy pour vous ouir, hé, qui me constituera juge sur terre, afin que qui aura quelque negotiation vienne a moy et que je juge justement ? ainsy soUici- •(II Reg.,xv, 2-6.) toit il le courage des Israélites*. Mays combien d'Absa- lons se sont trouvez en nostre aage, qui, pour seduyre et distraire les peuples de l'obéissance de TEglise, et solliciter les Chrestiens a révolte , ont crié sur les advenues d'Allemaigne et de France : il ny a personne qui soit establi du Seigneur pour ouyr et resouvre des dififerens sur la foy et religion ; l'Eglise n'y a point de pouvoir. Quicomque tient ce langage, Chrestiens, si vous le considères bien vous verres quil veut estre (i) Cf. le premier alinéa d'art, vi, chap. 11, Partie I ; et voir note (i), p. 210.  Partie II. Chapitre m. Article i. 203 juge luy mesme, quoy quil ne le die pas a descouvert, plus rusé qu'Absalon. J'ay veu un des plus recens livres de Théodore de Beze(0, intitulé, Des vrayes, essentielles et visibles marques de la vraye Eglise Catholique : il me semble quil vise la dedans a se rendre juge, avec ses collatéraux , de tout le différent ou nous sommes. Il dict * que la conclusion de tout son discours est « que * Pag. 49. le vray Christ est la seule, vraye et perpétuelle marque de l'Eglise Catholique, entendant du vray Christ tel, » dict il, « quil s'est très parfaittement déclaré dés le com- mencement, tant es escritz prophétiques qu'apostoliques, en ce qui appartient a nostre salut ; » plus bas il dict * : * Pag. 78. « Voyla ce que j'avois a dire sur la vraye, unique et essentielle marque de la vraye Eglise, qui est la Parole escritte prophétique et apostolique, bien et deuement administrée ; » et plus haut* il avoit confessé quil y * Pag. 41. avoit des grandes difficultés es Escrittures Saintes, mays « nom pas es pièces qui touchent a nostre créance. » A la marge * il met cest advertissement, quil a mis * (Eadem pag.) quasi par tout le texte : « L'interprétation de l'Escrit- ture ne se doit puyser d'ailleurs que de l'Escritture mesme, en conférant les passages les uns avec les autres, et les rapportant a Tanalogie de la foy ; » et en l'Epistre au Roy de France*: « Nous demandons qu'on *(lncapiteejusdem -^ opusculi.) s'en rapporte aux Saintes Escrittures canoniques , et que, sil y a doute sur l'interprétation d'icelles, la con- venance et le rapport qui doit estre tant entre les passages de TEscriture qu'entre les articles de la foy en soyent juges. » Il y reçoit « les Pères, avec tout autant d'authorité quilz se trouveront de fondement es Escrittures ; » il poursuit : « Quand au point de la doctrine, nous ne sçaurions appeller a aucun juge non reprochable qu'au Seigneur mesme, qui a déclaré tout son conseil touchant nostre salut par les [Apostres] et  (i) En 1592, de Bèze publia une traduction française de son livre sur les Marques de l'Eglise, y ajoutant une Epître au Roi de France (Henri IV) ; l'édition latine avait paru en 1579.  204 Les Controverses *(in eademEpist., Prophètes. » Il dict encores * quilz sont « ceux qui et pag. 46.) » j . . n ont désavoue ni voudroyent désavouer un seul Con- cile digne de ce nom, gênerai ni particulier, ancien ni plus récent, » (notés) « pourveu, » dict il, « que la pierre de touche, qui est la Parole de Dieu, en face l'espreuve. » Voyla, en un mot, ce que veulent tous tant quil y a de reformayres, qu'on prenne l'Escriture pour juge. Mays a cela nous répliquons, Amen : mays nous disons que nostre différent n'est pas la ; c'est qu'es dififerens que nous aurons sur l'interprétation, et qui s'y trouveront de deux motz en deux motz, nous avons besoin d'un juge. Hz respondent, quil faut juger des interprétations de l'Escriture conférant passage avec passage et le tout au Simbole de la foy. Ameriy amen, disons nous ; mais nous ne demandons pas comment on doit inter- préter l'Escriture, mays qui sera le juge ; car, après avoir conféré les passages aux passages et le tout au Simbole de la foy, nous trouvons que par ce passage. Tu es Petrus, et super hanc petram cedificaho Ecole- siam Tneam, et portée inferi non prœvalehunt ; et *(Matt.,xvi, 18, 19.) tibi daho claves regni cœlorum*, saint Pierre a esté chef ministerial et suprême œconome en l'Eglise de Dieu ; vous dites, de vostre costé, que ce passage, Reges gentium dominantur eorum, vos autem. non *(Luc.,xxii,25,26.) sïc'^, OU ccst autre (car ilz sont tous si foibles que je ne sçay pas lequel vous peut estre fondemental), Nemo * (I Cor., III, II.) potest aliud fundamentum ponere"^, etc., conféré avec les autres passages et a l'analogie de la foy, vous faict détester un chef ministerial : nous suyvons tous deux un mesme chemin en la recherche de la vérité de ceste question, a sçavoir, sil y a en l'Eglise un vicaire gênerai de Nostre Seigneur, et neantmoins je suys arrivé en l'affirmative, et vous, vous estes logés en la négative ; qui jugera plus de nostre différent ? || Certes, qui s'addressera a Théodore de Beze, il dira que vous aves mieux discouru que moy, mays ou se fondera il en ce jugement, sinon sur ce quil luy semble amsy, selon le prsejugé quil en a faict il y a si long tems ? et  Partie II. Chapitre m. Article i. 205 quil dise ce quil voudra, car qui l'a establi juge entre vous et moy ? || C'est icy le gros de nostre affaire, Chrestiens ; con- noisses, je vous prie, l'esprit de division. On vous renvoyé a TEscriture ; nous y sommes devant que vous fussies au monde, et y trouvons ce que nous croyons, clair et net. Mays il la faut bien entendre, adjustant les passages aux passages, le tout au Simbole ; nous sommes en ce train il y a quinze centz ans et passent. Vous vous y trompes, respond Luther. Qui vous l'a dict? l'Escriture. Quelle Escriture? telle et telle, ainsy confé- rée et appariée au Simbole. Au contrayre, dis je, c'est vous, Luther, qui vous trompes ; l'Escriture me le dict en tel et tel passage, bien joint et adjusté a telle et telle pièce de l'Escriture et aux articles de la foy. Je ne suys pas en doute (^) sil faut adjouster foy a la sainte Parole ; qui ne sçait qu'elle est au suprême grade de certitude ? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de ceste Escriture, ce sont les conséquences et conclusions qu'on y attache, lesquelles estans diverses, sans nombre et contraires bien souvent sur un mesme sujet, ou chacun prend parti, qui d'un costé qui d'autre, qui me fera voir la vérité au travers de tant de vanités ? qui me fera voir ceste Escriture (=) en sa naifve couleur? car le col de ceste colombe change autant d'apparences que ceux qui le regardent changent de postures et distances. LŒscriture est une très sainte et très infallible pierre de touche ; toute proposition qui soustient cest essay (3) je la tiens pour très loyale et franche. Mays quoy, quand j'ay en main ceste proposition, le cors naturel de Nostre Seigneur est realement, substantiellement et actuellement au Saint Sacrement de l'autel ? Je la fays toucher, a tous biays et de tous costés, a l'expresse et très pure Parolle de Dieu et au Simbole des Apostres ;  (i) Cf. Partie I, chap. ii, art. vi, pp. 73, 74. (2) Cf. TAvant-Propos, p. 14, 2*^ leçon. (3) Les folios suivants, qui manquent dans l'Autographe de Rome, se trouvent dans les archives de la Visitation d'Annecy, et sont édités ici pour la première fois. Voir p. 221.  2o6 Les Controverses il ny a point d'endroit ou je ne la frotte cent fois si vous voules, et quand plus je regarde, tousjours je la reconnoys de plus fin or et de plus franc metail. Vous dites qu'en ayant faict de mesme vous y trouves du faux ; que voules vous que je face ? tant de maistres Tout maniée cy devant, et tous ont faict mesme juge- ment que moy, et avec tant d'asseurance quilz ont forclos, es assemblées générales du mestier, quicomque y a voulu contredire : mon Dieu, qui nous mettra hors de doute ? Il ne faut plus dire la pierre de touche, *(Ps. XI, 9.) autrement on dira. In circuitu impti ambulant "^ : il faut que ce soit quelqu'un qui la manie, et face la preuve luymesme de la pièce, puys, qu'il en face juge- ment, et que nous le subissions, et l'un et l'autre, sans plus contester ; autrement chacun en croira ce quil luy plaira. Prenes garde ; avec ces parades nous tirons FEscriture après nos fantasies, nous ne la suyvons pas. * (Matt., V, 13.) Si sal evanuerity in quo salietur * ? si l'Escriture est le sujet de nostre différent, qui la réglera ? Ah, (0 quicomque dict que Nostre Seigneur nous a embarqués en son Eglise, a la mercy des ventz et de la marée, sans nous donner un expert pilote qui s'en- tende parfaittement en Tart nautique sur la charte et la bussole, il dict quil nous veut perdre. Quil y ayt mis la plus excellente bussole et la charte la plus juste du monde, mays dequoy sert cela si personne n'a le sçavoir d'en tirer quelque règle infallible pour conduire le na- vire ? dequoy servira il quil y ait un tresbon timon, sil ny a un patron pour le mouvoir a la mesure qu'en- seignera la charte ? mays sil est permis a chacun de le tourner au fil que bon luy semblera, qui ne void que nous sommes perdus ? Ce n'est pas l'Escriture qui a besoin de règle ni de lumière estrangere, comme Beze pense que nous croyons ; ce sont nos gloses, nos conséquences, intelligences, interprétations, conjectures, additions et autres semblables mesnages du cerveau de l'homme, qui ne pouvant demeurer coy s'embesoigne (i) Cf. Partie I, chap. 11, art. vi, p. 74.  I  Partie II. Chapitre m. Article i. 207 tousjours a nouvelles inventions : ni moins voulons nous un juge entre Dieu et nous, comm'il semble quil veuille inférer en son Epistre * ; c'est entr'un homme *(Videsup.,p.2o^) tel que Calvin, Beze, Luther, et entr'un autre tel que Echius, Fischer, Morus ; car nous ne demandons pas si Dieu entend mieux l'Escriture que nous, mays si Calvin l'entend mieux que saint Augustin ou saint Cyprien. Saint Hilaire dict tresbien* : De intelligent ta hœresis *^^'^^ ^^ '^""^*- est, non de Scriptura, et sensus, non sermo , fit crimen ; et saint Augustin* : Non aliunde natce sunt * Tract, xvm in jo. hœreses nisi dum Scripturce honœ intelliguntur non hene, et quod in eis non hene intelligitur etiam temere et audacter asseritur. C'est le vray jeu de Michol *, de couvrir une statue faitte a poste dans le lict, * l Reg.,xix. f. 13. des habitz de David ; qui regarde cela pense avoir veu David, mays il s'abuse, David ny est pas : l'heresie couvre au lict de son cerveau la statue de sa propre opinion des habitz de la Sainte Escritture ; qui voit ceste doctrine pense avoir veu la sainte Parole de Dieu, mays il se trompe, elle ny est point, les motz y sont mays non l'intelligence. Scripturce, dict saint Hierosme *, * (Contra Lucif., non in legendo sed in intelligendo consistunt ; sça- voir la loy n'est pas sçavoir les paroles, mays le sens. Et c'est icy ou je crois d'avoir fermement prouvé que nous avons besoin d'une autre Règle pour nostre foy outre la Règle de l' Escritture Sainte : Si diutius steterit mundus (dict une bonne fois Luther*), iterum fore * Contra Zuing. et . . ^^ ^' .7. .. , > /- l fine.) bros, SIC 4 Concilia suscipere et venerari me fateor. Or sus, voyons un peu combien grande doit estre leur authorité sur l'entendement des Chrestiens ; et * Act. XV. f. 28. voicy comme les Apostres en parlent * : Visum est Spiritui Sancto et nobis. L'authorité donques des Conciles doit estre reverëe comme appuyée sur la con- duitte du Saint Esprit ; car, si contre ceste hérésie pha- risaique, le Saint Esprit, docteur et conducteur de son Eglise, assista l'assemblée, il faut croire encores qu'en toutes semblables occasions il assistera encores les assemblées des pasteurs, pour, par leur bouche, régler et nos actions et nos créances. C'est la mesm'Eglise, aussy chère au celest^'Espoux qu'elle fut alhors, en plus de nécessité qu'elle n'estoit alhors ; quelle rayson y a il quil ne luy fist la mesme assistence quil luy fit alhors en pareille occasion ? Considères, je vous prie, l'impor- * Mat. xviii. ^. 17. tance de ces motz Evangeliques *, Si quis Écclesiam non audierit, sit tibi tanquam etnicus et publi-  Partie II. Chapitre iv. Article ii. 217 canus ; et quand peut on jamais ouyr plus distinctement l'Eglise que par la voix d'un Concile gênerai, ou les chefz de l'Eglise se trouvent tous ensemble pour dire et deduyre les difficultés ? le cors ne parle pas par ses jambes ni par ses mains, mays seulement par son chef; ainsy, comme peut l'Eglise mieux prononcer sa sen- tence que par ses chefz ? Mays Nostre Seigneur s'expli- que * : Iterutn dico vobts, quia si duo ex vobis con- * Vers. 19. et 20. senserint super terrant de omni re quamcumque petierint, fiet illis a Pâtre meo qui in ccelis est; uhi enim sunt duo vel très congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum. Si deux ou troys, quand besoin en est , estans assemblés au nom de Nostre Seigneur, ont son assistence si particulière quil est au milieu d'eux comm'un gênerai emmy l'armée, comm'un docteur et régent au milieu de ses disciples, si le Père les exauce infalliblement en ce quilz luy demandent, comme refuseroit il son Saint Esprit a la générale assemblée des pasteurs de l'Eglise ? Puys, si l'assemblée légitime des pasteurs et chefz de l'Eglise pouvoit estre une fois saisie d'erreur, comme se verifieroit la sentence du Maistre *, Portce inferi * Mat. xvi. f. 18. non prœvalebunt adversus eam ? comme pourroit l'erreur et la force infernale s'emparer de l'Eglise a meilleures enseignes que d'avoir asservi les docteurs, pasteurs et cappitaines avec leur gênerai ? Et ceste parole, JScce ego vobiscum sum usque ad consum- mationem seculi *, que deviendroit elle ? Et l'Eglise * Mat. uit. ^. uit. comme sera elle colomne et pilier de vérité"^, si ses *iTimot.iii. ^. 15. bases et fondementz soustiennent l'erreur et fauseté ? les docteurs et pasteurs sont les visibles fondementz de l'Eglise, sur l'administration desquelz le reste s'appuye. En fin, quel plus estroit commandement avons nous que de prendre la pasture de la main de nos pasteurs*? * Luc. x. ^. 16; T-> 1 T -1 1 o ' T-. Heb. XIII. ^. 17. saint Jrol ne dict il pas que le Saint Esprit les a colloques au bercail pour nous régir "^^ et que Nostre * Act. xx. f. 28. Seigneur les nous a donnés affin que nous ne soyons point flott ans et emportés a tout vent de doctrine"^? *Eph. iv. f. n et quel respect donques devons nous porter aux ordo-  2i8 Les Controverses nances et canons qui partent de leur assemblée géné- rale ? Certes, pris a part Tun de l'autre, leurs doctrines sont encores sujettes a l'espreuve, mays quand ilz sont ensemble , et que toute l'authorité ecclésiastique est ramassée en un, qui peut conteroUer l'arrest qui en * (Matt., V, 13.) sort ? Si le sel s'esvanouyt, en quoy le conservera-on*? si les chefz sont aveugles, qui conduira le reste ? si les colomnes tumbent, qui les soutiendra ? En un mot, l'Eglise de Dieu qu'a elle de plus grand, de plus asseuré et solide pour renverser l'hseresie que les arrestz des Conciles généraux? L'Escriture, dira * (Cap. m, art. i, de Beze. Mays j'ay ja monstre cy devant * que de ^' ^^^ intelligentia hœresis est, non de Scriptura ; sensus, non sermOf fit crimen. Qui ne sçait combien de pas- sages l'Arrien produict ? que luy peut on opposer sinon qu'il les entend mal ? mays il a pleyne liberté de croire que c'est vous qui interprètes mal, non luy, que vous vous trompes, non luy, que son rapport a l'analogie de la foy est mieux cousu que le vostre, pendant quil ni a que les particuliers qui s'opposent a ses nouveautés. Que si l'on levé la souveraineté aux Conciles des déci- sions et déclarations nécessaires sur l'intelligence de la sainte Parole, la sainte Parole sera autant prophanëe que les textes d'Aristote, et nos articles de Religion seront sujetz a revision immortelle, et de Chrestiens resouluz et asseurés deviendrons misérables academi- * Ep. ad Episcop. ques. Athanasc dit* que Verbum Domini per œcume- nicam Nicece Sïnodum manet in ceternum ; saint Grégoire Nazianzene, parlant des ApoUinaristes, qui se ventoyent d'avoyr estes avoués par un Concile Ep. ad Ciedonium Catholique, Quod si vel nunCy dict il*, vel ante suscepti suntj hoc ostendant et nos acquiescemus ; perspicuum enitn erit eos rectce doctrinœ assentiri, nec enim aliter se res hahere potest ; saint Augustin * L. I de Bap. con- dict * que la célèbre question du Baptesme, meûe par les Donatistes, fit douter plusieurs Evesques, doneCy pie- nario totius orhis Concilio , quod saluberrime sentiebatur etiam remotis dubitationitus firma- * L. I. Hist. c. V. retur ; Defertur, dict Ruffin *, ad Constantinum  la.  Partie II. Chapitre iv. Article m. 219 sacerdotalis Concilii (Nicœni) sententia ; ille tan- quam a Deo prolatam veneratur, eut si quis ten- tasset ohniti, velut contra divina statuta venientem in exilium se protestatur aeturum. Que si quelqu'un pensoit, pour produire des analogies, des sentences de l'Escriture, des motz grecz et hébreux, quil luy fust permis de remettre en doute ce qui a desja esté déter- miné par les Conciles généraux, il faut quil produise des patentes du ciel bien signées et scelees, ou quil die que chacun en peut autant faire que luy, et que tout est a la merci de nos subtiles témérités, que tout est incertain et sujet a la diversité des jugemens et consi- dérations des hommes. Le Sage nous baille un autre advis * : Verba sapientium sunt sieut stimuli, et * Ecciesiasies xn. sieut clavi in altuin defixi, quce per magistrorum consilium data sunt a pastore uno ; his amplius, fili mi, ne requiras.  ARTICLE III COMBIEN LES MINISTRES ONT MESPRISÉ ET VIOLE l'aUTHORITÉ DES CONCILES  Maintenant, demeureres vous endormis a ceste secous- se que vos maistres ont donné a l'Eglise ? penses a vous, je vous prie. Luther, au livre quil a faict Des Conciles'^, * (P^rs i% sub fi- li ne se contente pas d'esbranler les pierres descouvertes, mays va mettre la sappe jusques aux pierres fondamen- tales de l'Eglise. Qui croiroit cecy de Luther, tant grand et glorieux reformateur? au dire de Beze *.|| *(l^ ^^^-i Icônes, etc ) comme traitte il le grand Concile de Nicee ? par ce que le Concile * défend estre receuz au ministère clérical * Act. xv. ceux qui se sont taillés eux mesmes, et défend quand et quand aux Ecclésiastiques de tenir en leurs maysons  220 Les Controverses autres femmes que leurs mères et leurs seurs , hic prorsus, dict Luther, non intelligo Spiritum Sanc- tum in hoc Concilio. Et pourquoy ? An debehit episcopus aut concionator illum intolerabilem ardorem et cestum amoris illiciti sustinere , et neque conjugio neque castratione se ah his periculis liber are ? An vero nihil aliud est negotii Spiritui Sancto in Conciliis, quant ut impossibilibus, peri- culosis, non necessariis legibus suos ministros obstringat et oneret ? Il n'excepte point de Concile, ains tient asseurement qu'un curé seul peut autant qu'un Concile : voyla l'opinion de ce grand reformateur. Mays qu'ay je besoin de courir loin ? de Beze dict, en * (Vide supra, cap. l'Epistrc au Roy de France *, que vostre reformée ne 204.) ' ' refusera l'authorité d'aucun Concile; voyla qui est bon, mays ce qui s'ensuit gaste tout : « pourveii, » dict il, (( que la Parole de Dieu en face l'espreuve. » Mays, mon Dieu, quand cessera on de brouiller ? les Conciles, après toute consultation, espreuve faite a la sainte pierre de touche de la Parole de Dieu, jugent et déter- minent d'un article ; si après tout cela il faut un'autre espreuve avant qu'on reçoive ceste détermination, || n'en faudra il encores une autre? qui ne voudra espreuver? et quand finira on jamais ? après l'espreuve faite par le Concile, de Beze et ses disciples veulent encores espreu- ver ; et qui gardera a un autre d'en demander autant ? || pour sçavoir si l'espreuve du Concile a esté bien faite, pourquoy n'en faudra il une troysiesme pour sçavoir si la seconde est iidelle ? et puys une quatriesme pour la troysiesme? tout sera a refaire, et la postérité ne se fiera jamais a l'antiquité, mays ira roulant et mettant ores dessus ores dessous les plus saintz articles de la foy en la roue de l'entendement. Nous ne sommes pas en doute sil faut recevoir une doctrine a la volëe, ou sil en faut faire l'espreuve a la touche de la Parole de Dieu ; mays nous disons que quand un Concile gênerai en a faict l'espreuve, nos cerveaux n'y ont plus rien a revoir, mays seulement a croire : que si une fois on remet les canons des Conciles a l'espreuve des parti-  Partie II. Chapitre iv. Article m. 221 culiers, autant de particuliers autant d'espreuves, autant d'espreuves autant d'opinions. L'article de la realité du Cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement avoit esté receu avec l'espreuve de plusieurs Conciles ; Luther a voulu faire un 'autre espreuve, Zuingle un 'autre espreuve sur celle de Luther, Brence un 'autre sur celles cy, Calvin un'autre, autant d'espreuves ; autant d'espreuves autant d'opinions. (0 Mays, je vous prie, si l'espreuve faite par un Con- cile gênerai n'est asses authentique pour arrester le cerveau des hommes, comme l'authorité d'un quidam le pourra faire ? Voyci une grand'ambition. Des plus doctes ministres de Losanne (^), ces années passées , l'Escriture et l'analogie de la foy en main, s'opposent a la doctrine de Calvin touchant la justification ; de sous- tenir l'effort de leurs raysons point de nouvelles, quoy qu'on face trotter certains petitz livretz morfonduz , sans goust ni pointe de doctrine : comme les traitte l'on ? on les persécute, on les faict absenter, on les faict menasser ; a quel propos cela ? par ce quilz ensei- gnent une doctrine contrayre a la profession de foy de nostr'eglise. Bonté de Dieu ; on sousmet a l'espreuve de Luther, Calvin et Beze la doctrine du Concile de Nicee, après treze cens ans d^approbation , et on ne veut pas qu'on face l'espreuve de la doctrine calvi- nesque, toute nouvelle, toute douteuse, rappetassee et bigarrée. Que ne laissoit on a chacun faire son espreuve ?  (i) Reprise de l'Autographe de Rome. Voir p. 205, note (i). (a) Voir le livre d'Albérius, professeur de philosophie à Lausanne : Claudii Alherii Triuncuriani de fide Catholica Apostolica Romana, contra apostatas omîtes qui ah illa fide defecerunt, Orationes apodicticœ VI. Quibus epistola Pauli Apostoli ad Romanos scripta catholice exponitur, Lausannse, Chiquel- laeus, MDLXxxviii. De Bèze ayant fait condamner cet ouvrage par un synode tenu à Berne en 1588, Albérius se vit forcé de se rétracter, et son partisan Samuel Hubert, ministre de Berne, dut trouver la sûreté par la fuite : voir Ant. de La Faye, De vita et obitu Th. Bc\œ. Plus tard cette opposition aux erreurs de Calvin se renouvela par un Anonyme disputateur, dans un livre que de Bèze fit supprimer, et contre lequel il écrivit son opuscule : Apologia pro Justificaiione... adversus anonymi scriptoris tractatum, clam nuper ah Antonio quodam Lescalio editum, etc. [Genevae,] Joannes le Preux, MDXCII.  222 Les Controverses si celle de Nicee n'a pas peu arrester vos cerveaux, pourquoy voules vous par vos discours mettre un arrest aux cerveaux de vos compaignons, aussi gens de bien que vous, aussi doctes et pertinentz ? Connoisses l'ini- quité de ces juges : pour donner liberté a leurs opinions ilz avilissent les anciens Conciles, et veulent par les leurs brider celles des autres ; ilz cherchent leur gloire, connoisses-le bien, et tout autant quilz en lèvent aux Anciens, ilz s'en attribuent. Mays revenons au mespris quilz font aux Conciles, et combien ilz violent ceste sainte Règle de bien * (Post médium, croirc. De Beze, en l'Epistre au Roy de France * et au Vide supra, p. 203.) r^^ . , * 1. 1 /^ .1 -1 tit. * (Pag. 50.) iraitte mesme *, dict que « le Concile de Nicëe a esté un vray et légitime Concile sil y en eut onques » ; il dict vray, jamays bon Chrestien n'en douta, ni des autres troys premiers : mays sil est tel, pourquoy est ce que * In lib. advers. Calvin * apclle dure la sentence du Concile en son Simbole, Deum de Deo, lumen de lumine ? et que veut dire que ceste parole, oixoovgiov, -deplaict tant a *(in lib. Confutat. Luthcr*, Afitma mea odit hoc verhum, homoousion ? rationis Latom.) 1 1 11 • ,-. parole laquelle est si recommandable en ce grand Concile. Que veut dire que vous ne tenes conte de la realité du Cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement, que vous appelles superstition le très saint Sacrifice qui se faict par les prestres, du mesme précieux Cors du Sauveur, et que vous ne voules point mettre différence entre *Can.xiv(«/.xviii). l'Evesquc et le prestre ? puysqu'en ce grand Concile * tout y est si expressément non ja défini mays présup- posé comme chose toute notoire en l'Eglise. Jamais Luther ni Pierre Martir ou Ochin n'eussent estes de vos ministres silz eussent eu en memoyre les actions du * Can. IV. VII. XIV. grand Concile de Calcedoyne * ; car il y est défendu XV. XVI. ,. . -,. • très exprès que les religieux et religieuses ne se ma- rient point. O quil feroit bon voir le tour de ce vostre lac si on eust eu en révérence ce Concile de Calce- * Can. XVII. XX. XXI. doyne *, o que vos ministres se fussent bien souvent XXII. XXIII. , . ., -, teuz, et bien a propos, car il y a exprès commandement aux laicz de ne toucher aucunement aux biens ecclé- siastiques, a un chacun de ne faire aucune conjuration  Partie II. Chapitre iv. Article m. 223 contre les Evesques, et de ne calomnier en faitz ni en paroles les gens d'Eglise. Le Concile Constantinopoli- tain défère la primauté au Pape de Rome, et la pré- suppose comme notoire*; aussy faict bien celuy de * Can.y.(aLni.) Calcédoine *. Mays i a il article auquel nous ayons * Act. iv et xvi. différent avec vous qui n'ait esté plusieurs fois con- damné es saintz Conciles généraux ou particuliers géné- ralement receus ? et neantmoins vos ministres les ont reveillés sans honte, sans scrupule, nom plus que si c'eussent estes quelques saintz depostz et trésors cachés a l'antiquité, ou que l'antiquité eust serrés bien curieu- sement aiïin que nous en eussions la jouissance en cest aage. Je sçai qu'es Conciles il y a des articles pour l'ordre et police ecclésiastique, qui peuvent estre changés et ne sont que temporelz, mays ce n'est pas aux parti- culiers d'y mettre la main : la mesm'authorité qui les a dressés les doit abroger, si quelqu'autre s'en mesle c'est pour néant ; et ce n'est pas la mesm'authorité si ce n'est un Concile, ou le chef gênerai, ou la coustume de toute l'Eglise. Quand aux decretz de la doctrine de la foi, ilz sont invariables ; ce qui est une fois vray, l'est en éternité ; aussi les Conciles appellent Canons ce quilz en déterminent, par ce que ce sont Règles inviolables a nostre créance (i). Mays tout cecy s'entend des vrays Conciles , ou généraux , ou provinciaux advoiiés par les généraux ou par le Siège Apostolique : tel que ne fut pas celuy des 400 prophètes assemblés par Achab * ; car il ne fut ni gênerai, car ceux de "îlïReg.xxn.f.ô. Juda n'y furent point apellés, ni bien congregé, car il n'y eut point d'authorité sacerdotale, et ces prophètes n'estoyent pas légitimes et pour telz reconneuz par le roy de Juda, Josaphat, quand il dict : Non est hic pro- pheta Domini, ut interrogemus per eum * ? comme * (Vers. 7.) sil eust voulu dire que les autres n'estoyent pas pro- phètes du Seigneur. Tel ne fut pas nomplus l'assemblée des prestres contre Nostre Seigneur*, qui ne tint aucune *{joan., xi, 47.) (i) Cf. p. 146, note (i).  224 Les Controverses forme de Concile, mays fut une conspiration tumul- tuaire et sans aucune procédure requise, || et laquelle tant s'en faut qu'elle eust asseurance en l'Escriture de l'assistence du Saint Esprit, qu'au contrayre elle en avoit esté declairëe privée par les Prophètes ; et de vray, la rayson vouloit que le Roy estant praesent les lieutenans perdissent l'authorité, et le grand Prestre praesent, la majesté du vicayre fut ravalée a la condition des autres. || sans authorité du suprême chef de l'Eglise, qui estoit Nostre Seigneur, Ihors présent d'une prse- sence visible, et lequel ilz estoyent obligés de recon- noistre : a la vérité, quand le grand Sacrificateur est pressent visiblement, le vicayre ne se peut appeller chef, quand le gouverneur d'une forteresse est praesent, c'est a luy de donner le mot, non a son lieutenant. Outre tout cela, la Sinagogue devoit estre changée et trans- férée en ce tems la, et ceste sienne faute avoit esté * jo. XII. y. 31. 37. predicte *, mays l'Eglise Catholique ne doit jamays 3 , jo. XV. y. 25. gg^j.g transférée pendant que le monde sera monde, nous n'attendons point de troysiesme législateur ni aucun autre sacerdoce, mays doit estre eeternelle. Et néan- moins, Nostre Seigneur fit cest honneur a la sacrifica- ture d'Aaron , que non obstant toute la mauvaise intention de ceux qui la possedoyent, le grand Prestre prophétisa et prononça une sentence très certayne , Quia expedit ut unus moriatur homo pro populo, * Jo. XI. ^. 50. 51. ut non tota gens pereaf^ ; ce quil ne dict pas de luy mesme et a cas, mays prophétiquement, dict l'Evan- geliste, par ce quil estoit Pontife de ceste année la. Ainsy voulut Nostre Seigneur conduire ceste Sinagogue et l'authorité sacerdotale avec un remarquable honneur a la sépulture, pour luy faire succéder l'Eglise Catho- lique et le sacerdoce Evangelique ; et la, ou la Sinago- gue prit fin, qui fut en la resolution de faire mourir Nostre Seigneur, l'Eglise fut fondée par ceste mort mesme : Opus consummavi quod dedisti inihi ut *Jo. XVII. y. 4. faciam, dict Nostre Seigneur* après la cène, et en la cène Nostre Seigneur avoit institué le nouveau testa- ment, si que le viel, avec ses cérémonies et son sacer-  Partie II. Chapitre iv. Article m. 225 doce, perdit ses forces et ses privilèges, quoy que la confirmation du nouveau ne se fit que par la mort du testateur, comme parle saint Pol *. Il ne faut donq * Heb. ix. f. 15. plus mettre en conte les privilèges de la Sinagogue, qui estoient fondés sur un testament viel, et abrogé quand ilz disoyent ces cruelles paroles, Crucifige*, *(Marc.,xv,i3,i4.) ou ces autres, Blasphemavit , quid adhuc egemus testïbus* ? car ce n'estoyt autre qu'heurter a Id, pïerre *(Matt.,xxvi, 65.) de choppement, selon les anciennes praedictions *. * (is., vm, 14.) J'ay voulu lever occasion a ces deux objections qu'on faict contre l'infallible authorité des Conciles et de l'Eglise ; les autres s'iront resoulvant cy après *, es * (l" tertia Parte.) essays particuliers que nous ferons de la doctrine Catholique : il n'y [a] chose si certayne qui n'ait des oppositions, mays la vérité demeure ferme et glorieuse par les assautz de ses contraires.  15  CHAPITRE V LES MINISTRES ONT VIOLÉ L'AUTHORITÉ des ANCIENS PERES DE L'EGLISE 5^ REGLE DE ÏJOSTRE FOY  ARTICLE PREMIER  ET I . COMBIEN L AUTHORITE DES ANCIENS PERES EST VENERABLE  Il faut rapporter Theodose le Viel ne trouva poinct de meilleur moyen cecy au commence- , . . , . .. i ment duchap.suy- de réprimer les contentions survenues de son tems au vant{\). faict de la religion que, suyvant le conseil de Sisinnius, de faire venir les chefz des sectes, et leur demander silz tenoyent les anciens Pères, qui avoyent eu charge en l'Eglise avant toutes ces disputes, pour gens de bien, saintz, bons Catholiques et apostoliques ; a quoy les sectaires respondans qu'ouy, il leur répliqua : examinons donques vostre doctrine a la leur, et [si] elle se trouve conforme, retenons la, si moins, qu'on * Sozom., 1. vu l'abolisse *. Il ny a point de meilleur expédient au monde : ja que Calvin et Beze confessent que l'Eglise demeura pure les six premières centeynes d'années, (i) Le projet du Saint, exprimé par cette note où le mot chapitre est mis pour subdivision , ne peut être réalisé , les Articles qui devaient suivre manquant dans l'Autographe.  Partie II. Chapitre v. Article i. 227 que nous regardions si vostre église est en mesme foy et doctrine que cellela ; et qui nous pourra mieux tesmoigner la foy que l'Eglise suyvoit en ces anciens tems, que ceux qui vivoyent alhors avec elle et en sa table ? qui pourra mieux desduire les deportemens de ceste celest'Espouse, en la fleur de son aage, que ceux qui ont eu cest honneur d'avoir les principaux offices chez elle ? Et de ce costé, les Pères méritent qu'on leur adjouste foy non pour l'exquise doctrine dont ilz estoyent pourveuz, mays pour la realité de leurs consciences, et la fidélité avec laquelle ilz ont marché en besoigne. On ne requiert pas tant au tesmoin le sçavoir, que la preudhommie et bonne foy. Nous ne les voulons pas icy pour autheurs de nostre foy, mays seulement pour tesmoins de la créance en laquelle vivoyt l'Eglise de ce tems la ; personne n'en peut déposer plus perti- nemment qu'eux qui y commandoyent, ilz sont irrépro- chables de tous costés ; qui veut sçavoir le chemin que l'Eglise a tenu en ce tems la, quil le demande a ceux qui l'ont très fidèlement accompagnée : Saptentiam, omnium antiquorum, exquiret sapiens, et in pro- phetis vacahit ; narrationem virorum nominatorum conservabit *. Oyes ce que dict Hieremie ** : Hœc * Eccies^' xxxix. (^. I, 2.) dicit Dominus : state super vias, et videte et inter- **Cap. vi. f. 16. rogate de semitis antiquis quœ sit via hona, et am- bulate in ea, et invenietis refrigerium animabus vestris ; et le Sage* : Non te prœterea.t narratio *Eccies^'viir. ^. n. senioruniy ipsi enim didicerunt a patribus suis. Mays nous ne devons pas seulement honorer leurs tes- moignages comme très asseurés et irréprochables, ains encores bailler grand crédit a leur doctrine sur toutes nos inventions et curiosités. Nous ne sommes pas en doute si les Pères anciens doivent estre tenuz pour autheurs de nostre foy, nous sçavons mieux que tous vos ministres que non ; ni ne sommes pas en dispute s'il faut recevoir pour certain ce qu'un ou deux Pères auront eu en opinion. Voicy nostre différent : vous dites que vous aves reformé vostre église sur le patron  228 Les Controverses de l'Eglise ancienne ; nous le nions , et prenons a tesmoins ceux qui l'ont veiie , qui Tout conservée , qui l'ont gouvernée ; n'est ce pas une preuve franche et nette de toute supercherie ? icy nous ne produysons û que la preudhommie et bonne foy des tesmoins. Outre cela, vous dites que vostre église a estëe taillée || a la règle et compas de l'Escriture ; nous le nions, et disons que vous aves accourcy, estressy et plié ceste règle, comme faysoyent ceux de Lesbos, pour l'acco- moder a vostre cerveau, et... || et reformée selon la vraye intelligence de l'Escriture ; nous le nions, et disons que les anciens Pères ont eu plus de suffi- sance et d'érudition que vous, et neantmoins ont jugé que l'intelligence des Escritures n'estoit pas telle que vous dittes ; n'est ce pas une preuve très certaine ? Vous dites que selon les Escrittures il faut abolir la Messe ; tous les anciens Pères le nient : a qui croirons nous, ou a ceste troupe d^Evesques et Martirs anciens, j ou a ceste bande de nouveaux venuz ? voyla ou nous j en sommes. Or, qui ne voit qu'au premier cas c'est une impudence intolérable de refuser créance a ceste milliade de Martirs, Confesseurs, Docteurs qui nous ont preecedé ? et si la foy de ceste ancienne Eglise nous doit servir de Règle pour bien croire, nous ne sçaurions mieux trouver ceste Règle qu'es escritz et dépositions de ces tressaintz et signalés ayeulz.  CHAPITRE VI Que les Ministres ont violé V Autorité du Pape 6* Règle de notre Foi  ARTICLE PREMIER  PREMIERE PROMESSE [fAITE A SAINT PIERRE] (ij  Quand Nostre Seigneur impose un nom aux hommes, il leur faict tousjours quelque grâce particulière selon le nom quil leur baille : sil change le nom de ce grand père des croyans, et d'Abram le faict Abraham, ci\iss\ de Père eslevé il le faict Père de multitude, appor- tant la rayson tout incontinent : Appellaberis Abra- ham, quia patrem multarum gentium. constitui te^^ ; et changeant celuy de Sarai en Sara, de Madame particulière qu'elle estoit chez Abraham, il la rend Dame générale des nations et peuples qui devoyent naistre d'elle*. Sil chdiXige Jacob en Israël, la rayson est en realité sur le champ : Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes ? * Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommées, mays nous instruit de leurs qualités et conditions : tes-  Ce chap. doit estre mis le pr pour ce sujet.  Gen. xvii. f. 5.  Vers. 13. 16.  Gen. XXXII. f. 28.  (i) Cet article, désigné par le Saint sous le nom de chapitre, faisait suite, dans sa première rédaction, à l'art, i de chap. m, Part. I, et avait pour titre : De quelques autres lieux de VEscriture qui font foy de la primauté de Si Pierre.  230 Les Controverses moins les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges (i), et saint Jan Baptiste, qui porte la grâce en son nom quil annonça en sa praedication ; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israélites. *jo.i. ^. 43. Ainsy l'imposition de nom en saint Pierre* n'est pas un petit argument de l'excellence particulière de sa charge, selon la rayson mesme que Nostre Seigneur y attacha. Tu es Pet rus, etc. Mays quel nom luy donne il ? nom plein de majesté, non vulgaire ni trivial, mays qui ressent sa supériorité et authorité, semblable a celuy d'Abraham mesme : car, si Abraham fut ainsy appelé par ce quil devoit estre père de plusieurs peuples, saint Pierre a receu ce nom par ce que sur luy, comme sur une pierre ferme, devoit estre fondée la multitude des Chrestiens ; et c'est a ceste ressemblance que saint Bernard appelle la * L. II. de Cons. dignité de saint Pierre, « Patriarchat d'Abraham *. » Quand Isaïe veult exhorter les Juifz par l'exemple d'Abraham leur tige, il apelle Abraham, pierre : Attendite a^ petram unde excisi estis , attendit e * Cap. Li. x- 1- 2. ad Abraham patretn vestrum*; ou il faict voir que ce nom de Pierre rapporte fort bien a l'authorité paternelle. Ce nom est l'un de ceux de Nostre Seigneur ; car, quel autre nom trouvons nous attribué plus frequem- * Eph. II. f. 20; ment au Messie que celuy de pierre* ? Ce chansfement Psal. cxvii. >'. 21 ; ... I Cor. X. y. 4. donques, et ceste imposition de nom, est très considéra- ble, car les noms que Dieu donne sont moelleux et massifz : il communique son nom a saint Pierre^ il luy a donques communiqué quelque qualité sortable au nom. Nostre Seigneur est apellé principalement pierre, * I Cor. m. f. 10. parce quil est fondement de l'Eglise * et pierre angu- * (Ephes., II 20 ; I laite*, l'appuy et la fermeté de cest édifice spirituel; ainsy a il declairé que sur saint Pierre seroit édifiée *(Matt., XVI, 18.) son Eglise*, et quil l'affermiroit en la foy : Confirma  (i) « Michaely quis sicut Deus? par ce quil défend rhônneur de Dieu contre le dragon. » L'intérêt que présente cette phrase semble justifier sa reproduction, bien qu'elle ait été biffée par le Saint dans l'Autographe.  Partie II. Chapitre vi. Article i. 231 fratres tuos"^. Je sçai bien quil imposa nom aux deux *(Luc., xxn, 32.) frères Jan et Jaques, Boanerges, enfans de tonnerre'^, *Marc. m. f. 17. mays ni ce nom n'est point nom de superieurité ou com- mandement, ains d'obéissance, ni propre ou particulier, mays commun a deux ; ni ne semble pas quil leur fut permanent, puysque jamais ilz n'en sont appelles des- puys, mays que ce fut plus tost un tiltre de louange, a cause de l'excellence de leur prsedication. Mays en saint Pierre il donne un nom permanent, plein d'autho- rité, et qui luy est si particulier que nous pouvons bien dire, auquel des autres a il dict, tu es pierre*? pour *(Cf. Heb., i, 5.) monstrer que saint Pierre a esté supérieur aux autres. Mays je vous adviseray que Nostre Seigneur n'a pas changé le nom de saint Pierre, mays a seulement joint un nouveau nom a l'ancien quil avoit ; peut estre affin quil se resouvint en son authorité de ce quil estoit de son estoc, et que la majesté du second nom fust attrem- pëe par l'humilité du premier, et que si le nom de Pierre le nous faisoit reconnoistre pour chef, le nom de Simon nous avisast quil n'estoit pas chef absolu, mays chef obéissant, subalterne et maistre valet. Il me sem- ble que saint Basile donne atteinte a(0 ce que je dis, quand il dict* : Petrus ter ahnegavit, et collocatus est *,^o";\i- ^e Pœuit. in fundamento. Petrus jarn antea dixerat, et beatus pronunciatus fuerat ; dixerat. Tu es Filius Dei excelsiy et vicissitn audierat se esse Petram, ita laudatus a Domino. Licet enim^i) Petra esset, non tamen Petra erat ut Christus ; ut Petrus, Petra erat. Nam Christus vere est immohilis Petra, Petrus vero pr opter Petrain ; axiomata namque sua Chris- tus largitur aliis, largitur autem ea non evacuatus, sed nihilo minus hahens : Petra est et Petram fecit, quce sua sunt largitur servis suis; argumentum hoc est opulentiy hahere videlicet et aliis dare. Ainsy parle saint Basile.  (i) Donne atteinte a, c'est-à-dire, touche. Voir le Glossaire. (2) Hodie in Appendice; opéra, tom. III, col. 1475» {3) Hodie, rectius, antçm.  (§4-)(^)  232  Les Controverses  Qu'est ce qu'il [Notre-Seigneur] dict? Trois choses ; mays il les faut considérer l'une après l'autre : Tu es Petrus, et super hanc petram œdiflcaho Ecclesiam meam, et portée inferi non prœvalebunt adversus eam ; \\ Et tibi daho claves regni cœlorum ; quod- *(Matt.,xvi,i8, 19.) cumque, etc.*|| que il estait pierre ou rocher, et sur ce rocher ou ceste pierre il edifieroit son Eglise. Mays nous voicy en difficulté : car on accorde bien que Nostre Seigneur ait parlé a saint Pierre et de saint Pierre jusques icy, et super hanc petram y mays que par ces paroles il ne parle plus de saint Pierre. Or, je vous prie, quelle apparence y a il que Nostre Seigneur eust faict ceste grande praeface, Beatus es Simon Bar Jona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed * (Vers. 17.) Pater meus qui in cœlis est ; et ego dico tibi^, pour ne dire autre sinon, quia tu es Petrus, puys, changeant tout a coup de propos, il allast parler d'autre chose ? Et puys, quand il dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ne voyes vous pas quil parle notoirement de la pierre delaquelle il avoit parlé praecedemment ? et de quell'autre pierre avoit il parlé que de Simon, au quel il avoit dict, Tu es Pierre ? Mays voicy tout l'équi- voque qui peut faire scrupule a vos imaginations ; c'est que peut estre penses vous que comme Pierre est maintenant un nom propre d'homme, il le fut aussy alhors, et que Petrus ne soit pas la mesme chose que petra, et que, partant, nous passions la signification de Pierre a la pierre, par equivocque du masculin au féminin. Mays nous n'equivoquons point icy ; car ce n'est qu'un mesme mot, et pris sous la mesme signifi- cation, quand Nostre Seigneur a dict a Simon, Tu es Pierre, et quand il a dict, et sur ceste pierre j'édifie- ray mon Eglise : et ce mot de pierre n'estoit pas un nom propre d'homme, mays seulement il fut approprié a Simon Bar Jona ; ce que vous entendres bien mieux si on le prend au langage auquel Nostre Seigneur le dict. Il ne parloit pas Latin, mays Syriac ; il l'ap- pella, donques, nompas Pierre mays Cephà, en ceste façon. Tu es Cepha, et super hoc cepha cedificabo ;  Partie II. Chapitre vi. Article i. 233 comme qui diroit en Latin, Tu es Saxum, et super hoc saxum, ou en François, Tu es Roche, et sur ceste roche j' édifier ay mon Eglise. Maintenant, quel doute reste il que ce n'est qu'un mesme duquel il a dict. Tu es Roche, et duquel il dict, et sur ceste roche ? certes, il ne s'estoit point parlé d'autre Cep ha en tout ce chapitre la que de Simon ; a quel propos donques allons nous rapporter ce relatif, hanc, a un autre Cepha que celuy qui est immédia- tement prsecedent ? Vous me dires : ouy, mais le Latin dict. Tu es Petrus, et non Tu es Petra ; or, ce relatif hanc, qui est féminin, ne se sçauroit rapporter a Petrus, qui est masculin. Certes, la [version] latine a asses d'autres argumentz pour faire connoistre que ceste pierre n'est autre que saint Pierre, et partant, pour accomoder le mot a la personne a qui on le bailloit pour nom, qui estoit masculine, il luy a baillé une terminayson de mesme, a l'imitation du Grec, qui avoit mis. Tu es Tiexpoç, et super hanc vn nizpôi ; mays il ne réussit pas si heureusement en Latin qu'en Grec, par ce qu'en Latin, Petrus ne veut pas dire petra, mays en Grec nizoog et petra n'est qu'une mesme chose ; comme en François rocher et roche [est le mesme,] toutefois, s'il me failloit approprier ou l'un ou l'autre a un homme, je luy appli- queroys plus tost le nom de rocher que de roche^ pour la correspondance du mot masculin a la personne masculine. Il reste que je vous die sur ceste interpréta- tion quil ni a personne qui doute que Nostre Seigneur n'ait appelle saint Pierre Cepha, car saint Jan le monstre très expressément*, et saint Pol, aux Galates**, * Cap. i. f. 42. ni que Cepha veuille dire une pierre ou un roch, ainsy alibi.