DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE CONTENANT L’EXPOSÉ DES DOCTRINES DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE LEURS PREUVES ET LEUR HISTOIRE COMMENCÉ SOUS LA DIRECTION DE A. VACANT E. MANGENOT PROFESSEUR AU GRAND SÉMINAIRE DE NANCY PROFESSEUR A L'INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS CONTINUÉ SOUS CELLE DE É. AMANN PROFESSEUR A LA FACULTE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE DE L’UNlVKKSiTÉ DE STRASBOURG AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS TOME TROISIÈME PREMIÈRE PARTIE CLARKE - CONSTANTINOPLE PAR IS-VI LIBRAIRIE LETOUZEY ET 87, Boulevard Raspail. 87 1938 TOUS DROITS RÉSERVÉS ANÊ Imprimatur Parisiis, die 3a mensis Decembris 1907. t Franciscus, Card. RICHARD • Arch. Par. DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE CLANDESTINITÉ. Voir Propre curé. 1. CLARKE Adam, prédicateur et théologien métho­ diste (1762-1832), né en '1762 à Moybeg, comté de Lon­ donderry, en Irlande, fit ses études au séminaire wesleyen de Kingswood, prés de Bristol. De 1779 à 1805. il mena la vie active d'un prédicateur méthodiste ambu­ lant; dans l'intervalle de ses courses apostoliques, il se consacrait à des travaux de bibliographie et d’exégèse. A partir de 1805 il résida d’ordinaire à Londres. Ses principaux ouvrages sont : 1° A bibliographical dictio­ nary, Londres, 1802, dans lequel on trouve la liste et les principales éditions des meilleurs ouvrages publiés en grec, en latin et dans les langues orientales, depuis l'invention de l'imprimerie jusqu’en 1800; un supplé­ ment, paru en 1806, énumère les principales traduc­ tions anglaises des ouvrages anciens; 2° The succession of sacred littérature, donnant la liste chronologique des auteurs d’ouvrages de religion et de leurs œuvres de­ puis l’invention de l'alphabet jusqu’en 345 de notre ère, Londres, 1807 ; en 1831, son fils Jean-Baptiste continua l'ouvrage jusqu’en 1446; 3° Commentary on the Bible, Londres, 1810-1826 ; 4° en 1816, sur la demande des commissaires des archives d’Angleterre, il entreprit une réédition du célèbre ouvrage de Thomas Rymer, Fœdera interreges Angliæ et alios reges; le premier volume et la première partie du second étaient imprimés quand il mourut; ils portent son nom. Ses œuvres mêlées ont paru en 13 vol. à Londres. An account of the infancy, religious and literary life of A . Clarke, Londres, 1833; Dunn, Life of Adam Clarke, Londres, 1863; Etheridge, Life of Adam Clarke, Londres, 1858; Everett, Adam Clarke portrayed, Londres. 1843; The life and labours of Adam Clarke, Londres, 1842 ; articles de Hiiusle dans le Kirchenlexikon,de Blaikie dans le Did. of nat. biography. J. de la Serviere. 2. CLARKE Robert, chartreux anglais, né à Londres, vers le commencement du xvn· siècle, étudia la philoso­ phie et la théologie au collège catholique anglais de Douai, et y enseigna les humanités. En 1632, il entra à la chartreuse de Nieuport, au diocèse d’Ypres, dans la Flandre, ou s’étaient réunis (1626) les enfants de saint Bruno proscrits de l’Angleterre. Dom Robert, après sa profession, vécut toujours exemplairement et refusa toute charge qui pouvait le distraire de la prière et de l'étude. Il cultiva beaucoup la poésie religieuse, et c'est avec raison qu'on l’appela le Virgile chrétien. 11 mou­ rut pieusement le 31 décembre 1675. Comme théologien ii composa une dissertation De dignitate confessorii, DICT. DE TIIÉOL. CAT11OL. qui ne parait pas avoir été imprimée. Nombreuses sont ses poésies, mais on n’a publié que son grand ouvrage intitulé : Christiados, sire de passione Domini et Sal­ vatoris nostri Jesu Christi, in-8°, Bruges, 1670; Augsbourg, 1708; Ingolstadt, 1855; trad, allemande par M. l'abbé Walthierer, 1853. M. Sébastien Mulzl, recteur du gymnase d’Eystadt, a publié une étude sur cet ouvrage dans l'Êos, en 1829. S. Autore. 3. CLARKE Samuel, théologien et prédicateur an­ glican (1675-1729), naquit le 11 octobre 1675 à Nor­ wich dans le comté de Norfolk, et lit ses études à Cains College, Cambridge. La philosophie dominante à Cam­ bridge était alors le cartésianisme; Clarke, que la lecture des premiers ouvrages de Newton avait conquis aux idées philosophiques du grand astronome, entreprit de les introduire à l'université; dans ce but, il traduisit en latin la Physique de Rohault, Jacobi Bohaulli physica, Londres, 1697, et l’accompagna de notes philosophiques conformes aux théories newtoniennes. Cet ouvrage, qui eut en peu de temps six éditions, servit pendant de longues années de text book à Cambridge. Clarke en publia aussi une traduction anglaise. F. Bouillier, His­ toire de la philosophie cartésienne, Paris, 1854, t. Il, p. 497. A peine Clarke eut-il reçu les ordres, que l’évêque de Norwich, John Moore, frappé de ses talents, le prit pour chapelain, et lui conféra d’importants bénéfices; chez l’évêque, Clarke trouvait une des plus belles bi­ bliothèques de l'Angleterre; il put se donner tout entier à ses études, et multiplier ses publications. En 1699 parurent de lui deux traités; l'un, signé : Three practi­ cal essays upon baptism, confirmation, repentance, Works, t. m, destiné â ramener l'Église anglicane à l’austérité de la primitive Église, et à critiquer la con­ ception romaine des sacrements; l’autre, anonyme, Deflexions on part of a book called Amyntor, Works, t. m, où Clarke défendait l'authenticité de plusieurs monuments de l’ancienne littérature chrétienne contre ΓAmyntor de Toland. En 1701, Clarke publia Para­ phrases on the four Gospels, Works, t. m, court et clair commentaire ou il s’attache avant tout au sens littéral du texte sacré. En 1704, il fut appelé à donner à Saint-Paul de Londres les Boyle lectures, ou conférences établies en 1691 par Robert Boyle, célèbre physicien et fondateur de la Société royale de Londres, pour la défense de la religion naturelle et de la révélation contre l’athéisme et le matérialisme. Devant cet auditoire, le plus distinIII. - 1 3 CLARKE gué du Royaume-Uni, Clarke s’attacha à réfuter en huit conférences Hobbes, Spinoza, « el autres contemp­ teurs de la religion naturelle el révélée, » en prouvant l'existence et les attributs de Dieu. .1 discourse concerning the being and attributes of God, Works, t. n. Un être immuable et indépendant existe de toute éternité : il est distinct du monde matériel; nous ne pouvons comprendre son essence, mais beaucoup de ses attri­ buts sont démontrables, p. 524-539. Ces attributs sont l'éternité, l’infinité, l'omniprésence, l'unité, p. 539-543; cet être, à en juger par son œuvre, est une intelligence inlinie; il est libre; il est maître souverain de toutes choses et son omnipotence s'accorde bien avec la liberté humaine, p. 543-566; il est inliniment sage, bon, juste et vrai; l’existence du mal dans le monde ne prouve rien contre sa providence, p. 566-571. Ces conférences, où l'auteur montrait une connais­ sance approfondie des erreurs les plus en vogue, eurent un tel succès, que Clarke fut prié de continuer son œuvre l'année suivante devant le même auditoire. Il choisit pour sujet en 1705 les obligations de la loi na­ turelle, et la certitude de la religion révélée, The obli­ gations of natural religion, and the truth and certainly of the Christian revelation, ll’orAs, t. it. Cerlaines obligations morales s’imposent à toute créature raison­ nable, indépendamment de toute institution positive et de toute attente de récompense et de châtiment: l’au­ teur répond à l'objection tirée des divergences des dif­ férents peuples dans leurs appréciations du bien et du mal. p. 608-631 ; les théories de Hobbes sur l'origine de l'obligation et du droit sont réfutées, p. 631-637. Ces obligations morales universelles, sorties de la nature même des choses, sont la manifestation de la volonté de Dieu à ses créatures raisonnables; elles doivent avoir une sanction, et cette sanction n'existant pas tou­ jours en cette vie. l’existence d'une vie future s’impose; les principales preuves de l'immortalité de l’âme sont développées, p. 637-643. Malgré la certitude de ces vé­ rités naturelles, l’homme est tellement faible et cor­ rompu, qu’à de rares exceptions près il ne peut les con­ quérir et les conserver sans un enseignement positif; cet enseignement, la philosophie humaine n’a pas suffi à le donner; contre les déistes ses contemporains Clarke prouve la convenance et l’utilité d'une révéla­ tion divine, p. 643-673. Cette révélation divine, seul le christianisme la possède et en donne des preuves; ses enseignements sont en parfait accord avec les vérités que la raison naturelle nous fait découvrir, p. 673680. Les points sur lesquels les diverses communions chrétiennes dilïérenl sont en petit nombre el de peu d'importance; toutes enseignent également les grandes vérités nécessaires à la conduite de la vie humaine, p. 680-695. Les miracles du Sauveur, l’accomplissement des prophéties en sa personne, le témoignage que lui rendent les apôtres, prouvent clairement sa mission divine; à ces preuves, on ne peut raisonnablement ré­ sister, p. 695-737. Les Boyle lectures, qui firent à Londres la réputation de Clarke, furent presque aussitôt éditées par lui sous forme de traité; elles furent traduites en français par Ricotier, Amsterdam, 17’27; cette traduction est repro­ duite dans les Démonstrations évangéliques de Aligne, I. v, col. 936 sq. En 1706, Dodvvell ayant publié un écrit ou il préten­ dait que l’âme humaine était naturellement mortelle, mais que, avec le baptême, elle recevait surnaturellement de Dieu l'immortalité, Clarke reprit la plume pour développer quelques-unes des thèses énoncées par lui l’année précédente, et dans une lettre à Dod­ vvell, Letter to Mr Uodwell, Works, t. in, p. 721 sq., il réfuta ses arguments et prouva que l'immortalité était naturelle à i'âine, par des arguments de raison; il réta­ blit de plus le vrai sens des citations des Peres que son ί adversaire avait apportées en faveur de sa thèse; une intéressante correspondance s'engagea â la suite entre lui et un défenseur de Dodvvell. Works, t. Ill, p. 757 sq. Ces graves travaux n absorbaient pas tous les instants de Clarke; la même année 1706 il trouva le loisir de traduire en latin VOptique de Newton, Newtonis optice; le grand savant fut si satisfait de celte œuvre, qui per­ mettait à l’Europe savante de s’initier à ses décou­ vertes, qu'il iit présent â son ami de 500 livres sterling, 100 pour chacun de ses cinq enfants. Tous ces travaux confirmaient l’évêque de Norwich dans la haute idée qu'il s’était faite du talent de son protégé; il lui fit conférer en 1706 la paroisse de SaintHennets Paul s Wharf, à Londres, et l'introduisit â la cour de la reine Anne; trois ans plus tard, la reine le présentait pour la paroisse Saint-James de Westmins­ ter, et Clarke devenait un des prédicateurs de la cha­ pelle royale; en 1709, pour se rendre plus digne de ces grandeurs, il allait prendre â Cambridge son doctorat en théologie, après une brillante soutenance de celte thèse, qui lui était chère, qu'il y a parfait accord entre les vérités de l'ordre naturel et les vérités révélées. Une grave épreuve allait bientôt empêcher Clarke de parvenir aux premiers honneurs de l’Eglise établie que tout semblait lui présager. En étudiant les Pères de l’Eglise, il s'était persuadé que la doctrine qui prévalut au concile de Nicée sur la consubstantialité du Père et du Eils n'était pas celle des premiers siècles chrétiens; et il se crut la mission de ramener l’Eglise anglicane sur ce point au christianisme primitif. Dans ce but, il publia en 1712 sa Scripture doctrine of the Trinity, llorAs, t. iv; en vain lord Godolphin et plusieurs autres personnages de la cour de la reine Anne étaient intervenus auprès de lui pour arrêter la publication de ce livre dont ils prévoyaient les conséquences: Clarke se croyait obligé en conscience à expliquer dans quel sens il fallait entendre ceux des 39 articles de l’Eglise établie qui concernaient la trinilé. L’ouvrage a deux parties; dans la première, tous les textes de la sainte Écriture qui ont trait aux trois personnes divines sont cités et brièvement commentés; la seconde énonce les conclusions que Clarke croit devoir tirer de ces textes. H n’y a qu’une seule cause suprême de toutes choses; une personne divine, auteur de tout être, source de tout pouvoir; avec elle existe de toute éternité une se­ conde personne divine, le Eils, une troisième, l'Esprit du Père et du Fils. Le Père seul existe par lui-même et a un être indépendant; seul il est dans le sens strict l’Élre suprême; c’est de lui que parle l'Ecriture, quand elle parle du Dieu unique, quand elle nomme Dieu sans restriction, p. 122-134. Le Fils n’existe pas par luimême, mais tire son existence et toutes ses propriétés du Père, comme de la cause suprême; c'est une égale erreur d’affirmer que le Fils a été créé de rien, ou qu’il est une substance exislante par elle-même; l'Ecriture, du reste, suppose toujours que le Fils a existé avec le Père dès le commencement et avant notre monde, p. 134-141. Le Verbe, ou le Fils du Père éternel, en­ voyé par lui dans le monde pour s'y incarner et mourir, n’était pas « la raison ou sagesse intérieure de Dieu, attribut du Père ; mais une personne réelle, la même qui depuis le commencement révéla au monde les vo­ lontés du Père », p. 146. L’Esprit-Saint est lui aussi une personne réelle, « qui n’existe pas par elle-même, mais tire son être du Père par le Fils, comme de la cause suprême. » Si la personne du Fils est parfois appelée Dieu dans l’Ecriture, ce n’est pas « à cause de sa substance métaphysique, mais de ses attributs rela­ tifs, et de l'autorité divine que le Père lui a communi­ quée sur nous », p. 150; c’est par lui, en ell'et, que le Père a créé et gouverne encore le monde; il a reçu du Père tous les pouvoirs divins qui sont communicables, « c'est-à-dire ceux qui ne renferment pas cette indépen­ CLARKE dance et cette autorité suprême par laquelle Dieu, le Père universel, se distingue. » Le Fils, quelles que soient la grandeur et la dignité divine que lui attribue l’Écriture,est évidemment subordonné au Père, de qui il tire son être, ses attributs et ses pouvoirs, p. 155. Le SaintEsprit est aussi évidemment subordonné au Père; l'ficriture le représente également comme subordonné au Fils; cela par nature, et aussi par la volonté du Père, p. 179. En conséquence, l’honneur suprême ou adoration n’est dû qu’à la personne du Père, seul au­ teur suprême et origine de tout être et de tout pouvoir; tout honneur rendu au Fils qui nous a rachetés, ou au Saint-Esprit qui nous sanclilie, doit être compris comme tendant finalement à l’honneur et à la gloire du Père, en vertu du bon plaisir duquel le Fils nous a rachetés et le Saint-Esprit nous sanctifie, p. 179-185. Dans une troisième partie, l’auteur examinait les différents textes de la liturgie anglicane où est exprimé le dogme de la trinit··, et s'efforcait de les interpréter dans le sens de sa thèse. Bien que Clarke protestât en maint passage de son livre de son horreur pour les doctrines ariennes, de nombreux adversaires se levèrent aussitôt contre lui, l'accusant à bon droit de manquer à la foi de Nicée. We Is, Nelson. Waterland engagèrent avec lui, au cours de l’année 1713, une violente polémique dans laquelle Clarke fut contraint de préciser encore ses opinions hétérodoxes. Works,!. iv, p. 225 sq. D’ailleurs, le recteur de Saint-.larnes n’était pas seul; et plusieurs de ses amis s'avouaient hautement pour les tenants des doc­ trines qu'ils appelaient « eusébiennes ». Winston, His­ torical memoirs, p. 12 sq., 32 sq.; Taine, Histoire de la littérature anglaise, Paris, 1895, t. ni, p. 281. Vol­ taire écrivait d’eux quelques années après : « Il y a en Angleterre une petite secte composée d'ecclésiastiques et de quelques séculiers très savants, qui ne prennent ni le nom d’ariens, ni celui de sociniens. mais qui ne sont point du tout de l’avis de saint Athanase sur le chapitre de la trinité, et qui vous disent nettement que le Père est plus grand que le Fils. » 7· lettre sur les Anglais, Œuvres, t. xxxv, p. 55. La reine Anne, ellemême, avait dû s’élever en plein parlement, le 5 avril 1714, contre « ces hommes qui devraient se tenir tran­ quilles, et se mêler de leurs affaires, plutôt que de ressusciter des questions et des disputes d’une nature trop haute ». Clarke devait s’attendre à un procès en règle. Le 2 juin 17’14, la Chambre basse de la « Con­ vocation » ou concile provincial de Canterbury adressa une plainte aux évêques qui composaient la Chambre haute contre son livre, « comme contenant des asser­ tions contraires à la foi catholique, telle qu'elle est re­ çue et expliquée par l'Eglise réformée d'Angleterre. » Le 23 juin. les passages qui semblaient les plus répréhen­ sibles furent produits devant les évéques; Clarke fut invité à s’expliquer. Le 26 juin, il se justifia, en ne ré­ tractant rien de ses théories, mais en apportant à leur appui de nombreux textes des Pères de l'Eglise et des grands théologiens anglicans. Le 2 juillet, sur la de­ mande des évêques, il condensa sa doctrine dans celte proposition : « Le Fils de Dieu est engendré de toute • ••mité par l’incompréhensible pouvoir et volonté de son Père; le Saint-Esprit dérive de même du Père par le Fils. "Works, t. iv, p. 553. Clarke déclara de plus qu’il n avait pas l’intention de prêcher ou d’écrire de nou.- .iu sur la matière de la trinité, et se défendit d’avoir supprimé dans son église certaines parties du service divin, entre autres la récitation du symbole d’Athanase. Dans une lettre du 5 juillet 1714, adressée à l’évêque de Londres, il tint à bien spécifier qu’il s’expliquait, mais ne se rétractait pas. Le même jour, les évéques décla­ rèrent » qu’il n’y avait pas lieu de procéder contre les textes produits par la Chambre basse, et que les explica­ tions données par Clarke seraient conservées aux archi­ G ves de la Chambre ». La Chambre basse protesta avec indignation, le 7 juillet, contre cette absolution donnée à Clarke « sans aucune rétractation de ses hérésies »; mais les évêques tinrent bon, et l’affaire en resta là. Ibid., p. 557, 558. Toutes les pièces de ce curieux procès, qui en dit long sur l’état des esprits dans l’Eglise anglicane au début du xvill0 siècle, se trouvent dans les Œuvres de Clarke, t. tv, p. 542 sq. Λ la suite de ce procès, Clarke fut vigoureusement attaqué par plusieurs de ses amis comme n’ayant pas soutenu ses idées avec assez de franchise, Whiston, Historical memoirs, p. 66 sq.; pris de remords, il se refusa, jusqu’à la fin de sa vie, à accepter aucun emploi îcclésiaslique qui l’obligerait à souscrire de nouveau les 39 articles; c’était se fermer la roule des premiers hon­ neurs. Voltaire. 7" lettre sur les Anglais, Œuvres, l.xxxv, p. 56, raconte que la reine Anne ayant pensé à lui pour l'archevêché de Canterbury, l’évêque Gibson arrêta la nomination par celle simple remarque : « Madame, M. Clarke est le plus savant et le plus honnête homme du royaume, il ne lui manque qu'une chose. — El quoi? dit la reine. — C’est d'être chrétien, » dit le docteur bénévole. Dans son emploi même de recteur de SaintJames, Clarke eut jusqu'à la lin de nombreuses difficul­ tés avec ses paroissiens, qui plus d'une fois le dénon­ cèrent à l’évêque de Londres comme supprimant ou altérant dans l'office divin les textes liturgiques où le dogme de la trinité était clairement énoncé. Whiston, Historical memoirs, p. 53, 76 sq. Pour dédommager Clarke des hautes situations ecclé­ siastiques que ses scrupules de conscience ne lui per­ mettaient pas d’accepter, ses puissants amis de la cour lui firent offrir en 1727, à la mort de Newton, le poste de directeur de la Monnaie, que celui-ci avait occupé; Clarke refusa noblement, l'emploi lui semblant incom­ patible avec ses devoirs de pasteur. Pendant les dernières années de sa vie il se consacra tout entier aux questions de philosophie et de théologie naturelle qui ne l'engageaient pas dans d'aussi brû­ lantes controverses. « Cet homme, écrivait Voltaire, est d'une vertu rigide et d'un caractère doux, plus ama­ teur de ses opinions que passionné pour faire des pro­ sélytes, uniquement occupé de calculs et de démons­ trations, aveugle et sourd pour tout le reste, une vraie machine à raisonnements. » 7« lettre sur les Anglais, Œuvres, t. xxxv, p. 56. Après la mort de la reine Anne. Clarke devint un des intimes de la princesse de Galles, plus tard la reine Caroline, femme de George IL Chaque semaine, la princesse réunissait un petit cercle de savants pour des entretiens philosophiques; le recteur de Saint-James était un des plus assidus à ces réunions. En novembre 1715, Leibnitz ayant publié une lettre où il se plaignait du progrès de l’incrédulité en Angleterre et l’attribuait en partie aux doctrines philosophiques de Locke et de Newton, la princesse Caroline invita Clarke à prendre la défense du grand astronome son ami, et se chargea de transmettre à Leibnitz sa réponse ; il s’exécuta, et une correspondance très intéressante s'engagea entre les deux savants; elle dura jusqu’à la mort de Leibnitz (1-4 novembre 1716). Clarke la publia lui-même en 1717. Elle comprend cinq lettres de chacun des adversaires, reproduites dans les Œuvres complètes de Clarke, t. iv, p. 575sq. Les questions les plus intéressantes, abordées sans grand ordre dans cette correspondance, se rappor­ tent au dogme de la providence, aux notions de l’espace et du temps, à la défense de la liberté humaine. Leibnitz avait attaqué Newton comme soutenant que Dieu était obligé continuellement de a corriger et retou­ cher son ouvrage par un concours extraordinaire». « Selon mon sentiment, ajoutait-il, la même force et vigueur subsiste toujours dans le monde, et passe seulement 7 CLARKE — CLAUDE de matière en matière suivant les lois de la nature et le bel ordre préétabli, » p. 587. « Je ne dis point que le monde corporel est une machine, ou une montre qui va sans l’intervention de Dieu, et je presse assés que les créatures ont besoin de son influence continuelle, mais je soutiens que c'est une montre qui va sans avoir besoin de sa correction; autrement il faudrait dire que Dieu se ravise; Dieu a tout prévu; il a remédié â tout par avance; il y a dans ses ouvrages une harmonie, une beauté déjà préétablie, » p. 595. « Ceux qui soutiennent, répond Clarke, que l'univers n’a pas besoin que Dieu le dirige et gouverne continuellement, avancent une doctrine qui tend à le bannir du monde... L’idée que le monde est une grande machine, qui se meut sans que Dieu y intervienne, comme une horloge continue à se mouvoir sans le secours de son horloger, cette idée in­ troduit le matérialisme et la fatalité; elle tend effecti­ vement à bannir du monde la providence et le gouver­ nement de Dieu, » p. 590, 591. « Le mot de correction ou de réforme, ne doit pas être entendu par rapport à Dieu, mais uniquement par rapport à nous... L'état présent du monde, le désordre où il tombera, et le re­ nouvellement dont ce désordre sera suivi, entrent éga­ lement dans le dessein que Dieu a formé... La sagesse et la prescience de Dieu consistent, comme on l'a dit ci-dessus, à former dès le commencement un dessein que sa puissai.ee met continuellement en exécution, » p. 599. Pour Leibnitz, l'espace « est quelque chose de pure­ ment relatif comme le temps, un ordre des coexistences comme le temps est un ordre des successions... Tout espace vuide est une chose imaginaire; l'espace doit être la propriété de quelque substance; l’espace vuide borné que ses patrons supposent entre deux corps, de quelle substance sera-t-il la propriété et l'affection ?» p. 613; cf. p. 644 sq. Clarke au contraire nie que l'espace soit seulement ·, l'ordre des choses qui coexistent, pas plus que le temps n'est l’ordre des successions dans les créatures », p. 608. « L'espace destitué de corps est une propriété d une substance immatérielle; l'espace n'est pas borné par les corps, mais il existe également dans les corps, et hors des corps, » p. 623. « L’espace vuide n'est pas un attribut sans sujet, car parcet espace nous n’en­ tendons pas un espace où il n'y a rien, mais un espace sans corps; Dieu est certainement présent dans l’espace vuide; et peut-être qu'il y a aussi dans cet espace plu­ sieurs autres substances, qui ne sont pas matérielles, et qui par conséquent ne peuvent être tangibles ni apperçues par aucun de nos sens... L’espace et la durée ne sont pas hors de Dieu; ce sont des suites immédiates et nécessaires de son existence, sans lesquelles il ne serait point éternel et présent partout, » p. 623, 621. Enfin Leibnitz déclarait, au sujet de la volonté hu­ maine, « que les raisons font dans l'esprit du sage, et les motifs dans quelque esprit que ce soit, cequirépond à l’ellect que les poids font dans une balance... Vouloir que l'esprit préfère quelques fois les motifs foibles aux plus forts, et même l'indifférent aux motifs, c’est séparer l’esprit des motifs, comme s’ils étoient hors de lui comme le poids est distingué de la balance, et comme si, dans l'esprit, il y avoit d’autres dispositions pour agir que les motifs, » p. 631, 635. Clarke critiqua vivement ces comparaisons qui lui sem­ blaient détruire l'idée même de liberté. « Une balance poussée des deux cotez par une force égale, ou pressée des deux cotez par des poids égaux, ne peut avoir aucun mouvement; et supposé que cette balance reçoive la faculté d’appercevoir, en sortequ'ellescache qu’il lui est impossible de se mouvoir... elle se trouverait précisé­ ment dans le même état ou le sçavant auteur suppose que se trouve un agent libre, dans tous les cas d’une indifférence absolue... Mais un agent libre, lorsqu’il se présente deux ou plusieurs manières d’agir également 8 raisonnables, et parfaitement semblables, conserve en­ core en lui-même le pouvoir d’agir, parce qu'il a la faculté de se mouvoir. » p. 672. Clarke ne perdit pas cette occasion de railler une des idées les plus chères de son adversaire. « L'harmonie préétablie n'est qu'un mot ou un terme d'art; et elle n’est d'aucun usage pour expliquer la cause d'un effet aussi miraculeux (les rapports de l’àme et du corps), » p. 628. « C'est une hypothèse étrange que celle de l’har­ monie préétablie, selon laquelle l’âme et le corps d’un homme n’ont pas plus d'influence l'un sur l’autre que deux horloges, qui vont également bien quelque éloi­ gnées qu’elles soient l’une de l’autre, et sans qu’il y ait entre elles aucune action réciproque, » p. 696. Cette controverse, dont les plus savants compatriotes de Clarke suivaient avec passion les péripéties, augmenta encore sa réputation de philosophe. Elle eut pour suite diverses correspondances avec des philosophes anglais, surtout Antoine Collins, pour la défense de la liberté humaine. VVnrAs, t. tv, p. 701 sq. Ces travaux ne lui faisaient pas négliger son minis­ tère à Saint-James; un premier volume des sermons prèchésàses fidèles parut en 1724;puis,en 1729, Exposi­ tion of the Church catechism, résumé de son enseigne­ ment; ce catéchisme est fort intéressant pour qui veut connaître les doctrines de l’Église établie,à celte époque. Works, t. lit, p. 639 sq. Clarke mourut, des suites d’un refroidissement pris en prêchant, le 17 mai 1729. Après sa mort, Benjamin lloadly publia en 1731 dix volumes de ses sermons avec une bonne notice;enfin le même lloadly fit paraître en 1738 les Œuvres complètes de son ami,en 4 in-fol. The Works of Samuel Clarke, Londres. 4738 sq.; celte édi­ tion, dédiée à la reine par la veuve de Clarke, est précédée do la notice d'IIoadiy; Whiston, Historical memoirs of the life of D' Clarke, 1-ondres, 1718. Λ la suite de l'ouvrage de Whislon sont imprimés les deux opuscules suivants : Sykes, Elogium of Ir Clarke; Emlyn, Memoirs of the- life and sentiments of D' Clarke; Voltaire, Lettres sur les Anglais, Œuvres com­ plètes, Paris, 1827, t. xxxv; Zimmermann. Samuel Clarke's Leben und Lehre, Vienne, 1870; notices par Hàusledans le Kirchenlexikon, par Leslie Stephen dans le Diet, of nat. bio­ graphy. J . DE I.A SERVIÈHE. Jean, célèbre ministre de l’Église réfor­ mée de France au xvn· siècle, connu surtout pour ses controverses avec Bossuet et Port-Royal et pour la défense qu'il prit de son parti. Né à la Sauvetat du Drot, dans le Bas-Agenois en 1619, il mourut à La Haye le 13 jan­ vier 1687. Fils d'un pasteur, il devint, après de fortes études à Montauban, pasteur lui-même à La Treine, 1645, à Saint-AII'rique, 1646, et à Nîmes, 1654. Ses coreligionaires apprécient déjà la solidité de sa doctrine et l'habileté de ses conseils, puisqu'ils l'appellent à pro­ fesser à l'Académie de théologie de Nimes et, dès 1659, ils le désignent comme modérateur-adjoint au synode provincial de Montpellier et comme délégué-suppléant au synode national qui devait s'ouvrir à Loudun. Pas­ teur et professeur très influent malgré une controverse en faveur du cartésianisme avec son célèbre collègue Deration, il fut bientôt suspect au pouvoir. Survint à Nimes le synode provincial de 1661. Claude en fut élu modérateur. Ce synode eut à discuter un projet de réunion au catholicisme, présenté par le gouverneur du Languedoc, le duc de Conti. Claude s'éleva contre ce projet avec une vigueur qui triompha, mais qui lui valut du roi l’interdiction d'exercer ses fonctions et même de séjourner dans le Languedoc. Venu à Paris en octobre 1661 pour solliciter son pardon, il y séjourna sans l’obtenir jusqu’en mai 1662; mais c’est alors que s’ébauchèrent ses controverses avec Nicole, la princesse de Turenne l’ayant appelé, sur sa réputation, à défendre la foi protestante auprès du maréchal que Port-Royal s'efforçait de convertir. Sur ces entrefaites, l’Église de 1. CLAUDE 9 CLAUDE Montauban le demanda, mai 1662; son zèle et son succès lui créèrent les mêmes difficultés qu’à Nîmes et il allait être averti d’avoir à chercher un poste au nord de la Loire, lorsqu’il fut appelé à diriger l’Eglise de Paris comme pasteur de Charenton. « A Paris, dit Franck Puaux, Claude devait être bientôt le représentant le plus autorisé du protestantisme français et pendant vingt ans il lutta pour le maintien des droits et des libertés de ses coreligionnaires. » Non seulement il est élu en 1669 modérateur du synode provincial de Charenton, représentant de la province de Paris au futur synode national de Saumur, et des synodes provinciaux, celui de Saumur par exemple, engagent les pasteurs à suivre ses avis, mais les catholiques eux-mêmes le considèrent comme le grand homme et le chef de son parti. Il sou­ tint, en effet, avec les plus illustres d’entre eux, deux controverses célèbres, où sa seule infériorité fut de défendre le protestantisme. 1° Controverse avec Nicole à propos de la transsubstan­ tiation. — Nicole avait écrit, vers 1659, sur l'eucharistie un petit traité, qui, après avoir dû servir de préface à un Office du Saint-Sacrement, fut écarté « comme sen­ tant trop la contestation », dit Sainte-Beuve, mais cir­ cula manuscrit sous ce titre : Traité contenant une manière facile de convaincre les hérétiques, en mon­ trant qu'il ne s'est fait aucune innovation dans la créance de l’Eglise au sujet de l’eucharistie. Claude Payant tenu du protestant Menjot, médecin de Mm* de Sablé, le réfuta, sur la demande de la princesse de Turenne, par un traité également manuscrit, 1662. Nicole se décida alors à faire imprimer son premier écrit et une réfutation de l’écrit de Claude. Ce livre, La perpétuité de la foi de l’Eglise catholique louchant l’eucharistie, plus connu sous le nom de La petite perpétuité, in-12, Paris, 1664, avec nom d'auteur : le sieur Barthélémy, provoqua de la part de Claude une Réponse aux deux traités intitulés : la perpétuité de la foy, etc., in-8°, Charenton, 1665; La Haye, Genève, 1666; in-12, Charenton, Saiimur, 1667; Rouen, 1670. Un jésuite, le P. Nouet, ayant attaqué cet écrit, Claude lit paraître aussitôt un Traité de l'eucharistie contenant une réponse au livre du P. Nouet, jésuite, intitulé : La présence de Jésus-Christ dans le Très-Saint-Sacrement, pour servir de réponse au ministre qui a écrit contre la perpétuité de la foy, in-8°, Amsterdam, 1668; Genève, 1670. Le Journal des savants ayant donné des extraits du livre avec attaques contre Claude, celui-ci répond par la Lettre d’un provincial à un de ses amis sur le sujet du Journal du 28 juin 10'67, qui parut d'abord anonyme, puis fut ajoutée au Traité de l’eucharistie. Mais •?n 1669 paraissait le i" volume de la Grande perpétuité ; le il' devant paraître en 1672 et le Ht» en 1674. Il parut sous le nom d’Arnauld, mais Nicole y avait eu la part de beaucoup la plus large. Claude lançait dès 1670 sa 1:· ponse au livre de M. Arnauld intitulé : La perpé­ tuité, etc.; avec celte devise : Veritas fatigari potest ; dédié à UJI. les ministres et les anciens du consistoire qui s’assemble à Charenton, in-8’, Quevilly, 1670; Genève, 1670, avec en plus une Réponse à la disserta­ tum qui est à la fin du livre de M. Arnauld touchant le livre du corps, etc. Arnauld lui répliqua par une E-iwnse générale au nouveau livre de M. Claude, in-12, Paris, 1671. Cette fois, Claude se tut. La question d· battue était celle-ci ; la foi de l’Eglise relativement à 1 eucharistie a-t-elle varié? La foi en la présence réelle, affirmait Claude, s’est formée petit à petit. Et il faisait valoir avec plus de force et d’habileté les textes de l’Écriture ou des Pères déjà invoqués en faveur de la même these par le ministre Auberlin, dans son traité ; L’eu­ charistie de l'ancienne Église, Genève, 1633. A celte methode de discussion, Nicole opposait la méthode de prescription. Prenant comme point de départ la con­ damnation de l'hérésie de Bérenger, l’Église, démontrait- 10 il, n'a pu varier ni avant, ni après. Un point fut spécia­ lement étudié dans la Grande perpétuité : la croyance des Eglises grecque et orientales en la présence réelle. Claude l’avait contestée; l’ambassadeur du roi à Cons­ tantinople, Nointel, en fournit à Nicole des preuves officielles. Cf. Revue catholique des Églises, mars 1905, p. 144-148. Richard Simon, qui trouvait» la science du ministre très médiocre », son éloquence « artifi­ cieuse », Lettres choisies, 2' édit., Amsterdam, 1730, t. ni, p. 27; ci. p. 20, intervint dans la controverse. Ar­ nauld ayant opposé à Claude un passage de Gabriel de Philadelphie, ou la croyance des Grecs sur la trans­ substantiation et sur l'adoration de Jésus-Christ dans l'eucharistie est exprimée en termes formels, le ministre éluda ce témoignage, sous prétexte qu'on ne l’avait pas cité en grec, mais en français seulement et sur l’auto­ rité du cardinal du Perron. Richard Simon réédita le texte grec, imprimé à Venise, des opuscules de Gabriel et y joignit une traduction latine :!■ ides Ecclesiæ orien­ talis seu Gabrielis metropolitan Philadelphiensis opus­ cula nunc primum de græcis conversa... adversus Claudium calvinianum, in-4», Paris, 1671, 1686. Cf. Bibliothèque critique, Paris, 1708, t. i, p. 333-336; Let­ tres choisies, t. n, p. 81-91 ; cf. p. 130. Le P. de Paris, chanoine régulier de Saint-Augustin, publia aussi : La créance de l’Église grecque touchant la transsubstan­ tiation défendue contre la Réponse du ministre Claude au livre de M. Arnauld, 2 in-12, Paris, 1672, 1674; reproduite dans Migne, La perpétuité de la foy, t. tv, col. 295-472. Les luttes de Claude n’en finirent pas là contre PortRoyal trop heureux de faire preuve d'orthodoxie et de se séparer des hérétiques. En 1671, Nicole publiait un livre intitulé ; Préjugés légitimes contre les calvi­ nistes, Claude y répondit par : La défense de la Ré­ formation, contre le livre intitulé : Préjugés, etc., dédié à M. de Ruvigny, in-4°, Quevilly, 1673 ; 2 in-12, La Haye, 1682; Amsterdam, 1683. Claude y légitime la réforme par la corruption de la cour de Rome. Nicole répondit par ses Prétendus reformes convaincus de schisme, Paris, 1688. Cf. Richard Simon, Lettres choi­ sies, t. n, p. 92-99. Voir Sainte-Beuve, Port-Royal, 5 in-8° et 7 in-18, Paris, 1840-1860. 2° Controverse arec Bossuet. — En 1678, une nièce de Turenne, M11· de Duras, sur le point de se convertir, mais désirant ou en finir avec de derniers doutes, ou entourer d’éclat sa conversion, mit en présence Claude et Bossuet, chez sa sœur, la comtesse de Roye. La con­ troverse porta sur l’autorité de l’Eglise, sa nécessité et ses limites. Bossuet triompha, mais l’habile argumenta­ tion de Claude l’émut plus d’une fois. Bossuet ayant écrit de cette controverse une relation manuscrite qui circulait, Claude en fit également une, que Bossuet jugea « ne faire honneur ni à Claude, ni à lui-même ». Il lui offrit une nouvelle conférence publique, mais Claude se déroba. Il crut alors devoir publier sa Rela­ tion de la conférence de Bossuet avec le ministre Claude, avec des réflexions, in-12, Paris, 1682; et Claude se hâta de publier une Réponse au livre de Monsieur de Meaux intitulé : Conférences avec mon­ sieur Claude, ministre de Charenton, in-80, Charen­ ton, La Haye, 1683. Voir t. H, col. 1060. 3° Écrits en faveur des protestants français. — Claude fut le défenseur officiel de l’Église réformée de F rance que menaçait la révocation de l’édit de Nantes. Dès 1666, quand Louis XIV, résumant sa politique depuis 1661, parla dans sa déclaration du 2 avril de « respec­ ter exactement l’édit de Nantes », Claude publia une Relation succincte de l’état ou sont maintenant les Églises réformées de France, in-4°, qui lut immédia­ tement supprimée par ordre du parlement. H y eut un moment de détente; mais, après l’échec des contro­ verses et des projets de réunion, les mesures de rigueur 11 CLAUDE — CLAUDE DE TURIN reparurent, trouvant toujours en face d'elles « l'in— llexible Claude ». Le 17 juin 1681, une déclaration du roi portait que les enfants de la R. P. R. pourraient se convertir dès l’âge de 7 ans. Claude rédigea aussitôt, au nom de tout son parti, une .Requête présentée au roi par Af.lf. de la R. P. R. au mois 'le juillet mil six cent quatre-vingt-un, in-4». En 1682. l'AssemIdée géné­ rale du clergé de France lança l’.lrerZissemenZ pastoral île l’Eglise gallicane à ceux de la H. P. B. pour les porter à se convertir et à se réconcilier avec l'Eglise, et le roi appuya cette démarche. Claude fit alors pa­ raître successivement ses Réflexions solides sur le moniloire de l’Assemblée du clergé de France adressé aux protestants du royaume et sur les Lettres du roi très chrétien aux évêques et aux intendants sur le même sujet, in-12, Paris. 1682, et ses Considérations sur les Lettres circulaires de ΓAssemblée du clergé de France de 1682, in-12, La Haye, 1683. Enfin, en janvier 1685, il présentait encore au roi une Requête au nom des réformés : ce devait être la dernière. Le 17 octobre l’édit de Fontainebleau était signé, qui révoquait l'édit de Nantes; le 21, il était enregistré; le 22, l'on com­ mençait la démolition du temple de Charenton, et Claude, qui avait empêché la réunion en masse organisée un peu auparavant pour son Église, recevait l’ordre de partir dans les vingt-quatre heures. Il se réfugia à La Haye qui était devenue le centre de la résistance à la politique de Louis XIV et où son fils Isaac était ministre de l'Eglise wallonne. H fut accueilli avec honneur par Guillaume III qui lui fit une forte pension. De là, il protesta encore au nom de ses coreligionnaires persé­ cutés, faisant entendre Les plaintes des protestants cruellement opprimés dans le royaume de France, in-8», Cologne. 1686; une nouvelle édition fut donnée par Basnage, augmentée d’une préface contenant des Réflexions sur la durée de la persécution et l’état présent des réformés en France, in-8». Cologne, 1713. La dernière édition a été publiée par Frank Puaux sous ce titre : Les plaintes des protestants..., édition nouvelle avec commentaires, notices biographiques et biblio­ graphiques, Paris, 1885. Louis XIV proscrivit sévère­ ment le livre de Claude et même le poursuivit à Londres. Denys de Sainte-Marthe essaya de le réfuter dans une Réponse aux plaintes des protestants français touchant la prétendue persécution de France, in-12, Paris, 1G88. Claude était mort à La Haye le 13janvier 1687. Le Mer­ cure galant de février 1688 assura qu’il était mort catholique; son fils Isaac, dans les Œuvres posthumes de son père, et Bayle, Dictionnaire, Paris, 1820, t. v, p. 229, ont démontré qu’il n'en était rien. Cf. Sainjore (R. Simon), Bibliothèque critique, Paris, 1707, t. i, p. 505-509. 4° Autres œuvres. — En dehors des œuvres citées on a de Claude : 1. des sermons : Sermon sur ces paroles de l’Épitre de S. Paul aux Éphésiens, c. iv, ÿ. 30 : « Ne contristez point le Saint-Esprit, » in-8», Cha­ renton, 1666, dédié à la duchesse de La Force qui venait de perdre sa fille, la princesse de Turenne, dont la mort devait amener l’abjuration du maréchal-géné­ ral ; La parabole des noces expliquée en cinq sentions sur le c. xxn de saint Matthieu jusqu’au verset qua­ torze, prononcés à Charenton l'an 1675, in-8», Cha­ renton, 1676; Genève, 1677; Les fruits de la repentance ou sermon sur les paroles de Salomon : « II y aura propitiation, » etc., etc., prononcé à Charenton le 3 avril 1676, in-8», Charenton, 1676; Genève, 1688; Sermon sur les paroles de Jésus-Christ à saint Pierre, Matthieu, c. xvt, y. 18, prononcé à Charenton le 15 no­ vembre 1682, in-8», Rotterdam. 1684; Sernzon sur ΓEcclesiaste, c. VIII, v. 14, prononcé à La Haye le 21 novembre 1685, in-12, La Haye, 1685; Londres, 1686; Trois sermons sur l’Épitre de saint Paul aux Ephésiens, c.il, y. 1 à 3, Amsterdam, 1689 ; 2« Lettre 12 de monsieur Claude à monsieur Turrelin, pasteur et professeur à Genève, du 20 juin 1675, pour supplier l'Eglise de Genève de ne pas tomber dans l'intolérance, publiée dans le Fasciculus epistolarum latine et gatliee in quibus Ludovicos Molinæus satisfacere conatur celeberrimo theologo doni. Johanni Claudio, F.leulheropoli, 1676, et Lettre écrite de Suisse, Dordrecht, 1690, ou Claude attaque saint Augustin; 3» Explication de la section LUI du catéchisme, in-8», Charenton, 1682; 4° L’examen de soi-même pour bien se préparer à la communion, suivi des Psaumes qui se chantent aux jouis de la sainte cène, suivant l’ordre de l’Eglise ré­ formée, in-12, Charenton, 1682; 5° Traité en forme de lettres à un ami sur la lecture des Pères et la justifi­ cation par J.-C., in-8», Amsterdam, 1685 ; 6» Réponse à un traité de l’eucharistie attribué à il. Le Camus, évêque de Grenoble, in-8», Am-terdam, 1687 ; 7» Les œuvres posthumes, 5 in-8», Amsterdam, 1688-1689, com­ prenant entre autres un Traité de la composition d'un sermon, un Traité de J.-C., un Commentaire sur les trois premiers chapitres de l’Epitre aux Romains, et la Correspondance de Claude, 45 lettres. En 1676, les ministres de Charenton s’étant associés pour travailler à une version française de la Bible, qui ne favoriserait aucun parti, le Pentateuque échut à Claude. Mais le projet n’aboutit pas. Richard Simon, Lettres choisies, t. ni, p. 267-291. Abrégé de la vie de M. Claude par A. R. R. D. L. D. P. (A. R. de Ladovêse), pasteur à La Haye, Amsterdam, 1687 ; Dictionnaires de Bayle, ChautTepied, Moreri; Bossuet, Histoire des variations, Paris, 1688; Goulin, Essai sur te ministère de Claude, 1831 ; Haag, La France protestante, 10 in-8·, Paris, 1846-1858; 2· édit., 1877-1895, t. IV, col. 449-476. art. de Frank Puaux : les commentaires et notices des Plaintes des protestants, édit. Puaux, Paris. 1885; les Histoires de Louis XIV; les His­ toires du protestantisme français de N.-A.-F. Puaux, de Fe­ lice, de Drion ; ['Histoire de l'édit de Nantes, par Élie Benoist, etc. C. Constantin. 2. CLAUDE DE TURIN. - I. Vie. II. Doctrines. I. Vie. — Claude de Turin a été confondu à tort avec Claude Clément l'Ecossais par Trithème, Descriptoribus ecelesiast., c. CCl.vill, dans.l. A. Fabricius, Bibliot. ecclesiast., IIIe partie, Hambourg, 1718, p. 70; Bellarmin et Labbe, De scriptoribus ecelesiast., Venise, 1728, p. 271. etc. Cf. N. Antonio, Bibliot. hispana vetus, Ma­ drid. 1788. t. i, p. 459-461; P. L., t. civ, col. 612-616. Il fut sûrement d'origine espagnole. Cf. Jonas, évêque d’Orléans, De cultu imaginum, præf. et 1. I, P. L., t. evi, col. 306-308. Il naquit au vin* siècle; il n’est pas possible de préciser la date. Sa jeunesse ne nous est pas connue. Jonas d’Orléans, ibid., col. 309; cf. Dungal le reclus, Responsa contra perversas Claudii Taurinensis episcopi sententias, prol., P. L., t. cv, col. 466, en fait un disciple de Félix d’Urgel, et cela ab ineunte ætale. Claude, Jn libros informationum litleræ et spi­ ritus super Levilicum, pmf.,P. L., t. Civ, col. 616, dé­ clare qu’il est inhabile à écrire, quia nec stecularis lit­ teratorie didici studium nec aliquando exinde magi­ strum habui. Du vivant de Charlemagne, nous le trouvons à la cour de Louis le Débonnaire, alors roi d’Aquitaine; il remplit 1'oflice de chapelain et, semblet-il, enseigne l'Écriture sainte. Il écrit un commentaire sur la Genèse, vers 811, in Cassinologio palatio, natali Ludovic! regis loco. Cf. E. Dümmler, Monum. Germa­ nite hist. Epis!., t. iv. K'arolini ævi, t. n, Berlin, 1895, p. 590-593, et, pour l’identification de Cassinogilum, LL Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge. Topo-bibliographie, col. 600. Vers 813, pen­ dant qu'il est dans le palais royal d’Ebreuil en Auvergne, cl. la fi ltre dédicatoire de VEnarratio in Epistolam D. Pauli ad Galatas, P. L., t. civ. col. 841, Dructeran, peut-être abbé de Saint-Chafi're (diocèse du Puy), à qui il a dédié son commentaire de la Genèse, le presse d’en­ treprendre « un travail fructueux » sur les Epilres de 13 CLAUDE DE TURIN saint Paul. Louis le Débonnaire étant devenu empereur par la mort de Charlemagne (814), Claude le suit à Aixla-Chapelle, où il explique l’Écriture aux clercs de l’école palatine. Il y rencontre Juste, abbé du monastère de Charroux (diocèse de Poitiers), qui lui demande, pour ses moines, une exposilion de l'Evangile de saint Matthieu ; Claude la compose en 815 ou 816. De tous ses écrits c’est celui qui nous a été conservé par le plus grand nombre de manuscrits; E. Dümmler, dans Sitzungsberichte lier K. preus. Akademie der U'ùsentchaflen, Berlin, 1895. p. 430, mentionne neuf manus­ crits, Vers la même dale Claude dédie à Dructeran son commentaire de la lettre aux Balaies. Louis le Débon­ naire le nomme évéque de Turin, vers la lin de 817 ou en 818. Cf. F. Savio, Gli anlichi vescovi di Torino, Turin, 1889, p. 58-40; E. Comha, I nostri proteslanti, t. i, A raidi la informa, Florence, 1895, p. 121-123. C’est le temps où avait éclaté la révolte de Bernard, roi d’Italie, contre l'empereur, son oncle. F. Savio re­ garde comme probable que Louis le Débonnaire préposa Claude à l’Église de Turin pour avoir, dans ce poste important, un homme énergique et dévoué, ce qui était d'autant plus utile que Bernard avait compté des parti­ sans dans le clergé italien; il explique, op. cil., p. 42, 50-51. 55, par les services rendus, la faveur d. nl Claude jouit à la cour impériale et l'indulgence qu’il y trouva jusqu'à la lin de sa vie. Claude fut-il promu malgré lui, comme il l’affirme? C'est là, observe .lonas d'Orléans, P. L., I. cvt, col. 315, une chose qu’il faut laisser au jugement de Dieu. Du reste, Jonas, ibid., col. 310, dit qu’il fut choisi par l’empereur ut aliorum utilitati, do­ ctrina prædnation is erangelicæ, quæ illi admodum messe ridebatur, consuleret, et que, de fail, Claude s'ap­ pliqua au ministère de la prédication pro viribus. Tout absorbé qu'il fut par les soucis de la charge pastorale et par des préoccupations d’ordre profane (il dut combattre les Sarrasins), Claude n’abandonna pas ses études sur l’Ecriture. Après les commentaires sur les lettres aux Ephésiens et aux Philippiens, déliés à Louis le Débon­ naire et qui sont à peu près de la même date que la nomination au siège de Turin, il rédigea des commen­ taires sur les autres Epitres de saint Paul, sur le reste du Penlateuque, sur Josué, les Juges, Ruth, les Rois. L’n de ses coin patriotes, Théodemir, abbé du monastère de Psalmody (diorète de Niines), était son meilleur ami et le principal excitateur de ses travaux; la plupart lui furent dédiés. <>r, le commentaire sur la letlre aux Corinthiens (vers S20) ayant efl'arouché l'orthodoxie de Théodemir, celuici envoya ce commentaire à la cour d’Aix-la-Chapelle, pour en obtenir la condamnation. Claude l’apprit (vers >22) par une lettre venue de l'entourage de l'empereur. Il composait alors, pour Théodemir, son commentaire sur les Rois; il le continua, non sans ouvrir une pa­ renthèse dans laquelle il adressait des reproches à Théodemir et lui disait qu’à Aix-la-Chapelle, loin de condamner son ouvrage, on lui avait fait un accueil flatteur. Cf. P. L., t. Civ. col. 811. Théodemir répliqua par une lettre où il pressait Claude d'abandonner ses opinions hétérodoxes. Nous savons parailleurs.cf. P. L., t cv. col. 460, 465 ; t. CVl, col. 311, que, dés son arrivée dans son diocèse, Claude avait combattu absolument le culte des images, et ordonné de détruire toutes celles — et elles étaient nombreuses — qu'il y avait dans les églises; de là beaucoup d’agilation parmi les fidèles. Le pape Pascal 1er infligea à Claude un blâme, demeuré platonique. La lettre de Théodemir n’eut pas plus de succès. Claude répondit (vers 825) par \' Apologeticum atque rescriptum Claudii episcopi adversus Theodem i eum abbatem; il y reprenait ses idées favorites, s’il ne les accenluait encore. En 825 se tint, à Paris, un synode qui. d’une part, protesta conlre le culte des images, mais, d'autre part, défendit de les détruire et 14 déclara que c’est une injustice de comparer les images à la croix. Cf. llefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris, 1870, I. v, p. 236-242. Ces deux derniers points contredisent l’enseignement de Claude, et il semble que Dungal ait en vue ce synode quand il dit, P. L·., I. cv, col. 529-530, cf. col. 468. que Claude refusa de s'y rendre, l'appelant une « assemblée dîmes », et que les évêques trop patients eurent le tort de l'épar­ gner. Cf. Savio, op. cil., p. 47-48. En tout cas, les doc­ trines de Claude furent condamnées par l’empereur et « les hommes très prudents de son palais ». Cf. Jonas, P. L., t. evi, col. 306. Louis le Débonnaire envoya des extrails de V Apologeticum à Jonas d'Orléans, qu'il in­ vita à en écrire la réfutation. Peut-être fit-il la même demande à d’autres personnages. L’hypothèse est vrai­ semblable en ce qui concerne Dungal le reclus, lequel, dans ses Responsa conlre Claude (vers 827), reproduit et réfute ces fragments. Quant à Éginhard, a-t-il écrit à la demande de l’empereur son traité De adoranda cruce, et même ce traité, qui est des environs de 830, fut-il dirigé contre Claude? Le peu que nous savons de cet ouvrage, par Servat Loup de Ferrières, Epist., tv, P. L., t. exix, col. 445, ne permet pas de répondre à ces questions. Claude, d’humeur combative et d’une grande ténacité de caractère, ne se laissa pas amener à d’autres idées que celles qu’il avait soutenues. D’ailleurs, Louis le Débonnaire et son fils Lothaire, roi d'Italie, ne le troublèrent pas dans la libre possession de son évê­ ché, en dépit ties exhortations de Dungal, P. L., t. cv, col. 466-467, à le châtier rigoureusement. Claude de­ meura fidèle jusqu’au bout aux doctrines qui lui avaient valu la contradiction; Walafrid Slrabon, De re­ bus ecclesiast., c. vin, P. L., t. exiv, col. 929, dit que suo judicio damnatus interiit, ce qui est la formule usitée par les auteurs ecclésiastiques pour indiquer l’obstination finale dans l'erreur. Cf. Savio, op. cil., p. 50. Sur des légendes ultérieures relatives à sa mort, cf. E. Cotnba. 1 nostri proteslanti, t. i, p. 148. 11 mou­ rut certainement avant le 22 janvier 832, date où son successeur Vitgaire ligure dans un acte de partage de biens de l’abbaye de Saint-Denis, cf. Mabillon, De re dipbimalica, 2' édit.. Paris, 1799, p. 519, et p. 450, table 53 — et probablement vers 827, car, si Dungal acheva vers cette date, et du vivant de Claude, ses Des­ ponsa, Jonas d’Orléans, qui avait entrepris, vers le même temps que Dungal, de réfuter l’évêque de Turin, arrêta la rédaction de son traité en apprenant la mort de Claude. Plus tard, après la mort de Louis le Débon­ naire (810), donc enlre 810 et 843, année où il mourut lui-même, Jonas reprit la plume et termina l’œuvre in­ terrompue, car il avait été avisé que les erreurs de Claude revivaient dans ses disciples, P. L., t. cvt, col. 307; il offrit son traité à Charles le Chauve. II. Doctrines. — 1° Doctrines certaines de Claude de Turin. — 1. Claude comprenait les exigences de la foi catholique. Dans la préface de son commentaire sur les Rois, P. L., t. Civ, col. 634, il dit qu’il n’y a qu’une chose qu’on doive examiner dans celui qui s’occupe de l’Écriture, ulrumne vera et catholica an falsa et hxretica sint quæ scribit. Dans son Apologeticum, P. J.., t. cv, col. 459, il déclare tenir à l’unité : ego enim non sectam doceo qui unitatem teneo et veritatem proclamo. Il est vrai qu’il ajoute qu'il a toujours combattu et qu’il ne cesse pas de combattre de son mieux « les sectes, les schismes et les superstitions », c’est-à-dire le culte des images. On sait — qu’il suffise de se rappeler les livres carotins, voir t. n, col. 1792-1799, le concile de Francfort (794), le synode de Paris (825), cf. Mabillon, Acta san­ ctorum ord. S. Benedicti, sæc. iv, part. Il, Paris. 1677, p. xi-xxix — les idées assez généralement admises dans l’Eglise franque sur les images; si l’on proteslait qu’il ne faut pas les détruire, on leur déniait toute espèce de culte, même de dulie, même relatif. L’adversaire de 15 CLAUDE DE TURIN Claude, Jonas d’Orléans, P. L., t. cvi, col. 325, est d’accord avec lui pour rejeter ce principe que l’Église catholique a fini par faire triompher, à savoir que ce n’est pas parce qu’on pense qu’il y a quelque chose de divin dans une image qu'on la vénère, mais bien par honneur pour celui qu elle représente. Cf. Petau, Dog­ mata theolog., De incarnatione, I. XV, c. xvi, n. 5-6, édit. Fournials, Paris, 1867, t. vu, p. 264-265. Que, du reste, dans le diocèse de Turin, le culte des images dégénérât en pratiques vraiment superstitieuses, c’est très possible et même probable. Jonas, P. L., t. cvi, col. 306, dit que ce peuple était devenu étranger à l'Évangile. Déjà le plus illustre des prédécesseurs de Claude sur le siège de Turin, saint Maxime, avait reproché à son peuple des superstitions qu’il taxait d'idolâtrie; Claude fit un grand usage des homélies de saint Maxime, et dut y trouver une sorte de confirmation et peut-être le point de départ de quelques-unes de ses idées personnelles. Cf. G. Boffilo, A tli clella r. accadentia delle sciente di Torino, Turin, 1898, t. xxxm, p. 275-276. Il ne se con­ tenta pas de contenir le culte des images dans certaines limites, ni même de s’opposer à ce qu’on les vénérât; il ordonna leur destruction. Les raisons par lesquelles il motive sa manière de voir et de faire sont les sui­ vantes : Quitter le culte des démons pour vénérer les images des saints, ce n’est pas quitter les idoles mais changer leurs noms, et c’est toujours la même erreur; s’il ne faut pas adorer les ouvrages des mains de Dieu, à plus forte raison ceux des hommes; se prosterner de­ vant les images c'est courber un corps que Dieu a fait droit et qui doit se relever et regarder en haut vers le ciel et vers Dieu; et qu’on ne dise pas que l'honneur rendu aux images s'adresse aux saints qu’elles repré­ sentent, car les saints non plus n'ont droit à aucun culte. Cf. Apologet., P. L., t. cv,col. 461 ; Quæstiones xxx super libros Begum, I. IV, c. xxx, col. 825-827. — 2. De la négation du culle des images Claude passe, en effet, à celle du culte des saints et des anges. Dans son com­ mentaire sur le Lévitique (823), il avait touché à cette question, P. L., t. civ, col. 618-620. 11 y revient plus fortement dans VApologet., P. L., t. cv, col. 461, 464. Que personne ne doive s’imaginer que l’intercession des saints dispense, pour le salut, des vertus que les saints ont pratiquées, c’est ce qu’il affirme, et non pas plus clairement que l’Église. Mais il ne sait pas voir qu'on peut prier un saint et respecter les droits de Dieu qui sauve, et il avance que, si le culle des saints est lé­ gitime. il l’était bien plus de leur vivant, quand ils étaient l’image de Dieu, qu’après leur mort, lorsqu'ils ressemblent à des pierres ou à des morceaux de bois privés de sensibilité et de raison. — 3. C’est dire que le culte des reliques à son tour est condamnable. Claude ne manque pas de le proscrire; il s’en prend surtout au culte des reliques de l’apôtre saint Pierre et, par la même occasion, aux pèlerinages qui se font à son tom­ beau et aux basiliques des martyrs. Cf. Apologet., P. L., t. cv, col. 463; Dungal, P. L., t. cv, col. 465. 11 croit pou­ voir mettre l’origine de la pratique du pèlerinage de Rome dans une intelligence grossière et, pour ainsi dire, ma­ térialiste du Tu es Petrus... et tibi dabo claves. Cf. Jo­ nas, 1. Ill, P. L., t. cvt, col. 365-379. — 4. Claude est l’ennemi de la croix autant et plus encore que des images. Il en parle sur un ton sarcastique. Honorer la croix à cause du souvenir du Sauveur, c’est aimer en JésusChrist ce qui a plu aux impies, c’est-à-dire l'opprobre de la passion et la moquerie de la mort; c’est, comme les Juifs et les païens, ne pas croire à la résurrection. S'il faut adorer la croix parce que Jésus-Christ y a été at­ taché, il faut adorer bien d’.autres choses : il faut ado­ rer puellæ virgines quia virgo peperit Christum, les crèches puisqu’il est né dans une crèche, les vieux linges, veteres panni, puisqu'il a été enveloppé, à sa naissance, dans de vieux linges, les ânes puisqu’il est venu à Jérusa­ 16 lem sur un âne, etc. P. L., t. cv, col. 462. — 5. Théodemir avait dit à Claude combien l’avait affecté le blâme dont son ami avait été l'objet de la part du « seigneur apostolique » le pape Pascal. Claude répond, P. L., t. cv, col. 464, que celui-là n'est pas apostolique qui siège dans la chaire de l’apôtre, mais bien celui qui remplit l'office apostolique; autant vaut dire que Pascal, l'ayant blâmé, a manqué à son devoir et n’est plus le « seigneur apostolique ». Assurément cette parole est une des plus graves qui aient été prononcées au moyen âge. Il est vrai que sa portée est affaiblie par ce que Claude ajoute à ceux qui « tiennent la place et ne remplissent point l’emploi », il applique la parole de Notre Seigneur sur les scribes et les pharisiens assis dans la chaire de Moïse : « Faites ce qu’ils disent, mais non ce qu’ils font. » Donc on doit, en somme, obéir. — 6. 11 y aurait à relever encore les lignes qui terminent la préface du commen­ taire de la lettre aux Corinthiens. P. L.,l. Civ, col. 840, 928. Λ Thêodemir, qui lui demandait pour ses moines une exhortation pieuse, Claude répondit qu'il n’avait rien de mieux à lui offrir que la lettre de saint Paul aux Romains, quia lota inde agitur ut merita hominum tollat, unde maxime nunc monachi gloriantur, et gra­ tiam Dei commendat. Etait-ce là une pure boutade, ou une idée sérieusement exprimée? Et faut-il admettre, avec E. Cornba, 1 nostri protestant!, t. i, p. 135, que ce fut là l’étincelle qui alluma l’incendie, la parole qui dé­ termina Thêodemir à dénoncer Claude? Il est difficile de le dire. Du moins, il ne fut pas question du mérite et de la grâce dans la suite du débat, et l’apologie de Claude, dans la partie qui nous est connue, n’autorise pas à croire que Tliéodomir l’ait contredit sur ce point. 2» Doctrines douteuses ou faussement attribuées à Claude de Turin. — 1. Jonas, P. L., t. cvt. col. 307-308, accuse Claude d'arianisme; l’évêque de Turin aurait ressuscité l’hérésie arienne par ses prédications et par des écrits qu’il aurait laissés dans les archives épisco­ pales. Il est difficile de croire que cette imputation soit fondée. « 11 se peut faire, observe Richard Simon, Cri­ tique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques et des prolégomènes de la Bible publiés par E. Du Pin, Paris, 1730, t. t, p. 286, que ce bruit de l’arianisme de Claude ait été répandu après sa mort pour rendre sa mémoire plus infâme. » Jonas, en effet, écrit après la mort de Claude, loin des lieux que Claude habita; il ne tait reposer son accusation que sur une relation qu'il croit « véridique » et sur un fertur, et, pour l'appuyer, il ne trouve rien à prendre dans les ouvrages de Claude. Bien plus, ces ouvrages contiennent des affirmations va­ riées et très explicites en faveur de la divinité de JésusChrist et de son égalité avec le Père. Dans la belle étude qu’il a faite du commentaire inédit de l’Évangile de saint Matthieu, G. Boffilo recueille, J/ii della r. accadenda delle sciente di Torino, t. xxxm, p. 280-283, toute une série de textes aussi clairs que possible. Il constate, p. 279, que Claude ignora les homélies authentiques de saint Jean Chrysostome sur saint Matthieu et qu’en re­ vanche il lui attribua, avec tous ses contemporains, la paternité de VOpus imperfectum in Malthæum, qui, en réalité, on l’a démontré dans la suite, est l'œuvre d'un arien; or à cet écrit Claude n’emprunte que les passages irréprochables, si l’on excepte un mot qui pourrait être suspect à la condition de ne pas le prêter à saint Jean Chrysostome. Dans l’Écriture, Claude préfère au sens littéral, qu’il assimile à l’humanité visible du Christ, le sens spirituel qu’il assimile à sa divinité invisible. Cf. les prologues des commentaires sur le Lévitique et sur saint Matthieu, P. L., t. Civ, col. 617, 836. De ceux qui ont cru le Père supérieur au Fils, il dit, In Epistolam ad Ephesios, præf., P. L., t. Civ, col. 841-842 : Hæc omnia, relut mortale pr.Tcipitium aut lethale virus, catholicis auribus denuntio fugienda. Voir encore des fragments de ses commentaires sur saint Paul, P. L., 17 CLAUDE DE TURIN t. civ, col. 925-926, sa Chronique (si tant est qu’elle soit de lui), P. L., t. civ, col. 917. — 2. Dungal, P. !... t. cv, col. 166, et Jonas, P. L., t. cvi, col. 309-310, disent que Claude fut le disciple de Félix d'Urgel, et Jonas ajoute même, en s’emparant d’un mot de saint Jérôme, que Félix revit dans son disciple comme Euphorbe dans Pythagore. Mais ni l'un ni l’autre ne disent que Claude a enseigné l’adoptianisme de Félix d'Urgel; il semble plutôt, à les lire de prés, qu’ils tiennent que Félix a mis en Claude des tendances hétérodoxes, peut-être qu'il lui a inculqué le principe de ses erreurs sur les images et le culte des saints. Toutefois, des historiens, tel Bossuet, Hist, des variations, 1. XI, n. 1, édit. Lâchât, Paris, 1863, t. xiv, p. 458, ont soutenu que « Claude de Turin était arien et disciple de Félix d’Urgel, c’est-à-dire neslorien de plus ». Il est possible que Félix ait été le maître de Claude, quoique le passage cité plus haut, où Claude se déclare peu expert à écrire parce qu’il n’a pas étudié la science séculière et qu’il n’a jamais eu de maître, invite à en douter; mais il est très possible éga­ lement que Dungal et Jonas aient rattaché Claude à Fé­ lix parce qu’ils étaient Espagnols l’un et l’autre, ou peutêtre sur la foi d’un de ces « on dit » qui circulent si aisément et si vite, alin de mieux attirer la condamna­ tion sur l'évêque de Turin. Foss, dans la Realencyklo­ pâdie, 3e édit., Leipzig, 1898, t. iv, p. 137, est d'avis que quelques expressions du commentaire des Rois ont une teinte de nestorianisme, et il signale ce mot qui, en ellet, pris tel qu’il sonne, est nestorien, P. L., t. civ, col. 738 : 1 hronus eburneus ætemam judicis potestatem auro divinitatis fulgentem, quam Hominiens homo a Patre accepit, figuram gestasse non dubium est. Mais il importe de remarquer que, selon son procédé habi­ tuel, Claude ne parle pas ici de lui-même; cette fois il reproduit un passage du pseudo-Eucher, Comment, in libros Regum, L III, c. x.x.xiii, P. L., t. L, col. 1161, tenu pour un auteur orthodoxe, il n'y a donc pas lieu de s’arrêter beaucoup à cette expression, surtout si on la met en présence de tant d’autres expressions irrépro­ chables qui se rencontrent dans l'œuvre claudienne. Et il parait légitime de conclure, avec E. Düinmler, Monum. (imnaniæ hist. Episl., t. tv, p. 586, que, si Claude fut le disciple de Félix d’Urgel, il ne suivit pas ses idées.— 3. Les protestants ont fait figurer Claude dans la liste de leurs précurseurs, de ceux qu’ils ont appelés « les témoins de la vérité ». Ils imaginèrent d’abord une théorie, aujourd’hui tombée dans un discrédit absolu, d'après laquelle le protestantisme se rattachait aux vali­ dais et ceux-ci à l’àge apostolique. Claude de Turin au­ rait formé un des anneaux de la chaîne; il aurait laissé des partisans qui se seraient reliés aux vaudois du Piémont. Cf., par exemple, Monastier, Histoire de i Eglise vaudoise, Paris, 1817, t. I. p. 31. On sait que Bossuet a démoli la fable de l'origine apostolique des vaudois, et que ses conclusions ont fini par s’im­ poser aux historiens. La connexion entre les vaudois du xit· siècle et Claude de Turin est une supposition absolument gratuite dont il n’y a pas à tenir compte. Ct. C. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des ca­ thares ou albigeois, Paris, 1849, t. Il, p. 288. Sur le système adopté par Basnage, cf. Bergier, Dictionnaire ■le théologie, Lille, 1844, t. 1, col. 545-546. — 4. Pour N. Peyrat, Les réformateurs de la France et de l’Italie au xip siècle, Paris, 1860, p. 61-62, Claude « est un disciple attardé d'Augustin, un devancier lointain de Luther, un ancêtre des réformateurs du xvi· siècle. Né sous Charlemagne, non loin de Roncevaux, Claude semble avoir trouvé dans les ravins des Pyrénées, avec la plume de Vigilance, l’épée et le cor d'ivoire de Ro­ land ·/. Ceci est de la très mauvaise poésie, c’est le con­ traire de Thi§toire. Mais il y a à retenir ce mot : « un disciple d'Augustin, «qui résume l’opinion de nombreux historiens protestants et précise le point de vue où ils IS se placent pour voir en Claude un protestant avant le protestantisme. C'est ainsi que E. Dümmler, dans Silzungsberichle der K. preus. Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1895, p. 443, soutient que Claude avait entrevu la contradiction que les protestants considèrent comme établie entre les idées de saint Paul et de saint Augustin, d'une part, et, d'autre part, les idées qui dès longtemps ont prévalu dans l’Eglise. Cf. A. Ebert, His­ toire générale de la littérature du moyen âge en Occi­ dent, trad. Aymeric et Condamin, Paris, 1884, t. Il, p. 249; E. Comba, I nostri protestant!, t. 1. p. 135, 144, 151 ; H. Reuter, Geschichte der religiôsen Aufklârung im Miltelalter, Berlin, 1875, t. i, p. 16-17. Ce dernier va plus loin; il voit en Claude, p. 20, « un réformateur biblique et un Aufklàrer critique, » et, dans sa doc­ trine, le germe non seulement du protestantisme, mais encore du rationalisme. Cf. F. Tocco, L'eresia nel me­ dio evo, Florence, 1884, p. 154. Ce n'est pas le moment d'examiner si la doctrine officielle de l'Eglise catho­ lique est en désaccord avec les doctrines de saint Paul et de saint Augustin et si l'augustinisme a préludé à la Réforme. Voir, pour ce dernier point, t. t, col. 23232325. Ce qui est vrai, c’est que Claude de Turin a été un précurseur du protestantisme, comme l'ont été les iconoclastes, Vigilance, Eustathe, en ce sens qu'il a re­ jeté quelques-uns des enseignements de l'Eglise qui furent plus tard rejetés par le protestantisme. S’il avait nié « même que la puissance de saint Pierre survive et qu’elle se rattache à un siège spécial », Ebert, op. cit., t. Il, p. 249, il aurait été un des écrivains hétérodoxes du moyen âge qui sont arrivés le plus prés de la doctrine protestante; n ai; il semble que la parole de Claude sur le « seigneur apostolique » n’est qu'une pa­ role de mauvaise humeur du condamné contre son juge. Sur son commentaire du Tu es Petrus et sur sa doctrine eucharistique, cf. Bolfito, Alli della r. accade­ ntia delle scienze di Torino, l. xxxm, p. 284. Quanta faire de lui un « réformateur biblique », la prétention est insoutenable. Ses travaux sur l'Écriture n'ont rien qui les distingue de la littérature scripturaire contem­ poraine. Ce sont des calente Patrum, comme il en pa­ rut alors en assez grand nombre, cf. Bolfito, p. 26I262; G. Hcinrici, dans Realencyklopâdie, 3e édit., Lei­ pzig, 1897, t. ni. p. 766; à l'instar des autres, ni plus mal ni mieux, Claude, en s’attachant de façon presque exclusive au sens spirituel, recueillit des textes des Pères et des écrivains ecclésiastiques. Saint Augustin était de beaucoup l’auteur universellement préféré; Claude, à son tour, le préféra à tous. Voir l’éloge qu’il en fait, P. L., t. civ, col. 635. 835, 841, 927. Plus en­ core que de considérer Claude de Turin comme un ré­ formateur biblique, il est impossible de voir en lui un précurseur de VAufklârung, tel que le définissent Trôltsch, dans Realencyklopâdie, 3e édit., Leipzig, 1897, t. π, p. 225-226, et Reuter lui-même, op. cil., t. i, p. v. Claude est bien un homme du moyen âge. — 5. Men­ tionnons, pour mémoire, l'atlribulion à Claude par A. de Castro, Adversus hæreses, 1. 111, De baptismo, Paris. 1534, fol. Ltv, de l’opinion que le baptême est invalide si l’on ne fait pas le signe de la croix sur le front du baptisé; le bon frère mineur montre, par là, qu’il a eu raison d'avouer plus haut, I. Il, De adoratione, fol. xxxi, qu'il connaît mal Claude de Turin. I. Sources. — Dans P. L., t. civ, col. 615-928. on a les com­ mentaires de Claude sur les Rois et les lettres aux Galates et à Pliilémon, la préface et la lin du commentaire du Lévitique. les préfaces des commentaires de saint Matthieu et des lettres aux Corinthiens et aux Éphésiens, dë courts fragments des commen­ taires sur saint Paul, ainsi qu’une brève et insignifiante chro­ nique dune authenticité douteuse. Les importants extraits de Apologeticum atque rescriptum Claudii episcopi adversus Theulmirum abbatem sont dans P. L., L cv, coi. 459-164. Iis ont été réédités avec les préfaces ou lettres d'envoi des commen­ taires déjà connues, les préfaces inédites des commentaires de la 19 CLAUDE DE TURIN — CLAUSES APOSTOLIQUES Genèss. de Ruth, de Josué et des Juges, et la lettre de Thëodcmir demandant à Claude de commenter les Rois, par E. Dümmler, Monum. Germania·. hist. Epist., t. iv, Karolini ævi, l. u, Ber­ lin, 1895, p. 589-613. La lettre de Théodemir est aussi dans P. L., t. civ, coi. 623-634. Nous n’avons pas la lettre de Théode­ mir qui provoqua V Apologeticum de Claude. Mabillon, Annales ord. S. Benedicti, Lucques, 1739, t. n. p. 457, suivi par dom Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, 2* édit., Paris, 1862, t. xn, p. 325, cf. aussi Polz, Kirchenlexikon, trad. Goschler, Paris, 1864, t. iv, p. 376, dit que Théodemir ré­ pondit à cette apologie par une seconde lettre divisée en deux parties, et que la deuxième partie a été insérée par Jonas d’Or­ léans dans le I. Ill du De cultu imaginum. Il y a là une méprise. Jonas annonce au commencement du I. Ill, P. L., t. evi, col. 365, qu’il va répondre à chacune des affirmations de Claude et pro nobis et pro eodem venerabili abbate (Théodemir), imo pro defensione sanctu* matris Ecclesia ; puis, quand il arrive à la partie de l’apologie qui vise personnellement Théodemir, il fait parler Théodemir lui-même pour réfuter Claude, col. 369 : His ita se habentibus, voce ejusdem venerabilis abbatis respon­ demus : Ideo, o Claudi... C’est là un procédé littéraire; mais, en réalité, ce qui suit est de Jonas, et dans le même ton et du même style que le reste du traité. Ce traité de Jonas est dans P. L., t. cvi, col. 305-388; cf. Servat Loup de Ferrières, Epist., xxvii, P. L.. t. exix, col. 476. Les Desponsa contra perversas Claudii Taurinensis episcopi sententias de Dungal le reclus sont dans P. L., t. cv, col. 465-530. Voir encore Walafrid Strabon, De rebus ecclesiast., c. vin, P. L., t. exix, col. 928-929; Paschase Radbert. Expositio in Matthæum, 1. XI, c. xxiv, P. L., t. exx, col. 834-835; Hugues de Fleury, Historia ecclesiast.,\. VI, P. L., t. ci.xiii, col. 854. IL Travaux. — Richard Simon, Histoire critique des prin­ cipaux commentateurs du Nouveau Testament, Rotterdam, 1693, p. 353-365; kl., Critique de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques et des prolégomènes de la Bible publiés par E. Du Pin, Paris. 1730, t. i, p. 284-290; N. Antonio. Bibliot. hispana vetus, Madrid, 1788, t. i, p. 458, 461. reproduit dans P. L., t. civ, col. 609-616; C. Schmidt, Claudius νυη Turin, dans Zeitschrift fur historische Théologie, 1843, p. 39 sq.; C. U. Hahn. Geschichte der Ketzer im Mittelalter, Stuttgart, 1847, t. n, p. 47-58; Th. Forster, Drei Erbischüfe vor tausend Jahren (Claude, Agobard, Hincmar), Gütersloh, 1873; IL Reuter, Geschichte der religiosen Aufklarung im Mittelalter, Berlin, 1875, t. I. p. 16-24, 267-269; B. Simson, Jahrbücher des frünkischen Reichs un ter Ludwig dem Frommen, Leipzig, 1876, t. n, p. 247-251 ; M. Menéndez Pelayo, Historia de lus hétérodoxes espaûoles, Madrid, 1880, t. i, p. 341 ; L. Laville, Claude de Tu­ rin (thèse de théologie protestante). Montauban, 1889; F. Savio, GU antichi vescovi di Torino, Turin, 1889, p. 31-56; E. Comba, Claudio di Torino ossia la protesta di un vescovo, Florence, 1895; ld.. / nostri protestante, 1.1, Avanti la Riforma, Florence, 1895, p. 117-155; E. Dümmler, Ueber Leben und Lehre des Bis­ chofs Claudius von Turin, dans Silzungsberichte der K. preus. Akademie der Wissenschaften, Berlin, 1895, p. 427-443, et dans Monum. Germanise hist., toc. cil., p. 586-589; G. Bofiîto, Il codice Vallicelliano c lil, Contributo allo studio delle dotlrine religiose di Claudio, vescovo di Torino (il s’agit du commen­ taire de l'Évangile de saint Matthieu), dans Atti della r. accademie delle scienze di Torino, Turin, 1898, t. xxxiit, p. 250285: Foss, dans Rralencyklopüdie, 3* édit., Leipzig, 1898, t. iv, p. 136-138; A. Fisch, Fidèles jusqu'à la mort ou précurseurs et martyrs. Paris, 1904. Voir encore les autres travaux indiqués au cours de cet article, et Ul .Chevalier, Répertoire des sources historiques. Bio-bibliographie, 2' édit., t. I, col. 941. F. Vernet. CLAUSES APOSTOLIQUES. - I. Définition. II. Clauses qui peuvent se rencontrer indifféremment dans tous les rescrits pontificaux. III. Clauses speciales aux rescrils pour le for intérieur. IV. Clauses spéciales aux rescrits pour le for extérieur. V. Clauses spe ciales aux huiles pontificales. VI. Clauses propres aux réponses des Congrégations romaines. VII. Abréviations usitées dans les clauses apostoliques. 1. Définition. — Les clauses apostoliques sont des formules insérées dans les actes pontificaux, rescrils ou bulles, et notifiant des dispositions particulières, aux­ quelles ont à se conformer ceux que ces actes con­ cernent. Les clauses sont de diverses sortes. Il y a, en effet, des clauses dérogatoires, irritantes, révocatoires, suivant quelles dérogent à quelque acte antérieur; qu’elles 20 annulent tout ce qui serait en opposition à l'acte auquel elles sont jointes; ou qu elles retirent des concessions précédentes, révocables de leur nature. D'autres clauses sont prohibitives, comminatoires ou pénales, suivant qu’elles défendent quelque chose; qu’elles menacent d’un châtiment; ou qu'elles imposent des peines. On trouve, en outre, des clauses conditionnelles, extensives ou restrictives, selon qu’elles n’accordent une faveur que sous condition; qu’elles étendent une faveur précé­ demment accordée ; ou qu’elles la restreignent, etc. On appelle clauses de style celles qu'il est d’usage d’apposer ordinairement aux actes pontificaux, et qu’on sous-en­ tend toujours, quand elles ne sont pas formellement exprimées. Le nombre des clauses apostoliques dépasse cinquante. Nous rapporterons et nous expliquerons ici les princi­ pales, en les classant, pour plus de clarté et de commo­ dité, en catégories distinctes et rationnelles. II. Glai ses qui peuvent se rencontrer indifférem­ ment dans toi s les rescrits pontificaux. — 1° Clauses relatives à l'exactitude de la supplique présentée au pape. — Si preces veritate nitantur, ou si ita est. — Quand elle n’est pas formellement exprimée, cette clause doit toujours être sous-entendue. Désla fin du xne siècle, dans une lettre adressée à l’archevêque de Canterbury, en 1180, le pape Alexandre III affirmait déjà que c’est là une coutume inviolable de l'Église. L. I Decretal., lit. ni, De rescriptis, c. 2, Ex parte. Celte prescription cano­ nique est d’ailleurs l'écho du droit romain ancien qui déclarait nul tout reserit ne renfermant pas expressé­ ment cette clause. Ibid., De diversis rescriptis. La for­ mule si preces veritate nitantur, signifie que si, dans la requête adressée au pape, est alléguée une fausseté essentielle, ou bien est caché un fait, qui, d’après le droit ou l'habitude de la curie romaine, devrait cire exposé, le reserit est invalide. Cela ressort d’un texte du Corpus juris : Qui fraude, vel malilia falsitatem expri­ munt, aut supprimunt veritatem, in suæ perversitatis poenam, nullum ex iis litteris commodum consequan­ tur. L. I, Decretal., til. in, De rescriptis, c. 20, Super litteris. Ces paroles sont du pape Innocent III, et con­ cernent directement les rescrits de justice; mais tous les auteurs les appliquent également aux rescrits gra­ cieux, car personne ne doit tirer parti de sa propre ma­ lice, comme il est dit en divers endroits du Corpus ju­ ris L. I Decretal., tit. ni, De rescriptis, c. 15, Sedes apostolica; c. 16, Ex tenore, etc. Si la fausseté ne por­ tait que sur un point accidentel, elle n’aurait probable­ ment pas pour résultat d'annuler le reserit, et, dans le doute, on pourrait conclure à sa validité, suivant l’axiome reçu : In dubio standum est pro valore actus. Pour les détails, voir Schmalzgrucber, qui a traité lon­ guement et savamment cette question, Jus ecclesiasti­ cum universum, 5 in-fol., Venise, 1738; Il in-4", Borne, 1845, I. I, tit. in, § 3, n. 13-20, t. 1, p. 70 sq. Motu proprio. — En vertu de celte clause, disparais­ sent. en général, les clauses d’invalidité qui résulte­ raient d’une fausse allégation, ou d’une restriction cou­ pable. Elle signifie, en effet, que le pape, pour accorder la faveur qui est l'objet du reserit, ne s’est pas appuyé sur les motifs indiqués dans la supplique qui lui a été précédemment adressée, ail instantiam partis, mais qu'il a agi comme de son propre mouvement et pour d'autres motifs à lui connus. Nous avons dit en géné­ ral, car si les causes d'invalidité étaient très graves, elles ne seraient pas compensées par la clause motu proprio. Cf. Suarez, De legibus, I. VIII, c. xn, n. 6-17, Opera omnia, 28 in-4», Paris, 1856-1878, t. vi, p. 270-274; Lay­ man, Theologia moralis, 2 in-fol., Venise, 1719, L I. tr. IV, De legibus, c. xxm, n. 8. I. I, p. 77; Salmanlicenses, Cursus theologiae moralis, 6 in-fol., Lyon, 1679, tr. XVIII, De privilegiis, c. l. p. IV. n. 40-42, t. iv, p. 396; Schmalzgrueber, op. cil., 1. I, tit. m, § 2, n. 12, 21 CLAUSES APOSTOLIQUES 22 le prédécesseur avait accordé la grâce avec cette clause : t. i, p. fi!) sq. Cette clause parait avoir été employée, Donec revocavero, car la mort n'est pas assimilable à pour la première fois, par Boniface IX. Cf. Richard et un acte de révocation. Cf. Regul. XII Cancellarim; Fer­ Giraud, Bibliothèque sacrée, 29 in-8», Paris, 1822-1827, raris, Prompta bibliotheca, v» Beneficium, a. 9, t. i, t. vu, p. 170. p.473; Reilfenstuel, Jus canonicunt universum, 6 in-fol., 2° Clauses ayant pour but de sauvegarder les droits Venise, 1775, 1. V, tit. χχχιιι, De privilegiis, §8, n. 170, acquis par des tiers. — Salvo jure alterius. — C'est là t. v. p. 288; Suarez, J. VIII, De legibus, c. xxxn, n. 2-0, également une clause toujours sous-enlendue, quand elle Opera omnia, I. VI, p. 370 sq.; Layman, Theologia mo­ n'est pas exprimée. En accordant une faveur à quelqu’un ralis, 2 in-fol., Venise, 1719, 1. 1. tr. IV, De legibus, le pape n'a pas l'intention, à moins qu’il ne le dise for­ c xxiii, n. 17, t. i, p. 82; Schmalzgrueber, Jus eccle­ mellement, d’enlever à un autre ce que celui-ci aurait déjà légitimement obtenu. Cf. 1. I Decretal., tit. nr. De siasticum universum, I. V, tit. χχχιιι, De privilegiis, rescriptis, c. 8, Ad aures, et Regul. XVIII Cancel- §5, n. 156-159, t. v. p. 255 sq.; S. Alphonse, Theologia moralis, Appendis II, De privilegiis, c. I, n. 13, t. ix, lariæ. Voilà pourquoi, dans les rescrits de ce genre, une p. 127. Si Ia clause porte : Donec voluero, la faveur pro­ clause spéciale : Auditis interesse habentibus, marque bablement persévère après la mort du concédant. souvent que les intéressés ont été admis à faire valoir leurs droits, afin que nul d'entre eux ne fut lésé. Ct. Fer­ Cf. Sahnanticences, loc. cit., n. 149. t. iv, p. 423; S. Al­ raris, Prompta bibliotheca canonica, moralis, theolo­ phonse. (oc. cit. 111. Clauses spéciales aux rescrits pour le for in­ gica, etc., 10 in-4», Venise, 1782, v“ Beneficium, a. 9, 10, t. i, p. 468-493. térieur. — 1° Jn foro pænitentiæ tantum, ou Dispen­ 3" Clauses extensives des rescrits. — Quidam alii et ' satio in foro externo, ou judiciario nullatenus suffra­ res aliœ. — Celte clause évidemment extensive ne s’étend | getur. — Par celte clause, il est affirmé que la faveur concédée ne l’est nullement pour le for extérieur. Ainsi, pas néanmoins indifféremment. Elle n’atteint pas les par exemple, si un empêchement occulte de mariage, personnes supérieures à celles que regarde directement pour lequel la Pénitencerie accorde une dispense, deve­ le reserit, ni les choses plus graves que celles dont il y nait public, on devrait nécessairement recourir, en outre, est fait mention; mais elle vise seulement les personnes à la Paierie, qui a la faculté de dispenser des empêche­ et les choses du même ordre ou d'un ordre inférieur. Ainsi, par exemple, par le mol clercs, on n’entend pas ments pour le for extérieur, secus ipsa proles reputare­ tur illegitima, licet in foroconscienliæmatrimonium va­ l'évêque, ni les religieux; par le mot peuple on n’entend leret. Cf. Gaspard, Tractatus canonicus de matrimonio, pas les clercs. I.. I Decretal., tit. ni, De rescriptis, c. 15, 2 in-8», Paris, 1891, c. iv, sect, i, a. 4, § 2, n. 390, t. 1, Sedes apostolica. 11 faut interpréter de la même façon la clause extensive : Ut cognoscatis super his et aliis p. 213. Il ne faudrait pas croire que ces paroles : inforo pænitentiæ, ou in foro conscientise, sont synonymes de quibusdam causis. Même le nombre de causes inférieures ou égales comprises dans cette formule est limité, et ne celles-ci : in sacramentali confessione. D'après l'avis commun des théologiens et des canonistes, celui qui a doit pas dépasser celui de trois ou quatre. L. I Decrele pouvoir d'absoudre d'une censure in foro conscientiis ' il., fit. ni, De rescriptis, c. 2, Cum in mullis, in 6°; peut le faire, même extra confessionem. La formule in cf. Schmalzgrueber, 1. 1, lit. ni, S 5. n. 26-29, t. i, p. 73, 71; 1. V, til. xxili, § 4, n. 131-146, t. v, p. 253-255. foro conscientise, ou in foro pænitentiæ signifie donc 4“ Clauses concernant la durée des rescrits. — Usque seulement ceci : l'absolution ainsi donnée ne sera d’au­ ad beneplacitum nostrum. — L'ne faveur accordée en cune utilité au pénitent pour le for extérieur, dans le­ quel il sera considéré comme non absous, et restera ces termes persiste, tant que la volonté de celui qui l’a concédée la maintient. Elle cesse donc à la mort de ce­ passible des peines établies par le droit. Cf. Suarez, De lui-ci. car, per ejus obitum, ipsius beneplacitum omnino voto. 1. VI, c. xvi, n. 4; De legibus, I. VIII, c. vi, n. 16, Opera omnia, t. xiv, p. 1118; t. vi, p. 250; Salmantiextinguilur, et eo ipso expirât, comme le déclara Bonirue VIII, en 1302, par une décrétale insérée dans le censes, Cursus theologiæ moralis, tr. X. De censuris, Corpus juris canonici. L. I Decretal., lit. lit, De rescrip­ c. n, p. iv, n. 44, t. n, p. 336; tr. XVIII, De privilegiis, tis. c. 5, Si gratiose, in 6°. Néanmoins, malgré ce texte c. i, p. ni. n. 33, t. iv, p. 394; de Lugo, De fide, de droit, plusieurs auteurs graves considèrent comme disp. XXIII, sect. Ill, η. 64, Opera omnia, 7 in-fol., légitime la coutume introduite plus tard, et d’après laLyon. 1652. t. til, p. 654; Bonacina. Theologia moralis, ■ Ile on suppose persévérer après la mort du pape les 3 in-fol., Venise, 1710, tr. Ill, De censuris, disp. I, faveurs et privilèges concédés ad beneplacitum nostrum. q. ill, p. vi, n. 8, t. i, p. 371; S. Alphonse, Theologia Cette clause pourrait donc, d’après eux, être interprétée moralis, I. VII, De censuris, c. I, dub. v, n. 126, t. vit, l- nignement. Elle manifesterait simplement l'intention p. 225; Appendix II, De privilegiis, c. I, n. 4.1, ix, p. 121 ; du pontife d’empêcher que la concession ne constitue Ballerini, Compendium theologiæ moralis, 2 in-8», une sorte de droit acquis, comme par contrat ou pacte Rome, 1893. De censuris, c. i, n. 954, note, t. II, p. 962 sq. quelconque, qui fonderait une'apparence d’obligation 2° Audita prius sacramentali confessione, ou hi ; ;r lui ou pour ses successeurs. Cette clause aurait actu sacramenlalis confessionis tantum. — Le pape, donc pour but principal de rappeler que celte conces­ par ces paroles, impose à l'impétrant l'obligation de se sem est révocable sans autre motif que la volonté du confesser à celui-là meme qui est chargé de fulminer la concédant : ad beneplacitum nostrum. Assurément c'est dispense. En conséquence, le confesseur absoudra tout de la nature d'un privilège d’être révocable, et il n'est d'abord le pénitent comme à l’ordinaire, et ensuite s'ac­ pas toujours nécessaire de le dire; mais, c’est parfois quittera de la commission qui lui est confiée. Aucune fart utile, ne serait-ce que pour enlever toute hésitation formule particulière n'est prescrite pour cela. Même a ce sujet, suivant l'axiome : Abundans cautela non dans le cas ou l'absolution précédente aurait été reçue nocet. Cf. Schmalzgrueber, op. cit., I. V, tit. xxxm, De sans les dispositions requises pour éviter le sacrilège, privilegiis, § 5, n. 156, t. v, p. 255; Sal manlicenses, la dispense n'en resterait pas moins valide. Ce point de i c ,-sus theologiæ moralis, 6 in-fol., Lyon, 1679, tr. XVIII, doctrine a été précisé par plusieurs décrets de la l’éniprivilegiis, c. i, p. ix, n. 119, t. iv. p. 423. — Usque tencerie, entre autres par celui du 4 janvier 1839, et par ad beneplacitum sanelæ sedis. — Quand la clause est un décret de la Propagande, du 16 janvier 1794. .Mais le ainsi formulée, la concession est perpétuelle, et, par suite confesseur qui s'aperçoit que le pénitent, manquant des elle ne cesse pas à la mort du pape qui l'a octroyée, se­ dispositions requises, ne saurait être absous deses péchés, lon cette même déclaration de Boniface VIII, quia sedes doit néanmoins ne négliger aucun effort pour le bien ipsa non moritur, durabit perpeluo gratia, nisi a suc- disposer. S'il n'y réussit pas, il renverra à plus tard, ecssore fuerit revocata. 11 n'en serait pas autrement, si avec l'absolution des péchés, la concession de la dispense, 23 CLAUSES APOSTOLIQUES à moins que quelque nécessité pressante ne l’empêche de différer plus longtemps. Des cas se présentent donc parfois dans lesquels le confesseur est amené à concéder la dispense, quoi qu'il soit contraint, pour le moment, de refuser l’absolution des péchés. Décret de la Pénitencerie du 19 mai 1834. D'ailleurs, la clause ne dit pas : impertita prius sacranienlali peccatorum absolutione; mais seulement, audita sacranienlali confessione, ou in aetu sacramentalis confessionis. H suffit donc que l'absolution de la censure, ou la concession de la dis­ pense, ait été précédée par une accusation des péchés qui soit sacramentelle. Cf. Gasparri, Tractatus canoni­ cus de matrimonio, c. tv, sect. 1, a. 4, §2, n. 381, t. I, p. 210 sq. 3° Injuncta ei pro modo culpæ gravi pænilentia sa­ lutari. — On doit entendre cette clause de l’obligation, pour le délégué, d’imposer, outre la pénitence sacra­ mentelle, une pénitence grave relativement aux forces et à la condition du pécheur. C’est ce que la Pénitencerie expose elle-même dans sa déclaralion du 8 avril 1890 : In præ/iuienda pænilenliæ qualitate, gravitate, duca­ tione, etc., guæ dispensantis aut delegati arbitrio juri conformi remitlilur, neque SEVERITATIS, neque ΠΕΝΑ­ Ν itatis fines esse excedendos, rationemque esse haben­ dam conditionis, alatis, infirmitatis, officii, sexus, etc., eorum quibus poma irrogari injungitur. Cf. Benoit Xi V, Institutiones ecclesiastica, 2 in-4», Venise, 1788, inst. L.XXXVJI, n. 38, t. 11, p. 119. L'omission de la pé­ nitence fixée est une faute; mais elle ne rend pas la dis­ pense invalide, même si la pénitence n'a été acceptée qu'avec l’intention secrète de ne pas l’accomplir. Décrets delà Pénitenceriedu I4septembreetdu I2novembre189l. Quelquefois la pénitence est déterminée par le reserit lui-même, par exemple : une confession mensuelle, ou un jeûne hebdomadaire. Dans ce cas, c’est évidemment celle à laquelle le confesseur s’arrêtera. D'autres fois, la clause porte : Injuncta pænitentia gravi et longa. La pénitence, alors, se continuera au moins une année entière, et consistera, pendant tout ce temps, en quel­ que chose de grave, comme serait, par exemple, durant l'année, de s'approcher des sacrements une fois par mois, ou de jeûner une fois par semaine, ou bien d’assister tous les jours à la messe, de réciter le rosaire plusieurs fois la semaine, etc. Si la clause porte : Gravi et diuturna pænitenlia, la pénitence, suivant le style de la curie, s’étendra à trois ans. Si elle est inlligée ut perpetua, elle est pour toute la vie. Quand la pénitence demandée est gravissima, il faut alors prescrire, en même temps, plusieurs des œuvres satisfactoires indi­ quées plus haut. Cf. Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, c. tv, sect, l, a. 4, § 2, n. 374, t. t, р. 236 sq.; Lehmkuhl, Theologia moralis, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1902, part. 11, 1. I, tr. VIII, sect, ni, с. tu, § 4, n. 820, t. n, p. 587. 4° Satisfacta parle, ou Remoto, quatenus adsit, scan­ dalo. — Un tiers a-t-il été lésé paria faute qui a entraîné une censure, la faculté d'absoudre de celle-ci est accor­ dée, mais à la condition expresse que le tort causé aura été préalablement réparé. L'absolution octroyée avant la satisfaction accomplie, quand celle-ci est possible, est certainement et gravement illicite. Cf. Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, 1. V, tit. xxxix, De sen­ tentia excommunicationis, § 1, η. 101, t. ν, p. 334; S. Alphonse, Theologia moralis, I. VU, De censuris, c. I, dub. vi, η. 121, t. vu, p. 224, qui donne cette solu­ tion comme étant le sentiment commun des théologiens. Si la satisfaction n’est pas actuellement possible, il faut, du moins, que le pénitent présente des signes non équivoques de sa volonté bien ferme de l'accomplir, dès qu'il le pourra, à moins que la partie lésée ne renonce elle-même à cette satisfaction. Cf. Suarez, De censuris, disp. VII, sect, v, n. 41, t. xxm, p. 228. Pour le même motif, l'absolution d'une censure ne peut être donnée, 24 si le scandale public, quand il y en a eu. n’est réparé, ou du moins, si le pénitent n’est véritablement résolu à le réparer, dès qu'il le pourra, et de la meilleure ma­ nière qui sera en son pouvoir. Décret de la Péniten­ cerie du 5 juillet 1857. Cf. Beillenstuel, Jus canonicum universum, I. V, lit. χχχιχ. £ 8, n. 269, t. v, p. 333; Layman, Theologia moralis, I. 1, tr. V, De ecclesiasticis censuris, part. 1, c. vit, n. 7, t. I, p. 96. L’absolution accordée avant l'accomplissement de la satisfaction, ou avant la promesse sérieuse de l'accom­ plir, est-elle invalide, comme elle est illicite? En d'autres termes, iaut-il regarder la clause, satisfacta parle, comme indiquant une condition sine qua non? Dans certaines circonstances l'absolution parait valide aux Sahnanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. X, De censuris, c. n, p. 11, n. 25, t. n, p. 333; et à Bonacina, Theologia moralis, tr. Ill, De censuris, disp. I. q. m, p. ix, n. 3, t. I, p. 373. Mais la plupart des auteurs sont d’un avis contraire, et tiennent celte absolution pour certainement invalide. Cl. Suarez, De censuris, disp. VU, sect, v, n. 42, t. xxm, p. 229; Lacroix. Theologia mo­ ralis, 2 in-fol., Venise, 1720, I. VI, part. II, tr. IV, De pænitenlia, c. i, dub. iv, De satisfactione, n. 1153. t. n, p. 249; S. Alphonse, Theologia moralis, I. VI, tr. IV, De pænitenlia, c. I, dub. iv, De satisfactione, n. 537, q. vu. t. v, p. 506; L VII, De censuris, c. 1, dub. vi, n. 121, t. vu, p. 223. 5» Sublata occasione peccandi, ou amplius peccandi. — L'occasion visée ici est celle qu'il est dans le pouvoir du pénitent d’écarter; car. si elle était nécessaire, il suffirait d'employer les moyens, ou de prendre les pré­ cautions qui rendraient cette occasion lointaine, de pro­ chaine qu’elle était. L'apposition de cette clause est plutôt un avertissement pour le confesseur, que l'indi­ cation d'une condition sine qua non. Sa non-exécution n'annulerait pas les pouvoirs conférés par le reserit. Cf. Lehmkuhl, Theologia moralis, part. 11,1. I, tr. VIII, De matrimonio, sect, m, c. m, § 4, n. 820, t. n, p. 587; Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, c. tv, sect. 1, a. 4, § 2, n. 382, t. t, p. 241. Celle clause estsouvent remplacée par celle-ci, qui en est comme l’expli­ cation : Postquam omnem recidivæ conversationis occasionem abstulerit. Cf. Caillaud, Manuel des dis­ penses, à l'usage du curé, du confesseur et de l'official, in-8°, Paris, 1882, part.I,c. il, a. 8, n. 108-109, p. 87 sq. 6" Dummodo impedimentum præfalum sil occultum, ou omnino occultum. — L’empêchement est omnino occultum, ou stricte occultum, quand on ne trouverait pas deux témoins pour en prouver l'existence. Il est simplement occultum, ou quasi occultum, quand on arriverait à le cacher par quelque expédient, quoique plusieurs personnes en aient connaissance. Le droit ne détermine pas quel est le nombre de personnes aux­ quelles l'empêchement peut être connu, sans cesser d’être occulte. Ce nombre varie suivant lescirconslances d'âge ou de caractère des personnes, et suivant l'impor­ tance des localités. Dans une grande ville, l'empêche­ ment resterait occulte, même s’il était connu de sept ou huit personnes. 11 faut, d'ailleurs, moins prendre garde au nombre des personnes qu'à leurs qualités et à la créance que mérite leur témoignage, pour apprécier le danger qu'un empêchement occulte ne devienne public par leurs révélations. Cf. S. Alphonse, Theologia mora­ lis, I. VI, tr. IV, De pænitenlia, c. Il, dub. iv, n. 593, t. vi, p. 73; 1. VI, tr. VI, De matrimonio, c. ni, dub. v, n. till, t. vu, p. 108 sq.; Caillaud, Manuel des dis­ penses à l’usage du curé, du confesseur et de l'official, part. II, c. I, a. 1, n. 156-182; c. Il, n. 193, p. 123-128, 151 ; Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, c. iv, a. 1, § 2, n. 251-253, t. i, p. 145-152. 7° Neque aliud obstet canonicum impedimentum. — Le reserit n'accorde Ia dispense que de l'empêchement mentionné dans la supplique. S’il y avait plusieurs ■25 CLAUSES APOSTOLIQUES 20 empêchements, il serait nécessaire de les énoncer tous. • son consentement précédemment donné. Cf. Benoît XIV, ■Quand l’empêchement occulte se complique d'un em­ Institutiones ecclesiasticæ, inst. LXXXVII. n. 74 sq., t. n, p. 129 sq. ; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, pêchement public, cette clause se complète alors par celle-ci : Dummodo, ou postquam super publico impe­ tr. VI, De matrimonio, c. ni, dub. ni, η. 1115-1116, dimento dispensationis litteræ obtentæ fuerint. Ce I. vu, p. 114-117. La Pénitencerie, d’ailleurs, insinue membre de phrase indique évidemment une condition cette pratique, par les mots qu’elle ajoute souvent à la sine qua non, dont la non-exécution entraîne la nullité formule : Et quatenus hæc certioratio (nullitatis ma­ de la dispense. Décret du Saint-Office, du 11 mars 1896. trimonii) absque gravi periculo fieri nequeat, renovato L’obligation de déclarer tous les empêchements est si consensu juxta regulas a probatis auctoribus traditas. rigoureuse, que si, par exemple, dans une requête adres­ Cf. Archio fur kath. Kirchenrecht, t. xliii, p. 23. sée à la Daterie, quelque circonstance, cause d’un em­ 43° Nullis super his datis litteris, sed præsentibus, pêchement occulte, a été omise, il faut, en écrivant à ce sub poena excommunicationis lalæ sententiæ, per te sujet à la Pénitencerie, non seulement relater celle post exeeutionem penitus laceratis. — Celle recomman­ circonstance, mais en même temps, exposer tout l’em­ dation est surtout pour les cas de revalidation d'un mariage pêchement déjà révélé à la Daterie, à moins qu’il ne soit déjà contracté, quoiqu’elle paraisse aussi quelquefois question de chosesabsolumont distinctes, et qui ne soient dans les dispenses d’empêchements accordées en vue pas de nature à rendre l'obtention de la dispense plus d’un mariage à célébrer. Comme l’empêchement est difficile. Cf. Pignalelli, Consultationes canonicæ, 11 in­ occulte, la dispense doit également rester cachée. Il fol.. Cologne, 1718, consultat. XIV, t. tv, p. 15; Lehmfaut donc détruire les lettres apostoliques qui la men­ kuhl, Theologia moralis, part. Il, 1. I, tr. VIII, De ma­ tionnent, et les déchirer ou les brûler aussitôt après trimonio, sect, in, c. ni, § 3, η. 800, ad 5“m, t. n, leur exécution, c’est-à-dire dans les deux ou trois jours p. 581. qui suivent. L’obligation de les détruire, ou du moins 8° Dummodo super petila dispensatione recursus ad de les cacher, existe même si cette clause n’est pas aposlolicam Datariam factus non sit. — La Péniten- apposée, comme il arrive parfois quand il s’agit d'un cerie ajoute cette clause, parce qu’elle est autorisée à mariage à faire. Il n’est jamais défendu au confesseur donner seulement in forma pauperum les dispenses cependant, de transcrire, pour son instruction person­ qui sont directement du ressort de la Daterie. En outre, nelle, le texte de la dispense, et de garder cette copie, elle n'a pas la faculté d'attirer à son tribunal les causes pourvu qu’il en enlève les dates ou les circonstances déjà pendantes devant celui de la Daterie. particulières qui pourraient manifester à d’autres les 9’ Aposlolica auctoritate misericorditer dispenses. noms des pénitents ainsi dispensés. Cf. Lehmkuh), — Cette clause rappelle que, en fulminant la dispense, Theologia moralis, part. IL I. I. tr. VIII, De matrimo­ il faut nécessairement faire mention, en termes exprès, nio, sect, in, § 4, η. 821, ad 7“™, t. it, p. 588. Certains de la délégation reçue, à cet effet, du siège apostolique. compléments circonstantiels accompagnent parfois cette 10» Discreto viro N' confessorio. — On lit ces mots clause, et montrent l’un des motifs qu’a la S. C. d’im­ sur l’adresse extérieure du reserit, quand c’est le con­ poser la destruction de ces lettres : ita ut nullum earum fesseur lui-mème, qui, ayant rédigé la supplique, l’a exemplum exstet, neque eas latori restituas; quod si envoyée, et reçoit, avec la réponse, le pouvoir de dis­ restitueris, nihil ipsi præsentes litteræ suffragentur. Cf. penser. Si le pénitent a recouru par lui-rnême à la Gasparri, Tractatus canonicus de matrimonio, c. iv, Pénitencerie, il reçoit inclus dans la réponse un pli sect. 1, a. 4. § 2, n. 391, t. i. p. 243 sq. cacheté, sur lequel se trouve l'inscription : Discreto IV. Clauses spéciales aux rescrits pour le for extérieur. — 1° Discretioni luæper præsenles commit­ viro confessorio ex approbatis ab ordinario. Dans ce timus et mandamus, quatenus de præmissis te dili­ cas, seul le confesseur choisi par le pénitent a le droit genter informes, et, si vera sint exposita, super quo de décacheter le pli, et, après avoir rempli les condiconscientiam tuam oneramus, cum eisdem exponen­ tions imposées, de fulminer la dispense. Cf. Reilfenstuel, Theologia moralis, tr. XIV, dist. XV, q. x, n. 12, tibus dispenses. — Par cette clause, il est exigé que, avant la fulmination de la dispense, une nouvelle in­ additio 2, t. il, p. 321 ; Gasparri, Tractatus canonicus de formation ait lieu, à l'effet de constater que nul chan­ matrimonio, c. iv, sect. I, a. 4,§ 2, n. 379, t. I. p. 239 sq. ; gement substantiel n'est survenu depuis la rédaction de Zitelli, De dispensationibus matrimonialibus juxta rela supplique, et que toujours preces veritate nituntur. amtissimas Sacrarum Urbis Congregationum resolu­ Cette nouvelle information n’est pas néanmoins néces­ ta nes commentarii, in-8», Rome, 1887, p. 85 sq. saire pour la validité de la dispense, comme il ressort 1!» .Si separatio fieri non possit, absque scandalo. de la rédaction même de la clause : conscientiam — Celte clause concerne Ia revalidation d'un mariage tuam oneramus, et d’une réponse de la Pénitencerie déjà contracté. Le confesseur n’a pas à s’en inquiéter du 27 avril 1886. Elle est seulement requise pour que outre mesure, car, dans les cas de ce genre, il est l’ordinaire puisse, en conscience, exécuter le reserit : presque impossible que la séparation puisse s’effectuer est præmitlenda ut judex delegatus quoad veritatem sans scandale : ce serait donc une imprudence de l'exiger. expositorum CONSCtSNTIÆ St:. F. satisfactum esse sen­ tiat. Décret de la Pénitencerie du 1er juillet 1859. Pour 12» Certiorata altera parte denullitate matrimonii, sed ita caute, ut oratoris delictum nunquam cognos­ cette nouvelle information, l'ordinaire délégué d’habi­ tude le curé du lieu qui a rédigé la première supplique, catur. — Il s’agit, là encore, de la revalidation d'un mariage déjà contracté, mais avec un empêchement et qui interroge, s’il est besoin, les impétrants euxmêmes, leurs parents ou d’autres personnes dignes de occulte et dirimant, dont on n’avait pas obtenu dispense foi. Décret de la Pénitencerie du 5 septembre 1899. avant la célébration. Cette clause suscite généralement, Si la seconde enquête montre que l’exposé des faits en pratique, de très graves difficultés. Quelquefois, dans la supplique ne répond pas à la vérité, et que, par souvent même, il est moralement impossible de s'y suite, le reserit est nul, il faut obtenir un autre reserit conformer. Le plus sur, alors, est d’en référer à la qui revalide le premier, en corrigeant ce qui est défec­ I’-nitencerie,pourlui demander unedispense in radice. tueux en lui. Ce nouveau reserit s’appelle, en style de Il est permis néanmoins de suivre l'opinion probable, curie, un perinde valere, parce que, grâce à lui, les pré­ d'après laquelle la non-réalisation de cette condition cédentes lettres apostoliques sont déclarées valides, n'entraîne pas l’invalidité de la dispense. Dans cette comme si elles n’avaient aucun vice de fond, ni de hypothèse, il suffit que l’un des deux époux renou­ forme, declarantur valere perinde ac si nullo vitio velle son consentement, tandis que l’autre, ignorant l’existence de l’empêchement occulte, persévère dans 1 laborarent. Si, après ce second recours au saint-siège, 27 CLAUSES APOSTOLIQUES 28 on découvrait une autre cause de nullité, il faudrait un , craindre qu’ils ne se soumettent pas à la décision qui troisième reserit qui s'appelle, alors, un perinde valere leur sera manifestée. super perinde valere. Pour obtenir ces divers rescrits, Comme dans les dispenses de ce genre émanées de on s'adresse, suivant les circonstances, à la Daterie ou la Pénitencerie informa pauperum, se trouve toujours à la Pénitencerie. Dans le cas, ou à cause d'un double la clause : Dummodo pauperes existant, on s'est empêchement public et occulte, on aurait dù recourir demandé si ces dispenses seraient valides, dans le cas d'abord à ces deux tribunaux simultanément, si l’em­ où, la pauvreté, n'étant pas réelle, serait faussement pêchement découvert dans la suite était public, on alléguée. aurait besoin d'un double perinde valere : l’un de la A ce sujet, les avis sont partagés. Les auteurs qui le Daterie, puisque l'empêchement est public; l'autre, de nient s’appuient sur cette raison que la Pénitencerie la Pénitencerie, puisqu’il est nécessaire de tout expo­ n'a le pouvoir de dispenser que les pauvres pro foro ser à ce tribunal, comme nous l’avons dit. Cf. Pyrrhus externo. Or, un délégué, agissant en dehors des limites Corradus. Praxis dispensationum aposloliearum, in-4», de sa délégation, ne produit que des actes frappés, ipso Paris, 1810, 1. VIII, c. v. dans Migne, Theologies cursus fado, de nullité. Ils invoquent, en outre, en faveur de completus, t. xtx, col. 722-73(1: Gasparri, Tractatus leur sentiment, une déclaration officielle de Benoit XIV, canonicus de matrimonio, c. iv, sect, t, a. 4, § 2. n.362, qui, dans sa bulle Apostolica, du 20 mars 1742, a t. t, p. 228-229. déclaré que l’exacte expression et la vérification des 2 ’ Su proscriptos oratores a quibusvis sententiis, cen­ causes qui ont motivé une dispense touchent à sa vali­ suris el pomis ecclesiasticis tum a jure quam ab no­ dité. Ce document paraîtrait concluant, car, après avoir mine latis, ad effectum infrascriptæ graliæ dumtaxat cité l’opinion contraire, il la réprouve formellement par consequendae, hujus rescripti tenore absolvens, etc. — ces paroles qui semblent ne laisser subsister aucun Le résultat de cette clause est que mille peine ecclésias­ doute: Quum expressio causarum earumque veri/icalio tique, encourue peut-être par les impétrants, n'est un AD SUBSTANTIAM ET VAUDITATEM DISPENSATIONIS PER­ obstacle;! la validité de la dispense ou de la grâce accor­ TINEAT ; iliisque deficientibus, gratia NULLA AC irrita dée. Cela n’empêche pas que les censures ou les peines sit, nullamque exeeutionem mercatur. Cf. Bulle Apo­ encourues,'s’il y en a, ne persistent pour le reste : elles stolica, § 2, Bullarium Benedicti XI V, 2 in-fol., Venise, ne sont suspendues que pour laisser au reserit tout son 1778, t. 1, p. 57. effet. Néanmoins beaucoup d'auteurs, à la suite de saint 3° Proprio oratoris (ou oratricis, ou oratorum) Alphonse, Homo apostolicus, tr. XVIII, n. 87, t. n, ordinario (ou ordinario loci) facultatem concedens. p. 250, soutiennent que, dans ce cas, la dispense est — Sous l'appellation d'ordinaires sont compris les évê­ valide, se basant sur un décret déjà ancien de la S. C. ques, les vicaires apostoliques, les vicaires capitulaires du Concile du 9 septembre 1679, qui ne parait pas révo­ sede vacante, les vicaires généraux, et les prélats nul­ qué par la bulle subséquente de Benoit XIV, Apostolica, lius. C'est à eux qu'il appartient, selon les cas, d'exé­ car celle-ci ne traite pas de ce cas spécial, mais seule­ cuter les rescrits pontificaux. Cf. Gasparri, Tractatus ment des dispenses de mariage pour les empêchements canonicus de matrimonio, c. IV, sect. 1, a. 4, § 2, n, 365, provenant des divers degrés d’affinité ou de consangui­ t. t. p. 231 sq. nité et des autres empêchements canoniques. Or, un 4° In utroque foro absolvas. — Celte clause doit être mensonge sur le véritable état de fortune des futurs entendue en ce sens qu'une seule absolution est requise, époux n’est assurément pas un empêchement, ni de et que, accordée pour le for externe, elle est également droit naturel, ni de droit divin, ni de droit ecclésias­ valide pour le for intérieur. Pénitencerie, 27 avril 1886. tique D'ailleurs, la pauvreté des parties n'est pas le 5" Erogata ab eis aliqua eleemosyna, judicio ordi­ molif pour lequel la dispense d'un empêchement leur narii taxanda. — En vertu d'une concession spéciale est accordée, car même les riches l’obtiennent; mais du souverain pontife, la Pénitencerie, quoique instituée c'est le motif pour lequel cette dispense leur est accor­ principalement pour le for intérieur, dispense aussi dée gratuitement. A la raison supposée que la Péniten­ des empêchements publics de mariage, qui sont du cerie excède ses pouvoirs en accordant la dispense à ressort de la Daterie. Elle le fait, quand la dispense est ceux qui ne sont pas pauvres, ces auteurs répondent demandée in formapaiiuerum. Dans ce but, la supplique que la délégation conférée par le pape au grand péniten­ doit être accompagnée d une déclaration de l’évêque du cier est conçue de telle sorte qu’il peut validement lieu témoignant de la pauvreté ou de la quasi-pauvreté dispenser, toutes les fois que l’ordinaire du lieu témoigne des impétrants. Sont regardés comme pauvres, non de la pauvreté des parties, que ce témoignage soit con­ seulement ceux qui ne possèdent rien et ne vivent que forme à la vérité ou non. du travail de leurs mains, mais encore ceux dont l’avoir Cette question est donc fort controversée, et elle est telle­ ne dépasse pas trois mille francs. Décrets du Saintment obscure que la Pénitencerie elle-même la soumit, il Office, du 26 septembre 1754, el de la Pénitencerie du y a peu d'années, à la S. C. du Concile, avec prière de la 5 février 1900. Cf. Acta sanclæ sedis, t. I, p. 446; Archiv résoudre. Celle-ci, par son décret du 26 avril '1873, fur Kirchenrecht, t. t.vi, p. 264 sq. Ceux dont la fortune refusa de se prononcer, et répondit simplement : Dilata. ne s’élève pas au-dessus de dix mille francs sont consi­ Quoiqu’elle n'eût pas voulu trancher le débat, elle eut dérés comme fere pauperes. Cf. Gasparri, Tractatus à étudier, peu de temps après, celte nouvelle question : canonicus de matrimonio, c. tv, sect, i, a. 4, n. 317, An validæ sinl matrimoniales dispensationes pro pau­ 319, 324, t. i, p. 195-200, 207-209. La dispense est, peribus a S. Pænitentiaria in foro externo concessa', alors, même pro foro externo, concédée gratuitement, quando paupertas falso allegata fuit in casu ? et, le sans l'imposition d'aucune taxe, mais simplement avec 28 juin 1873, elle répondit : Nihil innovandum. Son la clause : Erogata ab eis aliqua eleemosyna, judicio avis était donc qu'il fallait s'en tenir à la coutume en ordinarii, juxta eorum rires, laxanda et applicanda. vigueur. Or, la pratique de la Pénitencerie, selon qu’elle 11 n’est pas nécessaire, sous peine de nullité, que cette fut exposée dans le folio soumis à l'examen de la S. C. aumône soil faite avant la fulmination de la dispense. du Concile, est la suivante. Si la fausseté du molif, ob Il suffit que les futurs époux promettent sérieusement paupertatem, est connue de la Pénitencerie avant la de la faire, selon qu'il est fixé par l’évêque diocésain. concession de la dispense, elle renvoie l'affaire à la Décret de la Pénitencerie, du 11 novembre 1890. Le Daterie. Si elle le connaît après que la dispense a été même décret va jusqu'à permettre à l’évêque de n'impo­ obtenue, mais avant que celle-ci ne soit exécutée, elle ser aucune aumône, si les époux sont dans une réelle renvoie, suivant les cas, les impétrants à la Daterie, pro indigence, ou si leurs mauvaises dispositions laissent sanatione defectus paupertatis, ou bien elle leur pro- £7 CLAUSES APOSTOLIQUES 28 on découvrait une autre cause de nullité·, il faudrait un t craindre qu'ils ne se soumettent pas à la decision qui leur sera manifestée. troisième nwcril qui s'appelle, alors, un perinde i alere super perinde valere. Pour obtenir ces divers rcscrits, Comme dans les dispenses de ce genre émanées de i Pénilcnccde informa pauperum, se trouve toujours l. on s'adresse, suivant les circonstances, à la Paierie ou a la Pénilencerie. Dans le cas, oii à cause d’un double la clause : Dummodo pauperes existant, on s’est empêchement public et occulte, on aurait dù recourir demandé si ces dispenses seraient valides, dans le cas d’abord à ces deux tribunaux simultanément, si l'em­ on. la pauvreté, n'étant pas réelle, serait faussement pêchement découvert dans la suite était public, on alléguée. aurait besoin d’un double perinde valere : l’un do la A ce sujet, les avis sont partagés. Les auteurs qui le Paierie. puisque l’empêchement est public; l’autre, de nient s'appuient sur celle raison que la Pénilencerie la Pénilencerie. puisqu’il est nécessaire de tout expo­ n'a le pouvoir de dispenser que les pauvres pro foro ser à ce tribunal, comme nous Pavons dit. Cf. Pvrrhus externo. Or, un délégué, agissant en dehors des limites Corrados. Praxis dispensationum apostoli carum, in-4®, do sa délégation, ne produit que des actes frappés, ipso Pari*. IBU), I. VIII. c. v. dans Migne. Then login? cursus facto, de nullité. Ils invoquent, en outre, en faveur de completus, t. xix. col. 722-736; Gaspard. Tractatus leur sentiment, une déclaration officielle de Benoit XIV, canonicus de matrimonio, c. iv, sect. I, a. 4, £ 2, n.362, qui, dans sa bulle Aposloliea, du 20 mars 1742, a t. I. p. 228-229. déclaré· que l’exacte expression et la vérification des 2 0'upiYi canons et décrets du concile de Trente, mais seulement de ceux qui ont été munis par le concile lui-même de la clause : Non obstantibus privilegiis quibuscumqvr, comme, par exemple, ceux de la session XX V, De regula­ ribus, et quelques autres.Cf. Suarez. De legibus,\ III, c. xvm. n. 18, l. \i, p. 299; Salmanticenses· Cunus theologia: moralis, tr, .Will. c. I, punct. iv, n. 49 sq.; c. i, punct. \m, S 2. η. 130-138. l. iv. p. 398, 119-421; Beilleiisluel, L V, lit. xxxm. § 5, n. 116-119; 6, n. 139-116, l. v. p. 281,281 sq.; Schmalzgnieber.Jusecc le· siaslicum untrei'suni, 1. V, lit. xxxm. § 6. η. 2ΖΠ-21Ο, t. v. p. 262 sq.; S. Alphonse. Theologia moralis, Ap­ pendix II. Ih' privilegiis, c. i, n. 5. t. tx, p. 122. 9° Fx certa scientia, ou De plenitudine potestatis aposhdiciv. — Dans la confirmation des privilèges c< s clauses se rencontrent aussi fréquemment. Leur n sultat est de renouveler les privilèges qui auraient clé perdus par le non-usage, ou pour toute autre cause, I n elfvl, si le pape connaît ta nullité ou la perle des privilèges qu’il continue, celle confirmation équivaut aune concession nouvelle, à moins que les mois n’aient aucun sens; el, s’il ne connaît pas la perte des privi­ leges ou leur annulation, il est cen«ê les concéder aussi pour des motifs à lui connus, a moins de supposer que la formule ex certa scientia n’ait aucune utilité, pas plus que la clause de plenitudine potestatis. Cepen­ dant ces clauses ne rendent pas valide un privilège qui aurait été nul. dès le principe, car l’intention du pape, en confirmant, est de renouveler ce qui avait été pré­ cédemment accordé. Or. ce qui a été nul. dès le prin­ cipe, ne saurait être considéré comme avant été concédé. Celle intention du pape est encore plus manifestée par les mots qui accompagnent ordinairement ces clauses ; de novo concedimus, ou innovamus, etc. Cf. Suarez, De legibus, L MIL c. xiv. η. I; c. xvm, n. 12-17: SI CLAUSES APOSTOLIQUES 32 affigi et publicari... sicque publicatas... omnes et sin­ c. xi!, n. 3, t. vi, p. 276, 297-299, 300; Sahnanlicenses, gulos quos illœ concernunt perinde arctare et afficere Curtus theologia moralis, tr. XVIII, c. I. punch iv, n. 42ac si unicuique eorum personaliter intimata· fuissent. 44; c. n, punch vu. n. 68-76, t. iv, p. 396 sq., 4 42 - 445; Schinahgrucber. Jus ecclesias licum universum, h V, — I ne clause de ce genre était déjà en usage pendant le séjour des papes à Avignon. Cf. Urbain V, const. A po­ ht \wiii. J 4. η 114-117, t p, 252. 10» Ad instar. — Les privilèges auxquels celle clause stal icus, du 12 octobre 1364, Magnum bullarium romaest appliquée sont ceux qui ont été concédés à h res­ num, 19 in-foh, Luxembourg, 1727-1758, t. i, p. 261. semblance <Γιιη autre, comme, par exemple, quand le Mais telle qu’elle est formulée ici, elle ne fut d un pape dit à une personne ou à une communauté : < Je usage constant que vers la tin du xv· siècle. Cf. Sixte IV, vous accorde le même privilège qu’à tel ou tel. » const. Praclara sanctorum, du 3 octobre 1 472; Degi­ Ce privilège ad instars, comme valeur et comme éten­ mini, du 31 août 1 474 ; Etsi de cunctarum, du 30 juin due, celles qu’eut, au moins dans le principe, le pri­ 1480; Innocent VIII, const. Apostolicœ camera·, du vilège type, à l image duquel le second est concédé. 17 février 1485; Cum ab apostolica, du 13 septembre Si donc, pour quelque motif, le premier a été nul, le 1485; Dilectus filius, du 18 août 1487 ; Alexandre VI, ('.uni second l’est également; mais si le premier a été en­ ex relatione, du 18 décembre 1497, etc. Magnum bulla­ suite révoqué, le second ne l’est pas nécessairement. rium romanum, l. i, p. 389, 395, 423, 434, 436, 440, 449, Cf. Suarez, De legibus, I. VIII, c. XV, n. 1-12, t. vi, 450, 457, 463, etc.; t. ix, addenda, p. 89, 91. Pour р, 279-284; Salmanticenses. Cursus theologia· moralis, qu’une loi disciplinaire oblige tous 1rs chrétiens, il tr. XV11I, c. t, punch iv, n. 39, 48; punch vu, n. 87-117, n’est pas nécessaire qu’elle soit promulguée spéciale­ h iv, p. 395,398, 407-416; S. Alphonse, Theologia mora­ ment dans chaque province de l’univers, à moins que lis, Appendix II, De privilegiis, c. i, n. 5, t. ix, p. 122. ce ne soit exprimé formellement dans la loi elle-même, Il» Supplentes omnes et singulos defectus juris el comme il lut statué pour le decret Ίamelsi du concile facti, si qui forsitan intervenirent. — Les défauts de Trente, sess. XXIV, De reformatione matrimonii, auxquels il est suppléé par celle clause ne sont pas les c. i, prononçant la nullité des mariages clandestins. En dehors de ces dispositions particulières, les bulles défauts substantiels, soit de droit naturel ou divin, soit même de droit ecclésiastique, comme si, par exemple, pontificales, des quelles sont promulguées à Koine, sont, l'impétrant était excommunié, ou si la supplique était pour tous les chrétiens qui en ont connaissance, obli­ notablement fausse ou frauduleuse; mais ce sont les gatoires en vertu de la clause que nous venons de citer. défauts accidentels, au sujet de certaines circonstances Et cela est juste, car le mode de promulgation d’une requises par le droit positif, et dont le pape entend loi dépend de la volonté du législateur. Voir Promulga­ dispenser hic cl nunc et ad efleclum de quo agitur. tion. Si celle clause n’est pas exprimée formellement, Cf. Salmanticenses,Cursus thcologiæ moralis,tr. XVIII, il est probable que la promulgation faite à Borne suffit pour obliger tous les chrétiens, car c’est là une de ces с. h punct. iv, n. 51; tr. XVIII, c. il, punch vu. n. 72, t. tv. p. 398, 444; S. Alphonse, Theologia moralis, A|>clauses de style qu’on doit toujours supposer souspendix II, De privilegiis, c. i, n. 5-8, t. ix, p. 122-124. entendues, quand elles ne sont pas formellement expri­ mées. Cf. Suarez. De legibus, I. ill, c. xvt, n. 8; I. IV, 12· Ex confidentia hujus indulli. — Les privilèges c. XV, n. 1, t. \. p. 236 s<|., 391 sq.; ReilTenstucl, Λί ne sont pas accordes comme une occasion de pécher et une espérance d impunité pour ceux qui les reçoivent. canonicum universum, I. I, lit. it, De constitutionibus, C’est ce que cette clause a pour but de rappeler. Cf. §5, n. 123, 134, h I, p. 76, 78; Layman, Theologia mo­ ralis, 1. I, tr. IV, De legibus, c. in, n. 4, t. h p. 36; Suarez, De religione, tr. VIII, 1. H, c. χχι, n. 10-16, t. xvi, p. 221-224; De volo, 1. VI, c. xm, n. 6, t. xiv, Ferniris, Prompta bibliotheca canonica, moralis, p. 1103; de Lugo, De poenitentia, disp. XX, sect, vin, theologica, etc., v° Lex, a. 2, n. 5, I. v, p. 333; Saln. 129-130, h v, p. 480 sq.; Salmanticenses, Cursus theo­ m inlicenses, Cursus theologia: moralis, tr. XI, De legibus, c. i, punct. νι, n. 86, l. ni. p. 18; S. Alphonse, logia· moralis, tr. XVIII, De privilegiis, c. I, punct. iv, Theologia moralis, I. I, tr. Il, De legibus, c. I, dub. l, n. 46, h iv, p. 397. Cette clause est souvent complétée par celle-ci : Dummodo peccata non xinl in contemp­ n. 96. t. I, p. 117-124; Analecta juris pontificii, 2e série, tum clavium. Ce qu’il faut entendre par cette expres­ col. 2:<08. sion, peccare in contemptum clavium, est expliqué par Une clause qui a trait aussi à la promulgation des saint Thomas, Sum. theol., Il* II», q. clxxxvi, a. 9, bulles, est la clause rappelant la créance qu’il faut ad 3··; cf. Suarez, De religione, tr. VIII, I. II, c. xxi, accorder aux copies authentiques des bulles : Volumus n. 10, t. χχι, p. 221; Salmanticenses, Cursus theologias autem ut præsentium litterarum transsumptis cliam moralis, tr. XVIII, c. i, punct. iv, n. 56, t. iv, p. 399. impressis, manu aiicujus notarii publici subsenptis, 13* Appellatione remota. — L’appel empêché parcelle et sigillo persona· in dignitate ecclesiastica constitulæ clause n’est pas l’appel d’une sentence interlocutoire, munitis, eadem prorsus tam in judicio quam extra mais celui d'une sentence définitive. Cf. Salmanticenses, illud ubique adhibeatur obsei*vantia, ac si unicuique Cursus theologiis moralis, tr. XVIII, c. I, punct. iv, n. 44, forent exhibita: vel ostensæ. C’est aussi vers le milieu t. iv, p. 397 sq. Il est cependant des cas où, malgré du xv· siècle que celle clause fut régulièrement apposée celle clause, on peut en appeler même d’une sentence à la plupart des bulles. Eugene IV, const. Excellentissi­ définitive, h 11 Decretal., til. χχνιιι, De appellationi­ mus, du 26 mars 1433; Nicolas V, const. Ail sacram, bus, recusationibus et relationibus, c. 153, Pasto­ du 19 mars 1 447, etc. Magnum bullar., t. i, p. 324, 358, ralis ; comme il y a des cas aussi où l’appel d’une sen­ 364, etc. Cf. Suarez, De legibus, 1 HI. c. xvi, n. 8, t. v, tence interlocutoire est défendu par le droit nouveau p. 236; S. Alphonse, t. ix, p. 121-122. issu des prescriptions du concile de Trente, sess. XIII, 2° Clauses concernant l'obligation de la loi. — 1. ;Von De reformatione, c. 1; sess. XXIV, c. XX. Pour les obstantibus constitutionibus et ordinationibus aposlil­ détails de celle question complexe, voir Simuler, licis, neque legibus a concilio generali conditis, ctrTraité des peines ecclésiastiques, de l'appel et des Con­ tensque contrariis quibuscunique. — D’après Bichard grégations romaines, part. II. c. vu. § 3, 4. p. 399-406; et Giraud. Bibliothèque sacrée, t. vu, p. 170. les clauses Bouix, De judiciis ecclesiasticis, 2 in-8·. Pans, 1855, de ce genre auraient été employées pour la première part. II, sect, in, c. ni, § 3, t. n, p. 263-267. fois, vers le milieu du xm· siècle, par le pape Inno­ V. Clauses spéciales aux hvli.es pontificales. — cent 1V, qui, au témoignage de ses contemporains, fut 1* Clauses concernant la promulgation des lois. — Vojurisla magnus valde. Cf. BatLindier, Annuaire pon­ lumus illas litteras ad valvas basilicarum ilemque tifical catholique, in-12, Paris, 1904, p. 75. Mais on en Canccllarisc apostulicx et in loco solito campi Floras trouve déjà pourtant des exemples dans les bulles de Gré- 33 CLAUSES APOSTOLIQUES poire IX, l’un de tes prédécesseurs. Cf, l/agnuni bul­ larium, t. i, p. FO, Cette clause révoque seulement les lois qui sont d’ordre général, en tant qu’elles «ont con­ traires â la loi postérieure munie de la clause non obstantibus consuetudinibus apostolicis, Pour qu’elle révoquât également les lois particulières, elle devrait les mentionner et rire formulée de la sorte : Non ob­ stantibus quibuscumque constitutionibus particula­ rium locorum. Ixi raison de celle distinction est ex­ posée dans le paragraphe suivant, ou elle revient au sujet des clauses qui révoquent les coutumes. Cf. Beiiïensluc), Jus canonicum universum, 1. I, tit. in, De constitutionibus, § 19, n. $99, t. I, p. 120. 2. No i obstante quacumque in contrarium consuetu­ dine,— Le premier exemple de l’emploi de celle clause est du xt· siècle. Alexandre II. const. Nulli fidelium, du 29 octobre 1073, Magnum bullarium, t. i, p. 26. On la retrouve ensuite, dans la premiere moitié du siècle sui­ vant. Honorius II, const. Clarissimus, du 20 mai 1130, Magnum bullarium, t. I, p.33. Au sujet de celte clause, plusieurs remarques sont à faire. Une coutume gênéraie, sans même qu’il soit besoin de l'insinuer, est évidemment abrogée par une loi générale postérieure. C'est le sentiment commun des auteurs, et cela ressort d’une déclaration officielle de Boniface VIII, en 1301 : Domanus pontifex, qui jura omnia in scrinio p'c.toris sui censetur habere, constitutionem condendo poste­ riorem, priorem quamvis de ipsa mentionem non fa­ ciat, revocare noscitur. L. I Decretal., Iit. n, De consti­ tutionibus, in 6°, c. 1. Licet. Si une loi subséquente rapporte une loi contraire anterieuie, à plus forte raison révoque-t-elle une coutume générale assimilée à une loi. Celle coutume est donc détruite par une loi subsé­ quente, et, à celle lin, il n’est pas nécessaire de munir celle-ci de la clause non obstantem contrarium consue­ tudine : le pape, en édictant une loi opposée, montre clairement son intention d’abolir une coutume générale qu’il connaît parfaitement. .Mais s’il s’agit de coutumes spéciales, le cas est diffé­ rent. Le pape est censé connaître toutes les lois et cou­ tumes générales; mais il peut ignorer bon nombre de coutumes locales, qu’il n'aurait nullement l'intention d’abroger, s’il les connaissait. Celles-ci ne sont donc révoquées que s’il les signale. C'est ce qui ressort encore de la même déclaration de Boniface VIII : (?κΐα tamen locorum specialium et personarum singularium consuetudines et statuta (quum sint facti, et in facto consistant) potest probabiliter ignorare; ipsis, dum tamen sint rationabilia, per constitutionem a se novi(er editam (nisi expresse caveatur in ipsa), non intelligilur in aliquo derogare. L. 1 Decretal, toc. cit., c. I, in fine. De quelle manière le pape doit-il faire mention des cou­ tumes particulières pour qu’elles soient abrogées? En d'autres termes, de quelle clause doit-il user? La clause nulla obstante consuetudine, ou non obstante qua­ cumque consuetudine, suflil-elle? Le sentiment commun est que celle clause n’abroge que les coutumes qui ne sont pas immémoriales, car celles-ci, vu leur antiquité, paraissent beaucoup plus respectables. Elles jouissent donc d’une sorle de privilège qui les met en dehors d’une révocation générale. Pour qu’elles soient abrogées, mention spéciale doit en être faite, par la clause ainsi modifiée : Non obstante quarumque consuetudine t Ham centenaria et immemorial^ .Mais quand les coutumes sont révoquées par la clause générale, non obstante quacumque consuetudine, et que de celle révocation un seul cas est excepté, alors, même la coutume immémo­ riale est révoquée, car l’exception confirme la règle pour les cas non exceptés. On a un exemple de celle par­ ticularité dans le décret du concile de Trente qui, sess. XX11, c. ix, De reformatione, impose à tous les administrateurs des mus res pies, quelles qu elles soient, D1CT. DE TIIÉOL. CATIIOL. 34 l’obligation de rendre compte de leur administration à l'évêque, chaque année, avec la clause suivante : consue­ tudinibus quibuscumque in contrarium sublatis, MSI SRI t s IblUh' l.\ ΖΛ>7//Γ TtONE EXPRESS! CAUTM ESSET. Une clause aussi formelle et qui n’exceple qu'un seul cas, s'étend certainement aux coutume- même cente­ naire sel immémoriales. Cf. RetfTenMueL Ju> contmicvm universum, L I. lit. n. De constitutionibus, § 10, n· i9î, $96-499; 1. I, lit. iv, Dr cmsurtudiuc, 9, n. 182-193, L i, p. 112-120, 184*185; Suarez, De legibus, I. VII, c. xx, n. 2-18; I. VIH, c. xiv, n. 4, t. vi. p. 219*221 ; Salmanticenses, Cursus theologian moralis, tr. XI, De legibus, c. vi, punct. v, n. 52-55, t, in, p. 110 sq. ; Schmalzgrucber. Jus ecclesiasticum universum, I. I, lit. iv, ite constitutionibus, $ 4. η. 37, t. i, p. 82; S. Alphonse, Theologia moralis, L L tr. H, De legibus, c. t, dub. lî, n. 108-109, 1.1, p. 143 sq.; Bouix, De prin­ cipii* juris canonici, in-8% Paris, 1852, part. IL sert, vt, c. iv, § t, p. 363-3C6; De Angelis, Prælectiones juns ca­ nonici ad methodum Decretalium Gregarii IX exactx, $ in-8·. Home. 1878-1891, I. I, Ut. iv, De consuetudine, η. 1 $, t. î, p. 89. 3. Non obstantibus privilegiis in contrarium. — Les bulles sont accompagnées de clause*, qui non seule­ ment abrogent les coutumes contraires, mais aussi les privilèges accordés précédemment par un acte positif du législateur, et qui leur sont opposés. Cependant, par celte clause telle qu’elle est énoncée ici, ne sont pas considérés comme abrogés les privileges contenus dans le Corpus juris canonici, a moins qu’elle ne suit formulée de celte façon : non obstantibus omnibus et singulis privilegiis in contrarium. Dans les termes omnibus et singuhs,\u leur généralité, sont renfermés, en etlet, tous les privileges, même ceux octroyés par les décrets insérés dans le Cor/nn juris, et qui n'étaient pas visés par la clause précédente. Cf. Suarez, De legi­ bus, L VIII, c. xxxviii, n. 1-2. t. vi. p. 410-411; Salman­ ticenses, Cursus theologiæ morabs, tr. XV111, De prinlegiis, c. l, punct. iv. n. 45, t. tv, p. 397 ; HeiiîenstueL Jus canonicum universum, L V, lit. xxxm. De privilegiis et ercessibus privilegialorum, 6, n. 12$, I. v, p> 282; Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, L I, lit. ni. De rescriptis, § 2, n. 12, t. i. p. 70; S. Alphonse, Theologia motabs, Appendix IL De pniib'giis, c. I, n. 16. t. ix, p. 129. La clause non obstantibus privilegiis ne s'étend pas non plus aux privilèges munis d’une clause telle que, pour être révo<|ués, il doive en être fait mention spé­ ciale. Dans ce cas, il faut encore que la clause soit complétée par des paroles manifestant nettement chez le l< gislateur la volonté d’y déroger. En voici diverses formules: non obstantibus quibuscumque priiiteyi»s, sub quacumque verborum forma concessi'*, L 111, Clement., tit. vu. De stpulluris, c. t, Ecs qui; ou non obstantibus... etiamsi de verbis ad veri uni debeat de illis mentio fieri. Innocent IV,const. Sub catholu r, du 6 mars 1254; Alexandre IV. const. Ad audit ntuim, du 2(1 janv ier 1260, Magnum bullarium, 1.1, p. 101, 119, etc. ; ou encore, non obstantibus quibuscumque derogatoria­ rum derogatoriis. Salmanticenses, lr. XV11I. c. i, punct. iv, n. $7, l. iv, p. 398; Beillenstuel, Ju^ canonicum universum, I. V, lit. xxxitt, §6. n. 125, l. v, p. 283. La clause doit être (également complétée s’il s'agit de quelque privilège conféré jwr une décision d'un concile général, et, en particulier, du concile de Trente. Cf. Salmanticenses, tr. X, De censuris, c. n, punct. v, n. 57, t. n, p, .339 sq. Elle doit l'être aussi, quand le privilège a été accordé, non comme une faveur, mais comme une sorle de droit, sous forme de contrat, à la suite de services rendus. La clause devient alors : non obstantibus privilegiis, etiamsi per modum contractu.'* concessa fuissent. Cf. Suarez, De legibus,}. VIII, c. xxxvtn, n. 3. t vt, p. 4ll;SalmanIII. - 2 35 CLAUSES APOSTOLIQUES licenses. tr. XVIIÏ, c. n. pnnct m. n. 36. t. iv, p. 433; Reiflenstuel, Jus canonicum universum, 1. V. tit. xxxtii, J; 6, n. 126, t. v. p. 283. Si mention de celte circonstance n était pas faite, peu importerait que les mots indiquant h révocation fussent doublés et multipliés plusieurs fois, par des synonymes, comme par exemple : revocamus, derogamus, anmdlamus, irritamur, etc. b»s mêmes considérations s'appliquent aux privilèges accordés aux œuvres pies, ou pour futilité publique. Salmanticenses, toc. rit., c. f, pnnct. iv, n. 45, t. iv, p. 397. En vertu de l’axiome : Odia sunt restringenda, plu­ sieurs auteurs enseignent que dans les clauses déroga­ toires des privilèges ne sont pas compris, non plus, à moins d'une mention spéciale, les privilèges acquis par une coutume, parce que le mot prix ilège, in sensu stricto, s’entend uniquement des privileges accordés par les supérieurs, et non des faveurs autorisées par la cou­ tume. Cf. Salman licenses, tr. XVIII, c. i, pnnct, in, n. 31, I. iv, p. 393. Cette remarque est d’autant plus impor­ tante que, lorsque la communication des privilèges se produit entre diverses communautés, ou divers ordres religieux, dans celte communication sont compris non seulement les privilèges directement concédés par le législateur, mais au De Angelis, qui, professeur à I umvt rsité» de la Sapience, el consulteiir de la Pénilencerie pendant dix-neuf an*, enseigna cette doctrine a Borne même, sous les veux du pape. Pralcclioncs juris canonici ad metho­ dum Decretalium Gregoru IX ejractir, I. I. lit. iv, I/e consuetudine, n. 12. t. r, p. 88. Celui qui voudrait nier cette proposition, dil-il, serait obligé de considé*rer comme subreplice la collation des cures qui mainte­ nant, pre*(|iie partout, sont donné*es sans le concours prescrit par le concile de Trente, sess. XXIV, De ιτ/οΐ'malione, c. xnil. Qui pourrait soutenir, ajoute-t-il.que tous ces curés n’ont aucune juridiction ? Ainsi, suivant le témoignage de Benoit XIV et de Pie VII, de saint Alphonse et de beaucoup d’autre* au­ teur*, il y a. au moins, quatre décrets importants du con­ cile de Trente cortre lesquels les coutumes contraires ont prévalu : ce sont les décrets sur la convocation an­ nuelle du synode diocésain, sur le pécule des religieux, sur les mariages clandestins (en quelques endroits), et sur la collation des LénéGces â charge d âmes. Or, ab actu ad jh)ssc valet consecutio. VI. Cl.Al SES PROPIUS At X IU PONSES DES CONGRÉGVtiüns romaines. — I* El amplius. — Les Congrégations romaines «tant souveraines dans leurs attributions, il n’est pas permis d’.ipp- 1er de leur decision à un tribu­ nal diffèrent ; mais on peut demander parfois a la même Congrégation, pour des raisons graves, si l’on a trouvé d’autres preuves à faire valoir, le bénéfice d’une nou­ velle audience, ou d’un nouvel examen. Par la clause et amplius, n;sumé de la formule et amplius causa non piOponatur, la S. C. indique qu’elle est tellement éclairée sur l’allaiau *ujel de laquelle elle vient de publier son jugement, qu elle ne consentira plus, si co n’est pour des motifs <1 une gravité exceptionnelle, à s’en occuper davantage, car 1 allaire a été surabondam­ ment examinée. 2° Ad mentem. — La coutume des Congrégations ro­ maines, quand elles sont consultées sur une question de droit, ou sur un fait, est de ne répondre que par un simple mot, affirmative ou negative, au doute qui leur est proposé. Elles ne disent jamais le pourquoi de leur décision, car elles représentent le pape, supreme légis­ lateur, qui, en édictant une loi. n’est jkis tenu d»* révéler les motifs qui l’ont determine. On n’est donc pas cer­ tain que les cardinaux, en portant une sentence, s’ap­ puient sur les rai*ons alléguées dans la requête, ou sur les argum«*nt* présentés par les avocats. L’s cardinaux, en elb i, ont, de leur côte, étudié la question, cl ont pu être touches par des preuves bien différentes de celles qui ont été mises en avant par les avocats ou les solli­ citeurs. Dans le cas ou leur réponse si succincte, affir­ mative ou negative, aurait besoin d rire élucidée, elle est accompagnée de la clause ad mentem. Le secrétaire de Ij S. C. notifie alors aux intéressés dans quel sens, 39 CLAUSES APOSTOLIQUES ou avec quelle restriction, la réponse doit être renie et interprétée. Ces explications étant, de leur nature, seen tes, ne sont manifestées généralement qu’à ceux qu’elles concernent. Quelquefois cependant elles sont transcrites à la suite de la réponse et imprimées dans les diverses collections qui réunissent les décrets des S C. La formule est alors : Mens est, etc. 3· Dilata. — Cette clause signifie que la réponse est renvoyée à plus laid, et que la S. C. a des motifs pour . ne pas se prononcer encore. b Reponatur. — Nulle réponse n'est donnée et la supplique est déposée dans les archives de la S. C. Il ne faut pas confondre cette clause avec celle-ci : Pona­ tur in folio. Cette dernière indique, au contraire, que l’affaire, vu sa gravité, doit être examinée à tond et passer par toutes les phases d'une procedure régulière·, ce qui est marqué aussi par la clause : servato juris ordine, ou nihil transeal. Alors, l'exposé de l'affaire est imprimé, et les exemplaires en sont distribués à tous les cardinaux, membres dp la Congrégation; d’où l'ex­ pression ponatur in folio. Afin que les érninentissiines juges ai< ni la possibilité d'approfondir la question a loi-ir, la distribution des feuilles imprimées leur est faite bien avant la réunion dans laquelle la sentence doit être rendue. Cf. Bouix, île curia roniana, in-8®, Paris, 1859, part. Il, c. iv, § 1, p. 176 sq. 5· Lectum. — Ce mot est apposé dans les cris où il n’y a pas lieu d’attendre une réponse. La supplique a été lue et examinée, mais la S. C. n'a pas cru devoir répondre, par prudence, ou pour toute autre raison. Celle clause est quelquefois remplacée par celle-ci qui a le même sens : Non expedit. 6* In decisis..., in decretis. — On n’a pas jugé oppor­ tun de s’écarter des décisions précédemment données. Les formules de ce genre impliquent toujours la condi­ tion sous-entendue: In pratenti rerum statu. H n’est pas rare, en effet, que les circonstances viennent à changer, qu’un document nouveau soit découvert et produit, de sorte que l’affaire doive être nécessairement reprise et résolue d'une manière parfois bien diffé­ rente. Cf. Acta sanitæ sedis, t. IX, appendice II. 7e Providebitur in casibus particularibus. — La S. C refuse de donner une réponse générale, et se réserve de le faire pour chaque cas particulier qui lui sera exposé» 8° Facto verbo cum Sanctissimo. — La réponse,avant d’avoir été officielle, a été soumise au pape, pour être approuvée par lui. 9° Donec corrigatur, ou donec expurgetur. — Lors­ qu’un livre sujet à une censure de la S. C. de l'index a été composé par un auteur catholique dont la réputa­ tion est jusque-là sans tache et qui jouit d'une certaine célébrité, il e<4 d'usage de ne le prohiber qu'avec la clause donec corrigatur, si la correction est possible, et s’il n’y a pas de pressants motifs qui s’opposent à ces ménagements. Dans ce cas, le décret de condamnation n'est pus publié aussitôt, mais simplement communi­ qué à l’auteur ou à son représentant, pour lui indiquer les passages à supprimer, les modifications a apporter, et toutes les corrections, qui ont paru nécessaires. Si railleur se soumet aux ordres de la S. C. et fait de son ouvrage une nouvelle édition avec les changements prescrits, le décret de condamnation est rapporté à moins qu'un grand nombre d’exemplaires de la première édi­ tion n aient déjà été écoulés et mis en circulation dans le public. Le décret devrait alors être promulgué, afin que le peuple chrétien fût bien averti que les exem­ plaires de la premiere édition sont prohibés, et que ceux de la seconde ne sont autorisés que parce que les corrections indiquées ont été accomplies. Cf. Benoit Xl\, const. Sollicita, du 9 juillet 1753, §9 sq., Magnum bullarium, t. xii, p. 60 sq.; Bouix, De curia roniana, part. 11, c. 111, 34, p. 164-168. 40 10® Dimittatur. — Cette clause témoigne qu’un ou­ vrage d( féré à la S. C. ile 1 Index n’a pas été con­ damné; mais elle n’indique pas autre chose. H ne s’ensuit donc pas que ce t ouvrage ne renferme aucune erreur contre la foi ou les mœurs, de sorte qu'on serait téméraire en l'attaquant, soit au point de vue philoso­ phique, soit au point de vue théologique. Décrets de la S. C. de l’index du 21 juin 1880 et du 28 décembre 1881. VU. AURÉVIATIONS USITÉES DANS LES CLAESES APOS- TOl.iQi es. — Pour la rapidité des transcriptions, l’idée devait naturellement se présenter de n’écrire qu’une partie des lettres de certains mots, faciles à reconnaître. Cet usage, général au moyen âge, se maintint quelque temps apres ( invention de Hhiprimerie, caron en trouve de 1res nombreux exemples dans les livres imprimés au xv·siècle. Il a maintenant disparu presque partout; mais les S. C., ne se servant pas de formules imprimées dans les documents qu’elles expedient, l'ont conservé encore. Comme ces abréviations sont de nature à em­ barrasser parfois ceux qui, n’ayant pas l'habitude de les lire, peuvent avoir néanmoins l’occasion de recevoir de ces rescrits, nous en donnons ici le tableau, avec la traduction intégrale des mots qu’elles représentent. A. — Almis, absolutionis; absuluo, absolutio; air, aliter; als, alias; apbea, apostolica ; appatisou appbatis, approbatis; archiepus, archiepiscopus ; aucte, ou autre ou autte, auctoritate. C. — Canice, canonice; cardihs, ou cardlis, cardina­ lis; cen, censuris; Chpus, Christus; circunipeoni, cir­ cumspectioni; coione, communione; confcone, confes­ sione ;confeori, confessori ; conscuc, conscienti æ ;conseq, consequenda·; cons I i bus, ou constituonibus, constitu­ tionibus. D. — De/inien, definienda; discreoni, discretioni; dispensao, dispensatio; Dnus, Dominus. E. — EccUb, ecclesia·; ecchis, ecclesiasticis; effus, effectus; epus, episcopus; excoio, excommunicatio; ex· cois, excommunicationis; excoe, excommunicatione; exit, existit; expies, exponentes; exunt, exisluut. F. — Fr, frater; fruni, fratrum. G. — GU, ou gnali, generali ; grx, gratiæ. II. — Huji, ou humoi, hujusmodi; huniilr, humili­ ter. I. — Infraplum, infrascriptum ; igr, igitur ; introjda, intrascripta ; irrcgulte, irregularitate. L. — Lia, licentia ; lite, licite; Iræ, littera'; llima, le­ gitima. M. — Magro, magistro; mir, misericordia, ou mise­ ricorditer; miraone, ou mitaone, miseratione; nusles, miserabiles; miinionium, matrimonium; mta\ mo­ net®. N. — Nulltus, nullatenus. O. — Ordibus, ordinationibus; ordio, ordinario; ordinaoni, ordinationi. P. — Paupes, pauperes; pbter, ou prbter, presbyter ; pbyrcida, presbytericida ; pntium, præsentium ; poe, posse; picnia, pænitentia; pomaria, pænitentiarin ; ponius, pontificatus ; Pp, papa; pr, pater; pror, procu­ rator; pli, prædicti; pho, petitio;ptur, præferlur; ptus. præfatus. Q. — Qd, (\uod;qmlbt, quomodolibet; qtnus, quate­ nus. H. — Pelan, regulari; rclionc, religione; roma, ru­ ma na. S. — Saluri, salutari ; sentia, sententia; sntq ; De religione, tr. VIII, I. Il, c. xxi, n. 10-10, t. χνι, p. 221-224; De censuris, disp. VII, sect, v, n. 41, t. xxm, p. 228 sq. — SalmanliccnM», Cursus theologi# moralis, 6 in-fol., Lyon, 1679, tr. IX, De matrimonio, с. xiv, pur cl. n-iv. n. 17-54. L il, p. 255-257 ; tr. X, De censuris, c. n. punct. n-iv, p 333-336; tr. XVIII, De privilegiis, c. 1, punct. in, iv, μι. ix ; c il, punct ni, vu, l. iv, p. 393-398,407-516, 423, 433 sq. — Sanchez, Disputationes de sancto matrimonii sa­ cramento, 3 in-fol., Venise, 1672. I. VIII, De dispensationibus, disp. XVIII, n 1-15; XX, n. 1-79; XXII, 1-25; XXIII, XXIV, XXV, n. 17-20; XXVII, 6-53; XXVIII. 1-95; XXX, 1-19; XXXIV, 1-65; XXXV, 1-25. t. ni, p. 65-66,73-99,102 sq . 107-127. 129-132,137150. — Beilïenshiel, Theologia muralis, 2 in-fol., Venise, 1747, ir. XIV, diet. XV, Dr modo dispensandi, t. il, p, 315 sq. — De Lugo, Opera omnia, 1 in-fol , Lyon. 1652, De fide, disp. XXIII, sect, ni, η. 64, L in. p.G55 sq.; De pernitentia, disp. XX. mcI Vin. n 129 sq., t. v, p. 480 sq. — Marcus Paulus l-eo, Praxis ad litte­ ras Majoris P.rnib nliarii et offlcn Sacrer Pænilentiarue, in-4*. Borne, 1654, p. 28. 31. 6«, 170, 209. 225-238, 310-319, 359, 391, 508. — Do Jttstis. De dispensationibus matrimonialibus, in-fol., Venise, 1739, I. I. c. iv, η. 1-2ιΰ; v, 1-85; vi. 13-15, 18-31, 195, 202-250, 256. 306315. 384-365, 410, 475-4S0, p. 25-52,52-57, 68-00. 76-89, 92 sq., 103-12), 132-138. — Pyrrhus Corradus. Prtwris dispensationum apostoUcarum, in-fol., Venise, 1656; in-5·, Pa­ ris, 1850. dans Theologia· cursus compictus de Migne, I. 4 III, c ι-x, t. MX, p. 651-795. — Tiburco Navarre, Manuductio ad praxim excciitionis litterarum S. Pxnitentiarix, in-8-, Paris, 1091, p. 30, 33, 75, 89-94. — Tambunni, I. VIII, De sac* amento matrimonii, tr. II. De dispensatione impedimentorum, c. χιιXiv, De dispensatione impedimentorum, c. Xll-Xiv, Dr clau­ sulis, Opera omnia, 2 in-fol., Venise, 1719. t. n, p. 119-126. — Ileislingcr, Η· solutiones morales de matrimonio, hujus im­ pedimentis et mtorum dispensatione, 3 in-5·, Ila Lisbon ne, 1739, cas. v, n. 2; cas. χνι. n. 1-5, t. III. — Kugler, Tractatus thrulogico-canunicus de matrimonio, 2 in-fol., Wurxbourg, 1716 1728, part. IV, q. xxix. xwv. xu, xlii, χι.ν, χι.ιχ, t. n. p. 610, 689, 720, 725 sq.. 757, 783. — Uncroix. Theologia muralis, 2 in-fol., Venise, 1720, I. VI. part. II, tr. IV, Dr p.rnitentia, c. I, dub. IV, De satisfactione, n. 1453; I. VL part. IB, tr. VI, De matrimonio, c. ni. dub. IV, n, 908-971, 977-991, t- IL p· 249, 458-565, 565 sq, — Liyman, Theologia moralis, 2 in-fol., Venise, 1719, I. I, tr. IV. Dr legibus, c. ni. n. 4; c. xxm. n. 613, tr. V, D · ecclesiasticis censuris, port. I, c. \ η, η. 6-8, l. i, p. 36, 77-80, 96 sq. — Socll, De proscriptionibus, hi-4% Inspruck, 1722, part. Il, c. iv,§ 12, p.359sq. — S, Alphonse, Theologia moralis, I. L tr. 11. De legibus, c. L dub. I, n. 96-109; tr. Il, Appendix I, Dr dispensationibus, n. 202-208, t. i, p. 117, 124-153, 275-279; 1. VI, tr. IV, Dr pxnitrntla, c. I. dub. IV, Dt satisfactione, n. 537, I. V, p. 506; n. 595. 1115, 1153, I. VI, p. 75; t. mi, p. 115 sq., 138; I. VI. tr. VI, De matrimonio, c. Ill, dub. v, n. 1111, t vu. p. 108 sq.; L VII, De censuris, c. I, dub. v, n. 126, dub.vi, η 12I, Γ26, t. vu, p.223. 225; AppendixII, De privilegiis, c l. n. 5, 16, t. ix, p, 121-129. Carrière, Dr matrimonio, 2 In-8·. Paris, 1ΚΠ, part IIL*-ect n.£2,n. 1115-1173, l n, p. 3564'M). — Gousset, Conférences d'Angers, 2’ édit., 20 in-8·, Paria, 1830, χκι· confe­ rence sur to mariage, q. ni-iv; xiv conférence, q. i, n, t. xv, p 395-417, 423-529, 416-453. — Cnillaud, Manuel des dispenses a l’usage du curé, du confesseur et de l'official, in-8*, Paris, 1882, part. I, c il. a. 1-8. p. 77-89; c. Ill, n. 1-3, p 894)4; part IL c. n, p. 133-150, 165-170, 186-215, 257-255. 262-293. — Marc, Institutiones morales Alphonsiaii.r, 2 in-8·, Paris, 18M>, part. I, tr. II. Dr legibus, dite. Il, c. n, a. 1. n. 160; c. v,a. 5, $2, n 253, t. i, p. 106 sq., 150sq.; part. Ill, tr. VIII. De matrimunio, c iv, a. 4, n. 2053-i>56, t. IL p. 523-527. —■ Gasparri. Tractatus canonicus de matrimonio, 2 in-8·. Parts. 1891,c. l\, sect, i, n. 5, J2, n. .363-391, t i, p. 230-245 — D'Annibale, Summula theolo­ gi r moralis, 3 in-8·, Borne. ΙΗΚ’ΛΙΚ·^, pûrt. L tr. L De personis, c ni, n 76; tr. III, De legibus, c. ni. n. 238-255, t. i, p 65 «q.. 225-233 ; part, ill, tr. 4 I, De matrimunio, Apjændix, a. 2, n. 495- 42 505, t. ni, p. 3(6-503. — Ballrrinl, Compendium théologie mtrrahs, 2 in-8·, Rome, 18Ό; De matrimonio, c. vi, n. 882 sq ; De censurùf, c, i, a. 4, η. ίΚΛ nuta, t. 11. p. ftX sq., 962 cq. — Palmieri. Opus theologicum murale in Hus^nbaam mcdub> lam, Ί in-8. Prato, 1*92-1804, tr. X. sect, vin, /> matrimomo, c ni, duh. IV, De dispensationibus, S 7, n. 1386-1407, L m, p. 74O-7G1 ; tr XI, Dr censuris, c. 1, dub. vf. n. 276, t Vîî.p. 13< — I> hmkuhl, Theologia moratis, 2 >n-8*. Fribourg-en-Brfagati, 1902, part. II. L I, tr VIH, De matrimunio, sert m, $ 4, n. 819820, t. », p 2· (^anomstf s Benoît XIV, Institutiones ecclesiasiirx, 2 in-4·, Venise, 1788, Inal. LX, n. 7. t. i. p. 277; inM. LXXXVII, L n, p. 110-1.32; De synodo diœeesana, 2 in-5*, Venise, 1775, L I, c. vi, n. 5, L i, p 15; BuUarium Benedicti XIV, 2 in-foL. Venise, 1778, t. î, p 57. — ReiflenstaeL Jus canonicum uni­ versum, b in-foL, Venise, 1775; Par·», 18»Λ, I. L Vit- IL De ccnStitutionibus, $ 5, n. 123, 135, £ 10, n. 491-4Î1D, lit. iv, consue­ tudine, 8-9, t. i, p. 76, 78, 119 sq., 175-185; I. V, lit. xxxitf. De privilegiis, J 1, 5, 7, 8. 10; til. xxxix. De sententia excom­ municationis, 8, n. 2iZ), L v, p. 211), 280-284, 288-293, 333. — Schmalzgruebcr, J us ecclesiasticum universum, b in-bA., Venise, 1738; Rome, 1845,1. L lit- III, De rescriptis, $ 2, L 5; lit. iv. De consuetudine, $ 5, n. 37, l i, p. 70, 73 sq., 82; 1. V. ni. xxxiu. De privilegiis, Ü 5, n 131-156, 156, 186-197; tiL xxxix. De sen­ tentia excommunicationis, 5’ 1, η. 101. t. V,p.253-2s8, 3 A.— Covarruvlas, Variorum resolutionum ex pontificio, region ersareo jure libri 57, in-fol., Lyon, 1304; Anvers, 1604. L HL c. xn — Monacclli, Formularium legale practicum furi rcclma^txi, 5 in-f.iL, Rome, 1706. 1845, tit. XVI, formai, il, n. 33. t. il, p. 233. — PigrmteOL Consuitationes canonicx, 11 m-fol , Col gne, 1718, cons. XIV, t. iv, p. 15 sq. — Magnum bidlanum romanum, 19 in-fol.. Lux. rnl»urg, 1727-1758. t. I. p. 23. 26,33, W>, 101, 119, 261. 389. 434, 450, 563; t. il, p 112, 155; l. ix. p. 89, 91 ; L xix, р. 53-63. — I- errans. Prompta bibliotheca, canonic.t, moralis, theologica, 10 in-5·, Venise, 1781; Paris, 1885, v· Ibmeflctum, a. 0, t. i. p. 473 sq.; v· Impedimenta matrimonii, a. 3, t. IV, p 433-554: v Ler, a. 2, n. 5, t. v, p. 333 sq»; v Privilegium, a 1-5 .1 Mi, p. 358-375. — Bouix, De principiis jurcanonu'i, in-'' . Paris, 1852. part. IL secL vi. c iv, p I63-380; D> ru> ia romana, in-S·, Paris, 1839. part. IL c. iv, $ 5. p. 176 sq.; port. Il, с. xn. §6, p. 2ui; D· judicii* rccleMasticis, 2 in-8 , Paris. 1855, part. IL scc». ni. c. ni. 1 3, t. n. p. 263-267. — Stremler, Traite des peines ecclésiaiitiqucs.de rappel et des Congrégations ro­ maines, in-8·, Paris, 1H30, part. II. c vu. 3, 4. p. 899-406. — De AngvKs, Pi ■.rlectuau » |u» i.« cinonici ad method am Decre­ talium Grrgorii IX exaclx, 5 in-8·, Rome, 1878-1 *91,L I, ÜL iv, D< consuetudine, n 2-14, t I. p. 78-89. — ZiicIU, De dispensa­ tionibus matrimonialibus juxta recentiss imas Sacrarum ΙΊ'bis Congregationum n suhdiunes commerUaru, in-8, Rome, 18*7, p. 75, 86, ‘Λ», 100-107. — Archiv fur kath. Kirchenrecht, L Xim, p. 23 sq.; t. ΙΛΊ, p. 265 sq. — Acta sanctx sedis, t i. p. 456; t. v, p. 27; L IX, Appendix II. — Anatrcla juris ponti· licii, t. η, p. 2306; I nt. p 2193. 2199. — BatUndicr. Annuairt pontifical, ϊη-\2, Paris, 1900, p. 528. T. Ortolan. CLAUSEL DE MONTALS Claudo-Hippolyte, Vun des quatre Clausel cl l une des grandes figures de l'épiscopat français au χιχ· siècle, nè au château de Coussergues dans le Rouergue le 5 avril 17G9. mort à Chartres le 1 janvier 1N57. Êlew de Saint-Sulpice au moment de la Révolution, i! dut , Paris, 1818; Mm Clausel de Montais n’ont pas été réunis. 2* édit., 1818, avec la Défense de cet écrit contre la réBHèro. Notice sur M*' Clausel de Montais, Chartres, 4837; panse dr M, Dolton, ce qui attira de M. Dollon une Ré­ Daunard, Histoire de M*r Pic, 2 ln-8·, Purls, 4886; Debi dour, ponse a la réplique de .1/. l’abbé Clausel, Paris. 1818. Histoire des rapports de CEglisc et de t État en France au Il avait écrit aussi une Réponse aux quatre concordats xix* siècle, ιη-8·, Parie, 1900. de M. de Pradt, ancien archevêque de Malines, in-8®, C. Constantin. Paris, 1819. En 1825, a la suite de la publication du livre CLAVAR1US Fabien, théologien du XVI® siècle, né De la religion considérée dans scs rapports avec Torà Gênes. Religieux de l’ordre de Saint Augustin, il tra­ dre civil et politique, il prenait rang parmi les ennemis vailla avec saint Thomas de Villeneuve à réformer les de Lamennais, ultramontain, et écrivait une Lettre à un constitutions de sa famille monastique. A plusieurs re­ de ses diocésains sur un écrit de M. de Lamennais, prises, il fut élu provincial et procureur de son ordre. in-8·, Paris, 1826. En revanche et au même moment, Sa mort survint en 1596. On a de lui : I® Tractatus de 1826-1828. il défendait avec vigueur les droits des évê­ cambiis, Home, 1555; Venise, 1584; Gènes, 1596; 2° Ί ra­ ques, la liberté d’enseignement et d’association contre cial us de usuris et restitutionibus, Home, 1556 (refonte Montlosier et les libéraux et conlre les ordonnances de l’ouvrage inédit de Gérard de Sienne, général et de 1828. Vers 1810, il reprenait les mêmes attitudes. Il théologien de l’ordre de Saint-Augustin au xiv** siècle); combattait pour la liberté d’enseignement et, par une ‘3® Opuscula varia /Egidii Romani, Home, 1555. lettre du 4 mars 1811, il commençait, conlre l’université Possevin, Apparatus sacer, t. i, p. 478; Gandolfo, Dissertatio et la philosophie officielle du temps, l'éclectisme de historica de ducentis celeberrimis augustinianis scriptoribus, Cousin, cette campagne des évêques d’oû devait sortir p. 117-110; Lan teri, Postrema ht cula sc.r religionis augustila loi de 1850. Ses lettres continuèrent jusqu à la lin nianse, l. Il, p. 2G6-267; Gratianus, Anastasis augustiniana, de 1813 et furent réunies au nombre de vingt, sous ce p. 67. titre : Lettres cl instruction pastorale de Monseigneur A. Ρλι.μιεπι. l’évêque de Chartres contre I'universi te, in-12, Avignon, CLAVIUS Christophe, dont lenoni de famille parait 1813. Ces lettres ont été reproduites dans L'ami de la avoirélé Clan, célébré mathématicien, naquit à Bamberg religion. La lutte s’élargit et Dupin réédita son Manuel en 1538, enlra dans la Compagnie de Jéi-us, à Home, en du droit civil ecclésiastique français, 1845, que con­ 1555; enseigna les mathématiques au Collège romain damna immédiatement l’archevêque de Lyon. L’évêque pendant vingt ans, et s’acquit, tant par cel enseigne­ de Chartres applaudit à cette condamnation, dans deux ment que par ses publications, le nom de second Eu­ lettres qui sont au Recueil des actes épiscopaux publiés clide, que lui décernèrent ses contemporains. Ses vertus par le comité, pour la défense de la liberté religieuse, religieuses ne lui valurent pas moins d’estime que sa Paris, 1846, t. iv, p. 156-172. Mais en même temps il se science. Il mourut à Home le 6 février 1612. Le P. Ca­ vius lit partie de la commission nommée par Gre­ montrait hostile a l’introduction de la liturgie romaine goire XIH pour la correction du calendrier. Le calen­ en France, et il appuyait les évêques de Toulouse et drier modifié d’après les conclusions de celte commission d’Orléans dans leur campagne conlre les Institutions devint loi de l’Église universelle, en vertu de la bulle liturgiques de dont Cuéranger dunt le second volume Inter gravissimas du 24 février 1.582. Celte réforme, on malmenait fort,d ailleurs.le bréviaire de Chartres, 1841. le sait, fut longtemps repoussée par les pay s protestants, La loi de 1850 ne le satisfaisait pas d’autre part, et surtout parce qu'elle émanait du pape. Cependant, cer­ comme le pape encourageait les évêques à profiler des tains savants ayant essayé de justifier celle opposition avantages qu’elle offrait, il renouvela dans une Lettre de en attaquant l’œuvre grégorienne au nom de l’astrono­ juin à son clergé les vieilles théories gallicanes conlre mie, Clavius fut chargé par le souverain pontife de le pape. Enfin, le 25 novembre 1850, il lançait une Lettre leur répondre. Il le lit dans plusieurs ouvrages, publiés }>adorale sur la gloire et les lumières qui ont dislin· de 1588 à 1610 et qu’il réunit, en 1612, dans le t. V de gué jusqu’à nos jours lf Eglise de France et sur les pé· ses Opera mathematica. En voici les litres, qui font i ils dont elle semble aujourd’hui menacée, où il rééditait aussi connaître les adversaires auxmî me ni · monter Clavius jusqu'au cardinalat >). J. Orvckeb. CLÉMENCE (VERTU). - I. Notion. 11. Avantages. 111. Manière de l’exercer. I. Notion. — 1° D après la définition donnée par Sé­ nèque, De dementia, I II, c. ill, el adoptée par saint Thomas, Sum. t/ietd., Il* H*, q. CLVll, a. I, la clémence est la modération dans un homme qui a le pouvoir de se venger, ou mieux c’est la douceur dont fait preuve un supérieur quand il punit un inférieur: lenitas superions adversus inferiorem m constituendis pomis. La clé­ mence est la compagne inséparable de la mansuétude. Cependant il ne faut point confondre ces deux vertus. La mansuétude a pour fonction de tenir Pâme dans le calme en réprimant l'impétuosité de la colère : elle con­ vient donc à tous les hommes, aux particuliers aussi bien qu’aux supérieurs. La clémence inspire, à ceux qui ont le droit de punir, une juste modération dans l’exer­ cice de la vindicte publique. Elle est, par conséquent, l.i vertu propre aux princes, aux magistrats, aux supé­ rieurs, à tous ceux, en un mot, à qui est confié l’exercice de la justice vindicative. Comme le dit Sénèque, op. cit., L I, c. m, il n’y a pas d’hommes a qui la clémence convienne mieux qu’aux rois ou aux princes. Les Sy­ riens vantaient l.i clémence des rois d'Israël. 111 Heg., xx, 31. Assuérus use de clémence envers Esther, Esther, iv, II; vin, V, et veut gouverner ses peuples avec clé­ mence, Mil, 2. Tandis que la douceur modéré la Colère et le désir de la vengeance, la clémence modère l’appli­ cation de la punition extérieure. Ces deux vertus con­ courent au même effet, en ce qu’elles diminuent, chacune à sa façon, les peines à infliger aux coupables, la douceur en modérant la colere qui pousserait à excéder dans la punition, la clémence en diminuant la peine elle-même justement infligée. A la clémence est opposée la cruauté qui, dépassant les bornes d'une juste sévérité, se laisse aller, en châ­ tiant les coupables, à des excès réprouvés par la droite raison. Crudeles vocantur qui puniendi causant habent, nu dum mm habent. Séneque, I. 11,0. iv. 2' I-ι clémence est une vertu morale, puisque, en diminuant la punition, elle soumet à la droite raison l’appétit désordonné de punir au delà des justes bornes. Elle n’est ni faiblesse ni indulgence excessive qui favo­ riserait le mal par fausse compassion envers les coupa­ bles. Elle peut s’allier avec la sévérité, puisque toutes deux sont conformes à la droite raison. La sévérité n’est inflexible dans la punition que lorsque cela est néces­ saire, et la clémence ne diminue les châtiments que 4G quand il le faut et pour les coupables qui le méritent Elle ne modère jamais la peine au delà des limites que la droite raison permet. Si elle abaisse la peine, c'est en dessous de la loi commune, fixée par la justice légale, dans des cas particuliers et pour des raisons spéciales, lorsqu'elle porte le juge à estimer que tel coupable ne doit pas être puni davantage. S. Thomas, loc. cit., a. 2. Elle ne fait pas valoir les droits stricts de la justice légale pour le bien du coupable. la? juge agit de la sorte, non pas en interprétant la pensée du législateur, ce qui serait de l épichie, mais par simple modération, qui le porte à ne pas user de tout son pouvoir dans l’imposition du châtiment, afin de ne pas contrister plus qu’il ne faut le coupable lui-inéme qu’il doit punir. S. Thomas, /oc. cil,, a. 3, ad 1··. 3° la» docteur angélique, loc. cit,, a. 3, voit dans la clémence un·· des parties potentielles de la tempérance, c’est-à-dire une des vertus secondaires qui, tout en avant un objet de moindre importance, imitent la vertu principale quant au mode d operation. L· propre de la tempérance est de modérer h concupiscence qui pousse à l'abus des jouissances sensibles. La clémence aussi exerce un rôle modérateur, en ce sens qu’elle incline à l’indulgence et empêche de se laisser aller a une rigueur excessive dans la punition des coupables. V’ Par suite, la clémence n’est pas, à proprement parier, une vertu principale, puisqu’elle ne porte pas à faire le bien, mais éloigne seulement du mal en dimi­ nuant la peine à infliger aux Coupables. Elle est cepen­ dant une vertu principale secundum quid et in aliqua genere. Elle tient, en effet, une des premieres places parmi les verius qui résistent aux mauvaises passions. En modérant la punition, elle se rapproche de la charité qui est la première de toutes les vertus. Elles ont de commun qu’elles empêchent le mal du prochain, et la clémence produit cet effet ex animi lenitate, in quan­ tum judicat esse sequunt ut aliqui* non amplius punia­ tur. S. Thomas, lor. cit., a. i. ad 3*m. 5° La vertu de clémence se trouve éminemment en Dieu. Il est clément, quand, usant de a 47 CLÉMENCE (VERTU) — CLÉMENT H DE ROME Civeur.se demander ce qui contribuera le plus efficace­ ment a son relèvement moral et au salut de son âme, tout en tenant compte, non des caprices de l'opinion publique, mais des exigences vraies du bien commun. Séoèque le Philosophe a composé en deux livres un traité De clementia. Il la dédié à Néron. son ancien élève, qui devait dé­ mentir si cruellement les espérances quo semblait d nner le c« mmencenoent de son ngne. Sénèque définit la démence, en cxpbque lanatme et le> etT< ts. montre combien elle est nécessaire a des souverains aussi ob«du* que les empereurs romains. (Z Dori+on, Quid de elementια senserit !.. Ann tus Seneca, ίη-8·. Caen. 1892. Saint Thomas, Sum. theol,. II· II·, q CLVii, a com­ menté axeCba profondeur et sa subtilité habituelles les idées de S0 iv* siècle, et que Clément n’a pas subi a Home le mar­ p. 20; Lightfoot, op. cil., t. L p. 58-61; Nestle, dans bre. L’Eglise latine, qui a inscrit *on nom dans le canon /.eilsihi ift fur die neutest. W’issenschafl und die Kunde de la messe, célébré sa fêle le 23 novembre. den Ufchristenlums, t. i (HMD), p. 178-180. Dans saint Clément on n salué quelquefois, selon Orîgene, Eusébe, IL O(vrage ai TiiEXTiQi E. — Le seul écrit d’une //. M, 25, P. G., t. xx, col. 585, le principal rédack ur authenticité irrécusable est la longue et belle leltre aux de VÉpilre aux Hébreux, quelquefois aussi, selon EuCorinthiens, ordinairement et improprement appelée /· Clementis, P. G., t. î. col. 2Π1-328. Le texte grec, aèhe, up. cil., ut, 38, col. 293, le traducteur du texte ar.imeen de celte Epitre de saint Paul. publié par Junius, en 1633, avec une grave lacune, est intégralement restitué par PI». Bryennios. dans son édi­ Ce qu’il y a de sur, c’est que Clément fut évêque de home. Mais, quant à l’ordre de succession des premiers tion s |( S_ clair, simple et grave, tout à fait en rapport avec le susciteront au dernier jour. Saint Clément fait voir dans les phénomènes de la nature plus d un symbole sujet, empreinte a la for d'onction cl de fermeté, d’une de l.i n surreclton de la chair, dans l’exemple de Jébonté paternelle et de ce sens du pouvoir qui était le SUS-Christ. notre chef, un clair pr. sage, dans la parole caractère distinctif de l’ancienne Rome, la lettre aux de Dieu un sûr garant, c. xxtv-xxvt. Notons qu’en pa­ Corinthiens est un modèle d’éloquence pastorale. Aussi, raissant croire à la lin prochaine du monde, saint â peine a-t-elle paru qu’on la voit entourée dans l’Asie Mineure et dans J Égypte <1 un éclatant prestige. Mais, Clement s’est gardé de verser dans les illusions du imitéliai isuie. des le iv· siecle, ce prestige s'évanouit, du moins en Occident. Les écrivains latins, sauf saint Ambroise et Lu dans sa nature, le Dieu de la lettre aux Corinthiens saint Jérôme, ne sont, lorsqu’ils en parlent, que les n’est pas le Dieu solitaire et abstrait du monothéisme écho* d Eirebe traduit par Rufin. Jean, diacre de l’Eglise populaire juif. Il peut porter et porte la Trinité chré­ romaine, dans la seconde moitié du vi* siècle, en avait tienne. De ce mystère de la Trinité, la lettre parle en cite un passage, Expositum in Heptateuchum, 43, 44, termes aussi simples que nets, comme d’un dogme dans Pitra, Spicilegium Solesmense, t. i, p. 293. Le connu de tous les fidèles, c. xlvi. lvui. Saint Basile de moyen âge l’ignora complètement. (In ne l’a retrouvée Césarée, he Spi ri lu Sancto, c. χχιχ, /*. G., t. xxxn, qu’au xvii· siecle dans le célèbre Codex Alexandrinus, col. 201, opposera précisément aux pneumalomaqucs un avec des lacunes que le Codex Hierosolymitanus a comtexte du c. lvui de la /a Clementis : « Dieu vit et le 11< es en 1875. L’édition d’une version syriaque, contenue Seigneur Jésus-Christ, et le Saint-Esprit aussi. » Aîm», dans un ms. de Cambridge, addit. 1700, du xn« siècle, a dans l’unité numérique de la nature divine, Clément été préparée par Bensly et publiée par Robert Kennett, reconnaît 1res nettement trois personnes. A côté de Du n, The Kpisllcs o/ S. Clement to the Corinthians in syi me, il place Jésus-Christ et le Saint-Esprit. C'est par cet es­ Cambridge, 1899. Sur la version latine 1res ancienne, prit qu’ont parlé les écrivains sacrés, c. vm, 1; xlv, 2; découverte par dom Morin dans un ms. du xi* siecle, de c’est parcet esprit que Clément lui-mème écrit, c. txiit, Namur, voir col. 50. 2. Nous n’avons, dit-il, c. xi.vî, 6, .< qu’un Dieu, un III. lîocrniNK. — La lettre aux Corinthiens, qui reffête Christ, un seul Esprit de grâce répandu sur nous. » Dans la connaissance des hommes, l'habileté a manier les une formule de serment, il invoque comme garants de esprits et les co urs, l’art de la Composition et une rare sa parole 7 ûto; ό κύριος, ‘Ιησούς Χρίστος χα'ι το πνβΟμχ culture intellectuelle, n’a cependant rien d’un corps de το άγιον, c. lvui, 2. Sans insister sur les relations doctrine, d’une synthèse théologique. N’en attendez intimes des trois personnes, saint Clément ne laisse pas pas une exposition de la foi; le premier écrit chré­ d énoncer, c. xxxvi, 2, 5, en citant l’Épilre aux Hébreux, tien non inspiré n’est au fond qu’un écrit de circons­ I, 3-13, le dogme de la génération du l ils, et l’on peut tance. L’auteur y veut faire o uvre pratique, iruvre d’uti­ dire qu’en plaçant toujours le Saint-Esprit après le Père lité actuelle et immédiate. Parlant, des vérités de la foi et le Elis, non au-dessous d'eux, et en saluant le Saintil n’alléguera que celles qui rentrent dans son cadre et Esprit comme l’organe de Jésus-Christ dans l’Ecriture, concourent à son but. En revanche, il appuiera sur les c. XXII. lui, il insinue la procession du Saint-Esprit ex vérités de la foi *es leçons et ses exhortations, qui toutes utroque. vont à ramener les Corinthiens â l’obéissance de leurs Toute imprégnée de la doctrine et parfois même du pasteurs légitimes, et, en derniere analyse, à la sou­ langage de saint Paul, la lettre aux Corinthiens proclame mission aux vouloirs divins. Il en appellera tour à tour, implicitement comme explicitement la divinité de Jésusselon la marche de sa pensée et les besoins de sa cause, Christ, c. n, xxxvi, xi., xi.ii, XLiv. Ainsi, en Jésus-Christ aux dogmes de l’unité eide 1 infinité de Dieu, à ceux de deux natures, l’une divine, puisqu'il est le Eilsde Dieu, la création, de la trinilé, de 1 incarnation, de la rédemp­ c. xxxv, 4, l’autre humaine, qu’il a prise, corps et âm·», tion, de la grâce et de ΓEglise. En sorte qu’à tout prendit», dans le temps, puisqu’il vient d Abraham κατά σάρκα, il nous offre un tableau des croyances chrétiennes vers c. xxxn, 2, et qu’il s’est inséparablement unie, c. XVI, la lin du i r siecle. Tableau raccourci, mais tableau xxm, xi.ix. Avec l’intégrité des deux natures, saint Cle­ fidèle. Nulle préoccupation en effet, chez l’écrivain, soit ment visiblement présuppose l’unité de la personne, de dire du neuf, soit d’imposer aux Corinthiens ses idées c. xlvi. Jésus-Christ, exempt de péché, nous a été sur personnelles. Aussi bien, la seule apparence d’une la terre un modèle achevé de toutes les vertus, c. Ill, divergence doctrinale entre l'évèque de Rome et l’Eglise XVI, xvii, et passim, et, par sa mort sanglante, il a ra­ de Corinthe eût infailliblement ôté à la parole de Clé­ cheté tous les hommes, c. vil. La mort de Jésus-Christ ment tout crédit, à sa tentative toute chance de succès. n'a pas été seulement un modèle d’humilité, de patience, Mais saint Clément n est pas un homme de parti non etc., elle a < b* le grand sacrifice de réconciliation entre plus qu’un novateur. Il ne puise qu'aux deux sources le ciel et la terre, c. χι.ιχ, un sacrifice que le mourant authentiques et surnaturelles de l Écriture et de la Ira- | a librement offert à Dieu et dans lequel il l iait a la fois dilion; toutefois, par un contraste frappant avec saint prêtre et victime, c. vu, xlix. Parson *ang Jésus a ra­ Ignace et saint Polycarpe, pénétrés l’un et l’autre des cheté tous les hommes, c. xn, 7. 11 est donc notre salut, pen* es. des ligures, des expressions du Nouveau Testa­ le pontile de nos offrandes, l’avocat de nos faiblesses, ment, c’est dans l’Ancien de préférence que Clément c. xxxvi, 1, noire grand-prêtre, c. LXiv. C’est par lui puise à pleines mains. Au reste, la /* (dementis, dans que nous rendons gloire a Dieu et que nous le prions, tou** les dogmes qu'elle énonce, insinue ou présuppose, c. lvui, 2; i.xiv, 3. Nous devons aussi I honorer luilied que le miroir et l’écho de renseignement des même, c. xxi, G. La résurrection du Sauveur, c. x\iv, 1 poires. est la clef de voûte du christianisme, c. xi.u; par là Saint Clément, en parlant de Dieu, fait ressortir ses Jésus est glorifié, c. xxxvi, et, â la lin des temps, il ju­ gera boiiveraineinent lo monde, c. XLVI, XLIX, L. principaux attributs, sa bonté, sa miséricorde sa puis­ sance créatrice; c'est un Dieu prodigue de son amour et Le sang de Jésus-Christ, rançon du genre humain, mérite a tous ceux et à ceux-là seuls qui ne le rejettent de *es bienfaits, c. xix, un pore, c. xxm, xxix, xxxv, pas, le pardon des péchés, la sainteté, l’amitié de Dieu. en même temps qu un maître, πιντοχράτωρ ί<σπότης. L'homme peut toujours faire pénitence et se repentir, Non content de combler l’homme de ses dons, il prépare c. vu, 5-7 ; vm, 2. 5. La justification est le fruit de la aux justes une récompense qui sera un épanouissement foi et des ipiivres tout ensemble. Avec saint Paul, Clé­ dis biens de la grace, c. xxxv, 2. Avec saint Pierre et ment enseigne que les élus n’ont pas obtenu la clou : saint Paul, le< justes iront aussitôt après la mort dans C3 CLÉMENT I" DE ROME par leurs œuvres, mais par la volonté du Dieu. Ils ont été justifies parla foi, c. xxm, 3, L ta fui, telle que le saint l’entend, est au premier chef un acte d'obéissance, qui implique l’espérance et, au moins dans un certain degré, la charité. La foi e>l la base de nuire justification, c, xxxn, mais elle n y suffit point, c. tx-xx, xxx, Sans la foi. pas de salut pour l’homme. Mais la fui requiert et inspire les œuvres, c. χχχιιι, xxxv. 2; xlix. tas œuvres sont la preuve extérieure de la foi. l'attestation de sa vitalité. Si Abraham a été béni, c'est qu’il a accompli, par la foi, la justice < I la v» nié, c. xxxt. Saint Clément se place ainsi au point de vue du saint Jacques cl regarde comme inefficace la foi sans les œuvres. D’ailleurs, I homme a besoin de la grâce de Dieu, c. vm, xxvi. Celte grâce, c’est l’action surnaturelle de bien aU'dedans de nous; elle éclairé l'intelligence, récon­ forte la volonté, transforme l’âme, c. XXXV! XXXVIII, et passim. Impossible, sans celte grâce, de nous sauver, c. xvi, xvii, xvni, L, el passim. Celle grâce» nous précédé et nous escorte dans toutes les étapes de notre justifi­ cation, c. xxxn, χχχιιι. Elle ne nous est pas due. Néces­ saire, elle est entièrement gratuite, c. vu, vm, xlix, !.. Dieu toutefois ne l’a jamais refusée, même en de! ors d’brael, c. xxix, i.xtii, ni ne la refuse A qui la demande cl n'en abuse point. Personne, dès l’origine du monde, qui n’ait pu se sauver par la foi, c. xxxn. Outre I indication des caractères généraux de l’Eglise — unité foncière, c. xlvi, visibilité, c. xlvi-xiah, indestructibilité, c. xlvi, nécessité pour le salut, c. i.xii — la lettre aux Corinthiens met en pleine lumière l'institution divine de la hiérarchie ecclésiastique el Ij primante du Saint-Siège. Il y a dans l’Eglise deux éléments distincts, le clergé el les laïques, c. XL. Les apôtres, dépositaires de l’autorité de Jésus-Christ, se sont donné des succes­ seurs, afin d’assurer dans l’Eglise la perpétuité de leurs pouvoirs, c. xlii. Bien que saint Clément, au c. xi.li. ne parle que des évêques el des diacres, et qu’ailleurs, il se serve indifféremment des termes d’évêque el de prêtre. >1 ne laisse pas de distinguer trois ordres dans la hié­ rarchie sacrée : celui des évêques, c. xliv, dont 1 office principal est de présenter « l’offrande des dons »; celui des prêtres, πρισβύτιροι, qui oui remplacé les prêtres, Uptîç, des Juifs, c. XL ; celui des diacres, qui sont pré­ posés au soin des choses extérieures, el qui sont aussi les ministres du sacrifice. Voir de Smedt, S. J.. C’ongrès scient. internat, des cathol., Pans, 1888, t. ll> р. 303 sq. Il faut être soumis aux prêtres; ils sont les chefs, c. I, 3; les guides des âmes, c. lxih, I. Il faut les honorer au lieu de les priver '•ans raison de l’exercice de leur charge, comme ont fait les Corinthiens, c. xliv. 3, >. 6; XLVii, (’>. C’est l’envie qui a produit chez eux les dis­ sentiments, c. ni, i-vi. Point de division dans le corps du Christ, c. xlvi, 6. L’obéi'•'•an ce et la charité, c. \i ix. s’imposent à tout chrétien. Cf. A. Michiels, L'origine de l'épiscopat, Louvain, 1900, p. 157-161, 266*270. L’intervention de la communauté romaine dans les troubles de Corinthe atteste enfin la suprématie de l’Eglise de Home. Témoignage d’autant plus éclatant et décisif que l’intervention, selon toute apparence, était spoilt aine. Au premier siècle, du vivant de I apôtre saint Jean, le successeur de saint Pierre, c. v, se reconnaît le droit et le devoir de rétablir l'ordre dans toutes les églises particulières ou l’ordre est trouble. Le ton de sa lettre respire d’un bout a I autre culte intime conviction. Quand, par exemple, saint Clément exprime lu regret ; p. 141-142; Harnack, Lehrbuch der Dogmrngcsehirhte, & édit., I ribuurg-en-Brisgau el Leipzig, 1804, l i. p. 414. bans les c. tix-LXl, saint Clément formule une longue prière, qui nous fournit un exemple remarquable du la pliure liturgique a la fin du i«r siecle. I. fcnrrioxs. — L'édition princeps de la lettre aux Corintbirn* est cello de P Jun iw (V ungh Oxford. 1633; 2· édit.. ÎG3L Do notnbreUM> édition* ont été faites depu/* li.r·* jUMpi’a celle tir till— genfetd, Aui/um Trfttamen/uni ejr/racanonem receptum. taqaig. 1866. Edition* moderne* el plus cnmpbte·. par C Ti»cb< nd' >rf. ln-4'. tatpxig, 1873, par Mgr Bryeonio*. in-8*. Constan­ tinople, 1875, par ν· n Gebhardt H Harnack, dans Palruin npo~ BtolicoruiH opera, fasc. 1. 2" édit.» ixdpdg. 1<7d; par IJgblfoot, dans Thr Apostolic Fathers, part. I, !»ndre*. 1/<>, paris. 1*H6. t t, p. 123-124 ; A. UgbU*K>t, The Apostolic Fathers, part. I, S. Ch ment of Home, L ndrm, 1890 ; Prolrjomena dca Patres aposloticî, de Funk, t. i. p. xxxu-l; Bruit. De· c> Brief des Klemms voa Hom an die Curiuther and ^e»ne gcsclachtt. Bedeutung, in-8·, Fribourg. 1883; XX rude, Umer· suchangen ub bitchet che Théologie, 1892, t, i, p. 325-488; Kruger, (λ *chu hic der tiltchi i9t. Uteratur, Fnbourg-en-Brlsgau. 1806, <7. Harnack, dans Τι rtc und l ntci·.. , n· uv. série, 1900, t v, p. 70-80.Cour­ tois, I/Fpitre de Clement de Borne, in-8·, Montauban. 1894 ; Bang, Studirn obéi den Cleiiiensbricf, dan> The l. Studien und Kn· tikcn, 1806, L ixvi, p. 4,3-486; J. Cirgg, Tin episSU o[ eaud Clement, Lc*ndru». 1899; Heurtivr, Le dogme de la Trinité dans CÈpitre de suint Clément de Home et le Pasteur tTHerma*, in-8·, Lyon, BXM); A. Ehrbard, Die altchristh tJteratur und ihre Erfurschung run îHbhtPüü, Fnbourg-en-Briagau. 1900, p. i«8-80; A Slalil, Pah isti^chr ( nh > fuchto jen L< yz 1901; Scbercr. />< r t rst< hlemrf-sbrief un da Ccrmlher, nne, l‘.V2; Bruden, the Verfas^ung der hirche, Mayence. 19Ui; I). Voiler, Die up stvliSChrn Vdterneu uni rsucht, Lcyd -, 1901. I. i; Bardenhewer. Gr^chichte der altkirchhcher Litterutiir, Fribourg-cn-Brisgau. 1W2, t. i. p. 08-113; Ijcs Pvres de FÉgline, 2· êdil. franç.. Pans. 1904. t l, $8; Hurter, .Vome» elator, 3* edit , Inspruck. 19u3. t I, col. V7 . J. Tixcn nt. Hmtoii e des dugn>es. Pans, ItKû, t. I, p. 118-122; P Montagne, La doctrine dr onnt Clement de Hume sur la f'ersonne et I'aruvrc du Ch· ist, dans la llcvue thomiste. Juillet-août 1905. P< ur une bibllcgmi tie plus complete, voir I 1. Chevalier, lleprrtun'r. Iho^bibllograyhte, 2· édit., Paris, 1904, t. I, col. 948-95L IL CLÉMENT l'r (Homélie ou prétendue seconde Épîtrc do saint). — L Nun-aulhvnlicil< et vrai carac­ tère. IL Lieu d’origine et auteur. 11L Doctrine. L Nox-vt Tilt ΧΤΒΊΤ! CT VRAI c.vr.xcTLiu . — A la suite de la lettre authentique de saint Ch inent de Home, on trouve, dans les manuscrits grecs el syriaques, aussi bien que dans les éditions, une vieille homélie, qu’on appelle en general, depuis le v* siecle, la seconde lettre de saint Ch inent aux Corinthiens, //* Clementis. A l’an­ cienne version latine prés, la transmission des deux « lettres · est la même; l’abbé Paulin Martin a publié eu outre, avec une traduction latine, un fragment svriaque delà //* Clementis, provenant dune autre source que le manuscrit de Cambridge, J. IL Pilra. Analccla facra. Pans. 1883. t iv. p. 1-2. 276. Bien que le texte de YAleaandrinm, edit? par Junius en 1633. s'arrêtât au c. XH. 5. Z\ G., t. t. col. 329-318, de pénétrants cri­ tiques, notamment DodvveH et Grabe, ne laissèrent pas d'y reconnaître, nonobstant le titre, un lambeau d’hoiiu be. ta découverte du Codex Hierosolymitanus (1875), un nous rendant le texte complet de celte pièce, a mis hors de conteste le vrai caractère de la //* Clementis, instruction morde, vuvûcatx, c. xvn. 3, 5, suu> la forme d un discours écrit pour être lu â l’église, après la lec­ ture de l Lcrdure sainte. Par la s’explique sa présence —I■ I w CLEMENT ΓΓ DE DOME d.»ns les manuscrits de la Bible. Ids quo l'.-tterandrinus, el Rasage de la lire dans les églises. Les critiques modernes, sauf toutefois .Mr Bryennios el M. Nirsclil, Patrologie, Mayence, 1881, t. i. p. 70, en rejettent una­ nimement l’authenticité. Le fait que les ancient, pour parler avec Eusèbe, Il E., III, 38, P. G., I. xx, col. 293, n'ont pas connu la //* Clementis, le contraste saisissant du style lourd et embarrassé de l'opuscule avec le strie du pape saint Clément, les ciblions empruntées par fauteur à l’Évangile des Égyptiens, et l’allusion, c. ix, P. G., 1.i, col 311 sq.,aux théoriesgnosliques qui niaient la résurrection delà chair, lout concourt à désavouer la paternité littéraire de Clément de Borne el à reporter la date de Ihomélie vers le milieu du n< siècle, ou même un peu plus bas. II. Lieu d’origine et AUTEUR. — Mais, sur le lieu d’origine et l’auteur de I homélie, l’accord cesse et ne semble pas près de se refaire. L'étude des expressions caractéristiques du texte, des sources de l’auteur et de l'histoire du canon du Nouveau Testa ment a décidé M. Hilgenfeld, depuis la découverte et la publication de I Hierosolymitanus, Novum Testamentum extra ca~ nonem receptum, 2· édit., Leipzig, 1876, p. XLIX, a tenir la II· Clementis pour une œuvre de la jeunesse de Clément d'Alexandrie. E. Renan, L'Eglise chrétienne, Paris, 1879, p. 399,et M. Batillol, La littérature grecque, Paris, 1897, p. 65, frappés de la conformité de pensée eide langage qu’ils remarquent enlre la //* Clementis et le Pasteur d’Hermas, inclinent à voir dans l’opuscule une œuvre, sinon de la même main que le Pasteur, au moins du même milieu et du même temps. Selon M. Stahl, Palristische Untersuchungen, Leipzig, 1901, p 280-290, Hermas en personne aurait composé la 11· Clementis. M. Harnack, s'appuyant, d’une part sur la lettre de saint Bénis de Corinthe à l’Église de Home, I usébe, H. E., iv, 23, II, P. G., t xx, col. 388 sq., de 1 autre sur la synonymie courante des termes d'Epistula el de Tractatus, identifie l’opuscule avec la lettre que le pape Soler écrivit à Corinthe el qui, paralt-il, y lit une impression profonde. Pie Chronologie, t. t, p. 138 sq.; Zum Ursprung des sag. Il Clemensbrief, dans Zeit­ schrift fùr die neuteslamentl. Wissenschaft, 1905, i. i, p. 67-72. Soter, après avoir prononcé son homélie à Home, l’aurait envoyée, non probablement sans quelques retouches, a Corinthe vers l’an 166, au début de son pontificat. L’opinion vivement soutenue par Funk, dans Theol. QuartaUchrift, 1902. p. 319sq.,et par M. Bardcnhewer, Geschichte der allhirchl. Lilt., Fribourg-tnBri^gau, 1902, t. t. p. 188 sq., et communément admise aujourd'hui, se prévaut d’une allusion très probable aux jeux isthmiques, c. vu, P. G., I. 1, col. 337, pour faire de Corinthe le berceau de I homélie : c’est à Co­ rinthe que la l· et la II· Clementis ont été accouplées, c’est de Corinthe qu'elles se sont répandues ensemble dans Je monde chrétien. Celte opinion à base étroite n'v*l pas sans soulever des ob|ections et éveiller des m< fiances. Voir Ehrhard, Die allchrisll. Lilt., part. I. Fnbouig-en-Brisgau, 1900, p. 80; Funnel, L’homélie clémentine, dans les Annales de philosophie chré­ tienne, février 1905, p. 170. 111. Doctrine. — Ie Morale. — L’auteur de l’homélie, quel qu’il soit et d'oû qu’il soit, d Alexandrie, de Home ou de Corinthe, parle surtout de morale. Sans un plan nettement tracé, il exhorte en définitive ses auditeurs, qu il appelle ses < frères et sieurs »,â la reconnaissance envers Dieu et à la vertu. Avec la nécessité des bonnes *-utres qui nous servent à payer de retour les bienfaits d» Dieu, άντιμισΟια. c. 1, ni, vi, vin, xi, P. G., I. i, col. 331. 333, 335, 316. 312, 315, c. xvn, xix, il prêche h nécessité et l'efllcacité pour les pécheurs de l’aveu, tÎQjxoAÔ'ffet de la pénitence, c. vin, ix, cul. 311,311, c XIII, xiv; mais, de l’aveu il ne dit qu’un mol. tandis qu il insiste sur h pénitence, elle aussi une αντιμωΟ x, 56 que l'homme peut toujours faire sur la terre, jamais au delà, c. vin, col. 311, el dont l’aumône est l’œuvre ca­ pitale. au-dessus du jeûne et de la prière, c. xvi; nulle part il n’est ici question de l'absolution sacramentelle. 2° Dogme. — Dans l'homélie la théologie dogmatique trouve néanmoins à glaner. Li II· Clementis, en effet, soiniv par une affirmation énergique de la divinité de Jésus-Christ, c. I, P. G., t. I, col. 329, el indique au passage sa double nature1, c. ix, coL 311. Jésus-Christ, envoyé aux hommes par σ le seul Dieu invisible », est le Sauveur du momie, c. xx; il a beaucoup souffert pour nous, c. i, col. 332, ce qui semble bien impli­ quer chez l'auteur l’idée d'expiation; il nous a fuit connaître « le Père de la vérité », c. m, col. 333, et nous a procuré l'immortalité, c. xx. On rencontre aussi deux fois le nom du Saint-Esprit, c. xiv; mais peut-être que l’auteur, après Hermas, confond le Saint-Esprit et le ( hrist. Sub judice lis est. Le modalisme d'ailleurs a marqué de son empreinte le langage de la II· Clemen­ tis. Aux cotés de fésus-Christ nous apercevons l’Eglise, qui est l’Ève, l’épouse, l.i chair du Christ, préexiste avec lui a la création de I univers et, avec lui. renferme la raison dernière de la creation, c. xiv. Eglise une, devenue visible de spirituelle et invisible qu’elle était d’abord. En représentant le Christ et l’Eglise comme deux éons célestes, el leurs rapports comme de< rap­ ports de sexe, l'homéliste a parlé peut-être la langue de l’école de Valentin, pour payer son tribut â la mode du temps. 11 nomme le baptême d un nom assez rare un sceau, c. vn, vin, qu’on doit conserver pur el immaculé afin d’obtenir la vie éternelle el d’éviter l’enfer, c. VI, vn. On le garde en observant les commandements de Dieu. Il n’est fait mention que des presbytres, c. xvn; pas un mol des έπίσζοποι. Enfin, l’eschatologie de la II· Clementis se peut résumer dans la croyance millé­ nariste à l’imminence de Vépiphanie de Dieu, quoique le jour nous en demeure incertain, c. XII, col. 315 sq.; dans la proclamation du dogme de la résurrection de la chair, c. IX, coL 341 ; dans la foi â l’éternité de l’enfer, c. vi, col. 887, c. xv, xvn. aussi bien qu’à l’éternité de la béatitude céleste, c. v, col. 315; c. xi.x, col. 8. Li II* Clementis est reproduite dans toutes les éditions des Pères apostoliques. Cf. Funk, Patres aposlollct, 2’ édit., Tubingue, 1901, t i, p. ii-v. C’est fédillon prineqs de Cotclîcr (1672), qui se retrouve /’. G., t. i. Pour les questions critiques, outre les auteurs cités dans l’article, voir Funk, lue. Cit., p. I.-I.IV; Bardcnhewer, Geschichte der altkirchl. Littéralur, Fribourgen-Brisgau, 1902, p. 107 sq. ; Les Pères de ΓEglise, édit, franç., Paris, 19M, t- I, p. 58. Sur la doctrine, Tunnel, toc. cit., p. 472480;J.Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1905, t. i, p 132-134· P. Godet. III. CLEMENT Pr (écrits attribués Λ saint). — Tel était dans l’Eglise primitive le prestige de saint Clément de Home, que nombre d écrits anony mes se sont comme à l'envi couverts de son nom. Il sera parlé des princi­ paux, du roman ébionite des pseudo-Clémentines, des lettres aux vierges et des décrétales de saint Clément, à l’article Ci.lmentins (Apocryphes). Les Constitutions apostoliques, au v siècle, sont censées rédigées par Clément, P. G., t. i, col. 557-1156. Voir Constii t tions APOSTOLIQUES. Les 8| (85) canons grecs, dits des apôtres, étaient attribués à saint Clément, disciple des apôtres, voir t. Il, col. 1605-1612, ainsi que les 127 canons coptesarabes, qui ne sont qu'une partie de FOctateuque de Clément. Voir t. il, col. 1612-1618. Plus tard encore, une liturgie syriaque a l’usage des jucobiles, distincte de la liturgie du VIIIe livre des Constitutions apostoliques, se présenta sous le nom du même pape, l ue traduction latine, faite sur le ms. 3921 de Colbert (Bibliothèque nationale, ssriaque 76), a été publiée par Honaudot, Liturg. oriental, collectio, Paris, 1716, t. n, p. 186-201, et rééditée, P. G., t. II, col. GttMMG. Cf. Villien, L’abbà Euscbe Henaudot, Paris, 1904, p. 197. P. Godet. 57 CLÉMENT 11 — CLÉMENT III 2. CLÉMENT II, pape, successeur du Grégoire VI, élu le 24 décembre 1046, décédé le 9 octobre 1047. Suidger. évéque de Bamberg, chapi lain de l’empe­ reur Henri III, avait suivi son maître en Italie ou trois pontifes prétendaient à la liare, et ou quelques Romains avaient sollicité l'intervention de I empereur. Des trois papes en prés< nce, Grégoire VI avait seul des droits sé­ rieux, voir Bl.NOiT IX, col. 651. mais son election n avait pas été exempte d'irrégularité, ni d’un soupçon de simo­ nie, et dans le synode tenu â Sulri par IVmpi tour il dut se démettre de ses fonctions (20 décembre 1046). Arrivé à Home, Henri III, dans un synode du 24 décembre, nomma Suidger évéque de Home. Celui-ci prit le nom de Clément II. Le lendemain, jour de Noël, le pape couronna l'empereur Henri el sa femme l'impératrice Agnès a Saint-Pierre; il donna au prince la dignité de patrice avec le droit de présider â la désignation du papeel de l'instituer : ut ad ejus nutum sancta Homana ecclesia nunc ordinetur ac praeter ejus auctoritatem aposlolicu' sedi nemo prorsus eligat sacerdotem. Pierre Damien. Le coup d’autorité de l’empereur était plein de menaces pour l’avenir, et les pontifes successeurs de Clément H auront bien de la peine â détruire, sous l'influence d'Hildebrand, la prépolence de l’empereur dans les élections ; mais sur le moment, il tut ressenti comme un bienfait par Pierre Damien el par les amis de la réforme, car il s'agissait d'arracher le saint-*irge aux influences indignes qui disposaient des élections depuis plus d’un siècle. Le pontificat de Clément II fut trop court pour lui permettre un grand déploiement d’activité. Il condamna sévèrement la simonie dans un synode romain (5 jan­ vier 1047), mais sans forcer à résigner leur office les clercs ordonnés par un prélat simoniaque. Il suivit l’empereur dans son voyage en Italie et en Allemagne; il avait conservé son évêché de Bamberg qu’il affranchit de toute sujétion à l’égard du siege métropolitain de Mayence. Revenu en Italie, dans l’Etat romain, Clé­ ment Il y mourut le 9 octobre 1047. Son successeur fut le pape Damase 11. JhÎTS, Regesta pontificum romanorum, 2· <5dit., 18*5, t. 1, p. 525; Vie et lettre» do Clément H dans Mansi, t. xix, p. 619 aq.; Watterlch. /’onti/ïeum romanorum vilse, Leipzig, 1862, t. i, p 73; Steindortf. Jahrb. dcsdeutæhen Rrichs unter Heinrich Ht, Leipzig, 1874, t. I, p. 313; Hodler, Deutsche Piipste, Ratisbonne, 1839, t. I, p. 233; Gicscbrcclit, Deutsche Kaiser zeit, 5· édit., Brunswick, 1885, t. n, p. 415; Grogoroviu.% Gesch. der Stadt Hunt. î»h Mittelalter, V édit., 1890, t iv, p. 52; Hauck, Kirchen· geschichte Deutschlands, 1896, t. ni. p. 589; Martens, Die Iksclzuny des pacpsi lichen Stuhlrs, 1*87. H. Hemmeh. ». CLÉMENT III, pape, successeur de Grégoire VIII» élu le 19 décembre 1187, décédé le 20 mars 1191. Cinq pontiles se succédèrent sur le siège de Home dr 1181 à 1198, dans le court espace des dix-sept années qui séparent les deux grands regnes d’Alexandre 111 et d’innocent HL Le pouvoir pontifical était alors à l’apo­ gée. Grégoire VIII axant disparu après un régné de deux mois seulement, le 17 décembre 1187, le cardinal-évêque de Palesirine, Paul Scolari, Romain de naissance, fui élu le surlendemain 19 décembre 1187, dans la ville de Pise, cl prit le nom de Clément III. Trois problèmes toujours renaissants s’imposaient â l’attention des pontile* de la fin du χιι· siècle: celui du pouvoir temporel à maintenir contre les Romains, celui de l’équilibre italien constamment menacé du côté de l'empire ou de la Sicile, el celui de la croisade. Jérusa­ lem venait d’être prise par Saladin le 3 octobre 1187 el ce lui «loue la croisade «pii occupa d abord le pape: la guerre sainte fui prêchée en Europe, en même temps qu une véritable réforme ecclésiastique qui fut embras­ sée par beaucoup de membres du clergé, des évêques cl même par nombre de cardinaux. A l.i diète de Mayence, Frédéric Barberousse, malgré son âge, prit la croix ; Philippe-Auguste, roi de France, Henri II, roi d’Angleterre, et son fils Richard la reçurent aussi. A la vérité, il fallut presser les deux roi* el même les mena­ cer de peines spirituelles pour les amener â exécuter leur* engagement* Philippe-Auguste répondit aux me­ naeo avec hauteur au nom de l indrpendance de sa couronne. La guerre des deux rois ayant pris fin en 1189 par Li mort de Henri II, la (troisième) croisade put s’or­ ganiser en 1190. La mort malheureuse de Fréd* rie BarIn· rousse a la traversée d une riviere en Asie-Mineure, les qui relies des rois de France el d Angleterre encompromin nl le succès. Apres la prise de Sainl-Jean-d’Acre (Ptolémaïs) en juillet 1191, Philippe-Auguste r< vint en Europe par Borne, ou le pape venait de mourir. Ri­ chard (àrur-de-Lion, demeuré seul, ne put que faire inu­ tilement preuve d une brillante valeur et s’en revint après la conclusion d’une trêve avec Saladin. Plus heureux que ses prédécesseurs dans sc> rapports avec les Romains, Clément III put rentrer dans Rome (11 février 1188) et y résider en paix jusqu’à sa mort. Par un traité conclu avec les Romains (31 mai 1188), le peuple abandonnait la plupart des droits précédemment conquis el s’engageait a défendre contre tout agres­ seur les droits du saint-siege. La magistrature séna­ toriale, qui axait été créée pour entamer I autorité du pape et que I importance des préfets avait déjà beau­ coup réduite, tombait dans la dépendance du saintsiege. A l'égnnl de l’empire. Clément III réussit i terminer une vieille querelle pendante depuis le règne d’Crbain Ht au sujet d’une election au siège de Trêves. H sacrifia l’archidiacre Folmar, l’ancien candidat du saint-siege qui s’était rendu insupportable, et l’empereur cessa de soutenir le prévôt Rodolfe (Jaffé, n. 16423), d»· “orle que le chapitre put élire un évêque incontesté (1189). La si­ tuation politique devint délicate a la mort du roi de Si­ cile,Guillaume II (16novembre 1189). Sa fille Constance était mariée avec Henri, le fils de l’empereur. Ür la politique traditionnelle du saint-siege ax-ail pour objec­ tif d’empêcher la jonction des deux couronnes d Alle­ magne el de Sicile dont l’étreinte eût menacé le petit Etal pontifical. Aussi Clément 111 s’einpres>a-t-il d'ac­ cepter l’élection que firent les prélats el barons siciliens de Tancrède, comte de Lecce, bàtanl d'un tils de leur premier roi Roger IL Quand Henri, que la mort de Bar­ berousse en Onenl (1190) venait delever à l’empire, xml en Italie pour essayer de reconquérir le royaume de sa femme. Clément III était mort (20 mars), laissant à son faible successeur le reglement de celle atlaire épineuse. Voir Celestin III. Li correspondance de Clément III témoigne de sa sollicitude pour les monastères auxquels il accorde la confirmation de leur privilege el des lettres de protec­ tion ; elle contient aussi de nombreuses décisions en matière de mariage au sujet des empêchements el des cas particulier* «pii en naissaient. Jatfë, η. 16563, 16595, mariage des Juifs el Sarrasins convertis, η. 16612, 1661 ï, 16624, 16637, 16639, 16642, 16643. Heuloccasion de régler plusieurs affaires de hiérarchie particulières: c'esl ainsi qu'il affranchit l’Eglise d'Ecosse de toute sujétion à l’égard de la primatie anglaise, en la soumettant directement au saint-siege ; il promit de ne lui envoyer comme légats que des Écossais ou du moins diis personnes de son propre entourage. Jaffé, n. 16173; en Allemagne, le siege de Hambourg-Brème devint le centre d'une province ecclésiastique à laquelle durent re**orlir les sieges de Lubeck. Schwerin, RdUebourg et t ■ xkuelL Jaffé, n. 16325« 16328· Chinent 111 canonisa l'évêque Otton de Bamberg, l'apôtre «le la Poméramie. Jaffé, η. 16411. 16412, et Etienne de Thiers, le fondateur de l'ordre de Grandmont dont il approuva aussi la regie telle «pie l’avait fait amender le pape Urbain 111. Jaffé, n. 16298. A l’exemple 39 CLÉMENT III — CLÉMENT IV du pipt' Alexandre III, Clément III prit les Juifs sous sa protection. Jaffé, η. 16577. JeJTé. Tî<7r*bi pordificum romanorum, 2* édit., 1888, t. il. p. 535. W dtrri· b. Poiitif. rom. vit**, I lî, p. 663-7il7; Man-i, f. xxil, a l. 543-574; P L., t.cciv, col. 1275; Paul Schcffer-Boiehont, Kaitrr Friedrich* let zter Streit mit der rômt*chcn Curie, Berlin, 18116; Th ToecJic. Kawr Heinrich \Ί, Leipzig, i>67; Gregororiui, Ge*chichte der Stadt Hom, 4· édit., t. iv, p. 582; HHele, Concihetvje*chichte, 2 édit, par Knœpfler. t V, p. 737; Bodecanachi, l.e* institution* communale* de Home .wt us la papauté, Paris, 1901, p. 42. II. Hfmmer, U. CLÉMENT IV, pape, successeur d'Urbain IV, élu le 5 février 1265. décédé le 29 novembre 1268. Gui Le Gros était né à Saint-Gilles m· le Bhôno. Potthast, η. 19750. Il lit carrière d’.ibord a Paris, ou il devin· avocat et conseiller du rui Louis IX. S’étant marié, il eut deux lilies, Ma hi Ile et Cécile, dont l’une entra plus lard dans le cloilre et I autre lit un modeste mariage. Apres la mort de sa femme. Gui Le Gros en­ tra dans le clergé· (vers 1247); ses connaissances juri­ diques son aptitude aux affaires cl ses vertus lui lirent parcourir rapidement les degrés de la carrière ecclé­ siastique; évêque du Pu y en 1256 ou 1257, archevêque de Narbonne en 1259, il fut créé cardinal-évêque de Sabine en 1262 par Urbain IV. C’est en celle «piaillé qu'il remplit diverses missions et notamment celle de légat pontifical en Angleterre, ou des troubles étaient nés du conflit entre le roi Henri et le comte Simon de Montfort. Il revenait d’Angleterre lorsqu'il apprit qu’après la mort d'Urbain IV, 2 octobre 1264. le con­ clave réuni à Pérouse l avait élu à l’unanimité. Son assentiment a l'élection étant du 5 février 1265, c’est de ce jour «pie Ion «latr son élévation au souverain pontificat. Clément I\ héritait de ses prédécesseurs une poli­ tique dont les grandes lignes avaient <’té tracées ne va­ rietur par Innocent IV et qui comportait une lutte sans (reve contre la descendance de l'empereur d’Alle­ magne, Frédéric II. Celle-ci était représentée par Man­ fred. fds naturel de Frédéric II, qui avait pris pour lui l i couronne de Sicile, promettant de la transmettre à Conradin. petit-fils légitime de Frédéric, mais à «pii son jeune âge ne permettait pas de prendre en main la lutte contre le pape et les soins du gouvernement. Pu fait de ce conflit déchaîné parla politique d’Innocent IV, il existait une terrible anarchie en Allemagne, ou se déroulaient les scenes du grand interrègne, et en Italie ou aucun des partis, guelfe ou gibelin, ne parvenait â l'emporter. C’est avec peine que Clément IV put tra­ verser le nord de l’Italie et venir à Pérouse rejoindre le sacré-collège apres son élection. Il maintint l’oll’re «pie son pr décesseur avait faite de la couronne de Sicile â Charles d Anjou, le plus jeune frère du rui Louis IX. Dès l’arrivée de Charles â Home, ou le pape I avait dé­ signe pour remplir quelque temps la dignité sénatoriale, Ch inent IV put comprendre que ce prince, capable, mais autoritaire, ambitieux, violent et avide, serait un voisin plus dangereux que Manfred. Il parait avoir soupçonné l’intérêt qu’il y aurait à s'entendre avec ce prince dont la présence sur le trône de Sicile suffisait a garantir le saint-siège contre la prédominance de l’Allemagne en Italie. Potthast, n. 19552 sq.; Jordan, Hegùtre* de Clément IV, p. 371, n. 1015, note 2. Mais le prompt succès «le Charles d’Anjou, «pu défit et tua Manfred à la bataille de Bênévent (27 février 1266), coupa court à ces velléités. Charles, qui venait de se conquérir un royaume, se garda bien de rouvrir au pape le chemin de la ville de Home : il se contenta d’exécuter ses engagements en se démettant de la dignité· sénatoriale. Mais Clément, accouru de Pérouse a Viterbe, ne put recouvrer la seigneurie temporelle de Home dont la présence d’un s'nateur hostile au clergé. Henri de Castille, ferma tou­ jours les portes au pape Cl'ment IV. (ίο Le gouvernement despotique de Charles d’Anjou faci­ lita au jeune Conradin la revendication de ses droits. Agé· de seize ans, il jiassa <1 Allemagne en Italie sans se laisser effrayer par l’analhème «le Clément IV (18 no­ vembre 1267). gagna Vérone, Pavie, cl soutenu par les Pisans, les Siennois, marcha sur Home ou il fut reçu en triomphe. Une partie de la Sicile s’élail soulevée en sa faveur. Mais tous les mécontents groupés autour de lui ne formaient pas une année solide. Vaincu par Charles «I Anjou à Tagliacozzo (23 août 1268), il fui pour­ suivi, arrêté, livré à Charles qui le lit transporter à Naples, piger sommairement et exécuter sur une place delà ville (29 octobre 1268). Clément IV, qui avait si souvent exhorté Charles d’Anjou à la sagesse, à la clé­ mence et à l.i justice. Polthasl, η. 19602, 20086, 20218, 2UW, n’eut certainement aucune part à la tragédie qui terminait la destinée des llohensbufen. Il n’eut proba­ blement même pas connaissance préalable de l’exécu­ tion. loin de l’approuver, et déplora sincèrement les excès de la répression sauvage qui sévit dans tout le royaume. En Allemagne, deux candidats au trône impérial étaient en présence : Alphonse «le Castille et Bichard de Cor­ nouailles,qui firent plaider leur cause devant Clément IV. Malgré· la désolation de l’empire durant un si long interrègne, le pape, en trois années «le pontificat, ne put rien décider; mais il revendiqua pour le saintsiege le droit de décider du choix de l’empereur. L'affaiblissement de l’empire était une garantie de la prépondérance du Saint-Siège dans les alhiires de l’Eu­ rope. Sur plusieurs points Clément IV esquissa les traits d’une réforme désirable. Sa conduite n’ollre pas une trace de népotisme : il écrit à son neveu Pierre Le Gros de Saint-Gilles pour lui faire défense, ainsi qu’a scs attires parents, de venir le trouver en Italie et il promet â sa niece une modeste somme de trois cents livres tournois au cas ou elle ferait un mariage proportionné à sa con­ dition. sans chercher dans la dignité de son oncle un moyen de s’élever. Polthasl. n. 19051. Il met lin â un scandale qu’avaient toléré quatre pontifes, en som­ mant le comte Philippe «le Savoie,élu depuis vingl-six ans â l’archevêché de Lyon,et «pii n’avait point encore reçu les ordres sacrés, «le «piiller enfin « la bifurca­ tion des chemins » ou il s’arrête depuis si longtemps et de « remplir sa charge de prélat ou de cesser de se jouer de l’Eglise de Lyon ». Potthast, η. 19998. Il révoque des privileges exorbitants, arrachés à ses prédécesseurs â la faveur de leur v surchage d’occupation », ou d au­ thenticité douteuse : tel le privilège accordé par Ur­ bain IV au comte de Bar de ne pouvoir en aucun cas être frapp’· de peines ecclésiastiques par l’évêque de Verdun son suzerain. Jordan, llrgmlres de Clement IV, p. 79 Mais par ailleurs Clément IV suit le courant qui en­ traîne les papes depuis longtemps dans la voie delà centra­ lisation à outrance et du développement sans contrepoids de la puissance pontificale. C’est ainsi qu’il légalise et par là étend l’usage déjà introduit parses prédécesseurs de réserver au pape la noiniii.ilion à tous les bénéfices « vacants en cour de Borne », c’est-à-dire les bénéfices dont les titulaires mouraient dans le lieu de résidence de la cour romaine, llegistre*, n 212; Potthast, n. 19326. Boger Bacon se plaint à Clément que dans une pareille Église le droit canon prenne la place de la théologie et que sa connaissance soit plus nécessaire aux clercs que l’élude des Livres saints. Les levées d’argent dans les Églises particulières provoquent des scènes pénibles. Clément se plaint «les injures « vomies » en sa pr«sence par les députés de l’Eglise de Keims qui étaient venus lui apporter les représentations de la province. Potthast, n. 20133. Clément IV mourut un mois apres Conradin, le f>! CLÉMENT IV — CLÉMENT V ‘29 novembre 1208. Il ent poor successeur le pape Gré­ goire X, PolthoHt, /k*/r«ni pontif. roman., t. n, p 15U ; Jordan, Us registres de Clément IV, 1893 *q.· Mansi, t, xxm, Cfe! 11231124, Moratori, Script. rerum Hal., I. m a, p, 594; t. m b, p. 621; Raynaldl, Annales cccl., an. 1205-1208; Marlène, The· ••auras anecdotum, t. It, p. 130 sq.; Pi»e-c, Anabcta WJticano, hmpruck, 187k Cf <4. Clément, S. J., Dr eruditionr vibr «onCl ί mon ία, rcrum gestarum gloria et panlificatu Clementi* IV, Lyon, 162‘i, Ilnumcr, (icsch der llolir mitaufrn, I iv, p 491 m, , 613 «q.; llcfele. Concilirngt schichte,2r édit· par Knnt été attribués a Clément IV, qui août d'un certain Guido Papa (142711X1). voir là-dcfr-m* « Jive, Il nd. script, reel., Gem ve, 1720, p. 641, an. 1205, et Bzoviue, Cont, Ann. Dur., an. 1206 sq. II. Hemmer. 5. CLÉMENT V, pape, successeur de Benoit XI· élu le 5 juin I305, mort le 20 avril 1314· C’est à Clément \ que revint la liquidation difficile de la situation laissée par Boniface VIH. Benoit XI, en effet, le successeur immédiat de ce pontife, mourut au bout de sept mois de pontificat et sa mansuétude envers Philippe le Bel avait engagé la politique pontificale dans la voie des concessions. Pourtant l'altitude de Benoit XI n avait pas manqué d'une certaine dignité, tandis que celle de Clément V parut bientôt entachée de faiblesse et même de servilité envers le roi de France. I.e conclave, qui suivit la mort de Benoit XI, se tint à Pérouse ou le pape venait d'expirer (7 juillet 1301); mais les rivalités des cardinaux favorables, les uns à la mémoire de Boniface, les autres â la France, le firent traîner en longueur. Le mêconh nleinenl des Pérugins força cependant les cardinaux d’en finir. Ils durent jeter les veux sur un prélat étranger au sacré-collège et les intrigues du roi de France firent tomber le choix sur Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, origi­ naire , trouva enfin son terme a Avignon, au printemps de l’année KdlÜ. Maigre la notification faite de c·* choix â la clin tient», Clément V ne semble pas avoir voulu installer la papule à Avignon, car il n > construisit point de palais, se contentant d un modeste logement chez les frervs prêcheurs, ni surtout du transférer le saint-siege en France et lui procurer sur les rives du Rhône un <1 blisscmont stable. Il v a donc quelque injustice a faire retomber sur ce pontife tous les maux que les historiens se plaisent a rattacher .ni < transfert »· du saint-siège à Avignon. La mesure prise par Clément \ était néan­ moins regrettable : elle éloignait les pape* de leur dio­ cèse sans avantages évidents pour l’en*rmblede l'Eglise; elle les maintenait à proximité du roi de France dont la tutelle, à en juger par celle de Philippe le Bel. pouvait devenir dangereuse; elle abandonnait â ses désordres l’Italie ou la guerre régnait â Fêlai endémique; elle rendait plus difliciles les rapports avec toutes les puis­ sances européennes, jalouses de la prépondérance fran­ çaise; elle acheminait enfin le saint siege vers l’élection d’un domicile définitif en France pr la prépondérance des Français dans le sacre-collège. L'avenir devait reve­ ler la grandeur du péril de schisme. Ces graves consé­ quences, non moins que la dune approximative de soixante-dix années, ont fait comparer par les historiens la translation de la papule a Avignon a la captivité de Babvlone. Des 1 election de Clément V. Philippe le Bel s’était avisé d un excellent moven de chantage pour peser sur le pape et le contraindre â toutes les complaisances; c elait d’insister pour obtenir l.i reprise du procès d hé­ résie intenté à la mémoire de Boniface VIII. Le roi obtint d'abord de la faiblesse de Ciemeul V une conlir- G3 CLÉMENT V miiion de l’absolution déjà donnée par Benoît XL l'annuhtion de la bulle Clericu laict* en tout ce qu’elle innovait dans le droit ecclésiastique, et la déclaration que h bulle (’nam xawc/am n entraînait aucune sujé­ tion nouvelle du roi et de son royaume à l’Eglise romaine. De même il se lit accorder toute sorte de pré­ lèvements pécuniaires sur I Eglise de France sous pré­ texte de croisade, une fournée de neuf cardinaux fran­ çais dans le sacré-collège, la nomination par autorité pontificale de beaucoup de créatures royales a des sièges episcopus, notamment à ceux d’Auxerre, de Bayeux, do Sens, de Cambrai, «I Orhans, Ole. Mais le coup de malin' du roi. celui qui fait le plus d’honneur à sa force de volonté· et le moins à son esprit de justice, ce fut d’arracher au pape la suppression des templiers. Les templiers, fondés comme les hospitaliers de Jé­ rusalem, pour la défense de la Terre-Sainte, après la première croisade, avaient perdu quelque peu de leur raison d’être depuis la prise de Jérusalem par Saladin (1187) et l'éviction definitive des chrétiens de Palestine (1291). Ils n’avaient pas su se donner de rôle analogue à celui que les hospitaliers allaient remplir à Rhodes et à Malle, où ils furent si longtemps le boulevard de la chrétienté. Les grands domaines possédés par les che­ valiers du Temple en Angleterre et en France, en Por­ tugal et en Aragon, leur habileté financière dans la gestion des capitaux et la sécurité de l'argent confié à leurs « temples », construits comme des forteresses im­ prenables, étaient pour l’ordre une source de grandes richesses. L·· Temple servait souvent de banquier aux papes, pour le recouvrement des sommes dues au saintsiège, et même aux souverains, notamment aux rois de France pendant le xni· siecle. Les richesses des templiers, leurs privilèges excitaient l’envie des princes besogneux, des églises appauvries, de même que le mystère dans lequel se tenaient leurs chapitres et se conduisaient leurs opérations, créait autour d eux une atmosphère très favorable aux soupçons, aux accu­ sations de crimes variés, aux rumeurs sourdes et hos­ tiles. Il y avait probablement lieu chez eux à une réforme et les papes depuis quarante ans pensaient et travaillaient à une fusion des templiers et des hospita­ liers. Malheureusement la jalousie des deux ordres, qui avait nui en Palestine à la défense des Lieux-Saints, mettait encore obstacle à la réunion. Philippe le Bel n'avait pus de griefs personnels contre l’ordre des templiers. En 1303, il avait fait remettre au Temple le trésor royal, il n'avait pas non plus à se plaindre de lallitude des templiers envers lui pendant la rupture de la France avec Boniface VIII, les lettres de protec­ tion accordées par le roi au Temple en font fui. Pour­ tant des l’avènement de Clément V, et pendant les fêles mêmes du couronnement à Lyon, l’allaire des templier-» fut discutée entre le pape et les gens du roi, et elle lit ensuite l’objet de correspondances pendant les deux années qui s’écoulèrent jusqu’à l’entrevue du pape et du roi à Poitiers en 1307 (vers l.i Pentecôte). Les résistances du pape furent sérieuses. Jacques de Molay, le grand-maître des templiers, mande à Poitiers, sous prétexte du projet de croisade, demanda au pape une enquête qu’il ne pouvait refuser. Lettre au roi du 21 août 1307, Baluze, t. n, p. 75. Mais Philippe savait ce qu’il pouvait oser contre la faiblesse et l’irrésolution du pape. Ayant obtenu la permission de commencer une enquête, il brisa toutes les tergiversations de Clément V, en frappant un grand coup. Sur son ordre expédié dans le plu* grand secret, tous les templiers de France furent arrêtés le 13 octobre 1307 au nom de l'inquisi­ tion· Les prieurs dominicains avaient reçu du grandinquisiteur de France mandat d'interner et d’interroger les templiers arrêtés. Les vrais motifs de la mesure sont contenus sans doute dans le mémoire du légiste Pierre Dubois qui Ci s’arrête uniquement à la considération «les richesses appartenant à I ordre, et qui propose de renvoyer les templiers en Orient et de s’approprier leurs biens. Le coup de filet si brillamment exécuté·, les moyens de la procédure aussitôt engagée, les griefs invoqués pour la justifier révèlent la main, l’audace et la fécondité «le Nogarel qui avait fait ses preuves, contre Boniface VIII, dans fart de tuer scs adversaires en les déshonorant. Tonies les accusations imaginables sont accumulées dans le manifeste «pii fut lu au peuple à l’occasion de l’.ii restalion des templiers. Elles se resument en quatre chefs principaux : reniement du Christ; 2° mœurs infâmes; 3° idolâtrie; 4° hérésie. Le pape, disait-on en termes vagues afin de laisser croire à un asientimenl, avait été consulté, et le roi requis d’agir par l’inquisi­ teur d’hérésie. Ainsi se trouva justifié «levant l’opinion le coup de force, et palliée au point de vue du droit l’irrégularité d’une procédure engager contre un ordre qui relevait directement de la juridiction pontificale. En conformité des instructions reçues, les commis­ saires du roi mirent les biens des templiers sous sé­ questre et s’en improvisèrent les administrateurs; quant aux templiers, ils les interrogèrent sommairement, puis appelèrent les inquisiteurs qui procédèrent à un interrogatoire accompagne de tortures pour obtenir des aveux. Quelques templiers demeurèrent fermes au milieu des supplices, et soutinrent jusqu’au bout l’in­ nocence de l’ordre et de ses coutumes. La plupart flé­ chirent dans la torture, même des hommes qui avaient fait leurs preuves de bravoure comme le grand-maître Jacques de Molay, et ils reconnurent les uns le renie­ ment, les autres la pratique de la sodomie, d’autres diverses imputations flétrissantes. Cependant Clément V avait été indigné de l’opération de police faite le 13 octobre, sans sa permission et en se couvrant de son nom par une allégation abusive. 