■i-n m :-D a   ŒUVRES  DL  VINT FRANÇOIS DE SALES bVhQ.L;R BT I^RINCH DR GHNfcVH ET DOCTEUR DE l'ÉGLISE  ÉDITION COiMPLEIH d'aJkÈS les AOTOGRAPHtS kT LES ÎDITIONS ORiGl" ' — ENUICHIE DE N^iMBKF.C SES PIÈCBS INbDlTES DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LEON XI VI IIOSORKB d'un bref DE SA SAINTETÉ i. w.i. INVITATION l)K M" ISOAHD, KVKQti. i*.. PAH I.rs SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION' U !•■ MONASTtRE Ij'aNNI:!."»  TOMIî VI LES VRAYS ENTRETIENS SPIRITUELS  AXNM-ry IMPRIMERIE .1 NIERAT KUR DE LA RKPUBIIQI'K MDCCCXCV  Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa  http://www.archive.org/details/oeuvresdesaintfr06fran  ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES  ÉVÈQUE ET PRINCE DE GENÈVE  ET  DOCTEUR DE L'ÉGLISE  TOME SIXIKMK  LFS VRAYS ENTRETIENS  SPIRITUELS  Propriété  Genève — H. TREMBLEY, Librairie, rue Corraterib, 4 Dépositaire principal Annecy — ABRY, Librairie, rue de l'Evêché, 3 Paris — Victor LECOFFRE. rue Bonaparte, 90 Lyon — Emmanuel VITTE, Place Bellecour, 3 Bruxelles — SOCIÉTÉ BELGE DE LIBRAIRIE, rue Treurenberg, 16 Marseille — LIBRAIRIE SALÉSIENNE, RUt des Princes, 78  ^ lFîI ^  Q  S ^   ^ ^  ^   ^  c ■^ t  c  ■T^  ^■   i:  s.    C  s   rH  4 i      I f îi iA i^i i-s ^"ï^^ll-i^rl ?>■*  s ^vi ^'S ?^^ ^ ~    ŒUVRES  DE  SAINT FRANÇOIS DE SALES ÉVÉQUE ET PRINCE DE GENÈVE rr DOCTEUR DE l'ÉGLISE  ÉDITION COMPLÈTE d'après L£S autographes et les éditions originalis lURtCHIi Dl MOMBRIUSIS PISCIS IMRDITIS DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII ET HONORÉE DUS BREF DE SA SAINTETÉ PUBLIÉE SUR l'invitation DE M" ISOARD, ÉVÉQUE d'aNNECY PAR LES SOLNS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION DU 1"' MONASTÈRE D*ANNECY  ANNKCY IMPRIMERIE J. NIÉRAT RUE DE LA RÉPUBLIQUE MDCCCXCV Drflits di traduction et dt reproduction rèsen>ës  PREFACE  Avec Les Vrays Entretiens spirituels commence la seconde série des Œuvres de saint François de Sales. Ses précédents ouvrages lui ont coûté un travail prépa- ratoire ; ils ont exigé parfois de longues méditations, de patientes et laborieuses recherches. Lui-même a fixé l'expression et donné à sa pensée une forme précise et définitive. Ici, rien de semblable : notre Saint devient auteur à son insu ; sa pensée est saisie à l'improviste, mais recueillie avec tant d'amour et de fidéhté, car l'un est toujours la mesure de l'autre, que le livre offert au public, en 1629, par les Religieuses de la N'isitation. est d'une authenticité incontestable. On peut dire qu'entre les ouvrages publiés par notre saint Docteur et celui-ci, il existe la même différence qu'entre le p>ortrait d'un homme qui a posé et une photographie prise à la dérobée : d'une part, plus de dignité ; de l'autre, plus de naturel, plus de grâce et non moins de ressemblance Aucun livre ne mériterait mieux d'être intitulé : L'Esprit de saint François de Sales, Dans ces pages, qui ne sont pas tombées de sa plume mais qui ont jailli de l'intime de son âme, on le retrouve tout entier. Nulle part ne se révèlent mieux cette vivacité d'intelligence, cette finesse d'observation, cet admirable sens pratique, cette merveilleuse intuition des grandeurs et des faiblesses du cœur humain, cette délicatesse de sentiments que nous admirons en notre Saint. Nulle part il ne montre plus de fermeté et plus  VI Les vrays Entretiens spirituels d'indulgence, plus de vigueur et plus de tendresse. Aussi personne ne peut connaître parfaitement saint François de Sales, s'il n'a étudié et médité ses Entretiens. Aider le lecteur dans cette étude, tel est le but que nous nous proposons, en exposant ici l'origine et la publication de l'ouvrage, sa valeur doctrinale et littéraire, la méthode adoptée pour la présente Edition, et la consciencieuse préparation dont elle a été l'objet.  Origine et publication des Entretiens  Les Vrays Entretiens spirituels sont un recueil de conférences adressées par saint François de Sales aux Religieuses de la Visitation. On rencontre ce mode d'enseignement simple et familier à l'origine de l'Eglise et à l'origine de tous les Ordres religieux. Si on ouvre l'Evangile, on y trouve en effet que le Sauveur du monde entretenait familièrement les foules au début de son ministère. Plus tard, quand les haines pharisaïques le contraignent à s'entourer de circonspection et à se servir d'un langage allégorique, nous le voyons expliquer en particuher à ses disciples les mystères du royaume de Dieu {»). C'est avec une intimité toujours croissante que, dans ces conversations ineffables, il les traite non comme ses serviteurs, mais comme ses amis, jusqu'à ce qu'enfin dans le discours qui suivit la Cène, il laisse déborder sans mesure les effusions de son amour infini, et leur communique tout ce qu'il a appris de son Père. A l'imitation de leur divin Maître, les Apôtres usèrent sou- vent aussi de ce mode d'enseignement, ainsi que saint Luc le témoigne dans les Actes (^). (i; .Marc, IV, ii, 34. (2) Cap. XI ; XX, 19-36.  Préface vu Peut-être saint François de Sales s'inspirait-il de ces souvenirs quand il prononçait ses entretiens spirituels. Il aimait encore à se représenter les Pères du désert, dont souvent il rappelle les exemples et commente les paroles : il les dépeint faisant, eux aussi, des confé- rences ; car, « c'a esté de tout temps qu'il s'en est fait » (p. 135). Celles de Cassien » lui étaient très connues, aussi bien que la Vie de saint Antoine, dans laquelle saint Athanase consacre des chapitres entiers à rapporter les entretiens que l'illustre solitaire faisait à ses dis- ciples i> . Mais de tous les Patriarches du désert, aucun n'est aussi fréquemment cité que saint Pacôme, l'un de ceux qui mirent le plus en honneur les conférences spirituelles. Chaque nuit après l'Office, raconte son his- torien, il réunissait ses Frères, « selon l'usage, jx)ur entendre la parole de Dieu. » Ses discours étaient con- sidérés comme une sorte de sacramental, si bien que les auditeurs, après les avoir entendus avec dévotion, croyaient être assurés de la rémission de leurs péchés (J). Nous ne nous arrêterons pas à énumérer une multitude d'autres cénobites restés célèbres par leurs conférences spirituelles, yu'il nous suffise de rappeler en terminant saint Dorothée, saint Jean ("hmaque et surtout saint Bernard. Notre saint Docteur suivait donc des exemples bien autorisés en enseignant ses Filles de la Visitation par des entretiens familiers. Plus insinuantes et plus f>ersua- sives que le discours oratoire ou la parole écrite, ces ins- truction."^ lui pennettaient de pénétrer sûrement les âmes des principes de perfection qui 1 inspiraient lui-même,  (li lje% ConférgHannis de l'esprit et du cv<  VIII Les vrays Entretiens spirituels ou plutôt de les animer des pensées et des sentiments de Jésus-Christ. Reproduire sous des aspects différents et à des degrés infiniment variés, la vie intérieure et exté- rieure de ce Modèle de tous les prédestinés, c'est le but que se proposèrent tous les Fondateurs d'Ordres reli- gieux, celui auquel visait surtout saint François de Sales. Pendant plus de deux ans (juin i6io-octobre 1612) le théâtre de ses entretiens fut à Annecy la maison de la Galerie (M et les vergers qui l'entouraient ; l'auditoire, un petit groupe d'âmes d'élite : trois au début, huit à la fin de la première année, dix au bout de la seconde. Ces âmes, que l'appel divin avait saisies pour la plupart au milieu de positions brillantes selon le monde, n'avaient d'autre ambition que de se plonger dans l'obscurité, la pauvreté, le silence et l'immolation, de se faire oublier de la terre pour communiquer plus librement avec le Ciel. La Providence leur avait donné, en la personne de saint François de Sales, un Maître capable de développer de telles aspirations. Toutes le vénéraient comme un Ange de Dieu et n'avaient pas moins de confiance en son dévouement que de foi en sa sagesse. Toutes étaient assez humbles pour réclamer les notions élémentaires de la vie spirituelle, assez éclairées pour en goûter les enseignements les plus sublimes. De son côté, notre Saint paraissait au miheu d'elles moins comme un législateur qui impose des lois que comme un père qui apprend à ses enfants à essayer leurs pas. C'était donc de part et d'autre une douce intimité ; c'était un abandon filial qui n'enlevait rien au respect, une bonté paternelle qui n'excluait pas la fermeté. Le saint Fondateur, nous osons le dire, remphssait httéralement les fonctions de Maître des Novices. Aucun incident ne se produisait dans la Communauté naissante, qu'il n'en fût aussitôt instruit ; aucun doute ne s'élevait qu'on ne lui en demandât la solu- tion. Son inépuisable charité encourageait cet incessant (i) L'humble demeure où la Visitation prit naissance devait son nom à une galerie couverte qui, jetée au-dessus de la voie publique, mettait la maison en communication avec un verger situé en face.  Préface iX recours ; il y trouvait non point une surcharge, mais un délassement de ses autres travaux. « Nostre saint Fondateur, » écrit sainte Jeanne-Fran- çoise de Chantai dans un Mémoire relatif aux origines de l'Institut ' , « nous visitoit souvent, nous confessoit tous les quinze jours, et faisoit des f>etites conférences spirituelles, pour nous enseigner la vraye perfection, donnant a chacune la pratique de quelque vertu selon leur besoing, et par ce moyen ceste première année se passa avec beaucoup de progrès en la sainte perfection. » C'est ce qu'afhrme aussi dans son Histoire de la Galerie, la Mère Marie- Adrien ne Fiohet, septième Pro- fesse de la Visitation. Après avoir décrit l'extrême pauvreté des premières Mères et les privations qui en résultaient, elle ajoute : « Ce qui les consoloit, c'estoyent les frequens entretiens de nostre saint Fondateur. Mesme dans les mauvais temps de pluye et de neige, il ne laissoit pa>» de les visiter deu.x ou trois fois la semaine et mesme plus souvent (■). » Dans ces conférences intimes et selon que les circons- tances y donnaient lieu, furent établies bon nombre de pratiques qui passèrent plus tard dans les Constitutions de la Visitation (î. De toutes choses le Saint prenait occasion d'instruire ses filles et de les former aux vertus  (l) Lwr* d*s l'aux du i" Muaast^iT de la Violation d'Annecy. (i) Le I*. Alexandre Fichcl. S. J., frère de la .Mr: " Adrienne, décn vanl lr& unginct de U Visit^iMn. parle ainsi qu'il 14 formation de» prcmicrck KeliKicu&c» : • 1^ Bienheureux dan» de« cntrelicnt particulier» leur ht dc^ leçons de toute U % ic relixteuM* : i. Puur • Ofhce», Scmu>n« et fonctions de l'Ordre, en l'r^tat de Supérieure, u -, d'inférieure et d'égale ; où tout et toute» ne doivent retarder que Dieu et l'œuvTe de Dieu et le bien de la Keli^«jfi. avec un oubly d'elle» nie»nic», et une luc: l'antour propre perpétuelle... 2. l'our le» qualitex de» Novice» i. — i. .. fieu»e». qui »oat un oubly, voire une »ainte horreur du nvode et de ton» le» oignon» de l'Lgypte, pour jamai». et un »aiiit amour de Je»u« et ite U vocAtlon A »ou divin »ervice, un deur ailam^ de faire la volonté de I>tcu. pour MTvir à »a gloire et pour »auver v>n aroe. une »atnte pa»»t(m d'observer tooi Im devoérs de la Religion et toutr^ lr« plu« nirnunt circonstance» de» Règle»... • (Partie II. chap. 11 de* Satntit RéU^uti d* Vt.rotké*, #n U finit rr' i' M kt9r« JtaHHf hranfoti* dt Frtmiot, Harommt dt C kmntal. A L>*on.che; de Cciur»illy». M.uc.uiii.) (3) Voir A l'Appendice III. pp 43 ^ «>j  X Les vrays Entretiens spirituels monastiques. C'est au sujet d'un léger dissentiment sur- venu entre la Mère Marie-Jacqueline Favre et la Mère Péronne-Marie de Châtel, que fut établi entre les Sœurs l'usage de se demander mutuellement pardon à genoux en cas de contestation. Un acte de mortification accom- pli au réfectoire par la Mère de Châtel détermina la prescription de baisser les yeux pendant le repas. Enfin, c'est encore dans des exhortations familières que furent désignés les témoignages de déférence dont les Reli- gieuses useraient les unes envers les autres, la manière d'effectuer les changements de cellules et d'objets de dévotion qui doivent s'accomplir chaque année. Pendant la belle saison, ces conférences se faisaient ordinairement à ciel découvert. C'étaient alors de ravis- sants tableaux qui rappelaient les scènes évangéliques du mont des Béatitudes ou des bords de la mer de Génézareth. Qu'on en juge par le récit suivant emprunté à la Mère Fichet : « Le jour de saint Laurent de l'année 1612, » dit-elle, « nostre bien-heureux Père vint voir nostre vénérable Fondatrice, tousjours accompagné de M. Michel Favre son aumosnier, car jamais il n'entroit sans luy. Toutes les Sœurs descendirent au verger de la fontaine. On luy apporta un siège sous la treille, du costé des degrés qui mènent au jardin ; les Sœurs se mirent à terre autour de luy. » A la prière qui lui en fut faite, le Saint parla de la sobriété, puis de l'affabilité (0, l'une de ses vertus favorites ; déjà il avait donné à ses filles plusieurs des beaux enseignements qui furent pu- bliés plus tard, quand il se vit « interrompu du tonnerre et de la pluye qui le contraignirent de monter en une galerie où les Sœurs le suivirent, » et l'entretien se continua avec une intimité plus grande encore. D'autres fois, c'était dans la chambre de la sainte Fondatrice que la petite Communauté se réunissait. Notre bienheureux Père, dit encore la Mère Fichet, « y a fait plusieurs entretiens spirituels ; comme en ce temps-là il escrivoit le livre de l'Amour de Dieu, nos premières (i) Voir à l'Appendice III, p. 453.  Préface xi Meres luy demandoyent ce qu'il en avoit escrit dés une fois jusqu'à l'autre de ses visites ; «1 leur disoit les chapi- tres et leur donnoit ensuite plusieurs belles instruc- tions... Ce fut dans ceste chanibre qu'il nous vint dire adieu pour aller prescher à Chanibery, et il nous parla de la promptitude à l'obéissance, et du respect qui est deu aux Supérieures. » L'heureux auditoire sut apprécier la valeur du festin spirituel qui lui était servi, et. selon le conseil évangé- lique, il voulait en recueillir Us fragments afin que rien ne se perdit : mais le saint Evéque s'y opposa d'abord, « parce qu'il disoit qu'on trouveroit tout dans son livre de l'Amour de Dieu. ■ Ce fut donc la doc- trine contenue dans le chef-d'œuvre de notre Saint, ainsi que lui-même y fait allusion dans la Préface de cet ouvrage, qui servit de thème à la plupart des entre- tiens si multipliés de ces premières années. Néanmoins, sa défense ne fut pas prise si fort à la lettre que déjà l'on n'écrivît une partie de ses instruc- tions. La Mère Fichet, la fidèle annahste de ces heureux temps, s'était adjugé ce doux labeur. C'est grâce à elle que nous ont été conservés quelques-uns des Entretiens faits à la Galerie. Celui De l'Obligation des Consti- tutions parc'ut être le premier, non seulement dans l'ordre d'impression, mais aussi par priorité de date ; il dut être prononcé dans l'été de lOii, |>eu après la Pro- fession des premières Mères. Le saint Conférencier qui d'ordinaire n'arrêtait d'avance aucun plan, et répondait selon l'inspiration du moment aux questions qui lui étaient faites, jugea cette fois le sujet si important qu'il écrivit des notes, les seules cjui nous soient parvenues de tous les sujets traités dans les Entretiens ' yuand la Communauté, devenue plus nombreuse, dut  (I) Ce» notes durmt avuir une oortaine étendue, car U |»«cr que nous rtnnnon» ma fac-«iinile au ooamMaotoMQt de 00 voluinr p'aprr« lu Mère FldlCt, \* WH C'est ainsi que la fin de cette année 1615 et une partie de la suivante ne furent pas pour la petite Communauté un temps d'abondance spirituelle ; car l'achèvement du Traitté de l'Amour de Dieu et des absences prolongées, ne permirent pas au saint Evéque de s'occu|>er beaucoup de ses filles. Dans une remarquable lettre, en date du i**" août 1617. sainte Jeanne-Françoise de Chantai écrit de lui ces paroles : « Cette sainte âme va toujours se sanctifiant et avançant du côté de la désirable éternité, et ne s'arrêtera qu'il ne soit au rang de ces grands et anciens Pères et Prélats de l'Eglise... Nous avons peu souvent la conso- lation de le voir depuis un an '). » Cette consolation paraît être redevenue plus fréquente pendant les mois qui suivirent. On continue les recueils, on en fait des copies pour les communiquer aux nouveaux Monastères». Ces copies sont envoyées à Moulins, à Lyon, à Greno- ble. « Nous vous envoyons tous les Entretiens que Monseigneur nous a faits depuis notre retour de Lyon, » écrit sainte Jeanne-Françoise de Chantai à la Mère de Bréchard, « celui sur la Règle est admirable < . • Et à la Mère de Chàtel : « Vous aurez tous les Entrotirn< (I) Lrttre xxvi. (a) l^ttrr xxx. (î) Uttr« ex. (4) U t'Aflt M r&oUtti«o XIII.  XIV Les vrays Entretiens spirituels que Monseigneur nous a faits et qu'il nous fera encore ; car, ma très chère fille, tant qu'il me sera possible je lui veux faire employer le temps qu'il vient céans à cela, avant notre départ, afin que toutes les Maisons partici- pent à ce trésor i^). » Les désirs de la Sainte furent réali- sés, car, d'après les conjectures les plus probables, cette année 1618 est précisément l'une de celles qui enrichirent le plus la collection des Entretiens. Ceux De la Cor- dialité, De la vertu d'Obéissance, De l'Esprit des Règles et De la Volonté de Dieu datent de cette époque. De Bourges, de Paris, où elle était allée fonder des Monastères, sainte Jeanne-Françoise fait circuler les précieux Manuscrits dans l'Institut naissant. Bien plus, elle ne cesse de conjurer le saint Fondateur d'entretenir la Communauté d'Annecy, ce qu'il lui accordait facile- ment. « Nos Sœurs d'ici font fort bien, » écrivait-il le 13 décembre 1619, « et n'y a rien a redire, sinon qu'elles « veulent trop bien faire, a fin que nostre Mère reve- « nant, treuve que tout va bien ; cela les presse un « peu. Hier nous fismes un entretien ou je m'essayay « de les mettre un peu au large. » Cet entretien dut être suivi de plusieurs autres ; car, le 12 février 1620, la Sainte écrit (2) : « Monseigneur... exhorte fort nos Sœurs ; c'est pour l'utilité de toutes les Maisons, je l'ai fort prié de le faire. » Pendant que la sainte Fondatrice presse son bien- heureux Père de rompre abondamment le pain de la divine parole, elle recommande à toutes ses Commu- nautés de se nourrir des miettes qui leur en sont trans- mises. « Faites fort lire l'Entretien des Règles et tout ce que l'on a de Monseigneur, » écrit-elle à la Mère de Châtel 'yi, (( je ne trouve rien de tel pour nourrir l'esprit de la Maison. » A la Mère de Monthoux (4) : « Attachez- vous invariablement à la Règle, aux conseils qui sont (1) Lettre clviii. (2) Lettre ccxxix. (3) Lettre cclxii. (4) Lettre cccxxxv. .. -r. -^^ . ::.. . ..'  Préface xv dans les Entretiens ; lisez-les fort et les faites lire aux filles. Tous les mois, j'en fais lire un ou deux à la table. » A la Mère Favre ' : « Nous sommes tant pleines des instructions de Monseigneur qu'il ne saurait quasi rien arriver qu'il ne s'en trouve la résolution dans les Entre- tiens. Vivons de notre pain, c'est le meilleur pour nous. » Et encore *) : « Il y a dans les Entretiens de Monseigneur tout ce qui se peut désirer pour la perfec- tion ; cette doctrine est admirable. » L'intelligente et active rédactrice des Entretiens dut s'éloigner d'Annecy le 6 juillet 1620. Mais la Providence avait pour\'u à sa succession. Une autre Religieuse, à la mémoire aussi fidèle, était prête à la remplacer ; c'était la Mère Marie-Marguerite Michel qui avait pro- noncé ses vœux la veille même du départ des fondatrices d'Orléans. « Elle prit un soin extraordinaire, » est-il dit dans sa Vie (J^ « de recueillir tous les avis et toutes les pratiques que l'homme de Dieu lui donnoit ; et afin que toutes les paroles qu'il prononçoit p>our les Villes de Sainte Marie fussent ramassées comme une manne prétieuse et très-propre à nourrir les esprits, elle se rendoit encore fort attentive à toutes les exhortations qu'il faLsoit alors assez fréquemment, et au sortir de là. elle alloit dé'charger toutes ces richesses spirituelles sur le papier ; sa mémoire, o\i plutôt le Saint Esprit qu'elle invoquoit particulièrement jx)ur ce sujet, lui fourni.ssiint les matières dans le même ordre que le saint Prélat le leur avoit donné dans son discours. On lisoit ensuite ce recueil à la Communauté, afin que chaque Religieuse pût remarquer ce qui auroit été oublié ; mais il narrivoit presque jamais que l'on pût ajouter à ce qu'elle avoit écrit. » C'est à la Mère Marie- Marguerite Michel que nous devons les Entretiens De la Générosité, Des Voix et Des Vertus de saint Joseph. Ce n'est pas seuirmont à Annecy qu'étaient recurillies (1) Ltttre CCCXXXV11. (j) Lettrr ccf (s) Le* V%4% a- , furt Supêrttufêt iê FOrirt dé U l'titUtUtm 5él*U# Mmrté, A Ann^. eb^ Humb^rt Foat^a* M^ocxcni  XVI Les vrays Entretiens spirituels avec amour et fidélité les paroles du Fondateur. A Paris, où il séjourna en 1619, à Lyon, où il termina sa sainte vie en 1622, ses enseignements étaient reçus avec véné- ration et rédigés ensuite avec un soin jaloux. Telle est la provenance des Entretiens De la Prétention reli- gieuse, De ne rien demander, et des deux remarquables Recueils qui se trouvent à l'Appendice. La mort du Serviteur de Dieu apposa comme une sorte de consécration nouvelle sur toutes ses œuvres, et l'estime qu'inspiraient ses Entretiens s'accrut encore. Sainte Jeanne-Françoise de Chantai, qui en a tant recom- mandé la lecture, devient plus pressante à ce sujet. Telle est l'autorité qu'elle attribue à ces Manuscrits, que déjà en 1624, lors de la première rédaction du Coustu- mier, elle fait ajouter ces paroles à ce qu'elle déclare être l'expression fidèle des intentions de son bienheu- reux Père : « Je ne dis rien de l'oraison parce que l'Introduction a la Vie dévote suffit pour y dresser les âmes qui n'en ont pas encor l'usage, et le Traitté de l'Amour de Dieu... avec les Entretiens fournissent suffisamment de lumière et d'addresse aux plus advan- cees. » Et à l'article XXIX de cette première leçon du Coustumier, il est dit : « On lira une fois l'année... les Entretiens dans le réfectoire pendant les repas, au moins un ou deux tous les mois. » Ces deux phrases furent insérées avec quelques modifications dans la première édition du Coustumier imprimée en 1628 et dans l'édition définitive qui date de 1637. La Visitation comptait treize Monastères à la mort de son Fondateur ; durant les sept années qui suivirent, ce nombre s'éleva à trente-cinq. Dans toutes ces Com- munautés, on possédait et on lisait assidûment des exemplaires manuscrits des Entretiens ; mais ils avaient été copiés et recopiés tant de fois, que bien des fautes s'étaient gHssées dans les transcriptions. Nous l'infé- rons de plusieurs lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantai : dans l'une, entre autres, datée du 31 mars 1623 '»y, elle dit à la Mère de Blonay :« Vous pouvez (t) Lettre cpxxxiii. '•.••;••. •.'•..•..-.-.  Préface xvii envoyer l'Entretien clans nos Maisons après que vous l'aurez raccommodé. » A la Mère de la Roche, elle écrit' : t Voyez les Entretiens; que s'il y en avait quelqu'un qui fCit si mal recueilli que vous ne puissiez le raccommoder, attendez ceux de Nessy. » C'était une raison d'être réservé dans la communication des Manus- crits ; aussi la Sainte ajoute : « On peut montrer les Sermons, mais non les Entretiens, sinon à personnes très connues et confidentes v»). » Bien des lettres durent être échangées entre sainte Jeanne-Françoise de Chantai et la Mère de la Roche sur le même sujet. Malheureu- sement, les pièces de cette correspondance qui nous eussent fourni tant d'utiles renseignements, ne sont pas parvenues jusqu'à nou^. Pour la première fois en septembre 1624, perce dans une lettre de la Sainte, l'idée de faire imprimer ces recueils ; l'année suivante, elle les soumet à l'examen d'un Père Jésuite et écrit à la Mère de Blonay (l) : « Le Père qui a vu les Entretiens estime que ce sera un livre très utile et digne de l'auteur. » Et plus tard 4) : « Je salue très humblement le Révérend Père Pro\incial... Si vous recevez les Entretiens, faites en sorte qu'il les voie et en dise sa pensée. » Deux années s'écoulent sans qu'il sini aucunement donné suite à ce projet. I^ Sainte est absorbée par de longs voyages, des fondations multipliées, et surtout par les sollicitudes que lui occa- sionnent les premières poursuites entreprises pour la béatification de son saint Directeur. Sur ces entrefaites, elle apprend qu'un inconnu a soustrait les Manuscrits, précieusement gardés dans le secret du cloître comme un trésor de famille, et qu'il se propose de les hvrer à la publicité ; d'abord, on crut à une fausse alerte, mai< (I) Lettre Dxciii. (a) Au nombre de on « penoanm très oooiiiiM, • U («ut ooaptar IM tre Sftint : Loofue- terre, le P. de la Rivièra, dom Jms «!titlaiiiMot ou dtmt 1« Mw.. et roloM It P. !>■«»• oeJ. S. J., qui en \ tngmentà du» too livre intitulé : Adwit chrêititm, •m; .'t con-.muni â lAMi. A P«rift. cb« S tbat ftw CrsinoAir. m.dc.xxix. U DCXXXIl. (4) LHtre Dcccxxm.  xvTii Les vrays Entretiens spirituels bientôt il fut évident que ces alarmes n'étaient que trop fondées, et que les Entretiens étaient sous presse. La charité et la discrétion ont écendu sur cette affaire un voile épais que le temps n'a pas déchiré ; c'est à peine si la correspondance de sainte Jeanne-Françoise de Chantai le soulève assez pour autoriser des conjectures. Nous nous bornerons à citer les paroles de la Sainte (0. Le 14 avril 1628, elle affirme à la Mère de Blonay que « les Entretiens sont imprimés avec permission du parlement de Grenoble... Je vous ai écrit, » ajoute-t-elle, « le nom du Cordelier duquel le frère libraire les a impri- més. » Le 25 avril elle mande, de Paris (^), à Mgr Jean- François de Sales, frère et successeur du Saint sur le siège épiscopal de Genève : « Nous sommes ici à faire une fort diligente enquête des Entretiens que l'on dit être imprimés ; car de Lyon l'on nous écrit qu'on a envoyé six cents exemplaires en cette ville et six cents à Toulouse, où l'on a aussi écrit pour les faire arrêter partout s'il se peut... Cependant, nous ne perdrons pas de temps, car nous présenterons requête pour les faire arrêter. » Cette fois-ci la Sainte n'avait pas été bien informée ; car assurément le livre en question n'avait pu être expédié à Paris le 25 avril, puisqu'il ne fut « achevé d'imprimer » que le 7 mai. L'impression était faite par Alexandre de la Clostre, imprimeur de l'Univer- sité de Valence, qui fit paraître l'ouvrage sous ce titre : Les Entretiens et Colloques spirituels du Bien-Heureux Fran- çois de Sales Evesque et Prince de Genève, Fondateur des dames de la Visitation. A Tournon. Pour Pierre Drobet, Marchand Li- braire à Lyon '3'. On voit dans les diverses pièces insérées à notre Appendice IV que l'éditeur avait obtenu l'approbation de la Faculté de théologie de Valence, et un Privilège royal qui lui assurait pour six ans la propriété de (i) lettre Dcccxu. (2) Lettre dcccxlvii. (3) Fénelon {Réponse à la Déclaration, § 17) a commis la méprise d'attri- buer les Colloques à l'imprimeur lyonnais Pierre Bailly, qui n'a nullement participé à cette publication. On lui doit au contraire une édition des Vrays Entretiens spirituels.  Préface xix l'ouvrage. Il céda « la moitié de son Privilège à Pierre Drobet, » dont le nom revient si souvent en 1628 sous la plume de sainte Jeanne-Françoise de Chantai (0. Avec l'énergie et le zèle qu'elle avait accoutumé de déployer en tout ce qui concernait la gloire de Dieu et l'honneur de son bienheureux Père, la Sainte s'occupe déjà le 8 mai 1628, « d'obtenir un Privilège du Roi » pour faire imprimer les l'rays Etitreiicns, qui portera défense à tous les autres libraires de les réimprimer. Le 4 août, elle annonce l'obtention de ce Privilège, « autant favorable que nous pouvions désirer, » dit-elle, « sinon qu'il est \>o\\t peu d'années (^ ; » et elle p>oursuit pour retirer tous les e.xemplaires que Drobet « a faits des Entretiens, tant les huit cents qu'il a, que les huit cents du Père Cordeher. » Dans cette même lettre, prière est faite à la Mère de Blonay de conférer de toute cette affaire avec le R. P. Binet, Provincial de la Compagnie de Jésus. « \'ous lui mettrez en main tous lesdits Entre- tiens, afin qu'il les voie, » ajoute la Sainte, « et vous étant résolue à qui on donnera l'impression à faire, vous retirerez du R. P. Binet le premier Entretien (}u'il aura vu, pour le faire mettre sous la presse, afin de ne point perdre de temps ; et ainsi l'un après l'autre vous aurez soin de les retirer. » L'absence du P. Binet ne permit point de commencer immédiatement l'impression. Le 8 octobre, la Sainte écrit encore à la Mère Cathe- rine-Charlotte de Crémau.x qui avait succédé à la Mère de Blonay dans le gouvernement du i«' Monastère de Lyon U) ; • Puisque le Révérend Père Provincial est à Vienne, vous pourriez peut-être bien lui envoyer les Entretiens ; je serais bien aise qu'il les vît. • Il paraît même que la sainte Fondatrice ne s'est pas contentée de cette révision ; car les choses ayant traîné en longueur, elle écrivit encore le 2^ février 1629 à la même Supé- rieure : ■ Pour nos Entretiens, je vous supplie de nous renvoyer les deux copies que nos Sœurs de Paris vous (I) l-a r huai!. ;..riii Utrobttt ' crr. (a) Lctt < III. (j) lettre Dcccxc.  XX  Les vrays Entretiens spirituels  ont envoyées ; car nous désirons de les faire revoir encore plus exactement, afin que, puisque nous sommes néces- sitées de les faire publiquement voir, Ton n'y laisse rien tant qu'il se pourra qui puisse faire gloser (0. » La Sainte était arrivée depuis peu à Annecy après un long voyage en France. Dans plusieurs des villes où elle avait passé, à Orléans, à Grenoble, à Chambéry, les Colloques étaient en vente ; mais, à force de démar- ches, elle obtint de faire saisir l'édition, au moins tout ce qui restait au libraire lyonnais, ainsi que nous l'ap- prend la suite de la lettre précitée : « ...Que l'on regarde ce qu'il lui faut donner pour les exemplaires saisis, que je voudrais qui fussent tous brûlés, et les autres huit cents dont vous m'écrivez. » Le 15 septembre de cette même année 1629, la Sainte écrit encore à la Mère de Blonay (>) : « Puisque, comme vous dites, l'on vend la fausse copie qui nous a été soustraite, à Valence... il faut que vous avisiez... d'envoyer une copie du Privilège et commission bien collationnée à nos Sœurs de Valence, et qu'elles le fassent signifier à celui qui vend les Entretiens, et qu'elles fassent saisir toutes les copies qu'il a, s'il se peut. Je n'ai pas eu doute que cette copie ne fût venue du sieur Chapet, qui l'a assurément tirée de Belley. » Cependant, quelle que soit la vigueur avec laquelle elle réprouve les Colloques, la Sainte paraît n'en juger que sur le témoignage d'autrui, jusqu'en février 1631, où son indignation éclate dans les lignes suivantes adressées à la Mère de Crémaux (3) : « Nous avons fait Ure à table le livre des faux Entretiens pour voir [ce] que c'était ; mais nous en avons été toutes scandalisées, voyant la hardiesse de renverser tout à fait l'esprit de notre saint Fondateur et les demandes qu'on lui a faites, de sorte que je vous prie de les brûler tous, ou bien de vous en servir à plier des paquets ou coller les châssis, car c'est un livre qui ne mérite pas, et qui ne doit jamais être lu. ))  (i; Lettre cmxiv. (2) Lettre CMLv. (3) Lettre MLxxiiT.  PrAfacb XXI Quiconque connaît le caractère viril de la sainte Fon- datrice et l'habitude qu'elle avait d'envisager toujours la vie religieuse par son grand côté, ne s'étonnera pas de l'énergie avec laquelle elle stigmatise les Colloques. La confiance mutuelle était si absolue et l'humilité si profonde parmi les premières Religieuses de la Visita- tion, qu "elles n'avaient pas craint de poser à leur Fon- dateur dans des conférences communes, des questions qui eussent comporté le secret du tribunal de la p)éni- tence, ou tout au moins l'intimité de la direction privée. La Sainte s'alarme de voir toutes ces choses exposées au grand jour. Plus équitable et moins formaliste que celui d'aujourd'hui, le public d'alors n'était cependant pas cai)able de comprendre des enseignements destinés prin- cipalement au cloitre. Il s'agissait donc de supprimer ce qui pouvait donner heu à des interprétations malveil- lantes ; non moins urgente était la nc»cessité de remt-dier à des fautes d'impression vraiment monstrueuses, qui, en maint endroit, dénaturaient complètement la doctrine (») ; telles sont les causes qui déterminèrent la publication des l'rays Entretiens spirituels, ainsi qu'il est exph- qué dans l'Epître préliminaire de ce Uvre. En confrontant le texte des Manuscrits avec celui des Colloques, on acquiert la certitude que l'éditeur n'eut pas la témérité d'altérer de parti pris le:» enseignements  (I) Voici im ^^»•c^^uca de ct~> iirangct Lk-vuc». H^e i<> : • No*lre Sri^neur Uouoe ce» qutttudtt rt tranquillités; » Colloque* : • No«lre Sci^rur doune CCS iHqmiftuJti et aittattoni. » l*»K^ 66, var. (o*) : • «i l'oo avuit quelque fraode ch(/«e, Foraiion de quiétude. • Coll. : « ... comme en rotation une inquiétude uu ituUc choKtte. • ra4{c 137 : «elle ejierce prmcipAiement ion ujùk ; • Coll. : « elle $'éMirct pnocipalement ««mi toin. • Faf« 140 : • de Mint« Catherine de Sienne et de Oenei; • Coll. : • ... Catherine de Sienne voire mcftme de grue». • Pafe i)i : • cctt un neceMaire que Marie a choiai ; • Coll. : • ce remède neccaaaire. • Pafe 186 : • 1/ m'aurm mtumm compté à rendre de *f .., puitqu'ellet auront «i// toutéi faites par i>l»rt\%aiur . • Coll. : * le •• fwiant tendra tonle, non seulement de quelque femee, «mu dé toutet •#« eutiont (aittn par olxTiktaitcr. • l'ajrr iqn^ : • une prrv>iw>r enyvrétl • Coll. : «une {>er»o(ine pute. * Paife iit •ru Pinlime de Doa oonov ; • Coll. : «en Veitime de utttto%n . «de patttont ." • etc.. et*.  XXII Les vrays Entretiens spirituels de notre Saint. Mais, en outre des défauts que nous venons de signaler, il eut le tort de retoucher le style, et, sous prétexte de le rendre plus correct, il lui a fait perdre beaucoup de la grâce et de la naïve simplicité qui le caractérisent. Néanmoins, on ne peut disconvenir que, soit pour l'ensemble des enseignements, soit pour la distribution des matières, les Colloques ne repro- duisent assez exactement la rédaction primitive, ainsi que permettent de le constater la Table de correspon- dance placée à la fin du présent volume, et les nombreuses variantes données tout au long de Touvrage (0. Un mot nous reste à dire sur la marche suivie par sainte Jeanne-Françoise de Chantai et ses collaborateurs dans la préparation du texte définitif. On a eu soin d'en retrancher les allusions directes, les détails trop intimes, et certaines questions qui eussent pu sembler inutiles à quiconque n'est pas initié aux usages monastiques et sur- tout aux Règles de la Visitation. Il en résulte que le ton est moins famiher, les enseignements plus concis, mais non moins onctueux, lumineux et pratiques. L'édition authentique parut dans l'été de 1629, sous le titre suivant : Les Vrays Entretiens spirituels du Bien-Heureux François de Sales, Evesque et Prince de Genève, Instituteur, et Fondateur de l'Ordre des Religieuses de la Visitation S*. Marie. A Lyon, par Vincent de Cœurssilly, Marchand Libraire, en rue Tupin, à l'en- seigne de la Fleur de Lys. m.dc.xxix. Avec Privilège du Roy (2). On constate en comparant l'imprimé avec les Manus- crits, que la distribution des matières est très diftérente, (i) La note donnée dans l'Introduction au Traitté de l'Amour de Dieu (p. LXix) au sujet des Colloques exige quelque rectification. En comparant cet ouvrage avec le texte définitif on a pu effectivement croire à de nombreuses interpolations ; mais l'examen des Manuscrits primitifs, découverts plus tard par les éditeurs, a modifié cette première impression en démontrant que tous les passages considérés comme additionnels appartiennent à la première rédaction. (2) Les bibliophiles nous sauront gré de leur donner le faux-titre de l'ou- vrage. IJ est assez curieux de remarquer les variantes d'orthographe qu'il offre avec le titre principal. Les Vrais Lntretiens spirituels du B. François de Sales, d'heureuse et s*» mémoire, Evesque et Prince de Genève, Instituteur et Fondateur des Religieu- ses de la Visitation .S'< Marie. A Lyon, par Vincent de Cœurssillys en Rue Tupin, a l'enseigne de la fleur de Lys. 1629. Avec Privilège du Roy.  Préface xxiii et de part et d'autre elle semble même faite d'une manière assez arbitraire. Il n'en est rien cependant pour ce qui concerne le texte définitif. A travers un désordre apparent, on démêle une idée rationnelle qui a groupé les sujets en cinq séries distinctes, si on excepte le premier Entretien qui rentrerait i)lus logiquement dans la seconde série, et celui Des Vertus de saint Joseph, qui ne se rattache directement à aucune. La première série traite des vertus fondamentales de la vie spiri- tuelle : la Confiance, la Fermeté, la Cordialité et V Humilité, la Générosité, V Espérance et les Trois Loix. Les sujets qui se rapportent plus spécialement à l'état monastique sont réunis dans la seconde série. Ce sont la Desappropriation qui répond au vœu de pau- vreté, la Modestie et la Simplicité, double aspect du vœu de chasteté, VOheissance et V Esprit des Règles. Les obstacles principaux à l'acquisition de la perfec- tion religieuse et le grand moyen d'en triompher sont étudiés dans les Entretiens Du Jugement propre. Des Aversions et De la Volonté de Dieu. Dans le grouj^e suivant, sont exposées les conditions qui assurent la prospérité spirituelle des Communautés, et l'avance- ment de chacune des âmes qui les composent ; c'est à dire le bon choix des sujets dont il est parlé dans l'En- tretien Des Voix, la fervente réception des Sacrements, la récitation de l'Oftice, la pratique de l'oraison traités dans l'Entretien Wlli. Enfin la cinquième série est formée de^ deux derniers Entretiens, prononcés l'un à Paris, l'autre à Lyon. L'édition définitive contient trois conférences extraites des Manuscrits de Sermons : De la Fermeté, Des trois Loix spirituelles, Des l'ertus de saint Joseph. On avait dt*s l'origine mis un soin presque scrupuleux à distinguer dans les recueils, les entretiens prononcés au parloir et les sermons prêcliés à la chajx'lle. Ces derniers, le plus souvent, étaient adressés exclusivement à la Com- munauté ; d'autres fois, une élite de pieux fidèles était admis<* à les entendre. De part et d'autre le fond ét«ut le même ; la forme ne ditfcrait pas essentiellement :  XXIV Les vrays Entretiens spirituels c'était toujours le même ton simple et paternel ; seu- lement, le style des sermons était plus suivi et excluait les digressions qu'amenaient fréquemment dans les en- tretiens proprement dits les questions posées par les Sœurs. En outre des trois prédications indiquées ci-des- sus, des fragments de divers autres Sermons et de Lettres ont encore été ajoutés çà et là au texte primitif (0. Tantôt ces fragments sont absolument additionnels, d'autres fois ils remplacent un passage supprimé. Loin de se borner à des suppressions partielles, on a éli- miné de l'édition définitive les deux Entretiens adressés à la Communauté de Lyon. Les Religieuses de ce Monastère, qui avaient si minutieusement recueilli les paroles de leur saint Fondateur, se plaignirent de cette omission ; sainte Jeanne-Françoise de Chantai dut expli- quer à la Mère de Blonay les raisons qui l'avaient déterminée. Sa lettre donne une idée de la liberté avec laquelle on avait procédé dans la préparation de l'édition de 1629. « Quant au recueil que vous fîtes de ce que vous dit notre bienheureux Père et à vos filles, le jour de saint Etienne, » lui écrit-elle, le 28 juillet 1630 i^), « parce qu'il n'avait point de liaison ni de suite, ceux qui ont vu les Entretiens (qui sont plusieurs personnes très capables), n'ont pas jugé qu'il se pût ni dût mettre en cet état ; mais ils en ont tiré toutes les meilleures pièces qu'ils ont placées dans les Entretiens, es lieux où elles  (i) C'est ainsi que dans l'Entretien XII ont été insérés divers fragments de Lettres de notre Saint à sainte Jeanne-Françoise de Chantai. Ces fragments avaient déjà été publiés par le P. de la Rivière dans La Vie de l'Illustrissime et keverendissime français de Sales (IJv. III,chap. xxxii),sous le titre d'Exer- cice de V abandonne ment de soy-mesme entre les mains de Dieu, avec cette indi- cation : « I""aict le Jeudy Saint, l'an mil six cents seize. » Ce môme texte est reproduit dans les Sacrées Reliques (Partie I, chap. viii). A partir de l'édition de 1652, V Exercice de V abandonnement a été rangé parmi les écrits appelés abusivement les Petits Traittés. (2) Lettre mxx. Bien que la Sainte ne parle explicitement que de l'un des Recueils faits à Lyon, il s'agit de tous les deux ; car c'est de l'un et de l'autre qu'elle a tiré les extraits mentioimés ci-après. Et plus de vingt fois, dans le livre des Réponses, elle cite des paroles de son bienheureux Père qui ne se trouvent nulle part ailleurs que dans ces deux Entretiens.  Préface xxv s'appropriaient le mieux, et étaient plus convenables... Je suis bien marrie que nos Sœurs de Lyon ne jouissent pas en cette occasion de la consolation qu'elles désirent. Ce qui se pourrait faire en cela serait de regarder ce qui aurait été mis dans les Entretiens, puis faire un recueil des principaux pomts qui seraient restés, que vous juge- riez être d'utilité et de consolation, auxquels on ajouterait encore quelques avis que nous avons de notre bienheu- reux Père qui sont fort beaux, lesquels on pourrait faire imprimer et joindre à la fin des Entretiens... Mais prenez bien garde, si vous faites cela, de ne pas répéter ce qui aurait déjà été mis aux Entretiens. « Les extraits en question furent faits, mais fort sobrement, et imprimés pour la première fois avec quelques autres passages inédits des Manuscrits, au commencement de l'opuscule mtitulé : Petite Coustumc de ce Monastère de la Visitation Satncte Marie d'Annessy. m.dc.xi.ii. L'étendue des Entretiens, la variété des matières qu'ils embrassent pourraient faire suppos<^r que le résumé de plusieurs conférences a été réuni sous un même titre et un seul numéro d'ordre. Cette supposition n'est fondée (jue pour le premier et le dernier Entretien et celui De la Desappropriatiun. Tous les autres ne représentent bien qu'une seule de ces exhortations qui, par suite de l inépuisable charité du saint Fondateur et la pieuse avidité de ses Religieuses, se prolongeaient parfois des heures entières. Le Privilège royal qui assurait à Cœursilly la pro- priété des Entretiens pour six ans ne fut jxis respecté. Pendant qu'il les rééditait lui-même en 1630, lOji, 1632 (*^ ils étaient imprimés à Tournai en 1630 par Adrien yuinqué, à Pans en 1631 par Huré, en 1O35 à Rouen par le Boulanger et par Etienne Vereul. et  (Ij t 'r»l r<. liti.it .». l'M-' «|u» * '■»• Ijh* U-% pn ii»i. r»-* «i. «ir/t (omf>Ulét, publiées a l«juluu»c en i- ,, ' i>i>«' qur \i\i-^, d^u* un Avcru»Mit)rtit pUcé «a retard «to U p. i' <- III. « première é«lit>tjn a< - •? • relW qui a pAiu tic 1641. Micnc ooctui.- .- ...tine «rrvur. toaw 111.  XXVI Les vrays Entretiens spirituels réimprimés en cette même année 1635 à Paris par Hure. Les Vrays Entretiens furent encore réédités à Lyon en 1636 par Pierre Bailly et par Candy, à Paris en 1644 et 1645 par Huré, etc. Il serait fastidieux d'énumérer toutes les éditions qui en furent faites pendant le XYii^ siècle, et presque impossible de n'en oublier aucune, tant elles sont nombreuses. Nombreuses aussi sont les versions qui en ont été données dans les principales langues de l'Europe. En 1632, trois ans à peine après la publication de la pre- mière édition, une Religieuse Bénédictine de Cambrai les traduisit en anglais (0. En 1648, ils étaient traduits en latin par le P. Lamormaini, S. J. (2) En 1652, paraissait à Rome une version italienne dédiée au Car- dinal Fabio Chigi, plus tard Alexandre VII, par ordre de qui elle avait été entreprise (3). La plus ancienne édition allemande qui nous soit connue, remonte à 1667. Elle a été publiée à Lucerne, par le Docteur Gaspard Stadler, et dédiée à l'Evêque de Constance. On signale une traduction espagnole en 1667. La version polonaise faite par la vSœur Françoise- Aimée de Thélis, l'une des fondatrices de la Visitation de Varsovie, doit remonter à une époque antérieure encore (4) ; mais elle ne fut imprimée que beaucoup plus tard. Ainsi par la diffusion des Entretiens spirituels s'ac- complissait le conseil évangélique : Ce qui vous a été dit dans les ténèbres, répétez-le en plein jour, et publiez (i) Cette première traduction anglaise portait ce titre : Spirituall Enter- tainments of the sovle written by the holy and most révérend lord Francis de Sales bishof and prince of Geneva. Translated by a Dame of our Ladies of comfort of the order of S. Bennet in Cambray. Imprinted at Douay, by Gheerart Pinson under the signe of Cuelen. 1632. — La Communauté des Bénédictines à laquelle nous en sommes redevables, chassée de Cambrai par la révolution française, se retira à Staubrook (Worcester), où elle est encore florissante aujourd'hui. (2) Collocutiones Spirituales.. in Latinum traductœ per Henricum Lamor- maini. Viennae, Cosmeronius. (3) / veri Trattenementi o Discorsi spirituali di Monsignor Francesco di Sales... TradoUi dal Francese nell' Italiano da D. Paolo Battista Uso di Mare, Genovese, monaco Cassinese nella sacra Badia di san Faolo. (4) Voir l'Année Sainte des Religieuses de la Visitation Sainte-Marie (III« volume), Annecy, Ch. Burdet, 1867.  Préface xxvii sur les toits ce qui vous a été confié en secret. Ces conférences intimes qui devaient n'éveiller d'ckrho que dans un petit nombre de cœurs fidèles retentissent dans l'Eglise entière et, sans distinction d'idiome et de natio- nalité, portent aux âmes de bonne volonté la consola- tion, la lumière et la paix. Un exposé de la doctrine qu'il renferme aidera à apprécier la valeur de ce livre, valeur attestée par l'admiration qu'il a inspirée à plu- sieurs saints personnages et les fruits qu'il a produits dans l'Ordre de la Visitation. 11 sera utile de prendre cette étude d'un f>eu haut et de la compléter par une courte appréciation du stvlc des l'ravs Entretiens spi- rituels.  il  Valeur doctrinale et littéraire des Entretiens  La vie chrétienne et la vie religieuse sont la mise en action de l'Evangile ; seulement l'une est astreinte à la simple observation des préceptes, l'autre y ajoute la pra- tiijue des conseils : elle est le plein épanouissement de la première, et, des mêmes principes, tire des conséquences plus rigoureuses. Le but à iit teindre est identique : l'éter- nelle pos.s<»ssion de Dieu ; la voie à suivre est substan- tiellement la même : aimer le Seigneur de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit, et le prochain comme soi-même. Mais comme ce précepte ne peut s'accomphr que par l'abnégation de l'amour-propre. et que cette abnégation présente des degn^ pres^juc infinis, l'état religieux a, par dessus la vie chrétienne, l'avantai^e d'établir l'âme dans une disposition de renon- cement continuel et universel à tout ce i\\i\ peut mettre obstacle à l'exercice du parfait amour de Dieu. Tous les Fondateurs d'Ordre se sont proposé de réduire  XXVIII Les vrays Entretiens spirituels en servitude le moi humain, l'homme de péché, comme l'appelle saint Paul, mais par des moyens divers. Les Règles qu'ils ont dressées sont adaptées aux mœurs et aux besoins de leur époque, aux aspirations d'une cer- taine classe d'âmes qu'ils avaient spécialement en vue. On sait que la vie monastique prit naissance en Orient durant l'ère des persécutions. Alors que les martyrs purifiaient les crimes du vieux monde dans leur sang, les solitaires embaumaient l'Eglise des parfums de leur pénitence. Eux aussi se considéraient comme des vic- times et faisaient de leur existence une immolation perpétuelle. C'est sous cette forme que la vie religieuse fut introduite en Occident. Le grand Ordre de saint Benoît, dans la variété de ses observances et l'unité de son esprit, couvrit l'Europe pendant toute la durée du Moyen-Age ; et dans ces monastères, où l'on vivait d'une manière plus angélique qu'humaine, l'austérité de vie et les grâces surnaturelles qui en sont parfois la récompense semblaient être la mesure exacte de la sainteté. Il en fut de même chez les Religieux men- diants qui ajoutèrent les rigueurs d'une pauvreté extrême à celles d'une extrême pénitence. A l'aurore des temps modernes, saint Ignace vint opérer une remarquable révolution dans les idées qui jusqu'alors avaient présidé à toute législation monasti- que. Il voulait instituer moins des pénitents que des apôtres. Ce n'est pas à dire qu'il ait supprimé les rigueurs extérieures dans la célèbre Société dont il fut le Fonda- teur, mais il leur assigna un rang secondaire. La vie religieuse resta à ses yeux ce qu'elle est en réalité, une milice ; toutefois il déplaça le champ de bataille, et sans laisser de crucifier la chair, plus qu'aucun autre il déclara la guerre aux passions déréglées de l'âme ; c'est une lutte à outrance, une sorte de duel qu'il faut entreprendre contre chacune de ses tendances perverses ou seulement dangereuses. Tels sont les principes exposés dans les Exercices spirituels, et appliqués dans les Règles de la Compagnie de Jésus. Saint François de Sales paraît à son heure investi par  Préface xxix la Providence d'une mission spéciale. Nous n'avons pa^ à rappeler comment l'expérience acquise dans la direc- tion des consciences et les relations si étendues que lui créait sa réputation de sagesse et de bonté, l'amenèrent à constater une lacune parmi les institutions monastiques et lui inspirèrent le désir de la combler. Son cœur s'émut de compassion au contact de tant d'âmes géné- reuses lesquelles ■ désirant extrêmement de se retirer « de la presse de ce siècle pour vivre tout a Dieu, » ne peuvent « le faire, faute d'avoir un corps asses fort, une « complexion asses saine ou un aage asses vigoureux, » et il érigea sa Congrégation « en sorte que nulle grande « aspreté ne peust divertir les foibles et infirmes de « s'y ranger pour y vaquer a la perfection du divin « amour (»\ » « Vaquer a la perfection du divin amour, » telle est l'épigraphe qu'il place en tête de ses Constitutions, tel est le but qu'il propose à ces personnes à qui les années ou les infirmités ferment inexorablement la porte de tous les Monastères où l'observance régulière est en honneur. Dans les âges précédents, où la force des tem- péraments ne le cédait pas à l'énergie des caractères, les austérités de la pénitence avaient été considérées comme un des éléments constitutifs, indispensables de toute vie religieuse. Il fallut chez l'Evêque de (ienève les intuitions du génie et de la sainteté pour aller à rencontre d'une idée aussi universellement admise. Cette innovation ne laissa pas de faire sensation parmi SCS contemporains : les sages crièrent à la témérité ; les mondains, au scandale. Le saint Instituteur ne se laissa point ébranler par toutes ces protestations, et poursiÙN-it son entreprise. Seulement, il prit un soin plus grand d'inspirer à ses filles l'esprit qui devait les animer, et suppléer chez elles aux moyens dont on croyait l'absence incompatible avec la poursuite de la sainteté. C'est la pensée qui domine dans les Entretiens. De prime abord, il pourrait sembler que re li\Te. bien  XXX Les vrays Entretiens spirituels loin de former un traité sur les devoirs de la vie religieuse, n'est qu'une agglomération d'enseignements ascétiques dépourvus de suite et d'unité. Il n'en est rien cependant, car les questions que sainte Jeanne-Françoise de Chantai et ses filles posèrent à leur bienheureux Père furent si multipliées, qu'en les résolvant toutes il fut amené à leur expliquer la vie religieuse sous ses différents aspects, à traiter des principales obligations qu'elle impose. Ce n'est pas toutefois que notre Saint parle de toutes ces choses d'une manière méthodique et complète. L'auditoire auquel il s'adressait était gagné totalement à Dieu ; il importait moins de l'instruire que de le toucher, moins de lui montrer le bien que de lui inspirer le désir des dons les plus excellents. Le saint Conférencier étudie donc, si l'on peut ainsi dire, la psychologie des vertus ; il en pénètre l'essence, les côtés les plus cachés, les plus intimes, les plus voisins de Dieu. Ses filles étaient capables de le suivre sur les hauteurs ; il les y entraîne, et veut les y établir à demeure. A quelque point de vue que se place saint François de Sales pour traiter de l'accomplissement des devoirs de l'âme consacrée à Dieu, ce qu'il fait constamment ressortir, c'est l'esprit de sacrifice qui doit vivifier toutes ses œuvres extérieures, et au besoin les suppléer. S'il n'impose pas à son Institut « une austère austérité, » il exige des compensations, et veut que « la ferveur « de la charité et la force d'une très intime dévotion .'( supplée a tout cela(0. » La force, non pas la suavité de la dévotion, il est bon de le remarquer. Des auteurs, fort estimables du reste, se sont mépris à cet égard. D'après eux, la Visitation est un asile ouvert à des per- sonnes de « trempe d'âme bonne sans doute, mais peu énergique. » Telle n'était pas la pensée du Fondateur. Dans son premier Entretien, il se propose de parler de la dévotion, et il explique la force, ou plutôt, pour lui ces deux vertus se confondent ; car ses Religieuses (i) Addition à la première Constitution.  Préface xxxi devront « nourrir leurs cœurs en une dévotion intime, « forte et généreuse » (p. 13). Souvent notre Saint leur parle de cet « esprit de force et de générosité que nous « avons tant d'envie de voir céans ■ (p. 81). Il veut que leur courage grandisse au milieu des difficultés ; que les tentations leur soient un motif de confiance et un moyen d'avancement, puis^pie « la vertu de force « et la force de la vertu ne s'acquiert jamais au temps « de la paix » (p. 294). Il aime les natures énergiques, les âmes vigoureusement tremjxîes, et ne se préoccupe nullement des difficultés (juc présente l'assouplissement de tels caractères. « La Religion, » dit-il (p. 378), « ne •• fait pas grand triomphe de façonner un esprit tout « fait, une ame douce et tranquille en elle-mesme, mais ■ elle estime grandement de réduire à la vertu les âmes « fortes en leurs inclinations, car ces ames-là, si elles • sont fidclles, passeront les autres. » Cette force, notre Docteur l'entend à la façon des anciens ; c'est principalement une vertu passive qui consiste à s'abstenir et à soutenir. Elle e.xige dans le grand travail de la réformation de soi-même le calme et la patience, bien plus que l'ardeur prov(Katrice et la lutte violente. Elève des Pères Jésuites, le Fondateur de la Visitation connaissait et appréciait l'habile stra- tégie de saint Ignace ; toutefois, il ne l'introduit pas dans son Institut. Four lui, le plus sur moyen de perfection est d'anéantir lamour-propre, non pas en lui déclarant une guerre ouverte, mais en mépris;int ses attaques ; il importe moins de renverser les obstacles que de s'en détourner humblement et simplement ; moins de vaincre ses ennemis en bataille rangée que de passer à travers leurs rangs. C'est ce que notre Saint .' répugner à ses répugnances, contredire à ses contiaui» uons, décli- ner de ses inclinations, se divertir de ses aversions (p. 17). Dans les troubles intérieurs, il enseigne à « divertir « nostre esprit de son trouble et de sa jx'ine, • à • s<* ■ resserrer auprès de Nostre Seigneur et luy parler * d'autre chose • (pp. 84. 144). Eprouve-t-on un senti ment d'aversion contre le prochain : « L'unique remède à  XXXII Les vrays Entretiens spirituels « ce mal, comme à toute autre sorte de tentation, c'est « une simple diversion, je veux dire n'y point penser » (p. 290). L'exécution des ordres reçus présente-t-elle des difficultés, « il ne faut faire qu'un acte d'amour et se « mettre à la besogne » (var. (h), p. 160). Néanmoins, il est des circonstances, et ces circonstan- ces peuvent même être fréquentes pour certaines natures, où la rencontre est inévitable et la lutte nécessaire. Il ne s'agit pas alors de battre en retraite, et notre saint Docteur est loin de le conseiller ; mais en acceptant la bataille, il faut d'après lui, tenir le regard fixé moins sur son adversaire que sur le Roi céleste pour lequel on combat ; il faut apprécier la victoire parce qu'elle est un don de sa grâce, plus encore que la récompense de nos propres efforts. Sous aucun prétexte, il n'admet le vague, l'irrésolution ; son but est de prévenir les écarts de la volonté, et non pas d'en comprimer les généreux élans. A l'encontre de certains auteurs modernes, il recommande les résolutions vigoureuses et même un peu hardies. « Nous ne devons jamais cesser de faire des « bonnes resolutions, « dit-il (p. 155), « encore que nous « voyons bien que selon nostre ordinaire nous ne les « pratiquons pas, voire, quand bien nous verrions qu'il « est impossible de les pratiquer quand l'occasion s'en « présentera. » Mais ces résolutions doivent être prises et exécutées par un sentiment de confiance en Dieu et non point par une certaine assurance en soi-même, qui est le plus subtil aliment de l' amour-propre ; l'âme doit alors se retourner amoureusement vers le Seigneur, et lui dire : « Il est vray que je n'auray pas la force de « faire ou supporter telle chose de moy-mesme, mais je « m'en r es jouis, d'autant que ce sera vostre force qui « le fera en moy » (p. 155). Bien que ce procédé, à la fois si facile et si fécond en merveilleux résultats de sanctification, soit plus spécialement exposé dans les Entretiens VI et XII, il est insinué dans tous les autres, et il sera utile de ne pas le perdre de vue pour avoir l'intelligence de l'ouvrage. Il ne sera pas moins utile au lecteur de se reporter au  Préface xxxiii temps et aux circonstances dans lesquelles les Entretiens furent prononcés. Une certaine défaveur, nous l'avons dit, plana sur les origines de la X'isitation : la vie y était tnjp douce au gré des enfants du monde, les Règles trop faciles. Le saint Instituteur, sans se mettre aucunement en peine de repousser ces blâmes, sans même croire nécessaire de relever le courage et la confiance de ses Religieuses, qui n'avaient jamais faibli, jugeait néanmrnns opportun de leur donner des assurances telles que celles- ci : « Les Filles de la Visitation sont toutes i'ppellées à une « très-grande perfection, et leur entreprise est la plus " haute et la plus relevée que l'on sçauroit penser, d'au- * tant qu'elles n'ont pas seulement prétention de s'unir à « la volonté de Dieu... mais de plus, elles prétendent de « s'unir à ses désirs, voire mesme à ses intentions, je « dis avant mesme rju'tlles soyent pres^jue signifiées ; « et s'il se jx)UVoit jK'nser quelque chose de plus p;ects constitue la perfection même. Rien donc que notre saint Docteur recommande plus vivement que cet amour : amour constant, fort, confiant ; amour qui se traduise par les œuvres et règle toute la conduite ; amour qui simplifie tout dans l'âme et dans la vie. C'est le sujet de l'Entre- tien XI 1 La simphcité, d'après lui, est « cest acte de « chanté simple qui fait que nous ne regardons et « n'avons autre visée en toutt^s nos actions que le seul « désir de plaire â Dieu » (p. 203). L'«\me doit être tellement éprise du Seigneur que sous nul prétexte elle ne puisse « souffrir aucun divertissement en sa ■ prétention, (jui est de se tenir attentive » à lui « pour « accroistre en elle son amour • (p 207) ; car « qui est t bien attentif à plaire amoureusement à l'Amant « céleste, n'a ni le cœur ni le loisir de retourner sur « soy-mesme • (p. 217) C^t oubli total de soi-même pour ne s'occuper que de l'objet aimé est l'un des plus beaux fruits de l'amour, l'une des formes habituelles de l'abandon et de la sainte indifférence, vertus sur lesquelles les Entretiens i"-i-*'nt particulièrement. Crux De la Confiance, De la l :c. De la Générosité. De l'Espérance, Des Trois Loix spirituelles. De ne rien demander, contiennent à ce sujet des enseignements si sublimes qu'ils échappent à  XXXVI Les vrays Entretiens spirituels toute analyse. Les plus magnifiques éloges que l'on puisse faire de l'abandon sont résumés en une phrase : c( Grande est ceste vertu, et seule digne d'estre pratiquée « des plus chers enfans de Dieu » (p. 26). Cependant il en est une autre non moins chère à saint François de Sales, et qu'il rattache également à l'amour de Dieu: c'est l'humilité. «La charité, » dit-il (p. 130), « est une humilité montante, et l'humilité est une cha- « rite descendante. » Et il découvre à l'âme qui s'est remise complètement et docilement à la conduite de ce divin amour de véritables abîmes d'humilité dans les- quels il l'invite à se plonger. Ce n'est pas seulement dans la 11^ Demande de l'Entretien IV, que le saint Evêque en traite, mais à tout propos il préconise cette indispensable vertu. A son sujet, il prononce des sen- tences qui revêtent la forme d'un axiome, celle-ci par exemple : « C'est tousjours par la mesure de l'humilité « que l'on recognoist nostre advancement » (p. 343). Les prédilections qu'il lui a vouées n'ont rien qui doive surprendre, car l'humilité a de singuliers avantages sur toutes les autres habitudes surnaturelles. Tandis que celles-ci ne trouvent leur développement que dans les victoires remportées avec l'aide de Dieu sur la triple concupiscence, l'humilité au contraire peut se fortifier de toutes nos faiblesses, grandir de tout ce qui nous rape- tisse à nos propres yeux et à ceux de nos semblables. C'est pourquoi le saint Docteur dit à ses filles (p. 130) : <' Je vous ayme mieux avec plus d'humilité et moins « d'autres perfections, qu'avec plus d'autres perfections " et moins d'humihté. » Grande est l'insistance qu'il met à recommander l'amour de l'abjection, cette nuance délicate de l'humilité, dont aucun Fondateur d'Ordre n'avait avant lui parlé d'une manière aussi pressante. L'âme intérieure doit la choisir pour compagne insépa- rable, la constituer son second ange gardien : « Ceste " petite vertu de l'amour de nostre abjection ne doit « jamais s'esloigner de nostre cœur d'un pas, parce que « nous en avons besoin à toute heure, pour avancés que V nous soyons en la perfection » (p. 298).  Préfacr XVWII La mortuicatiun est aussi l'une des vertus fortcmcni recommandées dans les Entretiens, et en termes tels qu'on pourrait être surpris de les trouver sur les lèvTes du plus doux des Siiints. Encore quelques citations : « Les filles qui entrent en la Congrégation n'y entrent « que pour se mortilicr. et les croix qu'elles jxirtent les « en doivent fairv' ressouvenir » (p. 344). « Il est impos- t sible d'acquérir l'union de nostre ame avec Dieu par * un autre moyen que par la mortihcation » (p. J76). En conséquence de ce principe, le saint Fondateur com- bat impitoyablement l'ennemi capital de la mortification, (|u'il appelle « la tendreté sur soy-mesme. • • Four ce « qui est de la tendreté, ■ dit-il (p. 331), « c'est l'un des « grands empeschemens qui soyent en la vie religieuse. » 11 poursuit celte faiblesse jusque dans ses manifestations les plus subtiles et en apparence les plus légitmies : ■ Nous avons des tendretés sur nos corps qui sont gran- dement contraires à la perfection ; mais plus sans «• comparaison celles que nous avons sur nos esprits • (p. 4g). Et que l'on ne s'imagine pas qu'il s'agisse ici de quelque variété d'égoisme ou de susceptibilité ; la ten- dreté d'esprit si sévèrement dénoncée, n'est autre que la prétention qu'ont certaines âmes d'atteindre à la sainteté « du premier couj) • (p. 257). Cv travers, de (juelque l>on prétexte (ju'il -k. cniiMe, est d'autant plus nuisible qu'il compromet la paix inté- rieure, élément indispensable de toutes les opérations divmes « Il n'y a que le trop grand soin. . de nous- * me^mes, ■ dit encore le saint Evéque (p. 48), « qui « nous fasse perdre la tranquillité. ■ Conserver cette tranquillité à tout prix, telle est l'une de ses plus fré- quentes recommandations, et selon lui t le principal « moyen • d acquérir la perfection. Sa perspicacité va si loin qu'il voit un péril pour ce calme surnaturel )us4|uc dans le désir trop ardent de la répression des défauts et de l'acquisition des vertas. C'est une erreur assez commune parmi les femmes de donner trop au sentiment et pas asae£ à la mtv>n. Chez elles, la vivacité et la niubiliié des ini( us  xxxViii Les vrays Entretiens spirituels compromettent parfois la justesse des appréciations. Elles sont exposées à confondre les surprises des facultés inférieures avec les délibérations libres de la volonté ; de là proviennent souvent dans la vie intérieure des hésitations et des troubles sans fondement, qui peuvent constituer de sérieux obstacles à la perfection. Saint François de Sales s'applique spécialement dans ses Entre- tiens à prévenir ce danger. Avec l'indulgence et la sûreté de décision qui lui sont propres, il apprend à démêler les mouvements de la partie sensitive pour les mépriser, et les lumières de la raison pour s'en faire un fil conduc- teur. Il n'est presque pas de sujet qu'il traite, de vertu qu'il recommande, sans que sa sagesse et son expérience trouvent occasion d'y faire jour à un avis tel que celui- ci : « Il ne faut pas s'amuser à ce que nous sentons ou « que nous ne sentons pas, d'autant que la pluspart de « nos sentimens et satisfactions ne sont que des amuse- « mens de nostre amour propre » (p. 30). Ainsi, quelles que soient les tentations auxquelles elle est en butte, quels que soient les orages que soulèvent ses inclinations perverses, l'âme formée à l'école de saint François de Sales restera calme, sereine, inébranlable. Sans prétendre à une paix qui ne peut se rencontrer sur la terre, elle continue sa marche vers le Ciel, malgré les résistances qu'elle rencontre dans la corruption de la nature, ou plutôt ces résistances mêmes accélèrent sa course et préparent son triomphe. Telle est la source d'une vertu si chère à notre Saint, qu'il lui semble ne pouvoir trouver d'épithète assez expressive pour la qua- lifier : c'est la « tres-sainte, tant aymable et désirable a egahté d'esprit... vertu la plus nécessaire et particu- " liere de la Religion » (p. 38). L'excellence de cette vertu est si haute, sa possession si difficile que, tout en la recommandant avec insistance il ajoute (p. 445) : Nous n'en « jouirons point absolument tandis que nous serons « en ceste vie, ceste grâce estant réservée aux esprits « bien-heureux là haut au Ciel. » QueUe pondération, quelle sagesse dans les conseils du grand Evêque ! Quel soin, en développant toutes  Préface xxxix les énergies de l'àme, de la prémunir contre la préten- tion à une sainteté chimérique et im}X)ssible ! Il savait que ces ambitions exagérées, suivit^ toujours de désil- lusions pénibles à l'amour-propre, ont pour résultat de plonger dans le découragement et de comprimer souvent les meilleures résolutions. La patience envers soi-même est donc une sorte de condiment dont il veut que soit assaisonnée la pratique de toutes les vertus. A-t-il exposé les attributions très étendues de la modestie intérieure et extérieure, il ajoute aussitôt (p. 156) : « Remarquons, pour conclusion, que tout ce que nous « avons dit... sont des choses assez délicates... et partant, • que nulle de vous autres qui les avez entendues nayt « à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste f>er- « fection. » S'agit-il de la charité envers le prochain : « Four quelque manquement de suavité que l'on commet « quelques fois par mesgarde, l'on ne se doit pas fascher « ni juger que l'on n'ayt point de cordiahté ; car l'on ne « laisse pas d'en avoir » (p. 67). Est-il question de la persévérance : « Je n'appelle pas man(juer à la perseve- « rance quand nous faisons quelques petites interrup- « tions • (p. 161). Ce fidèle imitateur de la bénignité du divui Maître ne brise pas le roseau qui fit*chit, et va juscju'à dire (p. 154) : « Ce n'est pas estre foible que de tonil)er (|uelquesfois « en des péchés venieLs... Il ne faut pas que nous pen- « sions pouvoir vivre sans en faire tousjours quelques « uns ■ Après avoir recommandé l'humilité en termes très pressants, il soutient, par des paroles telles que celles-ci, les âmes qui montent péniblement les degrés de cette difficile vertu : « C'est une chcjse tot;ilement • contraire à la nature de l'homme d'aymer d'estre avili • et corrigé ■ (p. 213) ; « Tout bien conté et rabattu, il « n'y a personne qui n'ayt de l'aversion à la correction • (p 145). A ce sujet, est rapporté un léger dissentiment survenu entre saint Facôme et son frère C'est à tout propos que dans les Entretiens sont rappelées les impcr- tr< tions des Saints pour consoler b faiblesse et encou- rager la bonne volonté. C'est saint Pierre encourant les  XL Les vrays Entretiens spirituels censures de saint Paul, c'est ce grand Apôtre s'oppo- sant à saint Barnabe, saint Arsène apportant au désert les allures de la cour, sainte Paule inconsolable de la mort des siens. Et la conclusion pratique ressortant de ces exemples est que Ton peut, que Ton doit même « prétendre au plus haut point de la perfection chres- u tienne, nonobstant toutes imperfections et foiblesses « présentes » (p. 14). A mesure que le cœur de l'homme s'approche du cœur de Dieu, il sent grandir dans une égale proportion et ses aptitudes à la souffrance et sa puissance d'affec- tion. Ce développement de sensibilité pouvant être un écueil ou un secours pour la perfection, il importe de le diriger bien plus que de le comprimer. Aussi, laissant d'autres mystiques outrer les règles de l'indifférence et du détachement religieux, notre Saint se montre plein d'indulgence pour les faiblesses du cœur humain. Il est de l'école du grand Apôtre qui reprochait aux Gentils leur insensibilité, et après lui il enseigne qu'il ne faut pas être « sans affections, ni les avoir esgales et indif- « ferentes )) (p. 122). Bien plus, il déclare (p. 123), que « le contentement que nous ressentons à la rencontre « des personnes que nous aymons, et les tesmoignages « d'affection que nous leur rendons... ne sont point '( contraires à ceste vertu de despouillement. » Enfin, tout en proscrivant les amitiés particulières, qui sont en Religion la ruine de la charité commune, il constate bénignement que « ceste inclination » d'aimer une per- sonne plus que l'autre « est la dernière pièce de nostre (' renoncement )> (p. 333). Mais, nous l'avons dit, saint François de Sales, en portant si loin la condescendance dans l'application des principes, ne transige jamais quant à ces principes mêmes. Il les expose dans toute leur rigueur et dans toute leur étendue. Il ouvre à l'âme de bonne volonté des horizons sans limite, et commente dans chacun de ses Entretiens la sentence évangélique : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Nous l'avons entendu excuser certaines défaillances dans l'exercice de  PufVKCV XLI la chanté mutuelle ; mais ce ne sera pas sans ajouter ailleurs comme correctif : « Si nous n'avons la ferveur « et pureté de la charité, nous n'aurons jamais la ix»r- * fection •» (p. 307). S'il rassun* k-s jKrsonnes qui souf- frent des distractions uivolontaires à l'oraison, c'i»st après avoir formellement déclaré (p. 124) que l'attache consentie à une pensée inutile suffirait f)our emjKîcher une àme d'atteindre à la perfection. Les grands moyens d'acquérir cette perfection, c'est- à-ilire les trois vœux de Religion, ne sont pas expliqués dans les Entretiens d'une manière élémentaire et com- plète : il s'agit moins des obligations rigoureuses qu'ils imjxjsent que des const'quenres qui en dérivent, et des vertus sublimes auxquelles ils doivent conduire. Il faut lire les Entretiens Df la Simplicité et De la Modestie pour comprendre jusqu'où notre samt Dcx:teur étend les attributions de la parfaite chasteté. Ellt»s se confondent prescjue avec les effets de l'amour parfait, puisque cette ch;Lsteté doit pnxluire l'unité dans les pensées comme dans les affections, yuant à l'obéi s.s;ince, deux Entretiens M^nt consacrés à en faire l'éloge, et à montrer de quel développement c»st susceptible cette vertu qui « n'est « point de moindre mérite que la charité • (p. 185). !)<• plus, large place est faite à l'obéissance dans l' Entre- tien \ 111 qui traite De la Desap^ropriation ou pau- vreté d'esprit ; car l'une des premières al"''- ■♦i»»!!-^ <|u'unj)ose le Eondateur de la Visitation est pi<- u :ii celle de la propre volonté. C'est encore bien plus loin qu'il entraine ses filles sur la voie du déjxnnllement : ce dépouillement doit s'étendre non seulement à toute IK)ssession tem|x>relle, mais encore à tout désir d'hon- neur et de réputation, à toute attache aux choses les plus saintes, telles que sont les exercices de dévotion et les consv éiA it^ >Sr t*\i>i4iMlécv II.  xLii Les vrays Entretiens spirituels ce bienheureux affranchissement, il faut, après s'être détaché de toutes choses, ne rien présumer de soi-même : en conséquence, notre Saint enseigne à se tenir toujours en garde contre la ténacité de la volonté et l'estime de ses opinions personnelles ; car, d'après lui, « l'amour « de nostre propre jugement et l'estime que l'on en fait, « est la cause qu'il y a si peu de parfaits » (p. 244). Ce défaut est d'autant plus redoutable qu'il est un obstacle plus sérieux à l'entière obéissance et à la cha- rité fraternelle. L'appel de Dieu à une même destinée, en rappro- chant les existences et en unissant les cœurs, n'iden- tifie pas les caractères. Les divers membres d'une Communauté conservent leur trempe d'esprit et des inclinations différentes, parfois même tout à fait oppo- sées. De là, des causes de continuelle abnégation, et un vaste champ ouvert à la pratique du support et de la mutuelle charité. On s'explique donc facilement que tous les Fondateurs d'Ordre aient insisté sur ce devoir essentiel. Pour le pratiquer d'une manière constante et sérieuse, il ne suffit pas de la tendresse de cœur, il faut de l'énergie ; au témoignage de saint François de Sales, il faut même de la force. Les Filles de la Visitation, dit-il (p. 13), doivent avoir une dévotion « forte à supporter la « variété des esprits qui se trouveront en la Congrega- « tion. » C'est trop peu de se supporter, il faut s'aimer, il faut entretenir cette cordiahté religieuse qui « n'est autre « chose que l'essence de la vraye et sincère amitié » (p. 54). Cette cordiahté doit se traduire par un dévoue- ment si absolu que l'on soit prêt à tout faire pour autrui, « excepté de se damner. » On ne saurait excéder dans cet amour témoigné à la créature ; car, par une réversi- bihté mystérieuse mais très réelle, il remonte jusqu'au Créateur. Telle est la raison de la déhcatesse de procé- dés, de la déférence dont on use à la Visitation. Ce serait donc se tromper de ne voir que les réminis- cences d'une urbanité toute mondaine dans cette sorte d'étiquette monastique dont saint François de Sales a prescrit à ses filles les moindres détails. Les égards dont  Préface xliii elles s'entourent mutuellement ne sont que l'expres- sion des sentiments de l'ordre le plus élevé, puisqu'ils entrent dans l'essence même de l'esprit de leur Institut. Et le saint Fondateur voulant définir cet espnt : «J'ay « tousjours jugé, » dit-il (p. 22c>), « que c'estoit un « esprit d'une profonde humilité envers Dieu et d'une « grande douceur envers le prochain ; d'autant qu'ayant « moins de rigueur pour le corps, il faut qu'il y ayt tant « plus de douceur de cœur. • Ces exercices communs qui réunissent les Kehgieuses de longues heures chaque jour, ces rapports continuels qui exigent tant d'oubh de soi et mettent en action quantité de petites vertus, sont donc, dans la pensée du saint Instituteur, d'un mérite assez grand pour équivalou et suppléer aux austérités de la pénitence. De plus, cette mortihcation de tous les mstants, ces concessions réciproques qui se multiplient presque à l'infini ont l'avantage d'unir les âmes et de créer ces affinités spirituelles auxquelles notre Saint attachait un si grand prix Nous ne pouvons nous refuser de citer à ce sujet une belle page du Cardinal Wiseman (•). c Une Communauté formée d'après les Entretiens de saint François de Sales, » dit l'illustre Prélat, « doit évi- demment avancer par un mouvement uinfonne vers la perfection, non pas dans quelques-uns de ses membres, mais, ce qui est bien préférable, dans l'ensemble du corps, sans qu'il y ait ni proéminences, ni dépressions bien accentuées, sans que l'on puisse faire remarquer une Ame dont la sainteté écUpse toutes les vertus des autres, ou bien une retardataire qui ne parvienne pas à l'accomphssement des devoirs communs de la vie reli- gieuse N 'est-il pas bien mieux et plus édifiant d'entendre dire d'une Maison religieuse : C'est une sainte Com- munauté, que d'entendre chuchoter mystérieusement : Dans ce couvent, il y a telles et telles Religieuses qui sont de véritables saintes ? Voilà le grand et noble  tulé« : Tkt Irmê Sf . Sao. iMc.  XLiv Les yrays Entretikns spirituels but que se propose saint François de Sales : non pas seulement de faire arriver deux ou trois âmes d'élite à une éminente perfection, mais de former une réunion de vraies servantes du Seigneur, de chastes épouses de l'Agneau sur lesquelles le regard divin puisse s'ar- rêter avec complaisance, et parmi lesquelles le Très- Haut puisse indistinctement choisir à toute heure celles qu'il lui plairait d'attirer à une union si intime, à une perfection si élevée que l'on n'oserait y prétendre sans un appel spécial. » Le saint Evêque avait dit toutes ces choses en un seul mot : « Si l'on veut estre saint « d'une vraye sainteté, il faut qu'elle soit commune » (var. (f), p. 332). Et pour proposer le modèle le plus parfait, le plus divin qui se puisse trouver d'une sainteté consommée dans une vie commune en apparence, il offre souvent à la contemplation de ses hlles la sainte Famille de Naza- reth : c'est l'humihté, le silence de la très sainte Vierge, l'obéissance, l'égahté d'âme, l'abnégation de saint Joseph qu'il recommande à leur imitation. Le Père putatif du Sauveur est, d'après lui, le « vray Religieux » par excel- lence. Notre Docteur se plaît à parler de ses vertus, à célébrer ses louanges à une époque où son culte était encore si peu répandu. Enfin, devançant une opinion assez généralement admise de nos jours, il ne craint pas d'enseigner (p. 369) que ce glorieux Patriarche triomphe en corps et en âme dans le Ciel. Une dernière remarque nous reste à faire. Très secon- daire en apparence, elle est en réalité fort importante, car elle révèle une des caractéristiques de l'esprit de la Visitation, une des nuances les plus délicates de l'humi- lité qui doit y régner. 11 arrive parfois que l'âme reli- gieuse, après avoir rejeté toutes les pompes du siècle, recherche outre mesure l'honneur de l'Institut dont elle fait partie. Saint François de Sales a prévenu cette faiblesse. Il veut assurément que ses filles apprécient leur vocation, « l'estimant non seulement bonne et belle, " mais aussi douce, suave et aymable » (p. 124); cependant il leur prescrit de parler « tousjours tres-humblement  Préface xlv « de leur petite Congrégation, » de préférer « toutes les « autres ù icelle quant à l'honneur et estime, ■ la préfé- rant néanmoins, « à toute autre quant à l'amour. • Et à ce sujet, il énonce l'une des comparaisons les plus gracieuses qui soient dans ses Entretiens, « le nid de « l'arondelle «et « celuy du cinamologue ■ (p. 17). La simplicité et l'humilité sont si chères au saint Fondateur qu'il leur fait place partout ; il veut même que ces deux vertus règlent le mo i> furent citées par I > son livre des Maximes des Saints, en faveur dcî> thè^c^s qu'il voulait étal ; ; Bossuet, sans même prendre la pcmc de prouver que  xLviii Les vrays Entretiens spirituels son adversaire en détournait le sens, se contenta de les rejeter comme n'étant pas de saint François de Sales. Il peut se faire en effet, qu'elles ne soient pas sorties des lèvres du Saint absolument telles qu'elles nous ont été transmises ; mais à quoi bon discuter cette éventua- lité, puisque les deux phrases inculpées peuvent être parfaitement soutenues ? La première est ainsi conçue : « Le désir de la vie « éternelle est bon, mais il ne faut désirer que la volonté « de Dieu. » On pourrait voir dans ces paroles une sorte de métonymie par laquelle l'effet est pris pour la cause, ce qui équivaudrait à dire : Il est bon de désirer la mort, cependant il est meilleur d'attendre patiemment l'heure fixée par la Providence. Mais voulut-on attribuer au mot de « vie éternelle » le sens absolu de béatitude, ce sens peut encore s'expliquer. La vie éternelle, dit le Sau- veur du monde, consiste à vous connaître, ô vous le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé. Pour connaître Dieu parfaitement il faut le posséder dans les ineffables étreintes et les joies de la vision béatifique. Or la volonté de Dieu, très explicite- ment signifiée en cent endroits de nos saintes Lettres, est que tous les hommes arrivent à cette possession. Désirer la vie éternelle, c'est désirer Dieu, et ce désir est inséparable de l'accomplissement de sa volonté. La phrase en question ne signifierait donc autre chose sinon que, dans la prétention à la vie éternelle, nous devons avoir en vue la gloire qui reviendra à Dieu de notre salut, par l'accomphssement de sa volonté, avant même de considérer l'avantage qui en résultera pour nous- mêmes. Répondre à cette première difficulté, c'est résoudre en même temps celle qu'on a prétendu trouver dans la proposition suivante : « Je n'ayme point cela de vouloir « tous jours regarder au mérite, car les Filles de Sainte 'f Marie ne doivent faire leurs actions que pour la plus « grande gloire de Dieu. Si nous pouvions servir Dieu '< sans mériter, ce qui ne se peut, nous devrions desi- '< rer de le faire n (p. 428). Néanmoins, bien que nous  Préface xlix l'avons déjà expliquée dans l'Introduction au Traitté de l'Amour de Dieu ^ , nous n'hésitons pas à répéter ici que cette proposition se justifie elle-même. « Regarder « tousjours au mérite, » serait une dis|x>sition vénale dignt- seulement d'un mercenaire. Que penserait-on d'un fils qui dans l'obéissance et les services rendus à l'au- teur de ses jours aurait toujours en perspective l'héritage qu'il attend de lui ? Au contraire, l'enfant (jui obéit à son père et l'assiste sans aucune préoccupation intéressée, loin d'ab|M>s, • que ces Entretiens touchent particulièrement les Rcli- gieu.scs de la Visitation... il s'y rencontre ncantmom^ (I) PBft UtlX.  L Les vrays Entretiens spirituels tant de bonne instruction, que toute personne portée à la vertu en peut tirer beaucoup de fruict. » Et dans l'Avis au lecteur d'une édition imprimée à Lyon en 1692, il est dit : « Ce seul livre suffiroit à un Chrétien pour apprendre à devenir saint, en le lisant et relisant souvent pour le mettre en pratique. » Des hommes du monde, en effet, se conduisirent d'après les maximes qu'il propose. On a écrit de M. Fouquet, père du fameux surintendant des finances de Louis XIV, que « sa singulière dévotion pour nostre bien-heureux Père luy faisoit lire soigneu- sement ses Entretiens, malgré ses grandes affaires, et disoit d'ordinaire que ce livre contenoit une solide pieté (ï). » C'était aussi la conviction du Cardinal Fabio Chigi, qui, avant son élévation au souverain Pontificat, avait publié dans son Direttore spirituale plusieurs extraits des Entretiens. Dans l'approbation de la version ita- lienne, entreprise par les ordres de ce Cardinal, Ribaldus, parlant au nom du Maître du Sacré Palais, s'exprime ainsi : « Il n'y a rien dans ce livre qui ne soit propre à inspirer une piété sincère et à régler les mœurs. Ce grand Serviteur du Christ a été l'un des maîtres les plus éminents que l'on ait connus depuis longues années en l'art de diriger les âmes dans la voie de Dieu. » L'estime que le Fondateur de Saint-Sulpice avait vouée aux Entretiens spirituels allait jusqu'à la vénération. On lit dans la Vie de la Mère Marie-Suzanne Mangot, l'une des premières Supérieures de la Visitation de Saint-Flour (2) : « Elle fit présent à feu M. Olier, Abbé de Pébrac, des Vrays Entretiens de nostre saint Fondateur, et ce grand Serviteur de Dieu luy témoignant sa joye, l'assura qu'il ne les liroit jamais qu'à genoux et tête nue. » Si tels étaient le respect et l'admiration que cet ou- vrage excitait au dehors, nous laissons à penser comment  (i) Lettre circulaire de la Mère Anne-Marie BoUain, Supérieure du I*' Monastère de la Visitation de Paris, 12 avril 1676. (Vie de Sœur Anne- Magdeleine Fouquet. j (2) Lettre circulaire de la Mère Marie-Augustine d'Allègre, Supérieure de la Visitation de Montferrand, 4 septembre 1676.  I  I*RÉFACE Ll il était apprécié à la Visitation. On se souvient en quels termes en parlait sainte Jean ne- Françoise de Chantai. Après elle, ses filles le considérèrent comme un trésor d'un prix inestimable, comme le complément, le commentaire des Règles et des Constitutions dont il leur insinuait le véritable esprit. L'admirable perfection où s'élevèrent bon nombre d'entre elles en pratiquant les Entretiens, prouve suffisamment la valeur de la doctrine qu'ils contiennent. Qu'on lise les Vies des premières Mères de l'Institut, celles de tant d'àmes d'élite dont l'Année Sainte et les circulaires de l'Ordre nous ont conservé le récit, on y retrouvera toujours la mise en action de ces enseignements. C'est en s'y conformant que la Mère Anne-Marguerite Clément '*\ la Sœur Jeanne-Bénigne Gojos et bien d'autres encore, atteigni- rent à une haute sainteté récompensée par des faveurs surnaturelles de l'ordre le plus élevé. C'est par l'emploi des mêmes moyens que la bienheureuse Marguerite- Marie, la vénérable Anne-Madeleine Remuzat ont mérité les prédilections du Sacré-Cœur de Jésus, qui les choisit f)our apôtres de son culte et victimes de son amour. Quand l'Eglise de France euî à pleurer sur les écarts de tant de ferventes Communautés entraînées dans les erreurs du jansénisme, les Monastères de la Visitation protestaient avec une égale ardeur de leur attacliement aux saines d(x:trines et de la fihale jalousie avec laquelle ils s'en tenaient à la lecture des écrits de leurs Fonda- teurs »' ; c'est ce qui les conserva dans l'unité de la foi, (i) C*«t iUn« le* trnnr* «uivanU que cettr liuc , ' VoM 4 la UH uintr Vtrr - '■ • - t* (unnée i la vtc rrl lie Sain rt s.niitr , ,ru(>{< I- u Si- de ce» deux «ainU CAnaux. . Lr%w .i4it« le Mcré ooor de Dieu, per l'unioa qu'ib evoieni avec ia dinne .Ma^r^t*- . tUttxi ib oom eoMifimieot œ -ot en mon ane lr« paroles •{•l'ib praooaçoÉaot. • /l^étf eiu ' *' LUmêntl :; oti trouve l i é qymu ept dans 1» ••» dee êmm- Uuœ lellee que reUeeeu d'emprunts à faire ; pourtant il en a fait quelques-uns. Non seulement il s'inspire des Saintes Ecritures, mais quelquefois aussi il évoque le témoi- gnage des Pères de l'Eglise : saint Jean Chrysostôme, saint Augustin, saint Bernard. Comme dans ses autres ouvrages, il aime à rappeler saint Thomas et saint Bonaventure, et n'a garde d'oublier « ks deux saintes « Catherines de Sienne et de Gènes » et la « bien-heureuse « Mère Thérèse. ■ Les Vies des Pères du désert sur- tout lui fournissent les récits les plus gracieux et les mieux choisis pour reposer l'attention de son auditoire, et plus encore pait envers ses Frères, en un mot toutes les vertus qui doivent être spécialement en honneur à la Visitation. C'est encore au même p>oint de vue que saint François d'Assise est plusieurs fois rapjK'lé dans les Entretiens ; il y est offert moins comme exemplaire de pauvreté et de pénitence, que comme modèle de modestie, de vigilance sur soi- même, d'entière confiance en Dieu. Le caractère de ces conférences autorisait un langage familier et tout émaillé d'allusions. Tantôt ces allusions étaient personnelles au saint Evéque, tantôt elles con- cernaient son auditoire. Probablement sa douce intimité avec Louis de Sales lui revenait en mémoire quand il affirmait • qu'il n'y a jx)int de plus vraye amitié m de • plus forte que celle qui est entre les frères » (p. 55) ; et le souvenir de M. de Boisy se présentait à lui comme type de l'amour paternel, « majestueux et plein ■ d'authorité » (p. 56). Probablement encore, en décri- vant l'amour affectif et l'amour effectif (p. 252), il se rap{X!lait la virile éducation reçue de ce respectable p^e et la tendresse dont était entouré le fils cadet de la famille. Janus. destiné lint à * ir • chevalier de « Malte » D'autres fois, u Knt alluMon .1 «es amis : c'est l'archevêque de Vienne. Pierre de Villan», c'est Pierre  Liv Les vrays Entretiens spirituels Camus, évêque de Belley, qu'il donnera, sans les nom- mer, comme modèles de la mortification du propre juge- ment. Il se représentera les demeures si sérieuses et si admirablement réglées du président Favre, du chevalier de La Roche, du seigneur de Blonay quand, dans son premier Entretien, il parlera de ces « maisons du « monde » où l'on vit avec « honneur, réputation et « crainte de Dieu. » Mais dans ces allusions, combien il respectera Thumilité de ses filles ! Il est à remarquer que, si une seule fois (pp. 97, 98) les trois premières Mères de l'Institut sont mentionnées en termes élogieux, aucune d'elles n'était alors présente. Les Entretiens sont parsemés de traits piquants, de récits pleins d'intérêt. Les parcourir, c'est suivre une conversation bien plus que lire un livre. A trois siècles de distance, on croit saisir les modulations de la voix de saint François de Sales, deviner le sourire qui devait efiieurer ses lèvres en dénonçant tel ou tel stratagème de r amour-propre, telle ou telle prétention à une sainteté imaginaire et impossible. Jamais il ne s'est dépeint plus au naturel ; jamais il n'a parlé avec plus d'entrain, et même, si l'on ose dire, avec plus de douce malignité. Une fine pointe d'ironie perce fréquemment dans ses paroles : tantôt il est question de cette « robbe de la elites vertus sont recommandés à l'hilo- thée comme ils le seront ensuite au.x Religieuses de la Visitation et presque dans les mêmes termes. L'admirable doctrine contenue dans le Traitté de l'Amour de Dieu projette surtout une teinte très marq'iée sur les Entretiens Quel lecteur ne constate dans ceux De la Confiance, De l'Espérance, Des Trois Loix, des réminiscences du 1X« Livre de Théo- time ? On les reconnaît encore dans celui De la Volonté de Dieu, où il est expliqué comment cette divine volonté nous est signifiée par celle des créatiires « L'indille- « rence que ncnis devons prattiquer en ce qui regarde « nostre avancement es vertus » est insinuée à tout propos dans les Entretiens spirituels. Sur toutes ces matières et d'autres encore, ce sont exactement les mêmes pensées et souvent les mêmes expressions que l'on retrouve dans les deux ouvrages.  111  La pri- sente iLUiiiun ufs I rays hntrctieus spirituels  Notre Kdition est une rcpro.ut U pièce C de l'AppetMlice 1. llAlfré le titre qu'elle porte, il n'eat pa« difbcile d« conatater que cette pièce eat moÉft» un bntrrtirti qu'une rèunum de «entencea prunoocér* m dra tMBpt et poor daa ftujcla diflrrmt» Nèanmnéna, il noua a lemblè micua de l'taiérer dana le prè> teot volume que dm U r envoyer aux OpuêeuUê. r'eet de ce V KW«>i'r- ' i .^ *v, huitièaM Supértr'. rè diven !rj«, ■<■■..'.* r..^tt% dtot Im DifêcUiret dêi OgUUret, imprtroèa par aea aoésa. (Voér as LeCtr» drcoUIrt du ao mai 1713.) Utgne a autai donoè pluaéeura eatralta de ce même lit., lone Vf mt 47 (•.• rt \>,-, 40 1  Lx Les vrays Entretiens spirituels l'obligeante communication au Ministère de l'Instruction publique. C'est un petit in-4° de 152 feuillets, tout d'une même écriture, sauf les pages 63-65 qui sont aussi d'un format différent. Il paraît avoir été à l'usage particulier d'une Religieuse qui a réuni aux Entretiens plusieurs extraits du Coiistumier, divers Avis de saint François de Sales, quelques passages des Responses de sainte Jeanne-Françoise de Chantai, etc. 4. Le Manuscrit de Paris, qui contient une quaran- taine de pages, porte ce titre : Recueil des questions faities a nostre B. Père en nostre Mo- nastère de Lion, avec le dernier Entretien qu'il 'fit a nos Sœurs le jour de S^ Estienne 1622. 5. Le Manuscrit de Caen est un recueil de diverses pièces fait par la Sœur Anne-Thérèse de Matignon, décédée en 1694. On n'y trouve aucun des Entretiens imprimés dans l'édition de 1629, mais seulement des fragments inédits de la première rédaction. Ils sont intitulés : Advis et instructions de nostre Père saint François de Sales, tirés des Entretiens escrits à la main. Ces extraits sont groupés en diverses séries, dis- tinguées chacune par un titre spécial. La Table de correspondance placée à la fin du volume nous dispense d'indiquer le titre et la teneur des Entre- tiens contenus dans chaque Manuscrit. On y voit aussi que plusieurs recueils de Sermons nous ont fourni de précieux éléments de contrôle. La description de ces volumes devant être donnée plus tard, nous nous bor- nons à mentionner ici un recueil de discours de divers prédicateurs, provenant de l'ancienne Visitation de Bourges et conservé à la bibliothèque publique de cette ville, sous le n° 159. Nous en avons extrait la pièce D de notre Appendice I. C'est d'un très ancien exemplaire manuscrit de l'Histoire de la Galerie, gardé aux Archives de la Visitation d'Annecy, que sont tirés les fragments donnés à l'Appendice III, pp. 451-453. Les leçons des différents Manuscrits que nous venons de citer n'offrent entre elles que de légères divergences.  