* que dict saint Hierosme *. * '^^ c. n. ad GaU En fin, pour vous monstrer que c'est bien de saint Pierre duquel il dict, et super hanc petram, je produis les paroles suivantes ; car c'est tout un de luy promettre les clef^ du royaume des deux, et de luy dire, super hanc petram ; et neantmoins nous ne pouvons pas douter que ce ne soit saint Pierre auquel il promet les  234 Les Controverses clef^ du royaume des ci eux y puys quil dict clairement, et tibi dabo claves regni cœlorum : si donques nous ne voulons descoudre ceste pièce de l'Evangile d'avec les paroles praecedentes et les suivantes, pour la joindre ailleurs a nostre poste, nous ne pouvons croire que tout cecy ne soit dict a saint Pierre et de saint Pierre, Tu es PetruSy et super hanc petram œdificabo Ecole- siam ineam; ce que la vraye et pure Eglise Catholique, mesme selon la confession des ministres^, a avoué haut et cler en rassemblée de 630 Evesques au Concile de  * Act. III, (Vide in- Calccdoyne * frr, art. xi.)  Voyons maintenant combien valent ces paroles et ce qu'elles importent, i'?* On sçait que ce que le chef est au cors d'un vivant, la racine en un arbre, le fondement l'est en un bastiment. Nostre Seigneur, donques, qui compare son Eglise a un œdifice, quand il dict quil l'édifiera sur saint Pierre il monstre que saint Pierre en sera la pierre fondamentale, la racine de ce précieux arbre, le chef de [ce] beau cors. || La pierre sur laquelle on relevé l'édifice c'est la première, les autres s'affer- missent sur elle, celles qu'elle ne soustient ne sont pas de l'édifice ; on peut bien remuer les autres pierres sans que le bastiment tumbe, mays qui levé la fondamentale, renverse la mayson. || Les François appellent, mayson, l'édifice et la famille encores ; par ceste proportion que, comme une mayson n'est autre qu'un assemblage de pierres et autres materieux faict avec ordre, dépendance et mesure, ainsy une famille n'est autre qu'un assem- blage de gens, avec ordre et dépendance les uns des autres. C'est a ceste similitude que Nostre Seigneur appelle son Eglise sedifice, duquel faysant saint Pierre le fondement , il le faict chef et supérieur de ceste famille. 2"?* Par ces paroles, Nostre Seigneur monstre la per- pétuité et immobilité de ce fondement. La pierre sur laquelle on relevé l'édifice c'est la première, les autres s'affermissent sur elle ; on peut bien remuer les autres pierres sans ruyner l'édifice, mays qui levé la fonda- mentale, renverse la mayson ; si donques les portes  Partie II. Chapitre vi. Article ii. 235 d'enfer ne peuvent rien contre TEglise, elles ne peu- vent rien contre son fondement et chef, lequel elles ne sçauroyent lever et renverser qu'elles ne mettent sans dessus dessous tout le bastiment. || Il monstre une des différences quil y a entre saint Pierre et luy : car Nostre Seigneur est fondement et fondateur, fondement et aedificateur de l'Eglise, mays saint Pierre n'en est que fondement ; Nostre Seigneur en est le Maistre et Seigneur "* en propriété, saint Pierre en a seulement * (Joan., xm, 13.) l'œconomie ; dequoy nous dirons cy après*. || *(Art. seq.,p. 237. 3"}^ Par ces parolles, Nostre Seigneur monstre que les pierres qui ne sont posées et arrestëes sur ce fon- dement ne sont point de l'Eglise, ni [n'appartiennent] a cest édifice.  ARTICLE II  RESOLUTION SUR UNE DIFFICULTE  Mays une grande preuve au contraire , ce semble aux adversaires, c'est que selon saint Pol *, Fundamen- * I Cor. m. f. n. tum aliud neino potest ponere prœter id quod positum est, quod est Christus Jésus ; et selon le mesme*, nous sommes domestiques de Dieu, super- * Cap. n ad Ephes. œdificati supra fundamentum Apostolorum et Pro- phetarum y ipso summo angulari lapide, Christo Jesu ; et en l'Apocalipse *, la muraille de la sainte * Cap. xxi. y. 14. cité avoit dou\e fondemens, et en ces dou\e fonde- mens le nom des dou^e Apostres. Si donques, disent ilz, tous les douze Apostres sont fondemens de l'Eglise, comment attribues vous ce tiltre a saint Pierre en particulier? et si saint Pol dict que personne ne peut mettre autre fondement que Nostre Seigneur, comme oses vous dire que par ces paroles. Tu es Pierre, et  236 Les Controverses sur ceste pierre f édifier ay mon Eglise, saint Pierre ayt esté estably pour fondement de l'Eglise ? que ne * L. IV. inst. c. VI. dites vous plustost, dict Calvin *, que ceste pierre sur laquelle l'Eglise est fondée n'est autre que Nostre * L. de Potest. Pa- Seigneur ? que ne dites vous plustost, dict Luther *, pae. (Resol. super » 1 r . r • t-w prop. XIII Lipsica.) que C est la confession de foy que saint Pierre avoit faict ? Mays a la vérité, ce n'est pas une bonne façon d'interpréter l'Escriture , que de renverser l'un des passages par l'autre, ou l'étirer par une intelligence forcée a un sens estrange et mal advenant ; il faut y laisser tant qu'on peut la naifveté et suavité du sens qui s'y présente. En ce cas donques, puysque nous voyons que l'Escriture nous enseigne qu'il ni a point d'autre fondement que Nostre Seigneur, et que la mesme nous enseigne clairement que saint Pierre l'est encores, et plus outre encores que tous les Apostres le sont, il ne faut pas refuser le premier enseignement pour le second, ni le second pour le troysiesme, ains les laysser tous troys en leur entier ; ce qui se fera aysement si nous considérons ces passages a la bonne foy et franchement. Et pour vray, Nostre Seigneur est l'unique fonde- ment de l'Eglise ; c'est le fondement de nostre foy, de nostr'esperance et charité ; c'est le fondement de la valeur des Sacremens et de nostre fœlicité ; et c'est encores le fondement de toute l'authorité et l'ordre ecclésiastique, et de toute la doctrine et administration qui s Y faict ; qui douta jamays de cela ? Mays, me dict on, sil est unique fondement, comment est ce que vous mettes encores saint Pierre pour fondement ? I. Vous nous faictes tort ; nous ne le mettons pas pour fondement, Celuy la outre lequel on n'en peut point mettre d'autre, l'a mis luy mesme ; si que, si Nostre Seigneur est vray fondement de l'Eglise, comm'il l'est, il faut croire que saint Pierre l'est encores, puysque Nos- tre Seigneur l'a mis en ce rang : que si quelqu'autre que Nostre Seigneur mesme luy eust donné ce grade, nous crierions tous avec vous : Nemo potest aliud fundamentiun paner e prœter id quod positum.  Partie IL Chapitre vi. Article ii. 237 2. Et puys, aves vous bien considéré les paroles de saint Pol ? Il ne veut pas qu'on reconnoisse aucun fondement outre Nostre Seigneur, mays ni saint Pierre ni les autres Apostres ne sont pas fondemens outre Nostre Seigneur, ains sous Nostre Seigneur ; leur doctrine [n'est] pas outre celle de leur Maistre, mays celle la mesme de leur Maistre. Ainsy la suprême charge qu'eut saint Pierre en l'Eglise militante, a raison de laquelle il est apellé fondement de l'Eglise, comme chef et gouverneur, n'est pas outre l'authorité de son Maistre, ains n'est qu'une participation d'icelle ; si que luymesme n'est pas fondement de ceste hiérarchie outre Nostre Seigneur, mays plus tost en Nostre Seigneur, comme nous l'appelions tressaint Père en Nostre Sei- gneur, hors duquel il ne seroit rien. Certes, nous ne reconnoissons point d'authorité séculière outre celle de son Altesse ; mays nous en reconnoissons bien plusieurs sous icelle, lesquelles ne sont pas proprement autres que celle de son Altesse, puysqu'elles en sont seule- ment certaynes portions et participations. 3. En fin, interprétons passage par passage. Saint Pol vous sem- ble il pas se fayre asses entendre quand il dict : Vous estes sur édifiés sur les fondemens des Prophètes et Apostres ? mays afïin qu'on sceut que ces fondemens n'estoient pas outre celuy quil prsechoit, il adj ouste : Ipso summo angulari lapide, Christ Jesu. Nostre Seigneur donques est fondement, et saint Pierre aussi, mays avec une si notable différence, qu'au pris de l'un, l'autre peut estre dict ne l'estre point. Car Nostre Seigneur est fondement et fondateur, fondement sans autre fondement, fondement de l'Eglise Naturelle, Mosaique et Evangelique, fondement perpétuel et im- mortel, fondement de la militante et triomphante, fon- dement de soymesme, fondement de nostre foy, espé- rance et charité, et de la valeur des Sacremens. Saint Pierre est fondement non fondateur de toute l'Eglise, fondement, mays fondé sur un autre fondement qui est Nostre Seigneur, fondement de la seule Eglise Evan- gelique, fondement sujet a succession, fondement de la  238 Les Controverses militante non de la triomphante, fondement par parti- cipation , fondement ministerial , non absolu , enfin administrateur et non seigneur, et nullement fondement de nostre foy, espérance et charité, ni de la valeur des Sacremens. Geste si grande différence faict qu'en com- parayson, l'un ne soit pas apellé fondement au pris de l'autre, qui néanmoins pris a part peut estre appelle fondement, affin de laisser lieu a la propriété des Parolles saintes : ainsy qu'encores quil soit le bon *Eph. IV. (y. II.) Pasteur il ne laysse de nous en donner sous luy *, entre lesquelz et sa majesté il y a si grande différence, *jo. X. ^. II. 16; que luy mesme monstre * quil est le seul Pasteur. £z. XXXIV. ^ . i'\. Tout de mesme, ce n'est pas bien philosopher de dire, tous les Apostres en gênerai sont appelles fon- demens de l'Eglise, donques saint Pierre ne l'est que comme les autres . Au contraire , puys que Nostre Seigneur a dict en particulier et en termes particu- liers a saint Pierre ce qui est dict par après en gênerai des autres, il faut conclure qu'il y a en saint Pierre quelque particulière propriété de fondement, et quil a esté luy en particulier ce que tout le collège a esté ensemble. Toute l'Eglise a esté fondée sur tous les Apostres , et toute sur saint Pierre en particulier ; c'est donq saint Pierre qui en est le fondement, pris a part , ce que les autres ne sont pas , car a qui a il jamays esté dict en particulier. Tu es Pierre, etc.? Ce seroit violer l'Escriture , qui diroit que tous les Apostres en gênerai n'ont pas esté fondement de l'Eglise ; ce seroit aussy la violer, qui nieroit que saint Pierre ne Teust esté particulièrement : il faut que la parole générale sortisse son effect gênerai, et la parti- culière, le particulier, affin que rien ne demeure inutile et sans mistere en des si misterieuses Escritures. Voyons seulement a quelle rayson générale tous les Apostres sont apellés fondemens de l'Eglise : et c'est par ce que ce sont eux qui par leur praedication ont planté la foy et doctrine Chrestienne ; en quoy sil faut donner prorogative a quelqu'un des Apostres, ce sera * I Cor. XV. j^. 10. a celuy la qui disoit * : Abundantius illis omnibus  Partie II. Chapitre vi. Article ii. 239 laboravi. Et c'est ainsy que s'entend le lieu de l'Apo- calipse * ; car les douze Apostres sont apellés fonde- * (Supra, p. 235.) mens de la céleste Hierusalem, par ce que ce ont esté les premiers qui ont converty le monde a la religion Chres- tienne, qui a esté comme jetter les fondements de la gloire des hommes et la semence de leur bienheureuse immortalité. Mays le lieu de saint Pol * semble ne * (Ibidem.j s'entendre pas tant de la personne des Apostres que de leur doctrine ; car il n'est pas dict que nous soyons suredifiés sur les Apostres, mays, sur le fondement des Apostres, c'est a dire, sur la doctrine quilz ont annoncée : ce qui est aysé a reconnoistre_, puysqu'il ne dict pas seulement que nous sommes sur le fondement des Apostres y mays encores des Prophètes, et nous sçavons bien que les Prophètes n'ont pas autrement estes fondemens de l'Eglise Evangelique que par leur doctrine. Et en cest endroit, tous les Apostres semblent aller a pair, si saint Jan et saint Pol ne précèdent pour l'excellence de leur théologie ; c'est donq de ce costé que tous les Apostres sont fondemens de l'Eglise. Mays en l'authorité et gouvernement saint Pierre a devancé tous les autres, d'autant que le chef surpasse les membres ; car il a esté constitué Pasteur ordinaire et suprême Chef de l'Eglise, les autres ont estes pas- teurs délégués et commis, avec autant pleyn pouvoir et authorité sur tout le reste de l'Eglise que saint Pierre, sauf que saint Pierre estoit leur chef de tous, et leur pasteur comme de tout le Christianisme. Ainsy furent ilz fondemens de l'Eglise avec luy également, quand a la conversion des âmes et par doctrine, mays quand a l'authorité et gouvernement ilz le furent iné- galement, puysque saint Pierre estoit le chef ordinaire non seulement du reste de toute l'Eglise mays des Apostres encores ; car Nostre Seigneur avoit édifié sur luy toute son Eglise , de laquelle ilz estoyent non seulement parties, mays les principales et nobles parties. Licet super omnes Apostolos ex œquo Ecclesice fortitudo solidetur, dict saint Hierosme *, *L. Linjov.(§26.) tamen inter duodecim unus eligitur , ut capite  240 Les Controverses constituto schismatis tollatur occasio. Sunt qut- •(DeConsid.,1. II, dem, dict saint Bernard parlant a son Eugène*, et nous en pouvons autant dire de saint Pierre par mesme rayson, sunt alii cœli janitores et gregum pas- tores, sed tu tanto gloriosius quanto differentius nomen hœreditasti.  ARTICLE III DE LA SECONDE PROMESSE FAICTE A SAINT PIERRE ET JE TE DONNERAY LES CLEFZ DU ROYAUME DES CIEUX  Il II fâche tant aux adversaires qu'on leur propose le siège de saint Pierre comme une sainte pierre de touche, a laquelle il faille faire l'espreuve des intelligences, imaginations et fantasies quilz font es Escrittures, quilz renversent le ciel et la terre pour nous oster des mains les expresses paroUes de Nostre Seigneur par les... || Nostre Seigneur ayant dict a saint Pierre quil sedi- fieroit sur luy son Eglise, affin que nous sceussions plus particulièrement ce quil vouloit dire, poursuit en ces termes : Et tihi dabo claves regni cœlorum. On [ne] sçauroit parler plus clairement : il avoit dict, Beatus es Simon Barjona, quia caro, etc. Et ego dico tihi quia tu es Petrus, et tihi daho, etc. ; ce tihi daho se rapporte a celuy la mesme auquel il avoit dict, et ego dico tihi^ c'est donq a saint Pierre. Mays les ministres tachent tant quilz peuvent de trou- bler si bien la clere fontayne de l'Evangile, que saint Pierre n'y puysse plus trouver ses clefz, et a nous de- gouster d'y boire l'eau de la sainte obéissance qu'on doit au Vicaire de Nostre Seigneur; et partant ilz se sont avisés de dire que saint Pierre avoit receu ceste pro- messe de Nostre Seigneur au nom de toute l'Eglise,  Partie II. Chapitre vi. Article m. 241 sans quil y ait receu aucun privilège particulier en sa personne. Mays si cecy n'est violer l'Escriture, jamays homme ne la viola ; car n'estoit ce pas a saint Pierre a qui il parloit ? et comme pouvoit il mieux exprimer son intention que de dire, Et ego dico tibi ; Dabo tibi? et puysque immédiatement il venoit de parler de l'Eglise, ayant dict, portée inferi non prcevalebunt adversus eam, qui l'eust gardé de dire, et dabo illi claves regni, sil les eust voulu donner a toute l'Eglise immédiatement? or il ne dict pas illi, mays, dabo tibi. Que sil est permis d'aller ainsy devinant sur des paroles si claires, il ny aura rien en l'Escriture qui ne se puysse plier a tous sens : quoy que je ne nie pas que saint Pierre en cest endroit ne parlast en son nom et de toute l'Eglise, quand il fit ceste noble confession ; non ja comme commis par l'Eglise ou par les disciples (car nous n'avons pas un brin de marque de ceste commission en l'Escriture, et la révélation sur laquelle il fonde sa confession avoit esté faite a luy seul, sinon que tout le collège des Apostres eut nom Simon Barjona), mays comme bouche, prince et chef des autres, selon saint Chrysostome * et saint Cyrille **, et « pour la primauté **u\3, xii in'^j^n. de son apostolat, » comme dict saint Auefustin *. Si que c. lxiv. (A/ in cap. ■^ O T. XXI, 15-17.) toute l'Eglise parla en la personne de saint Pierre *Tract.uit. inToan- comme en la personne de son chef, et saint Pierre ne ^ ' parla pas en la personne de l'Eglise ; car le cors ne parle qu'en son chef, et le chef parle en luymesme, non en son cors. Et bien que saint Pierre ne fut pas encor chef et prince de l'Eglise, ce qui luy fut seulement conféré après la résurrection du Maistre, il suffit quil estoit desja choisy pour tel et quil en avoit les erres ; comme aussi les Apostres n'avoyent pas encores le pou- voir Apostolique, cheminans toute ceste bénite com- paignie plus comme disciples avec leur régent, pour apprendre les profondes leçons quilz ont par après enseignées aux autres, que comme Apostres ou envoyés, ce quilz firent despuys, lorsque le son de leur voix retentit par tout le monde '^. Et ne nie pas nom * (Ps. xvm, 5.) plus que le reste des praelatz de l'Eglise n'ayent eu part 16  242 Les Controverses a l'usage des clefz ; et quand aux Apostres, je confesse quilz y ont eu tout'authorité : je dis seulement que la collation des clefz est icy promise principalement a la personne de saint Pierre, et a l'utilité de toute l'Eglise ; car encor que ce soit luy qui les ayt receiies, si est ce que ce n'est pas pour son proufïit particulier, mays pour celuy de l'Eglise. Le maniement des clefz est promis a saint Pierre en particulier et principalement, puys, en après, a l'Eglise ; mays principalement pour le bien gênerai de l'Eglise, puys, en après, pour celuy de saint Pierre : comm'il advient en toutes charges publiques. Mays on me demandera quelle différence il y a entre la promesse que Nostre Seigneur faict icy a saint Pierre de luy donner les clefz, et celle quil fit aux Apostres par après ; car, a la vérité, il semble que ce n'estoit que la mesme, par ce que Nostre Seigneur explicant ce quil entendoit par les clefz, il dict : Et quodcu7nque ligaveris super terrain erit ligatum et in cœlis, et quodcumque solveris, qui n'est autre que ce quil dict aux Apostres en gênerai, quœcumque alligaveritis. Si donques il promet au gênerai ce quil promet a saint Pierre en particulier, il ni aura point de rayson de dire que saint Pierre soit plus qu'un des autres par ceste promesse. Je respons qu'en la promesse, et en l'exécution de la promesse (i), Nostre Seigneur a tousjours praeferé saint Pierre, par des termes qui nous obligent a croire quil a esté chef de l'Eglise. Et quand a la promesse , je confesse que par ces parolles, et quodcumque solveris, Nostre Seigneur n'a rien plus promis a saint Pierre quil fit aux autres par après , quœcumque alligaveritis super ter- * Mat. xviii. f. i8. ram *^ etc. ; car les paroles sont de mesme subs- tance et signification en tous deux les passages. Je confesse aussy que par ces paroles, et quœcumque solveris, dites a saint Pierre, il explique les praece- dentes, tibi daho claves ; mays je nie que ce soit (i) Voir p. 249, note (i).  Partie II. Chapitre vi. Article m. 243 tout un de promettre les clefz et de dire quodcumque solveris. Voyons voir donques que c'est que de promettre les clef^ du royaume des deux. Et qui ne sçait qu'un maistre partant de sa mayson, sil laisse les clefz a quel- qu'un, que ce n'est sinon Iny en laysser la charge et le gouvernement ? Quand les princes font leurs entrées es villes, on leur présente les clefz, comme leur deferans la sauveraine authorité ; c'est donq la suprême autho- rité que Nostre Seigneur promet icy a saint Pierre. A la vérité, quand l'Escriture veut ailleurs declairer une sauveraine authorité, elle a usé de semblables termes : en l'Apocalipse *, quand Nostre Seigneur se veut faire * Cap. i. ^. 18. connoistre a son serviteur, il luy dict : Ego sum pri- mus et novissimus, et vivus et fui mortuus, et ecce sum vivens in secula seculorum ; et habeo claves mortis et inferni ; qu'entend il par les cle}^ de la mort et de l'enfer, sinon la suprême puyssance et sur l'un et sur l'autre ? et la mesme * quand il est dict de * Cap. m. f. 7. Nostre Seigneur, Hœc dicit sanctus et verus, qui hahet clavem David, qui aperit et nemo claudit, claudit et nemo aperit, que pouvons nous entendre que la suprême authorité en l'Eglise ? et ce que l'Ange dict a Nostre Dame *, Dabit illi Dominus sedem * Luc. 1. f. 32. David patris ejus et regnabit in domo Jacob in œternum ? le Saint Esprit nous faysant connoistre la royauté de Nostre Seigneur ores par le siège ou trosne, ores par les clefz. Mays sur tout, le commandement qui est faict en Isaie* pour Eliakim, s'apparie de toutes pièces a celuy * Cap. xxn. que Nostre Seigneur faict icy a saint Pierre. La, don- ques, est descritte la déposition d'un sauverain Prestre et gouverneur du Temple : Hœc dicit Dominus Deus exercituum : vade, ingredere ad eum qui habitat in tabernaculo, ad Sobnam, prcepositum Templi, et dices ad eum, : quid tu hic*? et plus bas** : depo- *j'Vers. 15, 16. nam te. Voila la déposition de l'un, voici maintenant l'institution de l'autre : Ecce in die illa vocabo servum meum Eliakim, filium Helcice, et induam illum  (Vers. 19.  244 Les Controverses tunica tua, et cingulo tuo confortaho eum, et potes- tatem tuam [dabo] in manu ejus, et erit quasi pater habitantibus Hierusalem et domui Juda ; et dabo clavem domus David super humerum ejus, et aperiet et non erit qui claudat, et claudet et non erit qui * Vers. 22. aperiat *. I a il rien de plus coignant que ces deux Escrittures ? Car, Beat us es, Simon Barjona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in ccelis est, ne vaut il pas bien pour le moins, Vocabo servum meum Eliakim filium Helciœ ? et, Ego dico tibi quia tu es Petrus , et super hanc petram œdificabo Ecclesiam meam,, et portée in- feri, etc., ne vaut il pas tout autant, Induam illum tunica tua, et cingulo tuo confortabo eum , et potestatem tuam dabo in manu ejus, et erit quasi pater habitantibus Hierusalem et domui Juda ? et qu'est ce autre chose estre le fondement ou pierre fondamentale d'une famille, que d'y estre comme père, y avoir la surintendence, y estre gouverneur ? Que si l'un a eu ceste asseurance, Dabo clavem David super humerum ejus, l'autre n'en a pas eu moins, qui a ceste promesse. Et tibi dabo claves regni ccelorum ; que si quand l'un aura ouvert, personne ne fermera, quand il aura fermé personne n'ouvrira, aussi, quand l'autre aura deslié personne ne liera, quand il aura lié personne ne desliera. L'un est Eliakim, filz d'Helcias, l'autre Simon, filz de Jonas ; l'un est revestu de la robbe pontificale^ l'autre, de la révélation cseleste; l'un a la puyssance en sa main, l'autre est un fort rocher ; l'un est comme père en Hierusalem, l'autre est comme fondement en l'Eglise ; l'un a les clef\ du Temple de David, l'autre, celles de l'Eglise Evangeli- que ; quand l'un ferme personne n'ouvre, quand l'un lie personne ne deslie ; quand l'un ouvre personne ne ferme, quand l'un deslie personne ne lie. Que reste il plus a dire, sinon que si jamays Eliakim filz d'Helcias a esté chef au Temple Mosaïque, Simon^ filz de Jonas l'a esté en l'Eglise Evangelique? Eliakim repraesentoit Nostre Seigneur comme figure, saint Pierre le reprae-  Partie II. Chapitre vi. Article m. 245 sente comme lieutenant ; Eliakim le repraesentoit a l'Eglise Mosaique, et saint Pierre, a l'Eglise Chrestienne. Voyla que c'est qu'importe ceste promesse de donner les clefz a saint Pierre, promesse qui ne fut onques faitte aux autres Apostres : mays je dis que ce n'est pas tout un de promettre les clefz du Royaume, et de dire, quodcumque solveris, quoy que l'un soit expli- cation de l'autre. Et quelle différence y a il ? certes, toute telle quil y a entre la propriété d'une authorité et l'usage : il se peut bien faire qu'un roy vivant, il ait ou la reyne ou son filz qui ait tout autant de pouvoir que le roy mesme a chastier, absoudre, donner, faire grâce ; il n'aura pourtant pas le sceptre, mays l'usage seule- ment ; il aura bien la mesm'authorité, mays nom pas quand a la propriété, ains seulement quand a l'usage et l'exercice ; tout ce quil aura faict sera faict, mays il ne sera pas chef ni roy, ains faudra quil reconnoisse que son pouvoir est extraordinaire, par commission et délé- gation, au lieu que le pouvoir du roy, qui ne sera point plus grand , sera ordinaire et par propriété. Ainsy Nostre Seigneur promettant les clefz a saint Pierre, luy remet l'authorité ordinaire, et luy donne cest office en propriété, duquel il declaire l'usage quand il dict, Quod- cumque, etc. ; or, par après, quand il faict la promesse aux Apostres, il ne leur donne pas les clefz ou l'autho- rité ordinaire, mays seulement les authorise en l'usage quilz feront, et en l'exercice des clefz. Ceste différence est prise des termes propres de l'Escriture, car solvere et ligare ne signifie que l'action et exercice, hahere claves , l'habitude. Voyla combien est différente la promesse que Nostre Seigneur fit a saint Pierre, de celle quil fit aux autres Apostres ; les Apostres ont tous mesme pouvoir avec saint Pierre, mays nom pas en mesme grade, d'autant quilz l'ont comme délé- guez et commis, et saint Pierre, comme chef ordinaire et officier permanent. Et a la vérité, il fut convenable que les Apostres, qui devoyent par tout planter l'Eglise, eussent tous plein pouvoir et entière authorité d'user des clefz et pour l'exercice d'icelles ; et fut très nécessaire  246 Les Controverses encores que l'un d'entr'eux en eust la garde par office et dignité, ut Ecclesia quœ una est, comme dict saint * Ep. ad jubianum Cvprien *, supcf unufTi, Qui cluvcs cjus acceptt, voce {a/.Jubaianum.Ep. -^C • • /- 7 ^ Lxxm, § II.) Domtni fundaretur.  ARTICLE IV  DE LA TROYSIESME PROMESSE FAICTE A SAINT PIERRE (i)  Auquel des autres fut il jamais dict : Ego rogavi pro te, Petre, ut non deficiat fldes tua; et tu ali- *Luc. XXII. (y. 32.) quando conversus confirma fratr es ^? certes, ce sont deux privilèges de grande conséquence que ceux ci. Nostre Seigneur, qui devoit maintenir la foy en son Eglise, n'a point prié pour la foy d'aucun des autres en particulier, mays seulement de saint Pierre comme chef : car, quelle rayson penserions nous en ceste prse- * (Vers. 31.) rogative, Expetivit vos*, tous tant que vous estes, ego autem rogavi pro te ? n'est ce pas le mettre luy tout seul en conte pour tous comme chef et conducteur de toute la troupe ? Mays qui ne voit combien ce lieu est pregnant a ceste intention ? Regardons ce qui pré- cède, et nous y trouverons que Nostre Seigneur avoit déclaré a ses Apostres quil y en avoit un entr'eux plus grand que les autres, qui major est inter vos, et qui * Vers. 26. prœcessor'* ; et tout d'un train Nostre Seigneur luy va dire que l'adversaire cherchoyt de les cribler, tous tant quilz estoyent, et neantmoins quil avoit prié pour luy [en] particulier, affin que sa foy ne manquast. Je vous prie, ceste grâce si particulière et qui ne fut pas *(joan.,xx, 25, 27.) commune aux autres, tesmoin saint Thomas*, ne monstre elle pas que saint Pierre estoit celluy la qui (i) Voir p. 249, note (i). •  Partie II. Chapitre vi. Article iv. 247 major erat inter eos ? tous sont tentés, et on ne prie que pour l'un. Mays les paroles suivantes rendent tout cecy très évident ; car quelque Protestant pourroit dire quil a prié pour saint Pierre en particulier pour quelque autre respect que l'on peut imaginer (car l'imagination fournit tousjours asses d'appuy a l'opiniastreté), non par ce quil fut chef des autres, et que la foy des autres fut mainteniie en leur pasteur : au contraire, Messieurs, c'est affin que, aliquando conversus confirmet fra- tres suos ; il prie pour saint Pierre comme pour le confirmateur et l'appuy des autres, et cecy qu'est ce, que le declairer chef des autres ? On ne sçauroit, a la vérité, donner commandement a saint Pierre de confir- mer les Apostres, qu'on ne le chargeast d'avoir soin d'eux ; car, comme pourroit mettre ce commandement en faict, sans prendre garde a la foiblesse ou fermeté des autres pour les affermir et rasseurer ? N'est ce pas le redire encor une fois fondement de l'Eglise? sil appuyé, rasseure, affermit ou confirme les pierres mesme fondamentales, comme n^affermira il tout le reste ? sil a charge de soutenir les colomnes de l'Eglise, comme ne soustiendra il tout le reste du bastiment ? sil a charge de repaistre les pasteurs , ne sera il pas sauverain pasteur luy mesme ? Le jardinier qui voit les ardeurs du soleil continuelles sur une jeune plante, pour la prœserver de l'assèchement qui la menace, ne porte de l'eau sur chasque branche, mais ayant bien trempé la racine croit que tout le reste est en asseurance, par ce  ... pour les affermir et rasseurer en cas de besoin. N'est ce pas le redire encor une fois fondement de l'Eglise? car, sil appuyé, affermit et confirme les pierres mesme fondamentales, comme ne soustiendra il le reste de l'édifice ? sil soustient les colomnes de l'Eglise, comme ne portera il tout le reste du bastiment? sil repaist les pasteurs, ne sera il pas sauverain pasteur luy mesme ? Le jardinier, qui voit une jeune plante s'assécher par les ardeurs du soleil, n'arrouse pas chasque branche, mais ayant bien trempé la racine croit que toute la plante est en asseurance, par ce que la racine va  248 Les Controverses que la racine va dispersant l'humeur a tout le reste de la plante : ainsy Nostre Seigneur ayant planté ceste saint'assemblëe de Disciples, pria pour le chef et la racine, affin que l'eau de la foy ne manquast point a celuy qui devoit en assaisonner tout le reste, et que par l'entremise du chef, la foi fust tousjours conser- vée en l'Eglise ; il prie donques pour saint Pierre en particulier, mays au prouffit et utilité générale de toute l'Eglise. Mays il faut, avant que fermer ce propos, que je vous die que saint Pierre ne perdit pas la foy quand il nia Nostre Seigneur, mays la crainte luy fit desavouer ce quil croyoit ; c'est a dire, il ne s'oublia pas en la foy, mays en la confession de la foy ; il croyoit bien, mais il parloit mal, et ne confessoit pas ce quil croyoit.  dispersant l'humeur par tout le cors de la plante. N. S^ qui avoit planté le saint collège des Disciples, pria pour le chef et la racine de ce pretieux arbrisseau, affin que l'eau de la foy ne manquast point a celuy qui en devoit assaisonner tout le reste, et que par l'entremise du chef, la foi fust tousjours conservée en l'Eglise ; il prie donques, au prouffit et utilité publique du Chris- tianisme, pour le glorieux S* Pierre, comme chef d'iceluy. Et que la négation que S* Pierre fit le jour de la Passion ne vous trouble point en ce faict, car il ne perdit pas la foy, mays pécha seulement contre la confession d'icelle ; la crainte luy fit desavouer ce qu'il croyoit, il croyoit bien, mais il parloit mal.  Partie II. Chapitre vi. Article v. 249  ARTICLE V  de l'exhibition de ces PROiMESSES (0  Nous sçavons bien que Nostre Seigneur fit très ample procure et commission a ses Apostres de traitter avec le monde, de son salut, quand il leur dict * : Sicut * Jo. xx. ^ 21. 23. misît me Pater, et ego mitto vos ; accipite Spiritum Sanctum, quorum remiseritis, etc. : ce fut l'exécu- tion de sa promesse quil leur avoit faict en gênerai *, * Mat. xvm. f. 18. quœcumque alligaveritis. Mays au quel des autres dict il jamais en particulier, Pasce oves meas ? ce fut le seul saint Pierre qui eut ceste charge ; ilz furent égaux en Tapostolat, mays quand a la dignité pastorale saint Pierre seul en a eii ceste institution, Pasce oves meas*. Il y a des autres pasteurs en l'Eglise; chacun * Jo. xxi. y. 17. doit pascere gregem qui in se est, comme dict saint  PREUVE CINQUIESME : PAR l'eXHIBITION DE CES PROMESSES Il ne fut jamais dict a pas un des autres Apostres, Tu es Pierre, et sur ceste pierre fedifieray mon Eglise ; ainsy ne fut il jamais dict a aucun des autres, Pasce oves meas : ilz furent égaux en l'apostolat, mays S* Pierre a eu luy seul ceste institution de la générale dignité pastorale. Il y a des autres pasteurs en l'Eglise ; chacun doit repaistre le troupeau qui est en luy, Pascite gregem qui in vobis est, dict saint  (i) Cet article, dans le premier travail du Saint, suit immédiatement Tart. III, selon l'idée exprimée p. 242, mais l'ordre de la seconde rédaction semble devoir être préféré ici.  250 Les Controverses * îFetv.f. i. Pierre*, ou celuy ïji quo eum posuit Spiritus * Act. XX. ^\ 28. Sanctus Episcopum, selon saint Pol*; mays, Cui unquam aliorum sic absolute, sic indiscrète, dict * L. II. de Cons. saint Bernard *, [totœ] commissœ sunt oves, Pasce C. VIII. -. oves ineas r Et que ce soit bien a saint Pierre a qui ces paroles s'addressent, je m'en rapporte a la sainte Parole. Ce n'est que saint Pierre qui s'appelle Simon Joannis, ou Jonœ (que l'un vault l'autre, et Jona n'est que l'ab- bregé de Joannah), et affin qu'on sache que ce Simon * (Cap. XXI, 15.) Joannis est bien saint Pierre, saint Jan atteste* que c'estoit Simon Petrus : Dicit Jésus Simoni Petro, Simon Joannis, diligis me plus his ? c'est donq saint Pierre en particulier auquel Nostre Seigneur dict, Pasce oves Tneas. Mesme, que Nostre Seigneur en ceste parole met saint Pierre a part des autres, quand il le met en comparayson : diligis me, voyla saint Pierre d'un costé, plus his? voyla les Apostres de l'autre ; et quoy que tous les Apostres ny fussent pas, si est ce que les principaux y estoyent, saint Jaques, saint Jan, saint * Jo. XXI. j^. 2. Thomas et autres*. Ce n'est que saint Pierre qui fut faschèy ce n'est que saint Pierre auquel la mort est *Vers. 17. 18. prseditte*; quelle occasion donques y peut il avoir  Pierre, ou celuy auquel le S* Esprit l'a mis Evesque, In quo, dict S* Pol, vos posuit Spiritus Sanctus Episcopos ; mays auquel des autres fut il onques dict tant absolument et indififeremment : Repais mes brebis ? Cui unquam aliorum, dict saint Bernard, sic absolute, sic indiscrète commissœ sunt oves, Pasce oves meas ? C'est S* Pierre seul auquel ceste charge s'addresse ; Dicit Jésus Simoni Petro, Simon Joannis, diligis me plus his ? c'est donq S* Pierre auquel N. S'" parle ; car pas un de la trouppe ne s'appelloit Simon Pierre, ou Simon Joannis, si ce n'est S* Pierre, //^ de Jonas ou Johannah (que l'un n'est qu'un abbregé de l'autre). Mesme, que N. S*" met icy saint Pierre a part des autres, quand il le met en compa- rayson : M'aymes tu, voyla S* Pierre d'un costé, plus que les autres? voyla les Apostres de l'autre ; et quoy que tous n'/ fussent pas, les principaux y estoyent, 5* Jaques, S* Jan, S* Thomas.  Partie II. Chapitre vi. Article v. 251 de douter si ceste parolle, Pasce oves meas, qui est jointte a toutes ces autres, s'addresse a luy seul ? Or, que repaistre les brebis soit avoir la charge d'icelles, il appert clairement ; car qu'est ce qu'avoir la charge de paistre les brebis que d'en estre pasteur et berger ? et les bergers ont pleyne charge des brebis, non seulement ilz les ccnduysent aux pasturages, mays les rameynent, les establent, les conduisent, les gou- vernent, les tiennent en crainte, chastient et défendent. En l'Escriture, régir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comm'il [est] aysé a voir en Ezechiel *, *Cap. xxxiv. f. 23. au second des Rois*; et es Psalmes en plusieurs en- *Cap. v. f. 2; c. VII ^. 7. droitz, la ou, selon l'original, il y ^ pascere, nous avons regere, comme au Psalme second*, Reges eos in virga * Vers. 9. ferrea, et de faict, entre régir et paistre les brebis avec une holette de fer il ny a pas différence ; au Psalme 22'^, * Vers. i. Dominus régit me, c'est a sçavoir, me gouverne comme pasteur ; et quand il est dict* que David avoit *Psai.Lxxvii. ^^.78. este esleu pascere Jacob servum suum, et Israël hœreditatem suant ; et pavit eos in innocentia cor- dis sui, c'est tout de mesme que sil disoit, regere, gubernare, prceesse ; et c'est avec la mesme façon de parler que les peuples sont appelles brebis de la  Or, que repaistre les brebis soit en avoir la charge, il appert de ce que les bergers non seulement conduisent le troupeau aux pastu- rages, mays le ramènent, gouvernent, défendent, chastient et establent ; et de faict, en l'Escriture, régir et paistre le peuple se prend pour une mesme chose, comme il est aysé a voir en Ezechiel, au second des Rois, et es Psalmes en plusieurs endroitz. Au Psalme second, la ou, selon l'original, il y a pascere, nous avons regere, Reges eos in virga ferrea ; aussi ny a il pas grande différence entre régir et paistre les brebis avec une holette de fer. Au Psalme 22, Dominus régit me , c'est a dire , me gouverne comme berger ; et quand il est dict que David avoit esté choisi pascere Jacob servum suum, et Israël hœreditatem suam ; et pavit eos in innocentia cordis sui, c'est tout de mesme que s'il y avoit regere, guhernare, prœesse ; ainsy les peuples sont appelles brebis de la pasture du Seigneur,  252 Les Controverses * Psai. Lxxiii. ^. I ; pasture de Nostre Seigneur*, si que avoir comman- sa.xciv. >. . (jejnent de paistre les brebis Chrestiennes, n'est autre que d'en estre le régent et pasteur. Maintenant, il est aysé a voir quelle authorité Nostre Seigneur baille a saint Pierre par ceste parole, Pasce oves meas ; car, a la vérité, i. le commandement y est si particulier quil ne s'addresse qu'a saint Pierre; 2. la charge, si générale qu'elle comprent tous les fidèles, de quelle condition quilz soyent. Qui veut avoir cest honneur d'estre brebis de Nostre Seigneur, il faut quil reconnoisse saint Pierre, ou celuy qui tient sa place, pour son berger : Si me amas, dict saint Ber- * L. II. de Cons. nard *, pasce oves meas. Quas ? illius vel illtus populos civitatiSy aut regionis, aut certe (i) regni ? oves meas, inquit. Cui non planum est non dési- gnasse aliquas, sed assignasse omnes ? nihil exci- pitur uhi distinguitur nihil : et forte pressentes cceteri condiscipuli erant cum, committens uni, unitatem omnibus commendaret in uno grege et uno pastore, secundum illud : Una est columba mea, * Cant. VI. (y. 8.) formosa mea, perfecta mea*; ubi unitas, ibi per-  si que avoir commandement de paistre les brebis Chrestiennes, n'est autre que de les gouverner et régir. Mais, sur tout, l'authorité qui est donnée a S* Pierre par ces paroles, Pasce oves meas, est si générale qu'elle s'estend sur tous les fidèles mortelz, et le commandement y est si particulier quil ne s'addresse qu'a S* Pierre. Qui veut avoir cest honneur d'estre brebis de Jésus Christ, il faut qu'il reconnoisse S* Pierre, ou son successeur, pour berger et pasteur : Si me amas, dict S* Bernard, pasce oves meas, Quas ? illius vel illius populos civitatis, aut regionis, aut certe regni ? oves meas , inquit. Cui non planum est non désignasse aliquas , sed assignasse omnes? nihil excipitur ubi distinguitur nihil : et forte prcesentes cœteri condiscipuli erant cum, committens uni, unitatem omnibus com- mendaret in uno grege et uno pastore, secundum illud : Una est columba mea, formosa mea, perfecta mea ; ubi unitas, ibi perfectio. Quand (i) Aliter, certi.  Partie II. Chapitre vi. Article v. 353 fectio. Quand Nostre Seigneur disoit, Cognosco oves meas, il entendoit de toutes ; quand il dict, Pasce oves, il entend encores de toutes : et qu'est ce autre chose dire, Pasce oves meas, que, aye soin de mon bercail, de ma bergerie , ou de mon parc et troupeau ? or, Nostre Seigneur n'a qu'un troupeau*, il est donq tota- * Jo. x. 5^. n. seq. lement sous la charge de saint Pierre. Mays sil luy a dict. Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes, ou quelques unes seulement : si il n^en recom- mandoit que quelques unes, et quelles ? je vous prie ; n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, de luy en recommander seulement quelques unes sans luy dire lesquelles, et luy donner en charge des brebis mecon- neûes ? si toutes, comme la parole le porte, donques il a esté le gênerai pasteur de toute l'Eglise; et la chose va bien ainsy sans doute , c'est l'interprétation ordi- nayre des Anciens, c'est l'exécution de ses promesses. Mays il y a du mistere en ceste institution, que nostre saint Bernard ne permet pas que j'oublie, ja que je l'ay pris pour cfuide en ce point *. C'est que par trois [C. vm,] 1. Il de „/t'^_? , . ir- rcj Cons. [S. Amb., in fois Nostre Seigneur luy recharge de taire olhce de luc, sub] finem. pasteur, luy disant, p''*, Pasce agnos meos, 2°S ovi- culas, 3°', oves; non seulement afïin de rendre ceste  Nostre S^ disoit, Cognosco oves meas, il parloit de toutes ; quand il dict, Pasce oves meas, il entend encores de toutes : car N. S"" n'a qu'un bercail, qu'une bergerie, qu'un parc et un troupeau, il est donq totalement sous la charge de S* Pierre. Et de faict, quand il luy dict, Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes ou quelques unes seulement ; si quelques unes, n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, puysqu'il ne luy specifioit pas lesquelles luy estoyent commises, et luy donner charge de brebis Inconneues ? Il les luy a donques recommandées toutes, le faisant pasteur gênerai de toute l'Eglise ; et la chose va bien ainsy, c'est l'interprétation ordinaire des Anciens, c'est l'exécution des promesses. Mays nostre S* Bernard ne me permet pas que j'oublie que N. S"" fit trois répéti- tions ou recharges a S* Pierre ; luy disant, p'^S Pasce agnos meos, 2"*, oviculas, 3"*, oves ; non seulement affin de rendre ceste  254 Les Controverses institution plus solemnelle, mays pour monstrer quil luy donnoit en charge non seulement les peuples, mays les pasteurs et Apostres mesme , qui , comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont mères. Et ne faict rien contre ceste vérité que saint Pol et les autres Apostres ayent repeu beaucoup de peuples de la doctrine Evangelique ; car estans tous sous la charge de saint Pierre, ce quilz ont faict luy revient encores, comme la victoire au gênerai, quoy que les cappitaines ayent combatu. Ni ce que saint Pol receut la main d'association * Gai. II. f. 9. de saint Pierre * ; car ilz estoyent compaignons en la prédication , mays saint Pierre estoit plus grand en Toffice pastoral , et les chefz appellent les soldatz et cappitaines compaignons. Ni ce que saint Pol est apellé l'Apostre des Gentilz, * Ad Gai. II. ^'.7. et saint Pierre, des Juifz * ; par ce que ce n'estoit pas pour diviser le gouvernement de l'Eglise, ni pour em- pêcher l'un ou l'autre de convertir et les Gentilz et les * Vide Act. ix. y. Juifz indifféremment *, mays pour leur assigner les 15, et Act. XV. y. 7. . .,1 . . , .,, , quartiers ou ilz devoyent principalement travailler a la  institution plus solemnelle, mays encores pour monstrer qu'il luy donnoit en charge non seulement les peuples, qui sont comme agneaux et brebiettes, mays encores les pasteurs et Apostres, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont mères. Et ne faict rien contre ceste vérité que saint Pol et les autres Apostres ayent repeu le troupeau chrestien du saint Evangile ; car S* Pierre estant leur chef, ce qu'ilz ont faict luy revient encores, comme la victoire au gênerai, quoy que les cappitaines ayent combattu. Ni ce que S* Pol receut la main d'association de S* Pierre ; car ilz estoyent compaignons en la prédication et charge apostolique, mays S* Pierre estoit plus grand et premier en la charge pastorale. Ni ce que S* Pol estoit l'Apostre des Gentilz, et S* Pierre, des Juifz; car ce ne fut pas une division du gouvernement de l'Eglise, mays une assignation des quartiers ou ilz devoyent principalement tra-  Partie II. Chapitre vi. Article v. 255 prédication, affin que chacun attaquant de son costé l'impiété , le monde fust plus tost rempli du son de l'Evangile. Ni ce quil semble quil ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de Nostre Seigneur, qui luy estoit commise ; car ce quil dict au bon Cornélius*, In veritate comperi quia non est * Act. x. y. 34. 35. personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce quil avoit dict long tems au paravant*, Omnis quicumque invocaverit nomen * Act. n. ;^. 21. Domini salvus erit, et la prsediction quil avoit expliquée *, In semine tuo henedicentur omnes fa- * Cap. m. f. 25. milice terrce ; mays il n'estoit pas asseuré du tems auquel il failloit commencer la réduction des Gentilz, suyvant la sainte parole du Maistre *, Eritis mihi * Act. i. f. 8. testes in Hier usaient, et in omni Judœa, et Samaria, et usque ad ultimum terrce, et celle de saint Pol*, * Act. xm. ^. 