11 écrivit au roi pour se plaindre du mépris fait de sa personne et de son autorité (27 octobre); mais au lieu de tenir ferme au nom du droit, il parut bientôt ébranlé par les aveux des templiers, au point d'ordonner aux princes chrétiens d’arrêter les templiers de leurs Etals (22 novembre). Puis un nouveau revirement se produit dans son esprit, et il prend enfin les mesures propres à assurer le triomphe de la justice en cette a (faire : il suspend la procédure des évêques et inquisiteurs de France et évoque l’allaire à son tribunal, et demande à Philippe de lui remettre la personne et les biens des templiers (1308). Tandis que le roi proteste de sa bonne volonté, nomme des administrateurs particuliers pour les biens qu’il s’engage à garder au profil de la Terre-Sainte, X’ogarct travaille à briser les résistances de Clément et entame contre lui une campagne d’opinion qui rap­ pelle de tout point celle qu’il avait dirigée contre Boniface VIII : mêmes accusations avilissantes, reproches de simonie, de népotisme, d’exactions commises au dé­ triment des églises, meme recours au zèle catholique du roi et à l’autorité civile pour protéger l’Église contre ses propres pasteurs. Une Hct/u-dr du peuple de France, conçue dans cet esprit, fut répandue à profusion en vue de préparer l'élection des députés à l'assemblée <|tic le roi convoquait à Tours pour le mois de mai 1303, et «pii était présentée à l’opinion comme un instrument de défense pour l’Église et de menace contre le pape. De fait, les Etals généraux se prononcèrent contre les templiers. Fort de cet appui, le roi joignit une deuxième fois le pape qui, apres une resistance assez remarquable pour la faiblesse de son caractère, finit par accepter de rendre aux évêques et aux inquisiteurs de France le droit «le proc» «1er en I affaire, de laisser aux mains du roi les templiers qu’il gardera au nom de l’Église, et leurs biens qu’il fera garder par des commissaires choi­ sis mi-partie par le roi, mi-partie par les évêques. Le 65 CLÉMENT V pape disjoignit la cause de l’ordre du Temple de celle des personnes des templiers. Alin de régler la prciiipto, il convoqua un concile général dans la ville de Vienne en Dauphiné pour le mois d octobre 1310. et en attendant, la seconde allait être instruite dans les cours épiscopales de tous les pays chrétiens. Une commission pontificale, présidée par l’archevêque de Narbonne, prépara la besogne du concile en recueil­ lant les témoignages. b»s hommes qui la composaient et que protégeait l'autorité du saint siege étaient hostiles à l'emploi des tortures, de sorte que les chevaliers in­ terrogés pouvaient se promettre plus de liberté pour confirmer ou révoquer leurs précédents aveux. Si quel­ ques frères persistèrent dans leurs aveux, si d’autres hésitèrent et recoururent à des faux-fuyants, d’autres en grand nombre dirent nettement 7 CLÉMENT V poor lui-même les violences du roi de France et les calomnies de Nogaret dont son prédécesseur Boniface VIII ôtait mort, et que son manque de caractère a fait de lui un instrument dans la main d’un politique sans scru­ pules. Ce n'est pas le seul exemple dans ! histoire de personnes souveraines dont la faiblesse de volonté a fait plus de mal a leurs sujets que la cruauté ou la violence. C’était en partie pour échapper aux obsessions de Philippe le Bel dont il avait subi les assauts dans les deux entrevues de Poitiers que Clément V avait établi son siege à Avignon. A peine installé dans celte ville, il avait eu la satisfaction de voir échouer la candidature au trône impérial de Charles de Valois, frère de Phi lippe le Bel. Il avait eu la faiblesse d’écrire en sa faveur aux évêques et aux princes d’Allemagne, mais s’il ne travailla peut-être pas secrètement contre Je prince qu'il soutenait en apparence, il mit un véritable empressement à rati­ fier l’élection du comte Henri de Luxembourg qui fut l’empereur Henri VII (bulledu 26 juillet 1309). Clément était ainsi délivré· du souci que lui eut cause un accrois­ sement de l'influence française en Europe. Lcloignement relatif d Avignon ne permit cependant pas au pape d échapper aux instances du roi qui voulait consommer son triomphe sur Boniface Mil, en obte­ nant une condamnation flétrissante pour la mémoire de ce pontife. Déjà, dans les entrevues de Poitiers, le roi avait repris ses poursuites, avec la pensée de rendre Clément V plus souple dans l’affaire des templiers, 11 avait produit quarante-trois chefs d’accusation, et de­ mandait que le pape entendit les témoignages. Apres avoir usé de tous les moyens dilatoires en son pouvoir, Clément \ avait dû s’exécuter. Par une bulle du 23 sep­ tembre 1309, il cita devant le Saint-Siège pour le carême suivant toutes les personnes qui voudraient intervenir au proces, Des commissaires furent nommés pour aller en I talie recueillir les dépositions des personnes retenues dans leur patrie. Nogarel, dont l’absolution était en jeu, apportait à celte allaire toute la passion dont il était capable, tout son art de monter une accusation. On re­ trouve sa méthode dans l’exagération dos crimes : hon­ teuses débauches, blasphème, hérésie, irréligion, assas­ sinais, qui sont imputés à Boniface, dans l'audace avec laquelle des témoins subornés inventaient les pires tur­ pitudes. Clément V finit par comprendre tout ce qui rejaillirait de honte sur l’Eglise et sur la papauté dans ces lamentables débats, et invoquant l’appui de Charles de Valois auprès de son frère, il supplia Philippe le Bel de se désister (mai 1310). Ce n’est qu’au mois de février de l’année suivante, au moment où le proces des tem­ pliers acheminait leur ordre à une ruine definitive, que le roi déféra aux instantes pneres du pape. Il reçut <1 ailleurs toutes les satisfactions imaginables en dehors d une condamnation formelle de Boniface : la mémoire de ce pape est pure el sans tache, mais les intentions du roi. dans le procès, ont été droites; il est innocent des violence* exercées contre le pontife; les constitutions de Boniface sont annulées en tout ce qui nuirait aux droits du roi et de son État, el les minutes en seront ralur.es à la chancellerie pontificale (27 avril 1311). Enfin Nogarel reçut l’absolution des censures ainsi que ses complices. Le triomphe de Philippe le Bel était consommé. Le concile de Vienne où devait se vider la cause des templiers devait aussi s’occuper de doctrine el de disci­ pline. l,es erreurs des béghards et des béguines el de Jean-Pierre Oliva furent condamnées par le pape el le concile. Les mémoires demandés par le pape aux évêques sur les réformes désirables offrent un grand intérêt J information (piaula l’état réel des mœurs chrétiennes; mais le concile, divisé a cause de l'affaire des templiers c l plus redouté du pape (pie consulté, ne fil a peu près rien en cette matière. C’est cependant à Vienne (pie le pqe rendit un décret pour obliger les grandes univer­ G8 sités à instituer deux chaires pour l’enseignement de l'hébreu et de l'arabe. Après le concile, Clément V revint à Avignon où il couronna le roi Hubert de Naples, (ils de Charles II. el envoya cinq cardinaux à Home pour y couronner l’em­ pereur Henri VU. Le voyage de l’empereur n’eut lieu qu’au milieu de troubles ; il dut livrer un combat pour entrera Home et s’y faire couronner sous la surveillance hostile des guelfes et d une armée napolitaine, de sorte que l'expédition, dont le pape espérait voir sortir la pacification de l’Italie el peut-être le rétablissement de son pouvoir temporel, n’aboutit qu'à une reprise géné­ rale des armes au milieu de laquelle Henri se vil menacé d'excommunication par Ch nient V pour scs menaces contre le royaume de Naples. La mort de l’empereur, arrivée inopinément près de Vienne le 2» août 1313, empêcha peut-être un nouveau conflit entre la papauté el l’empire. ki situation de l’Italie demeurait incertaine comme à l’ordinaire. Apres la mort de Henri Vil, Clé­ ment V publia deux décrétales, dont le ton contrastait avec l’altitude du pape envers le roi de Franco. Les ser­ ments de I empereur y étaient assimilés à des serments de fidélité féodale et le droit d'administrer l’empire durant la vacance revendiqué pour le Sauit-Siègo. Clément V contribua à étendre le système de fiscalité qui devait susciter bien des mécontentements contre le saint-siège. L’absence des revenus fournis ordinairement par les Etats de l’Eglise el l'entretien d’une cour hors de ses domaines le forcèrent â demander aux églises de France el d’Angleterre des movens de subsistance. Les prélats français se plaignirent an roi. En Angle terre ou Clément V, dès le début de son règne, se réserva pour deux ans les revenus d’un an de tous les bénéfices ve­ nant à vaquer (fructus primi anni), il dut se montrer accueillant aux désirs du roi Edouard Ier en matière de décimes ecclesiastiques et sévère pour l’archevêque Robert «le \\ inchelse.i qui avait tant lutté pour Boniface VIII el que le roi poursuivait pour crime de tra­ hison. Dans les premières années surtout du pontificat, les expectatives de bénéfice, 1rs dispenses d’àge ou de résidence furent extrêmement nombreuses; en 1307, le pape annula par une bulle les commandes qu’il avait multipliées de façon trop indiscrète. Itrrpstre, n. 2263. Clément V canonisa le pape Celestin V, à l.i demande de Philippe le Bel qui poursuivait encore en cela sa vengeance sur Boniface VIII (5 mai 1313). Le pape Clément V avait réuni en un livre les décré­ tales (pi il avait publiées soit au concile de Vienne soit antérieurement. Ce recueil de * Clémentines ». qui a pris place dans le Corpus juris canonici à la suite du Liber sextus de Boniface \ IlI. riait prêt pour la publi­ cation lorsque le pape mourut à Hoqnemaure sur le Rhône, le 20 avril 131$, tandi* qu’il se rendait d’Avi­ gnon a Bordeaux pour revoir encore une fois sa pairie qu’il n’avait (pie trop aimée. Apres sa mort, le trésor pontifical ou il avait amassé· de grosses sommes en vue de la croisade fui mis au pillage. læs fautes politiques de ce pape sont réelles; mais on leur trouverait sans peine beaucoup d’excuses. Son irrésolution et sa faiblesse tenaient peut-être en partie à une 1res mauvaise santé; les Italiens avaient de leurs mains éloigné le pape de son véritable siège, sinon tout à fait de ses Etats; Philippe le Bel, qui rompait si ou­ vertement avec la politique capétienne, était, dans la situation fausse, héritée de Boniface VIII et de Benoit XI, un protecteur aussi redouté que nécessaire. D’autre part les chroniqueurs italiens ont dénigré à l’envi Clé. ment V, ne pouvant lui pardonner I éloignement du siège pontifical, el avec la complicité des historiens, l’ont rendu responsable de tous les maux de l’Eglise qu’il leur a plu d'attribuer au séjour des papes à Avignon, tandis qu'il se­ rait de lionne justice d en faire remonter une partie à I vusemble de la politique centralisatrice el théocratique G9 CLÉMENT V — CLÉMENT VI des pape» du moyen Age, une partie aussi aux succes­ seurs de Clément V qui n'avaient pas pour s'installer A demeure sur h* Rhône les mômes raison» que lui, ou, si l'on préfère, les mômes excuses. La môme faiblesse qui rendit Clement V trop docile aux desseins de Philippe le Bel le rendit aussi accessible aux tentations du nép« tisme. Quatre de ses proches entreront dan* le sacr< collège, <‘t deux reçurent l’épiscopal. Clément V eut pour successeur le pape Jean XXII. La mort consécutive de Clément V (20 avril; et de Philippe le Bel (29 novembre), dans la meme année, frappa vivement l'imagination populaire el donna lieu à la légende de Jacques Molav assignant du haut de son bûcher Je pape et le roi pour une date prochaine au tribunal de Dieu. La légende est jolie, mais c’est une légende. Begrsta Clementis V, édit, de» bénédictin». 9 in-fol. cl appen­ dice, 1885-1892; Baluze, Vitte paparum avenionmsium, Paris, 1093. 1.i; Muratorl, Scriptores rerum Itolicurum, t. ni, p. 673. t. ni b, p. Ill ; l ni c, p. 147 (ViUnni. Histoin florentine, I. VBI. IX, Florence, 1823); Itaynaldi, Annales ecr/esiaxfiri, Turin, 1866, t. xxm. p. 364 ; Ilelele, Conziliengeschlchte, éd-t. Kn ftpflcr, t vi, p. 391; Ehrlo, Archiv fur LU teratur und Kirchen· geschichtedes Mittrlaltera, 1886, p. 353; 1887. p. 1.1889, p. 1 sq ; Christoph·', Histoire de la papauté pendant le ni- aiectr, Pans, 1853, t. i; Ha Un nie. Clément V et Philippe le Bel, Paris, 1858; Bouta rie, La Fi ance sous Philippe le Bel, Parla. 1661 ; Souchon, Die Papal ma hlm von Bonipi z VIH bi* Urban VI, Brunswick. 1888; Leclère, L'election du pape Clément V, dan» les Annales de la faculté de philosophie 11 des lettres de Bruxcll· >, 1890. t. l.fosc ! ; Ko n g. Die paepstlichr Kammer un ter Clemen* V und Johann .W'Il, 1894; laminer. Deutsche Geschichte unter dm Hababurgern, 1890. t ï. p. 167; Pochhnann. Der Boemerzug Kaiser Heinrichs VII, 1875; Wonck. Clemens V und Heinrich VII, 18*2; Renan, Etudes sur lu politique de Philippe le Bel, Paris, 1899; l«acosle, Nouvelles études sur Clément V, 18CG· Bcrchon. Histoire du pape Clement V, Bordeaux, 1608 ; \\ Otte, Der historische 117 rt der allen Biographie dt s Papstes Cle­ mens V, Bn slau, 1902; voir les ouvrages généraux mentionnés â l'article Boniface Mil sur le ddlén nd du saml-siègc et de la France. Sur la fin dos templiers, voir les textes publiés par J. Michelet, Procès d··* templiers, dans la Collection de documents inédits sur l histoire de France, 1841-1851, et par K. Scbottmüllcr. Der Untergang des Temp terordm*, 1687 ; travaux spéciaux : Ginclin, Schuld odrr Unschuld des Tempter Ordens, 1893; IL C. !>·□. Histoire de l’inquisition au moyen âge, trad, par Salomon Beinach, Paris, 1002.1 lu, p. 284-404; Langlois, />· procès des templiers, dans la Bevuedt x Deux Mondes, t. cm (1891), p. 382; Dclavillc l-e Boulx. La suppression des templiers, dan» la Berne des questions historiques, t. XLVHI (1890). p. 29; luivocat. /> procès des frètes de l’ordre du Temple, Paris. 1888; Pnitx, Kritische Bemerkungen zum Prozess d>s Templcrordens, dans Deutsche Zeitschrift fur Geschlchlsutlssmschaft, 1891, p. 212; renseignements bibliographiques dans ta Bévue historique, mai 1889, et d ms Archivio Storico italiano, 1895, p 225 IL Hlmmer. G, CLÉMENT VI, pape, successeur de Benoit XII, élu le 7 mai 1312, dtk*édé le 6 décembre 1352. Le cardinal Pierre Roger, que h* conclave choisit onze jours apres la mort de Benoit, appartenait à l'ordre des bénédictin». Ancien garde des sceaux du roi de I rance, pins archevêque de Rouen, il était tout dévoué a Philippe de Valois dont le* intérêts formèrent le pivot de sa politique. L’année même de son élévation, il prit parti contre les villes de Flandre révoltées contre le roi de France leur suzerain, puis, intervenant non comme p ipe, pour donner sentence », mais, suivant le» termes imposés par le roi Edouard d’Angleterre, « comme per­ sonne privée, à titre d'ami commun des doux souve­ rains, » il lit consentir aux deux rois pour trois ans la trêve de Malestroil (19 janvier 1313). Plus tard, il s’efforça do prévenir la rupture de la trêve et au len­ demain de la défaite de Grecv (29 août 1346) il s’entre­ mit de toutes ses forces en faveur de la France. Des succès plus apparents couronneront si politique en Allemagne où il poursuivit à outrance la guerre 70 entreprise par se» prédécesseurs contre Louis de Ba­ vière. Repoussant toutes le» ouvertures du prince que l’âge, les déceptions d’une lutte qui dorait depuis vingt ans inclinaient à la conciliation, il exigea une soumission sans réserve; par des négociation» habile­ ment inc m e» avec certains électeurs, il lui suscita un rival a Fernpire en la personne de Charles de LuxemIxnirg (20 juillet 13*<>). La mort inopinée de Louis de Bavière, qui arriva le II octobre 1317, celle de Gunther de S< hvvar/bourg, que les adversaires de Charles avaient porté â l'empire et qui mourut au mois de mai 1319, h.d» rent le succès de < fempcnnir des prêtres ». Mai» Charles IV lui-mèrne s’était rendu compte de la néces­ sité de soustraire l’élection impériale au contrôle et â la ratification du pape, considérés désormais comme une intervention étrangère. Le divorce de 1 empire el de la papauté devenait d'autant plus raisonnable, que lllalie se constituait de plus en plus en un agrégat de répu­ bliques et de petites souveraineté*, ou l'empereur n avait plu» d’autorité réelle. Mais la Bulle d'or de Charles IV no fut publiée qu en 1.356, sous le pontificat d Inno­ cent VI. Des négociations eurent lieu entre le saint-tbge et les Gno cl Arméniens dOrient (1311 et 1351); l’union avec l’Eglise romaine servait d entrée < n matière pour obtenir des secours contre les lures;rnai< rien de défi­ nitif ne fut conclu, ni aucune croisade entreprise. Clément \I ne lit aucune tentative pour reporter le siege pontifical a Rome. Il en avait été pourtant prié au commencement de son regne par une ambassade siens? On put le croire en vovant l'obscur Nicolas Rienzi accomplir l’œuvre de restaura­ tion qu’il avait vainement prié Clément VI de venir entreprendre. Devenu maître du gouvernement de Rome sous le titre de tribun en 13»7, il réorganisa l adminis­ tration et la police de la ville, leva une milice, fil régner le bon on Ire rl la justice au point de meriter de Cle­ ment \1 un bref d encouragement. Il conçut l'idée d'un congres di s villes italiennes où seraient jetées les Lises d’une confederation. Malheureusement une si haute fortune tourna la tête â l'aventurier qui se mit à tran­ cher du mahre, du · tribun auguste », de · l'ami de l’univers ». s’attaquant au pouvoir temporel du pipe, citant les empereurs rivaux à son tribunal, battant monnaie à son effigie, rêvant de devenir le chef d’un véritable empire italien. Clément VI mit fin à ces folies en le frappant de» censures et en poussant les nobles â se révolter. Rienzi dut s’enfuir après huit mois de pouvoir, abandonné par le peuple (fin de I année I3l7j. L'aventure si tut dénouée était un indice du péril que l’absence ape Clément VI sembla consolider son siège à Avi­ gnon en acquérant la seigneurie de la ville. La reine Jeanne de Naples, qui était aussi souveraine de la Pro­ vence et à ce titre d Avignon, était accusée par la ru­ meur publique d’avoir trempé dan» l’assassinat de son mari André de Hongrie. Mise en fuite par son beaufrere Louis, roi de Hongrie, < Ile comparut devant le pape qui l entendil en consistoire et la déclara innocente. La 71 CLEMENT VI — CLÉMENT VII reine céda la ville d'Avignon au pape pour une somme de 80000 florins d’or (19 juin 1348); toutefois les habi­ tants de la ville mécontents ne reconnurent la souve­ raineté du pape que sous le règne d Innocent VI. Le pape Clément VI avait les mœurs et les défauts d’un grand seigneur. Il était bon, libéral, généreux; il montia l’exemple du courage pendant la grande « peste noire > des années 1348 cl 1349; il tint bon dans la \ille d'Avignon au moment où le fléau décimait la popula­ tion. portant partout des aumônes et des consolations; plus lard, quand le peuple, un peu partout, s’en prit aux juifs de la peste, qu’il les massacrait ou les brûlait sans pitié, le pape écrivit aux évéques d’excommunier ceux qui les molesteraient. Nulle p irl les juifs ne furent mieux protégés que dans les terres d’Egllse. Mais à d’autres égards, le pontificat de Clément VI fut dom­ mageable â l'Ëgli'O. Meilleur politique et meilleur pi ince que pontife, il eut bientôt dépensé en constructions, en fries luxueuses, le trésor amass · par le pape Benoit XII ; il agrandit et fit décorer de peintures le palais des papes; une table richement servie, des réceptions bril­ lantes où les dames étaient admises, une libéralité dé­ générant en prodigalité, contrastaient avec les efforts de son prédécesseur pour introduire une certaine réforme. L*s besoins d’argent du pape, sa légèreté dans la distri­ bution des grâces l’amenèrent à se réserver un nombre de plus en plus considérable de bénéfices, d’évéchés, d abbayes. Les plaintes les plus vives se produisirent. En défendant leur clergé et leur peuple contre ces abus, les rois se donnaient pour les protecteurs des vrais intérêts de l’ftglise. Le roi Pierre d’Aragon de­ manda à Clément VI de renvoyer les prélats de son royaume qui séjournaient à Avignon et de ne plus conférer de bénéfices dans ses Etats à des clercs étran­ gers (ΓΛ5Ι). En Angleterre, Edouard 111 avait fait arrê­ ter et chasser du royaume les procureurs venant pren­ dre possession de bénéfices au nom des cardinaux nommés. C’est à l’occasion de ses démêlés avec le roi d’Angleterre sur ce sujet, que Clément VI émit la prê­ te ntion rpii était depuis longtemps à la base de toutes les pratiques delà papauté absolutiste; c’est qu’il appar­ tient au pape de disposer des prélatures et des béné­ fices de toute la chrétienté. Ad ronianum pontificem omnium ecclesiarum, dignitatum, personatum, offi­ cii» um et beneficiorum ecclesiasticorum plenaria dis­ positio noscitur pertinere (Il juillet 1344). Vers le milieu du χιν* siècle, il se produisit une recrudescence décrits polémiques contre la papauté et contre les mœurs de la cour d’Avignon. Clément VI, trop indulgent par caractère pour réprimer les désordres autour de lui, avait du moins la franchise de les reconnaître, et il prit contre les prélats de son entourage la défense des religieux mendiants dont la conduite pendant la peste axait été admirable et qui avaient recueilli de grands biens, objet de jalousie et d’envie. Bon th éologien, esprit ouvert et cultivé, Clément VI ne perdait pas de vue les questions théologiques : après la mort de Louis de Bavière, il reçut la soumission de Guillaume Occam et des franciscains fanatiques qui acceptèrent enfin la constitution de Jean XXII; parmi eux l’on mentionne François d’Ercolo. Clément VI condamna les flagellants dont les excès désolaient la chrétienté. Ia?s grands voyages de découvertes du xiv· siècle, axaient amené une extension de l'Eglise â des contrées nouvelles. læ pape Clément VL à la requête du prince Louis de la Cerda, lui accorda l’investiture de la βοή­ ν raine té sur les Iles des Canaries, avec le litre de prince de Forlunia (vers 1344); le prince ne put se maintenir; en 1351, Clément donna un évêque aux Canaries en la personne d’un religieux canne, le Γ Bernard. Clément VI mourut le 6 décembre 1352. Son successeur lut le pape Innocent \ I. 72 E. Desprez, Lettres closes patentes et curiales tirs papm d'Avignon se rapportant à la France, Clément 17, Purin, 1001 (en coms de publication); Wmiinky, Excerpta er regtstris Clementis VI et InnocentH VI, Inspruck, 1885; Vatikanische Akten zur deutschen Geschichte, Inouvait montrer le texte, mais non laisser prendre copie, et qui semblait promettre au roi toutes les facilités néces­ saires pour son divorce et son nouveau mariage. L’exa­ men de la cause commencée en Angleterre tourna en faveur do Catherine d'Aragon, qui put arguer non Seulement de la bulle de dispense accordée pour son mariage avec Henri \ III et qui mettait à néant l’em­ pêchement né de la consommation présumée du premier 74 mariage, mais encore d’un bref de Jnles Π qui tenait compte du fuit que le mariage de Catherine et d Arthur n'avait pas été consommé et qui détruisait ainsi toutes les causes de nullité que d ingénieux casuistcs en pou­ vaient déduire. Bientôt l’appel de la reine au Saint-Siège vint mettre fin à l’enquête de Wolsey et de Campeggio (1529). L’échec des légats coula au cardinal Wolsey la faveur du roi; peut être fût-il mort comme tant d'autres serviteurs de Henri VIII par la main du bourreau, si le chagrin et la maladie ne 1 avaient conduit au tombeau (1530). Justement à cette époque, le pape venait de conclure la paix avec Charles-Quint qu’il avait rencontré à Bo­ logne et qu il venait d'y couronner. La néœssité qui s’imposait au pape de ménager l'empereur, aussi bien que la justice évidente de la cause de Catherine interdi­ saient au roi tout espoir. En janvier 1531, Clément VH menaça des peines ecclé­ siastiques ceux qui essayeraient de déférer la cause du roi â un tribunal anglais, et défendit au roi de procéder a un mariage avant que sa cause eût été jugée. Deux autres brefs du même genre suivirent en 1532. Toute la politique de Henn \ III, en préronce de ces obsta­ cles, fut de gagner du temps, d’empêcher qu'un juge­ ment fût rendu à Borne cl, en attendant, de procéder à une série d’actes qui mettraient complètement le clergé dans sa main et qui lui faciliteraient la rupture complete avec Home. C’est ainsi qu’en 1531, il trouva moyen de lever une somme énorme sur le clergé comme prix de son pardon pour la peine encourue par sa soumission à la juridiction d'un légat pontifical. Le pré-texte légal de celle demi-confiscation se trouvait dans le statut praemu­ nire ou d'atteinte aux prérogatives royales. Bientôt après le pape obtint du parlement, non sans user de pression, l’interdiction de payer les annales à Home. La mesure ne devait entrer en vigueur qu’au bout d'un an, si aucun arrangement n'était intervenu avec le Saint-Siège. De plus grandes facilités furent données à Henn VIII pour ses desseins par la mort de Warbarn, archevêque de Cnntorbéry (22 août 1532). Le 25 janvier 1533, le roi contracta secrètement mariage avec Anne de Boleyn, tout en leurrant le nonce pontifical en Angleterre, et en continuant de négocier avec le pape sur lequel il agis­ sait par l’entremise amicale du roi de France et de qui il obtenait les bulles d'investiture pour le nouvel arche­ vêque de Cantorbéry. Ce primat n « lait autre que Tho­ mas Cranmer. déjà gagné aux doctrines luthériennes et marié secrètement à la nièce dlKiandre. La cour ecclé­ siastique bientôt convoquée par Cranmer eut à préparer les voies au divorce. L’évêque Fischer fut seul à offrir une resist mcc sérieuse. En même temps, les communes finirent par abolir les appels à Home et par faire peser la menace redoutable du præniunire sur les sujets du roi qui introduiraient des bulle' d’excommunication en Angleterre. L'archevêque Cranmer, ainsi couvert, de­ mande au roi d'etre autorisé a instruire la cause (Il avril I533); la reine Catherine, citée devant le tribunal archiépiroopal.ayanlfaitdêfaut.fut déclarée contumace le lOmai, et le 23 mai une sentence prononçait que le mariage du roi était invalide. Une enquête secrète sur le mariage du roi avec Anne de Boleyn découvrit à l’archevêque que ce mariage était valide; il conserva par devers lui les motifs de sa conviction ; mais la décision fut publiée en Angleterre et Anne deBoley n couronnée à Westmins­ ter le l" juin, en dépit du mécontentement populaire. En présence de ces actes répétés, le pape Clément VII ne put dilb rer plus longtemps de rendre une sentence du roi. En 1585, Sixte V, en excommuniant sur le trône |vontilical. Henri commençait à penser sé­ Henri de Navarre, l'availen même temps déclarée inha­ rieusement à un retour vers Rome; bien convaincu bile de plein droit â la succession de toute seigneurie que, malgré ses victoires, il n'imposerait jamais à la cl domaine, el particulièrement du royaume de France ». France un prince hér< tique, en meme temps ébranlé Aux yeux du pipe, Henri n'avait donc pas seulement dans ses principes calvinistes par ses longues discus­ besoin d’une absolution qui le fil rentrer dans l’Eglise, sions avec Jacques Davy du Perron dont la faveur re­ mais d une « réhabilitation » qui le rendu capable d’être monte au printemps de 1592, entendant ses conseillers proclamé· légitime souverain, (.i lle rehabilitation impliprotestants eux-mêmes lui affirmer qu'il pouvait faire quait la reconnaissance du pouvoir du pape sur les cou­ son salut dans la religion romaine, il se décida a la ronnes; ni Henri ni ses conseiller* ne voulaient céder grave démarche du dimanche 25 juillet 1593. Ce jour là, sur ce point. Après de longues discussions, le cardinal sous le porche de la basilique de Saint-bénis, Renaud Aldobrandini hissa entendre qu’on pouirait trouver de Beaune, archevêque de Bourges, reçut l’abjuration « mille lempéramens » qui permettraient de tourner la du roi, et sous réserve des droits du souverain pontife, difficulté; el le voyage de du Perron fui décidé. L'exlui donna l’absolution des fautes d apostasie el d’hérésie, piilsion des j< suites, à la suite de l’attentat de Chalel le réintégra dans l’Église, et l'admit aux sacrements. (janvier 1595). vint encore apporter un obstacle nouveau Restait à obtenir pour ces actes la confirmation du pape, au succès déMiv; il fut levé par l’abnégalion des jésuites seul capable de lever définitivement l’excommunication francai* qui furent les premiers à supplier le pape de portée en 1585 par Sixte \ contre l’hérétique relaps. ne pa* retarder, en exi(canl leur rappel, la pacification Henri ne perdit pas de temps, el envoya â Rome aussi­ religieuse de la France. Vrai, liccherches, t. v, p. 6/. tôt après son abjuration une brillante ambassade con­ Le 12 juillet 1505, du Perron entre à Rome, et a le duite parmi grand seigneur catholique, Italien de nais­ jour même *.i premiere audience. Le 30juillet, de consance, el devenu duc de Nevers par son mariage avec Henriette de ('lèves, Louis de Gonzague, troisième fils 1 cerl avec d Ossal, il présente au pape une requête en vue du duc dr Manloue. Nevers se figurait être reçu avec I du l’absolution du roi. Le 2 août, les cardinaux sont 79 CLEMENT VIII convoqués au Quirinal par Clément VIII; le pape, après leur avoir expose Trial de la cause, leur demande de lui donner sur la question « leur voix l’un après l’autre, en chambre cl particulièrement », celte méthode devait soustraire à l'influence de Philippe II les nombreux car­ dinaux ses sujets ou clients. Le 23 août, ces audiences privées sont terminées, l’absolution est admise en principe, et on commence â traiter des conditions. Le pape se refuse â confirmer purement et simplement l’absolution de Saint-Denis qui n’a pas de valeur à ses yeux; mais admettant la bonne foi des évêques et du roi en celle circonstance, il déclare tenir pour valides t tous les actes de religion qui ont été accomplisen la personne du roy et de Sa Majesté, en vertu de la sus­ dite absolution ». En revanche, il n’est pas question de réhabilitation. Les conditions satisfacloires imposées à Henri IV sont rédigées en seize articles; les uns pres­ crivent certains actes de piété dont le roi devra s’acquit­ ter à époques fixes; les autres règlent diverses mesures destinées à assurer le maintien et le progrès du catho­ licisme dans le royaume : observation du concordat, respect des droits et biens de l’Église, protection active du catholicisme qui sera restauré en Béarn, éducation catholique du jeune prince de Condé, héritier présom­ ptif delà couronne, promulgation du concile de Trente, fondation par le roi d'un monastère dans chaque pro­ vince. Bullarium, l. x, p. 30V. Pendant que ces négociations se poursuivent, le pape, avec une louchante piété, multiplie les pèlerinages aux grands sanctuaires de Borne, cl les pratiques de péni­ tence, pour obtenir les lumières de Dieu sur celle épi­ neuse affaire. Le 17 septembre, sous le portique de SaintPierre, d’Ossat et du Perron prononcent au nom du roi la formule d’abjuration ; et le pape leur donne l’abso­ lution. Une année plus tard, le cardinal de Médicis, lé­ gat de Clément VIII, alla solennellement recevoir la ra­ tification officielle de ces actes des mains du roi. Bulla· rium, t. x, p. 31$. La conclusion de cette négociation, qui fait tant d honneur à la droiture et à la générosité du pape, fut une superbe lettre envoyée aux évêques français pour les exhorter, alors que la paix était rendue au royaume, a s’appliquer avec ardeur à leur mission sainte et au progrès du catholicisme en France; le pape signale en particulier à leur attention l’entretien et la surveillance des séminaires et collèges, la culture des vocations ecclésiastiques, la visite fréquente des paroisses, la bonne administration des sacrements; il compte sur l'appui a de son fils si cher et si désiré le roi Henri, conçu au milieu de tant de larmes, enfanté en JésusChrist avec tant de joie ». Bullarium, t. xi, p. 258. Une lettre analogue axait été envoyée quelques mois aupara­ vant à Philippe 111 d'Espagne, pour être transmise à scs évêques. Ibid , t. x, p. 178. De* lors, cl malgré les inquiétudes causées à Clé­ ment VIH par certains articles de l’édit de Nantes et les alliances protestantes de Henri IV, les meilleures rela­ tion* ne cessèrent pas entre le pape et le royal con­ verti. Clément Vlll est médiateur entre la France et l'Espagne au traité de Venins (1598); il réconcilie Henri IV et le duc de Savoie par le traité de Lyon (I60I); il prononce la dissolution du mariage du roi avec Mar­ guerite de Valois pour défaut de consentement initial et divers autres empêchements (1599). En retour, lors­ qu’à la mort du dernier rejeton de la maison «liste, le duché de Ferrare est vacant, Henri IV soutient les revendications de Ch inent \ 111 qui le réclame comme fief apo«*toh(|ue» Grâce a son intervention, le pape triomphe de h r» si*t once de César d’Este, bâtard d’un de* derniers ducs, et prend possession, en 1598, de la ville et du duché. 80 p. 247 sq., et les Lettres d’Ossat, t. T. p 243 ^q. Ci. Y. do la Driéro, La conversion de Henri /V, II. de 1 I.pinole, Ιλι ligue et les papes, p. 602 sq. Sur les rapports subséquente de Clé· nient VIII avec la Franco, rf Dcgert, />? cardinal d‘On*at, p. 231 sq. Sur lalfaire de Ferrare, ci. Brosch, Geschichtc, t. i, p. 314 sq. 2° Affaires d'Angleterre. — Clément VIII put espérer un moment que le successeur d’Élisabeth en Angle­ terre lui donnerait les mêmes consolations «pie le roi de France. De généreux secours avaient été· souvent envoyés à Jacques VI d Ecosse par Sixte V. En 1599, le roi, prévoyant la mort prochaine d’Elisabeth, dont il était le plus proche héritier, voulut s’assurer l’appui des catholiques d’Angleterre, et envoya à Home un de ses courtisans, Edouard Drummond; celui-ci était chargé de plusieurs lettres pour des cardinaux influents ; une d’elles était même adressée au pape. Dans ces lettres, le roi demandait le chapeau de cardinal pour l’Ecossais Chisholm, évêque de Vaison, qui servirait de représen­ tant de l’Ecosse â Home; Jacques assurait le pape de ses bonnes intentions à l’égard des catholiques des deux royaumes. Clément VIII répondit quelques mois plus tard en promettant son appui; il offrait même un fort subside au roi s’il consentait à faire élever son fils aîné dans le catholicisme. Jacques refusa, et son attitude peu franche rejeta le pape du côté des prétendants favorisés par l’Es­ pagne. Cependant, dans les instructions envoyées au Père Garnet, supérieur des jésuites anglais, pour servir aux catholiques en cas de mort d'Elisabeth, Clément ne leur interdisait pas expressément de soutenir la cause du roi d'Ecosse, mais leur recommandait en termes vagues de procurer l’avènement d’un prince bon catho­ lique. De fait, après l'avènement rapide de Jacques, procuré· par les anciens ministres d’Elisabeth, les ca­ tholiques lui offrirent leur concours le plus dévoué, et Clément lui-même, assez facilement résigné, adressa au roi d'Angleterre de sincères félicitations. Une lettre plus cordiale encore était envoyée à la femme deJacques, Anne de Danemark, catholique en secret. Le roi «l’An­ gleterre se contenta de répondre, le I* décembre 1605, « qu’il userait de son pouvoir de manière à ne mériter les reproches ni du pape ni d’aucun homme di» bon sens. » Peu après il recommençait contre les catholiques une persécution à laquelle la conspiration des Poudres donna bientôt un prétexte avidement saisi. Cf. Gardi­ ner, History, t. i, p. 81 sq., 99 sq.; Bellesheim, Geschichlr, p, 163 sq., 191 sq., et append. IX ; Couzard, (’ne ambassade a Home, p. 71 sq. Ne pouvant obtenir pourles catholiques anglais la liberté de pratiquer leur religion, Clément s’efforça du moins de leur donner une plus forte organisation et de réformer les nombreux établis­ sements où leurs prêtres se formaient sur le continent. H établit en 1598 un archiprêlre entouré d'un conseil de six assistants, de qui devaient relever tous les prêtres séculiers anglais; le premier titulaire de celte impor­ tant emploi fut Georges Blackwell; quelques années plus tard, lors d«» la révolte d’un certain nombre de prêtres anglais contre l’archiprêtre, Clément sut voir ce qu’il y avait de fondé dans les réclamations des « appelants · et recommanda à Blackwell plus de douceur et de mo­ dération. Couzard, Une ambassade, p. 91, 92. Le pape confirma l’érection des séminaires anglais de Valladolid et de Séville par Philippe 11, et leur accorda de nom­ breux privilèges, Bullarium, t. ix, p. 630; I. x, p. 139; il créa le collège des Écossais à Home, ibid., I. x, p. 625, et réforma les séminaires anglais de Home, d’Espagne et d’Allemagne dans lesquels avaient éclaté de tristes querelles form niées par les agents secrets d’Elisabeth. Ibid., p. 523. Cf. Dodd, Church history, t. ili, p. 151 sq. 3· Autres pays. — Sigismond, roi de Pologne, ayant succédât à son père Jean III roi de Suède, en 1592, con­ duisit avec lui dans son nouveau royaume quelques prê­ bar les c* gœuU' n relatives à Γα1)*ηΙυ11οη de Henri IV, les pieces principales sont dans lea Ambassades de du Perron, t. i. tres catholiques, et s'efforça d obtenir pour sa religion SI CLÉMENT VIII 82 un peu ositioii sur Balhori, dans leurs luttes contre Mahomet 111. En 1595, un point délicat, le système de la prédétermina lion un corps de H 000 Florentins, commandé par un neveu physique, apparaissait plus éclatante à chaque stance du pape, prit part à la prise de Gran; Jean-François nouvelle; une guerre de mémoires et de pamphlets Aldobrandini mourut pendant celle campagne. Cf. accoiiqxignail les discussions des docteurs; Madruzzi d’Ossat, Lettres, t. i, p. 212 sq.; t. iv, p. 425; t. v, étant mort en mars 1600, ses deux assesseurs deman­ p. 5, 6; Degcrt, Le cardinal d'Ossal, p. 322 sq. dèrent au pape I interruption des congrégations. SchneeHI. Questions thi oi.ogiqi es et disciplinaires. — inann. Controversiarum, p. 255 sq.; Serry, Ihstonæ, F La controverse De auxiliis. — La fameuse controverse p. 188 sq. sur les secours de la grâce divine De auxiliis gratifB Les dominicains s'efforcèrent alors de faire promulguer divin* commença sous le ràgno do Clément VIII qui par le pape la censure rédigée en novembre 1598; les ne put la mener à bonne lin. En 1594, pour terminer jésuites en avant obtenu communication la réfutèrent, les discussions qui s'étaient élevées en Espagne et en et Clement Mil ordonna a la Congrégation de la rvdiPortugal, entre iésüiles et dominicains, au sujet du livre 83 CLEMENT VIII 84 ger □ nouveau en tenant compte des observations faites; i venu â Borne en 160$ avec une mission de Henri IV, et qui assurait hardiment au pape que, s’il définissait l'opi­ celle seconde censure, œuvre de Pierre Lombard, arche· nion soi-disant thomiste, « tous les hérétiques d’Allemagne vèqued’Armngh,condamnait vingt propositions attribuées el de France étaient prêts à signer sa décision, el pro­ à Molina (12 octobre 1600); Bellannin et les autres théo­ clameraient que leurs propres doctrines étaient définies logiens jésuites lui opposèrent de si bonnes faisons que à Borne. » .Moyer, llistoriie, p. 533. Clément VIII mou­ Clément VIII refusa de la promulguer avant que les rut sans avoir rien defini sur les matières si ardemment théologiens des deux ordres n'eussent discuté devant la discutées; Léon XI n’ayant règne que quelques jours Congrégation sur les vingt propositions reprochées à ne put s’occuper des congregations D»· auxiliis, el Mohna. Ces discussions durèrent de janvier 1601 au Paul V, on le sait, les termina en renvoyant dos à dos 31 juillet de la même année· L·· 27 novembre, les conles deux parlies. sulleurs remirent au pape l’énorme liasse des mémoires, 2° Diverses constitutions et editions. — On doit à Clé­ rédigés par les deux parties, el les rapports du secré­ ment VIII une constitution sur le duel, confirmant les taire sur les argumentations; ils déclarèrent en môme décrets de ses prédécesseurs et du concile de Trente temps maintenir leur condamnation des vingt proposi­ « contre tous ceux qui se livreraient à des duels en pu­ tions. L·* pape, devant cet amas d écrits.s’écria épouvanté: blic ou en secret, qui enverraient, écriraient ou répan­ • Vous avez mis un an à rédiger ces pieces; il me draient des cartels, contre tous leurs complices et fau­ faudra plus d’un an pour les lire. > Après quelques teurs » (17 août 1592). Bullarium, t. ix, p. 60$. Le jours d’examen de ce volumineux dossier, il reconnut nombre toujours croissant des hérétiques engendrés que de nouvelles discussions étaient nécessaires. Pour par la In forme le força à renouveler, le 3 février 1603, en finir, il résolut de les présider lui-même. En février les condamnations portées par Paul IV a contre ceux 1602, il manda les généraux des deux ordres, et leur qui nieraient la sainte Trinité·, la divinité de Jésusordonna de désigner des théologiens qui argumenteraient Christ, >a conception du Saint-Esprit, sa mort pour devant lui sur les vingt propositions censurées. Le notre salut, ou la virginité de Marie ». Ibid., t. xi, p. 1. 20 mars, eut lieu la premiere des célèbres Congrégations H porta, le 20 juillet 1602, un decret interdisant la con­ tenues sous la présidence de Clément \ III ; il était fession a un confesseur absent, par lettre ou messager, assisté, d'abord des cardinaux Arrigone et Borghese (plus tard Paul \ ), puis de tous les cardinaux (pu fai­ et la réception de l'absolution dans les mêmes condi­ tions. Ibid , t. x, p. 855. Voir t. 1. col. 2$l-2$2. Le saient partie du Saint-Oflice; tous les membres de la 30 mars 1598, il régla que si le pape mourait hors de Congrégation qui avait censuré les propositions assis­ Borne, c’est à Home que devrait se faire I election de son taient aux disputes. L’avocat des dominicains fut Alvarez pour la I" session; Lemos le remplaça de la IIe à la successeur. J bid., t. IX, p. $36. XLIJI· session, et lui céda ensuite son poste jusqu’à la A la lin de 1592 était terminée la revision de cette fin des débats. Grégoire de Valentia représenta les édition de la Vulgate que Sixte-Quint avait trop préci­ jésuitesjiis«|u a la IX* session; étant alors tombé malade, pitamment publiée; la plupart des exemplaires en cir­ il fut remplacé par Pierre Arruhal qui. malade lui-même, culation furent rachetés par les soins du pape, el céda la place à partir de la XX* à Ikedida. Soixante-huit l’ouvrage corrigé parut sous ce titre inspiré par son séances eurent lieu sons Clément \ III sans qu'on put humilité: Biblia sacra Vulgatæ editionis Sixti V pon­ arriver a aucun résultat. Philippe 111 d'Espagne suppliait tificis maximi jussu recognita. La préface était du car­ le pape de terminer bientôt, par une définition, une dinal Bellannin qui racontait l'histoire de cette édition. controverse qui passionnait dans son royaume les laïques Couderc, Bellannin, I. i, p. 19$ sq. Un décret du 9 no­ aussi bien que le clergé. Malgré les difficultés nouvelles vembre 1592 interdit d'imprimer ce texte ailleurs qu'à que faisaient surgir les argumentations, Clément s’obsti­ la typographie vaticane, pendant dix ans; ce temps nait a vouloir celle définition. De plus en plus porté vers écoulé, on ne pourrait éditer la Vulgate « qu’en repro­ les doctrines dominicaines qui lui semblaient plus con­ duisant un exemplaire imprimé au Vatican dont la formes a celles de suint Augustin, il se débarrassa du forme doit être conservée sans y changer, ajouter ou meilleur champion que les jésuites eussent dans le sacréretrancher la moindre particule ». Bullarium, t. tx, collège. Bellannin avait hardiment conseillé au pape de p. 636. Clément VIII lit également éditer les principaux ne pas s’occuper lui-môme de ces questions trop épi­ livres liturgiques, après une nouvelle revision : pon­ neuses. 11 lui prédisait qu il ne donnerait pas de défini­ tifical (IU février 1596), ibid., t. x, p. 2i6; céré­ tion sur les malirres en litige, dût une mort prématurée monial des évêques (1$ juillet 1600), ibid., p. 597; bré­ l’en empêcher. Cette franchise déplut, et le cardinal, viaire (10 mai 1602), ibid., p. 788; missel (7 juillet 160$) nommé archevêque de Capoue, dut quitter Borne à la Ibid., t. xi, p 88. Il confirma les constitutions de Pie IV lin d avril 1602. Voir Bili.i aiimin. t. n. col. 567. Clément se et de Sixte V sur l'index des livres défendus, et en lit refusait meme à hre les mémoires que de nombreuses publier une nouvelle édition augmentée (17 mai 159,3). universités lui adressaient en faveur des doctrines de Jbid., t. x. p. 53 Les pouvoir·* des cardinaux de la Molina; il pensa un moment à exiler de Home le géné­ S. C. de I Index lurent confirmés el augmentés. Ibid., ral des jésuites, Aquaviva, et seul létal de maladie de p. 230. celui-ci l’en empêcha. En même temps la cour d’Espagne Clément VIII institua à Home les prières des Qua­ se tournait contre les jésuites accusés d’empêcher la rante-Ι leures, qui devaient être célébrées alternative­ définition sou Imitée; la plupart des cardinaux étaient ment dans toutes les églises de la ville (25 novembre adversaires de Mohna, el ll.ironius lui-même, si cordia­ 1592). Ibid., t. ix, p. 6$$. Il a canonisé saint Hyacinthe, lement d< voué aux jésuites, déclarait trouver dans le De O. P., ibid., t. x, p. 123. d saint Haymond de Penaconcordia plus de cinquante propositions et phrases qui forl. O. P. Ibid., p. 687. rappelaient les erreurs pélagiennes el semqx lagiennes .·. 3* La reforme des réguliers. — Plusieurs des cons­ La cm mer, Bclelemaluni, p. 38$, noie. Cependant, au tituimus publiées par Clément \lll, pour la réforme dire d un des plus intimes confidents de Clément \ III, des réguliers, sont restées célèbres. Le 26 mai 1593, il le cardinal Μοιιο|κ>1ιο. I idée du pape ne fut jamais de donna une série de décrets sur les cas réservés, et la condamner b > propositions de Mohna, mais de définir confession au supérieur. Voir Ht <.i lieiis. C'est dans certaine* doctrines de -.mit Augustin également admises celte constitution qu’il pose un principe destiné à rendre par 1rs deux partis. Du reste, dans les d< rniers mois plus strict encore le secret sacramentel : »· Les supé­ de vie, Clement commençait à se montrer plus rieurs actuels, aussi bien que les confesseurs qui dans favorable aux théories de la Compagnie de lesus; ce la suite deviendront supérieurs, doivent éviter avec changement était dû a 1 inllm nce du cardinal du P< rron. grand soin de se servir, pour le gouvernement exlé- 85 CLEMENT VIII — CLEMENT IX rieur, «le la connaissance des Cantes qu'ils auront ac­ quise par )a coni* ·>ιοη. » Voir Ci huile <1 Urbain VIII qui la continue, Bullarium, t. xtfl, p. ‘212. Le 19 juin 1591, Clément interdit aux réguliers de faire a leurs amis ou protecteurs des présents de quelque valeur. Ibid., t. x, p. 116. Le 22 février 1596, il édicta dnor^ee mesures contre les religieux exempts qui commettraient en dehors de leurs monastères des fautes notoire** et les supérieurs qui ne les puniraient pas Ibid., t. x, p. 219. la* 15 mars 1596, il établit dans quelles condi­ tions les supérieurs pourraient donner des dimissoires à leurs intérieurs pour recevoir les ordres sacrés de 1 évêque diocésain, ou d’un autre à son défaut, Bullariurn Benedicli XIV, t. il, p. 178. Le ‘25 juillet 1599, il promulgua la célébré < Série des decrets généraux pour la réforme des régulier» tant moines (pie mendiants, de tout ordre et de tout Insti­ tut ». Bullarium, t. x, p. 662 sq. Les principaux points signalés sont Loi lice «lu chœur, les études, surtout «le casuistique el <1 Ecriture sainte, diverses applications du vœu de pauvreté, la règle du forms, la clôture, la visite des cellules par les supérieurs; le pape entre dans les plus grands détails sur l’aménagement intérieur des monastères et des cellules dont les fenêtres donnant sur la rue « doivent être tellement obstruées qu il soit impossible de voir ce qui se passe au dehors ». Le do­ cument se termine par diverses règles sur l’élection des supérieurs, l'approbation des lecteurs en théologie, pré­ dicateurs et confesseurs; les réguliers reçoivent la dé­ fense de venir à Borne, si ce n’est avec permission de leur général, ou du moins du provincial, pour une cause concernant le bien général de la province. Voir Bêgulieiis. Le 19 mars 1603, une constitution aposto­ lique porta des « décrets généraux pour la réception, f instruction et l'éducation des novices ». Bullarium, t. x, p. 768. Le 7 décembre 1601. furent établie'· (es formes que les ordres religieux devaient garder pour agréger les fidèles à leurs congrégations el confréries, et leur communiquer leurs indulgences. Ibid., I. xt, p. 138. 11 est peu d'ordres qui n'aient dù à Clément VIII une réforme ou des faveurs. Il sépara définitivement les carmes déchaussés, institués par sainte Thérèse, des carmes mitigés, et leur donna des supérieurs spéciaux. Ibid., t. x, p. 92. il approuva la nouvelle congrégation bénédictine fondée en Lorraine sous le nom de SaintVanne et Saint-llydulphe. el lui conféra tous les privi­ lèges accordes au mont Gassin. Ibid., t. xt, p. 61. 11 ramena à la regie la plus stricte les frères de Saint-Jean de Dieu, les mineurs de l’observance et les ministres des infirmes, ibid., t. x, p. 295, 299. 635, et créa des congrégations «h· trinitaires et d’auguslins réformes. Ibid., p. 529. 518, 580; l. xt. p. 128. 4· Les Eglises étrangères ft les misions. — En 1595, Clément eut la joie de recevoir les délègues du métro­ politain de Kiev el de sept évêques rulliènes, «pu venaient traiter de leur réunion avec Homo; ils ad­ mirent les décrets du concile de Florence, el le pape concéda au métropolitain de consacrer lui-même des évêques pour les sièges qui viendraient à vaquer; seu­ lement, tout nouveau métropolitain élu devrait deman­ der la confirmation de Home. Ibid., t. x. p. 239, 251. La même année, le patriarche copte «l'Alexandrie, Ga­ briel, envoya des députés à Home porter au pape son obédience. Ciaconius, Γί/r, t t\. p. 252 l'm* mi. res* Kinle constitution du 31 août 1595, Bullarium, l. x. p. 211, trancha diverses controverses qui sciaient vie- ! \ées parmi les Grecs de l’Italie du sud au sujet de leurs rites et coutumes spéciales. I ne terrible persécution avait éclaté en 1597 contre les missions du Japon, Pour venir au secours de ces chrétientés d< solées, Clément VIII permit à toutes les familles de réguliers d'y envoyer des missionnaires. I 8G Jusque-là les jésuites avaient eu le p rilleux honneur de les évangéliser. Ibid., t. x, p. C3L t. Sources. — Bullarium roman um, Turin. 1865 t. tx-xr; cardinal dCH-at. Azi/rr», Amsterdam, 1"«W; cardinal du Perron, Ambassade» ri négociations, Pari*. 1633. II. Travaux. — Artaud de Mootor, //(«tvfrr tou erramf pontifes, Paris. 1817, t. v; Audt*to, IhHoire religieuse et civile des papes, Paris, 1806, L v; fie Bceddirvre, GlèmenC VIH cl G’rnevr, dan* I*-» Études, t. xcvn; lu licheim, Geschlchte der kathollscheu Kirche in Schotltand, Mayence, 1883; Bower His­ tory of the roman popes, Londres, 177% l x a, p. 293 *q.; Branch, Geschlchte des Kircheustaates, G-aha. 1*8«), t. !, p. 301 sq. ; Chc^nlns, Vitr rf rea gesi* pontificum romano· ri*m, Home, 1677, t. iv, p. 249 -q. ; (ùcarrtla. 15 ta Cleo>mlis VIII, Rome; (Zuderc, ls vénérable cardinal BeIIarm in, Pir.«. 1’93, (. I; Cornard, Une ambassade a Rome nous Henri IV, Paris, 1960; Drgert. /y* cardinal d’Of+at, Parh 1801; Dorfd, Church history of England, I/mdres, 189), t. m. iv; îHtineer cl fleutch, Die Xelbstbiogrnphie des Cardinals Reth rm m, Bonn, 1887 ; Féret, Henri IV et t Église, Pari·», 1875; Gardiner, History of England from the accession o/ James I L ndrt1895,1.1 ; de la Briere, hi conversion de Henri IV, Pun*, 19U5; Licnirrur, Mrletematum romnnornrn manti*M, R»U*bonne, 1875; If. do I'fSpinols, La Ligue et let papes, Pari·, IfcéO; P Ri­ chard, La légation Aldobrandim et te traite de Lyon (æptrm· b/e IGÙO-murs HXH); Im diplomatie pontificale,»· » agent» au temps de Clément VHI, dan*, la Ile rue d'histoire et d· hitera· ture irhgieuaes, 1902. p. 481.7)9; 1<>M, p. 25-V<. 1 3-151; Λ O. M<‘\cr, l.lrun n» VIH und Jakob / Von d, dan« Quetlcn und Farschungen anu ital. Archiv. ur.d IhlAiolhck., Rome, 1904; L de Meyer, Historia congregationum de aiuriliis, Venin*, 17V2; Muratori.Amudi d haUa, Mibn. 1719.L Xi.p. 4sq ; PatatiUH. Gruta pontificum > omanorum, Vcni.*e, 1C88, L IV, p. U»7 aq.; Petrucrlli della Gallina. Histoire diplomatique dis conclaves, Pari», 186X, t. n, p. . 62 »q. ; Piorimg, I.a Hussie et le saint-siège, Paris. 1896; Prat, Recherches sur ht Compagnie de Jesus en France au temps du P Coton, L)· n, 1876; Rankc, Histoire de la paj>auté pendant In et xm* socles, trad. Haiber Saint-Chcron. Paris. 1818. t. π. p. ΧΠ sq.; L ni. p. 3sq.; Reumont, Gcschichte der Stadt Rom, Berlin, 1868 sq., t. m. p 599 >q. ; Sandtm, VtUr )>ontificum romanorum, l'errare, 1751, t il. p. 673 sq.; Schnermann,Cu» Crvrc/marum de da/nr gratise liberiqus arbitrii toncordia mitia el prog/i ssus. Fribourg-en-Briagau, 1*81 ; Serry (Augustin Le Blanc), Histonx congregationum de u/Lribis divinsr gratisp libri IV, L uxa n, 1700; Themer, La Suède el le samtsu ge, Paris·, 1842, t. m. J. de la Serviere. 10 CLÉMENT IX, pape (16(57-1669), successeur d'Alexandre λ 11. — L Biographie» IL Guerre de Candie el politique fram aise. 111. Ch ment IX et le jansénisme. IV. Autres actes. L Biographie. — Jules Bospigliosi, né* a Pistoie le 28 janvier l(MX). d'une vieille et noble famille, fut élève du collège* romain, puis de l'université de Pise. ou il prit son doclor.it vu philosophie et dans l'un et faulre droit. Ses relations amicales avec h> Barberini. toutpuissants -ous l’rbain VHI. lui facilitèrent l'ace*· de la chancellerie pontificale ou il lit sa carrière. Archevêque de Tarse, et nonce en Ivspagne sous Philippe IV. nommé gouverneur de Horn*» par le s.»cn’-college pendant le conclave qui élut Alexandre Vil, il fut fait cardinalprêtre et secretaire d'Etat par ce pape. Dans ces diffi­ ciles fonctions, il trouva le moyen, tout en conservant les sympathies de l'Espagne ou sa nonciature avail hissé bon souven.»·. de gagner celles de Louis XIV et de Lionne son habile ministre. Bv.ini. Clemente IX, p. 8 sq. Pendant les dernières années d'Alexandre VII, Louis XIV ayant envoyé· aux membres de h faction de I rance une lettre «pu leur recommandait, en cas de conclave, l’élection de Bospigîiosi, celui-ci < en usa en furl homme de bien, et apres avoir fait témoigner au roy une parfaite reconnaissance de celle obligation, il supplia Sa Majesté d'agreer qu'il renvoyât ladite lettre, ne pouvant en conscience, à cause des censures, avoir la moindre part à une pareille chose ». Hanotaux, Becucil des instructions, p. 221. L’estime qu’avait pour lui la cour «!<· France s'en accrut ; aussi lorsque mourut Alexan­ dre VH, dans les instructions remises au duc de Chaut- 87 CLÉMENT IX 88 mit à la voile pour la France; cet «abandon enleva tout nos. ambassadeur auprès du conclave, le nom de Bospiespoir aux défenseurs de Candie qui capitulèrent le gliOM figurait en bon rang parmi ceux des candidats re­ 5 septembre. Quand la nouvelle de ce désastre fut appor­ commandés. L’Espagne l’ayant également appuyé, et les cardinaux de la faction indépendante dite l’Escadron tée au pape, il eut un long évanouissement, et sa mort sciant sans difficulté ralliés a son nom, il fut élu pape Suivit bientôt. Gérin, Louis XIV, p. 314 sq. le 20 juin 1667, après dix-neuf jours seulement de con­ Ces secours si parcimonieusement offerts par h France à la chrétienté, Clément IX avait dù les paver clave. Le cardinal de Betz et le duc de Cbaulnes vou­ lurent se faire honneur de celte élection, et ce dernier par des sacrifices de toute espece; les exigences de écrivait à Louis XIV avec une singulière exagération : Louis XIV et de Lionne, son ministre, devinrent into­ « Le roy ne fait pas plus absolument à Paris le pré­ lérables à la fin du règne du pape. Tantôt des chapeaux vôt des marchands qu’il a fait le pape » (21 juin 1667). de cardinaux étaient réclamés pour des prélats peu Gérin, Louis XIV, p. 192. Cf. Gazier, Dernières années, dignes de cet honneur; et les ministres imploraient sans p. 110 sq. De fait, le pape se p roc Lima toujours le sin­ cesse de nouveaux bénéfices pour leurs parentsou leurs cere ami de la France, et malgré les terribles exigences protégés. Tantôt les évêques français prenaient sur eux du roi. conserva pendant son pontifical trop court d’ex­ de supprimer un certain nombre de fêtes chômées sans cellentes relations avec lui. prévenir Clément IX, qui ne demandait qu’à accorder Les dépêches des agents français à Borne rendent les dispenses nécessaires; et malgré les réclamations sans cesse témoignage des vertus de Clément IX :· piété, du pape, le roi leur interdisait de rapporter leurs assiduité aux fonctions publiques de sa charge, ten­ ordonnances. Tantôt des modifications profondes étaient dresse pour les pauvres, modestie..., qui rappelaient apportées à la condition des religieux français; tel ce les plus saints de m*s prédécesseurs. » Gérin, Louis XI Γ, célébré arrêt,donné par le conseil d’Etat le ί mars 1669, p. 229 sq. Il prit d’excellentes mesures pour diminuer et connu sous le nom d’arrêt d’Agen, parce que son le» impôts qui pesaient trop lourdement sur son peuple, occasion fut un différend entre l’évêque d’Agen et cer­ et faciliter les relations commerciales entre les diverses tains réguliers de son diocèse; il soumettait entière­ provinces de l’Etat pontifical, pour introduire à Borne ment les réguliers exempts aux ordinaires pour la pré­ diverses industries. Ciaconius, l’if®, t. iv, p. 776 sq.; dication et la confession, cf. Procès-verbaux du clergé, B rose h, Geschidde, p. 436. Il avait abandonné à ses t. v, pieces justif., p. 21 sq.; aux plaintes répétées de neveux ses biens patrimoniaux ; il leur refusa toute autre Clément IX. Louis XIV répondait simplement « que si Sa faveur. Clément IX mourut prématurément le 30 no­ Sainteté vouloit bien expédier une bulle qui contint les vembre 1669, et I abbé de Bourlémont, chargé d’affaires mêmes règleinens portés dans l’arrêt, il la feroit rece­ de France, écrivait avec raison à Louis XIV : « Votre voir dans son royaume, en l’autorisant de ses lettres Majesté y perd beaucoup, et toute la chrétienté. » patentes ». Celte affaire ne fut réglée que sous le pon­ IL Gi.erre de Candie et poutiqi e française. — A tifical suivant. Gérin, Louis XI Γ, p. 370 sq. peine élu. Clément IX s’occupa activement de réconcilier Les égards témoignés au pape par le roi dans ses lettres, la France cl l’Espagne, afin d’unir leurs efforts contre les la permission donnée par Louis XIV de démolir à Borne Turcs, qui depuis plusieurs années assiégeaient Candie. la pyramide élevée par Alexandre VU à la suite de Louis XIV, tout entier a ses complètes de Flandre et de l’a (Taire de la garde corse, le choix fait de Clément IX Franche-Comté, prolestait au pape de ses intentions comme parrain du dauphin étaient de maigres compen­ pacifiques, mais ne s’arrêta que quand il vit la Triple sations à tant d’aflrouts. Alliance se former conlre lui. Du moins, aux conférences La politique de Louis XIV apparui dans toute sa du­ d Aix-la-Chapelle, en mai 1668, le nonce de Cologne, reté lors de la négociation connue à celte époque sous Franciotti, légal du pape, présida les séances, et le préam­ le nom de « démariage de Marie de Savoie ». (Selle prin­ bule contint une mention honorable des efforts faits par cesse, fille de Charles-Amédée de Savoie, duc de Ne­ Clément IX pour terminer la guerre. Gérin, Louis XIV, mours, avait été mariée en 1666 à Alphonse VI, roi de p. 227 sq. Portugal; le roi de France espérait maintenir par ce La « guerre de Camlie · fut la grande préoccupation moyen le Portugal dans son alliance. L’époux imposé «à du régne de Clément IX. Le pape harcelait Louis XIV Marie de Savoie était « un monstre au physique et au de lettres ou il l’exhortait à la croisade. Des indulgences moral, infirme depuis son enfance, aussi peu propre furent accordées aux fideles qui prieraient pour la dé­ au mariage qu’à la royauté ». Après quelques mois d’une livrance de File assiégée; les biens de diverses congré­ vie intolérable, la jeune reine s’enfuit le 21 novembre gations que le pape venait de supprimer attribués aux 1667 au couvent des religieuses de ΓEspérance de Lis­ Vénitiens pour les aider à défendre leurs possessions bonne, et déclara qu’elle n’en soi lirait que pour rentrer contre l’ennemi commun. Ihdlarium, p. 727, 737, 739, en France; son beau-frère, dom Pedro, vint à son aide; 718. Enfin un jubilé spécial fut accordé au royaume de et une révolution de palais, suscitée par lui, le lit régent France en 1669 pour tous ceux qui contribueraient a la du royaume, Alphonse VI étant considéré comme inca­ guerre sainte par leurs prières et leurs aumônes. Ibid., pable de régner. Pour maintenir les résultats de l’union p. 763. En France, l’enthousiasme était grand, et de négociée par lui deux ans auparavant, Louis XIV con­ toutes paris les volontaires se présentaient; la po­ seilla à la reine Marie de faire casser son mariage avec litique de Louis XIV, qui voulait garder son alliance Alphonse, pour cause d’impuissance de celui-ci, et avec le Turc, empêcha tout n sullat sérieux. En 1668, il d’épouser dom Pedro; pour éviter les intrigues de se d'cid«i à faire partir Ιλ Feuillade, duc de Bouannez, l’Espagne à la cour de Borne, on demanderait les dis­ avec 500 gentilshommes de la premiere noblesse; Clé­ penses nécessaires, non au pape, mais au chapitre de ment IX leur avait concédé pour plus de 30000 livres Lisbonne, le siège patriarcal étant vacant. Le 24 mars de renies sur les biens d’Église du royaume; enrôlés, 1668, trois juges délégués par le chapitre annulèrent non sous la bannière de France, mais sous celle de le premier mariage de Marie de Savoie, mais n’osèrent Malle, ils ne purent s’entendre avec la garnison véni­ concéder la dispense de l’empêchement d’honnêteté tienne de Candie, et revinrent en France au début de publique qui lui interdisait d’épouser le frère de son P69 Une expédition de 6000 hommes, commandée par premier mari. A ce moment, le cardinal de Vendôme, oncle de la jeune reine, se trouvait en France, avec les 1· doc de Nava»!!. -. sVinkirqii i .dors sur la Holte ois, Gondrin, p. 2Ü| sq. Apres avoir protesté de leur amour de la paix et de leur respect pour le Siège apostolique, les évêques déclaraient qu'ayant appris que la formed adhé­ sion au formulaire d Alexandre VII adoptée par plu­ sieurs de leurs collègues était la plus agréable au saintsiège. ils avaient voulu les imiter. < Ayant donc réuni comme eux nos svnodes diocrsains, nous avons commandé une nouvelle signature du formulaire, el nous l'avon* donnée les premiers; ce que nos collègues ont exposé à leurs clercs nous l avons exposé aux nôtres, l'obéissance qu’ils ont ordonnée en­ vers les constitutions apostolique*», nous l'avons ordon­ née, Pt nous sommes entièrement joints à eux pour la discipline, comme nous l’étions déjà pour la doctrine. » Ils attestaient enfin avoir toujours eu a l’egard de l’Eglise de Home « la même disposition d'esprit et de en ur qu’ont eue les évêques de l’Église gallicane dans les premiers siècles de l’Église, el qui a toujours été fort agréable au saint-siège ». Relation, L I. p. 158. Cf. Du­ bois, Gondrin, p. 222 sq,; du Mas, Histoire, t. II, p 178. Hestail à obtenir les signatures des quatre accusés. Henri Arnauld, évêque d’Angers,el Choartde Buzenval, évêque de Beauvais, promirent les leurs sans difficulté; Caulet. évêque de Pamiers. suivait en tout les exemples de *on collègue Pavillon d’Alel ; tout dépendait donc de celuici. Or Pavillon, homme d’une grande austérité de vie et d'un zèle pastoral incontesté, répugnait à tout accom­ modement < qui tendrait à obscurcir, disait-il, par des expressions ambiguës les choses que je me suis cru obligé d’exposer nettement dans mon mandement, ou qui semblerait blesser la dignité de notre caractère ». Lettre à l’archevêque de Sens, 18 juin 1668, Relation, l. il. p. 10. El plus tard (22 août 1668), il écrivait au même archevêque : · L’essentiel pour nous, dans celte a (Taire, est que la doctrine de nos mandernens ne reçoit e pas d’atteinte, et que nous ne donnions pas sujet de croire que nous y aions renoncé par 1 accommodement Pour cela il faut nécessairement en parler dans la lettre au pape, el marquer que le changement que Ton fait dans la forme el dans la manière de souscrire ne touche point au fond el a la substance des mandernens. » Ibid., p. 188. Gondrin eut l’audace de lui répondre, en l’enga­ geant à signer la lettre sans changements : < Il n est venu dans l’esprit de qui que ce soit qu’il y ait un seul mol, dans la lettre qu’on vous propose d écrire au pape, endant Pavillon et ses collègues réunissaient, comme ils l’avaient promis, leurs svnodes diocésains pour la signature du formulaire. Le 18 septembre 1668, l’évêque d’Alel donna à ses prêtres les explications suivantes en leur demandant une nouvelle signature 1 > I I J 91 CLÉMENT IX du formulaire d’Alexandre VII : « Nous vous déclarons que, par celle signature, vous devez, vous obliger à con­ damner sincèrement. pleinement, et sans aucune réserve ni exception, tous les mauvais sens que les papes et l’Église ont condamnés et condamnent dans les cinq propositions. Nous vous déclarons que ce seroit faire injure à l'Eglise que de comprendre, entre ces sens condamnés dans ces propositions, la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas sur la grâce efficace par elle-même, nécessaire à toutes les actions delà piété chrétienne; nous vous déc’arons, en troisième lieu, qu’à l'égard du fait contenu dans ledit formulaire, comme dit est, vous êtes seulement.obligés à une soumission de respect et de discipline, qui consiste à ne vous point élever contre la décision qui en a été faite, et à demeu­ rer dans le silence, pour conserver l'ordre qui doit régler, en ces sortes de matières, la conduite des infé­ rieurs à l’égard des supérieurs ecclésiastiques, parce que l'Eglise, n’i tant point infaillible dans ces sortes de faits qui regardent le sens des auteurs ou de leurs livres, elle ne prétend point obliger par la seule autorité de sa décision ses enfants à les croire. » Relation, l. n, p. 270sq. ; du Mas, Histoire, t. n, p. 193 sq. Une telle interpré­ tation du formulaire, et de la lettre que Pavillon luimême venait de signer, étonne fort dans la bouche d'un adversaire aussi déclaré de l’équivoque et des restric­ tions mentales. Des commentaires du même genre furent donnés par l’évêque de Panders dans son synode diocé­ sain; les évêques d’Angers et de Beauvais, plus prudents, ne réunirent qu’un petit nombre de prêtres dont ils étaient sûrs. La lettre des quatre évêques parvint àRomeau milieu de septembre. Clément IX, poussé par l’ambassadeur de France qui demandait au plus vile la conclusion de la paix, tint une congrégation le 28 septembre 1668; il y lit approuver un projet de bref à Louis XIV dans lequel il prenait acte « de ce que les quatre évêques s'étaient engagés sous la caution du roi à signer et faire signer le formulaire purement et simplement (simplici ac para subscriptione) et se félicitait d’une soumission et d’une obéissance (obedienliani et obsequium) qui le dispen­ saient de recourir à la rigueur ». Gérin, Louis XII', t. tt, p. 305, 306. Le bref du pape arriva à Paris le 10 octobre, et fut rendu public le 11. Ce fut une joie générale dans tout le camp janséniste; le 13 octobre, Arnauld et Nicole furent présentés au nonce Bargellini qui leur lit bon accueil : le 24 octobre, le roi, les princes et les ministres les recevaient; le 31, Saci quittait la Bastille. Cependant les nouvelles commençaient à se répandre de ce qui s’était passé aux synodesd'Alet el de Pamiers· Abelly, évêque de Rodez, avait presque aussitôt dénoncé à Rome le manque de sincérité des quatre prélats et de leurs protecteurs. Rapin, Mémoires, t. ni, p. 464 sq. Clément IX, avant de répondre à la lettre de soumis­ sion, demanda des explications au nonce Bargellini ; celui-ci s’adressa à Vialart, évêque de Chàlons, le seul des évêques médiateurs qui fût alors à Paris. Vialart ne craignit pas d'envoyer l'attestation suivante: « Los quatre évêques et les autres ecclésiastiques ont agi de la meilleure foi du monde; ils ont condamné et fait condamner les cinq propositions avec toute sorte de sincérité, sans exception ni restriction quelconque, dans tous les sens que (’Église les a condamnées... Et quant à l’attribution de ces propositions au livre de Jansénius, évêque d’Ypres. ils ont encore rendu, el fait rendre au saint-siège, toute la déférence el l'obéissance qui lui est due, comme tous les théologiens conviennent qu’il la faut rendre au regard des livres condamnés, selon la doctrine catholique soutenue dans tous les siècles par tous les docteurs, et même en ces derniers temps par les plus grands défenseurs de l’autorité du Saint-Siège,tels qu’ont été les cardinaux Baronins,Bellar- 92 min, de Richelieu, Pallavicin, et les Pères Petau et Sirmond ». Le grand Arnauld ajouta à cette lettre : « .l'atteste aussi la même chose,quoique indigne de mettre mon nom avec celui de ces illustres prélats. » 3 décem­ bre 1668: Relation, t. il, p. 405 sq. Cf. Dubois, Gondrin, p. 240 sq. C'est seulement après la réception de cette lettre que Clément IX répondit aux quatre évêques. Son bref, donné le 19 janvier 1669, ne laissait aucun doute sur le sens qu'il attachait à leur soumission. Le pape se dé­ clarait heureux que les prélats « aient souscrit sincère­ ment et fait souscrire le formulaire contenu dans les lettres du pape Alexandre VII... Et quoique, à l'occasion de certains bruits qui avaient couru, nous avions cru devoir aller plus lentement en cette affaire (car nous n’aurions jamais admis à cet égard ni exception ni res­ triction quelconque, étant 1res fortement attaché aux constitutions de nosdils prédécesseurs) présentement toutefois, après les assurances nouvelles el considé­ rables qui nous sont venues de France, de la vraie et parfaite obéissance avec laquelle vous avez sincèrement souscrit le formulaire, outre qu’ayant condamné sans aucune exception ou restriction les cinq propositions, selon tous les sens dans lesquels elles ont été· condam­ nées par le siège apostolique, vous êtes inliniment éloi­ gnez de vouloir renouvelle!· en cela les erreurs que ce même siège y a condamnées..., nous avons voulu vous donner ici une marque de notre bienveillance pater­ nelle ». Relation, t. n, p. 411. Quelques jours apres cet acte, les religieuses de PortRoyal qui. plus Gères et plus franches que leurs doc­ teurs, avaient longtemps hésité à souscrire une formule calquée sur celle des quatre évêques, s’exécutèrent à leur tour; Arnc.iù avait triomphé de leurs résistances en leur faisant observer qu’elles ne devaient pas de­ meurer « dans une roule aussi écartée que celle que vous suivriez si, sans consulter aucun prêtre ni aucun évêque, vous vous engagiez dans une résolution qui se­ rait improuvëe généralement de tous les pasteurs de l'Eglise », Sainte-Beuve. Port-Royal, I. tv, p. 404; le 18 février, l’interdit qui pesait sur le monastère fut levé. Il semble que vers celte époque le pape ait eu con­ naissance du texte même des procès-verbaux des synodes tenus par les quatre évêques. Au dire du Père Rapin. Mémoires, t. ni, p. 471 sq., ce texte avait été envoyé au Père Annal, confesseur de Louis XIV, par des ecclé­ siastiques d'Alet el de Pamiers. Le Père le lit passer au cardinal Albizzi qui le mil sous les yeux du pape; Clé­ ment IX réunit une congrégation de douze cardinaux qui constatèrent la fraude des quatre évêques, mais ju­ gèrent plus prudent de laisser dormir l'affaire pour ne pas irriter le roi de France. Rapin, Mémoires, t. ni, p. 491 sq. Les d pêches de Lionne menaçaient << d’un schisme formel et très considérable dans l’Eglise », si le pape manifestait de nouvelles exigences. Cf. Dubois, Gondrin, p. 254 sq. Du moins Clément IX, dans une dernière lettre à Louis XIV (26 février 1669), affirma de nouveau qu’il n’avait pardonné aux quatre évêques que parce qu'il avait reçu d'eux « une sincère obéis­ sance », et se refusa absolument à supprimer le for­ mulaire d’Alexandre VIL Gérin, Louis XIV, t. n, p. 309 sq. On le voit, Clément IX n'a pas pensé autrement que ses prédécesseurs sur la distinction fameuse du droit et du fait; et il est étrange de voir un des auteurs qui ont étudié le plus sérieusement cette époque conclure ainsi son récit : « Le roi de France et le pape, éclairés enfin sur les intentions de Port-Royal, et soustraits pour un moment à l'influence des jésuites, cessèrent d'insister sur le fait de Jansénius, et se contentèrent du silence respectueux. » Gazier, Dernières années, p. 145. Clément XI, quelques années plus tard, appréciait tout Q3 CLÉMENT IX — CLÉMENT X autrement cet événement dans la bulle Vineam Domini Sabaoth, et montrait en Clément IX « une adhésion très ferme aux constitutions de ses prédécesseurs ». Pullarium, t. xxt, p. 231. Il reste vrai cependant que la condescendance du pape, fermant les yeux sur la dupli­ cité des quatre évêques et de leurs protecteurs, eut de funestes ell'cts. Elle permit aux jansénistes de soutenir que leurs doctrines avaient son approbation, el que la distinction du droit et du fait était tolérée par Borne. Protégés par un arrêt du conseil d’État qui défendit le 23 octobre 1668 « à tous les sujets du roy de s’attaquer ni provoquer les uns les autres, sous couleur de ce qui s'est passé, usant des termes d’hérétiques, jansénistes el semipélagiens, ou de quelque autre nom de parti », Delation, t. n, p. 230 sq. ; du Mas, Histoire, t. il, p. 22(5, ils répandirent leurs doctrines pendant trente ans, et créèrent un parti que les plus rigoureuses mesures furent dans la suite impuissantes à anéantir. A l'allaire des quatre évêques se rattache un épisode qui mérite d'être traité à part. La traduction française du Nouveau Testament, dont Saci était l'auteur princi­ pal. avait été terminée en 1607 ; le chancelier Séguier avant refusé le permis d'imprimer en France, l'ouvrage fut publié sous le nom d'un libraire de Mons, avec les approbations d'un docteur de Louvain et de deux évêques, el un privilège du roi d'Espagne; il sortait des presses des Elzévir à Amsterdam. La vente commença à Paris en avril 1607, et la mode s'en mêlant, le succès fut immense. Le Père Maimbourg, jésuite, attaqua l'ou­ vrage dans une série de sermons prêches à l’église de la maison professe de Paris; Arnauld riposta par une Défense de la traduction du Nouveau Testament im­ primée à Huns contre les sermons du P. Maimbourg, jésuite. Deux ordonnances de llardouin de Pêrélixe, archevêque de Paris (18 novembre 1667; 20 avril 1668), interdirent la lecture de la traduction. Enfin un décret de Clément IX la condamna le 20 avril 1668 « comme téméraire, dangereuse, en désaccord avec Ia Vulgate, et contenant des propositions scandaleuses pour les faibles ». Hullarium, t. xvn, p. 657. Quelques jours auparavant une condamnation analogue avait frappé le rituel d'Alet, édité par Pavillon. Ibid , p. 629. Ces deux constitutions ne furent pas publiées en France; et le parlement les supprima comme contraires aux libertés gallicanes; les réclamations de Clément IX n'eurent aucun résultat. Gérin, Louis XI V, t. il p. 245 sq. IV. Autres actes. — Quelques actes intéressants de Clément IX restent encore à signaler. 11 accorda à Louis XIV, par plusieurs brefs, le droit de nomination aux évêchés et à d'autres bénéfices dans les pays récem­ ment conquis par ses armes. Hullarium, t. xvn, p. 637, 617, 702, 70'i. Lorsque la paix, signée le 15 février 1068 entre l'Espagne el le Portugal, eut consacré l’indépen­ dance de ce royaume, Clément confirma les élections faites aux évêchés et aux bénéfices en Portugal depuis la révolte, et reçut un ambassadeur portugais. Artaud, Histoire, p. 97 sq. L'ne Congrégation romaine a été créée par lui : celle des Indulgenceset Reliques (6 juillet 1669' Hullarium, t. xvn, p. 805; une autre, celle des Régulù.s, r organisée et confirmée (Il avril 1668). Ibid., p. 655. On ne lui doit qu'une seule béatification, celle de Rose de Lima, le 12 février 1668. Ibid., p. 628. Il a concédé à l'Etat pontifical et à plusieurs ordres religieux l'office et la messe de la conception de la sainte Vierge. Ibid., p. 569, 583, 597. Il accorda à la Compagnie de Jésus, le 20 septembre 1668,1a suspension de l'ordonnance d'Innocent X qui imposait la convocation d une congrégation générale tous les neuf ans, ibid., p. 721 ; supprima les congré­ gations de Saint-Georges in Alga à Venise, des jésuates, et de Saint-Jérôme de Fiésoles (6 décembre 1668), ibid., p. 737; par contre il rétablit l’ordre des pauvres clercs de la mère de Dieu pour les écoles pies, sécularisé 94 par Innocent X et Alexandre Vil (23 octobre 1669). Ibid., p. 827. Plusieurs ordonnances réprimèrent divers abus qui s’étaient introduits dans les missions : inter­ diction de tout commerce aux missionnaires des Indes Orientales et de l'Amérique (17 juin 1669); ordre aux réguliers de la Chine d'obéir aux vicaires apostoliques dans l'exercice de leurs facultés, et de subir leur visite quand ils exerceraient les fonctions curiales (13 sep­ tembre 1669); confirmation de décrets d'Alexandre VU et de la Propagande pour le rétablissement de la disci­ pline sur plusieurs points délicats à Goa el dans les Indes Orientales (13 septembre 1669). Ibid., p. 798. 815, 819. Clément IX favorisa l'établissement de la So­ ciété des missions étrangères de Paris en approuvant, sur le rapport du cardinal Bona, ses instructions ou Monita; il régla en même temps que les membres de la Société ne prononceraient pas de vœux. Launay, His­ toire générale, t. 1, p. 163 sq. I. Sources. — Hullarium romanum, Turin, 1869, t. xvn : Recueil îles instructions données aux ambassadeurs et mi­ nistres de France, Paris, 1888,1.i, p. 213 sq. : Procès-verbaux des assemblées du clergé de France, Paris, 1767 sq., t. 1. II. Travaux. — Artaud de Mentor, Histoire des souverains pontifes, Paris, 1847, t. vt, p. 90 sq.; Audisio, Histoire reli­ gieuse et civile des papes, Paris. 1896, t. V. p. 104 sq. : Beani, Clemente IX, notizie storiche, Pralo. 1893; Bower, History of the roman popes, Londres, 1746, t. x; Bozon. Le cardinal de Retz à Rome, Paris, 1878. p. 79 sq. : Brosch, Geschichte des Kirchenstaates, Gotha, 1889, t. i. p. 434 sq. ; Gauchie. Z.x paix de Clément IX, dans la Revue d'hist, et de 'itt. relig., 18! 8. t. Ill, p. 481 sq. ; Chantclauze. Le cardinal de Retz et ses missions diplomatiques, Paris, 1879; fjaconius, Vitseet res gesta' ponti­ ficum romanorum, Rome, 1677, t. iv; Dubois, Henri de Pardaillan de Gondrin, .’Jençi.n, 1902. du Mas, Histoire des cinq propositions de Jansénius, Trévoux, 1702; Gazier, Les dernières années du cardinal de Retz, Paris, 1875; Gérin. Louis XIV et le saint-siège, Paris, 1894, t. n, p. 178 sq. ; Jungmatin. Disser­ tationes selectte in historiam ecclesiasticam, Ratisbonne. 1887, t. vn. p. 262 sq. ; Launay, Histoire générale de la Société des missions étrangères, Paris, 1894; Muratori, Annali d'Italia, Milan. 1749, t. xi; Palatins, Gesta ponti/lcum romanorum. Ve­ nise. 1688, t. iv, p. 623sq. : Petrueelli delta Galtina, Histoire diplo­ matique des conclaves, L m, p. 197 sq.: Ranke, Die rômischen Piipste, Leipzig, 1874, t. m. p. 33 sq., 7l sq., loi sq.: Relation de ce qui s'est passé dans la paix de l Église (par l'abbé Véret, grand-vicaire de Sens). Paris, 1706; Reumont, Geschichte der Stadt Rom, t. m, p. 631 sq.: Sainte-Beuve, Port-Royal, Paris, 1888, t. IV; Sandinus, Vitæ pontificum romanorum, Ferrure, 1751, t. n, p. 690 sq.; Terlinden, Clément IX et la guerre de Candie, Louvain, 1904. J. de la Servi ère. 11. CLÉMENT X, pape (1670-1676), successeur de Clément IX. Émile Altieri naquit à Rome, le 15 juillet 1590, d'une noble famille dont il était le dernier rejeton mâle; devenu pape, il assura la continuation de son nom en le transmettant, avec ses armes el sa fortune personnelle, au cardinal Paluzzi et â son neveu Gaspar, qui avait épousé Laure-Catherine Altieri. Après de bonnes études de droit civil et de droit canon, il lit ses débuts dans la diplomatie, comme audi­ teur de la nonciature de Pologne, puis fut nonce â Naples et en Pologne; en 1627, il était évêque de Ca­ merino. Alexandre VII le lit secrétaire de la S. C. des Evêques et Réguliers, Clément IX, président de la Chambre apostolique; un mois avant sa morl, ce der­ nier pape lui donna la pourpre en lui disant gaiement : « Vous serez notre successeur. » Le conclave qui suivit la mort de Clément IX fut long et agité, â cause des rivalités des factions de France et d'Espagne. Le duc de Chaulnes, qui avait contribué a l'élection de Clément IX, avait été de nouveau envoy à Rome par Louis XIV comme ambassadeur extraordi­ naire auprès du conclave. Il fut moins heureux quVn 1667, et ne put enlever l'élection d'aucun de ses candi­ dats; après cinq mois de luîtes, les divers partis réuni­ rent par lassitude leurs sullragcs sur le cardinal Altieri. .95 CLÉMENT X dont le grand âge laissait la porte ouverte à toutes les espérances (29 avril 1670); son nom ne figurait même pas dans l'instruction remise par Lionne au duc de Chaulnes. Cl'. Hanotaux, Recueil des instructions, t. i. p. 227; Gérin, Louis XIV et le Saint-Siège, t. Il, p. 404 sq. Clément X et son neveu d'adoption, le cardinal Paluzzi Altieri, s’efforcèrent d’encourager le commerce et l’industrie dans les Etats pontificaux; un décret du 15 mars 1671, Bullarium, p. 229, statua que les nobles romains pouvaient, sans déroger, se livrer au commerce de détail. Il éleva à Rome un hospice pour les nouveaux convertis, construisit le palais Altieri, embellit le pont Saint-Ange et la place Saint-Pierre, et secourut avec une grande charité les victimes du tremblement de terre qui éprouva l’Italie en 1675. Son gouvernement ne fut cependant pas populaire, à cause des impôts nouveaux que le cardinal Altieri crut devoir établir. L'un d'eux surtout, un droit de 3 0/0 qui frappait toutes les mar­ chandises entrant à Rome, même à l'adresse des cardi­ naux ou des ambassadeurs, causa un mécontentement universel; les ambassadeurs protestèrent avec une telle violence qu'Altieri ne put parvenir à faire observer son décret. Gérin, o/>. cil., p. 516 sq. D'autres graves dé­ mêlés surgirent entre la curie et l'ambassade de France, gérée alors par le duc d’Estrées, et son frère, le cardi­ nal évêque de Laon, protecteur des affaires du royaume. Nominations de cardinaux et de bénéficiers, exemptions des taxes auxquelles la cour de Rome prétendait, droit d’asile réclamé par l'ambassadeur, non seulement dans son palais, mais dans le quartier avoisinant, tout devint prétexte aux plus blessantes entreprises des d’Estrées contre le pape et celui qu'ils appelaient « son neveu postiche ». Gérin, op. cit.. p. 538-610. En même temps commençait en France celle série de mesures arbitraires et contraires aux droits de l’Eglise qui devaient aboutir sous Innocent XI à une rupture ouverte avec la cour de Rome. En août 1670, Clément X dut répondre à l'ar­ rêt d’Agen, dont il a été question précédemment, voir col. 88, par une importante constitution qui règle les rap­ ports entre évêques et réguliers pour la confession et la prédicalion; on en trouvera plus bas l’analyse. En 1673, Louis XIV décréta de sa propre autorité la suppression de divers ordres militaires et hospitaliers, et la trans­ formation de ceux de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, dont le roi prenait la grande maîtrise; il établit la même année à Paris et dans tout le royaume des officiers à charges vénales, dont le ministère était nécessaire « pour toutes les expéditions et provisions ecclésiastiques et spirituelles émanées de Rome et d’Avi­ gnon ». L’édit allait jusqu'à déclarer « nuis et de nul effet » les décrets pontificaux obtenus par une autre voie. Procès-verbaux. du clergé, t. v, p. 262 sq. Cf. Gérin, Louis XIV, p. 497. Un envoyé spécial, l'abbé Cocquelin, vint à Rome essayer d'arracher au pape la ratilicalion de ces mesures; il devait de plus obtenir la sécularisa­ tion d’une foule de petits monastères, l’imposition de la règle de Saint-Maur à toutes les congrégations béné­ dictines, la faculté pour le roi d’imposer, sur tous les bénéfices à sa nomination, des pensions perpétuelles s'élevant jusqu'au tiers du revenu. Le pape répondit, le 22 avril 1673, par une lettre qui mérite d'être placée à côté des brefs célèbres d’Innocent XI contre la régale; tout en se montrant disposé à certaines concessions pé­ cuniaires, il refusait absolument de ratifier les décrets portés par le pouvoir civil au mépris de l’autorité apos­ tolique. Gérin, op. cit., p. 497, 498. En 1673 et 1675, toutes les églises du royaume furent soumises, par décla­ ration royale, au droit de régale qui n’atteignait jusque là que les évêchés fondés par les rois de France; les archevêques et évêques qui n’avaient pas encore « clos leur régale » devaient accomplir cette formalité dans les six mois, en faisant enregistrer leur serment. 96 Ces ordonnances étaient en contradiction avec un décret du II» concile général de Lyon qui, en autorisant la régale dans les évêchés ou elle existait, avait détendu de l’introduire dans d'autres. Voir Régale. Les prédé­ cesseurs de Louis XIV, malgré les prétentions contraires des parlements, avaient respecté cette déiense. Gérin, Recherches historiques sur /'Assemblée de 1682, Paris, 1870, p. 39. Deux prélats, Caulet, évêque de Pamiers, et Pavillon, évêque d’Alet, dont nous avons raconté dans l'article précédent l'obstination janséniste, voir col. 90-91. furent cette lois mieux inspirés; ils refusèrent de prêter le serment demandé et de recevoir les bénéficiers pourvus en régale par le roi dans leurs diocèses. Clément X avait été informé de celte affaire; mais elle ne fut réglée que par ses successeurs. Les efforts laits par le pape pour maintenir ou rétablie la paix entre les princes chrétiens, et les liguer contre les Turcs, qui depuis la prise de Candie menaçaient l'Italie, contrarièrent souvent la politique française. On voit ainsi, en 1672, Clément X s’entremettre pour ré­ concilier Gênes et la Savoie, et écrire à l’électeur de Cologne pour le détourner de se joindre à la France contre la Hollande. Gérin, Louis XIV et le saintsiège, t. n. p. 483. En 1675 et 1676, il offre sa médiation pour apaiser la guerre rallumée entre la France et la maison d'Autriche; pendant que ses ouvertures étaient bien accueillies à Vienne et à Madrid, Louis XIV n'y faisait que des réponses dilatoires, et le pape mourut sans avoir vu la réunion du congrès d’où devait sortir la paix de Nimégue. Gérin, op. cit., p. 626, 612, 643. En même temps, Clément X aidait de ses subsides el de ses encouragements les Polonais qui, sous la con­ duite du grand maréchal Jean Sobieski, remportèrent sur les Turcs la victoire de Clioczim (lOnovembre 1673). L'incapable roi de Pologne, Michel Korybuth, étant mort ce même jour, Jean Sobieski fut élu pour lui suc­ céder, à la grande joie du pape (21 mai 1674). Malheu­ reusement, sous l’influence de l’ambassadeur de France en Pologne, Forbin-Janson, évêque de Marseille, le nouveau roi entama presque aussitôt avec les Turcs des négociations qui devaient aboutir à la funeste paix de Zurawno (1676). Gérin, op. rit., p. 521 sq. En 1673, le grand duc de Moscovie, Jean Basilitz, envoya une ambassade au pape pour lui demander la confirmation de son titre de tsar; l’attachement du grand duc au schisme empêcha le succès de sa requête. Malgré son grand âge, Clément X avait conservé ses forces et sa lucidité d’intelligence, et il n’est pas exact qu’il ait abdiqué son pouvoir entre les mains du cardi­ nal Altieri, comme le lui reprochait l’ambassadeur de France. Cf. Mémoire des intrigues, p. 15 sq.; Gérin, op. cit., p. 435 sq. Au commencement de juillet 1676, il fut pris d’hydropisie; le 22 juillet, il reçut l’extrêmeonction, sans que le cardinal d’Estrées, qui lui devait la pourpre, eût voulu paraître à la cérémonie; il mourut le même jour. On doit à Clément X la canonisation, déjà préparée par Clément IX, de saint Pierre d’Alcantara et de sainte Madeleine de Pazzi (Il mai 1670), Bullarium, t. xvm, p. 1, 11; celles de saint Gaëtan de Thienne et de saint François de Borgia (H juin et3 juillet 1671), ibid., p. 233, 236; de sainte Rose de Lima et de saint Louis Bertrand (12 avril 1671), ibid., p. 187, 215; de saint Philippe Benili (4 juillet 1672). Ibid., p. 314. H a béatifié Pie V (27 avril 1672), ibid., p. 304; Jean de la Croix et François Solano (25 janvier 1675), ibid., p. 526 ; les martyrs de Gorcum (14 novembre b’75). Ibid., p. 600. H a créé le siège épiscopal de Québec en faveur de Msr de Laval (1675). Les auerelles du jansénisme semblaient assoupies par la paix de Clément IX; le seul acte important de Clément X contre la secte est son approbation du decret de l’index condamnant l’écrit d'Adam Widenfelt, CLÉMENT X - - CLÉMENT XI 97 Avertissemens salutaires de la Bienheureuse Vierge à ses dévots indiscrets, qui avait excité d'ardentes po­ lémiques (19 juin 1674). Cf. Hurler, Nomenclaltir, t. n, col. 53. Le pape se refusa à rapporter le formulaire d'Alexandre VII. malgré les instances de Louis XIV. Gérin, op. ci/., t. il, p. 412. Le 21 juin 1670 fut publiée, comme il n été dit col. 95, la célèbre conslilution Superna magni Patrisfamilias, Bullarium, t. xvm, p. 55 sq., qui règle les privilèges des réguliers par rapport à la prédicalion et à la con­ fession. Après avoir rappelé les décrets du concile de Trente sur la matière, le pape, pour apaiser des contro­ verses récemment soulevées, donne les explications et décisions suivantes : Pour prêcher aux fidèles dans leurs églises propres, les réguliers doivent avoir l’approbation de leurs supé­ rieurs, et, de plus, demander la bénédiction de l’évêque; il n'est pas nécessaire qu’ils obtiennent cette bénédic­ tion; au cas seulement où l'évêque leur interdirait for­ mellement la prédicalion, ils doivent s'abstenir. Pour prêcher dans une église étrangère, outre l'approbation de leurs supérieurs, il leur faut la permission de l'évêque diocésain ; celui-ci peut les soumettre à un examen préa­ lable, et la permission une fois accordée peut être sus­ pendue « pour des causes raisonnables, même occultes, mais concernant le ministère de la prédication «.Cepen­ dant l'évêque ne peut faire aux réguliers une défense g ru rale de prêcher dans les églises de leur ordre. Pour la confession, l'approbation de l'évêque diocé­ sain est nécessaire aux réguliers, quand même ils seraient approuvés pour un autre diocèse auquel les pénilentsqui se présentent appartiendraient. Une appro­ bation distincte est exigée pour les confessions des reli­ gieuses, et les pouvoirs donnés pour un couvent ne s'étendent pas à d'autres. En revanche, dans les mo­ nastères, « ou même les collèges ou la vie régulière est en vigueur, les supérieurs réguliers, aussi bien que les confesseurs des religieux, peuvent entendre les confes­ sions des séculiers qui sont vraiment de la famille, et perpétuels commensaux de la communauté, non de ceux qui ne sont qu'employés au service de la maison. » Le religieux approuvé par l’évêque peut, à toute époque de 1 année, et même au temps pascal, enlendre les confes­ sions de tout fidèle, même malade, sans permission du curé. Quand l'approbation a été donnée au régulier □ prés examen, elle ne peut être suspendue, « sinon pour un motif nouveau concernant la confession ellemême, » et l'évêque n’a pas le droit de soumettre le confesseur à un nouvel examen; il peut cependant re­ tirer les pouvoirs à un religieux qui donnerait du scan­ dale, « la première qualité du ministre du sacrement de pénitence étant l’intégrité de vie, » mais il ne peut enlever à la fois les pouvoirs à tous les religieux d’un même couvent sans recourir au siège apostolique. Les dernières clauses de la bulle regardent l'absolution des cas réservés à l’évêque ou au pape. En cas de doute sur 1 étendue des privilèges de tel ou tel ordre religieux, « si les termes desdits privilèges sont obscurs et ambigus, on ne doit pas en appeler au métropolitain, mais c’est au >:ege apostolique d'interpréter ces privilèges, l’interpré­ tation appartenant à celui qui les a concédés. » Le 7 juillet 1670. la permission est donnée aux fran­ ciscains de ^'Observance, même prêtres, d'exercer avec I autorisation de leurs supérieurs la médecine et la chirurgie « pour l'utilité des chrétiens de Terre-Sainte ». Bullarium, t. xvm, p. 66. Le 6 avril 1673. interdiction est faite, à tout séculier ou régulier, « d'éditer par lui-même ou par d'autres, sans une permission de la S. C. de la Propagande, per­ mission qui devra être imprimée en tête de l'ouvrage, des livres ou écrits quelconques touchant les missions étrangères ou les questions qui s’y rapportent. » Bulla­ rium, t. xvm, p. 393. DICT. DE TtlÉOL. CATHOL. 98 En 1673 et 1674, de nombreuses ordonnances proté­ gèrent les vicaires apostoliques de la Chine et des Indes contre les prétentions du clergé portugais. L'inquisition de Goa ne devait avoir aucune juridiction sur les pays non soumis au roi de Portugal, Bullarium, p. 442; les évêques et vicaires apostoliques des Indes et de la Chine étaient déclarés soumis au pape sans qu’aucun autre évêque put exercer sa juridiction sur leurs territoires. Bullarium, p. 455, 482,486. Cf. Launay, Histoire générale des missions étrangères, t. I, p. 197 sq. Un autre curieux décret du 17 avril 1675 soustrayait à la juridiction du Saint-Office de Portugal le célèbre missionnaire jésuite, Antoine Vieyra, et le déclarait soumis, sa vie durant, à la seule inquisition romaine (pour les causes qui rele­ vaient de son tribunal). Bullarium, p. 573. Ce décret avait été motivé par les persécutions exercées en Por­ tugal contre l’infatigable dénonciateur des cruautés et des abus qui pullulaient dans les colonies de son pays. Cf. Carrel, Antoine Vieyra, Paris, 1879, p. 366 sq. Le 13 janvier 1672, une série d'ordonnances très sages réglementa l’exhumation des corps saints, ensevelis dans les catacombes de Rome, et les conditions auxquelles les fidèles pouvaient leur rendre un culte. Aucun corps ne pouvait être extrait des catacombes sans la per­ mission du cardinal-vicaire et la présence d'un prêtre par lui désigné. Les reliques découvertes devaient être mises sous la garde du préfet de la sacristie apostoli­ que ou d'un prêtre délégué; on ne pouvait les exposer au culte sans l'approbation du cardinal-vicaire; on ne devait les distribuer aux fidèles qu'avec la plus grande précaution, et en s'assurant qu'elles ne seraient pas conservées dans des maisons particulières, mais seule­ ment dans des églises ou chapelles; défense était faite de changer les inscriptions mises sur les reliquaires ou les châsses à la suite de l’enquête du cardinal-vicaire; l'excommunication était portée contre tous ceux qui recevraient, en échange des reliques par eux distribuées, une gratification si minime qu'elle fût. Bullarium, p. 296. Clément X confirma et augmenta les faveurs accordées au collège germanique par ses prédécesseurs, mais régla que les élèves devraient, aussitôt leurs études terminées, rentrer en Allemagne pour se mettre à la disposition de leurs évêques. Bullarium, p. 47, 118. I. Sources. — Bullarium romanum, Turin, 1869, t. xvm; G. Hanotaux, Becueil des instructions données aux ambassa­ deurs et ministres de France à Borne, Paris. 1888. 1.1 (16481687), p. 227 sq.; Procès-verbaux des assemblées du clergé de France, Paris, 1767 sq., t. V. II. Travaux. — Amelot de la Iloursave, Histoire du conclave de Clément X, Paris, 1676; Arisio, Memorie sulla vita di Cle­ mente X, Rome, 1863; Artaud de Monter, Histoire des souve­ rains pontifes, Paris, 1847. t. vi; Audisio, Histoire religieuse et civile des papes, Paris. 1896, t. v; De Bildt. The conclave of Clement λ', in-8*. Londres, 1905, t. ι ; Bower, History of the roman popes, Londres. 1746. t. xi; Bozon, Le cardinal de Betz Λ Borne, Paris, 1878; Brosch, Geschichte des Kirchenstaates, Gotha, 1880, t. I, p. 437 sq.; Chantelauze, Le cardinal de Betz, Paris, 1875; Gazier, Les dernières années du cardinal de Betz, Paris, 1875; Gérin, Louis XIV et le saint-siège, Paris, 181'4. t. n, p. 391 sq. ; Guarnacci, Vitæ et res gestæ pontificum romanorum, Rome, 1751, 1.1; Launay. Histoire générale de la So­ ciété des missions étrangères, Paris, 1894, t. i; Mémoire des intrigues de la cour de Borne depuis l’année 1669 jusqu’en 1676, Paris, 1677; Muratori, Annali d'Italia, Milan, 1749, t. I, p. 318 sq. ; Palatins, Gesta pontificum romanorum ab Innocentio I V ad innocentium XI, Venise, 1688, t. iv, p. 654 sq. ; Petruccelli della Gallina. Histoire diplomatique des conclaves, Paris, 1864,1. m, p. 224 sq. ; Banke. Die rhmischen Papstein den letzten vier Jalirhunderten, Leipzig, 1874, t. m. p. 98 sq.; Reumont, Gesehiclile der Stadt Boni, Berlin, 1870, t. iv. .1. DE LA SERVI ÈRE. pape (I71X1-I72I), successeur d’innocent XII. — I. Biographie. IL Politique. III. Con­ duite à l'égard du jansénisme. IV. Clément XI et les missions. V. Actes divers. I. Biographie. — Jean-François Albani naquit â Urbin HL - 4 12. CLÉMENT XI, 99 CLÉMENT XI le 22 juillet 1649. Après de solides éludes â Urbin et au collège romain, il prit son doctorat en l’un et l'autre droit, et fit sa carrière dans l'administration des États romains; référendaire des deux signatures, consulteur de la Congrégation consistoriale, gouverneur de Rieli et de Spolète, vice-légat d’Urbin, vicaire et juge de l’église Saint-Pierre, il s "acquit dans ces diffénnles charges la confiance d'innocent XI qui, en 1687, à la mort du savant cardinal Slusi, le nomma secrétaire des brefs secrets. Celte charge importante le mit en rapport avec toutes les cours européennes; on le voit en 1687 chargé par la reine Christine de Suède mourante de traiter auprès du pape les intérêts des gens de sa maison; le 3 février 1690, Alexandre VIII le nomme cardinal-diacre en lui conservant ses fonctions; en cette qualité il rédige la bulle qu'Alexandre VIII promulgua de son lit de mort contre l'assemblée de 1682 et ses doctrines. Voir Alexandre VIII, t. i, col. 718. Sous Innocent XII, il compose la bulle contre le népotisme, qui excita de violentes irritations dans la cour romaine (1691); il négocie la réconciliation de la France et du saint-siège, en obtenant des membres de l'assemblée de 1682 que le roi avait nommés à des évêchés une lettre au pape où ils regrettaient de lui avoir déplu et affirmaient n'avoir rien voulu décréter. Il est chargé de recevoir et de secourir les Anglais catholiques partisans de Jacques II, que le triomphe de Guillaume d'Orange avait forcés de s'exiler à Rome (1691); à la mort de Jean III Sobieski, roi de Pologne, il soutient de toutes ses forces, au nom d'innocent XII, la candidature de Frédéric-Auguste, électeur de Saxe, qui venait d'embrasser le catholicisme (1698). En juin 1700, Charles II d'Espagne ayant envoyé consulter Innocent XII sur l'affaire de sa succession, dans le conseil réuni par le pape pour préparer sa ré­ ponse, le cardinal Albani se déclara avec force en faveur des droits du duc d'Anjou, et le pape répondit en ce sens au roi d'Espagne; jamais l'Autriche ne pardonna cette altitude à Albani. Reboulet, Histoire, 1.1, p. 39,40. Albani n’était pas encore prêtre; au moment ou la fai­ blesse d'Innocent XII annonçait sa lin prochaine, le cardinal se décida à prendre le sacerdoce à la suite d'une retraite à la maison de Saint-Lazare, à Rome; il célébra sa première messe le 6 octobre 1700; le pape venait de mourir et le conclave allait s’ouvrir. On s’attendait à ce que ce conclave, composé de cin­ quante-huit cardinaux, fut long et orageux. La nouvelle de la mort de Charles II décida les électeurs à se hâter pour que le nouveau pape pût intervenir dans les ter­ ribles complications qu’amènerait la succession d’Espa­ gne; en quatre heures les suffrages se réunirent sur le nom d'Albani; trois jours celui-ci résisla, se rendant compte mieux que personne des difficultés qui 1’allendaient; il ne céda qu'à une consultation de quatre théo­ logiens pris dans divers ordres religieux, qui lui firent une obligation de conscience d’accepter la tiare; le 23 novembre 1700, l’élection se fit dans les formes; le 30, le cardinal de Bouillon, évêque de Porto, sacra évêque le nouvel élu; le 8 décembre, eut lieu le couron­ nement à Saint-Pierre. Reboulet, Histoire, t. I, p. 40 sq. Clément XI ne changea rien aux habitudes de piété, de mortification et de bienfaisance, qui l’avaient rendu cher au peuple-de Rome dès le temps de son cardinalat. Malgré les épineuses affaires qui remplirent son ponti­ ficat. il trouvait chaque jour le temps de deux médita­ tions. et récitait son office à genoux. Il aimait à remplir en personne ses devoirs d'évêque de Rome, prêchant et confessant à Saint-Pierre, et officiant pontilicalement aux grandes fêtes. Les homélies prononcées par lui dans ces circonstances ont été conservées. Sa vie était si mor­ tifiée qu’il dépensait à peine quinze baïoques (seize sous de France) pour sa table chaque jour. Lafitau, Vie, t. n, p. 281. Il tint â se conformer strictement â la constitu­ tion d'Innocent XII sur le népotisme, dont il avait été 100 l’inspirateur, et la fortune modeste de ses neveux ne reçut de lui aucun accroissement; à peine pape, il ren­ voya dans leurs diocèses les prélats dont la présence n’était pas nécessaire à Rome et stimula leur zèle par de fréquentes inspections des évêchés et monastères ita­ liens. 11 veilla toujours soigneusement au bon ordre de la ville de Rome, faisant observer dans sa rigueur la constitution d'Innocent XI contre les franchises des ambassades, établissant de nouveaux reglements de po­ lice, et surveillant de près la conduite deses officiers et magistrals; le premier mardi de chaque mois était con­ sacré à une audience où chacun pouvait librement ap­ porter ses plaintes. Reboulet, Histoire, t. i. p. 53 sq. Ce pape, si modeste dans ses goùls, se montrait magnifique lorsqu'il s’agissait de secourir les pauvres ou d'encou­ rager les lettres et les arts. Une congrégation spéciale fut instituée pour assurer les approvisionnements de Rome et de l'Etat pontifical, et des greniers créés en 1705 pour les pauvres de la ville; lors de la peste de Marseille, en 1720, le pape secourut généreusement Belzunce en lui envoyant 2000 charges de blé, avec un bref très élogieux pour son héroïque conduite. Opera, t. iv, p. 2111. Cf. Lafitau, Vie, t. n, p. 207. On doit à Clé­ ment XI rétablissement au Capitole d'une Académie des beaux-arts, et de nombreux encouragements donnés aux peintres et sculpteurs de son temps; il porta une dé­ fense d’enlever de Rome les objets antiques sans une permission pontificale. Cf. Reumont. Geschichle, t. ut, p. 773. Surtout il envoya en Syrie et en Égypte ÉlieJoseph Assémani et plusieurs autres savants maronites qui firent pour la bibliothèque du Vatican les plus fruc­ tueuses récoltes de manuscrits orientaux. Lafitau, Vie, t. n, p. 258. Clément XI mourut pieusement le 19 mars 1721, en la fêle de saint Joseph, pour lequel il avait tou­ jours eu une grande dévotion. IL Politique. — A peine élu, le nouveau pape envoya des brefs à l’empereur, et aux rois de France et d’Espa­ gne, pour les supplier de régler pacifiquement la suc­ cession de Charles II; il s’offrait à prendre en sa garde, et sous son séquestre, les Etats d'Italie qui appartenaient â l'Espagne, jusqu’à ce qu’un accord eût été conclu à leur sujet; repoussé des deux côtés, il s’efforça du moins, sans plus de succès, de sauvegarder la neutralité de l’Italie par une ligue des princes italiens qui empêche­ raient les compétiteurs de faire passer des troupes à Naples ou dans le Milanais; malgré ses protestations, les troupes impériales envahirent le duché de Ferrure. En même temps Philippe V et l'archiduc Charles solli­ citaient à la fois du pape l'investiture du royaume de Naples; Clément XI se contint d’abord dans la plus stricte neutralité; comme aux approches de la fête de saint Pierre, en 1701, les ambassadeurs des deux com­ pétiteurs se préparaient à présenter au Vatican la rede­ vance que les rois de Naples payaient tous les ans comme feudataires du saint-siège, il prit le parti de refuser la double ambassade, et pour empêcher que ce refus ne tirât à conséquence pour l’avenir, le 25 juin, il publia un décret par lequel il renvoyait à une époque indéterminée la réception de l’hommage dû chaque année aux papes par les rois de Naples, « sans que ce délai pût apporter aucun préjudice aux droits de l’Église. » Reboulet, Histoire, t. i, p. 70. Pour les évêchés qui vaqueraient dans le royaume de Naples, Clément convint avec Philippe V qu'ils seraient pourvus sur les propositions secrètes du roi, de telle sorte que l'initiative des choix semblerait venir du pape. Jbid., p. 89. Clément XI, qui avait toujours penché du côté des Bourbons, fut vivement irrité par Pacte de l’empereur Léopold qui, pour obtenir l’appui de l’élec­ teur de Brandebourg, avait érigé en royaume la Prusse ducale, donnant ainsi une nouvelle force aux protestants allemands; le pape protesta dans une allocution consis­ toriale, et s'efforça vainement d'obtenir des princes ca­ 401 CLÉMENT XI tholiques qu'ils ne reconnussent pas le nouveau royaume. Opera, t. i, p. 3; t. iv, p. 44. L’empereur, en réponse, fit envahir les Romagnes par ses troupes; chassées d'abord par le prieur de Vendôme en 1704, elles repa­ rurent dans l’Etat pontifical après les désastres des armées françaises et la levée du siège de Turin qui lais­ sait les Impériaux maîtres de l'Italie du Nord. En 1708, l'archiduc Charles avait plus de "20000 hommes sur les territoires de Ferrare et de Bologne, et ces troupes, en majeure partie protestantes, se livraient aux pires excès; en même temps l’archiduc, qui dominait sur le royaume de Naples et le Milanais, défendait à ses sujets d’envoyer de l’argent à Rome sous aucun prétexte, faisait séques­ trer les revenus des ecclésiastiques qui résidaient hors du pays, et interdisait d'exécuter les bulles et brefs expé­ diés par le pape. Reboulet, Histoire, t. I, p. 136, 226 sq. Clément XI, indigné de ces violences, protesta solennel­ lement et menaça les envahisseurs de l'excommunication, Bullarium, p. 180, 214, 217 ; il finit par lever contre les Impériaux une vingtaine de mille hommes. Mais celte petite armée, à laquelle Louis XIV ne put envoyer de renforts, ne fit qu'un simulacre de résistance. Le 15 janvier 1709, dans un traité signé à Rome, le pape subissait toutes les conditions de l'empereur et de l’ar­ chiduc. Il licenciait son armée et promettait de réunir une congrégation de cardinaux pour délibérer sur la reconnaissance de Charles comme roi d'Espagne; à ce prix l'archiduc retira ses ordonnances et fit évacuer à ses troupes l'Etat pontifical. Baudrillart, Philippe V, t. t, p. 302 sq.; Pometii, Studii, p. 397 sq. La congré­ gation cardinalice ayant laissé la décision au pape, il donna, le 15 octobre 1709, une déclaration qui reconnais­ sait Charles III comme « roi catholique des Espagncs, sans porter préjudice à aucun autre, et de telle sorte que les droits des deux prétendants;! la succession d'Espagne restent également saufs et intacts ». Opera, t. i, p. 42; t. iv, p. 70 sq., 349 sq. L’empereur Joseph I" el l’archi­ duc se contentèrent de cette déclaration. Ce fut an tour de Philippe V de s’irriter. Malgré les conseils de Louis XIV, qui lui représentait la nécessité ou s’était trouvé le pape, et l'imprudence qu'il y aurait à rompre avec lui dans les circonstances ou l'on se trouvait, le roi d'Espagne chassa de Madrid le nonce Zondodari 8 avril 1709), et interdit aux évêques espagnols toute correspondance avec Rome; sur les remontrances du pape el des prélats, il eut le bon sens de rapporter peu âpres cette seconde ordonnance. Baudrillart, Philippe V, ; I, p. 316 sq.; Reboulet. Histoire, t. 1, p. 248 sq. Cf. / ollarium, p. 450; Opera, t. iv, p. 686 sq. L’ejnpereur Joseph Ier étant mort prématurément en 1711, après avoir eu avec la cour de Rome les plus mauvais rapports, Clément XI refusa généreusement de s’opposera l'élection de son frère l'archiduc Charles, et le reconnut comme « roi des Romains et futur empereur ». Bullarium, ; 600. Il lui concéda même le droit dit « de premières prières » ou la nomination au premier bénéfice qui va­ querait après son avènement dans chacun des chapitres d Allemagne. Ibid., p. 603. L'empereur reconnaissant rétablit les bons rapports avec le Saint-Siège. L'attention du pape se dirigea bientôt tout enlière vers h s négociations engagées à Utrecht. Les plénipoten­ tiaires traitaient du sort de la Sicile et de la Sardaigne, pays vassaux du saint-siège, sans le moindre égard pour l vice-roi de Sicile, jugeant que ce décret était la ruine du tribunal de la Monarchie, rendit une ordonnance le déclarant nul et de nul effet; plusieurs évêques sici­ liens ayant, malgré la défense du pouvoir civil, promul­ gue la constitution du pape, furent exilés, et se reti­ rèrent à Rome après avoir jeté l’interdit sur leurs diocèses; cet interdit fut continué par le pape. Cf. Sen­ tis, Die Monarchia, p. 140 sq.; Reboulet, Histoire, t. Il, p. 30 sq. La situation s’aggrava, lorsqu'en 1713 le duc de Savoie fut devenu, par le traité d'Utrecht, maître de la Sicile. Victor-Amédée II avait, depuis plusieurs années, rompu avec la cour de Rome; dès les débuts de son pontificat. Clément XI avait dù protester contre plusieurs ordon­ nances par lui rendues contre les immunités ecclésias­ tiques et les droits du saint-siège en matière de nomi­ nation aux bénéfices. Reboulet, Histoire, t. i, p. 76 sq. En 1710 de nouvelles entreprises sur la juridiction ecclé­ siastique amenèrent de nouvelles protestations. Rebou­ let, ibid., p. 266 sq. Cf. Bullarium, p. 271, 407, 413. Quand Victor-Amédée eut obtenu le royaume de Sicile, il ne lit même pas part de son avènement au pape dont il devenait le vassal; Clément XI s’éleva sans succès contre cet abus dans des lettres adressées au nouveau roi lui-même et aux plénipotentiaires réunis à Utrecht et à Rastadt (1713 et 1714). Cf. Opera, t. i, p. 110. Comme il fallait s'y attendre, le roi de Sicile poussa â l'extrême les difficultés pendantes entre le Saint-Siègeet le tribu­ nal de la Monarchie; il chassa du royaume nombre de gentilshommes et d’ecclésiastiques fidèles à observer les interdits lancés par les évêques et le pape, et plus de 500 prêtres se trouvèrent à la fois réfugiés à Rome, ou l’on pourvut généreusement à leurs besoins; il porta de plus un décret interdisant l'entrée du royaume à tout document pontifical. Clément XI se décida à en finir, et le 20 février 1715 la bulle Romanus pontifex cassa et abolit entièrement le tribunal de la Monarchie de Sicile, Bullarium, p. 651 ; un bref qui accompagnait la bulle établissait de nouveaux tribunaux, dont les membres, désignés par le pape, jugeraient les causes jusque-là réservées au tribunal de la Monarchie. Bullarium, p. 658. Le roi de Sicile refusa absolument obéissance à cette bulle, et fut appuyé dans sa révolte par la Erance et l'Espagne; le parlement de Paris, à la réquisition du procureur du roi. condamna plusieurs décrets rendus, en vertu de la bulle Romanus pontifex, par l'auditeur de la Chambre, et défendît d'en recevoir de semblables dans le royaume. Reboulet, Histoire, t. n, p. 70. C'est seulement en 1718 que Philippe V, ayant conquis la Sicile, conclut avec le pape un concordat qui permettait aux exilés de rentrer dans le royaume el prescrivait l'obéissance à la bulle pontificale. Reboulet, ibid., p. 196, 197; Sentis, Die Monarchia, p. 156; Brosch, Geschichte, t. n, p. 49 sq. L'ambition d'Alberoni mit une dernière fois Clé­ ment XI aux prises avec l’Espagne. Le pape l’avait fait cardinal en 17I7 à l’occasion du rétablissement par Phi­ lippe V du tribunal de la Nonciature. En 1718, le roi nomma son ambitieux favori au siège de Séville; le pape qui soupçonnait avec raison le cardinal d'avoir, par ses intrigues, lancé l’Espagne dans une guerre désastreuse pour la chrétienté, refusa l’institution du nouvel arche­ 104 vêque. Philippe rompit toutes relations avec le nonce qui quitta Madrid, et ordonna à tous les Espagnols pré­ sents â Rome de s’en retirer; celte nouvelle querelle dura jusqu'au traité de la Haye qui réconcilia l'Espagne et l'empire et amena la disgrâce d’Alberoni (1720). Celuici. exilé d'Espagne, se réfugia en Italie. Clément XI refusa d’abord de le recevoir à Rome, et fit mémo com­ mencer son procès, puis se radoucit en voyant apaisées les querelles qu’il avait suscitées. Alberoni résida dès lors à la cour pontificale. Brosch, Geschichte. t. Il, p. 53. A ce même traité de la Haye, la Sardaigne était cédée à Victor-Emmanuel II en échange de la Sicile: la Sicile, conquise pendant la guerre par l’Espagne, était par elle remise à l’empereur, qui en retour assurait à des inlants d’Espagne l'investiture des duchés de Toscane, de Parme et de Plaisance, au cas où les possesseurs actuels vien­ draient à mourir sans enfants. Le pape protesta de nou­ veau contre ces dispositions de fiefs du Saint-Siège sur lesquelles il n’avait même pas été consulté; tout resta inutile. Reboulet. Histoire, t. II. p. 193 sq. J IL Conduite λ l'égard t>u jansénisme. — i°En France. — Lorsque Clément XI monta sur le trône pontifical, les controverses jansénistes venaient de se réveiller à Paris par la publication du Problème ecclesiastique, condamné par le Saint-Office le 2 juillet 1700. Voir Jansénisme. Bientôt après, l’affaire du Cas de con­ science allait forcer le pape à se prononcer une fois de plus contre les jansénistes. Pendant l’été de 1701, un cas de conscience, soi disant présenté à la Sorbonne par un confesseur normand, circulait parmi les docteurs. Le confesseur demandait s’il pouvait donner l’absolution à un prêtre, son pénitent, qui ne voulait pas admettre le fait de l'attribution des cinq propositions au livre de Jansénius, mais se contentait â cet égard d'un silence respectueux, et signait avec ces restrictions le formulaire d'Alexandre VILQuelqu’aitété'le confesseur en question, Eustace, confesseur de Port-Royal, Sainte-Beuve, PortBoyal, t. VI, p. 169 sq., ou Fréhel, curé de Notre-Dame du Port à Clermont, Le Roy. La France el Rome, p. 98, le cas fut rédigé par Roulland, docteur en Sorbonne, et connu, avant sa publication, par le cardinal de Noailles, archevêque de Paris. 40 docteurs déclarèrent que le pénitent pouvait recevoir l'absolution, 23 autres firent quelques réserves, mais admirent une rédaction prati­ quement équivalente. En juillet I702, le cas lut imprimé et fil naturellement scandale; le 12 février 1703, il fut condamné par Clément XL Bullarium, p. 80. Noailles, sur le conseil de Bossuet, avait rédigé une instruction pastorale contre Je Cas, et la fit répandre dans Paris quarante-huit heures avant la publication du document pontifical ; il écrivait ensuite à Clément XI en se félicitant d’avoir publié sa censure au moment où le bref arrivait en France. « Bien des gens crurent, dit le chancelier d'Aguesseau dans le spirituel récit qu’il a laissé de celte affaire, qu’il auroit pu renverser la phrase, et dire qu'il avoit publié sa censure le même jour qu’il avoit reçu le bref. » Œuvres, t. vm, p. 229. Noailles fit circuler aussitôt parmi le clergé de Paris un formulaire d'adhé­ sion à son instruction; cinq docteurs seulement refu­ sèrent de le signer et furent exiles en différentes villes. Le Roy, La France et Rome, p. 110 sq.; Lafitau, His­ toire, t. 1, p. 82 sq. Ces mesures n’ayant pas suffi à rétablir la paix, et les controverses continuant à propos du Cas, Louis XIV de­ manda au pape une bulle qui condamnerait le silence respectueux. Clément XI hésita longtemps, car le roi exigeait que la bulle ne contint aucune formule contraire aux usages gallicans; après que le projet en eut été communiqué à Louis XIV, la bulle Vineam Domini Sabaoth parut à Rome le 11 juillet 1705. Bullarium, p. 233 sq. Après avoir rapporté les condamnations por­ tées parses prédécesseurs contre les cinq propositions d05 CLÉMENT XI le pape blâmait ceux qui, par un silence respectueux, prétendaient obéir aux constitutions apostoliques, et ajoutait : « Le sens condamné dans les cinq propositions du livre de Jansénius, tel que les mots le comportent, doit être condamné par tous les fidèles comme hérétique, et cela non seulement de bouche, mais de cœur; et on ne peut licitement souscrire avec d'autres dispositions le formulaire .» Voir Jansénisme. L’assemblée du clergé de France reçut cette bulle au mois d’août, mais en l’accompagnant de commentaires qui blessèrent profondément Clément XI, caries prélats y enseignaient « que les constitutions des papes obligent toute l’Eglise, lorsqu’elles ont été acceptées par le corps des pasteurs ». Le Roy, La France et Rome, p. 187. Cf. Procès-verbaux du clergé, t. vi, p. 838 sq.; Pièces, p. 349 sq. Des lettres patentes promulguèrent la bulle el lurent enregistrées au parlement; tous les évêques français la reçurent, sauf celui de Saint-Pons, Percin de Montgaillard, dernier survivant des 19 prélats qui avaient amené en I6G7 la paix de Clément IX. Dans un mandement, Montgaillard se borna à enregistrer le fait accompli, opposant Clément IX à Clément XI ; son man­ dement fut censuré par le pape le 18 janvier 1710. Bullarium, p. 365. Le 31 août 1706, Clément XI envoya deux brefs sévères l'un à Louis XIV, l’autre au cardinal de Noailles, pour se plaindre des commentaires dont le clergé de France avait accompagné son acceptation de la bulle Vineam Domini. Le pape blâmait les évêques « d’usurper la plé­ nitude de puissance que Dieu n’a donnée qu’à cette unique chaire de Saint-Pierre », et leur enjoignait i d’apprendre à révérer et à exécuter ses décrets, loin d'avoir la prétention de les examiner ou de s'en rendre juges ». Opéra, t. tv, p.319; Le Roy, l.a France et Rome, ;·. 214·. Louis XIV refusa de recevoir les brefs; et comme des copies en circulaient en France, le parlement rendit un arrêt pour les faire saisir; le bon sens du roi l'empécha de laisser publier l'arrêt. L'acceptation par écrit de la bulle Vineam Domini • ait imposée au clergé el aux communautés du diocèse ■J·· Paris. Le 21 mars 1706, les religieuses de Port-Royal des Champs refusèrent de donner cette signature sans une addition conçue en ces termes ; « sans déroger à ce qui s'est fait à leur égard à la paix de l’Eglise sous le pape Clément IX. » Louis XIV sollicita aussitôt du pape une bulle supprimant l’abbaye des Champs, et transfé­ rant ses revenus à Port-Royal de Paris. Le 27 mars 1708, Clément XI donna cette bulle; Port-Royal de Paris de-nait propriétaire des deux maisons; Port-Royal des Champs était supprimé; mais les 26 religieuses, âgées pour la plupart, qui l'habitaient encore, en garderaient b jouissance jusqu’à la mort de la dernière d'entre elles, ·: recevraient une pension du monastère de Paris. Louis XIV fut très mécontent de ces délais qui ne lui permettraient pas « de voir de son vivant la destruction de Port-Royal ». Il refusa de recevoir la bulle pontifi­ cale et en sollicita une autre plus rigoureuse. Clement XI b donna le 15 septembre, en l'antidatant du 27 mars; -lie fut enregistrée au parlement le 19 décembre. Elle permettait à Noailles de transférer les religieuses des Champs, « ensemble ou séparément, dans le temps, la minière et la forme qu'il le jugerait à propos, suivant sa discrétion et conscience, en d’autres maisons religieuses . i monastères par lui choisis. » Le Roy, La France et J.'-me, p. 263 sq. On sait comment Noailles nsa de ces pouvoirs, et porta le il juillet 1709 la sentence de sup­ pression de Port-Royal; le 29 octobre, elle fut exécutée par d'Argenson; dans la suite l’église fut rasée et le ci­ metière violé. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. vi, p. 224 sq. Entre temps, de nombreuses dénonciations étaient parvenues à Rome contre l’ouvrage de Quesnel, Abrégé de la morale de l'Érangile. Voir Jansénisme. Le 13 juillet 1708, il fut condamné par Clément XI, Bulla- 106 rium, p. 327, comme contenant une doctrine « séditieuse, pernicieuse, téméraire, erronée et manifestement jansé­ niste »; la lecture en était défendue, de même que la réimpression. Les exemplaires possédés par les fidèles devaient être remis aux évêques ou aux inquisiteurs et brûlés par eux. Ce bref, donné motu proprio, et dont l’exécution était confiée aux inquisiteurs en même temps qu'aux évêques, ne fut pas reçu en France; les documents pontificaux promulgués en cette forme y étaient considé­ rés comme non avenus, et l'inquisition romaine n’y avait pas de pouvoir. Il ne put donc circuler que clandestine­ ment, et ne termina pas les controverses qui se multi­ pliaient au sujet du livre de Quesnel. Louis XIV fit prier en novembre 1711 le pape de remplacer son bref par une bulle dans laquelle il éviterait toute formule contraire aux libertés gallicanes; le roi promettait « de faire accepter cette nouvelle constitution par les évêques de France avec le respect qui lui est dû ». Le Roy, La France et Rome, p. 385. Une congrégation spéciale fut instituée pour la rédaction de celte constitution dont tous les termes furent pesés avec un soin scrupuleux, le pape tenant à étudier lui-même chacune des propositions dont la censure était proposée. Thuillier, La seconde phase, p. 144; Bliard, Saint-Simon, p. 278 sq. Le 8 sep­ tembre 1713, la fameuse bulle Unigenitus Dei Filius était promulguée à Rome. Après avoir rappelé les ana­ thèmes du Fils unique de Dieuconlre les faux prophètes qui, semblables aux loups couverts de peaux de brebis, <· introduisent des sectes de perdition sous une appa­ rence de sainteté, » le pape condamnait en bloc 101 pro­ positions, extraites mot à mot du livre de Quesnel, « comme fausses, captieuses, suspectes d’hérésie, contenant diverses hérésies el spécialement celles ren­ fermées dans les propositions de Jansénius. » La tra­ duction même de l’Écrilure, qu’accompagnait le com­ mentaire de Quesnel, était déclarée défectueuse, comme reproduisant la version de Mons déjà condamnée. Btdlarium, p. 574 sq. Pour le détail des propositions, voir Jansénisme. Thuillier, p. 159 sq., renvoie aux passages mêmes de Quesnel. Noailles se soumit d’abord, dés l’arrivée de la bulle (28 septembre 1713), et révoqua par un mandement l’approbation qu’il avait donnée comme évêque de Cliâlons, en 1695, au livre de Quesnel. Sur l'avis de Fénelon et du P. Le Tellier, une assemblée des évêques présents à Paris se réunit à l’archevêché le 16 octobre; 49 prélats y prirent part; c’était à peu prés le tiers de l'épiscopat du royaume. Dés la seconde séance Noailles, revenant sur sa soumission à la bulle, déclara ne pouvoir l’admettre sans explications, surtout à cause des qualifications jetées en bloc sur les 101 propositions, sans que chacune d’elles fût l’objet d’une note spéciale; huit de ses collègues le suivirent dans sa résistance, tous les autres votèrent l’acceptation pure et simple de la constitution. Le 15 février 1714, elle fut enregistrée en parlement; le 28 mars, une instruction pastorale de Noailles, qui défendait à ses prêtres, sous peine de sus­ pense, de recevoir la bulle sans son autorisation, fut censurée par le Saint-Office, en même temps que le pape envoyait des lettres pleines d’éloges aux 40 évêques de la majorité. Dans les premiers jours de mars, la Sorbonne, contrainte par une lettre de cachet du roi, reçut à son tour et enregistra la bulle. Parmi les évêques qui n’avaient pas assisté à l'assemblée, une douzaine se joignirent à ceux de la minorité; les autres acceptèrent sans restrictions l’acte pontifical. Thuillier, La seconde phase, p. 195 sq. Les pièces sont dans les Procès-ver­ baux du clergé, t. ni, p. 1255 sq. Pour Caire céder les évêques protestataires, Fénelon suggéra au roi l’idée d'un concile national qui jugerait, s’il le fallait, et déposerait les accusés, en même temps que le pape dépouillerait Noailles de la pourpre. Clé­ ment XI répugnait à cette idée, et aurait bien préféré que Noailles fût envoyé à Rome pour y être jugé; 107 CLÉMENT XI 108 grand nombre d’évêques de France ». Mais ce man­ devant la volonté du roi qui menaçait de convoquer luidement ambigu et obscur ne satisfit pas le pape qui même, et seul, le concile national, le pape c'da et consentit à envoyer en France un légal, « pourvu que exigeait une acceptation pure et simple. Elle ne fut donnée que sous Benoit XIII. Voir t. n, col. 705; préalablement Ton concerte, l'on établisse et l'on assure Crousaz-Crétet, L'Église et l'Élat, c. I, il. les formes qu'il faudra observer, et les mesures qui On sait avec quelle verve et quelle partialité Saintsont à prendre, afin que tout se commence, se pour­ suive et se conclue, de manière qu'en mettant à cou­ Simon a narré l'histoire de la bulle Unigenitus, Mé­ moires, édit. Chéruel. t. v; on trouvera la réfutation vert l’autorité du siège apostolique, et l'obéissance due â la constitution dont il s'agit, on fasse cesser tout dan­ dans les deux ouvrages du P. Bliard, Saint-Simon, p. 270 sq.; Dubois, t. II. p. 279 sq. ger de confusion et de rupture qui sont si abhorrées du 2»E’n Hollande. — Pierre Codde, archevêque de Sébasle, cœur paternel de Sa Sainteté. » Cf. Le Boy, La Franceet Rome, p. 617 sq. La mort de Louis XIV arrêta ce projet avait été établi par Innocent XII vicaire apostolique des Pays-Bas. Bientôt on s'aperçut qu'il favorisait ouverte­ (Ι·Γ septembre 1715). Le roi mort, il ne fut plus question d’urger l’accepta­ ment les jansénistes, dont le nombre se multipliait sous tion de la bulle; Noailles et ses partisans, parmi lesquels son administration; dénoncé à la suite d'une enquête par l'internonce de Bruxelles, il fut cité à Rome devant se trouvaient de nombreux docteurs de Sorbonne, une commission de cardinaux pour répondre de sa con­ étaient en faveur. Le 1er mai 1716, Clément XI envoya deux brefs en France, l'un au régent, l'autre, très éner­ duite; le procès suivait son cours lorsque mourut In­ nocent XII. Clément XI continua l’instruction; Codde gique, aux évêques protestataires; le régent refusa de se défendit en personne pendant cinq séances; le 7 mai les recevoir sous prétexte que le texte n'en avait pas été soumis a ses ministres avant leur promulgation. Lafi­ 1702, le vote unanime des cardinaux chargés du procès le condamna à la déposition. Le pape nomma à sa place tau, Histoire, t. i, p. 293. Cf. Opera, t. tv, p. 209, 2112, 2146, 2187. Le 10 novembre 1716, Clément XI adressa Théodore Cock. Opera, t. iv, p. 160. Les jansénistes parvinrent â attirer dans leur parti le grand pension­ un nouveau bref au régent, et le 20 novembre, un autre naire Heinsius et des membres inlluents des Etats gé­ aux évêques qui avaient accepté la constitution pour les néraux; en 1703, les Etats rendirent une ordonnancequi encourager à peser sur leurs collègues rebelles. Opera, interdisait de reconnaître tout vicaire apostolique non t. iv, p. 2180. Le 18 novembre 1716, la Sorbonne, ayant approuvé par eux; Cock en particulier recevait la rétracté l'acceptation de la bulle qui lui avait été im­ défense d'exercer ses pouvoirs, et tous les actes posés posée deux ans auparavant, fut privée par Clément XI déjà par lui en qualité de vicaire apostolique étaient de tous les pouvoirs qui lui avaient été jadis concédés déclarés nuis. Par amour de la paix. Clément XI con­ par les papes, et spécialement de celui de promouvoir sentit à le rappeler à Rome, et le remplaça successive­ aux grades académiques. Bullarium, p. 739. Cf. Lafitau, ment par plusieurs vicaires apostoliques dont aucun ne Histoire, t. I, p. 324 sq. Le 5 mars 1717, quatre des parvint à se faire agréer. Codde, qui avait eu du pape évêques qui avaient refusé d’admettre la bulle Unigeni­ tus, Soanen, évêque de Senez, Colbert, évêque de Mont­ la permission de rentrer en Hollande, mena une cam­ pagne acharnée contre les représentants pontificaux et pellier, Delangle, évêque de Boulogne, et La Broue, une foule de pamphlets lurent publiés en sa faveur; évêque de Mirepoix, firent appel au concile général de l'inquisition romaine en condamna plusieurs. Rulla­ la constitution Unigenitus, et cet appel lut approuvé en assemblée de Sorbonne. Le régent, qui voulait la paci­ rium, p. 103. Les choses allèrent si loin que Codde étant mort quelques annéesaprès fut.parordre du pape, fication de cette querelle, envoya en exil les quatre ap­ pelants. Le 3 avril, Noailles à son tour forma appel privé de la sépulture ecclésiastique. A la même époque, plusieurs prêtres jansénistes de « du pape manifestement trompé, et de la constitution l’Eglise d’Utrecht, à l’instigation de Quesnel alors ré­ Unigenitus, en vertu des décrets de Constance et de fugié en Hollande, prirent le titre de chanoines de Bâle, au pape mieux informé, et à un concile général cette Église, dont le siège était vacant depuis 1580, et libre et célébré en lieu sûr »; mais il ne voulut pas prétendirent exercer la juridiction épiscopale jusqu a la publier pour le moment cet appel, et le déposa aux nomination d’un archevêque; les efforts de Clément XI archives de l’oflicialité de Paris. Lafitau, Histoire, t. il, ne parvinrent pas à les ramener. Après sa mort ils p. 1-15; Bliard, Dubois, t. Il, p. 280 sq. osèrent davantage, et l’élection qu'ils firent en 1723 de Le 25 mars, le pape lui avait écrit de sa main pour le Corneille Steenhoven pour le siège d’Utrecht donna supplier de se soumettre; il lui envoyait en même naissance au schisme janséniste de Hollande qui dure temps une lettre que lui adressaient dans le même but encore aujourd'hui. Reboulet, Histoire, t. I, p. 112 sq. les cardinaux présents à Borne. Opéra, t. iv, p. 2225. Le IV. Clément XI et les missions. — En 1703, le par­ 6 mai, Noailles répondit sans faire la soumission de­ mandée; peu après, son appel était publié. Lafitau, His­ lement de Dublin ayant voté une série de mesures vexatoires contre les catholiques, Clément XI écrivit à toire, t. n, p. ÏO sq. ; Crousaz-Crétet, L’Église et l'Etat, la reine Anne, et fit appuyer sa lettre par l’empereuret p. 10 sq. Le 8 février 1718, un décret du Saint-Office, le roi de Portugal. Opera, t. iv, p. 604. La reine ne donné dans une congrégation tenue en présence du consentit pas à refuser son approbation à 1a loi, mais pape, fut promulgué à Rome; il condamnait l'appel des ferma les yeux surson inexécution. Un moment le pape quatre évêques « comme schismatique et contenant des propositions hérétiques », celui de Noailles « comme espéra que la reine Anne adopterait comme héritier son neveu le jeune .Lacques Ill, que Louis XIV avait reconnu schismatique et approchant de l'hérésie ». Le pape fixa pour roi d’Angleterre, au détriment de la maison de aux appelants un délai pour venir à résipiscence. Ce Hanovre; la mort prématurée de la reine rompit les délai étant écoulé, la bulle Pastoralis of/icii fut pro­ négociations engagées. Reboulet, Histoire, t. i, p. 116; mulguée â Borne le 26 août 1718. Bullarium, p. 807 sq. t. H. p. 4. Du moins Clément accueillit magnifiquement Elle excommuniait tous ceux qui faisaient opposition à la constitution Unigenitus. Le 3 octobre de la même à Rome en 1719 le jeune prince que le régent avait année, Noailles forma de nouveau appel contre cette abandonné; il lui fit épouser Clémentine Sobieska, seconde bulle. Dubois, qui pour obtenir le chapeau de | petite-fille de Jean III roi de Pologne. Lafitau, t. i, cardinal prétendait pacifier l’Eglise de France, fit com­ p. 131; t. n, p. 183. Nous avons vu le pape profiler de l'ambassade que lui envoya en 1707 le tsar Pierre de poser, en mars 1720, un Corps de doctrine auquel adhé­ Russie pour obtenir aux catholiques de son empire un rèrent une centaine de prélats; il expliquait la bulle Unigenitus; le 19 novembre 1720, Noailles accepta la ' peu plus de liberté. En 1701 et 1702, des persécutions ayant éclaté en Arménie et en Syrie, Clément XI obtint. bulle « suivant les explications approuvées par un très 109 CLÉMENT XI par l'intermédiaire de l'ambassadeur de France, que justice fut rendue aux catholiques; une mission fut envoyée en Perse. Opera, t. iv, p. 172, 286,344, 474,718, 1847, 1934, 2356. En 1711, de sérieuses négociations furent engagées pour faire rentrer les coptes et les Abyssins dans la communion romaine ; la mort du roi Dodemanus, favo­ rable à l'union. rompit les négociations. Rebonlet, His­ toire, t. II. p. 16. Cf. Opera, t. tv, p. 206, 642, 1631. L'année suivante, un schisme éclata chez les maronites dont une partie, accusant de crimes énormes le pa­ triarche Jacques, l'avait déposé et élu à sa place Joseph Ftaifunensi. évéque de Sidon. Les deux partis en appe­ lèrent à Rome; la Propagande donna raison à Jacques, l'ancien patriarche, l'n franciscain de Jérusalem, Lau­ rent de Saint-Laurent, se rendit au mont Liban au nom de Clément XI et obtint la soumission des schismati­ ques. Ibid., p. 21, 22. Cf. Opera, t. tv, p. 1684, 1866, 1995. Le même moine ramena à l’union le patriarche d’Alexandrie, Samuel Capazalis, venu en pèlerinage à Jérusalem ; Samuel envoya à Rome en 1713 sa soumission, et le pape le confirma dans sa dignité ; le patriarche per­ sévéra jusqu'à la mort dans la communion catholique. Ibid., p. 52 sq. Cf. Opera, t. IV, p. 643, 1633. Clément XI confirma en 1711 la règle des Mekhitaristes, ou règle de saint Benoit appliquéeaux Arméniens unis par Pierre Manoug surnommé Mekhitar. Chénon, L'Église catho­ lique, p. 275. C’est en Chine surtout où les missions catholiques étaient alors dans toute leur prospérité, que Clément XI dut intervenir pour régler la grave affaire des rites chi­ nois. Sous Innocent XII, de violentes controverses s’étaient de nouveau élevées entre les jésuites et les franciscains d'une part, les dominicains et les prêtres des Missions étrangères de Paris de l'autre, sur le sens de certaines formules chinoises que les uns considé­ raient comme idolàtriques. les autres comme ortho­ doxes, et aussi sur le culte rendu aux ancêtres et à Confucius, toléré par les uns, interdit par les autres. Voir Chinois (Rites), t. n, col. 2364-2375. Clément XI fit continuer l'examen du différend et envoya comme visiteur en Chine, avec les facultés de légat a latere, le Piémontais Thomas Maillard de Tournon, qu'il sacra luimême patriarche d'Antioche (1701). Le Saint-Oflice con­ damna l'opinion des jésuites, et interdit l’emploi des formules chinoises incriminées, et le culte rendu aux ancêtres et a Confucius; Clément XI approuva le décret le 20 novembre 1704, el l’envoya en Chine. Bullarium, p. 20-4 sq. Tournon, qui connaissait le sens de cette dé­ cision, avait donné â Nanking un mandement dans le même sens (25 janvier 1704); les jésuites et les francis­ cains en appelèrent du légat au pape, auquel l’empereur Kang-Hi avait envoyé une ambassade pour lui donner des explications sur les usages condamnés. Tournon fut exilé à Macao par Kang-lli, et les Portugais le jetèrent en prison comme ayant, par sa légation, lésé les droits de patronage de leur roi sur les missions de Chine. Clé­ ment XI ordonna que le mandement de Tournon sur les cérémonies chinoises fût exactement observé. Bullarium, p. 419-434 ; Opera, t. iv, p. 125, 359, 367. 2262, 2366. Quand ces actes pontificaux parvinrent à Macao, Tournon était mort (8 juin 1710) des mauvais traitements dont les Portugais l avaient accablé; le pape rendit un éclatant hommage à sa mémoire en consistoire, louant « la fer­ meté invincible, la force sacerdotale, avec lesquelles, bien qu'on le fit vivre de pain de douleur et d'eau d'affliction, il n’avait jamais cessé de faire son devoir o. Opera, t. 1, p. 58; t. iv, p. 1500, 1590. D'assez nombreux missionnaires de divers ordres, trouvant les actes pontificaux insuffisamment promul­ gués, continuaient leurs anciennes pratiques. Pour cou­ per court à ces désobéissances, Clément XI en 1715, par 1> constitution L.r ilia die, Bullarium, p. 670, renouvela 110 les condamnations précédentes et imposa à tous les missionnaires présents en Chine, el à ceux qui y abor­ deraient dans la suite, la signature d'un formulaire con­ tenant le serment de se soumettre aux décisions données par le Saint-Office en 1704. Cette constitution ne rétablit pas l'unité de vues et de pratiques. Le pape envoya en Chine un autre légat, Jean-Ambroise Mezzabarba, réfé­ rendaire des deux signatures, qu'il créa patriarche d’Alexandrie, avec les pouvoirs de légat a latere pour les Indes Orientales. Opera, t. i, p. 162. Mezzabarba, débarqué à Canton en octobre 1720, trouva l’empe­ reur Kang-lli décidé à ne rien céder sur la question des cérémonies chinoises, et la plupart des chrétiens résolus à faire schisme si les prescriptions de Rome étaient maintenues; devant celte opposition, le légat concéda le maintien de plusieurs des usages condamnés. Ces permissions donnèrent lieu dans la suite à de nou­ velles discussions, qui ne furent terminées que sous Benoit XIV. Voir t. il, col. 2375-2389. Cf. Reboulet, His­ toire, t. t, p. 144 sq., 196 sq., 272 sq.; t. il, p. 207 su.; Lalilau, Vie, t. i, p. 211 sq.; Launay, Histoire gene­ rale, t. t, p. 381 sq., -466 sq. V. Actes divers. — En 1703, le Code Léopold, pro­ mulgué par Léopold-Joseph, duc de Lorraine, fut dénoncé par l’évêque de Tout comme contenant de nombreuses propositions contraires à la doctrine de l’Eglise sur la juridiction ecclésiastique et l’autorité du siège apostolique; Clément XI le lit examiner par une congrégation de cardinaux et de théologiens, et le ré­ sultat fut une condamnation qui frappa ce code el les arrêts rendus en vertu de ses lois. Bullarium, p.99sq. Après une lutte de plusieurs années, le duc de Lorraine se décida à modifier les articles condamnés. Cf. Opera, t. tv, p. 179. 218. 346, 728; E. Martin, Histoire des dio­ cèses de Tout, de Nancy et de Sainl-Dié, Nancy, 1901, t. n. p. 398-413. Clément XI a promulgué les canoni­ sations, faites par plusieurs de ses prédécesseurs, de saint Isidore le laboureur, saint André Corsini, saint Philippe Bénili, saint François de Borgia, saint Laurent Justinien, saint Jean de Capistran. Il a canonisé luimême Pie V et André Avellin (22 mai 1712), Bullarium, p. 506, 518; béatifié François Régis (8 mai 1716), ibid., p. 704, et composé l’office de saint Joseph inséré au bréviaire romain. Reboulet, t. Il, p. 240. 11 a statué que la fête de la Conception de la sainte Vierge serait de précepte dans l’Eglise universelle (6dêcembre 1708), Bullarium, p. 338, et enrichi d’indulgences la récita­ tion du chapelet dit de sainte Brigitte. Ibid., p. 626. I. Sources. — Bullarium romanum, Turin, 1871, t. xxr; Clementis XI pontificis maximi opera omnia, édit, du cardi­ nal Albani, 4 in-fol., Francfort. 1729 : t. 1, Orationes consisto­ riales, p. 1-183; t. n, Homiliæ in Euangelia, p. 1-75; t. ni, Bullarium, p. 1-1283; t. tv, Epistolæ et brevia selectiora, p. 1-2423; L. Mention, Documents relatifs aux rapports du clergé avec la royauté, Paris, 1893, p. 163 sq. ; Procès-verbaux des assemblées du clergé de France, Paris, 1774, t. vi. II. Travaux. — Artaud de Montor. Histoire des souverains pontifes, t. VI, p. 283 sq.; Audisio, Histoire des papis, t. V, p. 138 sq. ; Baudrillart, Philippe V et la cour de France, Pa­ ris, 1890 sq.; Bliard, Dubois cardinal et premier ministre, Paris, 1903, t. n; Bower, History of the roman popes, t. X b, p. 233 sq. ; Brosch, Geschichte des Kirchenstaates, t. it, p. 29 sq. ; Chénon, L'Église catholique au xvur siècle, dans VHistoire générale de Lavisse et Bambaud, t. vn, c. xvn ; de Crousaz-Crétet, L'Église et l’État au xvur siècle, Paris. 1893; Guarnacci, Vitæ et res gestæ, t. n, p. 1 sq. ;.Iungmann, Disser­ tationes selectæ in hist, eccl., Ratisbonne. 1887, t. vn, p.290sq.; Lafllau, Vie de Clément XI, Paduue, 1752; Id., Histoire de la constitution Unigenitus, Avignon, 1737 ; Le Roy, Le gallica­ nisme au xvur siècle, la France et Rome de 1700 à 1715. Pa­ ris, 1892; Muratori, Annali d'Italia, Milan, 1749, t. xi, p. 448sq ; Petrucelli delta Gattina, Histoire diplom. des conclaves, t. tn, p. 410 sq. ; Polidori (anon.), Devitael rebus gestis Clementis XI, Drbin. 1727; Pometti. Studii sul pontificate di Clem. XI. dans Archiv'd) della soc. Romana, Rome. 1898, t. xxt; Ranke. £>■■· rômischen Piipste, t. m. p. 120 sq. : Reboulet, Histoire de Cle- Ill CLÉMENT XI - CLEMENT XII ment XT, Avignon, 1752; Rcumont, Gcschichte der Stadt Hom, t. ill b, p. 642 sq. ; Sainte-Beuve, Port-Royal, Paris. 1888, t. VI ; Sentis, Die Monarchia Sicula, Fribourg, 1869; Thuillier, La seconde phase du jansénisme, Paris. 1901. J. DE LA SeBVIÈRE. pape (1730-1740).successeur : Brosch, Geschichte kvi, Moscou, 1901, t. I, p. 902-903: Gelzer, Der Patrouva d’autres dans le recueil 362 de la collection triarkhat von Akltrida, Geschichte und Urkunden, Leipzig, Tzarsky (1843) et Schafarik, en 1842, avait eu le même 1902, p. 6. bonheur en étudiant les manuscrits du musée RouIII. Découverte et édition des Œuvres. — Undolsky, Obmiantzov. Le 16 octobre 1843, à une des séances de la otkrytii, i izdanii tvorenii Khmenta, dans Besiedy liubitrlei Société d’histoire et d’antiquités russes, M. Undolsky slovesnosli, Moscou, 1867, t. I, p. 131-138; Pamialniki drevnebolgarskoi propoviednitcheskoi pismennosti (Monuments de présenta sur saint Clément et ses œuvres un mémoire l'ancienne prédication bulgare), dans Pravoslavnyi Sobe­ dont on ne rendit compte que dans les procès-verbaux siednik, Kazan, 1881, t. n, p.216-236, 347-361; Sreznevsky, Seiede l’année suivante. Le 24 novembre 1845, à la suite de dieniia i zamietki o maloizviestnikh i neizviestnijk pamiutla découverte du panégyrique de saint Cyrille par nikakh (Notices et notes sur quelques monuments ignorés ou l’évêque Clément, contenu dans un recueil du xvn· siècle, peu connus), dans le Sbornik de la section de langue et de il lut à la même Société sa dissertation sur La décou­ littérature russe de l’Acadêmie des sciences, Saint-Pét ersbourg, verte et l'édition des œuvres de Clément, évêque Slo­ 1867, t. ni, p. 58-60 ; Piétoukhov, Bolgarskie litératumye dieiateti drevniéi chtcheepukhi na russkoi potchvie, dans le Journal vène. Cette dissertation parut seulement après la mort du ministère de l’instruction publique, Saint-Pétersbourg, avril de l’auteur (1864) dans les Besiedy Obchlchestva liu1893, t. CCI.xxxvi, p. 298-322; Popov, Bibliographilchcskie matebitelei rossiiskei slovesnosli, Moscou, 1867, p. 131-138. riaty, ibid., 1880, t. m, p. 1-316 ; 1889, t. Ill : Kirilto-Methodiskg A la séance du 26 janvier 1846, il fut décidé que la So­ Sbornik, en mémoire du millénaire du christianisme et de la ciété ferait les frais d’une édition complète des œuvres littérature slave, en Russie, dans la Société moscovite des amis de Clément, et confia ce soin à M. Undolsky. L’édition de la littérature russe, Moscou, 1865, p. 309-313; Macaire, Ve/idevait être tirée à 600 exemplaires. Lavrov, p. v. M. Un­ kiia Minei Tchetii, édit, de la Commission arehéographique, Saint-Pétersbourg, 1868, t. I, p. 271-283. Lavrov donne une liste dolsky entreprit dans ce but des recherches dans les presque complète des écrits de Clément dispersés dans plusieurs bibliothèques du saint-synode de Moscou, de la typo­ recueils. Cf. P. A. Lavrov. Die neueren Forschungen über den graphie ecclésiastique, de la cathédrale de l’Assomption slavischen Klemens, dans Archiu furslavische Philologie, 1905, (Moscou), du monastère de Tchoodov, mais il mourut p.350-372; Id., F.ivei Lolireden, viell"iclit von Klemens geschrioavant de mener à bonne fin son entreprise. ben, ibid., p. 373-314: V. .lagic, Meine Zuslitze zum Studium Il a dressé la liste des ouvrages de Clément qu'on · des slavisehen Klemens, ibid., p. 384-412; Stoïanovitch, Novyia 437 CLÉMENT (SAINT) — CLÉMENT D’ALEXANDRIE Slova Kl intenta Slovrnskago. Saint-Pétersbourg, 1905 (extrait du Sburnik de la scclkn de langue et de littérature russe de l'Académie imp'riale des sciences de Saint-Pétersbourg): SuboIcvsky, dans le Journal du. ministère de l'instruction publique, décembre 1CC5. p. 432-415. Pour l'élude critique de sa biographie, voir Voroni v. /.es sources principales pour l'histoire des saints Cyrille el Méthode, dans Troudy de l'Académie ecclésiastique de Kiev. 1816, t. iv, p. 118-225; 1877, t. 1, p. 76114. A. Palmieri. 17. CLÉMENT D’ALEXANDRIE. - J. Vie et caractère. II. Manuscrits et éditions. III. Activité litté­ raire. IV. Trilogie. V. Dogmatique. VI. Doctrines anthro­ pologiques, morales et ascétiques. I. Vie et caractère. — /. biographie. — Titus Flavius Clemens naquit probablement à Athènes. D’après saint Epiphane, User., xxxn, n. 6, JL G., t. xi.i. col. 552, les uns le disaient natif d’Alexandrie, les autres d’Athènes. Cl. Lumper, Hist. Patrum, t. iv, p. 58-61. Son genre de culture, sa manière d'écrire rendent vraisemblable l’hypo­ thèse d'Athènes. Harnack, Die Chronologie, t. il, p. 12, avait fixé la naissance de Clément vers 145; G. Ivrüger, Krilische Ilemerkungen Adolf flaniacks Chronologie tier allchrist. Lit., dans Gôllingische gelehrle Anzeigen, janvier 1905. la reporte à l'an 150 environ. D’après le témoignage d’Eusébe et le sien propre, ses parents étaient païens: son éducation parait avoir été l’éduca­ tion très soignée d’un païen grec. Comme son nom l'in­ dique, il descendait probablement de quelque allranchi du consul chrétien son homonyme. 11 fit de longs voyages en Italie, en Syrie, en Palestine, enfin en Egypte. Sur son initiation aux mystères de la religion grecque, ci. Eusèbe. Prtvp. ev., I. H, c. n, P. G., t. xxi, col. 121 ; C. Houloir, Comment Clément d'Alexandrie a connu les mystères d'Eleusis? dans le Musée belge du 15août l‘.)05. Il nous dit lui-même, Strom., 1,c. i, P. G.,\. vm, col. 700, comment il trouva le repos en Egypte, près de Pantène, apres avoir suivi les leçons de divers maîtres, qu'il énumère sans les nommer: un Grec d'Ionie, un autre de la Grande-Grèce, un troisième de Célésyrie (peut-être d'Antioche),‘un Egyptien, un Assyrien (fa­ tten?), et un Palestinien converti du judaïsme. Vers 190, il lut attaché par Pantène à l’enseignement dans l'école caléchélique. Peut-être à ce moment reçut-il la préirise, qu'il s'attribue expressément. Pied., I. I, c. vt, P. G., t. vm, col. 293. A la mort de Pantène (vers 200), Clément lui succéda comme chef de l’école caléchétique. Urigène y fut son élève. Sous Septime Sévère, en 202 ou 203, la perséculion, qui sévit jusque dans Alexandrie, détermina Clément à prendre la fuite. Deux documents jettent encore quelque iour sur son | existence subséquente. Ce sont deux lettres d’Alexandre, son ancien élève, d'abord évêque de Césarée en Cappa­ doce. puis évêque de Jérusalem, vers 212, 213. Jeté en prison, vers 203, il y était resté jusque vers 212. Voir t. I, col. 763-764. L'ne leltre écrite de sa prison, l'an 211 ou 212, Eusèbe, //. E., 1. VI, c. xi, P. G., t. xx, | col. 544, nous atteste que Clément vit encore : Alexandre le charge de porter cette lettre aux habitants d’Antioche; dans la lettre même, il parle du bienheureux prêtre Clément, μακάριον πρεσβυτέραν, loue Je zèle qu’il a dé­ ployé en laveur de l’Eglise de Césarée, lui ayant donné force et accroissement durant la captivité de son pas- I teur. Ce témoignage suppose un assez long séjour à Cé­ sarée. L’autre lettre, adressée à Origène, Eusèbe, //. E., I. VI, c. xiv, P. G., t. xx, col. 552-553, parle de Clément comme déjà mort. Sur la dale précise de cet écrit nous ne pouvons avoir que des vraisemblances : comme il est antérieur, d'après Eusèbe, à un voyage qu'Origéne fit â Home sous Commode, il ne peut guère avoir été composé avant 217. H faut donc placer vers 215 ou 216 la mort de Clément. 13S loyie, t. n, p. 3-9. Ebrhard, Die allchristliche Litteratur, Fribourg-en-Brisgau. 1900; età sa suite Harnack, Die Chronologie. t. il. p. 12, avaient signalé les recherches à taire au sujet d'un manuscrit de ta Bibliothèque nationale, supplément grec, n. 1030, faussement catalogué comme Pars vitæ S. Clementis Alexan­ drini. A. d'Alôs, Un fragment pseudo-clémentin. dans la neuve des éludes grecques. ADC5. p. 211-214, a montré que le document n'avait rien de commun avec Clément d'Alexandrie. II. LE MILIEU ALEXANDRIN ET LA CULTURE DE CLÉ­ MENT. — Alexandrie était alors la ville cosmopolite, la mêlée universelle où venaient se heurter ou se fondre le judaïsme, la philosophie hellénique et les diverses formes du paganisme, les tendances panthéistes ou mysliquesde l'Orient,l'anlbropomorpliismede la Grèce. Voir Alexandrie (École chrétienne d'), t. i, col. 805-810, 824. Pour l’apostolat dans un tel milieu. Clément se trouvait providentiellement préparé, par une vaste information philosophique et religieuse, par une connaissance fort étendue des littératures païenne, juive et chrétienne. A. Deiber, Clément d’Alexandrie et l'Égypte, in-4«, Paris, 1905. En ce qui concerne la littérature judéochrétienne de l'Ancien Testament, il connaît tous les livres protocanoniques,etau témoignaged’Eusébe, II. E-, L VI, c. Xlll, P. G., t. xx, col. 548, « les livres non univereellement reconnus, tels que la Sagesse de Salomon et le livre de Jésus, fils de Sirach ; » parmi les livres du Nouveau Testament, il passe seulement sous silence l’Epitre de saint Jacques, la H" de saint Pierre, la 111· de saintJean; il connaît encore l’Evangileaux Égyptiens, Slrom., III, c. ix. xm, P. G., t. vm, col. 465, 1193; l'Evangile aux Hébreux, Slrom., II, c. ix, col. 981, l’Apocalypse de Pierre, le Κήρυγμα, la Didachè, la lettre de Barnabe, la lettre de Clément de Borne, le Pasteur d’ilermas. Cf. Dausch, Der ueutestametiHiche Schriflcanon und Clemens von Alexandrie», Fribourg-en-lirisgau, 1894; Kutler, Clemens Alexandrinus und das Keue Testament, Giessen. 1897. Depuis quelques années, on a beaucoup recherché les sources de son érudition littéraire. Que Clément ait fait usage d’anthologies, compilations alors très nom­ breuses à Alexandrie, Bigg, 7he chrislianplalonistsof Alexandria, Oxford, 1886. p. 46, note 2, c’est l’opinion généralement admise par les ciitiques actuels. De ce chef, on s’est attaché à le déprécier, à le repré­ senter comme un plagiaire. Il ne faudrait pas oublier, d’abord, que la notion de propriété littéraire n’était pas alors ce qu'elle est aujourd’hui, que les documents de celle nature étaient habituellement réputés domaine publicet traités comme tels; cn outre, si étendue que soit la somme de cette érudition de seconde main, il n’en reste pas moins à Clément un vaste ensemble de connaissances directement acquises. Harnack, Die Chronologie, l.i ipzig, 1904. t. il, p. 16. conclut ainsi : « La chasse aux sources, la mode de substituer aux sources originales des documents pêchés où l’on a pu, ont conduit à d’injustes jugements sur l’érudition de Clément. Autant que nous pouvons voir clair, en particulier dans ses rapports avec l’antique littérature chrétienne, il se montre homme d'inlormation solide, qui va aux sources originales. Son érudition est extraordinaire. Les écrits des Pères dits aposto­ liques, la Didachè. les lointaines perspectives de la lit­ térature gnoslique lui sont familières; il a lu Tatien. Méliton, Irénée; les traditions relatives aux apôtres, autant qu’elles étaient déjà fixées, et les précédentes tentatives de chronologie lui sont connues; sa connais­ sance de la Bible est de bon aloi, de première main. 11 n'en va pas autrement de la littérature païenne: natu­ rellement il a dû aussi utiliser un certain nombre de compendiums; mais qui pourra lui dénier la lecture des principales œuvres philosophiques de l’antiquité! > Cf. Bardenhewer. Gesrhirhtr der altkirehl. Literatur, FriSur les sources de Clément. Diels. Doxographi Grseci. Pcrén. tourg-en-Brisgau, 11'1)3, t. n, p. 15-17 ; Harnack, Die Chrono- ' 1879, un des premiers à émettre l'hypothèse des anthuk g. es, a 139 CLÉMENT D’ALEXANDRIE signale" des concordances entre les listesde philosophesdu Protrepticus, d une part, et du De natura deorum, 1. I, c. x-xn, d'autre part; Maas, De biographis græcis quxstiones selectx, dans Phitotott. Untersuchungen de Kiessling et WillamowitzMœllendorf, fasc. 3. Berlin. 1880; C. Merk, Clemens Alex, tn seiner Abhlingiglieit vender griechischcn Philosophie, Leip­ zig, 1879, cherche à prouver, comme l'ont fait beaucoup d’autres, que Clément est superficiellement chrétien, foncièrement stoïcien; P. Wendland, Quiestiones Musionanæ, dissertatio, Berlin,1886, a voulu montrer que Clément a mis à contribution un écrit stoï­ cien, contenant la doctrine de Musonius, maître d'Épictéte; de­ puis lors. Wendland a dû modifier essentiellement son hypo­ thèse. cf. Bardenhewer, op. cit., p. 4l:Scheck, De fontibus Clementis Alex., 1889. d'après lequel l'érudition de Clément, toute d'emprunt, n'aurait aucune valeur; Kremmer, De cata­ logis heuremutum, Leipzig, 1890; A. Wendling. De peplo aristotelico guxstiones selecta·,Strasbourg, 1891. Pour plus amples indications, Bardenhewer, Geschichte der attfc. LUI., t. il, p. 44, 45, qui souscrit â la très juste observation de Kœtschau : que ces recherches « par les contradictions qu’elles provoquent, auront pour résultat de stimuler les chercheurs plutôt que de fournir sur lel ou tel problème des résultats assurés ». Voir P. Kœtschau, Theol. Litteraturzeitung, 1901, p. 415-421, et de Paye, op.cit.. p. 312-316: Appendice: Les sources de Clément, bon résumé bibliographique et critique. tir. ATTITUDE APOSTOLIQUE ET PttÉOCCÜPATIONS MO- Eai.es. — Dans sa préoccupation de plaire aux Grecs et aux chrétiens cultivés, de s’assimiler tout ce qu’il y avait d'assimilable dans leur philosophie, Clément sut pour­ tant ne s'inféoder â aucune école : ce qu'il appelle la philosophie, ce n'est ni le stoïcisme, ni le platonisme, ni l'épicurisme, ni l'aristotélisme. Strom., I, c. vu, P. G., t. vin. col. 732; cf. VI, c. vu, P. G., t. ix, col. 277. Il ne fut point non plus un éclectique, au sens habituel du mol, quoiqu'on en aitdit. Winter, Die Ethik des Clemens von Alexandrien, Leipzig, 1882, p. 48 sq. 11 fut surtout un moraliste, un pédagogue, voulant faire l’éducation de ses contemporains, et pour cela, leur par­ ler une langue familière; il fut surtout un apôtre, sou­ cieux de prosélytisme, autant et plus que d’exactitude théologique. Il ne nous a d’ailleurs laissé aucun traité de théologie dogmatique proprement dite. Même dans les Stromales, il est visible que sa préoccupation est tout autre : propédeulique, apologétique, surtout mo­ rale; ce qui ne l'empêche pas de rattacher habituelle­ ment au dogme toute cetle théologie morale. 11 fut surtout un apôtre, soucieux de se faire tout à tous, un missionnaire, c’est l'expression de Bigg, op. cil., p. 47, reproduite par de Faye, un missionnaire parfois emporté bien loin par son zèle. Et précisément ce zèle apostolique, ce souci de se faire tout à tous, suivant I Cor., IX, 22, lui dicte sa méthode, lui inspire son habitude d'envelopper sa pensée chrétienne d'ex­ pressions familières à l’esprit grec. Strom., V, c. Ht, P. G., t. ix, col. 37. S'il va plus loin que le simple usage d'une termino­ logie, s’il essaie de traduire la conception chrétienne en conception grecque équivalente, c'est qu'il croit tou­ jours possible de découvrir des points de contact; il pense que la sagesse humaine, si imparfaite qu'elle soit, peut toujours servir à traduire la pensée divine ; que même là où elle déraisonne, on peut s’accommoder à ses égarements, arguer ad hominem. A l'insensé il faut répondre suivant sa folie, ΆποχρίΟςτι, φ-,σ'ιν !, Σαϊ.ομών, τω μωρώ έχ τής μωρίας αύτού; avec référence à I Cor., ix, 22; Rom., in, 29, 30. Ibid. 11 est vrai, de pareilles condescendances sont pé­ rilleuses; ces transpositions, ces traductions de la pensée divine en pensée humaine exposent à des contre-sens; à force de rapprocher des choses lointaines.on s'expose à des assemblages disparates, incohérents. Cela est arrivé plus d'une fois à Clément : il juxtapose l’élément rationnel et l'élément divin plus souvent qu'il ne les systématise dans un tout cohérent. C'est d'ailleurs le moins systématique des hommes. 140 L’enthousiasme du missionnaire est bien sa caractéris­ tique morale. Il éclate dans des pages admirables, telles que la péroraison du Prolreptique : « Les historiens de la pensée de Clément n’exploitent guère des passages comme ceux-là. On peut passer rapidement. Et cepen­ dant a-t-on raison?... Est-il plus chrétien que philoso­ phe ou plus philosophe que chrétien, voilà la question que l’on se pose, et l’on ne tiendrait pas compte de ces passages... λ De Faye, Clément d’Alexandrie, Paris, 1898. p. 61,62. /v. piirsiONOMlE intellectuelle. — A foules les cir­ constances sociales et à toutes les particularités indi­ viduelles qui expliquent le caractère de Clément, il convient d’en ajouter une importante pour rendre compte de son œuvre ; la forme même de son intelli­ gence. Cf. de Faye, op. cil., c. vu. La physionomie intellectuelle de Clément, p. 112-115. Pour expliquer l’allégorisme outrancier de notre écrivain, on a beau­ coup parlé de l’intluence de Philon. A côté de celte raison, partiellement explicative, il convient de faire une part, encore peut-être plus grande, à l’originale mentalité de l’écrivain chrétien. De là. sans doute, les bizarreries et le désordre des Stromales, lout au­ tant que leur beauté et puissance; de là encore, le pro­ cédé habituellement allégorique ou analogique. 11 suffit de lire quelques pages des Stromales pour voir combien Clément a l’esprit synthétique, comme il voit tout au concret, combien grande est sa difficulté d'abs­ traire pour analyser, de dégager nettement les éléments essentiels : « C’est la moins simpliste des intelligences... Son imagination n’évoque jamais que des objets com­ plexes, multiples, chargés d'accessoires... Ses idées sont très précises... Mais, encore une fois, il les voit toutes ensemble et d'un seul coup. Cela lui suffit. » De Faye, loc. cit., p. 113. L’habitude du procédé analogique est en rapport étroit avec ce tempérament intellectuel : non seulement l’ana­ logie au sens précis et rigoureux, fondée sur des rap­ ports intimes et naturels, montant du monde visible au monde invisible par les voies normales, en vertu de connexions logiques, mais analogies lointaines et impar­ faites, le plus souvent superficielles, et donnant lieu à des spéculations fantaisistes. Tout cela, du reste, était compris sous le terme géné­ ral d'allégorie. Ainsi entendue, l’allégorie était depuis longtemps à l’ordre du jour. Cf. Siegfried, Philo von Alexandria, Leipzig, 1875, p. 9-27. A son aide, les phi­ losophes grecs, stoïciens, péripatéticiens et autres, à l’envi, s'efforçaient de trouier dans Homère le germe de leurs théories favorites. Les Juifs alexandrins appli­ quèrent à la Bible les mêmes procédés : ce fut un Juif péripatéticien, Aristobule, qui le premier crut à la pos­ sibilité de montrer la philosophie grecque dépendante de Moïse et des prophètes. Strom., V, c. xiv, P. G., t. ix, col. 145. Cf. Shield, Lehrbuch der Geschichte der Philosophie, Mayence, 1888, t. I, p. 184; Zeller, Die Philosophie der Griechen, Leipzig, 1881, t. ni b, p. 259. Il utilisa l'allégorie stoïcienne. Siegfried, loc. cit., p. 25. Vint ensuite Philon qui poussa si loin l'abus de l’allégorisme, faussa le sens de la révélation, dénatura l’esprit de la religion juive, exerça de profondes influences sur la littérature judéo-biblique, Siegfried, loc. cil., p. 278-302, sur le monde alexandrin, Richter, Netiplatonische Sludien, Halle, 1867, fasc. 1, p. 34-43, sur la morale de Plolin et jusque sur la pensée chrétienne. Clément devait difficilement se garder de pareilles influences, d'un fieritage transmis par des prédécesseurs si illustres, d'un ensemble de procédés, d'une méthode qui s'identifiait avec toute la culture intellectuelle de ce temps.. v. eéputa Ttotr posthume : ηοι τηιχΕ et sainteté. — Des les ni", IV" et v» siècles, de nombreux et imposants témoignages sont rendus en faveur de la science, de 141 CLÉMENT D’ALEXANDRIE 142 l'orthodoxie, de la vertu et parfois de la sainteté de | 13, les Alexandrins; p. 13-15, Pantène; p. 15-40, biographie de Clément, sa culture, sources qu'il a utilisées ; G. Krüger, Ges­ Clément. Zahn signale, avec références à l'appui, que « des auteurs appartenant à des courants de doctrines chichte der altchristlichen Litteratur in den ersten Jahrhunderten, 2·édit., Frlbourg-en-Brisgau et Leipzig, 1895, p. 100-107; opposées, tels que Cyrille et Théodoret, s'accordent à Clemens of Alexandria, dans The Church quarterly review, le louer ». Forschungen zur Geschichte des neutest. KaLondres, 1904. t. LVilL p. 848-371; L. Duchesne, Histoire an­ nons, t. ut, Supplementum Clementinum, Erlangen, cienne de l'Éylise, Paris, 1906, t. I. p. 332-340, 1881, p. 141. Sans parler des louanges d'Eusèbe, que l’on Discussions chronologiques — Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Litteratur, t. il, p. 2-7, réunit et compare pourrait, à la suite de Benoit XIV, considérer comme suspectes, voir notamment les témoignages de saint I les données sur lesquelles s'appuie la chronologie des faits prin­ cipaux de la vie de Clément : témoignages de Jules Africain, Hip­ Alexandre de .Jérusalem, de saint Epiphane, de saint polyte. Alexandre de Jérusalem, Eusèbe, Épiphane, ceux de Clé­ Cyrille d’Alexandrie, de saint Jérôme, de saint Jean ment lui-méine dans le Pédagogue et les Stromates ; p. 9-16, Damascene, etc., P. G., t. vm, col. 33-49; Preuschen, discussion très serrée sur la chronologie de ses œuvres. dans Harnack, Ueberlieferung, t. i, p. 296; Stahlin, Die Pour les détails. — Winter, Die Elhilc des Clemens von Griechischen chrisllichen Scliriflsteller der ersten drei Alexandrien, Leipzig, 1882, Introduction, p. 1-10; Zahn. Fors­ chungen zur Geschichte des neutest. Fanons und der oltkirchl. Jahrhunderle, Clemens Alexandrinus, Leipzig, 1S05, Literatur, Erlangen, 1884, t. ut, Supplementum Clementi­ p. ix-xvi, moins complet. num, p. 156-176; Bigg, ’The Christian platonists of Alexan­ Photius le premier éleva une voix discordante. Il dit dria, Oxford, 1886, p. 45-52, sa vie, son caractire, son amour avoir relevé, dans les Ilypotyposes principalement, cinq des lettres et de la philosophie, sa position moitié rationaliste, erreurs : l’éternité de la matière; le Fils considéré moitié mystique; E. de Faye, Clément d’Alexandrie, Étude sur comme une créature (sur ce point, le témoignage de les rapports du christianisme et de la philosophie grecque au Photius est confirmé par Rufin; cf. S. Jérôme, Apolo­ n* siècle, Paris, 1898, Introduction, p. 1-35, l'Égltse chrétienne à la fin du u· siècle, biographie de Clément; p. 117-161, les sim­ gia adversus libros Ihifiui, 1. Π, '17, P. L., t. xm, col. 439); une théorie de l’incarnation entachée de do­ pliciores, ce que Clément entend par philosophie ; Capitaine, Die Moral des Clemens von Alexandrien, Paderborn, 1903, cétisme, el s’appuyant sur le λόγος προφορικός à l'exclu­ Introduction, p. 1-65, civilisation alexandrine, les Juifs, l'aliégosion du λ.όγος έν8:ά0ε:ος; la métempsycose et la pluralité risme, l'influence de la philosophie, biographie de Clément, son des mondes. Bibliotheca, cod. 109, P. G., t. cm, col. 384. érudition, sa réputation d’orthodoxie et de sainteté; Hort et Sur l’appréciation de ces griefs, les critiques posté­ Mayor, Clement of Alexandria, Miscellanies, Londres, 1902, rieurs sont loin de s’entendre. A partir du xvn» siècle, t. vu, Introduction, p. xxn-xi.ix, influence de la philosophie grecque sur la théologie et la morale de Clément ; p. l-lx, Clément ils sont en désaccord. Voir Benoit XIV, loc. cit. La et les mystères; p. lxi-i.xiv, la réputation de Clément; fixeront, discussion concerne, d’une part, le sens très obscur du Histoire des dogmes, Paris, 1905, p. 46-60, le judaïsme alexan­ décret du pape Gélase, Thiel, Epistolæ pont. rom. ge­ drin et la Diaspora. Voir Alexandrie {École chrétienne dj, t. 1, nuine, p. 461, d'autre part, la valeur des accusations col. 805-824. portées par Photius. Gélase condamne opuscula alterius Clementis Alexandrini apocrypha. Les bollandistes, IL Manuscrits et éditions, — z. manuscrits. — L'histoire des manuscrits et autres sources fragmen­ t. iv julii, p. 12, n. 27, pensent qu’il s’agit d'un autre Clément. Benoit XIV juge néanmoins que ce décret taires a été établie par Harnack, von Gebhardt, Zahn et autorise de graves soupçons : Cum non levem de Cle­ surtout par Slâhlin, dans Beilrâge zur Kenntniss der mentis operibus ingerat suspicionem censura decreti llandschriflen des Klemens Alexandrinus, Nuremberg, Gelasiani, et il rejette, comme moins vraisemblable, 1895; et dans Cnlersuchungen über die Scholien :u Klemens Alexandrinus,Nuremberg, 1897. Cf. E. de Faye, l'interprétation donnée par quelques auteurs, au mot apocrypha : ouvrages interdits à la lecture publique, op. cit., les manuscrits, p. 303-305; le texte, p. 308-310. Il est maintenant acquis que lous les manuscrits connus ne devant être lus qu’avec réserve. Sur la valeur des accusations portées par Photius, la dépendent du célèbre codex d'Aréthas, évêque de Césacontroverse était déjà vive au xvttl· siècle. Voir dans rée en Cappadoce, manuscrit ordinairement désigné par Benoit XIV, loc, cit., les opinions respectives des divers la lettre P. Bibliothèque nationale, n. 451. Cf. Barnard, Clement of Alexandria, Quis dives salvetur, Cambridge, historiens ou théologiens. 1897, Introduction, p. ix-xxvm, où on trouvera une Voir Benoit XIV, bief Postquam intelleximus, du !" juillet élude complète et neuve de la tradition du texte de 1748, adressé au rai de Portugal, et inséré en liste de son édition Clément. du martyrologe romain, Rome, 1749; Alban Butler, Vie des Pires et des martyrs (au 4 décembre); Zahn, Supplementum il. ÉDITIONS. — P. Victorius, Florence, 1555; F. SylClementinum, p. 1411 sq. ; Ch. Bigg. The Christian platonists burg, Heidelberg, 1592; D. Heinsius, Leyde, 16'14, con­ of Alexandria, Oxford. 1886, p. 269 sq.; W. Capitaine, Die Mo­ tenant une traduction latine d’Hervet antérieurement ral des Clemens von Alexandrien, Paderborn. 1903, p. 26, parue à Florence, 1551 ; réimpressions de l’édit. Heinsius 58 sq.; Ilort, Clement of Alexandria, Miscellanies, Londres, à Paris, 1629, 1641, et à Cologne, 1688. La meilleure des 1202, t. vit, Introduction, c. iv, p. lx-lxl anciennes éditions est celle de l’évêque anglican, J. Pot­ La valeur et la signification des termes qui attestent ier, Oxford, 1715, enrichie de notes précieuses; réim­ sa sainteté peuvent être contestées. Cf. Benoit XIV, loc. pressions par Fr. Oberlhûr, SS. Patrum opera pole­ cil., p. xiv. Quoi qu'il en soit, divers martyrologes, à la mica, opera Patrum græcorum, Wurzbourg, 1778-1779, suite d’Usuard, admettaient en sa faveur cette tradition, t. iv-vi; Klotz, Bibl. sacra Patrum Ecclesiæ græcæ, et indiquaient sa fête au 4 décembre; l’Eglise de Pa­ Leipzig, 1831-1834; Aligne, Paris, 1857, P. G., t. vm, ris la célébrait à celte date. Sur l'avis de Baronius, ix. L’édition Dindorf, 1869, Oxford, très défectueuse, a Clément ne fut point admis au martyrologe romain, ré­ été sévèrement critiquée. Slâhlin vient de donner le Ier visé par Clément VIII, et Benoit XIV maintint celle dé­ volume, comprenant le Protreptique elle Pédagogue, de cision, sans trancher absolument la question de doctrine I l’édition comprise dans la collection : Die Griechischen et de vertu, non ut Clementis Alexandrini laudibus j chrisllichen Schriftsteller der erstendrei Jahrhunderle, quidquam detrahamus... quidquid sit de ejus doctrina Leipzig, 1905. Ce volume comprend une introduction ac probitate, p. xn, mais pour des raisons d’opportunité, relative aux manuscrits, à la tradition littéraire indi­ qui sont les suivantes, p. xil-xv: sa vie trop peu connue, recte, aux éditions et traductions; le texte, el les scolies aucune trace de culte public rendu dans l’Eglise, doc­ du scribe Baanes et de l’évêque Aréthas. trine pour le moins douteuse et suspectée par divers 111. Activité littéraire, — Outre le Protreptique, le historiens ou théologiens. Pédagogue et les VII Stromates (voir plus loin leur ana­ lyse’ et les problèmes que soulève leur trilogie), on a de Vue d'ensemble et résumé. — Bardenhewer. Geschichte der Clément quelques autres ouvrages ou compilations : althirchlichen Literatur, Fiibourg-en-Brisgau, 19j3, t. u, p. 1- ‘43 CLÉMENT D’ALEXANDRIE t. DES HYPOTYPOSES ou Esquisses, υποτυπώσεις. C’était, en huit livres, une suite de remarques sur di­ vers passages de l’Écriture sainte. Eusèbe, II. E.,}. VI, c. xiii, xiv, P. G., t. xx, col. 548, 549; Photius, Bibl. cod. 109, P. G., t. cm, col. 384. On en trouve de nombreux fragments dans Eusèbe, 11. E., 1. I, c. xii; 1. II, c. ί, ιχ. xv; 1. VI, c. χιν, P. G., t. xx, col. 117, 136, 157, 17'2, 549; dans Œcumenius, Commentarii in Acta apostolorum, in omnes Pauli epistolas, in epistolas catholicas omnes, Paris, 1631 : P. G., t. ix, col. 745 sq. En outre, il existe un fragment considérable, traduction latine d’origine inconnue, men­ tionné par Cassiodore, De institutione, 1.1, c. vin, P. L., t. lxx, col. 1120, et intitulé : Ex opere Clementis A lexandrini, cujus titulus est περί υποτυπώσεων, de scriptioni­ bus adumbratis. Zahn en a donné une nouvelle édition dans Forschungen, t. ni, p. 79 sq. Ce fragment contient des commentaires sur quatre Épilres : 1 Pet., Jud., I et II .loa. Mais d'après le té­ moignage d’Eusébe et de Photius, le texte original de­ vait s’étendre â la Genèse, l’Exode, les Psaumes, l’Ecclésiastique, les Actes des apôtres, les Èpîtres de saint Paul et toutes les Epîtres catholiques, et en outre, l’Epitre de Barnabé et l’Apocalypse de Pierre. M. l’abbé Mercati a découvert dans le manuscrit Vaticanus 354 un fragment des Hypotyposes. cité comme scholie margi­ nale de Matth., vin, ‘2, dans lequel Clément parle d’un apocryphe inconnu, peut-être l’Évangile des Ébionites. L'n frammenlo delle Ipoliposi di Clemente Alessandrine, dans Sludi e testi, t. xn, p. 3-15. A. Harnack a conjecturé que Clément y utilise un renseignement tiré de Papias. Ein nettes Fragment aus den Hypotyposen des Clemens, dans Site. Ber. der K. preuss. Akademie der Wissenschaft, 1904, p. 901-908. Dom Chapman a prétendu que le canon de Muratori était un extrait du Ier livre des Hypotyposes. L'auteur du canon muralorien, dans la Bevue bénédictine, t. xxi, p. 240-264, 369-374. Photius a sévèrement apprécié les Hypotyposes, voir col. 141. Éditions. — M. de la Bigne. Paris. 1575; Migne, P. G., t. ix, col. 729-740; Dindorf, Clem. «ter. opera, Oxford, 18C9, p. 479-489; Zahn,dans Forschungen, t. ni, p.79-92. Voir aussi dans Zahn, op. cit., p. 93-103, des remarques sur les Adumbrationes ; p. 64-78. la collection des fragments grecs: p 130-156, une tentative de reconstitution de l’ouvrage. Cf. E. de Paye, op. cit-, p. 35-38; Bardenhewer, Gesch. der allkirch. LU., t. n, p. 49. ff. QUIS dives salvetur. — C’est une homélie sur Marc., x, 17-31, destinée surtout à expliquer ces paroles du Sauveur : Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, qu’à un riche d’enlrer au royaume des deux. — Exorde. P. G., t. ix, col. 604609. — Nécessité d'une doctrine sûre. Les paroles du Christ : Facilius est..., sont en général mal comprises. Clément va prouver que nulle situation n’est à craindre pour ceux qui observent les commandements. Jn partie, P. G., t. ix, col. 609-632. Sens des paroles du Christ. — Ne pas prendre ces paroles charnellement, σαρκιζίκ, mais selon l’esprit. Convenance de la question et de celui à qui on la fait; la connaissance du Dieu bon par Jésus-Christ, son Fils, est capitale pour le salut. Sens de ces paroles : Vade, vende...; pauvreté spiri­ tuelle. Conclusion : Les richesses ne sont, de leur nature, ni bonnes, ni mauvaises, mais selon l’usage qu’on en fait; comme le corps humain, elles sont un moyen. JB partie. A quelles conditions les richesses sont un moyen de salut. — Le véritable amour du prochain, d’après la parabole du Samaritain; peinture de la cha­ rité chrétienne, éloquentes exhortations à la pratiquer. Le Christ est mort pour nous, nous devons nous dé­ pouiller pour nos frères. Par la véritable pénitence, le riche peut entrer dans le ciel. En guise de péroraison, émouvante histoire du jeune 144 homme, devenu bandit, que saint Jean poursuit jusqu’à ce qu’il l’ait ramené à l’Église. Éditions et traductions. — Cette homélie fut éditée pour la première fois par Ghisleri, In Jeremiam prophetam commen­ tarii lit, Lyon. 1623, p. 262-282. Autres éditions a Utrecht, 1816: Kœnigsberg, 1831 : Leipzig, 1861 : Frihourg-en-Brisgau. 1893, dans Sammlung ausgeivühlter Kirchen und Üogmengeschichtl. Qucllenschriftcn, fasc. 6; P. M. Barnard, Texts and Studies, Cambridge, 1897, t. v, fasc. 2, résume dans son introduction les travaux de Stahlin et les siens propres, relativement aux manus­ crits de Clément; cette édition est faite d'après un manuscrit de l’Eseurial. prototype du Vaticanus. Les auteurs subséquents, les anthologies citent fréquemment te Guis dives. Sur ces citations, cf. Zahn, Fur.se/iiiugen, t. m, p. 30: Preuschcn dans Harnack, op. cit.,t. I, p. 315; Holl, Frag­ mente vornicünischen Kirchenvüter aus den Sacra Parallela, Leipzig, 1899, p. 112-117; E. Schwartz, Zu Clemens, Ί’<; ί σωζόρινν; ζλνύσ,ο;, dans /termes, 1903, t. xxxviti. p. 75-100 (tradi­ tion du texte). Trad, française : de Genoude, 1846: trad, alte­ rnande: Hopfenmüller, Kempten, 1875; trad, anglaise : Barnard, Londres, 1901. m. le eclog.e, viiF stromate; les excerpta et les voir plus loin la trilogie, problèmes relatifs à sa composition. IV. AUTRES ÉCRITS QUI NB NOUS SONT POINT PARVENUS. — Bardenhewer, Geschichle, t. n, p. 51-56, en a dressé un inventaire succinct et complet. Un ΙΙερί τού πάσχα, sur la Pâque, plusieurs fois cité par Eusèbe, II. E., 1. IV, c. xxvi; 1. VI, c. xm, P. G., t. xx, col. 323, 548, 549, composé â l’occasion des con­ troverses des quartodécimans. et de l'écrit de Mélilon de Sardes. Un fragment du De paschale a été publié dans Texte und Untersuchungen de Harnack et de von Gebhardt, t. xvn, fasc. 4, p. 48 sq. Voir Zahn, op. cil., I. m, p. 32 35 ; Preuschen, op. cit., t. I, p. 299. Un Κανών έκκλησιαστικός η προς τούς ΐουδαΐζοντας. On ne sait pas précisément les points de doctrine qui y étaient visés. H était dédié à Alexandre, et â en juger par son litre, il semble se rattacher à la controverse pascale. Voir Zahn, op. cil., t. ut, p. 35; Preuschen, op. cit., t. I,p. 300; Kattenbusch, Das aposlolicheSymbol Leipzig, 1897, t. n a, p. 175. Des Διάλεξε:; περί νηστείας καί περί καταλαλιάς. Eusèbe, H. E., 1. VI, c. xm, P. G., t. xx, col. 548. Probablement Eusèbe en cet endroit mentionne deux écrits distincts. Une exhortation à la persévérance, adressée à de nou­ veaux baptisés, Ό προτρεπτικός προς υπομονήν ή προς τούς νεωστ’ι βεβαπτισμένους, mentionnée par Eusèbe, Β.Ε., I. VI, c. xm, P. G., t. xx, col. 548, etsignaléepar Barnard dans le manuscrit de l’Eseurial. Cf. P. M. Barnard, Cle­ ment of Alexandria, Quis dives salvetur, p. 47, 50. Un écritsur le prophète Amos, Εις τον προφήτην Άμώς, mentionné par Palladius, P. G., t. xxxiv, coi. 1236; et un autre sur la providence, Περί προνοίας, cité par quel­ ques écrivains à partirdu vit'siècle. Sur ces deux écrits d’authenticité douteuse, voir Bardenhewer, loc. cil.; Zahn, loc. cit., p. 39-44; Barnard, loc. cit., p. 50. Sur la très problématique existence d’un Λόγος περί ένκρατείας et d’un γαμιζ'ος Λόγος, cf. Bardenhewer, Zahn, Preuschen, loc. cit., et Wendland, dans Theolog. Lileraturzeilung, 1898, p. 653. Sur divers écrits que Clément annonce, ou bien aux­ quels il fait allusion dans ses ouvrages, Stromates futurs ou ouvrages indépendants, Άρχαί, Θεολογία, ΙΙερί άναστάσεως, ΙΙερί προητείας, Περί ψυχής, ΙΙερί τής ανθρώπου γενέσεως, Περί γενέσεως κόσμου, cf. Zahn. Forschungen, t. m. p. 38, 45-47; Preuschen dans Harnack, op. cit., p. 301-308; de Faye, op. cit., p. 79-84, 110; at le résumé deces auteurs dans Bardenhewer, op. cil., p. 54-56. III. La Trilogie. — t. problèmes que soulève l’étude de sa composition. — 1° L’existence du Δι­ δάσκαλος ; le rapport chronologique du Protreptique el des Stromales ; les hypothèses de Faye et Ileussi. — Au premier abord, il est assez naturel de considérer le 145 CLÉMENT D’ALEXANDRIE 146 Protreptique, le Pédagogue et les Stromates comme les λίας κατά τούς Οΰαλεντίνου χρόνους έπιτουαί, Extraits des trois parties d'un ensimble, comme la réalisation d'un écrits de Théodote et de l'école orientale du temps de plan plusieurs fois indiqué ou formellement annoncé par Valentin, et Έκ τών προφητικών έκλογαι, Morceaux choi­ Clément : conduiregraduellementson disciple du paga­ sis des prophètes. Zabn, Supplementum Clemenlinum, nisme au christianisme, voir Peed., 1.1, c. i, P. G., t. vin, p. 104-130, a étudié ces trois textes et émis l’hypothèse col. 2i9, qui rappelle le Protreptique et résume la mission qu’ils étaient des extraits tirés du véritable VIII*Stromate par un compilateur subséquent. Celte hypothèse n'a pas du Logos : προτρέπω-/, παιδαγωγών, έκδιδάσκων, P. G., t. vin, col. 252; Strom., VL c. i, P. G., t. ix, trouvé crédit. P. Ruben, Clementis Alexandrini Ex­ col. 208, qui se réfère expressément aux trois livres du cerpta ex Theodoto, pense que les Excerpia sont une Pédagogue. E. de Faye, Clement d'Alexandrie, p. 78- I compilation faite par Clément lui-même, en vue d'un 86 : Le maître ou la troisième partie de l'ouvrage de ouvrage dogmatique. .1. von Arnim, De octavo Clem. Clément; p. 87-98 : les Stromates; p. £9-111 : bu Strc.matorum libro, Rostock, 1894, adoptant celte mavéritable caractère des Stromales, a émis cette hypo­ | nière de voir, l'étend aux Eelogæ, et au VIII’ Stromale thèse que les Stromates ne seraient point la troisiime | lui-même; ces trois textes ne seraient qu'un ensemble partie projetée et annoncée, mais une préparation à de matériaux, préparés par Clément. Celle vue est adop­ cette troisième partie. D'après divers passages, de Faye, tée par Ma” Duchesne. Histoire ancienne de l’Eglise, p. 49, note 2, Clément avait l'intention de donner à Paris, 1906, t. i, p. 337, note. Voir Ch. de Wedel, celle-là le litre de Διδάσκαλος. Les Stromates ne seraient Symbola ad Clementis Alexandrini Stromatum li­ alors qu’une digression, destinée à préparer les es­ brum Vlll interpretandum, Berlin, 1905. prits. en justifiant les nouveautés de sa méthode et de it. sOMJJ.tinES;A.v.iLrsES. —1» Sommaires succincls son exposition dogmatique. L'auteur de celle hypothèse du Prolreptique et du Pédagogue. — I. Protreptique. s'appuie encore, d'une part, sur l'allure générale de la — Tirant son exorde d'une gracieuse légende grecque, rédaction des Stromates, et d'autre part, sur l’interpré­ Clément proclame la nécessité de prêter l’oreille à un talion d'un passage important. — I. Rédaction des Stro­ chant nouveau, celui du Verbe, c. I. — Critique du pa­ males : pour le /and, ce n'est pas l'enseignement dog­ ganisme : oracles et mystères; les dieux, leur immora­ matique el didactique du maître, c'est encore un traité lité, leur origine humaine; le culte, les sacrifices, les propédeutique, apologétique, c'est surtout une discipline images, c. n-iv. — Les philosophes et poètes; leurs morale; pour la forme : défaut de cohésion intention­ idées très diverses sur la divinité, pourtant des lueurs nel et systématique; l'auteur, mis en suspicion par les de vérité, c. v-vn. — Il est temps d'écouter les pro­ simpliciores, attaqué sans doute aussi par les philoso­ phètes hébreux inspirés du Saint-Esprit, c. VIII. — phes, a senti le besoin de justifier sa méthode, et pour­ Motifs de conversion : justice et bonté de Dieu, c. ix. — tant de n'écrire que pour un nombre restreint de lec­ Transcendance du christianisme comparé aux crimi­ teurs. — 2. Interprétation d'an passage important: pré­ nelles coutumes el aux absurdes croyances qu'on vou­ face du IV· livre, P. G., t. VIII, col. 1213, 1216. A la fin drait défendre au nom de la tradition, c. x. — Morale et de cette préface, Clément annonce uu autre ouvrage, qui institutions bienfaisantes apportées par le Christ, c. XI. serait, d'après de Faye, le Διδάσκαλος. Pour la critique Exhortation à écouler le Christ, à fuir la vie païenne, de celte hypothèse et des raisons données à l'appui, à vivre dans le culte el la familiarité de Dieu, c. Xll. voir P. Lejay, Revue d’histoire et de littérature reli­ 2. Pédagogue. — Livre I. — Explication du litre : gieuses, 1900, t. V. p. 170; lleussi, Zeitschrift für icis- Après l'exhortation, doit venir la pédagogie, ou correc­ sensch. Théologie, 1902, t. xi.v, p. 465 sq. tion des mœurs, guérison de l’âme, c. I. — Le vrai pé­ Ce dernier critique est arrivé par ses études à une dagogue est le Christ, Dieu fait homme, très doux, très conclusion très divergente, d'une part, des conclusions puissant pour nous guérir, c. n. — Vraiment Dieu, il de M. de Faye, d'autre part, de l'opinion jusqu’alors remet les péchés, secourable à tous, aux femmes aussi indiscutée, relativement au plan de la Trilogie, et à bien qu’aux hommes, c. ni, iv. — Ce que sont les en­ l'ordre chronologique de ses parties. Tout en n'admet­ fants que le Christ vient élever; il ne s’agit point de tant pas que Clément eut projeté et désigné sous le nom l’âge, mais de la simplicité des mœurs; l’Ecriture leur de Διδάσκαλος, autre chose que les Stromates — ni que donne ce nom, qu’il ne faut point prendre en mauvaise les Stromates fussent une digression hors d’œuvre, il part ; le baptême constitue un état de perfection. Pour­ conclut néanmoins que les quatre premiers livres des quoi et comment l'apôtre parle du lait des enfants; Stromates ont été composés avant le Pédagogue, suivi diverses considérations mystiques et allégoriques, c. v, lui-mèine des Stromates V-VII. Il parvient à cette con­ vi. — Notion plus complète du pédagogue et de la pé­ clusion. en discutant les passages de Clément, allégués dagogie, c. vu. — Identité de la justice et de la bonté; par de Faye, et en montrant que pour le fond, les Stro­ c'est le même Dieu, le même pédagogue, qui menace males répondent bien au programme que devait rem­ et qui sauve, dans l'Ancien et dans le Nouveau Testa­ ment, c. vin-xii. — Est moral ce qui est conforme à la plir le Διδάσκαλος — que pour la forme, la diversité de composition entre Stromates I-1V et Stromates V-VII raison droite; est péché le contraire, c. Xlll. Livres II el III. — Préceptes minutieux, relatifs aux s'explique précisément par l'intervalle de temps écoulé, aliments, au mobilier, au repos, au rire, aux paroles par la publication, dans cet intervalle, du Pédagogue : celui-ci facilitait la tâche assumée, de présenter le Λόγος déshonnêtes, aux parfums et aux couronnes, au som­ meil, aux rapports conjugaux, à la mise trop recher­ comme maître. Cf. A. Harnack, Die Chronologie, Leipzig, 1904, t. n, p. 9-16; Bardenhewer, Geschichte chée, aux bains, etc. Hymne au Sauveur composée par Clément; et hymne der allkirchlichen Lit., 1903, t. it, p. 27-29. au Pédagogue, attribuée par Slâhlin, Vntersuchungen 2° Le VIII· Stromale; les Excerpta, et les Eelogæ. über die Scholien zu Klemens Alexandrinus, 1897. — Eusèbe, II. E., I. VI, c. xin, P. G., t. xx, col. 545; p. 48, à l'évêque Aréthas de Césarée. et Photius, bibliotheca, cod. 11 I, P. G., t. cm, col. 385, 2’ Stromates 1-VII. Exposition analytique du mou­ attribuent à Clément un VlII’Iivre des Stromates; en fait, le Florentinus, base du texte des Stromates, contient vement des idées. — « Les Stromates passent encore maintenant pour des miscellanées. On verra par l'ana­ un livre VIII”, petit traité de dialectique relatif à la lyse qu'il y a beaucoup d'exagération dans cette opinion. méthode logique, aux définitions et aux preuves, aux Il y a un plan, ou plus exactement un enchainem, n' genres et aux espèces, etc. Aucune entrée en matière, des matières dans les Stromates. » De Faye, op. cit., ni conclusion; pas de référence aux autres Stromates. p. 90. Les grandes lignes sont les suivantes : Le l'r Stro­ Il est suivi, dans le Florentinus, de deux autres textes: Έκ των Θεοδότου και τής ανατολικής καλούμενης διδασκα­ male est une introduction relative surtout à la méthode 147 CLÉMENT D’ALEXANDRIE apostolique, doctrinale, apologétique. Les Stromates IIIV concernent la foi, les vertus et la morale chré­ tiennes. Les StromatesV et VI traitent de la connaissance religieuse, chez les Grecs et chez les barbares. Le Stromate VII dépeint le gnostique comme ideal de l'homme religieux. Le litre, d'après Eusèbe, II. E., I. VI, c. xm, P. G., t. xx, col. 548, d’après Photius, Bibliotheca, cod. Ill, P. G., t. cm, col. 386, et d’après la conclusion des Ier, IIe, III»et V» Stromates,serait le suivant: Τίτου Φλαυίου Κλήμεντος τών κατά την αληθή φιλοσοφίαν γνωστικών υπομνημάτων στρωματεΐς, Tapisseries de commentaires gnosliques, selon la vraie philosophie, de Titus Flavius Clemens. /r Stromate. — a) Droit d'écrire, apostolat doctrinal. — Au prédicateur de la vérité on ne peut dénier le droit d’écrire accordé à des écrivains mauvaisou futiles; la doctrine est une paternité, le vrai, un bien que l’on communique volontiers. P. G., t. vin, col. 688. La gnose doit être propagée, telle est l’intention du Christ, col. 689; mais il faut prudence et discernement: con­ ditions exigées chez le maître et le disciple, col. 692; louanges de l'apostolat exercé par la parole et par la plume, col. 693, 696. Éloge des maîtres de Clément; il plaide pour ses écrits, trop faibles si on les compare aux leurs, col. 700, 701. 6) La méthode et les adversaires. — Sa méthode est traditionnelle, en partie ésotérique; pour gagner les in­ telligences, il usera des meilleures données de la phi­ losophie grecque, col. 705. — Procédé légitime en soi, bon contre les sophistes; raisons en faveur d’une certaine obscurité, col. 709-713. — Fausse et vraie sagesse; l'hellénisme prépare au christianisme; ce qu’est la philosophie, col. 716-733. — Nécessité et possibilité de la foi, col. 733. — Réfutation des sophistes, des enne­ mis de la philosophie, qui la disent mauvaise ou sim­ plement inutile, col. 736-741. — Simplicité et pureté d'intention de l’apologiste; pas de nouveautés, pas d’arli lices de style, col. 744, 749. — Doctrine de la provi­ dence, critérium d'une vraie doctrine, col. 749. — Sui­ vant l’ordre du Christ, Clément enseignera la vraie gnose, cachée seulement aux indignes, col. 753. c) Hébreux et païens : doctrines communes, origine unique, secours providentiel. — La vérité est une, dis­ persée dans les sectes; histoire de la philosophie grecque, col. 753-765; origine hébraïque de la philosophie et des arts : les « voleurs », Joa., x, 8, venus avant le Sauveur, col. 768-801. — Parcelle de vérité qu’on trouve dans la philosophie, secours providentiel, col. 885-812. — Dans quelles limites la philosophie est l'auxiliaire de la révélation, col. 813-817. d) Chronologies et parallèles. — Antiquité de Moïse; chronologie des chefs et des prophètes Israélites com­ parée à celle des rois et philosophes étrangers, col. 820869. — Les sages du paganisme étaient sous l'influence de causes naturelles, les prophètes hébreux sous l’influence divine, col. 869-872. — Dissertations chronologiques, col. 872-889. — Version des Seplante, col. 892, 893. — Histoire de Moïse, sagesse de ses lois, apologie de leur sévérité, col. 896-291. — Une étude rationnelle peut en donner l'intelligence; fables puériles des Grecs, col. 924928. 11“ Stromale. — a) Préambule. — La tâche qui s’impose à Clément : montrer les plagiats des Grecs, ce qui l’amènera à parler de la foi et des autres vertus, de l'usage des symboles, col. 932-933. b) La foi. — La sagesse a divers chemins pour con­ duire à la foi; elle-même, la foi conduit â la vérité. Programme de la vraie sagesse : la θεωρία φυσική, puis la contemplation des νοητά. On arrive ainsi à la connais­ sance du Maître de l'univers, très lointain et très proche ; grandeur des mystères, dont la connaissance est chose réservée. —Que la foi est volontaire, principe d'activité US morale et de connaissance stable, non soumise au déter­ minisme des causes naturelles, soutenu par Basilide, col.933-941. — Diversinodes de connaissance,supériorité de la foi qui atteint les principes, la région spirituelle, col.944,945. — Elle est une anticipation, πρόληψ:;, néces­ saire avant toute science, une obéissance, ΰπακοή, néces­ saire à foute discipline : Nisi credideritis, non inlelligelis, col. 948, 949, sagesse royale dont parlait Platon, et que possèdent les chrétiens. (Toutes ces notions de la sagesse et du législateur venues aux Grecs des écrivains sacrés, col. 951-959.) — Fides exauditu : combien néces­ saire cet assentiment de docilité; quels grands biens il procure: pénitence, espérance, observation des com­ mandements, charité et gnose, col. 960-968. c) L’édifice des vertus, connexion, fermeté du fonde­ ment, slabilitédel'ensemble.— Légitimité de la crainte et de la loi; la crainte est principe de sagesse, non pas au sens de Basilide et de Valentin, col. 968-976. La crainte conduit à la pénitence, â l’espérance, à la charité. Les Juifs ont ignoré la vraie justice, esclaves de la lettre, à cause de leurs mauvaises dispositions. En leur place les Gentils sont appelés, et le sceau, σφραγίς, et la régénération ont été donnés dans les enfers aux justes, gentils ou juifs, observateurs de la loi naturelle, col. 976-979. — En résumé, toutes les vertus sont connexes, couronnées par la charité dont la gnose est le parlait achèvement. Dans l’amoureuse poursuite de la sagesse et de la gnose, le philosophe travaille à acquérir toute science, y compris celle des actions extérieures; par celle-ci même, il devient semblable à Dieu, col. 979-983. — Au point de vue de la certitude, deux sortes de foi. Seule notre divine foi possède une inébranlable immu­ tabilité. Elle embrasse tous les temps passés et à venir; elle est un assentiment libre, une vertu qui fait la soli­ dité des vertus dont elle est le fondement, col. 983-993. Digression : Dans cet édilice, la pénitence, qui n'ad­ met pas de rechute; en un sens, elle est unique. C'est la doctrine d'Hermas. Faites en plus grande connaissance de cause, les rechutes indiquent plus de malice et font douter de la sincérité de la pénitence, col. 993-1011. — Examen du volontaire, de ses espèces, des péchés qui en découlent. Fermeté de la volonté fondée sur la science; la volonté domine toutes les facultés. Les autres vertus décrites par Moïse ont été placées par les Grecs à la base de la science morale. Un rapide examen suffit à montrer leurs intimes connexions. Clé­ ment s’attache plus spécialement à quelques-unes : con­ tinence et force, libéralité et charité, et fait voir com­ ment la loi mosaïque lésa recommandées, col. 1016-1040. d) But de l'ascétisme : similitude divine, souverain bien. — Portrait du véritable gnostique, image et simili­ tude de Dieu, véritablement noble par la liberté, véri­ table roi. Cette assimilation à la perfection divine, commandée par l'Écriture et par Platon, n’est pas in­ compatible avec la conformité à la nature que voulaient les stoïciens, col. 1040-1045. La similitude divine se réalise dans le gnostique, crucifié au monde, col. 1048-1049. — Donc, mortifier les passions, perdre son âme, revêtir l’armure divine; sur ce point, l’enseignement et le symbolisme légal s’ac­ cordent avec la sagesse païenne, col. 1049-1052, à l’encontre de Basilide, des nicolaïtes, d’Épicure, etc., col. 1056-1065. — Le culte et l’amour de la Loi sont pos­ sibles; comme le montrent les exemples des justes an­ ciens et des martyrs actuels, col. 1068-1869. — Conclu­ sion : combattre la volupté pour arriver au souverain bien. Digression : théories relatives à ce souverain bien, col. 1072-1085. La répression des passions charnelles amène Clément à parler du mariage; définitions et notions prélimi­ naires, col. 1085-1097. 111“ Stromate. — a) De quelques doctrines héréti­ ques. — Les Valentiniens et les basilidiens, col. 1100- 449 CLÉMENT D’ALEXANDRIE 1101 ; sentiments orthodoxes relatifs aux secondes noces, col.1104. — Abominable communion ties carpocratiens; sentiment de Platon,col. 1105-1112.— Les marcionites; si la matière et la génération sont choses mauvaises? col. 1113-1128. — Infamies des carpocratiens, prodicions, etc. Comment ils abusent des Ecritures, col. 11291141. 6) Essai tie classi/i cal ion et de refutation méthodique. — Deux catégories principales : ceux qui enseignent l’indifférence objective de toute action, άδιαφόρως ζτ,ν; ceux qui enseignent une continence impie. Contre les indifférents, considération philosophique des actions intrinsèquement mauvaises, et considération des motifs théologiques, assimilation à Dieu, vie éternelle; vraie nature de la liberté chrétienne, col. 11 41—1148. — Contre les encratites, blasphémateurs de l’œuvre divine, Clé­ ment fait voir la doctrine scripturaire, l’exemple et les enseignements du Christ, col. 1149-1160.— Supériorité, caractère surnaturel de la continence chrétienne, com­ parée à celle des hérétiques, gyrnnosophisles..., col. 11611164. — Controverses exégéliques : contre les indiffé­ rents, explication de Rom., vt, 14, 15 : Peccatum vestri non dominabitur, col. 1164; — contre les encratites, explication d’une parole attribuée au Sauveur par l’Évangile aux Egyptiens : Veni ad dissolvendum opera feminæ, dont application à la destruction de l’intempé­ rance et de ses suites criminelles, col. 1165; — expli­ cation mystique de Matlh., xvm, 29 : Duo et 1res qui congregantur in nomine Domini, col. 1169. c) Véritable doctrine; exégèse de divers textes. — Légitimité des noces, surtout des premières, d’après saint Paul; pas d’opposition entre sa doctrine et celle de l'Ancien Testament; indissolubilité du lien conjugal; mariage et célibat sont bons tous deux; que chacun persévère où il a été appelé, col. 1172-1180. — Polé­ mique contre Tatien et d’autres qui attribuent au diable la génération ; unité doctrinale et pratique des deux Testaments, col. 1184. — Sens de divers textes; sévérité de saint Paul contre les secondes noces, col. 1189. — Pa­ rabole des invités, figure de ceux que la volupté rend infidèles à la vocation, col. 1192. — Polémique contre Cassien et les docètes, partisans des mêmes erreurs, col. 1192. — Texte de l’Evangile aux Egyptiens : Quando conculcaveritis indumentum pudoris; réfutation d’une idée platonicienne, chute de l’àme. malice de la géné­ ration, col. 1193. — De la corruption de nos sens com­ parée au péché d'Adam, II Cor., xi, 3, col. 1193. — Du nouvel homme, Eph., tv, 24, et de notre vie céleste, Phil., in, 20, col. 1196. — Sens de divers textes : I Cor., vit, 1 : Bonum est homini...; Luc., χιν, 20 : Qui non oderit ; Is., ι.νι, 23; .1er., xx, 14; .Job, xtv, 3 : Nullus est a sorde mundus; Ps. I, 7 : In peccatis conceptus sum. d) Contre tous les hérétiques : idée transcendante llhéologiqne et philosophique) de la γένεσις. — La gé­ nération n’est point mauvaise; autrement seraient mau­ vaises la création et la constitution du κόσμος, des êtres invisibles et spirituels, l’ordre des préceptes et de la Loi, l’Evangile et la gnose, l’union de l’àme et du corps, en dehors de laquelle sont inintelligibles et la nature de l’homme et l’économie providentielle de l’Église et de son chef, col. 1205-1208. — Que l'arbre de vie est l'arbre des bons désirs; en quel sens la science est péché; que la grâce médicinale est donnée pour le corps lui-même. IV· Stromale. — a) Clément formule à nouveau son programme : le martyre, l'homme parfait, la κίστις et la ζήτησις, le συμβολικόν είδος et diverses questions mo­ rales. etc. Il ne procède pas méthodiquement, il use d’une rédaction propre à dérouter le lecteur malveillant : il fait des tapisseries, στρώματα, col. 1217. b) Vraie grandeur de l'homme; le chrétien supérieur à toutes les épreuves par la vertu de lone et par le martyre. — La vraie grandeur de l'homme consiste à libérer l'âme, à lui donner la vraie vie exempte de maux 450 et de crainte. (La souffrance et la crainte ne sont pour­ tant pas nécessairement des maux; et la Loi a sa rai­ son d'être : en quel sens elle n’est pas pour le juste? col. 1224.) Le philosophe chrétien, mort au inonde, libéré de son corps, souffre courageusement un véritable mar­ tyre, col. 1228, 1229. — Louanges et apologie du martyre; considérations sur la pauvreté et les richesses, sur les béatitudes évangéliques, col. 1232-1252. —De la vertu de force, au sein des épreuves. L’Eglise est pleine de chré­ tiens et chrétiennes qui s'y sont illustrés; par là on comprend bien l’unité de la foi, la perfection chrétienne, col. 1253-1277. c) Doctrine et objections; idéal accessible à tous? — Enseignement du Christ, nécessité de confesser la foi, col. 1281-1285. — Comment la providence permet les souf­ frances des martyrs; ce qu’il faut répondre à la mé­ tempsycose de Basiiide et aux erreurs de Valentin, col. 1288-1300. — Diverses considérations morales sur les devoirset la perfection du « martyr gnostique », col. 13011325. — L’homme et la femme peuvent tendre à cette perfection, leur destinée étant commune, col. 1328-1310. — En dehors du Christ quelqu'un a-t-il réalisé cet idéal? Le christianisme, du moins, est le parfait achèvement de la Loi ; par le martyre on peut atteindre le sommet de l’idéal chrétien, col. 1340. — Par quels actes 1res variés, par quels genres de vie atteindre la plénitude du Christ? Réponse d'après saint Paul, qui fait voir l’étroite con­ nexion de l’Évangile et de la Loi, col, 1341-1344. — Avant tout, la fuite du mal, et sur ce fondement, la gnose, contemplation totalement désintéressée; par suite ΓάπάΟεια, et l'assimilation parfaite, qui se poursuit jusque dans le sommeil. Que le sommeil comme la mort est l'affranchissement du corps; aussi la nuit est le temps de la prière et de la pureté. Cette pureté s'obtient par une pénitence parfaite et durable, stabilité du juste supérieur à toute tentation, à toute cause de trouble, même à foute vie intéressée, col. 1352. d) Usage des créatures; en les dominant, le gnos­ tique parvient à l'unité. — La juste estime des créa­ tures les fait regarder comme des biens relatifs, subor­ donnés à la gnose; le gnostique sait en user avec discrétion, pour s'unir plus étroitement à Dieu; il sait concilier les indications de la nature et les exigences de la doctrine, double manifestation de l'intention divine; il parvient à dominer toute cause de trouble et de mu 11 i plici lé : il devient un en Dieu, par Dieu, qu’il attire en lui, col. 1356-1362. (Digression relative au péché et à ses châtiments.) — Bienheureuse l’àme pure, qui con­ temple sans se lasser la nature divine, accessible par l’intermédiaire du Fils,col. 1364-1365. — La croyanceau Logos nous rend uniques, et nous introduit au sanc­ tuaire; cette admission est le privilège des croyants et des purifiés; ligures de l’Ancien Testament. Ce qu'il faut penser du corps? col. 1376; le regarder comme moyen et comme demeure provisoire, 11 Cor., v; il n'est pas chose essentiellement mauvaise, col. 1377; il n’est point une prison, la terre point un lieu d’exil au sens platonicien. Le ciel, c’est l’àme juste; la terre, l'âme pécheresse. Comparaison des pécheurs endurcis, rejetés de Dieu, et des justes, toujours exaucés dans leurs prières. Conclusion: l’assimilation gnostique et la prière pour obtenir la céleste Jérusalem. Γ* Stromale. — a) De la foi et de l'espérance; de la recherche, ζήτησις. — De nouveau, Clément va parler de la foi. Il faut croire au Fils, croire à sa venue, en croire les causes et les circonstances. Foi et gnose sont dans une intime corrélation comme le sont la connaissance du Fils et celle du Père. La foi n'est point soumise à un déterminisme fatal, comme le prétendaient Basiiide et Valentin. P. G., t. IX, col. 9, 12. Vanité de toutes ces recherches hérétiques; mais nous savons qu'il y a une excellente ζήτησις, celle qui construit sur le fondement 451 CLÉMENT D’ALEXANDRIE 152 de la vérité, celle qui écarte tout doute, col. 13. — Car il gration ultime,col. 156, 157. —A bon droit, Platon exci­ y a des vérités évidentes, et pour les connaître aisément, tait les natures d’élite à la connaissance de celui qui Dieu nous fait participants de son Logos; il faut aussi est, de ce Dieu que tous les peuples connaissent, qu'ils notre effort personnel et nos bonnes dispositions, ne peuvent pourtant connaître parfaitement sans son col. 16, 17. — D'ailleurs. au secours de notre faiblesse est secours : nous le connaissons comme Père et Fils; ils envoyé le Maître, col. 17. — Cherchez et vous trouverez, le connaissent comme auteur du monde. Θεό; ποιητή;, mais cherchez avec sagesse et pureté de cœur, col. 20col. 196-260. — Responsabilité el malheur des incroyants, 28. col. 20I : bonheur futur des croyants, col. 204. L'espérance, comme la foi, a pour objet lesvorvà, les 17» Stromate. — o) Dut et programme sont rappe­ choses futures. Logos et vérité sont choses suprasen- lés. — Clément avait annoncé, au début du 11e Stromate sibles; le juste cherche avec persévérance et vertu; et au début du IV», son intention de réfuter, au moyen soigneuse préparation des âmes prudentes, col. 30-36. de l'Écriture. les philosophes grecs et du même coup 6) De la méthode symbolique, συμβολικόν ε·?ο;. — les juifs. Au début du VI», il rappelle ce dessein. Ayant Le vulgaire veut des preuves: Clément en donnera aux précédemment exposé la doctrine morale et le genre de Grecs, s’adaptant à leur mentalité, se faisant tout à tous, vie gnostique, il fera voir apologêtiquemenl. dans les col. 37. Clément montre donc que la méthode symbo­ VI» et VU» Stromates, que le gnostique n’est pas un lique, enseignement et occultation tout ensemble, est athée, mais bien au contraire le seul vraiment religieux. d'un usage universel, et motivée par la nécessité d’écar­ Immédiatement, en guise d’introduction et aussi de ter les profanes; hiéroglyphes, proverbes, col. 40-41 ; complément au V» livre, il reviendra sur les emprunts témoignages de l’Écrilure, col. 44-45; symbolisme py­ des Grecs, col. 201-212. thagoricien, sa dépendance du symbolisme judaïque; b) Emprunts de la philosophie grecque; sa part de symbolisme scripturaire; symbolisme des Égyptiens et vérité ; possibilité de salut pour tous. — Chez les au­ de divers autres peuples, col. 46-85. teurs grecs, le plagiat est chose courante; ils ont imité lia isons de convenance: l'obscurité du symbole entraîne le récit de ces événements miraculeux, par ou le Toutcertains avantages; nécessité d’un enseignement réservé Puissant a pris soin de convertir les hommes. Pourquoi â une élite, col. 88. 89, 92. — La tradition apostolique ces faits seraient-ils incroyables? on croit bien au pou­ s’exprime de même : Eph., ni. 3-5; Col.,i,9, 11, 25-28; voir des esprits, aux mages, aux prévisions scienti­ I Cor., ni. 10; vin, 7; lleb., v, 12-I4; vi, 1, etc. Distinc­ fiques! col. 212-252. tion du lait des enfants, la catéchèse, et de la nourri­ D’ailleurs, les philosophes grecs eux-mêmes se vantent ture des hommes faits, la θεωρία έποπτική, col. 100,101, de leurs emprunts, faits non seulement â nos traditions, — Nécessité du sacrifice préparatoire, col. 101. mais à celles d’autres barbares. Egyptiens, gymnosoc) La transcendance de Dieu. — Donc, avant toute phistes, col. 253-257. — Toutefois leur connaissance de recherche de Dieu, nécessité de la mortification et du Dieu, bien que véritable, est une connaissance infé­ renoncement à toute vie charnelle; l’homme charnel rieure à la nôtre,col.257-260. —Ce Dieu, imparfaitement se fait un Dieu à son image; il faut proscrire tout cet connu et adoré par les juifs et par les païens, appelle anthropomorphisme, col. 101-104. — D’ailleurs, les les uns et les autres à embrasser la foi du Christ, Grecs eux-mêmes ont compris ce que devait être cette col.261-265. — L’Evangile a été porté parle Christ et par préparation du gnoslique, bien qu'ils aient ignoré la scs apôtres, jusque dans les régions inférieures, ou le gnose elle-n.cme, col. 1(5. — Pour nous, nous avons salut est rendu possible aux gentils qui ont vécu selon un sacrifice rare, qui est le Christ, col. 108. — Et notre la loi naturelle, col. 265-276. préparation peut être comparée à celle qu’employaient c) La vraie sagesse. — Maigre tous ces facteurs com­ les Grecs avant les grands mystères : à leurs bains pu­ muns, la véritable sagesse est celle qui vient, non des rificatoires correspond notre Χοντρόν; à leurs petits maîtres humains, mais du Fils de Dieu, de la Sagesse mystères, sorte de méthode didactique et préparatoire, auteur des choses, col.275-281.— A cette divine sagesse correspond notre méthode. Γάνάλυσις. conduisant à parviennent ceux qui font effort pour se purifier, ayant Ι'έποπτεία. — Description de la méthode de théologie reçu du Christ par les apôtres la tradition gnostique, négative : de l’essence divine il faut nier d’abord les col. 281-284. — La philosophie païenne est d’ordre natu­ propriétés corporelles, puis les propriétés spirituelles rel, absolument inférieure, un chrétien ne saurait y re­ elles-mêmes, col. 1C9. venir, Col., n, 8, quelles que soient d'ailleurs ses utilités Car Dieu est ineffable et incirconscrit ; aucune for­ incontestables. La sagesse chrétienne est la gnose qui mule ne peut l’exprimer, il n'est contenu dans aucun atteint les réalités spirituelles, inconnues avant la révé­ lieu. 11 est, au contraire, la cause qui contient tout être lation du Christ, col. 284-292. et toute vie. Act., xvil, 24,25, col. 109-113. —L’Ecriture d) Le gnostique. — Portrait de son idéale perfection; nous donne à entendre cet être invisible et inexpri­ son affranchissement de toute passion et son union à mable, quand elle nous parle de la nuée ou il se tenait Dieu, ses vertus et son savoir encyclopédique, si utile el où Moïse dut entrer, col. 116. Saint Paul parle égale­ pour comprendre l’Ecriture et pour éviter toute erreur, ment des arcana verba, col. 117. Il n'y a donc en Lieu pour s'élever jusqu'à la contemplation des choses divines, aucune dimension, aucune composition logique, aucune col. 292-301. — La science n’est pas chose oiseuse; par le diversité de perfections : les noms multiples que nous bon usage qu’il en fait librement, le gnoslique peut la lui donnons, s’équivalent entre eux. Aucune définition, sanctifier, col. 301-807. — Comment le gnostique s’élève aucune démonstration a prion ne nous le fait con­ progressivement à la gnose par la foi ; quel est son déta­ naître, col. 120, 121, 124; seuls, la grâce divine et le chement universel, son pouvoir par la prière faite en état Λόγο; peuvent nous le révéler, col. 124-428. de grâce, sa gloire future dans le ciel et son assimilation d) Les Grecs se sont approprié les vérités révélées, à Dieu, col. 317-337. relativement â la nature de Dieu, col. 129. 