Préface lxi et ne se distinguent du texte définitif que par une naïveté plus grande encore ; elles accusent une intimité absolue, mais toujours pleine de dignité et de prudente réserve. Quelquefois elles éclairent certaines obscu- rités de l'édition de 1629, ou achèvent des propositions incomplètement énoncées. I.es allusions abondent ; les souvenirs de jeunesse de saint François de Sales sont fréquemment évoqués ; on y rencontre maintes anec- dotes qui lui sont personnelles et qui ont un cachet incontestable d'authenticité. Souvent aussi, il adresse la parole à sainte Jeanne-Françoise de Chantai ou il parle d'elle. On devine avec quel soin la Sainte fit disparaître toutes les allusions qui la concernaient directement. C'est par respect pour ses intentions que, tout en donnant dans la présente Edition les variantes les plus intéressantes des Manuscrits et des Colloques, on a éliminé les fragments qui seraient certainement tombés sous sa réprobation. Certains passages de la rédaction primitive reproduits dans les Colloques, ont été relégués à l'Api^ndice H parce qu'ils contiennent des digressions très étendues et qui, n'offrant aucune correspondance directe avec le texte, ne pouvaient être données comme seconde leçon en regard de celui-ci. Les titres des trois autres Parties de l'Appendice en désignent assez clairement la teneur pour qu'il s<»it iiuitile d'ajouter ici d'autres e.xplications à ce sujet Les érès chaque variante l'indication (Ms.). Le coinmencement de la variante est indiqué par la répétition en italiques des mots qui la précèdent immédiatement, à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa du texte ou que la corrélation soit évidente ; la fin est régulièrement m,arqué e par la lettre de renvoi. Celle-ci signale le commencem,ent de la variante alors seuhment que cette variante embrasse plus d'une page. Quelques mots subpU'és par les éditeurs sont insérés entre [ J •  VIVE + JESUS  A NOS CHERES SŒURS Fv vo«;TKr SFir,\Ki*K NOS SŒURS RELIGIEUSES DE LA VISITATION SAINTE MARIF  NOS TRES-CHERES SŒURS, Voyci ies vrays Entrrticns quf nostre bien-heureux Père nous a faits en divers temps et en diverses occasions. Sous les recueillions sincèrement, et rédigions par escrit après qu'il les avoit achevé de faire ; et comme nous en avions alors la mémoire toute fraiche. et que chacune de nos Sarurs en rap- portoit une partie, nous taschions, en assemblant toutes les pièces, de les ajuster le mieux qu'il nous estoit possible pour en former un corps. Sous con- fessons neantmoins (ce que tout le monde croira facilement d'un ouvrage qui est passé par des mains si indignes que les nostres) que quelque dili' gence et quelque soin que nous y ayons apporté, tl ne nous a pas esté possible de faire ce recueil si exactement qu'il ne nous soit eschappé beaucoup de choses excellentes, et que celtes que nous avons retenues n'ayent aussi perdu beaucoup de leur force et des advantagvs qu'elles avoyent en sortant d'une 51 digne et si vénérable bouche. Toutes/ois, il nous sera permis de dire avec toute vérité, qu'urne  2 Les vrays Entretiens spirituels gravide partie des enseignemens qu'il nous a laissés y sont si naïfvement déduits et si fidèlement rap- portés, que quiconque aura eu le bon-heur de l'en- tendre ou qui sera versé en la lecture de ses livres, y recognoistra aussi tost son esprit, et ne fera point de difficulté de mettre ces Entretiens, sinon au rang des autres œuvres, qui sont immédiatement sorties de ses mains, au moins au rang de celles qui ont en quelque façon l'honneur de luy appartenir. Que si bien ils ne sont pas elabourés à l'égal du reste de ses livres, si les discours n'en sont pas si bien tissus, s'il se rencontre quelque chose qui pourroit sembler à quelqu'un moins digne de son eminente doctrine et de la réputation que ses autres œuvres luy ont acquise, ce n'est pas de merveille, car jamais il ne les a veus ni leus ; et vous sçavez que les enfans sevrés de la mammelle de leur mère avant le temps, ne se portent pas si bien que ceux qui en sont entièrement nourris : tousjours il y a de la compassion aux enfans qui naissent après le decés de leur père. Certes, ce bien-heureux Père de nos âmes n'eust oncques pensé que ses familiers Entretiens deussent avoir autre jour que celuy de nostre parloir, auquel, avec une incroyable naïfveté et familiarité, il respondoit à 7ios petites demandes : aussi n'estoit- ce pas nostre resolution de les communiquer au public, ains seulement en conserver les menus escrits pour la consolation particulière de nos maisons, à l'usage desquelles ils estoient destinés. Mais estant arrivé (nous ne sçavons dire par quels moyens) qu'ils ont esté imprimés à nostre insceu, avec un grand nombre de fort notables manquemens et en un très-mauvais estât; ce qu'ayant veu Mon- seigneur de Genève, très digne frère et successeur de, ce bien-heureux Prélat, a obtenu le Privilège mis ci après, et voyant qu'il y alloit de la réputation de son saint frère, nous a commandé d'en donner promptement une véritable copie, pour remédier au mal de cette mauvaise impression et faire voir au  Aux Religieuses de la Visitation 3 vray ce qui en a esté recueilli dan^ ce monastère. Certes, nous voulons croire de nostre prochain, que ça esté un bon zèle, plustost qu'aucune autre considération, qui l'a induit à les mettre au jour: mais nous ne sçaurinns luy estre si indulgentes que nous ne nous plaignions charitablement de luy, non de nous avoir ostc ce qui sembloit estre nostre (car nous n'avons rien à nous, et les biens spirituels le sont encor moins que les autres parce qu'ils doivent estre plus communiqués), mais d'avoir soustrait ces Entretiens d'une telle sorte, que, les tirant avec peine, il a esté impossible qu'il ne les ayt mis en pièces et qu'il ne les ayt donnés par lam- beaux comme il les avoit pris. Et mesmes, que ce sont des copies recopiées plusieurs fois par des filles, lesquelles y ont adjousté quantité de petites choses, ramassées par cy par là, qui avoyent esté dites à des particulières, tnais non comme le Bien- heureux les a dites, faute de mémoire : en suite de quoy, celuy qui les a soustraits a esté contraint de substituer en la place de ce qui luy manquait beaucoup de choses estrangeres, qu'il a adjoustées pour la liaison du discours, lesquelles ont apporté un si grand changement à l'ouvrage qu'à petne est-il recognoissable, ainsi qu'il sera aysé de remar- quer par la conférence des deux impressions. Il a esté donc nécessaire, nos tres-cheres Sœurs, de communiquer ces Entretiens premieremefit à ceux de qui nous dépendons et de qui nous devons prendre conseil, et lesquels ont pris la peine de reparer les défauts qu'ils avoient contractés entre nos tnains ; puis de les mettre en lumière et les donner au public en la forme qu'ils doivent estre, pour pouvoir véritablement porter le nom des Entretiens de nostre bien-heureux Père. Peut estre v trouvereZ'Vous quelques choses qui sont $1 particu- lières pour nos tnatsons, que vous jugerez n'estre pas à propos de les publier si librement, fêsprit du monde n'estant pas tous jours disposé à rtcfvoir  4 Les vrays Entretiens spirituels les escrits de pieté avec la simplicité et la révérence qui leur est deile. Neantmoins, ayant tousjours esté un des salutaires conseils et désirs de nostre bien-heureux Père, Instituteur et Fondateur, et qu'il ntretien XVI. Hous a dcclaré dans l'un de ses Entretiens *, que l'esprit de nos maisons fust communiqué au pro- chain, pour donc ne le pas frustrer du fruict des saintes instructions que nous avons receuës, l'obéis- sance et la charité veut que nous en fassions part au public : elle ordonne aussi qu'ils nous soyent particulièrement dédiés, comme à celles à qui ils sont particulièrement propres, puisque c'est à nous à qui nostre bien-heureux Père les a faits. Jouissons toutes ensemble de ces si utiles et agréables Entre- tiens ; conservons-nous dans l'esprit de nostre Règle par leur fréquente et attentive lecture, mais sur tout par la pratique fidèle des saints enseignemens dont ils sont pleins: et à mesure qu'on les exprime extérieurement, imprimons-les profondement dans nos cœurs, à fin qu'ils n'en soient jamais effacés, et que nous ne soyons pas un jour obligées de ren- dre compte d'un si précieux talent, si nous ne l'avons fait profiter. Nous espérons que nostre bien-heureux Père, qui nous Va donné de la part de Nostre Sei- gneur, nous obtiendra de sa divine bonté le moyen de le bien employer, et de nous en servir pour sa gloire et pour le salut de nos âmes. C'est le souhait continuel que nous faisons pour vous et pour nous, qui sommes en JESUS CHRIST, Nos tres-cheres Sœurs, Vos tres-humbles et tres-affectionnées Sœurs et servantes, Les Religieuses DU Monastère de la Visitation Sainte Marie d'Annessy DIEU SOIT BEN Y  VI VK t JKSUS  PREMIER ENTRETIEN AUQUEL EST DÉCLARÉE L'OBLIGATION DES CONSTITUTIONS DE L.\ VISITATION DE SAINTE MARIE hr LES QUALITÉS DL L\ DEVOTION QUE LES RELIGIKlsKb DUDIT ORDRE DOIVENT AVOIR  Os Constitutions n'obligent aucunement d'elles mes- mes à aucun péché, ni mortel ni véniel, ains seulement sont données pour la direction et conduite des personnes de la Congrégation. Mais pourtant, si quelqu'une les violoit volontairement, à dessein, avec mespris, ou bien avec scandale tant des S que je ne puis manger sans désobéir ; et l'autre dit : je le ♦* mange parce (jue je veux désobéir, ce que je feray en • mangeant. Li» désobéissance et mespris suit l'un, et elle conduit l'autre. Or, ceste des4>beissance formelle et ce mespris des choses bonnes et saintes n'est jamais sans quelque p)eché, p)our le moins véniel, non pas mesme es choses qui ne sont que conseillées : car bien qu'on puisse ne point suivre les conseils des choses saintes, par l'élection d'autres choses, sans aucunement offenser, si est-ce qu'on ne |x*ut j>ourtant les laisser par mespris et con- temnemenl, sans otlense ; d'autant cjue tout bien ne nous oblige pas à le suivre, mais ouy bien à l'honorer et estimer, et par conséquent, à plus forte raison, à ne le point mespriser et vilipender. Davantage, il s'ensuit que celuy qui viole la Règle et Constitutions par mespris, il l'estime vile et inutile, qui est une très grande présomption et outrecuidance : ou bien, s'il l'estime utile et ne veut pas pourtant se sousmcttre à icelle, alors il rompt son dessein avec grand interest du prochain, auquel il donne scandale et  (c) o« âbftoou (d) tes (•)#* — !«  8 Les vrays Entretiens spirituels mauvais exemple, il contrevient à la société et promesse faite à la compagnie, et met en desordre une maison dévote, qui sont des très grandes fautes. (f) Mais à fin que l'on puisse aucunement discerner quand une personne viole les Règles ou l'obéissance par mespris ie), en voicy quelques signes : 1. Quand estant corrigée elle se mocque et n'a aucun repentir. 2. Quand elle persévère sans tesmoigner aucune envie W ni volonté de s'amender. 3. Quand elle conteste que la Règle ou commande- ment n'est pas à propos. 4. Quand elle tasche de tirer (i) les autres au mesme violement et leur oster la crainte d'iceluy, leur (j) disant que ce n'est rien, qu'il n'y a point de danger. Ces signes, pourtant, ne sont pas si certains que quelquefois ils n'arrivent pour d'autres causes que pour celle du mespris : car il peut arriver qu'une personne se mocque de celuy qui la reprend, pour le peu d'estime qu'elle fait de luy, et qu'elle persévère par infirmité, et qu'elle conteste par despit et colère, et qu'elle desbauche les autres pour avoir des compaignes et excuser i^) son mal. Neantmoins, il est aisé à juger par les circons- tances, quand tout cela se fait par mespris ; car, en fin, l'effronterie et manifeste libertinage suit ordinairement le mespris, et ceux qui l'ont au cœur en fin le poussent jusques à la bouche, et ils disent, comme David le Ps. XI, 5. remarque * : Qui est nostre maistre ? Si faut-il que j'adjouste un mot d'une tentation qui peut arriver sur ce poinct : c'est que quelquefois une  (f) [Le premier Entretien commence avec cet alinéa clans le Ms. du Mans ; il porte ce titre : ] Vive f Jésus. Advis de nostre bien-heureux Père sur l' explication des Règles. (g) par mespris — et contemnement (h) sans tesmoigner — aucun amendement (i) d'attirer (j) d'iceluy, — comme (k) des — compaignons et des excuses en  I. Obligation des Constitutions 9 personne n'estime pas d'estre désobéissante et libertine quand elle ne mesprise qu'une ou deux règles, les- quelles luy semblent de peu d'importance, jxjurveu quelle observe toutes les autres. Mais, mon Dieu, qui ne void la tromperie ! car ce que l'un estimera p)eu, l'autre l'estimera beaucoup, et réciproquement ; de manière qu'en une compagnie l'un ne tiendra compte d'une règle, et le second en mesprisera une autre, le troi- siesme une autre : ainsi tout sera en des^jrdre. Car lors que l'esprit de l'homme ne se conduit que selon ses inclinations et aversions, qu'arrive-il qu'une perpétuelle inconstance, et variété de fautes ? Hier j'estois joyeux, le silence me desagreoit, et la tentation me suggeroit que j'estois oyseux ; aujourd'huy que je seray mélancoli- que, elle me dira (jue la récréation et entretien est encore plus inutile : hier, que j'estois en consolation, le chanter me plaisoit ; aujourd'huy, que je suis en sécheresse, il me déplaira, .et ainsi des autres. De sorte que, qui veut vivre heureusement et parfai- tement il faut qu'il s'accoustume à vivre selon la raison, les Règles et l'obéissance, et non sehin ses inclina- tions ou aversions ; et qu'il estime toutes les Règles, qu'il les honore et qu'il les chérisse, au moins par la volonté supérieure : car s'il en mesprise une mainte- nant, demain il en mesprisera une autre, et l'autre jour encore une autre, et dés qu'une fois le lien du devoir est rompu, tout ce qui estoit lié, petit à petit s'esparpille et dissipe. Ne plaise pas à Dieu que janiai^s autunc des Filles dc la Visitation s'esgare si fort du chemin de l'amour de Dieu, qu'elle s'aille j^erdre dedans ce mespris des Règles, par desobeiss;ince, dureté et ob;)tination dc cœur ; car, que luy pourroit-il arriver de pis ni dc plus malheureux ? attendu mesme qu'il y a si peu dc règles particulières et propres dc la (.ongrcgation : la pluspart et quasi toutes estant, ou bien des règles générales qu'il faudroit qu'elles observassent en Irur» maisons du monde si elles vouloicnt vivre tant mhx peu avec honneur, réputation et crainte de Dieu.  lo Les vrays Entretiens spirituels ou bien qui regardent la manifeste bienséance d'une maison dévote ou les officieres en particulier (i). Que si quelquefois il leur arrive quelque dégoust ou aversion des Constitutions et reglemens de la Congré- gation, elles se comporteront en mesme sorte qu'il se faut comporter envers les autres tentations, corrigeant l'aversion qu'elles ont par la raison, et par bonne et forte i^) resolution de la partie supérieure de l'ame, attendant que Dieu leur envoyé de la consolation en leur chemin, et leur fasse voir (comme à Jacob, lors qu'il •Gen.,xxviii,ii,i2. estoit las et recreu en son voyage *) que les Règles et méthode de vie qu'elles ont embrassées sont la vraye eschelle par laquelle elles doivent, à guise d'Anges, monter à Dieu par charité, et descendre en elles mesmes par humilité. Mais si, sans aversion, il leur arrivoit de violer la Règle par infirmité, alors elles s'humilieront soudain devant Nostre Seigneur, luy demanderont pardon, renouvelleront leur résolution d'observer cette mesme Règle, et prendront garde sur tout de ne point entrer en descouragement d'esprit et inquiétude (^) ; ains, avec nouvelle confiance en Dieu, recourront à son saint amour. Et quant aux violements de la Régie qui ne se font point par pure désobéissance ni par mespris, s'ils se font par nonchalance, infirmité, tentation ou négligence, on s'en pourra et devra confesser comme de péché véniel, ou bien comme de chose où il y peut avoir péché véniel : car, bien qu'il n'y ait aucune sorte de péché en vertu de l'obhgation de la Règle, il y en peut neantmoins avoir à raison de la négligence, non- chalance, précipitation ou autres tels défauts, puisqu'il arrive rarement que voyant un bien propre à nostre  (1) ou bien — de» règles qui regardent les offices et la manifeste bienséance d'une maison dévote. (m) corrigeant l'aversion — par la raison, considération et (n) en descouragement — et inquiétude d'esprit  I. Obligation des Constitutions ii avancement, et notamment estant invitées et appeilées à le faire, nous le laissions volontairement sans offenser ; car tel délaissement ne procède ^*» que de négligence, affection dépravée ou manquement de ferveur, et s'il nous faut rendre compte des paroles qui sont vrayement oyseuses*. combien plus d'avoir rendu oyseuse et inutile • \uti . xii. j6 la semonce que la Règle nous fait à son exercice ! J'ay dit qu'il arrive rarement de n'offenser pas Dieu quand nous laissons volontairement de faire un bien propre à nostre avancement, parce qu'il se peut faire qu'on ne le laisse pas volontairement, ains par oubli, inadvertance, surreption ; et lors il n'y a aucun péché, petit ni grand, sinon que la chose que nous oublions ^P) fust de si grande importance que nous fussions obligés de nous tenir attentifs pour ne point tomber en oubli. inadvertance et surreption V. Comme, par exemple, si une fille njmpt le silence parce qu'elle n'est pas atten- tive qu'elle soit en silence, et partant elle ne s'en res- souven(jit pas, d'autant (ju'elle pensoit à d'autres choses, ou bien elle est surprise de quelque esmolion de parler, lacjuelle devant qu'elle ayt bien j)enst'* de reprimer elle aura dit queUpie chose*, sans doute elle ne p)eche point : car l'observation ") du silence n'est pas de si grande nnjxjrtance qu'on soit obligé d'avoir une telle attention qu'on ne puisse pas l'oublier ; ains au contraire, estant chose très- bon ne pendant le silence de s'occuper en d'autres s;iintes et pieuses pensées, si estant attentive à icelles on s'oublie d'estre en silence, cet oubli provenant d'une si bonne cause ne peut estre mauvais, ni par conséquent le manquement de silence qui provient d'iceluy. Mais si elle oublioit de servii une malade, qui faute de service fust en danger, et qu'on luy eust enjoint ce  (o) mê — pMit proo0iWr (p) fmê «««« —èli^mê — t( m Uqotllt (q) lom^f — dâftt l'onbllMwa «C àfMdv«rt«or«  12 Les vrays Entretiens spirituels service, pour lequel on se reposeroit sur elle, l'excuse ne seroit pas bonne de dire : Je n'y ay pas pensé, je ne m'en suis pas ressouvenue. Non, car la chose estoit de si grande importance, qu'il falloit se tenir en attention pour ne point y manquer, et le manquement de cette attention ne peut estre excusable, eu esgard à la qualité de la chose, qui meritoit qu'on fust attentive. (») Il faut croire qu'à mesure que le divin amour fera progrés es âmes des Filles de la Congrégation, il les rendra tousjours plus exactes et soigneuses à l'obser- vation de leurs Constitutions, quoy que d'elles mesmes elles n'obligent point sous peine de péché mortel ni véniel ; car si elles obligeoient sous peine de la mort, combien estroittement les observeroit-on ? Or, l'amour • Gant., uit., 6. ^st foH cofume la mort * ; donques les attraits de l'amour sont aussi puissans à faire exécuter une resolu- tion comme les menaces de la mort. Le zèle, dit le • ibid. sacré Cantique *, est dur et ferme comme V enfer; les âmes, donques, qui ont le zèle, feront autant et plus en vertu d'iceluy, qu'elles ne fer oient pour la crainte de l'enfer : si bien que les Filles de la Congrégation, par la suave violence de l'amour, observeront autant exac- tement leurs Règles, Dieu aydant, que si elles y estoient obligées sous peine de damnation éternelle. En somme, elles auront perpétuelle mémoire de ce • Vers. i6. que dit Salomon aux Proverbes, xtx * : Qui garde le commandement garde son ame, et qui néglige sa voye il mourra : or vostre voye c'est la sorte de vie en laquelle Dieu vous a mises. Je ne dis rien icy de l'obHgation que nous avons à l'observance des vœux ; car il est tout évident que qui transgresse absolument la Règle es vœux essentiels de pauvreté, chasteté et obéissance, pèche mortellement, et feroit-on le mesme, contrevenant à la closture.  (S) [C'est à partir de cet alinéa que le Ms. de Bourges donne cet Entre- lien, sous le titre suivant :] Vive f Jésus. Suite de la déclaration de l'obligation de la Règle et Constitutions.  I. Obligation des Comstitutions 13 Que les Sœurs fassent profession particulière de nourrir leurs cœurs en une dévotion intime, fort»» et généreuse. Je dis intime, en sorte qu'elles ayent la volonté con- forme aux bonnes actions extérieures qu'elles feront, soit fXîtites ou grandes ; que rien ne se fasse par coius- tume, mais par élection et application de volonté ; et si quelquefois l'action extérieure prévient l'affection intérieure, à cause de l'accoustumance, qu'au moins l'affection la suive de près. Si avant que m'incliner corporcllement à ** mon Sui>erieur je n'ay pas fait l'inclmation intérieure, par une humble élection de luy estre soubmis, qu'au moins cette élection accompagne ou suive de près l'inclination extérieure. Les Filles de la Congrégation " ont fort peu de règles pour Texte- rieur, peu d'austérités, peu de cérémonies, peu d'Offices : que donques elles y accommrxlcnt volontiers et amou- reusement leurs cœurs, faisant naistre l'extérieur de l'intérieur, et nourrissant l'intérieur par l'extérieur ; car ainsi le feu produit la cendre, et la cendre nourrit le feu. Il faut encor que cette dévotion soit forte : i. à sup- jx)rter les tentations, qui ne manquent jamais à ceux qui veulent tout de bon servir Dieu. 2. Forte à supporter la variété des t^prits qui se trouveront en la Congrégation, qui est un essay aussi grand pour les esprits foibles (ju'on en puisse rencontrer. 3. Forte à supjxjrter une chacune ses imperfections, pour ne se point inquiéter de s'y voir sujette. 4 Forte à combattre ses im|>erfcctions. <* Car, comme il faut avoir une humilité forte, [X)ur ne point perdre courage ains relever nostre confiance en Dieu j)armi nos iml)ecillités, aussi faut-il avoir le courage puissant jxiur entreprendre la correction et amendement parfait  (t) (Wv«nt (u) VMUtkm (V) [Duu rédttktt de i6a«. U Mooodt p kn m du ptf««rapb* 4 Ia^mII partir du p«ragr»plM prAcMtnl . U tr«iwftn«ition m et* faltr d'afir^ y* Hw )  14 Les vrAys Entretiens spirituels 5. Forte à mespriser les paroles et jugemens du monde, qui ne manque jamais de contreroller les insti- tuts pieux, sur tout au commencement. 6. Forte à se tenir indépendante des affections, amitiés ou inclinations particulières, à fin de ne point vivre selon icelles, mais selon la lumière de la vraye pieté. 7. Forte à se tenir indépendante des tendretés, dou- ceurs et consolations qui nous proviennent tant de Dieu que des créatures, pour ne point nous laisser engager par icelles. 8. Forte pour entreprendre une guerre continuelle contre nos mauvaises inclinations, humeurs, habitudes et propensions. Il faut en fin qu'elle soit généreuse, pour ne point s'estonner des difficultés, ains au contraire aggrandir * Kpist. ccLvi, ad SOU courage par icelles ; car, comme dit saint Bernard *, ugen., I. celuy là n'est pas bien vaillant, auquel le cœur ne croist pas entre les peines et contradictions. Généreuse pour prétendre au plus haut point de la perfection chres- tienne, nonobstant toutes imperfections et foiblesses présentes, en s'appuyant, par une parfaite confiance, sur la miséricorde divine, à l'exemple de celle qui disoit ♦ Gant., I, 3. à son Bien Aimé * : Tirez moy, nous courrons après vous en V odeur de vos onguents, comme si elle eust voulu dire : De moy mesme je suis immobile, mais quand vous me tirerez je courray. Le divin Amant (w) de nos âmes nous laisse souvent comme englués dans nos misères, à fin que nous sçachions que nostre déli- vrance vient de luy, et que, quand nous l'aurons, nous la tenions chère (^), comme un don précieux de sa bonté. C'est pourquoy, comme la dévotion généreuse ne cesse jamais de crier à Dieu : Tirez moy, aussi ne cesse elle jamais d'aspirer, d'espérer et de se promettre courageusement de courir, et de dire : Nous courrons après vous. Et ne faut jamais se fascher si d'abord on  (w) Ami (x) nous la tenions — bien chère  I. Obligation des Constitutiowi 15 ne court pas après le Sauveur, pourveu que Ion die tousjours ; Tirez moy. et que l'on ayt le courage bon pour dire : Nous courrons. Car encor que nous ne courions pas, il suffit que, Dieu aydant, nous courrons : ceste Congrégation, non plus que les autres Religions, n'estant pas une assemblée de personnes parfaites, mais de p)ers^)nnes qui prétendent de se pxjrfectionner ; non de personnes courantes, mais de personnes qui préten- dent courir, et lesquelles pour cela apprennent premiè- rement à marcher le petit pas, puis à se haster, puis à cheminer à demi course, puis en fin à courir. Ceste dévotion généreuse ne mesprise rien, et fait que, sans trouble ni inquiétude, nous voyons un chacun cheminer, courir et voler diversement, selon la diversité des inspirations et variété des mesures de la grâce divine qu'un chacun reçoit. C'est un advertissement que le grand Apostre saint Paul fait aux Romains, xiv • : • verv j, j, 5, 4. L'un, dit-il, croid de pouvoir manger de tout ; l'autre, qui est infirme, mange des herbes : que celuy qui mange ne mesprise point celuy qui ne mange pas, et que celuy qui ne mange pas ne juge point celuy qui mange. Que chacun abonde en son sens : celuy qui mange, mange en Sostre Seigneur, et celuy qui ne mange pas, ne mange pas en Nostre Sei- gneur ; et tant l'un que l'autre rendent grâces à Dieu. Les Rrgles ne commandent pas beaucoup de jeunes, neantmoin^ il se pourra faire que <|uelques unes, pour des nécessités particulières, (r! obtiendront l'olxHlience d'en faire davantage : que celles qui jeûneront ne mes- prisent p^nnt celles qui mangent, ni ce»lU»s (|ui mangent celles cjui jeûneront. Kt ainsi en toutes autres choses qui ne s« rocnmamlM. il «r pourra faire que quelque* uor»  i6 Les vrays Entretiens spirituels jouisse et use de sa liberté, sans juger ni contreroller les autres qui ne feront point comme elle, voulant faire trouver sa façon meilleure ; puisque mesme il se peut faire qu'une personne mange avec tel renoncement de sa propre volonté qu'une autre jeuneroit (^), et qu'une personne ne die pas ses coulpes par le mesme renon- cement par lequel l'autre les dira. La généreuse dévotion ne veut pas avoir des compa- gnons en tout ce qu'elle fait, ains seulement en sa prétention, qui est la gloire de Dieu et l'avancement du prochain en l'amour divin ; et pourveu qu'on s'ache- mine droitement à ce but là, elle ne se met pas en peine par quel chemin c'est. Pourveu que celuy qui jeune, jeune pour Dieu, et que celuy qui ne jeune pas, ne jeune pas (*') aussi pour Dieu, elle est toute satisfaite tant de l'un que de l'autre. Elle ne veut donques pas tirer les autres à son train, ains suit simplement, hum- blement et tranquillement son chemin. Que si mesme il arrivoit qu'une personne mangeast, non pas pour Dieu, mais par inclination, ou qu'elle ne fist pas la discipline, non pas pour Dieu, mais par naturelle aversion, encor faudroit-il que celles qui font les exercices contraires ne la jugeassent point ; ains que, sans la censurer, elles suivissent leur chemin doucement et suavement, sans mespriser ni juger au préjudice des infirmes, se ressou- venant que si en ces occasions les unes secondent peut estre trop mollement leurs inchnations et aversions, en des autres occurrences les autres en font bien de mesme. Mais aussi, celles qui ont telles inclinations et aversions se doivent bien garder de dire des pa- roles, ni donner aucune sorte de signe d'avoir à desgout que les autres fassent mieux, car elles f croient une grande impertinence : ains, considérant leur foiblesse, elles doivent regarder les mieux faisantes avec une  (z) avec — le mesme ou plus grand renoncement de sa propre volonté que si elle jeunoit (a'; celuy qui ne jeune pas, —■ que ce soit  I. Obligation des Constitutions 17 sainte, douce '** ' et cordiale révérence ; car ainsi elles pourront tirer autant de proffit de leur imbécillité par I luinulitc- qui en naistra. que les autres en tirent par leurs exercices. Que si ce pc^int est bien entendu et bien observé, il conservera une merveilleuse tranquillité et suavité en la Congrégation. Que Marthe soit active, mais qu'elle ne contrerolle [)oint Magdelaine ; (\uv Magdelaine contemple, mais (pi'ellc ne mesprise point Marthe, car Nostre Seigneur prendra la cause de celle qui sera censurée. Mais neantmfuns, si (pulqucs Nturs avoient des aversions aux choses pieuses, bonnes et approuvées, ou bien des inclinations aux choses moins pieuses, si elles '^ » me croyent elles useront de violence, et contrevien- dront le plus (ju elles |K)urront à leurs aversions et inclinations, pour se rendre vrayement maistresses d'elles mi'smes, et servir Dieu par une excellente mortification : répugnant ainsi à leurs répugnances, contredisant à leurs contradictions, déclinant de leurs inclinations, se divertissant de leurs aversions, et en tout et par tout faisant régner rauthorité de la raison, principalement es choses es inc (Il'iii.iikIoz, mes Ut's-r!ier(»s filles, si une dJiic ay.int le sentiment de sa mist»re jxMit aller à Dieu avec iHie grande confiance. Or, je responds que '**' non seu- lement lame (jui a la cognoissance de sa misère peut avoir une grande cf)nftance en Dieu, mais qu'elle ne f)cut avoir une vraye confiance qu'elle n'ayt <*^^ la cognoissance de sa misère ; car ccste cognoissance et confession de nostre misère nous intnxluit devant Dieu. Ainsi '<*> tous les grands Saints, comme Joh, DavirI et h*s autres, commençoient toutes leurs prières par la confession de leur misère et indignité ; de sorte que c'est une très-bonne chose de se recognoistre pauvre, vil. abject ••. et indigne de comparoistre en la pré- sence de Dieu. ( e mot tant célèbre entre les Anciens, ■ ( Ognois-tov toy-mesme •. ■ cncores qu'il s'entende de • Socf«m dicUM» ; ■ ^ ,, .1. ^^ latcnpl. IMph. la cognoissance de la grandeur et excellence de 1 aine.  (a) Dl LA COMriAMCK BT ABAVOOWUBMIIfT. (Mft.) — ■» QVOV COUMVTK LA (•' r MOCft DBVo ÎKU. (CoU.) •pa«r té une • le MOltaiMil d' m iiU m i b, alWT A l>iru Av«c unr graiMSr oooAmkc. (Mt. ri Coll.) — Rcapoocv. iV (D maw elle |Mnit ava4r une vray* conianrt en Dia« Nq w ail c sai«t de ii<41 i (d) Au«U. (M« et Coll * (r) tffà^mmt (k9H - «|ut Uc »<■ (.uftituitUv %U, ab)(xl et M* (\.«jU I  20 Les vrays Entretiens spirituels pour ne la point avilir et prophaner en des choses indignes de sa noblesse, il s'entend aussi de la cognois- sance de nostre indignité, imperfection et misère : d'autant que tant plus que nous nous cognoistrons misé- rables, tant plus nous nous confierons (f) en la bonté et miséricorde de Dieu ; car, entre la miséricorde et la misère, il y a une certaine liaison si grande, que l'une ne se peut exercer sans l'autre. Si Dieu n'eust point créé l'homme, il eust esté vrayement ^s) tout bon, mais il n'eust point esté actuellement misericordieuxt d'autant que la miséricorde ne s'exerce qu'envers les misérables (^). Vous voyez donc que tant plus nous nous cognoissons misérables, tant plus nous avons occasion de nous confier en Dieu, puisque nous n'avons rien de quoy nous confier en nous mesmes. La deffiance de nous- mesmes provient de la cognoissance de nos imperfec- tions. Il est bien bon de se déifier de soy-mesme, mais de quoy nous serviroit-il de le faire, sinon pour jetter toute nostre confiance en Dieu et nous attendre à sa miséricorde ? (») Les fautes et les infidélités que nous commettons tous les jours nous doivent bien apporter de la honte et confusion lors que nous voulons appro- cher de Nostre Seigneur : et ainsi lisons-nous qu'il y a des grandes âmes, comme sainte Catherine de Sienne et la Mère Thérèse, qui lors qu'elles est oient tombées en quelque défaut, a voient de ces grandes confusions ;  (f) il s'entend aussi: — « Cognois-toy toy-mesmc, » c'est à dire ton imper- fection et misère, et ton indignité. Plus nous sommes misérables, plus nous nous devons confier (Ms. ot Coll.) (g) vrayement — tousjours (Ms.) (h) d'autant — qu'il n'eust fait miséricorde à personne ; car, ù qui faire tiiisericorde sinon aux misérables ? (Ms. et Coll.) (i) Or, j'entcns bien que ces choses qui arrivent ainsi entre nous autres ne sont pas dos doutes et dcffiances de la miséricorde en ce qui regarde nostre salut ; mais c'est une honte et certaine confusion que nous avons d'approcher de Nostre Seigneur, doutans de nostre fidélité. Et nous avons leu qu'il y a des grandes âmes, comme sainte Catherine de Sienne et la Mère Thérèse, qiii, lors qu'elles estoient tombées en quelque faute, avoient des grandes confusions ; et nostre amour proi)re nous fait accroire que nous en devons  II. De l,\ Confiante ai aussi est il bien raisonnable qu ayant offencé Dieu nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus, car si seulement nous avon> offencé un amy, nous avons bien honte de l'aborder : mais il n'en faut pas demeurer là, car ces vertus d'humilité, d'abjection et de confusion, sont des vertus mitoyennes, p>ar lesquelles nous devons monter à l'union de nostre ame avec son Dieu. Ce ne seroit pas grande chose de s'estre anéanti et despoùillé de soy-mesme (ce qui se fait par des actes de confusion), si ce n'estoit pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l'enseigne quaiKi il dit • : • coi.**^. ui.ç, lo. Ue^puiiilUz'Vous du vieil homme, et vous revestez du nouveau ; car il ne faut pas demeurer nud, ains se revestir de Dieu. Le petit reculement ne se fait que pour mieux 0' s'eslancer en Dieu par un acte d'amour et de conhance, car il ne se faut pa> confondre triste- ment et avec inquiétude (k) : c'est l'amour i)ropre qui donne ces confusions-là, parce que nous sommes marris de n'estre pas parfaits, non tant pour l'amour de Dieu que pour l'amour de noub-mesmes. El si bien vous ne sentez pas une telle confiance, si ne faut-il pas laisser d'en faire les actes, et dire à Nostre Seigneur : Encore, mon Seigneur, '*> que je n'aye aucun sentiment de conhmre en vous, je sçay pourtant que vous estes mon Dieu, que je suis toute vustre, et n'ay espérance tju'eii vostre l)onté ; ainsi je m'abandonne toute entre vos mains. Ht il est tousjours  4iiMi avuir. C'»t luy qui ncMi« fait dire : HrU«, Srifnrur. )e n'owfoto )amaAi m'approclMT dr vou». )« Mii« «Mr ni ttHit ! CrU «t ttot — ttolactkwi dr l'Amour pmpTP qui nou» j- ^ Je nr di« pa* qu« on mnfiiiinni •• %oycot boonea quand ellca «ont bien appllqu4«a, car 11 cat raiaunnablr qu'ayant «iflrncé IHeu nous noua rrtirions un pau par huinilitr rf daaMartoaa ooAfuaaa, d'«uLAOl que ù •pulrmmt nuu* avoo« oflmcé un amy noua aroat boota da l'aburdcr : béan nt vray qu'il n'en faut pa» tkoMumr là, parea qiim lr« vrrtu« (M« f\ ^.^A\.) [Krprmdrr au tvxtr. Ilf. ^ ) (j) Hii#Mi - Mutrr et (M«. et Coll.) (k) mê i# Immt pm% — cuniruter ni inquiéter (Coll.) (1) Peut e«tre direi vou« que voo« ne K«vr« pa« «1 roM« «ret rriir non banrr. d'âutani que vmi« ne la voyet pat. nr la MWlei pat II •■" •-< • '."» un ^tc, et dur 1 .Nutlre Srtfnrur If un iHeu. enoire (Cull )  22 Les vrays Entretiens spirituels en nostre pouvoir de faire de ces actes, et quoy que nous ayons de la difficulté, il n'y a pourtant pas de l'impossibilité ; et c'est en ces occasions là et parmi ces difficultés, que nous devons tesmoigner de la fidélité à Nostre Seigneur ; car bien que nous fassions ces actes sans goust et sans aucune satisfaction il ne s'en faut pas mettre en peine, puisque Nostre Seigneur les ayme mieux ainsi. Et ne dites pas que vous le dites voirement, mais que ce n'est que de bouche ("^) ; car si le cœur ne le vouloit, la bouche n'en diroit pas un mot. Ayant fait cela demeurez en paix, et sans faire attention sur vostre trouble, parlez à Nostre Seigneur d'autre chose. Voila donc pour la conclusion de ce premier poinct, qu'il est tres-bon d'avoir de la confusion quand nous avons la cognoissance et sentiment de nostre misère et imperfection ; mais qu'il ne faut pas s'arrester là, ni pour cela tomber en descouragement, ains relever son cœur en Dieu par une sainte confiance, le fondement de laquelle doit estre en luy et non pas en nous ; d'au- tant que nous changeons et il ne change jamais, et demeure tous] ours aussi bon et miséricordieux quand nous sommes foibles et imparfaits que quand nous sommes forts et parfaits. J'ay accoustumé de dire que le throsne de la miséricorde de Dieu c'est i^) nostre misère : il faut donc, d'autant que nostre misère sera plus grande avoir aussi une plus grande confiance. (<^) Passons maintenant à l'autre question, qui est de l'abandon de soy-mesme, et quel doit estre l'exercice de l'ame abandonnée. Il faut donques sçavoir qu'aban- donner nostre ame et nous laisser nous mesmes n'est autre chose que quitter et nous deffaire de nostre propre volonté pour la donner à Dieu : car il ne nous serviroit de guère, comme j'ay desja dit, de nous renoncer et  (rn) les ayme — de la sorte. Kt ne dites pas que la bouche seule parle, non le cœur (Coll.) (n) que le — chemin pour trouver Dieu est la considération de (Coll.) (o) confiance; — car la confiance est la vie de l'ame : ostez luy la confiance, vous luy donnez la mort. (Ms. et Coll.)  II. 1>E LA Confiance 23 délaisser nous-mesmes, si ce n'estoit pour nous unir parfaitement à la divine Bonté. Ce n'est donc que p^iur cela qu'il faut faire cest abandonnement, k-quel autre- ment seroit inutile, ci ^l*^M.•mbleroit ceux des anciens philosophes, qui ont fait des admirables abandonnemens de toutes choses et d'eux-mesmes, jxjur une vaine pré- tention de s'adonner à la philosophie : comme Epictete, tres-renommé philosophe, lequel estant esclave de con- dition, à cause de sa grande sagesse on le vouloit 'P' affranchir ; mais luy, par un renoncement le plus extrême de tous, ne voulut jxjinl sa liberté et demeura ainsi volontairement en son esclavage, avec une telle pauvreté, qu'après sa mort on Re luy trouva rien qu'une lampe, qui fut vendue bien cher < ; mais il y en a fort peu qui embrass<*nt la pratique de cest abandonnement, le) ptriêmltom — t'adonnan* A la philoanpbtr ■ mmtn» F|iért«>1r l*t>" a<-» |ilu% fframlt tX tmauuaàk dr crilr «iirlr, lr«|url r«iim rarUvr «Ir Or, ik caiMT dr %4 grandr % f » * <«i l# vaiulut (M*, rt < (q) èf/N (kêf — par rivinirrr dr irliqur (Mt rt Cui^ , (r) à vomt et im> vrui rtrti r t^ rv t t (\k\ rt ( 'À\.) («) à ft(0votr \e% rvmrffnrti* par rartlrr r (M* H CoU )  24 Les vrays Entretiens spirituels de la pauvreté ; quoy qu'aucun ne puisse ignorer que le mespris, l'abjection et la pauvreté ne soient plus agréables à Dieu que l'honneur et l'abondance de beau- coup de richesses. Or, pour faire cest abandonnement, il faut obéir à la volonté de Dieu signifiée et à celle de son bon plaisir : l'un se fait par manière de résignation, et l'autre par manière d'indifférence. La volonté de Dieu signifiée comprend ses (t) commandemens, ses conseils, ses inspirations, nos Règles et les ordonnances de nos Supérieurs. La volonté de son bon plaisir regarde les evenemens des choses que nous ne pouvons pas prévoir : comme, par exemple, je ne sçay pas si je mourray demain, je voy que c'est le bon plaisir de Dieu ("), et partant je m'abandonne à son bon plaisir et meurs de bon cœur. De mesme, je ne sçay pas si l'année qui vient tous les fruits de la terre seront tempes- tés : s'il arrive qu'ils le soient, ou qu'il y ayt de la peste, ou autres tels evenemens, il est tout évident que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'y conforme. (^) Il arrivera que vous n'aurez pas de la consolation en vos exercices : il est certain que c'est le bon plaisir de Dieu, c'est pourquoy il faut demeurer avec une extrême indifférence entre la désolation et la consolation ; de mesme en faut-il faire en toutes les choses qui nous arrivent, es habits qui nous sont donnés, es viandes qui nous sont présentées (w).  (l) signifiée — ce sont ses (Ms.) — consiste aux (Coll.) (u) demain, — si je tomberay malade à la mort : je voy que si c'est le bon plaisir de Dieu il faut le recevoir avec indifférence (je dis quant à la volonté) (Coll.) (v) de Dieu. — [Donnons] des exemples plus familiers et plus convenables à nostre condition : (Ms. et Coll.) (w) ei la consolation. — Si on vous donne un habit moins agréable que celuy que vous avez accoustumé de porter, la robiere a fait cela de bonne foy ; il est tout certain que c'est le bon plaisir de Dieu que vous ayez cette robbe, et partant il la faut recevoir avec indifférence. On vous donnera au réfectoire quelque viande hors de vostre goust ; cela sans doute est le bon plaisir de Dieu, il faut donc en manger avec indifférence, je dis quant h la volonté. De mesme des caresses et tesmoignages d'amitié : si une personne ne vous caresse point, il faut penser que c'est le bon plaisir de Dieu, et qu'elle est occupée à  II. I>F. LA Confiance 25 Il faut de plus remarquer qu'il y a des choses csquel- les il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à ctlle de son bon plaisir : comme si je tombe malade d'une grosse fièvre, je voy en cest événement que le ïnm plaisir de Dieu est que je demeure en indifférence de la santé ou de la maladie ; mais la volonté de Dieu signifiée est que moy, qui ne suis pas sous l'obéissance, j'appelle le médecin et que j'applique tous les remèdes que je puis (je ne dis pas les plus ixquis, mais les communs et ordinaires), et que les Religieux, qui sont sous un Supérieur, reçoivent les remèdes et traittement (|ui leur sont pressentes, en simplicité et st»ubmission ; car Dieu le nous a signifié en ce qu'il donne la vertu *»' aux remèdes, la Sainte Escriture le nous enseigne en plu- sieurs endroits et l'Eglise l'ordonne. Or cela fait, que la maladie surmonte le remède, ou le remède sunnonte le mal, il en faut estre en parfaite intlifference, en telle Noite que si la maladie et la santé estoient là devant nous ( t que Nostre Seigneur nous dist : Si tu choisis la santé je ne t'en osteray pas un grain eigneur choisira sans doute la maladie, pour cela Neuleinent qu'il y a un peu plus du bon plaisir de Dieu ; ciuy mesme quand ce seroil pour demeurer toute sa vie dans un lict, sans faire autre chose que SDufirir, elle ne voudroii jx>ur rien du monde désirer un autre estât que celuy-là. Ainsi les Saints qui si« \'oulei-v»iu« «lo«r <|u*«4W> w rvvwV» 4ltrtitivr ^ viMit rarmtrr ? Qitr té rllr Ir (ait. il faut • prus I m iHru !• ucnlfi'- • <|u'll àtma» U wrtu aui pUnlr* rt i^» r iyi u (t) dé f%0n — du tuât (lU. «t CoO.)  26 Les vrays Entretiens spirituels plus de son bon plaisir en enfer ils quitteroient le Paradis pour y aller. Cest estât du délaissement de soy-mesme comprend aussi l'abandonnement au bon plaisir de Dieu en toutes tentations, aridités, séche- resses, aversions et répugnances qui arrivent en la vie spirituelle ; car en toutes ces choses l'on y void le bon plaisir de Dieu, quand elles n'arrivent pas par nostre défaut et qu'il n'y a pas du péché. (*') En fin l'abandonnement est la vertu des vertus : c'est la cresme de la charité, l'odeur de l'humilité, le mérite, ce semble, de la patience et le fruict de la persé- vérance ; grande est ceste vertu, et seule digne d'estre pratiquée des plus chers enfans de Dieu. Mon Père, * Lxicae. xxiii, 46. dit uostre doux Sauveur sur la croix *, je remets mon esprit entre vos mains. Il est vray, vouloit-il dire, que • joan., XIX, 30. tout est consommé * et que j'ay tout accompli ce que *ibid., XVII, 4. vous m'avez commandé*; mais pourtant, si telle est vostre volonté que je demeure encore sur ceste croix pour souffrir davantage, j'en suis content ; je remets mon esprit entre vos mains, vous en pouvez faire tout ainsi qu'il vous plaira. Nous en devons faire de mesme, mes tres-cheres filles, en toute occasion, soit que nous souffrions ou que nous jouissions de quelque contentement, nous laissant ainsi conduire à la volonté divine, selon son bon plaisir, sans jamais nous laisser préoccuper de nostre volonté particulière. Nostre Seigneur ayme d'un amour extrêmement ten- dre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner ainsi totalement à son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence, sans s'amuser à considérer si les effets de ceste providence leur seront utiles, profi- tables, ou dommageables ; estant tout asseurés que rien ne leur sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres-aymable, ni qu'il ne permettra que rien leur arrive  (a') [Les deux alinéas suivants ne se trouvent pas dans le Ms. ni dans les Colloques, où, par contre, est intercalé un long fragment relatif aux A versions. Voir à l'Appendice IL]  II. I>F. LA Confiance 27 de qiioy il ne leur fasse tirer du bien et de l'utilité, jx^urveu que nous iiyons mis toute nostre confiance en luv et que de bon cœur nous disions : Je remets mon esprit, mon ame, mon corps et tout ce que j'ay entre vos b<*nitfs mains, pour en faire st-lon qu'il vous plaira. Car jamais nous ne sommes réduits à telle fxircmilé. (jue nous ne puissions tousjours respiuidrc devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres-sainte volonté, et d'une continuelle promesse de ne Ir vouloir point offencer. (Quelquefois Nostre Seigneur veut que les âmes choisies pour le service de sa divine Majesté se nourrissent d'une resolution ferme et inva- riable de persévérer à le suivre panni les desgousts, sccheressi'S, répugnances et aspretés de la vie spirituelle, sans consolât i(jns, saveurs, tendretés et sans goust, et qu'elles croyent de n'estre dignes d'autre clio^e, suivant ainsi le divin Sauveur avec la fine pointe de l'esprit, sans autre appuy que celuy de sa divine volonté qui le veut ainsi. Et voila comme je désire (jue nous chemi- nions, mes chères filles. Or maintenant, vous me demandez à qiioy se doit occuper intérieurement ceste ame qui est toute aban- donnée entre les mains de Dieu. Elle ne fait rien sinon demeurer auprès de Nostre Seigneur, sans avoir souci d'aucune cho.se, non pas mesme de son corps ni de miii ame ; car puistju'elle s'est embarquée sous la providence de Dieu, qu'a-t'elle aftaire de penser ce qu'elle devien- dra ? Nostre Seigneur, auiiuel elle s'est toute délai y jx*nsera assez pour elle. Je n'entens pas pourtant ile dire qu'il ne faille pas penser es choses aus v««b paa p»nc. Noatfv  28 Les vrays Entretiens spirituels Il est bien vray qu'il faut avoir une grande con- fiance pour s'abandonner ainsi sans aucune reserve à la Providence divine ; mais aussi, quand nous abandonnons tout, Nostre Seigneur prend soin de tout et conduit tout. Que si nous reservons quelque chose, de laquelle nous ne nous confions pas en luy, il nous la laisse, comme s'il disoit : Vous pensez estre assez sages pour faire ceste chose-là sans moy, je vous laisse gouverner, vous verrez comme vous vous en trouverez. Celles qui sont dédiées à Dieu en la Religion doivent tout aban- donner sans aucune reserve. Sainte Magdelaine, qui s'estoit toute abandonnée à la volonté de Nostre Sei- gneur, demeuroit à ses pieds et Vescoutott tandis qu'il ♦Lucae, X, 31. parloit * ; et lors qu'il cessoit de parler, elle cessoit aussi d'escouter, mais elle ne bougeoit pourtant d'auprès de luy. Ainsi ceste ame qui s'est délaissée n'a autre chose à faire qu'à demeurer entre les bras de Nostre Seigneur comme un enfant dans le sein de sa mère, lequel, quand elle le met en bas pour cheminer, il chemine jusques à tant que sa mère le reprenne, et quand elle le veut porter il luy laisse faire. Il ne sçait point et ne pense point où il va, mais il se laisse porter ou mener où il plaist à sa mère : tout de mesme ceste ame, aymant la volonté du bon plaisir de Dieu en tout ce qu'il luy arrive, se laisse porter et chemine neantmoins, fai- sant ^'^'^ avec grand soin tout ce qui est de la volonté de Dieu signifiée. Vous dites maintenant, s'il est bien possible que nostre volonté soit tellement morte en Nostre Sei- gneur que nous ne sçachions plus ce que nous voulons ou ce que nous ne voulons pas. Or je dis en premier lieu, qu'il n'arrive jamais, pour abandonnés que nous  prouvoira bien. De mesme, une Supérieure, une Maistresse des Novices, il ne faut pas que sous ombre de dire : Je me suis abandonnée à Dieu, je me repose en son soin, elles négligent de lire et d'apprendre l'exercice de leur charge, (Ms. et Coll.) (c') ceste ame — se laisse porter quand elle ayme la volonté du bon plaisir de Dieu en tout ce qui luy arrive, et chemine neantmoins quand elle fait (Ms.)  II. De la Confiance 29 soyons, que nostre franchise et la liberté de nostre arbitre ne nous demeurent, de sorte qu'il nous vient tousjours quelque désir et quelque volonté ; mais ce ne sont pas des volontés absolues et des désirs formé> car si tost qu'une ame qui s'est délaissée au bon plaisir de I>ieu apperçoit en soy quelque volonté, elle la fait incontinent mourir en la volonté de Dieu Vous voudriez aussi sçavoir •* si une ame encore bien imparfaite pourroit demeurer utilement devant Dieu avec cesle simple attention à sa sainte présence en l'oraison Ht je vous dis que si Dieu vous y met. vous y pouvez bien drmourer, car il arrive assez souvent que Nostre Seigneur donne ces quiétudes et tranquillités à des âmes (|ui ne sont pas bien purgées ; mais tandis qu'elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors l'oraison, faire des remarques et des considérations nécessaires à leur amendement ; car, quand bien Dieu les tiendroit tou>jours fort recueillies, il leur reste encor assez de lilx»rté pour discourir avec l'entendement sur plusieurs choses indifférentes : p<»urquoy donc ne pourront-elles pas considérer et faire des resolutions jxjur leur amendement »t pour la pratique des vertus ? Il y a des jxTsonnes fort parfaites auMpielles Nostre Seign» «ir ne donne jamais de telles douceurs ni de ces quietuu- . qui font tout avec la partie su|)erieure de leur ame, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la i>ointe de la raison : et cestc mort icy est la mort df la croix •. laquelle ('') est beaucoup • ihiiii . n, ». plus excellente et plus généreuse que l'autre, que l'on doit plustost apjH'ller un endormissement qu'une mort ; car ceste ame qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui dormant dans un vaivseau sur  (d*) formels (CoU.) (•*) Or. pour mpandrr & ce que vooi m* dtOModat, (Mlb «1 CoM.) (D U pmrtt4 9%ptf%4Uft et ^ U rakon : «t oa appalto nU l'amour du CnictAs : et cr»ir mort (Coll.)  30 Les vrays Entretiens spirituels une mer tranquille ne laisse pas d'avancer. Geste ma- nière de mort ainsi douce se donne par manière de grâce, et l'autre se donne par manière de mérite. Vous voulez encor sçavoir quel fondement doit avoir nostre confiance. Il faut qu'elle soit fondée sur l'infinie bonté de Dieu et sur les mérites de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jésus Christ, avec ceste condition de nostre part, que nous ayons et cognoissions en nous une entière et ferme resolution d'estre tout à Dieu, et de nous abandonner du tout et sans aucune reserve à sa providence. Je désire toutesfois (&') que vous remar- quiez que je ne dis pas qu'il faille sentir ceste resolution d'estre ainsi toute à Dieu, mais seulement qu'il la faut avoir et cognoistre en nous, parce qu'il ne faut pas s'amuser à ce que nous sentons ou que nous ne sentons pas, d'autant que la pluspart de nos sentimens et satis- factions ne sont que des amusemens de nostre amour propre. Il ne faut pas aussi entendre qu'en toutes ces choses icy de l'abandonnement et de l'indifférence nous n'ayons jamais des désirs contraires à la volonté de Dieu, et que nostre nature ne répugne aux evenemens de son bon plaisir ; car cela peut souvent arriver. Ce sont des vertus qui font leur résidence en la partie supérieure de l'ame, l'inférieure pour l'ordinaire n'y entend rien ; il n'en faut faire aucun estât, mais sans regarder ce qu'elle veut, il faut embrasser ceste volonté divine et nous y unir, malgré qu'elle en ayt. Il y a peu de personnes qui arrivent à ce degré du parfait délaissement d'elles mesmes, mais nous y devons neantmoins tous prétendre, chacun selon sa portée et petite capacité.  ((<') et de nous — tout abandonner ; car de luy dire : je me confie en vous, mais je ne veux pas estrc toute vostre, il n'y auroit pas de la raison. Sur quoy je désire (Ms. et Coll.)  TROISIESMK HNTRKTIEN SUR LA FflTK DK NOSTRr. SKIGNFUR EN EGYPTE OÙ IL EST TRAITTÉ DE LA FERMETE: QUE NOUS DEVONS AVOIR PARMI LES ACCIDENS DU MONDE (•)  Nous célébrons l'(Ktave de la feste des saints Inno- cens, auquel jour la sainte Kglise nous fait lire l'Evan- gile * qui traittc comme l'Ange du Seigneur dit au • Man. n. ij-it. glorieux saint Joseph en songe, c'est à dire en dormant, qu'il prist l'Enfant et la Mère et qu'il s'enfuist m Egypte ; d'autant (ju'Herodt^s, jaloux de sa royauté, cherchoit Nostre Seigneur pour le mettre à mort, de cramte qu'il ne la luy ostast, et estant rempli de colère, dequoy les Koys Miiges n'estoient point retournés par devers (**) luy en Jérusalem, il commanda (jue l'on fist mourir tous les petits enfans au dessous de l'âge de deux ans, croyant que Nostre Seigneur s'y trouveroit. et par ce moyen il s'asscureroit de la possession de son royaume. Cet Evangile est plein d'une quantité de Ix'lles conceptions : je me contenteray de quelques unes, qui nous serviront d'un autant agréable que pro- fitable entretien <«>.  (a) p«kDirAfioN iM •.«. (b) éCmulant qu'Ht' ^ if*. ortMil )«Joux de M royauté, craicnant qua No»Ur Seigneur im U lujr vlati «mIot. pMn de crainte et dr ■> Ruy* \l*Kt% n'ctloéeat poéal r ^ t i — ^i  (c) tomtêptiomi. — Je nr doute ptjéiil que vo«m n'en aye« d«*cEMivert «ur U cootéderaliua que vuu% eu a%T< fait au jnw de U lr»te dn liu»uc««» ;  32 Les vrays Entretiens spirituels i<^) Je commence par la première remarque que fait ie ♦Hom.viii iuMatt., grand saint Jean Chrysostome *, qui est de l'inconstance, ^ ■'• variété et instabilité des accidens de ceste vie mortelle. O que ceste considération est utile ! car le défaut d'icelle est ce qui nous porte au descouragement et bijarrerie d'esprit, inquiétude, variété d'humeurs, inconstance et instabilité en nos resolutions ; car nous ne voudrions pas rencontrer en nostre chemin nulle difficulté, nulle contradiction et nulle peine ; nous voudrions avoir tousjours des consolations sans sécheresses ni aridités, des biens sans meslange d'aucun mal, la santé sans maladie, le repos sans travail, la paix sans trouble. Hé ! qui ne void nostre folie ? car nous voulons ce qui ne se peut. La pureté ne se trouve qu'en Paradis et en enfer : au Paradis >«) le bien, le repos et la consolation sont en leur pureté, sans aucun meslange du mal, du trouble ni de l'affliction ; au contraire, en enfer le mal,  la multitude qui s'y rencontre me fait croire que vous eu pourrez bien avoir laissé plusieiu's qui seront bonnes à dire, bien que je ne veuille pas m'amuser à la recherche de celles que vous auriez peu laisser, non plus que de traitter de celles que vous auriez peu tirer sur ce sujet, ains j'entends de vous dire tout simplement ce que Dieu me donnera. Et tout ainsy qu'en un tableau, où un homme fait ou bien un géant est représenté, combattant ou faisant quelque autre action, il est bien plus aysé de remarquer les traits de la peinture ,que non pas en un autre où est représenté quelque petit corps, ou plusieurs petits ensemble qui sont en action (car il faut plus de temps pour observer tous les petits tours, entorses, plis et replis, linéaments et semblables observances qu'il faut faire en la peinture, que non pas au premier ; car à ceux-ci l'on descouvre autant de fois que l'on les regarde quelque chose de nouveau, où au contraire il est facile de descouvrir du premier coup ce qui est au plus grand tableau) ; de mesme aux autres mystères qui nous sont représentés, où se trouvent Xostre Seigneur, Nostre Dame, saint Joseph, les pasteurs, les Koys Mages qui viennent adorer Nostre Seigneur, il est facile, ce semble, de descouvrir du premier coup les mj'steres qui sont cachés sous cette peinture ; mais il n'est pas si aysé de le faire en ce petit tableau raccourci qui nous représente une peuplade si grande de petits enfants qui, estans tous assemblés, semblent estre une petite formilliere. Pour beaucoup de temps donc, que nous mettions à considérer ce qui nous est représenté en ce mystère, tousjours neantmoins il nous reste quelque chose a descouvrir de nouveau, autant de fois que nous le regardons. (d) Et pour entrer en mon sujet, qui est Tlivangile, (ej ne ^e trouve — qu'en Paradis : en Paradis  III. De la FLRMETé 33 le desespoir, le trouble et l'inquiétude s'y trouve et est en sa pureté '^, sans aucun nieslange du bien, de l'espé- rance, de la tranquillité ni de la paL\. Mais en ceste vie |)erissable, jamais le bien ne se trouve sans la suite du ni«nl, les richesses sans inquiétudes, le repos sans travail, la consolation sans l'affliction . la santé sans la maladie. Bref, tout y est meslangé et meslé, le bien avec le mal ; c'est une continuelle variété d'accidens divers. Ainsi Dieu a voulu diversifier les saisons, et que l'esté fust suivi de l'automne et l'hiver suivi du printemps, pour nous monstrer que rifft n'es* permanent en ceste vie •, * î"-'*-* • '» K que les choses temporelles sont ptrpetuellement inuables, inconstantes et sujettes au changement : et le défaut de la cognoissance de ceste vérité est, comme j'ay dit, ce qui nous rend muables et changeans en nos humeurs ; d'autant que nous ne nous ser\ons pas de la raison que Dieu nous a donnée, laquelle raison nous rend immuables, fermes et solides, et partant sembla- bles à Dieu. Quand Dieu dit*: l'aisons l'homme à nostre sem- • '»rfi .1. i" blance, il [lui] donna quant et quant la raison et l'usiige d'icelle jx)ur discourir, considérer et discerner le bien d'avec le mal. et les choses qui méritent d'estre e^leuës ou <*>> rejet tées. La raison est ce qui nous rend supé- rieurs et maistres de tous les animaux. Lors que Dieu eut créé nos premiers parens. il leur donna une entière domination sur les poissons de la mer et sur les animaux de la terre*, et par conséquent leur donna • lud..V. j» 30. la cognoissance de chacune espèce, et les moyens de les dominer et s'en rendre ie maistre et seigneur. Dieu n'a pas seulement fait ceste grâce à l'homme, de  (() #1 — y «ftt en M daraté (ff) />!#« • 9iBtm » que tm mImici* IimmbI dhrmnm : qm rauumiM fu*l >tt4< hé k l'até, roté au phntamp», le pnntcnpe A rhivtr. l'IiHrvr à VëuUmum, l">ur nr>u^ iM iri^rrrr q oa eetime eaaMBUMOMBl caU wU» vka <■  36 Les vrays Entretiens spirituels pour bijarres et inconstans Et pourquoy cela ? non pour autre chose, sinon d'autant que c'est un mal ordinaire parmi les mondains. Mais en la Religion on ne peut pas tant se laisser emporter à ses passions ; car pour les choses extérieures, les Règles y sont pour nous tenir réglés au prier, au manger et dormir (o), et ainsy des autres exercices, tousjours à mesme heure, quand l'obéissance ou la cloche nous le signifie ; et puis, nous n'avons tousjours (p) qu'une mesme conversation, car nous ne pouvons pas nous séparer. En quoy donc peut on exercer la bijarrerie et incon- stance ? c'est en la diversité des humeurs, des volontés et des désirs. Maintenant je suis joyeux parce que toutes choses me succèdent selon ma volonté ; tantost je seray triste parce qu'il me sera arrivé une petite contradiction que je n'attendois pas. Mais ne sçaviez-vous pas que ce n'est point icy le lieu où le plaisir se trouve pur, sans meslange de desplaisir, que ceste vie est meslée de semblables accidens ? Aujourd'huy que vous avez de la consolation en l'oraison, vous estes encouragée et bien résolue de servir Dieu ; mais demain, que vous serez en sécheresse, vous n'aurez point de cœur pour le service de Dieu : Mon Dieu, je suis si ' alangourie et abattue, dites-vous. Or dites-moy un peu, si vous vous gouver- niez par la raison, ne verriez-vous pas que s'il est oit bon de servir Dieu hier, qu'il est encore tres-bon de le servir aujourd'huy, et qu'il sera tres-bon de le servir demain ? car c'est tousjours le mesme Dieu, aussi digne d'estre aymé quand vous estes en sécheresse que quand vous estes en consolation. Maintenant nous voulons une chose, et demain nous en voudrions une autre ; ce que je voy faire à un tel ou à une telle à ceste heure me plaist ; tantost cela me desplaira en telle sorte que cela sera capable de me faire concevoir de l'aversion. J'ayme mieux maintenant une personne et me plais grandement  (o) pour nous tenir — en règle : il se faut lever, coucher, manger, prier (p) signifie ; — il faut tousjours n'avoir  III. De la Frrmeté 37 en sa conversation ; demain j'auray peine de la sup- porter. Et que veut dire cela ? n'est-elle pas autant capable d'estre aymée aujourd'huy qu'elle estoit hier ? Si nuus regardions à ce que nous dicte la raison, nous verrions qu'il falloit aymer ceste personne parce que c'est une créature qui porte l'image de la di\nne Majesté ; ainsi nous aurions autant de suavité en sa conversation que nous en avions eu autrefois. Mais ceb ne provient sinon dequoy on se laisse conduire à son inclination, à ses pourroient effaroucher nos esprits, comme estant choses nouvelles et non preveiies, nous ne perdions jxiint courage, ne nous laissant emporter à l'inégalité tl'humeur parmi l'inégalité des choses qui nous arrivent ; ains, que sousmis à la conduite de la raison que Dieu a misi* en nous, et à sa providence, noiLs demeurions fermes, constans et invariables en la resolution que notis avons faite de servir Dieu constamment, courageu- sement, hardunent et ardemment, sans discontinuation quelconque.  (q) fm NOKi - feront Mtn* Untott «1 eonraf». H un (r) Sur C0 ptnakÊr poént, dnnc  38 Les vrays Entretiens spirituels Si je parlois devant des personnes qui ne m'entendis- sent pas, je tascherois de leur inculquer le mieux qu'il me seroit possible ce que je viens de dire ; mais vous sçavez que j'ay tous jours tasché de vous inculquer bien avant dans la mémoire ceste tres-sainte égalité d'esprit, comme estant la vertu la plus nécessaire et particulière de la Religion. Tous les anciens Pères des Religions ont visé particulièrement à faire que ceste égalité et stabilité d'humeurs et d'esprit regnast dans leurs mona- stères ; pour cela ils ont establi les Statuts, Constitutions et Règles, à fin que les Religieux s'en servissent comme d'un pont pour passer de la continuelle égalité des exercices qui y sont marqués, et auxquels ils se sont assubjettis (s), à ceste tant aymable et désirable égalité d'esprit, parmi l'inconstance et inégalité des accidens qui se rencontrent tant au chemin de nostre vie mor- telle que de nostre vie spirituelle. Ubi supra, p. 32. Le grand saint Chrysostome dit * : O homme, qui te fasches dequoy toutes choses ne te succèdent pas comme tu voudrois, n'as-tu point de honte de voir que cela que tu voudrois ne s'est pas mesme trouvé dans la famille de Nostre Seigneur ? Considère, je te prie, la vicissitude, le changement et la diversité des succès qui s'y rencontrent. Nostre Dame reçoit la nouvelle qu'elle concevroit du Saint Esprit un fils, qui seroit Nostre Seigneur et Sauveur : quelle joye, quelle jubilation pour elle en ceste heure sacrée de l'Incarnation du Verbe éternel ! Peu après, saint Joseph s'apperçoit qu'elle est enceinte, et sçachant bien que ce n'estoit pas de luy qu'elle l'estoit, ô Dieu, quelle affliction ! en quelle détresse ne fut-il pas ! Et Nostre Dame, quelle extrémité de douleur et affliction ne ressentit-elle pas en son ame, voyant son cher Espoux sur le point de la quitter, sa modestie ne luy permettant de descouvrir à saint Joseph l'honneur et la grâce dont Dieu l'avoit gratifiée ! Un peu après ceste bourrasque passée, l'Ange  (s) et auxquels — il se faut assubjettir  III. De l.\ Fermrté 39 ayant descouvert à saint Joseph le secret âe ce mystên- quelle consolation ne receurent-ils pas ! Lors que Nostre Dame produit son Fils, les Anges annoncent sa naissance, les pasteurs et les Roys Mages le viennent adorer : je vous laisse à penser quelle jubi- lation et quelle consolation d'esprit n'eurent-ils pas parmi tout cela ! Mais attendez, car ce n'est pas tout. Un peu de temps après, l'Ange du Seigneur, vient dire en songe à siiint Joseph : Prens l'Enfant et la Mère, et fuis en Egypte, d'autant qu'Herodes veut faire mou- rir l'Enfant ♦. O que ce fut sans doute un sujet de douleur très-grand à Nostre Dame et à saint Joseph ! O que l'Ange traitte bien saint Joseph en vray Reli- gieux ! Prens l'Enfant, dit-'l, et la Mère, et fuis en Egypte, et y demeure jusques à ce que je te le die. yu'est-ce que cecy ? Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas peu dire : Vous me dites que j'aille, ne sera-t'il pas assez à temps de partir demain au matin ? où voulez- vous que j'aille de nuict ? Mon équipage n'est pas dressé ; comment voulez-vous que je porte l'Lnfant ? auray-je les bras assez forts pour le porter contmutlle- ment en un si long voyage ? Quoy ? entendez-vous que la Mère le porte à son tour ^*i ? helas ! ne voyez-vous pas bien que c'est une jeune fille, qui est encore si tendre ? Je n'ay ni cheval ni argent pour faire le voyage. Et ne sçavez-vous pas que les Egyptiens sont ennemis i*) des Israélites ? qui nous recevra ? Et semblables choses, que nous eussions bien alléguées à l'Ange si nous eussions esté en la place de saint Joseph ; le(]uel ne dit pas un mot pour s'excuser de faire l'obéissance, ains il partit à la mesme heure, et fit tout ce que l'Ange luy avoit commandé. Il y a quantité de belles remarques sur ce comman- dement. Et premièrement nous sommes enseignés qu'il  (t) col (tt) tê 9fm%*. — VoM BM diiM que )*«ilto ma BfTP^* '■ Mm I m «çavrc voot ^M b4«i q«M Im EffTptkmt mnt «mwmlt Jitré*  II, ij.  ^o Les vrays Entretiens spirituels ne faut nulle remise et délai en ce qui regarde l'obéis- sance ; c'est le fait du paresseux que de retarder, et • Confess., 1. VIII, dire, comme saint Augustin dit de soy-mesme* : Tantost, *^" ^' « encor un peu, » et puis je me convertiray. Le Saint Esprit ne veut nulle remise, ains désire une grande promptitude à la suite de ses inspirations ; nostre perte vient de nostre lascheté, qui nous fait dire : je commen- ceray (^) tantost. Pourquoy non à ceste heure, qu'il nous inspire et nous pousse ? C'est que nous sommes si ten- dres sur nous-mesmes que nous craignons tout ce qui semble nous oster de nostre repos, qui n'est autre chose que nostre tardiveté et fainéantise, desquelles nous ne voulons point estre retirés par la sollicitation d'aucuns objects qui nous attirent à 1^) sortir de nous-mesmes ; et nous disons quasi comme le paresseux, lequel se plai- gnant dequoy on le vouloit faire sortir de sa maison : Comment sortiray-je ? dit-il, car il y a un lion sur le grand chemin, et les ours sont sur les advenues, qui • Prov., XXII, 13 ; sans doute me dévoreront *. O que nous avons grand '^" tort de permettre que Dieu envoyé et renvoyé heurter et frapper à la porte de nos cœurs par plusieurs fois, avant que nous luy vouhons ouvrir et luy permettre d'y demeurer (^) ! car il est à craindre que nous l'irri- tions et contraignions de nous abandonner. De plus, il faut considérer la grande paix et egahté d'esprit de la tres-sainte Vierge et de saint Joseph, en leur constance parmi l'inégalité si grande des divers accidens (y) qui leur arrivoient, ainsi que nous avons dit. Or, voyez si nous avons raison de nous troubler et estonner si nous voyons semblables rencontres en la maison de Dieu, qui est la Religion, puisque cela estoit en la famille mesme de Nostre Seigneur, où la fermeté  XXVI  (v) in'amenderay (w) tout ce qui — nous semble nous empescher de demeurer en nostre tardiveté et fainéantise, qui nous semble estre un repos lequel ne veut point estre interrompu par la sollicitation d'aucun object qui nous fasse (x) que nous — les luy voulions ouvrir et luy en permettre la demeure ! (y) accidens — et evenemens des choses  III De la Fermeté 41 et la solidité mesme faisoit résidence, qui est oit Nostre Seigneur. Il nous le faut dire et redire plusieurs fois, à fin de le mieux graver dans nos esprits, que l'inégalité des accidens ne doit jamais porter nos âmes et nos esprits dans l'inégalité d'humeur ; car l'inégalité d'hu- meur ne provient d'autre source que de nos passions, inclinations ou affections immortiftées, et elles ne doi- vent point avoir de pouvoir sur nous tandis qu'elles nous inciteront à faire, délaisser ou désirer aucune chose, pour petite qu'elle puisse estre, qui soit contraire à ce que la raison nous dicte qu'il faut faire ou délaisser pour plaire à Dieu. Je passe à la seconde considération que je fais sur ceste parole de l'Ange du Seigneur, qui dit à saint Joseph : Prens l'Enfant, et ce qui s'ensuit. Mais je m'arreste sur ceste parole : l'Ange du Seigneur. Sur quoy je désire que nous remarquions l'estime que nous devons faire du soin, du secours, de l'assistance et de la direction de ceux que Dieu met autour de nous pour nous aider à marcher seurement en la voye de la per- fection. Il faut premitrcment s<;avoir que quand on dit l'Ange du Seigneur, il ne faut piis entendre que ce soit comme l'on dit de nous autres, l'Ange d'un tel ou d'une telle ; car cela vent dire nostre Ange gardien, qui a soin de nous de la part de Dieu ; mais Nostre Sei- gneur, i\\\\ est le roy et la guide des Anges mesmes, n'a pas bestiin, ou n'avoit pas besoin durant le cours de sa vie mortelle d'un Ange gardien. Quand donc on dit, l'Ange du Seigneur, cela se doit entendre ainsi, à sçavoir. l'Ange destiné à la conduite de la maison et famille de Nostre Seigneur, et plus spécialement deilié |X)ur son service, et de la tres-sainte X'ierge. Pour expliquer cecy fiunilierement : l'on changea d'offices et d'aydes ces jours passés ; que signifient ces aydes que l'on vous donne (*) ? pourquoy vous les  (!) c«* iouf» pmttét : — qu'cAt tr que cr« «VfW que Ton von* tkaw* Vitmm i^ l'autra ticnliaQl }  42 Les vrays Entretiens spirituels donne-t'on ? Saint Grégoire dit que nous devons faire en ce misérable monde ce que font ceux qui cheminent sur la glace, pour nous tenir fermes et solides à Feutre- prise que nous faisons de nous sauver ou de nous per- fectionner ; car il dit qu'ils se prennent par la main ou par dessous les bras, à fin que si quelqu'un d'entre eux glisse, il puisse estre retenu par l'autre, et puis que l'autre puisse estre retenu par luy quand il sera esbranlé • Doctrina s. Greg. pour tomber à son tour*. Nous sommes en ceste vie i^^Eccîes",i\vo??2.' comme dessus de la glace, trouvant à tous propos des simiiitudo sancti occasious proprcs pour faire trébucher et tomber, tantost Auctons ? r r r au chagrin, ores en des murmures, un peu après en des bijarreries d'esprit qui feront que l'on ne pourra rien faire qui nous puisse contenter ; et puis nous entrons en degoust de nostre vocation, la mélancolie nous sug- gérant que nous ne ferons jamais rien qui vaille ; et que sçay-je ? semblables choses et accidens qui se ren- contrent en nostre petit monde spirituel. Car l'homme est un abrégé du monde, ou, pour mieux dire, un petit monde, auquel se rencontre tout ce que l'on void au grand monde universel : les passions représentent les bestes et les animaux qui sont sans raison ; les sens, les inclinations, les affections, les puissances, les facul- tés de nostre ame, tout cela a sa signification particu- lière ; mais je ne me veux pas arrester à cela, ains je veux suivre mon discours commencé. Donc, les aydes que l'on nous donne sont pour nous ayder à nous tenir fermes en nostre chemin, à fin de nous empescher de tomber, ou si nous tombons, qu'elles nous aydent à nous relever. O Dieu, avec quelle fran- chise, cordialité, sincérité, simphcité et fidelle confiance ne devons-nous pas traitter avec ces aydes qui nous sont données de la part de Dieu pour nostre avancement spirituel ! Non certes autrement que comme avec nos bons Anges : nous les devons regarder tout de mesme, car nos bons Anges sont appelles nos Anges gardiens parce qu'ils sont chargés de nous assister de leurs inspi- rations, de nous défendre en nos périls, de nous repren- dre en nos défauts, de nous exciter en la poursuite de la  HT. De l.\ Fermeté 43 vertu ; ils sont chargés de porter nos prières devant le throsne de la majesté, bonté et miséricorde de Nostre Seigneur, et de nous rapporter l'interinement de nos requestes ; et les grâces que Dieu nous veut faire, il nous les fait par l'entremise ou intercession de nos bons Anges. Nos aydes sont nos bons Anges visibles, ainsi que nos saints Anges gardiens le sont invisibles : nos aydes font visiblement <* > ce que nos bons Anges font intérieurement ; car elles nous advertissent de nos défauts, elles nous encouragent en nos foiblesses et laschetés, elles ne jus e.xcitent à la poursuite de nostre entreprise pour parvenir à la perfection, elles nous empeschent par leurs bons conseils de tomber, et nous aydent à nous relever quand nous sommes cheus en quelque précipice d'imperfection ou défaut. Si nous sommes accablés d'ennuy et de degoust, elles nous aydent à p>orter nostre peyne patiemment, et prient Dieu qu'il nous donne la force de la porter comme il faut pour ne point succomber en la tentation *. Or, voyez donc • Mait, vi. m. Testât que nous devons faire de leur assistance et du soin qu'elles ont pour nous. Je considère en après pourquoy Nostre Seigneur, qui est la Sapience éternelle, ne prend pas soin de sa fimiille, je veu.x dire d'avertir saint Joseph, ou bien sa tres-douce Mère, de tout ce qui leur devoit arriver. Ne jxjuvoit-il pas bien dire à l'oreille de son beau-pere saint Joseph : Allons nous en en Egypte, nous y serons <^') tel temps ? puisque c'est une chose toute asseurée qu'il avoit l'usage de raison dés l'instant de sa conception aux entrailles de la tres-sainte Vierge ; mais il ne vou- loit pas faire ce miracle de parler devant que le temps fust venu O. Ne pouvoit-il pas bien l'inspirer au cœur de sa tres-sainte Merc ou de son bien-aymé l'ère putatif saint Joseph, Ksjxjux de la tres-sacréc Vierge ? pourquoy donc ne ht -il pas tout cela plustost que d'en laisser la  (-4* '-iiraiMal (t ffPU, — oà ooM dMDMrvom jiugmi à an (c*) é« pmfUf — avant qu'il m fut! trropa.  AA Les vrays Entretiens spirituels charge à l'Ange, qui estoit beaucoup inférieur à Nostre Dame ? Cecy n'est pas sans mystère. Nostre Seigneur ne voulut rien entreprendre sur la charge de saint Gabriel, lequel ayant esté commis de la part du Père éternel pour annoncer le mystère de l'Incarnation à la glorieuse Vierge, fut dés lors comme économe gênerai de la maison et famille de Nostre Seigneur, pour en avoir soin dans les succès et accidens divers qui s'y dévoient rencontrer, et (^') empescher que rien ne sur- vinst qui peust abréger la vie mortelle de nostre petit Enfant nouveau né : c'est pourquoy il advertit saint Joseph de l'emporter promptement en Egypte pour éviter la tyrannie d'Herodes, qui faisoit dessein de le faire mourir. Nostre Seigneur ne voulut pas se gouver- ner luy-mesme, ains se laisser porter où l'on vouloit et par qui l'on vouloit ; il semble qu'il ne s'estimoit pas assez sage pour se conduire luy-mesme, ni sa famille, ains laisse gouverner l'Ange tout ainsi qu'il luy plaist, encor qu'il n'ayt point de science ni de sapience pour entrer en comparaison avec sa divine Majesté. Et maintenant nous autres, serons-nous si osés de dire que nous nous gouvernerons bien nous mesmes, comme n'ayans plus besoin de direction ni de l'ayde de ceux que Dieu ncus a donnés pour nous conduire, ne les estimant assez capables pour nous ? Dites-moy, l'Ange estoit-il plus que Nostre Seigneur ou Nostre Dame ? a voit-il meilleur esprit et plus de jugement ? Nullement. Estoit-il plus quahfié, et doué de quelque grâce spéciale ou particulière ? Cela ne se peut, veu que Nostre Sei- gneur est Dieu et homme tout ensemble, et que Nostre Dame, estant sa Mère, a par conséquent plus de grâce et de perfection que tous les Anges ensemble : neant- moins l'Ange commande, et il est obéi. Mais de plus, voyez l'ordre qui se garde en ceste sainte famUle. Il n'y a point de doute qu'il en estoit de mesme qu'en celle des  (d*) de Nostre Seigneur, — et avoit soin du succès des accidens divers qui t'y dévoient rencontrer, pour  m. De i_\ Fermeté 45 esperviers, où les femelles sont maistresses et valent mieux que les masles. Qui p>ourToit entrer en doute que Nostre Dame ne valust mieux que saint Joseph ,et qu'elle n'eust plus de discrétion et de qualités propres pour le gouvernement que son Espoux ? Neantmoins, l'Ange ne s'adresse point à elle de tout ce qui est requis de faire, soit pour aller ou pour venir, ni en fin pour quoy que ce soit. Ne vous semble-t'il pas que l'Ange commet une grande indiscrétion de s'adresser plustost à saint Jtjseph qu'à Nostre Dame, laquelle est le chef de la maison, portant avec elle le thresor du Père éternel ? n'eust-elle pas eu raison de s'ofîencer de ceste procédure et façon de tr?itter ? Sans doute elle eust peu dire à son Espoux : Fourquoy iray-je en Egypte, puisque mon Fils ne m'a jxîint révélé que je le deusse faire, ni moins l'Ange ne m'en a parlé ? Or Nostre Dame ne dit rien de tout cela, elle ne s'ofïence point dequoy l'Ange s'adressa à saint Joseph, ains elle obéit tout simplement parce qu'elle sçait que Dieu l'a ainsi ordonné ; elle ne s'informe point pourquoy, ains il luy suffit que Dieu le veut ainsi, et qu'il prend plais'r que l'on se sousmette sans considéra- tion ' . Mais je suis plus que l'Ange, pou voit-elle dire, et que saint Joseph. Rien de tout cela. i« Ne voyez-vous pas que Dieu prend plaisir de traitter ainsi avec les hommes, pour leur apprendre la tres- sainte et tres-amoureuse sousmission } Sanit Pierre est oit un vieil homme, rude et grossier, et saint Jean, au contraire, estoit jeune, doux, agréable ; <'"' et neant- moins Dieu veut que saint Pierre conduise les autres et soit le Supérieur ^i universel, et que saint Jean soit  (•*) (éU : ~ c'fltt à quoy Hto oe p«OM pas trulcfncot. (f) ttîoU un — bommr rude, groaticT, on vieil peadMor, mmtkr ra«OB* titqur et d'une Imm« mnilition ' n. au oootralfv. «toit on )«un« K«*ntUhominc, dcMtx. «ffrr4blr, .ul Plarra, IcDorant : (f*) PMtcur (I) C«fU pfaraM Mt rccttAé« d'âpre le M*. !.« fait»-'» ^t.f;^»w.if« f«*ir..i • et qu'il prrttd pUMr àê %$ êomtmuttn Mn« <.>jn«i  ^5 Les vrays Entretiens spirituels l'un de ceux qui sont conduits et qui luy obéissent. Grand cas de l'esprit humain, qui ne veut point se rendre capable d'adorer les secrets mystères de Dieu et sa tres-sainte volonté, s'il n'a quelque sorte de cognois- sance pourquoy cecy ou cela ! J'ay meilleur esprit, dit-on de soy, plus d'expérience, et semblables belles raisons qui ne sont propres qu'à produire des inquiétudes, des humeurs bijarres, des murmures. A quelle raison donne- t'on ceste charge ? pourquoy a-t'on dit cela ? à quelle fin fait-on une telle chose à celle cy plustost qu'à l'autre ? Grande pitié, dés qu'une fois on s'est laissé aller à esplucher tout ce que l'on void faire ! Que ne faisons nous pas pour perdre la tranquillité de nos cœurs ? Il ne nous faut point d'autres raisons sinon que Dieu le veut ainsi, et cela nous doit suffire. Mais qui m'asseurera que c'est la volonté de Dieu ? Nous vou- drions que Dieu nous révéla st toutes choses par des secrettes inspirations. Voudrions nous attendre qu'il nous envoyast des Anges pour nous annoncer ce qui est de sa volonté ? Il ne le fit pas à Nostre Dame mesme (au moins en ce subjet), ains voulut la luy faire sçavoir par l'entremise de saint Joseph, auquel elle estoit subjette comme à son supérieur. Nous voudrions, par adven- ture, estre enseignés et instruits par Dieu mesme, par la voye des extases ou ravissémens et visions, et que sçay-je, moy ? semblables niaiseries que nous forgeons en nos esprits, plustost que de nous sousmettre à la voye très aymable et commune d'une sainte sousmission à la conduite de ceux que Dieu nous a donnés, et à l'observance de la direction tant des Règles que des Supérieurs. Qu'il nous suffise donc de sçavoir que Dieu veut que nous obéissions, sans nous amuser à la considération de la capacité de ceux à qui nous devons obéir ; ainsi nous assujettirons nos esprits à marcher tout simplement en la très heureuse voye d'une sainte et trainquille humilité, qui nous rendra infiniment agréables à Dieu. 11 faut maintenant passer à la troisiesme considé- ration, qui est une remarque que j'ay fait sur le  III I)E LA Fermeté 47 commandement que l'Ange ftt à saint Joseph de prendre l'Enfant et la Mère, et s'en aller en Egypte, et y demeurer jusques à tant qu'il l'advertist de s'en retour- ner. \'rayement l'Ange parloit bien briefvement. et traittoit bien saint Joseph en bon Religieux : Va, et n'en reviens point que je ne te le die. Far ceste façon de procéder entre l'Ange et saint Joseph nous sommes enseignés, en troisiesme lieu, comment nous nous devons embarquer sur la mer de la divine Providence, sans biscuit, sans rames, sans avirons, sans voiles, et en fin sans nulle sorte de provisions ; et ainsi laisser tout le soin de nous-mesmes et du succès de nos affaires à Nostre Seigneur, sans retours ni répliques, ni craintes quelconques de ce qui nous jx)urro't arriver. Car l'Ange dit simplement : Prens l'Enfant et la Mère, et t'enfuis en Egypte ; sans luy dire ni par quel chemin, ni (|uelles provisions ils auront pour passer leur chemin, ni en quelle part de ri£g>7îte, ni moins qui les recevra, ni de quoy ils se nourriront y estans. Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas eu raison de faire quelque réplique ? Vous me dites que je parte ; est-ce si promptcment ? Tout à ceste heure : pour nous monstrer la promptitude que le Saint Esprit requiert de nous lors qu'il nous dit : Levé toy, sors ^') de toy-mesnic et de telle imperfection. O que le Saint Esprit est ennemy des remises et délais ! Considérez, je vous supplie, le grand patron et modèle des parfaits Religieux, saint Abraliam, voyez comme Dieu le trait te : Abraham, sors de ta terre et de ta parenté, et va à la montagne que je te monstreray • . yue dites-vou-s. Seigneur, que je sorte de la ville ? mais dites moy donc si j'iray du costé de l'orient ou de l'occident ? Il ne fait nulle réplique, ains part de là tout promptement, et s'en va où l'Esprit de Dieu le  (b*) mom» du: - 5»rf#. i49é-l0f, •orUnl lM%.) (I) L» SoMHV qui ont rédifi o«C Eutr«-'.f oommlt U  ^8 Les vrays Entretiens spirituels conduisoit, jusques en une montagne qui a esté appellée depuis Vision de Dieu, d'autant qu'il receut des grâces grandes et signalées en ceste montagne, pour monstrer combien la promptitude en l'obéissance luy est agréable. Saint Joseph n'eust-il pas peu dire à l'Ange : Vous me dites que je meine (^') l'Enfant et la Mère ; dites-moy donc, s'il vous plaist, de quoy les nourriray-je en che- min ? car vous sçavez bien, mon seigneur, que nous n'avons point d'argent. Il ne dit rien de tout cela, ains se confia pleinement que Dieu y pourvoiroit ; ce qu'il fit, quoy que petitement, leur faisant trouver de quoy s'entretenir simplement, ou par le mestier de saint Joseph, ou mesme par des aumosnes que l'on leur faisoit. Certes, tous les anciens Religieux ont esté admirables en ceste confiance qu'ils ont eue, que Dieu leur pour- voiroit tous jours de ce qu'ils auroyent besoin pour l'entretien de leur vie, laissant tout le soin d'eux- mesmes à la divine Providence. Mais je considère qu'il n'est pas seulement requis de nous reposer en la divine Providence pour ce qui regarde les choses temporelles, ains beaucoup plus pour ce qui appartient à nostre vie spirituelle et à nostre perfection. Il n'y ? certes que le trop grand soin que nous avons de nous-mesmes qui nous fasse perdre la tranquillité de nostre esprit et qui nous porte à des humeurs bijarres et inégales J'), car dés que quelques contradictions nous arrivent, voire quand nous appercevons seulement un petit trait de nostre immortification, ou quand nous commettons quelque défaut, pour petit qu'il soit, il nous semble que tout est perdu. Est-ce si grande mer- veille de nous voir broncher quelquefois (*^') ? Mais je suis si misérable, si remplie d'imperfection ! Le cognois- sez-vous bien ? bénissez Dieu dequoy il vous a donné ceste cognoissance, et ne vous lamentez pas tant : vous  (i') j'emiiieine (j') nous porte — si souvent à des inégalités et bijarreries d'humeurs (k*; quelquefois — en la voye de nostre perfection ?  III I)F L\ Fkrmeté 49 estes bien-heureuse de cognoistre que vous n'estes que la misère mesme. Apres avoir béni Dieu de la cognois- sance qu'il vous a donnée, retranchez ceste tendreté inutile qui vous fait plaindre de vostre infirmité. Nous avons des tendretés sur nos corps qui sont grandement contraires à la perfection ; mais plus, sans comparaison, celles que nous avons sur nos esprits. Mon Dieu ! je ne suis pas fidelle à Nostre Seigneur, et partant je n'ay point de consolation en l'oraison. Grande pitié, certes ! Mais je suis si souvent en séche- resse ! cela me fait croire que je ne suis point bien avec Dieu, qui est si plein de consolation. Voire, c'est bien dit : comme si Dieu donnoit tousjours des consolations à ses amis ! A-t'il jamais esté * pure créature si digne d'estre aymée de Dieu, et qui l'ait esté davantage, que Nostre Dame et saint Joseph ? voyez s'ils sont tousjours en consolation. Se peut-il imiiginer une affliction plus extrême que celle que saint Joseph ressentit lors qu'il s'apperceut que la glorieuse Vierge estoit enceinte, sçachant bien que ce n 'estoit pas de son fait ? Son afflic- tion et sa détresse estoit d'autant plus grande que la passion de l'amour est plus véhémente que les autres passions de l'ame ; et de plus, en l'amour, la jalousie est l'e.xt remité de la peine, ainsi que le déclare l'Espwusc au Cantique des Cantiques* : L'amour, dit-elle, esi «cap. uit., o. fort comme la mort, car l'amour fait les mesmes effets en l'ame qu'au corps la mort ; mais la jalousie '"**) est dure comme l'enfer. Je vous laisse à penser donc quelle estoit la douleur du pauvre saint Joseph, et de Nostre Dame encore, quand elle se vid en l'estime que pou voit avoir d'elle celuy qu'i*lle aymoit si chèrement et duquel elle sçavoit estre si chèrement aNTnëe : la jalousie le faisoit languir, ne sçachant quel parti i") prendre ; il se resolvoit. plustost que de blasmer celle  (!') à — cmiz qu'èl arnM I Y ••t*U )amai> m (aii')«MM — k tda, la imtomiiê, tUe  :^o Les vrays Entretiens spirituels qu'il avoit tousjours tant honorée et aymée, de la quitter, et s'en aller (<>') sans dire mot. Mais, direz-vous, je sens bien la peine que me cause ceste tentation ou mon imperfection. Je le croy, mais est-elle (p') comparable à celle de laquelle nous venons de parler ? Il ne se peut ; et si cela est, considérez, je vous prie, si nous avons raison de nous en plaindre et lamenter, puisque saint Joseph ne se plaint point, ni n'en tesmoigne rien en son extérieur : il n'en est point plus amer en sa conversation, il n'en fit pas la mine à Nostre Dame, il ne la traitta point mal ; ains simplement il souffre sa peine, et ne veut faire autre chose que la quitter : Dieu sçait ce qu'il pouvoit faire en ce sujet. Mon aversion, dira quelqu'un, est si grande envers ceste personne, que je ne luy sçaurois presque parler qu'avec une grande peine, ceste action me desplaist si fort ! C'est tout un, il n'en faut point pour- tant entrer en bijarrerie contre elle, comme si elle en pouvoit mais ; ains il se faut comporter comme Nostre Dame et saint Joseph : il faut estre tranquille en nostre peine, et laisser le soin à Nostre Seigneur de nous l'oster quand il luy plaira (q). Il estoit bien au pouvoir de Nostre Dame d'apaiser ceste bourrasque, mais elle ne le voulut pourtant pas faire, ains laissa pleinement l'issue de ceste affaire à la divine Providence. Ce sont deux cordes également discordantes et néces- saires d'estre accordées que la chanterelle et la basse, à fin de bien jouer du luth ; il n'y a rien de plus discordant que le haut avec le bas : neantmoins, sans l'accord de ces deux cordes, l'harmonie du luth ne peut estre agréable. De mesme, en nostre luth spirituel, ce sont deux choses également discordantes et nécessaires d'estre accordées, d'avoir un grand soin de nous perfec- tionner, et n'avoir point de soin de nostre perfection, ains le laisser entièrement à Dieu : je veux dire, qu'il  (o') et — se départir d'elle (p') mais — dites moy, peut elle estre (q') quand — bon luy semblera.  ITI Df ia Ffrmft^. 51 faut avoir le soin que Dieu veut que nous ayons de nous perfectionner, et neantmoins luy laisser le soin de nostre perfection. Dieu veut que nous ayons un soin tranquille et paisible, qui nous isisse faire ce qui est jugé propre par ceux qui nous conduisent, et aller fîdellement tous- jours avant dans le chemin qui nous est marqué par les Règles et Directoires qui nous sont donnés ; et •') quant au reste, que nous nous en reposions en son soin pater- nel, taschant tant qu'il nous sera possible de tenir nostre ame en paix, car la demeure de Dieu a esté faite en paix *, et au cœur paisible et bien reposé. Vous sçavez • P»- «-xxv, a. que quand le lac est bien calme et que les vents n'agi- tent point ses eaux, le ciel, en une nuict bien sereine, y est si bien représenté avec les estoiles, que regardant en bas l'on void aussi bien la beauté du ciel que si on la regardoit • en haut : de mesme, quand nostre ame est bien accoisée, et que les vents du soin superflu, inegahté d'esprit et inconstance ne la troublent et .inquiètent point *' , elle est fort capable de porter en elle l'image de Nostre Seigneur. M. lis quand elle est troublée, inquiétée et agitée des diverses bourrasques des pas- sions, et f" ' que l'on se laisse gouverner par elles et non par la raison qui nous rend semblables à Dieu, lors nous ne sommes nullement capables de représenter la l)elle et tres-aymable image de Nostre Seigneur crucifié, ni la diversité de ses excellentes vertus, ni nostre ame ne peut pas estre capable de luy servir de lict nuptial. Il nous faut donc laisser le soin de nous-mesmes à la mercy de la divine Providence, et faire neantmoins tout Ixjnnement et simplement ce qui est en nostre pouvoir pour nous amender et perfectionner, prenant tousjours soigneusement garde de ne point laisser trou- bler et inquiéter nos esprits.  (r*) U» kêglêi ti - clÉTKtkjCMi qui iKN» MMit danoéa» ; «1 pui», (•*) ton 9oié — U nMMnc beauté du drl que quand oa rf an te (t*) #ff btfm acfottét, — r- >'ptc avt^ Nostre Seigneur, lequel, comme je croy, comme aussi d'autres tiennent, commençoit dés lors à faire des petites croix, quand il avoit du temps de reste après avoir aydé en quelque petite chose à saint Joseph, tesmoignant dés lors le désir qu'il avoit de l'œuvre de nostre rédemption <**).  (X*) /tff«#/, — je croy, comme 1m uns tiennent, quand U avoit qudqur peu de tetnpt de reste aprei avoir aydé en quelque petite cbote à ftoo iMau-pcre taint Jutepb, faiioit tlet petite* croix, oomioençant dé» Ion ï te«inoi(ner le de«ir qu'il avoit de rbeure demirrp de la redetuption.  QUATRIESME ENTRETIEN [l. DE LA CORDIALITÉ. — IL DE LESPRIT d'hUMILITÉ]  DE LA CORDIALITE AUQUEL ON DEMANDE COMME LES SŒURS SE DOIVENT AYMER d'UN AMOUR CORDIAL SANS USER NEANTMOINS DE FAMILIARITÉ INDECENTE (a) Pour satisfaire à vostre demande, et faire bien enten- dre en quoy consiste l'amour cordial duquel les Sœurs se doivent aymer les unes les autres, il faut sçavoir (b) que la cordialité n'est autre chose que l'essence de la vraye et sincère amitié, laquelle i<^) ne peut estre qu'entre personnes raisonnables, et qui fomentent et nourrissent leurs amitiés par l'entremise de la raison ; car autrement ce ne peut estre amitié, ains seulement amour. Ainsi les bestes ont de l'amour, mais ne peuvent  (a) SUR LE SUJET DE LA CORDIALITÉ. (Ms.) (b) Nostre Mère demande une chose qui est assez bien exprimée dans nos Règles, qui est comme les Sœurs se doivent aymer d'un amour cordial, sans user neantmoins de familiarité indécente. Elle désire, je m'asseure, sçavoir quelle est cette cordialité qui nous est recommandée dans nos Règles, après laquelle nous nous ferons mieux entendre en pariant de la seconde partie de la question, qui touche la modération des tesmoignages de nostre amitié cordiale. Premièrement, il faut que nous disions un peu plus particulièrement ce qui est fort bien, mais en gênerai, marqué dans nos Constitutions, pour satisfaire au désir de nostre Mère : a sçavoir mon, quel est cet amour cordial duquel les Sœurs se doivent aymer les unes les autres. Ce que pour mieux comprendre il faut que nous sçachions (Ms. et Coll.) (c) laquelle — amitié (.Ms. et Coll.)  rv. De la Cordialité 55 avoir de l'amitié, puisqu'elles sont irraisonnabks : elles ont de l'amour entre elles, à cause de quelque corres- pondance naturelle ; voire <^*' mesme elles ont de l'amour pour l'homme, ainsi que l'expérience le fait voir (*> tous les jours, et divers autheurs en ont escrit des choses admirables : comme ce qu'ils disent de ce dauphin, lequel aymoit si esperduement un jeune enfant qu'il a voit veu par plusieurs fois sur le bord de la mer, que cest enfant estant mort ^^', le dauphin mourut luy-mesme de desplaysir*. Mais cela ne se doit pas appeller amitié, * ^'»<*« {*Jj«»» M***- d'autant qu'il faut que la corresp)ondancc de l'amitié «) se trouve entre les deux qui s'ayment, et que ceste amitié se contracte par l'entremise de la raison. Ainsi la pluspart des amitiés que font les hommes <*») n'ayant pas une bonne fin, et ne se conduisant pas par la raison, ne méritent aucunement le nom d'amitié. " 11 faut de plus, outre l'entremise de la raison, qu'il y ayt une certaine correspondance, ou de vocation ou de prétention ou de qualité, entre ceux qui contractent de l'amitié : ce que l'expérience nous enseigne clairement, car n'est-il pas vray qu'il n'y a point de plus vraye amitié ni de plus forte que celle qui est entre les frères ? L'on n'appelle pas l'amour que les pères portent à leurs enfans amitié, ni celuy que les enfans ont pour leurs pères, parce qu'il n'y a pas ceste correspondance dont  (d) ouy (Mt.) (•) ritptfùmce — en (ait (oy (Coll.; (0 tl* i^ mtf, — et te voyant privé de çr>t ntutit par u mort i^^oli.i (f) l'aiiMMu (Mft. rt Coll.) Çbi) éê Im fiton. — Ce que Je dit pour maostrcr q>. it det «mltlé» p«r entra eux aocoiMt foi», leiqueUe* (M«. • (i) U nom d'mmétié. — Pw «stmplt, «a t«n|M de < trouvrrrx une triMippe de jeunet lob letqueb t'utembleront et jurrroot uae l« ; ib t'appeUaraot frirat, et n'oubltaront ' re ;:« «'ayroent fort : M qui n'ett pourtant p«». d'^ ie* ment de leur amitié n'ett autra que le iitain qu'lb ont (ait de (aire pluAieun la raiaoo, tant UqaeUa U ne peut y avoir de vraft . .: :: .: . . .) U) éé rmmitié — par eotemble : et qui att d'autant plot vartubb que l'eiperiaooa immm IV- Car remarquât, je vou» tupplle (lit. et Cott.)  ^6 Les vrays Entretiens spirituels nous parlons, ains sont differens : l'amour des pères estant un amour majestueux et plein d'authorité, et celuy des enfans pour leurs pères, un amour de respect et de sousmission ; mais entre les frères, à cause de la ressemblance de leur condition, la correspondance de leur amour fait une amitié ferme, forte et solide. C'est pourquoy les anciens Chrestiens de la primitive Eglise s'appelloient tous frères ; et ceste première ferveur s'estant refroidie entre le commun des Chrestiens, l'on a institué les Religions, dans lesquelles on a ordonné que les Religieux s'appelleroient tous frères et sœurs, pour marque de la sincère et vraye amitié cordiale qu'ils se portent ou qu'ils se doivent porter, et comme il n'y a point d'amitié comparable à celle des frères, toutes les autres amitiés estant ou inégales ou faites avec artifice (comme celles que les personnes mariées ont par ensem- ble, lesquelles ils ont faites par des contracts escrits et prononcés par des notaires, ou bien par des promesses simples). Aussi ces i'^) amitiés que les mondains contrac- tent par ensemble, ou pour quelque interest particulier ou pour quelque sujet frivole, sont des amitiés grande- ment sujettes à périr et à se dissoudre ; mais celle qui est entre les frères est tout au contraire, car elle est sans artifice, et partant fort recommandable. Cela donc estant ainsi, je dis que c'est pour ce sujet que les Religieux s'appellent frères, et partant ont un amour qui mérite véritablement le nom d'amitié non commune, ains d'amitié cordiale, c'est à dire d'une amitié qui a son fondement dans le cœur (i). Il faut donques ("^) que nous sçachions que l'amour a son siège dans le cœur, et que jamais nous ne pouvons  (k) simples). — Et ainsy tout cela est artificieux ; comme aussi certaines (Ms. et Coll.) (1) qui mérite — vrayment le nom d'amitié par ensemble, mais non d'amitié commune, ains d'amitié cordiale. (Ms. et Coll.) (ra) Peut cstre me direz vous : qu'est-ce à dire amitié cordiale ? Cela est autant à dire qu'ime amitié qui a son fondement dans le cœur. Or il faut (.M», et Coll.)  IV. De l\ Cordialité 57 trop a}Tner nostre prochain ni excéder les termes de la raison en cest amour, pourveu qu'il réside dans le cœur ; mais quant aux tesmoignages de cest amour nous pouvons bien faillir et excéder, passant outre les règles de la raison. Le glorieux saint Bernard dit • que «la •!