46. Vohis quidem oportebat primum loqui verhum Dei, sed quoniam repellitis, ecce convertimur ad Gentes :  vailler en la prédication, affin que chacun attaquant de son costé l'impiété, le monde fust plus tost réduit a l'obéissance du Sauveur : et cela n'empechoit point que l'un et l'autre ne peust prescher parmi les Gentilz et les Juifz indifféremment, et que l'un ne fust chef en authorité. Ni ce quil semble que S* Pierre ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de N. S"* ; car ce qu'il dict au bon capitaine Cornélius, In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce qu'il avoit dict long tems au paravant, Omnis quicumque invocaverit nomen Domini salvus erit, et la prédiction qu'il avoit expliquée, In semine tuo henedicentur omnes familiœ terrce. Ce qui le tenoit en doute, c'estoit le tems et le point auxquelz il failloit mettre la faucille en ceste moisson du gentilisme ; suivant la sainte parole du Maistre, Eritis mihi testes in Hierusalem, et in omni judœa , et Samaria, et usque ad ultimum terrez, et celle de saint Pol, Vohis quidem oportehat primum loqui verhum Dei, sed quoniam repellitis, ecce convertimur ad Gentes.  256 Les Controverses mesme que Nostre Seigneur avoit desja ouvert le sens des Apostres a l'intelligence de l'Escriture, quand il leur dict que oportebat prcedicari in nomine ejus pœnitentiam et remissionem peccatoriim in omnes * Luc. XXIV. ji-. 47. genteSy incipientibus a Hierosolima'^. Ni ce que les Apostres ont faict des diacres sans le *Act. VI. ^'. 6. commandement de saint Pierre, es Actes des Apostres*; car saint Pierre y estant authorisoit asses cest acte : outre ce que nous ne nions pas que les Apostres n'eussent pleyne administration en l'Eglise, sous l'au- thorité pastorale de saint Pierre. Ni ce que les Apostres envoyèrent Pierre et Jan en *Act. VIII. j^. 14. Samarie * ; car le peuple envoya bien Phinëes, grand *jos. XXII. 7. 13. Prœstre et supérieur, aux enfans de Ruben et Gad*, et le Centurion envoya les senieurs et principaux des *Luc. VII. ^. 3et7. Juifz quil cstimoit plus que luy mesme*; et saint Pierre se trouvant au conseil luy mesme, il y consentit et authorisa sa mission propre. Ni, en fin, ce qu'on faict sonner si haut, que saint * Ad Gai. II. f. II. Pol a repris en face saint Pierre* ; car chacun sçait quil est permis au moindre de reprendre le plus grand et de l'admonester quand la charité le requiert : tesmoin  Ni ce que les Apostres ont faict des diacres sans le commande- ment de S* Pierre ; car S* Pierre y estant authorisoit asses cest acte : outre ce que nous ne nions pas que les Apostres n'eussent pas pleine administration en l'Eglise, sous l'authorité pastorale de S* Pierre ; et nos Evesques, en l'union du Saint Siège de Rome, ordonnent et des diacres et des prestres sans autre particulier commandement. Ni ce que les Apostres envoyèrent Pierre et Jan en Samarie : car le peuple envoya bien Phinees, grand Prestre et supérieur, aux enfans de Ruben et de Gad ; le Centurion envoya les senieurs et principaux des Juifz pour parler a Nostre Seigneur, et toutefois il les estimoit plus que soy mesme ; et S* Pierre se trouvant au conseil y consentit, et authorisa sa mission propre. Ni, en fm, ce qu'on faict sonner si haut, que S* Pol a repris en face S* Pierre ; car chacun sçait qu'il est permis au moindre de reprendre le plus grand, et de l'admonester avec charité et sousmission : tesmoin  Partie II. Chapitre vi. Article vi. 257 nostre saint Bernard en ses Livres De Considéra- tîone : et sur ce propos le efrand saint Greg-oire * dict * in Ezech. Hom. ces paroles toutes dorées : Factus est sequens mino- Hom. vi, §9.) ris sui, ut in hoc etiam prceiret ; quatenus qui primus erat in apostolatus culmine, esset primus [et] in humilitate.  ARTICLE VI par l'ordre avec LEdUEL LES EVANGELISTES NOMMENT LES APOSTRES  Il C'est chose bien digne de considération en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment les Apostres ensemble avec saint Pierre, quilz ne le mettent tous- jours au haut bout, tousjours en teste de la troupe : ce qui ne peut estre faict a cas et fortune ; tant par ce que c'est une observation perpétuelle es Evangiles, et que ce ne sont pas quatre ou cinq fois quilz sont nommés ensemble, mays très souvent ou tous ou une partie, qu'aussi qu'es autres Apostres, les Evangelistes  S* Bernard en ses Livres ad Eugenium ; et sur ce propos le grand S* Grégoire dict ces paroles toutes dorées : Factus est sequens minons sui, ut in hoc etiam prœiret ; quatenus qui primus erat in apostolatus culmine, esset primus in humilitate. PREUVE SIXIESME PAR l'ordre AVEC LEQUEL LES EVANGELISTES NOMMENT LES APOSTRES C'est chose bien digne de considération a ce propos, que jamais les Evangelistes ne nomment ou tous les Apostres ou une partie d'iceux, quilz ne mettent tousjours S* Pierre au haut bout, tousjours 17  258 Les Controverses n'observent point d'ordre : Duodecim Apostolorum ♦Mat. X. 5^.2. nomina sunt hœc, dict saint Mathieu* : primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andréas frater ejus, Jacohus Zebedœi et Joannes frater ejus, Philippus et Bartholomœus, Thomas et Mathœus publicanus, Jacohus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananceus, et Judas Iscariotes qui tradidit eum. Saint Marc met * Marci m. saint Jaques second *, saint Luc le met troysiesme ** ; **Luc. vi: Act. I. . T,r ,1 . . Il saint Mathieu met... || C'est chose bien digne de considération en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment ou tous les Apostres ou une partie d'iceux ensemble , quilz ne mettent tousjours saint Pierre au haut bout, tousjours en teste de la trouppe : ce qu'on ne sçauroit penser estre faict a cas fortuit, car c'est une observation per- pétuelle entre les Evangelistes , et ce ne sont pas quattre ou cinq fois quilz sont nommés ainsy ensemble, mays tressouvent, et d'ailleurs, es autres Apostres, ilz n'observent point d'ordre : Duodecim Apostolorum, * Cap. X. jî^. 2. nomina hœc sunt, dict saint Mathieu* : primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andréas frater ejus, Jacohus Z eh edcei et Joannes frater ejus, Philippus et Bartholomœus y Thomas et Mathœus puhlicanus, Jacohus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananœus et Judas Iscariotes. Il nomme saint André le second, •Marc. m. [f. 18.) saint Marc le nomme le 4.*, et, pour mieux monstrer * Luc. VI. [f. 14.) quil [n'Jimporte, saint Luc qui l'a mis en un lieu * le 2., * Act. I. [f. 13.) le met en l'autre * le 4. ; saint Mathieu met saint Jan le 4., saint Marc le met le 3., saint Luc en un lieu le 4., en un autre le 2. ; saint Mathieu met saint Jaques 3., saint Marc le met 2'' : bref, il ni a que saint Phi- lippe, saint Jaques Alphaei et Judas qui ne soient tantost plus haut tantost plus bas. Quand les Evangelistes  en teste de la compaignie : ce qu'on ne sçauroit penser estre faict sans mistere, car c'est une observation perpétuelle entre les Evan- gelistes, et ce ne sont pas quattre ou cinq fois quilz sont ainsy nommés, mays très souvent, et d'ailleurs, es autres Apostres, ilz  Partie II. Chapitre vi. Article vi. 259 nomment tous les Apostres ensemble, ailleurs, il ni a du tout point d'observation, sinon en saint Pierre qui va devant par tout. Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblées, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray [est] il encor plus certain que si nous Tavions veu ; quand nous verrions par tout saint Pierre le premier, et tout le reste pesle mesle, ne juge- rions nous pas que les autres sont esgaux et compai- gnons, et saint Pierre, le chef et cappitaine ? Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie Apostolique, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite : Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo eranf^. Dixit Petrus, et qui cum illo erant**. * Mar. i. (^. 36.) .77 **Luc. vm. {f. 45. Petrus vero, et qui cum. tllo erant, gravati erant somno *. Vous sçaves bien que nommer une personne * Luc ix. f. 32. et mettre les autres en un bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inférieurs. Bien souvent encores on le nomme a part des autres ; comme l'Ange : Dicite discipulis ejus, et Petro *. * Mar, xvi. {^. 7.) Stans autem Petrus, cum. undecim. *. Dixerunt ad * Act. n. {f. 14.) Petrum, et ad reliquos Apostolos*. Respondens * (Vers. 37.)  n'observent point d'ordre. Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblées, ce que nous lisons es Evan- giles, et de vray il est encor plus certain ; quand nous verrions par tout et en toutes occasions S* Pierre marcher le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et S* Pierre, le chef et cappitaine? Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie des Apostres, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite : Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant. Dixit Petrus, et qui cum illo erant. Petrus vero, et qui cum illo erant, gravati sunt somno. Vous sçaves bien que nommer une personne a part et mettre les autres en bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inférieurs. Bien souvent encores on le nomme a part des autres ; comme l'Ange : Dicite discipulis ejus, et Petro. Stans autem Petrus, cum undecim. Dixerunt ad Petrum, et ad reliquos Apostolos. Respondens  200 Les Controverses •Act. V. (jî'. 29.) aiitem Petrus et Apostoli, dixerunt*. Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumdu- cendi, sicut cœteri Apostoli, et fratres Domini, et *(iCor., IX, 5.) Cephas*? Qu'est ceci a dire, Dicite discipulis ejuSy et Petro ? Pierre estoit il pas Apostre ? Ou il estoit moins ou plus que les autres, ou il estoit esgal : jamais homme, sil n'est du tout désespéré, ne dira quil fut moins ; sil est égal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part ? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et AndrecBy ou Joanni ? Certes, il faut que ce soit quelque particulière qualité qui soit en luy plus qu'es autres, et quil ne fut pas simple Apostre ; de manière qu'ayant dict, Dicite discipulis, ou, Sicut cœteri dis- cipuli, on peut encor demeurer en doute de saint Pierre, comme plus qu' Apostre et disciple. Seulement une fois en l'Escriture saint Pierre est nommé après saint Jaques : Jacohus , Cephas et * Ad Gai. II. ^^ 9. Joauncs dextfus dederunt societatis'^. Mays a la vérité, il y a trop d'occasion de douter si en l'original et anciennement Pierre estoit nommé le premier ou le second, pour vouloir tirer aucune conclusion valable de ce seul lieu : car saint Augustin, saint Ambroise, saint ♦(inEpist. adGal.) Hierosme, tant au Commentaire* qu'au texte, ont escrit  autem Petrus et Apostoli, dixerunt. Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cœteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas ? Qu'est ceci a dire, je vous prie, Dites aux disciples, et a Pierre, Pierre et les Apostres respondirent? comment? Pierre n'estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins, ou esgal, ou plus que les autres ; jamais homme ne dira, sil n'est du tout désespéré, quil fut moins ; sil est égal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part ? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, etjacoho, ou Joanni ? Seulement une fois S^ Pierre est nommé après S* Jaques : Jacohus, Cephas et Joannes dextras dederunt societatis. Mays a la vérité, il y a trop de quoy douter que l'original ne fust pas de la façpn, pour tirer aucune conclusion valable de ce seul passage : car S* Augustin, S* Ambroise, S* Hierosme, tant en leurs Commentaires qu'au texte,  Partie II. Chapitre vi. Article vi. 261 Pierre, Jaques, Jan, ce quilz n'eussent jamais faict silz n'eussent trouvé en leurs exemplaires ce mesm'ordre, autant en a faict saint Chrysostome, au Commentaire ; ce qui monstre la diversité des exemplaires, qui rend la conclusion de part et d'autre douteuse. Mays quand bien ceux que nous avons maintenant seroyent origi- naires, on ne sçauroit que deduyre de ce seul passage contre l'ordre de tant d'autres ; car il se peut faire que saint Pol tient l'ordre du tems auquel il a receu la main d'association, ou que, sans s'amuser a l'ordre, il ait escrit le premier qui luy revint. Mays saint Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apos- tres, c'est a sçavoir, quil y en avoit un premier, tout le reste égal, sans second ni troysiesme : Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus"^ ; il ne dict poinct, secun- *(Matt.,x, 2.) dus Andréas, tertius Jacohus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que saint Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et qu'entr'eux il ni avoit point de praeseance. PrimuSy dit il, PetruSy et Andréas : d'icy est tiré le nom de pri- mauté ; car sil estait primus, sa place estoit primiere, son rang, primier, et ceste sienne qualité, primauté.  n'ont pas escrit Jaques, Pierre et Jan, mays Pierre, Jaques, Jan, autant en a faict S* Chrysostome, au Commentaire ; qui monstre la diversité des exemplaires, et rend la conclusion de part et d'autre douteuse. Mays que pourroit on déduire de ce seul passage contre l'ordre de tant d'autres ? car il se peut faire que S* Pol tient l'ordre du tems auquel il a receu la main d'association, et qu'il l'ait receue premièrement de S* Jaques, ou que, sans s'amuser a l'ordre, il ait mis le premier celuy qui le premier luy revint. Au reste, S* Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, a sçavoir, quil y en avoit un premier et tout le reste égal, sans second ni troysiesme : Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus ; il ne dict poinct, secundus Andréas, tertiusjacohus, mays les va nommant sim- plement, pour nous faire connoistre que pourveu que S* Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et ny avoit plus de prece- dence. D'icy est tiré le nom de primauté, car sil estoit primus , son rang estoit primier, sa place primiere, et sa dignité estoit primauté,  262 Les Controverses On respond a cecy que si les Evangelistes ont nommé saint Pierre le premier, c'a esté par ce quil estoit le plus avancé en aage entre les Apostres, ou pour quel- ques privilèges qui estoyent en luy. Mais qu'est cecy, je vous prie ? dire que saint Pierre fut le plus viel de la troupe, c'est chercher a crédit une excuse a l'opi- niastreté : on voit les raysons toutes cleres en l'Escri- ture, mays par ce qu'on est résolu de maintenir le contrayre, on en va chercher avec l'imagination ça et la. Pourquoy dict on que saint Pierre fut le plus viel, puysque c'est une pure fantasie, qui n'a point de fon- *Epiphan.,Haer.Li. dément en l'Escriture et est contraire aux Anciens*? ^^ ^'^'^ que ne dict on plus tost quil estoit celuy sur lequel Nostre Seigneur fondoit son Eglise, auquel il avoyt baillé les clefz du royaume des cieux, qui estoit le confirmateur des frères ? car tout cecy est de l'Escriture : ce qu'on veut soustenir est soustenu, sil a fondement en l'Escriture ou non, il n'importe. Et quand aux autres privilèges, qu'on me les cotte par ordre, on n'en trouvera point de particuliers en saint Pierre que ceux qui le rendent chef de l'Eglise.  Dignité laquelle on ne peut rejetter sur la viellesse de S* Pierre, car ce seroit une pure fantasie, et une trop grosse excuse a l'opi- niastreté, qui n'a point de fondement en l'Escriture, et est contraire a la tradition des Anciens ; et qu'il ne fut pas le plus ancien Apostre, l'Escriture le monstre ouvertement qui tesmoigne que S* André l'amena a N. S"*; et quand aux autres qualités et conditions de S* Pierre , on n'en trouvera point de particulières qui le puissent avancer plus que les autres, sinon celles qui le rendent chef de l'Eglise.  Partie II. Chapitre vi. Article vu. 263  ARTICLE VII DE aUELQîJES AUTRES MARaUES Q.UI SONT SEMEES ES ESCRITURES DE LA PRIMAUTÉ DE SAINT PIERRE  Si je voulois apporter icy tout ce qui s'en trouve, je ferois aussi grande ceste preuve que je veux faire toute ceste Partie ; et ne me cousteroit guère, car cest excel- lent théologien Robert Belarmin me mettroit beaucoup de choses en main, mays sur tout le docteur Nicolas Sander a traité ce sujet si solidement et amplement, qu'il est malaysé d'en dire rien quil n'ayt dict et escrit en ses Livres De la Visible Monarchie'^ : j'en prae- *(Lib. vi, c. n.) senteray quelques pièces. Si l'Eglise est comparée a un bastiment *, comm'elle *U3it.xyi.f. 18. l'est, son rocher et son fondement ministerial en est sainct Pierre. Si vous la dites semblable a une famille *, il ny a que * l ad Timot. m. j^. 15-  DE QUELQUES AUTRES MARQUES DE LA PRIMAUTE DE SAINT PIERRE SEMEES ES ESCRITURES : PREUVE SEPTIESME Ce grand docteur Nicolas Sanderus a traité ce sujet si doctement et amplement, en ses Livres De la Visible Monarchie de V Eglise, qu'il est malaysé d'en dire rien qu'il n'ayt escrit, et ne cousteroit guère de m'y estendre bien avant : j'en presenteray quelques pièces. Qui lira attentivement les Escritures verra par tout ceste primauté de S* Pierre. Si l'Eglise y est comparée a un bastiment, son rocher et son fondement en est S* Pierre. Si vous la dites semblable a une famille, il ny a que Nostre  264  Les Controverses  * Mat. xYii. f. 26.  Luc. V. f. 3.  * Luc. V. y. 10 ; Jo. XXI. f. 5. * Mat. XIII. f. 47. * Luc. V. f. 5. 7.  * Jo. XXI. y. II.  * Mat. X. f. 2. 5.  Luc. XXII. f. 32.  Mat. XVI. y. 19.  Jo. XXI. f. 17.  Nostre Seigneur qui paie tribut, comme chef de mayson, et après luy saint Pierre, comme son lieutenant *. Si a une nasselle, saint Pierre en est le patron, et en celle la Nostre Seigneur enseigne *. Si a une pesche, saint Pierre y est le premier, les vrays disciples de Nostre Seigneur ne peschent qu'avec luy *. Si aux retz et filetz *, c'est saint Pierre qui les jette en mer, c'est saint Pierre qui les tire *, les autres disci- ples y sont coadjuteurs ; c'est saint Pierre qui les met a port, et présente les poissons a Nostre Seigneur *. Dites vous qu'ell'est semblable a une légation ? saint Pierre y est le premier*. Dites vous que c'est une fraternité ? saint Pierre y est le premier, le gouverneur et confirmateur des autres*. Aimes vous mieux que ce soit un royaume ? saint Pierre en porte les clefz *. Voules vous que ce soit un parc où bercail de brebis et d'aigneaux ? et saint Pierre en est le pasteur et berger gênerai *.  Seig"^ qui paie tribut, comme chef de mayson, et après luy S* Pierre, comme son lieutenant. Voules vous que ce soit une nacelle ? S* Pierre en est le patron, et en celle la seule Nostre Seig"" enseigne. Aimes vous mieux que ce soit une pesche ? S* Pierre y est le premier et guide, les vrays disciples de Nostre S"" ne peschent qu'avec luy. Si vous l'accompares aux retz et filetz, c'est S* Pierre qui les jette en mer, c'est S* Pierre qui les tire, qui les met a port, et présente les poissons a Nostre Seig"" ; les autres disciples n'y sont que coadjuteurs. Dites vous qu'elle est semblable a une légation ? S* Pierre y est le premier. Si vous dites que ce soit une fraternité. S* Pierre y est le premier, gouverneur et confirmateur des autres. Si c'est un royaume, S* Pierre en a les clefz. Si c'est une bergerie ou bercail de brebis et d'aigneaux, S* Pierre en est le pasteur et berger gênerai.  Partie II. Chapitre vi. Article vu. 265 Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre Seigneur tesmoigner plus vivement son inten- tion ? l'opiniastreté ne voit goutte parmi tant de lu- mières ? Saint André vint le premier a la suite de Nostre Seigneur, ce fut luy qui y amena son frère saint Pierre*, et saint Pierre preecede par tout; que veut * Jo. i. jîr. 41. dire cela, sinon que l'avantage que l'un avoit en tems, l'autre l'avoit en dignité ? Mays passons outre. Nostre Seigneur est il monté au ciel, toute la sainte brigade Apostolique se retire chez saint Pierre, comme chez le commun père de famille*; * Act. i. j^. 15. saint Pierre se levé entr'eux et parle le premier *, en- * Vers. 16. seigne l'interprétation d'une grave prophétie , a le premier soin de la restauration et creiie du nombre Apostolique, comme chef et colomnel *. C'est luy qui * Vers. 21. le premier proposa de faire un Apostre ; qui n'estoit pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité , mays saint Pierre , enseignant l'Eglise, monstre, et que Judas avoit perdu son apostolat.  Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre S"" tes- moigner plus vivement son intention et nostre créance ? se peut il faire que l'opiniastreté ne voye goutte parmi tant de lumières? S* André vint le premier a la suite de N. S., ce fut luy qui amena S* Pierre son frère, mays ce dernier venu précède par tout ; que veut dire cela, sinon que l'avantage que l'un avoit en tems, l'autre l'avoit en dignité ? Mays passons outre. Nostre Seig'" est il monté au ciel, toute la sainte brigade Apostolique se retire chez S* Pierre, comme chez le commun père de famille ; S* Pierre se levé entr'eux, parle le premier, et y enseigne l'interprétation d'une grave prophétie. Il a le premier soin de la restauration et creùe de la compaignie Apostolique, comme chef et gênerai : c'est luy qui le premier propose de faire un nouvel Apostre ; qui ne fut pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays S* Pierre, ensei- gnant l'Eglise, monstra, et que Judas avoit perdu son apostolat  266 Les Controverses et quil en failloit un autre en sa place, contre l'ordi- naire de cest'authorité, qui continue es autres après la mort, et delaquelle ilz feront encor exercice au jour du jugement , Ihors quilz seront assis autour du Juge , * Mat. XIX. jî\ 28. jugeans les dou^e tribus d'Israël*. Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le Saint Esprit, que saint Pierre, comme chef de l'embas- sade Evangelique, estant avec ses onse compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nou- * Act.ii.jp. 14. velle de salut aux Juifz en Hierusalem * : c'est le premier catéchiste de l'Eglise, et qui prêche la pœni- *\ers. 38. tence * ; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays saint Pierre seul respond pour tous, comme chef de tous. Sil faut mettre la main au trésor des miracles con- cédé a l'Eglise, quoy que saint Jan y soit et soit invo- * Act. m. y. 6. que, saint Pierre seul y met la main*. Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel de l'Eglise, pour chastier le mensonge ? c'est saint Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et * Act. V. f. 3. Saphire * : de la vient la haine que tous les menteurs  et qu'il en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de ceste authorité, qui continue es autres après la mort, et de la- quelle ilz feront exercice au jour du jugement, Ihors qu'ilz seront assis autour du Juge, jugeans les dou^e tribus d'Israël. Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le S* Esprit, que S* Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onze compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salvation aux Juifz en Hierusalem : c'est le premier catéchiste de l'Eglise, et qui prêche la pénitence ; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays S* Pierre seul respond pour tous, comme chef de la troupe. Sil faut mettre la main au trésor des miracles concédé a l'Eglise, quoy que S* Jan y soit et soit invoqué. S* Pierre seul y met la main. Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel pour chastier le mensonge? c'est S* Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire : de la vient la haine que les faux  Partie II. Chapitre vi. Article vu. 367 portent a son Saint Siège, par ce que, comme dict saint Grégoire*, Petrus mentientes verbo occidit. * l. il in Ezech. ^, , . . -1, n Hom. xviii ("a/. VI, C est le premier qui reconnoit 1 erreur et réfute §9). l'heresie, en Simon Magus * ; de la vient la hayne * Act. vm. f. 20. irréconciliable de tous hérétiques a son Siège. C'est le premier qui resuscita les morts, quand il prie pour la dévote Tabite *. * Act. ix. f. 40. Est il tems de mettre la main a la moyson du paganisme ? c'est saint Pierre a qui s'en addresse la révélation, comm'au chef de tous les ouvriers et l'œco- nome de la métairie*. Le bon cappitaine italien Cornélius * Act. x. y. 9. est il prest a recevoir la grâce de l'Evangile? on le renvoyé a saint Pierre, affin que par ses mains fust dédié et beny le Gentilisme *. C'est le premier qui * Vers. 5. commande qu'on baptise les payons *. * Vers. 48. Se trouve l'on en un Concile gênerai ? saint Pierre, comme prsesident, y ouvre la porte au jugement et a la définition, et sa sentence [est] suyvie des autres, sa particulière révélation y sert de loy *. * Act. xv. f. 7. Saint Paul confesse quil est venu exprès en Hieru-  docteurs portent a son Saint Siège et succession, par ce que, comme dict S* Grégoire, Petrus mentientes verbo occidit. C'est le premier qui reconnoit l'erreur et réfute l'heresie, en Simon le Magicien ; et c'est pourquoy les hérétiques ont inimitié irréconciliable avec son Siège. C'est le premier qui resuscita les morts, priant pour la dévote Tabite. Est il tems de recueillir la moysson du paganisme ? c'est a saint Pierre auquel s'addresse la révélation, comme au chef de tous les ouvriers et l'économe de la métairie : ainsy, quand le bon cappi- taine italien Cornélius fut prest a recevoir la grâce de l'Evangile, on le renvoya a S* Pierre, affin que par ses mains le Gentilisme fust consacré et dédié. C'est le premier qui commande qu'on baptise les payens. Assemble on un Concile gênerai? S* Pierre, comme président, y ouvre la porte au jugement et a la définition ; sa sentence est suivie des autres, et sa particulière révélation y sert de loy. Saint Paul confesse quil est venu exprès en Hierusalem voir  268 Les Controverses salem voir saint Pierre, et demeura quinze jours près * Ad Gai. I. f. i8. de luy * ; il y vit saint Jaques, mays il n'estoit pas venu pour le voir, ains seulement saint Pierre. Qu'est ce a dire cecy ? que n'alloit il aussi bien pour voir le grand apostre et si signalé saint Jaques, que saint Pierre ? par ce qu'on regarde les gens en teste et en face, et saint Pierre estoit le chef de tous les Apostres. Estant en prison, toute l'Eglise faict prières conti- * Act. XII. f. 5. nuelles pour luy *. Si cecy n'est pas estre le premier et chef des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, les pasteurs, pasteurs, ni les docteurs, docteurs ; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pour- roit on faire connoistre un pasteur, un docteur, un Apostre, que celles que le Saint Esprit a mis es Escri- tures pour faire reconnoistre saint Pierre pour chef de l'Eglise ?  S* Pierre, et demeura quinze jours près de luy ; il y vit bien S* Jaques, mays ce fut par accessoire. Que n'alloit il aussi bien voir les autres Apostres ? parce, a la vérité, qu'on regarde les gens a la teste et a la face, et S* Pierre estoit le chef et teste de tous les Apostres. (Act., XII, 2, 3.) S* Pierre et S* Jaques estans en prison*, l'Evangeliste tesmoigne que des prières continuelles furent faictes en l'Eglise pour S* Pierre, comme pour le chef gênerai et magistrat commun. Si tout cecy mis ensemble ne nous faict reconnoistre S* Pierre pour chef de l'Eglise et des Apostres, je confesse que les Apostres ne sont pas Apostres, ni les pasteurs, pasteurs ; car, en quelles autres plus expresses paroles et marques pourroit on faire connoistre l'authorité d'un Apostre et pasteur sur le peuple, que celles que le S* Esprit a mis es Escritures pour faire paroistre S* Pierre au dessus des Apostres, des pasteurs et de toute l'Eglise?  Partie II. Chapitre vi. Article vin. 269  ARTICLE VIII  LE TESMOIGNAGE DE L EGLISE SUR CE FAICT  Pour vray, l'Escriture suffit, mays considérons qui la force et viole. Si nous commencions a la tirer [en] con- séquence pour la primauté de saint Pierre, on pourroit croire que nous la forçons ; mays quoy ? ell'est très claire en ce faict, et a esté entendue de toute l'Eglise première en ce sens. Ceux la donques la forcent, qui y apportent un sens nouveau, qui la tirent contre la nature de ses paroles et contre le sens de l'antiquité ; ce que sil est loysible a chacun, l'Escriture ne servira plus que de jouet aux cerveaux fantasques et opiniastres. Que veut dire que l'Eglise ancienne n'a jamais tenu pour sièges patriarchaux sinon ceux de Rome, d'Ale- xandrie et d^Antioche ? on peut faire mille fantasies, mays il ni a point d'autre rayson que celle que produit saint Léon*, par ce que saint Pierre a fondé ces trois *Ep.Liii(^o^fï>cvi), sièges ilz ont estes appelles et tenus pour patriarchaux ; n). comme tesmoignent le Concile de Nicëe * et celuy de * Can. vi.  PREUVE HUITIESME : PAR LE TESMOIGNAGE DE l'eGLISE Nostre cause est si clairement deduitte en l'Escriture, que c'est presque chose vaine d'y rien adjouster : mays affin que vous sçachies que nous n'y apportons point d'interprétation forcée ou controuvee, je produiray ce qu'en a pensé toute l'Eglise première. Que veut dire que l'Eglise ancienne n'a jamais tenu pour sièges patriarchaux sinon celuy de Rome, d'Alexandrie et d'An- tioche ? on peut faire mille fantasies, mays il ni a point d'autre rayson que celle que dict S* Léon, par ce que S* Pierre a fondé ces trois sièges. Et partant le Concile de Nicee et celuy de  270 Les Controverses • Act. XVI. Calcedoyne *, ou on faîct grande différence entre ces trois sièges et les autres. Que quand a celuy de Cons- tantinople et de Hierusalem, qui lira ces Conciles verra la différence en laquelle on les tient d'avec ces trois autres, fondés par saint Pierre ; non que le Concile de Nicëe parle du siège de Constantinople, car Constanti- nople n'estoit encores rien en ce tems la, n'ayant esté eslevëe que par le grand Constantin, qui la dédia et nomma l'an 2 5 de son Empire, mays le Concile de Nicëe traitte du siège de Hierusalem, et celuy de Calcé- doine, de celuy de Constantinople. Par la préséance et prééminence de ces trois sièges, l'Eglise ancienne a asses tesmoigné qu'elle tenoit saint Pierre pour son chef, qui les avoit fondés ; autrement, que ne mettoit elle encor en semblable rang le siège d'Ephese, fondé par saint Pol, confirmé et affermi par saint Jan, ou le siège de Hierusalem, auquel saint Jaques avoit conversé et praesidé ? Que tesmoignoit elle autre, quand, es lettres publiques et patentes quilz appelloyent anciennement formées, après la première lettre du Père, Filz, et Saint Esprit,  Calcedoyne ont faict une grande différence entre ces trois sièges et les autres, et quand a celuy de Constantinople et Hierusalem, qui lira ces Conciles verra bien qu'il n'y a point de compa- raison ; non que le Concile de Nicee parle du Siège de Cons- tantinople, car Constantinople n'estoit encores rien en ce tems la, n'ayant esté eslevee que par le grand Constantin, qui la dédia et nomma l'an 25 de son Empire, mays le Concile de Nicee traitte du siège de Hierusalem , et le Concile de Calcédoine , de celuy de Constantinople. Donques, par la préséance et préémi- nence de ces trois sièges, l'Eglise ancienne a asses tesmoigné qu'elle tenoit S* Pierre pour son chef, qui en estoit le fondateur ; autrement, que ne mettoit elle en semblable rang le siège d'Ephese, fondé par S* Pol, continué par S* Jan, ou celuy de Hierusalem, ou S* Jaques avoit présidé ? Que tesmoignoit elle autre, quand, es lettres publiques et pa- tentes qu'on appelloit anciennement formées, après les premières lettres du Père , Filz , et S* Esprit , on y mettoit la première  Partie II. Chapitre vi. Article viii. 371 on y mettoît la première lettre de Petrus *, sinon * Atticus. in fine . Concilii Calced.(>) qu après Dieu tout puyssant, qui est le Koy absolu, l'authorité du lieutenant est en grand pris vers ceux qui sont bons Chrestiens ? Quand au consentement des Pères sur ce faict, Sanderus a levé tout 'occasion a la postérité d'en douter ; je produiray seulement les noms avec les- quelz les Pères l'ont appelle, qui monstrent asses leur créance. Hz l'ont appelle Chef de V Eglise, comme saint TT. o. ' . r^t A TT /::**•* L. I adversus To- Hierosme *, et saint Chrysostome, Hom. 50.^^ in vin. (§ 26.) Matheum (=). **<'^^- 55-) Optatus Milevitanus appellat Caput, 1. 2, contra Parmen. (3) Fœlix JËcclesice fundamentum, comme S* Hilaire*, *^^.''- ^^^ ^^^^• et Cceli janitorem. _,. A L ± 1 «iA i** *Tract. Lviin Joan- Prtmum Apostolorum, comme saint Augustin^, nem (§ i), etiract. après saint Mathieu*. McJô^x^i)  lettre de Petrus, sinon qu'après Dieu tout puissant, les bons Chrestiens honnorent son Vicaire ? Quand au consentement des Pères sur ce faict, Sanderus et mille autres ont levé toute occasion a la postérité d'en douter ; mais je produiray seulement les noms avec lesquelz les Pères ont appelle S* Pierre, qui monstrent asses leur créance touchant son authorité. S* Chrysostome, S* Hierosme et S* Optatus l'appellent Chef de l'Eglise. S* Hilaire : Heureux fondement de V Eglise, et Huissier du ciel. S* Augustin : Premier des Apostres.  (i) Sic ex Bellarmino, Controv. de Rom, Pontif., lib. I, cap. xxv, loco Carthagin. Invenitur haec Attici epistola apud Mansi, Conciliorum supple- mentum, anno 419, post Carthaginense VI. Cf. Hefele, Conciliengesch., lib. VIII, § 122, in notis. (2) In edit. Parisiensi, 1588, et apud Bellarm., De Rom. Pontif., lib. I, cap. XXVI. In editionibus emendatioribus S. Chrysostomi, titulus Caput Ecclesiœ desideratur inter Homil. in Matth., invenitur tamen titulus Caput Apostolicœ familix in Homilia super II Timot., m, i; opéra tom. VI, col. 275. (3) Voir les Notes préparatoires, p. 18.  272 Les Controverses * In divers., Hom. ApostoloTum OS et verttcem, comme Origene * et •Homii.Lvr^/.Liv) saint Chrysostome *. inMath. (§1.) q^ et princtpem Apostolorum, comme le mesme saint Chrysostome, Hom. 88. in Joann. Curatorem fratrum et orhis terrarutn, Idem, ibid. Ecclesice pastorem et cap ut adamante firmius, '(Al 54.) Id., Hom. 55. * in Math. Basis Ecclesiœ, Chrysost. Hom. 4. in c. 6. Isaiae (2). Petram tndelebtlem b), crepidinem immobilem , Apostolum magnum f prtm.um. discipulorum,, pri- mum vocatum et primum, obedientem, [Idem,] • (Hodîe Hom. m, Hom. Q. de Pœnitentia *. § 4-) Ecclesice firm.am,entum,y Christianorum, ducem et m-agistrum, spiritalis Israelis columnam, fluctuan- tium gubernatorem, cœlorum, m^agistrum, Christi os, summum Apostolorum verttcem, Idem, Sermone in adoratione venerabilium catenarum et gladii sancti et Apostolorum principis Pétri (4). Ecclesice principem,. Idem, Homil. in SS'°' Pet. et Paul, et Heliam (5), portum, fidei, orbis terrarum tnagistrum.  Origene et S* Chrysostome l'appellent Bouche, couppeau et prince des Apostres. [S. Chrysostome :] Curateur des frères et de l'univers ; Pasteur et chef de l'Eglise, plus ferme que le diamant ; Petram indelehilem, crepidinem immobilem, Apostolum magnum, primum discipulorum ; Ecclesice firmamentum, Christianorum ducem et magistrum, spiritalis Israelis columnam, fiuctuantium guhernatorem, cœlorum magistrum, Christi os, summum Apostolorum verttcem ; Ecclesice principem, portum fîdei, orbis terrarum magistrum. (i) Homiliae In diversa Evangelii loca hodie locum non habent inter Origenis opéra. (2) Aliter, In illud VidiDominum, etc., § 3 : S. Chrys. opéra, tom. VI, col. 123. (3) Corrigit forte Sanctus auctor antiquam lectionem, omnino erroneam, indehilem ; hodie, recte, infragilem. (4) Apud Metaphrasten. Vide Baronium, ad annum 439. / (5) Aliter, Homilia in Petrum Apostolum et in Heliam Prophetam : inter dubia S. Chrysost. ; opéra, tom. II, col. 728,  Partie II. Chapitre vi. Article viii. 275 Primtim in Apostolatus culmine, Greg., Hom. 18. in Ezech. * * (Vide supra, art. V, p. 257.) Christianorum primum Pontiflcem, Euseb., in Chronico anni 44. Magister militice Dei, Idem, 1. 2. Hist. c. 14. Cceteris prœlatum discipidis , Bas., Serm. de Tudicio Dei *. * (^""^î' ^"ter As- *' cetica.) Orhis terrarum prcepositus, Hom. 56.* in Math., * (a.i. 55.) Chrysost. Dominum domus Domini et principem omnis possessionis ejus, Bernard., ep. 237*, ad Eugenium. * {Al. i->,%.) Qui osera s'opposer a ceste société ? ilz parlent ainsy, ilz entendent ainsy TEscriture.  Et S* Grégoire : Primum in Apostolatus culmine, Eusebe : Christianorum primum Pontificem, et Magistfum militice Dei. S* Basile : Cœteris prœlatum discipulis. S* Ciirysostome : Orhis terrarum prœpositum. Et S* Bernard : Dominum domus Domini et principem omnis pos- sessionis ejus. Qui osera maintenant s'opposer a ceste sainte société ? ilz parlent ainsy, ilz entendent ainsy l'Escriture, et pensent, selon icelle, que tous ces noms et tiltres soyent deus a S* Pierre. L'Eglise donques fut laissée en terre par son Sauveur et Espoux avec un chef visible, vicaire et lieutenant du Maistre et Seigneur ; l'Eglise donques doit estre unie en un chef visible ministerial.  18  274 Les Controverses  ARTICLE IX aUE SAINT PIERRE A EU DES SUCCESSEURS AU VICARIAT GENERAL DE NOSTRE SEIGNEUR  *(Parsl%c.in,a.i.) J'ay fermement prouvé cy dessus * que l'Eglise Catholique estoit une monarchie, en laquelle un chef ministerial gouvernoit tout le reste : ce n'a donq pas esté saint Pierre seulement qui en a esté le chef, mais faut que comme l'Eglise n'a pas manqué par la mort de saint Pierre, ainsy l'authorité d'un chef n'y ait pas manqué ; autrement elle ne seroit pas une, ni au train auquel son fondateur l'avoit mise. Et de vray, toutes les raysons pour lesquelles Nostre Seigneur mit un chef en ce cors, ne demandent pas tant quil y fust en ce commencement, ou les Apos- tres qui gouvernoyent l'Eglise estoyent saints, humbles, charitables, amateurs d'unité et concorde, qu'au pro- grès et suite d^icelle, quand la charité rafredie chacun s'ayme soymesme , personne ne veut se tenir au dire d'autruy ni subir la discipline. Je vous prie, si les  QUE SAINT PIERRE A EU DES SUCCESSEURS EN SA CHARGE Ce n'a pas esté S* Pierre seulement qui a esté chef de l'Eglise, mais comme l'Eglise n'a pas défailli par la mort de S* Pierre, ainsy l'authorité d'un chef n'y a pas manqué ; autrement l'Eglise ne seroit plus une, ni au train auquel Nostre Seigneur l'avoit mise. Et toutes les raysons pour lesquelles N. S. mit up chef en ce cors, demandent quil y soit non seulement pour un tems, mais en tout le progrès et succession de l'Eglise. Je vous prie, si les  Partie II. Chapitre vi. Article ix.  275  Apostres, a l'entendement desquelz le Saint Esprit esclairoit de si près, si fermes et puyssans, avoient besoin de confirmateur et de pasteur pour la forme de leur union, combien plus maintenant l'Eglise en a nécessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise ? la rayson de saint Hierosme * * (Vide supra, art. 1 • , , 1 • • « 1 ïi> p- 250, 240.) a bien autrement lieu maintenant qu au tems des Apostres , Inter omnes unus eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio. La bergerie de Nostre Seigneur doit durer jusqu'à la consumma- tion du monde^ en unité, l'unité donques d'un pasteur *(Matt.,xxviir, 20.) y doit encores durer, tout cecy a esté bien preuve cy dessus : dont il s^ensuit manifestement que saint Pierre a eu des successeurs, en a encores, et aura jusqu'à la consummation du siècle.  Apostres, a l'entendement desquelz le S* Esprit esclairoit de si près, si fermes et puissans, avoyent besoin de confirmateur et pasteur pour la forme et entretenement visible de leur union, et de toute l'Eglise , combien plus maintenant en avons nous nécessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise ? et si les volontés des Apostres, si fermement liées par la charité, eurent besoin d'une liaison extérieure de l'authorité d'un chef, combien plus par après, quand la charité s'est tant rafroidie, a l'on eu besoin de ceste liaison d'une authorité et d'un magistrat visible? Que si, comme dict S* Hierosme, au tems des Apostres Unus inter omnes eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio, combien plus maintenant, pour la mesme rayson, est il nécessaire qu'il y ait un chef en l'Eglise ? La bergerie Chres- tienne doit durer en unité visible y^5^w'^ la consummation du monde, donques l'unité de gouvernement extérieur y doit demeurer encores, et personne n'a l'authorité de changer la forme d'administration que Nostre Seigneur y a mise : dont il s'ensuit notoirement que S* Pierre a eu des successeurs, en a encores, et en aura jusqu'à la fin du siècle.  276 Les Controverses  ARTICLE X  DES CONDITIONS REaUISES POUR SUCCEDER  Je ne fais pas ici profession de traitter les difficultés a fons de cuve, il me suffit d'avancer quelques prin- cipales raysons, et mettre au net nostre créance ; que si je voulois m^amuser aux objections qu'on faict sur ce point, j'aurois plus d'ennuy que de peyne, et la pluspart sont si légères qu'elles ne méritent pas qu'on y perde le tems. Voyons quelles conditions sont re- quises pour succéder a une charge. On ne succède qu'a celuy qui cède et quitte sa place, soit par déposition ou par la mort ; qui faict que Nostre Seigneur est tousjours Chef et sauverain Pontife de l'Eglise, et auquel personne ne succède, par ce quil est tousjours vivant, et n'a cédé ou quitté ce sacerdoce [ou] pontificat, quoy quil l'exerce en partie par ses ministres et serviteurs icy bas en l'Eglise militante :  DES CONDITIONS REQUISES POUR SUCCEDER A SAINT PIERRE Ce n'est ici qu'un Mémorial, et n'est pas rayson que je m'amuse a toutes sortes d'objections ; on en faict sur ce point qui sont si légères et vaines qu'elles ne méritent pas qu'on s'y amuse. Voyons comme on peut succéder en charge a une personne. On ne succède qu'a celuy qui quitte et cède sa place, soit par déposition ou par la mort ; qui faict que N. S. est tousjours Chef et sauverain Pontife de l'Eglise , auquel personne ne succède , par ce quil est tousjours vivant, et n'a cédé ou quitté son sacer- doce ou pontificat, quoy quil l'exerce en partie par s^s ministres et serviteurs icy bas en l'Eglise militante, outre ce quil a une authorité si excellente qu'elle n'est pas en tout communicable :  Partie II. Chapitre vi. Article x. 277 mays ces ministres et lieutenantz, tout tant quil y a de pasteurs, peuvent céder et cèdent, soit par dépo- sition ou par la mort, leurs offices et dignités. Or nous avons monstre * que saint Pierre a esté * (Art. m.) suprême chef ministériel de l'Eglise, et que cest office ou dignité ne luy a pas esté baillé pour luy seulement, mays pour le bien et prouffit de toute l'Eglise, si que ce doit estre un office perpétuel en l'Eglise militante. Mays comme seroit il perpétuel si saint Pierre n'avoit point de successeur ? car on ne peut pas douter que saint Pierre ne soit plus pasteur de l'Eglise, puysquil n'est plus en l'Eglise militante , ni mesme homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible. Reste a sçavoir comm'il a faict ceste cession, comm'il a quitté ce sien pontificat, si c'est ou par déposition faicte entre vivantz, ou par la mort naturelle ; puys on verra qui luy a succédé et par quel droit. Et d'un costé, personne ne doute que saint Pierre n'ait continué en sa charge toute sa vie ; car ceste parole de Nostre Seigneur, Pasce oves meas *, luy * {Joan., xxi, 17.) fut non seulement une institution en ceste suprême  mays ces ministres et vicaires cèdent nécessairement leurs offices et dignités, ou par déposition ou par la mort. Or nous avons monstre que S* Pierre a esté chef ministériel de l'Eglise, et que ceste charge luy a esté baillée pour le bien et utilité publique du Christianisme , si que , le Christianisme durant tousjours , ceste mesme charge et authorité doit estre perpétuelle en l'Eglise militante ; mays S* Pierre n'est plus pasteur de l'Eglise, puysqu'il n'est plus en l'Eglise militante, ni homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible. Reste a voir comme il a quitté et cédé son pontificat, si c'est ou par déposition faicte entre vivans, ou par la mort naturelle ; puys on verra qui luy a succédé et par quel droit. Et d'un costé, c'est chose certaine que S* Pierre a continué en sa charge toute sa vie ; car ceste parole de N. S'", Repais nies brebis, luy fut non seulement une institution en ceste suprême  278 Les Controverses charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cest autre, Prœdicate Evangelium (Marc, XVI, 15.) omui crcaturce'^y a quoy les Apostres vacquerent jus- ques a la mort. Pendant donques que saint Pierre vesquit ceste vie mortelle, il n'eut point de successeur, et ne déposa point sa charge, ni n'en fut point déposé ; car il ne le pouvoit estre sinon par l'heresie, qui n'eut jamais accès chez les Apostres beaucoup moins chez leur chef, sinon que le Maistre de la bergerie l'en eust levé, ce que non. Ce fut donques la mort qui le leva de ceste senti- nelle et de ce guet gênerai quil faisoit, comme pasteur ordinaire, sur toute la bergerie de son Maistre : mays qui succéda en sa place ? Et quand a ce point, toute l'antiquité est d'accord que c'est l'Evesque de Rome, avec ceste rayson : saint Pierre mourut Evesque de Rome, donques l'evesché de Rome fut le dernier siège du chef de l'Eglise, donques l'Evesque de Rome, qui fut après la mort de saint Pierre, succéda au chef de l'Eglise, et, par conséquent, fut chef de l'Eglise. Quel-  charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cestuy la, Prœdicate Evangelium omni creaturce, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort. Pendant donques que S* Pierre vesquit ceste vie mortelle, il n'eut point de successeur, et ne céda ou quitta point sa charge, ni n'en fut point déposé ; car il ne le pouvoit estre que par l'heresie, laquelle n'eut jamais accès chez les Apostres beaucoup moins chez leur chef, sinon que le Maistre de la bergerie l'en eust levé, ce que non. Ce fut donques la mort qui le leva de ceste sentinelle générale quil faisoit, comme pasteur ordinaire, sur toute la bergerie du Maistre : mays qui succéda en sa place ? Et quand a ce point, toute l'antiquité dict que c'est l'Evesque de Rome. Voicy sa rayson : S* Pierre mourut Evesque de Rome, Rome donques fut le dernier siège du chef de l'Eglise, l'Evesque donques de Rome, qui fut après la mort de S* Pierre, succéda a S* Pierre, et, par conséquent,  I  Partie II. Chapitre vi. Article x. 279 qu'un pourroit dire quil succéda au chef de l'Eglise quand a l'evesché de Rome, mays non quand a la monarchie du monde ; mays celuy la devroit monstrer que saint Pierre eut deux sièges, dont l'un fut pour Rome, Tautre pour l'univers, ce qui n'est point. Il eut bien, a la vérité, un siège en Antioche, mays celuy qui l'eut après luy n'eut pas le vicariat gênerai, par ce que saint Pierre vesquit long tems après, et n'avoit pas déposé ceste charge ; mays ayant choisi Rome pour son siège, il en mourut Evesque, et celuy qui luy succéda , luy succéda simplement , et s'assit en son siège qui estoit siège gênerai de tout le monde et de l'evesché de Rome en particulier, si que l'Evesque de Rome demeura gênerai lieutenant en l'Eglise et suc- cesseur de saint Pierre : ce que je vais prouver main- tenant si solidement qu'autre que les opiniastres n'en pourra douter.  