132; la ma­ e) Usage de la philosophie ; usage des Écritures. — tière, le hasard, la providence, les châtiments de l'autre Imparfaite, la philosophie grecque doit être entée sur vie, col. 132, 133; les anges, la création, le double la gnose chrétienne, alors elle portera de bons fruits, col. 340-344. — Parses propres ressources, elle n’atteint monde, la similitude divine, col. 140; la vertu et le bonheur, col. 144. — Aristobule a montré que ta phi­ pas les vérités essentielles, enseignées par le Fils de Dieu et contenues dans les seules Ecritures, col. 345losophie péripatéticienne vient de Moïse; emprunts de Platon, Pythagore, Socrate, Homère, Hésiode, etc., | 348. — Celles-ci,d’ailleurs, doivent être interprétées selon certaines régies, méconnues des hérétiques; leur sens col. 145-152. — Dans Platon, la Irinité, la résurrection, est allégorique, leur intelligence est le privilège d’un chez Empedocle, Heraclite et les stoïciens, la confla­ 153 CLÉMENT D’ALEXANDRIE petit nombre, col. 348. 319. Explication mystique du decalogue, col. 357-380. — Et pourtant la philosophie est un don de Dieu, une préparation providentielle à la ve­ nue du Christ, col. 380-389; il faut philosopher avec discernement, col. 393-396. —■ Et ainsi les Grecs recon­ naîtront quel est le véritable culte, par ou l'on arrive à la gnose, à l'héritage éternel, col. 397. — Impuissance de la raison païenne, merveilleuse propagation du chris­ tianisme en dépit des persécutions; signe de sa divinité, col. 400. V7/« Stromale. — a) Préambule. — Clément rappelle son dessein : montrer aux Grecs la piété et la religion dti chrétien parfait, et par suite l’intimité d'affection entre Dieu et lui. Il le fera voir par des considérations rationnelles, non par autorité scripturaire, bien qu'il se conforme aux doctrines de (’Écriture, col. 404. 6) Religion du gnostique. — Le gnoslique exerce le veritable culte, celui qui perfectionne lame en même temps qu’il sert Dieu et l’humanité, col. 406; il connaît la vraie nature de Dieu, il suit docilement les inspirations du Λίγος ; pour l'interprétation des mystères cachés, il suit une tradition conforme à la majesté divine. Com­ ment l’appellerait-on un athée? col. 408. — Excellence du Fils de Dieu; il est le principe du gouvernement pro­ videntiel; intimement uni au Père, il accomplit sa vo­ lonté, il est sa sagesse, il est le sauveur et le seigneur de tous, la vertu toute-puissante d'où dépend toute activité; il dispose toutes choses en vue du salut de tous, opéré librement dans un ordre providentiel, col. 408-416. — Le gnoslique travaille à se rendre parfaite­ ment semblable à Dieu et à son Fils, en devenant un homme nouveau, c’est là le véritable sacrilice. Il est ainsi maître de soi. juste envers tous, il acquiert la science des choses divines et humaines, col. 416-428. L’anthropomorphisme grec est ridicule et immoral : b llescroyances, telscultes, col. 428-436. — Notre culte est digne d'un Dieu infini : pour temple, l'àme de l'homme et l’Eglise ; pour sacrilice, la prière, col. 437-449. c) Prière du gnoslique. — Elle est fondée sur la croyance à un Dieu omniprésent et omniscient; donc continuelle, col. 449-457. Elle est une incessante cor­ respondance entre la providence et l'âme : libre don de Dieu, libre coopération de l'àme, col. 457-460. — La prière mentale suffit, col. 460-461. Le gnoslique prie pour la stabilité de ses biens surnaturels, et fait effort dans ce but; il demande et obtient l'éternelle récompense, col. 464-470. — Digression : de la véracité, du jurement, de la fonction d’enseigner, col. 472-477. d) Portrait du gnoslique, sa perfection morale sur­ naturelle. — La gnose est bâtie sur la foi et se déve­ loppe en charité; sa plénitude est obtenue dans la vision béatilique, col. 477-481. — Les actions des non gnostiques sont simplement droites, όρΟώς; supériorité de l'action gnostique κατά λόγον, par motil de charité, par l’eflicaciléde la gnose ; donc, deux ordres de vertu, col. 483. — La bonne volonté du gnostique, les réalités supérieures qu’il envisage, col. 485; sa force d’âme, il est le temple de l’Esprit-Saint; son courage et sa tempérance supé­ rieurs, en tant que fondés sur la charité, col. 495-496. — Comment il use des biens de ce monde el pardonne les injures, col. 497-512. — Le gnoslique d’après 1 Cor., VI. 154 Philology, t. xv (1887). p. 180-185, et ensuite sous divers titres des notes critiques, sur les sept livres des Stroinates, dans The Classical Review, t. vm (1894), p. 233-239, 281-288. 385-391 (sur Strom., I -III); t. IX (1895). p. 97-105, 202-206. 297-302. 327-342, 334-399, 433-439 (sur Slrom., IV-Vlt): et. P. Tannery, iliscellanées, t. Clem. Alex. Strom., I, 104, dans la Revue de philolo­ gie, nouv. série, t. xm (188)). p. 66-69; H. Jackson, .Votes on Clement of Alexandria, dans The Journal of Philology, t. xxvm (1901), p. 131-135. Sur les chronologies de Strom., I. c. XXI, cf. P. de Lagarde. Septuayinlasludien, dans les Abhandlungen der K. Gesellschaft der IFiss., Gœttingue, 1891. t. xx.xvn, р. 73 sq.; V. Ilozakovvski, De chronologia Clementis Alex., t, De chronologia Novi Testamenti a Clemente Alex, proposita, Dissert, inaug., Munster, 1896. V. Dogmatique. — i. dieu et ses rapports avec MONDE. — 1» Existence de Dieu. — Dans toutes les intelligences humaines, surtout chez les lettrés, agit une inlluence divine, ένέστακταϊ άπορροϊα -π; θεϊκή, par où ils sont contraints d’avouer qu'il existe un Dieu unique, inengendré, immortel. Prol., c. VI, P. G., t. vm, col. 173. Voir tout le c. vi. que les philosophes, avec le secours de Dieu, ont parfois en cette question entrevu la véritable doctrine. Cf. Slrom., V, c. xm, P. G., t. ix, col. 128, 129. La connaissance, εμφασ;;, d’un Dieu puissant était naturelle chez toutes les intel­ ligences droites. Prol., c. xiv, P. G., t. vm. col. 197. Tous les peuples ont une seule et même intuition, πρόληψις, ou anticipation, au sujet de celui qui est le fondateur de ce vaste royaume; en tous lieux se fait sentir son action. Toutefois cette connaissance de la sagesse païenne est in­ complète, approximative, κατά περίφασιν. Voir la note 31, loc. cit. Cf. ibid., col. 193, 196. Celte connaissance est donc a posteriori; Dieu ne peut être connu démonstra­ tivement a priori, it. προτέρων καί γνωριμωτέρων. Ibid., с. xii, col. 124. 2» Nature et attributs de Dieu. — Dieu est inexpri­ mable, au-dessus de tout nom et de toute conception. Clément a fortement insisté sur cette thèse de théologie négative. Voir sommaire du I. V. comment après avoir cherché à justifier la méthode analogique et symbolique, il en donne la raison foncière : le caractère absolument transcendant de la divinité, c. xi-xill. Voir surtout c. xi, col. 108, 109, la description de la méthode d’ana­ lyse conduisant à 1’εποπτεία. De l’essence divine, il faut nier les propriétés corporelles, puis les propriétés spi­ rituelles, on parvient ainsi à l’être absolument simple; l'imagination peut seule le représenter en le comparant au point géométrique, auquel on parvient par abstrac­ tion des dimensions spatiales. Ainsi nous connaissons non point ce qu'il est, mais ce qu’il n’est pas. Cette doctrine de l'indétermination logique revient en bon nombre de passages sous des formes diverses. Tantôt l’essence divine nous est décrite comme chose trans­ cendante : Dieu est un; il est au-dessus de l'un, audessus de l'unité elle-même, εν ci ό Θεός, καί έπεκείνα τοΰ ένός, καί ύπέρ αύτήν μονάδα, Pœd., 1. I, c. vm, P. G., t. vm, col. 336; tantôt Clément fait ressortir l’absence de toute catégorie logique : ni genre, ni diffé­ rence, ni espèce, Slrom., V, c. xn, P. G., t. ix. col. 122; tantôt les notions que nous pouvons avoir de lui sont déclarées informes, άειδεΐς έννοιας. Strom., II, c. it, P. G., t. vin, col. 936-937. Voir loc. cil., à la note 23, le rapprochement avec un passage de Philon. Cf. Slrom., V, c. x, P. G., t. ix, col. 100, 116. Sur le Protreptique en particulier, voir Δραγο^ο; Δημη^ΐαχος, Nombre de critiques ont reproché â Clément non Κλήμιντο; Άλιςα,δ^ ίω; ό ιπ,ιχλ; κρδ; ’’Ελληνα; λόγο; (tllèSO de seulement l’abus, mais l'usage même de la théologie Leipzig), Bucharest, 1890; pour la critique du texte, J .-B. Mayor, négative. H est aisé de leur répondre au triple point de .Volute criticæ in Clementis Alexandrini Prolreplicum, dans vue de l’orthodoxie de la théologie négative, de son Philologus, t. lviii(1899), p. 266-280. Sur le Pédagogue, voir B. Taverni, Sopra il Παιδαγωγό; di actualité, du correctif apporté par Clément lui-même. Tito Flavio Clemente Alessandrino, Discorso, Honte, 1885. Voir Alexandrie (École chrétienne d’), la transcendance Sur les Stroinates, voir E. de Paye. Les « Stromales » de divine, t. I, col. 812. Clément d'Alexandrie, Paris, 1898, avant l'apparition de son Le correctif apporté par Clément et par tous les théo­ livre, dans la Revue de l'hist. des religions, t. XXXVI (1897), p. 399-320. Pour la critique du texte. J.-B. Mayor, d'abord une | logiens n’est autre que la théologie positive, c'est-à-dire étude sur le passage Strum., IV, vm, 62, dans The Journal uf 1 l'affirmation d’attributs divins, connaissables en partant le 155 CLÉMENT D’ALEXANDRIE 8 La philosophie est une préparation à la sagesse, Slrom., I. c. v, P. G’., t. vm, col. 721; elle est la sa­ gesse pratique, connaissance expérimentale de la vie. Slrom., VI, c. vn, P. G., t. ix, col. 277. Cf. Pæd.,1. II, c. n, P. G., t. vm, col. 420. D’ailleurs, le terme φιλοσοφία prend chez Clément, comme chez ses contemporains, cf. Winter, Die Ethili des Clemens von Alesrandrien, p. 44 sq., une très grande extension ; il désigne, par exemple, une géné­ reuse disposition à la vertu. Strom., II, c. vm, P. G., t. Vlil.col. 1269; au martyre. Ibid., col. 1276, 1277. A la philosophie appartient la recherche de la vérité et de la nature des êtres, Slrom., I, c. v, P. G., I. vm, col.728; elle est une tendance vers l’être, et vers les sciences qui y conduisent, φιλοσοφίας ού'σης όρέξεως τοΰ όντως δντος και τών εις τούτο συντεινόντων μαδημάτων.Strom., II, c. ιχ. P. G., t. vm. col. 981. Elle n’a pas seulement pour objet, interprétation de Sàp., vu, 17-22, la φυσική θεωρία, le monde des phénomènes sensibles, du deve­ nir qui se déroule dans le κόσμος αισθητός, mais aussi le monde des causes suprasensibles, τών νοητών. Ibid., c. n, col. 936. D’ailleurs, cette vérité, cette réalité que recherche la philosophie, c’est le Λόγος lui-même; celui qui croit au Λόγος connaît la vérité et la réalité. Slrom., 1. c. vm, P. G., t. vm, col. 737; II. c. iv, col. 944; c. n, col. 989. Sur la vérité, αλήθεια, comme but de la philo­ sophie et sur les voies variées qui y conduisent, cf. Capitaine, op. cit., p. 198, 199. 2. Les larcins de la philosophie grecque. — Clément avait affaire à des chrétiens adversaires de la philoso­ phie. Ils étaient nombreux, ο! πολλοί, cf. de Faye, loc. cit. ; ils s’en prenaient â la méthode de Clément, à toute tentative de rapprocher des choses aussi disparates que la philosophie grecque et le christianisme. Ils disaient que son invention était œuvre mauvaise, funeste aux hommes. Strom., I, c. 1, P. G., t. vm, col. 708. A les entendre, elle viendrait même du diable. Ibid., col. 796. On lui appliquait la parole du Sauveur ; « Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bri­ gands, » Joa.. x, 8; elle n’était point l’œuvre des en­ voyés, des serviteurs de Dieu, mais le fruit d’un larcin. Ibid. Acceptant cette position avec la terminologie pa­ rabolique empruntée à l’Évangile, admettant la dis­ tinction entre ce que fait la providence pour le bien de l’homme, et le mal qu’elle permet, le ramenant à un plus grand bien — sans vouloir d’ailleurs préciser la naturelle la cause seconde, δύναμις, άγγελος, à laquelle s’appliquait la métaphore, Clément s’évertue à montrer que la providence a laissé agir les causes secondes; de là l’origine et le développement de la philosophie, évé­ nements permis, et dirigés vers des lins utiles, en ce sens providentiels, ibid., col. 796, 797, 800; on y voit une curieuse digression philosophique sur la coopéra­ tion négative, sur la responsabilité de l’omission, par exemple, de celui qui n’arrête pas un incendie, ou qui n’empêche pas un naufrage : c’est la théorie de la pro­ vidence permissive. Conclusion : il y a des envoyés de Dieu, des inspires, άποσταλέντες καί έμπνευσδέντες ύπό τοΰ κυρίου, ibid., col. 796, ce sont les prophètes; et il y a les voleur.··. c’est-à-dire les pseudo-prophètes, et en général tous ceux qui n’ont pas été envoyés, dans la rigueur du terme, οί μή κυρίως άποσταλέντες. Ibid., col. 800. I e larcin, dont la philosophie est inculpée, c’est d’avoir osé s’attribuer comme son œuvre et son bien propre h vérités qu’elle devait à la révélation; c’est de les avoir tantôt défigurées, tantôt maladroitement mêlées à son travail humain; c’est d’avoir cherché sa gloire et non celle de Dieu. Ibid., col. 801. Cf. Slrom., VJ, c. xvi. P. G., t. ix, col. 377, ou est encore qualifié de vol le crime de celui qui s’attribue lagloire des œuvres divines, et pour la désignation des voleurs dans Joa., x, Slrom., 1G‘J CLÉMENT D’ALEXANDRTE V, c. xiv, ibid., col. 205. Dans plusieurs autres pas­ sages remarquables, Clément s’est appliqué à montrer l'origine divine de la vraie philosophie, et Futilisation providentielle de la philosophie païenne. 3. Origine divine de la vraie philosophie.— Strom., VI, c. vu, P. G., t. ix, col. 280, passage important ou, en remontant de cause en cause, de maître en maître, de tradition en tradition, Clément montre, au-dessus même des esprits qui peuvent avoir enseigné l'humanité, un premier maître, un premier principe, sans lequel rien n'a été fait, celui qui a été appelé sagesse par les propl.ètes, celui qui est le maître de toutes les créatures, le conseiller de Dieu, qui a la prescience de foutes choses. Il est d'ailleurs historiquement certain que la philosophie des Hébreux, ή κατά ‘Εβραίους φιλοσοφία, est la plus ancienne de toutes, Strom., I. c. xv. P. G., I. vin, col. 765, 78! ; c. xxi. col. 820, argument que l'on trouve invoqué par plus d’un apologiste. La philosophie de Moïse comprend quatre divisions ou genres : historique, législatif proprement dit (l’un et l’autre appartenant à la morale), puis la partie hiérurgique, contemplation el religion naturelle ('?), enfin le genre théologique, Γεποπτεία des grands mystères. '11 μέν o'j'i κατά Μωύσέα φιλοσοφία τετραχή τέμνεται, εις τε το ιστορικόν καί το κυρίως λεγόμενον νομοθετικόν άπερ αν εί'η τής ηθικής πραγματείας ί'οια. το τρίτον δέ, εις το Ιερουργικδν, δ έστιν ήδη τής φυσικής θεωρίας· και τέ­ ταρτον έπί πάσι το Οεολογικδν είδος, ή « έποπτεία » ήν φησιν ό Πλάτων των μεγάλων όντως είναι μυστηρίων. ’Αριστο­ τέλης δέ το είδος τούτο Μετά τά φυσικά καλει. Strom., I, c. χχνιιι, P. G., t. vin, col. 921, 924·. C’est à celte philosophie hébraïque et mosaïque, c’est à la révélation que les philosophes païens ont emprunté les meilleurs éléments de leurs doctrines. Platon a reçu les tradi­ tions scientifiques des Egyptiens, des Babyloniens, etc., mais il doit aux Hébreux ce qu’il y a de raisonnable dans ses lois, avec la connaissance de la divinité. Prol., c. Vl, P. G., t. vin, col. 176. David ne lui était pas in­ connu. Pted., 1. Il, c. I, ibid., col. 408. Cf. col. 505, 628. 4. Utilisation providentielle de la philosophie païenne ;elle est. une préparation au christianisme. — Cf. sommaires, Strom., I, VI, voir plus hautcol. 147, 152. 153. Clément ne se dissimule point la faiblesse de l.i philosophie païenne; elle ne contient que des vérités partielles, elle n'a pas une efficacité suffisante pour cor­ riger les mœurs, les philosophes eux-mêmes par or­ gueil ou par lâcheté sont sourds à la vérité, Strom,, Vf, c. vin, P. G., t. ix, col. 289; elle est pourtant une pré­ paration au christianisme. Elle prépare la voie à l'en­ seignement royal, nous assagissant dans une certaine mesure : προσχαταακευάζει τήν οδόν τή βασιλικωτάτη διδασκαλία άμηγέπη σωφρονίζουσα. Strom., I,c. XVI, P. G., t. νιιι, coi. 796. C'est là une préparation morale : for­ mation des mœurs, affermissement de l'âme pour recevoir la vérité, το ήθος προτυπούσα, καί προστΰφουσα εις παρα­ δοχήν τής αλήθειας, ibid. ; purification et entrainement moral en vue de l’acceptation de la foi, φιλοσοφία δέ ή ‘Ελληνική οιον προκαΟαίρει καί προεθίζει τήν ψυχήν εις παραδοχήν πίστεως. Strom., VII, c. tu, P. G., t. ix, col. 424. Donc puisque, d'une façon générale, tout en­ semble de moyens nécessaires et utiles â la vie est l'effet d'une disposition d'en haut, καθολικά λόγω πάντα αναγκαία και λυσιτελή τ.ϊ> βίω θεόθεν ήκειν εις ημάς, on pourra dire sans se tromper que la philosophie païenne a été donnée comme un degré préparatoire â la philo­ sophie chrétienne, qu'elle a été donnée surtout aux Grecs comme la disposition qui leur est propre, comme un degré préliminaire â la philosophie chrétienne, τήν δέ φιλοσοφιάν καί μάλλον Έλλησιν οι'ον διαθήκην οίκείαν αύτοΐς δεδόσΟαι, ΰποβάΟραν ούσαν τής κατά Χρίστον φιλοσοφίας. Strom., VI. c. vin, ibid., col. 288, 289. Tou­ jours préoccupé de l'unité. de l'œuvre providentielle, et de la transcendance de la loi éternelle, qui embrasse j | | 1 j . 170 dans l’unité de plan et de formule l’ordre naturel et l'ordre surnaturel, Clément compare la raison (philoso­ phie païenne) et la révélation dans les deux Testaments; il les considère comme un seul ordre salvifique, en trois dispositions ou testaments différents : les trois peuples ont reçu, en diverses Διαθήκαις, la divine péda­ gogie, par la voix du même et unique Seigneur, auquel tous trois appartiennent, των τριών λάύιν... διαφόροις παιδευομε'νων διαΟήκαις, τού ένός κυρίου όντων, ενός κυρίου ρήματι. Strom., VI, c. ιν, ibid., col. 261. Pour être pleinement comprise, cette importante idée de préparation, d'entraînement tout ensemble moral et intellectuel, exige l’intelligence du point de vue scientifique et philosophique de Clément : dans sa pensée, si la philosophie grecque prépare â la sagesse chrétienne, c’est d'une façon analogue que les sciences encyclopédiques préparent elles-mêmes à la philoso­ phie, ώς τά εγκύκλια μαθήματα συμβάλλεται προς φιλο­ σοφίαν. Strom., I, c. ν, P. G., t. νιιι, col. 721, 724. Dans ce chapitre, la philosophie est considérée comme un entrainement, έπιθήδευσις, en vue d’obtenir la sagesse. Elle est donc, par rapport â la sagesse, science totale des choses divines et humaines, une ascise préparatoire, une manuduction plutôt qu'un ensemble de prémisses logiques. Voir Alexandrie (Ecole chrétienne d’), t. i. col. 809, 820. la nature de cette manuduction telle qu'elle a été comprise par la tradition catholique, telle que Clément lui-méme l’exprime, quand il parle de la philosophie servante de la théologie, et, à la suite de Philon, expose allégori­ quement l'histoire d’Abraham et d’Agar. Strom., I, c. v, P. G., t. vin, col. 723, 727. Par là, on comprend qu'il n’y a pas entre la philoso­ phie et la théologie cette dépendance logique, qui ferait de la théologie une science subalterne, contenue dans des prémisses d’ordre naturel et humain. Aussi bien, pour l’acquisition de la divine vérité, la philosophie n’est qu’une cause accessoire et coopérante, comme le fait voir Clément. Strom., I, c. xx, P. G., t. vm, col. 813-817. Dans la recherche de la vérité, la philoso­ phie n’est pas cause de la compréhension, bien qu’elle soit cause partielle et coopérante, peut-être même ayant sa causalité propre, en même temps que coopérante, ούκ αίτια ούσα καταλήψεως, συν δέ τοΐς άλλοις αιτία, καί συνεργός· τάχα δέκαί το συναίτιον αίτιον. La science grecque se distingue de la nôtre, en dépit de la désignation commune, et par la grandeur de la connaissance et par la validité de la démonstration et par la vertu divine qui la produit, χωρίζεται τε ή ‘Ελληνική άλήΟεια τής καθ’ ημάς, εί και τού αυτού μετείληφεν ονόματος, καί μεγέΟει γνώσεως, και αποδείξει κυριωτέρα, καί θεία δυνάμει. Ibid., col. 816. A cause des malintentionnés, il nous importe de distinguer : tout en appelant la phi­ losophie cause partielle et coopéra trice de l'acquisition de la vérité, véritable instrument de recherche, nous reconnaîtrons qu’elle est simplement une gymnastique préparatoire; nous ne confondrons pas avec la véri­ table causalité un simple concours, συναίτιον φιλοσοφίαν καί ουνεργόν λέγοντ-ς τής αληθούς καταλήψεως, ζήτησιν ούσαν αλήθειας, προπαιδείαν αΰτην όμολογήσομεν τοΰ γνωστικού ούκ αίτιον τιθέμενοι τό συναίτιον. Ibid. Nous appelons cause partielle et coopéralrice celle qui agit avec une autre, inadéquate pourtant à produire l'effet, ό δέ μεΟ’ ετέρου ποιεί, άτελες ον κατ' αύτ’ο ένεργεϊν. Ibid. La doctrine du Sauveur se suffit à elle-même; pure­ ment accessoire, la philosophie grecque ne la rend pas plus forte; elle affaiblit seulement les argumentations sophistes... La vérité révélée est le pain nécessaire â la vie, la philosophie préparatoire est un assaisonnement. Ibid. Outre cet emploi de la philosophie grecque, pure­ ment propédeutique, Clément en connaît et en pratique largement un autre, postérieur à l'acte de foi. La gnose 171 CLÉMENT D’ALEXANDRIE chrétienne est précisément cet édifice spéculatif, cons­ truit sur le fondement de la foi au moyen de données rationnelles. Voir Alexandrie (École chrétienne d’), et, plus loin, Foi el gnose, col. 188. 172 par l’Espril-Saint. Strom., IV, c. xvm, P. G., t. vin, col. 1325. Notre âme est ainsi le temple de l'EspritSaint, τον νέων τού Πνεύματος. Strom., Ill, c. VIII, P. G., t. vin, col. 1164. L’âme juste est l’image de Dieu, άγαλμα θειον; en elle, par l’observation des commande­ Winter, Die Ethik des Clemens von Alexandrien, Leipzig, 1882, p. 24-34, l’Écriture et la tradition considérées comme ments, vient habiter comme dans son temple, τεμενίζεται sources de la connaissance religieuse; p. 32, unité de l'Ancien et καί ένιδρύεται, le Verbe éternel, le monogéne, figure de du Nouveau Testament; Bigg, The Christian platordsts of la gloire du Père, qui imprime, έναποσφραγιζόμενος, Alexandria, Oxford, 1886, p.54-57, unité de l’Écriture, apologie dans le gnostique, la parfaite contemplation selon son de la Loi; p. 57-58, allégorisme; Capitaine, Die Moral des image, κατ’ εικόνα τήν εαυτού. Strom., VII, c. Ht, P. G., Clemens von Alexandrien, Paderborn, 1903, p. 229-239, apolo­ t. ix, col. 421. Cf. c. v, col. 436-440; c. xi, col. 489; c. xm, gie de l'Ancien Testament; unité des deux Testaments. col. 516. Le Nourry, Dissertationes de omnibus Clementis Alexan­ 2. Préexistence de l'âme. — On a souvent agité cette drini operibus, dans P. G., t. ix. col. 1108-1110, traditions humaines et traditions divines; col. 1110-1111, l’Église; question : Clément a-t-il enseigné la préexistence de H. E. I·'. Guerike, De schulæ alexandrins? catecheticæ theolo­ l’âme, ou sa création par un acte spécial de Dieu? Il gia, Halle. 1825. p. 157-161, l’Église; Schwane, Histoire des parait généralement admis que Clément a seulement dogmes, trad. Dcgert, 1903, p. 702; 703, doctrines relatives à parlé d'une sorte de préexistence idéale, â la manière l’Écriture el â l’Église; Capitaine, Die Moral des Clemens von des idées de Platon; il repousse la chute platonicienne : Alexandrien, Paderborn. 1903, p. 216-223, Église et tradition. œuvre du créateur, la naissance ne saurait être une Caspari, dans Zeitschrift fur kirchl. Wissenschaft, 1886, déchéance. Il est vrai, dans deux passages du (fuis dives, fasc. 7, p. 352, l’Église d’Alexandrie au temps de Clément avaitelle un formulaire de foi? Harnack. Lehrbuch der Dogmenn. 33, 36, P. G., t. ix, col. 610, 641, l'âme semblerait yeschichte, Fribourg-en-Brisgau. 1891, t. i, p. 330-335, même envoyée du ciel en une terre étrangère. Mais suivant la question. Voir spécialement une longue note, p. 333-335, où sont remarque de Winter, op. cil., p. 61, il n'y laut pas accumulées de nombreuses citations. chercher autre chose que ce point de vue, très familier Sur Clément et le Nouveau Testament, G. Th. Hillen, Cle­ â Clément : le monde actuel est un lieu d’exil, non par mens A lexandrinus quid de libris sacris Novi Testamenti rapport à une existence précédente, mais par rapport sibi persuasum habuerit (progr.), in-8·, Cæsfeld, 1867; à la vie future. Cf. Ziegert, op.cit., p. 11, 19; Capitaine, H. Eikholf, Das Nette Testament des Clemens Alexandrinus (progr.). >η-4·, Schlesswig. 1890; P. Dausch, Der neulcstamentop. cit., p. 122 sq.; Bigg, op. cil., p. 76. liche Schriftkanon und Klemens von Alexandrien, in-8·, 3. Nature et constitution, — a) Nature et propriétés. Fribourg-en-Brisgau, 1894; O. Bardenhcwer dans Liti. Rund­ — L’âme humaine est d'une substance plus pure, que schau, 1894, p. 343-346; H. Kutter, Klemens Alexandrinus celle de tous les animaux, καΟαρωτέρα; ουσίας παρά τά und das Noue Testament, in-8·, Giessen, 1897; Barnard, The άλλα ζώα μετασχών, Strom., V, c. XIII, P. G., I. IX, biblical text of Clemens of Alexandria in the four Gospels col. 129; elle est quelque chose de plus noble que le and the Acts of the apostles, Cambridge, 1899 (Texts and corps, σώματος έντιμότερον. Strom., I, c. XXVII, P. G., studies, t. v, fasc. 5); O. Stiihlin, Klemens Alexandrinus und dic Septuaginta (progr. de gyittii.), in-8·, Nuremberg, 1901. t. vin, col. 917. Sans elle le corps n’est que terre et Winter, op. cit., p. 36-53, origines de la philosophie, son ca­ poussière, Slrom., 111, c. vi, P. G., t. VIII, col. 1149; ractère encyclopédique, etc.; E. de Faye, op. cit., p. 117-185, la corruptible et naturellement périssable. Strom., III, question historique, les simpliciores, ce que Clément entendait c. xu, P. G., t. vin, col. 1188. C’est par elle qu’existe par philosophie, la philosophie grecque, son rôle: Harnack, le corps, δι’ήνκαί το σώμα,Strom., Ill, c. xvi, col. 1201 ; op. cit., p. 595-603; Mort, Clement of Alexandria. Miscellanies l’homme est formé suivant le type que lui imprime book Vif, Londres, 1902, Introduction, p. xxii-XLix, influence de l'esprit vivificateur, ό μεν ούν άνθρωπος απλώς ούτος la philosophie grecque sur la théologie et la morale de Clément; Capitaine, op. cit., p. 196-215; Tixeront, Histoire des dogmes, κατ' ιδέαν πλάσσεται τού συμφυούς πνεύματος. .Slrom.,IV, Paris, 1905, p. 264-266. c. χχΐΗ, P. G., t. vin. col. 1360. Cf. VI, c. ix, P. G., t. IX. col. 293. El pourtant, si les Excerpta Theodoli, VI. Doctrines anthropologiques, morales et ascé­ P. G., t. ix, col. 664, exprimaient la pensée authen­ tiques. — /. DOCTtUNES ANTHROPOLOGIQUES. — 1“ La tique de Clément, il se serait imaginé l’âme corporelle, nature humaine; origine, nature, et constitution de du moins celle qui est incluse dans le corps animal, l’âme. — 1. La nature humaine, sa dignité naturelle et σώμα ψυχικόν,d’après I Cor., xv, 44. surnaturelle, εϊκων et όμούοσ:;. — a) Contre les hérésies Les âmes sontinvisibles, non seulement les âmes rai­ gnostiques et dualistes, Clément revendique la véritable sonnables, mais celles de tous les animaux. D'ailleurs, notion de la nature humaine et affirme sa bonté natu­ les corps ne sont jamais partie des âmes elles-mêmes; relle, voir le sommaire des Slrom., III et IV, col. 148-150. ce sont seulement des organismes, tantôt le siège, tan­ b) Unité d’origine el de nat ure. — Nous sommes créés tôt le véhicule de l’âme, leur appartenant selon des par un seul Dieu (contre Basil idc), Slrom., IV, c. xxvi, modes variés, τά δέ σώματα αυτών μέρη μέν αυτών ουδέ­ P. G., t. vin, col. 1376; créés par un seul vouloir de ποτε γ.νεται τών ψυχών, όργανα δέ ών μέν ένιζήματα, ών Dieu, Strom., VII, c. xin, P. G., t. ix, col. 532; par δέ οχήματα, άλλων δέ άλλον τρόπον κτήματα. Strom., \ 1, suite tous les hommes sont frères. lbid.,c. xu, col. 505. c. xvm, P. G., I. ιχ, col. 396. Cf. c. xiv, col. 520. La croyance à l'immortalité de l’âme est continuel­ c) Clément affirme la dignité naturelle et surnaturelle lement supposée, d’ailleurs explicitement affirmée, sous de l'homme, olfensée par les infamies du paganisme. le patronage de Platon et de Pylhagore, aussi bien que Voir tout le c. iv du Prot., P. G., t. vin, surtout des Écritures. Strom., IV, c. vu, P. G., t. vin, col. 1256; col. 153, 158. Il répète souvent que celte nature est V, c. xiv, P. G., t. ix, col. 133; VI, c. n, col. 244. l'image et la ressemblance de Dieu, είκων και όμοίωσις. 6) Trichotomie. — Ziegert et Capitaine ont étudié Ibid., col. 153; cf. col. 213. Il distingue, Strom., IV, quelques passages remarquables des Excerpta Theodoli, c. vi, col. 1241, ceux qui ont la ressemblance de ceux P. G., t. ix, col. 681, 684. 685, d'après lesquels l'âme qui ont seulement l’image; pour parvenir à la ressem­ humaine serait composée de trois éléments ; d'une âme blance, pour la réaliser plus complètement, nous est inférieure, non raisonnable, tirée de la matière, d'une donnée une qualité mystérieuse, ποιόττ,ς κυριακή εις âme raisonnable, spirituelle, et d une sentence spiri­ όμοίωσιν θεού. Strom., VI, c. χνιι, P. G., t. ix, col. 381. tuelle, σπέρμα πνευματικόν. Malheureusement on ne Clément revient à diverses reprises sur cette qualité; peut être certain que ces fragments représentent la il la représente comme un caractère de justice, comme pensée de Clément. Voir la crilique de Ziegert dans une onction de grâce, τόν χαρακτήρα τής δικαιοσύνη;, τό χρίσμα τής εύαρεστήσεως, comme une qualité constitu- ί E. de Faye, op. cil., p. 281, note. En lisant les Stromales tive, inhérente â l'âme humaine, qui tressaille habitée 1 et ses autres œuvres, on peut remarquer que fréquent- 173 CLÉMENT D’ALEXANDRIE 174 εϊς τήν τελείαν υιοθεσίαν δια τοΰ Υίοΰ άποκατάστασις, ment il considère, dans la nature humaine et dans l’âme, d.’S parties de diverses sortes : fonctions de l'organisme, δοξάζουσα αεί τόν Πατέρα δια τοΰ μεγάλου άρχιερε'ως τοϋ facultés sensibles et intellectuelles, les cinq sens, la αδελφούς καί συγκλτρομόνους καταξιώσαντος ημάς ειπεϊν. P. G., t. vni, col. 1081, 1084. A maintes reprises revient faculté du langage, etc. Quant à la nature de ces parties cette doctrine de l’assimilation; elle constitue un motif et quant à leur nombre, sa terminologie, incohérente de morale théologique, voir sommaire du Strom., Ill, et variable, donne lieu à de grands dissentiments parmi les commentateurs : dix parties dans l’homme, d’après col. 149; elle est, avec Ι’άπάθεια, le couronnement de la perfection gnoslique et le fruit de la contemplation dé­ Strom., II, c. xt, P. G., t. vin, col. 985; VI, c. xxt, P. G., sintéressée, sommaire du Strom., IV, col. 150, du t. IX, col. 368; trois parties dans l’âme, le λογιστικόν, Slrom., VI, col. 152, et du Strom., VII, col. 153. le Ούμικον, Γεπιθυμητικόν,d’aprês Pied., I. III, c. t, P. G., 3“ Les moyens, naturel et surnaturel, d'action. — t. vin, col. 556; Slrom., V, c. xn, P. G., t. ix, col. 120; 1. Liberté. — a) Notion et appellation de la liberté; deux parties, τ’ο λογικόν, τό άλογον, d’après de fréquents elle est un pouvoir personnel· — Pour la gnose héré­ passages. Mais la question se pose de savoir si Clément tique. particulièrement pour Basilide, le salut était a entendu mettre une efl'eclive et réelle distinction l’œuvre d’un déterminisme naturel, un produit de l’ac­ entre l’âme raisonnable et lame non raisonnable, ou tivité spontanée. Strom., Ill, c. i, P. G., t. vin, col. 1104; bien, s’il a considéré les deux âmes comme des fonctions, V. c. t, P. G., t. lx, col. 12. Voir Basilide. A ce détermi­ des virtualités que nous révéle le caractère distinct de nisme et à cette spontanéité de la nature, Clément oppose leurs opérations. Assurément, de nombreuses expres­ sions ont un caractère plus ou moins franchement trila notion du libre arbitre. C’est l’enseignement du Sei­ gneur dans l’Êcriture que l’homme a reçu la maîtrise du chotomiste. Cf. SZrom., VII, c. xn, P.G., t. tx, col. 509; c. xt. col. 435, 483; VI, c. vt, col. 273; c. xvi, col. 360. vouloir et du non-vouloir, αιρεσιν καί φυγήν αύτοκρατοPourtant, d’après Ziegert et Capitaine, Clément n’aurait ρ'.κήν. Strom., II, c. ιν, P. G., t. vin, col. 944. Il l’ap­ pas enseigné une réelle distinction de l’âme et de l’esprit; pelle : εξουσία ελεύθερα καί κυρία. Strom., Ill, c. v, il aurait seulement considéré un principe qui est, d’une col. 1144, προαιρετική δύναμις, Strom., VI, c. xvt, P. G., part, la racine de toutes les facultés spirituelles et, t. IX, col. 360, αυθαίρετον τής ανθρώπινης ψυχής, Strom., d’autre part, compénètre et vivifie toute la partie sen­ VII, c. m, col. 420, simplement προαίρεσις. 11 y a des sitive de l’homme. Cf. Capitaine, op. cil., p. 133-145, déterminations dont nous sommes maîtres, qui sont qui s’appuie particulièrement sur Slrom., VI, c. xvi, véritablement en nous, έφ’ ήμιν. Toute cette termino­ P. G., t. tx, col. 360. logie, remarque Winter, op. cil., p. 70, indique bien le 2° La destinée de l’homme est de réaliser en lui la principe eflicace de notre vie morale et non un postulat similitude divine. — Tel est véritablement son souve­ aprioristique, sans aucune relation avec l’activité de rain bien. Voir sommaire du Slrom., II, col. 148. cette vie. Clément s’efforce de rapprocher les données de la révé­ Clément fait encore comprendre le libre arbitre en lation et les formules platoniciennes et stoïciennes. Le lui attribuant le développement de notre personnalité; philosophe Platon définit la béatitude parfaite en disant c’est par son exercice que l’individu, τις άνθρωπος, ac­ qu'elle est la conformité divine, réalisée dans la mesure quiert son mérite el son caractère personnels, Slrom., du possible. S'est-il inconsciemment rencontré avec le IV, c. xxm, col. 1360; bonté et vertu morale ne sont livre de la Loi? (Les natures d’élite ont je ne sais quel point choses de nature, mais de vouloir. Slrom., I, instinct du vrai.) Est-ce quelque tradition reçue?... La c. vi, col. 728, 729; cf. Slrom., 11, c. iv, col. 944; c. xv, Loi nous dit : « Marchez à la suite du Seigneur votre col. 1000. Dieu, et gardez ses commandements, t Platon disait : b) Preuves de son existence. — Outre la preuve par Assimilation. La Loi dit : Poursuite. Mais cette pour­ l’Ecriture déjà mentionnée, preuves rationnelles : par le suite, c'est une assimilation dans la mesure du possible. fait des sanctions temporelles et sociales, récompenses Le Seigneur a dit : « Soyez miséricordieux, comme votre et punitions, louanges et blâmes, Slrom., 1, c. xvtl, Père céleste est miséricordieux. » Dans le même ordre P. G., t. vin, col. 797, 800; sans la liberté la foi n’au­ d’idées, les stoïciens ont mis la perfection dans la vie con­ rait aucun mérite, Slrom., II, c. ni, col. 941 ; le marforme à la nature : image qu’ils substituent opportuné­ I tyre non plus. Strom., IV, c. xn, col. 1292. ment à l’appellation de Dieu, ένταΰΟεν καί οί Στωϊκοΐ το 2. La grâce. — a) Sa nécessité. — S’il insiste sou­ vent sur le réel pouvoir du libre arbitre, Clément re­ ακολούθωςτή φύσει ζήν τέλος είναι έδογμάτισαν, τον θεόν εις connaît l’impuissance de l’homme, dans l’ordre du φύσιν μετονομάσαντες εύπρεπώς. Strom., II, C.XIX, P. G., t. vin. col. 1016. Même idée, Strom., V, c. xtv, P. G., t. tx, salut, sans le secours de la grâce; voir Pæd., 1. I, c. n. col. 139, 141; cette assimiliation divine, affirmée par P. G., t. vin, col. 253, 256, le Christ comparé à un médecin, guérissant l’infirmité de l’homme, la guérison Platon, porte chez Moïse un autre nom; c’est une pour­ du paralytique, la résurrection de Lazare; avec cette suite divine, ακολουθία. Et je pense que tout homme ver­ remarque que nous recevons la grâce avant de rece­ tueux est le poursuivant, ακόλουθός, et le thérapeute de Dieu. En conséquence, les stoïciens ont fait consister la voir le commandement; et ce qui est dit de la grâce du perfection philosophique dans la vie conforme à la na­ baptême. Pæd., L I, c. vi, P. G., t. vin, col. 285. ture, tandis que Platon la met dans l’assimilation divine. A l’œuvre du salut concourent la grâce et notre vouloir, La synthèse de ces divers points de vue est meilleure et voir Prot., c. xi, P. G., t. vin. col. 236 : la grâce qui particuliérement nette dans Slrom., IV, c. xxn: il nous nous sauve concourt à notre vouloir; le libre arbitre est proposé de parvenir à la lin sans limite, en obéissant et le principe vivifiant sont comme deux forces conju­ aux commandements, c’est-à-dire à Dieu, en y confor­ guées, ίμοζυγούντων, ώς έπος ειπεϊν, προαιρέσεως και ζώης. Voir encore Slrom., II. c. vi, P. G., t. vin, mant notre vie sagement et sans reproche par la con­ naissance du vouloir divin. D'ailleurs l’assimilation au col. 962 sq., les comparaisons du jeu de balle, de l’ai­ mant. de l’ambre qui attire les corps légers, la distinc­ λόγος ορθός, dans la mesure du possible, voilà notre lin; tion de cause principale et de cause coopérante, αίτια, et c'est aussi le rétablissement dans la parfaite adoption συναίτια; et Strom., V, c. I, P. G., t. ix, col. 15. 16, par le Fils, l’éternelle glorification du Père par le sou­ nécessité tout à la fois de la grâce d’après Eph., il. 5, et verain grand-prêtre, celui qui daigne nous appeler ses frères et ses cohéritiers, ήμϊν δε αύτοΐς εις τέλος άτελευ- des bonnes œuvres; nécessité d’un esprit ferme et sain, τητον άφικε’σθαι πρόκειται, πειθομένοι; ταϊς εντολαϊς, του- ce qui requiert la grâce, l’attraction du Père, τής τοΰ Πατρός πρός αυτόν όλης, allusion à Joa., VI. 44. τέστι τώ θεώ, καί κατ’ αύτας βιώσασιν άνεπιλήπτως καί Cf. Strom., V. c. xni, col. 124; c. xn. col. 120: Vil, έπιστημόνως, διά τίς τοϋ θείου θελήματος γνώσεως- ή τε c. n. col. 413; IV, c. xxn, P. G., t. vin, col. 1543. ποός τόν ορθόν λόγον ώς οίόν τε έςομοιωσις τέλος έστι. και 475 CLÉMENT D’ALEXANDRIE Dans le Quis dires, dont le but est de montrer le salut possible aux riches de bonne volonté, il est dit, G., t, ix, col. 613, que le choix dépend de la liberté de l'homme, mais que le don est de Dieu notre maître, έπι θεω δέ ή Si t;, ιός ζυρίω ; il donne à l’effort el à la prière. Cf. c. xxt, col. 625, commentaire de Luc, xvm. 27. impuissance dos efforts humains, leur réussite avec l'assistance de la puissance divine. 6) Divers moments et diverses formes de la grâce : grâce de révélation qui"nous fait connaître Dieu : la recherche se fait dans l'obscurité, mais la grâce de la gnose vient de Dieu lui-inême par son Fils, ή μεν γάρ ζήτησι; άειδή; ζαι αόρατος, ή χάρις δέ τής γνώσεω; παρ’ αυτού δια τού Ι’ΙοΟ. Slrom., V, c. xt, P. G., t. IX, col. 109. Car Dieu ne peut être connu déductivement, ëz —ροτέρων καί γνωριμωτε'ρων. Ibid., voir la note de Potier. C’est donc par le Fils, c’esl par la grâce et par le Λόγος seul que nous pouvons atteindre ce qu’il y a d’incon­ naissable dans sa nature. Λείπεται δε θεία χάριτι και μονοί τώ παρ’ αυτού Λόγω τό άγνωστον νοείν. Ibid., c. XII, col. 124. La pensée de Clément n’est point que la nature de Dieu soit totalement et absolument inconnais­ sable. Cf. Capitaine, op. cil., p. 71, note 2. — Grâce de connaissance qui dissipe les ténèbres de notre igno­ rance, Slrom., Le. xxvnt, P. G., t. vin,col. 924, 925; le concours de la grâce est nécessaire pour toute épignose. Strom., I. c. xxvm, P. G., t. ix, col. 400. — Grâce de résistance aux tentations : impossibilité de garder la chasteté chrétienne autrement qu’avec l’aide de la grâce, λαδεΐν δε άλλως ούζ έστι την εγκράτειαν ταύτην η χάρε τι τού Θεού ; cette chasteté chrétienne est nettement définie, par rapport aux désirs eux-mêmes, bien supé­ rieure à la chasteté humaine, celle des philosophes, ή ανθρώπινη εγκράτεια, ή κατά τούς φιλοσόφους, Slrom., 111. c. vm, P. G., t. vin, col. 1161; cf. Slrom., IV, c. xvn, col. 1320, citation de saint Clément romain, 1 Cor. En présence de tentations graves et du martyre, puissance du libre arbitre qui s'appuie avec confiance sur le Tout Puissant et le maître, τώ παντοκράτορι και τώ Κυρίώ θαύρούντες. Strom., IV, c. vu, col. 1260. Toute cette doctrine est d’autant plus â remarquer qu'on accuse communément Clément d’avoir exagéré la puissance du libre arbitre, entraîné par sa polémique anlignostique, et d'avoir ainsi méconnu la nécessité de la grâce. Voir surtout Slrom., Vil, c. Il, P. G., t. ix, col. 414, 415, longue description du progrès spirituel, in virum perfectum, sous Faction de la grâce respectant le libre arbitre. C’est encore au sujet de la déchéance primitive qu’on veut faire de Clément un précurseur du pélagianisme. •4“ Le péché originel. — La pensée de Clément, re­ lativement â la faute originelle,est très obscure. D'après Bigg, op. cil., p. 81, note 1, il faudrait mal augurer de l’insistance avec laquelle Clément rappelle aux gnos­ tiques que le péché est l'œuvre du libre arbitre, que Dieu punit seulement les fautes librement commises, par exemple, Strom., Il c. xiv, xv, P. G., t. vm, sur­ tout col. 1004. Cette insistance serait une preuve que Clément n’admettait point le péché originel. — La preuve est insuffisante : la controverse gnoslique niait d’une façon générale le libre arbitre, le remplaçait par une sorte de fatalisme déterministe ; Clément répondait également d’une façon générale, sans se préoccuper d’une distinction entre le péché originel et le péché actuel. Cette distinction était inutile, la controverse n’envisageait que les péchés actuels. — En somme, la doctrine de Clément ne peut être bien établie que par une attentive et minutieuse discussion de textes. Il en ressort : 1. Quant à l'étal primitif et quant à la chute, ainsi que le remarque Winter, op. vit., p. 1.59, Clé­ ment parle de l’état premier de l'homme, comme d'un état d’innocence, il fait allusion à une primitive fami­ liarité du ciel avec l’homme. Prot., c. il, P. G., t. vm, 17G ' col. 93. Λ un autre point de vue. plus spécialement psy­ chologique et moral, Adam était primitivement dans un étal de simplicité, άπλότγς, et par suite libre, λελυμένος; il a désobéi, aussitôt l'homme s’est trouvé lié dans la servitude du péché. Ibid., c. xi, col. 228. — 2. Quant à la nature el à l’universalité de la conséquence, celle conséquence est une communauté de déchéance. En quel sens? En ce sens qu’il y a, entre le péché d'Adam et le nôtre, similitude. ï'ragm. adumbr., P. G-, t. IX, col. 733, ou mieux une certaine connexion assez vague­ ment indiquée. En fait, nous naissons tous coupables. Des paroles de David : « J’ai été conçu dans le péché, » Ps. L, 4, 6, ne ressort pas l'imputation d’un péché per­ sonnel ; seulement, il y a dans tout homme qui n’a pas encore embrassé la loi, une habitude de péché, συνήθεια τής αμαρτωλού, ce que l'on peut confirmer par Mich., vi, 7 : « Donnerai-,je mon premier-né pour mon crime, le fruit de mes entrailles pour le péché de mon âme? » paroles qu'il ne faut pas entendre comme si elles con­ damnaient la génération elle-même, mais comme rela­ tives aux premiers mouvements, consécutifs â la géné­ ration, mouvements par où nous sommes éloignés de Dieu, et qualifiés d'impies, οΰ διαοάλλει τον είπόντα. Λϋξάνεσθε ζαι πληθύνεσθε* άλλά τάς πρώτα; έκ γενέσεω; δρμας, καθ’ άς θεόν οϋ γινώσκομεν, άσεβείας λέγει. Strom., Ill, c. xiv, P. G., t. vm, col. 1201, 1204. Car le péché est chose commune â l’humanité, en quelque sorte inné, intime â la nature, κοινός, έμφυτος, Peed., L 111, c. xii, P. G., t. vm, col. 672 ; il y a chez nous un pen­ chant naturel à l’erreur, καν τις τάληθές σζοπή, εύρήσει τον άνθρωπον φύσει διαίεολημένον μέν προς την τού ψεύ­ δους συγκατάθεσιν. Slrom., II, c. xil, col. 992. Cf. Ill, c. xiv, col. 1193, 1194. — 3. Le lait matériel de la géné­ ration est bon en soi ; la faute ne consiste nullement dans une chute, telle que l'imaginent les platoniciens, de l’âme venue d’en haut, dans la γένεσις, car celle-ci est une créature du Tout- Puissant ; la faute est une faute de désobéissance; chez nous comme chez Adam les sens ont erré. Slrom., 111, c. xiv, col. 1194; cf. c. xvn, col. 1205. — 4. Le Sauveur est venu nous tirer de l’escla­ vage mérité par cette désobéissance. Prot.,c. xi, P. G-, t. vm, col. 228. Cf. Strom., Ill, c. χιν, col. 1194. C’est lui, d’ailleurs, qui déjà, au moment de la faute origi­ nelle, jugeait et condamnait les emportements de la concupiscence, κρίνων την προλαδοϋσαν τον γάμον έπιθυI μίαν. Ibid. Zlegert, Zwei Abhandlungen über T. Fl. Clemens, Breslau, 1894, p. 1-37, origine, constitution, immortalité de l'âme; p. 5369, rapports de l'àme et du corps; Capitaine, Die Moral des Cle­ mens von Ale.candrien, Paderborn, 1903, p. 168-115. la nature humaine; l'àme. p. 122-145; Winter, op. cit., p. 51-66, anthro­ pologie; p. 102-106, intellectualisme ou primat de la volonté; Schwane, Histoire des dogmes, trad. Degert, Paris, 1903, p. 483487, psychologie de Clément. Winter, op. cit., p. 77-127, l'idée du bien; p. 69-77, ta liberté; Le Nourry, Dissertationes, P. G., t. IX, col. 1135-1144, grâce, libre arbitre, péché originel; Capitaine, op. cil., p. 212-256, grâce et libre arbitre; p. 300-307, péché originel; Schwane, op. cil-, p. 487-490, péché originel. II. PRINCIPES OB MORALE GÉNÉRALE. — 1» Les actes humains, leurs règles, leurs principes habituels. — I. Distinction des actes humains. — Les philosophes païens s’étaient beaucoup occupés du problème de la moralité, particuliérement de la distinction des choses bonnes ou mauvaises. Beaucoup s’efforçaient de pré­ senter comme indifferentes les inclinations naturelles, ainsi que l’acte extérieur vers lequel elles tendent, ol τήν αδιαφορίαν εισάγοντες, Strom., Ill, c. vm, P. G., I t. vm, col. 1164; de là, indulgence pour toute passion, I la vie la plus honteuse qualifiée de chose indifférente, επιθυμία χαριστέον καί τόν επονείδιστου βίον άδιάφορον ήγητέον... άδιαφόρως βιωτέον. Ibid., c. v, col. 1144,1145. Cf. sommaire, Slrom., 111, col. 149. Clément considère • trois espèces d'actions : l’action parfaite, κατόρθωμα, ΊΊΊ CLÉMENT D’ALEXANDRIE 478 dirige toutes ses actions. Voir surtout Strom., IV, c’est l’action du gnostique ; l'action commune,μέση πράξι.-, c. xxtu, P. G., t. vnt, col. 1356-1362;et plus haut, Doc­ qui suffit au salut des simples lideles, sans être parfaite trines anthropologiques, l’assimilation, col. 173. selon le λόγος, ni absolument droite au regard d'une 3. La vertu est une disposition harmonique de l'âme, conscience attentive, μηίέ-ω κατά λόγον έπιτεζουμένη, διάΟεσις, conforme à la raison, Pæd., I. I. c. ΧΙΙΙ,Γ. G., μηδέ μην κατ’έπιστασιν κατορθουμένη ; l'action païenne, t. vm, col. 372; nous y avons des dispositions natu­ qui est toujours fautive, παντός δ'ε εμπαλιν τού εθνικού, relles, mais elles se développent en nous par l'exercice. άμαρτητική. Shorn., VI, c. χιν, P. G., t. ιχ. col. 336, II Slrom., V, c. tx, P. G., t. tx, col. 297; cf. c. xi, n'admet point d'action proprement indill'érente. Après avoir payé un rapide tribut d'ironique admiration à la col. 317. — Sur la multiplicité et la connexion des vertus, voir Slrom., I, c. xx, P. G., t. vm. col. 813, doctrine stoïcienne, qui refuse au corps toute inlluence sur l'âme, à la maladie et â la santé toute relation avec 816; II, c. ix, col. 980; VIII, c. tx, P. G., t. tx, col.600. Cf. sommaire du Slrom., II. col. 118, l'édifice des ver­ le viceet la vertu, mais traite tous ces objets d'indifférents, tus, connexion, fermeté du fondement, stabilité de Οαυμάζειν δε άζιον και τών Στωικών, οίτινές φασι, μηδέν l'ensemble. — Coque Clément dit de l'origine des ver­ τήν ψυχήν ύπό τού σώματος διατι'ΟεσΟαι, μήτε πρ’ος κακίαν tus est généralement assez vague. Après avoir rappelé, ύπό τής νόσου μήτε προς αρετήν ύπό τής -ύγιειας, άλλ’ Slrom., VI, c. xm. P. G.,t. tx. col. 121, la nécessité de άμφότερα ταϋτα λε'γουσιν άδιάφοοκ είναι, Slrom., IV, la grâce, attraction du Père céleste, ou secours spécial c. v, P. G , t. vin, col. 1232; il oppose à cette doctrine par un acte préternaturel, après avoir cité Platon, par­ les glorieux exemples de .lob et des gnosliques chrétiens, de saint Paul et des martyrs; la souffrance et la pau­ lant de la vertu comme d’un don et d'une participation divine, Οεόδοτον τήν αρετήν, θεία ήμιν μοίρα παραγινομένη vreté peuvent bien être des obstacles, et à cet égard, pour s'en préserver ou les accepter, une certaine discré­ ή αρετή, il conclut immédiatement en faveur de la sa­ gesse, don divin, vertu du Père, excitant notre libre tion, une prudence éclairée est nécessaire, ibid., arbitre, introductrice de la foi. Ibid., col. 125. Et tout Col. 1233; le gnostique fait bon usage de toute situation ceci tend à faire admettre une foi aux oracles inspirés, pénible, διδάσκων ευ μάλα τοϊς περιστατιζοϊς απασιν οίόν assez nettement rattachée « l'ordre de la révélation, τε είναι καλώς χρήσΟαι τον γνωστικόν. Ibid., col. 1232. Celte doctrine de l'usage des créatures, biens ou maux ibid., col. 126, et ri l'opération de l'Esprit-Saint, que nous croyons venir dans l’âme de celui qui a cru, τω apparents, est caractéristique des divers portraits du gnostique. Sommaire du Strom., IV, col. lût), du πεπιστευκότι προσεπιπνεΐσθαι τό άγιον πνεύμα, tandis que Strum., VII, col. 153. La science elle-même est un de les platoniciens y mettent le νους, émanation et partici­ ces moyens dont il faut savoir user. Slrom., VI. c. x. pation divine, θείας μοίρας απόρροιαν. Ibid., col. 129. xi. col. 301-317. Il faut remarquer encore, à propos de 2« Les deux morales : théologique et rationnelle. — l’usage des créatures, que le gnostique est soutenu par Tout entier à son rôle de pédagogue et â sa préoccupa­ tion de satisfaire les esprits les plus divers, Clément sa croyance à l'existence d’un ordre providentiel, auquel il conforme sa volonté, πάντα καλώς γίνεσΟαι πεπεισμένος. donne à sa morale des principes variés, efficaces et Slrom., VI, c. ix, P. G., t. ix, col. 293. Cf. sommaire rationnels, tantôt philosophiques, tantôt tbéologiques. du Slrom., IV, col. 150. Il ne cherche pas à établir leurs rapports, à les systé­ 2. liirjles de la moralité : transcendante, ou loi éter­ matiser; il semble se complaire à les juxtaposer sans cesse, à passer brusquement de la raison à la foi, de la nelle; participée, immanente au canir de l’homme, ou loi naturelle. — a) A la seconde personne, au Λόγος, philosophie à l’Écriture. — De là, une certaine appa­ rence de dualisme bien que les principes théologiques sont très fréquemment appropriés la sagesse, la pro­ vidence divine, le gouvernement du monde. Voir sur­ soient continuellement explicites et prédominants. Cf. tout Slrom., VII. c. n, P. G., t. tx, col. 408-416; et Winter, op. cil., p. 86 sq. plus haut, col. 158. 11 s’agit évidemment, dans ces nom­ 1. Principes théologiques. — Clément revient très breux passages, d'un principe intellectuel transcendant, fréquemment sur la similitude divine, privilège du acte éternel de Dieu. chrétien. Prot., c. XI, P. G., t. vin, col. 235; c. xn, b) D'ailleurs, beaucoup de textes parlent du λόγος col. 215; Slrom., H, c. xix, col. 1040. 1041. Cf. plus comme d'un principe subjectif de connaissance, et haut. Destinée humaine, col. 173. — Lu ressemblance au norme objective de toute rie morale et religieuse. Christ, par exemple, Prot., c. xn, col. 211 ; Pæd., 1. L Ces deux vies sont intimement associées dans la pensée c. n, col. 252. L'homme bienlaisant est l’image de Dieu, de Clément, désignées par un seul et même terme, Slrom., II, c. xtx, P. G., t. vin, col. 1048. — D’autre γνώσις, ou σοφία. Voir par exemple l'identification de part, le Décalogue est donné comme la règle et le fon­ γνώσις et σοφία, dans Strom., VI, c. vu, P. G., t. tx. dement efficace de la morale chrétienne, par exemple, col. 284. Cf. Winter, op. cil., p. 39, note 1. Le λόγος, Prot., c. x. col. 225; Slrom., 11, c. xxn, P. G., t. vm, ainsi présenté comme principe de connaissance et coin me col. 1081. etc. Cf. Winter, op. cil., p. 27. L'amour, qui norme, est-il divin ou humain? Clément semble s'in- est la plénitude de la loi, Slrom., IV, c. nt, P. G., g nier à nous laisser perplexes sur ce point ; cette indé­ t. vm, col. 1224; absolument désintéressé, tirant toute termination de sa pensée sera examinée un peu plus sa valeur du souverain bien auquel il nous unit, cet loin. Toujours est-il que certains passages mentionnent amour engendré par la foi, est le solide fondement de expressément, dans l'intelligence et la conscience hu­ toute la morale chrétienne. Ct. Winter, op. rit., p. 87. maine, une μεΌεςις, participation du λόγος. Voir plus — Le Logos lai-même nous est présenté, dans tout le haut, col. 160, 161. Cette participation du λόγος, c'est Pédagogue, comme le plus élevé et le plus efficace prin­ la loi naturelle, aisément reconnaissable. Parfois, il cipe de la moralité chrétienne. Dans Strom., VI. c. vu, est plus expressément question de la religion naturelle, P. G., t. ix, col. 281. après avoir montré la nécessité connaissance universelle et spontanée d’un Dieu, maître d'un maître pour parvenir â la sagesse, il attribue au souverain de l'univers. Voir col. 154. Christ, seul véritable maître, l’origine de toute doctrine Cette participation du λόγος est un principe subjectif; salutaire, et celle qui justifie et celle qui conduit à ia souvent aussi, Clément entend par λόγος, l'ordre objectif justification. rationnel, ορθός λόγος. Voir plus loin, les deuxmorales, 2. Dualisme : principes philosophiques à côté des théologique et rationnelle. Tous les criliques ont re­ principes théologiques. — Ces motifs théologiques ne marqué combien notre Alexandrin est pénétré de celte demeurent pas seuls, dans leur chrétienne pureté; ils idée de l'ordre naturel, φύσις, ε’.ταξία, qui constitue se laissent envahir par d'autres principes, infiltrations pour lui tout â la fois l’indication de la nature et la de la philosophie grecque. Cf. Winter, op. cil., p. 89. volonté de Dieu, et, comme telle, s’impose au gnostique, Pareille simultanéité semble inadmissible â ceux des 179 CLÉMENT D’ALEXANDRIE 180 critiques modernes qui, s'inspirant des doctrines sépa- ' terminologie stoïcienne : la vie morale doit être selon ratistes de Semler, de liant, et de leurs disciples,croient la nature, κατά φύσι·. ; loi de nature et loi morale, c'est à une absolue discontinuité entre la religion et la mo­ tout un. Cf. Strom., V, c. xiv, P. G., t. tx. col. 140, 141; rale naturelle, d'une part, la religion et la morale sur­ Strom., II. c. xix, t. vm, col. 1015. Cf. Winter, op. cit., naturelle, d'autre part. Clément n'a point cherché à р. 98, 99. Rien de ce qui est naturel, όπόσα φυσικά τοϊς faire comprendre quelle est la relation entre les deux άνΟρώποις, ne doit être supprimé, il faut seulement y ordres, comment l'inférieur est contenu dans le supé­ mettre mesure et opportunité. Pæd., 1. Π, c. v, P. G-, rieur. Mais ce rapport étroit est bien implicitement t. vm, col. 448. contenu dans sa pensée; on le reconnaît à la manière Morale rationnelle et morale théologique coexistent dont il conçoit perpétuellement l’unité — plus exacte­ donc indiscutablement chez Clément. Mais pour justifier ment l'analogie — du λόγος, tantôt raison humaine, pleinement leurs griefs sous leur forme la plus habi­ tantôt raison divine, le plus souvent confondues dans tuelle, les critiques devraient prouver l’absolue incom­ l'unité confuse d'un concept analogue. patibilité entre ces deux points de vue, incompatibilité Celte conception analogique est-elle vraiment équi­ qu'ils laissent fréquemment entendre, sans s’expliquer voque, cause de regrettables malentendus? Winter, clairement. Parmi les protestants, Dort a bien compris op. cil., p. 95 sq. Il y a là en effet une importante ques­ le défaut de cette exagération systématique qui tend à tion de dialeclique. Si l'on admet que la raison divine bannir de la théologie toute spéculation, de la religion et la raison humaine puissent être comprises dans une tout élément rationnel. Après avoir exposé et discuté pareille unité, dans un concept non pas univoque, il les vues de Harnack, Hatch et Deissmann, il conclut : est vrai, mais simplement analogue, alors l’équivoque, << Mais après tout, que valent toutes ces réclamations si amèrement reprochée à Clément, peut se justifier; contre l'hellénisme? En accordant qu'il a eu son mau­ elle disparaîtra même, dans la plupart des passages vais côté, comme toute chose humaine, peut-on vrai­ incriminés. Voici quelques-uns de ceux que signale ment supposer qu'il fill préférable pour l’Eglise et pour Winter : Prot., c. 1, P. G., t. vm, col. 68, apres avoir le monde, que toute pensée et toute science fussent rappelé la parole du Christ : « Je suis la porte, » Joa., bannies de la communauté chrétienne; qu’il n’y eût ni x, 9,Clément ajoute : Les portes du Λόγος appartiennent Paul, ni Clément, ni Origène, ni Tertullien, ni Augus­ an monde de la raison, elles s'ouvrent par la clef de la tin ; que nos formules théologiques et religieuses fussent foi. Personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et l'œuvre d’hommes tels qu'Hermas et les compilateurs celui à qui le Fils veut le révéler. ΛογιχαΙ γάρ ai τοΰ de la Didachè? Prises à la lettre, les phrases de Deiss­ λόγου πύλαι, πίστεως άνοιγνύμεναι κλειδί. Prot., c. vi, mann et de Hatch sembleraient même aller plus loin, col. 173. Ce n'est pas le soleil qui vous fera voir le vrai et impliquer que les formules elles-mêmes sont une Dieu, mais le Logos véritable, celui qui est le soleil de méprise... » Clement of Alexandria. Miscellanies Γι'.me, celui dont le rayonnement, au fond de notre book Vil, Londres, 1902, introduction, p. xxx-xxxi. âme, suffit à en éclairer l'intérieure vision : ό δε Λόγος Voir dans celle introduction, tout le c. n : Influence de ό υγιής, ός έστιν ήλιος ψυχής, οΐ’ ου μόνον ένδον άνατεϊ- la philosophie grecque sur la théologie et la morale de λαντος έν τω [ΙάΟει τοΰ νοΰ, καί τοΰ νοός αΰτοϋ καταυ- Clément. — Voir encore comment la tradition catho­ γάζεται τό ό'μμα. lique a toujours compris l'inclusion de l’ordre naturel En outre, Prot., c. x, col. 201, reproche aux païens dans l’ordre surnaturel. A. delà Barre. La morale de de fuir les raisons, αποφεύγετε τούς λόγους, de tenir l'ordre, dans les Annales de philosophie chrétienne, pour abominable le saint Logos de Dieu, εναγή τον άγιον 1890, p. 446-450. υπολαμβάνετε τού Οεοϋ λόγον. Prot., c. I. col. 61 : Nous Tout ceci doit s’appliquer du reste aux éléments de sommes les créatures raisonnables du Dieu Logos; par religion naturelle, éléments pratiques ou spéculatifs, lui nous nous rattachons au principe, parce que dans qui se retrouvent perfectionnés ou agrandis dans le principe était le Logos; τού Οεοϋ Λόγου τά λογικά πλά­ l'ordre surnaturel. Comme l'a fort bien dit Wilmers. σματα ήμεΐς δί’ον άρχαϊζομεν, ότι έν άρχή ό λ.όγος ήν. En­ Ve religione revelata, p. 40, la religion surnaturelle fin les derniers chapitres du Pédagogue, I. 1, nous contient la religion naturelle, elle la complète, elle la représentent le Logos, régulateur de la morale, et surélève. Telle est sans doute la réponse à faire à ceux maintiennent toujours la même équivoque, c'est-àqui s’étonnent des analogies constatées entre le chris­ dire le même concept commun à la raison divine tianisme et l'hellénisme, notamment en ce qui concerne et à la raison humaine. Voir P. G., t. vin, col. 369, certaines formes liturgiques. Horl critique à ce sujet 373, 376. les idées de Hatch et de Gardner. Ce dernier exprime D'ailleurs, à ce propos, Winter ne peut s’empêcher le regret que le christianisme primitif ne se soit pas de constater que cette équivoque, ou cette indétermi­ assez hellénisé, et qu'il ait moins subi l'inlluence des nation, est loin d'apparaître au même degré, chez Clé­ doctrines religieuses que celle des mystères. Horl fait ment et chez Philon. Clément a nettement affirmé le bien valoir la noblesse de l’idéal proposé par le Nouveau caractère essentiel du Logos supramondain. « Son Testament, et conclut par cette remarque judicieuse : concept du Logos n’est pas celui de Philon, mais celui « Si j’ai abordé ici ce sujet, c’est surtout pour faire voir de Jean, Logos personnel, incarné, celui même qui la contradiction entre Hatch et Gardner, au sujet de était Dieu, en Dieu. » Op. cil., p. 95. El l'on voit facile­ l'introduction dans le christianisme de la morale ment le rapport immédiat, l'inlluence profonde sur grecque. L’un déplore que la morale chrétienne ne se notre vie morale d'un Logos ainsi entendu. soit pas hellénisée; l'autre... observe la pénétration La raison droite des stoïciens, όρΟος λόγος, est donc de l’hellénisme par l’adaptation que saint Ambroise a admise comme principe régulateur de la morale. Est faite du De officiis; et il y voit pour le christianisme faute tout ce qui est en désaccord avec la raison droite. un signe de dégénérescence. » Op. vit., introduction. II iv τό παρά τόν λόγον τόν ορθόν τούτο αμάρτημά έστιν. с. m, Clément et les mystères, p. i.x. Pæd., 1. I, c. Χ1ΙΙ, P. G., t. vm, col. 373. Cf. tout ce Le Nourry, Dissertationes, P. G., t. ix, col. 1181-1181, ver­ chapitre elSboni., J, c. ix. x, surtout col. 741. Si nous tus chrétiennes; Winter, Die Elhik des Clemens von Aléa ann'agissons pas parle Logos, nous agissons déraisonnable­ drien, Leipzig, 188*2, p. 127-162, vertus et vices; Capitaine, Die Moral des Clemens. Paderborn. 1903. p. 191-195, moralité des ment... « Et sans lui rien n’a été fait, » dit l'Écriture, actes, problème des actes indifférents ; p. 328-315, les vertus. sans le Logos de Dieu. Et γάρ μή Λόγω πράττοιμεν, III. ΜΟΠΑΙ.Ε, ASCÉTISME, ESCHATOLOGIE I COUI· h’nsgau, 1900, t. 1, p. 296-320, donne une abondante bibliographie critique, où sont résumés et appréciés les principaux résultats des plus récents travaux, rela­ tivement au texte, aux sources de Clément, aux auteurs qui en dépendent, à sa biographie, â l’ensemble de sa doctrine. Voir encore Ul. Chevalier, Répertoire. Bio-bibliographie, 2· édit., Paris, 1904, t. I, col. 944-947. A. de la Barre. 18. CLÉMENT DE BOISSY Athanase-Alexandre, jurisconsulte et littérateur français, laisse, outre un vo­ lumineux Recueil de la jurisdiction el de la jurispru­ dence de la chambre des comples, en 80 cartons in-fol. conservés à la Bibliothèque nationale : 1° Abrégé et concorde des livres de la Sagesse, 1767 ; 2“ L'auteur de la nature, 3 in-12, Paris, 1782. 1785. 1794, sorte de cos­ mologie, tirée principalement de l’étude du corps hu­ mai.) ; il y est traité de la destruction des éléments, de la formation d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux 200 après la fin du monde; 3° De la grâce de Dieu et de la prédestination, in-12, Paris, 1787, publié sous le pseu­ donyme de Fontenay; 4» Abrégé de /'Ancien et du Nou­ veau Testament, sous le mémo pseudonyme, 2 in-12. Pa­ ris, 1788 ; 5° Jésus-Christ, notre amour, i n-12, Paris, 1788 ; 6» Traité de la prière, extrait des ouvrages de Duguet, in-12, Paris, 1788 ; 7» Manuel des saintes Ecritures, 3 in■ 12, Paris, 1789 ;8° De l'élection des évêques el nomi­ nation des curés d'après les monuments de l'histoire ecclésiastique, in-8°, Paris, 1791 ; 9° Le mépris des choses humaines, in-12, Paris, 1791; 10° Imitation de Jésus-Christ, qui n’est guère qu’une nouvelle édition de la traduction de .M. de Sacy, in-12, Paris, 1792. L’au­ teur, né à Créteil, prés Paris, le 16 septembre 1716, mort à Sainte-Palaye, le 22 août 1793, était conseiller à la chambre des comptes. Il ne faut pas le confondre avec son frère Augustin, évéque de Versailles. Dictionnaire historique, Paris, 1821, t. vu, p. 156; Michaud, Biographie, 2· édit., t. vm. p. 408; Feller, Biographie univer­ selle, Paris, 1847,1 1, p. 656; tiœfer, Nouvelle biographie gé­ nérale, Paris, 1854, t. X, col. 792; Barbier, Examen critique (tes dictionnaires historiques ; Quérard, Im France littéraire. C. Toussaint. 19. CLÉMENT L'ÉCOSSAIS, flérétiquedn viiPsiè- cle. Dés 722, après une visite au pape, l’intrépide AngloSaxon Winfried, l'apôtre célèbre de la Gaule franque el de la Germanie, connu sous le nom de saint Boniface, re­ nouait auprès de Charles Martel les relations épistolaires entre la papauté et la royauté mérovingienne, qui étaient interrompues depuis613. Dès742,encouragé parles sou­ verains pontifes et secondé par Carloman et Pépin, il renouait également la tradition des anciens synodes par la convocation régulière de conciles nationaux, qui cha­ que année allaient désormais traiter les questions poli­ tico-religieuses les plus urgentes. Or, dans l’intervalle, il ne s'était pas seulement livré à un apostolat fécond auprès des barbares encore païens, il avait de plus tra­ vaillé, selon les désirs de Grégoire II et de Grégoire II!, à la réforme de la société chrétienne en Gaule par celle de l'Église, et à la réforme de l'Église par celle du clergé. Ce ne fut ni sans de nombreux obstacles ni sans de graves difficultés, car, à raison des intérêts, des passions, des préjugés et des erreurs qui régnaient, il avait ren­ contré sur ses pas des esprits brouillons, fauteurs de désordre et entachés d’hérésie, aux rangs desquels il faut placer le Franc Adalbert, voir t. 1, col. 367-368, et l’Écossais Clément. Clément nous est peint au vif dans une lettre de saint Boniface au pape Zacharie. Epist., ι.νπ,Ρ. L., t. i.xxxix, col. 753; llardouin, Ad. conc., t. lit, p. 1936. Accouru d'Ecosse, à l'exemple de tant d'autres Scots ou AngloSaxons, dans le but de pratiquer l'apostolat chrétien dans l'Europe occidentale, il fut loin de posséder l’esprit de subordination et l'orthodoxie de la plupart de ses compatriotes. Incapable, en particulier, de mailriser ses passions, il donna le scandale d'une vie de désordres avec une concubine dont il eut deux enfants. Mais résolu, d’autre part, à jouer un rôle religieux, il se joignit à Adalbert et se fil sacrer comme lui évéque parun inconnu. En réalité, ce n'était qu’un révolutionnaire et un héré­ tique. Au point de vue disciplinaire, il repoussait toute règle ecclésiastique. Contrairement à la pratique de l'Église, il prétendait, par exemple, que, pour se confor­ mer à la loi de Moïse, le frère pouvait épouser la veuve de son frère. Il ne reconnaissait d'autorité ni à l’Ecriture sainte, ni aux conciles, ni aux Pères de l’Eglise, notamment à saint Jérôme, à saint Augustin et à saint Grégoire le Grand. Au point de vue dogmatique, il pro­ fessait des opinions erronées sur la prédestination, il enseignait que le Christ, dans sa descente aux enfers, avait délivré tous ceux qui se trouvaient dans les limites, les incrédules et les idolâtres aussi bien que les croyants et les vrais serviteurs de Dieu. 201 CLÉMENT L’ÉCOSSAIS — CLÉMENTINS (APOCRYPHES) Une tellecondui te et de tels enseignements constituaient un danger pour la foi et pour les mœurs. Saint Boniface essaya par la parole de le réduire au silence et d’en dé­ barrasser la Gaule chrétienne. Ne pouvant y parvenir, il soumit son cas à l'assemblée des évêques. De même qu’il avait fait condamner Adalbert au concile de Soissons de 744. il lit condamner Clément au concile germanique de 715, convoqué par Carloman et présidé par lui comme légat du pape. P. L., t. lxxxix, col. 829-830; Hardouin, t. in, p. 1933. Notification de cette condamnation avec pièces à l'appui fut envoyée à Borne, et le pape Zacha­ rie réunit cette même année un concile au Lalran, qui ratifia la condamnation de cet hérétique scandaleux. P. L., ibid., col. 831-837; Hardouin, ibid., p. 1935-1943. Cf. S. Zacharie, Epist., tx, x, P. L., t. lxxxix, col. 939, 942. Depuis lors on n'entendit plus parler de Clément; on ignore comment il acheva sa vie. En tout cas, son influence fut définitivement ruinée, et saint Boniface put poursuivre sa féconde mission. Smith et Wnce, Dictionary of Christian biography, Londres, 1877, t. r, p. 533; Kirchenlexikon, Fribourg-en-Brisgau, 1884, t. ni. p. 517; Hardouin, Act. conc., t. ni, p. 1933 sq. ; P. L., t. LXXXIX, col. 751-753, 829-837. G. Bareille. CLÉMENTIEVSKY Irénée, théologien russe, évêque de Tver en 1792, et archevêque de Pskov en 1798, mort en 1818. Il a publié plusieurs commentaires de livres des saintes Ecritures, et deux traités théologiques : 1° Le triomphe de notre foi sur les infidèles et les esprits forts (Torjeslvo nachea viery nad nevieruiuc/itchim i i volnodumtzami), Saint-Pétersbourg, 1794;2° La mort, le jugement, l’enfer et le ciel, Saint-Pétersbourg, 1795. Philnrète, Aperçu sur la littérature ecclésiastique russe, Saint-Pétersbourg, 1884, p. 422. A. Palmieri. CLÉMENTINS (APOCRYPHES). Nous traite­ rons sous ce titre des ouvrages apocryphes attribués â saint Clément de Rome et non compris dans l'article Canons des apôtres, à savoir : I. Les Homélies clémen­ tines, les Récognilions et les abrégés grecs, syriaque et arabes des Homélies ou des Récognitions. II. L’ouvrage conservé en arabe et en éthiopien, intitulé parfois « l'apocalypse de Pierre » et le plus souvent « Clément ». III. Les lettres aux vierges, les lettres décrétales et deux apocryphes éthiopiens peu connus de moindre impor­ tance. L Homélies, Récognitions et leurs abrégés. — L'histoire de saint Clément de Rome, de « ses pensées durant sa jeunesse », de sa conversion par saint Pierre, de scs voyages à la suite de saint Pierre et de ses « re­ connaissances «successives avec les divers membres de sa famille a eu, depuis le II· siècle, de nombreuses édi­ tions, les unes « revues et augmentées », les autres « revues et abrégées », dont il ne nous reste pas moins de sept types différents et qui constituent ce qu'on appelle maintenant « les Clémentines ». Les voyages de saint Clément à la suite de saint Pierre formaient en elfet un cadre très souple dans lequel il était facile d'in­ troduire des instructions aux chrétiens, des apologies de certaines vertus ou de certains dogmes du christia­ nisme, des polémiques contre les gnosliques et les païens. Un certain nombre d’éditions sont perdues et ne nous sont connues que par quelques citations; mais les sept qui nous restent encore semblent toutes dériver d'une édition primitive augmentée, diminuée ou du moins orientée suivant le but poursuivi par chaque édi­ teur. L’un nous donne un résumé de l'histoire sainte depuis la création, Becogn., i, 22, 26-72, une théorie de la Trinité, ni, 2-11, et une longue réfutation de lastrologie, ix, 2, 12-24; x, 7-12; un autre se préoccupe surtout de rapprocher le christianisme du judaïsme. Boni., n, 19; iv, 7, 13, 22; v, 26-28; vm, 6-7; xx, 22· et 202 imagine ou reproduit, pour défendre la notion de Dieu fournie par la Bible, diverses théories hasardées comme celle des passages inexacts introduits dans la Bible par le Malin, Horn., n, 38-m, 5; celle du vrai prophète, critérium unique de certitude, Boni., I, 18-11, 12; m, 11-14; XI, 19, et de la création par couples, le mal pré­ cédant le bien, le mauvais prophète précédant le bon. Horn., Il, 15-17; m, 16, 21-27, 59. Cette théorie doit prouver que Simon le Magicien est le mauvais prophète par ce seul fait qu’il a précédé saint Pierre à Césarée. Signalons encore une dissertation contre les idoles, Hom., iv, 8-Vl, 25, et une théorie sur le pouvoir des démons et la cause des maladies. Boni., ix, 8-22. Mais la plupart des éditeurs ont surtout écourté le récit pour le ramener à l'histoire de Clément, histoire prolongée par beaucoup jusqu'à son martyre. Tels sont les abrégés syriaque, grecs et arabes. 11 nous reste à faire con­ naître plus en détail chacun de ces textes et leurs par­ ticularités, à mettre leur importance en relief et à résu­ mer les théories littéraires auxquelles ils ont prêté. /. analyse. — 1» Homélies. — Le recueil tel qu'on le possède maintenant commence par une lettre d’envoi de saint Pierre à saint .lacques, P. G., t. Il, col. 25-28; et une recommandation (διαμαρτυρία) de saint Jacques à ceux qui reçoivent « ces livres ». Ces deux pièces semblent se rapportera des « livres » perdus et non aux « homélies » suivantes. Vient ensuite une lettre de saint Clément à saint Jacques et vingt homélies ou plutôt vingt récits. La lettre de saint Clément fait partie du tout, car elle est jointe à la suite dans les deux mss. qui nous restent des homélies, elle commence la ire h > mélie dont elle forme le premier paragraphe et elle nous donne le titre de l’écrit : Κλήοεντος τών Πέτρου επιδημιών χτρυγμάτων έπιτομή. En somme, les Homé­ lies ne sont autre chose que la lettre de Clément. La suite est formée de deux sujets enchevêtrés qui sont : l'histoire de Clément, de ses pensées, de sa con­ version et de la conversion de sa famille et, en second lieu, les actes et les prédications de Pierre. Il y a inté­ rêt pour la clarté à séparer ces deux sujets dans le ré­ sumé, d'autant que le premier est commun à tous les écrits qui nous préoccupent maintenant, tandis que le second a subi de grandes modifications au gré des édi­ teurs successif;,, comme nous l’avons déjà esquissé. 1. Histoire de saint Clément. — Sous le règne de Tibère, un jeune Romain, nommé Clément, de la race de César, Xll, 8, âgé de trente-deux ans, xn, 10, se pose les problèmes de la cause première, de la nature de l'âme et de la destinée humaine. 11 ne trouve aucune réponse satisfaisante chez les philosophes et songe à se rendre en Egypte pour y évoquer les morts, quand il entend raconter que le Fils de Dieu est apparu en Judée et promet la vie éternelle à tous ceux qui voudront vivre conformément à la volonté de son Père. Clément se rend donc en Judée pour s’informer du Fils de Dieu. En passant à Alexandrie, il rencontre saint Barnabé qu'il retrouve un peu plus tard près de Pierre à Césarée de Straton. Saint Pierre lui promet les biens éternels, lui demande de l'accompagner dans ses voyages afin de profiter ainsi des discours de vérité qu’il va prononcer dans chaque ville jusqu'à Rome, I, 1-16. On arrive enlin à Antarados où Clément narre à saint Pierre sa triste histoire : Sa mère, Matlidia, raconta un jour qu'un songe l’obligeait à quitter Borne avec ses deux fils ju­ meaux Faustinus et Faustinianus, si elle ne voulait les voir mourir de cruelle maladie; son père, Faustus, les envoya à Athènes où ils n’arrivèrent pas; il se mit donc à leur recherche et disparut à son tour; Clément avait alors douze ans, ΧΠ, 1-10. Dès le lendemain, Pierre et ses compagnons passent dans File d'Arados pour y voir deux troncs de vigne d'une prodigieuse grosseur cl un ouvrage de Phidias, et ““ml Pierre demande à une meudiante pourquoi elle ue 203 CLÉMENTINS (APOCRYPHES) travaille pas au lieu de mendier; elle répond qu’elle ne le peut plus, car elle s’est rongé les mains dans sa dou­ leur et elle ne peut plus s’en servir. Elle raconte aussi son histoire : son beau-frère la poursuivait de ses assi­ duités; pour lui échapper, elle raconta à son mari qu’un songe lui ordonnait de s’éloigner avec deux de ses fils. Un naufrage la jeta dans cette île et elle ne put même pas retrouver les corps de ses enfants. Saint Pierre re­ connaît Mattidia et, peu après, deux jeunes amis de Pierre, Nicétas et Aquila, reconnaissent aussi leur mère. Ils sont Faustinus et Faustinianus; des pirates les ont recueillis après le naufrage et les ont vendus sous des noms d’emprunt, à Césarée de Straton. Justa, la Chananéenne de l’Évangile, cf. Matlh., xv, 21-28, les acheta et les éleva comme ses fils, II, 19. Ils s’attachèrent d'abord à Simon le Magicien jusqu’au jour où Zachée les conduisit à Pierre, xn, 12-24; xm, 1-8. Après le baptême de Mattidia, saint Pierre engage une controverse avec un vieillard. Celui-ci tient qu’il n’y a ni Dieu ni providence et que tout est soumis à l’horos­ cope. Il cite en exemple la femme de l’un de ses amis née sous un horoscope qui la condamnait à devenir amoureuse de l’un de ses esclaves et à périr dans un naufrage. Tout ceci s’était réalisé. Cette femme était partie avec deux de ses tils et avait péri dans un nau­ frage, et le frère du mari avait alors appris à celui-ci que sa femme était tombée amoureuse d’un esclave et n’avait prétexté la nécessité d’un voyage que pour se livrer sans obstacle à sa passion. Saint Pierre n’a pas de peine à reconnaître Faustus, le père de Clément, et à lui prouver que l'horoscope n’a aucune influence sur la volonté humaine, puisque sa femme Mattidia n’est pas morte dans le naufrage et n’a pas aimé d’esclave, mais a résisté au contraire à son beau-frère, lequel l’a calomniée pour se venger, xiv, 2-10. Cependant Faustus ne s’avoue pas vaincu. L’astrologie trompe parfois, ditil; il vient d’en avoir la preuve, mais il n'en est pas toujours ainsi; il croit surtout à la science d’un astro­ logue, nommé Annubion, qui suit Simon le Magicien. Clément offre de discuter avec Annubion, lorsqu'on le rencontrera à Antioche, puis, joyeux de la reconnais­ sance (έν τώ άναγνωρισμώ ou propter recognitionem), on va prendre du repos, xiv, 11-12. La version syriaque s’arrête ici. Dans les Homélies telles que nous les possédons, Faustus ne se convertit pas de manière bien explicite, il accompagne saint Pierre et discute avec lui ou du moins assiste à ses discussions avec Simon le Magicien. Celui-ci, qui est poursuivi par Corneille le centurion, donne ses traits à Faustus afin de le faire emprisonner à sa place. La ressemblance est telle que Mattidia et ses enfants y sont trompés : Pierre leur révéle la vérité et songe à tirer parti de cette métamorphose de Faus­ tus. Il lui ordonne d’aller à Antioche sous les traits de Simon le Magicien pour y louer Pierre et lui faire amende honorable; après quoi, lui, Pierre, viendra â Antioche et rendra à Faustus sa première forme. Au bout de dix jours, celui-ci mande à Pierre de venir en hâte et l’ouvrage se termine avec le départ de saint Pierre de Laodicée pour Antioche, xx, 11-23. D’ailleurs, la lettre préliminaire nous a appris que saint Pierre, prés de mourir à Borne, a imposé les mains à saint Clément, et l'a choisi pour son successeur. Epist. Clem., 2, 19. 2. Actes et prédications de saint Pierre. — Pendant que se déroule le roman précédent, saint Pierre prêche et lutte, de ville en ville, surtout contre Simon le Ma­ gicien qu’il est venu chercher à Césarée, 1, 22; ni, 2957, et qu’il poursuit ensuite à Tyr, in, 58; à Sidon, iv, 6; à Beyrout, vu, 5; à Byblos, à Tripoli, vn, 12; à Lao­ dicée, xm, 1 ; xvi-xix, 24. Avant de discuter avec Simon, il arrive aussi à saint Pierre de prémunir ses amis contre les objections, il, 4-53; in, 2-28. D'ailleurs, quel­ 204 ques-unes de ses instructions sont adressées à saint Clément lui-même, i, 18-22; xn, 25-33; xin, 13-21; â Faustus, xv, 1-11; à ses disciples, xx, 1-10; et aux habitants de Tyr, vit, 1-5; de Sidon, vil, 6-8; de Bey­ rout, vu, 9-12; de Tripoli, vm-χι. Dans toutes les villes où il passe, saint Pierre ordonne un évêque, des prê­ tres et des diacres. Il n’a pas du reste le monopole des controverses, car saint Clément aussi discute très lon­ guement avec Appion au sujet des idoles, iv-vi, 25, et nous annonce par deux fois qu’il discutera avec Annu­ bion à Antioche au sujet de l’astrologie, xiv, 12; xx, 11-21, discussion qui ne figure pas dans le texte actuel des Homélies. 2" Uécognilions. — Cette rédaction, ainsi nommée des « reconnaissances » (άναγνωρισμοί) des parents de Clé­ ment, est conservée seulement dans la traduction latine de Rufin. La lettre de saint Pierre à saint Jacques et la « recommandation » de saint Jacques manquent. La lettre de saint Clément figurait dans les mss. grecs que possédait Rufin, mais il ne la mit pas en tête de sa version latine, parce qu’il l’avait déjà traduite ailleurs et qu’il la jugeait postérieure à saint Clément qui est le véritable auteur, selon lui, des Récognitions. Cf. P. G., t. i, col. 1207. L’ouvrage est divisé en dix livres résumés. P. G., t. i, col. 1171-1178. Le roman de Clément est le même que dans les Homélies; cependant son père se nomme ici Faustinianus (et non Faustus), tandis que Faustus devient le nom de l’un de ses frères. De plus, Clément ne va plus à Alexandrie, mais rencontre Barnabé à Rome même. Enfin les derniers chapitres ajoutent le récit de l’arrivée de saint Pierre à Antioche et de la conversion de Faustinianus, père de Clément, x, 66-72. La dillérence des Homélies et des Récognitions est beaucoup plus grande dans les discours, les disputes et les enseignements. Les Récognitions laissent de côté trois théories principales : celle des faux passages de l’Écriture enseignée par Pierre à Césarée, Horn., il, 37iii, 10; la dispute de Clément avec Appion à Tyr, Horn., iv-vi, et une partie de la discussion sur le mal. Horn., xix, 3-24. Cependant divers passages des Récognitions montrent que leur auteur connaissait ces théories. Cf. Bigg, p. 183, note 5. Les Récognitions omettent en­ core le passage sur la philanthropie, Horn., xn, 25-33, les discours de saint Pierre, de Tyr à Tripoli, Horn., vi, 26-vn, 12, et une grande partie des théories relatives au vrai prophète, Horn., π, 15-111, 28, et aux contradictions relevées dans la Bible par Simon le Magicien. Horn., n, 15-18; ni, ll-28. Par contre, les Récognitions ajoutent un discours de saint Pierre qui résume les événements historiques depuis la création jusqu’à son arrivée à Cé­ sarée, i, 27-72; cf. i, 22, et un dialogue entre saint Pierre, Faustinianus et ses fils sur le destin, vm, 3-x, 52. D’ailleurs, même dans les passages parallèles, les discours et les instructions dillèrent beaucoup dans les Homélies et les Récognitions; les paroles du moins sont la plupart du temps dillérentes. La première édition des Récognitions fut publiée à Paris en 1504 par Jacques Le Fèvre d'Étaptcs. Cf. Justi Fontanini, Wistoriæ literariæ Aquilmensis libri V, Rome, 1742. p. 337 ; P .G., 1.1, col. 1195. L'exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale de Paris porte sur la première page, en guise de titre : Pro pio­ rum recreatione, et in hoc opere contenta : Epistola ante in­ dicem ; Index contentorum ; Ad lectores; Paradysus Heraclidis; Epistola Clementis; Recognitiones Petri apostoli; Com­ plementum epistole Clementis; Epistula Anacleti; les Récognitions, fol. 40 v-112 r, sont précédées de la préface de Ruiln ad Gaudentium, fol. 37 r, et de la lettre de Clément à Jacques comme en P. G., t. n, col. 31-56 (traduction de Rulin), fol. 37 v-40. Le complément de la lettre de Clément, fol. 112 v116 r, est l'addition qui se trouve dans P. G., t. I. col. 472, Pænitemini, inquit, et veram... jusqu'à la fin. col. 484. La lettre dédicatoire ante indicem est datée du 10 février 1503. 3« Les Epitome grecs. — 11 nous reste deux résu­ més des Homélies, l'un, un peu plus long, publié pour 205 CLÉMENTINS (APOCRYPHES) la première fois par Dresse! qui l'appela Epitome ι (E1); l'autre édité par Turnébe, puis par Cotelieret par Dressel et nommé Epitome it (E2). Ce dernier se trouve P. G., t. 1, col. 469-604. E2 est divisé en 179 chapitres et E1 en 185 chapitres correspondants. Ces résumés ont joui d'une grande vogue et sont nombreux encore dans toutes les bibliothèques. La Bibliothèque nationale de Paris possède trois exemplaires complets et un exem­ plaire incomplet de E* et quinze exemplaires de E2. Cotelier en connaissait neuf exemplaires, P. G., t. Il, col. 469; les manuscrits qu'il désigne par les n. 148,804, sont cotés maintenant 1178, 1463. A. d'Alés, Un frag­ ment pseudoclémentin, dans la Revue des éludes grecques, 1905, t. xvm, p. 213-223, a édité le texte du ms. Suppl., n. 1000. Ce fragment comprend les § 143162 de \'Epitome il. D’après Dressel, p. v, les deux Epitome proviennent des Homélies; E1 a été rédigé après le concile de Nicée et E2 a été tiré plus tard de E1, p. vu. Langen au con­ traire voyait dans les Epitome l'édition la plus fidèle du texte original dont les Homélies et les Récognitions étaient de plus tardifs remaniements. Cf. Waitz, p. 7. Mais Langen n'a pas été suivi et on admet que les Epi­ tome ne sont qu’un résumé des Homélies. Waitz en particulier montre que les Epitome paraphrasent par endroits les Homélies et les Récognitions et plus sou­ vent suppriment les passages démodés ou d’orthodoxie douteuse, a joutent des extraits de la lettre de saint Clé­ ment à saint Jacques, 145-147, dont il ne donne en tête que les cinq premiers mots (I) et du martyre de saint Clément par Siméon le Métaphraste, 149-173, avec une linalc empruntée à Éphrem, évêque de Chersonnèse, 174-179; d'ailleurs Et dépend directement de E2. Cf. Waitz, p. 8-14. Nous ferons remarquer que le c. cxxxix de E2 ne se trouve pas dans les Homélies, mais bien dans les Récognitions, x, 66, et que les longs développements, ajoutés par E1 au c. XCVI, ont quelques phrases parallèles dans une citation des Ιίερίοδοι ΙΙέτρου faite par Paul le moine. 11 semble donc que E* et E2 ne dépendent pas uniquement de notre rédaction des Homélies; à cette petite restriction près, nous les re­ gardons aussi comme de simples résumés et nous n’au. rons plus à en parler. 4“ La version syriaque. — Cette version conservée en particulier dans le ms. de Londres, add. 12150, écrit l’an 723 des Grecs (412 de notre ère), contient Hecog., iiv, 1 (jusqu'à hiemandum denuntiavimus) avec les Homélies x, xi, xn, 1-24, xm, xiv, c’est-à-dire l'histoire de Clément, comme l’indiquent les titres des deux ma­ nuscrits syriaques, add. 12150, 14609; ce dernier, du vi» siècle, ne renferme pas les Homélies x-xiv. Les titres des Homélies x-xn qui sont : Troisième contre les gen­ tils, Lagarde, p. 124; Quatrième, p. 132; Après Tripoli de Phénicie, p. 146, semblent empruntés aux premiers mots qui suivent. Le dernier titre seul : Homélie qua­ torzième, p. 162, ne peut être expliqué qu’en présuppo­ sant l'existence, avant 412, du recueil des Homélies di­ visé comme il l'est encore aujourd’hui. Ce n'est pas à dire que la version syriaque dépend des Homélies actuelles ; Lagarde a déjà signalé, p. vu, que cette version, comme les Récognitions, omet Horn., xn, 25-33, et suit le texte des Récognitions et non celui des Homélies. Horn., xm, 1. Ajoutons que partout dans la version syriaque (cl. p.149, lig. 20) comme dans les Récognitions (cf. vu, 8), Faustus est le nom d'un frère de Clément, tandis que dans les Homélies (cf. xn, 8) c’est le nom de son père. De plus la version syriaque, p. 146, lig. 35, comme les Récognitions, vit, 1, porte : quoniam plurimæ fratrum turbæ nobiscum sunt, au lieu de : πολύς ό'χλος τών συνοιδοπορούντων, Hom., xn, 1 ; p. 147, lig. 13-14, comme Hecog., vu, 2 : proposui ternis residere mensibus, au lieu de : προήρημαι ήμερων έπιμένειν, Hom., xn, 2; p. 147, lig. 17-19, comme Hecog., vn, 2 : Hoc cupio ut in 20Ü omni civitate faciatis, ut ita etiam invidiam fugiamus el fratres etiam per sollicitudinem vestram, absque vagatione, hospitia inveniant; le texte correspondant, Hom., xn, 2, est complètement différent. Elle a encore, p. 147, lig. 24-25, comme Hecog., vu, 3: unum diem aut biduo, au lieu de : ήμερων δύο, Hom., χιι,3; enfin p. 150, lig. 19-20, comme Hecog., vu, 12: sex stadiis, au lieu de : τριάζον-a σταδίου;. Hom., xn, 12. D’ailleurs, s’il est fa­ cile d’expliquer comment Faustinianos des Récognitions a pu devenir Faustinos dans la version syriaque, il nous semble impossible de faire dériver la leçon de cette version : Métrodora (cf. p. 149, lig. 19), de Mattidia, He­ cog., vm, 8, ou Ματτιδία. Hom., XII, 8. Ces différences, si légères soient-elles, suffisentà montrerquele syriaque ne dérive pas de notre texte actuel des Homélies, mais d'un texte grec un peu plus apparenté aux Récognitions. La leçon Métrodora au lieu de Mattidia est restée dans la littérature syriaque. Elle sé retrouve dans une élégie de Balai, auteur syrien du iv" au V' siècle, qui consacre douze vers au naufrage de .Mattidia et à la mort (sup­ posée) de ses enlants. Cf. G. Bickell, Conspectus rei Sy­ rorum litlerariæ, Munster, 1871, p. 46, note 5, et Zeit­ schrift der Deutschen Morg. Ges., 1873, t. xxvii, p. 599, et dans le « Clément » arabe, dont il sera question plus loin. La version syriaque a prêté une base très spécieuse à la théorie de J. Lehmann, d’après laquelle les Réco­ gnitions n’auraient compris à l’origine que les trois pre­ miers livres et n’auraient été complétées plus tard que par des emprunts faits aux Homélies et à d’autres ou­ vrages. Die Clenient inischen Schriften, Gotha. 1869. Car si le traducteur syrien avait eu sous les yeux les 1. V-Vlldes Récognitions en même temps que lesl. 1-111, on ne s’expliquerait pas bien pourquoi il aurait em­ prunté aux Homélies la suite de l’histoire de Clément qui aurait figuré déjà dans les 1. V-VII. On peut cepen­ dant satisfaire à cette difficulté en supposant que le texte grec, origine de la version syriaque, a été constitué en deux fois. Ce texte grec, qui ne contient pas « la transformation de Simon », cf. Hecog., x, 56, 60, nous parait être mentionné par Rulin, aussi bien que les Homélies, dans un passage de sa Préface à Gaudentius, P. G., t. i, col. 1205, que nous pouvons traduire de la manière suivante : « Tu n’ignores pas, je pense, que de ce Clé­ ment [titre de l’ouvrage en syriaque] il y a en grec deux éditions [Homélies et Récognitions] du même ouvrage Αναγνώσεων, c’est-à-dire des Récognitions, et deux grou­ pements de livres [Homélies-Récognitions et version syriaque], qui dillèrent assez, mais présentent souvent le même récit. Enfin la dernière partie de cet ouvrage, où est rapportée la transformation de Simon, se trouve dans un groupement [Homélies-Récognitions] et ne se trouve aucunement dans l’autre [version syriaque]. » Nous n’aurons plus à nous occuper de la version syriaque, puisque tout son contenu se retrouve dans les Homélies ou les Récognitions. 5° Les résumés arabes. — Μ“· M. Dunlop Gibson a édité deux abrégés arabes des Clémentines, Sludia Sinailica, Londres, 1896, t. v; le premier d’après un ms. du Sinai, le second d’après un ms. de Londres. Le premier a pour titre : « Voici l’histoire de Clément qui reconnut ses parents grâce à Pierre; » il résume en une page les trois premiers livres des Récognitions et raconte ensuite les « reconnaissances ». Le dernier paragraphe seul n’a pas son correspondant dans le sy­ riaque et correspond à Hecog., ix, 38. Faustus est aussi le nom d’un frère de Clément. Ce résumé nous semble donc provenir sinon du latin, du moins d’un texte grec apparenté aux Récognitions et non aux Homélies. Le second, au contraire, est une traduction d’un texte grec qui dérive de l’Epitome H, c’est-à-dire des Homélies, traduction faite par Macaire d’Antioche dans la ville de Sinope en 1659. Comme dans l’édition de Turnébe, la 207 CLÉMENTINS (APOCRYPHES) seconde parlie de VEpitome, c. cxlviii sq., est séparée de la précédente par le titre « martyre de Clément ». il. DOcrniifE. — 1» Homélies. — Cotelier les éditait surtout pour faire connaître les erreurs des premiers hérétiques : Id apocryphum non indignum visum fuit quod ederetur typis, ulpole utile cum cui alia, tum vero praecipue ad cognoscendos primorum haereticorum errores. Cf. Préface, non paginée. Ces erreurs sont surtout celles des judéo-chrétiens ou ébionites. L'école de Tubingue cherchait dans cet ouvrage le christianisme primitif. Aujourd’hui on y voit une synthèse, très mal digérée, du christianisme avec diverses théories philo­ sophiques (gnosliques ?) et judéo-chrétiennes. L'auteur a juxtaposé des théories très diverses sans arriver à les fondre dans un seul tout. Aussi M. Uhlhorn a-t-il cru devoir distinguer deux courants, l’unpanthéistique et l’autre moral, lorsqu’il a voulu résumer l’en­ seignement des Homélies relatif â Dieu, liealencyclopâdie, 3« édit., t. tv, p. 173-174. Ces résumés généraux, semble-t-il, ne sont jamais exempts de l’esprit de sys­ tème qui manquait par contre à l’auteur des Homélies. Cet auteur se préoccupe constamment de réfuter des adversaires et saisit donc l’argument ou la délinition qu’il trouve à sa portée sans (’harmoniser avec l’en­ semble de son ouvrage. Nous aurons donc, peut-être, une idée plus juste de sa doctrine en exposant son but et les moyens choisis pour y arriver, plutôt qu'en clas­ sant sous les lieux communs philosophiques et théolo­ giques de très courts extraits recueillis dans tout son long ouvrage. L’auteur se propose d'enseigner la vérité â Clément — et, en sa personne, â tous les néophytes — mais il le fait surtout en réfutant des objections, par exemple celles d'un thaumaturge, Simon le Magicien, qui opère aussi des prodiges et attaque le Dieu de la Bible au nom de la raison. Le Dieu des Juifs n’est pas le Dieu souverain, car il est à courte vue, ignorant, jaloux, il se repent, il a besoin de sacrifices, ni, 39; il y a donc plusieurs dieux, comme le montrent d’ailleurs divers passages de la Bible, XVI, 6-14. Pierre répond en citant d’autres passages de l’Écriture, ni, 55-57; xvi, 7, et doit conve­ nir que son raisonnement n’est pas convaincant, puisque la Bible fournit des textes pour et contre, ni, 9-10; xvi, 9. Pour convaincre ses auditeurs — du moins ses au­ diteurs de choix, car il est des raisons qu’on ne peut donner à tous — il expose les théories du vrai prophète, des fausses péricopes et des syzygies. Les philosophes ne sont pas arrivés à la certitude, i, 3-4; n, 7-8; l’Écriture sainte fournit des raisons à tous, ni, 10, et présuppose donc que l'on sait distinguer le vrai du faux, par suite le seul critérium de ia certitude sera l'autorité du vrai prophète. Lorsqu’une maison est remplie de fumée, il faut un homme pour ouvrir les fenêtres, chasser la fumée et faire entrer le soleil. C’est le vrai prophète qi i nous rendra ce service, 1, 18-19. Pierre expose ensuite ses marques, J, 20; n, 6; lit, 1115. Si l’une des choses prédites est arrivée, on recon­ naîtra là le vrai prophète et l’on devra croire ensuite tous les enseignements que ses disciples donnent en son nom, il, 9-12. Quel est ce vrai prophète? La pensée de l’auteur est ici un peu flottante. Pour lui, le vrai pro­ phète est presque toujours Jésus-Christ, ni, 18-19; xn, 29; xv, 7; xvn, 6; mais —comme il ne peut dire que la vérité a été ignorée jusqu’à l’arrivée du Christ, puis­ qu'il rattache très étroitement et même trop étroitement, vu, 4; vm, 6-7, l'ancienne loi à la nouvelle — il doit ad­ mettre des sortes d'incarnations du vrai prophète, qui parcourt le monde depuis le commencement, en chan­ geant de forme comme de nom, m, 20. Adam semble avoir été le vrai prophète, m, 21-25, peut-être aussi Ilénoch, Noé, Abraham, Isaac et Moïse, xvn, 4; xvm, 14. ou plutôt Dieu, dès le commencement, a appeié à la vérité les hommes qui en étaient dignes, 1,11-12. 208 Pour réfuter les objections tirées de la Bible, l'auteur échafaude une théorie, nouvelle alors, qu’il déclare à bon droit ne pouvoir révéler au vulgaire, n, 39. H sup­ pose que l’Écriture contient des passages inexacts introduits postérieurement par le démon, n, 38, pour tromper les hommes, ni, 5; xvi, 10, 13-14. Il est faux que Dieu mente, tente les hommes, se repente, soit jaloux, aime la graisse et les victimes, n, 41-44. Adam n’a pas transgressé; Noé ne s'est pas enivré; Abraham n'a pas eu trois femmes à la fois; Jacob n’en a pas eu quatre dont deux sœurs; Moïse n’a pas été homicide, n, 52. C’est là, bien entendu, l’enseignement du vrai prophète et, pour le prouver, l’auteur n'a qu’à modifier légèrement un texte de l’Écriture, μή εϊδότες τά άλτ,6ή των γραφών, ιι, 51 ; ιιι, 50; χνιιι, 20. Cf. Marc., xn, 24. Il arrive ainsi à faire dire à Notre-Seigneur qu’il faut savoir distinguer le vrai du faux dans l’Écriture. De plus le Pentateuque n’est pas de Moïse, puisqu’il raconte sa mort, ni, 47. Cette théorie, si elle n'a aucun autre avantage, atteint du moins le but visé par l’auteur et ferme la bouche à Simon le Magicien : « Lorsque je ne connaissais pas ton sentiment sur l’Écriture, je résistais el je discutais; maintenant je m’éloigne, » xix, 21. H reste cependant encore un point faible : Pierre parle, dit-il, au nom de Jésus-Christ, le vrai prophète, et opère des prodiges, mais Simon prétend être le fils de Dieu et il opère aussi des prodiges. Pierre — c’est-àdire l'auteur des Homélies — est assez embarrassé pour trouver un critérium, et la preuve en est qu’il en apporte plusieurs : on ne doit pas croire celui qui parle contre le Dieu créateur, ni, 42; xtx, 21-22; on doit chercher à quoi servent les prodiges, ceux de Simon sont inutiles, n, 33-34; d’ailleurs, Simon n’est qu’un imposteur et un magicien, deux de ses anciens disciples se chargent de nous en convaincre, il, 18-32; enlin Pierre imagine la théorie des couples ou des sy zygies sur laquelle il revient souvent ; Dieu a tout créé par couples, d’abord le meil­ leur et ensuite le plus mauvais, comme le ciel puis la terre, Adam puis Éve, mais parmi les hommes, c’est l'inverse, les mauvais naissent avant les bons : Caïn avant Abel, Ismaël avant Isaac, Esaü avant Jacob, Jean-Baptiste avant Notre-Seigneur et, à la lin des temps, l'Antéchrist avant le Christ. Or Simon a précédé Pierre, car il est disciple de Jean-Baptiste et il a précédé Pierre à Césarée, c’est donc Simon qui est le séducteur, n, 15-18. Beau­ coup tombent dans l’erreur faute de connaître celle loi des syzygies; aussi Pierre y reviendra-t-il fréquemment, in, 16. H y a même deux genres de prophéties : la prophétie mâle créée la première, mais qui ne vient qu’en second lieu dans ce monde, et la prophétie femelle. La première procède d’Adam et la seconde d’Éve, m. 22-28. Simon, bien entendu, n'a hérité que de la seconde. Le Christ est rempli de la divinité, rien ne lui est impossible, i, 6; c'est le fils de Dieu, i, 7, 8; le vrai pro­ phète, i, 17; x, 4; xn, 29; xv, 7; xvn, 6; le Seigneur, i, 34; xi, 35; ό διδάσκαλος ήμών, m, 12; Xlt, 30 ; χνι, 10, 15; xvn, 4, 13; xvm, 12. Il semble faire l'objet du passage, ni, 17-20; et y être appelé « un homme formé des mains de Dieu », « un homme qui eut le saint esprit du Christ; » en tout cas, un passage subséquent nous apprend sans ambiguïté que, si le Christ est fils de Dieu, il ne peut cependant pas être appelé Dieu, XVI, 1-4-15. Le l’ils, d’ailleurs, a été engendré et ne peut donc pas être comparé à celui qui n’a pas été engendré ou qui l’a été de lui-même, xvi, 16. Après nous avoir tourné de belles définitions de la divinité, n, 12-13, 45; m, 37; x, 19-20; xvi, 17-18, l’auteur en arrive à l’anthropomorphisme, xvi, 19-20; xvn, 7-Γ1. « Dieu a une ligure pour la première et seule beauté, il a tous les membres, non pour s’en servir... » Signalons encore quelques exagérations proches des erreurs ébionites et relatives à la pauvreté, xv, 10; â 209 CLÉMENTINE (APOCRYPHES) Dieu et â la nature de l'âme, xvi, 46; â la dépendance de la nouvelle loi vis-à-vis de l'ancienne (passages judéo-chrétiens), 11, 19: iv. 7, 13, 22, 24; v, 26-28; vm, 7, 22; xi, 35; xx, 22; à l’enfer ou les aines des pécheurs seraient entièrement anéanties, ni, 6, et à la possibilité de suppléer le baptême, xm, 20. Enfin les démons ont pouvoir sur les hommes qui mangent avec eux ou qui se soumettent une Ibis à eux, vu, 3: vm, 20; tx, 15, 23; cf. xx, 46-47; la vraie religion les met en fuite, tx, 8-11 ; le mal se rattache à la perversité des premiers hommes et aux anges déchus, vm, 14-20. A côté de ces théories qui justifient amplement le jugement sévère de Colelier se trouvent aussi de nombreux passages irréprochables contre l’incrédulité, m, 31 ; le polythéisme et les idoles, iv-vi ; x, 7-18; sur les œuvres de Dieu, ni, 32-36; l’immorta­ lité de l'âme, m, 37; xv, 1-2; la foiet les œuvres, vm, 5; la grandeur et les devoirs de l’homme. x,3-6; xi, 22-24; le baptême, XI, 25-27; la pureté, xi, 28-33; la philanthro­ pie, la charité et le portrait du juste, xn, 25-33; xv, 5-9; la providence, xv, 3-4, et l’origine du mal, xix-xx, 9. Il régne d’ailleurs par tout l’ouvrage un naturel et une simplicité joints â une élévation constante de la pensée qui charment le lecteur et l'amènent à être indulgent pour les taches d'un si ancien écrit. 2° Bêcognilions. — Les Récognitions sont de beaucoup supérieures aux Homélies pour l'éloquence et la rigueur déployées dans les discussions, la cohérence et le lini des détails et l’orthodoxie des théories. Ici, sans aucun nettement de la pensée, le vrai prophète est le Christ éternel, i, 43. 63, 69; v, 10; cf. vm, 37; il est supérieur à Moïse, i, 59; il est le Fils de Dieu et le commencement de tout, i, 45; il est le Dieu des princes et le juge de tous, n, 42; il apparut à Abraham et à Moïse, I, 33, 34. La théorie des fausses péricopes n’a pas place dans celte rédaction. Les textes qui nous paraissent contraires sont en réalité concordants, mais nous ne les compre­ nons pas, n, 34; « c’est en étudiant la loi sans maîtres et en s’érigeant en docteurs que l'on est conduit à pro­ férer des absurdités contre Dieu, » n, 55; x, 42. La doc­ trine des syzygies (Rulin traduit paria) est conservée, m, 59, Cl, mais l’auteur en tire peu de conséquences et ne la rappelle pas â tout propos comme l’auteur des Homélies. C'est â la nature de ses prodiges que l'on reconnaît le véritable envoyé de Dieu. Lui seul opère des prodiges utiles au salut des hommes ou qui leur confèrent du bien, m, 60. L’auteur attache le plus grand prix à la méthode. Simon demande : « Puisque Dieu a tout fait, d'où vient le mal? » et Pierre lui répond : « Cette manière d'interroger n’est pas d’un adversaire, mais d'un élève. Si donc tu veux apprendre, avoue-le, et je l’enseignerai d’abord comment tu dois apprendre, puis, lorsque lu auras appris à écouter, je commence­ rai à t’instruire. » Lorsque Simon a accepté d’être ins­ truit, Pierre ajoute : « Si tu veux t'instruire, apprends d’abord que tu as interrogé de manière bien malhabile, car tu dis ; Puisque Dieu a tout fait, d'où vient le mal? mais avant cette question il y avait (à faire) trois sortes d’interrogations : 1° le mal existe-t-il? 2° qu’est-ce que le mal? 3° pour qui et d'où? » ut, 15-16. Toute la dis­ cussion avec Simon est régie par la même rigueur sco­ lastique. Le problème de l’origine du mal qui fait déjà l’objet du Livre des lois des pays de Bardesane, voir t. Il, col. 395, préoccupe beaucoup notre auteur, car il y revient encore plus tard, iv, 8-24. Il n'y a pas lieu d’accuser la provi­ dence qui avait créé l’homme avec un esprit pur et un corps à l’abri des maladies et de la vieillesse. L’oisiveté a conduit l'homme à des pensées impies, à nier la pro­ vidence et la nécessité de la vertu, puisqu’il se trouvait bienheureux sans avoir rien fait pour cela. Dieu dut donc introduire dans le monde les labeurs, les al’ll ici ions et la nécessité du travail, afin d’amener les hommes qui aval, ni abandonné Dieu dans la prospérité, à le recher- 1 21'J cher dans l’adversité. Vint le déluge pour purifier la terre, mais bien des hommes inventèrent de fausses religions pour y trouver un prétexte à des festins et à des débauches, et Dieu dut envoyer ses apôtres au monde pour faire connaître le vrai culte de Dieu révélé aux patriarches et conservé par eux. Ceux qui ne les écou­ teront pas seront soumis dès cette vie à divers démons et à diverses maladies, puis après leur mort, leur âme sera suppliciée éternellement (in perpetuum), car Dieu n'est pas seulement bon, mais il est encore juste et il ne le serait plus s’il ne rendait pas à chacun selon ses œuvres, iv, 8-44. Rien n'est mal en substance, on ne peut donc pas accuser le créateur des substances, mais seulement notre libre arbitre, iv. 23-24. Les 1. V et VI sont consacrés à la réfutation d’objections contre la providence et contre le gouvernement divin. L’auteur revient encore sur le même sujet dans le I. VIII : « On demande si le monde a été fait ou non ; s'il n’a pas été fait, il sera cet (être) inné d’où tout dérive. S’il a été fait, on divisera encore cette question en deux : A-t-il été fait de lui-même ou par un autre? S’il a été fait de lui-même, la providence est exclue sans aucun doute. Si la providence n’est pas admise, c’est en vain que l’âme est excitée à la vertu; c’esten vain que la justice est observée, puisqu’il n'y aurait personne qui récom­ penserait le juste selon ses mérites; l’âme même ne semblera pas immortelle si la dispensation d'aucune providence ne la reçoit après la mort du corps, » vm, 10. Les chapitres suivants xx-xxxm, où l’auteur établit l’exis­ tence de la providence d’après les harmonies de la na­ ture et du corps humain, peuvent être rapprochés, sans désavantage, des Etudes de la nature de Bernardin de Saint-Pierre. La réfutation de l'astrologie qui occupe le 1. IX et une partie du I. X est aussi fort bien conduite et était d'un intérêt capital pour les chrétiens des pre­ miers siècles qui vivaient en Orient parmi les adorateur? des astres. lit. THÉORIES LITTÉRAIRES RELATIVES AUX CLÉMEN­ TINES. — Nous résumons rapidement les travaux plus anciens, cf. Bealencyclopâdie, 3e édit., t. iv, p. 176-179, pour développer seulement les derniers travaux de Waitz et de A. Harnack. Baur et son école. 1835 sq., ont cher­ ché dans les Clémentines le christianisme primitif très apparenté encore au judaïsme, et opposés tous deux au paganisme; l'ouvrage aurait été écrit dans la commu­ nauté romaine et serait une preuve que le judaïsme y dominait. Schliemann (4844) écrivit contre Baur un ouvrage savant et bien ordonné dans lequel il s'efforça de démontrer que les Récognitions dépendaient des Ho­ mélies. Schwegler (1846) adopta aussi cette thèse tout en conservant les idées a priori de Baur. .Jusqu’ici on n’avait pas cherché à retrouver sous les Clémentines un ou plusieurs ouvrages disparus. Hilgenfeld le premier (1848), après avoir supposé que les Homélies dépendaient des Récognitions, leur donna pour source un Κήρυγμα ΙΙέτρου, ancien écrit d’origine romaine et de caractère judaïque écrit peu après la destruction de Jérusalem, compilé dans les trois premiers livres des Récognitions et que l’on peut reconstruire d’après son analyse don­ née, Recog., ni, 75. Hilgenfeld échafaude ensuite toute une série de revisions et de remaniements à partir des temps apostoliques pour aboutir aux Homélies à Rome, sous le pontificat d’Anicet (151-161). Simon est un per­ sonnage fictif, c’est en réalité saint Paul qui est visé sous ses traits. Notons aussitôt que, d’après M. A. Har­ nack, '< regarder Simon comme un personnage fictif fut une grande erreur de la critique. » Dogmengeschichte, 3' édit., t. i, p. 233, note I. M. G. Uhlhorn (1854) défen­ dit la priorité des Homélies, mais reconnut qu’en cer­ tains points, les Récognitions semblaient pourtant être antérieures. 11 fut donc conduit aussi à un écrit fonda­ mental remanié dans les Homélies; l’auteur des Réco­ gnitions avait simultanément les Homélies et l’écrit 211 GLËMENTINS (APOCRYPHES) 212 fondamental sous les yeux ; tous ces écrits provien- > Cet écrit fondamental, qui est la source des Homélies et des Récognitions, reposait lui-méme sur deux écrits (Iraient de Syrie de 150 à 170 à l’exception des Réco­ gnitions écrites à Rome peu après 170 pour rap­ plus anciens qui sont les Κηρύγματα Πέτρου et les procher l’ouvrage du christianisme. Lehmann (1869) se ΙΙράξεις Πέτρουplaça à un point de vue intermédiaire entre Hilgenfeld Les dix livres des Κηρύγματα Πέτρου que l’on peut re­ et Uhlhorn. 11 partagea les Récognitions actuelles en constituer grâce à l’analyse qui en est donnée, Recog., deux parties, ι-nt et iv-x. Pour la seconde partie, il re­ in, 75, sont eux-mémesun remaniement d’un ouvrage connaît avec Uhlhorn, que les Homélies ont la priorité, plus ancien judéo-chrétien gnostique écrit vers l’an 135, mais la première partie est la plus ancienne et a con­ à Césarée, p. 151,160. La lettre de Pierre à Jacques se servé, mieux que les Homélies, l’écrit fondamental. Il rapporte à ce dernier ouvrage qui était donc un livre place avant tout le Κήρυγμα Πέτρου dont on a le som­ secret, p. 125. maire, Recog., ni, 75. Cet ouvrage remanié donna les Aux Πράξεις Πέτρου appartiennent l’histoire de Simon I. I, xtv-Ill des Récognitions. H n’y était pas l’ait men­ le Magicien et les luttes de ville en ville de saint Pierre tion de Clément. Vers 170, le rédacteur des Homélies et de Simon. Ces Actes, conservés dans les Clémentines, ajouta à l’écrit précédent, Recog., 1. I, i-χιιι, et Recog., ont d’ailleurs de nombreux points de contact avec les 1. 1V-X, et forma la présente édition des Récognitions. autres Actes de Pierre et de Simon, ou de Pierre et Lipsius (1872) va encore plus loin dans cette voie. Il Paul, etc., édités par ailleurs, p. 189-194; on peut suppose que l’écrit le plus ancien aurait été les Acta admettre qu’ils sont une partie des Actes de Pierre et Pétri, composés longtemps avant 150 avec une tendance de Simon, lesquels sont une source des Actes de Pierre anlipauliniste, ils racontaient les luttes du véritable et de Paul conservés dans diverses versions, p. 243. apôtre des nations, Pierre, avec Simon, c’est-à-dire l’apô­ L’auteur des Πράξεις Πέτρου serait un clerc d’Antioche, tre saint Paul. Ils se terminèrent à Rome par la chute qui écrivait de 150 à 220, p. 245, probablement de mortelle de Simon et la mort de Pierre sur la croix. Les 211-217, p. 248, d'après d’anciennes traditions. restes de ces Actes furent conservés en rédaction ortho­ A côté de ces deux sources principales on peut encore doxe dans les Acta Petri et Pauli, édités par Tischenplacer deux sources secondaires au moins : le Διάλογος dorf. zl cta apostolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 1-39. Πέτρου καί Άιτπίωνος mentionné par Eusèbe, 11. E., Un fragment de cet ancien ouvrage fut remanié dans un ni, 38, P. G., t. xx, col. 296, qui a servi de base au sens antignostique et intitulé Κήρυγμα Πέτρου de 140 à dialogue de Clément et d’Appion, et le dialogue de Bar145; à ce Κήρυγμα se rapporte la lettre de Pierre et la desane avec ses disciples περί ειμαρμένης cité déjà par διαμαρτυρία. Ce dernier ouvrage remanié et interpolé Eusèbe. Nous avons donné plusieurs raisons tendant à — en particulier on y introduisit Clément de Rome — prouver que les Récognitions n’ont pas puisé directe­ conduisit aux Περίοδοι Πέτρου άναγνωρισμοί Κλήμεντος, ment dans le dialogue de Bardesane mais seulement dont il nous reste deux rédactions, l’une, celle des dans la citation qu’en fait Eusèbe. Nau, Une biographie Homélies, à tendance antimarcionite, l'autre, celle des inédite de Bardesane l’astrologue, Paris, 1897, p. 4-5. Récognitions, à tendance plutôt morale que dogmatique. M. Waitz suppose que les Récognitions et Eusèbe ont Frommberger (1886) rejeta au second plan toutes les puisé à une source commune p. 257, qui est la traduc­ préoccupations religieuses et vit surtout dans les Clé­ tion grecque de l’original syriaque, p. 248, ce qui n’est mentines le roman de Clément; pour lui, les passages pas impossible non plus. M. Harnack croit cependant ébioniteset judéo-chrétiens ne sont que des traits acces­ qu’il est plus facile de tirer le texte des Récognitions du texte d'Eusèbe. Oie Chronologie, Leipzig, 1904, t. il, soires et accidentels, d’ailleurs les passages ethniques p. 535. Telles sont les quatre principales sources de l’écrit sont nombreux. Langen (1890) vit dans les Clémentines fondamental des Clémentines. Plus tard, les Homélies un écrit destiné à établir l’apostolicité et la primatie de remanièrent l’écrit fondamental, rejetèrent à la fin, diverses Églises. L’écrit fondamental serait un Κήρυγμα Horn., xvi-xx, 10, divers traits du commencement, s’atta­ Πέτρου, composé à Rome vers 135, pour substituer cette chèrent surtout aux passages philosophiques au détri­ dernière ville à Jérusalem ; peu avant la fin du ut» siècle, ment des passages historiques et anecdotiques, après le il fut remanié à Césarée dans un sens judéo-chrétien avec l’intention de gagner la primatie pour Césarée, d’où concile de Nicée, mais avant la fin du IV·siècle en Syrie, p. 368-370. Un autre remaniement de l’écrit fondamen­ les Homélies; au commencement du n· siècle, un nou­ veau remaniement fut fait en faveur d'Antioche, ce sont tal produisit les Récognitions. Le rédacteur oriental, les Récognitions. Toute celte construction est artificielle, préoccupé surtout des questions morales, est postnicécar, dit Uhlhorn, la question du primat, au n· et au nien et semble être arien, p. 370. Il ne peut pas avoir ill· siècle, n’eut pas la signification que Langen lui écrit avant 350, ni après 411, du moins pour Recog., donne. Bigg (1890) suppose que l’écrit fondamental n’était l-iv, 1, p. 372. Un grand nombre de passages orthodoxes pas hérétique, mais catholique, p. 185; il fut écrit vers figuraient déjà dans l’original grec qui a été traduit l’an 200, p. 188, puis fut altéré et remanié par un ébiofidèlement par Rufin, car plusieurs passages que M. Waitz nite, p. 188, ou par un chrétien arien de nationalité croit avoir été modifiés par Rufin, p. 371; cf. p. 370, syrienne qui aurait cru trouver dans la doctrine ébion. 3, se trouvent tels quels dans la traduction syriaque. nite une théorie historique et quasi philosophique d’un On peut admettre aussi l’existence d’une rédaction or­ sauveur arien, p. 192. Les Homélies n'ont pu être écrites thodoxe citée par Maxime le Confesseur au vu· siècle, par un Grec, ni par un Grec romain, mais par un Grec puis par Jean Damascene le jeune, Nicon, Cédrénus, orienta), p. 160-161 ; on peut rapprocher cet ouvrage Michel Glycas, Nicéphore Calliste, p. 372-373. 11 reste du moins deux Epitome orthodoxes; l'un qui porte en d’Apamée et du livre d’Elxaï apporté à Rome, vers 220, par Alcibiade d’Apamée, p. 182; il a cependantdes points appendice le martyre de Clément (E2) d’après Siméon le Métaphraste ne serait pas antérieur au x· siècle et de contact avec Alexandrie, p. 190-191. pourrait même être attribué à Siméon le Métaphraste Pour Waitz (1904), il y a un écrit fondamental qui n'est pas différent des Clémentines, mais en est sim­ comme l’a dit Cotelier. c'est le texte dos Ménées; l’autre plement une plus ancienne rédaction, p. 48; les citations Epitome est encore plus récent. Enfin, M. A. Harnack, Die Chronologie der allchr. des Pères nous montrent son existence, p. 39-48 ; c’était Lit. bis Eusebius, Leipzig, 1904, t. Il, p. 518-540, admet une apologie du christianisme et une polémique contre la plupart des conclusions de JL Waitz. Il distingue les hérétiques et les païens, écrite sous forme de roman et destinée à convertir les païens et les juifs des sphères aussi trois couches superposées : 1“ un écrit judéo-chré­ tien d’un caractère syncrétique (Κήρυγμα) et un écrit élevées et cultivées aussi bien qu’à fortifier les néophytes, antignostique sur Pierre et Simon le Magicien (Πράξεις a. 50; il fut composé à Rome, p. 60, de 220 à 232, p. 75. 213 CLÉMENTINS (APOCRYPHES) Πέτρου); 2° une compilation des deux sources précé­ dentes sous la forme d’un roman de Clément pour les rapprocher de la communauté chrétienne et du monde hellénique (écrit fondamental); 3° deux rédactions faites toutes deux sur le précédent travail par des rédacteurs catholiques pour édifier et amuser (Homélies et Réco­ gnitions). Les Homélies se ressentent davantage de l’écrit judéo-chrétien primitif. L’écrit fondamental (le2e) aurait été compilé â Rome vers 260, p. 532; par suite, les Homélies et les Récognitions seraient au plus tôt de la lin du ni" siècle; on peut les placer de 290 à 360. Quant au Κήρυγμα Πέτρου que Waitz place vers l'an 135, on ne le saisit qu'au commencement du in» siècle, il faut donc rester autour de l’an 200, p. 537-538. Il n’est pas sûr que leur lieu d’origine soit Césarée. Les Πρά’ει; Πέτρου étaient un écrit catholique, antignostique, du commen­ cement du ine siècle. IV. CONCLUSION. — Les Clémentines prêtent, comme on vient de le voir, aux théories littéraires les plus di­ verses. 11 semble certain que les Homélies et les Réco­ gnitions ne proviennent pas l’un de l’autre, mais dé­ rivent tous deux d’un écrit de même famille ou écrit fondamental que l’on peut reconstituer. H est plus diffi­ cile de définir et de reconstituer les sources de l’écrit fondamental, car ici les hypothèses se superposent aux hypothèses précédentes et augmentent donc les chances d’erreur; on ne peut que les choisir de manière à satis­ faire au plus grand nombre possible de difficultés. Dans cet ordre d’idées, la décomposition adoptée par Waitz en Κτρνγματα et en ΙΙράξει; Πέτρου est digne de crédit. On n'oubliera pas cependant que M. Paul de Lagarde s’est trompé, lorsqu'il a voulu rétablir l'écrit fondamental de la Didascalie et des six premiers livres des Constitutions apostoliques, il a supprimé comme interpolations bien des passages originaux, cf. Altchrist. Litleratur. Die Ueberlief-, p. 515, car c’est la Didascalie tout entière qui semble constituer l'écrit fondamental. H est donc toujours possible que l'on se trompe en quelque point, lorsqu'on veut reconstituer l’écrit fonda­ mental des Homélies et des Récognitions et surtout les sources de cet écrit. — 11 est certain aussi que l'ouvrage présente des éléments syriens aussi bien que des élé­ ments romains. Waitz lève cette difficulté en plaçant en Syrie la rédaction des sources et à Rome la rédaction de l’écrit fondamental. — H est certain que les Homé­ lies contiennent de nombreux passages judéo-chrétiens ou ébionites et que certain passage des Récognitions semble être arien; mais il est difficile de décider dans quelle mesure ces passages doivent être imputés aux sources ou aux auteurs des Homélies et des Récogni­ tions, car ces derniers ont pu reproduire quelques pas­ sages hérétiques qu'ils n’approuvaient pas, ou bien ils ont pu modifier dans un sens hérétique ou orthodoxe, selon leurs propres idées, divers passages de l'écrit fondamental. L’écrit a été beaucoup rajeuni. Au milieu du siècle précédent, on plaçait les sources et les rema­ niements de la fin du Ier siècle au milieu du IIe, Har­ nack, Die Chronologie, t. u, p. 519, en tout cas on ne descendait pas au-dessous de 180; actuellement on tend à placer les sources seules au il· siècle, l’écrit fondamental aurait été rédigé vers le milieu du IIIe, et les derniers écrits, les Homélies et les Récognitions, ne l'auraient été qu'à la fin du ni» siècle ou même au com­ mencement du IVe. Ces diverses dates sont plus ou moins vraisemblables, mais toutes sont hypothétiques et dépendent de postulats ou de conclusions précédentes, hypothétiques elles aussi. Par exemple, si l’on admet que les Récognitions citent Bardesane d’après la Pre­ paration évangélique d’Eusébe, il s'ensuit que leur dernière rédaction ne peut être placée qu'après la Pré­ paration évangélique, c'est-à-dire assez loin dans le iv» siècle, mais si l'on suppose qu'elles ont utilisé directement la source citée par Eusèbe, le terminus 214 a quo se trouve reporté avant la mort de Bardesane (f 222). Nous tenons la première hypothèse pour plus probable, mais la seconde a aussi des chances d'être exacte; on peut donc éloigner ou rapprocher la compo­ sition des Récognitions en se ralliant à l'une ou à l’autre. De même, la Philocalie d'Origène et son com­ mentaire sur saint Matthieu contiennent un très long fragment des Récognitions et une citation de Clément qui ne se retrouve pas textuellement dans les Homélies et les Récognitions. Cf. Harnack, Alleh. Litt. Die Ueberlief., p. 219-221 ; Waitz, p. 40-41. Aussi longtemps que ces citations ont été attribuées à Origène, on a obtenu pour terminus ad quem des Clémentines en général et des Récognitions en particulier l'année 232. Waitz, p. 70. Les Récognitions auraient donc été com­ posées entre la rédaction (ou la traduction grecque) du Dialogue des lois du pays par Bardesane (vers 200?) et l'an 232. Mais si l'on admet, avec M. Robinson, que la citation des Récognitions n’a pas été faite par Origène, mais a été introduite par Basile et Grégoire de Nazianze, compilateurs de la Philocalie, si l’on admet aussi avec dom Chapman que la citation de Clément dans le com­ mentaire sur saint Matthieu n'est pas d'Origène, mais a été prise dans VOpus imperfectum in Mal thæum, ouvrage de date incertaine, et introduite postérieurement dans le commentaire d'Origène sur saint Matthieu, le termi­ nus ad quem descend jusqu’à Eusèbe. Cf. Waitz, p. 7071; Harnack, Altchr. Litt. Die Chronologie, t. n, p. 532. Ces deux exemples montrent bien ce qu'ont d'hypothé­ tique les dates proposées. En somme, on peut, suivant le point de départ choisi, placer la rédaction actuelle des Récognitions ou bien au commencement du ni'siècle, ou bien au commencement du iv·; la critique interne montre aussi que les Homélies semblent présenter plus de passages archaïques que les Récognitions et ne doi­ vent pas être placées à une date postérieure. — La cri­ tique moderne, qui rajeunit les Clémentines, diminue autant qu’elle le peut leur importance; « après avoir été trop louées, dit M. Uhlhorn, elles sont maintenant trop méprisées. » Bealencyclopüdie, 3e édit., t. iv, p. 179. C’est peut-être une simple réaction qui fera place de nouveau à plus d'égards. « Un siècle qui se préoccupe avec autant de chaleur que le nôtre de la littérature apocryphe ne pourra manquer de les retirer du coin ou on veut les reléguer pour les produire à nouveau, » écrit M. G. Krüger, Krilische Bermerkungen zu A. Harnacks Chronologie, dans Golt. Gel. Anzeigen, janvier 1905. En réalité, ces anciens écrits si nombreux et si apparentés présentent aux chercheurs une mine de longtemps iné­ puisable pour rechercher leurs relations mutuelles, leur provenance et leurs sources, les croyances de leurs auteurs immédiats ou médiats et celles du milieu où ils ont pris naissance, l'organisation de l'Eglise à cette époque et le mode de polémique mi-scripturaire et mirationnel adopté par fauteur; un grand nombre de fragments peuvent être étudiés à part et comparés aux restes de la plus ancienne littérature chrétienne : à saint Justin, à Bardesane, à Eusèbe, etc. M. Harnack réclame avant tout une édition critique annotée des Récognitions, car les manuscrits dirent ici de grandes divergences. Celle édition est préparée par M. Richardson, Allchr. Litl.Die Ueberlief.,p. 229-230. Nous ne doutons pas que des monographies soignées, dans le genre des études ou recueils de Waitz, p. 259-361, de Van Nés el de Preuschen sur les citations bibliques, ne rendent aux Clémen­ tines une partie de l’importance quelles ont perdue. I. Textes. — Le texte des Homélies a été cité pour U première fois par Turrianus (Torcés), Adversus Magdeburgenses cent u no­ tores pro canonibus apostolorum libri quinque, Florence, 1572. La plupart de ses citations ont été reproduites par Preuschen, dans ΓΛItchrislliche l.itteratur de Harnack, Die Ueberlief , p. 215-219. Nous avons trouvé six citations faites par T rrés, 1. II, c. t, xtu; 1. V, c. tx, qui n'ont pas été relevées par 215 CLÉMENTINS (APOCRYPHES) M. Preuschen. Les Homélies ont été publiées pour la première fois avec traduction latine par Cotelier, SS. Patrum qui tempo­ ribus apostolicls floruerunt, Bamabœ, Clementis, Herrnæ, Ignatii opéra édita et inedita, Paris, 1672, p. 525-746, d'après le ms. grec de Paris, n. 9110, mutilé à la fin. Cotelier nous apprend dans sa préface qu’il chercha vainement le ms. utilisé parTorrés. Un grand nombre d'exemplaires de l’édition de Cotelier furent détruits par un incendie, aussi Clericus (Le Clerc) ne larda pas à la reproduire, Anvers, 1698; Amsterdam, 1724; puis Gallandi, Bibliotheca Patrum, Venise, 1766, t. n, p. 608-770; A. Schwcgler, Clementis Romani quæ feruntur homilite, Stuttgart, 1847. Ces nouvelles éditions n’ajoutèrent que des fautes à celle de Cotelier. Cf. P. G., t. îî, col. 21. Vers 1837. A. R. M. Dressel découvrit à Rome un nouveau ms. des Homélies, Ottob. 443, moins bon que le manuscrit de Paris, mais qui permettait heureusement de le compléter, cf. P. G., t. il. col. 435, note 64; il publia donc une nouvelle édition complète avec traduction latine, Clementis Ro­ mani quæ feruntur homilite viginti, nunc primum integræ, Gœttingue, 1853. Cette édition fut reproduite, P. G., t. n, col. 19468. Paul de Lagarde donna une nouvelle édition en 1865, Cle­ mentina, Leipzig.sans traduction: il passa cinquante-six heures, dit-il, à collationner tout le ms. de Paris et collationna les deux dernières homélies sur le ms. de Rome. Le texte des Récognitions a été édité pour la première fois par Le Fèvre d’Étaples, Paris, 1504, puis par Jean Sichard, Bêle, 1526, qui ne connut pas l'édition de son devancier. Celle-ci fut très souvent reproduite, ci. P. G., t. i, col. 1203; citons en par­ ticulier la petite édition de Cologne, 1547 : D. Clementis opera omnia, quæ quidem in hunc usque diem extare comperta sunt, una cum apostolorum canonibus per eumdem Clemen­ tem in unum congestis,nunc primum in hanc enchiridii for­ mam redacta, qui comprend les Récognitions, la traduction la­ tine des 84 canons des apôtres et de cinq lettres attribuées à saint Clément. Enfin Cotelier, loc. cil., p. 390-524, publia une nouvelle édition à l’aide de bons mss., qui lui permirent en parti­ culier de combler la lacune laissée par Rufin au commencement du 1. Ill, 2-11. Cf. P. G., t. I, col. 1281, note 81. Cette édition fut reproduite comme celle des Homélies par Le Clerc et Gallandi, op. cit. En 1838, E.G. Gersdorf publia à Leipzig une nouvelle édition avec indication de mss. incomplets conservés à Leipzig. Cette édition a été reproduite P. G., t. i, col. 1201-1455. Le texte grec de \ Epitome ιι a été édité pour la première fois parTurnébe, Paris, 1555; sous le titre : Clementis Romani epi­ scopi de rebus gentis, peregrinationibus, atque concionibus sancti Petri epitome ad Jacobum Hierosolymorum episcopum, ejusdem Clementis vita. Turnébe ne divise ni en chapitres ni même en paragraphes, mais après le c. CXLVil, P. G., t. n, col. 580,il ajoute le titre Κλήμιν^ς ,3ίος avant lèse, cxi.vm-CLXXix; vient ensuite une traduction latine par Joachim Perionius; les deux ouvrages sont dédiés à Nicolas Mallar, théologien de l’Église de Paris. Cotelier publia une nouvelle édition d’après les mss. de Paris, et ajouta le Martyre de saint Clémentetle récit d’Éphrem sur un miracle opéré par saint Clément, loc. cit., p. 747-844. L’édition des Pères apostoliques de Cotelier fut plusieurs fois re­ produite, en particulier P. G., t. n, col. 469-645. A. R. M. Dres­ sel publia enfin une nouvelle édition de V Epitome n, d'après des mss. de Rome, et y ajouta pour la première lois ÏEpitome t, utilisé par Cotelier, en particulier d’après le ms. de Paris 804 (aujourd'hui 1463), mais non publié encore : Clementinorum epitomæ duæ altera edita correctior inedita altera, Leipzig, 1859; à la fin de cet ouvrage, p. 247-331, on trouve de nombreuses notes critiques de Fr. Wieseler sur le texte grec des Homélies. Tischendorf avait publié quelques extraits de deux mss. de V Epi­ tome i, dans Anecdota sacra et profana, Leipzig. 1855, utilisés depuis par Dressel et reproduits, P. G., t. Π, col. 1279-1292. Un fragment de V Epitome n a été édité par A. d’Alês, d'après le ms. grec, Suppl. 1000, de la Bibliothèque nationale de Paris, dans la Revue des études grecques, 1905, t. xvm, p. 211-223. La version syriaque des Récognitions tut publiée par Paul de Lagarde, Clementis Romani Recognitiones syriace, Leipzig, 1861, avec une concordance des textes, p. vi-vn. — Les Épitome arabes avec le martyre de Clément et la prédication de Pierre furent publiés par M** M. D. Gibson, Studia sinaiticu, η. 5, Londres. 1896. Les témoignages anciens relatifs aux Récognitions et aux Homélies sont reproduits. P. G., t. i, col. 1157-1172; t. ir, col. 9-12, et dans Harnack, Altchristliche Litteratur. Die Ueberlieferung, p. 219-229: en particulier les citations faites par le pseudo-Jean Damascene, dans les Sacra parallela, ont été recueil­ lies et commentées par K. Iloll, dans Texte und Untersuchungen, nouv. série. Leipzig, 1899, t. v, fasc. 2. J. E. Grabe a réuni aussi de nombreuses citations des écrits attribués à saint Pierre et à saint Clément, dans son Spicilegium SS. Patrum, Oxford, 1714, t. 1. p. 55-81, p. 254-302; cf. 305-311. Signalons enfin la sa- | 21G vante étude de M. Ernst von Dobschütz, Das Kcrygma Petri kristich untersucht, Texte und Untersuchungen. Leipzig, 1893, t. xi. fuse. 1. Aucun des dix fragments conservés du Κή?»γμ« Πίτεου ne se retrouve textuellement dans les Clémentines, un seul (le 3* (cf. p. 32-33). correspond d'assez loin aux Récognitions, v, 20, ou aux Homélies, I. X, 16 ; par suite il est encore complètement hypothétique de regarder le Κήρυγμα ΙΙίτβ'ζ-comme la source des Clémentines. On ne peut s'appuyer sur aucun fait. M. Robinson voyait dans le Κήρυγμα la source de 1*Apologie d’Aristide, de Γ 'Λληθής /.όγο; de Celse, de la lettre à Diognète et des vers sibyl­ lins. Cf. Dobschütz, p. 80. H. U. Meyboom a publié une traduction néerlandaise des Homélies et des Récognitions sur colonnes parallèles, en mettant en évidence ce qui est propre ou commun aux Homélies, aux Récognitions et aux Epitome grecs. Dans un second volume, il donne une élude fort détaillée de la littérature clémentine et ajoute une série de notes pour servir de commentaire aux textes qu’il a traduits. 2 in-8·, Groningue, 1904. 11. Tua vaux. — Un trouvera l'ancienne littérature dans Fa­ bricius, Bibl. græca, édit. Harles, t. vu, p. 24-32. et la récente dans Waitz, p. 376-378. Nous avons vu D. von Colin, art. Cle­ mentina, dans Encyclopédie de Ersch et Gruber, Leipzig, 1828; J. Lehmann, Dic Klementinischen Schriften, Gotha, 1869; R. A. Llpsius, Die Quellen der romischen Petrussage, Kiel, 1872; Funk, art. Clementinen, dans le Kirchen lexikon, Fri­ bourg-en-Brisgau, 1884; G. Frommberger, De Simone Mago, Breslau, 1886; Harnack, Doymengeschichte, 2' édit., Leipzig, 1894, p. 292-300; M. H. van Nés, Het Nie mue Testament in de Clementinen, Amsterdam, 1887; l'auteur propose à la fin. p. 127-137, un certain nombre de corrections à l'édition de Paul de Lagarde; C. Bigg, The Clementines Homilies, dans Studia biblica et ecclesiastica. Oxford, 1890, p. 157-193: A. Harnack, Die altchristliche Litteratur bis Eusebius. Die Ueberlieferung, Leipzig, 1893, t. n, p. 212-231,322-327 ; Die Chronologie, Leipzig, 1904, t. n, p. 518-540; Index of the noteworthy words and phrases found in the Clementine writings commonly call'd the Homilies of Clement, Londres, 1893 (l’auteur est VV. Chawner); G. Uhlhorn, art. Clementinen, dans Realencyclopiidie fur prut. Theol., Leipzig, 1898, t. iv; E. Preuschen, Antilegomena, Giessen, 1901 ; J. Bergmann, Les éléments juifs dans les pseudoClémentines, dans la Revue des éludes juives, Paris, 1903, t. xt.vi, p. 89-98; G. Kriiger, Geschichte der altchristlichen Literatur, Fribourg-en-Brisgau, 1895,1897, p. 232-236; Bardenhewev, Gesch. der altkirchlichen Literatur, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p. 350-360; H. Waitz, Die pseudoklemenlinen Homi­ lien und Re/w^niiionen,Leipzig. 1904, dans Texte und Enters., t. xxv, fasc. 4. Nous avons cité d'après Uhlhorn : F. Chr. Baur, Die christliche Gnosis, Tubingue, 1835; A. Schliemann. Die Klementinen, Hambourg, 1844; A. Schwegler, Das nachapustolische Zeitaller, Tubingue, 1846, t. i; A. Hilgenfeld, Die Klementinischen Rekognitionen und Homilien, léna, 1848; G. Uhlhorn, Die Homilien und Rekognitionen, Gœttingue, 1854; J. Langen, Die Klemensromane, Gotha. 1890. Voir aussi A. Hil­ genfeld. Die Einleitungschriften der Pseudo-Clemcntinen, dans Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, Leipzig, 1904, t. xlviii, p. 21-72.; Id., Pseudu-Clemens in moderner Façon, ibid., p. 545-567; Meyboom, Het nieuwste over de Clementynen, dans Theol. Tydschrift, 1904, p. 545-567; Tixeront, Histoire des dogmes, Paris, 1965, t. i, p. 180-183. II. L’Apocalypse de Pierre ou Clément. — Cet ouvrage conservé en arabe et en éthiopien est appa­ renté assez étroitement aux Récognitions, et il a l’avan­ tage de nous montrer, dans sa première partie, comment une ancienne source syriaque, « La caverne des trésors, » a pu être transformée en apocryphe clémentin. L’ouvrage a déjà été signalé, d’après une rédaction arabe divisée en huit livres par Assémani, Bibliotheca orientalis, t. n, p. 508; t. m, p. 282; cf. Harnack, Die allch. Lilt. Die l'eberlief., p. 780; puis, d’après une rédaction arabe divisée en 91 chapitres, par Gersdorf, P. G., t. i. col. 1203. Harnack, loc. cil. La première partie de l’ouvrage arabe a été publiée par Bezold, Die Schatzhôhle, Leipzig, 1888 (à l’exception des premières pages), en face du texte syriaque correspondant. Cette même première partie, à l’exception des dernières pages, a été publiée el traduite en anglais sous le titre de Kilab al Magall, or the book of the Rolls, Londres, 1901, par Mœ® Μ. I). Gibson. La version éthiopienne a été ana­ lysée par A. Dillmann, cf. Bericht über das Ælhiopische Ώ17 CLÊMENTINS (APOCRYPHES) Buch Clementinischcr Schriften, dans Nachrichten von der Georg. Augusls-Universilâl und der Kônigl. Gesell. der lliss. :u Gottingen, 1858, p. 185-226, La première partie de l'ouvrage est une traduction, pour une part littérale, de la Spelunca (die Schatzhôhle) syriaque, écrit M. Bezold. 11 s’ensuit que pour celte première partie, seule publiée, les deux ouvrages : !■> arabe en huit livres et éthiopien; 2° arabe en 91 cha­ pitres, distingués par M. Harnack, lue. cit., sous les n. 33, 35, semblent ne former qu'un seul ouvrage. Il u’en est peut-être pas de même de la suite,car M. Bezold, p. tx, in­ dique de manière plus particulière, comme source du « Clément » éthiopien, le ms. arabe n. xxxtx du Vatican. 1° D’après M. Dillmann, l’ouvrage éthiopien, qui com­ prend sept livres, se divise en deux parties. Dans la lr« (I. I, II), Pierre raconte à Clément la création et la naissance de la sainte Vierge avec l’histoire du. monde jusqu'à .loram, tandis que la Spelunca et l’ouvrage arabe divisé en 91 chapitres vont jusqu’à la naissance de la sainte Vierge. Pierre raconte ensuite à Clément ce que le Christ lui a appris sur les secrets du ciel et l'avenir, sur la création du ciel et de la terre, la Trinité, les ordres des anges, la Jérusalem céleste, le paradis, la création des anges, leur aspect, la chute de Satan, l’avenir du christianisme sur la terre; il remet à plus tard de raconter ce qui arrivera à la résurrection; il énumère 70 hérésies de Simon le Magicien à Apolli­ naire. Il y a une relation entre les matières de cette première partie et les Récognitions, t, 22, 27 sq. Nous lisons en effet : Cumque hæc dixisset exponere mihi singula de his, quæ in quæslione esse ridebantur legis capitulis eœpit, ab initio creaturæ usque ad id tempo­ ris, quo ad eum Cæsaream devolutus sum... Meministi, o amice Clemens, quæ mihi fuerit de æterno steculo ac finem nesciente, narratio? (i, 22)... Exposuisti per ordinem, a principio mundi usque ad praesens tempus consequentiam rerum, et si placet, possum memoriter (ail Clemens] universa retexere (t, 25)... Propter quod eo magis repetamus quæ dicta sunt, el confirmemus ea in corde tuo; id est, quomodo vel a quo factus sil mundus ut tendamus ad amicitiam conditoris... lireviler ergo tibi hæc eadem firmioris causa memoriæ retexemus, i, 26. Après quoi saint Pierre résume à nouveau, dit-il, la création et l’histoire sainte jusqu'à son arrivée à Césarée. H semble donc que l’ouvrage arabe ou éthiopien est ou plutôt se donne pour le premier récit de saint Pierre à saint Clément, celui-là même qu’il s’est borné à résumer ensuite firmioris causa ■memoriæ dans les Récognitions. Dans la 11" partie qui traite des lois et de l'ordre de l’Église chrétienne, saint Pierre donne à saint Clément les ordonnances qu'il doit transmettre aux métropolitains, aux évêques, etc., lui trace les devoirs des prélats et des clercs et lui dicte une foule de règles particulières et de canons pénitentiels. Cette 11« partie se rapprocherait donc plutôt de la Didascalie. Cependant les Récognitions y tiennent aussi leur place, car on trouve vers la lin, dit M. Dillmann, la fuite de Simon le Magicien à Rome et sa chute devant saint Pierre. L’ouvrage est d'ailleurs plein de répétitions, el a dû être écrit en Egypte, de 750 à 760, car, sous sa forme actuelle, il décrit la puissance de l’islam. 2» L'ouvrage arabe intitulé « Apocalypse de saint Pierre ». d’après le Catalogue des mss. arabes de Paris, 1883-1895, p. 18-19, est mieux connu que l’ouvrage éthiopien, car la première partie a été éditée par M. Bezold et par Mm« Gibson; de plus, la plupart des titres des 91 chapitres sont reproduits el traduits dans le Catalogue des mss. arabes, de la bibliothèque Bodléenne. par M. Nicoll, Oxford, 1821, t. Il, p. 49. Nous noterons que le litre varie. Le ms. 76 de Paris porte au haut de chaque page le titre « Clément » comme l’éthio­ pien ; le ms. 77 porte en tête: « Ceei est un des livres de ι-mut Clément,disciple de Simon Pierre,chefdes apôtres... 218 C'est un des livres réservés que saint Clément ordonna sa vie du cœur, ses vertus, etc. — Mais la question se repré­ sente sous une autre forme : Est-ce bien l'amour, ou du moins est-ce uniquement l’amour du Sacré-Cœur que nous prétendons honorer? La question est résolue, au moins en partie. Une chose est claire, en effet, d'après les documents : la dévotion au Sacré-Cœur se présente avant tout comme la dévotion au cœur aimant de Jésus, à l’amour du Sacré-Cœur. Les textes déjà cités le disent 281 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) aussi nettement qu’il est possible et l’on pourrait en ac­ cumuler sans fin, qui rediraient tous la même chose. Mais il en est d’autres — ce sont souvent les mêmes pièces — qui indiquent aussi autre chose comme objet de la dévotion; qui l’étendent à tout l’intime de Jésus, quelquefois à toute sa personne, à ses travaux et à ses souffrances, à ses vertus et à ses sentiments, à sa pré­ sence eucharistique, à Jésus tout entier désigné person­ nellement sous le nom du Sacré-Cœur. 11 suffit de lire un traité sur le Sacré-Cœur pour s'en rendre compte, il suffit d’examiner quelques-unes des pratiques en l’honneur du Sacré-Cœur. Nul mieux que le P. de Galliffet n’adonné l’idée vraie et précise de la dévotion. Examinons ce qu’il dit sur l'excellence de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. « On en doit juger, dit-il, par son objet, par sa fin, par les actes et pratiques de vertu qu’elle renferme et par le fruit qu’elle produit. » Et il développe ces quatre points. Que dit-il de l’objet? « C’est principalement de l’objet qu'une dévotion tire son excellence, comme elle en tire son vrai caractère. L'objet de celle-ci c’est le Cœur de Jésus. » Il considère donc ce cœur d’abord en luimême, 1. I, c. i, p. 66. Et il en « tire l’excellence » : 1)«des propriétés naturelles du cœur; » 2) « de son union avec l’âme la plus parfaite et la plus excellente qui lut jamais ; » 3) « de son union avec le Verbe éternel ; » 4) « de la fonction divine pour laquelle il fut formé et qui n’est autre que de brûler sans cesse des flammes les plus pures et les plus ardentes de l’amour divin ; » 5) « de la sainteté qui lui est propre ; » 6) « des vertus dont il est la source. » Que de choses,on le voit, qui sont sans doute en rapport avec le cœur (et l’on entrevoit que le P. de Galliffet fausse quelque peu ce rapport en présentant le cœur comme « la source » des vertus et des sentiments), mais qui ne sont pas en rapport direct avec l’amour ! L'auteur étudie ensuite le cœur de Jésus par rapport aux hommes. « Considérez, dit-il, qu’on vous présente ce cœur divin encore tout ardent de l’amour qu’il vous porte et tout plein de ces généreux sentiments de bonté et de miséricorde auxquels vous devez, votre rédemption ; souvenez-vous que c’est ce même cœur quia ressenti si vivement toutes vos misères, quia été si cruellement affligé pour vos péchés, et dans lequel se sont formés tant de désirs ardents de votre bonheur. Mais considérez-le surtout souffrant pour l'amour de vous dans sa passion... » L. 11, c. I, passim. Sans doute ici l’amour est bien en première ligne — l’auteur d’ailleurs se trompe en voyant moins le sj/mbole que le principe — mais il n'est pas seul en vue. 11 y a plus clair encore peut-être. Résumant à la fin du c. iv, 1. 1, sa doctrine sur l’objet de la dévotion au Sacré-Cœur pour en donner une idée « nette et par­ faite » : « Plusieurs s’y trompent, dit-il : en entendant prononcer ce nom sacré, le Cœur de Jésus, ils bornent toutes leurs pensées au Cœur matériel de Jésus-Christ; ils n'envisagent ce Cœur divin que comme une pièce de chair sans vie et sans sentiment, à peu près comme ils feraient d’une relique sainte toute matérielle. Ah! que l'idée qu’on doit avoir de ce sacré Cœur est bien diiférente et bien autrement magnifique! » Il veut donc qu’on le considère d’abord « comme uni intimement et indis­ solublement à l’âme et à la personne adorable de Jésus-Christ, plein de vie, de sentiment et d’intelli­ gence »; en second lieu, « comme le plus noble et le principal organe des affections sensibles de Jésus-Christ, de son amour, de son zèle, de son obéissance, de ses désirs, de ses douleurs, de ses joies, de ses tristesses; comme le principe et le siège de ces mêmes affections et de toutes les vertus de l’Homme-Dieu; » en troisième lieu, « comme le centre de toutes les souffrances inté­ rieures que notre salut lui a coûtées; et de plus comme blessé cruellement par le coup de lance qu'il reçut sur la croix; » enfin » comme sanctifié par les dons les i 282 plus précieux du Saint-Esprit et par l’infusion de tous les trésors de grâce dont il est capable ». — « Tout cela, continue l'auteur, appartient réellement à ce Cœur divin, tout cela entre dans l’objet de la dévotion au Cœur de Jésus. » Et comme si ce n’était pas assez clair, il conclut : « Qu'on envisage donc ce composé admirable qui résulte du Cœur de Jésus; de l'âme et de la divinité qui lui sont unies; des dons et des grâces qu’il ren­ ferme; des vertus et des affections dont il est le prin­ cipe et le siège; des douleurs intérieures dont il est le centre; de la plaie qu'il reçut sur la croix : voilà l’objet complet, pour m’exprimer ainsi, qu’on propose à l'ado­ ration et à l’amour des fidèles. » Loc. cil., p. 59-61. Qu’on fasse si grande qu'on veut la part d’une phy­ siologie inexacte, qui, nous le verrons, ne fait rien à la dévotion, n'est-il pas vrai que cet objet si ample et si étendu déborde la définition reçue, le « culte du cœur de chair comme emblème de l’amour de Jésus pour nous »? Et ce que dit le P. de Galliffet est répété presque mot pour mot par les poslulateurs de 1765, dans un passage dont nous avons déjà cité un extrait; répété par beau­ coup d’autres en des termes équivalents. Les auteurs modernes sont plus circonspects dans le choix de leurs expressions quand ils définissent l’objet propre de la dévotion. Mais dans leurs développements, quand ils se surveillent moins, ils arrivent à en dire autant. El il faut reconnaître que l’idée vivante de la dévotion déborde de toute part cette idée du cœur comme emblème d’amour, pour aller chercher dans le Cœur de Jésus toute la vie intime du Dieu fait homme, toutes les richesses cachées dans son humanité, et pour parler comme les sulpiciens, tout « l'intérieur de Jésus ». Qu’on lise seulement les litanies du Sacré-Cœur : on verra qu'il en est ainsi. Et il en a été ainsi dés les com­ mencements. Voici comment s’exprime le P. de la Colombière, en expliquant le sens de « l’offrande au Cœur sacré de Jésus-Christ » : « Cette offrande, dit-il, se fait pour honorer ce divin Cœur, le siège de toutes les vertus, la source de toutes les bénédictions, et la retraite de toutes les âmes saintes. Les principales vertus qu'on prétend honorer en lui sont ; premièrement, un amour très ar­ dent de Dieu son Père joint à un respect très profond et à la plus grande humilité qui fut jamais; seconde­ ment, une patience infinie, etc.; troisièmement, une compassion très sensible pour nos misères, etc. Ce Cœur est encore, autant qu’il le peut être, dans les mêmes sentiments, et surtout toujours brûlant d’amour pour les hommes. » A la fin des Retraites spirituelles, Œuvres complètes, t. vi, p. 124. On pourrait trouver mainte page du même genre dans la B. Marguerite-Marie. Comment expliquer cette anomalie, cette sorte de dis­ proportion entre la définition et l’usage, entre la théorie et la réalité!' Sans se poser explicitement la question, les auteurs la résolvent pratiquement en deux sens. En essayant de ramener à l'amour tout l’intime de Jésus. Sa vie affective n'est-elle pas tout amour; et les variétés de cette vie affective que sont-elles sinon un même amour diversifié suivant la condition de l'objet? C’est ce que saint Augustin avait dit; ce qu’ont répété saint Thomas, Bossuet, tous les disciples des maîtres. Ce qui n’est pas amour, en Jésus, est sous l’influence de l’amour. Pourquoi ses douleurs? 11 a aimé. Que sont ses miracles? Des effets d’amour et de bonté. Si saint Thomas conçoit tous les actes bons de l’homme de bien comme produits sous l’empire de l'atnour — il entend, il est vrai, l’amour de Dieu — ne pourra-t-on pas dire que toute la vie de Jésus se ramène à l'amour de Dieu et du prochain? Toute sa vie n'est-elle pas pour le pro­ chain, comme elle est pour Dieu? Et certes, c’est là une belle idée de la dévotion au Sacré-Cœur. Il faut le reconnaître pourtant, elle n’épuise pas toute la richesse de la dévotion, telle que nous la trouvons 283 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) dans les écrits du P. de GallifTet, je pourrais dire tout aussi bien dans ceux de la B. Marguerite-Marie; telle que nous la voyons, dans la pratique des fidèles. Tout en étant essentiellement ce que nous l’avons défini, le culte du Sacré-Cœur s’étend plus loin. On peut et on doit le définir comme la dévotion à l’amour du Sacré-Cœur pour nous. Car c’en est bien là la « sub­ stance », suivant le mot de Pie VI que nous avons cité. Mais elle s’étend plus loin, et cela parce qu'elle est la dévotion au Cœur réel et vivant de Jésus, parce qu’elle traite le Cœur de Jésus suivant les conditions où nous nous trouvons à l’égard du cœur humain. Le cœur est avant tout emblème d'amour. Mais le cœur réel et vivant n’est pas que cela. Et de là vient que la dévotion au Cœur vivant et réel de Jésus n’y honore pas seulement l'amour. Toute notre vie intime et profonde a ses attaches avec le cœur : nos sentiments s’y répercutent, toute notre vie affective y a comme un centre de résonnance par lequel elle se manifeste sen­ siblement à nous. Or, notre vie morale et notre vie alfective sont étroitement unies, je ne sais si même on peut dire qu'elles sont distinctes. Aussi le langage cou­ rant, expression de réalités profondément senties, rattache-t-il au cœur toute la vie morale et affective de l'homme : les verlus comme les sentiments, les prin­ cipes d’action et les mobiles intimes. Ne va-t-on pas jusqu’à dire que les grandes pensées viennent du cœur, et que le cœur a des raisons que la raison ne connaît pas? Ne comprenons-nous pas que quand Pascal parle de « Dieu sensible au cœur », il traduit une réalité pro­ fonde, et que « Dieu sensible au cœur », c’est autre chose que la connaissance purement abstraite et froide du philosophe? Jésus lui-méme ne s’est-il pas présenté à nous comme « doux et humble de cœur » et ne voyonsnous pas là une manifestation de son Sacré-Cœur? Mais n’esl-ce point là le « cœur métaphorique » contre lequel on nous met en garde, quand on définit la dévo­ tion au Sacré-Cœur? Non. C'est bien au cœur réel que va notre pensée; non plus seulement en tant qu’il est symbole d'amour, écho intime qui nous traduit parses battements notre vie affective; mais en tant que l’usage courant, fondé sur une expérience vague mais réelle, rattache au cœur notre vie intime : elle voit en lui le symbole et l’expression, en même temps qu’elle y perçoit la résonnance de nos états affectifs, de nos dispositions morales. Première extension de notre dévotion. Extension, on le voit, toute légitime et naturelle, dès que l'on conçoit la dévotion comme allant au cœur réel et vivant de Jésus pour y honorer tout ce qu’il est, tout ce qu’il fait, tout ce qu'il rappelle et représente à 1’esprit. De ce chef, la dévotion au Sacré-Cœur n’est plus seulement la dévotion à l’amour du Cœur de Jésus; elle devient la dévotion à tout l'intime du Sauveur, en tant que cet intime a dans le cœur vivant un centre de résonnance, un symbole ou un signe de rappel. Il en est une autre, tout aussi naturelle, consacrée par l'usage, et fondée sur le langage courant. C’est le passage du cœur à la personne tout entière. 8° Le cœur pris pour la personne. — Sans doute, c’est toujours la personne qu’on honore quand on honore le cœur; comme c’est la personne qu'on honore quand on lui baise respectueusement la main. C’est la condi­ tion du culte et pas n’est besoin d’y insister ici. Pie VI a fait justice des accusations formulées à cet égard par les jansénistes, comme si les fidèles, en honorant le Sacré-Cœur de Jésus, l’honoraient en dehors de la per­ sonne sacrée du Verbe incarné. Dès les premiers jours de la dévotion, la doctrine fut très nette à cet égard, et nous avons vu le P. de GallifTet insister encore et encore sur l’union du cœur à la personne divine dans le culte du Sacré-Cœur. « On peut, disait-il, adresser à ce Cœur divin des prières, des actes, des affections. 284 des louanges, en un mot tout ce qu’on peut adresser à la personne même; puisqu'en effet la personne ellemême unie à ce cœur le reçoit très réellement. » L. I, c. tv, p. 50. Déjà Marguerite-Marie avait dit avec une netteté parfaite que Jésus prenait un singulier plaisir a être honoré sous la figure de ce cœur de chair. Le culte n'est pas d’ailleurs purement relalij, comme celui qu’on rend à une image, comme celui qu’on rend même à la vraie croix ; car le cœur fait partie de la personne, et il a en lui la dignité de la personne dont il fait partie. Il suffit de rappeler ces nolions. Car il n’y a en cela rien qui soit propre au culte du Sacré-Cœur. La même chose notamment s'applique au culte des cinq plaies, dont l’une d’ailleurs nous amène au cœur de Jésus : qu’est-ce en effet, que la blessure du cœur, sinon le cœur blessé? Mais il y a, dans la dévotion au SacréCœur telle qu’elle est vivante dans l’Église, un passage spécial du cœur à la personne, qui mérite attention, l'aute de le remarquer, on brouille parfois les notions, et on ne sait comment s'expliquer ni le langage de la B. Marguerite-Marie, ni le mouvement de la dévotion. Dans le langage courant, le mot cœur est souvent em­ ployé, par une figure que les grammairiens ont appelée synecdoque, pour désigner la personne : C’est un grand cœur, c’est un bon cœur; comme on dit : C’est une grande âme, c’est une belle âme. Et quand nous di­ sons : Quel cœur! c’est la personne que nous dési­ gnons directement; ce n'est pas son cœur. Cela s’est fait tout naturellement dans la dévotion au Sacré-Cœur. Marguerite-Marie dit : Ce Sacré-Cœur, comme elle dirait: Jésus. Dans les deux cas, elle vise directement la per­ sonne. Et l’usage est devenu courant de désigner Jésus par le nom du Sacré-Cœur. Non pas, qu'on le note bien, que les deux mots soient synonymes. On ne peut pas dire indifféremment Jésus ou Sacré-Cœur : on ne désigne pas toujours la personne par son cœur. Il faut, pour le faire, qu'on ait en vue la personne dans sa vie affective et morale, dans son intime, dans son ca­ ractère et ses principes de conduite. L’idée du cœur ne disparait pas; elle domine la phrase : le cœur ne dési­ gne la personne que sous les aspects représentés par le cœur. Mais ce passage du cœur à la personne, cette visée de la personne dans le cœur donne à la dévotion au Sacré-Cœur une allure plus libre et une portée plus ample. Par là, le Sacré-Cœur me rappelle Jésus dans toute sa vie alfective et morale, Jésus intime, Jésus tout aimant et tout aimable, Jésus modèle de toutes les vertus. Toute la vie de Notre-Seigneur peut ainsi se concentrer dans son cœur, dans tous ses états; je puis étudier ce qu’ils ont de plus profond, de plus intime, de plus personnel. Tout Jésus se résume et s’exprime dans le Sacré-Cœur, attirant, sous ce symbole expressif, notre regard et notre cœur sur son amour et sur scs amabilités. Déjà nous étions arrivés là par une autre voie, par celle du symbole et de la coopération du cœur à la vie intime de Jésus. Nous sommes plus à l’aise encore dans la dévotion, grâce à celte sorte de communication d’idiomes entre ce qui convient au cœur et ce qui con­ vient à la personne même de Jésus visée dans ce qu’elle a de plus intime et de plus personnel. Qu’est-ce pour nous qu’une statue du Sacré-Cœur? Une statue, où Jésus nous montrant son Cœur, essaye de traduire à nos regards toute sa vie intime, son amour surtout et ses amabilités. Grâce à cette extension nouvelle, nous pouvons dé­ crire la dévotion au Sacré-Cœur comme la dévotion à Jésus se montrant à nous, en nous montrant son cœur, dans sa vie intime et ses sentiments les plus person­ nels, lesquels d'ailleurs ne disent qu’amour et ama­ bilité. Elle nous ouvre, si je puis dire, le fond de Jésus. Le cœur ne disparaît pas, dans cette acception nouvelle. Mais c'est la personne de Jésus qui nous l'ou­ 285 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) vre elle-même en nous disant comme à la B. MargueriteMarie : « Voilà ce Cœur, » et en regardant le cœur qui nous est ainsi montré, nous apprenons à connaître la personne dans son fond. 9« L'idée de l’amour méconnu et outragé. — La dé­ votion au Sacré-Cœur est donc avant tout la dévotion à l'amour et aux amabilités de Jésus, la dévotion à Jésus tout aimant et tout aimable. On peut dire que tout est là et que tout suit de là. Mais il est un trait que l’his­ toire de la dévotion met spécialement en relief, et ce trait conlribue à lui donner son caractère spécialement touchant. Jésus ne se contente pas de montrer son cœur blessé d'amour, avec sa tendresse exquise, avec sa gé­ nérosité qui va « jusqu'à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour ». Il nous montre cet amour méconnu, outragé, même par ceux-là de qui il pouvait attendre plus de retour, et qui par vocation devraient l’aimer davantage. Après avoir dit : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes; » il ajouta : « Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes par leurs irré­ vérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m'est encore le plus sensible est que ce sontdescœursqui me sont consacrés qui en usentainsi. » Mémoire, dans Vie et Œuvres, t. Il, p. 355 (2’ édit., p. 414). Commentant ces paroles, le P. de Galliffet écrit : « Il faut encore observer ici un point essentiel à la na­ ture de notre dévotion, c’est que cet amour dont son divin Cœur est embrasé, doit être considéré comme un amour méprisé et offensé par l’ingratitude des hommes... Le Cœur de Jésus-Christ doit donc être ici considéré sous deux rapports: d'une part,comme embrasé d'amour pour les hommes; et de l'autre, comme olfensé cruel­ lement par l'ingratitude de ces mêmes hommes. Ces deux motifs, unis ensemble, doivent produire en nous deux sentiments également essentiels à la dévotion en­ vers ce Sacré-Cœur : savoir, un amour qui répond au sien, et une douleur qui nous porte à réparer les injures qu'il souffre de la dureté des hommes. » L. I, c. iv, p. 47. Le premier cri de la dévolion au Sacré-Cœur est : L’amour n'est pas aimé! C’est aussi ce qu’expliquent tout au long les postulateurs de 1765 : « 11 faut remar­ quer, disent-ils, que le Sacré-Cœur doit être regardé ici sous deux aspects : D'abord comme débordant d’amour pour les hommes... 11 faut le regarder aussi commecruellement blessé par l’ingratitude des hommes, accablé d'outrages, et par là digne non seulement de notre amour, mais aussi de notre compassion. » Memo­ riale, n. 34. 38; Nilles, t. 1. p. 117, 120. Sans doute, Jésus ne sou lire plus; mais l’outrage, de la part des hommes, n'en est pas moins réel : ils font, de leur côté, tout ce qu’il faut pour le faire souffrir. Il faut dire que tous ces outrages ont retenti un jour dans son Cœur. Il en a souffert, quand il pouvait encore souffrir. Dans sa passion, il n’a pas ressenti seulement les ou­ trages des Juifs et des Romains; il n’a pas souffert seulement des ingratitudes de ses concitoyens et de l'abandon de ses amis. L’avenir et le passé ont eu leur contre-coup dans la passion; ils s'y sont concentrés. Si donc Jésus ne souffre pas dans le présent, il a souffert du présent, et les fidèles n’ont pas tort de se représen­ ter Jésus souffrant, puisqu'il a souffert des outrages d'à présent, sans compter qu’il est toujours permis de se transporter dans le passé pour compatir à Jésus, l'avenir d'alors étant le présent d'aujourd’hui. Possible que parfois la façon de parler en cette matière ne soit pas rigoureusement exacte. Est-il bien sûr que l’exacti­ tude d’expression pourrait se corriger sans enlever d’autant à la vérité profonde des choses et à l’impres­ sion qu’elles doivent produire? Toujours est-il que la B. Marguerite-Marie a vu le Sacré-Cœur couronné d’épines et surmonté de la croix; et elle s'en explique 286 très bien en voyant là le signe d’une grande réalité : « Il était environné d’une couronne d'épines,qui signi­ fiait les piqûres que nos péchés lui faisaient, et une croix au-dessus signifiait que... dés lors que ce Sacré Cœur fut formé, la croix y fut plantée. » Lettres inédites, lettre iv. p. 141. L'Eglise connaît bien ces manières psychologiques de supprimer le temps et l’espace; sa liturgie est pleine de ces rellets de l'éternité divine jetés sur notre monde changeant et passager. Ces explica lions étaient nécessaires pour faire entendre comment la dévotion au Sacré-Cœur peut se représenter Jésus outragé. Mais ce rapport du présent avec la pas­ sion de Jésus n'est pas la seule, ni probablement la principale raison du rapport étroit que nous voyons entre la dévolion au Sacré-Cœur et le souvenir des souffrances de Jésus. 10» L'idée de la passion et celle de l’eucharistie dans la dévolion. — En fait, la pensée de la passion est très souvent mêlée et très intimement au culte du SacréCœur. La messe Miserebitur en est comme toute péné­ trée; [Office de la fête, presque autant; les litanies du Sacré-Cœur nous le rappellent comme propitiation pour nos péchés, comme rassasié d'opprobres, comme broyé à cause de nos crimes, comme fait obéissant jusqu’à la mort, comme percé d’une tance; et d'autre part, les litanies de la passion et l’heure sainte, passée en union avec Jésus au jardin des Olives, étaient pour la B. Marguerite-Marie deux des principaux exercices de la dévotion au Sacré-Cœur. Bref, la dévotion au Sacré-Cœur va comme d’instinct à Jésus souffrant et mourant. On y pourrait voir une délicatesse d'amour : n’est-ce pas quand l’ami souffre et est délaissé, outragé, que l’ami se tient plus près pour lui tenir compagnie, lui dire son amour, lui rendre hommage et compatir à ses peines? Il y a cela, sans doute dans l'instinct qui pousse vers le jardin des Olives ou le Calvaire les dévots du Sacré-Cœur. Mais il y a autre chose aussi. La dévo­ tion au Sacré-Cœur cherche les traces de l'amour. Et où cet amour brille-t-il autant que dans la passion ? Souffrir et mourir pour ceux que l’on aime, c’est, au témoignage de Jésus, l'effort suprême de l’amour. La dévotion au Sacré-Cœur va donc à la passion, parce que là plus que partout elle trouve ce Sacré-Cœur qui « s’épuise et se consomme pour témoigner son amour». C’est pour des raisons du même genre que la dévotion au Sacré-Cœur est en rapport étroit avec l’eucharistie. Les postulateurs de 1765 sont très explicites à ce sujet. Voir le Memoriale, n. 38; Nilles, t. i, p. I20, et la Béplique aux exceptions du promoteur de la foi, n. 23, 24, Nilles, p. 147. Marguerite-Marie fut l’amante de l'au­ tel, comme elle fut l’amante de la croix. Tout son désir est de communier, tout son secours, dit-elle, « le cœur de mon aimable Jésus au très saint-sacrement. » Lettres inédites, lettre IX, p. 194. Jésus lui demanda la commu­ nion réparatrice, comme il lui demanda l’heure sainte; et il voulait qu’elle communiât toutes les fois qu’elle le pourrait, quoi qu’il pût lui en arriver. La dévotion a toujours marché dans la même voie. A mesure quelle grandit dans uneàme, elle pousse à communier plus et mieux. La liturgie du Sacré-Cœur porte le même té­ moignage : la messe et l’office font les parts â peu près égales entre la pensée de la passion et la pensée de l’eucharistie. Le P. Croiset mettait l’eucharistie,comme il mettait la passion, dans sa définition même :« L’objet particulier de cette dévotion, disait-il, dés la premiere phrase de son traité, est l'amour immense du Fils de Dieu qui l’a porté à se livrer pour nous à la mort, et à se donner tout à nous dans le très saint-sacrement de l'autel. » C'est également ce que dit la sixième leçon du bréviaire au jour de la fête : Quam caritatem Christi patientis et pro generis humani redemptione morientis, atque in sute mortis commemorationem instituentis sacramentum corporis et sanguinis sui, ut fideles sub 287 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) sanctissimi Cordis symbolo devotius ac ferventius recolant, ejusdemque fructus uberius percipiant. Ici, comme pour la passion, la chose pourrait s'expli­ quer du côté des fidèles. C’est dans l'eucharistie que nous trouvons actuellement le Cœur de Jésus le plus près de nous, c’est dans l'eucharistie qu'il s’unit le plus intimement à nous et que nous nous unissons à lui. Mais une raison plus objective de ce rapport étroit entre l'eucharistie et la dévotion au Sacré-Cœur, c'est que l’eucharistie est, avec la passion, le témoignage le plus expressif de l’amour du Sacré-Cœur pour nous. C’est ainsi que l’entend le P. Croiset, ainsi que l’entend l’Eglise dans les textes qui viennent d’ètre cités. La pas­ sion et l'eucharistie sont les deux principaux bienfaits de cet amour que l’Église, comme elle s’en explique dans l’oraison de la lête, honore dans le culte du Sacré-Cœur : Jn sanctissimo... corde glorianles, præcipua in nos caritatis ejus beneficia recolimus. On pourrait se demander si et pourquoi le bienfait de l’incarnation, à laquelle nous devons Jésus lui-même, et qui est tout entier un effet d'amour (sic Deus dilexit mundum ut l'ilium suum unigenitum daret), ne doit pas être mis, aussi bien que la passion et l'eucharistie, en rapport spécial avec notre dévotion. Cela se fait quel­ quefois; le décret même de 1765, en accordant la fête, disait que par ce culte « on renouvelait symboliquement la mémoire de l’amour qui avait porté le Fils unique de Dieu à prendre la nature humaine ». Nilles, t. I, p. 152. L'hymne des Vêpres de la fête exprime la même idée : Amor coegit te tuus Mortale corpus sumere. Mais ces textes ne résolvent pas définitivement la ques­ tion. La solution dépend de la réponse à une autre question qu'il faut examiner pour préciser de plus en plus l’idée que nous devons nous faire de la dévotion au Sacré-Cœur. 11° Quel amour nous honorons dans la dévotion au Sacré-Camr, l’amour pour les hommes; en quel sens l’amour pour Dieu? — La question est celle-ci : De quel amour parlons-nous, quand nous disons que la dévotion au Sacré-Cœur a pour objet d'honorer sous le symbole du cœur l'amour de Notre-Seigneur JésusChrist? Mais celle question elle-même a deux sens. Car cet amour du Sacré-Cœur peut être regardé du côté de l’objet aimé el l’on peut se demander â qui il va : Estce l'amour pour Dieu? est-ce l’amour pour les hommes ? 11 peut être regardé du côté du sujet qui aime, et la question devient : Que) amour de Jésus honorons-nous en honorant son Cœur, celui dont il aime comme bomme ou celui dont illaime comme Dieu, son amour humain ou son amour divin, son amour créé ou son amour incréé, celui qui pleura sur Lazare ou celui qui lit Lazare? A la première question la réponse est facile. L’amour que nous honorons dans ce culte c’est l’amour de Jésus pour les hommes, l'amour qui demande une réciprocité d’amour : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, » disait Jésus à la B. Marguerite-Marie. Quis non aman­ tem redamet? Quis non redemptus diligat? chantonsnous dans l'hymne de laudes. Præcipua in nos caritatis ejus beneficia recolimus, disons-nous dans l'oraison. Tous les textes sont dans le même sens, et ce serait perdre son temps de les accumuler ici pour prouver une thèse que personne ne conteste. Il n’y a qu’à donner une explication et à prévenir une difficulté. Une expli­ cation. L’amour de Jésus pour les hommes ne va pas sans son amour pour son Père; il en est tout pénétré, il y prend sa source, il y a son motif. 1) savait le grand commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toutes tes forces; » et il le pratiquait comme per­ sonne ne le pratiquera. 11 savait que le second comman­ dement est semblable au premier : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même pour Dieu, » et il le prati­ quait avec la même perfection idéale. Cela revient à 288 d re que l’amour de Jésus pour le prochain fut un amour surnature), un amour réglé, tout informé par conséquent par son amour pour son Père. Voilà pour l'explication. Reste une difficulté. Nous avons dit que tousles textes entendent l’amour du Sacré-Cœur comme son amour pour les hommes. La chose est vraie. Il y a pourtant des exceptions au moins apparentes, et il s’en est présenté déjà sur notre roule. Dans la réplique des postulateurs polonais, il est dit que le cœur de Jésus doit être considéré en second lieu, comme le symbole ou le siège naturel de toutes les vertus et de toutes les affections intérieures du Christ, et en particulier de l’amour immense dont il honora son Père et les hommes, imprimisque amoris illius immensi quo Patrem et homines prosecutus est. Ileplicalio, η. 18; Nilles, t. i, p. 115. Le P. de la Colombière parle de même : « Les principales vertus qu'on prétend honorer en lui sont : premièrement un amour très ardent de Dieu son Père. » Loc. cit-, p. 124. Et il serait facile de citer des textes analogues chez ceux-là mêmes qui disent le plus expres­ sément que la dévotion au Sacré-Cœur a pour objet d'honorer l’amour dont Jésus a aimé les hommes, chez le P. Croiset, par exemple, ou chez le P. de Gallifiet. N’est-ce pas pour brouiller toutes nos notions et nos définitions? Non. Pourvu que nous nous rappelions les deux façons que nous avons signalées d'entendre la dé­ votion au Sacré-Cœur. Elle est dans son objet direct et immédiat la dévotion au cœur aimant de Jésus, au cœur emblème d’amour; mais elle est aussi par une extension légitime et naturelle la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus dans toute sa vie intime, dans ses vertus par conséquent, et particulièrement dans son amour pour Dieu. En tant qu'emblème d'amour, c'est son amour pour nous que Jésus nous découvre en nous découvrant son cœur; mais en nous découvrant ce Cœur adorable, il nous le montre dans toute sa réalité, comme idéal de notre vie non moins que comme objet de notre amour. On voit combien est importante celte distinction pour éclaircir les idées. Peut-être y trouverons-nous encore une lumière pour résoudre la seconde question, qui est plus difficile, et où l'accord des auteurs n’est pas aussi unanime. 12° Quel amour nous honorons : l’amour du Verbe incarné; amour créé ou amour incréé? — Quel amour de Jésus honorons-nous dans la dévotion au Sacré-Cœur, son amour créé ou son amour incréé, l'amour dont il aime comme homme dans sa nature humaine, ou celui dont il aime comme Dieu dans sa nature divine, et, pour répéter une expression claire et courte, celui qui lit Lazare, ou celui qui pleura sur Lazare? C’est une question qui peul-étre n'a pas été traitée à fond jusqu’à nos jours. Non pas qu'elle ait été ignorée. Beaucoup des théologiens du Sacré-Cœur se la sont posée explicitement. Mais il n’y a pas encore de solu­ tion qui s’impose, et plusieurs croient que la question n’a pas été suffisamment discutée même par ceux qui la résolvent. Telle est notamment l’opinion du P. Vermeersch. L'objet propre de la dévotion au SacréCœur, dans les Éludes, 20 janvier 1906, t. evi, p. 146-179. « Cet article, dit l’auteur, est dirigé contre une opinion spécieuse et séduisante, qui gagne du terrain, mais ou nous ne pouvons nous empêcher de voir une confusion et une méprise plutôt malheureuse. La faveur relative dont elle jouit ne s’explique, à nos yeux, que par un défaut d’attention. Nous avons pensé servir les intérêts de la véritable dévotion au Sacré-Cœur en appelant des réllexions sérieuses sur une question qui d'ailleurs, nous le savions, est mise à l’étude en Allemagne et en Autriche, et y préoccupe les esprits. » Loc. cit., p. 146. Le P. Vermeersch, d'après cela, combat l’opinion qui étend la dévotion au Sacré-Cœur jusqu’à la charité incréée. Sans nous engager à recevoir ses conclusions, suivons-lc dans son enquête. Plusieurs ne se sont pas 289 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) posé la question d’une façon explicite. Mais ils parlent comme s’ils n’avaient en vue que la charité créée du Christ. Marguerite-Marie, suivant l’auteur, ne voit dans le Sacré-Cœur que le cœur de chair qui a tant aimé les hommes. Est-ce â dire qu’elle exclue l’amour incréé? Cela ne suit pas, nous le verrons. Je me demande même si elle ne l’inclut pas quelquefois, par exemple quand elle parle au P. Croiset des « divins trésors du Cœur de Dieu qui... est la source » de tout bien. Lettres iné­ dites, lettre tv, p. 142. Analogue est le cas du P. de la Colombiére, du P. Croiset, du P. de Galliffet, des évê­ ques de Pologne dans leur beau Mémorial : nulle men­ tion explicite de l’amour incréé. Le P. Vermeersch ra­ mène à la même opinion Muzzarelli et Franzelin ; mais Muzzarelli fait une place à l'amour incréé dans la dé­ votion, et l’interprétation qui est donnée de Franzelin ne s’impose pas. On peut y ranger, si l’on veut, Gerdil, Zaccaria, Roothaan, Dalgairns; mais le P. Froment, qui écrivit, comme en concurrence avec le P. Croiset, sur les instances de la B. Marguerite-Marie, B. Tetamo, Marquez, Gautrelet probablement, Martorell et Castella, De San, Leroy, Bucceroni, Chevalier, Terrien, Nilles, Nix, Billot, Baruteil, Thill, font une place à la charité incréée. Les documents ecclésiastiques, sauf peut-être deux ou trois, semblent viser uniquement la charité créée. Des deux exceptions, l'une est certaine. C’est l'hymne des vêpres du Sacré-Cœur. Nous avons vu les deux vers où « l'amour a forcé Jésus à prendre un corps morte) ». Cet amour est aussitôt décrit comme « l’ouvrier qui a fait la terre, la mer et les astres » : ille amor almus artifex Terræ marisque et siderum. 11 s’agit donc de l’amour incréé. L’autre document est le décret même de 1765 : on y donne comme objet du culte « l’amour qui a poussé le Fils unique de Dieu à prendre la nature humaine ». N'est-ce pas désigner clairement l'amour incréé? Pas si clairement, dit le P. Vermeersch, et par une exégèse subtile mais sé­ rieuse, il montre un autre sens comme très plausible, p. 178 sq. Il est vrai, un secrétaire de la S. C. des Rites en 1821, avec beaucoup de théologiens, a vu là l'amour incréé, p. 177. Mais il a bien pu se tromper sur ce point, comme il s'est trompé sur un autre. Et puis, chose curieuse, ce décret n'est pas reproduit dans le recueil officiel. Pourquoi cette omission? On l’ignore. Mais elle n'est pas pour en augmenter l’autorité, qui d'ailleurs ne s'imposerait pas devant des raisons graves, p. 177. Un troisième texte me paraît mériter aussi attention. C'est l’invocation des litanies : Cor Jesu, infinite amans et infinite amandum. Je n’oserais pas cepen­ dant y appuyer trop. Car il est possible que l’infinité dont il est ici question doive se prendre de la dignité infinie de la personne plus que de la nature de l'acte considéré en lui-même. Je dis : il est possible; mais je ne vois pas que ce soit sùr:je sais des dévots du SacréCœur, d’ailleurs bons théologiens, qui aiment à se re­ dire que le Cœur de Jésus bat pour eux d’un amour infini, sans prétendre évidemment que l’amour infini et spirituel du Verbe ait à proprement parler un écho sensible dans le cœur de chair. Mais on doit recon­ naître que les textes ne résolvent pas une question dif­ ficile, qui ne se posait pas nettement pour ceux qui les ont écrits. Ils ont un sens très beau et très plein, dans le sens de l'union personnelle de la nature humaine et par là du cœur humain de Jésus avec le Verbe de Dieu. Néanmoins le P. Vermeersch s’attaque à forte partie. Sans vouloir le suivre dans ses déductions, voici com­ ment on peut, semble-t-il, résoudre la question. Une chose est sûre, sans conteste. L’amour que nous honorons directement dans le culte du Sacré-Cœur, c'est 1’amour du Verbe incarné, du Dieu fait homme. DICT. DE THÉOL. CATHOL. 290 Jésus est le Dieu-Homme et les fidèles, qui voient Jésus vivant et concret, ne séparent pas dans leurs hommages l’homme du Dieu. Le rayonnement de la personne di­ vine illumine pour eux tout ce qu’ils voient de Jésus. Même quand ils regardent l'homme, quand ils écoutent les paroles qui tombent de ses lèvres, quand ils compa­ tissent à ses souffrances, ils n’oublient pas qu’il est Dieu, et c’est cette pensée toujours présente qui donne son caractère à tous leurs rapports avec Jésus, de même que la réalité toujours actuelle de l’union donne son caractère et sa valeur à chacun des actes et des souf­ frances, à chacun des mots de Jésus. Jésus, pour eux, est essentiellement le Dieu-Homme dans l’unité indis­ soluble de l'union hypostatique : ni leur foi, ni leur amour ne peuvent le concevoir autrement. Dès lors la dévotion au Sacré-Cœur est nécessairement la dévotion au Dieu-Homme, l’amour qu’on y honore est néces­ sairement l’amour du Dieu-Homme. Voilà qui doit être regardé comme acquis; en ce sens du moins, il est juste de dire, avec le P. Terrien : Quod Deus conjunxit, homo non separet. Mais, pour le P. Vermeersch, c’est là escamoter la question, non la résoudre. Nul, en effet, ne nie l’union personnelle; nul ne prétend que l’amour que les fidèles honorent dans la dévotion au Cœur de Jésus soit un amour purement humain. La question est si c’est seule­ ment l’amour humain du Dieu-Homme, ou si c’est aussi son amour divin; si c’est seulement l’amour dont il nous a aimés avec son cœur humain dans sa nature humaine, ou si c’est aussi l'amour dont il nous aime éternellement dans sa nature divine, par l'acte simple d’amour qui est son essence infinie. Les fidèles ne distinguent pas, si je ne me trompe, quoiqu’ils dis­ tinguent fort bien en Jésus la nature divine et la nature humaine, quoiqu’ils sachent reconnaître en lui un amour dont il nous aime comme homme, et un amour dont il nous aime comme Dieu. Et le fait qu’ils ne dis­ tinguent pas est en faveur de la non-distinction des deux amours dans leur culte; c’est tout Jésus qu’ils honorent sous la figure de son cœur de chair; tout son amour, semble-t-il, comme toute sa personne. Pour distinguer là où ils ne distinguent pas, il faudrait des raisons. Les théologiens cherchent s’il y en a. On a beaucoup reproché à notre dévotion de favoriser le nestorianisme. Pure calomnie des jansénistes, les théologiens du Sacré-Cœur l'avaient réfutée d’avance, el Pie VI en a fait bonne justice dans le texte que nous avons cité. Mais si les fideles n'honorent pas le SacréCœur en nestoriens, il ne faut pas non plus, en suppo­ sant qu’ils confondent dans leur culte les natures el les opérations, le leur faire honorer en eutychiens ou en monothélites. Or n’est-ce pas le danger à craindre en raisonnant comme nous faisons, en passant de la per­ sonne à l’amour, en concluant de ce que l’honneur va à la personne qu’il va aussi à l’amour divin? Mais nous ne passons pas, sans autre considération, de la personne à l’amour. Nous ne concluons pas de l’unité de personne à la fusion ou à la confusion des deux amours en un seul. Nous disons seulement ceci. Tout en distinguant les natures dans l’objet de leur dé­ votion, les fidèles y visent tout Jésus, la personne totale, la personne dans ses deux natures ; des lors aussi on doit dire qu’ils la visent dans ses deux amours, à moins que des raisons spéciales ne nous fassent reconnaître qu’ils ont en vue un seul de ces deux amours, l’amour humain. On dit : Les documents ne parlent que de l'amour créé. Je distingue : ils ne parlent que des bienfaits où paraît aussi l’amour créé, je le reconnais (sauf les ex­ ceptions dites plus haut), ils attribuent ces bienfaits au seul amour créé, j’attends qu’on le prouve. Et il y a dif­ férence, à cet égard, entre l'ordre de l'amour et celui de l'action. C’est Jésus, dans sa nature humaine, qui parle, III. - 10 291 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) qui agit, qui souffre, qui institue les sacrements, qui demeure dans l’eucharistie; mais il ne suit pas qu'il ait parlé, agi, soufTert, et le reste, sous l’iniluence de son seul amour créé. Pourquoi ne pas voir, sauf raisons du contraire, l’amour incréé se complaisant aussi dans ces œuvres de l’amour créé, donnant le branle pour ainsi dire, à cet amour créé! Mais « s’il faut faire place â la charité incréée, elle doit occuper le premier rang ». Vermeersch, loc. cit., p. 164. Ici encore je distingue : Si les deux amours étaient regardés en eux-mêmes, je l’accorde; s'ils sont visés à travers le cœur de chair, je distingue encore : quand on en parle explicitement, soit (on pourrait en douter); s’il n’en est pas question explicitement, je le nie — à moins qu’on ne prél’ére ac­ corder, ce qui revient au même, qu'en parlant de l’amour du Christ, sans l’avoir explicitement en vue ni comme créé ni comme incréé, on donne implicitement la première place à l’amour incréé, puisqu’on parle de cet amour tel qu'il est. Ce n’est donc pas dans cette voie non plus qu’il faut chercher la solution de la question. Mais « l’atnour d’un cœur humain est censé humain lui-même, si l’on ne dit pas le contraire «.Ver­ meersch, loc. cil., p. 164. On pourrait peut-être hésiter à dire oui,quand il s’agit d'un cas unique comme celui du Dieu-Homme. 11 faut dire oui cependant, s'il s’agit de l’amour de ce cœur, de l’amour où ce cœur est in­ téressé vitalemenl. Mais la question est précisément s’il ne s’agit que de celui-là dans la dévotion au Sacré-Cœur. Ceux qui voient surtout le Sacré-Cœur organe, comme fait le P. de Gallifl’et, doivent être portés à re­ garder la dévotion comme étant la dévotion à l’amour humain de Jésus. Seul peut-être le P. Billot, qui pose si clairement que « le cœur est le symbole de l’amour parce qu’il en est l’organe », écrit cependant avec la même décision que « dans le Verbe incarné le cœur est le symbole à la fois de la charité incréée qui lit descendre le Verbe sur la terre et de la charité créée qui, éclatant dés le premier instant, le conduisit jusqu’à la croix ». 11 entend sans doute que le symbolisme, tout en ayant son fondement dans le rapport vital, n’y a pas ses limites. Car le Sacré-Cœur n’est organe que par rap­ port à l’amour humain. D’autres y voient tout ce qui a rapport à l’amour, et y retrouvent tout Dieu, lequel, sui­ vant le disciple bien-aimé, estamour. Mais ceux-là sont portés à perdre contact avec le cœur réel, avec le cœur île chair de Jésus. Or n’oublions pas que sans ce con­ tact avec le cœur de chair, il n'y a plus dévotion au Sacré-Cœur. Que de belles pages on a écrites à propos du Sacré-Cœur sur l'amour de Dieu et sur ses opéra­ tions dans le monde, où la dévotion n’a pas d'autre part que d'avoir servi d’d propos! Avec la notion du Sacré-Cœur emblème, on reprend contact avec le cœur réel et l’on reste libre de faire signifier à l'emblème non seulement l’amour qui re­ tentit dans l’organe, mais aussi l’amour divin qui n’y a aucun écho. La question n'en est pas résolue du coup. Il ne s’agit pas de ce qui peut être, mais de ce qui est clans la pensée de l’Église, puisqu’il s’agit de la dévo­ tion publique et officielle de l’Église, non d’une dévo­ tion privée qui pourrait être différente. Mais n'oublions pas que le cœur emblème, tel que l’Église l'honore, est en même temps le cœur organe, le cœur de chair vivant en Jésus et battant dans sa poitrine le rythme de la vie et de l’amour. Cette dernière remarque ne nous oblige-t-elle pas à conclure, à défaut de textes précis, que, dans la pensée de l’Eglise, la dévotion au Sacré-Cœur n’est décidément que la dévotion à l’amour créé, à l’amour humain, qui seul est l'amour du Sacré-Cœur, l’amour où il a sa part comme organe, en même temps que comme emblème? N’est-ce point là la raison que nous de­ mandions pour avoir droit de restreindre à l’amour hu­ main dans le Christ l'amour du Dieu fait homme que 29‘2 nous disions être certainement l’objet de la dévotion? La conclusion ne s’impose pas, ce me semble. Voici pourquoi. a) L’amour même du Cœur de Jésus n’est-il pas mis en branle par son amour incréé, et pourquoi dès lors le cœur, symbole de l’amour créé, ne le serait-il pas du même coup de l’amour incréé uni par un lien si intime de causalité avec l’amour créé? Cet amour incréé ne retentit pas directement dans le cœur de chair, je le veux bien; mais il y retentit en produisant cet écho créé qui est l’amour du cœur de chair; et cela suffit pour que le cœur de chair me le rappelle, en même temps qu’il me rappelle l’amour créé. b) Dans un sens analogue, je puis regarder l'amour incréé qui crée le cœur aimant de Jésus. Ce foyer d’amour, qui l’a allumé? Cet emblème vivant de l’amour, qui me le présente et me le donne? Si Jésus est une manifestation vivante de Dieu dans le monde, comment le Sacré-Cœur ne serait-il pas la manifestation vivante de l'amour et de l’amabilité de Dieu lui-même ? Or s’il en est ainsi, l’amour incréé a sa place dans la dévotion au Sacré-Cœur. c) Enfin, la dévotion au Sacré-Cœur nous mène tout naturellement, comme nous l avons vu, à la personne de Jésus se montrant à nous tout aimante et tout aimable. Le Sacré-Cœur, c'est Jésus, Jésus m’apparaissant dans sa nature humaine, mais Jésus se présentant du même coup à ma foi comme personne divine. Et de ce chef encore, l’amour incréé a sa place dans la dévotion au Sacré-Cœur. 13° Résumé. Regard sur le cœur vivant; formules. — Quel vaste champ ouvert au dévot du Sacré-Cœur! Si sa dévotion est peu profonde ou peu éclairée, il se perdra peut-être à parler de l'amour de Dieu dans le monde, et le Sacré-Cœur n’y sera pour rien, ou n'y sera qu'un synonyme d'amour ; mais si elle comprend et goûte le Sacré-Cœur tel qu'il est, dans sa réalité vi­ vante et concrète en même temps que dans son symbo­ lisme si riche et si expressif, elle y saura lire tout Jésus dans la totalité de son double amour comme dans la totalité de ses deux natures harmonieusement unies dans la personne divine, dans le Dieu fait homme. Pre­ nons garde de ne pas mesurer la richesse de la réalité à l’étroitesse de nos formules ; tâchons, au contraire, de multiplier ou d’élargir nos formules pour les rendre de moins en moins inadéquates, et de plus en plus propor­ tionnées à la richesse de la réalité. Pour cela, remettonsnous devant le Cœur de Jésus, vivant et concret; ou si l’on veut, devant Jésus qui nous montre son cœur. Étu­ dions ce cœur en lui-mèine, ce qu'il est et ce qu'il si­ gnifie. Ainsi nous comprendrons mieux que par l'analyse des formules, si admirables soient-elles d'ampleur et de valeur expressive, ce qu’est la dévotion au Sacré-Cœur et quel en est l’objet propre. Il faut des formules pourtant. Voici celles qui résu­ ment ce que nous avons dit sur l’objet de la dévotion au Sacré-Cœur. Cet objet est le cœur de chair de Jésus, vivant dans sa poitrine et battant d’amour pour les hommes. C’est ce cœur de chair, symbole effectif et vivant de l’amour que Jésus a eu et a encore pour les hommes. Ainsi ce cœur nous apparaît avant tout comme en rap­ port de vie et d’expression avec l'amour du Verbe incarné pour nous. C'est par là surtout que se définit la dévotion au SacréCœur. Elle est la dévotion à l'amour de Jésus pour nous, à l’amour dont il nous a aimés comme homme, et aussi dans une certaine mesure, si nos remarques à ce sujet sont justes, à l'amour dont il nous a aimés comme Dieu. Et si elle se plait à étudier cet amour libéral et généreux dans tous ses bienfaits, elle s’arrête de préfé­ rence à ses principales manifestations, à la passion et à l’eucharistie. 293 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) Mais au lieu de trop serrer la dévotion dans ce sym­ bolisme de l'amour, au risque peut-être d'oublier ou de ne plus voir assez nettement cet amour comme vivant, agissant, au risque peut-être de perdre contact avec ce coeur réel et vivant, la dévotion revient au cœur aimant pour y voir tout l’intime de Jésus, ses vertus et ses per­ fections, en même temps que ses douleurs et son amour. I.a vision de l’amour n’en est que plus nette et les ama­ bilités y éclatent d’autant mieux. De là, par une transition insensible, et sans perdre de vue le cœur de chair, elle va à la personne de celui qui nous montre ainsi son cœur tout aimant et tout aimable pour le trouver lui-même tout aimant et tout aimable dans le cœur qu’il nous présente, c’est-à-dire qu’il nous montre et qu’il nous offre. n. les fondements de la dévotion. — 1° Fonde­ ments historiques. — En fait, la dévotion au SacréCœur, telle qu’elle a été acceptée par l’Église, a reçu le branle de la B. Marguerite-Marie, et de ses révéla­ tions. Nous verrons qu’elle était en l’air, qu’elle se cherchait, pour ainsi dire. Mais il reste que, dans la pensée des dévots, la B. Marguerite-Marie a été l’instru­ ment providentiel choisi pour faire éclore la dévotion, pour propager le culte et obtenir la fête. L’Église ne s'est pas appuyée, à proprement parler, sur la vérité des visions pour approuver le culte et instituer la fête. Ce sont choses qui tiennent par elles-mêmes. Mais il reste que la dépendance historique est réelle. Si donc les révélations faites à Marguerite-Marie étaient fausses, la fête, sans manquer d'appui, manquerait de fondements historiques, et l'on pourrait dire que, en fait, nous la devrions aux rêveries d’une visionnaire. L’Église l’en­ tend ainsi. Aussi,dans des cas semblables, s’entoure-t-elle de toutes les garanties humaines pour s’assurer de la vérité des faits. Les visions de la Bienheureuse ont ces garanties; quels qu’en soient la nature et le comment, que Jésus se soit servi d’un instrument maladif ou d’un instrument parfaitement sain, les faits sont suffi­ samment prouvés, et suffisamment prouvé leur carac­ tère surnaturel, pour appuyer une certitude humaine, pour qu’on puisse marcher et agir suivant cette certi­ tude. Des faits aussi bien constatés font foi en cas ordi­ naires; l’Église n'a pas cru jusqu'ici que leur caractère surnaturel, dûment constaté lui aussi, fût une raison suffisante pour ne pas agir en ce cas comme on agit humainement en cas semblables, et elle va de l'avant. Elle n’y engage pas son infaillibilité; mais elle y engage son renom de prudence, de discrétion, de sérieux. Les révélations de la Bienheureuse, examinées comme elles doivent l’être, par des juges compétents, supportent la lumière ; et s’il y a quelque part trace de légèreté, d'igno­ rance et de préjugés, ce n'est pas chez les juges ecclé­ siastiques qui les ont admises après mûr examen; c’est chez ceux qui les rejettent sans examen, ou après un examen fait dans des conditions telles qu’il ne saurait fonder une décision sérieuse. Qu’on lise les écrits de la Bienheureuse, sa vie, son procès de béatification et l’on verra si les garanties de sérieux et de science sont avec ceux qui ont dit oui ou avec ceux qui disent non. Nous dirons un mot des faits en étudiant l’histoire de la dévo­ tion. 2° Fondements dogmatiques. — Ds ressortent déjà de ce qui a été dit plus haut. Le Cœur de Jésus est digne d’adoration, comme tout ce qui appartient à la personne de Jésus; non pas, sans doute, si on le consi­ dérait comme séparé de cette personne, sans rapport avec elle. Mais ce n’est pas ainsi qu’on le considère. Aux accusations des jansénistes on avait toujours répondu qu’on regardait le Sacré-Cœur comme uni à la personne du Verbe ; Pie VI l’a expliqué authentiquement dans la bulle Auctorem /idei. Ainsi tombent toutes les préven­ tions de nestorianisme, d'idolâtrie, etc. Mais la dévotion au Sacré-Cœur n’est pas que le culte du 294 Cœur de Jésus; elle est le culte de l’amour. Et certes, de ce chef, elle serait une invention de génie, si elle n'était 1’efl'et de l’action du Saint-Esprit toujours vivant et agis­ sant dans l’Église. Quelle idée admirable de dégager ainsi l’amour de Jésus dans chaque acte de sa vie, dans cha­ cune de ses paroles, dans toute sa personne! Quelles convenances de cette dévotion avec l’idée même de Dieu qui est amour et bonté, avec l’idée de Jésus appa­ rition vivante de la bénignité de Dieu et de son amour paternel, avec l’idée même du christianisme qui se pré­ sente dans son tond comme un grand effort de l’amour divin pour nous. Nous aurons peut-être occasion d’y revenir. Mais comment ne pas noter ici, à l'adresse de ceux qui cherchent l’essence du christianisme, que l'es­ sence du christianisme c’est l’amour de Dieu pour l’homme manifesté en Jésus, et que la dévotion au Sacré-Cœur va saisir en Jésus même cet amour pour y rallumer notre amour. Y a-t-il rien qui nous aide mieux à réaliser le vœu que saint Paul formait pour les fidèles : « Je fléchis les genoux devant le Père, de qui tire son nom toute paternité au ciel et sur la terre, afin qu'il vous donne, selon les richesses de sa gloire, d'être revêtus de force par son Esprit, en vue de l'homme intérieur; et que le Christ habite dans vos cœurs par la foi, de sorte que, enracinés et fondés dans la charité, vous puissiez com­ prendre avec tous les saints ce qu'il y a de largeur et de longueur, de hauteur et de profondeur, connaître l’amour du Christ qui dépasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu? » Eph.,111, 14-20. De ce côté donc,la dévotion au Sacré-Cœur mérite tous les enthousiasmes et tous les éloges — et Dieu sait si elle a eu le don d’éveiller les enthousiasmes et d’attirer les éloges. Mais la dévotion au Sacré-Cœur n’est pas seulement le culte du Cœur de Jésus; ni seulement le culte de l’amour qui nous a aimés jusqu’à ne vivre que pour nous, jusqu’à mourir pour nous, jusqu’à se donner à nous dans l’eucharistie. C'est le culte de l’amour dans celui du cœur; c’est le culte du cœur pour honorer l’arnour, et c’est dans ce rapport établi entre le cœur et l’amour qu’est la principale difficulté soulevée contre la dévotion. Ce rapport n'est-il pas une erreur des vieux temps. Peut-on encore soutenir rien de sembla­ ble? Ceci nous amène à notre troisième question. 3° Fondements philosophiques. — On ne peut le nier, il n’y a pas toujours eu accord sur ce point entre les théologiens du Sacré-Cœur, et tous ne se sont pas tirés avec honneur des difficultés soulevées de ce chef contre leur chère dévotion, quelques-uns même ont donné à ce sujet des explications mauvaises, auxquelles il faut franchement renoncer. Mais d’autres, ce me semble, y renoncent avec trop de sans-gêne, et en substituent d’autres, qui laissent peut-être la dévotion traditionnelle en mauvaise posture. Ces difficultés ne sont pas d’aujourd’hui et on n’a pas attendu le progrès de la physiologie moderne pour les soulever. Quand le P. de Gallilfeten 1726 « postula » pour rétablissement de la fête, et remit aux cardinaux et consulteurs de la S. C. des Rites, d’abord son beau livre De cultu sacrosancti cordis Dei ac Domini no­ stri Jesu Christi, puis des Excerpta du même livre ad pleniorem cognitionem causæ necessaria, on trouva son travail, nous dit Benoit XIV, de tous points excel­ lent, omnibus numeris absolutæ. De servorum Dei beati/ieatione, I. IV, part. II, c. χχχι, η. 20, Prato, 1831, t. iv, p. 702. Le promoteur de foi, qui était Prosper Lamberlini lui-même, le futur pape Benoît XIV, quoique personnellement favorable à la cause, nous dit Je P. de Galliffet, fit consciencieusement ses objections « d’avocat du diable ». L’une d’elles ne fut proposée que de vive voix ; et ce fut elle, semble-t-il, qui émut le plus la S. C. « J’ajoutai de vive voix, écrit le pape, que 295 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) les postulateurs posaient comme principe que le cœur est, comme on dit, le comprincipe sensible de toutes les vertus et affections, et comme le centre de toutes les Mes et des peines intimes; mais il y avaitJà un pro­ blème philosophique, puisque les philosophes modernes placent l’amour, la haine, et les autres affections de l’âme (animi), non pas dans le cœur, comme dans leur siège, mais dans le cerveau. » Et il renvoie à Muratori. Loc. cit., n. 25, p. 704. « C’est pourquoi, continue le pape, racontant son avis motivé, comme il n’y avait pas encore de décision de l’Église sur la vérité de l’une ou l'autre de ces opinions, et que l’Église s’est toujours prudemment abstenue et s’abstient encore de prononcer sur ces questions, j'insinuai respectueusement qu’il ne fallait pas accorder une demande fondée surtout sur les opinions des anciens philosophes, en contradiction avec les modernes. » Loc. cit., p. 705. En conséquence (his cohærenter), la réponse fut ajournée, ce qui était une façon d’épargner un refus (1727). Les postulateurs ayant poussé leur pointe, le refus ne tarda pas à venir (1729). On constate, en effet, que le 1’. de Galliffet faisait très grande la part du cœur dans la production même des affections. On fut plus prudent plus tard. On distingua les faits tenus pour certains de l'explica­ tion incertaine. Voir dans Nilles, 1. I, part. I, c. n, § 4, 8, n. 4, p. 73; c. m, § 2, p. 150. Même dans l’expo­ sition de ces faits donnés pour certains, il se mêlait, sans qu’on s’en doutât, des assertions erronées; mais le principe était nettement posé que l’Église pouvait prononcer sur la dévotion au Sacré-Cœur sans pronon­ cer sur les opinions contestées. C’est ce qu’elle a fait. 11 était difficile cependant que rien ne trahit, dans les ex­ posés des motifs, qu’elle joint d’ordinaire aux grands actes de son autorité, les flux et reflux de l’opinion scientifique en ces matières. On peut, en effet, en saisir quelque trace légère dans tel mot, dans la préférence donnée à telle expression. En général, elle a évité les expressions contestées comme comprincipium, comme aussi, je crois, organum; nous l’avons vue substituer en un cas le mot symbolum, aux mots fons et origo, qui lui étaient proposés; elle a employé le mot sedes comme exprimant un fai td’expérience, le contre-coup de nosall'ections dans le cœur. Grâce à cette prudence, les opinions nouvelles en physiologie se sont substituées peu à peu aux opinions anciennes, sans que la dévotion au SacréCœur se soit trouvée directement en cause. On a laissé les savants substituer au cœur, pour l’explication de la sensibilité, le cerveau et le système nerveux, l’un fai­ sant fonction de récepteur et de transmetteur, l'autre servant de fil de transmission; et l’on a continué de parler comme autrefois du cœur qui souffre et qui aime, qui s’émeut en battant plus fort, qui se glace en se resserrant, parce que le langage courant ne prétend pas donner des explications scientifiques, mais expri­ mer de façon intelligible ce que l'on ressent et ce que l'on éprouve. Ainsi la science et la dévotion allaient chacune son chemin sans presque se connaître; et si elles se rencontraient quelquefois, c’était sans presque jamais se heurter. Quelques médecins matérialistes lançaient bien de temps en temps quelque grossière in­ jure à la dévotion; mais on était si habitué à l’injure et â l’ignorance de ce côté-là, que l’on n’y faisait pas atten­ tion. De temps en temps, quelques théologiens essayaient d'expliquer le culte du Sacré-Cœur, en fonction des données nouvelles de la science. Ainsi le P. Jungmann, professeur à l'université d’Inspruck, dans ses Fünf Sâtze. Ainsi son frere, l’abbé Bernard Jungmann, professeur à l’université de Louvain, dans ses thèses sur le SacréCœur. Ces retouches aux vieilles explications étaient faites de main légère et discrète, et l’ensemble des théo­ logiens en profitaient pour éviter quelques erreurs d’ex­ pression, pour délimiter avec plus de précision le sens et la portée du culte. En février 1870, le P. de Bigault 296 exposait, dans les Éludes, les idées du P. Jungmann et personne n’y trouvait à redire. Le choc eut lieu cependant entre la science et la piété. C'est presque toujours la condition d’un accord durable ou chacune apprend à connaître les limites de son domaine et s’y cantonne pour laisser sa voisine évoluer â son aise dans le sien. L’occasion du choc fu­ rent les ouvrages de M. Riche, prêtre de Saint-Sulpice, Les merveilles du cœur, Paris, 1877; Le cœur de l’homme et le Sacré-Cœur de Jésus, 1878. Le P. Ramiére crut sa chère dévotion compromise et partit en guerre contre M. Riche. Celui-ci répliqua. La polé­ mique eut, comme c’est l’ordinaire, des vivacités re­ grettables; les âmes dévotes furent troublées. Pie IX intervint pour « qu’on cessât toute polémique sur Je Sacré-Cœur, jugeant le moment inopportun pour entre­ tenir entre catholiques des discussions sur ce sujet ». Cité par Riche, Les fonctions de l'organe cardiaque, Paris, 1879, p. xiv. La polémique a eu, comme il arrive, de bons résultats. Personne, je pense, n’écrira plus que « le Cœur de Jésus est le principal organe des affections sensibles du Verbe incarné ; qu’il est le co-principe de ses vertus, le foyer et la source de sa charité. La fonc­ tion éternelle du cœur, c’est de recevoir les impressions de cet amour et d'en produire les actes », cité dans Terrien, p. 53; ni ceci: « De même que l’âme pense et juge par le cerveau, c'est elle qui sent, qui aime et qui s’émeut par le cœur, comme c'est elle encore qui voit par les yeux. » Ibid. Personne surtout ne s’avisera de soutenir que la dévotion au Sacré-Cœur est essen­ tiellement intéressée à cela : « La divergence des opi­ nions sur ce point n’a servi qu’à retarder le triomphe de la B. Marguerite-Marie et l’établissement du règne social du Sacré-Cœur de Jésus, » ni que c’est là « venger la tradition, l’Église et ses docteurs, Jésus-Christ luimême et la Bienheureuse, Pie IX et les théologiens qui ont enseigné cette vérité ». Ibid., p. 54. A ces affirmations peu mesurées, il suffit d’opposer les textes. C'est comme symbole d’amour, non comme organe d'amour, que la dévotion a été approuvée et a fait son chemin. Le cardinal Gerdil, qui combattit d'ail­ leurs les explications du P. Feller, d'accord sur ce point avec les jansénistes, sur le sens purement méta­ phorique à donner au mot cœur dans la dévotion, écri­ vait: « L’unique raison pour laquelle la S. C. a cru devoir accorder l’office et la messe propres du SacréCœur, c’est qu'il est le symbole de l’amour de JésusChrist. » Cité par Terrien, p. 61. Les tenants mêmes des vieilles opinions en conviennent. Ainsi le P. Emmanuel Marquez, Defensio cultus SS. Cordis : » La fête du SacréCœur nous le présente comme un symbole d’amour; car, à vrai dire, elle n’est pas autre chose qu’une fête ou la charité du Christ envers les hommes est honorée sous le symbole de son divin Cœur. Or une fête ou la charité du Christ envers les hommes est honorée sous le symbole de son cœux· ne suppose rien de faux ni d’incertain. En effet, pour la justifier, que faut-il? Une seule chose, à savoir que ce cœur symbolise réellement la charité de Jésus. » Cité par Terrien, p. 62. Et répon­ dant directement à l’objection que le cœur pourrait bien n’être pas l’organe de l’amour sensible, il écrit: « La réponse est aisée. Ni la fête, ni la dévotion du Cœur de Jésus ne reposent sur l’opinion qui donne au cœux· le rôle d’organe dans la production de nos sentiments. En effet... et la fête et le culte supposent comme unique condition le symbolisme du Cœux· de Jésus. Or c'est là ce qui n’est aucunement contestable, quelque opinion d'ailleurs qu’on embrasse sur le rôle du cœur. Que celui-ci soit ou ne soit pas l'organe de l’amour, il en demeure le naturel symbole, en vertu de l’étroite affinité qui l’y attache. » Ibid. Et qu’on ne parle pas ici de recul, après coup, devant la science. L Église a Si bien tenu compte, dès les dé­ 297 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) buts, des hypothèses de la science — ce n’étaient que des hypothèses d’ailleurs peu exactes elles-mêmes, aux temps de Galliffet et de Lainbertini — qu’elle n’a voulu se prononcer pour le culte que quand elle a bien vu qu’elle pouvait le faire sans s’inféoder à des opinions variables et incertaines. Que les premiers théologiens de la dévotion — et encore plusieurs d’entre eux, comme le P. Croiset, sont-ils fort réservés sur ce point — aient trop donné au cœur, soit ; mais ils l'ont fait beaucoup plus dans leurs développements sur l’excellence de la dévotion que dans leurs explications sur l'objet propre de la dévotion. 11 reste que la dévotion au Sacré-Cœur est suffisam­ ment fondée, si le cœur est vraiment l’emblème de l’amour. Et qui peut nier qu’il le soit? J'ai peur cependant que quelques-uns ne soient amenés par celte idée d’emblème ou à sacrifier le rap­ port réel du cœur de chair à l’amour, fondement du symbolisme, ou à ne plus donner à la dévotion toute son ampleur et toute sa portée, en restreignant par trop le champ du symbolisme et la valeur représenta­ tive du cœur. N'oublions jamais que la dévotion au Sacré-Cœur ne serait plus ce qu’elle est, si elle perdait contact avec le cœur réel, et si le cœur de Jésus n'était pas conçu comme en rapport réel avec la vie effective de Jésus, et par là avec tout l'intime de Jésus. Voici donc, si je ne me trompe, comment à peu près on peut formuler les rapports de la dévotion au SacréCœur avec la science du cœur. Le cœur de Jésus est un cœur humain parfait; le cœur est chez lui ce qu’il est normalement chez nous. Or nous sentons notre cœur intéressé dans nos états affectifs et jusque dans nos dispositions morales; nous sentons nos états affectifs et jusqu’à nos dispositions morales reliés avec certains états et certains mouve­ ments de notre cœur. Ce n’est pas seulement par mé­ taphore que nous disons : Le cœur me battait fort; j’avais le cœur gros; j’en ai encore le cœur serré; mon cceur se dilatait; il était comme liquéfié; il a le cœur chaud. Ces expressions traduisent pour nous une réalité physiologique en même temps qu’une réalité psychique. En quoi consiste cette réalité physiologique, nous ne saurions le dire, et nous laissons aux physiologistes le soin de l’expliquer. Mais cette correspondance est pour nous un fait d'expérience, et c’est sur ce fait d'expé­ rience que repose le symbolisme du cœur, que repose toute la dévotion au Sacré-Cœur. Pour nous rendre compte des choses en elles-mêmes, nous recourons aux philosophes et aux savants. Les philosophes nous disent que le cœur ne saurait être l’organe d’un amour spirituel; ils ajoutent qu’un amour vraiment humain a naturellement quelque chose de sensible en même temps que de spirituel, l’homme étant un animal raisonnable, et qu’un amour sensible doit être en rapport avec un organe corporel. Ici le physio­ logue intervient, et tout en nous disant que l’organe propre de nos émotions sensibles n’est pas le cœur, mais que « le cœur, organe principal de la circulation du sang, est encore un centre où viennent retentir toutes les impressions nerveuses sensitives ». Claude Bernard, cité par Terrien, p. 137. Voir Riche, Les fonctions cardiaques, c. iv, p. 98 sq. Et certes, il est intéressant d'entendre les savants nous expliquer ce que nous éprouvons, et nous redire, ce que nous sa­ vions bien, que « l'amour qui fait palpiter le cœur n’est... pas seulement une formule poétique, c’est aussi une réalité physiologique ». Claude Bernard, cité par Riche, op. cit., p. 105. Nous les écouterons de même avec intérêt, quand ils nous diront que la vie végétative et notamment la circulation du sang, dont le cœur est l'organe principal, est en rapport étroit de cause et d’elfet avec la vie affective. Mais nous n’oublierons pas que notre dévotion repose sur des expériences immé­ 298 diates antérieures à la science; qu’elle n’est donc pas solidaire des découvertes de la science, moins encore de ses tâtonnements et de ses hypothèses changeantes. Elle se meut dans un autre domaine, quelques faits d'expérience quotidienne suffisent pour fonder le sym­ bolisme du cœur et pour établir qu’il est en rapport réel avec notre vie affective. Avec cela la dévotion au Sacré-Cœur est suffisamment fondée en physiologie. La science vient après et vient à côté. Les théologiens du Sacré-Cœur l'ont oublié parfois. Espérons qu’ils ne l’oublieront plus. IH. L’ACTE PROPRE DE LA DÉVOTION AO SACRÉ-CŒUR. — Une dévotion se spécifie surtout par son objet; mais elle est, en elle-même, un ensemble d’idées, de sen­ timents, de pratiques, en rapport avec cet objet. Pour achever de la connaître, il faut donc l’étudier aussi de ce côté, en nous demandant quel est l’acte propre de la dévotion au Sacré-Cœur. La réponse peut se déduire de l’objet et de la fin de la dévotion, celte fin étant elle-même déterminée par la nature de l’objet. Mais pour ne pas procéder unique­ ment a priori, nous devrons examiner aussi les textes et les faits. La question de l’acte propre pourrait tout aussi bien s’exprimer ainsi : Quel est l’esprit et le caractère propre de la dévotion au Sacré-Cœur, quelles en sont les pra­ tiques spéciales suivant cet esprit et ce caractère? On peut tout ramener à ces deux chefs : fin et acte propre de la dévotion, en expliquant l’esprit, les pratiques, le caractère. 