>* diiiK«Hio rvo. ^ ^ initio. mesure d'aMiicr Dieu est de l'aymer sans mesure, ■ et qu'en nostre amour il n'y doit avoir aucunes bornes, ains il luy faut laisser estendre ses branches autant loin comme il pourra le faire. Ce qui est dit de Dieu se doit aussi cntt-ndre de l'amour du prochain, pourveu tuutesfois que l'amour de Dieu surnage tousjours au dessus et tienne le premier rang : mais après, nous devons aymer nos Sœurs de toute l'estendue de nostre ca*ur, et ne nous contenter pas de les aymer comme nous-mesme, ainsi que les commandemens de Dieu nous obligent ; mais nous les devons aymer plus que nous- mcsme, jxjur observer les règles de la perfection evan- gtlique, qui requiert cela de nous. Nostre Seigneur a dit cela luy-mesme * : Aymez-vous Us uns Us autres • Jo«n., xm. 34 fliMSi que je vous ay aymés. Ceci est grandemint ''^* *'' considérable : Aymez-vous ainsi que je vous ay aymés ; car cela veut dire, plus que vous-mesme. Et tout ainsi (jue Nostre Seigneur nous a tousjours préférés à luy- mesme, et le fait encor autant de fois que nous le recevons au tres-saint Sacrement, se faisant nostre viande, de mesme veut-il que nous ayons un amour tel les uns pour les autres, que nous préférions tousjours le prochain à nous. Kt tout ainsi qu'il a fait tout ce qui se pouvoit pour nous, excepté de se damner (car il ne le pouvoit ni devoit faire, parce qu'il ne pouvoit pécher, qui est cela seul qui nous conduit à la damnation), il veut, et la règle de la perfection le re<|uiert, que nous fassions tout ce que nous pouvons les \xi\^ pour les autres, excepté de nous damner ; mais hors de là, nostre amitié doit estre si ferme, (") cordiale et solide, que nous ne  (A) Il — Ion*, «é (CoiL)  58 Les vrays Entretiens spirituels refusions jamais de faire ou de souffrir quoy que ce soit pour nostre prochain et pour nos Soeurs. Or, cest amour cordial doit estre accompagné de deux vertus, dont l'une s'appelle affabilité, et l'autre, bonne conversation. L'affabilité est celle qui respand une cer- taine suavité dans les affaires et communications sérieu- ses que nous avons les uns parmi les autres ; la bonne conversation est celle qui nous rend gratieux et agréables dans les récréations et communications moins sérieuses que nous avons avec nostre prochain. Toutes les vertus, ainsi que vous sçavez, ont deux vices contraires, qui sont les extrémités de la vertu ; la vertu donc d'affabi- lité est au miheu de deux vices : (o) de la gravite ou trop grande seriosité, et d'une trop grande mollesse à caresser et dire des paroles fréquentes qui tendent à la flatterie. Or, la vertu d'affabilité se tient entre le trop et le trop peu, faisant des caresses selon la nécessité de ceux avec lesquels on traitte, conservant neantmoins une gravité suave, selon que les personnes et les affaires desquelles on traitte le requièrent. Je dis qu'il faut user de caresses en certains temps ; car il ne seroit pas à propos d'estre auprès d'une malade avec autant de gravité (p) que l'on seroit ailleurs, ne la voulant non plus caresser que si elle estoit en pleine santé. Il ne faudroit pas aussi si fréquemment user de caresses, et à tout propos dire des paroles emmiellées, les jettant à belles poignées sur les premières qu'on rencontre ; car tout ainsi que si l'on mettoit trop de sucre sur une  (o) Toutes les vertus, ainsi — que nous avons dit autrefois, ont deux vices contraires, qui sont les extrémités de la vertu : comme, par exemple, la libéralité a la prodigalité d'un costé, et de l'autre l'avarice et chicheté. L'homme quand il donne plus qu'il ne doit, tombe dans le vice de la prodi- galité ; et au contraire, quand il ne donne pas selon qu'il pourroit, il se rend avare et chiche. La vertu d'affabilité est tout de mesmc au milieu de deux vices, c'est à sçavoir, (Ms. et Coll.) (p) Je dis qu'il faut user — quelquefois de caresses (je le dis tout de bon, et ne rne ris pas) en certains temps, comme quand une fille est malade ou affligée et un peu mélancolique ; car cela leur fait si grand bien ! Il ne seroit pas à propos, certes, d'estre auprès d'une malade et y estre aussi sérieuse (Ms. et Coll.)  I\ . De la Cordialité 59 viande elle tourneroit à dégoust, à cause qu'elle seroit trop douce et trop fade, de niesme les caresses trop fréquentes seroyent rendues dégoustantes •*» et l'on ne s'en soucicroit plus, sçachant que cela se fait par cous- tume. Les viandes sur lesquelles on mettroit du sel à grosses poignées seroyent désagréables à cause de leur acrimonie ; mais celles où le sel et le sucre sont mis par mesure sont rendues agréables au goust : de mesme, <') les caresses qui sont faites par mesure et discrétion sont rendues agréables et profitables à celles à qui on les fait. La vertu de b aux entre- tiens gratieux qui peuvent servir de consolation ou de récréation au prochain, en sorte que nous ne luy causions point d'ennuy par nos contenances refrongnëes et mélan- coliques, ou bien refusant de nous recréer au temps qui est destiné pour ce faire. (»> Nous avons desja traitté de ceste vertu en l'Entretien de la Modestie ; voila pour- quoy je passe outre, et dis que c'est une chose fort difficile de rencontrer tousjours le blanc auquel (") on vise. C'est bien la vérité, (|ue nous devons tous avoir ceste prétention d'atteindre et donner droit dans le blanc de la vertu, laquelle nous devoîi-- dt^irt^r ardemment : f^'  (q) %tro\ênt — à défoutt et ne reodfoyvot aucan (mit, (CoU.) (r) du %R LA CORDIAMTÉ 6l pour son utilité, except'* de nous dainiicr, ainsi que nous avons desja dit. Il faut pourtant tiischer de rendre autant que nous pourrons les tesmoignages extérieurs de nostre affection conformément à la rayson ; rire avec les rians, pleurer avec ceux qui pleurent^. • Kom., xn. 15. Je dis qu'il faut tesmoigner que nous aymons nos Sœurs (et cecy est la seconde partie de la question) sans user de familiarité indécente : la Règle le dit ♦, *.m^m xxmi>c*u mais voyons ce qu'il faut faire de cecy. Rien, sinon que Mod»->ui. la sainteté paroisse en nostre familiarité et tesmoignage d'amitié, ainsi que le dit saint Paul en l'une de ses Epistres ♦ : Saluez-vous, dit-il. <*> avec le baiser saint. \^?^'^}uni^y^ C'estoit la coustume d'user des baisers quand les Chres- "' ' 'iii.. u. tiens se rencontroyent ; Nostre Seigneur usoit aussi envers ses Apostres de ceste forme de salutation, ainsi que nous apprenons en la trahison de Judas •.(•*) Les •M*u,^x\i.4«^9 saints Religieux d'autrefois, lors qu'ils se rencon- troyent, disoyent : Deo gratias, pour preuve du grand contentement qu'ils recevoyent en se voyans l'un l'autre, comme s'ik eussent dit ou voulu dire : Je rends grâces à Dieu, mon cher frère, de la consolation qu'il me donne de vous voir. Ainsi, mes chères filles, il faut tesmoigner que nous aymons nos Sœurs et (|ue nous nous plaisons avec elles, pijurveu que la sainteté accom- pagne tous jours les tesmoignages que nous leur rendons de nostre affection, et que Dieu n'en puisse pas, non seulement cstre ollensé, mais qu'il en puisse estre glo- rifié et loiié. Le mesme saint Paul qui nous enseigne de faire que nos affc*ctions soient tesmoignées saintement, veut et nous enseigne ^^'^ de le faire gratieusemcnt, nous en donnant l'exemple : Saluez, dit-il ^^'^ •, un tel, qui • Rom., uli.. yiy  {yi dé noilft mffêtttomt — out» ouuiuruiâut autant que la rakuo k irquicrt ou !■ il.) U. . et Coll.) (a*) dé Jmdm$ ; ^ car U uaa da oaal artâtea poor Uirr prcodcv .Na»trt Salgnauf - ^r. pftmttU. Tner particulièrement,  (h') fut ekont — de Nuttre Seéfoeur (Ma. et ColL) (O •« forf# — que k Umm propoe II en oamniettoÉt : le dit «vent qu'à! ru«t >r ém Ion je o'en perte t et ColL) . - - 4tte MiRt Jean oa le» e»»- *»'«-» »»« i>'>*«l n'mtoét pM «i vertueux et «ggreeMe A Dieu. (Mt. et (  64  Les vrays Entretiens spirituels  et autres i^') semblables ; car pour avoir une inclination pour une plus que pour les autres, l'amour que nous luy portons n'en est pas plus parfait, ains peut estre, plus sujet à changement à la moindre petite chose qu'elle nous fera. Que si tant est qu'il soit vray que nous ayons de l'incHnation à en aymer une plustost que l'autre, nous ne devons nous amuser à y penser, et encor moins à le luy dire ; car nous ne devons pas aymer par incHnation, ains aymer nostre prochain, ou parce qu'il est vertueux, ou pour l'espérance que nous avons qu'il le deviendra, mais principalement parce que telle est la volonté de Dieu. Or pour bien tesmoigner que nous l'aymons (i'), il faut luy procurer tout le bien que nous pouvons, tant pour l'ame que pour le corps, priant pour luy, et le servant cordialement quand l'occasion s'en présente : d'autant que l'amitié qui se termine en belles paroles n'est pas grand'chose, et n'est pas s'aymer comme Nostre Sei- gneur nous a aymés, lequel ne s'est pas contenté de nous asseurer qu'il nous aymoit, mais a voulu passer plus outre, en faisant tout ce qu'il a fait pour preuve de II Cor., xn, 14, 15, son amour. Saint Paul parlant à ses enfans tres-chers * : Je suis tout prest, dit-il, à donner ma vie pour vous et à m'employer si absolument que je ne veux faire aucune reserve, pour vous tesmoigner combien je vous ayme chèrement et tendrement : ouy mesme, vouloit-il dire, je suis prest à laisser faire pour vous ou par vous tout ce que l'on voudra de moy. En quoy il nous apprend que de s'employer, voire de donner sa vie pour le pro- chain, n'est pas tant que de se laisser employer au gré des autres, ou par eux ou pour eux ; et ce fut ce qu'il • PhUip., II, 8. avoit appris de nostre doux Sauveur sur la croix*. C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appelles ; car, ce  (k') et — que sçay-je moy ? choses (Ms. et Coll.) (!') l'aymofts — chèrement (Ms, et Coll.)  19  IV. De la Cordialité 65 n'est pas assez d'assister le prochain de nos commoditt-s temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard*, *'>« Coo«id-, L iv, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour : mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obéissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y résistions. Car quand nous nous employons nous- mesmes, et par le choix de nostre propre volonté ou propre élection, cela donne tousjours beaucoup de satis- faction à nostre amour propre ; mais à nous laisser employer es choses que l'on veut, et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnégation : comme quand nous voudrions prescher, on nous envoyé servir les malades ; quand nous voudrions prier pour le pro- chain, on nous envoyé ser\'ir le prochain. O mieux vaut tousjours, sans comparaison, ce que l'on nous fait faire (j'entends ce qui n'est pas contraire à Dieu et qui ne l'offense point) que ce que nous faisons ou choisissons à faire nous-mesme. Aymons-nous donc bien les uns les autres, et nous ser\'ons pcjur cela de ce motif qui est si preignant pour nous exciter à ceste sainte dilection, que Nostre Seigneur sur la croix respandit jusques à la dernière goutte de son sang sur la terre, comme pour faire un ciment sacré • duquel il vouloit cimenter, unir, conjoindre et * CoIom., 1. jo. att.icher toutes les pierres de son Eglise, qui sont les lidelles, les uns avec les autres, à fin que ceste union fust tellement forte qu'il ne s'y trouvast jamais aucune division, tant il craignoit que ceste division ne causiist la damnation éternelle. Le support des imperfections du prochain < -i un des principaux points de cest amour : Nostre Seigneur nous l'a monstre sur la croix, lequel avoit un cœur si doux ^ envers nous et nous aymoit si chèrement ; nous, dis-jt et ceux mesme qui luy causoyent la mort , et qui estoyent en l'acte du péché le plus énorme que jamais homme puisse faire, car le pcché que les Juifs commirent fut un monstre de meschanccté. Et neantmoins nostre doux  66 Les vrays Entretiens spirituels Sauveur avoit des pensées d'amour pour eux, nous en donnant un exemple du tout inimaginable en ce qu'il excuse ceux qui le crucifioyent et l'injurioyent d'une rage toute barbare, et cherche des inventions pour faire • Lues, XXIII, 34. que son Père leur pardonne * en l'acte mesme du péché et de l'injure. O que nous sommes misérables nous autres mondains ! car à peine pouvons-nous oublier une injure que l'on nous a faite, long temps après que nous l'avons receuë. Celuy pourtant qui préviendra son • i\.. XX, 4. prochain es bénédictions de douceur *, sera le plus parfait imitateur de Nostre Seigneur. Il faut de plus remarquer que l'amour cordial est attaché à une vertu qui est comme une dépendance (™') de cest amour, et c'est une confiance toute enfantine. Les enfans quand ils ont quelque belle plume ou quel- que autre chose qu'ils estiment jolie, ils ne sont pas en repos qu'ils n'ayent rencontré tous leurs petits compa- gnons pour leur monstrer leur plume et faire qu'ils ayent part à leur joye ; comme aussi ils veulent qu'ils ayent part à leur douleur, car dés lors qu'ils ont un peu de mal au bout du doigt (n') ils ne cessent de le dire à tous ceux qu'ils rencontrent, à fin que l'on les plaigne et qu'on souffle un peu sur leur mal. Or je ne dis pas qu'il faille estre tout à fait comme ces enfans ; mais je dis que ceste confiance doit faire que les Sœurs ne soyent pas chiches de communiquer leurs petits biens et petites consolations à leurs Sœurs, ne craignant pas aussi que leurs imperfections soyent remarquées par elles. Je ne dis pas que si on avoit quelque don extraor- dinaire de Dieu il faille le dire à tout le monde, non (o') ; mais quant à nos petites consolations et nos petits biens,  (m'j II faut que je die encore cecy, sçavoir est, qu'à l'amour cordial est attachée une vertu qui est comme un appendice (Ms. et Coll.) (n') au bout du doigt — ou qu'ils ont esté picqués d'une abeille (Ms. et Coll.) (o'j remarquées par elles. — Je sçay bien que si l'on avoit quelque grande chose, l'oraison de quiétude, ou que sçay-je moy quoy, qu'il ne faudroit pas s'en vanter (Ms.)  IV, i:)E LA Cordialité 67 je voudrois que l'on ne fist pas les réservées 'P*^ ains que, quand l'occasion s'en presenteroit, non par forme de jactance ou vanterie, ains de simple confiance <*i'>, l'on se les communiquiLSt rondement et naifvement les unes aux autres ; et pour ce qui regarde nos défauts, que nous ne nous missions pas en p>eine <*"*) de les couvrir ; car |X)ur ne les laisser pas voir au dehors ils n'en sont piis meilleurs. Les Sœurs ne croiront pas pour cela que vous n'en ayez point, et vos imperfections seront peut estrc plus dangereuses que si elles estoyent descouvertes et qu'elles vous causassent de la confusion, ainsi qu'elles font à celles qui sont plus faciles à les laisser paroistre à l'extérieur. 11 ne se faut pas donc estonner ni descourager quand nous commettons des imperfections et des défauts devant nos Sœurs ; ains au contraire, il faut estrc bien aises que nous soyons reco- gnués pour telles que nous sommes. V^ous aurez fait une faute ou une lourdise ('•*>, il est vray ; mais c'est devant vos Sœurs qui vous ayment chèrement, et par- tant qui vous sçauront bien supporter en vostre défaut, et en auront plus de compassion sur vous que de passion contre vous. Et par ainsi, ceste confiance nourriioit grandement la cordialité et la tranquillité de nos esprits, (jui sont sujets à se troubler quand nous sommes reco- gnus defaillans en quelque chose, pour petite qu'elle soit, comme si c'estoit grande merveille de nous voir imparfaits. En fin pour conclu.sion de ce discours, il faut se res- souvenir tousjours que, pour quelque <*'^ manquement de suavité que l'on commet (jueUjues fois par mesgarde, l'on ne se doit pas fascher ni juger que l'on n'ayt point de cordiahté ; car l'on ne laisse pas d'en avoir. Un acte  (p*) né A«f pat — Uot le» raocbario» et tmÊtnim (CoU.) (q') confimnté ^ •nlanttoe (Mft. et CoU.) tr*) #N pttmé — %i grande (M«. et CoU.) (t*) «ottiM (M« rt Coll.) (t*) dé cê dticoufi — de U oordUUté. U m Uut to«»)ourt n it om r w i r qw pour quelque petit (M», et CoU.)  58 Les vrays Entretiens spirituels fait par cy, par là, pourveu qu'il ne soit pas fréquent, ne fait pas l'homme vicieux, spécialement quand on a bonne volonté de s'amender.  (i) Ce qui a esté obmis de l'Entretien de la Cordialité Dites-vous, ma fille, si vous devez rire au chœur et au réfectoire, quand, sur quelque rencontre inopinée, les autres rient ? Je vous dis que dans le chœur il ne faut nullement contribuer à la joye des autres ; ce n'en est pas le lieu, et ce défaut doit estre vivement corrigé. Pour le réfectoire, si je m'appercevois que toutes rient, je rirois avec elles ; mais si j'en voyois une douzaine sans rire, je ne rirois pas et ne me mettrois point en peine d' estre appellée trop sérieuse (^'). Ce que j'ay dit que nous devons rendre nostre amour si esgal envers les Sœurs, que nous en ayons autant pour les unes que pour les autres, cela veut dire autant que nous le pouvons ; car il n'est pas en nostre pouvoir d'avoir autant de suavité en l'amour que nous avons pour celles à qui nous avons moins d'alliance et corres- pondance d'humeur, qu'avec les autres, avec lesquelles nous avons de la sympathie. Mais cela n'est rien ; l'amour de charité doit estre gênerai, et les signes et  (u') Dites-vous, ma chère fille, si vous vous devez soucier de rire au chœur et au réfectoire quand les autres y rient, parce que l'on dit que vous estes trop sérieuse, ou bien craignant de manquer de cordialité si vous ne le faites ? A cela je responds, que quant au chœur il ne faut nullement contribuer à la joye que les autres y ont quand elles se portent à rire, car ce n'en est pas le lieu ; mais au réfectoire, quand je m'appercevrois que toutes rient, je vou- drois rire avec elles : mais s'il y en avoit une douzaine qui ne rissent point, je ne me mettrois pas en peine de contribuer à la joye des autres. (Ms. et Coll.) (i) Cette addition, le titre compris, est extraite d'un recueil préparé par les ordres et sous les yeux de sainte Jeanne-Françoise de Chantai, et imprimé à Paris sous le titre de Petite Coustume de ce Monastère de la Visitation Saincte Marie d'Annessy. m.dc.xlii. C'est du même recueil que sont tirées les additions qui font suite aux Entretiens XV et XVI. Le témoignage de la Sainte leur donne une autorité égale à celle du texte auquel elles se rattachent. (Voir, tome V de ses Lettres, une circulaire eu date du 4 juillet 1638.)  IV. De l.\ Cordialité 6q tesmoignages de nostre amitic esgaux, si nous voulons estre vrayes servantes de Dieu '^'K (^') Nous ne sçaurions bonnement cognoistre nos paroles oyseuses ; il s'en dit peu en ces maisons de Religieuses observantes. \'ouIez-vous sçavoir ce qui seroit oyseux ? Si lors que l'on doit parler de choses sérieuses et saintes, une Sœur venoit à raconter un songe ou quelque conte fait à plaisir ; alors son discours n'auroit point de tin, et par conséquent seroit inutile. Comme aussi, pour dire une chose qui se peut dire en douze paroles, j'en dis vingt de gayeté de cœur et sans nul besoin ; cela est inutile, sinon, toutesfois, que cette multiplication se fist par l'ignorance de celle qui parle, qui ne se s<;ait pas autrement expliquer, alors il n'y a pas péché. Mais quant à la récréation, il ne faut point croire que ce soient paroles inutiles que les petites choses indifférentes  (v*) éé la tympatkii. — Le grand uint Bernard, sur \t% paroles du Psalme Ecct fif«M boHum : O qu'%1 eit bon, dit-U. de voir U% frerts demeurer pmr ensemble, car leur union m«oniblc l'onguent prrticux que l'on mpandoit sur le chef du fci^^nd Wrstrc Aaron, lequel estoit composé de toutes In buyirs odoriférantes que l'un pouvoit rencontrer. Il veut dire ainsy : L'amour cordial que 1rs Keliipeux cmt par ensemble, ccste union qu'il» ont entr« v ' onguent précieux qui est composé des vertus d'un chacun en p < il n*y a celuy, tant cbetif qu'il toit, qui n'aye quelques vertus lesquelles «ont ooaune des huylea odoriférantes ; et cm rortut toot unies par l'amour cordial et Ibot un onguent si précieux, qu'il est propre, pour sa bonne odeur, pour estre respandu tur U chef du grand Prestre, qui est Nostre Seigneur, et rend devant «a divine Ma)(- ' suavité oaroparri' :>n S<»ur demeurent en œate tan «-s deairable union .. tit a^tr , et dignes de leur vocation. (Ms. et Coll.) Il »r dit peti (le parole^ -s en ces maisons ih . , car ti bien tout ce qui v .. - at pas nécessaire, c'e.: , ou une simple communication de pensées qui se fait pour entretenir i > ou paroles qui se disent pour la récréation et ri - >mmun. oO il r«t Ikni que chacune contribue ; et ce qui en autre sorti .)'seux. rslani dit Ji la reerration ne l'est pomt, parce qu'il a une hn pour laquelle U est utile. Mais si h«ir« de la récréation, au temps qu'il faut parler de choMS de des>oti*4) quelqu'une raooDtoit un songe, cela vrayement «crrM* ' sont mrorrs perolae oytiuiM quand pour dire une chose, l'un n» oup dr mot* qui ne sont nullement nécessaires pour la faire entendre si cela Mentnv>4n% AT -'T l'ignorance de celuv : le et qui ne se açeche pas autrement t ' .il n'y a point de pr«  yo Les vrays Entretiens spirituels que l'on y dit, d'autant que c'est à une fin tres-sainte et très-utile ; les Sœurs ont besoin de se recréer, et sur tout il faut bien faire faire la récréation aux Novices. IJ ne faut pas tenir tousjours l'esprit bandé, il seroit dangereux de devenir mélancolique. Je ne voudrois pas que l'on fist scrupule quand on auroit passé toute une récréation à parler de choses indifférentes ; une autre fois l'on parlera de choses bonnes. Les propos saintement joyeux sont ceux où il n'y a point de mal, qui ne taxent point le prochain d'imper- fections, car c'est un défaut qu'il ne faut jamais faire, ni parler de choses messeantes et inconvenantes (i), comme aussi s'affectionner à parler long temps du monde et des choses vaines. Deux ou trois paroles en passant, puis l'on se radresse, cela ne mérite pas seulement que l'on y prenne garde. De rire un peu de quelque parole qu'aura dit une Sœur, il n'y a point de mal. De dire une parole de joyeuseté qui la mortifie un peu, pourveu que cela ne l'attriste, si je l'avois fait sans intention, mais par simple récréation, je ne m'en confesserois pas. Quand nous tendons à la perfection, il faut tendre au blanc, et ne se pas mettre en peine quand nous ne rencontrons pas tousjours. Il faut aller simplement , à la franche marguerite, bien faire la récréation pour Dieu, pour le mieux louer et servir ; si l'on n'a l'intention actuelle, la générale suffit.  (i) Le texte primitif porte indifférentes. Cette méprise, qui mettrait 1 Auteur en contradiction avec lui-même, a semblé devoir être rectifiée.  IV. De l'esprit d'Humilité 71  Demande II QUE c'est OB PAIKC TOUTES CHOSES EN ESPRIT D'HUMILITt AIMSI QUE LES CONSTITUTIONS l'oROONNENT Pour mieux entendre cecy il faut sçavoir que comme il y a (*) différence entre l'orgueil . la coustume de l'orgueil, et l'esprit de l'orgueil (car si vous faites un acte d'orgueil, voila l'orgueil ; si vous en faites des actes à tout propos et à toute rencontre, c'est la cous- tume de l'orgueil ; si vous vous plaisez en ces actes et les recherchez, c'est l'esprit d'orgueil), de mesme, il y a différence entre l'humilité, l'habitude de l'humilité, et l'esprit dhumiHté. l'humilité, c'est de faire quelque acte pour s'humilier ; l'habitude est d'en faire à toute rencontre et en toutes occasions qui s'en présentent ; mais l'esprit d'humilité est de se plaire en l'humiliation, de rechercher l'abjection et l'humilité parmi toutes cho- ses : c'est à dire, qu'en tout ce que nous faisons, disons ou desirons, nostre but principal soit de nous humiUer et avihr, et que nous nous plaisions à rencontrer nostre propre abjection en toutes occasions, en aymant chèrement la pensée. \'oila que c'est que faire toutes choses en esprit d'humilité, et c'est autant que qui diroit, rechercher l'humilité et l'abjection en toutes choses. (b) C'est une bonne pratique d'humilité de ne regarder  (a) Cm 91M VOUE ma e dise qtielque choae qui vous le fera mima «Dteodre. n y a (Ma. et CoU.) (b) Vooa d a m a nd e a lé c'est od manquaoïeot d'humilité de rire dea cottJpee que lea Scm» diaant ou daa muqaaoMM que U lectrice fait à Ubk H^.  7î Les vrays Entretiens spirituels les actions d'autruy que pour en remarquer les vertus et non jamais les imperfections ; car tandis que nous n'en avons point de charge il ne faut point tourner nos yeux de ce costé là, ni moins nostre considération. (^) Il faut tousjours interpréter en la meilleure part qu'il se peut ce que nous voyons faire à nostre prochain ; et es choses douteuses, il nous faut persuader que ce que nous avons apperceu n'est point mal, ains que c'est nostre imperfection qui nous cause telle pensée, à fin d'éviter les jugemens téméraires sur les actions d'autruy, qui est un mal très dangereux et lequel nous devons souverainement détester. Es choses évidemment mau- vaises, il nous faut avoir compassion et nous humiher des défauts du prochain comme des nostres propres (f^), et prier Dieu pour leur amendement, d'un mesme cœur que nous ferions pour le nostre si nous estions sujets aux mesmes défauts (e).  nullement, ma chère fille, car le rire est une passion qui s'esmeut sans nostre consentement, et n'est pas en nostre pouvoir de nous en empescher, d'autant que nous rions et sommes esmeus à rire pour des occasions impreveuës. C'est pourquoy Nostre Seigneur ne pouvoit rire, car rien ne luy es toit impreveu, sachant toutes choses avant qu'elles arrivent, mais ouy bien se sousrire, ce qu'il faisoit à dessein. Les fols rient à tous propos, parce que toutes choses les surprennent, ne les ayant nullement preveuës ; mais les sages ne sont pas si légers à rire, parce qu'ils se servent mieux de la considération, qui fait que nous prévoyons les choses qui nous doivent arriver. Or cela estant ainsy, ce n'est point contre l'humilité de rire, pourveu neantmoins que l'on ne passe point plus avant, s'entretenant en son esprit ou bien avec quelqu'un du sujet qui nous a esmeus à rire ; car de cela il ne le faut pas faire, sur tout quand il s'agit de l'imperfection du prochain. Cela seroit contraire à la demande que vous m'aves faite, à sçavoir, comme l'on doit faire pour conserver ou conce- voir en nous une bonne estime du prochain, laquelle ne se peut ni concevoir ni conserver que par la fidélité à la remarque de ses vertus et à la fuite de ses imperfections. (Ms. et Coll.) [Reprendre au texte, lig. 2.] (c) nostre considération. — La charité, dit le saint Apostre, fuit le mal : (Ms. et Coll.) (d) lequel nous devons — soigneusement éviter et détester. L'exemple de saint Joseph est grandement aymable en ce sujet : il voyoit Nostre Dame grosse, et ne sçavoit comme quoy ; neantmoins il ne la voulut jamais juger, ains en laissa le jugement à Dieu. Es choses palpablement mauvaises, il nous en faut avoir compassion et nous humilier des défauts de nos Sœurs comme des nostres mesmes (Ms. et Coll.) (e) si nowi estions — cheus en mesme défaut. (Coll.)  I\'. De l'esprit D'H!iiii.irt 73 Mais que pourrons-nous laire, (Ules-vous, pour acqué- rir cet esprit d'humilité tel que nous avons dit ? O ! il n'y a point d'autre moyen <'^ pour l'acquérir que pour toutes les autres vertus, qui ne s'acquièrent que par des actes réitérés. L'humilité nous fait anéantir en toutes les choses qui ne sont pas nécessaires pour nostre advancement en la grâce, comme seroit de bien parler, avoir un beau maintien, de grands talents pour le maniement des choses extérieures, un grand esprit, de l'eltxjuence, et semblables ; car en ces choses extérieures il faut désirer que les autres y fassent mieux que nous.  (f) ^>»j« M'u. :. sii; Il plus ik dire maintmant • v ui.i.':it, Mit'^v.w, 1^ ■ <• que Dou> |H>urrons faire |Kiur acquérir cet esprit d'humilité aut&i que n« • il n'v .1 ; finesse (Ms. et Coll.)  CINQUIESME ENTRETIEN  DE LA GENEROSITE (a)  Pour bien entendre que c'est, et en quoy consiste ceste force et générosité d'esprit que vous me demandez, il faut premièrement respondre à une question que vous m'avez fait fort souvent, sçavoir, en quoy consiste la vraye (b) humilité, d'autant qu'en resolvant ce poinct je me feray mieux entendre parlant du second, qui est de la générosité d'esprit de laquelle vous voulez que main- tenant je traitte (c). L'humilité donc n'est autre chose qu'une parfaite recognoissance que nous ne sommes rien qu'un pur néant, et elle nous fait tenir en ceste estime de nous- mesmes. Ce que pour mieux entendre, il faut sçavoir qu'il y a en nous deux sortes de biens : les uns qui sont en nous et de nous, et les autres qui sont en nous, mais non pas de nous. Quand je dis que nous avons des biens qui sont de nous, je ne veux pas dire qu'ils ne viennent de Dieu et que nous les ayons de nous-mesmes ; car en vérité, de nous-mesmes nous n'avons autre chose que la misère et le néant : mais je veux dire que ce sont des biens que Dieu a tellement mis en nous qu'ils semblent estre de nous ; et ces biens sont la santé, les richesses.  (a) SUR LE SUJET DE LA GENEROSITE. (Ms.) — EN QUOY CONSISTE LA GENE- ROSITE d'esprit (Coll.) (b) parfaite (Ms. et Coll.) (c) qui est — ce que vous desirez sçavoir maintenant, en quoy consiste ceste force et générosité d'esprit qu'il faut avoir pour estre Fille de la Visi- tation. (Ms. et Coll.)  V. De la GEN'ERosiTé 75 les sciences, et autres semblables t^J. Or, l'humilité nous empesche de nous glorifier et estimer à cause de ces biens là, d'autant qu'elle n'en fait non plus de cas que d'un néant et d'un rien ; et en effet, cela se doit par raison, n'estant point des biens stables et qui nous ren- dent plus agréables à Dieu, ains muables et sujets à la fortune. Et qu'il ne soit ainsi, y a-t'il rien de moins asseuré que les richesses, qui dépendent du temps et des saisons ? que la beauté, qui se ternit en moins de rien ? il ne faut qu'une dertre sur le visage pour en oster l'esclat ; et pour ce qui est des sciences,, un petit trouble de cerveau nous fait perdre et oublier tout ce que nous en sça\'ions (*). C'est donc avec grande raison que l'humilité ne fait point d'estat do tous ces biens là Mais d'autant qu'elle nous fait plus abaisser et humilier par la cognoissance de ce que nous sommes de nous-mesmes, par le peu d'estime qu'elle fait de tout ce qui est en nous et de nous, d'autant aussi nous fait-elle grande- ment estimer à cause des biens qui sont en nous, et non pas de nous, qui sont la ioy, l'espérance, l'amour de Dieu, pour peu que nous en ayons t*), comme aussi une certaine capacité que Dieu nous a donnée de nous unir à luy par le moyen de la grâce ; et quant à nous autres, nostre vocation, qui nous donne asseurance, autant que nous la pouvons avoir en ceste vie, de la possession de la gloire et félicité éternelle. Kt ceste estime que l'humilité fait de tous ces biens, à s^avoir de la foy, de l'espérance et de la charité, est le fonde- ment de la générosité de l'esprit. Voyez- vous, U) ces premiers biens dont nous avons parlé appartiennent à l'iuimilité pour son e.xcrcice, et ces autres à la générosité. L'hunuhlé croid de ne pou- voir rien, eu esgard à la cognoissance de nostre pau- vreté et foiblcsse, entant qu'est de nous-mesmes : et au  (d) êtiéiué» — qu« nous avoo* i ci q M itw ,! ! bc«ul^ «t — mb l« Mw cJknm. (IU.) (t) avion* (Ma.) (f) tttptttmctf — et l«" ; ' ■ ''^iitiiui in»i- itiru« «Tutiv i-wî» / (g) Kctoorqitrx ikioc q .  y6 Les vrays Entretiens spirituels contraire, la générosité nous fait dire avec saint Paul : • Philip., i\, 13. Je puis tout en Celuy qui me conforte *. L'humilité nous fait défier de nous-mesmes, et la générosité nous fait confier en Dieu. Vous voyez donc que ces deux vertus d'humilité et de générosité sont tellement jointes et unies l'une à l'autre, qu'elles ne sont jamais et ne peuvent estre séparées. Il y a des personnes qui s'amu- sent à une fausse et niaise humilité qui les empesche de regarder en eux ce que Dieu y a mis de bon. Ils ont très-grand tort ; car les biens que Dieu a mis en nous veulent estre recognus, estimés et grandement honnorés, et non pas tenus au mesme rang de la basse estime que nous devons faire de ceux qui sont en nous et qui sont de nous. Non seulement les vrays Chrestiens ont reco- gnu qu'il falloit regarder ces deux sortes de biens qui sont en nous, les uns pour nous humilier, les autres pour glorifier la divine Bonté qui les nous a donnés, mais aussi les philosophes ; car ceste parole qu'ils disent : •Vide supra, p. 19. « Cognois toy-mcsmc *, » se doit entendre non seule- ment de la cognoissance de nostre vileté et misère, mais encor de celle de Texcellence et dignité de nos âmes, lesquelles sont capables d' estre unies à la Divinité par sa divine Bonté, qui a mis en nous un certain instinct lequel nous fait tousjours tendre et prétendre à ceste union en laquelle consiste tout nostre bonheur. L'humilité qui ne produit point la générosité est indu- bitablement fausse, car après qu'elle a dit : Je ne puis rien, je ne suis rien qu'un pur néant, elle cède tout incontinent la place à la générosité de l'esprit, laquelle dit : Il n'y a rien et il n'y peut rien avoir que je ne puisse, d'autant que je mets toute ma confiance en Dieu qui peut tout ; et dessus ceste confiance, elle entreprend courageusement de faire tout ce qu'on luy commande. Mais remarquez que je dis, tout ce qu'on luy commande ou conseille, pour difficile qu'il soit ; car je vous puis asseurer qu'elle ne juge pas que faire des miracles luy soit chose impossible, luy estant commandé d'en faire. Que si elle se met à l'exécution du com- mandement en simplicité de cœur, Dieu fera plustost  V. Dt L,\ GENEROSITE 77 miracle i'»J que de manquer de luy donner le pouvoir d'accomplir son entreprise, parce que ce n'est point sur la confiance qu'elle a en ses propres forces qu'elle l'entreprend, ains elle est fondée sur l'estime qu'elle fait des dons que Dieu luy a faits. Et ainsi elle fait ce discours en elle-mesme : si Dieu m'apix-lle à un estât de perfection si haute qu'il n'y en ayt <') point en ceste vie de plus relevée, qu'est-ce qui me pourra empescher d'y parvenir, puisque je suis tres-asseurée que Celuy qui a commencé l'œuvre de ma perfection la parfera* ? • Phihp.. i,6. Mais prenez garde que tout cecy se fait sans aucune pré- somption, d'autant que ceste confiance n'empesche pas que nous ne nous tenions tous jours sur nos gardes, de crainte de faillir ; ains elle nous rend plus attentifs sur nous-mesmes, plus vigilans et soigneux de faire ce qui nous peut servir pour l'avancement de nostre perfection. L'humilité ne gist pas seulement à nous défier de nous-mesmes, ains aussi à nous confier en Dieu ; et la défiance de nous-mesmes et de nos propres forces pro- (l\iit la confiance en Dieu, et de ceste confiance naist la générosité d'esprit de laquelle nous parlons. La très sainte Vierge Nostre Dame nous fournit à ce sujet un exemple ' t>lr de oecy (lU. tl Coll.) (k) f«i — msUira Ci.- (1) CM (M», et CoU.)  ^8 Les vrays Entretiens spirituels et son indignité, disant qu'elle est servante du Sei- gneur. Mais prenez garde que dés qu'elle a rendu le devoir à l'humilité, tout incontinent elle fait une prati- que de générosité très excellente, disant : Me soit fait selon ta parole. Il est vray, vouloit-elle dire, que je ne suis en aucune façon capable de ceste grâce, eu esgard à ce que je suis de moy-mesme ; ains entant que ce qui est de bon en moy est de Dieu et que ce que vous me dites est sa tres-sainte volonté, je croy qu'il se peut et qu'il se fera ; et partant, sans aucun doute, elle dit : Me soit fait ainsi que vous dites. Pareillement, à faute de ceste générosité, il se fait fort peu d'actes de vraye contrition ; d'autant qu'après nous estre humiliés et confondus devant la divine Majesté en considération de nos grandes infidélités, nous ne venons pas à faire cest acte de confiance, nous relevant le courage par une asseurance que nous devons avoir que la divine Bonté nous donnera sa grâce, pour désor- mais luy estre fidelles et correspondre plus parfaitement à son amour. Apres cest acte de confiance se devroit immédiatement faire ("^) celuy de générosité, disant : Puisque je suis très asseuré que la grâce de Dieu ne me manquera point, je veux encore croire qu'il ne permettra pas (") que je manque à correspondre à sa grâce. Mais vous me direz («) : Si je manque à la grâce, elle me manquera aussi. Il est vray. Si donc il est ainsi, qui m'asseurera que je ne manqueray point à la grâce désormais, puisque je luy ay manqué tant de fois par le passé ? Je responds que la générosité fait que l'ame dit hardiment et sans rien craindre : Non, je ne seray plus infidelle à Dieu ; et parce qu'elle sent en son cœur ceste resolution de ne l'estre jamais, (p) elle entreprend sans rien craindre tout ce qu'elle sçait la pouvoir rendre  (inj de confiance — doit immédiatement suivre (Coll.) (n) plus (Coll.) (o) à sa grâce. — Car l'on pont faire ceste réplique : (Ms. et Coll.) (p) infidelle à Dieu, — parce qu'elle ne sent en son coeur nulle volonté de l'estre ; et partant (Ms. et Coll.)  V. De la Générosité 79 agréable à Dieu, sans exception d'aucune chose ; et entreprenant tout, elle croid de pouvoir tout, non d'elle- mesme, ains en Dieu auquel elle jette toute sa confiance ; et pour ce <*i> elle fait et entreprend tout ce qu'on luy commande et conseille. Mais vous me demanderez s'il n'est jamais jxTmis de douter de n'estre pas capables de faire les choses qui nous sont commandées. Je responds que la générosité d'esprit ne nous permet jamais d'entrer en aucun doute. Et à fin que vous entendiez mieux cecy, il faut distin- guer, comme j'ay accoustumé de vous dire, la partie supérieure de nostre ame d'avec l'inférieure. Or. quand je dis que la générosité ne noiLs permet point de douter, c'est quant à la partie supérieure ; car il se pourra bien faire que l'inférieure sera toute pleine de ces doutes, et aura beaucoup de peine à recevoir la charge ou l'employ que l'on nous donne ; mais de tout cela, l'ame qui est généreuse s'en mocque et n'en fait aucun estât, ains se met simplement en l'exercice de ceste charge, sans dire une seule parole ni faire aucune action pour tesmoigner le sentiment qu'elle a de son incapacité. Mais nous autres, nous sommes si joyeux que rien plus, (*) de tes- moigner que nous sommes bien humbles et que nous avons une basse estime de nous-mesmes, et sembla!»!*- chf>ses, qui ne sont rien moins que la vraye humih" laquelle ne nous permet jamais de résister au jugement de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire J'ay mis dans le livre de l'Introduction* un e.xemple • PArneiil.cv. qui sert à mon sujet et qui est fort remarquable : c'est du roy Achaz •, lequel estant réduit à une trcs-grandc • I»., ini. j-u. aflîiction par la rude guerre que luy faisoyent deux autres roys lesquels a voient assiégé Hierusalem, Dieu commanda au prophète Isaïe de l'aller consoler de sa part, et luy promettre qu'il emporteroit la victoire et  (q) «I p&mf — lequel (Mi. et Coll.) (r) ^flflMù — da !• telrr : m«l« )• d*^ ■ it un rr«> r.4uti.r rav ■ mnmfiim é àê vont diw ordinairvtnr tit.c : M% rt c u ) («/ Il — My%m (Ht. «t CoU.)  8o Les vrays Entretiens spirituels demeureroit triomphant de ses ennemis. Et de plus, Isaïe luy dit que pour preuve de la vérité de ce qu'il luy disoit, qu'il demandast à Dieu un signe au ciel ou bien en la terre, et qu'il le luy donneroit. Lors, Achaz se mesfiant de la bonté de Dieu et de sa libéralité : Non, dit-il, je ne le feray pas, d'autant que je ne veux pas tenter Dieu. Mais le misérable ne disoit pas cela pour l'honneur qu'il portoit à Dieu ; car au contraire, il refu- soit de l'honnorer, parce que Dieu vouloit estre glorifié en ce temps là par des miracles, et Achaz refusoit de luy en demander un qu'il luy avoit signifié qu'il desireroit faire. Il offença Dieu en refusant d'obéir au Prophète que Dieu luy avoit envoyé pour luy signifier sa volonté. Nous ne devons donc jamais mettre en doute que nous ne puissions faire ce qui nous est commandé, d'autant que ceux qui nous commandent cognoissent bien nostre capacité. Mais vous me dites, que possible vous avez plusieurs misères intérieures et de grandes imperfections que vos Supérieurs ne cognoissent pas, et qu'ils se fon- dent sur les apparences extérieures par lesquelles vous avez peut estre trompé leurs esprits. Je dis qu'il ne vous faut pas tous-jours croire quand vous dites, poussées peut estre de découragement, que vous estes des misé- rables et toutes remplies (t) d'imperfections ; non plus qu'il ne faut pas croire que vous n'en ayez point quand vous n'en dites rien, estant pour l'ordinaire (") telles que vos œuvres vous font paroistre. Vos vertus se cognois- sent par la fidélité que vous avez à les pratiquer, et de mesme les imperfections se recognoissent par les actes. L'on ne sçauroit, pendant que l'on ne sent point de malice en son cœur, tromper l'esprit des Supérieurs. Mais vous me dites que l'on void plusieurs Saints qui ont fait grande (v) résistance pour ne pas recevoir les  (t) poussées peut estre — d'un peu de découragement, que vous estes tant iriiserables et remplies de tant (Ms.) (u) rien. — Vous estes ordinairement (Ms. et Coll.) (v) Mais vous me pourrez dire qu'on a veu tant de Saints qui ont fait tant de fMs. et Coll.)  V. De la Generosiié 8i charges que l'on leur vouloit donner. Or, ce qu'ils en ont fait n'a pas esté seulement à cause de la basse estime qu'ils faisoyent d'eux-mesmes, mais principalement à cause de ce qu'ils voyoient que ceux qui les vouloyent mettre en ces charges se fondoyent sur des vertus appa- rentes, comme sont les jeusnes, les aumosnes, les péni- tences et aspretés du corps, et non sur les vrayes vertus intérieures, qu'ils tenoyent closes et couvertes sous la sainte humilité Puis, ils estoyent poursuivis et recher- chés par des peuples qui ne les cognoissoyent point que par réputation. En ce cas, il seroit ce semble '^), permis de faire un peu de résistance ; mais sçavez-vous à qui ? à une Fille de Dijon, par exemple, à laquelle une Supé- rieure d'Annessy w envoyeroit le commandement d'estre Supérieure, ne l'ayant jamais veué ny cognuë. Mais une l'ille de céans à laquelle on feroit le mesme commande- ment, ne devroit jamais se mettre en devoir d'apporter aucune raison pour tesmoigncr qu'elle répugne au com- mandement comme les ferveurs i^) et les prosperitf's d'un esprit bien plein de paix et de tranquillité. Et cela, parce qu'elle considère que Celuy qui luy a donné les consolations est Celuy-là mesme qui luy envoyé les afflictions ; lequel luy envoyé les unes et ks autres poussé du mesme amour, qu'elle recognoist estre très-grand, parce que par l'affliction intérieure de l'esprit il prétend de l'attirer à une très-grande perfec- tion, qui est l'abnégation de toute sorte de consolations en ceste vie, demeurant tres-asseurée que ( eluy qui l'en prive icy bas ne l'en privera pcjint éternellement là haut au Ciel. V^ous me direz que l'on ne peut pas emmy ces grandes ténèbres faire ces considérations, veu qu'il semble que nous ne pour tirer de l'instruction de vostre confesseur, ou bien pour ce qui est de vos reveuôs ; car alors il est tres-bon de le dire. Mais pour les confessions ordinaires, il seroit mieux de n'en point parler, puisque vous ne le faites que pour vous satisfaire ; et si bien il vous en vient un peu de peine ne le faisant pas. il la faut souffrir comme une autre à laquelle vous ne jxjurriez pas mettre remeile. Dieu soit béni.  SIXTESME ENTRETIEN d^ [de l'espérance] sur le depart des sœurs de la visitation QUI s'en ALLOYENT POUR FONDER UNE NOUVELLE MAISON DE LEUR INSTITUT (^)  Entre les louanges que les Saints donnent (t>) à • Rom., IV, i8. Abraham, saint Paul* relevé celle-cy au dessus de toutes les autres : qu'il creut en l'espérance contre l'espé- rance mesme. Dieu luy avoit promis que sa génération seroit multipliée comme les estoilles du ciel et comme •Gen.,xv,5;xxn,i7. le sablon (c) de la mer*, et cependant il reçoit le com- • ibid., xxii, 2. mandement de tuer son fils Isaac*. Le pauvre Abraham ne perdit son espérance pourtant, ains il espéra contre r espérance mesme, que si bien il obeissoit au comman- dement qui luy estoit fait de tuer (d) son fils, Dieu ne lairroit pas pourtant de luy tenir parole. Grande certes  (a) ENTRETIEN DE NOSTRE BIEN-HEUREUX PERE SUR LE SUJET DES FONDA- TIONS. (MS.) DEPART, ENVOY OU MISSION DES FILLES DE LA VISITATION, ET COMME ELLES SE DOIVENT COMPORTER. (CoU.) (b) Entre les louanges que l'Escriture Sainte donne (Coll.) (c) le — sable qui est au rivage (Coll.) (d) sacrifier (Coll.) (i) C'est le départ de la Mère Claude-Agnès Joly de la Roche et de plu- sieurs autres Religieuses d'Annecy, envoyées en juillet 1620 à la fondation du Monastère d'Orléans, qui donna occasion à saint François de Sales de prononcer cet Entretien. On l'appela primitivement l'Entretien De l'Espérance, et, bien que cette désignation ne figure jamais comme titre principal, elle paraît comme titre courant dans toutes les éditions.  VI. Db l'Espérance 87 fut son espjerance, car il ne voyoit en aucune façon rien en quoy il la peust appuyer «*>, sinon sur la parole que Dieu luy avoit donnée. O que c'est un vray et solide fondement que la parole de Dieu, car elle est infailli- ble ! Abraham sort donc jxjur accomplir la volonté de Dieu avec une simplicité nompareille ; car il ne fit non plus de considération ni de réplique que lors que Dieu luy avoit dit qu'il sortist de sa terre et de sa parenté, et qu'il allast au lieu qu'il luy monstreroit^, sans le luy •Gcn.. xn. i. spécifier, à fin qu'il s'embarquast plus simplement dans la barque (*> de sa divine providence. Marchant donc trois jours et trois nuicts avec son fils Isaac, portant le bois du sacrifice, ceste ame innocente demanda à son père où estoit l'holocauste; à quoy le bon Abraham respondit : Mon fils, le Seigneur '«) y pourvoira^. • ibid.. xxu, 6-s. O mon Dieu, que nous serions heureux si nous pouvions nous accoustumer à fa're ceste response à nos cœurs lors qu'ils sont en soucy de quelque chose : Nostre Sei- gneur y pourvoira ; et qu'après cela nous n'eussions plus d'anxiété, de trouble ni d'empressement, non plus qu'Isaac I car il se tut après, croyant (jue le Seigneur y pourvoiroit, ainsi que son père luy avoit dit. Grande est certes la confiance que Dieu requiert que nous ayons en son soin paternel et en sa divine provi- dence : mais p>ourquoy ne l'aurions-nous pas, veu que jamais pen>> ; c'est pourquoy elle n'est de nulle valeur devant Dieu. Considérons, je vous suppUe, ce ()iie Nostre Seigneur et nostre Maistre dit à ses Apostres  (•) ÈOQàÊi (CoU.) (f) oaMik (Coll.) (g) m»êe ton (ilê Itmmc, — eharvé du boés pour U iifrtitw, lor» lêss€ éU à tom pêft : l'ot^y U bot$, U ftm, ' *% ; oé itt rkol0€mu»tê > A qtaoy Ir boo p«r« rapartit ; Mom filt, i)t*^ , , (b) ourvoir de tout ce (jui vous sera néces- saire, tant |X)ur vous que pour celles (jue Dieu vous donnera en charge. 11 est vray, c'est une chose de grande conséquence et de grande importance que celle (jue vous entreprenez ; mais pourtant vous auriez tort si vous n'en espériez un bon succès, veu (jue vous ne l'entreprenez pas par vostre choix, ains pour satisfaire à l'obéissance. Sans doute, nous avons grand sujet de craindre quand nous recher- chons les charges et les offices, soit en Religion. Mjit  (r) dé votifê — Institut et (U&.) (t) «n nmptuUé ; — t'U vous amvr dr% 4(>(>rrbrn«i.>ii«, .litot à vottr» Le Scifneur y pourrotrm , u W* cooMd^ationt (1<* s<>«trv MblMM vour recevoir les divers evenemens de la divine Providence, et d'un mesme cœur autant qu'il se f)eut. <>' Si on vous donne des obéissances en la Religion qui vous semblent dangereuses, comme sont les supériorités, ne les refusez point ; si l'on ne vous en donne point, ne les desirez point, et ainsi de toutes choses : j'entends des choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons et devons désirer et demander à Dieu ; l'amour de Dieu les comprend toutes. V'ous ne sçauriez croire, sans en avoir l'expérience, combien ceste pratique apportera de profit en vos âmes ; car au lieu de vous amuser à désirer ces moyens et puis ces autres de vous [perfectionner, vous vous apph- querez plus simplement et ftdcllement à ceux que vous rencontrerez en vostre chemin Jettant mes yeux sur le sujet de vostre despart et sur les ressentimcns inévitables que vous aurez toutes en vous séparant les unes des autres, j'ay pensé que je vous devois dire quelque petite chose qui peust amoindrir ceste douleur, quoy que je ne <«' veuille dire qu il ne soit loisible de pleurer un peu ; car il le faut faire, d'autant qu'on ne s'en p)<)urroit pas tenir, ayant demeuré si doucement et si amoureusement assez long temps ensemble en (•»*) la pratique des mesmes exercices, ce qui a tellement uni vos cœurs, qu'ils ne peuvent sans doute souffrir nulle division ni séparation Aussi, mes chères filles, ne serez-vous point divisées ni séparées, car toutes s'en vont, et toutes demeurent : celles qui s'en vont  (y) iê pêui : — oar U faut UMu>oan tçavoir qu'U y a dtuji voukilr» «C 000 vooloirt, (kiot l'un o* doit nulicmant mtn ragafdé : c'«t €alu]r qui Un à U MOMUllU. {Ut.) (I) INttwant à vostre deapait et aux ria— itiinMW que vooft pumi— avoir voua •aparaat 1« ooaa «le» autraa, )r om MiÉi ^. iv, a, j plus capables de nous unir à Dieu, nous nous unirons davantage les uns aux autres, si qu'à chaque Communion que nous ferons nostre union sera rendue plus parfaite, car nous unissant avec Nostre Seigneur nous demeure- rons tousjours plus unis ensemble : aussi la réception sacrée de ce Pain releste et de ce tres-adorable Sacre- ment s'appelle Communion, c'est à dire comme *'"' union. O Dieu, quelle union est celle qu'il y a entre chaque Religieux d'un mcsmc Ordre ! union telle, que les biens spirituels sont autant pesle-meslés et réduits en commun comme les biens extérieurs. Le Religieux n'a rien à luy en son particulier, à cause du vœu sacré qu'il a fait de la pauvreté volontaire ; et par la profession sainte que les Religieux font de la tres-sainte charité, toutes leurs vertus sont communes, et tous sont participans des bonnes (cuvres les uns des autres, et jouiront du fruict d'icelles, pourveu qu'ils se tiennent tousjours en chiirit*'* et en l'observance des Règles de la Religion en laquelle Dieu le a appelles : si que celuy qui est en quelque office domestique <«*) ou en quelque autre exercice quel que ce soit, contemple en la personne de celuy qui est en oraison au chœur ; celuy qui rep)ose participe au  (r*) nottrt mn%on i'ir« — tout)our» pwftctkMMMal lUiM 1« douJt et «ynublr* lè«Qt d« /4 chanté, ri «era UMi^w.ur» <}« ^Im* *»fi f»lii* rMui«i/*» fM« » (f) CijtniuutM (Us et Coll.) (f*) tm U cul«inr (Ms. «1 UjU.> (I) C«# m\ «ubtUiu^ k fii# d'âprH to M».  96 Les vrays Entretiens spirituels travail qu'a l'autre, qui est en exercice par le comman- dement du Supérieur. \^oyez donc, mes chères filles, comment celles qui s'en vont demeurent et celles qui demeurent s'en vont, et combien vous devez toutes esgalement embrasser amoureusement et courageusement l'obédience, tant en ceste occasion comme en toute autre, puisque celles qui demeurent auront part au travail et au fruict du voyage de celles qui s'en vont, comme celles-là auront part en la tranquillité et repos de celles qui demeureront. Toutes, sans doute, mes chères filles, avez besoin de beaucoup de vertus et de soin de les pratiquer tant pour s'en aller que pour demeurer : car comme celles qui s'en vont ont besoin de beaucoup de courage et de confiance en Dieu pour entreprendre amoureusement et avec esprit d'humilité ce que Dieu désire d'elles, vainquant (^^') tous les petits ressentimens qui leur pourroyent venir de quitter la maison en laquelle Dieu les a premièrement logées, les Sœurs qu'elles ont si chèrement aymées et la conversation desquelles leur apportoit tant de conso- lation en l'ame, la tranquillité de leur retraitte qui est si chère, les parens, les cognoissances, et que sçay-je moy ? plusieurs choses auxquelles la nature s'attache tandis que nous vivons en ceste vie : celles qui demeu- rent ont de mesme besoin et nécessité de courage, tant pour persévérer en la pratique de la sainte sousmission, humiUté et tranquillité, qu'aussi pour se préparer de sortir >*') quand il leur sera commandé, puisque ainsi que vous voyez, vostre Institut, mes chères Sœurs, va s'estendant de toutes parts en tant de divers lieux. De mesme, devez- vous tascher d'accroistre et multiplier les actes des vertus, et devez agrandir vos courages pour vous rendre capables d'estre employées selon la volonté de Dieu.  (h*) nonobstant (Ms. et Coll.) (i') et tranquillité, — comme aussi pour se préparer à sortir de céans (Ms. et Coll.)  V^r. De lEsprran'Ce 97 Il me semble, certes, quand je regarde et considère le commencement de vostre Institut, qu'il représente bien l'histoire d'Abraliam ; car comme Dieu luy eut donné parole que sa race seroit multipliée comme les estoilUs du firmament et comme le sahlon de la mer, il luy commanda neantmoins de luy sacrifier son fils par lequel la promesse de Dieu de voit estre accomplie ; Abraliam espéra, et s'affermit en son espérance contre l'espérance mesme •. et 0') son espérance ne fut point " ^**^ *«* Mpn. vaine, ains fructueuse. De mesme, quand les trois pre- mières Sœurs se rangèrent et embrassèrent ceste '•'') sorte de vie, Dieu avoit projette dés toute éternité de bénir leur génération •. et de leur en donner une qui seroit • P*. «i. x. grandement multipliée. Mais qui eust peu croire cela, puisqu'en les enserrant dans leur petite maison nous ne pensions à autre chose que de les faire mourir au monde ? Mlles furent sacrifiées, ains elles se sacrifièrent elles- mesmes volontairement ; et Dieu se contenta tellement de leur sacrifice, qu'il ne leur donna pas seulement une nouvelle vie pour elles-mesmes. ains une vie si abondante qu'elles la peuvent par sa grâce communi- quer à plusieurs âmes, ainsi que l'on void maintenant. Il me semble, certes, (jue ces trois premières Sœurs sont grandement bien représentées par les ('*> trois grains de bled (}ui se trouvèrent emmi la paille qui estoit sur le chariot de Triptolemus, laquelle servoit à conserver ses armes • ; car estant portée en un pais où • lomor.. ... 1111 ■ i . l. V . I 1111 rC alM ; il n y avoit pcjint de bled, ces trois grains turent pns m«i aiuct. et jettes en terre. lesquels en pnxluirent d'autres en telle quantité que dans j)eu d'années toutes les terres de ce pals- là en furent ensemencées. La providence de nnstre bon Dieu jet ta de sa main bonite ces trois filles dans la terre de la Visitation ; et après avoir demeuré  y*) Im promet n ~ divine tlrvtMl e»trv accuuiplk , AbrahAtti (rtml êm Ftipê fûmiê rouir* rtif>«raHit «««■•#, rt «4 puurUutl (ColL) (k') vuktrc (M* « i K.'>\\ I (1*> têê l9»%% p9tm%êf«9 ⻫fli#« - - iMnivcol m\n Tcnmpfét A en fC rien, laissons-nous tout à fait entre les mains de la divine Providence, qu'elle fasse de nous ce qu'il luy plaira ; car à quel propos désirer une chose plustost qu'une autre ? tout ne nous doit-il pas estre indiffèrent ? Pourveu que nous plaisions à Dieu, et que nous aymions sa divine volonté, cela nous doit suffire. Quant à moy, j'admire comment il se peut faire que nous ayons plus d'inchnation d'estre employés à une chose qu'à une autre, estant en Religion principalement, où une charge et ^^"^ une besogne est autant iigreable à Dieu qu'une autre, puis^jue c'est lobeissiince qui donne le prix à tous les exercices de la Religion. Quand on nous don* neroit le choix, les plus abjects seroyent les plus de«iirables et <^') ceux qu'il faudroit embrasser plus amoureusement ; mais cela n'estant pas à nostre choix, embrassons les uns comme les autres d'un mesme cœur. Quand la charge que l'on nous donne est honnorable devant les hommes, tenons-nous humbles devant Dieu ; quand elle est plus abjecte devant les hommes, tenons- nous plus honnorés devant la divine Bonté. En fin, mes chères hlles. retenez chèrement et fidèlement ce que je vous ay dit, soit pour ce qui regarde l'intérieur, soit jxjur ce qui regarde l'extérieur : ne veuillez rien que ce que Dieu voudra pour vous, embrassez amoureusement les evenemens et les divers effects de son divin vouloir, sans vous amuser nullement à autre chose.  (q*) apprcb«>iviicr (.M t.) (r*) prtmttpaiéménl. — U od tm oflkr, une chartr uu {U%.i (O té choiïï — ôr* plu» ab)«rU, et qu'U« vroymt le* plu* dnifTiubiw,  •culnncoi qu'il t rrooootre itHémi oecMèom «#. ty'\ iommi mnê — Mànic nicbc d'abcilk», akMé gu*U vou» lui dac&tré «i ricrilniiinmt l'aulrt )our tn une prrdir«Uo«i. (M».)  SEPTIESME ENTRETIEN (D AUQUEL LES PROPRIÉTÉS DES COLOMBES SONT APPLIQUÉES A l'AME RELIGIEUSE PAR FORME DE LOIX (a)  Vous m'avez demandé quelques loix nouvelles à ce commencement d'année, et pensant à celles que je vous de vois donner pour vous estre (b) utiles et agréables, i'ay jette les yeux de ma considération sur l'Evangile  (a) VIVE t JESUS. PREDICATION DES LOIX QUE MONSEIGNEUR NOUS A DONNÉES EN l'octave des ROYS. (b) L'Escriture Sainte rapporte que la fille de Jephté demanda à son père deux mois tout entiers pour pleurer sa virginité par les montagnes avant que l'on la fist mourir ; puis après, à son imitation, les filles d'Israël pleuroyent tous les ans en ce temps-là. Qui eust demandé à ces filles de quoy elles pleuroyent, elles eussent respondu : Nous pleurons tous les ans parce que la fille de Jephté a pleuré une fois en ce temps icy. De mesme, qui demanderoit pourquoy est-ce que l'on se resjouit tous les ans à la solemnité des Roys, et que, mesme en ces quartiers de deçà les Gaules, l'on fait élection d'un roy par forme de res jouissance, l'on pourroit respondre : Nous nous resjouissons tous les ans à cause que Nostre Dame et glorieuse Maistresse s'est resjouie une fois en ce temps icy, lors qu'elle vit venir de si loin les Roys pour adorer son Fils, lequel fut par ce moyen recogim pour Roy suprême et le Monarque de tout le monde. Le bonheur du sort m'estant arrivé d'estre vostre roy, j'ay pensé que je vous devois donner des loix avant que l'octave se passe, après laquelle je ne seray plus roy. Les voicy, je vous les apporte ; vous les observerez le long de cette année, jusques à tant que Dieu vous envoyé un nouveau roy ou une reyne, qui vous en donneront aussi des nouvelles. Et pensant quelles loix je vous devois donner, qui vous fussent fort (i) Avec la coutume traditionnelle de tirer le gâteau des Rois, l'usage s'était introduit parmi les premières Religieuses de la Visitation, de réserver la part de leur Fondateur. Il arriva qu'en 1620, cette part contenait la fève ; aussitôt la Communauté écrivit au Saint une protestation de fidélité et lui demanda des lois. Il répondit à cette requête le 13 janvier, en faisant à ses Filles l'Eatretien qui suit. (Voir une lettre à sainte Jeanne- Françoise de Chantai, en date du 8 janvier 1620.)  vu. De trois Loix spirituelles 103 d'aujourd'huy *. lequel fait mention du Baptesme de • Matt., m. ij 17. Xostre Seigneur et de la glorieuse apparition du Saint Esprit en forme de colombe, sur laquelle apparition je me suis arresté. Et considérant que le Saint Esprit est l'amour du Pcre et du Fils, j'ay pensé que je vous devois donner des loix toutes d'amour, lesquelles j'ay prises des colombes, en considération de ce que le Saint Esprit avoit bien voulu prendre la forme de colombe, et d'au- tant plus aussi que toutes les âmes qui sont dédiées au service de la divine Majesté sont obligées destre comme des chastes et amoureuses colombes. Ainsi (c) void-on que l'Espouse, au Cantique des Cantiques *, est souventesfois •Cap. n. 10. 14, v. nommée de ce nom, et à bon droit certes, car il y a une ^* ^^* grande correspondance entre les qualités de la colombe et celles de l'amoureuse colombelle de Nostre Seigneur. Les loix des colombes <*') sont toutes infiniment agréa- bles, et c'est une méditation tres-suave que de les considérer. Quelle plus belle loy, je vous prie, que celle de l'honnesteté ! car il n'y a rien de plus honneste que les colombes, elles sont propres à merveille ; bien qu'il n'y ait rien de plus sale que les colombiers et les lieux où elles font leurs nids, neantmoins on ne vid jamais une colombe salie : elles ont tousjours leur pennage lis et qu'il fait grandement bon voir au soleil (*>. Consi- dérez, je vous prie, combien !a loy de leur simplicité est agréable, car Nostre Seigneur mesme la loiie, disant à ses ApMJstres : Soyez simples comme colombes, et prudens comme le serpent^. Mais en troisiesme lieu. • iuiu, x, 16. mon Dieu, que la loy de la douceur est agréable ! ^^ car elles s ^ qu'U k Ult graailwiiwit hmm ««ir (f) êit m^têsblê t c'r»! U rr ki«a di  I04 Les vrays Entretiens spirituels Mais j'ay considéré que si je vous donnois quelques loix que vous eussiez desja, vous n'en feriez pas grande estime (s) : j'en ay donc choisi trois tant seulement, qui sont d'une utilité nompareille estant bien observées, et qui apportent une très-grande suavité à l'ame qui les considère, parce qu'elles sont toutes d'amour et extrê- mement délicates pour la perfection de la vie spirituelle ; ce sont trois secrets qui sont d'autant plus excellens pour acquérir la perfection qu'ils sont moins cognus de ceux qui font profession de l'acquérir, au moins de la plus grande partie. Mais quelles sont-elles donc ces loix ? La première que j'ay fait dessein de vous donner est celle des colombes qui font tout pour leur colombeau et rien pour elles ; il semble qu'elles ne dient autre chose sinon : Mon cher colombeau est tout pour moy, et je suis • Cant.,ii, i6, vi,2. toutc à luv * : il est tousiours tourné de mon costé ** • Ibid., VII, lo -^ -, pour penser en moy, et moy je m'y attends et m'y asseure : qu'il aille donc chercher, ce bien-aymé colom- beau, où il luy plaira, si n'entreray-je point en défiance de son amour, ains je me confieray pleinement en son soin. Vous aurez peut-estre veu, mais non pas remarqué, que les colombes tandis qu'elles couvent leurs œufs, elles ne bougent de dessus jusques à ce que leurs petits colombeaux soyent esclos, et quand ils le sont, elles continuent de les couver et fomenter tandis qu'ils en ont besoin. Et pendant tout ce temps-là la colombe ne va nullement à la cueillette pour se nourrir, ains elle en laisse tout le soin à son cher paron, lequel luy est si fidelle que non seulement il va à la queste des grains pour la nourrir, mais aussi il luy apporte de l'eau dans son bec pour l'abreuver ; il a un soin nompareil que rien ne manque de ce qui luy est nécessaire, et si grand (h) que jamais il ne s'est veu colombe morte faute  (g) vous — ne feriez pas grande estime de ma royauté (h) nécessaire ; — tandis qu'elle luy laisse le soin d'elle-mesme, la fidélité du colombeau est si grande,  VII. Uk trois Loix sfi rituelles 105 de nourriture en ce temps-là. La colombe fait donc tout pour son colombeau : elle couve et fomente ses petits pour le désir qu'elle a de luy plaire en luy donnant une génération, et le colombeau prend soin de nourrir sa chère colombelle qui luy a laissé tout le soin d'elle ; elle ne pense qu'à plaire à son paron. et luy en contre- eschange, ne pense qu'à la substanttr. O quelle agréable et profitable loy est celle-cy, de ne rien faire que pour Dieu et luy laisser tout le soin de nous-mesmes ! Je ne dis pas seulement yxmr ce qui regarde le temp>orcl, car je n'en veux pas parler *" où il n'y a que nous autres, cela s'entend assez sans le dire ; mais je dis pour ce qui regarde le spirituel et l'avance- ment de nos âmes en la perfection. Hé ! ne voyez-vous pas que la colombe ne pense qu'à son bien-a\Tné colom- beau et à luy plaire, en ne b<3ugeant de dessus ses œufs ? et cependant rien ne luy manque, luy, en recom- pense de sa confiance, prenant tout le soin d'elle. O que nous serions heureux si nous faisions tout pour nostre aymable Colombeau qui est le Saint Ksprit ! car il prendroit le soin de nous ; et à mesure que nostre con- fiance par laquelle nous nous reposerions en sa provi- dence seroit plus grande, plus aussi son soin s'estendroit sur toutes nos nécessités. Et ne faudroit pas jamais douter que Dieu nous manquast, car son amour i»st iiihni jxiur lame (jui se rej3ose en luy. C) que la colomlK? est heureuse d'avoir tant de confiance en son cher paron ! c'est ce qui la fait vivre en paix et en une merveilleuse tranquillité. Mille fois plus heureuse est lame qui, laissant tout le soin d'elle-mesme et de tout ce qui luy est nécessaire à son cher et bien-aymé Colombeau. ne pens*.' (ju'à couver et fomenter ses petits pour luy plaire et luy donner génération ; car elle jouît dés ceste vie d'une tranquilhté et d'une paix si grande qu'il n'y en a point de comparable, ni de repos égal au sien en ce monde, ains seulement là haut au Ciel, 06 elle jouira  (I) pmfUf -■ Ky  io6 Les vrays Entretiens spirituels à jamais pleinement des chastes embrassemens de son céleste Espoux. Mais qu'est-ce que nos œufs, lesquels il faut que nous couvions jusques à ce qu'ils soyent esclos pour avoir des petits colombeaux ? Nos œufs sont nos désirs, lesquels estant bien couvés et fomentés, les colombeaux en pro- viennent, qui sont les effets de nos désirs ; mais entre nos désirs, il y en a un qui est sureminent au dessus de tout autre, et qui mérite grandement d'estre bien couvé et fomenté pour plaire à nostre divin paron le Saint Esprit, lequel veut tousjours estre appelle l' Espoux sacré de nos âmes, tant sa bonté et son amour est grand envers nous. Ce désir est celuy que nous avons apporté venant en Religion, qui est d'embrasser les vertus reli- gieuses, c'est (i) l'une des branches de l'amour de Dieu et l'une des plus hautes qui soit en cest arbre divin ; mais ce désir ne se doit pas estendre plus loin que les moyens qui nous sont marqués dans nos Règles et Constitutions pour parvenir à ceste perfection que nous avons prétendu d'acquérir en nous obligeant à la pour- suite ; ains il le faut couver et fomenter tout le temps de nostre vie, à fin de faire que ce désir devienne un beau petit colombeau qui puisse ressembler à son Père, • Mati., V, uit. qui est la perfection mesme *. Et ce pendant, n'ayons autre attention que de nous tenir sur nos œufs, c'est à dire ramassés dans les moyens qui nous sont prescrits pour nostre perfection, laissant tout le soin de nous- mesmes à nostre unique et tres-aymable Colombeau, qui ne permettra pas que rien nous manque de ce qui nous sera nécessaire pour luy plaire. C'est une grande pitié, certes, de voir des âmes, dont le nombre n'est que trop grand, qui prétendant à la perfection s'imaginent que tout consiste à faire une grande multitude de désirs, et s'empressent beaucoup à  (j) Ce désir — n'est autre que celuy que nous avons eu lors que nous •ommes entrés en Religion, qui est d'embrasser la perfection religieuse ; ce désir est  \'II. De trois Loix spiriti'elles 107 chercher ores ce moyen et tantost un autre pour y parvenir, et ne sont jamais contentes ni tranquilles en elles-mesmes ; car dés qu'elles ont un désir, elles tas- chent vistcment d'en concevoir un autre, et semble qu'elles sont comme les poules, lesquelles n'ont pas si tost fait un œuf qu'elles en chargent aussi tost un autre, laissant là celuy qu'elles ont fait sans le couver, de sorte qu'il n'en réussit point de poussin. La colombe n'en fait pas de mesme, car elle couve et fomente ses petits jusques à tant qu'ils soyent capables de voler et aller à la cueillette pour se nourrir. La poule, si elle a des petits, s'empresse grandement et ne cesse de closser et mener du bruit ; mais la colombe se tient coye et tranquille, elle ne closse ni ne s'empresse point. De mesnu-, il y a des âmes lesquelles ne cess<.-nt de closser et s'empresser après leurs p)etits, c'est à dire après les désirs qu'elles ont de se perfectionner, et ne trouvent jamais assez de personnes pour en parler et demander des moyens propres et nouveau.x. Bref, elles s'amu- sent tant à parler de la perfection qu'elles prétendent d'acquérir, qu'elles oublient d'en pratiquer le principal moyen, qui est celuy de se tenir tranquilles et de jetter toute leur confiance en Celuy qui seul peut donner l'accroissement à ce qu'elles ont ensemencé et planté •. • 1 Cor. m, 6, 7. Tout nostre bien dépend de la grâce de Dieu, en laquelle nous devons jetter toute nostre conhance ; et cependant il semble, par l'empressement qu'elles ont à Ix'aucoup faire, qu'elles se contient en leur travail et en la multi- plicité des exercices qu'elles embrassent, ne leur sem- blant jamais de pouvoir assez faire. Cela est bon. pourveu qu'il fust accompagné de paix et d'un soin amoureux de bien faire ce qu'elles font, et de dépendre tousjours neantmoms de la grâce de Dieu et non point de leurs exercices ; je veux dire, de n'attendre point aucun fruict de leur travail sans la grâce de Dieu Il semble que ces âmes emprcss4^?s à la queste de leur j>erfection ayent mis en oubli, ou qu'elles ne sçachcnt pas ce que dit Jeremie • : O pauvre homme, que fais-tu • ^ *i ^.»*.*^.9U de te confier en ton travail et en ton industne ? Ne  «II. t )  io8 Les vrays Entretiens spirituels sçais-tu pas que c'est à toy voirement de bien cultiver la terre, de la labourer et ensemencer, mais que c'est à Dieu de donner l'accroissement aux plantes et faire que tu ayes une bonne récolte et la pluye favorable à tes terres ensemencées ? Tu peux bien arroser, mais pour- tant tout cela ne te serviroit de rien si Dieu ne benissoit ton travail et ne te donnoit, par sa pure grâce et non par tes sueurs, (^) une bonne récolte : dépens donc entièrement de sa divine bonté. Il est vray, c'est à nous de bien cultiver, mais c'est à Dieu de faire que nostre travail sôit suivi d'un bon succès. La sainte Eglise le chante en chaque teste des saints Confesseurs : Dieu a honnoré vos travaux en faisant que vous en tirassiez Sap., X, lo. du fruict* ; pour monstrer que de nous mesmes nous ne pouvons rien sans la grâce de Dieu, en laquelle nous devons mettre toute nostre confiance, n'attendant rien de nous mesmes. Ne nous empressons point (i) en nostre besogne, je vous prie ; car pour la bien faire il faut nous appliquer soigneusement, mais tranquillement et paisi- blement, sans mettre nostre confiance en nostre peine ^"^), ains en Dieu et en sa grâce. Ces anxiétés d'esprit que nous avons pour avancer nostre perfection et pour voir si nous avançons ne sont nullement agréables à Dieu, et ne servent qu'à satisfaire l'amour propre, qui est un grand tracasseur qui ne cesse jamais d'embrasser beau- coup, bien qu'il ne fasse guère. Une bonne œuvre bien faite avec tranquillité d'esprit vaut beaucoup mieux que plusieurs faites avec empressement. La colombe s'amuse simplement à sa besogne pour la bien faire, laissant tout autre soin (") à son cher colom- beau : l'ame qui est vrayement colombine, c'est à dire qui ayme chèrement Dieu, s'applique tout simplement, sans empressement, aux moyens qui luy sont prescrits pour se perfectionner, sans en rechercher d'autres, pour  (k) par tes sueurs, — une bonne prinse et (1; pas tant (m) en — icelle (nj bien faire, — sans se charger d'autre soin superflu, qu'elle laisse tout  VII. De trois Loix spiritulu.es 109 parfaits qu'ils puissent estre. Mon Bien-Aymé, dit-cile. pense pour moy et je m'y confie ; il m'ayme. et je suis toute à luy " pour tesmoignage de mon amour. Il y a quelque temps (ju'il y eut des saintes Religieuses qui me dirent : Monsieur, que ferons-nous ceste année ? L'année passée nous jeusnasmes trois jours de la semaine, et nous faisions la discipline autant : que ferons-nous maintenant le long de ceste année ? il faut bien faire quelque chose davantage, tant pour rendre grâces à Dieu de l'année passée, comme pour aller tousjours croissant en la voye 'p de Dieu. C'est bien dit qu'il faut tousjours s'avancer, respondis-je ; mais nostre avan- cement ne se fait pas comme vous pensez, par la multitude des exercices de pieté, ains par la perfection avec laquelle nous les faisons, nous confiant tousjours plus en nostre cher Colombeau et nous desfiant davan- tage de nous-mesmes. L'année passée, vous jeusniez trois jours de la semaine et vous faisiez la discipline trois fois ; si vous voulez tousjours doubler vos exercices, ceste année la semaine y sera entière ; mais l'année qui vient comment ferez- vous ? il faudra que vous fassiez neuf jours en la semaine, ou bien que vous jeusniez deux fois le jour. Grande folie de ctux qui h cimuMui 'V a désirer d'estre martyrisés aux Indes, et ne s'applicjuent pas à ce (|u'ils ont à faire s<'lon leur condition ! mais grande lromj>erie aussi à ceux qui veulent plus manger qu ils ne j)euvent digérer. Nous n'avons pas assez de chaleur spirituelle \n)UT bien digérer tout ce que nous embrassons pour nostre perfection, et cependant nous ne voulons pas (^ nous retrancher de ces anxiétés d'esprit que nous avons à tant désirer de beaucoup faire. Lire force livrt*s spirituels.  {ni ptnif f*omr m'*v, - rt )« m'y attfiM ; U a «oin t m*y cooS» . il in'â)iDr, et ir %iii« t.. ut.- «ir«tn«> (p) l'amour iq' yai t'ammttHi - ^ luutm cc« cbcMc*. comm» ir) rrtraochrr oe% «oxieléa d'caprlt qu* noua avta» dt dMirar «t vtmkiÉr lup Uirv. iJrv «lc« Ujcu tivrv» «pértluala, et mit U>uI quaad II* •ont  iio Les vrays Entretiens spirituels sur tout quand ils sont nouveaux, bien parler de Dieu et de toutes les choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, à dévotion, ouïr force prédications, faire des conférences à tout propos, communier bien souvent, se confesser encores plus, servir les malades, bien parler de tout ce qui se passe en nous pour mani- fester la prétention que nous avons de nous perfection- ner, et au plus tost qu'il se pourra : ne sont-ce pas là des choses fort propres pour nous perfectionner et parvenir au but de nos desseins ? Ouy, pourveu que tout cela se fasse selon qu'il est ordonné, et que ce soit tousjours avec dépendance de (5) la grâce de Dieu ; c'est à dire que nous ne mettions point nostre confiance en tout cela, pour bon qu'il soit, ains en un seul * Il Cor., IX, 10 ; Dieu (t), qui nous peut seul faire tirer le fruict* de tous I Tira., VI, 15. nos exercices. Mais, mes chères filles, je vous supplie, considérez un peu la vie de ces grands saints Religieux. Un saint Antoine, qui a esté honnoré de Dieu et des hommes à cause de sa très-grande sainteté, dites-moy, comment est-il parvenu à une si grande sainteté et perfection ? est-ce à force de lire, ou par des conférences et fré- quentes Communions, ou par la multitude des prédica- tions qu'il oyoit ? Nullement ; ains il y parvint en se servant de l'exemple des saints hermites, prenant de l'un l'abstinence, de l'autre l'oraison, et ainsi il alloit comme une soigneuse abeille, picorant et cueillant les vertus des serviteurs de Dieu, pour en composer le miel d'une sainte édification. Mais un saint Paul premier hermite, parvint-il à la sainteté qu'il s'acquit par la lecture des bons livres ? il n'en avoit point. Estoit-ce les  nouveaux, cela est bon ; bien parler de Dieu et beaucoup, et des choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, h la dévotion, bon ; ouïr force prédications, faire des conférences et souvent, cela esmeut, il est vray ; communier bien souvent, [Reprendre au texte, lig. 5.] (s) des choses — grandement propres pour parvenir au but de nos desseins ? Il est vray, pourveu que cela soit tousjours sujet à (t) ains en — Dieu  VII. De trois Loix spirituelles f ii Communions qu'il faisoit ou le^» Lonlessions ^ il n'en fit qut* deux en sa vie. Estoit-ce les conférences ou les prédications ? il n'en avoit point, et ne vid nul homme dans le désert que saint Antoine, qui l'alla visiter à la fin de sa vie. Sçavez-vous qui le rendit saint ? Ce fut la fidélité qu'il eut à s'appliquer en ce qu'il entreprit au commencement, à quoy il avoit esté appelle, et ne s'amusant '"' à autre chose. Ces grands saints Religieux qui vivoyent sous la charge de saint Pachome, avoyent-ils des livres, des prédications ? nulles. Des conférences ? ils en avoyent, mais rarement. Se confessoyent-ils souvent ? quelque fois aux bonnes festes. Oyoient-ils force Messes ? les Dimanches et les festes ; hors de là, point {^\ Mais que veut dire donc que mangeant si peu de ces viandes spirituelles qui nourrissent nos âmes à l'immortalité, ils estoyent neantmoins tousjours si en bon px^int, c'est à dire si forts et courageux pour entreprendre l'acquisition des vertus, et parvenir à la perfection et au but de leur prétention ? Et nous autres, qui mangeons beaucoup, sommes tousjours si maigres, c'est à dire si laschcs et languissans à la |X)ursuite de nos entreprises, et semble, sinon tant que les consolations spirituelles marchent ••, que nous n'avons nul courage ni vigueur au service de Nostre Seigneur ? Or il faut donc imiter ces saints Religieux, nous appliquant à nostre besogne, c'est à dire à ce que Dieu requiert de nous selon nostre voca- tion, fervemment et humblement, et ne penser qu'en cela («), n'estimant pas de trouver nul moyen de nous perfectionner meilleur que celuy-là.  (U) il t'mppt%^U0r — X Cglmy fui luv ^voil iinr U>i\ fait rntrrulrr ixiur ifiMiv U Cmvoît mppêUé, et ne •'•iniMuét (v) ét% itvrtt ? — ottlkoMnt. I)r« i'roli. u(i u-% lhr% . ■ % .' Ut «I avuycnt, auto rarHiMOt. Cuuiiiiuitf'vrnt lU w.uvrut f i^ Sm coo tonu y cn t'U» MMivrnl ? qiMlqtM loto âus U.i>i>r>» f«~i(r« : bar» >'uécnl âto «ouvanl la M«*a« ? Im Dtmaochr^ rt W t. (w) gl ttmèU — qu'auMé Imt qtir le« ooaaoUUim« *; • ... inqwwt (s) ptm$*f — A rtm «uUr  112 Les vrays Entretiens spirituels Mais, me pourra-t'on répliquer, vous dites fervem- ment : mon Dieu, et comme pourray-je faire cela ! car je n'ay point de ferveur. Non pas de celle que vous entendez, quant au sentiment, laquelle Dieu donne à qui bon luy semble, et qui n'est pas en nostre pouvoir d'acquérir quand il nous plaist. J'adjouste aussi hum- blement, à fin que l'on n'ayt point de sujet de s'excuser ; car ne dites pas : Je n'ay point d'humilité, il n'est pas en mon pouvoir de l'avoir ; car le Saint Esprit, qui est Lucae, xi, 13. la bouté mcsmc, la donne à qui la luy demande*. Non pas ceste humilité, c'est à dire ce sentiment de nostre petitesse qui nous fait si fort humilier en toutes choses si gracieusement ; mais je veux dire l'humilité qui nous fait cognoistre nostre propre abjection, et qui nous la fait aymer l'ayant (y) recognuë estre en nous ; car cela est la vraye humilité. (z) Jamais l'on n'estudia tant que l'on fait maintenant. Ces grands Saints, Augustin, Grégoire, Hilaire, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, ni beaucoup d'autres n'ont point tant estudié ; ils n'eussent sceu le faire, composant tant de livres qu'ils ont fait, preschant et faisant tout le reste qui appartenoit à leurs charges ; (^'^ mais ils avoyent une si grande confiance en Dieu et en sa grâce, et une si grande mesfiance d'eux-mesmes, qu'ils ne s'attendoyent i^') ni confioyent nullement en leur industrie ni en leur travail, si qu'ils firent toutes les grandes œuvres qu'ils ont faites purement par la confiance qu'ils avoyent mise en la grâce de Dieu et en sa toute-puissance : C'est vous, disoyent-ils, ô Seigneur, qui nous faites travailler et pour qui nous travaillons ;  (y) et — qui consiste à aymer souverainement ceste abjection que nous avons (z) Quand nous nous amusons à désirer cet exercice, et puis tantost un autre, et puis dans peu de temps nous voudrions entreprendre quelque autre ch'^se, cela monstre bien que nous mettons en quelque façon nostre confiance en nos œuvres, et que nous n'attendons pas nostre perfection immédiatement de la grâce de Dieu, mais de nostre industrie : ce qu'il ne faut faire. (a') à leurs charges, — qui requeroit beaucoup de temps ; (b') s'arrfrstoyent  VII. De trois Loix spiRiTfFXLrs  «13  ce sera vous qui bénirez nos sueurs et qui nous donnerez une bonne récolte. Ainsi leurs livres, leurs prédications rapportoyent des fruicts merveilleux ; et nous autres qui nous confions en nos belles paroles, en nostre bien dire et en nostre doctrine, toutes nos peines s'en vont en fumée et ne rendent autre fruict que de vanité. Il faut donc, pour conclusion de ceste première loy que je vous donne, vous confier pleinement en Dieu et faire tout pour luy, quittant entièrement le soin de vous-mesmes à vostre cher Colombeau, lequel usera d'une prévoyance nom- pareiUe sur vous ; et d'autant que vostre confiance sera plus vraye et plus parfaite, sa providence sera plus sfKîciale. J'ay pensé de vous donner pour seconde loy la parole que disent les colombes en leur langage : Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, disent-elles Qu'est-ce à dire cela ? C'est que lors que leurs petits colombeaux sont un peu gros (c*), le maistre du colombier les leur vient oster, et soudain elles se mettent à en couver des autres ; mais si on ne les leur oste pas, elles s'amusent auprès de ceux-là longuement *>*), et partant elles en font moins. Elles disent donc : Plus l'on m'en oste et plus j'en fais ; et pour vous faire mieux entendre ce que je veux dire, je vous présente un exemple. Job, ce grand serviteur de Dieu, qui a esté loué de la bouche de Dieu mesme •, ne se laissa vaincre d'aucune affliction qui luy survint ; ains, plus Dieu luy ostoit de ses petits colom- beaux et plus il en faisoit. Qu'est-ce qu'il ne faisoit pas tandis qu'il estoit en sa première prospérité ? quelles bonnes œuvres ne faisoil-il pas ? Il le dit luy-mesme en ceste façon • : J'estois le pied du boiteux, c'est à dire • c«p. xxix. 13.»*. je le faisois jxjrter ou je le mettois «^'^ sur mon asne ou mon chameau ; j'estois l'ail de l'aveugle, en le faisant  • Job, I, §, II. s. xui, 7. •.  (c*) «n — peut (d*) êUéi t'mmmiêmi — d'autres.  otux I >  n D CQ courrot j»*^ui  11^ Les vrays Entretiens spirituels conduire ; j'estois en fin le pourvoyeur du famélique et le refuge de tous les affligés. Maintenant voyez-le réduit en l'extrême pauvreté. Il ne se plaint point que Dieu lui ayt osté les moyens qu'il avoit de faire tant de bonnes œuvres, ains il dit avec la colombe : Plus l'on m'en oste et plus j'en fais ; non des aumosnes, car il n'a pas de quoy, mais en ce seul acte de sousmission et de patience qu'il fit se voyant privé de tous ses biens et de ses enfans, il fit plus qu'il n'avoit fait par toutes les grandes charités qu'il faisoit durant le temps de sa pros- périté, et se rendit plus agréable à Dieu en ce seul acte de patience, qu'il n'avoit fait en tant et tant de bonnes œuvres qu'il avoit faites durant sa vie ; car il falloit avoir un amour plus fort et généreux pour cest acte seul, qu'il n'avoit esté besoin pour tous les autres mis ensemble. Il nous en faut donc faire de mesme pour observer ceste aymable loy des colombes, nous laissant despouil- 1er par nostre souverain Maistre de nos petits colom- beaux, c'est à dire des moyens d'exécuter nos désirs, quand il luy plaist de nous en priver, pour bons qu'ils soyent i^'), sans nous plaindre ni lamenter jamais de luy comme s'il nous faisoit grand tort ; ains nous devons nous appliquer à doubler, non nos désirs ni nos exer- cices, mais la perfection avec laquelle nous les faisons, taschant par ce moyen de gagner plus par un seul acte, comme indubitablement nous ferons, que nous ne ferions pas avec cent autres faits selon nostre propension et affection. Nostre Seigneur ne veut pas que nous portions sa croix sinon par le bout, et il veut estre honnoré comme les grandes dames, lesquelles font porter la queue de leurs robes ; il veut pourtant que nous portions la croix qu'il nous met sur les espaules, qui est la nostre mesme. Mais las ! nous n'en faisons rien ; car quand sa Bonté nous prive de la consolation qu'il nous souloit donner en nos exercices, il semble que tout est perdu,  {V) d'exécuter nos — bons desseins quand il luy plaist  VII. De trois Loix spirituelles 115 et qu'il nous oste les moyens de faire ce que nous avons entrepris. Voyez, de grâce, ceste ame, comment elle couve bien ses œufs au temps de la consolation, et laisse bien le soin d'elle-mesme à son cher et bien-a>Tné Colombeau. Si elle est en l'oraison, quels saints désirs ne fait-elle pas de luy plaire ! elle s'attendrit en sa présence, elle s'escoule toute en son Bien-Ayme», elle se laisse entiè- rement entre les bras de sa divine pro\'idence. O que ce sont là des œufs bien aymables ! et tout cela est bien bon, et les petits colombeaux ne manquent point, qui sont les effects ; car, qu'est-ce qu'elle ne fait pas ? Ses œuvres de charité sont en si prand nombre ! sa modestie paroist devant toutes les Sœurs, elle 8) est d'une édifi- cation nompareille, elle se fait admirer de tous ceux qui la voyent ou qui la cognoissent. Les mortifications- dit-elle, ne me coustoyent rien durant ce temps-là, ains ce m'estoyent des consolations ; les obéissances m'estoyent des allégresses ; je n'avois pas si tost ouy le premier son de la cloche, que j'estois levée ; je ne laissois point passer de pratique de vertu, et tout cela je le faisois avec une paix et tranquillité très-grande : mais maintenant que je suis en desgoust et que je suis ordi- nairement en sécheresse en l'oraison, je n'ay nul cou- rage, ce me semble, pour mon amendement, je n'ay point ceste ardeur que je soulois avoir en mes exercices ; en fin, la gelée et la froidure est passée chez moy. Helas ! je le croy bien. Voyez, je vous prie, ceste pauvre ame, comment elle se lamente {**'î de sa disgrâce ;  (g*) Vo>x<, (le graoe, oe»l« moM UqueUe «Unt pWne de oootoUtioQ «o l'oraitrjn. cnfimte clic etnivr bien Mi «ruK et laitM le toéo d*«U»'aMMa« A •an cher Colocubrau. ijMith ûmin or Uit-clle p«t àê luy pUlre I «Ut t'atteodrti en m pn— im merviUtouMmeal. die •*«Moole en «un Héco-Ayiné et «e veut UiMcr mtlrremnit ■!!■ iiiiiiii entrv le* bcM à» M divtae pffovl- dmrr. Tout ceU e»l U11 : à que ce toaC dr% of^i* l>k«n 4\ ti>jMr-t ' Uaé« veooos aux <*(lcct«, que font te» petit» oolotnbeaus ' . ■>• ' Se* ieuvr<-% ilr rharit*^ v i.t «n «i grand BOmbre ' Ml d4¥^mt l0mê U* kommêt, fti qu'rllr (h') (ftlt pmmvfi - prrtoQM, comme elW te pUUit  XO, II  ii(^> Les vrays Entretiens spirituels son mescontentement paroist jusques sur son visage, elle a sa contenance abattue et mélancolique, et s'en va toute pensive, et si confuse que rien plus, (i') Mon Dieu ! qu'avez-vous ? est-on contraint de luy dire. O que j'ay ? je suis si alangourie ! rien ne me peut contenter, tout m'est à desgoust, je suis maintenant si confuse ! Mais de quelle confusion ? car il y en a de deux sortes : l'une qui conduit à l'humilité et à la vie, et l'autre, au Cf. II Cor., VII, desespoir et par conséquent à la mort *. Je vous asseure, dit-elle, que je le suis bien tant, que j'en perds pres- que le courage de passer outre en la prétention de ma perfection. Mon Dieu, quelle foiblesse ! la consolation manque, et par mesme moyen, le courage. O il ne faut pas ainsi faire ; ains, plus Dieu nous prive de la conso- lation, et plus nous devons travailler pour luy tesmoi- gner nostre fidélité. Un seul acte fait avec sécheresse d'esprit vaut mieux que plusieurs faits avec une grande tendreté, parce que, comme j'ay desja dit en parlant de Job, il se fait avec un amour plus fort, quoy qu'il ne soit pas si tendre ni si agréable. Plus donc l'on m'en oste et plus j'en fais : c'est la seconde loy que je désire grandement de vous voir observer. La troisiesme loy (J') des colombes que je vous pré- sente, c'est qu'elles pleurent comme elles se resjouïssent ; elles ne chantent tous jours qu'un mesme air, tant pour leurs cantiques de res jouissance que pour ceux où elles se lamentent, c'est à dire pour se plaindre et manifester leur douleur. Voyez-les perchées sur les branches, où elles pleurent la perte qu'elles ont faite de leurs petits que la belette ou la chouette leur a desrobés (car quand c'est quelqu'autre qui les leur prend que le maistre de la colombiere, elles sont fort affligées) ; voyez-les aussi quand le paron vient à s'approcher d'elles, qu'elles sont toutes consolées : (k') elles ne changent point d'air, ains  (i'j sa contenance — refrognée, pensive, mélancolique, et si confuse que c'est pitié. Hé, 0') ^oy — ou règle (k'j d'elles : — elles sont toutes consolées, mais pourtant  VII. De trois Loix spirituelles II7 font le mesme grommellement p)our preuve de leur contentement, qu'elles font f)our manifester leur dou- leur. C'est cette tres-sainte égalité d'esprit, mes chères âmes, que je vous souhaitte : je ne dis pas l'égalité d'humeur ni d'inchnation, je dis l'egahté d'esprit ; car je ne fais, ni désire (**> que vous fassiez nul estât des tracasseries que fait la partie inférieure de nostre ame, qui est celle (jui cause les inquiétudes et bijarreries, quand la partie supérieure ne fait pas son devoir en se rendant maistresse, et ne fait pas bon guet pour décou- vrir ses ennemis, ainsi que le Combat spirituel dit • '^^ qu'il faut faire, à fin qu'elle soit promptement advertie cxav okL Ludmu. des remuemens et assauts que luy fait la partie infé- rieure, qui naissent '°'' de nos sens et de nos in'-Hnations et passions, pour luy faire la guerre et l'assujettir à ses loix. Mais je dis qu'il se faut tenir tousjours fermes et résolus en la supérieure partie de nostre esprit, pour suivre la vertu de laquelle nous faisons profession, et se tenir en une continuelle égalité, es choses adverses comme es prosp)eres, en la désolation comme en la con- solation, et en fin parmi les sécheresses comme emmi les tendretés. Job, duquel nous avons desja parlé en la seconde loy, nous fournit encor d'un exemple en ce sujet, car il ne clianta tous-jours que sur un mesme air tous les canti- ques qu'il a composés, qui ne sont autres que l'histoire de sa vie. Qu'est-ce qu'il disoit lors que Dieu fai>*'ii multipUer ses biens, luy donnoit des enfans, et en lin luy envoyoit à souhait selon qu'il l'eust peu désirer en ceste vie ? que disoit-il, sinon : Le nom de Dieu soit béni ? C'estoit son cantique d'amour qu'il chantoit en toute occasion ; car voyez-le réduit à l'extrémité de l'afHiction : qu'est<>•/ htm dans let etcmeUea contolatiocu. que nous l'auront  vil. la.  HUITIESME ENTRETIEN DE LA DESAPPROPRIATION ET DESPOUILLEMENT DE TOUTES CHOSES  Les petites affections du tien et du mien sont des restes du monde, où il n'y a rien de si pretieux que cela ; car c'est la souveraine félicité du monde d'avoir beaucoup de choses propres et de quoy on puisse dire : cecy est mien (^). Or, ce qui nous rend affectionnés à ce qui est nostre, c'est la grande estime que nous faisons de nous- mesmes ; car nous nous tenons pour si excellens que, dés qu'une chose nous appartient (b) nous l'en estimons da- vantage, et le peu d'estime que nous faisons des autres fait que nous avons à contre-cœur ce qui leur a servi ; mais si nous estions bien humbles et despouillés de nous- mesmes, que nous nous tinssions pour un néant devant Dieu, nous ne ferions aucun estât de ce qui nous seroit propre, et nous estimerions extrêmement honorés d'estre servis de ce qui auroit esté à l'usage d'autruy. Mais il faut bien en cecy, comme en toute autre chose, faire différence entre les inclinations et affections ; car quand ces choses ne sont que des inclinations et non pas des affections, il ne s'en faut point mettre en peine, parce qu'il ne dépend pas de nous de n'avoir point de mau- vaises inclinations, ouy bien des affections. Si donques il arrive qu'en changeant la robbe d'une Sœur pour  (a) dire : — mien. (h) a touché  VIII. De la Desai'Propriatiok 121 luy en donner une autre moindre, la partie inférieure s'esmeuve un petit, cela n'est pas p)echë, pourveu qu'avec la raison elle l'accepte de bon cœur pour l'amour de Dieu ; et ainsi de tous les autres stntimens qui nous arrivent. <<^^ Or ces mouvemens arrivent parce que l'on n'a pas mis toutes ses volont<5s en commun, qui est pourtant une chose qui se doit faire entrant en Religion ; car chaque Sœur devroit laisser sa volonté propre hors la porte pour n'avoir que celle de Dieu. Bien-heureux celuy qui n'auroit auirt- volonté que celle de la Communauté, et qui en prendroit chaque jour dans la bourse commune pour ce qui luy feroit besoin C'est ainsi que se doit entendre ceste parole sacrée de Nostre Seigneur* : S' ayez point souci du • wati . m. 34. lendemain. Elle ne regarde pas tant ce qui est du vivre ou du vestir comme des exercices spintuels ; car qui vous viendroit demander : Que voulez-vous faire demain ? vous respondriez : Je ne sçay ; aujourd'huy je feray une telle chose qui m'est commandée, demain je ne sçay pas ce que je feray parce que je ne sçay pas ce que l'on me commandera, yui feroit ainsi, il n'auroit jamais de cha- grin ni d'inquiétude ; car là où est l'indifférence vraye, il n'y peut avoir du desplaisir ni de la tristesse. ^"^^ Si quelqu'une vouloit avoir du mien et du tien, il le hiv faiidroit aller donner hors de la maison, car dedans  moilJt dr inoy, ou qu<^ l'cjn ...• :. - ,. , .. .... ... U ookra t'evneut et )e n'ajr pas une veine qui ne m torde, parce que le •aof booUkniM ; malt «1 «u travers de tout cela )e ti «m «et* d« dMrité pour criuy qui m'a oflenté, il n'> «MOT qu'il t'ealave mille tortea de pe ni éa» contre U ehoM doratit tout un )oi: ptuséeur» ; pour%-< jt y% ditivom. U o'r a |v tcMit de mai. cai . voir d'aoooéMT mon MtiUineot. Malt •! oaate Saur tulvoél le tcntixnml qu'elle a «a de oc rhinf iiiiiit de robbt ou d« oocte. %« et fvoÉt OM fraad* laAdaUti env«n DImi et «.> . . (d) m9oi9 — d« daaplaialr ni de tntteaie. Mais c'est odé vertu qui oe w peut pat ac qu w if «o dnq «oa. U «o faut béao dlm ; c'a»! powqu c i y Û wmm faut paa MlOWMr il noa Somvi ne Tant imm encor, poiaqa*^l«É oal toulflâ uAe booM volooté de Taequerlr.  122 Les vkays Entretiens spirituels il ne s'en parle point. Or, il ne faut pas seulement vou- loir en gênerai la desappropriation, mais en particulier ; car il n'y a rien de si aisé que de dire de gros en gros : Il faut renoncer à nous-mesmes et quitter nostre propre volonté ; mais quand il faut venir à la pratique, c'est là où gist la difficulté. C'est pourquoy il faut faire des considérations et sur sa condition et sur toutes les choses qui en dépendent en détail ; puis en particulier, renoncer tantost à une de nos volontés propres, tantost à une autre, jusques à tant que nous en soyons entièrement despouillés («). Et ce vray despouillement se fait par trois degrés : le premier est l'affection du despouillement, qui s'engendre en nous par la considération de la beauté de ce despouillement ; le second degré est la resolution qui suit l'affection, car nous nous résolvons aisément à un bien que nous affectionnons ; le troisiesme est la prati- que, qui est le plus difficile. Les biens desquels il se faut despouiller sont de trois sortes : les biens extérieurs, les biens du corps, les biens de l'ame (^). Les biens extérieurs sont toutes les choses que nous avons laissées hors de la Religion : les mai- sons, les possessions, les parens, amis et choses sem- blables. Pour en faire le despouillement, il les faut renoncer entre les mains de Nostre Seigneur, et puis (s) demander les affections qu'il veut que nous ayons pour eux ; car il ne faut pas demeurer sans affections, ni les avoir esgales et indifférentes, il faut aymer chacun en son degré ; (h) la charité donne le rang aux affections.  (e) il ne faut pas — faire seulement en gênerai la desappropriation, mais en particulier ; car il n'y a rien si aisé que de dire : Il faut aller à la Visitation. L'on dit de gros en gros : Il faut renoncer à vous-mesme et quitter la propre volonté. Oh nous ferons bien tout cela ! Mais quand ce vient à la pratique et par le menu, c'est la difficulté. C'est pourquoy il faut faire considération sur sa condition et toutes les choses qui en dépendent. [Voir à l'Appendice II.] (fj du cœur. (g) il — faut renoncer tout cela entre les mains de Nostre Seigneur, et puis, les ayant ainsi renonces, il faut retourner à Nostre Seigneur luy (h) il faut — plus ayraer les pères, les enfans, et ainsi chacun en son degré, car  VIII. De la Desappropriation 123 Les seconds biens sont ceux du corps : la beauté, U santé, et semblables choses qu'il faut renoncer ; et puis, il ne faut plus aller au miroir regarder si on est bt-lle, ni se soucier non plus de la santé que de la maladie, au moins quant à la partie supérieure ; car la nature se ressent tousjours, et crie quelquefois, spécialement quand l'on n'est pas bien parfait. L'on doit donc demeurer esgalement content en la maladie et en la santé, et prendre les remèdes et les viandes comme elles se ren- contrent ; j'entens tousjours avec la raison, car quant aux inclinations je ne m'y amuse point. Les biens du cœur sont les consolations et les douceurs qui se trou- vent en la vie spirituelle ; ces biens là sont fort bons. Et pourquoy, me direz-vous, s'en faut-il desjxjuiller ? Il le faut faire pourtant, et les remettre entre les mains de Nostre Seigneur pour en disposer comme il luy plaira, et le servir sans elles comme avec elles. Il y a une autre sorte de biens, qui ne s<:)nt ni inté- rieurs ni extérieurs, qui ne sont ni biens du corps ni biens du cœur ; ce sont des biens imaginaires qui déjx;n- dent de l'opinion d'autruy : ik s'app)ellent l'honneur, l'estime, la réputation. Or, il s'en faut despouiller tout à fait " , et ne vouloir autre honneur que l'honneur de la Congrégation, qui est de cherdier en tout la gloire de Dieu, ni autre estime ou réputation que celle de la Com- munauté, qui est de donner bonne édification en toutes choses. Tous ces despouillemens et renoncemens des choses susdites se doivent faire non par inespris, mais par abnégation, pour le seul et pur amour de Dieu. Il faut icy remanjuer que le contentement que nous ressentons à la rencontre des pers<:)nnes que nous aymons, et les tesmoignages d'affection que nous leur rendons en 1rs voyant ne sont point contraires à ceste vertu de des- pouillement. iK)ur\eii (ju'iLs ne sm — «t loul ctU. Or, U %'ma Uul iwpnnillw lo«t A tall oint d'affection, vous demeurerez autant en repos de ne la pas faire comme si vous l'eussiez faite, et au contraire, si vous vous en troublez, c'est la marque que vous y avez mis vostre affection. Or. nos affections sont si pretieuses, puisqu'elles doivent estre toutes employées à aymer Dieu, qu'il faut bien prendre garde de ne les pas loger en des choses inutiles ; et une faute, pour petite (ju'elle puisse estre, faite avec affec- tion, est plus contraire à la perfection que cent autres faites par surprinse et sans affection. (p> Vous demandez comment il faut aymer ks créatures. Je vous dis briefvement qu'il y a certains iimours qui  (n) // fmmt — > bwnooup •'MModav «'Il Mt vray, oooum fl oooi Mnbto que)quHu4«. qxm ooat o'ayoQt point im* afloctkxM im§»§km Bt dHaannoy, quand l'on voua lote, qoa voua ta^cbat da (o) Voui pouffêt — aiMi fadtaoMnt oagnoéatre Ion qua l'on vous ottara la oaoMDodâlé d« iair» oa qua voua avtot pctipoaé, li voua y avaa da l'i on nos (p) (L'RotraUaB De U Dêimppropfimlton fuui Éd dans k Ma.; fl dant laa Colto^uéi. Cm qui tull, aaul la dareiar alinéa, qui na aa trawa paa dam laa Co/iof ■«!. lorma, aoit dana oat ouvraft. aoit dana la Ma., an Intratlan •p4dal. portant la titra : De tmtmomf #ii»#ri i#i cr«aiar#t.]  126 Les vrays Entretiens spirituels semblent extrêmement grands et parfaits aux yeux des créatures, qui devant Dieu se trouveront petits et de nulle valeur, parce que ces amitiés ne sont point fondées • I joan., IV, s, i6. en la vraye charité, qui est Dieu*, ains seulement en certaines alliances et inclinations naturelles, et sur quel- ques considérations humainement louables et agréables. Au contraire, il y en a d'autres qui semblent extrême- ment minces et vuides aux yeux du monde, qui devant Dieu se trouveront pleines et fort excellentes, parce qu'elles se font seulement en Dieu et pour Dieu, sans meslange de nostre propre interest. Or, les actes de charité qui se font autour de ceux que nous aymons de ceste sorte sont mille fois plus parfaits, d'autant que tout tend purement à Dieu ; mais les services et autres assistances que nous faisons à ceux que nous aymons par inclination sont beaucoup moindres en mérite, à cause de la grande complaisance et satisfaction que nous avons à les faire, et que, pour l'ordinaire, nous les fai- sons plus par ce mouvement que par l'amour de Dieu. Il y a encor une autre raison qui rend ces premières amitiés dont nous avons parlé moindres que les secondes : c'est qu'elles ne sont pas de durée, parce que la cause en estant fresle, dés qu'il arrive quelque traverse, elles se refroidissent et altèrent ; ce qui n'arrive pas à celles qui sont fondées en Dieu, parce que la cause en est solide et permanente. A ce propos, sainte Catherine de Sienne fait une • Diaiog., c. Lxiv. belle comparaison*. Si vous prenez, dit-elle, un verre, et que vous l'emphssiez dans une fontaine, et que vous beuviez dans ce verre sans le sortir de la fontaine (q), encor que vous beuviez tant que vous voudrez, le verre ne se vuidera point ; mais si vous le tirez hors de la fontaine, quand vous aurez beu, le verre sera vuide. Ainsi en est-il des amitiés ; quand l'on ne les tire point de leur source elles ne tarissent jamais. Les caresses mesmes et signes d'amitié que nous faisons contre nostre propre  (q) vous beuviez — en rnesinc tomps sans le tirer de là dedans (Ms. et Coll.)  VI II De la Desappropriation 117 inclination aux f)ersonnc's auxquelles nous avons de l'aversion, sont meilleures et plus agréables à Dieu que celles que nous faisons attirés de l'alfcction sensitive. Et cela ne se doit point appeller duplicité ou simulation, car si bien j'ay un sentiment contraire, il n'est qu'en la partie inférieure, et les actes que je fais, c'est avec la force de la raison, qui est la partie principale de mon ame. De manière que quand ceux auxquels je fais ces caresses sçauroyent que je les leur fais parce que je leur ay de l'aversion, ils ne s'en devroyent point offencer, ains les estimer et chérir davantage que si elles partoyent d'une affection sensible ; car les aversions sont naturelles, et delles-mesmes ne sont pas mauvaises quand nous ne les suivons pas ; au contraire, c'est un moyen de prati- quer mille sortes de bonnes vertus, et Nostre Seigneur mesme nous a plus à gré quand avec une extrême f'> répugnance nous luy allons baiser les pieds, que si nous y allions avec beaucoup de suavité. Ainsi ceux qui n'ont rien d'aymable sont bien-heureux, car ils sont asseurés que l'amour que l'on leur porte est excellent, puisqu'il est tout en Dieu. Souvent nous pensons aymer une personne p)our Dieu, et nous l'aymons jxjur nous-mesmes ; nous nous servons de ce prétexte, et disons que c'est pour cela que nous raNTnons. mais en vérité nous l'axinons pour la conso lation que nous en avons (») : car n'y a-t'il pas plus de suavité de voir venir à vous une ame pleine de bonne affection, qui suit extrêmement bien '*> vos conseib et qui va fidèlement et tranquillement dans le chemin que vous luy avez miirqué, que d'en voir une autre toute inquiétée, embarnissée et foible à suivre le bien, et à qui il faut dire mille fois une mesme chose ? sans doute vous aurez plus de suavité. Ce n'est donc pas pour Dieu  (r) 4t9ét — qiMiqtM (Coll.) (t) mou» mom$ têrwont — da prvtexto &» wm wtoa «t dteot qvt e*«»l Otto qiM nom rayiiMXM ; «t rteo motet. c*«tt pour U cootoUtloa qv» nom mm rmvoM (Mft.) tt) ftii — M cont o mw m tant et par lovt A eut cognoistre si on avance à la p)erfection ou non. Je rcsponds que nous ne cognoistrons jamais nostre propre perfection, car il nous arrive comme à ceux (\\n navigent sur mer ; ib ne sçavent pas s'ils avancent, mais le maistre pilote, qui sçait l'air où ils navigent (y>, le cognoist. .\insi nous ne pouvons pas juger de nostre avancement, mais ouy bien de celuy d'autruy ; car nous n'osons pas nous asseurer i* , quand nous faisons une bonne action, que nous l'ayons faite avec perfection, d'autant que l'humilité le nous défend. Or, encor que noas puissions juger de la vertu d'autruy, si ne faut-il pourtant jamais déterminer qu'une  (s) Lan que nous enteodoot 1« «ifiM de l'obeiaMnce ni>u« dr\ons croére que c*e»t U voéx de Nostre Seigneur qui nous appcllr, et faut partir tout pmmptr ment, enoor que non» fimJnni occupée* k Iravailler pour Dieu, tout am«i qu'une )eufie mariée eotend«nt U voix de ton eepoux, enoor qu'elle Iam» quelqiM choM pour luy, elle q ' tt pour aller où il l'appelle : et, béco qu'tm ptn de retardemeot or une InAdelIté. c'eat niinftni4ni «m grande fidélité et une vertu foc A Dieu de ne retarder point da tout. De mwmii, U y a mille rhow 4nt oot» m pecteoa paa, mai« •i noM lee fatoom noua faàfr - ooauM de parler bai, mardMr doooeroeot. I>ai«cr lai ymM, tokax] faire la recreatkm. et dnere ae mb le bk a. qui «r«it neantmoina fort nanMalrea pour U bien leaûce et (y) fei »fi* — l'art da (a) tmf noai — oe  130 Les vrays Entretiens spirituels personne soit meilleure qu'une autre, parce que les apparences sont trompeuses ; et tel qui paroist fort vertueux à l'extérieur et aux yeux des créatures, devant Dieu le sera moins qu'un autre qui paroist beaucoup plus imparfait. Je vous souhaitte sur toute perfection celle de l'humilité, qui est non seulement charitable, mais douce et maniable ; car la charité est une humilité montante, et l'humilité est une charité descendante. Je vous ayme mieux avec plus d'humilité et moins d'autres perfections, qu'avec plus d'autres perfections et moins d'humiUté (a').  (a*) charité descendante. — L'humilité sera au dernier degré de sa perfection quand nous n'aurons plus de propre volonté ; par l'humilité toute justice est accomplie.  NEUFVIESME ENTRETIEN AL-gUEL KST IRAITTÉ DE LA MODESTIE DE LA FAÇON DE RECEVOIR LES CORRECTIOMS BT DU MOYEN D'AFFERMIR TELLEMENT SON ESPRIT U) EN DIEU gUE RIEN NE l'en PUISSE DESTOURNER (•)  Vous demandez que c'est que la vraye modestie. Je vous diray qu'il y a quatre vertus qui portent toutes le nom de modestie. La première, et celle qui le porte par eminence au dessus des autres, c'est la bien-seance de nostre maintien extérieur : et à cette vertu sont opposés deux vices, à sçavoir, la dissolution en nos gestes et contenances, c'est à dire la légèreté ; l'autre vice qui ne luy est pas moins contraire, est une contenance affectée. La seconde qui porte le nom de modestie, est l'intérieure bien-seance de nostre entendement et de nostre volonté : celle-cy a de mesme deux vices opposés, qui sont la curiosité en (»" l'entendement, la multitude des désirs de sçavoir et d'entendre toutes choses et l'instabilité en nos entreprises, passant d'un exercice à un autre sans nous arrester à rien ; l'autre vice, c'est une certaine stupidité et nonchalance d'esprit, qui ne veut pas mesme sçavoir ni apprendre les choses nécessaires pour nostre  (a) stm Ls Mijrr oi la nooitriK. (Ht.) — oi la vbaits modistib. (CoU.) (b) oitrines avec une grande dévotion. La modestie donques nous assujettit tousjours et tout le temps de nostrc vie, à cause que les Anges nous sont tousjours presens, et Dieu mesme, pour les yeux duquel nous nous tenons en modestie Ceste vertu est aussi fort recommandée à cause de l'édification du prochain, et vous asseure que la simple modestie extérieure en a converti plusieurs, ainsi qu'il arriva à saint François, lequel passa une fois par une ville avec une si grande modestie en son maintien que, sans qu'il dist une seule parole, il y eut grand nombre de jeunes gens qui le suivirent, attirés de ce seul exem- ple, pour estre instruits de luy. i«' La modestie est une prédication muette ; c'est une vertu que saint Paul recommande fort particuheremcnt aux l^hihppiens, cha- pitre quatriesme •, leur disant : Faites que vostre • \'et%. 5. modestie paroisse devant tous les hommes. Et ce qu'il dit à son disciple saint Timothée •, qu'i7 faut que • lEp.. m, a. l'Evesque soit orné, s'entend qu'il soit orné de modestie et non pas de riches vestemens (^', à fin que par son maintien modeste, il baille confiance à chacun de l'abor- der, évitant également la rusticité comme la légèreté, à fin que donnant la liberté aux mondains de l'approcher, ils ne croycnt pas qu'il soit mondain comme eux. Or, la vertu de modestie observe trois choses, à sçavoir, le temps, le heu et la personne. Car dites-moy, ccluy qui ne voudroit point rire à la récréation sinon comme l'on rit hors ce temps-là, ne seroit-il pas impor- tun ? Il y a des gestes et des contenances qui seroyent immodestie hors de ce temps-là, qui là ne le sont  (g) dé Imy. — Il jr eut étnlmnBmal un l'ère Capuctn. it%}\.ici n.r t; ua autn d'aotm «o oostra Ralickm. (Ito. ri CoU.) (h) êi m0m P4U —àê ^rmtmnmm à» tort (M*, et CoU.)  i^^ Les vrays Entretiens spirituels nullement ; de mesme, celuy qui voudroit rire lors que l'on est parmi les occupations sérieuses, et relascher son esprit comme l'on fait tres-raisonnablement en la récréation, ne seroit-il pas estimé léger et immodeste ? L'on doit aussi observer le lieu, les personnes, les con- versations esquelles on est, mais tout particulièrement la qualité de la personne. La modestie d'une femme du monde est autre que celle d'une Religieuse : une fille qui estant dans le monde voudroit tenir la veuë aussi basse comme nos Sœurs, ne seroit pas estimée, non plus que nos Sœurs si elles ne la tenoyent plus basse que les filles du monde. Ce qui est modestie à un homme sera immodestie à un autre homme, à cause de sa qua- hté ; la gravité est extrêmement bien-seante à une personne âgée, qui seroit affectée à une plus jeune, à laquelle convient une modestie plus rabaissée et plus humiUée. Il faut que je vous die une chose que je lisois ces jours • surius, ad diem passés *, parce qu'elle regarde le discours que nous ^^ •^^'* faisons de la modestie. Le grand saint Arsenius, lequel fust esleu par le Pape saint Damase pour instruire et eslever le fils de l'Empereur Theodose, Arcadius, qui luy devoit succéder au gouvernement de l'Empire, (ï) après avoir esté honnoré plusieurs années en la cour, et autant favorisé de l'Empereur qu'homme du monde, il s'ennuya en fin de toutes ces vanités, bien qu'il ne vescust pas moins chrestiennement qu'honnorablement en la cour, et se résolut de se retirer au désert avec les saints Pères hermites qui y vivoyent : il exécuta fort courageusement  (i) Theodose désirant, comme très pieux et catholique qu'il estoit, de bien faire eslever son fils à fin qu'il fust digne Empereur après luy, s'addressa pour cest effect à saint Damase à fin qu'il luy cherchast un gouverneur capable pour ce faire. Saint Damase luy envoya Arsenius, lequel après avoir esté plusieurs années en la cour et autant favorisé de l'Empereur qu'aucun autre, à la fin s'ennuyant de toutes ces vanités, bien qu'il luy fust loysible de vacquer aux exercices de pieté et dévotion, si est-ce que n'ayant pas accoustumé cest air et façon de vivre, il fit dessein de s'eschapper et retirer dans les déserts et solitudes, en la conversation et compagnie des bons Pères hermites ; dessein  IX. De la Modestie 135 son dessein. Les Pères, qui avoyent ouy le renom de la vertu de ce grand Saint, furent bien aises et bien consolés de l'avoir en leur compagnie. Il s'accosta j)ar- ticulierement de deux Religieux, dont l'un avoit nom Pastor, et fit grande amitié avec eux. Or, un jour que tous les Pères estoyent assemblés pour faire une confé- rence spirituelle (car c'a esté de tout temj>s qu'il s'en est fait entre les personnes pieuses), il y eut quelqu'un des Pères qui advertit le Supérieur qu'Arsenius commettoit ordinairement une immodestie, en ce qu'il croisoit une jambe dessus l'autre. Il est vray, dit le Père, je l'ay bien remarqué ; mais c'est un bon homme qui a vescu long temps au monde, il a apporté ceste contenance de la cour : que feroit-on là ? Il l'excusoit, car il luy faschoit de le fascher en le reprenant d'une chose si légère, où il n'y avoit point de péché ; mais d'ailleurs, il avoit envie 'i> de l'en faire corriger, car il n 'avoit que cela où l'on jxîust trouver à redire. Le Religieux Pastor dit lors : O mon Père, ne vous mettez point en peine, il n'y aura pas grande fa<;on à le luy dire, il en sera bien aise ; et pour cela, demain, s'il vous plaist, à l'heure de l'assemblée je me mettray de la mesme façon que luy. et vous m'en ferez la correction devant tous, et ainsi il entendra qu'il ne le faut pas faire. Le Père donc faisant la correction à Pastor, le bon Arsenius se jetta en terre aux pieds du Père, demandant humblement pardon, disant que si bien on ^^1 ne l'avoit pas remarqué, qu'il avoit ncantinoins  qu'il execuu tor la chAmp. Or la» anciao» Par», qui «vuy«ot ouy dm iiMrwiUc» de U vertu de et fraod Ar«cnius, (ureot béao aàM> «t oooiolét (lU. tt ColL) [Reprendre au texte, lif. 3.] (j) fMi a 94UU — lort booaorablemeot aa mooda ; U a ■p pocl é Mtla cnntananca da U oour. Et avoit A oootra-ccaur da la oootrutar aa la rapranaBl da dwaa il tafara, où U n'y avoit poiot da pacte , ouia d'aiUaun, U awil daUr (ColL) (k) é té tmy dire, — car c'aat un boo boauna qui an tara lort aÉM ; maii iiiantmnéw, •*!! vooa plalM, damaln )a aa aattrajr «o la ommb» pOÊtmn qm loy à llMari da raaaambléa, at voua m'an faraa U ou n mI Èe m drrMU loai, al par alaii U aotaodra qu'il o« U Uut pa* fAir* . c« qui lut UiL Bl la l^rv talaaot U c u wa cH oD A Paacor, la boo Ananloa aa it pârdao. dlunt qua ii béao la Fh« (Ma. at CoO.)  136 Les vrays Entretiens spirituels tousjours fait ceste faute là, que c'estoit sa contenance ordinaire de la cour, qu'il en dernandoit pénitence. Il ne luy en fut point donné, mais jamais depuis on ne le vid en ceste posture. En ceste histoire je trouve plusieurs choses bien dignes de considération. Premièrement, la prudence du Supérieur à craindre de fascher le bon Arsenius par une correction de si peu d'importance, cherchant neant- moins le moyen de l'en faire corriger, où il monstre bien qu'ils estoyent tous très-exacts à la moindre chose qui regarde la modestie. De plus, je remarque la bonté d'Arsenius à se rendre coulpable et sa fidélité à s'en corriger, bien que ce fust une chose si légère qu'elle n'estoit pas mesme une immodestie estant en la cour, quoy qu'elle le fust estant parmi ces Pères. Je regarde aussi que nous ne nous devons point estonner si nous avons encor quelque vieille habitude du monde, puis- qu' Arsenius avoit celle-là après avoir demeuré long temps au désert en la compagnie de ces Pères. L'on ne peut pas estre si tost défait de toutes ses imperfections ; il ne faut jamais s'estonner d'en voir beaucoup en soy, pourveu que l'on ayt la volonté de les combattre. En après, remarquez que ce n'est pas un mauvais jugement de penser que le Supérieur fait la correction à un autre de quelque faute que vous faites comme luy, à fin que sans vous reprendre, vous-mesme vous en amendiez ; mais il faut s'humilier profondement, voyant qu'il vous recognoist foible, et sçait bien que vous ressentiriez la correction s'il la vous faisoit. Il faut aussi aymer chère- ment ceste abjection, et s'humilier comme fit Arsenius, confessant que l'on est coulpable de la mesme faute, pourveu que l'on s'humilie tousjours en esprit de douceur et tranquilhté. Je voy bien que vous desirez que je parle encor des autres vertus de modestie. Je vous dis donc que la seconde, qui est l'intérieure, fait les mesmes effets en l'ame que celle que nous avons dit fait au corps. Celle-cy compose les mouvemens, les gestes et contenances du corps, évitant les deux extrémités, qui sont ces deux  IX. De la Modestie 137 vices contraires, la légèreté ou dissolution, et la conte- nance trop affectée. De mesmc. la modestie intérieure maintient les puissances de nostre ame en tranquillité et modestie ^' , évitant, comme j'ay dit. la curiosité de l'entendement, sur lequel elle exerce principalement son soin, retranchant aussi à nostre volonté la multitude des désirs, la faisant appliquer saintement <"»> à ce seul un que Marie a choisi et qut ne luy srra point oUé^ , • Luc», x, oii. qui est la volonté de plaire à Dieu. Marthe représente fort bien l'immodestie de la volonté, car elle s'empresse, elle met tous les serviteurs de la maison en besogne, elle va deçà et delà sans s'arrester, tant elle a d'envie de bien traitter Nostre Seigneur, et luy semble qu'il n'y aura jamais assez de mets apprestés pour luy faire bonne chère. De mesme, la voKjnté qui n'est pas retenue par la modestie passe d'un sujet à un autre pour s'esmouvoir à aymcr Dieu et à désirer plusieurs moyens de le servir, et cependant il ne faut point tant de choses. Mieux vaut s'attacher à Dieu comme Magde- laine, se tenant à ses pieds, luy demandant (|u'il nous donne son amour, qut- de penser comment et par quel moyen nous le pourrons acquérir. Ceste modestie retient la volonté resserrée i*n l'exercice des moyens de son avancement en l'amour de Dieu, selon la vocation en laquelle nous sommes. J'ay dit que ce>te vertu s'octujx principalement ■• a assujettir l'entendement ; et cela parce que la curiosité que noiLs avons naturellement est très dangereuse, et fait que nous ne sçavons januus parfaitement une diose, d'autant que nous ne mettons pas assez de temj)s jxjur la bien apprendre. V.Wv fuit aussi l'autre extrémité du vice qui luy est op|x»M-. qui est la stupidité et nonchalance d'esprit qui ne veut pas sçavoir ce qui est nécessaire. Or, ceste subjection de l'entendement est de trcs-grandc  OJ tt moéêtUê ~ (obU •'coUod, r«alaod«B«it «t U voêoaléi {iU •€ Coa) (m) rtHiylMim (Mt. «C CoO.) (n) SdBt BwMid dit qw mÊÊm ymtu l'appUow pm^ÊtHÊÊmmÊÊmH (CdL)  138 Les vrays Entretiens spirituels importance pour nostre perfection, car à mesure que la volonté s'affectionne à une chose, si l'entendement luy vient monstrer la beauté d'une autre, il la divertit de la première. (o) Les abeilles n'ont aucun arrest tandis qu'elles n'ont point de roy, elles ne cessent de voleter par l'air, de se dissiper et esgarer, n'ayant presque nul repos en leur ruche ; mais dés aussi tost que leur roy est né, elles se tiennent ramassées toutes autour de luy, et ne sortent que pour la cueillette et par le commandement de leur roy. De mesme, nostre entendement et volonté, nos passions et les facultés de nostre ame, comme abeilles spirituelles, jusques à tant qu'elles ayent un roy, c'est à dire jusques à tant qu'elles ayent choisi Nostre Seigneur pour leur Roy, elles n'ont aucun repos ; nos sens ne cessent de s'esgarer curieusement et d'attirer nos facul- tés intérieures après eux, pour se dissiper tantost après un sujet, tantost après un autre, et ainsi ce n'est qu'un continuel travail d'esprit et inquiétude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité d'esprit qui nous est tant nécessaire ; et c'est ce qui nous cause l'immodestie de l'entendement et de la volonté. Mais dés que nos âmes ont choisi Nostre Seigneur pour leur Roy unique et souverain, ces puissances s'accoisent à guise de chastes avettes ou abeilles mystiques, se rangent auprès de luy, et ne sortent jamais de leur ruche sinon pour la cueil- lette des exercices de charité que ce saint Roy leur commande de pratiquer à l'endroit du prochain ; et soudain après, se remettent dans la modestie et en ce saint accoisement tant aymable, pour mesnager et ramas- ser le miel des saintes et amoureuses conceptions et affections qu'elles tirent de sa présence sacrée. Et ainsi elles éviteront les deux extrémités dites cy-dessus, retranchant d'une part la curiosité de l'entendement par la simple attention à Dieu, et de l'autre la stupidité et nonchalance d'esprit par les exercices de la charité  (o) [Cet alinéa ne se trouve ni dans le Ms. ni dans les Colloques.]  *Cbroiika PratnuB Min.. L VII. c xnr.  IX. De la Modestie 139 qu'elles pratiqueront envers le prcx:hain quand il sera requis. Mais voicy un autre exemple sur ce suiei*. Ln jour un •D*iCAsufivj.H»u Religieux demanda au grand samt ihomas comment il »ui. Pat» i*. i. m. pourroit faire pour estre bien sçavant : « En ne lisant *^ ***^"- qu'un livre, ■ dit-il. Je lisois ces jours passés la Règle que saint Augustin a faite pour les Religieuses*, où il • Epétcccai. 1 n. dit expressément que les Sœurs ne lisent jamais aucuns livres que ceux qui leur seront donnés par la Supérieure ; et après il fit le mesme commandement à ses Religieux*. * RefuU *d Scnrot tant il avoit de cognoissance du mal qu'apporte la curiosité de vouloir sçavoir autre chose que ce qui nous est nécessaire pour mieux servir Dieu, qui est certes fort peu de chose ; car si vous marchez en simplicité par l'observance de vos Règles, vous servirez parfaitement Dieu, sans vous espancher ou rechercher de sçavoir autres choses. La science n'est pas nécessaire pour a>Tner Dieu, ainsi que dit saint Honaventure* . ■,{' rr- .. ^ y\ ::)t irllM, \m prtdkatkHM qtat l'oo Uit. nr wMit pjt t'>u«)<>ur^ puur «OMicDar ni pour apprandr». rrr r rrr rt rrvifiKrr un peu l'aiprtL La ^tàmotem 0*Mt pM aymrr I>tru. am«i e de ces esprits infernaux pour resp>ou- vanter, qui se rangèrent comme des soldats qui posent la garde, tous bien armés, et se crioyent l'un à l'autre : Faites place au saint homme. Saint Pachome, qui reco- gnut bien que c'estoyent des fanfares de l'esprit malin,  tenir à Keooux, le* mairie jointes 00 les bras en croix : cela awle inftnimmt à «e tenir rpctieillt rt ramant en la présence de Dieu. Vous demandes si de tenir la tr^tc penchée ou rrplifte vie, — luy qui entreprenoit un si grand couvent ; que c'estoit bien perdre le temps, et plusieurs choses semblables. Saint Pachome, pour parfait qu'il fust, eut tel (Ms. et Coll.) (i) Les Sœurs qui ont rédigé cet Entretien ont commis ici une méprise. lyC fait qu'elles rapportent est arrivé non pas à saint François d'Assise, mais à l'un de ses disciples, nommé Barbarus. (Voir Thom. de Celano, Vita secunda sive Appendix ad Vitam primam S. Francisci, cap. xcii.) Il paraît néanmoins assez probable qu'en traitant de la répression des premiers mou- vements imparfaits, saint I-rançois de Sales aurait fait quelque allusion au Patriarche séraphique lui-même. (Voir les Fioretti, cap. m.)  IX Dr i.a Modestie 147 du fumier qu'il enterroit avec les choux : Ah ! meschante langue, dit-il, je t'apprendray bien s'il faut ainsi inju- rier ton frère ; et soudain se prosterna à deux genoux, suppliant le Frère de luy piu-donner. Or, quelle appar- rence y a-t'il, je vous prie, que nous autres nous estun- nions de nous voir prompts à la colère, et si nous ressentons f*'> quand on nous reprend ou que l'on nous fait quelque contradiction ? Il faut donc tirer exemple de ces Saints, lesquels se surmontèrent incontinent, l'un recourant à la prière, et l'autre demandant humblement pardon à son frère, et ne firent rien ni l'un ni l'autre, en faveur de leur ressentiment, mais s'amendèrent et en firent profit \'ous me dites que vous acceptez de bon cœur la correction, que vous l'approuvez et trouvez juste et raisonnable ; mais que cela vous donne une certaine confusion à l'endroit de la Supérieure, parce que vous l'avez faschëe ou luy avez donné occasion de se fascher ; que cela vous oste la confiance de vous approcher d'elle, nonobstant que vous aymiez l'abjection qui vous revient de la faute. Cela se fait, ma fille, par le commandement de l'amour propre. Vous ne sçavez peut estre pas qu'il y a en nous-mesmcs un certain monastère dont l'amour propre est supérieur, et partant il impose des péni- tences ; et ceste peine est la pénitence qu'il voas impose pour la faute que vous avez faite d'avoir faschë la Supérieure, parce que peut estre elle ne vous estimera pas tant comme elle eust fait si vous n'eussiez pas faiUi. C'est assez parlé pour celles qui reçoivent la correc- tion ; il faut que je die un mot pour celles qui la font. Dcinc, outre qu'elles doivent avoir une grande discrétion pour bien prendre le temps et la saison de la faire avec toutes les circonstances deuês, elles ne doivent jamais «'cstonner ni offenccr de voir que celles à qui elles la font en ont du ressentiment ; car c'est une chose bien dure à une personne de se voir corriger  (•*) tt — wntlmrat (M«. et Coll.)  1,8 Les vrays Entretiens spirituels Vous demandez en troisiesme lieu, comment vous pourriez faire pour porter vostre esprit droit en Dieu, sans regarder ni à droite ni à gauche. Ma chère fille, vostre proposition m'est fort agréable, d'autant qu'elle porte sa response avec elle : il faut faire ce que vous dites, aller à Dieu (b') sans regarder ni à droite ni à gauche. Ce n'est pas cela que vous demandez, je le voy bien ; mais comment vous pourriez faire pour affermir tellement vostre esprit en Dieu, que rien ne l'en puisse destacher ni retirer. Deux choses sont nécessaires pour cela : mourir et estre sauvé, car après cela il n'y aura jamais de séparation, et vostre esprit sera indissoluble- ment (c') attaché et uni à son Dieu. Vous dites que ce n'est pas encor cela que vous demandez, mais que c'est que vous pourriez faire pour empescher que la moindre mousche ne retirast vostre esprit de Dieu ainsi qu'elle fait ; vous voulez dire la moindre distraction. Pardonnez- moy, ma fille, la moindre mousche de distraction ne retire pas vostre esprit de Dieu, ainsi que vous dites, car rien ne nous retire de Dieu que le péché ; et la resolution que nous avons faite le matin de tenir nostre esprit uni à Dieu et attentif à sa présence, fait que nous y demeurons tous jours, voire mesme quand nous dor- mons, puisque nous le faisons au nom de Dieu et selon sa tres-sainte volonté. Il semble mesme que sa divine Bonté nous dit : Dormez et reposez, et ce pendant j'auray les yeux sur vous pour vous garder et défendre  (b*) C'est sans doute, ma chère fille, que la multitude des paroles en un sujet où il n'en est besoin que de peu doit estre évitée comme estant une immodestie, et principalement en l'occasion que vous dites, qui est pour s'excuser ; car, outre l'immodestie des paroles, c'est aussi une autre sorte d'imperfection de ne vouloir pas estre recognue défaillante ou imparfaite : c'est contre l'humilité, qui nous fait aymer nostre abjection. C'est assez pour ce point : que dites-vous davantage ? Comme vous pourriez faire pour porter vostre esprit en Dieu de toutes choses, sans regarder ni à droite ni à gauche ? Ma chère fille, j'ayme bien vostre proposition, d'autant qu'elle porte sa response quant et elle. Il faut faire ce que vous dites : aller à Dieu de toutes choses, (Ms. et Coll.) (c') invariablement (Ms.)  IX. De l.\ Modbsttb 149 du lion rugissant, qui va iousjours autour de vous pour penser vous defîaire*. Voyez donc si nous n'avons * ' itn. v, a. pas raison de nous coucher modestement, ainsi que nous avons dit. C'est le moyen de bien faire tout ce que nous faisons que d'estre bien attentifs à la présence de Dieu ; car aucun de nous ne l'offencera, voyant qu'il nous regarde. Les péchés véniels mesmcs ne sont pas capables de nous de^tourner de la voye qui conduit à Dieu : ils nous arrestent sans doute un peu en nostre chemin, mais ils ne nous en destournent pas pourtant, et beaucoup moins les simples distractions ; et cccy je l'ay dit en l'Introduction^. *Pirtie 1/x.v^xii Pour ce qui est de l'oraison, elle ne nous est pas moins utile ni moins agréable à Dieu pour y avoir beaucoup de distractions ; ains elle nous sera peut estre plus utile que si nous y avions beaucoup de consola- tions, parce qu'il y a plus de travail, pourveu neant- moins que nous ayons la fidélité de nous retirer de ces distractions et n'y laissions point arrester nostre esprit volontairement. C'en est de mesme de la peine que nous avons le long de la journée d 'arrester nostre esprit en Dieu et es choses célestes, pourveu que nous ayons le soin de retirer nostre esprit pour l'empesdier de courir après ces mouschcs et papillons, comme fait une mère à l'endroit <^*> de son enfant. Elle void que ce pauvre petit s'affectionne à courir après les papillons, pensant de les attrappcr ; elle le retire et retient incontinent par le bras, luy disant : Mon enfant, tu te morfondras à courir après ces papillons au soleil, il vaut mieux que tu demeures auprès de moy. Ce pauvre enfant y demeure jusques à tant qu'il en voye un autre, après lequel il scroit aussi prest de courir si la mère ne le rctenoit comm< devant. Et (|uc faire là, sinon prendre patience et ne nous lasser point de nostre travail, puisqu'il est pris pour l'amour de Dieu ? M..: ' je ne me trompe, quand nous disons que nous  (d*) «iM aMftf - UqocUc Mt iMdr» (M«. H CoO.)  ICQ Les vrays Entretiens spirituels ne pouvons trouver Dieu, et qu'il nous semble qu'il est si loin de nous, nous voulons dire, que nous ne pouvons avoir du sentiment de sa présence. J'ay remarqué que plusieurs ne font point de différence entre Dieu et le sentiment de Dieu, entre la foy ei le sentiment de la foy ; qui est un très-grand défaut. Il leur semble que quand elles ne sentent pas Dieu, qu'elles ne sont pas en sa présence, et cela est une ignorance ; car une personne qui va souffrir le martyre pour Dieu, et neantmoins elle ne pensera point en Dieu pendant ce temps-là, sinon en sa peine, quoy qu'elle n'ayt point le sentiment de la foy elle ne laisse pas de mériter en faveur de sa première resolution, et faire un acte de grand amour. Il y a bien à dire d'avoir la présence de Dieu (j'entends estre en sa présence) , et d'avoir le sentiment de sa présence ; (^') il n'y a que Dieu seul qui nous puisse faire ceste grâce ; car de vous donner les moyens d'acquérir ce sentiment, il ne m'est pas possible. Demandez-vous comment il faut faire pour se tenir tousjours avec un grand respect devant Dieu, comme estans tres-indignes de ceste grâce ? Il n'y a point d'autre moyen de le faire que comme vous le dites : regarder qu'il est nostre Dieu, et que nous sommes ses (^') foibles créatures, indignes de cest honneur ; comme faisoit saint François, qui passa toute une nuict interrogeant Dieu •HistoriaexChron. cu CCS tcrmcs ! « Qui estcs-vous, ct qui suis-je* ? » En c/wiT™rat^apud ^^> ^^^ si VOUS me demandez : Comment pourray-je faire s. August. pQm. acquérir l'amour de Dieu ? je vous diray : En le voulant aymer ; et an lieu de vous appliquer à penser et demander comment vous pourrez faire pour unir vostre esprit à Dieu, que vous vous mettiez en la prati- que par une continuelle application de vostre esprit à Dieu, et je vous asseure que vous parviendrez bien plus  (e'j de sa présence, (lig. 3) — N'est-ce pas cela que vous voulez dire ? Sans doute. O ma fû]f, (Ms. et Coll.) (f) vous — dites : regarder quel est nostre Dieu, et quels nous sommes ; des (Coll.) (g') En fin, — vos demandes portent toutes leurs responses, car (Ms. et Coll.)  IX. De la BfoDsmx 151 tost à vostre prétention par ce moyen-là que non pas par aucune autre voye ; car à mesure que nous nous dissipons nous sommes moins recueillis, et partant moins capables de nous unir et joindre avec la divine Majesté qui nous veut tout sans reserve. Il y a certes des âmes qui s'occupent tant à penser comment elles feront, qu'elles n'ont pas le temf)s de faire ; et toutesfois, en ce qui regarde nostre perfection, qui consiste en l'union de nostre ame avec la divine Bonté, il n'est question que de peu sçavoir et de beaucoup faire. <^*' Il me semble que ceux auxquels on demande le chemin du Ciel ont grande raison de dire comme ceux qui disent que pour aller à un tel lieu il faut tousjours aller, mettant l'un des pieds devant l'autre, et que par ce moyen on par- viendra où l'on désire Allez tousjours, dit-on k ces âmes désireuses de leur perfection, allez en la voye de vostre vocation en simplicité, vous amusant plus à faire qu'à désirer : c'est le plus court chemin <»'). Mais voicy une finesse qu'il faut que vous me per- mettiez de vous descouvrir, sans toutesfois vous offencer. C'est que vous voudriez que je vous enseignasse une voye de perfection toute faite, en sorte qu'il n'y eust qu'à la mettre sur la teste, comme vous feriez vostre robl)e, et que par ce moyen vous vous trouvassiez (J*) parfaite sans p)eine, c'est à dire que je vous donnasse la perfection toute faite ; car ce que je dis, qu'il faut faire, n'est pas trouvé agréable à la nature ; ce n'est pas ce  (h') beaucoup fairt. — Il faut A\ri »;r.»:».r :m :•- plut eoort pour Alkr eo U vilk oo ilt prrtrndcnt d'aller. • i:'-:i: f .:t i. •- d> mrrlvrr plu» tard que ceuK qui ayant mhlè Ir in^and rh^nui. i.< ,:. lr^t. j:: r- t poioL Le» uxu leur disent : vou« n'allrs pa« lurn. Ir ( h. : ; \ ,\r2 prit «t le plut looff ; U faut rrt i«iir qu'il s'y •uat qu'A la mettre foff vottrt xmltM ooanM voa» )ettvte votUv voile, et q«e per œ woafma voot «oot tfouvifi toute (Ma. et CoU.)  1^2 Les vrays Entretiens spirituels que nous voudrions. O certes, si cela estoit en mon pouvoir, je serois le plus parfait homme du monde ; car si je pou vois donner la perfection aux autres sans qu'il faliust rien faire, je vous asseure que je la prendrois premièrement pour moy. Il vous semble que la perfection est un art, que si l'on pouvoit trouver son secret l'on l'auroit incontinent sans peine. Certes, nous nous trom- pons ; car il n'y a point de plus grand secret que de faire et travailler fidellement en l'exercice du divin amour, si nous prétendons de nous unir au Bien- Aymé. Mais je voudrois bien que l'on remarquast que quand je dis qu'il faut faire, j'entends tousjours parler de la partie supérieure de nostre ame ; car pour toutes les répugnances de l'inférieure il ne se faut non plus estonner que les passans font des chiens qui abbayent de loin. Ceux qui estans au festin, vont piquetant chaque mets et en mangent de tous un peu, se détraquent fort l'estomac, dans lequel il se fait une si grande indiges- tion que cela les empesche de dormir toute la nuict, ne pouvant faire autre chose que cracher. Ces âmes qui veulent gouster de toutes les methode^s et de tous les moyens qui nous conduisent ou peuvent conduire à la perfection, en font de mesme ; car l'estomac de leur volonté n'ayant pas assez de chaleur pour digérer et mettre en pratique tant de moyens, il se fait une cer- taine crudité et indigestion qui leur oste la paix et tranquilUté d'esprit (*^') auprès de Nostre Seigneur, qui est cest un nécessaire, que Marie a choisi^ et ne luy * Lucae, x, uit. Sera point osté *. (^'^  (k') qui leur — empesche le repos et tranquillité de l'ame (Ms. et Coll.) (1*) point osté. — Passons maintenant à respondre à la question que vous me faites, comme il faut faire pour obéir bien simplement et purement à Dieu et à nos Supérieurs. La demande est fort bonne, elle porte sa response : obéir purement c'est obéir simplement à Dieu, et à nostre Supérieur pour l'amour de Dieu. Vous pouvez doubler l'intention pour laquelle vous obéissez de plusieurs doublures : par exemple, vous habiller à la volonté de Dieu, parce que vous sçavez que les recompenses des obeissans sont éternelles ; de plus, parce que les desobeissans seront privés de la jouissance de Dieu. Tout cela est bon, mais il n'est pas ni simple ni pur, parce qu'il est meslé et doublé.  IX De LA MODBSTTS 133 Passons maintenant a 1 autre demande que vous m'avez fait, sçavoir est. («"') comment vous pourrez faire pour bien affermir vos resolutions et faire qu'elles réussissent en effect. Il n'y a point de meilleur moyen, ma fille, que de les mettre en pratique. Mais vous dites que vous demeurez tousjours si foible, qu'encor que vous fassiez souvent des fortes resolutions de ne pas tomber en l'imperfection dont vous desirez de vous amender, l'occasion se présentant vous ne laissez pas de donner du nez en terre. Voulez-vous que je vous die pourquoy nous demeurons si foibles ? c'est parce que nous ne voulons pas nous abstenir des viandes mal saines ; comme si une personne laquelle voudroit bien n'avoir point de mal d'estomac, demandoit à un médecin com- ment elle pourroit faire. Il luy respondroit : ne mangez point de telles ou telles viandes, parce qu'elles engen- drent des crudités qui causent par après des douleurs ; elle ne voudroit pourtant pas s'en abstenir. Nous faisons de mesme : nous voudrions, par exemple, bien aymer la correction, mais nous voulons neantmoins estre obsti- nés ("') ; 6 c'est une folie, cela ne se peut Vous ne sçauriez estre forte à supporter courageusement la cor- rection pendant que vous mangerez de la viande de l'estime propre. Je voudrois bien tenir mon ame recueillie,  !>• niiaiiiii, vous ot wiMft» à vxm Supeneun vmretnent béeo pour Vêmam àm Dieu, nuit vous adjoustet k ce«t« robbe le* doublures que nous «von* dite», et de plut uae oerUàM prvKotioa de pUire et eitre mtixaèe de U Supérie ur e ; eda n'est pM obiir ttaaçèmami ni pm é m e u t pour ramonr de Dieu. Ce deirir de pUire à U Su p érie ur e nous œte bien eouYent et le nierite de l'ubilMinoe eC U peiz du omtu ; car dé» que noua TOfooa qu'elle n'eat paa oonteate de nooa, an Um de aerrer et onnaaar taodraoïaat an lood de ooatre ama eaate ab)aetkMi. noua noua toqnietooa et troubloDa oomme li noatre boabeor depcodoit de oaU. O que rame laquelle ne fafolt rien pour aea S up érie ur » en eigBffd à Ifw penaone, alna aurait la idallté de rafardar toualourt Dieu en eux et aoo aaint amour, qu'elle femél œrtrt un grand bien pour elle I attendu que le but et la ftn de oaate n>iiianiiria aarall martafllaiMamant acranbla à Dieu, qui doit eatre noatre pracantion. et non paa laa raeooipinaaa. Aiail falaant, toutaa tortaa de Superieun nou» «eroyent indHaraiii, parce que noua Uuuw i u oa Dieu an toua. (Mt. et Coll.) (m*) Que dttea-voua. ma cbara AUe ? 'M« i>i r tout de mesme comme un bon père ou une bonne mère, laquelle laisse marcher son enfant tout seul lors qu'il est sur une douce prairie où l'herbe est grande, ou bien dessus la mousse, parce que si bien il vient à tomlxT, il ne se fera pas grand mal ; mais aux mauvais et dangereux chemins elle le porte soigneusement entre ses bras. Nous avons souvent veu des amcs supjx^rter courageu- sement des grands assauts sans estre vaincues par leurs ennemis, lesquelles par après ont esté surmon- tées '^^'^ en des bien légers rencontres. Kt jx^urquoy cela, sinon parce que Nostre Seigneur voyant qu'elles ne se feroyent pas grand mal en tombant, les a laissiH'S marcher toutes seules, ce qu'il n a pas fait lors qu'elles estoyent dans les précipices des grandes tentations, d'où il les a tirées par sa main toute-puissante. Sainte Paule,  autre, «é eUe vnt« vi Trotcofirr. Ko 6n. la eapdt, «t rcmpeache et dtvrrtlt de oetir «iropUdlé «OMB d acrr^blct k Di«u. (Mt. et ^ " (p*) Vous vouks eooor içavoér u . •ooor* qiM vout voy«t bito que, teinQ votirv onlinaire. < p«ft. O Cttir%, il ne faut \»t (q*) ^«r Uuft tmntmtt, m pt «pré* ont MU vaincue* (Ma. •< Coll.)  1^6 Les vrays Entretiens spirituels laquelle fut si généreuse à se dépestrer (r') du monde, quittant la ville de Rome et tant de commodités, et laquelle ne peut estre esbranlée par l'affection mater- nelle qu'elle poitoit à ses enfans, tant son cœur estoit résolu de quitter tout pour Dieu, après avoir fait toutes ces grandes merveilles, elle se laissa surmonter par la tentation de son propre jugement, qui luy faisoit accroire qu'il ne se falloit pas sousmettre à l' ad vis de plusieurs saints personnages qui vouloyent qu'elle retranchast quelque chose de ses austérités ordinaires : en quoy • Ep. cyin, ad Eus- saint Hierosme advouë * qu'elle estoit reprehensible. Paui«,"§ 20.^ ^ ^s') Remarquons pour conclusion, que tout ce que nous avons dit en cest Entretien sont des choses assez délicates pour la perfection ; et partant, que nidle de vous autres qui les avez entendues n'ayt à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste perfection, puisque, par la grâce de Dieu, vous avez toutes le courage bon pour y vouloir prétendre. Vive Jésus !  (r') desprendre (Ms.) (s') Il sera facile de respondre à vostre demande, ma chère fille, qui est, lequel des deux vous devez embrasser et suivre, ou la simplicité ou la charité ; s'entend la pratique de l'une ou de l'autre, quand elles se rencontrent en mesme sujet. La charité est la principale vertu et à laquelle toutes les autres sont et doivent estre sujettes ; mais en l'exemple que vous me donnez, il vaut mieux faire, ou pour mieux dire, pratiquer la simplicité ; car ce n'est pas un manquement de charité de faire lever une Sœur pour vous laisser passer en la place qu'une autre vous présente. Je dis mesme, quand bien elle seroit un peu incommodée de se lever ou trop pressée dessus son siège, il vaut mieux aller en la place que l'on vous présente tout simplement, estant bien ayse que la Sœur qui se levé fasse ceste pratique de charité à vostre occasion. Dites-vous encore lequel vous devez faire quand une Sœur vous prie de faire quelque chose de sa charge, et laquelle vous ne pourriez faire sans manquer à ce qui est de la vostre. Par exemple, le souper ne pouvant pas estre appresté à l'heure si vous faites ce dequoy elle vous prie, qui ne void que si vous faisiez la condescendance à ceste heure-là, que ce seroit au préju- dice de l'obéissance et de la charité ? ce qui ne se doit jamais faire , quel prétexte que l'on ayt. Il faudroit dire tout doucement à ceste Sœur : Si vous pouviez attendre jusqu'à ce que j'aye fait ce que j'ay à faire de ma charge, je le feray, mais je ne peux pas à ceste heure. Mais si ce que vous avez à faire n'estoit pas pressé, alors il le faudroit quitter promptement pour prati- quer la charité et la condescendance, faisant ce dequoy vous estes priée. (Ms. et CoU.)  DTXIESME ENTRETIEN  DE L'OBEI SSANCF. '*^  L'obéissance est une vertu morale qui dépend de la justice. Or, il y a certaines vertus morales qui ont tant d'affinité avec les vertus théologales, qui sont la toy, l'espérance, la charité, qu'elles semblent presque theo- logiques, bien qu'elles soyent en un degré bien inférieur : comme la pénitence, la religion, la justice et l'obéis- sance. Or, l'obéissance consiste en deux points : le premier est d'obéir aux Supérieurs ; le second, d'obéir aux égaux et inférieurs. Mais ce second appiirt'ent plustost à l'humilité, douceur et charité qu'à l'obéis- sance ; car celuy qui est humble pense que tous les autres le surpassent et sont beaucoup meilleurs que luy, de sorte qu'il se les rend supérieurs et croid leur devoir obéir. Mais quant à l'obéissance qui regarde les Supérieurs que Dieu a establis sur nous pour nous gouverner, elle est de justice et de nécessité, et se doit rendre avec une entière soiismission de nostre entendement et de nostre volonté. Or, ceste obéissance de l'entendement se pratique lors qu'estans commandés nous acceptons et approuvons le commandement, non seulement avec la volonté mais aussi avec nostre entendement, approu- vant et estimant la chose commandée, et la jugeant  U) otacovat DE t'oBiittiwci, fAir rAB Motmi BiiM I' rtai a m» C«E«S«ntXCt DB LA VlMTATtoM ' M« — DUCOVftA M( LUA^.. ..a..«« BS rSABS* vsaAitcs. (CoU.)  r3S Les vrays Entretiens spirituels meilleure que toute autre chose que l'on nous eust peu commander sur ceste occasion. Quand on est parvenu là, alors on ajTiie tellement à obéir, que Von désire insatiablement d'estre commandé, à fin que tout ce que l'on fait soit fait par obéissance ; et cecy est l'obéissance des (b) parfaits, et celle que je vous désire, laquelle procède d'un pur don de Dieu, ou bien est acquise avec beaucoup de temps et de travail par une quantité d'actes souvent réitérés et produits à vive force, par le moyen desquels nous acquérons (c) l'habitude. Nostre inclination naturelle nous porte tous] ours au désir de commander et nous donne une (^) aversion d'obéir ; et neantmoins il est certain que nous avons beaucoup de capacité pour obéir, et peut estre n'en avons-nous point pour commander. L'obéissance plus ordinaire a trois conditions : la première c'est d'agréer la chose que l'on nous commande et y plier doucement nostre volonté, aymant à estre commandés ; car ce n'est pas le moyen de nous rendre vrays obeissans de n'avoir personne qui nous commande, comme de mesme ce n'est pas le moyen d'estre doux LTji supra, p. 53. que de demeurer seul dans un désert. Cassian rapporte * qu'estant au désert il se mettoit quelquefois en colère, et que prenant la plume pour escrire, si elle ne mar- quoit pas il la jettoit : de sorte, dit-il, qu'il ne sert de rien d'estre seul, puisque nous portons la colère avec nous. La vertu est un bien de soy qui ne dépend pas de la privation de son contraire (e). La seconde condition  (b) des — parfaitement (Ms, et Coll.) (c) par une — grande quantité d'actes souvent réitérés et faits à vive force, qui nous font puis après acquérir (Ms.) (d) une — grande (Ms.) (e) que de demeurer seul — sans avoir personne qui nous contredise. Cassian rapporte qu'estant au désert il se levoit à minuit pour prier Dieu, et voulant avec son fusil allumer du feu, après avoir donné quelques coups sur la pierre, lors qu'elle ne rendoit pas du feu il la jettoit de colère ; et quand quelquefois voulant escrire, sa plume ne marquoit pas, il en faisoit autant. Voila comme il ne sert de rien pour éviter le mal d'estre seul, puisque nous le portons avec nous. (Coll.)  X De l'Obéissance 159 de l'obéissance est la promptitude, à laquelle est opposée la paresse ou tristesse spirituelle ; car il arrive rarement qu'une ame triste fas«e quelque chose promptement et diligemment. En termes theologiqucs, la paresse s'ajv pelle tristesse spirituelle, et c'est cela qui empesche de faire l'obéissance courageusement et promptement "' I^ troisiesme est la persévérance ; car il ne suffit pas que l'on agrée le commandement et que pour quelque espace de temps l'on l'exécute, si l'on n'y persévère, puisque c'est ceste persévérance qui obtient la couronne • •M*ii.,x. jj.xxjv. Il se trouve par tout des exemples admirables de la persévérance, mais particulièrement dans la vie de saint Pachome II y a des moines qui ont perseven' avec une patience incroyable à ne faire toute leur vie qu'un mesme exercice, comme le bon Père Jonas qui ne fit jamais en sa vie autre chose, outre le jardinage, que des nattes, et s'estoit tellement habitue à cela qu'il les faisoit sa fenestre fermée, en méditant et faisant oraison ; l'un ne luy empeschoit point l'autre, de sorte qu'on le trouva mort les genoux croisés et sa natte attachée dessus : il mourut en faisant ce qu'il avoit fait toute sa vie. C'est un acte de grande humilité de f?ire toute sa vie par obéissance un mesme exercice qui soit abject, car il peut arriver force tentations que l'on seroit bien capable de quelque chose de plus grand. Or, ceste troisiesme condition est la plus difficile de toutes, à cause de la legeret*^ et inconstance de l'esprit humain : car à ceste heure nous aNTiions faire une chose, et tan- tost nous ne la voudrions p;ui regarder. Si nous voulions suivre tous les mouvemens de nostre esprit, ou qu'il nous fust possible de le faire sans qu'il y eust du scan- dale ou du deshonneur, nous ne verrions autre chose que des changemens : (•) ores nous voudrions cstre en  que dans . . :c -ju b^ftrju ; âU*»! nou» \\r «^aufi<:>%rn «W TolMéMaoo». (Ste. «t Cott.) (g) quAnd ooui aarkNM «té mm h wiw J«uit« pom ^i vnAïkmm mMn mm autr» Imoiv r«pmin, «t p«ii 1» p^** «nf^g wam dMvdMrtoa* «a* âatrt  i6o Les vrays Entretiens spirituels une condition, et peu après nous en chercherions une autre, tant ceste inconstance de l'esprit humain est extravagante ; mais il la faut arrester avec les forces de nos premières resolutions, à fin de vivre également parmi les inégalités de nos sentimens et des evenemens. Or, pour mieux nous affectionner à l'obéissance, lors que nous nous trouverons tentés, il faut faire des considérations de son excellence, de sa beauté et de son mérite, voire de son utilité, pour nous encourager à passer outre : cela s*entend pour les âmes qui ne sont pas encore bien establies en l'obéissance ; mais quand il n'est question que d'une simple aversion ou dégoust de la chose commandée, il faut faire un acte d'amour et se mettre à la besogne. Nostre Seigneur mesme en sa Passion ressentit un très-grand dégoust et i^) une aver- •Matt.,xxvi, 38,39; sion mortelle à souffrir la mort ; il le dit luy-mesme * ; Marc. XIV, 34-36. ^^.^ ^^^^ ^^ ^^^ poiute de son esprit il estoit resigné à la volonté de son Père, tout le reste estoit un mouve- ment de la nature.  condition ; et tel qui a vescu en bonne paix toute sa vie avec sa femme, s'il eust peu la changer, l'eust fait une douzaine de fois ; voire mesme jusques là que, si nous pouvions, nous changerions de père et de mère, tant (Ms. et Coll.) [Reprendre au texte, lig. 2.] (h) de la chose commandée, — il ne faut faire qu'un acte d'amour et se mettre à la besogne. Je n'entends pas un acte d'amour sensible, car ils ne sont pas en nostre puissance et ne sont nullement nécessaires ; je dis un acte d'amour raisonnable, avec la pointe de nostre esprit, car c'est ainsi que doivent aller les vrayes servantes de Dieu ; autrement nous n'irons jamais bien. Si nous nous attachons à ces petites tendretés et douceurs spirituelles, et que nous ne nous résolvions de servir Dieu avec la pointe de nos resolu- tions, nous n'aurons jamais ni des vrayes vertus ni d'amour solide. J'ay cognu un gentilhomme qui me dit une fois en voyant passer un autre : Voila un homme que j'ayme avec une passion estrange, mais je ne luy ay jamais parlé ni ne luy parleray jamais, car j'en évite tant que je puis les occasions. Et pourquoy, luy dis-je, puisque vous l'aymez tant ? Parce, dit-il, que si je J'accoste, peut estre ne parlera-t'il pas si bien que je me suis imaginé, ou il fera quelque chose de mauvaise grâce, et je ne pourray plus l'aymer. Voyez- vous, quand nos affections dépendent de tant de petites choses elles sont sujettes à mille detraquemens. Il ne faut faire nul estât des aversions ni des difficultés, pourveu que ceste pointe de nostre esprit tienne tousjours à son souverain objet. Nostre Seigneur racsme en sa Passion les a souffertes ; car il avoit (Ms. et Coll.)  X. De l'Obéissance i6i La persévérance plus difficile t^t ♦> (h<'^<^ intérieures, car pour les matérielles et extérieures, elles sont iissez faciles. Cela procède de ce qu'il nous fasche d'assujettir nostre entendement, car c'est la dernière pièce que nous sousmettons, et neantmoins il est entièrement nécessaire que nous assujettissions nostre pensée à certains objets ; de manière que quand on nous marque des exercices ou pratiques de vertu, il faut que nous demeurions en ces exercices et que nous y assujettissions nostre esprit <*). Je n'appelle pas manquer à la persévérance quand nous faisons quelques petites interruptions, pourveu que nous ne quittions pas tout à fait ; comme eir Or, le moyen d'acquérir ceste souplesse à la volonté d'autrny est de faire souvent en l'oraison des actes d in- différence, et puis les venir mettre en pratique lors que l'occasion s'en présentera ; car ce n'est pas assez de se despouiller devant Dieu, d'autant que cela se faisant seulement avec l'imagination, il n'y a pas grand affaire ; mais quand il le faut faire en effet, et que venans de nous donner tout à Dieu nous trouvons une créature qui nous commande, il y a bien de la différence, et c'est li où il faut monstrcr son cour?ge. Ceste douceur et condescendance à la volonté du  f66 I^ES v^RAYS Entretiens spirituels prochain est une vertu de grand prix ; elle est le sym- bole de l'oraison d'union. Car comme ceste oraison n'est autre chose qu'un renoncement de nous-mesmes en Dieu, quand l'a me dit avec vérité : Je n'ay plus de volonté sinon la vostre. Seigneur, alors elle est toute unie à Dieu ; de mesme, renonçans nostre volonté pour faire tousiours celle du prochain, c'est la vraye union avec le prochain : et faut faire tout cela (^) pour l'amour de Dieu. Il arrive souvent qu'une personne petite et foible de corps et d'esprit, qui ne s'exercera qu'en des choses petites, les fera avec tant de charité qu'elles surpasse- ront beaucoup le mérite des actions grandes et relevées ; car pour l'ordinaire, ces actions relevées se font avec moins de charité, à cause de l'attention et de diverses considérations qui se font autour d'elles. Si neantmoins une grande œuvre est faite avec autant de charité que la petite, sans doute celuy qui la fait a beaucoup plus de mérite et de recompense. En fin, la charité donne le prix et la valeur à toutes nos œuvres, de manière que tout le bien que nous ferons il le faut faire pour l'amour de Dieu, et le mal que nous éviterons, il le faut éviter pour l'amour de Dieu. Les actions bonnes que nous ferons, qui ne nous sont pas particulièrement commandées et qui ne peuvent tirer leur mérite de l'obéissance, il le leur faut donner par la charité, encore que nous les pouvons toutes faire par obéissance (^). Bref, il faut avoir bon courage et ne dépendre que de Dieu ; car le caractère des Filles de la Visitation est de regarder en toutes choses la volonté de Dieu et la suivre. Vous m'avez autresfois demandé si Ton pouvoit faire des prières particuUeres : et je responds que quant à ces petites prières qu'il vous vient quelquefois dévotion de faire (v), il n'y a point de mal, pourveu que l'on ne  (t) avec le prochain, — laquelle il faut pratiquer et exercer (Coll.) (u) par obéissance, — parce que Dieu a commandé toutes les vertus. (Ms, et Coll.) (v) Quant à ces petites prières que nous avons parfois dévotion de dire (Coll.)  X. De l'Obéi ssancs 167 s'y attache pas, en sorte que ne les dLsajit pas il vous en vîenne du scrupule, ou que vous fissiez dessein de dire tous les jours, ou un an durant ou certain temps, quelque oraison à vostre fantasie ; car cela, il ne le faut pas Que si quelquefois pendant le silence il nous Nient dévotion de dire un Ave maris stella ou un Veni Creator Spiritus ou quelque autre chose, il n'y a point de difficulté que nous ne le puissions dire et qu'il ne soit bon ; mais ^^> il faut bien prendre garde que cecy se fasse sans préjudice d'un plus grand bien. Par exem- ple, si vous aviez dévotion, vous trouvant devant le saint Sacrement, de dire trois fois le Pater à l'honneur de la sainte Trinité, et que l'on vous vinst appeller pour faire quelque autre chose, il faudroit se lever promptement et aller faire ceste action à l'honneur de la sainte Trinité, au lieu de dire vos trois Pater. '«' 11 ne faut donc se* prescrire de faire certain nombre de génuflexions, d'oraisons jaculatoires, et semblables pra- tiques par jour, ou durant quelque temps, sans le dire à la Supérieure, bien qu'il faille estre fort fidelle en la pratique dt^ eslevatioub et aspirations en Diru. Or. si vou-s pensez que ce soit le Saint Esprit qui vous inspire de faire ces petites pratiques <>\ il vous sçaura bon gré que vous en demandiez congé, voire mesme que vous ne les fassiez pas si l'on ne le vous permet, d'autant  («) U mé U faut pmt. — Ditfl»«vo«» que quelqytfloés au lUooot il voos ▼tant anvte da dire un A iv «Mm ttêtla ou un l^/ni Crtutor, ou biao qoalqvt matn choM «n fai&Aot vu»tre uuvrafe. U n'y a pomt ik diAculU q«M voo» o* l« poinits dire et qu'U oe %tÀl boo, oomiiM par forme à» priare ; et c*«t oiM boQiM petite ceuvre en laquelle vous evet du mcnt«, oooima de bajreer noe Imafe ou quelque «utre cbœe lemblible Or, (lU. et ColL) (X) eoi Uoi» PmUf. — Ce» cboeee tout quelquefciéi utile» A oerUÉM etprilt, d'autre* n'en oot pea be>oia. Il y a de toutes bertM» dans un jardin, et ai béeo U t'y en tmuve une plut eicel lente que loutea lea autre», oe n'eat pea A dire qu'U oe (aille mettre que de œlW-U deo» le poL (Ma. et ColL) (Le dernier altoéa du teste oe m trouve pee daoa le» Coiiof imi.) (y) Et c'eo eat de me»me de» pratique» de vertu», orei»ao» laouleloiiei ou finflegtoai, car il œ faudrait pas te praAfar d'eu faire un taat par |our ou durant un tel tamp», «au le dire A la Su p erle u r», béeo qu'il faille eatr» fort tdeila A eo falra. S4 vou» paoeea que oe aolt le Salât Baprll qui tfa laafalr», oaaoM auMi de» pdaraa  i68 Les vrays Entretiens spirituels que rien ne luy est tant agréable que l'obéissance reli- gieuse. Vous ne pouvez non plus promettre à personne de dire un nombre de prières pour eux. Si l'on vous prie de le faire, il faut respondre que vous demanderez congé de le faire ; mais si l'on se recommande simple- ment à vos prières, vous pouvez respondre que vous le ferez volontiers (2), et en mesme temps eslever vostre esprit en Dieu pour ceste personne-là. Tout de mesme en est-il de la tres-sainte Communion, car vous ne pou- vez point communier pour personne sans congé. Cela ne s'entend pas qu'estant prestes de recevoir Nostre Seigneur, s'il vous vient en mémoire la nécessité de quelqu'un de vos proches ou bien les nécessités com- munes du peuple, vous ne puissiez les recommander à Dieu, en le suppliant d'en avoir compassion (a'). Mais si vous voulez communier particulièrement pour quelque chose, il faut demander congé, si ce n'est pour vos propres nécessités, comme pour obtenir force contre quelque tentation, ou bien pour demander quelque vertu à Nostre Seigneur. Qu'il soit béni.  (z) Vous ne pouvez — donc pas promettre à personne de dire tant de Pater pour eux : si l'on vous prie de le faire, il faut respondre que vous demanderez congé ; mais si l'on se recommande simplement à vos prières, vous pouvez respondre que vous le ferez de bon cœur (a') vous ne puissiez les — représenter à Dieu, le suppliant d'en avoir compassion. Et tant s'en faut que vous fassiez mal en le faisant, qu'au contraire vostre oraison en sera plus agréable à Dieu, plus elle sera générale.  UNZIESME ENTRETIEN  SUR LE MESME SUJET DE L OBEISSANCB  UK LA VSJITU b'OBKlSftAMCK («)  Il y a trois sortes d'obéissance pieuse, <**' dont la première est générale à tous les Chrestiens, qui est l'obéissance deuë à Dieu et à la sainte Eglise en l'obser- vance de leurs commandemens. La seconde est l'obéis- sance religieuse, qui est desja d'un grand prix au dessus de l'autre, parce qu'elle s'attache non seulement aux commandemens de Dieu, ains elle s'afisujettit à l'obser- vance de ses conseils. 11 y a une troisiesme obéissance qui est celle de laquelle je veux parler, comme estant la  (a) DK COUEtêtAMCE. (M*, ct Coll.) (b) J* ooauiMoeflrsy l'Entretieo parce que d^ au toér qualquat qwatioa» OM forant falla», doot U y en avoit deux qui te rapportofaot A on* mMOM choM, qui ettoit en quoy eoostele U paix et tranquillité du ocaur et kt moyens de la pouvoir arqtMrtr ; et d« oalle-cy je n'en parlcray point poor ao)ourd'huy. L'autre (ut s'il eat loWbto aux Scaurt, quand U S np mi mm en U Diractrtoa lea a marÛÈét», de raller dire aux autrea ; U traiaiaHaa damaodolt qoa ie dîna qoal «M l'oarcioe propre pour faire mourir k propre Jug»- mant ; la qoalilai» darfroit qtie iit pariaaaa do aala «t da la cnnftanra qm laa Sotur» doivent avoir de t'advertlr en charité laa unaa 1« autrai. Noaira Mara dit apraa qo'aUa ilmiiiiU que )a partii da l'obaÉmaoea ; al poroa qm um âfa at aa matandt4 doéraDt avoir goriqna prUwHCt, |a ma aoii raMio da eommaoear mon dlaoourt par la qucaHon da TobaÉMMMa. Il dia qu'il f a trola aortaa d'obiÉMOM* péaoïa, ear daa autrm )a n*aa raoi paa partar. (Ma. aC Cou.)  ijo Les vrays Entretiens spirituels plus parfaite, qui se nomme amoureuse ; et c'est de ceste-cy de laquelle Nostre Seigneur nous a monstre exemple tout le temps de sa vie. (c) Les Pères ont donné à ceste sorte d'obéissance plu- sieurs propriétés et conditions, mais entre toutes j'en choisiray seulement trois ; dont la première est qu'elle est, comme ils la nomment, (^) aveugle, la seconde qu'elle est prompte, et la troisiesme qu'elle est persévé- rante. L'obéissance aveugle a trois propriétés ou condi tions, dont la première est qu'elle ne regarde jamais le visage des Supérieurs, ains seulement leur authorité ; la seconde, qu'elle ne s'informe point des raisons ni des motifs que les Supérieurs ont de commander telle ou telle chose, luy suffisant de sçavoir qu'iL l'ont comman- dée, et la troisiesme, qu'elle ne s'enquiert point des moyens qu'il faut qu'elle tienne pour faire ce qui est commandé, s'asseurant que Dieu, par l'inspiration duquel on luy a fait ce commandement, luy donnera bien le pouvoir de l'accomplir ; mais au lieu de s'enquérir comment elle fera, elle se met à faire. Donques l'obéissance religieuse, qui doit estre aveugle, se sousmet (^) amoureusement à faire tout ce qui luy est commandé, tout simplement, sans regarder jamais si le commandement est bien ou mal fait, pourveu que celuy qui commande ait le pouvoir de commander, et que le commandement serve à la conjonction de nostre esprit avec Dieu ; car hors de là, jamais le vray obéissant ne fait aucune chose. Plusieurs se sont grandement trompés sur cette condition de l'obéissance, lesquels ont  (c) qui se nomme amoureuse ; — celle-cy est la plus parfaite, et celle dont Nostre Seigneur nous a monstre l'exemple tout le temps de sa vie. Il y a des exemples de l'obéissance en la Sainte Escriture infiniment, et qui sont admirables ; mais vous les entendrez mieux si je vous dis les propriétés et conditions de ceste obéissance. (Ms. et Coll.) (d) Les saints Pères luy en ont donné plusieurs ; mais entre toutes j'en choi- siray trois, dont la première est une obéissance qu'ils nomment (Ms. et Coll.) (e) Revenons maintenant à la première condition de ceste obéissance amou- reuse qui est entée sur l'obéissance religieuse. C'est une obéissance aveugle, qui se met (Ms.)  XI. iJl. LA VERTU D'ObRISSANCB 17I creu qu'elle consistoit à faire à tort et à travers tout ce qui nous pourroit estre commandé, fust-ce mesme contre les commandemens de Dieu et de la sainte Eglise ; en quoy ils ont grandement erré, s'imaginans une folie en cest aveuglement, qui n'y est nullement ; car en tout ce qui est des commandemens de Dieu, comme les Supé- rieurs n'ont point de pouvoir de faire jamais aucun commandement contraire, les inférieurs n'ont de mesme jamais aucune obligation d'obéir en tel cas, ains s'ils y obeissoient ils pecheroient. Or. je sçay bien que plusieurs ont fait des choses contre les commandemens de Dieu par l'instinct de cette obéissance i<^ laquelle ne veut pas seulement obéir aux commandemens de Dieu et des Supérieurs, mais aussi à leurs conseils et à leurs inclinations. Plusieurs donc se sont précipités à la mort par une inspiration particulière de Dieu, qui estoit tellement forte qu'ils ne s'en pou- voyent nullement desdire ; car autrement ils eussent griefvement péché. Il est porié dans le second Livre des Machabées •, d'un nommé Kasias, lequel, poussé d'un • c*p. xiv. 37-46. 2ele ardent de la gloire de Dieu, s'en alla exix)ser aux coups, dont U sçavoit ne pouvoir éviter les blesseures et la mort ; et se sentant blessé en la poitrine, il tira toutes ses entrailles par ceste blesseure, puis les jet ta en l'air en présence de ses ennemis. Sainte Apollonie se jet ta dans le feu que les impies ennemie de Dieu et du nom Chrestien avoyent préparé pour l'y mettre et  la faire mourir Saint Ambroise* rapporte aussi l'histoire * ^ I II I - y,. de trois ûllcs qui, pour éviter de perdre leur chasteté, se jetterent dans un fleuve où elles furent suffoquées par les eaux It) : mais celles-cy avoyent d'ailleurs quel- que sorte de raison pour ce faire, qui seroit trop longue à déduire. I on en void beaucoup d'autres qui se sont précipités à la mort, comme celuy qui se jetta dans une fornaise ardente ; mais tous ces exemples doivent estre  (0 obêtttmti» a:;. .'■ .■■r M, r- ii j  iy2 Les vrays Entretiens spirituels admirés et non pas imités, car vous sçavez assez qu'il ne faut jamais estre si aveugle que de penser agréer à Dieu en contrevenant à ses commandemens. L'obéis- sance amoureuse présuppose que nous avons l'obéissance aux commandemens de Dieu. On dit que ceste obéissance est aveugle parce qu'elle obéit également à tous les Supérieurs. Tous les anciens Pères ont grandement blasmé ceux lesquels ne se vou- loyent pas sousmettre à l'obéissance de ceux qui estoyent de moindre qualité qu'eux ; ils leur demandoyent : Quand vous obéissiez à vos Supérieurs (^), pourquo}^ le faisiez- vous ? estoit-ce pour l'amour de Dieu ? Nullement, car cestui-cy ne tient-il pas la mesme place de Dieu parmi nous que faisoit l'autre ? Sans doute, il est vicaire de Dieu, et Dieu nous commande par sa bouche, et nous fait entendre ses volontés par ses ordonnances, comme il faisoit par la bouche de l'autre. Vous obéissez donc aux Supérieurs parce que vous leur avez de l'incUnation et pour le respect de leurs personnes. Helas ! vous ne faites rien plus que les mondains, car ils en font bien de mesme ; et non seulement ils obéissent aux commande- mens de ceux qu'ils ayment, mais ils n'estimeroyent pas leur amour bien satisfait s'ils ne suivoyent encor au plus près qu'ils peuvent leurs inclinations et affections, ainsi que fait le vray obéissant, tant à l'endroit de ses Supérieurs comme de Dieu mesme. Les payens, tous meschans qu'ils estoyent, nous ont monstre exemple de cecy, car le diable parloit à eux en diverses sortes d'idoles : les unes estoyent des statues d'hommes, les autres des rats, des chiens, des lyons, des serpens et choses semblables ; et ces pauvres gens adjoustoyent foy également à tous, obéissant à la statue d'un chien comme à celle d'un homme, à celle d'un rat comme à  (h) à toius les Supérieurs, — sans regarder à leur visage, je veux dire à la personne. Tous les anciens Pères ont grandement blasmé ceux qui n'estimoyent pas les Supérieurs qui estoyent de moindre qualité qu'eux. Ils demandent : Quand vous obéissiez à l'autre Supérieur (Ms. et Coll.)  XI. Dr la vrrtu d'Obeissancb 17^ celle d'un lyon, sans aucune différence. Pourquoy cela ? parce qu'ils regardoyent leurs dieux en la diversité de ces statues. Saint Pierre » nous commande d'obéir aux Supérieurs, encore qu'ils fussent meschans*. (»J Nostre • i Ep , u. is. Seigneur, Nostre Dame et saint Joseph nous ont fort bien enseigné ceste façon d'obéir, au voyage qu'ils firent de Nazareth en Bethlehem • ; car Ccsar ayant fait un • Luc», n, 1.5. edict, que tous ses subjets allassent au lieu de leur naissance pour y estre enroollés, ils y allèrent amoureu- sement pour satisfaire à ceste obéissance, bien que César fust payen et idolastre : Nostre Seigneur voulant monstrer par là que nous ne devons jamais regarder au visage de ceux qui commandent, pourveu qu'ils ayent le pouvoir de commander 0) Passons maintenant à la seconde propriété de l'obéissance aveugle. Apres donc qu'elle a gaigné ce poinct de ne pas regarder ceux qui commandent, ains de se sousmettre également à toutes sortes de Supé- rieurs, elle passe outre et vient au second, qui est d'obéir sans considérer l'intention ni la fin pour laquelle le commandement est fait, se contentant de sçavoir qu'il est fait, sans s'amuser à considérer s'il est bien ou mal  (i) Smimt — Paul noot oomnuiide d'obdr A oo» Suporieun, disant : Obd»- MI A vo« Supérieur» ; eooocv qu'Us fuMcnt mescbAns, adjousta talot Pknv. Dt eecy, taint Paul nous en a moostré rexempk. puiiqiM «tant un )oar mené devant 1« Pontife, il y eut un d« Ma valets qui le frappa impudemment 9m la joOe ; et l« grand Apoatre, m voyant frappa * -jo. par um aatbarité apoatoUqua luy donna m maJadktion, disant : / ' '^PPé, P*99y bUmckiêt Maia deapuit, tçacbant que oest homme qui l'avoit frappé avait de l'autborité «t da U flQpvterité da la part du Pontifr. il pour t m mâ à gtmi mm daplaWr : Cartea, jt m içdvois pa car Doi» autTM Cbrestieos Mm mm anadfné» qu'il faut . <^s qui ont qtaalqot tup artorité aur noua. (Ma. «t < (j) Il y a daoa U Saéata Bacritura daa aaempl avaofla, oomma )t vont ay dit ; mais dans l'Kvanfila, entre tous les autrM II y en a on Iim ramarqoabla et qui eal bko peu reman] paralytique. Je l'ayma, oaluy-cy, çrand em eot, A cause de avac laquelle il Laissa faire de luy tout ot qu'on voulut (Ms. el CoU.)  (t) C'aat par stiite d'une fauta d'IaprMiioo, aloai q«*on paat s'en coavaiocre an lisant la vartante (i). que le laie de 1640 parle lof Pmml au Heu de i*%êttê.  1^4 Les vrays Entretiens spirituels fait, si l'on a raison ou non de faire tel ou tel comman- dement. Abraham s'est rendu fort recommandable en ceste obéissance. Dieu l'appelle et ^^) luy dit : Abraham, sors de ta terre et de ta parenté, c'est à dire hors de • G€n., XII, I. ta ville, et f en va au lieu que je te monstreray *. Abraham va sans réplique. Hé ! ne pouvoit-il pas bien dire : Seigneur, vous me dites que je sorte hors de la ville ; dites moy donc, s'il vous plaist, de quel costé je sortiray. Il ne dit pas un mot, ains s'en alla où l'Esprit le port oit, sans regarder en aucune façon s'il alloit bien ou mal, pourquoy et à quelle intention Dieu luy avoit fait ce commandement si courtement, qu'il ne luy avoit pas seulement marqué le chemin par lequel il vouloit qu'il marchast. certes, le vray obéissant ne fait pas des (i)  (k) ou tel commandement. — Le paralytique ayant desja esté fort longuement malade sans qu'aucun remède luy eust peu nullement servir, ses amis pensè- rent et jugèrent entre eux que si Nostre Seigneur le voyoit, qu'il le gueriroit. Ils se résolurent donc de le porter devant luy ; et un jour ils furent advertis qu'il estoit entré en une maison où on l'avoit invité pour prendre sa réfection, environné d'une grande multitude de peuple, à cause de sa renommée et pour ses miracles, chacun y accourant pour le voir ou pour recevoir la santé. Les amis du paralytique s'adviserent d'un artifice pour porter ce pauvre homme devant Nostre Seigneur, le montant dessus le couvert de la maison, laquelle ils descouvrirent, et puis devallerent ce pauvre malade, qui estoit perclus de tout le corps, enflé de tous costés, avec des cordes au milieu de la chambre, devant Nostre Seigneur ; lequel le guérit incontinent, tant pour la foy du malade, que pour la charité que ces bonnes gens avoyent pratiquée en son endroit. Mais vous ne sçavez pas encor ce qui me plaist davantage en cest exemple et qui sert plus à mon propos : c'est l'extrême simplicité de l'obéissance du paralytique. Voyez-vous, avoit-il pas bien raison de dire : Helas ! que me voulez-vous faire ? me voulez-vous faire mourir, de me monter sur le couvert ? ma vie vous ennuye-t'elle ? que vous ay-je fait pour me faire souffrir le martyre que ce me sera d'estre ainsy tracassé ? Il avoit certes bien raison de vouloir considérer le mal qui luy devoit réussir de ceste entreprise que ses amis faisoyent. Rien de tout cela ; il n'est point marqué en l'Evangile qu'il dist une seule parole, ains laissa faire de luy tout ce que l'on voulut en ceste occasion, bien que ceste obéissance luy deust couster la vie. L'histoire d'Abraham est fort célèbre. Dieu (Ms. et Coll.) (1) de quel costé — je tireray, car il y a diverses portes et qui conduisent en divers lieux. Il ne dit pas un mot, ains s'en alla où l'Esprit de Dieu le conduisoit, sans regarder : Vay-je bien ou mal ? pourquoy, et à quelle inten- tion Dieu m'a-t'il fait ce commandement, ne m'ayant pas seulement indiqué et monstre le chemin par lequel il veut que je marche ? O certes, le vray obéissant ne fait point de tous ces (Ms. et Coll.)  XI. Dk la vertu d'Obéissance 175 discours ; il se met simplement en besogne, sans s'en- querir d'autre chose que d'obéir. 11 semble que Nostre Seigneur mesme nous ayt voulu monstrer combien ceste sorte d'oboisisance luy estoit agréable, lors qu'il s'apparut à saint Paul pour le conver- ti ; car l'ayant appelle par son nom, il le fit cheoir par terre et l'aveugla. Voyez-vous, pour le faire son disciple il le fit tomber, pour l'humilier et l'assujettir à soy ; puis soudain il l'aveugla, et luy commanda de s'en aller en la ville trouver Ananias, et qu'il ftst tout ce qu'il luy commanderoit*. Mais pourquoy Nostre Seigneur mesme • Aci.. ix, 4-«. ne luy dit-il pas ce qu'il devoit faire, sans le renvoyer plus lom, luy qui avoit bien daigné luy parler pour le convertir ? Saint Paul fit tout ce qui luy fut commandé. Il n'eust rien cousté à Nostre Seigneur de luy dire luy mesme ce qu'il luy fit dire par Ananias mais il vouloit que nous cognussions par cest exemple combien il aune l'obéissance aveugle, puis<]u'il semble qu'il n'aveugla saint Paul que pour le rendre vray obéissant. yuand Nostre Seigneur v'oulut donner la veué à l'aveugle né, il fit <'"' de la houi et la luy mit sur Us yeux, luy commandant de s'aller laver en la fontaine de Siloi^. Ce pauvre aveugle ne pouvoit-il pas bien * joAa.. ui. 6, 7. s'estonner du moyen dont Nostre Seigneur usoit pour le guérir, et luy dire : Helas ! que me faites-vous ? si je n'estois pas aveugle, cela seroit capable de me faire perdre la veuë. Il ne fit jxjint toutes ces considérations, ains il olx'it tout simplement '»<. Ainsi le vray obéissant croid simplement de jx)Uvoir faire tout ce qu'on luy peut cuimiiandcr, parce qu'il tient que tous les commandemens  (m) L'av«ufl« aé «Maal devuit N'ottre 5Mfn«ur m dam— da poéal m gv»> rUnn, mais Nottrt ftiltmm luy demaiMU t'U voulait «Ira gmrt et nmwK r i o U vruê : Hé. da graoa. |a la vaax, t'U voua pUéal. Noatrr reapuQM. prtt (lia.) (o) U 9*i»i — VoiM ma dltaa qm )e m'aUla lavar an «o lai llatt dooc. car voua voyat beau qua ai Too na ma eaodttll |a n*f 11 otait oartaa toat limplamanl, U oa cooaldar a rtaa da loal carv. êtm •*m alla tam laàn liJMluB qu'A m faM paa «1 mmi pouvoir. (Ma. H CoU.)  176 Les vrays Entretiens spirituels viennent de Dieu, ou sont faits par son inspiration, lesquels ne peuvent estre impossibles à raison de la puissance de Celuy qui commande. • IV Reg., V, 9-14. Naaman le Syrien * n'en fit pas de la sorte, dont il luy en pensa arriver du mal. Cettui-cy estant ladre, s'en alla trouver Elisée pour estre guéri, parce que tous les remè- des dont il avoit usé pour recouvrer sa première santé ne luy avoyent de rien servi. Sçachant donc qu'Elisée faisoit de grandes merveilles, il s'en alla à luy, et estant arrivé il luy envoya un de ses gens pour le supplier de le vouloir guérir. Sur quoy Elisée ne sortit pas mesme de sa chambre, ains luy envoya dire par son serviteur qu'il s'allast laver sept fois au Jourdain et qu'il seroit guéri. A ceste response, Naaman commença à se dépiter et dire (o) : N'y a-t'il pas des eaux en nostre pays aussi bonnes que celles qui sont au fleuve Jourdain ? et n'en voulut rien faire. Mais ses gens luy remonstrerent qu'il devoit faire ce qui luy estoit enjoint par le Prophète, puisque c'estoit une chose si facile ; il se laissa gaigner à leurs paroles, et s'estant lavé sept fois il fut guéri. Voyez-vous comment il se met en danger de ne point recouvrer sa santé, voulant faire tant de considérations sur ce qui estoit commandé ? (p) La troisiesme propriété de l'obéissance aveugle est qu'elle ne considère point et ne s'enquiert point tant par quel moyen elle pourra faire ce qui luy est com- mandé. Elle sçait que le chemin par lequel elle doit aller est la Règle de la Religion et les commandemens des Supérieurs ; elle prend (q) ce chemin en simpHcité  (o) ains luy — manda dire par son serviteur et disciple Giesi de s'en aller laver au fleuve Jourdain sept fois, et qu'il seroit guéri. Naaman à ces nouvelles se despita et dit : (Ms. et Coll.) (p) si facile. — Vous auriez quelque raison, luy disoyent-ils, de refuser d'obéir, s'il vous eust commandé quelque chose bien difficile. Il se laissa gaigner à ces paroles, et s'estant baigné par sept fois, ainsi qu'il luy estoit commandé, il fut guéri. (Ms. et Coll.) (qj par quel moyen — et quelle voye elle doit tenir pour bien obéir. Elle sçait que le chemin par lequel elle doit aller à Dieu est la Règle de la Religion et les commandemens des Supérieurs ; elle enfile (Ms. et Coll.)  XI. De la vertu d'Obéi ssa.sxe 177 de cœur, sans pointillcr si ce seroit mieux de faire ainsi ou ainsi : pour\'eu qu'elle obéisse, tout luy est égal, car elle sçait bien que cela suffit pour estre agréable à Dieu, pour l'amour du(}uel elle obéit purement et simplement. La seconde condition de l'obéissance amoureuse est qu'elle est prompte. Or, la promptitude de l'obéissance a tousjours esté recommandt^e au.x Religieux comme une pièce tres-necessaire pour bien obéir et observer parfaitement ce qu'ils ont voiié à Dieu. Ce fut la marque que print Eliezer • pour cognoistre la fille que •G«o.. »«iv, 14. Dieu avoit déterminée <'* pour estre l'espouse du fils de son maistre. Il dit donc ainsi en soy-mesme : Celle à qui je demandcray à boire et qui me dira : J'en don- neray non seulement à vous, mais je puiseray encor de l'eau jx^ur vos chameaux, ce sera celle là que je recogne istray estre digne espouse du fils de mon maistre. Et comme il alloit pensant à cela, il vid de loin la belle Rebecca. <^> Eliezer la voyant si belle et si gratieuse auprès du puits où elle tiroit de l'eau pour ses brebis, il luy fit sa demande, et la damoyselle respondit selon son dessein : Ouy, dit-elle, non seulement à voas, mais encor à vos chameaux. Remarquez, je vous prie, combien elle fut prompte et gratieuse ; elle n'espargnoit point sa peine, ains en estoit fort libérale, car il ne falloit pas p)eu d eau pour abreuver tant de chameaux qu'Eliezer menoit. O certes, les obéissances qui se font m;U graticu- sement ne sont point agréables. 11 y en a qui obéissent, mais c'est avtv tant de langueur et avec une si mauv«iise mine, qu'ils diminuent l>eaucoup le mérite de cestc vertu. La charité et l'obéissance ont une telle union ensemble qu'elles ne se peuvent séparer : Tamour nous fait obéir promptement <", car pour difficile que soit la  vr.;. K .^ I - < • 4, Uqurll* nkiél barivr •! fvt |»«r apcM pr • tnnp% U 1m ç t itt a m u t et prtacw faèmfmi Um»  < Il  r^ttmimt ~ rt cratlnmtnrtit (M«. 9% Coll.)  14 Maii.  17S Les vrays Entretiens spirituels chose commandée, celuy qui a l'obéissance amoureuse l'entreprend amoureusement, parce que l'obéissance estant une principale partie de l'humilité qui ayme sou- verainement la sousmission, l'obéissant par conséquent ayme le commandement, et dés qu'il l'apperçoit de loin, quel qu'il puisse estre, soit-il selon son goust ou non, il l'embrasse, il le caresse et le chérit tendrement ("). • Surius, ad diera II y a daus la Vie de saint Pachome * un exemple de ceste promptitude à l'obéissance que je vous veux dire. Entre les Religieux de saint Pachome il y en avoit un nommé Jonas, homme de grande vertu et sainteté, lequel avoit la charge du jardin, dans lequel il y avoit un figuier qui portoit de fort belles figues. Or ce figuier servoit de tentation aux jeunes Religieux ; toutes les fois qu'ils passoyent auprès, ils regardoyent tousjours un peu ces figues. Saint Pachome l'ayant remarqué, et se promenant un jour par le jardin, il leva ses yeux contre ce figuier et vid le diable au dessus, qui regardoit les figues de haut en bas, comme les Religieux les regardoyent du bas en haut. Ce grand Saint, qui ne desiroit pas moins de dresser ses Religieux à une totale mortification des sens comme à la mortification inté- rieure des passions et inclinations, appella Jonas et luy commanda que le lendemain il ne manquast à couper le figuier ; à quoy le pauvre Jona? répliqua : Hé, mon Père, encor faut-il un peu supporter ces jeunes gens ; il les faut bien recréer en quelque chose (v) ; ce n'est pas pour moy que je le veux conserver. A quoy le Père respondit fort doucement : Bien, mon Frère, vous n'avez pas voulu obéir simplement et promptement ; mais que voulez-vous gager que l'arbre sera plus obéis- sant que vous ? Ce qui arriva ; car le lendemain on le trouva tout sec, et ne porta jamais fruict. Le pauvre  (u) de loin, — (jiiolle mine (jM'il puisse avoir, soit ([u'il soit selon son goust ou non, il reinbrasse, il le caresse tendrement et le clioit iiui(]ucinent. (Ms. et Coll.) (v) ce& jeunes f^ens; — que voulez vous, mon Père, ce sont de bons enfans, il faut bien leur permettre quelque récréation (Ms. et Coll.)  XI De l.A VERTU r> ORF.ISSA2*k'C£ I7<) Jonas disoit fort ventabieintnt que ce n'cstoit pas pour liiy qu'il vouloit garder le figuier ; car on remarqua que de soixante et cjuinze ans qu'il vesquit en la Religion et qu'il fut jardinier, il n'avoit jamais tasté aucun fruict de son jardin, mais il en estoit fort libéral à l'endroit des Frères. Cef>endant il app)rint combien la promptitude de l'obéissance estoit recommandable. Xostre Seigneur tout le temj» de sa vie a donne des exemples continuels de ceste promptitude à l'ob«nssance, car il ne se peut rien voir de si souple ni de si prompt qu'il estoit à la volonté d'un chacun. A son exemple, il nous faut apprendre d'estre grandement prompts en l'obéissance <*', car il ne suffit pas au cœur amoureux de faire ce qu'on luy commande ou que l'on luy tesmoi- gne de désirer, s'il ne le fait promptement ; il ne peut voir l'heure assez tost venue pour accomphr ce que l'on a ordonné, à fin que l'on luv commande de nouveau quelque autre chose. David ne fit qu'un simple souhait de boire de l'eau de la ci sterne de liethlehem, et soudain partirent trois chevaliers qui à teste baissée traversèrent l'armée des ennemis et luy en allèrent quérir*. Ils furent extrêmement prompts à sui\Te le désir •iiRcc..xxtiM5^6. du roy ; ainsi void-on que tant de grands Saints ont fait pour suivre les inclinations et les désirs qu'il leur sembloit que le Roy des roys, Nostre Seigneur, avoit. yuel commandement, je vous supplie, a fait Nostre Seigneur, (|ui obligeiist sainte Catherine de Sienne à boire ou lescher avee la langue la pourriture qui sort oit de la playe de ceste jxiuvre femme cju'elle scrvoit ? et saint l^uis. roy de France, de manger avec les ladres le reste de leur |x>tage pour leur donner courage de manger ? Certes, ils n'estoyenl aucunement oblige'^s à cela ; mais sçachant (|ue Nostre Seigneur aymoii et avoit tesmoigné de l'inclination à l'amour de la propre abjec- tion, jK*ns;int luy faire plaisir de suivre son nulinalion, ils faisoyent ces choses, cjuov qn»* it.v-repugno^ti- \  (w) JTmn (kmtmm. — Il Uut donc c»lrr tr< n.(t« pour béon tÀmér (U^  i8o Les vrays Entretiens spirituels leurs sens, avec unjtres-grand amour. Nous sommes obligés de secourir nostre prochain quand il est en extrême nécessité ; neantmoins, parce que l'aumosne est un conseil de Nostre Seigneur, plusieurs font volon- tiers l'aumosne autant que leur moyen le leur permet. Or, dessus ceste obéissance aux conseils, Fobeissance amoureuse est entée, qui nous fait entreprendre de suivre rie à rie les désirs et les intentions de Dieu et de nos Supérieurs. Mais il faut que je vous advertisse icy d'une trom- perie en laquelle on pourroit tomber : car si ceux qui voudroyent entreprendre la pratique de ceste vertu fort exactement, vouloyent tous jours se tenir en attention pour pouvoir cognoistre les désirs et les inclinations de leurs Supérieurs ou de Dieu, i^") ils perdroyent le temps infailliblement ; car par exemple, tandis que je m'en- querrois quel est le désir de Dieu, je ne m'occuperois pas à me tenir en repos et tranquillité auprès de luy, qui est le désir qu'il a maintenant, puisqu'il ne me donne rien autre chose à faire. Donc, celuy qui pour suivre l'inclination que Nostre Seigneur a tesmoigné que l'on secourust les pauvres, voudroit aller de ville en ville pour les chercher (>'), qui ne sçait que pendant qu'il sera en une il ne servira pas ceux qui seront en l'autre ? Il faut aller en ceste besogne en simplicité de cœur ; faire l'aumosne quand j'en rencontre l'occasion, sans m 'aller amusant par les rues de maison en maison, pour sçavoir s'il y aura point de pauvre que je ne cognoisse pas. De mesme, quand je m'apperçois que le Supérieur désire quelque chose de moy, il faut que je me rende prompt à le faire, sans aller espluchant si je pourray cognoistre qu'il ayt quelque inclination que je fasse  (x) eu laquelle — pourroyent tomber ceux (jui voudroyent entreprendre la pratique de ceste vertu si exactement, qu'ils fussent tousjours en halte pour vouloir ajgnoistre les désirs et inclinations de leurs Supérieurs ou de Dieu mesme ; car (Ms, et Coll.) (y) héberger (Coll.)  XI. Di LA VERTU d'Obéissance i8i quelque autre chose ; car cela osteroit la paix et tran- quillité de cœur, qui est le pnnci])al fruict de l'obeiîwance amoureuse. I^ troisiesme condition de robeis>ance c cbi la jx rse- verance. Or ceste-cy, Nostre Seigneur la nous enseigne fort particulièrement ; saint Paul l'a déclaré en ces termes^ : // a esté fait obéissant jusques à la mort; •Pbiiip. n. s. et enchérissant ceste obéissance : et jusques à la mort de la croix, dit-il. En ces paroU*s, jusques à la mort, est présupposé quil a esté obéissant tout le temps de sa vie. pendant lequel on ne void autre chose que des traits d'obéissance rendue par luy. tant à ses parents qu'à plusieurs autres, voire mesme à des impies et meschans ; et comme il <*' commença par reste vertu, de mesme il paracheva par elle le cours de ceste vie mortelle. Le bon Kcligicu.x Jonas nous fournit deux exemples sur le sujet de la persévérance ; et bien qu'il n'obcist si promptcment au commandement que saint Pachome luy donna, c'estoit neantmoins un Religieux de grande jxrrfection : car dés qu'il entra en Religion jusques à la mort il continua en l'office de jardinier, sans jamais le changer <•»' durant soixante et quinze ans qu'il vescut en ce monastère ; et l'autre exercice auquel il persévéra aussi toute sa vie, comme je vous ay dit cy -devant, fut de faire des nattes de joncs entrelaces avec des feuilles  (t) loMl lê témpt dé êm vie, — voir dét qo*U Mtoét te «itratUr» amr, atnAé qu« nuut avoo» 'lit, quand il alla nu qu'il fut pcfté pAX M Utn de Natarrth m BcUifebetn. Il «nnblr qu'il (ut mnnir plu« obrtMant X «a mort qur min pa« au roaunenmncnt àe %a vir. rar quand il rM>tH %ur Is ffirtm d» M Rltjrtruw Mrxr, il mnuoit \Àm l« bra% rt \r% )amlir% pour • dr voukiér marchrr ; mai* rtj ta in*jrt il ne rnijuc m bra% m jamlir». • furt imtu<>b«lr par okjcitaanrr. Durant tout k rourt àe m vtr Wm t%e V(4d autrr cboM qur &r% traita d'obeiManre rrndur Unt à m« parrnt* qu'A plta«i«vn autres, voire tro» impies. Ain«y q ' ' *'^ et Coll.) (a') Ix Iton Krhgieux Juna« j'ay de«^ p«rU. noua fournit àm% exemple* aur ce aujet de la pervrveranre ; eu bien qu'il manquait à œate obcéaaaore que taint ParhlMiUun, vint ua jour trouver Mint Pachoinf rt luy iiit, transporté dr grande fcrvrur : O moo Perc, j'ay un deatr pour lequel je voua auppUe trva humblement de vouloir bien prier Diru qu'il tur l'accoinpltate. Biao. mon hU, dit le Un* IVrr, U tue le faut dire ce deair. Mon IVre. répliqua k Krlixieui. il faut, «'il vnu» plaiat. que vTe, qu'il ne «émit )amah content que cela n'arrivatt, l-e bi»n IVre ta«cha fort de inrjderrr n '>- ir . mai» pl';^ ' •'eflorvoiC de le de»t&• «ait Pacbun»*- ili«a4t : Mon fUa, mieua vaut vivre an obettaaurr. et mourir Unn le» )our» en vivant par une oontinueUe m m défait ' Ijjts, II- pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jet ta en terre et confessa sa faute ; à quoy le Père remédiant prompt emen t. faisant prier les Frères pour luy et luy faisiint demander pardon à Dieu, le remit en bon estât, et puis luy donna de bons advertissemens, disant Mon til>, souvien:>-toy qu'il vaut mieux avoir de petits désirs de \nvre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidélité à l'obser- vance des Règles sans entreprendre ni désirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands désirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont Ixjns qu'à enfler nos cceurs d'orgueil et nous faire mésestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux. O qu'il fait l)on vivre à l'abri de la sainte obéissance, plustost que nous retirer d'entre ses bras pour chercher ce qui nous semble plus parfait ! Si tu te fusses contenté, ainsi que je t'avois dit, de te bien mor- tifier en vivant, lors que tu ne voulois rien moins que la mort, tu ne fusses pas tombé comme tu as fait ; mais bon courage, souviens-toy de vivre désormais en sousmission, et t'asseure que Dieu t'a pardonné. Il obéit au consi*il du Saint, se comportant avec beaucoup d'humilité tout It* tem{>s de sa vie Je dis encor cecy, que l'obéissance n'est point de moindre mérite que la charité ; car donner mm verre d'eau par charité, cela vaut le Ciel. Nostre Seigneur mesme le dit • ; faites-en autant par obéissance, vous '^ î^*"» «• •*'-î gaignerez le mesme. La moindre petite chose faite par obéissance est tres-agreable à Dieu : mangez par obéis- sance, vostre manger est plus agréable à Dieu que les jeusnes des anachorètes s'ils sont faits sans obéissance ; reposez- vous par obéissance, vostre repos est plus méri- toire et plus agréable à Dieu que non pas le travail volontaire *'')  MâTC, U, 40w  (d*) f ii# non pmê — é«ii, coÊabètn d'vsMipto f ••l*tf  iSO Les vkays Extkejiens spirituels (e') ^lais, me direz-vous, qu'est-ce qu'il m'arrivera de pratiquer si exactement ceste obéissance amoureuse avec les conditions susdites : en aveugle, promptement et perse veramment ? O mes chères filles, celuy qui le fera j ouïra en son ame d'une tranquillité continuelle et de la tres-sainte paix de Nostre Seigneur qui surpasse • Philip., IV, 7. tout sentimen! * ; il n'aura aucun compte à rendre de ses actions, puisqu'elles auront esté toutes faites par obéissance, tant aux Règles comme aux Supérieurs. Quel bonheur plus utile et désirable que cela ? Certes, le vray obéissant, pour dire cela en passant, ayme ses Règles, les honnore et les estime uniquement comme le vray chemin par lequel il doit s'acheminer à l'union de son esprit avec Dieu ; et partant il ne se départ  vies des saints Pères, de la pratique exacte de l'obéissance es choses indiffé- rentes ! Comme ce Religieux à qui saint François dit qu'il ne falloit pas planter les choux la racine en bas ains en haut, ce que le bon Religieux fit tout promptement, et le chou creut aussi beau que ceux qui estoyent bien plantés, tant Xostre Seigneur favorise l'obéissance. Certes, en ces choses de peu de conséquence, ce seroit une très-grande imperfection de tesmoigner de la résistance à les faire quand elles nous sont commandées ; car elles sont uniquement propres pour nous tenir en humilité. L'obéissance, comme j'ay desja dit, estant une pièce principale de l'humilité, ayme infiniment les commandemens des choses qui sont les plus abjectes ; bien que rien ne soit estimé peu ni de peu d'importance par le vray obéissant, à cause qu'il regarde le tout comme des moyens propres pour s'unir à Dieu et à Nostre Seigneur, qui a tant aymé l'obéissance, comme dit saint Bernard, qu'il a mieux aymé mourir que de manquer d'obéir. (Ms. et Coll.) (e') Vous demandez qu'est-ce qui vous arrivera de pratiquer si exactement ceste obéissance amoureuse, avec ses trois conditions, qui sont de faire l'obéissance comme un aveugle, sans regarder à la personne qui commande, ni à la fin et au motif que l'on a décommander, pourveu que celuy qui le fait en aye le pouvoir, ni moins s'enquérir trop des moyens qu'il faut tenir pour faire ce qui est commandé, ains se mettre en besogne, nmnis de la confiance que Dieu qui nous a fait ou fait faire le commandement nous donnera bien le pouvoir de l'accomplir. Puis obéir promptement, qui est la seconde condition ; et en fin d'obéir perseveramment, non pour un temps ains pour tout le temps de nostre vie. Qu'est-ce qui adviendra à celuy-cy qui sera si heureux que de faire comme je viens de dire ? Il jouira de la paix et tranquillité continuelle de l'ame, parce qu'il n'aura pas à rendre aucun compte de ses actions, puisqu'elles auront esté toutes faites par obéissance, tant des Règles comme des Supérieurs. Car, pour dire un mot des Règles, le vray obéis- sant les ayme, les honnore et les estime uniquement comme le vray chemin par lequel il doit s'acheminer à l'union de son esprit avec Dieu ; et partant il ne  XI. Dk la vkrtu d'Obéissance 187 jamais de ceste voye, ni de l'observance des choses qui y sont dites par forme de direction, non plus que de celles qui y sont commandées. Le vray ol)cissant vivra doucement et paisiblement comme un enfant qui est entre les bras de sa chère mère, lequel ne se met point en soin de ce qui luy pourra survenir ; que la mère le porte sur le bras droit ou sur le gauche, il ne s'en soucie pas De mesme le vray obéissant, que l'on luy commande cecy ou cela il ne s'en met point en peine ; pourveu que l'on luy commande, et qu'il soit tousjours entre les bras de l'obéissance, je veux dire en l'exercice de l'obéissance, il est content. Or à celuy-là, je luy peux bien asseurer de la part de Dieu le Paradis pour la vie éternelle ; comme aussi, durant le cours de ceste vie mortelle, il jouira de la vraye tranquillité, il n'en faut point douter ('*' Vous demandez maintenant si vous estes obligées sur peine de péché, de faire tout ce que les Suj)erieurs vous disent que vous ftissiez ; comme quand vous rendez compte, s'il faut (jue vous teniez pour conunandement tout ce que la Supérieure vous dit. qui est propre à vostre avancement. () non, ma fille ; les Supérieurs,  «e retuv jatoam tir ceste voye ai de l'obftcrvance. Uni de» cboMS qui tcMit dit» par forme de direction ou de cnnvHi. comme de cetlet qui toat commandé». Le vray obriMint rendra ' '>rtioat failM par obeinanoe, jaiua». U \ ■ ••, lif. 4.J (f) Mai» i'ay aaaea dit ; dnnandcx auMi quelque cboae. S'il voua tat ymuk qualquaa dj^mitéa sur ce «ujet. ; ) Voaa damamiaa ti tout ce que le% , . . «ut que vous laMtot, ié voua ettaa obliféa aur peine de cot - le le faire : comme quand voua randea compte, «i voua d< Sopariaara vou» dit. (iroprv à \ _: de faire de* fauta» par oubli q' . en ce qui noua e*t i<^, U y a peu 00 poént de péché, Mnut* que U choae qui r«t •!