fut chef de l'Eglise. Quelqu'un dira quil succéda au chef de l'Eglise quand a l'evesché de Rome, mays non pas quand a la primauté et charge générale ; mays celuy la devroit monstrer que S* Pierre eut deux sièges, l'un pour Rome, l'autre pour l'univers, ce qui n'est point. 11 eut un siège en Antioche, mays celuy qui l'eut après luy n'eut pas le vicariat gênerai, par ce que S* Pierre vesquit longuement après, qui n'avoit quitté ceste charge générale ; mays ayant choisi Rome pour son siège, il en mourut Evesque, et celuy qui luy succéda, luy succéda simplement et purement, et s'assit en son siège, qui estoit siège de l'evesché de Rome et de tout le monde, si que l'Evesque de Rome demeura gênerai heu- tenant en l'Eglise pour Nostre Seigneur, et successeur de S* Pierre : ce que je vais prouver si fermement, qu'autre qu'un opiniastre n'en pourra douter.  28 o Les Controverses  ARTICLE XI aUE l'eVESQIJE de ROME EST VRAY SUCCESSEUR DE SAINT PIERRE ET CHEF DE l'eGLISE MILITANTE  J'ay praesupposé que saint Pierre ayt esté Evesque de Rome et soit mort tel ; ce que tous les adversaires nient, mesme que plusieurs d'entr'eux nient quil ayt jamais esté a Rome, les autres, que sil y a esté, quil y soit mort. Mays je n'ay que faire de combattre toutes ces négatives par le menu, puysque, quand j'auray bien preuve que saint Pierre a esté et est mort Evesque de Rome, j'auray suffisamment prouvé que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre ; outre ce que tous mes raysons et mes tesmoins portent en termes exprès que l'Evesque de Rome a succédé a saint Pierre, qui est mon intention, delaquelle neant- moins réussira une claire certitude que saint Pierre a esté a Rome et y est mort. Et voici mon premier tesmoin : saint Clément, dis- ciple de saint Pierre, en Tepistre première quil a escrit * (Concilia, anno ad Jucobum fratrcm Domini'^, laquelle est si au- thentique que Ruffin en a esté traducteur il y a environ  QUE l'eVESQUE de ROME EST VRAY SUCCESSEUR DE SAINT PIERRE ET CHEF DE l'eGLISE Voici mon premier tesmoin : S* Clément, disciple de S* Pierre, en l'epistre première quil a escrit ad Jacohum fratrem Domini, laquelle est si authentique que Ruffin en a esté traducteur il y (i) Hodie haec epistola inter dubia S. Clementis collocatur, Patrol. graeca, tom. I, col. /^6}; ut anti(juissima tamen ab omnibus agnoscitur.  Partie II. Chapitre vi. Article xi. 281 douze cens ans ; or il dict ces paroles : Simon Petrus, Apostolus primus , Regem seculorum usque ad Romance urbis notitiam, ut etiam, ipsa salvaretur, invexit ; hic pro pietate pati volens, apprehensa manu m,ea in conventu fratrum., dixit : Clementem hune Episcopum vobis ordino ^ cui soli meœ prce- dicationis et doctrines Cathedram trado ; (et peu après) Ipsi trado a Domino inihi traditam potes- tatem ligandi et solvendi. Et quand a l'authorité de cest'epistre, Damasus, in Pontiflcali, en la vie de Clément *, en parle ainsy : In epistola quœ ad Jaco- * (Concilia, anno bum script a est, qualiter Clementi commissa est a beato Petro Ecclesia reperies; et Rufin, en la praeface sur les Livres Des Reconnoissances de saint Clément , en parle fort honorablement , et dict quil l'avoit mise en Latin, et que saint Clément y tesmoi- gnoit de son institution, et quod eum relique rit suc- cessorem Cathedra^. Ce tesmoignage faict voir, et que saint Pierre a prêché a Rome , et quil y a esté Evesque ; car sil n'y eust esté Evesque, comme eust il baillé la chaire a saint Clément quil n'y eust pas eiie ?  91.)  a environ douze cens ans, dict ces paroles : Simon Petrus, Apos- tolus primus, Regem seculorum usque ad Romance urbis notitiam, ut etiam ipsa salvaretur, invexit ; hic pro pietate pati volens, apprehensa manu mea in conventu fratrum, dixit : Clementem hune Episcopum vobis ordino, cui soli meœ prœdicationis et doctrinœ Cathedram trado ; et peu après : Ipsi trado a Domino mihi traditam potestatem ligandi et solvendi. De quoy parlant Damasus, in Pontificali, en la vie de Clément, In epistola, dict il, quœ ad Jacobum scripta est, qualiter Clementi commissa est a B. Petro Ecclesia reperies ; et Rufin, en la préface sur les Livres Des Reconnoissances de S* Clément, en parle fort honorablement, et dict quil l'avoit traduitte en Latin, et que S* Clément y tesmoignoit de son institution, et quod eum reliquerit Petrus successorem Cathedrœ. Ce tesmoignage faict voir que S* Pierre a prêché a Rome, et quil y a esté Evesque, car autrement, comment eust il baillé le siège a S* Clément quil n'y eust pas eu ?  282  Les Controverses  {Contra Haeres.) Le 2. saint Irenëe, * 1. 3- c. 3 : Maximœ et anti- quissimce et omnibus cognitce, a duohus gloriosis- simis Apostolis Petro et Paulo Romce fundatœ Ecclesiœ, etc. ; et peu après : Fundantes igitur et instruentes beati Apostoli Ecclesiam, ejus admi- nistrandce episcopatuin Lino tradiderunt ; succedit ei Anacletus, post eum, tertio ab Apostolis loco, episcopatum sortitur Clemens. (Cap. xxxii.) Le 3. Tertullien , de Prœscript.* : Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat ; (Cap. XXXVI.) et au mesme livre* : Fœlix Ecclesia, cui totam doctrinam, Apostoli cum sanguine suo profuderunt, et parle de l'Eglise Romayne, ubi Passioni Dominicœ Petrus adœquatur : ou vous voyes que saint Pierre est mort a Rome, et y a constitué saint Clément, si que, joignant ce tesmoignage aux autres, on voit quil y a esté Evesque et y est mort enseignant. Le 4. saint Cyprien, ep. 55*, ad Cornelium : Navi- gare audent ad Pétri Cathedram, atque ad Eccle- siam. principalem, unde unitas sacerdotalis exorta est, et parle de l'Eglise Romaine. Eusebe, in Chronico anni 44 : Petrus, natione  (§ 14.)  Mon 2^ tesmoin est S* Irenee : Maximœ, dict il, et antiquissimœ et omnibus cognitœ a duohus gloriosissimis Apostolis Petro et Paulo Romce fundatœ Ecclesiœ, etc. ; et peu après : Fundantes igitur et instruentes beati Apostoli Ecclesiam, ejus administrandœ episcopatum Lino tradiderunt ; succedit ei Anacletus, post eum episcopatum sor- titur Clemens. Le 3. Tertullien, es Prescriptions : Romanorum Ecclesia, dict il, Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat ; et au mesme livre : Fœlix Ecclesia, ubi Passioni Dominicœ Petrus adœquatur, parlant de l'Eglise Romaine. Le 4. S* Cyprien : Navigare audent ad Pétri Cathedram, atque ad Ecclesiam principalem, unde unitas sacerdotalis exorta est, et parle de l'Eglise Romaine. ' Le 5. Eusebe, in Chronico : Petrus, natione Galilœus, Cbristia-  Partie II. Chapitre vi. Article xi. 283 Galîlcetis, Christianorum Pontifex primus, cum primum Antiochenam Ecclesiam fundassety Romain proficîscitur ; ubi Evangelium prœdicans 55 annis^ ejusdein urhis Episcopus persévérât. Epiphanius , Hœr. 27* : Episcoporum in Roma *{§6.) successio hanc hahuit consequentiam : Petrus et Paulus, Linus, Cletus, ClemenSy etc. Dorotheus, in Sinopsi* i'^) : Linus, post chori- * (§ 39-) pheum Petrum, Romœ Episcopus fuit. Optatus Milevitanus * : Negare non potes scire te, * (Ubi supra, Pars in urbe Roma Petro primo Cathedram episcopa- ^^' j^- "^' ^^ • ^^' p- lem esse collatam, in qua sederit omnium Apos- tolorum caput Petrus (2) ; et peu après : Sedit prior Petrus, cui succedit Linus, Lino successit Clemens. Hieronymus , ad Damasum"^ : Cum successore * (Epist. xv, § 2.} piscatoris et discipuli Crucis loquor ; ego Beati- tudini tuœ, id est, Cathedrce Pétri, communione consocior, Sanctus Augustinus, ep. 165*, ad Generosum : * c^/. Ep. un, § 2.) Petro successit Linus, Lino, Clemens.  norum Pontifex primus, cum primum Antiochensem Ecclesiam fundasset, Romam proficiscitur ; ubi Evangelium prœdicans, viginti quinque annis ejusdem urhis Episcopus persévérât. Le 6. Epiphane : Episcoporum in Roma successio hanc hahuit consequentiam : Petrus et Paulus, Linus, Cletus, Clemens, etc. Le 7. Optatus Milevitanus : Negare non potes scire te, in urhe Roma Petro primo Cathedram episcopalem esse collatam, in qua sederit omnium Apostolorum caput Petrus ; et peu après : Sedit prior Petrus, cui succedit Linus, Lino, Clemens. Le 8. S* Hierosme, ad Damasum : Cum successore piscatoris et discipuli Crucis loquor ; ego Beatudini tuœ, id est, Cathedrce Pétri, communione consocior. Le 9. S* Augustin, ad Generosum : Petro successit Linus, Lino, Clemens. (i) Patrologia graîca, tom. XCII, col. 1059. De auctoritate hujus opusculi, hodie cuidam Procopio attribut!, vide D. Ceillier, Hist. des auteurs sacrés, tom. XI, cap. Lxxiii, Ed. Vives, 1862. (a) Voir les Notes préparatoires, p. 18.  284 Les Controverses * (Inter sententias Au 4. Concile gênerai de Calcédoine, Act. 3 *, quand les legatz du Saint Siège veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon : Unde sanctissimus et heatissiinus magnce et senioris Romœ Léo, per nos et prcesentem sanctam Sino- duiriy una cum. ter beatissimo et otnni laude digno heato Petro Apostolo , qui est petra et crepido Ecclesîce Catholicœ, nudavit eum tant episcopa- tus dignitate quant etiam ah sacerdotali alienavit ministerio. Notes un peu ces traitz : que le seul Eves- que de Rome le prive par ses legatz et par le Concile, que ilz joignent l'Evesque de Rome avec saint Pierre ; car ilz monstrent que TEvesque de Rome tient le lieu de saint Pierre. Le Sinode d'Alexandrie, ou estoit Athanase, en sa * (Concii.,an. 366; lettre a Fœlix 2^*, dict merveilles a ce propos, et Corpus Juris Can., » /-^ -i i -kt- Decr. I» Pars, Dist. cntr autres choses raconte, qu au Concile de Nicee on XVI, c. xu.) avoit déterminé quil n'estoit loisible de célébrer aucun Concile sans rauthorité du Saint Siège de Rome, mays que les canons qui avoyent estes faictz a ce propos avoyent estes bruslés par les haeretiques arriens. Et de faict, Jules i., in Rescripto contra Orientales pro  Au grand Concile de Calcédoine, quand les legatz du Saint Siège veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon : Unde sanctissimus et heatissimus magnce et senioris Romœ Episcopus Léo, per nos et prœsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno B. Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesîce Catholicce, nudavit eum tam episcopatus digni- tate, etc. Notes un peu ces traitz : que le seul Evesque de Rome prive Dioscorus de son evesché, qu'il le prive par ses legatz et par le Concile, qu'ilz joignent l'Evesque de Rome avec S* Pierre ; car ilz monstrent par la que l'Evesque de Rome tient le lieu de S* Pierre. Le Sinode d'Alexandrie , avec son Athanase , en la lettre a Fœlix 2*^, dict merveilles a ce propos, et entre autres raconte qu'au Concile de Nicee il n'estoit pas loisible de célébrer aucun Concile sans l'authorité du Siège de Rome, mays que les canons qui avoyent esté faictz a ce propos avoyent esté bruslés par les Arriens. Et de faict, Julius i., in Rescripto contra Orientales pro  Partie II. Chapitre vi. Article xi. 285 Athanasio *, c. 2. et c. 3., recite deux canons du * (Hodie Bp. i, zd y~. -1 j TVT" .• • • 11 Orient. Episc. Vide Concile de JNicee qui tirent sur ce propos; lequel supra, p. 93.) escrit de Jules i. a esté cité par Gratien il y a 400 [ans], et par Isidore il y en a 900*, et le grand Père Vincent oE^r^^pYrs D^i^t! Lirinois en faict mention il y a environ mill'ans * : ce ^^^^ ^- "•) . ^^ •' * (Comraonit. II, que je dis par ce que tous les canons du Concile de § 30.) Nicëe ne sont pas en estre, n'en estant demeuré que vingt ; mays tant de graves autheurs en citent tant d'autres outre les vingt que nous avons, que nous avons a croire ce que disent ces bons Pères Alexandrins cy dessus , que les Arriens en ont faict perdre la pluspart. Pour Dieu, jettons l'œil sur ceste tresancienne et trespure Eglise des six premières centeynes , et la regardons de toutes pars ; que si nous la voyons croire fermement que le Pape fut successeur de saint Pierre, quelle témérité sera ce de le nier ? Voicy, ce me semble, une rayson qui ne demande plus aucun crédit, mays consiste en beau content : saint Pierre a eu des successeurs en son vicariat ; et qui a jamais esté en réputation en l'Eglise ancienne, d'estre successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise, que l'Evesque de Rome? Certes, tout tant quil y a d'autheurs anciens  Athanasio, recite deux canons du Concile de Nicee qui tirent sur ce propos ; lequel escrit de Julius i . a esté cité par Gratien il y a 400 ans, et par Isidore il y en a 900, de quoy le grand Père Vincent Lirinois faict mention il y a environ mille ans : ce que je dis par ce que tous les canons du Concile de Nicee ne sont pas en estre, n'en estant demeuré que 20, mays tant de graves autlieurs en citent plusieurs autres outre les 20 que nous avons, que nous devons croire ce que disent ces bons Pères Alexandrins cy dessus, que les Arriens en ont faict perdre la pluspart. Le Sinode donques d'Alexandrie et le Concile de Nicee tiennent le Pape pour chef de l'Eglise et successeur de S* Pierre. Voicy en fin, ce me semble, une rayson qui ne demande point de crédit, mays consiste en beau content : S* Pierre a eu des successeurs, jamais en l'Eglise ancienne aucun Evesque ne fut en réputation de l'estre sinon celuy de Rome, donques celuy de  286 Les Controverses donnent tous ce tiltre au Pape, et jamais aux autres, et comme donques dirons nous quil ne le soit pas ? certes, c'est nier la vérité conneiie. Ou quilz nous dient quel autre Evesque est chef de TEglise et successeur de saint Pierre : au Concile de Nicëe, en celuy de Constantinople et de Calcedoyne, on ne voit pas qu'au- cun Evesque s'usurpe la primauté ; ell'est deferëe selon l'ancienne coustume au Pape, autre quelconque ny est nommé en pareil grade. Bref, jamays il ne fut dict ni douté d'aucun Evesque, es premiers cinq cens ans, quil fut chef ou supérieur aux autres, que de celuy de Rome, duquel on ne douta voirement jamais, mays a on tenu pour tout résolu quil estoit tel : a quel propos donques, après quinze cens ans passés, veut [on] mettre cest'ancienne tradition en compromis ? Je n'aurois jamais faict si je voulois apporter sur table toutes les asseurances et recharges que nous avons de ceste vérité es escritz des Anciens ; cecy cependant suffira, de ce costé, pour prouver que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre, et que saint Pierre a esté et est mort Evesque a Rome.  Rome l'est. Au Concile de Nicee, de Constantinople et de Calce- doyne, la primauté est déférée au Pape, selon l'ancienne coustume ; autre quelconque ny est nommé en pareil grade. Bref, jamais il ne fut douté d'aucun autre Evesque, es premiers cinq cens ans de l'Eglise, s'il estoit chef ou supérieur aux autres ; on tenoit pour tout résolu que c'estoit celuy la seul de Rome : a quel pro- pos donques mettrons nous maintenant ceste ancienne resolution en compromis ? Cecy cependant suffira pour prouver que l'Evesque de Rome est successeur de S* Pierre.  I  Partie II. Chapitre vi. Article xii. 287  ARTICLE XII briefve description de la vie de saint pierre et de l'institution DE ses premiers SUCCESSEURS  Il ny a point de question ou les ministres s'exercent si fort pour combattre l'antiquité qu'en cellecy, car ilz taschent, a force de conjectures , praesomptions , dilemmes, explications et par tous moyens, de monstrer que saint Pierre ne fut onques a Rome; sauf Calvin *, *(ïnst.,)i. IV. cvi. qui voyant que c'estoit démentir toute Tantiquité, et que cela n'estoit pas requis pour son opinion, se con- tente de dire qu'au moins saint Pierre ne fut pas long tems Evesque a Rome : Propter scriptorum con- sensum, non pugno quin illic mortuus fuerit, sed Episcopum fuissCy prœsertim longo tempore, per- suader i nequeo. Mays a la vérité, quoy quil n'eust esté que fort peu de tems Evesque de Rome, sil y est mort Evesque, il y a laissé son siège et sa succes-  BRIEFVE DESCRIPTION DE LA VIE DE SAINT PIERRE ET DE L'iNSTITUTION DE SES PREMIERS SUCCESSEURS Les ministres s'exercent infiniment en ceste question pour com- battre l'antiquité, et taschent, a force de conjectures, présomptions, dilemmes, explications et par tous autres moyens, de monstrer que S* Pierre ne fut onques a Rome. Vray est que Calvin, voyant qu'il importoit peu pour son opinion, et que c'estoit démentir toute l'antiquité a descouvert, se contente de dire qu'au moins S* Pierre ne fut pas longuement Evesque a Rome : Propter, ce dict il, scriptorum consensum non pugno quin illic mortuus fuerit, sed Episcopum fuisse, prœsertim longo tempore, persuaderi nequeo, Mays quoy qu'il n'eust esté que fort peu de tems Evesque de Rome, sil y est mort Evesque, il y a laissé son siège et sa suc-  288  Les Controverses  (Art. praeced.)  * (Lib. III, ann. 32-70.) *(De Rom. Pont., 1. II.) * ( S . Hieronymi interpret. Chronici Eusebii, anno 70.)  * Euseb., 1. V. c. XVIII. * Cap. Lxv. f. I. *Act.xiii. j|r. 46. 47.  sion : de façon que quand a Calvin, nous n'aurions pas grand cas a débattre, pourveu quil fut résolu de con- fesser fermement que saint Pierre est mort a Rome, et quil y estoit Evesque quand il mourut ; et quand aux autres, nous avons asses prouvé cy dessus* que saint Pierre est mort Evesque a Rome. Les discours que l'on faict au contraire sont plus ennuyeux que difficiles, et par ce que qui aura le vray discours de la vie de saint Pierre devant les yeux, aura asses dequoy respondre a toutes ces objections, j'en diray briefvement ce que j'en crois estre plus probable ; en quoy je suyvray l'opinion de ces excel- lents théologiens , Gilbert Genebrard , Archevesque d'Aix , en sa Chronologie*, et Robert Belarmin , Jésuite, en ses Controverses *, qui suivent de près saint Hierosme et Eusebe, tn Chronico *. Nostre Seigneur donques monta au ciel l'annëe i8 de Tibère, et commanda a ses Apostres quilz arrestassent en Hierusalem douze ans, selon l^ancienne tradition de Thraseas martir *, nom pas certes tous mais quelques uns, pour vérifier la parole ditte par Isaïe * et comme semble vouloir inférer saint Pol, et saint Barnabas *, car saint Pierre fut en Lydde et Joppé avant que les  cession : de façon que quand a Calvin, nous n'aurions pas grand cas a débattre, pourveu quil fut résolu de confesser fermement que S* Pierre est mort a Rome, et que quand il mourut il en estoit Evesque ; mays quand a ceux qui le nient, nous avons asses prouvé que S* Pierre est mort Evesque a Rome. Toutes les fantasies que l'on faict au contraire peuvent estre rejettees par le vray discours de la vie de S* Pierre ; j'en diray donques icy ce qu'il me semble de plus probable, suivant l'advis de Gilbert Genebrard, Archevesque d'Aix, et de Robert Belarmin. Donques N. S"" monta aux cieux l'an 18 de Tibère, et commanda a ses Apostres quilz arrestassent en Hierusalem 1 2 ans, selon l'ancienne tradition de Thraseas martir, nom pas certes tous majs quelques uns, pour vérifier la parole ditte par Isaïe comme semble vouloir inférer S* Pol, et S* Barnabas, dont S* Pierre fut en Lydde et Joppé  Partie II. Chapitre vi. Article xii. 289 douze ans fussent escoulés *, si que il suffisoit que quel- * Act. ix. f. 32 et ques Apostres demeurassent en Hierusalem pour tes- moignage aux Juifz. Saint Pierre donques demeura en Judëe environ cinq ans après l'Ascension, praechant et annonçant TEvangile, et sur la fin de la première année, ou bien tost après, saint Pol fut converti*, lequel, * Act. ix. trots ans après, vint en Hierusalem voir saint Pierre, avec lequel il demeura quinze jours '^. Saint *AdGai. i. (^. 18.) Pierre donques , ayant prêché cinq ans environ en Judée, sur la fin de la cinquième année il vint en Antioche, ou il demeura Evesque environ sept ans, c'est a dire, jusqu'à l'année 2^" de Claudius, ne laissant pour cela de faire des courses evangeliques en Galatie, en Asie, Cappadoce et ailleurs pour la conversion des peuples ; de la. Tannée 7"" de son pontificat en Antio- che, ayant remis sa charge episcopale au bon Evodius, il revint en Hierusalem, ou estant arrivé, il fut em- prisonné de la part d'Herodes en faveur des Juifz, environ le jour de Pasque *. Mays sortant de prison * Act. xn. f. 4. bien tost après par la conduitte de TAnge, il vint ceste mesme année la, qui estoit la 2^^ de Claudius, a  avant que les 12 ans fussent escoulés, si que il suffisoit que quelques Apostres demeurassent en Hierusalem pour tesmoignage aux juifz. S* Pierre donques demeura environ cinq ans après l'Ascension de Nostre Seig"" en Judée, preschant l'Evangile, et sur la fin de la première année, ou bien tost après, S* Pol fut converti, qui vint trois ans aptes en Hierusalem, ou il demeura quin:(e Jours auprès de S* Pierre. Mais S* Pierre ayant prêché cinq ans ou environ en Judée, sur la fin de la cinquième année vint en Antioche, ou il demeura Evesque environ sept ans, c'est a dire, jusqu'à l'année 2^^ de Claudius, ne laissant pour cela de faire des courses evangeliques en Galatie, en Asie, Cappadoce et ailleurs pour la conversion des peuples ; de la, l'année 7® de son pontificat en Antioche, ayant remis sa charge episcopale au bon Evodius, il revint en Hierusalem, ou il fut emprisonné de la part d'Herodes en faveur des Juifz, environ le jour de Pasque. Puys, sortant de prison bien tost après par la conduitte de l'Ange, il vint la mesme année, qui estoit la 2"^* de Claudius, a Rome, ou 19  290 Les Controverses Rome^ ou il posa son siège quil tint environ 25 [ans], pendant lesquelz il ne layssa de visiter plusieurs pro- vinces selon le besoin de la chose publicque Chres- tienne, mays entr'autres, environ l'an 18 de la Passion Histnc."vi);'sle- ^^ Asccnsion du Sauveur, qui fut le 9. de Claudius *, tonius, in Claudio {i fut chassé, avec le rcste des Hébreux, de Rome *, * Act. x\î\ï. f. 2. et s'en vint en Hierusalem, ou le Concile Hierosoli- * Act. XV. mitain fut célébré *, auquel saint Pierre prsesida. Puys, Claudius estant mort, saint Pierre s'en revint a Rome, recommençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Néron le *Anib., contra Au- poursuivant a mort avec son compaignon saint Pol *, xent. {Opéra, tom. . . ° II, col. 1007.) pour S escnapper, selon les saintes importunations des fidèles, il voulut sortir de nuict de la ville, et rencon- trant près la porte Nostre Seigneur , il luy dict : Domine, quo vadis ? Seigneur, ou ailes vous ? Jésus Christ respondit : Je viens a Rome, pour y estre de- rechef crucifié ; responce laquelle saint Pierre conneut * Orig., 1. m. in bien viser a sa croix * : de façon qu'après avoir esté Genesim ; Athan., . . t i •• a • i pro fuga sua (§ 18). Cinq ans environ en Judée, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'annëe 14 de l'empire de Néron il fut  il posa son siège quil tint environ 25 ans, pendant lesquelz il visita plusieurs provinces selon le besoin de la chose publicque Chrestienne ; entre autres, environ l'an 18 de la Passion et Ascension du Sauveur, qui fut le 9. de Claudius, il fut chassé, avec le reste des Hébreux, de Rome, et s'en vint en Hierusalem, ou le Concile Hierosolimitain fut célébré, auquel S* Pierre présida. Puys, Claudius estant mort, S^ Pierre s'en revint a Rome, recom- mençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Néron le poursuivant a mort avec son compaignon S* Pol, incité par les fidèles de s'eschapper, il vou- lut sortir de nuict de la ville, mays rencontrant près la porte Nostre Seigneur , il luy dict : Domine, quo vadis ? Seigneur, ou ailes vous ? a quoy Nostre Seig"" respondit : Je vais a Rome, pour y estre l'autre fois crucifié : Vado Romain iterum crucifigi ; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix : de façon qu'après avoir esté environ 5 ans en Judée, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'année 14 de l'empire de Néron il  Partie II. Chapitre vi. Article xii. 29: crucifié les pieds contremont *, et au mesme jour saint * Hieron., de Vir. _. , ^ , lUus.fc. i); Euseb,, Pol eut la teste tranchée. in Chronico (anno Mays avant que mourir, empoignant par la main son tyîoUHbe/de^e^t' disciple saint Clément, il le constitua son successeur ; Apostoi., in capite Martyrologii); Ter- charge a laquelle saint Clément ne voulut pas entendre tui., de Prsescript. ni en faire exercice qu'après la mort de Linus et Cletus, ^^' ^^^^^-^ qui avoyent estes coadjuteurs de saint Pierre en l'admi- nistration de l'evesché Romaine ; si que, qui voudra sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent le premier au rang, après saint Pierre, saint Clément, et quelques autres, saint Linus, je luy feray respondre par saint Epiphane, autheur digne de foy, et voicy ses paroles*: Nemo miretur quod ante Clementem * Haer. xxvn. (§ 6.) Linus et Cletus episcopatum assumpserunt, cum suh Apostolis hic fuerit contemporaneus Petro et Pauloy nam et illi contemporanei Apostolorum fuerunt ; sive igitur adhuc ipsis superstitibus a Petro accepit impositionem manuum episcopatus, et eo recusato remoratus est, sive post Apostolo- rum successionem a Cleto Episcopo hic constitui- tur, non ita clare scimus. Parce donques que saint Clément avoit esté choisy par saint Pierre, comme luy  fut crucifié les pieds contremont, et le mesme jour S* Pol eut la teste tranchée. Or, avant que mourir, il empoigna par la main son disciple S* Clément, et le constitua son successeur ; a quoy S* Clément ne voulut pas entendre ni en faire exercice qu'après la mort de Linus et Cletus, qui avoyent estes coadjuteurs de S* Pierre en l'administration de l'Eglise Romaine ; partant, qui veut sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent en rang S* Clément après S* Pierre, et quelques autres. S* Linus, je luy feray respondre par S* Epiphane : Nemo miretur quod ante Clementem Linus et Cletus episcopatum assumpserunt, cum suh Apostolis hic fuerit contem- poraneus Petro et Paulo , nam et illi contemporanei Apostolorum fuerunt; sive igitur adhuc ipsis superstitibus a Petro accepit impo- sitionem manuum episcopatus, et eo recusato remoratus est, sive post Apostolorum successionem a Cleto Episcopo hic constituitur, non ita clare scimus. Parce donques que S* Clément avoit esté choisi par  292  Les Controverses  mesme tesmoigne, et que néanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et Cletus, les uns, en considération de l'élection faite par saint Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a Texercice quil en laissa a Linus et Cletus, le mettent le 4". Au reste, saint Epi- phane peut avoir eu [occasion] de douter de l'élection de saint Clément faite par saint Pierre, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que TertuUien , Damase , Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point ; qui faict parler ainsy sans resolution, touchant ce faict, a saint Epiphane, et par contraire rayson faict si fermement asseurer a * (Ubi in art. prae- Tertullien *, plus ancien, que, Romanorum Ecclesia -, p. 2 2.) Clementem a Petro ordinatum edity id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat. Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent : par ce que douter de ce qu'un homme de bien et d'enten- dement asseure résolument, c'est démentir le diseur ; au contrayre, asseurer ce dont un autre doute, n'est que confesser que le douteux ne sçait pas tout, ce  S* Pierre, et que néanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et Cletus, les uns, en considération de l'élection faite par S* Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a l'exercice quil en laissa a Linus et Cletus, le mettent le 4^ Au reste, S* Epiphane peut avoir eu doute de l'élection de S* Clément, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy S* Epiphane touchant ce faict, et par con- traire rayson [Tertullien assure que], Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat. Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent et affirment : par ce que douter de ce qu'un homme de bien et d'entendement asseure résolument, c'est démentir le diseur ; au contraire, asseurer ce dont un autre doute, n'est que confesser que le douteux ne  Partie II. Chapitre vi. Article xii. 293 quil a confessé premièrement luy mesme doutant, car douter n'est autre que ne sçavoir pas fermement la vérité d'une chose. Maintenant, ja que par ce petit discours de la vie de saint Pierre, qui est très probable, vous aves veu que saint Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y a3^ant son siège n'a pas layssé de visi- ter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité négative des Epistres de saint Pol n'auront plus accès en vos jugemens ; car, si on dict que saint Pol ait escrit a Rome et dés Rome, et quil n'ait point faict de mention de saint Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure saint Pierre ny estoit pas alhors. Ainsy est il tout certain que la première Epistre de saint Pierre a esté escritte a Rome, comme atteste saint Hierosme * : *inMarco(de Vir. , iUust., c. viii). PetruSy dict il, in prima Epistola, sut nomme Bahilonis figuraliter Romam significans , Salutat vos, inquity Ecclesia quae est in Babilone coelecta * ; * (î Pétri, v, 13.) ce qu'au paravant avoit déclaré le très ancien Papias, disciple des Apostres, au récit d'Eusebe *. Mays la *L. 11. c xv.  sçait pas tout, ce quil a confessé luy mesme doutant, car douter n'est autre chose que ne sçavoir résolument la vérité. Maintenant que par ce petit discours vous aves veu que S* Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y ayant son siège n'a pas laissé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique , toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité négative des Epistres de S* Pol n'auront plus accès en vos jugemens ; car, si on vous dict que S* Pol ait escrit a Rome et dés Rome sans faire mention de S* Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure S* Pierre ny estoit pas alhors. Ainsy est il tout certain que la p*"® Epistre de S* Pierre a esté escritte de Rome, comme tesmoigne S* Hierosme : « Pierre, » dict il, « en sa première Epistre, sous le nom de Babilone signifiant figurement Rome, Salutat vos, inquit, Ecclesia quœ est in Babilone coelecta ; » ce qu'au paravant avoit déclaré le très ancien Papias, disciple des Apostres, tesmoin Eusebe. Mays la  294 Les Controverses conséquence seroit elle bonne : saint Pierre en ceste Epistre la ne donne point de signe que saint Pol fut avec luy, donques il n^a jamais esté a Rome ? Ceste Epistre ne dict pas tout, et si elle ne dict pas quil y fut, aussi ne dict elle pas quil n'y fut pas ; il est pro- bable quil n'y estoit pas Ihors, ou que sil y estoit, quil ne fut pas expédient de l'y nommer pour quelque rayson : autant en dis je de celles de saint Pol. En fin, pour adjuster le tems de la vie de saint Pierre aux empires de Tiberius, Caius Caligula, Claudius et Nero, on pourra les desduire a peu près de ce qui en est, en ceste façon : au dixhuictiesme de Tibère, Nostre Seigneur monta au ciel ; cinq ans après, qui fut en la dernière année de l'empire de Tibère, saint Pierre vint en Antioche, ou ayant demeuré environ sept ans, c'est a sçavoir, ce qui resta du tems de Tibère, 4 ans de Caius Caligula et 2 de Claudius, sur la fin du 2'^ de Claudius il vint a Rome, ou il demeura environ 7 ans, a sçavoir jusqu'au 9. de Claudius, auquel les Juifz furent chassés de Rome, qui fit retirer saint Pierre en Judëe ; environ cinq ans après, Claudius estant mort, l'an 14 de son empire, Néron luy estant succédé, saint Pierre revint a Rome, ou il demeura jusqu'au martire, lequel il subit l'an 14 et dernier de Néron. Sont en- viron 57 ans que saint Pierre vesquit après la mort de son Maistre, desquelz il demeura environ douze, qu'en Judëe qu'en Antioche, et 25 quil demeura Eves- que de Rome.  conséquence seroit elle bonne : S* Pierre en ceste Epistre la ne donne point de signe que S* Pol fut avec luy, donques il n'a jamais esté a Rome ? Ceste Epistre ne dict pas tout ; il est proba- ble quil n'estoit pas alhors a Rome, ou que sil y estoit, il ne fut pas expédient de l'y nommer pour quelque rayson : autant en dis je des Epistres de S* Pol.  I  Partie II. Chapitre vi. Article xiii. 295  ARTICLE XIII CONFIRMATION DE TOUT CE QUE DESSUS PAR LES NOMS aUE l'ancienneté a DONNÉS AU PAPE  Oyes en peu de paroles ce que les Anciens pen- soyent sur ce faict, et en quel rang ilz tenoyent l'Evesque de Rome. Voyci comm'ilz apellent , ores le Siège de Rome et son Eglise, ores le Pape, car tout revient en un. Pétri Cathedram \ Ecclesiam principalem / Cyp. , 1. i. ep. 3. [aliter] Exordium unitatis sacer- i ep. 55, ad Cornelium *. * (Supra, p. 282.) dotalis j Unitatis vinculum 1. 3. ep. 13*. *^^^- ep. 67, §3.} Sacerdotii sublime fasti- ) , ^ */4 7 «„ .« sq\ J 1. 4. ep. 2*. (A/, ep. 52, ^8.) gium ) Ecclesia in qua est poten- ) y -, tior principalitas ) *' ' * ' ^'  CONFIRMATION DE TOUT CE QUI A ESTÉ DICT CY DESSUS PAR LES NOMS QUE LES ANCIENS ONT DONNÉS AU PAPE Oyes en peu de paroles ce que les Anciens pensoyent sur ce faict, et en quel rang ilz tenoyent l'Evesque de Rome. Voyci comme ilz apellent, ores son Siège et son Eglise, ores l'Evesque mesme, car tout revient en un. Pétri Cathedram , Ecclesiam principalem , Exordium unitatis sacerdotalis Unitatis vinculum Sacerdotii sublime fastigium Ecclesiam in qua est potentior principalitas  296  Les Controverses  •f^/. ep. 45, § 3.) Ecclesiœ radix et matrix Cyp. 1. 4. ep. 8*. Sedes super quam Domi- f Anacletus, ep. i, Ad om- nus universam construxit | nés episcopos et cunctos Ecclesiam f fidèles *.  * (Concilia, anno 104.) (i) * (Ibidem.)  • (Ibid., an. 304.)  * (Conc, an. 366 ; cf. Avt. XI, p. 284.)  Cardo et caput omnium ) Idem, ep. 3, Ad omnes epi- scopos et sacerdotes *.  ecclesiarum Episcoporum refugium Summa sedes Apostolica  \ Ide ) s  * (Pars I», lin. 40.) Caput pastoralis honoris Apostolicse Cathedrse prin- cipatus  *(Al. ep. 43, § 7.)  * (Epistolae, 25.) * (AL Vitensis). * (§ 15.)  Principatus Apostolici sa- cerdotii  Caput omnium ecclesiarum  Marcellus, ep. i, Ad epis- copos Antiochenae pro- vincise *. / Sinodus Alexandrina, ep. I ad Fœlicem * ; ubi Atha- f nasius. Prosper, De Ingratïs*. \ Aug., ep. 162 *. Prosp. , De vocat. gent. 1. 2. c. 16. In praefatione Concilii Calcedonensis*, Valentinianus Impera- tor. Victor Uticensis *_, De per- sec. Vand. 1. 2*. Impe- rator Justinianus, c. de Summa Trinitate (2).  i  Ecclesiœ radicem et matricem Sedem super quam Dominus universam construxit Ecclesiam Cardinem et caput omnium ecclesiarum Episcoporum refugium Summam sedem Apostolicam Caput pastoralis honoris Apostolicas Cathedrae principatum Principatum Apostolici sacerdotii Caput omnium ecclesiarum  (i) Recole dicta p. 93, nota (i). , (2) In Corpore Juris Civilis, Codicis lib. I, tit, i, in epist. ad Joannem Papam.  Partie II. Chapitre vi. Article xiii. 297 Caput orbis et mundi re- j Léo, in nat. S''"'". PP.*; et *(Serm.Lxxxn,c.i.) ligione ( Prosp., De Ingratis*. MPars i«, linn. 41, Caeteris praelata ecclesiis Sinod. Rom. sub Gelas. * * (Conc, an. 494.) _ , . . , / lofnatius, ep. ad Romanos, hcclesia prœsidens < • • • ^. ■^ (in inscnptione.  Prima sedes , a nemine t Sinodus Sinuessana, 300 judicanda 1 episcop., tom.I. Concil.* *(Anno303.) Prima sedes omnium Léo, ep. 63*. * (Al. ep. 120,% 1.) Tutissimus communionis ) ^^. ,^ ^,., „ , ^ ,, ,. , ( Hier., ep. 16*. *c^^. ep. i27,§ 5O Catholicae portus j / Innocent., ad patres Con- Fons Apostolicus ) ciL Milevit., inter epis- f tolas Aug., 93 *. v^^- ep.182, §2.) Sanctissimae Catholicae Ec- \ ^ , . ^ ^ , , . , . ^ . Cyp. (i), L 3. ep. II*. * CA/. ep. 46, § 2.) clesise Lpiscopum ; Sanctissimus et beatissi- ] mus Patriarcha [ Conc. Calced., act. 3. Universalis Patriarcha ) Caput Concilii Calcedo - ) ti • 1 • 1 ^- * ,.. r ^ . ! Ibidem, in relatione *. * (Ad Leonem Pa- nensis. j pam.) Caput universalis ecclesiae In Conc. Calced., act. 16.  Caput orbis et mundi religione Cœteris prœlatam ecclesiis Ecclesiam prassidentem Primam sedem a nemine judicandam Primam sedem omnium Tutissimum communionis Catholicae portum Fontem Apostolicum C'est ainsy qu'ilz nomment l'Eglise Romaine. Voicy comme on a appelle le Pape : Sanctissimae Catholicae Ecclesias Episcopum Sanctissimum et beatissimum Patriarcham, Universalem Patriarcham Caput Concilii Calcedonensis Caput universalis Ecclesiœ (i) Cornel. ad Cyprian. Voir les Notes préparatoires, p. 18.  298  Les Controverses  Beatissimus Dominus Apostolico culmine subli- matus (In inscriptione.) Pater patrum Summus omnium prsesu- lum Pontifex Summus sacerdos  Princeps sacerdotum Rector domus Domini Custos vineae Dominicae Christi vicarius Fratrum confirmator Sacerdos magnus Summus Pontifex Princeps episcoporum Haeres Apostolorum Primatu Abel Gubernatu Noe Patriarchatu Abraham Ordine Melchisedech Dignitate Aaron  *(Vers. 13.) *(Al. relatio.) ''(Al. ep. 55, § 5.) "(AL Tract, de er- rore Abaelardi, in praefat.)  Stephanus archiepisc. Car- thaginensis, in epistola ad Damasum *, nomine Concilii Carthaginensis. Hier. , praefatione Evan- geliorum, ad Damasum. Id testatur tota antiquitas apud Valentinianum, ep. ad Theodosium , initio Conc. Calcedon. Amb., [in] i.Timot. 3*. Concil. Calced. , ep *. ad Leonem. Cyp., 1. I. ep. 3*. Bernard., ep. 190 *.  Bernard., 1, 2. De Consid. ad Eug. c. 8.  Beatissimum Dominum, Apostolico culmine sublimatum, Patrem patrum, Summum omnium praesulum Pontificem Summum sacerdotem Principem sacerdotum Rectorem domus Domini Custodem vineae Dominicae Christi vicarium Fratrum confirmatorem Sacerdotem magnum, Summum Pontificem, Principem Episco- porum, Haeredem Apostolorum, Primatu Abel, Gubernatu Noe, Patriarchatu Abraham, Ordine Melchisedech, Dignitate Aaron,  Bernard., \. 2. De Consid, ad Eug. c. 8.  Partie II. Chapitre vi. Article xiii. 299 Authoritate Moises Judicatu Samuel Potestate Petrus Unctione Christus Ovilis Dominici Pastor Claviger Domus Domini Pastorum omnium Pastor In plenitudinem potestatis vocatus Je n'aurois jamais faict, si je voulois entasser les tiltres que les Anciens ont donné au Saint Siège de Rome et a son Evesque. Cecy doit suffire aux cer- veaux mesme les plus bigearres , pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze continue a dire, après son maistre Calvin *, en son traitté Des Mar- " (i^sut., 1. iv, c. ^ ' vn, § 17-) ques de V Eglise *^ ou il dict que Phocas a esté le * (Pag. 19.) premier qui a donné authorité a l'Evesque de Rome sur les autres et l'a mis en primauté. Mays a quoy faire, dire un si gros mensonge ? Phocas vivoyt au tems de saint Grégoire le Grand, et tout tant que j'ay allé- gué d'autheurs sont plus anciens que saint Grégoire, hormis saint Bernard, lequel j'ay allégué aux Livres  Authoritate Moisen, judicatu Samuel, Potestate Petrum, Unc- tione Christum, Ovilis Dominici Pastorem, Clavigerum domus Domini, Pastorum omnium Pastorem, In plenitudinem potes- tatis vocatum. Je n'aurois jamais faict, si je voulois entasser les tiltres que les Anciens ont donné au Siège de Rome et a son Evesque. Cecy doit suffire aux cerveaux mesme les plus bigearres, pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze dict, après son maistre Calvin, quand il asseure que Phocas a esté le premier qui a mis en crédit et primauté l'Evesque de Rome. A quoy faire, je vous prie, un si gros mensonge ? Phocas vivoit au tems de S* Grégoire le Grand, et tous les autheurs que j'ay allégués sont plus anciens que S* Grégoire, hormis S* Bernard, lequel  300  Les Controverses  • L. IV. Ep. XXXII. {HodieLY,Ep.xx.)  III.  C. XXVI.  De Consideratione, par ce que Calvin les a pour si véri- tables quil luy semble que la vérité mesme y ait parlé. On objecte que saint Grégoire ne vouloit estre appelle Evesque universel * : mays Evesque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evesque de l'uni- vers que les autres Evesques ne soyent que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les Evesques sont vrayement princes spirituelz, chefz et Evesques, non lieutenantz du Pape mais de Nostre Seigneur, dont il les apelle frères ; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendans en particulier, sont inférieurs voirement mays non pas vicaires ni substitués, et c'est ainsy que les Anciens l'ont appelle Evesque universel. On produict le Concile de Carthage *, qui défend que pas un ne s'appelle Pr inceps sacerdotum ; mays c'est faute d'avoir autre entretien qu'on allègue cecy, car qui ne sçait que c'estoit un Concile provincial qui touche les Evesques de ceste province la, de laquelle l'Evesque de Rome n'estoit pas, la mer Méditerranée est entredeux.  j'ay allégué aux Livres De Consideratione, par ce que Calvin les reçoit en crédit. On objecte que S* Grégoire ne vouloit estre appelle Evesque universel : mays Evesque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evesque de l'univers que les autres Evesques ne soyent que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les Evesques sont vrayement princes spirituelz, chefz et pasteurs, non lieutenans du Pape mais de Nostre Seig"", dont le Pape les apelle frères ; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendans particuliers, sont inférieurs, mays non vicaires ni substitués ; et c'est ainsy que les Anciens ont appelle le Pape Evesque universel, et S* Gré- goire le nie en l'autre façon. On produict le Concile de Carthage, qui défend que pas un ne s'appelle « Prince des prestres ; » mays c'est faute d'autre entretien qu'on allègue cecy, car le Concile de Carthage estoit provincial, qui ne touche que les Evesques de ceste province la, de laquelle Rome n'est pas, la mer Méditerranée est entredeux.  Partie II. Chapitre vi. Article xiii. 301 Restoit le nom de Pape, lequel j'ay réservé pour fermer ce discours, et qui est l'ordinaire duquel nous appelions l'Evesque de Rome. Ce nom estoit commun aux Evesques, tesmoin saint Hierosme, qui appelle ainsy saint Augustin, en une epistre *, au bout : Inco- * (Ep. cm.) lumem te tueatur Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa ; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de l'universalité de sa charge, dont il est appelle au Concile de Calcé- doine*, « Pape universel, » et « Pape, » tout court, sans * Act. xvi. (in fine.) addition ni limitation ; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand père : Pappos aviasque tr entente s Anteferunt patribus sert nova cura nepotes*. *Auson.,adNepot, suum (Idyllium iv). Et affin que vous sachies combien est ancien ce nom parmi les gens de bien , saint Ignace , disciple des Apostres, Epistola ad Mariam Zarbensem (^1, Cum esses, dict il, Romœ, apud Papam Lintim ; ja de ce  Restoit le nom de Pape, que j'ay réservé pour fermer ce discours, et qui est l'ordinaire duquel nous appelions l'Evesque de Rome. Ce nom estoit commun a tous les Evesques, tesmoin S* Hierosme, qui appelle ainsy S* Augustin en une epistre : Incolumem, dict il au bout, tueatur te Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de la généralité de sa charge, dont il est appelle au Concile de Calcédoine, « Pape universel, » et « Pape » simplement, tout court, sans addition ni limitation ; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand père : Pappos aviasque trementes Anteferunt patribus sert nova cura nepotes. Et affin que vous sachies combien ce nom est ancien parmi les gens de bien. S* Ignace, disciple des Apostres, en la lettre quil escrit a Marie Zarbense, Cum esses, dict il, Romce, apud Papam (i) Inter Epistolas supposititias S. Ignatii, Patrol. graeca, tom. V, col. 882.  