1° Fin de la dévotion au Sacré-Cœur. — Quand Jésus montrait à la B. Marguerite-Marie son cœur brûlant d’amour pour les hommes, et ne pouvant plus conte­ nir les flammes qui le dévoraient, voulant faire part à tous des richesses infinies de son Cœur, que voulait-il? Attirer l’attention des hommes sur cet amour, les ame­ ner à lui rendre hommage, les inviter à puiser dans ce Cœur infiniment riche. Si, suivant les paroles de la Bienheureuse, « il prend un singulier plaisir â être honoré sous la figure de son Cœur de chair, » quel but veut-il que nous nous proposions en lui rendant cet honneur? Il s’agit de la fin précise et prochaine de la dévotion, non pas de la fin dernière et générale, qui est évidemment la gloire de Dieu et la sanctification des âmes. Il veut que nous nous proposions d’honorer son amour, et d'y répondre en lui rendant amour pour amour. La manifestation du Sacré-Cœur à la B. Margue­ rite-Marie est la manifestation de l’amour. La réponse qu’elle demande est évidemment une réponse d’amour. On peut donc ramener toute la dévotion à ceci. D’un côté, un amour qui appelle l’amour, un amour tendre et débordant qui appelle un amour proportionné; de l’autre côté, l’amour qui répond à l'appel de l’amour, l’amour soucieux de n'ètre pas trop en reste avec l’amour immense qui l’a prévenu et qui le provoque. Si la dévolion au Sacré-Cœur se ramène, suivant le mot de Pie VI, à vénérer l’immense charité et l’amour pro­ digue (effusum) de Notre-Seigneur pour nous, il est clair que c’est pour allumer notre amour à ce foyer d'amour. La chose va de soi. Quelques textes seulement pour montrer qu’il en est bien ainsi. La Bienheureuse écrit au P. Croiset : « Il m’était montré un Cœur tou­ jours présent, jetant des flammes de toute part avec ces paroles : Si tu savais combien je suis altéré de me faire aimer des hommes, tu ne négligerais rien pour cela... J'ai soif, je brûle d’être aimé. » Lettres inédites, lettre vi, p. 180. Elle avait écrit précédemment à la Mère de Saumaise : « 11 régnera malgré ses ennemis, et se rendra le maître et le possesseur de nos cœurs; car c’est sa principale fin dans cette dévotion que de convertir les âmes à son amour. » Lettre I.VII, Vie et œuvres, t. 11, p. 115; 2e édit., lettre lviii, p. 152. Et encore au P. Croiset : « 11 me fit voir que l’ardent 299 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) désir qu’il avait d’être aimé des hommes, lui avait fait former ce dessein de manifester son Cœur aux hommes, avec tous les trésors d’amour, de miséricorde, de grâce, de sanctification et de salut qu’il contenait. Tous ceux qui voudraient lui rendre et procurer tout l'amour, l’honneur et la gloire qui serait en leur pouvoir, il les enrichirait avec abondance et profusion de ces divins trésors du Cœur de Dieu, qui en était la source. Pour cela « il fallait [’honorer sous la figure de ce Cœur de chair. Cette dévotion était comme un dernier effort de son amour qui voulait favoriser les hommes en ces der­ niers siècles d’une telle rédemption amoureuse, pour nous mettre sous la douce liberté de l’empire de son amour, qu’il voulait rétablir dans le cœur de tous ceux qui voudraient embrasser cette dévotion ». Lettres iné­ dites, lettre tv, p. 142. C’est bien ainsi que l’entendaient les promoteurs de la dévotion : « La tin de la nouvelle dé­ votion, disait le postulateur de 1697, est de payer un tribut d’amour à la source même de l’amour. » Memo­ riale. « La première fin qu’on ait en vue, disait le pos­ tulateur de 1727, le P. de Galliffet, est de répondre à l’amour du Christ. » Et le P. Croiset : « Ce n’est ici proprement qu’un exercice d’amour : l’amour en est l’objet, l’amour en est le motif principal, et c’est l’ainour qui doit en être la fin. » Ire part., c. I, p. 3-4. C’est bien ainsi que l’entend l’Église. Elle dit, par exemple, dans l’hymne de laudes, Quis non amantem redamet? Quis non redemptus diligat? Elle dit dans lasecrèlede la messe Egredimini: s Nousvoussupplions, Seigneur, que le Saint-Esprit nous enflamme de l’amour que Notre-Seigneur Jésus-Christ a fait jaillir de son Cœur sur la terre, et dont il a voulu qu’elle s’embrase. » Quand Pie IX, en 1856, étendait la fête du Sacré-Cœur à l’Église entière, c’était pour « fournir aux fidèles des stimulants (incitamenta) pour aimer et payer d’amour (ad amandum et redamandum) le Cœur de Celui qui nous a aimés et lavés de nos péchés dans son sang ». Dans Nilles, 1. I, part. I, c. tv, §1, t. t, p. 167. Quand il élève la fête à un rite supérieur, c’est pour que « la dévotion d’amour au Cœur de notre rédempteur se pro­ page toujours plus, et descende plus avant dans le cœur des fidèles, et qu’ainsi la charité, qui chez plusieurs s’est refroidie, se ranime aux feux du divin amour ». Ibid., § 4, p. 170. Il dit dans le bref de béatification de la B. Marguerite-Marie : « Jésus n’a rien de plus à cœur que d’allumer dans le cœur des hommes la flamme d’amour dont son propre Cœur était embrasé. Pour y mieux réussir, il a voulu que s’établit et se propageât dans l’Église le culte de son très saint Cœur. » Dans Nilles, 1. I, part. II, c. il, J? 2, 1.1, p. 316. La médaille commémorative de la béatification représentait Jésus montrant son Cœur, avec cette légende : Cor ut reda­ metur exhibet. Voir Terrien, p. 180, note. Léon XIII a répété les mêmes enseignements. Dans son encyclique du 28 juin 1889, il écrit : « Le désir le plus ardent de notre Sauveur, c’est de voir naître et grandir chez les fidèles le feu d’amour dont son propre Cœur est dé­ voré. Allons donc à Celui qui ne nous demande comme prix de sa charité que la réciprocité de l’amour. » D’après Terrien, p. 180. On peut dire que tous les documents nous ramènent à cette idée. Il n’y a qu’à choisir. Ajoutons que la dévotion étant un retour d’amour à l’amour méconnu et outragé, cet amour se présente naturellement comme un amour de réparation. Aussi, comme nous le verrons, les documents nous parlentils de réparation en même temps que d’amour. 2° L'acte propre de la dévotion au Sacré-Cœur; es­ prit, caractère, pratiques. — C’est une question sur laquelle on a parfois discuté. Pour nous, elle est réso­ lue par ce qui précède : l’acte propre de la dévotion est évidemment l’acte d’amour. Jésus donne son cœur pour avoir le nôtre. La dévotion à l’amour est par essence 300 une dévotion d’amour, sa devise est : Nos ergo diliga­ mus Deum, quoniam ipse prior dilexit nos, I Joa., iv, 19 ; ou bien encore : Sic nos amantem quis non redamaret? A l’amour nous répondons par l’amour. Mais, notonsle bien, par cela même qu’il se présente comme une réponse à l’amour, cet amour a des caractères spéciaux, déterminés pour une bonne part par l’amour qu’il veut reconnaître en y répondant. Je ne parle pas de la nuance indescriptible que lui donnera le sentiment toujours présent de la distance entre lui et nous, de ce qu’il est et de ce que nous sommes, qui nous met à son égard dans une attitude analogue à celle des apôtres après la résurrection, au matin de la pêche miraculeuse, man­ geant sous son regard le petit déjeuner qu’il leur a pré­ paré lui-même, et n’osant lui demander qui il est, sa­ chant bien que c’était Jésus; qui déteint sur toutes les relations entre lui et nous pour fondre ensemble la condescendance infinie, qui sans déchoir descend à la plus intime familiarité, et le respect affectueux qui ose aimer simplement sans oublier l’audace qu’il y a d’aimer si haut. Il faut indiquer certains traits plus spéciaux de cet amour tel que le demande cette dévo­ tion. C’est un amour réciproque et qui n’oublie jamais qu’il est aimé. S’il était tenté de l’oublier, un regard sur le Sacré-Cœur le lui rappelle aussitôt. Cet amour réciproque est, malgré les distances, un amour d’amitié, un amour de familiarité, avec la nuance que nous avons dite. Cela tient en partie, sans doute, à ce que l’amour du Sacré-Cœur pour nous se présente comme un amour humain, sous des formes sensibles, à la mesure, pour ainsi dire, de notre cœur. Mais cela tient surtout à ce que cet amour étant celui de Jésus, du Verbe incarné, nous ne pouvons oublier qu’il a voulu être de notre famille pour nous faire de la sienne, qu’il a voulu, étant Dieu, se faire homme, pour faire de l’homme un Dieu. Cet amour réciproque n’oublie pas qu’il a été pré­ venu ; que Jésus a lait toutes les avances et que lui n’a qu’à répondre. Il s’arrête donc à étudier cet amour prévenant et tout ce qu’il a fait, et il essaie, tout en sachant bien qu’il n’y arrivera jamais, de répondre aux tendresses et aux ardeurs decet amour par tout ce qu’il a de tendresse et d’ardeur, à sa générosité par tout ce qu’il a de dévouement désintéressé, etc. Bref, il s’efforce, dans une lutte inégale, de répondre par la perfection de l’amour à l’amour parfait qui l’a prévenu. Mais l’amour de Jésus, tel qu’il s’est montré à la Bienheureuse, est un amour méconnu et outragé. I t c’est ce qui donne son importance à l’acte de répara­ tion dans le culte du Sacré-Cœur. Cette place de la ré­ paration y est telle que parfois on semble la présen'er comme l’acte premier et essentiel de la dévotion. Il n’en est rien cependant. Et d’abord, la réparation telle qu’elle nous apparaît ici est une réparation d’amour, non une réparation de justice ou d’expiation ; elle se traduit par l'amende honorable, qui s’adresse précisé­ ment à l’amour méconnu et outragé. L’amour vient donc en première ligne. Ajoutons que la réparation est mise au second rang dans les textes. Il y est dit que la fin principale de la dévotion est l’amour; la réparation ne vient qu’aprés et comme acte spécial d’amour envers l’amour méconnu el outragé. L’amour, la consécration ou don complet de soi au Sacré-Cœur, tient infiniment plus de place dans les écrits et les préoccupations de la B. Marguerite-Marie que la réparation et l’amende ho­ norable. 11 en serait autrement qu’il ne faudrait pas pour cela mettre celle-ci en premier lieu. Par la force des choses, elle ne vient qu’aprés, comme acte spécial d’amour. D’autres actes, d’autres pratiques sont chers aux dévots du Sacré-Cœur : communion réparatrice el dé­ votion à l'eucharistie, heure sainte et dévotion à la passion, etc. Tout cela découle de la nature propre de 301 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) cette dévotion. Ce sont des effets de l’amour. Rien ne lui est étranger de ce qui traduit l’amour. Mais tout ce qu’on fait et tout ce qu’on souffres’)· rapporte à l’amour comme à sa source, à l’amour comme à son terme. I.isezce que saint Paul dit de la charité, I Cor., xin.üsq., vous y trouverez comme une description de la vraie d -votion au Sacré-Cœur, parce que vous y trouverez une description du véritable amour. L’esprit de la dévotion est donc l’esprit d’amour. Toutes les pratiques en sont animées; toutes en partent. Partout où nous trouvons la dévotion au Sacré-Cœur nous remarquons ce caractère d’amour. C'est par amour qu’elle s’attache à Jésus pour y étu­ dier son amour depuis la crèche jusqu’au Calvaire, s'arrêtant aux faits extérieurs, mais pour y chercher les traces de l'amour; c’est pour mieux aimer qu’elle cherche à le mieux connaître. C’est par amour qu’elle compatit à ses peines, qu'elle lui rend hommage en le voyant méconnu, qu’elle jouit de ses joies et de ses triomphes comme si c’étaient les siens, qu’elle vit de lui enfin, et qu'elle s’efforce de lui plaire en l'aimant de plus en plus pour lui montrer son amour, et de se rendre de plus en plus aimable à ses yeux pour conten­ ter cet amour. C’est aux prédicateurs et aux auteurs ascétiques qu’il appartient de développer toutes ces choses. D fallait les indiquer ici pour aider à se faire une idée plus juste et plus vivante de la dévotion. /v. conclusion. — Cette dévotion comparée à d’au­ tres ; son rapport avec le fond du christianisme en tant que le christianisme est la religion de Jésus et la religion de l’amour. — Toutes les dévotions, qui ont pour objet les mystères de Jésus, s’adressent à la per­ sonne de Jésus; mais elles le visent dans un état spé­ cial ou dans un fait de sa vie. A Noël, nous honorons Jésus naissant; dans la passion, Jésus soutirant ; à Pâ­ ques, Jésus ressuscité, etc. La dévotion au Sacré-Cœur ne s'attache à aucun mystère spécial de Jésus, ni à aucun de ses états. Mais tous sont de son ressort, dans ce qu'ils ont de plus intime, en tant qu’elle y étudie son cœur, son amour, ses sentiments intimes et ses vertus. Elle va donc au fond de chaque mystère pour en chercher l’âme, pour en dégager l’esprit, pour en avoir l’explication dernière. « Ainsi, disait le postulateur de 1765, par la fête du Cœur de Jésus — il faut en dire autant de la dévotion — on ne nous représente pas seulement quelque grâce spéciale, on nous ouvre toute grande la source de toutes les grâces. On n’y rap­ pelle pas un mystère particulier; on propose à méditer et à adorer le principe de tous les mystères. Tout ce qu’il y a de grâces et de mystères dans l’intime de Jésus et dans les secrets de son cœur; tous les biens qui ont découlé pour les hommes de cet amour du très aimant rédempteur; tout ce que la passion intérieure du Christ... oll're à notre regard et à notre amour, tout cela nous est représenté par la fête du Sacré-Cœur de Jésus, y est rappelé, y est honoré. » Deplicatio, n. 20, dans Nilles, 1. I, part. I, c. ni, § 3, t, t. p. 146. On comprend, d’après cela, ce que nous disent les pré­ dicateurs des convenances liturgiques de la fête et de sa place dans le cycle annuel, après tous les mystères spéciaux dont elle rappelle le souvenir en en dégageant comme la quintessence. On comprend ce qu'ils nous disent de l’excellence de cette dévotion, soit qu'on en regarde l’objet, soit qu’on en regarde la fin, soit qu’on en regarde l’acte propre. Sans les suivre dans ces dévelop­ pements, contentons-nous d’y voir un résumé clair et profond, une expression vive et parlante, la formule la plus heureuse de l’essence même du christianisme. Quest-ce en effet que le christianisme dans son fond le plus intime? C’est la religion de Jésus et c’est la re­ ligion de l’amour. La religion de Jésus. Regardons les choses du côté de 302 Dieu. Il ne nous connaît, pour .ainsi dire, et ne nous aime qu’en Jésus, dans le seul médiateur; il n’agrée nos hommages que présentés par Jésus ; pas d’autre commerce entre lui et nous que par l'intermédiaire de Jésus; nous n’existons, on peut dire, pour lui, dans l’ordre surnaturel,qu'en Jésus et par Jésus. Regardonsles de notre côté. Nous ne sommes sauvés qu’en Jésus ; nous ne connaissons Dieu que par Jésus; nous ne pou­ vons l’aimer que par Jésus; nous ne vivons de la vie surnaturelle qu’en tant et dans la mesure où nous sommes un avec Jésus. Il est vraiment le tout de notre religion, le tout de la vie chrétienne. Eh bien ! rien ne nous donne Jésus, ne nous le fait connaître et aimer dans son fond, ne nous met en rapport intime et per­ sonnel avec lui, ne nous fait vivre de lui et en lui comme la dévotion au Sacré-Cœur. N’est-elle pas entre lui et nous la fusion des cœurs, qui de deux ne fait qu’un? Avec le Sacré-Cœur nous avons tout Jésus. De ce chef peut-on trouver rien de plus expressif, rien de plus efficace? Saint Jean Chrysostome résumait saint Paul en disant : Le cœur de Paul, c’est lecœur du Christ. La dévotion au Sacré-Cœur fait du cœur chrétien le cœur de Jésus. Religion d’amour. On a défini la religion comme la rencontre de deux amours. Comme religion, elle n’est pas proprement cela ; elle est affaire de devoir, reconnais­ sance des relations essentielles entre Dieu et nous ; et ces relations ne sont pas, à ne regarder que la nature des choses, des relations d'amitié, ce sont des relations de maître à serviteur, de créateur à créature. Pour que soient possibles ces relations d’amitié entre lui et nous, il faut une volonté spéciale de Dieu nous élevant à l'ordre surnaturel, une effusion de l’esprit d'adoption nous permettant de dire mon Père, à celui qui, nous adoptant, veut bien nous appeler ses fils. Mais si la religion, comme telle, ne peut pas se définir la rencontre de deux amours, le christianisme le peut, et c’est là une des plus belles idées et des plus vraies que l’on en puisse donner. Du côté de Dieu, c’est un grand effort d'amour, pour gagner notre amour. On l’a défini, une grande pitié venant au secours d’une grande misère. Mais cette pitié même d'où vient-elle? De l'ainour. Le premier, comme le dernier mot, des voies de Dieu sur nous, c’est l’amour. A quoi devons-nous Jésus? A l’amour.Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret. Joa., ni, 16. A quoi la passion et la rédemption? A l’arnour : Dilexit me et tradidit semetipsum pro me. Gal., π, 20. Tout le mystère de Jésus se présente comme un suprême effort de l’amour : Cum dilexisset sues qui erant in mundo, in finem di­ lexit eos. Joa., xm, 1. L'Église tout entière, avec s De qui est la Fitis mystica, et de quand ?On l'a sou- 309 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) Vilis mystica, c. m, P. L., t. ci.xxxiv, col. 641-644. Ce texte nous donne bien la dévotion au Sacré-Cœur. Tout y est : le double objet dans l’unité du symbolisme, la fin, l’esprit et l'acte propre de la dévotion, plusieurs des exercices de la dévotion. Dans la Vigne mystique, la dévotion existe; mais les exercices ne sont qu’indiqués. Dans les œuvres de sainte Mechtilde (t 1298) et de sainte Gertrude (f 1302), nous voyons la dévotion vivante, et, pour ainsi dire, en acte dans une foule d’exercices, rt dans les relations les plus familières avec Jésus. Mechtilde, sur l'invitation même de Jésus, entre pour y reposer dans le SacréCœur. Livre de la grâce spéciale, trad, franç., 1. Il, c. xvii, p. 183. Jésus lui donne son cœur en gage d'al­ liance éternelle, 1. I, c. xx, p. 89; cf. 1. II, c. xix, p. 187; elle lui parle comme à l’ami le plus tendre, et il lui semble qu’un jour le Maître lui prend « le cœur de son àine » et le presse contre le sien de sorte qu'ils ne font plus qu’un, 1. III, c. xxvn, p. 273; un autre jour, il lui dit comment il faut demander à son Cœur tout ce dont on a besoin, « comme un enfant qui demande à son père tout ce qu’il désire. » L. IV, c. xxvm, p. 339. Elle lui parle; elle fait des conventions avec lui; elle Je salue le matin, le salue le soir, ün jour qu'elle craint d'avoir été négligente envers la sainte Vierge, NotreSeigneur lui dit de venir désormais puiser dans son Cœur tout ce qu’elle désirera oifrir à Marie. L. I,c. xlvi, p. 159. Dans ces relations intimes, sa dévotion au SacréCœur grandissait sans cesse; « et presque à chaque fois que le Seigneur se montrait à elle, elle en recevait quel­ que cadeau. » L. II, c. xix, p. 187. Il se faisait luimême son maître; admise un jour â reposer sur la poi­ trine de son bien-aimé, elle entendit dans les profon­ deurs du Cœur divin comme trois battements sonores. 11 veut bien lui en expliquer le symbolisme. L. II, c. xx, p. 189. Bref, elle disait elle-même : « S’il fallait écrire tous les bienfaits que j’ai reçus du Cœur tout aimant de Dieu, il y faudrait un livre plus gros que celui de ma­ tines. » L. II, c. xix, p. 188. Voir Sanctæ Mechlildis liber specialis graliæ, Paris, 1877; trad, franç., Les révéla­ tions de sainte Mechtilde, Paris, 1878. Avec sainte Gertrude, nous sommes davantage encore peut-être dans le monde des relations les plus intimes entre l’âme et le Sacré-Cœur, avec, de part et d’autre, des inventions exquises de l'amour le plus ingénieux et le plus délicat. Voir Cros, Le cœur de sainte Gertrude. Le livre où sont consignées ces choses est vraiment le Héraut de l’amour divin, Legatus divinæ pietatis, ou, pour rendre autant qu’il est possible la nuance in­ définissable du mot pietatis, le Héraut de la bonté aimante de Dieu. Gertrude, comme dit son éditeur bénédictin, « semble constituée la prophétesse del’amour divin pour les derniers temps. » Révélations de sainte Gertrude, Paris, 1878, préfacé, p. xv. Et cet amour divin se personnifie pour elle dans le Sacré-Cœur. Elle eut « pour mission de révéler le rôle et l'action du Cœur divin dans l'économie de la gloire divine et de la sanc­ tification des âmes ». Et il faut dire, proportions gardées, la même chose de sainte Mechtilde. On ne peut les comparer, à cet égard,qu’à la B. Marguerite-Marie. Voici comment l’éditeur bénédictin résume les manifestations du Sacré-Cœur à Gertrude; le résumé conviendrait presque textuellement à sainte Mechtilde : « Tantôt le Cœur divin lui apparaît comme un trésor où sont renf. rinées toutes les richesses; tantôtc’est unelyre touchée par l’Esprit-Saint, aux sons de laquelle se réjouissent L très sainte Trinité et toute la cour céleste. Puis c’est une source abondante dont le courant va porter le ra­ fraîchissement aux âmes du purgatoire, les grâces for­ tifiantes aux âmes qui militent sur la terre et ces tor­ rents de délices où s’enivrent les élus de la Jérusalem céleste. C'est un encensoir d’or d'où s'élèvent autant de 310 divers parfums d’encens qu’il y a de races d’hommes pour lesquelles le Sauveur a soullertla mort delà croix. Une autre fois, c’est un autel sur lequel les fidèles dé­ posent leurs offrandes, les élus leurs hommages, les anges leurs respects, et le prêtre éternel s’immole lui-même. C’est une lampe suspendue entre ciel et terre ; c’est une coupe où s’abreuvent les saints, mais non les anges, qui néanmoins en reçoivent des délices. En lui la prière du Seigneur, le Pater noster, a été conçu et élaboré...; par lui est suppléé tout ce que nous avons négligé de rendre d’hommages dus à Dieu, à la sainte Vierge et aux saints. Pour remplir toutes nos obligations, le Cœur divin se fait notre serviteur, notre gage; en lui seul nos œuvres reçoivent cette per­ fection, cette noblesse qui les rend agréables aux yeux de la majesté divine; par lui seul découlent et passent toutes les grâces qui peuvent descendre sur la terre. A la fin, c’est la demeure suave, le sanctuaire sacré qui s'ouvre aux âmes à leur départ de ce monde pour les y conserver dans d’ineffables délices pour l’éter­ nité. » Loc. cit., p. xvii, xviii. Voir la Table des per­ sonnes et des choses, au mot Cœur. Mechtilde et Gertrude ont-elles bien en vue le cœur de chair? Oui, sans nul doute. Mais il est comme su­ blimé dans le symbolisme de l’amour, il se perd, pour ainsi dire, dans le rayonnement lumineux de la per­ sonne de Jésus. Dans la Vigne mystique, la dévotion s’attache encore à la plaie du côté. Ici, elle va au Cœur par tous les chemins; et elle le trouve toujours vivant et glorieux. C’est même ce rayonnement de gloire et de joie qui me parait difl'érencier, pour une bonne part, la dévotion telle qu’elle apparaît chez Gertrude ou Mechtilde, d'avec la dévotion telle qu’elle nous est pré­ sentée dans Marguerite-Marie. Non pas qu'il n'appa­ raisse aussi glorieux et rayonnant chez celle-ci ; mais l’idée de l’amour qui n’est pas aimé, de l’amour qui a tant souffert, s’il ne souffre plus, assombrit presque tou­ jours le ciel de la voyante de Paray; à Helfla, nous sommes presque toujours sous un ciel rayonnant de joie et de gloire : le Sacré-Cœur s’y montre aimant et glorieux, nous l’y voyons délicieusement aimé, le culte du Sacré-Cœur y respire, de part et d’autre, la joie de l’amour heureux. On a remarqué que cette vue du Christ glorieux et triomphant est celle où se complaît l’art du xiii' siècle ; la croix même y est un trône. Je n’ai rien dit encore de la vision célèbre où Gertrude eut comme l’intuition des destinées futures de la dévo­ tion au Sacré-Cœur. Cette vision mérite une attention spéciale. Elle fait époque dans l’histoire de la dévotion, en dehors et à côté du développement qu’elle a dans la vie de nos deux saintes. Elle eut lieu, comme plus tard la première grande vision de Marguerite-Marie, Dieu m’a donné ceste nuict la pensée que nostre maison de la Visitation est par sa grace assez noble et assez consi­ dérable pour avoir ses armes, son blason, sa devise et son cri d'armes. J’ai donc pensé, ma chère Mère, si vous en estes d’accord, qu’il nous faut prendre pour armes, un unique cœur percé de deux flèches, enfermé dans une couronne d'épines; ce pauvre cœur servant 3IG dans l’enclavure à une croix qui le surmontera, et sera gravé des noms sacrés de Jésus et de Marie. Ma fille, je vous dirai à nostre première vue mille petites pensées qui me sont venues à ce sujet; car vraiment nostre petite congrégation est un ouvrage du Cœur de Jésus et de Marie. Le Sauveur mourant nousa enfantés par l’ouver­ ture de son Sacré-Cœur. » Cité par Bougaud, op. cit., р. 181. On sait qu’ainsi fut fait. La Visitation était comme consacrée d'avance au Sacré-Cœur. il semble que les visitandines eussent conscience de leur mission longtemps avant Marguerite-Marie. Dans le livre dit des Petites méditations, souvent attribué à sainte Chantal, la Mère L’Huiliier, qui en est l’auteur, c>. Letierce, t. I, p. 27, écrivait ce qui suit: « Notredoux Sauveur... nous oblige spécialement nous autres de la Visitation par le don et faveur qu'il a fait à nostre ordre de son Cœur ou, pour mieux dire, des vertus qui y resi­ dent, puisqu’il a fondé nostre très aymable institut sur ces deux principes : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. C’est le partage qui nous est escheu de tous ses thrésors... Si que nous pouvons avoir cette satisfaction, si nous apprenons et pratiquons bien la leçon que cet amoureux Sauveur nous donne, que nous aurons l’honneur de porter le titre de filles du Cœur de Jésus. » Suit ce cri de reconnaissance : « Cela est bien doux, ô ma chère âme, que ce débonnaire Jésus nous ait choisies pour nous faire les filles de son Cœur. Pour­ quoi, ô mon Sauveur, n’en avez-vous point favorisé quelqu’autre en vostre Église? Qu’avons-nous tait à vostre bonté de nous avoir destiné ce thrésor de toute éternité en ces derniers siècles. » Exercices spirituels pour les dix jours de la solitude, selon l’esprit du IL François de Sales, tirés pour la plupart de sesescrils, s. d. n. 1., viip méditation, De l'amour que Jésus-Christ nous porte, considération 4®. Cf. Bougaud, op. cit., с. vm, p. 188, qui d'ailleurs se trompe sur l’attribution, p. 187. La Mère L’Huiliier mourut en 1655. On relève dans les Annales de la Visitation le nom de plu­ sieurs religieuses favorisées de grâces insignes du SacréCœur. Voir Bougaud,op. cit., c. vitl, p. 190sq. ; Letierce, 1.1, p.28sq.Maisilyaplusquecela.LaMére Anne-Margue­ rite Clément, morte à Melun, le 3 janvier 1661, eut comme sainte Catherine de Sienne, l’impression que Jésus lui ôtait son cœur et mettait le sien à la place. Ravie en extase, elle vit... saint François de Sales faire son séjour dans le Sacré-Cœur de Jésus, et y recevoir l’inspiration de dresser un ordre qui n’aurait qu'un but, honorer le divin Cœur de Jésus. Fie de la Vénérable Mère AnneMarguerite Clément, Paris, 1686, II» partie, c. xiv, p. 226, cité par les contemporaines, dans Vie et œuvres, loc. cit. Cf. Letierce, Le Sacré-Cœur, p. 96-102. De tous côtés rayonnait le Sacré-Cœur. Pendant que les ascètes en parlaient, les mystiques en recevaient les communications intimes. En Espagne, c’est Marine d’Escobar (j-1633), qui voit« à travers la poitrine entrou­ verte le Cœur (de Jésus) embrasé d’amour pour ses créatures ». Elle ajoute: « Les clartés resplendissantes de ses divines flammes me disaient les ardeurs dont il est embrasé. C’était comme s’il m’avait dit: Regarde, voilà l’amour, voilà le cœur que j’ai pour toi. Et bien­ tôt il me communiqua une étincelle de cet amour, et j'en étais embrasée. » Voir Letierce, Élude, t. i, p. 57. Ne croirait-on pas lire une page de la B. MargueriteMarie ? A Vannes, meurt en 1671 une pauvre servante, vénérée encore aujourd’hui sous Je nom de « la bonne Armelle ». Elle vivait dans des relations intimes avec le Sacré-Cœur, y allant et venant comme chez elle, disant à sesamis: « Si vous voulez me trouver, ne me cher­ chez pas ailleurs que dans le cœur de mon divin amour. » Letierce, Étude, t. i, p. 74-77. En 1672, mourait au Ca­ nada une religieuse ursuline, la V. Marie de l'incarna­ tion ; Bossuet l'a nommée la Thérèse du Nouveau-Monde, 317 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) et l’Église probablement ne tardera pas à l'élever sur les autels. Elle a raconté elle-même à son fils comment Dieu lui inspira, vers 1630, une pratique spéciale de dévotion au Sacré-Cœur. Un jour que Dieu semblait sourd à ses prières, elle entendit une voix intérieure qui lui disait: « Demande-moi par le Cœur de mon Fils. » Aussitôt « tout mon intérieur se trouva dans une communication intime avec cet adorable Cœur, en sorte que je ne pouvais plus parler au Père éternel que par lui ». Depuis elle fut toujours fidèle à cette pratique. « Voici, dit-elle, à peu près comme je m’y comporte, lorsque je suis libre, en parlant au Père éternel : C’est par le Cœur de mon Jésus, ma voie, ma vérité et ma vie, que je m’approche de vous, ô Père éternel. Par ce divin Cœur, je vous adore pour tous ceux qui ne vous adorent pas, » etc. Lettre du 16 septembre 1661. Dés 1649, elle écrivait à son fils : « Vivons en notre Jésus, que les approches de son Sacré-Cœur fassent découler dans les nôtres la vraie sainteté. » Voir Letierce, loc. cit., t. 1, p. 79 sq. En Belgique, la mère Delelot est aussi très dévoie au Sacré-Cœur. B. Deslrée. Une mystique in­ connue duxvn· siècle, Bruges, 1905. Ainsi la dévotion au Sacré-Cœur est partout. Mais le culte public est dû au P. Eudes. 7° Le P. EWes(lC0l-1680). Le culte public du Cœur de Jésus et de Marie. — On regarde généralement la B. Marguerite-Marie, non pas comme la première dévoie du Sacré-Cœur, mais comme l'apôtre et l’évangéliste de la dévotion, choisie spécialement par Notre-Seigneur pour la propager et en obtenir la reconnaissance pu­ blique par l’Église. Comment concilier ce fait avec ce que nous savons maintenant du P. Eudes, de ses écrits et de son apostolat? Il y a là un problème intéressant sur lequel le R. P. Le Doré appelait l’attention dès 1870, par son ouvrage sur Le P. Eudes, premier apûtre des SS. Cœurs de Jésus el de Marie, Paris, 1870. Né à Caen, en 1601, le P. Eudes eut dès l’enfance le plus tendre amour pour Notre-Seigneur et pour sa sainte mère; dans ses vingt ans de séjour à lOratoire, sa piété se nuança quelque peu d’après celle de Bertille et de Condren. Il lut aussi sainte Mechtilde et sainte Gertrude. Est-ce là qu’il puisa sa dévotion au Cœur de Marie et de Jésus? On ne sait rien de précis à ce sujet. A partir de 1640 environ, nous le voyons tout dévoué au saint Co?urde Jésus et de Marie; il lui consacre les deux congrégations qu’il fonde, 1641 et 1643; il le leur donne comme écusson, sous l’inlluence, semble-t-il, du texte de saint François de Sales que nous avons cité. Voir Le Doré, op. cit., p. 17. Il leur prescrit des exer­ cices spéciaux en l'honneur de ce très saint Cœur, no­ tamment la salutation célèbre: Ave Cor sanctissimum..., Ave Cor amantissimum Jesu et Marine. Op. cit., p. 18. Dès 1646, il leur fait célébrer solennellement la fête du Saint-Cœur de Marie — on verra tout à l’heure que pour le P. Eudes, le Cœur de Marie ne va pas sans le Cœur de Jésus — d’abord le 20 octobre, qu’il consacrera plus tard au Cœur de Jésus, puis le 8 février, qui restera réservé au Cœur de Marie; il composa pour cette fête un office, qui est approuvé dès 1648 par quelques évê­ ques. La fêle ne reste pas dans l’intérieur des commu­ nautés. En 1648, le P. Eudes la célèbre solennellement dans la cathédrale d’Autun. Le mouvement se propagea dans plusieurs diocèses, en Bourgogne notamment et en Normandie, sous l’inlluence du P. Eudes et de ses congrégations. Une sorte de tiers-ordre qu’il fonde vers 1650, les confréries du Saint-Cœur qu’il établit en maint endroit contribuent à répandre et à faire connaître la chère dévotion. Le livre se joint à la parole et à l’action. Dès 1648, le P. Eudes publie à Autun son ouvrage de L i dévotion du très saint Cœur et du très saint Nom la B. Vierge Marie; il le réédite à Caen, en 1650. En 1654, les eudistes, établissent dans leur collège de Lisieux une congrégation de la sainte Vierge, sous 318 l’invocation de son saint Cœur, avec petit office, Op.cit., p. 58. En 1655, ils inauguraient, dans leur séminaire de Coutances, la première église bâtie en l’honneur du Cœur de Jésus et Marie, ou, comme on disait plus souvent, du Cœur de Marie. Op. cit., p. 60. La dévotion se répandit aussi à Paris, dans quelques groupes choi­ sis, toujours sous l’inlluence et la parole ardente du P. Eudes. Malgré les obstacles de toute sorte et les ca­ lomnies, beaucoup d’évêques établirent la fête; le livre recevait des approbations, les églises se bâtissaient, les confréries se multipliaient, 1650-1668. Op. cit., c. IV, v. Tout cela se faisait en dehors de Rome; mais Rome tolérait ces inilialives épiscopales. En 1668, on obtint une approbation du cardinal de Vendôme, légat a latere. Il est vrai que Rome, en 1669, refusait la sienne. Op. cil., p. 117. Mais le culte n’en continuait pas moins de se répandre en France. Il reçut, à partir de 1670, un développement intérieur considérable. Jusque-là, le P. Eudes n’avait proposé qu’une fête, n’avait composé qu’un office. Le Cœur de Jésus y était honoré dans et avec le Cœur de Marie, et l’office mentionnait souvent le Cœur de Jésus. A partir de 1660 environ, ces mentions du Cœur de Jésus tiennent moins de place, et l’office est plus exclusive­ ment celui du Cœur de Marie. Le P. Eudes pensait dès lors à fêter à part et par un office spécial le Cœur de Jésus. En 1670, il publiait La dévotion au Cœur ado­ rable de Jésus, avec, à la lin, messe et office propres. La même année, les évêques de Rennes, de Coutances, d'Evreux, approuvent messe et office, et permettent de célébrer la fête. Celle-ci fut d’abord placée au 31 août; mais à partir de 1672, elle fut fixée au 20 octobre. Les considérants de quelques-uns des actes épiscopaux sont fort intéressants : c’est la première fois que l’Église en­ seignante parle du Sacré-Cœur. L’évêque de Coutances, Ms1, de Loménie de Brienne, écrit dans sa lettre du 29 juillet 1670 : « Le Cœur adorable de notre rédemp­ teur étant le premier objet de la dilection et complai­ sance du Père des miséricordes et étant réciproquement tout embrasé du saint amour vers ce Dieu de consola­ tion, comme aussi étant tout enflammé de charité vers nous, tout brûlant du zèle de notre salut, tout plein de miséricorde vers les pécheurs, tout rempli de compas­ sion vers les misérables, et le principe de toutes les gloires et félicités du ciel eide toutes les grâces et béné­ dictions de la terre, et une source inépuisable de toutes sortes de faveurs pour ceux qui l’honorent : tous les chrétiens doivent s’efi’orcer de lui rendre toutes les vé­ nérations et adorations possibles. » Le Doré, op. cit., p. 129. L’évêque d’Évreux, Mor de Maupas du Tour, ex­ prime des idées semblables, dans sa lettre du 8 octobre 1670 : « Le Cœur adorable de Notre-Seigneur étant une fournaise d'amour vers son Père et de charité vers nous, et une source d'une infinité de grâces et de faveurs au regard de tout le genre humain, tous les hommes, spécialement tous les chrétiens, ont des obli­ gations infinies de l’honorer, louer et glorifier en toutes les manières possibles. » Op. cit., p. 131. En 1671, l'archevêque de Rouen, les évêques de Bayeux et de Lisieux, l’ancien évêque de Rodez, Abelly, se joignaient aux trois autres pour approuver la fête et l’office. Enfin, le 29 juillet 1672,1e P. Eudes adressait aux six maisons de sa Société une circulaire imprimée pour leur en­ joindre de célébrer désormais comme fête patronale, le 20 octobre, la solennité du Sacré-Cœur de Jésus. Elle commence ainsi : « C’est une grâce inexplicable que notre très aimable Sauveur nous a faite, de nous avoir donné dans notre congrégation le Cœur admirable de sa très sainte Mère; mais sa bonté qui est sans borne-., ne s’arrêtant pas là, a passé bien plus outre en nous donnant son propre Cœur, pour être, avec le Cœur de sa glorieuse Mère, le principe et la fin, le cœur et la vie de celte congrégation... Quoique jusqu'ici nous 319 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) n’ayons pas célébré une fête propre et particulière du Cœur adorable de Jésus, nous n’avons pourtant jamais eu intention de séparer deux choses que Dieu a unies si étroitement ensemble, comme sont le Cœur très auguste du Fils de Dieu et celui de sa bénite Mère. Au contraire, notre dessein a toujours été, dès le com­ mencement de notre congrégation, de regarder et ho­ norer ces deux Cœurs comme un même Cœur en unité d’esprit, de sentiment, de volonté et d'affection. » Op. cil., p. 143. Le pieux fondateur explique ensuite» comment la di­ vine providence... a voulu faire marcher la fête du Cœur de la Mère avant la fête du Cœur de Jésus pour pré­ parer les voies dans les cœurs des fidèles à la vénération de ce Cœur adorable », et comment « cette ardente dé­ votion des vrais enfants du Cœur de la Mère d’amour... l’a obligée d’obtenir de son Fils bien-aimê cette faveur très signalée qu’il fait â son Église, delui donner la fête de son Cœur royal, qui sera une nouvelle source d’une infinité de bénédictions, pour ceux qui se disposeront à la célébrer saintement ». Op. cit., p. 144-145. Suit un beau développement sur l'excellence de la fête et sur l’excellence de son objet. » Quel cœur plus adorable, plus admirable et plus aimable que le Cœur de cet Homme-Dieu qui s'appelle Jésus? Quel honneur mérite ce Cœur divin qui a toujours rendu et rendra éternel­ lement à Dieu (tant) de gloire et d’amour !... Quel zèle devons-nous avoir pour honorer ce Cœur auguste, qui est la source de notre salut, qui est l’origine de toutes les félicités du ciel et de la terre, qui est une lournaise immense d’amour vers nous et qui ne songe nuit et jour qu'à nous faire une infinité de biens, et qui enfin s'est rompu... de douleur pour nous en la croix ! » Op. cit., p. 145. Conclusion : « Reconnaissons donc... la grâce infinie et la faveur incompréhensible dont notre bon Sauveur honore notre congrégation, de lui donner son très adorable Cœur avec le Cœur très aimable de sa sainte Mère. Ce sont deux trésors inestimables,qui com­ prennent une immensité de biens célestes et de richesses éternelles, dont il la rend dépositaire, pour ensuite la répandre par elle dans les cœurs des fidèles. » Op. cit., p. 147. Marguerite-Marie ne sera guère plus explicite, quand elle parlera de la mission confiée à la Visitation et à la Compagnie de Jésus. Sur ce don du Sacré-Cœur à ses congrégations, voir encore le testament du P. Ludes écrit en 1671, art. 10, 11. Op. cit., p. 130. La fête que le P. Eudes promulguait ainsi fut adoptée par quelques congrégations religieuses, notamment, dès 1674, par les bénédictines du saint-sacrement; l'office composé par lui se répandit également, et c’est celui dont se servaient les visitandines dans plusieurs de leurs monastères jusqu’à l'approbation de la fête et d’un office propre par Clément XIII (1765). La fête venait naturellement avec la confrérie. Or, le P. Eudes et les siens profitaient de toutes les occasions pour en établir. C’est ici que le pape intervient. Le P. Eudes obtint en 1674-1675 six brefs de Clément X en faveur de ces confréries. Op. cit., p. 165 C’était une ap­ probation, au moins indirecte, de la dévotion au SacréCœur,et lespostulateurs qui viendront plus tard le feront remarquer. Cependant le P. Eudes travaillait à son grand ouvrage où il devait mettre le meilleur de son âme, et résumer l’œuvre de toute sa vie. Moins d’un mois avant de mou­ rir, il écrivait : « Aujourd’hui, 25 juillet 1680, Dieu m’a fait la grâce d’achever mon livre du Cœur admirable de la très sainte Mère de Dieu. » L’auteur mourut le 19 août suivant, et l’ouvrage ne parut qu’en 1682. C'est le premier traité de la dévotion au Sacré-Cœur. Non pas que la dévotion au Sacré-Cœur en fasse l’objet princi­ pal. Comme l’indique le titre, il y est question surtout du Cœur de Marie. Mais, des douze livres qui le com­ posent, le douzième est tout consacré au Cœur de Jésus. 320 Il est divisé en vingt chapitres, et comprend environ 100 pages in-4° sur 700 environ. En joignant à ce livre les notions générales données au livre premier, on a, comme dit le P. Le Doré, « un excellent traité de la dé­ votion au Sacré-Cœur du Fils de Dieu. » Op. cil., p. 234. On voit que pour le P. Eudes, la dévotion au Cœur adorable de Jésus s’épanouit, pour ainsi dire, sur la dévotion au Cœur admirable de Marie; elle s’en est dé­ gagée peu à peu. Dès les débuts, elle y était, mais un peu, suivant la pensée du P. Le Doré, comme le pré­ cieux sang dans le calice; elle y était, mais dans l’unité morale, dans l’unité d'amour, dans la conformité de vie et d'affection, entre le Cœur du Fils et celui de la Mère. C’est ce Cœur moral, si je puis dire, que le P. Eudes a surtout en vue : le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie ne font pour lui qu’un seul cœur. Aussi, dit-il, le Cœur de Jésus et de Marie, et non les Cœurs. Il a été amené cependant à s’occuper distinctement des deux cœurs. Alors il a vraiment en vue le cœur de chair, non pas en lui-même et pour lui-même, mais comme symbole ; symbole et foyer d’amour pour Dieu autant que d’amour pour les hommes, symbole et foyer de toute la vie in­ time du Christ. La dévotion, telle que l’entend le P. Eudes, fond et confond dans l’ampleur de son objet plus de choses que n’en comprend celle de la B. Marguerite-Marie : son objet est moins précis, moins saisissable. C’est une des raisons qui devaient l’empêcher de devenir populaire : la phraséologie de l’auteur et tout un langage qui se ressent des précieuses y contribuent aussi. Mais le P. Eudes a préparé le terrain; il a créé une agitation, un mouvement d’opinion dans le sens de la dévotion, il en a été le premier théologien et le premier chantre liturgique; les confréries qu’il a établies ont aidé à en établir d’autres ; enfin il a obtenu et propagé la fête, il a été, comme dit le décret du 6 janvier 1904, qui introduit sa cause et le déclare Vénérable, auctor litur­ gies cullus SS. Cordium Jesu et Mariæ. Le culte, tel qu’il s’est propagé dans le monde, tel qu’il est approuvé par l’Église universelle, est celui qui fut révélé à Mar­ guerite-Marie; et, pour conclure avec le P. Le Doré, « la B. Marguerite-Marie est, par excellence, l’apôlre du Sa­ cré-Cœur de Jésus. C'est pour être celui du Cœur de Marie que le P. Eudes a été choisi avant tout ; mais il serait injuste de refuser à l’ardent missionnaire la gloire d'avoir servi de puissant auxiliaire et de digne précur­ seur à la Bienheureuse visitandine. » Op. cit., p. 186. Voir, outre le P. Le Doré dont le livre est si riche de renseignements précieux, Baruteil, loc. cil., p. 98-108 ; Letierce, Étude, t. i, p. 105-114; Nilles, passim, voir la table au mot Eudes; Nilles donne, 1. Ill, part. I, c. i, § 1, p. 11 ; § 2, p. 48, 148, les messes et les offices com­ posés par le P. Eudes. II. LA B. MABGDBB1TE-MARIB (1647-1690). — 1« État de la dévotion au moment où Noire-Seigneur se révéla à la B. Marguerite-Marie. Quelques contemporains. — La dévotion au Sacré-Cœur existait donc avant la B. Marguerite-Marie. Avant de se révéler à elle, Jésus avait découvert son cœur à des âmes de choix et leur en avait montré les richesses. La piété chrétienne, en méditant sur la plaie mystérieuse du côté, y avait vu le cœur blessé ; vu toutes les grâces en sortir avec l’eau et le sang; vu le refuge qu’il offrait à l'âme coupable ou harassée, et les trésors qu’il renfermait; vu la blessure d’amour dans la plaie matérielle; vu enfin le Cœur divin tout aimable et tout aimant, symbole expressif d’amour, résumé vivant des vertus et de la vie du Christ. L’objet du culte était donné. *Le culte lui-méme exis­ tait avec la plupart des pratiques. Les ascètes étaient venus apres les mystiques : ils avaient, sinon organis la dévotion, au moins indiqué les divers éléments qui devaient en faire le fond, marqué les divers exercices 321 CŒUR SACRE DE JÉSUS'(DÉVOTION AU) qui lui convenaient. Le P. Eudes enfin avait présenté le Sacré-Cœur aux foules, d’abord dans et à travers le Cœur de Marie, puis dans une fête spéciale du Cœur adorable, de sorte que, ici comme ailleurs, on allait naturellement de Marie à Jésus. Le culte existait donc, très net pour quelques âmes privilégiées qui en vivaient, mais un peu confus, tel qu’il se présentait aux foules dans les livres et dans la prédication du P. Eudes et de ses disciples, mélé aussi d’éléments caducs, qui ne pouvaient entrer dans le mouvement de la piété chrétienne. Ce mouvement même était peu étendu; il ne se dessinait pas d’une manière précise, et il est probable qu’il ne se fut guère répandu dans l’Église, après la disparition de celui qui l’avait produit, si Jésus n’était intervenu pour le rani­ mer, l’orienter, lui donner son caractère de dévotion viable, à la fois large et précise; précise dans son objet, sa lin, son esprit, quelques-unes de ses pratiques, des­ tinées à donner le ton; large dans ses manifestationset dans le choix deses moyens. Tout cela avec un mélange admirable d’idéal et d’ambitions les plus élevées, d’exer­ cices les plus simples, d’attraits les plus vifs pour les âmes les plus diverses. En même temps, le souffle du Saint-Esprit et l’action discrète de Jésus préparaient l’éclosion du culte. Les précurseurs s’élaienl multipliés. Au moment même où Jésus va se révéler à Paray, beaucoup d’âmes vivaient encore, auxquelles il se communiquait confidentielle­ ment, un peu comme un poète lit à quelques amis la pièce qu’il va donner au public. Dans les mêmes temps les auteurs en parlent davantage. On ne sait parfois s’il faut voir ici ou là une aurore, ou un rayonnement dis­ cret du soleil déjà levé; une inlluence du P. Eudes ou un écho de Paray. En Bretagne, le P. Huby, mort à Vannes en 1693, fut un apôtre infatigable du SacréCœur. Il faisait frapper des médailles du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie; il a des prières embrasées au Sacré-Cœur; il propageait une sorte de chapelet du Sacré-Cœur, admirablement mélé, comme le chemin de croix, de méditation à la portée des plus humbles et de prière vocale. Eut-il connaissance des apparitions de Paray? Que dut-il au P. Eudes? Que dut-il à ses pré­ décesseurs? On ne saurait le dire. La dévotion sem­ blait éclore comme spontanément dans les âmes. Voir Lelierce, t. t, p. 71-74. Vers le même temps, le P. Philippe Jeningen, en Souabe, recevait d’insignes laveurs du Sacré-Cœur et s’en faisait non seulement le disciple dévot, mais l’ardent apôtre. Sut-il quelque chose de Paray ou du mouve­ ment suscité en Normandie par le P. Eudes, en Bre­ tagne par le P. Huby? On ne saurait le dire. Il mourut en 1704. Voir Lelierce, Le Sacré-Cœur, p. 211-217. Nous sommes mieux renseignés sur le saint archi­ diacre d’Évreux, M. Boudon (1624-1702). Disciple du P. Eudes, il arrive, comme lui, par le Cœur de Marie au Cœur de Jésus. Nous avons de lui une consécration aux deux saints Cœurs,qui est de toute beauté. Elle est datée du jour de l’Immaculée-Conception, 1651. Mais il eut connaissance aussi des révélations de Paray, et il devint l’apôtre de la nouvelle dévotion. Il a sur ce sujet quelques-unes des pages les plus belles et les plus en­ flammées qui en aient été écrites. Cf. Lelierce, loc.cil., p. 114-119. Précurseur aussi en même temps que contemporaine de la B. Marguerite-Marie et toute dévouée au SacréCœur, sœur Jeanne Bénigne Goyos (1625-1692), de la Visitation de Turin ; elle semble avoir prédit sa glo­ rieuse sœur et les choses merveilleuses que Dieu de­ vait faire par elle. On ne saurait dire avec certitude si elle sut, avant de mourir, que sa prédiction était accom­ plie. Cf. Letierce, Le Sacré-Cœur, p. 112-113. 2·· Eormalion de la IL Marguerite-Marie. Quelles influences elle put subir dans le sens de la dévotion D1CT. DE TIILOL. CATIIOL. 322 au Sacré-Cœur. Elle ne dépend de personne. — Pen­ dant que Notre-Seigneur préparait ainsi les voies à la B. Marguerite-Marie, il se la préparait lui-même dans le secret, la prévenait dès sa plus tendre enfance et l’enveloppait de son amour, attentif aux premiers bat­ tements de son cœur pour qu’ils fussent à lui tout seul. Le 20 juin 1671, elle entrait à la Visitation de Paray, el Jésus commença bientôt de lui révéler les secrets de son Cœur. Marguerite-Marie eut-elle connaissance du Sacré-Cœur avant les révélations de Paray? Fut-elle sous l’inlhience de quelques-uns de ceux que l’on nomme maintenant ses précurseurs? Connut-elle les révélations faites à sainte Gertrude, lut-elle quelques-unes des pages où il était question du Sacré-Cœur? Rien ne l’indique; tout indique le contraire. Avant d’entrer au couvent, elle dut entendre parler du Cœur admirable de Marie, que le P. Eudes avait obtenu, des 1618, de faire honorer dans le diocèse d’Autun. C’est « un jour de la fête du Cœur de la très sainte A’iergo », la remarque est d’elle-même, qu’elle vit son propre cœur, tout petit « et presque im­ perceptible » entre les Cœurs de Jésus et de Marie, et pendant qu’elle entendait ces paroles: C'est ainsi que mon pur amour unit ces (rois cœurs pour toujours, « les trois cœurs n’en firent qu’un. » Vie et œuvres, t. I, p. 91; 2· édit., p. '121. Il se pourrait qu’il y ait là une inlluence des idées du P. Eudes. C’est la seule trace que nous en ayons. Dans les pratiques de dévotion envers le Sacré-Cœur, écrites de sa main, il en est qui sont empruntées à des livres de piété qu’elle lisait au couvent, au P. SaintJuré, au P. Nouet, au P. Guilloré. Voir abbé Marcel, Correspondance des associés de la communion répara­ trice, t. m, p. 20. Cf. Letierce, Élude, t. i, p. 64, note. Mais cela est postérieur aux révélations. Rien n’in­ dique même qu’elle ait connu d’abord les passages de saint François de Sales sur le Sacré-Cœur, ou du moins qu’elle en ait été frappée. Vers la lin de sa vie, elle eut connaissance de la vie et des prédictions de la Mère Anne-Marguerite Clément et elle en parle dans une lettre au P. Croiset. Lettres inédites, lettre ut, p. '125. Mais elle en parle comme d’une découverte qu’elle vient de faire, sans doute en lisant ou entendant lire la vie de la Vénérable Mère qui venait d’être publiée en 1686. On ne risque donc pas de se tromper en affirmant que la Bienheureuse ne dut pas à des influences exté­ rieures sa dévotion du Cœur de Jésus. Elle ne parait pas y avoir songé avant son entrée en religion ; c’est de Notre-Seigneur qu’elle l’apprit. Il y a en MaYguerite-Marie la dévote du Sacré-Cœur et l’apôtre du Sacré-Cœur. De sa dévotion nous n’avons â nous occuper que dans la mesure nécessaire pour éclairer sa mission et son apostolat. C’est pourquoi nous ne dirons rien de ses premières relations avec le SacréCœur, pour arriver d’emblée aux grandes révélations qui lui étaient faites en vue du culte public que NotreSeigneur voulait établir par son entremise. 3° Première des grandes apparitions, 2Ί décembre (très probablement en 1673). Les secrets du Sacré-Cœur dévoilés; la disciple et l'évangéliste du Sacré-Cœur. — Marguerite-Marie, dans sa lettre au P. Croiset, datée du 3 novembre 1689, signale comme « première grâce spéciale... reçue pour cela », celle du jour de Saint-Jean l’évangéliste. Elle ne dit pas la date, mais ce dut être en 1673. Comme sainle Gertrude â pareil jour, elle fut ad­ mise « â reposer plusieurs heures sur celle sacrée poi­ trine » et reçut « de cet aimable Cœur des grâces, dont le souvenir, dit-elle, me met hors de moi-même ». Elle ajoute qu’elle ne croit pas « nécessaire de les spécifier ·. Lettres inédites, lettre tv, p. 141. Elle en parle aussi dans une lettre à la Mère de Saumaise, écrite en jan­ vier 1689: « Ce divin Époux, dit-elle, me fit la grâce incompréhensible de me faire reposer sur son sein ni. - n 323 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) avec son bien-aimé disciple et de me donner son cœur, sa croix et son amour. » Lettre xcm, dans l ie et œuvres, t. n, p. 187; 2« édit., p. 222. Mais nous avons mieux que ces allusions et ces impressions personnelles, ou rien n'indiquerait une mission spéciale. Le Mémoire, écrit par ordre du P. Holin, donne quelques détails pré­ cis. C’était devant le saint-sacreinent. Notre-Seigneur la « fit reposer longtemps sur sa divine poitrine » et lui « découvrit les merveilles de son amour et les se­ crets inexplicables de son Sacré-Cœur, qu'il m'avait, dit-elle, tenus cachés jusqu’alors ». il lui « ouvrit son Cœur », et lui dit: « Mon divin Cœur est si passionné d'arnour pour les hommes et pour toi en particulier que ne pouvant plus contenir en lui-méme les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton mojen, et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors... Je t’ai choisie, ajouta-t-il, comme un abîme d’indignité et d'ignorance pour l'accomplisse­ ment de ce grand dessein, alin que tout soit fait par moi. » Suit une de ces scènes symboliques fréquentes dans la vie des saints. Jésus prit le cœur de sa servante et « le mit dans le sien adorable ». Il l’en retira « comme une flamme ardente en forme de cœur » et le remit en place, ajoutant : « Jusqu’à présent tu n’as pris que le nom de mon esclave ; je te donne celui de la disciple bien-aimée de mon Sacré-Cœur. » Mémoire, dans Vie et œuvres, t. n, p. 325; 2’ édit., p. 379. 4» Seconde grande apparition, 1613 ou /674. L’image symbolique; dernier effort de l’amour : rédemption amoureuse par le Sacré-Cœur ; missionde MargueriteMarie, — Après avoir dit au P. Croiset, dans la lettre citée, quelle ne croit pas nécessaire de rien spécifier, Marguerite-Marie ajoute aussitôt : « Après cela, ce divin Cœur, » etc. Suit une description détaillée et le récit d’une vision. On s’est demandé s'il y avait là une scène distincte de la précédente, ou seulement des détails nouveaux sur la même scène. Les vraisemblances sont pour une scène distincte, puisque ici la Bienheureuse spécifie, et que les circonstances sont tout autres. Mais peu importe le temps, pourvu qu’on remarque la pro­ gression de la manifestation du Sacré-Cœur. Nous avons maintenant une vision symbolique du Cœur luimême, en dehors du corps, qui n’apparait pas. Il est « comme dans un trône de flammes, plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec sa plaie adorable. Il était environné d'une couronne d’épines » et surmonté d’une croix. Après avoir expli­ qué le symbolisme des épines et de la croix, la Bien­ heureuse ajoute : « 11 me lit voir que l’ardent désir qu'il avait d’être aimé des hommes et de les retirer de la voie de perdition ou Satan les précipite en foule, lui avait fait former ce dessein de manifester son Cœur aux hommes avec tous les trésors d'amour, de miséricorde, de grâce, de sanctification et de salut qu’il contenait. » Pour avoir part « à ces divins trésors du cœur de Dieu » que faut-il? « L’honorer sous la ligure de ce cœur de chair. » Suivent des promesses de grâces et de bénédic­ tions pour ceux qui rendraient honneur à l’image même de ce Sacré-Cœur. << Cette dévotion, reprend la Bien­ heureuse en rapportant les paroles de Notre-Seigneur, était comme un dernier ellorl de son amour qui voulait favoriser les hommes en ces derniers siècles » d'une sorte de « rédemption amoureuse, pour les retirer de l’empire de Satan et pour nous mettre sous la douce liberté de l’empire de son amour ». « Voilà, conclut Notre-Seigneur, les desseins pour lesquels je t’ai choi­ sie. » Lettres inédites, lettre iv, p. 141-142. Voilà donc le Sacré-Cœur découvert; voilà le désir d’un culte spé­ cial nettement manifesté, avec promesses pour une des formes de ce culte (l'honneur rendu à l’image); voilà le but de Jésus indiqué, avec la mission de MargueriteMarie annoncée et spéciliée. Tout cela va se préciser de plus en plus. 321 5“ Troisième des grandes apparitions, probablement en 1614. Le Sacré-Cœur rayonnant d'amour ; culte d'amour réparateur : communion fréquente, commu­ nion des premiers vendredis, heure sainte. — Jusqu'à présent, les grandes apparitions nous ont montré le Sacré-Cœur plein d’amour, plein de grâces, qu’il ne veut que répandre, appelant un culle d'amour et d’honneurs. Nous allons voir cet amour comme mé­ connu, appelant un culte d’amour réparateur. C'est encore par le Mémoire que nous connaissons celle nouvelle apparition. Nulle date. Mais le contexte semble indiquer un premier vendredi du mois, et il est dit expressément que le saint-sacrement était exposé. Quelques auteurs la mettent tin jour dans l’octave du Saint-Sacrement, d’autres un 2 juillet, fête de la Visi­ tation, 1674. Je ne sais s'ils sont arrivés là en tenant compte des deux données indiquées en même temps que des usages de la Visitation. De noire point de vue, la date précise importe peu. Un jour donc que le saint-sacrement était exposé, Notre-Seigneur se présenta à elle « tout éclatant de gloire, avec ses cinq plaies brillantes comme cinq so­ leils... De celte sacrée humanité sortaient des llammcs de toutes parts, mais surtout de son adorable poitrine, qui ressemblait à une fournaise ». La poitrine s'ouvrit, laissant à découvert le « tout aimant et tout aimable Cœur, qui était la vive source de ces flammes ». NotreSeigneur lui lit voir « les merveilles inexplicables de son pur amour, et jusqu’à quel excès il l’avait porté d’aimer les hommes ». Mais il n'en recevait en retour « que des ingratitudes et des méconnaissances. » Et cela, lui dit le divin Maître, lui était beaucoup plus sensible que tout ce qu’il avait souffert en sa passion : « d'autant, ajouta-t-il, que s’ils me rendaient quelque retour d'amour, j'estimerais peu tout ce que j'ai fait pour eux, et voudrais, s'il se pouvait, en faire davan­ tage; mais ils n'ont que des froideurs et des rebuts de tous mes empressements à leur faire du bien. » Cet amour méconnu demande réparation. Il la demande d’abord à sa servante bien-aimée. Toi, du moins, « donne-moi ce plaisir de suppléer à leur ingratitude autant que tu en pourras être capable. » En même temps, pour suppléer à tout ce qui lui manque, il ouvre son Cœur, et « il en sortit une flamme si ardente » qu’elle pensa en être consumée. Viennent alors des pratiques précises à faire en cet esprit d’amour répara­ teur. « Premièrement, tu me recevras dans le saintsacrement autant que l’obéissance te le voudra per­ mettre... Tu communieras de plus tous les première vendredis de chaque mois. » Enfin Notre-Seigneur veut qu’elle ait part à la mortelle tristesse qu’il sentit au jardin des Oliviers. « Pour m’accompagner dans cette humble prière que je présentai alors à mon Père parmi toules mes angoisses, tu le lèveras entre onze heures et minuit, pour te proslerner pendant une heure avec moi la face contre terre, tant pour apaiser la divine colère en demandant miséricorde pour les pécheurs, que pour adoucir en quelque façon l’amer­ tume que je sentais de l’abandon de mes apôtres... Et pendant cette heure tu feras ce que je t’enseignerai. » Mémoire, Vie et œuvres, t. Il, p. 327-328 ; 2’ édit., p. 381-382. Ici, on le voit, la dévotion se dessine comme un amour de réparation envers l'amour méconnu, comme un amour de compassion all'ectueuse à l'amour soutirant, et aussi, en quelque sorte, comme un amour d'union à Jésus victime pour l’amour des hommes, de­ mandant pour eux pitié et pardon, Notre-Seigneur ne tait ici la demande qu’à Margiierite-Marie. Mais ces pratiques, de la communion fréquente en esprit d’amour et de réparation, de la communion des premiers ven­ dredis ou communion réparatrice, de la veillée au jardin ou heure sainte, se sont généralisées dès les débuts, comme répondant à l’esprit de la dévotion. 325 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) Nous les retrouverons sur notre route. Notre-Seigneur va d'ailleurs généraliser lui-méme et préciser encore. 6° La grande apparition, dans l’octave du Saint-Sa­ crement (1615). Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes; une fêle de réparation. Le P. de la Colombière. — Nous arrivons à celle qu'on peut appeler la grande apparition parmi les grandes apparitions. Le P. de la Colombiére, qui y était intéressé, en eut connais­ sance dans les premiers jours qui suivirent l'événement, et en fit écrire le récit par la Bienheureuse. C’est ce récit qui, transcrit par lui dans sa retraite de Londres, février 1677, fut publié avec le journal de ses retraites spiri­ tuelles, et livra au public le secret des apparitions, sans désigner d'ailleurs aux non-initiés ni le monastère, ni la voyante. C’est ce même récit qu’on retrouve, avec quelques légères variantes, dans le Mémoire autographe, transcrit, sans doute, par la Bienheureuse sur l'imprimé du P. de la Colombiére. Elle eut lieu dans l'octave du Saint-Sacrement. L’année n’est pas indiquée. Mais comme le P. de la Colombiére était à Paray, ce ne peut être qu’en 1675 ou 1676. Tout indique 1675, date donnée par les contemporaines. Vie et œuvres, t. i, p. 94; 2” édit., p. 125. Comme d’ailleurs on peut croire, d'après les usages de la Visitation, qu'elle eut lieu le dimanche, on peut la dater, comme on fait souvent, du 16 juin 1675, Elle était devant le saint-sacrement, et Dieu la com­ blait « des grâces excessives de son amour ». Comme elle désirait « lui rendre amour pour amour », pour le payer de a quelque retour ». il lui dit : « Tu ne peux m'en rendre un plus grand qu'en faisant ce que je t'ai déjà tant de fois demandé. » A quoi au juste font allu­ sion ces paroles, rien ne l'indique nettement. On devine qu’il s’agit de répondre aux intenlions du Maître, en établissant le culte du Sacré-Cœur; peut-être est-il question, plus au précis, de s'ouvrir à sa supérieure ou à son directeur des volontés du Sauveur à ce sujet. Notre-Seigneur va, du reste, manifester nettement ce qu’il désire. Lui découvrant son Cœur, il lui dit : » Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu'il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes parleurs irré­ vérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m'est encore le plus sensible, est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. » Jusqu’à présent,rien de bien nouveau dans cette apparition. Ce qui suit l’est tout à fait. Notre-Seigneur ajoute : « C’est pour cela que je te demande que le pre­ mier vendredi d’après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fêle particulière, pour honorer mon Cœur en communiant ce jour-là, et en lui faisant réparation d'honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels. » Notre-Seigneur demande donc un culte public, qui ait sa fête, et qui ait ses pratiques déterminées. « Je te promets, ajoute-t-il, que mon Cœur se dilatera pour répandre avec abondance les influences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneuret qui procurerontqu’il lui soit rendu. » Mémoires, dans Vie et œuvres, t. n, p. 355 ; 2« édit., p. 413. Mais le moyen d'établir celte fête? C'est la troisième phase de l’apparition. Dans son Mémoire, la Bienheureuse rbrège un peu. Dans le récit écrit pour le P. de la Coombière, la scène est très vivante:» Mais, mon Seigneur, a qui vous adressez-vous? » Et elle insiste sur son indi­ gnité de « chétive créature et pauvre pécheresse ». a Hé·! pauvre innocente que tu es, lui dit Noire-Sei­ gneur, ne sais-tu pas que je me sers des sujets les plus faibles pour confondre les forts? — Donnez-moi donc, lui dit-elle, le moyen de faire ce que vous me comman­ dez. — Adresse-toi à mon serviteur (Jésus nomma le 32G 1*. de la Colombiére, qui était alors supérieur de la petite résidence des jésuites à Paray) et lui dis de ma part de faire son possible pour établir celle dévotion et donner ce plaisir à mon divin Cœur. » Notre-Seigneur ajouta que les difficultés ne manqueraient pas; 8, on ne voit guère de développement interne. La Bienheu­ reuse fait valoir son trésor, dans sa propre vie d’abord, et ensuite pour les autres; le trésor ne parait pas s'ac­ croître notablement. Deux choses seulement sont à noter, les pratiques et les promesses, et cela surtout à partir de 1685 et 1686. Avec ses novices, la Bienheureuse a mainte industrie, maint exercice de sa chère dévotion: elle en emprunte de ci de là ou elle en adapte, elle en invente aussi et parfois de fort belles. Voir dans le t. n de l ie et œuvres. ses avis et instructions, ses défis et écrits divers, le livret autbographe de ses prières et exercices en l’honneur du Sacré-Cœur. A tous elle re­ commande la communion des premiers vendredis, la consécration et l'amende honorable, l’image, les petits billets, les offices, etc. Mais elle veut avant tout allumer dans les âmes l’amour du Sacré-Cœur, et les amener à ne vivre que dé lui et pour lui. Que de belles pages il y aurait à recueillir dans ses lettres enflammées ! C'est aussi à partir de 1685 que les promesses faites au nom du Sacré-Cœur pour les dévots deviennent plus précises sinon plus magnifiques. H y en a pour tous : pour les zélateurs de la dévotion et pour ses adeptes, pour ceux qui feront l'image, pour ceux qui la portent sur eux, pour les maisons où elle sera exposée et honorée, etc. Mère Melin, qui a entrepris de bâtir la chapelle du Sacré-Cœur dans l’enclos de Paray, aura pour récompense de mourir dans l'exercice actuel de l’amour; la communauté de Sernnr, qui la première a rendu hommage public au Sacré-Cœur, est devenue par là la bien-aimée de ce Cœur, etc. Ces promesses regardent généralement le bien spirituel, et la Bien­ heureuse fait remarquer expressément que Jésus ne lui a pas promis que ses bien-aimés n'auraient pas à souf­ frir. Souvent elles sont faites de la part de NotreSeigneur; mais même quand la chose n’est pas dite expressément, on voit qu’elle est toujours sous-entendue. Voici, à titre de spécimen, ce qu’elle a écrit à la Mère de Saumaise, le 24 août 1685 : « Il lui a... fait connaître derechef le grand plaisir qu’il prend d'etre honoré de ses créatures, et il lui sembla qu’alors il lui promit que tous ceux qui seraient dévoués à ce Sacré-Cœur ne périraient jamais; et que, comme il est la source de toutes bénédictions, il les répandrait avec abondance dans tous les lieux où serait posée l'image de cet aimable Cœur pour y être aimé et honoré; et par ce moyen il réunirait les familles divisées; qu'il protége­ rait celles qui seraient en quelque nécessité; qu'il ré­ pandrait la suave onction de son ardente charité dans toutes les communautés où serait honorée cetle divine image;qu’il en détournerait les coups de la juste colère de Dieu en les remettant en sa grâce lorsqu'elles en seraient déchues. » Lettre xxxil, Vie et œuvres, t. Il, p. 64; 2· édit., lettre xxxnt, p. 101. Choses analogues dans une lettre à la Mère Greyfié. Lettre xxxm. p. 68; 2e édit., lettre xxxiv, p. 105. Elle est plus explicite encore dans ses lettres au P. Croiset. Voir celle du 10 août 1689, Lettres inédites, lettre II, p. 87-91 ; celle du 15 septembre, loc. cil., lettre III, p. 128-130. Mais nulle part l’ensemble de ces promesses n'est si bien présenté que dans une lettre citée par le P. Croiset : « Que ne puis-je raconter tout ce que je sais de cette aimable dévotion, et découvrir à toute la terre les tré­ sors de grâces que Jésus-Christ renferme dans ce Cœur adorable, et qu'il a dessein de répandre avec pro­ fusion sur ceux qui la pratiqueront... Les trésors de bénédictions et de grâces que ce Sacré-Cœur renferme sont infinis. Je ne sache pas qu'il y ait nul exercice de 331 . CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) 332 armes royales et sur les étendards. De ce nouveau dévotion dans la vie spirituelle qui soit plus propre désir du Sacré-Cœur, la Bienheureuse osa â peine par­ pour élever en peu de temps une âme â la plus haute perfection, et pour lui faire goûter les véritables dou­ ler. même à sa confidente intime, la Mère de Saumaise, tant cela dépasse les possibilités humaines. Elle s’exé­ ceurs qu’on trouve au service de Jésus-Christ. » 11 faut cute pourtant, suivant le mouvement qui lui en est le recommander aux personnes religieuses. « Elles en donné. C’est le 17 juin 1689, vendredi après l’octave du retireront tant de secours qu’il ne faudrait pas d'autre Saint-Sacrement (aujourd’hui fête du Sacré-Cœur). En­ moyen pour rétablir la première ferveur et la plus exacte régularité. » Il faut la recommander aux personnes core sous l’influence des lumières reçues, elle écrit : « 11 régnera, cet aimable Cœur, malgré Satan et ses séculières : elles y trouveront « tous les secours né­ suppôts. » Et après avoir dit les grâces réservées â la cessaires â leur élat ». Suit le détail. Pour conclure : « C’est proprement dans ce Sacré-Cœur qu’elles trou­ Visitation et les desseins miséricordieux du SacréCœur pour le salut des âmes, elle ajoute qu'il « a encore veront leur refuge pendant toute leur vie, et principa­ lement à l’heure de la mort. Ah! qu’il est doux de mou­ de plus grands desseins »; il veut « entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois, rir après avoir eu une tendre et constante dévotion au Cœur de celui qui doit nous juger! « Il faut la recom­ pour y être honoré autant qu’il y a été outrage... en sa mander à ceux qui travaillent au salut des âmes : « Ils ' passion ». Elle a entendu sur ce sujet des paroles pré­ travailleront avec succès et auront l’art de toucher les cises, destinées au roi : « Fais savoir au fils aîné de cœurs les plus endurcis, » s’ils l’ont pour eux-mèmes, mon Sacré-Cœur... que, comme sa naissance tempo­ relle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma el s'ils s’efforcent de l’inspirer aux autres. Enfin. « il n'est personne au monde qui ne ressentit toute sorte de sainte enfance, de même il obtiendra sa naissance de secours s’il avait pour Jésus un amour véritablement grâce et de gloire éternelle par la consécration qu’il reconnaissant tel qu’on le lui témoigne par la dévotion fera de lui-même à mon Cœur adorable, qui veut triom­ â son Sacré-Cœur. » Croiset, Abrégé. Cf. Lettre c.xxxit, pher du sien, et par son entremise de celui des grands de la terre. » Ici le message se précise : « 11 veut régner dans Vie el œuvres, t. il, p. 285; 2e édit., leltre cxxxtv, p. 334·. Voir aussi les contemporaines, t. i, p. 289; dans son palais, être peint dans ses étendards, et gravé 2« édit., p. 317. dans ses armes. » Lettre xcvm. Vie et œuvres, t. n, Il circule un petit recueil de promesses du Sacrép. 200; 2e édit., lettre xcvn, p. 234. Elle finit en deman­ Cœur. Ce recueil n'esl pas tel quel chez la Bienheureuse. dant le secret. Mais c’est partout sa pensée, quoique ce ne -soit pas Mais le secret ne saurait être que relatif, puisqu'il y toute sa pensée. 11 y manque notamment, au moins a un message à transmettre. Elle y revient donc, en dans bien des cas, ce que l’on a nommé « la grande août 1689, en précisant quelques points. Dieu veut « un promesse ». Elle a sa place nécessaire dans une vue édifice où serait le tableau de ce divin Cœur, pour y historique de la dévotion. recevoir la consécration et les hommages du roi et de Un la trouve dans une lettre à la Mère de Saumaise, toute la cour »; le Sacré-Cœur a choisi le roi « comme que les éditrices mettent en mai 1688 : « Un jour de son fidèle ami pour faire autoriser la messe en son hon­ vendredi, pendant la sainte communion, il dit ces neur par le saint-siège apostolique, et en obtenir tous les autres privilèges, qui doivent accompagner la dévo­ paroles à son indigne esclave, si elle ne se trompe : « Je « te promets, dans l’excessive miséricorde de mon tion de ce divin Cœur ». En retour de ce service, il fait « Cœur, que son amour tout-puissanl accordera à tous au monarque de magnifiques promesses de bien tem­ « ceux qui communieront les neuf premiers vendredis porel et spirituel, pour ici-bas et pour le ciel. Lettre ctv, « du mois, tout de suite la grâce finale de la pénitence : Vie el œuvres, t. n. p. 212; 2'édit., p. 260. « ils ne mourront point en sa disgrâce ni sans recevoir Mais comment faire arriver le message au roi? Dieu « leurs sacrements, mon divin Cœur se rendant leur compte pour cela sur le P. de la Chaise, qui n’aura « asile assuré en ce dernier moment. » Lettre l.xxxn, « jamais fait d’action plus utile à la gloire de Dieu ni dans Vie el œuvres, t. n. p. 159; 2' édit., lettre LXXXltt, plus salutaire à son âme, et dont il soit mieux récom­ p. 176. Cf. contemporaines, loc. cil., t. i, p. 391 ; 2' édit., pensé et toute sa sainte congrégation ». L’entreprise est p. 318. difficile. « Mais Dieu est au-dessus de tout. » La Mère de La promesse est absolue, supposant seulement les Saumaise avait émis l’idée d'en écrire à la supérieure communions faites, et bien faites évidemment. Ce qui de Chaillot. Celle-ci pouvait facilement amorcer la chose. L’idée est approuvée. est promis, ce n’est pas la persévérance dans le bien pendant toute la vie; ce n’est pas non plus la réception Un peu plus lard, 15 septembre 1689, elle en écrit des derniers sacrements en toute hypothèse; c’est la encore au P. Croiset; mais comme elle ne s’est pas persévérance finale, emportant la pénitence et les der­ encore ouverte à lui de ses visions, elle se contente de niers sacrements dans la mesure nécessaire. La pro­ lancer l’idée, et tout en disant qu'il faut « laisser agir messe regarde les pécheurs plus directement que les la puissance de cet adorable Cœur », elle essaie de mettre son correspondant en quête de moyens pratiques. âmes pieuses; et elle ne fait que préciser, en ratta­ chant à une pratique déterminée, ce que la Bienheu­ Lettres inédites, t. tu, p. 122, 123, 131. reuse a dit maintes fois, que les dévots du Sacré-Cœur La démarche, on le sait, ou ne fut pas faite, ou n'eut ne sauraient périr. Ceux-là ne comprennent rien à la pas de suite auprès de Louis XIV. Mais l’idée n'est pas dévotion de l’amour, que ces grandes promesses scan­ morte. Et les dévots du Sacré-Cœur gardent l’espoir dalisent, ou qui n’y voient qu'un encouragement à mal qu’un jour se réaliseront les desseins du Cœur de Jésus. La basilique de Montmartre, l'étendard de Palay, la faire. Cet arrêt sur les promesses et sur les pratiques était consécration de 1873 â Paray-le-Monial, sont pour eux, nécessaire pour comprendre comment la dévotion gran­ en même temps qu’un commencement de réalisation, une promesse d'avenir. La demande du Sacré-Cœur à dit et devait grandir encore. Il faut la suivre maintenant dans un développement nouveau, grandiose et magni­ Louis XIV n’est pas pour eux un simple fait historique: ils la regardent comme toujours actuelle, comme tou­ fique. 9« Le message pour le roi. Le règne social du Sacré- jours à réaliser. Il faut se rappeler cela pour com­ Cœur ; dévotion nationale. — En 1689. de nouveaux prendre l’histoire de la dévotion dans le passé; se le rappeler aussi pour s’expliquer son caractère social horizons s’ouvrent. Jésus veut que la nouvelle dévotion dans le présent et ses perspectives d'avenir. soit proposée au roi; que Louis XIV se consacre au 10· Vision du 2 juillet 1688. Mission confiée aux reli­ Sacré-Cœur; qu'il l’honore publiquement, qu’il lui bâtisse gieuses de la Visitation et à la Compagnie de Jesus. — une chapelle, et qu'il fasse mettre son image dans les 333 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) Pour réaliser les desseins du Sacré-Cœur, il fallait des instruments. Notre-Seigneur avait choisi pour commen­ cer une visitandine et un jésuite; il voulut que les visitandines et les jésuites fussent, comme d'oflice, les apôtres de la nouvelle dévotion. Sans exclure aucune bonne volonté, en faisant appel â tous, il donna com­ mission spéciale â quelques-uns d'y travailler spéciale­ ment; il leur en lit un devoir de vocation, leur promet­ tant, s'ils étaient lidèles à leur mission, une plus large part des trésors renfermés dans le Sacré-Cœur. Le choix divin était comme annoncé d'avance, et l'on en a recueilli après coup mille indices dans le passé. Mais rien n’est clair comme les paroles de la Bienheureuse. Sans nous arrêter aux préliminaires, arrivons au prin­ cipal. C'est le jour de la Visitation, 2 juillet 1688. Mar­ guerite-Marie a le bonheur de passer toute la journée devant le saint-sacrement, et son souverain, comme elle dit, « daigna bien gratifier sa chétive esclave de plusieurs grâces particulières de son Cœur amoureux. » Il lui fut représenté « un lieu fort éminent, spacieux et admi­ rable en sa beauté, au centre duquel il y avait un trône de flammes ». Elle y vit « l'aimable Cœur de Jésus avec sa plaie ». Cette plaie « jetait des rayons si ardents el lumineux que tout le lieu en était éclairé et échauffé ». Cette fois-ci, le Sacré-Cœur n'est pas là tout seul. La très sainte Vierge était d'un côté, de l'autre saint Fran­ çois de Sales « avec le saint Père de la Colombière ». Puis les filles de la Visitation, « leurs bons anges à leur côté, qui tenaient chacun un cœur en main, » évidem­ ment le cœur de leur protégée. « La sainte Vierge, dit la voyante, nous invitait par ces paroles maternelles : » Venez, mes lilies bien aimées, approchez-vous, car je • veux vous fendre dépositaires de ce précieux trésor. » Suivent quelques développements, d'où il ressort nette­ ment que le Cœur de Jésus c'est tout Jésus, et que le don du Cœur c’est le don de Jésus avec fout son amour, tous ses mérites et toutes ses richesses. « Cette reine de bonté, continuant de parler aux filles de la Visita­ tion, leur dit en leur montrant ce divin Cœur : « Voilà ce » divin trésor qui vous est particuliérement manifesté. » Jésus aime leur institut « comme son cher Benjamin », et « le veut avantager de cette possession par-dessus les autres ». Mais elles ne l’ont pas pour elles seules; il faut « qu’elles distribuent cette précieuse monnaie ». Qu'elles tâchent « d’en enrichir le monde, sans craindre qu’il défaille; car plus elles y prendront, plus il y aura à prendre ». Voilà le lot des visitandines, voilà leur mission nettement indiquée par leur aimable mère et médiatrice. Cette mère de bonté se tourne ensuite « vers le Père de la Colombière » et lui dit : « Et vous, fidèle serviteur de mon divin Fils, vous avez grande part à ce précieux trésor; car s’il est donné aux filles «le la Visitation de le faire connaître, aimer et distribuer aux autres, il est réservé aux Pères de la Compagnie d’en faire voir et connaître l’utilité et la valeur, afin qu’on profile en le recevant avec le respect et la reconnaissance dus à un si grand bienfait. » Bref, comme les visitandines doivent continuer Mar­ guerite-Marie, les jésuites doivent continuer le P. de la Colombière. Ils seront récompensés comme lui. Car « à mesure qu'ils lui feront ce plaisir, ce divin Cœur, source de bénédictions et de grâces, les répandra abon­ damment sur les fonctions de leur ministère, qu'ils produiront des fruits au delà de leurs travaux et de 1,-urs espérances, et même pour le salut et la perfec­ tion de chacun d’eux en particulier ». La scène se termine par un discours exquis de saint François de Sales. Il les invite à venir « puiser dans la source de bénédiction les eaux du salut », et il leur explique comment la nouvelle dévotion est loin d'etre contraire à leurs constitutions. Idées analogues, mais d'après des lumières nouvelles, 33 i dans une autre lettre à la Mère de Saumaise, le 47 juin 1689. C'était le vendredi après l'octave du Saint-Sacre­ ment. Marguerite-Marie a vu la dévotion du divin Cœur « comme un bel arbre destiné de toute éternité » à la Visitation, afin que chaque maison « en put cueillir les fruits à son gré et selon son goût ». Ce sont « des fruits de vie et de salut éternel ». Mais ces fruits ne sont pas pour les visitandines seules : elles doivent les dis­ tribuer « à tous ceux qui désireront en manger sans crainte qu'il leur manque ». Lettre xcvin, t. n, p. 498; 2» édit., lettre xcvtt, p. 232. Suit le message pour le roi, dont il a déjà été ques­ tion. Marguerite-Marie passe de là aux jésuites, dont la mission se présente toujours à elle comme complétant celle de la Visitation. Elle rattache cette mission aux prières du P. de la Colombière, comme elle rattache celle des visitandines à saint François de Sales. Voir la lettre du 45 septembre 4689 au P. Croiset. Lettres iné­ diles, lettre m. p. 425. Grâce à lui, la Compagnie de Jésus sera gratifiée, avec la Visitation, « de toutes les grâces et privilèges particuliers de la dévotion du SacréCœur. » Ce divin Cœur leur promet de répandre « avec profusion ses saintes bénédictions » sur leurs travaux. Il désire « être connu, aimé et adoré particulièrement de ces bons Pères ». Et s'ils tâchent « de puiser toutes leurs lumières dans la source inépuisable de toute la science et charité des saints », il donnera à leurs pa­ roles « Fonction de son ardente charité «avec des grâces si « fortes et puissantes, qu’ils seront comme des glaives à deux tranchants qui pénétreront les cœurs les plus endurcis des plus obstinés pécheurs ». Lettre xcvm, t. n. p. 200 ; 2e édit., lettre xcvtl, p. 234. Voir encore la lettre Civ, t. n. p. 214; 2’ édit., p. 262; la lettre au P. Croiset, 10 août 4689, Lettres inédites, lettre il, p. 95; celle du 15 septembre 4689, loc. cil., lettre tu, p. 130. « S’il est vrai, dit-elle encore dans celte lettre, .pie celle dévotion tant aimable a pris naissance dans la Visitation, moi je ne puis m'empêcher de croire qu’elle fera son progrès par le moyen des Révérends Pères jésuites. Et je crois que c’est pour cela qu'il avait choisi le bien­ heureux ami de son cœur (le P. de la Colombière) pour l'accomplissement de ce grand dessein. » Loc. cit., p. 425. Pourquoi ne peut-elle s’empêcher de le croire? Parce que Notre-Seigneur lui a « fait connaître, d'une ma­ nière à n’en point douter, que c’était principalement par le moyen des Pères de la Compagnie de Jésus qu'il vou­ lait établir partout cette... dévotion, et par elle se faire un nombre infini de serviteurs fidèles, de parfaits amis, et d'enfants parfaitement reconnaissants ». Lettre citée par le P. Croiset, Abrégé, p. 57. Cl. Vie el œuvres, lettre cxxxn, t. n, p. 285 ; 2'édit., lettre cxxxiv, p. 334. Ces assurances de la Bienheureuse dominent l'hisioire de la dévotion. On ne s’explique pas sans cela que les visitandines et les jésuites aient tant pris à cœur de la propager. 44° Élal de la dévotion au Sacré-Cœur à la mort de Marguerite-Marie, il octobre 1690. — Pendant que Marguerite-Marie recevait cesdernièrescommunications, elle se dépensait avec une activité incroyable pour ré­ pandre sa chère dévotion. Elle n’était plus en rapport seulement avec ses sœurs en religion. Be tout côté, on lui écrivait, on venait la voir,et malgré ses répugnances, elle allait au parloir, elle multipliait ses lettres. Quelle joie en retour, quand elle apprenait quelque nouveau progrès de la dévotion! Un Père capucin la prêchait à Dijon; quelques jésuites, amis pour la plupart ou en­ fants spirituels du P. de la Colombière. se prenaient d'enthousiasme, l'inspiraient à leurs élèves, en parlaient à toute occasion; à Lyon, à Marseille surtout, c’était presque de l'engouement. Les dernières lettres de la Bienheureuse sont pleines de détails intéressants à ce sujet. On la voit elle-même tout occupée de livres à 335 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) écrire et à répandre. Celui de la sœur Joly ne suffisait plus;à Moulins, la Mère de Soudeilles l'avait réédité avec additions, et notamment avec le récit tiré de la Retraite du P. de la Colombiére; à Lyon, le P. Croiset le réédi­ tait en l’augmentant. Et les éditions étaient enlevées, comme les images. Sous l'influence de la Bienheureuse, le P. Froment, qui était à Paray, entreprit un livre sur le Sacré-Cœur; le P. Croiset s'y mit aussi : ce qui ne laissa pas de la jeter en quelque embarras. C'est au P. Croisel et à son livre qu'elle s’intéressa. Nous avons, en bonne partie au moins, sa correspondance avec lui sur ce sujet. Elle suggérait des idées, elle donnait, quoi qu'il lui en coulât, les détails nécessaires sur les ori­ gines de la dévotion; elle lisait le manuscrit à mesure qu'il avançait. Elle avait trouvé dans le P. Croiset comme un second Père de la Colombiére, non plus tant pour la direction de son âme que pour l'apostolat du SacréCœur. Elle seule, disait-elle, mettait obstacle â la dévotion; mieux valait qu’elle mourût. C’élail vrai, quoique en un sens différent du sien. Elle vivante, on ne pouvait tout dire. 17 octobre, sans qu’on se fût décidé à la croire sérieusement malade, elle alla, dans un acte d'amour, « s'abîmer dans le Sacré-Cœur. » Le livre du P. Croiset était presque fini. Il ajouta à la hâte un Abrégé de la Vie d'une religieuse de la Visitation de laquelle Dieu s’est servi pour l’établissement de la dévotion au SacréCœur de Jésus-Christ, décédée en odeur de sainteté le 17 octobre de l’année 1690; il y inséra de larges ex­ traits des lettres qu'il avait reçues d'elle, et l’ouvrage parut à Lyon dés 1691. On devine ce que la dévotion dut y gagner. Avant d’en suivre l’histoire, voyons rapidement où elle en était quand mourut la Bienheureuse. La dévotion était constituée dans son intime. Très précise à la lois et très large, elle englobait tous les élé­ ments existants, et les orientait vers un but très net, l'amour réparateur. Elle avait ses pratiques principales : toutes celles du passé s'y incorporaient sans peine, les nouvelles étaient simples et peu nombreuses. De petits livres existaient qui faisaient la fusion, et groupaient, â côté des exercices anciens, des prières nouvelles, li­ tanies, petit office, etc. Mais c’était plus qu’un ensemble de pratiques, plus qu'un recueil d'exercices anciens ou nouveaux, c’était un esprit, toute une spiritualité d'amour tendre el solide pour Jésus tout aimant et tout aimable, toute une vie de relations intimes avec lui, une vie de cœur à cœur. Elle était acceptée dans plusieurs monastères de la Visitation, et elle rayonnait au dehors dans plusieurs villes de Fiance. Un peu mêlée parfois à la dévotion du P. Eudes, qu’elle était en train d’absorber, elle avait quelques confréries, et si Rome, sollicitée dès 1087, n'avait accordé ni messe, ni office, ni fête, elle avait ren­ voyé aux ordinaires, et les ordinaires, à Langres, par exemple, lui avaient fait bon accueil. Quelques chapelles existaient, chez les visitandines ou ailleurs; les images et tableaux étaient répandus, les petits livrets étaient en vogue. Des prédicateurs en parlaient pour la recommander. Le feu sacré était allumé dans quelques âmes ardentes; et dans deux instituts religieux, une élite regardait comme un devoir d’état de la propager. Des livres se préparaient qui allaient l'expliquer clairement et dire ses origines célestes. La grâce de Dieu enfin était avec ses apôtres, et la trans­ formation qu’elle faisait, en y entrant, dans les âmes el dans les communautés, portait tin vivant témoignage â la parole et au livre. En mourant, Marguerite-Marie laissait la dévotion vivante, viable, pleine d'avenir. Mais il y avait des obstacles formidables. Ni la Visita­ tion comme corps, ni la Compagnie de Jésus n’étaient conquises â la nouvelle dévotion. Les contradictions qu'eurent à subir Marguerite-Marie et le P. de la Colom­ [ j ; > I 33G biére ne devaient pas céder de si tôt. Au dehors les jan­ sénistes, qui avaient déjà tant crié contre le P. Eudes, n’étaient pas prés de désarmer devant Marie Alacoque et les jésuites. Rome enfin attendait, suivant son habi­ tude, et observait : elle n'était pas hostile, mais clic n’était pas gagnée. III. LA DÉVOTION, DEPUIS LA MOOT DE SfARGUBDITEmadie JUSQU’A NOS JOUES, 1690-1905. — 1» Premiers développements, premières demandes à Borne. Recours publican Sacré-Cœur, la peste de Marseille, 1690-1725. — La mort de Marguerite-Marie, grâce, pour une bonne part, au livre du P. Croiset. ne fit que donner un nou­ vel élan â la dévotion. Le livre eut une difi'usion prodi­ gieuse, et il s’en fit des éditions et des adaptations en plusieurs villes de France; il fut aussi traduit en plu­ sieurs langues. Partout il allumait le feu sacré, en fai­ sant connaître, avec la valeur et l’utilité de la dévotion, ses origines célestes. Partout où il y avait un monastère de la Visitation ou un collège de jésuites, il se trou­ vait quelque âme ardente pour la propager. Ce n’était pas toujours sans difficulté. Car ni la Visitation ni la Compagnie de Jésus ne s’engagèrent à l’aveugle dans la dévotion nouvelle. Il y eut même des coups d’autorité, destinés â faire réfléchir les téméraires el les novateurs. Cependant les confréries se multipliaient, les pratiques essentielles étaient adoptées; des chapelles se bâtissaient; des autels étaient dédiés; les prédicateurs parlaient. De saints prêtres, comme M. Boudon, s’en faisaient les propagateurs zélés: « J’ai connu par mon expérience, écrivait-il, que Notre-Seigneur fera de grandes grâces à ceux qui auront dévotion â son Sacré-Cœur. » Et il ne cessait de recommander le livre du P. Croiset. Voir Letierce, t. 1, p. 116-118. Simon Gourdan, chanoine de Saint-Victor, allait en faire l'éloge dans une consultation célèbre, I7II. Op. vit., p. 120. Des congrégations reli­ gieuses lui ouvraient leurs portes toutes grandes: les bénédictines du Saint-Sacrement, les ursulines, les chartreuses. Ce sont peut-être les chartreux qui les premiers ont adopté quasi officiellement la nouvelle dévotion. Vers 1692, des moniales de cet ordre demandaient â leur su­ périeur général, dom Innocent Le Masson, si elles pou­ vaient adopter les pratiques proposées dans un petit livre de la dévotion au Sacré-Cœur : le rendez-vous quotidien dans ce divin Cœur, des prières spéciales, une consécration, une amende honorable, une sorte de tète réparatrice en l'honneur du Sacré-Cœur, le vendredi d’après l'octave du Saint-Sacrement. Et elles lui en­ voyaient le livre. C’était, semble-t-il, Le divin rendez­ vous de sœur Joly. Dom Le Masson répondit : a Je ne consens pas seulement..., je vous y exhorte. » El il vou­ lut écrire lui-même un Exercice de dévotion au SacréCœur pour les religieuses chartreuses, qui parut en 1694. Voir dom Boutrais, Mois du Sacré-Cœur de Jésus, 4° édit., Montreuil. 1866, préface, p. 12 sq. Des livres étaient en préparation. Le P. E'roment avait commencé dès avant le P. Croiset, mais il ne publia qu’en 1699. Voir Letierce, Elude, t. n, p. 21-27. Le P. Bouzonié, à Poitiers, donnait le sien en 1698. Il semble aussi que le P. de Gallilïet s’était de bonne heure mis â l’œuvre. Le P. Charrier dit avoir trouvé à Rome un manuscrit de l’ouvrage du P. de Galliffet sur le SacréCœur, composé dès 1696. Histoire du V. P. Cl. de la Colombiére, p. 482, note. Ce serait lui probablement dont il est question dans Letierce, t. n, p. 94. Si cela est, les reviseurs romains louèrent l’œuvre, mais trou­ vèrent la publication inopportune, 1697. C’était le temps où Rome s’occupait de la dévotion nouvelle. C’est sous Innocent XII, en 1697, que la S. C. d· s Rites fut pour la première fois saisie de la question. Dès 1687, sous Innocent XI, les visitandines avaient fait des démarches, qui n’eurent pas de suite. Mais elles inté­ ressèrent à la cause du Sacré-Cœur la reine détrônée 337 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) d'Angleterre. Marie d’Este, femme de Jacques II. C’était facile, car elle n'avait pu oublier son prédicateur de 1676, le I'. delà Colombiére. De son exil royal à SaintGermain-en-Laye, elle écrivit au pape en 1697, lui de­ mandant d'accorder aux monastères de la Visitation la fête du Sacré-Cœur, avec messe propre, le vendredi après l’octave de la Fête-Dieu. Le pape, suivant l'usage, ren­ voya la cause à la S. C. des Rites. Le cardinal de Forbin Janson, évêque de Beauvais, alors ambassadeur de Louis XIV à Rome, s’en lit le ponent. 11 prit pour postnlateur ou avocat de la cause, Prigidiano Castagnori ; celui-ci présenta un long mémoire à la S. C. pour ex­ poser la question et obtenir la fête demandée. Le pro­ moteur de la foi, Prosper Bottini, archevêque de Myre, lit les objections suivant l’usage. La principale était la nouveauté, puis aussi les conséquences qu’on en tirerait pour établir d’autres fêtes, notamment celle du Cœur de Marie. Le postulateur répliqua, résolvant les objections et rappelant les mérites de la reine d’Angleterre. La S. C. rendit son décret le 30 mars 1697. Elle accordait aux monastères de la Visitation la messe des Cinq Plaies pour la fête du Sacré-Cœur. Nilles, toc. cil., p. 23. Ce n’était qu’une demi-satisfaction. Dix ans plus tard, les visitandines renouvelèrent leurs instances auprès de Clément XI, pour avoir la messe propre. Le pape leur répondit, le 4 juin 1707, en louant leur zèle, leur piété, leur prudence dans la conduite de celte affaire, qu’elles attendissent donc en paix le jugement de l’Église; par cette soumission sincère elles arriveraient en droite ligne au Cœur même du Seigneur. Nilles, toc. cit·., p. 13. Dans l’intervalle, le livre du P. Croiset avait été mis à l’index, 1704. Pourquoi ? Le P. de Gallitfet l’expliquait ainsi à Mor Languet, 20 ans plus tard : « La nouveauté de la chose, quelques manquements de formalités re­ quises ici, et peut-être un peu de malignité de la part des hommes et beaucoup certainement de la part de l'enfer. » Cité par Lelierce, t. n, p. 96. Le livre ne laissa pas de se propager: il fut traduit en italien en y corri­ geant les défauts de formalités; même en France, il recevait de grands éloges de Mor Languet, qui le recom­ mandait, sans faire la moindre allusion à l'index. Lan­ guet, Vie, édit. Gauthey, p. 432. Malgré tous les obstacles, la dévotion continuait de se répandre dansle public. Les confréries se multipliaient avec approbation et indulgences de Rome. Les ursulines de Vienne imitaient les visitandines de France; la Po­ logne s’ouvrait toute grande au Sacré-Cœur. Ln peste de Marseille, en 1720, fut peut-être la première occasion d'une consécration solennelle d'un culte public en dehors des communautés religieuses. On sait com­ ment Marseille avait été chaud pour le Sacré-Cœur des les temps de Marguerite-Marie. Depuis quelques an­ nées, une autre visitandine, Anne-Madeleine Rémusat, y souillait la même dévotion. Elle avait annoncé le fléau d·· 1720. Quand il éclata, Noire-Seigneur lui indiqua le remède dans la dévotion à son Sacré-Cœur. Amende honorable et consécration furent faites par Mor de Belzunce au milieu des larmes et des sanglots de tout un peuple; et la fête fut établie pour l'année suivante. Aus­ sitôt la peste cessa. En 1722, elle reparut. Cette fois, les magistrals eux-mêmes firent un vœu solennel de fêter désormais le Sacré-Cœur par messe, communion, hommages et procession solennelle. D’autres villes, frappées ou menacées, recoururent de même au SacréCœur : Aix, Arles, Avignon, Toulon. Ce fut une suppli­ cation générale. Ainsi la dévotion devenait populaire. 2'· La fête du Sacré-Cœur. Nouvel effort à Home sous lienoil XIII, 11‘26-11‘29. Succès sous Clement XIII, 1165. Extension sous Pic IX, 1856, el sous Léon Xlll, 1889. — En 1726, on crut le moment venu de reprendre la cause à Rome. Le roi de Pologne, auquel s'adjoignit plus lard le roi d'Espagne, les évêques de Cracovie et de Marseille, les visitandines adressèrent une supplique 338 à Benoit XIII pour obtenir la fêle et l'office propres. On y montrait la dévotion répandue dans toute l’Eglise, chère aux évêques, chère aux peuples; on rappelait le désir exprimé par Notre-Seigneur à la B. MargueriteMarie. L’âme du mouvement était le P. de Gallill’et, assistant de France à Rome, postulateur de la cause. Il publia en latin son livre sur le Sacré-Cœur et prépara toutes les pièces à la perfection. On jugeait le succès assuré. Prosper Lambertini, le futur Benoît XIV, était alors promoteur de la foi. Le P. de Gallitfet le croyait favorable à la cause. Pape, il ac­ cepta la dédicace d’une édition nouvelle du livre de Gallitfet. et donna libéralement des bulles en favêurdes confréries du Sacré-Cœur. 11 ne parait pas qu'il fût pour une fête nouvelle. 11 fit consciencieusement son rôle « d'avocat du diable ». Les objections furent les mêmes â peu prés que trente ans plus tôt : la fête était nouvelle; le cas de Marguerite-Marie n’était pas tran­ ché; une fois lancé dans cette voie où s’arrêterait-on? A tout cela Gallill'et avait réponse. Mais Lambertini donna de vive voix, aux cardinaux, une raison qui les émut davantage. La cause supposait le cœur organe du sentiment. Or c’était là, dit Lambertini, une opinion philosophique discutable et discutée, où il ne fallait pas compromettre l’Église. Cela surtout lit hésiter. Pour ne pas dire : Non, la S. C. répondit le 12 juillet 1727 : Non proposita. Malgré tout, on insista, on revint à la charge. Le 30 juillet 1729, la S. C. répondit : Negative. Ce fut grande déception. Cependant la dévotion faisait son chemin malgré les clameurs des jansénistes et des philosophes. La reine de France, Marie Leczinska, avait déjà écrit à Benoit XIV pour obtenir la fête; le pape se contenta de lui envoyer des images du Sacré-Cœur, brodées d'or el de soie. Nilles, I. I, part. I, c. m, § 1, p. 89, d'après Ferd. Tetamo. Les suppliques arrivaient de toute part, de Pologne. d'Espagne, d'Amérique, d'Allemagne. d'Italie, d'Orient. Nilles, loi·.cit.., p.87-100. En 1765, Clément XIII reprit la cause. Le Mémoire des évêques polonais fut présenté à la S. C. des Rites par J. B. Alegiani. On peut le voir dans Nilles, lac.cit., S 3 (c’est 2 qu'il faudrait), p. 100-144; avec les répliques aux « exceptions » du promoteur de la foi, c’est tout un traité de la dévotion au Sacré-Cœur, largement inspiré de Gallitfet. On y explique l’origine, le développement, la nature du culte. On y signale l'existence d'au moins 1090 confréries du Sacré-Cœur érigées dans le monde entier, la diffusion universelle du culte, les approba­ tions épiscopales, l’acceptation par presque toutes les congrégations religieuses, § 3, n. 18-23. Nilles, p. 108111. Le Mémoire se termine par la demande d’une fête avec messe et ohice propres. On voudrait bien que ce fût donné pour l’Eglise universelle ou du moins pour tous les royaumes, provinces ou diocèses qui ont ex­ primé le même désir. Mais pour être plus sûr d’obtenir, on se contente de la demander pour la Pologne, pour l'Espagne, pour l’archiconfrérie du Sacré-Cœur, établie à Rome et pour toutes les confréries affiliées; et l'on supplie que la fête soit fixée au vendredi qui suit l'oc­ tave du Saint-Sacrement. Memoriale, § 8, n. 73-80, Nilles, p. 139-144. Le 25 janvier 1765. la S. C. des Rites donnait enfin le décret tant désiré. Considérant la dif­ fusion universelle du culte, tant de brefs déjà donné-s en sa faveur, tant de confréries érigées, on ampliait le culte déjà existant, en lui donnant une fêle, après avoir expressément remarqué qu’on s'écartait du décret de juillet 1729. Le 6 février, Clément XIII approuvait le décret. Texte dans Nilles, loc. cil., § 4. p. 152. Cf. Gardellini. Decreta authentica, 1857, η. 4579, t. ni, p. 174 Le 11 mai de la même année, la S. C. approuvait la messe et l'office pour la Pologne et pour l’archiconl'rérie. Le 10 juillet, les visitandines obtenaient la fête pour elles-mêmes. De tout côté, on la demanda, et il suffisait de la demander pour l'obtenir. Bref, en IS56, la 339 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) S. C. des Rites pouvait dire qu'il n’y avait presque plus une Église au monde qui n'eût obtenu le privilège. Nilles, loc. cit., p. 157. Ce n'était pourtant qu’un privilège. C’est en 1856 seulement que Pie IX, à la demande des évêques de France, réunis à Paris pour le baptême du prince im­ périal. étendit la fêle à l’Église universelle sous le rit double majeur. Décret du 23 août. Cf. Nilles, loc. cit., c. iv, § 1. p. I67. En 1864, la béatification de Marguerite-Marie donnait une haute sanction au culte tel qu'il s’était propagé. Car les documents, décret de béatification, oraison de la Bienheureuse, leçons de la fête, affirmaient nettement que Jésus avait choisi l’humble visitandine de Paray pourètre l’apôlre de son Sacré-Cœur, nous révéler par elle son immense amour, et nous pousser à y répondre en l’honorant sous le symbole du cœur. Cependantla dévotion grandissait,et de tous côtés,on demandait une fête plus solennelle. Le pape l’accordait souvent à tel pays, à tel diocèse, à telle congrégation religieuse. Voir Nilles, c. iv, § 4. Mais c’est seulement le 28 juin 1889 que la fête a été élevée pour toute l’Église au rit double de première classe. Le 23 juillet 1897, un autre décret permettait de remettre la solennité au dimanche. Ainsi s’est accompli le désir exprimé par Notre-Seigneur dans la grande apparition. La fête est établie dans le monde entier, établie avec son caractère de réparation et d’amende honorable. La solennité extérieure n’est pas encore partout tout ce qu’elle peut être; mais peu s’en faut, et il en est peu qui aient lant de prise sur lésâmes. 3° Extension duculte public sous Pie IX et Léon Xlll. Les consécrations partielles; la consécration de 18Ί5 ■ la consécration du genre humain en 18'JO. — Avec la fêle, les âmes dévouées au Sacré-Cœur ont toujours désiré la consécration et l’amende honorable. L’amende honorable n’a guère d’histoire, au moins en tant qu’elle se distingue de la consécration; elle s’est naturellement incorporée à la dévotion, elle en est comme partie in­ tégrante, et va avec elle partout où elle s’étend. Il en est de même, en quelque façon, de la consécration. La Bienheureuse la demandait comme un des premiers actes de la dévotion, et lui donnait le sens d’une dona­ tion totale et irrévocable aux intérêts du .Sacré-Cœur. Dans le message du Sacré-Cœur au roi, l’idée de consé­ cration à sa place. Les échevins de .Marseille renouve­ laient solennellement depuis 1722 la consécration de la ville. Si le vœu de Louis XVI est authentique, le roi aurait promis de prononcer un acte solennel de consé­ cration de sa personne, de sa famille et de son royaume au Sacré-Cœur de Jésus. Voir zlnti de la religion, 1815, t. ni, p. 77. En notre siècle, surtout depuis 1850 environ, cette idée est devenue familière à la piété chrétienne. Les évêques consacrent leurs diocèses; des Etats comme l’Equateur, 1873, des congrégations religieuses, etc., se consacrent solennellement au Cauir de Jésus. C’est d’ordinaire dans les grandes calamités que l’on se re­ tourne vers lui : Marguerite-Marie n’avait-elle pas mon­ tré là le grand remede â la désolation du royaume? Lettres inédites, lettre nt, p. 131. Marseille n’y avait-il pas trouvé son salut? Mais la dévotion n’a pas toujours eu ces motifs intéressés. L’amour y pousse. En 1870 et 1871, de grandes pétitions furent faites à Pie IX pour qu'il fit de la fête du Sacré-Cœur une fête de pre­ mière classe et consacrât l’Église entière à ce Cœur tout aimant. Voir dans Nilles. la lettre des évêques reunis au concile du Vatican, loc. cil., p. 189, celle de l’impératrice d’Autriche, loi·, cil., p. 191; celle des ca­ tholiques allemands, loc. cil., p. 192. Les pétitions con­ tinuèrent les années suivantes. En 1874, à l’approche du second centenaire de la grande apparition à Mar­ guerite-Marie, Mur Desprez, archevêque de Toulouse, 340 écrivit,comme évêque de la ville d’où rayonnait sur le monde Γ.4poslolat de la prière, à tous les évêques du monde catholique : il rappelait la pétition présentée â Pie IX, vers la tin du concile, signée par presque tous les évêques et supérieurs d’ordres,et par plus d’un million de fidèles; il expliquait comment la chose n’avait pas abouti jusque-là ; il assurait qu’à Rome une pétition des évêques serait bien reçue, et il envoyait une formule de pétition soigneusement préparée, pour éviter les ambiguités de langage, qui avaient fait difficulté dans le passé. Au mois d’avril 1875, le P. Ramière, directeur de VApostolat de la prière, qui avait été l'âme du mouve­ ment, offrait au pape la pétition souscrite par 525 évêques. On y demandait : l.que Sa Sainteté daignât choisir un jour, où, dans la basilique vaticane, avec toute la solen­ nité possible, elle consacrerait à jamais au Sacré-Cœur la ville et le monde lurbem et orbent); 2. qu'elle ordonnât que le même jour, dans le monde entier, tous les groupements catholiques, diocèses, paroisses, missions, congrégations et communautés religieuses, maisons d’éducation, etc., fissent, par la bouche de leurs supérieurs respectifs, la même consécration, avec toute la solennité possible; 3-5. qu elle voulût bien prescrire des exercices préparatoires, donner des in­ dulgences. commander que tous les ans on renouvelât cette consécration. La sixième demande avait pour objet l’élévation de la fête au rit de première classe avec octave, comme fêle patronale de toute l’Eglise. Le pape ne crut pas devoir intervenir d'autorité. Mais pour donner quelque satisfaction à ces pieux dé­ sirs, il chargea la S. C. des Rites d’envoyer partout une formule de consécration approuvée par lui, et qu’il proposait à tous ceux qui voudraient se consacrer au Sacré-Cœur: cette unité de formule montrerait l’unité de l’Église; il laissait aux évêques le soin de la traduire et de la faire publier s’ils le jugeaient à pro­ pos; il exhortait les fidèles à la réciter en particulier ou en public le 16 juin 1875, second centenaire de l’apparition; et il accordait indulgence plénière à ceux qui le feraient. Le pape enfin donnait commission au P. Ramière de communiquer le décret de la S. C., avec la formule de consécration, à tous les évêques du monde catholique. Voir les pieces dans Nilles, loc. cil., p. 202 sq. On voit que le pape avait conscience, comme dit le décret, de la gravité de la chose, gravitatem rei coram Deo animo reputans: il aidait, il encourageait; mais il ne voulait pas prendre l'initiative, encore moins commander. L’élan des fidèles n’en fut que plus admi­ rable. Le 16 juin 1875 fut une des plus grandes solen­ nités qu’ait vues le monde catholique, un beau triomphe du Sacré-Cœur. Léon XIII devait lui en préparer un plus magnifique encore, la consécration du genre humain au SacréCœur, à la fin du xix’ siècle. Le 25 mai 1899, l’ency­ clique Annum sacrum annonçait au peuple chrétien un grand dessein du pape, dont il attendait, si l’on s’y prêtait avec ensemble et de tout comr, de grands et durables fruits, d’abord pour la chrétienté, et ensuite pour l’humanité tout entière, auctores suasoresque su­ mus præclaræ cuiusdam rei, ex qua quidem, si modo omnes ex animo, si consentientibus libentibusque voluntatibus paruerint, primum quidem nomini Christiano, deinde societati hominum universes fru­ ctus insignes non sine causa expectamus eosdem que mansuros. Il rappelait ce qu'avaient fait ses prédéces­ seurs pour le Cœur de Jésus, ce qu’il avait fait luiméme. « Et maintenant, ajoutait-il, nous avons en vue un acte de dévotion, qui sera comme le couronnement de tous les honneurs que l’on ait jamais rendus au Sacré-Cœur, et nous avons confiance que Jésus-Christ Notre Sauveur l'aura pour très agréable : nunc vero 341 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) luculentior qutedam obsequii forma obversatur animo quæ scilicet honorum omnium, quotquot sacratissimo Cordi haberi consueverunt, velut absolutio perfectioque sit. s Il rappelait les pétitions faites à Pie IX et la consé­ cration de 1875. Le temps lui semblait venu de consa­ crer enfin au Sacré-Cœur le genre humain tout entier, communitatem generis humani devovere augustissimo Cordi Jesu. Il motivait sa décision en montrant que Jésus est le roi suprême, le roi non seulement des catholiques ou des baptisés, mais de tout le genre humain; et il indiquait les titres de sa royauté. Mais ce qu’il veut, c’est la reconnaissance spontanée de cette royauté; et la consécration est précisément cela : « Comme d’ailleurs nous avons dans le Sacré-Cœur le symbole et la vive image de l’amour infini de Jésus, nous stimulant à l'aimer en retour, il est juste que cette consécration se fasse au Sacré-Cœur, ce qui, aussi bien, n’est pas autre chose que se consacrer à Jésus-Christ. » Mais ceux qui ignorent Jésus, pouvons-nous les oublier? Nous leur envoyons partout des apôtres; mais aujour­ d’hui, « touchés de leur malheur, nous les recommandons instamment à Jésus, et, autant qu’il est en nous, nous les lui consacrons. Et ainsi cette consécration {hæc devo­ tio), que nous recommandons à tous, sera utile à tous, » augmentant chez les uns la foi et l’amour, attirant aux autres des grâces de sanctification et de salut. Le pape montre ensuite que le salut est là pour les sociétés malades. Autrefois, dit-il. la croix apparut à Constantin, gage à la fois et cause de victoire. « Voici qu'aujourd’hui un nouveau signe... s'ollre à nos yeux, signe d'espoir, signe tout divin, auspicalissimum divinissimumque signum: c’est le Sacré-Cœur tout rayon­ nant au milieu des flammes. C’est là qu'il faut mettre toutes ses espérances, là qu’il faut demander, de là qu’il faut attendre le salut. » Le pape ajoutait qu'à ces grandes raisons d’ordre général s’en joignait pour lui une autre, d’ordre per­ sonnel : Dieu l'avait gardé, en le guérissant d'un mai dangereux; il voulait, de son côté, par de plus grands hommages au Sacré-Cœur, en conserver le souvenir reconnaissant. Il ordonnait donc un triduum, avec prières et litanies au Sacré-Cœur; et il envoyait la for­ mule de consécration à réciter le dernier jour. L’encyclique était datée du 25 mai 1899. il n’y avait donc pas de temps à perdre. Mais depuis bientôt deux mois, elle était déjà annoncée. Par décret du 2 avril, la S. C. des Bites avait autorisé l’usage public des litanies du Sacré-Cœur. Parmi les considérants, il y avait celui-ci : « De plus, Sa Sainteté... se propose de consacrer le monde entier au Sacré-Cœur. Or, pour donner à cetle consécration plus de solennité, Sa Sainteté a décidé de prescrire prochainement un triduum, dans lequel on chantera ces litanies. » Cette annonce ne pouvait guère venir plus tôt, car la décision n’avait été prise que le 25 mars. Le pape y pensait pour 1900. Il est probable que le danger de mort auquel il venait d’échapper, et dont il parle dans l’encyclique, hâta l’événement: mal­ gré la hâte, le monde catholique se trouva prêt, et l'on sait avec quelle solennité grandiose à la fois et intime s’accomplit cet acte que Léon XIII appelait « le plus grand acte# de son pontificat. Aux premières vêpres de cette fête du Sacré-Cœur, dont la solennité, remise au dimanche, allait être mar­ quée par ce grand acte, mourait dans un monastère de Portugal, inconnue du monde, la religieuse d'où était parti cet immense mouvement, qui mettait le monde aux pieds du Sacré-Cœur. Il y a là un de ces faits, qui éclairent d'un jour singulier l’histoire de l’Église; et s’il y a plaisir à chercher les dessous des événements humains, quitte à ne trouver souvent que petitesses ou violences, combien plus dans les choses religieuses ou on voit, quand on sait voir, le doigt de Dieu! 342 Le 10 juin 1898, partait du Bon-Pasteur de Porto (Portugal) une lettre pour Léon XIII. La religieuse, qui la signait au crayon d'une main défaillante, disait au pape avoir reçu de Noire-Seigneur l’ordre de lui écrire qu’il voulait que son vicaire consacrât le monde entier à son divin Cœur; il promettait en retour une effusion de grâces. On dit que Léon XIII fut ému; mais il ne fit rien. N’y a-t-il pas des tètes folles pour lui suggérer souvent leurs idées comme tombées du ciel? Le G jan­ vier 1899, nouvelle lettre, écrite en français, « par ordre expressif (sic) de Notrc-Seigneur et avec le consente­ ment de mon coniesseur. » On y lisait ceci : « Lorsque l’été dernier, Votre Sainteté souffrait d'une indisposi­ tion, qui, vu votre âge avancé, remplit de soucis les cœurs de vos enfants, Notre-Seigneur me donna la douce consolation qu'il prolongerait les jours de Votre Sainteté, afin de réaliser la consécration du monde en­ tier à son divin Cœur. » Suivaient d'autres détails dans le même sens. On continuait : « La veille de l'immaculée-Conception, Notre-Seigneur me lit connaître que par ce nouvel élan que doit prendre le culte de son divin Cœur, il ferait briller une lumière nouvelle sur le monde entier... Il me semblait voir (intérieurement) cette lumière, le Cœur de Jésus, ce soleil adorable, qui faisait descendre ses rayons sur la terre, d'abord plus étroitement, puis s’élargissant et enfin illuminant le monde entier. Et il dit : « De l’éclat de cette lumière, « les peuples et les nations seront éclairés, et de son « ardeur ils seront réchauffés. » La lettre disait ensuite le désir qu’a Jésus de voirson Cœur adorable de plus en plus glorifié et connu, et de répandre ses dons et ses bénédictions sur le monde entier, le choix fait de Léon XIII et la prolongation de ses jours dans cette vue, les grâces qu’il s’attirerait par là. « Je me sens indigne, disait-on, de communiquer tout cela à Votre Sainteté. » Mais on s’excusait sur « l’ordre strict » de Notre-Seigneur. On expliquait ensuite pourquoi il demandait la consécration du monde entier et non seulement de l’Église catholique. « Son désir de régner, d'étre aimé et glorifié... est si ardent qu’il veut que Votre Sainteté lui offre les cœurs de tous ceux qui par le saint baptême lui appartiennent pour leur faciliter le retour à la vraie Église, et les cœurs de ceux qui n'ont pas encore reçu la vie spirituelle par le saint baptême, mais pour lesquels il a donné sa vie et son sang, et qui sont appelés également à être un jour les fils de la sainte Église, pour hâter parce moyen leur naissance spirituelle. » Suivaient des instances pres­ santes au pape pour qu’il développât le culte du divin Cœur : « Noire-Seigneur ne m'a parlé directement que de la consécration, Mais... il me semble qu’il lui serait agréable que la dévotion des premiers vendredis du mois s'augmente par une exhortation de Votre Sainteté au clergé et aux fidèles, ainsi que la concession de nouvelles indulgences. » « Notre-Seigneur, répétait-elle, ne me l’a pas dit expressément, comme lorsqu'il parla de la consécration, mais je crois deviner cet ardent désir de son Cœur, sans cependant pouvoir l'affirmer. » La lettre était signée : « Sœur Marie du Divin Cœur Droste zu Vischering, supérieure du monastère du BonPasteur. à Porto. » Cette hltre arriva au Vatican le 15 janvier. Le pape en fut ému. Il chargea le cardinal Jacobini de prendre des renseignements. Celui-ci s'adressa au vice-recteur du grand séminaire. C’était précisément le directeur de la religieuse, celui qui lui avait servi de secrétaire pour la première lettre au pape. La réponse fut que partout on la regardait comme une sainte, et qu'il y avait de bonnes raisons pour croire à des communica­ tions surnaturelles. L’idée d'ailleurs avait souri à Léon XIII, et le 12 février, il disait à Msr Isoard sa pensée de consacrer au Sacré-Cœur tous les diocèses. l’Église, l'humanité. Mais il ne voulut pas que l'acte 343 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) pontifical reposât sur des bases contestables. Le cardi­ nal Mazzella, préfet de la S. C. des Rites, mis au cou­ rant de tout, disait au pape : « Cette lettre est bien tou­ chante, et parait bien dictée par Notre-Seigneur. — Monsieur le cardinal, dit Léon XIII, prenez-la et mettez-la là-bas : elle ne doit pas compter en ce mo­ ment. λ Le cardinal fut chargé d'examiner la question en elle-même. Il y avait une difficulté. Comment consa­ crer les infidèles qui ne sont ni de l’Église, ni à l’Eglise? Un texte de saint Thomas vint résoudre la difficulté. Sum. theol., Ill', q. MX, a. 4. On y explique que si tous ne sont pas â Jésus et à l’Église quantum ad exsecu­ tionem potestatis, tous sont à lui quantum ad potesta­ tem. C'était à peu prés ce qu'avaitdit la religieuse. Mais le passage de saint Thomas était topique, et il trouva place dans l’encyclique. Quand parut, le dimanche de Pâques, 3 avril, le décret de la S. C. des Rites autori­ sant les litanies du Sacré-Cœur et annonçant la consé­ cration, le pape eut la délicate attention d’en faire par­ venir deux exemplaires, de sa part, à la Mère Marie du Divin Cœur. Trois jours avant la consécration, elle alla, comme Marguerite-Marie, « s’abîmer dans le Sacré-Cœur. » Voir Louis Chasle, Sœur Marie du Divin Cœur, née Droste :u Vischering, religieuse du Bon-Pasteur, 18Ü3-18!)!), Paris, 1905, c. xi, ou on trouve tout ce qui regarde la consécration du genre humain au Sacré-Cœur. Le second désir de la Mère Marie du DivinCœur fut accompli dans le mois qui suivait sa mort. Le 21 juillet, le préfet de la S. C. des Rites adressait à tous les évê­ ques, au nom du souverain pontife, une pressante in­ vitation à développer le culte du Sacré-Cœur par les confréries, par le mois du Sacré-Cœur, par les exer­ cices des premiers vendredis. 4° Vie et développement intime de la dévotion. Pra­ tiques et dévotions connexes. Œuvres et associations enl’honneurdu Sacré-Cœur. Interventions de l’Église. — Ici, comme partout dans la vie de l’Eglise, les actes de l’autorité ont été préparés par les désirs intimes des âmes, par l’amour et par les œuvres. La dévotion au Sacré-Cœur s’est épanouie en une foule de pratiques et d'institutions, toutes animées du même principe, rendre au Sacré-Cœur l’amour et l’honneur qui lui est dû, l'aimer et le faire aimer. Elle-même n’est pas tant une pratique ou un ensemble de pratiques, qu'un prin­ cipe de vie, une âme pour les pratiques les plus di­ verses. Beaucoup de ces pratiques sont déjà en germe dans les écrits de la B. Marguerite-Marie; beaucoup sont indiquées dans les premiers traités, comme exer­ cices propres de la dévotion. Souvent elles s'organise^ en institutions stables : Gùivre de l'adoration perpé­ tuelle, Archiconfréries du Sacré-Cœur, Apostolat de la prière, Archiconfrérie de la Garde d'honneur, Archicoaf"érie de prière et de pénitence, Communion répa­ ratrice, Cœur agonisant, Mois du Sacré-Cœur, les pèle­ rinages, les neuf vendredis et pratiques des premiers vendredis, images et scapulaires du Sacré-Cœur, etc. La plupart de ces pratiques et de ces institutions ont une histoire, quelquefois fort intéressante, comme le mois du Sacré-Cœur; il en est qui se réclament d'une origine surnaturelle, comme l’archiconfrérie de prière et de pénitence. Voir Le règne du Sacré-Cœur, t. n; la plupart y sont passées en revue. Parfois ce sont des dévotions nouvelles qui se déve­ loppent â côté de la grande dévotion ou qui essayent de s'y rattacher. Ainsi la dévotion au Cœur agonisant de Jésus, au Cœur eucharistique, à Notre-Dame du SacréCœur. Ce sont des œuvres ou des institutions qui en sortent comme la fleur, ou qui viennent se ranger au­ tour d’elle comme à l'abri d’un grand arbre. Celles-là aussi sont presque sans nombre. Et pour se borner aux congrégations religieuses, la liste serait longue de celles qui se réclament du Sacré-Cœur, que leur objet 3'4 principal soit d'honorer ce Sacré-Cœur, ou que la dévo­ tion au Sacré-Cœur soit pour elles un des grands moyens d’atteindre leur lin spéciale. Un grand nombre en ont même pris leur nom. Je trouve les noms suivants dans le Kirchenlexikon : Au commencement du xtx« siècle, la Société du SacréCœur de Jésus (paccanaristes); les Pères du SacréCœur d’issoudun, 1854; les Prêtres auxiliaires du Sacré-Cœur de Bétharram, 1844 ; les Pères des SacrésCœurs de Jésus et de Marie, dits Pères de Picpus; les Dames du Sacré-Cœur, 1801 ; les Servantes du SacréCœur, 1866; les Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, dites du Saint-Esprit; les Sœurs du Cœur de Jésus et de Marie (Récaubeau); les filles des SacrésCœurs de Jésus et de Marie (Amiens); les Sœurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (Portrieux). Et il s'en faut que la liste soit complète. Il y manque notam­ ment : les Sociétés du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie, fondées par le P. de Clorivière; les prêtres du Cœur de Jésus, de Pontigny, et les bénédictins prê­ cheurs des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, dits de la Pierre-qui-vire ; les Pères du Sacré-Cœur, de SaintQuentin, les Oblates du Sacré-Cœur, la Sainte-Famille du Sacré-Cœur, et combien d’autres! Tout cela nous montre combien la dévotion est vi­ vante, et combien riche. 11 y a même ici comme par­ tout danger d’excès. El l’Église est intervenue souvent pour mettre en garde contre la démangeaison d’inven­ ter une dévotion nouvelle. Mais elle a encouragé plus souvent encore qu'elle n’a réprimé. Quand une pratique a fait ses preuves, elle intervient pour l'approuver, pour l'enrichir d'indul­ gences, etc. Ce qui, pour le dire en passant, doit nous mettre en garde contre la tendance à n’étudier la dé­ votion que dans les documents officiels ou même uni­ quement dans les documents liturgiques. Sans vouloir énumérer tous ces documents — il yen a pour toutes les œuvres organisées, pour beaucoup de prières et de pratiques — un coup d’œil sur ceux qui servent à mieux comprendre quelque aspect de la dé­ votion. On verra que les documents restrictifs ou expli­ catifs y sont pour une bonne part. 1. Images et scapulaires du Sacré-Cœur. — La B. Marguerite-Marie voyait tantôt le cœur tout seul, tantôt le cœur dans la poitrine du Sauveur ou un peu en dehors. Les images ont eu la même diversité. Les pre­ mières furent des cœurs séparés; et c’est à une image de ce genre que furent rendus les premiers honneurs, à Para)-, en 1685. Marguerite-Ma rinum portait une sur son cœur, et elle recommandait la même pratique comme très agréable au Sacré-Cœur. A la peste de Marseille, en 1720, Madeleine Rêmusal fut inspirée de répandre une petite image portant un cœur avec l'ins­ cription : Arrête! le Cœur de Jésus est là. Celte image fit merveille et on l’appela la sauvegarde. Depuis elle a été répandue dans des circonstances semblables, par exemple, à Amiens, durant la peste de 1766. Peu à peu. elle a pris grande extension, et Pie IX y attacha des indulgences, 28 octobre 1872. Depuis que Léon XIII a montré dans le Sacré-Cœur un nouveau labarum, il y a une combinaison de la croix et du Cœur, avec l'ins­ cription : In hoc signo vinces. On appelle souvent l'an­ cienne image Petit scapulaire du Sacré-Cœur. Mais ce n’est pas le scapulaire proprement dit. Celui-ci, appelé quelquefois scapulaire de Pellevoisin, date de 1875 ou de 1876. 11 a été enrichi d'indulgences, mais Rome a expliqué que les indulgences données au scapulaire n’emportent pas approbation des faits surnaturels aux­ quels on le rattache. Décret du Saint-Office, 3 sep­ tembre 1904. Depuis 1900, ce sont les oblats de MariéImmaculée qui ont pouvoir de donner ce scapulaire, légèrement modifié, et il est devenu, je crois, comme le scapulaire de Montmartre. 315 CŒUR SACRE DE JÉSUS (DEVOTION AU) 34G On voit que l’Église continue d’admettre l’image I Plus tard, nous voyons d'autres groupes agir de même. du Cœur séparé. Mais elle a expliqué en 1891, que L’élite des catholiques de France le faisait pendant la cette image, permise à la dévotion privée, ne doit pas I Révolution. Ils recouraient instamment au Sacré-Cœur, être exposée à la vénération publique sur les aulels. Il et l’idée s'était répandue parmi eux qu'il n’y avait de salut que là. On a dit que Louis XVI, déjà prisonnier, va de soi, d’ailleurs, et ce point aussi a été expliqué, qu'il n’y a pas image du Sacré-Cœur, si le cœur n’est aurait, le 10 février 1792. obtenu d'entrer à Notre-Dame pas visible. Le Sacré-Cœur offert par l’Eglise au culte de Paris, avec sa famille, et se serait consacré au public, c’est donc Jésus montrant son cœur. Sacré-Cœur, lui, sa famille et son royaume. Voir Messa­ 2. Le Cœur de Jésus pénitent ou le Cœur pénitent ger du Sacré-Cœur, avril 1881, t. xxxtx ; Lelierce, de Jésus; le Cœur miséricordieux. — L’Église a ap­ Le Sacré-Cœur, p. 387. En 1815, l’.lmi de la religion prouvé et enrichi d’indulgences l’Archiconfrérie de publiait une belle prière, et un vœu que le roi captif prière el de pénitence en union au Cœur de Jésus; aurait fait en 1792, où il promettait, entré autres choses, mais elle a condamné le titre : Cœur pénitent de Jésus; s'il redevenait le maître, d'aller à Notre-Dame de Paris, Cœur de Jésus pénitent pour nous; Jésus pénitent; << sous trois mois à compter du jour de sa délivrance... Jésus pénitent pour nous. Décret du Saint-Office, et d’y prononcer..., entre les mains du célébrant, un "15 juillet 1893. Ce décret se rattache à un ensemble acte solennel de consécration au Sacré-Cœur, avec pro­ d’actes du saint-siège contre un petit groupe d’obstinés messe de donnera tous ses sujets l’exemple du culte et établis à Loigny, qui malgré des condamnations mul­ de la dévotion qui sont dus à ce Cœur adorable. » tiples continuaient d’imaginer et de publier des révé­ On donnait des détails précis sur la provenance des lations du Cœur de Jésus pénitent. Voir l’ensemble des deux pièces, prière et vœu : elles venaient de M. Hébert, actes depuis 1888 jusqu a 1894,dans les Analecta eccle­ général des eudistes, confesseur du roi; l’abbé qui les siastica, 1894, t. n, p. 291-301. On peut sans doute avait remises au journal était désigné par des initiales donner à ce titre un sens juste et vrai, et il a été em­ transparentes, et assurait les tenir de M. Hébert luiployé quelquefois ; mais, en soi, il est équivoque ou même; le journal ajoutait que ces pièces avaient déjà inexact, car la pénitence emporte le regret et la détes­ été publiées « dans un recueil de prières imprimé sans tation de ses propres fautes. nom d’année ». Ami de la religion, t. m, p. 77-80. Le titre de Cœur miséricordieux n’a pas le même Depuis, on a beaucoup écrit sur ce sujet ; je n’oserais inconvénient. Il a pourtant été désapprouvé en 1875, pas dire que la question soit élucidée. Cf. Messager du parce qu’on prétendait le substituer à celui de SacréSacré-Cœur, t. xxxtx; Letierce, loc. cit., p. 389. Cœur. Voir Acta S. sedis, t. xn, p. 531. H est sûr au moins que, dans le temps même, on 3. Le Cœur eucharistique de Jésus. — Depuis quel­ croyait « que le roi, pour obtenir de Dieu sa délivrance ques années, l’Eglise approuve et enrichit d’indulgences et celle de sa famille, avait fait vœu de demander au des prières et pratiques en l’honneur du Cœur eucha­ pape... qu’il voulût bien instituer en fêle solennelle ristique. 11 y a même à Home une arcliiconfrérie sous pour tout son royaume la fête des Sacrés-Cœurs de ce litre. Mais il y a eu d’aliord des résistances, et il a Jésus et de Marie ». Relation inédite de l'abbé Roulanfallu des explications. En 1891, un décret du Saint-Office gier, citée par H. Fouqueray, Éludes, 20 octobre 1905, désapprouvait les emblèmes du Sacré-Cœur dans l'eu­ t. cv, p. 163. charistie, c'est-à-dire, en pratique, les hosties avec Il est sûr aussi qu’il était question, parmi les captifs image du Sacré-Cœur. C’est assez, disait le décret, des du Temple, du Sacré-Cœur et de la consécration de la images du Sacré-Cœur reçues et approuvées dans l’Eglise; France au Sacré-Cœur de Jésus. Un invenlaire des objets et il expliquait que le culte du Sacré-Cœur dans l’eu­ trouvés par les délégués de la Convention l’indique clai­ charistie n’est pas plus parfait que le culte de l’eucharement; il signale une image du Cœur de Jésus et du rislie, ni différent du culte du Sacré-Cœur. A ce décret, Cœur de Marie, une feuille imprimée de 4 pages intitu­ comme à celui sur le Cœur pénitent, comme â beau­ lée : Consécration de la France au Sacré-Cœur de coup d'autres, la S. C. joint l’avis du 13 janvier 1873, Jésus, et il donne un extrait très beau de l’acte de conconlre la manie d’innover et d'inventer des dévotions sécralion. Voir Beaucliesne, l ie de Madame Élisabeth, nouvelles : il y a là un danger pour la foi, et cela donne t. n, p. 122. Cf. Letierce, loc. cit., p. 410. aux incrédules occasion décrier. Les témoignages abondent de ce recours général au 4. Culte et image de Notre-Dame du Sacré-Cœur. Sacré-Cœur pendant la Révolution. On sait que les sol­ — On sait l’extension qu’à prise le culte de Notre-Dame dats vendéens portaient ostensiblement une petite image du Sacré-Cœur d’Issoudun. L’Eglise est intervenue brodée du Sacré-Cœur. Victoire de Saint-Luc, une des deux ou trois fois pour le régler. En 1875, un décret du dernières victimes de la Terreur, fut guillotinée à Saint-Office expliquait qu’on ne peut attribuer à la Quimper, pouravoir confectionné de ces petites images. Sainte-Vierge aucun empire proprement dit, aucune Le P. Lanfant, une des victimes de septembre, parle, autorité sur le Cœur de Jésus. Sous bénéfice de cette dans une deses lettres, avril 1791, de miracles attribués explication, le titre est admis; mais on désapprouve à l’image. Il dit ailleurs, qu’un seul couvent de Paris l’image où Jésus est debout devant Marie; on veut que en a distribué cent vingt-cinq mille, et que « les têtes l'enfant soit aux bras de sa Mère. On tolère la statue les plus illustres, les têtes même couronnées, sont même d’Issoudun, mais pas les reproductions. Décret munies de ce pieux bouclier ». Il écrit encore : « La du Saint-Office, 3 avril 1895. dévotion au Cœur fait de grands progrès... Elle est re­ 5» éie et rationnement social de la dévotion : Re­ gardée comme devant être le salut de l’empire. Ce n’est cours el hommage. Les peuples et le Sacré-Cœur. La pas sans doute une vérité de foi, mais la piété se nour­ France et le Sacré-Cœur. — La B. Marguerite-Marie rit de cette idée. » Des détails semblables abondent avait demandé, au nom du Sacré-Cœur, un hommage sous sa plume. Voir II. Fouqueray, Le Père Lanfant, solennel du roi et de la cour. Cet hommage ne fut pas dans les /études, 20 octobre 1905, t. cv, p. 162-163. Ces images excitèrent la fureur des jacobins, qui voyaient rendu alors. Mais les catholiques français ont repris là un signe de ralliement contre la République. Voir l’idée depuis 1870 et ils gardent l’espoir que la nation des renseignements curieux â ce sujet, dans les Etudes, fera un jour ce que le roi n’a pas fait. A cette idée d'hommage, la Bienheureuse en joignait une autre, celle loc. cit., p. 162-164. du Sacré-Cœur comme refuge et salut dans les calami­ Le xixe siècle nous montre maint exemple semblable de recours an Sacré-Cœur dans les calamités publiques. tés publiques. Celle-ci entra vite en circulation. Nous Que de consécrations, que de vœux au Sacré-Cœur du­ avons vu Marseille en 1720 et 1722 recourir ainsi à ce rant la guerre de 1870-18711 Cœur miséricordieux; d’autres villes en firent autant. 2-47 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) A cette idée de recours s’est presque toujours associée celle de repentir, de réparation et d’amende honorable. Après 1871, vient s’y joindre en France celle de relève­ ment par le Sacré-Cœur. Il suflit de rappeler l’église du Vœu national à Montmartre, avec son inscription Gallia pænitens el devola; de rappeler la consécration faite â Paray en 1873 par un groupe de députés catho­ liques, en attendant la consécration nationale. Paray et Montmartre, Montmartre surtout, allaient devenir un foyer vivant de dévotion au Sacré-Cœur. Que d’idées y ont germé ou s’y sont épanouies, de dévouement au Sacré-Cœur et de relèvement par ce Sacré-Cœur! Que d'œuvres sont sorties de là, ou vont s’y retremper! Après l’idée de relèvement par le Sacré-Cœur, c’était l’idée d’hommage au Sacré-Cœur, hommage des indivi­ dus, hommage surtout des groupes sociaux, en atten­ dant l’hommage solennel de la nation elle-même. Une des formes de ce recours ou de cet hommage a été le drapeau du Sacré-Cœur. Le Sacré-Cœur l’avait demandé au roi par Marguerite-Marie. La France catholique du xix« siècle a rêvé, ici encore, de reprendre l’héritage du passé, tombé en déshérence. On sait comment l’image du Sacré-Cœur servit de drapeau â Patay et combien glorieusement il fut porté, en 1870, par les zouaves de Charette. Ce n’était pas le drapeau natio­ nal, mais il le préparait, et peut-être il en donna l’idée. Celui-ci, le drapeau tricolore avec Sacré-Cœur sur la bande blanche, a fait son apparition à Montmartre le 29 juin 1890. Il était porté par une délégation du Syndi­ cat des employés du commerce et de l’industrie. Depuis, il a été adopté par nombre d associations particulières, et les yeux des Français pieux se sont habitués peu à peu à voir l’image du Sacré-Cœur se détacher en pourpre sur le fond blanc du drapeau tricolore. Voir René du Bouays de la Bégassière, Le drapeau national du Sacré-Cœur, Paris, s. d. Ce n'est pas là confisquer le Sacré-Cœur au profit de la France. Nous savons bien que le Sacré-Cœur est pour tous. Mais comme le Tyrol s’est distingué par sa consécration en 1796 et parson dévouement au SacréCœur, comme l’Equateur lui a fait sa consécration solennelle en 1873, pourquoi les Français ne garderaientils pas l’espoir que la France, redevenue chrétienne, serait la France du Sacré-Cœur, et, fidèle à sa mission de prosélytisme, ferait rayonner partout le Sacré-Cœur? Ces idées et ces aspirations, vivantes dans les âmes des catholiques français, ont donné à la dévotion un ca­ ractère social très marqué. Le règne social du SacréCo*ur est maintenant dans les perspectives des âmes catholiques. Voir des aperçus très pénétrants et des renseignements précis à ce sujet dans René du Bouays de la Bégassière, Notre culte catholique el français du Sacré-Cœur, Lyon, 1901. Et cela, non seulement en France, mais un peu partout. Pour ne parler que des catholiques allemands, ils parlent souvent, dans leurs congrès généraux annuels, du Sacré-Cœur et de son règne dans les familles et dans la société. Voir dans Nix, p. 35, les recommandations du 47” congrès â ce sujet en 11’00. L’encyclique du 25 mai 1899 est pleine de ces idées du règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ par le Sacré-Cœur. I. Sources et répertoires. — Avant tout, les vies ou écrits des personnages dont il a été question dans l'article. Comme recueils ou compilations : Dufau, Trésor du Sucré-Cœur de Jésus, ou Recueil d’extraits de l'Écriture, des saints Pères, etc., disposés en ordre alphabétique, 8 vol., Bruxelles, 1840-1850; cet ordre alphabétique gène plus qu’il n’aide ; Granger, Les ar­ chives de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus et au SaintCœur de Marie, Llgugé, 1893,1896; larges extraits de sainte Mechtilde, de sainte Gertrude, de la B. Marguerite Marie ; Le règne du Cœur de Jésus ou la doctrine complète de la B. Mar­ guerite-Marie sur la dévotion au Sacré-Cœur, par un prètre oblatdeMaræ-immucuiuu, chapelain de Montmartre (le P.Jenveux), 348 2* édit., 5 vol.. Paris, 1899,1900, contient, avec la doctrine de ta Bienheureuse, beaucoup d’autres documents ou indications, mats sans préoccupation ni rigueur scientifique; Nilles. De rationibus festorum SS. Cordis Jesu et purissimi Cordis Maria·, 5' édit., 2 in-8·, Inspruck, 1885, répertoire riche et commode, où l’on trouve les actes officiels de l’Église depuis Innocent XII jusqu'à Pie IX inclusivement, les offices liturgiques et beaucoup d’autres prières, une liste des ouvrages écrits en diverses langues sur le Sacré-Cœur, malheureusement sans les dates, et sans autre indi­ cation que le titre par ordre alphabétique. On peut ajouter, à cause des nombreux documents qu’il con­ tient, J. de Gallilfet, De cultu SS. Cordis Dei et Domini Nostri Jesu Christi, Rome, 1726, auquel il faut joindre les Novæ obser­ vationes pro concessione officii et missæ SS. Cordis Jesu, Rome, 1728. L’ouvrage fut traduit en français et augmenté sous le litre : L'excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus-Christ, Lyon, 1733; réédition, avec pièces nouvelles, en 1743, dédiée à Benoit XIV. Souvent réédité, mais rarement avec toutes les pièces. Nos renvois sont à la petite édition de Paris, 1861. Les périodiques traitant du Sacré «Cœur ou de quelques dévo­ tion ou œuvre y ayant trait. Le plus riche est le Messager du Cœur de Jésus (mensuel), Toulouse, depuis 1861 jusqu’à 1901 ; Tournai, depuis 1901; c’est l’organe central de VApostolat de la prière, et il est en rapport étroit avec une trentaine d’autres Messagers, organes de la même association dans le monde entier. Voir la liste de ces périodiques (jusqu’à 1885) dans Nilles, 1. II, part. II, t il, p. 517-519. Comme répertoires bibliographiques, outre Nilles, loc. cit., t. n, p. 517-642, on peut indiquer VAmi du clergé, tables, au mut Sacré-Cœur ; les Étoiles, tables 1856-1880, 1888-1900, au mut Sacré-Cœur. II. Dévotion en général. — Pour la théologie de la dévotion, inutile de tout indiquer. Voir Nilles, loc. cit. Voici, par ordre de temps, les ouvrages qui semblent mériter une mention spéciale : Jean Croiset (1656-1738), La dévotion au Sacré-Cœur de JésusChrist, par un Père de la Compagnie de Jésus, Lyon, 1691. C’est le premier ouvrage de fond sur le Sacré-Cœur; il a été vu et approuvé en grande partie par la B. Marguerite-Marie ; sou­ vent réédité jusqu’à ce qu’il fut mis à l’index en 1704; il en a été retiré en 1887 Nouvelle édition d’après la 3' de Lyon, 1694, à Montreuil-sur-Mer, 1895, par le P. de Franciosi; c’est à elle que nous renvoyons. Elle est suivie, avec pagination nouvelle, de {'Abrégé de la Vie de la sœur Marguerite-Marie Alacoque, religieuse de la Visitation Sainte-Marie, etc.; l’édition de 1691 ne donnait pas le nom. — Nicolas Bouzonié (1645-1726), Entre­ tien de Théolime et de Philothée sur la dévotion au SacréCœur de Jésus, Poitiers, 1698; réédité, Montreuil. 1899, par le P. de Franciosi. — François Froment, La véritable dévo­ tion au Sacré-Cœur de Jésus-Christ, par le P ” de la Com­ pagnie de Jésus, Besançon. 1699. Le P. Froment avait vécu à Paray et connu la B. Marguerite-Marie; son ouvrage était, parait-il, écrit avant celui du P. Croiset; la Bienheureuse qui l'avait stimulé d’abord, vit ensuite en Croiset l’élu de Dieu. Comme celui de Croiset et de Bouzonié, comme plus tard celui de Gallilfet et la dissertation de Languet, il explique très bien la dévotion. On est étonné de celle justesse et de cette précision dans des ouvrages de déblaiement. Il a été réédité à Bruxelles en 1891. — A Punt-à-Mousson, un jésuite publiait dès 1699 une Instruction pour la dévotion au Sacré-Cœur,qui contient la manière dont cette dévotion s'est établie, la méthode de la pratiquer et quelques prières qui lui Sont particulières. — En 1711, Simon Gourdan(1646-1729), chanoine de Saint-Victor, donnait au cardinal de Noailles une lettre sur le Sacré-Cœur, qui a été insérée dans plusieurs recueils du xviii· siècle sous le titre -.Éloge de la dévotion au Sacré-Cœur de noire adorable Sauveur Jésus-Christ. Extraits dans l’Anu de la religion, 1822. t. xx.xin, p. 20; analyse dans Letierce, t. I, p. 120. On cite encore de lui : Instruction et pratique pour la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus; Le cœur chrétien formé sur le Cœur de Jésus. — En Allemagne, le P. Joseph Waldner donnait à Strasbourg, dès 1723, Das Buch des Lebens, où il représentait l’amour infini du Sau­ veur Jésus, afin d'enflammer les hommes à un parfait amour do retour et les conduire à une vie parfaite, par le culte du très saint et très divin Cœur de Jésus (tout cela est dans le litre). En 1730, paraissait à Mannheim Relatio compendiosa de ori­ gine et scopo pietatis erga SS. Cor Jesu, in usum Serenissimi Philippi, electoris Palatini. — L’un de ceux dont les ouvrages firent beaucoup pour la diffusion du culte en Allemagne lut la P. Schauenburg. On a de lui, entre autres. Das liebenswürdigste Herz Jesu, L’im, 1760, réédité parle P. Hattier, Soest. Ce nest, je crois, qu’une traduction de son Amabilissimum Cor Jesu Dei-Hominis ad amandum et redamandum propositum, Munich, 1756. ‘349 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU) Avec les confréries et les associations de l’adoration perpé­ tuelle en l'honneur du Sacré-Cœur, les livres de dévotion au Sacré-Cœur se multiplièrent dès le xvnr siècle. Je signale, pour exemple. Le parfait adorateur du Sacré-Cœur de Jésus, ou Exercice très nécessaire pour les associés de la dévotion du Sacré-Cœur de Jésus, par Gabriol-Fr. Nicollet, très humble adorateur du Sacré-Cœur de Jésus. Paris, 1765. C'est tout un manuel de vie chrétienne et de prière, animées par la dévotion au Sacré-Cœur. On y remarque en particulier une Instruction très substantielle sur la nature et les pratiques de la dévotion, p. 43 sq. Parmi ces livres de dévotion au Sacré-Cœur, se distinguent la Novrna del Cuore di Get>ù de saint Alphonse de Liguorl, avec une Notizia della divozione verso il Cuore adorabile di Gesù, que le saint présenta â Clément Xlll en 1765, en vue d’obtenir la fête, et la Novena in preparazione alla festa del Sacro Cuore di Gesù Christo, du P. Borgo, Ferrare, 1786. Les visitandines publièrent, au xvnr siècle, nombre d’opus­ cules de piété à l'usage des confréries du Sacré-Cœur établies dans leurs monastères. Voir une liste dans Letierce, t. i, p. 619620; liste des ouvrages publiés par des jésuites avant I860, ibid., t. n. p. 548. Quand la fête fut concédée et que les évêques de France l’eurent admise dans l'assemblée de 17g5, beaucoup d’évêques firent des mandements pour l'expliquer. Quelques-uns de ces mandements sont restés, souvent pour avoir été incorporés â des livres de dévotion. On cite en particulier celui de M«r de Pressy, Instruction dogmatique et pratique pour la solennité de l'éta­ blissement de la fête et de l'office du Sacré-Cœur dans tous les diocèses de France, 1766. Cela donna lieu â de nouveaux livres, comme Collet, La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus établie et réduite en pratique, Paris, 1770. Cependant, la dévotion était attaquée avec une violence inouïe. Voir dans Nilles, loc. cit., Index, etl. IV, part. III. aux mots : Nouvelles ecclésiastiques. Annali ecclesiastici. Blasi, Georgi. Grégoire, Wittola, Huber, Pannilint, Fassini, Fleury. Tabaraud, Ricci, LeItera (aux livres italiens). Lettre «aux livres français), tous les livres eniin précédés d'un astérisque. Il fallait la défendre el on la défendit en l’expliquant. Les auteurs cités le font déjà. On peut y joindre nombre d’évêques dans leurs man­ dements. L’un d'eux fit davantage : c'est M·’ de Fumel. évêque de Lodève (f 1790); outre une lettre pastorale sur la Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, il publia : Le culte de l’amour divin, ou La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, avec des réponses aux objections, Paris. 1774; 2 vol., 1776. Avec Fumel on peut citer comme classiques en la matière, contre Blasi et Georgi. Benoit Tetamo, De vero cultu et festo sanctissimi Cordis Jesu adversus Camilli Blusii commoni­ toriam dissertationem apologeticum, Venise. 1772, avec un appendice, qui parut l’année suivante , Refutatio Antirrhelici Christotimi Ameristæ; J.-B. Faure, Bighelti cunfidenziali critici. Venise, 1772; Saggi teolugici, Lugano, 1773; Fr. Zaccar a, Antidoto contra i libri di C. Blasi xntorno la divozione al S. Cuore di Gesù, Florence, 1773; Ferdinand Tetamo, Dia­ rium liturgico-theologico-morale, Venise, 1779; Emm. Mar­ quez. Defensio cultus SS. Cordis Jesu injuria oppugnati, Venise, 1781; Lud. Mozzi, R culto dell’ amor divino, Bologne, 1782; traduction, augmentée el adaptée, de Fumel. En 1794. quand Pie VI eut condamné Ricci par la bulle Au­ torem fldei, proposit. 62 et 63, Feller, très mal inspiré cette fois, expliqua mal la question du Sacré-Cœur; il fut réfuté par le cardinal Gerdii, Animadversiones in notas Felleri, Rome, 1797, dans Migne, Cursus thcologix, t. ix, col. 925 sq.; Jd., Salla devozione del Cuore di Gesù, dans Œuvres, Florence, 1849, t. vi, p. 567-597. L’n peu plus tard, Muzzarelli » essayait de préciser encore plus : Disserlazionc interno aile regole da • fservarsi net pariare e scrivere con csalezza e con propriété su Ha divozione e sui culto dovuto al Sacro Cuore di Gesù, Rome, 1806; trad, française, sous le titre : Dissertation sur les regies qu'on doit observer pour parler et écrire avec exacti­ tude sur la dévotion et le culte du Sacré-Cœur de JésusChrist, Avignon, 1826. Au MX* siècle, la question du Sacré-Cœur est entrée dans la théologie courante : les théologiens lui ont donné une place dans leurs traités De Verbo incarnato. Perrone est. â ma conr lissance, le premier qui l’ail fait; il a été généralement suivi. \ ir par exemple, les traités De Verbo Dei incarnato de Jungr.ann. de Franzelin, de Stentrup, de Billot, etc. Depuis lors, les traités sur le Sacré-Cœur se sont multipliés â î nfini. Parmi ceux qui précisent le mieux la théologie de la dév tion. n peut signaler, outre Nilles : J. Bucceroni, Commentxrii m cultum SS. Cordis Jesu. Paris, 1880. Leroy. De Sacratissimo Corde Jesu ejusque cultu tractatus philosophicus, 350 historicus, dogmaticus et asceticus, Liège, 1882: Martorell et Castella, Theses de cultu SS. Cordis Jesu; J. Nix, Cultus SS. Cordis Jesu, et parissimi Cordis B. V. Mdrise. 3· édit., Fribourg-en-Brisgau. 1905; .1. Thomas, Théorie de la dévotion au Sacré-Cœur ; J.-B. Terrien. La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, d'après les documents authentiques et la théologie, Paris. 1893, etc. III. Points spéciaux. — 1· Images. — Grimnüard de SaintLaurent, Les images du Sacré-Cœur au point de vue de l'his­ toire et de l’art, Paris. 1880; Paranque. La dévotion au SacréCœur de Jésus, étudiée en son image, Paris, 1901 ; Hatt’er, Die bildische Darstellung desgottlichen Herzens Jesu, 2’ édit., Inspruck, 1894. 2· Promesses et pratiques. — A. Damon, Le texte de la grande promesse du Sacré-Cœur, dans les Éludes, 20 juin 1903, t. xcv, p. 854; X. M. Le Bachelet, La grande promesse du SacréCœur, ibid., 5 août 1901. t. i.xxxvm. p. 385, avec bibliographie; A. Vermeersch, La grande promesse du Sacré-Cœur, Paris, 1903; Frécenon, Les promesses du Cœur de Jésus, 1893; Franciosi, Promesses de N.-S. Jésus-Christ, Montreuil-sur-Mer, 1895; A. Guillaume, Les promesses du Sacré-Cœur, Bruxelles, 1900; A. Boudinhon, Les neuf premiers vendredis, dans la Revue du clergé, 1903, t. xxxvi, p. 113; M·’ Dubois, Le culte du Sacré-Cœur, ibid., 1903, t. xxxiv, p. 646. 3* Questions scientifiques et polémiques sur le rôle du cœur. — Jungmann. Fünf Scitze zur Erklarung d r Andacht zum hl. Herzen Jesu, Inspruck; Id., Die Andacht zum hl. Herzen Jesu, Fribourg-en-Brisgau; Riche. Le cœur de l’homme et le Sacré-Cœur de Jésus, Paris, 1878; Id., Les fonctions d·· l’or­ gane cardiaque dans les phénomènes de la sensibilité affec­ tive, Paris, 1879; Ramièrc. La dévotion au Cœur d·' Jésus et la physiologie, dans les Études, 1874, t. XXXI, p. 481 sq., 801 sq.; Bubaz, Entretiens philosophiques et psychologiques a propos du Sacré-Cœur de Jésus, dans les Études, 1874, t. xxx, p. 349 sq. : H. de Bigault. L’objet principal de lu dévotion au Sacré-Cœur d’apres les données de la physiologie, dans les Études, 1870, t. xxiv, p. 233. 4· Questions diverses. — Chevalier, Le Sacré-Cœur de Jésus dans ses rapports avec Marie, étudié au point de vue de ta théologie et de la science moderne, ou Notre-Dame du SacréCœur, Paris, 1883; 1886; Ramière, Le règne social du Cœur de Jésus, Toulouse, 1893. Beaucoup de brochures ou articles d'actualité en ce sens. Voir surtout R. de la Bégassière, op. cit. IV. Histoire de la dévotion. — Cette histoire n'est pas faite. Éléments dans Gallilfet. dans Nilles, dans Franciosi, dans Elcheverry, dans Thomas, déjà cités, et aussi dans Daniel et dans Bougaud (ci-après); surtout dans V. Alet, La France et le Sacré-Cœur, 3* édit., Paris. 1889. En général. E. Letierce, Étude sur le Sacré-Cœur, 2 vol., Paris, 1890, 1891 ; il s’occupe surtout de ce qu'ont fait la Visita­ tion et la Compagnie de Jésus, mais donne aussi des renseigne­ ments généraux. Beaucoup de recherches, mais n’est pas tou­ jours sûr; manque de précision dans l’indication des sources. Id., Le Sacré-Cœur, ses apôtres et ses sanctuaires, Nancy, 1886, beaucoup de renseignements utiles; Baruteil, Genèse du culte du Sacré-Cœur de Jésus, Paris, 1904; Nix, op. cit., c. i, p. 1-36 (bon polit résumé). Pour les précurseurs de Marguerite-Marie, dom Boutrais, Un précurseur de la B. Marguerite-Marie, Lansperge le char­ treux et la dévotion au Sacré-Cœur, Grenoble, 1878; voir aussi, Mois du Sacré-Cœur, d'après d’anciens auteurs char­ treux, h· édit., Montreuil, 1886; Ancient Devotions to tlu· Sa­ cred Heart by Carthusians Monks of the 14M7,fc centuries, Londres, 1896; sur un autre précurseur, voir Revue bénédictine, juillet 1905; sur le P. Eudes et Marguerite-Marie. Le Doré, Le P. Eudes, premier apôtre des SS. Cœurs de Jésus et de Marie, Paris, 1870; cf. Bouvier. Études. 1892, t. lvi, p. 134. Voir aussi Tournier, Marie de Valemod, Une page d’histoire de la dévo­ tion au Sacré-Cœur, dans les Études. 1899. t. i.xxix.p. 734. Pour la B. Marguerite-Marie, avant tout. Vie et œuvres de la B. Marguerite-Ma rie. éditées par les religieuses de la Visitation de Paray, 2 vol., Paris. 1867 ; 2’ édit., avec quelques additions, 1876; la non-correspondance des pages entre les deux éditions tient surtout à la disposition typographique et au système de pagination. Il faut y joindre les Lettres inédites, Toulouse, 1890, série de 10 lettres écrites par la Bienheureuse au P. Croiset du 14 avril 1689 au 21 août 1690. Ces lettres jettent un nouveau jour sur la Bienheureuse et sur les origines de la dévotion ; désormais nous savons que les lettres de la Bienheureuse, dont le P. Croiset cite de longs extraits dans son Abrégé, étaient adressées au P. Croiset lui-même et non, comme l’avaient cru les visitan­ dines, au P. Rolin. La vie de la vénérable Mère MargueriteMarie, par M1' Jean-Joseph Languot. 1729. Jusqu’à la pubh 351 CŒUR SACRÉ DE JÉSUS cation des visitandines en 1867, ç’a été, avecTAbr^é de Croi­ set. déjà cité, et le Mémoire autographe publié (non sans modifications de style, comme c’était l’usage), par le P. de Galliff&t, la source principale. En tète, un beau discours préliminaire sur les vies miraculeuses des saints et particulièrement sur celle de la vénérable Mûre Marguerite. Magnifique réédition, avec ad­ ditions par M. l’abbé (maintenant M»') Gauthey, Paris, 1890; on y trouve un Appendice bibliographique,où sont énumérés les ou­ vrages sur la Bienheureuse, p. 623*646. Parmi ces ouvrages se distinguent : Ch. Daniel, Histoire de la B. Marguerite-Marie... et des origines de la dévotion au Sacré-Cœur, Paris, 1865; Cucherat, Histoire populaire de la B. Marguerite-Marie Alacoque, Autun, 1865 ; 2' édit., Grenoble, 1870; Bougaud, Histoire de la B. Marguerite-Marie et des origines de la dévotion au Sacré-Cœur, Paris, 1874. Sur ces vies et sur la publication des visitandines, voir, outre les appréciations de M*' Gauthey, Les vies de la B. MargueriteMarie, par A. Hamon, dans les Études, 20 juin 1902, t. xci, p. 721. M. Hamon a donné ibid., juin et juillet 1904, une série d’articles Lu B. Marguerite-Marie, portrait intime, pleins de vues neuves et pénétrantes. Voir aussi ibid., 5 octobre 1965. Il annonce, pour janvier 1907, une vie de la Bienheureuse, où seront enfin utilisées toutes les ressources nouvelles. Pour le P. de la Colombière, (Elivres complètes, Grenoble, 1901. t. νι. On y trouve ses Retraites spirituelles et sa corres­ pondance avec notice; Histoire du V. P. Claude de la Co­ lombière, par le P. Charrier, Paris, 1S94. Nilles donne les actes officiels jusqu à Mon XIII exclusivement. Pour les décrets de la S. C. des Bites, voir Collectio authentica decretorum S. 1t. C., table, au mot Cor sacratissimum Jesu, Borne, 1901, t. v, p. 129-130; pour les actes du Saint-Office, voir Bucceroni, op. cit., les Analecta ecclesiastica, depuis 1893, les Acta sanctæ sedis. Pour avoir l’idée de la façon dont on défigure la dévotion et dont on en travestit l’histoire, on peut voir Nilles, op. cit., Pa­ rergon, De finali triumpho SS. Cordis Jesu, t. i, p. 210 sq. On en a l’impression directe en lisant l’abbé Grégoire, Histoire des sectes religieuses, 1. 111, c. xx, nouv. édit., Paris, 1828, t. Il, p. 244-292 : Tabarâud, Des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, par un vétéran du sacerdoce, Paris, 1824; les articles Sacré-Cœur, dans le Grand dictionnaire de Larousse; Herz-Jesu-Kultus, dans llcalencyclopàdie fur protcstantische Théologie, t. v. p. 777 sq. Pour savoir où en ôtait la dévotion en France, entre <815 et 18'25, lire ΓΑηιί de la religion, 1819, t. XX, p. 247, La fêle dit Sacré-Cœur; 1819, t. xxi, p. 289; à propos d'un livre sur le Sacré-Cœur, 1820, t. XXII, p. 337,385 ; t. xxm, p. 241 : Sur l’éta­ blissement de la fête du Sacré-Cœur ; 1822, t. XXX1H, p. 17 : Sur une brochure contre la fête du Sacré-Cœur. Benoit XIV, De servorunt Del beatifleatione et beatorum canonizalione, I. IV, part. Il, c. xxxi, n. 20-25. Prato, 1841, t. iv, p. 701, raconte les démarches de 1726-1729, pour avoir la fête; Office du Sacré-Cœur, dans Analecta juris pontificii, Borne, 1860, 30* livraison, t. lit, p. 1236, donne les actes de 1697, avec un aperçu sur les origines de la dévotion (plein d'inexac­ titudes); Compendio storico della diuozione ail SS. Cuor di Gesù, 5* édit., Bonte, 1856, souvent cité par Nilles; Hauler, Geschichte des Festes und der Andachl zum Herzen Jesu, 2* édit., Vienne, 1875; Id., Zur Geschiclitc der Herz-Jesu-Andachl, dans Der Katholik, 1885, t. LXV, p. 523, 638 sq. Dans l'édition do Languet, par M·* Gauthey, les livres supplé­ mentaires X-XIl contiennent, avec l'histoire posthume de Margue­ rite-Marie, beaucoup de renseignements sur l'histoire du culte du Sacré-Cœur jusqu’à 1889; mais voir surtout Alet, Franciosi, Letierce. J. Bainvei., 2. CŒUR DE MARIE (Dévotion au). — I. Na­ ture. II. Historique. I. Nature. — 1° Définition. — La dévotion au Cœur de Marie est la pratique habituelle du culte intérieur et extérieur d’hyperdulie à l’égard de ce cœur physique considéré comme symbole du parfait amour de la sainte Vierge envers Dieu et envers les hommes. — I. Toute dévotion, quel qu'en soit l'objet, consiste dans la pra­ tique habituelle des actes du culte intérieur et extérieur. 11 n’importe point que la matière soit commandée ou simplement conseillée, nécessaire ou surérogatoire; mais une certaine habitude, avec des degrés d’intensité et de fréquence assez variables, est toujours requise; un seul acte ne peut constituer la dévotion. — 2. L'objet immé­ diat du culte intérieur et extérieur de la dévotion du Cœur CŒUR DE MARIE 352 de Marie est le cœur physique, considéré dans sa réalité matérielle. C’est ce qui résulte de tout l’office du Cœur très pur de Marie, tel qu'il fut approuvé par la S. C. des Hiles le 17 septembre 1857. — 3. Mais le cœur physique de Marie, objet immédiat de celte dévotion, est unique­ ment envisagé comme symbole du très parfait amour de Marie envers Dieu et envers les hommes. C'est ce qu'indiquèrent nettement les consulleurs de la S. C. des Biles à l’occasion du décret du 17 septembre 1857. Nilles. De rationibus festorum sacratissimi Cordis Jesu et purissimi Cordis Marite, 5e édit., Inspruck, 1885. t. i, p. 508 sq. C’est aussi manifeste dans l’office du Cœur très pur de Marie approuvé en 1857. — 4. Le cœur de Marie qui y est proposé à noire vénération est celui qui a saintement Iressaiili dans le Seigneur aux accents du Magnificat, celui qui était uni à Dieu par le plus ardent amour, celui qui conservait toujours fidèlement les pa­ roles divines et en qui régnait la parfaite dilection. Ainsi l’amour d ■ Marie pour Dieu et pour les hommes, si parfaitement symbolisé par son cœur matériel, est tout ensemble l'objet spirituel et le motif immédiat de cette dévotion, où tout tend finalement à l'amour de Dieu et des hommes. C'est d'ailleurs très conforme au lan­ gage de tous les peuples qui reconnaissent le cœur comme le symbole de l'amour. — 5. La maternité divine, bien qu’elle n'appartienne pas nécessairement à l'objet immé­ diat de la dévotion au Cœur de Marie, en détermine cepen­ dant la nature spécifique. Cette sublime dignité introdui­ sant Marie dans l'ordre hypostatique, tout cul te qui lui est rendu, conséquemment celui de son cœur très pur. de­ vient un culte d’hyperdulie spécifiquement distinct du culte de simple du lie commun à tous les saints. S. Thomas, Sum. lheol., IIP, q. xxv, a. 5; 11“ 11“', q. eut,a. 4, ad 2“"'. — G. Le terme final de celle dévotion est toute la personne de Marie, car c'est l'enseignement constant des théolo­ giens que l'honneur cultuel est toujours rendu a tout l’être subsistant ; honor exhibetur loti rei subsistenti. S. Thomas, Sum. lheol., II1“, q. xxv, a, 1. Honneur spécial pour Marie à cause de son excellence surnaturelle en quelque sorte infinie par son intime relation avec la personne du Verbe. S. Thomas, Sum. lheol., I“. q. xxv, a. 6, ad 4um. — 7. Bien différente du culte envers le SacréCœur de Jésus, la dévotion au Cœur de Marie ne peut être en elle-même une fin absolue, puisqu’elle n'est point la fin suprême de l’homme.Elle est pour diriger à celle lin un puissant auxiliaire. Elle fournit à notre imitation un modèle plus facilement accessible que les perfections su­ blimes du Cœur de Jésus. Elle fortifie l’efficacité de nos prières en augmentant notre confiance toujours inspirée par la maternelle bonté de Marie. 2° Delations entre le culte du Cœur sacré de Jésus el celui du Cœur de Marie. — 1. Delation d'analogie entre l’objet matériel, l’objet spirituel et le terme final de ces deux dévotions immédiatement dirigées vers le cœur matériel considéré comme symbole de l’amour, et abou­ tissant finalement au culte de la personne tout entière à laquelle tout se réfère. — 2. Delation de dissem­ blance, en ce que l’une est en elle-même une fin abso­ lue, puisque Jésus considéré comme Dieu est notre fin suprême, tandis que l’autre n’est qu’un moyen que nous sommes tenus d’orienter incessamment vers notre fin. D’où résulte : — 3. une intime relation de dépendant·. entre ces deux dévotions où se doit consta minent obsener la subordination requise entre le moyen et la fin. IL Historique. — 1» Avant le xvn· siècle, le culte du Cœur de Marie ne se rencontre dans l’Église que d'une maniore privée. La première initiatrice de ce culte parait être sainte Mechtilde. Dévélalions, Le livre de la grâce spéciale, part. I, c. xxxix, Paris, 1878, p. 149 sq. Avant cette époque, l'on rencontre fréquemment dans les Pères ou dans les auteurs ascétiques un éloge doctrinal des vertus du Cœur de Marie, mais sans expression évidente d’un culte formel même privé. Sainte Mechtilde ouvrit 353 CŒUR DE MARIE (DÉVOTION AU) — COLARBASE 354 point sous son véritable aspect. A partir de 1765, date de dans l’Église un courant de dévotion privée envers le la première approbation pontificale du culte etde la fête Cœur de Marie, qui se manifeste particulièrement en du Cœur de Jésus, non seulement l’objection de 1726 sainte Gertrude, .Iules H, saint François de Sales et la était définitivement écartée, mais une forte impulsion vénérable Marie de l’incarnation. Nilles, op. cit., t. I, était donnée en vertu de l’intime union entre les deux p. 557,466 ; Le Doré, Lç vénérable Jean Eudes, premier dévotions. Aussi les approbations épiscopales en faveur apôtre des sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, 2' édit., de fêtes diocésaines du Cœur de Marie se multiplièrent Paris, 1870, p. 16 sq. Cette dévotion privée commence rapidement. Elles furent bientôt suivies de l’approbation aussi à s’introduire dans l'enseignement théologique du Saint-Siège. En 1799, Pie VI, dans sa captivité de avec Barthélemy de los Rios, augustinien, De hierarchia Florence, envoyait, sur la demande du clergé et de mariana, I. V, c. xxxtx, Anvers, 1611, p. 608 sq., ou­ quelques communautés de Païenne, un reserit autori­ vrage publié en 16136. sant l’évêque à établir lui-même cette fête. Le 31 août 2» Au wit· siècle, le vénérable .lean Eudes, fondateur de l’ordre de Notre-Dame de la Charité et de la congré­ 1805, la S. C. des Rites, accédant à de très nombreuses suppliques, accorda à ceux qui en feraient la demande, gation de Jésus et de Marie, fut le premier apôtre de la l’autorisation de célébrer la fête du saint Cœur de Marie, dévotion publique au Cœur de Marie, comme du culte avec l’office et la messe de Notre-Dame des Neiges et public envers le Cœur de Jésus. On peut prudemment les leçons du second nocturne assignées au cinquième admettre que la source première de cet apostolat fut une lumière divine toute spéciale, communiquée directement jour dans l'octave de la Nativité de Marie. D’où nom­ breuses concessions à des ordres religieux et à des dio­ ou par l’intermédiaire dames privilégiées. Le Doré, cèses, avec fixation de la fête d’abord au troisième di­ p. 9 sq. Voir col. 317-320. manche après la Pentecôte, puis au dimanche après Sur l'initiative de Jean Eudes se produisirent bientôt l’octave de l'Assomption. En même temps le saint-siège, en France les premières manifestations de la dévotion par l’intermédiaire de ses nonces apostoliques, réprou­ publique au Cœur de Marie. La fête du saint Cœur de Marie d’abord célébrée au séminaire de Caen (1647), et vait toute approbation d’office et de messe spéciale en à la cathédrale d'Aulun (1648), fut bientôt définitivement dehors de l'approbation pontificale et enjoignait de s’en établie en beaucoup de points de la France avec l’appro­ tenir strictement à la concession de Pie VH du 31 août bation des évêques. En même temps se propageaient 180.5. En 1838 et 1844, Grégoire XVI accordait à l'archides prières spéciales au Cœur de Marie, se bâtissaient confrérie du très saint et immaculé Cœur de Marie, en maint endroit des églises placées sous son vocable établie dans l’église de Notre-Dame des Victoires à et s'organisaient des confréries vouées à son culte et fa­ Paris, le privilège de célébrer la fêle du saint et imma­ vorisées de nombreuses indulgences concédées par l'au­ culé Cœur de Marie comme fête patronale de l'architorité épiscopale. Dans cetle active propagande, Eudes confrérie, le dernier dimanche après l'Epiphanie. Sur fut puissamment aidé par les franciscains et par les de nouvelles instances présentées au saint-siège. Pie IX bénédictines du Saint-Sacrement. A l’apostolat de la pré­ fit examiner par la S. C. des Rites l'opportunité de la dication, Eudes joignit celui du livre, en publiant Le concession d’une messe et d’un office spécial. La de­ Cœur admirable de la très sainte Mère de Dieu ou la mande fut finalement exaucée le 21 juillet 1855. Le culte dévolion au très saint Cœur de la bienheureuse Vierge public du Cœur de Marie recevait ainsi pleine et défi­ Marie, Caen, 1681, où sont surtout exposés les fonde­ nitive approbation et prenait rang dans l’Église, tout ments et la pratique de cette dévotion. Au point de vue près de la dévotion publique au Cœur de Jésus. critique, nous devons observer que la plupart des auto­ Barthélemy de los Rios, De hierarchia mariana, 1. V, c. xxxtx, rités patristiques et théologiques sur lesquelles s’appuie Anvers, 1641, p. 608 sq. ; Jean Eudes, Le Cœur admirable de la l'auteur ne contiennent guère qu'un éloge doctrinal des très sainte Mère de Dieu ou la dévotion au très saint Cœur de vertus du cœur de Marie, sans aucune expression de la bienheureuse Vierge Marie, Caen, 1681 ; 2' édit., 2 in-8·, culte formel même privé, aux époques antérieures. Le Paris, 1834; Muzzaretll, Le trésor caché dans le sacré Cœur de Marie, ou motifs particuliers de la dévotion au sacré Cœur 2 juin 1668, le cardinal de Vendôme, légat du pape en de Marie proposés auæ fidèles, traduit do l'italien. Avignon. I rance, ayant examiné, sur la demande d'Eudes, son livre intitulé : Of/icium Cordis sanctissimi beatissimæ 1826; Ange Le Doré, Le vénérable Jean Eudes premier apôtre des sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, 2· édit., Paris, 1870; virginis Marite, Joua, approuva et confirma cette dévo­ Nilles, De rationibus festorum sacratissimi Cordis Jesu et tion en vertu de son autorité apostolique : apostolica purissimi Cordis Mariæ, 5’ édit., Inspruck, 1885, 1.I, p. 549 sq. ; auctoritate qua fungimur in hac parte, laudamus, t. n, p. 366 sq. ; Nix, Cultus SS. Cordis Jesu cum additamento approbamus et confirmamus hanc laudabilem et uti­ de cultu purissimi Cordis B. V. Mariæ, 2· édit., Fribourg-enBrisgau, 1891 ;Schmiide. Das reinste Herz derheiligen Jungfrau lem erga sanctissimum cor et gloriosissimum nomen und Gottesmutter Maria, Vienne. 1875; Terrien. La dévotion virginis Mariæ devotionem. Nilles, op. cit., t. t, p. 547. Cependant, le 8 juin 1669, la S. C. des Rites répondait au Sacré-Cœur de Jésus, 2' édit., Paris, 1902, p. 293 sq. ; Kirchenlexikon, 2· édit., t. v, col. 1927 sq. â une supplique pour l’approbation de l’office et de la E. DüBLANCHV. messe du saint Cœur de Marie, imprimés en France en COLANGELO François, oratorien italien, né à 1650 : non esse approbandum, parce que l'innovation Naples en 1767, mort dans cette même ville en 1836. ne paraissait point suffisamment justifiée ou parce quelle 1 D’abord chanoine régulier, il entra à l'Oratoire en 1785. était jugée inopportune. Nilles, p. 550. Un premier en­ fut nommé évêque de Castellamare en 1820. En 1824, il couragement pontifical fut donné le 28 avril 1668 par fut placé à la tête de l'instruction publique dans le Clément IX et confirmé par Clément X le 4 octobre royaume de Naples, et en 1830, il devint directeur de 1674, sous la forme de décrets d’indulgences en faveur l’imprimerie royale. Ses ouvrages sont surtout litté­ le confréries vouées au Cœur de Jésus et au Cœur de raires. Mais on lui doit encore, outre plusieurs biogra­ Marie. Ces confréries se multiplièrent rapidement, non phies, un ouvrage sur La liberté irréligieuse de penser, seulement dans les régions catholiques de l'Europe, in-4°, Naples, 1804; les Principales préventions des niais même en Orient et en Amérique. Cependant, en incrédules contre la religion, in-4°, ibid., 1820; une 1726. Ia S. C. des Rites écartait une supplique du jésuite Apologie de la religion chrétienne, 2 in-4», ibid. Tous de Gallilïet sollicitant la concession d’une double fête en ces ouvrages, écrits en italien, témoignent de l'érudition l'honneur du Cœur de Jésus et du Cœurde Marie, avec de l’auteur et de la sagesse de ses principes. n . -se et office spécial. On sait les raisons pour lesquelles ii demande relativeau CœurdeJésusne fut point acceptée Villaron, Menwrie degh scriltori philippmi, t. t. p. 112. â cette époque. Le refus atteignit en même temps la A. Ingold. dévotionau culteduCœurdeMariequel'onne présentait I COLARBASE. VOÎr CoLOBBASL'S. IIL - 12 I)1CT. DE THÉOL. catiiol. 355 COLENSO — COLÈRE COLENSO John william, évêque anglican de Na­ tal (1853). né à Saint-Austell (Cornouailles) le 24 mai 1811. mort à Natal le 20 juin 1883, est surtout célèbre p.ir la hardiesse de son rationalisme el les procès re­ tentissants que celte hardiesse lui attira. Dans ses com­ mentaires du Pentateuqiié. de l'Evangile de saint Mat­ thieu. des Èpilres de saint Paul, publiés de 1862 à 18'9, il niait l'authenticité et la valeur historique des livres de Moïse, rctemitëdes peines de l’enfer, réclamait pour les Cafres polygames convertis le droit de conserver leurs épouses, et déclarait ne pouvoir plus user du service 1 inrgique de l’ordination, parce que l’autorité de la Bible y est affirmée, ni du service du baptême, parce qu’il y est fait allusion au déluge. Son métropo­ litain, Gray, archevêque du Cap, accourut à Londres en 1863 pour r "clamer la condamnation de son sullragant. Malgré les efforts de Pusey et de Wilberforce, évêque Ù'Oxford. les évêques se bornèrent a inviter Colenso à démissionner (février 1863); quelques mois plus tard, la Chambre haute de la convocation de Canterbury, tout en déclarant que ses livres contenaient « des erreurs du plus grave et du plus dangereux caractère », se re­ fusa à prendre aucune mesure contre l’évêque de Natal sur lequel elle ne se reconnaissait pas de juridiction. L’archevêque du Cap, Gray, cita alors Colenso devant son tribunal; celui-ci refusa de comparaître, el comme Gray avait prononcé sa déposition, en appela 'au Con­ seil privé; le Conseil, le 20 mars 1865. annula la sen­ tence du métropolitain, et Colenso rentra triomphant dans son diocèse; Gray prononça contre lui l’excom­ munication majeure et lui donna un successeur; Colenso resta dans son diocèse, soutenu par une partie de ses fidèles, el continua en toute liberté· jusqu’à sa mort ses publications rationalistes. Cette affaire, où les faiblesses de l’anglicanisme apparaissaient en pleine lumière, fut pour beaucoup d'hommes d’Église angli­ cans la cause du retour vers Borne; et Manning pou­ vait écrire dans des lettres publiées en 1864 : « L’alter­ native, devant la génération présente, n’est plus entre l’anglocatholicisme ou le catholicisme romain; elle est entre le rationalisme ou le christianisme, c’est-à-dire entre le rationalisme et Borne. » Pour le détail des ouvrages de Colenso, voir Dictionnaire de la llible, t. n, col. 832 sq. Pour (’histoire de ses procès, voir Tliureau-Dangin. La renaissance caiholique en Angleterre au xi.v siecle, Paris, 1903, t. 11, p. 429 sq. •I. DE LA SERVICE. COLÈRE. La colère peut être étudiée : 1“ dans l’ordre physique, c’est-à-dire comme une de ces onze passions qui, selon la doctrine scolaslique, mettent en branle notre appétit sensitif, voir t. t. col. 1695 ; 2» dans l’ordre moral, comme péché ou vertu. L Considérée dans l’ordre pnVsiQUE. — 1° Défini­ tion. — Le mot colere vient du grec χολή, bile, parce que les anciens attribuaient la colere à l’agitation de Cette humeur. C’était, d’après eux, une passion bilieuse. Saint Thomas, Sum. theol., 1“ llæ. (p xlvii, a. I, la dé­ finit : l’inclination que nous avons de punir quelqu'un pour en liter une juste vengeance. L’Ecole, après lui, la définit en deux mots : le désir de la vengeance, apyelilus vindictæ. I. C'est un désir. — Non pas, comme l’ont entendu certains théologiens que cite Suarez. In /»“ /7æ, tr. IV, disp. 1, sect, xi, Opéra, Paris, 1856. t. tv. p. 472, un simple mouvement de l’appétit concupiscible vers la vengeance, mais une inclination forte à tirer vengeance de quiconque nous a nui et a été pour nous la cause d’un mal. (Juicumque irascitur quæril vindicari de aliquo. La vengeance étant un bien difficile à conqué­ rir, l'inclination qui y pousse a sa source dans l’appétit irascible, S.Thomas, Sum. theol., Ia llæ. q. XLIV,a. 3, et elle constitue une passion à part, distincte des autres, quoiqu’elle soit d’une certaine maniéré composée de 35G plusieurs passions contraires ; la tristesse du mal causé et le désir de se venger de ce mal. Ibid., a. 1, 2. 2. C'est un désir de la vengeance. — La vengeance est cet acte par lequel on fait subir à un adversaire un mal équivalent à l'insulte reçue. C’est une juste puni­ tion que l’on veut infliger à celui qui nous a blessés, de sorte que, au moins en principe, on veut garder dans le châtiment une mesure proportionnée à l’oITense. La colère est donc celte passion de l’appétit irascible qui nous pousse à vouloir le mal d'un agresseur à litre de juste vengeance. Ira quæril seu appetit vindictam. Sed. appetitus vindicta: est appetitus bovi, cum vindicia ad justitiam pertineat. S. Thomas, Sum. tlient., PII®, q. xliv, a. 2, sed contra. Elle se distingue ainsi de la haine, qui, elle, veut le mal pour le mal, au lieu que la colère voit dans ce mal un bien et pense, en se vengeant, faire acte de justice. S. Thomas, ibid., a. 6. La colère diffère aussi de l'impatience, cette réaction de notre être en présence d’une contrariété et qui fait que brus­ quement se produit en nous un acte désordonné de vi­ vacité, qui pourtant ne va pas jusqu’à la vengeance. C'est parce que la colère désire et recherche la juste ven­ geance qu’elle se distingue enfin de cette colère assez improprement dite, qui consiste à vouloir se venger sur un être privé de raison. D’après saint Thomas, ibid., a. 7, la colère raisonnable s’exerce uniquement contre les êtres capables de justice et d'injustice, c'est-à-dire contre ceux qui lèsent injustement. Toutefois la colère pouvant provenir de l'imagination seule, qui ne raisonne pas, il arrive alors que cette passion peut s’élever même contre des choses inanimées. Ibid., a. 7, ad lu,n. 2° Causes. — 1. Cause déterminante. — La cause qui produit la colore est unique et ressort de la définition meme de celle passion. La colère est le désir de la ven­ geance. Or toute vengeance suppose une ollense qui blesse personnellement celui qui désire s’en venger. Il s’ensuit rigoureusement que celle passion a pour cause déterminante une action faite contre celui qui s'irrite. S. Thomas, ibid., q. xlvii, a. 1. Et cette action est tou­ jours, au moins dans la pensée de celui qui se livre à la colère, un mépris pour le moins implicite. Omnes causæ iræ reducuntur ad parvipensionem, dit saint Thomas, ibid., a. 2. Une offense se produit, soit en pa­ roles, et c’est le mépris formel de l'ollensé. soit en actes, ce qui peut arriver de deux manières : ou en em­ pêchant d'atteindre l'objet d’une convoitise ou en attaquant de front. Dans les deux cas, il y a mépris tacite de l’ollensé. De fail, tous les biens possédés ou désirés sont pour chacun un moyen de rehausser sa propre excellence et partant les dommages produits, dans les uns et les autres, sont une atteinte à la dignité ainsi lésée. S. Thomas, ibid., a. 3. 2. Causes prédisposantes. — Elles sont multiples et dépendent en grande partie des circonstances. Voici ce que l’on peut donner de plus constant à cet égard. — a) Causes morales. — Mettons en première ligne le sen­ timent de la propre supériorité joint à celui de l’infério­ rité de l’agresseur, sentiment qui fait sentir plus vive­ ment le mépris. Et c’est pourquoi les orgueilleux sont les personnes les plus portées à la colère. La mauvaise éducation produit une prédisposition spéciale à la co­ lère. Un enfant,à qui on a laissé suivre tous ses caprices, qui a toujours eu raison contre tout le monde, résis­ tera difficilement au moindre obstacle à ses volontés el s'irritera contre quiconque s'oppose à lui injustement, selon son appréciation. — b) Causes physiques. — Ci­ tons les principales:a. Le sexe et l’âge. — Sénèque. De ira, I. 1, c. xiv, a dit : « La colère n’est qu’un vice de femmes et d'enfants. Si les hommeseux-mémes en sont susceptibles, c'est qu’ils ont souvent le caractère des femmes et des enfants. » L’enfant, à cause de sa faiblesse morale et physique, la femme également laible et douée d’un système nerveux plus impressionnable que celui 357 COLÈRE 358 comme Moïse, Exod.. xxxn, 19, Élie, IV Reg., t, 12, Elisée, IV Reg., n, 23, se livrera des transports de co­ lère, tantôt reproche à un père coupable sa lâche com­ plaisance pour ses enfants, I Reg., m, 13, tantôt mémo fait l’éloge de cette passion quand elle est employée pour le bien, c'est, du moins, le sens très probable que nous offrent l'Ecclésiaste, vil, 4, et saint Paul. Eph,, IV. 26. L'apôtre, en effet, dit : « Mettez-vous en colère, mais dans cette colère ne laissez s'introduire aucun élément de péché. » La colère est une juste passion que, sous certaines conditions, il faut cultiver. Ce qu’il faut bannir du cœur, ce qui ne doit pas durer après le cou­ cher du soleil, c’est le παροργισυ-ός, l'irritation, l’exas­ pération, sentiment coupable qui peut s’attacher même ft. Le tempérament. — Personne n'ignore que les à une juste colère. — 3. L’Écriture, d’ailleurs, parle sujets bilieux, règle générale, s'irritent facilement. Le encore de la colère de Dieu et de celle de Jésus-Christ. sanguin est plutôt impatient. S. Thomas, Sum. theol., Dieu s’irrite contre les pécheurs. Ps. cv, 40. Ira non di­ q. xlvi, a. 5; q. XLVlil, a. 2. — c. La maladie. — C’est un citur de Deo secundum passionem animi, sed secundum fait d’expérience que la souffrance rend ordinairement morose et irascible. — d. Le climat. — Dans les pays judicium justiliæ, prout vult vindictam facere de pec­ chauds ou le sang circule avec plus de force et de vi­ cato. S. Thomas, Sum. theol., 1“ II®, q. xlvii,a. I,ad ln,n. L’homme peut s’irriter justement comme son Dieu. De tesse. les hommes sont portés plus facilementà la colère. son côté, l'Iloimne-Dieu, avant de guérir le paralytique Qu'on se rappelle la vendetta des Corses ou des Italiens. â la main desséchée, regarda avec colère les pharisiens 3» Effets. — I. Effets psychologiques. — Saint Gré­ qui l'observaient pour voir s’il guérirait un jour de goire, Moral, in Job, I. V, c. xlv, P. L., t. LXXV, sabbat, alin de l’accuser. Marc., ni, 5. Comme en Jésus col. 724, les a décrits : Un violent outrage est fait à un les passions ne pouvaient entendre que l'appel de la homme, il en ressent l'amertume et veut s’en venger. Son cœur palpite, il tremble, sa langue s’embarrasse, I raison, sa colere a été noble et sainte, un acte de vertu que les chrétiens peuvent et doivent parfois imiter. Le sa ligure devient de feu. son œil s'égare, sa bouche profère des sons inintelligibles. Il s’élance sur son ad­ défaut d’une juste colère serait meme un vice et un péché. S. Thomas, Sum. theol., 11“ II®, q. CLVlll, a. 8. versaire et le frappe aveuglément. Sa raison est muette. Mais rien n’est plus difficile que d’employer modérément Il frappe encore, et il savoure à longs traits la joie de la colère. « Il advient très souvent, dit saint François de la vengeance. Trouble excessif des sens, obscurcisse­ Sales, Traite de l'amour de Dieu, I. X. c. xv, Œuvres ment de la raison, joie de la passion assouvie, tels sont complètes, Paris, 1862, t. il, p. 349, que la cholère estant les trois ellets psychologiques que produit la colère. une fois esmeue et ne se pouvant contenir dedans les Sur la joie de la vengeance, voir S. Thomas, ibid., limites de la rayson emporte le cœur dans le désordre, q. Xl.vtll, a. 1. et sur le trouble de la raison, a. 3. — 2. Effets physiologiques. — La colère fréquente, qu'elle en sorte que le zèle est par ce moyen exerce· indiscrè­ tement et desrèglement. » Et le saint concluten disant : ait été comprimée ou assouvie, produit souvent des « Comme on n'applique pas le fer et le feu aux malades ellets morbides. Cf. Surbled. Fie affective, c. xv, Paris, que lorsqu'on ne peut faire autrement, aussi le saint 1900; Belouino, Des passions, i. IV, c. vm, Lyon, 1852, zèle n'emploie la cholère qu’és extrêmes nécessités, d t. n, p. 227. Ibid., p. 354. 11. Considérée dans i.'onDRE moral. — La colère, 2“ Elle est le plus souvent pêché. — Les passions hu­ comme toute passion, de sa nature, en tant que simple maines semblent plus portées au mal qu'au bien. Et mouvement de l'appétit irraisonnable, ne présente ni bien ni mal moral. Il en va autrement lorsqu'elle entre cela est si vrai, en particulier de la colère, qu’elle est presque toujours prise en mauvaise part et considérée en relation avec la volonté, ou, selon le mot de saint uniquement comme péché. Thomas, Sum. theol., 1’ II». q. XXIV, a. 4. lorsqu'elle 1. Définition. — Ainsi envisagée, la colère est le désir participe de la volonté et de la raison. Elle peut ainsi etre bonne ou mauvaise, vertu ou vice, et en ce dernier déréglé de la vengeance, appetitus inordinatus vindic­ cas elle entraînera souvent d'autres péchés à sa suite. tae. Ira in hoc solum deficit quod non obedit rationis præceplo in ulciscendo. S. Thomas, Sum. theol., 1“ II®, C’est ce qui se produit pour la colère. T> Elle peut être acte de vertu. — C’est le désir rai­ q.xi.vi, a. 6. Ce dérèglement peutse produire de deux ma­ nières : a) La colère peut être déréglée dans son objet, si sonnable de la vengeance. La colère est bonne, dit le docteur angélique. In Eph., tv, 26, lect. vm. Opera elle porte à une vengeance injuste, et la vengeance sera injuste dans un de ces trois cas : ou bien elle portera à omnia, Parme, 1862. t. Xlil, p. 485, « quand elle tend à punir un innocent ou celui qui aura nui involontaire­ une vengeance légitime, c’est-à-dire lorsqu'on se livre ment; or pour que la vengeance soit juste, il faut qu'il à la colere quand il convient, contre qui il convient et y ait injure réelle et injure coupable; ou bien on dési­ dans la mesure voulue. » Un pere de famille, irrité par rera punir un coupable plus que de raison; or c'est là la désobéissance de son fils, inflige à celui-ci une forte encore agir contre la justice, requiritur ad justitiam correction pour le faire rentrer en hii-tqéme. Un supé­ vindicativam æqualitas inter pœnam et culpam, dit rieur de communauté, pour remplir sa charge, châtie Ferraris. Bibliotheca canonica, juridica, moralis, etc., publiquement une infraction à la règle. S. Thomas, Sum. theol., Il» II* q. CLVlll, a. 3. Ou encore c’est le v» Ira, Paris, '1858, t. IV, col. 797; ou bien enfin, et zèle, appelant la colère à son secours pour surmonter c'est le cas le plus fréquent, on cherchera à se venger les (liflicultés qu'il rencontre, hiec ira est bonaquædici­ soi-même, à l'encontre de la loi civile, qui réserve la vengeance aux tribunaux. — ft) La colère peut excéder la tur per zelum. S. Thomas, ibid., ad 2"™. mesure, quand elle se laisse aller à un emportement Ainsi entendue, la colère est un acte de vertu.—1. La ra'smi le dit : Tout mouvement de passion, qui obéit â excessif, soit au dedans de l'âme, soit au dehors. S. Tho­ la raison, est nécessairement un bien moral.Or la colère mas, Sum. theol·, 11“ II*, q. CLVlll, a. 2. est le désir raisonnable de la vengeance. Si aliquis 2. Preuves que celle colère est un péché. — a) Cela irascitur secundum rationem rectam, tunc irasci est résulte de la définition donnée. La colère est un désir déréglé de la vengeance. Donc, il y a désordre moral et laudabile. S. Thomas, Sum. theol., II* 11*, q. CLVin, ... 1. — 2. L'Écriture tantôt nous montre des saints péché. Si aliquis appetat quod fiat vindicia qualiter­ de l’homme, sont par cela môme plus disposés à se laisser aller à celle passion. Chez cette derniere parti­ culièrement, l'irritabilité parfois est extrême, surtout, au dire des physiologistes, pendant toute la durée des règles. Cf. .1. Antonelli, Medicina pastoralis, part. I, c. ni, n. 98, Rome, 1905. I. I, p. 67. Aussi le sage dé­ clare <|u’ « il n y a point de colère qui surpasse celle de la femme », Eccli., xxv, 23, et le poète païen disait plai­ samment : Omnis mulier ira : habet autem bonas horas duas, linum* in thalamo, unam in morte. Telemach, Epigram., 1. II. 359 COLÈRE cumque contra ordinem rationis..., erit appetitus iræ vitiosus et nominatur ira per vitium. S. Thomas, Sum. theol., 11» II”, q. Cl.vm, a. 2. — b) La sainte Écri­ ture vient corroborer singulièrement cet argument. Il n’y a peut-être pas de vice que le Saint-Esprit ait llagellé plus souvent et avec plus de véhémence, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament : Job, v, 2; Ps. xxvi, 8; Prov., xn, 16; xv, 18; xxn, 24; xxvn, 3-4; xxix, 22; Eccle., vu, 10; xi, 10; Sap., x, 3; Eccli., i, 28; xx. 1 ; xxv, 22-23; Matth., v, 21-22; Rom., xn, 19; Gai., v. 20; Col., in,8: I Tim., 11, 8; Tit., 1,7; .lac., i, 19-20. — c) Les Pères à leur tour s’efforcent à Tenvi d’arracher cette passion du cœur de l'homme. Saint Cyprien a composé un traité complet, De bono patientius, P. L., t. tv, col. 622-639, où il montre toute la laideur du désir de la vengeance. Saint Ambroise a exposé les conséquences funestes de cette passion. Liber de Joseph patriarcha, c. xm, P. L., t. xiv, col. 669; Enarrat, in Ps. xxvi, col. 975. Saint Augustin en fait voir toute la culpabilité. De sermone in monte, 1. I, c. tx, xix, P. L., t. xxxiv, col. 1241, 1257. 3. Gravité. — La colère est-elle criminelle dans son objet, par le désir d'une injuste vengeance, c’est un péché mortel ex genere suo. L'est-elle seulement dans la trop grande irritation intérieure ou extérieure qu elle produit, elle ne constitue qu’une faute vénielle. Tel est le sentiment unanime des théologiens. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II» II”, q. clviii, a. 3; S. Alphonse, qui reproduit Busembaum sans commentaire, Theol. mor., 1. V, n. 79, Opere complete, Turin, 1887, t. vi, p. 57; Noël Alexandre, Tract, de peccatis, c. tx, a. 2. reg. 1-2,dans Aligne, Theol. curs. compl., t. xi, col. 1117; Marc, Jnst. mor. alphonsianre, n. 371, Rome, 1904, 1.1, p.236; Aertnys, Theol. mor., I. I, tr. IV, n. 256, Paderborn, 1901, t. i, p. 109. Le fondement de cet enseignement c’est que, dans le premier cas. la charité et la justice sont violées : la justice, puisqu’il n’y a pas la proportion requise entre le châtiment et le délit; la charité, parce qu’on souhaite au prochain un mal qu’on ne voudrait pas voir fait à soi-mèine. Or blesser une de ces deux vertus constitue un péché grave ex genere suo. Dans le second cas, il faut appliquer la règle admise de tous : excessus in re licita est solum peccatum veniale. Tou­ tefois, par suite de circonstances modifiant le carac­ tère de culpabilité de la colère, le péché mortel, ren­ fermé dans le désir d’une vengeance injuste, peut devenir véniel. Il en est ainsi d’ailleurs de tout péché mortel ex genere suo. Si, en effet, la matière n’est pas suffisamment notable, ou bien s’il n’y a qu’adverlance imparfaite ou un simple demi-consentement de la vo­ lonté, la faute n’est que vénielle. Or, par défaut de ré­ flexion, la colère est souvent une faute légère. Ex hoc capite ira frequenter est veniale, vel nullum peccatum. Marc, loc. cil. Réciproquement, en raison des circon­ stances, le péché véniel, qui accompagne le manque de mesure dans la colère, est susceptible de devenir mortel per accidens. Ce cas se présentera, par exemple, si, dans le transport immodéré d’un juste courroux, on se permet de graves imprécations conlre le prochain, ou bien si on le scandalise, ou encore si on profère des blasphèmes. 3° Pêchés dérives. — Si la colère n’est pas un des péchés les plus graves, S. Thomas, Sum. theol., 1I»II”, q. ci.vm, a. 4,elleestcependant un des sept péchés capi­ taux. On appelle péché capital, dit le saint docteur, loc. cil., a. 6, celui qui en produit beaucoup d’autres : vilium capitale dicitur ex quo mulla vitia oriuntur. I Cf. Prov., xv, 18; xxix. 22. S’il en est ainsi, la colère doit être rangée sans conteste parmi ces péchés. D’une part, la vengeance, qui est son objet, a un attrait d’au­ tant plus grand pour l’homme quelle.se montre à lui sous un laux joui· de justice et d'honnêteté, l'entraîne par l'apparence du bien et lui fait commettre facilement 360 bien des fautes; d’autre part, l’impétuosité de cette passion le jette en aveugle dans toutes sortes de dérè­ glements, et c'est ce qui a fait dire au Saint-Esprit, Prov., xxtx, 22 : « Celui qui s’irrite aisément est par là même plus porté à pécher. » Quels sontdonc les péchés qu’enfante la colère? Saint Grégoire, Moral, in Job, I. XXXI, c. xi.v, n. 88, P. L., t. t.xxvt, col. 621, en indique six : De ira, rixæ, tumor mentis, contumeliæ, clamor, indignatio, blasphemies proferuntur. Querelles, enflure d’esprit, injures contre le prochain, cris, indignation, blasphèmes, six filles dignes de leur mère. Saint Thomas, loc. cit., a. 7, nous fait assister à leur naissance : « La colère peut être envisagée sous trois aspects différents. D’abord, comme bouleversant notre cœur, et c’est alors qu’elle enfante deux vices. Le premier se rapporte au téméraire dont nous voulons tirer vengeance. Nous le regardons comme non autorisé à nous faire pareil affront; c’est l'indi­ gnation. Le second se rapporte à nous-mêmes. Nous sommes en quête de mille moyens de vengeance, noire âme se remplit de ces noires pensées, c’est l'enflure d'esprit dont l’Écriture, Job, xv, 2, a dit : « Le sage se a remplira-t-il la poitrine de vent? » Sous un deuxieme aspect, en tant qu'elle se trahit dans nos paroles, la colère produit encore deux sortes de dérèglements. L’un consiste en ce que, dans un langage confus et désor­ donné, on manifeste la passion qui nous trouble; ce sont les cris. L’autre a lieu lorsqu’on éclate en injures, soit contre Dieu, nous avons le blasphème, soit contre le prochain, c’est la contumélie (l’outrage). Enfin, si nous considérons la colère passant des paroles aux actes, nous voyons naître les querelles et par ce mot l'on entend tous les torts que cette passion peut alors causer au prochain. » 4° Remèdes. — La douceur étant la vertu dont le rôle est de modérer la colère conformément à la droite rai­ son selon renseignement du docteur angélique, Sum. theol., II» II”, q. cvit, a. 2, le remède principal de la colère se trouve évidemment dans la pratique de celte vertu. Voir DoüCEün. Nous indiquerons ici quelques remèdes plus spéciaux, capables de mettre à l'abri de la colère, ou servant à la dompter, quand elle éclate et surtout lorsqu’elle est passée à l’état d’habitude. 1. Remèdes préservatifs. — Il importe extrêmement de prévenir, lorsqu'on le peut, l’éclat de cette passion : « Vienne pour nous l'occasion d’être insultés par le prochain, écrit saint Alphonse, Pratique de l'amour envers J.-C., c. xn, trad. Pladys, Paris, 1883, p. 165, si alors, faute de prévoyance et d’exercice, nous sommes pris au dépourvu, difficilement pourrons-nous discer­ ner la vraie ligne de conduite à tenir pour ne pas suc­ comber à la colère. » Ces remèdes préservatifs sont de deux sortes : a) Les uns appartiennent à l'ordre surna­ turel. C’est, en premier lieu, le développement en nous de l'humilité d’esprit : « La douceur, dit encore saint Alphonse, loc. cit., p. 161. ne saurait être le partage que d une âme très humble et convaincue de sa bassesse au point de se croire digne de tout mépris. Par conlre, comme les orgueilleux ont une grande estime d’euxmèmes et se croient dignes de tout honneur, ils sont colères et vindicatifs. » L’humilité écarte ainsi une des causes de la colère. En second lieu, la méditation de l’exemple de N.-S. J.-C., qui, hormis les occasions où la gloire de son Père l’exigeait, ne s'est pas mis en colère, qui reçut un soufllet de la main d’un valet et qui, pour toute réponse, se contenta de lui dire : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mai, mais si j'ai bien parlé, pourtptoi me frappes-tu? » Joa.. xvm, 22-23; qui, élevé en croix, alors que tous se moquaient de lui et le blasphémaient, se vengea de ses bourreaux en implorant leur pardon : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. r> Luc., x.xui. 34. b} D’autres remèdes sont d'ordre naturel. D’abord, s·- 361 COLÈRE — COLET 3G2 représenter vivement les effets désastreux qui sont si I Sophie de Kant. Elles sont aussi pour beaucoup dans souvent le résultat d’un accès de colère même compri­ le mouvement libéral qui porte le nom de Ltroad church. mée. Puis, se faire une conviction profonde de cette Pour Coleridge, en effet, le but de toute religion est vérité proclamée parles païens eux-mêmes, que méditer purement pratique : l’amélioration intellectuelle et vengeance c’est s’avouer vaincu, c’est vouloir perdre sa morale de l'homme; l’Évangile n'est pas une théologie, c’est un ensemble de préceptes et d’exemples; qui­ supériorité morale, non esi magnus animus quem in­ curvat injuria, a dit Sénèque, De ira, I. Ill, c. v. Enfin, conque s’y conforme est chrétien, quelles que soient les médecins reconnaissent que les passions irritantes, ses idées métaphysiques. Le meilleur exposé des idées telles que la colère, sont heureusement modérées par de Coleridge est celui de Hort dans les Cambridge un régime réglé et des calmants. Surbled, Vie affec­ Essays, 1856, p. 292 sq. tive, c. xvi; cf. Descuret, Médecine des passions, Varis, Gillman. Life of S. T. Coleridge, Londres, 1838: Cottle, 18ii, p. 410. Reminiscences of S. T. Coleridge and R. Southey, Londres, 2. Remèdes curatifs. — Quand la colère s’est allumée 1847 ; articles de Leslie Stephen dans le Dictionary of national en nous, il faut la modérer et au besoin la calmer. Saint biography, t. xi, p. 302 sq. ; de C. Schœll dans Realencykl. fur François de Sales, Introductions laviedévote, part. III, prot. Theol., t. iv, p. 216 sq. .1. DE LA SeRVIËRE. c. vm, Œuvres complètes, Paris, 1862, t. i, p. 126, recommande de procéder « doucement, tranquillement, COLET Jean (1467?-1519), humaniste et théologien et non point violemment, ce qu'il faut observer en tous anglais, naquit en 1-466 ou 1467 à Londres; son père, sir Henry Colet, fut deux fois lord-maire de la ville. les remèdes qu’on use contre ce mal ». On peut em­ ployer trois moyens ou remèdes principaux : a) Vu la Après de bonnes études scolastiques à Oxford, .Jean partit pourle continent, et pendant un voyage en France difficulté naturelle d’arrêter l’élan de cette passion, il faut invoquer aussitôt le secours de Dieu « à l'imitation et en Italie (1493-1496) apprit le grec et se donna avec passion à la lecture des Pères. De retour en Angleterre, des apostres tourmentés du vent et de l'orage emmyles il reçut le diaconat (17 décembre 1497) et le sacerdoce eaux, car il commanderas nos passions qu’elles cessent (25 mars 1498), et commença à Oxford une série de et la tranquillité se fera grande ». S. François de leçons libres sur l’Épitre aux Romains et la I" aux Co­ Sales, loc. cit. — ft) Selon le conseil de saint Alphonse, rinthiens. Son commentaire, historique et critique avant loc. cit., p. 165: « Il faut répondre par quelques bonnes tout, faisait contraste avec l'enseignement tout scolas­ paroles; mais tant que' durera l’émotion le meilleur parti sera celui du silence. » Par conséquent, il faut se tique des professeurs officiels; le succès fut grand; en 1498, Erasme prit place parmi les auditeurs, et con­ faire une loi de ne rien dire et de ne rien faire tant tracta dès lors avec Colet une étroite amitié. Entre que la colère agite le cœur. — c) Un dernier remède, temps, Colet se livrait à l'étude des œuvres du pseudoégalement très rationnel, est de faire diversion : Denys et s'en inspirait pour la composition de deux ou­ « Qu'on s'applique à quelque lecture, recommande vrages importants : De sacramentis Ecclesiæ; De com­ encore saint Alphonse, loc. cit., p. 164, qu’on entonne post Hone sancti corporis Christi mystici. Ils contiennent quelque pieux cantique, qu'on aille s’entretenir agréa­ de nombreuses attaques aux abus alors existants dans blement avec quelque ami. » tous les rangs de la hiérarchie ecclésiastique et susci­ S.Thomas, Sum. theol., P II*. q. xlvi-xlvih ; lpt1·, q. clvhi; tèrent à leur auteur bien des ennemis; une série de S. Alphonse deLiguori, Theol. mor., tract, de peccatis, 1. V,n.79, quatre lettres sur le récit mosaïque de la création, où 80, Opere complete, Turin, 1887, t. vi, p. 57, 58; Pratique de Colet interprète allégoriquement les quatre premiers l'amour envers J.-C., c. XII, trad. Pladys, Paris, 1883, p. 159chapitres de la Genèse, est de la même époque. En 1504, 1*58; S. François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, 1. X, Henri VIII conféra au « lecturer » d’Oxford le doyenné c. xv, Œuvres complètes, Paris, 1862, t. n, p. 349-360; Intro­ duction à la vie dévote, part, lit, c. VIII, p. 123-127; bonis de de Saint-Paul, à Londres; Colet mena jusqu’à la fin de Grenade, Guide des pêcheurs, 1. II. c. vil, Œuvres complètes, sa vie une existence simple et frugale, dépensant en trad. Pareille. Paris, 1862, t. X, p. 453-458; Noël Alexandre, généreuses aumônes la grande fortune dont la mort de Tract, de peccatis, c. ix, dans Migne, Theol. cure, compl., son père l’avait rendu maître en 1506,prêchant assidû­ t. XI, col. 1112-1148; Ferraris. Biblioth. canonica, juridica, ment en anglais, entretenant d’affectueuses relations moralis, etc., ν· tra, Paris, 1858, t. iv, col. 795-800; Marc, In­ avec les humanistes les plus célèbres de l’époque, et stitutiones mor. alphonsianæ, 12· édit., n. 370, 371, Rome, tout spécialement avec Thomas More, qui le proclamait 1904, t. 1, p. 236; Aertnys, Theol. mor., 1.1, tr. IV, n. 256,257, Paderborn, 1901,1.1, p. 109, 110, et tous les auteurs de théologie son directeur spirituel. La plus belle œuvre de Colet morale au traité De peccatis. fut la fondation de l’école de Saint-Paul, où 153 enfants, Pour la colère considérée surtout au point de vue physiolo­ sachant lire et écrire, et bien doués pour l’étude, de­ gique et médical, consulter D' Surbled, Vie a/feclive, c. xv, vaient recevoir une solide instruction chrétienne, ap­ xvi, Paris, 1900; D’ Descuret, La médecine des passions, Paris, prendre le grec et le latin (I5I0). Pour ses enfants de 1844, p. 391-430 ; D'Belouino, Des passions, I. IV, c. vu, Lyon, Saint-Paul, le doyen rédigea une grammaire latine et 1852, t. Il, p. 221-243: D' Poujol. Dictionnaire des passions, v un plan d’études que maîtres et élèves devaient suivre; Colère, dans Migne, Encyclopédie théol., t. xxxix, col. 316-326. Erasme et d’autres amis du fondateur composèrent G. Blanc. divers traités à l’usage de Saint Paul's school. Le De COLERIDGE Samuel Taylor (1772-1834), poète et philosophe anglais, fut un des fondateurs du roman­ copia verborum d'Érasme est resté célèbre. Sur le ma­ nuel de religion de Colet, voir I. n, col. 1906-1907. tisme anglais, un des plus célèbres membres de l'école Le 6 février 1512, la « convocation » de la province des Lacs, Lake school. De son œuvre poétique nous n’avons pas à parler ici. Mais son inlluence philoso­ de Canterbury s’étant réunie pour prendre des mesures contre les lollards dont l’hérésie reprenait vie,Colet fut phique et religieuse fut profonde sur ses compatriotes. Un chargé par l’archevêque Warbam de prononcer le dis­ voyage en Allemagne (1798) lui avait permis de suivre les leçons de Blumeiibach et d’Eicbliorn, et de s’initier cours d’ouverture; il profita de l'occasion pour attaquer à la philosophie de Kanl. Les œuvres de ses dernières vigoureusement la corruption de nombreux ecclésias­ tiques, leur ignorance de l’Écriture et des Pères, leur années. Lay sermons, 1816, 1817; Aids to reflection, luxe et leurs manières toutes mondaines; l’orateur ré­ 1825; Essay on church and state, 1830, et celles pu­ bliées après sa mort, Confessions of an inquiring spi­ clamait une prompte réforme et faisait observer que l’Église avait, dans ses canons, si on savait en urger rit, 1840; Essay on method, 1845; Hints towards a l’exécution, un remède à toutes les misères signalées. formation of a more comprehensive theory fo life, Le sermon, immédiatement traduit en anglais et publié, 1818; Notes theological, political and miscellaneous, lit une grande impression et augmenta te nombre des 1850, ont contribué à répandre en Angleterre la pbilo- 3G3 COLET — COLLET ennemis de Culet. On recueillit dans ses commentaires d'Oxford, dans ses prédications au peuple, dans les rè­ glements donnés à l’école de Saint-Paul, toutes les pro­ positions qui pouvaient paraître hétérodoxes. Le vieil évêque de Londres, Fitzjames, dénonça au primat de Canterbury le doyen de Saint-Paul comme coupable d’hérésies, pour ses attaques au culte des saints, ses critiques de la propriété ecclésiastique, ses traductions en langue vulgaire de passages de l’Écriture et de prières liturgiques. Après examen de la cause, Warham, ami et protecteur de tous les humanistes de l’époque, déclara les accusations non fondées et refusa de sévir. En 1514, il semble que Colet ait fait avec Erasme un pèlerinage à la châsse de saint Thomas Becket; si, comme on le croit communément, le Gratianus Pullus du récit d'Érasme n'est antre que le doyen de SaintPaul, il faut reconnaître que son attitude sceptique en présence des reliques du saint, ses railleries de la gé­ nérosité et de la piété des pèlerins, prouvent un véri­ table manque de sens catholique. En 15'15, Colel prêcha à l'occasion de l’entrée à Westminster de Wolsey promu cardinal, et donna en toute franchise à l’ambi­ tieux ministre les meilleurs conseils d’humilité el de désintéressement. Les dernières années du doyen de Saint-Paul furent consacrées à son école préférée dont les statuts définitifs furent par lui terminés en juin 1518. Il mourut le 16 septembre 1519 et fut enterré dans son église. On remarqua que dans son testament aucune prière n’était adressée à la sainte Vierge et aux saints, aucune fondation de messes prescrite. Dans les œuvres de Colet on trouve des erreurs indé­ niables, el trop souvent, par réaction contre les abus dont il aurait désiré la correction, il s’en prend à des doctrines et des pratiques chères à l’Eglise. Ses cri­ tiques exagérées de la scolastique de son temps, les railleries dont il poursuit la piété populaire â l’égard des images et des reliques des saints, ses déclamations contre les richesses du clergé, lui ont valu les éloges des premiers protestants. Colet, cependant, fut toujours soumis à l’autorité de l’Eglise, et ne demandait comme réforme qu'un retour à scs anciennes lois; s’il avait vécu quelques années de plus, la persécution de Henri VIII « l’aurait certainement trouvé aux côtés de More et de Fisher ». S. L. Lee, p. 327. Les œuvres de Colel ne furent publiées pour la plu­ part qn’après sa mort. Une édition très soignée en a été donnée par J. H. Lupton de 1867 à 1876. Sa correspon­ dance a été éditée dans les œuvres complètes d’Érasme, Leyde, 1703, t. in. Gairdner, The English Church in the 16" century, Londres, 1903; Gasquet, O. S. B., The Eve of the Reformation, Londres, 1900; Green, Histoire du peuple anglais, trad. Monod, c. iv, Paris, 1888, t. I. p. 346 sq.; Knight, I.i/e of Colet, Londres, 1823 ; Lupton, Life of J. Colet, Londres, 1887 ; Seebohm, Oxford reformers, Londres, 1869; art. de S. L. Lee dans le Dictionary Of national biography, t. Xi, p. 321 sq. J. de i.A Serviere. COLETI Nicolas naquit à Venise en 1680; il y com­ mença ses études qu’il acheva à l’adoue, où il conquit le grade de docteur. Prêtre de l'église Saint-Moïse de Venise, il s’adonna, de bonne heure, aux travaux d'éru­ dition, pour lesquels il avait un goût particulier. Cette ardeur pour le travail, il la tenait de deux oncles : JeanDominique et Jean-Jacques, et il la communiqua à ses propres frères, à qui il fit abandonner tout négoce pour ne s’occuper que de librairie et d’imprimerie. Son oncle Jean-Dominique avait conçu le projet de donner une nouvelle édition, revue et augmentée, de Vitalia sacra d’Ughelli. Il élait réservé à Nicolas, à Sébastien, son frère, enfin plus tard à Jean-Dominique, son neveu, de mettre au jour cette œuvre des plus importantes. Le Ier volume parut en 1717 ît fut dédié à Clément NI. le s* et dernier parut en 1722. Celte édition continuait 364 le texte de la première, lequel s’arrêtait en 1618, et recti­ fiait de nombreuses erreurs. H s’en trouve pourtant encore, mais qui sont surtout des fautes typographiques. Coleti doit aussi sa juste réputation à sa collection de conciles. Avant lui existaient deux bonnes collections générales : celle de Labbe et Cossart. 18 in-fol., Paris 1671-1672, et celle dans laquelle llardouin avait publié les actes des conciles, en supprimant tout commentaire et tout concile dont les actes sont perdus, 12 in-fol., Paris, 1715. Enfin, Baluze avait songé, lui aussi, â une nouvelle collection de conciles, mais il n'en parut que le t. 1er, Paris, 1683 ; 2e édit., 1707. Coleti prit connue base l’édition de Labbe; il y ajouta les textes édités et les corrections fournies par Baluze et llardouin,-enfin, il fournit de son propre fonds de nombreux supplé­ ments. Le t" vol. parut, en 1728, à Venise, chez son frère Sébastien associé â Albrizzi, le dernier, en 1733. L'œuvre se compose de 23 vol. dont les deux der­ niers portent le titre eV Apparatus (le n® daté par erreur de mdccxxvih au lieu de mdccxxxiii). Les la­ biés sont fort complètes et d’autant plus utiles que la collection de conciles, éditée plus tard par Mansi, n’en possède pas. On doit encore à Coleti les ouvrages sui­ vants; Series episcoporum Cremonensium aucta, Milan. 1749, dont le premier fonds a été fourni par Vitalia sacra d’Ughelli; Monumenta ecclesiæ Veneta S. Moisis, in-4", 1758, ouvrage de réelle valeur histo­ rique, parce qu’il contient d’anciens documents. Valentinelli, Bibliotheca mamiscripta .S. Marci Vene­ tiorum (1869), t. Il, p. 125, parle assez obscurément d'un manuscrit de MalTei, intitulé : Supplementum Acacianum monumenta nunquam edita continens, quæ marchio Scipio Maffeius a vetustissimis Veronen­ sis capituli codicibus eruit atque illustravit, editum Veneliis apud Sebastianurn Coleti anno TT28. Ce ma­ nuscrit, annoté d’abord par Coleti, puis par Joseph Bianchini, prêtre de Vérone, est aujourd’hui conservé à la bibliothèque Vallicellana de Rome. Coleti mourut en 1765 et fui enseveli à Saint-Moïse. On prétend que ses frèrespublièrenlde lui deux dissertations posthumes, mais un érudit révoque en doirle celte assertion n’ayant jamais pu en rencontrer la mention sinon dans un cata­ logue. Si Coleti a pu faire de si grands travaux, c’est qu’il disposait d’une bibliothèque considérable, com­ mencée par ses oncles. Le catalogue en a été publié, en 1779, par Jean-Louis Coleti, et il contient un millier d'ouvrages d’érudition, Biographie universelle, Paris, 1813, t. ix, p. 236-237 ; Giro­ lamo Bandolo, La radota delta republica di Venezia, Venise, 18.55 ; Hurter, Nomenclator, 1895, t. m, col. 124-125. J.-B. Martin. COLLET Pierre, théologien français, né le 31 août 1693, à Ternay, dans le Vendomois, dans cette partie de l'ancien diocèse du Mans qui se trouve comprise dans le diocèse actuel de Blois. Dans ses Lettres critiques Turin, 1751, p. 7, il nous apprend qu’il fut élevé dan? deux séminaires de la congrégation de la Mission, mais il ne les désigne pas. Il fut admis au noviciat, à Paris, le 6 septembre 1717, étant âgé de 24 ans et probable­ ment déjà prêtre et docteur en théologie. Dès qu'il eut fait les vœux (7 septembre 1719), il fut chargé d'ensei­ gner la théologie dans la maison de Saint-Lazare ; il est certain, du moins,qu’il était chargé d'un cours en 1720, car il déclare, Lettres critiques, p. 15, qu’il est l’auteur d’une lettre publiée vers cette époque « par un jeune professeur de Saint-Lazare ». Pendant quelque temps il résida dans une maison de la congrégation, en Bretagne, car c’est de cette contrée — ex Oceani brilannici Ulto­ ribus — qu’il partait en 1731, pour revenir à Paris, ou il était rappelé par le supêrieurgénéral, sur les instances de l'archevêque de Paris. Charles de Vintimille. Totirnély venait de mourir (26 décembre 1729). laissant ina­ chevé un cours de théologie dont l’université et les SG5 COLLET 306 3e édit., 3 in-12, Paris, 1836; 9. Examen et résolution séminaires faisaient le pins grand cas, et de toutes parts on exprimai! le désir que ce cours fût conlinué. Le car­ des difficultés qui se présentent dans la célébration des saints mystères, in-12, Paris, 1752; les éditions dinal de Fh v, alors premier ministre, invita Collet à se charger ... l’entreprise; Collet accepta. Pendant suivanlessontintitulées: Traité des saints mystères, et trente ans. il travailla sans relâche à cette œuvre impor­ la 7e, 1768, comprenait deux volumes; le P. Nicolas Collin fit encore paraître contre elle des Observations tante dont le xvii' et dernier volume ne parut qu'en 17(11 ; dans cet intervalle, il trouva encore le temps de critiques, in-12, 1771, ajoutées comme 3« vol. aux édi­ composer plus de 40 volumes sur divers sujets. Après tions postérieures du Traité des saints mystères, et fondues dans l’ouvrage par le sulpicien Caron, 2 in-12, avoir mis la dernière main à son cours de théologie, il fil un voyage en Italie pour réparer sa santé affaiblie, et Paris. 1817; 12» édit., Paris. 1848. L'abbé Richaudeau rencontra à l’adoue le pape Clément XIII qui l'accueillit a rendu ce traité conforme aux règles delà liturgie ro­ maine: Nouveau traité des saints mystères, in-12, Paris, avec beaucoup de distinction. Par son enseignement 1853 ; 10. Examen el résolution des principales difficultés Collet exerça une grande influence. Ses ouvrages, adop­ tés comme classiques dans un grand nombre de sémi­ qui regardent l’office divin, in-12, Paris, 1754; 6» édit., Paris, 1763; Lyon. 1822; Paris. 1828; 11. Traité histo­ naires, en France, en Italie et en Allemagne, contri­ buèrent â retenir dans les limites de l’orthodoxie rique, dogmatique el pratique des indulgences el du l’enseignement des séminaires que le jansénisme jubilé, 2 in-12, Paris, 1759; 12. Traité des exorcismes de l’Église, in-12. Paris, 1770; 13. Abrégé du Diction­ essayait de confisquer â son profit. Aussi lesjansénistes ne négligèrent rien pour discréditer le fameux théolo­ naire des cas de conscience de M. Pontas, 2 in-4°, Paris, 1764; 4 in-8°, Paris, 1768; 2 in-4°, Paris, 1771 ; à la lin gien. Le rédacteurdes Nouvelles ecclésiastiques l'attaqua du t. n. Collet annote el critique les Casus conscientliæ de sans aucun ménagement. On le dénonça, dans des Bologne, attribués à Benoit XIV et imprimés à Ferrare; libelles, à l'épiscopat français. Tous ces efforts furent 14. Traité de lavérité de la religion chrétienne, 2 in-12, inutiles : pendant que le jansénisme pénétrait dans les Paris, 1753; revision du traité du protestant Jacob Verséminaires de l’Oratoire et de quelques autres sociétés net; 15. Bigles du droit, commentées par Collet et religieuses, il était banni de tous ceux que dirigeait la revues par Compans, in-16, Saint-Flour, 1884. congrégation de la Mission, qui dépassaient, en 1780, le 2“ Ascétiques. — 1. Traité des devoirs d'un pasteur chiffre de soixante pour la France seulement. Adversaire qui veut se sauver en sauvant son peuple, 6» édit., indu jansénisme, Collet n'aimait guère le gallicanisme. 12, Paris, 1769; la !'· édition avait paru à Avignon en Mais il était obligé de respecter la doctrine des quatre 1757; 2. Traité des devoirs de la vie religieuse,'! in-12, articles pour échapper aux tracasseries du parlement. Lyon, 1765; cet ouvrage est spécialement destiné aux C'est dans cette situation équivoque qu’il faut juger Collet. Il mourut le 6 octobre 1770,â la maison de Saintreligieuses; 3. Traité des devoirs des gens du monde Firmin, dont il était supérieur. Il composa un grand et surtout des chefs de famille, in-12, Paris, 1763; nombre d'ouvragesque nous groupons sous cinq chefs : trad, espagnole, in-18, Lisbonne, 1768 ; 4. L’écolier 1° Théologiques. — I. Continuatio prœleclionuni i chrétien, ou traité des devoirs d’un jeune homme qui veut sanctifier ses études, in-18; souvent réédité de theologicarum Honorati Toumely, 15 tom. en 17 in-8°, Paris, 1733-1760; plusieurs volumes ont été réédités par 1809 â 1825 ; 5. Instructions et prières à l’usage des officiers de maison, des domestiques el des personnes l’auteur; Cologne, 1735-1754; Venise, 1735-1761; ces éditions étrangères reproduisent la première édition . qui travaillent en ville, in-12. Paris, 1758 ; 4» édit, aug­ mentée, Paris, 1763; on en a tiré le Miroir des domesti­ française de divers traités qui était fort imparfaite; ques chrétiens, in-18, Tours, 18138; 6. Instructions en Venise, 17-46 sq. ; 2. Institutiones theologiae (résumé du précédent ouvrage), 5 in-12, Paris, 1744 sq. ; 3. Insti­ I forme d’entretiens sur les devoirs des gens de la cam­ pagne qui veulent revenir à Dieu et se sanctifier dans tutiones theologicæ ad usum seminariorum (résumé des leçons de Tourné!