•- trea-fraoda importance; c«r en ce c«% nou« trrvin* i . fortement noatre memijire pour nuu« en rr««ouvmir. Ci^nme auMé * quelque cbote qui refArdatI Ir \*>n\ ordre qualqualoéa par outJl, il n'y a point fie mal ; mat» .• • •• •«ne rouai.»., par naflàgance ou autrement. r'r*t cela qui fait k perlw.  i88 Les vravs Entretiens spirituels non plus que les confesseurs, n'ont pas tous] ours inten- tion d'obliger les inférieurs par les commandemens qu'ils font, et quand ils le veulent faire, ils usent du mot de commandement sur peine de désobéissance ; et alors les inférieurs sont obligés d'obéir sur peine de péché, bien que le commandement fust fort léger et de chose de peu ; mais autrement non. Car ils donnent des ad vis en trois sortes : les uns par forme de commandement, les autres par forme de conseil, et les autres par forme de simple direction. Dans les Constitutions et Règles  Les commandemens de Dieu et de la sainte Eglise ne sont pas si rigoureux comme l'on pense ; ils ne gehennent pas tant les esprits comme l'on croid. La loy de Dieu est une loy toute d'amour et toute douce, ainsi que l'asseure David. Les distractions involontaires ne rendent pas nos oraisons ni nos Offices moins agréables à Dieu, et c'en est de mesme de ce que vous dites du donnir ; car tout ainsi que nous ne soinmes nullement obligés de redire nos Offices parce que nous avons esté distraits en les, disant, nous n'avons point d'obligation non plus à les redire quand nous y avons un peu dormi, pourveu que ce ne soit pas durant une notable partie de l'Office, et que vous ayez eu tout le soin que vous avez peu pour vous tenir resveillée î car si vous estes négligente à cela, il y pourroit bien avoir matière de confession. J'ay commencé mon Office bien resveillé et avec intention de le bien dire selon mon devoir ; parmi l'Office il me vient un peu d'assoupissement, je dis neantmoins le verset que bien que mal, et cela durant le temps d'un ou deux Psalmes : que voudriez-vous faire à cela ? Il ne s'en faut pas confesser pourtant, car vous ne sçauriez quel remède y apporter, non plus que d'éviter les distractions qui vous y surviennent. Vous me dites maintenant que parce que vous avez un peu d'aversion à l'article des Règles d'advertir les Sœurs en charité, sous prétexte que ce n'est pas chose d'importance vous ne vous assujettissez pas à le bien observer. A cela je responds, ma chère fille, que si bien vous n'y estes peut estre pas grandement obligée sur peine de péché, que neantmoins l'amour que vous devez porter à vos Règles vous y oblige. Certes, l'amour des Règles est de très grande importance, et partant il faut que chaque Sœur les embrasse cent fois le jour par grande tendreté de dilection ; et ce qui est dans nos Règles à quoy nos cœurs répugnent et ont de l'aversion d'observer, c'est à quoy nous devons estre plus fidèles pour tesmoigner nostre amour à Nostre Seigneur. Je dis de mesme de cecy comme des aversions que nous avons les uns aux autres ; car s'il arrive qu'une Sœur aye quelque peu d'aversion à une autre, il faut pour se surmonter qu'elle la caresse plus particulièrement que les autres, qu'elle cherche l'occasion d'estre souvent près d'elle pour luy parler, pour luy rendre quelque petit service. Revenons à nostre propos et disons qu'il ne faut point gchenner les esprits par des vains scrupules, et partant je vay vous donner l'esclaircissement de ce que vous demandez. Les Supérieurs, (Ms. et Coll.) [Reprendre au texte, lig. i.]  XI De la vertu d'Obéi ssa.xcf. 189 c'en est tuui de mesmc. car li y a cit> articles qui (lisent : Les Soeurs pourront faire telle choM?, et d'autres qui disent : Elles feront, ou bien, se garderont de faire. I-es uns sont des conseil»* et les autres des commande- mens. Celles qui ne voudroyent pas s'assujettir aux conseils et à la direction contreviendroyent à l'obéis- sance f«*> amoureuse ; et ce seroit tesmoigner une grande lascheté de cœur et avoir bien peu d'amour pour Dieu.  (H') amoureuse. C'est taiis doute que vous n'esta pit oblifée d'advcrtir les Soun de leurs défauts si vous n'avez point de charfe de le fairr, pam que U Règle use du mot, qu'clln pourront ; inais, ma chère &lJe, il y a un eoouiuo* dément de I>ieu de se corriger les uns les autres qui est encor de plus fraode autborité que la Règle. 11 est \Tay que c'est en ce qui regarde le pecbé, car œ seroit trop importuner de s'advrrtir à tous propo» des légères impcrfectiooe à quoy par nostre fragilité nous sommes tous sujets. Mab revenant A oe que nous disons, ne seroit ce pa«, je vous prie, tesmoigner une grande lascheté de oourage et avoir bien peu d'amour pour Dieu que de ne voulou- faire que ce qui nous est commandé et rien davantage ? Certes, celuy qui voudroit obeerrer ka commandemeot de Dieu ne \ • autre, r^e ineuréw qu*U ne seroit pas damné, mais 1. :i que rr , ^ pour Dieu ni pour son amour qu'il obéit en le» oljvrvant, mai« pour luy mrune, Jk 6n de n'estre damné. C'e»t comaie celuy qui se v^nteruit dequoy il n'est pa« larron : et bien, si vous n'estes pa^ larron vou« tir «crex pa« pendu. %'aiU vostre recompcnv>. Vous obéisses aux cominandemens de l>ieu qui vous sont faits : et bien, vou« ne »ere< pat iiii^ dehors du muna^trrr. niai^ aussi ne seres-vous pas tenu cutuiite un àdclle srivitrur de Dieu, aiii» cuniiite merrmaire, si vous ne faites nen de plus. Le serviteur qui ne voudroit rendre aucun service A son maistre que rrluy pour lequel il a esté pn«, seroit estimé '•«Tt**»^ uo homme bien agrr*te. Bien, luv diroit le reaistre, s'il ne le cbaeeoit de la maison, vous vou« arrestes au tervicr p«iur lequel je vous ay pris ; maia je in'arrrsteray aussi au gage que je vous ay promis, et n'aures nen davaotafa. Vous dites que vou« vrmlex bien (aire rc q nsetllé et maiiDe ee qui vous est donné par forme de direction, iiiau ^ deiiret de «çavoir si y manquant quelquefois vous estes autant oMigée A vous en confesser romme de ce qui v>Mt« est cotmnan*!' ' >and un h<4ii; tifesse A moy et me dit qu'il joue, et qu . , land il )our > . «leu pam qu'il est su)et A se pduaionner. sur cela je luy commande de la part de I>ieu de ne plus jouer ; et à re cmninandrfiirtii m «At (44igé d'ubeir. Mais quand je luy demande : Jurrt-vtHi« t< , vous jouei ? Il me dit : Non, pas ordinairement. I^ors je luy dis ; Mon ftte. je vous corneille de ne pli» jouer, parea que c'r^t • paa oèMflé d'obéir tur peine de , .- . Mon enfant, vous devriea vous al*«imlr de Kxier ; parce oiiliffr de luy <|r' ^«^ j^*.. ..(«•? -u que fort raretnci... -. . * ru ^ImUuu In en est il quand l«a Superietu^ dt%ent qu^ue chose qu'Ut ne ouaMBandanl  I90 Les vrays Entretiens spirituels que de ne vouloir faire que ce qui nous est commandé et rien davantage. Et, bien qu'elles ne contreviennent pas à l'obéissance qu'elles ont voilée, qui est celle des commandemens et conseils, quand elles ne s'assujettis- sent pas à la suite de la direction, elles contreviennent neantmoins à l'obéissance amoureuse à laquelle toutes les Filles de la Visitation doivent prétendre. \^ous me demandez si l'on ne pourroit pas bien penser lors qu'on vous change de Supérieure, qu'elle n'est pas si capable que celle que vous aviez et qu'elle n'a pas tant de cognoissance du chemin par lequel il vous faut conduire. O certes, nous ne pouvons pas empescher que la pensée ne nous en vienne, mais de s'y arrester, c'est ce qu'il ne faut point faire ; car si Balaam fut bien •Xum.,.\xii,28-3o. instruit par une asnesse * , à plus forte raison devons- nous croire que Dieu qui nous a donné ceste Supérieure, fera bien qu'elle nous enseignera selon sa volonté, bien que peut estre ce ne sera pas selon la nostre. Nostre Seigneur a promis que le vray obéissant ne se perdra • Loco quo infra. jamais * ; non certes, celuy qui suivra indistinctement la volonté et direction des Supérieurs que Dieu establira sur luy. Bien que les Supérieurs fussent ignorans et conduisissent leurs inférieurs selon leur ignorance, voire  bien que la perfection à laquelle nous prétendons nous doive faire estimer et embrasser tout ce qui peut servir à nous unir et conjoindre à la divine Majesté, laquelle union doit estre l'unique prétention de nos âmes, et pour laquelle nous devons tout faire ce que nous faisons. Bien que nous ne contrevenions pas à l'obéissance que nous avons vouée, qui est celle des commandemens, quand nous ne nous assujettissons pas à la suite dos conseils et de la direction, nous contrevenons neantmoins à l'obéissance amoureuse à laquelle nous prétendons, nous autres qui sonunes en la Visitation ; car. Dieu nous garde de n'avoir pas le courage d'embrasser la praticjue de l'obéissance amoureuse, ainsi que nous l'avons dépeinte tantost ! Vous dites, comme une ame qui n'a point du tout d'amour à l'obéissance peut faire pour l'acquérir ? Helas, ma chère tille, il n'y a rien autre à faire que de tascher de l'aymer. Je veux dire, lors que l'on vous commande quelque chr)se, d'embrasser et caresser ce commandement, le mignoter et baiser ; et puis, quafid il nous eu est fait un autre en faire de mesme, comme estant une chose tres-prccieuse et agréable, faisant cf>nsi(Ioration du bien qu'elle nous apporte, qui est l'union avec Dieu ; et de celuy-Ià à un autre. Ainsi faisant, vous accoustumerez vostrc cœur à l'aymer. (Ms. et Coll.) [Reprendre au texte, lig. 8.]  XI. De LA VERTt' d'Obéi SEANCE iqt par des voyes scabreuses et dangereuses, les intérieurs se sousmettans à tout ce qui n'est point manifestement péché, ni contre les commandemens de Dieu et de sa sainte Eglise, je vous peux avscurer qu'ils ne peuvent jamais errer. Le vray obeissanf, dit THscnlure Siiinte*. •P»w.. xxi. «t. parlera de ses victoires ; c'est à dire il demeurera vainqueur en toutes les difficultés esquelles il sera porté par obéissance, et sortira à son honneur des chemins esquels il entrera par obéissance, pour dangereux qu'ils puissent estre. Ce seroit une plaisante façon d'obéir si nous ne voulions obéir qu'aux SujKrieurs qui nous seroyent agréables. Si aujourd'huy que vous avez une Supérieure fort estimée, tant |X)ur sa qualité que pour ses vertus, vous luy obéisse/ de bon cœur, demain que vous en aurez une autre qui ne sera pas tant estimée vous ne luy obéissez pas de si bon ctcur qu'à l'autre, luy rendant bien pareille obéissance, mais n'estimant pas tant ce qu'elle vous dit et ne le faisant pas avec tant de satisfaction, hé ! qui ne void <^*' que vous obéis- sez à l'autre par vostre inch nation et non pas purement pour Dieu ? car .si cela estoit, vous auriez autant de plaisir et feriez autant d'estime de ce que ceste-cy vous dit, comme vous faisiez de ce que l'autre vous disoit. l'ay accoustumé de dire souvent une chose que tous- jours il est bon de dire parce qu'il le faut tousjours observer, qui est (jue toutes nos actions se doivent pra- tiquer selon la partie sujKTieure ; car c'est ainsi qu'il faut vivre en ceste maison, et non jamais selon nus sens et nos inclinations. C'est s;u)s doute que j'auray plus de satisfaction, quant à la partie inférieure de mon amc. de faire ce qu'une Supérieure me commande à laquelle j'ay de l'inclination, que non |)as à faire ce que l'autre  qui , ^ , , r • . - li ji\ ; ei dctiiAin q\m i'm aurny une que «cra moia* f*Um^ *Y pat kiy ohrtr. V «• n'olinit , . . *•• O mun IHtM I qui m «çaII (M», ri (  192 Les vrays Entretiens spirituels me dit à laquelle je n'en ay du tout point ; mais pour- veu que j'obéisse également quant à la partie supérieure il suffit, et mon obéissance vaut mieux quand j'ay moins de plaisir à la faire, parce que c'est là où nous mons- trons que c'est pour Dieu et non pour nostre plaisir que nous obéissons. Il n'y a rien de plus commun dans le monde que ceste façon d'obéir à ceux que l'on ayme ; mais pour l'autre, elle est extrêmement rare et ne se pratique qu'es Religions. Mais, pourriez-vous dire, n'est-il pas permis de desap- prouver ce que ceste Supérieure icy fait, ni de dire ou penser pourquoy elle fait des ordonnances que l'autre ne faisoit pas ? O certes, non jamais, mes chères filles ; ains il faut approuver tout ce que les Supérieures font ou disent, permettent ou défendent, pourveu (i') qu'il ne soit manifestement contre les commandemens de Dieu, car alors il ne faut ni obéir ni approuver cela. Mais hors de là, les inférieurs doivent tousjours croire et faire confesser à leur propre jugement que les Supérieurs font très-bien et qu'ils ont bonne raison de le faire ; car autrement ce seroit se faire Supérieur et rendre le Supérieur inférieur, puisque nous nous rendrions exa- minateurs de sa cause. Non, il faut plier les espaules sous le fardeau de la sainte obéissance, croyant que ces deux Supérieures ont eu bonne raison de faire le commandement qu'elles (J') ont fait, quoy que différent et contraire l'un à l'autre.  (i') Si l'on pou voit faire des Supérieures de cire ou au moule comme l'on voudroit, il semble qu'il y auroit bien du plaisir, car nous les plierions selon nostre gré, et ainsi faisant ils ne nous comrnanderoyent que ce que nous vou- drions faire. Mais n'est-il jamais permis de desapprouver que celle-cy ne baille pas si facilement des congés que l'autre, ni de le dire, ni moins de penser pourquoy celle-cy fait telles ordonnances que l'autre ne faisoit pas ? O certes, jamais, mes chères filles : il faut approuver tout ce que les Supérieurs font, ordonnent ou défendent, pourveu, comme j'ay desja dit, (Ms. et Coll.) (j') de sa cause. — Combien de fois arrive-t'il qu'un Pape défend une chose que celuy qui vient après luy ordonne que l'on fasse ? Faudroit-il que nous disions : Pourf|uoy fait-il cela ? O non jamais, ains faut que nous pliions les espaules sous le fardeau de la sainte obéissance, croyant que tous deux ont eu bonne raison de faire le commandeinenl qu'ils (Ms. et Coll.)  XI. De la vertu d'Obéissance 193 Mais ne seroil-il p<»int loisible à une hile qui a desja vescu longuement en Ktligion. et qui y a rendu de grands services, de se relascher un peu à l'obéissance, au moins en quelque petite chose ? O bon Dieu ! que seroit cela, sinon faire comme un maL^^tre pilote qui ayant amené sa barque au port, après avoir lonf^ement et pt;niblcmcnt travaillé pK)ur la sauver des périls de la tourmente et des vagues dt- la mer, voudroit en fin, estant arrive au port, rompre son navire et se jetter luy-mesme dans la mer ? Ne le jugt-roit-on pas bien fol ? car s'il vouloit faire cela, il ne se devoit pas tant travailler pour amener la barque jusqu'au j)ort. Le Keliijieiix qui a bien commencé n'a pas tout fait, s'il ne persévère iusques à la tin. Il ne faut p?s dire qu'il n'appartient qu'aux Novices d'estre si exacts. Bien que l'on voye j)our l'ordinaire en toutes les Religions les Novices fort exacts et mortifu'S, ce n'est pas qu'ils soyent plus obligés que l«*s Frofés : ô non, car ils ne le sont encore nullement, ains ils persévèrent en obéis- sance pour parvenir à la grâce de la profession ; mais les Frofés y sont obligés en vertu des vœux qu'ils ont faits, lesquels il ne suffit pas d'avoir faits pour estre Religieux, si on ne les obser\e. <^'> Le R«*ligieux qui penseroit se pouvoir relascher en quelque chose après sa profession, voire après avoir desja vescu longuement en Religion, se- tromjxToit grandenunt Nostre Sei- gneur se monstra plus exact en sa mort qu'en son enfance à se laisser manier et plier, ainsi que j'ay dit tantost^. (i'> Et c'est assez dit de l'obéissant c pour nous •Vidtp.iii.var.(i). y affectionner. Reste seulement de dire un petit mot sur la question  ibkr ï crut qui piniMit ti anniÉto I» tievant. (lU. et Coll.) ' (I, parce «lu'rttant dam le gktua «Se %a (bnr Mctr tiui U- vt.... .. ■ ...iiuillotrr. Il mnu«i«t liért? -•• —h prtllc* •* '• "- '-•"• péeiU : luU*. nx lj rn4i 11 tir ftt nul «r Ula». cuiiiinr r .1. (Mt.)  104 Les vrays Entretiens spirituels •Cf. var.(b), p. 169. qui 1116 fut faîte hier au so^r * , sçavoir, s'il est loisible aux Sœurs de se dire l'une à l'autre qu'elles ont esté niortitiées par la Supérieure ou la Maistresse des Novices sur quelque occasion. Or, je responds que cecy se peut dire en trois sortes. La première est qu'une Sœur peut aller dire : Bon Dieu, ma Sœur, que nostre Mère vient de me bien mortifier ! toute joyeuse dequoy elle a esté digne de ceste mortification, et dequoy la Supérieure luy a fait faire ce petit gain pour son ame, luy disant bien son fait sans l'espargner ; et partant elle en donne la joye à sa Sœur à fin qu'elle luy aide à en bénir Dieu. La seconde façon en laquelle l'on le peut dire est pour se soulager : elle trouve la mortification ou correction bien pesante, elle s'en va un peu descharger sur sa Sœur à qui elle le dit, laquelle la plaignant luy ostera une partie de sa charge ; et ceste façon n'est desja pas tant supportable que la première, parce que l'on commet une imperfection en se plaignant. Mais la troisiesme seroit tout à fait mauvaise, qui est de le dire par forme de murmure et de despit, et pour faire cognoistre que la Supérieure a eu tort ; or de ceste façon, je sçay bien que l'on ne le fait pas en ceste maison, par la grâce de Dieu. De la première façon, encore qu'il n'y ayt point de mal de le dire, il seroit pourtant très-bien de ne le dire pas, ains s'occuper en soy-mesme à s'en resjouir avec Dieu. En la seconde façon, certes, il ne le faut pas faire, car par le moyen de nostre plainte nous perdons le mérite de la mortification. Sçavez-vous ce qu'il faut faire quand nous sommes corrigés et mortifiés ? il nous faut prendre ceste mortification ("'') comme une pomme d'amour et la cacher en nostre cœur, la baisant et cares- sant le plus tendrement qu'il nous est possible. D'aller aussi dire : Je viens de parler à nostre Mère, je suis aussi sèche que j'estois auparavant, il n'y a que s'atta- cher à Dieu ; pour moy je ne retire aucune consolation  (m'; ceste mortification — à pleine iiiaiii, (Ms. et Coll.)  XI I)i: LA vERrr d'Obéissance iv5 des créatures, j'ay esté moins coiisoltc que je n'estois ; cela n'est pas à propos. La Sorur à laquelle on dit cccy devroit respondre fort doucement Ma chère Sœur, que ne vous estiez- vous bien attachée à Dieu, ainsi que vous dites qu'il faut faire, avant qu'aller parler à nostrc Mère, et vous n'auriez pas du mescontentement dequoy elle ne vous a pas cons«là que vous dites, qu'il se faut bien attacher à Dieu, prenez garde que cherchant Dieu au défaut des créatures il ne se veuille laisser trouver ; car il veut estre cherché avant toutes choses et au mcspris de toute chose. Farce que les créatures ne me contentent pas, je cherche le Créa- teur : ô non ! le Créateur mérite bien que je quitte tout pour luv ; aussi veut-il (jue nous le fassions. (Juand donc nous sortons de devant la Supérieure toutes sèches et sans avoir receu une seule goutte de consolation, il faut que nous emportions ncstre sécheresse comme un baume précieux, comme l'on fait des affections que l'on reçoit en la ^ainte oraison, comme un baume, db-je, et que nous ayons un grand soin de ne pas laisser respan- dre ceste liqueur precieusi* qui nous a esté envoyée du Ciel comme un don très-grand, à tin de parfumer nostrc cœur de la privation de la consolation que nous pensions rencontrer es paroles de la Sujx'rieure. Mais il y a une chose à rem;u-quer sur ce sujet, qui est que quelquefois l'on porte un cieur sec et dur '"*> lors que l'on va parler à la Su|)erieure. lequel ne peut cstre capable destre arrousé ni humecté de l'eau de la consolation, d'autant qu'il n'est nulKnient susceptible de ce que la Su|KTie«ue dit ; et encore qu'elle parle fort bien selon vostre nécessité, neantmoins il ne le vous semblr pas Une autre fois que vous aurez le cœur tendre et bien dispos*-, elle ne vous dira que trois ou quatre parole^, l)eaucoup moins utilt-s pour vostre î>« r fection (|ue les autres n'estoy^nt, qui vous consoleront . et pour(|Uoy ? parce (|ue vostre cteur estoit diî»po^' '<  (u')#l eut M .'- un rochOT (M%. tl CoU.)  196 Les vrays Entretiens spirituels cela. Il vous semble que les Supérieurs ont la consola- tion sur le bord des lèvres et qu'ils la respandent faci- lement dans le cœur de ceux qu'ils veulent, ce qui n'est pas neantmoins ; car ils ne peuvent pas tousjours estre de mesme humeur non plus que les autres. Bien-heureux est celuy qui peut garder une égalité de cœur parmi toute ceste inégalité de succès. Tantost nous serons consolés, et d'icy à un peu nous aurons le cœur sec, et de telle sorte que les paroles de consolation nous cous- teront extrêmement cher à dire. •Cf. var.(b),p. 169. Vous me demandiez encor* que j'eusse à vous dire quel estoit l'exercice propre à faire mourir le propre juge- ment ; à quo}^ je responds que c'est de luy retrancher fidèlement toutes sortes de discours es occasions où il se veut rendre maistre, luy faisant connoistre qu'il n'est que valet ; car, mes chères filles, ce n'est que par les actes réitérés que nous acquérons les vertus, bien qu'il y ayt eu quelques âmes auxquelles Dieu les a données toutes en un moment, (o') Donques, quand il vous vient envie de juger si une chose est bien ou mal ordonnée, tranchez (p') ce discours à vostre propre jugement ; et quand peu après on vous dira qu'il faut faire une telle chose de telle façon, ne vous amusez point à discourir ou discerner si elle ne seroit point mieux autrement, faisant accroire à vostre jugement que la chose ne pourroit jamais estre mieux faite, que de la façon que l'on vous a dit. Si l'on vous donne quelque exercice, ne permettez pas à vostre jugement de discerner s'il vous sera propre ou non ; et prenez garde que, si bien vous faites la chose ainsi qu'elle est commandée, bien souvent  (o') en un moment. — Comme à sainte Catherine de Gènes, laquelle fut convertie en un moment estant devant son confesseur, si bien qu'une autre servante de Dieu, qui pour lors estoit en la mcsnie ville, admiroit comme sainte Catherine avoit esté si promptement amendée de toutes ses imperfec- tions ; au contraire, sainte Catherine l'admiroit dequoy après tant de temps qu'elle avoit employé à s'amcnrlcr, elle ne l'avoit encor peu faire. (Ms. Coll.) (p*) retranchez (Ms. et CoU.J  XI. De la vertu d'Obéissance 197 le propre jugement n'obéit pas, je veux dire ne se !»ou>- met pas, car il n'approuve pas le commandement : ce qui est pour l'ordinaire cause de la répugnance que nous avons de nous sousmettre à faire ce que l'on veut de nous. Parce (juc l'entendement et le jugement repré- sentent à la volonté que cela ne se doit pas, ou qu'il faut user d'autres moyens pour fuire ce que l'on dit, que ceux qui nous sont marques, elle ne peut se sousmettre. d'autant qu'elle fait tousjours plus d'estat des raisons que le propre jugement luy monstre qut- non pas d'au- cune autre, car chacun croid que son propre jugement est le meilleur. Je n'ay jamais rencontré personne qui ne fist estât de son jugement, sinon deux <*• qui <*»*> me confessèrent (ju'ils n'avoyent jx)int de jugement ; et l'un, m'estani une fois venu trouver, me dit : Monsieur, je vous prie, dites-moy un peu une telle chose, car je n'ay point de jugement pour la pouvoir comprendre. ce qui m'estonna fort. Nous avons en nostre âge un txtinpic ^'raïuicmcnt remarquable de la mortification du propre jugement. C'est d'un grand dcxrteur, et grandement renommé, lequel composii un livre qu'il intitula : l)e> Di^p^nsations et des Commandemens <-*, lequel tombant un jour entre les mains du Fajx». il jugea qu'il contenoit quelques propositions erronées ; il l'escrivit à ce docteur à tin qu'il eiist à les rayer de dessus son livre. <''*) Ce docteur.  (q*) tt nnn dtui. -— r|«int Tun r*l d« rente villr, ri l'AUlrv )<• nr içay oA 11 «Ht. MaU cr% drus (M«.) (r*) dm ptopft t»t*mémt - Il y avnlt un grand doctrur Jb rrolvcnllé àe luMivain. doctrur tjnademeat rpoocnmr. qut ht un >« : I>n Dtepcmationt cl Comin*nd«nm* : lequrl niant fan ^ -^ mate» du P»pr, dai» lequrl Sa Saintrt/ pi«ra r«lrr quriqur» cImm» rmmém, «t rncnvil k cr dort«itr A An qu'il r -«m um livr». M«H rrraarquri que Ir Pape n'y trouva t *.;..i.-. • «...i..,tw^,! ....rl.i..r^ raè^'^n* rrmnér* (M« \ Il É >..! r ^-' l'y^-^rit dm H h> t\ toute nr wrait ailtrv <|tie »*irTTr nr » III .  198 Les vrays Entretiens spirituels recevant le commandement, sousmit si absolument son jugement qu'il ne voulut point esclaircir son affaire pour se justifier, ains au contraire il creut qu'il avoit tort et qu'il s'estoit laissé tromper à son propre jugement ; et montant en chaire, il leut tout haut (»') ce que le Pape luy avoit escrit, print son livre, le déchira en pièces, puis il dit tout haut que ce que le Pape avoit jugé sur ce fait avoit esté fort bien jugé ; qu'il approuvoit de tout son cœur la censure et correction paternelle qu'il avoit daigné luy faire, comme estant très-juste et tres- douce à luy qui meritoit d'estre rigoureusement chastié, et qu'il s'estonnoit grandement comme il avoit esté si aveugle que de s'estre laissé tromper à son propre juge- ment en chose si manifestement mauvaise. Il n'est oit nullement obligé de faire cecy, parce que le Pape ne le commandoit pas, ains seulement qu'il eust à ra37er de dessus son livre certaine chose qui n'avoit pas semblé bonne ; car, ce qui est bien remarquable, elle n'estoit pas hérétique, ni si manifestement erronée qu'elle ne peust estre défendue (f). Il tesmoigna une grande vertu  (s') tout — au long (Ms. et Coll.) (f) parce que le Pape ne — commandoit rien de tout cela, ains seulement qu'il eust à biffer de dessus son livre certaines choses. (Ms.) presque de la même manière dans la Préface du Traitté de F Amour de Dieu. Ce Prélat avait publié un livre intitulé: Remontrances, Advertissements et Exhortations sur les principales choses qui sont a reformer, estahlir et observer aux Heures Canoniales, etc. (Jacques Roussin, Lyon, 1598). Or, dans la «Conclu- sion » de ce livre étaient formulées au sujet des « Commendes » et des «Exemptions» certaines propositions qui désagréèrent au Pape Clément VIII. Dés qu'il eut connaissance du mécontentement de ce Pontife, l'auteur lui écrivit une lettre de soumission, dont l'original est conservé dans les Archives du Vatican (Nonc. di Savoia, vol. 29, p. 170). Elle est conçue en termes identiques à ceux que rapporte saint François de Sales. La différence du titre donné à la partie de l'ouvrage qui fut censurée n'infirme pas notre assertion. On s'explique même assez facilement comment la Religieuse chargée de recueillir l'iùitretien a confondu cDispensations et Commandemens » avec « Commendes et Exemptions. » Elle s'est également trompée en indiquant comme auteur du traité un « docteur de Louvain. » Aussi on eut soin de faire disparaître cette erreur du texte des Vrays Entretien'i.  XI. I>E L.\ VERTU îï'OBKlHSANCt IQO en ceste occa«5ion, vi une murnncauun du propre juge- ment admirable. L'on void encor assez Nouvenl des sens mortifiés, parce que la propre volonté se mesle de les mortifier, et ce seroit une chose honteuse de se monstrer retifs à l'obéissance : que diroit-on de nous ? mais de propre jugement, fort rarement on en trouve de bien mortifiés. Faire avouer que ce qui est commandé est bon, l'aimer et l'estimer comme une chose qui nous est bonne et utile au dessus de toute autre, ô c'est à cela que le jugement se trouve rétif ; car il y en a plusieurs qui disent : je feray bien cela ainsi que vous dites, mais je voy bien qu'il seroit mieux autrement. Helas ! que faites- vous ? si vous nourrissez ainsi le jugement . siins doute il vous enyvrera ; car il n'y a point de différence entre une personne enyvrée et celuy qui est plein de son propre jugement <"'. Un jour David* estant en la campagne • i Krg.. luiv. 4-15. avec ses soldats lassés et harassés de faim, ne trouvant plus de quoy manger, il envoya vers le mar>* d'Abigaîl pour avoir quelques vivres. Par malheur, ce pauvre homme estoit ivre, et commençant à parler en ivrogne, dit que David, après avoir mangé ses voleries, envoyoit chez luy pour le ruiner comme les autre<, et qu'il ne leur donneroit aucune chose. David sçachant cecy : Vive Dieu î dit -il. '^'' il me la payera, le mescognoissant qu'il est du bien que je luy ay fait de sauver .ses troupeaux et empescher qu'aucune chose ne luy fust faite. Abigail sçachant le dessein de David, s'en alla h- lendemain au  (u*) ;Mf#«/nl, — car vou« teneg atrMé pni «l<^|»f»nMlnr« l'un *}*t^ Ventre «W Irur (anUiie. (M* iv') 1/ imtf^ym . *' • i tir f|Uf>>' tuMnger pour > . w t vmu«, tmuvrrrut cr pauvr«> tHMOMM Ivrt : lr«|url rtilcodani c« qw Utvtd dmuuvluii rmntiimça Jb purlrr m Kfiiciw- dr r»r«pfi« et rvfuM oél clMt lay pour 4iitr«^. ri ««nnblablM chotr». ( « tout c« qui «'rttuél pMaé mtt i rrpjrtll : Mv« IMmt f (Mt. el Oill.i  200 Les vrays Entretiens spirîtueLs devant de luy avec des presens pour l'appaiser, usant de ces termes : Monseigneur, que voudriez-vous faire à un fol ? hier que mon mary estoit ivre, il parla mal, mais il parla en ivrogne et comme un fol. Monseigneur, appaisez vostre courroux et ne veuillez pas mettre vos mains sur luy, car vous auriez regret d'avoir mis la main sur un fol. Il faut faire les mesmes excuses d'une personne ivre et de nostre propre jugement ; car l'un n'est pas guère (w') plus capable de raison que l'autre. Il faut donc avoir un très-grand soin de l'empescher de faire ces considérations, à fin qu'il ne nous enyvre de ses raisons, principalement en ce qui concerne l'obéissance. •Cf. var.(b),p. 169. Vous voulcz en fin sçavoir * si vous devez avoir une grande confiance et un grand soin à vous advertir les unes les autres en charité, de vos fautes. C'est sans doute, ma fille, qu'il le faut faire ; car à quel propos verrez-vous une tache en vostre Sœur, sans vous essayer de la i^') luy oster par le moyen d'un advertissement ? Il faut neantmoins estre discrette en ceste besogne ; car il ne seroit pas temps d'advertir une Sœur tandis que vous la verrez indisposée ou pressée de melancholie, car il seroit dangereux qu'elle ne rejettast d'abord l'ad- vertissement si vous le luy faisiez (y'). Il faut un peu attendre, puis l'advertir en confiance et charité. Si une Sœur vous dit des paroles qui ressentent le murmure, et que d'ailleurs ceste Sœur ayt le cœur en douceur, sans doute il faut que tout confidemment vous luy disiez : Ma Sœur, cela n'est pas bien fait ; mais si vous vous appercevez qu'il y ayt quelque passion esmeuë dans son cœur, alors il faut destourner le propos le plus  (w') comme un fol. — ■ Si vous veniez aujourd'huy chez luy, il vous recevroit certes de bon cœur et honnorablement. Appaisez vostre courroux, Monsei- gneur, et ne veuillez mettre vos mains sur luy, car vous auriez regret toute vostre vie d'avoir mis la main sur un fol. Il faut faire ces mesmes excuses d'une personne enyvrée de son propre jugement, car elle n'est non (Ms. et Coll.) (x'j à quel propos — verray-je une tare en ma Sœur que je ne tasche de Ms. et Coll.) (y') que — je la verray en mauvaise humeur ou pressée de melancholie, car elle rejetteroit d'abord la ff.rrertion si je la luy presentois. (Ms. et Coll.)  XI 1>K LA VERTi; d'OBEISHANCE 2o| dextremcnt que l'on p)eut. N'ous dites qiu- vous craignez d'advertir si souvent une Sceur des fautes (ju'elle fait <»', parce que cela luy oste l'asseurance et la fait plustost faillir à force de craiiulre. O Dieu ! il ne faut pas faire ce jugement des Sœurs dt- céans ; car cela n'app;u"iient qu'aux filles du monde de perdre l'asseurance quand on les ad vert it de leurs défauts. Nos Sœurs arment trop leur propre abjection pour faire ainsi ; tant s'en faut qu'elles s'en troublent, qu'au contraire elles prendront un plus grand courage et plus de soin de s'amender, non pas pour éviter d'estre adverties, car je suppose qu'elles ayment souverainement tout ce qui les peut rendre viles et abjectes à leurs yeux, ains à fin de faire tousjours mieux leur devoir et se rendre capables de leur vocation.  (t*) f «tf Ton peut. — C*«t Mn« doutr que svt%x% pouvez advrrtir dr» fautes qui te font A l'OAoe. enoor que ce met de la chaner de l'AMMtante ; et oe faut pa» attmtlrr qu'une S ainsi elle doubloit ceste première fui de l'amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres f)etites prétentions, desquelles elle fut reprise de Nostre Seigneur : Marthe, Marthe, tu te troubles de plusieurs choses, bien (ju'i<«^ seule soit nécessaire, qui est celle que Magdelaine a choisie et gui ne luy sera point ostée Cest acte donc de charité simple qui fait que nous ne regardons et n'avons autre visée '** en toutes nos actions que le seul désir de plaire à Dieu est la part de Marie, qui est seule nécessaire, et c'est la simplicité, vertu laquelle est inséparable de la charité, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun meslange de propre intercst, autrement ce ne seroit plus simplicité ; car elle ne peut souffrir aucune doublure des créatures ni auctme con- sidération d'icelles, Dieu s<»ul y trouve place <''. '«' Ceste vertu e^^t purement chrestienne. Les payens, voire ceux (jui ont le mieux parlé des autres vertus, n'en ont eu aucune cognoissance, non plus que de riiumihté ; car de la magnificence, de la hU*ralité, de   (•) roirr  <- , Acr m U ftémpItM'.' ■ : 1 - « rrtrailtr (f) C«»te vvfftu «t purrmml rhrr«t»mn«'. r^r lr% p«v*«M, vnérv r^m% qmi aal tort bUn pmhè dm éutreê vrrttn. f 1 n Art«< «i ont •« ••II» Cti^[thnk»%»ncf, tum f>lii« qtir ilr l'hti nenih» <■ • h1tft«lil#. «I«  ^04 i-Ei» VRAvs Entretiens spirituels la constance, ils en ont fort bien escrit ; mais de la simplicité et de Thmiiilité, rien du tout. Nostre Seigneur mesme est descendu du Ciel pour donner cognoissance aux hommes tant de l'une que de l'autre vertu, autre- ment ils eussent tousjours ignoré ceste doctrine si néces- saire. Soyez prudens comme le serpent, dit-il à ses Apostres, mais passez plus outre, et soyez simples * Matt., X, i6. comme la colombe*. Apprenez de la colombe à aymer Dieu en simplicité de (h) cœur, n'ayant qu'une seule prétention et une seule fin en tout ce que vous ferez ; mais n'imitez pas seulement la simplicité de l'amour des colombes en ce qu'elles n'ont tousjours qu'un paron pour lequel elles font tout et auquel seul elles veulent complaire (i), mais imitez-les aussi en la simplicité qu'elles pratiquent en l'exercice et au tesmoignage qu'elles rendent de leur amour ; car elles ne font point tant de choses ni tant de mignardises, ains elles font simplement leurs petits gemissemens à l'entour de leurs colombeaux, (J) et se contentent de leur tenir compagnie quand ils sont presens. La simplicité bannit de l'ame le soin et la sollicitude que plusieurs ont inutilement pour rechercher quantité d'exercices et de moyens pour pouvoir aymer Dieu, ainsi qu'ils disent ; et leur semble, s'ils ne font tout ce que les Saints ont fait, qu'ils ne sçauroyent estre contens. Pauvres gens ! ils se tourmentent pour (•^) trou- ver l'art d'aymer Dieu, et ne sçavent pas qu'il n'y en a point d'autre que de l'aymer ; ils pensent qu'il y ayt certaine finesse pour acquérir cest amour, lequel neant- moins ne se trouve qu'en la simplicité. Or, ce que nous  la prudence, de la constance, ils en ont tort bien escrit ; mais de la simplicité et humilité, point. Nostre Seigneur luy-mesme [Reprendre au texte, lig. 3.] (h) comme la colombe. — Comme s'il eust voidu dire : Apprenez de la colombe à aymer Dieu en simplicité, je veux dire, à procurer en vous l'aug- mentation de l'amour céleste en la simplicité de vostre (i) complaire — et craignent de desplaire (j) gemissemens — autour de leurs colombeaux, se tenant en ceste confiance, qu'ils sont tout asseurés de leur amour, (k) Pauvres gens ! — qu'il y a grand'pitié en eux ! car ils se tourmentent ù  XII. in: LA Simplicité 205 disons qu'il n'y a point d'art, n'est pas pour mespriser certains livres qui sont intitulés : L'Art d'aymer Dieu^ ; '^ -J ' car ces livres ' enseignent qu'il n'y a point d'autre dé Ueu. art que de se mettre à l'aymer, c'est à dire se mettp* en la pratique des choses qui luy sont agréables, ce qui est le seul moyen de trouver et acquérir cest amour sacré, jxjurveu que ceste pratique s'entreprenne en simplicité, sans trouble et sans sollicitude La simplicité embrasM- voirement les moyens que l'on prescrit à un chacun selon sa vocation jxiur accpierir l'amour de Dieu, *"" de sorte qu'elle ne veut point d'autre motif jKuir acquérir ou estre incitée à la recherche de cest amour que sa fin mesme. autrement elle ne seroit pas parfaitement sim- ple ; car elle ne peut souffrir autre regard, pour ))arfait qu'il puisse estre, que le pur amour de Dieu qui est sa seule prétention. Far exemple, •si on va à l'Office, et que l'on demande : Où allez-vous ? Je vay à l'Office, respur louer Dieu. Mais pourquoy plustost à ceste heure qu'à une autre ? C'est parce que la cloche ayant sonné, si je n'y vay pas je seray remarquée. La fin d'aller à l'Office pour loiier Dieu est très-bonne, mais ce motif n'est pas simple, car la Mmpliciié recpiiert qu'on y aille attiré du désir de plaire à Dieu, sans aucun autre regard ; et ainsi de toutes autres choses. Or, avant ciue passer outre, il faut descouvrir une trom|X'rie qui c^t en l'esprit de plusi«*urs touchant ceste vertu ; car ils pensent que la simplu ité soit contraire à la prudence, et qu'elles soyent oppo^^rs l'une à l'autre, ce qui n'est pas ; car jamais les vertus ne se contrarient l'une l'autre, ajiis ont une union très-grande par ensem- ble. La vertu de simplicité est opposée et contraire au vice de l'astuce, vice qui est la source d'où procèdent les finesses, artifices et duplicités 1 astuce est un amas d'artifices, de trominru-s, i\v malices, et c'est par le  (I) r/f ttvtti - in««ii»rt . qui »l I'aiimmu «1« i>M-u,  2o6 Les vrays Entretiens spirituels moyen de l'astuce que nous trouvons des inventions pour tromper l'esprit du prochain et de ceux avec lesquels nous avons à faire, pour les conduire au poinct que nous prétendons, qui est de leur faire entendre que nous n'avons autre sentiment au cœur que celuy que nous leur manifestons par nos paroles, ni autre cognoissance sur le sujet dont il s'agit ('^) ; chose qui est infiniment con- traire à la simplicité, qui requiert que nous ayons l'inté- rieur entièrement conforme à l'extérieur. Je n'entends pas pourtant de dire qu'il faille tesmoi- gner en nos émotions, des (<^') passions à l'extérieur ainsi que nous les avons en l'intérieur ; car ce n'est pas contre la simplicité de faire bonne mine en ce temps-là, ainsi que l'on pourroit penser. Il faut tous jours faire différence entre les effets de la partie supérieure de nostre ame et les effets de nostre partie inférieure. Il est vray que par fois nous avons des grandes émotions en nostre intérieur sur la rencontre d'une correction ou de quelqu'autre contradiction ; mais ceste émotion ne provient pas de nostre volonté, ains tout ce ressentiment se passe en la partie inférieure ; la partie supérieure ne consent point à tout cela, ains elle aggrée, accepte et trouve bonne ceste rencontre. Nous avons dit que la simplicité a son regard continuel en l'acquisition de l'amour de Dieu ; or l'amour de Dieu requiert de nous que nous retenions nos sentimens, et que nous les mor- tifions et anéantissions, c'est pourquoy il ne requiert pas que nous les manifestions et fassions voir au dehors. Ce n'est donc pas manquer de simplicité de faire bonne mine quand nous sommes esmeus en l'intérieur. Mais ne seroit-ce point tromper ceux qui nous verroyent, dites- vous, d'autant que, quoy que nous fussions fort immor- tifiées, ils croiroyent que nous serions fort vertueuses ? Ceste reflexion, ma chère Sœur, sur ce que l'on dira ou  (il) entendre que nous — ne sçavons ricu autre (luc ce que uous leur disons, et n'avons point d'autre sentiment ni cognoissance sur le fait dont il s'agit, sinon celuy que nous leur manifestons (o; de dire, — ma chère fille, qu'il faille tesnioigner nos émotions et  XII. Dfc lA SlMP!iriT# 207 que l'on pensera de vous, 'p e^t coiuiairf à la bunplicitc , car nous avons dit qu'elle ne vise qu'à contenter Dieu et nullement les créatures, sinon entant que l'amour dt* Dieu le requiert. Apres que lame simple a fait une action qu'elle juge se devoir faire, elle n'y pense plus ; et s'il luy vient à la pensée c^ <*»' que l'on dira ou que l'on piMisera d'elle, elle retranche promptement tout cela, parce qu'elle ne peut souffnr aucun divertisî»ement en sa prétention, qui est de se tenir attentive à son Dieu pour accroistre en elle son amour. 1^ considération des créatures ne l'esmeut point [)our aucune chose, car elle réfère tout au ( reateur. De mesme en est-il de ce que l'on pourroit dire, >'i\ n'est pas permis de se servir de la prudence pour ne pas descouvrir aux Superieur> ce que l'on penseroit les pouvoir troubler, ou <'' nous-mesmes en le disant ; car la simplicité ne regarde sinon s'il est expeilient de dire ou de faire telle chose, et puLs là dessus elle se met à la faire, sans perdre le temps à considérer si le Supérieur se trouble, ou bien encor moy, si je luy dis quelque jîensée que j'ay eu de luy, ou qu'il ne se tn»uble pas, ni moy aussi. S'il est e.\|)eilient pour moy de le dire, je ne laisseray pas de le dire tout simplement, en arrive après ce que Dieu voudra, yuand j'auray fait mon devoir, je ne me mettray pas en peine d'autre those Il ne faut pas tousjours tant craindre le trouble, Milt pour soy-mesme. .soit pour autruy ; car le trouble de  {pt fmmttJ momt tommtê — uMjrltàr^ ieu oa la vaut p«a.  2o8 Les vr^ws Entretiens spirituels soy-niesme n'est pas péché. Si je sçay qu'allant en quelque compagnie Ton me dira quelque parole qui me troublera et m'esmouvera, je ne dois pas éviter d'y aller ; ains je m'y dois porter, armé de la confiance que je dois avoir en la protection divine, qu'elle me fortifiera pour vaincre ma nature contre laquelle je veux faire la guerre. Ce trouble ne se fait qu'en la partie inférieure de nostre ame ; c'est pourquoy il ne s'en faut nullement estonner, quand il n'est p?s suivi, je veux dire quand nous ne consentons point à ce qu'il nous suggère ; car en ce cas là il ne le faudroit pas faire. Mais d'où pen- sons-nous que vienne ce trouble (t), sinon du manque- ment de simplicité, d'autant que l'on s'amuse souvent à penser : que dira-t'on ou que pensera-t'on ? au lieu de penser à Dieu et à ce qui nous peut rendre plus agréables à sa Bonté. Mais si je dis une telle chose, j'en demeureray plus en peine que devant que l'avoir dite. Bien, si vous ne la voulez dire et qu'elle ne soit pas nécessaire, n'ayant besoin d'instruction sur ce fait, résolvez-vous promp- tement et ne perdez pas le temps à considérer si vous la devez dire ou non ; car il n'y auroit pas de l'apparence de faire une heure de considération sur toutes les menues actions de nostre vie. Mais de plus, je pense, quant à moy, qu'il est meilleur et plus expédient de dire à la Supérieure les pensées qui nous mortifient le plus, (") que non pas plusieurs autres qui ne servent de rien, sinon pour accroistre l'entretien que vous faites avec elle. Et si vous en demeurez en peine, ce n'est que l'immortification qui fait cela ; car à quel propos diray-je ce qui n'est pas nécessaire pour mon  (t) Mais d'où — pensez- vous que ce trouble vienne bien souvent (u) de l'apparence — que, sous le prétexte de la prudence, nous voulussions; faire une heure de considération sur toutes les menues actions de nostre vie. Si je dis à la Supérieure toutes les pensées qui me peuvent le plus mortifier^ j'en demeureray après bien en peine. Dites-vous, ma chère fille, s'il est expédient de luy dire toutes celles qui vous mortifient le plus ? Quant à moy je pense que ou y, qu'il seroit mieux de luy dire celles-là  XII. Dk la Simplicité aoy utilité, en laissant ce qui me peut plus mortifier ? La simplicité, comme nous avons desja dit, ne cherche que le pur amour de Dieu, lequel ne se trouve jamais si bien qu'en la mortification de nous-mesmes ; et à mesure que la mortification croist, nous nous approchons d'autant plus du lieu où nous devons trouver son divin amour. Au surplus, (^'> les Supérieurs doivent estre parfaits, ou du moins ils doivent faiie les teuvres deb parfaits ; et partant ils ont les oreilles ouvertes pour recevoir et entendre tout ce que l'on leur veut dire, sans s'en mettre beaucoup en peine. I^ simplicité ne se mesle pas de ce que font ou feront les autres, elle pense à soy ; encore n'a-t'elle pour soy que les pensc^ qui sont vrayement necc*ssaires, car quant au.\ autres, elle s'en de:»tourne tousjours promptement. Ceste vertu a une grande affinité avec riuimililé, laquelle ne permet pas que l'on ayc mauvaise opinion de personne que de nous-mesmes. (*) Vous demandez comment il faut observer la simpli- cité es conversations et récréations. Je vous r«*spon(Ls comme en toute autre action, bien qu'en celle-cy il y faut avoir une sainte liberté et franchise pour s'entretenir des sujets qui servent à l'esprit de joye et de récréation. Il faut estre fort naïf en la conver.>ation ; il ne faut pourtant pas estre inconsidéré, d'autant (jue la simplicité  (V) éniH timomr. c'c»t i|ur vuu» cniffDet de murtiàct la Supcricurr ou U truubkT. O tir ««11- Vuu« vuudfiex «çavutf in.< t comme quoy U toat obtcnrar U •itnplkiU. roodeur et ualfvcté en U coovcrMtkjo. U'auUut. 4ite«vou», que ou il y 4 U - * ' l*c«pni« n i»f • ' ' — '*•" fjtt jppriMi . Il lie tuu». < putMiocu UMtkjour» «i béen adjutter oot parole au tenlUnenl n à rh um — r d'un chacun que nul n'y tftMivaal à ' ' loaia poortaik^ peut ; et 4um1 ne ttitu% devunt-uou* paa m^t j>«1im de la !•*< <«t pm necc— aÉfc. Mai« faut U faire de« ooaakkralkjcia aur chaque parole que >e dtM dire pour rvitrr de fatcber quelqu'une ? XuIJamant, pwunreu que vu«« obiennea U Krgle. en ne parlant que de ce qui eal rvquia et qui «ert A la recraatkn et i re«prtt de f oye m eté ; car •*!! vtiu» venoét en la pentAe de dirr quelqu' •uifonne Jb «• " « pa« Arr. d'autaii- . : ua^vur» la rc^ ••«• m lunu ciiOM ; «t «é béen U faut caln mH «a U ounver«atiaa. U m faut pumtUM i«  2IO Les vrays Entretiens spirituels suit tous jours la règle de l'amour de Dieu. Mais bien qu'il vous arrivast de dire quelque petite chose qui semblast n'estre pas si bien receiie de toutes comme vous voudriez, il ne faudroit pas pour cela s'amuser à faire des reflexions et examens sur toutes vos paroles ; ô non, car c'est l'amour propre sans doute qui nous fait faire ces enquestes, si ce que nous avons dit et fait est bien receu ; mais la sainte simplicité ne court pas après ses paroles ni ses actions, ains elle en laisse l'événement à la divine Providence, à laquelle elle s'attache souverainement. Elle ne se destourne ni à droite ni à gauche, ains elle suit simplement son che- min. Que si elle y rencontre quelque occasion de pra- tiquer quelque vertu, elle s'en sert soigneusement comme d'un moyen propre pour parvenir à sa perfection qui est l'amour de Dieu, mais elle ne s'empresse point pour les rechercher ; elle ne les mesprise point aussi. File ne se trouble de rien (^) ; elle se tient coye et tranquille en la confiance qu'elle a que Dieu sçait son désir, qui est de luy plaire, et cela luy suffit. Mais comment peut-on accorder deux choses si con- traires ? L'on nous dit d'un costé qu'il faut avoir un grand soin de nostre perfection et avancement, et de  pas estre inconsidéré, disant à tort et à travers tout ce qui vient en la fantaisie. Mais je me trouve auprès d'une Sœur qui sera peut estre un peu melancho- lique, et partant elle ne prendra pas plaisir à m'ouyr parler, moy qui seray en humeur de me recréer. Quant à cela, ma fille, il n'y faut pas prendre garde, car qu'y feriez-vous ? elle est maintenant sérieuse ou melancholique, et une autre fois vous le serez ; maintenant il faut faire la récréation pour elle et pour vous, et une autre fois elle en fera autant pour vous. Vrayement, ce seroit une belle chose à voir, que dés que nous avons dit quelque mot de récréation, nous nous missions à regarder toutes les Sœurs l'une après l'autre pour voir si elles en rient et si elles l'approuvent, et que voyant quelqu'une qui ne le fist pas, nous nous en missions bien fort en peine, et que pour cela nous creussions qu'elle ne l'a pas trouvé bon ou qu'elle en tire quelque mauvaise interprétation. O certes, il ne faut pas faire ainsi ; ce seroit l'amour propre qui nous feroit faire ceste enqueste, cela ne seroit pas marcher simplement, car la simplicité [Reprendre au texte, lig. 8.] (x) pour parvenir à sa — prétention qui est l'amour de Dieu, mais elle ne s'empresse point ; elle ne mesprise point d'occasions, mais elle ne se trouble pas aussi, ni ne s'empresse pour les rechercher.  XII 1)1. rv SlMPUCITÉ 211 l'autre l'on nous dcleiid cl y pciujer ' Remarquez icy, sil vous plaist, la misère de l'esprit humain, car il ne s'ar- reste jamais à la medicxTité. ains il court ordinaire- ment '"' aux extrémités. Nous tenons ce défaut de nostre lx)nne mère Eve. car elle en fit bien autant lors que le malin esprit la tentoit de manger du fruict défendu ; elle dit que Dieu leur avoit défendu de le toucher*, • G*»-. •«•. y au Ueu de dire qu'il leur avoit défendu de le manger.  (y) aux extmuitét. l'oe 61k k qui l'oo aon defeodo de tortir Jk U nie dés qu'il Mt nuit ne inanquora p«s de dire : Mon t>iea, J'ay U plu» terrlblr toftn qui «e peut dire ! elle IM wat p«« roeune que )e «orte de U maiaoo. On ne luy a défendu de tortir que la nuit, et elle dit que c*e«t pour tooft^mn. Une atit. ' . tmp haut rt t'ofi l'en advcrtira : Dieii. dirat'< " «e plaint M : i4nte trop haut ; tnatt ^ chanUray %i bas q ne m'entendra pa». Ou biea ooe autre, deqooy elle ntarrlie trop vtote. «e mêttri Jk raairV - «loe l'oQ oompterutt i'^ •>«» pas. Et que feroét-on li ? il '-•'oce. pourreu que 1 veuille pas noumr ces dcfauts-li. et qu'ito ne se fanent pas par oplniastreté. L'oo ne peut pM tooà* )uuri aller si )u%tetuent que l'on ne choppe uu peticbe •! les extrémité ; pour>-eu que l'cm se radresae le plu^ prutnpteincnt q , eut, il se faut contenter. Nous tenon% ce défaut de n à ceU que vou« ta priet de ne Ui«cr pas pour oda de \tns^ employer tousjours franchement, car vous luy eo «çsves boa gré : t ' mbrafoeat de cela, vous pouvct b4en reepaodrr m rs la mnitonoe de vow exercer. Il y a une tromperv en l'espnt de plustetin personnes, qui pensent que de faire dea camacs et lUtié 4 crtii A qui on a de l'avcnéon tojrent de» r, ce qui n'est pourtant pas ; car lea aw^oM 1001 Involontaire» et ont leur ikge en la partk inferkurr de l'ame, U vokmli le» rejette, bien qu'elles oe t'en aillent pas. Le» arto» d'amour que nous faisans envers ceux A qui nous avons de l'aversion proviennent de la raisan, qui nous dit qu'il se faut nMCttlier et surmonter . et partant, quoy que nous ayon» un tsaltesnt tout • A no» paroles et à nos actions, en cela noi» ne pas A U I-... itr. cat nou» desavuuuos ce» scntlmaas eomm» et eo eflet lU k suoi- l-« fi4k ck« gens du monde est grande, car il» M vantent d'avoir b ce fait, parte qu'ik ne font poÉil boonr mine A leurs et!- - -— • :--• • -^^^^émmtH, Il n'e»t pns n.. le UIffv  212 Les vrays Entretiens spirituels L'on ne dit pas que vous ne pensiez point à vostre avancement, non ; mais que vous n'y pensiez pas avec empressement. C'est aussi manquer de simplicité de faire tant de considérations quand nous nous voyons faire des défauts les uns aux autres, pour sçavoir si ce sont des choses nécessaires à dire à la Supérieure ; car dites-moy, la Supérieure n'est-elle pas capable de cela, et de juger s'il est requis d'en faire (z) la correction ou non ? Mais que sçay-je moy, à quelle intention ceste Sœur aura fait telle chose ? dites- vous. Il se peut bien faire que son intention soit bonne ; aussi ne devez-vous pas a.ccuser son intention, mais son action extérieure, s'il y a de l'imperfection. Ne dites pas aussi que la chose est de peu de conséquence, et qu'elle ne vaut pas d'aller mettre ceste pauvre Sœur en peine, car tout cela est contraire à la simplicité. La Règle qui commande de procurer l'amendement des Sœurs par le moyen des advertis- semens, ne nous commande pas d'estre si considérées  quelque chose à laquelle nous avons une forte inclination, au moins pour le sujet que vous dites, qui est pour donner la confiance à une Sœur de se contenter en la faisant, et vous, de vous mortifier en vous ostant l'occasion de la faire ; car si bien vous desirez bien fort de la faire, ce désir n'est pourtant qu'en la partie inférieure, puisque vous voulez préférez, quant à la partie supérieure de vostre ame, la consolation de vostre Sœur à la vostre. En fin, il faut tousjours entendre en toutes choses que les productions de la partie inférieure et sensitive de l'ame n'entrent ou ne doivent entrer en nostre considération, non plus que si nous ne les appercevions pas. Avons-nous encor quelque chose à dire de la simplicité ? car il faudra dire un mot de la prudence ; mais ce sera après, car de prudence il en faut peu, et de simplicité, beaucoup. Il est vray, c'est manquer [Reprendre au texte, lis. 4.] (z) la correction ou non ? Ce n'est pas comme si vous en parliez à quclqu'autre qui n'y deust pas remédier. Mais que sçay-je moy, à quelle intention ceste Sœur a fait telle chose ? peut estre que son intention est bonne. Il se peut bien faire ; mais dites-moy, l'action est-elle bonne ou mauvaise ? Selon l'extérieur, elle est mauvaise. Et pourquoy ne la voulez-vous pas dire ? car vous ne devez pas accuser son intention, ains seulement son action ; de quoy vous mettez-vous donc en peine ? Dites-vous, ma fille, que vous pensez que la chose estant de peu d'importance, qu'elle ne vaut pas d'aller mettre ceste pauvre Soeur en trouble, et que possible n'y retournera- t'elle plus. Tout cela n'est pas simple, car la Règle qui vous ordonne de procurer l'amendement des .Sœurs par le moyen des advertissemens, ne vous commande pas d'estre si considérée en ce poinct, comme si l'honneur des Sœurs dependoit de ces  XII. I)K L.\ Simplicité 213 en ce poinct, comme si l'honneur des Sœurs dependoit de ceste accusation. Il faut voirement observer et atten- dre le temps convenable pour faire la correction, car la faire sur le champ est un peu dangereux ; mais hors de là, il faut faire en simplicité ce que nous sommes obH- gés de faire selon Dieu, et cela sans scrupule. Car bien que peut estre ceste personne se passionne et se trouble après l'advertissement que vt)us luy aurez fait, vous n'en estes pas cause, ce n'est que son immortification. Que si elle commet (juelque faute sur le champ, cela sera cause qu'elle en évitera plusieurs autres qu'elle eust faites en persévérant en son défaut. I^ Supé- rieure ne doit pas laisser de corriger les Sœurs parce qu'elles ont de l'aversion à la correction ; car peut estre tant (jue nous vivrons nous en aurons tousjours, d'au- tant que c'est une chose totalement contraire à la nature de l'homme d'aymer d'estre avili et corrigé ; m^^is ceste aversion ne doit pas estre favorisée de nostre vohmté laquelle doit aymer l'humiliation. '•»')  aocuMtion«. Je diray t ^: *i ir «çav«»i« *jtir n^xr p«Tvmne que j*4\ X oorrigrr conimrttroit uu , .. vraicl niuiii Ir trouble que mon advertiMCiuent ou correction luv rau««ro«t. )e ne devmh pa« lai«4rr de le faire poor U truie oooskleration du tnmble. qui n'nt pcttiii 1 «oy, aint •rulemcol M manvai« effet* qu*il produit. SetileiiMnil il ,, . et il le faut obterv*er, aUetxlrr le tetnp* convenable, car de faire le« cnrrrriioo» *w le champ c'r%t ce qui e«t danicereux. Si je pr>uvn I>i«u, et cela tan« «cnipule. Car m bieo ceace per»onoe w ne et te trouble jf " tverti«ietnent •• ' * ■ : - - 'mv f*i'. -- 11141* rt II • , 4* caufte, ce i . *i . et ». •ur l'heure un péché veaiel. ce pecbeU «en cauM qu'elle en e\-ttera j l'clle eu*t cuiumi^ ' m défaut. San p«», nu < n^jr i> iperieure [K«preii' (a*) rkmmilt4tli0m, •— L«ft U :epft«e m faitanl bien, car «n otU voua mtm du parti d« Noatrv McM^ir. lequel s'arMii iainai* fait mal. a nMintmnin% voulu eatrv l«au rt ealr» m** A mort pa«r mi  ii4 Les vrays Entretiens spirituels \'ous voulez que je vous die un mot de la simplicité que nous devons avoir à nous laisser conduire selon l'intérieur, tant à Dieu que par nos Supérieurs. Il y a des âmes qui ne veulent, à ce qu'elles disent, (b') estre conduites que par l'Esprit de Dieu, et leur semble que tout ce qu'elles s'imaginent soit des inspirations et des mouvemens du Saint Esprit, qui les prend par la main et les conduit en tout ce qu'elles veulent faire, comme des enfans, en quoy certes elles se trompent fort. Car, je vous prie, y a-t'il jamais eu une vocation plus spéciale que celle de saint Paul, en laquelle Nostre Seigneur luy parla luy-mesme pour le convertir ? et neantmoins il ne voulut pas l'instruire, ains le renvoya à Ananie, disant : Va-t'en, tu trouveras un homme ♦ Act., IX, 4-7. qui te dira ce que tu auras à faire *. Et bien que saint Paul eust peu dire : Seigneur, et pourquoy non vous-mesme ne le direz-vous pas ? il ne le dit pas pour- tant (c')^ ains s'en alla tout simplement faire comme il luy est oit commandé. Et nous autres penserons estre plus favorisés de Dieu que saint Paul, croyans qu'il  malfaicteur. La vertu de simplicité embrasse amoureusement ceste mortift- cation comme un moyen propre pour luy ayder à parvenir tant plus tost à sa j^retention, qui est de s'unir à Nostre Seigneur par une totale conformité de vie et d'exercices Vous desirez de sçavoir encor si voyant que la Supérieure ne tesmoigne pa? d'aggréer que l'on luy parle des défauts que les Sœurs ont remarqués en elle, si l'on ne. doit pas laisser de les luy dire en simplicité ? Qui en doute de cela ? la Supérieure n'en doit pas tesmoigner de l'agrément aussi ; et qu'est-il besoin de prendre garde si elle l'aggrée ou non ? La Supérieure vous escoute et vous preste l'oreille pour ouyr ce que vous luy voudrez dire ; n'est-ce pas assez ? Mais elle ne me dit rien pour me tesmoigner qu'elle trouve bon (jue je le luy aye dit. Et qu'importe ? ayant rendu vostre devoir, pourquoy vous mettez-vous en peine du reste ? Peut estre qu'elle pensera que je l'ay dit à quelque autre intention que celle de la charité. Tout cela, mes chères filles, sont des retours fort contraires à la simplicité qui ne s'amuse qu'autour de Nostre Seigneur. Mais passons outre. (b') Certes, je ne sçay pas quelle est l'intention de nostre Mère, mais je crois bien qu'elle est telle que vous jugez, à sçavoir, que nous disions quelque chose de la simplicité que nous devons avoir à nous laisser conduire selon l'intérieur, tant par Dieu que par nos Supérieurs II y a certes des amcs qui sont, comme vous dites, si braves en elles-mesmcs, qu'elles ne veulent (c') ne — me le direz-vous pas bien ? il ne fit rien de tout cela  XII. De la SiMPLicirt 215 nous veut conduire luy-mesme sans l'entremise d'aucune créature. I^ conduite de Dieu pour nous autres, mes tres-cheres filles, n'est aut^-e que l'obéissance, car horb de là il n'y a que tromperie •' C'est bien une chose certaine que tous ne sont pas conduits par un mesme chemin ; mais aussi n'est-ce pas à un chacun de nous de cognoistre par quel chemin Dieu nous appelle. Cela appartient aux Supérieurs, les^^uels ont la lumière de Dieu pour ce faire II ne faut pas dire qu'ils ne nous cognoissent pas bien, car nous devons croire que l'obéissance et la sousmisMon sont tousjours les vrayes marques de la bonne inspiration : et quoy qu'il puisse arriver que nous n'ayons point de consolation es exercices que l'on nous fait faire, et que nous en ayons beaucoup aux autres, <*•'' ce n'est pas par la consolation que l'on juge de la bontf' de nos actions Il ne faut pas s'attacher à nostre propre satisfaction, car ce seroit s'attacher aux fleurs et non pas au fruirt. Vous retirerez plus d'ut dite de ce que voua ferez suivant la direction de vos Supérieurs, que non pas en suivant vos instincts intérieurs, (jui ne proviennent pour l'onlinaire que de l'amour pn^pre qui, sous couleur de bien, recher- che de se complaire en la vaine estime de nous-mesmes. C'est bien la vrayc vérité que vostrc bien dépend de vous laisser conduire et gouverner par l'Esprit de Dieu  que rE»poux le luy diruit ou in%|iérrruÉt. «o «orte que e«toét biea empcKh^ : car %i elle l'appell'iét pour aller A I • ^' elle dhoit de tout qu'elle le lrr"- faJloét tou»)our> atteiMlre U voix d« l'Etpoux. Or, U vois à» l'Eapcmt pour tt •"♦, nM* chère* fille*, nr duét r^' la a que tromperie. Mun Dieu, )c intérieure, et crpendant l'on m'en veut tirer pour me falrt tolvre le* esereécM que 1*00 ôtm' 'ople. l'obMnraaet d< qui marque le* alu ..:. , - U faut avoir «1 ehaq (#>'; // n# /««l PMI é%r« - ih oe me cognnément pa« bien, car pam devom mAxv que ti ; l'obeiMaurr et la wHitmitiioî tn)uur» la vrart aMT^ve (le I4 bonne loaptratloo. MaN >• o'ay poit^i . ^.solâtkma H cserckva «lur l'oo ttir fait faire, rt cepetxiant J'en avoU tant aut aatrv%. Il •• peut i - iAirr. maH  2t6 Les vrays Entretiens spirituels sans reserve, et c'est cela que prétend la vraye simpli- cité que Nostre Seigneur a tant recommandée : Soyez •Ubi supra, p. 204. simples comme des colombes, dit-il à ses Apostres * ; mais il ne s'arreste pas là, leur disant de plus : Si vous n'estes faits simples comme un petit enfant, vous * Matt.,.\viii, 3. n entrerez point au Royaume de mon Père*. Un enfant, pendant qu'il est bien petit, est réduit en une grande simplicité qui fait qu'il n'a autre cognoissance que de sa mère ; il n'a qu'un seul amour, qui est pour sa mère, et en cest amour une seule prétention, qui est le sein de sa mère : estant couché dessus ce sein bien-aymé, il ne veut autre chose. L'ame qui a la par- faite simplicité n'a qu'un amour, qui est pour Dieu ; et en cest amour elle n'a qu'une seule prétention, qui est celle de reposer sur la poitrine du Père céleste, et là, comme un enfant d'amour, faire sa demeure, laissant entièrement tout le soin de soy-mesme à son bon Père, sans que jamais plus elle se mette en peine de rien, sinon de se tenir en ceste sainte confiance ; non pas mesme les désirs des vertus et des grâces qui luy sem- bloyent estre nécessaires ne l'inquiètent point. Elle ne néglige voirement rien de ce qu'elle rencontre en son chemin, mais aussi elle ne s'empresse point à rechercher d'autres moyens de se perfectionner que ceux qui luy sont prescrits. Mais à quoy servent aussi les désirs si pressans et inquietans des vertus dont la pratique ne nous est pas nécessaire ? La douceur, l'amour de nostre abjection, l'humilité, la douce charité et cordialité ^^) envers le prochain, l'obéissance, sont des vertus dont la pratique nous doit estre commune, d'autant qu'elle nous est nécessaire, parce que la rencontre des occasions nous en est fréquente ; mais quant à la constance, à la magnificence, et telles autres vertus que peut estre nous n'aurons jamais occasion de pratiquer, ne nous en mettons point en peine ; nous n'en serons pas pour cela moins magnanimes ni généreux. (i) Les textes ancien'5 portaient : la douce charité et cordiale. Cotte faute a été corrigée (i'apr6s le Ms.  XII Dk la SiMPi.iriT* 217 C) Vous me ilciuaudcz cununc les aines qui mmi attirées en l'oraison à ceste sainte simplicité et à ce parfait abandonnement en Dieu se doivent conduire en toutes leurs actions ? Je responds que non seulement en l'oraison, mais en la conduite de toute leur vie, elles doivent marcher invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute leur ame, leurs actions et leurs succès au bon plaisir de Dieu, par un amour de parfaite et tres-absoIue confiance, se délaissant à la mercy et au soin de l'amour éternel que la dixnne Pro- vidence a pour elles. Et pour cela, qu'elles tiennent leur ame ferme en ce train, sans permettre qu'elle se divertisse à faire des retours sur elle-mesme, pour voir ce qu'elles font ou si elles sont satisfaites. Helas ! nos satisfactions et consolations ne satisfont pas les yeux de Dieu, ains elles contentent seulement ce misérable amour et soin que nous avons de nous-mesmes, hors de Dieu et de sa considération. I^es enfans, certes, que Nostre Seigneur nous marque devoir estre le modelle de nostre perfection, n'ont ordinairement aucun soin, sur tout en la présence de leurs pères et mères ; ils se tiennent attachés à eux, sans se retourner à regarder ni leurs satisfactions ni leurs consolations, qu'ils pren- nent à la bonne foy et en jouissent en simplicité, sans curiosité quelconque d'en considérer les causes ni les effets, l'amour les occupant assez sans qu'ils puissent faire autre chose. Qui est bien attentif à plaire amou- reusement à l'Amant céleste n'a ni le cœur ni le loisir de retourner sur soy-mesme, son esprit tendant conti- nuellement du costé où l'amour le porte ('est exercice d'abandonnement continuel de soy- mcsmc es mains de Dieu cou îlenunenl toute la perfection des autres '».\ri«^ "«• devons poin' !•* » l>-«iH»ir î i-> .ifi^.ititi <*  {V\ Lm tffné« ptfM MilvAiilm n» t> tmnvmt p^ iLmh U M«.j  itS Les vrays Entretiens spirituels spirituelles, espouses du Roy céleste, se mirent voire- ment de temps en temps, comme les colombes qui sont ♦Cant., V, 12. auprès des eaux très pures*, pour voir si elles sont bien ageancées au gré de leur Amant ; et cela se fait es examens de la conscience par lesquels elles se nettoyent, purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour estre parfaites, non pour se satisfaire, non pour désir de leur progrés au bien, mais pour obéir à l'Espoux, pour la révérence qu'elles luy portent et pour l'extrême désir qu'elles ont de luy donner du contentement. Mais n'est-ce pas un amour bien pur, bien net et bien sim- ple, puisqu'elles ne se purifient pas pour estre pures, elles ne se parent pas pour estre belles, ains seulement pour plaire à leur Amant, auquel si la laideur est oit aussi agréable, elles l'aymeroient autant que la beauté ? Et si, ces simples colombes n'employent pas un soin ni fort long ni aucunement empressé à se laver et parer, car la confiance que leur amour leur donne d'estre grandement aymées, quoy qu'indignes (je dis la con- fiance que leur amour leur donne en l'amour et en la bonté de leur Amant), leur oste tout empressement et desfiance de ne pas estre assez belle^^ ; outre que le désir d'aymer, plustost que de se parer et préparer à l'amour, leur retranche toute curieuse sollicitude et les fait contenter d'une douce et fidelle préparation, faite amoureusement et de bon cœur. Et pour conclure ce poinct, saint François envoyant ses enfans aux champs, en voyage, leur donnoit cest advis au lieu d'argent et pour toute provision : Jetiez • l's. Liv, 23. vostre soin en Nostre Seigneur, et il vous nourrira"^. Je vous en dis de mesme, mes tres-cheres filles : jettez bien tout vostre cœur, vos prétentions, vos sollicitudes et vos affections dans le sein paternel de Dieu, et il vous conduira, ains portera où son amour vous veut. Oyons et imitons le divin Sauveur, qui, comme tres- parfait Psalmiste, chante les souverains traita de son amour sur l'arbre de la croix ; il les conclud tous ainsi : Mon Père, je remets et recommande mon esprit • Lucae, xxiu, 46, entre vos mains*. Apres que nous aurons dit cela, mes  t  XFI. Î>F !A SiMPI.ICrrt 2îO tres-chcTcs fillt^, (juc re^ic-i il sinon J expirer cl mou- rir de la mort de l'amour, ne vivant plu^ à nous- mesmes, mais Jesu^ Christ vivant en nous • ? Alors •. cesseront rouies le^ inquiétudes de nostre cœur, prove- nantes du désir que l'amour propre nous suggère et de la tendreté que nous avons en nous et pour ncus, qui nous fait secrettement emprt^sser à la queste des satis- factions et perfections de nous-mesroes ; et embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de ceste simple et amoure'ise confiance, sans nous apperce- voir de nostre progrés, nous le ferons grandement ; sans aller, nous avancerons, i^t sans nous remuer de nostre place nous tirerons pais, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice. Alors tous les evenemens et variétés d'accidens qui sur\'iennent sont receus doucement et suavement ; car qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné à son amour et qui s'est remis à son bon plaisir, qu'est ce qui le peut esbranler et mouvoir ? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser à philoso- pher sur les causes, raisons et motifs des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiesccn.ent du Sauveur : Ouy mon Père, car ainsi il a esté agréé devant vous •. • Mail., XI. té. Alors nous serons toutes déirempt^ en douceur et suavité envers nos Sœurs et les autrc*s prochains, car nous verrons ces âmes là dans la |x>itrine du Sauveur. HeliLs ! qui regarde le prochain hors de là, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni csgalement ; mais là, (jui ne l'aymeroit, qui ne le supporteroit, (jui ne soufïriroit ses imperfections, qui le trouveroit de mauvaise grâce, qui le trouveroit ennuyeux ? Or, il y est ce prochain, mes fn^-chcres filles, dans b poitrine du Sauveur ; il est là comme tres-aymé et tant aymahie que l'Amant meurt d'amour pour luv. Alnr. encor l'amour naturel du sang, des convenanr»- bien-scances, des correspondances, des sympat! grâces sera purifié et réduit à la |)arfaite ol)eivs.iiice de l'amour tout pur du bon plaisir divin ; et certes, le grand  ^2o Les vrays Entretiens spirituels bien et le grand bon-heur des âmes qui aspirent à la per- fection seroit de n'avoir nul désir d'estre aymées des créatures, sinon de cest amour de charité qui nous fait affectionner le prochain et chacun en son rang, selon le désir de Nostre Seigneur. (g') Avant que finir, il faut dire un mot de la prudence du serpent ; car j'ay bien pensé que si je parlois de la simplicité de la colombe, l'on me jetteroit viste le ser- pent dessus. Plusieurs ont demandé quel estoit le serpent duquel Nostre Seigneur vouloit que nous apprins- sions la prudence, (h') Laissant toutes autres responses qui se peuvent faire à ceste demande, nous prenons  (g') En somme, il nous faut conclure en disant que je fais différence entre les personnes du monde, je dis qui vivent chrestiennement dans le monde, et les Sœurs de la Visitation ; car ceux-là il est requis qu'ils pratiquent la prudence à fin d'accroistre leurs moyens et qu'ils ayent un grand soin pour entretenir leur famille, car faisant autrement ils manqueroyent à leurs obligations ; et bien qu'ils doivent bien plus s'appuyer sur la divine Provi- dence que sur leur industrie, si ne faut il pas qu'ils laissent pourtant de penser à leurs affaires. Mais les Sœurs de la Visitation, elles doivent laisser tout le soin d'elles mesmes entre les mains de Dieu ; je ne dis pas seulement pour les choses extérieures et qui appartiennent à la nourriture du corps, mais beaucoup plus absolument pour ce qui regarde leur avancement spirituel, laissant à la disposition de la divine Bonté de leur donner des biens spirituels, des vertus et des grâces, tout ainsi qu'il luy plaira ; leur prudence doit estre de se laisser absolument entre les bras de la divine Providence. Je considère que entre les animaux ceux qui se servent plus de la prudence (car il y a une prudence naturelle aussi bien qu'une prudence chrestienne) , ces animaux, dis-je, sont les plus couards et peureux : le renard, qui est si fin et qui se sert de tant de ruses, est peureux ; le lièvre, qui est si peureux, use de tant de prudence pour s'eschapper des chiens qui le poursuivent, que quelquefois ils sont bien empeschcs ; le fourmi a une prudence et prévoyance admirable ; les cerfs mesmes, quoy qu'ils ne soyent pas petits, ne laissent pas d'estre peureux, et partant, fins et artificieux ; mais le lion, qui est un animal généreux, se confiant en sa propre vaillance, marche en la simpMcité de son cœur, et partant il s'endort aussi volontiers sur un grand chemin comme dans une retraitte particulière. Les chameaux sont fort simples aussi, l;ien qu'ils soyent si grands et si puissants qu'ils se lairroyent mettre une maison dessus et la porteroyent, tant ils sont propres pour la charge. Entre le« petits animaux, nous avons la colombe et la pauvre brebiette qni sont si simples qu'il n'y en a point de plus amiables. (h'j Car quand les Israélites turent conduits par Moyse dans le désert, ils estoyent à tous propos piqués par des petits serpenteaux, dont plusieurs rnouroyent faute de remèdes ; dcquoy Dieu ayant pitié, commanda que l'on eslevast un serpent d'airain, lequel estant regardé par ceux qui scroyent  \II l>h LA Simplicité  221  maintenant les paroles de Nostre Seigneur* : Soyez •Ubé»ypra. p. 104. prudens comme le serpent lequel, lors qu'il est atta- qué, il expose tout son corps pour conserver sa teste. De mesme devons-nous faire, exposant tout au péril quand il est requis, pour conserver en nous sain et entier Nostre Seigneur et son amour ; car il est nostre ck$f^, * î*î*î**** 'J* '* • et nous sommes ses membres^ : et cela est la pni- «ic* \i m. dence que nous devons avoir en nostre simplicité. Encore vous diray-je qu'il se faut souvenir qu'il y a deux sortes de prudence, à sçavoir, la naturelle et la surnaturelle, yuant à la naturelle, il la faut bien mortifier comme n'estant pas du tout bonne, nous suggérant plu- sieurs considérations et prévoyances non nécessaires, qui tiennent nos esprits bien esloignés de la simplicité. I^ vraye vertu de prudence doit estre véritablement pratiquée, d'autant qu'elle est comme un sel spirituel qui  pi«{ii('« .1' Or. le «erprat d'airain qui lui « . t, ne rcpre»«filor pmidrr k* j iiaur en ce •en* : 5oy#i ^mW/iM --«'/# vra> »trf»*ml ^i- , . . ^ . . 4Ué, eapoae t4Mit ton ctMry% pour t «a le^lc tant «eulenaeot, de nieMne devoa»-nou« lairr. expoMiit tout au peni quand U e«t requit, pour Min et entier Ncntrc Seigneur et «on ammir - ^' '' '^' ' •oounea %t% mtmbnt. En ftn, il faut que nou» fa«»ium un acte de prudencr m ; diKour». de crainte de retenir tn*p no» Sivur». Sr-' • '— nou» rcMouvenion» b«eti qu'il y a drua «ucta» naturelto «1 la «utimiaturrlle. Quant :k la natureUe. U U taut Uter, car elle »' bijnnr. d'autant qu'elle nuu» «ugirt. coQiidcraUon» r\ *ncr% n««n n«ce«aalre« q'H fimm^l »»«•• ' e«)u4gnM de la «imph* <* l.a vr»yf vrttii t esprit, il faut que vous sçachiez que veut dire cela, avoir l'esprit d'une Règle : car nous entendons ordinai- rement dire ; un tel Religieux a le vray esprit de sa Règle Nous tireiuiis du saiiii Evangile dcu.\ exemples qm sont très-propres jwur vous faire comprendre ctxv 11 est dit que siiint Jean Baptiste estoit venu en l'esprit et vertu d'iielie*, et pour cela, qu'il reprenoit hardnnent • i ut*, i i et rigoureusement les pécheurs, les apix^llant ettgeance de vipères^ et telles autres paroles. Mats quelle estoit *MatL,iu.7.Liaca. ccstc vertu d'IIelie ? C'estoit b force qui procedoit de *"* ^' son esprit )X)ur anéantir et punir les ])echeurs. faisant tomber le feu du ciel pour perdre et confondre ceux qui vouloyent résister à la majest*' de son Maistn* : c'estoit • in Kr«. i, ; ils s'unissent aussi avec le prochain par le moyen de l'oraison, en priant Dieu pour luy. Au contraire, l'esprit particulier des autres <" est voirement de s'unir à Dieu et au prochain, mais c'est par le moyen de l'action, quoy que spirituelle. Ils s'uniss^-nt à Dieu, mais c'est en luy réunissant le prochain par lestude, prédications 0», confessions, conférences et autres actions de pieté ; et pour mieux faire ccsle union " «v" !•• prochain «ï^  4 •■ ■ Mai» l'cvpht p«rtirulirr vmt le» uioycn* (M% '. t OOU» •If»» i- Ih un» dt» juttr ^ I ; ont uo <>»pHl tout A fait aiflrrrnt de odity àm JcMiita», cl cHuy àm Capudi» Imit difirrmt à - «^1 pfMtr\''iiiir4|*ti.. ,. -... ' »<^ (M: •!«> ft'uiiàr A l>lru c%t (M». Pt ( (b| #H — rvrtaln^ U «einalnc (M*, ri C4jU.> (1) é0t ' Brra» j* '^'' •• « •■'' 0) lé f^roikmim, >- I • *r nluralli« dr U |iu a i i« (ColL)  //#i toiU. — Il pr Uul >iimÉl ptnMT. ri rttrow motm b . L'esprit de douceur est tellement l'esprit de la Visi- tation que quiconque y voudroit intnnluire plus d'aus- térités qu'il n'y a pas <"' maintenant, destruiroit incon- tinent la N'isitation ; d'autant que ce seroit faire contre la fin pour laquelle elle a esté dressée, qui est pour y pouvoir recevoir Us tilles et femmes infirmes, (|ui n'ont pas des corp)s assez forts p>our entreprendre, ou (jui ne sont pas inspirées et attirées de servir et s'unir à Dieu par b voyc des austérités que l'on fait es autres ReU- gions. i^'f Vous me direz peut estre : S'il arrive qu'une Sœur ayt une complexion robuste, peut-elle pas bien  (r) Il faut rrmarqurr la An pour laquelle la Coofregation de la Vbitatioa a fié rrigée. Elle eat aaaca béen exprimée au rommepcement i'- t. m > 'm% .1.^ ir i : r^ |.lui de disopiines qu'U a> m a (Ma. et CoU.) (vj pour t*\'- àr «'unir ^ iMru yjkx la vi.> \\\ti l'oo lait aux a^ . . -.. lu. ou béen qui n'y sont pas < ■■-". les C a y tt dn » daaciMrTofaot de leur pmnier esprit •'■ oaal* «stranM pauvreté dont saint Françoés a fait 1 «««m <«  num, c. xviii.  21^0 Les vrays Entretiens spirituels faire des austérités plus que les autres, avec la permis- sion de la Supérieure, en sorte que les autres Sœurs ne s'en apperçoivent pas ? Je responds à cela qu'il n'y a point de secret qui ne passe secrettement à une autre ; et ainsi de l'une à l'autre l'on vient à faire des Religions dans les Religions et des petites ligues, et puis tout se dissipe. La bien-heureuse Mère sainte Thérèse dit admirablement • uber Fvindatio- bien * le mal qu'apportent ces petites entreprises de vouloir faire plus que la Règle n'ordonne et que la Communauté ne fait ; et particulièrement si c'est la Supérieure, le mal en sera plus grand ; car (^^) tout aussi tost que ses filles s'en appercevront, elles voudront incontinent faire le mesme, et elles ne manqueront pas de raison pour se persuader qu'elles le feront bien, les unes poussées de zèle, les autres pour luy complaire, et tout cela servira de tentation à celles qui ne pourront ou ne voudront pas faire de mesme. Il ne faut jamais introduire, permettre ni souffrir ces particularités en Religion, excepté neantmoins en cer- taines nécessités particulières ; comme s'il arrivoit qu'une Sœur fust pressée de quelque grande vexation ou ten- tation, alors ce ne seroit pas un extraordinaire de demander à la Supérieure de faire quelques pénitences plus que les autres ; car il faut user de la mesme sim- plicité que font les malades, qui doivent demander les remèdes qui leur semblent les pouvoir soulager. Que s'il y avoit une Sœur qui fust si généreuse et courageuse que de vouloir parvenir à la perfection dans un quart d'heure, faisant plus que la Communauté, je luy con- seillerois qu'elle s'humiliast et se sousmist à ne vouloir estre parfaite que dans trois jours, allant le train des autres. Et s'il se rencontre des Sœurs qui ayent des corps forts et robustes, à la bonne heure ; il ne faut pas  l'ornement de leurs églises ils ne veulent rien de superflu, non pas seulement des omemens de soye ; et s'il arrive que l'on en reçoive en quelqu'un de leurs couvens, on dit aussi tost qu'ils perdent l'esprit de leur Ordre. (Ms. et Coll.) (wj car, — dit-elle, (Ms. et Coll.)  XIII. I>K l'KsPRIT des RRGLBt 331 pourtant qu'elles veuillent aller plus viste que celles qui sont foible«. Voicy un exemple en Jacob •, qui est tres-admirable •G«n..xxxiii,i-i4. et fort propre pour monstrer comment il se faut accom- moder aux foibles, et arrester nostre force pour nous assujettir à aller de pair avec eux, principalement quand nous y avons de l'obligation, comme ont les Religieux à suivre la Communauté en tout ce qui est de la parfaite observance Jacob donc sortant de la maison de st^n beau père La ban, avec toutes ses femmes, ses enfans, se» serviteurs et ses troupeaux, pour s'en retourner chez luy, craignoii extrêmement de rencontrer son frère PIsaù, d'autant qu'il pensoit qu'il fust tousjours irrité contre luy, ce qui n'estoit plus. Estant donc en chemin. le pauvre Jacob eut bien peur, car il rencontra Esaii fort bien accompagné d'une grande troujx* de soldats. Jacob l'ayant salué, le trouva tout doux en son endroit, car il luy dit : Mon frère, allons de compagnie et ache- vons le voyage ensemble. A quoy respondit le bon Jacob : Mon seigneur et mon frère. '*' il n'en sera pas «linsi, s'il vous plaist, d'autant que je meine mes enfans, et leurs petits pas exerccroyent ou abuseroyent de vostre patience ; quant à moy, qui y suis obligé, je mesure mes pas aux leurs. Et mesmes, il n'y a pas long temps que mc*s brebis ont agnelé ; les agneaux encore tendres ne pourroyent pas aller viste, et tout cela vous arreste- roit trop en chemin. Kemar(juez, je vous prie, la debon- naireté de ce saint Fatnarche : iy> il s'accommode  (s) Mon ff*9t. ~ ptmque oout dou» t omnw » Ainsi rencontra'*, aIIoo* de compAiniir fX arhrv«itu k voyife roMtnbto. A <|u«iv mprw. ' ' « Jaeob : Mon ntgnttêt et iwm trrrr (il OM du mnt f\r i/i^ n/ur .t < > . estait son •iMé). (M*, et Coll.) (y) «Ml Umrt, — âusqueU «imm jAMubjetU* ceux de me» «cotteun. k.t OMMiM, qu'il n'y a pM loof temps que me» brvbit oot ignal^ ; Im agnelet» eatant enoor* wk tendre» nr pourroyent paa aller ti vtete ; A qnoy il faut antii qna noua noua a fwnwnnw w tiuii a, •( tout eala vous anuataraét tmp m cl Ramarquaa, |a voua prie, la debonnalrelé à» ee aalnt Patviarcbe . k l'a) dea|a béen, ania |a le veux enoace plue aymcr deeuraala. A cauae de œet •eu de itetwnnaiwté. (Mt. et CoO.)  2^2 Les vrays Entretiens spirituels volontiers aux pas, non seulement de ses petits enfans, mais aussi de ses agnelets. Il estoit à pied, i'^) et ce voyage luy fut heureux, comme il se void assez par les bénédictions qu'il receut de Dieu tout le long du chemin ; car il vid et parla plusieurs fois aux Anges et (a') au Seigneur des Anges et des hommes ; et en fin il fut mieux partagé que son frère, qui estoit si bien accompagné (^^'). Si nous voulons que nos voyages soyent bénis (C) de la divine Bonté, assujettissons-nous volontiers à l'exacte et ponctuelle observance de nos Règles, et cela en simplicité de cœur, sans vouloir doubler les exercices, ce qui seroit aller contre l'intention de l'Instituteur et la fin pour laquelle la Congrégation a esté érigée. Accommodons-nous donc volontiers avec les infirmes qui y peuvent estre receuës, et je vous asseure que nous n'arriverons pas plus tard pour cela à la perfection ; ains au contraire, ce sera cela mesme qui nous y conduira plus tost, parce que n'ayant pas beaucoup à faire nous nous apphquerons à le faire avec la plus grande per- fection qu'il nous sera possible. Et c'est en quoy nos œuvres sont plus agréables à Dieu, d'autant qu'il n'a pas esgard à la multipHcité des choses que nous faisons pour son amour, comme nous avons tantost dit, ains seulement à la ferveur de la charité avec laquelle nous les faisons. Je trouve, si je ne me trompe, que si nous nous déterminons à vouloir parfaittement observer nos Règles, nous aurons assez de besogne sans nous charger davantage, d'autant que tout ce qui concerne la perfec- tion de nostre estât y est compris. La bien-heureuse Mère sainte Thérèse dit que ses filles estoyent tellement exactes, qu'il falloit que les Supérieures eussent un très-grand soin de ne rien dire  (z) à pied, — car il n'alloit jamais à cheval, (Ms.) (a*) et ~ klsL fin (Ms. et Coll.) (b'i accompagné — et aux pas duquel tous s'accommodoyent. (Ms.) (c') que — iiostre voyage soit béni (Ms.)  XUI. Ul L'EhI'fUI DES R£.i;L£b iJJ qui ne fust tres-bon à faire, parce que, sans autre semonce, elles se portoyent incontinent à le faire, et que pour plus parfaitement observer leurs Règles, elles estoyent pointilleuses à la moindre petite dépendance. Klle rappsez brus- (jucment et inconsidérément : Allez mettre la teste dms un puits, luy dit-elle, et vous l'entendrez. La fille fut si prompte à partir de la main que si on ne leust arrestée, elle salloit jetler dans un puits ^*K II y a certes moins à faire à estre exacte en l'observance des Règles, que non pas de les vouloir observer en partie. <***) Je ne puis assez dire de quelle importance est ce jKjinct, d'estre ponctuel à la moindre chose qui sert à plus parfaitement observer la Règle. <0 comme aussi de ne vouloir rien entreprendre davantage, sous quelque prétexte que ce soit, parce que c'est le moyen de con- server la Religion en son entier et en sa première ferveur ; et le contraire de cela est ce qui la destruit et fait d»'*cheoir de sa première perfection. *'' \'<>n- nit-  (d'» tn partie. — Pw «Sfloiple, U Keflr otdotunt que co oatatn Icmp» l'un nr park point ; il ett b e iuc o u r ilc de t'en abstenir t' »'U y aviKt t\n rxcrptkmft, pam qu idroét pM Mokmenl r- à fairr le «ilroce, mai* auaié pour parler aux ocrwéont qui wmyrat eacrptfr». I . ' |x»urUnt mottttrr Mg«s quand r'rtt •; peut faire tant ti... Ir ri«nniaxKleroent de ne point parlrr. {\\ . } (e*) U R*gl4, — voire roeane les molndrrt petite* crretnoole*. (M«. et Coll.) (f) ptrfêttiom. — Voyrivou», C6 qui i; 'rs eo U prrfrctio» (k leur InftUtut, ce n'eat autre >. ^.. ... ......... .,.. il% utit i rrrevirtr toutr «nrtr d'obiAliaoeai Ml» aucune réplique (y«. et Col!)  (I) Saintr TérèM rapporta ca fait d'in • Un |our, • écrit -elle, • o«k la GnuDunaut/ te coolcault, une RrliK qui attendait qu'une autre eût achevé, «'approclu parler. Celle cl lui dit : • Commanl. ma S«eur, veti^ . . . moment ? aal'^a dooc U vmm bonoa aaaMn da vm» recuetUu } Mettei plut6t la iMa dana re puiu qui aat prèa da not: La RailcieaM prit caa paf olai po«r «a ocoubj . - polta, at coomt «é prampCaoMtti pour res#cater l'on ne te i »ur «ea paa pour U retenir, alla •> tarait préctptiaa. •  234 ^^^ VRAYS Entretiens spirituels demandez s'il y auroit plus de perfection à se conformer tellement à la Communauté, que mesme l'on ne deman- dast point à faire de Communion extraordinaire ? Qui en doute, mes chères filles ? si ce n'est en certains cas, comme seroit es f estes de nostre Patron ou du Saint au- quel nous avons eu dévotion toute nostre vie, ou quelque nécessité fort pressante. Mais quant à certaines petites ferveurs que nous avons aucunes fois, qui sont passa- gères et qui pour l'ordinaire sont des effets de nostre nature, lesquelles nous font désirer la Communion, il ne faut point avoir esgard à cela, non plus que les mariniers n'en ont point à un certain vent qui se levé à la pointe du jour, lequel est produit des vapeurs qui s'eslevent de la terre et n'est pas de durée, ains cesse tout aussi tost que lesdites vapeurs sont un peu surlevées et dis«;ipées ; et partant, le patron du navire qui le cognoist, ne crie point au vent et ne despioye point les voiles pour voguer à la faveur d'iceluy (s'). De mesme nous autres, il ne faut pas que nous tenions pour un bon vent, c'est à dire pour inspiration, tant de petites volontés qui nous viennent, ores de demander à com- munier, tantost de faire oraison, tantost une autre chose ; car nostre amour propre, qui recherche tous jours sa satisfaction, demeureroit entièrement content de tout cela, et principalement de ces petites inventions, et ne cesseroit de nous en fournir tousjours de nouvelles. Aujourd'huy que la Communauté communie, il vous suggérera qu'il faut que par humilité vous demandiez de vous en abstenir, (h') et lors que le temps de s'humi- lier viendra, il vous persuadera de vous resjouïr et de demander la Communion pour cest effet ; et ainsi il ne seroit jamais fait. Jl ne faut point tenir pour inspiration les choses qui sont hors de la Règle, si ce n'est en  (g') à la faveur — de ce vent qui n'est que de la terre. (Ms. et Coll.) (h') do vous en abstenir, — parce que c'est la feste d'un tel Saint qui apportoit tant de préparation pour recevoir le tres-saint Sacrement ; et vous, qui estes si peu préparée, il n'est pas raisonnable que vous le receviez si souvent ; et choses semblables. (Ms. et Coll.)  XIII. I>E l'Ksprit des Règles 235 cas si extraordinaires, que la persévérance nous fasse cognoistre que c'est la volonté de Dieu, comme il s'est trouvé, pour ce qui est de la Communion, en deux ou trois grandes Saintes, le? directeurs desquelles vou- loyent qu'elles communiassent tous les jours. Je trouve que c'est un très-grand acte de perfection de se confor- mer en toutes choses à la Communauté et de ne s'en départir jamais par nostre propre choix ; car outre que c'est un tres-bon moyen pour nous unir avec le pro- chain, c'est encore cacher à nous-mesmes nostre propre perfection. Il y a une certaine simplicité de cccur en laquelle consiste la perfection de toutes les perfections, et c'est ceste simplicité qui fait que nostre ame ne regarde qu'à Dieu, et qu'elle se tient toute ramassée et resserrée en elle-mesme {XJur s'appliquer avec toute la fidélité qui luy est possible à l'observance de ses Règles, sans s'espancher à désirer ni vouloir entreprendre de faire plus que cela. Klle ne veut px)int faire des choses excellentes et extraordinaires qui la {xjurroyent faire estimer des créatures ; et par ainsi elle se tient fort bassi* en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté ni rien de plus eaur<)up à craindre que le quart d'heure que vous y demeurez davantage ne soit un p>etit morceau que vous donnerez à vostrc amour propre. "' Kn fin, mes chères filles, il faut beaucoup avTTier nos Règles. i)ui.squ elles sont les moyens par lescjucls nous parvenons à leur fin. c}ui est de nous conduire facilement à la perfection de la charité, ()ui est l'union de nos âmes avec Dieu et avec le pnKhain. Et non seulement cela, mais aussi de reunir le prochain avec Dieu, ce que nous faisons par la voye que nous luy présentons, laquelle est toute df)uce et facile, aucune fille n'estant rejettée faute de force corporelle, pourveu qu'elle ayt volonté de vivre selon 1 esprit de la Visitation, qui est, comme j'ay dit, un esprit d'humilité envers Dieu et de douceur de cœur envers le prochain : et c'est cest esprit qui fait nostre uniciu tant avec Dieu qu'avec le prochain. Par l'humilité nous nous unissons avec Dieu, nous sousmettant à l'exacte obser\'ance de ses volonté^ qui nous sont signifiées dans nos Règles ; car nous devons ; lient croire qu'elles ont esté dressées par son m i'iiation, estant receuds piir la Sainte Eglise et approu- vées par Sa Sainteté, qui en sont des signes tres-evidcns ;  {V) mmomr profité — 11 •»! vray qur r. «rtnble qu'il luv fâul biaa iMâltar qnalque ; r \t>pri»tll(r II ,  23S Les vrays Entretiens spirituels et partant, nous les devons aymer d'autant plus tendre- ment, et les serrer sur nos poitrines tous les jours plusieurs fois en forme de recognoissance envers Dieu qui nous les a données. Par la douceur de cœur nous nous unissons avec le prochain par une exacte et ponc- tuelle conformité de vie, de mœurs et d'exercices, ne faisant ('"') ni plus ni moins que ceux avec lesquels nous vivons et que ce qui nous est marqué en la voye en laquelle Dieu nous a mis ensemble, employant et arres- tant toutes les forces de nostre ame à les faire avec toute la perfection qui nous sera possible. Mais remar- quez que ce que j'ay dit plusieurs fois, qu'il faut estre fort ponctuelles à l'observance des Règles et à la moin- dre petite dépendance, ne se doit pas entendre d'une ponctualité ('^'^ de scrupule : ô non, car cela n'a pas esté mon intention ; mais d'une ponctualité de chastes espouses, qui ne se contentent pas d'éviter de desplaire à leur céleste Espoux, ains veulent faire tout ce qu'elles peuvent pour luy estre tant soit peu plus agréables. (^*') Il sera fort à propos que je vous propose quelque exemple remarquable pour vous faire comprendre com- bien est agréable à Dieu de se conformer à la Commu- nauté en toutes choses : escoutez donc ce que je vay vous dire. Pourquoy pensez-vous que Nostre Seigneur et sa tres-sainte Mère se soyent sousmis à la loy de la présentation et purification, sinon à cause de l'amour qu'ils portoyent à la communauté ? Certes, cest exemple devroit suffire pour esmouvoir les Religieux à suivre exactement leur Communauté, sans jamais s'en départir * car ni le Fils ni la Mère n'estoyent aucunement obligés à ceste loy : non l'Enfant, parce qu'il estoit Dieu, non la Mer*^, parce qu'elle estoit Vierge toute pure. Ils  (m*) et d'exercices, — sans vouloir entreprendre do faire (Ms. et Coll.) (n') qu'il faut estre — non seulement ponctuelle à l'observance des Règles, mais aussi pointilleuse à la moindre petite dépendance, ne se doit pas entendre d'une pointillcrie (Ms. et Coll.) (o') ;^La suite de cet Entretien ne se trouve pas dans les Colloques.]  XIII. De l'Esprit des Regi.es 239 pouvoyent facilement s'en exempter sans que personne s'en apperceust, car ne pouvoit-clle pas s'en aller en Nazaret, au lieu de s'en aller en Hierusalem ? Mais elle ne le fait pas 'p' , ains tout simplement elle suit la communauté. Elle pouvoit bien dire : La loy n'est pas faite pour mon très-cher Fils ni pour moy. elle ne nous oblige aucunement ; mais puisque le reste des hommes y est oblige et l'observe, nous nous y sousmettons tres- volontiers pour nous conformer à un chacun d'eux, et n'estrc singuliers en aucune chosi*. 1/Apostre ^int Paul a fort bien dit • qu'iV falloit que Nostre Seigneur fust •Hrb.,ji, 17, iv, 15. semhlabU ^n toutes choses à ses Itères, hormis le péché. Mais dites-moy, est-ce la crainte de la prévari- cation qui rendoit ceste Mère et son Fils si exacts à l'observance de la loy ? Non certes, ce n'estoit pas cela, car il n'y a voit point de prévarication pour eux ; ains ils estoyent attir<% par l'amour qu'ils portoyent à leur Père éternel. L'on ne sçauroit aymer le commandement si l'on n'ayme celuy qui le fait ; à mesure que nous aymons et estimons celuy qui fait la loy, à mesure nous nous rendons exacts à l'observer. Les uns •ont attach*^ à la loy par des chaisner» de fer et les autres par des chaisnes dor : je veux dire, les séculiers qui observent les com- mandemens de Dieu pour la crainte qu'ils ont d'cstre damnés, les observent par force et non par amour ; mais les Religieux et ceux qui ont soin de la perfection de leur aine y sont attachés par des chaisnc*s d'or, c'est à dire par amour ; ils ayment les commandemens et les observent amoureusement, et pour les mieux observer ils embrassent l'obsi-rvancc des conseils. Fit David dit • que • iv c«viii. «. Dieu a comtnandé que ses commandemens lussent  {p'fêomté f>mre. aiu\ rllr r«Uj|t U purvlr iiirvitM'. 