302  Les Controverses  tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte ? Nous l'appelions Sa Sainteté ; et nous trouvons que saint Hierosme l'appelloit desja en ceste façon : Ohtes- * Ad Damasum. fQf Beatttudinem tuam per Crucem *^ etc., Ego (Ep.xvi.subfineni.) . • - r^i - ± n j- -j. ^ • • nullum prtmum nist Chrtstum sequens, Beatttudint tucBy id est, Cathedrœ Pétri, communione consocior. Nous l'appelions Saint Père ; mais vous aves veu que saint Hierosme appelle ainsy saint Augustin. Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2^ aux Thessaloniciens, pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont les plus grans menteurs du monde ; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de saint Grégoire se sont pour le plus appelles Serviteurs * jo. Diaconus, 1. dcs scrvitcurs de Dieu*. Certes, ilz ne se sont jamais appelles de la façon sinon au pris ordinaire, comme chacun le peut estre sil garde les commandemens de Dieu, selon le pouvoir concédé iis qui credunt in *(joan., I, 12.) nomine ejus"^; bien s'appellent, autant vaut il, enfans * (joan., viii, 44.) du diable*, ceux qui mentent si puamment comme font vos ministres.  Linum; ja de ce tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2° aux Thess., pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont eux mesmes enfans du diable, qui mentent si puam- ment ; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de S* Grégoire ilz se sont pour le plus appelles Serviteurs des serviteurs de Dieu. Pour vray, nous ne les appelions jamais filz de Dieu sinon au pris ordinaire , comme chacun le peut estre sil garde les commandemens, selon le pouvoir concédé Us qui credunt in nomine ejus. Nous l'appelions par fois Sa Sainteté, mais S* Hierosme l'appelloit desja ainsy : Obtestor Beatitudinem tuam, etc., Beatitudini tuce, id est, Cathedrœ Pétri, comtnunione consocior. On l'appelle encores Saint Père, mais vous aves veu que S* Hierosme appelloit ainsy S* Augustin, qui n'estoit qu'un simple Evesque.  Partie II. Chapitre vi. Article xiv. 303  ARTICLE XIV  COMBIEN D ESTAT ON DOIT FAIRE DE L AUTHORITE DU PAPE  Ce n'est pour vray pas sans mistere, que souvent en l'Evangile ou il est question que le gênerai des Apos- tres parle, saint Pierre seul parle pour tous. En saint Jan *, ce fut luy qui dict pour tous : Domine^ ad * J». vi. f. 69. quem ibimus ? verba vitce ceternce habes, et nos credimus et cognovimus quia tu es Christus, Filius Dei. Ce fut luy, en saint Mathieu*, qui, au nom de * Mat. xvi. x- 16. tous, fit comme chef ceste noble confession : Tu es Chris tus, Filius Dei vivi. Il demanda pour tous, Ecce nos reliquimus omnia *, etc. En saint Luc ** : * j^^^*-' ^^^' ^i-) Domine, ad nos dicis hanc parabolam an et ad omnes ? C'est l'ordinaire que le chef parle pour tout le cors, et ce que le chef dict, on le tient dict par tout le reste. Ne voyes vous pas qu'en l'élection de saint Matthias c'est luy seul qui parle et détermine*? Les * (Act., i, 15 seqq.) Juifz demandèrent a tous les Apostres : Quid faciemus viri fratres ? saint Pierre seul respond pour tous : Pœnitentiam agite *^ etc. Et c'est a ceste rayson que * Act. n. f. 38. saint Chyrsostome * et Oriofene ** l'ont appelle Os et *Hom. Lv.fa/. liv) ,.,,,, in ^^ath. (% I.) verticem Apostolorum, comme nous avons veu cy **Hom.n. indivers. dessus *, par ce quil souloit parler pour tous les Apos- * (Art. vm, p. 272.) très ; et le mesme saint Chrysostome l'appelle Os Christi *. par ce que ce quil dict pour toute l'Esflise et *Serm. in ad"« ve- ,,V ,. t r , nerab.caten.(Vide a toute lEgiise, comme chei et pasteur, ce n est pas supra, p. 272.) tant parole humaine que de Nostre Seigneur : Amen, dico vobis, qui accipit si quem misero, me acci- pif^ ; dont ce quil disoit et determinoit ne pouvoit * Jo. xm. jî^. 20. estre faux. Et de vray, si le confirmateur * fut tumbé, * Luc. xxn. ^. 32. tout le reste fut il pas tumbé ? si le confirmateur tumbe ou chancelé, qui le confirmera ? si le confirmateur n'est  304 Les Controverses pas ferme et stable quand les autres s'afFoybliront, qui *(Matt., XV, 14.) les affermira ? car il est escrit * : Si l'aveugle conduict V aveugle, il^ tumberont tous deux en la fosse; si l'instable et le foible veut soustenir et rasseurer le foible, ilz donneront tous deux en terre. Si que Nostre Seigneur donnant Tauthorité et commandant a saint Pierre de confirmer les autres, il luy a quand et quand donné le pouvoir et les moyens de ce faire, autrement pour néant luy eut il commandé chose impossible. Or, les moyens nécessaires pour confirmer les autres, de rasseurer les foibles, c'est de n'estre point sujet a la foiblesse soymesme , mays d'estre solide et ferme , comme une vraye pierre et un roch : tel estoit saint Pierre , entant que pasteur gênerai et gouverneur de l'Eglise. Ainsy quand saint Pierre fut mis au fondement de l'Eglise, et que TEglise fut asseurëe que les portes *Mat. XVI. ^. 18. d'enfer ne prœvaudroyent point contre elle *, ne fut ce pas asses dire que saint Pierre, comme pierre fon- damentale du gouvernement et administration ecclé- siastique, ne pouvoit se froisser et rompre par l'infidélité ou erreur, qui est la principale porte d'enfer? car, qui ne sçait que si le fondement renverse, si l'on y peut porter la sappe , que tout Tedifice renversera ? || Et quoy ? si le pasteur mettoit ses brebis es pasturages venimeux, le parc se perdroit il pas incontinent ? Les brebis vont suyvant le pasteur ; s'il erre, tout se perd. Et n'est pas raysonnable que les brebis... || De mesme, * Jo. XX. j^. 21, si le pasteur suprême ministerial * peut conduire ses brebis es pasturages vénéneux, on voit clairement que le parc est pour estre bien tost perdu ; car, si le suprême pasteur ministerial conduit a mal, qui le redressera ? sil s'égare, qui le ramènera ? a la vérité, il faut que nous ayons a le suivre simplement, non a le guider, autrement les brebis seroyent pasteurs (i). Et de faict, (i) « Comment donq, dict de Beze, sur la fin de son livre contre le Disputeur anonyme, sera loysible aux brebis de conteroller /ainsy leurs pasteurs ? » Ces paroles, biffées par le Saint dans l'Autographe, sont repro- duites à cause de leur rapport à la question traitée p. 221.  Partie II. Chapitre vi. Article xiv. 305 l'Eglise ne peut pas tousjours estre ramassée en un Concile gênerai, et les trois premières centeynes d'an- nées il ne s'en fit point ; es difficultés donques qui surviennent journellement, a qui se pourroit on mieux adresser, de qui pourroit on prendre loy plus asseurëe, régie plus certaine que du chef gênerai et du Vicaire de Nostre Seigneur ? (ï) Or tout cecy n'a pas eu lieu seulement en saint Pierre , mais en ses successeurs , car la cause demeu- rant l'efFect demeure encores ; l'Eglise a tousjours besoin d'un confirmateur infallihle auquel on puysse s'addreser, d'un fondement que les portes d'enfer, et principalement l'erreur, ne puysse renverser, et que son pasteur ne puysse conduire a l'erreur ses enfans : les successeurs donques de saint Pierre ont tous ces mesmes privilèges, qui ne suivent pas la personne, mays la dignité et la charge publique. Saint Bernard* apelle le Pape un autre « Moise * De Cons. l. il. en authorité » : or, combien grande fut l'authorité de Moise il ni a personne qui l'ignore, car il s'assit et jugea de tous les differens qui estoyent parmi le peuple, et de toutes les difficultés qui survenoyent au service de Dieu ; il constitua des juges pour les affaires de peu d'importance, mays les grans doutes estoyent réservés a sa connoissance * ; si Dieu veut parler au peuple, * Exodi xvm. ^. 13. , , ^ . ju . . IQ- 26. C est par sa bouche et par son entremise ^. Ainsy * ex. xxxi. ^. r8 ; donques le suprême pasteur de l'Eglise nous est juge xxxnf"t.^ ii^-' c! compétent et suffisant en toutes nos plus grandes diffi- xxxiv. ji. 5. cultes, autrement nous serions de pire condition que cest ancien peuple, qui avoyt un tribunal auquel il pouvoit s'addresser pour la resolution de ses doutes, spécialement en matière de religion. Que si quelqu'un veut respondre que Moise n'estoit pas praestre ni pas- teur ecclésiastique, je le renvoyeray a ce que j'en ay dict ci dessus*, car ce seroit estre enuyeux de faire * (Pars i», c. i, a. m, .... p. 33. Cf. p. ()(i.\ ces répétitions. r » (i) Cette page de l'Autographe, contenant les mots remarquables sur rinfaillibilité du Pape auxquels la Bulle du Doctorat fait allusion, est reproduite en fac-similé au commencement du volume. 20  II. 12  3o6 Les Controverses Cap. XVII. f. 10. Au Deuteronome * : Faciès quodcumque dixerint qui prœsunt loco quem elegerit Dominus, et docue- rint te juxta legem ejus ; sequerisque sententiam eorum, nec declinabis ad dextram nec ad sinis- tram : qui autem superbierit, nolens obedire sacer- dotis imperiOy judicis sententia moriatur. Que dira on icy ? Il falloit subir le jugement du sauverain Pontife ; qu'on estoit obligé de suivre le jugement qui estoit jouxte la loy , non l'autre ? ouy, mays en cela il failloit suivre la sentence du prsestre, autrement si on ne l'eust pas suivie, ains examinée, c'eust esté pour néant qu'on fut allé a luy, et la difficulté et ambiguité n'eust jamais esté résolue parmi les opi- niastres ; dont il est dict simplement, qui autem superbierit , nolens obedire sacerdotis imperio , Cap. 11.^'. 7. judicis sententia moriatur ; et en Malachie * : Labia sacerdotis custodiunt scientiam, et legem, requirent ex ore ejus; dont il s'ensuit que chacun ne pouvoit pas se resouvre es poins de la religion, ni produire la loy a sa fantasie, mais selon la proposition du Pontife. Que si Dieu a eu une si grande prouvoyance a la reli- gion et tranquillité de conscience des Juifz, que de leur establir un juge sauverain a la sentence duquel ilz devoyent acquiescer, il ne faut pas douter quil ne nous aye prouveu, au Christianisme, d'un pasteur qui ayt ceste mesm'authorité, pour nous lever les doutes et scrupules qui pourroyent survenir sur les déclarations des Escritures. Que si le grand Praestre portoit le Rational du Ex. XXVIII. jîr. 30. jugement en la poitrine"^, ou estoyt le Urim et Thummimy doctrine et vérité comme interprètent les uns, ou les illuTfiinations et perfections comme disent les autres , qui n'est presque qu'une mesme chose, puysque la perfection consiste en vérité et la doctrine n'est qu'illumination, penserons nous que le grand Praestre de la Loy nouvelle n'en ayt pas encores les effectz ? a la vérité, tout ce qui fut concédé de bon a l'ancienne Eglise et a la chambrière Agar, aura esté donné en beaucoup meilleure façon a Sara et a  \  Partie IL Chapitre vi. Article xiv.  307  l'Espouse : nostre grand Praestre donques a encores le Urim et Thummim en sa poitrine. (0 Or, soit que ceste doctrine et vérité ne fust autre que ces deux motz escritz au Rational, comme semble croire saint Au- gustin *, et Hugues de saint Victor l'asseure **, ou que ce fust le nom de Dieu, comme veut Rabbi Salomon, au récit de Vatable * et Augustin Evesque d'Eugub- bium*, ou que ce fussent les seules pierres du Rational par lesquelles Dieu tout puyssant reveloit ses volontés au Prestre, comme veut ce docte homme François Ribera *, la rayson pour laquelle le grand Praestre avoyt au Rational sur sa poitrine la doctrine et la vérité, estoit sans doute par ce que judicahat judicii veritatem* ; mesme que par le Urim et Thummim les prestres estoyent instruitz du bon plaisir de Dieu, et leurs entendemens esclairés et perfectionnés par la révélation divine, comme le bon de Lyra l'a entendu*, et Ribera l'a asses suffisamment prouvé, a mon advis : dont quand David voulut sçavoir sil devoit poursuivre les Amalecites, il dict au Praestre Abiathar, Applica ad me ephod, ou, le super humer dire * ; ce quil fit sans doute pour reconnoistre la volonté de Dieu au Rational qui y estoit joint, comme va deduysant doc- tement ce docteur Ribera. Je vous prie, si en l'ombre il y avoit des illuminations de doctrine et des perfec- tions de vérité en la poitrine du Prestre , pour en repaistre et raffermir le peuple, qu'est ce que nostre grand Prestre n'aura pas? de nous, dis je, qui sommes au jour et au soleil levé ? Le grand Prestre ancien n'estoit que vicaire et lieutenant de Nostre Seigneur, nomplus que le nostre, mays il semble quil praesidoit a la nuict, par ses illuminations, et le nostre praeside au jour, par ses instructions ; ministeriellement tous deux, et par la lumière du Soleil de justice, lequel, bien quil soit levé, est néanmoins voilé a nos yeux par nostre propre mortalité, car le voir face a face ordi-  * Q. cxviii in Exo- dum. (2) ** Annot. in Exo- dum. * (Biblia, in loco.) * (Recognitio Vet. Test., in hune lo- cum.j  * L. III. de Tem- plo, C. XII.  * Deut. XVII. f. 9.  * (Biblia cum glos- sis, in loco.)  (I Reg., XXX, 7.)  (i) Les folios suivants, jusqu'à p. 316, font partie de l'Autographe inédit d'Annecy. Voir note (3), p. 205. (2) Aliter Quœsftones in Heptateuchum, 1. II, qu. cxvii.  3o8 Les Controverses nairement n'appartient qu'a ceux qui sont délivrés du *(Exod., XXXIII, 20; ^^^^ g^j^ ^^ corrompt'^. Sap., IX, 15.) _ ^ ^ Saint Bernard, Ainsy a creu toute l'Eglise ancienne, laquelle en ses in epistoia ad Ca- (difficultés a tousjours eu recours au Rational du Siesfe nonicos Lugduuen- •> o ses, sousmet a l'E- de Romc, pour v voir la doctrine et vérité. C'est sur ghse Romaine tous . . , -r-^ i-x • • ses escriti. ce sujet quc saïut Bernard a appelle le Pape, Digni- * (Ubi supra, art. fute Aarou et (( Hseritier des Apostres* », et saint Hierosme, le Saint Siège, Tutissimum communio- *(Ubi ibidem, p. nis CathoUccB portum* ; car il porte le Rational ^^^ pour en esclairer tout le Christianisme, comme les Apostres et Aaron, de doctrine et vérité. C'est a ce *Ep. adDam. (Ep. propos que saint Hierosme dict au Pape Damase * : ^^' ^ Qui tecum non colligit, spargit ; hoc est, qui Christi non est, Antichristi est; et saint Bernard * Ep. cxc (initio). dict * quil faut rapporter les scandales qui se font, (( principalement en la foy, » au Siège de Rome : Dignum namque arhitror ibi potissimum resarciri damna fi deij ubi non possit fides sentir e defectum : cui enim alteri sedi dictum est aliquando , Ego * (Luc, xxii, 32.) pro te rogavi , ut non deficiat fides tua * ? Saint * (Ubi supra, art. Cvprien * : Navi^are audent ad Cathedram Pétri, XI, p. 282.) i T T- 7 . . , 7 atque ad hcclesiam prtncip aient ; nec cogitare eos esse Romanos, ad quos perfidia habere non possit accessum. Ne voyes vous pas quil parle des Romains a cause de la Chaire de saint Pierre , et dict que l'erreur n'y peut rien ? Les Pères du Concile Milevitain , avec le bienheu- *Ep.xcii(«/.cLxxvi, reux saint Augustin *, demandent secours et implorent §§ i, 2). l'authorité du Siège Romain contre l'haeresie pela- gienne, escrivans au Pape Innocent en ceste sorte : Magnis periculis infirmorum membrorum Christi, pastoralem diligentiam, quœsumus, adhibere di- gneris ; nova quippe hceresis, et nimium perniciosa tempestas, surgere inimicorum gratice Christi cœ- pit. Que si vous voules sçavoir pourquoy ilz s'addressent 3" l^y> Quia, disent ilz, te Dominus, gratiœ suce prœ- cipuo munercy in Sede Apostolica collocavit. Voyla ce que croyoit ce saint Concile avec son grand saint Augustin ; auquel Innocent respondant, en une epistre  Partie II. Chapitre vi. Article xiv. 309 qui suit la praecedente parmi celles de saint Augustin* : *{Hodii Bp.ctxxxn, Diligenter et congrue, dict il, Apostolico consulitis ^ ^'^ honori ; honori, inquam, illius quem, prœter illa quce sunt extrinsecus, solicitudo manet omnium ecclesiarum super anxiis rébus quœ sit tenenda sententia : antiquœ scilicet regulœ formant secuti, quam toto semper ah orbe mecum nostis esse serva- tam. Verum hcec înissa facio, neque enim hoc ves~ tram, credo latere prudentiam. Quid etiam actione firmastis, nisi scientes quod per omnes provincias de Apostolico fonte petentibus responsa semper émanent} Prcesertim quoties fidei ratio ventilatur, arbitror omnes fratres et coepiscopos nostros non nisi ad Petrum, id est, sui nominis et honoris au- thorem, referre debere, velut nunc retulit vestra dilectio, quod per totum mundum possit omnibus ecclesiis in comnaune prodesse. Voyes vous l'honneur et le crédit auquel estoit le Siège Apostolique vers les Anciens les plus doctes et saints, voire mesme vers les Conciles entiers? on y alloit comme au vray Ephod et Rational de la nouvelle Loy : ainsy y alla saint Hierosme, du tems de Damasus, auquel, après avoir dict que l'Orient rompoit et mettoit en pièces la roubbe, entière et tissue par dessus, de Nostre Seigneur*, et *(Joan., xix, 23.) que les renardeaux gastoyent la vigne du Maistre *, *(Cant., n, 15.) Ut inter lacus contritos, dict il *, qui aquam non * (Ep. xv, § i.) habent, difficile ubi fons signatus et ho r tus ille conclusus sit possit intelligi, ideo mihi Cathedram Pétri et fidem Apostolico ore laudatam censui consulendam, etc. Je n'aurois jamais faict si je voulois produire les belles sentences que les Anciens ont dictes sur ce faict ; qui voudra , les lise fidellement cottëes au grand Catéchisme de Pierre Canisius *, ou elles ont * (Cap. m, quœs. ix estëes estendues au long par Busaeus. Saint Cyprien rapporte toutes les haeresies et schismes au mespris qu'on faict de ce chef ministerial *, aussi faict bien saint * Ep. lxv et lxix. Hierosme *. Saint Ambroise tient pour une mesme * Advers. Ludfe- chose, communicare et convenire cum Episcopis  nanos.  3IO  Les Controverses  * Oratione de obitu Cutholicis et conveutre cum Ecclesia Romana* ; ra ns a in ( . i, .^ proteste de suivre en tout et par tout la forme de *DeSacram. 1. m. l'Eglise Romaine*. Saint Irenëe veut que chacun vienne '^* ^* ^^ ^'^ joindre a ce Saint Siège, propter potentiorem prin- * (Ubi supra, art. ctpalttatem *. Les Eusebiens y portent les accusations XIII, p. 395 > c . p. çQj^^j.g saint Athanase ; saint Athanase qui estoit en Alexandrie , siège principal et patriarchal , vint res- pondre a Rome, y estant appelle et cité ; les adversaires n'y voulurent pas comparoistre, sachans, dict Theo- *L. II. Ecci. Hist. doret *, mendacia sua manifesto fore détecta : les c. ivfa.mj. Eusebiens confessent l'authorité du Siège de Rome quand ilz y appellent saint Athanase, et saint Athanase quand il s'y pressente ; mays sur tout les Eusebiens, haeretiques arriens, confessent asses combien son juge- ment est infallible, quand ilz n'y osent comparoistre de peur d'y estre condamnés. Mays qui ne sçait que tous les anciens haeretiques taschoyent a se faire avouer par le Pape ; tesmoins les Montanistes ou Cataphryges, qui deceurent tellement le Pape Zephyrin (sil faut * L. contra Praxeam croire a Tertullien *, nomplus celuy d'autrefois mays (ci) devenu haeretique en son faict propre) quil lascha des lettres de reunion en leur faveur, lesquelles neantmoins il revoca promptement par l'advis de Praxeas. En fin, qui mesprisera Tauthorité du Pape, remettra sus les Pelagiens, Priscilliens et autres, qui n'ont estes con- damnés que par les Conciles provinciaux avec l'autho- rité du Saint Siège de Rome. Que si je voulois m'amuser a vous monstrer combien Luther en faysoit estât au commencement de son haeresie, je vous ferois esbahy d'une si grande muta- tion de ce vostre grand père. Voyes le chez Cocleus : Prostratum me pedibus tuœ Beatitudinis offero, cum omnibus quœ sum et habeo ; vivifica, occide, voca, revoca, approba, reproba, vocem Christi in te prœsidentis et loquentis agnoscam : ce sont ses paroles, en l'Epistre dedicatoire quil escrit au Pape Léon 10, sur certaines siennes Resolutions, l'an 15 18. Mays je ne puys laisser en arrière ce que 'ce grand archiministre escrivit Tan 1519, en certaines autres  Partie II. Chapitre vi. Article xiv. 311 Resolutions d'autres propositions; car, en la 13'"% non seulement il reconnoit l'authorité du Saint Siège Ro- main, mays la prouve par 6 raysons quil tient pour démonstrations : je le mettray en sommaire (0. La i", le Pape ne pourroit estre venu a ce grade et a ceste monarchie sans le vouloir de Dieu ; mays le vouloir de Dieu est tousjours vénérable, donques il ne faut pas contredire a la primauté du Pape. La 2", il faut plus tost céder a son adversaire que de rompre l'union de charité ; donques il vaut mieux obéir au Pape que de se séparer de l'Eglise. La 3% par ce quil ne faut pas résister a Dieu qui nous veut presser et charger de plusieurs princes, selon le dire de Salomon en ses Proverbes*. La 4% Il ny a point de puissance qui * (Cap. xxvm, 2.) ne soit de Dieu"^ ; donques celle du Pape, qui est "(Rom., xm, i.) tant establie, est de Dieu. La 5" n'est que la mesme. La 6*, par ce que tous les fidelles le croyent ainsy, entre lesquelz il est impossible que Nostre Seigneur ne soit : or il faut arrester avec Nostre Seigneur et les Chrestiens en tout et par tout. Il dict par après que ces raysons sont insolubles, et que toute l'Escriture y vient battre. Que vous semble de Luther ? est il pas Catholique ? et néanmoins c'estoit au commence- ment de sa reformation. Calvin vient a ce point, quoy quil aille embrouillant la matière tant quil peut; car, pailant du Siège de Rome, il confesse* que les Anciens l'ont tous hon- *L. IV. c. vi. n. 16. norëe (2) et reverëe, qu'elle a esté le refuge des Eves- ques, et plus constante en la foy que les autres sièges ; ce quil attribue a faute de vivacité d'entendement. (i) « par ce qu'elles sont de mise, et toutes nouvelles et frais battues. » L'intérêt qu'offrent ces paroles semble justifier leur reproduction, bien qu'elles aient été biffées par le Saint dans l'Autographe. (2) L'accord est fait avec l'antécédent sous entendu « Eglise Romaine ». Voir ce passage en Calvin.  312  Les Controverses  ARTICLE XV  COMBIEN LES MINISTRES ONT VIOLE GESTE AUTHORITE  En l'ancienne Loy le grand Prestre ne portoit pas le Rational sinon quand il estoit revestu des habitz *(Exod.,xxvin,29, pontificaux, et quil entroit devant le Seigneur*: ainsy ^°*^ ne disons nous pas que le Pape en ses opinions par- ticulières ne puysse errer, comme fit Jean 22, ou estre du tout hérétique, comme peut estre fut Honorius. Or, quand il est hérétique exprès, ipso facto il tumbe de son grade hors de l'Eglise, et l'Eglise le doit ou pri- ver, comme dient quelques uns, ou le declairer privé, de * Act. I. {y. 20.) son Siège Apostolique, et dire, comme fit saint Pierre*, Episcopatum ejus accipiat aller. Quand il erre en sa particulière opinion, il le faut enseigner, adviser, convaincre, comm'on fit a Jean 22^ lequel tant s'en faut quil mourust opiniastre, ou que pendant sa vie il determinast aucune chose touchant son opinion, que pendant quil faysoit l'inquisition requise pour déter- miner en matière de foy, il mourut, au récit de son successeur en V Extravagante qui se commence^ Bene- * (Concilia, anno dtctus Deus *. Mays quand il est revestu des habitz '^^"^'^ pontificaux, je veux dire, quand il enseigne toute l'Eglise comme pasteur es choses de la foy et des •{Cf. supra, p. 306.) mœurs générales, alhors il ny a que doctrine et vérité'^. Et de vray, tout ce que dict un roy n'est pas loy ni edict, mays seulement ce que le roy dict comme roy, et déterminant juridiquement ; ainsy tout ce que dict le Pape n'est pas Droit canon ni loy, il faut quil veuille déterminer et donner loy aux brebis, et quil y garde l'ordre et forme requise. Ainsy disons nous quil faut avoir recours a luy non comme a un docte homme, car en cela il est ordinairement devancé par plusieurs  Partie II. Chapitre vi. Article xv. 313 autres, mays comme au chef et Pasteur gênerai de l'Eglise, et, comme tel, honnorer, suivre et embrasser fermement sa doctrine, car alhors il porte en sa poi- trine le Urim et Thummim, la doctrine et vérité. Et ne faut pas nomplus penser qu'en tout et par tout son jugement soit infallible, mays Ihors seulement quil porte sentence en matière de foy ou des actions nécessaires a toute TEglise ; car es cas particuliers , qui dépendent du faict humain, il y peut errer sans doute, quoy que nous autres ne devions le contreroller en cest endroit qu'avec toute révérence, submission et discrétion. Les théologiens ont dict tout en un mot, quil peut errer in quœstionibus facti, non juris, quil peut errer extra Cathedram, hors la chaire de saint Pierre, c'est a dire, comme homme particulier, par escritz et mauvais exemples, mays non pas quand il est in Cathedra, c'est a dire, quand il veut faire une instruction et décret pour enseigner toute l'Eglise, quand il veut confirmer les frères comme suprême pasteur, et les veut conduyre es pasturages de la foy : car alhors ce n'est pas tant l'homme qui détermine, resoult et définit, que c'est le bénit Saint Esprit par l'homme, lequel, selon la promesse faicte par Nostre Seigneur a ses Apostres *, enseigne toute vérité a * Jo. xvi. jî^. 13. l'Eglise, ou, comme dict le Grec et semble que l'Eglise l'entende en une collecte de Pentecoste *, conduict * (Feria quarta.) et meyne son Eglise en toute vérité : Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem, ou, deducet vos in omnem veritatem. Et comment est ce que le Saint Esprit conduict l'Eglise, sinon par le ministère et oflR.ce de praedicateurs et pasteurs ? mays si les pasteurs ont des pasteurs encores, ilz les doivent suivre ; ainsy tous doivent suivre celuy qui est le suprême pasteur, par le ministère duquel nostre Dieu veut conduire, non les aigneaux seule- ment et brebiettes , mays les brebis et mères des aigneaux, c'est a dire, non les peuples seulement, mays les autres pasteurs encores, celuy qui succède a saint Pierre qui eut ceste charge, Pasce oves m.eas *. * (Joan., xxi, 17.)  314 Les Controverses C'est ainsy que Dieu conduit son Eglise es pasturages de sa sainte Parole , et en l'exposition d'icelle ; qui cherche la vérité sous autre conduite, la pert. Le Saint Esprit est conducteur de l'Eglise, il la conduict par son pasteur ; qui donques ne suit le pasteur, ne suit pas le Saint Esprit. Mays le grand Cardinal Toletus remarque tresbien ♦(Comment, in jo- a propos sur ce lieu '^, quil n'est pas dict, àortabit annis tvangelium, ^ , . ^ -^ in cap. XVI, 13.) Lcclesiam tn omnem veritatem, mays, deducet, pour monstrer que quoy que le Saint Esprit esclaire a l'Eglise, si veut il qu'elle use de la diligence requise a tenir le bon chemin ; comme firent les Apostres, qui ayans a respondre sur une question d^importance, débattirent de part et d'autre, conférant les Escritures ensemble, ce qu'ayans faict diligemment, ilz conclurent * (Act., XV, 28.) par le Visum est Spiritui Sancto et nohis'^, c'est a dire, le Saint Esprit nous a esclaire, et nous avons marché, il nous a guidé, nous l'avons suivi jusques a ceste vérité ; il faut employer les moyens ordinaires pour la recherche de la vérité, et néanmoins recon- noistre la treuve et l'abord en icelle de l'assistence du Saint Esprit. Ainsy est conduit le troupeau Chres- tien par le Saint Esprit, mays sous la charge et con- duite de son pasteur ; lequel, néanmoins, ne court pas a la volëe , mays selon la nécessité convoque les autres pasteurs, ou en partie ou généralement, regarde soigneusement la piste des devanciers , considère le Urim et Thummim de la Parole de Dieu, entre devant son Dieu par ses prières et invocations, et s'estant ainsy diligemment enquesté du vray chemin, se met en campaigne hardiment et faict voile de bon cœur : heureux qui le suit et se range a la discipline de sa houlette, heureux qui s'embarque en son navire ; car il repais tra de vérité, il surgira au port de la sainte doctrine. Ainsy ne faict il jamais commandement gênerai a toute l'Eglise es choses nécessaires, qu'avec l'assistence du Saint Esprit, lequel ne manquant mesm« pas aux espèces des animaux es choses nécessaires, par ce quil  Partie II. Chapitre vi. Article xv. ^ir^ les a establies, ne manquera pas aussi au Christianisme en ce qui luy est nécessaire pour sa vie spirituelle. Et comment seroit l'Eglise une et sainte, telle que les Escritures et simboles la descrivent ? car, si elle suivoit un pasteur et que le pasteur errast, comme seroit elle sainte ? si elle ne le suivoit pas, comme seroit elle une ? et quelle desbauche verroit on parmi le Christianisme, pendant que les uns trouveroient et jugeroient une loy mauvayse, les autres, bonne, et que les brebis, au lieu de paistre et s'engraisser es pasturages de l'Escriture et sainte Parole, s'amuse- royent a conteroller les jugemens du supérieur ? Reste donq que selon la divine providence nous tenions pour fermé ce que saint Pierre fermera avec ses clefz, et pour ouvert ce quil ouvrira, estant assis en la chaire instruisant toute l'Eglise. Que si les ministres eussent tansé les vices, remons- tré l'inutilité de quelques censures et decretz, emprunté quelques saints advis des livres moraux de saint Gré- goire, et de ceux de saint Bernard, De Considera- tiofiCj produit quelque bon moyen de lever les abuz qui sont survenuz en la prattique bénéficiaire pour la malice du tems et des hommes, et se fussent adressés a Sa Sainteté avec humilité et reconnoissance , tous les bons les eussent honnorés, et caressé leurs des- seins : les bons Cardinaux Contareno , Theatino , Sadolet et Polus, avec ces autres grans personnages qui prsesenterent le Conseil de reformer les abus en ceste sorte *, en ont mérité une immortelle recom- * Cocieus, in actis mandation de la postérité. Mays remplir l'air et la ^^' terre d'injures, invectives, outrages, calomnier le Pape, et non seulement en sa personne, ce qui ne se doit jamais faire, mays en sa dignité, attaquer le Siège que toute l'antiquité a honnoré, le vouloir juger contre le conseil de toute l'Eglise, apeller la dignité mesme antichristianisme, qui sera celuy qui le pourra trou- ver bon ? Le grand Concile de Calcédoine trouva si estrange que Dioscorus, Patriarche, excommuniast le ^rA'^^-/"i^.r^*'.^^ ° ^ ' ' Valent, et Marcia- Pape Léon * ; et qui pourra souffrir l'insolence de num.)  3i6 Les Controverses Luther, qui fit une bulle ou il excommunie et le Pape, * Anno 22. apud et les Evesques^ et toute l'Eglise * ? Toute l'Eglise luy oc eum. donne des tiltres honnorables, luy parle avec révé- rence : que dirons nous de ce beau commencement de livre que Luther addressa au Saint Siège? Martinus Luther us, Sanctissimœ Sedi Apostolicœ et toti ejus parlamentOj meam gratiam et salutem. Itnprimis, Sanctissima Sedes, crêpa et non frangere ob novam istam salutationem, in qua nomen tneum primo et in supremo loco pono. Et après avoir recité la bulle contre laquelle il escrivoit, il commence par ces ciniques et vilaines paroles : Ego autem dico, ad Papce et hullœ hujus minas, istud : qui prce minis m.oritur y ad ejus sepulturam compulsari débet crepitibus ventris. Et quand, escrivant contre le Roy d'Angleterre, Vivens, dict il, papatus hostis ero, exustus tuus hostis ero. Que dites vous de ce grand père ? sont ce pas des paroles dignes d'un tel reforma- teur ? j'ay honte de lire, et ma main se fâche de pré- senter ces vilaynies ; mays qui les vous cachera vous ne croires jamais quil soit tel quil est. Et quand il dict : Nostrum est non judicari ab ipso, sed ipsum ju die are. (i) Mays je vous entretiens trop sur un sujet qui ne demande pas grande inquisition. Vous lises les escritz de Calvin, de Zuingle, Luther ; je vous supplie, tries en les injures, calomnies, opprobres, mesdisances, risëes, bouffonneries qui y sont contre le Pape et le Saint Siège de Rome, et vous verres quil ny demeu- rera rien : vous oyes vos ministres ; imposes leur silence quand aux injures, mocqueries, mesdisances, calomnies contre le Saint Siège, et vous aures vos prêches la moitié plus cours. On dict mille folies sur cecy, c'est le rendes vous de tous vos ministres ; silz composent des livres, a tous propos, comme las et recreuz du travail , ilz s'arrestent sur les vices des Papes, disans bien souvent ce quilz sçavent bien n'estre (i) Reprise de l'Autographe de Rome. Voir p. 307, note (i).  Partie II. Chapitre vi. Article xv.  317  * (De veris Eccl. notis, p. 13.)  * L. II. contra litt. Petil. c. Li.  point. De Beze, qui dict * que des long tems il ny a eu aucun Pape qui se soit soucié de la religion ni qui ayt esté théologien, veut il pas tromper quelqu'un? car il sçait bien qu'Adrien, Marcel et ces cinq der- niers ont estes très grans théologiens : a quoy faire, mentir ? Mays disons quil y ait du vice et de l'igno- rance : Cathedra tihi , vous dict saint Augustin *, quid fecit Ecclesice Romance, in qua Petrus sedit et in qua hodie Anastasius sedet ? quare appellas cathedram pestilentiœ Cathedram Apostolicam ? Si propter homines, quos putas legem loqui et non facere, numquid Dominus Noster Jésus Christus propter Pharisœos, de quibus aif^, Dicunt et non faciunt, cathedrce in qua sedehant ullam fecit inju- riant ? nonne illam cathedram Moisi commendavit, et illos servato cathedrce honore redarguit ? ait enim : Super cathedram, etc.* Hœc si cogitaretis, * (Vers. 2.) non propter homines quos infamatis blasphéma- retis Cathedram Apostolicam cui non communi- catis ; sed quid est aliud quam nescire [quid] dicere, et tamen non posse nisi maledicere ?  (Matt., xxm, 3.  CHAPITRE VII Que les Ministres ont violé V Autorité des Miracles "]" Règle de notre Foii^)  ARTICLE PREMIER COMBIEN LES MIRACLES SONT PREGNANS POUR ASSEURER DE LA FOI  * Ex. IV. f. I. Affin que Moyse fust creu *, il [Dieu] luy donna le pouvoir des miracles ; Nostre Seigneur, dict saint * Marc. uit. y. uit. Marc *, confirmoit ainsy la prsedication Apostolique ; si Nostre Seigneur n'eust faict tant de miracles, on n'eust pas péché de ne le croire pas, dict le mesme * Jo. XV. t. 44. Seigneur* ; saint Pol tesmoigne que Dieu confirmoit * Heb. II. f. 4. la foy par miracles * : donques le miracle est une juste rayson de croire, une juste preuve de la foy, et un argument pregnant pour persuader les hommes a créance ; car si ainsy n'estoit, nostre Dieu ne s'en fut pas servi. Et ne sert de rien de respondre que les mi- racles ne sont pas nécessaires après la foy semëe, car, * (Pars I», c. III, outre ce que j'ay monstre le contraire cy devant*, je ne dis pas maintenant quilz soyent nécessaires, mays (i) Voir les Notes préparatoires, p. 17.  Partie II. Chapitre vu. Article i. 319 seulement que la ou il plaict a la bonté de Dieu d'en fayre pour confirmation de quelqu'article, nous sommes obligés de le croire. Car, ou le miracle est une juste persuasion et confirmation, ou non : si non, donques Nostre Seigneur ne confirmoit pas justement sa doc- trine ; si c'est une juste persuasion, donques en quel tems quilz se facent ilz nous obligent a les prendre pour une très ferme rayson, aussy le sont ilz. Tu es Deus qui facis mirabilia, dict David* au Dieu tout * Psai. lxxvi. ^. 14. puyssant, donques ce qui est confirmé par miracles est confirmé de la part de Dieu ; or Dieu ne peut estre autheur ni confirmateur du mensonge, ce donques qui est confirmé par miracles ne peut estre mensonge, ains pure vérité. Et affin de couper chemin a toutes fantasies , je confesse quil y a des faux miracles et des vrais mira- cles, et qu'entre les vrays miracles il y en a qui font argument évident que la puyssance de Dieu y est, les autres, non, sinon par leurs circonstances. Les mira- cles que l'Antichrist fera seront tous faux, tant par ce que son intention sera de décevoir, que par ce que une partie ne seront qu'illusions et vaynes apparences magiques , l'autre partie ne seront pas miracles en nature mays seulement miracles devant les hommes, c'est a dire, ne surpasseront pas les forces de nature, mays pour estre extraordinaires sembleront miracles aux simples. Telz seront la descente quil fera faire du feu qui descendra in conspectu hominum'^, et *Apoc. xm. ^. 13. ce quil fera parler l'image de la beste*, et guérira * Vers. 15. une plaïe mortelle * ; desquelz la descente du feu en * Vers. 3. terre et le parler de l'image semble que ce seront illusions, dont il adjouste, in conspectu hominum ; ce seront magies. La guerison de la playe mortelle sera un miracle populaire, non philosophique ; car ce que le peuple croit estre impossible, il le tient pour miracle quand il le voit, mays il tient plusieurs choses impossibles en nature qui ne le sont, telles sont plusieurs guerisons. Or plusieurs playes sont mortelles en présence de quelques médecins, et incurables, qui  320 Les Controverses ne le seront pas en praesence des autres qui sont plus suffisans et ont quelque remède plus exquis ; ainsy la plaïe sera mortelle selon le cours ordinaire de la médecine, mays le diable, qui a plus de suffisance en la connoissance des vertus des herbes, odeurs, mi- nérales et autres drogues, que les hommes, fera ceste cure la par l'application secrette des medicamens Il faut abréger incouneuz aux hommes : et semblera miracle a qui ne tout cecy a peu \de\ ,. ^ paroles et schoias- sçaura discemer entre la science humayne et diaboli- ^^""* que, entre la diabolique et divine, en ce que la diabo- lique devance l'humayne de grande traitte, et la divine surpasse la diabolique d'une infinité ; l'humayne ne sçait qu'une petite partie de la vertu qui est en nature, la diabolique sçait beaucoup davantage mays dans les confins de nature, la divine n'a point d'autre limite que son infinité. Je disoys qu'entre les vrays miracles il y en a qui font une certaine science et rayson que le bras de Dieu y opère, les autres non, sans la considération et secours des circonstances. Cela apert par ce que j'ay dict ; et par exemple, les merveilles que firent •(Exod.,vii,ii,i2.) les magiciens d'Egipte * estoyent, quand a l'apparence extérieure, toutes semblables aux miracles que faysoit * Ex. IV. f. 3. 4. 5. Moise *, mays qui considérera les circonstances, con- noistra bien ayseement que les uns estoyent vrays miracles, les autres faux, comme le confessèrent les * Ex. VIII. f. 19. magiciens quand ilz dirent : Dîgitus Dei est hic *. Ainsy pourrois je dire, si Nostre Seigneur n'eust jamays faict autre miracle que de dire a la Samari- tayne que l'homme qui habitoit avec elle n'estoit pas * (Joan., IV, 18.) son mari *, et que de convertir l'eau en vin **, on **(Ibid., n, 9.) ., . , ,,.,, . eust peu penser quil y avoit de lillusion et magie ; mays ces merveilles partant de la mesme main qui faysoit voir les aveugles, parler les muetz, ouir les sourds, vivre les mortz, il ny eschoit plus aucun scru- pule. Car, ramener la privation en son habitude, le non estre a l'estre, et donner les opérations vitales aux hommes, sont choses impossibles a toutes les puys- sances humaynes , ce sont des coups du sauverain  Partie II. Chapitre vu. Article i. 321 Maistre ; lequel quand puys après il luy plaict faire des cures par sa toute puyssance, ou des mutations es choses, ne laysse pas de les faire reconnoistre pour miraculeuses , quoy que la nature secrette en peut faire tout autant, parce qu'ayant faict ce qui surpasse nature, il nous a ja rendus asseurés de sa qualité et de la valeur de la [merveille] : ainsy que quand un homme a faict un chef d'œuvre, quoy quil face puys après plusieurs ouvrages communs, on ne laisse pas de le tenir pour maistre. En somme, le miracle est une très asseurëe preuve et confirmation en la créance quand c'est un vray miracle , et en quel tems quil soit faict ; autrement il faudroit renverser toute la praedication Apostolique. Il estoit raysonnable qu'estant la foy de choses qui surmontent nature, elle fust averëe par œuvres qui surpassent nature, et qui monstrent que la praedication ou parole annoncée part de la bouche et authorité du Maistre de nature, le pouvoir duquel n'est point limité, lequel se rend par le miracle comme tesmoin de la vérité, soussigné et met son sceau a la parole portée par le preedicateur. Or, semble il que les miracles soyent tesmoignages généraux pour les simples et plus rudes : car chacun ne peut pas sonder l'admirable convenance quil y a entre les Prophéties et l'Evan- gile, la grande sapience de l'Escriture, et semblables marques illustres qui sont en la Religion Chrestienne, c'est un examen a faire aux doctes ; mays il ni a celuy qui n'appréhende le tesmoignage d'un vray mi- racle, chacun entend ce langage entre les Chrestiens. Il semble que les miracles ne soyent pas nécessaires, mays ilz le sont a la vérité ; et n'est pas sans cause que la suavité de la divine providence en fournit a son Eglise en toutes les saysons, car en toutes saysons il y a des hérésies, lesquelles bien qu'elles soyent suffi- samment rabbatues, voire a la capacité des moindres, par l'antiquité, majesté, unité, catholicisme, sainteté de l'Egalise, si est ce que chacun ne sçait pas priser * (Vide supra, Pars ^ I 1% c. m, a. IV, p. ces « doiiaires, » comme parle Optatus *, a leur vraye 93. Cf. p. 18.) 21  322 Les Controverses valeur, chacun n'entend pas et ne pénètre pas ce lan- gage : mays quand Dieu parle par œuvres, chacun l'entend, c'est une parole commune a toutes nations ; comme l'escriture d'une sauvegarde n'est conneûe d'un chacun, mays si on y voit la croix blanche, les armes du Prince , chacun connoit que le tesmoignage et l'authorité sauveraine y court.  C. III  ARTICLE II COMBIEN LES MINISTRES ONT VIOLE LA FOY DEUE AU TESMOIGNAGE DES MIRACLES  Il ni a presqu' article de nostre Religion qui n'ait esté approuvé de Dieu par miracle. Les miracles qui se font en l'Eglise, monstrans ou est la vraye Eglise, font suffisante preuve de toute la créance de l'Eglise ; car Dieu ne porteroit jamays tesmoignage a une église qui n'eust la vraye foy et fust errante, idolâtre, trom- peuse : (0 mays ceste bonté suprême ne s'arreste pas la ; elle a confirmé presque tous les pointz de la foy Catholique par très illustres miracles , et , par une spéciale providence de Dieu, nous trouvons que quasi sur tous les articles esquelz nous sommes en différent avec les ministres, Nostre Seigneur a rendu très illustre tesmoignage de la vérité que nous prêchons, par mi- racles irréprochables. Je mettray, sil vous plaict, quel- ques exemples. Dum Agapitus, sanctœ Romance Ecclesice Pon- Lib. III. Diai. Ufex, dict saint Grégoire *, ad Justinianum prin- cipern proficisceretur in Grceciarum partibus , (i) Les 12 pages suivantes font partie de l'Autographe inédit d'Annec3^ Voir note (3), p. 205.  Partie II. Chapitre vu. Article ii. 323 propinqui cujusdam muti et claudi ohtulerunt eum Agapito curandum, dicentes se, in virtute Dei, ex auctoritate Pétri, fixant salutis illius spem habere. Voila la créance de ces bonnes gens ; ilz tenoyent le Pape pour successeur en l'authorité de saint Pierre, et partant quil avoyt quelque eminente authorité : un de vos ministres les eust tenuz pour superstitieux, l'Eglise Catholique eust tousjours dict, comm'elle faict maintenant, que leur créance estoit juste. Voyes ce qu'en tesmoigna Nostre Seigneur : Protinus venerandus vir, poursuit saint Grégoire, orationi incubuit, et Missarum solemnia exorsus, sacrificium in conspectu Dei omnipotentis immo- lavit ; quo peracto, ab altari exiens claudi manum tenuity atque assistente et aspiciente populo eum mox a terra in propriis gressibus erexit ; cumque ei Dominicutn Corpus in os mitteret , illa diu muta ad loquendum lingua soluta est. Mirati omneSy flere prœ gaudio cœperunt, eorumque gentes illico metus et reverentia invasit, eum, videlicet cernèrent quid Agapitus facere in virtute Domini ex adjutorio Pétri potuisset : ce sont les paroles de saint Grégoire. || Que dites vous ? si vous me demandes qui a faict ce miracle, je vous respondray par les propres paroles de Nostre Seigneur * : Cœci vident, * Mat. xi. f. 5. claudi ambulant , leprosi mundantur, surdi au- diunt, mortui resurgunt, pauperes ev ang élisant ur . \\ Quelle foy l'a demandé ? la foy que le Pape est succes- seur de saint Pierre, et en a l'eminente authorité. Par quelles actions a il esté obtenu ? par le tressaint Sacrifice de la Messe, et par la realité de l'exhibition du Cors de Nostre Seigneur en la bouche du patient. En quoy s'est faict le miracle ? en ce que ce patient a esté remis de la privation a l'habitude, et une ope- ration vitale luy a esté rendue, qui est l'ouye, car encor quil n'est pas dict quil fut sourd, si l'estoit il néanmoins, car le muet naturel est tousjours sourd. Que peut donques conclure sinon que, Digitus Dei est *, que Dieu a signé et scellé la créance en laquelle * (Exod., vm, 19.)  