}'), 2 in-12, Paris, 1749; ces deux leur étal, in-18, Paris, 1770; 7. La dévotion au Sacréderniers ouvrages ont été souvent réédités ensemble Cœur établie et réduite en pratique, in-16, Paris. 1770; sous un titre commun; cette théologie de Collet fut 8. Instructions sur les indulgences, in-16, Paris, 1764, dénoncée, le 21 septembre 1764, à l’évêque de Troyes souvent réimprimées; 9. Méditations pour servir aux par 111 ecclésiastiques du diocèse; l’auteur y est pré­ retraites..., pour les personnes consacrées à Dieu, insenté comme un casuiste relâché. Plusieurs brochures 12, Paris, 1769; le fond de ce livre est de Bonnet, su­ périeur général de la Mission ; il a été réédité, Paris, réfutèrent la Dénonciation. Le P. Marlin Natalis, des 1849,et traduit en polonais, in-12, Cracovie, 1897 ; 10. Mé­ écoles pies, publia aussi, en 1779, un libelle contre la théologie morale de Collet; 4. Institutiones theologicæ ditations à l’usage des religieuses et des personnes qui quas ad usum seminariorum breviori forma contraxit, vivent en communauté (ouvrage posthume de M. Tiberge, supérieur des Missions étrangères, retouché par 4 in-12, Lyon, 1767; Louvain,1768; 5. Tractatus dogmaCollet), in-12, Paris. 1745; 11. Les quatre fins de tico-scholasticus de Deo ejusque attributis, 3 in-8°, Bruxelles, 1769; Collet y attaque souvent Billuart; diffé­ l’homme avec des réflexions capables de toucher les pécheurs les plus endurcis et de les ramener dans la rents traités de Collet ont été réédités dans le Theologiæ cursus completus de Migne; 6. Dissertatio theologica voie du salut, par M. Rouault, curé de Saint-Pair-sur-lade Jansenii /prensis systemate, propositionibus el mer. Nouvelle édition revue el corrigée par M. Collet, in-12, Paris, 1757; souvent réimprimé. tensura, in-12, Paris, 1832 ; 3’édit., in-12, Paris, 1740; 3° Oratoires. — Sermons pour les retraites, avec des 7. cinq Lettres d'un théologien au IL P. .Ί. de G. (André de Grazac) où l'on examine si les hérétiques discours ecclésiastiques, des panégyriques, etc.. 2 in12, Lyon, 1763, dédiés à Clément XIII, et reproduits par sont excommuniés de droit divin, publiées â part, Migne, Orateurs sacrés, t. lv, col. 513-1111. Paris, de mars 1737 à avril 1738, puis réunies, in-12, Bruxelles, 1763; Collet soutient avec vigueur la négative; 4° Historiques. — 1. La vie de saint Vincent de Paul, 8. Traité des dispenses en général et en particulier, 2 in-4", Nancy, 1748; 2« édit, augmentée. 4 in-8û, Paris, 1818; 2. Histoire abrégée de saint Vincent de Paul, in-12, Paris, 1742; 2eédit., 1752; 3» édit., 2 in-12,1758. L’n prémontré, Nicolas Collin, prieur de Rangéval, lit in-12, Paris, 1764; très souvent réimprimée et traduite en espagnol, Madrid, 1849, et en italien, in-8% Naples, paraître sur ce traité des Observations critiques, in-12, 1854; in-8», Turin. 1856; cf. A. Milon, Répertoire bibh >Nancy. 1765, el de Nouvelles observations critiques, in-12, Paris, 1770. Collet en tint compte et prépara une graphique de la congrégation de la Mission, Paris. 1903, p. 29-30 ; 3. La vie de saint Jean de la Croix, nouvelle édition qui fut publiée, après sa mort, par son in-12, Turin, 1769 ; 4. La vie de M. Henri-Marie Bou­ c-juirére Jean Coinpans, 2in-8% Paris, 1788; 2»êdi t.,1827; 367 COLLET — COLLINS don, 2 in-12, Paris, 1753 ;5. La tu'e(abrégée)deM. HenriMarie Boudon, in-12, Paris, 1762; in-S", Évreux, 1886; 6. La vie de la venerable Louise de Marillac, par M. Gobillon, revue, corrigée et augmentée par M. Col­ et, in-12, Paris, 1769 ; 7. La vie de la vénérable mère Victoire Fomari, in-12, Paris, 1771; trad, italienne, in­ i’, Gènes, 1780; 8. Histoire de la bienheureuse Colette Boellet, avec l'histoire de la vertueuse Philippe de Gueldres, œuvre posthume publiée par labbé de Mon­ tis, in-12, Paris, 1771; 9. La vie de M. de Quériolet, suivie de l’histoire abrégée de M. Pierre Ragot, SaintMalo, 1771 ; 10. Vie de Claude Bernard (ms.); 11. Bécit des principales circonstances de la maladie de feu Mon­ seigneur le Dauphin, in-4», Paris, 1766; 12. Histoires édifiantes, recueil de Duché, revu et augmenté par Collet, in-12, Paris, 1767, souvent réimprimé en enlier ou par extraits. 5» Mélanges. — 1. Lettre d’un professeur de SaintLazare au sujet de la nouvelle édition de la Vie de sain t Vincent de Paul, par 4belly, dans les Observations dogmatiques, historiques et critiques sur les ouvrages, la doctrine et la conduite de Jansénius, Ypres, 1724, p. 252 sq. ; 2. Lettres critiques sur différents points d'histoire et de dogme, in-8°, 1743 ; 2' édit., in-12, Tu­ rin, 1751 ; elles sont adressées à l’auteur de la Réponse à la Bibliothèque janséniste, sous le nom de prieur de Saint-Edme; 3. Bibliothèque d’un jeune ecclésiastique, in-8», Paris, 1751. [Rosset.J Notices bibliographiques sur les écrivains de la congrégation de la Mission, Anguuléme, 1878, p. 33-81. V. Ermoni. 1. COLLINS Anthony, déiste anglais, naquit à Isle- worth ou à Heston, prés de Hounslow, le 21 juin 1676, el Gt ses études à Eton d’abord, puis à King’scollege,Cam­ bridge. Vers 1699, il entra en relations avec Locke, qui jusqu’à sa mort (1704) témoigna au jeune étudiant une grande amitié, entretint avec lui une correspondance sérieuse en 1703 el 1704, le choisit poux· un de ses exé­ cuteurs testamentaires, et lui légua une petite somme. L'influence de Locke sur les idées de son ami est sen­ sible. Collins avait commencé ses études de droit; il les abandonna vite pour se lancer dans les controverses de tout genre qui lui valurent une célébrité tapageuse. Après deux voyages en Hollande (1711 et 1712), pendant lesquels il subit l’inlluence des réfugiés français, il de­ vint l'un des adversaires les plus dangereux de la révé­ lation chrétienne. Malgré l'audace de ses attaques con­ tre l’Église établie, et contre les fondements mômes du christianisme, il vécut en paix dans l’Essex, où il s’était retiré en 1715, et possédait les charges de justice of peace et deputy lieutenant. H y meurut de la pierre le 13 décembre 1729. On peut diviser son œuvre très abondante en trois parts : attaques à l'autorité de l’Eglise établie, contro­ verses philosophiques, critiques des preuves de la révé­ lation chrétienne. En 1707, Collins lança son premier pamphlet, Several 9f the London cases considered,suivi en 1709 du Priesttraft in perfection. H attaquait vigoureusement le 20e des 39 articles de l’Église établie : « L'Église a le pouvoir dérégler les rites et cérémonies, et de décider les conIroverses relatives à la foi, » prétendant que cet article ne faisait pas partie du texte voté sous Élisabeth, en 1562 et 1571, par l’Église d'Angleterre. Il revint sur cette question dans les derniers temps de sa vie, en 1724, en écrivant un essai historique et critique sur les 39 arti­ cles. Historical and critical essay on the thirty nine articles of the Church of England. En 1707. parut un essai sur l’usage de la raison hu­ maine, Essay concerning the use of reason, ou Collins attaquait la distinction reçue entre les propositions qui contredisent et celles qui dépassent notre raison, et dé­ clarait inadmissibles les unes comme les autres. La 3GS même année, il prit vivement part à la discussion en­ gagée entre Clarke et Dodwell au sujet de l'immortalité naturelle de l’âme, et soutint les attaques de Dodwell contre cette immortalité dans une Letter to Mr Dodwell et plusieurs tracts qui réfutaient les réponses de Clarke; ces pièces se trouvent dans le t. in des œuvres com­ plètes de celui-ci. Voir Clarke Samuel, col. 3-4. En 1710, Collins critique un sermon où l'archevêque King, de Dublin, avait essayé de montrer l’accord pos­ sible entre la toute-puissance et la science infinie de Dieu, et la liberté humaine; sa réfutation, qui concluait à la négation de notre libre arbitre, porte le titre ambi­ tieux : Defence of the divine attributes. En 1715, il complète cette thèse par une étude intitulée : Philoso­ phical inquiry concerning human liberty; il prétend y prouver que « la liberté de toute nécessité est contraire à notre expérience intime, impossible, incompatible avec les perfections divines, subversive de toutes lois_et moralité » ,p. 115, et cela parce que « toutes nos actions sont tellement déterminées par les causes qui les précè­ dent qu'elles n'auraient pu être autres qu'elles n’ont été dans le passé », p. 11. Ce pamphlet l'engagea de nou­ veau dans une controverse avec Samuel Clarke. Plus que ces erreurs philosophiques, l’audace avec laquelle Collins s’attaqua aux fondementsde la foi chré­ tienne excita contre lui l’hostilité des meilleurs mem­ bres de l’Église établie. En 1713, il lit paraître une apologie en forme de la libre-pensée. Discourse of free thinking. 11 la définissait : « L’effort de l’intelligence pour saisir le sens d'une proposition quelconque, pour considérer l’évidence des raisons qui l’appuient ou la combattent, et ne la juger que d'après la force ou la faiblesse de ces raisons, » p. 5. Il montrait dans cette liberté un droit conféré par Dieu même à sa créature raisonnable; la restriction de ce droit est un obstacle à tout progrès intellectuel, et conduit aux dernières absurdités, spécialement en matière religieuse; c’est un devoir pour l’homme « d’exercer cette liberté surtout à propos des matières auxquelles on lui interdisait jus­ qu’ici de l’appliquer, nature et attributs de Dieu, vérité, autorité, sens des Ecritures », p. 30. Les prophètes, le Christ lui-même et les apôtres n’ont-ils pas été « les premiers des libres-penseurs »; ne les voit-on pas sans cesse proposer des arguments à leur auditoire, lui re­ commander de scruter les Écritures et de ne pas se chercher de maîtres sur la terre, p. 44 sq.? L’ouvrage se terminait par de violentes attaques à l’autorité dogmalique du clergé, et la solution des principales objec­ tions présentées par les adversaires de la liberté de penser. Parmi les nombreuses réfutations qu’il suscita, les meilleures furent celles de Swift, et de Hentley sous le pseudonyme de Phileleutherus Lipsiensis. L’ouvrage a été mis à l’index par décret du 1®r octobre 1715. En 1724, Collins usa de cette liberté qu’il avait reven­ diquée pour critiquer une des preuves principales de la religion chrétienne, la réalisation dans le Nouveau Testament des prophéties de l'Ancien. Son discours sur les preuves fondamentales de la religion chrétienne, Discourse of the grounds and reasons of the Christian religion, parut à Londres, en 1724. Après avoir prouvé que le Nouveau Testament est fondé sur l'Ancien, que les évangélistes et les apôtres ont sans cesse donné comme un de leurs arguments décisifs l'accomplissement des antiques prophéties, dans Jésus et dans son œuvre, il déclare que pas une de ces prophéties ne s’est réalisée à la lettre dans le Nouveau Testament, mais seulement « typiquement et allégoriquement ». Par exemple, la célèbre prédiction d'Isaïe, vu, 24, « fut accomplie litté­ ralement par la naissance d'un fils du prophète, et eut un second accomplissement lors de la naissance de Jésus, événement semblable au premier, et que le pre­ mier devait signifier, soit dans la pensée du prophète, soit dans celle de Dieu qui dirigeait la parole propjié- 369 COLLINS — COLOMBAN (SAINT) 370 tique, » p. 44; la même interprétation est donnée des païen et de le pratiquer en l'honneur de la sainte Vierge. autres prophéties auxquelles apôtres et évangélistes font Elles offraient donc en sacrifice à la mère de Dieu ces appel. Dans cet ouvrage, qui enlevait presque toute petits gâteaux, connus sous le nom de κολλυρίς, et les valeur à l’un des arguments préférés de l’apologétique mangeaient ensuite: d’où leur nom de collyridiennes. traditionnelle, Collins fait preuve d’une vaste lecture; Léonce de Byzance fait allusion â ces pains que les il s’inspire en particulier fréquemment des travaux de philomarianites, comme il les appelle, offraient â Marie. Richard Simon, En deux ans, trente-cinq livres ou Contra Nestor, et Eulych., III, vt, P. G., t. lxxxvi, brochures furent publiés à l'occasion du Discourse of col. 1364. Ce n'était lâ qu’un emprunt indiscret, privé, the grounds, qui eut les honneurs d’une réfutation ofii- i nullement autorisé par l’Église : il aurait pu simplement cielle dans des thèses d’Oxford et de Cambridge. prêter à sourire, mais il se trouvait entaché d'idolâtrie. Collins acheva d’expliquer sa pensée dans un travail Et c’est à cause de cela que l’évêque de Salamine le sur le sens litléral des prophéties, Scheme of literal blâme, le réprouve, d’abord parce que ce n’est pas aux prophecy, La Haye, 1726; Londres, 1727; il examine en femmes qu’appartient le rôle de sacrificateur, ensuite détail douze prédictions que Chandler, évêque de Lich­ parce que le sacrifice n'est du qu’à Dieu, et enfin parce field, lui avait présentées comme s’étant réalisées « lit­ que Marie, n'étant qu'une créature, n'a aucun droit à téralement et uniquement dans le Messie». Une critique des honneurs divins. Les collyridiennes avaient cru spéciale est faite de la prophétie de Daniel, où Collins protester contre un excès, elles étaient tombées dans un voit « l’œuvre d'un faussaire, écrite non pendant la autre. C'est pourquoi elles sont rappelées à l’ordre. Au captivité de Babylone ou immédiatement après, mais vin» siècle, saint Jean Damascène parle encore des colpostérieurement à la mort d’Anliochus Epiphane », hridiennes; mais il ne fait que reproduire, en l’abré­ p. 440 sq. geant, le récit de saint Épiphane. Hær., lxxix, P. G., t. xciv, col. 728 sq. Biographie britannica, Londres, 1789. t. IV, p. 22 sq. ; Ni­ chols, Illustrations of the literary history o/ the 18th cen­ tury, Londres, 1817, t. II, p. 149 sq. ; Dictionary of national Biography, art, Collins Anthony de Leslie Stephen; Kirchenlexikon, t. nt, p. 1474 ; Realencyklopadie fur prot. Theol., 1.1 v, p. 540 sq. J. DE LA SERVIÈBE. Henri, Brabançon d’origine, prit l'habit dominicain au couvent de Bruxelles. Reçu maître en théologie par la faculté de Douai, il enseigna au couvent de Louvain, en qualité de lector primarius, puis de régent. Il enseignait encore en 1692. Collins prit part aux discussions sur la grâce. On a de lui : 1° Theses ile gratia per se efficaci juxta inconcussam sancti Thomie ejusi/ue scholte doctrinam, imprimées à Louvain, in-12, 10 mars 1590, 13 mars 1591, mai 1592, 21 et 23 juillet 1592 ; 2° Expostulationem brevem contra per­ tinens 11. P. Isaaci de Brugen S. .1., sacræ theologies professoris, in-12, Louvain. 2. COLLINS Quétif-Echard.. Scriptores ordinis praedicatorum, t. π, p. 732. R. COULON. COLLIUS François, théologien italien, né près de Milan et mort dans cette ville en 1610. il appartenail â la congrégation des oblats de Saint-Charles et fut grand pénitencier du diocèse de Milan. On a de cet auteur : Conclusiones in sacra theologia numero MCLXV una cum variorum doctorum opinionibus, in-4°, Milan. 1609; De sanguine Christi libri Γ in quibus de illius natura, el]usionibus ac miraculis copiose disseritur, in-4», Cologne, 1612; Milan, 1617; De animabus paganorum, 2 in-4», Milan, 1622. Dans ce dernier ouvrage, l’auteur se demande si Adam, Caïn, Samson,· Salomon, Melchisédech, Job, Balaam, la reine de Saba, Homère, Arislote, Caton et bien d’autres personnages célèbres de l’anti­ quité ont été sauvés; on y trouve également une dis­ sertation sur les sibylles et les rois mages. Une édition avec de nombreuses modifications fut publiée en 1633 et réimprimée en 1740. Ph. Argclati. Bibliotheca scriptorum mediotanenslum, 2 i η-fol., Milan. 1745, t. 1, p. 442; G. Tiraboschi, Storia della lelleratura italiana, in-8·, 1824. t. vm, p. 167. B. Hei btebize. COLLYRIDIENS. Saint Epiphane raconte, Hær., lxxix, P. G., t. xi.it. col. 740, que, de son temps, de la Thrace et de la Scythie supérieure est passée en Arabie une coutume étrange et ridicule, celle de l’offrande de petits gâteaux. Ces gâteaux étaient offerts par les païens à Cérès. Or quelques chrétiennes superstitieuses, vou­ lant rivaliser, d’une part, avec les Quintilia, les Alaximilla et les Priscilla montanistes, et protester, d’autre part, contre les détracteurs du culte de Marie ou lesani.iicomarianites, résolurent d’emprunter cet usage Smith et Wace, Dictionary of Christian biography, Londres, 1377, l. i, p. 596 ; U. Chevalier, Répertoire. Topo-bibliographie, t. i, p. 746. G. Babeili.e. COLOMBAN (Saint). - L Vie. 11. Règle. 111. IV- nitentiel. IV. Lettres, instructions et autres ouvrages. I. Vie, — Colum, en latin, Columba (par diminutif, Colman, en latin, Columhanus), en français, Colomban, naquit vers 540, en Ingénié (le Leinster actuel), pro­ vince située au sud-est de l'Jrlande. Poussé à renoncer au monde et à se livrer tout ensemble à l’étude des sciences et à la recherche de la perfection, il vint se mettre sous la direction de Senell, au monastère de Cluain-Inis. puis de Comgall, dans la fameuse abbaye de Bangor. Après un certain nombre d’années de vie religieuse, il fut gagné par ce désir mystique d’abnéga­ tion et d’aventures qui tourmentait les gens de sa race et, muni de la bénédiclion de Comgall, il prit la mer avec douze compagnons, parmi lesquels se trouvaient Colomban, son neveu, Gall et peut-être Desle ou Déicole, le fondateur de Lure. Après avoir fait escale sur la côte de la Grande-Bretagne, il aborda en Gaule, on ne sait sur quel rivage. Agnoald, leude burgonde qui fut le père de saint Aile, abbé de Rebais, lui procura la pro­ tection de Gontran, roi de Bourgogne, lequel lui ouvrit la grande forêt de Vôge. C’est là qu'au pied du ballon de Servance, vers 590, Colomban et ses compagnons fondèrent le monastère d Annegray, puis bientôt après, sur la même rivière du Breuchin, Luxeuil, et enfin, non loin de là, une troisième communauté qui s’appela Fontaine. Durant vingt ans, Colomban dirigea, d'une main ferme et d'un zèle inlassable, cette confédération de trois monastères, attirant par son austérité des cen­ taines de disciples, jouissant dans toute la région et audelà d'une considération faite de respect, de reconnais­ sance et de crainte, en imposant même au roi Thierry II et à son aïeule Brunehaut, Mais la sainte liberté avec laquelle il reprochait au souverain ses dérèglements, lui valut l’inimitié de la vieille reine. En 610, il fut expulsé de Luxeuil, avec les Irlandais et les Bretons, ses dis­ ciples, et conduit, par Besançon, Avalion, Nevers, Or­ léans. Tours, jusqu’à Nantes, d’où l’on devait le diriger vers l’Jrlande.H s’échappa au moment même de rembar­ quement et vint à la cour de Clotaire 11, puis à celle de Théodebert IL Après avoir décliné les offres du roi de Neustrie qui le pressait de se fixer dans ses Etats, il obtint du monarque d Austrasie l’autorisation de se choi­ sir une retraite chez les peuples encore barbares qui occupaient l’extrémité orientale de ce vaste royaume. H remonta le Rhin, essaya de s’établir à Tuggen, à la tète du lac de Zurich, mais uu exces de Zele de Saint 371 COLOMBAN (SAINT) 372 intérêts de son âme, aspire à la perfection totale, doit viser à un détachement complet. Pour le simple fidèle, l’éloignement du péché et de ses occasions est seul de rigueur; l’abnégation absolue est le but spécial de la vie religieuse. Ce principe fondamental se trouve à la base de tous les codes monastiques; ce qui fut le propre de saint Colomban, c’est qu'il l’appliqua avec une rai­ deur, une énergie parfois déconcertantes. Son disciple avait toute liberté de rester dans le siècle; il a voulu être moine: il doit être logique avec lui-même et logique jusqu'au bout, et si parfois sa volonté défaille, on saura la contraindre à reprendre l’âpre et rude sentier. La règle de Luxeuil se composé donc de deux parties, de caractères bien différents, mais intimement unies en­ semble, du moins dans la pensée du législateur. La pre­ mière appelée souvent llegula monachorum, forme, à strictement parler, le code de perfection monastique et se répartit en dix chapitres assez courts. 1. De Obedienlia. II. De silentio. 111. De cibo et potu. IV. De pauper­ tate. V. De vanitate calcanda. VI. De castitate. VII. De cursu psalmorum. VIII. De discretione. IX. De morti­ ficatione. X. De perfectione monachi. Sauf certaines exagérations, en ce qui concerne l’obéissance et la mor­ tification, celte partie, si elle ne se signalait par une rigueur extrême, n’offrirait rien de bien original. La se­ La vie de saint Colomban a été écrite par Jonas, de Suze, qui conde partie, communément nommée Unguia ccenobiaentra à Bobbio en 618 et fut quelque temps abbé d'Elnone. En­ lis, se distingue davantage des autres constitutions reli­ core que cette biographie renferme des inexactitudes de chrono­ gieuses : elle renferme quinze chapitres de sanctions logie et d'histoire, qu'elle passe sous un silence prudent certains pénales, prévoyant toutes les fautes même légères qu'un traits, certaines discussions qui ont semblé â l'auteur d'une trop mince édification, et qu elle révèle une croyance trop facile au moine peut commettre contre la règle et leur appliquant merveilleux, elle est considérée avec raison comme fundes meil­ une correction sévère, coups de verges, jours de jeûne leurs monuments hagiographiques du vit' siècle. Elle a été édi­ au pain et à l'eau, carêmes supplémentaires, emprison­ tée par Fleming. Collectanea sacra, p. 214-243; par Mabilb n, nement ou expulsion. dans les Acta sanctorum ordinis sancti Benedicti, Venise, Ce code des vertus du cloître appelle des articles or­ t. 11. p. 2-26 sq. ; par Migne, P. L., t. i.xxxvn, coi. 1911-1646; et ganiques sur l'emploi de la journée et sur le gouverne­ en 1902, après une minutieuse collation de tous lesmanuscrils, par ment de la communauté ; sauf pourtant ce qui concerne Bruno Krusch. dans Monumenta Germanite historica, Serintores rerum merovingicarvm, t. iv, p. 108 sq. Le mémo cri­ l'office divin, ces articles n'ont pas été rédigés. tique a édité : Jonæ vitat sanctorum Columbari, Wedasti et Autant qu'il nous est permis de l’inférer, moins tou­ Joannis, dans Scriplores rerum germanicarum in usum tefois par la règle que par VAnliphonaire de Bangor scholarum, Hanovre et Leipzig, 1905. — Voir aussi Luigi della (Bibliothèque ambrosienne,Milan, C. 5 infr.). les moines Torre, Vita di S. Colombano, Milan, 1728; Modéne, 1771 ; Giade Luxeuil et de Bobbio se réunissaient à l’église, aux nelli, Vila di S. Colombano, Turin. 1844, 1894; Besser, Der heures que fixait la coutume romaine, c’est-à-dire au heiligé Columban, Leipzig, 1857; Greith, Die heiligen Glaumilieu dc.la nuit, à l'aurore, à la première, à la troi­ bensbolen, Kolumban und Gallen, Saint-Gall, 1865; Zimmer­ mann. Die heiligen Columban und Gallus, Saint Gall. 1866; sième, à la sixième, à la neuvième, à la douzième heures Cl. Wyatt Bispbam, Columban, saint monk and missionary et, le soir enfin, avant le repos. L’office nocturne se (53ÎI-GÎ5), New-York, 1903; E. Marlin. Saint Colomban (collec­ prolongeait longtemps, varié par des antiennes, des tion Les Saints') Paris. 1905; Montalembert. Les moines d'Ochymnes et des lectures; le minimum était, au solstice cidenl, 1. VII, t. n; Gorini, Défense de l'Église, c. X, t. II. d’été, de trente-six psaumes, aux nocturnes du samedi Cf. LI. Chevalier, Répertoire. Bio-bibliographie, 2· édit., t. 1, et du dimanche, et le maximum, de soixante-quinze col. 990-992. psaumes, au solstice d’hiver. Les psalmodies de la jour­ II. Règle. — 1° Caractère. — Comme tout fondateur née étaient plus courtes : c’était, en effet, le moment du travail. Chaque matin, semble-t-il, sûrement chaque de monaslère, saint Colotnban donna une règle à ses dimanche, il y avait une messe, mais une messe unique, disciples de Luxeuil et de Bobbio. Celte règle, il ne l’inventa point de toutes pièces : il était trop attaché pour laquelle était célébrée par l'un des religieux honoré du cela aux institutions de sa patrie. Il se souvint surtout sacerdoce et, le dimanche aussi, il y avait sermon au­ quel tous, sauf certains empêchements prévus, étaient de la règle de Bangor, dont une vieille séquence célèbre tenus d’assister. l’excellence dans des termes délirants d’enthousiasme. L’administration du monastère restait à l’état rudi­ De qui, Comgall et son maître Finnian, de Clonard, te­ mentaire. La règle parle bien de l'abbé, lequel exerce naient-ils leurs maximes? de Lérins, peut-être, et même des Pères des déserts d’Orient, du moins par Rufin et sur tous un pouvoir absolu et sans contrôle — c’était moins un père de Umille qu’un chef de clan — et des Cassien dont les œuvres avaient passé la mer. Du reste, dans tous ces codes ascétiques, Colomban, familiarisé ! prévôts, nommés par lui, auxquels on doit se soumettre, sans songer, sous peine de quarante jours de jeûne, à qu'il était avec. l’Écrilure, retrouvait les leçons mêmes de l’Evangile, et l'on peut dire que, pour formuler sa appeler de leur décision au tribunal de l’abbé ou à l’as­ règle, il eut moins à s’inspirer des constitutions des semblée des frères. Elle fait une allusion, mais combien vague, au chapitre ou conseil des moines, à un économe Basile ou des Pacôme, des Finnian et des Comgall, que principal et à des intendants subalternes. Elle suppose des enseignements mêmes du Sauveur. une répartition des charges de la communauté entre Cetle règle de Luxeuil est, avant tout, un « miroir » de perfection religieuse. Son principe fondamental, c’est des officiers distincts, cellerier, dépensier, cuisinier, chef de travail, portier, etc. Elle introduit une hiérar­ que cette vie n’est point la véritable vie et qu'il nous chie, non seulement de respect, mais de subordination faut mettre soigneusement à profit les heures d’ici-bas, entre les anciens et les jeunes profès; mais tout cela pour préparer notre avenir éternel. Le moine donc, reste imprécis. Elle se tait sur le travail intellectuel, c'est-à-dire ce chrétien qui, par un souci prudent des Gall compromit la situation, et la colonie irlandaise, poursuivant sa course, vint s'arrêter au bout du lac de Constance, tout près de l'antique colonie romaine de Briganlia, aujourd'hui Bregenz. Il demeura deux ans en cet endroit; mais, après la mort de Théodeberl (612), il résolut île passer en Italie. Agilulf, le roi arien des Lombards, et son épouse, la grande Théodelinde, lui lirent un accueil empressé et lui abandonnèrent dans la vallée de la Treble, pour s'y construire un monastère, un lieu appelé Bobbio. C’est là qu'il mourut, le 23 novembre 615. .Ses reliques sont conservées à Bobbio, dans l'église, jadis abbatiale (jusqu'en 1E03) et aujourd'hui paroissiale, de San-Colombano. Ame impressionnable et ardente, esprit aisément do­ miné par une idée, volonté forte et tenace, cet irlandais parut à ses contemporains, et il nous parait encore un « prophète », à la façon des voyants d’Israël. Il incarna aussi, dans son individualité puissante, tous les traits de sa race, en particulier l’esprit d'aventure et le prosé­ lytisme, la fidélité au siège apostolique, comme la fierté, l’énergie quelque peu sauvage et le patriotisme ardent qui va jusqu’au dédain de l'étranger. Il reste l’un des types les plus curieux, les plus représentatifs de cette époque mérovingienne. 373 COLOMBAN (SAINT) et pourtant il ne fut pas négligé, comme sur l’école qui fut prospere et 1res fréquentée. Il n'y est rien dit de la probation, du noviciat, de la distinction entre les reli­ gieux prêtres et leurs confrères laïques. Les vœux euxmêmes, cette essence de la vie claustrale, se pressentent, plutôt qu'ils apparaissent, à certaines prescriptions, et la stabilité dans le monastère, article important à cette époque, où pullulaient tant de moines « gyrovagues », est donnée, moins comme une conséquence du vœu d’obéissance que comme un degré de perfection. Bref, on devine un coutumier; mais le texte ne fut point arrêté. Saint Colomban était de ces supérieurs qui ac­ ceptent difficilement d'être gênés par des textes écrits. Cette règle de Luxeuil exigeait trop de l'humaine fai­ blesse. De plus, appliquée sans intelligence par un clnf imprudent ou inexpérimenté, elle pouvait aboutir à la ruine de l’activité, entraîner la perte de toute initiative individuelle. Enlin, elle n'assurait aux monastères, ni coulumier précis, ni organisation stable. Autant de causes qui la mettaient en infériorité notoire vis-à-vis de la règle de saint Benoit, si positive et si pratique, si prudente et si pondérée. La règle de saint Colomban a été éditée par Fleming. Collecta­ nea sacra..., Augsbourg, 1121. et, après lui, entre autres, dans la Bibliotheca maxima Patrum, t. xn, p. 3, et P. L., t. i.xxx, col. 209-224. La Régula cœnobtalis a été publiée séparément par O. Seebass, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte.l. xvn, p. 215. — Voir sur la règle de Luxeuil, O. Seebass, Ueber Colum­ bati von l.uxeuils Klosterregel und Bussbuch, Dresde, 1883; Malnory, Quid Luæoviens"s monachi ad regulam monasterio­ rum contulerint..., Paris, 1894; E. Martin, Saint Colomban, p. 40 sq. —Sur la liturgie des moines celtes, lire W. C. Bishop, The Antiphonary of Bangor, dans Church Quarterly Reutietv, 1894; dom Morin, Explication d'uri passage de la règle de saint Colomban relatif à l'office des moines celtiques, dans la Revue bénédictine de Maredsous, 1895. 2» Influence et déclin. — Par sa haute personnalité, l'ardeur de ses disciples (Eustase, Athala, Walbert, Gall, Aile, Sigisbert, etc.) et le zèle de ses admirateurs (Wandrille, Philibert, Fara, Eloi, Ouen, etc.), plus peul-ètre que par les qualités de sa règle, saint Colomban fut dans la Gaule septentrionale et dans la Suisse allemande, durant les deux premiers tiers du vu» siècle, le patriarche de la vie monastique. Nombreux furent les cloîtres que bâtirent ou peuplèrent ses moines,ou des religieuses qui suivaient des statuts analogues. Tels Grandval. Pfermund et Saint-Ursanne, au diocèse de Bâle, les seules fondations directes de Luxeuil; Lure, Saint-Paul de Be­ sançon et Jussanum au diocèse de Besançon; NotreDame, à Nevers ; Jouet, Notre-Dame de Sales et Charen­ ton, au diocèse de Bourges; Quinay et Noirmoutier, au diocèse de Poitiers; Coutances ('?); Fontenelle, Jumièges. Fécamp. Pavilly, Montévilliers, Pentale, au diocèse de Rouen; Saint-Valéry et Saint-Riquier, au diocèse d'Amiens; Sithiu, au diocèse de Thérouanne; Elnone, au diocèse de Tournay; Stavelot et Malmédy, au diocèse de Maastricht; Saint-Jean et Barisy, au diocèse de Laon; Ilautevilliers, au diocèse de Reims; Montiérender, au diocèse de Chàlons; Faremoutiers, Rebais et Jouarre, au diocèse de Meaux; Bèze, au diocèse de Langres; Bonmoutier, Saint-Dié, Senones, Moyenmoulier et Remiremont, au diocèse de Tout; Ebersmunster et Munster, en Alsace; Saint-Gall et Dissentis, en Suisse, etc. Ces monastères suivaient des constitutions qui,de prés ou de loin, tenaient à celles de Luxeuil ; à cette époque, en effet, tout fondateur d’abbaye se faisait sa règle luimême, en butinant par tous les codes qu’il voyait en usage autour de lui. La règle, à laquelle on lit les plus larges emprunts, fut la règle de saint Benoit. On com­ mença. selon toute apparence, par lui prendre ses dis­ positions organiques et par tempérer, d'après son esprit, les trop rudes austérités des constilutions de saint Co­ lomban. S'il faut en croire un diplôme de saint Faron. évêque de Meaux, pour Rebais (636), Pardessus, Diplo­ 374 mata, t. n, p. 40, où se trouve la mention RegulaS. Be­ nedicti, ad modum Luxoviensis monasterii, saint Walbert. troisième abbé de Luxeuil. a du procéder de cette façon, pour son abbaye, et Babolène, son confrère de Bobbio, semble avoir agi pareillement. Les monastères qui s'ouvrirent, surtout à partir de 640. dans le courant du vir' siècle, par toutes les contrées de la domination mérovingienne — nous en pouvons juger par les chartes royales—furent établis « conformément aux institutions de saint Benoit el de saint Colomban ». et cette formule se rencontre alors si fréquemment quelle se trouve in­ sérée dans le Formulaire de Marcoulf et sert vraiment de caractéristique aux documents de celte époque. Mais ses qualités mêmes de prudence et de modération assurèrent le triomphe complet et définitif de la règle du Mont-Cassin. En 817, sur la motion de Louis-leDébonnaire, pour assurer l'unité de vie et de pratiques, le concile d’Aix-la-Chapelle prescrivit, dans tous les monastères de l’empire carolingien, l’adoption de la règle de saint Benoit. Luxeuil et Bobbio renoncèrent alors, s’ils ne l’avaient déjà fait, à leurs observances si rigou­ reuses et aux traditions importées d'Irlande. Malgré leur importance et leur renom, ces cloitres ne furent plus que de simples unités dans l’ordre bénédictin et plus tard dans les congrégations de Saint-Vanne et du Mont-Cas­ sin. Puis, Colomban.en dépit de l'histoire, passa, jusque dans sa chère maison de la Trébie, pour un disciple de saint Benoit, le grand patriarche des moines d’Occident. Il se perdit dans l’innombrable phalange de saints et de bienheureux qui sèment, brillantes étoiles, le chemin par lequel Subiaco monta aux célestes parvis. Sur l'influence de Luxeuil, voir Malnory, Quid Luxovienses monachi, déjà cité; Hauck, Kirchengeschichte Deutschlumis, 1887, t. I. p. 267 sq. — Bobbio eut surtout un rôle littéraire, el sa bibliothèque, réunie surtout entre le vur et le X’ siècles, lut l une des plus riches collections monastiques. Cf. Muraturi, Antiq. Itat., diss. XLIII, t. ni: Rossetti. Bobbio illustrato, Turin, 1795; A. Peyron, .V. Tullii Ciceronis orationum fragmenta inedila. Præfniio : De bibliotheca bobbiensi, Stuttgart et Tubingue. 1824 ; D. von Gebhart, Ein Rïtcher/und in Bobbio; O. Seebass, Handschriften von Bobbio, dans Centralblatt fur Bibliothekenwesen, Leipzig, t v, xm. 111. Pénitentiel. — On a prétendu que moins avancée sur ce point que l'Italie, l’Afrique et les Iles-Britan­ niques, l’Église des Gaules maintenait encore à la lin du vt° siècle pour les péchés graves, même cachés, le système primitif de la pénitence publique, ce qui n'allait point sans inconvénients sérieux. Saint Colomban trans­ planta dans sa nouvelle patrie la pratique de la confes­ sion auriculaire, depuis longtemps en vigueur dans l’Erin. Cf. E. Loaning, Geschichte des deulschen Kirchenrechts, Strasbourg, 1878, l. 11. p. 468 sq. ; Malnory. Quid Luxovienses monachi, etc., p. 63 sq. Mais l'insti­ tution du ministère sacerdotal et secret de la pénitence en Gaule n’est pas l'œuvre de saint Colomban ni celle de ses disciples. L'épiscopat franc, si peu favorable au fondateur de Luxeuil et aux moines irlandais, n’eut pas facilement accepté d’eux un changement de discipline grave et imprévu. Cf. L. Duchesne, Bulletin critique, 1883, t. iv, p. 366-367. Ce changement, d’ailleurs, s’était déjà effectué dans des régions totalement fermées à l'inlluence de Luxeuil, telles que Rome et Tolède. Il était, en outre, le terme d'une longue évolution qui avait rendu la pénitence secrète et privée de solennelle et publique qu’elle était. P. Batiffol, Etudes d'histoire et de théologie positive, I™ série, 3· édit., Paris, 1901. p. 193-194. Colomban et ses disciples furent seulement en Gaule les apôtres de la confession privée, peu prati­ quée; et pour en faciliter la pratique, le fondateur de Luxeuil remplaça la pénitence par l'imposition des mains et la réconciliation publique par la pénitence privée, usitée dans les monastères. Et. pour guider le juge à ce tribunal des consciences, pour determiner les 375 COLOMBAN (SAINT) — COLONIA 37C sanctions applicables aux différentes sortes de péchés , les Monumenta Germanite historica, Epistola·, L m. p. 154-177. Bruno Krusch a découvert à la Bibliothèque nationale, à Paris, et aux diverses classes de justiciables, il composa un et édité dans A'eucs Archiv, t. X. p. 84, un rapport De solempénilenliel, â l’exemple de Finniau, l’abbé de Clonard, nitatibus et sabbatis et neomeniis celebrandis, qu’il croyait avoir de Gildas et d’autres maîtres de l'ascétisme irlandais. été rédigé, à la prière de Boniface IV, par saint Colomban. Ge pénitenliel, ou recueil de canons disciplinaires, Gundlach a inséré ce mémoire dans son recueil des lettres du se compose de deux parties : l’une concerne les clercs patriarche de Luxeuil, Monumenta Germania.· historica. Epi­ et les cénobites, l'autre est destinée surtout à réprimer stola·, t. m, p. 177-182. Mais Seebass, Ueber dem Verfasser eines in Cod. Paris. 16S(il aufgefundenen Briefs, liber die christles vices et les péchés des laïcs. Les sanctions y sont dures et rigoureuses : il le fallait pour retenir et mater lichen Feste, dans Zeitschrift fiir Kirchengeschichle, t. xtv, p. 93, en conteste l’authenticité, et cela, entre autres, pour une les natures rudes, charnelles et généreuses qui se ren­ raison qui semble très forte : l’auteur de ce mémoire déclare contraient à cette époque; mais elles étaient propor­ qu’il ne faut point célébrer la Pâque avec les juifs. Colomban au­ tionnées â la gravité de la faute, à la condition du cou­ rait donc rejeté, vers la fin de sa vie, un point qui s'harmonisait pable, et elles visaient avant tout à inculquer dans les avec les usages irlandais? Ce traité avait déjà été édité dans les esprits l’idée de justice et de réparation. lettres de saint Jérôme, à qui on l’attribuait P. L., t. xxit, A ce code profondément sage, les chrétiens des Gaules col. 1220-1224. Kruscli, d’ailleurs, Monumenta Germanise histo­ rica. Scriptores rerum merovingicarum, t. iv, p. 20, note 15, vinrent demander la paix de leur conscience; saint convient lui-mème de son erreur. Eustase et les autres missionnaires de Luxeuil s’en firent les zélés propagateurs; les évêques francs et bur2» Instructions et poésies. — Ce ne sont guère que gondes s’habituèrent à s’en servir pour châtier les man­ des conseils d’ascétisme, qui intéressent moins le théo­ quements à la loi. réconcilier les pécheurs avec Dieu logien que le linguiste. Ce dernier, en effet, peut y et relever le niveau moral des fidèles, comme du clergé. étudier, et non sans prolit, le style ou la métrique de Vers 650, le concile de Chalon-sur-Saône déclara que, cette époque. « de l’avis unanime des prêtres, la confession était Des Instructiones variat, sive Sermones, publiées, d’après utile â tous. » Plus tard, de facultative qu'elle restait Fleming, Collectanea, Augsbourg, 1621, dans la Bibliotheca encore, cette pratique devint obligatoire. maxima Patrum, t. xn, p.8;et dans P. l..,l. lxxx, col. 239-260, 1Λ pénitentiel de saint Colomban a été édité par Fleming, Col­ lectanea; par Migne, P. I.., t. i.xxx. col. 223-230; par Seebass, Das Pænitentiale Columbani, dans Zeitschrift fur Kirchen­ geschichle, t. xiv. p. 4.30: par Schmitz, Die Bussbüeher und die Bussdisciplin der Kirche. Mayence, 1883. p. 504-602. Ce cano­ niste, p. 591-594, a contesté l'authenticité du pénitentiel attribué à saint Colomban, et cela contre Wasserscbleben, Die Bussordnungen der abendlandischcn Kirche, Halle, 1851, qui s'était prononcé pour l’authenticité. Seebass, par une argumentation très convaincante, op. cil., a prouvé l’authenticité, au moins de la partie essentielle, et Hauck. Kirchengeschichle Deutschland», t. i, p. 254. est du même avis. Sur l'influence de saint Colomban en matière pénitentielle. consulter Malnory, op. cil. (mais avec précaution); Seebass,Ueber Colomba von Lu.reuils Klosterregel und Bussbuch, Dresde, 1883; E. Martin, Saint Colomban, p. 70 sq. Seebass, avec grande probabilité, Ueber dic sogenannten In­ structiones Columbani, dans Zeitschrift fiir Kirchengeschichle, t. xm, p. 513, ne reconnaît comme authentiques que la IIP. De sectando mundi comtemptu ; la XI·, De dilectione Dei et proximi ; la XVP, Çmd est el quid erit, et la XV1P, De octo vitiis principalibus, et, s'autorisant du titre que portent ces quatre sermons réunis dans un manuscrit de l'ancienne biblio­ thèque de Fleury-sur-Loire, il les groupe sous le nom de Ordo S. Columbani. abbatis, de vita et actione monachorum. Il les a publiés dans la même Zeitschrift, t. xiv, p. 76 sq. Les autres lui semblent ètre de Fauste de Riez, abbé de Lérins, ou de l'un do ses disciples. Les poésies, jugées authentiques, de saint Colomban, Gundlach, Ueber die Colomban Briefe, dans Nettes Archiv, t. XV, p. 497 sq., ont été publiées par Gundlach, dans Monumenta Germania· historica, Epistolæ, t. ill, p. 182190. Ce sont : 1· l'acrostiche, en vers hexamètres, Ad Hunaldum (Casibus innumeris decurrunt tempora ville); 2· les hexamè­ tres Ad Sethum (Suscipe, Sethe, libens et perlege metite se­ rena); 3· les adoniques Ad Fidolium (Accipe quxso);h· le rythme à un jeune homme (Mundus isle transibit). E. Martin. 1. COLONIA (André de), prédicateur distingué de IV. Letthes, instructions et autres ouvrages. — 4° Lettres. — 11 nous reste de saint Colomban cinq lettres. La première, à saint Grégoire le Grand (vers 600), insiste sur la question, alors très débattue entre Irlan­ dais et Gaulois, de l’échéance de la fête de Pâques. L’au­ teur y défend, avec une véhémence digne d'une meilleure l'ordre des minimes, également versé dans la théologie cause, un pseudo-canon de l’alexandrin Anatole contre et le droit canon, naquit à Aix en Provence, en 1617, et celui de Victorin d’Aquitaine. Cf. .L Schmid, Die Ostermourut â Marseille en 1688. On a de lui : 1» Eclaircis­ festberechnung auf den brilischen Inseln, in-8», Ratissement sur le légitime commerce des intérêts, in-8°, bonne, 1904. La seconde, à un concile de prélats burLyon, 1675, 4676; Bordeaux, 4677; Marseille, 4682, ou­ gondes (vers 603), revient sur le même sujet, ainsi que vrage censuré par Grimaldi, archevêque d’Aix, et Le la troisième, à un souverain pontife (sans doute Sabinien. Camus, évêque de Grenoble ; 2° Éloge du roi (Louis XIV), vers 604). La quatrième, datée de Nantes (610) et adressée 4687; 3° Lettre de Théopiste à Théolime, contenant un aux moines de Luxeuil, renferme des recommandations éclaircissement nouveau, théologique et nécessaire, sur et des adieux. La cinquième, â Boniface IV (vers 613), la distinction du droit et du fait, in-8“, Aix. 4674; signale, avec une sainte audace et non sans quelque té­ 4’ Le calvinisme proscrit par la piété héroïque de mérité de langage, les dangers que fait courir â l’unité Louis le Grand, in-12, Lyon, 1686. de l’Église le silence que Rome s’obstine â garder dans Michaud, Biographie universelle, 2· édit., t. vm, p. 652; l’affaire des Trois-Chapilres. Colomban qui s’afflige, qui Hœfer, Nouvelle biographie générale, t. xi, p. 290. se scandalise même de ce silence, pourtant si prudent, C. Toussaint. ne semble avoir connu la question que par des ouï-dire 2. COLONIA (Dom inique de), jésuite français, né â de personnes intéressées. Dans toutes ces lettres, se Aix en Provence le 31 mai 4658, admis au noviciat en manifeste un attachement, un dévouement, parfois sin­ 4673, enseigna la rhétorique â Lyon, au collège de la Tri­ gulier sans doute, mais ardent et inquiet, au siège apos­ nité, pendant dix ans, puis pendant vingt-neufans la théo­ tolique. Saint Colomban n'y montre rien de cel « adver- I logie positive. Esprit universel dans le domaine des let­ tres, des sciences religieuses et historiques, il s’essaya saire de la papauté » tel que le représentent Michelet, Ampère, etc., voir Gorini, op. cit., « qui descendit en brillamment, suivant le goât de l’époque, dans la poésie Italie combattre le pape, menaça Rome d'un schisme de théâtre, récits en vers, intermèdes allégoriques, tra­ et inspira des craintes à Grégoire le Grand. » gédies, composa des exercices de style, des discours latins et, en particulier, une Rhétorique célèbre qui Les cinq lettres reconnues authentiques qui nous restent de compta plus de soixante éditions. En même temps il saint Colomban, déjà publiées dans la Bibliotheca maxima Pa­ trum, t. ΧΠ. p. 24-33, et dans la P. L., t. LXXX, col. 259-284, | s'adonnait avec passion â l’étude de l’antiquité et colla­ doivent à W. Gundlach leur édition critique, laquelle a paru dans 1 borait depuis 4701 aux Mémoires de Trévoux. Ses 377 COLONIA — COLORBASUS meilleurs travaux ont pour objet l’histoire religieuse et profane de la vieille cité honnaise : Antiquités profanes et sacrées de la ville de Lyon, avec quelques singularitez recueillies et présentées à Monseigneur le Duc de Bourgogne, in-4°, Lyon, 1701; Dissertation sur un monument antique découvert à Lyon sur la montagne de Fourrière, au mois de décembre J704, in-12, Lyon, 1705; cf. Correspondance de Boileau et de Brossetle, p. 98; Lettre à M. Charles Anlelmy, évêque de Grasse, établissant qu'il n'y a eu qu’un seul saint Eucher, évêque de Lyon, in-4°, Paris, '1726; Histoire littéraire de la ville de Lyon, avec une bibliothèque des auteurs lyonnais sacrés et profanes, distribués par siècles, in-4», Lyon, 1728, t. ;; part. II, ibid., 1730. Il s’est beaucoup aidé, pour ce travail, des manuscrits laissés par le I’. Meneslrier. Cf. Journal des savants, 1729, p. 247 sq.; Acta eruditor. Lips., 1730, p. 361 sq.; Instruction sur le jubilé de l’église primatiale de S.-Jean de Lyon, à l'occasion du concours de la Fête-Dieu avec celle de la Nativité de S. Jean-Baptiste en celleannée 1ΊΜ, in-12, Lyon, 1734. Cf. Journal des savants, 1734, p. 356 sq. A une époque où l’incrédulité et l’athéisme faisaient partout de si grands progrès, il était naturel que l’apo­ logétique chrétienne prît à cœur de défendre les principes mêmes de la foi. Le P. Colonia, bientôt suivi sur ce terrain par l’abbé llouteville, fut le premier qui aborda dans ce but les études de théologie fondamentale. En 1718, sous les auspices de l'Académie de Lyon, qui avait applaudi à l’idée de l’œuvre comme â son exécution, parut La religion chrétienne autorisée par le témoignage des anciens auteurs payent, 2 in-12, Lyon. Cf. Journal des savants, 1718, p. 139 sq. C’est aux jansénistes et aux quesnellistesque Colonias’en prit le plus vivement, même avecun zèle parfois excessif. Il publia en 1722 un ouvrage qui suscita bien des polémiques et des colères : Biblio­ thèque janséniste, ou catalogue alphabétique des livres jansénistes, quesnellistes, botanistes, ou suspects deces erreurs : avec un traité dans lequel les cent et une pro­ positions de Quesnel sont qualifiées en détail. Avec des notes critiques sur les véritables auteurs de ces livres, sur les erreurs qui y sont contenues et sur les con­ damnations qui en ont été faites par l’Eglise galli­ cane ou par les évêques diocésains, in-12, s. I. (Lyon), 1722. Des éditions augmentées parurent à Lyon, 1731; s. I. (Hollande), 1735; Bruxelles, 1739, 1744. L'auteur était trop prodigue de la qualification déshonorante de janséniste; il inscrivait dans ses listes d’écrivains sus­ pects de hauts personnages ecclésiastiques, tels que les cardinaux Bona et Noris, dont les ouvrages, d’ailleurs, dénoncésauSaint-Siège,étaient restésindemnes de censure. Ainsi la S. C. de l'index, par décret spécial du 20 sep­ tembre 1749, prohiba-t-elle cette Bibliothèque comme contenant des choses « relativement fausses, téméraires, injurieuses à des écoles et à des écrivains catholiques même revêtus de hautes dignités ecclésiastiques, et donc contraires aux décrets du siège apostolique ». Le 1 . Patouillet en donna une édition corrigée et fort augmentée sous le titre de Dictionnaire des livres jan­ sénistes ou qui favorisent le jansénisme, 4 in-8°, Anvers (Lyon), 1752; mais elle fut également mise à l'index, en 1754. Toutefois le nouvel Index de Léon XIII (1900) ne mentionne plus ni la Bibliothèque ni le Dictionnaire antijansénistes. .1. Hilgers, S. .1., Der Index der verbotenen Bûcher in seiner neuer Fassung dargelegt uml rechtlich-historisch gewûrdigt, in-8», Fribourg-.enBrisgan, 1904, p. 139. Le P. de Colonia n'avait pas vu la condamnation de son livre. Il était mort à Lyon, le 12 septembre 1741, entouré du respect et de l'estime publics. DeBacker-Sommervogel, Bibliothèque île la C· de Jésus, t. il, col. 13204332; Hurler, Nomenclator. t. il. col. 13224324: Dic­ tionnaire de Moreri. augmenté par Gouget et Drouet. 1759, t. ni, :. 836-837; Dumas, Histoire de l’Académie royale de Lyon, 1.1, 378 p. 229; Nouvelles ecclésiastiques, 1731, p. 66: 1732, p. 80; 1734, p. 99; 1748, p. 88; [Pernetti,) Recherches pour servir a l’histoire de Lyon ou des Lyonnais dignes de mémoire, 2 In-12, Lyon. 1757, t. il, p. 299 et passim ; Reuscli. Der Index, t. 11, p. 827-831, raconte la longue polémique que suscita la mise 5 l’index de la Bibliothèque janséniste. P. Bernard. COLORBASUS. - I. Nom. II. Personnage. III. Doctrine. I. Nom. — Ce nom est diversement orthographié. Tan­ tôt il est écrit Colarbasus, Colarbasos, Κολάρβχσος, par exemple par le pseudo-Tertullien, Præscr., 50, P. £., t. n, col. 70; par Tertullien, Adr. Valent., i, P. L., t. n, col. 546; et l'auteur des Philosophoumena, IV, 1, 13; VI. v, 16, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 76, 332; tantôt Colorbasus, Colorbasos, Κολόρόασο;, par exemple par saint Philastrius, Ilær., 43, P.L., t. XII, col. 1159; saint Augustin, User., 15, P. L., t. χι,ιι, col. 28; saint Épiphane, Wær.,xxxv, P. G.,l. xu, col.628; Théodore!, liter, fab., i, 12, P. G., t. lx.xxiii, col. 361 ; saint Jean Damascène, User., xxxv, P. G., t. xciv, col. 700. La source unique de renseignements se trouve dans saint Irénée, Cont. hœr., I, xu, 3, surtout I, xtv, 1, P. G., t. vu, col. 573. Voici le passage : Ilie igitur Mar­ cus vulvam et susceplorium Colorbasi silentii semel solum fuisse dicens, quippe unigenitus exislens, semen, quod depositum est in eum, sic enixus est. Or ce pas­ sage est fort obscur et a donné lieu à bien des discus­ sions. Heumann d’abord, Ilamburgische vermischle Bibliolhek, 17-43, t. i, p. 145; Volkmar ensuite. Die Colorbasus-Gnosis, dans Zeitschrift fur histor. Théolo­ gie, 1855. p. 602-616, ont essayé de l’interpréter. Comme, d'une part, dans saint Irénée, Marc prétend, â la phrase qui suit, que la tétrade de Valentin peut se comparer à une femme, c'est-à-dire au principe passif de la généra­ tion, ou mieux à une matrice; comme, d'autre pari, les marcosiens empruntaient à l'hébreu ou à l’arainéen des termes pour désigner leurs mythes et leurs rites, il se pourrait que Colorbasos ne fut qu'un mot hébreu sous forme grecque, tel que Kol-Arbas. Or Kol-Arbas, signi­ fiant tous les quatre, désignerait simplement la tétrade. Baur, au contraire, préfère y voir Col-Arbas, ia voix des quatre. Mais, dans l'un comme dans l’autre cas, il fau­ drait renoncer â prendre Colorbasus pour un nom d'homme, pour un gnostique. L'explication est ingénieuse, mais nullement convain­ cante; elle reste une hypothèse. Car, ainsi que l'a montré Hilgenfeld, dans Zeitschrif t fur iviss. Théologie, 1880, p. -481, ce ternie est connu en Egypte comme un nom d'homme; on trouve Κολορβάσις dans les inscriptions grecques et Κολορβάσιος dans Nil, Epist., Ht, 52, P. G., t. t.x.xix, col. 416. Du reste, saint Irénée écrivait pour des lecteurs qui ne connaissaient pas l'hébreu; par suite, s'il avait employé ce terme inconnu, il l'aurait expliqué, et ce n'est pas le cas. Les hérésiologues, qui ont eu sous les yeux son texte original, ont tous vu sans exception le nom d’un gnostique dans Colorbasus. Le système de Marc, en particulier sa théorie sur la Σιγή ou Silence, est fort imprécis. Saint Irénée ne parle du gnosticisme égyptien que tel qu’il le trouvait dans l'école italique. On peut donc voir dans Colorbasus le nom d'un héré­ tique gnostique du ne siècle. II. Personnage. — Si l’existence de ce Colorbasus ne semble pas devoir être mise en doute, on ignore com­ plètement en revanche, les diverses circonstances de la vie de ce personnage ainsi que l'influence qu'il eut et le rôle exact qu'il joua parmi les gnostiquesde son temps. Sa place même parmi les disciples de Valentin est difli cileà préciser. Nulle difficulté à ce qu’il ait été Égyptien de naissance: il est certain du moins qu’il a vécu quel­ que temps à Borne, puisque son nom est cité avec ceux de Ploléinée et de .Marc, deux gnostiques Valentinienque nous savons pertinemment avoir appartenu à l'école italique. Dom Massuel, Diss., I, v, A G., L vu. 379 COLORBASUS — COLOSSIENS (ΕΡΙΤΓ.Ε AUX) col. 108-109, croit pouvoir conclure du passage de saint 1 renée qu’il était disciple de Ptolémée. L’était-il égale­ ment de Marc? C’est vraisemblable, mais la preuve manque pour pouvoir l’aflirmer avec certitude. L’auteur des Pliilosophoumena annonce bien, au commencement du 1. VI, qu'il va traiter de la doctrine de Marc et de Colarbasos; mais, après avoir consacré une trentaine de pages à reproduire tout le passage de saint Irénée sur Marc, il termine en disant qu’il estime avoir prouvé suffisamment que les pythagoriciens et les astrologues avaient été les maîtres de Marc et de Colarbasos, de l'école de Valentin; et il n’ajoute pas la moindre indi­ cation relative au dernier, il est vrai qu’au 1. IV, I, 13, loc. cil., p. 76, il avait indiqué le but de Colorbasus qui était, dit-il, d'expliquer la θεοσέβειαν δια μέτρων καί αριθμών; mais, précisément, celte explication par me­ sures et par nombres est un des traits caractéristiques de la méthode de Marc, et il semble bien, d'après le contexte, que la paternité doive en revenir à Marc, au­ quel cas Colorbasus serait un disciple de Marc. Saint Epiphane consacre un article à Colorbasus et le place avant Marc. Avant d’insérer, en effet, le passage de saint Irénée relatif à Marc, dans une série de courtes notices qu’il donne sur l’enseignement propre aux diffé­ rentes branches de la gnose Valentinienne, de suite apres Ptolémée il note un groupe, et dans ce groupe des sages, comme il l’appelle, il cite Colorbasus. De sorte qu’ici Colorbasus, placé entre Ptolémée et Marc, leur sert de trait d'union, a des points de doctrine communs avec les deux: mais saint Epiphane ne spécilie pas les­ quels, se contentant d’énumérer ces personnages l’un apres l’autre, comme dans une suite chronologique ou d'après la filiation des idées. Cela fait que la question ift-s rapports exacts qui ont existé entre Colorbasus et Marc semble tranchée dans un sens contraire à celui des Pliilosophoumena. Théodoret n'éclaircit pas le problème, car il ne fait qu’abréger saint Epiphane et signale simplement l'exis­ tence des Colorbasiens. Les auteurs latins ne sont pas plus explicites. Tertullicn nous apprend que Valentin a ouvert la voie à Colorbasus. Adv. l’ai., 4, P. L., t. Il, col. 541. Le pseudo-Tertullien reprend la série telle qu’elle se trouve dans les Pliilosophoumena: après Pto­ lémée, Secundus et lléracléon, il cite d'abord Marc, puis Colorbasus. Presser., 50, P. L., t. Il, col. 70. 111. Doctrine. — Dans ces conditions, il faut renoncer à trancher la question de savoir si Colorbasus était dis­ ciple de Marc ou non. Une autre difficulté c’est de pré­ ciser quelle était la doctrine propre à Colorbasus. Nul doute qu’il n’ait appartenu au groupe des disciples de Valentin, notamment au groupe de l’école italique. Nul doute qu’il n’ait des points communs avec Ptolémée et Marc. Nul doute aussi qu’à l’exemple de 3es maîtres et de ses émules, dans l’espoir de jouer un rôle à part et d'être chef d’école à son tour, il n’ait cherché â se spé­ cialiser ou à renchérir sur les systèmes en vogue deses prédécesseurs ou de ses contemporains et qu’il n'y ait réussi que dans une certaine mesure, puisqu’une secte a porté son nom. Mais quelle est sa caractéristique? Nous l’ignorons. Ce qui parait incontestable, c’est qu’avec tous ses condisciples, Colorbasus a adopté dans les grandes lignes l’œnologie, la cosmologie et la sotériologie Valenti­ niennes, qu’avec Ptolémée et Marc en particulier, sons l'influence des pythagoriciens et des astrologues, il a lait jouer dans son système un rôle fantaisiste aux astres, aux lettres de l'alphabet et aux nombres, avec textes bibliques à l’appui, procédé qui ressemble à certaines élucubrations cabalistiques. Mais que, d’autre part, il ait considéré les éons de l’ogdoade comme le produit d’une émanation simultanée et autant de substances distinctes; que, dans leur énumération, il ait interverti l’ordre de l'école italique en plaçant la syzygie άνθρωπο;-’Εκκλη­ 380 σία avant le couple Λίγο;-’Αλήθεια, et qu’il ait expliqué d’une manière différente l’origine de l’éon Sauveur, rien de cela n’est positivement acquis, tout reste dans le domaine de la vraisemblance et de l'hypothèse. Au fond, pendant cette période gnost.ique du il’ siècle, si remarquable par son effervescence, son intempérance philosophique et son activité littéraire, Colorbasus n'a joué qu'un rôle secondaire et n'a eu qu'une influence restreinte. 11 ne fut pas un grand chef d’école, tout au plus un disciple remuant et ambitieux, entouré de quel­ ques partisans. Smith et Wace. Dictionary of Christian biography, Londres, 1877, t. i. p. 593; Kirchenleæikon, Fribourg-en-Brisgau, 1884, t. ni, p. 597-599. G. Bareii.le. COLOSSIENS (Épitre aux). -1. But et occasion. IL Authenticité. III. Division et doctrine. I. But ct occasion. — Saint Paul n'avait jamais visité la ville de Colosses, Col., n, I ; il n’avait donc pas fondé cette Eglise. Le fondateur de l’Eglise colossienne paraît avoir été Epaphras,i, 7; iv, 12. Epaphras était le colla­ borateur de saint Paul, του αγαπητού συνδούλου ημών, I, 7; il était natif de Colosses, ό έξ ύμών, IV, 12. S’il n’est pas sûr qu'Epaphras ait fondé l’Église de Co­ losses, il avait en tout cas prêché l'Evangile dans celte ville, 1,6, et y avait exercé le ministère, iv, 12. La doc­ trine prêchée aux Colossiens était conforme aux idées de saint Paul, II, 5. Comme Epaphras était un chrétien, issu du paganisme, ιν, 11-12, l’Eglise de Colosses était aussi formée en grande partie de pagano-chréliens, n, 13. Étant venu à Rome auprès de saint Paul, Epaphras y rendit un bon témoignage de la foi et de la charité des lidèles de Colosses, 1, 4. ce qui avait réjoui le cœur du grand apôtre, Il, 5; mais en même temps il lui avait signalé les erreurs qui menaçaient la jeune communauté. Ces erreurs, dogmatiques et morales, étaient multiples; mais il est difficile de les rattachera un système unique. Cf., pour les diverses opinions, E. Jacquier, Histoire des livres du Nouveau Testament, Paris, 1903, t. I, p. 316317. Le principe de toutes ces erreurs parait avoir été, E. Jacquier, ibid., p. 316; A. Jülicher. Einleilung in das Neue Testament, 1™ et 2’ édit., Fribonrg-en-Brisgau. 1894, p. 89, un mélange de spéculations sur des êtres intermédiaires entre Dieu et l’homme; ces êtres étaient appelés « anges ». D’ailleurs, une courte énumé­ ration des exhortations, adressées par saint Paulaux Colossiens, nous permettra, par voie de contraste ou de conséquence, de nous faire une idée de ces fausses doc­ trines : t, 5-6, il atteste que la parole de la vérité de l’Evangile, έν τώ λόγω τής αλήθεια; τοΰ ευαγγελίου, fruc­ tifie et croit depuis le jour qu’ils ont entendu et connu la grâce de Dieu dans la vérité, έπεγνωτε τήν χάριν τοΰ Θεού έν άληθεία; 1, 9, il ne cesse de prier pour qu’ils soient remplis de la connaissance de la volonté |de Dieu) en toute sagesse et intelligence spirituelle, την έπίγνωσιν τοΰ θελήματος αυτού έν πάση σοφία καί συνέσει πνευματική,et qu’ils croissent, jf.1l,pàr la connaissance de Dieu, αυξανόμενοι τή έπιννώσει τοΰ Θεού; 1,27, il a plu à Dieu de faire connaître à ses saints quelle est la richesse de la gloire de ce mystère, γνωρίσαι τι το πλού­ το; (édit, erit.) τή; δόξη; τοΰ μυστηρίου τούτου; I, 28. il enseigne tout homme en toute sagesse, afin de faire paraître tout homme [devant Dieu, cf. I,22J parfait dans le Christ, έν πάση σοφία ί'να παραστήσωμεν πάντα άνθρω­ πον τέλειον έν Χριστώ. Ajoutons-y les instructions et les avertissements, et nous aurons une idée plus comph le de ces erreurs : II, 8, il les prévient de ne passe laisser séduire par la philosophie et une vaine tromperie, ôtà τή; φιλοσοφία; καί κενή; άπατης, selon la tradition des hommes, κατά τήν παράδοσιν των ανθρώπων, cf. aussi y. 22; II, il. il leur rappelle qu’ils ont été circoncis, non dans une circoncision faite par la main, mais dans le dépouillement du corps de chair, dans b 381 COLOSSIENS (ÉPITRE AUX) circoncision du Christ, ίν τή περιτομή τοΰ Χριστοΰ; II. 16, il leur déclare qu'ils ne doivent pas craindre le jugement des autres au sujet des aliments ou de la boisson, έν βρώσει ή έν πόσει (probablement la viande et le vin), des fêtes, de la nouvelle lune ou des sabbats; n. 18, il les met en garde contre ceux qui veulent les juger sous une [apparence] d'humilité et par un culte des anges, et qui sont enflés d'orgueil par l'esprit de leur chair, ΰπό τοΰ νοός τής σαρκδ; αύτοΰ; n, 8, 20, il les exhorte à se détacher des éléments de ce monde, τα στοιχεία τοΰ κόσμου. Ces faux docteurs leur enseignaient, Il, 21. à ne pas prendre [les éléments de ce monde], à ne pas y goûter, à ne pas y toucher, et, 7. 23, à mortifier le corps, έν... άφειδία τοΰ σώματος, ils avaient une religion factice, έΟελοΟρησζία. De cet examen nous pouvons conclure que le but de l’Épitre aux Colossiens est double : l’un principal : combattre les fausses doctrines qui circulaient dans cette Église; l'autre secondaire : féliciter les Colossiens de leur foi au Christ et de leur charité. Cf. L. Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1906, t. i, p. 68-73. H. Authenticité. — /. hypotheses de l'inauthenti­ cité. — Elles sont au nombre de deux : 1° Les uns ont cru voir, dans les faux docteurs de l’Epitre aux Colos­ siens, les gnostiques, qui menaçaient, au 11" siècle, l’existence de l’Église; par suite de cette opinion, ils ont imaginé une Épitre destinée, sous le nom du grand Apôtre, à frapper à la tête la gnose. On a voulu recon­ naître aussi, dans les deux parties opposées de l’Epitre, deux couches superposées : l'une, authentiquement paulinienne, ou l'on combat les faux docteurs; l’autre, plus récente d'un decennium, où la gnose est regardée comme l’ennemi héréditaire, et où l’image de l’hérétique est si finement dessinée que l'on est obligé d'y voir le gnostique du ii'siècle. Cette théorie a été soutenue, avec quelques variantes, par Fd. Ch. Baur, Schwegler, Kôsllin, llilgenfeld, Hausrath, et d'autres. — Mais, répond à bon droit A. Jülicher, op. cil., p. 90, tous les traits de l’Epitre conviennent à une classe de docteurs qui ont pu existerait temps de saint Paul; rien n'indique qu'il soit question d'un des grands systèmes gnostiques, que l’on peut passablement dater. Des formules comme celle de Col., il, 9, ne se trouvent pas, il est vrai, dans les Épilres antérieures de Paul; mais ce détail ne peut inlirmer l'authenticité de toute l’Épitre; de même, dans la section, i, 15-20, saint Paul peut fort bien développer sa christologie antérieure, en se plaçant à un autre point de vue ; d'ailleurs, on remarque des analogies doc­ trinales entre l’Epitre aux Colossiens et d'autres Épitres de saint Paul; ainsi l'idée que le Christ est la tète du corps des fidèles, Col., t, 18, 24; n, 19, se retrouve dans I Cor., xn, 27; de même Col., lit, 11, répond à ICor., x, 32. et Col., lit, 17, à 1 Cor., x, 31. Cf. aussi Col., tv, 9, et Pliilem., 11, 23. 21. II. HYPOTHESE DE L’INTERPOLATION. — D’autres exé­ gètes soutiennent que l’Épitre actuelle aux Colossiens résulte.en grande partie, d'interpolations pratiquées sur une Epilre authentique de saint Paul. Ces auteurs re­ connaissent dans l’Épitre un fonds paulinien plus ou moins étendu (41 versets, d'après Holtzmann; toute l’Épitre à l'exception de t, 16b, 17, d’après Von Soden); tout le reste, non paulinien, aurait été composé à l'aide de lambeaux détachés d une Épitre authentique de saint Paul. Mais quel est l’interpolateur? Pour Holtzmann, c'est l'auleur de l’Epitre aux Éphésiens; Von Soden et l’Ileiilerer distinguent ces deux auteurs; Von Soden pense que les interpolations sont postérieures et Pfleiderer croit qu’elles sont antérieures à la composition d- l’Épitre aux Ephésiens. Cf. A. Jülicher, op. cit., [·. 91 ; Jacquier, op. cil., p. 323 ; H. von Sodén, Die Briefe an die Kolosser, Epheser, dans le Hand-Commentar zum Eeuen Testament, 2° édit., Fribourg-en-Bris­ gau. 1893, p. 3. — Mais, répond Jülicher, le soupçon 382 d’interpolations ne se serait jamais élevé si l’on n’avait pas eu l’Épitre aux Éphésiens avec laquelle, en effet, elle présente la ressemblance la plus étroite tant pour le fond que pour le style. Ces deux lettres si ressem­ blantes ont une origine commune. « Conçues à la fois dans le même esprit, nées dans les mêmes circonstances, portées à des Églises voisines par le même messager, Tychique, elles nous apparaissent comme deux sœurs jumelles qui soutirent d’être séparées et dont chacune n’est même bien complète qu’en ayant sa sœur à côté d’elle. » A. Sabatier, L'apôtre Paul, 3e édit.. Paris. 1896, p. 240. L’Epitre aux Colossiens répond à toutes les exi­ gences d’une Epitre adressée par Paul aux Colossiens dans la situation où se trouvaient ces derniers. tu. preuves de L’AUTHBNTictTÉ. — 1° Les Pères apostoliques ne contiennent que des analogies avec l’Épitre aux Colossiens. Cf. /* Clementis, xxiv. 1, et Col., I, 18; Funk, Patres apostolici,2’ édit., Tubingue, 1901. p. 132; xlix. 2, et Col., ni, 14. p. 162; S. Ignace d’Antioche. .49S, c. vu, indique aussi cinq préceptes : l’obligation d’assister au saint sacrifice de la messe les jours de fête, de jeûner pendant le carême, les quatre-temps, les vigiles et de s’abstenir d’aliments gras le vendredi et le samedi, de se confesser au moins une fois l’an, de communier au moins une fois l’an dans le temps de Pâques et de ne point célébrer le mariage dans les temps prohibés. Depuis le commencement du xvn· siècle, la plupart des théologiens suivent l’énumération de Bellarmin, du moins pour les quatre premiers préceptes. Ils suppri­ ment le cinquième. Ils conservent cependant le nombre cinq en faisant du jeûne et de l'abstinence deux pré­ ceptes distincts. Azor (y 1609), Institutiones morales, 1. Vil. Cologne, 1613, p. 431 sq.; Fagundez (j- 1645), Tractatus in quinque Ecclesiæ præcepta; Lacroix (y 1714). Theologia moralis, I. Ill, part. Il, n. 1258 sq., Paris, 1867, t. II, p. 394 sq.; Salmanticenses, Ciirsus theologiæ moralis, tr. XXIII, proœmium, Venise, 1728, t. v, p. 274; Amort (j- 1775), 'I heologia moralis, tr. Ill, sect, x, Augsbourg, 1758, t. 1, p. 510; S. Alphonse de Liguori (j- 1787), Theologia moralis, I. Ill, η. 1004; Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, 2’ édit., Prato, 1892, t. Il, p. 786; Lehmkuhl, Theologia mora­ lis. t. I, η. 120) sq.; Génicol. Theologiæ moralis insti­ tutiones, L 1, η- 434. L’omission du précepte de la 392 dîme est due le plus souvent aux divergences des cou­ tumes localesou à de profondes transformations sociales. Quand le précepte est exprimé comme au Canada, voir t. n, col. 1485, il élève parfois à sept le nombre des commandements de l’Église. Observons toutefois que ce précepte est parfois mentionné sous la forme plus générale d'obligation d'entretenir les pasteurs ecclé­ siastiques. Sabetti, Compendium theologiæ moral's, 14· édit., 1897, p. 232; Génicol, Theologiæ moralis in­ stitutiones, t. i, n. 434; Noldin, Summa theologiæ mo­ ralis, n. 662, 4’ édit., Insprtiek, 1904, t. il, p. 648. Quelques auteurs y ajoutent l’interdiction du mariage dans certaines circonstances. C’est encore l'usage anglais. Sabetti, loc. Cil. Ainsi VAbrégé de la doctrine chrétienne pour l'usage du diocèse de Tournay, Lille, 1675, contient, p. 43, un septième précepte ainsi for­ mulé ; Hors le temps nopces ne feras, paieras les dîmes justement. D’autres comptent six préceptes, en dédoublant comme Canisius le précepte de la sanctification des iêtes et le précepte d’y entendre la messe, c'est ce que fit Bossuet dans son catéchisme de Meaux. Depuis le XVII· siècle, les catéchismes approuvés par les évêques suivent assez universellement la classifica­ tion de Bellarmin. en omettant presque toujours l'inter­ diction de la solennité du mariage, en ajoutant parfois le précepte d'entretenir les pasteurs ecclésiastiques et en dédoublant habituellement les préceptes du jeûne et de l'abstinence. Le catéchisme composé par Bossuet et tous les caté­ chismes de France comptent six commandements, deux pour l'assistance â la messe les dimanches et l'êtes et pour la sanctification des fêtes, deux pour la confession et la communion annuelles, deux pour le jeûne et l'absti­ nence. Le catéchisme, prescrit par le 111’ concile plé­ nier de Baltimore en 1886 pour les États-Unis d'Amé­ rique, compte six commandements : l’assistance â la messe aux dimanches et fêtes, le jeune el l’abstinence aux jours marqués, la confession annuelle, la commu­ nion pendant le temps pascal, aider à l’entretien conve­ nable des pasteurs ecclésiastiques, et s’abstenir de la célébration du mariage dans les circonstances oû elle est défendue par l'Église. Sabelli, loc. cit. Plusieurs conciles particuliers reproduisent le même enseignement. Quelques auteurs ajoutent assez arbitrairement plu sieurs autres préceptes. Noldin ajoute l'interdiction de brûler les corps des défunts et les régies de l’Église rela­ tivement â la prohibition des livres. Berardi mentionne encore l’obligation de dénoncer le confesseur sollicitant et celle de dénoncer les hérétiques et les chefs secrets des sectes interdites, l'interdiction de contracter mariage malgré un empêchement ecclésiastique dirimant ou pro­ hibant, l’obligation du jeûne naturel et de la confession sacramentelle avant la communion, l'interdiction dis spectacles en carême, l'interdiction de recueillir dis intentions de messe destinées au commerce de livres et l'obligation de donner à l'ordinaire les intentions qui n’auraient point été acquittées pendant l’année. L’Eglise universelle n'a officiellement adopté auctr.e classification. Cf. llecue du clergé français, 1904. t. xi.i. i>. obl-562; Villien, histoire des commandements de l'Église, Paris, 1909, p. 1-19. Outre les traités théologiques sur ta loi ecclésiastique, on peut particuliérement consulter : S. Antonin de Florence, Sionma th-ologica, part. 1, til. xvn, p. xn, Vérone, 1740. t. I, coi. 805 sq., Martin d'Azpicuelta ou Navarrus, Enchiridion sive mam de confesssariorum et pænitentium, c. xxt, n. 1. Rome, 1588, p. 289 sq. ; Canisius, Le grand catéchisme, trad. Peltier. 2* édi’_. 1859, Paris, t. u, p. 103 sq. ; Azor, institutiones morales, I. VIII Cologne, 1613, p. 431 sq.; Bellarmin. Explication de la doctn, ■ chrétienne, c. vu; Lacroix, Theologia moralis, I. III. part Γ n. 1258 sq., Paris, 1867, 1. Il, p. 394 sq. ; Salmanticenses. C'.< -·■■ 393 COMMANDEMENTS DE L’EGLISE — COMMERCE 394 toutes les fois que le producteur éprouve de la difficulté â se mettre en contact avec le consommateur. Par exemple, lorsqu’il s'agit du trafic des objets trop éloignés, ou encore, ce qui arrive dans la grande industrie, lorsque le producteur est absorbé par le travail de la production. 2. Définition juridique. — Dans la langue du droit, le mot commerce a un sens empirique et tout artificiel. Lorsqu'ils traitent des actes commerciaux, les rédacteurs ciale. 11. Le commerce et la morale. Ill. Le commerce et du code ne se laissent point guider par des considéra­ tions théoriques, ou par les données de l'économie so­ le droit canon. I. Le commerce et l'économie sociale. — 1» Défini­ ciale; ils n’ont en vue que l’utilité pratique et le dépari tion. — La production se fait en vue de la consommation, entre la juridiction des tribunaux de commerce et celle des tribunaux civils. c’est une vérité banale; mais pour se mettre en rapport D'une manière générale, le code comprend, sous le nom avec le producteur le consommateur a souvent besoin de commerce, l’ensemble des opérations qui ont pour d'un intermédiaire : c’est le commerçant, le marchand. but de réaliser des bénéfices en spéculant sur la trans­ Il n’est pas difficile de distinguer un commerçant de formation des matières premières, sur leur transport, tout autre industriel; et de ce fait élémentaire d’obser­ vation, il semble aisé de déduire et de formuler la défi­ sur leur échange et sur tous les actes énumérés dans les art. (532-634 du code de commerce. Ainsi, au point nition du commerce. Et cependant sur cette définition de vue juridique, acheter et vendre, non pour se pro­ les économistes ne sont pas d’accord. J.-B. Say définit curer un bénéfice, mais pour ses affaires personnelles, le commerce : « l'industrie qui met un produit à la cela n'est point un acte commercial. Exemple : Pierre portée de celui qui doit le consommer. » Celte description s'applique au transport, mais le transport des mar­ vend les meubles de son salon et en achète d'autres qui lui conviennent mieux. chandises ou bien est une branche ou bien n’est qu’un 11 est parfois difficile de déterminer si un acte est acte particulier du commerce. Le comte Verri dans ses légalement commercial ou non, les jurisconsultes sont SJcdilazioni. sulla economia politica affirme que « le commerce n’est en réalité autre chose que le transport en désaccord, la jurisprudence est divergente. En géné­ ral, le code fait rentrer dans le commerce l’industrie des marchandises d'un lieu dans un autre ». Mais n’estil pas évident que le seul fait de déplacer un objet, une manufacturière et l'industrie commerciale des écono­ mistes. Il s’ensuit que l'industrie extractive — l’agri­ marchandise, sans échange, sans achat ni vente, ne sau­ culture et l'exploitation des mines — n’est pas comprise rait constituer une opération commerciale? Dans son livre De la liberté du travail, Dunoyer s’ex­ dans Je commerce et que par conséquent les disposi­ tions du code de commerce ne lui sont pas applicables. prime ainsi : « Nous faisons tous des échanges dans la Acheter et vendre des immeubles dans un but de lucre société, nous sommes tous marchands de quelque chose, nous sommes tous commerçants; mais commercer, ven­ devrait être du ressort du commerce, et cependant le législateur français a soustrait ces actes au droit com­ du·, acheter, échanger n’est proprement un métier pour mercial. Pourquoi cette anomalie? D'une part, on a personne. » Il ne nie pas la réalité de la fonction comcraint de confier aux tribunaux de commerce la con­ merciale, il admet même volontiers la définition qu’on naissance des questions immobilières; d'autre part, on en donne; mais il conteste énergiquement la propriété n'a pas voulu admettre en matière d'immeubles la du terme par lequel on la désigne. D’après Dunoyer, le preuve par tous les moyens possibles, conformément à mot commerce désigne l’ensemble des relations que les la règle générale qui régit les actes de commerce. Le h nines ont entre eux pour la satisfaction de leurs dé­ droit commercial est surtout le droit mobilier, mais les sirs. Pourquoi refuser au commerce le sens spécial que intérêts fonciers exigent plus de stabilité et parlant plus lui donne l’usage de toutes les langues et de tous les de restrictions et de garanties que la circulation mobi­ • ivs? c’est du pur arbitraire. « Tout acte d’association, lière. Pas de mobilisation à outrance, pas de commer­ dit Carey, est un acte de commerce, les termes société cialisation excessive, disait avec justesse l’économiste cl commerce ne sont que des manières différentes xprimer une idée identique. » Principe de la science allemand Boscher. Il importe au bon ordre de la société, de laisser subsister quant à l’élément le plus stable de s Cette définition est beaucoup trop vaste, elle la fortune, la propriété foncière, une législation protec­ s'applique à tous les rapports sociaux. trice qui sacrifie moins à l’intérêt de la célérité et de I. Dans un sens large, le commerce est l’échange des l'économie des procédures. bi-ns matériels effectué par et entre les hommes. A cette 2° Analyse du commerce. — L’élément fondamental r lion appartiennent le simple troc et l’échange civil, du commerce est l’échange, c’est-à-dire la convention b ins un sens restreint, le commerce est cette forme de par laquelle on cède à autrui la possession d'une chose . utivité humaine qui fait payer les marchandises du pour obtenir la possession d’une autre chose appartenant p · docteur au consommateur dans un but de lucre. On appelle marchandises tout ce qui possède une valeur à celui-ci. Pour analyser l'acte d'échange, considéronsle dans un cas idéal très simple. Supposons deux . .sage : les meubles et immeubles, les produits de la hommes d'humeur pacifique vivant dans une île et qui te rre, les objets manufacturés, le sol, etc. L’échange lu­ cratif. tel est donc le commerce. L’intention de réaliser se rencontrent. L un, par son travail, a ramassé une en bénéfice est un élément essentiel au commerce pro- grande quantité de combustible, miiis il manque de vi­ vres. L’autre, adonné à la chasse, a abattu beaucoup de ; --ment dit; supprimez ce but et il ne reste plus que gibier, mais il n’a pas de bois. Le bûcheron et le chas­ i-change; or, personne ne songera à donner le nom seur ayant chacun en abondance ce qui manque à l'autre, d opération commerciale an simple échange de deux il suffit d’un accord entre eux pour les tirer d’embarras. c' jets. Le commerce comprend l'échange, mais l’échange Ils font un échange : celui qui a du bois en cède une s.ns production, c’est-à-dire sans modification ou alté­ ration des propriétés de la matière. C'est ce qui le dis­ partie et acquiert du gibier, celui qui possède du gibi- r en abandonne une certaine quantité et reçoit du com­ tingue de l’industrie, celte forme de l’activité humaine bustible. La raison qui détermine cet échange, c'est qui transforme la matière et en fait un produit. l'avantage des contractants. Grâce à lui, chacun d’eux Toute industrie a un côté commercial, puisque l'in­ obtient ce qui lui manque avec moins de peine que s’il dustriel ne travaille pas seulement pour produire, mais pour vendre ses produits et réaliser un bénéfice. Cepen­ devait l’acquérir par son travail. Inutile de faire inter­ venir dans cette convention le sentiment de solidarité dant le commerce se développe en industrie spéciale theologia meratis, tr. XXIII, Venise, 1728. t. V, p. 274 sq.; Amori, Theologia moralis, tr. Ill, sect, x, Augsbourg, 17â8, t. t, p. Mû; S. Alphonse de Liguori, Theologia moratis, 1. Ill, η. 1004 sq. ; Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, 2 édit.', Prato. 1802, t. n, p. 788; Lelnnkulil, Theologia moralis, t. t. η. 1201 sq. ; Gënicot, Theologiat moralis institutiones, t. 1, n. 'iJ4: Kirchenleahkon, t. v, col. 161-104. E. Dublanchy. COMMERCE. — I. Le commerce et l'économie so­ 395 COMMERCE ou de sympathie; l'intérêt personnel bien entendu suflit pour motiver l’échange, chacun tire de son industrie un avantage plus grand que s'il était isolé. Considérons de plus prés les conditions de l’échange. Le chasseur a cédé au bûcheron une quantité définie de gibier contre une portion déterminée de bois. Supposons que, évaluées en poids, ces quantités représentent deux unités de gi­ bier contre dix unités de combustible; on dira que, dans cet échange, deux unités de gibier en valent dix de bois. La valeur relative du bois et du gibier a été fixée à cette proportion par l’accord des volontés des deux contrac­ tants. Cet accord librement consenti est la cause de I échange. Envisagé en lui-même et limité â son effet immédiat, l'échange ne donne qu’un bénéfice subjectif: chacun des deux contractants trouve un moyen d’acquérir une somme d'utilités plus grande que celle qu’il possédait; mais si l’on envisage la société qu’ils forment, l'ensemble des richesses existantes ou la totalité des produits dont disposent les hommes, on constate que l’échange n'a rien modifié sinon dans l’appropriation des richesses pro­ duites par le travail. Aussi bien le rôle capital de cette opération apparaîtra dans ses conséquences sociales, en produisant la division du travail. 11 est à remarquer aussi que la ■ .le adoptée pour l’échange : deux unités de gibier cobue dix de bois (ou toute autre proportion), c'est-à-dire I valeur relative des objets échangés, n’affecte en rien ia somme des richesses existantes. Introduisons maintenant un autre facteur important, la concurrence, et, poursuivant notre exemple, supposons qu’au lieu de deux habitants l'ile en renferme quatre : deux chasseurs et deux bûcherons, tous indépendants les uns des autres. Si chaque chasseur rencontre isolément un bûcheron, les échanges entre eux se feront comme il a été décrit, mais si les deux couples se trouvent réunis simultanément au même endroit, les conditions seront différentes. Les deux chasseurs oilrent du gibier et demandent du combustible, les deux bûcherons ollrenl du combustible et demandent du gibier. Désor­ mais il ne dépend plus de la décision d'un seul chasseur de fixer la valeur de son produit; s’il exige dix unités de bois pour deux de gibier et que l’autre chasseur ayant plus de gibier en offre trois ou quatre unités pour la même quantité de bois, les bûcherons en profiteront. II est vrai qu’eux-mêmes sont dans un cas identique l'un vis-à-vis de l'autre. L'équilibre des offres et des deman­ des, c’est-à-dire des désirs des contractants, s’établira au point déterminé par la volonté de celui des deux chasseurs dont le besoin était le plus pressant et qui pouvait offrir le plus de gibier en échange et par celle du détenteur de combustible dont le besoin était le plus pressant et qui pouvait offrir le plus de bois. La concurrence a donc pour premier effet l'abaisse­ ment de la valeur du produit, au plus grand avantage ée ceux qui ont besoin d’acquérir ce produit. Au commencemei.. de ce siècle, pendant la guerre de l'indépen­ dance, les Chiliens, producteurs de cuivre, ayant grand besoin de fer, échangeaient aux Anglais le cuivre pour un poids égal de 1er; en Europe où il y avait d'autres producteurs de 1er, ils auraient obtenu une quantité bien plus considérable de ce métal en échange du cuivre. Un autre effet de la concurrence, c’est d’accroitre la somme des quantités échangées et par suite de stimuler la production. Tel bûcheron qui n’aura obtenu qu’une unité de gibier pour dix de bois renoncera à abattre du bois ou n’en abattra qu’une faible quantité; s’il espère obtenir une proportion double de gibier, il abattra peutêtre quati fois plus de bois. A mesure que le nombre des concui i. nts s’accroît, la psychologie individuelle de chacun joue un moindre rôle et il court moins risque d’être exploité en raison de l’urgence de ses besoins. L’échange prend un caractère de plus en plus imper­ sonnel, il met en présence une certaine quantité de 396 besoins et une certaine quantité de produits, et ta valeur des marchandises se détermine, non plus par la conven­ tion de deux volontés isolées, mais par l’estimation com­ mune de toutes les parties intéressées à l'échange. L’estimation commune est la loi de l’échange et par commune on entend l'estimation dans le milieu des gens qui peuvent faire l’échange, c’est-à-dire sur le même marché. Depuis dessiècles, l’estimation commune est donnée comme règle des marchés, critère de la va­ leur et du juste prix. Voir Prix juste. Le moyen âge l'indique déjà, et tous les docteurs de la scolastique ont continué à préconiser la communis œslimatio. L’esti­ mation dépend de plusieurs facteurs; le plus important comprend deux termes qui se combinent. Leur inlluencc, qui a été érigée en loi, se formule ainsi : La valeur d’une chose esl en raison directe de la demande et en raison inverse de l'offre qu’on en fait. Cette loi célèbre a été exposée depuis longtemps par les économistes, en termes très variés. Au fond, elle est l’expression d’observations très simples, elle formule la combinaison des désirs des deux parties échangistes : la demande est le désir effectif de se procurer la chose; l'offre représente le degré d'abondance ou de rareté qui impose certains sacrifices pour obtenir l’objet désiré. Les conditions de l’offre et de la demande s'établissent sur l'ensemble du marché, constitué par des groupes d'acheteurs et de vendeurs; c’est le prix courant; elles sont publiques pour beaucoup de marchandises. L’offre et la demande ne sont, en définitive, que le signe exté­ rieur de deux causes plus intimes : l'utilité et la rareté. On remarquera enfin, qu'il ne s’agit pas d’une théorie purement quantitative, du rapport entre les masses existantes des divers objets; les quantités existantes ont une influence, mais elle est dominée par des facteurs psychologiques. 3» Evolution du commerce. — Le troc est le premier degré de l’échange, c’est la simple livraison d’un produit contre un autre; le troc ne permet que des échanges très imparfaits, puisque la valeur des objets échangés n’étant déterminée que par le désir ou le besoin, on ne cherche pas à la calculer pour s'en rendre compte. Aussi l’usage s’en est-il restreint. A l’origine, on a senti les inconvénients du troc, et l’on a cherché, pour mesurer les valeurs, des objets moins exposés à des variations de prix que les marchandises elles-mêmes. Dans les îles, au bord de la mer, on s’est servi de coquillages rares, d’une forme déterminée, à l’époque ou les métaux précieux, inconnus ou peu répandus, n’étaient pas encore en circulation. Puis sont intervenus les métaux précieux, l’or, l'ar­ gent, le cuivre, d'abord sous forme de lingots avec des formes particulières, dont il fallait contrôler le poids et le titre; puis sous forme de monnaie, avec une effigie d’abord symbolique, puis divine et ensuite humaine. On obtint ainsi dans les échanges toute la précision dési­ rable. On sait qu’on recevra toujours une quantité de métal dont le poids et le titre seront déterminés et dont la valeur sur les divers marchés du monde sera moins variable que celle des marchandises. Dans la première phase d'organisation industrielle, celle de la famille, il est évident qu’il ne peut y avoir lieu à aucun échange, chaque groupe formant un organisme autonome qui se suffit à lui-même. C’est uniquement par le travail de ses membres, de ses esclaves, plus tard par les corvées de ses serfs que le groupe pourvoit à ses besoins. Le commerce n’a point commencé entre voisins comm­ on pourrait être tenté de le croire, pour s’étendre ; · ; à peu au loin. Entre les membres d’une même famille, d’un même clan, il y avait trop de conformité d’habi­ tudes et de besoins, une division du travail trop peu développée pour qu’un mouvement d’échanges régule pût prendre naissance. C’est entre des peuples éloign· et de régions différentes que le commerce a d'abord pris 397 COMMERCE naissance. Le commerce a été international avant d’être intérieur. Le marchand a d’abord pris la forme de marchand ambulant. Tous les pays où le commerce est encore peu développé en sont encore à ce type : le commerce s'y fait par caravanes. On le retrouve dans nos villages sous la figure du colporteur. Mais ce système du marchand voyageant avec sa marchandise ne peut s'appliquer qu'à des produits d’un transport facile, et surtout est très onéreux, parce qu’il grève chaque article de frais géné­ raux énormes. Les profits des marchands qui vont en caravane dans l’Afrique centrale doivent être de 400 p. 100 au moins pour être rémunérateurs. Le commerce sédentaire est né avec le commerce local, mais à une époque relativement récente, sous l'influence du système des corporations. L'échange dé­ coule nécessairement de la séparation des métiers. Tou­ tefois le commerce est renfermé dans les murailles de la même ville, c'est sur le marché urbain que se ren­ contrent les producteurs et les consommateurs qui sont concitoyens. Les marchands du dehors arrivent pourtant à pénétrer, mais non sans peines et sans luttes et seu­ lement sous certaines conditions rigoureuses. Le grand commerce sédentaire date du xvt· siècle, où îles entreprises de transport se constituent el permettent aux négociants de traiter leurs affaires par lettres, sur échantillons sans être obligés de transporter eux-mêmes leurs marchandises. L'évolution du commerce a suivi celle de l'industrie des transports. Sous le régime des manufactures le marché s’élargit et devient national. On a fait remarquer que l'établissement du marché na­ tional coincide à peu près avec la constitution des grands États modernes et avec le système des fortifi­ cations nationales de Vauban substitué aux fortifications urbaines. Le marché s’élargit encore en devenant colonial, et c’est alors que se créent, au xvn· siècle, ces grandes compagnies de commerce qui jouèrent un rôle si consi­ dérable, par exemple la Compagnie des Indes anglaises. En même temps la spécialisation s’opère : le nombre des genres de commerce distincts s’élève à plusieurs centaines; les intermédiaires eux-mêmes, courtiers et autres, s’adonnent à une nature déterminée d'affaires. Enfin, dans la phase de l’industrie mécanique et des chemins de fer, le marché devient véritablement inter­ national, mondial. L’évolution vers la grande industrie a eu pour effet de diminuer le nombre des intermé­ diaires et de favoriser la concentration des enlreprises commerciales. Autrefois, d’importantes branches de commerce de gros se plaçaient entre les producteurs de matière première el les fabricants de la petite in­ dustrie; aujourd'hui, beaucoup de manufacturiers, au lieu de se fournir chez les intermédiaires, font direc­ tement leurs commandes dans le pays de production. Quant aux produits achevés, les habitudes du com­ merce se transforment également : entre le fabricant de ces produits et le consommateur s'interposaient presque toujours des négociants qui vendaient aux dé­ taillants, de sorte que le consommateur n’avait affaire qu'à ceux-ci : il n'en est plus de même aujourd’hui grâce à la concurrence des grands magasins et des so­ ciétés coopératives de consommation. Bien des facteurs ont concouru à ces transformations de la vie commerciale. On doit citer en première ligne le développement des voies de communication et des moyens de transport. Les applications de la vapeur et de l'électricité aux divers procédés de Locomotion, soit sur terre, soit par eau, ont en quelque sorte reculé les bornes du monde el rapproché tous les peuples. L’Océan, qui était jadis un obstacle, est devenu un trait d'union entre les nations. Iles navires de plus de deux cents mètres, qui transportent plusieurs milliers de tonnes de marchandises, traversent l'Atlantique en quelques jours. | »8 La création de la marine à vapeur a prodigieusement accru la c.reulation des marchandises, en même temps qu’elle a assuré à leur livraison une régularité presque mathématique. En 18(50, le transport d’un hectolitre de froment coûtait, de Chicago à New-York, 4 fr. 50, et 2 fr. 80 de New-York à Liverpool, soit 7 fr. 30 du lieu de production au lieu de vente. Aujourd'hui, on ne compte guère plus de 70 centimes de Chicago à NewYork et un peu plus d'un franc de New-Vork à Liver­ pool. I.e prix de vente de toutes les denrées agricoles a, par suite, en dépit des barrières douanières, une ten­ dance de plus en plus marquée à se niveler sur toute la surface du globe. Les progrès du machinisme ont eu aussi sur le com­ merce une profonde répercussion. Ils ont eu d’abord cet effet que la production a, depuis quelques années, grandi plus vite que la consommation. Le marché se trouve donc aujourd’hui fréquemment encombré par des stocks de produits fabriqués, qu’il faut vendre tenaient le premier rang dans l’estime de leurs concitoyens. Les conversions d'usuriers étaient fré­ quentes et publiques : ils restituaient largement et la conscience commune était raffermie. De nos jours, la corruption et les faciles indulgences débordent en celle matière. Bien n'est plus démoralisant que l’adulation dont sont entourés les grands hommes de la Bourse, les princes de la spéculation, dans la presse parisienne el dai— certains salons, que l’indulgence dont on couvre origine de fortunes scandaleuses. On ne saurait être dupe de mots en un sujet de si grande conséquence ni se laisser prendre à de vagues généralités. L’hypocrisie en matière de probité régne singulièrement dans les nalions modernes. Il faut d'autant plus s'en défier que si, dans les civilisations plus raffinées, la violence maté­ rielle est devenue peu à peu répugnante à la majorité des hommes, ils n’en sont que plus portés à des fraudes qui restent trop souvent impunies. La vérité· est que l'improbilé, en grand comme en petit, depuis la falsifi­ cation des denrées, les faillites frauduleuses, les incen­ dies volontaires des maisons assurées, jusqu’aux gigan­ tesques accaparements et aux coups de force de la Bourse, a pris une redoutable extension depuis que les croyances religieuses ont fléchi. La loi civile ne peut atteindre tous les actes coupa­ bles, elle doit en laisser un grand nombre impunis pour ne pas empêcher le bien de se produire. Il n’en importe que plus de former la conscience individuelle cl publique. La conscience individuelle d'abord, car la pénétration des idées de justice dans le plus grand nombre d’âmes est le moyen primordial de moralisation. La conscience publique aussi; car l'opinion, parla presse, par l'association, voire parcelle mise en interdit qu'on appelle le boycottage, peut beaucoup faire préva­ loir la morale dans les affaires. Une saine morale demande aux commerçants : 1» d'ob­ server dans toides leurs opérations les régies de la jus­ tice commutative; 2»d’accomplir le précepte de la charité dans la mesure où il est obligatoire pom chacun, selon ses facultés et d’après les circonstances; 3° de subor­ donner leur recherche du gain au but suprême de la vie par une discipline intérieure. S. Thomas, Sum. theol., Il» II», q. lxxvii, a. 1, 2. L’acte primordial du commerce, étant la vente-achat, doit satisfaire aux règles de justice propres à ce contrat. Voir ce mot. Nous nous bornerons à rappeler briève­ ment les principales. Dans tout contrat, le consentement doit être libre; or la liberté des contractants peut être viciée par deux causes : la crainte et l’erreur. Pour ce qui est de la crainte, il suffit de faire remarquer que les faits de violence sont devenus insignifiants dans nuire état social. Quant à l’erreur seule, isolée des ma­ nœuvres qui ont pu la déterminer, elle n’est une cause de nullité que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Mais le dot qui produit l’erreur et la tromperie sur la qualité ou la quantité de la marchandise vendue sont d’autant plus fréquents que le commerce s’étend et que la moralité professionnelle diminue. 404 La dissimulation par le vendeur des vices de la chose, s’ils sont cachés ou si, par sa position de marchand, il est seul en état de les connaître, est contraire à la mo­ rale. La loi civile n'a pu faire de ce principe qu'une application assez restreinte aux vices rédhibitoires. Des lois récentes dans tous les pays ont réprimé, même par des peines correctionnelles, les simples tromperies ou appellations mensongères données à des produits d'un usage général sur lesquels la fraude est particulière­ ment dangereuse pour la santé ou pour la production, tels que les vins, les beurres, les engrais... Ces fraudes, en efl’et, ont pris de nos jours une redoutable extension, en proportion même des progrès de la chimie et de la plus grande capacité professionnelle des producteurs. Comme il ne faut rien exagérer, on doit leur tenir compte des usages commerciaux. Saint Antonin de Flo­ rence a prévu au xv» siècle un cas qui se présente fréquemment de nos jours. « Certains marchands so­ phistiquent leurs produits afin de réaliser un bénéfice honnête, parce que s'ils vendaient les produits purs, les acheteurs n’en voudraient pas donner un juste prix, parce que les autres marchands vendent moins cher les denrées mélangées. Dans ce cas, ils peuvent être excusés, pourvu que les mélanges ne soient point nuisibles à la santé. » Summa theol., part. 1, lit. t, c. xvn, §4. L'application principale de la justice commutative au contrat de vente est celle du juste prix. Voir ce mot. La règle du juste prix est l’application juridique de cette notion que dans les contrats commutatifs les produits ou les services échangés doivent être équivalents, puisque l’avantage que reçoit l’une des parties est la cause de l’avantage qu'elle s’engage à procurer à l’autre. Les plus anciens monuments du droit canonique in­ sistent sur l’injustice qu’il y a â abuser de la position spé­ ciale d’un acheteur pour lui vendre au delà du prix cou­ rant : placuit ut presbyteri admoneant plebes suas, ut el ipsi hospitales sint et non carius rendant transeuntibus quam mercato vendere possint. Decret., de Grégoire IX, c. Placuit, 1, 10, De emptione et venditione, 1. III, fit. xvn. D’après saint Thomas, qui généralise la solution, il est également injuste d’acheter au-dessous du juste prix et de vendre au-dessus, Sum. theol., Il* II», q. lxxvii, a. I. 4. La spéculation commerciale, la re­ cherche du gain ne pouvaient plus désormais s’exercer que sur les éléments impersonnels du marché et non plus exploiter la situation personnelle de tel ou tel ache­ teur. Par la règle du juste prix, la liberté nécessaire aux transactions, la légitime recherche de l’intérêt person­ nel n’étaient nullement exclues, car saint Thomas ajoute avec beaucoup de justesse : Justum pretium non ut punclualilerdeterminalum, sed magis in quadam aesti­ matione consistit, ita quod modica additio vel minutio non videtur tollere aequitatem justitiae. C’est là-dessus que les théologiens postérieurs ont basé leur distinction entre le supremum, le medium el i'in/imum justum pretium, disant qu'il est défendu de vendre au-dessus du supremum et d'acheter au-dessous de Vin/imum justum pretium, sans que cette classification ait ajouté plus de précision au principe posé par le grand docteur. Le juste prix est fixé par la commune estimation des acheteurs et des vendeurs, c’est-à-dire par l’ollre et la demande; mais pour que le jeu de l’ollre soit un mode légitime de détermination des prix — et là ou il est possible, il est le seul légitime — il faut un certain nombre de conditions économiques : amplitude du mar­ ché, connaissance de la chose objet du contrat chez les parties, liberté de leur part; en un mot, il faut que la concurrence existe en fait comme en droit. Là où elle ne peut se produire, le législateur est obligé, comme de nos jours, d'en revenir aux taxations de prix pour em­ pêcher les abus du monopole. Parmi les manœuvres employées pour fausser le juste 405 COMMERCE prix, la plus commune est la constitution des monopoles (voir ce mot) artificiels par la coalition des détenteurs d'une marchandise. Une autre pratique est l’élimination des concurrents en vendant au-dessous du prix normal pendant un cer­ tain temps, dans le but de relever ensuite les prix. Il ne faut pas se tromper sur l’expression « vendre audessous du juste prix ». Tel prix ruineux pour un pro­ ducteur peut ne pas l’étre pour un autre, et ces luttes industrielles, en forçant chacun à réduire son prix de revient, sont la source du bon marché réel et définitif. Puis, le grand nombre des concurrents étant souvent un mal, les mesures prises de concert par les producteurs pour en réduire le nombre peuvent-elles être condam­ nées, si d’ailleurs la concurrence s’exerce loyalement ? On ne démontre pas que la possession en matière de clientèle suffise à constituer un monopole. Néanmoins, ne peut-il se faire qu’en agissant ainsi on pèche et même gravement contre la charité? Évidemment oui, si, sans y être contraint par sa propre nécessité, en fai­ sant désister le concurrent, on le prive d’un moyen nécessaire à son existence ou à sa situation. Mais encore une fois on ne voit pas qu’il y ait là une viola­ tion de justice. Un commerçant peut-il abaisser le prix de vente au-dessous du prix rémunérateur au risque de ruiner ses concurrents? A part la considération decharité que nous venons d’indiquer, peut-on taxer d’injus­ tice celui qui abandonne à l'acheteur le bénéfice auquel il avait droit et même lui livre quelque chose du sien? 111. Le commerce et le droit canon. — La législation positive de l’Église interdit aux clercs de se livrer au commerce, c. Secundum,G, x, A’e clerici vel monachi, 1. Ill, tit. l; const. Apostolicæ servitutis, du 25 fé­ vrier 1741; Clément XIII, const. Cum primum, du 17 septembre 1759. La raison de cette prohibition est facile à comprendre. Entre la dignité sacerdotale et la profession commerciale, il y a incompatibilité. 11 ne convient pas que le ministre de Dieu se laisse absorber par le négoce, que celui qui s’est séparé du monde pour entrer au service de l’Eglise soit engagé dans les luttes, les compétitions, les responsabilités de la spéculation commerciale. Voir col. 232. Considérons de plus prés les termes et l’extension de cette loi ecclésiastique. Pous le nom de clercs, il faut entendre non seule­ ment tous ceux qui ont reçu les ordres sacrés, mais encore tous ceux qui ont reçu les ordres mineurs, s'ils possèdent un bénéfice, et, selon l’opinion la plus pro­ bable, ceux-ci doivent s’abstenir, même dans le cas ou ils ne posséderaient pas de bénéfice, pourvu qu'ils aient d’ailleurs des ressources suffisantes pour vivre. Cf. Schmalzgrueber, 1. HI. tit. L, n. 27, 28. La loi atteint aussi les religieux de l'un et l’autre sexe, c’est-àdire les membres des ordres ou congrégations approu­ vées par l’Église. Quant aux novices ils ne sont pas soumis à cette loi; ils l’observeront toutefois par raison de convenance. Ce qui est défendu, c’est le commerce dans le sens strict (negocialio lucrativa seu guæsluosa) : acheter un objet dans l’intention de le revendre plus cher, sans lui faire subir de transformation. Ainsi, pour consti­ tuer un acte commercial, d’après le droit canon, quatre conditions sont requises : 1» acheter et vendre un objet; 2» le vendre dans le même état : 3° le vendre plus cher; 4° avec l’intention de réaliser un bénéfice. Le bénéfice du négoce provient-il du troc sans qu’il y ait achat ou vente, l’opération tombe dans la catégorie des actes commerciaux interdits aux clercs. Par contre, acheter des marchandises, les transformer par son tra­ vail pour les revendre plus cher — par exemple ache­ ter des raisins pour en faire du vin — ce n’est pas â proprement parler du commerce, c’est de l'industrie (negocialio artificialis seu induslrialis). 406 En principe, est également défendu le commerce dit negotiatio politica; il peut encore avoir lieu de nos jours, par exemple lorsque des missionnaires en temps de lamine achètent du blé et autres marchandises pour leurs néophytes. Cf. Schmalzgrueber, I. ΠΙ, tit. L, n. 13, 14; Wernz, Jus decretal., t. n, n. 219, p. 312, 313. L’industrie est-elle défendue aux clercs? Oui, lorsqu’ils achètent la matière première pour la faire transformer par des ouvriers engagés à cet effet, dans le but de vendre le produit avec bénéfice. Par exemple, Pierre achète des raisins, loue des ouvriers pour en faire du vin qu’il vend ensuite avec gain. D’après l'opinion commune des théologiens et des ca­ nonistes, on trouve dans cette opération industrielle l’esprit de lucre qui caractérise le commerce proprement dit et est incompatible avec l’état clérical. Lugo, De ju­ stitia et jure, disp. XXVI, n. 34. Si au contraire la matière est transformée par le tra­ vail personnel des clercs, l’industrie alors n’a plus rien d'illicite. Ce n’est plus du commerce proprement dit. Saint Paul n'a-t-il pas vécu du travail de scs mains? Les anciens moines ne vivaient-ils pas du produit de leur tra­ vail? Au reste, cette pratique a-t-elle été autorisée par plu­ sieurs canons. Citons le IV» concile de Carthage, Decret., c. Clericus, 3. xci. Clericus victum et vestimentum sibi : Clericus victum et vestimentum artificiolo vel agricul­ tura, absgue sui officii dumtaxat detrimento paret. En tout cas, les clercs doivent s’abstenir des métiers peu convenables à leur condition. L’agriculture et l'industrie extractive ne sont point comprises dans la prohibition de l’Eglise, alors même qu'on ferait appel à la maind'œuvre étrangère. Dans les opérations de ce genre, en effet, ne se trouve pas le caractère spécifique du com­ merce : acheter une marchandise pour la revendre. Ce qu'on vend en effet ce sont les fruits ou les produits de biens possédés légitimement. Ainsi il est permis aux clercs de faire du pain avec le froment de leurs récoltes et de le vendre avec bénéfice, de vendre le vin provenant de leurs vignes et fabriqué par des ouvriers loués à cet effet. De très bons auteurs Schmalzgrueber, loc. cit., n. 17; Lugo, loc. cit., n. 3G admettent qu’il est permis à un clerc de faire extraire le minerai contenu dans son fonds de le faire trans­ former ;■ ir des ouvriers en métal ouvré et de vendre le produit ;vec bénéfice. Remarquez toutefois que si ce mode d’exploitation avait une certaine extension, occu­ pant un grand nombre d’ouvriers, il pourrait avoir avec l’état clérical la même opposition que le commerce proprement dit; et donc il semble bien qu’une entre­ prise de ce genre soit implicitement interdite aux clercs par le droit canon. Dans les cas semblables, on ne sau­ rait donner de règle générale; mais il faudra recourir à l’Ordinaire qui jugera, d’après les usages locaux et l’opinion publique, si tel genre d’industrie peut être au­ torisé ou non. Dans le cas où un clerc n'aurait pas d’autre moyen de subvenir à son existence ou à celle de parents dont il a la charge, le commerce ne lui serait pas interdit. Aucune loi purement ecclésiastique n'oblige, en pré­ sence d’une nécessité grave. Lugo, loc. cit., n. 37; S. Alphonse, 1. IV, n. 837. En pareille circonstance on demandera au plus tôt la permission : en Italie et dans les îles adjacentes â la S. C. du Concile, hors d'Italie à l’évêque du diocèse. La dispense se trouve annulée ipso jure, dès que cesse l'état d’indigence allégué dans la demande ou que se produisent d'autres moyens de subvenir aux nécessités des personnes intéressées. Clément XIII, const. Cum primum. Un clerc peut-il faire par autrui le commerce qu'il ne peut exercer par lui-même?Cette question, qui a divisé ■es anciens casuistes, a été tranchée par Benoit XIV. Dans la constitution citée plus haut, il décide que si un clerc vient en possession d'unè entreprise comm-r- 407 COMMERCE — COMMISSION (PÉCHÉ DE) 408 cialc — par heritage ou autrement — il doit au plus tôt financières pratiquant l’agiotage, cette distinction ne s'en défaire. Dans le cas ou il ne pourrait sans dommage nous parait pas ressortir de la législation canonique. sérieux effectuer immédiatement cette cession, le clerc Les plus anciennes réponses des Congrégations ro­ maines sont assez obscures, voir Ballerini-Palmieri, continuera pendant le temps nécessaire, après avoir n. 317, mais une décision de la S. C. de l'inquisition du demandé l'autorisation à qui de droit. 15 avril 1885 semble permettre de se servir en pratique Acheter des obligations de sociétés industrielles ou commerciales ne rentre en aucune façon dans la de l’opinion plus bénigne. Voici cette réponse : Juxta sphère des opérations commerciales interdites aux gens exposita el attentis peculiaribus temporum circum­ d'Église. L'obligataire, en effet, n'est point membre de stantiis, personas ecclesiasticas non esse inquietandas, la société, ne participe pas à ses opérations, il n’est que si emerint aut emant actiones seu titulos mensæ num­ préteur d'une certaine somme. Le revenu fixe prove­ mulariis, dummodo paralie sint stare mandatis nant de l’obligation n’est pas autre chose que l’intérêt S. sedis, ct se abstineant a qualibet negotiatione dicta- \ de la somme prêtée et le prêt avec intérêt n’est point rum actionum seu titulorum et priesertim ab omni défendu aux clercs. contractu, qui speciem habeat ut vulgo dicitur dei La même solution s'applique-t-elle aux actions des giochi di borsa. Il est donc interdit aux clercs d'ache­ sociétés industrielles et commerciales? L’actionnaire ter habituellement des actions ou obligations pour les est membre de la société, participe aux risques de l’en­ revendre avec bénéfice. Ce serait, assurément, du com­ treprise el touche un dividende variable avec les profits merce interdit par la législation de l’Eglise. Tout clerc, réalisés par la société. Sur cette question les moralistes possédant un capital mobilier, peut faire les opérations ne sont pas d'accord. Un bon nombre d'auteurs décla­ nécessaires à la bonne gestion de sa fortune, par rent cette pratique illicite. Citons d'Annibale, t. ni, n. 157 ; exemple vendre des titres qui sont en hausse, en ache­ Konings, t. i, η. 1132; Van der Moore, De statibus par­ ter d'autres qui sont en baisse, etc. ticularibus, η. 10; et (en partie du moins), Lembkuhl, En soi, la violation par les clercs de la défense de t. n, n. 612. La raison principale, apportée par ces auteurs, faire le commerce entraîne une faute grave. Cela ré­ est que les opérations des sociétés en question étant sulte des termes sévères des lois ecclésiastiques et des commerciales, les membres sont en toute vérité des peines rigoureuses qu'elles indigent aux délinquants· commerçants. Qu'on ne dise pas que les actionnaires ne L'infraction pourra être légère, s'il s'agit d'une matière font pas le commerce par eux-mêmes, puisque le droit de peu d’importance. Si l'on excepte l’excommunication canon défend aux clercs le commerce par intermédiaire. prononcée contre les missionnaires qui font le com­ A l'appui de cette opinion on apporte plusieurs déci­ merce, les peines portées par le droit canon — l'excom­ sions des Congrégations romaines, qui dans certains cas munication et la suspense — sont ferendæ sentenliæ. particuliers déclarent illicite l’achat d'actions par les On s’est demandé si un acte isolé de commerce, même clercs ou bien accordent une dispense. D’autres théo­ en matière grave, tombait sous le coup de la loi. Il logiens estiment que l'achat par un clerc d'actions de semble que non, parce que les textes de loi cités plus sociétés industrielles ou commerciales n’offre rien d'il­ haut parlent de ceux qui font habituellement le com­ licite. On peut citer Sanguinetti, Juris eccles. pria, merce (exercentes negotiationem) el cette expression inslit., n. 217; Berardi, avec certaines restrictions, indique une succession d’actes moralement unis par Praxis conf., n. 3, p. 599; Aertnys, Theol. mor., t. i, l'intention de les continuer. Cependant, par une dispo­ De slat cler., n. 70; Gury, t. n, n. 105; Génicot, Theol. sition de la S. C. de l'inquisition, les missionnaires, mor. institut., t. il, n. 41. Voici les raisons qui dictent tant séculiers que réguliers, sont passibles des punitions le jugement de ces théologiens : 1« Celui qui, tout en canoniques pour un seul acte de commerce. Décret du achetant des actions, n'intervient pas dans la direction 4 décembre 1872. ou l'administration de l'entreprise, ne fait certainement Voir les ouvrages généraux d’économie politique et de théolo­ pas Je commerce, dans le sens de la constitution de gie morale. — Meeren, Ideen über die Pollute, den Verkchr Benoit XIV. D'après ce document, en effet, lorsqu'il und Handel der vornehmsten Vülker der allen M'ett, Gœt­ exerce le commerce par intermédiaire, le clerc doit tingue, 1824-1826; 4'édit., trad, française, 7 vol.: MacCullogh, inlluer efficacement sur la direction de l'entreprise. Or Industrial history of free nations, 2 vol., Londres, 1846; Scherer. Allgemeine Geschichte des Welthandels, Leipzig, 1832; la plupart du temps les détenteurs d'actions, ou bien trad, franç.. 2 vol., Paris, 1857 ; Beer. Allgemeine Geschichte des n'ont aucune part effective dans l’administration, ou Welthan tels, 5 vol., Vienne, 1860-1884; Meyd, Geschichte des bien, s'ils jouissent de ce droit, rien ne les oblige à en Levantehandels im Miltelalter, 2 vol., Stuttgart, 1879; trad, user. 2° I«i distinction entre les obligationset lesactions franç.; J. Falke, Geschichte des deutschen Handels, Leipzig, est moins tranchée que ne le soutiennent les adver­ 1859-1860; Leone Levi, History of Brislih Commerce, Londres, saires. Les porteurs d’obligations ne sont pas affranchis 1880; It. Pige. nneau, Histoire du commerce de la France, de tout risque dans les affaires de la société. La lièvre I 2 vol., Paris, 1885-1889. de l’or, si opposée à l'esprit clérical, qui trop souvent C. Antoine. s'empare des actionnaires, peut atteindre aussi les obli­ COMMISSION (PÉCHÉ DE). Le péché decommis­ gataires, et, en tous cas, elle résulte bien plus des pas­ sion, appelé aussi péché d’aclion, est, par opposition sions humaines que de l'entreprise elle-même. au pêché d'omission, la violation d'une loi négative Quelques auteurs distinguent les actions d'une société défendant le mal, tandis que par le péché d'omission nouvelle et celles d'une société déjà constituée; ils per­ on enfreint une loi ordonnant le bien. « Le péché d'ac­ mettent aux clercs d'acheter celles-ci et leur défendent tion, en tant qu’il est opposé à celui d’omission, est celles-là. Cette distinction ne parait pas fondée en raison. celui par lequel on lait, soit par pensée, soit par parole, Les motifs allégués par les défenseurs de la première soit de quelque autre manière que ce puisse être, ce que opinion, s’ils ont force démonstrative, s'appliquent la loi de Dieu défend ; et celui d'omission est celui par également à l'une et l'autre hypothèse. On sait aussi lequel on omet et l’on manque de faire ce qu’elle com­ que la spéculation s’attache de préférence aux actions mande. L'un est la transgression d'un précepte négatif en cours d'émission, lesquelles jouissent d'ordinaire qui défend un mal, l’autre d'un précepte affirmatif qui d une assez forte prime. Wernz, Jus decret., t. Il, p. 315, commande un bien. » Conférences d'Angers, Sur les scholion, est d'avis qu'il n’est point défendu aux clercs péchés, 4· conf., q. tv, a. 1, Besançon, 1823, t. il, d acheter des actions de sociétés industrielles — sociétés I p. 260. de mines, de chemins de fer, etc. — mais qu'il leur C’est la doctrine de saint Thomas. Le docteur an­ est interdit d’acheter des actions de sociétés commer­ gélique, Sum. theol., Il» II», q. i.xxtx. a. 2. traite ex ciales. A moins qu'il ne s'agisse d’actions de sociétés professo la question et donne sans cesse au péché de 409 COMMISSION (PÉCHÉ DE) — COMMODAT commission le nom de transgression qu’il oppose à omission. De fait, ce nom répond peut-être le mieux à sa nature. Ce mot, en effet, selon l’explication du saint docteur, est emprunté à l'ordre physique. Il y a trans­ gression dans un mouvement corporel, quand on dé­ passe (graditur trans) le terme fixé. En morale, le terme est fixé par le précepte négatif. Quiconque, par conséquent, enfreint un de. ces préceptes passe les bornes du licite, transgreditur. On voit donc facilement pourquoi un grand nombre de théologiens disent que le péché de commission se caractérise per lendentiam in objectum dissonum, qu’il renferme une malice positive en tant qu’il est essentiellement subversif de l'ordre moral, surtout quand il s'agit de la loi naturelle; tandis que l’omission con­ siste purement et simplement dans la privation d’un bien qui devrait se faire. Cf. Sahnanticenses, Cursus tlu'ol. moral., tr. XX, c. x, p. t. Voilà pourquoi aussi saint Thomas, ibid., a. 4, en­ seigne que le péché de transgression est en soi plus grave que le péché d'omission. La principale raison qu’il en donne est celle-ci : un péché est d’autant plus grave qu'il s’éloigne davantage de la vertu. Or il faut bien avouer que rien n’est plus à l'antipode d’une vertu que le vice qui lui est opposé. Être seulement privé de cette vertu est beaucoup moins en comparaison, sicut nigrum plus distat ab albô quam simpliciter non al­ bum. Or précisément la transgression est le contraire d’un acte de vertu, au lieu que l’omission en est seule­ ment la privation. D'où il faut conclure que le péché de commission diffère en gravité du péché d'omission. Mais on peut pécher contre une seule et même vertu, soit par commission, soit par omission. Ces péchés sont-ils spécifiquement différents? Les moralistes ré­ pondent, Marc, Institutiones alphonsianæ, n. 324, reg. 2", Rome, 1904, t. r, p. 203; Konings, Ίheol. mor., η. 2I2, Boston, I874, t. 1, p. 88; Noldin, De principiis, n. 270, Inspruck, 1905, p. 315 : si ces péchés se ra­ mènent matériellement au même point in ordine virtu­ tis læsæ, il n’y a pas de différence entre les deux; voler quelqu’un, par exemple, ou ne pas lui payer les dettes qu’on a contractées envers lui ne sont pas deux espèces différentes d’injustice. En dehors de ces cas. les théo­ logiens font des péchés de commission et d’omission deux espèces différentes, quando lædunt diversa ejus­ dem- virtutis bona seu officia. Ainsi le désespoir et l'omission des actes d'espérance prescrits, la haine de Bien et l’omission des actes de charité obligatoires, sont tout autant de péchés spécifiquement distincts. S. Thomas. Sum. theol., Π· II·, q. lxxix ; Noël Alexandre, De peccatis, c. i, a. 6, dans Migne, Cursus theulugiæ, t. xi, col. 691, 692; Les conférences d’Angers, Sur les péchés, 4"conf., q. iv, a. 1. Besançon, 4823, t. 11, p. 260; Marc, Institut, alphonsianæ, n. 316. 324, Rome. 1904, t. 1. p. 195, 203, et. en général, les auteurs de théologie morale, dans le traité De pec­ catis. G. Blanc. COMMODAT. — I. Définition. IL Historique. III. Obligations. 1. Définition. — Le commodat, ou prêt â usage, est un contrat par lequel l’une des parties procure gratuite­ ment à l'autre l’usage d’une chose, à la charge par cette dernière de rendre la chose après en avoir retiré l’usage déterminé par la convention des parties. De cette définition découlent les conditions requises pour qu'il y ait commodat. 1° Il faut qu’il y ait remise de la chose, autrement, comment l’emprunteur acquerrait-il le droit de s’en ser­ vir? Une simple remise matérielle suffit, et il n'est point nécessaire que le préteur soit propriétaire de la chose, puisqu'il n’en transfère à l’emprunteur ni la propriété, ni la possession proprement dite, mais seulement la simple dèleiHma. La convention de prêter, sans la re­ 410 mise de la chose, serait obligatoire, mais, par elle-même, elle ne consti' le pas le contrat réel de prêt, le commo­ dat, avec les effets qui lui sont propres. 2° La chose doit être remise à l'emprunteur avec la faculté de s’en servir. Il est évident que s la chose était principalement ou uniquement confiée à sa garde, ce ne serait plus un prêt à usage, mais un dépôt. 3° Il faut que l'emprunteur soit tenu de rendre l’objet même qu’il reçoit. S'il lui suffisait de rendre un objet pareil, il y aurait prêt de consommation et non prit à usage. Par conséquent les choses qui se consomment par le premier usage ne peuvent pas. en général, taire l'objet d’un commodat; à moins que l’usage auquel on les destine ne comporte pas la consommation. Cela a lieu, par exemple, lorsqu’elles sont prêt es ad pom­ pam. et ostentationem. En dehors de cette restriction, tout ce qui est dans le commerce peut être matière d'un prêt à usage. Code civil, a. 1818. 4« Il faut qu'aucun prix ne soit exigé par le prêteur. Le commodat est. en effet, essentiellement gratuit. .Si donc, en vous remettant une chose pour vous en servir, j’exige de vous une rétribution quelconque, le contrat formé entre nous n’est pas un commodat, mais un louage, ou toute autre convention. IL Historique. — 1’ Droit grec. — Le commodat était pratiqué en Grèce sous le nom de χρήσις. Ce qui le distingue du prêt ordinaire ( όανε:σ< ό-), c’est que l’em­ prunteur ne devient pas propriétaire de la chose prêtée; il a seulement le droit de s'en servir; c’est aussi que ce contrat est essentiellement gratuit, tandis que, dans le prêt ordinaire, le prêteur transfère à l'emprunteur la propriété de la chose et stipule habituellement des in­ térêts. 2" Droit romain. — Tel que nous l’avons décrit plus haut, le commodat dans l'histoire du droit romain re­ monte â une époque relativement récente. La remise d une chose avec convention de restitution ne fut pas dans le principe suffisante pour faire naître une obliga­ tion â la charge de l'accipiens. Toutefois, si celui-ci venait â manquer à ses engagements, on considérait qu'il avait commis un délit et on donnait contre lui une action ex delicto, remplacée plus tard par une aclioi in factum. Un autre procédé postérieur en date à celui qui vient d'être indiqué consistait à transmettre la chose par un mode solennel, mancipatio ou in jure cessio, auquel on adjoignait un pactum fiducia; par lequel l'acquéreur s'engageait, sous sa foi, à retransférer à l'époque con­ venue la propriété de la chose au tradens. Ce pacte, sanctionné sans doute dans le principe par l'action <-.r delicto, ne tarda pas à devenir un acte juridique, don­ nant naissance à une action propre, l’aclio fiducies. La nécessité de recourir à un mode solennel pouvait être un obstacle à la convention, lorsqu'une des parties était un peregrin. On admit alors que la convention de res­ titution accompagnée de la remise de la chose, res, suffirait pour donner naissance au contrat. Telle est, suivant l'opinion généralement admise, l'origine des contrats re. 3° Droit français. — Sous la dénomination générale de prêt à usage, 1e code civil comprend non seulement le prêt a usage proprement dit, le commodat du droit romain, mais encore une autre convention qui avait reçu dans cette législation le nom particulier de pré­ caire, precarium. Le précaire était une espèce de com­ modat dans lequel l’emprunteur était tenu de restituer la chose dès qu'il plairait au propriétaire d'en exiger h restitution. Dans le commodat, au contraire, la résilia­ tion ne pouvait être exigée qu après le temps ou l'usage convenu. III. Obligations. — 1» Obligations de l’emprunteur. — 1. L'emprunteur doit rendre, à l'époque et aux I :x convenus, la chose qui lui a été prêtée, telle qu .1 l'a 411 COMMODAT — COMMODIEN 412 reçue avec les fruits et produits que cette chose a pu même que la chose aurait été prêtée pour être restituée à la première réquisition du prêteur, celui-ci ne pour­ donner entre ses mains. Code civil, a. 1880. 2. Oblige? de rendre la chose, l'emprunteur doit veiller rait pas la réclamer, sans délai et à contre-temps, de manière à causer un préjudice considérable à l'em­ à sa conservation. Il doit, d'après le code, apporter à prunteur. l'exécution de cette obligation tous les soins d'un bon 2. Le préteur est tenu d’indemniser l’emprunteur du père de famille, c’est-à-dire d'un propriétaire soigneux et dommage qu’il lui cause par son dol. C’est ainsi qu'il diligent. est responsable, comme le décidaient les lois romaines, L'emprunteur, en principe, ne répond pas des cas lorsqu’il a prêté sciemment un tonneau gâté dans lequel fortuits, mais il faut qu’il s'agisse de ces cas fortuits le vin du commodataire s’est altéré. Ce préjudice est. en qu’on ne peut pas prévenir, parce qu’il e»t impossible d’y résister el qu'on appelle pour cette raison des cas effet, la conséquence directe de son dol. Code civil, a. 1891. de force majeure. L’emprunteur répondrait ainsi d’un 3. Le prêteur doit rembourser à l'emprunteur les vol fait sans violence, s'il avait pu éviter ce vol en gar­ dépenses que celui-ci a faites pour la conservation de dant plus soigneusement la chose. Il répondrait même la chose et sans laquelle cetle chose eût péri. Mais il des cas de force majeure, si la chose n’y avait été exncsée que par sa faute. C'est ainsi, par exemple, que l'emprun­ faut, d'après l'art. 1890 du code civil, que ces dépenses aient été necessaires à la conservation de la chose, teur répondrait de la perte, même fortuite — comme le extraordinaires, et tellement urgentes que l’emprun­ disent les textes romains et avec eux le code civil — teur n'ait pas pu en prévenir le prêteur. Les dépenses, si celle perte n’était arrivée que par suite de l'emploi qui sont la condition même de l’usage, restent natu­ de la chose à un autre usage que celui pour lequel elle rellement à la charge de l’emprunteur. avait été prêtée. On l'avait prêtée pour la maison, par Pour assurer l’exécution des obligations dont le prê­ exemple, l’emprunteur l’emporte en voyage et elle tombe teur pouvait ainsi se trouver tenu envers lui, l'emprun­ entre les mains des brigands. De même, mis en demeure teur avait, en droit romain, lorsqu'il était encore nanti de restituer la chose au temps convenu, l’emprunteur continue de s'en servir. Si la chose vient à périr par de la chose, le droit de se refuser à restituer cette chose et celui de la retenir par devers lui, en quelque sorte â cas fortuit, parce qu’elle est restée entre ses mains, il en devra la valeur. titre de gage, jusqu’à ce que l’autre partie eût accompli ses obligations, il yaurail eu dol. en elle!. de la part du L'emprunteur répondrait encore du dommage de la prêteur, à demander la restitution de la chose avant chose prêtée, s'il avait pu en garantir celte chose, en d'avoir satisfait à ses propres obligations. employant la sienne propre. Code civil, a. 1881, 1882. Toutefois,ce droit de rétention n’aurait pu être exercé Enfin l'emprunteur serait tenu, même des cas fortuits, pourdescréancesqui n'auraient pas été connexes, c'est-às’il s’en était expressément chargé au moment du con­ trat, ou si la chose avait été estimée en la prêtant. On dire qui n’auraient pas eu leur cause dans le commodat. présumerait, dans ce dernier cas, qu'il a été entendu Ces décisions devraient encoreêtre données aujourd'hui. entre les parties qu'à tout événement l’emprunteur au­ « L'emprunteur, dit à la vérité l’art. 1885 du code civil, rait à rendre la chose ou sa valeur. Code civil, a. 1883. ne peut pas retenir la chose par compensation de ce Remarquez que, dans ces différents cas. l'obligation de que le prêteur lui doit. » Mais cette formule incomplète restituer, si la perte de l'objet n'est pas due à une faute et trop générale, dont s'est servi cet article, semble de­ théologique, ne s'impose pas avant la sentence du juge. voir être interprétée en ce sens que l'emprunteur ne Telle est l'opinion la plus probable des théologiens. 11 peut pas retenir la chose pour des créances qui n’au­ raient pas leur cause dans le contrat. ne semble pas, en elfet, que le législateur ait voulu accorder plus qu'une action judiciaire en restitution ou Catllemer, Le contrat de prêt â A thines, Paris. 1870; D.ctionen réparation de dommages. naire des antiquités, de Daremberg et Saglio, t. 1, p. 1403; 3. L’emprunteur ne doit employer la chose qu’à l’usage Accarias, Précis de droit romain, t. n ; Magny, Cours de droit pour lequel elle a été prêtée et qui se détermine d’après romain, t. n ; May, Eléments de droit romain, t. n. la nature et la destination de la chose ou la convention C. Antoine. des parties. Autrement et s’il a fait tort au préteur, il COMMODIEN. - I. Vie. II. CE livres. III. Appré­ devra des dommages-intérêts, au moins après la sen- ' ciation. tence du juge. 1. Vie. — Parmi les anciens, le premier qui ait parlé 2” Obligations du prêteur — En principe, le prêt à . de Commodien c’est Gennade, De script, eccl., 15, P. L., t. LViti, col. 1068. Mais il ne dit rien de sa vie, usage n'oblige que l'emprunteur, qui est tenu immé­ diatement de conserver et de rendre la chose prêtée. de son origine, de ses fonctions, de son rôle; il se con­ Mais il peut arriver que le prêteur devienne lui-même tente simplement de caractériser d'un mot l’objet, le l'obligé de l'emprunteur, par suite de certains faits ulté­ but et la forme de son œuvre. Il est ensuite question rieurs et accidentels, ayant néanmoins leur cause dans de cet auteur dans le décret dit de Gélase. qui rangea ses ouvrages parmi les non recipiendi. P. L., t. i.ix, le contrat. Voilà pourquoi le prêt à usage est rangé parmi les contrats synallagmatiques imparfaits. D'autre part, col. 163. Dans la suite on ne retrouve plus son nom que le prêt à usage est aussi un contrat de bonne foi, en ce dans Honorius d'Autun, qui dépend lui-même de Gen­ nade. De script, eccl., 1. Il, c. xv, P. L., t. CLXXit, sens qu’il appartient aux juges de déterminer ex æquo et bono avec une entière liberté l'étendue des obligations col. 213. que chaque partie a entendu contracter. Le seul nom qu’on connaisse de lui est Commodia­ Il résulte de cette nature particulière du prêt à usage nus, inscrit sous forme d’acrostiche, à la lin de ses que le préteur peut se trouver tenu de plusieurs obli­ Instructiones, avec le qualificatif de mendicus Christi. gations vis-à-vis de l'emprunteur. Voici les principales : Cet acrostiche révélateur de 26 vers doit se lire de b..s 1. Il y aurait dol de la part du prêteur à exiger la res­ en haut dans V Instructio qui a pour titre : Nomen Gatitution de la chose avant que l’emprunteur ait retiré de zæi, et, d'après les manuscrits, Gasei. Mais qu'entendre cette chose l’usage convenu. Quelques interprètes du par là? Serait-ce pour désigner son lieu d'origine, la droit romain ayant voulu établir une exception à cetle ville palestinienne de Gaza? Ne serait-ce pas plutôt uns règle pour le cas ou le prêteur lui-même aurait besoin allusion transparente à sa manière de vivre du fruit des aumônes? Dans ce dernier cas, le mot γάζα, gazum, de la chose prêtée, leur théorie a passé dans l’art. 1889 du code civil. Mais cet article exige qu’il s'agisse d'un trésor, lui aurait fourni gazæus, c’est-à-dire l’obligé du trésor de l’Église, celui qui ne revendique d’autre titre besoin survenu depuis le prêt, pressant el imprévu. que celui de mendiant du Christ. Inslr., Ltx.x, P. L., Lesjngesont du reste un pouvoir discrétionnaire. Alors 41* COM MODIEN 1. v, col. 2C0. Besson, Commodien, sa place dans la littérature chrélienne, dans la Revue de Fribourg, 1903, p. 261 sq., a signalé le lait que Gazeus est un nom propre dans d'anciennes inscriptions latines. Corpus inscripl. latin., t. v, n. 645, '1587. Conimodien a donc pu changer de nom et prendre Commodianus comme surnom pour des raisons particulières que nous igno­ rons. Harnack, Die Chronologie, Leipzig, 1904, t. il, j. 436. Mais M. Monceaux. Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne, Paris, 1905, t. ni, p. 458-461, re­ jette toutes ces explications el suppose que le mot Gasei est une sorte d’énigme, un mot artificiel composé d’une série d’abréviations. Le lieu d’origine de Commodien reste incertain. Pour les uns, il aurait été originaire de l'Afrique du Nord, de l’Afrique proconsulate, de Carthage ou de ses envi­ rons. On le conjecture, à défaut d'autres indications, de son style et de ses attaches littéraires. Sa langue, en ell'et, est barbare comme celle des populalions car­ thaginoises; elle est remplie de vocables étrangers à la pure latinité, mais d'usage courant chez les puniques latinisés; et certains passages de ses œuvres sont si étroitement apparentés avec des passages parallèles de Terlullien et de saint Cyprien qu'ils semblent n’avoir pu être écrits que par un compatriote de ces deux illustres Africains. Bardenhewer, au contraire, Geschichle der allkirchlichen Lileratur, Frihourg-en-Brisgau, 1903, t. n, p. 584, le range parmi les écrivains occidentaux qui ne sont ni romains, ni africains; c'est dire qu'il n’admet pas comme prouvée son origine afri­ caine; car ses prétendus africanismes appartiennent au domaine commun de la littérature chrélienne. Cf. 1 ejay, Ancienne philologie chrélienne, dans la Revue d'histoire el de littérature religieuses, Paris, 1904, t. ix, p. 382. Harnack, Geschichte der allchrisll. [Atte­ ratur, Die Chronologie, t. il, p. 433 sq., sans se pro­ noncer, incline à désigner Home elle-même comme le lieu où s'est exercée son activité littéraire. Voir J. AL Ilcer. Zur Frage nach der lleimal des Dichlers Com­ modianus, dans Bômische Quartalschrift, 1905, t. xix, p. 64-82. M. Monceaux, loc. cit., p. 461. tient pour l’ori­ gine africaine de Commodien. La haine contre Rome, le nom de Commodianus qui se lit dans des inscrip­ tions africaines, la mention de Cælestis, la grande déesse de Carthage, les nombreuses allusions aux persécutions et aux schismes d’Afrique, à l'épiscopat de Cyprien, la langue, l’emploi de formes particulières aux Africains, la redondance du style, les sources (Terlullien et Cy­ prien), le tempérament même du poète, son tour d'es­ prit, lout amène à celle conclusion que Commodien était un Africain, ou, du moins, vécut longtemps en Afrique, et qu'il écrivait pour un public africain. Les renseignements sur sa propre vie se réduisent à fort peu de chose, et nous les tenons de lui-même. H nous apprend, en effet, qu’il est né de parents païens, qu'il a été élevé dans le paganisme, qu’il s’esl même adonné aux pratiques de la magie et des incantations, choses fréquentes en Afrique, au rapport d'Apulée, l‘ræf., vs. 4-6, P. L., t. v, col. 201-202; qu’il a partagé les erreurs païennes, histr., x.xvt, vs.375; xxxm, v. 492, ibid., col. 221, 225. Errabam ignarus spalians spe captus inani. Carm., I, vs. 3; Pitra, Spicilegium, Pa: s. 1852, t. I. p. 21. Mais il est sorti de la cloaca, c’està-dire de l’idolâtrie, parce qu'il a été converti par la lecture de l'Écriture sainte. Instr., i.xi, vs. 965. P. L., t. v, col. 247. Abstuli me tandem inde, legendo de ’■ye. Prtef., vs. 6, ibid., col. 202. M. Monceaux, loc. cit., p. 462, suppose même, avec Bardenhewer, que Commodieu s'était tourné d'abord vers le judaïsme. Il parle sans cesse des juifs et des judaïsanls; il s'acharne contre eux avec une rancune de transfuge. La lecture de la Bible l'amena ou le ramena au christianisme. Il ra­ conte, mais sans en donner les raisons, qu’il avait été 414 soumis à la discipline de la pénitence. On ne sait pour quelle faute. On peut supposer qu’il avait été baptisé dans sa première jeunesse et que, revenu à l’Égliseaprcs s'être égaré dans les temples et les synagogues, il avait dù se soumettre à la pénitence pour obtenir son pardon. Blessé, puis guéri, il a voulu guérir les autres et désa­ buser ses lecteurs des erreurs auxquelles il a échappé. Ol> ea perdoctus, ignaros instruo verum. Preef., vs. 0. Et qui ego moneo, idem fui nescius en-ans. Instr., xxxm, vs. 2. . . .Sensi ipse ruinam. Idcirco commoneo vulneratos cautius ire. Instr., xtix, vs. 9-10. Et ideo tales hortor ab errore recedant. Quis melior medicus, nisi passus vulneris ictus. Corm., i, vs. 14-15. Sa conversion et l’ardeur de son prosélytisme rap­ pellent ainsi celles de saint Justin et de Talien, au IIe siècle De là le titre significatif de ses deux ouvrages: Instructiones adversus gentium deos pro Christiana disciplina; Carmen apologeticum. Est-il permis d’aller plus loin et d’affirmer qu'il a occupé un rang élevé dans la hiérarchie ecclésiastique, qu’il a été évêque? Peut-être; carie manuscrit de Mid­ dlehill, bien qu’illisible dans les trente derniers vers, se termine par ces mots :« Ici s’arrête le traité du saint évêque. «Cette note sans doute pourrait n'exprimer que l’opinion du copiste inconnu; mais comme, d’autre part, les conseils que donne l’écrivain aux divers membres de la hiérarchie, le ton d’autorité qu'il prend vis-à-vis de certains évêques, paraissent difficilement être le fait d’un simple laïque, dom Pilra a cru pou­ voir conclure que Commodien avait été évêque, d'où le titre significatif qu'il a donné à son second ouvrage : Commodiani, episcopi africani, carmen apologeticum adversus judæos et gentes. Spicilegium, I. t.p. 20. Mais Commodien a si peu le ton et l’allure d’un évêque que cette supposition a été jugée invraisemblable par bien des savants. Dans ses poèmes, il ne lait aucune aBusion à ses fonctions épiscopales. 11 critique les clercs sans ménagement, et il ne se considère pas comme un des leurs. H déclare qu’il n'est pas « docteur ». et il a toutes les allures d'un laïque. Toutefois M. Monceaux, loc. cil., p. 463464, suppose qu'il était un do ces seniores laid, qui en Afrique formaient une sorte de conseil d’admi­ nistration, chargé d'assister et d'aider l’évêque. Celte particularité expliquerait ses recommandations fre­ quentes de la charité en faveur de la caisse commune. On le prendrait volontiers pour le trésorier de la com­ munauté. et ce serait peut-être l’explication du titre qu'il prend de mendicus Christi, mendiant pour les pauvres. A quelle époque a-t-il vécu? La précision est difficile à faire. D'après Gennade, Commodien a imité Terhillien, Lactance et Papias. Ce ne peut pas être une indi­ cation chronologique ; car Papias, le dernier nommé, est antérieur à Terlullien et à Lactance. Cependant Rigault, le premier éditeur des Instructiones, et. à sa suite, Dupin et Ceillier, le placent au commencent! nt du iv· siècle, sous Constantin et saint Sylvestre. Or cette opinion est fondée sur une lecture erronée. Le manuscrit des Instructiones, découvert par Sirmond, portail : Intrate stabiles vestra ad pru-sepia tauri. Inst., xxxm, vs. 5. Dans la copie qu’il en lit. il mi! : Intrate stabilis sylvestri ad prtesepia tauri, de l'a·.eu même de Rigault, qui préféra la lecture suivante : In­ trate stabiles Silvestris ad præsepe pastoris, oil l’ailjectif sy Ivestris a été pris pour le nom propre d'un pape. C’est donc une opinion à laquelle il faut renon cer. Dodwel, d'abord, Dissert, de Commodiani octal··. Oxford. 1698. puis Cave, Historia litter., Oxlord, 1740. en ont démontré le mal fondé. Et aujourd'hui on place Commodien au ni· siècle, soit avec Ebert, en 249, vers 415 COMMODIEN le temps de l’édit de Dèce, soit peu après la persécution de Dèce et avant la querelle sur la réitération du bap­ tême, avec Pilra, Spicilegium, t. 1, p. xxt, soit avec Aubé,en 260, sous la persécution de Valérien, soit sous (■allien et avant la persécution d’Aurélien, vers 270, avec l'rcppel et Bardenhewer. Les raisons en paraissent convaincantes, au moins conlre les critiques qui veulent reculer l’époque de Commodien jusqu'au v» siècle. Car, d’une part, on ne trouve pas, dans les œuvres de Commodien, la moindre allusion, soil au célèbre triomphe de Constantin, soit au signe vainqueur de la croix, soit aux faveurs dont jouit alors l’Église; et, d’autre part, plusieurs traits s'appliquent très bien au ni' siècle. Commodien, en effet, date de deux cents ans l'apparition du christianisme, Instr., VI, vs. 2, ibid., col. 205; il écrit dans un moment de répit qu'il qualifie de trompeur, pax subdola, Inslr., i.xvi, vs. 7, 12, ibid., col. 252; il prévoit de futurs combats, Instr., Lin, vs. 10, ibid., col. 241, et engage en conséquence les fidèles à assister les martyrs ou. comme il dit, à admartyrizare. Inslr., LVlll, vs. 19, ibid., col. 215. Les allusions au schisme de Novat. Inslr., xi.u, à la con­ duite douteuse de certains chrétiens pendant la persé­ cution, Instr., lxi, à la discipline qu’il ne faut pas tem­ pérer par trop de relâchement, aux déserteurs qui ne sont autres que les thuri/icali el les libellatici du temps de Dèce, etc., sont celles d’un contemporain de saint Cyprien ou d’un écrivain qui écrivait peu d’années après. Harnack, loc. cil., assigne à Commodien la pé­ riode 260-350, et plus probablement les années qui sui­ virent immédiatement la perséculion de Dioclétien. 11. Monceaux, loc. cil., p. 452-458, adopte cette date en la précisant davantage. Les œuvres de Commodien ne peuvent être postérieures à l’édit de Milan (313). Les traits, précédemment relevés, conviennent fort bien à a période de paix menaçante (251-256) qui sépare les persecutions de Dèce et de Valérien, mais aussi à la période comprise entre 305 et 311, entre la lin des per­ sécutions de Dioclétien el l’édit de Maxence. D’autre part, Commodien connaissait la plupart des ouvrages de saint Cyprien, et il écrivait certainement après la mort de cet évêque, donc après 258. La tolérance reli­ gieuse fait remontera 260 au plus tôt. 11 écrivait donc enlre 260 el 313, et plus probablement dans les années ! 305-311. Enfin, s’il était démontré que Commodien a imité Laclance, dont les Institutions ont été composées entre 307 el 311, Commodien aurait écrit en 311-313. IL CEuvbes. — Il ne nous reste que deux ouvrages de Commodien, ses Instructiones et son Carmen apo­ logeticum. Le premier, découvert parSirmond dans un codex de Saint-Aubin d’Angers, fut d’abord édité par Bigaull, à Toul, en 1649; le second, découvert à Mid­ dlehill, en Angleterre, dans la bibliothèque de Th. Phi­ lipps,au milieu d’un manuscrit de provenance italienne, peut-être de l’ancienne bibliothèque de Bobbio, sans nom d’auteur ou de copiste, ot publié par le cardinal Pilra, à Paris, en 1852, dans son Spicilegium, t. I, p. 20-49. L’un et l’autre sont ijuasi versu, selon l’ex­ pression de Gennade. Les Instructiones sont une suite de quatre-vingts poésies, portant chacune un titre. Les lettres de ce litre, l'une après l'autre, commencent chacun des vers du morceau et forment acrostiche; il n'y a d'excep- I tion que pour la dernière pièce, dans laquelle les lettres du titre forment un acrostiche, qui doit se lire en sens inverse, du dernier vers au premier. Quant aux Instructiones xxxv et lx, les vers se succèdent et com­ mencent chacun par une lettre dans l’ordre alphabé­ tique. De tels procédés relèvent plus de la fantaisie que de la poésie. Le fond vaut mieux que la forme; cest une série de conseils appropriés aux circonstances de la vie et relatils aux diverses catégories de lecteurs. On y distingue 416 Irois parties : la T", Instructiones t-xxxvt. s’adresse aux païens pour leur démontrer la vanité des idoles et les inviter- à embrasser la fui chrétienne; la II·, Instru­ ctiones xxxvh-xlv, vise les juifs pour leur prouver que la lui n'a été qu'une ligure et les exhortera entrerdans la religion du Christ; elle traite de l’Antéchrist, du ju­ gement et de la résurrection; la III·, Instructiones xlvi-lxxx, s’adresse aux catéchumènes, aux pénitents, aux fidèles, aux apostats, aux présomptueux qui af­ frontent le martyre, aux personnes qui aiment le luxe, aux lecteurs, aux diacres, aux docteurs ou pasteurs, selon les besoins de l'époque. Le Carmen apologeticum est également en vers, mais non en acrostiches. C'est un poème suivi de I960 hexamètres, groupés deux par deux à la façon d’un distique. Le titre a été donné par dom l’itra; il ne ré­ pond pas à tout le contenu. Le poème n’est pas une apologie ou une défense du christianisme; c’est un exposé de la doctrine chrétienne, destiné à compléter l'instruction des fidèles et à préparer la conversion des infidèles. Cest un poème didactique, sur le ton de la prédication, avec des digressions satiriques. 11 roule sur les mêmes idées que les Instructiones et les com­ plète sur bien des points. Commodien emprunte à l’Ecriture de quoi ramener les païens et les juifs comme il a été ramené lui-même. De là le tableau de l'histoire ancienne, i-xin, vs. 1-220, l’énumération des prophéties de l’Ancien Testament relatives au Messie et réalisées dans la personne de Jésus-Christ, xrv-xxvt, vs. 221-576; divers conseils adressés aux païens, xxvn-xxxv, vs. 577782; et en dernier lieu un tableau de la fin du monde, xxxvi-xi.vu, vs. 783-1021. Voir une analyse détaillée dans Monceaux, loc. cit., p. 469-472. H. Wailz, Das pseudo-terlullianische Gediehl adver­ sus Mai cionem, Darmstadt, 1901, a revendiqué pour Comrnodien le Carmen adversus Marcionem, faussement attribué à Tertullien. Sa démonstration n’est pas abso­ lument convaincante. Cf. Funk, Theol. Quartalschrift, 1902, t. t.xxxiv, p. 137 sq. III. Appreciation. — L’œuvre de Commodien a été à la fois celle d'un apologiste et d’un moraliste. Apo­ logiste, il s’en prend, comme ses prédécesseurs, aux païens et aux juifs, mais Je ton n’est pas le même. Si, comme nous le croyons, il a écrit soit à l'époque où Gallien ordonna de rendre aux chrétiens les cimetières, les maisons et autres biens confisqués, ou bien à celle ou Aurélien, à propos de Paul de Samosate, prescrivit de restituer la résidence épiscopale d’Antioche à ceux quiélaienlen communion avec les évêques d'Italie, par­ ticulièrement avec celui de Rome, Eusèbe, II. E., vit, 13, 30, P. G., t. xx, col. 673, 720, on comprend qu'il li ait pas eu à démontrer l’iniquité de la procédure suivie contre les chrétiens, ni même à plaider le droit du christianisme à l'existence; il s’est contenté d'atta­ quer, dans le paganisme, ses divinités qu’il appelle des démons et quelques-uns de ses mythes qu’il qualilie d'absurdes et d’immoraux, ou bien d’arracher les juifs à leur entêtement, en leur démontrant, comme saint Justin, l'accomplissement des prophéties dans la per­ sonne du Christ. Ce qu'il demande aux juifs et aux païens, c’est de se convertir et d’embrasser le christia­ nisme, la seule religion vraie. Voir Monceaux, loc. cil., p. 474-476. Moraliste, il se préoccupe avant tout de voir la pra­ tique de la piété et de la vertu chrétiennes régner sou­ verainement dans les rangs du clergé et des fidèles. On sent un homme qui, peut-être, a distribué tous ses biens aux pauvres selon le conseil évangélique, mais qui, cer­ tainement, a voulu mener la vie des pauvres. Sur tous les problèmes de son époque, la conduite des catéchu­ mènes, le rôle de la pénitence, la fuite en temps de perséculion. les menées schismatiques, la recherche indiscrete du martyre, le sort de ceux qui sont pluma- COMMODIEN 418 turêment enlevés par la mort, ses sentiments sont les I lonté de l’auteur. » Lejay, loc. cit., p. 386-387. Commomêmes que ceux de saint Cyprien. Pas de haine, re­ dien n'est pourtant pas un ignorant; car il loue, en commande-t-il, le martyre lui-mêine ne servirait de passant. Térence, Virgile, Cicéron. Cf. Dombart, De fontibus Commodiani, præf., p. m-vil. Sa forme poé­ rien sans la charité. Pour être de vrais soldatsdu Christ, tique est celle dont l’Eglise usera dans les inscriptions il suffit de fuir les plaisirs et les spectacles et de com­ battre ses propres passions. Que les femmes évitent le funéraires et ses chants liturgiques. Dom Pitra écrit luxe et s'appliquent à ne porter que des vêlements avec raison : Malim Commodiani mei versum, horri­ simples. Que les riches ne se laissent point paralyser diore asperum cultu quam calamistris inustum. Pla­ par l'avarice, mais pratiquent généreusement les œuvres cet namque mihi martyris aut martyrum praeconis de miséricorde. Que surtout les membres du clergé, testimonium nudum, nihil fuco temperatum, nihil lecteurs, diacres, prêlres et évêques, remplissent bien quod rhetorum artem aut sophismata philosophorum, nihil quod nugas sapiat Alexandrinorum. Spicileleur ministère et donnent l'exemple. Voir Monceaux, . gium, t. i, p. xxv. Au demeurant, comme l'a fort bien loc. cil., p. 477-478. Sa théologie manque de précision sur la doctrine de 1 dit Cave, son œuvre poétique est un remarquable mo­ nument de la piété antique, où éclate partout l’esprit la trinitê. Quelques vers de ses poèmes. Carm. apol., v, vs. 91 sq., 277 sq., 363 sq., 617 sq.. ont une couleur de la vertu chrétienne et de la discipline, un zèle im­ mense et incomparable, un amour sans bornes pour le rnodaliste et palripassienne assez prononcée. 11 semble Christ, une prédilection marquée pour les pauvres et un ne voir dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et surtout cœur vaillant prêt au martyre. M. Monceaux, loc. cit., dans les deux premiers, que des noms différents donnés p. 481-489, a étudié avec une compétence spéciale la à la même personne. Dieu s'est dit Fils, lorsqu’il s'est langue et la versification de Commodien. Le poète écrit manifesté, et afin de n'etre pas reconnu. Par suite, au dans la langue populaire, et sa versification est restée sujet de l'incarnation, Commodien parle d'une façon une énigme. M. Monceaux n’admet chez Commodien ni trop générale des souffrances et de la mort de Dieu. la versification rythmique, ni des règles fixes. Le poète Jbid., vs. 327 sq.. 357, 414, 775 sq. En revanche, Com­ ne respecte pas plus les lois du rythme tonique que modien a accueilli quelques-unes des fausses opinions celles de la prosodie. Ses vers ressemblent vaguement qui couraient de son temps, telles que la chute des aux hexamètres classiques; ils sont presque tous faux, anges provoquée par un commerce charnel. Instr., bien que Commodien ait voulu les faire corrects. Imi­ ni. P. L., t. v. col. 203, et le millénarisme de Papias. Instr., χι,ιιι, ibid., col. 234. De même, il s'est fait l’écho tation approximative de l’hexamètre classique, césure régulière, hemistiches symétriques, rythme à peu pies de quelques fables, telle que celle du lion baptisé des normal des deux derniers pieds : tels sont les procédés Acta Pauli et Theclæ. Carm. apol., xxix, vs. 621, Spi­ cilegium, t. t, p. 38. Enfin, il a inséré dans son ta­ instinctifs de sa versification élémentaire. Joignez-y l’emploi de l'acrostiche, du distique, le goût du paral­ bleau de la lin du monde plusieurs traits, empruntés lélisme et l'usage, tantôt systématique, tantôt capricieux, soit à l'ancienne traduction de saint Irénée, qui lui de la rime. Commodien n'était pas un lettré, mais plutôt a fourni le nom de l’Antéchrist, Latinus, Instr., un demi-lettré, qui sème des barbarismes et fabrique xi.t. vs. 13, P. L., t. v, col. 231, soit surtout aux livres de mauvais vers, parce qu'il ne sait pas mieux faire. sibyllins. Inslr., xi.i-xi.v, ibid., col. 231-236; Carm. Commodien n'a pas connu que les auteurs prolànes, apol., xxvti-XLVi, vs 798-1012, Spicilegium, t. t, p. 43poètes ou prosateurs; il a aussi utilisé· certains apo­ 48. Sous sa plume, la lin du monde devient un drame. cryphes. tels que le livre d'Hénoch, les Acta Pauli et Néron doit sortir de l'enfer. Elie viendra marquer les Theclæ, les Jetés de Pierre perdus; il a puisé dans Pa­ élus. Au bout de sept ans, Latinus accourra de Baby­ pias, les livres sibyllins, Hermas. Harnack, Theologische lone à Jérusalem, tuera Néron, se proclamera le Christ, Lileralurzeilung, 1876, p. 51 sq. Zahn a relevé· des sera reconnu et adoré par les juifs. Alors surgira le rapprochements avec les œuvres de saint Théophile. vrai Christ avec les juifs perdus au delà de l’Euphrate; Geschichte des neuteslamentlichen Kanons, Erlangen, il taillera en pièces l'armée de l'Antéchrist et s'empa­ 1881-1884, t. n, p. 301 sq.; t. ni, p. 259. Dombart en a rera de .Jérusalem. Ce sera le début du régne de relevé d'autres avec Minucius Felix. Commodiani opera, mille ans, apres quoi le monde s’écroulera et le juge­ Vienne, 1887, p. tn, note 5. Il parait se souvenir de Lacment dernier aura lieu. Certains traits de ce tableau tance et a peut-être mis à contribution saint Irénée et se retrouvent, plus ou moins déformés, dans Victorinus, saint Théophile d’Antioche. Mais c'est surtout avec Teractance, Tichonius, etc. Cf. Pitra, loc. cil., p. xxm; i. tullien et saint Cyprien qu'il a de nombreux points de Monceaux, loc. cil., p. 478-480. contact. Comme eux. il se servait de la même version Poète, Commodien accuse une époque de décadence; de (’Écriture et connaissait les livres protocanoniques il connaît peu la prosodie classique; il a recours au rythme, emploie l'accent tonique, qui tient lieu de me­ et deutérocanoniqucs de (’Ancien Testament; mais il ne possède ni la force ni l’originalité· du premier, ni la sure et de quantité, et rappelle ainsi les poètes primitifs de Home. C'est de la poésie populaire, telle que la com­ douceur ni l’élégance du second; il reste un écrivain intéressant, mais d'un ordre inférieur. prenait et la goûtait la race mêlée des environs de Carthage ou des provinces. Selon Bède, rylhmus est verborum modulata compositio, non ratione metrica I. Éditions. — Les Instructiones ont été éditées par Riganh, sed numero syllabarum, ad judicium aurium exami­ Tout, 1649 ; 2· édit., 1650; rééditées par Gatland, IJihuvli.eca veterum Patrum, t. Ill ; Aligne, P. L., t. v, col. 189-262. Œbler nata, ut sunt carmina vulgarium poetarum. Ue me­ en a fait une édition nouvelle, Leipzig, 1847. Le Carmen apolo­ trica, 24, P. L., t. xc, coi. 173. C'est le quasi versu, geticum a été découvert et publié par Pitra, Spicilegium Solesdont parle Gennade. « Pour donner à ceux qui lisentces mense, Paris, 1852-1854. t. I, p. xvi-xxv, 20-49. 537-513; t. iv, ■■ers de hasard l'illusion des vers classiques, il conserve p. 222-224. H. Rnnscli en a donné une nouvelle édition dans la césure après le second pied et forme le cinquième Zeitschrift fur die historische Théologie, 1872. t. xui, p. 163302. Les deux poèmes ont été édités ensemble par Ludvvig, d une syllabe accentuée suivie de deux qui ne le sont Commodiani opera, Leipzig, 1877-1878; Dombart, Commodiani pis. » Bardenhewer, Patrologie, édit, franç.. Paris,1898, opera, dans le Corpus script, de Vienne, 1887, t. xv. t. 1. p. 356. Sa versification offre, en effet, un sujet diffi­ II. Travaux. — Outre les études de Rigault, Dodwel. Cave. cile. « Il avait l'intention de faire des vers métriques; Pitra, déjà signalées dans l'article, Freppel, Commodien. Aril recourt à son oreille qui lui suggère une mesure nobe, Luctance, Paris, 1893: Ebert, Commodiane carmen ; nique. Ainsi s’explique le mélange bizarre de prosodie apologeticum, dans Abhandl. der siiehs. Geschichte der et de rythme tonique qui est le fond de sa versification. Wissenchaft, Leipzig, 1870. t. v. p. 387-420: Leimbach. Carmen apologeticum, program , Sinalcaldc, 1871 ; Kwlbcrlah. Curaram Quand le vers parait rythmique, il l'est malgré la voD1CT. DE T11ÊOL. CXTIIOL. IIL - 14 419 COMMODTEN COMMUNION DANS LA FOI 420 preuve manifeste de la rébellion, à être présumé fils soumis de l’Église, jouissant encore des avantages exté­ rieurs assurés à la communion ecclésiastique. Ainsi se résout le problème de la communion catholique pour les hérétiques secrets : communion canoniquement présumée persévérante jusqu’à preuve juridique con­ traire, mais réellement absente dans le cas de révolte intérieure de la volonté·. C’est ce que signifient alterna­ tivement les documents ecclésiastiques ou les textes lliéologiques apparemment divergents. Quant à la visi­ bilité· de l’Eglise, elle n’est nullement mise en péril par quelque doute planant sur la communion effective de plusieurs de ses membres, de même qu elle n’est point atteinte par quelque incertitude régnant autour de la réalité d'un certain nombre de baptêmes individuels. -L'objet sur lequel doit porter cette foi commune est l’enseignement intégral de l’Eglise infaillible de laquelle on ne peut se séparer même sur un seul point sans nier entièrement son infaillible autorité. S. Thomas, Sunt, lheol., 11‘ llæ, q. v, a. 3. Mais il n'est point requis que l'on connaisse explicitement toutes les vérités en­ seignées par l’Église, en dehors de ce qu'exige impé­ rieusement l’accomplissement des obligations communes ou particulières auxquelles on est astreint. L’adhésion aux autres vérités est suffisamment contenue dans l’en­ tière soumission à l'autorité de l’Eglise. S. Thomas, COMMUNICATION DES IDIOMES. Voir Idiomes Sum, lheol,, II’ llæ, q. n, a. 6; Quæst. disp., De veri­ (Communication des). tate, q. xlv, a. 11. —5°En vertu du magistéreinfaillible de l’Église, cetle communion dans la foi catholique 1. COMMUNION DANS LA FOI. - I. Sous le resle toujours substantiellement identique jusqu’à la consommation des siècles. Identique dans la vérité im­ Nouveau Testament. II. Sous l’Ancien Testament. I. Sous le Nouveau Testament. — t. nature. — Sous muable à laquelle on adhère, puisque la révélation le Nouveau Testament, la communion dans la foi, telle chrétienne est définitive jusqu'à la lin des temps et que l’Église, son infaillible gardienne, en conserve toujours qu'elle résulte des délinitions de l’Eglise catholique, le même sens exact. Identique dans son fondement est l'accord de tous les fidèles dans l’adhésion positive, inébranlable, la souveraine véracité de Dieu. Identique intérieure el extérieure,à toutes les vérités définies par dans la règle immédiate de la foi, l'infaillible magistère le magistère infaillible de l’Eglise, adhésion toujours accompagnée de là volonté formellement exprimée de l’Église, garanti par Dieu lui-même. Concile du Va­ tican, sess. III, c. IV. Cependant cetle identité substan­ d'avance d’accepter toutes les délinitions ultérieures. — 1° Une adhésion positive est toujours requise. L'absence tielle, tranquillement immuable à l’encontre des héré­ sies et des erreurs de tous les temps, est susceptible de d'opposition à l’enseignement de l’Eglise proposant la révélation chrétienne ne peut suffire: le simple désir impli­ quelque progrès accidentel dans la marche de l’Église à travers les âges. Souvent progressive dans le nombre cite de se soumeltreà la véritable Eglise, des qu’elle sera de ses adhérents, la communion dans la foi catholique manifestement connue, n’est point suffisant en dehors du cas d’ignorance invincible de la vérité catholique ou peutaussi se perfectionner en intensité par une percep­ tion plus claire et plus universelle de l'objet, de la na­ d'absolue impossibilité de s’unir à l’Eglise. En droit, la ture et de l'extension de l’autorité ecclésiastique, parti­ soumission actuelle au magistère de l’Eglise catholique est rigoureusement indispensable. C’est la volonté for­ culièrement de celle du chef de l’Église. Ce qui de fait melle de Ji’sus-Christ, Marc., xvi, 16, affirmée par l'uni­ s'est réalisé dans ces derniers temps, surtout depuis le verselle tradition catholique el conlirinée par les décla­ concile du Vatican. Le progrès accidentel peut encore se rencontrer dans l’adhésion formelle à des vérités nou­ rations infaillibles de l’Eglise catholique, comme nous vellement définies par l’Eglise et qui étaient jusque là le démontrerons bientôt. — 2» L’adhésion au magistère implicittment crues dans telle vérité révélée qui les de l’Eglise doit être extêrieureet vi-ible, puisque l’Eglise est elle-même, par l'institution «le Jésus-Christ, une contenait équivalemment. C’est ce qu’indique Pie IX société visible, à laquelle on doit etre rattaché par un dans la bulle Ineffabilis définissant le dogme de l’imma­ culée Conception : Chrisli enim Ecclesia, sedula depo lien visible. Ce lien doit être tout d’abord celui de la foi, car, dans l’ordre des biens surnaturels où se fait silorum apud se dogmatum custos et vindex, nihil in his unquam permutat, nihil minuit, nihil addit, sed cette communion visible, la foi est le principe d’où tout procède. Aussi l’Eglise a constamment exigé de omni industria vetera fideliter sapienterque tractando si qua antiquitus informata sunt, et Patrum fides tousses lideles, même dans les situations les plus cri­ tiques, quelque communion dans la profession exté­ sevit ita limare, expolire studet, ut prisca illa ceeleslis rieure de la même foi catholique. Collectanea S. C. de doctrines dogmata accipiant evidentiam, lucem, di­ stinctionem, sed retineant plenitudinem, integritatem, Propaganda fide, η. 1639 sq., Rome, 1893, p. 619 sq. — 3° Pour ne point manquer de sincérité, cetle com­ proprietatem ac insuo tantum genere crescant ineodem. munion extérieure et visible doit procéder d'une volonté scilicet dogmale, eodem sensu, eademque sententia. Identité progressive surtout dans les nombreuses dél et d’une intelligence entièrement soumises à l’autorité nitions doctrinales du magistère ecclésiastique, qui ont de la révélation chrétienne, proposée par le magistère pour but immédiat d’expliquer, de défendre ou de con­ de l’Eglise. Disposition juridiquement présumée insé­ parable de la communion extérieure et visible, tant que server le dépôt intégral de la révélation chrétienne, sui vaut l'exigence de nouvelles attaques ou de besoins l'autorité ecclésiastique ne possédé aucune preuve légale nouveaux, tandis qu’aulour de l’Église les autres corn de la rébellion. Devant Dieu, la volonté insoumise ne mimions sont irrémédiablement vouées à d'incessantes jouit plus de la communion effective dans la foi. Vis-àvariations substantielles ou à une rigide immobilité vis ue l'autorité ecclésiastique, l’on continue, jusqu’à in Commodiani instructiones specimen, Halle, 1877 ; Hanssen. De arte metrica Commodiani, Strasbourg, 1881 ; Aubé, L’Église et l’État dans la seconde moitié du ni’ siècle, Paris, 1885. p. 517-514 : G. Boissier, Commodien, dans les Mélanges Dénier, Paris. 18s7, p. 37-68; La fin du paganisme, Paris, 1801, t. n. p. 81-50; L’Afrique romaine, Paris, 1901,p. 302; Bardenhewer, Commodien. dans Kirchentexikon, Fribourg-en-Brisgau, t. I, p. 701-704; Palrologie, édit, franç.. Paris. 1898, t. t, p. 353359; Geschichte der altkirchlichen Literatur, Fribourg-enBrisgau, 1903, t. n. p. 581-593; G. Krüger, Geschichte der ultchrist. Lilt., 2· édit., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1895. p. 199-201; Hurler, Λomenclatvr, 3· édit.. Inspruck, 1903, t. i, col. 86-88: Harnack, Die Chronologie dm' altchristl. Litteratur, Leipzig, 1904, t. O, p. 433 sq.; P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, Paris. 1905, t. lit. p. 451-489; Smith et Wace, Dictionary of Christian biography, Londres. 1877. t. I, p. 610; W. Meyer, Der Versbau Commodiane, dans Abhandl. der bayer. Akademie, 1885. t. xvn, p. 288-307; Ver­ nier. La versification populaire en Afrique : Commodien et Verecundus, dans la Revue de philologie, 1891, t. XV, p. 14-33, 117-130: de Gourniont. Le latin mystique. Paris, 1892, p. 23-31 ; J. L. Jacobi, lionimodianus und die allkirchliche Trinitatslehre, dans Deutsche Zeitschri/t fur chrisll. Wissenschaft, 1853, t. iv ; L. Atzberger, Geschichte der christl. Eschatologie innerhalb der vornicànischen Zeil, Fribourg-en-Brisgau. 1896, p. 555-Γ66; J. Tixeront, Histoire des dogmes. I. La théologie antimicèenne. Paris, 1905, p. 450-452: U. Chevalier, Répertoire. Vio-bibliographie, 2· édit., t. i, col. 999-1000. G. Bareille. ■'91 COMMUNION DANS LA FOI d’où la vie est à jamais absente. — G» Quand la commu­ nion actuelle dans la foi catholique est pratiquement irréalisable, par suite de l’ignorance invincible de la vérité catholique ou de l’impossibilité d'être agrégé à l’Eglise, la communion in volo ou le désir même impli­ cite d’appartenir à l'unité catholique suffit. pourvu que l'on possède la foi explicite déclarée par saint Paul in­ dispensable au salut : Sine fide autem impossibile est placere Deo. Oportet enim accedentem ad Deum cre­ dere q ia est et inquirentibus se remunerator sit. llrb., xi, 6. Conclusion implicitement approuvée par le concile du Vatican, sess. Ill, c. m. Car à la première rédaction : llæc est illa fides sine qua impossibile est placere Deo et.ad /iliorum ejus consortium pervenire, le concile substitua la rédaction actuelle plus générale: Qumiiam vero sine. fuie, impossibile est placere Deo et ad /iliorum ejus consortium pervenire, ideo nemini unquam sine ulla contigit justificatio nec ullus nisi in ea perseveraverit usque in finem vitam teternam assequelur, de peur que l’on ne se crût autorisé à conclure en laveur de la nécessité absolue de la foi catholique pour le salut, A. Vacant, Eludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, Ί895, t. n, p. iitî; Collectio Lacensis, t. vu, p. 178. II. NÉCESSITÉ. — 1” Autorité rie l’Evangile. — Euntes in mundum universum prædicate evangeliutn omni creaturae. Qui crediderit et baplizatus fuerit, salvus erit : quiverononcrediderit condemnabitur. Marc., χνι, 15 sq. Nous n’avons point à démontrer ici que ces pa­ roles de Jésus et celles de Matth., xxvut, 19. sq., con­ tiennent l’institnlion du magistère infaillible de l’Eglise chargé de garder, de défendre et d'expliquer jusqu’à la lin des temps le dépôt intégral delà révélation clir tienne. De cette vérité incontestable, nous sommes autorisés à déduire les conclusions suivantes : 1. La soumission à cet infaillible magistère doit avoir pour objet toute la révélation chrétienne, prêchée par les apôtres et par leurs successeurs. Aucune exception n’est faite : Qui crediderit et baplizatus fuerit, salvus ent ; qui vero mm crediderit condemnabitur. Marc., χνι, 16. La foi devant avoir la même extension que la prédication ellemême s’étend â tout le dépôt de la révélation conliée par Jésus-Christ à son Eglise. Matth., xxvm,20. La sou­ mission doit encore être absolue, parce que l'absolue v rité de renseignement est garantie par le privilège de l'infaillibilité que conferent les paroles : Ecce ego vobiscum, d'après tout le contexte. Intégrale et absolue, cette soumission ne doit point s'arrêter au for intime de la conscience. Elle doit être extérieurement manifeste, puisque le commandement formel de Jésus-Christ exige la profession extérieure de la foi, se continuant cons­ tamment dans chaque vie individuelle. Matth., x, 32, 33; Luc., IX. 26; xtt, 8, 9. — 2. Une telle soumission est exigée de tous les hommes dans tous les temps jusqu'à la consommation des siècles. Car les termes sont uni­ versels et ne comportent aucune exception : Omnes g nies, ducentes eos, Matth., xxvill, 19, 20; Euntes in mimibmi universum, prædicate evangelium omni creaturæ. Marc., xvt, 15 — 3. D'une telle soumission intégrale, absolue et obligatoirement extérieure, s’imposain nécessairement à Ions, doit évidemment résulter entre tous les fidèles une union ou communion inté­ rieure et extérieure dans l’adhésion obligatoire à la meme doctrine de Jésus, communion perpétuellement identique, puis (lie la doctrine de Jésus-Christ est touI mrs fidèlement enseignée par l’Église infaillible. — • Λ près avoir déduit de Matth.. xxvut, 20, et de Marc., xvt, 15. 16, la nécessite de cetle communion dans la foi chrétienne, nous sommes autorisés à en constater une indication assez évidente dans Matth., xvt, 18, ou Pierre et ses successeurs sont annoncés par Jésus-Christ, comme fondement perpétuel de l’Eglise, auquel tousles fideles doivent être constamment unis. Toute autorité 422 dans l’Église résidant premièrement et principalement dans Pierre et ses successeurs, et l’union de tous les membres de l’Eglise avec cetle autorité étant strictement requise, comme l’est l’intime cohésion entre les pierres d'un édifice et son fondement principal, il en résulte manifestement une étroite communion des membres entre eux et avec le chef de l’Église, en tout ce qui est obligatoire. — 5. Bien que la communion de tous dans la même foi chrétienne soit normalement requise d’une manière explicite, son désir même implicite peut suffire à ceux qui sont incapables de la réaliser plus parfaite­ ment. Car ceux-là seuls sont irrémédiablement condam­ nés qui refusent obstinément d’adhérer à la prédication chrétienne. C’est le sens de Marc., xvt, 16, d'après l'an­ tithèse entre l’adhésion positive : Qui crediderit, et le dissentiment non moins positif: Qui veronon crediderit. 2° Enseignement des apôtres. — La nécessité de l'union ou communion dans la foi chrétienne, prêchée par les apôtres avec l’autorité de Jésus-Christ, résulte de l'affirmation de saint Paul : Gnus Dominus, una fides, ununi baptisma. Eph., iv, 5 sq. Cetle foi, il est vrai, n’est que la foi objective ou la doctrine chré­ tienne. Mais dès lors que sa parfaite unité est stricte­ ment obligatoire, l’union ou la communion dans celte unité de foi en est une nécessaire conséquence. C’est ce qu’indiquent aussi les condamnations réitérées contre ceux qui rejettent sciemment et obstinément l'unique foi chrétienne prêchée par lesapôtres. l'it., m, 10 sq.; 1 Tim., 1, 19 sq.; 11 Tirn., lit, 8 sq.; 1 Joa., n, 18; 11 Joa., 7 sq. ; .1 tld., 13. Puisque toute rupture avec cette unité de foi est sévèrement réprouvée, la commu­ nion ou l'union dans cette foi est,par le tait, strictement imposée. 3" Témoignage des Pères dans les six premiers siè­ cles. — Dans la seconde moitié du t0·· siècle, l’auteur de la Doctrina duodecim apostolorum, χνι, 5, parlant par­ ticulièrement des temps où l’Antéchrist manifestera sa puissance et s'efforcera de séduire les fidèles, affirme la nécessité de la persévérance dans la loi pour échap­ per à la damnation. Paires aposlolici, édit. Funk, Tubingue,1901,1.1, p. 36. Oi, cette foi n’est autre que celle que Dieu nous a enseignée par son fils Jésus, x, 2, p. 22, ce qui, avec l'institution de l’Eglise, ne peut s'entendre que de la foi chrétienne enseignée par l’Église, conti­ nuant l’œuvre de Jésus-Christ à travers les âges. Au commencement du il· siècle, saint Ignace d’Antioche (γ 107) exhorte les Ephésiens à s’unir dans la doctrine de Dieu, c'est-à-dire dans la doctrine des évêques ré­ pandus dans l'univers ou dans la doctrine de leur évêque et à se garder dans celle unité immaculée, pour rester participants de Dieu lui-méme. Ad Eph., m, tv, Patres aposlolici, t. l,p.216. Celui qui par sa perverse doctrine corrompt celte loi de Dieu, ira au l'eu inextinguible, également celui qui l'écoule. Ad Eph., xvt, p. 227. Celui qui suit cette doctrine < trangère n’a point de participa­ tion avec la passion de Jésus-Christ. Ad Philad., Il, iv, р. 267. D'où la nécessité de l’universelle communion des fideles dans la doctrine de l’évêque, qui est celle de Jésus-Christ et celle de Dieu. .-1<1 Eph., m sq., p. 216. Dans la seconde moitié du n«siecle, saint Irénée (ÿ 202) enseigne la même doctrine en condamnant les hérétiques, qui introduisent des doctrines nouvelles et étrangères et déchirent ainsi l’unité de foi don. jouit l’Église. L'ont. hær., 1. IV, c. xxvi, n. 2, P. G., t. vit, col. 1051. Tous ceux qui sont en dehors de l’Eglise sontendehors de la vérité, 1. IV, c. xx.xni, n. 7, col. 1076. La seule vraie connaissance de la vérité est la doctrine des apôtres que l’Église seule conserve pleinement sans addition ni retranchement, 1. IV,c.xxxm,n. 8,col.1076. Cettedoctrineest toujours fidèlement gardée dans l’Église de Rome avec laquelle toutes les Églises doivent être en communion à cause de sa manifeste suprématie, 1. LU, с. m, n. 2, col. 818. 423 COMMUNION DANS LA FOI Vers la fin du il' siècle, Tertullien enseigne que l’on doit avoir communion de foi avec les Eglises aposto­ liques qui ont reçu la doctrine des apôtres, qui l'avaient reçue de Jésus-Christ et Jésus-Christ de Dieu lui-méme. De prescript., c. xxi, P. L., t. n, col. 33, 50. Parmi ces Églises il mentionne particuliérement l’Église de Rome, unde nobis quoque auctoritas priesto est. Ista quant felix Ecclesia cui totam doctrinam apostoli cum sanguine suo fuderunt, coi. 50. D’on Tertullien conclut que les hérétiques qui enseignent ou suivent une doc­ trine différente ne peuvent être chrétiens, qu’ils sont déshérités et désavoués par les apôtres comme étran­ gers et comme ennemis à cause de la doctrine différente qu’il leur plaît de proposer ou d’accepter à l'encontre des apôtres, c. xxxvm, col. 51. Au commencement du ni' siècle, Clément d'Alexandrie (-f· 215) taxe d’infidélité ceux qui se révoltent contre l’enseignement de l'Eglise, en adhérant aux opinions humaines des hérésies. Strom., 1. VU, c. xvi, P. G., t. ix, col. 131. Origéne (f 254·), commentant Matlh., xxiv, 23 sq., et parlant de ceux qui se réclament illégitimement de Jésus-Christ et des saintes Ecritures, affirme que nous ne devons point les croire, ni nous écarter de la doctrine de l’Église, ni avoir une autre foi que celle de l'Eglise, nec aliter credere nisi quemadmodum per successionem Eeclesiæ Dei tradiderunt nobis, hi Maith, comment.series, η. 46, P. G., t. Xlll, col. 16117. Vers le milieu du ni' siècle, saint Cyprien (f 258) dénomme hérétiques et adver­ saires de Jésus-Christ tous ceux qui ne sont pas entiè­ rement avec lui. qui ne recueillent pas avec lui et met­ tent la dispersion dans son troupeau. Epist., lxxvi, ad Magnum, c. i, P. L., t. m, col. 1138. En défendant contre les novations l’unité de l’Eglise d'après Cant., vt, 9, unité basée sur la primauté de Pierre suivant Matlh., xvi, 18 sq., et Joa., xxi, 15, Cyprien affirme la nécessité d'une entière soumission à l'autorité de l'Eglise ou à l'autorité du pontife romain; soumission qui doit s'ap­ pliquer aussi à tout ce qui concerne la foi : Hanc Eccle­ sia unitatem qui non tenet, tenere se /idem credit·? Qui Eeclesiæ renititur el resistit, qui cathedram Petri super quem fundata est Ecclesia deserit, in Ecclesia sc esse confidit? Quando el beatus apostolus Paulus hoc idem doceat et sacramentum unitatis ostendat, Eph., iv, 4-6. De unitate Eeclesiæ, iv, P. L., t. iv, Col. 5C0 sq. Hanc unitatem qui non tenet, Dei legem ■non tenet, non tenet Patris et Filii /idem, vitam non tenet et salutem, coi. 501. Deus unus est, et Christus unus, el una Ecclesia ejus, et fides ima, el plebs una in solidam corporis unitatem, coi. 517. Au IVe siècle, l'enseignement des Pères sur la nécessité de la communion se résume en ces affirmations : est hérétique quiconque rejette la foi catholique sur n’im­ porte quel point de doctrine enseigné par l’Eglise; 1 hérétique séparé de Dieu, de Jésus-Christ et de son Église est en dehors du salut; la foi intégrale nécessaire pour le salut n'est possédée que dans l'Eglise catholique. S. Athanase, Orat., il, cont. arianos, n. 43, P. G., t. xxvi, col. 238; S. Épiphane, Adv. hær., 1. Il, hær. Lix, n. 12, P. G., t. xi.i, col. 1036 sq.; Expositio fidei, v sq., P. G., t. xi.ii, col. 782 sq. ; Anacephalæosis, ibid., col. 885; S. Ambroise, Expositio sancti Euangelii secundum Lucam, I. VII, n. 95, P. L., t. xv, coi. 1723; S. liilaire, Comment, in Mallh., c. xm, η. I, P. L., t. ix, coi. 993; S. Pacien, Epislolæ tres ad Sympronianuni novationum, P. L., t. xm, coi. 1051 sq.; Didyme d’Alexandrie, Enarratio in I Epist. S. Joannis, n. 19, P. G., t. xxxix, coi. 1783 sq.; In Epist. S. Judee, 11, coi. '1816; S. Jérôme, Epist., xv, ad Damasuni pa­ pam, n. 2, P. L., t. xxii, coi. 355 sq.; S. Nicetas (j- 414), Explanatio symboli habita ad competentes, n. 10, P. L., t. lu, coi. 871. Parmi les Pères du ιν· siècle, saint Optat de Milève (t 385) mérite une mention particulière. Bien que son 424 but principal soit de prouver contre les donat isles la nécessité de la communion dans la soumission à la même autorité, spécialement à celle du pontile romain successeur de Pierre, Optat affirme aussi expressément la nécessité de la communion dans la même loi, en­ seignée par Jésus-Christ et par son Église. De schis­ mate donatislarum, 1. 1, c. x; 1. II, c. I, P. L., t. xt, col. 899 sq., 912 sq. D'ailleurs, cet enseignement unanime des Pères des quatre premiers siècles dirige dès celle époque la cons­ tante et universelle pratique de l’Église. Comme l’observe Léon Xlll, encyclique Satis cognitum du 29 juin 1896, l'Eglise, vigilante gardienne de l’intégrité de la foi. a tou­ jours regardé comme des rebelles déclarés et chassé loin d’elle tous ceux qui ne pensaient pas comme elle sur un point quelconque de sa doctrine ainsi que le démontre l’histoire des hérésies de ces premiers siècles. Au v' siècle, saint Augustin insiste surtout sur le crime que commettent les hérétiques en faussant l’en­ seignement divin, sur leur séparation absolue de l’unité de l’Eglise et l'impossibilité où ils se trouvent d’utiliser véritablement les moyens de salut, conséquemment d’ob­ tenir le salut. De baptismo contra donalistas, 1. IV, c. xviii, P. L., t. xi.iit, col. 170; Serm., lxxi, c. xvn, P. L., I. xxxvm, col. 460 sq.; cxlvi, c. II, col. 796 sq. ; ccxv, n. 8 sq., col. 1076; De fideel symbolo, c. x, P. L., t. xi., col. 193; Enchiridion, c. lxx, col. 262 sq.; Enar­ ratio in Ps., xcviii, 9; exxv, 1; cxxxi. 13, P. L., t. xxxvi, col. 478, 929; t. xx.xvn, col. 1270. La même doctrine se rencontre chez saint Léon le Grand. Epist., ci.xi, P. L., t. liv, col. 1142 sq.; saint Eulgence de’Ruspe (·{■ 533), De fide seu de regula veræ fidei, c. m, n. 41 sq., P. L., t. lxv, col. 692; c. xxxvi sq., col. 703 sq.; De remissione peccatorum,!. I, c. xvm .-q., col. 542 sq.; saint Grégoire le Grand, Moral., I. XXXV, c. vm, n. 12 sq., P. L., t. i.xxvi, col. 756 sq.; Exposi­ tio in psalmos pænitentiales, Ps. ci, n. 31. P. L.. t. l.xxix, col. 623. D’ailleurs, à partir du v· siècle, il est facile de suivre dans l'histoire de toutes les hérésies, et particulièrement dans l’histoire des conciles, l’invariable pratique de l'Eglise considérant, au nom du droit divin, comme rebelles et comme expulsés de son sein tous ceux qui rejettent quelque point de doctrine enseigné par elle en vertu de l'autorité qu'elle a reçue de JésusChrist. 4“ Définitions de l’Église. — C'est sur ces bases scrip­ turaires et patristiques que s'appuient les déclarations de l'Eglise réprouvant surtout depuis le XVe siècle les nom­ breuses erreurs opposées au dogme catholique sur la communion dans la foi. Nous ne ferons que rappeler ici les documents principaux. 1. Condamnation formelle des erreurs opposées. — a) Insuffisance de la communion purement invisible. — Cette insuffisance résulte de la condamnation du système de l’Église invisible composée des seuls prédes­ tinés, a. I, 6, 31 de Jean Hus condamnés par le concde de Constance approuvé par Martin V, Denzinger, Enchi­ ridion, n. 522, 527, 542; et de la condamnation de l’Eglise invisible composée des seuls justes, proposi­ tions 72», 73' de Quesnel, réprouvées par Clément XL le 8 septembre 1713, Denzinger. n. 1287 sq., et propo­ sition 15" du conciliabule de Pistoie, condamnée par ; i bulle Auctorem fidei de Pie VI, 28 août 1794. Denzingt r. n. 1378. D'ailleurs, la visibilité de l’Eglise, explicitemt ni enseignée par tous les documents ecclésiastiques c traitent de l’autorité visible divinement instituée dans l’Église, exige une communion visible. — b)Conda>. lion des systèmes atténuant ou même niant l'oblig itiun de la foi catholique telle qu’elle est enseignée ; ■ l'Eglise. — a. Condamnation des propositions 15-18 <1 . Syllabus, affirmant le principe du libre examen et l'in­ différentisme absolu ou relatif en matière de religi positive. — b. Insuffisance du simple cilenceobséquie 425 COMMUNION DANS LA FOI 4οβ 2eobjection. — L’histoire de l’Eglise catholique atteste en face île l’enseignement formel du saint-siège. Const. i que l’unité dans la communion de foi catholique peut Vuieam Domini de Clément XIII, 16 juillet 1705, se concilier avec des divergences dogmatiques considé­ Denzinger, n. 1317. — c. Réprobation des systèmes qui rables, même avec des erreurs positives patiemment diminuent la soumission doctrinale due au saint-siège, tolérées par l'autorité ecclésiastique. — Béponse. — I" La particulièrement le gallicanisme souvent condamné dans communion de foi catholique, rigoureusement requise les quatre articles de la déclaration de 1682, Denzinger, n. 1189 sq., et le fébronianisme spécialement condamné en tout ce qui est à telle époque défini par l’Eglise n’empêche point des controverses ni même des erreurs par le bref de Pie VI Super soliditate, du ‘28 novembre positives sur des points présentement non définis ou 1786. Denzinger, n. 1363 sq. D'ailleurs, le concile du Vatican, sess. IV, enseigne formellement en cette ma­ insuffisamment élucidés. — 2° En fait, l’Eglise n’a tière la doctrine strictement obligatoire pour les catho­ jamais toléré positivement une erreur dogmatique pré­ liques. — d. Réprobation des systèmes qui affirment sentement connue comme telle; et elle n’a jamais per­ I indépendance absolue de toute science vis-à-vis de la mis de concilier avec la foi catholique une adhésion positive à de telles erreurs. Les faits allégués n'ont révélation divine. Bref de Pie IX à l’archevêque de point la portée qu'on leur attribue. Ils témoignent Munich, 2I décembre 1863. Denzinger, n. 1533 sq.; pro­ simplement de la non-intervention positive de l’Église positions 10'·, 11e. 11· du Syllabus; encyclique Ælemi en l’absence d’évidence théologique suffisante, en l’ab­ Patris de Léon XIII du 4 août 1879. — c) Condamnat un du système anglican de la via media ainsi que de sence aussi de tout péril pour la foi ou de tout dommage tout projet d'intercommunion avec les anglicans qui le spirituel pour les fidèles. — 3» On ne peut reprocher à l’Eglise de n'avoir point réprimé ces controverses avant soutiennent. Lettres encycliques dit Saint-Office aux que la vérité fut parfaitement élucidée, de même qu’on éi quas d'Angleterre, le 16 septembre 1864, Collectanea 5. C. de Propaganda fide, η. 1677, Rome, 1893, p. 610 sq. ; ne peut lui reprocher de n’avoir fait cette élucidation que progressivement, à mesure que la connexion des Lettre du secrétaire du Saint-Office à quelques puséisdéductions théologiques avec les vérités révélées se ma­ tes anglais, 8 novembre 1865, op. cit., p. 612 sq. — nifestait directement. Il n'en résulte d'ailleurs pour les Pie IX, IV Sent., dist. I. q. n, a. 3; Suarez, De fide, disp. XII, Allocution consistoriale du l) décembre ISÔ4, Denzin- sect, in, n. 14; Sylvius, InIDm Hx,q. Ill, a. 8, concl.3; ger, n. 1504. Salmanticenses, De fid , disp. VI, n. 74; Gonet, De vir­ (js objection. — La doctrine catholique sur la stricte tutibus theologicis, disp. VI, a. 4, η. 50. — 2" Cette obligation de la communion dans la foi est, à toutes les communion dans la foi devait se manifester par quelque époques et particuliérement à la nôtre, souverainement signe extérieur, puisque l’obligation de professer exté­ antisociale par les irrémédiables divisions et par les rieurement sa foi a toujours été indispensablement né­ mesures d’inquisition auxquelles elle donne lieu. De cessaire. S. Thomas, Sum. theol., 11*11”, q. txx.xiv, a. 2. fait, dans le cours des âges, elle a sous ces deux rap­ Cette profession extérieure, n’étant point alors déter­ ports déchaîné des maux considérables sur la société. minée par une loi positive très précise, devait se résu­ — Réponse. — 1» Dans une société catholique normale­ mer dans l'offrande de quelques sacrifices témoignant ment constituée, celte doctrine sur la nécessité de la de la foi au Christ futur ou au moins de la foi au communion dans la foi, loin d’être une cause de divi­ vrai Dieu, de la providence duquel on attendait sions ou de luttes fratricides, est, au contraire, un prin­ implicitement le futur libérateur. S. Thomas, Sum. cipe d’union stable et féconde et un puissant préservatif theol., III·, q. Lxvm, a. 1, ad !“■*; 11« 11”, q. il, contre les maux sociaux que l’effort de l’homme peut a. 7, ad 3“m. —3° Celte communion dans la foi, en prin­ Conjurer ou diminuer. C’est ce que démontre invinci­ cipe substantiellement identique pour les juifs et les blement l’histoire des sociétés autrefois régies par cette fidèles de la gentililé, se manifestait chez les juifs par unité de communion : Eoque modo composita civitas quelques signes plus particuliers, spécialement déter­ fructus tulit omni opinione majores quorum viget minés par la loi divine, comme la pratique de la cir­ memoria el vigebit innumerabilibus rerum gestarum concision in quantum erat qutedam professio fid. consignata monumentisquæ nulla adversariorum arte Christi, S. Thomas, Sum. theol., 111«, q. lxx, a, 2, et corrumpi aut obscurari possunt. Léon XIII, encyclique la pratique des antres sacrements ou des sacrifices de Immortale Ilei du 1er novembre 1885. — 2« Dans une la loi mosaïque, également symboliques de la foi au libérateur futur. Signes plus parfaitement expressifs société privée de l’unité religieuse, la doctrine catho­ de la fbi au libérateur universel, mais dont la pratique lique sur la nécessité de la communion dans la foi ne n’était strictement obligatoire que pour les seuls juifs. s’oppose aucunement à ce qu’une certaine tolérance 1« II”, q. xcviii, a. 5. — 4« L’on doit en même temps civile soit donnée, même par des gouvernants catho­ observer que chez les juifs particulièrement il y eut, liques, dans la stricte mesure où elle est jugée néces­ même sur les points où la communion de foi était obli­ saire ou gravement utile pour préserver la société d’un mal social plus grave. C'est l’enseignement formel de gatoire, un progrès substantiel dans la révélation di­ Léon Xlll dans l’encyclique Libertas du 20 juin 1888. vine, successivement manifestée par Dieu à mesure — 3» En fait, les actes d’excessive intolérance reprochés ! qu’approchait la plénitude des temps. Mais l’adhésion formelle à ces révélations n’était obligatoire pour les à l’Église catholique sont-ils réellement prouvés, c’est individus que dans la mesure où elles leur étaient su!t.une question historique qui doit être résolue avec la samment proposées comme divines en tenant compte plus impartiale critique, critique équitable et prudente qui tienne également compte de l’esprit et des coutumes I des divers devoirs imposés à ceux qui sont char. de l’époque et du pays. Ces faits, fussent-ils historique- | d'instruire les autres ou à ceux dont la condition est d’être instruits. S. Thomas, Sum. theol., Il* II”, q. ment constatés, ne pourraient êlre mis à la charge du a. 7; q. Il, a. 6, 7. — 5° Ainsi l’Ancien et le Nouveau dogme catholique. Ils resteraient entièrement impu­ Testament sont reliés par une intime communion de f. i tables à des fautes personnelles dont on ne se préserve au même Dieu rémunérateur surnaturel et au méirpoint toujours,même dans les meilleures causes. rédempteur unique médiateur de toutes les grâces couIL Sous l’Ancien Testament. — 1° Si l'on considère 429 COMMUNION DANS LA FOI — COMMUNION DES SAINTS 430 duisant an salut surnaturel. Mais avec cette communauté I aux âmes du purgatoire dans une compassion effective substantielle de la même foi, il y a une profonde diffé­ qui apporte des soulagements à leurs peines. Ces points rence dans la révélation divine à laquelle on adhere. Sous particuliers seront traités à part, voir Intercession l’ancienne alliance. Dieu n’avait point manifesté à l’hu­ Culte et Invocation des saints, Suffrages, et nous manité ni sur lui-même ni sur la rédemption tout ce n avons à envisager ici que la question générale, l’idée qu’il a voulu dans la plénitude des temps nous révéler foncière de la communion des saints, cette unité et entièrement par son divin Fils. Aussi, malgré une cer­ solidarité de vie surnaturelle qui existe entre tous les taine identité de foi, nous sommes tenus par des obli­ membres du Christ, sans entrer dans le détail de ses gations beaucoup plus étroites relativement à l'objet de principales manifestations. celte foi et à 1 autorité chargée d'en garder fidèlement Il faut reconnaître que celte idée grandiose n’a pas le dépôt intégral. toujours rencontré, chez les théologiens du haut moyen âge, la précision qu’elle comporte aujourd'hui et il y a Outre les documents ecclésiastiques indiqués dans l'article, lieu d’etre surpris qu’elle n'ait point été traitée ex pro­ outre les nombreux ouvrages classiques sur la foi et sur l’Église fesso, comme les autres articles de foi, dans les Sommes et les traités apologétiques sur l’Église publiés au xix· siècle, et commentaires des scolastiques ultérieurs. C’est peutvoir l. 1. col. 1560 sq., on peut particulièrement consulter : Terêtre ce qui explique l’étrange conception que les théolo­ tultien. De prescript., P. !... t. n, col. 12 sq.: S. Cyprien. De giens protestants et les rationalistes modernes ont fini unitate Ecclesia!, P. L., t. tv, col. 485 sq.: S. Pacien. Epistula par se former d’un dogme qui répond si bien, en cha­ tres ad Sympronianum riovatianum, P. L., t. xm, col. -1051 sq. ; S. Optat, Deschismate donatisturum, P. L., t.xt. col.885 sq.; cun deses éléments, aux tendances les plus légitimes et S. Augustin dans ses ouvrages polémiques contre les donatisles, les plus douces de la nature humaine. Les uns ne voient particuliérement. Epistola ad catholicos contra donatistas, ou dans cette doclrine qu'un retour aux superstitions Liber de unitate Ecclesûe, P. L., l. xliit, col. 391 sq.; Enchi­ païennes, M. Nicolas, Le symbole des apôtres, Paris. ridion ad Laurentium, c. t.vt sq.; c. t.xv, P. L., t. xt., Ï867, p. 249, une sorte de polythéisme très mal dé­ col. 258 sq. ; S. Vincent do Lérins (j-450). Commonitorium pri­ guisé et « comme un triomphe remporté sur la religion mum, P. L.. t. L. col. 637 sq. : Pierre Lombard. Sent., 1. HI, de l’esprit par celte religion de deuxième ordre tou­ dist. XXV, et ses commentateurs; S. Thomas. Sum. theol., II’II·, q. t, a. 7. 10: q. n, a. 5 sq. : q. v, a. 3; Expositio super symbo­ jours présente dans l’Eglise ». A. Harnack, Dogmynlum apostolorum, édit, rom.: Opusc., vi, Opuscula selecta, geschiehle, Fribourg-en-Brisgau, Sj 4G, p. 216. Les autres, Paris, 1881, I. 1, p. 422 sq. ; Jean de Tm recremata (f 1468), dans celte répercussion des mérites de tous sur chacun, Summa de Ecclesia, Venise, 1561 ; Melchior Cano (f 1560). De ne veulent reconnaître qu’un système purement méca­ locis theologicis, 1. IV, Opera, Venise, 1759, p. 88 sq. ; Canisius, nique de justification, A. Viguiê, art. Communion des De corruptelis verbi Dei, 1. I. c. ix. Ingolstadt, 1583, t. I, saints, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, de р. 83 sq. ; Hellarmin, De controversiis. 1. Ill, De Ecclesia mi­ F. Lichtenberger, Paris, 1878, t. m, p. 286; la trans­ litante; Stapleton (j-1598). Principiorum fidei doctrinalium relectio scholastica et compendiaria, Anvers, 1596; Grégoire mission par la collectivité de grâces impersonnelles el, de Valence (f 1603). Auuli/sis fldei catholicæ. Ingolstadt. 1585; dès lors, la suppression pour l’individu de toute res­ Gravina (γ 1643), Catholicæ proscriptiones adversus omnes ve­ ponsabilité, la négation des principes mêmes de la teres et nostri temporis hæreticos, Naples. 1619; Libère de Jésus moralité. Car « celte union mystique de tous les mem­ tÿ1719), Controversiarum scholastico-polemico-historico-cribres de Christ établit entre eux au point de vue moral ticarum.t. vin, De Ecclesia militante, disp. 1, cont. vu sq.. une solidarité d’intérêts et de privilèges qui permet aux Milan. 1757, t. vin. p. 85 sq.: Gulli (-j-1742), Vera Ecclesia plus indignes de s’approprier par le canal de l’Eglise Christi, c. vin, n. 18 sq.; c. XVII, Venise. 1750, p. 72 sq., 176 sq. : cardinal Newman, Au essay on the development of les mérites des saints — mélange habile de pélagia­ Christian doctrine, ouvrage composé par Newman immédiate­ nisme et de magie, d’incrédulité et de superstition » ment avant son abjuration, mais revu après sa conversion, J. A. Borner, Histoire de la théologie protestante, trad. с. vi, sect, n, 11' édit., Londres, 1900, p. 248 sq. ; Murray, A. Paumier, Paris, 1870, p. '12, 28. Cf. Seeberg, LehrTractatus de Ecclesia Christi, disp. VI, VII, Dublin. I860, t. t, buch der Dogmalik, Erlangen et Leipzig, 1895, t. i, p. 369 sq.; Billot, Tractatus de Ecclesia Christi, part. I. q. 111, p. 243; t. π, p. 207. 2· édit.. Borne, 1903, p. 151 sq. ; E. Dublanchy, Extra Ecclesiam Non contente d'interpréter ainsi, à la seule lumière nulla salus, Bar-le-Duc, 1895. de ses préjugés, la doctrine catholique de la communion E. Dublanchy. des saints, la critique protestante se croit fondée, en 2. COMMUNION DES SAINTS. Ce dogme sera outre, à en déterminer les origines, à établir les respon­ étudié d'abord sous son aspect dogmatique et historique, sabilités, à fixer des dates, 'fous étrangers au christia­ puis spécialement dans les monuments de l'art chrétien. nisme primitif, les éléments principaux de cette super­ fétation grossière ne seraient pas antérieurs au v*siècle, I. COMMUNION DES SAINTS, SON ASPECT DOG­ époque « où il se lit un revirement complet dans la MATIQUE et HISTORIQUE. — Sur le sens et l’origine notion des rapports existant entre les saints, les martyrs de cette formule dogmatique insérée tardivement dans glorifiés et les chrétiens vivant sur terre ». A. Viguiê, le symbole des apôtres, la critique moderne a soulevé Le symbole des apôtres, Nimes, 1884, p. 38 sq. CL En­ de vives discusions, qui ne sont pas encore closes. Pour cyclopédie des sciences religieuses, t. m, p. 286. L’élabo­ procédera l’analyse exacte d'une matière aussi délicate ration doctrinale de ces divers éléments fut lente à que complexe, nous traiterons séparément : 1. La question s’accomplir. Au vi« siècle, le dogme de la communion dogmatique. II. Le problème historique. des saints était encore une nouveauté, « une nouveauté 1. Question dogmatique. — L’Église catholique entend, telle que pendant longtemps il fut expliqué dans des par communion des saints, le lien transcendant qui rattache entre eux les fidèles vivants et défunts dans sens très différents. » M, Nicolas, Le symbole des l’unité d’un même corps mystique dont Jésus-Christ est apôtres. Paris. 1867, p. 223. Harnack attribue au pape Grégoire le Grand, le mérite — si c'en est un — d’avoir le chef et dans la solidarité d'une même vie. Cette solidarité spirituelle, qui s’étend, hors de l’Eglise codifié ces idées jusqu’alors incertaines, éparses dans le cerveau superstitieux des foules, et de les avoir pla­ militante, à l’Église triomphante et à l’Eglise souffrante, implique un échange de relations spéciales entre ces cées sur les hauteurs de la théologie, consolidant ainsi par la doctrine une pratique mauvaise ». Dogntengrstrois termes. Par leur entremise auprès de Dieu, les saints du ciel procurent aux fidèles de la terre comme chichte, S 56. p. 266. borner recule encore plus loin les aux âmes du purgatoire tout un ensemble de grâces et dates. Pour lui, une pareille doctrine est essentielle­ ment scolastique. C’est à Duns Scot que revient ■ l’aude faveurs, de même que les fidèles, par la prière et les bonnes œuvres, s’unissent aux élus dans un culte j dacieuse tentative de reléguer dans l'ombre Dieu et d’honneur et d’amour qui provoque leurs bienfaits, et Jésus-Christ et de substituer à la communion des âmes 431 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) 432 avec Dieu, la communion des saints dans le sens catho­ lique romain ». Op. cit., p. 28. Le simple exposé des données scripturaires et tradi­ tionnelles, en établissant la notion exacte et l'origine essentiellement chrétienne du dogme catholique de la communion des sainls. suffira pour réduire à leur juste valeur ces affirmations sans fondement. 1" Données scripturaires. — L’idée centrale de l’en­ seignement du Sauveur d’après les Synoptiques, celle du royaume ou régne de Dieu, nous olfre les premiers linéaments de celle vaste et divine conception qui réu­ nit dans une intime communauté de vie et d’action toutes les créatures douées de la grâce sancliliante. Ce royaume spirituel, qui apparaît sur terre avec le Christ son chef et fondateur. Matth.. ni. 2; xii, 28; Marc., i, 5; Luc., xvii, 20, a pour but le groupement harmoni­ que des efforts dans l’œuvre du salut. Matth., xn, 26. L’homme, au cours de son pèlerinage, n’est plus isolé dans son moi : non seulement il fait partie d'une so­ ciété surnaturelle, divinement organisée, dont la coopé­ ration est absolument indispensable au progrès comme à la transmission même de la vie spirituelle, Matth., x, 14, 15, 40; xvm, 17; Marc., xvi, 15; Luc., x, 16; Joa., m, 5, et qui n'est, d'autre part, que la forme extérieure du régne de Dieu dans les âmes, voir Eglise; mais en dehors de cette communauté d'intérêts, il se trouve encore en communion intime d'esprit et de cœur avec tous les membres de cette société, qui est une société d'amour, Matth., xxn, 37-40; Luc., xiv, 12-14, Marc., xu, 33, une famille dont Dieu est le père. Matth., v, 45; vi. 9; Luc., xi, 2; 1 Joa., i, 3; m, 1, où doit briller et brûler, comme un feu que rien ne peut contenir, Ja perfection même de la charité. Matth., m, 11; v, 48; Luc., xu, 49. Ce royaume divin ne comprend pas seulement les fidèles de la terre, il s’étend aussi à tous les élus. Matth., xix, 28; Luc., xx, 30; Apoc., xxi, 10-27. Les angeseuxmêmes sont associés à celte confraternité des âmes : la conversion d’un seul pécheur fait au ciel la joie de tous. Luc., xv, 10. Cf. .1. P. Kirsch, Die Lehre von (1er Gemeinschafl der Heiligen im chrisll. Allerlhuni, Mayence, 1900, Introduction, p. 1-7; P. Batiffol, L'enseignement de .lèses, 2e édit., Paris, s. d. (1905), p. 155-158. L’individu n’est point absorbé au sein de celte collec­ tivité et ne dépouille point l’effort personnel, comme les théologiens protestants en font le reproche â la doc­ trine catholique. Cf. J. A. Dorner, op. cit., p. 12. Car le royaume de Dieu doit s’acquérir, au contraire, par la pratique de toutes les vertus. Matth., iv, 17; v, 3-12; vu. 21; xi, 12; Marc., t, 15; vin, 38; xu, 34; Luc., v, 32. Une condition résume toutes les autres, la justice, Ϊιζαιοσύνη, qui renferme en elle seule l’accomplisse­ ment de tous les devoirs envers Dieu, envers le prochain el envers soi-même. Matth., v, 6, 20. Cf. B. Bartmann, bas Uimmelreich und sein KOnig, Paderborn, 1904, p. 25-27. La nature et le fondement de celte communion in­ time des âmes sont établis avec un saisissant relief par la doctrine de saint Paul qui applique aux mem­ bres du royaume de Dieu les lois de solidarité et de réversibilité dont relèvent les membres de l'organisme vivant. L’Eglise, prise dans sa généralité, constitue un corps mystique dont Jésus-Christ est la tête et dont les fidèles sont les membres. Bom., xn, 5; I Cor., xn, 12, 27; Eph., 1, 22 sq.; Col., i, 18; n, 19; m, 15. Chacun d’eux remplit dans l’organisme sa fonction spéciale, qui conspire au bien de tous. Rom., xu, 4 sq. La souffrance ou le bien-être de l’un a sa répercussion dans le corps tout entier, dont les parlies sont enlre elles rigoureuse­ ment solidaires. I Cor., xu, 25-27. Cette unité organique provient de l’Esprit, qui relie entre eux tous les mem­ bres par la charité, I Cor., xn, 13; Eph., iv, 3, 4, 16; Col. m, 14, et qui divise les ministères et les fondions. I Cor , xu, 4-11, 28-31. Envisagé dans l’exercice de son activité propre, le principe vital, qui rattaché ainsi dans une mutuelle dépendance les âmes saintes, se manifeste, s'entretient et se développe par une participation com­ mune aux biens spirituels, I Cor., xn, 13; Eph., n. 1320. par la réciprocilé des bons offices et la communica­ tion îles biens individuels, surtout des mérites. Rom., xu, 4-6; 1 Cor., xu. 25 sq.; Eph., iv, 3, 7-13, 15-17. par un échange incessant de prières ollertes à Dieu, pour le salut et le progrès spirituel de chacun, Rom., i, 910; x, 1; xv, 30 32: Phil., 1, 3-5; Col., i, 9; iv, 12; H Thés., 1, I l ; lit, 1; pour la prospérité croissante de la communauté. Eph., νι, 17-19; lleb., xm, 18. Cf. Jac., v, 16. Celte union mystique s’étend au delà de cette vie, jusqu'au ciel ; elle comprend toutes les âmes rachetées de Jésus-Christ, car la charité, qui en constitue le lien, ne meurt point, I Cor., xm, 8, et Jésus, le premier-né entre ses frères, Rom., vin, 29 sq., est le roi céleste de toutes les puissances, Eph., i. 20, le dominateur souve­ rain de tous les mondes. Phil., il, 10. Cf. L. Atzbcrger, Die christ liche Eschatologie in denStadienihrer O//enbarung, Eribourg-en-Brisgau, 1890. p. 263-269. 2“ Théologie des Pères. — 1. Les origines. — Au dé­ but de l’ére postaposlolique, l'organisation des chrétien­ tés qui s’achève, l’institution des offices liturgiques fon­ dée sur la prière en commun, contribuent efficacement â resserrer les liens spirituels qui unissent entre eux les disciples du Christ. D'autre part, la pensée chrétienne, vivement saisie par l'attente de la parousie prochaine, était naturellement amenée à confondre dans la même communauté d’espérances les fidèles encore vivants et les justes morts dans la paix du Seigneur: l'union, un instant brisée, allait se rétablir dans la gloire d'une vie nouvelle, qui marquerait comme l’achèvement du corps mystique de Jésus-Christ. Et n'affirmait-elle point ainsi, dès lors, qu'elle se survivait â elle-même par delà le tombeau? Cf. Kirsch, op. cit., p. 9-11. Aussi quand s’effaça l'idée d’un avènement prochain de Jésus et que la distinction s'établit nettement entre le royaume de Dieu sur la terre el le royaume du ciel, la croyance au lien surnaturel qui rattache l’une à l’autre l’Église du temps et celle de l'éternité n’en demeura ni moins ferme ni moins vive, et la charité ne lit qu’étendre et accentuer ses rapports enlre vivants et défunts. Assurément, il ne faut pas espérer que l’on arrive à dégager des documents primitifs autre chose que des indications éparses, plus ou moins expressives du fait lui-même, et nullement un système de doctrines, que ne comportait poinl d'ailleurs le caractère des écrits de ce temps, sur la nature et les propriétés de cette com­ munion mystique enlre tous les saints. Cf. L. Atzberger, Geschichle der chrislliehen Eschatologie innerhalb der vornieânischen Zeil, Eribourg-en-Brisgau, 1896, p. 1-9, 45-50. Mais le fait dogmatique, s'il n'en est pas la tra­ duction directe, ne se déduit pas moins avec une pleine certitude de ces premiers témoignages. L’expression la plus lointaine, que l’on découvre dans les écrits des Pères apostoliques, du dogme de la com­ munion des sainls, nous est fournie par les textes où saint Clément de Rome recommande aux fidèles de Co­ rinthe l'union des esprits et des cœurs telle qu’elle doit s’épanouir dans l’Église de Jésus-Christ. La nature des exhortations qu’il adresse, les exemples qu’il invoque, les pratiques qu’il signale supposent enlre les fidèles des liens plus intimes que les liens ordinaires des so­ ciétés et dont la mort ne rompt point les attaches. C’esJ ainsi que l’exemple des héroïnes de l’Ancien Testamen! sert â mettre en relief la dépendance qui existe dans l’économie providentielle enlre les mérites des uns el le salut des autres. Par son dévouement. Eslher trouva grâce de la sorte pour son peuple auprès de Dieu. "O; ΐύών το ταπεινόν της ψυχής αυτής ερυσατο τον λάον ών χάριν 433 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) έκινδύνευσεν. 1 Cor., I.v, 6, Funk,Patres apostolici, Tubingue, 1901, p. 168. A ce rejaillissement du mérite des uns sur la masse des fidèles se joint naturellement la solidarité des âmes dans la prière. Les pécheurs euxmêmes participent à ce commun bienfait, ibid., ι.νι, I, Funk. loc. cit., p. 170, et de ces ardentes supplications peut dépendre le salut de tous les justes. Ημείς δέ... αίτησόμεΟα έκτενή τήν δέησιν καί Ικεσίαν ποιούμενοι όπως τον άρώμ'ον τον κατηριΟμημένον τών έκλεκτών έν δλω τώ κόσμοι διαφύλαξη άθραυστον ό δηαιουργδς τών απάντων. Ibid., ι.ιχ, 2, Funk. p. 174. Cest ainsi que les chrétiens ne constituent qu'un seul corps dont le salut doit s’opé­ rer dans le Christ. Ibid., xxxvni, 1; i.n, 2, Funk, p 146, 166. Des liens particuliers continuent d’ailleurs à unir les saints du ciel à ceux de la terre : les élus sont les modèles glorieux auxquels doivent s’attacher ici-bas les lidèles de toute la ferveur de leurs efforts. "ΕλΟωμεν επί τούς έγγιστα γενομένους άΟλητάς· λάδωμεν τής γενεάς ημών τά γενναία υποδείγματα. Ibid., V, 1, Funk, p. 104. Ce culte d’admiration et d’imitation, qui tend à l'union effective, puisqu'il s'applique non seulement à évoquer dans l’esprit du chrétien la pensée des défunts, apôtres ou martyrs ε actuellement dans la gloire », ibid., v, 4, 5, Funk, p. 104, 106, mais encore à reproduire dans l’âme le plus intime et le meilleur de leur vie. ne limite point son objet aux élus de la nouvelle alliance, parmi les­ quels figurent en première ligne les apôtres Pierre et Paul, loc. cil. ; il s’adresse aussi, sans distinction aucune, aux patriarches, aux âmes saintes de ('Ancien Testament, tels que Noê, Abraham. Lolh, Bahab, etc., ibid., IX, 3, 4; x-xn, Funk, p. 110 sq., et ce n’est pas sans raison, pour resserrer ces liens mystiques de charité, pour accréditer ces pratiques éminemment chrétiennes de solidarité entre tous dans les œuvres el la prière, que saint Clément rappelle avec une insistance particulière ces illustres exemples, dont la vertu ni la gloire n’ont cessé de faire partie du patrimoine commun. Cf. Kirsch, op. cit., p. 10. Ces rapports de charité mutuelle et transcendante, celle mystérieuse participation de chacun à l’œuvre de tous et de tous à l'œuvre de chacun, Hermas en fournit en quelque sorte une image sensible dans la vision où Ithode. du haut du ciel, apparaît au Pasteur, souriante el consolante, et lui laisse entrevoir la part active qu'elle prend à sa conversion, άνελήμφβην ϊνα σου τά; αμαρτίας έλέγξω προς τον κύριον, Vis., I,c. I, n. 4, Funk, p. 416, en même temps qu'elle lui enseigne l'efficacité de la prière pour la sanctification de son âme, de ses proches, de toute l’Eglise. ’Αλλά σύ προσεύχου προς τον ‘lin καί ίάσεται τα αμαρτήματα σου καί όλου τού οίκου σου καί πάντων τών άγιων. Ibid., n. 9, Funk, p. 418. La même pensée reparait dans l’allégorie de la tour, em­ blème de la Jérusalem céleste, lentement édifiée par les auges, Vis., Ill, c. IV, n. I, 2. Funk, p. 440, avec la coopération de tous les justes. Fis., III, c. v, n. 1, 2; Si­ mii., IX. c. xv, Funk, p. 440 sq., 604 sq. Aux patriarches el aux prophètes de l'ancienne Loi se joignent immédia­ tement les apôtres, comme fondements de l'édifice. Simi/., IX, c. xv, n. 4. Funk, p. 606. Un curieux passage ou les apôtres sont représentés prêchant après leur mort aux prophètes et leur donnant le sceau de Jésus-Christ pour les incorporer ensuite â l'Eglise, met tout au moiqs en relief cette pensée que l'établissement du royaume de Dieu est soumis encore, même après cette vie, à une action personnelle des ouvriers évangéliques. Simil., IX. c. xvi. n. 5 sq.. Funk, p. 608-610. D'une façon non moins étendue ni moins précise, l'Eglise d'Antioche nous transmet le même témoignage que l’Église romaine. Saint Ignace, à plusieurs reprises, confie les besoins de son âme et la cause de son mar­ tyre aux prières de ses fidèles. Ad Boni., ni, 2; iv. 2 ; vm, 3; Ad Phil., v, 1 : vm, 2; Ad Trail., xn, 3, link p. 256, 262, 266, 270, 250. Celle union de prières 434 s’étendait aussi aux diverses Églises. A d Eph., xxi, 2; Ad Magn., xiv; Ad Boni., ιχ. I, Funk. p. 230.240, 202, et celles-ci en percevaient les heureux effets. Ad Smyrn., xi. 1, 3; Ad Polyc., vn, 1, Funk, p. 284, 292. On priait aussi pour les hérétiques, afin qu'ils se convertissent, Ad Smyrn., iv, 1 ; Ad Eph., x. 2, Funk, p. 278, 222, et pour tous les hommes en général. Ad Eph., x, I, Funk, p. 220. Le saintévéque n'omettait point d'associer à ses souffrances la pensée de ses frères, κατά πάντα σου άντίψυχον εγώ καί τά δεσμά μου ά ήγάπησας, Ad Polyc., n, 3, Funk, p. 290, et sa lettre aux Éphésiens indique assez nettement qu'il s’offrait comme victime pour eux. Ιίερίψκμα ύμών και άγνίζομαι νμών’Εφεσίων εκκλησίας τής διαίοήτου τοΐς άιώσιν. Ad Eph., vm. 1, avec les notes concernant ce texte, édit. Lightfoot, Apostolic. Fathers, Londres, I885, t. n a, p. 50. Ces diverses pratiques repo­ saient naturellement sur la doctrine du corps mystique de Jésus-Christ, dont Ignace relève çà et là quelques traits assez précis. C'est ainsi qu'il loue l'étroite union qui rattachait aux apôtres l’Église d'Ephèse dans la force vivante du Christ, oï και τοΐς άποστόλοις πάντοτε συνήσεσαν έν δυνάμει ’Ιησού Χριστού, Ad Eph., XI, 2, Funk, p. 222, et la prière des autres n'a pour lui de valeur que par l'union de tous en Dieu, dans la charité. Έπιδέομαιγάρ τής ήνωμένηςυμων έν Θεώ προσευχήςκαί αγάπης. Ad Magn., xiv, Funk. p. 240. Car il n’y a qu’une prière, comme il n'y a qu'un esprit, une unique espé­ rance dans celte charité et cette joie parfaite qu’est le Christ. Μία προσευχή, μία δέησις, εις νους, μία ελπίς έν αγάπη έν τή χαρα τή άμώμω, ό έστιν ’Ιησούς Χριστός. Ad Magn., vu, 1. Funk, p. 236. Lui-méme s’attache a l'Evangile comme si le Christ était encore le presbyte­ rium de l’Eglise. Ιίροσφυγών τω εύαγγελίω ώς σαρκί Ιησού και τοΐς άποστόλοις ώς πρεσδυτηρίω έκκλησίας. Ad Philad.,N, 1, Funk, p. 268. Les prophètes doivent être entourés aussi d'un meme culte d'amour et d'admi­ ration. Ad Philad., v, 2, Funk, p. 268. Il ne faut pas demander à la théologie de saint Polycarpe, non plus qu'aux écrits des autres Pères apos­ toliques, l'ampleur ni la variété de ces renseignements. On y retrouve toutefois les deux éléments constitutifs du dogme de la communion des saints : la mise en com­ mun des prières et des bonnes œuvres entre chrétiens de la terre, et l’existence de relations spirituelles entre l’Église du ciel et l’Eglise militante. Aux chrétiens de Philippes, Polycarpe demande instamment de prier pour tous les saints, c’est-à-dire pour tous les fidèles. Ad Phil., xn, 3, Funk, ρ. 312. L'auteur de l'Epilre de Barnabe se recommande lui-même au pieux memento de ses frères, qu'il nomme les fils de la charité et aux­ quels il souhaite toujours plus grande l'union spirituelle avec le Christ. Epist. Barnabæ, xxi, 7, Funk. p. 96. Dans la Doctrine des douze apôtres se trouve une prière adressée â Dieu pour le salut et la perfection de la communauté chrétienne, x, 5, Funk, p. 24, el le ca­ ractère impétratoire des bonnes œuvres est affirmé par ce fait que le jeune est recommandé comme un moyen aussi efficace que la prière pour obtenir la conversion des persécuteurs. Νηστεύετε δέ ύπέρτών διωκόντων υμάς. Ibid., I, 3, Funk, p. 4. Ce passage est d'autant plus important que le mot νηστεύετε a été intercalé par l’au­ teur dans le texte même de saint Matthieu, v, 44. qui conseille de prier pour ses ennemis. Il est évident que les fidèles avaient part avant tous les autres aux grâces spécialement attachées à ces œuvres de charité. La même charité, dont les martyrs sont le vrai modèle, d’après saint Polycarpe, Ad Phil.,i, I, Funk. p. 296, unit entre eux les saints du ciel et ceux de la terre. Paul et les autres apôtres, tout particuliérement les martyrs qui ont eu avec les fidèles des rapports plus intimes d'ami­ tié ou de vie commune, ne doivent point cesser d'etre présents a la pensée, comme des exemplaires précieux dont il faut s'efforcer de reproduire dans son âme la 435 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) beauté. Ad Phil., tx. Funk. p. .306. La conception de l’Eglise comme corps mystique de .1 ésus-Christ n’apparait que voilce; mais il est permis de la reconnaître, étant données surtout les allusions qui évoquent si net­ tement la doctrine de saint Paul, dans cette commu­ nion de joie qui rattache dans le Seigneur le saint évêque à l’Eglise de Philippes, συνεχα-.