11% |ti>ii\ \rtit f*rtl*>- OMOt %'m rsctnptrr «an* «lur prrtunnr «'m apprtirtwi. l-« ttry \aiuW \ r.^. o» pouvuét-rlle pa* %'ra aller ni NaAarrI au iim «l'aller m Hi<( : a- .>. ri duon^r à qurlqua pauvrr l'argrul ilr«|uuy rllr v vous Mmblr l'il pA« qu'rlk ru«t brauiou^i nu* .& uu thtu, «Uc ne ftt nm àm UmiI crU  j,o Les vrays Entretiens spirituels trop bien gardés. Voyez-vous comme il veut que l'on soit ponctuel à l'observance d'iceux ? Ainsi certes le font (q') tous les vrays amans, car ils n'évitent pas seulement la prévarication de la loy, mais ils évitent aussi l'ombre • Cf. Gant., V, i::. de la prévarication ; et c'est pourquoy l'Espoux dit * que son Espouse ressemble à une colombe qui se tient i^') le long des fleuves qui coulent doucement, et dont les eaux sont cristallines. Vous sçavez bien que la colombe se tient en asseurance auprès de ces eaux parce qu'elle y void les ombres des oyseaux de proye qu'elle redoute, et soudain qu'elle les void, elle prend la fuite et ainsi ne peut estre surprise. De mesme, veut dire le sacré Espoux, est ma bien-aymée ; car tandis qu'elle eschappe de devant l'ombre de la prévarication de mes commandemens, elle ne craint point de tomber entre les mains de la désobéissance. Certes, celuy qui se prive volontairement par le vœu d'obéissance de faire sa volonté es choses indifférentes, monstre assez qu'il ayme d'estre sousmis es nécessaires et qui sont d'obligation. (^') Il faut donc estre extrêmement ponctuelles en l'obser- vance des loix et des règles qui nous sont données par Xostre Seigneur, mais sur tout en ce poinct de suivre en toutes choses la Communauté ; et se faut bien garder de dire que nous ne sommes pas tenues d'observer ceste Règle, ou commandement particulier de la Supérieure, d'autant qu'il est fait pour les foibles, et que nous sommes fortes et robustes ; ni, au contraire, que le commandement est fait pour les fortes, et que (^') nous  fq') (gardés — par ceux qui l'ayment. Voyez coinino il désire que l'on soit ponctuel à l'observance. Aussi sont certes (r') VEsfxjiix — au Cantique des Cantiques dit que son Espouse ressemble à une colombe qui se promeine (s'j d'obli'^alion. — Celuy qui se prive volontairement des richesses licites monstre qu'il ne veut pas les attaches illicites. Les Apostres, pour mieux oljserver le commandement que Xostre Seigneur leur avoit fait de renoncer à tous les biens de la terre, se privèrent volontiers de ce qui leur estoit non seulement licite, mais nécessaire. (f) et que — nous n'y sommes pa^. obligées parce que  XIII lu I MspRiT DES Règles 241 sommes foibles et inhrmes. U Dieu ! il ne faut rien moins que cela en une Communauté. Je vous conjure. **i vous estes forte*^. que vous vous affoiblissiez pour vou> rendre conformes aux infirmes ; et si vous estes foibles je vous dis : Efforcez-vous pour vous adjuster avec les fortes. Le grand Apostre saint Paul dit qu'il s'est fait tout à tous pour Us ^aigtt^r ious*. Qui est infirme, * l Cor., ix, m. avec lequel je ne le sois* ? qui est malade, avec lequel • n Cor. xi, 19. je ne sois aussi malade ? avec les forts je suis fort. Voyez- vous comme saint Paul (}uand il est avec les infirmes, il est infimie et prend volontiers les commo- dités nécessaires à leurs infinnitcs pour leur bailler confiance d'en faire de mesme '1 Mais quand il se trouve avec les forts, il est comme un géant pour leur donner du courage* ; et s'il se peut app>ercevoir que son prochain * *"»i-»« ««. »« soit scandalisé de quelque chose qu'il fasse, si bien il luy est licite de la faire, neantmoins il a un tel zèle de la pai.x el tran(juillité de son cœur, qu'il s'abstient volontiers de la faire* <"*'. • i Cor., nii. oiu Mais, me direz-vous. maintenant que c'est l'heure de la récréation, j'ay un très-grand désir d'aller faire oraison j)our munir plu< immetliatt-ment avec la souve- raine Bont^. '**' Ne puis-je pas bien penser que la loy qui ordonne de faire la récréation ne m'oblige pas. puisque j'ay l'esprit assez jovial de moy-mesme ? O non.  Ir *«H* ? , :.■.', itecrMAim k Irtin inûmtit^ pour leur bailler cooAanee d'«n Uirr de mcMur . *k )« me tr«*uvr aupm de» maJadri. Irch^, neantmaéna )*ay uit tri trW de la paii et tranquillité de ««m rorur. que ' '--vtirr^ rt dr boo ccauT dr la (aire. C'ctl dcaïque* l'ainour «4^ •• »- ' I qui l'iM' ittv>iu cncor ce mot sur le sujet de la Prrsmtattun de Nostre Scignetir au Temple et de la Piinâcation de sa 1res s.tintr Mcre. Kegardex, je vous pne, comme ce tres-saint et glorieux Enfant se laisse porter, tout simplement mate amoureusement, ri.° liras du bien * t Siineon, cxr U oe pteore point ni ne tesnv) •- repugnanc des bras de sa tres-cbere Mcre, bras esqueb il rmentoit tant de suavité qu'il ne se peut dire. Qoella suavtti'. je vous prie, lors que la trrs-sainte Vterfe distiUni- Î4 sacrée bouche de son P"^'»t**t les gouttes de son tres-pur et cci' ', faisant qiunt et quant de sa bourbe des souspin enflammés qu'elle lançoit dans le cœur du Sauveiir, lequel en eschange ouvroit *r> petit* \ • et par le moyen de ces regards, le cœur de la très Klciri< ^ presque pasmé des flaouoes de son amour. Que personne donc ne s'excuse plus d'aller i la sainte Communion «ur son • : O mon Dieti. cocnmeot oseray-je aller rc«.ev«)ir Nc^iitrcSelgneur i\ v .. ■' "le les autres, veu qoe )e suis si mi4erable ? O Dieu, je n'oserots m'api le I>ieu par le moyen de l'oratstm ! Hr, quelle trompenc ( ne voyex-vou» pas que Nostre^Seifoeur va tout simplement entre le» bras de saint Simeon, et quitte sa (res-chere Mère qui r>ktotl toute pure et san« macule ?  OUAÏORZIESME ENTRETIEN CONTRE LE PROPRE JUGEMENT ET LA TENDRETÉ QUE l'on a sur SOY-MESME (a)  La première question est si d'estre sujette (^^) à sa propre opinion est une chose bien contraire à la perfec- tion. Sur quoy je responds qu'estre sujet à avoir des propres opinions ou n'y estre pas, est une chose qui n'est ni bonne ni mauvaise, d'autant que cela est tout naturel. Chacun a des propres opinions ; mais cela ne nous empesche pas de parvenir à la perfection, pourveu que nous ne nous y attachions pas ou que nous ne les aymions pas, car c'est seulement l'amour de nos propres opinions qui est infiniment contraire à la perfection ; et •videpp 170, 199, c'est ce que j'ay tant de fois dit*, que l'amour de nostre propre jugement est l'estime que Ton en fait, est la cause qu'il y a si peu de parfaits. Il se trouve beaucoup de personnes qui renoncent à leur propre volonté, les uns pour un sujet, les autres pour un autre ; je ne dis pas seulement en Religion, mais parmi les séculiers et dans les cours des princes mesmes. Si un prince commande quelque chose à un courtisan, il ne refusera jamais d'obéir ; mais d'avouer que le commandement soit bien  (a) SUR LE SUJET Oh J.A TENDRETÉ QUE l'ON A SUR SOV-MESME. (Ms.) DE l-A PROPRE OPINION. (Coll.) {hi Avant toutes choses il faut faire le signe de la Croix, et puis nous dirons quelque petite chose «ur les deux questions qui m'ont esté faites, bien que peu, k fin de laisser du temps à nos Sœurs de me demander ce qu'elles voudront. La première est si d'estre attachée (Ms. et Coll.)  etc.  I  5CI\'. Du Jrr.cMEKi Pnom F 245 fait, cela arrive rarement. Je ferav ce que vous me commandez, en la façon que vous me dites, respon- dra-t'il ; mais.. Ils demeurent tousjours sur leur mais, qui vaut autant à dire qu'ils sçavent bien qu'il scroit mieu.v autrement. Nul ne peut douter, mes chères filles, que cery ne soit fort contraire à la perfection, car il produit pour l'ordinaire des inquiétudes d'esprit, des bijarreries. des murmures, et en fin il nourrit l'amour de sa propre estime ; de manière donc que la propre opinion m le propre jugement ne doit p>as estre aym^ ni estimé. Mais il faut que je vous die qu il y a des personnes qui doivent former leurs opinions, comme s^int les Kvcsques. les Supérieurs qui ont charge des autres, et tous ceu.\ qui ont gouvernement ; les antres ne le doi- vent nullement faire, si l'obéissance ne le leur ordonne ; car autrement ils p)erdroyent le temps <|u'ils doivent employer à se tenir fidellement auprès de Dieu. Et comme ceux-cy seroyent estimés peu attentifs à leur f)erfection et personnes inutilement ()crup<'*t*s, s'ils vou- loyent s'arrester à considérer leurs propres opinions, de mesme les Supérieurs devroyent estre estimés peu capa- bles de leurs charges, s'ils ne formoyent leurs opinions et ne vouloyent en fin prendre des resolutions, quoy qu'ils ne s'y doivent pas complaire ni s'y attacher, car cela seroit '^^ contraire à leur perfection. Le grand saint Thomas, qui a voit un des plus grands esprits qu'on sçauroit avoir, quand il formoit quelques opinions il les appuyoit sur des raisons les plus pre- gnantes qu'il pouvoit <<*> ; et neantmoins. s'il trouvoit quelqu'un qui n'approuvast pas ce qu'il avoit jugé bon.  (c) punéfê ~~ qytlqiM rMolatk» Mr hm ehoMi qui Irur umt proposé», et or vottloycoi fairt dM o omÊiàt nHn m pam \àm appuyer kun o pé n k i t, Kl et vray. ra taroil uaa cboaa mal waale da Im voir loMjovn iii w ult a» laoïa i içkw kM m : mal» pourtant, ta na doivmt il» pat «rmar m t'âppuyar on attacWr k laur proprr opinkjo. car c'est oa qm aat (M» et CoU j {ût f iia«»W li fofm$0tt — qualqwa npiainn U l'aMauroél ou appurail a«r ém raAaoot Im plu« pcvfnantca qu'il m pauM taira (M*, al CoU  2^0 Les VRAYS Entretiens spirituels ou y contredist, il ne disputoit point ni ne s'en offençoit point, ains souffroit cela de bon cœur ; en quoy il tes- moignoit bien qu'il n'aymoit pas sa propre opinion, bien qu'il ne la desapprouvast pas aussi ; il laissoit cela ainsi, qu'on la trouvast bonne ou non. Apres avoir fait son devoir il ne se mettoit pas en peine du reste. Les Apostres n'estoyent pas attachés à leurs propres opi- nions, non pas mesme es choses du gouvernement de la sainte Eghse, qui estoit un affaire si important : si qu'après qu'ils avoyent déterminé l'affaire par la reso- lution qu'ils en avoyent prise, ils ne s'offençoyent point si on opinoit là-dessus ; et si quelques-uns refusoyent d'agréer leurs opinions, quoy qu'elles fussent bien appuyées, ^^) ils ne recherchoyent point de les faire •Act., XV, 7, 12, 13; recevoir par des disputes ni contestes *. ■' ' ' ' Si donc les Supérieurs vouloyent changer d'opinion à tous rencontres, ils seroyent estimés légers et imprudens en leur gouvernement ; mais aussi, si ceux qui n'ont point de charges vouloyent estre attachés à leurs opi- nions, les voulant maintenir et faire recevoir (f), ils seroyent tenus pour opiniastres ; car c'est une chose toute asseurée que l'amour de la propre opinion dégénère en opiniastreté, s'il n'est fidèlement mortifié et retran- ché : nous en voyons l'exemple mesme entre les Apos- tres. C'est une chose admirable que Nostre Seigneur a3^t permis que plusieurs choses dignes véritablement d 'estre escrites, que les saints Apostres ont faites, soyent demeurées cachées sous un profond silence, et que ceste imperfection que le grand saint Paul et saint Barnabe commirent ensemble ayt esté escrite ; c'est sans doute une spéciale providence de Nostre Seigneur, qui l'a • Rw.., XV, 4. voulu ainsi pour nostre instruction particulière *. Ils  {c) si on opiiioU là-deasus — et que quelques-uns refusassent de recevoir leurs opinions pour bonnes et justement fondées sur la raison ; (Ms.) ils ne demordoyent pas de leurs opinions quand elles estoyent bien appuyées, mais pourtant (Ms. et Coll.) (f) les voulant — former, asseurer et faire recevoir pour bonnes (Ms. et Coll.)  XIV. Du JrCEIIENl PROPRE 247 s'en alloyent tous ieux ensemble pour presther le saint Evangile et menoyent avec eux un jeune homme nommé |ean Marc, lequel estoit plurent de saint Barnabe. Ces deux çrancis Ajx)stres tombèrent en dispute <«' s'ih^ le meneroyent ou s'ils le laisseroyent ; et se trou vans de contraire opinion sur ce fait et ne se p>ouvans accorder, ik se séparèrent l'un de l'autre*. Or. dites-moy main- •.\ct., xv, j7-4a tenant, nous devons-nous troubler quand on void quel- que défaut parmi nous autres, puisque les Apostres les commirent bien ? Il y a certes des grands esprits qui sont fort lx)ns, mais qui sont tellement sujets à leurs opinions et les estiment si bonnes que jamais ils n'en veulent démordre ; et il faut bien prendre garde de ne les leur demander à l'impourveiie, '*' car après il est presque impossible de leur faire cognoistre et confesser qu'ils ont failli, d'au- tant qu'ils se vont enfonçant si avant en la recherche des raisons propres à soustenir ce qu'ils ont une fois dit estre bon, qu'il n'y a plus de moyen, s'ils ne s'adonnent à une excellente perfection, de les pouvoir faire dédire. Il se trouve aussi des esprits grands et fort capables qui ne sont point sujets à ceste imperfection, ains se démet- tent fort volontiers de leurs opinions, bien qu'elles soyent trc^-bonnes Ils ne s'arment pas à la défense (juand on leur oppose quelque contrariété ou quelque contraire opinion à celle qu'ils ont jugée pour bonne et bien asseuréc, ainsi que nous avons dit du grand saint rhomas. Par ainsi, nous voyons que c'est une chose naturelle que d'estre sujet à ses opinions Les personnes mélancoliques y sont ci oniinaire plus attachées que ceux qui sont d'humeur joviale et ga'. car ceux-cy sont aisément tournés à toute mam et faciic^ à croire ce (juon leur dit. La grande sainte Faulc estoit opiniastre à soustenir l'opinion qu'elle s'estoit fonuéc de  (f) éê tmtmi HArn^hé. — tto «atfwvnl m fMtkulté (Coll ) (b) à r%mpom99HL€, ~~ (W pam qu'iH m kt foroMal mim boont goméilr- rétiom, (M%. vt ColL)  j^S Les vravs Entretiens si>iRiTUELs faire des grandes austérités, plustost que de se sousmet- tre à l'advis de plusieurs qui luy conseilloyent de s'en •Vide supra, p. 15 6. abstenir* ; et de mesme plusieurs autres Saints, lesquels estimoyent qu'il falloit grandement macérer le corps pour plaire à Dieu, en sorte qu'ils refusoyent pour cela d'obéir au médecin et de faire ce qui est oit requis à la conservation de ce corps périssable et mortel. Et, bien que cela fust une imperfection, ils ne laissèrent pas pour cela d'estre grands Saints (') et fort agréables à Dieu ; ce qui nous apprend que nous ne nous devons pas troubler quand nous appercevons en nous des imper- fections ou des inclinations contraires à la vrave vertu, pourveu qu'on ne se rende pas opiniastre à vouloir per- sévérer en icelles ; car et sainte Paule et les autres qui se rendirent opiniastres, quoj^ que ce fust en peu de chose, ont esté reprehensibles en cela. Quant à nous autres, il ne faut jamais que nous laissions tellement former nos opinions, que nous n'en desprenions volontiers quand il est de besoin, soit que nous soyons obligés ou non de les former. D'estre donc sujets à faire estime de nostre propre jugement, et pour cela de s'enfoncer à la recher- che des raisons propres à .soustenir ce que nous avons une fois compris et trouvé bon, est une chose toute naturelle (J) ; mais de s'y laisser aller et s'y attacher, seroit une imperfection notable. Dites-moy, n'est-ce pas perdre le temps inutilement, spécialement ceux qui n'ont point de charge, de s'amuser à cela ? Vous me dites : Que faut-il donc faire pour mortifier ceste inchnation ? Il luy faut retrancher la nourriture. V^ous vient-il en pensée qu'on a tort de faire faire cela de la sorte, qu'il seroit mieux ainsi que vous l'avez conceu ? détournez-vous de ceste pensée, en disant en vous-mesme : Helas ! qu'ay-je à faire de telle chose, puis- qu'elle ne m'est pas commise ? Il est tousjours beaucoup  (i) d'estre ~ saints (Ms, et Coll.) (j) de les former. — Ceux qui sont adonnés à leur propre jugement se vont enfonçant presque conlinuellenient en la recherche des raisons propres à soustenir ce qu'ils ont une fois compris : cecy est naturel (Ms, et Coll.)  XtV*. Du Jl-gemf.ni propre J49 mieux fait de s'en détourner ainsi tout simplement, que non pas rechercher des raisons en nostre espnl pour nous faire croire que nous avons tort ; car au lieu de le faire, nostre entendement, qui est préoccupé de son jugement particulier, nous donneroit le change ; de s<»rte (ju'au lieu d'anéantir nostre opinion, il nous donneroit des raisons pour la maintenir et faire recognoistre ptmr bonne. Il est tousjours plus utile de la mespriser sans la vouloir regarder, et la chasser si promptement quand on l'apjKrvoit, qu'on ne sçache pas ce (|u'elle vouloit dire. Il est bien vray que nous ne pouvons pas empescher ce p)remier mouvement de complaisance qui nous vient quaiul nostre opini<»n est approuvée et suivie, car cela ne se peut éviter, mais il ne se faut pas amuser à ceste complaisance ; il faut bénir Dieu, puis passer outre sans se mettre en peine de la complaisance, non plus que d'un petit ressentiment de douleur (jui vous viendroit si vostre opinion n'estoit pas suivie ou trouvée bonne. Il faut quand on est requis, ou par la charité ou par l'obéissance, de proposer nostre advis sur le sujet dont il est question, le faire simplement '^ ; mais au demeurant, il se faul rendre mdifferenl s'il s<-ra receu ou non. Il faut mesme opiner aucune fois sur les opmions des autres et remonstrer les raisons sur quoy nous anntivons les nostres ; mais il faut (|ue cela se fassr mo(i< nt et humblement, «ans mespriser l'advis des autres, ni contester pour faire recevoir les nostrt*s. Vous demanderez peut cstre si ce n'est pas nourrir ceste imperfection de rechercher d'en jmrler par après avec celles qui ont esté de nostre advis, lors qu'il n'est plus cpiestion d'en prendre res<^»lution. l'stant desja déterminé ce qui s'en doit faire. Sans doute que ce seroit là '• nourrir et maintenir nostre inclination, et par cons<»quent rfimmettrr dr rini|M rfiM tj.iii . ir r'i-».f  doot II Mt quMUoQ (M*. •% C«ill (1) tmtfi. — Qui TO doul», MM (brf* blW. «tw c« m wtl iléaw «t U4l.i  2^o Lks vrays Entretiens spirituels ]a vraye marque que l'on ne s'est pas sousmis à Fadvis des autres et que Ton préfère tousjours le sien particu- lier. Donques, la chose qui a esté proposée estant déter- minée, il n'en faut plus pai-ler, non plus qu'y penser, sinon que ce fust une chose notablement mauvaise ; car alors, s'il se pouvoit trouver encore quelque invention pour en détourner l'exécution ou y mettre remède, il le faudroit faire le plus charitablement qu'il se pourroit et le plus insensiblement, à fin de ne troubler personne, ni mespriser ce qu'ils auroyent trouvé bon. Le seul et unique remède de guérir le propre jugement c'est de négliger ce qui nous vient en la pensée, nous appliquant à quelque chose de meilleur ; car si nous nous voulons laisser aller à faire attention sur toutes les opinions qu'il ('^^ nous suggérera es diverses ren- contres et occasions, qu'arrivera-t'il sinon une conti- nuelle distraction et empeschement des choses plus utiles et qui sont propres à nostre perfection, nous rendans incapables et invalides i^) pour faire la sainte oraison ? Car ayant donné la liberté à nostre esprit de s'amuser à la considération de telles tricheries, il s'en- foncera tousjours plus avant, et nous produira pensées sur pensées, opinions sur opinions et raisons sur raisons, qui nous importuneront merveilleusement en l'oraison. Car l'oraison n'est autre chose qu'une application totale de nostre esprit avec toutes ses facultés en Dieu : or, estant lassé à la poursuite des choses inutiles, il se rend d'autant moins habile et apte à la considération des mystères sur lesquels on veut faire l'oraison. Voila donc ce que j 'a vois à vous dire sur le sujet de la première question, par laquelle nous avons esté en- seignés que d'avoir des opinions n'est pas une chose  (m) Le meilleur remède à cecy est donques, comme j'ay desja dit en termes differens, de négliger ce qui nous vient en pensée pour ce regard, nous appliquant à quelqiie chose meilleure ; car si nous nous voulons laisser aller à faire reflexion sur toutes les opinions que nostre propre jugement (Ms. et CoU.) (n) inhabiles (Ms. et Coll.)  XIV. Du JUGEMKNI PROPRE 25 1 contraire à la perfection, mais ouy bien d'avoir l'amour de nos propres opinions et l'estime par conséquent, ('ar si nous ne les estimons pas, nous n'en serons pas si amoureux ; et si nous ne les aymons pas, nous ne nous soucierons guère qu'elles soyent approuvées, et ne serons p'is si légers <**' à dire : Les autres croiront ce qu'ils voudront, mais quant à moy... Sçavez-voas que veut dire ce quant à moy ? Rien autre sinon : Je ne me sousmcttray point, ains je seray ferme en ma resolution et en mon opinion. C'est, comme j'ay dit plusieurs fois, la dernière chost- que nous quittons, et toutesfois c'est une des choses la plus nécessaire ^ à quitter et renoncer pour l'acquisition de la vraye perfection ; car autrement nous n'acquerrons pas la sainte humilité, qui nous empesche et nous défend de faire aucune estime de nous ni de tout ce qui en dépend ; et partant, si nous n'avons la pratique de ceste vertu en grande rt-com- mandation, nous penserons tousjours estre quelque chos** de meilleur que nous ne sommes, et que les autres nous en doivent de reste. Or, c'est assez dit sur ce sujet. Si vous ne me demandez rien davantage, nous passe- rons à la seconde question, qui est si la tendreté que nous avons sur nous-mesmes nous empesch*» beaucoup au chemin de la perfection. Ce que pour mieux entendre, il faut que je vous ressouvienne de ce que vous sçavez très-bien, que nous avons deux amours en nous, l'amour affectif et l'amour effectif ; et cela est tant en l'amour que nous avons pour Dieu qu'en celuy que nous avons pour le prochain et pour nous-mesmes encore ; mais nous ne parlerons que f*i^ de celuy du prochain, et puis nous retournerons à nous-mesmes. Les théologiens ont accoustumé pour faire bien com- prendre la différence de ces deux amours, de se servir  (o) Udim (CoU.) (p) fué nom futffloM, — q«M moêtn proprt jufvroeot, «t powtaAl c'rtt (U%. «1 Coll ) U plut niPiiiw ptoot (CoU.) (q) nomt mt pmrlêtùnt — pM jut du doi^. il n'y a rien de plus mal qu'ils sont, disent-ils <"' ; ils sont si misérables ! Nul mal. pour grand qu'il soit, n'est jamais comparable à celuy qu ils souffrent, et on ne jx?ut trouver aasez de médecins (^' pour les guérir ; ils ne cessent de se medeciner, et en pens;int conserver leur santé, ils la perdent et ruinent tout à fait ; si les autres sont malades, ce n'est rien. En fin, il n'y a qu'eux qui soyent à plain- dre, et pleurent tendrement sur eu.\-mesmes, si qu'ils taschent desmouvoir ceux qu'ils voyent à compassion ; ils ne se soucient guère que l'on les estime patiens, pourveu que l'on les croye bien malades et affligés : imperfection certes propre aux en fans, et si je l'ose dire, aux femmes, et encor entre les hommes, à ceux qui sont d'un courage efféminé et peu courageux ; car entre les généreux ceste imperfection ne s'y rencontre point. Des esprits bien faits ne s'arrestent point à ces niaiseries et fades tendretés, qui ne sont propres qu'à nous arrester en la voye de nostrc perfection. Ht après cela, ne pou- voir souffrir que l'on nous estime tendres, n'est-ce pas l'cstre grandement r Je me souviens d une histoire, dés que je j>assay en revenant de i*aris en une mais4jn religieuse, qui sert à mon propos ; et certes, j'eus plus de consolation en ce rencontre que je n'en avois eu en tout mon voyage, bien que j'eusse fait rencontre de beaucoup dames fort vertueuses ; mais cestc-cy me consola entre toutes. Il y avoit en ceste maison une hllc qui faisoit son essay ; elle estoit merveilleusement douce, maniable, sousmise et obéissante, en lîn elle avoit les conditions plus néces- saires pour estre vraye Religieuse. A la hn. il ** arriva  (a) 1/ n'y « — plut paad hmI ^pm «I«t qu'ih «idvMiC (Coll.) (V) fMMilr* (Cuil.) (w) Pfsfi Rtlïgtêmtê — «n U Vi«éUUuo. 11 (lU. «t i,*ÀLi  -254 Les vrays Entretiens spirituels par inallieur que les Sœurs remarquèrent en elle une imperfection corporelle, qui fut cause qu'elles commen- cèrent à mettre en doute si pour cela on la devoit renvoyer. La Mère Supérieure Taymoit fort, et luy faschoit de le faire ; mais neantmoins les Sœurs s'arres- toyent fort sur ceste incommodité corporelle. Or, quand je fus là, le différend me fut remis pour ceste pauvre bonne fille, qui est de bonne maison ; elle (^) fut amenée devant moy, où estant, elle se mit à genoux : Il est vray, Monsieur, dit-elle, que j'ay une telle imperfection, qui est certes assez honteuse (la nommant tout haut avec une simplicité grande). Je confesse que nos Sœurs ont bien grande raison de ne me pas vouloir recevoir, car je suis insupportable en mon défaut ; mais je vous supplie de m ' est re favorable, vous asseurant, si elles me reçoivent, exerçant ainsi leur charité en mon endroit, que j'auray un grand soin de ne les point incommoder, me sousmettant de tres-bon cœur à faire le jardin, ou à estre employée à d'autres offices quels qu'ils soyent qui me tiennent esloignée de leur compagnie, a fin que je ne les incommode point (^). Certes, ceste fille me toucha ; ô qu'elle n'estoit gueres tendre sur elle-mesme ! Je ne me peus tenir de dire que je voudrois de bon cœur avoir le mesme défaut naturel, et avoir le courage de le dire devant tout le monde avec la mesme simplicité qu'elle fit devant moy. Elle n'avoit pas tant de peur d'estre mésestimée, comme plusieurs autres, et n'estoit pas si tendre sur  (x) Or, quand je — pussay, le différend fut remis à moy pour en déterminer ainsi que j'en jugerois devoir estre fait : si que ceste bonne fille, qui est de bonne maison, (Ms. et Coll.) (i) Ce fait eut lieu au monastère de la Visitation de Bourges. La prétendante, dont le nom de famille était Tillier ou Tellier, ou encore Le Tellier, reçut avec l'habit religieux le prénom d'Anne-Marie. Peu de temps après la mort de saint François de Sales, elle fut guérie miraculeusement par son intercession de l'infirmité qui avait failli lui fermer les portes du cloître. (Histoire inédite de 1.1 fondation du monastère de Bourges ; cf. La Vie de l'Illustrissime et Reve- rendi.,sime François de Sales, par le P. de la Rivière, Liv. IV, chap. lxv.)  XIV. Du Jugement propre 255 soy-mesme ; elle ne faisoit pas toutes c^ considérations vaines et inutiles : yue dira la SujHfrieure si je luy dis cecy ou cela ? Mais si je luy demande quelque soulage- ment, elle dira ou pensera que je suis bien tendre. Et pourquoy, s'il est vray, ne voulez-vous pi< qu'elle le pense ? Mais quand je luy dis mon besoin, elle me fait un visage si froid l>) qu'il semble qu'elle ne l'agrée pas. Il se peut bien fa're, ma chère fille, que la Supérieure ayant assez d'autres choses en l'esprit, n'a pas tousjours attention à rire ou parler fort gracieusement quand vous luy dites vo tre mal ; et c'est ce qui vons ^asche, et vous oste, dites-vous, la confiance de luy aller dire vos incommodités. O Dieu ! me*^ chères filles, cela sont des enfances ; il faut aller simplement. Si la Supérieure ou la .Maistresse ne vous ont pas si bien receufs comme vous voudriez, une fois, voire plusieurs, il ne faut pas se fascher pourtant, ni juger qu'elles fassent tousjours de mesme ; ô non. Nostre Seigneur les touchera jxîut estre de son esprit de suavité pour les rendre plus agreibles à vostre premier retour Il ne faut pas estre au:>ii m lendro, que de vouloir tous- jours dire touteb les incomnKxiités que nous avons, quand elles ne sont pas d'imjxirlance : un jx't't mal de teste ou un petit mal de dens. (jui sera jxut estre bien tost pass^, si vous le voulez porter pour l'iunour de Dieu, il n'est pas besoin de l'aller dire pour vous faire un peu plain- dre. Peut estre que vou> ne le direz pas à la Supérieure ou à celle qui vous peut faire prendre du soulagement, mais ouy plus facilement aux autres, parce, dites-vou:», que vous voulez souffrir cela pour Dieu O ma chère fille, si cela estoit que vous le voulussiez souffrir pour l'amour de Dieu, comme vous pensez <*', vous ne Tiriez pas dire à une autre que vous sçave/ bien qui se sentira obligée h déclarer vostre mal à la Supérieure ; et par ce moyen vous aurez »*n biatsant le soulagement que tout à la  (r) mé /mit uue naoÊ «i mcIm (M*.) (c) dé Ûiên, - wlmk qvt vtM» !• dlta» (M*, et CUl.)  236 Les vrays Entretiens spirituels bonne foy vous eussiez mieux fait de demander simple- ment à celJe qui vous pouvoit donner congé de le prendre ; car vous sçavez bien que la Sœur à qui vous dites que la teste vous tait bien mal, n'a pas le pouvoir de vous dire que vous vous alliez coucher. Ce n'est donc à autre dessein ni intention, bien que l'on n'y pense pas expressément, sinon à fin d'estre un peu plainte par ceste Sœur, et cela fait grand bien à l'amour propre. Or, si c'est par rencontre que vous le dites, les Sœurs vous demandant peut estre comment vous vous portez à ceste heure là, il n'y a point de mal, pourveu que vous le disiez tout simplement, sans l'agran- dir ou vous lamenter ; mais hors de là, il ne faut le dire qu'à la Supérieure ou à la Maistresse. (^') Il ne faut pas craindre non plus, encore qu'elles soyent un peu rigoureuses à faire la correction sur tel défaut ; car, ma chère fille, vous ne leur ostez pas la confiance de vous la faire : allez donc tout simplement leur dire vostre mal. Je croy bien que vous prenez plus de plaisir et de confiance de dire vostre mal à celle qui n'est point chargée de vous faire prendre du soulagement qu'à celle qui a ce soin et ce pouvoir ; car tandis que vous faites ainsi, chacun plaint ma Sœur telle, et se met-on en besogne pour pourvoir de remèdes, au lieu que si vous le disiez à la Sœur qui a charge de vous, il fau- droit entrer en sujétion de faire ce qu'elle ordonneroit : et cependant, c'est ceste bénite sujétion que nous évitons tousjours de tout nostre cœur, l'amour propre (^'^ recher- chant d'estre gouvernante de nous-mesme et maistresse de nostre propre volonté. Mais si je dis à la Supérieure, repHquerez-vous, que j'ay mal à la teste, elle me dira  (a') ou à la Maistresse. — Vous répliquez que si vous le dites à la Supé- rieure vous craignez de vous attendrir eu le disant. Ne le dites donc pas si le irial ne le requiert, je veux dire qu'il ne soit pas d'importance. J'approuve jçrandernent la cousturne des Sœurs Carmélites, de ne point se plaindre ni descouvrir leurs incommodités sinon à la Supérieure, et les Novices à la .Maistresse. (Ms. et Coll.) (b*) nostre cœur, — par amour propre, (Coll.)  XIV. Du Jugement propre 257 que je m'aille coucher. Et bien, qu'importe ? si vous n'avez pas assez de mal pour cela, il ne vous coustera guère de dire : Ma Mère ou ma Sœur, je n'ay pas assez de mal pour cela, ce me semble. Et si elle dit après que vous ne laissiez pas pourtant, vous irez tout simple- ment ; car il faut observer tousjours uiw grande sim- plicité en toutes choses. Marcher simplement, c'est la vraye voye des Filles de la \'isitation, qui est f'*' gran- dement agréable à Dieu et tres-asseurée. Mais voyant une Sœur qui a quelque peine en l'esprit, ou quelque incommodité, n'avoir pas la confiance ou le courage de se surmonter à vous le venir dire, et vous appercevant bien que, faute de le faire, cela la porte à quelque humeur mc-lancolique. devez-vous l'attirer ou bien la laisser venir d'elle-mcsme ? A cela, il faut que la considération gouverne ; car quelque fois il faut condescendre à leur tendreté en les apjxllant et s'infor- mant qu'il y a, et d'autres fois il faut mortifier ces petites bijarreries en les laissant, comme qui diroit : Vous ne voulez pas vous surmonter à demander le remède propre à vostrc mal, soufïrez-lc ('**' donc, à la bonne heure ; vous méritez bien cela. Ceste tendreté est beaucoup plus insupportable es clioses de l'esprit (jue non pas es corporelles ; et si, elle est par malheur plub pratiquée et nourrie par les personnes spirituelles, lesquelles voudroyent estrc saintes du premier coup, sans vouloir neantmoins qu'il leur couste rien, non pas mesme les soulïrances des combats que leur cause la partie inférieure, par les res- scntimcns qu'elle a es choses contraires à la nature ; et cependant, veuillons ou non, il faudra que nous ayons le courage de souffrir, et par consetjuent de résister à CCS efforts tout le temps de nostrc vie en plusieurs rencontres, si nous ne voulons faire banqueroute à la per- fection que nous avons entrepnse. Je désire grandement  (c*) M4rchéf limphmint — r%i lUM vey« (M*, «t Cell) (d*) A POtIrt ~ ptio*. touflTM-U (M», ti CoU.)  2c8 Les vrays Entretiens spirituels que l'on distingue tous jours les effets de la partie supé- rieure de nostre ame d'avec les effets de la partie inférieure, et que nous ne nous estonnions jamais des productions de l'inférieure, pour mauvaises qu'elles puissent estre ; car cela n'est nullement capable de nous arrester en chemin, pourveu que nous nous tenions fermes en la partie supérieure, pour aller tousjours avant au chemin de la perfection, sans nous amuser et perdre le temps à nous plaindre que nous sommes imparfaits et dignes de compassion, comme si on ne devoit faire autre chose que de plaindre nostre misère et infortune d'estre si tardifs à venir à chef de nostre entreprise. Ceste bonne fille de laquelle nous avons parlé, ne s'attendrit nullement en me parlant de son défaut ; ains elle me le dit avec un cœur et contenance fort asseurée, en quoy elle me pleut davantage. A nous autres, il nous fait si grand bien de pleurer sur nos défauts ; cela contente tant l'amour propre ! Il faut, mes chères filles, estre fort i^') généreuses et ne s'estonner nullement de nous voir sujettes à mille sortes d'imperfections, et avoir neantmoins un grand courage pour mespriser nos incli- nations, nos humeurs, bijarreries et attendrissemens, mortifiant fidèlement tout cela en chaque rencontre. Que si neantmoms il nous eschappe d'y faire des fautes, par cy par là, ne nous arrestons pourtant pas ; mais relevons nostre courage pour estre plus fidelles à la première occasion, et passons outre, faisant du chemin en la voye de Dieu et au renoncement de nous-mesmes. Vous demandez en après, si la Supérieure vous voyant plus triste que d'ordinaire, vous demande que vous avez, et vous voyant prou de choses en l'esprit qui vous faschent, vous (^') ne pouvez pourtant dire ce que c'est, comment il faut que vous fassiez. Il faut dire cela ainsi,  (e'j plus (Ms. et Coll.) (f) Que dites-vous, ma fille ? si la Supérieure vous voyant faire mauvaise raine, vous demande que vous avez, et vous voyant prou de choses en l'esprit, pesle mcsle, qui vous faschent, (Ms. et Coll.)  XIV. Du Jugement propre 259 tout simplement : J'ay plusieurs choses en l'esprit, mais je ne sçay que c'est. Vous craignez, dites-vous, que la Supérieure ne pense que vous n'ayez pas la confiance de le luy dire. Or, que vous doit-il soucier qu'eUe le pense ou qu'elle ne le pense pas ? pourveu que vous fassiez vostre devoir, dequoy vous mettez-vous en peine ? Ce que dira-t'on si je fais cecy ou cela ? ou qu'est-ce que la Sujx^rieure pensera ? est grandement contraire à la perfection quand on s'y arreste ; car il faut tousjours se souvenir en tout ce que je dis, que je n'entens point parler de ce que fait la partie inférieure, car je n'en fais nul estât ; c'est donc à la partie supérieure que je dis qu'il faut mespriser ces que dira-t'on ou que pensera-t'on ? Cela vous \'ient quand vous avez rendu compte, parce que vous n'avez pas assez dit de fautes particulières : vous pensez, dites-vous, que la Supérieure dira ou pen- sera que vous ne luy voulez pas tout dire. C'en est de mesmc des redditions de compte comme de la confes- sion ; il faut avoir une égale simplicité en l'un comme en l'autre. Or, dites-moy, faudroit-il dire : Si je me confesse de telle chose, que dira mon confesseur ou que pensera-t'il de moy ? Nullement ; il pensera et dira ce qu'il voudra ; pourveu qu'il m'ayt donné l'absolution et que j'aye rendu mon devoir, il me suftit. Kt comme après la confession il n'est pas temps de s'e.xaminer pour voir si on a bien dit tout ce que l'on a fait, ains c'est le temps de se tenir attentif auprès de Nostre Seigneur en tranquillité («*>, avec lequel nous nous sommes re- concihts. et luy rendre grâces de ses bien-faits, n'estant nullement nécessaire de faire la recherche de ce que nous pourrions avoir oublié, de mesme en e<ît-il après avoir rendu compte : il faut dire tout simplement ce qui nous vient ; après, il n'y faut plus penser. Mais aussi, comme ce ne seroit pas aller à la confession bien pré- paré, de ne vouloir pa^ s'cxammer, de crainte de trouver quelque chose digne de se confes.ser, de mesmc  (f*) ûU4mStf — «t tnaquillt tuprw Tnent trop 0'/ l'humilitc et la mortification pour estre doresnavant mélancoliques sur un léger soupçon, qui est peut estre sans fondement, qu'elles ne sont pas tant avinées comme leur amour propre leur fait désirer d'estre. M?is j'ay fait une faute à l'endroit de la Sujx,'rieurc, dira quelqu'une, et partant j'entre en des appréhensions qu'elle ne m'en sçache mauvais gré ; et en un mot, elle ne m'aura pas en si bonne estime qu'elle m'avoit. ^^'> Mes chères Sœurs, tout ce marrissement se fait par le commandement d'un certain père spirituel qui s'appelle l'amour propre, qui commenre à dire : Comment, avoir ainsi failli ! qu'est-ce que dira ou pen- sera nostre Mère de moy ? ô il ne faut rien espérer de bon de moy ! je suis une pauvre misérable, je ne pourray jamais rien faire qui puisse contenter nostre Mère ; et semblables belles doléances L'on ne dit point : Helas 1 j'ay offencé Di^Ai, il faut recourir à sa bonté et espérer qu'il me fortifiera ; on dit : O je sçay bien que Dieu est bon ; il n aura pas égard à mon infidehté, il recognoist trop bien nostre infinnité ; mais nostre Mère... Nous revenons tousjours là pour continuer nos plaintes. Il faut sans doute avoir du soin de complaire à nos Supérieurs, car le grand A|X)stre saint Paul le déclare et en exhorte, parlant aux serviteurs, et il se peut attribuer aussi aux enfans : Servez, dit-il, vos maistres à l'œil («^ voulant dire : Ayez un grand soin de leur  0') Or tu«, qu'y at'U pli» à dire ? O ma Mère. ceU o'att pM arffwhk» que nos S<»urt {Ut.) toyeot tellnnent aturh^e« aui caritiM àt U S«|Wtaur«, qiM dé» qa'clte ne leur p«rie p*» de buuoe grâce, elks Ur«it laooatlaMit oonfquww qtt*«U« d« toot pas avmAaa. O pf doo nt -inoy, (da Umn, no* Stsun ayrment trop ftinfuUertt: ' ) (k') ^m'êilé m'spoU : -^ CMT C€ , ... „. .uad« ImporUttoe «^ue oahiy-CT, d'nue béeo «timé* àê noMri Itev. (M* et Coll.) (I) Cm pMola» M te trouveot pm irstoeUement en tmint Paul I^Rti-Hra Miat Praoçoto de Salée voulait U (aire allmtoo A od pe e eer RoattiH. rhap. XII, 17. dan» lequel k " — ^ - ^ pe«l «• u-^— w -w*.-~i ie« ycui • : f'e»t««i lé ktém . déx.. ■ Aomm^i.  202 Les vrays Entretiens spirituels plaire. Mais aussi il dit par après : Ne servez point vos • Ephes., VI, 5, 6 ; maistres à l'œil*, voulant dire qu ils se gardent bien de Coioss., m, 22. ^.^^ ^^j.^ ^ç p2^g estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que Foeil de Dieu les void tous] ours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire ; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir. Faisons du mieux que nous pourrons pour ne fascher personne ; mais après cela, s'il arrive que par vostre infirmité vous les mescon tentiez quelque fois, recourez soudain à la doctrine que je vous ay si souvent preschée et que j'ay tant d'envie de graver en vos esprits. Humiliez-vous soudain devant Dieu en recognoissant vostre fragilité et foiblesse, et puis reparez vostre faute, si elle le mérite, par un acte d'humilité à l'endroit de la personne que vous avez peu fascher ; et cela fait, ne vous troublez jamais, car nostre père spiri- tuel (!'-' qui est l'amour de Dieu, nous le défend, en nous enseignant qu'après que nous avons fait l'acte d'humihté, ainsi que je dis, nous rentrions en nous- mesmes pour caresser tendrement et chèrement ceste abjection bien-heureuse qui nous revient d'avoir failli, et ceste bien-aymée reprehension ('^') que la Supérieure nous fera. Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontés ; et partant il ne faut faire nul estât de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggèrent, pourveu que nous fassions régner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Supérieurs, voire des inférieurs et égaux, au dessus du nostre, le réduisant au petit pied ; ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté, en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison  (!') car — un autre père spirituel que nous avons, (Ms. et Coll.) (rn') bien-aymée — mine froide (M?.)  XIV. Du Jugement propkb 263 de ne pas estimer que cela soit justement et raisonna- blement fait, démentant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter, pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit. Il faut avec sim- plicité rapporter une fois nos raisons, si elles nous semblent bonnes ; mais au partir de là, acquiescer sans plus de répliques à ce que l'on nous dit, et par ainsi faire mourir nostre jugement, que nous estimons si sage et prudent au dessus de tout autre. O Dieu ! ma Mère, nos Sœurs sont tellement résolues d'aymer la mortification, que ce sera une chose agréable de les voir : la consolation ne leur sera plus rien au prix de l'affliction, des sécheresses, des repugniinces, tant elles sont désireuses de se rendre semblables à leur Espoux. Aydez-les donc bien en leur entreprise : morti- fiez-les bien et hardiment sans les espargner, car c'est ce qu'elles demandent. Elles ne seront plus attachées aux caresses, puisque cela est contraire à la générosité de leur dévotion, laquelle fera désormais qu'elles s'atta- cheront si absolument au désir de plaire à Dieu qu'elles ne regarderont plus autre chose, si elle n'est propre jxjur les avancer en l'accomplissement de ce désir. C'est la marque d'un cœur tendre et d'une dévotion molle, de se laisser aller à tous les petits rencontres de contra- diction : n'ayez pas peur que ces niaiseries d'humeur mélancolique et despiteuse soyent jamais panni nous ; nous avons trop bon courage, grâces à Dieu ; nous nous appliquerons tant à faire désormais, qu'il y aura grand plaisir de nous voir. Cependant, mes chères filles, puri- fions bien nostre intention, à fin que faisant tout pour Dieu, pour son honneur et gloire, nous attendions ncstrc recompcn.'ie de luy seul. Son amour sera nostre loyer en ceste vie, et luy-mesme sera nostre recom|KMisc en l'éternité.  OUINZIESME ENTRETIEN  AUQUEL ON DEMANDE EN QUOY CONSISTE LA PARFAITE DETER- MINATION DE REGARDER ET SUIVRE LA VOLONTÉ DE DIEU EN TOUTES CHOSES, ET SI NOUS LA POUVONS TROUVER ET SUIVRE ES VOLONTÉS DES SUPERIEURS, ÉGAUX OU INFERIEURS, QUE NOUS VOYONS PROCEDER DE LEURS INCLINATIONS NATU- RELLES OU HABITUELLES ; ET DE QUELQUES POINCTS NOTABLES TOUCHANT LES CONFESSEURS ET PREDICATEURS (a).  Il faut sçavoir (b) que la détermination de suivre la volonté de Dieu en toutes choses sans exception est contenue dans l'Oraison dominicale, en ces paroles que nous disons tous les jours : Vosfre volonté soit faite • Matt., VI, 10. en la terre comme au Ciel *. Il n'y a aucune résis- tance à la volonté de Dieu au Ciel, tout luy est sujet et obéissant ; ainsi disons-nous qu'il nous puisse arriver et ainsi demandons-nous (c) à Nostre Seigneur de faire, n'y apportant jamais aucune résistance, mais demeurans tousjours très-sujets et obeissans en toutes occurrences à ceste divine volonté.  (a) SURLESUJETDELACONDESCENDANCE.(Ms.) DE LACONDESCENDANCE.(Coll.) (b) Je commence nostre discours par la responce à la question qui m'a esté donnée en ce billet ; à sçavoir, que c'est et en quoy consiste la parfaite détermination de suivre et de regarder la volonté de Dieu en toutes choses, et si nous la pouvons trouver ou suivre es volontés des Supérieurs ou inférieurs, que nous voyons clairement procéder de leurs inclinations naturelles ou bien habituelles. (Ms. et Coll.) Pour nous prendre au commencement de la question, il faut que vous sçachiez (Ms.) (c) promettons-nous (Ms.)  X\'. De la Volonté de Uibu 265 Mais les âmes ainsi déterminées ont besoin d'estre esclaircies en quoy elles pourront recognoistre ceste volonté de Dieu De cecy j'en ay parlé bien clairement au livre de l'Amour de Dieu ^ ; neantmoins, pour •Uvr«»vuietix. satisfaire à la demande qui m'a esté faite, j'en diray encore quelque chose. La volonté de Dieu se peut entendre en deux façons : il y a la volonté de Dieu signifiée et la volonté du bon plaisir. La volonté signi- fiée est distinguée en quatre parties, qui sont les com- mandemens de Dieu et de l'Eglise, les conseils, les inspiration*;, les Règles et Constitutions. Au.x comman- demens de Dieu et de l'Eglise il faut nécessairement que chacun obéisse, parce que c'est la volonté de Dieu absolue, qui veut qu'en cela <'*^ nous obéissions si nous voulons estre sauvés. Ses conseils, il veut bien que nous les obser\'ions, mais non pas d'une volonté absolue, ains seulement par manière de désir ; c'est pourquoy nous ne perdons pas la charité et ne nous séparons pas de Dieu pour n'avoir pis \o courage d'entreprendre l'obéissance des conseils. Mesme nous ne devons pas vouloir entreprendre la pratique de tous, ains seulement de ceux qui sont plus conformes à nostre vocation ; car il y en a qui sont tellement opjx>Si-s les uns aux autres, qu'il seroit impossible tout à fait d'embrasser la pratique de l'un sans oster le moyen de pratiquer l'autre. C'est un conseil de quitter tout pour suivre Nostre Seigneur desnué de toutes choses ; c'est un conseil de prestcr et de donner l'aumosne : dites-moy, celuy qui a quitté tout d'un coup ce qu'il avoit, dequoy peut-il faire l'au- mosne puisqu'il n'a hen ? Il faut doncques suivre les conseils que Dieu veut que nous suivion:». et ne pas croire qu il les ayt tous donnés à tin que nous let  (d) êm qumtfê pûfltt» ; — M d« l'EctÉar et \e% Uupéntiom. E« *"*-*«■»*■ <■-■■■ é» DiM •! d« «on B«|iM U Uuî inniiÉmnMH qw» chMoa pito It eol «C m MMMwtl* 4 VàbtêÊÊÊûÊieê, pmtcm q«'«i oila, la voloalé d* DImi mi ÊhÊoêmm, voviaal mm (Uft. t CoU.)  266 Les vrays Entretiens spirituels embrassions tous. Or, la pra.tique des conseils qu'il faut que nous pratiquions nous autres, sont ceux qui sont compris dans nos Règles (^). Nous avons dit de plus que Dieu nous signifie sa volonté par ses inspirations ; il est vray, mais pourtant il ne veut pas que nous discernions de nous-mesmes si ce qui nous est inspire est sa volonté, ni moins qu'à tort et à travers nous suivions ses inspirations. Il ne veut pas aussi que nous attendions que luy-mesme nous manifeste ses volontés ou qu'il nous envoyé des Anges pour les nous enseigner ; mais sa volonté est que nous recourions, es choses douteuses et d'importance, à ceux qu'il a establis sur nous pour nous conduire, et que nous demeurions totalement sousmis à leur conseil et à leur opinion en ce qui regarde la perfection de nos âmes. Voila donc comment Dieu nous manifeste sa volonté que nous appelions volonté signifiée. Il y a de plus la volonté du bon plaisir de Dieu, laquelle nous devons regarder en tous les evenemens, je veux dire en tout ce qui nous arrive : en la maladie, en la mort, en l'affliction, en la consolation, es choses adverses et prospères, bref en toutes choses qui ne sont point preveùes. Et à ceste volonté de Dieu, nous devons tousjours estre prests de nous sousmettre en toutes occurrences, es choses désagréables comme es agréa- bles, en la mort comme en la vie, en fin en tout ce qui n'est point manifestement contre la volonté de Dieu signifiée, car celle-cy va devant ; et c'est en cecy que nous respondons à la seconde partie de la demande. Ce que pour vous mieux faire entendre, il faut que je vous die ce que j'ay leu ces jours passés dans la Vie du •Apud Eadmerum, grand Saint Anselme *, où il est dit que durant tout le temps qu'il fut Prieur et Abbé de son Monastère, il fut extrêmement aymé d'un chacun, parce qu'il estoit fort  (e) embrassions tous — ou la pratique d'iceux. Les conseils qu'il faut que nous pratiquions nous autres, ce sont nos Règles ; je veux dire, ils sont tous compris dans l'enclos d'icelles. (Ms. et Coll.)  XV. De la Volonté de Dieu 267 condescendant, se laissant plier à la volonté de tous, non seulement des Religieux, mais aussi des estrangers. L'un luy venoit dire : Mon I^ere, vo^tre Révérence devroit prendre un peu de bouillon ; il en prenoit. Un autre venoit qui luy disoit : Mon Père, cela vous fera mal ; tout soudain il le quittoit. Ainsi il se sousmettoit en tout ce en quoy il n'y avoit point d'offense de Dieu, à la volonté de ses Frères, lesquels sans doute suivoyent leur inclination propre <^>, mais encore plus particuliè- rement les séculiers qui le faisoyent aussi tourner à toute main, selon leur volonté. Or, ceste grande sou- plesse et condescendance du Saint n'estoit pas approuvée de tous, bien qu'il fust fort aymc de tous ; si bien qu'un jour, quelques-uns de ses Frères luy voulurent remons- trer que cela n'alloit pas bien selon leur jugement, et qu'il ne devoit pas e:>tre si souple et condescendant à la volonté de tout le monde, ains qu'il devoit faire plier sous sa volonté ceux qu'il avoit en charge <«). O mes enfans, dit ce grand Saint, vous ne sçavez pas peut estre à quelle intention je le fais. Sçachez donc que me ressouvenant que Nostre Seigneur a commandé* • Mat» . vu. la i- ■ ^ ... l.UO». VI, JI. que nous lissioub aux autres ce que nous voudnons qui nous fust fait, je ne peux faire autrement ; car je vou- drois que Dieu fist ma vcilonté, et partant je fais volon- tiers celle de mes Frères et de mes prochains, à fin  (f) un pêu de bomUlom — chaud. U vo«tt teoit gnDd Um à VmUammc ; bwl •oofUio U le f»r«ooit : Je le veus Uca, moo 6b, ditottiL Apcw, ao Attira vvooit qui luy ditoit : O mao Ferr, ccU vuu» (rra laal. vou» ne le devrtef pes prendra ; et tout «oudaio U le quiltoét. Ainsi U m louMnettail. «o tout ce qui n'e»toit point m«nj(e«tciuent contre U voiunté de LMru qui luy ettoit ti tl y êmi mm tmfmml ~ (car (I rtcevoit eo rt MMt f«i«M « ««tira atolla, ear eOa eatoit xBàmat aiaal que vtna (M».l  2-jo Les vrays Entretiens spirituels •Ubi supra, p. 268. paTolc tant cclebre du Sauveur* : Si vous n* estes faits comme petits enfans, (i) vous n'aurez point de part au Royaume de mon Père. O que c'est un grand bien, mes Sœurs, d'estre ainsi pliables et faciles à estre tournés à toute main ! Or, non seulement les Saints nous ont enseigné ceste pratique de la sousmission de nostre volonté, mais aussi Nostre Seigneur mesme, tant par exemple que par parole. Mais comment par parole ? Le conseil de l'abne- • Matt., XVI, 24 ; gation de soy-mesme *, qu'est-ce autre chose sinon ucas, IX, 23. renoncer en toute occasion à sa propre volonté et à son jugement particulier, pour suivre la volonté d'autruy et se sousmettre à tous, excepté tous] ours ce en quoy l'on offenceroit Dieu ? Mais, pourriez- vous dire, je vois clairement que ce que l'on veut que je fasse procède d'une volonté humaine et d'une inclination naturelle ; et partant. Dieu n'a pas inspiré ma Mère ou ma Sœur de me faire faire une telle chose. Non, peut estre que Dieu ne luy aura pas inspiré cela, mais ouy bien à vous de le faire, et y manquant, vous contrevenez à la déter- mination de faire la volonté de Dieu en toutes choses, et par conséquent au soin que vous devez avoir de vostre perfection. Il faut donc se sousmettre tousjours à faire tout ce que l'on veut de nous pour faire la volonté de Dieu, pourveu qu'il ne soit pas contraire à sa volonté qu'il nous a signifiée en la manière susdite (^^). Or, pour dire un mot de la volonté des créatures, elle se peut prendre en trois façons : par manière d'affliction, par manière de complaisance, ou bien sans propos ou hors de propos. A la première, il faut estre bien fort pour embrasser volontiers ces volontés qui sont si contraires à la nostre, qui ne voudroit point estre contrariée ; et cependant pour l'ordinaire, il faut gran- dement souffrir en ceste pratique de suivre les volontés  (I) comme petits enfans, — en simplicité, humilité et souplesse, (Ms. et Coll.) (mj pourveu que — ce ne soit point contre sa volonté qui nous est signifiée é* quatre façons que j'ay dit. (Ms. et Coll.)  XV. De la Volonté de Dieu 271 des autres, qui sont pour la pluspait différentes de <») la nostrc. Il faut donc recevoir par manière de souffrance l'exécution de telles volontés, et se ser\'ir de ces contra- dictions journalières pour nous mortifier, les acceptant avec amour et douceur. Far manière de complaisance, il n'est pas besoin d'exhortation pour les nous faire suivre ; car très- volontiers nous obéissons aux choses agréables, ains nous allons au devant de ces volontés-là pour leur offrir nos sousmissions. Ce n'est pas aussi de ceste sorte de volonté que l'on demande s'il s'y faut sousmettre, car on n'en doute nullement ; mais de celles qui sont hors de propos et des(|uelles nous ne cognois- sons pas la raison pourquoy l'on veut cela de nous, c'est où il va du bon. Car pourquoy feray-je plustost la volonté de ma Sœur que la mienne ? la mienne n'est- elle pas aussi conforme à celle de Dieu en ceste légère occurrence que la sienne ? Pour quelle raison dois-je croire que ce qu'elle me dit que je fasse soit plustost une inspiration de Dieu que la volonté qui m'est venue de faire une autre chose ? O Dieu ! mes chères Soeurs, c'est icy où la divine Majesté nous veut faire gaigner le prix de la sousmission ; car si nous voyions bien tousjours que l'on a raison de nous commander ou de nous prier de faire une telle chose, nous n'aurions pas grand mérite en la faisant, ni grande répugnance, parc»* que sans doute toute nostre ame aquiesceroit volontiers à cela ; mais quand les raisons nous sont cachées, c'est lors que nostre volonté répugne, que nostre jugement regimbe, et ressentons la contra- diction. Or, c'est en ces occasions qu'il se faut surmonter, et ("> avec une simplicité toute enfantine se mettre en besogne sans discours ni raison, et dire : Je sçay bien que la volonté de Dieu est que je fasse plustost la  (o) iêt — S up irk ur », mato et qui «t le phit, etlk« de« fnfrHrtnt mi «faux : car pour rofdfaulrt Uor volooU oootrari* (Ht. «t ( (o) MMIf ^UMnd " Mt raÉtOOt MM» foat OKhéai, OOttrV VOtOotr rrpufnc. aottrt jufHMOt fHimte qiMiQQilais : «t tout tonMaiv W iMt, poor Oit. «t CoO)  272 Les vrays Entretiens spirituels volonté de mon prochain que la mienne, et partant je me mets à la pratique, sans regarder si c'est la volonté de Dieu que je me sousmette à faire ce qui procède de passion et inclination, ou bien vrayement par une inspi- ration ou mouvement de la raison ; car pour toutes ces petites choses il faut marcher en simplicité. Quelle appa- rence, je vous prie, y auroit-il de faire une heure de méditation pour cognoistre si c'est la volonté de Dieu (p) que je boive quand Ton m'en prie, ou que je m'en abstienne par pénitence ou sobriété, et semblables petites choses lesquelles ne sont dignes de considération, et principalement si je voy que je contenteray tant soit peu le prochain en les faisant ? Es choses de conséquence, U ne faut non plus perdre le temps à les considérer, mais il s'en faut addre^ser à nos Supérieurs, à fin de sçavoir d'eux ce que nous avons à faire ; après quoy, il n'y faut plus penser, ains s'arrester absolument à leur opinion, puisque Dieu nous les a donnés pour la conduite de nostre ame en la perfection de son amour. Que si l'on doit ainsi condes- cendre à la volonté d'un chacun, beaucoup plus le doit-on faire à celle des Supérieurs, lesquels nous devons tenir et regarder parmi nous comme la personne de Dieu mesme ; aussi sont-ils ses lieutenans. C'est pourquoy, encore que nous cognussions qu'ils eussent des incli- nations naturelles, voire mesme des passions, par les mouvemens desquelles ils commanderoyent quelquefois ou reprendroyent les défauts de leurs inférieurs, il ne s'en faudroit nullement estonner, car ils sont hommes comme les autres, et par conséquent sujets à avoir des inclinations et des passions ; mais il ne nous est pas permis de faire jugement que ce qu'ils nous commandent  (p) à la pratique, sans — tant de regards, si c'est la volonté de Dieu que je me sousmette à faire ce qui procède de passion, d'inclination, ou bien d'un vray mouvement de raison et d'inspiration. (Ms.) Pour les petites choses il faut marcher en simplicité ; car quelle apparence y auroit-il d'aller faire une heure de méditation pour cognoistre si c'est la volonté de Dieu que je boive un bouillon ou que je ne le prenne pas, (Ms. et Coll.)  XV De la Volonté de Dieu 273 parte de leur passion et inclination, et c'est chose qu'il se faut garder de faire. Neantmoins. si nous cognois- sions palpablement que cela fust, il ne faudroit pas laisser d'obéir tout doucement et amoureusement, et se sousmettre avec humilité à la correction. C'est voirement une chose bien dure à l'amour propre que d'estrc sujet à toutes ces rencontres. W II est vray ; mais ce n'est pas aussi cest amour là que nous devons contenter ni escouter, ains seulement le tres-siiint amour de nos âmes, Jésus, qui demande de ses chères espouses une sainte imitation de la parfaite obéissance qu'il rendit, non seulement à la très-juste et bonne volonté de son Père, mais aussi à celle de ses parens, et qui plus est, de ses ennemis lesquels sans doute suivirent leurs passions aux travaux qu'ils luy imposèrent ; et cependant le bon Jésus ne lais^^e de s'y sousmettre douce- ment, humblement, amoureusement. Et nous verrons assez que ceste parole de Nostre Seigneur qui ordonne que l'on prenne sa croix*, doit estre entendue de «Vide »upr«4>. «to. recevoir de bon cœur les contradictions qui nous sont faites à tous rencontres par la sainte obéissance, bien qu'elles soyent légères et de peu d'importance. Je m'en vay vous donner cncor un exemple admirable pour vous faire comprendre la valeur de ces petites croix, c'est à dire de l'obéissance, condescendance et souplesse à suivre la volonté d'un chacun, mais spécia- lement des SujXTieurs. Sainte Gertrude fut faite Reli- gieuse en un monastère où il y avoit une Supérieure laquelle recognoissoit fort bien que la bien-heureuse Sainte estoit d'une complexion foible et délicate ; c'est pourquoy elle la faisoit traitter plus délicatement que les autres Religieuses, ne luy laissant pas faire les austérités que l'on avoit de coustume de faire en cestc Religion. Que p«»nsez-vous donc que faisoit la |>au\TC fille pour devenir sainte f Rien autre chose que de se  (q) (U An . O non, jamais il ne faut user de ceste défaitte, car cela n'est pas vray ; vous pouvez dire tout ce que voudrez en confession, pour^'eu que vous ne parliez que de ce qui regarde vostre particulier, et non pas ce qui concerne le gênerai de vos Sœurs. (•) Qne si vous craignez de dire quelque chose de ce qu'ils vous demandent, de peur de vous embarrasser, comme seroit de dire que vous avez des tentations, si vous appréhendez de les dire, au cas qu'ils les voulussent sçavoir par le menu, vous pourrez leur respondre : J'en ay, mon Père, mais par la grâce de Dieu, je ne pense pas y avoir offencë sa Bonté ; mais jamais ne dites qu'on vous a défendu de vous confesser de cecy ou de cela. Dites à la bonne foy à vostre confesseur tout ce qui vous fera de la peine, si vous voulez ; mais derechef je vous dis, gardez-vous bien de parler ni du tiers ni du quart. En second lieu, nous avons quelque réciproque obU- gation aux confesseurs en l'acte de la confession, de tenir caché ce qu'ils nous auront dit, si ce n'estoit quelque chose de bonne <*' édification ; et hors de là il n'en faut point parler. S'il arrive qu'ib vous donnent quelque conseil contre vos Règles et vostre manière de vivre, escoutez-les avec humilité et révérence, et puis vous ferez ce que vos Règles pennettront et non autre. Les confesseurs n'ont pas tousjours intention de vous obliger sur peine de péché à ce qu'ils vous disent ; il faut recevoir leurs conseils par manière de simple  (r) fi vMi «r#ff — potnt qttelqiM IraUCioo. voért mmtam qoilqttt cboM dt l'urahoQ, )• voudrute rwpondre timptaiMOt mIoo qu'lb me «tom a iMtam y w it, bkn qtM )• o'r tmm pm obUfÉ. 11 m faal pm r wpoo dr t ; Il m m*«t pM pwmto âm vooi 1* dirt. (M«. «t CoU.) (•) êm eomfttiMm, — d« c« qui raganfa vo«tf« particulier ; OMli du fHMral dM Svon, Il faut t mpouân qw vom m tçmrm pm km p màî mt m al l« pntIqiMa da vwtu q«*«ll« foot. (Ma. «t CoU.) (t) gmda (Ma )  276 Les vrays Entretiens spirituels direction. Estimez cependant beaucoup, et faites grand estât de tout ce qui vous sera dit en Confession ; car vous ne sçauriez croire le grand profit qu'il y a en ce Sacrement pour les âmes qui y viennent avec l'humilité requise. S'ils vous vouloyent donner pour pénitence quelque chose qui fust contre la Règle, priez-les tout doucement de changer ceste pénitence en une autre, d'autant qu'estant contre la Règle, vous craindriez de • Cf. le Directoire, scandaliser vos Sœurs si vous le faisiez *. Au reste, supra, p. 4. j^j^Q^jg jj j^g £g^^^ (u) murmurer contre le confesseur. Si par son défaut il vous arrivoit quelque chose en confes- sion, vous pourriez dire tout simplement à la Supérieure que vous desirez bien, s'il luy plaisoit, de vous confesser à quelque autre, sans dire autre chose ; car ainsi faisant, vous ne descouvrirez pas l'imperfection du confesseur, et si, aurez la commodité de vous confesser à vostre gré. Mais cecy ne se doit pas faire à la légère et pour des causes de rien. Il faut éviter les extrémités ; car, comme il n'est pas bon de supporter des notables défauts en la confession, aussi ne faut-il pas estre si délicates qu'on n'en puisse supporter quelques petits. Troisiesmement, je voudrois fort que les Sœurs de céans prinssent un grand soin de particulariser leurs péchés en la confession. Je veux dire que celles qui n'auront rien remarqué qui fust digne de l'absolution, dissent quelque péché particulier ; car de dire qu'on s'accuse d'avoir eu plusieurs mouvemens de colère, de tristesse et ainsi des autres, cela n'est pas à propos ; car la colère et la tristesse sont des passions, et leurs  (u) qui y viennent avec — la préparation et humilité requise. Si le confesseur vous conseille chose que vous puissiez bonnement, il le faut faire, comme scroit de faire quelque pénitence avec congé. Mais s'il vous vouloit donner pour pénitence de faire quelque chose qui fust contre la Règle, alors il faudroit luy dire fort doucement : Mon Père, je supplie tres-humblement vostre Révérence de me changer ceste pénitence, d'autant qu'estant contre la Règle, je craindrois de scandaliser nos Sœurs si je la faisois. Ou bien, si c'estoit de dire tant d'Heures tous les jours, ou tant d'Offices durant un an ou quelque temps : Je ne le pourrois pas bonnement faire, à cause que nos heures nous •ont toutes réglées. Mais au partir de là, il ne faut point (Ms. et Coll.)  XV. De la Volonté de Dieu 277 mouvTmens ne sont pas pèches, d'autant qu'il n'est pas en nostre p>ouvoir de les empescher. <^' Il faut que la colère soit déréglée, ou qu'elle nous porte à des actions déréglées, pour estre péché. Il faut donc particulariser quelque chose qui porte péché, t*^) Je voudrois bien, de plus, que l'on eust un grand soin d'estre bien véritables, simples et charitables en la confession (véritable et simple est une mesme chose) : dire bien clairement ses fautes, sans fard, sans artifice, faisant attention que c'est à Dieu que nous parlons, auquel rien ne peut estre celé ; fort charitables, ne meslant aucunement le prochain en vostre confession. Par e.xempic, ayant à vous confesser dequoy vous avez murmuré en vous-mesme ou bien avec les Soeurs de ce que la Supérieure vous a parlé trop sèchement, n'allez pas dire que vous avez murmuré de la correction trop brusque qu'elle vous a fait, mais simplement que vous avez murmuré contre la Supérieure. **' Dites seulement le mal que vous avez fait, et non pas la cause et ce qui vous y a poussée ; et jamais, ni directement ni indi- rectement ne descouvrez le mal des autres en accusant le vostre, et ne donnez jamais sujet au confesseur de soupçonner qui c'est qui a contribué à vostre péché. N'apportez aussi aucunes accusations inutiles en la  (v) dé eoUrt, — cd« o'«t |>M bon, «t n*«t pM dairaatafi qot il disks que vous aves «a plinieun mouvoDam d« jojrt, car la oolart aa oomina U Joyv et U triataïaa ; «t oe faut paa croire que %om laa de colère aoyeat pecbé. d'autant qu'il a'eat paa an ooatra p o u vo ir de nooa ampaachar de oaa aaaauta. Noua teroot tous)oun tu)cti i dea paaaéoaa, le vaaUlooa-ooua oa ooo ; cea moinaa qui oot voulu dire le cuotraire ont ealé ooortamn^ par l'EcUte et par tout lea Docteur» et Coodie». (Ma. et CoU.) (w) fné pttê pické. — Par exemple : Je m'a- '^uoy aaUal daaa la Boode )e fta one foto telle choae ; et oe paa dire : i ■ di maia U faut dire en quoy voua avet daaobd ; il c'aai une cboae d'Importance. Je dealraroéa Waa que Too ratlaat oaqr, parce qu'il eat da la mettra eo pratiqua. (Ma. «t ColL) (1) comtn U Smp§f%4ufê: — ou bleu iimplamint : J'ar murmuré, autre cha*e ; «inoii qu'il faut dira il ç*« «té aa voua inmnii ou beau avue quelque autre, car voua ne içavM pua la daafv et la mal qu*n r • •• 9êkj, (Mt. et Coll.)  2^8 Les vrays Entretiens spirituels confession. Vous avez eu des pensées d'imperfection sur le prochain, des pensées de vanité, voire mesme de plus mauvaises ; vous avez eu des distractions en vos oraisons ; si vous vous y estes arrestées délibérément, dites-le à la bonne foy, et ne soyez pas contentes de dire que vous n'avez pas apporté assez de soin à vous tenir recolligées durant le temps de l'oraison ; mais si vous avez esté négligentes à rejet ter une distraction, dites-le, car ces accusations générales ne servent de rien à la confession (y). Je voudrois bien encor, mes chères filles, qu'en ceste maison l'on portast grand honneur à ceux qui vous annoncent la parole de Dieu. Certes, on a beaucoup d'obligation de le faire ; car il semble que ce soyent des messagers célestes qui viennent de la part de Dieu pour nous enseigner le chemin de salut. Il les faut regarder comme telS; et non pas comme des simples hommes ; car, quoy qu'ils ne parlent pas si bien que les hommes célestes, il ne faut pourtant rien rabattre de l'humilité et révérence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est tous] ours la mesme, aussi pure, aussi sainte que si elle estoit dite et proférée par les Anges. Je remarque que quand j'escris à une personne sur du mauvais papier, et par conséquent avec un mauvais caractère, elle me remercie avec autant d'affcv,- tion que quand je luy escris sur du meilleur papier et  (y) de plus mauvaises ; — si vous vous y estes arrestée délibérément, dites-le à la bonne foy, comme de mesme si vous avez eu des distractions volontaires ; ou bien que, faute de vous estre bien préparée au commencement de l'Office, voxis l'avez dit avec distraction. Mais si cela n'est pas, ne vous mettez pas en peine d'aller dire que vous avez eu une grande négligence à vous tenir recueillie durant le temps de vos oraisons ; car, qu'est-ce que le confesseur entendra par ceste accusation ? Et puis, vous vous pourriez bien tromper aussi vous-raesme en cela, d'autant que ce n'est pas tousjours par nostre faute que nous ne sommes pas attentifs en nos prières. Il faut faire tout simplement ce que l'on peut pour estre attentifs en nos oraisons, et nous humilier tout doucement quand nous y manquons, sans faire ces scrupules de péché où il n'y en a point. Estes-vous négligente à rejetter une distraction ? cela est autre chose ; confessez-vous en tout simplement, sans le préambule d'une continuelle négligence de vous tenir en la présence de Dieu, car cela ne sert de rien en la confession. (Ms. et Coll.)  XV. De la Volonté de Dieu 279 avec de plus beaux caractères. Pourquoy cela, sinon parce qu'elle ne fait pas attention ni sur le papier qui n'est pas si bon, ni sur le caractère qui est mauvais, ains seulement sur moy qui luy escris. De mesme faut-il faire de la parole de Dieu : ne point regarder qui est  Ce qui a esté obmis de l'Entretien de la Confession (>) Vous me voulez aujourd'huy interroger de la Confes- sion ; j'en suis content, mes chères filles. Et première- ment je vous dus que c'est une liberté toute sainte et de la sacrt5e enfance spirituelle enseignent en l'Evan- gile, que celle que vous avez d'aller demander en sim- phcité de cœur à la Supérieure, ou Directrice quant aux Novices, en quelle fa<;on vous vous confesserez de certaines choses où quelquefois vous vous trouvez em- brouillées Or, quand l'on vous dira que l'on ne croit pas qu'il y ait matière de confession. Ton ne vous dit pas pour cela de ne vous en confesser point. Aussi feroit-on un très-grand mal d'aller dire à un confesseur : J'ay bien encore quelque faute, mais ma SujKTieurc m'a défendu de m'en confesser ; car outre que cela n'est nullement vray, vous obligez le confesseur à vous faire dire ceste faute, à laquelle peut estre, ne cognoissant  (f) [Voér U remarqtM (i*). p.  (I) U y • «rmir \>At... àt rt.nirtltém de t^ Comfttu- o'«n «»t aucun qui port* cr (itrt- '-'rmian à» «ainl« j«muum Fr*t*v — - CbaoUl (voér ooU (1). p. (»a, . i«miiMOl à» ratiAciwr ottu êtUUlttm à rRotrtttao XV*  28o Les vrays Entretiens spirituels ni le fond ni Testât de vostre ame, ni la rondeur de vostre manière de vie, il y croira trouver du péché, et se mettra à blasmer la Supérieure d'imprudence, d'igno- rance et d'un mauvais gouvernement, murmurant contre vostre Institut, lequel en vérité vous donne autant ou plus de liberté pour la conscience qu'en puissent avoir aucunes Religieuses. Jamais vos Supérieures ne vous pressent de leur dire ce que vous ne leur voulez pas dire, ni jamais elles ne vous défendent de dire ce que vous voulez dire de vostre conscience à vos confesseurs ordinaires et extraordinaires. Que si vous demeurez si longuement en confession, que toute la Communauté en soit incommodée, et que la Supérieure vous die que vous deviez demander à vous confesser la dernière, selon l'ordre de la maison, à fin que les Soeurs qui doivent aller selon leur rang ordinaire n'en soyent pas incommodées, elle ne vous demande pas pour cela : Que dites-vous, ou que ne dites-vous pas ? Elle ne fait nul mal de vous ressouvenir qu'il faut que tout aille par ordre en la maison de Dieu. Mais les fantasies de l'esprit humain sont estranges, pour peu que l'on les escoute ! Je vous ay dit maintesfois, mes tres-cheres filles, que c'est la voye du Ciel que la simplicité, que les Supérieures sont les lieutenantes de Dieu ; celles qui vont à cœur ouvert, franchement et confidemment avec elles, ont trouvé le grand secret pour maintenir la tran- quillité et la paix de l'esprit, et elles n'en trouveront gueres ailleurs. Mais je vous ay aussi dit que vous n'avez aucune obligation sur peine de péché de tout dire à la Supérieure ; beaucoup moins estes-vous gehen- nées à ne dire point cecy ou cela (^') au confesseur ;  (a*) pour maintenir la — paix et tranquillité du cœur ; et bien souvent ceux ou celles qui vont avec reserve à l'endroit de leurs Supérieurs et Supérieures se trompent bien, parce que Dieu a réservé ce qu'ils cherchent en la sous- mission et volontaire sujétion à l'authorité de leurs propres Supérieurs. Tant que le bien nous est proche, il ne le faut pas chercher loin. Mais ressouvenez- vous tousjours de ce que j'ay dit que vous n'estes point gehennées ni contraintes de dire tout à la Supérieure, ni moins de ne pas dire ce que vous voudrez (Ms. et Coll.)  XV. De la Volonté de Dieu 281 dites-luy à la bonne heure tout ce que vous voudrez, mais ne parlez que de vous et de ce qui appartient à la confession. f^') Il est vray, mes tres-cheres filles, qu'il se trouve des confesseurs fort doctes, qui ont confessé long temps et tres-dignement les séculiers, lesquels toutesfois n'en- tendront pas les Filles de la Visitation ni les personnes qui font profession d'une grande spiritualité, parce que les fautes sont si minces, et d'une certaine couleur assez difficile à discerner, qu'ils prendront des petites aver- sions p>our des grosses malveillances, des p)etits destours d'amour propre pour des grands mensonges, des petites inclinations pour des attaches fort mauvaises. Les Sœurs qui s'apperçoivent par la correction que le confesseur leur fait qu'il ne les entend pas, feront bien de luy dire avec humihtc : Mon Père, je n'ay pas sceu me faire entendre ; ce n'est pas ce que vostre Révérence com- prend que je veux dire, c'est en telle et telle façon qu'il se doit entendre. La Supérieure qui s'apperçoit de cela doit par forme de discours cordial et humble, donner à entendre à tel confesseur la manière d'ngir des ïilles de l'Institut. Il faut cstre spirituel pour entendre le langage des âmes spirituelles. ("'^ L'on va à la confession jx)ur se reunir à Dieu. O que les âmes religieuses ont un grand advantage par dessus les mondains, estant dehors des occasions de ces grandes desunicms, parce qu'il n'y a que le péché mortel qui nous désunisse de Dieu. 1^ véniel fait seulement une petite ouverture entre Dieu et nous, et par le Sacrement de Confession nous remettons nostre ame en son premier estât. L'on p)eut commettre en conlcsMi^n (juatrt* ri. nids manquemens : le premier, quand l'on y va plusto^i |»our  (b*) [Poux cet alioAa. voir rRolrctien «uiv«ot. varUnt* (•).) (r*) [Cf. k l'Appendire I le Dêfmuf Emirtttém éê mottft im*'*! n :••#• kfmftuM Pêfé, fait \ U VMltatloo d« Ljrua. «t le k0eine. car nous n'avons pas une jx^rfection exempte d'amour propre qui nous fait tousjours faire quelque chose par cy par là. Si en suite d'un prompt mouvement de sentiment je jette là une plume, je ne suis pas obligé de m'en confesser ; bien que si ces promptitudes m'arrivent souvent, je les diray en ma reveue générale, pour en tirer instruction. W) Une fille, par exemple, à laquelle on aura donné charge d'esteindre au soir les chandelles, s'en oubliera parfois par mesgarde et contre sa volonté : elle n'a pieu. Mais en nos entretiens fan iliers, je viens en qualité de chirurgien, n'apportant que des emplastres et cataplas- mes pour appliquer sur les playes de mes chères ûlles ; et, bien qu'elles crient un peu holà, je ne lairray pas de presser ma main pour faire mieux tenir l'emplastrc, et les guérir par ce moyen. Si je fay quelque incision, ce ne sera pas sans que mes filles en ressentent de la douleur ; mais je ne m'en soucie pas, je ne suis icy que pour cela ; et les mondains n'en seroyent pas capables, à cause de l'erreur qu'ils se «lont forgée que les personnes religieuses et vouées à la perfection ne doivent point avoir d'imperfection. Mais icy entre nous autres, mes chères filles, nous sçavons bien que cela est impossible ; c'est pourquoy nous ne craignons point de nous scanda- liser en disant franchement nos petites infirmités. <**ï  dkent-ib. ti vous approchez celle d'un barbier, vous y aurer un plaHir grand, d'autant • tousjourt uû pet;* ' r qui joQe du fla^ceolet : et outre mIa, le bêzli une telletnent sa que ce n'est que parfum. Mate ao oootraire, celle du chirurgien est puante, et n'y void-00 que de* emplastrai et oofucns ; outre cela, on entend oniinoiretneot des pauvres gens qui crleot : HoU. que me faites-vous ? Mon Dieu, que de douleun t d'autant que Toa fait aux uns des indtioos, l'oo raooonunode les ruptures des autres, l'oo appUqoe le fea Ml truiÉwnui. en &n tout oeU leur cause des grande» dcwkura ; car chacun sçalt que l'on ne peut remettre les os qui sont dtaloqnéa et bon de leur place, sans faire dire boU au pauvre malade. Mais le barbier ne fait point de mal quand il coupe la barbe, d'autant qu'elle n'est point s en sibl e . (Ms. et Coll.) (c) éé mat / — car )e ne touche pas ordinairement les défauts partkuUen avec tant de familiafilé oomme )e fay en nos conférences particulières, à eaoae des séculiers qui nous entendent (Ms. et ( oU.) (d) «n f'tu koU, lé né — laisM pourianf pas de p r o se r un peu ma main sur la playe A fkn de wkmuL faire tenir 1 ". et par ce OMiyen las gvsrtr et rendre fort saines^ SI )e fay quelque inciN<>ii. ce ne sera pas sans qu'elles en rwaantMt de la doolaor ; mais )e ne m'en roettray paa an patea, p aêi q as H na aola ky que pour cela. Voila donc, mas cheraa ftUea, ooomm )e dinii ■Ma aie mas envers œllaa que |e powray IoocImt. lea aaiin r a n t que s'A m'anhra de la faire. ^ la fway de tout mon C9ur. Or •». voyoaa qiMlle est la prméara daouada qui m'eat falU. (Ms. et CoU.»  288 Les vrays Entretiens spirituels La première demande est : Qu'est-ce qu'aversion ? (e) Les aversions sont certaines inclinations qui sont au- cunefois naturelles, lesquelles font que nous avons un certain petit contre-cœur à l'abord de ceux envers qui nous les avons, qui empesche que nous n'aymons pas leur conversation, s'entend que nous n'y prenons pas du plaisir, comme nous ferions en celle de ceux envers lesquels nous avons une inclination douce, qui nous les fait a.ymeT d'un amour sensible, parce qu'il y a une certaine alliance et correspondance entre nostre esprit et le leur. Or, pour monstrer que cecy est naturel, d'aymer les  (e) [Pour cette variante, voir le texte, p. 281.] C'est que nos Sœurs se confessent aucunefois de certaines choses que les confesseurs n'entendent pas, comme peut estre des aversions ; et quel remède il y a à cela ? Il est vray, il y a des confesseurs qui n'entendent nullement que c'est qu'aversion, et si on ne leiu: explique ils pensent que ce soyent des malveillances ; ce qui n'est pourtant pas, ainsy que je diray tantost. Il se rencontre des hommes qui sont fort doctes, et qui auront confessé trente ans les séculiers, qui n'entendront pas les Filles de Sainte Marie de la Visi- tation en ce qui est de la confession, non plus que les personnes qui, hors de la Visitation, font profession d'estre fort spirituelles ; car ce sont des choses si minces et si délicates qu'il n'y a que les vrays spirituels qui les entendent bien. Mais que faut-il faire ? Je trouve qu'il est tres-bon que les Supérieures instruisent les confesseurs qu'elles douteront n'estre pas capables de les bien entendre ; au défaut dequoy, il faut que les filles lesquelles s'apperçoivent que le confesseur se mesprend, prenant opinion que ceste aversion dont elles s'accusent soit une haine ou malveillance (ce qu'elles peuvent facilement cognoistre par la reprehension qu'il leur fait), qu'elles se fassent mieux entendre et qu'elles luy disent librement : Mon Père, ce n'est pas cela ; il me semble que vous ne m'entendez pas, c'est une telle chose. Et par après, elles peuvent bien dire à la Supérieure que le confesseur ne les entend pas, d'autant que ce n'est point l'accuser d'aucune imperfection, non pas mesme d'ignorance, puisqu'il se peut bierh faire que le confesseur, extrêmement docte, ne sera pas neantmoins capable de les entendre en ces choses si délicates et qui regardent plustost l'imperfection que le péché. Cela m'arriva une fois confessant une personne : elle s'accusa d'une chose que je n'entendois pas bien, d'autant que je ne pouvois pas croire qu'en une maison de si grande perfection il se commist un tel défaut. Je luy dis tout librement que je ne l'entendois pas et que je la priois de me mieux expliquer ce dont elle s'accusoit ; ce qu'elle fit, et je trouvois que ce n'estoit rien. O certes, je desirerois que nos Sœurs eussent un grand soin de se confesser fort clairement et simplement, à fin de ne point mettre les confesseurs en ces peines. La Supérieure doit avec humilité instruire les confesseurs de la qualité des fautes que les Sœurs commettent en ces aversions. (Ms. et Coll.)  X\'I. Des Aversions jBç uns par inclination et non p)as les autres, ne void-on pas que ('> si deux hommes entrent dans un tnpot où deux autres joiient à la paume, d'abord ceux qui entrent auront de linclination que l'un gaigne plustost que l'autre ? Et d'où vient cela, puisqu'ils ne les ont jamais veiis ni l'un ni l'autre, ni n'en avoyent jamais ouy parler, ne sçachant p U» mutft», — le» phifcMoptw» AvuMot tmf propoiitioa : (UiU.) (C) plu% rmm f M# Famleé , -«el «i iMantBolMeiU arriv* ordÉBaiiM lun i. [Um,  •I Coll.) (b) iott tmori, — U proxtra U fuite et m cacbara km» Ui ûaaeê de m U baakra «t n'y aura «orte de tlnlamArra qu'il m laaM pour «vilar U rmoootra d« o« loup (M», et Coll.) (1) kHtm^^mp proHiêf } — UutU qo* f» suive tnoo avccvloo que om Uil •vlt«r à» U ranoootrcr ? NulkaMOt : il tool qo« l*«MU)c(Ua« "»• «^ (Ml.) 19  ÎÇO  Les vrays Entretiens spirituels  avec un esprit de paix et de tranquillité quand je m'y rencontre. Mais il y a des personnes qui ont si grand peur d'avoir de l'aversion à ceux qu'ils ayment par incli- nation, qu'ils en fuyent la conversation, de crainte qu'ils ont de rencontrer quelque défaut qui leur oste la suavité de leur affection et de leur amitié. (J) Quel remède à ces aversions, puisque nul n'en peut estre exempt, pour parfait qu'il soit ? Ceux qui sont d'un naturel aspre auront de l'aversion à celuy qui sera fort doux, et estimeront ceste douceur une trop grande mollesse, bien que ceste qualité de douceur soit la plus universellement aymée. L'unique remède à ce mal, comme à toute autre sorte de tentation, c'est une simple diversion ; je veux dire, n'y point penser, (k) Mais le malheur est que nous voulons trop bien cognoistre si nous avons raison ou non d'avoir aversion à quelque personne. O jamais il ne faut s'amuser à ceste recherche ; car nostre amour propre, qui ne dort (^) jamais, nous dorera si bien la pillule qu'il nous fera accroire qu'elle est bonne ; je veux dire qu'il nous fera voir qu'il est vray que nous avons certaines raisons lesquelles nous sembleront bonnes, et puis, celles-là estans approuvées de nostre propre jugement et de l'amour propre, il n'y aura plus de moyen de nous empescher de les trouver justes et raisonnables.  (j) et de leur amitié. — Ces amours sont communément appelles amitiés de besace, qui pend toute d'un costé. J'ay veu un gentilhomme qui estoit de ceste humeur. Nous estions compaignons d'escole, il m'aymoit beaucoup, et d'autant plus qu'il m'aymoit, il fuyoit de me rencontrer ; dequoy j'estois fort estooné, car je ne luy avois jamais fait de desplaisir. En fin nous nous rencon- trasmes, et il me raconta librement le dessein qu'il avoit de fuir ma conversa- tion, d'autant qu'il craignoit de ne me pouvoir pas tant aymer comme il faisoit auparavant, parce, disoit-il, que dés qu'il rencontroit quelque sorte d'imper- fection ou défaut en ceux qu'il aymoit, il perdoit incontinent la suavité qu'il avoit en son amour, ne fissent-ils que dire quelque mauvais mot en parlant, ou de commettre la moindre messeance en leur contenance. (Ms. et Coll.) [Cf. la variante (h), p. i6o.] (k) penser. — Me rencontré-je à faire quelque chose avec une personne à laquelle j'ay de l'aversion ? je [dois] divertir mon esprit de l'attention à mon aversion, sans faire semblant de rien. (Ms. et Coll.) (1) meurt (Ms. et Coll.)  i  XVI Dks Aversions 391 O certes, il faut bien prendre garde à cecy ; je m'est ens un peu à en parler parce qu'il est d'imjwrtance. Nous n'avons jamais raison d'avoir de l'aversion, beaucoup n?oins de la vouloir nourrir. Je dis donc : quand ce sont des simples aversions naturelles il n'en faut faire aucun estât, ains s'en divertir sans faire semblant de rien et tromper ainsi nostre esprit. Mais il les faut combattre et abattre quand on void que le naturel passe plus outre, et nous veut faire départir de la sousmission que nous devons à la raison, qui ne nous permet jamais de rien faire en faveur de nos aversions, non plus que de nos inclinations quand elles sont mauvaises, de cramte d'offencer Dieu. Or, quand nous ne faisons autre chose en faveur de nos aversions que de parler un peu moins agréablement que nous ne ferions à une personne pour laquelle nous aurions de grands sentimens d'afiection, ce n'est pas grande chose ; ains il n'est presque pas en nostre pouvoir de faire autrement, quand nous sommes en l'émotion de ceste pas^^ion ; l'on auroit tort de requérir cela de nous. ('"> "" La seconde demande est : Comment on se doit com- porter en la réception des livres que l'on nous donne à lire ? 1^1 Supérieure donnera à une des Soeurs un livre qui traitte fort bien des vertus ; mais parce qu'elle ne l'ayme pas, elle ne fera point de profit de sa lecture, ains elle le hra avec une négligence d'esprit ; et la raison est, qu'elle sçait desja sur le doigt ce qui est comprins dans  [U, . ■■ : l . t 11.;. ...%'/ \- v;: ■. j rnuir : j- ::n t [ijt M- rt lr-> Coli V'"' • ■'' '■ ' '« I'J-i*>* •« <•» M-^"li'lr .j'i'^ll-li C«ttC r<|-:.^'" ' truMprnfe A p 104, vartanle (p'). vu m oorrfnpofuUncc ftv«c le trite.j (n) \^ tnjMetmt demandr r«t : Coming l'on te doit oomportar rn i« rrreptkm >e paa. alla oa fara poéat 4a prait da «a lacturr. ain» elle le Ura avec uoa n at ti j w i r a d'eaprlt at on anaujr que luy oatara tout le guml rt la plaitir qu'il y a à la lire. Et la niios à» cecy mt qu'allé dit qu'eUa «çalt dai)a «ur la bout du doift ce qui a»C cmu p rtn a d adt w ce livre, et de pl«M. qu'elle aurait plu* de daiUr qu'ott l«y dunaaat â Mrt VAmomf et tUêm %m biM laa Uvraa q«l an parlent. Ja trouva qu'alla n*a paa  2qz Les vrays Entretiens spirituels ce livre, et qu'elle auroit plus de désir que l'on luy en fist lire un autre. Or je dis que c'est une imperfection de vouloir choisir ou désirer un autre livre que celuy que l'on nous donne, et c'est une marque que nous lisons plustost pour satisfaire à la curiosité de l'esprit, que non pas pour profiter de nostre lecture. (°) Si nous lisions pour profiter, et non pas pour nous contenter, nous serions également satisfaits d'un livre comme d'un autre ; au moins accepterions-nous de bon cœur tous ceux que nostre Supérieure nous donneroit pour lire. Je dis bien plus, car je vous asseure que nous prendrions plaisir à ne lire jamais qu'un mesme livre, pourveu qu'il fust bor et qu'il parlast de Dieu ; ains, quand il n'y auroit que ce seul nom de Dieu nous serions contens, puisque nous trouverions tousjours assez de besogne à faire, après l'avoir leu et releu plusieurs fois. De vouloir lire pour contenter la curiosité , est une marque que nous avons encore un peu l'esprit léger, et qu'il ne s'amuse pas assez à faire le bien qu'il a apprins en ces petits livres de la pratique des vertus ; car ils parlent fort bien de l'humilité et de la mortification, que l'on ne pratique pourtant pas lors que l'on ne les accepte pas de bon cœur. Or de dire : Parce que je ne l'ayme pas, je n'en feray point de profit, ce n'est pas une bonne conséquence, non plus que de dire : Je le sçay desja tout par cœur, je ne sçaurois prendre plaisir à le lire. Tout cela sont des enfances, (p) Vous donne-t'on un livre que vous sçavez desja tout ou presque tout par cœur ? benissez-en Dieu, d'autant que vous comprendrez plus facilement sa doctrine. Si on vous en donne un que vous avez desja leu plusieurs fois, humiliez- vous, et vous asseurez  tort d'ayraer plus l'amour de Dieu que non pas tous les livres ensemble, car certes, l'araour de Dieu doit estre préféré à toute autre chose. Mais parlant selon l'intention de la Sœur qui propose ceste question, nous dirons que (Ms. et Coll.) [Reprendre au texte, lig. 2.] (o) lecture. — L'esprit a une curiosité aussi bien que le corps et les yeux. (.Ms. et Coll.) (p) dei enfances ; — il faut estre plus (généreuses que cela. (Ms. et Coll.)  XVI. Des Aversions i93 que c'est Dieu qui le veut ainsi à fin que vous vous amusiez plu^ à faire qu'à apprendre, et que sa Bonté vous le donne px)ur la seconde et troisiesme fois parce que vous n'avez pas fait vostre profit de la première lecture. t^> Mais le mal d'où procède tout cecy est que nous cherchons tousjours nostre propre satisfaction, et non pas nostre plus grande perfection. Si d'aventure l'on a esgard à nostre infirmité, et que la Supérieure nous mette au choix du Uvre que nous voudrons, alors nous le pouvons choisir avec simplicité ; mais hors de là, il faut demeurer tousjours humblement sousmise à tout ce que la Sup>erieure ordonne, soit qu'il soit à nostre gré ou non, sans jamais tesmoigner les sentimens que nous pourrions avoir qui seroyent contraires à ceste sousmission. <') La troisiesme demande est (*> si nous nous devons estonner de voir des imperfections entre nous autres, ou mesmes aux Supérieures. Quant au premier poinct, c'est sans doute que vous ne vous devez nullement estonner de voir quelques imjxîrfections céans, de mesme qu'aux autres maisons religieuses pour parfaites qu'eUes su ino«a«. «clnn i|«ie n*>%t% lar nn a (Ma. et Coll.)  294 ^^^ VRAYS Entretiens spirituels charge ? Si l'on me dit que non, je ne fais pas grand estât de sa perfection ; car il y a bien différence entre la vertu de celle-cy et celle d'une autre laquelle sera bien exercée, soit intérieurement par les tentations, soit exté- rieurement par les contradictions qu'on luy fait (^). Car la vertu de force et la force de la vertu ne s'acquiert jamais au temps de la paix, et tandis que nous ne sommes pas exercés par la tentation de son contraire. Ceux qui sont fort doux tandis qu'ils n'ont point de contradiction, et qui n'ont point acquis ceste vertu l'espée au poing, ils sont voirement fort exemplaires et de grande édifi- cation ; mais si vous venez à la preuve (v), vous les verrez incontinent remuer, et tesmoigner que leur douceur n'est oit pas une vertu forte et solide, ains imaginaire plustost que véritable. Il y a bien différence entre avoir la cessation d'un vice et avoir la vertu qui luy est contraire. Plusieurs semblent estre fort vertueux, qui n'ont pourtant point de vertu, parce qu'ils ne l'ont pas acquise en travaillant. Bien souvent il arrive que nos passions dorment et demeurent assoupies ; et si pendant ce temps-là nous ne faisons provision de forces pour les combattre et leur résister, quand elles viendront à se réveiller, nous serons vaincus au combat. Il faut tousjours demeurer humbles et ne pas croire que nous ayons les vertus, encore que nous ne fassions pas, au moins que nous cognoissions, des fautes qui leur sont contraires, (w) Certes, il y a beaucoup de gens qui se trompent grandement en ce qu'ils croyent  (u) je ne fais pas — grande merveille de sa perfection ; car, mes chères Sœurs, il y a bien différence entre les vertus de celle-cy et celles d'une autre laquelle sera bien exercée, (Ms. et Coll.) C'est une grande miséricorde que Dieu nous fait quand il permet que nous soyons fortement exercés, soit extérieurement par les contradictions ou affaires, soit intérieurement par les tentations. (Coll.) (v) l'espreuve (Ms. et Coll.) (w) contraires. — Je voudrois bien que les Sœurs du voile blanc ne prissent point garde aux fautes des autres, mais qu'elles missent tant de soin à regarder celles qui sont en elles et à se rendre attentives h Dieu, qu'elles n'eussent pas le temps de voir celles que les Professes commettent, au moins pendant le temps de leur novitiat. (Ms. et Coll.)  XVI. Dbs Aversions 295 que les personnes qui font profession de la perfection ne devroyent point broncher en des imperfections, et particulièrement les Religieux, parce qu'il leur semble qu'il ne faille qu'entrer en la Religion pour estre parfaits, ce qui n'est pas ; car les Religions ne sont pas pour amasser <*) des personnes parfaites, mais des personnes qui aycnt le courage de prétendre à la perfection. <>^ Mais que faudroit-il faire si l'on voyoit de l'imperfec- tion aux Supérieures aussi bien qu'aux autres ? ne fau- droit-il pas s'en estonner ? car on ne met pas des Supé- rieures imparfaites, dites- vous. Helas ! mes chères filles, si l'on ne vouloit mettre des Supérieurs et Supérieures sinon qu'ils fussent parfaits, il faudroit prier Dieu de nous envoyer des Saints ou des Anges pour l'estre, car des hommes nous n'en trouverons point. L'on recherche voirement qu'ils ne soyent pas de mauvais exemple ; mais de n'avoir point d'imperfection l'on n'y prend pas garde, pourveu qu'ils ayent les conditions de l'esprit qui sont nécessaires ; d'autant qu'il s'en trouveroit bien de plus parfaits, qui pour cela ne seroyent pas tant capables d'estre Supérieurs. Hé ' dites-moy, Nostre Seigneur ne nous a-t'il pas monstre luv-mcsmc qu'il n'y falloit pas  (I) «tMmblar (M*, et ColL) (y) dé — vouloir prétendre à la perfection. Et U perfection n'ett âutre cho«e que d'avoir non seulement U charité, car tout ceux qui «ont en grâce l'oot, man d'avotr la ferveur de la chanté, laquell* IMMM fait entreprendre non »eulr(ucut l'cxUrpatiuo de» vicr% qui «ont en nout, mais août fait travailler AdallMDent pour arqumr le« tainte* vrrtut qui leur sont cootrairr«. Je vous diray C0 qui m'est amvé asaex souvent. Je demandois un jour à ces femme» ■acuUirti qui viennent céans si elles me diroycot U vérité de ce que )e vouloés leur demander : elle» m'ayani dit qu'elles le leroyent, )e m'enqueruts d'elle» ee qu'il leur tembloit de» Fille» de la Viaïuiion. Incootteent. le» une» ne rmpoodoyeot qu'eOee avoyent trouvé plus de béeo oe«M qu'elle» oe peneoyent pas qu'il y en eu»t ; et )e benii»nem)is ceste petite secheri-sse à la Supérieure pour mortifier vostre amour propre, qui recherchoit que la Supérieure vous caressast un peu, recevant amiablement ce que vous luy vouliez dire. Mais en tin il nous fasche bien de rencontrer la mortification où nous ne la cher- chons pas. Helas ! il s'en faut aller, pnant Dieu pour la Supérieure, le bénissant de ceste bicn-aymée contradic- tion. En un mot, mes chères filles, ressouvenons-nous des paroles du ^rand Apostre saint Paul* : La charité • 1 c«jr . xm. 3. ne pense point de mal ; <<^'' voulant dire que dés qu'elle le void elle s'en destourne, sans y penser ni s'amuser à le considérer. Vous me demandez de plus, touchant ce poinct, si la Supeneure ou la Directrice ne doit point tesmoigner de repuj^nance que les Steurs voyent ses défauts, et que c'est qu'elle doit dire (]uand une tille se vient accuser tout simplement à elle de quelque jugement ou pensée qu'elle a fait, qui la marque d'im)x:rfiK:tion ; comme scroit si quelqu'une avoit pensé que la Sui)erieure auroit fait une correction avt»c passion. Or. je dis que ce qu'elle  (b*) tonti plêtnê de — martaaoJi, dr pM-xti %. (i« chaux, pow l<* «ourv qn'^lk pr«od d« («ire avaoo« im batttm—w (M*, tl ColL) (c*) Lm ckmrUé — oc chcrcbe point té mtsi. I! oc Uit , poént I0 mal. mais qu'alla pa la ihwth a pat; c*a»t à •: • qu'il y ayt «Sa douta qua oa qu'alla voéd oa «oit paa la mal oMMiir, alla mm paoalra poiat pli» avant, aioa craéd tout limplMwit qu'il n'y aircat poiac àm oui. (Ma. at Coll.) Mate quaad alla la roid (car il aa «a paut qmm mom oa la vo y tooi aa baauooup «l'oeeailoaa). l'Apostrv dit qoa lm ekmnté «# f #««« pm*mi de mml : (Cnll.)  2gS Les vrays Entretiens spirituels doit faire en ceste occasion c'est de s'humilier et recourir à l'amour de son abjection. Mais si la Sœur estoit un peu troublée en le disant, la Supérieure ne devroit pas faire semblant de rien, mais destourner ce propos, et neantmoins cacher l'abjection dans son cœur ; car il faut bien prendre garde que nostre amour propre ne nous fasse perdre l'occasion de voir que nous sommes impar- faits, et de nous humiher. Et, bien que l'on retranche l'acte extérieur d'humilité, de crainte de fascher la pau- vre Sœur qui l'est desja assez (d'), il ne faut pas laisser de faire l'intérieur. Que si au contraire la Sœur n'estoit point troublée en s'accusant, je trouverois bien bon que la Supérieure advoiiast librement qu'elle a failli, s'il est vray ; car si le jugement est faux, il est bon qu'elle le die avec humilité, reservant tousjours neant- moins précieusement l'abjection qui luy revient de ce qu'on la juge défaillante. Voyez-vous, ceste petite vertu de l'amour de nostre abjection ne doit jamais s'esloigner de nostre cœur d'un pas, parce que nous en avons besoin à toute heure, pour avancés que nous soyons en la perfection, d'autant que nos passions renaissent, voire quelquesfois après que nous avons vescu longuement en la Religion et après avoir fait un grand progrés en la perfection, ainsi qu'il advint à un Religieux de saint Pachome, nommé Syl- vain, lequel estant au monde estoit (^') comédien de pro- fession ; et, s'estant converti et fait Religieux, il passa l'année de sa probation, voire plusieurs autres après, avec une mortification fort exemplaire, sans que l'on luy vist jamais faire aucun acte de son premier mestier. Vingt ans après, il pensa qu'il pouvoit bien faire quelque badinerie sous prétexte de recréer les Frères, croyant que ses passions fussent desja tellement mortifiées qu'elles n'eussent plus le pouvoir de le faire passer au delà d'une simple récréation. Mais le pauvre homme fut  (d*) assez — d'avoir eu œste pensée (Ms.) (e') estoit — basteleur et (Ms. et Coll.)  