324 Les Controverses nous sommes pour l'article de la succession du Pape en Tauthorité de saint Pierre, et pour l'article de la tressainte Messe ? qu'opposera on ? En quel tems s'est faict ce miracle ? en la plus pure et sainte Eglise, car, et Calvin et les Luthériens confessent que la pureté de l'Eglise a duré jusqu'après saint Grégoire. Qui raconte ceste histoire ? un tressaint et docte person- nage, par l'aveu mesme des adversaires qui le font le dernier bon Pape. Ou a esté faict le miracle ? en prae- sence de tout un peuple, Grec et non passionné pour le Saint Siège. Ainsy nous prêchons la realité du Cors de Nostre Seigneur et de son Sang au Sacrement de l'autel : Nostre Seigneur l'a authorisé par la miraculeuse expé- rience quil en fit voir a un Juif et une Juifve qui assistoyent a la messe de saint Basile, tesmoin saint •invitaBasilii(i). Amphilochius * qui vivoit environ l'an 380. Une femme aussy qui avoit pétri le pain qu'on devoit consacrer, venant a la sainte Communion , comm'elle vit saint Grégoire (2), tenant non plus le pain mais le tressaint Sacrement, venir a elle pour la communier, et dire. Corpus Domini Nostri Jesu Christi custodiat ani- mam, etc., elle se prit a rire; saint Grégoire l'inter- roge pourquoy elle rioyt , elle respond que c'estoit parce qu'elle avoit pétri le pain duquel saint Grégoire avoit dict que c'estoit le Cors de Nostre Seigneur ; saint Grégoire impetra par prières que la sainte Eucha- ristie apparut au dehors ce qu'elle estoit au dedans, dont ceste pauvre femme fut réduite a la foy, et tout le peuple confirmé : c'est une histoire racontée par le 'In vita s. Greg. \^q^ Paulus Diaconus *. (§ 23.) Nous prêchons quil faut adorer Nostre Seigneur qui est realement au tressaint Sacrement : Gorgonia, seur de saint Grégoire Nazianzene, le fit, et incontinent elle guérit d'une maladie incurable, au rapport de son (i) Hodie consentiunt omnes hanc vitam S. Basilii inter opéra S. Amphi- lochii non esse recensendam. Vide Tillemont, Hist. Eccl:, Note lxxxii sur S. Basile. (2) S. Grégoire le Grand.  Partie II. Chapitre vu. Article ii. 325 frère mesme *. Saint Chrysostome en raconte deux * Oratione in Gor- belles apparitions, ou une multitude d'Anges furent ^°°'^"' ^^ '^^' veus au tour du saint Sacrifice de Tautel, sic capite inclinatorum ut si quis milites, prœsente rege, stantes videat ; id quod facile mihi ipse persuadée, dict ceste bouche d'or *. * i- vi. de Sacer- TVT -i -i rr^ dotiO (§ 4). JNous prêchons la Transsubstantiation : et les expé- riences que j'ay rapportées de saint Amphilochius et de Paulus Diaconus en font foy. Nous prêchons que c'est non seulement Sacrement, mais Sacrifice : et saint Augustin, parlant d'un lieu inhabitable par la violence des espritz malins, qui estoit a Hesperius, au territoire Fussalense, Perrexit unuSy dict [il] *, ex presbiteris, obtulit ibi Sacrifi- *L.xxii.deCivit. cium Corporis Christi, orans quantum potuit ut ''•^'"(§^)- cessaret illa vexatio, Deoque protinus miserante cessavit. Ce que j'ay rapporté de Agapitus vient joindre icy. Nous prêchons la sainte communion des Saintz, en la prière quilz font pour nous et en l'honneur que nous leur déferons : mays quand aurois je faict a vous produire les miracles qui se sont faict sur ceste créance ? Theodoret, De curandis Grœc. aff. *^ en * l. viii. faict un long discours ; saint Grégoire Nazianzene * * Orat. in laud. en raconte un très certain miracle, en la conversion %^îx.) ^^ ' ^^^^' de saint Cyprien par l'intercession de Nostre Dame. Nous honnorons leurs reliques : voyes comme saint Augustin * faict un loncf discours de très certains mira- * ^: xxii. de Civ. 1 r • . T- . * Dei,c.vin.(§ioseq.) des faictz aux reliques de saint Estienne ; et la mesme* * (§ 2.) encores en raconte il un, faict aux reliques de saint Gervais a Milan , d'un aveugle guéri , dequoy luy mesme faict le récit encores en ses Confessions *^ et * L- ix. c vu. spinrt AmhrnÎQf»* * Amb., Serm. xci. Sainct iimoroise . ^^ inventione cor- Nous produisons le signe de la Croix contre le porumSrumGerva- j- t 1 • /- . -xT . * . SU et Protasii. ('//o- Qiable : et saint Grégoire Nazianzene* tesmoigne que ^/ * Ad Frat. Domini. vray, comme saint Clément * et saint Augustin '^^ 1 ap- (Vide sup. p. 280.) pellent règle, aussy saint Ambroise * l'appelle clef, *'^^^^^^^l';l^'^^' ^^ mays sil faut une autre clef pour ouvrir ceste clef, * Serm. xxxvm. (2) ou la trouverons nous ? monstres la nous ; sera [ce j le cerveau des ministres, ou quoy ? sera ce le Saint Esprit ? mays chacun se ventera d'en avoir sa part. Bon Dieu, en quelz laberinthes tumbent ceux qui s'escartent de la trace des Anciens. Je ne voudrois pas que vous pensassies que j'igno- rasse que le seul Simbole n'est pas la totale règle et *cç>ntrajul.Peiag. mesure de la foy ; car, et saint Augustin * et le grand 1. 1. (§ 22.) (i) Hodie Sermo vel Tract, de Symbolo , in appendice; opéra, tom. VI, col. ii8g. (2) Hodie Sermo xxxiii, § 6, in appendice.  342 Les Controverses * Cap. II. Commo- Lirinensis * appellent encores règle de nostre foy, le sentiment ecclésiastique. Le Simbole seul ne dict rien a descouvert de la Consubstantialité, des Sacremens, et autres articles de la foy, mays comprend toute la foy radicalement et fondamentalement ; principalement quand il nous enseigne de croire l'Eglise estre sainte et catholique, car par la il nous renvoyé a ce qu'elle proposera. Mays comme vous mesprisés toute la doc- trine ecclésiastique, aussi mesprisés vous ceste noble partie et si signalée qui est le Simbole, luy refusant créance sinon après que vous Taures réduit au petit pied de vos conceptions. Ainsy violes vous ceste sainte * Ro. XII. j^. 6. mesure et proportion, que saint Pol propose * pour estre suivie, voyre aux Prophètes mesme.  ARTICLE IV CONCLUSION DE TOUTE CESTE 2^ PARTIE PAR UN BRIEF RECUEIL DE PLUSIEURS EXCELLENCES aUI SONT EN LA DOCTRINE CATHOLiaUE, AU PRIS DE l'oPINION DES HitRETiaUES DE NOSTRE A AGE (i)  Vous vogues donques ainsy, sans aiguille, bussole et timon, en l'océan des opinions humaynes ; vous ne pouves attendre autre qu'un misérable naufrage. Ah de grâce, pendant que ce jourdhuy dure, pendant que Dieu vous prsesente l'occasion, jettes vous en Tesquif d'une sérieuse pœnitence, et venes vous rendre en l'heureuse navire, laquelle a plein voyle va surgir au port de gloire. Quand il ny auroit autre, ne connoisses vous pas quelz advantages et combien d'excellences la doctrine Catholique a sur vos opinions ? (i) Voir les Notes préparatoires, pp. 17-19.  Partie II. Chapitre viii. Article iv. 343 Il La doctrine Catholique se fonde immédiatement sur la Parole de Dieu, ou escritte ou layssëe de main en main ; vos opinions ne sont fondées que dessus vos interprétations. || La doctrine Catholique rend plus glorieuse et ma- gnifie la bonté et miséricorde de Dieu ; vos opinions la ravalent. Par exemple, ny a il pas plus de miséri- corde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commémo- ration et manducation fiduciaire ? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grâce, que sans l'embellir le justifier par une simple conni- vence ou non imputation ? n^est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes , que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité ? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctifi- cation du pécheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont Tun ne serve de rien et l'autre de peu ? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé ? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signa- lée, remarquable et perpétuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipée, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut en- duré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict ? la miséricorde de Dieu n'est elle pas plus magni- fiée, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le crédit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort , que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin*, jus- * (instit., 1. m, c. qu'au jugement, les rendre sourds a nos prières et se ' rendre inexorable aux leurs ? Cecy se verra plus clair en nos essais *. * (la tertia Parte.) Nostre doctrine rend plus admirable le pouvoir de Dieu, au Sacrement de l'Eucharistie, en la justification  344  Les Controverses  et justice inhaerente, es miracles, en la conservation infallible de l'Eglise, en la gloire des Saintz. La doctrine Catholique ne peut partir d'aucune pas- sion, puysque personne ne s'y range sinon avec ceste condition, de captiver son intelligence sous l'authorité * (I Cor., X, 5.) des pasteurs * ; elle n'est point superbe, puysqu'elle apprend a ne se croire pas soymesme mays l'Eglise. Que diray je plus ? connoisses la voix de la colombe au près de celle du corbeau. Voyes vous pas ceste Espouse qui n'a autre que miel et laict sous sa lan- *{Cint.,iv, II.) gue"^, qui ne respire que la plus grande gloire de son Espoux, son honneur et son obéissance? Sus donques. Messieurs, voules vous estre mis comme pierres vi- vantes es murailles de la céleste Hierusalem ? levés vous des mains de ces bastisseurs desreglés, qui n'ad- justent pas leurs conceptions a la foy, mais la foy a leurs conceptions ; venes et vous présentes a l'Eglise, qui vous posera, si a vous ne tient, en ce céleste bastiment, a la vraye règle et proportion de la foy : car, jamais personne n'aura place la haut, qui n'aura esté poli et mis en œuvre sous la règle et l'esquierre cy bas.  TROISIÈME PARTIE  LES RÈGLES DE LA FOI  SONT OBSERVEES DANS  L'EGLISE CATHOLIQUE  AVANT- PROPOS  Ces deux fautes fondamentales esquelles vos minis- tres vous ont conduit, d'avoir abandonné l'Eglise et d'avoir violé toutes les vrayes Règles de la Religion Chrestienne, vous rendent du tout inexcusables, Mes- sieurs : car elles sont si grosses que vous ne pouvies pas les mesconnoistre, et sont si importantes que l'une des deux suffit pour vous faire perdre le vray Chris- tianisme ; puysque la foy hors de l'Eglise, ni l'Eglise sans la foy, ne vous sçauroit sauver, nomplus que l'œil hors la teste, ni la teste sans l'œil, ne sçauroit voir la lumière. Quicomque vous vouloit séparer de l'union de l'Eglise vous devoit estre suspect, et qui mesprisoit si fort les saintes Règles de la foy devoit estre fuy et mesprisé, quelle contenance quil tint, quoy quil allegast.  346 Les Controverses Mays, ce me dires vous, ilz protestoyent de ne rien dire qui ne fut exprès en la pure, simple et naifve Parole de Dieu. || Ah mon Dieu, comme creutes vous si légèrement ? Il ny eut onques hérésie qui alleguast plus hors de propos la Parole de Dieu que celle cy, et qui en tirast des conclusions moins sortables, parti- culièrement es principales disputes. Vous Taures desja peu remarquer cy devant es deux premières Parties de ce Mémorial, mays je désire que vous le touchies au doigt, affin quil ne vous demeure aucune excuse de reste. || Vous ne dévies pas croire si légèrement ; si vous eussies bien advisé a vos affaires, vous eussies veu que ce n'estoit pas la Parole de Dieu quilz avan- çoyent , mais leurs propres conceptions voylëes des motz de l'Escritture, et eussies bien connu que jamais un si riche habit ne fut faict pour couvrir un si vilain cors comme est ceste hérésie. Car, par supposition, faysons que jamais il ny eust Eglise, ni Concile, ni Pasteurs, ni Docteurs, des les Apostres, et que l'Escriture Sainte ne contient que les Livres quil plaict a Calvin, Beze et Martyr d'avouer, quil ny a point de Règle infallible pour la bien enten- dre, mays qu'elle est a la merci des conceptions de quicomque voudra maintenir quil interprète l'Escriture par l'Escriture et par l'analogie de la foy, comme on veut entendre Aristote par l'Aristote et par Tanalogie de la philosophie ; confessons seulement que ceste Escriture est divine, et je maintiens devant tous juges équitables que, si non tous, au moins ceux d'entre vous qui avoyent quelque connoissance et suffisance sont inexcusables, et ne sçauroyent garentir leur religion de légèreté et témérité. Et voicy ou je me réduis. Les ministres ne veulent combattre qu'avec l'Escriture, je le veux ; ilz ne veulent de l'Escriture que les parties qu'il leur plaict, je m'y accorde : au bout de tout cela, je dis que la créance de l'Eglise Catholique l'emporte de tous pris, qu'elle a plus de passages pour, soy que l'opinion contraire, et ceux qu'elle a, plus clairs, purs et simples, plus raysonnablement interprétés, mieux  Partie III. Avant- Propos. 347 concluans et sortables. Ce que je crois estre si certain, que chacun le peut sçavoir et connoistre, mays de monstrer cecy par le menu, ce ne seroit jamais faict ; il suffira bien, ce me semble, de le monstrer en quel- ques principaux articles. C'est donques ce que je pretens faire en ceste troy- siesme Partie (i), ou j'attaqueray vos ministres sur les Sacremens en gênerai, et en particulier sur celuy de l'Eucharistie, de la Confession et Mariage, sur l'hon- neur et invocation des Saintz, sur la convenance des cérémonies en gênerai , puys en particulier, sur la puyssance de l'Eglise, sur le mérite des bonnes œuvres et la justification, et sur les indulgences ; ou je n'em- ployeray que la pure et simple Parole de Dieu, avec laquelle seule je vous feray voir, comme par essay, vostre faute si a descouvert, que vous aures occasion de vous en repentir. Et toutefois, je vous supplie que si vous me voyes combattre, abattre et en fin sur- monter l'ennemy avec la seule Escriture, vous vous representies alhors ceste grande et honnorable suite de Martyrs, Pasteurs et Docteurs, qui ont tesmoigné par leur doctrine et au prix de leur sang que la doctrine pour laquelle nous combattons maintenant estoit la sainte, la pure, l'Apostolique, qui sera comme une sur- charge de victoire : car, quand noas nous trouverions en pareille fortune avec nos ennemis, par la seule Escri- ture, l'ancienneté, le consentement, la sainteté de nos autheurs nous feroit tousjours triompher. Et a ceste occasion j'adjusteray tousjours le sens et la conséquence que je produiray des Escritures, aux Règles que j'ay produites en la seconde Partie ; quoy que mon dessein principal ne soit que de vous faire essayer la vanité de vos ministres, qui ne faysans que crier, la Sainte Escriture, la Sainte Escriture, ne font rien plus que d'en violer les plus asseurëes sentences. En l'assemblée des princes qui se fit a Spire l'an 1526*, les ministres * Cocieus. protestans portoyent ces lettres en la manche droitte (i) Voir les Notes préparatoires, pp. 18, 19.  348 Les Controverses de leurs vestemens : V. D. M. I. JE. ; par lesquelles ilz vouloyent protester : Verhum Domtni Manet In * (I Pétri, 1, 23.) sternum *. Ne diries vous pas que c'est bien eux qui seulz et sans compaignon manient l'Escriture Sainte ? Hz en citent, a la vérité, des morceaux, et a tous propos, « en public, en privé, » dict le grand Liri- * (Ubi supra, Pars ncusis*, « en Icurs discours, en leurs livres, es rues, es J90O '' ^"^ ■ ' * banquetz. Lises les opuscules de Paulus Samosatenus, de Priscillien, d'Eunomius, Jovinien, et de ces autres pestes ; vous verres un grand amas d'exemples, et presque pas une pagêe qui ne soit fardée et colorée de quelques sentences du Viel et Nouveau Testament. Hz font comme ceux qui veulent faire prendre quelque breuvage amer aux petitz enfans : ilz frottent et cou- vrent de miel le bord du gobelet, affin que ce simple aage , sentant premièrement le doux , n'appréhende point l'amer. » Mays qui sondera au fons de leur doc- trine, verra clair comme le jour que ce n'est qu'une happelourde saffranée, telle que celle que le diable * (Matt., IV, 6.) produisoit quand il tentoit Nostre Seigneur *, car il avançoit l'Escriture pour son intention. « O Dieu, » * (Eodem Commo- dict le mcsme Lirinensis *, « que fera il a l'endroit des nit., cap. XXVI.) • , 1 i ,., -,,t- misérables hommes, puysqu il ose attaquer avec 1 Es- criture le Seigneur mesme de majesté ? Pensons de près a la doctrine de ce passage ; car, comm'alors le chef d'un parti parla au chef de l'autre, ainsy mainte- nant les membres parlent aux membres, a sçavoir, les membres du diable aux membres de Jésus Christ, les perfides aux fidèles, les sacrilèges aux religieux, en * fin les hseretiques aux Catholiques. » Mays comme le chef respondit au chef, ainsy pouvons nous faire, nous autres membres, aux membres : nostre Chef repousa leur chef avec les passages mesme de l'Escriture ; repousons les en semblable façon, et par des consé- quences solides et naifves , déduites de la Sainte Escriture, monstrons la vanité et piperie avec laquelle ilz veulent couvrir leurs conceptions des paroles de l'Escriture. C'est ce que je pretens icy, mays briefvement ; et  4  Partie III. Avant-Propos. 349 proteste que je produyray tresfidelement tout ce que je cuyderay estre de plus apparent de leur costé, puys par l'Escriture mesme les convaincray, affin que vous voyes que quoyque et eux et nous manions et nous armons de l'Escriture, nous en avons néanmoins la realité et droit usage, eux n'en ayant qu'une vayne apparence par manière d'illusion ; ainsy que non seule- ment Moise et Aaron, mays encores les magiciens ani- mèrent leurs verges et les convertirent en colœuvres, mays la verge d' Aaron dévora les verges des autres*. *(Exod., vu, 10-12.)  CHAPITRE PREMIER  DES SACREMENS  ARTICLE PREMIER  Du nom de Sacrement  Ce mot de Sacrement est bien exprès en l'Escriture en la signification qu'il a en l'Eglise Catholique, puys- que saint Pol, parlant du Mariage, l'apelle clair et net, * (Ephes., V, 32.) Sacrement"^. Mays nous [allons] voir cecy cy après; * Anno 25, L. De il suffit maintenant, contre l'insolence de Zuingle * et vera et falsa Rel. autres qui ont voulu rejetter ce nom, que toute l'Eglise ancienne en aye usé : car ce n'est pas avec une plus grand' authori té que le mot de Trinité, Consubstantiel, Personne, et cent autres sont demeurés en l'Eglise comme saints et légitimes ; et c'est une très inutile et sotte témérité de vouloir changer les motz ecclésias- tiques que l'antiquité nous a laissé, outre le danger quil y auroit, qu'après le changement des motz on n'allast au change de l'intelligence et créance, comme on voit ordinayrement que c'est l'intention de ces novateurs de paroles. Or, puysque les prsetendus re- formateurs, pour la plus part, quoy que ce ne soit sans gronder, layssent ce mot en usage par mi leurs livres,  Partie III. Chapitre i. Article ii. 351 amusons nous aux difficultés que nous avons avec eux sur les causes et les efFetz des Sacremens, et voyons comm'ilz y mesprisent TEscriture et les autres Règles de la foy.  ARTICLE II  de la forme des sacremens  Commençons par ici : l'Eglise Catholique tient pour forme des Sacremens^ des paroles consecratoires ; les ministres prétendus ont voulu reformer ceste forme, disans que les paroles consecratoires sont charmes, et que la vraye forme des Sacremens estoit la prsedica- tion *. Qu'apportent les ministres, de la Sainte Escri- *Caivin.,i.ivinst. ture, pour lestablissement de ceste reiormation ? deux vad Ephes.; Beza, passages seulement^ que [je] sache, l'un de saint Pol, J." f^J^' ^°^** ^® l'autre de saint Mathieu. [Saint Paul,] parlant de l'Eglise, dit que Nostre Seigneur l'a sanctifiée, mun- dans lavacro aquœ in verho vitcB"^ ; et Nostre Sei- * Ephes. v. jï^. 26. gneur mesme, en saint Mathieu, fit ce commandement a ses disciples : Docete omnes gentes, baptisantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti*. * Mat. uit. jîr. 19. Voyla [pas des] passages bien clairs pour monstrer que la praedication [est] la vraye forme des Sacremens ? Mays qui leur a dict quil ni a point d'autre verbum vitce que la prédication ? je soustiens, au contraire, que ceste sainte invocation, Je te baptise au nom du Père, et du Fil^, et du Saint Esprit, est encores un verbum vitce, comme l'ont dict saint Chrysostome et Theodoret * ; aussi sont bien les autres saintes prières * (In Ephes., v, 26.) et invocations du nom de Dieu, qui ne sont pourtant pas praedications. Que si saint Hierosme *, suyvant le * (In eundem lo- ^. . . cuni.) sens mistique, veut que la praedication soit une sorte d'eau purifiante, il ne s'oppose pourtant pas aux autres  352 Les Controverses Pères, qui ont entendu le lavoir d'eau estre le Bap- tesme précisément, et la parole de vie, l'invocation de la tressainte Trinité, afïin d'interpréter le passage de saint Pol par l'autre de saint Mathieu : Enseignes toutes genSy les haptisans au nom du Père, et du Fil^, et du Saint Esprit. Et quand a ce dernier, personne ne nia jamais que 1^ instruction ne doive précéder le Baptesme, a l'endroit de ceux qui en sont capables, suyvant la parole de Nostre Seigneur qui met l'instruction devant et le Baptesme après ; mays nous arrestans a la mesme parole, nous mettons l'ins- truction devant, a part, comme disposition requise en celuy qui a l'usage de rayson, et le Baptesme a part encores ; dont l'un ne peut estre forme de l'autre, ni le Baptesme, de la prsedication , ni la praedication, du Baptesme. Que si néanmoins l'un devoit estre forme de Tautre, le Baptesme seroit plustost forme de la prédication, que la prédication, du Baptesme ; puysque la forme ne peut précéder, ains doit survenir a la matière, et que la praedication précède le Baptesme, et le Baptesme survient par après sur la prsedication : dont saint Augustin n'auroit pas bien dict, quand il * (Tract. Lxxx in disoit*: Accedit verbum ad elementum, et fit Sacra- mentuwi ; car il eust plustost deu dire : Accedit elementum ad verbum. Ces deux passages donques ne sont pas advenans ni a propos pour vostre refor- mation ; néanmoins, voyla tout. Or toutefois, vos pretensions seroient en certaine façon plus tolerables, si nous n'avions en l'Escriture des raysons contraires, plus expresses que les vostres ne sont, hors de toute comparayson. Les voyci : Qui * [Marc.,] c. uit. 5^. crcdidcrit et bapti^atus fuerit * \ voyes vous la créance qui nait en nous par la praedication, séparée du Baptesme ? ce sont donq deux choses distinctes, la praedication et le Baptesme. Qui doute que saint Pol n'ait catéchisé et instruict de la foy plusieurs Corin- thiens qui ont estes baptisés ? que si l'instruction et praedication estoit la forme du Baptesme, '^saint Pol n'avoit pas rayson de dire, Gratias ago Deo quod  l6.  Partie III. Chapitre i. Article h. 353 neminem hapti^avi nisi Crispum et Caium, etc.*; * [i Cor., i,] j^. 14. car donner forme a une chose, n'est ce pas la faire ? Bien plus, que saint Pol met a part le baptizer du prêcher : Non me misit Christtis hapti^are sed evangeli^are *. Et pour monstrer que le Baptesme est * (Vers. 17.) de Nostre Seigneur, non de celuy qui Tadministre, il ne dict pas, Nunquid in prcedicatione Pauli hap- ti^ati estis ? mais plustost , Nunquid in nomine Pauli hapti^ati estis * ? monstrant que quoyque la * (Vers. 13.) praedication praecede, si n'est elle pas de l'essence du Baptesme, pour attribuer au preedicateur et catéchiste le Baptesme comm'il est attribué a celuy le nom duquel y est invoqué. Pour vray, a qui regardera de près le premier Baptesme faict après la Pentecoste, verra clair comme le jour que la praedication est une chose et le Baptesme une autre : His auditis, voyla la praedication d'un costé, compuncti sunt corde, et dixerunt ad Petrum et ad reliquos Apostolos : quid faciemus, viri fratres ? Petrus vero ad illos : pœni- tentiam, inquit, agite, et bapti^etur unusquisque vestrum in nomine Jesu Christi, in remissionem peccatorum vestrorum. * ; voyla le Baptesme d'autre * (Act, n,. 37, 38.) costé, mis a part. Autant en peut on remarquer au Bap- tesme de ce dévot eunuque d'Ethiopie *, en celuy de * ^^^^ ^3"' ^' ^^* saint Pol*, auquel il ny eut point de praedication, et en *Act. ix. f. 18. celuy du bon et religieux Cornélius*. Et quand a la * Act. x. ^. 47. 48. tressainte Eucharistie , qui est l'autre Sacrement que les ministres font semblant de recevoir, ou trouveront ilz jamais que Nostre Seigneur y aye usé de praedi- cation ? Saint Pol enseigne aux Corinthiens comm'il faut célébrer la cène, mays on ny trouve point qu'il y soit commandé de prêcher ; et afïin que personne ne doutast que le rite quil proposoit fut légitime, il dict quil l'avoit ainsy apris de Nostre Seigneur : Ego enim accepi a Domino, quod et tradidi vobis"^. Nostre * i Cor. xi. j^. 23. Seigneur fit bien un admirable sermon après la cène, recité par saint Jan *, mays ce ne fut pas pour le * Jo. xiv. xv. xvi. mistere de la cène, qui estoit ja complet. On ne dict pas qu'il ne soit convenable d'instruire le peuple des Si  354 Les Controverses Sacremens qu'on luy confère , mays seulement que ceste instruction n'est pas la forme des Sacremens. Que si en l'institution de ces divins misteres, et en la prattique mesme des Apostres, nous trouvons de la distinction entre la prédication et les Sacremens, a quelles enseignes les confondrons nous ? ce que Dieu a séparé, pourquoy le conjoindrons nous ? En ce point donques, selon l'Escriture, nous l'emportons tout quitte, et les ministres sont convaincus de violation de l'Escri- ture , qui veulent changer l'essence des Sacremens contre leur institution. Hz violent encores la Tradition, l'authorité de l'Eglise, des Conciles, des Papes et des Pères, qui tous ont creu et croyent que le Baptesme des petitz enfans est vray et légitime : mays comme veut on que la prédi- cation y soit employée ? les enfans n'entendent pas ce qu'on dict, ilz ne sont pas capables de l'usage de rayson, a quoy faire les instruire ? on peut bien prê- cher devant eux, mays ce seroit pour néant, car leur entendement n'est pas encor ouvert pour recevoir l'instruction , comme instruction ; elle ne les touche point, ni ne leur peut estre appliquée, quel efîect donq peut elle faire en eux ? [leur] Baptesme donq seroit vain, puysqu'il seroit sans forme et [signification] : la forme donq du Baptesme n'est pas la praedication. * L. contre Coclëe. Luther respond * que les enfans ressentent [des] mou- vemens actuelz de la foy par la praedication : c'est violer et démentir l'expérience et le sentiment mesme. Item y la pluspart des baptesmes qui se font en l'Eglise Catholique se font sans aucune praedication ; ilz ne sont donq pas vrays baptesmes, puysque la forme y man- que : que ne rebaptizes vous donques ceux qui vont de nostre Eglise a la vostre ? ce seroit un anabaptisme. Or sus, voyla, selon les Règles de la foy, et princi- palement selon l'Escriture Sainte, comme vos ministres errent quand ilz vous enseignent que la praedication est forme des Sacremens : mays voyons si c,e que nous en croyons est plus conforme a la sainte Parole. Nous disons que la forme des Sacremens est une parole  Partie III. Chapitre i. Article ir. 355 consecratoire, et de bénédiction ou invocation. Y a il rien si clair en l'Escriture : Docete omnes gentes, baptisantes eos in noinine Patris, et Filii, et Spi- ritiis Sancti^^; ceste forme, au nom du Père, etc., *(Matt.,xxviir, 19.) est elle pas invocatoire? certes, le mesme saint Pierre qui dict aux Juifz, Pœnitentiam agite, et bapti^etur unusquisque vestrum in nomine Jesu Christi, in remissionem peccatorum vestrorum *^ dict peu après * Act. n. f. 38. au boiteux devant la belle porte, In nomine Jesu Christi Na^areni, surge et ambula^ : qui ne voit * Act. m. jî\ 6. que ceste dernière parole est invocatoire ? et pourquoy non la première, qui est de mesme substance ? Ainsy saint Pol ne dict pas *, Calix prœdicationis de quo * i Cor. x. ^\ 16. prcedicamus, nonne communicatio Sanguinis Chri- sti est ? mays au contraire, Calix benedictionis cui benedicimus ; on le consacroit donques et benissoit- on : ainsy au Concile de Laodicëe, c. 25, Non oportet Diaconum calicem benedicere. Saint Denis, disciple de saint Pol, les appelle « consecratoires *, » et en sa * De Ecci. Hier, c I , -r . . HT -1 , ' , ult. (Sur, 10.) description de la Liturgie ou Messe, il ny met point la praedication, tant s'en faut quil la tint pour forme de l'Eucharistie. Au Concile Laodicien *, ou il est parlé * Can. xix. de l'ordre de la Messe, il ne se dict rien de la praedi- cation, comme estant chose de décence mais non de l'essence de ce mistere. Justin le Martyr, descrivant l'office ancien que les Chrestiens faysoyent le Diman- che, entr'autres choses il dict* qu'après les prières * Apoi. \\, (ah l, générales « on offroit pain, vin et eaiie, et alhors le ^ prselat faysoit de tout son effort prières et actions de grâces a Dieu, le peuple benissoit, disant : Amen. His cum Eucharistia consecratis, unusquisque parti- cipât , eademque absentibus dantur diaconis per- ferenda. » Plusieurs choses sont icy remarquables : l'eau se mesloit au vin, on offroit, on consacroit, on en portoit aux malades : mays si nos reformateurs eussent esté la, il eust fallu lever l'eau, l'offrande, la consécration, et eust fallu porter la praedication aux malades, ou c'eust esté pour néant ; car, comme dict ^ ^^ ^ ^ * [In cap. V. Ep.] Jan Calvin *, Mister ii explicatio ad populum sola ad Ephes.  ^^é Les (Controverses facit ut moftuum elementum incipiat esse sacra- *[Serm.] catecheti- mefitum. Saint Grégoire Nyssene dict * : Recte nunc Sacrame^ntlsO); [et ettum Det vetho sunctificatum panem (et parle du vide Ga]retium(2}. Sacrement de l'autel) in Verbi Corpus credimus immutari ; et après , dict que ce changement se faict, virtute henedictionis. Quomodo, dict le grand ♦DeSacram.ri.iV], saint Ambroise *, potest qui partis est Corpus esse 1,1,- Christi ? consecratione ; et plus bas : Non erat Corpus Christi ante consecr ationem , sed post consecrationem dico tibi quod jam est Corpus Christi ; et voyes le bien au long, mays je me reserve sur ce sujet quand nous traitterons de la sainte Messe. Mays je veux finir par ceste signalée sentence de * L. III. de s. Tri- saint Augustin * : Potuit Paulus significando prce- dicare Dominum Jesum Christum, aliter per lin- guam suam, aliter per epistolam, aliter per Sacra- mentum Corp or is et Sanguinis ejus : nec linguam quippe ejus, nec membranaSy nec atramentum, nec signiflcantes sonos lingua editos, nec signa litterarum conscripta pelliculis , Corpus Christi et Sanguinem dicimus ; sed illud tantum quod ex fructibus terrce acceptum, et prece mistica conse- * (Tract. Lxxx in cratum, rite sumimus. Que si saint Augustin dict*, joan., 3.) Unde tanta vis aqtice ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo ? non quia dicitur, sed quia creditur, nous ne disons rien au contraire : car, a la vérité, les paroles de bénédiction et sanctification avec lesquelles on forme et parfaict les Sacremens, n'ont poinct de vertu sinon estant proférées sous la générale intention et créance de l'Eglise ; car si quel- qu'un les disoit sans cette intention, elles seroient dites voirement, mais pour néant, par ce que, non quia dicitur, sed quia creditur. (i) Portasse opusculum S. Thomae De Sacramentis Ecclesiœ, ubi eadem fere verba occurrunt. (2) In libro Classes novem de reali Corporis Christi prœsentia, etc.  Partie III. Chapitre i. Article m. 357  ARTICLE III  de L intention REQPISE EN L ADMINISTRATION DES SACREMENS  Je n'ay jamais trouvé aucune preuve puysëe en l'Escriture, de l'opinion que vos predicans ont en cest endroit. Hz disent* que quoy que le ministre n'aye *Luth.,incap. Bab. . , ,. 1 r ' 1 1 . • . c. de Baptismo ; aucune intention de faire la cène ou baptiser, ains cai., in Ant. sess. seulement de se moquer et badiner, néanmoins, pour- ^"* veu quil face l'extérieure action du Sacrement, le Sa- crement y est complet. Tout cecy se dict a crédit, sans produire autre que certaines conséquences sans Parole de Dieu, par forme de chicanerie. Au contraire, le Concile de Florence * et celuy de Trente declairent * 1° instruct. Arm. (al. Decretum Eu- que « si quelqu'un dict que l'intention au moins de genu de unione Af- faire ce que faict l'Eglise n'est pas requise es ministres °^^'^°^^°^) quand ilz confèrent les Sacremens, il est anatheme* » : * Conc. Trid. sess. VII. (de Sacram.) ce sont les termes du Concile de trente. Le Concile c xi. ne dict pas quil soit requis d'avoir l'intention particu- lière de l'Eglise, car autrement les Calvinistes, qui n'ont pas intention au Baptesme de lever le péché originel, ne baptiseroyent pas bien, puysque l'Eglise a ceste intention la, mays seulement de faire en gêne- rai ce que l'Eglise faict quand elle baptise, sans par- ticulariser ni déterminer quoy ni comment. Iteniy le Concile ne dict pas quil soit nécessaire de vouloir faire ce que l'Eglise Romayne faict, mays seulement en gênerai ce que l'Eglise faict, sans particulariser quelle est la vraye Eglise : ains, qui, pensant que l'église prse- tendue de Genève fust la vraye Eglise, limiteroit son intention a l'intention de l'église de Genève, se trom- peroit si jamais homme se trompa en la connoiss^nçe  358 Les Controverses de la vraye Eglise, mays son intention suffiroit en cest endroit, puysque encores qu'elle se terminast a l'intention d'une église fausaire, si est ce qu'elle ne s'y termineroit que sous la forme et conception de la vraye Eglise, et l'erreur ne seroit que matériel, non formel, comme disent nos docteurs. Item, n'est pas requis que nous ayons ceste intention actuellement quand nous conférons le Sacrement, mays suffit qu'on puysse dire avec vérité que nous faysons telle et telle cérémonie et disons telle et telle parole, comme jetter l'eau, disans. Je te baptise au nom du Père, etc., en intention de faire ce que les vrays Chrestiens font et que Nostre Seigneur a commandé, quoy que pour Ihors nous ne soyons pas en attention, et ny pensions pas précisément. Comm'il suffit pour dire que je prêche pour servir Dieu et pour le salut des âmes, si Ihors que je me veux prseparer j'ay ceste intention, quoy que quand je suys en chaire je pense a ce que j'ay a dire et a m'en tenir en memoyre, et ne pense plus en ceste première intention : ou comme celuy qui a résolu de donner cent escus pour l'amour de Dieu, puys, sortant de sa mayson pour ce faire, pense a d'autres choses, et néanmoins distribue la somme ; car encores quil n'aye pas la pensée dressée actuellement en Dieu, si ne peut on pas dire quil n'aye son intention a Dieu en vertu de sa première délibération, et quil ne face cest'œuvre de charité délibérément et a son escient. Telle intention est du moins requise, et suffit aussy, pour la collation des Sacremens. Ores que la proposition du Concile est esclarcie, voyons voir si elle est, comme celle des adversaires, sans fondement de l'Escriture. On ne peut raysonna- blement • douter que pour faire la Cène de Nostre Seigneur, ou le Baptesme, il ne faille faire ce que Nostre Seigneur a commandé pour cest effect, et non seulement quil le faille faire, mays quil le faille faire en vertu de ce commandement et institution : car on peut bien faire ces actions en vertu d'autre que du commandement de Nostre Seigneur, comme fairoit un  Partie III. Chapitre i. Article m. 35^9 homme qui, dormant, songeroit et baptiseroit, ou bien estant ivre ; pour vray les paroles y seroyent et Tele- ment, mays elles n'auroyent point de force, ne proce- dans pas du commandement de qui les peut rendre vigoureuses et efficaces ; ainsy que tout ce qu'un juge dict et escrit ne sont pas sentences judiciaires, mays seulement ce quil dict en qualité [de juge]. Or, comme pourroit on mettre différence entre les actions sacra- mentelles estant faites en vertu du commandement qui les rend pregnantes, et ces mesmes actions faites a autre fin ? Certes, la différence n'y peut estre que par l'intention avec laquelle on les emploj'^e ; il faut donq que non seulement les paroles soyent proférées, mays proférées avec intention de faire le commandement de Nostre Seigneur, en la Cène, Hoc facile, au Bap- tesme. Baptisantes eos in nomine Patî^is, et Filii, et S pi rit us Sancti. Mays, a le dire franchement, ce commandement, Hoc facite *^ ne s'addresse il pas proprement au "' l Cor. xi. y. 24. ministre de ce Sacrement ? sans doute. Or, n'est il pas dict simplement. Hoc facite, mays, facite in }neani cominemorationem ; et comme peut on faire ceste sacrée action en commémoration de Nostre Seigneur, sans avoir l'intention d'y faire ce que Nostre Seigneur a commandé , ou du moins ce que les Chrestiens , disciples de Nostre Seigneur, font ? affin que, sinon immédiatement, au moins par l'entremise de l'intention des Chrestiens ou de l'Eglise, on face ceste action en commémoration de Nostre Seigneur. Je crois quil est impossible d'imaginer qu'un homme face la Cène en commémoration de Nostre Seigneur, sil n'a l'intention de faire ce que Nostre Seigneur a commandé, ou au moins de faire ce que font ceux qui le font en la com- mémoration de Nostre Seigneur. Il ne suffit donq pas de faire ce que Nostre Seigneur a commandé quand il dict. Hoc facite, mays le faut faire a l'intention que Nostre Seigneur l'a commandé, c'est a dire, in sui commemorationem ; sinon avec ceste intention parti- culière, au moins générale, sinon immédiatement, au  360 Les Controverses moins mediatement, voulant faire ce que l'Eglise faict, laquelle a intention de faire ce que Nostre Seigneur a faict et commandé, si que on s'en rapporte a l'in- tention de l'Espouse, qui est adjustëe au commande- ment de l'Espoux. Pareillement, Nostre Seigneur ne dict pas qu'on die ces paroles. Ego te hapti^o , simplement, mays commanda que toute l'action du Baptesme se fist in nomine Patris ; si que il ne suffit pas qu'on die, in nomine Patris, mays faut que le lavement ou asper- sion mesme se face in nomine Patris, et que ceste authorité anime et ravigore non seulement la parole, mays toute l'action du Sacrement, laquelle de soy n'auroit point de surnaturelle vertu. Or, comme peut estre faicte une action au nom de Dieu, qui se faict pour se mocquer de Dieu ? Pour vray, l'action du Bap- tesme ne dépend pas tellement des parolles, qu'elle ne se puysse faire en vertu et en authorité toute contraire aux parolles, si le cœur, qui est le moteur des paroles et de l'action, les dresse a une contraire fin et inten- tion. Bien plus, car ces paroles, au nom du Père, etc., peuvent estre dites au nom de l'ennemy du Père, comme ces paroles, en vérité, en vérité, peuvent et sont souventefois dites en mensonge. Si donques Nos- tre Seigneur ne commande pas simplement qu'on face l'action du Baptesme ni qu'on die les paroles, mays l'action se face et les paroles se dient au nom du Père, etc., il faut avoir au moins l'intention générale de faire le Baptesme en vertu du commandement de Nostre Seigneur, en son nom et de sa part ; et quand a l'absolution, que l'intention y soit requise, il est plus qu'exprès : Quorum, remiseritis peccata, remittun- * (Joan., XX, 23.) tur eis *^ il laysse cela a leur délibération. Et c'est * (Ubi supra, art. a cc propos quc Saint Augustin * : Unde tanta vis praece ., p. 35 .) ^q^^^ ^f corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verho? non quia dicitur, sed quia creditur ; c'est a dire, les paroles de soy, estant proférées sans aucune intention ou créance, n^'ont point de vertu, mays estans 4ites en vertu et créance, et selon l'intention générale  Partie III. Chapitre i. Article m. 361 de l'Eglise, elles font cest efFect salutaire. Que sil se trouve es histoires * que certains baptesmes faitz par * Niceph. 1. viii. , , .. ^ r- C. XL. (al. XLIV.) jeu ont estes approuves, il ne le faut trouver estrange, par ce qu'on peut faire en jeu plusieurs choses et néanmoins avoir l'intention de faire véritablement ce qu'on a veu faire ; mays on appelle jeu tout ce qui se faict hors de saison et de discrétion, quand il ne se faict pas par malice ou sans volonté.  CHAPITRE II  Dti Purgatoire  AVANT -PROPOS  L''Eglise Catholique a esté accusée, en nostre aage, de superstition en la prière qu'elle faict pour les fidèles trespassés , d'autant qu'en icelle elle suppose deux vérités que l'on prétend n'estre point, a sçavoir, que les trespassés soient en peyne et indigence, et qu'on les puisse secourir : or les trespassés , ou ilz sont damnés ou sauvés ; les damnés sont en peyne, mais irrémédiable, et les sauvés sont comblés de tout play- sir ; de façon qu'aux uns manque Tindigence , aux autres le moyen de recevoir secours, et par ce n'y a lieu de prier Dieu pour les trespassés. Voyla le sommaire de l'accusation. Mais certes, il deut suffire a tout le monde pour faire juste jugement sur ceste accusation, que les accusateurs estoyent des personnes particulières, et l'accusé estoit le cors de l'Eglise universelle : et néanmoins, parce que l'humeur de nostre siècle a porté de sousmettre au contreroole et censure d'un chacun toutes choses, tant sacrées, religieuses et authentiques puissent elles ^estre, plu- sieurs personnes d'honneur et de marque ont prins le droit de l'Eglise en main pour la défendre ; estimans  Partie III. Chapitre h. Article i. ^6) ne pouvoir mieux employer leur pieté et sçavoir, qu'a la défense de celle-là par les mains de laquelle ilz avoyent receu tout leur bien spirituel, le Baptesme, la doctrine Chrestienne et les Escritures mesme. Leurs raysons sont si pregnantes, que si elles estoyent bien balancées et contrepesees a celle des accusateurs, on connoistroit incontinent leur bon calibre : mays quoy ? on a porté sentence sans ouyr partie. N'avons nous pas rayson , tous tant que nous sommes de domesti- ques et enfans de l'Eglise, de nous porter pour appel- lans, et nous plaindre de la partialité des juges, laissans a part , pour ceste heure , l'incompétence d'iceux? Donques nous appelions des juges non instruitz a eux mesmes instruitz, et des jugemens faictz partie non ouye, a des jugemens partie ouye, supplians tous ceux qui voudront juger sur ce différent, de considérer nos allégations et probations d'autant plus attentive- ment , qu'il y gist , non de la condamnation de la partie accusée, qui ne peut estre condamnée par ses inférieurs, mays du damnement ou sauvement de ceux mesmes qui en jugeront.  ARTICLE PREMIER  DU NOM DE purgatoire  Nous soustenons donques que l'on peut prier pour les fidèles trespassés , et que les prières et bonnes actions des vivans les soulagent beaucoup et leur sont prouffitables ; parce que tous ceux qui meurent en la grâce de Dieu , et par conséquent du nombre des esleus, ne vont pas tous de premier abord en Paradis, mays plusieurs vont au Purgatoire, ou ilz souffrent  364 Les Controverses une peyne temporelle, a la délivrance de laquelle nos prières et bonnes actions peuvent ayder et servir. Et voicy le gros de nostre difficulté. Nous sommes d'ac- cord que le sang de nostre Rédempteur est le vray purgatoire des âmes , car en iceluy sont nettoyées toutes les âmes du monde ; dont saint Pol l'appelle, * (Vers. 3.) aux Hébreux, premier*, purgationem peccatorum. facientem : les tribulations aussi sont certains purga- toires, par lesquelz nos âmes sont rendues pures comme * (Vers. 6.) l'or est affiné en la fournaise ; Ecclesiastici 27*, Vasa figuli prohat fornax, j'ustos autem tentatio trihu- lationis : la pénitence et contrition est encores un * (Vers. 9.) certain purgatoire ; dont David dict, au Psal. 50 *, Asperges me, Domine, hyssopo, et mundabor : on sçait bien aussi que le Baptesme, auquel nos péchés sont lavés, peut estre appelle purgatoire, et tout ce qui sert a la purgation de nos offenses ; mays icy nous appelions Purgatoire, un lieu auquel, après ceste vie, les âmes lesquelles partent de ce monde avant qu'estre parfaictement espurees des souilleures qu'elles ont con- tractées, ne pouvant rien entrer en Paradis qui ne soit * (Apoc, XXI, 27.) pur et net *, sont arrestees pour y estre nettoyées et purifiées. Que si on veut sçavoir pourquoy ce lieu est plustost appelle simplement Purgatoire que les autres moyens de purgation cy dessus apportés, on respondra que c'est parce qu'en ce lieu la on n'y faict autre que la purgation des taches qui sont demeurées au partir de ce monde, et qu'au Baptesme, pénitence, tribulations et autres, non seulement l'ame s'espure de ses imperfections, mays s'enrichit encores de plusieurs grâces et perfections ; qui a faict laisser le nom de Purgatoire a ce lieu de l'autre siècle, lequel, a pro- prement parler, n'est pour autre que pour la purifica- tion des âmes. Et quand au sang de Nostre Seigneur, nous reconnoissons tellement la vertu d'iceluy, que nous protestons par toutes nos prières que la purgation des âmes, soit en ce monde soit en l'autre, ne se faict que par son application ; plus jaloux de l'honneur deu a ceste pretieuse médecine que ceux qui , pour la  Partie ÎII. Chapitre ii. Article il. 365 priser, en mesprisent le saint usage. Donques par le Purgatoire nous entendons un lieu ou les âmes, pour un tems, sont purgées des taches et imperfections qu'elles emportent de ceste vie mortelle.  