ην ΰμΐν μεγάλος έν κυρίω ήμών ’Ιησού Χριστώ. Ad Phil., 1, 1, Funk, p. 200, et dans cette conception mystique qui envisage le martyre comme une participation â la passion même du Sauveur. Είσι παρά ~ώ κυρίω, ω και συνέπαΟον. Ibid., ιχ, 2, Funk, ρ. 306. La nature même des questions débattues par les apo­ logistes du 11“ siècle excluait tout développement nou­ veau, concernant le dogme de la communion des saints, et même tout recours direct à celle doctrine. En dehors des idées émises par Athénagore, Supplicatio pro chri­ stianize. x, édit. Otto, Corpus apologelarum Christia­ norum sæculi secundi, léna, 1857. t. vu. p. 48, et par ÏÉpitre à Diognète, vit, 2, édit. Funk. Patres aposlolici, t. t, p. 402, sur le rôle des anges dans la conduite du monde et des individus, idées connexes au présent sujet, on ne rencontre guère que dans saint Justin des indications précises sur la coopération commune des chrétiens â l’œuvre individuelle du salut par la prière et les actes méritoires. Les fideles prient spécialement pour les mourants, Dial, cum Tryph.,c. cv, édit. Otto, p. 376, et cette prière est faite en conformité avec celle de Jésus en croix : « Mon père, je remets mon âme entre vos mains. » Ibid., p. 378. Un trait nouveau de la doctrine se dégage, celui des avantages spirituels que procure la prière en commun, dont la pratique est plusieurs fois recommandée. Κοινά; εύχάς ποιησόμενοι ύπέρ τε έαυτόΐν και τού φωτισβέντος και άλλων πανταχοΰ πάντων. ΑροΙ., I, c. ι.χν, édit. Otto, t. ία, p. 176. Cf. A pol., I, c. xv, ibid., p. 48. La prière individuelle est ainsi rehaussée d'une vertu particulière qui tient préci­ sément à celte fusion mystique des aines, et il en est de même pour les œuvres satisfactoires. C’est ainsi que les chrétiens offraient eu commun non seulement des sup­ plications, mais leurs jeûnes pour les catéchumènes au moment du baptême. Ημών συνευχομένων καί συννηστευόντων αύτοϊς. Apol., I, c. ι.χι, édit. Otto, p. 164. 2. Premiers développements. — Avec un appoint très appréciable de conclusions nouvelles, l’école alexan­ drine apporte à ces données premières un groupement encore instable, il est vrai, et qui n’est pas encore la synthèse, mais qui l'annonce et la prépare. Clément d'Alexandrie, en même temps qu'il signale les bienfaits de la prière pour les autres, Strom., VII, c. xn, n. 80, P. G., t. tx, col. 509, met en évidence le caractère satisfactoire du martyre et l’application des mérites de Jésus-Christ et des apôtres aux membres de l’Eglise. Έπ'ι μεν των άλλων δ·.ά τάς οικείας έκαστου άμαρτίας, έπί δέ τοΰ κυρίου κα'ι των αποστόλων διά τάς ημών. Strom., IV, c. xn, n. 87, P. G., t. vin, col. 1296. Surtout il s'attache à démontrer quels liens mystiques unissent les chrétiens de la terre à l’Église soutirante et à l’Église triomphante. Au parfait gnostique il recommande la compassion envers les morts, Strom., VII, c. xn, n. 7, 8, P. G., t. tx, col. 508, et il dépeint l’Eglise du ciel comme le modèle de l’Église militante. Είκών δέ τής ουρανίου έκκλησίας ή επίγειος. Strom., IV, c. VIII, n. C6, P. G., t. vin, col. 1277. Avec lui apparaît pour la première fois la pensée d’une communion effec­ tive des deux Eglises dans la prière, même individuelle : quand le gnostique entre en oraison avec les disposi­ tions requises, il n’est pas seul à prier; les anges sont là, qui l'environnent et qui l’assistent. Ό δέ κα’ι μετ’ αγγέλων εύχεται, ώς αν ήδη κα’ι ίσάγγελος, ουδέ έξω ποτέ τής άγιας φρουρά; γίνεται, καν μόνος εύχεται, τον των αγίων χορόν συνιστάμενον έχει. Strom., VI, c. xn, n. 10, P. G., t. tx, col. 5C8. 43G Toute la théologie mystique d’Origêne relève de cco pensées. Son mérite original n’est pas seulement d'expo­ ser avec plus d’ampleur et de précision les rapports harmonieux qui ramènent à l’unité· de vie et d'action toutes les énergies dans la société des justes, mais sur­ tout d’indiquer le caractère el la portée deces relations et d’en formuler le principe. Origène a eu l'intuition nette de la solidarité chrétienne : il l’a décrite sous toutes ses formes essentielles, faisant valoir ainsi la dépendance étroite qui existe dans l'œuvre du salut entre l’effort de l'individu et la coopération directe de la collectivité. Les fidèles vivants sont solidaires même dans le mal : la faute de l’un rejaillit sur tous; c’est une lâche particulière, mais qui allecte le corps tout entier. In omnem Ecclesiam videtur delinquere qui suum corpus maculaverit, quia per unum membrum macula in omne corpus diijunditur. In Hb.Jesu Nave, horni I. v, n.6, P. G., t. xn, coi. 851. Ils participent aux prières et aux jeûnes offerts pour la communauté· et qui sont comme l’encens du tabernacle, c’est-à-dire l'arôme qui parfume toute l’Egliseet monte vers Dieu jour cl nuit comme un signe de propitiation. Alii sint altare incensi, qnicumque orationibus et jejuniis die ac node vacant in tem­ plo Dei, orantes non solum pro semelipsis, sed. el pro universo populo. In Num., homil. v. n. 3, P. G.,l. x:t, col. 605. C’est dans l'inégale répartition des richesses spirituelles, dans la diversité des mérites et des grâces, qu'il faut chercher la raison de celte assistance mu­ tuelle. Inlelligamus... in hoc tabernaculo esse quosdam celsiores meritis et gratia superiores. Ibid. Il faut que chacun travaille non seulement à sa perfection, mais aussi au salut commun : des grâces de choix sont atta­ chées à celte œuvre de zèle. In quo certum est virtutes inessecælrsles et vires spiritalium gratiarum. In Cant., c. m, 7, P. G., t. xm, col. 162. Le martyre est une source spécialement abondante de grâces pour tous les fideles : plus d’un devra au sang des martyrs le salut de son âme. "Ωσπερ τιμίω αϊματι τώ τοΰ ’Ιησού ηνοράσίΐ.-,μεν..., ούτως τω τιμίω αϊματι των μαρτύρων άγορασίιήσονταί τινες. Exhort, ad martyr., c. L, P. G., t. xi, col. 636. Origène va jusqu’à imputer à l’intervention de Satan la paix dont jouissait alors l’Eglise, car. â defaut des mar­ tyrs, n’esl-il pas â craindre que l'on n'arrive plus à mériter le pardon de ses fautes? El ideo etiam diabolus sciens per passionem martyrii remissionem peccato­ rum non vult nobis publicas gentilium persecutiones movere. In Num., homil. x, n. 2, P.G., t. xil,col. 63,8. Le caractère impétratoire du martyre est mentionné à diverses reprises. Cont. Cels., 1. VlII.n. 44, P. G., t. xi, col. 1581; In Joa., lom. vi, n. 36, P. G., t. xiv, col.293 sq. Aussi la passion des marty rs est-elle comme le complé­ ment de la passion du Sauveur. Exhort, ad -martyr., c. xxxvi, P. G., t. xi. col. 609. C’est que Jésus-Christ, dans son œuvre rédemptrice, a voulu s'adjoindre des coopéra leurs, dont la mission n’est point terminée au ciel. Avec lui les apôtres juge­ ront le monde, parce qu'ils ont bu avec lui son calice, Exhort, ad martyr., c. xxvm, P. G., t. xt, col. 597, et ses disciples demeurent auprès du Pere, par leur intercession, ses coadjuteurs dans la conduite de l’Église. Διά των ευχών σύνεργού; προς τον πατέρα βούλε­ ται λαόειν τους μαΟήτευομένους αύτώ, ϊν’,.. εις τέλος άγάγη των έξουσιαζομένων μακάριον. De orat., c. XXVI, n. 4, P. G., t. xi. col. 501. Tous les saints du ciel intervien­ nent ainsi, avec les anges, en faveur des boni mes pécheurs, prophètes, apôtres, disciples, quiconque est avec le Christ. In Num., homil. xxiv, n. I, P. G., t. xn, col. 757. Cf. In Matth. comment, series, n. 29, 30, P. G., t. xm, col. 1639 sq. Entre les deux Églises l’union est des plus intimes. Aux prières de la terre se joignent les prières du ciel. Ού μόνος δέ ό άρχιερευς τοϊς γνησίως συνεύχετα·., άλλα κα’ι έν ουράνιο χαίροντες άγγελοι..., αϊ τε προκεκοιμημένων άγιων ψυκαί. De oral., c. XI, n. I. P. G., t. XI, 437 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) 428 col. 418. C'est une idée favorite d’Origène que les âtnes I la vérité. Nous sommes, dit-il, les compagnons des saintes des défunts viennent se mêler réellement aux saints, sanctorum socios, et il taut bien qu'il en soit assemblées liturgiques des chrétiens. Οΰκ άπογνωστέον ainsi, puisque nous sommes en société avec la Trinité οντω καί τούς έξελζ,λυΟότας μακαρίους φΟάνειν τώ πνεύματι sainte. Nec mirum. Si enim aim Paire et Filio dicitur nobis esse societas, quomodo non et cum sanetis, mm τάχα μάλλον τον οντος έν τω σώματι έπί τα; έζκλησίας. De orat., c. xxxt, η. 5, P. G., I. xi, col. 553. La vertu solum qui in terra sunt, sed et qui in cœlis? Quia et du Sauveur est également présente et les chœurs des Christus per sanguinem suum pacificavit cæleslia et anges mêlent leur prière aux supplications des fidèles; terrestria, ut coelestibus terrena sociaret. Jn Lev., aussi la prière en commun est-elle particulièrement homil. iv, η. 4, J'. G., t. xn, col. 437. Ainsi dans les agréable à Dieu. Ibid., col. 553. rapports personnels de l'homme avec Dieu interviennent Si les vivants communient si étroitement dans la pour seconder l'action individuelle et la rendre efficace, non seulement le Christ comme médiateur, mais les prière avec les esprits bienheureux, ils ne leur sont pas moins unis dans l'action, car les saints du ciel travaillent élus comme intercesseurs et les fidèles de la terre et combattent non seulement pour eux, mais avec eux. comme coopérateurs. C'est bien là, retracé avec les expressions mêmes d'Origène, le caractère fondamental Ού μόνον καί αυτοί εύμενεϊς τοις άξιοι; γίνονται, άλλα καί συμποάττουσιτοίς βουλομένοις τον έπι πάσι θεόν βεραπεΰειν du dogme de la communion des saints. Ces amples développements sont d'autant plus pré­ καί εξευμενίζονται καί συν εύχονται και συναξιοΰσιν. Cont. Cels., 1. VIII, c. lxiv, P. G., t. xi, col. 1612. C’est un cieux que les théologiens de cette époque sont euxministère de salut que remplissent les saints à notre mêmes plus sobres de renseignements. Saint Hippolyte égard, au même titre que les anges. Jn Episl. ail lloni., mentionne simplement, dans les fragments rares qui c. n, n. 4, P. G., t. xiv, col. 878. C’est toute l’Église du nous restent de lui, les rapports qui unissent les fidèles ciel qui s’empluie ainsi à soutenir et promouvoir l’Eglise aux élus. Jn Dan., il, 30, 37. édil. N. Bonwetsch et de la terre. Origène déclare en outre qu'il a reçu cette H. Achelis, dans Die Griechischen christlichen Schrifldoctrine de ses maîtres. Ego sic arbitror quod omnes steller, Leipzig, 1897, t. i, p. 98, 112. Dans le même illi qui dormierunt ante nos patres, pugnent nobiscum commentaire, Hippolyte compare l'Eglise de Dieu à un et adjuvent nos orationibus suis. Ita namque etiam immense jardin dont les arbres, d’essence diverse, sont quemdam de senioribus magistris audivi dicentem. Γη les patriarches, prophètes, apôtres, martyrs, vierges, lib. Jesu Nave, homil. xvi, n. 5, P. G., t. xn, coi. 909. docteurs, évêques, prêtres et lévites. Leur beauté fai! Toujours en conformité de vues avec la doctrine de l’ornement delà maison spirituelle de Dieu, fondée sui­ saint Paul, Origène formule nettement le principe de le Christ, et leur utilité nous revient tout entière, à nous cette union : c’est la charité, plus vive encore au ciel qui en goûtons les fruits. Ibid., 1,17, p. 28. H est juste que sur la terre. "Ηνπολλώ μάλλον προσεΐναι τοίς προκεde voir dans cette allégorie un symbole expressif de la κοιμημένοις άγιοι; προς του; έν βίω άγωνιζομένους αναγ­ doctrine générale de l’Église sur la solidarité mystique καίου νοεϊν. De orat., c. xi, η. 2, P. G., t. xi, col. 449. de ses membres. Et telle est la sollicitude des saints pour leurs frères En quelques traits précis et vigoureux, Terlullien d'ici-bas, que leur joie ne sera sans mélange douloureux accentue ces mêmes enseignements. H recommande la que lors du triomphe final et de l’éternelle réunion de prière non seulement pour les fidèles qui ne font qu'un tous dans la gloire. Non enim est illis perfecta lætilia, avec le Christ, mais aussi pour tous ceux que la grâce donec pro erroribus nostris dolent et lugent peccata divine attend et recherche, De oral.,c. m, édit. A. Reifnostra... Exspectant etiam nos licet morantes, licet ferscheid et G. Wissowa, dans Corpus script, eccles. lal., desides. In Lev., homil. vit, n. 2, P. G., t. xn, coi. 480. Vienne, 1890, t. xx, p. 558. Les pécheurs doivent sup­ Aussi devons-nous considérer l'Eglise du ciel comme plier leurs frères d’intervenir auprès db Dieu pour notre mère à tous, mater omnium nostrum. Jn Num., leur cause. Et caris Del adgeniculari, omnibus fratri­ homil. xxvi, n. 7, P. G., t. xn, col. 780. Ou plutôt il bus legationes deprecationis suæ injungere. De pænit., n’y a qu’une Eglise, qui comprend tous les justes dés c. tx, P. L., t. t, col. 1244. Au reste, les chrétiens l’origine de l’humanité et qui, de la terre, se continue sont tellement solidaires les uns des autres, que pour au ciel. 1 psi enim erant ecclesia quam dilexit, ut eam eux tout est commun, le mal comme le bien, et que vel numerositate augeret, vel virtutibus excoleret, vel tous doivent compatir au malheur de leurs frères et perfectionis charilate de terris transferret ad cxlum. s’employer à guérir leurs plaies. Ceterum inter/vôtres In Cant., I. II, c. i, 11,12, P. G., t. xm, coi. 134. atque conservos ubi communis spes, metus, gaudium, Parmi les justes de la loi ancienne, les prophètes dolor, passio, ...quid tu hos aliud quam te opinaris? particulièrement, sont nos modèles et nos maîtres, avec Non potest coipus de unius membri vexatione latum lesquels il faut être en communion de pensée et de mé­ agere ; condoleat universum elad remedium conlaboret rites ici-bas pour participer à leur vie dans le ciel. In necesse est. Ibid., c. x, coi. 558. Jer., homil. xv, n. 1, P. G., t. xtn, col. 428. Anges, La raison, c'est que l’Église est partout la même, prophètes, apôtres, et tous les saints, ne constituent qu’un dans celui-ci comme dans celui-là, et l’Église, c'est seul corps, où la même vie circule, où se manifeste et Jésus-Christ. C’est pourquoi chacun doit traiter son se développe le même concert de sympathies et d’inté­ frère, même pécheur, comme un autre lui-même, mieux rêts. In Num., homil. x, n. 2, P. G., t. xn, col. 638; encore, comme Jésus-Christ en personne, car c’est le Jn Cant., 1. II, c. i, 11-13, P. G., t. xm, col. 134; Christ que l’on implore en implorant son frère, c’est In Epist. ad Horn., 1. VII, n. 6, P. G., t. xtv, col. 118. le Christ qui souffre en nous, le Christ qui supplie son C'est le même corps qui reçoit la vie mystérieuse de la Père avec nous. L’Esprit qui nous anime est le même grâce, le même qui ressuscitera au grand jour à la vie pour tous, c’est i’Esprit du Père de tous et du Seigneur de la gloire, l'num corpus est quod justificari exspecta­ de tous. Communio spiritus de communi domino et tur, unum quod resurgere dicitur in judicio. Jn Lev., patre... In uno et altero Ecclesia est, Ecclesia vero homil. vu, n. 2, P. G., t. xn, coi. 480. Christus. Ibid. Tous les aspects notables de la doctrine, Origène les Les vues d'ensemble sont rares dans la théologie de a saisis ou entrevus, et s’il n’a pas trouvé la definition saint Cyprien et c’est presque uniquement par le carac­ dernière qui résume la pensée maîtresse de ces ensei­ tère des pratiques religieuses signalées ou recom­ gnements, il nous a laissé une formule approchante, mandées par lui, qu’il est possible de pénétrer la pensée dont on regrette de n'avoir pas les termes originaux, intime de l’évéque de Carthage touchant les relations mais qui, transmise telle quelle par Rufin, n’en con­ mystiques des membres de l’Église. A la prière pour fient pas moins l’expression juste, presque adéquate, de les autres il attache les plus heureux fruits de salut, 439 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) 440 surtout à la prière fécondée par la souffrance. Epist., L.xxvi, n. 7, édit. Ilartel, dans Corpus script, ecclcs. lal., Vienne, 1868, t. m b, p. 833. C’était une coutume pour les fidèles d’établir entre eux, suivant les personnes elles circonstances, une association mutuelle de prières, mutuis volis nos invicem foveamus, custodiamus, ar­ memus. Oremus pro lapsis ut erigantur, oremus pro stantibus..., Epist., xxx, n. 6, Ilartel, ibid., p. 561, et saint Cyprien lui-même nous transmet equivalemmenl la formule de i'oremus pro invicem, dans sa lettre au pape Corneille : Memores nostri invicem simus, con­ cordes atque unanimes, ulrobique pro nobis semper oremus. Epist., i.x. n. 5, Bartel, ibid., p. 694. L’appli­ cation laite aux pé< heurs du mérite des bonnes œuvres •et spécialement du martyre est nettement établie, bien que la rétribution finale soit remise au jour même du jugement. Dominus orandus est, Dominus nostra satis­ factione placandus est... Credimus quidem posse apud judicemplurimum martyrum meri la et opera justorum, sed cum judicii dies venerit. De lapsis, c. XVll, Ilartel, ibid., t. lita, p. 249. Entre les justes, cetle mise en commun des biens spirituels est fondée sur la charité, dont les salutaires effets ont lieu de s’exercer surtout du haut du ciel. Epist., t.x, n. 5. Ilartel, ibid., t. ni b, p. 694; De habitu virginum, c. xxiv, Ilartel, ibid., t. ma, p. 204. Cf. !.. Atzberger, Geschichte der christlichen Eschatologie, Eribourg-en-Brisgau, 1896, p. 534538. 3. Constitution de la doctrine. — a) Église d’Orient. — Bien que l’esprit oriental se soit toujours montré plus enclin à décrire les aspects extérieurs de l’Église que sa constitution interne, il n’est pas impossible de retrouver dans la doctrine des Cappadociens et des docteurs grecs contemporains une conception très nette des relations mystiques établies entre les membres de l’Eglise. Les formules sont brèves, mais caractéristiques, et la doctrine de la communion des saints dans la prière et dans les œuvres bénéficie d’une façon manifeste de l'évolution imprimée, à la suite de la profession de foi nicéenne, au dogme de la Trinité. La pensée de saint Basile est particulièrement expli­ cite : elle relève étroitement d’ailleurs de la pensée d’Origêne qu’elle précise et complète. La prière des uns pour les autres n'est plus mentionnée seulement comme un bienfait de pure surérogation, mais comme une com­ mune nécessité. Aux évêques des lies méditerranéennes qui dans des occurrences difliciles lui ménageaient leurs témoignages de sympathie, Basileoppose le grand prin­ cipe de la solidarité chrétienne, li ne faut pas dire que l'on n'a pas besoin des secours qui se puisent dans la communion avec les autres ; Τις ήμΐν χρεία τής προς ετέρους κοινωνίας. Episl., cent, n. 3, P. G., t. xxxn, col. 741. La prière est l’un de ces grands moyens d’as­ sistance mutuelle; tous les membres de. l’Eglise, puis­ qu’ils font partie du même corps, se doivent enlr’aider. Έπιζητουμεν τήν σύμπνοιαν υμών· Οί'δαμεν γάρ ότι... τή διά τών ευχών βοήθεια μέγα παρέζετε ήμΐν έν τοϊς άναγκαιοτάτοις χαίροις όφελος. Ibid. Il serait superllu de relever tous les passages ou le grand évéque de Cé­ sarée implore l’aide spirituelle des autres Eglises. Epist., ccxt.ni, ad episcopos Italos et Gallos, n. 1, P. G-, t. xxxn, col. 904; Epist., cxxxviti, Eusebio episcopo Samosatorum, n. 2, col. 581. L'efficacité de cette inter­ vention surnaturelle et sa raison d’èlre proviennent de l’unité d’action et de la sympathie qui doivent relier l'une à l’autre, dans une bienfaisante réciprocité d’in­ fluences, les parties du même tout, qui est le corps du Christ. Πάντα μέν όμοϋ συμπληροι το σώμα τού Χριστού έν τή ένότητι τοΰ Πνεύματος, άλλήλοις δέ άναγζαίαν τήν έζ τών χαρισμάτων αντιδίδώσιν ωφέλειαν. Liber de Spi­ ritu Sancio, c. xxvt, n. 61. P. G., t. xxxn, coi. 181. Cf. Epist., i.xx, coi. 433. Pour Origène, le principe de cette unité mystique n’était autre que les liens qui nous ! unissent à la sainte Trinité. Basile l’attribue à l'action spéciale de l’Esprit-Saint. Καί ώς μέρη δε έν όλω, οί ζαΟ* ένα έσμέν έν τώ Πνεύματι. Liber de Spiritu Sancto, c. xxvt, n. 61, col. 181. Nous vivons de la communion avec l'Esprit. Ένούμεθα τή ζατά το Πνεύμα κοινωνία. Episl., xc, episcopis occidentalibus, n. 1, col. 473. C'est à ce rnéme principe que se rattachent naturelle­ ment l’efficacité de la prière en commun. Moralia, reg. LVi, n. 5; i.xvi, n. 2. P. G., t. xxxi. col. 785, 805, et les avantages de la vie commune pour les ascètes. Eegulæ fusius tractalæ, interrog. vu, n. I. 2, col. 928930. Entre l’Eglise de la terre et la céleste Jérusalem règne la plus étroite union, grâce à l’Esprit de charité, ou plutôt ces deux Églises n’en font qu’une seule, qui est la cité de Dieu. ”11 πάσαν τήν νοητήν ζτίσιν άπό τών ύπερζοσμίων δυνάμεων μέχρι τών ανθρωπίνων ψυχών πάλιν χρή νοείν ευφραινόμενη·? ΰπό τής έπιρροής τοΰ αγίου Πνεύ­ ματος. Hom. in Ps. χι.ν, n. 4, P G., t. xxtx, col. 421. Saint Grégoire de Nazianze condense en une breve formule toute cette doctrine, en l’appliquant à l’action différente des chefs qui gouvernent et des fidèles qui doivent se laisser conduire : la coopération des uns s’harmonise avec celle des autres sous la direction de l’Esprit-Saint de façon à n’avoir pour terme qu’un Christ. Γίνεται άμφότερα έν εις ένα Χριστόν, υπό τού αύτοΰ συναρμολογούμενα ζαι συντιθέμενα Πνεύματος. Orat., xxxn, de moderatione in disputando, n. Il, P. G., t. xxxvi, col. 185. Saint Grégoire de Nysse insiste parti­ culièrement sur les rapports mystiques des élus et des fidèles. Laudatio S. Slepham, n. 2, P. G., t. xi.vt, col. 732; V’iia Ephræm Syri, P. G., t. xi.vi, col. 849. Les mêmes pensées se retrouvent dans saint-Cyrille de Jérusalem, Cal., xvm. n. 25, P. G., t. xxxvn, col. 1649, comme aussi dans saint Cyrille d’Alexandrie avec la doctrine, rigoureusement formulée, de l'incorporation au Christ par l’Esprit. 'Ηνώμεθα γάρ άλλήλοις σύσσωμοι' τε γεγόναμεν έν Χριστώ, συνεγείροντας ήμδς ζαι μονονουχί συνδέοντας διά τοΰ ενός ζαι έν πάσιν άγιου Πνεύματος. In I ad Cor., c. xii, P. G., t. i.x.xtv, col. 888 sq. Cf. In Joa., I. XI, c. xi, P. G., t. i.x.xtv, col. 560 sq. Les témoignages de saint Épiphane, Adv. liter., I. Ill, hier, i.xxv, n. 8, P. G., t. xi.il, col. 513, et même de saint Jean Chrysostome, Dont., n, in Epist. ad Horn., n. 2, P. G., t. LX, col. 402 sq.; Horn., n, in Epist. Il ad Cor., n. 4 sq., P. G., t. l.xi, col. 396; Horn., χι.ι, in Epist. I ad Cor., n. 4 sq., P. G., t. t.xi, col. 360 sq., n’ajouteront plus que des nuances â cette doctrine universellement reçue. On peut voir toutefois par les homélies de saint Jean Chrysostome que le peuple avait quelque peine à saisir la raison d’être et le sens profond de celte communion des mérites, surtout lorsqu’on lui conseillait de satisfaire pour les coupables devant la justice de Dieu. La faute de l’un était-elle donc impu­ table aux autres? Τι λέγεις; έτερος ήμαρτε, ζαι έγώ πενθήσω. Ναι, φησί, σώματος γάρ ζαι μελών δίκην άλλήλοις έσμέν συνδεδέμενοι. Hom., I, de pernitentia, n. 2, P. G., t. xi.ix, col. 280. Saint Chrysostome invoque la solidarité des membres : la tète se ressent de l’épine qui blesse le pied; que le virus attaque un seul point, tout le corps se trouve contaminé. Ibid., col. 281. Cf. Théodore! de Cyr, Interpret, Epist. ad Rom., c. xll. 5-7, P. G., t. Lxxxii, col. 188; Pseudo-Denys, De cælesti hierarchia, c. m, § 1, 9, P. G., t. m, col. 165, 436; S. Maxime le Confesseur, Myslagogia, c. t, P. G., t. xct, col. 668; S. Jean Damascéne, De fuie orlhod., c. xv. P. G., t. xctv, col. 1168. b) Eglise d'Occident. — La doctrine des Orientaux sur la communion des saints se rattache surtout à la théologie du Saint-Esprit; celle des docteurs latins â la théologie de l’Eglise. De là les différences apparentes dans la conception du dogme. Mais les conclusions sont foncièrement les mêmes, plus abstraites et plus sticcincles chez les Pères d’Orient, plus systématiques et 441 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) 442 plus pénétrantes chez les Occidentaux. C’est chez eux que devait progressivement s'élaborer la formule défi­ nitive. Saint Hilaire de Poitiers n’est pas loin d’entrer au cœur même de la question, quand il nous dépeint la communion sacramentelle comme un viatique qui nous dispose à jouir de la société de Dieu et à entrer en communion avec le corps sacré du Christ. El quis hic cibus eslŸ Ille scilicet usque ad Dei consortium præparamus, per communionem sancti corporis in com­ munione deinceps sancti corporis collocandi. Tract, in Ps. lxiv, n. 14, P. L., t. tx, coi. 421. L’Eglise du ciel est appelée le corps de la gloire de Dieu; elle est le type de l’Eglise de la terre : c’est pourquoi nous de­ vons lui être conformes. Confidamus in Domino ut conformes corpori gloriæ Dei simus. Habitemus nunc Ecclesiam, caelestem Jerusalem... hi hac enim habi­ tantes, habitabimus et in illa, quia hiec illius forma est. Tract, in Ps. cxxtv, n. 4, P. L., t. ix, coi. 681, Le Christ habite en nous et nous sommes des frères; nous formons la demeure de l’Esprit, fondée sur l’esprit. Fundandi ergo sumus in Spiritu... Tract, in Ps. LI, n. 3, col. 310; Tract, in Ps. cxlvii, n. 2, co). 875. Et comme les saints du ciel ne font qu'une âme, ainsi devons-nous être unis. Nous sommes aussi la cité sainte construite de pierres vives et que rassemblée des saints achève sur le modèle de la Jérusalem d'en haut. Les anges et les saints, les apôtres, les patriarches, les pro­ phètes nous entourent de leur vigilance et de leur aide. Ac ne leve præsidium in apostolis, vel patriarchis, vel prophetis,vel potius in angelis qui ecclesiam quadam custodia circumsepiant. Tract, in Ps. cxxtv, n. 5, coi. 682. Civitatem vero hanc... sanctorum coitus con­ formis gloriæ Dei ex resurrectione consummat. Tract, in Ps. cx/.vii, n. 2, coi. 875. Le caractère moral de la doctrine de saint Ambroise se retrouve éminemment dans les développements con­ sacrés aux pratiques ou aux ellets surnaturels de la charité chrétienne. Il faut prier pour les pécheurs, parce que le mérite des uns contribue au pardon des autres. Le juste est un intermédiaire entre Dieu et le coupable : son intervention est efficace et sanctionnée par un droit strict. .Magnus Dominus qui aliorum merito ignoscit aliis, cum apud Dominum servus et inter- -uiendi me­ ritum et jus habeat impetrandi. Expos, n Luc., I. V, n. 11, P. L., t. xv, coi. 1723. Aux soullrances et aux bonnes œuvres Dieu a attaché une valeur propitiatoire particulière, par considération pour son Eglise, ou il n’a pas voulu que le salut fût l’œuvre d’un seul. De pænit., 1. I, c. xv, P. L., t. xvi, col. 510. Aussi la prière en commun a-t-elle une vertu toute-puissante. Adhibe precatores, adhibe Ecclesiam quæ pro te precetur, cu­ jus contemplatione quod tibi Dominus negare posset, ignoscat. Expos, in Luc., L V, c. xi, P. L., t. xv, coi. 1723. Cf. De Cain et Abel, 1. I, c. xxxix, P. L., t. xiv, coi. 354. Avec saint Ambroise apparaît pour la première fois, en termes explicites, la doctrine de l'ap­ plication des mérites surabondants de l’Église. Sire quod tota Ecclesia suscipiat onus peccatoris, ut per universos ea quæ superflua sunt in aliquo pamitenliam agente virilis misericordia: aut compassionis velat collectiva quadam admixtione purgentur. De pænit., L I, c. xv, P. L., t. xvi, coi. 511. Cf. De virginibus, 1. I, c. vu, coi. 208 sq.; De excessu fratris sui Satyri, 1.1. c. I, coi. 1347. Telle est Ia solidarité des membres du Christ que les prières, les œuvres, les épreuves ne sont jamais des éléments isolés : leur vertu est comme la manifestation de la justice dont le Christ est le centre commun; elle est dès lors, pour ainsi dire, collective. Ecclesia quædam forma jusliliæ est. Commune jus omnium in commune oral, in commune operatur, in commune tentalur. De officiis ministrorum, I. I, c. XXIX, P. L., t. xvi, col. 70. Ainsi le chrétien est-il représenté par tous ses frères : il ne fait qu'un avec eux. Siquidem et tu in omnibus es. De Cain et Abel, I. I, c. xxxix, P. L., t. xiv, col. 354. Cette unité parfaite, qui est celle de la foi et de la charité, est constituée par le Christ, qui a rassemblé tous les peuples, et par l’Esprit-Saint qui met l'union dans les cœurs. De Spi­ ritu Sancto, I. II, c. x, P. L., t. xvi, col. 798. Elle n'est point, d'ailleurs, brisée par la mort. Nos aumônes font la joie des anges et des saints et nous attirent leurs faveurs. Expos, in Luc., 1. VII, n. 215, P. L., t. xv, col. 1854. Cf. De excessu fratris sui Satyri, 1. I, η. 18, P. L., t. xvi, col, 1352. Les saints du ciel gémissent en­ core avec nous et pour nous, et leur compassion vient se joindre aux souffrances de l’Eglise ici-bas. Episl., xxxv, ad Hurontianum, n. 7, P. L., t. xvi, col. 1124. Voir aussi S. Jérôme, Episl., evin, ad Eustoehium, n. 31, P. L., t. xxii, col. 905; Episl., xxxix, ad Paulam super obitu Hlæsillæ filiae, n. 6, col. 472. C'esl dans les écrits de saint Augustin que se trouve l’expression la plus complète, la mieux harmonisée et la plus juste de la doctrine sur la communion des saints. L'analyse de l'unité de l’Église, maintes fois re­ prise par lui et appliquée:! la vie intérieure de la com­ munauté chrétienne, a fourni au grand docteur tous les éléments d'une majestueuse synthèse, à laquelle les maîtres du moyen âge ne trouveront rien à ajouter. Etant posé ce principe fondamental que l’Église est le corps du Christ, que son unité est parfaite et qu'elle est le fruit de la charité, qu'il appelle pour cette raison unitatis charilalem, De unitate Ecclesiæ, c. il, P. L., t. xi.m, col. 392, Augustin détermine aussitôt l'extension de cette Eglise, qui est la cité de Dieu. Les hérétiques, les apostats, les schismatiques n’en font point partie, car la vie qui circule dans l’organisme ne les atteint plus : ce sont des membres amputés. Il est recommandé toutefois de prier pour eux, afin que Dieu les convertisse. Serm., Cxx.xvn, η. 1, P. L., t. xxxvm, col. 754. Cf. Serm., cci.xxm, in natali Fructuosi epi­ scopi, η. 2. col. 1249; Serm., cci.xvu, n. 4, col. 1231. Mais les pécheurs qui tiennent encore par quelque attache au corps de l’Eglise. ne sont que des membres malades, d'où le sang se retire. La santé, c’est-à-dire la vie de la charité, pourra leur revenir avec l’aide du Christ. Serm., cxx.xvn, η. 1, col. 754. Ils ont part aux prières des justes. Enarr. in Ps. cv, n. 21, P. L., t. xxxvn, col. 1412. Toutefois l'unité véritable, l'unité parfaite, n’existe que pour les bons. Unitas quæ nisi in bonis intelligi, intelligi non potest. De baptismo contra donatistas, 1, III, c. xvn, P. L., t. xt.ui, col. 149. Elle comprend dès lors tous ceux qui ont eu le Christ pour chef dès le commencement du monde, omnibus con­ numeratis fidelibus ab initio usque in finem, adjunctis etiam legionibus et exercitibus angelorum, ut fiat illa una civitas sub uno rege. Enarr. in Ps. xxxvi, serm. ni, n. 4, P. L., t. xxxvi, coi. 385. Entre l’Eglise du ciel et l’Église d’ici-bas, règne une intime union, qui deviendra un jour l’unité parfaite. Serm., cccxi.i, n. 9, P. L., t. xxxix, col. 1499. Ou plutôt il n’y a qu'un temple de Dieu, qui est la sainte Église universelle, celle du ciel et de la terre. Templum ergo Dei... sancta est Ecclesia, scilicet universa in cælo et in terra. Enchiridion, c. i.vi, P. L., t. xi., coi. 258. Cette unité qui repose sur le Christ, totus Christus et caput et cor­ pus est, Serm., cxxxvn, n. 1, P. L., t. xxxvm, col. 754. a pour principe actif l’Esprit-Saint. Hoc agit Spiritus Sanctus in tola Ecclesia quod agit anima in omnibus membris unius corporis. Serm., CCLXvn, n. 4, P. L., t. xxxvm, col. 1231. L’Esprit-Saint, qui remet les pé­ chés, constitue par là même le lien d'unité pour les membres de l’Eglise : c’est son œuvre propre, mais non point en dehors du Père et du Fils, dont il est en quelque sorte le lien. Ideo societas unitatis Ecclesiæ Dei... tanquam proprium est opus Spiritus Sancti, 443 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) 444 Paire el Filio cooperantibus, quia societas est quo­ dammodo Patris et Filii ipse Spiritus Sanctus. Serm., lxxi, n. 20, col. 403. La solidarité d'action entre tous les membres estime propriété naturelle de cette union. Dans l’Église de Dieu, chacun a son rôle, mais la vie est la même pour tous. Officia diversa sunt, vita communis. Serm., cci.xvii. n. 4. P. L., t. xxxvm, col. 1231. La prière, les bonnes oeuvres de l'un sont profitables aux autres. Epist., xx, ad Antoninum, n. 2, P. L., t. x.xxm, col. 87; Serm., ccvn. n. 3, P. L., I. xx.xvm, col. 1044. 1 es mérites des martyrs sont notre trésor : comme le Christ, ils ont donné leur vie pour nous. Nous sommes donc le fruit de leurs labeurs. Fructus laboris illorum etiam nos sumus. Serm., cclxxx. in nat. marl. Per­ petual et Felicitatis, t, n. (i, P. L., t. xxxvm, coi. 1283. Du haut du ciel, ils ne cessent, en union avec le Christ, d'interpeller pour nous. Enarr. in Ps. lxxxv, n. 24, P. L., t. xxxvil, col. 1099. Et nous avons, nous, à unir nos soulïrances aux leurs, à nous attacher à eux de plus en plus dans le Christ. Si eos sequi non valemus actu, sequamur affectu; si non passione, compassione; si non excellentia, connexione. Serm., cct.xxx, t, n. 6,· P. L., t. xxxvnt, col. 1283. Cl. Tract., XXXII, in Joa., c. vu, n. 7, P. L., t. ix.x.xv. col. 1045. Voir Th. Specht, Die Lehre von der Kirche nach dem heiligen A ugusti­ nus, Paderborn, 1892, p. 9-26. L'enseignement magistral d’Augustin est devenu aussitôt, parfois même jusque dans les termes, celui de toute l’Eglise latine. L'intérêt serait minime à retrouver, dans les écrits subséquents des Pères, le prolongement de ces pensées. Cf. S. Léon le Grand, Epist., cvm, ad Theodorum Forojuliensem episcopum, n. 3, P. L., t. i.tv, col. 1012; S. Prosper d’Aquitaine, Præteritorum sedis aposlolicæ episcoporum auctoritates,c. vm, P. L·., t. t.i. col. 209 sq. ; S. Maxime de Turin, Hom., et, de de­ fectione lunte, P. L., t. tvn, col. 488; S. Fulgence,Contra Fabianum fragmenta, fragm. xxxvt, P. L., t. LXV, col. 826 sq. 3° Théologie scolastique. — I. Période de transition. — Toujours vivante et saisissable dans les pratiques religieuses qui constituent le culte des saintset des déhmts, l'idée de la communion mystique des âmes rachetées par le Christ ne tarda point à perdre beau­ coup de sa netteté dans l’expression doctrinale des élé­ ments qui la composent. Le formulaire catécbétique du VIIIe ou ix" siècle attribué à Alcuin montre bien toute­ fois que le principe fondamental subsistait toujours et qu’il faisait partie de l'exposé général et populaire de la religion. Sanctorum communionem, quod sequitur, id est cum illis sanetis, qui in hae quam suscepimus /idc depræseuli stcculo ad Deum migraverunt, socie­ tatem el speii communionem habere credamus. Dispu­ tatio puerorum per interrogationes et responsiones, c. xi, P. L., t. ci, coi. 1142. Les déclarations d'Ainalaire de Treves (·{■ 816) sont moins explicites. Pressé par Charlemagne de donner un spécimen de son ensei­ gnement théologique sur le symbole, il est visible qu'Amalaire se lient sur une prudente réserve : il se borne à expliquer la communion des saints par l'unité d'esprit dans le lien de la paix. Sanctorum communio­ nem : in vinculo pacis unitatem spiritus servare cretio, llesponsio Amalarii episcopi, P. L., t. xcix, coi. 816. Pour l’évéque de Lyon, Leidrade (-j-816), le dogme de la communion des saints représente l’unité des mem­ bres de l’Eglise dans le Christ et l'espoir de participer un jour à la société des anges dans une même vie qui sera celle de Jésus. Liber de sacramento baptismi, c. v, P. L., t. xeix, col. 859. La même doctrine est énoncée par Raban Maur, De clericorum institutione, 1. 1, c. i, P. L., t. cvm, col. 297, en même temps que la croyance de tous à une société unissant dès ici-bas les fideles aux anges et aux élus. Ibid., L II, c. xliii, col. 358 sq. Cf. Horn., xm, de fidei catholicæ veritate et bonorum ope­ rum custodia, P. L., t. ex, col. 28; De ecclesiastica disciplina, I. II. n. 33, P. L., t. exil, col. 1226. Bruno le chartreux (γ 1101) établit avec assez de pré­ cision la nature des liens qui unissent entre eux les fidèles dans la vie de l'Esprit. Sicut enim ab eadem anima diversa membra in eodem corpore sensifican­ tur : ita nos in corpore Ecclesite per eumdem Spiri­ tum omnes vivificamur. Expositio in Epist. ad flom., c. xn, P. L., t. clui, coi. 102. Mais des explications fournies par lui sur ce point, il ne ressort point qu’il ait tiré les conséquences que comporte ce principe. In I ad Cor., c. xn, col. 191. Voir cependant c. xv, col.208. Yves de Chartres, plus simplement encore, entend l’ar­ ticle communio sanctorum de la participation aux sacrements de l’Église. Sanctorum communionem, id est ecclesiasticorum sacramentorum veritatem, cui communicaverunt sancti, qui in unitate fidei de hac vita migraverunt. Serm., xxm, de symbolo apostolo­ rum, P. L., t. ct.xti, coi. 606. Il est curieux de voir à q uelles expl ications est obligé de recou rir l'évêque de Soissons, Josselin, sous l’influence lointaine sans doute du p>eudo-Augustin,pour donner uses ouailles la signification de cette formule. Par communion des saints, il entend d’abord la vérité des sacrements de l’Eglise, ou bien la communauté des biens célestes dont jouissent les saints; non pas que l'un ne possède plus que l'autre, mais telle est l'ardeur de leur charité que celui qui a moins ne porte pas envie â celui qui a plus, et celui qui a plus ne méprise en rien celui qui a moins. Credo san­ ctorum communionem, id est sanctos communiter ha­ bere dona cæleslia, non quod alter plus altero non ha­ beat (I Cor., xv, 41). sed ita invicem ardent in charitate, ut nec inferior superiori invideat, nec superior inferiorem contemnat. Expositio iu symbolum, c. xvt, P. L., t. ci.xxxvi, coi. 1488. 2. Premiers essais de systématisation. — Avec saint Anselme (j- 1109) el saint Bernard (fl 153), la question est remise dans son vrai jour et nous retrouvons, en même temps que les solutions des grands docteurs, la tradition un instant obnubilée de l’Eglise sur la com­ munication des mérites non seulement entre fidèles, mais surtout entre les élus du ciel et les chrétiens de la terre. Credamus in Spiritum Sanctum, sanctorum communionem, ut... sanctorum communione, nostra insufficientia suppleatur. Si enim in sanctis dilexerimus Deum et ipsi pro suorum exigentia meritorum nobis communicabunt beatiludinem apud Deum. S. Bernard, Tract, de charilale, c. χχχιιι, P. L., t. ci-xxxiv, coi. 633. Cf. Serm. in Cani., serm. lui, P. L., t. ci.xxxtll, coi. 1037. VoirS. Anselme, Homilite et exhortationes, hoinil. i, P. L., t. CLVtit, coi. 587589. Mais Abélard hésite encore entre plusieurs explications dont aucune n'estadequate ni même, en rigueur, n est la vraie. Sanctorum communionem, hoc est illam qua sancti efficiuntur vel in sanctitate confirmantur, divini scilicet sacramenti participatione, vel commu­ nem Ecclesite fidem, sive charilalis unionem. Exposi­ tio symboli quod dicitur apostolorum, P. L.,l. ci.xxvm, coi. 629. Le sens neutre du mot sanctorum serait éga­ lement accepta'le. Possumus ea sanctorum dicere neulraliter, id est sancli/icati panis et vini in sacra­ mentum altaris. Ibid., col. 630. Dans l’étude féconde du passé, les scolastiques ne tardèrent pas à recueillir < t à coordonner tous les élé­ ments d'une synthèse doctrinale complete, sans réussir toutefois à se mettre parfaitement d'accord sur le sens direct et obvie des mots communio sanctorum. Hugues de Saint-Victor considere l’Église comme le corps du Christ vivifié par l’Esprit et dont chaque membre con­ tribue immédiatement à l’avantage des autres et jouit pour sa part du bien commun. Singula sint omnium et omnia singulorum. De sacramentis, 1. II, part. Il, 445 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGM 'TIQUE ET HISTORIQUE) 443 c. il, P. L., t. CLXXVi, col. 416. L’Eglise de la terre étant , ment de ces pensées, qui se retrouvent en maint endroit l’habitation de Dieu ne fait qu’un avec celle du ciel. des Commentaires comme des Opuscules théologiques. Quum igitur habitationem ejus cogitas, unitatem Les fidèles sont mystiquement unis entre eux dans le cogita congregationemque sanctorum maxime in cæ- corps social du Christ, et le principe de cette union ne peut être qu’un principe incréé, l’Esprit de sanctifica­ lis. Ibid., I. Il, part. 1, c. xm, col. 415. A l’heure de tion. un et identique en tous. In 1V Sent., I. I, dist. XIV, l’immolation mystique sur l’autel, les anges descendent des cieux et l'union devient parfaite entre l’Église a. 2, q. I, Quaracchi, 1882, t. i, p. 249. Cette union visible et l’Eglise invisible. In illo Jesu mysterio ange­ qui est celle des volontés dans la charité réciproque a lorum choros adesse, summis ima sociari, terrena coe­ pour exemplaire l'unité des personnes divines. Ibid., I. 1, dist. X, a. I, q. m, p. 199. Elle est signifiée par lestibus jungi, unum quoque ex visibilibus jieri. Ibid., l’union sacramentelle du corps réel du Christ avec les I. Il, part. XVI, c. x, coi. 594. Pierre Lombard met largement à profit la doctrine espèces eucharistiques, 1. IV, dist. VIII, p. i, a. 2, q. Il, p. 185, et la fraction du pain en trois parts symbolise les augustinienne sur le corps mystique de Jésus-Christ, trois parlies de ce corps mystique, l’Eglise triomphante, dont tous les membres vivent d’une même vie com­ mune, qui est celle de l’Esprit-Saint. L’union des l’Église soutirante et l’Église militante, 1. IV, dist. XII, membres est due à l’action de l’Esprit, car il est par p. I, a. 3, q. ill, dub. iv, p. 287. Entre ces trois catégo­ nature le lien d’amour entre le Père et le Fils. Ad ipsum ries d’une même Église universelle, qui comprend tous les temps et se continue jusqu’au ciel, 1. IV, dist. VIH, ergo pertinet societas qua efficimur unum corpus unici Filii Dei. In Epist. ad Eph., c. iv, P. L.,t.CXCH, p. 1, a. 2, q. 1, p. 184, régne une étroite connexion, comme entre les organes du corps naturel, 1. IV, dist.XX, coi. 197. Entre les saints du ciel et les fidèles de la terre, il y a communication non seulement de prières, p. n. a. i, q. I, p. 530. Tous les fidèles dépendent les uns des ar'res : le bien de chacun est le bien de tous. mais de mérites, merita eorum nobis sujj rogantur, Sent., I. IV, dist. XLV, n. 7, P. L., t. cxcn, col. 950, et Ibid., p. 531. Cf. 1. IV, dist. XLV, a. 2, q. i, p. 944. le lien de charité qui unit entre eux vivants et défunts Non seulement par ses prières, l’Eglise vient efficacement comprend aussi les anges, qui sont pour nous les au­ à notre aide et nous préserve maintes fois du péché, teurs de tant de bienfaits. Ibid., 1. Ill, dist. XXVIII, 1. IV, dist. XVII, p. n, dub. I, p. 495, mais par les n. 2, col. 815. Le Maître des Sentences ne se prononce satisfactions surérogatoires des saints el par l'applica­ pas sur le sens précis des mots communio sanctorum, tion de leurs mérites elle acquitte encore une partie de notre dette pénitentielle envers Dieu, 1. IV, (list. XV, mais l’ensemble de sa doctrine indique suffisamment p. n, a. 1, q. n, p. 364. En ajoutant à ces données celles qu’il les entend de la société qui unit entre eux et à Jésus-Christ tous les membres de l’Eglise. Cf. Bandi- qui ont trait à l’intercession el au culte des saints, aux nus, Sent., 1. Ill, dist. XXVIII, XXIX, P. L., t. cxctl, suffrages pour les morts, et qui n’ont point à entrer col. 1083; 1. IV, dist. XXXVIII, XL1, ibid., col. 1110, dans le cadre de cet article d’ordre plus général, on pos­ sède toute la théorie scolastique de la communion des 1112. L’explication de cette formule est abordée enfin di­ saints, dont personne n’a mieux parlé au moyen âge que rectement par Alexandre de Halés, pour qui le mot le docteur séraphique. communio a le sens de participation. Il est naturel dès Il serait superflu de rechercher dans saint Thomas lors que le terme sanctorum s’applique à un ensemble tous les éléments d’une doctrine désormais fixée, et en de biens, qui puissent faire l’objet d’un partage. Pour dehors de lui. Mais il n’est pas sans intérêt de relever l’explication exégétique qu’il donne de la formule san­ le docteur irréfragable, ces biens sont les sacrements, qui confèrent la rémission des péchés, et ces deux choses ctorum communionem attribuée par lui aux apôtres et l’application restrictive qui en résulte. C'est au sens doivent être rapportées l'une à l'autre dans la formule symbolique. Est sensus, credo quod sacramenta et par­ neutre du mot sanctorum que s'arrête le docteur angé­ lique, sans que l’on puisse voir à quelles influences ticipatio sacramentorum, quæ sancti communicant, conferunt remissionem peccatorum. Summa theolo- traditionnelles il se rattache. Pour lui, la communion giæ, part. Ill, q. LXIX, a. 1, Cologne, 1622, p. 548. Tou­ des saints est une communion des biens dans l’Église. Unde el inter alia credenda quæ tradiderunt apo­ tefois une explication subsidiaire vient se joindre à cette exégèse pour l'étendre et aussi la modifier. Ces stoli, est quod communio bonorum sil in Ecclesia ; et mots pourraient signifier aussi une participation à tout hoc est quod dicitur sanctorum communionem. Ex­ ce qui appartient au corps mystique du Sauveur, « une positio in symbolum apost., a. 10. Parmi ces biens, il participation au Christ comme à ses disciples. » l'el faut noter en première ligne ceux que le Christ nous a credo quod unitas Ecclesia: tanta est, quod unusquisque acquis par sa passion et qui nous sont communiqués par les sacrements. Mais en même temps il y a les qui membrum est, particeps est omnium quæ sunt totius corporis... Tanta igitur virtus unitatis, quod mérites de la vie du Christ et tous ceux des saints, mérites dont la répartition est faite à toutes les âmes quum sit particeps Christi, humiliter dicitur particeps unies par la charité. El inde est quod qui in caritate famulorum Christi. Ibid. Alexandre de Halés ne se prononce pas entre ces deux acceptions. Mais il convient vivit, particeps est omnis boni quod fit in toto mundo. de remarquer que dans l'un et l’autre cas le mot san­ Ibid. Cependant cette dernière participation peut être conditionnée par l'intention de l'agent qui pose l'acte ctorum est pris au masculin. méritoire. Sic ergo per hanc communionem consequi­ Plus décisif est l’enseignement d’Albert le Grand : il mur duo : unum scilicet quod meritum Christi com­ s'agit nettement pour lui d’une communication des biens de tous les saints opérée individuellement par l’Esprit municatur omnibus, aliud quod bonum unius commu­ sanctificateur. Non enim potest jieri communio sancto­ nicatur alteri. Ibid. Cf. In IV Sent., L III. dist. XXV, rum in bonis nisi per Spiritum Sanctum totum corpus q. 1, a. 1, 2; Sum. theol., 11“ Ilæ, q. I, a. 9. Saint Thomas ne fait donc pas rentrer dans le concept de la commu­ mysticum unientem et vivificantem, In 1V Sent., nion des saints l’idée de l'union des membres de .li'sus1. Ill, di«t. XXIV, q. I, Paris, 1894, t. xv, p. 256. La doctrine fondamentale de la communion des saints est Clirist entre eux, mais seulement les fruits de cette union, il rattache la première idée à la conception d'ailleurs parfaitement résumée dans tout ce passage : par celle communication des biens spirituels entre les | même de l’Église, dont la catholicité s'étend au delà des limites de cette terre, jusqu'aux membres de l’Église fideles, l'insuffisance des uns s’enrichit de la surabon­ souffrante el de l’Eglise triomphante. Expos, in symb. dance des autres. 3. La synthèse. — L’esprit mystique de saint Bona­ apost., a. 9. Si la méthode est différente, la synthèse est la même. Cf. Pierre de Tarenlaise, In IV Sent., 1. JH, venture de»ail parliculiereinenl se plaire au développe­ ΜΊ COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) 448 dist. XXV, q. il, a. 2, Toulouse, 1652, t. m. p. 192; Richard de Middletown, In 1\' Seni., I. 111. dist. XXV, a. 1, q. n, Brescia, 1591, t. in, p. 274 sq. ; Duns Scot, In IV Sent., 1. IV. dist. XLV, q. tv, a. 2, Anvers, 1620, t. iv, p. 471; Gilles de Rome, In IV Seni., I. Ill, dist. XXIII, p. n, q. I, Rome, 1623, t. m, p. 5S6; Durand de Saint-Poureain, In IV Sent., I. III. dist. XXVI. q. ill. Lyon. 1569, t. in, p. 224; Denys le chartreux. In 11' Sent., 1. Ill, dist. XXV, q. I, Venise, 1584, t. iv, p. 216 sq.; Gabriel Biel, Sacri canones, lect. xxx, Lyon, 1527. p. 207sq.; Sanctissimi altaris sacrificii perpetua expositio, 1. 11, ibid., p. 994. 4. Conclusions. — En résumé les données tradition­ nelles et scolastiques sur la communion des saints se ramènent, d'après l'enseignement des grands docteurs, aux points de doctrine suivants : Il existe entre tous les membres de l’Eglise militante, souffrante et triom­ phante, une société spirituelle qui les unit tous entre eux et les ratlache au Christ comme à leur chef. Le caractère mystique de cette société entraîne la partici­ pation commune aux mêmes sacrements, qui nous transmettent les mérites de Jésus-Christ, la jouissance en commun de tous les dons particuliers inhérents aux diverses fonctions ecclésiastiques, le commerce réci­ proque de bonnes œuvres et de mérites, fondé sur la charité, entre tous les membres du Christ. Tous les fidèles participent inégalement à cetle union des âmes et à celle communion des biens, selon la mesure de leur foi et de leur charité. Plus est considérable l’apport de chacun, plus grand aussi son prolit spirituel. Le Christ communique les biens qui lui sont propres sui­ vant la diversité des mérites. Catechismus romanus, part. I, a. 9, n. 19-23, Tournai, 1890, p. 86-89. 4° La communion des saints et les Églises dissi­ dentes. — Les hérésies qui, dans les premiers siècles de l’Église, s’attaquent au dogme de la communion des saints, comme celles des eustatliiens, d’Aerios. d’Eunomios ou de Vigilance, ne mettent pas directeim nt en jeu le principe dogmatique, non encore formulé, de l'union mystique de tous les membres du Christ, mais ne ten­ dent qu’à abolir la pratique du culte des saints ou du culte des morts. L’idée même de la communion des saints n'entre en discussion qu'avec la Réforme. I. Église évangélique. — Le principe individualiste, qui régit toute la théologie de la Réforme, en même temps qu’il tendait à morceler l’organisation extérieure de l’Église, fatalement devait aboutir à ruiner du même coup les liens de solidarité qui unissent entre elles surnalurellemenl les âmes en dehors même de toutes les conditions du monde visible. L’histoire des idées pro­ testantes sur celte question vitale est encore à faire; elle offrirait, au milieu de toutes les iluctuations, plus d'un aspect intéressant, et peut-être serait-elle propre, plus que toute autre, à faire nettement saisir les ten­ dances générales et l'esprit même de la doctrine. Dès 1519, Luther est :«uené à prendre position. Pour défendre sa thèse, condamnée à Rome, sur le pouvoir du pape, il invoque précisément l’article de la commu­ nion des saints dans le but dedélruire l'autorité du pontife romain et par là même l'unité de l’Église. Revenant au sens primitif du mot saint et après avoir fait observer que la formule sancto, um communionem n’est pas d origine apostolique, mais une simple note marginale, sans doute de quelque glossateur, une explication admise ensuite par toute l’Église des mots Ecclesiam sanctam, il rapproche l'un de l'autre ces deux termes par le sens jusqu'à les confondre. L'Eglise, c'est la communion des saints. Par conséquent la papauté n'est pas un élément de sa définition. Credo Ecclesiam sanctam, communio­ nem sanctorum. Non, ut aliqui somniant, credo Ec­ clesiam sanciam esse pradatum..., sed glossa aliqua forte Ecclesiam sanctam catholicam exposuit esse com­ munionem sanctorum, quod... nunc simul oratur. Besolutio Lutheriana super propositione sua decima tertia de potestate papæ, dans IlerAe, Weimar, 1884, t. ii, p. 190. Par communion évidemment, il faut en­ tendre communauté : lui-méme s’explique à ce sujet en 1520. Yn (lisser gemeyne odder Christenheyt. Einc kurze Form des Glaubens, op. vit., t. vin, p. 217. Pour Luther, la communion des saints ne s’étend donc pas au delà de la communauté chrétienne et s'idenlilie avec elle. A cetle époque, Luther admet encore que toutes les prières et les bonnes œuvres servent à chacun. Quand il aura modifié sur ce point sa doctrine, il ne subsistera rien, ou bien peu de chose, du dogme catholique de la solidarité des âmes dans le Christ. Aussi les confessions de foi évangéliques sont-elles unanimes à passer sous silence cet article ou à con­ fondre. comme Luther, le dogme de l’Église et celui de la communion des saints. Les articles 3 et 8 de la confession d’Augsbourg et la confession saxonne de 1551 se bornent à de vagues déclarations sur la com­ munauté des saints ou communauté chrétienne. Corpus et syntagma confessionum fidei, Genève, 1654, p. 13 sq., 93-99. Les articles de Marbourg retiennent encore la notion et la pratique des bonnes œuvres et recomman­ dent la charité envers le prochain et la prière, mais sans faire aucune mention, d'ailleurs, de la communion des saints. Die Marburger Arlikel, n. 10, dans Kolde, Die Augsburgische Konfession, Gotha, 1896. Les articles de Scliubach et de Torgau, rédigés au milieu de dissen­ sions toujours grandissantes, se mettent en dehors de toute union mystique des âmes et prennent décidément parti contre le culte des saints. Die Schabacher Arlikel, a. 12, dans Kolde, op. cit., p. 126; Die Torgauer Arli­ kel, a. Il, ibid., p. 139. Sur les difficultés soulevées à ce sujet par la confession d’Augsbourg et la formule de concorde, voir J. G. Walch, Introductio in libros Ecclesite lulheranæ symbolices, léna, 1732, p. 279 sq. ; G. von Scheele, Theologische Symbolik, Gotha, 1881, t. Il, p. 180-186. Les premiers théologiens de la Réforme s’en tiennent généralement à ces données ; ils entendent la commu­ nio sanctorum de ce qui fait pour eux l'unité constitu­ tive de l’Église, le groupement des fidèles autour d'un même credo. Chemnitz, Enchiridion de prœcipuis doctrinæ eælestis capitibus, Francfort, 1600, p. 435-447. Ce­ pendant il subsiste encore, dans la pensée de quelquesuns, un lien quelconque entre vivants et défunts : les saints du ciel n'oublient pas l’Église de la terre, et, sans se rendre compte des besoins particuliers, prient d'une manière générale pour tous les vrais chrétiens. Gessner, De Ecclesia triumphante in ctelis, Wittenberg, 1595, q. ill, IV, fol. D1 sq. et E. D'autres, expliquant au sens neutre le mot sanctorum, l'appliquaient aux sacrements dont il convenait de faire mention dans le symbole ecclé­ siastique. Jean Gerhard combattit cette nouvelle inter­ prétation de la communio sanctorum et maintint, « au point de vue exégélique, » le sens proprement luthérien de société des fidèles. Loci theologici, c. xm, § 16, léna, 1622, p. 102. Dans l'un et l'autre cas, c'était garder le mot en supprimant la chose. 2. Église réformée. — Dès l’origine, deux tendances se manifestent, opposées entre elles, l'une qui considere la formule sanctorum communionem comme une simple et stricte définition de l’Église, l’autre qui s'attache à y voir l’expression d une propriété de l’Eglise et se rap­ proche ainsi de la thèse catholique. La première se ma­ nifeste surtout dans les confessions de foi; la seconde est représentée par les meilleurs écrits de théologiens calvinistes. La confession helvétique de 1536 développe surtout le point de vue luthérien. Ecclesiam, id est e mundo evocatum vel collectum coetum fidelium, sanctorum inquam omnium communionem.., sanctos appellans fideles in terris... De quibus omnino intelligendus est 449 COMMUNION UES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) 450 de la communion des saints ne porte aucune atteinte au symboli articulus, credo sanciant Ecclesiam catholicam, droit de propriété. sanctorum communionem. Helvetica confessio prior, Dans le discours pastoral prononcé par l'archevêque c. xvii, dans Syntagma, p. 50 sq. Il y a dans l’Église communauté ou communion, parce qu’il y a participa­ de Cautorbéry en 1898, les défunts ne sont pas absolu­ ment exclus de cette communion mystique; mais il ne tion aux mêmes biens. Ibid., p. 55. La confession gal­ parait pas que le clergé se soit rallié â cette doctrine, licane, présentée à Charles IX au colloque de Roissy en que la liturgie ne confirme pas davantage. Cf. Liber 1561, adopte au fond la même doctrine; mais l'idée de communion prend une forme nouvelle, tout à fait precum publicarum Eeclesiæ anglicanes, édit. G. Bright insolite, et représente l'effort des fidèles pour se for- et P. Goldsmith, Londres, 1890, p. 209. IL Problème historique. — L’expression sanctorum tilier mutuellement dans la crainte de Dieu. Gallica communionem s'est introduite assez tard dans le sym­ confessio, c. xxvn. dans Syntagma, p. 107. La Tétrabole apostolique et l’on est loin d’être fixé sur l'origine, politaine rattache celle même idée au régne de JésusChrist par la foi. In his cum vere regnet Servator, le sens et le motif de cette addition. 1° Origine. — I. Le texte de Nicétas de Remesiana. proprie ejus Ecclesia et sanctorum κοινοινία, id est so­ cietas, ut in symbolo apostolorum vocabulum Eeclesiæ — Le premier document où soient mentionnés les mots expositum est, nominantur. Confessio religionis Chri­ sanctorum communionem est une explication du sym­ stianae, c. xv. ibid., p. 238. Cf. Confession defoychres- bole attribuée parCaspari, Kirchenhistorische Anecdota, Christiania, 1883, p. 341-360, à l’évêque Nicétas d'Aquitienne, par Théodore de Bèze, Genève, 4564, p. 471. Mais Calvin n’admet nullement une pareille interpré­ lée (484-485), mais dont l'auteur est vraisemblablement Nicétas, évêque de Remesiana, en Dacie, dans les pretation. Il reconnaît que cet article touche de prés à la constitution de « l'Eglise externe », mais aussi qu’il ; mières années du v« siècle. Zahn, Neue Beitràge :ur porte beaucoup plus loin et qu’il signilîe la solidarité Geschichte des apost. Symbolums, dans Neue kirchl. Zeitschrift, 1896, t. vu, p. 106 sq.; Kirsch, Die Lehre des membres dans la commune participation aux biens surnaturels.» Et pourtant est adioustée, La communion von der Gemeinschaft der Heiligen, Mayence, 1900, des saincts : lequel membre, combien qu'il ait esté omis p. 217-220; doin Morin, Nouvelles recherches sur l'auteur des anciens, n'est pas à mespriser, d’autant qu'il exprime du Te Deum, dans la Revue bénédictine, 1894, t. xi, très bien la qualité de l’Église, comme s’il estoit dit que p. 61 sq.; Id., Sanctorum communionem, dans la les saincts sont assemblez à telle condition à la société Revue d'histoire el de littérature religieuses, 1904, t. ix, de Christ, qu'ils doivent mutuellement communiquer p. 209 sq. Voir t. I, col. 1664. entre eux tous les dons qui leur sont conférez de Dieu. » Voici les fragments essentiels de cet important docu­ Institution chrétienne, Genève, 1562, 1. IV, c. i, § 3, ment : Post professionem beatæ Trinitatis, jam pro­ p. 635. Cf. Le catéchisme de monsieur Calvin, di­ fiteris te credere sancta: Eeclesiæ 'catholicae. Ecclesia manche xv, dans le Recueil des principaux catéchismes quid aliud, quam sanctorum omnium congregatio'! • le ΓEglise réformée, Genève, 1673, p. B·1. Le catéchisme Ab exordio enim sxculi sive patriarcha’..., sire pro­ de Heidelberg et l'ancien catéchisme de Lausanne rephétie, sive apostoli, sive martyres, sive exteri justi..., pioduisent le même enseignement. Petit catéchisme, ou una Ecclesia sunt, quia, una fide et conversatione santiriéve instruction de la religion chrétienne, Lausanne, cli/icati, uno spiritu signati, unum corpus effecti sunt; p. 11. Cf. Drelincourt, Catéchisme ou instruction fami­ cujus corporis caput Christus esse perhibetur, ut lière sur les principaux points de la religion chrétienne, scriptum est. Adhuc amplius dico. Etiam angeli, Genève, 1583, p. 45. etiam virtutes et potestates supernal in hac una con­ 3. Église anglicane. — La doctrine de la communion foederantur Ecclesia... Ergo in hac una Ecclesia des sainls a subi chez les anglicans les vicissitudes les crede te communionem consecuturum esse sanctorum. plus diverses, en raison des inlluences, tantôt luthé­ Scito unam hanc esse Ecclesiam catholico,m in onim riennes, tantôt calvinistes, tantôt catholiques ou serni- orbe terras constitutam; cujus communionem debes catholiques, qui ont tour à tour prévalu dans l'épiscopat. firmiter relinere. Explanatio symboli, n. 10, P. L., La confession de foi proposée au synode de Londres, en t. Lit, col. 871 ; Caspari, Kirchenhist. Anecdula, t. i, 1562, évite de se prononcer sur cet article. Anglicana p. 355; Burn, Niceta of Remesiana, Cambridge, 1905, confessio fidei, a. 8, dans Corpus et syntagma confes­ Libelli instructionis, I. V, De symbolo. sionum- fidei, Genève, 1654, p. 127. Les 30 articles de Il n’est pas absolument démontré que la formule 1563 suppriment résolument l'union mystique des vivants sanctorum communionem ait fait partie du symbole de avec les défunts, en condamnant la doctrine romaine Nicétas. On peut la prendre â la rigueur pour une simple sur le purgatoire, les indulgences, l'invocation des explication du dogme de l'Eglise. Cependantl’expression saints. Cf. Thomas Bogers, A Treatise upon sundry elle-même, qui se retrouve dans les symboles posté­ matters contained in the thirty nine articles of Reli- rieurs, et la façon dogmatique dont elle est présentée : g'rnn, which are professed in the Church of England, | Ergo... crede, rendent beaucoup plus vraisemblable la Londres, 1639, p. 118-131. Mais 1'art. 26 de la confession première opinion, communément reçue. D’après ce texte, Harnack attribue â l'insertion de cet de Westminster, Of the communion of saints, con­ tient en substance la doctrine romaine sur les rapports article dans le symbole des apôtres, une origine orien­ qui unissent ici-bas entre eux et à Jésus-Christ les mem­ tale. C'est sous l’in11uence des Catéchèses de saint Cyrille bres de l’Égl: ■·. Le Christ est le chef, le Saint-Esprit de Jérusalem que l’évêque de Remesiana aurait introduit le lien, et tous les fidèles, unis dans la charité, partici­ la formule sanctorum communionem, dans le symbole pent aux dons et aux grâces de leurs frères. AU Saints de son Eglise. Elle aurait passé de là dans les Gaules, puis en Espagne et chez les Bretons, comme une pro­ ■ iat are united to Jesus Christ their Head, by His testation de la foi chrétienne contre l'hérésie de Vigi­ Spirit and by faith, have fellowship with Him in His lance. Harnack, Apostolisches Symbolum, dans Real· ngraves, sufferings, death, resurrection and glory; and, being united to one another in love, they have com­ cyclopâdie fur protestanlische Théologie, 3' edit., munion in each other’s gifts and graces. J. C. Wau- Leipzig, 1896, t. I, p. 754. Pures hypothèses que F. Kosllin a justement com­ drey. The meaning of the doctrine of the communion battues dans la même publication. Art. Gemeinschaft of saints, Londres, 1904, p. 23 sq. A tous ceux qui der Heiligen, t. VI, p. 504. Il serait étrange, en effet, portent le nom de chrétiens sont conférés les privilèges cette société sainte; niais des âmes du purgatoire et qu'un article eût été introduit dans le symbole gallican, par un évêque de Dacie. et sous l’inlluence des Caté­ des élus, il n'est pas question. La confession de foi de chèses de saint Cyrille, sans qu'il fût possible de saisir Westminster n'omet pas de mentionner que le dogme DICT. DE THÈOL. CXTIIOL. 111. — 45 451 COMMUNION DES SAINTS (ASPECT DOGMATIQUE ET HISTORIQUE) 452 quelques traces de cette addition, soit à Jérusalem et dans les Églises orientales, soit dans les diocèses inter­ médiaires de l’Italie et des contrées danubiennes. Les visites faites par Nicétas à saint Paulin de Noie en 398 et 402, le bon renom laissé par ses écrits dans les Gaules, au témoignage de Gennade, De viris illustri­ bus, c. xxn, édit. Czapha, Munster, 1898, p. 56, indi­ queraient plutôt l'influence de la Gaule sur Nicétas lui-même, qui aura très bien pu se servir d’un formu­ laire gallican. Cf. Kirsch, op. cit., p. 217-219; J. Waudrey, The meaning of the doctrine of the communion of saints, Londres, 1904, p. 35-38. 11 faut remarquer surtout que VExplanalio de Nicétas est un exposé de doctrine nettement augustinienne. 2. La Fides Hieronymi. — Un symbole inédit publié dans les Analecta Maredsolana, 1903, t. III, p. 199sq.,et attribué à saint Jérôme, porte mention authentique de la communion des saints. Credo remissionem peccato­ rum in sancta Ecclesia catholica, sanctorum COMMU­ NIONEM, carnis resurrectionem ad vitam ælernam. En confrontant ce texte avec celui de la Confession de foi arménienne, publiée par Caspari, Aile und neue Quellen zur Geschichte des Taufsymbols und der Glaubensregel, Christiania, 1879, t. 11, p. 10-12, dom Morin a émis l’idée, à la suite d'ingénieux rapproche­ ments, que l’Arménie pourrait bien être le pays d'ori­ gine de la formule symbolique. Jlevue d’histoire et de littérature religieuses, 1904, t. tx, p. 229. Si suggestive qu’elle soit, l’hypothèse demanderait à être confirmée. La Fides Hieronymi peut-elle être dûment attribuée à saint Jérôme? Est-elle même de son époque? D’autre part, il est diflicile de faire fond sur la Confession de foi ar­ ménienne. Le méchitariste J. Catergias en recule la rédaction au xiv· siècle, De fidei symbolo quo Armenii utuntur observationes, Vienne, 1893, p. 40, et s'il con­ tient « des traits d une saveur absolument antique », il faut attendre de nouvelles lumières pour en extraire autre chose, comme dom Morin le reconnaît lui-même, que des conclusions problématiques. Cf. A. Harnack, 7heologische Lileraturzeilung, 1904, p. 141-142; Th. Zahn, Neue kirchl. Zeitschrift, 1905, p. 249 sq.; Burn, op. cit., Excurs, p. i.xxx sq. 3. Le texte de Fauste de liiez. — 11 est incontestable que, vers le milieu du v· siècle, le symbole des Églises gallicanes renfermait la formule sanctorum commu­ nionem. On la trouve mentionnée d'abord dans le traité de Fauste de Riez (f 485) sur le Saint-Esprit, après les mots sanctam Ecclesiam dans une citation du sym­ bole. Hæc enim, quæ in symbolo post Sancti Spiritus nomen sequuntur, ad clausulam symboli... respiciunt ut sanctam Ecclesiam, sanctorum communionem, abremissa peccatorum, carnis resurrectionem, vitam æternam credamus. De Spiritu Sancto, 1. I, c. n, édit. Engelbrecht, dans Corpus script, eccles. lat., Vienne, 1891. t. xxt. p. 104. De plus, deux homélies sur le symbole attribuées également à Fauste de Riez con­ tiennent ce même article, Caspari, Kirchenhist. Anecdota. t. 1. p. 315 sq., et l'une d’elles présente une brève explication qui a trait directement au culte des saints. Credamus et sanctorum communionem : sed sanctos non tam pro Dei parte quam pro Dei honore venere­ mur. Caspari, loc. cit., p. 338. On peut citer encore, comme témoignages subséquents, un Tractatus Faustini de symbolo, qui est comme un extrait des homé­ lies de Fauste et vraisemblablement de la fin du VI·siècle, Caspari, A lie und neue Quellen zur Geschichte des Taufsymbols, Christiania, p. 250 sq. ; quatre ser­ mons du pseudo-Augustin, qui semblent de provenance gallicane, Serm.,ccxl-ccxliii, P. L.,t. χχχιχ,βοΐ. 21892194: enfin un sermon publié jusqu'ici dans les oeuvres de saint Augustin, Serm., CGXI.tv, De symboli fide et bonis moribus, P. L., t. xxxtx, col. 2194 sq., et qu'il faut attribuer sans aucun doute à saint Césaire d'Arles. Cf. Kattenbusch, Das apostolische Symbol, t. i. p. 165 sq. Voir t. n, col. 2170, 2176. Tous ces documents fournissent la preuve absolue que les Églises des Gaules, au VI» et dés le milieu du v« siècle, avaient inséré déjà dans leur symbole l'article de la communion des saints. Et la manière dont Fauste de Riez traite cette formule, dans son traité De Spiritu Sancto et dans la seconde des homélies publiées sous son nom par Caspari, indique assez qu'il ne s’agit nul­ lement d'une innovation. Il parait donc légitime, à dé­ faut d’informations décisives, d’attribuer à l’Église galli­ cane l’origine de la formule sanctorum communionem et son introduction dans le symbole. Cf. Kirsch, op.cil., p. 217; Th. Zahn, Das apostolische Symbolum, Leipzig, 1893, p. 88 sq. 2» Sens de la formule. — Zahn a soutenu, sans par­ venir à accréditer son opinion, que le mot sanctorum désigne ici, non pas les saints, mais, au neutre, les choses saintes. La forme latine communio sanctorum serait la traduction d’une formule grecque, την κοινωνίαν τών άγιων, usitée en Gaule de très bonne heure, et si­ gnifiant la participation aux mêmes sacrements, particu­ lièrement au mystère eucharistique. Kattenbusch, op. cit., t. i. p. 9, déclare la question indécise. Il semble pourtant qu'elle soit parfaitement résolue. Les textes précédemment cités de Nicétas de Remesiana et de Fauste de Riez et tous les commentaires de cet article au v· et au vi8 siècle emploient ce mot au mas­ culin. Par exemple, les sermons du pseudo-Augustin ; Sanctorum communionem, qui dona Spiritus Sancti... erunt communia in universis, ut quod quisque sancto­ rum minus habuit in se, hoc in aliena virtute partici­ pet. Serm., ccxl, P. L., t. xxxix, coi. 2189. Sanctorum communionem, id est, eum illis sanctis qui in hac quam suscepimus fide defuncti sunt, societate et spei communione teneamur. Serni., ccxlii, coi. 2193. D’ail­ leurs, la tradition de l’Eglise a toujours admis et rendu populaire la croyance à une union intime de tous les saints entre eux : aucune expression n’était plus apte à traduire cette doctrine que la formule communio san­ ctorum. Et même en admettant l’hypothèse toute gratuite d’une formule grecque antérieure à l’expression latine, την κοινωνίαν τών άγιων, il faudrait encore admettre que cette locution n’entraine pas nécessairement le sens neutre du mot άγιων, puisqu’on la retrouve, avec le sens latin, dans saint Athanase, Epist. ad Dracontium, n. 4, P. G., t. xxv, col. 528. Cf. O. Zockler, Zum Apostolikum-Streit, Munich, 1893, p. 51-53. Il faut donc exclure à l’origine, la signification sacramentelle, que l’on ne retrouve que plus tard, et bien rarement, dans quelques écrits du moyen âge.Le mot sancti désigne les saints. Mais garde-t-il le sens primitif de chrétiens, qu’il a dans saint Paul et qu'on retrouve encore dans les écrits du I" et du II8 siècle? Ou bien faut-il entendre par là les saints, au sens spé­ cifique du mot, les élus? Swete a pris parti pour la première signification. The Apostles’ Creed : its relations to prim itive Christianity, 2·édit., Londres, 1894, p. 82-88. La formule désignerait dès lors une simple propriété de l’Église eatliolique, sa sainteté, opposée plus explicite­ ment au puritanisme railleur des donatisles qui s’obsti­ naient à ne voir dans l’Église romaine qu’un mélange indigne de justes el de pécheurs. Il est impossible de souscrire à cette thèse. Au v8 siècle, quand la formule fut insérée au symbole des apôtres, le mot sancti avait perdu depuis longtemps son sens ori­ ginel : il désignait alors presque exclusivement les élus, les saints du ciel, et c’est aussi dans cette acception qu'il est employé par les premiers catéchéles du sym­ bole, Nicétas de Remesiana. Fauste de Riez, l'ccol · d'Augustin, dans les textes cités plus haut. Dès lors le sens de l’expression communion des saints est fixé : il ne s'agit pas de la simple communion ecclésiastique, 453 COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CHRÉT.) 454 des rapports officiels et de bonne harmonie qui reliaient t les premières traces d’une profession de foi distincte­ extérieurement entre eux la communauté chrétienne et ment articulée sur le point en litige. Or les symboles chacun de ses membres, mais d’une société toute spiri­ africains ne contiennent point l’article de la communion tuelle, d'une communication mystique établie entre des saints. Cf. Kattenbusch, op. cit., t. t, p. 134-158; fidèles et bienheureux. Il est vrai que l'on trouve encore dom Morin, loc. cil. Il semble donc que l'insertion de dans la littérature canonique du ιν· et du v· siècle la formule sanctorum communionem dans le symbole, l'expression communio sanctorum pour désigner la comme aussi des mots suivants : remissionem pecca­ communion entre fidèles. Cf. Epistola Cabarsussilani torum, n'ait eu d’autre but que d'exprimer plus distinc­ concilii, P. L., t. xxxvi. col. 376 sq.; Epistola ad Fla­ tement la doctrine commune sur l’Église, en mettant vium Marcellinum, P. L., t. xi.m, col. 835; S. Augus­ plus vivement en relief la beauté de sa nature et la gran­ deur de ses bienfaits. Kirsch, op. cil., p. 226-228. Peuttin, Serm., lu, n. 6, P. L., t. xxxvm, col. 357. Mais ces être le besoin se faisait-il sentir aussi de resserrer entre rares exemples ne peuvent prévaloir contre l'usage courant du mot sanctorum et le sens précis que lui les fidèles les liens de l'unité catholique, au milieu de donnent, en l’expliquant, les homélies du temps, où il la perturbation universelle causée par les ravages de l'arianisme. Cf. dom Chamard, Les origines du symbole s'agit évidemment d’une extension mystérieuse de des apôtres, Paris. 1901, p. 65 sq. l’Église, d’une union affective et effective des fidèles de la terre avec les élus du ciel. La première explication En Orient, l'addition fut constamment repoussée. que nous ayons de cet article du symbole, la plus nette Mais les Églises des Gaules, si ce n’est l’Eglise de Poi­ aussi et la plus abondante, celle de Nicétas de Remetiers, cf. S. Venance Fortunat, Explanatio fidei catho­ licæ, P. L., t. i.xxxviit, col. 591, et celles de la Grandesiana. est dégagée de toute incertitude Ecclesia quid aliud quam sanctorum omnium congregatio f Les Bretagne se hâtèrent de l’adopter. Dès la seconde moitié du v» siècle, elle apparaît comme une des caractéris­ saints, ce sont les justes de tous les temps, et c’est avec eux, en même temps qu’avec les anges, que le fidèle doit tiques de l’Église gallicane. En Italie, en Espagne el en entrer en communion, comme membre d’un même corps Afrique, l'insertion n'eut lieu définitivement que dans mystique. Caspari, Kirchenhislor. Anecdota, t. i, p. 355. le cours du IX* siècle. Dom Chamard, loc. cit-, p. 66. 3° Motifs de l'insertion. — L'idée de cette communion Jean de Neercassel, Tractatus quatuor de sanctorum cultu, de tous les saints entre eux et dans le Christ était assu­ Utrecht, 1675; Jean Le Marchant, L'encyclopédie sainte de la rément populaire, puisque Nicétas l’expose aux néo­ foi dans [explication du symbole des apôtres, Rouen, 1701 ; phytes et qu’on la voit si souvent revenir, sous la forme Noël Alexandre, Theologia dogmatica et moralis secundum ordinem catechismi Tridentini, Paris, 1714, p. 160-163; L. Atzla plus simple, dans les homélies adressées au peuple, berger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer comme un sujet bien connu. Offenbarung, Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 263-269; A. Harnack, Saint Augustin suppose que personne, dans son Eglise, Das apostolische Glaubensbekenntniss, Berlin, 1893, p. 31 sq. ; ne doit ignorer cette doctrine, Serm., cxxxvn, n. 1, H. Cremer. Zum Kampf um das Apostolikum, Berlin, 1893, P. L., t. xxxvm, col. 754, el lui-méme a contribué en­ p. 13 sq. ; O. Zôckler, Zum Apostolikum-Streit, Munich, 1893, core plus que tout autre à la répandre dans l’Église et p. 54-58; S. Baumer, Das apostolische Glaubensbekenntniss, à la rendre familière. Cf. Serm., ccxl-ccxliv, P. L., Mayence, 1893. p. 217 sq.; C. Blume, Das apostolische Glau­ bensbekenntniss, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 171 sq.; Swete. t. xxxtx, col. 2189-2195. L’introduction de cet article Tl Apostles’ Creed : its relations toprimitive Christianity, dans le symbole peut donc s’expliquer, sans l'interven­ 2' édit., Cambridge, 1894, p. 82 sq. ; F. Kattenbusch, Das apos­ tion d'aucune autre cause déterminante, par le seul tolische Symbol, Leipzig, 1894, t. I. p. 102-130, 158-188; t. II. développement normal d'une longue et chère tradition p. 927-950; A. Harnack, art. Apostolisches Symbolum, dans qui répondait si bien aux plus profondes aspirations du Realencyclupiidie filr protest. Théologie und Kirche, t. I, cœur dans la masse des fidèles. Aussi voit-on se consti­ p. 753 sq. ; J. Kostlin, art. Gcmeinschaft der Heiligen, dans tuer définitivement à la même époque et s’étendre dans Realencyclopadie, t. vt, p. 503-507 ; L. Atzberger, Geschichte les mêmes proportions le culte des saints et celui des der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicdnischen Zeil, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 84, 169, 423-427, 617 sq., 621défunts. D’ailleurs, il est impossible de signaler aucun fait spé­ 625; J. P. Kirsch, Die Lehre von der Geimeinschaft der Hei­ ligen im christl. Altertum, Mayence, 1900; dom Morin, San­ cial, aucune impulsion extérieure qui ait pu motiver ctorum communionem, dans la Revue d’histoire et de lit­ cette addition. Harnack y voit une protestation de l’Église térature religieuses, 1904, t. IX, p. 209-236; J. C. Waudrey, contre les doctrines de Vigilance. Das aposl. GlaubensThe meaning of the doctrine of the communion of sainc.s, bekenntniss, p. 31 sq. Mais il faut reconnaître que la Londres, 1904. formule adoptée eût servi bien mal, par son caractère P. Bernard. II. COMMUNION DES SAINTS D'APRÈS LES MONU­ abstrait et l'amplitude même de son contenu, la cause MENTS DE L'ANTIQUITÉ CHRÉTIENNE. — La commu­ de l’orthodoxie et ne consacrait que d’une manière indi­ recte la légitimité du culte des saints. Au surplus, il nion des saints a été diversement comprise. Voir l'ar­ ticle précédent. Nous la prendrons ici dans le sens serait bien surprenant que ce caractère de protestation, si protestation il y avait, n'eût été relevé dans aucun précis du mot, comme l’union de vie spirituelle et sur­ naturelle qui relie les différents membres du royaume des documents qui reproduisent cet article. Cf. dom Morin, Sanctorum communionem, dans la Hevue du Christ, les membres vivants sur la terre entre eux et plus particulièrement à ceux qui n'y sont plus, qu’ils d’histoire et de littérature religieuses, 1904, t. tx, p. 222-252. L’hypothèse de Swete, d’après laquelle soient bienheureux ou non. Saint Thomas-, Sum. theol., l'Eglise catholique aurait voulu s’opposeraux prétentions 1II“, q. vtit, a. 4, associe à l’Eglise du ciel les anges, parce qu’ils ont la même fin dernière et la même vie des donatistes et revendiquer pour elle la sainteté de son organisation, se heurte également à d’insolubles surnaturelle. Les monuments de l’antiquité chrétienne fournissent difficultés. Swete, The Apostles’ Creed, p. 82 sq. On des indications très précieuses au sujet de la commu­ comprendrait plutôt que les donatistes eussent employé eux-mêmes une formule qui traduisait si bien leur pen­ nion des saints, ainsi entendue. — I. I-Cglise militante. sée et devait servir utilement leurs intérêts. Dans IL Église souffrante. 111. Eglise triomphante. l'Eglise catholique, cette même formule, en regard de I. ÉGLISE MILITANTE. — l. CROYANCES DES PREMIERS l'hérésie donatiste, ne pouvait donner lieu qu'a des ma­ CHRÉTIENS AU SUJET DE L’ÉGLISE MILITANTE. — 1° Ils se regardaient comme faisant partie d’une grande famille lentendus. Cf. S. Augustin, Serm., ccxiv, n. 11, P. L., spirituelle, dont les différents membres sontet s’appellent t. xxxvm, col. 1071. En tout cas, c’est en Afrique, et non « frères » et « amis ». Sous ce double nom. on désignait en Gaule, que devraient naturellement se rencontrer, au non seulement les fidèles d une même localité ou d'un plus fort des débats suscités par le schisme de Donat. 455 COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CHRÉT.) même pays, mais les chrétiens en général. Une inscrip­ tion, de la première moilié du iv» siècle, trouvée à Césarée, en Maurétanie, De Rossi, Bullettino di archeologia cris liana, 1864, p. 28, parle de I'Eclesia fratruum (sic) qui a fait renouveler le monument en question. La première partie du texte, qui remonte au m» siècle, termine par la salutation : Salvete, eratres, puro corue et simplici. St. Gsell, Les monuments antiques de l'Algérie, Paris, 1901, t. n, p. 398, note 3. A la lin du ne siècle, le célèbre Abercius, d’Hiéropolis en Phrygie, trouve partout dans ses voyages des frères, des amis. Voir t. i, col. 57-66. Dans la première partie de l'inscription, dite de Pectorius, à Autun, l’auteur s'adresse indistinctement aux chrétiens, ses « amis », et les exhorte à mener une vie sainte et conforme aux volontés de Dieu. Le Blanl, In­ scriptions chrétiennes de la Gaule, Paris, 1856, t. i, p. 9, pl. I, n. 1 ; Kirchhoff, Corpus inscriptionum græcarum, t. iv, n. 9890; dom F. Cabrol eldom II. Leclercq, Monu­ menta Ecclesiæ lilurgica, Paris, 1902, t. i, p. 17' sq., n. 2826. — Les relations de famille ne sont pas rompues à la mort, la dénomination de « frère » continue au delà du tombeau, comme le montrent les textes suivants. Une stèle du musée Kircher de la fin du n® siècle d’après Vis­ conti,,4Hi della Accadentia romanadi archeologia, t.vi, p. 43, et L. Renier, dans Perret, Catacombes de Home, t. vi, p. 170 sq., provenant de la catacombe de SaintHermès, parle des fratres boni, qu'on conjure per unum Deem... ne quis... MOLE(siet) pos(Z) mor(/c»i)... De Rossi, Borna sotlerranea, Rome, 1864, t. i, p. 107; Bullelt., 1894, p. 18. Un marbre de la catacombe de Sainle-Priscille, de la première moitié ou du milieu du n» siècle d'après Kirsch, Die Acclamalionen und Gebete der allchristlichen Grabschriften, Cologne, 1897, p. 51, et Wilpert, Malereien der Katakomben Bonis, Fribourgen-Brisgau, 1903, p. 160, porte : Vos precor, O fratres, ORARE HUC QUANDO VENl(tis)... De très anciennes inscriptions grecques emploient également les termes αδελφοί, αδελφότης, par exemple, celles publiées dans les Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française de Rome, t. xv (1895), p. 260, n. 5 : Ειρήνη πάσι τοΐς άδελφοίς; ειρήνη πάση τή άδελ(φότη)τι ; δώσει τοΐς αδελφοί; δηνάρια φ’; ειρήνην έχετε αδελφοί; αδελφοί, ή χάρις τον (Χ)ριστ(ον με!)’υμών) ; χαί­ ρετε καί ευτυχείτε παρά (Θ)εώ, αδελφοί· Dom Cabrol et dom Leclercq, Monumenta Ecclesiæ lilurgica, Paris, 1902, t. n, n. 2795, 2796. 2» Cette famille est une famille à part, une grande communauté religieuse ayant la même origine, la même fin, le même nom, la même foi, les mêmes sacrements, le même culte, etc. 1. L'origine est divine : le chrétien vient du ciel, il est de la descendance du Poisson céleste (Jésus-Christ), comme le déclare déjà au m» siècle l’inscription d’Autun : IX0YOC ΟΥΡΑΝΙΟΥ ΘΕΙΟΝ ΓΕΝΟΟ... Cf. Kaufmann, Ein allchrislliches Pompeji in der libyschen ll’iisle, Mayence, 1902. p. 18 sq. Il se distingue donc des autres hommes; il a, comme dit Abercius, un signe caracté­ ristique reçu au baptême, ΛΑΜΠΡΑΝ ΣφΡΑΓΕΙΔΑΝ Εχοντα, et avec ceux qui ont le même sceau parti­ culier de la divinité, il forme le peuple, le saint peuple de Dieu,i.aô;. άγιος λαό; Θεόν, comme il est appelé dans l’inscription d’Abercius et sur un marbre d’Hadrianum du iv« siècle, publié par Kaufmann, Die sepulkralen Jenseilsdenkmâler der An tike und des Vrchrislentums, Mayence. 1900, p.88, d’après Perrot, Guillaume etDeblet, Exploration archéologique de la Galatie, etc., Paris, 1862, 1.1 (texte), p. 65, 66; la plebs Dei, plebs sancta, ou plebs sancta Dei, comme le désignent plusieurs monu­ ments latins du iv» siècle. De Rossi, Bullelt., 1894, p. 32; de Waal, Il simbolo apostolico illustrato dalle iscrizioni dei primi secoli, Rome, 1896, p. 38-39. 2. Tout en étant sur la terre, le chrétien fait partie de la cité de Dieu, de la cité des élus, de la Jérusalem 450 céleste. Heb., xm, 14; xxn, 12; Gai., iv, 26. Cette cité est visée par Aberciu-, quand il dit de lui-même : EKAEKTHC ΠΟΛΕωΟ Ο ΠΟΛΕΙΤΗΟ (voir col. 468), et probablement aussi par le pieux pèlerin, qui au m» siècle visitant à Saint-Calixte la chapelle des papes, où étaient enterrés tant de saints martyrs, inscrivit à l’entrée cette exclamation : Gerusale(m) civitas et or­ namentum marlyru(m) Dei, cujus... De Rossi, Borna sotlerranea, Rome, 1867, t. n, p. 18. C’est là que le chrétien devra résider un jour après avoir quitté les illusions de la terre : κόσμου πλάνην προλιπών εΐ; αιώ­ νιον οίκον άνελβών, dit une inscription de Catane, en Sicile. Kaibel, Inscriptiones græcæ Siciliæ, Ilalite, additis græcis Galliæ, Ilispaniæ, Brittaniæ, Germanite inscriptionibus, Berlin, 1890. n. 463. Voir Épicrapiiie CHRÉTIENNE. 3. Aussi porte-t-il un nom ά part, celui de chrétien, Christianus, χρηστιανός, par opposition à judæus ou paganus. Ce nom le rattache à son fondateur. Act., xi, 26. 11 se rencontre sur des monuments des différents pays de l’empire romain, par exemple, en Syrie et en Phrygie, Mélanges..., t. xv (1895), p. 251 ; Bullelt., 1894, p. 68; en Grèce et en Dalmatie, Bayet, De titulis Atlicæ Christianis antiquissimis, Paris, 1878, p. 99, n. 75 (m» siècle); p. IO1, n. 78;Jelië, Bulicet Rutar, Guida di Spalato e Salona, Zara, 1894, p. 129, n. 1707 (du musée épigraphique), p. 171 sq. ; en Italie et sur les bords du Rhin, Kaibel, loc. cit., n. 78, 154, 196; Kaufmann, llandbuch der chrisllichen Archüologie, Paderborn, 1905, p. 252; Kraus, Die chrisllichen Inschriften der Bheinlande, Fribourg, 1890, t. i, p. 73, n. 143, etc. Trois de ces monuments appartiennent sûrement au m» siècle. Corpus inscript, græc., t. ni, n. 3857 g, 9265 Z, 3857p; dom Cabrol et dom Leclercq, Monumenta Ecclesiæ liturgica, Paris, 1902, t. i, p. cvn. — Le chrétien porte encore, méme’avant l’an 300 de l'ère Chrétienne, Bayet, loc. cil-, p. 99, n. 75, etc., le nom très frequent dans toute l'épigraphie chrétienne de fidelis, πιστός, celui qui a reçu le baptême, l’initiation chrétienne et, avec elle, la vraie foi, par opposition à ceux qui ne sont pas encore entrés dans la grande communauté chrétienne. Voir Baptême d'après les monuments de l'antiquité chrétienne, t. n, col. 242. Du reste, cetle communauté n’est autre que l'Eglise catholique, qui a la même hié­ rarchie, composée de Pierre et de ses successeurs, d’évêques, de prêtres, etc. Voir Épicrapiiie chrétienne. 4. Les chrétiens ont la même foi en Dieu, en Jésus Sauveur, etc., les mêmes croyances religieuses, γράμ­ ματα πιστά, comme les appelle Abercius. Cette foi pré­ cède Abercius dans ses voyages, πίστι; δέ προήγε πάντη, et lui fait trouver en Orient et en Occident, à Rome et dans les plaines de la Syrie, des frères, des amis, σννομίλους, φίλους, qui pensent comme lui, qui partagent ses croyances. Un grand nombre des dogmes, objet de cette foi, en particulier ceux de l’eschatologie chrétienne, se rencontrent sur les monuments de tous les pays dès les temps les plus anciens et s’affirment d’une façon plus explicite à mesure qu’on avance dans le cours des temps. Voir Art chrétien primitif, t. i, col. 2004-2011, et Épigrapiiie chrétienne, Cette f?i est bien déterminée, un. foi pure et libre de tout alliage étranger, fides pura, fides intemerata, comme l’appellent l’épitaphe d une vierge chrétienne, morte en 362, el l’éloge du saint martyr Félix, composé par saint Damase. Ihm, Damasi epigrammata, Leipzig, 1895, p. 10, n. 7. C’est la foi universelle catho­ lique que, d'après son éloge funèbre, saint Hippolyte, revenu à l’Eglise, recommande aux partisans de son schisme : catholicam fidem sequerentur ut omnes, Him, loc. cil., p. 42, n. 37; la vraie foi défendue par Libère, I: grand pape confe»ovUr du iv» siècle, dont il est dit dans l’éloge funèbre, Bulletin, trad, franç., 1883, p. 9 : catho­ lica præcincte fide possederis omnes. — Cetle même foi est la base de l’espérance chrétienne : spem gerimus 457 COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CHRÉT.) 458 les Romains eux-inémes. Rabeau, op. cit., p. 43. Les saints Hippolyte, Euphémie, Sixte, Sébastien n'y sont pas oubliés. Rabeau, op. cit., p. 50; Revue archéo­ logique, 1896, t. xxvi. p. 393. A la lin du iv« siècle, les Machabées ont une chapelle à Antioche; leur culte n'a pas tardé à passer à Rome et en Afrique. Rabeau, op. cil., p. 31 ;cf, cardinal Rarnpolla, Marty reel sépulture des Ma­ chabées,dans la Revue de l'art chrétien, 1899, p. 290 sq. Des saints orientaux ou africains sont représentés dans les catacombes, Wilpert, op. cit., p. 489. 490, 500, 501, Cyprien et Optat. Abdon et Sennen, Millix et Pollion, milieu du vi" siècle. A la consécration d’une église d'Espagne, vers 450, on dépose des reliques des saints Julien, Étienne, Laurent, Martin. Kirsch, Die christl. Kultusgebâude ini Allertum, Cologne, 1893, p. 72. Les reliques de saint Ménas, patron de l’Egypte, se ren­ contrent dans tous les pays, et la dévotion à la croix du munion avec le Christ, en union avec son Église. Sauveur, très populaire partout, explique la diffusion de 5. Les chrétiens ont aussi les mêmes sacrements. A ses fragments dans tout l’univers aussitôt après son invention. Cet éclectisme de piété poussait les chré­ la lin du il" siècle, Abercius trouve partout dans ses voyages, en Orient, en Occident, en Italie et en Mésopo­ tiens à posséder des reliques de tous les saints et de tous les pays, saints africains, saints orientaux, saints tamie, des confrères qui portent le sceau brillant du baptême; partout la foi de ses amis lui sert la même gaulois, saints espagnols, tous pêle-mêle. Cf. Lucius, nourriture mystique, le grand Ichthys, ou Poisson cé­ Die Aufange des lleiligenkulls in der christlichen. Kirleste, πάρηόήκε τροφήν πάντη ίχθύν από πηγής παμμεγέθη, che, édit. Anrich, Tubingue, 1901, p. 183-197. et un vin délicieux, διά παντός οίνον χρηστόν έχουσα, 7. L'art, le symbolisme et l’épigraphie témoignent mélangé d’eau qu’on donne avec le pain, κέρασμα διδοΟσα encore en faveur de la communion des saints. Ils pro­ μετ’ άρτου. Voir t. I, col. 57. En Occident, la chapelle cèdent partout du même principe religieux, suivent à grecque, au cimetière de Priscille, du commencement peu près les mêmes développements dans tous les pays, du H" siècle, la crypte de Lucine, à Saint-Calixte, de la et pour les idées et pour les formes. Voir Art chrétien, même époque, les chapelles dites des sacrements, de la Symbolisme, Épigrapiiie chrétienne. — Ce dogme se fin du n» siècle, Wilpert. Malereien der Sakramentsreflète jusque dans les usages funèbres, qui tout en kapellen, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 30-32; Male­ différant essentiellement pour la plupart des points de reien der Katakomben Roms, Fribourg-en-Brisgau, 1903, ceux des païens, sont les mêmes malgré la différence et p. 260, et l’inscription d'Autun, dans sa partie plus an­ la distance des pays. Dès l'origine, les chrétiens confient cienne du m» siècle, fournissent les mêmes renseigne­ leurs morts à la terre, partout ils prient pour les âmes ments précis au sujet des mêmes sacrements. Cet accord des défunts et les recommandent à Dieu el aux saints, rigoureux entre des monuments de la même époque, partout ils emploientdes formules de prières identiques mais séparés par de grandes distances, est de la plus ou analogues. Voir plus loin, col. 463. n. manifestations pratiques. — L’union entre les haute importance non seulement pour les deux sacre­ ments en particulier, mais encore pour le dogme de la membres vivants de la grande famille chrélienne n’est communion des saints en général. Quant à la ressem­ pas une union stérile et abstraite : nous en avons déjà blance des rites et autres détails, voir Baptême et Eucha­ vu des preuves. Elle se manifeste pratiquement par l'amour mutuel, par le commerce spirituel dans la ristie d’après les monuments de l’antiquité chré­ tienne. communication réciproque de grâces et de biens sur­ 6. Les chrétiens honorent les mêmes martyrs et les naturels. mêmes saints. Ce culte commence par les saints locaux 1° On s’accorde réciproquement le bienfait de la prière conformément aux prescriptions et à la pratique de pour s’étendre ensuite, surtout à partir de Constantin, aux saints des autres pays, particulièrement aux plus l’apôtre. Rom., xv, 30-32; Eph., vi, 17-19. On prie pour les vivants. Dans un graffito, ou inscription tracée à la célèbres. Les saints du Christ sont pour tous les fidèles pointe, sur la paroi de la chapelle des papes, De Rossi, sans exception : llle (le Christ) suos sanctos cunctis Roma sotterranea, t. n, p. 17, on lit cette recom­ credentibus offert | per quos supplicibus præstel opem famulis, dit une inscription métrique composée vers400 mandation faite aux saints par un pèlerin du ut"siècle: Marianum | Successum | Severum spirila | sancta in par l’évêque Achille de Spolête. Bulletin, trad, franç., 1871, p. 119. Aussi rencontrons-nous des saints de l’Orient mente | havele (sic) et ont | nes fratres nos Iros. A côté, on en voit d’autres : Santé Susie, in mente habeas in et de l’Égypte honorés en Occident, des saints d’Italie, horationes (in orationibus) Aureliu(nt) Repenlinulm ; d'Espagne, des Gaules, vénérés en Afrique, et vice versa. On cherchait à se procurer de leurs reliques, on compo­ p(etite spiril)a sancta ut Verecundus cum suis bene naviget. Ici il s’agit de vivants pour lesquels on de­ sait des inscriptions élogieusesen leur honneur. Dans la mande des prières. Kirsch, Acclamalionen, p. 40. Dans chapelle des papes, à Saint-Calixte, l’inscription damaune chapelle du cimetière de Priscille, on lit cette ins­ sienne mentionne, à côté des saints romains du ni« siècle, renfermés dans les veneranda sepulcra, les confesseurs cription : Viras inDeoel filii tui omnes habeant Deum envoyés jadis par la Grèce : hic confessores quos Grœcia protectorem. Marucchi, Eléments d’archéologie chré­ tienne, Rome, 1900, t. i, p. 216. — On prie aussi pour midi. Ihm, loc. cil., p. 19, n. 12. Dans d’autres monu­ les défunts, d'abord pour les parents et amis, ensuite ments le pape fait l’éloge des martyrs étrangers à l’égal pour les morts en général. Abercius demande même des indigènes. Le culte de saint Etienne était populaire pendant sa vie des prières pour son âme à tous ceux avant que ses reliques ne fussent répandues dans le qui lisent son inscription : ταϋβ’ ά νοών εϋξαιτο ύπέρ monde entier. Rabeau, Le culte des saints dans Z’.4 frique Άβερκίου πας ό συνωδός. — On comprend que les mo­ chrétienne, Paris, '1903, p. 38, 39. Pierre, Paul et numents funéraires ne donnent pas beaucoup de Laurent sont et demeurent les saints les plus honorés preuves de cette union de prières entre vivants, mais en Afrique, et une tablette de marbre du iv« siècle, le fait que les chrétiens prient pour les morts et les trouvée à Castellum Tingitanum, nous révèle une popu­ lation aussi dévote à ces saints que le pouvaient être mortspour eux nous autorise à conclure a pan, sinon c. cuncti proprie nos esse beatos qui sumus hocque tuum meritum fidemque secuti. Inscription de Libère. Celle conviction religieuse nous explique comment les fidèles de cette époque troublée du IV' siècle font parfois profession d une orthodoxie de plus en plus scrupu­ leuse. En preuve celte inscription grecque du iv« siècle, Mélanges, lue. cit., p. 265, n. 3, où il est dit : κατά πάσης αίρεσεως δπλισάμενος τήν άληΟήν τών πατέρων τής καθολι­ κή; εκκλησίας διεσώσατο πίστιν. En Afrique, en parti­ culier, les controverses entre orthodoxes et donatistes nous ont valu la formule très fréquente dans ces pays : vixil in pace (Ecclesiæ), par laquelle on voulut accentuer la vie du chrétien en paix, en union avec l'Eglise, ou comme le dit une épitaphe romaine de la fin du m» siècle, Armellini, Il cimitero di S. Agnese, Rome, 1880, p. 296 : in pace c’est-à-dire dans la com­ 459 COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CHRÉT.) priori qu’on priait pour les membres de l’Église mili­ tante. 2° Les pèlerinages sont une autre manifestation de cette union ; ils se rattachent en même temps très inti­ mement au culte des saints et des reliques. On allait d'un pays à l’autre, visitant les grands sanctuaires des différentes régions, Rabeau, op. cil., p. 13, y pre­ nant part aux saints mystères, y copiant parfois des inscriptions pour les reproduire ensuite sur les monu­ ments de sa patrie. Rabeau, op. cil., p. 8, 45; Bulletin, trad, franc., 1878, p. 7-20; De Rossi, Inscriptiones Chri­ stianas urbis Romæ, t. Il a, p. 48, 110; Le Blant, Épigraphie chrétienne en Gaule et dans l’Afrique romaine, Paris, 1890, p. 67. Au iv« siècle, un évêque africain, du nom d’Alexandre, dit du sanctuaire de Tipasa restauré par ses soins : ÜNDiQ(iie) visendi studio Chri­ stiana (sic) ÆTAS CIRCUMFUSA VENIT | LIMINAQUE SANCTA PEDIBUS CONTINGERE LATA | OMNIS SACRA CANENS SACRA­ MENTO MANUS PORRIGERE GAUDENS. Bullett., 1894, p. 91. On allait volontiers en Orient, où naquit le Sauveur et d’où venait la foi, en Égypte, où le sanctuaire de saint Menas était en particulière vénération, à Rome, cen­ tre de la chrétienté, où se trouvaient les corps des apôtres, par exemple Abercius. Cf. encore l'inscription de l'évêque Achille de Spolète, Bulletin, trad, franç., 1871, p. 119 : Qui Romani Romaque venis... Ces pèleri­ nages formaient un lien étroit entre les différentes communautés chrétiennes el rattachaient les Églises locales les unes aux autres. Les pèlerins rapportaient de leurs voyages avec de précieux souvenirs les dévo­ tions des pays parcourus ; les chrétiens des lieux visités tenaient, particuliérement depuis Constantin, à communiquer à leurs frères des reliques, pour les faire participer aux grâces et aux faveurs attachées â ces trésors. Cf. Lucius, Die Anfânge, p. 183sq. Cet échange de biens spirituels nous est attesté entre autres par saint Grégoire de Nysse, P. G., t. xi.vi, col. 783; Théo­ dore!, De curatione græcarum affectionum, disp. VIII, édit. Schulze, t. iv, p. 902; P. G., t. lxxxiii, col. 1031 sq., etc., et confirmé par de nombreuses trouvailles, sur­ tout en Afrique. Bullett., 1890, p. 26; Mélanges, t. x (1890), p. 441 (an. 359), etc. 3° Les lieux de sépulture communs sont une dernière preuve de cette union de charité. Tout « frère » pourra être enterré dans les catacombes et dans les cimetières supérieurs, comme l’atteste l'inscription d'un prêtre africain:.. Victoris presbyte:ri qui iiunc locum (il s’agit d'un cimetière) cunctis fratribus feci. De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 106. A Concordia (Porto Gruaro), d'après une épitaphe très ancienne, le cime­ tière appartient à toute la communauté chrétienne de l’endroit et un certain Flavius Atalancus y prie omnem CLERUM I et cuncta(m) fraternitatem UT NULLUSi... in hac (sua)| sepultura PONATUR. Bulletin, trad, franç., 1874, p. 155 sq. Mais les autres chrétiens n'en sont pas exclus, pas même des hypogées d'un caractère plus privé où, à côté d'esclaves et d'affranchis, on rencontre des étrangers. Aurelius Theolilus, citoyen de Carrhes en Mésopotamie, est enterré â Rome dans une catacombe de la voie Labicane. Bulletin, trad, franç., 1873, pl. xi, n. 4. A la fin du in‘ siècle, un chrétien de la Paphlagonie trouve aussi sa sépulture dans un cime­ tière romain. Marangoni, Acta S. Victorini, Rome, 1740, p. 72. Dans, une inscription de Pola, De Rossi, Borna sotterranea, t. ni, p. 508, on invite tous les amis du défunt â reposer auprès de lui : sibi ET suis... ET AMICIS CARIS ME1S QUI VOLENT HOC (huc) VENIRE SUO QUISQUE DIE VENIANT ET REQUIESCANT. Corpus inSCripl. latin., t. v, n. 182. Cf. Kraus, Die chrisll. Inschriften der Rheinlande, t. 1, p. 44, n. 80. En tout cela les chré­ tiens font preuve de charité vis-à-vis de leurs frères dans la loi, comme le dit, selon De Rossi, Roma sotter­ ranea, t. ni, p. 508, une inscription d'Oslie. Par contre, j I I ’ 460 ceux qui ne sont pas frères sont exclus. Une inscription de Saint-Nicomède réserve le droit de sépulture dans cette catacombe. at (sic) religione, m pertinentes meam. Bulletin, trad, franç., 1865, p. 54, 92; Nuovo bullett., 1901, p. 171. Une autre, de Domitille, dit : M. Antoni ; us ReST(IT)UTU ’ S FECIT YPO ; GEl'(M) SIBI ET| SUIS FIDENTI ; BUS in Domino, c’est-à-dire qui in Deum credunt. De Rossi, Roma sotterranea, t. i, p. 109. Ailleurs on permet d’enterrer au même endroit les défunts, mais à une condition : έάν τηρή(σω)σι τον Θεόν. Mélanges, loc. cit., p. 264. IL Église souffrante. — L’union de vie existant entre les « frères » n’est pas brisée par la mort; elle est continuée dans l’éternité. On y distingue deux classes de frères : ceux qu'on croyait en possession du bonheur céleste et ceux qui n'y étaient pas encore admis. Pour les derniers, on pouvait leur souhaiter le bonheur d'aller au ciel, en demander à Dieu la faveur, recourir pour cela à toutes sortes de pratiques reli­ gieuses : ce qui nous autorise à tirer des conclusions au moins indirectes au sujet des croyances des vi­ vants par rapport à la communion des suints. I. DONNÉES FOUDNIES ΡΛΠ LES MONUMENTS. — DII y a des défunts ordinaires,dont l'âme, à l'égal de celles des saints, est censée être en possession de la béatitude. Cette croyance semble exprimée par ces innombrables représentations d'orantes, ou ligures en prière — seules ou flanquées d'arbres, de brebis, «le saints, etc. — qu’on rencontre dès les premières années du IIe siècle sur les fresques, reliefs, inscriptions, etc., des cata­ combes et des cimetières supérieurs, à Rome et ailleurs. Suivant l’opinion généralement admise par les archéologues, ces figures « sont les images des âmes des défunts considérées dans la béatitude céleste qui prient pour les survivants afin que ces derniers atteignent mémement leur lin ». Voir Symbolisme. Wilpert, Ein Cyclus christologischer Gemâlde aus der Katakombe der heil. Petrus und Marcellinus, Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 43 sq.; Die Malereien der Katakomben Roms, ibid., p. 456. Il en est de même des représentations aussi anciennes et aussi nombreuses qui montrent l'âme dans la paix du ciel sous le symbole d’une co­ lombe avec la branche (d'olivier), d’un oiseau buvant dans un vase ou becquetant des raisins, d'une brebis paissant dans le jardin céleste ou portée à cet endroit sur les épaules du bon Pasteur. De celte dernière caté­ gorie seule, Wilpert, Die Malereien, p. 431 sq., a décrit 88 représentations, dont 16 remontent au 1er et au II' siècle. Très explicites sont aussi les textes épigraphiques, dont plusieurs d'une très haute antiquité, qui, privés de tout caractère déprécatif, affirment carrément, sans hésitation aucune et dans un formulaire très varié, que le défunt est au ciel : in pace requiescit, receptus est, accepit requiem in Deo; in pace cum spirita sancta acceptum ; accepta apud Deum; quem Dominus in pace suscepit; in pace XPI (= Christi) recepta; PEKETTTOC CN CIPHNH; Deum videre cupiens vi­ dit; LEVITAM SUBITO RAPUIT SIBI REGIA CÆLI, etc. ; ΨΥΧΗ (€)IC ΟΥΡ(ά)ΝΙΟΝ XY (Χριστού) BACIACIAN ΜΕΤΑ ΤωΝ ΑΓίωΝ ΑΝΕΛΗΜΦΘΗ, etc. Marangoni, Acta S. Victorini, p. 97; Doldetti, Osservazioni soprai cimiteri di Roma, Rome, 1720, p. 276, 400; Aringhi, Roma sotterranea, t. i, p. 203; t. n, p. 121; Gazzera, Iscriiioni crisliane antiche del Piemonte, Turin, 1849, p. 35; Nuovo bullett., 1901, p. 245 sq.; Him, op. cit . p. 28, n. 21; De Rossi, Inscriptiones christianæ urLri Remise, t. I (1861), p. cxvi; Bulletin, trad, franç., 1882. p. 106; 1883, p. 65, etc. 2« Mais ce sont là des exceptions. L’usage essentiel­ lement chrétien et à peu prés complètement inconnu chez les païens était de prier pour le commun des fidèles défunts. Cetle prière se rencontre dèsla plus haute 461 COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CHRÉT.) antiquité contrairement aux affirmations de l’épigraphiste protestant Spon (1647-1685), qui disait que. dans les inscriptions antérieures au vin· siècle, on ne ren­ contrait jamais de prières pour les morts. Hernie égyptologique, t. iv (1885), p. 34. Pour les usages juifs et égyptiens, voir L'univers israélile, 30 mai 1902. 1. Témoignages implicites. — a) L’artiste chrétien, dans ses représentations funéraires, visait avant tout la prière pour les morts. Rappeler aux visiteurs l'idée de la délivrance des âmes des défunts, les engager à prier dans cette intention, leur montrer la manière de le faire, leur mettre pour ainsi dire dans la bouche même les paroles renfermées dans la commendatio animæ et dans d'autres prières populaires plus anciennes en­ core et remontant jusqu'au III' siècle, voilà le but du plus grand nombre des monuments dans les trois pre­ miers siècles et, en partie, dans le iv·. Cette explication proposée d'abord par Le Blant, Études sur les sarco­ phages chrétiens de laville d’Arles, Paris, 1878, Intro­ duction, § 5, p. xxi-xxxix, fut reprise, remaniée et développée par Karl .Michel. Gebet und liild in frühchrisllicher Zeit, Leipzig, 1902. p. 1-33, 48 sq., et appliquée depuis aux fresques des catacombes de Rome par Wilpert, Die Malercien, p. 160 sq. C’est ainsi que ce dernier cite une série de représentations toutes exprimant à Dieu la demande de venir en aide aux âmes des défunts, de les préserver de la mort éternelle, du l'eu de l'enfer, des embûches du démon, de la gueule du dragon infernal et de les recevoir dans la paix éter­ nelle. Sont représentés : Daniel dans la fosse aux lions, p. 335-344 (sur 39, trois du i" et n» siècle); Noé dans l’arche, p. 350 (2 du n” siècle) ; le sacrifice d’Abraham, p. 350-356 (2 du il·, 5 du ni· siècle); les trois enfants dans la fournaise, p. 356-361 (sur 17, une du i« siècle); Suzanne et les deux vieillards, p. 362 (sur 6, une du I" siècle); le cycle de Jonas, p. 366-381 (sur 50, huit du il· siècle); Job, p. 381-385, Tl fois; Tobie avec le poisson, p. 385-387,3 fois; David avec la fronde, etc. Ail­ leurs, on demande à Dieu de pardonner aux défunts leurs péchés, comme Jésus a pardonné à Pierre son re­ niement. Ibid., p. 330-331. Les dilférentes scènes de résurrection, par exemple, celles de Lazare, dont cinq du n· siècle, etc., invitent très probablement à prier pour la résurrection des défunts. Celles du jugement, ibid., p. 394-411, et de la réception de l’âme au ciel ainsi que de sa participation à ses joies, et d’autres encore auraient un caractère déprécatif. Il en est à peu près de même des sculptures des sarcophages et de certaines scènes tracées à la pointe sur les épitaphes, par exem­ ple, le passage de la mer Rouge, David avec la fronde, Daniel dans la fosse aux lions, Job, etc. Voir les tables des ouvrages sur les sarcophages : Garrucci, Le Blant, Ficker, etc. Voir t. i, col. 2003. En d’autres termes, ces représentations disent la même chose que les anciennes prières mentionnées plus haut et constituaient ellesmêmes des prières, par exemple, la représentation de Daniel traduite en paroles veut dire : Libera Domine, animam servi lui defuncti, sicut liberasti Danielem de lacu leonum; et ainsi des autres. b) L’épigraphie funéraire a le même but : engager le lecteur à prier pour celui dont elle indique le nom et orne le tombeau. Telles les épitaphes d'Abercius el d'Agape, citées plus haut; telle une inscription priscillienne, du ni· siècle au plus tard : Posu(it Zyie)RECinus| COIUG1 Al.BINUI.(a)E I BENE MERENTI SIC | t)T SPIRITUM TUUM De us bene REFRIGERET, Bulle It., 1894, p. 60; tel enfin ce marbre anté-constantinien, aujourd’hui au Lalran (p. ix. n. 10) : D. P. |Lucifere coiugi... | meruit titu­ li m INSCRIBI IS (sic) UT QUISQ(uts) DE FRATRIBUS LEGERIT, roget Deu(m) ut sancto et innocent| (isp)irito (sancta et innocens anima) ad Deum suscipiatur, bulletin, trad, franç.. 1877, p. 34; Lupi, Epitaphium Severæ martyris illustratum, Païenne, 1734, p. 167. Toutes ces inscrip­ 462 tions demandent des prières. Assez souvent elles ren­ ferment la formule qui doit être employée, comme ce marbre de la voie Salaria sur lequel on lit : Leonine te in pace, puis comme remerciement pour la faveur accordée, ce souhait vraiment chrétien adressé au lec­ teur : qui legerit, vivat in christo. Un marbre égyp­ tien, Échos d’Orient, 1900, t. iv, p. 93, porte : Ο θ(εος) MNHC|eiH THC KOI|MHCCCÛC KC(zai) A ΝΑΠΑΥceœc I MAKAPAC THC I fAYKYTATHC. Ο Α|ΝΑΓΙΓΝωΟΚωΝ ΠΡ (ος) I CYXCCTCÛ (ύπέρ αυτής). Voir d'autres exemptes dans Bulletin, trad, franç., 1880, p. 63sq.; Armellini, Cimileri, p. 640; Gazzera, op. cil., p. 107, et plus loin. 2. Témoignages explicites. — A. Les plus anciens témoignages explicites de la prière pour tes morts sont les acclamations et tes taux que faisaient tes chrétiens pour leurs frères défunts. Le formulaire — latin ou grec — en est aussi simple que varié. On leur souhaite la paix de l’âme, la paix au ciel : pax, in pace,έν ειρήνη, PAX TECUM, ειρήνη σοι, PAX TIBI, PAX VOBIS, PAX SPIRITUI tuo, pax in /ETernum, au n· siècle surtout; TE in PACE, tecum pace, m· siècle à Rome; in pacem pax tibi cum angelis, cum Sanctis, iv· siècle; le salut éternel, bonum, 1e bien par excellence : spiritus TUUS 1N bono (S1T, vivat, quiescat), lu· siècle; te rafraîchissement, l'endroit où elle est soulagée, où elle reçoit toutes sortes de consolations : refrigerium, in refrigerio, IN REFRIGERIO esto, spiritus tuus, anima tua in refri­ gerio, SPIRITUM IN REFRIGERIUM SUSCIPIAT DOMINUS, in pacem et REFRIGERIUM, comme substantif; ou bien les dilférentes formes du verbe refrigerare : Deus tibi REFRIGERET, SPIRITUM TUUM REFRIGERET, ύ Θεός άναπαύση τήν ψυχήν σου μετά τών δικαίων, N. ET Ν. REFRIGERETIS. IN BONO REFRIGERES, REFRIGERA CUM SPIrita sancta (spiritibus sanctis), etc., ni· siècle surtout; la lumière, ÆTERNA tibi lux, etc., l'union avec Dieu et avec 1e Christ qui renferme tous les biens : in Domino, in Domino et Jesu Christo, in Domino et pace, III· siècle; ύ κύριος μετά σου, ό Χρίστος μετά του πνεύματός σου; la réception dans 1e séjour des saints et des justes : cum sanctis, inter sanctos, in pace cum SANCTIS, εις εώνα (αιώνα) μετά των άγιων αύτοϋ το ψυχίν (ή ψυχή) έν όνόματι 'Ιησού Χριστού... μετά των δικαίων; ou bien encore la réception dans 1e sein d'Abraham, v· siècle; l'entrée dans 1e repos éternel : SPIRITUS IN BONO, IN PACE, IN DEO QUIESCAT, IN PACE ET IN REQUIE, το πνεύμα σου εις άνάπαυσιν, etc., Ill· et IV' siècles; la vie en Dieu, avec les saints, n· et m· siècles : vivas, vivatis in Deo, in 4;, in spirito (sic) sancto, in pace, IN ÆTERNO, INTER SANCTOS, CUM MARTYRIBUS, IN ÆTERNO. SEMPER IN DEO, ζής ζήσης έν Οεώ, έν βεώ κυρίω Χρειστώ, μετά των άγιων, etc.; le salut, 1e couronnement, la ré­ surrection dans le Christ : Χώση ό θεός τήν ψυχήν υμών, εύχομένην σε θεός στερ(αν)ώσει, RESORGE (resurge) IN Christo; la participation au festin céleste servi par l'amour et la paix, où on se nourrit du poisson symbo­ lique : εις αγάπην, Wilpert, Die Malereien, p. 415. 472, 476, 478; πιε ζήσης, pie zeses. De Rossi, Inscript, christ., 1.1, p. 30; Roma sotterranea, t. n, p. 272; Le Blant. Surcophages de la Gaule, p. 27-28. Pour les références de détails, voir Kirsch, Die Acclamationen, p. 9-29; dom Cabrol et dom Leclercq, Monumenta Ecrlesiæ liturgica, Paris, 1902, t. i, p. ct-cvi, cxxxix, cxi.lx, cl, etc. Toutes ces formules, observait déjà De Rossi, Romasotterranea, t. n, p. 276, équivalent à une véritable supplication pour lesmorls; comme elles remontent aux premiers siècles, elles sont tes exemples les plus anciens et tes plus sim­ ples de la prière pour tes défunts. B. Des souhaits on passe aux prières proprement dites. Ici, même variété que dans tes acclamations. Avant te IVe siècle, ce sont généralement des formules courtes, précises, rappelant parfois 1e style antique ou 463 COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CIIRÉT.) 461· renfermant une réminiscence de quelque texte litur- , ment du m· siècle, publié par De Rossi, Bullett., 1886, p. 52-53; de même, dans l’inscription grecque du u” siè­ gique; plus longues à partir de cette date, elles se rat­ tachent plus directement à d’anciennes liturgies ou con­ cle, Mélanges d'archéologie et d'histoire, t. xv (1895), tiennent des passages de [’Écriture, etc.; aux v· et p. 264, n. 217 : Χαίρετε δ’ οί παρίον-ες κα’ι εύχάς 6εσ6’ ύπ’ερ αυτού, et dans les épitaphes latines du Corpus vi· siècles, les prières disparaissant presque entièrement des monuments. inscript., t. x, n. 3312 : qui legis, ora pro eo; t. ix, a) Les survivants prient pour les morts. On s’adresse n. 6108: TU ROGO, Q(lli) lege(s) ore(s) pro espibitum (= spiritu) eius. Le Blant, Nouveau recueil d’inscrip­ à Dieu, Père et Créateur de toutes choses, au Christ, tions, Paris, 1892, p. 365, n. 317; Iliibner, Inseri/t. ux anges, aux saints ou martyrs en général, aux saints locaux ou enterrés dans le voisinage, à un saint en Hispaniæ christ., Berlin, 1871, n. 218. c) Les défunts eux-mêmes demandent qu’on se sou­ particulier, etc. A Dieu on demande un souvenir efficace, l’aide et la vienne d’eux et qu’on prie pour eux. Comme exemples protection, l’entrée dans la demeure du Christ, la ré­ nous citerons l’inscription grecque d’Abercius, v. 19, ception au ciel, l'admission au nombre des élus, dans voir t. i, col. 57, et surtout deux épitaphes romaines à texte presque identique, qui remontent au milieu le sein d’Abrabam, la préservation des ombres de la du il' siècle, Bullett., 1884-1885, p. 51 sq., 73 sq. ; In­ mort, la lumière du paradis,la paix éternelle, le pardon script. christ., t. n a, p. xxx; Kirsch, Acelamationen, des péchés... Μνησβή αύτοΰ ό θεός (ε)ίς τούς αιώνας, du ni· siècle, Marangoni, Acta S. Victorini, p. 72; p. 51: EUCHARIS EST MATER, Plus ET PATER EST M(t/li)| Corpus inscript, grave., n. 9644; Χ6(Χριστέ) MNHCSH- VOS PRECOR, O FRATRES, ORARE HUC QUANDO VENl(I<’s)l TI|THC AOY|AHC £OY|ZANNAC, Kaufmann, Hand- ET PRECIBUS TOTIS PATREM NATUMQUE ROGATIS SIT VE­ buch, p. 216; set (sic) pater omnipotens, oro. miserere STRAE mentis Agapes carae meminisse | ut deus omnipo­ LAB(ORUM) I) TANTORUM, MISEBE(re) ANIMÆ NON DIG(«a)| tens Agapen in SÆCULA servet. Dans plusieurs monu­ ments moins anciens, les défunts indiquent la raison ferentis, m· siècle, De Rossi, Inscript, christ., t. n a, de leurs demandes : ils se sentent pécheurs et coupables: p. ix; Domine... suscipe animam Bonifati per sanctum Omnes...I oratione orate pr(o) me| peccatore; rogo nomen tuum, iv· siècle, De Rossi, II museo epigraphico Pio-Lateranense, Rome, 1877, p. 122; Domine, ne vos hom|nes qui legitis iiobate pro I me peccatore. Ja­ culius, De Bonuses et Mennæ titulo, p. 14. Parfois les quando|adumbretur spiritus I veneres, au Latran, défunts remercient ceux qui se souviennent d’eux : p. xvn, n. 14; Perret, Catacombes, t. v, pl. xxv, n. 48; Omnipotens j Deus, te deprecor ut paradisum lucis ΕΙΡΗΝΗ ΠΑΡΑΓΟΥΟΙΝ KA(’i)MNHC KOMéNOIC Π€Γ-Ι HMC0N, dit l’inscription d’Alexandre, de l’année 216. PosjsiT videre; Patrem et filium timuit, qui eam su­ Voir t. i, col. 58. Cf. Mélanges, t. xv, pl. i. A Saintscipi (jubent, Corpus inscr. lat., t. v, n. 6218; CY €ΥΔΟΙ MHTHP, CC ΛΙΤΑΖΟΜΕ φωθ ΤΟ ΘΑΝΟΝΤωΝ, Le Hermès, Armellini, Cimiteri, p.188, on lit : Agatiosubd Blant, Inscript, chrét., t. 1, p. 10; dom Cabrol et dom (iacono) | peccatori | miserereds (Deus). Une demiere, Leclercq, Monumenta Ecclesiæ liturgica, Paris, 1902, de Priscille, du temps de Tertullien, termine par la t. i, n. 2S26; (det illis au)TEM Deus et dominus (Je­ prière : petatis... (œtern)uM ut vivat in ævum. Bullett., 1886, p. 52 sq. sus i pace)M ÆTEP.NAi.EM, iu« siècle, BuUett.,1892, p.lôO; C. Les monuments attestent encore d’autres pratiques υτ inter Ei.ECTu(electos), suscipiatur, Le Blant, op. cit., religieuses, destinées à venir en aide aux défunts. а) Nous savons par les Acta S. Cypriani, Ruinarl. t. I, p. 102, n. 80; μνήσΟητι ô Ο(εό)ς τζς δούλης σου ΧρύRalisbonne, 1859, p. 263, qu’on enterrait les morts cum σιοος και δος αύτη χώραν (χώραν) φωτ(ε)ινήν, τόπον άναψΰξεως εις κόλπου; ’Αβραάμ., ’Ισαάκ κ(α'ι) ’Ιακώβ. Kaibel, cereis et scolacibus (cierges et torches)... cum volo et triumpho magno(prières et grand cortege). Uue inscrip­ Inscript. græcæ Sicilies, n. 189. Voir surtout la belle tion du Vatican, Perret, op. cit., t. v, pl. xxxiv, n. 83, at­ prière de l’épitaphe égyptienne de l’année 354. Kauf­ teste qu’une vierge chrétienne a été enterrée ainsi : .1 EN VA­ mann, Handbuch, p. 216; ld., Jenseitsdcnltmâier, RIE BIRGINI I BENEMERENT1 IN | PACE FOTIS DEPOSITA (CU»1 p. 68, etc. votis) ; de même une autre de Palestrina,dalautdel’époAux saints on recommande les âmes; on leur de­ mande de se souvenir d’elles, de prier pour elles, de que de Constantin, .Marucchi, Guida archeologica les assister, de les accueillir dans leurs rangs, de leur dell' antica Prenesle, Home, 1885, p. 150; Nuovo bulprocurer le rafraîchissement du paradis, etc. Cette der­ lelt., 1899. p. 233: me... | luctu venimus interiori de­ nière prière est surtout fréquente au m· siècle. Plus fessi parentes I (et cle>us) I sanctusEPiscopusQ(ue) Ju­ cundus I (et cuncta pl)EUS OBEUNTIA FUNEBRI PERACTA I lard, on demandera encore d’associer le défunt aux (rogat ut luce) at insonti lux almaquæ (sic)celsa... chœurs des anges, etc. : Domina Basii.la, com (mandamus б) L’usage de visiter régulièrement, fréquemment, TIBI, CRES|CENTINUS ET M1C1NA | FlLIA(m) NOSTRA(m) les lieux de sépulture et d’y prier pour les morls, nous CRESCEN(ttnani), ni'-iv· siècle, muséedu Lalràu, p. vm, est attesté, entre autres, par les deux inscriptions prisn. 17, Bulletin, trad, fra nç., 1875, p. 32 ; martyres sancti, cilliennes mentionnées plus haut : Vos precor, o fra­ in mente HAViTE (habete) Maria(di), Corpus inscript, lat., t. v, n. 1636; Paulo filio merenti in pa||cem te tres, orare huc quando VENi(lis), etc. De même, cn priait pour les moris en visitant les tombeaux des saints, SUSCIPlAN(t) OMNIUM 1SP1RI /ΓΛ SANCTORUM, III” Siècle, par exemple, ce pieux pèlerin du m· ou iv» siècle, qui Bulletin, trad. Irani:., 1S75, p. 22; Sancte Laurenti, visitant l’un après l’autre les tombeaux des martyrs à SUSCEPTa(ui) (A)abeto ANlM(ani...), Mommsen, Inscript, Sainl-Callixte, y inscrivit par quatre fois ces belles ac­ regni Neapolitani, n. 6736; (hunc (Placidum) accep)Tt'si clamations : Sofronia ribas cun t(uis) ; Sofronia in HABEAS, AGABITE (sic) SANCTE, ROGAMUS, NuOVO bullell., 1899, p. 233; refrigeri (refrigeret) tibi do|mnus Ippo- Domino ; Sofronia dulcis, semper vives Deo ; Sofronia vibes. De Rossi, Borna solterranea, t. Il, p. 15. litus, SiD(oni), Bulletin, trad, l’ranç., 1882, p. 46; At c) La célébration de l'anniversaire de la mort et tu, Laurenti, martyr levita, Sabinum Lerilam, ange­ licis nunc QUOQue junge choris (Ve siècle). Bullell., 1834, l’oblation du saint sacrifice à cette intention nous sont affirmées par Tertullien, De monogamia, c. ill, P. L., p. 33 sq. b) Les vivants, ne se contentant pas de leurs propres t. il, col. 942 ; De exhortatione castitatis, c. xi, col. 920; De corona, c. m, col. 79; saint Cyprien, Epist., xxxvn, prières, demandent aux visiteurs de prier pour les P. L., t. iv, col. 328; par d’autres Pères, et plus ancien­ morts. Obtenir une prière, c’est là, nous l’avons vu, le nement encore par les Acta Joannis, composés entre but implicite de l’art et de l’épigraphie. Explicitement, on en fait fréquemment la demande. C’est le cas pour 160-170, Acta apostolorum apocrypha, édit. Lipsios et ce fragment d’inscription, au plus tard du commence- 1 Bonnet, Leipzig, 1898, t. i, p. 186 ; par les Canones Hip- /G5 COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITE CURET.) polÿti, édit. Achelis, Berlin, 1891, p. 106. Aujourd'hui on ne peut plus citer comme preuve monumentale de cette pratique le célébré graffito de l'année 373, â Sainte-Priscille, ainsi conçu : tous febr.Icons. Gratiani III et Equiti | Florentinus Fortunatus et | (F'e)nx ad CAUCE(m) benimcs. Bullelt., 1888-1889, pl. vi, vn; 1890, p. 72-80, parce qu'il fait allusion à un usage tout différent. Nuovo bullelt., 1901, p. 100 sq. Karl Michel, Gebet und Bild, p. 77, voudrait voir sur la fresque de la chapelle A2 dite des sacrements « un prêtre qui pour le bien des Ames et leur soulagement offre, selon la coutume, en sacrilice, les éléments de l'eucharistie ». Cette interprétation est fort douteuse. On mentionnera avec plus de raison la chapelle grecque du il· siècle, à Sainte-Priscille, et quelques autres chapelles au ci­ metière Ostrien, d’une date plus récente, qui ont dù servir pour la liturgie des morts. Cf. Bealencyclopâdie (in· proteslantische Théologie und Kirche, 3° édit., t. x (1901), p. 836 sq., 877. L'ne femme gauloise fait un long voyage pour faire la commemoratio de son mari mort dans le nord de l'Italie, Corpus inscript, lat., t. v, n. 2108: ...ma|rtina cara coniux QU(æ) | venit be Gal­ lia PER MANÎS1ONES L UT COMMEMO | RARET MEMORIAM DU (fcis)|(si)Mi mariti | (èene) Qüescas (sic) buLC(issime) I (»ii ηιαι·ί)ΤΕ. Un autre marbre, Le Blant, Nouveau re­ cueil, n. 317, p. 365, porte : ...vixit annos xx... | obiit X CUIUS I COMMEMORAftiO...) VENIT V KAI.(ieissim)|CERTATlMQUE TE­ NENT AiQU(e amplectuntur ovantes). Bullett., 1866, p. 47. Les martyrs, en particulier, ces saints par excellence de la primitive Eglise, sont acclamés par le Sauveur, couronnés par lui et comblés d'honneur. Près de la fresque mentionnée des saints Mare et Marcellien, ou quiescis secura. 470 en voit une autre représentant trois femmes reçues au ciel par le Sauveur assis sur une chaire et les saluant d’un geste. Wilpert, op. cit., p. 487-488, pl. 124. Le martyre est leur grand mérite, comme le dit l'inscrip­ tion du consul martyr Liberalis, De Rossi, Inscript, christ., t. il a, p. 104, n. 38; Bullett., 1888-1889, p. 26, n. 54 : Quamvis patricio clarus de germine consul I inlustres trabeas nobilitate tuas | plus tamen ad meritum crescit quod morte beata | martyris effuso sanguine nomen habes. En donnant leur sang, ils gagnent la couronne : sanguine quod proprio Christi meruere coronas, sanguine proprio mercanles præmia vilæ. Him, op. cit., p. 50, n. 47; p. 59, n. 58. Sur un marbre au tombeau de saint Janvier, à Naples, on lisait, Garrucci, Storia dell' arte, t. Il, p. 10'3 : (Fauste feliciter « quo l'on invoque pour s’assu­ rer sa protection : εις την τοΰ οικείου προστάτου κ»τχφυγών άντίληψιν. Mélanges, 1895, ρ. 265, η. 2. Les anges exercent également leur influence en faveur des hommes. Ils prient avec eux, présentent leurs sup­ plications à Dieu, leur viennent en aide dans les ten­ tations, dans la lutte contre les mauvais anges, dans l'accomplissement du bien, se réjouissent de leurs suc­ cès, etc. Au tv· siècle, la croyance â l’ange gardien de­ vient générale. L’art chrétien exprime ce rôle de pro­ tecteur entre autres dans certaines scènes de l’adora­ tion des mages, ou ces derniers sont conduits par un esprit céleste, par exemple, sur un bas-relief africain du ίν· siècle, Bullett., 1884-1885, pl. il ; sur une agrafe de provenance romaine. Forcer, Die frühchrisll. Altertiimer aus dent Grüberfelde von Achmim-Panopolis, Strasbourg. 1893, p. 7, pl. xm, n. 4; sur le couvercle d’un sarcopl.·milanais. Garrucci, pl. 329; Bullett., 1866, p. 24. Sur une miniature du célèbre manuscrit de la Genèse, à Vienne, du v' siècle au plus tard, Kaufmann, Handbuch, p. 475, on voit l'ange gar­ dien escortant Joseph au moment ou il se rend d'Hé­ bron à Dothaïn. L’ange protégeant les enfants dans la fournaise ardente, Daniel, ni, 49, se voit sur trois lampes publiées par Garrucci, pl. 457; Kraus, Ges­ chichte der chrisll. Kunst, I. i, p. 142; Führer, Sicilia setter., p. 854, et sur le sarcophage de Junius Bassus, Grisar, Geschichte der Stadt Boni und der Pâpslc ini Mittelaller, t. i (1901), p. 433; sur un ivoire, Garrucci, pl. 421, il éteint le feu. Dom Cabrol, Dictionnaire d'ar­ chéologie, t. I, col. 2143 sq., parle d’une inscription ante­ rieure à Constantin trouvée à Mélos qui prouve la croyance à un ange gardien des tombeaux. Dans une autre un peu plus récente, on recommande de placer son espérance dans la puissance de la croix et des saints anges. Ibid., col. 2086. b) Mais c'est surtout pour le moment de la mort et du jugement que les premiers chrétiens attribuaient une grande inlluence aux habitants du ciel. A en juger d’après les monuments très explicites à ce sujet en rai­ son de leur caractère funéraire, les saints du paradis accueillent l’âme au sortir de la vie — de là des prières nombreuses dans ce sens, voir col. 478 — la présentent au divin juge, la lui recommandent, ré­ pondent d’elle devant Dieu, plaident sa cause, font valoir leurs propres mérites en sa faveur. Ce rôle des saints ressort, dans les monuments artistiques, du geste des mains, de l'attitude du corps, de l'ensemble de la composition, etc. Tantôt les sainls qui interviennent sont indéterminés au nombre de 2, 4, etc., par exemple, à la chapelle A2 à Saint-Callixte, tin du n· siècle, à Domitille et à Saints-Pierre et Marcellin, de la lin du lit·; tantôt ce sont des saints célèbres enterrés dans le voisinage, par exemple, saints Prote et Hyacinthe, â m COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CIIRÉT.) Saint-Hermès, on d’antres saints désignés nommément. Parfois on rencontre le collège apostolique, comme à Domitille, ou seulement les deux chefs Pierre et Paul, à Syracuse et ailleurs. Pour le détail, voir Wilpert, op. cil., p. 394-409. Sur un sarcophage de Pise, Bemie ar­ chéologique, 1877, l. n, p. 358, pl. XXiv, on a vu avec raison le chœur des vierges du ciel allant à la ren­ contre de la défunte que deux d'entre elles recommandentau bon Pasteur, pour qu'il la reçoive dans son troupeau mystique. Wilpert, Jungfrauen, p. 81, 82. Des scènes indiquant plutôt le moment de la recom­ mandation se voient encore â Commodille et sur un sarcophage de Cahors. Nuovo bulled., 1904, p. 143; Le Blant, Sarcophages de la Gaule, p. 71 sq. A leur tour les textes épigraphiques nous font voir le chrétien, rempli de confiance en ce rôle des saints, attendre en sécurité le jour du jugement : Hic DalΜΛΤΑ CB'ISTI MORTE REDEM | TUS QUIISCET (sic) IN PaJCEET DIEM FUTURI 1ÜUICH INTERCEDE . NTIBUS SANCTIS 1. EILS SPECTIT. Le Blant, Jnscript. chrétiennes, t. it, p. 498. Il se sent protégé par les saints, ses patrons, il compte sur leurs mérites. Les saints plaident sa cause devant Dieu et le Christ comme les avocats devant les juges, voir t. i, col. 2018, et font valoir leurs propres mérites: ...SED MARTER (—martyr) BaUDELIUS PER PASSIONIS DIE (ni) Domino dulcem suum commendat alumnum, dit un marbre du vi” siècle. Le Blant. op.cit.,t. n, p. 596, n. 708. Dans ces conditions, le jugement doit être favorable. De fait, dans plusieurs scènes de jugement, Wilpert, op. cit., p. 405, etc., l’âme parait déjà entrée dans le paradis. Par contre, sur d’autres représentations, le rôle des saints est plutôt celui d'assesseurs, par exem­ ple, Wilpert, op. cit., p. 399, n. 5, 6. Pour les apôtres, ce rôle est fondé sur l’Écriture, Matlh., xix, 28; pour les martyrs, il est attesté, dès le ni” siècle,par exemple, par Origène, Exhort, ad martyrium, c. xxvill, P. G., t. xi, col. 613 sq., et saint Cyprien, Epist., vi, édit., llartel, t. n, p. 481, qui le prouve en leur appliquant les paroles de la Sagesse, m, 4-8. Les anges interviennent aussi à la mort de l'homme: ils recueillent les âmes séparées descorps, les escortent, les transportent au lieu de leur destination finale. Ce rôle des anges psychagogues, signalé par l’Écriture, Luc., xvi, 22, et affirmé également par saint Justin, Apol., I, 6; la Passio S. Perpetuæ, saint Éphrem, Consi­ dération sur la mort, c. I; Conimodicn, Carmen apolug., vs. 967 sq., trouve son écho dans les monuments anciens. Sur un petit bronze relevé en bosse, un ange ailé descend du ciel et passe la main au martyr saint Vital, enterré dans une fosse. Bulletin, trad, franç., 4872, pl. n, η. I. Sur un ivoire du British Museum, Cabrol, Diet, d’archéologie, t. i, col. 426, lig. 72, un ange intervient dans le martyre de saint.Ménas et reçoit, les mains voilées, l'âme du soldat décapité. Une in­ scription de l'année 409, Le Blant, Sarcophages de la cille d'Arles, Introd.,p. xxm, porte la prière: O 0€OC... MNHC0HTI... THC ΔΟΥΛΗΟ COY... KAI ΤΑΥΤΗΝ ΚΑΤΑΞίωΟΟΝ KATACKHNQCe ΔΙΑ ΤΟΥ ΑΓΙΟΥ και ΦωτΑΓωτογ | αρχανγ«λου μιχαηλ | «ic KOAJTOYC ΤωΝ ΑΓίωΝ ΠΑΤίΡωΝ ΑΒΡΑΑΜ κ-λ. Sur deux autres, dont l'une est de 310, on lit : ... ACCERsitls ab angelis, Cabrol, Diet, d’archéologie, t. i, col. 2125; Ile Jlossi, Inscr. christ., t. 1, p. 31, n. 31; sur une troisième, de Sainte-Cyriaque, également du TV* siècle: γ)λρτλ ab ange(/îs). Marucchi, Éléments, L n, p. 233. Une mosaïque absidale à Ravenne montre deux anges ailés et nimbés présentant le donateur Ecclesius et le martyr Vital au Christ, pour être cou­ ronnés par lui. Garrucci, op.cit., pl. 258-264. < L’inlluence des saints s'étend encore plus loin. Ils introduisent l'âme au paradis, lui en ouvrent les portes, pr-nnent part à son couronnement, la reçoivent dans Lurcompagnie,pouryjouiràjamais du bonheurcéleste. 474 Dans les représentations artistiques, il n’est pas toujours facile de distinguer les scènes d'introduction et de ré­ ception d'avec certaines scènes du jugement. Kaufmann, Handbuch, p. 421 sq. Toutefois le sens du plus grand nombre parait aussi clair que celui des monuments épigraphiques, dont nous parlerons plus loin. Tantôt un seul saint remplit les fonctions indiquées. A la catacombe de Sain t-Gaudiosus, à Naples, Petrus introduit Pascentius, Garrucci, pl. 100, n. 2; cf. Bullett., 1887, p. 122; â Saint-Janvier, Paulus conduit l'âme de LAURE(ntius) au paradis symbolisé par un pilier ou un montant de porte. Garrucci, pl. 100, η. 1. A Domitille, Petronella martyr introduit Veneranda. Wilpert, op. cit., p. 466; cf. p. 468, n. 7,8. Tantôt plusieurs saints prennent part à la réception. A Sainte-Cyriaque, sur la tombe d’une vierge consacrée, deux saints retirent un voile pour laisser entrer la défunte in thalamum sponsi cxlestis. Wilpert, op. cit., p. 467. Un sujet semblable se voit à Syracuse. Führer, op. cit., p. 768. Ailleurs les princes des apôtres interviennent soit seuls, soit réunis â d’autres saints. Garrucci, pl. 381, n. 4 ; pl. 105, n. 1. Füh­ rer, op. cil., p. 764-765, cite une fresque ou la défunte va recevoir la couronne des mains du Christ assisté de Pierre et de Paul. Pareilles scènes sont très fréquentes sur les sarcophages. Voir Le Blant, etc., tables. On les trouve même gravées à la pointe sur des épitaphes, par exemple, sur un marbre de la fin du ni” siècle au cime­ tière Ostrien. Bulletin, trad, franc., 1880, pl. m. Les monuments font aussi connaître la joie qui régne au ciel â l'arrivée des nouveaux élus, par exemple, l’ins­ cription du petit Magus, voir col. 468, ou bien celle d’un chrétien gaulois, dont il est dit :... quem nemus ÆLYSIUM MARINUM CONCLAMAT OMNE. Le Blant, Op. cil., t. n, p. 90, n. 421. Sur des tuiles qui ferment un locu­ lus, à Priscille, Bullett., 1892. p. 108, pl. m, n. 1, on voit le dessin d'une mère de famille reçue aifectueusement et acclamée joyeusement par ses enfants qui l'ont précédée dans l’éternité. Sur un sarcophage gau­ lois, Le Blant, Sarcophages de la Gaule, p. 32, pl. x, deux saints apôtres, qui accostent le cartouche central avec l’inscription du défunt Concordius, montrent par leurs gestes caractéristiques qu'ils acclament le défunt â son entrée dans le ciel, ou dans la SIDEREA omnipo­ tentis alla, comme l'appelle l'épitaphe. Enfin, monuments el textes en grand nombre mon­ trent l’âme en possession assurée du ciel, prenant part à toutes ses joies, en compagnie des saints et des élus. Voir Art chrétien, t. i, col. 2019-2021, et Épigraphie chrétienne. Sur une fresque du ill” siècle, nous la voyons même aidée par les saints dans ses prières pour ceux qu’elle a laissés sur terre. Wilpert, op.cit.,p. 465. d) Les martyrs et les saints sont censés résider aussi, du moins d’une certaine manière, dans leurs tombeaux, dan-s les sanctuaires qui renferment de leurs reliques ou rappellent leur souvenir. Ihm, op. cit., p. 31, n. 26; p. 36, n. 37 ; S. Jérôme, Contra Vigilantium, n. 5. 6, P. L., t. xxiil, col. 343, 344. Lâ aussi ils exercent une influence salutaire en faveur des vivants et des tnorls. Voir Culte des saints et des reliques. Signalons à ce sujet une double croyance. La pre­ mière se rapporte au patronage des villes. Chez les païens, les villes et bourgades avaient leurs divinités tutélaires. Au IV” siècle, les chrétiens y substituèrent des saints et des martyrs, surtout ceux dont on possé­ dait le tombeau ou les reliques : ils en attendaient une protection aussi efficace que variée. S. Maxime, Homil. in natal. SS. Taurin., Bibliotheca maxima Patrum, t. vi, p. 41 ; S. Ambroise, Epist., xxn, 11 de l’année 386), P. L., t. xvi, col. 10J2, 1023; S. Paulin de Noie, Carm., xm, 26, P. L., t. LXl, col. 464. Théodoret, De cur. affection, græc., disp. Vlli, édit. Schulze, t. iv, p. 902; P. G., t.LXXXin, col. 1021,1031 sq.; et d’autres ont donné à cette croyance l’autoritéde leur parole. Prudence, COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CHRÉT.) MS Peristeph. hym.,nw, 1-4, P. L., t. lx, col. 580, célèbre le tombeau de sainte Agnès comme la citadelle, la forte­ resse de Rome. D’après une inscription de son oratoire, Bulled., 1884-1885, p. 157 sq., pl. χι-xn, sainte Félicité est la patronne de Rome : Felicitas cultrix Romanorum. En Afrique, les bienheureux martyrs prennent soin des forteresses, comme le démontre une inscription du Cor­ pus inscripl. lal., t. vm, n. 5352; Le Blant, op. cit., t. n, p. 221,(5) : Pathici Solomon(îs) iNSTi(tu)Tios(eni) NEMO EXPUGNARE VALEVIT (sic) | DEFENSIO MARTlR(um) Posticius ipse | Clemens et Vincentius marriR(es) cusTOD(iunt) in(Z)roitum ipsu(ni). Du haut du ciel, le saint évêque Pantagathe protège la ville de Vienne :qui sit præsidium celsa Vienna tibi. Le Blant, op. cit., t. n, p. 102, n. 429. En construisant une église pour y déposer des reliques de martyrs, le prêtre Sil­ vius d'Ivrée place sous leur sauvegarde son âme, ses restes et sa patrie Hoc proprio sumptu divino mu­ tuet(m)r nere dignus I ÆDIF1CAVIT OPUS SANCTORUM PIGNORA CON­ DENS I PRÆSID1O MAGNO PATRIAM POPULUMQUE FIDELEM | munivit tantis firmans custodibus urbem. Gazzera, Iscrizioni cristiane antiche del Piemonte, Turin, 1849, p. 80. La seconde croyance a, dans la seconde moitié du ni’ siècle, donné naissance à l'usage très répandu en­ suite de placer la sépulture des /idèles à proximité des corps saints, soit dans les cacacombes, soit dans les cimetières supérieurs, soit dans les oratoires ou églises proprement dites. Les endroits proches d’un tombeau de martyr étaient sanctifiés par ce voisinage, talé sepulCIIRUM SANCTA BEATORUM MERITO VICINIA PRÆSTAT, dit une inscription d’Aquilée, Corpus inscripl. lat., t. v, n. 1678, et, d’après saint Ambroise et saint Chrysostome, regardés comme une source de grâces et île bénédic­ tions. Par ce rapprochement on croyait participer en quelque sorte aux mérites du saint, ressusciter avec lui, RESURRECTURUS cum | Sanctis, Le Blant, op. cil., I. I, n. 419; Hûbner, op. cit·, n. 258; se présenter avec plus de confiance au tribunal du juge divin en sa com­ pagnie et un peu comme son client : (sic protectfrus ERIT IUVEN1S — il s’agit d’un certain Cinegius, de Noie — sub iudice Christo | (cum tuba terri)Bii.ts sonitu concusserit orbem | (humanæque ani)»t£ rursum in sua vasa redibunt | (felici merito) mc sociabitur ante m(bunal) interea in gremio Abraham cumpace quie­ scit. Corpus inscript. lat., t. x, n. 1370; Bulletin, trad, franç., 1875, p. 34. Une inscription de Verceil, Bruzza, Iscrizioni antiche Vercellesi, Rome, 1872, p. 319, n.135; Bulletin, trad, franç., 1875, p. 35, porte : In ΧΙΌ VIVENS AUXILIANTE LOCO | Na(î)ARIUS NAMQUE PARI­ TER Victorque beati Lateribus tutum reddunt meri­ tisque CORONANT. I 0 FELIX GEMINO MERUIT QUI MARTYRE duci I ad Deum Mi:i.ion(e) via requiemque mereri, — La présence du martyr.croyait-on,mettait le défunt â l'abri des attaques du démon et le protégeait contre l’enfer el ses tourments : Funere perfunctum sanctis COMMENDO TUENDUM | UT CUM FLAMMA VORAX VENIET COMBURERE TERRAS | CŒTIBUS SANCTORUM MERITO SOCIA­ resurgam. Hiibner, op. cit., n. 158. Sur un marbre publié par Le Blant, op. cit., t. I, p. 396, n. 293, il est dit du sous-diacre Ursinius de Trêves : qui TUS MERUIT SANCTORUM SOCIARI SEPULCRl(s) I QUEM NEC TAR­ TARUS FURIENS NEC PtENA SÆVA NOCEBl(i). Leur sang enlin devait laver les souillures de ceux qui reposaient auprès d’eux. C’est ce que nous apprenons par saint Paulin de Noie, Be obitu Celsi pueri, v. 607-611, P. L., t. xi, coi. 689. Celse a été enterré près des mar­ tyrs : ut de vicino sanctorum sanguine ducat quo nostras illo purget in igne animas. Porte etenim nobis quoque peccatoribus olim sanguinis hæc nostri guttula lumen erit. Satyrus fut enterré également dans le voisinage d’un martyr, et son frère saint Ambroise lui consacra l’épitaphe suivante, Grutcr, Inscript, antiqua:. 476 Heidelberg, 1601,p. 1167, n.2 : Uranio Satyro supremum frater honorem | martyris ad lævam detulit Ambra· si us I hæc meriti merces, ut sacri sanguinis humor | finitimas penetrans abluit exuvias. Les chrétiens moins éclairés voyaient dans ce contact matériel un moyen infaillible d’assurer leur salut. De là des abus assez fréquents, même des superstitions, contre lesquelles la vraie doctrine a été précisée non seulement par les Pères, tels que saint Augustin, mais encore par les monuments, par exemple, cette inscrip­ tion du diacre romain Sabinus, De Rossi, Bullett., 1864, p. 33.34; trad, franç., 1875, p. 28: (n)lL Iüvat, immo GRAVAT TUMULIS IIÆRERF. PIORUM | SANCTORUM MERITIS OPTIMA-VITA PROPE EST | (cO)RPOBE NON OPUS EST ANIMA TENDAMUS AD ILLAS | ( ntionnent un proscynème à saint Michel (de date incer­ taine). Corpus inscript, grise., n. 8911. Fr. Cumont, ibid., p. 273, a publié pour Milet un texte de date non fixée, Corpus inscript, græc., n. 2895, qui renferme une invocation aux archanges. On adresse une prière aux anges sur un marbre opistographe du musée de Bucarest qui ne serait pas postérieur au li'siècle. D. Cabrol, op.cit., t. i, col. 1816. D’autres inscriptions dans Bayet, De titulis Atlicæ, p. 51. Un anneau d’argent trouvé à Achmiin en Égypte, Forcer, Die frühchrisllichen Alterhimer, p. 7, pl. xm, n. 6, du ν'-vi' siècle, porte l’image de saint Michel avec la légende : ΑΡΧΑΓΓΕΛΕ ΒΟΗΘΙ ΔΟΥΛΑΕ (sic). Un ivoire magnifique souvent reproduit, du com­ mencement du iv« siècle, Kaufmann, Handbuch, p. 417, aujourd’hui au British Museum, représente une belle image de saint Michel et au-dessus une inscription por­ tant celte prière : ΔΕΧΟΥ ΠΑΡΟΝΤΑ | ΚΑΙ ΜΑΘΟΝ ΤΗΝ ΑΙΤΙΑΝ. Nous pourrions encore relever d’autres preuves qui, analogues aux précédentes et d’accord avec elles, don­ nent à ces mots du symbole : Credo ...sanctorum com­ munionem, le même sens que l'Eglise, en attestant celte union de vie spirituelle et surnaturelle qui existe entre les membres des trois Eglises et comporte un échange de mérites el de suffrages, etc., qui fait qu'on donne el qu’on reçoit, qu’on reçoit et qu’on rend, qu’on demande et qu'on accepte. Au IV· siècle, d'après les preuves monu­ mentales, la doctrine de la communion des saints est à peu près aussi complète qu’aujourd'hui. Dans ce qui précède, nous avons surtout utilisé les monuments de Home, de cette Eglise mère, qui a si souvent inspiré les autres, parce qu’ils sont en plus grand nombre el d'une plus haute antiquité. Vu leur origine et leur caractère, iis reproduisent non seulement les croyances officielles, mais surtout celles du peuple et par là même out une plus grande importance. Wolter, Die rômischen Katakomben uni! Hire Bedeutung fi'tr die kalholische Lehre von der Kirche, Francfort-sur-Main, I860; Tourret, Étude épigraphique sur un traité de saint Au­ gustin, dons la Revue archéologique, 1878, t. i, p. 140-155, 28)298 ; E. Revillout, Les prières pour les morts dans l'épigraphie égyptienne, dans la Revue égyptologique, 1885, p. 1-54; De Wuat, H simbolo apostolico illustrato dalle iscrizioni dei primi secoli, Rome. 1896, p. 48-59; Arthur Loth, La prière pour les morts dans l’antiquité chrétienne, dans la Revue angloromaine, t. 1(1896), p. 241-254; Kirsch. Die Acclamation™ und Gebete der ollchristlichen Grabschri/len, Cologne, 1897 ; Id., Les acclamations des épitaphes chrétiennes de l'antiquité et les prières liturgiques pour les défunts, dans le Compte rendu du IV· congrès scientifique international des catholiques tenu à Fribourg (Suisse), Fribourg (Suisse), 1898, x· section, p. 113122; Id., Die Lettre von der Gemeinschaft der Heiligen im christl. Alterlum, dans Forschungen zur christl. Literaturund Dogmengeschichte, Mayence, I960,1.1, fasc. 1, p. 33-35.5558,96-98,110-115,173-178 ; Kaufmann, Die sepulkralen Jenseitsdenkmàler der Anlike und des Urchristentums, Mayence, 1900, p. 41-177 ; Id., Die altchristl. Vorstellung nom himmlischen Paradiese nach den Denkmiilern, dans Der Katholik, 1897, t. Il, p. 1-20; Wilpert, Fin Cyklus christologischer Gemiitde aus der Kntakombe der heil. Petrus und Marc-llinus. Fribourg-en-Brisgau, 1891, p. 30-50; Id., Die Malereien der Katakomben Roms, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 324-505; II. Maruccbl, Éléments d'archéologie chrétienne, Paris-Reine, 1900, t. ), p. 185-196; M. Morawski, Sur la communion des saints, Cracovie, 1899, mentionné dans le Commentari us authen­ ticus convent, ait. de archeologia Christiana, Rome, 1900, 480 p. 158; Der Katholik, 1899, t. n, p. 385-400; J. Bilczeroskiego. Archeologia chrzeSciaiiska wobec historyi koSciola i dogmata (en polonais). Cracovie,'1890: Karl Michel, Gebet and Bild in frühchristlicher Zeit, dans Studien über christl. Denkmàler, de J. Ficker, nouvelle série, fasc. 1. Leipzig, 1902; dom Cabrol el dom Leclercq. Monumenta Kcclesiæ lilurgica, Paris, 1902, t. 1, p. XCU-Ct-Xlt, Γ-103', 154’-190': G. Rabeau. Le culte des suints dans ΓAfrique chrétienne d’après les inscriptions et les monuments figurés, Paris, 1903; E. Lucius, Die Anfdnge des Heiligcnkults in der chrisllichen Kirche, édit. G. Anrich, Tubingue, 1904. R.-S. Bot’R. Après avoir exposé : 1° la doctrine générale concernant la commu­ nion, on traitera spécialement : 2° de la communion fréquente; 3’ de la communion sous les deux espèces; 4° de la communion spirituelle. 3. COMMUNION EUCHARISTIQUE. I. COMMUNION EUCHARISTIQUE. DOCTRINE GÉNÉ­ Définition. IL Nécessité. HL Ministre. IV. Administration. V. Sujet. VI. Dispositions. VIL Effets. I. Définition. — 4» D’une façon générale, communier, c’est recevoir le sacrement de l'eucharistie. D'après les Pères, dit le concile de Trente, sess. Xlll, c. vm, ce sacrement peut être reçu de différentes manières : 1. D’une façon purement sacramentelle, par un sujet d’ailleurs apte à percevoir les fruits du sacrement, mais dépourvu de quelque disposition nécessaire à cet effet; si le manque de disposition est imputable au sujet, la communion sera indigne; s’il n'est pas imputable, elle sera simplement non fructueuse; 2. d'une façon pure­ ment spirituelle; c’est le cas de ceux qui ont le désir de manger de ce pain céleste, si ce désir est accompa­ gné d’une foi vive et animée par la charité; 3. d'une façon à la fois sacramentelle et spirituelle, comme font ceux qui s'approchent de la sainte table en état de grâce sanctifiante. Nous n'avons pas à traiter ici de la communion de désir ou communion spirituelle, voir ce mot; reste la communion sacramentelle ou communion eucharistique proprement dite qui, fructueuse ou non, consiste à recevoir réellement l'eucharistie, autrement dit à manger ou à boire les espèces consacrées, confor­ mément aux paroles de Jésus-Christ. Matlh.. xxvi, 26 sq. De cette manducation, résulte une certaine union entre Jésus-Christ et le fidèle qui le reçoit; de là, le nom de communion. 2" Mais quand cetle manducation a-t-elle lieu? Est-ce dans la bouche du communiant, ou au moment de la déglutition des espèces, ou seulement à l'instant ou les espèces perdent leur consécration? En matière d'insti­ tution des sacrements, il est de règle de prendre les mots dans leur acception courante; or, communément, on ne considère les aliments comme mangés que lorsqu’ils ont été avalés. Sans doute, on dit que l’on mange les aliments alors qu’ils, sont encore dans la bouche, mais si, à ce moment, on les rejetait, on ne dirait pas qu'ils ont été mangés et celui qui n'aurait pas pris d'autre nourriture serait regardé comme étant à jeun. Cf. de Lugo, De venerabili eucharistiæ sacramento, disp. XII, n. 28. On ne peut donc admettre, ce semble, l'opinion rapportée par Génicot, Theologiæ moralis institutiones, 4e édit., t. Il, d’après laquelle il y aurait manducation du corps du Christ, si les saintes espèces demeuraient dans la bouche du communiant jusqu'à leur dénaturation totale, car alors l'effet du sacrement se produirait avant ce qui, dans le langage courant, constitue la manducation proprement dite. Or, JésusChrist affirme expressément, Joa., VI, 58 : Qui manducat me el ipse vivet propter me. En tout cas. il faut s'en tenir à la pratique des fidèles et, comme l’enseigne saint Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, n. 226, 2", ne pas retenir les saintes espèces dans la bouche jusqu'à leur consommation totale. C'est pourquoi l’Église permet d'aider ceux qui ne peuvent pas av; 1er le pain sacré en RALE. — 1. 4SI COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) leur donnant un peu d'eau ou de vin. S. Alphonse, I. VI, n. 288, 5". On a discuté également le cas de ceux qui ne peuvent prendre de nourriture que par un orifice stomacal artificiel, cf. Génicot, loc. cil., et l’on admet généralement qu’ils pourraient être communies ainsi utilement el licitement en cas de nécessité (pour le viatique). Le mode normal de manducation par la bouche est en réalité accidentel ; l'essentiel est que les aliments parviennent dans l’estomac. 3° Il est naturel de considérer la manducation de l’eucharistie comme se continuant dans l’estomac jus­ qu'à ce que les espèces aient perdu leur consécration. Les médecins de notre époque pensent que, chez les personnes bien portantes, la durée de ce délai n’est pas inférieure à une demi-heure et qu'elle peut être de deux à trois heures chez ceux qui sont atteints de quelque affection gastrique; mais il est vraisemblable qu’un temps moindre suffit si les espèces viennent à se mélanger avec d’autres aliments. Voir A. Vacant, dans L' universi lé catholique, décembre 1893; P. Gasparri, 7’racialist canonicus de sanctissima eucharistia, η. 1191, Paris, 1897, t. Il, p. 407-108. Lie là une triple conclu­ sion : 1. Il arrive souvent que les saintes espèces n'ont pas encore disparu lorsqu’on prend de la nourriture après avoir communié; néanmoins il y aurait irrévé­ rence envers le sacrement si l’on n'attendait pas un certain temps, par exemple, un quart d'heure, à moins de raison sérieuse. 2. A plus forte raison, après avoir communié, on doit s'abstenir de cracher tant que l'hostie n’a pas été complètement avalée. 3. Les per­ sonnes qui pratiquent le lavage de l’estomac doivent attendre de deux à trois heures après la communion, de peur que des parties non décomposées de l'hostie ne soient entraînées avec le lavage altéré. 11. NÉCESSITÉ. — 1» La communion n’est pas néces­ saire de nécessité de moyen pour le salut. — Ce point de doctrine est établi par les définitions du concile de Trente, par l'enseignement des Péixs et par le raison­ nement théologique. 1. Dans sa session XIV, can. 2, le concile de Trente définit que le sacrement de pénitence est une seconde planche de salut après le baptême. On est donc égale­ ment sauvé si l’on meurt avec la grâce baptismale ou si, après avoir péché gravement, on a reçu l’absolution sacramentelle. 11 n’est nullement question ici de l'eu­ charistie; elle n’est donc pas un moyen nécessaire de std.it. Aussi, le même concile, traitant de la communion des enfants, déclare, sess. XXI, can. 4, qu’elle n'est nullement nécessaire avant l’àge de discrétion, et il en donne, c. IV, cette raison qu avant cet âge ils ne peuvent pas perdre la grâce baptismale qui a fait d eux des en­ fants de Dieu et des membres vivants du corps du Christ. En d'autres termes, l'eucharistie est nécessaire aux adultes pour conserver la grâce, mais sans l’eucha­ ristie on peut recevoir Ta"~gT5ciTet par suite être sauvé. 2. Autrefois, l'on communiait les enfants aussitôt après leur baptême (voir col. 495), mais, ajoute le concile de Trente, sess. XXI, c. tv, cette pratique, fondée sur des raisons plausibles au temps où elle était en vigueur, n'avait nullement été dictée aux saints évêques des pre­ miers siècles par la croyance que l’eucharistie soit né­ cessaire pour le salut. De fait, les témoignages abondent en preuve de la suffisance du baptême. Ainsi, saint Augustin, De peccatorum meritis el remissione, I. 1, c. xxviii, η. 46, J’. L., t. xi.iv, col. 179, affirme catégori­ quement que, si un néophyte meurt aussitôt après son baptême, il n’a plus rien à payer à la justice de Dieu, ni de retard à subir avant d'entrer dans le royaume des cieux. Voir t. n, col. 201. .Mais alors comment se fait-il que le même saint Augustin, Contra Julian., I. J, c. iv, n. 13. P. L., t. xi.vi, col. 648, où il s’appuie sur l’ensei-nement du pape Innocent l'r; Contra duos epist. pe­ lagian., L H,c. iv, P. L., t. xliv, col. 516, etc., et d’autres D1CT. DE TIIÉOL. CATI1UL. 482 Pères avec lui, Innocent I", Epist., xxx, ad Milevitanuni, n. 5, P. L.,t. xx, col. 592; S. Gélase l··, Epist., vu. ad episc. in Piceno, P. L., t. lix, col. 37, s’appuyant sur les paroles de Jésus-Christ, Joa., vi, 54, affir­ ment que les entants ne sauraient avoir la vie en eux s’ils ne mangeaient pas la chair du Eils de l'homme? C’est que ces Pères avaient à réfuter les pélagiens qui distinguaient entre le royaume des cieux auquel l'en­ tant avait droit même avant d'être baptisé et la vie éter­ nelle où il ne pouvait être admis qu’après avoir reçu l’eucharistie. Le raisonnement opposé à ces hérétiques était le suivant : D'après les paroles de Jésus Christ, on ne peut avoir la vie qu'en mangeant sa chair, c'est-àdire en s'unissant à lui, comme les membres sont unis au corps. Or, en vertu du baptême, les enfants de­ viennent les véritables membres du corps du Christ. Donc ils ont droit à la vie éternelle. Il ne faut pas douter, dit saint Eulgence, P. L., t. lxv, col. 124, que tout fidèle participe au corps et au sang du Seigneur en devenant membre de son corps par le baptême, et que, s’il meurt avant d'avoir mangé ce pain el bu ce calice, il sera, en quittant ce monde, membre du corps du Christ. Cf. S. Augustin, In Joa., tr. XXVI, n. 15 sq., P. L., t. xxxv, col. 1614; De peccatorum meritis et remissione, 1. Ill, c. tv, η. 8, P. L., I. XLtv, col. I9U; Innocent 1er, loc. cil.; S. Eulgence, Epist., xn. cul /er­ randum, n. 24 sq., P. L., t. lxv, col. 390 sq. Il n’était donc pas besoin d'imaginer, comme l'a lait Rosmini, que les enfants qui meurent avant d’avoir communié reçoivent miraculeusement au moment de leur mort le corps et le sang du Christ. Cette proposition a été con­ damnée par la S. C. de l’inquisition, le 14 décembre 1887. Denzinger, n. 1767. Du reste, la parole de NotreSeigneur n’affirme pas cette nécessité de moyen. NotreSeigneur proclame seulement la nécessité de l'eucha­ ristie, biais il ne le Tait pas ëü termes" universels. ÏTaTTleurs',· râccôinpïissemenï du précepte supposeTlès conditions subjectives qui ne sont pas exprimées ici; il faut avoir la vie, et il faut recevoir dignement l’eucha­ ristie. Calmes, L’Évangile selon S. Jean, Paris, 1904, p. 257. Cl. A. Loisy. Le quatrième Évangile, Paris, 1903, p. 460-461. Enfin, Notre-Seigneur n'avait-il pas dit que celui qui croit au Eils a la vie éternelle? Joa., vi, 40,47. Selon son enseignement, il nëst donc pas nécessaire de communier pour avoir la vie éternelle, s’il suffit de croire en lui pour s'assurer la vie. P. Batiffol, Éludes d’histoire et de théologie positive, 2e série, Paris, 1905, p. 93. 3. Enfin, la raison théologique dit que. pour être sauvé, il suffit d’être en état de grâce. Or. l'eucharistie, en sa qualité d’aliment de la vie surnaturelle, ne donne point cette vie. mais au contraire elle la suppose chez le communiant. Donc, on peut être sauvé sans avoir reçu l'eucharistie. Mais du moins ce sacrement n'est-il pas nécessaire pour persévérer dans la grâce? Non. si l'on veut dire par là que l'eucharistie confère la grâce de la persévérance finale, car cette grâce est un secours divin spécial auquel aucun sacrement ne donne droit. Non encore, absolument parlant, s'il est question des grâces nécessaires pour persévérer, car on peut les obte­ nir par d'autres moyens, par exemple par la prière. Autrement, celui qui serait dans l'impossibilité de communier serait irrémédiablement perdu, ce que per­ sonne ne peut soutenir. Cf. de Lugo, disp. Ill, sect. i. 2“ La communion est en quelque sorte nécessaire aux adultes pour persévérer dans la grâce. — Toute­ fois, si avec saint Bonaventure. In IV Sent., dist. XVIII, p. t, a. 2, q. iv, on appelle nécessaire au salut non seu­ lement les moyens indispensables pour obtenir la grâce première, mais aussi les moyens requis pour conserver celle grâce, l’eucharistie rentre dans celte derniere catégorie et elle y lient la première place. En effet, Jésus-Christ le déclare, Joa., vi, 54 : Si vous ne man1U. - 16 483 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) get la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez pas la vie en vous, c’est-à-dire vous ne persévérerez pas longtemps dans l'état de vie surnaturelle. L'eucharistie est une nourriture qui ne donne pas la vie, mais qui l’entretient et la développe. De même, le signe sacramentel de l'eucharistie montre qu'elle est essentiellement un aliment spirituel, un via­ tique destiné à restaurer les âmes et à les empêcher de défaillir durant leur pèlerinage vers le ciel. Cf. S. Tho­ mas, Sum. theol., Ill’, q. cxxix, a. 2. Ainsi l’eucharistie est la voie normale par laquelle l'homme reçoit de Dieu les secours dont il a d’autant plus besoin, pour persévérer dans la grâce, que cette persévérance est plus difficile à obtenir; dès lors, celui qui s'abstient volontairement et pendant longtemps de communier peut diflicilement s’attendre à recevoir par une autre voie ces indispensables secours. En ce sens, l'eucharistie est moralement néces­ saire à tous ceux qui sont exposés à perdre la grâce, c’est-à-dire à tous les adultes, mais le degré de cette nécessité varie d’une personne à l’autre selon la force des passions ou des occasions qui les sollicitent au péché. Cf. Gihr, Die heiligen Sakramente, t. 11, § 24. 3’ Il existe un précepte divin obligeant les adultes ά communier en certaines circonstances. — Ce précepte est exprimé dans les paroles de Jésus-Christ, Joa., vi, 54, qui établissent la nécessité morale, pour les adultes, de recevoir l’eucharistie; dans les paroles de l’institution : Faites ceci en mémoire de moi. Luc., xxn, 19. « Noire Sauveur, dit le concile de Trente, sess. XIII, c. xxt, en instituant ce sacrement, a prescrit de le recevoir en mémoire de lui et pour représenter sa mort, jusqu'à ce qu’il vienne juger le monde, lia voulu que ce sacrement filt reçu comme une nourriture spirituelle ou les âmes puiseraient la force de vivre de sa vie, par le fait qu'il a dit : Celui qui me mange, vivra par mot. Joa., vt, 58. » Mais quand ce précepte divin doit-il être accompli? Les théologiens répondent : 1. On doit communier de temps en temps pendant la vie, mais Jésus-Christ n’a pas déterminé autrement son précepte, il a laissé à son Église, dispensatrice de ses mystères, le pouvoir et le soin de faire cette détermination en l'adaptant aux personnes et aux temps. Les limites du précepte divin sont donc pratiquement fixées par les lois de l’Église. — 2. Il y a certainement obligation, de droit divin, pour les adultes de communier quand ils sont à l'article de la mort ou en danger de mort, car s’il est un moment où l’obligation de puiser des forces spirituelles à la source eucharistique soit urgente, c’est évidemment celui de la lutte suprême d’où dépend le salut éternel. Cf. de Lugo, disp. XVI, n. 35. Aussi l’Eglise impose-t-elle au prêtre comme un grave devoir de veiller à l’administration du viatique aux fidèles dont il a la charge, et celle solli­ citude date de loin, car le Ier concile de Nicée, can. 13, Labbe, Collect, concil., t. Il, p. 742, donne déjà comme une loi ancienne et canonique de ne priver personne, pas même ceux qui étaient en cours de pénitence pu­ blique, du dernier viatique qui leur est si nécessaire. Voir Viatique. — 3. Enfin, il peut arriver qu’une per­ sonne ne croie pas pouvoir surmonter ses passions ou résister à de graves tentations autrement qu’en commu­ niant plus souvent que l’Eglise le prescrit; en ce cas, le précepte divin l’oblige à cette communion plus fré­ quente. Mais ce cas est rare, car les autres moyens, prière, mortification, etc., peuvent ordinairement suf­ fire; d’ailleurs, quand même, en lait, ils ne suffiraient pas, l’omission de la communion ne constituerait pas un péché distinct de ceux que celte omission ferait commettre. Cf. S. Alphonse, L VI, n. 295. 4° L'Église fait aux fidèles une obligation de commu­ nier au moins à Pâques. — Le précepte ecclésiastique de la communion est formulé par le concile de Latran dans les termes suivants : Tout fidèle de l'un ou l’autre sexe, parvenu à l’âge de discrétion, devra faire, au > 484 moins une fois par an, la confession de ses péchés... et recevoir avec respect, au moins à Pâques, le sacre­ ment de l’eucharislie, à moins qu'il ne préfère s’abs­ tenir temporairement pour quelque motif raisonnable, du consentement de son propre pasteur : faute de quoi, quil lui soit interdit d’entrer de son virant à l'église, et qu’à sa mort Usait privé de la sépulture ecclésias­ tique. Denzinger, n. 363. Ce décret a été confirmé par le concile de Trente, sess. XXII, can. 9. I. Historique. — Il n'était pas besoin, dans les pre­ miers siècles de l’Eglise, de prescrire aux fidèles de recevoir l'eucharistie; la coutume, générale alors, de communier très fréquemment, tenait lieu de loi. Voir Communion fréquente. SainlThornas,Sum. theol., Ill’, q. i.xxx,a. 10, ad5llm, attribue cependant au pape Anaclet un decret prescrivant la communion quotidienne, mais de Lugo, disp. XVI, n. 30, fait remarquer que celte ordonnance concernait uniquement les ministres qui assistaient le prêtre à l'autel. D'ailleurs, cette décrétale n’est pas authentique. Le synode d'Antioche inencœniis (341), can. 2, ordonnait à tous ceux qui assistaient à la messe d’y communier, sous peine d'être exclus de l’Eglise. Mansi, t. n, col. 1309. Au temps de saint Jérôme, Epist., xi.viii, ad Pammachium, n. 15. P. L., t. xxn. col.506; lxxi, ad Lucin., n. 6, col. 672, l’usage de la com­ munion quotidienne persistait encore à Rome et en Espa­ gne; mais en Orient, saint Basile, Epist., xcill. ad Cats, patrit., P. G., L xxxtl.col. 485, témoigne que la plupart communiaient quatre fois par semaine et aux fêtes, et saint Augustin, Epist., i.tv, ad Januarium, P. L., t. xxxill, col. 200, dit que les uns communiaient tous les jours, d’autres plusieurs fois chaque semaine, d’au­ tres enfin seulement le dimanche. Au VI· siècle, la fer­ veur était à ce point ralentie dans certaines parties des Gaules que le concile d'Agde (506) déclarait dans son canon 18, Mansi, t. vm, col. 327, que l'on ne devrait pas regarder comme catholiques, ceux qui ne commu­ niaient pas à Noël, à Pâques el à la Pentecôte. Ce décret attribué par Gralien (I050), can. 16, dist. II, De consecr., au pape Fabien (258), a été cité comme tel par saint Thomas, loc. cil. A la même époque, en d'autres régions des Gaules, le relâchement élait moindre, puis­ que le concile d’Auxerre, tenu en 585, prescrivait encore la communion hebdomadaire. Ainsi la discipline sur ce point différait suivant les Églises. Les Capitulaires d’Anségise (ix» siècle), I. 11. n. 43, P. L., t. xcvm, col. 549-550, ordonnent au moins trois communions par année. Voir Communion fréquente. Saint Udalric, évê­ que d’Augsbourg au x» siècle, rappelait à ses prêtres leur devoir de recommander aux fidèles de communier quatre fois par an : Quater in anno, id est, natale Domini el ctena Domini, Pascha et Pentecoste, omnes fideles ad communionem corporis et sanguinis Domini accedere admonete. Sermo synodalis, P. L., t. c.xxxv, coi. 10721073. Un synode, tenu en Écosse vers 1076 par ordre de la reine Marguerite, ordonne lu communion pascale qui était négligée. Sess. XV, Mansi, t. xx, col. -480. Le con­ cile de Gran, tenu en 1114, impose à tous les fidèles de communier à Pâques, à la Pentecôte et â Noël et aux clercs à toutes les grandes fêles de l’année. Mansi, t. xxi, col. ICO. On en voit un autre exemple dans ce concile de Toulouse tenu quinze ans (1229) après le con­ cile de Latran. Son canon 13», Mansi, t. x.xni, col. 197, maintenait encore l'obligation des trois communions prescrites par le décret d’Agde. Ceux qui ne commu­ niaient pas étaient soupçonnés d'élre des albigeois. Le synode d'AIbi (1254) faisait la même obligation. Can. 29, Mansi, ibid., p. 840. Saint Edmond de Cantorbéry, dans son Statut de 1236, se bornait â faire recommander par les curés ces trois communions annuelles; seule, celle de Pâques était d’obligation. Can. 18, Mansi, ibid., col. 421. Beaucoup de synodes diocésains promulguèrent les décisions du concile de Latran, par exemple, celui 485 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) de Trêves (1227), can. 3, Mansi, ibid., col. 27, de PontAuderner (1279), can. 5, Mansi, t. xxiv, col. 222 (ceux qui ne communient'pas sont suspects d’hérésie), et de Bourges (1286), can. 13. Mansi, ibid., col. 631-632. 2. Interprétation du décret du concile de Latran. — a) On doit communier une fois chaque année au temps de Pâques, c’est-à-dire, d’après le droit commun, Eugène IV. const, h ide digna, du 8 juillet 1440, dans la quinzaine qui court du dimanche des Rameaux à celui de Quasimodo. Les évêques ont pouvoir d’étendre ce temps suivant les besoins de leursdiocésainset le décret de Latran accorde la même faculté au propre prêtre, pro­ prio sacerdoti, c'est-à-dire, en l'espèce, au curé et au confesseur, mais, à l’un et à l'autre, seulement dans les cas particuliers concernant la paroisse ou quelques pénitents. — b) On est obligé de communier au moins à Pâques. Plus explicitement le concile de Trente, sess. XIII. can. 9, déclare que ce commandement pres­ crit aux fidèles de communier chaque année, au moins, à Pâques. Ainsi, le précepte est double; communier chaque année, c'est le point principal; c’est là, si l’on veut, la détermination du commandement formulé par le Christ de manger sa chair; quant à la prescription de communier â Pâques, plutôt qu’en un autre temps, quoique gravement obligatoire, elle n'est que secondaire. De là découlent d’importantes conséquences : a. Celui qui a communié avant l’époque pascale reste tenu sub gravi de communier à celte époque. — b. Celui qui, légitimement ou non. n’a pas satisfait au devoir pas­ cal. reste obligé de communier avant l’époque pascale de l’année suivante. Plusieurs disent, cf. S. Alphonse, loc. cit., n. 297, qu’il doit faire cette communion au plus tôt et qu'il commettrait une nouvelle laute chaque fois qu'il manquerait de profiler de l'occasion d'accom­ plir ce devoir; mais de Lugo, op. cit., disp. XVI, n. 69, fait remarquer que le précepte divin dont l’observation reste seule en cause dans le cas présent n’oblige pas à communier pendant l'année à un moment plutôt qu'à un autre. Le même théologien pense que l’obligation de suppléer la communion omise s’éteint avec l’année civile au 31 décembre, mais Eugène IV, voulant expli­ quer que les fidèles ne sont pas obligés de communier le jour de Pâques, dit expressément que le législateur de Latran a entendu que l’année où l’on devait communier courait de Pâques à Pâques. — c. Celui qui, selon ses prévisions, ne pourra pas accomplir le devoir pascal est tenu de se libérer, s'il le peut, de l’empêchement prévu, mais s’il ne le peut pas, il n’est pas obligé d’an­ ticiper l’accomplissement du devoir pascal, excepté dans le cas ou l’empêchement en question devrait durer jus­ qu'à l'époque pascale de Tannée suivante. S. Alphonse, n. 298. — c) D'après plusieurs réponses de la S. C. des Rites, 27 septembre 1608, 23 décembre 1770, Gardellini. n. 4363, les ecclésiastiques, attachés à une église •(cathédrale ou collégiale) ou l'on célèbre le jeudi-saint la messe solennelle ou conventuelle, sont obligés de communier à cette messe. La même obligation a existé autrefois pour les fidèles, can. 17, dist. II, Deconsecrat., et Ton ne peut que louer l'usage des fidèles en cer­ tains endroits d’accomplir ce jour-là le devoir pascal. ■CL Gasparri, Tractatus canonicus de sacra eucharistia, n. H59sq. — d) Innocent XI a condamné cette propo­ sition ; On satisfait au précepte de la communion annuelle par une manducation sacrilège du corps du S 'igneur. Denzinger, n. 1072. Celui qui aurait fait à Pâques une communion sacrilège serait donc dans la même condition que celui qui n'aurait pas communié du tout. Ceci ne contredit pas le principe : Finis legis non cadit sub praecepto, car l’Église ne fait ici que dé­ terminer le temps où l’on doit accomplir le précepte divin : or celui-ci exige que Ton communie dignement. — ci Une coutume universelle, ayant aujourd'hui force de loi, oblige les fidèles à communier â Pâques de la 486 main de leur curé ou lout au moins dans leur paroisse sauf autorisation du curé de communier ailleurs. Il va de soi que cette autorisation peut être également donnée par l’évêque ou par ses vicaires généraux, qui sont de droit les pasteurs ordinaires de tout le diocèse. En outre, l’autorisation du curé peut être, en certains cas, raisonnablement présumée, mais, hormis ces cas, en communiant en dehors de la paroisse, on ne satisferait pas au devoir pascal, quand même on communierait de la main de l’évêque ou dans l’église cathédrale. Ballerini, Opus theologicum morale, tr. X, n. 216, 223; S. C. des Évêques et des Réguliers, 21 janvier 1848. Cette loi est fondée sur ledroitet le devoir que le pasteur a de connaître son troupeau. Par exception les prêtres satis­ font au précepte, partout où ils célèbrent: les personnes qui n'ont point de domicile, partout ou elles se trou­ vent; de même les voyageurs, si leur absence doit durer jusqu a la fin de l'époque pascale; enlin, les per­ sonnes de service, employées à demeure chez les reli­ gieux exempts, satisfont au devoir pascal dans l’église du couvent dont ils dépendent. — f) Sont tenus à la communion annuelle tous les fidèles des deux sexes dés qu'ils ont atteint l’âge de discrétion. Cette question sera traitée à propos du sujet de la communion. — g) Le concile de Latran a édicté contre les réfractaires à la présente loi une double pénalité : a. On devra leur interdire l’entrée de l’église, mais cette pénalité n'est que ferendæ sententiae, comme on le voit par le texte lui-même. — b) Ils seront privés de la sépulture ecclé­ siastique : cette peine est latæ sententiæ; toutefois, de nos jours, elle n'est infligée qu'à ceux qui ont refusé publiquement les derniers sacrements ou aux pécheurs notoires décédés sans avoir donné aucun signe de péni­ tence, lorsque la notoriété et la nature des faits sont telles que l’octroi de la sépulture ecclésiastique serait une cause de scandale. 111. Ministre. — Les prêtres célébrants se communiant eux-mêmes, les laïques recevant la communion de la main des prêtres, telle a toujours été la coutume de l’Eglise, dit le concile de Trente, sess. XIII, c. vm, et il ajoute que cette coutume doit être conservée comme venant de la tradition apostolique. Partout, en effet, et toujours le droit ordinaire de dispenser l'eucharislie a été reconnu aux prêtres; les diacres n’ont jamais eu sous ce rapport qu’un pouvoir subordonné à celui de l’évêque ou du prêtre, dont ils ne sont que les assis­ tants; quant aux clercs inférieurs et aux laïques, s’ils ont eu parfois à porter la sainte eucharistie, c’est excep­ tionnellement et par délégation expresse ou dans le cas de nécessité. 1° Les prêtres. — Ils sont les dispensateurs princi­ paux et ordinaires de l’eucharistie. L’ordination sacer­ dotale, qui est la source première de ce pouvoir, ne suffit cependant pas â constituer le minisire compétent de la communion; il est nécessaire que le pouvoir d'ordre soit complété par un certain pouvoir de juridiction. En outre, certaines dispositions sont requises chez le minis­ tre pour la licéité de l’administration du sacrement. Enfin les prêtres, ceux surtout qui ont charge d’âmes, ont l'obligation d’administrer l'eucharistie aux fidèles, excepté s’ils en étaient indignes. 1. Pouvoir d’ordre. — Par le fait que Jésus-Christ a confié aux prêtres seuls la charge d’ollrir le sacrifice de la nouvelle loi, il leur appartient de s'administrer l'eu­ charistie à eux-mêmes et de la donner aux autres, dit saint Thomas. Officium corp. Christi, hymne Sacris solemniis. Sans doute, la corrélation entre le droit de distribuer la sainte victime et le pouvoir de la sacrifier n'est pas étroite à ce point que l'eucharistie reste sans effets si on la reçoit d'un ministre autre que le prêtre; néanmoins, en sa qualité de sacrificateur de l'auguste victime, le prêtre seul a droit sur l'eucharistie. En dehors de lui, il n'y a place que pour un pouvoir délé­ 487 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) 488 gué ou dans le cas de nécessité. Ainsi sous le rapport de la communion â hii-mème et aux autres fidèles. Le même son administration, l’eucharistie n'est pas sans analogie docteur se demande ericore si leJ ministre ne commet avec le baptême. pas autant de péchés mortels distincts qu’il administre 2. Pouvoir de juridiction. — Que le prêtre seul soit, de communions? Les uns l'affirment, parce que chaque en principe, le ministre de l'eucharistie, on le conçoit communion est un repas distinct et uneaclion complète. mieux encore si l'on observe que le prêtre est par sa Mais, dit saint Alphonse, il est plus probable que le fonction le dispensateur des sacrements. Toutefois un ( nombre des communions est seulement une circonsprincipe d'ordre, qui se justilie de lui-même et qui a I tance aggravante, attendu que toutes ces communions toujours été de règle dans l’Eglise, veut que chaque ne font qu'une seule action morale, un seul repas au­ prêtre administre les sacrements seulement à ceux quel prennent part plusieurs convives. dont il a la charge et ne lui permet pas de les adminis­ 4. Obligation d'administrer l’eucharistie. — Le trer à d’autres sans l'autorisation de leur propre pas­ prêtre qui a charge d’âmes est obligé : a) d'administrer teur. La dispensation de l'eucharistie n'échappe pas à les sacrements aux fidèles dont il est le pasteur quand cette règle, rappelée par le concile de Latran qui oblige ceux-ci les demandent dans des conditions raisonnables. les fidèles à recevoir à Pâques la communion de la C’est lâ une obligation de justice, de sorte que le refus main de leur propre prêtre. Le synode de Lambeth de la communion à une personne qui serait dans l’obli­ ( 1281 ) défendait aux curés de communier les fidèles qui gation ou dans la nécessité de la recevoir constituerait n'étaient pas de leur paroisse, et les étrangers, à l'ex­ une faute grave. Il faut en dire autant du refus de la ception des voÿageurs et sauf le cas de nécessité. Can. 1, communion faite simplement par dévolion, si ce refus Mansi, I. xxiv, col. 40G. Aussi l'on tient communément, était fréquent.ou si la personne qui la demande avait S. Alphonse, 1. VI, n. 234, qu’il y aurait faute grave à une raison grave de communier ce jour-là. En tous cas, administrer la communion sans l'autorisation, au moins la fréquence des communions d'une personne n’est ja­ raisonnablement présumée, de celui qui a juridiction mais un motif de la repousser, S. C. du Concile, 12 fé­ ordinaire dans l'endroit. En pratique, la coutume auto­ vrier 1779, Denzinger, n. 1086, soit par un refus, soit rise tout prêtre â communier â sa messe les personnes par un accueil qui la détournerait de l’usage du sacre­ qui se présentent; mais s'il s’agissait de porter la com­ ment. — b) En particulier, vis-à-vis des malades, le munion â un malade, la permission du curé serait (sauf pasteur doit veiller à ce qu’ils fassent la communion le cas de nécessité urgente) absolument nécessaire. Les pascale et à ne pas les laisser mourir sans avoir reçu le religieux à vœux solennels, qui donneraient le viatique viatique. Concile de Trente, sess. XIII, c. vi. Si même sans autorisation, encourraient même l'excommunica­ il en est qui désirent communier par dévolion, il a le tion latæ sentential, simplement réservée au souverain devoir de leur porter le sacrement, Rituel romain. De pontife, portée par la constitution Aposlolicæ sedis, communione pascali, η. 6; De comm, infirm., η. 1, n. 14. mais il ne saurait être question de communier ainsi 3. Dispositions nécessaires. — a) Les pouvoirs soit ces personnes aussi souvent qu’elles le faisaient quand d'ordre, soit de juridiction du prêtre peuvent être liés, elles pouvaient venir à l'église. — c.) Le curé est-il obligé quant â la licéité (parfois même quant â la validité) de d'administrer la sainte communion même au péril de leur exercice, par les censures ecclésiastiques. Il faut sa vie? Cette question ne peut se poser que par rapport donc que le ministre de la communion ne soit frappé au viatique, voir ce mot, car dans les au res cas. il d’aucune censure telle que suspense, interdit, excom­ faut sans doute un empêchement sérieux, mais non munication, autrement, si, nonobstant la censure, il point un empêchement d'extrême gravité, pour que le administrait la communion, hors le cas de nécessité, il curé soit excusé de toute faute grave en n'administrant pécherait gravement et encourrait l’irrégularité. — pas sur le moment même le sacrement. A la question b} Est-il nécessaire que le ministre de la communion ainsi posée, il suffira ici de répondre que le baptême soit en état de grâce? La question est controversée. et la pénitence, qui sont les seuls sacrements absolu­ S. Alphonse, I. VI, n. 35, soutient l'affirmative qu'il ment nécessaires au salut, sont, en principe, les seuls appuie sur l’autorité du catéchisme romain, part. II, que le pasteur doive administrer même au p 'ril de sa c. t. n. 26, et du rituel romain, De sanctissimo euchavie, S. C. du Concile, 12 octobre 1576, décret approuvé ristiæ sacramento, n. 1, et aussi sur ce motif que les par Grégoire XIII ; mais, en pratique, il faut tenir compte prêtres exercent, en donnant la communion, un minis­ du scandale qui se produirait inévitablement si un tère pour lequel ils ont été ordonnés . or, il est de prêtre ayant charge d’âmes se refusait sans autre mo­ principe qu’il y a péché grave à exercer les fonctions tif que la crainte du danger â administrer le viatique d'ordre sans être en état de grâce. Mais d'autres théolo­ et l'exlrème-onclion. Cf. Berardi, Praxis confessario­ giens cités par saint Alphonse, en particulier, de Lugo, rum, t. n. n. 4069. — ri) Le pasteur peut toujours se disp. VIH, n. 155, et la généralité des auteurs mo­ faire remplacer par un autre prêtre, même pour porter dernes soutiennent que le prêtre ou le diacre adminis­ le viatique, bien que, en cas d'épidémie, il ne lui soit trant la communion en état de péché mortel ne pèchent pas permis de quitter son poste. Quant aux autres pas gravement, attendu qu'ils ne font que transporter le prêtres, le devoir qu’ils ont parfois de donner la com­ sacrement d’un endroit dans un autre, absolument munion releve uniquement de la vertu de charité et ne comme le ferait un laïque qui prendrait le sacrement les oblige, sous peine de faute grave, que dans le cas de sur l'autel pour se communier lui-méine. 11 n’y a donc nécessité extrême,c’est-à-dire dans le cas du viatique à pas là, au sens vrai du mot, exercice d’une fonction donner à un malade qui, autrement, en serait privé; encore, dans ce cas, ne sont-ils jamais tenus à ce minis­ d'ordre, c’est-à-dire d’une fonction qui est productrice d'un sacrement et immédiatement sanclilicatrice pour tère au péril de leur vie. le fidèle qui le reçoit. C'est pourquoi, bien que la sain­ 5. Refus de la communion aux sujets indignes. — On teté chez le ministre soit de toute convenance pour une appelle indignes ceux qui étant capables de recevoir le telle action, l'état de grâce n’est cependant pas aussi sacrement manquent par leur faute des dispositions re­ étroitement requis que s’il s’agissait de consacrer l'eu­ quises pour le recevoir avec fruit. Or, comme l’explique charistie. Cf. Ballerini, tr. X, n.44. Néanmoins,comme le saint Alphonse, il y a péché grave à administrer les fait remarquer Berardi, Praxis confessariorum, t. n, sacrements à des sujels indignes. Il y aurait là un véri­ n. 3381, cette opinion ne cadre guère avec les textes du table abus de confiance de la part du prètie à qui sa catéchisme et du rituel romain. Saint Alphonse, loc. cil., fonction de dispensateur des sacrements défend de les conclut que le prêtre, célébrant en état de péché grave, donner aux indignes : Nolite dare sanctum canibus, se rend coupable d’un quatrième sacrilège en se donnant Maith., νπ, 6; le prêtre se rendrait complice de la pro- 489 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) 490 fanation du sacrement; enfin, si l’indignité était pu­ logiens examinent surtout le cas oit le prêtre serait me­ blique, 1’ocleoi du sacrement causerait un très grave nacé de mort s’il n’administrait le sacrement à un scandale. Mais, en ce qui concerne l’eucharistie, le prê­ indigne. Tous s'accordent à dire qu’il ne serait pas tre, n’étant pas juge des dispositions des sujets, doit en permis de donner le sacrement à celui qui entendrait principe regarder comme digne tout fidèle dont l’indi­ le recevoir en mépris de la religion. Ce cas excepté, les gnité n’est pas démontrée : c’est ce que signifie le pré­ avis sont partagés. Les uns disent que l'intérêt de con­ cepte : Nolite dare sanctum canibus. De plus, il faut server la vie du prêtre, étant aussi grand que celui de observer avec de Lugo, De sacramentis in genere, conserver la réputation du sujet, doit également per­ disp. VIII, n. 181,que l’action de donner la communion mettre d'administrer à celui-ci la communion, quoiqu'il n'est point mauvaise en soi et ne produit de mauvaises soit indigne; d’aulres, parmi lesquels saint Alphonse, conséquences, dans le cas d’indignité du sujet, que par 1. Vl, n. 49, pensent que s’il est permis parfois de com­ la faute de celui-ci; par suite, la défense de donner la munier un sujet indigne quand il serait diffamé par le communion à un sujet indigne peut et doit quelquefois refus du sacrement, c’est en réalité dans un intérêt gé­ s’effacer devant les raisons de très haute gravité qui néral, qui est celui de ne pas détourner les fidèles des contrebalancent parfois celles énoncées ci-dessus. Ces sacrements. Or, dans le cas proposé, cet intérêt n’existe raisons exceptionnelles existent dans deux cas différents. pas. Donc, même au péril de sa vie, le prêtre doit refu­ D’abord, lorsque l’indignité du sujet n’est connue que ser le sacrement. Mais, en fait, la difficulté peut être par la voie de la confession. Synode de Trêves (I227), souvent tournée par la simulation du sacrement, non can. 3, Mansi, t. χχιιι, col 28. Ensuite, lorsque le refus pas sans doute en donnant au sujet une hostie non con­ du sacrement aurait pour conséquence de diffamer le sacrée, car il y aurait, dans ce cas, idolâtrie au moins sujet. Dans l’un et l'autre cas, en elfet, le refus de la com­ extérieure, mais en feignant de donner la communion munion détournerait inévitablement les fidèles de recou­ alors qu’en réalité on ne donnerait point d’hostie au rir aux sacrements. S. Alphonse, 1. VI, n. 49, 51. Il faut sujet indigne. Dans ces circonstances et en cette forme conclure de là :a) Que la communion doit être refusée, la simulation est permise. Il existe, il est vrai, une pro­ même en public, à tout sujet dont l'indignité est cer­ position condamnée par InnocentXI, Denzinger, n. 1046, taine et publique. C’est la règle posée par le rituel disant qu’uue menace immédiate de mort est une rai­ romain : Arcendi sunt publice indigni. De sanctissimo son su flisante de simuler l’administration des sacrements; eucharistiae sacramento, η. 8. Ici, en effet, le refus du mais ceci doit être entendu de l’acte du prêtre qui sacrement ne cause aucune diffamation et les motifs plus simulerait la consécration. Cf. S. Alphonse, I. VI, n. 59. haut indiqués, qui justilient l'interdiction de donner le 2° Les diacres. — En vertu de leur ordination, ils sacrement, conservent toute leur force. Le rituel indique sont ministres immédiats du prêtre à l’autel. S. Gélase, encore différentes catégories de pécheurs qui tombent Epist. ad episcopos Lucan., c. vm, P. L., t. lxix. sous l'application de cette loi, mais de nos jours la cou­ col. 51. — 1. Ils ont comme tels le droit de dispenser tume est devenue plus indulgente pour certains d’entre l'eucharistie et ils le faisaient régulièrement dans les eux. A notre époque, dit Berardi, Praxis confessorio­ premiers temps de l’Église. Primitivement, ils distri­ rum, t. n, n. 4090, les pécheurs auxquels on peut et buaient aux fidèles le pain et le vin consacrés et les por­ l'on doit refuser la communion sont : a. les femmes de taient aux absents. S. Justin, Apol., i, n. 65, 67, P. G., mauvaise vie vivant en mauvais lieu, ou dont le dérè­ t. vi. col. 428, 429. En Afrique, ils présentaient le calice glement est notoire ; b. ceux qui ne sont mariés que seulement aux fidèles pour la communion du précieux civilement; c. les concubinaires connus comme tels; sang. S. Cyprien, De lapsis, c. xxv, P. L., t. tv, col 485. d. lesfemmesquise présenteraient à la sainte table vêtues Le concile de Nicée (325), can. 18, Mansi, t. n, col. 676, d’une façon scandaleusement immodeste; e. ceux qui interdit aux diacres de donner la communion aux prê­ ont été excommuniés publiquement etnominalivement; tres. Le Testamentum D. N. J.-C., I. II, c. x, édit. /■.ceux quisonlobligésàquelque rétractation, tant qu'ils Bahmani, Mayence, 1899, p. 132, permet seulement aux ne font pas faite; g. enlin en général tous ceux dont diacres de découvrir le vase qui contient l’eucharistie, l'admission à la communion serait une cause de scan­ pour que le prêtre prenne la parcelle dont il se com­ dale. Cependant, d'après saint Alphonse, loc. cit., n.45, munie; mais le diacre donne encore de sa main au on ne devrait pas refuser la communion à celui dont peuple la communion sous les deux espèces. Les Con­ I indignité serait inconnue dans l’endroit où il se pré­ stitutions apostoliques, 1. VIII, c. xm, P. G., t. i, sente à la communion, à moins cependant qu’il ne soit col. 1109, disent que l’évêque distribue Je pain consacré vraiment à craindre que son indignité ne vienne à y et le diacre le calice. Cf. Bahmani, op. cit., p. XLVI-XLVI1, être dévoilée. — b) Lorsque l’indignité du sujet n’est 198; l'unk, Das Testament unseres fierrn und die pas publique, on ne doit point refuser à celui-ci la vericandlen Schriften, Mayence, 1901, p. 74-76; llefele, communion, s'il s'y présente publiquement. S. Tho­ Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris. 1869, t. t, mas. Sum. theol., III·, q. i.xxx. a. 6. Eugène IV, c. Si p. 414-417. C’était la pratique de l’Eglise romaine : le sacerdos, de officii judicis ordinarii, apporte en con­ pape, les évêques et les prêtres donnaient aux fidèles le tinuation de celte doctrine l'exemple de Jésus-Christ, pain consacré; l'archidiacre, à la suite du pape, les donnant en public la communion à Judas dont il était autres diacres, à la suite des évêques et des prêtres, le seul à connaître l’indignité. 11 y a, au contraire, obli­ présentaient le calice, L. Duchesne, Origines du culte gation de refuser la communion à ce pécheur, s’il la chrétien, Paris. 1889, p. 178; Id.. Le Liber pontificalis, demande sans témoins, excepté le cas ou la connaissance Paris, 1886. t. I, p. 139. Quelques lilurgistes et canonistes que l’on aurait de son indignité viendrait de la confes­ prétendent que les diacres ont toujours été sous la dé­ sion. Il est défendu, en effet, d'user des connaissances pendance des prêtres, seuls ministres réguliers de la acquises par cette voie pour causer au pénitent le dispensation comme de la consécration de l'eucharistie, moindre désagrément, quand même on ne révélerait et qu’ils n'agissaient que par délégation. Le soi-disant d'ailleurs rien de ce qu’il a confessé, S. C. de l’inqui­ concile de Carthage (398) ou mieux les Statuta Eeclesiæ sition. 18 novembre 1683, Denzinger, n.1087. Par suite, antiqua de saint Césaire d’Arles, can. 38. Mansi, t. m. lorsqu'on n’a pu absoudre un pénitent, s’il esta craindre col. 954, décident catégoriquement que le diacre ne peut qu'il demande à communier, il y a lieu de lui rappeler distribuer l’eucharistie qu’au cas de nécessité et par qu'il doit s’en abstenir; mais s'il se présente néanmoins, délégation du prêtre. — 2. De nos jours, le diacre ne on est obligé de le communier. — c) Le molif d’éviter jouit plus, quant â la distribution de l’eucharistie, d'at­ la diffamation du pénitent est-il le seul qui permette i tributions fixes, mais il peut toujours être délégué par de donner la communion à un sujet indigne? Les théo- I l’évêque ou même (sauf restriction apportée par la lêgis- 491 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) latlon ou la coutume diocésaine) par le curé en cas de nécessité, c’est-à-dire dans le cas où il n’y aurait pas de prêtre qui puisse sans grande incommodité donner la communion. S. Alphonse, 1. VI, n. 237. Celle délégation est absolument nécessaire, sauf quand il y a nécessité absolue d'administrer la communion. Le diacre qui, sans nécessité et sans délégation, administrerait l'eucharistie encourrait-il l’irrégularité? L’opinion commune est affir­ mative; elle s’appuie sur ce motif que le diacre est sans doute ordonné pour administrer le baptême et l’eucha­ ristie, mais seulement à titre auxiliaire, sous la condition qu’il sera commis à cet effet par l’évêque ou par le prê­ tre; dès lors, s’il agit sans cette commission, il dépasse les limites du pouvoir qu’il a reçu dans l’ordination et il encourt de ce chef l’irrégularité. L’opinion adverse dit, au contraire, que le diacre est véritablement constitué, par son ordination, ministre de l’eucharistie (comme du baptême), quoique ministre en second, de sorte qu’en donnant la communion, il exerce illicitement sans doute, s'il le fait sans délégation, un pouvoir qu’il a véritable­ ment reçu, el dés lors n’encourt point l’irrégularité. 11 va de soi que les dispositions requises chez, le prêtre quand il administre la communion sont également né­ cessaires chez le diacre. 3° Les clercs inférieurs. — Tous ces clercs et, à Rome, spécialement les acolytes, ont été employés pour porter l'eucharistie. Dans sa décrétale adressée à Decentius, P. L., t. xx, col. 557, Innocent Ier informe cet évêque qu’il se servaitdes acolytes pour faire porter le fermen­ tum, ou portion du pain consacré à la messe épiscopale, aux différentes paroisses de Rome en signe de commu­ nion avec elles. Cf. L. Duchesne, Le Liber pontificalis, Paris, 1886, t. 1, p. 169. On voit également les acolytes chargés de porter l’eucharistie aux martyrs dans les pri­ sons. C’est dans cette circonstance que le saint acolyte Tarcisius trouva la mort comme le rapporte la belle épi­ taphe due au pape saint Damase, P. L., t. Xlll.col. 392. Toutefois les acolytes et les clercs inférieurs n’ont jamais été les ministres de la communion publique, el même la fonction de porter l’eucharistie ne les distin­ guait guère des laïques auxquels elle était également permise. Aujourd’hui encore, ils n’ont, sous ce rapport, pas plus de droits que les simples fidèles, si ce n’est que ce serait à eux d’administrer la communion dans les cas très rares où, à leur défaut, un laïque pourrait la donner. 4» Les laïques. — Autrefois, ils se communiaient euxmémes, soit à la sainte table, soit dans leurs demeures, avec le pain consacré qu’ils recevaient dans leur main nue, cf. S. Cyrille de Jérusalem, Cat., χχιιι, P. G., t. xxxill, coi. 1126 (en Occident, les femmes devaient couvrir leur main d’un linge blanc), et qu’ils empor­ taient ensuite à domicile pour se communier les jours suivants. Cf. Tertullien, De aratione, c. xtx, P. L., 1.1, col. 1182; Ad uxorem, I. II, c. v, col. 1296; S. Cyprien, De lapsis, c. XXVI, P. L., t. iv, col. 486, et surtout S. Basile, Epist., xcni, ad Cæsanam palriliam, P. G., t. xxxil, col. 485. Le concile in Trullo (692) décida, can. 58, qu’en présence d’un évêque, d’un prêtre ou d'un diacre, un laïque ne pouvait se donner à lui-même les saints mystères, sous peine d’être excommunié pen­ dant une semaine. Mansi, I. xi, col. 969. Parfois même, les fidèles étaient chargés, à défaut de clercs, de porter l'eucharistie aux malades en cas de nécessité comme on le voit par l’exemple que cite Eusèbe, II. E., I. VI, c. xi.iv, P. G., t. xx. col. 670 sq. Le synode tenu à Paris en 829 déclarait déjà, can. 45, que c'était un abus que les femmes distribuassent la communion. Mansi, t. xiv, col. 565. Le synode de Londres (1138), can. 2, déclare que le viatique doit être porté aux malades par les prêtres ou les diacres, el seulement en cas de néces­ sité par d’autres personnes. Mansi, t. xxt, col. 511. Le concile d'York (1195), can. 4, ne parle plus que du 492 diacre dans le cas de nécessité. Mansi, t. xxn, col. 653. Au IXe siècle, saint Théodore Studite déclarait que les laïques et les moines ne peuvent se communier euxmêmes qu’en l'absence d’un prêtre ou d'un diacre. Epist., 1. II, epist. ccxix, interrog. iv, P. G., t. xctx, col. 1661. Saint Thomas, In J V Sent., dist. XIII, q. i, a. 3, dont la doctrine est suivie par beaucoup d’au­ teurs, enseigne que les laïques ne peuvent point toucher l'eucharistie, hors le cas de nécessité, ni, par consé­ quent, donner le viatique, vu qu’il n’est pas absolument i ndispensable. Cependant beaucoup d’autres théologiens, cf. S. Alphonse, 1. VI, n. 237, admettent qu’un laïque pourrait porter et administrer le viatique à un malade, qui autrement en serait privé. Ce fait, tout exceptionnel, ne saurait, disent-ils, causer de scandale, vu la nécessité exceptionnelle qui le légitimerait. 5° Communion sans ministre. — Il est aujourd’hui de règle que, sauf les prêtres célébrants, personne ne se communie soi-même; mais quand il n’y a point de ministre de qui l’on puisse recevoir la communion, n’estil pas permis aux laïques ou tout au moins aux diacres et aux prêtres de se communier eux-mêmes? — 1. D’après ce qui précède, les laïques et les clercs inférieurs le pourraient dans le cas de nécessité, c’est-à-dire pour se donner à eux-mêmes le viatique. La S. C. de la Propa­ gande répondait en ce sens le 10 août 1841 au vicaire apostolique du Tong-King et permettait que l'eucha­ ristie, apportée aux chrétiens emprisonnés pour la foi, leur fût laissée pour être consommée par eux en secret. Cependant ce décret ne décide pas entièrement qu'il serait permis à un laïque, en cas de nécessité extrême, de communier en prenant une hostie dans le tabernacle. — 2. D’après saint Alphonse, 1. VI, n. 238, c'est une opi­ nion probable que le prêtre peut, à défaut d’autte mi­ nistre, prêtre ou diacre, se communier, même par simple dévotion, à la condition toutefois, dit Gasparri, t. n, n. 1081, qu’il ne puisse pas célébrer la messe, car s’il pouvait célébrer, c’est à ce moyen régulier de com­ munier qu’il devrait recourir. — 3. Plusieurs auteurs, cités par saint Alphonse, donnent comme probable que le diacre pourrait également, dans les mêmes circonstances que le prêtre, se donner à lui-même la sainte commu­ nion, là, du moins, où des règlements particuliers ne le lui interdiraient pas. IV. Administration. — 1» Réserve des saintes espèces. — 1. Il y a obligation de conserver l’eucharistie dans toutes les églises paroissiales ou cathédrales, afin de pouvoir la donner aux infirmes, et aussi dans les églises des religieux exempts. Dans l’antiquité chrétienne, l'eu­ charistie était conservée, non pas en vue d’un culte d'adoration, mais exclusivement pour l'administration aux malades. Voir Communion sous les deux especes. 2. L’eucharistie doit être gardée dans un tabernacle fermant à clef, et la clef doit être tenue par le prêtre en lieu sûr; cependant là où une coutume immémoriale autorise cette pratique, il peut laisser celte clef entre les mains d’une personne de confiance dépendant de lui; enlin dans les couvents de religieuses, on peut, conformément à la coutume, laisser la clef du taber­ nacle à leur garde. Gasparri, t. Il, n. 999. 3. Les saintes espèces doivent être renouvelées fré­ quemment, c’est-à-dire, en règle stricte, au moins tous les huit jours. S. C. des Rites, 12 septembre 1884. Celait déjà une règle fixée par le concile d’York (1195), can. I, Mansi, t. xxn, col. 653, et par celui de Lambeth (1281), can. 1. Mansi, t. xxiv. col. 405. Mais le concile de Co­ logne (1280) n’exigeait ce renouvellement que chaque quinze jours, can. 7, Mansi, ibid., col. 352. Pourtant quelques auteurs, cf. Lehmkuhl, Theologia moralis, t. Il, n. 132, pensent que le délai de quinze jours, accordé par Benoit XIV, const. Etsi pastoralis, du 2 juil­ let 1742, aux Ilalo-Grecs, est applicable partout. Mais, qu’il s’agisse de quinze ou de huit jours, il faudrait 493 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GENERALE) renouveler les hosties plus souvent si l’on s’apercevait qu elles se conservent mal dans le tabernacle. D’après G nieot, t. H, n. 18't. il y aurait faute grave si l’on né­ gligeait, pendant un mois ou deux, de consacrer de nouvelles hosties, même en supposant que tout danger de les voir se corrompre dans l’intervalle soit écarté. Il n’est pas inutile d’observer que les hosties à consacrer doivent ètre relativement fraîches et que la S. C. des Biles a condamné, le 16 décembre 1826, l’abus régnant en certains lieux du diocèse de Gand de consacrer, en hiver, des hosties datant de trois mois et, en été, des hosties datant de six mois, mais en deçà de ces indica­ tions extrêmes, il n’existe pas de règle lixe; du reste, s’il en existait une. elle serait nécessairement subor­ donnée aux conditions de conservation des hosties dans le milieu où elles >e trouvent. 2» Temps de la communion. — 1. Bien que l’Église désire voir communier à la messe tous les fidèles qui y assistent, concile de Trente, sess. XII, c. vi, elle ne leur fait cependant aucun commandement de commu­ nier â ce moment. Ainsi, le rituel romain, lit. XXIV, Ordo ministrandi sacram communionem, donne au long les détails liturgiques concernant la communion en dehors de la messe, n. 1-19, et il déclare que pour communier après la messe il suffit d’une cause raison­ nable, comme, par exemple, de ne pas faire attendre les assistants. — 2. En règle générale, la communion ne doit pas être distribuée avant l’heure, variable suivant la saison, ou il est permis de célébrer. Voir Messe. On ne doit donc pas distribuer la communion de nuit, Rituel romain, De communione in/irmvrum, n. 14, c’est-àdire avant l’aurore, ni après la messe commencée à midi. Saint Alphonse cite cependant, 1. VI, n. 252, des auteurs qui admettent que l’on pourrait donner la com­ munion à une heure avancée de la soirée â une per­ sonne restée à jeun et qui n’aurait pas pu communier plus tôt. Quoi qu’il en soit, la règle générale admet deux catégories d’exception : a) Le cas de nécessité. — On peut porter de nuit le viatique aux malades; à ceux qui doivent subir quelque grave opération chirurgicale; il est également permis de communier après minuit les inlirmesqui autrement ne pourraient pas resterà jeun. — b) Le cas d’un induit permettant au prêtre de célébrer la sainte messe avant l’heure où la règle le lui permet­ trait. Mais il faut que cet induit soit local, car s’il était personnel, il ne pourrait profiter qu’au prêtre et à son servant de messe. Gasparri, t. il. n. 1092. Par analogie, on peut assimiler au cas d’induit local celui où le prêtre est autorisé à anticiper sa messe pour une raison d’intérêt général. Meme le jour de Noël, la communion ne peut pas être donnée à la messe de minuit, à moins d’induit spécial, accordé en beaucoup de cas. — 3. La sainte communion peut être administrée en viatique fous les jours; il est interdit de la donner autrement, du jeudi-saint, après que les saintes espèces ont été déposées dans le reposoir, jusqu'à la lin de la messe du samedi-saint. Cependant la coutume de commu­ nier à la messe du samedi-saint peut être maintenue la ou elle existe, mais il y a prohibition absolue pour le vendredi-saint. Autrefois, il n'en était pas ainsi. Les fidèles communiaient à la messe des présanctifiés. Mar­ tine, De antiquis Ecclesite ritibus, 1. IV, c. xxm, n. 5. On cite même une paroisse d’Allemagne (Delbrück, dio­ cese de Paderborn) où cette coutume existerait encore avec 1'aulorisalion du saint-siège. Kirchenlexikon, art. Communion,t. m, col. 726. .Notons enfin qu’il est défendu aux religieux de donner la communion dans leurs églises le jour de Pâques et, à Rome, le jeudi-saint. 3° Lieu de la communion. — 1. La communion peut être donnée dans toutes les églises el dans les oratoires publics où se célèbre la sainte messe. Dans les oratoires privés, on ne peut l’administrer qu’au servant demesse, à moins d’autorisation de l'évêque. Gasparri, t. 11, 494 n. 1088 sq. Il faut excepter encore les localités frappées d’interdit; la communion ne peut y être donnée que le jour de Pâques ou en viatique. Gasparri, n. 1089. — 2. Les ecclésiastiques et les chefs d’Etat reçoivent la com­ munion à l’autel; les fidèles, à la balustrade placée à l’entrée du chœur. Sur les anciens usages, voir Mart’gny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., Paris, 1877, art. Communion, p. 195-196; Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1899, p. 21 4. En cas de très grande ailluence de communiants, il est permis de constituer avec des bancs une barrière de grand développement pour permettre à un plus grand nombre de fidèles de communier en même temps. Le prêtre ne peut pas distribuer la communion à la messe à une distance telle qu’il ne puisse plus voir l’autel, S. C. du Concile, Jn Florent., 19 décembre 1829; si ce cas se présentait, on devrait faire attendre les fidèles après la messe. 4» Mode d'administration. — 1. Il y a une exception à la règle qui veut que les prêtres célébrants se commu­ nient eux-mêmes et sous les deux espèces. Le jour de leur ordination, les nouveaux prêtres communient de la main de l’évêque et sous la seule espèce du pain, bien qu’ils célèbrent vraiment la messe avec le consécrateur. L’anomalie de la communion sous une seule espèce en cetle circonstance conduit à admettre que la communion sous les deux especes, tout en étant requise de droit divin, ne l'est cependant pas pour chacun des célébrants quand il y a célébration collective et qu'il suffit alors qu'un seul, c’est-à-dire, dans le cas présent, l'évêque, prenne la double communion. Cf. de Lugo, disp. XII. n. 173 sq. — 2. Les fideles doivent communier sous l’espèce du pain azyme ou sous celle du pain fer­ menté selon le rite auquel ils appartiennent. Benoit XIV, const. Etsi pastoralis, 26 mai 1762. Et si un catholique grec ou latin se trouve en un lieu où il n’y a pas d’église de son rite? Alors il lui est permis de commu­ nier suivant le rite de l’église existant en ce lieu, pourvu que ce soit une église catholique. S. C. de la Propa­ gande, 18 août 1893. Cette décision a été étendue, par la const. Orientalium du 30 novembre 1891, au cas où une église du rite du communiant existerait dans la localité, si l’évêque jugeait qu’elle esta une distance ou d'un accès trop incommodes. Enfin, Léon Xlll a ap­ prouvé une décision de la commission pontificale de l'union des Eglises, en date du 14 février 1896, portant que s'il existe dans une localité plusieurs églises catho­ liques de rites différents, mais aucune du rite du com­ muniant, celui-ci peut à volonté se rendre dans l'une ou dans l’autre et y communier, ici, sous l'espèce du pain azyme, et là, sous celle du pain fermenté. Gasparri, t. n, n. 1178. V. Sujet. — On appelle sujet d’un sacrement toute personne capable d'en percevoir les effets et à qui il est permis de l’administrer. 1° Conditions de capacité. — Seuls sont capables de recevoir l'eucharistie avec fruit, les hommes vivant en ce monde, baptisés et. s’ils sont adultes, ayant ou ayant eu l’intention de recevoir le sacrement. 1. Seuls les hommes peuvent recevoir utilement l’eucharistie. Sans doute, elle est appelée le pain des anges, parce que les anges mangent pour ainsi dire ce pain en nature, par suite de la vision béatifique qui les unit à celui que nous adorons et mangeons sous les voiles sacramentels; mais, dès lors, il ne peut plus être question pour les bienheureux de manducation sacramentelle, puisque celle-ci n’est qu’un moyen d’ar­ river à la manducation béatifique. S. Thomas, lheol., III·, q. t.xxx, a. 2, ad 1“™ ; concile de Trente, sess. Xlll, c. vm. 2. Il n’y aurait pas lieu de rappeler que l’eucharistie ne peut pas être donnée aux morts, si cet abus n’avait pas existé autrefois sur certains points de l’Église. Il a 495 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GENERALE) ôté, en effet, condamné par le concile d'IIippone (393), can. 4, Mansi, t. ni, col. 919, dont la décision a été renouvelée au III» concile de Carthage (397), can. 5, ibid., col. 895, et en 419, can. 22, ibid., col. 418. Les cadavres ne peuvent ni recevoir, ni manger cetle nour­ riture. La même prohibition était encore portée par le synode d’Auxerre (585), can. 12, Mansi, t. ιχ, col. 913, par le concile in Trullo (692), can. 83, Mansi, t. xi, col. 913, et par les Statuta de saint Boniface (745), n. 20, Mansi, t. xn, col. 385. Elle est reproduite dans la collection d'Angelramme sous le titre de canon 19 de Carthage. P. L., t. xcvt, col. 1019. Elle est aussi com­ mentée dans les recueils des conciles grecs par Balsamon et Zonaras, P. G., t. cxxxvtt, col. 792-793. Celte pratique dérive probablement de la coutume, constatée en divers lieux au iv» siècle, de donner la communion aux mourants, de telle sorte que l’eucharistie était en­ core dans leur bouche quand ils rendaient l’âme. Voir Viatique. Cf. cardinal Rampolla, Santa Melania giuniore, in-foL, Borne, 1905, p. 254-256. Lorsque ce der­ nier viatique n’avait pu être donné aux mourants avant leur dernier soupir, il était peut-être placé dans leur bouche même après leur mort. La communion des morts ne doit pas toutefois être confondue avec celle d’enterrer l’eucharistie avec les morts. C’était la cou­ tume de déposer une hostie consacrée sur la poitrine des évêques lors de leur sépulture. La Vila (apocryphe) de saint Basile, c. tv, P. G., t. xxix, col. cccxv, rapporte que le saint évêque voulut être enseveli avec la troi­ sième partie de la communion qu’il reçut peu d'instants avant sa mort. Saint Benoit fit placer une hostie sur la poitrine d’un jeune religieux qui était mort sans avoir communié et dont le cadavre avait été rejeté plusieurs fois hors du sépulcre; après quoi, le corps reposa en paix. S. Grégoire le Grand, Dialog., 1. I, c. xxtv, P. L., t. LXVt, col. 182. On constate encore l’existence de cet usage jusqu’à la lin du vit" siècle. On en trouve une allusion dans le sermon ccXLvnt, faussement attribué à saint Augustin, n. 4, P. L., t. xxxtx, col. 2205. 3. Il n’est pas nécessaire non plus de démontrer que le communiant doit être baptisé. Saint Justin, Apol., t, n. 66, P. G., t. vi, col. 428, déclarait déjà que seuls les chrétiens baptisés pouvaient participer aux saints mys­ tères. Au iv» siècle, les Canons d’llippolyte, can. 206, et la Constitution ecclésiastique égyptienne, qui en dé­ pend, recommandaient aux clercs de veiller avec soin à ce que seuls les fidèles reçoivent la communion. Aclielis. Die Canones Hippolyti, dans Texte und Vntersuchungen, Leipzig, 1891, t. vt, p. 119. Cependant, si un non-baplisé avale une hostie consacrée, ne communie-til pas? Très certainement il mange le corps du Christ, mais d’une façon purement matérielle qui ne produira en lui, quelles que soient ses dispositions, aucun effet sacramentel, c’est-à-dire aucun effet ex opere operato. Aussi l’Eglise n'a jamais donné l’eucharistie même aux plus fervents de ses catéchumènes. 4. Les enfants baptisés n'ayant pas encore l’àge de raison peuvent recevoir l’eucharistie avec fruit. — a) L’usage de communier les enfants aussitôt après leur baptême a été pendant très longtemps en vigueur dans une grande partie de l’Église. Il est mentionné par saint Cyprien, Epist., L.xni, ad Cæcilium, n. 8, P. L., t. iv, col. 380, par le sacramentaire de saint Grégoire, P. L., t. lxvviii, col. 90; cf. col. 347; par l'Ordo romanus /, n. 4j, ibid., col. 957-958, et pour la France par Robert l’aupulus, qui écrivait au XII» siècle que le prêtre devait administrer l'eucharistie aux nouveau-nés en trempant son doigt dans l’espèce du sang pour le leur faire sucer. Postérieurement encore, Pascal II prescrivait de ne communier les enfants que sous l’espèce du vin. A Car­ thage, au ni» siècle, il en était déjà ainsi. S. Cyprien, De lapsis, c. xxv, P. L., t. iv, col. 484-485: S. Augustin, Epist., xcvm, 4, P. L., t. xxxtn, col. 361. En (Orient, 496 la même coutume était observée et l’est encore aujour­ d'hui. Uenzinger, Ritus orientalium, t. t, De baptismo, § 9; Pargoire, L'Église byzantine de 527 à 847, Paris, 1905, p. 95. Les enfants communiaient aussi en dehors du jour de leur baptême. Testamentum D. N. J.