XVI. Dks Aversions 399 bien tromf>é, car la passion de la joye ressuscita telle- ment, qu'après les badineries il parvint aux dissolutionj», de sorte qu'on se résolut de le chasser du monastère ; ce que l'on eust fait sans un de ses Frères Religieux, lequel se rendit plcige pour Sylvain, promettant qu'il s'amenderoit : ce qui arriva, et fut depuis un grand Saint*. Voila donc, mes chères Sœurs, comment il ne «vit^PiitnBn.Viu . s PartHwnH I T se faut jamais oublier de ce que nous avons este, à fin y xxxvmi. que nous ne devenions pires, et ne pas penser que nous soyons parfaits quand nous ne commettons pas beaucoup d'imperfections. 11 faut aussi prendre garde de ne nous pas estonner si nous avons des passions, car nous n'en serons jamais exempts <'*> ; ces hermites qui voulurent dire le contraire furent censurés par le sacré Concile*, et leur opinion •CoocEpb*»., Part condamnée et tenue jxjur erreur. Nous ferons donc tous- jours quelques fautes ; mais il faut faire en sorte qu'elles soyent rares et qu'il ne s'en voye que deux en cinquante ans, ainsi qu'il ne s'en vid que deux en autant de temps que vesquirent les Apostres après qu'ils eurent receu le Saint Esprit. Kncore qu'il s'en verroit trois ou quatre, voire sept ou huict, en une si grande suite d'années, il ne s'en faudroit pas faschcr ni perdre courage, ains prendre haleine et se fortifier pour mieux faire. Disons encor ce mot pour la Supérieure. Les Sœurs ne doivent pas s'estonner dequoy la Supérieure commet t«*) des imperfections, puistjue saint Pierre, tout Pasteur qu'il estoit de la sainte HgUse et Supérieur universei de tous les Chrestiens, tomba bien en défaut, et tel qu'il en mérita correction, ainsi que dit saint Paul*. De •vu t»çn, p. 9^ mesme, la Supérieure ne doit pas tesmoigner de Tr^ton- nement si l'on void ses fautes, mais elle doit '^'^ observer  {V) *t*mpîi (ao(lÉ« qu* nom •oroc» «a tmUM vto (Ht. «1 CoU.) (g*) U Smpéftémn - •! U MautrvMe àm S Silfnaur ne pourvore atiei la maleon dea amto %erant (M«. et CoU.)  ^o2 Les vrays Entretiens spirituels revenir. Mais s'il arrive que pour quelques grandes nécessités l'on aille au parloir pendant ce temps là, qu'au moins l'on reprenne du temps après pour refaire l'oraison, tant qu'il se pourra ; car de l'Office, nul ne doute que l'on ne soit obligé de le dire. ("^') Or, pour le regard de la dernière question, qui est si l'on ne doit pas tous jours faire quelque petite particu- larité à la Supérieure de plus qu'au reste des Sœurs, tant au vestir qu'au manger, elle sera tantost résolue ; car en un mot, je vous dis que non, en façon quelcon- que, si ce n'est de nécessité, ainsi comme l'on fait à chacune des Sœurs. Mesmes il ne faut pas qu'elle ayt une chaire particulière ('^') si ce n'est au chœur et au chapitre ; et en ceste chaire jamais l'Assistante ne s'y doit mettre, bien qu'en toute autre chose on luy doive porter le mesme respect qu'à la Supérieure (s'entend en son absence) ; au réfectoire mesme il ne luy en faut point, ains seulement un siège comme aux autres. Bien que par tout on la doive regarder comme une personne particulière et à laquelle on doit porter un très-grand respect, si ne faut-il pas qu'elle soit singulière en aucune chose, que le moins qu'il se pourra. L'on excepte tous- jours la nécessité, comme si elle estoit bien vieille ou infirme ; car alors il sera permis de luy donner une chaire pour son soulagement. Il nous faut éviter soigneuse- ment toutes ces choses qui nous font paroistre quelque chose au dessus des autres, je veux dire suréminent  (m'j revenir. — Et si je ne nie trompe, la Supérieure qui sçaura que si elle perd le temps de dire l'Office ou de faire l'oraison avec les autres, qu'il faudra qii'elle reprenne le temps de dire l'Office et de faire l'oraison au temps que sa commodité le hiy pourra permettre, elle se rendra assez soigneuse de ne pas perdre le temps que la Communauté y employé, pour des choses non nécessaires. Et cecy il le faut observer, non seulement la Supérieure, mais toutes les Sœurs, de ne point manquer d'assister aux Offices et à l'oraison tant qu'il se peut. Mais s'il arrive que pour quelque grande nécessité on le fasse, qu'au moins l'on reprenne du temps après pour faire l'oraison, tant qu'il se pourra bonnement ; car de dire l'Office, nul ne doute que l'on n'y soit obligé. (Ms. et Coll.) (n'; des Sœurs. — Dites-vous s'il ne faut pas qu'elle ayt une chaire par tout ? Non certf-,, il ne le faut pas, (Ms.)  X\'I Des Aversions 303 et remarquable. La Supérieure doit estre recognué et remarquée par ses vertus, et non pas par ces singularités non nécessaires, spécialement entre nous aulrcb de la V^isitation, qui voulons faire une profession particulière d'une grande simplicité et humilité. Ces honneurs sont bons pour ces maisons religieuses où l'on appelle Madame, la Supérieure ; mais pour nous autres, il ne faut rien de tout cela. Qu'y a-t'il plus à dire ? Comment il faut faire pour bien conserver l'esprit de la Visitation et empescher qu'il ne se dissipe ? L'unique moyen est de le tenir enfermé vt enclos dans l'observance des Règles. Mais vous dites qu'il y en a qui sont tellement jalouses de cest esprit, qu'elles ne le voudroyent point communiquer hors de la maison. Il y a de la superfluité en ceste jalousie, laquelle il faut retrancher ; car à quel propos, je vous prie, vouloir celer au prochain ce qui luv peut profiter ? Je ne suis pas de ceste opinion, car je voudrois que tout le bien qui est en la Visitation fust recognu et sceu d'un chacun Et pour cela, j'ay tousjours esté de cest advis, qu'il seroit bon de faire imprimer les Règles et Constitutions, h hn que plusieurs les voyant en puissent tirer quelque utilité. Pleust h Dieu, mes chères Sœurs, qu'il se trouvast beaucoup de gens qui les voulussent pratiquer <«*) ! l'on verroit bien Ur>i des grands change- mens en eux, (jui reussiroyent à la gloire de Dieu et au salut de leurs âmes. Soyez grandement soigneuses de conserver l'esprit de la Visitation, mab non pas en sorte que ce soin empesche de le communiquer charita- blement et avec simplicité au prochain, à chacun selon leur capacité ; et ne craignez pas qu'il se dissipe par ceste communication, car la charité ne gaste jamais rien, ains elle perfectionne toute chose. Dieu ««oit béni.  fn') bfttt^utr, \-'ifc in«-uur «Ir-» l,<>iuutr-%* (M%. •• CoU)  304  Les vrays Entretiens spirituels  Ce qui a esté obmis de l'Entretien des Aversions (0 (p') L'on demande si l'on se peut plaindre au Supé- rieur ou confesseur quand l'on a des insatisfactions de la Supérieure. O Dieu, ma fille, se plaindre ! n'ay-je pas dit à Philothée, que « pour l'ordinaire, qui se plaint •ParUeiii.chap.iii. pechc * » ? Or, de se plaindre à la Supérieure quand une Sœur nous a mortifiée, cela est tolerable à une fille imparfaite ; mais se plaindre à une Sœur de ce que la Supérieure nous a mortifiée, je n'ay rien à dire là- dessus, parce que sans marchander il s'en faut amender, si quelqu'une y estoit inclinée. Mais sur tout, de se plaindre au dehors de la Supérieure, ô vrayement il ne faut nullement le faire, cela est trop important. Si la Supérieure donne quelque sujet de plainte, je le luy voudrois dire tout confidemment, ou bien luy faire faire l'advertissement par sa Coadjutrice, comme la Constitu- •Coastit. XXXV. tion l'ordonne*.  (p') [Pour cette variante, voir la remarque (m), p. 291.] Passons à la seconde question, qui est s'il est loisible à une Sœur de se plaindre un peu quelquefois à une autre, dequoy la Supérieure, ou la Maistresse des Novices, ou bien une Sœur, l'auroit faschée ou ne l'auroit pas bien satisfaite en quelque occasion ; et s'il ne vaudroit pas bien mieux faire ces plaintes au confesseur ou Père spirituel, si c'est la Supérieure, ou à la Supérieure si c'est la Maistresse ou une Sœur qui nous a faschée, que non pas de nous addresser à quelque Sœur particulière ? O mon Dieu, se plaindre est une chose bien dangereuse ; car, comme nous avons dit en V Introduction, « pour l'ordinaire, qui se plaint pèche. » La première façon, de se plaindre à une Sœur et parler de l'imperfection de celle qui ne nous a pas satisfaite, est tout à fait mauvaise ; la seconde, de le dire aux Supérieurs, est tolerable aux imparfaits- •Mais pour nous autres, ô je voudrois bien que nous ne fussions pas si tendres que de nous vouloir plaindre pour la moindre insatisfaction que nous recevons du prochain, lequel n'a peut estre nulle intention de nous fascher. Il ne faut pas dire grande chose sur ce sujet ; il suffit que nous sçachions que, sans marchander, il s'en faut amender, estant une chose d'assez grande importance. (.Ms. et Coll.)  (i> Voir les notes, pp. 68 et 286.  XVI. Des Aversions 305 (q'> L'on demande s'il est loisible de nommer à la Supérieure la Sœur qui nous a rapporté quelque chose qu'elle auroit dit à nostre desavantage. Je vous dis que non, mes chères filles, et que la Supérieure ne vous le doit pas demander. D'aller dire à une Sœur que la Supérieure a dit cecy et cela d'elle, c'est une faute plus griefve que l'on ne pense, et la Supérieure la doit fortement reprendre, faisant voir à sa Communauté la grandeur de ce manquement et la beauté de la vertu contraire ; mais tousjours, que la défaillante ne soit point nommée. Car voyez-vous, mes tres-cheres filles,  (q*) [Pour U leçoQ Mdvante, voir U renurque (t), p. 393.) L'oo dwnand» maintmant s*il ett loisible de nommer les Saurs qui •wojreot rapporté quelque cboee que U Supérieure ou une Soeur auroit dit à oœtre deeevantafe ; car, comme 00 dit tout A la S up érie ur e, U se peut faire qu'elle demandera le nom de la Saur qui nous a fait ce rapport : vous catea an doute s'il faut que vous luy dWes qui elle est. A cela, je voua dis que doo, et qu'elle ne vous le doit pas demander, parce que ce rapport est un péché lequel peut estre d'importance selon le sujet, et U nous est défendu de révéler le pecbé secret du prochain : en ce qui n'e^t qu'imperfectioo 00 le peut, mab en cas de pech^ il ne le faut pav J'excepte neantmoins celle» qui ont charge d'advertir et de surveiller les autres, car elles peux-ent bien advertir des chotcs qui en loy sont péché ; mais non pas celles qui n'en ont pat la charge. Mais vous me dites que cela fait grand bien A la Supérieure, pour corriger les Sœurs plus doucement, que l'on luy nomme les Saurs qui ont failli. Il vaut mieux que l'on ne les nomme pas eo choaes où il y a du péché, et qu'elle fasse ses correctloos geœralea ; car bien que toutes ne soyent pa« ci>ulpables, il n'est pas mauvais de les advertir toutes, et celles qui seront < > prendront leur • part de la corrrctioo. Cecy est de im.i-. Ktande importance .j»- . ■.« ne pen««. Aller dire A une Saur que la Supérieure a dit cecy ou cela d'elle en son absence, c'est an peehé qui s'appelle une susturration. Il faut que je vous apprenne X parler «MiiHffaiio en )-'■■■ - :t «lire ur ■•"'•-•^t. un petit bruit ou mu....w.. que font cet p* >eaux *i il y a des ptenrs qui. faisant Sotter et ondoyer tes eaux, les • at de couler sans bruit, ainsi que loat les grands fleuves, q " n ne voéd presque pas leur mouvement coït elles font du bntit non pas comme des petits ruysseaux. ains comme des lorreas fort rapides al qui entraisnent après eux tout ce qu'Us rmeootrent. l.ea mondains. Oi mesdisent tout librement. Us crient les péchés et laa défauts de le«r prorhaia, ils sèment des dissensions. Us ont des malvaillaDoes et des haynes noriallai* Us ne prennent nul^ < awiéona, car ce ioat des haynei poor al ne eeasent de co<.: ira da mal A oaaa aaagaals Us eo amt. les personnes plus spint ors avanéooa ne prciluÉssnt pas dei dimportaooe, allas U peines qae ém pechéa ; et illM méritent plus .  3o6 Les vrays Entretiens spirituels nous pouvons bien dire nos péchés véniels haut et clair à tout le monde pour nous humilier, mais non nos péchés mortels, parce que nous ne sommes pas maistres de nostre réputation. A plus forte raison sommes-nous obli- gés de couvrir ceux du prochain, luy en faisant toutes- fois la correction fraternelle, ainsi que la Constitution ♦ Constit. XXV. vous enseigne*. Une Sœur aura dit devant d'autres quelque parole qui part de passion, ou fait quelque petit murmure, quelque mine froide : ô cela vous le pouvez dire à la Supérieure, voire mesme F ad ver tir en chapitre ou au réfectoire. Certes, nous devrions avoir une si cordiale jalousie de la paix et tranquilHté de nos chères Sœurs, que nous ne devrions jamais rien faire ni dire qui les puisse fascher ; or, rien ne peut tant affliger une pauvre fille que de croire que la Supérieure est faschée d'elle  A quel propos, mes chères filles, irez-vous contrister une pauvre Sœur par ceste sussurration que vous faites en luy rapportant que la Supérieure ou une autre a dit quelque chose d'elle qui la pourra fascher ? Mon Dieu ! nous devons avoir plus de zèle de la paix et tranquillité du cœur de nos Sœurs que cela, et plus de soin de couvrir les défauts du prochain. Vous faites deux maux ; car outre celuy de parler de l'imperfection qui a esté commise, vous ostez la tranquillité à vostre Sœur et de plus vous parlez en particulier. Puisque, par la grâce de Dieu, nous nous abstenons bien de ces grands péchés que j'ay dit qui se commettent au monde, il faut aussi que nous ayons un grand soin de nous abstenir de ceux-cy, puisqu'il est à nostre pouvoir de ne les pas faire. Vostre Sœur fait-elle un péché qui n'est pas cogneu ? faites ce que vous pourrez pour l'en faire amender, luy faisant la correction fraternelle ainsi qu'il est marqué dans les Règles. Mais hors de là, ayez un grand soin de ne le point descouvrir, sinon ainsi que vous trouverez dans l'article De la Correction, que vous devez faire ; car autrement il y a du péché en le faisant. Nous pouvons bien dire nos péchés véniels haut et clair devant tout le monde, principalement quand c'est pour nous humilier ; mais nos péchés mortels nous ne le pouvons pas, parce que nous ne sommes pas maistres de nostre réputation : à plus forte raison sommes-nous obligés de ne pas descouvrir ceux du prochain, quand ils sont secrets. Une chose qui est veuë par plusieurs, il n'y a pas mal de la dire aux Supérieurs. Par exemple, une Sœur vous aura dit des paroles qui tesmoignent qu'elle est bien passionnée et qu'elle a un mouvement d'impatience ; si elle fait cela devant quelque autre Sœur, ce n'est pas un secret ni un péché caché, vous le pouvez bien dire à la Supérieure à fin qu'elle essaye de l'en faire corriger, comme aussi de toutes les autres fautes qui ne sont pas d'importance : des légers murmures, des paroles ou mines froides que l'on se  XVI Des Aversions 307 OU contre elle. Feray-je donques pas un grand péché de luy aller faire un rapport de quelque petit mot que la Supérieure aura dit par mesgarde, lequel estant redit paioistra grand, et tiendra ce pauvre cœur en peine et en douleur ? Celle qui feroit cela feroit deux maux : elle contreviendroit doublement à la charité et parleroit en particulier. Au nom de Dieu, mes cIktcs filles, que jamais cela ne se fasse. Je ne voudrois pas mcsme, généralement parlant, que l'on nommast à la Supérieure les Sœurs qui parleroyent contre elle ; bien luy dirois- je que l'on desapprouve telle et telle chose qu'elle fait, mais je ne luy dirois point qui fait ce desapprouvement ; car, mes chères filles, si nous n'avons la ferveur et pureté de la charité, nous n'aurons jamais la perfection. îf') Vous dites, si une Sœur n'avoit pas la confiance de parler à la Supérieure, ou à l'Assistante en son absence, pour déclarer le secret de son cœur, où neant- moins elle auroit besoin d'estre i^laircie, qu'e>tenrission de parler à qui elle voudra d'entre les Sœurs, sans en tesmoigner ni aversion ni sécheresse de cœur, bien qu'il soit vray que si la Sœur continue, elle seroit imparfaite ; car elle est obligée à regarder Dieu en ses SujxTicures et en ce qu'elles luy disent, et des particulières ne la pourront servir si utilement '"'*  f«it Aucune» foé» 1« unes âux autre», de» luanquflOMas «a robaco'AOce àm CoittUtutk>oft et en ««mbUbie* petitn chute* , inai« H gnuMlm, Il faut faire ce qui r»l eo l'a/Uclc Di la Cofrtctton. (M«. et Coll.) (r') Nuu» devons plu% de reapect et d'iKjnneur k tuo* Supeneurt qu'à dos boo» Attge*. i>«r« e que no* boo* .\iicr« ne »uat qu'aiut*a%*adeur» de Dtov, «C " ir-cneur» ticnuoit ' '- ''- : iiieMne , u qur .\u*uc brtgomr a .t lOMi tuomié, m 1»n Supenetjr». fl fn* fni mêiprièê mé mttpfiÈê. (Ma.) , •! à Dtou :• 14 «ic^-h.»!,;': t ju(.»ut M. ; pooftaBl «Tajr que la S«M» ooaunettroit une tre» grande ttnpcrlecikMi, p — q u'elle ne «luil en la Syparteure que LMev M iileii i an l, m qn'ella u'mk pm lanl df faira «I la mtmmm àm Somr. (Ht.)  3o8 Les vrays Entretiens spirituels (f) Vous voulez encore sçavoir, si la Supérieure vous commande quelque chose contre les commandemens de Dieu et de son Eglise, si vous devez obéir. Nullement^ mes chères filles ; mais je vous diray pourtant que les Supérieurs et Supérieures approuvés du Pape peuvent pour la nécessité, dispenser de certains commandemens de l'Eglise. Par exemple, un jour de jeusne particulier, comme une vigile, vous voyez une Sœur toute traisnante et langoureuse ; vous pouvez et devez tout librement luy dire : Ne jeusnez pas. Si c'estoit pour tout un Caresme ou pour manger des viandes prohibées, il faudroit licence du Supérieur. Mais il vous vient en pensée : Ceste fille n'a pas assez de mal pour ne pas jeusner. Il ne faut pas tant esplucher pour le regard du jeusne ; l'Eglise veut que l'on penche tous jours plus- tost à la charité qu'à l'austérité. Ouy, mes chères filles, si après avoir représenté une fois qu'il vous semble n'avoir pas assez de mal pour ne pas jeusner, la Supé- rieure vous dit neantmoins que si, vous, obéissez sans scrupule ; que si elle dit que vous fassiez selon que vous  (f) Dites-vous, ma Mère, si les Supérieurs ont le pouvoir de commander à leurs inférieurs des choses qui soyent contre les commandemens de Dieu ou de son Eglise ? Non certes, bien que ce soit sous le prétexte de les esprouver ; car leur authorité est subordonnée aux commandemens de Dieu et de l'Eglise, comme ceux de l'Eglise sont subordonnés, je veux dire sujets, à ceux de Dieu. Et si bien je sçay que plusieurs l'ont fait, je croy qu'ils ne l'ont fait que par une grande simplicité, tant en ceux qui commandoyent qu'en ceux qui obeissoyent ; la simplicité leur sert d'excuse. Plusieurs par simplicité ont fait de ces obéissances, qui, s'ils eussent eu plus d'entendement, ne l'eussent pas fait ou deu faire. Mais je diray pourtant que les Supérieurs et Supérieures qui sont approuvés du Pape ont l'authorité de dispenser leurs inférieurs de certains commandemens de l'Eglise, quand ils voyent quelque sorte de nécessité. Par exemple, la Supérieure void une Sœur toute langoureuse, qui se trouve un peu mal un jour de jeusne ; elle peut et luy doit commander librement de ne pas jeusner. Je dis pour des jours particuliers, car pour ne point jeusner de tout le Caresme il faut avoir la dispense du confesseur. Mais il vous vient du doute si ceste fille a assez de mal pour ne pas jeusner. O certes, il ne faut pas grande considération pour le regard du jeusne, ains il vaut tousjours mieux pencher du costé de la charité que de l'austérité, car c'est l'intention de la sainte Eglise. Mais si la fille juge qu'elle pourra bien jeusner, elle le peut dire en simplicité à la Supérieure. Que si nonobstant, la Supérieure persévère à dire qu'elle ne jeusne pas, lors il le faut faire sans scrupule ; mais si elle  XVT. Des Aversion^ 109 jugerez et que vous vous sentirez, laiics-le avec une >ainte liberté Il faut que je vous die encore, mes chères filles, que la sainte Eglise n'est point si rigounn>« i\\\e l'on pour- roit p)enser. Si vous avez une Soeur i de la fièvre tierce seulement, et qu'un jour de feste son accès la (ieust prendre pendant la Messe, vous pouvez et devez perdre la Messe pour demeurer auprès d'elle, bien qu'en la laissant seule il ne luy en deust point arriver de mal ; car voyez-vous la charité et la siiinte douceur de nostrc bonne Mère l'Eglise sont par tout surnageantes.  voiM remet à vo»tre voloot^, faites alort ce que vont voudra. Se un jour as si auftere en tes oommandemens. Vous avec une Sœur malade un jour de teste, elle n'a neantmoins que ta 6evre tierce, mais ton aooes luy pi«od pendant le temps de la Masse ; elle se pâmera bien, oe taoïble, q«e p e ra on n a deoMure aupr» d'elle pour demi-beure que durera la Minte MesM : Je vous vous pouves perdre la Messe pour demeurer auprès d'elle, bien (I deost point arriver de mal à la malade de la laisser. En An. il faot tousjours escedec du oosté de la chanté en tout oecy, et pour Isa )eaiam rement, quand l'on prend d'ailleurs quelque travail pour la cbartté.  DIX-SEPÏIESME ENTRETIEN AUQUEL ON DEMANDE COMMENT ET PAR QUEL MOTIF IL FAUT DONNER SA VOIX TANT AUX FILLES QUE l'ON VEUT ADMETTRE A LA PROFESSION qu'a CELLES QUE L'ON REÇOIT AU NOVITIAT i^)  Deux choses sont requises pour donner sa voix comme il convient à telles personnes : la première, que ce soit à des personnes bien appellées de Dieu ; la seconde, qu'elles ayent les conditions requises pour nostre ma- nière de vivre. Quant au (t>) premier poinct, qu'il faut qu'une fille soit bien appellée de Dieu pour estre receuë en Religion, il faut sçavoir que quand je parle de cest  (a) ENTRETIEN DE NOSTRE BIEN-HEUREUX PERE SUR LE SUJET DE LA RECEPTION DES FILLES, TANT A L'HABIT QU'a LA PROFESSION. (b) Il y a fort long temps que quelques Sœurs me firent une question par laquelle elles me demandoyent quelle méthode et quel motif il falloit avoir pour donner sa voix, tant aux filles que l'on reçoit au Novitiat qu'à celles que l'on veut admettre à la Profession. Et, bien que la question soit ancienne, pour y avoir long temps qu'elle m'a esté faite, et partant suis tousjours demeuré vostre debteur, je n'ay pas laissé d'y penser ; et pour y respondre, je vous diray que la méthode et le motif qu'il y faut observer, consistent en doux poincts. Le premier est que pour donner sa voix, il faut que ce soit à des personnes bien appellées de Dieu ; et le second sera des conditions qu'il faut que celle qui reçoit les voix aye, et de ce qu'il faut que celles qui la donnent observent pour la leur donner. Or je fais icy ce discours, d'autant qu'il m'a semblé plus à propos de traitter de ce sujet non point par forme de sermon, mais bien d'entretien et colloque familier, d'autant qu'en teste façon, ceste matière se pourra traitter plus librement et familièrement. Et quant à la première partie, les Novices y auront leur part, mais pour la seconde elles auront patience jusques à l'année qui vient, que nous la redirons s'il en est besoin. Or donc, quant à ce  XVII. Des Voix 311 appel et vocation, je n'entens pas parler de la vocation générale, telle qu'est ''elle par laquelle Nostre Seigneur appelle tous les hommes au Christianisme, ni encor ie celle de laquelle û est dit en l'Evangile • que plusieurs • M*tt-, xx, 16, sont appelles, mais peu sont esleus Car Dieu qui ' ** désire de donner à tous la vie étemelle •, leur donne •iTim, n. 4. à tous les moyens d'y pouvoir arriver, et partant les appelle au Christianisme, et les a esleus, correspondans à ceste vocation suivant les attraits de Dieu ; toutesfois, le nombre de ceux qui y viennent est bien petit en comparaison de ceux qui sont appelles ^^K Mais parlant plus particulièrement de la vocation religieuse, je dis que plusieurs sont bien appelles de Dieu en la Religion, mais il y en a peu qui maintiennent et conservent leur vocation ; car ils commencent bien, mais ils ne sont <«*) pas fîdelles à correspondre à la grâce, ni perseverans en la pratique de ce qui peut conserver leur vocation et la rendre bonne et asseurée^. • il Pétri, i, 10. Il y en a d'autres qui ne sont point bien appelles ; neant- moins estans venus, leur vocation a esté bonifiée et ratifiée de Dieu. Ainsi en voyons-nous qui '*"' viennent par despit et ennuy en Religion ; et quoy qu'il s*»mble que CCS vocations ne soyent pas bonnes, néant moin^ on en a veu qui estans ainsi venus, ib ont fort bien reujoi au service de Dieu. D'autres sont **) incités d'entrer en  (c) n% émivf Je — ce» pAfx>lrt m roi ' it^Mr^ Ar ITvjti^ur ^n toni mpptU^i. mats pgm $omi êil4m$. I>i> 1 .i{>i-< .i>- t it ïr% U»Hi. trr QwwticDt parce qu'il attiré d« doonor à îom* U vto etcriMllr ; mate povr' c«la tooa M viaooent pas, quoy que toya aofaot lavliéa, «t partaoï. p*m iomI êiUni. C*«at A dire, il y en a qualgiiai uni qol oorraapoodaol et «uivaDi l'attrait àm Dieu, mmii p«u tant ttUmt, peu viennent en ooroparateon àm mpptlléi r\ ce premier poixift eit bien gencTAl et bi^ ■ «ble. (dj Malt parloot plu» en particulier de ces vocatiaot. i . .•% fnl bécB mppillét de Dieu m la Rrlifinn. et ncantmoéos U y en a anooc pe« ^«ileM, c'eat A dire, il y en a peu tir cruxlA qui maintimnent tf ecmtervent leur vocation. Ceux cy toot bien mpptlUi, mats quoy viM» ^veot béan r.uun^mot, lia oe aont toute^fote (t) d* Du» • - et cecv est un • ' «rt-» (f) lii oNf — e«t/ dr« (/bot lit et <..... >;*cor on a«trt p o i art . Or, mettront tôt» ce* pr>«nct« \r% \xu% tur laa autre*, et taicbeffam à» laa \Ur pour voir et trouver la boMM vocalloa. PtailtWB toal aaear  312 Les vrays Entretiens spirituels Religion par quelque desastre et infortune qu'ils ont eu au monde, d'autres par le défaut de la santé ou beauté corporelle ; et quo}^ que ceux-cy ayent des motifs qui de soy ne sont pas bons, neantmoins Dieu s'en sert pour appeller telles personnes. En fin les voyes de Dieu sont Rom., XI, 33. incompréhensibles, et ses jugeniens inscrittahles * et admirables en la variété des vocations et des moyens desquels Dieu se sert pour appeller ses créatures à son service, lesquels doivent estre tous honnorés et révérés (&). Or, de ceste grande variété de vocations, s'ensuit que c'est une chose bien difficile que de recognoistre les vrayes vocations ; et neantmoins c'est la première chose qui est requise pour donner sa voix, de sçavoir si la fille proposée est bien appellée et si sa vocation est bonne. Comment donc, parmi une si grande variété de vocations et par de si differens motifs, pourra-t'on recognoistre la bonne d'avec la mauvaise, pour n'estre point trompés ? C'est une chose voirement de grande importance que ceste-cy, et laquelle est bien difficile ; neantmoins elle ne l'est point tant que nous soyons entièrement destitués de moyens pour recognoistre la bonté d'une vocation. Or, entre plusieurs que je pourrois alléguer, j'en diray un seul comme le meilleur de tous. Doncques la bonne vocation n'est autre chose qu'une volonté ferme et constante qu'a la personne appellée de vouloir servir Dieu en la manière et au lieu auquel sa divine Majesté l'appelle ; et cela est la meilleure marque que l'on puisse avoir pour cognoistre quand une vocation est bonne. Mais remarquez que, quand je dis une volonté ferme et constante de servir Dieu, je ne dis pas qu'elle fasse dés le commencement tout ce qu'il faut faire en sa vocation, avec une fermeté et constance si grande qu'elle soit exempte de toute répugnance, difficulté ou dégoust  (g) En fin — ce sont des choses inscrutables que les voyes de Dieu, et une chose admirable, belle et aymable que la variété des vocations et des moyens desquels Dieu se sert pour appeller ses créatures à son service, et lesquels doivent estre honnorés et révérés par nous autres mortels.  XVII. Des Voix 313 en ce qui en dépend. Non, je ne dis pas cela ; ni moins que ceste fermeté et constance soit telle qu'elle la rende exempte de faire des fautes, ni que pour cela elle soit si ferme quelle ne vienne jamais à chancelier ni varier en l'entreprise qu'elle a faite de pratiquer les moyens qui la peuvent conduire à la perfection O non certes, ce n'est pas ce que je veux dire ; car tout homme est >ujet à telle pa^^ion, changen»ent et vicissitude, et tel aymera aujourd'huy une chose qui en aymera demain une autre ; un jour ne ressemble jama*s l'autre. Ce n'est pas donques par ces divers mouvemens et sentimens (*»> qu'il faut juger de la fermeté et constance de la volonté au bien que l'on a une fois embrassé ; mais ouy bien si panni ceste variété de divers mouvemens la volonté demeure ferme à ne point quitter le bien qu'elle a embrassé, encor qu'elle sente le dégoust ou le refroi- dissement en l'amour de quelque vertu <»), et qu'elle ne \?ïsnne vocation, il ne faut pas une cons- tance sensible, mais qui soit en la partie supérieure de l'esprit et laquelle soil effective. Doncques, pour sçavoir si Dieu veut que l'on soit Religieux, il ne faut pas attendre qu'il nous parle sensi- blement, ou qu'il nous envoyé quelque Ange du Ciel pour nous signifier sa volonté ; ni moins est-il besoin d'avoir des révélations sur ce sujet II ne faut non plus  (h) mms ekoif — que demain U b«lra et t>n »vnmT» un«* •titre, car on |our M reMcmble jamatt A l'autre. On ajrine ''', 9t poor ce on dtt ; O que c*e«l une aymabk v.— * r%t U plot belle ri la plu» occcMalre tle tuute* , • : «mployv toataa m» loreaa pour l'acquérir. Mate k ti oo en Mrs défootté, «m bèMi 00 ne U prtecra ni e*Umera pa« ' . . ^ . I «0^ ^Hi^ y^n qaa c*«t uat gntaâ» vwtu, mai* qu • amk. ai n*«M* alto pat la plu« aymable de Uxitea ; U faut tant avoir de petnr pi>ur l'acquérir qw c'ait pitié ; at pitl*, aprat oafta« aooor o*aa at'oo point, ou peu. Voyet GOOMM nom toauBca vartobla» al Mi|aca A l*teooaata»oa. Ca n'aat donqua» paa par oat divara mouvaoMoa al (1) d4 l'humiUté  314 Les vrays Entretiens spirituels un examen de dix ou douze docteurs pour voir (J) si l'inspiration est bonne ou mauvaise, s'il la faut suivre ou non ; mais il faut bien correspondre et cultiver le premier mouvement, et puis ne se pas mettre en peine s'il vient des dégousts et des refroidissemens touchant cela ; car si l'on tasche tousjours de tenir sa volonté bien ferme à vouloir rechercher le bien qui nous est monstre. Dieu ne manquera pas de faire réussir le tout à sa gloire. Et quand je dis cecy, je ne parle pas seulement pour vous autres, mais encores pour les filles qui sont au monde, desquelles certes il faut avoir du soin, les aydant parmi leurs bons desseins (k). Quand elles ont les premiers mouvemens un peu forts, rien ne leur est difficile, il leur semble qu'elles franchiront toutes les difficultés ; mais quand elles sentent ces vicissitudes, et que ces senti- mens ne sont plus si sensibles en la partie inférieure, il leur semble que tout est perdu et qu'il faille tout quitter : l'on veut et l'on ne veut pas ; ce que l'on sent alors n'est pas suffisant pour faire quitter le monde. Je voudrois bien, dit une de ces filles, mai? je ne sçay pas si c'est la volonté de Dieu que je sois Religieuse, d'autant que l'inspiration que je sens à ceste heure n'est pas, ce me semble, assez forte. Il est bien vray que je l'ay eue beaucoup plus forte que je n'ay à ceste heure ; mais comme elle n'est pas de durée, cela me fait croire qu'elle n'est pas bonne. (^) Certes, quand je rencontre telles âmes, je ne m'estonne point de ces dégousts et refroidissemens, ni moins crois- je que pour iceux leur vocation ne soit pas bonne. Il faut seulement en cela avoir un grand soin pour les ayder et leur apprendre à ne se point estonner de ces  (}) docteurs — de la Sorbonne pour examiner (kj avoir — un grand soin, et jalousie de leur ayder parmi leurs bons désirs. (1) pas bonne. — J'en ay ouy parler à mes père et mère qui m'y ont suadée, et ainsi l'envie m'en est venue ; mais cela s'est aussi tost passé, ce qui me fait croire que telle inspiration n'est pas de Dieu. En fin il faut faire mille examens pour cognoistre si l'on suivra ceste inspiration.  XVII Df.s Voix 1I<5 changemens, mais les encourager à demeurer fermes parmi ces mutations. Et bien, leur dis-je, cela n'e^l rien ; ('"' dites-moy, n'avez- vous pas senti le mouvement ou l'inspiration dans vostr c(eur p)our la recherche d'un si grand bien ? Ouy, disent-elles, il est bien vray, mais cela s'est aussi tost passé. Ouy bien, leur dts-je. la force de ce sentiment ; mais non pas en telle sorte qu'il ne vous en soit demeuré quelque affection. O non, tlit-ellc. car je sens tousjours je ne sçay quoy qui me fait tendre de ce costé-là ; mais ce qui me met en peine c'est que je ne sens pas ce mouvement si fort qu'il faudroit pour une telle resolution. Je leur responds qu'elles ne se mettent pas en peine de ces sentimens sensibles et qu'elles ne les examinent pas tant ; qu'elles se conten- tent de ceste constance de leur \olonté, qui, parmi tout cela, ne perd point l'affection de son premier dessein ; qu'elles soyent seulement soigneuses à le bien cultiver et à bien corresjx)ndrc à ce premier mouvement Ne vous souciez point, dis-je, de quel costé il vienne, car Dieu a plusieurs moyens d'appeller ses serviteurs et servantes à son service. Il se sert quelquefois de la prédication, d autres lou» de la lecture des bons livres. Les uns ont esté ap| " pour avoir ouy les paroles sacrées de l'Evangile, ci*;. ....*_ saint François et saint Antoine, lesquels l'ont esté (•»)  (m) âê Cet eksntfmtni - ri vidMitiKtaft, mai» \m esborUr à tenMt pénai Uxux. Ht bim, leur Uut il dire, ocU a*«it tim ; ti bé«i avec flsté wiirtflw par vot pareM ou par qui qtM et toét à tow fairt  (a) n M M aart paa mokmtni d« U pradkatkm. qai, ooouna «m àMm •aoMOoa, aat )atU« «o la tarre de ooa cmun par la boucha àm pcadkataon. U aat vray qoa Tan m tart da oa oiojrwi ky phM q«a da nul aatra pour la ouo raii km daa barttiquaa at tirtWtallaa Bt par la moran dai pliMJauH oot caté toorbéa non iialMiiMt à aa faira CbraaCtaoa, mai» oot aaU appalléa d« Dieu A daa vocatfooa ploa partkvllaaa. eoona A ta taira Rallfiaux ; aloaé qua fut «aâat Ntoolaa da Tolaate. laqval aalaal aa os ■annoQ d'un boo Pcra qui prMcbnél du ourtyra da Miot E t h aaaa. aC ofaat dira qur taint Eatiaaoa vid Ui ctémM eaaarlr «f U Ftl$ da DIaa aaiia à U dêMtf* à* ION Pêfê, a fat taUaoMat loucM qa*a m ra^lui A oaM laaiaal4A da quéltw la OMMMSa : at daipok caaia baure 11 n'aul potol da rapm quM aa  Lu«e, IX, 23.  316 Les vrays Entretiens spirituels oyans dire ces paroles : Va, vends tout ce que tu as • Matt., xix. 21. et le donne aux pauvres, et me suis*; et : Quicon- que veut venir après moy, qu'il renonce à soy- • Matt., XVI, 24; 7nesme, prenne sa croix et me suive*. Les autres ont esté appelles par des ennuis, desastres et afflictions qui leur survenoyent au monde ; ce qui leur a donné sujet de se despiter contre luy et l'abandonner. («) Nostre Seigneur s'est souvent servi d'un tel moyen pour appeller plusieurs personnes à son service, lesquelles il  se fust fait Religieux ; et il devint un si bon Religieux, que, comme tel, il vesquit et mourut saintement. Les exemples de ceux qui ont esté appelles de Dieu comme luy par la prédication sont presque innombrables. D'autres ont esté touchés par la lecture des bons livres, et d'autres pour avoir ouylire des paroles sacrées de l'Evangile, comme saint François et saint Antoine, lesquels (o) et me suive, — et plusieurs autres, quittèrent tout et firent en une façon admirable ce que Nostre Seigneur leur commandoit par la lecture. Combien y en a-t'il qui ont esté appelles de Dieu par le moyen de la lecture des bons livres ? Certes, c'est innombrable. Certains gentilshommes, lisant la Vie de saint Antoine, furent tellement touchés qu'ils quittèrent à cest instant le service de l'empereur de la terre pour servir le Dieu du Ciel. Certes, entre tous les livres, la grande Guide des pécheurs de Grenade, a servi à plusieurs pour leur faire faire une forte détermination de quitter le monde et se rendre Religieux ; aussi est-ce un livre excellent que celuy-cy, où on remarque les traits les plus admirables et les plus penetrans qui se puissent dire. J'ay ouy raconter à des Religieux qui disoyent avoir cogneu plusieurs personnes qui avoyent esté touchées de Dieu de quitter le monde en lisant ce livre ; et moy j'ay parlé à plusieurs personnes lesquelles m'ont asseuré qu'elles avoyent receu leur vocation en lisant ce livre de Grenade. Vous avez sans doute leu la Vie du bien-heureux Père Ignace de Loyola, Fondateur et premier Père des Jésuites : il fut touché de Dieu par la lecture des bons livres. Il estoit gentilhomme de fort bon lieu, brave selon le monde, il estoit grand guerrier. Or, le commencement de sa conversion fut par un desastre qui luy arriva d'un coup d'arquebuse qui luy vint atteindre la cuisse et la luy rompit, tellement qu'il le fallut emporter en son logis pour le panser ; et estant tout ennuyé pour se voir ainsy réduit, il demanda des livres de guerre pour se divertir. Mais on luy apporta la Fleur des Saints, non point celle qu'a fait le Père Ribadeneira, car il n'estoit pas encore né, mais d'autres Fleurs qui estoyent ja alors ; et en les lisant, il fut touché de telle sorte qu'il quitta tout, et se résolut d'estre soldat de Jésus Christ. Il fit ceste resolution si efficace qu'il ne se donna point de repos qu'il ne l'eust mise en exécution, et a esté un grand serviteur de Dieu. Il y en a d'autres qui ont esté touchés par des ennuis et desastres qui leur •ont venus, ce qui les a fait despiter contre le monde, à cause qu'il s'estoit mocqué d'eux ou les avoit trompés ; et eux, faschés d'avoir receu un tel affront et fascherie, l'ont quitté comme par despit.  XVII Des Voix 317 n'eust peu avoir en autre fa<;on. Car, combien que Dieu soit tout-puissant et peut tout ce qu'il veut, si est-ce qu'il ne veut point nous oster la libert<^ qu'il nous a une fois donnée : et quand il nous appelle à son ser- vice, il veut que ce soit de nostre bon gré que nous y allions, et non par force ni par contrainte. Car bien que ceux-cy viennent à Dieu comme despités contre le monde qui les a faschés, ou bien à cause de quelques travaux et afflictions qui les ont tourmentés, si ne lais- sent-ils pas de se donner à Dieu d'une franche volonté ; et bien souvent telles personnes réussissent bien au service de Dieu et deviennent des grands Saints, et quelques fois plus grands que ceux qui y sont entrés par des vocations plus apparentes Vous aurez leu ce que raconte Platus*, d'un gentil- * ^ Booo Suent raUntoM, L III, c homme brave selon le monde, lequel s'estant un jour xxxviii (1). bien paré et frisé, estant sur un beau cheval bien em- paniiaché, taschoit par tous moyens de plaire aux dames (|u'il muguettoit ; et comme il bravoit, voila que son cheval le renverse par terre au milieu de la fange, d'où 44, mort i Rome en 1600.  X\II. Des Voix 319 Il y en a cncor d'autres de qui la vocation n'est de soy pas meilleure que ceste-cy : c'est de ceux qui vont en Religion à cause de quelque défaut naturel, comme p>our estre boiteux, borgnes, ou pour estre laids, ou pour avoir quelque autre pareil défaut ; et, ce qui sem- ble encor le pire, c'est qu'ils y sont portés par leurs pères et mères, lesquels bien souvent, lors qu'ils ont des enfans borgnes, boiteux, ou autrement défectueux, les laissent au coin du feu et disent : Cecy ne vaut rien pour le monde, il le faut envoyer en Religion ; il luy faut procurer quelque bénéfice, ce sera autant de des- charge pour nostre maison. Les enfans se laissent con- duire où l'on veut, sous espoir de vivre des biens de l'autel. D'autres ont une grande quantité d'enfans : Et bien, disent-ils, il faut descharger la maison et envoyer ceux-cy en Religion, à fin que les ausnés ayent tout et qu'ils puis«*ent paroistrc. '*' Mais Dieu bien souvent en cecy fait voir la grandeur de sa clémence et miséricorde, employant ces intention.*;, qui d'elles-mesmes ne sont aucunement bonnes, pour faire de ces personnes-là des grands serviteurs de sa divine Majesté ; et en cecy il se fait voir admirable. Ainsi ce divin Artisan se plabt à faire des beaux édifices avec du bois qui est fort tortu, et qui n'a aucune apparence d'estre propre à chose du monde. Et tout ainsi qu'une personne qui ne sçait que c'est de la menuyserie, voyant qutUiue bo's tortu en la boutique d'un menuysier, s'estonneroit de luy entendre dire que c'est pour faire quelque beau chef -d 'cru vre (car, diroit-il, si cela est comme vous dites, combien de fois faudra-t'il passer le rabot par dessus, avant que d'en pouvoir faire un tel ouvrage ?) ainsi, pieu ne l'a pa» apprllc {mmu Intn, et partant U ne s'est pas oblifé de lay donner les conditions rvquivn piiur estre bon Eveaqoa ; aussi ne les donnelll pet loasloitn. Et oeaninvMDt. la librraltté de Déeu est telle et si grande qn*ll ne laine pas (v > -fua de lea donner comme s'il s'y ea«a«t nbM gi ; maia A ceux , <>a nunqva lamaàs. Ce que >e dis d'un Bwsque. |a la dte pour toutes aortns de vocatloaa qoetta» qn'ellaa toyenl. Il  Luc». I. 78.  322 Les vrays Entretiens spirituels pour ne les avoir pas appelles. Remarquez aussi que quand je dis que Dieu s'est obligé de donner à ceux qu'il appelle toutes les conditions requises pour estre parfiuts en leur vocation, je ne dis pa6 qu'il les leur donne tout à coup et à l'instant qu'ils entrent en Reli- gion. O non, il ne faut penser qu'en entrant en Religion on soit parfait tout promptement ; c'est assez qu'ils viennent pour tendre à la perfection et pour embrasser les moyens de se perfectionner. Et, pour ce faire, il est nécessaire d'avoir ceste volonté ferme et constante de laquelle nous avons parlé, d'embrasser tous les moyens propres de se perfectionner en la vocation en laquelle • I Cor., vu, 20 ; qj^ ^^t appelle*. Ephes., IV, I. ^ ^  Il y a encor une chose à remarquer, qui est que Dieu ne s'est pas obligé de leur fournir toutes les conditions requises tout à coup, ni les rendre parfaits en leur vocation en un instant. L'on se tromperoit, car les Religions ne seroyent pas nommées hospitaux, comme elles sont. J'ay desja monstre ailleurs que, de tout temps, les Religions ont esté appellées hospitaux, et les Religieux d'un nom grec qui veut dire guérisseurs, qui sont dans les hospitaux pour se guérir les uns les autres, comme les lépreux de sainte Brigitte. Il ne faut donc pas penser qu'entrant en Religion on doive estre parfait tout promptement, car j'ay desja dit plusieurs fois que nous ne venons pas parfaits en la Religion, mais ouy bien pour tendre à la perfection. Et ceste Congrégation, non plus que toutes les autres Religions, n'est pas une assemblée de filles parfaites, ains de filles qui tendent et prétendent à la perfection ; c'est une escole où l'on vient pour apprendre ^ se perfectionner, et pour ce faire, il est nécessaire d'avoir la volonté ferme et constante d'embrasser les moyens de nous perfectionner selon nostre vocation et l'Institut où nous sommes appelles. Ce n'est donc pas les mines tristes, les faces pleureuses et les personnes souspirantes qui sont tousjours les mieux appellées ; ni celles qui ne veulent bouger des églises, qui sont tousjours dans les hospitaux, ni encor ceux qui commencent avec grande ferveur. Il ne faut point regarder les larmes des pleureurs, ni escouter les souspirs des souspirans, ni faire considération sur les mines et cérémonies extérieures, pour cognoistre ceux qui sont bien appelles ; mais à ceux qui ont une bonne volonté, ferme et constante de vouloir estre guéris, et qui pour cela travaillent avec fidélité pour recouvrer la santé spirituelle. Il ne faut point aussi tenir pour une marque d'une bonne vocation ces ferveurs qui font que l'on ne se contente point en sa vocation, mais que l'on s'amuse à quelques désirs, qui sont pour l'ordinaire vains, quoy qu'apparens, d'une plus grande sainteté de vie ; car pendant que l'on s'amuse à rechercher ce qui le plus souvent n'est pas parfait, l'on ne fait pas ce qui nous peut rendre parfaits en celle que nous avons embrassée. Or, de cecy nous en avons un exemp'e en un jeune homme qui estoit prestre de l'Oratoire, lequel estoit si fervent qu'il luy sembloit que la manière de vie des Pères de l'Oratoire  XVII. Des Voix 323 Voila donc comme les jugemens de Dieu sont occulteerseverent neant- moins ; les auires, y estan*' bien appelles et ayans com- mencé avec grande ferveur, finissent mal et quittent tout. C'est donc une chose bien difficile de sçavoir si une fille est bien appellée de Dieu, pour luy donner sa voix ; car bien qu'on la voye fervente, peut estrc ne perseverera-t'elle pas ; mais tant p:s pour elle Ne laissez pas pour cela, si vous voyez qu'elle ayt ceste volonté constante de vouloir ser\'ir Dieu et se perfectionner, de luy donner vostre voix ; car si elle veut recevoir les aydes que Nostre Seigneur infailliblement luy donnera, elle persévérera, yue si, après quelques années. cUe perd la persévérance, à son dam ' vous n'en estes pas la cause, ains elle-mesme. Voila donc pour la première partie et cognoissance des vocations. <*'  o'estoit pM «Met iMrfaite pour cootentcr m ferveur ; c'est pourquoy il p«oM qu'il devait sortir de li pour entrer en une Religioo formelle. Ce que voyant , le bon Père Ph ' "''«^u» qui estait ton Supérieur, l'y ooodnWt pu U nuin ; et le vo>.> : avec tant de ferveur au lieu où il tçavoit par divin* inHMration qu'il oe devoit point demeurer, il te mit k pleurer à chaitda» Urmea, tellmient que ce» bons Ralifkeux, qui iui»oy »n t que c'eatolt d'atea- dance de oooftoUtioo. luy dirent : Hé, mon F«e, U faut que U eooeoUliaa que voue reetiuttii toit bien grande i voue fermes bien mieux de modérer un peu voe larmee, lemble qu'il leroit bien plu» A propos 4e ka retenir que de let lataer couler de la sorte. Maie œ bien-beurras Philippe Nertae, Olaaiaé d'une lumière toute divine, leur respondil : Ab I je ne pleure pat A ceuee de la oooeoletion que >e reesene, maie )e >ette dee lannee de rompeeekw de voir oe jeune bomme quitter une manière de vie pour en praodre une autre, et que, y entrant avec une ei grande ferveur, il n'y penewera neanfmnine paa^ Ce qui arriva puis après, ainsi qu'il l'avoit prédit. [Reprendre au leste. Iif. t.] (a') pour Imy donner ts 90%m ; emw — ti bien )e la voie ferveole, peut «stre ne persévérera t'dk pas. Ce sera son mal. Ne liisewi de luy donner vostre voix, si vous voycs qu'elle ayt œste volonté ooostantc de se vouIoÉr gverir et astre pansée ; car ei elle vaut r e c evo ir les aydes que Nustre S ei g — ur s'est oblifé de luy donner, elle p e is e>a i e» a ; et masme. bien qu'il ue les luy eost pas promises, ne s'y estant pas obligé, d'autant qu'il ns l'avott pas appcUée. aile peut naanlmoine se rsndre capable de les recevoir. V^M si elle le laét seulement pour un tempe et qu'elle ne p e n ewe i e pee après qusiquea aanéee, à son dam I vous n'en pouvea mais ; c'est elle et non voua, qui en estes la cauee. Voila donc, ce ose semble, en quoy mnaeisle oeste pf w n isrs partie ; mais avant que de oeouDeneer la ceeottie, lee S a ii Hofvtoas ae reUrscanl et prieront Dieu pour noue pendant que aoue paiteii— de Teutre.  324 Les vrays Entretiens spirituels Quant à la seconde, qui est de sçavoir (b') les condi- tions que doivent avoir les filles, premièrement, que l'on reçoit céans, en second lieu, celles que Ton reçoit au Novitiat, et en troisiesme lieu, celles que Ton reçoit à la Profession, je n'ay guère à dire dessus la première réception, car Ton ne peut pas beaucoup cognoistre ces filles qui viennent avec une si bonne mine. Parlez-leur : elles feront tout ce que l'on voudra. Elles ressemblent à saint Jean et à (c') saint Jacques, auxquels Nostre Seigneur dit : Pourrez-vous bien boire le calice de ma Passion ? Ils respondirent hardiment et franchement • Matt., XX, 22. qu'ouy*, et la nuict de la Passion ils l'abandonnèrent. Ces filles en font ainsi : elles font tant de prières, tant de révérences, elles tesmoignent tant de bonne volonté, que l'on ne peut bonnement les esconduire ; et en effet, l'on n'y doit pas faire trop grande considération, ce me semble, (d') Je dis cecy pour l'intérieur, car certes, il est bien difficile en ce temps-là de le pouvoir cognoistre, principalement des filles qui viennent icy de loin ; tout ce que l'on peut faire à celles-cy, c'est de sçavoir qui elles sont, et telles choses qui regardent le temporel et l'extérieur, puis leur ouvrir la porte et les mettre à leur premier essay. Si c'est des filles qui soyent du lieu, l'on peut observer leur façon, et par la conversation que l'on a avec elles, recognoistre quelque chose de leur intérieur ; mais je trouve qu'il est encor bien malaisé, car elles viennent tousjours en la meilleure mine et posture qui se peut. Or, il me semble que pour ce qui est de la santé  (b') Il ne me reste maintenant à dire que ce qui appartient à vous autres Professes, qui est ma seconde partie ; à sçavoir, (c*) Von ne peut pas — bonncinent cognoistre (je dis quant à la première entrée pour l'essay) ces filles qui viennent avec de si bonnes mines que rien plus ; et, à leur dire, elles feront tout ce que l'on voudra. Elles me font ressouvenir de saint Jean et de (d') Von n'y doit pas — tant regarder, ce me semble. Or, je ne parle pas à ceste heure en forme de prédicateur, mais par simple conférence en laquelle chacun dit son opinion. Voila pourquoy je ne dis pas qu'il ne le faille pas faire, mais ouy bien qu'il me semble que l'on n'y doit pas avoir grand rearard.  XVII. Dif Voix 325 corporelle et infirmités du corps, l'on n'y doit point faire ou fort peu de considération, d'autant qu'en ces maisons l'on y peut recevoir les foibles et iinbecilles aussi bien que les fortes et robustes, puisqu'elles ont esté faites en partie pour elles ; iK)ur\eu que ce ne soyent des infirmités si pressantes qu'elles les rendent tout à fait mcapables d'observer la Règle et inhabiles à faire ce qui est de ceste vocation. Mais excepté cela, je ne leur refuserois jamais ma voix, pas mesme quand elles se- roycnt aveugles ou manchottes, ou n'auroyent qu'une jambe, si avec cela elles avoyent les autres conditions requises à ceste vocation. Et que la prudence humaine ne me vienne jxjint icy dire : Ht s'il se prcsentoit tous- jours telle sorte de gens, les faudroit-il tousjours rece- voir ? et <«*) si toutes estoyent aveugles ou malades, qui ks serviroit ? C>r, ne vous mettez point en peine de cela, car il n'arrivera pas : laissez -en le soin à la divine Pro- vidence qui sçaura bien y pourvoir, et y appeller les fortes, nécessaires à leur service. Quand il se présentera (li'> infirmes, dites : Dieu soit béni ! en vient-il des Hibustes : à la bonne heure ! En somme f'*), les maladies qui n'empeschent point d'observer la Règle ne doivent IMjmt estre consideréc*s en vos mai.sons. Et voila ce que j'avois à dire touchant ceste première réception. Quant à la seconde, qui est de recevoir une fille au  le') touitoun rtttvotr f — Je *.; », turumc j'av >lit. ^i r.,<-^ ru%^^nt toutjour» l« cooditioat dr . , . : , ■ '. rrquj*r« i cc^lc \ « ati' n. je or vuudr i- '-.x^w (('• i Im bonnt htmrtf — Le t coufft quand âl vuuï entrer pla^icun (>- -^^p- prouvant leur retraite, U dit * Ft «> t RriijcWui et Relicteuvn. qui î -• -— '- '- y - ...,;. if 11 n'a: lin que ux>p da- Il y avoél <: t •- '• - j- ,f . «lia I» dMâroÉt lort. C'mtoit nriM un* botta» AU*, «t )'««hm Ifmk roola qw Vam V " 'v «ttl pM mar^n k rau«t d* qtnlq«« avItm -ni pM dt U rvotvoir ; oMàt «é «Ito «'mM «l «uu« cboM qm û'm^ .:tc, )« lujr «mm dowié ou voàa. car «1  326 Les vrays Entretiens spirituels Novitiat, je ne trouve pas encor qu'il y ayt des grandes difficultés. Neantmoins, l'on y doit faire plus de consi- dération qu'en la première réception, car aussi l'on a eu plus de moyen de remarquer leur humeur, actions et habitudes ; l'on void bien les passions qu'elles ont (&'). Mais tout cela ne doit point les empescher d'estre admises au Novitiat, pourveu qu'elles ayent une bonne volonté de s'amender, de se sousmettre, et se servir des medi- camens propres à leur guerison. Et, bien qu'elles ayent de la répugnance à ces remèdes et les prennent avec grande difficulté, cela ne veut rien dire, pourveu qu'elles ne laissent pas d'en user ; car les médecines sont tous- jours ameres au goust, et n'est pas possible qu'on les reçoive avec la suavité que l'on feroit si elles estoyent bien appétissantes ; mais avec tout cela elles ne laissent pas de faire leur opération, et quand elles la font meil- leure, c'est lors qu'elles font le plus de travail et de peine. Tout de mesme, voila une fille qui a ses passions fortes ; elle est colère, elle fait plusieurs manquemens : si avec cela elle veut bien estre guérie, et veut qu'on la corrige, mortifie et qu'on luy donne des remèdes propres à sa guerison, combien qu'en les prenant cela la fasche et la travaille, il ne faut point pour cela luy refuser sa voix ; car elle n'a pas seulement la volonté de guérir, mais encor elle prend les remèdes qui luy sont donnés pour ce sujet, combien qu'avec peine et difficulté. Il s'en trouvera qui auront esté mal nourries et mal civilisées, qui auront la nature rude et grossière. Or, il n'y a point de doute que celles-cy n'ayent plus de peine et de difficulté que celles qui auront le naturel plus doux et traittable, et qu'elles seront plus sujettes à faire des fautes, que d'autres qui seront mieux nourries ; mais neantmoins, si elles veulent bien estre guéries et tesmoi- gnent une volonté ferme à vouloir recevoir les remèdes.  (g*) première réception, — parce que l'on a plus de temps et de moyen de les observer et remarquer leurs mœurs, actions et habitudes ; l'on void bien si elles sont colères ou tendres, et telles autres passions.  XVII. Des Voix 327 quoy qu'il leur couste, à celles-là je donnerois ma voix nonobstant ces cheutes ; car ces fillcs-là, après beaucoup de travail, font de grands fruicts en la Religion, devien- nent des grandes servantes de Dieu et acquièrent une vertu forte et solide, car la grâce de Dieu supplée au défaut (*»*) ; et n'y a point de doute que souvent où il y a moins de la nature, il y a plus de la grâce. Or donc, on ne doit pas laisser de recevoir au Novitiat les filles, quoy qu'elles ayent beaucoup de mauvaises habitudes, le cœur rude et grossier, et qu'elles témoignent beau- coup de passions, (i) pourveu que telles filles veuillent estre guéries. En somme, pour recevoir une fille au Novitiat. il ne faut sinon sçavoir si elle a une bonne volonté, et si elle est délibérée et résolue de recevoir le traittcment qui luy sera fait pour sa guerison, et de vivre en une grande sousmission : ayant cela, je luy donnerois ma voix. Et voila, ce me semble, tout ce qui se peut dire touchant ceste seconde réception. Pour la troisiesme, c'est une chose de grande impor- tance de recevoir une fille à la Profession ; et en cecy (j') il me semble qu'on doit observer trois choses La pre- mière, que les tille*? que l'on reçoit à la Profession soyent saines, non de corps, comme j'ay desja dit. mais (k') de cœur et d'esprit ; je veux dire, qui ayent le cœur bien disposé à vivre en une entière souplesse et sous- mission. La seconde, que ces filles ayent l'esprit bon : or. quand je dis un bon esprit, je n'entends pas dire de ces grands esprits qui sont pour l'ordinaire vains et  (b*) «M dtfAut — d« U nature {i'\ it rroiii#r,— témoignant Jk leur vHa^ d'avoir bMueoop dt car quand uo craint 00 dcvkol paU«. ri quand on nou» adv«rtlt d« qwlqM cboM qui noui iM»che, la coatoar Bout nxiote au vtaafv et l'oo drvtrai ruufi, on bien U fatcbwto noua tire tes lannct aux yeux. CaU ne doit poént retenir de donner M voix, 0') Vmkmh miintanint à U t rui tieune, qui cet une cboM de grande Importance ; A «çavoir. la réception drt Allée k la Piuleiiioii. Or à eary. M «t req : plut ffrande coo^ideratioo, et . i il. — car te n'y voodreèt faire noBe oamà â Ê nUm , il ce n'ealoil en dea cbotee qui le Bentaetent ; malt J'eni  328 Les vravs Entretiens spirituels pleins de propre jugement, de suffisance, et qui estans au monde estoyent des boutiques de vanité ; qui viennent en Religion non point pour s'humilier, mais comme si elles y vouloyent faire des leçons de philosophie et théologie, voulant tout conduire et gouverner. Or c'est à celles-cy qu'il faut bien prendre garde. Je dis qu'il y faut bien prendre garde, et non qu'il n'en faille point recevoir, si l'on void qu'elles veuillent estre changées et humiliées ; car elles pourront bien, avec le temps et la grâce de Dieu, faire ce changement ; ce qui arrivera sans doute, si avec fidélité elles se servent des remèdes qui leur seront donnés pour leur guerison. (i') Quand doncques je parle d'un esprit bon^ j'entends parler des esprits bien faits et bien sensés, et encor des médiocres, qui ne sont ni trop grands ni trop petits ; car tels esprits font tousjours beaucoup, sans que pour cela ils le sçachent. Us s'appliquent à faire et s'adonnent aux vertus solides ; ils sont traittables, et on n'a pas beau- coup de peine à les conduire, car facilement ils com- prennent combien c'est une chose bonne de se laisser gouverner. La troisiesme chose qu'il faut observer c'est si la fille a bien travaillé en son année de Novitiat, si elle a bien souffert et profité des médecines que l'on luy a donné, si elle a bien fait valoir les resolutions qu'elle fit entrant en son Novitiat de changer ses mauvaises humeurs et inclinations ; car l'année du Novitiat luy a esté donnée pour cela. Que si l'on void qu'elle ayt per- sévéré fidèlement en sa resolution, et que sa volonté demeure ferme et constante pour continuer, et qu'elle se soit appliquée à se reformer et former selon les Règles et Constitutions, et que ceste volonté luy dure, voire de vouloir tousjours mieux faire, c'est un bon  (1') faire — ceste métamorphose que, ayant esté au monde des boutiques de vanité, elles en soyent en Religion une d'humilité ; ce qui arrivera sans doute, si avec fidélité elles se servent des remèdes qui leur sont donnés pour leur guerison, car c'est une chose asseurée que qui est fidèle aux petites choses, Dieu le constituera sur des grandes.  XVII. Des Voix 329 signe et bonne condition pour luy donner sa voix. Car bien que nonobstant cela elle ne laisse pas de faire des fautes, et mesmes assez grandes, il ne faut pas pourtant luy refuser sa voix ; car bien qu'en l'année de son Novitiat ''"*' elle doive travailler en la refomiation de ses mœurs et habitudes, ce n'est pas à dire pour cela qu'elle ne doive point faire de cheute, ni qu'elle doive à la fin de son Novitiat estre parfaite. Car regardez au collège de Nostre Seigneur, les glorieux Apostres : encore qu'ils fussent bien appelles et qu'ils eussent beaucoup travaillé en la refonnation de leur vie, combien tirent-ils de fautes, non aculeroent en la première année, mais aussi en la seconde et troisiesme. Tous disoyent et promct- toyent merveilles, voire mesme de suivre Nostre Sei- gneur à la mort et dans la prison^ ; mais la nuict de • Lne», xxn, sj, la Passion, que l'on vint prendre leur bon Maistre, tous l'abandonnèrent^. Je veux dire par L\ que "*' les cheutes •Matt..xxvi.5«. ne doivent pas estrc cause que l'on rejette une fille.  (m') pour Imy donner is yoà^. * ous me dite» que l'uo votd Uieo que cc»te ftUe travaille À wm amendement et qu'elle teunoigne une bonne volonté ; nub |>ar cy par U elle ne laiiae p«s e. qui tembloyc - - 1e« plut farta po«r mistar ans aauots de leur* pntaioot. ce furent iui 6rvnt cle phas grandes fautas. Le glorieux uint Pierre, qui estoit si icocnt, rnmt iéa w en ftt il ! Certes, il clas eschappée», mak cela il ne fut pi'i autant qu'U eognoAssoit qu'il avait to«n)our« la volonté de % . ferme et constante. Il ftt de grandes fautet h •. ouk U en ftt enoora de plus grandes U •- >isiasae eocore ploa pande que toutes Ica autres, car il renia son bon Sauveur et Maistre. Sa nature estoit caoit eo partie qu'il faisoil de plus grandes r • niientee fautes qne les autres. Saint Jean, qui avoit un naturel plus d . ^toil pas si su>et à ces eallllai ; naantmain». il ne laissa (.as de quitter sun Maistre et s'enfuit avee les autres ; mais ce ne tut pas pour long temps, car il rriouraa. et puis U ne le quitta plus. Et sawt Jacques, non seulement l'abandonna quand II f«t question de mourir, aina en cecy U ftt eococu pis que lai antres, car ■ Bt retourna point le trouw. Voila donc eooMM  330 Les vrays Entretiens spirituels quand parmi tout cela elle demeure avec une forte volonté de se radresser et de se vouloir servir des moyens que l'on luy donne pour ce sujet. Voila ce que j'avois à dire touchant les conditions que les filles que l'on veut recevoir à la Profession doivent avoir, et ce que les Sœurs doivent observer pour leur donner leur voix. Et sur cecy je finiray mon discours, si ce n'est que l'on me demande encore quelque chose. L'on demande donc en premier lieu, s'il se trouvoit une fille qui fust fort sujette à se troubler pour des petites choses, et que son esprit fust souvent plein de chagrin et d'inquiétude, et qu'elle ne tesmoignast parmi cela guère d'amour pour sa vocation, et que neantmoins, cela estant passé, elle promist de faire des merveilles, qu'est-ce qu'il faudroit faire ? Il est tout certain qu'une telle fille estant ainsi changeante n'est pas propre pour la Religion ; mais parmi tout cela ne veut-elle point estre guérie ? car si cela n'est, il la faut congédier. L'on ne sçait, direz-vous (o'), si cela procède faute de volonté de se guérir, ou bien qu'elle ne comprenne pas en quoy consiste la vraye vertu. Or, si après luy avoir fait bien entendre ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amende- ment, elle ne le fait pas ains se rend incorrigible, il la faut rejet ter ; sur tout parce que ses fautes, ainsi que vous dites, ne procèdent pas faute de jugement ni de pouvoir comprendre en quoy consiste la vraye vertu, ni moins encore ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amen- dement ; mais que c'est par le défaut de la volonté, qui n'a point de persévérance ni de constance à faire et à se servir de ce qu'elle sçait estre requis pour son amen- dement ; encore qu'elle dise quelquefois qu'elle fera mieux, neantmoins (?') ne le fait pas, ains persévère  (o') estre guérie, — ni ne veut-dle point que l'on luy applique les remèdes propres à sa guerison ? car si cela est, il luy faut ouvrir la porte et la mettre dehors. L'on ne sçait, dites-vous fp') pour son amendement. — Et partant, encore qu'elle dise quelquefois qu'elle fera monts et merveilles, et que je voye neantmoins qu'elle  XVII Des Voix 331 en ceste inconstance de volonté, je ne luy donnerois pas ma voix. Vous dites encor qu'il y en a de si tendres, qu'elles ne peuvent supporter qu'on les corrige, sans se troubler, et que cela les rend souvent malades. Or, si cela est, il leur faut ouvrir la porte ; car puisqu'elles sont malades, et qu'elles ne veulent point qu'on les traitte ni qu'on leur applique les remèdes propres à leur donner la guerison, l'on void clairement que, faisant ainsi, elles se rendent incorrigibles et ne donnent point d'espoir de pouvoir estre guéries. Pour ce qui est de la ^^'^ tendreté, tant sur l'esprit que sur le corps, c'est l'un des grands empeschemens qui soyent en la vie religieuse ; et partant il faut avoir un très-grand soin de ne pas rece- voir celles qui en sont démesurément atteintes, parce qu'elles ne veulent point estre guéries, refusans de se servir de ce qui leur peut donner la santé. <'** L'on demande en second lieu, qu'est-ce que l'on doit juger d'une fille qui tesmoigne par ses paroles qu'elle se repent d'estre entrée en Religion ? Certes, si elle persé- vère en ces dégousts de sa vocation et à se repentir, et que l'on voye que cela la rende lasche et négligente à se former selon l'esprit de sa vocation, il la faut mettre dehors. Neantmoins, il faut considérer que cela peut arriver ou par une simple tentation ou pour exer- cice : et <*') cela se peut cognoistre par le profit qu'elle fera de telle pensée, dégoust ou repentir, quand avec  (q') dé — OMto laodrHé. c*«t vn d crand nu). qa« Too m tcattroit avoir trop à» atê» pour t'en ddivrtr. Lm (r*) éf •*'*il ûttttmUt - Iji trmlrr^tr >W 1 Vx'.nt e»( COCOC plu» (Uo* fWvuM , - du curp«, d'autant que l'ctprit ratant plo« nolilt q«M to oarp«. OMI* mAladir rayant attcént en ni plut diArilc k gMitrir. Se Uni «al qiM eaOa qoi a cr nuil n« wuille pat «ouflr «ppliqiw Ica «fnpUstrM Mv aa plajrr, )• nr luy donotroto pat ma . . ..: , orquoy ? parcv qur. a* vooLani pat m tarirtr lirt«sancr que de sa propre volonté ; car il y aurait danfsr que voulant mortiher les autres \-ous n'oubliassésa de vous roortiter voas- Vous dites maintenant tl quand l'on aurait «lue k« parsns d'une Aile l'auroyent soUlntée de se mettrr rt r.r u Tviurroit pas bien esprouvsr sor cela .' Cela te puuxi ^: t >• « !->::r \\^.^ . jim son pars et sa mère luy aasscnt persuadé da se faire Relictruse, sa vocation ne iitosiiiil pas d'astre bonne, puisque, eomma nous svam dit. Dieu se sert soavsat de oss voyas U poor attlrsr A soy sas créatures ; et quand béen «Uns n'auroyent point esté bonnes au commencement. Dieu les peut rcctiAer. Mais oa qu'il ! la oasta Alla, c'ast si elle a une bonne volonlé de vivre en ona pai^ «iica et ioi% ffuere refanier. O ma chère fUle, n'est « fortes so soulsfetnent des foibles. Hé bir: ' rre fUle. si une rM»ur cstoit wi ■ ' ; -iiirt p«i c «juipiackAncv ou flattet . faudrait pardonner et luy 4i , . -^ A ne le plus fairs, s'il «« peut : mais voyex-vous, U sut du temps pour mortifkcr les passions et tis. P.t sn tous cm manquamans, U faut faIrs comme noos taiMns en Voila un homme qui sa vient ciunfsmir à moy ; i s'aconm d'avoir e hiy donne il reviant une antre lois al me dit : Je m'acensa d'avoir bi4%phemé cent fois le nom de Dieu. O esrtoa, je luy donne l'ahwilotion. car lairsment l'imwdMnwt de c«c bnmms, ac partant f» Jnfs qnll ne « dameuffor tneonriflbla. Atosl en faut fl talrt dm ÈÊkm quand y"] r «-ri Ire au texte, lig. 4 :  o^6 Les vrays Entretiens spirituels l'on void qu'elles s'amendent, combien qu'elles ne lais- sent pas de commettre des fautes, il ne faut pas les rejetter, car par l'amendement elles font voir qu'elles ne veulent pas demeurer incorrigibles, (y')  (y') Vous dites si une fille qui n'auroit pas guère de bonnes conditions, et qui outre cela seroit quasi tousjours en l'infirmerie, s'il ne faudroit pas faire considération pour luy donner sa voix, car estant tousjours malade l'on ne la peut pas esprouver ni recognoistre son esprit. Or, je responds à cela que si elle n'a pas les conditions propres pour estre de vostre vocation, il n'y a point de doute qu'il y faut regarder ; mais pour ce qui est de ses infirmités corporelles je ne voudrois pas que l'on y fist trop de considération, si elles n'estoyent telles qu'elles l'erapeschassent d'observer 1^ Règle. Et pour ce qui est de recognoistre son esprit, certes, l'on recognoist mieux le naturel et l'esprit d'une personne en la maladie qu'en nulle autre chose, et la maladie est une continuelle espreuve. N'avez-vous plus rien à dire ? Quelle heure est-il ? Avez-vous dit Complies ? et quand les voulez- vous dire ? Or allez donc, car j'ay peur de faire une irrégularité. Or sus, mes chères filles, je supplie Nostre Seigneur qu'il vous bénisse. Dieu vous donne l'accomplissement de tous vos désirs et sa sainte paix. Amen.  DLVHUITIESME KNTRETIFN COMMEST II PAIT RECEVOIR LES SACREMENS Ll KI.CIIER LE DIVIN OFFICE AVEC QUELQUES POIN'CTS TX3UCHANT L'ORAltOV (*) Avant que sçavoir comment il nous faut préparer pour recevoir les Sarremens et quel fniict nous en devons tirer, il est nécessaire de sçavoir que c'est que Sacre- mens et leurs efïects. ï^es Sacremens doncques sont des canaux par lesquels, pour ainsi parler, Dieu descend à nous, comme par l'oraison nous montons f^> à luy, puis- que l'oraison n'est autre chose qu'une élévation de nostre esprit en Dieu. Les efïects des Sacremens sont divers, quoy qu'ils n'ayent tous qu'une mesme fin et prétention, qui est de nous unir à Dieu. Par le Sacrement de Baptesme, nous nous unissons à Dieu comme le 61s avec le père ; pai celuy de b Confirmation, nous nous unissons comme le soldat avec son capitaine, prenant force pour combattre et vaincre nos ennemis en toutes tt-ntationa ; par le Sacrement de Pénitence, nous sommes unis à Dieu comme les amis reconciliés ; par celuy de l'Euchaiistie, comme la viande avec l'estomach ; par celuy de l'Extrême Unction, nous nous unissons à Dieu comme l'enfant qui vient d'un lointains |>aL'>. mettant desja l'un des pieds en la maison de son pcre pour te  iê) WUtM tUjRT DR» *».-»-'-• r4rr rAR —»»*•" •••»' M»i ■HMC rSRR A %a» IRRRA VtLXSt Oft LA ^ It-I — t>* P«CfCTf DR* tlXM Ut«  m>  238 Les vrays Entretiens spirituels reunir avec liiy, avec sa mère et toute la famille. Or, voila les effects divers des Sacremens, mais pourtant qui demandent tous l'union de nostre ame avec son Dieu. Nous ne parlerons maintenant que de deux : de celuy de la Pénitence, et de l'Eucharistie. Et premièrement/ il est tres-necessaire que nous sçachions pourquoy c'est que, recevant si souvent ces deux Sacremens, nous ne recevons pas aussi les grâces qu'ils ont accoustumé d'apporter aux âmes qui sont bien préparées, puisque ces grâces sont jointes aux Sacremens. Je le diray en un mot : c'est faute de deuë préparation ; et partant il faut (c) sçavoir comment il nous faut bien préparer pour recevoir ces deux Sacremens, et tous les autres encor. Doncques, la première préparation c'est la pureté de l'intention ; la seconde, c'est l'attention ; et la troisiesme, c'est l'humilité. Quant à la pureté d'intention, c'est une chose totale- ment nécessaire, non seulement en la réception des Sacremens, mais encor en tout ce que nous (<^) faisons. Or, l'intention est pure lors que nous recevons les Sacre- mens, ou faisons quelque autre chose quelle qu'elle soit, pour nous unir à Dieu et pour luy estre plus agréables, sans aucun meslange de propre interest. Vous cognois- trez cela si, quand vous desirez de vous communier, l'on ne le vous permet pas ; ou bien si après la sainte Communion vous n'avez point de consolation, et que pour cela vous ne laissez pas de demeurer en paix, sans consentir aux attaques qui pourroyent vous en venir, (e)  (c) aux Sacremens. — Il est vray qu'elles y sont jointes, et pourveu que nous recevions les Sacremens en estât de grâce (j'entends en celuy de la Confession que nous ne reservions aucune affection à aucun péché mortel), nous recevons tousjours la grâce dépendante du Sacrement, qui est la hayne du péché et le soin de n'en pas tant faire. Mais nous ne recevons pas les grâces appartenantes à la préparation, qui sont la force pour entreprendre la correction de nos mauvaises inclinations, le courage pour embrasser la pra- tique des vertus, et en fin la perfection. Il nous faut doncques (Ms. et Coll.) (d) ce que nous — desirons ou que nous (Ms. et Coll.) fe) sans consentir — à aucune sorte d'inquiétude. Je dis sans consentir, parce qu'il se pourroit bien faire qu'il vous en viendroit sans vostre consen- tement. (Ms. et Coll.)  XVIII. Des Sacremens 339 Mais si, au contraire, vous consentez à l'inquiétude dequoy l'on vous a refusé de communier, ou dequoy vous n'avez pas eu de la consolation, qui ne void que vostre intention estoit impure, et que vous ne cherchiez de vous unir à Dieu, ains aux consolations, puisque vostre union avec Dieu se doit faire sous la sainte vertu d'obéissance ? Et tout de mesme, si vous desirez la per- fection d'un désir plein d'inquiétude, qui ne void que c'est l'amour propre, qui ne voudroit pas que l'on vist de l'imperfection en nous ? S'il estoit possible que nous pcussions estre autant agréables <0 à Dieu estans impar- faits comme estans parfaits, nous devrions désirer d'estre sans perfection, à fin de nourrir en nous par ce moyen la tres-sainte humihté. La seconde préparation, c'est l'attention. Certes, nous devrions aller aux Sacremens avec beaucoup d'attention, tant sur la grandeur de l'œuvre, comme sur ce (jue chaque Sacrement demande de nous Par exemple, allant à la Confession, nous y devons porter un cœur amou- reusement douloureux, et à la sainte Communion, il y faut porter un cœur ardemment amoureux. Je ne dis pas, par ceste grande attention, qu'il ne faille point avoir de distraction, car il n'est pas en nostre pouvoir ; mais j'entends de dire qu'il faut avoir un soin tout particulier à ne s'y point arrester volontairement La troisiesmc '«' préparation c'est l'humilité, qui est une vertu fort nécessaire pour recevoir abondamment les grâces qui découlent par les canaux des Sacremens ; parce que les eaux ont bien accoustumé de couler plus vistement et plus fortement quand Ic^ canaux sont posés en des» lieux panchans et tendans en bas. Mais, outre ces trois préparations, je vous veux dire en un mot que la prmcipale est l'abandonnement total de nous-mesmes à la mercy de '*»' Dieu, sousmettans sans  (f) mmUml mgftdbt* tnto (Ma. «t < (g) Iji tmàt^ttar ojoUiUuo (Sa U (M*, «t UtU.) (b) di ^ U vxÀunlé tic (M« )  340 Les vrays Entretiens spirituels reserve quelconque nostre volonté et toutes nos affec- tions à sa domination. Je dis sans reserve, d'autant que nostre misère est si grande que nous nous reservons tous] ours quelque chose. Les personnes les plus spiri- tuelles se reservent pour l'ordinaire la volonté d'avoir des vertus ; et quand elles vont à la Communion : O Sei- gneur, disent-elles, je m'abandonne entièrement entre vos moins ('), mais plaise vous me donner la prudence pour sçavoir vivre honnorablement ; mais de simplicité, ils n'en demandent point. O mon Dieu, je suis absolument sousmise à vostre divine volonté, mais donnez-moy un grand courage pour faire des œuvres excellentes pour vostre service ; mais de douceur, pour vivre paisiblement avec le prochain, il ne s'en parle point. Donnez-moy, dira un autre, ceste humihté qui est si propre pour donner bon exemple ; mais d'humilité de cœur, qui nous fait aymer nostre propre abjection, ils n'en ont point de besoin, ce leur semble. O mon Dieu, puisque je suis tout vostre, que j'aye tousjours des consolations à l'oraison. Voire, c'est bien ce qu'il nous faut pour estre unis à Dieu, qui est la prétention que nous avons ! et jamais ils ne deman- dent des tribulations ou mortifications. O ce n'est pas là le moyen de faire ceste union, que de se reserver toutes ses volontés, pour belle apparence qu'elles ayent ; car Nostre Seigneur se voulant donner tout à nous, veut que réciproquement nous nous donnions entièrement à luy, à fin que l'union de nostre ame avec sa divine Majesté soit plus parfaite, et que nous puissions dire véritablement, après ce grand parfait entre les Chres- tiens : Je ne vis plus moy, ains c'est Jésus Christ qui Gaiat., II, 20. vit en moy *. La seconde partie de ceste préparation consiste à vuider nostre cœur de toutes choses, à fin que Nostre Seigneur le remphsse tout de luy-mesme. Certes, la cause pourquoy nous ne recevons pas la grâce de la sanctification (puisqu'une seule Communion bien faite  (i) ;■« m'abandonne — tout à vous (Ms.)  XVIII Dbs Sacremens 341 est capable et suffisante pour nous rendre saints et parfaits) ne provient sinon de ce que nous ne laissons pas régner Nostre Seigneur en nous comme sa bonté le désire. 1! vient en nous, ce Bien-Aym*'* de nos ame^, et il trouve nos cœurs tout pleins de désirs, d'affections et de p*;tites volontés : ce n'est pas ce qu'il cherche, car il les veut trouver vuides pour s'en rendre le maistre et le gouverneur. Et pour monstrer combien il le désire, il dit à son amante sacrée • qu'elle le mette comme un • Cant.. vin. 6. cachet sur son cœur, à fin que rien n'y puisse entrer que par sa permission et selon son bon plaisir. Or, je sçay bien que le milieu de vos cœurs est vuide. autre- ment ce seroit une trop grande infidélité : je veux dire que nous avons non seulement rejette et détesté le péché mortel, ams toute sorte d'affection mauvaise : mais las ! tous les coins et recoins de nos cœurs sont pleins de mille choses indignes de paroistre en la présence de ce Kov souverain, lesquelles ce semble, luy lient les mains à fin de l'empescher de nous départir les biens et les grâces que sa bonté avoit désiré de nous faire, s'il nous eust trouvés préparés. Faisons donc de nostre costé ce qui est de nostre pouvoir pour nous bien préparer à recevoir ce Pain supersuhstantiel^, nous abandonnant «MatL, vi, n. totalement à la divine Providence, non seulement \m)\it ce qui regarde les biens temixjrelfi, mais principalem- "» les spirituels, respandant en la présence de la di\ Bijnté 0) toutes nos affections, désirs et incl'na»ions. pour luy cstre entièrement sousmLs ; et nous w»curons que Nostre Seigneur accomplira de son costë la pro- messe qu'il nous a faite de nous transformer en luy. eslevant nostre bassesse jusqucs à estrc unie av-c sa grandeur. L'on peut bien communier pour div. r^« - tins : < pour demander à I>ieu d'estre délivrer de quelqut i» ii- tation ou affliction, soit jxjur nous ou pour n<>s amis ' .  (J) volooU (Ma.) 00 •• ^••9 ^ oMirv prochâte (Ma.) — êutnsr (C«IL)  342 Les vrays Entretiens spirituels ou pour demander quelque vertu, pourveu que ce soit sous ceste condition de nous unir par ce moyen plus parfaitement à Dieu, ce qui n'arrive pourtant pas bien souvent ; car au temps de l'affliction l'on est ordinaire- ment plus uni à Dieu, parce que l'on se ressouvient plus souvent de luy. Et pour ce qui est des vertus, aucune fois il est plus à propos et meilleur pour nous de ne les pas avoir en habitude que si nous les avions, pour- veu toutesfois que nous en fassions les actes à mesure que les occasions s'en présentent ; car la répugnance que nous sentons à pratiquer quelque vertu nous doit servir pour nous humilier (i), et l'humihté vaut tousjours mieux que tout cela (^h En fin, il faut qu'en toutes les prières et demandes que vous ferez à Dieu, vous ne les fassiez pas seulement pour vous, ains que vous observiez de dire tousjours nous, comme Nostre Seigneur nous l'a enseigné en l'Oraison dominicale, où il n'y a ni mien, ni mon, ni moy. Cela s'entend, que vous ayez l'intention de prier Dieu qu'il donne la vertu ou la grâce que vous luy demandez pour vous, à tous ceux qui en ont la mesme nécessité, et que ce soit tousjours pour vous unir davan- tage avec luy ; car autrement nous ne devons demander ni désirer aucune (2) chose ni pour nous ni pour le pro- chain, puisque c'est la fin pour laquelle les Sacremens sont institués. Il faut donc que nous correspondions à  (1) car au temps de l'affliction — 'je seray peut estre plus uni à Dieu, parce que je me ressouviendray plus souvent de luy. Et pour ce qui est des vertus, il est plus à propos et meilleur pour moy, aucune fois, de ne les pas avoir que si je les avois. A quel propos demanderay-je à Dieu des vertus desquelles je ne puis pas avoir la pratique, puisque la répugnance que je sentiray à pratiquer ceste vertu, si j'en avois la commodité, me servira pour m'humilier ? (Ms. et Coll.) (i) Ce passage corrobore la remarque faite plus haut (note (i), p. 98), et précise la pensée de saint François de Sales. La répugnance que l'on éprouve pour la pratique de la vertu, quoique supposant l'absence de l'habi- tude vertueuse, peut être un bien relatif, mais pourtant très réel, dans le cas où cette répugnance procure une augmentation d'humilité. (2) Aucune pst stibstttué à autre d'après le Ms. et les Colloques.  XVI II. Db8 Sacrshbus 343 ceste intention de Xostre Seigneur, les recevant pour ceste mesme fin. Et ne faut pas que nous pensions que communiant ou priant pour les autres nous y perdions quelque chose, sinon que nous ottrissions a Dieu ceste (^omniunion ou prière pour la satisfaction de leurs pechës, car alors nous ne satisferions pas pour les nostres. Mais pourtant le mérite de la Communion et de la prière nous dcmeu- reroit, car nous ne sçaurions mériter la grâce les uns pour les autres : il n'y a que Nostre Seigneur qui ra\t peu faire. Nous pouvons bien impetrer des grâces pour les autres, mais leur mériter, nous ne le pouvons pas faire. I^ prière que nous avons faite '"'^ pour eux aug- mente nostre mérite, tant pour la recompense de la grâce en ceste vie, que de la gloire en l'autre. Et si une personne ne faLsoit pas attention de faire quelque chose {xjur la satisfaction de ses péchés, la seule attention qu'elle auroit de faire tout ce qu'elle fait pour le pur amour de Dieu sufftroit pour y satisfaire, puisque c'est une chose asseurée que qui pourroit faire un acte excel- lent de charité, ou un acte d'une parfaite contrition, satisferoit pleinement p<^ur tous ses péchés. Vous voudriez peut estre sçavoir comme vous cognois- trez si vous profilez par le moyen de la réception des Sacremens. Vous le cognoistrez si vous vous advancez par les vertiLs qui leur sont propres : comme si vous tirez de la Confession l'amour de vostrc propre abjec- tion et l'humilitë, car ce sont les vertus qui luy sont propres ; et c'est tousjours par la mesure de l'humilité que l'on recognoist nostre advanccmcnt. Ne voyex-vous pas qu'il est dit * que quiconque s'humiliera sera • v exalté ^ estre exalté c'est estre advancé. Si vous devenet \;^ par le moyen de la tres-sainte Communion, fort douce (puisque c'est la vertu qui est propre à ce Sacrement.  (m) .Vomi ^oaroni bum — U»iu iinjtrirrr tir» ttérr%, ru4j% .m : -r *■? u {Ut. «t Coll.)  344 Les vrays Entretiens spirituels qui est tout doux, tout suave, tout miel), vous retirerez le fruict qui luy est propre, et ainsi vous vous a avan- cerez ; mais si, au contraire, vous ne devenez point plus humble ni plus douce, vous méritez que l'on vous levé II Thess., III, 10. le pain, puisque vous ne voulez pas travailler*. Je voudrois bien que l'on allast simplement quand il nous viendroit le désir de communier, le demandant à la Supérieure avec résignation d'accepter humblement le refus, si on le nous fait ; et si on nous octroyé nostre demande, aller à la Communion avec amour. Bien qu'il y ayt de la mortification à le demander, il ne faut pas laisser pour cela ; car les filles qui entrent en la Congré- gation n'y entrent que pour se mortifier, et les croix qu'elles portent les en doivent faire ressouvenir. Que si l'inspiration venoit à quelqu'une de ne pas communier si souvent que les autres, à cause de la cognoissance qu'elle a de son indignité, elle le peut demander à la Supérieure, attendant le jugement qu'elle en fera, avec une grande douceur et humilité. Je voudrois aussi que l'on ne s' inquiet ast point quand l'on entend parler de quelque défaut que nous avons ou de quelque vertu que nous n'avons pas ; mais que nous bénissions Dieu dequoy il nous a découvert le moyen d'acquérir la vertu et de nous corriger de l'imperfection, et puis prendre courage de nous servir de ces moyens. Il faut avoir des esprits généreux qui ne s'attachent qu'à Dieu seul, sans s'arrester aucunement à ce que nostre partie inférieure veut, faisant régner la partie supé- rieure de nostre ame, puisqu'il est entièrement en nostre pouvoir, avec la grâce de Dieu, de ne jamais consentir à l'inférieure. Les consolations et tendretés ne doivent pas estre désirées, puisque cela ne nous est pas néces- saire pour aymer davantage Nostre Seigneur. Il ne faut donc point s'arrester à considérer si l'on a de bons sen- timens ; mais il nous faut faire ce qu'ils nous feroyent faire si nous les avions. Il ne faut pas aussi estre si tendres à se vouloir con- fesser de tant de menues imperfections, puisque mesme nous ne sommes pas obligés de nous confesser des  XVIII Des Sacksmbhi 345 péchés véniels, si nous ne voulons ; mais quand on s'en confesse, il faut avoir la volonté résolue de s en amen- der, autrement ce seroit un abus de s'en confesser 11 ne faut pas non plus <"^ se tourmenter quand l'on ne se souvient pas de ses fautes pour s'en confesser ; car il n'est pas croyable qu'une ame qui ftiit souvent son examen, ne remarque bien pour s'en ressouvenir les fautes qui sont d'nnixjrtance Pour tant de petits et legen» liefauts, vous en pouvez parler avec Nostre Seigneur toutes les fois que vous les appercevrez : un al>aiss<^ ment d'espnt, un souspir suffit pour cela Vous demandez comment vous pourrez laire vosirc acte de contrition en i>eu de temps. Je vous dis qu'il ne faut presque point de temps pour le bien faire, puisqu'il ne faut autre chose que se prosterner devant Dieu en esprit d'humilité et de repentance de l'avoir offencé. Vous desirez en second lieu que je vous parle de l'Office •. Je le veux bien ; et je vous dis premièrement • ci. b DÉnrtoÉr* qu'il faut se préparer pour le dire, dés l'instant que l'on S(»«nd«uT entend la cloche qui nous y appelle, et faut, à l'imitation JJJ *^,\!^*'*°^**'' de saint Bernard*, demander à rostre cœur que c'est • viu r s. b«t«.. qu'il va faire. Et non seulement en ccstc occasion, mais ut! î. cîlxx^ ^ aussi entrant k tous nos exercices, à fin que nous appor- tions à chacun d'iceux l'esprit qui luy est propre ; car il ne seroit pas à propos d'aller à l'Office comme à la récréation : à la récréation il faut porter un espnt amou- reusement joyeux, et en l'Office, un esprit seneusement amoureux, yuand l'on dit : Deui m adjutorium meum xntcndc, il 'aut penser que Nostre Seigneur nous dit réciproquement : Et vous, soyez attentifs à moy <"> Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles durent à l'Office employent ftdellement ce talent «elon le bon plaisir de Dieu, qui Ir leur a donné potir les ayder à se retenir recueillies par le moyen des bonnet affections qu elles en pourront tirer *•♦ que celles qui  (nj li m4 '4*..' ; »« \.M* •< \.oàL) (n) à — tx*nti «m njr M > «« CoU.)  346 Les vrays Entretiens spirituels n'y entendent rien se tiennent simplement attentives à Dieu, ou bien qu'elles fassent des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses. Il faut aussi considérer que nous faisons le mesme ofiice que les Anges, quoy qu'en divers langage, et que nous sommes devant le mesme Dieu devant lequel les Anges tremblent. Et tout ainsi qu'un homme qui parleroit à un roy se rendroit fort attentif, craignant de faire quelque faute ; que si nonobstant tout son soin il luy advenoit d'en faire, il rougiroit incontinent, tout de mesme en devons-nous faire à l'Office, nous tenant dessus nos gardes, crainte de faillir. Il est encor requis d'avoir attention de bien prononcer et dire selon qu'il est ordonné, sur tout au commencement. Que s'il nous arrive d'y faire quelque manquement, il faut s'en humiUer sans s'en estonner, puisque ce n'est pas chose est range, et que nous en faisons bien (p) ailleurs. Mais s'il nous arrive d'en faire plusieurs, et que cela continue, il y a de l'apparence que nous n'avons pas conceu un vray desplaisir de nostre première faute ; et c'est ceste négligence qui nous devroit apporter beaucoup de confusion, non pas à cause de la présence de la Supé- rieure, mais pour le respect de celle de Dieu qui nous est présent, et de ses Anges. Or, c'est presque une règle générale, que quand nous faisons si souvent une mesme faute, c'est signe qu'on manque d'affection de s'en amender ; et si c'est une chose de laquelle on nous ayt souventefois adverties, il y a de l'apparence que l'on néglige (q) l'advertissement. En après, il ne faut pas avoir du scrupule de laisser en tout un Office deux ou trois versets par mesgarde, pourveu que Ton ne le fist à dessein. Que si vous dormez  (p) à l'Office, — car la principale attention que nous devons avoir est de bien prononcer et de nous tenir dessus nos gardes, de crainte de faillir. Et s'il nous arrive de faire quelque faute, ij faut s'en humilier sans s'en estonner, puisqu'il ne doit pas estre estrange que nous fassions quelques défauts là, en faisant tant (Ms. et Coll.) (q) mesprise (Ms. et Coll.)  XVIII. Des Sacrbuens 347 le long d'une bonne partie de l'Office, encor que vous disiez les versets de vostre chœur, vous estes obligée de le redire ; mais quand l'on fait des choses qui sont nécessaires d'estre faites en l'Office, comme de tousser ou cracher, ou bien que la maistresse des cérémonies parle pour ce qui est de l'Ofhce, alors on n'est pomt obhgé de le redire. (I) :ir« m iiiwliii riatrvtkn âam W \l% < t Un»  348 Les vrays Entretiens spirituels faut beaucoup de méthode pour la bien faire, et s'em- pressent pour trouver un certain art qu'il leur semble estre neces^^aire de sçavoir, ne cessant jamais de subti- liser et pointiller autour de leur oraison pour voir comme ils la font ou comme ils la pourront faire à leur gré ; et pensent qu'il ne faille tousser ni se remuer durant icelle, de crainte que l'Esprit de Dieu ne se retire : folie certes très grande, comme si l'Esprit de Dieu estoit si délicat qu'il dépendist de la méthode et contenance de ceux qui font l'oraison. Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des méthodes qui sont remarquées ; mais l'on ne s'y doit pas attacher, comme font ceux qui pensent n'avoir jamais bien fait leurs oraisons s'ils ne font leurs considérations devant les affections que Nostre Seigneur leur donne, qui est pourtant la. fin pour laquelle nous faisons les considérations. Telles personnes ressemblent à ceux qui se trouvant au lieu où ils prétendent d'aller, s'en retournent parce qu'ils n'y sont pas venus par le chemin que l'on leur a enseigné. Il est neantmoins requis de se tenir en grande révé- rence parlant à la divine Majesté, puisque les Anges, qui sont si purs, tremblent en sa présence. Mais, mon Dieu, diront quelques-unes, je ne puis pas tous jours avoir ce sentiment de la présence de Dieu qui cause une si grande humiliation à l'ame, ni ceste révérence sen- sible qui me fait anéantir si doucement et agréablement devant Dieu. Or, ce n'est pas aussi de celle-là que j'entens parler, ains de celle qui fait que la partie suprême et la pointe de nostre esprit se tient basse et en humilité devant Dieu, en recognoissance de son infinie grandeur et de nostre profonde petitesse et indignité. Il faut aussi avoir une grande détermination de n'aban- donner jamais l'oraison, pour aucune difficulté qui s'y puisse rencontrer, et n'y aller avec aucune préoccu- pation de désirs d'y estre consolée et satisfaite ; car cela ne seroit pas rendre nostre volonté unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'orai- son nous soyons résolus de souffrir la peine des conti- nuelles distractions, sécheresse et dégoust qui nous y  XVIII Des Sacremens 349 surviendront, demeurans aussi constantes que si nous y avions eu beaucoup de consolation et de tranquillité ; puisque c'est une chose certaine que nostre oraison ne sera pas moins agréable à Dieu, ni à nous moins utile pt^ur estre faite avec plus de difficulté. Car pour\'eu que nous ajustions tousjours nostre volonté avec celle de la divine Majesté, demeurans dans une simple attente et disposition pour recevoir les evenemean de son bon plaisir avec amour, soit en l'oraison ou es autres occur- rences, il fera que toutes choses nous seront profitables et agréables aux yeux de sa dixine Bonté. Ce sera donc bien faire l'oraison, mes chères filles, que de se tenir en paix et tranquillité auprès de Nostre Seigneur, ou à sa veué, sans autre désir ni prétention que d'estre avec luy et de le contenter. La première méthode doncques pour s'entretenir à l'oraison, c'est de porter quelque poinct, comme les mystères de la Mort. Vie et Passion de Nostre Seigneur, lesquels sont les plus utiles ; et c'est une chose fort rare que l'on ne puisse profiter sur la considération de ce que Nostre Seigneur a fait. C'est le .MaLstre souverain que le Fere éternel a envoyé au monde pour nous ensei- gner ce que nous devions faire ; et partant, outre l'obli- gation que nous avons de nous former sur ce di\nn Modelle, nous devons grandement estre exactes à consi- dérer SCS actions pour les imiter, parce que c'est l'une des plus excellentes intentions que nous puissions avoir pour tout ce que nous faisons que de les faire parce que V trc Seigneur les a faites ; c'est à dire, pratiquer les vertus parce que nostre Perc les a pratiquées et comme il les a pratiquées. Ce que pour bien comprendre, il les faut fidèlement peser, voir et considérer en l'oraison : rar l'enfant qui ayme bien son père a une grande aftev- tion de 9e rendre conforme à ses humeurs et l'imiter en tout ce qu'il fait. Il est vray ce que vous dites, qu'il y a des ainet lescjuelh-s ne peuvent »'arrester ni occuper leurs espnts sur aucun mystère, estant attirées à certaine toute dfMice qui 1rs tient en grande tranquilhtc  350 Les vrays Entretiens spirituels Dieu, sans autre considération que de sçavoir qu'elles sont devant luy et qu'il est tout leur bien. Elles peuvent demeurer ainsi utilement, cela est bon ; mais généralement parlant, il faut faire que toutes les filles commencent par la méthode d'oraison qui est la plus seure, et qui porte à la reformation de vie et change- ment de mœurs, qui est celle que nous disons qui se fait autour des mystères de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur : on y marche en asseurance. Il se faut donc appliquer tout à la bonne foy autour de nostre Maistre, pour apprendre ce qu'il veut que nous fassions. Et mesme, celles qui se peuvent servir de l'imagination le doivent faire, mais il en faut user sobrement, fort simplement et courtement. Les saints Pères ont laissé plusieurs considérations pieuses et dévotes desquelles l'on peut se servir pour ce sujet ; car puisque ces saints et grands personnages les ont bien faites, qui n'osera s'en servir, et qui osera refuser de croire pieusement ce que tres-pieusement ils ont creu ? Il faut aller asseu- rément après ces personnages de telle authorité. Mais l'on ne s'est pas contenté de ce qu'ils ont laissé, ains plusieurs personnes ont fait quantité d'autres imagina- tions ; et c'est de celles-là dont il ne se faut pas servir à la méditation, d'autant que cela peut prejudicier. Nous devons faire nos resolutions en la ferveur de • Maiach., uit., 2. l'oraisou, lors que le Soleil de justice^ nous esclaire et nous incite par son inspiration. Je ne veux pas dire qu'il faille avoir des grands sentimens et consolations pour cela, bien que quand Dieu nous les donne, nous soyons obligés d'en faire nostre profit et correspondre à son amour Mais quand il ne nous les donne pas il ne faut pas manquer de fidélité, ains vivre selon la raison et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie supérieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en pratique pour aucune sécheresse, répugnance ou contradiction qui se puisse présenter. Voila quant à la première façon de méditer, que plusieurs grands Saints ont pratiquée comme très-bonne, quand elle est faite comme il faut.  