ARTICLE II DE CEUX CLUI ONT NIE LE PURGATOIRE, ET DES MOYENS DE LE PROUVER  Ce n'est pas une opinion receue a la volée que l'ar- ticle du Purgatoire : il y a long tems que l'Eglise a soustenu ceste créance envers tous et contre tous. Et semble que le premier qui l'a combattu a esté Aerius, hérétique arrien, ainsy que saint Epiphane tesmoigne, Hœr. 75*, et saint Augustin, Hœr. 53, et Socrates, * (§ 8.) lib. 2. cap. 35 (i), il y a environ douze cens ans. Apres, vindrent certaines gens qui s'appelloyent Apostoliques, du tems de saint Bernard ; puys les Petrobusiens, il y a environ cinq cens ans, qui nioyent cncores ce mesme article, comme escrit saint Bernard, Sermone 65 et 66 in Cantica Cant., et en l'epistre 241 *, et Pierre * (Ai. epist. 240.) de Cluny, epistre i et 2(2), et ailleurs*. Ceste mesme * (Epist. infra nota- j Tt j. ^ ' r j_ • • 1 -tr t • ta, divis. penult.) opmion des Petrobusiens fut suivie par les Vaudois, sur l'année 1 1 70, comme recite Guidon en sa Somme * ; * (Cap. i.) et quelques Grecz furent soupçonnés en cest endroit, de quoy ilz se justifièrent au Concile de Florence*, *(Sess. xxv.) et en leur apologie présentée au Concile de Basle (3). (i) Sic apud Genebrardum, Chronogr., lib. IV, anno 556; Socrates vero de Aetio non de Aerio tractât. (2) Aliter Epist. sive Tract, adv. Petrohusianos, in praefat. et in prima divisione. (3) Sic apud Genebrardum, Chronogr., lib. IV, ad calcem Saeculi XV, ubi scribitur Basiliensi erronée, ut videtur, pro Ferrariensi. Vide Concilia, anno 1438, ad initia Concilii Florentini; cf. Bellarm., Controv. de Purgat., lib. I, cap. II.  ^66 Les Controverses En fin, Luther, Zuingle, Calvin et ceux de leur parti ont du tout nié la vérité du Purgatoire, car quoy que Luther, in Disputatione Lipsica, dict qu'il croyoit fermement, ains sçavoit asseurement, qu'il y avoit un Purgatoire, si est ce que par après il s'en dedict, au livre De ahroganda tnissa privata. En fin, c'est l'ordinaire de toutes les factions de nostre aage de se moquer du Purgatoire et mespriser les prières pour les trespassés, mays l'Eglise Catholique s'est opposée vivement a tous ceux cy, a chacun en son tems, avec l'Escriture Sainte en main, de laquelle nos devanciers ont tiré plusieurs belles raysons. Car I. elle a prouvé les aumosnes, prières et autres saintes actions pouvoir soulager les trespassés ; dont il s'ensuit qu'il y a un purgatoire, car : ceux d'enfer ne peuvent avoir aucun secours en leurs peynes ; en Paradis, tout bien y estant, nous n'y pouvons rien porter du nostre pour ceux qui y sont desja ; donques c'est pour ceux qui sont en un troisiesme lieu, que nous appelions Purgatoire. 2. Elle a prouvé qu'en l'autre monde quelques defuncts estoyent délivrés de leurs peynes et péchés ; ce qui ne se pouvant faire ni en enfer ni en Paradis, il s'ensuit qu'il y ait un Purgatoire. 3. Elle a prouvé que plusieurs âmes avant qu'arriver en Paradis passoient par un lieu de peyne, qui ne peut estre que le Purgatoire. 4. Prouvant que les âmes sous terre rendoient hon- neur et révérence a Nostre Seigneur, elle a prouvé quant et quant le Purgatoire, puysque cela ne se peut penser de ces pauvres misérables qui sont en enfer. 5. Par plusieurs autres passages, avec diversité de conséquences toutes néanmoins bien a propos ; en quoy Ton doit d'autant plus déférer a nos Docteurs, que les passages qu'ilz allèguent maintenant ont esté apportés a ce mesme propos par ces grans Pères anciens, sans que pour défendre ce saint article nous soyons allés forger de nouvelles interprétations : qui monstre asses la candeur avec laquelle nous cheminons  Partie III. Chapitre il Article m. 367 en besoigne, la ou nos accusateurs tirent des consé- quences de l'Escriture qui n'ont jamais esté pensées cy devant, ains sont mises tout de frais en œuvre pour seulement combattre l'Eglise. Or nos raysons seront en cest ordre : i. nous cotte- rons les passages de l'Escriture ; puys, des Conciles ; 3. des Pères anciens; 4. de toutes sortes d'autheurs ; après, nous apporterons des raysons, et en fin, nous amènerons les argumens de partie contraire, lesquelz nous monstrerons n'estre pas de mise : ainsy conclu- rons pour la créance de l'Eglise Catholique. Restera que le liseur laisse a part les bericles de sa propre passion, pense attentivement au mérite de nos pro- bations, et se jette aux pieds de la divine Bonté, criant en toute humilité avec David *, Da mihi intellec- * (Ps. cxvm, 3.1.) tum et scrutabor legem. tuam, et custodiam illam in toto corde meOy et Ihors je ne doute point qu'il ne revienne au giron de sa grande Mère, l'Eglise Catholique.  ARTICLE III DE QUELQUES PASSAGES DE l'eSCRITURE ESQUELZ IL EST PARLE DE PURGATION APRES GESTE VIE ET d'un TEMS et d'un LIEU POUR ICELLE  Ce premier argument est invincible : il y a un tems et un lieu de purgation pour les âmes après ceste vie mortelle ; donques il y a un Purgatoire, puysque l'enfer ne peut apporter aucune purgation, et le Paradis ne peut recevoir aucune chose qui ayt besoin de purga- tion. Or, qu'il y ayt tems et lieu de purgation après ceste vie, voicy dequoy :  368 Les CoNTRovÈRsÉâ (Vers. 12.) I. Au Psal. 65*: Transivimus per ignem et aquam, et eduxistî nos in refrigerium. Ce lieu est apporté en preuve du Purgatoire par Origene, homilia 25 *\l^\ in Numéros*, et par saint Ambroise, sur le Psal. 36**, (§ 14.) et au sermon 3* sur le Psal. 118, ou il expose par l'eau, le Baptesme, et par le feu, le Purgatoire. (Vers. 4.) 2. En Isaïe, au 4. chap. * : Purgavit Dominus sordes flliorum et filiarum Sion, et sanguinem emundavit de medio eorum, in spiritu judicii et combustionis. Ceste purgation, faicte en esprit de jugement et de hruslement, est entendue de Purga- toire par saint Augustin, au 1. 20 de la Cité de Dieu, chap. 25. Et de faict, les paroles précédentes favorisent ceste interprétation, esquelles il est parlé de la salva- tion des hommes ; et puys a la fin du chapitre, ou il est parlé du repos des heureux, dont ce qui est dict , purgavit Dominus sordes, se doit entendre de la purgation nécessaire pour ceste salvation ; et parce que ceste purgation est dicte se devoir faire en esprit d'ardeur et de hruslement, elle ne se peut bonnement interpréter que du Purgatoire et du feu d'iceluy. (Vers. 8, 9.) 3. En Michec, au 7. chap.*: Ne Iceteris, inimica mea, super m,e quia cecidi ; consurgam cum sedero in tenebris. Dominus lux mea est; iram Domini portabo, quoniam peccavi ei, donec causant meam judicet et faciat judicium w.eum ; educet m.e in lucem., videbo justitiam ejus. Ce lieu estoit desja en train pour prouver le Purgatoire parmi les Catho- liques, du tems de saint Hierosme, il y a environ 1200 ans, ainsy que le mesme saint Hierosme tes- (In vers. 24.) moiguc sur le dernier chapitre d'Isaïe * ; la ou ce qui est dict, cum sedero in tenebris; iram Domini portabo, donec causant meam judicet, ne se peut entendre d'aucune peyne si proprement comme de celle de Purgatoire. ' (Vers. II.) 4. En Zacharie, 9*: Tu autem, in sanguine tes- tamenti tui, eduxisti vinctos tuos de laçu in quo non est aqua. Le lac duquel sont tirés ces prisonniers n'est que le Purgatoire, duquel Nostre Seigneur les  Partie III. Chapitre ii. Article m. 369 délivra en sa descente aux enfers ; ne se pouvant entendre du Limbo, ou estoient les Pères avant la résurrection de Nostre Seigneur, dans le sein d'Abra- ham, par ce que la il y avoit de l'eau de consolation, comme l'on peut voir en saint Luc, 16*; dont saint * (Vers. 22-25.) Augustin , en l'epistre 99 *, ad Evodium, dict que * (Hodie ep. 164.) Nostre Seigneur visita ceux qui estoient aux tourmens des enfers, c'est a dire, au Purgatoire, et quil les en délivra : dont il s'ensuit quil y a un lieu ou les fidèles sont tenus prisonniers , et duquel ilz peuvent estre délivrés. 5. En Malachie, 3. chap. * : Et sedehit conflans et *(Vers. 3.) emundans argentum ; et purgahit filios Levi, et colahit eos quasi aurum et argentum, etc. Ce lieu est exposé d'une peyne purifiante par Origene, homil. 6 sur l'Exode *, par saint Ambroise, sur le Psal. 36 **, * (§ 4) . , . ** § 26.) par saint Augustin, livre 20 de la Cité de Dieu, chap. 25, et saint Hierosme, sur ce lieu. Nous sça- vons bien qu'ilz l'entendent de la purgation qui se fera a la fin du monde par le feu et conflagration générale, la ou seront purgés les reliquatz des péchés de ceux qui se trouveront vivans ; mais nous ne lais- sons pas d'en tirer un bon argument pour nostre Purgatoire, car, si les personnes de ce tems la ont besoin de purgation avant que de ressentir Teffect de la bénédiction du Juge suprême, pourquoy est ce que ceux qui meurent avant ce tems n'en auront encores besoin ? puysqu'il s'en peut trouver qui auront a la mort quelque reliquat de leurs imperfections. Pour vray, si le Paradis ne peut recevoir aucune tache en ce tems la, il ne les recevra pas encores maintenant. Saint Irenee a ce propos, au chap. 29. livre 5*, dict * (Contra H^ereses. que parce que l'Eglise militante devra monter alhors au céleste palais de son Espoux, et qu'il n'y aura plus tems de purgation, les fautes et déchets d'icelle seront incontinent purgés par ce feu qui précédera le jugement. 6. Je laisse a part le passage du Psal. 37 *, Domine *(Vers. i.) ne in furore tuo arguas me, neque in ira tua 24  37<^ Les Controverses * (In Psai. XXXVII, corriptus me ; lequel saint Augustin * interprète de l'enfer et du Purgatoire, si que in furore argui soit pour la peyne éternelle, in ira corripi soit pour la peyne du Purgatoire.  ARTICLE IV  D UN AUTRE PASSAGE, DU NOUVEAU TESTAMENT, A CE PROPOS  * (Cap. III, 13-15.) 7. En la première des Corinthiens*: Dies Domini declarahit, quia in igné revelabitur, et uniuscujus- que opus qualis sit ignis prohahit ; si cujus opus manserit quod superœdificavit, mercedem accipiet, si cujus opus arserit, detrimentum patietur ; ipse autem salvus erit , sic tamen quasi per ignem. On a tenu tousjours ce passage icy pour Tun des plus illustres et difficiles de toute l'Escriture. Or en iceluy, comme il est aysé a voir a qui regarde de près tout * (Vers. 12.) le chapitre, l'Apostre use * de deux similitudes : la première est d'un architecte qui fonde une maison précieuse et de matière solide sur un roc, la seconde est de celuy qui sur un mesme fondement dresse une maison d'ais , de cannes et de chaume. Imaginons maintenant que le feu se mette en l'une et en l'autre maison : celle qui est de matière solide sera hors de fortune, et l'autre sera reduicte en cendres ; que si l'architecte est dans la première, il y demeurera sain et sauve, que s'il est dans la seconde, s'il se veut eschapper il faudra qu'il se rue a travers le feu et la flamm.e, et se sauvera tellement qu'il portera les mar- ques d'avoir esté au feu : Ipse autem salvus erit^ sic tamen quasi per ignem.. , Le fondement en ceste similitude est Nostre Sei- nvers' iô\ gneur; dont saint Pol dict*. Ego plantavi, et**. Ego ut sapiens architectus fundamentum posuij et puys  Partie III. Chapitre il Article iV. 371 après* : Ftindamentum enim aliud nemo ponere *(Vers. n.) potest prœter id quod positum est, quod est Chris- tus Jésus. Les architectes sont les prédicateurs et docteurs de l'Evangile ; comme l'on peut connoistre considérant attentivement les paroles de tout ce chapi- tre, et comme l'interprètent saint Ambroise et Sedule (i) sur ce lieu. Le jour du Seigneur duquel il est parlé, s'entend le jour du jugement, lequel en l'Escriture a ac- coustumé d'estre appelle jour du Seigneur; en Joël, 2*, *(Vers. i.) Veniet dies Domini, en Sophonie, i *, Juxta est dies * (Vers. 7.) Domini : puys, par ce qu'y est adjousté, dies Domini declarahit, car c'est a ceste journée la que se décla- reront toutes les actions du monde : en fin, quand l'Apostre dict, quia in igné revelatur, il monstre asses que c'est le dernier jour du jugement ; en la seconde des Thessaloniciens, i *, In revelatione Domini nostri *(Vers. 7, 8.) Jesu Christi de cœlo, cum Angelis virtutis ejus, in flamma ignis, au Ps. 96*, Ignis ante ipsum * (Vers. 3.) prœcedet. Le feu par lequel l'architecte se sauve, ipse autem. salvus erit, sic tamen quasi per ignem, ne se peut entendre d'autre que du feu de Purgatoire ; car, quand l'Apostre dict qu'il se sauvera, il exclud le feu de l'enfer auquel personne ne se peut sauver, et quand il dict qu'il se sauvera par le feu, et qu'il parle de celuy seulement qui a suredifié le bois, la canne, le chaume, il monstre ne parler du feu qui précédera le jour du jugement, puysque' par iceluy passeront, non seulement ceux qui auront suredifié de ces matières légères, mays encores ceux qui auront suredifié l'or, l'argent, etc. Toute ceste interprétation, outre ce qu'elle s'apparie très bien avec le texte, est encores très authentique pour avoir esté suivie, d'un commun consentement, par les anciens Pères. Saint Cyprien, 1. 4. epistre 2 *, *('A/. ep. 52, §20.) semble faire allusion a ce passage ; saint Ambroise sur ce lieu, saint Hierosme sur le 4. d'Amos *, saint * (In vers, n.)  (i) Sedulius Scotus, junior, saeculo ix, Collectanea in omnes B. Pauli Epistolas, in I Cor., m.  37^ Les Controverses *{Dialog., 1. IV, Augustin sur le Ps. 37, saint Grégoire*, Rupert *('lnCommentario.) et les autres y sont tout exprès*; et des Grecz, Ori- * (§ 4-) gène, en l'homélie 6 sur Exode *, Œcumene sur ce cxvni'coLéX) passage*' ou il allègue saint Basile**, et Theodoret (i) **(ln is., IX, 19.) rapporté par saint Thomas en l'opuscule premier, *(Divis.uit.,Q«o^ Contre les Grecz ^. est Furgatorium.) ^ î On dira qu'en ceste interprétation il y a de l'équi- voque et du malséant, en ce que le feu duquel il est parlé est pris ores pour le feu de Purgatoire, ores pour celuy qui précédera le jour du jugement. On respond que c'est une élégante façon de parler par la confrontation de ces deux feux, car voicy le sens de la sentence : le jour du Seigneur sera esclairé par le feu qui le précédera, et comme ce jour la sera esclairé par le feu, ainsy ce mesme jour par le jugement esclaircira le mérite et le défaut de chaque œuvre ; et comme chaque œuvre sera esclaircie, ainsy les ouvriers qui auront ouvré avec imperfections seront sauvés par le feu du Purgatoire. Mais outre ce , quand nous dirions que saint Pol use diversement d'un mesme mot en un mesme passage, ce ne seroit pas chose nouvelle, car il en use de ceste façon en autres lieux, mais si proprement que cela sert d'ornement a son *(Vers. 21.) langage, comme en la 2. des Corinthiens, 5 *, Eum qui non noverat peccatum^ pro nobis peccatum fecit ; la ou qui ne voit que peccatum pour la première fois se prend proprement, pour l'iniquité, et la seconde fois, figurement, pour celuy qui porte la peyne du péché ? On dira encores qu'il n'est pas dict qu'il sera sauvé par le feu, mays comme par le feu, et que partant on ne peut pas conclure le feu du Purgatoire en vérité. Je respons qu'il y a de la similitude en ce passage, car l'Apostre veut dire que celuy duquel les œuvres ne sont pas du tout solides, sera sauvé comme l'architecte qui s'eschappe du feu ne laissant pas pour cela de  (i) In I Cor., III, 15. Hodie locus desideratur inter commentarios Theodo- reti : vide Patrol. grœc, tom. LXXXII, col. 251, in notis.  Partie III. Chapitre ii. Article v. 373 passer par le feu, mays un feu d'autre calibre que n'est le feu qui brusle en ce monde. Il suffit que de ce passage on conclud ouvertement, que plusieurs qui prendront possession du royaume du Paradis passeront par le feu : or ce ne sera pas le feu d'enfer, ni le feu qui précédera le jugement ; ce sera donques le feu de Purgatoire. Le passage est difficile et malaysé, mays bien considéré il nous faict une manifeste conclusion pour nostre prétention. Et voyla quand aux lieux par lesquelz on peut re- marquer qu'après ceste vie il y a un tems et un lieu de purgation.  ARTICLE V DE aUELQUES AUTRES LIEUX, PAR LESaUELZ LA PRIERE l'aUMOSNE et les saintes actions POUR LES TRESPASSÉS SONT AUTHORISEES  Le 2. argument que nous tirons de la sainte Parole pour le Purgatoire est prins du 2. des Machabees, au chap. 12*; la ou l'Escriture raconte que Judas Ma- * (Vers. 43.) chabee envoya en Hierusalem douze mille dragmes d'argent pour faire des sacrifices pour les morts, et après elle adjouste * : Sancta ergo et saluhris est * (Vers. 46.) cogitatio pro defunctis exorare, ut a peccatis sol- vant ur ; car, voicy nostre discours : c'est chose sainte et prouffitable de prier pour les morts affin qu'ilz soient délivrés de leurs péchés, donques après la mort il y a encores tems et lieu pour la remission des péchés ; or ce lieu icy ne peut estre ni l'enfer ni le Paradis, donques c'est le Purgatoire. Cest argument est si bien faict, que pour y respon- dre nos adversaires nient Tauthorité du Livre des  374  Les Controverses  Machabees, et le tiennent pour apocriphe : mays a la vérité ce n'est qu'a faute d'autre response ; car ce Livre icy a esté tenu pour authentique et sacré par le * qui fut iiy a en- Concilc de Carthagc 3 *, au canon 47, et par Innocent i, vlron 1200 ans, et -ti - , jrr • j. ' j. x j.' auquel se trouva cu 1 cpistrc ad hxuperium , ct par saint Augustin , st Augustin, corn- J ig de la Cité de Dieu, chap. 36, duquel voicy les me récite Prosper ' x- o ? t. j in chron. parolcs : Libros Machabœorum non Judcei sed Ecclesia pro canonicis habet, et le mesme saint Augustin, au 1. 2 De doctrina Christiana, chap. 8, et Gelase(0, au décret des Livres canoniques qu'il fit en un Concile de 70 Evesques , et plusieurs autres * (Vide supra, Pars Percs qu'il scroit long a citer*. De manière que vou- 162,^163"^^'^^ loir respondre niant l'authorité du Livre, c'est nier quant et quant l'authorité de l'antiquité. On sçait bien tout ce qu'on apporte pour le prétexte de ceste négative, qui ne faict pour la pluspart que monstrer la difficulté qu'il y a es Escritures, non au- cune fauseté en icelles ; seulement il me semble néces- saire de respondre a une ou deux objections qu'ilz font. La première, c'est qu'ilz disent la prière avoir esté faicte pour monstrer la bonne affection qu'ilz avoyent a Tendroit des defuncts, non pas qu'ilz pensassent les defuncts en avoir besoin ; mays l'Escriture y contredict par ces paroles, ut a peccatis solvantur. 2. Hz objectent que c'est un manifeste erreur de prier pour la résurrection des morts avant le jugement, car c'est présupposer, ou que les âmes resuscitent et par conséquent meurent, ou que les cors ne resuscitent pas si ce n'est par l'entremise des prières et bonnes actions des vivans, qui seroit contre l'article, Credo resurrectionem mortuorum : or, que ces erreurs soyent présupposés en ce lieu des Machabees, il appert * (Vers. 44.) par ces paroles * : nisi enim eos qui ceciderant re- surrecturos speraret, superfluum videretur et va- nu}n pro defunctis orare. On respond que en cest endroit ilz ne prient pas pour la résurrection ni de  (i) D'après une opinion assez reçue à son époque, le Saint a écrit Damase ; mais ailleurs il attribue justement ce décret à Gélase, voir p. 163, 2* leçon.  Partie III. Chapitre ii. Article v. 375 l'ame ni du cors, mays seulement pour la délivrance des âmes ; en quoy ilz presupposoyent l'immortalité de Tame, car, s'ilz eussent creu que l'ame fust morte avec le cors, ilz n'eussent point pris de soin de leur déli- vrance ; et par ce que, parmi les Juifz, la créance de l'immortalité de l'ame et de la résurrection des cors estoient tellement jointes ensemble que qui nioit l'une nioit l'autre , pour monstrer que Judas Machabeus croyoit l'immortalité de l'ame il dict qu'il croyoit la résurrection des cors. Ainsy l'Apostre prouve la résurrection des cors par l'immortalité de l'ame, quoy qu'il se peut faire que l'ame soit immortelle sans la résurrection des cors : voicy comme il y a, en la i. des Corinthiens, 15*: Quid mihi prodest si tnortui non * (Vers. 32.) resurgunt ? comedamus et hihamuSy crus enim mo- rianur ; or il ne s'ensuivroit aucunement qu'il fallust s'abandonner ainsy, encores qu'il n'y eust point de résurrection, car l'ame qui demeureroit en estre souf- friroit la peyne deûe aux péchés , et recevroit le guerdon des vertus ; saint Pol donques , en cest en- droit la, met en conte la résurrection des morts pour l'immortalité de l'ame, par ce que, de ce tems la, qui croyoit l'un croyoit l'autre. Il n'y a donques point de lieu de refuser le tesmoi- gnage des Machabees en preuve d'une juste créance : que si, a tout rompre, nous le voulons prendre comme tesmoignage d'un simple mays grave historiographe, ce qu'on ne nous peut refuser, au moins faudra il confesser que la Sinagogue ancienne croyoit un Pur- gatoire, puysque toute ceste armée la fut si prompte a prier pour les defuncts. Et a la vérité nous avons des marques de ceste dévotion en d'autres passages de l'Escriture, qui nous doit faciliter la réception de celuy que nous venons d'alléguer ; en Tobie, 4. chap. * : Panem tuum et * (Vers. 18.) vïnum tuum super sepulturam justi constitue, et noli ex eo manducare et hibere cum peccatorihus ; certes, ce vin et ce pain ne se mettoyent pour autre sur la sépulture sinon pour les pauvres, affin que l'ame  376 Les Controverses du defunct en fust aydee, comme disent communément . les interprètes sur ce passage. Peut estre qu'ilz diront que ce Livre est apocriphe, mays toute l'antiquité l'a tous] ours tenu en crédit ; et pour vray, la coustume de mettre la viande pour les pauvres es sépultures est très ancienne, mesme en l'Eglise Catholique, car saint Chrysostome, qui vivoit il y a plus de 1200 ans, *(Ai.xxxi,%4.) en l'homélie 32 *, sur le g. de saint Mathieu, en parle en ceste façon : Cur post mortem tuorum paupe- res convocas ? cur preshiteros ut pro eis orare velint ohsecras ? Mays que penserions nous des jeusnes et austérités que faisoyent les Anciens après la mort de leurs amis ? Ceux de Jabes Galaad, après la mort de Saiil, jeus- nerent sept jours sur iceluy ; autant en fit David et les siens sur le mesme Saiil, Jonathan et ceux de sa suite, * (Vers. 13.) au I. des Roys, dernier chapitre*, et au 2., chap. i ** : **(Vers. 12.) on ne pourroit penser que ce ne fust pour secourir les âmes des defuncts, car a quel autre propos peut on rapporter le jeusne de sept jours ? Aussi David, * (Vers. 16.) qui au 2. des Roys, 12. chap.*, jeusna et pria pour * (Vers. 20.) son filz malade, après sa mort cessa de jeusner *, monstrant que quand il jeusnoit, c'estoit pour obtenir ayde au malade, lequel estant mort, parce qu'il mouroit enfant et innocent, n'avoit besoin d'ayde, et partant *(in Samuel. proph. il ccssa de jcusncr i Bede *, il y a plus de 700 ans, 1 IV ex) ' " interpréta ainsy la fin du premier Livre des Roys. De manière qu'en l'ancienne Eglise la coustume estoit desja entre les saintes personnes, d'ayder par prières et saintes actions les âmes des trespassés, qui suppose clairement la foy d'un Purgatoire. Et c'est de ceste coustume que parle tout ouverte- * (Vers. 29.) ment saint Pol en la i. des Corinthiens, 15. chap.*, l'alléguant comme louable et bonne : Quid facient, dict il, qui bapti^antur pro mortuis, si tnortui non resurgunt ? ut quid et hapti^antur pro illis ? Ce lieu bien entendu monstre très clairement la coustume de la primitive Eglise de jeusner, prier, /veiller pour les âmes des trespassés : car, premièrement, es Escri-  Partie III. Chapitre ii. Article v. 377 tures, estre baptizé se prend fort souvent pour les afflictions et pénitences, comme en saint Luc, 12. chap.*, *(Vers. 50.) Nostre Seigneur parlant de sa Passion, il dict : Bap- tîsmo habeo hapti^ari, et quomodo coarctor donec perficiatur? et luy mesme en saint Marc, 10*, Potes- * (Vers. 38.) tis bîbere calicem quem ego hibiturus sum, et baptismo quo ego bapti\or bapti^ari ? ou Nostre Seigneur appelle baptesme ses peynes et afflictions. Voicy donques le sens de ceste Escriture : si les morts ne resuscitent point, a quoy faire prend on peyne et affliction, priant et jeusnant pour les morts? et certes, ceste sentence de saint Pol ressemble a celle des Machabees cottee cy dessus : Super/luum est et vanum orare pro mortuis, si mortui non resur- gunt. Qu'on me tourne et transfigure ce texte en tant d'interprétations que l'on voudra, qu'il n'y en aura pas une qui joigne bien a la sainte Lettre que celle cy. Ni ne faudroit pas dire que le baptesme duquel parle saint Pol soit seulement un baptesme de tristesses et de larmes, non de jeusnes, prières et autres actions, car avec ceste intelligence sa conclusion seroit très mauvaise : il veut conclure que si les morts ne resus- citent point, et si l'ame est mortelle, qu'en vain s^afflige l'on pour les morts ; mais, je vous prie, n'auroit on pas plus d'occasion de s'affliger par tristesse pour la mort des amis s'ilz ne resuscitent point, perdant toute espérance de jamais les revoir, que s'ilz resuscitent ? Il entend donques des afflictions volontaires que l'on faisoit pour impetrer le repos des defuncts, lesquelles sans doute on prattiqueroit en vain si les âmes estoyent mortelles, ou que les morts ne resuscitassent point ; en quoy il se faut souvenir de ce qui a esté dict cy dessus *, que l'article de la résurrection des morts et * (Pag. 37^. celuy de l'immortalité de l'ame estoyent conjoincts tellement ensemble en la créance des Juifz, que qui advouoit Tun, advouoit l'autre, et que qui nioit Tun, nioit l'autre. Il appert donques par ces paroles de saint Pol, que la prière, jeusne et autres saintes afflictions se faisoyent louablement pour les defuncts ; or, ce  378 Les Controverses n'estoit pour ceux de Paradis, qui n'en avoyent besoin, ni pour ceux d'enfer, qui n'en pouvoyent recevoir le fruict, c'est donques pour ceux de Purgatoire : ainsy Ta exposé, il y a 1200 ans, saint Ephrem en son '(Post médium.) Testament*, et les Pères qui ont disputé contre les Petrobusiens. Autant en peut on déduire de ce que disoit le bon '(Vers. 42.) larron, en saint Luc, 23*, Ihors que, s'addressant a Nostre Seigneur , il luy dict : Mémento mei dum veneris in regnum tuum ; car pourquoy se fust il recommandé , luy qui s'en alloit mourir, s'il n'eust creu que les âmes après la mort pouvoyent estre secou- rues et aydees ? Saint Augustin, 1. 6 contre Julien, (^^•^5-) chap. 5*, prouve de ce passage que quelques péchés sont pardonnes en l'autre monde.  ARTICLE VI DE aUELQUES LIEUX DE l'eSCRITURE PAR LESaUELZ IL EST PROUVE QUE aUELaUES PÉCHÉS PEUVENT ESTRE PARDONNES EN l'autre MONDE  Il y a quelques péchés qui peuvent estre pardonnes en l'autre monde ; ce n'est ni en enfer ni au ciel, c'est donques en Purgatoire. Or, qu'il y ait des péchés qui se pardonnent en l'autre monde, nous le prouvons^ premièrement, par le passage de saint Mathieu, au (Vers. 32.) 12. chap. *, ou Nostrc Seigneur dict qu'il y a un péché qui ne peut estre pardonné ni en ce siècle ni en Vautre; donques il y a des péchés qui peuvent estre remis en l'autre siècle, car, s'il n'y avoit point de péchés qui puissent estre remis en l'autre siècle, il n'estoit ja nécessaire d'attribuer ceste propriété a une sorte de péché de ne pouvoir estre remis en Fautre  Partie III. Chapitre ii. Article vi. 379 siècle, ains suffisoit de dire qu'il ne pouvoit estre remis en ce monde. Certes, quand Nostre Seigneur eut dict a Pilate, Regniim meum non est de hoc mundo, en saint Jan, 18*, Pilate fit ceste conclusion : * (Vers. 36.) Ergo Rex es tu * ? laquelle fut trouvée bonne par * (Vers. 37.) Nostre Seigneur, qui y consentit ; ainsy quand il dict qu'il y a un péché qui ne peut estre pardonné en l'autre siècle, il s'ensuit très bien, donques il y en a d'autres qui peuvent estre remis. Hz voudront dire que ces paroles, neque in hoc sœculo neque in alio, ne veulent dire autre chose sinon, in ceternum^ ou, numquam, comme l'a dict saint Marc, au chap. 3*, * (Vers. 29.) non habet remissionem in œternum. Cela va bien, mays nostre rayson ne perd rien de sa fermeté pour cela : car, ou saint Mathieu a bien exprimé l'intention de Nostre Seigneur, ou non ; on n'oseroit dire que non, et s'il l'a bien exprimée, il s'ensuit tousjours qu'il y a des péchés qui peuvent estre remis en l'autre siècle, puysque Nostre Seigneur a dict qu'il y en a un qui ne peut estre remis en l'autre siècle. Mays de grâce, dites moy, si saint Pierre eust dict en saint Jan, 13*, Non lavabis mihi pedes in hoc sœculo * (Vers. 8.) neque in alio, n'eust il pas parlé gaussement, puys- que en l'autre monde ilz ne peuvent estre lavés? aussi dict il, in œternum. Il ne faut donques pas croire que saint Mathieu eust exprimé Tintention de Nostre Sei- gneur par ces paroles, neque in hoc sœculo neque in alio, si en l'autre il n'y peut avoir remission ; on se moqueroit de celuy qui diroit, je ne me marieray ni en ce monde ni en l'autre, comme s'il entendoit qu'en l'autre monde l'on peut se marier. Qui dict donq un péché ne pouvoir estre remis ni en ce siècle ni en l'autre, il présuppose qu'on puisse avoir remission de quelques péchés en ce monde, et en l'autre encores. Je sçay bien que nos adversaires taschent par diverses interprétations de parer a ce coup icy, mays il est si bien porté qu'ilz ne s'en peuvent eschapper ; et de vray il vaut bien mieux avec les Pères anciens enten- dre proprement, et avec toute la révérence que l'on  380 Les Controverses peut, les paroles de Nostre Seigneur, que pour fonder une nouvelle doctrine les rendre grossières et mal agencées. Saint Augustin, lib. 21 de Civii. Dei , * (§ 2.) chap. 24*, saint Grégoire, 1. 4 de ses Dialogues, *(ln vers. 29, 30.) chap. 39, Bede, sur le 3. de saint Marc *, saint Bernard, *(§ii-) en l'homélie 66 sur les Cantiques*, et ceux qui ont escrit contre les Petrobusiens se sont servis de ce passage pour nostre intention, avec tant d^asseurance, que saint Bernard pour déclarer ceste vérité n'en apporte point d'autre, tant il faict estât d'iceluy. *jVers. 2s, 26.) En saint Mathieu, 5*, et en saint Luc, 12**: Esto ers. 5 , 59. j consentiens adversario tuo cito, dum es cum eo in via; ne forte tradat te adversarius judici, judex tortori, et mittaris in carcerem : amen, dico tihi, non exies inde donec reddas novissimum quadran- LuSm")' ^^^^ ^" tem, Origene*\ saint Cyprien *^, saint Hilaire *3, saint ^'^ (Ep. LU, § 20.) Ambroise *'^, saint Hierosme *^ et saint Auofustin *^ '3 (Inlocum Matt.) ' ^ . , , ., _ _ ^ *MiniocumLuc£e.) disent que le chemin^ duquel il est dict, dum es in *« {Serm!cix, c.^in.j '^^^> ^'est autre que le passage de la présente vie. L'adversaire sera nostre propre conscience, qui combat tousjours contre nous et pour nous, c'est a dire, qu'il résiste tousjours a nos mauvaises inclinations et a nostre viel Adam pour nostre salut, comme exposent ^1 (Ubi supra.) saint Ambroise *S Bede *2, saint Auofustin *^, saint ^ (Inlocum Lucae.) ' ' & ' *3 (Ubi supra.) Grégoire *'^ et saint Bernard *^, en divers lieux. Le ** (Hom. XXXIX in . *" i tvt o • • t *« Evang., § ^.) juge est saus doute Nostre Seigneur, en saint Jan, 5 *** : *6 'Te^s.^22!')^^^^''* P^t^f^ omne judicium dédit Filio, La prison pareil- lement, l'enfer, ou le lieu des peynes de l'autre monde, auquel, comme en une grande gëole, il y a plusieurs demeures, l'une pour ceux qui sont damnés, qui est comme pour les criminelz, l'autre qui est pour ceux qui sont en Purgatoire, qui est comme pour debtes. Le quatrain duquel il est dict, non exies inde donec reddas novissimum. quadrantejn, sont les petitz péchés et d'infirmité, comme le quatrain est la moindre monnoye qu'on peut devoir. Maintenant, considérons un peu ou se doit faire ceste reddition de laquelle parle Nostre Seigneur, donec reddas 'novissimum quadrantem. Et i., nous trouvons des très anciens  Partie III. Chapitre il Article vl 381 Pères qui ont dict que c'estoit en Purgatoire : Ter- tullien, lihro De Animai cap. 58 ; Cyprien, 1. 4 epis- tolarum, 2 *; Origene, en l'homélie ^5, sur ce lieu**; K^^^p. m, § 20.) T- 1 T- • -,,^ ,. nr^ . , • Ih locum LucoE. Jiusebe limissene, en Ihomelie 3 de l'Epiphanie i^i ; saint Ambroise, sur le chap. 12 de saint Luc*; saint * (In vers. 58, 59.) Hierosme, sur le 5. de saint Mathieu ; saint Bernard, sermone de ohitu Humberti '^. 2. Quand il est dict, *(§8.) donec solvas ultimum quadrantem, n'est il pas pré- supposé qu'on le puisse payer, et qu'on puisse telle- ment diminuer la debte qu'il n'en reste plus que le dernier liard ? que si comme quand il est dict au Psalme *, Sede a dextris meis donec ponam ini- * (Ps. cix, i.) mïcos tuoSy etc., il s'ensuit très bien, ergo aliquando ponet inimicos scahellum pedum, ainsy, disant non exies inde donec reddas, il monstre que aliquando reddet vel reddere potest. 3. Qui ne voit qu'en saint Luc 12, la comparaison est tirée non d'un homicide, ou de quelque criminel qui ne peut avoir espérance de son salut, mais d'un débiteur qui est mis en prison jusques a payement, lequel estant faict, incontinent il est mis dehors ? Voicy donques l'intention de Nostre Seigneur : que , pendant que nous sommes en ce monde, nous taschions par la pénitence et ses fruictz de payer, selon la puissance que nous en avons par le sang du Rédempteur, la peyne a laquelle nos péchés nous ont obligés ; puysque, si nous attendons la mort, nous n'en aurons pas si bon conte au Purgatoire, ou nous serons traittés a la rigueur. Tout cecy semble avoir esté dict par Nostre Seigneur mesme en saint Mathieu , 5 *, quand il dict : Qui * (Vers. 22.) irascitur fratri suo, reus erit judicio, qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio, qui dixerit fatue, reus erit gehennce ignis. Icy il s'agit de la peyne qu'on doit recevoir par le jugement de Dieu, comme il appert par ces paroles, reus erit gehennce (1) Ita apud Bellarminum, Controv. de Purgat., lib. I, cap. vu. Hodie convenit inter omnes, collectionem homiliarum olim Eusebio Emisseno sive Emeseno adscriptam, ex operibus Brunonis Astiensis aliorumque latinorum recentiorum confectam fuisse.  3B2 Les Controverses ignis ; et néanmoins il n'y a que la troisiesme sorte d'offense qui soit punie par l'enfer ; donques au juge- ment de Dieu, après ceste vie, il y a des autres peynes, qui ne sont pas éternelles ni infernales ; ce sont les peynes de Purgatoire. On peut dire que ces peynes *(Deserm Dom.in ge souffrirout en ce moudc , mays saint Auefustin * et monte, 1. I, c. ix.) -^ ° les autres Pères l'entendent pour l'autre monde ; et puys, ne se peut il pas faire qu'un homme meure sur la première ou seconde offense de laquelle il est parlé icy, et celuy la, ou payera il les peynes deiies a son offense ? ou si vous voules qu'il ne les paye point, quel lieu luy donneres vous pour sa retraite après ce monde ? vous ne luy bailleres pas l'enfer, sinon que vous voulies adjouster a la sentence de Nostre Sei- gneur, qui ne baille l'enfer pour peyne qu^a ceux qui auront faict la troisiesme offense ; le loger en Paradis vous ne le deves faire, parce que la nature de ce lieu céleste rejette toute sorte d'imperfection ; n'allè- gues pas icy la miséricorde du Juge, car il déclare en cest endroit qu'il veut encores user de justice : faites donques comme les anciens Pères, et dites qu'il y a un lieu ou elles seront purgées, et puys s'en iront la haut en Paradis. * (Vers. 9.) En saint Luc, au i6. chap. *, il est escrit : Facile vobis amicos de mammona iniquitatiSy ut cum defeceritis , recipiant vos in œterna tahernacula. Défaillir, qu'est ce autre que mourir? et les amis, que sont ilz autre que les Saints ? les interprètes l'en- tendent tous ainsy ; dont il s'ensuit deux choses, et que les Saints peuvent ayder les hommes trespassés, et que les trespassés peuvent estre aydés des Saints : car a quel autre propos peut on entendre ces paroles, facite amicos qui recipiant} il ne se peut entendre de l'aumosne, car souventefois l'aumosne est bonne et sainte, et toutefois ne nous acquiert pas des amis qui nous puissent recevoir en éternel^ tabernacles, comme quand elle est faicte a des personnes mauvaises avec sainte et droitte intention. Ainsy est exposé ce '(iniocum.) passage par saint Ambroise *, et par saint Augustin,  Partie III. Chapitre ii. Article vu. 3S3 1. 21 de la Cité de Dieu, chap. 27*; mais la para- *(§5.) bole de laquelle use Nostre Seigneur est trop claire pour nous laisser douter de ceste interprétation, car la similitude est prise d'un économe lequel, estant desmis de son office et appauvri, demandoit secours a ses amis, et Nostre Seigneur apparie Testre desmis a la mort, et le secours demandé aux amis, a l'ayde que l'on reçoit, après la mort, de ceux auxquelz l'on a faict l'aumosne ; ceste ayde ne se peut recevoir par ceux qui sont en Paradis ou en enfer, c'est donques par ceux qui sont en Purgatoire.  ARTICLE VII DE QUELQUES AUTRES LIEUX DESaUELZ PAR diversité de CONSEQUENCES ON CONCLUD LA VÉRITÉ DU PURGATOIRE  Saint Pol aux Philippiens, 2 *, dict telles paroles : * (Vers. 10.) Ut in nomine Jesu omne genu flectatuVy cœlestium, terrestrium et infernorum. Aux cieux on trouve asses de genoux qui fléchissent au nom du Rédemp- teur, en terre l'on en trouve beaucoup en l'Eglise militante ; mays en enfer, ou est ce que nous en trou- verons ? David se desfie d'y en trouver aucun quand il dict , In inferno autem quis confitebitur tibi ? Ps. 6*, et Ezechias, en Isaïe 38 **, Quia non infernus *J^lll\^^l^ confitebitur tibi ; ou se doit encores rapporter ce que chante David ailleurs *, Peccatori autem dixit Deus : "^ (Ps. xux, lé.) quare tu enarras justitias meas et assumis testa- mentum meum per os tuum ? car si Dieu ne veut recevoir louange du pécheur obstiné, comment est ce qu'il permettroit a ces misérables damnés d'entre- prendre ce saint office ? Saint Augustin faict grand  384 Les Controverses conte de ce lieu pour ce propos, 1. 12 du Genèse, au chap. 33. Il y a un semblable passage en l'Apoca- (Vers. 2, 3.) lipse, 5 * : Quis dtgnus est aperire lihrum et solvere septem signacula ejus ? et nemo inventus est^ neque in cœlOy neque in terra, neque suhtus terrant ; et (Vers. 13, 14.) plus bas au mesme chapitre * : Et omnem creaturam, quœ in cœlo est^ et super terrant, et sub terra, ontnes audivi dicentes Sedenti in throno et Agno : Benedictio , et honor, et gloria, et potestas , in sœcula sœculorum ; et quatuor anintalia dicehant. Amen : ne constitue il pas icy une Eglise en laquelle Dieu soit loué sous terre ? et que peut elle estre, si ce n'est celle du Purgatoire ?  ARTICLE VIII DES CONCILES aUI ONT RECEU LE PURGATOIRE COMME ARTICLE DE FOY  (Art. II.) Aerius, comme j'ay dict cy devant *, commença a prêcher contre les Catholiques, disant les prières qu'ilz faisoyent pour les morts estre superstitieuses ; il a encores des sectateurs en nostre aage quand a ce chef. (Matt., XVIII, 15- Nostre Seigneur nous baille la règle en son Evangile * comme on se doit comporter en semblables occasions : Si peccaverit in te f rater tuus, etc., die Ecclesiœ ; si quis Ecclesiam non audiverit, sit tibi tanquam ethnicus et publicanus. Oyons donques ce que dict *i(Concii.,an.397.) ^'^glise en ccst endroit : en Afrique, au Concile de *MA/°°8^)^^^ Carthage 3*', c, 29, et au 4., c. 79; en Espaigne, au *« (Cabiiionen. II, Coucilc Bracarcnsc *', c. 34 et 39*^; en France, au can.xxxix; an.813.) >-. .-i i /-^-i i 4-/ «i f -r^ >-. *ii *»(Corp.TurisCan., Concilc de Chalon**, comme il est rapporte De Consec.^, •«7a1!'i5; an^533') ^^"^^* ^' ^^^' Visum est, au Concile d'Orléans 2, c. 14 *^ ; *' (^^^o 868.) en Allemagne, au Concile Wormatiense *'', c. 80 ; en  17  Partie III. Chapitre ii. Article viit. 385 Italie, au Concile 6 sous Symmachus * ; en Grèce, *(Anno 504.) comme on peut voir en leurs Sinodes recueillies par Martin Bracarense (i), c. 6g : et par tous ces Conciles vous verres que l'Eglise tient pour authentique la prière pour les trespassés, et par conséquent le Pur- gatoire. Et par après, ce que par parties elle avoit défini, elle Ta défini en son cors gênerai, au Concile de Latran sous Innocent 3, c. 66, au Concile de Flo- rence, ou se trouvèrent toutes nations, sess. dernière, et finalement au Concile de Trente, sess. 25*. *(initio.) Mays quelle plus sainte resolution de l'Eglise vou- droit on avoir que celle qui est couchée en toutes les Messes d'icelle ? Regardes les liturgies de saint Jaques, saint Basile, saint Chrysostome, de saint Ambroise, desquelles se servent encores a présent tous les Chres- tiens orientaux, vous y verres la commémoration pour les morts comm'elle se voit en la nostre a peu près. Quoy ? si Pierre Martyr, Tun des habiles qui aye suyvi le parti contraire, sur le 3. c. de la i. aux Corinthiens*, confesse que toute l'Eglise a suyvi ceste * (Disquisitio in . . . , , r • j , , Purgat., ad ^)l\ 14, opmion, je n ay plus a taire de m amuser sur ceste 15.) preuve. Il dict qu'elle a erré et failly ; ah, qui croiroit cela? Quïs es tu qui judicas Ecclesiam Dei^ ? Si *(Cf.Rom.,xiv,4.) quis Ecclesiam non audiverit, sit tibi tanquam ethnicus et puhlicanus *. Ecclesia est flrmamen- * (Matt., xvm, 17.) tum et columna veritatis'^, et portée inferi non *(iTim., m, 15.) prcevalehunt adversus eam *. Si sal evanuerit, * (Matt, xvi, 18.) in quo salietur"^ ? si Ecclesia erraverit , a quo * (Matt., v, 13.) corripietur ? si Ecclesia^ fida custos veritatis, veritatem amiserit, veritas a quo reperietur ? si Christus Ecclesiam ahjecerit, quem recipiet ? qui neminem nisi per Ecclesiam admittit. Et si l'Eglise peut errer, et vous, Pierre Martyr, pourries vous pas errer ? sans doute : je croiray donques plus tost que vous ayes erré que l'Eglise. (i) Capitula collecta a Martino, Episcopo Bracarensi : Concilia, anno 572.  )è6  Les Controverses  ARTICLE IX  DES PERES ANCIENS  C'est chose belle et pleyne de toute consolation, de voir le beau rapport que l'Eglise praesente a avec l'ancienne, particulièrement en la créance : disons ce qui faict a nostre propos sur le Purgatoire. Tous les anciens Pères l'ont creu, et attesté que c'estoit la foy Apostolique ; voicy les autheurs que nous en avons : entre les disciples des Apostres, saint Clément et saint Denis ; après, saint Athanase, saint Basile, saint Gré- goire Nazianzene, Ephrem, Cyrille, Epiphane, Chry- sostome, Grégoire Nyssene, Tertullien, Cyprien, Am- broise, Hierosme, Augustin, Origene, Boece, Hilaire, c'est a dire, toute l'antiquité, mesme devant douze centz ans que tous ces Pères ont vescu : desquelz il m'eust esté très aysé d'apporter les tesmoignages, qui sont recueillis exactement es livres de nos Catholiques, *(DeSacram , cap. ^^ livre de Canisius, en son Catéchisme^, de Sande- IX de Pœnit.) ' ' *(Lib. vil.) rus. De visihili Moiiarchia'^y de Genebrard, en sa * (Libris III, IV, Chrofiologie *, de Bellarmin, en sa Controversie du ad calcem cujusque saeculi.) *(Lib. I, c. X.) **(Prompt.Cathol  **  Purgatoire *, de Stapleton, en son Promptuaire mays sur tous qui voudra voir au long et fidellement m commem. omn. cités Ics passasfes dcs Percs anciens, quil prenne en Fidel, defunct. ^ t-» ht main l'œuvre de Canisius reveu par Busaeus. Mays certes, Calvin nous délivre de ceste peyne, 1. 3 de ses Instit., c. 5. § 10, ou il dict ainsy : Ante ijoo annos usu receptum fuit ut precationes fièrent pro de- functiSy et par après adjouste : sed omnes, fateor, in errorem abrepti ftierunt ; nous n'avons donq que faire de chercher le nom et le lieu des anciens Pères pour prouver le Purgatoire, puysque, pour se mettre en conte, Calvin les met en zéro. Quelle apparence y a  Partie III. Chapitre h. Article ix. 387 il qu'un seul Calvin soit infallible, et que toute l'anti- quité aye bronché ? On dict que les anciens Pères ont creu le Purgatoire pour s'accommoder au vulgaire : belle excuse ; n'estoit ce pas aux Pères d'oster d'erreur le peuple s'ilz l'y voyoient entrer, nom pas l'y entre- tenir et y condescendre ? ceste excuse donques ne faict qu'accuser les Anciens. Mays comment est ce que les Pères n'ont pas creu a bon escient le Purgatoire, puysqu'Aerius, comme j'ay dict cy devant*, a esté tenu * (Art. n.) pour haeretique par ce qu'il le nioyt ? C'est pitié de voir l'audace avec laquelle Calvin* traitte saint Au- * (Loco quo supra.) gustin par ce quil pria et fit prier pour sa mère, sainte Monique , et pour tout praetexte apporte que saint Augustin, 1. 