-C., édit. Rahmani, Mayence, 4899, p. 47. Voir Communion sous les deux espèces. Le synode de Trêves (1227) dé­ fend de donner aux petits enfants la communion, pas même une hostie non consacrée. Can. 3, Man-i. t. xxm, col. 28. Celui de Bordeaux (1255) interdit de leur donner à Pâques une hostie consacrée; on peut leur donner un pain commun bénit. Can. 5, .Mansi, ibid., col. 858. Π est naturel de rattacher à cette coutume celle de donner aux enfants les restes de l’eucharistie. On taisait ainsi à Constantinople au témoignage de Nicéphore, 11. E., I. XVII, c. xxv, P. G.,t. cxlvii, col. 280; en France éga­ lement, comme le prouve le 6« canon du II» concile de Mâcon, tenu en 585. Mansi, t. ix, col. 952. Cet usage a disparu dans l’Église latine vers le xin» siècle. Au temps de saint Thomas il était partout aboli. Sum. theol., IHa, q. lxxx, a. 9, ad 3“m. Cf. de Lugo, disp. XIIL sect, it, η. 1199. — b) Déjà au xvtt» siècle, les théologiens ad­ mettaient communément que les enfants sont capables de recevoir l’eucharistie : on peut dire qu’aujourd’hui cette doctrine est unanimement enseignée. Elle repose sur une double preuve. — C’est un principe général que les enfants peuvent recevoir validement tous les sacre­ ments excepté ceux dont la nature spéciale exige l’àge de raison. Ces derniers sont au nombre de trois : la péni­ tence, l’extrême-onction qui supposent que le sujet a commis quelque péché actuel, et le mariage pour lequel le libre cônsentementdes contractants est essentiellement requis. Du reste, si l'on considère la nature de l’eucharis­ tie, la capacité des enfants baptisés par rapport à ce sa­ crement ne peut faire de doute. Il est le sacrement de l'alimentation spirituelle; que faut-il de plus pour en ressentir lesellels que d’être né par le baptême à la vie surnaturelle? — b) Les théologiens arguent de la pratique ancienne d’une grande partie de l’Église. Si, en tant d’endroits différents et pendant tant de siècles, on a donné la communion aux enfants, c’est évidemment dans la per­ suasion qu'elle leur était profitable. — c) Parmi les théo­ logiens modernes, le Dr Oswald a cru devoir s'écarter de l’opinion commune. Die dogmalisc.be Lehre von den Sakramenten, 5» édit., t. 1, p. 613. D'après lui, une certaine intention est nécessaire pour recevoir valide­ ment les sacrements. Oui, chez les adultes, mais le baptême, la confirmation et l’ordre ne peuvent-ils pas être validement conférés aux enfants? alors pourquoi pas l’eucharistie? L’explication que le même auteur donne de l'ancienne pratique n’est pas plus heureuse. On voulait, dit-il, édifier les fidèles en leur montrant que ces enfants étaient de vrais membres du corps de Jésus-Christ. Soit, mais les fidèles devaient nécessaire­ ment croire en outre que la communion produisait chez les enfants les mêmes effets que chez eux, d’autant plus que les catéchumènes n’y étaient pas admis. Pouvaientils admettre que l’Eglise voulait les édifier en les trom­ pant? Puis, l’Église se serait montrée peu respectueuse vis-à-vis de l’eucharistie en l’administrant dans des con­ ditions où l’eflet propre de ce sacrement ne pouvait pas être produit. Le Dr Oswald avance, il est vrai, que l’eu­ charistie sanctifiait les enfants à la façon d un sacra­ mental, mais cette explication laisse subsister toutes les raisons précédentes. L’erreur des fidèles eut été la même et l’Eglise n’en aurait pas moins montré peu d’égards pour l’eucharistie en communiant les enfants, puisqu'elle aurait pu leur assurer les mêmes effets au moyen de ses prières, des bénédictions et des autres sacrainentaux proprement dits, ou encore, si l’on veut, par le simple contact de la sainte eucharistie. 5. C’est un principe général que les adultes ne reçoi­ vent validement les sacrements que s’ils en ont eu l’in­ 497 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) tention. Il n’est pas nécessaire que celte intention soit actuelle ni même virtuelle au moment où le sacrement est reçu; l’intention dite habituelle suffit. Les aliénés peuvent donc recevoir l’eucharistie avec fruit, s'ils en ont eu l’intention alors qu’ils jouissaient de leur raison. Quant aux aliénés de naissance, chez qui la raison ne s’est jamais éveillée, il est naturel de les assimiler aux enfants et. conséquemment, de les regarder comme ca­ pables de la grâce sacramentelle. De Lugo. De eucharistiœ sacramento, disp. XIII, sect. II, n. 23. 2» Conditions de licéité d'administration de l’eucha­ ristie. — Le rituel romain, De sancl. euch. sacramento, interdit de donner la communion : 1. à ceux qui en sont indignes, ainsi qu'il a été expliqué plus haut; 2. à ceux qui n’ont pas l’usage de la raison; 3. dans tous les cas où il y a lieu de craindre quelque irrévérence, même sim­ plement matérielle, envers le sacrement. Les deux der­ nières conditions concernent : a) les enfants; b) les sujets atteints d’aliénation mentale; c) certaines circon­ stances spéciales. I. Communion des enfants. — a) Il est rigoureuse­ ment interdit, dans l’Église latine, de communier les enfants avant qu’ils aient l’âge de discrétion ou, comme s’exprime le rituel, loc. cit., n. I l, avant qu’ils aient la connaissance et le goût de l’eucharistie. Pourtant, bien que la communion ne soit pas nécessaire au salut des enfants, l’Eglise ne devrait-elle pas la leur donner, comme autrefois, après leur baptême? En la leur refu­ sant à présent, ne les prive-t-elle pas de la grâce insigne d’une première communion faite avec toute la pureté baptismale? Si cette objection était fondée, il faudrait également condamner l’Eglise pour la défense qu’elle fait â tous de communier plusieurs fois par jour, malgré le prolit que les âmes saintes tireraient de communions répétées. Les règles, prescrites par l’Eglise dans la plé­ nitude de son droit de dispensatrice des choses saintes et guidée parson intelligence infaillible des institutions divines, sont pleinement justifiées par le respect dù à l’auguste sacrement. Du reste, le changement de disci­ pline. en ce qui concerne les enfants, est une consé­ quence logique de la suppression de l'usage du calice, pour la communion des adultes. En effet, les enfants nouveaux baptisés ne communiaient autrefois que sous l’espèce du vin. Voir Communion sous i.es oeix espèces. — b) En soi, l’âge de discrétion est tout simplement l’âge de raison, c’est-à-dire celui où l'on discerne le bien du mal. Néanmoins, quoique le concile de Latran indique cet âge aussi bien pour la communion que polu­ la confession annuelle, l’époque où les enfants commen­ cent â être tenus de communier retarde notablement sur celle où ils sont déjà obligés de se confesser. En ellel. l'eucharistie, dit le rituel romain, De sanctissimo euch. sacramento, n. H. ne doit pas être administrée à ceux qui, en raison de leur âge, n’ont pas la connais­ sance et le goût de ce sacrement; or ces dispositions ne se rencontrent généralement pas chez les enfants à l'âge où ils commencent à discerner le bien du mal. Mais ici plusieurs questions se posent, — a. Quel est le minimum de discrétion requis pour que les enfants puissent être admis à la communion? D’après saint Thomas, Sum. theol., 111», q. i.xxx, a. 9, ad 3"“, il suflit d’un com­ mencement de dévotion envers l'eucharistie, ou. comme il s'exprime ailleurs, In IV Sent., dist. IX, a. 4, ad 4»“', que les enfants sachent distinguer le pain maté­ riel du pain sacramentel. Cette disposition peut se con­ stater, dit de Lugo. disp. XIII, n. 36, par exemple, lorsqu'on voit les enfants assister pieusement à la messe et y adorer l'eucharistie. C’est, naturellement, au con­ fesseur qu’il appartient de décider en dernier ressort si l'enfant peut communier ou non. — b. Les enfants sontils obligés de communier dès qu'ils peuvent être admis à le faire? Selon saint Alphonse, I. VL n. 301, l'opinion négative est très commune et la mieux fondée en raison. 498 Elle soutient que l’usage général a interprété le décret de Latran en ce sens que la première communion peut être retardée pour être faite avec plus de respect et plus de fruit. Il faut cependant excepter le cas du viatique. Alors, en effet, vu l'urgence d'accomplir le précepte divin, l'enfant est tenu de communier dés qu’il peut le faire avec fruit. — c. Peut-on fixer un âge minimum où les enfants sont obliges de s’approcher de la sainte bible? D’après saint Alphonse, loc. cil., les docteurs disent communément qu'en général les enfants ne sont pas obligés de communier avant l’âge de neuf ou dix ans, et qu’on ne doit pas les remettre au delà de leur 12· ou 14” année, mais qu'en tout cela il faut tenir compte de la précocité de certains enfants. Ainsi, l’âge où la première communion doit se faire, suivant les sujets, varie entre des limites assez étendues. Voir la doctrine de saint Charles, t. n. col. 2269-2270. c) En France et en Belgique, la première communion des enfants est le couronnement solennel, à un âge fixé par les statuts diocésains (généralement douze ans), d'une longue préparation catéchétique et morale. Les avantages de premier ordre qui résultent de cette pra­ tique sont assez évidents. Ainsi accomplie, la première communion laisse chez les enfants une impression presque ineffaçable; puis, elle assure à beaucoup le bienfait d’une instruction religieuse aussi complète que possible, car, pour beaucoup, la première communion marque la lin de la fréquentaiion du catéchisme. Toute­ fois l'on peut se demander s'il est légitime de refuser la communion, uniquement parce qu’ils n’auraient pas l’âge statutaire, aux enfants que l’on trouverait sullisamment disposés. La S. C. du Concile fut saisie de celle question en 1888 au sujet d’une ordonnance rendue par l’évêque d'Annecy. Aucun enfant ne devait être admis, dans ce diocèse, à faire la première communion avant d'avoir accompli sa 12” année et suivi pendant deux ans le catéchisme; en outre, à partir de 1885, la premiete communion ne pouvait pas être fixée plus tôt que le 20 mai; par suite, elle était reculée jusqu'après la fer­ meture de l’époque d'accomplissement du devoir pascal pour l'année courante. Cetle ordonnance devait-elle être maintenue ou annulée? La S. C. répondit, le 21 juillet 1888, que. vu les circonstances spéciales de temps et de lieu, l'ordonnance devait être maintenue, mais sous la réserve suivante : l’évêque ne devait pas empêcher l'admission à la première communion des enfants qui seraient certainement arrivés à l'âge de discrétion re­ quis par les conciles de Latran et de Trente. Le 23 juil let. Léon XIII approuvait cette déclaration et expliquait que la première communion, permise dans ce cas, était une communion absolument privée et non la première communion solennelle, laquelle restait regie par l’or­ donnance épiscopale. Par conséquent, ce que Rome vise ici. c’est le caractère trop impératif d'un certain règle­ ment épiscopal; ce qu’elle réclame, c’est la liberté pour le prêtre de faire communier tel ou tel enfant; il cons­ tatera, exigera la discrétion voulue; mais elle ne l'oblige point à les admettre à la communion dès ce moment, et l'on aurait tort de regarder la réponse romaine comme une condamnation de la pratique, toujours gé­ nérale en France, de ne pas admettre les enfants a la communion avant le jour où ils la font solennellement vers l’âge de onze ou douze ans. En effet, d'apres l'opi­ nion très commune rapportée ci-dessus et que le décret romain ne contredit pas. les enfants ne sont pas soumis au précepte de Latran dés l’instant ou ils ont la discre­ tion voulue pour communier avec fruit; la coutume autorise un certain délai qui peut aller, en certains cas. jusqu’à la 14” année des enfants; le prêtre est donc en droit de reculer notablement la première communion des enfants si de graves raisons, si. surtout, l'intérêt même des enfants lui conseillent d’agir ainsi. Cf. Gênicol, Theologiæ moralis instiluliones, t. 11, n. 21‘J. Ur 499 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GENERALE) ces graves raisons existent généralement dans les pa­ roisses de France; elles subsistent même en partie dans les pensionnats catholiques, quoique, comme le dit Gasparri, t. n, n. 1169, dans ces établissements, il puisse se présenter plus facilement des situations par­ ticulières où le prêtre pourrait user du droit qu’il a, nonobstant toute disposition contraire de la législation diocésaine, d’admettre un enfant à la communion privée. Λ ce sujet, il est à noter qu'en vertu de l'usage existant en France, l’admission à la première communion est réservée au curé, c’est-à-dire que tout enfant doit faire 1 celte communion dans sa paroisse, sauf permission du curé. 2. Communion des aliénés, etc. — a) De l’avis de plusieurs théologiens, les aliénés de naissance qui ont été baptisés sont capables de percevoir les fruits de l'eu­ charistie. De Lugo, disp. Xlll, n. 23. Sous ce rapport, ils sont assimilables aux enfants privés de raison; cn tout cas, il est interdit, Rit. rom., loc. cil., n. 10, de donner, en quelque circonstance que ce soit, la sainte communion, à ceux qui sont atteints d’aliénation com­ plote. — h) La même prohibition s'étend à ceux qui, à l’âge adulte, ont été frappés d'aliénation complète. Le rituel romain ne les distingue pas des précédents, mais saint Thomas pense qu'on peut leur donner le viatique si. tandis qu’ils jouissaient de leur raison, ils ont mon­ tré de la dévotion envers l'eucharistie. Sum. lheol., Ill·1, q. I.xxx, a. 9. On peut certainement leur donner la communion en cette circonstance, mais il est mieux de ne pas le faire, à cause du danger d’irrévérence envers le sacrement. — c) Si l'aliénation est intermittente, on peut, dit le rituel, donner la communion pendant les intervalles de lucidité, pourvu que le sujet montre quel­ que dévotion et sauf danger de manque de respect envers le sacrement. En dehors des intervalles de lucidité, il ne peut être question que de la communion en viatique : la réponse est la même que dans le cas précédent. — d) Quant aux sujets dont la raison demeurée ou retom­ bée en enfance autorise des doutes sérieux sur leur capacité de communier, saint Alphonse, I. VI. n. 303, el avec lui la plupart des théologiens pensent que la communion ne peut leur être donnée qu'à Pâques et à l’article de la mort. D'autres laissent à l'appréciation du prêtre le plus ou le moins grand nombre de commu­ nions à accorder selon la capacité et le désir du sujet. Cf. Génicot, Theologiæ moralis institutiones, t. n, n. 1907. — e) Les mêmes principes doivent être suivis pour l’admission à la communion des sourds, sourdsmuets, muets, aveugles de naissance, qui n'ont pas reçu l'éducation spéciale qu’on donne aujourd’hui à ces dis­ graciés de la nature. Cassien, Collât., vu, n. 29, 30, P. G., t. xux, col. 708-710, interrogé par Germain sur la question de savoir si les possédés du démon devaient être privés toute leur vie de la communion, répondit que les an­ ciens ne la leur interdisaient jamais; quin immo, si possibile esset, etiam quotidie eis impartiri eam debeie censebant. La parole de (’Évangile : Nolite san­ ctum dare canibus, Matth., vu, 6, ne va pas ad rem. La communion n'est pas donnée ad escam dæmonis, mais plutôt ad purgationem el tutelam corporis anim toque. De nombreux exemples montrent qu’elle délivre les possédés. 3° Circonstances diverses. — a) Il est interdit aux fidèles de communier deux fois le même jour. Cette règle n'a pas toujours existé ; les canonistes la déduisent des c. lll-xn, De celebratione missarum, I. Ill Decre­ tal., où il est défendu au prêtre de communier trois fois le jour de Noël à moins qu’il ne célèbre trois messes. Il y a deux exceptions, toutes deux fondées sur le droit divin. La première se vérifie dans le cas ou il faudrait soustraire le sacrement à la profanation, la seconde, I dans le cas ou une personne, qui aurait communié le 500 matin, tomberait le même jour en danger de mort et devrait recevoir le viatique. Mais ce dernier point est controversé. Voir Viatiqi e. — b) Le respect dû à l’eu­ charistie défend de la donner, même à l'article de la mort : a. aux malades atteints de vomissements fréquents, cf. synode de Trêves (1227), can. 3, Mansi, t. xxm, col. 28, ou de toux continuelle ou de toute autre affec­ tion analogue qui empêcherait la déglutition ou pro­ voquerait le rejet des saintes espèces, Rit. rom.. De communione in/irmorum, n. 57 ; s'il y a doute, il faudrait consulter le médecin, ou (dans le cas du viatique) faire un essai préalable avec une hostie non consacrée ou s’abstenir de donner le sacrement; b. dans les lieux infâmes et en général dans tous les endroits mal famés; c. à tous ceux qui sont privés de leur sens dans l’acte même du péché ou après une vie manifestement scan­ daleuse. Le synode de Tribur (895) décidait toutefois que si quelqu'un, blessé au moment ou il commettait un vol ou un autre méfait, se confessait de sa faute, il recevrait la communion. Can. 31, Mansi, t. xvm, col. 1318. VI. Dispositions. — Elles concernent le corps ou l’âme. — t. dispositions coni'oiiEi.i.Hs. — Elles con­ sistent dans l'observation du jeûne eucharistique et dans une certaine pureté et modestie corporelle. — 1° Jeûne eucharistique. — I. Histoire. — Jésus-Christ ayant institué l'eucharistie après le repas légal de la Pâque, il était naturel que l’usage de consacrer les saints mystères et de communier après un repas pris en com­ mun s'introduisit parmi les premiers fidèles. Rien, cependant, ne prouve que cette coutume ail été adoptée partout dans la primitive Église; on sait seulement qu'elle a existé à Jérusalem, Act., il, 42, 46; à Corinthe, 1 Cor., xi; à Smyrne, S. Ignace, /Id Smyrn., n. 8, P. G., t. v, col. 714, et sans doute dans quelque autre Eglise particulière. A la vérité, Terlullien mentionne encore l’agape ou repas commun des chrétiens, Apo­ loget., c. vil sq.. P. 1.., t. 1, col. 306 sq., mais dans la description qu’il en donne, il n'est pas question de l’eu­ charistie. C'est que, sans doute, l'eucharistie était séparée de l’agape et se célébrait le matin. De corona, c. Ill, P. L., t. n, col. 79; S. Cyprien, Epist., uni, n. 16, P. L., t. iv, col. 386. Cf. Dictionnaire d'archéologie chré­ lienne de dom Cabrol, t. i, col. 779 sq. Du reste, Tertullien témoigne clairement qu'à domicile on prenait l'eucharislie avant toute autre nourriture. Ad uxorem, c. il, 5, P. L., t. i, col. 1296. Origène, Jn Gen., homil. X, P. G., t. xn, col. 288, recommandait le jeûne comme une préparation au céleste repas. En tous cas, si, sur ce point, comme sur tant d'autres concernant la com­ munion, les usages ont pu différer à l'origine, il est con-tant qu’au iv» siècle, le jeûne eucharistique était observé partout. Les Canons d llippolyte, can. 205, et la Constitution ecclésiastique égyptienne imposent rigou­ reusement le jeûne avant la réception de l'eucharistie. Achelis, Die Canones Hippolyti, dans Texte und Vntersuchungen, Leipzig, 1891, I. vi, p. 110. Saint Augus­ tin, Epist. ad Januar., P. L., t. xxxm, col. 203, pense même qu’un tel accord n'avait pu s'établir que par l’inspiration du Saint-Esprit. L’ne exception subsistait cependant encore en Égypte, car, Socrate, II. E., L V, c. xxn, P. G., t. Lxvn. col. 636, rapporte qu'à Alexan­ drie et en Thébaïde l’agape, suivie de la célébration des saints mystères et de la communion, avait lieu tous les samedis au soir. Une autre exception, mais qui con­ firme la règle, était admise en Afrique, cf. S. Augustin, Epist., Ltv, ad Januar., P. t. xxxm, col. 201; concile d Hippone (393), can. 28 ; IIIe concile de Car­ thage (397), can. 29, Mansi, t. m, col. 885, et dans les Gaules: le jeudi-saint on devait prendre un repas h· soir avant de participer à l’eucharistie. A la fin du iv· siècle. il en était encore ainsi dans les Gaules, comme on le voit par le concile de Mâcon tenu en 585, Mansi, t. IX, EOl COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) col. 952, qui prescrivait le jeûne, mais toujours avec la réserve du jeudi-saint. Le concile in Trullo (692) désap­ prouva explicitement la coutume africaine. Can. 29. Mansi, t. xi, col. 956. Cette exception cessa sans doute progressivement par la force d une coutume contraire. L’époque exacte où elle disparut est inconnue, mais certainement elle est très antérieure au xv» siècle, puis­ que le concile de Constance, Denzinger, n.5S5. déclarait sans restriction que, nonobstant l'exemple du Christ, l’eucharistie ne doit pas être consacrée après le repas ni reçue autrement qu a jeun, sauf le cas de nécessité, et condamnait ceux qui tenaient pour illégitime celte louable pratique de l’Église. Le pénitenliel du Vénérable Béde, c. vi, n. 9, imposait une pénitence de sept jours à celui qui communiait après avoir mangé. Ms'Schmitz, Die Bussbücher und die Bussdisciplin der Kirche, Mayence, 18é3,1.1, p.562. Celui du Monl-Cassin, ix'-xe siè­ cle. n. 89. ibid., p. 416, suit la même discipline. Mais celui de Milan, qui est plus récent, pr.ec. ni, ibid., p. 814, était plus sévère : il imposait la pénitence de dix jours au pain et à l’eau à quiconque aurait reçu la communion post aliquam vel minimam degusta­ tionem. Cf. op. cit., Dusseldorf, 1898, t. n, p. 356,440. 2. Pratique. — Les principes suivis par l’Église en matière de jeûne eucharistique ont été formulés par saint Thomas, Sum. theol., III», q. i.xxx, a. 8, ad 4“'”, 501”, et ont passé de là dans la rubrique du missel, De defectibus missæ. Ils se résument en ceci : le jeûne eu­ charistique consiste dans le jeûne naturel, c’est-à-dire à n’avoir pris depuis minuit aucune nourriture solide ou liquide. — a) L’heure de minuit peut se compter indif­ féremment suivant le temps vrai, le temps moyen ou le temps légal. Dans les contrées polaires, comme ail­ leurs, le minuit et le midi vrais se calculent par le pas­ sage du soleil ou des étoiles au méridien local. — b) La loi du jeûne eucharistique ne comporte pas de légèreté de matière. Si minime que soit la quantité qui a rompu le jeûne, il y a faute grave à communier ainsi, hors le cas de nécessité. Toutefois, il faut que le jeune ait été certainement rompu, car, dans le doute, si, après exa­ men, ce doute persiste, la communion est permise. — c/ Pour que le jeûne eucharistique soit rompu, il faut: a. que la substance ingérée soit digestible. Cette condi­ tion s’apprécie surtout d'après l’estimation commune, • luuique les données scientiliques gardent nécessairement leur valeur, car tout ce qui est chimiquement inatta­ quable par les sucs gastriques est par le fait non diges­ tible. On doit même tenir compte de la forme sous la­ quelle la substance est ingérée; ainsi, le fer devient digestible quand il est pris comme remède sous la forme de poudre. On admet communément que les cheveux, les ongles, les fragments de métal, les noyaux ou pépins de fruits ne rompent pas le jeûne. — b. Il faut que cette substance vienne du dehors, ainsi le sang coulant des gencives et avalé ne rompt pas le jeûne : il en est de | même des restes de nourriture demeurés dans la bouche. Selon saint Thomas, le jeûne serait rompu si ces restes I étaient avalés volontairement; cette opinion, dit saint Alphonse, est la plus commune et la plus probable, mais I ce saint docteur reconnaît cependant la probabilité de I i opinion contraire fondée sur la rubrique du missel | : li ne fait aucune distinction. — Il faut que cette substance ait été ingérée en mangeant ou en buvant et i non par le jeu spontané· d’une autre fonction physiolo­ gique telle que la respiration ou la salivation. Par suite, celui qui avale par mégarde un flocon de neige, un moucheron, véhiculés par l'air respiré, ou encore,un grain de tabac en prenant du tabac en pondre, n’a pas rompu 1 le jeûne, de même, si une goutte de sang venant du nez, une pellicule détachée des lèvres sont absorbées par hasard avec la salive, on peut encore communier. Saint Nicolas I-r.en S66, Besponsa ad consulta Bidgarorum, n. (55, Mansi, t. xv, col. 423-424, tout en déclarant que 502 celui qui n'est pas à jeun ne doit pas communier, ajoute qu'on peut admettre à la communion celui qui a saigné de la bouche ou du nez. 11 est même loisible à chacun de se laver la bouche, à la condition de rejeter ensuite le liquide : on n’a pas à s’inquiéter de la faible quantité d’eau qui serait avalée ensuite, pourvu que ce soit involon­ tairement. Voir Anastase le Sinaïte, Interrog. el res­ tons., q. c, P. G., t. lxxxix, col. 753. Pour le même motif, celui qui goûte quelque aliment liquide, par exemple, du bouillon, et qui le rejette ensuite, sans ri< n avaler volontairement, n'a pas rompu le jeûne. Il en est de même, sous réserve des mêmes précautions, du tabac mâché, mais il serait très inconvenant de mâcher du tabac avant d’aller communier. Au contraire, celui qui aurait mis dans sa bouche du sucre ou toute autre subs­ tance soluble dans la salive ne serait plus à jeun si la substance ainsi dissoute était avalée après minuit. S. Al­ phonse, 1. VI, n. 277. Il n’est pas besoin de dire que les lavements nutritifs n'intéressent en rien le jeûne eucharistique, mais peut-on en dire autant du lavage de l’estomac? Génicot, Theolog. moralis instil., t. il, n. 200, pense que le liquide restant dans l’estomac n'empêche pas le jeûne, attendu qu’il n'a pas été ingéré en buvant. L’opinion contraire, soutenue par Gasparri, t. t, n. 421, parait mieux fondée ; en elle!, ingérer un liquide à l'aide d’un tube, c'est, au fond, véritablement le boire; aussi Génicot lui-même soutient, n. 205, qu'il y aurait réel­ lement communion si, chez.un malade pourvu d’un ori­ fice stomacal artificiel, les saintes espèces arrivaient dans l'estomac par celte voie anormale. d) La loi du jeûne cesse quand il y a nécessité de célébrer ou de communier et dans ce cas seulement, sauf induit apostolique qu’il appartient à la S. C. du Saint-Office d'accorder. Cf. Schneider, Manuale sacer­ dotum, 13eédit., p. 654. —a. Dispenses du jeûne pour la messe. — a. Il est permis au prêtre de célébrer sans être à jeun, si l'omission de la célébration de la messe devait causer un grave scandale, mais ‘a seule raison de faire entendre la messe un jour d’obligation ne serait pas une excuse suffisante. En pratique, il faut se régler sur les circonstances. Cf. Lehmkuhl, Casus conscientia', t. it, casus 48, ad 2unl. — p. Quand il est nécessaire d’achever le saint sacrifice resté incomplet, soit qu’il s'agisse de suppléer un prêtre qui a dû interrompre sa messe après la consécration, soit que le prêtre s’aper­ çoive en prenant le contenu du calice qu'il n'avait pas con­ sacré de vin, ou encore, si, après avoir pris les ablutions, il découvre des parcelles qui lui ont échappé; il pour­ rait même les prendre après être rentré à la sacristie, pourvu qu’il n'ait pas encore quitté les ornements sacrés. Mais il n'est pas permis de consommer, après avoir pris l’ablution, les hosties restées dans un ciboire que l'on voudrait purifier, à moins cependant que l’on ne célèbre en un endroit où l'on ne conserve pas la sainte eucha­ ristie. — γ. Si l’on devait célébrer pour pouvoir com­ munier ensuite un malade en viatique; du moins, saint Alphonse, I. VI. n. 286. tient celte opinion pour probable, quoiqu’il se rallie à l’avis contraire. La raison de cette opinion est que le précepte du viatique, qui est de droit divin, doit l’emporter sur le précepte du jeûne qui est seulement de droit ecclésiastique. — ô. Si le prêtre est contraint de célébrer par des menaces de mort, il serait même permis alors de célébrer sans autel, sans calice consacré, sans ornements sacrés, mais le prêtre ne pour­ rait aucunement céder à de telles menaces, si la célé­ bration était exigée comme un acte de mépris envers la religion, l’Eglise ou les commandements. b. En dehors de la célébration de la messe, sont dis­ pensés du jeûne eucharistique : a. ceux qui communient en viatique. Voir Viatique. Si la maladie se prolonge, la communion peut être réitérée, toujours avec dispense du jeûne, Ions les huit jours, disait l’opinion commune au temps de saint Alphonse, 1. VI, n. 285; tous les joui s. 503 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) 504 disent les autres théologiens, et spécialement ceux de I position, il y a lieu de considérer: 1" les raisons qui la motivent; 2° la nature du précepte qui l’exige; 3° les notre époque. Cf. Génicot, t. il, p. 202. Mais, en pra­ tique, lorsqu’il y a obligation de porter l'eucharistie au I obligations que ce précepte impose. 1» Baisons qui motivent l'état de grâce. — I. Effet loin, une pareille fréquence ne saurait être obligatoire. propre de la communion. — L'eucharistie a été insti­ La même dispense n'est pas acquise aux personnes que tuée pour entretenir et augmenter la vie spirituelle; elle leur santé empêcherait de communier sans être â jeun, exige donc au préalable que ceux qui s’en nourrissent si elles voulaient communier simplement par dévotion ; possèdent cette vie, c’est-à-dire soient en élat de grâce. cependant d’après quelques théologiens, cf. d’Annibale. Summula theologiæ moralis, l. tu, p. 278, si ces per­ S. Thomas, Sum. theol., 111«, q. t.xxtx, a. 3. Cette dis­ position est d’ailleurs suffisante: c’est pourquoi l'apôtre sonnes devaient faire la communion pascale, on pourrait saint Paul, I Cor., xi, 28, dit: Que l'homme s’éprouve el la leur donner sans qu'elles fussent à jeun. Toutefois, qu’ainsi il mange de ce pain el boive de ce calice. comme l'observe Berardi, Praxis confessoriorum, t. il, 2. Nature du précepte qui exige l'état de grâce. — n. 4274, en pratique ces personnes ne pourraient être Or, quand il s’agit des autres sacrements des vivants, communiées ainsi qu'à domicile ; el l'on pourrait alors tourner la difficulté en portant la sainte eucharistie celui qui doit les recevoir peut, s'il n'est pas en état de grâce, recourir à son choix ou à la confession sacramen­ d'aussi grand matin (même aussitôt après minuit) qu'il telle ou à la contrition parfaite, mais il n’en est pas ainsi le faudrait pour que la loi du jeûne soit respectée. — pour l’eucharistie. Le concile de Trente, sess. XIII, β. Les personnes qui n'étant pas à jeun seraient dans la c. vin, déclare, en effet, que la coutume de l’Église ex­ nécessité de communier pour éviter d'être diffamées ou plique la probation réclamée par saint Paul en ce sens de causer du scandale. Ce serait le cas, et il n'y en a que quiconque se sent coupable de péché mortel, guère d'autre, d'une personne qui, se trouvant à la quelque contrition qu'il pense avoir, n'approche pas de table de communion, se souviendrait qu'elle n'est pas à la sainte eucharistie avant de s'élre confessé sacramenjeun. — γ. Pour sauver l'eucharistie d'un danger immi­ nent de profanation, un laïque pourrait, même à défaut Kdlement. Ce saint concile, ajoutent les Pères de Trente, d'un prêtre ou d'un clerc, la prendre dans le tabernacle ordonne que cette coutume soit observée à perpétuité par tous les chrétiens, même par les prêtres qui au­ et la consommer sans être à jeun. ront à célébrer, ainsi que c’est leur office, à moins qu'ils 2° Pureté corporelle. — La pureté corporelle que l'on met au nombre des dispositions à la communion ne manquent de confesseur. Si, par nécessité urgente, un prêtre avait célébré sans s’être confessé auparavant, concerne surtout les personnes mariées et consiste à garder la continence les jours où ils veulent s’appro­ qu'il ne manque pas de se confesser au plus tôt. a) La coutume de confesser les péchés graves avant cher de la sainte table. L’apôtre saint Paul formule, de communier repose-t-elle sur un précepte divin ou 1 Cor., vu, 5, ce conseil, cf. S. Jérôme, Epist., xlvhi, ad Pammach., n. 15, P. L., t. xxn, col. 505, dont les est-elle d'origine purement ecclésiastique? 11 est certain que plusieurs Pères onl entendu les paroles de saint Grecs ont fait une obligation. Origène, Selecta in Ezech., Paul du recours à la confession sacramentelle. Saint vit, P. G., t. xm, col. 793; S. Denys d'Alexandrie, Epist. can., can.2-4, P. G., I. x. col. 1281 sq.; Renaudot, Cyprien, De lapsis, n. 15, 16, s'indigne contre ceux qui font violence au corps du Seigneur et à son sang en Lilurg. Orient, diss. in lit. copticam S. Basilii. Il en a été probablement de même en certains points de l’Église communiant, au mépris de la sentence de l'Apôtrc, latine. Cf. S. Isidore de Séville, De of/iciis divinis, 1. I, avant d’avoir fait l’exomologése de leurs crimes, c’estP. L., t. i.xxx, col. 756. Voir Communion fréquente. à-dire avant d’avoir accompli tous les acles de la péni­ Quoi qu’il en soit, cette pureté corporelle n’est aujour­ tence et de s’être réconciliés par l'imposition des mains d’hui que de conseil et n’est nullement exigée sous peine de l’évéque et des prêtres. Saint Jérôme, Tractatus in de faute grave. Il faut en dire autant des accidents Marc., v, 30-43, dans Anecdota Maredsolana, Maredphysiologiques involontaires que l'on aurait pu éprouver sous, 1897, t. ni 6, p. 341, demande à Dieu de nous res­ susciter de lectulo peccatorum nostrorum, et de nous dans la nuit précédant la communion. Pænilenliale l'allieellanum I (vni'-ix· siècle), n. 33, dans Mor Schmitz, faire donner à manger. Jacentes manducare non pos­ op. cil., 1.1, p. 283; cf. n. 31, pour les règles des femmes ; sumus : nisi steterimus, corpus Christi accipere non voir aus>i t. il. p. 181, 289, 356, 365: Anastase le valemus. Saint Augustin, Semi., ccct.i, η. 10, P. L., t. xxxix, coi. 1546, veut que celui qui se juge indigne Sinaïle, Inlerrog. et respons., q. c, P. G., t. lxxxix, col. 753; S. Thomas, Sum. theol., III·, q. ι,χχχ, a. 7. de communier s’abstienne et s’adresse à ceux qui ont le pouvoir des clefs. Saint Chrysostome, In illud : l'idi C'est uniquement en raison du trouble et de l’indévotion Dominum, homil. vi, n. 4, P. G., t. lvi, col. 140, en­ qui en seraient résultés qu'il y aurait convenance (mais non pas précepte) de différer la communion. Celte expli­ seigne aux fidèles qu’ils doivent communier sans péché cation se rapporte également au cas précédent. Décret sur la conscience, après s’élre corrigés et avoir purgé de la S. C. du Concile, 12 février 4679, Denzinger, n. 1086. leur âme. Ailleurs, In Epist. ad Eph., homil. ni, n. 4, Cf. S. Alphonse, 1. VI, n. 271 sq. P. G., t. i.xn. col. 28-29, il blâme ceux qui communient témérairement et inconsidérément par coutume plutôt 3° Modestie extérieure. — Il est naturel d’exiger que les vê'.'inenls du communiant reflètent par leur décence que par dévotion. On ne voudrait pas communier les mains sales, et on le fait avec une âme sordide. La com­ et leur modestie son respect pour l’auguste sacrement, munion n’est pas une affaire de jour fixe. A Pâques, on mais, d’autre part, aucune difformité corporelle ne per­ met delui refuser l’eucharistie. Il peut toutefois arriver peut communier, même quand on a péché; en autre que cette difformité soit repoussante à ce point que la temps, on né le peut pas. Saint Léon le Grand, Epist. communion ne doive pas être donnée en public. Il est ad 1head. Forojul., n. 7, P. 1.., t. i.iv, col. 1011, ensei­ d'usage que les militaires déposent leurs armes avant gne que c’est aux chefs de l’Église qu’il appartient de d aller à la sainte table, aucune loi cependant ne les y purifier les pécheurs et de les admettre par la porte oblige. de la réconciliation â la communion des sacrements. II. DISPOSITIONS SPIRITUELLES. — Les dispositions D'autre part, d’illustres théologiens, tels que Suarez, nécessaires et suffisantes chez l'homme baptisé pour disp. LXV1, sect, ni; de Lugo. disp. XIV, sect, iv; que la communion produise en lui des fruits sont au l’école de Salamanque soutiennent cette doctrine et, nombre de deux : 1. l'exemption de toute censure ou dé­ entre autres arguments, se fondent sur le texte du con­ fense analogue empêchant de recevoir le sacrement ; voir cile pour attribuer à la coutume en question la valeur synode de Paris (1212 ou 1213), can. 40. Mansi, t. xxn. d'une interprétation authentique du précepte divin col. 822 ; 2. l'état de grâce. Touchant cette dernière dis- promulgué p.ir saint Paul. Il est certain, du reste. 505 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) 5rG qu’au temps ou la pénitence publique était en vigueur, t communion sans causer un grave scandale ou sans ceux qui y étaient soumis n'étaient réadmis à la commu­ s’exposer à une grave diffamation. Un prêtre déjà à l’au­ nion qu’aprés l’absolution de leurs fautes. Sans doute, tel, ou dont le peuple attend immédiatement la messe, il n’est pas aussi bien démontré que l’on ait connu et un laïque lorsqu'il est à la table de communion, sont le observé dés l’origine l’obligation de confesser, avant plus souvent dans ce cas qui comprend diverses va- , de communier, les fautes graves non soumises à la pé­ riantes. Cf. S. Alphonse. I. VI, n. 262. Enfin, elle peut nitence solennelle, mais on ne démontre pas non plus résulter de la nécessité de consommer les saintes espèces le contraire, car l’exemple des moribonds communié?, pour les sauver d'une profanation imminente. dit-on. parfois sans confession préalable rentre précisé­ c. La nécessité de célébrer ou de communier n’excuse ment dans l'exception légitime de nécessité urgente. que celui qui manque de confesseur. Or, manquer de Néanmoins celte démonstration n’est pas sans réplique. confesseur c’est n'en avoir aucun à portée, autrement Beaucoup d’évêques et de théologiens qui avaient pris dit, assez près pour qu’on puisse aller le trouver sans part au concile de Trente, cf. Pallavicini, Hist, du grande incommodité. L'âge et la santé de la personne; concile de Trente, 1. XII, c. Il ; Theiner, Acta conc. le loisir dont elle dispose avant la communion qu'elle Trid., t. t, p. 183, continuaient à regarder le précepte est obligée de faire, ou, au contraire, des lacilités de de la confession avant de communier comme une loi déplacement dont elle jouit; les intempéries, en un purement ecclésiastique. Les textes des Pères peuvent mot, les circonstances spéciales de chaque cas doivent s’entendre des pécheurs qui auraient dû faire la péni­ entrer en ligne de compte, de sorte qu’il est impossible tence publique. Enfin. des théologiens, tels que Suarez, d’établir une règle générale. Tout en étant à portée loc. cil., tout en adoptant l’opinion la plus commune, utile, le confesseur manquerait cependant s’il ne voucelle qui soutient l’existence d’un précepte divin, vait pas confesser ou s’il ne le pouvait pas, par suile de admettent la probabilité de l'opinion opposée. censure ou d’insuffisance de juridiction. Ce dernier cas b) Quoi qu’il en soit, la communion, faite en état de se présenle surtout sous cette forme : un pénitent faule matérielle, est par elle-même un très grave sacri­ tombé dans un péché réservé n'a à sa disposition qu'un lège, puisque, objectivement parlant, il y a profanation simple confesseur ; doit-il s’adresser à lui pour pouvoir du corps et du sang de Jésus-Christ. I Cor., xi, 27. Ce­ communier ensuite? Il faut distinguer une double pendant, tout en étant en soi un péché plus grave que hypothèse. Ou bien le pénitent a conscience de quel­ beaucoup d’autres, la communion sacrilège n’est pas que autre péché grave, non réservé, ou bien le péché le plus grave de tous les péchés, cf. S. Thomas, Sum. réservé est le seul péché grave dont le pénitent ait à theol., III·, q. lxxx, a. 5; en outre, sa gravité varie s'accuser. Dans la première hypothèse, il est incontes­ suivant les circonstances; par exemple, faire une com­ tablement tenu de se confesser du péché non réservé, munion sacrilège par mépris envers Jésus-Christ, c’est mais il peut taire celui qui est réservé, car autrement pécher plus grièvement que la faire par peur de laisser il serait obligé de s’en accuser une seconde fois. Par voir à d’autres qu’on est en état de péché. suite, dans la seconde hypothèse, le pénitent n'est pas c) Obligations que ce précepte impose. — a. Est obligé de se confesser, il le peut néanmoins en s'accu­ obligé de se confesser avant de communier quiconque sant de quelque faute vénielle ou de quelque faute a conscience de quelque péché mortel. Mais si, s’étant grave antérieurement remise. Le péché réservé passé dûment confessé, il venait à se rappeler quelque péché sous silence sera lui-même remis, mais indirectement, grave involontairement oublié, il pourrait communier donc avec obligation de le soumettre ultérieurement sans s’étre confessé à nouveau et même sans avoir fait au pouvoir des clefs. S. Alphonse, 1. VI, n. 264. Mais préalablement un acte de contrition, puisque son péché il faut remarquer que, dans plusieurs diocèses, les sta­ aurait été véritablement quoique indirectement remis tuts déclarent que la réserve épiscopale n’existe plus par l’absolution. S. Alphonse, 1. VI, n. 2(57. En cette pour le pénitent obligé de célébrer ou pour la commu­ circonstance, les fidèles ont coutume de se faire nion pascale. En outre, s’il s'agit des excommunications absoudre à nouveau, mais cette pratique, bien que très réservées au souverain pontife, les simples conlesseurs recommandable, n’est pas obligatoire. peuvent en absoudre sous certaines conditions qui dé­ b. 11 n’est permis à celui qui est en état de péché pendent du pénitent; il y a donc obligation de déclarer grave de célébrer ou de communier sans confession ces fautes même à un simple confesseur. Les diffi­ préalable, que si, se trouvant dans la nécessité de célé­ cultés inhérentes à la confession, telles que la gène brer ou de communier, il n’a aucun confesseur à sa dis­ d’avoir à s’accuser, surtout à un prêtre autre que le position. 11 devra alors s’exciter à la contrition parfaite; confesseur auquel on a l’habitude de s’adresser, ou de plus, s’il est prêtre, il devra se confesser au plus tôt. la crainte d’être mal estimé par lui, ne dispensent au­ a. Avoir conscience d’un péché mortel, c’est croire cunement de l’obligation de s- confesser. Cependant après examen qu’on a commis ce péché, qu’il est réel­ Gousset, Théologie morale, t. Il, n. 195, semble ad­ lement grave et qu’il n’a pas été directement remis. mettre, et après lui quelques auteurs récents, cf. GéLa discussion des questions qui se posent, quand il y a nicot, t. n, η. 193, tiennent comme probable que doule sur l’un de ces points, appartient à la théorie de l’omission de la confession est excusable dans le cas de la confession. Voir cet article. Les mêmes principes répugnance invincible à s’adresser à tel prêtre en s'appliquent aux doutes concernant la contrition par­ particulier et ils citent l’exemple d’un oncle à qui il faite, en ajoutant que d’après plusieurs théologiens, cf. répugnerait d’avouer à son neveu certaines fautes. Mais S. Alphonse, 1. VI, n. 262, dans le cas d’urgence immé­ il est certain que la confession ne serait pas obligatoire diate, il suffit de s’être exercé de son mieux à la con­ s’il devait en résulter quelque grave dommage pour trition parfaite durant le court instant dont on dispose. une tierce personne, par exemple, si le pénitent ne β. La nécessité de communier peut résulter de la poqvait s’accuser au prêtre présent sans lui donner â nécessité de consacrer une hostie pour un malade en entendre que la faute accusée a été commise en compli­ danger pressant, ou, pour le | rétre ayant charge dames, cité avec telle personne connue de ce confesseur. De du devoir urgent de faire’entendre la messe au peuple même, l'omission de la confession serait permise si le un jour d'obligation. Suivant une opinion probable, la pénitent avait lieu de craindre quelque violation du nécessité d’accomplir le devoir pascal ou, pour le prêtre, sceau de la confession ; il est vrai que cette excuse ne celle d’entendre la messe un jour de précepte serait peut jamais être présumée. une excuse suffisante, mais saint Alphonse, 1. VI, n. 261, d. La partie finale du décret concerne uniquement le préfère l’opinion contraire. Cette nécessité peut résulter prêtre, S. Alphonse, L VI, n. 268, et prescrit rigoureu­ aussi de l’impossibilité d’omettre la célébration de la sement, Denzinger, n. 100, à celui qui, en cas d urgence 507 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GENERALE) et à défaut de confesseur, aurait célébré sans confes­ sion préalable, de se confesser au plus tôt. Il ne peut pas attendre l'époque où il se confesse habituellement, Denzinger, n. 110, ni le jour de la première messe qu'il célébrera ensuite, mais il doit se confesser au plus tôt, c’est-à-dire, de l'avis commun, dans le délai de trois jours. Il doit même se confesser plus tôt, s'il en avait la possibilité auparavant et prévoyait qu’il ne pourra plus le faire dans le délai prescrit. Si l’impossi­ bilité de se confesser dure plus longtemps que trois jours, il est exempt de toute faute en ne se confessant pas. mais il ne peut pas célébrer à moins qu’une nou­ velle nécessité de le faire ne se présente. Celui qui ayant oublié un péché dans sa confession précédente, a célébré sans se confesser à nouveau est-il tenu, après avoir célébré, de se confesser au plus tôt? Non, dit S. Alphonse,!. VI, n. 267, car il n’avait pas conscience d’être en état de péché mortel ; le précepte du concile de Trente ne le concerne donc pas. Quant au prêtre qui, en état de péché mortel, aurait célébré sans né­ cessité ou sans confession préalable, alors qu’elle lui était possible, le précepte du concile ne le vise pas non plus. On en donne cette raison qu’ayant célébré sacrilègement, en violant le droit divin, il ne serait guère retenu par la crainte d’enfreindre une loi purement ecclésiastique. Néanmoins, d’après de Lugo, disp. XIV, n. 150, si ce même prêtre venait ensuite à être dans la nécessité de célébrer et dans l’impossibilité de se con­ fesser préalablement, il retomberait sous la loi conci­ liaire. Vil. Effets. — 1° Synthèse (les efjets de la sainte communion. — I. Comme l’explique saint Thomas, Sum. theol., 111», q. lxxix. a. I, la sainte eucharistie peut être considérée sous de multiples aspects qui aident à com­ prendre la nature et l’étendue de son efficacité. D’abord, ce sacrement contient Jésus-Christ qui, venu en ce monde pour apporter aux hommes la vie de la grâce, opère en eux cette même vie en se donnant à eux dans l’eucharistie. Ensuite, ce sacrement représente au vif la passion de Jésus-Christ; par conséquent, il possède pour produire les effets, en vue desquels il a été insti­ tué, la même efficacité que la passion de Jésus-Christ elle-même. Or, l’eucharistie est administrée sous forme de nourriture et de breuvage; c’est pourquoi ce sacre­ ment opère quant à la vie spirituelle les mêmes effets que la nourriture matérielle produit quant à la vie cor­ porelle; il la soutient, la développe; il répare les pertes de l’homme et lui est une source de plaisir. Enfin, le pain et le vin qui sont les symboles eucharistiques sont formés tous deux d’une multitude de grains réu­ nis en une seule masse : l’eucharistie est donc le signe de l’unité catholique et le lien de charité qui unit les fidèles entre eux. 2. Le concile de Florence, Decret, ad Armenos, Denzinger, n. 59V, a ordonné logiquement les considé­ rations précédentes. L’effet que produit l’eucharistie dignement reçue est, dit-il, d’unir l'homme à JésusChrist, Or, c’est par la grâce que l’homme est incor­ poré au Christ el à ses membres; par conséquent, ce sacrement augmente la grâce dans ceux qui le reçoivent dignement et il produit sur la vie spirituelle tous les effets que la nourriture matérielle produit sur la vie corporelle : il la soutient, l'augmente, répare ses perles et la délecte. Urbain IV, const. Transiturus. Ce sacrement nous rappelle l’agréable souvenir de notre Sauveur, il nous écarte du mal, nous fortifie dans le bien, nous fait croître en grâces et en mérites. En des termes un peu différents, le concile de Trente, sess. Xlll, c. Il, enseigne la même doctrine. JésusChrist, dit-il, a voulu que l’on reçut ce sacrement comme un aliment spirituel qui nourrirait l’homme et le transformerait au point de vivre de la vie de celui qui a dit : Celui qui me mange vivra éternellement; 508 et aussi comme un remède qui délivrerait l’homme des fautes quolidiennes et le préserverait des fautes mor­ telles. En outre, il a voulu que ce sacrement fût le gage de noire future et éternelle félicité et par suite le symbole de l’unité du corps dont il est le chef, corps auquel il a voulu que nous fussions unis comme autant de membres par les liens étroits de la foi, de l'espé­ rance et de la charité. En résumé, la théorie des effets de l’eucharistie repose sur les deux points suivants : a) l'eucharistie unit les fidèles avec Jésus-Christ par les liens de la charité; b) de cet effet principal découle un ensemble complexe d’effets particuliers qui ne sont pas sans analogie avec ceux produits sur la vie du corps par la nourriture matérielle. 2° L'eucharistie, sacrement d'union avec JésusChrist. — L'efficacité surnaturelle de l'aliment eucha­ ristique résulte de ce que celui qui mange la chair et qui boit le sang du Sauveur demeure en Jésus, et que Jésus demeure en lui. Cette mutuelle inhabitation de Jé­ sus dans le communiant et du communiant en Jésus se fonde sur la participation à la même vie divine, que le Fils tient du Père et qu'il communique à ceux qui le reçoivent dans le sacrement. La communion dignement reçue produit une double union entre le fidèle et JésusChrist : 1. l'union sacramentelle par le fait même de la réception des saintes espèces; 2. l’union spirituelle qui est l'effet propre du sacrement. 1. L’union sacramentelle se réalise aussi bien chez les pécheurs que chez les justes par la manducation des espèces consacrées, et dure jusqu’à ce que ces espèces soient substantiellement altérées. C’est une simple union de contact, identique â celle qui exisle entre les deux espèces contenues dans un ciboire et ce ciboire lui-même, de Lugo, dist. XII, n. 109; elle n'est donc pas une union physiologique qui porterait dans les veines du communiant les atomes du corps et du sang divin du Christ et qui le nourrirait ainsi à la façon des aliments matériels. Ce système, soutenu de nos jours par le P. Leray, Constitution de l'univers, part. II, est en contradiction avec les conditions de l’étal sacramen­ tel. Il faut chercher ailleurs que dans une action immé­ diate et d’ordre physique le fondement des relations, dont il sera question plus loin, de la sainte eucharistie avec la résurrection bienheureuse des corps. 2. Lorsque la communion est faite dignement, le sa­ crement, étant reçu et ne rencontrant pas d’obstacle, produit son effet propre qui est l’union spirituelle. Si quelqu’un mange ma chair, dit Jésus-Christ, il de­ meure en moi el je demeure en lui. Joa., vi, 57. — a) La présence sacramentelle au sein du communiant ne suffit pas à l’amour de Jésus-Christ pour celte âme ornée de la grâce sanctifiante; il veut s’unir à elle pour y alimenter par une action profonde autant que mysté­ rieuse la vie surnaturelle. Ce n’est | as même assez de parler d'union intime, car l’eucharistie a pour but de transformer progressivement l'homme en Jesiis-Christ, de telle sorte qu’il vive de la vie même de Jésus-Christ, c'est-à-dire que tout en lui, pensées, sentiments, désirs, actions, soient conformes à Jésus-Christ. La réalité de cet effet est exprimée par les paroles du Sauveur : Celui qui me mange vivra par moi. Joa., vi, 58. Saint Thomas rend parfaitement raison de celte merveille, quand il dit, Sum. theol., 111», q. lxxix, a. 1, ad 2”·’·. que ce sacrement ne confère pas seulement la grâce habituelle, mais qu'il excite le communiant à agir selon ce qui est écrit : La charité de Jésus-Christ nous presse, c’est-à-dire nous pousse â répondre à l'amour de .lésus-Chrjst par un amour sans cesse croissant. Cependant les autres sacrements ne font-ils pas. eux aussi, grandir la charité dans l’homme? Sans doute, mais l’eucharistie a pour but spécial d'exciter, d'enllammer la charité dans l'homme : c’est â ce but qu'est ordonnée la grâce sacramentelle de la communion et il 509 COMMUNION EUCHARISTIQUE (DOCTRINE GÉNÉRALE) n'en est ainsi pour aucun autre sacrement. Le baptême, ·■ m qui plurimi in orientalibus partibus non quotidie . nx dominicæ communicent. Des autres pays ou au moins du sien, Augustin ne raisonne point de même. : apposant le fait de la communion quotidienne, il présenle contre l’interprétation eucharistique de panem n. strum quotidianum da nobis hodie, cette difficulté que l’oraison dominicale ne pourrait plus être récitée i une lois par jour, à moins que l’on communie seu­ 518 lement dans la dernière partie du jour. Finalement Cependant il admet l’interprétation eucharistique con­ jointement avec les deux autres : Oportet ut conjuncte accipiantur omnia tria : ut scilicet quotidianum pa­ nem simul petamus, et necessarium corpori, et sacra­ tum visibilem, et invisibilem verbi Dei. De sermone Domini in monte, I. 11. c. vn. n. 25sq.. P. L., t. xxxiv, coi. 1280. D’ailleurs, dans deux sermons, Augustin affirme nettement l'interprétation eucharistique. Serm., i.vn, c. vu ; i.viii, c. iv, P. L., t. xxxvm, col. 389, 395. Cependant, il connaît les usages différents des Églises. Alii quotidie communicant corpori el sanguini domi­ nico, alii certis diebus accipiunt, alibi nullus dies intermittitur quo non offeratur, alibi sabbato tantum el dominico, alibi tantum dominico. Epist., liv, n. 2, P. L., t. xxxvi, coi. 200. Cf. In Joa., tr. XXVI, n. 15, P. L., t. xxxv, coi. 16i4. Il recommandait la com­ munion quotidienne : Debetis scire quid accepistis, quid accepturi estis, quid quotidie accipere debeatis. Serm., ccxxvn, P. L., t. xxxvm, coi. 1099. Pendant celte même période, la coutume de la communion quotidienne pa­ rait aussi s'élre maintenue à Rome et en Espagne où elle existait encore vers la fin du iv’ siècle, au rapport de saint Jérôme. Epist., xi.vm, n. 15; LXXI, n. 6, P. L., t. xxii, col. 506, 672. L'n lexte curieux et peu connu, qui la relate, se trouve dans la Vita sanctæ Melanite junio­ ris, I. Il, n. 32, écrite par Gérontius, prêtre contem­ porain de la sainte (f 439), publiée dans les Analecta bollandiana, 1889, t. vm, p. 57, el éditée par le cardinal Rampolla, Santa Melania giunore senalrice romana. Documenti contemporanei e note, in-fol., Rome, 1905, p. 36. L’auteur raconte de sainte Mélanie : Nunquam, hæc cibum corporalem accepit, nisi prius corpus Do­ mini communicasset, quod maxime propter tutelam animæ percipiebat quamquam el consuetudo Bornants sit per singulos dies communicare. Et l’auteur ano­ nyme rattache la coutume romaine de la communion quotidienne à saint Pierre et à saint Paul. La pratique de sainte Mélanie, toute singulière qu'elle était à Jéru­ salem, était conforme aux habitudes romaines et ne comportait qu’une seule communion par jour, car à la fin de sa vie, la sainte jeûnait toute l’année cinq jours de la semaine et ne prenait qu'un seul repas par jour. Cf. card. Rampolla, op. cil., p. 227. D’autre part, cetle sainle, si paliente et si douce, ne haberet diabolus ali­ quam adversus eam accusationem nunquam irata adversus aliquam communicaril nisi prius reconciliasset, etiam si culpa fuisset alterius. Saint Chromace d’Aquilée, contemporain de saint Jérôme. 7ract., XIV, in Ev. Matth., e. v, P. L., t. xx, col. 36I, affirme la communion quotidienne, qu'il recommande, et il con­ seille de prier, ut hunc panem cæleslem quotidie mereamur accipere, ne, aliquo interveniente peccato, corpore Domini separemur. On ne peut apporter comme preuve le sermon xxv attribué à saint Ambroise, P. L., t. XVII, col. 656, suivant lequel tous les chrétiens doivent communier en carême chaque jour, ou au moins chaque dimanche, à moins que le prêtre c< nnaissanl l'état de leur conscience ne les en dissuade. A cause de ces communions, les époux doivent garder la continence jusqu'après l’octave de Pâques. Ce sermon est d’une époque bien postérieure à saint Ambroise, comme le prouvent plusieurs traits caractéristiques d’un autre âge, notamment la permission de prendre le repas à l’heure de none aux jours de jeûne. Quant au texte : Sic vive ut quotidie merearis accipere, De sacramentis, I. V, c. iv. η. 25, P. L., t. χνι, coi. 452, il n’est point non plus de saint Ambroise. Cet ouvrage, qui n'est qu’une imitation du De mysteriis de saint Ambroise, est d’un auteur du v· ou du vi’ siècle. Il n'est qu’un seul passage authentique où Ambroise parle de la fréquentation de la communion, celui où il représente l’Église exhortant ses calants à accourir au sacrement 519 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) 520 de l'eucharistie; ce qui ne peut guère signifier que l'em­ I dimanche. Collai., xxm. col. 1278 sq. On remarquera pressement réel à le fréquenter ; L'nde et Ecclesia ridens dans ce dernier texte les paroles de l'abbé Théonas rappor­ tantam gratiam hortatur filios suos, hortatur proximos tant le fait que plusieurs moi nés communiaient seulement ut ad sacramenta concurrant dicens : Edite proximi une fois par an. par un respect exagéré pour ce sacrement mei et bibite et inebriamini fratres mei. Cant., v, 1, qu’ils considéraient plutôt comme la récompense d’une De mysteriis, c. tx, n. 58, P. L·., t. xvt, coi. 408. Cf. très haute sainteté, que comme un mojen d'y tendre plus aussi In Ps. <:xnn, serm. vm, n. 26, 28,48, P. L., t. xv, efficacement : Alioquin nec anniversaria quidem digne coi. 1461, 1462, 1514. A Milan, Ia messe était quoti­ est praesumenda communio, lit quidam faciunt qui in dienne, il eût été logique que les fidèles communiassent monasteriis consistentes, ita sacramentorum eæleslium chaque jour. Ils ne le faisaient pas. Les exhortations dignitatem et sanctificationem ac meritum metiuntur, ut aisliment ea nonnisi sanctos atque immaculatos de­ oratoires de saint Ambroise le prouvent, et l’auteur du De sacramentis, loc. cit., reproche à ses lecteurs, qui bere proisumere, et non potius ut sanctos mundosque sont Italiens, de ne communier qu'une fois par an, nos sua participatione perficiant, coi. 1279. En même comme les Grecs. Cf. D. Cabrol, Dictionnaire d’archéo­ temps que nous constatons dans ces moines égyptiens logie, t. 1, col. 1419. la thèse que soutiendra Arnauld au XVIIe siècle, nous En Egypte, au itic siècle, Clément d'Alexandrie, Quis entendons de l’abbé ThéOnas le principe par lequel les théologiens catholiques réfuteront l’erreur janséniste : dires salvetur, 23, P. G., t. ix, col. 628, déclare que Jésus-Christ se donne tous les jours en pain et en la communion n'est point la récompense de la vertu, breuvage d’immortalité. Origène, In Gen., homil. x, mais un moyen très efficace de la réaliser plus parfai­ tement. , P. G., t. Xll, col. 218, rapporte que les chrétiens man­ gent chaque jour la chair de l’Agneau. Nous n’avons Conclusion. — De l'ensemble des faits que nous pas de preuve positive qu’il en était de même dans tout venons de rappeler se dégage celte conclusion 1res I Orient à cetle époque. Au iv» siècle, en Asie-Mineure, assurée qu’une telle pratique de la communion fréquente au témoignage de saint Basile, les fidèles communiaient ou quotidienne était au moins implicitement approuvée quatre fois la semaine, le dimanche, le quatrième jour, par l’Église qui ne saurait en matière au>si grave per­ le jour de la παρασκευή et le sabbat, sans compter les mettre, louer ou recommander un usage contraire aux jours où l’on célébrait la mémoire de quelque saint. volontés de Jésus-Christ. II reconnaît qu’il serait bon et utile de communier 2. Enseignement doctrinal. — En dehors de l’ensei­ tous les jours. En outre des jours de synaxe, chaque gnement implicitement contenu dans l’approbation de fidèle pouvait se communier soi-méme, en vertu de la la pratique de la communion fréquente, tout l’enseigne­ coutume ancienne, en l’absence de l'évèque ou d'un ment positif sur la fréquentation de l’eucharistie se prêtre. Ainsi faisaient les moines dans la solitude; à résume dans quelques textes de saint Jean Chrysostome, Alexandrie et en Egypte, les laïques se communiaient à de saint Jérôme et de saint Augustin et dans celui de la maison, quand ils voulaient. D'ailleurs, il est bon et Gennade. Saint Jean Chrysostome insiste particuliè­ utile de communier chaque jour et de prendre sa rement sur les dispositions que l'on doit apporter à la part du corps et du sang du Christ. Epist., xcm, P. G., communion : vie exempte de reproches et remplies de t. xxxn, col. 484 sq. bonnes œuvres, pureté d’âme et piété. Avec ces dispo­ Vers la même époque,à Constantinople, la pratique de la sitions on peut en toute sécurité communier chaque communion fréquente n'était pas universelle. Saint.lean jour. In Epist. I ad Cor., homil. xxvm, n. 1, P. G., Chrysostome constate que beaucoup ne participaient t. i.xt, col. 233; In Epist. ad Eph., homil. m, n. 4, alors au sacrifice eucharistique qu’une fois par an, P. G., t. [.x», col. 28-29; In Epist. ad Ileb., d'autres le faisaient deux fois, d’autres fréquemment. homil. xv», n. 4, P. G., t. lxiii, col. 131. 11 faut aller In Epist. ad Ileb., homil. xv», n. 4, P. G., t. l.xm, à la communion sans péché, après s’être corrigé et col. 131. On ne communie qu’à l'Épiphanie, au carême avoir purgé sa conscience. In illud : Vidi Domi­ et à Pâques. Le sacrifice a lieu tous les jours, et per­ num, homil. vi, n. 4, P. G., t. l.iv, col. 140. Saint sonne ne participe à l'autel, même de ceux qui ne sont Jérôme avait déclaré que l'usage du mariage empêchait pas pénitents publics. In Epist. ad Eph., homil. lit, les époux de recevoir la communion. Cont. Jovinian., n. 4, 5. P. G., t. l.xii, col. 28, 29. En même temps qu’il 1. I, n. 8, P. I.., t. xxm, col. 220. Des maris le lui blâme la négligence de ceux qui ne communient qu'une reprochèrent. Il s’en expliqua. Epist., xlvih, ad Pamfois par an. ou de ceux qui fréquentent ce sacrement mach., écrite en 393, n. 15, P. L., I. xxii, col. 505-506. plutôt par habitude que par dévotion véritable, il loue Si la prière est interdite par saint Paul, I Cor., vu. 5, la communion quotidienne pourceiix qui s'en approchent après l’usage du mariage, a fortiori la communion. Il dignement. Homil. de beato Philogonio, n. 4, P. G., connaît la pratique romaine de la communion quoti­ t. xi.viii, col. 755; In Epist. I ad Cor., homil. xxvm, dienne : quod non reprehendo nec probo; unusquisque n. 1, P. G., t. lxi. col. 233; In Epist. ad Ileb., enim in suo sensu abundet. Mais les époux qui, après homil. xv», n. 4, P. G., t. lxiii, col. 131. Cependant la l’usage du mariage, n'oseraient pas visiter les tombeaux communion fréquente, quotidienne même, n'était pas des martyrs, aller à l’église pour y communier, commu­ inconnue plus tard. Barsanuphe, vers530, Βίβλο; ψυ/<»φεnieraient à la maison? Quod in ecclesia non licet, domi λεσχάτη περιεχουσα αποκρίσεις Βαρσανουφίου καί Ίωάννου, non licet. Nihil Deo clausum est, et tenebra: quoque Venise. 1816, ρ. 70. Mais pendant toute cette période en lucent apud Deum . Probet se unusquisque et sic ad Orient la pratique de la communion quotidienne fut assez corpus Christi accedit; non quod dilata: communionis générale chez les solitaires et chez les moines. Rufin, unus dies aut biduum sanctiorem efficiat Christianum, Hisloria monachorum, c. n, vit, P. L., t. xxi, col. 406, ut quod hodie non merui, cras vel perendie merear, 419; Historia lausiaca, c. ix, lu, P. G., t. xxxiv, sed quod dum doleo me non communicasse corpori col. 1027, 11 47 ; Théodore Studite, Epist., I. I. epist. t.vn, Christi, abstineam me paulisper ab amplexu uxoris : P. G., t. xeix, col. 1116: dom Hesse, Les moines d’Orient, ut amori conjugis amorem Christi præferam. Durem Paris, 1901. p. 352. Cependant dans les monastères est, et non ferendum est... Dans une autre lettre, ■ d’Egypte les moines se réunissaient à l’église pour y cé­ 398. Epist., i.xxi, n. 6, P. L., t. xxit, coi. 672, il dé­ lébrer les saints mystères et y communier seulement clare qu'on peut suivre les coutumes de chaque pays deux fois la semaine, le samedi et le dimanche. Cassien, Dans son homélie De Exodo in vigilia pascha:, dans De cænobiorum institutis, I. Ill, c. n. P. L., t. xlix, Anecdola Maredsolana, Maredsous, 1897, t. m b, p. in. col. 115; Collât., xm. c. xxt, n. 15, col. 1117. Dans 410, il exige encore des époux la continence avant I i quelques monastères, la communion n'avait lieu que le communion. Saint Augustin est plus formel. Cousu.u. 521 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FREQUENTE) sur la conduite â tenir vis-à-vis de diverses coutumes sur la fréquence delà communion, il expose deux opi­ nions divergentes. Suivant les uns, l’on doit choisir des jours où l’on vive plus purement pour approcher digne­ ment d’un si grand sacrement. D’autres croient qu’un tel remède spirituel doit être pris chaque jour, à moins qu’au jugement de l’évêque on ne doive être momen­ tanément privé de la communion, privation qui doit se prolonger jusqu’à la réconciliation faite par l’évêque : Celerum si tanta peccata non sunt ut excommunican­ dus quisque judicetur, non se debet a quotidiana me­ dicina dominici corporis separare. Voici le jugement porté par saint Augustin. Aucune de ces deux opinions ne manque à l’honneur dû au corps et au sang du Sauveur. Comme Zachée et le centurion ont tous deux honoré le Sauveur diverso et quasi contrario modo, ces deux opinions honorent ce sacrement, l'une en n’osant point par respect le recevoir chaque jour, l’autre dans le but de l’honorer n’osant l’omettre un seul jour. Aucune de ces dispositions n’est blâmable. Une seule chose est à blâmer, le mépris pour cette divine nourriture : Contemptum solum non vult cibus iste, sicut nec manna fastidium. Finalement, Augustin ne tranche point le débat. Il juge plus sage de permettre à chacun d'agir selon qu’il le croit meilleur : Rectius inter eos fortasse quispiam dirimit litem qui monet ut præcipue in Christi pace permanent . faciat autem unusquisque quod secundum suam pie credit esse fa­ ciendum. Ce qui est nécessaire, c’est de recevoir tou­ jours l’eucharistie, absque condemnatione nostri et pungente conscientia. Epist., uv, c. 11 sq., P. L., t. xxxm, coi. 200 sq. Ce texte authentique de saint Au­ gustin s'accorde substantiellement avec un passage qu’on lui a longtemps attribué et qui est en réalité de Gennade (f 493) : Quotidie eucharistia: communionem percipere nec laudo nec vitupero. De ecclesiasticis dogmatibus, c. ΧΧΠΙ, P. L., t. xi.ii, coi. 1217. Nais Gennade ajoute cette pensée qui n’est point formulée par Augustin : Omnibus tamen dominicis diebus communicandum suadeo et hortor, si tamen mens in affectu peccandi non sit. 3’ Du r« au xm· siècle. — 1. Faits positifs. — Pen­ dant cette période, mais surtout à partir du IXe siècle, l’on constate a.?esque partout une diminution dans la fréquence des communions parmi les fidèles. Dans le IP synode, tenu par saint Patrice (de 450 à 462), can. 22, il est ordonné d’examiner ceux qui communient la nuit de Pâques, car quiconque ne communie pas, ne doit pas être regardé comme croyant. Mansi, I. vt, col. 525. Cette diminution est supposée dans lesGaulesauvi· siècle par le canon 18° du concile d’Agde en 506, statuant que 1 s laïques qui necommunieront pas à Noël, à Pâques et à la Pentecôte ne soient point réputés catholiques ni comptés parmi eux. Labbe-Cossart. t. v. p. 524. Saint Césaire d'Arles (j-543), recommandant aux époux la conti­ nence plusieurs jours avant la communion, Semi., ccxcn, n. 2. P. L., t. xxix, col. 2298, suppose au moins un certain intervalle entre les communions. Du reste, on ne com­ muniait alors qu’aux grandes fêtes. Voir t. n, col. 2183. Au vin» siècle, chez les Anglo-Saxons, saint Bède 7 735) déplore que la pratique de la communion quo­ tidienne soit per incuriam docentium presque inconnue, a tel point que ceux qui ont le plus de religion commu­ nient seulement à Noël, à l’Epiphanie et à Pâques. En même temps, Bède constate qu’à cette époque c’était encore la coutume pour la plupart des lidèles à Home de communier tous les dimanches et aux fêtes des apùtr· s. Epist., n, P. L., t. xc.iv, col. 665 sq. Le synode de Cloveshoé, tenu en 747, déclare qu’il faut exhorter à la communion fréquente, non seulement les enfants qui ne sont pas encore tombés dans le péché de la luxure, mais aussi les adultes mariés et non mariés qui cessent | de pécher. Can. 23, Mansi, t. xn, col. 412. Saint Chro- 522 degang, évêque de Metz (-j-766), déclare que le clerc, qui n’est pas empêché par ses fautes, peut communier tous les dimanches, ainsi qu’aux fêtes principales. Regula, n. 14, Mansi, t. xiv. col. 320. Le synode diocé­ sain de Ratisbonne (799), n. 6, se plaint que des fidèles passent l'année entière sans communier, alors qu'ils devraient le faire chaque semaine. Il demande seulement qu'ils le fassent toutes les trois ou quatre semaines, en s’y préparant par la confession et la continence, tandis que, ajoute-t-il, les Grecs, les Romains et les Francs communient tous les dimanches. Mansi, t. xm, col. 1027. Chez les Francs, le III* concile de Tours en 813, canon 50«, rappelle de nouveau l’obligation de commu­ nier au moins trois fois dans l’année. Mansi, t. xiv, col. 91. La même année, celui de Chalon-sur-Saône n'impose que la communion du jeudi-saint, à l'excep­ tion encore des grands pécheurs. Can. 47, Mansi, ibid., col. 103-104. Un capitulaire d'Aix-la-Chapelle (828) re­ commande de communier sæpius et de s’y préparer avec soin. P. L., t. xcvn, col. 591. Les capitulaires d’Ansegise (829) ordonnent de communier au moins trois fois par an. Ibid., col. 547-548. En 836, le IIe concile d’Aix-la-Chapelle demande que l’on réta­ blisse la coutume de communier chaque dimanche : Sane communicatio corporis Domini omni die domi­ nica debuit celebrari. Ideoque necesse est quantum ratio permittit ut moderna corrigatur consuetudo ne forte qui longe est a sacramentis quibus est redemptus longe sit a salute quam fuerat consecutus, c. ill, can. 32. Mansi, t. xiv, coi. 694. Quelques années plus lard, Jonas d'Orléans (γ 844) déplore que la plupart des fidèles s’éloignent de ce sacrement à l’exception de trois fêtes où ils s’en approchent plutôt par habitude que par dévotion. De institutione laicali, 1. IL c.xvm, P. L., t. evi, col. 202. Vers la lin du ix’siècle, Vulfrade, évêque de Bourges (f 876), dans une lettre pastorale à ses curés et à ses diocésains demande seulement que les lidèles, à l'exception des pénitents publics, commu­ nient dignement aux trois solennités de Noël, de Pâques et de la Pentecôte. Epistola pastoralis ad parochos el parochianos suos, P. L., t. cxxi, col. 1140 sq. Hérard, évêque de Tours, obligeait, semble-t-il, à la communion mensuelle : Vt tertia dominica vel quarta communi­ cent, abstinentes se a luxuria propriisque uxoribus et reliquis illicitis nisi forte criminalibus culpis sint im­ pliciti. Capitula, 53, ibid., col. 768. Le Pænitentiale Bigotianum 1, qui représente la discipline de l’Eglise franque, contient cette déclaration : Qui tribus domi­ nicis non communicaverint, excommunicantur. Wasserschleben, Die Bussordnungen der abendlândischen Kirche, Halle, 1851, p. 448. En 866, saint Nicolas I", Responsa ad consulta Bulgarorum, n. 9, Mansi, t. xv, col. -406, déclare que le fidèle qui est sans péché mortel doit communier tous les jours pendant le carême, mais qu’il doit aussi pendant ce temps s'abstenir du ma­ riage. Au Xe siècle, Alton de Verceil (f 961), Capitulare, c. LXXlit, P. L., t. cxxxiv, col. 42, rappelle simplement le concile d’Agde de506 prescrivant de communier aux trois fêtes de Noël, Pâques et la Pentecôte. Cf. Réginon de Prüm, De eccles. disciplinis, 1. I, 58; 1. II. 56, P. L., t. cxxxn. col. 189. 285. De même Ratier de Vérone (Ÿ 974), Synodica ad presbyteros, n. 10, recommande à ses prêtres d'avertir tous les lidèles de recevoir le corps et le sang du Seigneur, quater in anno, id est, Fatali Domini et Cæna Domini, Pascha et Pentecoste. P. I.., t. cxxxvi, col. 562. Le concile d’Ansa (994) ordonne à tous, sauf aux excommuniés, de communier tous les dimanches de carême, le jeudi-saint, le vendredi-saint, le samedi-saint et toute la semaine de Pâques. Lejeune et la continence, imposés pendant tout le carême, ser­ vaient de préparation. Beaucoup de moines et de veuves suintes communient tous les jours. 11 y a un double 523 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) 524 tres Pères et écrivains ecclésiastiques en grand nombre danger à éviter, le premier de communier sans la pureté recommandentexpressémcnt la communion quotidienne, voulue et avec négligence, le second de s’abstenir trop et ils insistent en même temps sur la nécessité de s’y de la communion. Can. 41, 44, Mansi, t. xix, col. 192. Dans un prône, qui est vraisemblablement de la fin bien disposer. du xi« siècle et qui a été extrait par dom Morin. Bevve Saint Isidore de Séville (-j- 636) suit en partie l’en­ seignement de saint Augustin dans sa lettre Liv, c. n. bénédictine, 1905, p. 520, du ms. latin 12612 de la Bibliothèque royale de Munich, du commencement Mais au lieu de permettre, comme le docteur africain, du xn· siècle, on lit celte recommandation : Corpus le libre choix enlre les deux opinions divergentes, il préfère nettement l’opinion affirmative avec cette res­ Domini et sanguinem indigne accipere non præsumite, sed tamen in singulis dominicis diebus quadragesimæ triction : Dicunt aliqui, nisi aliquo intercedente peccato, et in cena Domini et in pentecosten et in natale Do- eucharistiam quotidie accipiendam ; hunc enim panem mini, et siepe, si ita eveniet, communicate, el ante et dari quotidie nobis, jubente Domino, postulamus di­ centes : Panem nostrum quotidianum da nobis hodie. post a fornicatione et a fi.mitu vos continet'' semper, vclsallem per quatuor vel 1res dies. Dans la suite. p.52l, Quod quidem bene dicunt si hoc cum religione et hu­ on lit encore : Somniis aut uxoribus polluti, non cito militate suscipiunt, nec confidendo de justitia, super­ ecclesiam nisi post dignam pænilentiam intrate, nec bite prœsumptione id faciant. De ecclesiasticis officiis, in illa die corpus Domini accipite. 1. I. c. xvni, n. 7, P. L., t. lxxxiii, coi. 756. A cette Au xn· siècle, le synode de Gran (1124) ordonne â restriction relative aux dispositions nécessaires, l’évêque tout le peuple de communier à Pâques, à la Pentecôte de Séville ajoute pour les personnes engagées dans l’état et à Noël, après avoir fait pénitence, et aux clercs in du mariage cette limitation qu’il emprunte à l’opinion omnibus majoribus festis. Mansi, t. xxi, col. 100. Saint négative mentionnée par Augustin : Conjugatis autem Olton de Bamberg (-}· 1139), tout en louant la commu­ abstinendum est coitu, plurimisque diebus orationi nion fréquente dans une instruction à son Église nais­ debent vacare, et sic deinde ad Christi corpus accedere. sante de Poméranie, demande seulement que ses nou­ Après avoir appuyé celle décision sur la réponse du veaux fidèles se confessent et communient trois ou prêtre Abimélech â David et à ses compagnons, 1 Reg., quatre fois par an s’ils ne peuvent le faire plus souvent XXI, 4, et sur la transcendante supériorité du pain et qu’ils assistent fréquemment â la messe où ils s’asso­ eucharistique, Isidore conclut ici avec l’opinion néga­ cieront â la communion du prêtre célébrant. Sermo ad tive que mentionnait Augustin : Quapropter eligendi Pomeranos, P. L., t. ci.xxm, col. 1358. Robert Pulsunt aliquot dies, quibus prius homo continentius vivat, leyn (γ 1146) établit une différence entre les prêtres qui quo ad tantum sacramentum dignus accedere posdoivent être fréquemment réconfortés par la divine su, col. 757. Du reste, Isidore admet comme l’évéque eucharistie et les laïques auxquels ce secours est néces­ d’Hippone, que dans l’hypothèse de péchés qui doivent saire au moins trois fois dans l’année. Sent., 1. VIII, c. vu, priver de la communion, l’on doit d’abord accomplir P. L., t. ci.xxxvi, col. 968 sq. Le pénitentiel de Milan la pénitence convenable. En l’absence de telles fautes, impose la communion au jeudi-saint, à Pâques, à la Isidore suit l'opinion affirmative mentionnée par Pentecôte et à Noël, sous peine d’etre mis en pénitence Augustin : Ceterum si non sunl tanta peccata ut ex­ au pain et â l'eau pendant vingt jours. Mor Schmitz, op. communicandus quisque judicetur, non se debet a me­ cit., t. i, p. 814. Cf. t. n, p. 321, 360, 428. dicina dominici corporis separare, ne dum forte diu Pendant cette même période, la fréquentation de la abstinendus prohibetur, a Christi corpore separetur, communion se maintient chez les moines. La Concordia coi. 756. Toute cette doctrine d’Isidore fut souvent re­ regularum de saint Benoît d'Aniane (-j- 821) cite la Be- j produite par les auteurs subséquents. Dans un autre gula magistri, c. xvi, P. L., t. lxxxviii, col. 984, ouvrage, Isidore réprouve ceux qui voudraient se pré­ d’après laquelle le célérier et ceux qui sont de semaine valoir de la communion pour couvrir leurs crimes : doivent communier chaque jour en présence de l’abbé Qui scelerate vivunt in Ecclesia et communicare non dans l'oratoire : quotidie cellararius aim seplimanariis desinunt, putantes se tali communione mundari, dis­ coram abbate in oratorio cum congregatione commu­ cant nihil ad emendationem proficere sibi. En preuve nicet, Concordia regularum, c. xi, p. x, P. L., t. cui, de son assertion il cite Jer., xi, 15; 1 Cor., xi, 29. Sent., coi. 1050, ce qui suppose Ia pratique de la communion 1. 1, c. xxii, n. 7, col. 589 sq. quotidienne dans ces monastères. Le moine bénédictin Saint Ildefonse de Tolède (γ677), interprétant de l’eu­ Walafrid Strabon (γ 849) montre qu’il convient que charistie la demande panem nostrum quotidianum da les moines reçoivent chaque jour le corps et le sang du nobis hodie, dit expressément : Quid enim tam vult Seigneur. De rebus ecclesiasticis, c. xx, P. L., t. xciv, Deus quam ut quotidie Christus habitet in nobis qui col. 942. Vers la même époque, Théodulphe d’Orléans I est panis vitæ et panis e cæ/o? Liber de cognitione (t 821) constatait que tous les religieux vivant saintement I baptismi, c. cxxxvi, P. L., t. xc.vi, col. 168. communiaient presque chaque jour, et religiosis qui­ Le pénitentiel de Théodore, archevêque de Cantorbéry, à la fin du vu· siècle, dit que chez les Grecs, les buscumque sancte viventibus qui pene omni die id fa­ ciunt. Capitula, xliv, P. L., t. cv, coi. 205. clercs et les laïques communient tous les dimanches, et que celui qui est trois dimanches sans communier, est 2. Enseignement doctrinal. — Il revêt pendant cette période quatre formes un peu divergentes. — a) Recom­ excommunié selon les canons. Chez les Romains, com­ munient ceux qui veulent; mais ceux qui ne le veulent, mandation formelle de la communion fréquente ou quotidienne. — Chez saint Grégoire le Grand, cette re­ ne sont pas excommuniés. Les Grecs et les Romains commandation n’est qu’implicite. En recommandant la gardent la continence trois jours avant la communion. Mur Schmitz, Die Bussbücher und die Bussdisciplin der célébration quotidienne du sacrifice eucharistique où la chair et le sang de Jésus-Christ sont donnés aux fidèles, Kirche, Mayence, 1883, 1.1, p. 534. Celui de Cummean, qui Dial., I. IV, c. LVIII, P. L., t. ixxvn, col. 425, Grégoire est peut-être du vu· siècle et appartient à l'Église d’Ir­ recommande implicitement la fréquentation de la com­ lande, donne les mêmes renseignements, impose aussi munion par laquelle on participe plus immédiatement la continence de trois jours avant la communion. Ibid. au sacrifice. De même, en affirmant que l’Église est p. 644. Cette discipline des Grecs est fondée, semble-tnourrie, abreuvée, purifiée et sanctifiée par la réception il, sur le canon 11 du concile de Sardique. Le péniten­ tiel d'Egbert, évêque de York, exige de même la conti­ du corps et du sang de Jésus-Christ, In septem psalmos nence, Mor Schmitz, op. cit., p. 580. Ct. t. n.p. 529. 553 pænitentiales expositio, Ps. νι, n. 11, P. L., t. lxxix, col. 640, Grégoire laisse entendre que c’est une nourri­ Au vm· siècle, saint Béde (7 735), dans une lettre ; Egbert, évéque d’York, lui recommande de faire ensciture habituelle qui doit être fréquemment reçue. D’au­ 525 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) gner aux fidèles qui vivent dans le monde quam salu­ taris sil omni Christianorum generi quotidiana domi­ nici corporis ac sanguinis perceptio juxta quod eccle­ siam Christi per Italiam, Galliam, Africam, Græciam ac totum Orientem solerter agere nosti. Epist., n. P. L., t. xciv, coi. 665 sq. Cette fréquence de la communion, Bède ne la restreint point dans l'état du mariage, pourvu que l'on y observe quelque pratique de la continence : ipsi citant conjugali,si quis sibi mensuram conlinentiæ ostendat et virtutem castitatis insinuet, idem el licen­ ter possint et libenter facere velint. Le concile de Chalon (813) déclare que celui qui veut communier doit garder la continence quelques jours auparavant. Can. 46, Mansi, t. xiv, col. 103. Ilalitgaire, évêque de Cambrai (j- 831), dans son pénitentiel, impose encore aux époux la continence pendant les trois nuits et les trois jours qui précèdent la communion. Mür Schmitz, op. cit., 1.i, p. 727. Les capitulaires d’Ansegise, qui sont de 829, 1. Il, n. 38, recommandent de s'abstenir des œuvres de la chair quelques jours avant la communion. P. L., t. xcvn, col. 547-548. Jonas d’Orléans (f 844) propose comme règle dans la fréquence de la communion l’enseignement de saint Isidore de Séville que nous avons rapporté précédem­ ment. De ecclesiasticis officiis, 1. I, c. xvm. Il ajoute une citation qu’il attribue au même Isidore et qui est en réalité le célèbre texte de Gennade souvent cité sous le nom de saint Augustin. De ecclesiasticis dogmati­ bus, c. Lin. 11 conclut que les fidèles doivent éviter un double danger, celui de se priver de la vie en restant éloigné de ce sacrement et celui de manger leur propre condamnation en s’en approchant indignement. Walafrid Strabon (j· 849), après avoir rapporté les diverses opinions émises aux siècles précédents et à son époque sur la fréquentation de la communion, établit cette conclusion. Puisque, suivant le pape Sylvestre, chaque jour doit être pour les clercs un jour férié ou consacré à l’exercice de leurs saintes fonctions, il con­ vient qu’ils reçoivent chaque jour le corps et le sang du Seigneur : Quia vero venerabilis papa Sylvester tri­ cesimus quartus a beato Petro ferias clerum habere docuit, ut sicut apud paganos feriæ lanium dies ali­ quibus festis insigniti dicebantur (sic enim per Moysen dicitur : hæ sunt feriæ Domini, Lev., xxm); ita Chri­ stianis et maxime clericis omnes dies in ferias depu­ tentur, videtur ratione plenissimum ut per singulos dies sacris occupemur officiis. Et quantum mentis vel corporis graviores macules non obsistunt, pattern et sanguinem dominicum sine quibus virere non possu­ mus, jugiter ambiamus et desiderio illius luitionis po­ tius quam præsumplione nostrie puritatis, sumamus, imitantes primitives Ecclesiæ studium salutare. De rebus ecclesiasticis, c. xx, P. L., t. xciv, coi. 942. A mesure que se déroule cette conclusion de Strabon, il devient évident que, tout en parlant spécialement des clercs, il veut aussi comprendre les simples lidèles, dés lors qu’ils réalisent les conditions indiquées. C’est ce qu’indiquent surtout l’exemple des premiers chrétiens et l’expression formelle : ita chrislianis et maxime cle­ ricis. Observons cependant les dispositions désirées par Strabon : l’absence de faute plus grave, un désir ardent et constant accompagné d’humilité. Le moine bénédictin ne se contente point de recommander ainsi la commu­ nion quotidienne. En face de la divergence qui existait encore de son temps relativement à la pratique de célé­ brer la messe plusieurs fois le même jour, il laisse liberté entière de suivre l’usage que l’on préfère, col. 943. latitude qu’il étend aussi à la pluralité des communions dans la même journée, col. 950. Raban Naur, archevêque de Mayence (f 858). repro­ duit textuellement le texte de saint Isidore de Séville, sauf la restriction relative aux personnes mariées. De clericorum institutione, 1. 1, c. xxxi, P. L., t. cvn, 52G col. 321, tandis que Raoul, évêque de Bourges (j-866), reproduit intégralement le texte et la restriction. Capi­ tula, c. xxvm, P. L., t. cxix, col. 717 sq. Le penitential Casinense, que M. Paul Fournier date de la lin du IX' siècle ou du x« siècle et qui représente la discipline de l’Italie, déclare que tous les chrétiens doivent communier chaque dimanche, comme font les Grecs, et que ceux qui passenl trois dimanches sans communier soient excommuniés. Μ»' Schmitz, op. cit., 1.1, p. 413-417. Il impose trois jours de continence avant la communion. Ibid., p. 431. Le Vallicellanum II, qui est aussi d’origine italienne et date du x» siècle ou du commencement du XI·, exige sept jours de continence avant la communion et sept jours après. Ibid., p. 387. Le Laurenliaiium demande trois, cinq ou sept jours d’abstention. Ibid., p. 791. Cf. t. n. p. 344,428,575,667. Au xi» siècle, la communion quotidienne est ins­ tamment recommandée par saint Pierre Damien et par saint Grégoire VII. même dans la vie séculière. Saint Pierre Damien (j- 1072), recommandant à son neveu la pratique de la chasteté au milieu du monde, le presse de se fortifier par la réception quotidienne du corpset du sang du Seigneur : Salage te frater jam quotidie dominici corporis et sanguinis perceptione munire. Opusculum, XLVii, De castitate et mediis eam tuendi, c. n, P. L., t. cxi.v, coi. 712. Le même saint docteur exhorte la comtesse Blanche, après qu’elle eut embrassé la vie religieuse, à recevoir bien fréquemment le corps et le sang du Seigneur, pour s’attacher entière­ ment à son amour : Hujus corpus el sanguinem etiam ore carnis crebrius suscipe. Institutio monialis ad Plancam ex comitissa sanctimonialem, c. in, coi. 735. L’an 1074, saint Grégoire, écrivant à la comtesse Mathilde, lui recommande comme arme principale contre le prince des ténèbres la réception fréquente du corps du Seigneur, ut corpus dominicum frequenter acciperes. Des trois autorités qu’il cite à l’appui de son assertion, l’une loue formellement la communion quotidienne, le pseudo-Ambroise, De sacramentis, L V, c. iv, n. 25; la seconde recommande la célébration quotidienne du sacrifice eucharistique dont un des principaux avan­ tages est la participation des fidèles au corps et au sang du Seigneur. S. Grégoire le Grand, Dial., 1. IV, c. LVIII, P. L., t. l.xxvn, col. 425; la troisième, emprun­ tée à saint Jean Chrysostome, fait ressortir par deux comparaisons le besoin constant de cette céleste nourri­ ture pour notre âme environnée de tant de difficultés. En s’appuyant sur ces trois autorités, directement ou indirectement favorables â la communion quotidienne, saint Grégoire veut donc recommander la communion quotidienne, tout en employant seulement l’expression de communion fréquente. Registrant, 1. I, epist. xi.vn, P. L., t. CXLViu, col. 327 sq. Vers la même époque, Durand, abbé de Troarn, au diocèse de Baveux (-j-1088), loue la pratique de la com­ munion quotidienne, en s'appuyant sur un texte qu'il croit d’Augustin et qui n’est autre que celui du pseudoAmbroise, De sacramentis, 1. V, c. iv, n. 25, P. L . t. xvi, col. 452. Il blâme énergiquement ceux qui post novem annos semel communicant. Il excepte de la pra­ tique de la communion ceux qui se sont rendus cou­ pables de fautes plus graves non expiées par la péni­ tence publique. Pour ceux qui ne sont pas ainsi séparés de la communion, il conseille la communion fréquente qui doit être le remède quotidien aux défaillances quotidiennes, pourvu qu'on y apporte les dispositions nécessaires. Ces dispositions doivent être une humble confiance dans la miséricorde de Dieu et le soin de s’abstenir des fautes moindres, et a minimis, opitulante Deo, peccatis abstinere de cetero festinet. Liber de cor­ pore et sanguine Christi, part. V, c. xv. P. L., t. cxlix, coi. 1399. Dans la pensée de Durand, ces minima pec­ cata nepeuventêtre que des fautes vénielles. Cet auteur 527 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FREQUENTE) est peut-être le premier qui ait expressément formulé comme disposition à la communion quotidienne le soin de s’abstenir de ces fautes, dont il n'examine cependant point le caractère plus ou moins délibéré. Au xn· siècle, se rencontrent encore plusieurs témoi­ gnages en faveur de la communion fréquente. Saint Olton de Bamberg (f 1139), s’adressant à son Église naissante de Poméranie, loue le sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ, comme devant être fréquem­ ment reçu par les fidèles. Hoc sacramentum victuris et morituris est necessarium, sive vivim us sive morimur, hoc viatico semper est utendum. Est enim cibus animae verus, vitam in se habens aeternam. Unde frequenter missae celebrandae sunt, et vos ad easdem devote con­ venire debetis, ut saepius huic viatico communicetis. Mais s’adaptant à la faiblesse de ses nouveaux conver­ tis, Otton demande au moins qu’ils se confessent et communient Iroisou quatre fois par an, s’ils ne peuvent le faire plus souvent, et qu’ils assistent fréquemment à la messe où ils s’associeront à la communion du prêtre célébrant. Sermo ad Pomeranos, P. L., I. clxxiii, col. 1358, Pierre Lombard (-j- 1160), Sent., 1. IV, dist. XII, n. 8, P. L., t. xen, col. 867, dit expressément que ce sacre­ ment a été institué in augmentum virtutis scilicet caritatis et in. medicinam quotidianae infirmitatis. A l’appui de cette seconde assertion il apporte trois té­ moignages : le pseudo-Arnbroise, De sacramentis, 1. IV, c. vi, le texte de Gennade qu’il attribue faussement à Augustin, De ecclesiasticis dogmatibus, c. χχιιι, et l’autoiitl de saint Augustin dans sa lettre Liv, c. II. Les en ears de critique littéraire n’inlirment point l’ensei­ gnement positil. b) Deuxième forme de l'enseignement doctrinal à celle époque : Eucharistiae communionem qui quotidie accipit, nec reprehenditur nec laudatur. — C’est sous ce titre que Gratien insère dans sa célèbre collection sous le nom d'Augustin le texte de Gennade, De ecclesia­ sticis dogmatibus, c. xxill, et le passage d'Augustin, Epist., Liv, c. il. Decretum, part. Ill, dist. III, c. xm, P. L., t. ι.χχχνπ, col. 1737 sq. C'est aussi la réponse de Hugues de Saint-Victor (f 1141), basée sur le même texte de Gennade, attribué â Augustin : Augustinus inquit quotidie eucharistiam accipere nec laudo nec vitupero : si quis tamen est in affectu peccandi, magis gravatur ex participatione quam purificatur : et si quis peccato mortali mordeatur, lacrgmis salisficiat, et si de cetero non peccandi voluntatem habeat, secu­ rus accedat. Quaestiones in Epistolas Pauli, q. ci, P. L., t. ci.xxv, coi. 532. Innocent III exprime la même opinion en se basant sur les deux mêmes textes d’Augustin et de Gennade. Avant Gratien, le seul auteur qui suivit formellement cette opinion fut Amalaire de Metz (7 837). De ecclesia­ sticis officiis, i. Ill, c. XXXIV, P. L., t. cv, col. 1153 sq. c) Troisième forme de l’enseignement doctrinal à celle époque : insistance particulière sur les dispositions néces­ saires ou souhaitables, d’où restriction dans la fréquen­ tation ce la communion surtout pour les laïques. C’est particulièrement l'opinion de saint Anastase le Sinaïte et de saint Théodore Studite. Saint Anastase le Sinaïte (7 700), examinant s'il est mieux de communier sans interruption ou après quelque intervalle, insiste sur­ tout sur la nécessité de purifier entièrement son âme avant de communier. Il rapporte deux passages de saint Jean Chrysostomc, Jri Epist. ad Eph., homil. ni, n. 4, P. G., t. 1..XII, cher dignement pour enflammer leur amour, et tune secundum illam partem secundum quam viderit se melius proficere, ad illam magis declinet, quod homo so i, q. i.xxx, a. 10, et de Domi­ nique Soto (j· 1560), In IV Sent., dist. XII, q. i, a. 10, reste celui de saint Thomas, les régies pratiques telles qu’elles sont tracées par Soto et Azpicuelta sont à peu près celles que traçait au siècle précédent saint Antonin de Florence. Suivant Dominique Soto, les prêtres et les religieux, dummodo integræ sinl et probalæ vilæ, peuvent sans aucune témérité célébrer la messe chaque jour, non modo nulla est temeritatis effigies, verum est religionis exemplum quotidie celebrare. Les religieux qui ne sont point prêtres ne communient de fait que deux fois par mois, pour cette raison que l'on ne peut convenablement exiger que tous communient plus souvent et qu’il y aurait inconvénient pour la réputation des autres, si quelques-uns seulement s’approchaient du sacrement plus fréquemment. Quant aux séculiers, s’il se trouvait parmi eux quelque personne, et probitate et modestia insignis, nulla est irreverentia, imo deceret forte semel in. hebdomada communicare, crebrius autem nullate­ nus approbare possem. Mais d’une manière générale, aux séculiers qui dans l’état du mariage vaquent à leurs affaires, Soto ne permet la communion que tous les quinze jours, même en l’absence de fautes mortelles. 11 en donne ces deux raisons qu’il trouve lui-même peu convaincantes: les embarras provenant de l’état du mariage, du soin de la famille et qui s’opposent à la fer­ veur de la charité, et surtout l'inconvénient de permettre à ces personnes une communion plus fréquente que celle des religieux non prêtres. Pour ceux qui sont habituellement hésitants entre le péché et la vertu et tombent assez, souvent, bien qu’ils se relèvent presque aussitôt, non est sanum consilium quotidie ad sacra­ mentum accedere, etiamsi sint sacerdotes. In IV Sent., dist. XII, q. i, a. 10, Douai, 1613, p. 300 sq. Suivant Azpicuelta ou Navarrus (-j- 1586), si l’on con­ state pratiquement que la célébration ou la communion quotidienne augmente la ferveur de la dévotion envers Dieu sans diminuer le respect envers ce sacrement, on doit s’en approcher chaque jour; sinon, l'on doit quel­ quefois s’abstenir pour exciter sa dévotion et son res­ pect. Azpicuelta observe que les laïques les plus reli­ gieux devraient communier tous les mois, bien que la communion pascale suffise pour l'accomplissement du précepte. Enchiridion sive manuale confessoriorum et pernitentium, c. xxi, n. 59, Rome, 1590, t. I, p. 306 sq. Les régies pratiques tracées par Soto et Azpicuelta, comme celles de saint Antonin au siècle précédent, mettent à nu un des grands maux de toute cette période, l'excessive rareté des communions parmi les laïques et leur fréquence trop restreinte même dans les ordres religieux. La cause de ce mal n’était point le fléchisse­ ment de la doctrine, mais la profonde négligence du clergé, dont les ordres religieux eux-mémes ne surent point se défendre entièrement. L’abandon général de la communion se manifeste 532 particulièrement dans les vies des saints. Très peu étaient admis à la communion quotidienne, et ce n’était qu’avec les plus grandes difficultés. Beaucoup ne com­ muniaient que chaque semaine ou même plus rare­ ment. Dalgairns, La sainte communion, trad. Godard, 3'édit.. Paris, 1884, t. t, p. 274 sq.; Lejeune, La pra­ tique de la sainte communion, Paris, 1900, p. 10 sq. Cependant vers la fin de cette période commence une renaissance de vie eucharistique, particuliérement en Italie avec saint Antoine-Marie Zaccaria, fondateur des clercs réguliers de Saint-Paul (f 1539), avec saint Cajétan de Vicence, fondateur des théatins (j· 1548), et surtout avec saint Ignace de Loyola et ses premiers compagnons ou disciples. Parmi les nombreuses preuves de la profonde estime d’Ignace pour la communion fré­ quente ou quotidienne, nous citerons particulièrement sa lettre du 5 novembre 1543 à une religieuse de Bar­ celone, Theresa Rejadell, et l'opuscule De frequenti usu sacramenti eucharisliæ, Rome, 1556, écrit sous l’ins­ piration d’Ignace et reproduisant sa véritable pensée eucharistique. Dans sa lettre du 5 novembre1543. Ignace s’exprime ainsi : « En la primitive Église tous communiaient tous les jours. Depuis ce temps, il n’existe aucune décision ni verbale ni écrite de notre mère la sainte Église, au­ cun enseignement des saints docteurs qui empêche les personnes qui y sont inclinées par leur dévotion de communier tous les jours. Saint Augustin dit, il est vrai : communier tous les jours je ne le loue ni le blâme; et, en un autre endroit, il exhorte tous les fidèles à communier chaque dimanche, mais il dit plus loin au sujet du corps sacré de Jésus-Christ Notre-Seigneur: ce pain est quotidien, vivez donc de manière à pouvoir le manger chaque jour. Tout cela posé, établi, quand même on ne verrait pas en soi des signes de disposition tellement bonne, quand même des intentions tellement parfaites ou des impulsions tellement sures ne nous porteraient pas â communier, la bonne, l’excellente décision en cette matière, c'est le dictamen de la propre conscience. Je m’explique. Tout ce qui ne nous est pas interdit est permis dans le Seigneur. Vous supposant donc exempte de péchés mortels clairs ou que vous puissiez tenir pour tels, si vous jugez que la communion quotidienne donne à votre âme plus de secours, l’en­ flamme davantage de l’amour de notre créateur et sei­ gneur, si vous avez appris par expérience que ce très saint manger spirituel vous sustente, vous calme, vous apaise, qu'il vous conserve et vous augmente, qu'il vous fait mieux marcher dans la voie du plus grand service, louange et gloire de Dieu et que pour tout cela même vous désiriez la communion, n'en douiez pas, il vous est loisible, il vous est meilleur de communier tous les jours. » L’opuscule De frequenti usu sacramenti eucharisliæ, écrit par Salmeron (7 1585) et Christophe de Madrid ou Madridius (·|· 1573), sur la demande de saint Ignace, sou­ tient directement cette simple thèse que communier dignement tous les huit jours au moins est plus utile que de s’en abstenir. Mais, malgré quelques prudentes réserves conseillées par les vives oppositions pratiques que l'on rencontrait à cette époque, il est manifeste que les aspirations de l’auteur se portent vers la communion quotidienne. Suivant lui, l’état de grâce suffit pour ren­ dre cette communion fructueuse, bien que le fruit soit d'autant plus abondant que les dispositions sont plus parfaites. Ces dispositions plus parfaites on doit d'ail­ leurs les chercher dans la fréquente communion, car il n’y a point de plus facile moyen de se bien disposer à ce sacrement que de le recevoir fréquemment. Même pour les laïques engagés dans l'état du mariage rien ne laisse supposer que la communion quotidienne est peu opportune. Quant aux personnes dévotes, tant séculières que religieuses, la communion quotidienne est jugée 533 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) louable et fructueuse. Une seule concession est faite aux difficultés des temps. La communion quotidienne n’est point louée dans les personnes trop occupées par les affaires séculières et profanes qui les détournent trop des chosesdivines.il est vrai que saint Ignace dans ses Exer­ cices spirituels, en traçant les règles que l'on doit obser­ ver pour êlre en communauté de sentiment avec l’Eglise, se contente de celle-ci relativement à la communion : Secunda regula convehit solitam fieri sacerdoti con­ fessionem peccatorum et eucharistiæsacræ sumptionem annuam ut minimum, cum sit laudabilius octavo quo­ que die aut semel saltem in mense quolibet, servatis interim conditionibus debilis, sacramentum ipsum suscipere. Mais l'on peut ne voir en celte détermination pratique, qu'un accommodement prudent et, ce semble, temporaire,aux habitudes invétérées de négligence dans la communion parmi les laïques, il est également vrai qu Ignace ne permet habituellement aux scolastiques de son ordre qu’une communion par semaine. Mais il en donne lui-même cette raison spéciale que les études exigent l’homme tout entier et laissent moins de loisir pour les prières et méditations prolongées. D’ailleurs la coutume exista toujours de concéder sur ce point quelques dispenses sans que cependant l'on atteignît jamais la communion quotidienne. Conclusion de toute cette période. — Malgré un re­ froidissement général, surtout chez les laïques, dans la fréquentation de l'eucharistie, l’enseignement théologi­ que est à peu près unanime à louer, en principe, la communion fréquente ou quotidienne. Les réserves assez souvent faites dans l’application pratique provien­ nent non de la sévérité des théologiens en fait de dis­ positions pratiques, mais des déplorables habitudes de négligence alors régnantes parmi les laïques et de l’ex­ trême difliculté de les vaincre. L'on doit particulière­ ment remarquer que l’exemption de toute allection habituelle au péché véniel n'est requise par aucun théo­ logien pour le fruit de la communion fréquente ou quo­ tidienne. 4» Depuis le concile de Trente jusqu'au decret de 1(179. — 1. Enseignement du concile de Trente, sess. XIII, c. Il, vin. En définissant le but du rédemp­ teur dans l'institution de l’eucharistie, le concile déclare que, dans le plan divin, elle doit être la nourriture spi­ rituelle de nos âmes destinée à entretenir et â fortifier en nous la vie chrétienne, et l'antidote surnaturel qui nous délivre des fautes quotidiennes et préserve des péchés graves, c. n. Ces expressions, d’après le sens qu'elles avaient unanimement et depuis longtemps chez les Pères et les théologiens, S. Thomas, Sum. theol., 111°, q. lxxix, a. 4, 6; q. i.xxx, a. 10, entraînent quelque fréquentation de la communion, même sa fréquentation quotidienne au moins comme possible ou désirable moyennant les dispositions requises. Un peu plus loin, le concile, déterminant ce qui concerne l'usage de ce sacrement, avertit, exhorte et supplie tous les chrétiens d'avoir pour ces divins mystères une telle foi ferme et constante, une telle dévotion, une telle piété, une telle religion, qu’ils puissent fréquemment recevoir ce pain surnaturel, ut panem illum supersubstantialem fre­ quenter suscipere possint, pour qu’il soit la vie et la perpétuelle force de l'âme, les soutenant dans ce terrestre pèlerinage jusqu'à la patrie céleste, c. vin. Expressions qui, d'après le langage théologique depuis longtemps lixéet unanimement adopté, signi liaient néces­ sairement l'excellence et la souveraine utilité d’une fréquente communion bien faite, quoique les conditions de cette fréquence ne soient point particularisées. Ces déclarations formelles de la session XIII nous autorisent à conclure qu’à la session XXII, c. vt, le concile est sincère dans le désir qu’il exprime incidemment que les fidèles soient assez bien disposés pour pouvoir com­ munier à toutes les messes qu'ils entendent. D'ailleurs 534 le décret doctrinal de la S. C. du Concile, du 12 février 1679, explique en ce sens ce passage du concile. Denzinger, Enchiridion, n. 1086. A l'enseignement du concile de Trente, l’on doit joindre les vives exhortations du catéchisme du concile de Trente et du rituel romain. Le catéchisme du con­ cile de Trente, promulgué par l’ordre de saint Pie V pour servir de guide à l’enseignement des pasteurs ecclésiastiques, propose comme règle très certaine à tous les fidèles la parole très vraie du pseudo-Ambroise : Sic vive ut quotidie possis sumere, qui résume fidèle ment la doctrine commune des Pères et des théologiens. Le catéchisme romain demande que les pasteurs ecclé­ siastiques exhortent souvent les fidèles à avoir soin de nourrir chaque jour leur âme de ce divin sacrement, avec non moins de vigilance que leur corps, car l'âme n’a pas moins besoin de cet aliment surnaturel que le corps n'a besoin de la nourriture naturelle : Quare parochi parati erunt fideles crebro adhortari ut quem­ admodum corpori in singulos dies alimenta submi­ nistrare necessarium putent, ita etiam quotidie hoc sacramento alendte et nutriendæ animai curam non abjiciant : neque enim minus spirituali cibo animam quam naturali corpus indigere perspicuum est. Part. II, c. iv, n. 63. Le rituel romain publié par l’ordre du pape Paul V recommande aux eu rés d'employer tous leurs soins pour que les fidèles confiés à leur zèle honorent religieuse­ ment ce divin sacrement et le reçoivent saintement et fréquemment, surtout aux plus grandes fêtes de l'an­ née, sancte frequenterque suscipiat, præserlim in ma­ joribus anni solemnitatibus. Éubricæ de sanctissimo eucharisties sacramento. Mentionnons aussi la réponse de la S. C. du Concile du 24 janvier 1587. L'évêque de Brescia désirant remé­ dier aux graves inconvénients qui lui paraissaient résulter de la communion quotidienne habituellement pratiquée par un assez grand nombre de laïques même peu ins­ truits, trèsabsorliés par lesaffaires séculières et engagés dans les liens du mariage, pratiquée aussi par plusieurs religieuses, tandis que d’autres ne communiaient que les dimanches et fêles solennelles, sollicitait du saintsiège l’autorisation de permettre la distribution de la sainte eucharistie aux laïques et aux religieuses seule­ ment les dimanches et fêtes et le mercredi et le vendredi de chaque semaine. La S. C. répond qu’une telle fixa­ tion n’est point conforme à la tradition ecclésiastique. Si l’usage quotidien de cet auguste sacrement a toujours été approuvé dans l’Église, celle-ci cependant n’a jamais fixé de jours auxquels on doive le recevoir plus fréquem­ ment ou auxquels on doive s'en abstenir. Le concile de Trente, sans rien commander, s’est contenté de mani­ fester le désir que les fidèles communient chaque jour à la messe. Rien de plus juste, car bien différentes sont les consciences particulières et les opérations de la grâce divine en chacune d'elles. Donc, pour les négo­ ciants, la fréquence de leurs communions doit être lais­ sée au jugement de leurs confesseurs qui, connaissant l’intime de leurs cœurs, détermineront ce qui est utile à leur salut, suivant la pureté de leur conscience, le fruit de leurs fréquentes communions et leur progrès dans la piété. Que l’évêque se garde de détourner per­ sonne de la communion fréquente ou quotidienne par un commandement uniforme ou de fixer universelle­ ment certains jours de communion. Mais qu'il indique ou laisse indiquer à chacun par les curés ou par les confesseurs ce qui lui convient et qu’il veille absolu­ ment à ce que personne ne soit écarté de la sainte table même s’il s’en approche fréquemment ou quotidienne­ ment : illudque omnino provideat ut nemo a saero convivio seu frequenter seu quotidie accesserit repel­ latur. Qu’il ait soin cependant que chacun communie di­ gnement et plus ou moins souvent suivant sa dévotion et sa 535 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) 53G habituale propositum peccandi venialiter, en d’autres préparation. Quant aux religieuses désirant la commu­ termes, l'affection au péché véniel, empêche le fruit de nion quotidienne, elles doivent ètre averties de commu­ nier aux jours fixés par les règles de l’ordre. Si quæ la communion fréquente. In Sum. lheol. S. Thomæ vero puritate mentis eniteant et fervore spiritus ita enarratio, In ]]l*m, q. ι.χχχ, a. 10, Borne, 1870, t. iv, incaluerint ut dignæ quotidiana sanctissimi sacra­ p. 263. C'est, croyons-nous, la première affirmation théologique de la nécessité de l’exemption de toute menti perceptione videri possint, id illis a superioribus permittatur. D'ailleurs, que les prédicateurs, en exhor­ affection au péché véniel pour obtenir le fruit de la tant les fideles â la communion fréquente, leur recom­ communion fréquente. mandent en même temps de s'y préparer avec beaucoup La voie ouverte par Tolet fut suivie par les théolo­ de soin.Enfin, que l’évêque n’épargne aucun effort pour giens subséquents. Selon Vasquez (7 1604), l’usage le que tout soupçon d'irrévérence ou de scandale dans la plus approuvé est que la communion plus qu’hebdoma­ réception decet auguste sacrement soit écarté. Analecta daire soit bien rare et réservée aux personnes d’une juris pontificii, Ί' série, col. 789 sq. Les Analecta rap­ vertu éprouvée et que la communion quotidienne soit portent aussi la demande de l’évêque et deux vota des concédée rarissime et paucissimis. Le jugement doit consulleurs. toujours en être laissé aux confesseurs pieux et doctes. 2. L’enseignement théologique continue à louer la ΙηΙΙΙ·“,<\. lxxx,a. Il, disp.CCXlV.q.cm, n. 28. Vasquez communion fréquente ou quotidienne. Mais un certain ne mentionne point la nécessité de toute exemption nombre de théologiens en rendent l’accès difficile par d’affection au péché véniel. Suarez (f 1617), après avoir une étroite réglementation, tandis que d’ardents pro­ solidement prouvé qu'il est en soi meilleur de com­ pagateurs de la communion quotidienne ne se défen­ munier plutôt fréquemment que rarement, établit dent point toujours de quelques exagérations répréhen­ qu’on aura bien rarement à conseiller une communion sibles ou du moins y donnent occasion. plus qu’hebdomadaire. C’est ce qu’enseignent les doc­ a) Parmi les théologiens qui limitèrent alors la teurs, ce que pensent les hommes prudents, ce qu'in­ communion fréquente, l’on doit citer les théologiens dique l’usage commun dans l’Église, Tout en tenant jésuites, lidèles à la règle xxvi« des Regulæ sacerdo­ compte de la diversité des âmes et des étals de vie, on tum : Ut pium est ad frequenter communicandum peut facilement suivre cette règle fere in omnibus qui fideles exhortari, ita quos ad id propensos viderint, timoratam conscientiam habent. Le reste doit être admonere debent ne crebrius quam octavo die acce­ laissé à la prudence des conlesseurs et des pasteurs. dant, prteserlim si matrimonio sint conjuncti. Saint In 777«·», q. lxxx, a. 11, disp. LXIX, q. lv, n. 6 sq. Ignace, en présence des graves inconvénients auxquels Les auteurs subséquents enseignent également que pouvait exposer un trop brusque changement dans les la communion hebdomadaire seule doit ètre habituellecoutumes des fidèles si malheureusement déshabitués 1 ment concédée aux laïques ou que la communion quo­ de l’eucharistie, avait recommandé une grande pru­ tidienne ne doit ètre concédée qu'à un très petit dence dans la fréquence de ce sacrement. En consé­ nombre. Laymann (ψ 1635), Theologia moralis, 1. V, quence, l’on s’était accoutumé à exhorter les lidèles à tr. IV, c. v. n. 7, Lyon, 1654, p. 87 sq.; Lugo (7 1660), communier au moins tous les huit jours. En 1559, cette De eucharistiæ sacramento, disp. XVII, n. 27. On sait coutume fut consacrée par un règlement de Laynez re­ avec quelle insistance Lugo défend la règle xxvi· contre commandant à ses religieux de ne permettre la com­ les efforts de Marzilla : frustra lumen talem spem de munion quotidienne qu'à des âmes vraiment saintes et nostra Societate concepit, quod tam facile dissuade­ de veiller à ce que, dans l’administration et la récep­ retur ab ea opinione quam a primis parentibus adeo tion du sacrement, rien ne choquât les simples. Ce prudenter imbiberat. Loc. cit., n. 15. II est facile de règlement devint bientôt la règle xxvi°. Nous n’avons constater que les auteurs ascétiques de la Compagnie de point à exposer ici son histoire ni à indiquer les raisons Jésus gardent alors la même discrète réserve relative­ qui ont occasionné sa longue persistance. Observons ment à la communion fréquente surtout chez les seulement que des dispenses furent plusieurs fois laïques. accordées par les supérieurs, quand les circonstances La formule de Tolet, Suarez et Lugo fut adoptée ambiantes ne leur paraissaient point s’opposer â une par plusieurs autres théologiens de cetle époque, no­ communion plus fréquente. Mais, quoi qu'il en soit de tamment par saint François de Sales. Le saint docteur, l’histoire de cetle règle, il n’est guère douteux qu’elle s'appropriant la pensée de Gennade, encore attribuée à ait porté beaucoup de théologiens jésuiles à réglementer Augustin, déclare qu'il ne loue ni ne blâme la commu­ la communion fréquente surtout pour les laïques et à nion quotidienne. 11 déclare même qu'il n'est pas bon justifier cetle réglementation par des raisons théolo­ de la conseiller généralement, parce qu’elle exige une giques. Celte influence semble particulièrement mani­ disposition fort exquise. Dépassant même la pensée de feste chez le cardinal Tolet, Suarez et Lugo. Gennade, il exige pour la communion hebdomadaire, Le cardinal Tolet (7 1596) limite très strictement la outre l’absence de péché mortel, l’absence même de fréquence de la communion pour les laïques, non suivant péché véniel, quand Gennade dit simplement : Si la perfection de leurs dispositions, mais selon leur con­ tamen mens in affectu peccandi non sit, ce qui exclut naissance de ce sacrement et le temps qui leur est seulement l'atfection au péché mortel. Avec cette laissé pour vaquer aux choses divines. A ceux qui ont absence d’affection au péché véniel, l'on peut utilement une connaissance moindre de cet ineffable mystère, la communier plus souvent que le dimanche, si le père communion mensuelle peut suffire, jusqu'à ce qu’ils spirituel le trouve bon. Mais, pour communier tous les soient mieux instruits par le don d'intelligence et de jours, il faut en outre avoir surmonté la plupart des sagesse divine. A ceux qui ont une connaissance plus mauvaises inclinations et que ce soit par avis du père grande, mais sont absorbés par le soin de la famille et spirituel. Introduction à la vie dévote, part. Il, c. xx. les affaires séculières, il suffit de communier tous les La même doctrine est généralement suivie dans diverses quinze jours. Si cependant, bien qu’occupés par les lettres spirituelles. L’n peu plus tard, Bonacina (j-1631) affaires, ils n’en étaient guère distraits, il leur serait limite aussi la communion des laïques à une fuis par avantageux de communier tous les dimanches. Instru­ semaine. De sacramento eucharistia:, disp. IV, q. vu, ctio sacerdotum ac pænitentium, I. VI, c. xiv, Venise, p. n, n. 16, Opera, Lyon, 1684, t. 1, p. 83. 1667, p. 543 sq. Bien que Tolet ne prenne point les 6) Cette période compta aussi de nombreux défen­ seurs ou apôlresde la communion quotidienne, particu­ dispositions de l'àme comme base de sa règlementation lièrement en Italie et en Espagne. En Italie, l'on de la communion, il détermine ce qu’elles doivent doit mentionner nommément saint Philippe de Néri être. Il laisse entendre que le veniale in proposito ou 537 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) 538 (·{· 1595), et saint Charles Borromée (-J- 1581). En Espagne, I seulement en 1660, bicnfôt traduit en français et pu­ dans la première moitié du xvtt» siècle, la semence blié à Paris avec l’autorisation du provincial des Pères jetée par saint Ignace et ses premiers disciples portait de la Merci, puis à Montauban. Cet ouvrage a été réé­ ses fruits. Les principaux défenseurs de la communion dité par le P. Couet, Paris, 1893. Falconi soulient avec fréquente furent le bénédictin Chinchilla, Considera­ raison que la seule disposition vraiment nécessaire tion de In comuniôn, 1608; Mémorial sur les e/Jels pour la communion quotidienne est filât de grâce, que la communion cause dans l'âme, Madrid, itll; p. Il sq. Pour communier chaque jour, il n'est point Alonso Curiel. Tratado de la frequentia de la co­ nécessaire d’être parfait, car ce sacrement n'a pas été muniôn, Salamanque, 1609; le franciscain Joseph de institué pour être la récompense de noire perfection, Santa-Maria, Apologia de la frequentia de la sagrada mais pour servir de remède â nos imperfections. C'est comuniôn, 1616, et surtout le bénédictin Marzilla donc surtout pour remédier â nos imperfections el â dans son Mémorial, adressé â l’archevêque de San­ nos faiblesses que nous devons souvent recourir à ce tiago, au sujet de la fréquence avec laquelle il esl utile sacrement, p. 22 sq. L’on doit prendre â cœur de aux séculiers de recevoir le très saint sacrement, 1611, s’affranchir de ses imperfections et de se disposer chaque jour de mieux en mieux, mais du moment que et dans ses Additions au mémorial, Saragosse, 1613. l'on est en état de grâce, l’on ne doit point cesser de Selon Marzilla, l'état de grâce est la seule disposition nécessaire pour communier dignement, et, pour com­ communier chaque jour, bien (pie l'on ne puisse pas munier un jour après l’autre, il n'est pas requis d'être acquérir la perfection absolue; car, avec cette fréquen­ tation de la communion, on diminue ses défauts el l'on mieux disposé que pour communier après un temps assez considérable. Marzilla s'élève particulièrement acquiert une disposition plus parfaite, p. 66. Le seul reproche que l’on puisse faire à Falconi est d'avoir peu contre les confesseurs qui interdisent la communion â l'âme disposée pour la recevoir. Il n'hésite point â insisté sur les dispositions de convenance. Mais, pour tout lecteur attentif, il est certain qu’il ne les mécon­ affirmer que le confesseur n'a pas le droit de refuser la communion â une âme bien disposée et qui la désire. naît point. En déniant au confesseur le droit de refuser Il ne parle d'ail leurs que des fidèles suffisamment instruits la communion aux pénitents qui sont en grâce et qui qui ont conscience de leurs bonnes dispositions et qui désirent recevoir ce sacrement pour se guérir de leurs communient fréquemment. Marzilla, comme paraît le imperfections, il exprime une vérité sanctionnée par le prouver la lettre au général Aquaviva, insérée au c.xxni décret du 20 décembre 1905. D’ailleurs, Falconi con­ de ses Additions, avait surtout en vue les confesseurs seille au pénitent de s’humilier et de se priver de la communion, toul en le louant de chercher un mitre jésuites. Le chartreux Antoine de Molina (γ 1619), In­ struction des prêtres, trad. Gaultier, Lyon, 1663, en confesseur qui lui accorde ce bienfait spirituel, p. 2G sq. soutenant la même doctrine, insiste davantage sur Ces dernières paroles nous révèlent l'opposition que rencontrait alors chez un certain nombre de confes­ l'obéissance aux conseils du confesseur, p. 679 sq., au­ quel cependant il recommande de ne pas ôter légère­ seurs la communion fréquente et quotidienne. ment les communions à ceux qui veulent sincèrement La doctrine de Marzilla et de Falconi lut vaillamment soutenue par Mathieu de Villaroel, De la necesidad de avancer dans la perfection, bien qu'ils ne montrent pas beaucoup d'amendement. On remarquera ce passage la oration y frequente comuniôn, Madrid, 1635, et qui parait dirigé contre la règle XXVI· : « On ne pour­ notamment par Antonio Velasquez Pinto, de l'ordre des rait objecter, suivant l'opinion de quelques bons auteurs clercs réguliers mineurs, Tesoro de los Christianos, spirituels, que tous les laïques qui ne sont pas prêtres, Madrid, 1662, ouvrage muni de beaucoup d’approba­ tions des universités d’Alcala, Valladolid et Avila, et des tant soient-ils vertueux, se doivent contenter de com­ plus notables docteurs bénédictins, franciscains, carmes, munier une fois la semaine etque c’est témérité de leur dominicains, augustiniens, bernardins el minimes, accorder davantage. Je confesse que cette raison m’a bien donné à penser à cause de l’autorité et du res­ approuvé aussi par beaucoup d’évêques du moins aprïs la première édition. Tous ces ouvrages produisirent en pect que je porte â scs auteurs; mais après l’avoir Espagne un mouvement très accentué en laveur de la conférée avec ceux de l’avis contraire, j'en trouve cent pour un, de sorte que je ne crains point, m’appuyant communion fréquente ou quotidienne. Bien que ce mouvement fut en lui-même très louable et que les sur les colonnes de l’Eglise, et puisant dans les vives ouvrages précédemment indiqués se fussent tenus dans sources des saints conciles, quand il est question de les limites de l'orthodoxie, il est cependant avéré, déterminer les vérités catholiques. Mais je demande â d'après l’examen de la S. C. du Concile en 1619, .4naces auteurs sur quoi ils fondent cetle règle que les lecla juris ponli/icii, 7· série, col. 798 sq., que des laïques ne communient qu’une fois la semaine; cela ne exagérations individuelles et des abus très répréhen­ se trouve point dans l'Evangile ni en toute l’Écrilure sibles s’étaient produits : exagérations et abus très con­ sainte qu'il ait été déterminé aux prêtres de la recevoir damnables et de lait condamnés par le décret de 1679. tous les jours et aux laïques une fois la semaine ou de mais qui ne pouvaient rejaillir sur la doctrine elletel en tel temps. 11 n'a point appelé pain de la semaine même. ou du mois, mais quotidien, qu’il nous commande de c) Pendant que ces deux tendances principales se demander tous les jours, sans aucune différence. Je ne manifestaient chez les théologiens catholiques, les jan­ sais de quel texte directement ou indirectement on sénistes attaquaient passionnément la communion fré­ pourrait colliger cette limitation de temps, ni des doc­ quente. Le principal ouvrage dirigé contre elle fut teurs non plus, car ils conseillent de communier tous les jours. 11 semble donc que cela procède de leur celui d'Arnauld, De la fréquente communion, Paii<. 16i3. Voir t. i, col. 1979. Le docteur janséniste sans dé­ arbitrage et non d’ailleurs, mais nous pourrions leur dire ce que la sainte veuve Judith reprocha aux prêtres terminer ce qu’il entend par communion fréquente, en exclut presque tous les lidèles par deux conditions ou dé­ de Béthulie, quand ils résolurent de livrer la ville, s’ils positions préalables : 1° une digne et longue pénitence n'étaient secourus dans cinq jours : « Qui êtes-vous qui préalablement faite pour chaque péché mortel commis, « tentez ainsi Dieu? ce n’est pas là un propos qui attire pénitence rigoureusement exigée avant l'absolution · t < sa miséricorde,c'est plutôt pour l’irriter. Vous avez la communion ; 2° une dévotion véritable consistant dans < limité le temps de la' commisération divine el lui avez un amour divin entièrement pur et sans mélange, ou • assigné tel jour qu’il vous a plu. » P. 710 sq. dans la volonté effective de plaire à Dieu en toutes Quelques années plus tard, Jean Ealconi, de l'ordre choses. Les témoignages des anciens Pères et des théo­ de la Merci (-J· 1638), soutint la même doctrine dans son logiens sont de parti pris ramenés â ces étroites proper livre, El pan nuestro de coda dia, publié à Madrid 539 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) 540 lions. A cette fin, Arnauld travestit la nature et les consé­ t proprite pœnitentes ad sacram synaxim accedant quences de la pénitence publique ou privée, dont il frequentius el etiam juxta mentem Tridenlini, voudrait ressusciter et même augmenter les anciennes sess. XXI1, c. π, quoties missæ assistunt, dummodo rigueurs. Le docte janséniste exploite aussi très adroi­ puritate mentis eniteant, seu respeclivas juxta S. Altement quelques exagérations ou téméraires assertions phonsum de Ligorio dispositiones habeant, nec propter de l'erreur laxiste. Ce livre eut une très grande vogue hoc muneribus proprii officii deficiant, sit inquietan­ dans le public janséniste et semi-janséniste où il con­ dus ? A celte question le Saint-Office répondait le 2 juil­ tribua puissamment à faire de la privation de la commu­ let 1890 : Negative. On peut donc en toute sécurité nion la meilleure des penitences. La doctrine d’Arnauld, suivre ces régies. En même temps que le saint-siège énergiquement combattue par les théologiens catholiques autorisait ainsi l’enseignement de saint Alphonse, il qui s’étaient préservés de toute attache janséniste, fut encourageait directement la pratique de la communion un peu plus tard formellement condamnée par le saint- fréquente et même quotidienne pour les religieuses el siège, notamment par le decret de la S. C. du Concile la soumettait à l’unique décision du confesseur. du 12 février 1679 et par l'autorité d’Alexandre VIII Le 1er octobre 1839. la S. C. des Évêques et Réguliers, réprouvant le 7 décembre 1690 ces deux propositions rappelant à l’observance intégrale du décret de 1679. résumant la doctrine d’Arnauld : 22. Sacrilegi sunt enseignait expressément : Ni maxime prodest fidelibus judicandi qui jus ad communionem percipiendam omnibus ut sæpe sæpius eorum anima: a peccatis etiam prœtendunt, antequam condignam de deliciis suis pæ- levioribus per sacramentum pænitenliæ mundentur et nilenliam egerint; 23. Similiter arcendi sunt a sacra eucharistiæ pane reficiantur, optandum profecto est communione quibus nondum inest amor Dei purissimus sanctimoniales virgines frequenter ad sacramenta sus­ et omnis mixtionis expers. Denzinger, Enchiridion, cipienda accedere ad fovendam caritatem, quæ cælesti n. 1179 sq. Voir t. t, coi. 759. sponso magis magisque in dies uniri debent. Observons toutefois que quelques théologiens, surtout En 1885, l’archevêque de Cambrai demandait au sainten l'rance, ne surent point se préserver entièrement de siège ce qu’il devait faire pour des communautés où l'erreur d’Arnauld. Nous citerons particulièrement Con- toutes les religieuses recevaient chaque jour la sainte tenson (-[- 1674), Theologia mentis el cordis, I. XI, part. II, communion, bien que, suivant leurs règles et la décision diss. IV. c. n, Turin, 1770, t. iv, p. 219 sq. L’on obser­ de beaucoup de théologiens, une si grande grâce dût vera aussi que les théologiens qui n’admettaient guère être réservée à quelques-unes et pourcertaines circons­ que la communion hebdomadaire et rendaient son accès tances. La S. Pénitencerie répondit, le 19 novembre 1885, particuliérement difficile, ne pouvaient combattre l’er­ que la coutume deces religieuses de communier cha ;ue reur d’Arnauld d’une manière très effective. jour est louable et qu’il appartient au confesseur de le Le principal défenseur de la vérité catholique contre permettre à. chacune en particulier suivant les régies Arnauld fut le jésuite Denis Petau (f 1652), De pænidonnées par les auteurs approuvés et surtout par saint tenlia publica et præparatione ad communionem Alphonse de Liguori. Le 17 décembre 1890, la S. C. des libri Vlll, opuscule ajouté à son ouvrage De theolo­ Évêques et Réguliers rappelait les congrégations de gicis dogmatibus, Venise, 1757, t. VI, p. 228 sq. femmes à vœux simples ou solennels et les sociétés de 5° Depuis le décret doctrinal du 12 février 1679 jus­ religieux non clercs à l’intégrale observance du décret qu'au décret du 20 décembre 1905. — 1. Documents de 1679. Le confesseur ordinaire ou extraordinaire, à ecclésiastiques. — a) Le 12 février 1679, la S. C. du Concile l’exclusion des supérieurs ou supérieures, a seul le droit de Trente déclarait que la communion fréquente et même de régler la fréquence des communions des religieux quotidienne a toujours été approuvée dans l’Église, que ou religieuses. Les supérieurs ou supérieures n'ont l'Eglise n’a jamais fixé les jours auxquels cette commu­ aucune autorité pour s’ingérer en cette affaire sauf le nion plus fréquente dût être reçue ou omise, et que cette cas où quelque sujet, après sa dernière confession décision doit en principe être laissée à la seule, apprécia­ sacramentelle, aurait scandalisé la communauté ou tion du confesseur. Denzinger, Enchiridion, n. 1686. commis quelque faute grave et publique, et ne se serait Les vota des consulteurs et des cardinaux sont publiés pas de nouveau approché du sacrement de pénitence. et les études préliminaires à la rédaction de ce décret Quelque garantie est cependant laissée au supérieur. sont exposées dans Analecta juris pontificii, 7° série, Toute permission habituelle de communier en dehors col. 790-831. Presque en même temps, le 2 mars 1679, In­ des jours fixés par la règle doit lui être manifestée par nocent XI condamnait cette proposition laxiste :56. Fre­ le sujet lui-même. S’il croit avoir de justes et graves quens confessio et communio etiam in his qui gentiliter raisons de s'opposer à ces communions, il est tenu de vivunt, est nota prædestinationis. Denzinger, Enchiri­ les manifester au confesseur, à la décision duquel il dion, n. 1073. Enfin, le 7 décembre 1690, Alexandre VIII devra se soumettre pleinement. Le sens du décret de condamnait deux propositions résumant toute la doctrine 1890 fut précisé sur plusieurs points par plusieurs d’Arnauld dans son livre De la fréquente communion. réponses subséquentes de la S. C. des Évêques et Nous les avons déjà citées. Au xtx» siècle, l’approbation Réguliers, notamment par celles du 12 avril 1891, du spéciale donnée par le saint-siège à la doctrine de saint 17 août 1891 et du 1er février 1892. Pie de Langogne, Alphonse de Liguori, s’appliquant implicitement aux L'ouverture de conscience, les confessions et commu­ règles qu’il avait tracées relativement à la communion nions dans les communautés, 3" édit., Paris, 1893, fréquente ou quotidienne, autorisait les théologiens à p. 120 sq. les suivre en toute sûreté de conscience. D’ailleurs, la b) Observons, d’ailleurs, que, dans toute cette pé­ S. Pénitencerie, dans sa réponse à l’archevêque de Cam­ riode, de nombreux documents ecclésiastiques établissent brai, le 19 novembre 1885, louait spécialement les règles le droit exclusif du confesseur de permettre ou de con­ indiquées par saint Alphonse: S. Pænitenliaria, mature seiller la communion dans les communautés de femmes consideratis expositis, respondet laudabilem esse consue­ et dans les congrégations de religieux non clercs. Le tudinem monialium quotidieadsaeram communionem décret de 1679 enjoint aux supérieures de congrégations accedendi ; spectare autem ad confessorium id singu­ de femmes de permettre la communion plus fréquente lis permittere juxta regulas a probatis auctoribus ou même quotidienne aux religieuses qui en sont jugées traditas et præserlim a S. Alphonso de Ligorio. En dignes par le confesseur. 1890, un confesseur des filles de la Charité demandait C’est le sens des expressions: id illisa superioribus s'il pouvait en toute sûreté suivre les règles données par permittatur, selon plusieurs documents romains posté­ saint Alphonse : Utrum confessorius puellarum Carita­ rieurs à 1679 et antérieurs au décret Quemadmodum tis qui, quantum ad se allinet, curat el permittit ut du 17 décembre 1890. En 1725, la S. C. du Concile qui 541 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) avail porté le décret de 1679 fut interrogée sur ce point: An et de cujus licentia sacram eucharistiam recipere debeant moniales quæ eam recipere volunt ultra dies statutos a conditionibus vel a consuetu­ dine monasterii ut in illis omnes moniales com­ municent? Elle répondit, le 14 avril 1725 : De licentia confessarii et non directorum, prævia participatione prirlati ordinarii. Le 19 novembre 1885, la S. Pénilencerie répondait à l'archevêque de Cambrai relativement à quelques communautés ou toutes les religieuses com­ muniaient tous les jours: Sacra Ptenilenliaria, mature consideratis expositis, respondet laudabilem esse con­ suetudinem monialium quotidie ad sacram com­ munionem accedendi ; spectare autem ad confessarium id singulis permittere juxta regulas a probatis auctoribus traditas et præserlim a S. Alphonso de Ligorio. Le 4 août 1888, la S. C. des Évêques et Réguliers inter­ rogée sur ce point : Quænam sit mens Ecclesiæ quando approbat hæc statuta circa communionem in familiis religiosis, an haberi debeant ut prohibiliva ne plures fiant communiones, vel praeceptiva ita ut omnes ce­ nentur ita vivere, ut mereantur ad sacram commu­ nionem accedere saltem in illis diebus? répondit: Negative ad primam pariem, et facultatem frequen­ tius ad sacram sijnaxim accedendi relinquendam esse privative judicio confessarii, excluso consensu supe­ rioris vel superiorissæ. En 1890, le Saint-Office fut consulte sur quatre ques­ tions concernant les régies des sœurs de la Charité obli­ geant à faire connaître à la supérieure la permission donnée par le confesseur pour communier en dehors des jours de règle : 1« Participatio, de qua supra, jieri debet et quomodo, a confessario aut a pænitente ad superiorem ; vel fieri debet, et quomodo, a superiore ad confessorium aut pienitenlem? 2° Talis participatio jieri aut haberi debet pro communione tantum commu­ niter frequenlioriaut quotidiana,vel etiam pro quacum­ que communione quæ jit praeter dies toti communitati statutos ?3° Hujusmodi participatio fieriaut haberi de­ bet toties quoties vel semel lanium ? 4° Ista participatio jieri debet singulatim el nominalim vel generatin' ? Le 2 juillet 1890, la S. C. répondit: Ad 1“·". Ab ipsa pænitente el responsionem superioris haud necessa­ riam esse. Ad 2um. Affirmative ad primam partem, negative ad secundam. Ad 3um. Negative ad primam partem, affirmative ad secundam. Ad 4um. Provisum in praecedentibus. Pie de Langogne, op. cit., p. 126. Le décret Quemadmodum du 17 décembre 1890 maintient et confirme cette législation. Il statue que, dans les congrégations de femmes et dans les congre­ gations de religieux non clercs, la permission ou la défense de communier relève du seul confesseur ordi­ naire ou extraordinaire. A lui seul appartient le droit de juger pour chacun la fréquence des communions qui peuvent être accordées ou conseillées en dehors des jours fixés par la règle. Toutefois les supérieurs peuvent intervenir dans le cas de quelque grave manquement public dont on ne se serait point encore accusé au tri­ bunal de la pénitence. Ils ont encore le droit de con­ naître la permission donnée par le confesseur d'une manière habituelle en dehors des jours de règle, et s'ds croient avoir de justes raisons contre sa décision, ils peuvent les lui manifester, mais avec le devoir de sen tenir à sa décision qui reste sans appel. Pie de Langogne, op. cit., p. 15; dom Bastien, Directoire ca'■>que â l'usage des congrégations ά vœux simples, Maredsous, 1904, p. 420 sq.; .Joseph-Antoine de Sainl. seph, De communionis frequentia in familiis relig osis, Rome, 1905, p. 75 sq. ci Quant aux dispositions exigées ou désirées pour la communion fréquente ou quotidienne, le décret de 1679 n avait point à en parler directement d'après la ques- 542 tion posée. Il parle incidemment des dispositions dési­ rables, en indiquant ce qui doit diriger la décision du confesseur dans son conseil de communion fré­ quente ou quotidienne pour les laïques ou pour les religieuses. Le 19 avril 1784, une instruction de la S. C. de la Propagande au vicaire apostolique de Sutchuen, met­ tant les missionnaires en garde contre une trop grande sévérité dans la concession de la communion, déclare que la seule préparation nécessaire à la communion suivant le concile de Trente, sess. XIII, c. vu, et le catéchisme romain. De sacramento eucharisliæ, n.58sq., est l'état de grâce. Il n'est point requis pour la commu­ nion d'être exempt de toute affection à des fautes légères, sinon le désir exprimé par l’Eglise au concile de Trente que les fidèles puissent communier chaque jour à la messe deviendrait une chimère. On voit par là ce que l’on doit penser de ceux qui exigent pour la communion des dispositions particulières, bien supé­ rieures à celles qui suffisent pour recevoir l'absolution au tribunal de la pénitence. Sans doute, il faut exciter les fidèles aux plus parfaites dispositions; mais de même que les forces corporelles sont soutenues par l’alimen­ tation, ainsi l'âme, dans sa langueur et sa faiblesse, est fortifiée par cette divine nourriture. Il faut cependant éprouver suffisamment avant d'admettre à la commu­ nion, et cette épreuve est laisséeaux pasteurs spirituels qui devront parfois employer la sévérité contre des alléchons véniellement coupables pouvant facilement entraîner à des fautes graves. Sed si nimius sit in hac agendi ratione rigor et si plerosque eorum qui sacramenlalis absolutionis beneficio digni habili sunt, a dominica communione indistincte et sine gravi causa repellantur, non probamus. Collectanea S. C. de Pro­ paganda fide, n. 719, Rome, 1893, p. 282 sq. Une semblable instruction de la même Congrégation aux missionnaires du Sutchuen en 1817, après avoir rappelé le désir exprimé par le concile de Trente et la pratique des Iidéles dans les premiers siècles, fait cette grave recommandation : Non itaque a sacra commu­ nione arcendi, sed excitandi sunt Christiani ut con­ fessionis sacramento frequenter se ad sacram commu­ nionem disponant. Sacrorum sit ministrorum probare uniuscujusque spiritum, sanare infirmos, debiles con­ firmare, ut ad sacram mensam probati accedant. Pa­ teat cuique, quam maxime potest, ad probatos sacer­ dotes accessus. Degulai et consuetudines, si quæ jam introductae fuerunt hisce Ecclesiæ desideriis contrariae prorsus abrogentur. Collectanea S. C. de Propaganda fide, n. 722, p. 284. C'est aussi l'enseignement de Léon XIII, encyclique if iræ caritatis du 28 mai 1902, ou il exhorte fortement le peuple chrétien à reprendre l'habitude de la com­ munion fréquente et presse ardemment les prêtres de Jésus-Christ de réaliser un désir si cher à son Cœur sacré. 2. Enseignement théologique. — a) Enseignement théologique avant saint Alphonse de Liguori. — Après les décrets doctrinaux de 1679 et de 1690. toute trac·.· d’erreur laxiste ou rigoriste disparait parmi les catho­ liques sincères. En même temps, s'affirme une tendance plus marquée vers la communion fréquente que beau­ coup de théologiens laissent plus librement au jugement du confesseur, conformément au décret de 1679. Cepen­ dant les divergences pratiques dans les règles d'applica­ tion continuent à subsister jusqu'au moment oû la doc­ trine de saint Alphonse est presque unanimement admise par les théologiens. Jean de Cardenas U 1684), Crisis theologica, Venise, 1700, part. III, p. 149 sq.; Salmanlicenses, Cursus theologicus, tr. XXIII, De eucharisliæ sacramento, disp. XI, n. 73 sq. ; Viva (7 1710), Dam­ natarum thesium theologica trutina, Pavie. 1709, part. Il, p. 123 sq. ; part. Ill, p. 82 sq., 85 Sq., Ln- 543 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) croix (t 1714), Theologia moralis, Paris, 1866, t. ni, p. 215 sq. ; Salmanticenses, Cursus theologiæ mora­ lis. Ir, IV, De sacramento eucharistia:,c. vin, n. 40 sq., Venise, 1728, t. i, p. 96 sq. ; Gotli (γ 1742), Theologia scholas tico-dogmatica, Ir. VII, De eucharistiae sacra­ mento, q. iv, dub. vni, punct. iv, Venise. 1750. t. ni, p. 356; Billuarl (-}- 1757), Summa sancti Thomte, De sacra­ mento eucharistiae, diss. VI. a. 1, punct. v; Benoit XIV (γ 1758), De synodo diœcesana, I. VII. c. xil, η. 6 sq. ; Collet (-{- 1770), Tractatus de eucharistia, Paris, 1750, p. 206 sq. ; Amort (f 1775), Theologia moralis, tr. XII, punct. iv, q. vn, Augsbourg, 1758, I. It, p. 179. Notons qu'une tendance restrictive pou ria comm union dislaïques se manifeste encore, particuliérement chez plusieurs théologiens jésuites. Viva,op.cit., p. 88; Lacroix, loc. cil. Cependant, même en I·'rance, où le jansénisme sévissait plus fortement, la communion quotidienne avait encore des défenseurs. Nous nommerons spécialement Fénelon (-J-17I3), Lettre sur la fréquente communion, dans Œuvres computes, Paris, 1852, t. v, p. 716 sq. L’ar­ chevêque de Cambrai y justifie par la tradition des Peres et par l'usage des premiers siècles la pratique de la communion quotidienne, même pour les laïques. Nous citerons seulement ce passage : « Pourquoi donc se scandaliser quand on voit de bons laïques qui, pour mieux vaincre leurs imperfections et pour mieux surmonter les tentations du siècle corrompu, veulent se nourrir tous les jours de Jésus-Christ? Si on attendait, pour communier tous les jours, qu’on fut exempt d'iinperfection, on attendrait sans fin... Encore une fois, nous voyons que les chrétiens des premiers siècles qui Communiaient tous les jours étaient encore dans des imperfections notables. Veut-on condamner leurs cominunions quotidiennes et corriger l’Eglise primitive qui les autorisait sans ignorer ces imperfections notoires?» P. 725 sq. Nous pourrions citer aussi le jésuite Jean Piclion (·;· 1751). Son ouvrage, L'esprit de Jésus-Christ et de l'Église sur la communion fréquente, Nancy, 1745, mis à l'index par décret du 13 août 1748 et du 11 septembre 1750, ne parait contenir d’autre erreur positive que l’affirmation d’un précepte divin de com­ munier plus souvent qu’à Pâques, p. 382. Sa doctrine sur les dispositions pour la communion fréquente et quotidienne est exacte, bien qu’il insiste beaucoup plus sur la suffisance de l’état de grâce que sur les disposi­ tions de convenance. Jules Lintelo, Lettres à un prêtre à propos d'une polémique sur la communion fréquente, 2» édit., Tournai, 1905, p. 24 sq. b) Enseignement de saint Alphonse de Liguori (f 1787). — Il se ramène aux points suivants : a. La communion hebdomadaire est généralement permise et même con­ seillée à ceux qui ne commettent point le péché mortel ou qui ne le commettent que rarement et plutôt par fragilité, et qui sont d’ailleurs habituellement résolus â lutter et â se corriger. Les uns et les autres sont réelle­ ment exempts de l'affection positive et coupable au péché mortel qui seule, d'après Gennade et la presque unanimité des théologiens, exclut de la communion hebdomadaire. Cependant si le confesseur s’aperçoit de quelque négligence qui peut devenir préjudiciable on que la fréquentation de la communion ne soit pas assez spontanée, il peut parfois retrancher une communion. Parfois aussi il peut ajouter quelques communions si l'âme éprouve des besoins particuliers très pressants et si elle est suffisamment disposée. C’est l'enseignement formel de saint Alphonse, Praxis confessarii, n. 149; Réponse apologétique au docteur Cyprien Aristasius sur la matière de la communion fréquente, Œuvres complètes, trad. Delalle, Paris, 1842, t. XXVII, p. 87 sq. D’après ce principe, la communion hebdomadaire ne peut, de soi, être refusée aux âmes qui se contentent de fuir le péché mortel et qui, avec pleine conscience de leur tiédeur ne se mettent point en peine d'éviter ' 1 i 1 ' i i ! i | . 544 le péché véniel. La communion hebdomadaire doit même leur être habituellement conseillée comme le meilleur préservatif. S. Alphonse de Liguori, Institutio calechislica ad populum, part. III, c. tv. n. 7. Cepen­ dant il peut être parfois utile de leur retirer quelques communions pour les stimuler à plus d’elïort. S. Al­ phonse de Liguori, Réponse apologétique au docteur Cyprien Aristasius sur la matière de la communion fréquente, loc. cil., p. 88. Ceux qui retombent dans le péché mortel plutôt par fragilité et par entrainement que par malice et qui d'ailleurs font quelque elfort pour maîtriser entièrement cette habitude peuvent habituellement recevoir la com­ munion hebdomadaire, qui assurera plus efficacement leur persévérance. Ces âmes ne sont point indignes de la communion hebdomadaire, puisqu’elles n'ont point une affection positive au péché mortel. Elles ont en même temps besoin de cette communion, qui est habi­ tuellement nécessaire pour maintenir l'âme en état de grâce. S. Alphonse de Liguori, Réponse apologétique, loc. cit., p. 108. En principe, aucune restriction n’est faite pour au­ cune catégorie de personnes, ni pour aucune condi lion ou profession, dès lors que sont réalisées les dis­ positions spirituelles toujours requises. Il est d'ailleurs généralement vrai pour toute âme que sans la pratique habituelle de la communion hebdomadaire, il est diffi­ cile de se maintenir dans l'état de grâce. b. La communion fréquente, qui a lieu une ou plusieurs fois par semaine outre le dimanche, exige que l’on n’ait point l’habitude des péchés véniels délibérés et que l’on fasse des ellorts positifs pour mortifier ses mauvais penchants et progresser sérieusement dans la vertu. S. Alphonse de Liguori, Praxis confessarii, n. 150. Les péchés véniels même délibérés ne sont point nécessairement absents, mais on ne les commet point ha­ bituellement et l’on n'en garde point l'affection. Les défauts ne sont point encore entièrement déracinés. La lutte peut même être encore assez vive, mais les efforts sont assez constants et généreux, bien qu’ils ne soient point toujours couronnés de succès. c. Pour la communion quotidienne ou quasi quoti­ dienne, ces mêmes dispositionsdoiventêtrepkisparfaites, soit parce qu'elles sont plus nécessaires pour se préserver d’une négligente familiarité avec ce divin sacrement, soit parce que les grâces plus abondantes que l’on re­ çoit exigent une plus soigneuse préparation et une plus parfaite correspondance. Saint Alphonse de Liguori exprime sa pensée sous plusieurs formes qui ne peuvent être considérées comme absolument exclusives l’une de l’autre. Dans la Praxis confessarii, publiée en latin en 1760, il cite successive­ ment la règle de saint François de Sales et celle de saint Thomas, In 11' Sent., dist. XII,sans faire sienne ni l’une ni l’autre, n. 149 sq. La même année, dans un autre ouvrage, saint Alphonse s’exprime ainsi : « Pour l’âme qui au contra ire n'est plusatlachée â rien de déréglé, évite les péchés véniels délibérés, pratique l'oraison et s’efforce de mortifier ses passions et ses sens, son con­ fesseur peut la faire communier trois, quatre et même cinq fois par semaine. El lorsqu’une âme est parvenue â un degré notable de perfection, qu'elle fait chaque jour plusieurs heures d’oraison, et qu’en outre, comme dit saint François de Sales, elle a surmonté la plupart de ses mauvaises inclinations, elle peut, suivant l’avis du même saint, communier tous les jours, car telleest, selon saint Prosper, la perfection qu’on peut avoir ici-bas, vu la fragilité humaine. » La véritable épouse de JésusChrist, trad. Saintrain, c. xvill, Tournai, I867, t. n, p. 68. Dans la Pratique de l'amour de Jésus-Christ, 1768, c. vm, n. 27, le saint docteur demande que l’on s’abstienne de toute affection déterminée et volontaire, que l’on consacre une bonne partie de son temps à COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) .>15 I oraison mentale et que l’on mortifie ses sens et ses passions. Puis il cite trois textes, l’un de saint François de Sales exigeant que l'on ait dompté la plus grande partie de ses mauvaises inclinations et qu’on soit arrivé à un degré de perfection assez élevé, un autre de saint Thomas demandant qu’on ait appris par expérience que la communion augmente la ferveur de l’amour divin, un troisième d'Innocent XI, dans le décret de 1679,statuant que c’est au directeur spirituel à déterminer si l’on doit communier plus ou moins fréquemment et que le directeur ne doit lui-méme se déterminer que d’après le degré d'utilité qu’en retirent les âmes dont le soin lui est confié. Saint Alphonse termine en recommandant au moins une demi-heure d'oraison mentale comme prépa­ ration prochaine à la communion et un long acte d'action de grâces pour retirer un grand fruit de la communion. Une comparaison attentive de ces textes conduit à cette conclusion que saint Alphonse, tout en recomman­ dant l’oraison mentale, ne l’exige point absolument pour la communion quotidienne, puisqu’il l’omet dans le texte de la Praxis confessarii, et que dans la Pra­ tique de l'amour envers Jésus-Christ, il cite avec éloge les textes de saint François de Sales, de saint Thomas el d’Innocent XI qui n’en parlent point. c) Enseignement théologique postérieur à saint Al­ phonse de Liguori. — Les théologiens reproduisent généralement la doctrine et les règles pratiques du saint docteur, avec quelques divergences pratiques plus ou moins restrictives. Scavini, Theologia moralis universa, tr. IX, De eucharistia, disp. IV, c. v, a. 2, 4-édit., Novare, 1850, t. in, p. 123 sq. ; Gousset (f 1866), Théologie morale, 3’ édit., Paris, 1845, t. n, p. 153 sq. : Gury (-j- 1866), Theologia moralis, t. n, n. 338 sq., ainsi que toutes les éditions dépendantes de Gury ; Dalgairns, La sainte communion, trad. Godard, c. vi sq., 3’édit., Paris, 1884, t. I, p. 296 sq.; t. n, p. 5 sq. ; Rosset, Institutiones sacræ theologiæ, De eucharistiæ sacra­ mento, c. vi, a. 5, Chambéry, 1876, p. 458 sq.; Muller, Theologia moralis, 6e édit., Vienne, 1895, t. m, p. 234 sq.; Marc, Theologia moralis, t. Il, n. 1575 sq.; Gasparri, Tractatus canonicus de sanctissima eucharistia, c. xi, η. 1137, Paris, 1897, t. Il, p. 367 sq.; Aertnys, Theologia moralis, 1. VI, tr. IV. c. v, n. 92 sq.,5® édit., Paderborn, 1898, t. il, p. 57 sq. ; Lehmkuhl, Theologia moralis, t. n, p. 156 sq. ; Génicot, Theologiæ moralis institutiones, t. π, p. 195 sq. ; Lejeune, La pratique de la sainte communion, Paris, 1900, p. 163 sq.; Tanquerey, Synopsis theologiæ dogmaticæ, De sacramento eucharistia·, c. Il, n. 148 sq., 5" édit., Paris, 1901, p. 420 sq. ; Noldin, Summa theologiæ moralis, De sa­ cramentis, De eucharistia, n. 163 sq., 4“ édit., Inspruck, 1903, t. lit, p. 163 sq. Cependant, vers la fin du XIXe siècle, sous l’impul­ sion d'un très remarquable courant de vie eucharis­ tique, se produisit un mouvement considérable en fa­ veur de la communion fréquente ou quotidienne, soit parmi les fidèles,soit dans les communautés religieuses, même dans celles qui y avaient été jusque-là moins accessibles. Ce mouvement fut aidé dans les commu­ nautés religieuses par le décret Quemadmodum de 1890 et par plusieurs décrets antécédents ou subséquents d ’jà mentionnés. Parmi les fidèles le mouvement fut puissamment secondé par de nombreuses œuvres eucha­ ristiques, par les congrès eucharistiques partout en­ couragés et particulièrement par l’encyclique de êon XIII, Miræ caritatis du 28 mai 1902. Cependant l. tous ne suivirent point ce mouvement ou ne le suivirent point avec la même allure. D'une part, l’on insistait sur ce que la communion fréquente, accompagnée d’attache à des fautes vénielles ou faite sans la dévotion et le respect convenables, est en elle-même coupable et reste en très grande partie ineffective ou est même plutôt nuisible à l’àiue. — Si DICT. DE THÉOt catuol 516 toute communion faite avec une affection positive per­ sistante à quelque faute vénielle est légèrement coupable, Dominique Soto, In1F Sent., dist. XII, q. i, a. 4; Laymann, Theologia moralis, 1. V, tr. IV, c. vi, n. 3, Lyon, 1654, p. 830; Gonet, De eucharistiæ sacramento, disp. VIII, a. 3, n. 59; Lugo, De eucharistiæ sacramento, disp. XIV, n. 22 sq. ; Salmanticenses. Cursus theologicus, De eucharistiæ sacramento, disp. XI, n. 77; Id., Cursus theologiæ moralis, tr. IV, c. vu, n. 20 sq.; S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, L VI, n. 270; Praxis con­ fessarii, n. 149, il y a aggravation de celte culpabilité à répéter souvent une telle communion, d'autant plus que la volonté, en y persévérant malgré l’occasion si favo­ rable de la réception du sacrement, manifeste beaucoup plus d'attache positive. — Une telle communion reste en très grande partie ineffective. Il est vrai qu'elle pro­ duit quelque augmentation de grâce sanctifiante, mais cetle grâce et celles qui l’accompagnent sont très limi­ tées par les dispositions très imparfaites du sujet. Celte limitation des grâces du sacrement, bien qu'elle ne doive nullement empêcher la communion hebdoma­ daire habituellement nécessaire pour maintenir l'âme en état de grâce, est cependant une raison pour s'abste­ nir de la communion fréquente dont le but principal est non de préserver du péché mortel, mais d'augmenter dans lame la ferveur de la charité actuelle. Dans le pre­ mier cas, l'avantage incomparable de la préservation du péché mortel l'emporte de beaucoup sur l’inconvénient résultant des dispositions imparfaites. Dans le second cas, l’avantage très restreint de cette faible augmenta­ tion de grâce ne compense point les inconvénients con­ sidérables qui sont surtout les péchés véniels commis, la stérilisation presque complète du sacrement et une sorte de confirmation permanente dans la tiédeur dont ce sacrement d'amour ne peut lui-même retirer. — Une telle communion est de fait plutôt nuisible à l’âme tiède qui persiste dans l’affection coupable au pé­ ché véniel, soit parce que cette âme contracte ainsi une dangereuse habitude de négligente familiarité avec ce sacrement, soit parce que la volonté restant insensible aux grâces si abondantes de ce sacrement d’amour s’immobilise dans la tiédeur, souverain danger des âmes qui devraient tendre à la perfection. Billot, De Ecclesiæ sacramentis, 2e édit., Rome, 1896, 1.1, p. 521. H est vrai que toutes ces raisons ne s’appliquant réellement qu’au péché véniel positivement consenti et auquel on garde quelque affection, c’est lui seul que l’on est tenu d’écar­ ter et que cette disposition absolument nécessaire aux âmes qui veulent vraiment tendre à la perfection chré­ tienne doit être, en principe, facilement réalisable chez toutes les âmes soucieuses de plaire à Dieu. Dans cette ardeur à insister sur l'exemption de toute attache au péché véniel, l'on ne tenait point toujours compte de l’enseignement commun des théologiens avec saint Alphonse, qu’à raison de besoins graves et parti­ culiérement pressants la communion fréquente peut être permise à desârnesqui commettent habituellement des pêchés véniels délibérés, S. Alphonse de Liguori. Praxis confessarii, n. 149; enseignement théologique qui peut aussi s’appliquer, au moins transitoirement, à des habitudinaires sincèrement résolus â se corriger et suffisamment disposés pour retirer un réel profit de celte fréquentation extraordinaire de la communion. Le texte de saint Alphonse, que nous venons de rappeler, affirmant, sans aucune réserve, que celte fréquentation peut être parfois permise â ceux qui sont en danger de tomber dans le péché mortel, peut s’entendre aussi des âmes gravement exposées au danger de rechute. D'ail­ leurs dans sa Réponse apologétique au docteur Cyprien Aristasius sur la matière de la communion fréquente, 4762, le saint docteur cite avec éloge les témoignages de plusieurs théologiens, particulièrement de Cacciaguerra et de Cuuiliali, conseillant, dans certains cas, la III. - 18 547 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) c.iminunion fréquente comme un moyen efficace contre des habitudes encore vivaces dont on veut entièrement se corn,··!·. Œuvres complètes, Paris,1842, t. xxvtt,p.lOBsq. Dans l'entraînement de la discussion, on diminuait aussi le fait d'une pratique assez considérable de la conn. i'nion quotidienne dans les premiers siècles, on diminuait l’enseignement même de l’Église; particulié­ rement le désir sincère si clairement exprimé par elle de voir les lidèles communier in singulis missis, désir plusieurs fois interprété par des documents doctrinaux, tels que le décret de 1079et celui du 20 décembre 1905, dans le sens de la communion quotidienne pour tous les lidèles suffisamment disposés. Parmi les travaux publiés en ce sens nous indique­ rons particulièrement : F. Chatel, La doctrine catho­ lique sur la communion fréquente, réfutation d’une doctrine relâchée, Bruxelles, 1904; God ts, Exagérai ions historiques et théologiques concernant la communion quotidienne, Bruxelles, 1904; Réponse au P. Couet, Bruxelles, 1905; Réponse au P. Lintelo, Bruxelles, 1905; L’apôtre moderne du saint-sacrement, saint Al­ phonse docteur de l’Église, Bruxelles, 1905; F. Chatel, Défense de la doctrine catholique sur la communion fréquente, Bruxelles, 1905. D’autre part, l’on insistait principalement sur la suf­ fisance de l'état de grâce, au moins comme disposition strictement requise, et sur les fruits réels que produit la communion fréquente même en l’âme où reste en­ core quelque attache au péché véniel. Tout en insistant moins sur les dispositions de convenance, toujours souverainement désirables et d'ailleurs hors de contro­ verse, ces auteurs ne les ont jamais entièrement omises. L’on s'appuyait particulièrement sur une pratique assez considérable de la communion quotidienne dans les premiers siècles, pratique certainement irréalisable si l’on eût exigé de tous des dispositions aussi parfaites. L'on invoquaitaussi l’enseignement constant de l’Eglise, dont nous avons exposé précédemment les principaux documents; enseignement qui a toujours recommandé à tous les fidèles suffisamment disposés la communion quotidienne; ce qui serait pleinement irréalisable si l'on devait exiger une telle perfection. L'obéissance au confesseur en ce qui concerne la communion fréquente était généralement recommandée comme excellente et méritoire, mais sans que son non-accomplissement put, de soi, constituer une faute. D’ailleurs, l'on ne recon­ naissait point au confesseur le droit de refuser arbitrai­ rement la communion. Nous citerons particulièrement : Frassinetti, Abrégé de la théologie morale de saint- Alphonse de Liguori, trad. Fourez, 2' édit., Taurines, 1894, t. 1, p. 573 sq.; Amédée Curé, La communion fréquente au point de rue théorique el pratique, Paris, 1900; cardinal Gennari, Sut la communione frequente esui decreto Quem­ admodum, Naples, 1900, dissertation traduite et pu­ bliée par dom Bastien comme appendice au Directoire canonique des congrégations à vœux simples, Maredsous, 1904, p. 394 sq.; .Iules Lintelo, Lettres à un prêtre à propos d’une polémique sur la communion fréquente, 2e edit., Tournai, 1905. La controverse porta aussi sur la fréquence de la communion dans les communautés religieuses. Quel­ ques auteurs soutinrent comme thèse que le confesseur doit se montrer plutôt difficile que large dans la con­ cession des communions en dehors des jours fixés par la règle, parce que ce sont des exceptionset que les excep­ tions dans une communauté doivent être aussi limitées que possible, Pergcr, Theologisch-praklische Monatschrift, Passau, 1893, p. 131 sq., ou que l’on doit habi­ tuellement s’en tenir aux communions sanctionnées par l’usage dans la Communauté. Ilüber, Limer Quartalschrifl, 1898, p. 316 sq., 574 sq. D’autres théologiens enseignaient avec raison que la 548 crainte de provoquer quelques réflexions ou quelques petites rivalités par le manque d’uniformité absolue dans le nombre des communions ne doit pas empêcher le confesseur de procurer à chaque âme le régime spi­ rituel qui lui convient. En principe, la communion quotidienne est souverainement désirable pour toutes lésâmes religieuses, dans la mesure où elle est pru­ demment réalisable. C’est d’autant plus vrai que ces âmes sont obligées par leur vocation de tendre géné­ reusement el constamment à la perfection et qu’elles sont puissamment aidées par leur genre de vie et par leurs régies â réaliser pleinement en elles toutes les conditions requises pour la communion quotidienne. En fait, l’application pratique de ces principes devra être réglée d’après les dispositions et les besoins de chaque âme et toujours dirigée par la vertu de pru­ dence. Amédée Curé, La communion fréquente au point de vue théorique el pratique; la communion des religieuses, Paris, 1903; cardinal Gennari, op. cit., p. 420 sq. ; Joseph-Antoine de Saint-Joseph in Persiceto, De sanclissimæ communionis frequentia in familiis religiosis, Rome, 1905. G» Décret doctrinal de la S. C. du Concile du 50 dé­ cembre 1905. — Le préambule de ce grave document nous montre son importance et sa portée pratique. Il a pour but de mettre un terme aux controverses alors existantes sur les dispositions requises pour la com­ munion fréquente ou quotidienne. C’est par ordre de Pie X el avec son approbation que ces graves décisions ont été formulées après mûr examen. Elles concernent les dispositions exigées pour la communion fréquente et les règles qui en doivent diriger la pratique. Leur simple exposé résoudra pleinement les deux dernières questions du présent article. II. Dispositions bequises pour, la communion it.êQUENTE. TEXTE nu DÉCHET TRADUCTION 1· Communio frequens et quotidiana, utpote a Christo Domino et a catholica Ecclesia optatissima, omnibus christifidelibus cujusvis ordinis aut conditionis pateat; ita ut nemo qui in statu graliæ et cum re­ cta piaque mente ad sacram mensam accedat, prohiberi ab ea possit. 4· La communion fréquente et quotidienne, très désirée par Jésus-Christ et par l’Eglise ca­ tholique, doit être tellement accessible à tous les fidèles de tout rang et de toute condition, que quelqu’un qui est en état de grâce et s’approche de lu sainte table avec une intention droite et pieuse ne puisse cn être éloigné par aucune inter­ diction. 2· Celte intention droite con­ siste en ce que celui qui s’ap­ proche de la sainte table, ne se laisse conduire ni par l’usa­ ge ni par la vanité ni par quelque raison humaine, mais veuille satisfaire le bon plaisir de Dieu, s’unir plus étroitement à lui par la charité et par ce divin médicament remédier à ses infirmités el à ses défauts. 3· Bien qu’il soit souveraine­ ment avantageux que ceux qui pratiquent la communion fré­ quente et quotidienne soient exempts de péché véniel au moins pleinement délibéré et de toute affection â ce pêché, il suffit néanmoins qu’ils n'aient pas de faute mortelle cl qu’ils aient la ferme vol< nié de ne jamais pécher dans l’avenir. Par cette sincère et ferme vo­ lonté, il est impossible que. communiant chaque jour, ils ne se délivrent pas peu â peu même des péchés véniels et de leur affection. 2’ Recta autem mens in eo est ut qui ad sacram mensam accedit non usui aut vanitati aut humanis rationibus indulgeat, sed Dei placito satisfacere velit, ei arctius caritate con­ jungi, ac divino illo pharmaco suis infirmitatibus ac delectibus occurrere. 3· Etsi quam maxime expe­ diat ut frequenti et quotidiana communione utentes, veniali­ bus peccatis saltem plene deli­ beratis eorumque allectu sint expertes, suflicit nihi lominus ut culpis mortalibus vacent, cum propositu se nunquam in po­ sterum peccaturos : quo sincero animi proposito fieri non potest quin quotidie communicantes a peccatis etiam venialibus, ab eorumque allectu sensim se expediant. 549 550 COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE) La règle 3e distingue nettement entre la disposition suliisante pour assurer le fruit de la communion fré­ quente et les dispositions de convenance toujours sou­ verainement désirables. L’état de grâce, avec la sincère et ferme volonté de toujours éviter le péché mortel, suffit non seulement pour ne point pécher, mais pour profiter de la communion. La communion ainsi faite aidera â se délivrer des péchés véniels et de leur affec­ tion. C’est renseignement traditionnel de l’Église,d’après les documents précédemment cités, notamment l'ins­ truction de la S. C. de la Propagande du 19 avril 1781. C'est l’enseignement à peu prés unanime des théolo­ giens, sauf pendant la période où l’influence du jansé­ nisme a partiellement sévi sur quelques théologiens catholiques. Beaucoup d’auteurs qui, au premier abord, paraissent d'une opinion contraire ont eu le simple tort d'insister Irop fortement sur la perfection des dis­ positions de convenance en parlant très peu de la suf­ fisance de l’état de grâce. Bailleurs, l'excès contraire n’a point été entièrement évité. En défendant la suffi­ sance de l’état de grâce, quelques théologiens ont â peine mentionné les dispositions qui doivent l’accom­ pagner suivant le présent décret. Les règles lre et 2e établissent qu’avec l’état de grâce et cette ferme volonté de toujours éviter le péché mor­ tel, l’âme doit apporter à la communion fréquente et quotidienne une intention droite et pieuse excluant toute vanité, tout entrainement de la coutume, toute raison humaine et comprenant uniquement :a volonté de plaire à Dieu, de s’unir plus étroitement à lui par la charité et de progresser dans la vertu. La règle lre enseigne très positivement qu'a ces conditions la com­ munion fréquente et quotidienne doit être facilement accessible â tous les fidèles de tout rang et de toute condition. Il est donc inexact de dire qu’elle exige une vocation spéciale donnée à quelques âmes seulemenlou qu’elle n’est poinl habituellement pour les laïques voués aux affaires séculières. TEXTE DU DÉCRET TRADUCTION 4· Cum vero sacramenta novæ legis, etsi cflectum suum ex opere operato sortiantur, ma­ jorem tamen producant effec­ tum quo majores dispositiones in iis suscipiendis adhibeantur, idcirco curandum est ut sedula ad sacram communionem præparatio antecedat et congrua gratiarum actio inde sequatur, juxta uniuscujusque vires, con­ ditionem ac officia. 4· Puisque les sacrements de la nouvelle loi, bien qu’ils ob­ tiennent leur effet ex opere ope· rato, produisent un effet d’au­ tant plus considérable qu'on apporte à leur réception des dispositions plus parfaites, Ton doit donc s'efforcer de faire précéder la sainte communion d'une préparation soignée et de la faire suivre d'une convenable actif n de grâces, suivant la ca­ pacité, la condition et les forces do chacun. Celte règle a pour but de prévenir les abus qui pourraient provenir de la suffisance mal comprise de l’état de grâce. Elle réprouve de nouveau les abus déjà condamnés par le décret de 1679 dans quelques com­ muniants espagnols. En meme temps, elle écarte une uniformité trop absolue dans le mode de préparation et d’action de grâces. Elle écarte notamment l’exigence pour tous d’une certaine pratique de l’oraison propre­ ment dite, puisque tous les simples lidèles n’en sont poinl pratiquement capables. TEXTE DU DÉCRET TRADUCTION 5· Ut frequens et quotidiana communio majori prudentia flat uberiorique merito augeatur· oportet ut confessorii consilium intercedat. Caveant tamen con­ fessorii ne a frequenti seu quotidiana communione quem­ quam avertunt, qui in statu 5* Pour que la communion fré­ quente et quotidienne se faccc avec une prudence plus grande et ait un plus grand mérite, il est nécessaire que le conseil du confesseur intervienne. Ce­ pendant que les confesseurs aient soin de ne point détour- ner de la communion fréquente et quotidienne quiconque est en état de grâce et s'approche du sacrement avec une inten­ tion droite. gratiæ reperialur et recta men­ te uucedut. Ce décret reproduit celui de 1679 et réprouve de nou­ veau les abus condamnés on 1679 dans quelques com­ muniants espagnols. Mais il avertit gravement les con­ fesseurs que leur droit de conseiller et de guide est limité par la première règle précédemment citée. TEXTE DU DÉCRET TRADUCTION 9· Denique post promul­ gatum hoc decretum omnes ecclesiastici scriptores a quavis contentiosa disputatione circa dispositiones ad frequentem et quotidianam communionem abstineant. 9· F.nGn qu’après la promul­ gation de ce décret tous les écrivains ecclésiastiques s'abs­ tiennent de toute discussion litigieuse sur les dispositions à la communion fréquente et quo­ tidienne. C’est un grave précepte auquel on est strictement tenu de se conformer. III. Règles pratiques qui doivent diriger l’usage DE LA COMMUNION FRÉQUENTE. TEXTE DU DÉCRET TRADUCTION 6· Cum autem perspicuum si*, ex frequenti seu quotidiana sanctæ eucharistiæ sumptione unionem cum Christo augeri, spiritualem vitam uberius ali, animam virtutibus eflusius in­ strui, et æternæ felicitatis pi­ gnus vel firmius sumenti donari, idcirco parochi, conlessarii et concionatores, juxta probatam catechismi romani doctrinam (part. Ill, c. lxiii) Christianum populum ad hunc tam pium ac tam salutarem usum crebris admonitionibus mulloque studio cohortentur. 6· Puisqu’il est évident que par la réception fréquente ou quotidienne de lu suinte eucha­ ristie l’union avec Jésus-Christ est augmentée, la vie spirituelle est nourrie plus abondamment, lame est plus libéralement mu­ nie de toutes les vertus et le gage de la félicité éternelle est donné d’une manière plus assu­ rée au communiunt, les curés, les confesseurs et les prédica­ teurs devront donc, selon la doctrine approuvée du caté­ chisme romain, exhorter le peuphi chrétien par de fréquents avis et avec beaucoup de soin à une pratique si pieuse et si salutaire. C’est donc tout le peuple chrétien que l’on doit ainsi exhorter. Tel est du moins l’idéal v. rs lequel curés, confesseurs et prédicateurs doivent tendre progressive­ ment. Il n’est donc poinl permis d’arrêter définitive­ ment et délibérément cet idéal à la communion hebdo­ madaire. TEXTE DU DÉCRET TRADUCTION 7· Communio frequens et quotidiana praesertim in reli­ giosis institutis cujusvis generis promoveatur; pro quibus tamen firmum sil decretum Quemad­ modum die 17 mensis de­ cembris 1890 a S. C. Episcopo­ rum et Regularium latum.Quam maxime quoque promoveatur in clericorum seminariis, quo­ rum alumni alturis inhiant servitio: item in aliis Christia­ nis omne genus ephebeis. 7· La communion fréquente et quotidienne doit être encou­ ragée surtout dans les instituts religieux de tout genre. Que pour eux cependant demeure dans toute sa force le décret Quemadmodum du 17 décembi 1890, porté par la S. C. des Évêques et Réguliers. Que l’on s’eL')rcCk.o la réel s raussi le plue qu'il est possible dans les séminaires des clercs, dont les élèves aspirent au service des autels. .· l'on tasse de même dans us autres instituts chrétiens de tout genre à l'usage de la jeunesse. 8· S’il y a des instituts à vœux solennels ou à vœux simples, dans les règles, constitutions ou calendriers desquels des communions sont fixées à cer­ tains jours comme obligatoires, ces règles doivent être considé­ rées comme simplement direc- 8· Si quæ sint instituta sive votorum soiemniuin sive sim­ plicium, quorum in regulis aut constitutionibus vel etiam ca­ lendariis. communiones aliqui­ bus diebus afflxæ et in iis jussæ reperiantur. hæ normæ tanquam mere directi væ non 551 COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPÈCES) tanquam præceptivæ putandæ sunl. Præscriptus vero commu· nionum numerus haberi debet ut quid minimum pro religio­ sorum pietate. Idcirco frequentior vel quotidianus accessus ad oucharisticam mensam libere eisdem patere semper debebit, juxta normas superius in hoc decreto traditas. Ut autem omnes utriusque sexus religiosi hujus decreti dispositiones rite cognoscere queant, singularum dumorum moderatores curabunt, ut illud quotannis vernacula lingua in communi legatur infra octavam festivitatis corporis Christi. tives, non comme préceptives. Le nombre prescrit des communionsdoit être considéré com me un minimum suivant la piété des religieux. Un accès plus fréquent ou quotidien au ban­ quet eucharistique devra donc toujours exister selon les règles données précédemment dans ce décret. Pour que tous les fidèles de l’un et l’autre sexe puissent bien connaître les dispositions de ce décret, les supérieurs de chaque maison auront soin que ce dé­ cret soit lu en commun dans la langue du pays chaque année pendant l’octave de la fête du saint-sacrement. Enfin pour assurer l’exécution de ce décret, Pie X ordonne qu'il soit envoyé â tous les ordinaires et à tous les prélats réguliers, pour qu'ils le communiquent â leurs séminaires, à leurs curés, à leurs instituts reli­ gieux el à leurs prêtres et que, dans la relation qu’ils doivent faire au saint-siège de leurs diocèses ou de leurs instituts, ils le renseignent sur l’exécution de toutes ces prescriptions. Ainsi, par la pleine observance de ce mémorable dé­ cret qui ouvre une ère nouvelle dans l’histoire de la communion, disparaîtront entièrement les derniers restes du poison janséniste, suivant l’expression em­ ployée dans le préambule de ce document. Outre les textes des Pères et des théologiens, cités au cours de cet article, et les ouvrages classiques sur le sacrement d’eucha­ ristie, on peut particulièrement consulter : S. Jean Chrysostome, Homil. de beato Philogonio, n. 4. P. G., t. xlviii, col. 755; In Epist. I ad Cor., homil. xxvni, n. 1, P. G., t. lxi, col. 233; In Epist. ad Heb., homil. xvn, n. 4. P. G., t. LXin, col. 131 ; S. Au­ gustin, Epist., i.iv, c. n sq., P. L., t. ΧΧΧΙΠ, col. 200 sq.; Gen­ nade, De ecclesiasticis dogmatibus, c. xxm, P. L., t. xi.ii, col. 1217; S. Isidore de Séville, De ecclesiasticis officiis, I. I, c. xvm, η. 7, P. L., t. lxxxiii, coi. 756; Walafrid Strabon (f 849), De rebus ecclesiasticis, c. xx, P. L., t. xciv, coi. 942; S. Pierre Damien (f 1072), Opusculum, xlvii, De castitate et mediis eam tuendi, c. H, P. L., t. cxi.v, coi. 712; Institutio monialis ad Blancam ex comitissa sanctimonialem, c. m, coi. 735; S. Grégoire VII, Begistrum, 1. I, epist. xlvii, P. L., t. cxlvui, coi. 327 sq. ; Durand de Troam (*f· 1088), Liber de corpore el sanguine Christi, part. V, c. xv, P. L., t. cxli.x, coi. 1399; Pierre Lombard (f 1160), Sent., 1. IV, dist. XII, n. 8, P. L., t. xcii, coi. 867; S. Thomas (f 1274), In IV Sent., dist. XII, q. m, a. 1; Sum. theol., IIP, q.LX.xx, a. 10; S. Bonaventure, In IV Sent., dist. XII, punct. n, a. 2, q. il; dist. XVII, punct. n, dub. iv, Quaracchi, 1889, t. iv, p. 296, 449; Denys le chartreux (f!471), In IV Sent., dist. XII, q. v, Venise, 1584, t. iv, p.!64sq. ; Dominique Soto (f 1560), In IV Sent., dist. XII, q. I, a. 10, Douai» 1613, p. 300 sq. ; \rasquez, In III··, q. LX.XX, a. 11, disp. CCXIV, c. Hi, n. 28; Suarez, In III··, q. i.xxx, a. 11 ; disp. LX1X, q. iv, n. 6 sq. ; Petau (f 1652), De poenitentia publica et praeparatione ad communionem libri VIII, à la fin de son ouvrage, De theo­ logicis dogmatibus, Venise, 1757, t. vi, p. 228 sq. ; Lugo (-f-1660), De eucharistiae sacramento, disp. XVII; De Rhodes, Disputa­ tiones theologiae scholasticæ, De eucharistia, disp. I, q. iv, sect. I, p. m, Lyon, 1671, t. n, p. 432 sq.; Salmanticences, Cur­ sus théologie us, De eucharistiae sacramento, disp.XI, n. 73sq. ; Viva (f 1710), Damnatarum thesium theologica trutina, Pavie, 1709, part. Il, p. 123 sq. ; part. Ill, p. 82 sq., 85 sq. ; Salmanti­ cences, Cursus theologiae moralis, tr. IV, c. vm, n. 40 sq. ; Benoit XIV (-f- 1758), De synodo diœcesana, 1. VII, c. xii, n. 6 sq. ; S. Alphonse de Liguori, Praxis confessorii, n. 149 sq.; La véritable épouse de Jésus-Christ, trad. Saintrain, c. xvm, Tournai, 1867, t. n, p. 68; La pratique de l'amour de JésusChrist, c. vm, n. 27; Dalgairns, La sainte communion, trad. Godard, c. vu sq., 3' édit., Paris, 1884,1.1, p. 296 sq. ; t. Π, p. 5 sq. ; Lejeune, La pratique de la sainte communion, Paris, 1900, p. 163 sq.; M” de Ségur, La très sainte communion, Œuvres, Paris, 1872, t. in, p. 417 sq.; Coubé, La communion hebdomadaire; la dissertation de Frassinetti sur la Communion quotidienne, insérée dans son Abrégé de théologie morale, tr. XV, Du sacrement de l'eucharistie, n. 2, trad. Fourez sur 552 la 8· édit., Tamines, 1894, t. i, p. 573 sq. ; la dissertation du carninal Gennari, insérée par dom Bastien, dans son Directoire canonique à l’usage des congrégations à vœux simples, Maredsous. 1904, p. 394 sq. ; Tesnière. La pratique de la commu­ nion, Tourcoing. 1904, p. 583 sq. ; Curé, Lacommunion fréquente au point de vue théorique et pratique, Paris,! 900 ; Godls, Exagé­ rations historiques et théologiques concernant la communion quotidienne, Bruxelles, 1904; ( lhatel, La doctrine catholique sur la communion fréquente, réfutation d'une doctrine relâchée, Bruxelles, 1904; Id., Défense de la doctrine catholique sur !a communion fréquente, Bruxelles, 1905; Jules Lintel··, Lettres à un prêtre à propos d'une polémique sur la communion fre­ quente, Tournai, 1905; Grundkôtter, Anleitung zur christlichen Vollkommenheit, 4* édit., Ratisbonne, 1896. p. 524 sq. ; Behrin­ ger, Die heilige Kommunion in ihren Wirkungen, in Hirer Heilsnotwendigkeit, Ratisbonne, 1898: Joseph-Antoine de SaintJoseph in Persicelo, capucin. De SS. communionis frequentia in familiis religiosis, in-8·, 1905; V. Mariani, Sulla commu­ nione dottrina dei Padri e antica disciplina della Chxcsa, in-18, Chiavari, 1905; Valentin, Principes de direction pour la communion fréquente, in-12, Paris-Lyon, 1839; Analecta juris pontificii, 6· série, col. 1504-1535. E. Dublanciiv. III. COMMUNION SOUS LES DEUX ESPÈCES. — I. Enseignement catholique. IL Opinions théologiques. I. Enseignement catholique. — Il se résumé dans les trois définitions du concile de Trente, sess. XXI, c. i-m. — I. INEXISTENCE b1 UNE NÉCESSITÉ DE SALUT OU iVUN PRÉCEPTE DIVIN OBLIGEANT LES LAÏQUES OU LES CLERCS NON CÉLÉBRANTS A COMMUNIER SOUS LES DEUX ESPÈCES. TEXTE DU CONCILE DETRENTE TRADUCTION Sess. XXI, c. ï. Itaque sancta ipsa synodus a Spiritu Sancto qui spiritus est sapientiæ et intellectus, spiritus consilii et pietatis edocta atque ipsius Ecclesiæ judicium el consuetu­ dinem secuta, declarat ac docet nullo divino prœceplo laicos et clericos non conficientes obli­ gari ad eucharistiæ sacramen­ tum sub utraque specie su­ mendum; neque ullo pacto, salva fide dubitari posse quin illis alterius speciei communio ad salutem sufficiat. En conséquence le saint con­ cile, instruit par le Saint-Esprit qui est l’Esprit de sagesse et d’intelligence, de conseil et do piété, et suivant le jugement et la coutume de l’Église, déclare et enseigne qu’aucun précepte divin n’oblige les laïques el les clercs non célébrants à commu­ nier sous les deux espèces, et que l’on ne peut sans atteinte à la foi douter aucunement quo la communion sous l’uno ou l’autre espèce suffise pour lo salut. 1° Sens de celle définition. — 1. Défensive plutôt quo déclarative, elle condamne directement l'erreur de la plu­ part des protestants du xvie siècle qui soutenaient le pré­ cepte divin de cornmuniersous les deux espèces, tout en nianlpresque toujours la présence réelle. Celte erreur du xvie siècle ne faisait que reproduire l'affirmation princi­ pale des calixtins du xv®, voir Calixtins, t. n, col. 1364 sq.; avec cette différence que les calixtins retenant la croyance à la présence réelle s’appuyaient uniquement sur Joa., vi, 54, tandis que les protestants,ennemis delà présence réelle, se réclamaient de Matth., xxvi, 27. et de Luc., xn, 17, 19. — 2. La restriction concernant les prêtres célé­ brants découle nécessairement de la nature du sacrifice eucharistique dont l’essence exige la consécration dis­ tincte desdeux espèces et dont l’intégrité demande la com­ munion du célébrant sub ulraque. En mentionnant celle restriction toujours nécessaire, le concile ne veut point écarter la restriction accidentellement imposée par le pré­ cepte de soustraire à une inévitable profanation l'espèce du vin. — 3. La définition conciliaire est accompagnée d’une courte réfutation des textes scripturaires invoqués par les utraquistes, Joa., vi, 54; Matth., xxvi, 27; Luc.» xxii, 17, 19. Les bases traditionnelles de la définition, n'ayant soulevé au cours de la discussion conciliaire aucune difficulté spéciale, sont simplement indiquées au commencement du c. I : atque ipsius Ecclesiæ judi­ cium el consuetudinem secula. 2° Bases scripturaires de cette définition. — Ces bases purement négatives consistent dans l’absence de toute preuve scripturaire en faveur de la nécessité de 553 COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPÈCES) 554 a) Le fait de l'institution eucharistique sous les deux espèces ne prouve point le précepte de communier sous ces deux espèces. Sinon tout ce qu’a fait Jésus devrait être obligatoirement reproduit dans tous ses TRADUCTION TEXTE DU CONCI LE détails même purement secondaires ou accidentels, Sed neqne ex sermone upud Mais on ne peut non plus comme l’usage du pain azyme, la célébration après la Joannein sexto recte colligitur déduire justement du c. vi do cène légale, la participation active des communiants utriusque speciei communio­ saint Jean que la communion prenant eux-mêmes les espèces consacrées. Conclusion nem a Domino præceptam esse, sous les deux espèces a été évidemment inadmissible. Cajétan, tr. XII, De commu­ utcumque juxta varias sancto­ commandée par le Seigneur, de rum Patrum et doctorum inter­ quelque manière qu’on le com­ nione sub utroque specie, c. i. Opuscula, Lyon, 1577, pretationes intelligatur: namque prenne selon les diverses in­ р. 292; Bossuet, l.a tradition défendue sur la matière qui dixit: A'isi manducaveritis terprétations des Pères et des de la communion sous une espèce, Avertissement, carnem Filii hominis ct bibe­ docteurs. Car celui qui a dit : Paris. 1836, t. ix, p. 183; Benoît XIV, De sacrosancto ritis ejus sanguinem, non Si vows ne mangez la chair missu: sacrificio, I. Il, c. xxti, n. 21, Opera, 2e édit., habebitis vitam in vobis, dixit du Fils de l’homme et ne buvez Borne, 1748, t. ix, p. 228 sq. quoque :Si quis manducaverit son sang, vous n'aurez point ea: hoc pane, vivet inteternum. la vie en vous, a dit aussi : Si b) Aucune parole de Jésus n’y exprime la volonté Et qui dixit : Qui manducat quelqu'un mange de ce pain, d’imposer ce précepte. — a. Malth., xxvi, 27, Bibile ex meam carnem et bibit meum il vivra éternellement. Etcelui hoc omnes, et Luc., xxn, 17, Accipite et dividite inter sanguinem, habet vitam veter­ qui a dit : Celui qui mange vos, signifient que la coupe eucharistique devait servir nam, dixit etiam : Panis quem ma chair et boit mon sang, à tous ou plutôt que celte dernière coupe, purement ego dabo, caro mea est pro a la vie éternelle, a dit aussi : facultative d’après les usages traditionnels, devait mundi vita. Is denique qui Le pain que je donnerai, est exceptionnellement être prise par tous sur le comman­ dixit : Qui manducat meam ma chair pour la vie du carnem et bibit meum san­ monde. Enfin celui qui a dit : dement formel de Jésus-Christ. Par sa nature même guinem, in me manet et ego Celui qui mange et boit mon cet ordre s’adressait aux seuls apôtres et pour cette in illo, dixit nihilominus : Qui sang, demeure en moi et moi seule circonstance. Cf. Duchesne, Églises séparées, Pa­ manducat hunc panem, vivet en lui, a dit néanmoins: Celui ris, 1896, p. 102-103, réfutant l’encyclique du patriarche in selenium. qui mange cepam vivra éter­ de Constantinople, Anthime (1895), qui s’appuyait sur nellement. ce texte pour reprocher à l’Eglise romaine d'avoir violé un précepte divin, formellement énoncé dans l'Evan­ Sans vouloir prononcer aucune définition sur la réa­ gile, lorsqu’elle a supprimé pour les laïques la com­ lité du sens littéral du c. vi de saint Jean, Theiner, munion sous l’espèce du vin. — b. Luc., xxn, 19, Hoc Acta genuina concilii Tridenlini, Agram, 1874, t. 11, facite in meant commemorationem, adressé aux apôtres p. 47 sq., le concile démontre par la comparaison avec et à leurs successeurs, exprime le pouvoir que leur con­ les versets parallèles 52 et 59, que le v. 54 ne con­ fère Jésus de reproduire ce qu’il avait fait lui-même ou tient aucune affirmation de nécessité de salut ou de le pouvoir d’oll’rir le sacrifice eucharistique. Concile de précepte divin. D’où l’on peut conclure que la distinc­ Trente, sess. XXII, can. 2. En offrant, en vertu de ce tion entre manducare carnem et bibere sanguinem, ne pouvoir, le sacrifice eucharistique pour l'essence duquel pouvant se rapporter au mode de communion, sert la consécration des deux espèces est absolument re­ uniquement à mieux exprimer la réalité de la présence quise, les apôtres et leurs successeurs devront commu­ eucharistique, en excluant toute possibilité d’interpré­ nier sous les deux espèces, parce que cette communion talion allégorique; et cette présence sacramentelle intègre le sacrifice. Raison inapplicable à la commu­ intégrale est toujours réalisée même sous une seule nion des laïques ou des clercs non célébrants, qui espèce, en vertu de l’indissoluble union de l’àme et du n’appartient ni à l’essence ni à l’intégrité du sacrifice corps dans le Christ ressuscité. Cf. Calmes, D’Évangile eucharistique. selon S. Jean, Paris, 1904, p. 257. 3. Absence de preuve dans le texte de saint Paul. Cette interprétation du ÿ. 54 nous parait la seule I Cor., xi, 28. — L'intention principale de l’apôtre vraie. L’hypothèse d'un précepte divin de la communion étant l’insistance sur le devoir rigoureux de s'éprouver sub utraque, restreint aux seuls prêtres célébrants, ne soi-même avant la communion pour ne point recevoir repose sur aucun fondement ni dans le texte, ni dans sa propre condamnation, le fait de la communion sous le contexte. Elle est même positivement écartée par les deux espèces est mentionné d’une manière très in­ I s versets parallèles 52 et 55 sq., ou il s’agit évi­ cidente. Cette mention qui s’explique facilement par un demment de la communion pour tous les fidèles. On simple usage de fait de la communion sous les deux doit encore rejeter l’interprétation qui donne â la con­ espèces au temps de saint Paul, ne peut par elle-mërne jonction el au 1. 54 un sens disjonctif. Usité dans la prouver nécessairement l’existence d'un précepte divin. langue hébraïque el de soi très admissible dans un écrit 3° Bases traditionnelles de cette définition. — Bien mélangé d’hébraïsmes, ce sens est ici positivement que le concile de Trente n’ait qu’une courte mention écarté par les y. 55 sq., ou la même conjonction en du témoignage de la tradition, au commencement du regard des mêmes expressions a manifestement un sens с. I, atque ipsius Ecclesiæ judicium et consuetudinem inilif. secula, nous devons l’étudier plus particulièrement 2. Absence de preuve dans le fait de l’institution de dans toute la durée des siècles chrétiens. i eucharistie sous les deux espèces. ίΓ· période, depuis les temps apostoliques jusqu'au XII·siècle. — Pendant toute cette période, d’innombrables TEXTE DU CONCILE TRADUCTION témoignages prouvent chez les fidèles en Orient et en Occidentia coutume presque universellement constante Nam etsi Christus Dominus Bien que Jésus-Christ à la de communier sous les deux espèces, du moins dans In ultima cæna venerabile hoc dernière cène ait institué ce l’intérieur des églises, coutume affirmée par le concile sacramentum in panis et vini vénérable sacrement sous les speciebus instituit et apostolis espèces du pain et du vin et de Trente, licet ab initio christianie religionis non in­ tradidit, non tamen illa institu­ l'ait ainsi distribué aux apôtres, frequens utriusque speciei usus fuisset. Sess. XXI, c. π. ito et traditio eo tenduut ut une telle institution et distribu­ A l’époque aposlolique, le témoignage de saint Paul, omnes Christi fideles stdtuto tion n’établissent point par I Cor., XI, 28, que nous venons de rappeler, est formel. Domini ad utramque speciem elles-mêmes que tous les chré­ A l’époque subséquente, la Didackè, c. IX sq.. Funk. tiens soient astreints par l'insti­ accipiendam adstringantur. Patresapostolici, 2e édit., Tubingue. 1901.1.i. p. 20 sq. ; tution de Jésus-Christ a recevoir saint Ignace, Ad Philad., c. iv, p. 266, et saint Justin, les deux espèces. salut ou de précepte. — 1. Absence de preuve, dans Joa., vi, 54. COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPÈCES) 55G telle assertion avec le fait historiquement certain que Apol., I,n. 05, 67, P. G., t. vi, col. 428 sq., mention­ nent formellement les deux espèces comme étant habi­ le monachisme proprement dit ou cénobitisme ne re­ monte pas plus haut que la première moitié du iv« siècle tuellement reçues dans la communion. Au 111« siècle, pour les monastères d’hommes? Il est donc permis de malgré quelques exceptions plus apparentes, la coutume conclure que ces actes sont, sur ce point et probable­ reste identique. Tertullien, De resurrectione carnis, ment sur plusieurs autres, d'une autorité au moins très c. vin, P. L., t. n, col. 806; S. Cyprien, Epist., lxiii, c. vin, P. L., t. iv, col. 380; Testamentum D.N. Jesu- douteuse. Avec Tertullien, au commencement du m» siècle, se Chrisli,édit. Rahmani,!. II.c. x, Mayence, 1899, p. 132 sq. Au iv· siècle, le même usage subsiste en Orient et en Ita­ présente le premier document forme). Pour détourner sa femme d'un mariage éventuel avec un infidèle au cas lie. S. Cyrille de Jérusalem, Cal., xxin, c. xxn, P. G., où elle aurait recouvre1 sa liberté, Tertullien raisonne t. xxxm, col. 1125; S. Basile, Epist.,xcm, P. G., t. xxxn, col. 484; S. Jean Chrysostome, In I Cor., homil. x.xvn, ainsi : Non sciet maritus quid secreto ante mmem ci­ bum gustes, et si sciverit esse panem non illum credit n. 5, P. G., t. lxi, col. 230 sq. ; S. Ambroise, De myste­ esse qui dicitur? Ad uxorem, 1. 1, c. v, P. L., t. i, riis, c. vm, n. 47 sq. ; c. ix, n. 53, P. L., I. xvi, col. 404 sq., coi. 1296. Ce qui ne peut s’entendre que du pain eu­ 407. Au v· siècle, saint Augustin, Epist., xcvin, n. 9, P. L., t. xxxm, col. 364, témoigne de cet usage pour charistique. Vers le milieu du m· siècle, saint Cyprien, en mentionnant les châtiments dont Dieu frappait par­ l'Afrique. En Italie, en Espagne et dans le reste de fois les lapsi, rapporte le fait d’une personne qui en l’Occident l'usage subsiste aux siècles suivants. S. Gré­ essayant d’ouvrir avec des mains indignes arcam suam goire le Grand, llomil. in Euangelia, homil. xxn, n. 8, P. L., t. lxxvi, col. 1179; Dial., 1. IV, c. Lvm, P. L., in qua Domini sanctum fuit, fut éloignée par le feu qui s’en échappait. De lapsis, c. xxvi, P. L., t. iv, t. I.XXVH, col. 425; In septem psalmos pænilenliales expositio, ps. vi, n. 11, P. L., t. i.xxix, col. 640, S. Isi­ col. 486. Ce fait rapproché du précédent ne peut s’en­ dore de Séville, De ecclesiasticis officiis, 1. I. c. xvm, tendre que de la réserve du pain eucharistique. Dans P. L., t. i.xxxnt, col. 755; S. Béde, Epist., ii.ad Egberles deux circonstances tout autorise à conclure qu’il s'agissait d'une coutume universelle à cette époque, au lum antistitem, P. L., t. xciv, col. 665; Walafrid Slrabon, De rebus ecclesiasticis, c. xx, P. L., t. cxiv, moins en Afrique. Au iv· siècle, après les persécutions, col. 942; Rathier de Vérone, Synodica ad presbyteros, cet usage subsistait encore â Alexandrie et en Égypte, n. 10, P. L., t. cxx.xvi, col. 562. Il en était encore de au témoignage de saint Basile: έν ’Αλεξάνδρειά δέ καί έν même en Orient. Le synode de Bovin (Arménie), tenu Αιγύπτω έκαστος και τών έν λαώ τελούντων ώς έπι το en 527, can. 7, décide que les prêtres ne doivent pas, à πλεϊστον έχει κοινωνίαν έν τώ οίκω αύτοϋ καί ότε βούλε­ cause de leur pauvreté, diminuer le calice de la com­ ται, μεταλαμβάνει Si’ εαυτού. Epist., xcm, P. G., t. xxxn, munion. Ilefele. Histoire des Conciles, trad. Leclercq, col. 485. Saint Jérôme constate le même usage à Home t. n, p. 1077. Au tx« siècle, saint Nicéphore de Constanti­ à son époque. Parlant de ceux qui communiaient post nople (·]·829) affirme encore le maintien de la commu­ debitum conjugale, il dit : Quare ad martyres ire non nion sous les deux espèces. Anlirrhelicus it adversus audent? quare non ingrediuntur ecclesias? An alias Constantinum Copronymum, P. G., t. c, col. 337 sq. in publico alius in domo Christus est? Quod in eccle­ Parallèlement à cette coutume presque universelle­ sia non licet nec domi licet. Epist., xlvhi, n. 15, P. L., ment constante, se rencontre aussi un certain usage de I. xxtl, col. 506. Saint Jérôme ne blâmant point cet communier sous une seule espèce, surtout en dehors usage, mais seulement son application en celte circons­ deséglises. Nous mentionnerons les faits principaux. — tance, l’on peut conclure que la permission existait a) Communion sous la seule espèce du pain assez fré­ encore. Quand fut-elle absolument et universellement quemment autorisée dans les maisons privées pendant retirée? Il est difficile de le déterminer exactement. les premiers siècles. — Aucun document n’atteste cet Aucune défense positive ne fut portée par le canon 3' usage ni au i"r siècle ni au commencement du il·. attribué au concile de Saragosse de 380, ni par le canon Saint Justin, Apol., I, n. 67, P. G., t. vi, col. 429, dit 14' du concile de Tolède en 400, déclarant excommu­ seulement qu’après le sacrifice eucharistique célébré le niés et sacrilèges ceux qui ne consommaient pas dans dimanche, ή διαδοσις καί ή μετάληψις άπο τών εύχαριστηl’église l’eucharistie qu’ils y avaient reçue du prêtre. Οέντων έκαστω γίνεται και τοίς ού πκρούσι διά τών δια­ Ilefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, κόνων πε'μπεται. Les actes de sainte Eudoxie, martyre 1908, t. t, p. 987; t. n, p. 124. Cette interdiction frappait au commencement du n* siècle, tels que les rappor­ les priscillianistes qui à l’église ne consommaient rien tent les bollandisles, c. xn, Acta sanctorum, Paris, du pain eucharistique. Elle n’empêchait point de réser­ 1865, t. I martii, p. 19, d’après un ancien manuscrit ver une partie du pain eucharistique pour la commu­ datant peut-être du vi· ou du vu· siècle, ne parais­ nion â domicile. sent point garantir la conclusion déduite par Corblet, En Orient, l’usage s’est maintenu plus longtemps. Il Histoire du sacrement de l’eucharistie, 1. XII, c. I, existait encore au vin· siecle au moment de la persécu­ Paris, 1885, t. i, p. 518, que les fidèles gardaient dès tion iconoclaste. Grâce â la permission qui était encore lors dans leurs demeures la sainte eucharistie pour donnée au laïque de se communier lui-même avec le s’en nourrir les jours ou ils ne pouvaient se rendre à ■ pain eucharistique emporté â domicile, les fidèles pou­ l’église. Les actes ne parlent point d’une demeure pri­ vaient, sans s'associer aucunement avec les hérétiques, vée, mais d'un édifice sacré ou Eudoxie entra pour communier comme auparavant. Pargoire, L'Eglise y prendre la sainte eucharistie. Accurrit in sacram byzantine de 527 à 847, Paris, 1905, p. 339 sq. ædeni, reserataque illic arcula in qua divinum donum L’usage d’emporter et de réserver le pain eucharis­ reliquiarum sancti corporis Christi servabatur, inde tique était particuliérement fréquent chez les anacho­ particulam acceptam sinu recondidit. Cet édifice sacré rètes après le milieu du lit· siècle. C'est ce qu’affirme est apparemment donné comme dépendant de Vascetesaint Basile au moins pour les solitaires privés du voi­ rium des vierges dont la direction est attribuée à sinage d'un prêtre : ΙΙάντες γάρ οί κατά τας ερήμους Eudoxie. Y avait-il dès Je commencement du n· siècle μοναζοντες, έ'νΐια μή έστιν ίερευς, κοινωνίαν οίκοι κατέχονen Phénicie un asceterium de ce genre, surtout très τες, άς> ’ έαυτών μεταλαμόάνουσιν. Epist., XCItl, P. G., voisin d'un cœnobium de moines vivant en communauté t. xxxn, col. 485. L'Historia lausiaca, c. ix, LU, P. G., sous l’autorité d'un chef monastique, comme le rappor­ t. xxxiv, col. 1027, 1147, rapportant la coutume de tent ces mêmes actes, c. ix, p. 16? Rien en dehors de beaucoup de solitaires de communier chaque jour à ce manuscrit d’une époque bien postérieure ne donne l’heure de none, avant de prendre leur nourriture cor­ lieu de le supposer. D'ailleurs, comment concilier une porelle, permet de conclure que l’eucharistie était sou­ 557 COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPECES) vent gardée par eux, là du moins où ne se trouvait aucun prêtre, ce qui était un cas fréquent surtout au début de l’anachorétisme. Le même témoignage est fourni par Rufin, Historia monachorum, c. n, vu, P. L., t. xxi, col. 406, 419; el par saint Théodore Studite, Epist., 1. I, epist. tvn, P. G., t. xcix, col. 1115. — 11 est cepen­ dant certain que plusieurs moines possédant le caractère sacerdotal célébraient le saint sacrifice auquel des anachorètes voisins pouvaient assister et recevoir la communion. L’eucharistie pouvait parfois aussi leur être apportée dans leurs solitudes. Dom Besse, Les moines d’Orienl, Paris, 1900, p. 353. Il est non moins certain que plusieurs solitaires communiaient rarement, tout au plus une fois l’an, ou passaient même un assez grand nombre d’années sans recevoir la communion, suivant ce qui est rapporté de sainte Marie Egyptienne, fila sanetæ Marite Ægyptiacæ, c. xx sq., P. L., t. Lxxiii, col. 685 sq. Jusqu’à quelle époque persista chez les solitaires cetle coutume d'emporter le pain eucharistique dans leur solitude pour s’en nourrir sui­ vant leur dévotion, il est difficile de le déterminer. Elle existait encore au temps de Jean Moschus (-J-6I9), Pra­ tum spirituale,c. xxix, xxx, P.G., t. lxxxvh, col. 2877 sq., et de saint Théodore Studite (j· 828), Epist., I. L epist. I. vn ; 1. H, epist. ccxix.q. iv, P. G., t. xcix. col. I l 15. 1661. b) Communion des malades habituellement admi­ nistrée sous la seule espèce du pain. — Cet usage existait déjà au m* siècle, au témoignage de saint De­ nys d’Alexandrie (-j-265), suivant Éusêbe de Césarée, II. E., I. VI, c. xliv, P. G., t. xx. col. 629 sq. Au temps de saint Denys, un vieillard d'Alexandrie nommé Se­ rapion, qui avait été jusqu'à ses derniers moments pri­ vé de l’eucharistie parce qu'il avait sacrilié aux idoles pendant la persécution, reçut avant de mourir, avec la permission du prêtre et conformément aux instructions de l’évêque, la sainte eucharistie qui lui fut apportée par un enfant : βραχύ τής εύχαριστίας έπέδωχεν τώ παιοαρίω, άποβρεξαι κελεύσας, και τώ πρεσόότη κατά τοΰ στόματος έπισταξαι; ce qui ne peut manifestement s’en­ tendre que de la communion donnée sous l’espèce du pain. Au iv« siècle, Paulin, secretaire de saint Ambroise, rapporte qu’à ses derniers moments l'évêque de Milan reçut d'llonorat deVerceil Domini corpus, quo accepto, ubi glutivit, emisit spiritum, bonum viaticum secum ferens. Vita sancti Ambrosii a Paulino ad Augusti­ num conscripta, n. 47, P. L., t. xiv, coi. 43. Ce qui ne peut s’interpréter que de la communion sub specie pa­ ds. La l'ila de saint Basile, attribuée faussement à Amphiloque d'iconium, rapporte, c. iv, P. G., t. xxtx, col. cccxv, que le saint évêque de Césarée communia plusieurs fois le jour de sa mort, et il ne parle que de la manducation du pain consacré. Au x· siècle, Odon de Cluny (-J-942) rapporte que le comte Géraud d'Aurillac 7909) reçut avant de mourir le corps du Seigneur qu'il avait ardemment désiré. De vita sancti Geraldi comitis A irilliacensis, I. Ill, c. vu, P. L., t. cxxxm, col. 691. D'ailleurs, le simple fait de la réserve eucharistique, habituellement faite sous l'espèce du pain depuis les premiers siècles de l’Église et principalement en vue de la communion des malades, est une preuve suffisante que celle-ci était ordinairement administrée sous la seule espèce du pain. Les deux documents déjà cités d'Eusëbe de Césarée et de Paulin, secrétaire de saint Ambroise, témoignent du fait de celte réserve euchari-iique au tv’et au ni’ siècle. Documents incontestables bien qu'ils restent presque isolés, cé dont nous ne devons point nous étonner, aucune raison ne s'oll'rant d instruire les fidèles sur un point qui devait cire très familier. Après les siècles de persécution, le lait de la réserve eucharistique destinée à la communion des malades est plus fréquemment mentionnée. Esccerplûmes e dictis et canonibus sanctorum Patrum concine i a·, fragment ou résumé d'un recueil attribué à saint j i | i 553 Egbert, archevêque d'York (·[· 766), c. xx, P. L., t. LXXX1X, col. 382; Raoul de Bourges (γέΰΰ), Capitula, c. VI, P. L., I. cxix, col. 707; Wautierd’Orléans(f 891), Capilula, c. vu, col. 734 sq.; Réginon de l’rürn (-J-815), De ecclesiasticis disciplinis et religione Christiana, 1. I, c. LXix, P. L., t. cxxxii, coi. 205; Burchard de Worms (f 1025), Decret., 1. V, c. x, P. L., t. cxl, coi. 754. D’ail­ leurs, le faillie la réserve eucharistique est une néces­ saire conséquence de l’obligation impérieuse de conférer le viatique à tous les mourants, obligation en faveur de laquelle le 13' canon du 1er concile de Nicée rappelait déjà l'ancienne règle canonique, ό παλαιός και κανονικός νόμος, défendant de priver les mourants du dernier et nécessaire viatique, llefele, Histoire des conciles, I. i, р. 593 sq. Bien que la communion fût habituellement portée aux malades sous la seule espèce du pain, elle était parfois administrée sous les deux espèces, quand une occasion était immédiatement fournie par la célébration de la sainte messe. C’est ce qui parait indiqué par le texte de saint Justin. Apol., I, n. 65, 67, P. G-, t. vi, col. 428 sq., affirmant que le pain et le vin du sacrilice étaient distribués par les diacres aux fidèles présents et portés aux absents. L’on peut entendre dans le même sens le fait de saint Exupêre de Toulouse cité par saint Jérôme : Nihil in illo ditius qui corpus Domini cani­ stro vimineo, sanguinem portat in vitro. Episl., c.xxv, n.20, P. L., t. xxti, coi. 1085. 11 est également rapporté dans la vie de sainte Marie Egyptienne que l'abbé Zosime, prié par la sainte de lui apporter la com­ munion aux rives du Jourdain en face de sa soli­ tude, mit à cet effet in modico calice intemerati cor­ poris portionem et pretiosi sanguinis Domini nostri Jesu Christi. Vita sanetæ Marite Ægyptiacæ, c. xxi sq., P. L., t. LXXlll, coi. 686 sq. Aux époques subséquentes, l'histoire ecclésiastique rapporte encore quelques faits semblables. Au témoignage de saint Grégoire le Grand, Dial., I. Il, c. xxxvii, saint Benoit de Nursie mourut, en 513, après avoir reçu le corps et le sang du Seigneur. P. L., t. lvi, col. 202. Le pape parle encore, ibid., 1. IV, с. xxxv, P. L , t. lxxvii, col. 577, d'un Eleulhére qui, à l'heure de la mort, mysterium dominici corporis et sanguinis accepit. Au vu» siècle, Céadda, évêque des Merciens, reçoit avant de mourir le corpset le sang du Seigneur. S. Béde, Hist, eccles., I. IV, c. ni, P. L., I. xcv, col. 117. En 714, l'anachorète anglais Guthlac immé­ diatement avant sa mort est réconforté par la commu­ nion du corps et du sang de Jésus-Christ. Mabillon, A nnales ordinis S. Benedicti, I. XIX, c. lxxvi, Lucques, 1739, t. n, p. 36. En 776, Grégoire, abbé d’Utrecht. rend le dernier soupir après avoir reçu la communion du corps sacré el du sang du Seigneur. Ibid., p. 218. En 1137, Louis le Gros, roi de France, reçoiten viatique le corps et le sang de Jésus-Christ qu’on lui avait apportés après la célébration d’une messe. Sugar, Vita Ludovici Grossi, P. L., t. clxxxvi, col. 1337. Par­ fois aussi on se faisait transporter à l'église pour y recevoir le saint viatique sous les deux espèces. Char­ don. Histoire du sacrement d’eucharistie, c. v, Aligne, Theologiæ cursus completus, t. xx, col. 282. Nous de­ vons encore observer que les malades qui ne pouvaient consommer la sainte hostie étaient quelquefois autori­ sés à communier sous la seule espèce du vin; celle permission fut donnée pour l'Espagne par le X* concile de Tolède en 675, can. 11. Mansi, t. xi, col. 143-144; llefele, op. cil., t. in, p. 313. Exception qui est encore un témoignage en faveur de la non-nécessité de la com­ munion sous les deux espèces. c) Communion sous la seule espece du pain quelque­ fois usitée à l'intérieur des églises soit en Orient soit en Occident. — K Constantinople, cette coutume parait avoir existé au temps de saint Jean Chrysoslome, d'après le lait rapporté par Sozomène, H. E., 1. VIII, c. v, C59 COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPÈCES) P. G., t. i.xvn, col. 1528 sq., et Nicéphore Callisto, JI. E., 1. XIII, c. vu, P. G., t. cxlvi, col. 953 sq. Un hérétique macédonien, converti à la vraie foi par la prédication de Chrysostome, voulant décider son épouse hérétique à suivre son exemple, lui demande de parti­ ciper avec lui au mystère eucharistique, sous peine de rupture complète. La femme hérétique promet d'accom­ plir son désir. Elle s'approche comme les autres fidèles : περ< δέ τον καιρόν των μυστηρίων (ίσασ·. δε οΐ μεμνημένοι, ή μεν όπερ έδέξατο κατέ/ουσα, ω; εΰξομενη άκέκυψε. La servante qui l’accompagnait lui ayant alors donné secrète­ ment le pain qu’elle avait apporté de la maison, celui-ci devint dur comme la pierre dès qu’elle y eut marqué l’empreinte de ses dents. Fait dont Sozoméne garantit l’authenticité en ajoutant que cette pierre miraculeuse se conservait encore dans l’église de Constantinople. Ce fait, avec toutes les circonstances rapportées par Sozoméne, ne convient qu’à la réception et à la mandu­ cation du pain eucharistique. 11 parait d'ailleurs comme un fait en lui-méine habituel soit à l’époque de Chry­ sostome soit à celle de Sozoméne. A Jérusalem, au témoignage du cardinal Humbert (j 1061), non contre­ dit par les Grecs, se conservait depuis la plus haute antiquité l'usage de communier sous la seule espèce du pain. Adversus Graecorum calumnias, c. xxm, P. L., t. cxi.lll, col. 951 sq. En Occident, l’histoire nous fournit aussi plusieurs preuves irrécusables de l’existence de cetle même coutume. Saint Léon le Grand (f 461), Semi., xi.ll, c. v, P. L., t. i.tv, col. 279sq., constate qu’à son époque, à Rome, les manichéens, tout en s'abstenant de la réception du sang de Jésus-Christ, réussissaient à se dissimuler en se mêlant aux fidèles pour la réception du corps du Sauveur. Ce qu'ils n'au­ raient pu accomplir si la coutume de recevoir les deux espèces avait été alors observée par tous les fidèles. C’est sans doute cette hypocrite dissimulation des ma­ nichéens que voulut empêcher le pape saint Gélase (•j-496) en édictant l’ordre qui lui est attribué par le Décret de Gralien : aul integra sacramenta percipiant aut ab integris arceantur, part. IU, De consecrat., dist. II, c. 12, P. L., t. clxxxvh, coi. 1736; Benoit XIV, De sacrosancto missæ sacrificio, I. II, c. xxn, n. 23, loc. cit., p. 230, quoique Gratien, par le titre qu’il donne lui-même à ce chapitre, entende ce texte de l'obligation qui incombe au prêtre de recevoir le sang aussi bien que le corps de Jésus-Christ. Cette prescrip­ tion de saint Gélase, d'après la raison même qui la motivait, ne devait être que temporaire et locale; de fait, une certaine coutume de ne communier que sous l'espèce du pain fut subséquemment reprise à Rome. Au temps de saint Grégoire le Grand, vers l’an 600, la communion était habituellement distribuée aux fidèles sous la seule espèce du pain, avec des hosties offertes par les fidèles, comme le prouve le fait rapporté par Mabillon sur le témoignage de Paul diacre. Une noble matrone romaine, ayant observé que Grégoire lui pré­ sentait pour la communion le pain qu'elle avait ellemême otfert, se prit à sourire. Le pontife étonné ayant pour cela différé de lui donner la communion et lui a-"nt, après les saints mystères, demandé raison de ce .e attitude, cette personne répondit qu'elle ne pou­ vait croire que le pain qu’elle avait elle-même confec­ tionné fût le corps du Seigneur. Pour convaincre son incrédulité Grégoire obtint un miracle; la chair du Christ apparut visiblement sur la palle qui recouvrait l'hostie. Ce qui convertit l'incrédule. Mabillon. Annales ord. S. Benedicti, 1. IX, c. xt.lll, Lucques. 1739, t. i, p. 239. Ce récit, ou la communion sub specie vini ne figure aucunement, prouve qu’à cette époque les fidèles de Rome communiaient sous la seule espèce du pain. La même coutume existait dans les Gaules au vte siècle, au témoignage de saint Grégoire de Tours ( j-594), Hi­ storia brancorum, 1. X, c. vm, P. L., t. Lxxt, col. 535. 