XVIII. Des Sacremens 351 La seconde manière de méditer est de ne point faire d'imagination, mais de se tenir au pied de la lettre, c'est à dire méditer purement et «simplement l'Evangile et les mystères de nostre foy, s'entretenant familière- ment et tout simplement avec Nostre Seigneur de ce qu'il a fait et souffert pour nous, sans aucune représen- tation. Or ceste façon icy est bien plus haute et meilleure que la première, et si, elle est plus sainte et plus asseurée ; c'est pourquoy il s'y faut porter facilement. pour peu d'attrait que l'on y ayt, observant en tout degré d'oraison de tenir son esprit dans une sainte liberté pour suivre les lumières et mouvemens que Dieu nous y donnera. Mais f)our les autres manières d'oraison plus relevée, sinon que Dieu les donne absolument, je vous prie que Ton ne s'y ingère point de soy-mesmc et sans l 'ad vis de ceux qui conduisent.  DIX-NEUFVIESME ENTRETIEN  SUR LES VERTUS DE SAINT JOSEPH (a)  • Ps. xci, 13. Le juste est fait semblable à la palme*, ainsi que la sainte Eglise nous fait chanter en chaque feste des saints Confesseurs ; mais comme le palmier a une très- grande variété de propriétés particulières au dessus de tous les autres arbres, comme estant le prince et le roy des arbres tant pour la beauté que pour la bonté de son fruict, de mesme il y a une très-grande variété de justice. Bien que tous les justes soyent justes et égaux en justice, neantmoins il y a une grande (b) disproportion entre les actes particuliers de leur justice ; ainsi que représente la robe de l'ancien Joseph, laquelle estoit longue jusques • Gen., XXXVII, 3, aux talous, rccamée d'une belle variété de fleurs *. Chaque juste a la robe de la justice qui luy bat jusques •is., Lxi, 10 ; Bar., aux talons*, c'cst à dire, toutes les facultés et puissances V, 2. de l'ame sont couvertes de justice, et l'intérieur et l'exté- rieur ne représentent que la justice mesme, estant justes en tous leurs mouvemens et actions tant intérieures qu'extérieures. Mais pourtant, si faut-il confesser que chaque robe est recamée de diverses belles variétés de fleurs, dont l'inégalité ne les rend pas moins agréables ni moins recommandables. Le grand saint Paul hermite fut juste d'une justice tres-par faite, et si neantmoins nul  (a) PREDICATION DE NOSTRE BIEN-HEUREUX PERE POUR LE JOUR DE SAINT JOSEPH (b) soyent justes, — neantmoins il y a une trcs -grande  XIX. Des Verti *• de saint Tô«ippn 353 ne peut douter qu'il n'exerça jamais tant de charité envers le^ pauvres comme saint Jean qui fut pour '•ela appelle rAumosnier. ni n'eut jamais les occasions de pratiquer la magnificence ; et partant, il n'avoit pas ceste vertu en un si haut degrë que plusieurs autres Saints, il avoit toute< les vertus, mais non pas en un si haut degré les unes que les autres. Les Saints ont excellé, les uns en une vertu, les autres en une autre ; et si bien ils sont tous sauvés, ils le sont néant moins tres-diffe- remment, y ayant autant de différentes saintetés comme il y a de Saints ^^K Cela estant donc ainsi présupposé, je remarque trois propriétés particulières qu'a '" la palme, entre toutes les autres qui «^ont en très-grand nombre, lesquelles propriétés conviennent mieux au Saint dont nous celé brons la feste, qui est, ainsi que la sainte £glise nous fait dire, semblable à la pilme. O quel Saint est le glorieux saint Joseph ! 11 n'est pas seulement Patriar^'he, ains le coryphée ^«^ de tous les Patriarches ; il n'est pas simi)l(inent Confes.seur. mais plus que Confesseur, car dans sa confession sont encloses les dignités des Eves- ques. la générosité des Martyrs et de tous les autres Saints. C'est donc à juste raison qu'il e^t accomparé à la palme, qui e<;t le roy des arbres, et lequel a la propriété de la virginité, celle de l'hunulité et celle de la constance et vaillance, trois vertus csquelles le glori^^ux saint Jos^'ph a grandement excellé ; et si l'on osoit faire des con^j)a- raisons, il y en auroit plusieurs qui maint iendroyent qu'il surpasse tous les autres Saints en ces trois vertus. Entre les palmes, se trouve le masle et la femelle. Le Imier. qui est le masle. ne porte point de fruict, et si neantmoins il n'est pas infructueux, car la palme femelle ne porteroit point de fruict sans luy et sans son aspect ;  (e) ih MMl lo«« — Mlau. Û% V» «ool iiiMiImniM dtfl.ii::»mt. y aysAl dc« tliflcr«nlr« MinUtM. et tout auUnt qu'il y « d« S«iot» au OêL (d) C«la «AtAOt dooc «iaaé, pour m'Ialroduâr* mm om» mi|M i» troét pffopcWté* pft lcitM iWt «1 {9) panajrmplM «S  354  Les vrays Entretiens spirituels  de sorte que si la palme femelle n'est plantée auprès du palmier masle, et qu'elle ne soit regardée de luy, elle demeure infructueuse et ne porte point de dattes, qui est son fruict ; et si, au contraire, elle est regardée du palmier et est à son aspect, elle porte quantité de • Cf. Piin., Hist. fruicts*. Elle produit, mais pourtant elle produit virgi- nat.(i. XIII, c. VII, nalement, car elle n'est nullement touchée du palmier : si al. IV), cum notis n • variorum. bien elle en est regardée, il ne se fait nulle union entre eux deux, si qu'elle produit son fruict à l'ombre et à l'aspect de son palmier, mais c'est tout purement et virginalement. Le palmier ne contribue nullement de sa substance pour ceste production ; neantmoins, nul ne peut dire qu'il n'ayt grand part au fruict de la palme femelle, puisque sans luy elle n'en porteroit point et demeureroit stérile et infructueuse. Dieu ayant destiné (f) de toute éternité, en sa divine •is., VII, 14. providence, qu'une Vierge concevroit un Fils * qui seroit Dieu et homme tout ensemble, voulut neantmoins que ceste Vierge fust mariée. Mais, ô Dieu ! pour quelle raison, disent les saints Docteurs, ordonna-t'il deux cho- ses si différentes, estre vierge et mariée tout ensemble ? La pluspart des Pères disent que ce fut pour empescher que Nostre Dame ne fust calomniée des Juifs, lesquels n'eussent point voulu exempter Nostre Dame de calom- nie et d'opprobre, et se fussent rendus examinateurs de sa pureté ; et que, pour conserver ceste pureté et ceste virginité, il fut besoin que la divine Providence la com- mist à 1? charge et e^i la garde d'un homme qui fust vierge, et que ceste Vierge conceust et enfantast ce doux • Gant., II, 3. fruict de vie, Nostre Seigneur, sous l'ombre du saint mariage *. Saint Joseph donc fut comme un palmier, lequel ne portant peint de fruict n'est pas toutefois infructueux, ains a beaucoup de part au fruict de la palme femelle ; non que saint Joseph eust contribué aucune chose pour ceste sainte et glorieuse production, sinon la seule ombre du mariage, qui empeschoit Nostre  {f) déterminé  XIX. Des Vkrtus de saint Joseph ^55 Dame et glorieuse Maistresse de toutes sortes de calom- nies et des censures que sa grossesse luy eust apportées. Et si bien il n'y contribua rien du sien, il eut néant- moins une grande part en ce fruict tres-saint de son Espouse sacrée ; car elle luy appartenoit et estoit plantée tout auprès de luy comme une glorieuse palme auprès de son bien-a>'mé palmier, laquelle, selon l'ordre de la divine Providence, ne pouvoit et ne devoit produire sinon sous son ombre et à son aspect ; je veux dire sous l'ombre du saint mariage qu'ils avoyent contracté ensemble, mariage qui n'estoit point selon l'ordinaire, tant pour la communication des biens extérieur^ comme pour l'union et conjonction des biens intérieurs O quelle divine union entre Nostre Dame et le glo- rieux saint Joseph ! union qui faisoit que ce Bien des biens éternels, qui est Nostre Seigneur, fust et appartinst à saint Joseph ainsi qu'il appartenoit à Nostre Dame ; non selon la nature qu'il avoit pris dans les entrailles de nostre glorieiuse Maistresse, nature qui avoit esté formée par le Saint Esprit du tres-pur sang de Nostre Dame, ains selon la grâce, laquelle le rendoit participant de tous les biens de sa chère Espouse, et laquelle faisoit qu'il alloit merveilleusement croissant en perfection ; et c'est '*' par la communication continuelle qu'il avoit avec Nostre Dame, qui f)ossedoit toutes les vertus en un si haut degré que nulle autre pure créature n'y sçauroit parvenir ; néant moins le glorieux saint Joseph estoit celuy qui en approchoit davantage. Et tout ainsi comme l'on void un miroir opposé aux rayons du soleil recevoir ses rayons tres-parfaitement, et un autre miroir estant mis vis à vis de celuy qui les reçoit, bien que le dernier miroir ne prenne ou reçoive les rayons du soleil que par réverbération, les représente pourtant si nalfvcment que l'on ne pourroit presque |>as juger lequel c'est qui  («1 #f /« f/ori/af MiNf yof#pA/ — > h ^nl dv Il «a pvftctkNi ; t et  356 Les vrays Entretiens spirituels les reçoit immédiatement du soleil, ou celuy qui est opposé au soleil, ou celuy qui ne les reçoit que par réver- bération C'^) ; de mesme en estoit-il de Nostre Dame, laquelle [était] comme un tres-pur miroir opposé aux • Maiach., uit.. 2. raj^oiis du Soleil de justice"^, rayons qui apportoyent en son ame toutes les vertus en leur perfection, perfec- tions et vertus qui faisoyent une réverbération si parfaite en saint Joseph, qu'il sembloit presque qu'il fust aussi parfait ou qu'il eust les vertus en un si haut degré comme les a voit la glorieuse Vierge nostre Maistresse. Mais en particulier, pour nous tenir en nostre propos commencé, en quel degré pensons-nous qu'il eust la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables • Matt., XXII 30 ; q^x Auges * ? Si la tres-sainte Vierge ne fut pas seule- ment Vierge toute pure et toute blanche, ains (comme chante la sainte Eglise aux respons des leçons des Matines, « Sainte et immaculée virginité, » etc.) elle estoit la virginité mesme, combien pensons-nous que celuy qui fut commis de la part du Père éternel pour gardien de sa virginité, ou pour mieux dire, pour com- pagnon, puisqu'elle n'avoit pas besoin d'estre gardée d'autre que d'elle-mesme, combien, dis-je, devoit-il estre grand en ceste vertu ? Ils avoyent fait vœu tous deux de garder virginité tout le temps de leur vie, et voila que Dieu veut qu'ils soyent unis par le lien d'un saint ma- riage, non pas pour les faire dédire ni se repentir de leur vœu, ains pour les reconfirmer et se fortifier l'un l'autre de persévérer en leur sainte entreprise ; c'est pourquoy ils le firent encores de vivre virginalement ensemble tout le reste de leur vie. • Cap. uit,, 8, 9. L'Espoux, au Cantique des Cantiques *, use de termes admirables pour descrire la pudeur, la chasteté et la candeur tres-innocente de ses divins amours avec sa chère Espouse bien-aymée. Il dit donc ainsi : Nostre sœur, ceste petite fillette, helas, qu'elle est petite !  (h) du soleil, — ou celuy qui les reçoit par réverbération, ou celuy qui les reçoit le premier  XIX. Des Vertus de saint JosEra 357 elle n'a point de mammelles : que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler ? Que si c'est un mur (^), faisons-luy des boulevars d'argent, et si c'est une porte, il la nous faut renforcer et doubler d'ais de cèdre ou de quelque bois incorruptible. Voicy comme ce divin Espoux parle de la pureté de la tr'*s-sainte Vierge, de l'Eglise, ou de lame dévote ; mais principalement cecy s'adresse à la tres-sainte Vierge, qui fut ceste diNnne Sulamite par excellence au dessus de toutes les autres. Nostre saur elle est petite, elle n'a point de mam- melles, c'est à dire, elle '^^ ne pense point au mariage, car elle n'a ni sein ni soin pour cela : que luy ferons^ nous au jour qu'il luy faudra parler ? Qu'est-ce à dire cela : au jour qu'il luy faudra parler ? le divm Espoux ne luy parle-t'il pas tousjours quand il luy plaist ? Au jour qu'il luy faudra parler, cela veut dire, de la parole principale, qui est quand on parle aux filles de les marier ; d'autant que c'est une parole d'importance, puiscju'il y va du choix et de l'élection d'une vocation et d'un estât auquel il faut par après demeurer. Que si c'est, dit le sacré Espoux, un mur, faisons-luy des boulevars d'argent ; si c'est une porte, au contraire que nous la veuillions enfoncer, nous la doublerons ou renforcerons dais de cèdre, qui est un bois incorruptible. La tres-glorieuse Vierge cstoit une tour ^ et des •Cml. nr. 4. vu. 4. murailles bien hautes dans l'enclos desquelles lennemy ne pouvoit nullement i'*' entrer, ni nulle sorte de destn autres que de vivre en parfaite pureté et virginité. Que luy ferons-nous ? car elle doit estre mariée, Celuy qui luy a donné ccste resolution de la virgiiuté l'ayant ainsi  (IJ Uf»r /nnf (|) bott tmcofrmptiblt. - Voy«« oomoM W divin Eêçttax p«rW à tous ceux qu'ils ren- contrent. En quoy ils courent la mesme risque que les arbres qui sont prompts au printemps de jetter leurs fleurs, comme >ont les amandiers ; car si d'aventure la gelée les surprend, ils périssent et ne portent point de fruict. Ces hommes mondains qui sont si légers à faire espa- nouir leurs fleurs au printemps de ceste vie mortelle, par un esprit d'orgueil et d'ambition, courent tous^ours fortune d'estre pris par la gelée qui leur fait perdre les fruicts de leurs actions Au contraire, les justes tiennent tousjours toutes leurs fleurs resserrées dans l'estuy de la tres-sainte humihté, et ne les font point paroistre, tant qu'ils jx^uvent, jusques aux grosses chaleurs W, lors que Dieu, ce divin Soleil de justice^, viendra à rëchauf- • MaUcù . uil, 1. fer puissamment leurs cœurs en la vie étemelle, où ils pcjrttTunt .\ jamais le doux fruict de la félicité et de l'immortalité. 1^ palme ne laisse point voir ses fleurs jusques à tant que l'ardeur véhémente du soleil vienne à faire fendre st^ gaines, estuis ou bourses dans lesquelles elles sont encloses, après quoy, soudain elle fait voir son fruict. De mesme en fait l'ame juste, car rllc tient cachées ses fleurs, c'est à dire ses vertus, sous le voile de la tres-sainte humilité jusques à la mort, en laquelle Nostrc Seigneur les fait esclorre et les laisse paroistre au dehors, d'autant que les fruicts ne doivent pas tarder h paruistrr O combien ce grand Saint dont nous parlons fut fidclc en cecy ! il ne se peut dire selon sa perfection, car nonobstant ce qu'il estoit. en quelle pauvreté et en quelle abjection ne vescut-il pas tout le temps de sa vie ; pauvreté et abjection sous laquelle il tenoit cachées  (m) p«roétti« (a) tk4tUm9% — d« U vto  ^5o Les vrays Entretiens spirituels et couvertes ses grandes vertus et dignités. Mais quelles dio-nités, mon Dieu ! estre gouverneur de Nostre Sei- gneur, et non seulement cela, mais estre encor son Père putatif, mais estre Espoux de sa tres-sainte Mère ! vrayement je ne doute nullement que les Anges ravis d'admiration, ne vinssent troupes à troupes le con- sidérer et admirer son humilité, lors qu'il tenoit ce cher Enfant dans sa pauvre boutique, où il travailloit de son mestier pour nourrir et le Fils et la Mère qui luy estoyent commis. Il n'y a point de doute, mes chères Sœurs, que saint Joseph ne fust plus vaillant que David et n'eust plus de sagesse que Salomon ; neantmoins, le voyant réduit en l'exercice de la charpenterie, qui («) eust peu juger cela s'il n'eust esté esclairé de la lumière céleste, tant il tenoit resserrés tous les dons signalés dont Dieu l'avoit gratifié ? Mais quelle sagesse n'avoit-il pas, puisque Dieu luy don- noit en charge son Fils tres-glorieux et qu'il estoit choisi pour estre son gouverneur ? Si les princes de la terre ont tant de soin, comme estant une chose très-importante, de donner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfans, puisque Dieu pouvoit faire (p) que le gouverneur de son Fils fust le plus accompli homme du monde en toutes sortes de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui estoit son Fils tres-glorieux, Prince universel du ciel et de la terre, comment se pour- roit-il faire que l'ayant peu il ne Tayt voulu et ne l'ayt fait ? Il n'y a donc nul doute que saint Joseph n'ayt esté doiié de toutes les grâces et de tous les dons que meritoit la charge que le Père éternel luy vouloit donner, de l'œconomie temporelle et domestique de Nostre Seigneur et de la conduite de sa famille, qui n'estoit composée que de trois, qui nous représentent le mystère de la tres-sainte et tres-adorable Trinité. Non qu'il y ayt de la  io) que Salomon — et que les autres quels qu'ils fussent ; et neantmoins, le voila réduit à l'exercice de la charpenterie. Qui (p) à leurs enfans, — h^, pensons-nous que Dieu ne fist pas  XIX Des Vertus de saint Joseph 361 comparaison, sinon en ce qui regarde Nostre Seigneur, qui est l'une des Personnes de la tres-sainte Trinité, car quant aux autres ce sont des créatures ; mais pourtant nous pouvons dire ainsi, que c'est une trinitë en terre qui représente en quelque façon la tres-samte Trinité. Marie, Jésus et Joseph ; Joseph, Jésus et Marie ; trinité merveil- leusement recommandable et digne d'estre honnorée. Vous entendez donc combien la dignité de saint Joseph estoit relevée, et combien il estoit rempH de toutes sortes de vertus ; neantmoin^s, vous voyez (*î> d'ailleurs combien il estoit rabaissé, et humilié plus qu'il ne se peut dire m imaginer. Ce seul exemple suffit pour le bien entendre : il s'en va en son pais et en sa ville de Bethlehem. et nul n'est rejette de tous les logis que luy, au moins que l'on sçache ; si qu'il fut contraint de se retirer et conduire sa chaste Espouse dans un estable, parmi les bœufs et les asnes •. O en quelle extrémité • Luc», 11. 4-7. estoit réduite son abjection et son humilité î Son humi- Uté fut la cause, ainsi que l'exphque saint Bernard •, * ""*"»!** »• *«p*^ qu'il voulut quitter Nostre Dame quand il la vid en- ceinte • ; car siiint Bernard dit qu'il lit ce discours en • Mjtt . 1. 19. soy-mesme : Et qu'est cecy ? Je sçay qu'elle est vierge. car nous avons fait un vœu par ensemble de garder nostre virginité et pureté, à quoy elle ne voudroit aucu- nement manquer ; d'ailleurs je voy qu'elle est enceinte et qu'elle est mère : comment se peut faire que la ma- ternité se trouve en la virginité, et que Li virginité n'empesche point la maternité ? O Dieu ! dit -il en soy- racsme, ne scroit-ce point peut cstre ccste glorieuse Vierge dont les Prophètes asseiu'ent qu'elle concevra et sera Mère du Messie • ? O si cela est. à Dieu ne plaise • i»., vti, •«. que je demeure avec elle, moy qui en suis si indigne. Mieux vaut que je l'abandonne secrettement à cause de mon mdignité, et que je n'habite )>oint davantage en sa compagnie. S<*ntiment d'une humilité admirable, et laquell«* ht escrier s«iint Pierre dans la n.icelle où il  (q) »#«• — vov» touviandrrc  ^(52 Les vrays Entretiens spirituels estoit avec Nostre Seigneur, lors qu'il vid sa toute-puis- sance manifestée en la grande prise qu'il fit de poissons, au seul commandement qu'il leur avoit fait de jetter les filets dans la mer : Seigneur, dit-il, tout trans- porté d'un semblable sentiment d'humilité que saint Joseph, retire-toy de moy, car je suis un homme • Luca, V, 3-8. pecheur"^, et partant ne suis pas digne d'estre avec toy. Je sçay bien, vouloit-il dire, que si je me jette en la mer, je periray ; mais toy, qui es tout-puissant, mar- cheras sur les eaux sans danger (^) ; c'est pourquoy je te suppHe de te retirer de moy, et non pas que je me retire de toy. Mais si saint Joseph estoit soigneux de tenir resserrées ses vertus sous l'abri de la tres-sainte humilité, il avoit un soin très -particulier de cacher la pretieuse perle de sa virginité ; c'est pourquoy il consentit d'estre marié, à fin que personne ne la peust cognoistre, et que dessous le saint voile du mariage il peust vivre plus à couvert. Sur quoy les vierges et celles ou ceux qui veulent vivre chastement sont enseignés qu'il ne leur suffit pas d'estre vierges s'ils ne sont humbles, et s'ils ne resserrent leur pureté dans la boite pretieuse de l'humilité ; car autre- ment il leur arrivera tout ainsi qu'aux folles vierges, lesquelles, faute d'humilité et de charité miséricordieuse, •Matt., XXV, 7-12. furent rechassées des noces de TEspoux *, et partant furent contraintes d'aller aux noces du monde, où l'on n'observe pas le conseil de l'Espoux céleste qui dit qu'il faut estre humble pour entrer aux noces, je veux dire • Luc», XIV, 8, 10. qu'il faut pratiquer l'humilité : car, dit-il*, allant aux noces, ou estant invité aux noces, prenez la der- nière place. En quoy nous voyons combien l'humilité est nécessaire pour la conservation de la virginité, puis- qu'indubitablement aucun ne sera du céleste banquet et du festin nuptial que Dieu prépare aux vierges en la céleste demeure, sinon entant qu'il sera accompagné de ceste vertu.  (r) marcheras — sans danger à pied sec sur les ondes  XIX Des \ ertis Dt saint Joseph ?6^ L'on ne lient pas les choses pretieuses, sur tout les onguens odoriferans, à l'air ; car, outre que ces odeurs viendroyent à s'exhaler, les mousches les gasteroyent et feroyent perdre leur prix et leur valeur*. De mesme, • Ecck»., x. i. les âmes justes craignant de perdre le prix et la valeur de leurs bonnes œuvres, les resserrent ordinairement dans une boite ; mais non dans une boite commune, non plus que les onguens pretieux, ains dans une boite d'albastre, telle que celle que sainte Magdelaine res- pandit ou vuida sur le chej sacré de Nostre Seigneur • • Matt., xxyi, 7. lors qu'il la restablit en la virginité non essentielle mais reparée, laquelle est quelquefois plus excellente, estant acquise et restablie par la pénitence, que non pas celle qui n'ayant p>oint receu de tare est accompagnée de moins d'humilité. Cette boite d'albastre ebt donques l'humilité, dans laquelle nous devons, à l'imitation de Nostre Dame et de saint Joseph, resserrer nos vertus et tout ce (jui nous peut faire estimer des hommes, nous contentans de plaire à Dieu et demeurans <*) sous le voile sacré de l'abjection de nous-mesmes, atten dans, ainsi que nous avons dit. que Dieu venant pour nous retirer au heu de seureté, qui est la gloire, fasse luy-mesme paroistre nos vertus pour son honneur et gloire. Mais quelle plus parfaite humilité se peut-il imaginer que celle de saint Joseph ? Je laisse à part celle de Nostre Dame, car nous avons desja dit que saint Joseph rece- voit un grand accroissement en toutes les vertus par forme de réverbération que celles de la tres-siintc Vierge faisoyent en luy. Il a une tres-grandc part en ce thresor divin qu'il avoit chez luy, qui est Nostre Sei- gneur et nostre Maistre, et cependant il se tient si rabaissé et humilié qu'il ne semble point qu'il y ayt de part ; et toutefois il luy appartient plus qu'à nul autre après la tres-saintc Vit-rgr. et nul n'en peut douter, puisqu'il côtoit de sa famille et 'e FiU d*» «^on Espotue  (•> «  ^54 Les vrays Entretiens spirituels qui luy appartenoit. J'ay accoustumé de dire, que si une colombe (pour rendre la comparaison plus conforme à la pureté des Saints dont je parle) portoit en son bec une datte laquelle elle laissast tomber dans un jardin, diroit-on pas que le palmier qui en viendroit appar- tient (t) à celuy à qui est le jardin ? Or, si cela est ainsi, qui pourra douter que le Saint Esprit ayant laissé tom- ber ceste divine datte, comme un divin Colombeau, dans le jardin clos et fermé de la tres-sainte Vierge, jardin • cant., IV. 12. scellé*, et environné de toutes parts des hayes du saint vœu de virginité et chasteté toute immaculée, lequel appartenoit au glorieux saint Joseph comme la femme ou l'espouse à l'espoux, qui doutera, dis-je, ou qui pourra dire que ce divin palmier qui porte des fruicts qui nour- rissent à l'immortalité, n'appartienne quant et quant à ce grand saint Joseph, lequel pourtant ne s'en esleve point davantage, n'en devient point plus superbe, (") ains en devient tousjours plus humble ? O Dieu, qu'il faisoit bon voir la révérence et le respect avec lequel il trait toit tant avec la Mère qu'avec le Fils ! S'il avoit bien voulu quitter la Mère, ne sçachant encor tout à fait la grandeur de sa dignité, en quelle admiration et profond anéantissement estoit-il par après, quand il se voyoit estre tant honnoré que Xostre Seigneur et Nostre Dame se rendissent obeis- sans à ses volontés et ne fissent rien que par son com- mandement ! Cecy est une chose qui ne se peut compren- dre ; c'est pourquoy il nous faut passer à la troisiesme propriété que je remarque estre en la palme, qui (v) est  (t) qui luy appartenait. — Si un oyseau, une colombe (pour prendre la comparaisfjn plus conforme à la pureté des Saints dont nous parlons), si une colombe donc, portoit en son bec une datte laquelle elle laissast tomber dans un jardin, l'on ne diroit pas que le palmier qui en viendroit fust à la colombe qui auroit laissé cheoir la datte, ains ce palmier appartiendroit (u) ne s'en — estonne point, n'en devient point plus superbe ni ne s'en estime point davantage, (v) passer — ce point, puisque tout ce que nous pourrions dire de l'humilité de ce glorieux Saint ne seroit rien en comparaison de ce que nous en lairrions à dire. La troisiesme vertu ou propriété que je remarque estre en la palme  XIX. Des Vertus de saint Joskwi 365 la vaillance, constance et force, vertus qui se sont trouvées en un degré fort eminent en nostre Saint La palme, elle a une force et une vaillance et incMnc une constance très-grande au dessus de tous les autres arbres ; aussi est-elle le premier de tous. La palme monstre sa force et sa constance en ce que, plus elle est chargée, et plus elle monte en haut et devient plus haute ; ce qui est tout contraire non seulement aux autres arbres mais à toutes autres choses, car plus l'on est chargé, et plus l'on s'abaisse contre terre. Mais la palme monstre sa force et sa constance en ne se sous- mettant ni abaissant jamais pour aucune charge que l'on mette sur elle ; car c'est son instinct de monter en haut, et partant elle le fait sans que l'on l'en puisse empescher. Elle monstre sa vaillance en ce que ses feuilles sont faites comme des espées. et semble en avoir autant pour batailler, comme elle porte de feuilles. C'est certes à très-juste raison que saint Joseph est dit ressembler à la palme ; car il fut tousjours fort, vaillant, constant et persévérant. Il y a beaucoup de différence entre la constance et la persévérance, la force et la vaillance. Nous appi'llons un homme constant, lequel se tient ferme et préparé à souffrir les assauts de ses ennemis, sans s'estonner ni perdre courage durant le combat ; mais la persévérance regarde principalement un certain ennuy intérieur qui nous arrive en la lon- gueur de nos peines, qui est un ennemy aussi puissant que l'on en puisse rencontrer. Or, la persévérance fait que l'homme mesprise cest ennemy en telle sorte qu'il en demeure victorieux, par une continuelle égalité et sous- mission à la volonté de Dieu. La force, c'est ce qui fait que l'homme rt^sistc puissamment aux attaques de ses ennemie ; mais la vaillance est une vertu qui fait que l'on ne se tient pas seulement prest pour combattre ni pour résister quand l'occasion s'en preM*nte, mais que l'on attaque l'ennemy à l'heure mesme qu'il ne dit mot <■>.  fw) fmUl — r pmm lo moént.  366 Les vrays Entretiens spirituels Or, nostre glorieux saint Joseph fut doué de toutes ces vertus, et les exerça merveilleusement bien. Pour ce qui est de sa constance, combien je vous prie, la fit-il paroistre lors que voyant Nostre Dame enceinte, et ne sçachant point comment cela se pou voit faire, mon Dieu, quelle détresse, quel ennuy, quelle peine (^) d'es- prit n'avoit-il pas ? Neantmoins il ne se plaint point, il n'en est point plus rude ni plus mal gratieux envers son Espouse, il ne la maltraitte point pour cela, demeu- rant aussi doux et aussi respectueux en son endroit qu'il souloit estre. Mais quelle vaillance et quelle force ne tesmoigne-t'il pas en la victoire qu'il remporta sur les deux plus grands ennemis de l'homme, le diable et le monde ? et cela par la pratique exacte d'une tres-parfaite humilité, comme nous avons remarqué, en tout le cours de sa vie. Le diable est tellement ennemy de l'humilité, parce que, manque de l'avoir, il fut dechassé du Ciel et • is., XIV. H-15. précipité aux enfers* (comme si l'humilité pou voit mais dequoy il ne l'a pas voulu choisir pour compagne insé- parable), qu'il (y) n'y a invention ni artifice duquel il ne se serve pour faire decheoir l'homme de ceste vertu (^), et d'autant plus qu'il sçait que c'est une vertu qui le rend infiniment agréable à Dieu ; si que nous pouvons bien dire : Vaillant et fort est l'homme qui, comme saint Joseph, persévère en icelle, parce qu'il demeure tout ensemble vainqueur du diable et du monde, qui est rempli d'ambition, de vanité et d'orgueil. Quant à la persévérance, contraire à cest ennemy intérieur qui est l'ennuy qui nous survient en la conti- nuation des choses abjectes, humiliantes, pénibles, des mauvaises fortunes, s'il faut ainsi dire, ou bien es divers accidens qui nous arrivent, ô combien ce Saint fut  (x) quelle détresse, — quelles tranch<^es, quelle confusion (y) parce que, — faute de l'avoir, il fut dechassé du Ciel et précipité aux enfers ; comme si l'humilité estoit la cause de ce qu'il ne la voulut pas choisir pour compagne inséparable. Il (z) de — l'affectionner  XIX. Des Vertu» de saint Joseph 3 ! L'Ange luy commande de partir promptement et de mener Nostre Dame et s'). Si saint Paul * a tant admiré l'obéissance d'Abraliam •Hcb., xi, 8, 9. lors que Dieu luy commanda de sortir de sa terre*, • 0*0.. xii, 1. d'autant que Dieu ne luy dit pas de quel costé il iroit, ni moins Abraham ne luy demanda pas : Seigneur, vous me dites que je sorte, mais dites-moy donc si ce sera par la porte du midy ou du costé de la bise <«*), ains il se mit en chemin, et alloit selon que l'Esprit de Dieu le conduisoit, combien est admirable ceste parfaite obéissance de saint Joseph ! L'Ange ne luy dit point jusques à quand il demcureroit en Eg>'pte, et il ne s'en enquiert pas. Il y demeura l'espace de cinq ans, comme la pluspart croyent. sans qu'il s'informast de s^in retour, s'asseurant que Celuy qui avoit commandé qu'il y alld>t, luy commanderoit derechef quand il s'en faudroit retour- ner, à quoy il estoit tous jours prest d'obéir. Il cstoit en une terre non seulement estranf^ere * , mais ennemie • Het. ubi des IsraéUtes, d'autant que les Egyptiens se rcsscn- toyent encor dequoy ils les avoyent quittés, et avoyent esté cause qu'une grande partie des Eg>'ptiens avoyent  (a*) 4ê% kommê% wtêimêi, — cr vojraiv (rEcrp*** tiotatk l'cti qu ■ "Vlml. r Mniit «o cbamla, y «fBnl tmn sousmis- sion laquelle, comme toutes ses autres vertus, alloit continuellement croissant et se perfectionnant ; ainsi que de Nostre Dame, laquelle gaignoit chaque jour un sur- croist de vertus et de perfections qu'elle prenoit en son Fils tres-saint, lequel ne pouvant croistre en aucune chose, d'autant qu'il fut dés l'instant de sa conception tel qu'il est et sera éternellement •. faisoit que la sainte * Heb., xtu, t. famille en laquelle il estoit alloit tousjours croissant et avançant en perfection, Nostre Dame tirant sa perfection de sa divine Bonté, et saint Joseph la recevant, comme nous avons desja dit, par l'entremise de Nostre Dame. Que nous reste-t'il plus à dire maintenant, sinon que nous ne devons nullement douter que ce glorieux Saint n'ayt beaucoup de crédit dans le Ciel auprès de Ccluy qui l'a tant favorisé que de l'y eslever en corps et en ame ; ce qui est d'autant plus probable que nous n'en avons nulle relique ça bas en terre, et il me semble que nul ne peut douter de ceste vérité ; car. comme eust peu refuser ceste grâce à saint Joseph Ccluy qui luy avoit esté si obéissant tout le tem|>s de sa vie ? Sans doute que Nostre Seigneur descendant au Limlx», fut arraisonné par saint Joseph en ceste sorte : Mon Sei- gneur, ressouvenez- vous, s'il vous plaist. que quand vous vinstes du Ciel en terre je vous rccctis en ma maison, en ma famille, et que dés que vous fustes né je   «4  370 Les vrays Entretiens spirituels VOUS receus entre mes bras. Maintenant que vous devez aller au Ciel, conduisez-moy avec vous : je vous receus en ma famille, recevez-moy maintenant en la vostre, puisque vous y allez. Je vous ay porté entre mes bras, maintenant prenez-moy sur les vostres ; et comme j'ay eu soin de vous nourrir et conduire durant le cours de vostre vie mortelle, prenez soin de moy et de me con- duire en la vie immortelle. Et s'il est vray, ce que nous devons croire, qu'en vertu du tres-saint Sacrement que nous recevons, nos corps ressusciteront au jour du juge- • joan., VI, 55. ment*, comment pourrions-nous douter que Nostre Sei- gneur ne fist monter quant et luy au Ciel, en corps et en ame, le glorieux saint Joseph qui avoit eu l'honneur et la grâce de le porter si souvent entre ses bénits bras, bras auxquels Nostre Seigneur se plaisoit tant ? O com- bien de baisers luy donnoit-il fort tendrement de sa bénite bouche pour recompenser en quelque façon son travail 1 Saint Joseph donc est au Ciel en corps et en ame, c'est sans doute. O combien serons-nous heureux, si nous pouvons mériter d'avoir part en ses saintes inter- cessions ! car rien ne luy sera refusé, ni de Nostre Dame ni de son Fils glorieux. Il nous obtiendra, si nous avons confiance en luy, un saint accroissement en toutes sortes de vertus, mais spécialement en celles que nous avons trouvé qu'il avoit en plus haut degré que toutes autres, qui sont la tres-sainte pureté de corps et d'esprit, la tres-aymable vertu d'humihté, la constance, vaillance et persévérance ; vertus qui nous rendront victorieux en ceste vie de nos ennemis, et qui nous feront mériter la grâce d'aller jouïr en la vie éternelle des recompenses qui sont préparées à ceux qui imiteront l'exemple que saint Joseph leur a donné estant en ceste vie ; recom- pense qui ne sera rien moindre que la félicité éternelle, en laquelle nous jouirons de la claire vision du Père, du Fils et du Saint Esprit. Dieu soit béni.  I  VINGTIESME ENTRETIEN AUQUEL II EST DEMANDÉ QUELLE PRETEKTTOK NOUS DEVONS AVOIR ENTR.\NT EN REUGION (*)  La question que nostre Mcre me fait, de vous décla- rer, mes chères filles, la prétention que l'on doit avoir pour entrer '^^ en Religion, est bien la plus importante, la plus nécessaire et la plus utile qui se puisse faire. Certes, mes chères filles, plusieurs filles entrent en Religion, qui ne sçavent pas pourquoy. Elles viendront en un parloir, elles verront des Religieuses avec un visage serein, tenant bonne mine, bien mode:>tes, fort contentes, elles diront (*^' en elles-mesmes : Mon Dieu, qu'il fait bon là î allons-y ; aussi bien le monde nous fait mauvaise mine, nous n'y rencontrons point nos prétentions. Une autre dira : Mon Dieu, que l'on chante bien là dedans ! Les autres y viennent pour y rencontrer la paix, les consolations et toutes sortes de douceurs, disant en leur |x*ns<'e ** : Mon Dieu, que les Rchgieusct  (a) %Vm LB •UJKT OB LA rBBtBirriOM gUB nous DBVOMt A\*OIB rOt'K BXTRBB BM LA RBLIOION. (M*.) — A Qt'BLLB IMTBMTIOM OU DOIT BITTKBB BM aSLIOlOM. (CoU.) (b) qu4 — vuuft devcx avtjir eo entrant (Mt.) (c) Etlét v%4fidfomt — k une criUe ou A un parloir, et eU» y wroot de* RcU* CttuM«. av«c un voik tur la t«tte, un vbafv ti wreln, leaanl bonne nia*, btao nodaBtM. fort cont«ntr« A l«ur advto, et •oudaio «Um paoÉOToot (lU. «i CoU.) (d) U dtdantf ^ccla «t m boau (te béw ciuatarl Bltos ont raAK» d'jr vaolr X &n que l'on ««coûte leur belle voix, car peut eitre que «i elle* e»toy«ol chet eUe», elles clianlerarnt en une «elle oè p e rsonn e oe lee etoottlHaÉt, •( M pceodroit-oo point garde ai ellaa chaaUrofHit bien oa oon ; mali daM «■ clKvur. chacun le« entend et lea nmatqm^ oe leur MmbW. (Ma. et CoU.) Laa autrea vtaaaaat eo Keligton pour f tmwimum et y trouver oœ ^«ide pais. •I tout* aorte de ooal«t«MBa et  ^-2 Les vrays Entretiens spirituels sont heureuses ! elles sont hors du bruit de père, de mère, qui ne font autre chose que crier ; on ne sçauroit rien faire qui les contente, c'est tousjours à recommencer. Nostre Seigneur promet à ceux qui quittent le monde pour son service plusieurs consolations ; allons donc en Religion. \^oicy, mes chères filles, trois sortes de prétentions qui ne valent rien pour entrer en la maison de Dieu. Il faut, par nécessité, que ce soit Dieu qui bastisse la (e) cité, ou autrement, bien qu'elle fust bastie, il la fau- • Ps. cxxvi, I. droit ruiner *. Je veux croire, mes chères filles, que vos prétentions sont toutes autres, et partant que vous avez toutes bon cœur et que Dieu bénira ceste petite troupe commençante. Il me vient en l'esprit deux similitudes pour vous donner à entendre sur quoy et comment vostre prétention doit estre fondée pour estre solide ; mais je me content eray d'en expliquer une qui suffira. Posez le cas qu'un architecte veuille bastir une maison ; il fait deux choses : premièrement, il considère si son bastiment doit servir pour quelque particulier, pour un prince, ou bien pour un roy, à cause qu'il faut qu'il y procède de différente manière ; puis il calcule à loisir si ses moyens sont bastans pour cela, car qui se voudroit mesler de bastir une haute tour, et qu'il n'eust pas de quoy fournir son bastiment (t\ on se mocqueroit de luy, d'avoir commencé une chose de laquelle il ne pour- • Luc«, XIV, 28-30. roit sortir à son honneur* ; puis il faut qu'il se résolve de ruiner le vieil bastiment qui est en la place où il en veut édifier un nouveau. Nous voulons faire un grand bastiment, mes chères filles, qui est d'édifier chez nous la demeure de Dieu (g). Partant, considérons bien meurement si nous avons suffisamment du courage et de la resolution pour nous  (c) pour entrer en — Religion, qui est la maison de Dieu. Il faut nécessai- rement que ce soit Dieu qui bastisse la ville ou (Ms.) (f) fournir — à la despense (Ms.) — pour un tel bastiment (Coll.) (g) qui est — de loger Dieu chez nous et nous rendre son temple vivant. (Ms. et Coll.)  XX. De la Prétention religieuse 373 ruiner nous-mesmes et nous crucifier, ou plustost pour permettre à Dieu mesme de nous ruiner et nous crucifier, à fin qu'il nous reedifte pour estre le temple vivant de sa Majesté •• Je dis donc, mes chères filles, que nostre •! Cor. m. 16, 17 ; unique prétention doit estre de nous unir à Dieu comme Jésus Christ s'est uni à Dieu son Père, qui a esté en mourant sur la croix ; car je n'entens point vous parler de ceste union générale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractère du Christianisme, et s'obligent à garder ses cominandemens, ceux de la sainte Eglise^ s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, espérance et charité ; et partant leur union est valable, et peuvent justement prétendre au Paradis. S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage ; ils ont atteint leur but par la voye générale et spacieuse des commande- mens <*»'. Mais quant à vous, mes chères filles, il n'en va pas ainsi ; car outre ceste commune obligation que vous avez avec tous les Chrestiens, Dieu, par un amour tout spécial, vous a choisies pour estre ses chères espouses. Il faut sçavoir comment, et que c'est d'estre Reli- gieuîH^s. C'est estre reliées à Dieu par la continuelle mortification de nous-mesmes, et ne vivre que pour Dieu, nostre propre cœur servant tousjours à sa divine Majesté, nos yeux, nostre langue, nos mains et tout le reste le ser\'ant continuellement. C'est pourquoy vous voyez que la Religion vous fournit de moyens tous propres à cest effet, qui sont l'oraison, les lectures, silence, retraitte du propre ca*ur pour se reposer en Dieu seul, ehmcemens continuels <" à Nostre Seigneur. Et parce que nous ne sçaurions arriver à cela que par une continuelle pratique de mortification de toutes nos passions, inclinations, humeurs et aversions, nous som- mes obligés à veiller continuellement sur nous-mcsmcs   J74 Les vrays Entretiens spirituels à fin de faire mourir tout cela. Sçachez, mes chères filles, que si le grain de froment tombant en terre ne meurt, il demeurera tout seul ; mais s'il pourrit, •joan., XII, 24, 25. il rapportera au centuple * : la parole de Nostre Sei- gneur y est toute claire, sa tres-sainte bouche l'ayant elle-mesme prononcée. Par conséquent, vous qui pré- tendez à l'habit, et vous autres qui prétendez la sainte Profession, regardez bien plus d'une fois si vous avez assez de resolution pour mourir à vous-mesmes et ne vivre qu'à Dieu. Pesez bien le tout ; le temps est encore long pour y penser, avant que vos voiles soyent teints en noir ; car je vous déclare, mes chères filles, et je ne vous veux point flatter, quiconque désire vivre selon la nature, qu'il demeure au monde ; et ceux qui sont déter- minés de vivre selon la grâce, viennent en la Religion, laquelle n'est autre chose qu'une escole de l'abnégation • Constit. XLiv. et mortification de soy-mesme * : c'est pourquoy vous voyez qu'elle vous fournit de plusieurs outils de mortifi- cation, tant intérieurs qu'extérieurs. Mais, mon Dieu ! me direz-vous, ce n'est pas cela que je cherchois ; je pensois qu'il suffisoit pour estre bonne Rehgieuse, d'avoir désir de bien faire l'oraison, avoir des visions et révélations, voir des Anges en forme d'homme, estre ravie en extase, aymer bien la lecture des bons livres. Et quoy ? j'estois si vertueuse, ce me sembloit, si mortifiée, si humble ! tout le monde m'ad- miroit. N'estoit-ce pas estre bien humble (J) de parler si doucement à ses compagnes des choses de dévotion, raconter les sermons estant chez soy, traiter doucement avec ceux du logis, sur tout quand ils ne contredisoyent point ? Certes, mes chères filles, cela est oit bon pour le monde ; mais la ReUgion veut que l'on fasse des œuvres • Ephe»., IV, I. dignes de sa vocation *, c'est à dire, mourir à soy mesme en toutes choses, tant à ce qui est bon à nostre gré ^^)  (j) si mortifiée — au monde, et si humble que chacun m'admiroit. N'estoit- ce pas estre bien humble et vertueuse que (Ms.) (k) advis (Ms. et Coll.)  XX. De la Prétention reugieusb 375 qu'aux choses mauvaise*^ et inutiles Pensez-vous que ces bons Religieux du désert qui sont parvenus à une si grande union avec Dieu, y soyent arrives en suivant leurs inclinations ? Cert^ nenny ; ils se sont mortifi*^ es choses les plus saintes, et bien qu'ils eussent grand goust à chanter les divins cantiques, à lire, prier et autres choses, ils ne le faisoyent point pour se contenter eux-mesmes. Nullement ; au contraire, ils ^ privoyent volontairement de ces plaisirs pour s'adonner à des œuvres de travail et pénibles ''. Il est bien vray, certes, que les âmes religieuses reçoi- vent mille suavités et contentemens parmi les mortifi- cations et les exercices de la sainte Religion, car c'est principalement à elles que le Saint Esprit départ ses pretieux dons. Partant, elles ne doivent rechercher que Dieu et la mortification de leurs humeurs, passions et inclinations en la sainte Religion, car si elles cherchent autre chose, elles n'v trouveront jamais h consolation qu'elles prétendent. Mais il faut avoir un courage invin- cible pour ne nous p<3int lasser avec nous-mesmes, parce que nous aurons tousjours quelque chose à faire et à retrancher. L'office des Religieux doit estre de bien cultiver leur esprit, pour en déraciner toutes les mau- vaises productions que nostre nature dépravée fait bour- jonner tous les jours, si bien qu'il semble qu'il y ayt tousjours à refaire. Ht comme il ne faut pas que le laboureur se fasche, puisqu'il ne mérite pas d'estre blasmé jKiur n'avoir point recueilh une bonne prise, pourveu neantmoins qu'il ayt eu soin de cultiver bien la terre et de la bien ensemencer, de mesme 1»* Religieux ne doit point se fascher s'il ne recueille j>as si tost les fruicts de la perfixition et des vertus, pourveu qu'il ayt une grande fidehlé de bien cultiver la terre de son cœur. en retranchant ce qu'il apperçoit estre contraire à b  (1) d* >'«> /^«'X ■ >y <)ur (KJO* rt iicitrv, pouf t'MlOMMr « «à«^ (vuilM «W travail «t oint du monde à la Religion. L'esprit <*> de la Règle s'acquiert en pratiquant fidèlement la Règle. Je vous en dis de mesme de la sainte humilité et douceur, fondement de ceste Congrégation ; Dieu nous les don- nera infailliblement, jxjurveu que nous ayons bon cœur et fassions nostre possible pour les acquérir. Bien-heu- reux serons-nous si un quart d'heure devant que mourir nous nous trouvons revestus de ceste robbe i*/ ! Toute nostre vie sera bien employée si nous l'occupons à y coudre tantost une pièce, tantost une autre ; car ce saint habit ne se fait pas avec une pièce seulement, il est requis qu'il y en ayt plusieurs. (") Vous estimez peut estre que la perfection se doit trouver toute faite, et qu'il ne faille faire autre chose que de la mettre sur nostre teste comme une autre robbe ; nenny, mes chères filles, nenny, il n'en va pas ainsi.  (r) ttlcm %£4it4t, — »t vooi mnm bita hmnmm. {M% 1 (•) à Ut RtUgtom. Et )« yoméknfbkm plw: mîMni dans pAru.oa toute* cImmm t trouvent plus qu'en aucune ville do moïKW, et principaktnaol «tant au PaUt%. j'ay prt* garda q«M l'on y vtodoil àm fUM Uvéa, àm p«aacbe«. de« e«tut« et autras giiHillMH ; maéa )• n'ay poéni rmt rtoân û'màptU de U Kegle. tant de celle d'ky que de» autre* RattgteM. C«M pom vous dire, tnm chttm SU», qœ l'etprlt (Ma. et CoU.) (t) éé €0ttê reéèe, ~ nompMéa de c«a deua v«rt«s I (Ma.) (a) plm%%4mf%, — c'ait à dira. iiliMtiBn &e%m da caa vartM raélavéa. (MM  ^jg Les vrays Entretiens spirituels Vous me dites, ma Mère, que nos Sœurs les Préten- dantes sont de bonne volonté, mais que la force leur manque pour faire ce qu'elles voudroyent, et qu'elles ressentent leurs passions si fortes, qu'elles craignent bien de commencer à marcher. Courage, mes chères filles. Je vous ay dit plusieurs fois que la Religion est une escole où l'on apprend sa leçon : le maistre ne requiert pas tous] ours que les escoliers sçachent sans faillir leur leçon, il suffit qu'ils ayent attention de faire leur possible pour l'apprendre. Faisons ainsi ce que nous pourrons, Dieu se contentera, et nos Supérieurs aussi. Voyez- vous pas tous les jours les personnes (v) qui apprennent à tirer des armes ? ils tombent souvent ; de mesme en font ceux qui apprennent à monter à cheval : mais ils ne se tiennent pas pourtant vaincus, car autre chose est d'estre quelquefois abbatus, et autre chose absolument vaincus. Vos passions parfois vous font teste, et pour cela vous direz : Je ne suis pas propre pour la Rehgion à cause que j'ay des passions ; non, mes chères filles, il n'en va pas ainsi. La Religion ne fait pas grand triomphe de façonner un esprit tout fait, une ame douce et tranquille en elle-mesme ; mais elle estime grandement de réduire à la vertu les âmes fortes en leurs incHnations, car ces ames-là, si elles sont fidelles, elles passeront les autres, acquérant par la pointe de l'esprit (^) ce que les autres ont sans peine. On ne requiert pas de vous que vous n'ayez point de passions ; il n'est pas en vostre pouvoir, et Dieu veut que vous les ressentiez jusques à la mort pour vostre plus grand mérite ; ni mesme qu'elles soyent peu fortes, car ce seroit dire qu'une ame mal habituée ne peut estre propre à servir Dieu. Le monde se trompe en ceste pensée, Dieu ne rejette rien de ce où la malice ne se rencontre point ; car dites moy, je vous prie, que peut  (v) aussi. — N'avez-vous point veu ceux (Ms.) — Avez-vous jamais pris garde aux personnes (Coll.) (w) l'espée (M«;.)  XX Dk la Prétention reugieusb 379 mais une personne d'estre de telle ou telle température, sujette à telle ou telle passion ? Le tout gist donc aux actes que nous en faisons par ce mouvement, lequel dépend de nostre volonté, le f>eche estant si volontaire que si»ns nostre consentement il n'y a point de jjeché. Posez le cas que la colère me surprenne. Je luy diray : tourne, retourne, crevé si tu veux ; si ne feray-je rien en ta faveur, non pas seulement prononcer une parole selon ton mouvement. Dieu nous a laissé ce pouvoir ; autrement ce seroit, en nous demandant la perfection, nous obliger à chose impossible, et partant injustice, laquelle ne se peut rencontrer en Dieu A ce propos, il me vient en pensée de vous raconter une histoire qui vous est propre. Lors que Movse des- cendit de la montagne d'où il venoit de parler à Dieu, il vid le peuple qui ayant fait un veau d'or, l'adoroit. Espris d'une juste colère du zèle de la gloire de Dieu, il dit en se tournant vers les Lévites : S'il y a quelqu'un qui tienne le parti d< Dieu, qu'il prenne l'esjX'e en main pour tuer tout ce qui se présentera à luy, sans espargner ni père, ni mère, ni frère, ni sœur ; qu'il mette tout à mort. Les Lévites donc prirent l'espée en main, et le plus brave c'estoit celuy qui en tua le plus •. 'EïoJ .iim.té a. De mesme, mes chères filles, prenez l'espée de la mor- tification en main pour tuer et anéantir vos passion<( ; et celle qui en aura le plus à tuer sera la plus vaillante, si elle veut co, elles ont peu à tuer ; aussi leur  (X fw# tnu\ - «IrvAnt moy. (knt 1 uœ oâ que quuiM ant «t 1 «uirt tHtr (M% I  (I) C«t EaUvtteo fut prtMwooé aa pramlar MiimÉw ) et anéantir leurs passions. Pour celles que vous dites, ma Mère, qui ont de si grands désirs de leur perfection qu'elles veulent passer toutes les autres en vertu, elles font bien de consoler (z) un peu leur amour propre ; mais elles feront prou de suivre la Communauté en bien gardant leurs Règles, car c'est la droite voye pour arriver à Dieu. Vous estes bien heureuses, mes chères filles, au prix de nous autres dans le monde ; (^') lors que nous demandons le chemin, l'un dit : C'est à droite, l'autre : C'est à gauche, et en fin le plus souvent on nous trompe ; mais vous autres, vous n'avez qu'à vous laisser porter. Vous ressemblez à ceux qui cheminent (b') sur mer ; la barque les porte, et ils de- meurent là dedans sans soin ; en se reposant ils marchent, et n'ont que faire de s'enquérir s'ils sont bien en leur chemin. Cela est du devoir des nautonniers, qui voyant tousjours la belle estoille, ceste boussole du navire, sça- vent qu'ils sont en bonne voy^ et disent aux autres qui sont en la barque : Courage, vous estes en bon chemin. Suivez sans crainte ceste boussole divine, (c') c'est Nostre Seigneur ; la barque ce sont vos Règles ; ceux qui la conduisent sont les Supérieures, qui pour l'ordi- naire vous disent : Marchez, nos Sœurs, par l'observance ponctuelle de vos Règles ; vous arriverez heureusement à Dieu, il vous conduira (^') seurement. Mais remarquez  (y) vaincre (Ms. et Coll.) (z) de consoler, — par ces vehemens désirs, (Ms.) (a') mes chères filles, — plus que nous autres qui sommes au monde ; car, (Ms.) (b') navigent (Ms.) (c*) Suivez sans crainte ceste belle estoille et boussole divine, mes chères filles, car (Ms.) (d') ceux qui la conduisent — et qui en sont les nautonniers sont les Supé- rieurs, qui pour l'ordinaire et assez souvent disent : Marchez, mes chères Sœurs, par l'observance ponctuelle de vos Règles et Constitutions, et vous arriverez heureusement à Dieu ; elles vous conduiront (Ms.)  XX. De l.\ P iA ï am ioN RELicnnjsB 381 que je vous dis : Marchez par i observance ponctuelle et fidelle, car qtdi mesprisera «'^ sa voye sera tué, dit Salomon •. • prov.. xix, 16. Vous dites, ma Mère, que nos Sœurs disent : Cela est bon de marcher par les Règles, mais c'est la voye générale. Dieu nous attire par des attraits particuUers, chacun a le sien spécial, nous ne sommes pas toutes tirées par un mesme chemin. Klies ont raison de le dire et il est véritable ; mais il est vray aussi que si cest attrait vient de Dieu, il les conduira à l'obéissance sans doute. Il n'appartient pas à nous autres, qui sommes inférieurs, de juger de nos attraits particuliers ; cela est du devoir des Supérieurs, et pour cela la direction par- ticulière est ordonnée. Soyez-y bien fidelles, et vous en rapporterez le fruict de bénédiction. Si vous faites ce qui vous est enseigné, mes chères filles, vous serez tres-heureuses. vous vivrez contentes et expérimenterez dés ce monde les faveurs du Paradis, au moins par petits eschantillons. Mais prenez garde que s'il vous vient quelque goust intérieur et caresse de Nostre Sei- gneur, de ne vous y attacher pas ; c'est comme un peu d'anis confit que l'apothicaire met sur la potion amere du malade : il faut que le malade avale la médecine bien amere, pour sa santé, et bien qu'il <'*' prenne de la main de l'apothicaire ces grains sucrés, il faut par nécessité qu'il ressente par après les amertumes de la purgation. Vous voyez donc clairement quelle est la prétention que vous devez avoir pour estre dignes espouses de Nostre Seigneur, et pour vous rendre capables de l'espouser sur le mont de Calvaire. Vivez donc toute vostre vie et formez toutes vos actions selon icellc, et Dieu vous bénira. Tout nostre bon-heur consiste en la persévérance : je vous y exhorte, mes chères filles.  qu'il Uut qtie vom avAltri ^i\u v<«»tir %*..'.• i t  382 Les vrays Entretiens spirituels de tout mon cœur, et prie sa Bonté qu'il vous comble de grâce et de son divin amour en ce monde, et nous fasse tous jouir en l'autre de sa gloire. (&') A Dieu, mes chères filles, je vous emporte toutes dans mon cœur ; de me recommander à vos prières ce seroit chose super- flue, car je croy de vos pietés que vous n'y manquez point Je vous envoyeray tous les jours de l'autel ma bénédiction, et ce pendant recevez-la au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.  (g') et prie — la divine Bonté qu'elle vous comble de ses grâces et de son divin amour en ce monde et nous fasse asseurés de sa gloire en l'autre. Amen. (Ms.) [Les deux dernières phrases du texte ne se trouvent pas dans le Ms., qui par contre, donne ici le premier alinéa de l'Entretien suivant. Dans les Colloques, ces deux fragments sont réunis sous le titre de : Vadieu de Mon- sieur lors qu'il partit de Paris pour accompagner Monsieur le Prince de Piemond.]  VINGT-UNIESMK ENTKKTIEN  SUR LE DOCUMENT DE NE RIEN DEMANDER NE RIEN KErUSER  (a) Ma Mere, je parlo's un jour à une excellente Reli- gieuse qui me demandoit si ayant désir de rommunicr plus souvent que la Communauté on le jKut demander à la Supérieure. Je luy dis que si j'estois Religieux, je pen<^ que je ferois cecy : je ne demanderois point à communier plus souvent que la Communauté le fait ; je ne demanderois point à porter la haire, le cilice, la cein- ture, à faire des jeusnes extraordinaires, ni disciplines, ni aucune autre chose ; je nw contenterois de suivre en tout et par tout la Communauté. Si jVstois robuste je ne mangerois pas quatre fois le jour ; mais si on me faisoit manger (juatre fois, je le ferois et ne dirois rien Si j'estoio débile et que l'on ne me fist manger qu'une fois le jour, je ne mangerois qu'une fois le jour, sans penser si je scrois débile ou non Je veux peu de choses ;  («> U* Merr. j'ay àm^ rmçtatâu ailleurs a vottrt «iwnaiwW ; à ^•vrtlt tooQ, M l'on doit (SctnAodcr c>«nfé «le oocnrauntcr ou i»kn àm m- oa pli» que U CominuiMuté. Se J'ettoift Relifteme, >e pense que )• ae «InuaiutcnjÉ» puint du Umi de ftiiifuUnléft . iii k caouaunter, ni A porter U iMir». le ciltoe, U ceinture, et feàre des )eu«oe« extreordla*irv«, U âkÊtipbam ni «uomm eulr* cboM. me cootmiaut m luul de tnkvrr U Commtwaut^. Si J'eetoii r ob u i t e )e M OMiifervié* p*% quatre ioéi le )our ; mai* u l'uo ne le leèMll taire. >e le Iwoét et )e oe dirote rien. Se. eu oonlralre. i'oMaè» débile H que l'oa oe om ÉM minfw qu'une lole le |oiar, |e ne manferala qu'une Mi b )our. —m m'i w ie r à pMMer fi f9 MroÉi 4tbile on loft. J« «uns pen et cboM : ce que )e wui. >e  384 Les vrays Entretiens spirituels ce que je veux, je le veux fort peu ; je n'ay presque point de désirs, mais si j'estois à renaistre je n'en aurois point du tout. Si Dieu venoit à moy, j'irois aussi à luy ; s'il ne vouloit pas venir à moy, je me tiendrois là et n'irois pas à luy i^). (t^) Je dis donc qu'il ne faut rien demander ni rien refuser, mais se laisser entre les bras de la Providence divine, sans s'amuser à aucun désir, sinon à vouloir ce que Dieu veut de nous. Saint Paul pratiqua excellem- ment cest abandonnement au mesme instant de sa con- version ; quand Nostre Seigneur l'eut aveuglé, il dit tout incontinent : Seigneur, que vous plaist-il que je • Act., IX, 6. fasse* ? et dés lors il demeura dans l'absolue dépen- dance de ce que Dieu ordonneroit de luy. Toute nostre perfection gist en la pratique de ce poinct ; et le mesme saint Paul, escrivant à un de ses disciples, luy défend entre autres choses de ne point laisser occuper son cœur par aucun désir (2), tant il avoit de cognoissance de ce défaut. Vous me dites, s'il ne faut pas désirer les vertus, et •Matt.,vii,7; Lucae, que Nostrc Seigneur a dit* : Demandez, et il vous sera donné. O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien demander ni rien désirer, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander ; et demandant l'amour de Dieu, nous les y comprenons, car il les contient toutes.  le veux pour Dieu ; je n'ay presque point de désirs, mais si j'estois à renaistre je n'en aurois ou n'en voudrois point avoir du tout. Si Dieu venoit à moy pour me favoriser du sentiment de sa présence, j'irois aussi à luy pour l'accepter et correspondre à sa grâce ; mais s'il ne vouloit pas venir à moy, je me tiendrois là et n'irois pas à luy : je veux dire, je ne rechercherois pas d'avoir ce sentiment de sa présence, ains me contenterois de la simple appréhension de la foy. Dieu soit béni, (iMs.) (b) [Pour les trois alinéas suivants, cf., à l'Appendice I, le Dernier Entre- tien fait à Lyon. La suite ne se trouve ni dans le Ms. ni dans les Colloques sauf l'alinéa final.] (i) Les dernières lignes de la variante (a) donnent le sens vrai de la pro- ï)03ition incomplètement énoncée dans le texte. Cette proposition est plus amplement expliquée dans la Préface, Partie II. {2) Fuyez les désirs juvéniles. (II Tim., ii, 22.)  XI, 9  XXI. Dk ne rien demander 385 Mais pour l'employ extérieur, ne pourroit-on pas. dites-vous, désirer les charges basses pwrce qu'elles sont {)lus peniblf*s et qu'il y a plus à faire et à s'humilier pour Dieu ' Ma fille, David disoi* • qu'il a>inoit mieux * »^ ut*«ti. 11. fstre abject en la maison du Seigneur, que d'estre grand parmi les pécheurs ; et : // est bon, Seigneur, dit-il •, que vous m'avez humilié, à fin d'apprendre • P». cjivin, 71. vos justifications. Or neantmoins, ce désir est fort suspect et peut estre une cogitation humaine, yue svavez-vous si ayant désiré les charges basses, vous aurez la force d'agréer les abjections qui s'y rencon- trent ? il vous y pourra venir beaucoup de desgousts et d'amertumes. Que si bien maintenant vous vous sentez la force de souffrir la mortification et l'humiliation, que sçavez-vous si vous l'aurez tousjours ? Bref, il faut tenir le désir des charges, quelles qu'elles soyent, basses ou honnorables. pour tentation. Il est tousjours meilleur de ne rien désirer, mais se tenir preste pour recevoir celles que l'obéissance nous imposera ; et fussent-elles honno- rables ou abjectes, je les prendrois et recevrois humble- ment sans en dire un seul mot, sinon que l'on m'inter- rogeast, et lors je respondrois simplement la vérité comme je la penserois. \'ous me demandez comme l'on jh-ui pratiquer ce document de la sainte indifférence dans les m. J'en trouve au saint Evangile • un parfait modèle en la •Mau..vni, 14,15, Ix'lle mère de saint Pierre. Ceste bonne femme, estant dans le lict avec une grosse fièvre, pratiqua plusieurs vertus ; mais celle que j'admire le plus est ceste grande remise qu'elle fit d'elle-mesme à la providence de Dieu et au soin de ses supérieurs, den.eurant en sa fièvre, tranquille, paisible et sans aucune iiuiuietude. ni sans en donner à ceu.\ c|ui estoyent auprès d'elle. Chacun s^ait toutesfois, combien les febricitans en sont travaillés ; rc qui les empesche de reposer et leur donne nulle autres ennuis. Or, ceste grande remise que nostre malade fait d'elle-mesme entre les mains de ses supérieurs, fait qu'elle ne s'inquiète point, ni ne se met en v>ucy de sa ^nt<^ ni de sa gucriMUi : elle se contente de souffrir son •s  ^86 Les vrays Entretiens spirituels mal avec douceur et patience. O Dieu, qu'elle estoit heureuse, ceste bonne femme ! Certes, elle meritoit bien que l'on prinst soin d'elle, comme firent aussi les Apos- tres qui pourveurent à sa guerison sans en estre sollicités par elle, ains par la charité et commisération de ce qu'elle souffroit. Heureux seront les Religieux et Reli- gieuses qui feront ceste grande et absolue remise entre les mains de leurs Supérieurs, lesquels, par le motif de la charité, les serviront et pourvoiront soigneusement à tous leurs besoins et nécessités, car la charité est plus forte et presse de plus près que la nature. Ceste chère malade sçavoit bien que Nostre Seigneur estoit en Capharnaum, qu'il guerissoit les malades ; cependant elle ne s'inquietoit point ni ne se mettoit en peine pour luy envoyer dire ce qu'elle souffroit. Mais ce qui est encore plus admirable, c'est qu'elle le voit dans sa maison, où il la regarde et elle le regarde aussi ; et si, elle ne luy dit pas un seul mot de son mal pour l'exciter à avoir pitié d'elle, ni ne s'empresse à le toucher pour estre guérie. Or, ceste inquiétude d'esprit que l'on a emmi les souffrances et maladies (à laquelle sont sujets non seulement les personnes du monde, mais aussi bien souvent les Religieux), part de l'amour propre et desreglé de soy-mesme. Nostre febricitante ne fait aucun cas de sa maladie, elle ne s'attendrit point à la raconter, elle la souffre sans se soucier que l'on la plaigne ni que l'on procure sa guerison ; elle se contente que Dieu la sçache, et ses Supérieurs qui la gouvernent. Elle voit Nostre Seigneur dans sa maison, comme souverain Médecin, mais elle ne le regarde pas comme tel, si peu elle pensoit à sa guerison ; ains elle le consideroit comme son Dieu, à qui elle appartenoit tant saine que malade, estant aussi contente malade que possédant une pleine santé. O combien plusieurs eussent wé de finesses pour estre guéris de Nostre Seigneur, et eussent dit qu'ils demandoyent la santé pour le mieux servir, crai- gnant que quelque chose ne luy manquast ! Mais ceste bonne femme ne pensoit rien moins que cela, faisant voir sa résignation en ce qu'elle ne demanda point sa  XXI. De ne rien demander 387 guerison Je ne veux pas dire pourtant qu'on ne la puisse bien demander à Nostre Seigneur, comme à Celuy qui nous la peut donner, avec ceste condition, si telle est sa volonté ; car nous devons tousjours dire : Fiat voluntas tua^. •Matt., n, 10. Il ne suffit pas d'estre malade et d'avoir des afflictions puisque Dieu le veut ; mais il le faut estre comme il le veut, quand il le veut, autant de temps qu'il veut et en la façon qu'il luy plaist que nous le soyons, ne faisant aucun choix ni rebut de quelque mal ou affliction que ce soit, tant abjecte ou deshunnorable nou-. puisse-t'elle sembler ; car le mal et l'affliction sans abjection enffe bien souvent le cœur au lieu de l'humilier. Mais quand on a du mal sans honneur, ou que le deshonneur mesme, l'avi- lissement et l'abjt^ction sont nostre mal, que d'occasions d'exercer la patience, l'humilité, la modestie et la dou- ceur d'esprit et de cœur ! Ayons donc un grand soin, comme ceste bonne femme, de tenir nostre cœur en douceur, faisant profit comme elle de nos maladie^ ; car elle se leva si tost que Nostre Seigneur eut chassa la fièvre, et le servit à fable*. Kn quoy certes elle tesmoi- • Vide Ukm sopn. gna une grande vertu et le profit qu elle avoit fait de sa maladie, de laquelle estant quitte, elle ne veut user de SI santé que pour le service de Nostre Seigneur, s'y employant au mesme instant qu'elle l'eut recouvrée. Au reste, elle n'est pas comme ces personnes du monde qui ayant une maladie de quelques jours, il leur faut les semaines et les mois pour les refaire. Nostre Seigneur estant sur la croix, nous fait bien voir comme il faut mortifier les tendretés ; car ayant une grande soif, il ne demanda pourtant point «\ boire, mais manifesta simplement sa nécessité, disant J'ay soif. \pres quoy il fit un acte de très-grande M)Usmission. car quelqu'un Uiy ayant tendu au bout d'une lance un morceau d'espongc tremjK'e dan^ du vinaigre pour le désaltérer, il la sucça avec ses bénites lèvres •. Chose • JoMi.eAâ*. (*strange ! il n'ignoroit |>as que c'estoit un breuvage qui augmentoit sa peine ; néant moins il le prit tout simple- ment, ^sins rendre tesmoignage que cela le faschoit ou  388 Les VRAYS Entretiens spirituels qu'il ne l'eust pas trouvé bon ; pour nous apprendre avec quelle sousmission nous devons prendre les remèdes et viandes présentées, quand nous sommes malades, sans rendre tant de tesmoignages que nous en sommes dé- goustés et ennuyés, voire mesme quand nous serions en doute que cela accroistroit nostre mal. Helas ! si nous avons tant soit peu d'incommodité nous faisons tout au contraire de ce que nostre doux Maistre nous a enseigné, car nous ne cessons de nous lamenter, et ne trouvons pas assez de personnes, ce semble, pour nous plaindre et raconter nos douleurs par le menu. Nostre mal, quel qu'il soit, est incomparable, et celuy que les autres souffrent n'est rien au prix ; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire ; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter. En fin, c'est grande compassion combien nous sommes peu imitateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses douleurs et ne taschoit point de les faire remarquer par les hommes, se contentant que son Père céleste, par l'obéissance duquel il les souffroit, les con- siderast, et appaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit. (c) Dites-vous ce que je désire qui vous demeure le plus engravé dans l'esprit, à fin de le mettre en pratique ? Hé ! que vous dira y- je, mes tres-cheres filles, sinon ces deux chères paroles que je vous ay desja tant recom- mandées : Ne desirez rien, ne refusez rien ? En ces deux  (c) c'est ICY le dernier adieu que fit nostre bien-heureux PERE A NOS CHERES SŒURS DE LYON, LE JOUR DE SAINT ESTIENNE AU SOIR, LA SURVEILLE DE SA BIEN-HEUREUSE MORT. // dcccda U jour dcs suints Innoccns, 1622. (Ms.) — Lt DERNIER ADIEU QUE FIT MONSIEUR DE GENEVE AUX SŒURS DE LA VISITATION DE LYON, LA VEILLE DE SON TRESPAS. (CoU.) Comme il vid les flambeaux allumés pour le reconduire, il dit avec eston- nement à ses gens : « Hé, que voulez-vous faire vous autres ? Je passerois bien icy toute la nuit sans y penser. Il s'en faut donc aller ; voicy l'obéissance qui m'appelle. A Dieu, mes chères filles ; (Ms. et Coll.) je vous emporte toutes dans mon cœur, et je vous le laisse pour gage de mon amitié. » (Ms.) Lors nostre Mère le suppléa tres-humblement de nous dire ce qu'il desiroit qui nous demeurast plus avant gravé en l'esprit. Il respondit : « Que voulez-vous que je vous die, ma chère fille ? Je vous ay tout dit en ces deux  XX I I>E NE RIEN DKMANDRR 3S9 mots je dis tout, car ce document comprend la prati- que de la parfaite indifférence. Voyez le f)auvTe petit Jésus en la crèche : il reijoit la pauvreté, nudité, la compagnie des animaux, toutes les injures du temps, le froid et tout ce que son Père permet luy arriver. Il n'est pas escrit qu'il estendist jamais ses mains pour avoir les mammelles de sa Mère, il se laissoit tout à fait à son soin et prévoyance? ; aussi ne refusoit-il pas tous les petits soulagemens qu'elle luy donnoit. Il recevoit les services de saint Joseph, les adorations des Roys et des bergers, et le tout avec esgale indifférence. Ainsi, nous ne devons rien désirer ni rien refuser, ains souffrir et recevoir esgalement tout ce que la providence de Dieu permettra nous arriver. Dieu nous en fasse la grâce. DltU SOIT BENI  prolai : Ne émint nen et o« reftn^x rien ; )e ne tçay que vous dire autre. Voyes-vout le petit Jr%us dan« la crèche ? il reçoit toutes les injures du temps, le froid et toat ce que «on Père étemel permet luy arriver. Il oe refuse point les petits touUceinens que sa Mère luy donne ; il n'est pas ncnt qu'il estendiit jamais ses mains pour avoir les mammelles de sa Mère, mais laiMoit tout cela 1 soo soin et prévoyance. Ainsi nous ne devons rien désirer ni riea refuser, «oufirant tout ce que I>ieu nous envoyera, le froid et \^* InjurM du temp«. • On luv drinan-la s li iir sr (.iii.it j- i:it . Isjufler ; il mpoodtt : • 'J -»• ! •'' feu est fait, i'oii void bint t|iir c'cM l'itkirntion de l'obeitMDoe q^r • :i «^ chauffe, pourveu que ce oe toit pâs avec tant et de si graodt «npreMMMM. • (Ms. et Coll )  APPROBATION ET PRIVILÈGE DE LA PREMIÈRE ÉDITION DES VRAYS ENTRETIENS SPIRITUELS  APPROBATION N om »oubsiKnrr I •> Faculté dr 11:- : »::'- i I'im» ; CmttÈOBê avoir iru :rfti(ns Sf>%rttu(li de ;ru M'-<>^tre Fkamçois dk Salis d'betireuse mémoire. Evesque et Prioce i), rt ; ;ent intérieur, et sont conformes aux Règles et maximes de l'K.{li>*- ^ -. jje. Apostolique et Romaine : Et d'iceux on peut tirer tre»« utilruirnt la parabole de ce que toule sorte de personnes, tant Régulières que Secuhcrrs, ;iri. . ' 1 M' de Geoeve. Faict k Lyon œ 4 JuiUet 1649. MiSCMATtM LA FaV«, V. G.  392 Les vrays Entretiens spirituels  COMMISSION  LOUIS par la grâce de Dieu Roy de France et de Navarre. Au premier de nos Amez et féaux Conseillers, Maistres des Requestes ordinaires de nostre Hostel, Conseillers de nos Coiirs Souveraines, Lieutenant gênerai à Lyon, et autres nos Juges qu'il appartiendra, chacun endroict soy. Salut. Sur ce qui nous a esté remonstré : Que depuis quelque temps, il a esté mis en lumière un livre intitulé, Entretiens et Colloques spirituels, de defunct François de Sales, £i;^s^u^ et Prince de Genève, Fondateur des Religieuses de la Visitation Saincte Marie ; imprimé avec Privilège obtenu de Nous, comme ayant ledit li\Te esté tiré au vray de l'Original de l'Autheur. Et d'autant que depuis le sieur Evesque de Gemeve, Frère dudit deffunct, et les Supérieures dudit Ordre de la Visitation nostre Dame, Nous ont fait entendre le contraire ; et que tel livre supposé faict préjudice à la Religion, et à la mémoire du deffunct, dont nous devons avoir un soing particulier. Nous vous mandons, et par ces pré- sentes, signées de nostre main, enjoignons que vous ayez à faire saisir et arrester tous les Exemplaires dudit livre, en quelque part qu'ils seront trouvez, et que vous contraigniez et fassiez contraindre tous ceux qui s'en trouveront saisis, de les vous délivrer, par toutes voyes deiies et raisonnables, pour estre lesdits Exemplaires supprimez, faisant faire, comme nous faisons par ces dictes présentes, tres-expresses deffences à tous Libraires et Impri- meurs, de reimprimer ledict livre, nonobstant ledict Privilège et permission, que nous avons révoqué, révoquons, et à peine de confiscation des exem- plaires, de cinq cens livres d'amande et autre plus grande peine s'il y eschet ; nonobstant oppositions, ou Appellations quelconques, pour lesquelles ne sera différé, et dont si aucunes interviennent, Nous avons réservé et reservons la cognoissance, à Nous et à nostre Conseil, et icelle interditte à tous autres Juges. Mandons en outre au premier nostre Huissier, ou Sergent, sur ce requis, faire pour l'exécution des présentes tous exploits requis et nécessaires, sans pour ce demander congé, placet. Visa, ne pareatis : Car tel est nostre plaisir. Donné au Camp devant la Rochelle, le vingtiesme jour de Juillet, l'an de grâce, mil six cens vingt-huict, et de nostre Règne le dixneufiesme. Signé, LOUIS. Et pins bas Par le Roy. Potier. Et seelé du ^rund Sceau de cire Jeanne.  Approbation et Privilige 393  PRIVILEGE DU ROY  LOUIS par la grâce de Dteu Roy de Fraxtce et de Navarre, A et féaux Coaseillers ieoan« nos Coon de Parlement, Baillih, Seneachauz, Prevrfstt, leurs Lieutenatis, et tous autres dm Jutticien, et Oftden qu'il appartiendra, Salut. Nostre aroé et (eal Cooaeiller en noa Cooatih, le ueur JtAM Framçois de Salis Evisqu* it Princt it Gtntvt, Nous a (ait remoostrer : Que le feu sieur Evesque de Genève son (rrre, désireux de l'avancement en U vertu des Religieuses de l'Ordre de la VtsiUtion de oo«tre Dame, par hiy fondées, et estabties en ce Royaume, avoit souvent eu avec cUca pluaieun Entretiem dit choses spirituillês, tendant k leur instruction et édification, lesquels ayaos esté jugés par leviictes Religieuses, non seulement utiles pour les amea retirées du monde ; mais au5i«i pnur toutes sortes de conditions : Elles •ureat loéng de les recueillir (! nt. pour les (aire quelque )our imprimer, et donner au public ; ei vc-ic 6n les auro>'eot k présent mis es mains dudit Exposant. Mais craignant que d'autres Imprimeurs que cehiy qu'il a clioisy pour cest eflect, vueillent imprimer, ou exposer en vente lesdicts f • -rftuns Spirituels^ comme il a e*té cy devant faict, au préjudice de la :••, et de la mémoire de leur Autheur : II nous a supplié, et requis luy octroyer nos lettres sur ce mic«aialri 1. A ces causes, après qu'U nous est apparu, par l'acte d'Approbation des Docteurs en Théologie, cy attaché soubs le oontre-seel de oostre Chancellerie, qu'il n'y a rien audict Livre dr contraire à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine ; Avons au susdict Exposant panais et ces présentes de f iruner eo noatrr '. :is autres Imprin» cduy qui sera par luy nommé, puissent imprimer, vendre, ny distribuer ledict Livre, durant 1* ' ' mt pareillement defencc A tous Imprimeurs, d'Impriin «tuvTes dudict feu sieur Evesque, cy devant impnmé«s, et A imprimer, sans l'exprès consentement dudict Exposant, sur peine d'antende arbitraire, conhsrations dflSdicts Ijvres. et de tout dcipCQi. dommages, et intrfnt%. Vuulons et nous plaist qu'en faisant mettre au oom- meticement, ou k la fin dudict Uvre un bref, ou sommaire extraict des présentes, ensemble le consentement et permisséon dudict tieur Evesque de Genève, elles soyent tenues pour sufhsamment signifiées, et venu«s A U c ogno éi sancc de tous, comme si plus particulièrement elles estoyent exprimées : Car tel «st nostre plaisir. Donné au Camp devant la Rochelle, le \ingtiesme joor de Juillet, l'an de grâce, mil six cens vingt huict, et de nostre règne le dU-oMÉMme. Par le Roy en son Consail Seat Cl. Et êêêlé du gfMmd Sesm de cirt imume.  Ackeié d'tmpumrr ■ .' ,1 ^ftmxtft /on n étrntrr rouf de Juittei léty.  394 Les vrays Entretiens spirituels  TRANSPORT Au nom de Dieu, ainsi soit-il. L'an mil six cens vingt-neuf, et le vingt- uniesme jour du mois de Juin ; par devant raoy Notaire soubsigné, et presens les tesraoins sousnommez : S'est estably et constitué en personne, Monseigneur l'Illustrissime, et Reverendissime Jean François de Sales, Evesque et Prince de Genève, lequel de son gré, et en suitte du Privilège par luy obtenu du Roy, par patentes de sa Majesté, données au Camp de la Rochelle, en l'année mil six cens vingt-huict, et le vingtiesme jour du mois de Juillet, aux fins de faire imprimer Les vrays Entretiens du bien heureux François de Sales, Evesque et Prince de Genève. A quelles fins, et en conformité dudit pouvoir et Privilège, donné comme dict est par le Roy à mondict Seigneur le Reve- rendissime Evesque, il a transporté, comme il cède, et transporte purement au sieur Vincent de Cœursilly Libraire de la ville de Lyon, absent, moy Notaire pour luy stipulant ; à sçavoir le mesme Privilège, et pouvoir d'imprimer, ou faire imprimer Les vrays Entretiens du bien heureux François DE Sales Evesque et Prince de Genève, son Frère et prédécesseur, et de directement y procéder tout ainsi, et à la mesme forme que feroit mondit Seigneur, si présent y estoit, sans permettre aucun abus ; ains que le tout soit faict vrayement, et nettement, le mettant en son vray lieu et place, en conformité dudit Privilège : le faisant et constituant en cest endroit son vray Procureur spécial, et irrévocable, pour faire les informations requises et nécessaires, avec eslection de domicile, informer, soubs et avec toutes provi- sions, sermens, obligations, renonciations, et clauses requises. Fait à Annessy dans le Palais de mondit Seigneur le Reverendissime Evesque. Presens honnorables Noël Rogiot, et Joseph Jay, domestiques de mondit Seigneur, tesmoins requis. Signé en la cède, Jean François Evesque de Genève. Les tesmoins n'ont sceu signer, moy Claude Decrouz Notaire soubsigné dudict Annessy, à ce recevoir suis esté requis. Decrouz, Notaire. Nous Michel Favre, OfiÊcial député en l'Evesché de Genève, certifions à tous qu'il appartiendra, que maistre Claude Decrouz, Notaire, bourgeois d'Annessy, qui a receu et stipulé l'acte de transport, et remission de Privilège sus escrit, est Notaire Ducal en Genevois, et qu'aux Actes, et Contrats par luy receus, et stipulez, foy y est adjoustée en jugement, et dehors, vivant ledit Notaire en bonne famé, vie, et réputation, ainsi que tout notoire. En foy de quoy avons octroyé ces présentes, signées par le Secrétaire de ladicte Evesché, en fin de nostre nom, et scellées du seel d'icelle. Données à Annessy le viûgtuniesme Juin, mil six cens vingt-neuf. M. Favre, Officiai. P. Magnin, Secrétaire.  APPENDICE  ENTRETIENS QUI NE SE TROUVENT DANS AUCUNE ÉDITION ANTHRl hL RE DES VRAYS ENTRETIENS SPIRITUELS  RECUEIL DE CE QUE NOSTRE BIEN-HEUREUX PERE DIT A NOSTRE SCEUR CLAUDE SIMPLICIEKNE. RELIGIEUSE EN NOSTRE MONASTERE DANNESSY '«' Une Sœur disant à nostrc bicn-hcurcux F^crc qu'elle vouloit tenir ta place dans ce Monastère, le Bien-heureux luy respondit avec sa debonnaireté ordinaire : Que dites-vous, ma chère fille Claude Simplicienne ? que vous voulez tenir ma place céans et faire ce que j'y ferois si j'y estois. Et qu'y ferois- je, ma fille ? pas si bien que vous sans doute, car je ne  Vout dite* que vous (eriet rr que )e feroit ti j'cAtoit U dedAM, bu cb«f« AUc. Et que c'est que )e (erob ? Je n'en açay rien : qu'en peux-)e tçavoir ? Je pt tonés pM wk btan qo* vous, car je tais un polCn», )e ne vaux rien moy ;  (I) C«tt« RelifleaM qui avait rvçu le voile en qualité de SeMV eoowrw k U VbilaUtK) d'Ann<>cy. le t juillrt ibi4. lu^rlla par too inn ootact et ta randkSe •implicite la tpAcialr birnvdllancr de %aint Franchi* de Salea. (Voir «a béofra- pbie dan« Lt% l'tfi dt Vil Rtlttuuttt éf VOrért àt im VtttUltom *i0tmt0 Mmrté, par la Mère F.M. de Cbaufy.) Ij^ (lu Saint rppn«lulte« in *4int ritraltf» «lu tn Tinl i l'ettlf -nt de ce Momatlere de Im l'tittmt%on s«iiii^r# M*tte d" i • où el\r t Mn« tltrr «perlai k« Addltlom dont 11 c^t pari/ plut haut (voir oof - «> a éU" tupplf# d'aprH un ancim Mv mcMrrvé au !•' V '4tioo de PvH. qui ouolWol la texte âotutè «n •r .-tm  398 Les vrays Entretiens spirituels vaux rien ; mais il me semble qu'avec la grâce de Dieu, je me tiendrois si attentif à la pratique des petites et menues observances qui sont introduites céans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Dieu. Je ferois si bien le silence, et parlerois aussi quel- quefois, mesme au temps du silence, je veux dire tousjours quand la charité le requerroit, mais non jamais autrement. Je parlerois bien doucement, et y ferois une attention particulière parce que la Constitution l'ordonne. Je fermerois et ouvrirois les portes bien doucement parce que nostre Mère le veut, et nous voulons bien faire tout ce qu'elle veut que l'on fasse. Je porterois la veiie bien basse et marcherois fort modestement ; car, ma chère fille. Dieu et ses Anges nous regardent tousjours et ayment extrêmement ceux qui font bien. Si l'on m'employoit à quelque chose ou que l'on me donnast une charge, je l'aymerois bien et tascherois de faire tout à propos ; si l'on ne m'employoit en rien et que l'on me laissast là, je ne me meslerois de chose quelconque que de bien faire l'obéissance et bien aymer Nostre Seigneur. O il me semble que je l'aymerois bien de tout mon cœur, ce bon Dieu, et qu'à cela j'appliquerois tout mon esprit, et à bien observer les Règles et Constitutions. O ma chère fille Simplicienne, il le faut bien faire le mieux que nous pourrons :  mais il m'est advis qu'avec la grâce de Dieu, je me rendrois si attentif à la pratique des vertus et menues observances qui sont introduites là dedans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Nostre Seigneur. Je ferois bien le silence, et parlerois aussi quelquefois au silence, je veux dire tousjours quand la charité le requerroit, mais non pas autrement. Je parlerois bien doucement et bas tousjours ; j'y ferois attention particulière parce que les Constitutions l'ordonnent. O de cela il m'est advis que je le ferois- J 'ouvrirois et fermerois les portes bien doucement parce que nostre Mère l'a ainsi ordonné ; car nous voulons bien faire tout ce que nous sçavons qu'elle veut que l'on fasse. Je porterois la veiie si basse parmi la maison, et marcherois bien doucement. Ma chère fille, Dieu et ses Anges nous regardent tousjours, et ayment extrêmement ceux qui font bien. Il m'est advis que si je m'estois donné une bonne fois à Nostre Seigneur en ceste sorte, comme on fait lors qu'on fait Profession, que je luy laisserois bien tout le soin de moy-mesme et de tout ce qui me regarde ; je le laisserois faire de moy tout ce que l'on voudroit, au moins ce me semble. Si on m'employoit à quelque chose, ou que l'on me donnast une charge, je l'ayme- rois bien et tascherois de bien faire tout ce à quoy je serois employé ; et si ou ne m'en donnoit point, qu'on me laissast là, à ceste heure je ne [me] meslerois de rien que de bien faire l'obéissance et bien aymer Nostre Seigneur ; il m'est advis que je l'aymerois bien de tout mon cœur. Par tout là où je me trouverois j'y appliquerois bien mon esprit le plus qu'il me seroit possible, [et] à bien observer les Règles et Constitutions. O cela il nous le faut bien faire le  Appendice 399 n'est -il pas \Tay que nous nous sommes faites Religieuses pour cela nous deux ? Je suis certes bien aise qu'il y ayt une Sœur ceant qui veuille tenir ma place et estre Religieuse pour moy. mais j'ayme bien que ce soit ma Sœur Claude Simplicienne. car je l'ayme bien ma Sœur Claude Simplicienne. Or sus. faisons donc le mieux que nous pourrons : rien ne nous doit empescher de bien faire tout ce qui est marqué dans nos Constitutions. car nous le pouvons avec La grâce de Nostrc Seigneur. Mais il ne nous faut pas estonner de nos fautes, car que pouvons* nous sans l'aydc de ce bon Dieu ? rien du tout. Voulez-vous que je vous die encore, ma tres-chere fille ? Il m'est advis que je serois bien joyeux, et que je ne m'empresserois jamais ; cela. Dieu mercy, je le fais desja, car jamais je ne m'empresse, mais je le ferois encore mieux. Je me tiendrois bien bas et petit, je m'humilierois et ferois les pratiques selon les rencontres ; et si je ne m'estois pas humilié, je m'humilierois au moins de ce que je ne me serois pas humiUé. Je taschcrois le mieux qu'il me seroit possible de me tenir en la présence de Dieu et de faire toutes mes actions pour son amour, car. ma chrr»- fillr <>M nous .ip|»r»-n(l ceans à faire iiinsi Va nir.i\oiis-n<)us  mieux que aous pourrocn. car 4 cette heure, nous deux nous oout faisoas RflUfieux pour ccU : n'cit il pas bien \'Tay ? Je tuH bien ahe qu'il y ayt tUM Sour Claude Simplicienne. car je l'ayme de tout moo oorar ma Saur Qaods Simplidenoe. EUe veut tenir ma place et tou«iourt mieux faire. Vouloas- (nou^l pa« béen lairr noii^ deux ? Ta«rhon< de faire du mieux que ootn pourrooft. Pour bien /air.-. .•;••.;:.:.'.>.•.•. UD peu Meo A U 1 -■;.■.'• f"\ ♦-t t ■•!• . .■:..,.:■' i .. nous puine «rapetcber de bien (aire que cela. Ri«o oe nous doét eropevber de bkn fairt tout ce qui c%t marqua en : ' tioo* ; av Diau, Dous la pouvom et devons faire. }j '• oou^ d^ ni detcourafrr pour e«tre sujette* k (aire de* (autet ; noua «o fcrom tomjoar». Dieu le permettant ainsi pour imilité : de Booa* roeamea noot ne pouvons rien aut: : > que si faatok là dedans je tcrois bien joyeux ; je leroit si content d'avoir tous mes exercioai inarquM * Mais je ot m'ampretMffoit jamais, ô non ; oala |a Is (crois eneoe» bien, ce me Mmbis, car dés A cmUm beur» ^ '^o m*«mpc«M jam«>« »•• fai* des)a rrla. Je m'humUieroéi en (alvant 1rs praii'jM'-» urt je tstchsruèi la mieux que je pourroés «Se (aire tuute« mes at ti<>tt« m U { rr^txr de Dieu, awe k plus d'humilité et d'am -ur qu'il ma tarait puMtbie, c^r uu apprend crans X faire ainsi, n'est U pa» vrav * ht qu'avons-noM A faire nova Mrtrw qnt cria ^  ^oo Les vrays Entretiens spirituels en ce monde autre chose à faire que cela ? Rien du tout, nous sçavons tout ce qui est requis que nous sçachions pour cela, et à ceste heure il nous faut quitter nous-mesmes. Commençons tout de bon, Dieu nous aydera ; si nous avons le courage, nous ferons prou, Dieu aydant. Mais sçavez-vous encore, ma chère fille Simplicienne ? j'espère que je laisserois bien faire de moy tout ce que l'on voudroit, et lirois souvent les chapitres De l'Humilité et De la Modestie, de nos Consti- tutions. O ma fille, il les faut bien lire souvent et les bien pratiquer. Dieu nous en face la grâce et soit béni.  B  DES CINQ DEGRES D HUMILITE (Mss. et Coll.) Le premier degré de l'humilité c'est la cognoissance de soy- mesme, c'est à dire lors que par le tesmoignage de nostre propre conscience et par la lumière que Dieu respand dans nostre esprit, nous cognoissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misère et abjection, Ceste humilité icy, si elle ne passe pas plus avant, elle n'est pas grande chose, et en efîect elle est fort com- mune ; car il se trouve peu de personnes qui vivent avec tant d'aveuglement qu'ils ne cognoissent assez clairement leur vileté, pour peu de considération qu'ils fassent ; mais neantmoins, si bien ils sont contrains de se voir pour ce qu'ils sont, ils seroyent extrê- mement marris si quelqu'autre les tenoit pour tels. C'est pourfjuoy il ne faut pas s'arrester là, ains passer au second degré, qui est la  rien du tout. Il m'est ad vis que je me tiendrois bien bas et petit au prix des autres. Si nous avons bien eu le courage de quitter ce que nous avions au monde, il en faut bien plus avoir pour nous quitter nous-mesmes. C'est bien peu ce que nous laissons au monde, mais puisque c'est tout ce que nous pouvions avoir, c'est tout quitter. A ceste heure nous n'avons rien à faire que ce qui est escrit pour nous. Commençons tous les jours à mieux faire. Je lirois bien souvent le chapitre De l'Humilité et De l(i Modestie : et vous, ne les lisez-vous pas bien souvent ? Quelquefois ? Nous ferons prou, je le sçay bien moy, et Dieu nous aydera. Faisons bien, nous avons bon courage. Dieu soit béni.  Appendice 401 recognoissance ; car il y a difierence entre cognoistre une chose et la recognoistre. La recognoiasance donques c'est de dire et publier quand il en est besoin, ce que nous cognoisaoos de nous ; mais cela s'entend de le dire avec un vray sentiment de nostre néant, car il s'en trouve une infinité qui ne font autre chose que s'humilier en paroles. Parlez à une femmi* La plus vaine du monde, à un courtisan de mesme humeur, dites-leur voir : Mon Dieu, que vous estes braves, que vous avez de mérite f je ne vois rien qui approche de vostre perfection. O Jésus, vous respondront-ils cxcusez-moy, je ne vaux rien et ne suis que La misère mesme et i m (perfection ; mais ce pendant ils sont extrêmement ayses de s'entendre louer, et encor plus si vous le croyez comme vous le dites. Voila donc comme ces termes d'humi- lité ne sont que sur le bout des lèvres et ne partent nullement de l'intime du cœur ; car si vous les preniez au mot sur leurs fausses humiliations ils s'en ofTenceroyent, et voudroyent que tout sur le champ on leur fist réparation d'honneur. Or, de tels humbles I>ieu nous en défende. Le troisicsme degré est d'avouer et confesser nostre vileté et abjection quand les autres La descouvrent : car souventesfois nous disons bien nous-mesmes, voire avec sentiment, que nous sommes pervers et misérables, mais nous ne voudrions pas qu'un autre nous devançast en ceste déclaration ; et si l'on le fait, non seulement nous n'y prenons pas plaisir, mais de plus nous nous en piquons, qui est une vraye marque que nostre humilité n't*st pas parfaite ni de Li fine. Il faut d est UtTt petit. Nostre Seigneur le \euille at-croistre de vinjji nu^ OU trente filles nui \u\ soyent dcnlié*-» m teste petite Conifregation. Ainsi lott-il.  .Q, Les vrays Entretiens spirituels  VIVE t JESUS entretien de NOSTRE bien-heureux PERE PLEIN DE TRES-BELLES ET ADMIRABLES SENTENCES (Ms.) L'exacte obéissance es choses dures, la profonde humilité és mespris et une invincible patience és douleurs : ce sont les trois vertus et pierres de touche où l'on essaye la charité. Je mediteray comme la colombe et mes yeux seront fatigués en con- templant le ciel, parce que la colombe mangeant les grains qu'elle amasse, elle esleve souvent ses yeux au ciel : c'est pourquoy les yeux de l'Espouse sont comparés aux yeux de la colombe, pour signifier que les espouses de Jésus Christ, méditant, mangeant et travaillant, doivent souvent eslever les yeux au Ciel où est leur Bien-Aymé. Le plus ordinaire séjour de l'ame dévote doit estre au pied de la Croix de Nostre Seigneur, car l'on obtient davantage de Dieu par le chemin de l'humilité et révérence ; et il ne se faut pas trop avancer par la voye de la confiance, de peur qu'il ne nous arrive comme à l'Espouse, qui pria son Amy de luy monstrer le lieu où il reposoit sur le midy. Il luy fut respondu qu'elle recognust ce qu'elle estoit, parce que si elle ne se recognoissoit, il ne demeureroit pas avec elle. La rose représente l'amour et charité ; elle a ses feuilles incar- nates, toutes faites en façon de cœurs : telles doivent estre toutes les actions des espouses de Jésus Christ, ayant autant de cœurs que de feuilles et autant de feuilles que de cœurs ; c'est à dire des cœurs pleins d'amour ; et de feuilles, pour le peu d'estime qu'elles doivent avoir de tout ce qu'elles font. La rose a encor une autre propriété, c'est qu'elle tue tous les limaçons qui viennent à l'entour de son rosier, par sa suave odeur : ainsy l'ame dévote, qui doit estre une rose devant Dieu, doit chasser et tuer tous les limaçons qui viennent à l'entour de son cœur, c'est à dire le rafroidissement et tiédeur qui l'empeschent de courir en la voye de Dieu. La rose croist entre les espines : de mesme, les meilleures et plus solides vertus croissent  Appendice 403 et se maintiennent parmi les plus dures contradictions. A mesure que l'on s'abaisse par humilité, à mesure l'on croist en vertu, et non plus. Tout homme, dit David, qui p^nse estre <|uelque chose, est menteur, car en vérité il n'est rien. Celuy qui assemble et fait amas de vertus sans humilité, est semblable à celuy qui porte en ses mains de la poussière au vent. Bien-heureuse sera l'ame qui pourra dire en vérité à l'heure de la mort, à l'imitation de Nostre Seigneur : Tout est eonsomftié. j'ay fait tout ce (jue j'ay peu pour m'avancer au service de Dieu Il faut garder nos cœurs purs et nets comme un temple sacré auquel Dieu fait sa résidence, et avoir tous les jourset à toutes heures la serpe à la main pour couper et retrancher les inutilités qui naiflKOt à l'entour de nos cœurs, qui sont comme la terre qui a tousjours l)esoin d 'estre sarclée et emondée ; et faut estre résolu de plustost mourir mille fois ({uc d'ofïcnsi>r Dieu à son escient. Il ne faut pas désirer d'estre deli\Té de ses imperfections, sinon parce c|u'eUes desplals<>nt à I>ieu : car il est bon. pour nous tenir en humilité et résignation, que sa volonté soit faite ou nous les ostant ou nous les laissant, pour\'eu qu'il soit glorifié en icclles. Il ne se faut pas humilier pour estrcexalté. mais il se faut humilier parce que Dieu s'est humilié. L'on n'est en Religion que |^»ir conserver en nous l'image et sembUnce de Dieu sans intermissi et le moyen de le faire, c'est d'estre continuellement en sa présence et former toutes nos actions au modèle des siennes. Les âmes bien- heureuses qui sont au Ciel ne se resjouïsscnt rien tant que de parler de la Mort et l'assion de Nostre Seigneur. par la«iuelle elles ont acquis U gloire t|u'elles poHS<*eust arriver ; que pour luy il choisiroit plustost d'estrc logé au coin d'une chambre, avec repos, que d'estre dans la Cour parmi le tracas des honneurs et richesses : et pour cela il tesmoigna de désirer d'estre logé dans la chambre de Monsieur Brun, nostre confi*sseur. Nous luy disrncs plusieurs fois qu'il en recevroit Ixraucoup d incommodités . il dit tousjours que non. et qu'il scroit mieux qu il ne mentoit. et de plus, qu'il seroit proche de ses chères filles. Et comme nous persistions à luy dire qu'il en seroit incommodé, il nous dit : • Je suis trop tnen. ne vous mettez pas en peme. conservez la paix du cœur. • Et nous  ^t^mm mm **'  (|>» -•• ne Cl QUI WOMftlIfR Dl ClWtVI DIT IW M STOIJ AL'X OAMI* Dl LA VlMTATtOM Ol LVOM.rtMl DtTi V1LLI. (Cotl.) — C« Rêcuêtl ««t compo%^ àr divvr» «. Uiu U ComrnunauU «o géoéral. mM «i p«rtècul'er A It ^ m A q<> autrr R«ligieu«r. C*c«l c» qui rsplique qur tm .j • nt Ion tantAl au tlnfulkr. Unidl au plurWI. 9\ qor |r« rfpoo»r> du !mhiI ♦'•d u — *ot lo«r A losr o« 4 «w ssalt y m n a mm oa A  ^o8 Les vrays Entretiens spirituels dit avec une façon si pleine d'humilité et de douceur : « Je voy bien que vous avez envie de vous défaire de moy ; mais, je vous prie, permettez que je loge là, et ne vous mettez nullement en peine que je ne sois pas bien ; car en vérité je couche à Neci dans une chambre qui est dix fois plus froide que celle-là. » Et comme il continuoit tousjours à nous parler de la tranquillité d'esprit, nous luy dismes : Monseigneur, nous vous supplions tres- humblement de nous en faire un Entretien, et comme il se faut comporter en la déposition des Supérieures. « Je le veux bien, » dit-il, « mais il faut attendre que nostre Mère y soit.» Il s'estendit fort à parler du desnuement qu'il faut avoir en ces changemens-là : t Bien des larmes, » dit-il, « qui se jettent en ce temps-là, ne proviennent que d'amour propre, de flatterie et de la crainte que l'on a qu'on ne pense que l'on n'est pas de bon naturel et que l'on n'ayme pas assez ; et tout cela ne sont que des petites dissimulations, où il y peut avoir du mensonge aussi bien qu'en nos paroles. Les filles sont grandement sujettes à telles imperfections, sur tout quand elles recognoissent que les Supérieures sont tendres et qu'elles prennent plaisir qu'on leur tesmoigne ces petites affections. De mille larmes que l'on jette en ces occasions-là, il y en a bien peu de véritables, et cela se fait fort souvent par imitation ; en fin cela sent la fille. Il est très vray que ces pleurs et larmes sont fort suspectes. Il faut avoir un amour solide qui ne dépende point de ces tendretés ; le vray amour ayme autant loin que près, et ne s'attache pas à ce qui est d'humain ; en fin la grâce ne produit point tout cela. Que les filles regardent leurs Supérieures, tandis qu'elles les ont, comme tenant la place de Dieu, sans s'amuser à tant d'inclina- tions humaines qui ne sont rien moins que la vraye vertu. Si bien il est dit que sainte Thérèse pleuroit beaucoup à la mort de quelque serviteur de Dieu, elle ne doit pas estre imitée en cela, car il faut seulement imiter les vertus des Saints. » Nous luy demandasmes s'il n'avoit point quelque prétention à fin que l'esprit de douceur et de simplicité qui se pratique parmi nous y fust conservé et qu'il y eust quelque liaison entre nos maisons ; que plusieurs personnes avoyent pensé qu'une Générale serviroit grandement à cela. Il respondit avec une fermeté d'esprit extraordi- naire : ï Ma fille, ceste pensée ne fut jamais qu'humaine ; j'ay passé deux jours et deux nuits à y penser, parce que nostre Mère m'avoit escnt qu'on luy en avoit parlé, mais je ne vois aucune apparence à cela. » Et nous luy dismes : Quelle est donc vostre intention. Monseigneur ? « C'est qu'on laisse tout à la Providence divine. » Il nous a dit ceste parole plusieurs fois, et nous a fait cognoistre  Appendice 409 apertement qu i