21 Ci vit., c. 26, semble douter du feu de Purgatoire. Mays cecy ne faict rien a nostre propos, car il est vray que saint Augustin dict qu'on peut douter du feu et de la qualité d'iceluy, mays non pas du Purgatoire : or, soit que la purgation se face ou par feu ou autrement, soit que le feu aye mesmes qualités que celuy d'enfer ou non, si est ce quil ne laysse pas d'y avoir une purgation et un Purgatoire ; il ne met pas donques en doute le Purgatoire, mais la qualité d'iceluy ; ce que ne nieront jamais ceux qui verront comm'il en parle au c. 16 et 24 du mesme Livre de la Cité, et au livre De cura pro inortuis agenda , et en mille autres lieux. Voila donq comme nous sommes au chemin des saints et anciens Pères quand a cest article du Purgatoire.  388 Les Controversés  ARTICLE X DE DEUX RAYSONS PRINCIPALES ET DU TESMOIGNAGE DES ESTRANGERS POUR LE PURGATOIRE  Voicy deux invincibles raysons du Purgatoire : la I., il y a des péchés légers au pris des autres et qui ne rendent pas l'homme coulpable de l'enfer ; si donq l'homme meurt en iceux que deviendra il ? le Paradis * (Vers. 27.) ne reçoit rien de souillé, Apoc. 21*, l'enfer est une trop criminelle peyne, il n'est pas deu a son péché ; il faut donques advouer quil arrestera en un Purga- toire, ou estant bien esmondé il ira par après au Ciel. Or, quil y ait des péchés qui ne rendent pas l'homme coulpable de l'enfer, Nostre Seigneur le dict en saint * (Vers. 22.) Mathieu, 5. c. * : Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio ; qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio ; qui dixerit fatue, reus erit gehennœ ignis. Qu^est ce, je vous prie, d'estre coulpable de géhenne du feu, sinon estre coulpable de l'enfer ? or ceste peyne n'est deiie qu'a ceux qui appellent fatue : ceux qui montent en cholere et ceux qui expriment leur cholere par parole non injurieuse et diffamatoire, ne sont pas en mesme rang ; ains l'un mérite le juge- • ment, c'est a dire, que sa colère soit mise en jugement, *(Vers. 36.) comme la parolle oyseuse. Mat. 12 *, de laquelle Nostre Seigneur dict que les hommes reddent rationem in die judicii ; il en faut rendre conte ; l'autre mérite le conseil, c'est a dire mérite qu'on délibère s'il sera condamné ou non (car Nostre Seigneur s'accommode a la façon de parler des hommes) ; le 3""^ seul est celluyla qui sans doute infalliblement sera damné : donques le p' et le 2'* sont péchés qui ne rendent  Partie III. Chapitre ii. Article x. 389 pas l'homme coulpable de la mort aeternelle , mais d^une correction temporelle ; et partant si l'homme meurt avec iceux, par accident ou autrement, il faut quil subisse le jugement d'une peyne temporelle , moyennant laquelle son ame estant purgée il ira au Ciel avec les Heureux. De ces péchés parle le Sage, Proverb. , 24*, Septies in die cadit justus : car le * (Vers. 16.) juste ne peut pécher, pendant quil est juste, de péché qui mérite la damnation ; il s'entend donq quil chet en des péchés ausquelz la damnation n'est pas deiie, que les Catholiques appellent venielz , lesquelz se peuvent purger en l'autre monde, au Purgatoire. La 2. rayson est qu'après le pardon du péché de- meure en partie la peyne deiie a icelluy, comme par exemple, 2. des Rois, 12*, le péché est pardonné a * (Vers. 13, 14.) David, le Prophète luy disant : Deus quoque trans- tulit peccatum tuum, sed, quia blasphemare fe- cisti inimicos nomen Domini, filius tuus morte morietur. (0  (i) Cet Article est demeuré inachevé; ici se termine tout ce qui a pu être retrouvé de l'Autographe.  ATTESTATIONS D'AUTHENTICITÉ JOINTES A l'autographe CONSERVE A ROME, DANS LA BIBLIOTHÈaUE CHIGI  Je certifie et assure avoir faict recongnoistre comme ces presans manuscritz, qui tretent de l'hautorité et Primauté de sainct Pierre et des Souverains Ponthifes ses suseseurs, sont escrit ou dicté et du stille du Vénérable Serviteur de Dieu, Monseigneur François de Sales, ci devant Evesque de Genaive, don l'ong porsuit a presant la Canonization. Les personnes qui ont reconnu ces escris sont : Monsieur le Marquis de Lulin, gouverneur de la province de Chablays, laquelle province est une des provinces converties par le grand François de Sales, le R. P. Prieur des Chartreux de Ripaielle, Monsieur Serafin, channoinne de S* Pierre de Genaive, âgé de 80 annés, Monsieur Jannus, Prieur de Brans en Chablays, Monsieur Gard, channoinne de Notre Dame de l'eglisse Collegialle d'Annessi, Monsieur François Favre, qui a servi de cambrier 20 annés le dit Serviteur de Dieu. Tous les sus nomez assurent estre de la propre main ou de la composition de ce grand Evesque de Genaive, et mesme ils assurent luy en avoir ouy prescher une partie lors quil convertit le pais de Gex et de Chablays. A Annessy, le 20 aoust 1658. F. André de Chaugy, Relliûieux Minime et Procureur de la Visitation pour la Canonisation du Vénérable Serviteur de Dieu, Monseigneur de Sales, L t S  39^1 Attestations d'authenticité  Nous soubsigné, Guilliaume de Blancheville, Seigneur et Baron d'Heiry, Cornillion, Martod, Gerbaix, la Salle, Ennuis (Annuits), Gilly, etc., Conseiller d'Estat de S. A. R., Premier Président au Souverain Sénat de Savoye et commandant généralement en Savoye en l'absence de M™° R^®, Declairons que le livre de l'Authorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salle, et l'autre, qui est escript de la main de son secrétaire, est corrigé de la main dudict Bien-heureux. Je le declaire par ce que j'ay veu ledict Bien-heureux diverses fois et de ses escripts. En foy de quoy avons signé la présente déclaration, et faict appliquer nostre seel. A Chambery, le cinquiesme septembre, mil six cents cinquante huict. L -f S G. De Blancheville.  Nous soubsigné , Pierre Anthoine de Castagnery , Baron de Chasteauneufz , Conseiller d'Estat de S. A. R. , Président en sa Souveraine Chambre des Comptes de Savoye et Generallissime de ses finances, Declairons que le livre de l'Hautorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salles, et l'autre, qui est escrit de la main de son secrétaire, est corrigé de la main dudict Bien- heureux. Je le déclare parceque j'ay veû chez moy ledict Bien- heureux, et veu d'autres de ses escritz. En foy dequoy nous avons signé la présente déclaration, et faict applicquer nostre seel. A Chambery, le cinquiesme septembre, mil six centz cinquante huict. L f S P. A. Castagnery.  Nous soubsigné, Claude Ducret, Conseillier d'Estat de S. A. R'®, Premier Sénateur au Souverain Sénat de Savoye, a tous qu'il appartiendra sçavoir faisons, qu'aiant veu, leu et visité le livre de l'Hauthorité de sainct Pierre, contenant douze cayers, Declairons  Attestations d'authenticité 393 que le tout est escrit de la main du B. H. François de Salles. Je le declaire pour l'avoir veû plusieurs fois escrire, et signer en diverses assemblez. En foy de quoy nous avons signé la présente décla- ration, et faict applicquer nostre seel. A Chambery, ce cinquiesme septembre, mil six cents cinquante huict.  DUCREST.  Par commandement du dict Seigneur, Planchest. L t S  t  Nous , François Delapesse Viallon , Seigneur dudit lieu , des Serrieres et de Sainct Marcel, prestre, Docteur es Droictz, Conseiller de S. A. R. et Maistre ordinaire en la Souveraine Chambre des Comptes de Savoye, Déclarons avec serment, avoir veu soigneu- sement le traicté de la Primauté de sainct Pierre et des Marques de la vraye Esglise, contenant quinze cayers en feuillies ; les douze premiers desquels sont tous escriptz de la main du Vénérable Evesque de Genève, François De Sales, que nous estimons Bien- heureux, sauf le respect que nous devons au Sainct Siège, et les trois derniers sont escriptz par un sien secrétaire dont nous ne recognoissons pas l'escriture, mais seulement qu'en divers endroitz il y a de la main dudit Vénérable Prélat, par continuation ou correction. Ce que nous affermons pour avoir leu grande quantité de ses escritz et signatures. En foy de quoy nous avons dicté la présente déclaration a nostre secrétaire, par nous signée, et par luy contresignée, et sellée de nos Armes. A Chambery, ce cinquiesme septembre, mille six centz cinquante huict. F. De la Pesse. J. S. De L amollie. L t S  394 Attestations d'authenticité  Nos, Carolus Augustus, Dei et Apostolicce Sedis gratia Episcopus et Princeps Gebennensis, Testamur omnibus ad quos spectabit : quatenus, die decimaquarta mensis Maii, prassentis anni millesimi sexcentesimi quinquagesimi octavi, dum essemus in Castro nostro TuUiano, a quo per annos quatuordecim abfueramus, revolvere- musque tabulas Archivii nostri, reperimus duodecim codices magnos et parvos, manu propria scriptos Venerabilis Servi Dei et Prœde- cessoris nostri Francisci de Sales ; in quibus agitur de multis theologicis punctis inter Catholicos Doctores et haereticos contro- versis, praesertim circa authoritatem summi Romani Pontificis, ut Vicarii Jesu Christi et successoris Divi Pétri. Reperimus quoque très alios codices, de eadem materia, alterius manu scriptos, exceptis tribus paginis qui de manu pr^dicti Servi Dei sunt. Quos omnes codices reverendo Patri Andrasas de Chaugy, ordinis Minimorum religioso, et in causa Beatificationis ejusdem Servi Dei Procuratori. consignavimus. In quorum fidem huic scripto sigillum nostrum apposuimus, Annissii , die sexta septembris , millesimo sexcentesimo quin- quagesimo octavo. Carolus Augustus Episcopus Gebennensis, L t S manu propria.  Nous, Pierre François Jay, Docteur en Théologie, Chantre et Chanoine de l'église Cathédrale de S* Pierre de Genève , Vicaire gênerai et Officiai de Monseigneur l'Illustrissime et Reverendis- sime Charles Auguste de Sales, Evesque et Prince de Genève, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douze cayers, tant gros que petits, avoir bien recogneu iceux avoir esté escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François de Sales, vivant Evesque et Prince de Genève, de très heureuse et louable mémoire ; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poinctz de controverses contre les hérétiques de nostre temps, et particuliè- rement touchant l'authorité de nostre Sainct Père le Pape, comme  Attestations d'authenticité 395 Vicaire de Nostre Sauveur et successeur de sainct Pierre. De plus, avoir veu trois aultres cayers escripts par aultre main , sauf trois pages bien par nous recogneues estre escriptes par la main dudict feu Reverendissime Evesque, lesquels cayers traictent aussy des- dictes controverses. En foy dequoy avons soubsigné. Annecy, le septiesme septembre, mille six cent cinquante huict, et apposé nostre seel ordinaire. L -[• S P. F. Jay, Vicaire gênerai et Officiai.  Nous, Jean Claude Jarsellat Bébin, Docteur es Droicts, Chanoine de l'église Cathédrale S* Pierre de Genève, Officiai a la partie de France de l'Evesché, Attestons, a tous quil appartiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petits, et avoir bien recogneu iceux avoir estes escripts de la main propre de feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant Evesque et Prince de Genève ; dans lesquels cayers est traicté de plusieurs poincts de controverses contre les hérétiques de nostre temps, et particuliè- rement touchant l'authorité de nostre Sainct Père le Pape. De plus, avoir veu trois aultres cayers escripts par aultre main, sauf trois pages par nous recognues estre escriptes par la main dudict feu Reverendissime Evesque, lesquels cayers traictent aussi desdites controverses. En foy de quoy avons soubsigné, et apposé nostre seel ordinaire. Annecy, le huictiesme septembre, mille six cent cinquante huict. L + s Jarsellat Bébin, Officiai.  t  Nous, Don Charles François Chastenoux, Docteur en Théologie, Prévost des Révérends Pères Barnabittes fondés en la ville de Thonon dans la Duché de Chablais, Attestons, a tous qu'il appar- tiendra, avoir veu douzes cayers, tant gros que petitz, et avoir bien 'econuz iceux avoir estes escritz de la propre main et caractère le feu Illustrissime et Reverendissime François De Sales, vivant ivesque et Prince de Genève, dans lesquelz cayers est traicté de  39^ Attestations d'authenticité plusieurs poinctz de controverse contre les hérétiques de nostre temps, et particulièrement touchant l'auctorité de nostre Sainct Père le Pape. Attestons encor avoir veu trois autres cayers escritz par autre main que la siene, a la reserve de trois pages par nous reconues avoir esté escriptes par la propre main du dict François De Sales, lesquelz cayers traictent aussy de semblables controverses contre les hérétiques. En foy de quoy nous avons soubsigné la présente attestation de nostre propre main, avec apposition de nostre seel ordinaire. Tonon, le treziesme septembre, mille six cent cinquante huict. Don Charles François Chastenoux, Prévost des Pères Barnabittes de Tonon en Chàblais. L t S  ATTESTATION JOINTE A LA COPIE DE l'autographe GARDÉE AUX ARCHIVES DU l'^'" MONASTERE d'aNNECY ET REPRODUITE DANS LA PRESENTE ÉDITION  Qua diligentia potui, transcripsi integrum Manuscriptum codicem Bibliothecce Chigianas, qui pro maxima parte est Sancti Francisci Autographum. Transcriptum , eadem diligentia originali compa- ravi. Opus complevi die 30 Januarii, 1891, postridie festi Sancti Francisci , Romae in coUegio allaborantium édition! Leonianae operum D. Thomae Aquinatis, ubi, ex favore Viri Principis, dictum Manuscriptum per plures annos servaveram. Fr. Petrus Paulus Mackey, Sacrce Theol, Lector, Ord. Prced. de CoUegio Editorum operum D. Thomce Aquinatis,  Attestations d'authenticité 397 ATTESTATION DE FRANÇOIS FAVRE faite le 6 JUILLET 1658 TIRÉE DU SECOND PROCES DE CANONISATION, TOME V, PP. 58 ET 59  Ostenso ei tractatu Servi Dei, continentes primo duo folia sepa- rata, deinde quatuor quaterniones, deinde quinque folia separata, et deinde quatuor quaterniones. Interrogatus an recognoscat omnia illa esse scripta propria Servi Dei manu ; postquam qu^elibet illorum sigillatim et folium post folium examinavit, et attente consideravit, respondit : Je reconnois que la plus grande partie dudit traité est escrit de la propre main dudit Serviteur de Dieu, et l'autre partie de la main du Sieur George Roland, ou de Monsieur Louys de Sales, frère du Serviteur de Dieu. Les deux premières feuilles separeez, et tout le premier caiet et contenant 1 1 feuilles ou 22 feuilletz, et pareillement le second caiet contenant 6 feuilles ou 1 2 feuilletz , sont de la propre main du Serviteur de Dieu : comm'aussy les huict premiers feuillets du 3° caiet, c'est a dire, les 16 premières pages dudit caiet; mais la 17^, 18®, 19® et 20* page du mesme cayet sont d'une main estrangere, mais en quelques endroits ils sont corrigés de la propre main dudit Serviteur de Dieu, ce qui fait connoistre qu'il les a dicté ; la 21°, 22® et 23®, et 4 lignes et demies de la 24* page, sont encor de la propre main du Serviteur de Dieu. Je reconnois que le 4° cayet est tout entier escrit de sa main, qui contient 16 feuillets, c'est a dire, 32 pages; je reconnois que les 5 feuilles detacheez qui suivent après ledit 4'"'^ caiet sont toutes escrittes de la propre main du Serviteur de Dieu. Je reconnois que le 5° cayer, qui contient 8 feuillets, c'est a dire, 16 pages, quoyqu'en la dernière page il n'y ait qu'onze lignes et demies, est tout escrit de la main du Serviteur de Dieu. Le 6^ cayer, qui contient 26 feuil- lets, c'est a dire, 52 pages, n'est pas escrit de la main du Serviteur de Dieu, mais de celle du Sieur George Roland, qui l'a escrit soubs le Serviteur de Dieu. Le 7® cayer, ou il y a 9 feuillets et demy escrits, c'est a dire, 18 pages et demies, est de la mesme main du Sieur George Roland ; et le dernier cayer, qui contient 16 feuillets, est tout escrit de la main de Monsieur Louys de Sales, frère du Servi- teur de Dieu, à la reserve des trois dernières pages, qui sont de  39B Attestations d'authenticité la propre main du Serviteur de Dieu, et en la 15® page(i), a la marge, en la 9° ligne, parlant du Concile de Carthage, ledit Serviteur de Dieu adjouste de sa main : « qui fut il y a environ 1200 ans, et auquel se trouva Saint Augustin, comme recite Prosper in Chron. », et en la 15* ligne, au lieu de « Hyerosme, au décret des Livres canoniques, » il corrige, et met « Damase. »  AUTRES ATTESTATIONS DONNÉES DANS LA l""® ÉDITION  t  Je sous signé. Atteste, qu'en l'année 1658, feu Monsieur l'Evesque de Genève, Charles Auguste de Sales, mon frère, faisant sa visite dans la parroisse de la Thuille, trouva dans nostre chasteau dudit lieu, sous les ruines d'une vieille archive, un petit coffre de sappin fort simple, dans lequel Saint François de Sales, mon oncle, avoit mis les Lettres et autres papiers du Pape, des Nonces et des Princes, concernant sa Mission Apostolique pour la conversion du Chablais, et entr'autres plusieurs cayers écrits de la main du Saint, des matières de controverses et réfutation des erreurs de Calvin, et que le Bien-heureux faisoit imprimer en feuilles volantes, et les distribuoit toutes les semaines secrètement dans les familles, pour les instruire des veritez de nostre sainte Foy, d'autant qu'il estoit deffendu par les ministres et Seigneurs hérétiques, à tout le peuple, d'aller oiiyr le prédicateur Apostolique-Romain. L'Escrit susdit fut reconnu et attesté par les anciens parents et amis du B. Saint François de Sales, qui connoissent très bien son caractère, et moy mesme l'ay tenu et reconnu ; l'original en fut envoyé, par plus grand respect et témoignage de vérité, à nostre Saint Père Alexandre VII, et luy fut présenté par le Révérend Père André de Chaugy, Reli- gieux Minime, Procureur de la Cause de la Canonisation de Saint François de Sales, après neantmoins en avoir fait tirer une coppie deuëment et fidellement collationnée sur l'original, pour la faire (i) Voir p. 374 de la présente édition.  Attestations d'authenticité 399 imprimer après avoir pris le soin requis en tel cas pour la distinc- tion des chapitres et autres clioses. Et en foy de ce que dessus, je me suis signé, fait contre-signer et sceller du scel de mes Armes. A Turin, le sixième Avril 1669. François, MARauis de Sales, filleul, neveu et héritier de la Maison de ce grand Saint. L t S  t  Je sous-signé. Certifie et atteste en parole de vérité qu'en l'année 1658, estant en la ville d'Annessy, employé à la direction des escritures du Procez Remissorial pour la Béatification et Canoni- sation de Saint François de Sales, Monseigneur Charles Auguste, son neveu, lors Evesque et Prince de Genève, envoya à la Révé- rende Mère Françoise Magdelaine de Chaugy, pour lors Supérieure du premier Monastère de la Visitation de Sainte Marie, quantité de papiers manuscrits, qu'il avoit nouvellement trouvé dans le chasteau de la Tuille, à celle fin de s'en pouvoir servir utilement audit Procez, dans la partie de la compulsation et production de titres. En effet, entre autres papiers tres-authentiques , il s'y ren- contra quelques cahiers, petit in folio, tous escrits de la propre main dudit Saint François de Sales, et d'autres de main estrangere, mais corrigez et annotez par luy, par lesquels cayers il fut reconnu que c'estoit des traittez de controverse, composés par ce grand Saint au temps de sa Mission dans le Chablais, et qu'il distribuoit par feuilles aux peuples, après que les magistrats hérétiques leur eurent fait deffence d'aller aux prédications du Papiste Romain ; lequel traitté fut inséré entre les Actes dudit procez et produit dans ladite partie de la compulsation, pour que la Cour de Rome y eust tel égard que de raison, comme un ouvrage tres-excellant pour la deffense de la. Sainte Eglise Romaine. La compulsation et production en estant faite, il fut jugé à propos d'en envoyer l'original à nostre Saint Père le Pape Alexandre Vil, après toutes fois en avoir fait attester et reconnoistre la vérité du caractère, par personnes célèbres, et contemporains dudit Saint François de Sales, qui furent : le sieur de Blancheville, Premier Président du Sénat de Chambery, ledit Seigneur Charles Auguste de Sales, son neveu, les sieurs Jay et Bèhin, Officiaux et Grands Vicaires de  4o6 Attestations d'authenticité l'Evesché de Genève, et autres ; et il est tres-vray qu'il fut reconnu estre de la composition et propre écriture dudit Saint François de Sales. J'ay eu l'honneur de le tenir, de le faire insérer esdits Actes dudit Procez Remissorial, et outre ce, d'en faire extraire une coppie fidelle, pour estre un jour donnée au public, ainsi qu'il a esté par moy reconnu. En foy de quoy j'ay signé le présent escrit, à Paris, ce 31 May 1669, et aposé le petit cachet ordinaire j permis par ma Régie. " Louis ROFAVIER, Religieux Minime du Couvent de Lyon, et leur Procureur en ladite Ville.   GLOSSAIRE  DES LOCUTIONS ET MOTS SURANNÉS  EMPLOYES PAR SAINT FRANÇOIS DE SALES  DANS LES CONTROVERSES  ABONDANT (d") — déplus. ACCOM PARER — comparer avec. ADVENAIRE — du latin advena, étranger (v. p. 43). AINS — mais, mais encore^ mais plutôt, etc. A MESME — h mesure, en même temps, etc. ; pour de pair, p. 261. A PEU QUE — h peu de chose près, peu s'en faut. APPERT (il) — il est évident. APPOINTER — accorder, mettre en bonne intelligence (v. p. 208). A QUI — pour qui (v, pp. 37, 136). ASÇAVOIR — a sçavoir, c est-a- dire. A SÇAVOIR MON — en réalité (v. p. 340). A TOUT ROMPRE — tout au plus (v. p. 340). ATTEINTE A (donner) — toucher a, traiter du même sujet (v. p. 231). Cf. le Diction'"^ de Littré, au mot atteinte. ATTREMPER — tempérer, modé- rer, adoucir. AYSEEMENT — étym., aisée et MENT, aisément (v. p. 320). BASME — du lat. balsamum, haume (v. p. 177). BATAGLIE — de l'italien batta- GLiA, bataille (v. p. 56).  BEAU CONTENT (en) — pour en beau comptant, bon compte (v. p. 285). (Cf. Conte.) BERICLES — de beryculus, be- RYCLUS diminutif du lat. beryllus, besicles (v. p. 367). Cf. le Diction''^ étym. de Brachet. BIFFE — de Tital. beffa, tromperie (v. p. 167). BOCCONADE (faire passer la) — de Tital. boccone (petit morceau, bou- chée), prendre a Vhameçon, dorer la pilule (v. p. 176). CHARTE — du lat. charta, carie [y. pp. 74 et 206). CHIMIQUE — pour chimiste (v. p. 122). CLARIFIER — du lat, clarificare, glorifier (v. p. 33). CLAUSULE — du lat. clausula, sentence (v. p. 174) . COIGNANT — convaincant, per- suasif (v. p. 244). COMTEMENT — justement, exac- tement (v. p. 32). Du lat. COMPTÉ (?). CONSUMMATION — consomma- tion (v. p. 275). CONTE, CONTER — ancienne forme de compte, compter [y . note (i), p. 326). Cf. pp. 37, 72, 165, 179, 194, 259, 375 et autres. (Cf. Beau content.) 26  402  Glossaire  CONTREROLLER, CONTROO- LER — contrôler. CONTUMELIE — ignominie. COSTER — pour couster, du lat. CONSTARB, coûter. CUYDER — du lat. cogitare , penser, imaginer, présumer. CREUSEMENT — profondément, attentivement, sérieusement (v. p. 3).  DEBOUTTER — repousser (v. p. 125). DEÇA DELA — de côté et d'autre. DEDUIRE — faire sortir (v. p. 167). DEFAUTE — défaillance (v. p. DESVIT — défense, prohibition (v. p. 182). Cf. Godefroy, Diction--^ de Tanc. langue française, au mot dévié. DEVANT — pour avatit (v. p. 123). DEVERS — du côté de. DEXTRE (a la) — du lat. dexter, h la droite. DIFFERENT — pour différend (contestation). DISCESSION — du lat. discessio, divisioft (v. p. 67). DONT — c'est pourquoi, donc (v. pp. 76, 338). DRU — fréquent (v. p. 9). DU TOUT — tout-a-fait.  EMMY — parmi, entre. ENTANT QUE — autant que, selon que, comme. ENTENTIF — attentif {v. p. 149). ENTIER — pour en entier, entière- ment (v. p. 174). ENVIÉ — refusé (v. p. 201). Cf. le Diction""* de Littré. ERRES — arrhes (v. p. 241). ESCHARS — mesquin , étroit , resserré (v. p. 13). EVERSION — du lat. eversio, ren- versement, destruction, ruine (v. p. 178). EVICTIONNAIRE (je me rends) — je me rends fort de vous convaincre (V. p. 14). Du latin evictio, evincere.  FORS — excepté (v. p. 175). Du lat. FORIS, FOURBEUR — /oMrèm^wr (v. p. 121). GAUSSEMENT — avec moquerie, raillerie. GUERDON — récompense, HAPPELOURDE — faux dia- mant, apparence trompeuse (v. pp. 143, 348). HAYE — ancienne forme du par- ticipe haï (v. p. 12). IDOINE — du lat. idoneus, capa- ble, apte h. JA — déjà, certes, jamais. JETTES D'AUTRE DE L'AUTRE — pour Jetés les uns d'un côté, les autres de l'autre (v. p. 27). JOUXTE — du lat. juxta, selon, conforme à (v. p. 306). LAQS — du lat. LAQUEUS, lacs, piège, filet [y. p. 113). LAIRROIT — ancienne forme de laisserait (v. p. 136). MAL DE CYikVX) — fièvre chaude (v. p. 41). MAL TALENT — mauvaise volonté, animosité (v. p. 70). MATERIEUX — matériaux (v. p. 234). MAUVAISETIE — malice, mé- chanceté. MESHUY — aujourd'hui, désor- mais. METAIL — métal (v. p. 107). ONQU ES — du lat. viiQVAU,jamais, ORES — présentement, alors, main- tenant, tantôt... tantôt, OUTRECUYDÉ — présomptueux, arrogant. PEAGER — puhlicain, percepteur d'impôts, receveur de péage (v. p. 75).  Glossaire  403  PIEÇA — autrefois, Jadis, il y a longtemps ; étym., pièce et a, il y a pièce de temps, il y a quelque temps. Cf. le Diction''^ de Littré. POIS — pour poids (v. p. 151). Cf. le Diction""® de Littré, au mot poids. POPULAS — populace, bas pe pie. POSTE (faitte a) — faite h la hâte (v. p. 207). POSTE (faite a sa) — faite à sa guise ^ à sa convenance, ii son caprice (v. p. 176). PROUVOIR — du lat. providere, pourvoir. PRO VOYANCE — prévoyance. QUAND ET QUAND — égale- ment, avec, en même temps. RAIRE — du lat. radbre, raser, tondre (v. p. 19). RANDON (a grand) — avec impé- tuosité, rapidité (v. p. 340). RECAME — brodé, orné. SARBACANE — tuyau par lequel on transmet la voix (v. p. 28). SI — oui, mais, cependant. SI EST CE QUE — bien que, tou- tefois.  SICHETÉ — pour chicheté. SOMME — en somme, enfin, en résumé [v. p. 1^^). SORTISSE — subjonctif présent du verbe sortir employé imperson- nellement et en terme de palais, signifiant obtenir, avoir (v. p. 238). Cf. le Diction'"'^ de Littré, au mot sortir. SOULOIR — du lat. solere, avoir coutume (v. p. 303). SPONSE — du lat. sponsa, épouse (v. p. 14). SULLAMIENNE, SULLAMITESSE — Sulamite (v. p. 44). SUR — pour sans (v. p. 188). TRESSAUTER — étym., très et sauter, tressaillir (v. p. 43). TREUVE (la) — action de trouver, découverte (v. p. 314). TROP PLUS — extrêmement (v. p. 69). VAU DE ROUTE (a) — en fuite, en pleine déroute; étym.. A, val et ROUTE, en descendant la route, le chemin (v. p. 61). Cf. le Diction""* de Littré. VOIRE, VOIREMENT — vrai- ment; VOIRE pour même {pp. 96, 342).  LE NOUVEL ORDRE DES CONTROVERSES  COMPARE AVEC L ANCIEN  NOUVEL ORDRE A Messieurs de \ i""*^ leçon, Thonon / „ , [ 2'- leçon. i'"'^ leçon _^ , ('pp.7-11 Avant-Propos 1 ^ ' 2® leçon. . . j 13, 14 14-16  Notes préparatoires  ANCIEN ORDRE ^ A Messieurs de ( Vives pp. i Thonon \Migne col. Inédite A Messieurs de \ Viv. pp. Thonon ( Mig. col. Inédite \ A Messieurs de ^ Viv. pp. f Thonon \ Mig. col. Inédite  Discours LXV. Disc. LXVII.. Disc. XLVII..  :MIERE PARTIE Chapitre I / ire leçon. . . . Disc. I Art. I ) leçon . A 21-24 24-27 Disc. Disc. II III Art. Il . . . Disc. IV Art. III. . . Disc. Disc. V Art. IV. . . VI. Chapitre II 1 40, 41 Disc. VI, VIL. Art. I .... 41-43 Disc. XLVII... / 43-47 Disc. VII \ 47-50 Disc. VIII Art. II Disc. Disc. Disc. Disc. IX, X Art. m, . . XI Art. IV. . . XII Art. V . , . XIII  \ Viv. pp. ( Mig. col. \ Viv. pp. { Mig. col. \ Viv. p. ( Mig. col.  215-210 355-358 219-224 359-364 218, 2ig 358, 359 506. 507 597 515-517 604-606 445 547  ^ Viv. pp l Mig. col \ Viv. pp ( Mig. col ( Viv. pp \ Mig. col ^ Viv. pp l Mig. col  243-240 379-383 248, 249 383, 384 443-446 545-548 249-253 384-388  ANCIEN ORDRE  \ Viv. pp. 440-443 l Mig. col. 543-545  406 LE NOUVEL ORDRE DES CONTROVERSES NOUVEL ORDRE Art. VI Disc. XIV Art. vu Disc. XV Chapitre III Art. I j§^ Disc. XLVI. ( §§ 2, 3 Disc. XXXV Art. II Disc. XLVIII Art. m ) ^ . , Disc. XLIX Art. IV \ Art . V Disc . L Art. VI Disc. LUI Art. VII Disc. LIV f*- ^"^ JDisc. LV Art. IX \ Art . X Disc . L VI Art. XI Disc. LVII Art. XII Disc. LVIII Art . XIII ) ^. , T^ { Disc. LIX Art. XIV \ Art. XV \ Art. XVI 5 I^isc. LX Art. XVII Disc. LXI Art. XVIII Disc. LXII Art . XIX ^ Art. XX j Disc. LXIII Art. XXI Disc. LXIV SECONDE PARTIE / \ 141- 144 Inédite 1 l'^s leç. i V ( 144-147 j I Viv. pp. 299-303 Avant-Propos' / Avant-Propos \ Mig. col. 427-430 I l de Partie II '2° leçon Chapitre I (!■■" leçon Disc. XVI Art. i ] (2' leçon Disc. XXL. (i'" leçon Disc. XVII Art. n ^2^ leçon Disc. XXI . { l'-Meçon Disc. XVIII "^ 12'= leçon Disc. XXII /!'■<= leçon Disc. XIX Art TV < ^2^ leçon Disc. XXIII ri--' leçon Disc. XX Art. V ! , /2= leçon 171-176 Disc. XXIII rr^ leçon Disc. XXIV Art VI < /'2= leçon 177, 178 Disc. XXIII,  Viv. pp. 297-299 Mig. col. 425-427  Viv. pp. 325, 326 Mig. col. 448 Viv. pp. 326, 327 Mig. col. 448-450  i Viv. pp. 332-334 l Mig. col. 453-455 Viv. pp. }}A-}3^ Mig. coi. 455-457  Viv. pp. 336, 337 Mig. col. 457, 458  COMPARE AVEC L ANCIEN 4C7 NOUVEL ORDRE ANCIEN ORDRE f!-™ I Disc. XXV Art. VIII ) Art. .x Disc. XXVI...! J^-PP- """"^ ( M.tg. col. 468-471 Art. X Disc. XXVI... \ l"' PP' ^fr^''! ( Mig. col. 466-468 Art. XI Disc. XXVII Chapitre II Art. I Disc. XXVIII Art. II Disc. XXIX Chapitre III ( T\\.r ITT TV ^ ^'''- PP- 425-428 . , \ 202-20S Disc. ALIV ...) -xyT- 1 Art. I j ' f Mtg. col. 529-533 ( 205-209 Inédit Art . II Inédit Chapitre IV ^j-t . I Inédit Art. II /«/dTîV [ 219-221 Inédit \ ^. „.,„ \ Vi-"- PP- 428, 429 Art. m 221, 222 Disc. XLIV . . . ^ ^.^^ ^^^ ^^^^ ^^^ ( 222-225 Disc. XLV Chapitre V ■n- vTVT i ^^''"- PP- 434-43^ Art. I Disc. XLVI... | ^^. ,^1. ^^g.^^^ Chapitre VI ^j.|- j Disc . XXX j^rt jj Disc . XXXI Art. m ............. ...... Disc. XXXII \ 1""^ leçon Disc. XXXIV  Art. IV  2«  leçon Inédite  ( i»"® leçon Disc. XXXIII Art. V I ^e jgç^^ Inédite ( 1'"^ leçon Disc. XLI Art. VI l^e leçon Inédite { i''^ leçon Disc. XLII Art. vnj^e leçon Inédite 1 i^e leçon Disc. XLIII Art- VIII j^e leçon Inédite / 1 Viv. pp. 395, 396 Art. IX Y^ ^'^""^ ^'''" ^^^^^•- î Mig. col. 506, 507 ( 2*^ leçon Inédite !^ Viv. pp. 396-398 ^" 1^Ç°" I^^^^- XXXVI.. ^ ^^^^ ^^^^ ^^^_^^g 2^ leçon Inédite \ i^= leçon Disc. XXXVII ^^^' ^^ {2^ leçon Inédite £ ire leçon Disc. XXXVIII Art- XII l^e leçon Inédite !■■« leçon Disc. XXXIX Art. xiii]^, j^^^^ Inédite  408 LE NOUVEL ORDRE DES CONTROVERSES COMPARÉ AVEC l'aNCIEN NOUVEL ORDRE ANCIEN ORDRE Art. XIV S -^°3-^°7 Disc. XL f 307-311 Inédit 312-316 Inédit Art. XV  / 316, 317 Disc. XLVII .. S Z'''' ^^' ^^^' ^47 \ { Mig. col. 548, 549  Disc. LI Disc. LU  Art. Il  ) lig. 1-6, 322  322-329  Disc. Inédit  \ Viv. p. 460 l Mig. col. 559, 560 LU \ ^^^' PP- 460, 461 Mig. col. 560  Chapitre VIII Art. I Inédit ( 333^ 3}^ Inédit  Art.  /  33^1, 335 336, 337 Art. III <; 337-340  Disc. LXV. Disc. LXVI Disc. XL VI  340-342 Disc. LXVI... Art. IV Disc. LXVII TROISIÈME PARTIE Avant-Propos Disc . LXVIII Chapitre I Art. i Disc. LXIX Art. Il Disc. LXX Art. m Disc. LXXI Chapitre II Avant-Propos Disc . LXXII Art. I Disc. LXXIII Art. n Disc. LXXIV Art. III ^ Art. IV (Disc. LXXV Art. V Disc. LXXVI Art. VI Disc. LXXVII Art. VII Disc. LXXVIII Art. vm Disc. LXXIX Art. IX , Art. X ■ ■ Di^^- LXXX  \ Viv. PP { Mig. col \ Viv. PP \ Mig. col Viv. PP Mig. col Viv. PP Mig. col  507-509 598, 599 509-511 599-601 436-440 540-543 511, 512 601, 602  L'ANCIEN ORDRE DES CONTROVERSES  COMPARE AVEC LE NOUVEAU  ANCIEN ORDRE Viv. pp. 215-218 Mi^^. col. 355-358 A Messieurs de ) Viv. pp. 218, 219 j Thonon j Mig. col. 358, 359 ( I Viv. pp. 219-224 \ \ Mig. col. 359-364 / PREMIÈRE PARTIE Disc. î Disc. II Disc. III Disc. IV Disc. V Viv. pp. 243-248 Mig. col. 379-383 Disc. VI ' Viv. p. 248 Mig. col. 383, 384 Viv. p. 249 ^ ,„, , M/>. col. 384 Disc. VII \ -r/ ^ j Viv. pp. 249-253 I Mig. col. 384-388 Disc. VIII Disc. IX Disc. X Disc. XI Disc. XII Disc. XIII Disc. XIV Disc . XV SECONDE PARTIE [ Viv. pp. 297-299 A ^ -D ) ^^'^- ^^^- 425-427 Avant-Propos . . < f/r ^ ' Viv. pp. 299-303 Mig. col. 427-430  NOUVEL ORDRE A Messieurs de \ -, ) 1"° leçon Thonon f ^ i 2^ leç. pages 13, 14 Avant-Propos' i""* leçon PREMIERE PARTIE Chapitre I Art. I, i""* leçon Art. I, 2*= leçon Art. II Art. III Art. IV Chapitre II Art. I 40, 41 Art. I 41 (lig- 3-10) Art. I 43-47 Art. I 47-5° Art. II Art. m Art. IV Art. V Art. VI Art. VU SECONDE PARTIE ( . , \ 141-143 \ 2- leçon l r. ) ( M7 Avant-Propos j i^e leçon.. 144-147  410  l'ancien ordre des controverses  ANCIEN ORDRE  NOUVEL ORDRE  Chapitre I Disc. XVI Art. I Disc. XVII Art. ii Disc. XVIII Art. m }> rMeçon Disc. XIX Art. iv Disc. XX Art. v Disc. XXI Art. i, ii Disc. XXII Art. m / Viv. pp. 332-334 ) . ^ \ „ 1 i _ ff p? p?^ j^j.|- j^ s 2° leçon n- VVTTT ^'^- ''''^' ^^^"^^^ ' Disc. XXiil . . < ,^. ,,, ,,„ ] Viv. pp. 334-337 Art. v, vil 171-178 l Mig. col. 455-458 S ' ' ' ' Disc. XXIV Art. vi, i--^ leçon Disc. XXV Art. vu, vm j Viv. pp. 347-350 I Aj.^_ X \ Mig. col. 466-468 S Disc. XXVI... y.^^ . f w 1 /o [ Art. IX ( Mig. col. 468-471 S Disc. XXVII Art. xi Chapitre II Disc. XXVIII Art. i Disc. XXIX Art. 11 TROISIÈME PARTIE Chapitre VI Disc. XXX Art. i Disc. XXXI Art. n Disc. XXXII Art. m Disc. XXXIII Art. v ) ,, Disc. XXXIV. , Art. IV ^ PREMIÈRE PARTIE Chapitre III Disc. XXXV Art. i, §§ 2, 3 SECONDE PARTIE Chapitre VI Disc. XXXVI Art. ix, xj Disc. XXXVII Art. xi ( ^^^ ^ Disc. XXXVIII Art. xn i Disc. XXXIX Art. xm J Disc. XL Art. XIV 303-307 Disc . XLI Art . VI \ Disc. XLII Art. vn | !■•'= leçon Disc. XLIII Art. vm ) Chapitre III  Disc. XLIV  Disc. XLV.  Viv. pp. 425-428 Mig. col. 529-533 Viv. pp. 428, 429 Mig. col. 5^3, 534  Art. I Chapitre IV  202-205  Art. ni 221, 222 Art. m 222-225  Disc. XLVI  COMPARE AVEC ANCIEN ORDRE Viv. pp. 434-436 Mig. col. 538-540 Viv. pp. 436-440 Mig. col. 540-543  Disc. XLVII  Viv. pp. 440-443 Mi^. col. 543-54^ Viv. pp. 443-445 Mi^. col. 545-547 F/î). p. 445 I Mig. col. 547 i Viv. pp. 445, 446 ^ Mig. col. 547, 548 ^  Fïu. pp. 446, 447 Mig. col. 548, 549  Disc. XLVIII Disc. XLIX.. Disc. L Disc. LI Disc. LU Disc. LUI.... Disc. LIV .... Disc. LV Disc. LVI .... Disc. LVII ... Disc. LVIII .. Disc. LIX .... Disc. LX Disc. LXI .... Disc. LXII ... Disc. LXIII .. Disc. LXIV...  LE NOUVEAU 4I I NOUVEL ORDRE Chapitre V Art. I Chapitre VIII Art. m 337-340 PREMIÈRE PARTIE Chapitre III Art. I, § I Chapitre II Art. i 4I) 42 Notes préparatoires . . 19 Art. I 42, 43 SECONDE PARTIE Chapitre VI Art. XV 316, 317 PREMIÈRE PARTIE Chapitre III Art. Il Art. III, IV Art. V SECONDE PARTIE Chapitre VII Art. I 318-321 Art. I 321, 322 Art. II (lig. 1-6) PREMIÈRE PARTIE Chapitre III Art. VI Art. VII Art. VIII, IX Art. X Art. XI Art. XII Art. XIII, XIV Art. XV, XVI Art. XVII Art. XVIII Art. XIX, XX Art. XXI  4 1 2 l'ancien ordre des controverses comparé avec le nouveau ANCIEN ordre NOUVEL ORDRE  Vtv. pp. 506, 507 Mig. col. 597  Disc. LXV < Viv. pp. 507-509 ■ Mig. coL 598, 599 ( Viv. pp. 509-511 Disc. LXVI... • Mig. Viv. coL pp. 599-601 511, 512 ( Mig. col. 601, 602 Viv. pp. 512-514 Disc. LXVII.. 1 Viv. col. pp. 602, 603 515-517 Mig. col. 603-606 QUATRIÈME PARTIE Disc. LXVIII.. Disc LXIX. . . Disc. LXX Disc LXXI. Disc LXXII. Disc LXXIIL. Disc LXXIV . . Disc LXXV . . . Disc LXX VI Disc LXXVII . LXXVIII LXXIX.. Disc Disc. Disc. LXXX...  Notes préparatoires SECONDE PARTIE Chapitre VIII Art. II  17  Art. m,  Art. m.  Art. IV Notes préparatoires TROISIÈME PARTIE Avant-Propos Chapitre I Art. I Art. II Art. III Chapitre II Avant-Propos Art. I Art. Il Art. m, IV Art. V Art. VI Art. VII Art. VIII Art. IX, X  334, 335 336, 337 340-342 17-19  TABLE DES MATIERES  Bref de Sa Sainteté Léon XIII en faveur de la présente Edition vu Décret du Doctorat xi Bref du Doctorat xv Lettre d'approbation de M.^" Isoard, Evêque d'Annecy xxv Introduction générale xxix Préface des Controverses cvii Auteurs du xiv, xv, xvi siècle nommés dans les Controverses cxxxvii Avis au lecteur cxliv  Epître dédicatoire à Messieurs de Thonon i Avant-Propos 7 Notes préparatoires 17  PREMIERE PARTIE DÉFENSE DE L' AUTORITÉ DE L'ÉGLISE CHAPITRE PREMIER RAYSON I : DE LA MISSION Les Ministres, n'ayant pas la Mission, n'ont pas l'autorité Article P^ — Les Ministres n'ont Mission ni du Peuple, ni des Princes séculiers 21 Art. II — Les Ministres n'ont pas reçu Mission des Evêques Catholiques 27 Art. III — Les Ministres n'ont pas la Mission extraordinaire . 29 Art. IV — Réponse aux arguments des Ministres 35  414 Table des Matières  CHAPITRE II Erreurs des Ministres sur la Nature de l'Eglise Art. P"" — Que l'Eglise Chrestienne est visible 40 Art. II — Qu'en l'Eglise il y a des bons et des mauvais, des prédestinés et des reprouvés 50 Art. III — L'Eglise ne peut,-]:/erir 61 Art. IV — Les contreraysons des adversaires et leurs responces 66 Art. V — Que l'Eglise n'a jamais esté dissipée ni cachée 68 Art. VI — L'Eglise ne peut errer 73 Art. VII — Les Ministres ont violé l'Authorité de l'Eglise 77 CHAPITRE III Les Marques de l'Eglise Art. P*" — De l'Unité de l'Eglise : Marque première. La vraie Eglise doit être une en chef 84 Art. II — L'Eglise Catholique est unie en un chef visible, celle des Protestans ne l'est point, et ce qui s'ensuit 91 Art. III — De l'Unité de l'Eglise en la foy et créance. La vraye Eglise doit estre unie en sa doctrine. . 92 Art. IV — L'Eglise Catholique est unie en créance, la pré- tendue reformée ne l'est point 93 Art. V — De la Sainteté de l'Eglise : Marque seconde. . 98 Art. VI — La vraye Eglise doit reluire en miracles 99 Art. VII — L'Eglise Catholique est accompagnée de mira- racles et la prétendue ne l'est point 101 Art. VIII — L'esprit de prophétie doit estre en la vraye Eglise 1 08 Art. IX — L'Eglise Catholique a l'esprit de prophétie, la prétendue ne l'a point 109 Art. X — La vraye Eglise doit prattiquer la perfection de la vie Chrestienne 1 1 1 Art. XI — La perfection de la vie evangelique est pratti- quee en nostre Eglise, en la prétendue elle y est mesprisee et abolie 118 Art. XII — De l'Universalité ou Catholicisme de l'Eglise : Marque troisiesme 121 Art. XIII — La vraye Eglise doit estre ancienne 123  Table des Matières 415 Art. XIV — L'Eglise Catholique est très ancienne ; la pré- tendue, toute nouvelle 123 Art. XV — La vraye Eglise doit estre perpétuelle 126 Art. XVI — Nostre Eglise est perpétuelle ; la prétendue ne l'est pas 130 Art. XVII — La vraye Eglise doit estre universelle en lieux et en personnes 131 Art. XVIII — L'Eglise Catholique est universelle en lieux et en personnes; la prétendue ne l'est point.. 135 Art. XIX — La vraye Eglise doit estre féconde 137 Art. XX — L'Eglise Catholique est féconde ; la prétendue, stérile 139 Art. XXI — Du titre d'Apostolique : Marque quatriesme. . . 140  SECONDE PARTIE LES RÈGLES DE LA FOI Avant-Propos 141 CHAPITRE PREMIER QUE LES REFORMATEURS PR/ETENDUS ONT VIOLE LA SAINTE ESCRITURE PREMIERE REGLE DE NOSTRE FOI Art. P'" — La Sainte Escriture est une vraye Règle de la foi Chrestienne 148 Art. II — Combien on doit estre jaloux de son intégrité 150 Art. III — Quelz sont les Livres sacrés de la Parole de Dieu 153 Art. IV — Première violation des Saintes Escritures faitte par les reformateurs, retranchans plusieurs pièces d'icelles 158 Art. V — Seconde violation des Escritures par la règle que les reformeurs produisent pour discerner les Livres sacrés d'avec les autres, et de quelques menus retranchemens d'iceux qui s'en ensuivent 167 Art. VI — Combien la majesté des Saintes Escritures a esté violée es interprétations et versions des haeretiques 176 Art. VII — De la prophanation es versions vulgaires 179 Art. VIII — De la prophanation qui se faict [en employant la langue vulgaire aux offices pubhcs].... 182  4i6 Table des Matières Art. IX — De la profanation des Psaumes en suivant la version deMaroteten les chantant partout indifféremment. 185 Art. X — De la prophanation des Escritures par la facilité qu'ilz praetendent estre en l'intelligence de l'Escriture 188 Art. XI — Responce aux objections, et conclusion de ce premier article 191 CHAPITRE II OPE l'église des pr^tenduz a violé les traditions apostoliques 2® REGLE de LA FOY CHRESTIENNE Art. I"'" — Que c'est que nous entendons par Tradition Apostolique , 196 Art. II — Qu'il y a des Traditions Apostoliques en l'Eglise. 199 CHAPITRE II! aUE LES MINISTRES ONT VIOLE l'aUTHORITÉ DE l'eGLISE 3® REGLE DE NOSTRE FOY Art. P*" — Que nous avons besoin de quelqu'autre Règle, outre la Parole de Dieu 202 Art. II — Que l'Eglise est une Règle infallible pour nostre foy ... 209 CHAPITRE IV QIJE LES ministres ONT VIOLE l'AUTHORITÉ DES CONCILES 4" REGLE DE NOSTRE FOY Art. I^"" — Et premièrement des qualités d'un vray Concile. 211 Art. II — Combien est sainte et sacrëe l'authorité des Conciles universelz 216 Art. III — Combien les Ministres ont mesprisé et violé l'authorité des Conciles 219 CHAPITRE V LES MINISTRES ONT VIOLE l'aUTHORITÉ DES ANCIENS PERES DE l'EGLISE 5"^ REGLE DE NOSTRE FOY Art. Y'' — Et I. combien l'authorité des anciens Peres est vénérable 226  Art. 1er Art. II Art. III Art. IV Art. V Art. VI  Table des Matières 417  CHAPITRE VI Qiie les Ministres ont violé l'Autorité du Pape 6^ Règle de notre Foi — Première promesse [faite à saint Pierre] 229 — Resolution sur une difficulté 235 — De la seconde promesse faicte a saint Pierre : Et je te donneray les clefz du royaume des cieux , 240 — De la troysiesme promesse faicte a saint Pierre 246 — De l'exhibition de ces promesses 249 — Par l'ordre avec lequel les Evangelistes nom- ment les Apostres 257 Art. VII — De quelques autres marques, qui sont semëes es Escritures, de la Primauté de saint Pierre 263 - Le tesmoignage de l'Eglise sur ce faict 269 - Que saint Pierre a eu des successeurs au vicariat gênerai de Nostre Seigneur 274 - Des conditions requises pour succéder 276 - Que l'Evesque de Rome est vray successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise militante. . . . 280 - Briefve description de la vie de saint Pierre et de l'institution de ses premiers successeurs 287 - Confirmation de tout ce que dessus par les noms que l'ancienneté a donnés au Pape. . . 295 - Combien d'estat on doit faire de l'Authorité du Pape 303 - Combien les Ministres ont violé ceste Authorité 312 CHAPITRE VII Que les Ministres ont violé l'Autorité des Miracles Y Règle de notre Foi Art. P'" — Combien les Miracles sont pregnans pour asseu- rer de la Foi 318 Art. II — Combien les Ministres ont violé la foy deùe au tesmoignage des Miracles 322  27  Art. Vlll Art. IX Art. X Art. XI Art. XII Art. XIII Art. XIV Art. XV  4i8 Table des Matières  CHAPITRE VIII Qtie les Ministres ont violé la Raison naturelle 8^ Règle de notre Foi Art. I" — En quelle façon la Rayson naturelle est une Règle de bien croire, et l'expérience 330 Art. II — Combien les Ministres ont combattu la Rayson et l'expérience ^^^ Art. III — Que l'analogie de la foy ne peut servir de règle aux Ministres pour establir leur doctrine. . . . ^^6 Art. IV — Conclusion de toute ceste 2® Partie par un brief recueil de plusieurs excellences qui sont en la doctrine Catholique au pris de l'opinion des haeretiques de nostre aage. . . 342  TROISIÈME PARTIE LES RÈGLES DE LA FOI SONT OBSERVÉES DANS l'Église catholique Avant-Propos 345 CHAPITRE PREMIER DES SACREMENS Art. I®*" — Du nom de Sacrement 350 Art. II — De la forme des Sacremens 351 Art. III — De l'intention requise en l'administration des Sacremens 357 CHAPITRE II Du Purgatoire Avant-Propos 362 Art. I""" — Du nom de Purgatoire ^. . . . }6} Art. II — De ceux qui ont nié le Purgatoire, et des moyens de le prouver 365  Table des Matières 419 Art. III — De quelques passages de l'Escriture esquelz il est parlé de purgation après ceste vie, et d'un tems et d'un lieu pour icelle 367 Art. IV — D'un autre passage, du Nouveau Testament, a ce propos 370 Art. V — De quelques autres lieux, par lesquelz la prière, l'aumosne et les saintes actions pour les trespassés sont authorisees 373 Art. VI — De quelques lieux de l'Escriture par lesquelz il est prouvé que quelques péchés peuvent estre pardonnes en l'autre monde 378 Art. VII — De quelques autres lieux, desquelz par diversité de conséquences on conclud la vérité du Purgatoire 383 Art. VIII — Des Conciles qui ont receu le Purgatoire comme article de Foy 384 Art. IX — Des Pères anciens 386 Art. X — De deux raysons principales et du tesmoignage des estrangers pour le Purgatoire 388  Attestations d'authenticité 391 Glossaire des locutions et mots surannés 401 Le nouvel ordre des Controverses comparé avec l'ancien 405 L'ancien ordre des Controverses comparé avec le nouveau . . . 409  1850?4  Annecy, imprimé par J. Niérat, 1892.  BX 1750 .F7 1892 v.l SMC Francis, Oeuvres de saint François de Sales, eveque de Genève et d Edition complète d'après les autographes et les éditions oriainaies RnrichiR dp nnmhr