5G0 Au comte Eulalius qui lui réclamait la communion malgré un refus antécédent, l'évêque des Arvernes répondit : « La rumeur populaire vous accuse du crime de parricide. J’ignore si vous avez commis ce crime. Que Dieu et le martyr saint Julien vous jugent. Tu vero si idoneus es, ut asseris, accede propius et sume tibi eucharisliæ particulam atque impone ori tuo. » Paroles qui ne peuvent convenir qu’à la communion sous la seule espèce du pain que les hommes rece­ vaient encore dans leur main et portaient eux-mêmes à leur bouche. Vers la même époque, la règle cénobitique attribuée à saint Colomban (j-615) statue expressément que les novices qui ne sont pas instruits et tous ceux qui manquent aussi de l'instruction nécessaire ad calicem non accedant. liegula cœnobialis, c. x, P. L., t. i.xxx. col. 220. D’où Mabillon, Annales ord. S. Benedicti, I. VIII, c. xiv, t. i, p. 193, conclut avec raison qu'à cette époque la communion sous une seule espèce était parlois en usage. Le 111' concile de Tours, en 813, can. 19, Labbe, t. ix, col. 351, mettant les prêtres en garde contre la distribu­ tion indiscrète de la sainte communion à ceux qui seraient forte peccatis majoribus irretiti, ne parle que du corps du Seigneur, personis adstantibus corpus Domini indiscrete non tribuant. Ce qui semble supposer le fait habituel de la communion sous la seule espèce du pain. En 836, le II' concile d’Aix-la-Chapelle, de­ mandant que l'on rétablisse la coutume de communier chaque dimanche, ne parle également que de commu­ nicatio corporis Domini, c. in, can. 32. Mansi, t. xiv, col. 691. Du IX· au xii' siècle, aucun document certain ne démontre la persistance de cette coutume, de même qu’aucun ne prouve son entière et universelle cessa­ tion. Observons d’ailleurs que la communion sous la seule espèce du pain a pu être plus rare ou n’ètre point men­ tionnée à cette époque, à cause de l’introduction de deux nouveaux usages : celui de l'intinclio dont nous parlerons bientôt et celui de boire après la communion sub specie panis du vin non consacré mélangé de quelques gouttes du précieux sang, ce qui s’appelait néanmoins communicatio sanguinis Christi. Voir t. t, col. 92. Aussi à mesure que ces usages s'affaiblissent ou disparaissent, la communion sous la seule espèce du pain devient bientôt la seule usitée. Mais cette modi­ fication se lit assez lentement. Vers le milieu du Xli'siècle, Robert Pulleyn (-(L 1146), en constatant combien il con­ venait aux laïques de communier sous la seule espèce du pain et sans recours à l'intinclio réprouvée par l’Église, laisse entendre que la communion sub una specie panis n’était point encore généralement adoptée. Sent., I. VIII, c. ni, P. L., t. ct.xxxvi, col. 963 sq. A la même époque, un disciple d’Hugues de Saint-Victor, Summa Sent., tr. VI, c. vi, P. L., t. CLXXVi, col. 142, affirme quod, licet in duabus sumatur speciebus, tamen in utraque integer Christus sumitur. Parallèlement à un usage de communier parfois sous la seule espèce du pain, même dans l'intérieur des églises, l’on constate, après le vu' siècle, la pratique assez frequente de l'intinclio panis qui fournit aussi quelque preuve en faveur de la non-nécessité de la communion per modum polus. Cet usage qui consistait à détremper le pain eucharistique dans le précieux sang, en administrant ce sacrement, n'est point cons­ taté avant le IIIe concile de Braga en 675. Le 2e canon de ce concile interdit cet usage, parce que l'Evangile, dans le récit de l'institution de l'eucharistie, mentionne le pain et le vin comme étant séparés, et qu'il ne parle de pain trempé que pour.ludas. Mansi, t. xi, col. 155. Cette coutume s'introduisit de nouveau au xi' siècle selon l'auteur du Microlog us qui en parle comme d'un usage nouveau et digne de désapprobation : Non est CCI COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPÈCES) autem authenticum quod quidam corpus Domitii in­ tingunt et intinctum pro complemento communionis populo distribuunt. Microloqus de ecclesiasticis obser­ vationibus, c. xix, P. L., t. ci.r, coi. 989 sq. Cest celte coutume que le concile de Clermont, présidé par Ur­ bain 11, condamna en 1095 dans son canon 28· : Ae quis communicet de altari nisi coipus separatim et sanguinem similiter sumat, nisi per necessitatem et per cautelam. Labbe-Cossart, Sacrosancta concilia, Venise, 1730, t. xn, col. 382; Mansi, t. xx. col. 818. La nécessité suffisante pour légitimer cet usage est vraisemblablement celle qu’indique quelques années plus tard Pascal II dans une lettre à Pons, abbé de Cluny : Novimus enim per se panem, per se vinum ab ipso Domino traditum. Quem morem sic semper in sancta Ecclesia conservandum docemus atque præcipimus, præler in parvulis ac omnino infirmis qui panem absorbere non possunt. Epist., nxxv, P. L., t. ci.xm, col. 442. Le concile de Clermont reconnaissait aussi que l'inlinctio pouvait se faire per cautelam, c’est-à-dire pour empêcher l’effusion du précieux sang toujours facilement possible dans la transmission du calice surtout à une grande foule. C’est en ce sens que s’était exprimé un peu auparavant Jean d’Avranches ou de Rouen (·)■ 1079) : Non autem intincto pane, sed juxta definitionem Toletani concilii, seorsum corpore seor­ sum sanguine sacerdos communicet, excepto populo quem intincto pane, non auctoritate sed summa ne­ cessitate timoris sanguinis Christi effusionis permit­ titur communicare. Liber de officiis ecclesiasticis, P. L.,t. CXLVii, coi. 37. Au commencement du xn« siècle, la coutume de I'itilinctio encore persistante à Cluny est blâmée par Pascal II dans sa lettre à Pons, abbé de Cluny, à la seule exception des enfants et des malades qui ne pourraient autrement avaler l’hostie : Igitur in sumendo corpore et sanguine Domini dominica tradi­ tio servetur, nec ab eo quod Christus magister et præcepit el gessit humana et novella institutione disceda­ tur. Novimus enim per se panem, per se vinum ab ipso Domino traditum. Quem morem sic semper in saneta Ecclesia docemus atque præcipimus, præler in parvulis ac omnino infirmis qui panem absorbere non possunt. Epist., nxxv, P. L., t. CLXIII, coi. 442. Vers la même époque, Guillaume de Champeaux (f 1121), dans un fragment De sacramento altaris, P. L., t. clxiii, col. 1039, soutient l’usage de l'inlinctio combattu, dit-il, pour celte frivole raison que ce fut la communion reçue par Judas. Mais Guillaume déclare en même tempsque c'est une hérésie d’affirmer la nécessité de la commu­ nion sous les deux espèces. Arnulphe de Rochester • 1124) se prononce aussi pour l’inlinctio dans les termes que rapporte Mabillon. P. L., t. i.xxvni, col. 904. Quelques années plus tard, Robert Pulleyn ■ 11445) constate que, malgré l’exemple de Jésus-Christ et malgré l’interdiction de l’Église, pleraque per loca panis intinctus porrigitur, quatenus ut aiunt et juxta evangelium utrumque distribuatur et res ita securius atque expeditius transigatur. Sent., 1. VIII, c. m, P. L., t. ci.xxxvi, coi. 96-4. Observons cependant que Pulleyn, touten combattant justementl’intinclion comme contraire à l'institution de Jésus-Christ, nam panem intinctum quis audeat porrigere cum Dominus per se panem per se calicem porrexerit, ajoute cette raison rui manque de vérité et de solidité, bien qu’elle ait été plusieurs fois reproduite par les auteurs subséquents : Intinctus panis inlinclæ inquinalæque mentis viro tra­ debatur Judæ. Nihil talc taliterquc fidelibus exhibea­ tur, col. 964. Pour détruire les restes de cette coutume que cons­ tatait encore Pulleyn, le concile de I oudresou de West­ minster en 1175, can. 16, Hefele, op. cit., t. vu, p. 480, statua que l’hostie consacrée ne devait point être trempée dans le vin consacré. Défense qu'il justifia au 562 moins partiellement par ce fait que Judas seul avait communié ainsi. Raison également reproduite par In­ nocent III au commencement du xni· siècle : Quia vero Christus buccellam intinctam Judæ porrexit, ünde constitutum est ab Ecclesia ut eucharistia non detur intincta. De sacro altaris mysterio, I. VI. c. xm. P. L., t. ccxvit, coi. 866. Raison qu'innocent III complète par ce motif plus important et plus vrai : Constitutum est nihilominus et pro hæresi exstirpanda quæ dogmati­ zavit Christum sub neutra specie totum existere sed sub utraque simul existere totum. Chez les Orientaux, l’on ne voit point de trace évi­ dente de l'inlinctio dans les neuf premiers siècles. Elle fut cependant pratiquée avant le xi“ siècle, car le car­ dinal Humbert (γ 1061) en fit le reproche aux Grecs dans sa célèbre discussion. Adversus Græcorum calum­ nias, c. xxxm, P. L., t. CXLHI, col. 951 sq. Les Grecs trempaient le pain eucharistique dans le précieux sang du calice et le versaient avec une cuiller dans la bouche des fidèles. Humbert leur reproche d’employer un mode de communion qui n’avait été employé que pour Judas. Au témoignage d’Allatius (j-1669), De consensu Eeclesiæ occidentalis et orientalis, 1. Ill, c. xvin, et de dom Mar­ lène (j-1739), De antiquis Eeclesiæ ritibus, I. I, c. xm, Rouen, 1700, t. i, p. 430, l'usage persista pendant les siècles suivants. Martène atteste qu’à son époque les Orientaux présentaient encore avec une cuiller micam sacrali panis cum sanguine intinctam. Sur la pratique des Arméniens, voir t. i, col. 1956. Celte courte histoire de l'inlinctio en Occident et en Orient, loin de fournir une preuve en faveur de la né­ cessité de la communion sub utraque, est plutôt un argument de l'inexistence du précepte de communier sub specie vini, car l’on ne peut considérer cette pra­ tique comme réalisant ce qu’exige la communion per modum potus, en tant que distincte de la communion per modum cibi. Prendre du pain additionné de quel­ ques gouttes de vin n’est point vraiment prendre un breuvage, ce qu'exigerait cependant la communion sub specie vini. Conclusion plus évidente encore quand le pain eucharistique, sur lequel on a préalablement versé quelques gouttes du précieux sang, est gardé pendant toute l'année pour la communion des malades, comme cela se pratiquait fréquemment en Orient. Bossuet, Traité de la communion sous les deux espèces, Paris, 1836, t. tx, p. 133. On sait que cette dernière pratique fut interdite par Benoit XIV dans sa constitution apos­ tolique Etsi pastoralis du 26 mai 1752. Gasparri, Tra­ ctatus canonicus de sanctissima eucharistia, Paris, 1897, t. n, n. 1177. L'histoire de cette période mentionne un autre usage qui est une nouvelle preuve de l’inexistence du pré­ cepte de communier sous les deux espèces. C'est l’usage de suppléer à l’insuffisance du vin consacré par le mé­ lange de quelques gouttes du précieux sang avec du vin ordinaire préparé dans un autre calice, ou l’usage de faire communier ainsi habituellement tout le peuple en dehors du célébrant et de ses ministres. Mabillon. Commentarius in ordinem romanum VIII, 14, P. L., t. i.xxvm, col. 882; dom Martène, De antiquis Eeclesiæ ritibus, L I, c. xi, Rouen, 1700, 1.1, p. 426 sq. Ce mé­ lange se faisait toujours pour le peuple à la messe pon­ tificale suivant l'ordo rom anus primus, c. xix sq., rapporté par Mabillon, P. L., t. LXXVHI, col. 946 sq.. et datant dans sa forme actuelle au moins du tx« siècle. Suivant le commentaire de Mabillon. Commentarius prævius in ordinem romanum, c. vi, vm, xiv, col. 875, 882, 903, quand le pape avait pris une partie du précieux sang, l’archidiacre en versait un peu dans la coupe que tenait l’acolyte et qui contenait le vin desliné aux fidèles. Cette coupe ainsi sanctifiée était distribuée aux fidèles. Quelques théologiens de cette époque, à la suite d’Amalaire de Metz (-j-837), De ecclesiasticis officiis,l.l, res COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPECES) · c. xv, P. L., t. cv, col. 1032, ont soutenu que le vin re­ cevait ainsi quelque consécration, mais il n'est point démontré qu'ils l'aient réellement entendu d'une con­ sécration effective au sang de Jésus-Christ. Quoi qu'il en soit, la doctrine contraire fut positivement soutenue p,r la plupart des théologiens, particulièrement par saint Bernard (fl 153), Episl., lxix, ad Guidonem abba­ tem, n. 2, P. L., t. ct.xxxri, col. 181; Jean Beleth (fT182), nationale divinorum officiorum, c. xctx, P. L., t. ccn, col. 104; Guillaume Durand de Mende (f 1290), Jlalionale seu enchiridion divinorum officio­ rum, 1. VI, c. Lxxv, n. 11 sq., Lyon, 1574, t. n, p. 342 sq.; dom Marténe, op. cil., t. 1, p. 428 sq. Ces théologiens s’appuient principalement sur ce que la consécration ne peut être produite selon l'institution de Jésus-Christ que par les paroles consécratoires. Ils admettent cependant que le vin sanctifié parle contact du précieux sang mérite un respect particulier. Il est donc certain qu'il ne pouvait y avoir communion réelle sous l’espèce du vin. Celle pratique assez constante pendant plusieurs siècles est donc une preuve en faveur de 1 inexistence du précepte de communier sous les deux espèces. r Le Camus, L'œuvre des apôtres, 2» édit., Paris, 1905, t. 1, p. 45. 2° La cause de cet étrange régime n’est pas seulement l’union des cœurs tant admirée par saint Luc, et si tou­ chante en réalité, v, 32; mais encore la perspective de la fin prochaine du monde et du jugement général, la perspective eschatologique. Elle domine visiblement la prédication des douze, et par suite, la religion de leurs néophytes. Act., n, 17, 20, 21, 40. 42. 45. « Ils persévèrent dans la doctrine des apôtres et mettent tout en commun » (45). La « crainte » du juge tout proche explique celle folie de dépouillement, mêlée de gran­ deur et d’imprévoyance. 3° L'altitude des apôtres et leur tradition. — Les apôtres se réservent : ils acceptent le régime que s'im­ posent les néophytes, mais en stipulant bien qu'il ne III. - 19 079 COMMUNISME sera pas obligatoire, sinon pour ceux qui veulent bien s’y soumettre. Ils spécifient les droits acquis de la pro­ priété, qu’elle soit foncière ou capitalisée, retenue ou aliénée : droits de possession, droits de vente, droits sur les choses et sur l’argent. Act., v, 1, 5. Mais, on ne ment pas au Saint-Esprit : saint Pierre blâme l’hypo­ crisie d’Ananie et de Saphire, qui retiennent secrète­ ment une partie de leur capital, après avoir professé de mener la vie communiste. Mor Le Camus, loc. cit., p. 72-77. Celte attitude inclut déjà une doctrine, ou se recon­ naît la tradition apostolique la plus ancienne sur la propriété et le communisme. Elle cadre d’ailleurs avec une série de témoignagesoù cette tradition se manifeste, soit par elle-même, soit par écho. 1. Saint Luc, en tant que rédacteur des Actes, pré­ sente le communisme de Jérusalem ainsi qu'un bel exemple d'édilïante fraternité; mais l’intention louée, le soigneux narrateur précise délicatement les réserves de saint Pierre sur le droit de propriété; et, plus loin, l’épisode de Tabitha, dans l’église de Joppé, démontre bien que le communisme n’était pas regardé comme le régime obligatoire des âmes justes. Act., tx, 39. 2. Certaines variantes rédactionnelles des synoptiques sont encore précieuses à ce point de vue. Dans le dis­ cours sur les béatitudes, la formule de saint Luc vise la stricte pauvreté des disciples qui suivent Jésus; la formule de saint Matthieu vise l’esprit de pauvreté, et s’adresse à la foule par-dessus la tète des apôtres. On prenait donc bien soin de distinguer ce que le Maître commandait aux compagnons de sa vie, et ce que la masse croyante avait à s’appliquer. Luc., vi,20; Matth., v, A ; cf. IL, P. Rose, Évangile selon S. Lue, p. 61. 3. L’Epitre de saint Jacques adresse aux riches le reproche d'avoir lésé leurs salariés agricoles, vécu dans les délices, thésaurisé quand approche le dernier jour. Jac., v, 1, 6; Calmes, Epitres catholiques, Apocalypse, Paris, 1905, p. 18-19. Un apôtre du communisme invec­ tiverait là contre le fait même de posséder; ce serait trahir son principe que se borner à la réprobation de quelques péchés d’avarice, de fraude et de luxe. Le péché capital, c'est la propriété, dans l’hypothèse d’une morale communiste; mais ici, au contraire, comme dans les Évangiles, la légitimité de la propriété est reconnue virtuellement. Ce témoignage semble bien antérieur à la ruine de Jérusalem ; et. comme l’auteur s’en révèle, par son style, chrétien juif de naissance et de culture, Batillol, La littérature grecque, p. 5, nous tenons là un spécial écho de la tradition apostolique dans les églises palestiniennes. 4. Saint Paul, enfin, pas plus que saint Jacques ou saint Luc, ne commande aux riches d'aliéner leurs biens pour pratiquer le communisme. Il leur suggère plutôt une pratiquedela bienfaisance qui suppose la propriété et son licite usage. 1 Tim., vi, 18. Les riches s'enrichi­ ront de bonnes œuvres et se montreront partageux, communicatifs (κοινωνικούς); communisme de charité et non de dépossession, qui présuppose le fait et le droit de la fortune privée. Nos documents de la tradi­ tion apostolique demeurent donc unanimes. V. Les pèbks et le communisme. — 1° Les primitifs. — Le document catéchétique intitulé Doctrine des douze apôtres recommande l’aumône dans un style commu­ niste, qui s'inspire du langage des Actes, iv, 32, et qui respecte néanmoins le droit individuel ou familial de la propriété. « Tu ne renverras pas l’indigent; mais tu auras tout en commun avec ton frère et tu ne diras point que c’est à toi; car, si dans l’immortel vous êtes co-parlageants, combien plus dans les biens qui meu­ rent. » Doctrine, IV. 8. Funk, Patres aposlolici, 2' édit., t. t, p. 12. Ces hyperboles d'une charité communicative doivent s'interpréter en fonction du précepte de l’au­ mône, intimé plus loin, xv, 4, p. 34; el de l’état social ?80 esquissé et reconnu, à propos du précepte de la dîme, χιιι, 2, 5, p. 30, 32. Les propriétaires sont là requis de fournir aux « prophètes » la dîme du pressoir et de l'aire, des bœufs et brebis, du pain frais, de la jarre d’huile, de l’outre de vin, du vestiaire et de l’argent ; cela semble trahir un régime de culture avec élevage, dans un pays de « collines et de montagnes », peutêtre bien la Palestine ou les chaînes bordières du dé­ sert syrien. Somme toute, la Doctrine respecte le régime de la propriété dans les églises rurales qu’elle catéchise ; par le moyen de l’aumône et de la dîme, elle ne prescrit que le communisme de la charité. Cet enseignement daterait de la période 80-100, selon Funk; il lui serait même antérieur, d’après Mc Batiffol : en tout cas il continue de très près la tradition apostolique. La Lettre dite de Darnabé adresse la même morale et dans les mêmes termes, à peine variés, à des citadins qui sem­ blent des manieurs d’argent el d’aUaires. Barn., xix, 8, 11, Funk, Patres aposlolici, p. 92. Clément de Rome, disciple de saint Pierre et de saint Paul, qui « avait leur voix dans les oreilles », S. Irénée, Cont. hær., ni, 3, P. G., t. vu, col. 849, recommande l’aumône aux riches, et non le partage de leurs biens : « Que le riche fasse largesse au pauvre; que le pauvre loue Dieu de lui avoir donné le suppléant de sa pénu­ rie. » 1 Cor., xxxviii, 2. Funk, t. i, p. 146. Emile de Laveleye et plusieurs autres économistes attribuent, il est vrai, le texte suivant à Clément: « En bonne justice tout devrait appartenir à tous. C’est l’iniquité qui a fait la propriété privée. » Ce texte ne se trouve pas dans les écrits authentiques de Clément, mais dans une fausse décrétale, composée au ix· siècle par le pseudoIsidore et déjà reconnue apocryphe au xvn· siècle E. de Laveleye, Le socialisme contemporain, Introduc­ tion, p. xvn. Voir le texte latin du faux, P. G., t. I, col. 506, 507. Clément d’Alexandrie recense la théorie du commu­ nisme primitif et obligatoire, comme formulée par le gnostique Épiphane. Slrom., ni, 2, P. G., t. vm, col. 1105-1109; cf. P. G., t. vu, col. 1268. Mais, person­ nellement, le grand théologien d’Alexandrie prêche à ses riches concitoyens le détachement du cœur et l’au­ mône généreuse, rien de plus. Telle est la morale que la célèbre homélie Quis dives salvetur? entend tirer de l’épisode du jeune homme riche. P. G., t. tx. col. 604, 652, notamment, n. Tl, 12, col. 616; n. 13, col. 617; n. 33, 34, col. 639. Mais Clément d’Alexandrie n’a pas plus de chance que son homonyme romain : sur la foi de quelle citation sans contrôle un sociologue éminent lui peut-il bien attribuer un texte communiste qui ressemble fort à celui de la fausse décréta le citée plus haut? P. Bureau, La propriété, dans La science sociale, 1902, t. xxxiv, p. 232. Tertullien prêche de mèmeà Carthage le communisme de la charité, mêlant aux hyperboles de sa ferveur des précisions de jurisconsulte sur le droit de chacun à disposer de ses biens. « Tout est commun entre nous, sauf les femmes,» Apolog.,c. χχχιχ,Ρ. L., 1.1, col. 470, 472; et plus loin l’apologiste spécifie que chacun con­ tribue de son aumône à la caisse commune, s’il le veut bien, quand il le veut, comme il le veut et d’après ses moyens. Autant de clauses contraires à l’idéal du com­ munisme obligatoire. Ainsi des Pères apostoliques aux Pères ou écrivains ecclésiastiques du ni· siècle, le problème du commu­ nisme est implicitement résolu, sans même qu’on l’ait posé. Il se résoud par les maximes traditionnelles, évangéliques, du détachement dans la richesse et de l'aumône fraternelle, qui institue simplement des par­ tages charitables entre riches et pauvres. L’Eglise na pas dévié d’un communisme primitif, héroïque et impra­ ticable; elle a tout simplement appliqué les principes de son vrai Maître, en héritant de son cœur et de son bon sens. 581 COMMUNISME 2" Les hérésiologues. — A partir du iv· siècle, les secles communistes obligent les théologiens et l'Eglise ? se prononcer directement sur le problème que les pri­ mitifs résolvaient sans le poser, en termes implicites. C’est une situation nouvelle. Une secte d’origine orientale, ennemie du travail manuel, érige le communisme de tous les biens en maxime du salut : la secte des apostoliques. Voir t. I, col. 1631. Saint Epiphane oppose la tradition à ces faux ascètes, en la développant : « L'Église possède la chas­ teté et ne blâme pas la vie conjugale; l’Eglise possède la pauvreté et ne s’élève pas contre ceux qui détiennent justement des richesses et qui ont hérité de leurs parents, aux lins de subvenir â soi-même et aux pauvres. » Hær., i.xi, P. G., t. xt.i, col. 1041. Par un raisonnement ttiëologiqne, d’esprit traditionnel encore, Épiphane rappelle la récompense que le Christ promet aux hôtes de ses disciples, et son précepte de l’aumône : l’un et l'autre supposent que le Sauveur admet le droit de pro­ priété et son exercice même, comme compatibles avec la vie d'un juste, col. 1044. Une secte d'origine dualiste est clairement visée dans ce passage d'une catéchèse de saint Cyrille de Jérusa­ lem, si décisif: « Les richesses ne sont pas l’œuvre du démon, comme le pensent quelques-uns. Usez de l’argent avec honnêteté, et il ne sera pas mauvais... .le dis cela j our les hérétiques qui condamnent toute possession et toute richesse, comme ils condamnent le corps. Je ne veux pas que vous soyez esclaves des richesses; mais que vous ne voyiez point en elles un ennemi, lorsque vous les tenez de Dieu pour votre bien. » Cat., vm, n. 6. P. G., t. xxxm, col. 632. Saint Augustin signale aussi le communisme des apostoliques à titre d'hérésie : « Superbement, ils s’inti­ tulent apostoliques, parce qu’ils ne reçoivent dans leur société ni gens mariés ni propriétaires : en cela ils se rapprocheraient de moines et de clercs nombreux dans l'Eglise catholique; mais ils deviennent hérétiques lors­ qu'ils refusent tout espoir de salut à ceux qui retiennent les biens dont eux-mêmes se privent. » Hær., xi., P. L., t. xi.ii. col. 32. A propos de la même hérésie, saint Augustin explique la légitimité de la richesse privée dans le sens traditionnel, s'autorisant : 1» de l’histoire du jeune homme riche; 2» des recommandations de saint Paul à Timothée; 3° delà description biblique des richesses d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, toutes bénies de Dieu. Epist., ci.vn,ad Hilarium, n. 23, 25, 26, P. L., u xxxm, col. 686, 687. A propos des confiscations de terres et de villas exer­ cées en Afrique contre les donatistes, saint Augustin reconnaît encore le droit de propriété privée; mais c >mme un « droit humain », déterminé par les princes et les lois, tandis que de « droit divin », selon les Ecri­ tures, tout est à Dieu : « La terre est au Seigneur avec tout ce qu’elle contient : Dieu fit riches et pauvres d'un même limon, et une même glèbe les supporte. C’est •elon le droit humain qu'un homme dit : « Cette villa, < cette maison, ce serviteur est à moi. » Ceci est de droit umain et de droit impérial; et pourquoi? Parce que Dieu distribua les droits humains au genre humain par le- empereurs et les rois. » In Joa., tr. VI, n. 25, P. £., . xxxv, col. 1436-1437. Cf. Epist., xcm, c. xn, n. 50, . L., t. xxxm, col. 345. Ainsi, par voie d'autorité légale, l’institution de la jwopriété privée remonte à Dieu même, selon saint Augustin. Ainsi, en tant qu’il se réclame de l’Evangile et se pose • nine une loi de salut et de justice, le communisme e-t classé comme une hérésie parmi les Pères. 3 Avec les homélistes, la doctrine traditionnelle se r ùniient quant au droit de propriété; seulement, au a île viser des hérésies communistes, les Pères com­ battent des abus de la richesse; cette visée nouvelle 582 entraîne le développement d’aspects nouveaux dans la doctrine reçue. •Saint Ambroise dirige l’exposition de son livre sur Naboth contre les accapareurs de biens-fonds. De Λ'αbuthe Jezrailita, P. L., t. xiv, col. 731-756. Cf. I (III) Keg., xxt. « Parmi les opulentissimes, lequel ne s'efforce pas de bousculer le pauvre en dehors de son petit champ, et d’éliminer les sans-richesse des confins de sa terre?... De quel riche une propriété voisinen’enllamme-t-elle pas la cupidité? » I, I, col. 731. Ces allusions n’ont rien que de très fondé : les historiens décrivent cet accaparement territorial qui se perpétuait au tv» siècle, dans l’aristo­ cratie chrétienne, comme le péché héréditaire, la tare originelle du patriciat romain. Voir Ammien Marcellin, sur les Anicii, sur Sextus Petronius Probus, xxiti. 2xxvii, 3, 11. Paul Allard, Julien VApostat, I, L'aristo­ cratie chrétienne, p. 167, 171. Aux patriciens accapareurs, Ambroise rappelle une vérité que les anciens Pères ne signalaient pas, mais qui est bien encore d’esprit évangélique, d’essence chrétienne : la création de la lerre pour la vie et le bien de tous, par un Dieu Père de tous. Seulement, il accentue cette revendication des fins universelles de la terre et de ses biens, jusqu’à paraître nier le droit particulier du riche : « C’est en commun et pour tous, riches et pauvres, que la terre fut créée : pourquoi donc, ô riches, vous arrogez-vous le monopole territorial? La nature ne connaît pointde riches; ellen’engendreque des pauvres: nous ne naissons pas avec des vêlements, nous ne sommes point enfantés avec de l'or et de l’argent. » i, 2, col. 731. L’aumône devient en conséquence une resti­ tution : « Ce n’est pas de ton bien que tu accordes à l’indigent, mais du sien que tu lui rends; car c’est un bien commun, donné à l'usage de tous, que tu usurpes tout seul. La terre est à tous, non aux riches. » xn, 53, col. 747. L’aumône est de la simple justice : « Il est in­ juste que ton semblable ne soit point aidé par son com­ pagnon, surtout quand le Seigneur Dieu voulut que cette terre fût la commune possession de tous les hommes et leur offrit à tous ses produits; mais l’avarice a réparti les droits de possession : avaritia possessionum jura distribuit. » In ps. cxvill, serm. vm, n.22, P. L., t. xv, col. 1303. Cependant, la donation providentielle de la terre à l’humanité n’empêche pas, toujours selon saint Ambroise, la légitimité' de la possession individuelle, ni même de la richesse. « Ce ne sont pas ceux qui ont des richesses, mais ceux qui ne savent pas en user, que frappe la sen­ tence divine : .Malheur à vous, riches. » Expositio Evang. sec. Luc., 1. V, n. 69, P. L., t. xiv, col. 1654. L’état de riche et de propriétaire n’est pas mauvais en soi : « Ce ne sont pas les riches qui sont damnables, mais les richesses des pécheurs. » In Ps. XXXVI, 14, P. L., t. xiv, col. 972. Cette formelle réserve du droit de propriété nous oblige donc à faire la part de l'hyperbole oratoire et de la réaction extrême, dans le prédicateur et le moraliste militant qu'est saint Ambroise : son expérience de patri­ cien et de magistrat l’a sans doute documenté d’obser­ vations assez attristantes pour motiver cette allure outrancière; mais le bon sens naturel et la modération chrétienne n’y perdent pas leurs droits. Le livre sur Naboth représente la richesse comme un présent di­ vin : « De Dieu vous avez reçu ce que vous devez aux pauvres; à Dieu appartiennent vos dons, » c. xvi, n. 66, col. 753 : l'état de riche n’est pas en soi mauvais. L’attitude de saint Basile est toute pareille en face des accapareurs de blé, de vin et d'huile qui spéculent sur la disette en Cappadoce, llomil. dicta tempore /amis et siccitatis, n. 2, P. G., t. xxxi, col. 309. De même que saint Ambroise, il établit la destination providentielle des biens terrestres pour l’avantage de tous. Deux de ses comparaisons sont devenues célébrés chez les socia- 583 COMMUNISME 584 listes : '1° Celle du théâtre, qu’il emprunte peut-être à I un organe qui se gorge de nourriture aux dépens des Chrysippe, et que Cicéron reproduit, De finibus, ni, 20. autres. Pour inculquer avec plus de force l'obligation « Qu'est-ce donc qui est à toi ? D'où l’as-tu pris en l'appor­ de ces libéralités, Jean Chrysostome prêche une sorte de tant dans la vie? Tel, au théâtre, un spectateur qui s'ins­ communauté des biens : « N’est-ce pas la un ma) de talle sur les gradins et qui écarte les arrivants, persuadé posséder lout seul les biens du Maître, de jouir tout seul de son droit exclusif sur ce qui est disposé pour l'avan­ des biens communs? La terre n’est-elle pas au Sei­ tage de tous; voilà l'image des riches : accapareurs du gneur, avec tout ce qui la remplit, comme le dit un* bien commun, ils se hâtent d'abord de se l'approprier. » Psaume ? Si donc nos possessions appartiennent à noire Homil. in illud dictum Evangelli secundum Lucani, commun Maître, ne sont-elles pas aussi à nos co-ser­ xn, 18, η. 7, P. G., t. xxxt, col. 276. — 2° Après cetle viteurs? Tous biens de maîtres sont communs; n'estcomparaison citadine, une comparaison rurale, bien en ce pas le régime des grandes maisons? Tous y reçoivent couleur dans un pays d'élevage comme le plateau cap- par exemple une égale ration de blé; elle sort des padocien; celle des brebis el des chevaux au pacage : réserves dominicales, et la demeure du maître est pour « Ils se laissent chacun la place nécessaire; mais, nous, tous. Communes également, les possessions impériales : les villes, les places, les promenades appartiennent à ce qui est commun, nous le dissimulons dans notre tous : nous y avons tous droit au même titre. » In sein, et nous possédons tout seuls ce qui revient à Epist. 1 ad Tim., homil. xn, n. 4, P. G., t. lxii, beaucoup. » Homil. dicta in tempore famis el siccitatis, col. 563-564. Néanmoins, ce droit universel des servi­ η. 8, P. G., t. xxxt, col. 325. Voilà le langage commu­ teurs de Dieu au partage des biens dont il est le niste, ainsi que chez saint Ambroise; mais voici, comme Maître souverain ne périme pas 1 s droits particuliers chez lui encore, la réserve formelle du droit de pro­ des propriétaires : « Si le riche ne convoite pas injuste­ priété : « Ne pèse pas sur les prix en spéculant sur les ment, il n'est pas mauvais, pourvu que d'ailleurs il besoins; n'attends pas la disette pour ouvrir tes gre­ donne aux indigents ; mais s'il ne donne pas, il est niers... Allons, sache varier la distribution de ta richesse; mauvais et rapace. » Ibid. Dans le langage communiste sois libéral et magnifique dans tes largesses aux indi­ de saint Chrysostome, il faut donc tenir compte de l'hy­ gents. » Homil. in illud dictum, etc., n. 3, col. 268. Tes perbole oratoire, qui enveloppe, du reste, une très chré­ greniers, ta richesse, tes largesses : ceci exprime bien un droit de possession; mais le droit grevé de charges tienne idée sur les fins sociales de la richesse indivi­ d’un « mandataire de Dieu, d'un économe de ses co- duelle. L'orateur d'Antioche ne pense pas autrement que saint Ambroise et saint Basile : ce n’ast pas le serviteurs ». Ibid., n. 2. col. 264. Dans une belle vue communisme économique, mais le communisme de la de chrétien et de gentleman, si l'on ose dire, car saint charité, qu’il prêche à des propriétaires dont il respecte Basile était de grande race terrienne, l'homélisle veut que les riches procurent le bien public par la circulation les droits. de leur richesse : « A mesure qu'on puise dans les ré­ Saint Chrysostome dépasse néanmoins les autres Pères, lorsqu'il développe complaisamment sa thèse personnelle servoirs, ils coulent mieux; si on les abandonne, ils se corrompent. De même les richesses :au repos, elles de­ sur la supériorité de l'appropriation collective. On no meurent inutiles; dans le mouvement et le transfert, se querelle pas, dit-il, pour l'usage des bains, places, elles fructifient pour le bien général. » N. 5, col. 272. promenades et antres lieux publics, mais pour des Rufin, le traducteur latin de ces homélies de saint maisons particulières et des capitaux. « Ces glaçantes Basile, lit circuler sous le nom de ce Père un texte ou paroles, le tien el le mien, quelles causes de luttes et il est dit : Terra communiter omnibus hominibus data d'ennuis? Suppriinez-les : plus d'inimitiés ni de noises est : propri um nemo dicat ; quod e communi plusquam cherchées : ainsi la communauté des biens nous con­ sufficeret sumptum, et violenter obtentum est. Rulin, vient beaucoup mieux et répond mieux â la nature. » traduction de l'homélie sur le texte de saint Luc, xn, 8, In Epist. 1 ad Tint., homil. xn, n. 4, P. G., t. i.xii, n. 7, P. G., t. xxxt, col. 1752. Celte phrase n'existe pas col. 564. Cetle préférence trahit sans doute ses origines, dans le texte grec. Rufin la substitue de son cru à la quand l'orateur déclare sa méfiance pour les richesses comparaison du théâtre. Il est coutumier de ces rema­ en terres, en maisons et en capitaux : telles sont les niements. Bardenhewer, Les Pères de l’Église, t. n, richesses des grands spéculateurs du commerce d'An­ tioche, malhonnêtement acquises plus d'une fois. Chry­ p. 361,362 ; Ebert, Histoire de la littérature du moyendge en Occident, trad. Aymeric et Condamin, t. 1, p. 346.347. sostome goûte en revanche la richesse pastorale de Job, Rufin, d'ailleurs, ne prêche, lui aussi, le communisme d'Abraham, des grands cheiks du désert : troupeaux nomades, serviteurs nés cous les tentes du maître, or que par hyperbole oratoire et réaction de moraliste : plus loin, il définit la richesse « un bienfait du créateur » et argent reçus en cadeaux, sans extorsion ni fraude. et non un état de péché; il réduit l’iniquité du riche à C’est peut-être bien oublier, en ce qui concerne 1rs l’exclusive jouissance d’un superliti dent beaucoup contemporains de l'orateur, les rançons imposées aux voyageurs el les razzias >ur les sédentaires, dont vit d'autres feraient leur nécessaire, n. 7, col. 1751. Quant â la parole : « le riche est un larron, » citée comme de encore habituellement l'aristocratie des steppes; car on saint Basile par E. de Laveleye et d’autres économistes pourrait lui dire ce que saint Chrysostome adresse aux opulents citoyens d'Antioche : « Tu possèdes le résultat de marque, je ne l'ai trouvée ni dans ce Père, ni dans du vol, si lu n'es pas toi-même le voleur. » Ibid., n. 4, la traduction de Rufin; elle contredit d'ailleurs la doc­ trine de l'un et de l’autre. col. 563. Mais celte préférence collectiviste de saint Jean Chrysostome ne l’empêche pas de reconnaître Saint Jean Chrysostome reconnaît la légitimité de la richesse, et par suite de la propriété privée. « Pas comme tous les autres Pères, les droits de la propriété plus que la pauvreté, la richesse n’est mauvaise en soi; privée. eue ne le devient que par la conduite de ses posses­ 4° Les cénobites. — Parallèlement à la morale de la seurs. » Homil., x\',ad populum anliochen.,n. 3, P. G., propriété, s’affirme la doctrine du communisme ascé­ t. xlix, col. 158. Il ne faut pas maudire la richesse, tique, sous la plume, notamment, des Pères qui en furent mais son usage coupable, Homil. in I Cor., homil. x, les promoteurs et les adeptes éminents. Ils s’inspirent n. 4, P. G., t. LXt, col. 87, seulement le riche est tenu des appels de Jésus au communisme évangélique : une de ne pas oublier les fins universelles de sa propriété : tradition puisée aux sources premières vivifie leurs de mêmeque le laboureur, le pêcheur, le marin, le for­ enseignements et leurs pratiques. Une exégèse vécue geron, le soldat, concourent au bien public par l'exer­ du « si lu veux être parfait » se transmet ainsi. cice de leur métier, le riche y doit collaborer par le Saint Alhanase raconte aux moines pour lesquels il écrit la vie de saint Antoine, que celui-ci, riche orpbcdéversement de son superflu. S’il ne le fait pas, c’est 585 COMMUNISME lin, se sentait fortement impressionné par les récits évangéliques de la vocalion des apôtres, Luc., v, 11, 28; par le fait de la vie commune â Jérusalem, Act., iv, 35: par les promesses du centuple à ceux qui abandonnent tout pour suivre le Christ. Marc., x, 30. La parole : « Si lu veux être parfait, » entendue à la messe, un dimanche, décide Antoine : il vend ses terres et il vit en ermitedu travail de ses mains. Vie de S. Antoine, n. 2, P. G., t. xxvi, col. 811,843. C'est à ce genre de vie et sous la même inspiration qu’Antoine forme les disciples qui viennent s’installer dans son voisinage pour profiter de ses exemples et de ses leçons. Vie, n. 17, col. 867,869; cf. n. 3, col. 844, 845. Saint Basile atteste lui-même l'inlluence du commu­ nisme évangélique sur ses aspirations décisives à la vie monastique : « .le lus l'Evangile et je remarquai qu'il n'y avait pas de moyen plus propre d'arriver à la perfection que de vendre son bien, d'en faire part à ceux de nos frères qui sont pauvres, de se dégager de tous les soins de cette vie, en sorte que l’àme ne se laisse troubler par aucune attache aux choses présentes; et puis, je désirai trouver quelqu’un de mes frères auquel cette existence agréât, afin de traverser avec lui la mer profonde de la vie. » Epist., CCX.XHI, n. 2, P. G., t. xxxn. col. 824. Saint Jérôme écrit à Pammachius, jeune consulaire de la gens Furia qui s’est dépouillé de ses biens et fait moineà la mort de sa femme; il lui commente la parole de Jésus au jeune homme riche dans le sens où la prennent aussi saint Basile et sainl Athanase. Epist., lxvi, ad Panimach., n. 8, P. L., t. xxn, col. 643; cl. Epist., xiv, ad Heliodorum, n. 6, P. L., t. xxn, cul. 350-351 ; Comment. in Evang. Malth., xix, P. L., t. xxvi, col. 142. Sainl Augustin, de retour en Afrique après la mort de sa mère, vend tous ses biens et en donne le prix aux pauvres. Epist., ccxvi, n. 7, P. L., t. xxxm, col. 480; ci.vm, n. 39, col. 692. Avec ses amis, il se retire sur sa propriété de Thagaste, aliénée d’ailleurs, pour y vivre dans le communisme décrit par les Actes. Sa sœur préside à Hippone un monastère de femmes, dont Augustin règle la vie parla célèbre lettre ccxxi, col. 960, 965. connue dans l’histoire des ordres religieux sous le nom de Règle de saint Augustin. Elle pose le principe du communisme en termes formels et inspirés des Actes : « Ne dites pas que rien vous appartienne en propre; mais que tout soit commun entre vous; et que votre préposée distribue à chacune de vous le vivre et le vê­ lement — non point à parts égales, parce que vos forces ne le sont point uniformément, mais bien plutôt à cha­ cune selon ses besoins. Ainsi, lisez-vous dans les Actes des apôtres que tout était commun entre eux et que chacun recevait à proportion de ses besoins. » Conclusion. — Les Pères approuvent et pratiquent le communisme facultatif de la vie monastique; les Pères condamnent le communisme prétendùment universel et obligatoire des sectes hérétiques; les Pères ensei­ gnent les communications de la charité fraternelle, qui oblige les riches au partage de leur superllu, mais sans les dépouiller de leurs droits de propriété, et en visant a ce que celle-ci profite au bien de tous. — Il n’y a pas trace de ce qu’on appelle parfois le communisme des Pères dans cet ensemble de doctrines; ce prétendu communisme n’a pu s’imaginer que par une lecture trop confiante de textes apocryphes (le fameux texte, dit de saint Clément), par une lecture hâtive de textes découpés et isoles. Le danger de ces erreurs devrait, comme l'a très bien dit M. Henry Joly, « rendre les écrivains sérieux plus circonspects et leur donner l’idée de vérifier leurs citations. H est regrettable, par exem­ ple. qu’un livre tel que celui de M. Espinas, Histoire des doctrines économiques, Paris, s. d., p. 69. note, croie pouvoir fonder toute une théorie historique de 586 l’enseignement des Pères de l’Église sur des mots isolés ou tronqués, dont il dit seulement que tel auteur les a cités « sans indiquer les sources ». Cet auteur avait pris ses prétendues citations dans des brochures de qua­ trième ordre parues avant ou pendant la crise de 1848. » Henry Joly, Le socialisme chrétien, Paris, 1892, p. 93, note 2. Cf. P. Janet, Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale, 3· édit., Paris, 1904, t. I, p. 326. VI. Les scolastiques et le communisme. — Les sco­ lastiques nous introduisent dans un milieu doctrinal bien différent de celui des Pères : professeurs d'univer­ sité ou d’école conventuelle, ils examinent, ils apprécient le communisme au point de vue du droit et de la justice, en théologiens spéculatils; mais sans viser à réformer les aims existants de la richesse, comme les Pères homélistes; sans combattre des sectes vivantes, comme les Pères hérésiologues; sans émettre de conseils ascé­ tiques, à la manière des Pères cénobites. C’est d'un point de vue essentiellement abstrait que les théoriciens de l’Êcole envisagent le problème du communisme; et ce renouveau de la méthode réalisera d’abord certains progrès que ne permettait pas aux Pères le souci trop prochain du concret et de l’action. Saint Thomas d’Aquin et Duns Scot parlent chacun du communisme, afin de taxer exactement la culpabi­ lité du vol et le droit des particuliers à posséder. Comme théologien, saint Thomas, Sum. theol., 11“ II-, q. lxvi, a. I, 2, s’en réfère d’abord à la tradition que lui représente le texte de saint Augustin contre les apostoliques : après l’avoir cité dans l’argument sed contra, il conclut : « C’est donc une erreur d’avancer qu’il n’est pas permis â l’homme de posséder indivi­ duellement. » Mais saint Thomas est encore un théolo­ gien philosophe, qui expose le dogme rationnellement, selon ses convenances métaphysiques. Or, le problème du communisme n’est pas seulement résolu par la tradition chrétienne; il est encore philosophique : Aristote le débat en face des utopies platoniciennes; il en propose lui-même une solution fondée sur ses ob­ servations des sociétés helléniques. Aristote, Politique, I. II, c. I, § 10; c. n, § 1. Commentateur d’Aristote, saint Thomas examine ses raisons et leur bien fondé. Comment. Polit., 1. II, lect. iv. Ce ne sont donc pas de simples convenances rationnelles qu’il développera ici en faveur de la tradition; mais de vraies preuves phi­ losophiques. Il trouve là une vérité de l’ordre naturel que son affirmation surnaturelle par l’Evangile et par l’Eglise ne démantèle pas de ses moyens de démonstra­ tion. C’est dans cette voie de la philosophie sociale que saint Thomas innove relativement aux Pères : ils s’occu­ pent de la loi divine et non du droit naturel; chez eux dominent l’exégèse positive des témoignages scriptu­ raires et le souci des applications. La théorie philoso­ phique y demeure implicite et voilée; mais dans la Somme elle se dégage avec ampleur. D'abord, elle précise le double fait d'usage et d'admi­ nistration des biens extérieurs que l’état de proprié­ taire suppose normalement : 1» potestas procurandi et dispensandi; 2» usus rerum exteriorum. Cette distinc­ tion ne se formule pas chez les Pères; mais l’un et l'autre de ses termes s'y retrouvent alternativement exa­ minés, surtout le second, qui intéresse le plus la con­ duite du riche envers les indigents. Il· 11“, q. LXVI, a. 2. Sous le rapport de Vadministration, saint Thomas juge « permis et même nécessaire » que la propriété soit individuelle plutôt que collective. 1“ Parce que le travail est plus intense, dès que chacun l’exerce pour soi: car l'amour de notre bien propre est le plus vigou­ reux stimulant de notre action; il met en œuvre tomes les énergies de notre nature spécifique et de notre indi­ vidu. Cf. Polit., 1. Il, lect. iv, § Et dicit quod non point 587 COMMUNISME de facia enarrari. 2° De même le travail est mieux or­ donné, lorsque chacun est maître de sa propre affaire : la propriété individuelle perfectionne les méthodes aussi bien qu'elle excite les efforts. 3" La paix sociale est mieux assurée, dés que chacun possède cette joie de travailler et d'entreprendre pour soi. — Dans le régime de communauté, au contraire, « chacun fuit le labeur et rejette sur autrui ce qui appartient à tous : les per­ sonnels nombreux de serviteurs en sont la preuve. » Et puis « nous voyons qu'entre co-possesseurs d’un même domaine indivis, les querelles s’élèvent plus souvent ». Ces préférences motivées contredisent nettement celles de saint Jean Chrysostome; elles se fondent d'ailleurs sur des observations qui ne seraient pas géné­ ralement vraies chez les nomades au désert de Syrie, mais qui le sont parmi les races agricoles de l’Occident. Le régime communautaire des biens, et particulièrement du sol, ne procure le vivre et la paix que dans les pays de productions spontanées abondantes, ou des travaux de simple récolte suffisent en général : c'est le régime des pasteurs de grandes steppes, et surtout des steppes licites, bien arrosées; le régime aussi des châtaigne­ raies du Limousin ou de la Corse; et là, ce régime est selon la justice, parce qu’il assure à tous les moyens de vivre en travaillant. Mais, partout où le sol, ou les tra­ vaux que comporte le sol exigent main-d'œuvre éner­ gique et méthodes précises, l'indivision nuit au travail et à la paix. Les plus laborieux et les plus avisés ne veulent point partager le fruit de leurs efforts avec des incapables et des paresseux : ils réclament comme une justice la possession d'une terre, d’un outillage et d’une récolte qui valent â proportion de leurs peines. En se maintenant malgré eux, le régime collectiviste serait oppression et injustice. Les préférences de saint Thomas sont parfaitement fondées dans l'hypo­ thèse des travaux d'extraction et de fabrication plus intenses ou l'Europe du moyen âge primait l'Orient semi-pastoral. De nombreuses observations, devenues classiques parmi les économistes de toute école, illus­ trent de nos jours cette conclusion. E. de Laveleye, De la propriété et de ses formes primitives, 4e édit., Paris ; E. Demolins, Les commencements de la culture en famille patriarcale, dans La science sociale, 1886, t. n, p. 405; L'établissement de la culture en famille pa­ triarcale, ibid., Ί887, t. fil, p. 264; .1. Moustier, La question corse, ibid., p. 526 sq. Devant les préférences de saint Thomas, pour la pro­ priété individuelle, que devient la doctrine patristique de la communauté des biens, établie par le créateur à l'origine et voulue comme une fin essentielle des choses'? Saint Thomas se l'objecte; car les textes des Pères sont la plupart insérés par le moine Gralien au xn* siècle dans sa collection canonique : cette insertion témoigne de l'importance de ces textes dans les écoles du moyen âge, et en explique l’usage fréquent chez les théologiens du xin» siècle et des suivants. A défaut des ouvrages complets, les citations de Gralien sont en toutes les mains, grâce à la vulgarisation de son Décret, dist. 1, c. vu, part. I, dist. VIII ; part. II, causa XII, q. I, c. n. La Somme théologique s'objecte ainsi la doctrine communiste des Peres, a deux reprises : 1° en alléguant l’analogie du spectateur au théâtre, d'après saint Basile; Ά. Décret, loc. cit.;ï° en citant un texte de Rufin, tra­ duction de l'homélie de saint Basile, n. 7, qui est reçu comme de saint Ambroise. Décret, dist. XLV1I, c. Sicut hi. Ces deux difficultés se résolvent par l'observation que les textes objectés parlent seulement du communisme quant ά l'usage, el saint Thomas l’accepte; mais n’in­ cluent pas le communisme d'occupation et d’adminis­ tration, que les Pères, d'ailleurs, ont tous rejeté. Il* II”, q. lxvi, a. 2, ad 2"“, 3“m. Le communisme partiel, dans l’usage, est de droit positif divin; puisque saiul Paul le recommande expres­ 583 sément aux riches, en écrivant ses instructions à Timothée, a. 2, § Aliud vero. De plus, il est « de droit naturel », c'est-à-dire exigé immédiatement par l'essen­ tielle destination des biens de la terre à subvenir aux besoins des hommes, et par l’état de vacance quant à l’emploi, où se trouve de soi le superflu du riche. Il» II”, q. LXVI, a. 7. En tant que maître de ses biens, le riche doit procéder par hii-mèmeà ce partage dont il a charge, une fois qu’il a pourvu au nécessaire de sa personne, de son foyer et de son rang. II» II”, q. x.xxn, a. 2. Ce communisme de jouissance n’est pas une véritable res­ titution ; c’est une dette de « justice légale », c’est-à-dire de justice envers la société : la paix publique et l'ordre général exigent que le superflu disponible des riches profite à la classe indigente. II» II”, q. cxvin, a. 4, ad 2um. Sur quoi le commentaire de Cajétan observe que cette nécessité de bien commun autorise de soi la taxation judiciaire des avares opulents; néanmoins, saint Thomas n’oublie pas que les lois ne peuvent ni tout prévoir, ni tout réaliser : la justice sociale s'accom­ plit encore d’après le bon jugement et par la déci­ sion de l’honnête citoyen : εύγνωμοσύντ., q. lxxx, art. unie., ad 4uro; cf. q. LT, a. 4. La taxation volontaire du riche par lui-même est le procédé normal de ses justes partages : committitur arbitrio uniuscujusque dispen­ satio propriarum rerum, ut ex eis subveniat necessi­ tatem patientibus, q. lxvi, a. 7. La libéralité est une vertu de son état, qui doit intérieurement porter l'opu­ lent citoyen à cet acte de justice extérieure, q. cxvm, a. 3, ad 2““. La thèse patristique du communisme fraternel entre enfants du même Dieu et serviteurs du même Seigneur se précise là. et se dégage de certaines hyperboles, qui la rendaient au premier abord quelque peu ambiguë. De plus, les Pères exhortent simplement à l'aumône manuelle ou aux œuvres d’assistance envers les misé­ reux : c’était obvie dans le régime de prolétariat men­ diant qu'avaient produit le far-niente oriental et médi­ terranéen, l'écrasement des impôts dans la classe des curiales, l’excessif développement de la grande propriété foncière et des fortunes commerciales, la concurrence de l’industrie servile aux métiers libres. Paul Allard, Julien l’Aposlal, i, Progrès de la classe ouvrière, p. 226-229; cf. Décadence de la classe moyenne, p. 212. Saint Thomas recommande aussi les subventions en nature, qui ne visent pas seulement le miséreux, mais la classe ouvrière gagnant sa vie, les paysans. 11 retrouve le type de cet usage dans certaines prescriptions du Lévitique et du Deutéronome, sur les droits de gla­ nage, de cueillette ou de grapillage. 1» II”, q. cv, a. 2, § Sed circa res possessas, et ad 1111,1 ; cf. Lev., xix, 9,10; Dent., xxiv, 19. Bien que ces lois d’Israël soient mora­ lement « lois mortes », q. Civ, elles présentent de sug­ gestifs exemples. Suggestives également, des coutumes analogues, relevées en Grèce par Aristote, q. cv, a. 3; Po­ lit-, I. 11, lect. iv, § Ostendit quæ bona. Ces lois et ces usages antiques rappellent à saint Thomas des faits con­ temporains : le communisme de la jouissance se retrouve dans le régime médiéval de la propriété privée, sous forme d’affouages, de glandées, de vaines pâtures, con­ senties par les propriétaires des forêts, des landes, des terres cultivées, aux paysans du village ou de la région. Ce sont là, en Europe, de même qu'en Palestine, les survivances d'un état antérieur de communauté, dans le pays ou dans la race; mais ce communisme usager se subordonne essentiellement à l’appropriation indivi­ duelle du soi, quant aux droits de gérance et d’occu­ pation. Mais que devient encore, sous ce régime, la naturelle communauté que les Pères supposent à l’origine du monde? Saint Thomas se le demande, n'oubliant pas l’axiome de Gratien qui résume sans nuances les textes patristiques : Jure naturæ sunt omnia communia um- '89 COMMUNISME ni bus. Decret., part. I, dist. VIII ; 11“ Ilæ, q. t.xvt, a. 1, obj. 1“. La réponse à cette difficulté observe que de leur nature (avant occupation, cueillette, travail), les choses sont à tous, en ce sens qu'elles ne sont actuellement à personne; le genre humain n'est en bloc investi par le créateur d’aucun droit collectif sur la terre, ni aucun homme individuellement, d'un privilège qui lui soit essentiel. « La communauté des biens est qualifiée de droit naturel, non pas que l’essence des choses requière la possession de tout en commun et de rien en propre ; mais parce que le droit naturel s’abstient de partager les propriétés : c’est affaire plutôt de convention humaine et de droit positif, » ad l"m. Et en effet. « de sa nature, tel et tel champ ne doit pas plus appartenir à un homme qu'à un autre; mais si on le considère au point de vue d’une meilleure exploitation, et d'une paisible j< uissance il convient mieux à un tel qu'à un tel. » ll“ 11®. q. i.vn, a. 3. De là l’institution spontanée de la propriété indi­ viduelle par la coutume générale des peuples Ijure gentium) : c’est une institution spontanément reconnue bonne par la raison naturelle et pratique; et non pas simplement une institution devenue bonne par pure convention et de droit positif, H* II®, q. LVII, a. 2, 3; mais, de soi, indill'érente au point de vue moral. Il y entre cependant, selon les contingences, une part de convention et de droit positif, serait-il non écrit, comme cela est dans toute coutume où l'arbitrage de la raison reconnaît ce qui doit être préféré. « Ainsi la propriété individuelle ne lèse-t-elle pas le droit de nature; elle s'y ajoute, au contraire, comme une découverte de l'es­ prit humain. » II· II®, q. lxvi, a. 2, ad 1““. Duns Scot propose, au lieu de celte doctrine, une cu­ rieuse hypothèse, dont certains textes des Pères (ou re­ gardés comme tels) lui fournissent le sujet. Il a lu, lui aussi, dans le Décret, que « de droit naturel, tous les biens sont communs » ; il y a lu aussi, que, selon saint Augustin, le droit individuel de chaque propriétaire est d origine humaine, royale, impériale. D’où, cette con­ clusion : le droit de propriété individuelle est un pur droit positif. Et puis, la décrétale prétendue de saint Clément dit que « l'iniquité a distingué le tien et le mien, et que tout au commencement devait être com­ mun ». Et donc, infère Scot, avant le premier péché, qui fut celui d’Adam, le communisme était de précepte, soit naturel, soit divin. Tout fût venu en abondance à des hommes justes et modérés, qui n'eussent convoité l'abus ni l’accaparement de rien, et que la nature ser­ vait à souhait. In IV Sent., dist. XV, q. n ; lleporlala parsiensia, I. IV, dist. XV, q. tv. C'est également l'opinion de saint Bonaventure, In Il Sent., dist. XLIV, q. il, a. 2, ad 4um ; et des deux maî­ tres de l'École franciscaine, elle passa plus ou moins aux thomistes et aux éclectiques des temps postérieurs. Saint Antonin adhère d’une part aux raisons de saint Thomas sur les avantages de la propriété individuelle; mais, d’autre part, il est visiblement inlluencé par les idées scotistes, et s’inspirant, comme il le dit, du fran­ ciscain .lean de Kipa, il ajoute que, dans l'état d'inno­ cence originelle, mieux eût valu la communauté. La pseudo-clémentine insérée au Décret constitue pour saint Antonin une décisive autorité, sur laquelle il rai­ sonne tout à fait comme Scot. Summa theologica, j .i l. II. tit. t, c. xiv ; part. Ill, tit. tn, c. n, § 1, ad l"m. liais, avec Scot encore, saint Antonin reconnaît que la communauté paradisiaque serait plutôt nuisible au tra­ vail et à la paix de l'humanité déchue: « Personne ne voudrait s'approprier le travail et mettre les fruitsen commun. » Suarez s'en tient au même point de vue, tout en re­ marquant le caractère conjectural des conclusions de Scot. Il voudrait bien savoir quel était le précepte ori­ ginel du communisme édénique : positif ou négatif? ordonnant le régime communautaire ou prohibant son 590 opposé? Nul ne le saura jamais, conclut-il ; car on no démontrera pas la naturelle connexion de ces deux choses: justice originelle, communauté absolue des biens. Les conjectures de Scot tendraient seulement à prouver que cet état de choses valait mieux avant le péché; mais, depuis, le contraire est supérieur. De le­ gibus, 1. II, c. xiv, n. 2, 3, 13. Suarez n’insiste pas d'ail­ leurs : la question du communisme lui fournit un exemple au passage, pour expliquer les changements possibles de droit nalurel d'après certains scolastiques. Sylvius et Billuart, deux thomistes fidèles, proposent aussi des vues analogues. Pour Sylvius, dans l'étal d'in­ nocence, l’humanité, unique propriétaire, eût vécu sans querelles et au large dans le communisme universel; et Billuart regarde cette hypothèse comme la plus pro­ bable. Billuart, De jure et justitia, diss. IV, a. 1; Syl­ vius, In //·"> //®, q. t.xvt, a. 2, concl. 2“. Somme toute, en dehors de saint Thomas, les scolas­ tiques ne traitent que très incidemment le problème du communisme; et de plus, leur attention se dévie dans le champ des conjectures sur la communauté des biens durant l'état d'innocence. La question n’avance guère. Cajrtan, qui s’abstient de ces considérations in­ vérifiables, se borne, par contre, à de brèves apostilles sur des difficultés de texte dans la Somme. In //»"> 11*, q. t.xvt, a. 1, 2. Il y a contraste entre ces recherches de possibili, et le développement réel, la dissolution ou la réforme d une foule de communautés propriétaires, sur le sol de toute l’Europe au moyen âge et au commencement des temps modernes. Ce sont, en France, les compa­ gnies, coteries, fraternités, consortises; en Allemagne, les cognationes, Margschaften, Konne, Geschlechter; elles se retrouvent sous d’autres noms en Italie el en Espagne: autant de types variés de la communauté agricole. Il y a aussi les communaux des villages : des prés, des landes incultes oit paissent en commun les troupeaux des habitants, et que nul, même le seigneur terrien, ne peut s'approprier. Ce sont encore les niazades de la France méridionale, les crofls de l’Ecosse, les Allmenden suisses ou germaniques, avec jouissances indi­ vises de pâtures et de bois, ou même portions de terres arables, périodiquement distribuées. Toutes ces formes de communauté se subordonnent ou se juxtaposent à la propriété individuelle; elles soulèvent à proportion des problèmes de droit, que les jurisconsultes examinent au pointde vue de la coutume,que les seigneurs ou commu­ nautés tranchent pratiquement au point de vue de leurs intérêts ou de leurs convoitises. Des seigneurs préfèrent une collectivité qui leur réponde solidairement du travail de leurs gens et des revenus de leurs terres ; d’autres s'ad­ jugent les communaux. Les moralistes n'auraient-ils pas à se renseigner sur les faits spéciaux de travail et de vie locale qui peuvent justifier l’un de ces régimes plu­ tôt que l'autre ? Cela réaliserait un développement pro­ gressif des grandes vues générales élaborées par saint Thomas; cela mettrait en circulation des principes de justice applicables à l’état social qui se développe tous les jours, soit en bien soit en mal. Mais le sens de l’observation le cède trop à l’habitude et au goût des généralités métaphysiques; et, tandis que les in-folios s'accumulent sur les problèmes d’ontologie, quelques pelites conclusions incidentes suffisent pour les ques­ tions de propriété et de communauté. Les féodaux · t les vilains qui les déliattent sur le terrain ou devant les cours de parlement vivent dans un monde trop sé­ paré des cités universitaires et des écoles claustrales où professent les scolastiques. Ceux-ci demeurent étran­ gers aux lentes évolutions ou aux crises de la propriété rurale, el, faute d'un sujet plus à portée, ils étudient le régime des biens dans l'état d'innocence. Quelque avantage ressort quand même de cette har­ die incursion au paradis perdu : une juste observation 591 COMMUNISME demetire enveloppée dans l’hypothèse qu’on en rapporte. Il demeure prouvé que le communisme absolu n'est praticable que par une idéale humanité, assez exempte de convoitises ou, tout au moins, assez maîtresse de ses mouvements pour s'animer dans le travail par les motifs les plus élevés et les plus purs du bien général. De fait, le communisme strict ne se réalise pas dans l’ordre économiaue : il se mitige toujours de quelques droits de propriété dont jouissent les individus. La steppe est en commun pour les nomades d’une même tribu mongole; mais les hommes y possèdent chacun ses armes, son cheval, son équipement; les ménagères leur tente, leurs ustensiles, leur mobilier de famille. Dans le communisme religieux, le monastère ou l’ordre occupe et administre les biens communs ; mais la règle elle-même concède aux individus l'usage privé d’une robe, d’une cellule, de quelques livres ou de quelques outils. Encore, cet usage dépendant pèse-t-il lourd à la nature humaine; et des abus y font brèche dés que la ferveur du détachement et de l’union à Dieu est en baisse; telle est, historiquement, l’origine de ces « pé­ cules », pensions mensuelles ou gains divers, que le régime dit « de la vie privée » remet aux mains des religieux dans les communautés en décadence. Ce n’est donc pas le communisme absolu qui a natu­ rellement favorisé les grands travaux intellectuels ou agricoles des moines, aux belles époquesdumonachisme; au contraire. Privés des stimulants de l’intérét person­ nel et humain, les cénobites eussent du se relâcher si, par ailleurs, les sacrifices de la pauvreté individuelle ne leur avaient préparé le cœur à un plus vif amour de Dieu et de leurs frères. S. Thomas, Sum. theol., 11“ Ilæ, q. clxxxvi, a. 2, 3. Ce mobile supérieur compensait dans leur vie l’infériorité économique d’un régime de priva­ tion et de mort, et les élevait à certains égards au-dessus des lois ordinaires de l'ordre social : ils travaillaient pour Dieu comme on ne travaille naturellement que pour son intérêt propre. Λ ce point de vue, il est très juste de dire que dans l’humanité telle qu'elle est, avec ses convoitises et ses faiblesses, le régime de la propriété individuelle est de beaucoup le plus naturellement favo­ rable â un sérieux travail. Les scolastiques l'ont heureu­ sement observé; et l’expérience du cloître, avec ses alternances de ferveur et de relâchement, n'a pas été probablement sans les aider à mieux comprendre par analogie ce qui convient à la masse des hommes. Le strict communisme « n’est applicable que dans un bagne ou dans un monastère ». Ch. Antoine, Cours d'économie sociale, p. 501. VII. Les papes modernes et i.e communisme. — La vulgarisation bruyante des doctrines communistes en Europe, entre 1830 et 1848, ramena violemment l’atten­ tion des théologiens sur le communisme, non plus pa­ radisiaque, mais révolutionnaire ; et le saint-siège à son tour intervint pour engager les évêques à prémunir les fidèles contre ce nouvel entraînement. Pie IX porte d'abord des condamnations générales. Dès son avènement, dans l’encyclique Qui pluribus, du 9 novembre 1846, il énumère le communisme avec les sociétés secrètes, les sociétés bibliques, l’indifférence religieuse et la mésestime du célibat ecclésiastique parmi les erreurs modernes, dont le but est de troubler l'ordre social et l'Église : « Telle est la fin de l’exécrable doctrine, dite du communisme ; doctrine totalement con­ traire au droit naturel lui-même, et qui ne pourrait s’établir sans que les droits, les intéréls, les propriétés de tous et la société humaine elle-même soient de fond en comble renversées. » La même réprobation s’exprime dans l’encyclique Quanta cura, du 8 décemre 1864, où le communisme et le socialisme sont qualifiés de « très funeste erreur ». Le Syllabus annexé â l’encyclique les catalogue aussi tous deux comme des « pestes », â coté des sociétés 592 secrètes, bibliques ou clérico-libérales : « Ces sortes de pestes sont fréquemment réprouvées par de très graves et formelles paroles. » Ainsi, dans l’altitude habituelle de Pie IX envers le communisme, l’indignation domine: elle donne la réplique au scandale des livres et brochures commu­ nistes, nouveautés inouïes dans le monde conservateur et religieux de l’époque ; nouveautés révolutionnaires, qui font appel aux armes et qui s'affichent paradoxale­ ment : « La propriété, c’est le vol ; » « l’ouvrier qui épargne est un traître: » nouveautés radicales, prêchant un communisme sans nuances. Au début de son pontificat, Léon XIII réitère fidèle­ ment la condamnation formulée par Pie IX. Dans l’en­ cyclique du 28 décembre 1878 sur les erreurs modernes, il représente le socialisme, le communisme et le nihi­ lisme comme une sorte de grande secte multiforme; et prenant les communistes â partie : « Séduits par la cu­ pidité des biens présents, qui est la racine de tous les maux, et dont l’entraînement a détaché de la foi une foule d’égarés, ils attaquent le droit de propriété, sanc­ tionné par le droit naturel ; et, monstrueux attentat, pendant qu'ils semblent veiller aux besoins et aux dé­ sirs de tous les hommes, ils s’efforcent de ravir et de mettre en commun tout ce qu'ont acquis aux particu­ liers le titre légitime de l’héritage, le travail de l'esprit ou des mains, et l’épargne. » Cette condamnation n’est cependant pas une simple redite de celles de Pie IX : elle esquisse de plus, à traits sommaires, une sorte de réfutation, ou le communisme se voit opposer les titres variés d’une légitime propriété. C’est que, depuis sa période initiale et révolutionnaire, le socialisme s'est précisé ses vagues aspirations. Karl Marx l’a engagé dans la voie d’une critique armée de science; el, pendant que des professeurs d'économie politique ou des philosophes développent ses thèses, des catholiques allemands, autrichiens, français, belges, italiens, leur opposent des contre-thèses : le mouvement dit catholique social attire l’attention de Léon Xlll et influence en quelque sorte le procédé de son interven­ tion contre le communisme. Léon Grégoire, Le pape, les catholiquesel la question sociale, Paris, 1893: Nilti, Le socialisme catholique, Paris, 1894; P. Leroy-Beau­ lieu, La papauté, le socialisme et la démocratie, Paris, 1905. L'encyclique Beruni novarum, du 19 mai 1891, accentue la réaction doctrinale contre le communisme, et la motive rationnellement par une longue réfutation qui porte contre deux formes de ce système : I» Contre le communisme absolu, § Ad hujus sanationem mali, sq.. le pape démontre que la propriété indivi­ duelle : 1. est de droit naturel, pour l’individu, car sa nature d'homme raisonnable a besoin des biens ma­ tériels, dans un retour perpétuel de ses indigences, et se trouve apte à user de ces biens avec toute la maî­ trise de la raison : 2. pour le chef de famille, c’est un droit d’épargner et de posséder, en vue de l’éducation de ses entants, en vue même de leur avenir d'adultes, à cause des surprises de la mauvaise fortune; 3. pour la paix sociale, c'est une nécessité que la propriété ne demeure pas en commun, car ce régime ôterait tout stimulant au travail, amènerait l’égalité dans la misère et ferait peser sur tous une odieuse contrainte. 2» Au cours de cette réfutation, S florum tam perspicua vis est argumentorum, Léon XIII vise de plus le collecti­ visme foncier ou nationalisation du sol, que soutinrent particuliérement Herbert Spencer, Social statics, et Henry George, Progress and Poverty, trad, franç. Cl. Cit. Antoine, Cours d'économie sociale, c. xvt, a. 4, p. 489 sq. Ce régime est une mitigation du commu­ nisme : il accorde bien â chaque homme la propriété de ce qu’il extrait du sol par son travail; mais non celle du sol lui-même, l'homme ne pouvant s'appro­ prier que le fruit de son labeur. On oublie, dans ce 593 COMMUNISME raisonnement, que le travail humain féconde les terres incultes, améliore les productives, et que ces transfor­ mations leur deviennent tellement inhérentes qu’on ne pourrait priver le travailleur de posséder le sol où elles se trouvent incorporées, sans lui ôter la maîtrise de son œuvre et de sa chose. Celte observation est de Léon XIII, auquel d’ailleurs Henry George tenta de répondre dans une Lettre ouverte au souverain pontife, trad, franç.. Bordeaux. 11 est d’ailleurs une forme de la propriété collective que Léon XIII recommande comme fondée sur le droit naturel. Celui-ci autorise les ouvriers à se grouper spon­ tanément, pour sauvegarder leurs intérêts professionnels par l’entente collective, soit entre eux, soit en regard du patron; afin de se garantir aussi des secours mutuels en cas de chômage, maladie, accident, vieillesse, décès dans la famille, et autres crises de l’existence; consé­ quemment, il est juste que l'association ouvrière possède une caisse commune. .Mais cette propriété collective demeure l’appoint de la propriété, soit individuelle, soit familiale, dont elle subventionne les détenteurs ouvriers. S Est profecto temperatio ac disciplina prudens, etc. Voir Corporations. L'anti-communisme de l’Église comporte ainsi des nuances diverses, dont il importe de tenir compte pour établir 'e bilan des oppositions réelles et des ententes possibles entre catholicisme et socialisme. Il y a. dans ce bilan, des condamnations acquises, des accords éta­ blis, des questions pendantes. 1° Condamnations acquises. — D’après les Actes pon­ tificaux de Léon XIII et de Pie IX : I. Le communisme strict est condamné, et ceci renouvelle simplement, à un point de vue moderne, une très ancienne morale des Pères de l’Église. 2. D’après l’encyclique De conditione opificum, le collectivisme agraire est également réprouvé en tant qu’il se présente comme un principe de justice absolue, interdisant à tout individu de posséder le sol en particulier. 3. D'après la même encyclique de Léon XIII, la propriété corporative est recommandée, t. La propriété ouvrière, soit individuelle, soit familiale, est revendiquée comme de droit naturel pour les fruits du travail, pour les objets de l'épargne, pour les ré­ serves d'héritage en ligne directe. Des enseignements positifs complètent ainsi les oppositions de l’Église aux doctrines communistes. .Mais ces enseignements ne se présentent pas sous forme de définitions de foi rendues ex cathedra; ni ces oppositions, sous forme d'anathèmes dont serait frappée une hérésie. On l'a peut-être oublié, dans une réaction, d'ailleurs juste en principe, contre des publicistes qui méconnaissaient la compétence de la papauté en matière sociale. G. de Pascal, L’Eglise et la question sociale, Paris, p. 1,8. Les réprobations de Pie IX et les exposés de Léon XIII sont des actes publics et doctrinaux du pontife romain; et ils résument, continuent ou mettent au poinl des problèmes nouveaux les enseignements tra­ ditionnels de l’Église. Encyclique De conditione opifi­ cum, Exorde, § Genus hoc argumenti. Cf. § Confidenter ad argumentum aggredimur. Existe-t-il quelque censure canonique portée contre les communistes'? iMsr Haine le pense, à cause delà con­ stitution Aposloliciv sedis, promulguée par Pie IX, le 12 octobre 1869. Selon le savant prélat belge, la 4# excom­ munication (simplement réservée au pape) frapperait les socialistes par voie de conséquence. Elle ne vise en termes formels que ceux « donnant leur nom à la secte maçonnique, à la charbonnerie, ou autres sectes de même genre qui complotent contre l’Eglise ou les puis­ sances légitimes, soit publiquement soit en secret ». Mais Léon XIII ayant -écrit ce qu’on a lu plus haut contre le communisme, le socialisme et le nihilisme, ces paroles autorisent l’application de la censure aux communistes. Haine, Theologiæ moralis elementa, I 594 Rome et Louvain, 1899, t. iv, p. 454· D’autres prudents moralistes s’abstiennent totalement de celte assimilation. Clément Marc, Institutiones morales alphonsianæ, t. i, n. 1331, p. 864. Cette abstention nous semble juste. En dehors de sectes nommément désignées par le SaintOffice â diverses époques, comme les Old-Fellowsou les lénians, la censure vise d’une manière générale les sectesoùl’on se lie par un serment d'obéissance aveugle — c’est le genre des francs-maçons — dans un but an­ ticatholique ou révolutionnaire; mais, tout socialiste ne présente pas ces traits de sectaire : le socialisme est un parti politique plutôt qu'une secte assermentée; et il y a des socialistes de réforme et de gouvernement, en très grand nombre, qui ne veulent pas des moyens révo­ lutionnaires. 2° Des accords partiels, amenés ces dernières années par l’évolution du socialisme, atténuent sensiblement son opposition aux doctrines catholiques. Dans un com­ plexe mouvement de bon sens pratique, d’intérêt élec­ toral bien entendu, et de progrès scienti lique, les doc­ trinaires et les meneurs du socialisme s'éloignent considérablement du communisme absolu et naïf des temps anciens. Ils maintiennent toujours en principe que l'appropriation collective doit l'emporter sur l’autre; mais ils concèdent celle-ci expressément, pour les pro­ duits du travail individuel et les objets acquis en échange de ces produits : meubles, tableaux, chevaux, maison bâtie par le travailleur ou à ses frais. Georges Renard, Le régime socialiste, 2" édit., Paris, 1901, p. 31, 35. De ce chef, les collectivistes actuels ne prêchent rien de contraire à la doctrine catholique; ils reconnaissent même comme Léon XIII le droit propre du travailleur sur la chose qui est son œuvre. M. Georges Renard admet encore que les objets d’usage personnel, comme vêtements, livres et mobilier, « doivent rester propriété personnelle; » de même, les moyens ou instruments de travail qui sont proprement ouvriers, et non capitalistes, comme « la brouette du paysan ou l'aiguille de la ménagère ». Schæflle allait même jusqu'à reconnaître que le maintien du droit d’héritage ne lésait aucunement le principe du collectivisme; mais M. Georges Renard ne le concède que pour les objets d’usage personnel : en dehors de celte exception le tra­ vailleur n’aurait pas la capacité de léguer même les pro­ duits de son travail. Op. cit., p. 34, 35. H est quand même juste de le constater : sur plusieurs points d'en­ seignement et de revendication, les socialistes contem­ porains atténuent la rigueur de l’ancien communisme : on dit qu'ils s'embourgeoisent ; le fait estqu'ils obéissent à un mouvement de prudent et honnête bon sens. Gayraud, Un catholique peut-il être socialiste f dans la Re­ vue du clergé: français, 1" août 1904, p. 552. Ces atténuations du socialisme assagi ne vont pas néanmoins, sans maintenir le principe de l’appropria­ tion collective, que M. Georges Renard déclare être la base principale du régime socialiste : il ne concède en somme le droit de propriété individuelle que pour des objets à son avis secondaires. Le sol et le sous-sol, dans les grandes entreprises de culture, de mines, de fabri­ cation, de transports, doivent s’attribuer à la nation ou à des collectivités fermières, ainsi que les bâtiments d’exploitation et tout le matériel. Ces immenses res­ sources deviennent, en ell'et, des moyens d'oppression pour le patron capitaliste en face de l’ouvrier. De ces conclusions, les socialistes apportent une raison d'évo­ lution historique — à discuter par les économistes — et une raison morale : il est injuste que des produits collectivement élaborés dans le régime du machinisme industriel soient possédés par des individus .-le patron, ou les actionnaires qui en tiennent lieu, possèdent au détriment des producteurs, qui sont les ouvriers. G. Re­ nard, p. 34. 3» Ici, des questions demeurent pendantes,nue discu- 595 COMMUNISME — COMNÈNE tent les moralistes, et que l’Église n’a point résolues par voie d'autorité. Il demeure permis de croire que les socialistes appliquent mal un principe excellent. La production de nos grands ateliers à machines n’est pas une besogne collective ou tout le monde fait équivalemment la même chose, mais une tâche hiérarchisée. Le premier de lotis les travailleurs est le patron : il choisit les matières ouvrables, il surveille el améliore l’outillage, il recherche les débouchés, il organise la vente, et, pour tout cela, il se procure par le crédit des capitaux considérables de roulement : toutes ces opéra­ tions requièrent intelligence naturelle, savoir acquis, prudence économique, le tout activement exercé. Du fond de son bureau, le patron mène ses ouvriers, comme la pensée mène la main, et celle-ci, le simple outil. Les ouvriers travaillent comme des instruments sous la di­ rection intelligente du patron. Il est le principalis arti­ fex dont l’idée façonne tout ce que manufacturent ses ouvriers el lui donne sa valeur. Le dépouiller de son droit de propriétaire sur ses moyens de production serait aussi injuste que de spolier l'ouvrier du fruit de son travail. Ainsi, le machinisme industriel sélectionne défait une aristocratie naturelle du travail; et, endroit, il est juste que les chefs effectifs de cette classe possè­ dent ce qu’ils savent gérer et rendre productif. L'ou­ vrier qui élabore des matériaux à eux, selon leur idée, mérite simplement la rétribution de son travail surdes choses qui leur appartiennent. Voir Salaire. Toutefois, le régime de la grande industrie postule et engendre de plus l’association ouvrière, qui, elle-même, subventionne ses membres par le moyen de leurs coti­ sations et de leur caisse commune. Cet appoint collectif aux ressources individuelles des salariés leur devient une force nécessaire et puissante en face des crises de la vie domestique ou du travail ; cette force rétablit l'éga­ lité sur le marché du travail entre les employeurs et les employés, et la justice réclame sa présence. Howell, Le passé et l'avenir des Trade Unions, trad. Lecour Grandmaison, Paris, 1892; P. de Bousiers, La question ouvrière en Angleterre, Paris, 1895; P. Bureau, Le con­ trat de travail, le rôle des syndicats professionnels, Paris, 1902. Par suite, les métiers divers que le machi­ nisme et le grand atelier ont transformés réclament un régime varié de propriété patronale, de propriété ou­ vrière, de propriété syndicale, également requis par les besoins des travailleurs et par leurs droits. Voir Cor­ porations. Ces exigences concordantes des faits économiques et des principes moraux permettent de croire que la mo­ rale chrétienne ne sanctionnerait pas cette spoliation du patronat, que le collectivisme actuel réclame encore. Ce serait injuste deux fois : pour le patron d'abord; en­ suite pour la classe ouvrière, elle manquerait des chefs naturels dont elle a besoin dans les ateliers, et que rem­ placerait— au détriment de tous — l'État, mauvais patron par essence. Voir Etat. l’État patron. Sans doute, cette conclusion ne se propose ici qu'à titre d’opinion. Nul n’a le droit d’engager par avance l’Église dans un problème que discutent respectivement, selon leurs compétences, les moralistes el les sociologues. Mais, le principe de justice qui attribue le produit au producteur ne requiertil pas les trois formes de propriété qu’on vient de dis­ tinguer, étant donnés les producteurs qui se hiérar­ chisent dans le grand atelier? 596 sujet, selon les époques et les milieux, aux développements variés de la morale chrétienne sur le communisme. Ces matériaux scien­ tifiques et ces principes moraux doivent, en effet, se combiner dans toute étude théologique sur le communisme : « La justice, dit saint Thomas, doit s’observer universellement; mais la défi­ nition des choses qui sont justes par institution divine et humaine varie nécessairement, selon les états différents des hommes. > Sum. theol., I' 11·, q. Civ, a. 3, ad 1" ; cf. ad 2·· ; If II", q. LVIt, a. 2. M.-B. Schwalm. COMMUNISTES, hérétiques du moyen âge. Ils figurent, sous le nom de communelli, dans la dernière des constitutions de Frédéric II contre les hérétiques (22 février 1239). Cf. J.-L.-A. Huillard-Bréholles, llistcria diplomatica Friderici II, Paris, 1857,t. va, p. 280. Étienne de Bourbon raconte qu’un hérétique, de retour de la Lombardie, où il avait séjourné pendant dix-huit ans, lui dit qu'il y avait là dix-sept confessions hétéro­ doxes, qui s'excommuniaient les unes les autres, et, parmi elles, les communiait ainsi appelés quia commu­ nia omnia dicunt esse debere. Cf. ses Anecdotes histo­ riques, publiées par A. Lecoyde la Marche, Paris, 1877, p. 281. Tels sont les seuls renseignements que nous ayons sur les communistes du moyen âge. Frédéric II, qui énumère pêle-mêle dix-neuf sectes ou portions de sectes hérétiques, place les communelli entre les runcariens, secte probablement cathare d'après C. Schmidt, Histoire el doctrine de la secte des cathares ou albi­ geois, Paris, 1859, t. n, p. 283, vaudoise d'après P. Alphandéry, Les idées morales chez les hétérodoxes latins au début du xtlP siècle, Paris, 1903, p. 185, et les icarini, secte inconnue. Étienne de Bourbon les met entre une secte manifestement vaudoise (elle professe que les femmes, tout comme les hommes, sont prêtres, à condition d’être saintes) et une secte de rebaptisants. Les communistes formèrent-ils une secte à part, on se rattachèrent-ils aux vaudois ou aux cathares? Schmidt, op. cil., t. 1, p. 143, en fait une secte autonome, â la fois communiste et anabaptiste (ce dernier point est inexact; les rebaptisants dont parle Étienne de Bour­ bon sont présentés par lui comme différents descommu­ nistes). Alphandéry, op. cit., p. 186, les considère comme un groupe vaudois et le contexte d’Étienne de Bour­ bon semble autoriser cette manière de voir. Mais faut-il prendre avec une rigueur absolue toutes les données fournies à Etienne par l’hérétique revenu de la Lombar­ die? Et n'y aurait-il pas lieu de rattacher plutôt les communistes aux cathares? Incontestablement les idées communistes furent en faveur chez les cathares, cf. V. Pareto, Les systèmes socialistes, trad. Paris, 1902, t. i, beaucoup plus que chez les vaudois. Alain (non pas de Lille, mais peut-être du Puy), De fide catholica contra Inerelicos sui temporis, P. L., t. ccx, col. 366, dit qu’ils affirment que lex naturalis didat omnia esse communia. Et, dans la table de concordance des opi­ nions des trois groupes cathares, albanais, bagnolais et concorézien, qui fut dressée vers le milieu du xm· siè­ cle et qui nous a été conservée par le chroniqueur ferre­ rais Peregrinus Priscianus, apparail comme commune aux trois groupes cette affirmation quod Ecclesia non debeat possidere aliquid nisi in communi. Cf. C. U. Hahn, Geschichte der Kelzer ini Millelaller, Stuttgart, 1845, I. I, p. 530. F. Vernet. 1. COMNÈNE Andronic, fils d’Isaac Coinnènc, Sebastocrator. Né en 1113, il fut, selon Hertzberg, l’aven­ Les citations qui étaient nécessaires dans te cours de cet article turier le plus célèbre de son siècle, et sa vie est un nous ont amené à y donner les références complètes des sauves théologiques de la doctrine sur le communisme, on les trouvera roman où la fantaisie semble s'être donné libre carrière. classées par ordre de date dans tes paragraphes relatifs au Au dire de Nicolas Chômâtes, il était très versé dans ks communisme évangélique et .à l'essai de Jérusalem (Nouveau lettres, L’Écriture sainte lui était très familière, et de Testament), aux Pires de l’Église, aux scolastiques, aux ses lèvres jaillissaient souvent les paroles et les sen­ papes modernes (Actes pontificaux). tences de l’apôtre saint Paul. P. G., t. cxxxix. col. 580. Par suite, il a semblé préférable d’annexer parallèlement à chaque partie du sujet l’indication des ouvrages spéciaux de j En 1182, la faveur du peuple le fit monter sur le trône science pure, ou se trouvent décrits les faits économiques, donnant I impérial de Byzance. H s'y livra à des atrocités inouïes. 597 COMNÉNE COMPAGNIES MAUVAISES 598 qu’il dut payer bien cher lorsque, par l’avènement au 1 lari enarratum, 1692, publié par Nilles, Symbola; ad trône d'Isaac Comnéne (1185), il fut dépouillé de la I illustrandam historiam Ecclesiæ orientalis, t. Il, pourpre et livré à la fureur de la populace. Il mourut p. 937-959; il y expose les causes du schisme et les au milieu d’affreux supplices, en répétant ces mots : moyens de rétablir l’union: 2“ Adversus hæreticam « Mon Dieu,aie pitié de moi! Pourquoi briser un roseau epistolam Johannis Hoekstoni responsio, Venise, 1703; déjà plié par la tempête? » P. G., t. cxxxix, col. 712. Jean Hockston, missionnaire anglican à Constantinople, Sous le nom d’Andronic Comnéne a paru un Dialogue l’avait vivement attaqué au sujet de ses Prænoliones ; contre les juifs, un ouvrage très étendu de polémique 3° Historia gymnasii patavini, 2 vol., Padoue, 1726; religieuse, où l’auteur, selon Basnage, fait preuve d’une cette histoire fournit beaucoup de renseignements sur grande érudition. 11 y expose et y démontre la doctrine les théologiens qui ont fréquenté l’université de Padoue, chrétienne sur la Trinité et l’incarnation. Il y donne mais la critique de Papadopoli laisse beaucoup à dési­ les raisons pour lesquelles Dieu n’a pas révélé claire­ rer; 4° Prænoliones myslagogicæ ex jure canonico ment aux juifs ces deux mystères. Il rappelle aux juifs sive responsa sex, in quibus una proponitur com­ qu’ils n’ont plus de sacerdoce, et que par conséquent mune Ecclesiæ utriusque græcæ et lalinæ suffragium ils doivent se soumettre au pontife suprême qui les a de iis quæ omnino præmiltenda sunt ordinibus sacris, rachetés. Ce dialogue est-il bien l’œuvre d’Andronic atque obiter et Græcia adversus calumniatores defen­ Comnéne? On peut en douter. Au c. xt.i, la ruine de ditur, et præcipue photianorum ineptiæ refelluntur, Jérusalem est datée de l'an 5563 de la création du monde Padoue, 1697 ; le but de Papadopoli est de montrer que et on ajoute qu’il s’est écoulé depuis lors 1255 ans. P. G., les Églises grecque et latine n’ont point d’opposition t. cxxxm, col. 869. D’après les calculs de Jean Lievens irréductible ni dans leurs croyances dogmatiques ni cela conduit à l’an 1327, et d’après Basnage à l’an 1310. dans leur liturgie; il réfute les deux théologiens grecs Warthon et Le Mire attribuent ce dialogue à l’empereur les plus célèbres des xvi« et xvil· siècles,Maxime MargouAndronic 11 Paléologue (1282-1328). La question d’au­ nios, évêque de Cythére (xvie siècle), et Georges Coresteur n’est pas tranchée, mais Msr Ehrard dit avec raison sius de Chios (xvne siècle). Cet ouvrage de polémique que la date de cet ouvrage doit être retardée jusqu’au doit être lu et consulté avec une extrême réserve. Papa­ commencement du xive siècle. dopoli n’a pas été consciencieux et loyal; il cite fré­ quemment sous le nom d’auteurs connus des ouvrages Cave. Scriptorum ecclesiasticorum historia litteraria, Co­ qui n’ont jamais existé. Toutefois, l’ouvrage n’est pas logne. 1720, p. 598-599 ; Fabricius, Bibliotheca græca, t. vn, sans mérite et complète sur plusieurs points les tra­ p. 730-731 ; t. vili, p. 347; Oudin, Commentarius de scriptori­ vaux d’Allatius el d’Arcudius. bus Ecclesiæ antiquis, Leipzig, 1722, t. n, coi. 1604-1606; Canisius. Thesaurus monumentorum ecclesiasticorum et histo­ ricorum, sive lectiones antiques, Amsterdam, 1725, t. iv, I 254-330; Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Litteratur, Munich, 1897, p. 91. A. Palmieri. 2. COMNÉNE jean, théologien grec du xvil·- xvill'siècle, est né à Constantinople.il lit ses études en Italie où il prit les diplômes de docteur en médecine et en philosophie. De retour en Orient, il enseigna à l’acadé­ mie de Bucharest, et en 1700 visita les Lieux-Saints et le mont Athos. C’est en ce lieu qu’il prit l’habit monas­ tique, et en 1710 il fut consacré métropolite de Drystra. II mourut en 1719 à Bucharest. Il édita le Ιίροσκυνητάριον τοΰ άγίου όρου; του *Α9ωνο;, 1701. Les historiens de la littérature néohellénique lui attribuent deux ou­ vrages de théologie intitulés : 1° ’Επιχειρήματα τινα ίκβληβέντα έκ της Οεολογικής περϊ μυστηρίων πραγματεία; τινών τών Λατινοφρόνων από τη; λατινική; εί; την Ελλά­ δα μετενεχβέντα φωνήν; 2° Περ'ι τοϋ διά τίνων ρημάτων γίνεται ή τοϋ μυστηρίου τής ευχαριστία; μεταβολή. Montfaucon. Palæographia græca, Paris, p. 440-499 ; Fabricius, Bibliotheca græca, t. xi. p. 644; Sathas, Νιοιλληοχή φιλολογία, Athènes, 1868, p. 397-399 ; Demetrakopoulo, OfidSoioi Ελλά;, Leipzig, 1872, p. 169-170; Id., Προαίήχαι χαΐ διαφίωσ,'.ς, etc., Leip­ zig. 1871, p. 62-63; Zaviras, Χία Ελλάς, Athènes, 1872, p. 345843; Bianu et Hodos, Bibliographie romànescâ veche, Bucha­ rest, 1900, p. 422-423; A. P. Kerameus, Ό τιλιαταϊο; Κομ»η·,ός, Δοτίον τής ΐστορίχή; χαΐ ίβνολογιχή; ίταωοας τής ’Ελλάδος, t. 11, p. 667679; Bevista theologica, Jassy, t. ni, p. 231-237. A. Palmieri. 3. COMNÈNE-PAPADOPOLI Nicolas,théologien et érudit grec, né dans l’ile de Candie le 5 janvier 1651.11 entra au collège grec de Saint-Athanase en 1665, et en 1670, ayant achevé ses humanités, il fut admis dans la Compagnie de Jésus. Il y resta jusqu'à 1686, époque à laquelle ses supérieurs l’obligèrent à se retirer. Le grandduc de Toscane, Cosme 111, lui témoigna beaucoup de bienveillance, et le nomma abbé de Saint-Zanobi in Mugello. Quelque temps après il devint recteur du col­ lège de Capo-d’lstria et en 1668 professeur de droit canon à l’université de Padoue. Il quitta l’enseignement en 1738 et il mourut le 20 janvier 1740. Voici la liste de ses ouvrages : 1° De græcis schismaticis ad S. unionem adducendis commentarius in forma epislo- Legrand, Bibliographie hellénique du xvtr siècle, t. m. p. 410-423; Jucher, Allgemeines Gelehrten-Lexicon, t ni, col. 1232; Facciolati, Fasti gymnasii patavini, Pad,aie. 1757, p. 84-85; Colle, Storia scientifica letteraria dello studio di Pa­ dova dalla sua fondazione sino all’anno 1405, Padoue. 1824, t, I, p. VIII-XII; VendOtl, Ιίροαδήχη τής ίχχΛησιαστιχής ιστορίας M,λιτίοα ’Αΐη,ΰν, Vienne, 1795, p. 230;Zaviras, Nia Ελλάς. Athènes. 1871, p. 498-500; Sathas, Νιοιλληνιχή φιλολογία, Athènes. 1868, p. 474-476; Michaud, Biographie universelle, t. xxxn, p. 90-91; Nilles, op. cit., Inspruck, 1885, t. i, p. 12-14,18-23, 101-103,360361 ; Hurter, Ai'omenclator, t. n, col. 1214. A. Palmieri. COMOUTOS Antoine, théologien grec, né à Zanle. En 1724, le franciscain Pozzo di Borgo, sur l’invitation de l’évêque latin de Zante, publiait une thèse théolo­ gique pour défendre contre les écrivains grecs ortho­ doxes l’enseignement latin concernant les azymes. Comoutos lui répondit par l’ouvrage suivant : H Maes­ tro disingannato, ossia Disposta all’Apologia del mallo Beverendo Padre Antonio Pozzo di Borgo, et in oui sostiene conformant meglio ail’ Istituzione di Jeta Cristo il rito dei Latini consegrando la santissima Eucaristia in pane azinio, Amsterdam, 1736. Sathas, Νιοιλληνιχή φιλολογία, Athènes, 1868, p. 599-600; Der. trakopoulo, ΌρΟόδοςος Ελλάς, Leipzig, 1871, p. 176. A. Palmieri. COMPAGNIES MAUVAISES, - I. Notion. IL Obligation de les éviter, ill. Mesures à prendre pour les empêcher. L Notion. — Par compagnie onentend une réunion de personnes assemblées pour le plaisir d’èlre ensemble Une mauvaise compagnie est une réunion de personnes qui se portent mutuellement au mal, par la parole, uar l'exemple. Rien de plus fréquent que les mauvaises compagnies. Elles sont un danger pour tous les âges de la vie, spécialement pour l’enfance et la jeunesse. Eli-s peuvent se rencontrer partout, elles se présentent avec une inlinie variété de circonstances. Mats il y a des risques plus directs de rencontrer de mauvaises com­ pagnies, dans certaines maisons d’éducation, à la c. serne, au cabaret, à l’usine et à l’atelier, dans certains cercles ou patronages, dans certaines sociétés de tir ou de gymnastique, sur les promenades publiques, dans les soirées, dans les veillées ou assemblées nocturnes 599 COMPAGNIES MAUVAISES 600 peut éviter. Quelques-unes sont même imposées par la où se réunit la jeunesse de la campagne, etc. Ces réu­ nions peuvent être plus ou moins une occasion de justice ou la charité; mais il est nécessaire de s'inter­ dire celles qui ne sont point légitimées par un motif péché, puisqu'on y trouve souvent des excitations au sérieux. Comme le dit très bien Bourdaloue : « Hors mal. Iî. Obligation de les éviter. — La fuite des mau­ des termes de la nécessité et de la justice, quand les vaises compagnies s’impose comme un devoir rigou­ choses sont dans la liberté de notre choix, chercher les impies et entretenir avec eux des habitudes volontaires, reux. La sainte Écriture, surtout dans les livres sapien­ tiaux, fait à cet égard les recommandations les plus des amitiés mondaines et profanes, des familiarités dont pressantes. Ne delecteris in semitis impiorum,nec libi le prétexte est le seul plaisir et que nulle raison ne ■placeat malorum via. Fuge ab ea, nec transeas per justifie, je dis que c’est aller directement contre les illam; declina et desere eam. Prov., iv, 14, 15. Amicus ordres de Dieu. » Sermon sur la société des justes stultorum similis efficietur. Prov., xm, 20. Cum fatuis avec les pécheurs. consilium non habeas. Eccli., vni, 20. Voir encore III. Mesures a prendre pour les empêcher. — On Prov., t, 10-16; xxiv, 21; Eccli., xn, 1,3; xm, I; Ps. cv, peut lutter avec succès contre les mauvaises compagnies, 35; 1 Cor.,v, 9-13. Le danger des mauvaises compagnies soit directement, soit indirectement ■ directement, par avait été remarqué par les païens eux-mêmes. Saint voie d'autorité ou de persuasion, en interdisant les Paul, I Cor., xvi, 33, cite un vers de Ménandre : Φύεί- réunions dangereuses ou en cherchant à en détourner ρονσινηΟι; χρήσΟ’όμΟ.ία: καζαί; «les mauvaises compa­ par de sages conseils; indirectement, en prémunissant gnies (el non les conversations, colloquia, comme a au moyen d'une solide instruction religieuse et d’une traduit la Vulgate) corrompent les bonnes mœurs. » sérieuse formation morale contre la séduction des mau­ D'ailleurs, ces préceptes et maximes des saints Livres vaises compagnies, et en créant des œuvres de préser­ sont en parfaite conformité avec la droite raison. Les vation et de patronage où ceux qui le désirent trou­ mauvaises compagnies constituent une occasion de vent une bonne société. 1“ Les évêques ont le devoir non seulement d’encou­ pêché, plus ou moins dangereuse, selon les circons­ tances. Celui qui les fréquente s'expose non seulement rager les associations honnêtes et chrétiennes, mais aussi à subir, mais encore à donner de mauvais exemples. de s'enquérir des compagnies mauvaises qui se rencon­ Il existe entre compagnons vicieux une solidarité dans trent le plus fréquemment dans leur diocèse, pour obvier Je mal : chacun contribue pour sa part à l'œuvre de aux dangers qu elles font courir, et, au besoin, les in­ perversion. On est donc tenu de fuir les mauvaises com­ terdire, s’ils le peuvent efficacement. pagnies comme on est tenu de fuir l’occasion du péché, 2’ Les curés doivent exercer une active surveillance et d'éviter ce qui peut être pour le prochain un sujet dans leur paroisse, se renseigner sur ce qui se passe de scandale. Il en résulte que celui qui ne rencontrerait dans les ateliers,les cabarets, les promenades publiques, pas pour son propre compte dans une mauvaise com­ et autres lieux de réunion, s’efforcer de remédier au pagnie une occasion prochaine de pécher, serait néan­ mal constaté, d'abord par de sages exhortations el. s'il moins obligé, pour l'exemple, de s'en éloigner. En le faut, en rappelant aux maîtres et aux parents leurs participant à certaines réunions, en se rendant dans devoirs. Pour parer au danger des mauvaises fréquen­ certaines sociétés, on peut donner aux autres la pensée tations, ils introduiront el favoriseront, dans leurs pa­ de les fréquenter. Qu’une personne, dont l’exemple roisses, les œuvres de préservation et de patronage. peut être suivi par d'autres, soit assidue à des réunions Selon la juste remarque de Berardi, Casus conscientise, impies ou licencieuses, plusieurs ne manqueront pas de fasc. 5, casus vu, p. 80, les anciennes confréries sont se prévaloir de sa conduite et l’imiteront sans scrupule. toujours utiles, mais à l'heure présente elles ne suffisent Mais, outre ces motifs généraux, il y a des raisons plus plus. Il est nécessaire d’y adjoindre des œuvres plus spéciales que l’on peut faire valoir contre la fréquenta­ modernes, telles que cercles, patronages, mutualités. tion des mauvaises compagnies. Dans les villes surtout, les personnes qui ne s'aggrèL'homme est naturellement porté à imiter ses pareils. gent pas aux associations catholiques sont presque toutes D'où vient le vieil axiome latin : Magis movent exempla entraînées par le courant qui mène à l’impiété ou à quam verba,et les proverbes français : « Qui se ressem­ l’indifférence religieuse. Il est à souhaiter qu’il y ait ble s’assemble. — Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai des œuvres de préservation pour chaque catégorie de qui tu es. » Or, il est d’expérience que la séduction du fidèles, pour les femmes et les jeunes filles, aussi bien vice est ordinairement plus puissante que l'attrait de la que pour les hommes et les jeunes gens. vertu. Saint Jérôme l'a remarqué : Proclivis est malo­ 3» Les confesseurs interrogeront leurs pénitents sur rum imitatio, et quorum virtutes assequi nequeas, cito les compagnies fréquentées, et ils appliqueront les imiteris vilia. Episl., cvtt, ad Laetam, P. L., t. xxn, régies de conduite qui conviennent aux occasionnaires. coi. 872. Le danger d’imiter les vices de ceux dont on Voir Occasion de péché. fréquente la société augmente en raison de l'intimité 4° Les directeurs ou supérieurs de maisons d’éduca­ dans laquelle on vit avec eux. Dans une société d’amis, tion· ne toléreront pas les amitiés particulières. Ils dit saint Alphonse, un seul scandaleux suffit pour cor­ expulseront les sujets vicieux qui seraient pour d'autres rompre tous les autres. Sermons abrégés, Tournai, 1877, une cause de perdition. Saint Alphonse dit que l’évêque p. 464. doit congédier avec fermeté les séminaristes incorri­ Les mauvaises compagnies fournissent encore aux gibles et scandaleux dont un seul suffirait à pervertir méchants des prétextes de justifier leur coupable con­ tous les autres. Œuvres ascétiques, trad. Dujardin, duite. Ceux qui s’adonnent à l’ivrognerie, au vol, au t. xvm, p. 206, Réflexions utiles aux évêques. libertinage aiment à se joindre à des compagnons qui 5° Les parents détourneront avec soin leurs enfants se livrent aux mêmes désordres. Il s’établit souvent de la fréquentation des mauvaises compagnies; ils les entre eux une criminelle émulation et ils se glorifient feront entrer dans les patronages ou cercles catholiques, des excès dont ils devraient rougir : O nimis inimica el leur interdiront de s’affilier aux sociétés qui, sous le amicitia! cum dicitur : Eamus, faciamus; pudet non couvert d'une apparente neutralité, propagent trop sou­ esse impudentem. S. Augustin, Conf., 1. Π, c. tx, P. L., vent l’indifférence religieuse et l’impiété. t. xxxii, coi. 682. 6·· Le devoir des magistrats est de veiller à l’observaCelui qui fréquente des hommes impies ou vicieux 1 tion des réglements de police qui assurent la bonne s’expose donc à perdre la foi et les bonnes mœurs. tenue des débits de boissons et des établissements Sans doute, selon la remarque de saint Paul, I Cor., v, meublés; d’interdire les cortèges, les représentations, lit, il y a des. relations avec les méchants que l'on ne les divertissements, où la foi et les bonnes mœurs 601 COMPAGNIES MAUVAISES — COMPENSATION OCCULTE seraient attaquées; de favoriser la vertu, et s’ils ne peu­ vent supprimer complètement le vice, de le forcer du moins à ne pas s’étaler ellrontément. 602 o st d’ailleurs très hypothétique d'après ses dispositions bien connues. — Par l'observation de ces quatre conditions qu'exige la justice commutative, la compen­ sation occulte se rapproche de la vertu de justice, en ce Bourdalone, Œuvres complètes, Paris, 1846, t. n, p. 656; qu elle ne doit point violer l’égalité requise entre le Paul Ségneri, Sermons, Paris, 1860, t. Il, sermon L.XX1; Houdroit injustement lésé et sa légitime réparation. dry. La bibliothèque des prédicateurs, Paris, 1870, t. I; Le­ 3° Cet acte de charité envers soi-même doit encore jeune, Œuvres, serm. CCCXLXII, Paris, 1852, t. xn, p. 228-244; ne point violer la justice légale surtout d’une manière S. Alphonse de Liguori, Sermons abrégés, serm. χι.ιι, Œuvres complètes, trad. Dujardin, t. xvn, Tournai, 1877, p. 459-467. notablement préjudiciable au bien commun de la so­ L. Desbrus. ciété·. Se rendre justice à soi-même, sauf quand il est impossible de recourir aux pouvoirs publics, est un 1. COMPENSATION OCCULTE. - 1. Définition. II. Légitimité morale moyennant certaines conditions. grave désordre qui peut facilement conduire à beaucoup 1. Définition. — C'est l’acle par lequel en cas d'im­ d'abus par la contagion de l'exemple, par la déconsidé­ possibilité de recourir à aucun autre moyen de répa­ ration des pouvoirs publics ou par le désir de se ven­ ration ou de dédommagement l'on relient en secret sur ger. Par soumission à l'autorité légitime et pour éviter les biens de l'injuste détenteur ou damnilicateur ce à la société des maux considérables, l'on doit donc ne qui est nécessaire pour réparer le droit lésé, — 1» Pat­ recourir à la compensation occulte que quand tout ie fait que l’on agit uniquement par sa propre auto­ autre moyen de réparation fait défaut. Cependant, comme rité, la compensation occulte se distingue ; 1. de la il n’y aurait aucune injustice stricte à violer ce devoir compensation légale déterminée par la loi ou par une de justice légale, on ne serait point tenu à restitution. décision judiciaire préalablement sollicitée; 2. de la S. Thomas, Sum. theol., IDIlæ, q. i.xvt. a. 5, ad 3“m. compensation arbitrale fixée par un arbitre préalable­ 4" La compensation occulte doit ne point violer la ment choisi et accepté. Nous n'avons à parler ici ni de charité par quelque scandale dont on reste l'auteur l'une ni de l'autre. — 2° La compensation occulte ne vraiment responsable. C’est une conséquence de la peut être un acte de la vertu de justice, puisque cette souveraine obligation de fuir le scandale. Cependant vertu ne peut être strictement observée que vis-à-vis quand on a accompli le nécessaire pour écarter le d'une autre personne, cum nomen jusliliæ æqualilatem scandale, si l'on a quelque grave raison pour agir, l'on importet, ex sua ratione justitia habet quod sit ad al­ n'est point tenu de s’abstenir, toute la responsabilité terum. S. Thomas, Sum. theol., II’ Jlæ, q. Lvnt, a. 2. incombant dès lors réellement à ceux qui veulent se scandaliser. C'est un acte provenant de la charité envers soi-même, acte par lequel on veut son propre bien de manière IL Légitimité morale moyennant certaines condi­ à n'enfreindre aucun précepte posé par d'autres vertus. tions. — 1° Conditions de cetle légitimité. — Elles — 3° Cet acte de charité envers soi-même doit stricte­ ressortent de la définition que nous, venons d'expli­ ment respecter tous les droits que la justice commuta­ quer : conditions requises par la justice commutative, tive oblige à ne point violer dans le prochain. A cette par la justice légale et par la charité. Malgré quelques lin : l. il est requis que le droit que l’on veut actuel­ légères divergences d'application, elles sont en principe lement réparer soit suflisammentcerlain. Une certitude communément acceptées par les théologiens. absolue est-elle strictement requise ou une sérieuse 2° Preuves de cetle légitimité. — I. Preuve ration­ probabilité peut-elle suffire? En principe, une sérieuse nelle déduite du droit individuel injustement lésé. — probabilité sur la légitimité de son droit dans tel fait Le droit individuel persévérant malgré la continuation matériellement certain peut suffire ; c’est en ce sens de l'injustice autorise à se dédommager du tort ressenti, que I on admet communément qu'avec le droit de se pourvu que l’on ne viole d’aucune manière la justice compenser peut exister chez autrui le droit de se pour­ commutative, la justice légale ou la charité. C'est une voir devant les tribunaux, pourvu que l’on soit résolu conséquence nécessaire de l'inviolabilité du droit indi­ à se soumetlre à la juste décision judiciaire. Cependant viduel toujours souverainement respectable dans toute société bien organisée. Or la compensation secrète ac­ comme l’illusion est très facile et très fréquente en une matière où les intérêts sont directement en jeu, l’on complie dans les conditions indiquées n'est opposée à devra pratiquement ne point agir d'après une simple aucune de ces vertus. — a} Elle n’est point opposée à probabilité sans l’avis d'un confesseur ou directeur la justice commutative. Pour que cette vertu soit violée, il faut ou que le dédommagement excède la limite du prudent. Lehmkuhl, Theologia moralis, t. t, n. 939. — 2. H est requis que le droit que l'on réclame soit ac­ droit ou qu’il soit cause d'un tort positif en imposant tuellement exigible. C'est le principe qui règle le paye­ à l'auteur de l'injustice une double restitution. Double ment de toute dette. Cependant, suivant quelques théo­ injustice strictement écartée par les conditions déjà logiens, dans le grave danger de n’èlre point payé dans indiquées. — b) Elle n’est point opposée à la justice l'avenir, il est permis, tout autre moyen faisant défaut, légale. Cette vertu exige seulement que l'on se conforme de se compenser dès maintenant, en défalquant sur la aux justes décisions portées par l'autorité publique ou somme due le damnum emergens et le lucrum cessans que l'on s’abstienne, par amour pour le bien commun, d'actes même justes quand ils pourraient gravement que cause au détenteur actuel ce payement anticipé. troubler l’ordre public. Ce double devoir ne peut exis­ Lugo, De justitia el jure, disp. XVI, n. 93; Génicot, ter dans la circonstance, puisque toute décision judi­ Theologiæ moralis institutiones, l. t, η. 504. — 3.11 est requis que l'on n’excède jamais la stricte limite de son ciaire est supposée irréalisable, et que l'on exige l'ab­ droit, puisque ce serait un vol. Ce droit doit être ap­ sence de tout danger ou inconvénient grave pour la précié, non d'après des opinions particulières peu fon­ société. — c) Cette compensation n’est point opposée â la charité. Pour que cette vertu obligeât à renoncer au dées, mais d'après des raisons objectivement certaines droit individuel, il faudrait que le bien commun â dé­ et considérées comme telles par quelque arbitre judi­ fendre ou à sauvegarder fût très important et qu'il n’y cieux et prudent. — 4. Enfin il est requis que le débi­ eût point pour soi-même un trop grave inconvénient. teur ne soit pas exposé au danger de payer deux fois. Double circonstance strictement écartée par les condi­ A cette fin l’on est en principe tenu d'avertir l'injuste tions indiquées. détenteur ou damnilicateur ou de lui passer condona­ 2. Preuve d'autorité, déduite de l'enseignement com­ tion. pourvu toutefois qu'en agissant ainsi l’on ne s’ex­ mun des théologiens. — Saint Thomas traite incidem­ pose point à de trop graves inconvénients. Car l’on ne ment un cas de compensation occulte ou quelqu'un serait point à ce prix obligé d’éviter au prochain une s'empare secrètement de son propre bien en dépôt chez oertc qui ne provient que de sa propre malice et qui 003 COMPENSATION OCCULTE — COMPENSATION (PROBABILISME A) 604 autrui. Il déclare qu'en agissant ainsi on pèche contre Institutiones morales alphonsianæ, t. 1, n.9!6sq.: Kola justice légale, parce que Ton n’observe point l’ordre nings. Theologia moralis sancti Alphonsi,t. 1, p. 703 sq.; public pour l’exercice de la justice, mais que ne blessant Lehtnkuhl, Theologia moralis, t. 1, n. 938; d'Annibale, point la justice commutative en s'appropriant son bien Summula theologiæ moralis, 4e édit., Rome, 1896, l’on n’est nullement tenu à restitution. Sum. theol., t. 11. n. 255; Müller. Theologia moralis, édit., Vienne, II’ 11®, q. lxvi, a. 5, ad 3""'. Bien que saint Thomas ne 1894. I. n, p. 410 sq.; Haine, Theologiæ moralis ele­ le dise point formellement, l'on est en droit de con­ menta, 4e édit., Louvain, 1899, t. 11, p. 91 sq.; Aertnys, clure «le son raisonnement qu’il n'admet le péché de Theologia moralis, De septimo prœcepto decalogi, violation de la justice légale que dans le cas supposé η. 298 sq.. 5e édit., Paderborn. 1898, p. 286 sq. ; Be­ habituel d’un facile recours à l’autorité judiciaire. C’est rardi, Praxis confessariorum, 3’édit., t. n, p. 23 sq.; ce qu'indiquent les paroles: dum ipsesibi usurpai suæ Génicot, Theologiæ moralis institutiones,1.1. n.504sq. ; rei judicium, juris ordine praetermisso ; l’omission NoIdin, Summa theologiæ moralis, 4’ «'dit., Inspruck, coupable du devoir imposé par la justice légale suppose 1904, I. 11, p. 420 sq. ; Tanquerey, Synopsis theologiæ évidemment que sa réalisation est possible. Cette moralis et pastoralis, Paris, 1904, t. m. p. 197 sq. courte réponse de saint Thomas est reproduite par les Nous sommes donc en face d’tm enseignement moral quelques théologiens qui s'occupent de cette question, constant et unanime parmi les théologiens catholiques comme Gabriel Biel. In IV Sent., dist. XV, q. ni. pendant plusieurs siècles, malgré quelques divergences Cajélan (f153l) s’exprime plus nettement. Régulière­ d'application pratique. Un tel enseignement moral, sur­ ment, dit-il, il n’est point permis de prendre secrète­ tout dans des matières d’une pratique assez fréquente, ment son propre bien retenu chez le voleur, parce que n’aurait pu être toléré par l’Eglise s’il était entaché l’on agit contre l’ordre établi dans la société. Mais au d’errenr. Or jamais l’Eglise ne lui a infligé la moindre cas où, par l’injustice du détenteur ou du juge, ou par réprobation. Elle a seulement réprouvé l'exagération défaut de preuve, ou à cause de quelque grave dom­ laxiste formulée dans la proposition 37’ condamnée mage éventuel, l’on ne peut par la voie judiciaire re­ par Innocent XI le 2 mars 1679 : Famuli et famulæ couvrer son bien, il est permis de prendre secrètement domeslicæ possunt occulte heris suis surripere ad au débiteur ce qui est nécessaire pour se dédommager, compensandam operam suam quam majorem, judicant pourvu que ce soit sans scandale, sans danger et sans salario quod recipiunt. Denzinger, Enchiridion, n. 1051. offense de personne. L'on ne contredit point l’ordre En limitant ainsi sa condamnation dont le sens exact établi, puisque l’on ne va point contre sa fin qui est de sera précisé à l'article INNOCENT XI (Propositions con­ rendre à chacun ce qui lui est dû et de conserver la damnées par), le saint-siège laissait suffisamment en­ paix commune. Comme condition requise, Cajélan tendre que l’on ne peut révoquer en doute la légitimité demande seulement que l’injuste détenteur du bien que morale de la compensation occulte affranchie de toute I on s'approprie soit averti qu’il n’est plus tenu à res­ condition ou circonstance répréhensible. Si ce prin­ tituer, au cas où il voudrait un jour accomplir son de­ cipe doit être considéré comme une vérité théologi­ voir. 1η 1Τ""ΙΙ^,<\. lxvi, a. 5. quement indiscutable, il doit en être de même de cer­ Dominique Soto donne une réponse plus complète. taines applications que l’on en peut faire aux cas d’inII est permis de recouvrer par sa propre autorité le suflisance de salaire, de non-réparation des torts causés bien auquel on a strictement droit, moyennant trois â la réputation, d’injuste condamnation judiciaire basée conditions : certitude absolue de la dette, stricte im­ sur de faux renseignements, etc. Ces applications parti­ possibilité de la recouvrer par les moyens juridiques et culières seront étudiées à leur endroit respectif. certitude que l’on n’exposera point le débiteur au dan­ Voiries auteurs cités au cours de cet article, et le Kirchenger de payer deux fois. De justitia et jure, 1. V, q. ni, lexilcon, 2· édit., t. m, cal. 760 sq. a. 3, Venise, '1589, p. 435 sq. Soto observe d’ailleurs E. Dlblanciiy. que l’absence de la seconde condition rendant l'acte 2. COMPENSATION (Probabilisme a).Le pro­ illicite, mais non injuste, n’entraine point l’obligation babilisme à compensation est un système théologique de restituer. L’enseignement de Soto est communément imaginé vers le milieu du xtx· siècle et présenté par suivi par les théologiens subséquents : Azpicuelta quelques moralistes comme donnant une solution nou­ (-j- 1587). Enchiridion sive manuale confessariorum et velle, logique et sûre, du problème de l’obligation que j>ænilentium, c. xvn, n. 112 sq., Rome, 1590; Molina peuvent imposer les lois douteuses. — 1. Histoire. 11. (-j-1600), De justitia et jure, I. HI, part. II, disp. DCXC Exposé. III. Critique. sq., Cologne, 1614, p. 59 sq.; Vasquez (f 1604), Opus­ I. Histoire. — C’est dans le Tractatus de actibus cula moralia, De restitutione, c. v, p. i, dub. x, An­ humanis, in-12, Montpellier, 1862, œuvre posthume d’un vers, 1621, p. 96 sq.; Lessius (j-1623), De justitia et prêtre de Saint-Sulpice, Laloux. professeur de théologie jure,\. Il, c. xn, dub. x, Paris. 1606, p. 131 sq. ; Bonamorale au séminaire de Paris (f 1853), que l'on trouve cina (j- 1631), De restitutione in genere, disp. I, q. tx, la première formule du nouveau système. Cependant, p. n, n. 10 sq., Lyon, 1697, t. n, p. 415 sq. ; Laymann dès le xvn· siècle, le P. Louis de Schilder, S. J., avait (j-1635), Theologia moralis, I. Ill, tr. II, c. ix, n.9sq., proposé des théories analogues dans son traité De prin­ Lyon, 1654, p. 300, 312; Lugo (7 1660), De justitia et cipiis conscientiæ ejformandæ, 1664. Dans la 9’ édition jure, disp. XVI, sect, v, Venise, 1751, t. 1, p. 269 sq.; de son Compendium philosophise, Paris, 1870-1871, un Vivait 1710), Damnalæ theses,in prop, χχχνιι ab Inno­ autre sulpicien, M. Manier, se déclara partisan du pro­ centia XI damnatam, Pavie, 1709, part. II, p. 85 sq.; babilisme à compensation de son collègue Laloux. Ce Salmanlicenses, Cursus theologiæ moralis, tr. XIII, nouveau système th ologique sur le probabilisme fut De restitutione, c. I, n. 304 sq., Venise, 1728, t. ni, exposé et critiqué dans la Demie des sciences ecclésias­ p. 140 sq.; Lacroix (j-1714), Theologia moralis, 1. Ill, tiques, 1870, t. xxi, p. 289-304; 1872. t. xxv, p. 383-390. η. 959 sq., Paris, 1867, t. it, p. 94 sq.; Billuart ,j-1757), En 1874, un dominicain, le R. P. Potion, sans connaître Summa sancti Thome·, De jure et justitia, diss. XI, le traité de Laloux, reprend et développe la même doc­ a. 7, Paris, 1886, t. vi, p. 299 sq.; S. Alphonse de Litrine, De theoria probabilitatis dissertatio theologica, gnori (-f· 1787), Theologia moralis, I. Ill, n. 521 sq.; Paris, signalée par M. Didiol, Derue des sciences e<«(éScavini, Theologia moralis universa, 4’ édit., Novare, siasliques, juillet 1874, t. xxx, p. 95-96. Le P. Bellocq, 1850, t. n. p. 470 sq.; Gury, Compendium theologiae S. .L, ibid., 1875, t. xxxt, p. 1-25, 167-192, attaqua le moralis, t. I, n. 620 sq., et toutes les éditions dépen­ système, mais en réfutant surtout M. Laloux. Le P. Pot­ ion, qui était visé indirectement, répliqua dans une dantes de Gury; Ballerini-Palmieri, Opus theologicum brochure : De la théorie du probabilisme, Poitiers, morale, 2e édit., Prato, 1892, t. n, p. 258 sq.; Marc, G05 COMPENSATION (PROBABILISME À) 1875. M. Didiot intervint dans la polémique par une Epistola theologica, adressée au P. Potion et datée du 20 mai 1875. Revue des sciences ecclesiastiques, t. xxxt, p. 438-454. Le P. Potion répliqua par une Responsio theologica, du 8 août suivant. Ibid., t. xxxn, p. 160179. Il eut un nouvel adversaire contre qui il se défen­ dit : Le probabilisme à compensation, réponse à M. l'abbé Écalle, archiprêlre d’Arcis sur-Aube, Barle-Duc, 1878 (extrait des Annales du monde religieux). Ce sont les idées du R. P. Polton, le principal défen­ seur de cette théorie, que nous exposerons ici. II. Exposé. — Selon le R. P. Poitou, le probabilisme tel qu’on l'entend habituellement est inadmissible. Aux objections formulées contre l’axiome : Lex dubia lex nulla, par l'auteur anonyme de VAppendix de probabi­ lisme, publié dans le Cursus completus theologiæ, de Migne, t. xi, col. 1497-1500, le R. P. Potton ajoute les quaire critiques suivantes : 1“ Si l'axiome : lex dtibia, lex nulla est vrai, il doit l’étre partout; or les probabilistes eux-mêmes le jugent inapplicable en certains cas et s'en servent seulement lorsqu’il est question de licito vel illicito. L’axiome est donc faux. 2° Juger de l'obli­ gation d'une loi douteuse uniquement d'après son degré plus ou moins élevé de probabilité, lui conêéder ou lui refuser le pouvoir d’obliger selon qu’elle atteintou non un degré de probabilité arbitrairement fixé, le même pour tous les cas, est une façon de procéder que rien ne justifie; d'une part, il n'existe aucune règle cer­ taine pour apprécier avec précision les degrés de pro­ babilité; d’autre part, on ne peut expliquer comment une loi, obligatoire parce qu’elle a tel degré de proba­ bilité, cesse de l'être dès qu’elle ne l’atteint plus. Com­ ment expliquer par exemple qu’une loi douteuse oblige si elle a 50 p. 100 ou 60 p. 100 de probabilité et devient mille si elle n'a plus que49 ou 59 p. 100de probabilité? 3° Si le principe du probabilisme est vrai, comment peut-il conduire aux solutions les plus opposées? Or il est admis par tous les théologiens non rigoristes, depuis les probabilioristes jusqu'aux laxistes. 4° Enfin toute transgression, même purement matérielle, d'une loi est un mal. Or la loi naturelle nous oblige à éviter non seulement le mal certainement existant, mais même le mal pro­ bablement existant. Tout le monde admet, en elïet,qu'il n’est point permis d’agir avec une conscience dou­ teuse. Si donc il n'est pas prouvé qu’une loi est inexis­ tante ou abrogée, il faut l’observer : c’est le parti le plus sévère, mais c’est le seul parti sûr. De theoria pro­ babilitatis, part. Il, c. tx. Avec le système de compensation, tous ces inconvé­ nients disparaissent. Au principe dangereux et non prouvé : Lex dubia, lex nulla, on substitue le prudent axiome : In dubiis, tutius est eligendum, sainement compris et sagement appliqué. Mais, dira-t-on, d’oû vient cette obligation de prendre le parti le plus sûr? Ile ce qui vient d’être dit au précédent paragraphe. Dans la violation d'une loi quelconque il y a un mal réel, mal moral ou péché si l’agent sait et veut librement ce qu'il fait, mal au moins matériel dans le cas con­ traire. Toute loi, en ell'et, a pour but le bien : si, de fait, elle est observée ou transgressée, son but est atteint ou manqué; et s’il est manqué, c'est un mal dont quelqu’un pâtira. Or il n’est pas permis de s’ex­ poser sans raison suffisante à provoquer ce mal, pas plus qu'il n’est permis au chasseur de s’exposer par imprudence à tuer un homme, pas plus qu’il n'est per­ mis au prêtre d'exposer un sacrement au péril de nul­ lité en employant une matière douteuse sous prétexte qu'elle est peut-être suffisante. En toutes ces circons­ tances, il faut prendre le parti le plus sûr. C’est à la vérité le principe du tutiorisme rigide : une remarque fort simple, dont les rigoristes n'ont point tenu compte, suffit pour atténuer en pratique la sévé­ rité du principe sans rien sacrifier du principe lui- 606 même. Il serait absurde d'assimiler en tout la loi dou­ teuse à la loi certaine : l’obligation qu'impose celle-là est évidemment de moindre valeur. A une loi certaine correspond une obligation parfaite; aune loi douteuse, une obligation imparfaite. Pour échapper â l’obligation d'une loi douteuse, il faudra toujours des motifs, moins graves pourtant que si la loi était certaine : ces motifs nécessaires devront être proportionnés à l'importance et la probabilité de la loi et varieront selon les circons­ tances. 11 faudra tenir compte des inconvénients résul­ tant soit de l'observation, soit de l’inobservation de la loi. Si les premiers égalent ou dépassent les seconds, il est permis, par épikie, de négliger la loi douteuse. Mais s’il n'existe aucune raison de se dispenser, ou s’il n'y a pas de proportion entre les avantages que présente l'accomplissement du précepte et les inconvénients résultant de la transgression, si, en un mot, ils ne se compensent pas les uns par les autres, que l’on prenne le parti le plus sûr; c'est le devoir. De theoria proba­ bilitatis, part. Il, c. H. En pratique, le P. Potton accepte les conclusions des équiprobabilisles, parce que : 1° généralement, quand les raisons pour ou contre la loi sont à peu près d'égale valeur, il y aurait autant d'inconvénients à la faire observer qu'à en dispenser; 2» le système équiprobabiliste évite à la fois les excès du tutiorisme rigide et les principes dangereux et suspects du probabilisme ordi­ naire; 3“ les théories équiprobabilistes s’adaptent sans peine au système de compensation ; on les comprend mieux, on peut en faire une application plus précise et plus sûre, quand on les interprète selon les idées développées plus haut. III. Critique. — La nouvelle théorie n’eut que peu de succès; elle ne compte aucun défenseur parmi les théologiens contemporains. Au point de vue purement spéculatif, on lui reproche de mener logiquement au tutiorisme. Car s’il est vrai que la loi douteuse oblige, en l’absence de toute cause de dispense, il faut obéir à la loi, si peu probable qu’elle soit, et à moins de rai­ sons qui dispensent de prendre le parti le plus sûr. il n’est pas permis de suivre l'opinion bénigne, même probabilissima; or le soutenir, c’est admettre la 3' des propositions condamnées par Alexandre VIII : Aon licet sequi opinionem vel inter probabiles probabilissi­ mam. On arrive aux mêmes conclusions rigoristes en affirmant l’obligation stricte d’éviter tout mal même simplement matériel dès que l'existence de ce mal est probable. De plus, il est difficile de concevoir cette obligation imparfaite correspondant à une loi douteuse, c’est-à-dire imparfaitement connue, comme l’obligation parfaite correspond à la loi certaine, c'est-à-dire par­ faitement connue. Une obligation peut être grave ou légère : mais celte obligation imparfaite, celte demi-obligation, que peut-elle être? Ainsi raisonnent Gury, Casus conscientiæ, cas. vit; Montrouzier, S. .1., Étude sur le probabilisme, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, 1870, t. xxi. p. 289 304, et l’auteur d'un article publié dans la même Revue, en 1872, t. xxv, p. 383390, sous ce titre : Un nouveau système touchant la / robabilité. En pratique, le P. Polton se range parmi les équiprobabilistes; mais les raisons qui le décident sont indépendantes de son système : avec les mêmes principes on pourrait prendre place parmi les rigoristes, les pro­ babilioristes, les probabilistes ou les laxistes : tout dé­ pend de la nature, de la rigueur ou de la faiblesse des raisons qu'on exigera pour dispenser d'une loi dou­ teuse. Le probabilisme de compensation ne fournit donc pas de réponse définitive à la question qu'il pré­ tend résoudre. En outre des auteurs cités dans l'article, voir BouqaiUon, Theologia fundamentalis, Paris, 1890, 1. Ill, part. II, sect, m, c. π, η. 297 ; Tanquerey, Synopsis theologiæ moralis et pasto­ ralis, Paris, 1905, U U, n. 415-417 ; L. Bertrand, Bibliothèque 607 COMPENSATION (PROBABILISME A) — COMPÉTENTE (SCIENCE) 60S sulpiciennc, Paris, 1C00, t. n, p. 211-213 (sur Laloux), 3 VI (sur Manier). V. Oblet. COMPÉTENTE (Science). - I. Obligation géné­ rale de la science pour les clercs. II. Caractère de la sciencequi leur est nécessaire. III. Connaissances requises pour l'admission aux divers ordres ou aux divers degrés de la hiérarchie. IV. Comment cesse l’irrégularité en­ courue ex defectu scientiæ'? I. Obligation générale de la science pour les CLERCS. — De tout temps, l'Eglise s’est efforcée de pro­ mouvoir avec grande sollicitude la culture intellectuelle des membres de la hiérarchie ecclésiastique. Le droit divin impose d'ailleurs au clerc l'obligation d’acquérir la science nécessaire pour l’accomplissement de ses de­ voirs et pour la sauvegarde de la dignité de son état. Labia sacerdotis custodient scientiam et leyem requi­ rent ex ore ejus. Mal., it, 7. Quia tu scientiam repu­ listi, repellam te ne sacerdotio fungaris mihi. Ose., iv, 6. Comment supposer, en effet, que l’ignorance des devoirs de la vie chrétienne puisse être tolérée dans les personnes chargées d’instruire les autres. Aussi l'Eglise considère comme indignes de recevoir les ordres sacrés, les ecclésiastiques dépourvus de con­ naissances nécessaires. Le droit canonique a établi, de ce chef, la peine d’irrégularité, irregulari tas ex defectu scientiæ; comme il a fulminé aussi des sanctions contre les prélats qui admettent aux ordres des sujets incapables. Selon l’énergique expression de l'Ancien Testament, ils seraient coupables d’offrir sur les autels du Seigneur, en violation de la loi, des bêles aveugles. Cæcum animal offert qui ordinat indoctum loco docti, magislrumque facit, qui vix discipulus esse poterat. C. 2, dist. XLIX. L’Eglise qui écarte de sa hiérarchie tous ceux qui sont atteints d'un défaut extérieur, de nature â compromettre la dignité du sacerdoce, ne saurait se montrer moins susceptible, quand il s'agit de perfection intellectuelle ou morale. De là des dispositions canoni­ ques nombreuses, variées, alin d’assurer la préémi­ nence du clergé, Illiterates nullus præsumal ad cleri­ catus ordinem promovere, quia litteris carens sacris, non potest esse aptus officiis. Decret., part. I, dist. XXXVI, c. 1. Le 5e canon de Ia dist. LI du même décret signaleégalement les inscii litterarum, dans l’énu­ mération de ceux qu’il faut éloigner des ordres sacrés. Le concile de Trente, sess. XXIII, c. xtv, De reform., prescrit un examen destiné à faire apprécier la capacité des sujets qui doivent être admis aux ordres. Ad popu­ lum docendum ea quæ scire omnibus necessarium est ad salutem ac ad administranda sacramenta, diligentiexamine praecedente, idonei comprobentur. Les consi­ dérants, qui jusliliaient ces décisions, n'ont fait qu’ac­ quérir une plus grande importance de nos jours; la place occupée par le souci de l'instruction étant devenue plus considérable que jamais, dans les préoccupations du public. A plus forte raison même que dans les siècles passés, pourra-t-on répéter : Vilissimus computandus est, nisi praecellat scientia et sanctitate, qui est honore præslanlior. Can. 45, causa I, q. i.Si sacerdos est, sciat legem Domini: si ignorat legem, ipse se arguit non esse Domini sacerdotem. Sacerdotis enim est scire legem et ad interrogationem respondere de lege. S.Jéréme, In Agg., n, 11, P. L., I. xxv, coi. 1406. II. Caractère de la science nécessaire aux prêtres, — 1° S’il y a des connaissances dont l’acquisition est indispensable aux ecclésiastiques, il yen a d'autres qui ne sauraient guère présenter d'utilité aux ministres sa­ crés. Des circonstances exceptionnelles peuvent auto­ riser des prêtres à se livrer à certaines études purement profanes; mais la plus grande prudence, une sévère discr, tion doivent présider à ces travaux. Déjà l’ancienne législation ecclésiastique avait prévu les situations de ce genre; elle réglementa la matière, traça de sages limites. Ainsi, d’après les dispositions générales du droit com­ mun, les évêques eux-mêmes devaient s'abstenir de lire les ouvrages des auteurs païens. Ils ne pouvaient prendre connaissance des écrits des hérétiques que sous l’empire de la nécessité ou des circonstances. Episcopus gentilium libros non legat, hæretieorum autem pro necessitate aut tempore. C. 1, dist. XXXVII. Une autre recommandation de saint Jérôme, dont le droit ecclésias­ tique a fait une prescription, mérite d'élre rappelée. La multitude innombrable d'ouvrages mondains, jetés en pâture à la curiosité d’un public avide de sensations ro­ manesques, peut avoir son fâcheux contre-coup sur le choix des lectures des ecclésiastiques. Sous prétexte de connaissances littéraires bonnes à acquérir, ou bien avec l'intention de prémunir les fidèles contre le danger résultant de ces études, ils pourraient se jeter euxmêmes dans le péril. C’est ce que remarquait saint Jé­ rôme, Epist., xxi, ad Damas., n. 13, P. L., t. xxtt, col. 386 : Sacerdotes Dei, omissis Evangeliis et pro­ phetis, videmus comoedias legere, amatoria Hucolicorum versuum verba canere, tenere Virgilium, et id quod in pueris necessitatis est, crimen in se facere vo­ luptatis. Alin d'obvier à ces inconvénients, la prohibition sui­ vante fut insérée dans le Corpus juris : Ideo prohibetur Christianis figmenta legere poetarum, quia per oble­ ctamenta inanium fabularum mentem excitant ad incentiva libidinum. Non enim solum thura offerendo, dæmonibus immolatur, sed etiam eorum dicta liben­ tius capiendo. C. 15, dist. XXXVII. Après des modifica­ tions diverses, les prescriptions concernant ce point de vue spécial ont été codifiées et précisées par Léon XIII, dans les décrets généraux promulgués à la suite de la constitution Officiorum ac munerum, du 27 janvier 1897. L’art. 2, lit. i, c. i, se rapporte à notre sujet, en ce sens qu’il édicte défense absolue de prendre connais­ sance des livres qui y sont indiques : Libri apostata­ rum, hæretieorum, schismaticorum et quorumeumqt e scriptorum, hæresim vel schisma propagantes, aid ipsa religionis fundamenta utcumque evertentes, omnino prohibentur. Ce texte est plus précis que celui de l’ancienne législation cité plus haut. Les art. 9 et 10 régle­ mentent également des points visés par les anciennes Décrétales. Les défenses qui y sont intimées concernent les ecclésiastiques comme les autres fidèles : Libri qui res lascivas seu obscenas EX professo tractant, narrant aut docent, cum non solum fidei, sed el morum, qui hujusmodi librorum lectione facile corrumpi solent, ratio habenda sit, omnino prohibentur. Art. 9. Libri autem, sive antiquorum sive recenliorum, quos clas­ sicos vocant, si hac ipsa turpitudinis labe infecti sunt, propter sermonis elegantiam et proprietatem, iis tan­ tum permittuntur, quos officii aut magisterii ratio excusat : nulla tamen ratione pueris vel adulescentibus nisi solerli cura expurgati, tradendi aut praelegendi erunt. Art. 10. Nous aurons à indiquer plus loin, d’une façon pré­ cise, la mesure que les ecclésiastiques doivent observer dans l’étude des sciences profanes, d'après les règlements généraux. 2° Après avoir indiqué ce dont les ecclésiastiques doivent s’abstenir, signalons ce qui doit être l'objet de leur constante occupation. •1. Ils doivent se familiariser avec l’étude de la sainte Ecriture et les règles d’une saine interprétation. Le droit ancien formulait cette prescription : Ignorantia, mater cunctorum errorum, maxime in sacerdotibus Dei vitanda est qui docendi officium in populis susce­ perunt. Sacerdotes enim legere sancias Scripturas fre­ quenter admonet Paulus apostolus dicens ad Timo­ theum : ATTENDE LECTIONI, EXHORTATIONI ET DO­ CTRIX.F. ET SEMPER FERMaxe IN HIS. Sciant igitur sacer­ dotes Scripturas sanctas. Dist. XXXV11L c. 1. 6C9 COMPÉTENTE (SCIENCE) 2. Les clercs doivent connaître la théologie selon les aspects principaux sous lesquels elle se présente : la théologie naturelle ou philosophique, basée sur les prin­ cipes de la raison; la théologie révélée, ou celle qui emprunte ses données à la parole de Dieu; elle s'appelle dogmatique, si elle explique les rapports de la foi et de la raison, et développe ce que le chrétien doit croire; morale, lorsqu’elle a pour objet de diriger la conduite des fidèles, en prescrivant le devoir au nom de la loi divine, ordonnant de faire le bien et d'éviter le mal ; mystique, lorsqu’elle a pour but, non seulement de faire éviter le mal, mais bien d'engager le fidèle dans les voies de la perfection. Si les maîtres ès sciences profanes imposent à leurs disciples de longs exercices, des recherches de nuit et de jour, pour se perfectionner dans les lettres et les arts, combien plus les ecclésiastiques ne doivent-ils pas tra­ vailler à approfondir la science sacrée, l’aliment des âmes! Une vie n’est pas de trop pour cela. Après une existence consacrée à l'élude des vérités révélées, saint Augustin répondait à ceux qui lui disaient : « Nous vou­ drions savoir ce qui manque â votre instruction? — Je puis énumérer plus facilement ce que je sais que ce que je désire savoir : facilius possum enumerare quæ habeo, quam quæ habere desidero. » 3. Les prescriptions de l’Église obligent le clerc à s'attacher â la connaissance du droit canonique et de l'histoire ecclésiastique. Nulli sacerdotum liceat cano­ nes ignorare nec quicquam facere quod Patrum possit regulis obviare. Quæ enim a nobis res digne servabitur, si decretalium norma constitutorum, pro aliquorum libitu, licentia populis permissa frangatur? Can. 4. dist. XXXVII1. Comment connaître, en ell'et, les préro­ gatives de l’Église, ses immunités d’ordre divin, sans étudier les caractères qui la distinguent des autres pou­ voirs terrestres? Comment apprécier son pouvoir légis­ latif, judiciaire et coercitif, sans avoir examiné sa con­ stitution, ses lois, l'histoire de ses rapports, à l'extérieur avec les divers gouvernements, à l’intérieur avec les fidèles; en un mol. sans avoir des notions suffisantes sur son droit public et privé? 4. A la suite de ces connaissances essentielles aux ecclésiastiques, il en existe d’autres, d’un ordre secon­ daire, qu'on pourrait appeler les auxiliaires des sciences sacrées; telles que l'histoire, la philosophie, les huma­ nités, la rhétorique, la grammaire, les sciences exactes, les sciences naturelles, etc. L’Église encourage l’acqui­ sition des connaissances de ce genre, mais dans une certaine mesure, pour les ecclésiastiques. lin règle générale, elle n'admet pas que ces derniers s’adonnent exclusivement à ces sortes d'études, aptes à détourner de celles qui doivent faire l’objet constant des préoccupations du prêtre. Les canons anciens s’ex­ priment avec énergie sur ce point. Les louanges à.Jupiter s'allient mal avec la louange du Christ. Can. Quam mulla, 5, dist. LXXXV1. Ce serait une honte pour l’Eglise que l'obole de la veuve ne profilât qu’aux gram­ mairiens et aux rhéteurs, et que les deniers du temple reçussent une destination vulgaire. Can. Quando pres­ byteri, 2, dist. XXXVIII. Nonne vobis videtur in να­ ι.itate sensus et obscuritate mentis ingredi, qui diebus et noctibus in dialectica arte torquetur? qui physicus perscrutator oculos trans cælum levat et ultra profun­ dum terrarum et abyssi, in quoddam inane demer­ gitur. C. 3. dist. VIL Conformément aux paroles du législateur ancien, l'évêque n’a point reçu mission d’en,-eigner les régies du langage et de la littérature, mais de conduire son troupeau et de l’instruire dans la pa­ ie!-de Dieu. Can. Quam multe, 5, dist. LXXXVI. Toutefois, l’Église n’a jamais cessé d’encourager l'acquisition de ces sciences secondaires, comme pou­ vant servir â la défense de la vérité et à une plus brilXnle exposition des dogmes divins. Si quis artem gramD1CT. DE THÉOL. CATHOL. 610 maticam noverit vel dialecticam, ut rationem recte loquendi habeat, et inter falsa et vera judicet, non im­ probamus. § 1. Geometria quoque et arithmetica et musica habent in sua scientia veritatem, sed non est scientia illa, scientia pietatis est, nosse legem, inlelligere prophetas, Evangelio credere, apostolos non igno­ rare. S 2. Grammaticorum autem doctrina etiam po­ test proficere ad vitam, dum fuerit in meliores usus assumpta. C. x, dist. XXXVII. Ces études ont toujours été tenues en estime par les autorités ecclésiastiques, tellement qu’IIonorius III dé­ posa un évêque convaincu d'ignorance grammaticale. Le jugement de déposition était fondé sur la notoriété de son insuffisance littéraire. Per evidentiam facti, usque adeo de illileratura et insufficientia sua constet. C. Quamvis, 15, x. Voilà aussi pourquoi le concile de Trente lit aux évéques une obligation d’ouvrir des sémi­ naires pour l’instruction des jeunes gens qui se desti­ naient à l'état ecclésiastique. Il déclare, sess. XXIII, c. xvm, que les aspirants au sacerdoce, soumis à un régime spécial, doivent y étudier la grammaire, le chant, le comput ecclésiastique et toutes les autres sciences qui pourront leur être utile. Moïse et Daniel s'initiaient aux mystères d’Egypte et de la Chaldée pour y puiser ce qui pouvait servira l'avantage du peuple d'Israël. Ainsi les jeunes lévites doivent se familiariser avec les sciences profanes, afin de les utiliser pour le bien des âmes. Dans la Lettre aux archevêques, évêques et au clergé de France, du 8 septembre 1899, Léon XIII délimite très clairement le cercle des études propres à parcourir par les aspirants. « Moins que jamais, à notre époque, les élèves de nos grands et petits séminaires ne sau­ raient demeurer étrangers à l’étude des sciences phy­ siques et naturelles. 11 convient donc qu’ils y soient appliqués, mais avec mesure et dans de sages propor­ tions. Il n’est donc nullement nécessaire que dans les cours de sciences annexés à l'élude de la philosophie les professeurs se croient obligés d'exposer en détail les applications presque innombrables des sciences phy­ siques et naturelles aux diverses branches de l’industrie humaine. Il suffit que leurs élèves en connaissent avec précision les grands principes et les conclusions som­ maires, afin d’être en état de résoudre los objections que les incrédules tirent de ces sciences contre lis enseignements de la révélation. » Quelques pages plus haut, le pontife avait déjà tracé les lignes suivantes qui caractérisent bien la situation actuelle : « Nous n’igno­ rons pas, vénérables frères, que dans une certaine me­ sure vous êtes obligés de compter avec les programmes de l’État et les conditions mises par lui à l'obtention des grades universitaires, puisque, dans un certain nombre de cas, ces grades sont exigés des prêtres em­ ployés soit à la direction des collèges libres, placés sous ia tutelle des évêques et des congrégations religieuses, soit à l’enseignement supérieur dans les facultés catho­ liques que vous avez, si louablement fondées. 11 est d’ailleurs d'un intérêt souverain, pour maintenir l'in­ fluence du clergé sur la société, qu’il compte dans ses rangs un assez grand nombre de prêtres, ne le cédant en rien pour la science, dont les grades sont la consta­ tation officielle, aux maîtres que l'Etat forme pour ses lycées et ses universités. « Toutefois, et après avoir fait à cette exigence des pro­ grammes la part qu'imposent les circonstances, il faut que les études des aspirants au sacerdoce demeurent lidèles aux méthodes traditionnelles des siècles passés... En efiet, c'est le propre des belles-lettres, quand elles sont enseignées par des maîtres chrétienset habiles, de développer rapidement, dans l'âme des jeunes gens, les germes de la vie intellectuelle et morale, en même temps qu’elles contribuent â donner au jugement de la rectitude et de l’ampleur, et au langage de l’éléganui <-t de la distinction. i> UL - 29 611 COMPÉTENTE (SCIENCE) Mais l’Église ne s’est pas contentée de préconiser la science d’une façon indéterminée, de l'imposer aux clercs d’une manière générale. Elle a prescrit à chaque ordre hiérarchique le minimum de ce qui était exigé pour être admis à faire partie de la milice sacrée : obli­ geant très sévèrement les évêques à ne pas imposer les mains sans examen. III. Connaissances requises pour l’admission a chaque ordre en PARTICULIER. — Saint Thomas, In IV Sent., dist. XXIV, a. 3, q. n, énonce un principe qui justifie parfaitement le procédé pratique adopté par l’Église; à savoir, que le candidat à un ordre doit avoir, au moins, la science suffisante pour exercer la fonction qui y est annexée. In quolibet actu hominis, si debeat esse ordinatus, oportet quod adsit ordinatio rationis. Unde ad hoc quod homo ordinis officium exequatur, oportet quod habeat tantum de scientia quæ suf ficiat ad hoc ut dirigatur in actu illius ordinis : ideo talis scientia requiritur in eo qui ad ordines promoveri de­ bet, et non quod universaliter in tota Scriptura sit in­ structus; sed plus et minus secundum quod ad plura vel pauciora se ejus officium extendit. Cette limite mi­ nima peut être utilement dépassée; au moins elle doit êlre nécessairement alteinte. 1° Pour la réception de la tonsure. — Le concile de Trente, sess. XXIII, c. iv, De reform., exige de ceux qui sollicitent l’initiation à la première tonsure, la connaissance des éléments de la foi chrétienne, avec la science de la lecture et de l’écriture. Prima tonsura non initientur qui... fidei rudimenta edocti non fue­ rint, quique legere el scribere nesciant. Cette disposition du concile de Trente remédiait à la situation antérieure et était adaptée à la nouvelle orga­ nisation des études cléricales que le concile avait adoptée. Les séminaires n’existaient pas. Les candidats pour les fonctions ecclésiastiques se présentaient, même pour les ordres mineurs, avec un certificat de leur curé et du maître qui les avaient initiés aux élé­ ments de la science sacrée. Ad minores ordines promo­ vendi, bonum a parocho et a magistro scholæ in qua educantur testimonium habeant. Sess. XXIII, c. v, De reform, Ce système présentait des inconvénients sérieux. Aussi les Pères du concile inaugurèrent un régime nouveau. Ils prescrivirent aux évêques d’ériger des maisons spéciales pour l’éducation et l’instruction des enfants destinés au service de l’Église. Ces collèges devaient être les pépinières du sacerdoce, ministrorum perpetuum seminarium, Sess. XXXlll, c. xvm, De reform. Ces futurs lévites devaient avoir au moins douze ans: à leur entrée dans le séminaire, ils de­ vaient aussitôt recevoir la tonsure et l'habit clérical. Dans ces conditions et pour un âge si tendre, l’Eglise usait de véritable prudence, et n’exigeait de ces candi­ dats que l’instruction rudimentaire suffisante pour servir de base â des études plus développées. Le V» concile de Milan, tenu par saint Charles Borromée, exigeait en application des dispositions du concile de Trente, pour l'admission à la tonsure, la connais­ sance des éléments de la doctrine révélée, la science de la lecture et de l’écriture. Acta Ecclesiæ Mediola­ nensis, concil. V, part. HI, tit. De examinandi ratione, Lyon, 1683, t. i, p. 214. C’est pourquoi les conditions de l’instruction des aspirantsau sacerdoce ayant été modifiées, en France notam­ ment, par la distinction des petits et des grands sémi­ naires, le minimum de connaissances requises pour la réception de la première tonsure est notablement relevé. La tonsure n’étant conférée, chez, nous, qu'à la première vu la seconde année de séjour au grand séminaire, les empirants ont reçu, au préalable, la formation littéraire et philosophique, prélude nécessaire de l’étude de la théologie. Dans plusieurs diocèses, en application du concile de Trente, les futurs clercs subissent un exa­ C12 men sur la leltre et le sens du catéchisme diocésain. Le concile de Trente autorisait les évêques à prendre telles autres dispositions qu’ils jugeraient opportunes. 2° Pour les ordres mineurs. — Le concile de Trente, sess, XIII, c. xi, De reform., a porté le décret suivant: Minores ordines iis qui saltem linguam latinam iulelliganl conferantur. Ces ordres, qui sont une participa­ tion du sacerdoce, ne devaient plus dès lors être don­ nés qu’aux élèves qui, se destinant au ministère sacré, avaient déjà appris la langue latine, dont l’inlelligence était indispensable pour commencer l’étude de la théo­ logie. Le Ve concile de Milan, loc. cit., énumérant les qua­ lités exigées des candidats par les Pères ue Trente, déclare que ceux qui sollicitent leur promotion aux ordres mineurs, doivent connaître les premières règles de la grammaire et comprendre le latin. Les fonctions assignées aux quatre ordres mineurs supposent en ceux qui doivent les exercer ce minimum de connaissance. L’intelligence de la langue latine est indispensable au lecteur qui a la charge de lire dans les assemblées pu­ bliques, à haute et intelligible voix, les saintes Écritures, à l’exorciste, pour lire les exorcismes dans le livre que l’évêque lui remet à l’ordination. Autrefois les minorés étaient charges d’inscrire sur les registres les noms de ceux qui recevaient les sacrements de baptême et de confirmation; ils préparaient la matière de la sainte eucharistie et servaient à l’autel. On s’est demandé si l’évèque pourrait conférer les ordres mineurs à un sujet qui actuellement ne com­ prendrait pas le latin, pourvu qu’on fût moralement certain qu’il ne tarderait pas à le savoir à bref délai. Certains auteurs penchent pour l’affirmative, se tondant sur le texte du concile: Minores ordines iis qui saltem latinam linguam intelligant, per temporum interstitia, nisi aliud episcopo expedire magis videatur, conferan­ tur. L’évèque pourrait donc, selon eux, conférer les ordres mineurs â son gré el tenir compte des circon­ stances. Mais cet argument n’a pas paru convaincant. En effet, l’incise qui laisse liberté d’action au prélat se rapporte grammaticalement aux interstices de l’ordina­ tion, et non à la science du latin, qui est absolument requise. Il semble donc, sauf raison d’urgence, qu’il faudrait ajourner l’ordination d’un candidat qui ne sau­ rait pas suffisamment le latin. Cl. S. Alphonse, '1 heologia moralis, I. VI, n. 790. 3° Pour le sous-diaconat et le diaconat. — Ceux qui aspirent à ces ordres majeurs doivent, sous le rapport de la science, être instruits dans les lettres humaines et en tout ce qui concerne l'exercice de ces ordres. Subdiaconi et diaconi ordinentur... litteris el iis qute ad ordinem exercendum pertinent instructi. Concile de Trente, sess. XXIII, c. xin. 11 est inutile d’insister sur l’obligation d’avoir acquis les connaissances littéraires suffisantes, mais il importe d’indiquer celles qu’exigent les fonctions de chacun de ces deux ordres. 1. Pour le sous-diacre. — Commentant ce décret gêné rai, le Ve concile de Milan, loc. cit,, déclare que les aspi­ rants au sous-diaconat doivent connaître la difiérence qui existe entre les ordres mineurs et majeurs ; la nature du vœu de continence annexé au sous-diaconat; la doc­ trine des sacrements, au moins d'une layon générale ; la manière de réciter l’office divin. Au sujet de la récitation de l’office divin, imposée à ceux qui sont admis aux ordres majeurs, les théologiens ont discuté le point suivant : L’aspirant qui ne sait pas réciter son bréviaire, ou suivre l’ordre des diverses parties de son office, peut-il être licitement élevé au sous-diaconat? Quelques auteurs donnent une réponsnégative, parce que le texte du concile de Trente exige que le candidat connaisse ce qui se rapporte à l’exercice de l’ordre reçu. Néanmoins, saint Alphonse de Liguori, 613 COMPÉTENTE (SCIENCE) Theologia moralis, 1. VI, tr. V, c. ir, De sacr. ord., n. 790, se prononce pour l’affirmative, moyennant deux conditions : a) qu’il y ait probabilité que prochainement, le sous-diacre en question acquière la science suffisante; bi qu’en attendant, il se fasse assister par un confrère. Ce cas pouvait se produire autrefois ; aujourd’hui il est .•himé-rique, avec le système de la vie des séminaires, des examens multiples et du contrôle incessant exercé sur les aspirants. 2. Pour le diacre. — L’examen que le V’ concile de Milan, loc. cit., ordonnait de faire subir au diacre, sup­ pose une connaissance un peu plus complète que celle qui est exigée des sous-diacres. On y ajoute la prépara­ tion pratique à la prédication, afin que le candidat se rende apte à ce ministère. Le diacre peut être appelé, en effet, par la nature de ses fonctions, à administrer certains sacrements, à conférer le baptême, à distribuer .·> sainte communion, à prêcher (’Évangile et à instruire les catéchumènes. 11 doit avoir la science nécessaire à l'exercice convenable de ce ministère. 4» Pour le sacerdoce. — Ad presbyteratus ordinem assumantur qui... ad populum docendum ea quæ scire omnibus necessarium est ad salutem ac administranda sacramenta, diligenti examine prtecedcnle, idonei com­ probentur. Concile de Trente, sess. XXIII. c. xtv, De reform. Les aspirants immédiats au sacerdoce doi­ vent donc fournir des preuves de capacité, sur les véri­ té-s nécessaires au salut, contenues dans le symbole des apôtres et le décalogue. Dans le haut moyen âge les canons des synodes et les capitulaires des rois imposaient aux prêtres l’obligation de savoir les vérités nécessaires au salut pour en instruire les fidèles. Voir t. n, col. 1897i."99. Ils exigeaient aussi d’eux les connaissances néces­ saires à l’administration des sacrements. Les prêtres doivent donc être instruits de la nature du saint sacri­ fice de la messe, de ses effets et de ses diverses parlies essentielles, intégrantes, accessoires. On les interrogera sur le symbolisme des ornements sacrés; sur les élé­ ments indispensables au sacrifice ; sur les lieux et les heures où on peut l’offrir; les doutes pouvant surgira ce sujet el la manière de les résoudre. La doctrine con­ cernant les sacrements du baptême et de l’extrêmeonction, la manière de les administrer doivent leur être tnnilières. Ils doivent encore avoir la compétence nécessiire dans les questions variées qui concernent le ma­ riage, sa nature, ses empêchements et la procédure a suivre pour solliciter la dispense de ces empêche­ ments. Pour le sacrement de pénitence, il y a lieu d’établir avec l’ensemble des auteurs, les distinctions suivantes : 1. Tout prêtre doit, à l’époque de son ordination, con­ naître suffisamment la théologie morale de façon à pou­ voir résoudre les cas les plus faciles qui peuvent se pré­ senter; si les circonstances l’obligeaient à entendre quelques personnes en confession : Circa sacramentum c nfessionis, aliquam peritiam habeat, dit saint CharJ s Borromé-e dans le V' concile de Milan, loc. cit. Les • ologiens déclarent indignes d’ordination, les sujets c pourvus de cette science élémentaire. On objecte bien, il est vrai, que des prêtres ne veulent se faire ordonner que pour offrir le saint sacrifice, réci­ ter le bréviaire, prier et chanter les louanges de Dieu, sans pré-tendre administrer les sacrements, ni instruire oi diriger les fidèles. Le droit ecclésiastique n’admet p--ce partage d’attributions. Le prêtre peut être obligé par charité ou par nécessité d’administrer les sacrements. D faut qu’il puisse le faire convenablement. L’Eglise exige donc de lui les connaissances nécessaires, même »il ne se destine pas directement au saint ministère. Lié- n’use d’indulgence sous ce rapport que pour les tetigieux cloîtrés pour toujours dans les monastères, c ni, par suite de leur situation, n’auront jamais occasion c administrer le sacrement de pénitence. Elle tolère 614 qu’ils n’aient pas la science requise pour ce ministère extraordinaire. C’est pourquoi saint Alphonse de Liguori affirme que personne ne pourrait, en conscience, recevoir le sacer doce, s’il ne connaissait les principes généraux de solu­ tion des difficultés communes qui peuvent surgir au­ près du lit d’un moribond; par exemple, tout prêtre doit savoir s’il peut absoudre à l’article ou dans le dan­ ger de mort; en présence d’un autre confesseur; abso­ lument ou conditionnellement; comment il doit agir en présence des cas réservés et des censures? 'lheol. moralis, 1. VI, tr. V, c. il, n. 791. 2. Les prêtres qui se destinent au ministère actif doiventavoiracquisdes connaissances plus étendues en théo­ logie dogmatique et morale et dans les sciences ecclé­ siastiques connexes. Avant l’ordination, on exige d’eux l’acquisition sous ce rapport de notions plus complètes que de ceux qui ne seront pas employés au service des fideles. Aliqui ad sacerdotium promoventur, quibus committitur primus actus tantum (supracorpus Christi verum) sicut religiosi... et talibus sufficit si tantum de scientia habeant, quod ea quæ ad sacramentum per­ ficiendum spectant, rite servare possint. Alii autem promoventur ad... actum supra corpus Christi mysti­ cum, unde scientia legis in eis esse debet, non quidem, iit sciant difficiles quæsliones legis..., sed ut sciant quæ populus debet reddere et observare de lege. S. Thomas, Sum. theol., Ill” Suppl., q. xxxvt, a. 2, ad 1·«. L’Eglise romaine a toujours veillé à l’observation exacte de la discipline du concile de Trente. Inno­ cent XIII, obviant à des abus qui s’étaient introduits en Espagne, renouvela les décisions relatives à la science compétente des ordinands. Const. Anostolici ministerii du 43 mai 1723, n. 5, Bullarium romanum, Turin, 1871, t. xxi, p. 932-933. Les évêques, ministres de l’ordination, peuvent de­ mander à leurs clercs, avant (’ordination, une science supérieure au strict minimum. lisent le droit d’élargir le programme des examens qui précèdent l’ordination, pour que les prêtres soient plus aptes â remplir auprès de leurs ouailles leur ministère. La science requise peut ainsi varier selon les époques et les milieux. Ainsi, a Rome, les études des aspirants aux divers ordres sont sériées proportionnellement à l’ordre à recevoir. Le sousdiacre doit avoir étudié la théologie morale ou scolas­ tique, ou du moins le droit canonique pendant un an, le diacre pendant deux ans, le prélre pendant trois ans. Notification du cardinal-vicaire du 2 décembre 1740. Celle mesure a été généralisée pour tous les ordinands réguliers de l’Église universelle. S. C. des Évêques et Réguliers, 4 novembre 1892, n. 6. Voir Gaspard, De sacra ordinatione, n. 5G2, 588, Paris, 1893, t. i, p. 365, 387. Par un niolu proprio du 16 juillet 1905, Pie X a réglé les conditions des examens que doivent subir à Rome tous les ordinands, séculiers ou réguliers, sans excepter ceux de la Compagnie de Jésus. Cf. Revue des sciences ecclesiastiques, 1905. I. xen, p. 378-380. Dans plusieurs diocèses, on a publié des traités des matières que les ordinands doivent savoir avant la réception des ordres. Voir A. Togni, Instructio pro S. Ecclesiæ mi­ nistris doctrinas specimen daturis, in-8°, Rome, 1830, souvent rééditée et servant à Rome pour l’examen des ordinands; F. de Leo, Berum ab ordinandis cognos­ cendarum specimen (publié par ordre du cardinal San Felice, archevêque de Naples), Naples, 1895. 5° Pour l’épiscopat. — Quicumque posthac ad eccle­ sias cathédrales erit assumendus... scientia... polleat, ut muneris sibi injungendi necessitati possit satisfa­ cere ;ideoque antea in universitates studiorum magister sive doctor aut licentiates in sacra theologia vel jure canonico merito sit promotus, aut publico alicujus academix testimonio idoneus ad alios docendos osten­ 615 COMPÉTENTE (SCIENCE) 616 Clément VIII avait institué, pour ITtalie et les iles adja­ datur. Quad si regularis fuerit, a superioribus sa­ centes, une congrégation spéciale, dite Congrégation cra: religionis similem fidem habeat. Concile de Trente, de l'examen des évêques, pour appliquer les décrets sess. XXII, c. n, De reform. du concile de Trente à ce sujet. Bien qu’aucune décla­ Ces paroles sont le commentaire et l’application du ration officielle n’ait dissous cette congrégation, les texte de saint Paul : Oportet ergo episcopum esse... du­ troubles politiques des derniers temps en avaient rendu ctorem, I Tim., tit, 2; ampleetentem eum, qui secun­ le fonctionnement très difficile; aussi les nouveaux dum doctrinam est, fidelem sermonem, ut potens sit évéques n’étaient plus soumis à son examen. Léon XIII exhortari in doctrina sana et eos qui contradicunt arguere. Tit-, i, 9. L’évéque doit donc être riche en doc­ a rétabli l’enquête préalable en vue de préposer les su­ trine et capable d'instruire les fidèles qui lui sont con­ jets les plus dignes aux sièges épiscopaux de l'Italie. fiés. Sinon, dit le droit, les fautes des inférieurs lui se­ Santi, Prælecliones juris canonici, 3eédit., par Leitner, 1898. ront imputées; il sera responsable de leur ignorance.il 6" Pour le vicaire capitulaire. — Les règles de l’Église ne lui suffit pas de prêcher d'exemple, dit saint Jean ont aussi prévu le cas des vacances des sièges épisco­ Chrysostome. In] Tim., hoinil. n, P. G., t. LXll, col. 673. paux. Le concile de Trente veut que le vicaire capitu­ 11 est nécessaire qu'il brille par la parole et la doctrine. laire possède le titre de docteur ou de licencié en droit Mais à quel degré de connaissance doit-il être par­ venu ? On distingue trois degrés de science : 1. la science canonique, ou au moins qu’il ait donné les preuves de éminente, qui, sans recherche laborieuse,élucide promp­ sa capacité : qui saltem in jure canonico sit doctor vel licenciatus, vel alias quantum fieri potuerit idoneus. tement les questions difficiles; 2. la science moyenne, Sess. XXIV, c. xvt, De reform. Des décisions réitérées qui résout les difficultés, en y mettant du temps et de des Congrégations romaines requièrent pour le vicaire ta réflexion ; 3. la science suffisante, qui permet d’ac­ complir le devoir, suivant les circonstances de temps et capitulaire les grades en droit canonique et non en théologie; parce que l’administration des diocèses de­ de personnes. Quanquam et desideranda sit eminens mande beaucoup plus la science du droit que celle de scientia in pastore, in eo tamen sil competens toleran­ la théologie. Et ce n'est pas un diplôme d’honneur da ... quiaimperfectum scien liæpolest supplere perfectio obtenu par grâce ou privilège, mais bien un témoignage caritatis. Nisi cumprideni, S Pro defectu et renuntia­ notoire d’une université canoniquement érigée qu'il tione. Fagnan, In decretal., I. I, part. I, De sum. Trinit. el fide calh., c. Firmiter, n. 23, après avoir déterminé doit produire. In Elesina, 21 février 1682; In Oriolen., 24 mars 1627. Interrogée même pour savoir si un sujet, le degré de science requis pour les ordres inférieurs à l’épiscopat, déclare que les évêques doivent avoir une con­ par ailleurs apte, pouvait être choisi, nonobstant la pré­ sence de chanoines docteurs, la S. C. du Concile, ré­ naissance doctrinale supérieure : Prælati ecclesiarum pondit négativement. Existenlibus docloribus vel licenquicumque curam animarum habentes debent exce­ liatisin capitulo, necessario unum ex illis in vicarium dere hanc fidei mensuram..., debent alios excedere in hujusmodi cognitione, quia tenentur de his articulis esse eligendum ; alioquin, deputalionem ad metropolilanum devolvi. Décision du 14 février 1594, citée par (symbolorum) rationem reddere omni poscenti... circa prædicta opponere et respondere et hiereticos persequi Garcia, De beneficiis, t. i, c. vu, n. 9-11. Le concile de Trente demande aussi, que, si faire se et confutare. Le motif général de cette supériorité de science requise dans l’évêque est emprunté par ce cano­ peut, ubi id commode fieri potest, les dignités et au moins la moitié des canonicats des cathédrales et des grandes niste à saint Thomas: Quia siculi superiores angeli, collégiales soient conféréesaux docteurs ou licenciés en qui inferiores illuminant, habent pleniorem notitiam théologie ou en droit canonique. Sess. XXIV, c. xn, De de rebus divinis quam inferiores, ita etiam superiores reform, homines, ad quos perlinet alios erudire, tenentur ha­ IV. Comment cesse l’irrégularité encourue pour bere pleniorem notitiam de credendis. Aussi l’Église fait-elle subir des examens sérieux aux défaut de science. — Par le fait seul de la connaissance sujets élus à l'épiscopat. Pour ceux qui sont présentés suffisante acquise par le sujet, l’irrégularité cesse. Si par le gouvernement par suite de conventions particu­ quis propter litteraturae defectum, locum regiminis lières, le saint-siège s’est réservé le droit de procéder auctoritate aposlolica deserendo, ad otium se contule­ aux enquêtes, et d’obtenir les garanties indispensables, rit monacale, ac per exercitium lectionis, scientia:, repereril margaritam, procul dubio poterit dentio vo­ par tels moyens qu’il jugerait efficaces. Grégoire XIV, const. Unus apostolicæ, du 15 mai 1591, § 9, a réglé la catus a Domino, cathedram reascendere pastoralem. procédure à suivre dans l’examen doctrinal des candi­ De renundatione, 1. I, til. ix, c. xv. dats à l’épiscopat : Quia circa doctrinam plures frau­ L’irrégularité disparait également, si l’incapable des­ des committi soient, et sæpe contingit, ut nonnulli cend d’une charge supérieure à une fonction inférieure scientia vacui, de solo ductoris titulo aut privilegio pour l’exercice de laquelle il possède les connaissances glocientur, volumus ut de eorum etiam doctrina dili­ suffisantes. genter inquiratur, qui vel doctoratus aut licentiae titu­ Les auteurs sont en désaccord sur la question du lis et privilegiis gaudent, vel etiam a publicis acade­ pouvoir de dispenser de l'irrégularité ex defectu scienmics testimonium habuerunt quod idonei essent ad tiæ. Les uns, n'envisageant que la théorie, disent que alios docendos, nisi forte aliquorum insignis doctrina le souverain pontife, pouvant dispenser dans tous les ex publica eorum functione notoria esset. Bullarium cas de droit positif, peut user de son pouvoir dans romanum, Turin, 1865, t. ix, p. 422-423. Urbain VIII celui-ci, qui est de droit ecclésiastique. Les autres, avec a confirmé et complété les décrets de Grégoire XIV, beaucoup plus de raison, ce semble, contestent ce mo­ dans une instruction de 1627, qui aujourd’hui encore tif. Ils établissent, par tous les témoignages que nous sert de base à l’enquête préparatoire des actes du con­ avons cités précédemment, que la science suffisante est sistoire, pour la promotion des évêques. Voici les garan­ requise dans l'ecclésiastique, de droit naturel et divin. ties exigées au sujet de la doctrine du candidat. Si forte Par conséquent, concluent-ils, une dispense propre­ promovendus nullum habet gradum in sacra theolo­ ment dite ne saurait intervenir dans l’espèce. D'ailleurs, gia, vel in jure canonico, necesse est, ut præter proba­ on ne trouve aucune trace d'autorisation, accordée à un tionem aliunde hajiendam circa ejus doctrinam... clerc, d'occuper une fonction dont il ignore les devoirs ; pro parte promovendi exhibeatur publicum alicujus à moins qu’il ne soit question d’un délai bienveillam­ academiæ testimonium, quo idoneus esse declaratur ment octroyé à un candidat capable d’acquérir rapide­ ad altos docendos quæ populum Christianum scire opor­ ment les connaissances nécessaires. tet. Bullarium romanum, Turin, 1868, t. xui, p. 584. Le droit commun ne relate non plus aucun article,. 617 COMPÉTENTE (SCIENCE) — COMPLICITÉ aucun canon, aucun décret qui autorise la promotion d’un sujet incapable. En tout état de cause, les condi­ tions stipulées dans les ajournements, ou dispenses mo­ mentanées, sont en général les suivantes: que le défaut de science ne provienne pas de l’incapacité radicale du sujet; que ce dernier puisse se préparer en un temps donné; qu'il supplée, dans une certaine mesure, à sa médiocrité intellectuelle, par une solide piété : enfin que la pénurie des sujets oblige l'évêque à user de ména­ gement. G18 lidaire de cette même faute. Voir Ferraris, Bibliotheca, v» Complex, η. 4. 2" Pour que la complicité existe, il faut qu’il y ait eu manifestation mutuelle des sentiments libidinieux. Ainsi la complicité est flagrante dans les familiarités externes, telles que caresses, attouchements, conversations illi­ cites, regards mutuels et significatifs. Il peut se pro­ duire des mouvements de concupiscence externes mais secrets. Tant qu’ils ne se manifestent pas, tant qu'ils restent ignorés de l’autre personne, ils ne rentrent pas dans le cadre de la complicité définie, attendu que Lettre encyclique de S. S. le pape Léon XIII aux arche­ l'accord, requis à cet effet, fait défaut. Peu importe que vêques, évêques et au clergé de France, 8 septembre 1899; les deux personnes soient coupables, dans leur for inté­ Migne. Theologiæ cursus completus, t. xxiv, De sacris ele­ rieur, de pensées, de désirs mauvais; pour constituer ctionibus et ordinationibus, part. 1, sect, n, c. in. g 6. ρ. 12; le crime de complicité, il faut une manifestation externe, Philips, Droit ecclésiastique. Paris, 1850, t. i. p. 330; André, Cours pratique de droit canon, 3* édit., 1860, v Science; mutuelle ; ce que les théologiens appellent conspiratio. Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de Γ Église. édit. Il peut arriver que des colloques gravement inconve­ André, Bar-le-Duc, t. iv, part. Il, 1. 1. c. ι.χχχνιπ-χαΐ; Bnuix, nants s’engagent devant un ecclésiastique. Si ce dernier De episcopo, Paris. 1859, p. 215-220; Analecta juris pontificii, s'oubliait jusqu'à s’y associer, ou bien donnait des 14* série, Paris, 1875, col. 475; Gasparri, Tractatus canonicus signes extérieurs d'assentiment à ces entretiens, nul de sacra ordinatione, n. 556-563. Paris. 1893. t. i, p. 362-366; S. doute qu’il serait dans un cas de complicité formelle; Many, Prælecliones de sacra ordinatione, Paris, 1905, p. 231234.’ s’il ne manifestait pas extérieurement une approbation, un assentiment quelconque, la situation ne serait plus B. Dolhagaray. la même ; il pourrait, le cas échéant, écouter en con­ COMPLICITÉ. - I. Définition. 11. Caractère du fession, et donner l’absolution. Il ne se trouverait pas peccatum turpe. Ill. Nullité d’absolution et censure sons le coup des prohibitions visant les complices. encourue. IV. Cas exceptionnels. 3° Si le prêtre commettait un attentat de cette nature Alin d’écarter du sacré tribunal de la pénitence sur une personne endormie, assoupie par la boisson, ou t.>ute occasion de turpitude, de mépris pour les sacre­ ments, afin d’éliminer les outrages qui de ce chef subissant violence, ou si c’était la réciproque qui se atteindraient la sainte Eglise, dit Benoit XIV, conslitu- produisit, les éléments de complicité feraient aussi t on Sacramentum pænitentiæ, du l^juin 1741, Bulla- défaut. Comme il appert, dans l’espèce, il y aurait absence rmm Benedicti XIV, Prato, t. it, n. 20, p. 64, il a de consentement. Par suite, le prêtre pourrait, sans fallu compléter et sanctionner la procédure concernant encourir la censure, exercer, dans ce cas, son ministère. les complices in peccato turpi. 4" Si quelqu’un subissait violence, sans protester en Avant les dispositions promulguées par cet illustre silence, il faudrait examiner le cas à un double point pontife, la discipline était loin d’être uniforme sur ce de vue juridique. Au point de vue du for externe, la ρ int si grave. Les discussions entre théologiens étaient présomption n’est pas favorable à la personne qui ne vives : les uns, contestant non seulement la licéité, niais résiste pas, selon la mesure de ses moyens. La raison aussi la validité de l’absolution conférée au complice; en est péremptoire. Pour échapper aux conséquences du I s autres admettant, au contraire, et la validité et la crime et éluder la loi, les coupables n’auraient qu'à l céité de l’acte sacramentel, en l’absence de toute déci­ s’entendre pour garder le silence, conserver l'attitude sion souveraine, de toute règle universelle prohibitive. passive; gràce à l'hypothèse de la présomption légale, L 's évêques commencèrent, chacun dans son diocèse, à favorable en ce cas. la faute échapperait à la répression prendre des ordonnances appropriées; puis ils s’adres­ canonique. Aussi, comme dans l’ancienne Loi, la femme sèrent au saint-siège le priant d’établir à ce sujet une qui ne se défendait pas, prœsiiniebatur stupro consen­ réglementation générale. C’est à la suite de ces instan- sisse·. ainsi, dans la législation canonique, la présomp­ < -s que Benoît XIV publia les deux célèbres constitu­ tion de complicité est admise, de droit, dans les circons­ tions qui forment la base des règles à suivre dans les tances de ce genre. cas de complicité in peccato turpi. Mais au for interne, c’est-à-dire dans la confession 1. Définition. — d0 Entendue dans ce sens déterminé, sacramentelle, la situation peut changer, les aveux du l.i complicité est la perpétration, mutuellement consentie, pénitent font loi. Il se peut, en toute rigueur, qu’une per­ d’actes luxurieux, entre confesseur et pénitent. L’absolu­ sonne troublée, terrorisée, n’ose pas manifester sa répu­ gnance et opposer une résistance active. Dans celte occur­ tion qu’un prêtre donnerailâ son complice serait nulle et lui-mème resterait frappé d’excommunication majeure, rence possible, le refus de consentement peut exister intérieurement et écarter ainsi le caractère de complicité. spécialement réservée au souverain pontife. Const. .ipostoticæ sedis, part. I, n. 10. Partant, l’absolution pourrait être concédée, sans que La complicité, visée dans le cas actuel, ne concerne le confesseur coupable encourût les rigueurs de la loi donc que les actes graves contra sextum decalogi præecclésiastique. Toutefois, nous ne pouvons manquer de ceptum. Le droit commun sanctionne seulement l’ab­ le faire remarquer, si cette solution est conforme à la solution donnée par le complice de l'impureté. Le droit rigueur des principes, le cas lui-même est plutôt théo­ particulier peut également frapper de nullité l'absolu- rique. L’absence d’adhésion suffisante semble peu pro­ ti.m d’autres fautes graves, non charnelles, commises bable, dans une matière si délicate. Un examen cir­ de complicité, et même porter excommunication contre constancié, approfondi, s’impose, avant de donner une le prêtre qui absoudrait son associé. Souvent, les règle­ solution définitive à une difficulté aussi épineuse. ments des diocèses et divers statuts synodaux ont in5“ D’après les constitutions pontificales, le péché de '■ rdit ou interdisent encore à tout prêtre, sous peine de complicité se réalise dans les fautes commises avec les nullité d'absolution et sous menace de censure, de con­ personnes de n'importe quel sexe. Vu la généralité des i'· rer l’absolution au pénitent qui aura it commis une faute termes employés par le législateur, on ne saurait élever grave quelconque île complicité avec lui. Le motif de | un doute à ce sujet; la doctrine des auteurs est constante. cette disposition sévère se déduit de la nécessité, où se Lors même que le délit eût été commis avant l’ordina­ trouve le pénitent, de faire l’aveu de ses fautes avec une tion, le confesseur ne pourrait user de son pouvoir confusion salutaire. Ce qui ne parait guère réalisable, d’absolution en faveur du complice antérieur, pour le lorsque la confession a lieu auprès de celui qui est so­ même motif. 619 COMPLICITÉ On sest demandé si la loi urgeait également, si le complice était un impubère! Car il est de principe gé­ néral que les impubères ne sont pas soumis à la réserve des péchés; et le cas est réservé, par rapport au confes­ seur indiqué. L'enseignement des auteurs n’hésite pas à étendre même à cette circonstance la prohibition, parce que les constitutions pontificales n’établissent aucune restriction. 11. Caractère nu peccatum turpe. — 1° Par le péché honteux formant l’élément nécessaire de la com­ plicité, on entend toute faute contre la sainte vertu, grave, externe, commise par mutuelle entente. Il n’im­ porte que ce péché soit, sacrilège simplement, ou qu’il implique l’adultère, l'inceste, la sodomie, etc. Il forme l’objet précis réglementé par cette législation spéciale, s'il réunit les quatre conditions indiquées : 1. S'il est contre la sainte vertu; 2. s'il est mutuellement consenti; 3. s’il constitue une faute grave; car il est de doctrine courante que les fautes légères ne sauraient constituer matière d'excommunication. En outre, d’après saint Alphonse de Liguori, les sanctions de la présente loi ne trouveraient pas leur application, s’il y avait doute sé­ rieux (pie le pénitent eut péché gravement, lors même que la culpabilité du confesseur serait établie. Theolo­ gia moralis, Malines, t. vi, n. 554, 4. Le péché doit être externe. L’Église ne porte pas en effet de jugement pour les faits internes, elle ne fulmine de censures que pour des fautes graves au for interne et externe. Les crimes purement internes ne peuvent servir de base à la com­ plicité requise. 2° La loi comprend même les actes incomplets, ceux qui ne constituent qu'un commencement d’exécution; parce qu’ils ont leur malice intrinsèque caractéristique. Hic comprehenduntur tactus, etiam mediali, circa ve­ renda aut vicinas paries, circa pectus mulierum ; os­ cula, preeserlim, more insoluto, vel moroso, vel repe­ tii is vicibus impressa; scripluræ amatoriae libidinis incentives; aspectus libidinosi, turpem amorem fotenles utrinque el voluntarie interna extornantes. 3° Les théologiens discutaient autrefois, pour savoir si les entretiens déshonnêtes suffisaient à provoquer les sévérités de la constitution de Benoît XIV. De graves auteurs soutenaient l’opinion négative. Mais aujourd’hui le saint-siège s’est prononcé pour l’affirmative. Voici la déclaration faite le 28 mai 1873 à l’évêque d’Orléans par le Saint-Office : An prohibitio absolvendi complicem in materia turpi restringi debeat ad laclus; an vcro comprehendat omnia peccata gravia contra castitatem exterius commissa etiam illa quæ in meris adspeclibus consisterent? fidem eminentissimi Domini, om­ nibus mature perpensis, responderi mandarunt : Com­ prehendi nedum tactus, verum etiam omnia peccata gravia et exterius commissa contra castitatem ; etiam illa quæ consistunt in mens colloquiis et adspeclibus quicomplicitatem important. 11 résulte de celtedécision, comme de la doctrine commune, que s’il s’agit d’un fait ne présentant pas de gravité, et n'entraînant pas de complaisance mutuelle, il ne ferait pas partie des actes visés par les constitutions pontificales. Ainsi le fait d'embrasser quelqu’un, en passant, même par légèreté, de lui toucher la main par étourderie, de lui faire une caresse légère, n’entralnerail pas les conséquences re­ doutables édictées par les souverains pontifes. 4° Si les propos inconvenants tenus avaient pour ob­ jet d'attirer au mal une tierce personne, les sanctions ecclésiastiques devraient recevoir leur application. Même dans le cas ou cette infâme négociation n’aurait pas eu de résultat, il est certain que des entretiens mal­ honnêtes ont été engagés entre l’ecclésiastique et l’en­ tremetteuse. Par conséquent, il ne saurait absoudre cette dernière. Si la négociation a été effective, le prêtre ne pourra absoudre ni l’une ni l’autre de ces personnes. La raison en est évidente. 620 III. Absolution. — 1° D'après les lois de l’Église, un prêtre ne saurait donner l’absolution à son complice in materia luxuriæ, si ce n’est à l'article de la mort, et encore alors, en l’absence de tout prêtre (ne serait-il même pas approuvé pour les confessions), â moins de scandale et de déshonneur pour lui. Benoit XIV, const. Sacramentum pæmtenliæ, promulgue en ces termes la défense absolue d’absoudre son complice : Auctoritate aposlolica et noslræ potestatis plenitudine interdici­ mus el prohibemus, ne aliquis eorum, extra casum extremes necessitatis, nimirum in. ipsius mortis arti­ culo, et deficiente tunc quocumque alio sacerdote, qui confessorii munus obire possit, confessionem sacramenlalem persome complicis in peccato turpi at­ que inhonesto, contra sextum decalogi præceptum commisso, excipere audeat, sublata propterea illi, ipso jure, quacumque auctoritate el jurisdictione ad qualemcumque personam ab hujusmodi culpa absol­ vendum. Dans sa concision, cetle ordonnance était sévère. Elle provoqua des explications et des anxiétés de conscience. Le souverain pontife crut devoir compléter et élargir un peu cetle première décision. Dans une seconde conslilution, Aposlolici muneris, il déclara qua l'article delà mort, le prêtre pourrait absoudre son complice, si, du fait de son abstention et de l’appel d’un autre prêtre, pouvait surgir un scandale ou une infamie personnelle. Si casus urgentis qualitas et concurrentes circumstanliæ quæ vitari non possint, ejusmodi fue­ rint, ut alius sacerdos ad audiendam constitute in dicto articulo persome confessionem vocari, aut acce­ dere, sine gravi aliqua exoritura infamia vel scandalo nequeat, tunc alium sacerdotem perinde haberi censerique posse, ac si revera abesset atque deficeret; ac proinde in eo rerum statu, non prohiberi socio crimi­ nis sacerdoti, absolutionem pænitenti ab eo quoque crimine impertiri. De ces textes on peut déduire que trois conditions sont exigées pour que le prêtre puisse absoudre son complice : I. Que le pénitent se trouve à l’article de mort; 2. qu’on ne puisse trouver un prêtre quelconque, pour suppléer le confesseur complice; 3. que nonobs­ tant la présence d'un prêtre quelconque, on ne puisse écarter le confesseur coupable sans scandale ou grave déshonneur pour lui. 2» Ces clauses pontificales ont besoin d’être expliquées. 1. Il faut que le pénitent complice se trouve à l’ar­ ticle de la mort. — Pie IX a maintenu ces conditions qui sont solidaires, sous peine d’excommunication ré­ servée spécialement. Absolventes complicem in peccato turpi etiam in mortis articulo, si alius... Const. Apostolicæ sedis, a. 10. Il n’est pas nécessaire qu'on ait la certitude morale de la mort imminente; un péril grave, la crainte sérieuse du dénouement fatal suffisent à rendre l’absolution valide et licite. C’est là, dit saint Alphonse de Liguori, l'opinion générale des auteurs. Verius et communius admissum. Theol. moralis, I. VI, lr. I, De pænitenlia, n. 5G1. Pour ce cas particu­ lier, ils placent sur le même rang le danger et l’article de mort, bien qu’objectivement ces termes désignent deux situations différentes. Rigoureusement parlant, l'article de la mort suppose la certitude de la mort instante; le danger indique seulement la probabilité de la fin. Les constitutions de Benoit XIV el de Pie IX doivent donc être interprétées largement, conformément à la règle générale, énoncée par le concile de Trente : ne liac ipsa occasione aliquis pereat, in eadem Ecclesia Dr. custoditum semper fuit, ut nulla sil reservalio in ar­ ticulo mortis. Sess. XIV, De pænitenlia, c. vu. Le.· théologiens de Salamanque traduisent le sentiment _ n'rai des auteurs, lorsqu’ils disent : Resolvimus dicemi posse confessorium complicem in peccato luxurix absolvere valideel licite, tam in periculo quam in ari - 621 COMPLICITÉ culomorlis. Salmanticenses, Appendix ad tr. VI, c. vi, n. 260. En application de ce principe on conclut que le prêtre peut absoudre son complice sur un champ de bataille, môme sur le chemin qui y conduit; pendant une navi­ gation, lorsque le pénitent, atteint de maladie dangereuse* risque de succomber, sans pouvoir recourir à un autre prêtre ; lorsque dans un accès de fièvre le malade risque de perdre la raison; dans un enfantement laborieux, surtout s’il est le premier ou si dans les cas antérieurs la mère a couru risque de vie ; dans le cas de captivité* dans un pays où l’on ne trouve pas de prêtre. 2. Toutefois, il est à remarquer que les constitutions pontificales ont ajouté à la condition de l'article de la mort les deux autres circonstances, l'impossibilité d'ap­ peler un autre prêtre, et la crainte d’encourir un grave déshonneur. Ces trois circonstances ne doivent pas être disjointes ; elles doivent coïncider, pour que le cas prévu par les régies ecclésiastiques se réalise et que le prêtre puisse absoudre son complice. En effet, la constilulion de Pie IX, comme d’ailleurs celle de Benoit XIV, ajoute que le prêtre, même à l’article de la mort, ne pourra absoudre son complice, que si un autre prêtre, même non approuvé, ne peut sans scandale et grave infamie, recevoir la confession du moribond : si alius sacerdos, licel non approbatus ad confessiones, sine aliqua pravi exoritura infamia et scandalo, possit excipere mo­ nentis confessionem. Par conséquent, si, à l’article de la mort, un simple prêtre pouvait être appelé, le prêtre qui absoudrait son complice tomberait sous le coup de l’excommunication. 3. Un seul fait servirait donc de circonstance atté­ nuante en permettant d’user du privilège concédé par le souverain pontife ; ce serait le scandale et le déshon­ neur qu'il y aurait pour ce prêtre à ne pas administrer le sacrement de pénitence. Il est diflicile de formuler une règle précise qui détermine les cas de scandale et d'infamie qui pourraient autoriser un confesseur à ab­ soudre le pénitent complice. Par ailleurs, les illusions sont faciles; lorsqu'on doit être juge en sa propre cause, on est porté à se créer des craintes chimériques de déshonneur et de confusion. Voilà pourquoi Benoit XIV, prévoyant des tergiversations, formule ces graves aver­ tissements danssa constitution Aposlolici muneris:Sciat autem complex ejusmodi sacerdos et serio animadvertat foresereipsa coram Deo qui irrideri non potest, reum gravis adversus prædiclam nostram constitutionem inobedientiæ, lalisque in ea pomis obnoxium, si prædiclæ infamise aut scandali pericula sibi ultro ipsi configat, ubi non sunt. II ne se contente pas de mettre les intéressés en garde contre le péril de fl|aliucination ; leur déclarant que dans le cas où ils se forgeraient des craintes fictives ils encourraient les censures édictées par lui ; il remar­ que que la nature des circonstances peut faire prévoir la réalité du scandale et de la déconsidération de l’ec­ clésiastique ; mais alors il exige que pour obvier à cette difficulté, on appelle à l’avance un autre confes­ seur. Quod si idem sacerdos, aut quovis modo sese nulla gravi necessitate compulsus ingesserit, aut ubi infamise vel scandali periculum limetur, si alterius sacerdotis opera requirenda sit, ipse ad id periculum avertendum de industria neglexerit, atque ita pers. C. Concilii Tridentini. decretorum interpretis, quorum unum sub anno 1589, videlicet, reservationes casuum de novo post concilium non comprehenduntur in c. vt, sess. XXIV, De reform., et alterum sub anno 1590, nempe nosse debet episcopus facultatem absolvendi sibi tributam decreto concilii Tridentini, sess. XXIV, non extendi ad casus qui novis summorum pontificum constitutionibus post concilium Tridenlinum fuerint sedi apostolieæ reservati. La constitution Apostolieæ sedis a egalement main­ tenu cette réserve en termes formels .· Firmam tamen esse volumus absolvendi facultatem a Tridenlina synodo episcopis concessam, sess. XXIV, in quibus­ cumque censuris apostolieæ sedi hac nostra consti­ tutione reservatis, iis tantum exceptis quas eidem apostolieæ sedi speciali modo reservatas declaravimus. Aussi ce cas est-il très spécialement réservé, même dans les induits concédés aux évêques et aux mission­ naires. La déclaration de la S. C. de l’inquisition du 4 avril 1871 porte que le pouvoir général d’absoudre des cas, speciali modo réservés, ne comprend pas celui de relever le confesseur censuré pour absolution du complice. 2" D'après les commentateurs et les interprétations doctrinales. — 1. Plusieurs théologiens admettent qu'un confesseur ayant commencé à entendre la con­ fession d’un complice dangereusement malade peut parfaire le sacrement et donner une absolution valide et licite, lors même que le péril de mort viendrait à disparaître. Leur argumentation repose sur un principe emprunté aux règles générales du droit. En elïet, lors­ qu’un juge entame une procédure, l'acte de contestation du litige lui fait attribuer toute l’allaire jusqu'au jugement définitif. Or, la confession sacramentelle est un jugement; par suite, commencer la confession, c’est se rendre compétent jusqu'à l'acte linal de l’absolution. D’autres, au contraire, s’appuyant sur le texte des constitutions apostoliques, disent qu’il n’est permis â un prêtre de donner l'absolution à un complice, que dans l'extrême nécessité et au défaut d’un autre prêtre. D’après eux, l'application du principe de droit invoqué est de pur arbitraire. En effet, d'après l’exposé du cas, le danger de mort a disparu après le début de la con­ fession. Or, selon les règles qui régissent la matière, dès ce moment les intéressés tombent sous le coup du principe absolu, interdisant l’absolution du complice, en dehors de la nécessité extrême. De plus, en dehors de cette nécessité, il y a obligation pour Je confesseur d'avertir le pénitentqu'ilne peut aucunement l'absoudre. Par conséquent, continuer à vouloir délier un complice, lorsque le danger de mort a disparu, à l'aide d’un principe hypothétique, c'est violer tous les principes directifs de la conscience. Il serait bien plus juste de faire appel à la pratique usitée, lorsque, dans une con­ fession ainsi commencée, on découvre un cas rés< rv En ce moment, on interrompt la confession commen­ cée, ou, du moins, on surseoit à l'absolution, afin d. se munir des pouvoirs requis pour compléter le sacre­ ment. Une troisième opinion essaie de concilier ces sys­ tèmes opposés. Elle commence par constater que I i-n rarement se présente un cas de péril extrême réel, existant au début d'une confession, nécessairement sommaire en la circonstance, péril extrême disparais­ sant en ce très court intervalle du commencement et de la 6n de la confession. C'est là une situation chimé­ rique qu’une loi ne peut guère prévoir. Qui peut préciser ces circonstances? 11 faut par suite raisonner conformé­ G27 COMPLICITÉ ment aux données générales. Ou bien le prêtre, considé­ rant le sérieux danger du complice et l'impossibilité de recourirà un autre confesseur, commence la confession; ou bien, le confesseur a attendu à dessein le demie· mo­ ment, sans appeler un autre prêtre qu’il pouvait faire venir sans inconvénient; ou enfin, il se met à confesser nonobstant la présence de ce dernier. Dans la première hypothèse, si le danger réel s est subitement présenté, sans qu’on ait pu le prévoir, il semble que le confesseur est en droit de compléter la confession commencée. En effet, il a pu entamer légitimement la confession, à raison de l’extrême nécessité. Dans l’hypothèse aléatoire d’une cessation de danger extrême, il peut mener à terme cette confession qu'il a commencée de plein droit. Il serait en effet très onéreux pour lui de suspendre l'acte sacramentel au milieu des incertitudes de l'état du ma­ lade; cette suspension serait encore plus onéreuse et très dangereuse pour le patient, qui ne se trouve pas à l’abri d'un retour offensif de la crise mortelle. Les lois positives n’obligent pas avec autant d'inconvénients. Que si, au contraire, le prêtre a agi malicieusement en attendant le moment suprême, ou en administrant la pénitence en présence d'un autre confesseur, il encourt la censure, et la confession est invalide dans l'hypo­ thèse de la disparition du danger extrême. Car si le danger était constant, malgré le stratagème du confes­ seur qui resterait excommunié, l’absolution octroyée au malade serait valide. La sanction maintenue contre le confesseur s’explique, par l'axiome juridique : nemini fraus patrocinari debet. Le privilège établi en faveur du moribond se justifie, par la règle générale, qu'à l’heure de la mort l’Église ne maintient aucune ré­ serve, afin de ne pas exposer les aines à la mort éter­ nelle. Revue des sciences ecclésiastiques, t. t.xv, p. 195. 2. Mais le complice lui-même peut user de ruse et mettre le confesseur dans l’embarras. Il peut attendre le dernier moment, appeler le prêtre complice sous prétexte de recevoir l'exlrème-onction ou même le viatique, et demander en présence d’autres personnes à se confesser. Il est certain que si le confesseur a pu prévoir cette tactique, il doit la déjouer sous les peines les plus graves, déjà énumérées. S’il a été surpris, â raison de la publicité de la demande, il ne peut pas reculer sans provoquer des soupçons dans l'esprit des assistants et du public. Aussi, il se trouvera dans le cas exception­ nel de crainte de déshonneur; l’absolution qu’il don­ nera sera valide et licite. Toutefois, son premier devoir, dans le secret de la confession, sera de prévenir le pénitent, qu'il s'est rendu coupable de faute grave par sa supercherie, qu'il doit s’en repentir et demander pardon à Dieu. Ce cas peut se présenter quelquefois à 1 occasion d’une jeune personne, ou d'une femme ma­ riée que la honte pousse à ces extrémités. Il faut aussi avoir égard à ces redoutables situations. 3. Le prêtre étranger appelé ne peut refuser régulière­ ment, sous peine grave, de recevoir les confidences sa­ cramentelles d'une mourante. Mais, si ce confesseur se récusait, le complice doit essayer d'en procurer un autre à la personne intéressée à mettre sa conscience eu repos. Si pareille démarche n'était pas réalisable sans soulever des suspicions, il pourrait alors agir, comme si le prêtre étranger faisait défaut. Les cano­ nistes admettent couramment ce procédé, avec les théologiens de Salamanque. Si præsens sit (alius sa­ cerdos) et nolit absolvere idem est ac si non esset copia confessoris... si sacerdos vocatus accedere recusat ad audiendam confessionem personæ prædictæ, poterit sacerdos complex absolutionem illi impendere. Λ plus forte raison.· le confesseur peut absoudre son complice mourant, s'il se trouve en face d'un autre prêtre, qu’il sait pertinemment coupable de ce même péché avec lui. En droit strict, tous deux devraient se P28 récuser. Mais la faute inconnue du premier confesseur serait dévoilée, avec préjudice de son honneur et sans aucune utilité pour le mourant. Dans celte situation, le premier confesseur se trouve dans le cas de nécessité exceptionnelle prévue par le droit ecclésiastique. Les commentateurs admettent que le confesseur com­ plice peut agir de même, si le mourant se refuse à ouvrir sa conscience à un autre prêtre. Ils recomman­ dent à qui de droit d'agir fortement auprès du péni­ tent, pour le faire changer d'avis, en évoquant la gra­ vité de la situation. Néanmoins, si tous les efforts échouent, au lieu de laisser cette âme comparaître en cet état devant le tribunal de Dieu, le confesseur peut se croire autorisé à user de son ministère. 4. Une situation différente peut aussi se présenter pour la personne complice. C'est lorsque celle-ci, non plus à l’article de la mort, mais jouissant de sa santé, prévoit que de longtemps elle ne pourrait recourir à un prêtre étranger. Le cas est possible en pays de mis­ sion.Plusieurs solutions ont été présentées par les théo­ logiens. Les uns veulent qu’à raison des facilités de commu­ nications qui existent aujourd'hui entre les diverses parties du monde, on prenne le temps de recourir à Borne. Alors tout est sauvegardé. Si le recours est ou impossible ou doit être d'une durée trop considérable, on pourrait se réclamer de l'enseignement du P. Ballerini qui déclare que le confesseur peut absoudre une personne placée dans celte situation angoissante. GuryBallerini, De pænitenlia, n. 587, 3» édit., Rome, 1875. Jamais, dit-il dans une note, il n'a pu entrer dans l’intention de l’Église de priver des sacrements une personne, durant de longues années, l’exposant ainsi aux surprises de la mort qui à toute heure menace les humains. Or c'est ce qui arriverait si une personne devait, pendant plusieurs années, attendre le passage d'un prêtre étranger. Les souverains pontifes n'ont pas eu pour but de faire tourner au détriment des âmes des précautions destinées à sauvegarder la dignité et la sainteté des sacrements. Suivant l'enseignement com­ mun, le pénitent, empêché pendant si® mois d'etre re­ levé d’un cas réservé, peut être absous par un simple prêtre. Le saint-siège accorde l’autorisation d’absoudre d'un cas spécialement réservé, lorsque la durée des négociations avec Rome imposerait.au suppliant un délai pénible. — L’Église autorise les catholiques qui vivent parmi les schismatiques, à s'adresser aux prêtres de la région pour se faire absoudre de leurs péchés. A com­ bien plus forte raison, permettra-t-on à une âme, bourrelée de remords, désireuse de changer de con­ duite, de se faire relever par le prêtre en question, si elle est exposée à une attente douloureuse et indéfinie! Enfin, le précepte de la communion pascale oblige tous les fidèles. Pendant de longues années, malgré la pré­ sence du prêtre résident, cette personne devra-t-elle s’abstenir de remplir son devoir, au grand étonnement, au grand scandale de la population? Le précepte de ne pas se confesser au complice doit-il l'emporter dans l'espèce sur le précepte de faire les Pâques? Ne se trouve-t-on pas dans le caÿ du déshonneur qui peut rejaillir sur le ministre dit sacrement? D'autres commentateurs résolvent autrement la diffi­ culté. Lorsque, en dehors du péril de mort, il faut craindre le scandale ou l’infamie, le confesseur peut entendre l'aveu de sm complice; mais il lui déclarera formellement qu'il ne peut ni ne veut l’absoudre du péché commis en commun, qu'il lui donnera l'absolu­ tion des autres fautes, mais qu’il sera obligé de déclarer la faute de complicité au premier confesseur qu'il ren­ contrera. Ils appuient celle décision sur la réponse de la S. Pénitencerie du 16 mai 1877 : Priralionem juris­ dictionis absolvendi complicem in peccato turpi et adnexam excommunicationem, quatenus confessorius (>•29 COMPLICITÉ illum absolverit, esse in ordine ad ipsum peccatum turpe, in quo idem confessorius complex fuit. SanliLeitner, Praelectiones juris canonici, 1. V, 18-19. p. 226. 5. Les constitutions apostoliques n’autorisent pas le confesseur à absoudre le complice, si l'on peut trou­ ver un autre prêtre, et à moins qu’en l'appelant on ne risque de provoquer scandale ou infamie. a) La question du prêtre étranger qu’on doit appeler a déjà été éludiée sous divers aspects. Il reste à voir ce qu’il faudrait faire, si le prêtre, appelé pour suppléer le contesseur complice, était lui-méme interdit, suspens ou excommunié. Si la censure qui lie ce prêtre était secréte, ou du moins connue de peu de personnes, il faudrait recourir à son ministère. Car alors le motif du déshonneur qui pourrait frapper le confesseur com­ plice, n'existe pas. Le public ignore la situation de ce prêtre auquel les règles de l’Église obligent de faire appel. Au contraire, si la censure qui lie ce prêtre est notoire, il y aurait scandale, suspicion publique à écarter le confesseurordinaire, pour lui substituer celui que l'opinion considère comme incapable. Si les con­ stitutions pontificales veulent que le complice s'efface même devant un simple prêtre, c’est que ce dernier n’est pas approuvé, tandis que l'autre a été privé de son pouvoir. On ne pourrait donc pas faire valoir l'objeclion du texte de la loi, â raison de la différence des situations du simple prêtre et du prêtre interdit. b) Quant au motif de scandale ou d'infamie, il doit naître de ce que l’éloignement du confesseur serait attribué à un péché de complicité, le rendant incapable d’administrer le sacrement de pénitence au malade. Il faut que ce danger provienne du public. Ainsi, la crainte de se compromettre auprès d'un ecclésiastique plus jeune ne suffit pas à autoriser un confesseur à absoudre le complice. Ce jeune prêtre sera seul à connaître le fait; et de plus, il est lié par le secret sacramentel. D’ailleurs, pour éviter cet inconvénient, le pénitent n’aurait qu’à appeler lui-même le prêtre étranger, pen­ dant que le confesseur ordinaire s’éloigne sous prétexte d'un voyage urgent. La situation se compliquerait davantage si,par exem­ ple, le péché de complicité avait été commis avec la parente d’un confrère, dans une paroisse où les autres prêtres ne peuvent que très difficilement aborder. La personne en question pourrait à la rigueur s'adresser à son parent prêtre, mais que faire si le confesseur cou­ pable l'en dissuade absolument? Le motif de l'humilia­ tion à subir auprès d’un confrère ne saurait être invo­ qué par le confesseur complice, pour présumer qu'il a droit de hasarder une absolution. La prétendue émotion que causerait dans le public une confession insolite faite au prêtre parent, par sa parente, ne saurait comp­ ter. D'ailleurs, en choisissant une heure convenable, toute curiosité maligne sera déjouée. Avec la facilité des communications qui existent aujourd'hui, on ne sau­ rait guère invoquer l’impossibilité de s’adresser à un étranger, d’autant que la loi ecclésiastique impose la rigoureuse obligation de l'appeler. Le moyen de couper court à toutes ces difficultés serait de s’adresser au saint-siège, afin de se munir de la permission d'ab­ soudre le complice. Un autre cas particulier peut se présenter. Deux confesseurs concluent une entente criminelle pour ab­ soudre mutuellement leur complice; encourent-ils la censure présente? Si les personnes complices con­ naissent le pacte, il est hors de doute que les confes­ seurs sont atteints. En effet, les confidences de ce genre, au lieu d’être sacramentelles, sont coupables. Le pénitent et son directeur s’encouragent au mal, par la perspective d'uné facile rémission. Si le pacte odieux est ignoré des pénitentes, nonobstant le sacrilège com­ mis par les confesseurs, la censure n'a pas son appli­ cation, car l'excommunication atteint celui qui absout 630 son propre complice. Aussi ccs ecclésiastiques ne pour­ raient pas se délier mutuellement; mais ils évitent l’ex­ communication en donnant l'absolution aux autres complices. 6. La situation du confesseur absolvant le pénitent qui omet le péché de complicité a été définie plus haut. Que penser du confesseur qui absout son complice, à la suite d'une déclaration complète, parce qu’il suppose que ce complice n'a pas cru pécher en matière grave? L'obligation du confesseur d’éclairer sur ce point est très grave, d’après l’enseignement unanime des auteurs. Ne le faisant pas.ee prêtre manque à tous ses devoirs. Dès lor« que l'aveu du pénitent est formel, le confes­ seur reconnaîtra, mieux que le pénitent encore, quelle est la nature de ce péché. S'il y trouve la gravité de matière requise, l’adverl'ance suffisante et le consente­ ment, il ne peut donner l’absolution sous peine d’en­ courir l’excommunication. La seule opinion du péni­ tent ne suffit pas à former la conscience du confesseur. Si, après analyse exacte de tous les éléments du cas, le doute du confesseur persiste, alors il peut user de son droit, qu’une prohibition certaine peut seule lui enlever. 7. Le confesseur peut se trouver au tribunal sacré en présence d'un pénitent qu'il reconnaît certainement comme son complice; qu’il ne reconnaît que d'une manière douleuse; qu'il a absous sans réllexion; sans se douter qu'il a affaire à lui. a) S'il reconnaît son complice, il commencera, afin d’éviter tout embarras, par lui rappeler la nécessité de s'adresser à un autre confesseur. Si l’avis n'est pas bien reçu, il s'informera si le péché commis a été absous par un autre prêtre. Dans le cas d’une réponse affirmative, il pourra entendre la confession, en recom­ mandant au pénitent d’omettre le péché de complicité. Si le pénitent déclare ne s’être adressé à aucun autre prêtre, le confesseur examinera la nature de la laute commune; et si, d’après un examen sérieux des circon­ stances, il croit en conscience que la faute n’est pas grave, mais constitue une simple imprudence, il achèvera la confession à l’ordinaire. La persistance du doute ne permet pas en effet d’appliquer ici les mesures indi­ quées par les constitutions pontificales. Si le pénitent déclare qu’il a considéré les actes, les paroles, les fa­ miliarités comme gravement répréhensibles, le confes­ seur essaiera de se souvenir s’il y a eu consentement externe du pénitent; au besoin, il fortifiera ses conclu­ sions personnelles par des interrogations appropriées, car il ne suffit pas que les actes coupables aient été accomplis par un seul coupable, il faut qu’il y ait eu réciprocité. S’il n'y a eu aucune approbation ou com­ plaisance manifestées de la part du pénitent, il ne sau­ rait y avoir non plus complicité, et les prohibitions légales ne seront pas appliquées. S’il y a eu consente­ ment manifeste, le confesseur doit, sans hésiter, ren­ voyer le pénitent à un autre prêtre. b) Si le. confesseur conçoit des doutes sur la qualité du pénitent, ce qui pourrait se produire une veille de fête où le concours des fidèles est considérable autour des confessionnaux, il doit, d’urgence, résoudre ce doute. Si le doute cesse par la reconnaissance certaine du complice, le prêtre ne peut pas entendre ce pénitent. Si le doute persistait, il laudrait appliquer les principes exposés par les théologiens au sujet de la juridiction douleuse. Au temps pascal, si le pénitent ne s’est pas confessé depuis longtemps et s’il n'y avait pas d’autres prêtres pour entendre les pénitents, le confesseur pou-reit donner l’absolution, d’après le sentiment génér. l des auteurs. c) Si le confesseur a prononcé la formule d’abso­ lution sur son complice, sans l’avoir reconnu comme tel, sans avoir même soupçonné son identité, il est certain qu’il n'a pas encouru l'excommunication. Il ne G31 COMPLICITÉ — COMPRÉHENSIVE (SCIENCE) se trouve pas, en effet, dans les conditions de mauvaise foi requises pour être passible de la censure. Toutefois, les commentateurs se partagent, quand il s'agit de décider si pareille absolution est valide, quoique le pénitent fût de bonne foi et bien disposé. Si on doit s’en tenir à la lettre de la loi promulguée par Benoit XIV, const. Sacramentum pænitenliæ, il faut, avec nombre de théologiens, conclure à la nullité absolue de l'acte sacramentel. Sublata propterea illi, ipso jure, qua­ cumque auctoritate ad qualemcumque personam ab hujusmodi culpa absolvendam, adeo quidem ut absolu­ tio, si quam impertierit, nulla atque irrita omnino sit, tanquum impertita a sacerdote qui jurisdictione ac facultate ad valide absolvendum necessaria privatus existil, quam ei per pressentes has nostras adimere intendimus. La déclaration de nullité est radicale, l’in­ capacité du confesseur formellement dénoncée. Ce no­ nobstant, d'autres auteurs se prononcent pour la vali­ dité, à raison de la bonne foi des intéressés et du danger du salut des âmes, dans le cas contraire. Les uns, comme les docteurs de Salamanque, tiennent que le confesseur, dans ce cas, absout directement des fautes ordinaires, et indirectement de la prévarication commune. D’autres n'admettent l'incapacité légale que pour le cas de mau­ vaise foi, de témérité présomptueuse. Car, selon la constitution de Benoit XIV, il s’agit de sévir contre ceux qui abusent criminellement du sacrement : qui, dæmonis, potius quam Dei ministri... animas in pro­ fundum iniquitatis barathrum nefarie submergunt. Ces termes, pas plus que ces expressions du même do­ cument, qui secus facere ausus fuerit... qui excipere (complicis confessionem) audeat, ne peuvent convenir I celui qui absoudrait le complice par inadvertance. 8. Comme sanction des règles établies en la matière, un confesseur ordinaire, non muni de pouvoirs spé­ ciaux. ne peut absoudre le confesseur qui a violé ces interdictions rigoureuses. Naturellement, il ne s’agit pas de l'article de la mort, ou toute réserve cesse. Il n'est pas question non plus de cette situation spéciale du confesseur, en instance d’absolution auprès du saintsiège, et provisoirement relevé conformément à la dé­ cision citée précédemment. La difficulté d'application de cet interdit se présente, lorsqu'il s’agit d'un curé ou d'un vicaire que les nécessités du ministère appellent au confessionnal. Atteint par la censure pour absolution de complice, peut-il, à raison de cette urgence, de la crainte de scandale ou de diffamation, être relevé de l'excommunication encourue? Plusieurs commentateurs le nient, parce que, devant les défenses formelles du saint-siège, il doit s'exciter à la contrition parfaite, et se mettre ainsi en état d'exercer son ministère, en attendant de s’adresser à Home. Toutefois, d'après un sentiment que saint Alphonse de Liguori trouve plus probable, un simple prêtre peut alors l'absoudre indi­ rectement, à l'effet de conférer ou de recevoir les sacre­ ments. Theol. moralis, De eucharistia, 1. VI,n.265,q.nt. II s’agit en effet, ici encore, d’une nécessité très grave devant laquelle les règles générales fléchissent. Si, après s’étre excité à la contrition parfaite, l’excommunié peut, dans une circonstance exceptionnelle, recevoir la sainte eucharistie, pourquoi, en vertu du même prin­ cipe, ne pourra-t-il pas bénéficier de l'absolution sa­ cramentelle? H devra ensuite recourir au saint-siège, ou à l'ordinaire si ce dernier est muni d'induits spé­ ciaux. Sonti-Leitner, Prælectiones juris canonici, 3· édit., Batisbcnne, 18S9. 1. V, Appendix in I. V Decretalium : Ferraris, Prompta bibliotheca, ν· Complex peccati: Bucceroni. Com­ ment. in const. Sacramentum pænilentiæ ; S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, 1. V, Malines, t. vi ; Sabetti, Com­ pendium theologiæ moralis, 16'édit., Ratisbonne, 1902; Revue des sciences ecclesiastiques, t. LXtv; Nouvelle revue théolo­ gique, Tournay, t. 1, ni, x, xi, xm, xiv, xxu; Pennachi, Com­ G32 mentaria in constitutionem Apostolicæ sedis, appendix ιχ, t. i, p. 305; ou Acta sanctæ sedis, t. ix, x, appendix ix: Lelimkuhl, Theologia moralis, 5· édit., tr. Vit. De censuris, § 10. B. Doliiacaray. COMPRÉHENSIVE (Science). La science ou connaissance d’un objet donné est dite comprehensive par opposition à celle qui se trouve seulement appre­ hensive. Le mot s'applique à l'idée ou concept, comme à la science proprement dite. — I. Notion générale. II. Caractère spécifique. III. Espèces multiples selon les divers sujets. IV. Significations diverses. V. Différents sujets. I. Notion générale. — Quand par l'acte de science ou de connaissance, un sujet doué d’intelligence, tout en atteignant réellement son objet, ne l'embrasse pas cependant tout entier, il le saisit incomplètement, par­ tiellement; il l'appréhende sous certains rapports seule­ ment. Une telle science ou connaissance est purement appréhensive. La psychologie, qui observe l'homme en tant qu'âme spirituelle, la physiologie, qui l'étudie comme corps vivant, l’anatomie, qui expose sa structure, sont des sciences appréhensives, car aucune d'elles n’enveloppe l'homme tout entier. Elles sont telles encore, parce que ni l'une ni l'antre, si parfaite soit-elle, n'ar­ rive à embrasser tout entier même l'objet spécial de ses recherches. Au contraire, quand le sujet connaissant saisit l’objet dans tout son être et quand il épuise son intelligibilité, il l'enveloppe complètement et le comprend totalement. Une telle science on connaissance, â la différence de la précédente, est vraiment compréhensive, selon une image empruntée au monde matériel et sensible. Là, en effet, deux quantités étant données, si l une mesure ou embrasse l’autre selon toutes ses dimensions et dans toute son étendue, nous disons qu'elle l'enveloppe, la contient ou la comprend. II. Caractère spécifique. — C'est donc l'objet en­ tièrement connu qui donne à la science compréhensive son caractère spécifique. Sans doute, puisqu'il s’agit de connaissance, l'analyse peut distinguer deux éléments nécessaires. L'un est objectif : il faut que l'objet soit saisi dans toute son étendue intelligible; l'autre est subjectif : il faut que la faculté connaissante offre une vigueur, une intensité de pénétration proportionnée à cette intelligibilité objective. L'idée seule de compré­ hension emporte ces deux éléments. Mais ce serait abuser de la distinction que de proposer la science compréhensive ratione extensionis et la science com­ préhensive ratione intensionis. L’intensité proportion­ nelle de l'intelligence est bien la condition sine qua non de la compréhension, mais celle-ci se détermine et se mesure à l’objet seul, en tant qu’il est ou n'est pas embrassé de façon adéquate. Un objet se trouve compris, écrivaitsaint Augustin, quand rien delui n’échappe à la connaissance : 7 otum autem comprehenditur videndo, quod ita videtur ut nihil ejus lateat videntem. Epist., CX1.V, c. ix, P. L., t. xxxiii, coi. 606. Précisant sa pensée en ce sens, Suarez conclut de même : Si co­ gnitio habet eam perfectionem et claritatem quoi suf­ fic'd ad cognoscendum objectum ex parte ejus exacte et perfecte..., talis cognitio est vera comprehensio. In q. x, a. 4, disp. XXVI, sect, i, η. II. Cf. S. Thomas, Sum. theol·, III", q. x, a. 2; q. xn, a. 8; Cont. genl., 1. Ill, c. t.v, lvi. II suitde là que la nature ou le mode de la connais­ sance ne touche aucunement au caractère spécifique de la science compréhensive. Que la science soit d’intuition ou d'abstraction; qu’elle soit acquise ou infuse, divine, angélique ou humaine, elle est compréhensive, pourvu qu'elle saisisse intégralement son objet, bien qu’à sa manière. III. Espèces multiples selon les divers sujets. — 11 importe cependant de l'observer: il peut y avoir, il y 633 COMPRÉHENSIVE (SCIENCE) 634 a d'un même objet des sciences compréhensives très préhensive. C’est là, semble-t-il, tout ce que l'École distinctes, plus parfaites en elles-mêmes les unes que les entend, lorsqu’elle définit la compréhension avec autres, suivant la diversité et la perfection intrinsèque Suarez : De ratione comprehensionis est ut sit cogni­ des sujets connaissants. Par exemple, la science que tio tam clara et intensa quantum necesse est ad exacte Dieu a d’un ange, celle que cet ange a de lui-même, cognoscendas et penetrandas in objecto omnes habi­ sont toutes deux compréhensives. Entre l’une et l'autre, tudines el connexiones, quas ex natura sua habet el cependant, il y a distinction, non seulement spécifique, habere potest cum omnibus rebus a quibus ipsum pen­ mais transcendante, infinie. Dieu comprend parfaitement det, et quæ ab ipso pendere possunt. Loc. cit., n. 9. la nature angélique, mais à la lumière de son intelli­ 2° L’on peut s'élever toujours et requérir pour la gence infinie; l’ange aussi comprend sa nature, mais à compréhension que l’objet soit, de plus, saisi dans tous la lumière infiniment moins brillante de son esprit ses rapports avec l’ordre général de tous les mondes fini. Ces différences toutefois découlent, non de la com­ possibles, avec toutes les causes et tous les effets en préhension elle-même, mais uniquement des sujets contact possible avec lui dans ces mondes qui ne soul connaissants, dont les facultés scientifiques peuvent être pas et ne seront jamais. Mais pousser jusqu'à ce point et sont plus parfaites les unes que les autres, dans leur les exigences serait peut-être sortir de la question pré­ essence et leur clarté spécifique. C’est encore la pensée sente, je veux dire de l’intelligence d'un objet donné·, de Suarez, qui la fait ressortir dans un exemple bien pour entrer dans le domaine de la toute-puissance de approprié : Comprehensio ejusdem angeli inferioris Dieu et de son exemplarisme inépuisable. Pour la com­ perfectior est in supremo angelo quam in alio inter­ préhension d'un objet, il semble bien suffire qu’il soit medio, licet nullam rationem, modum, aut habitudi­ perçu tout entier, et dans le cadre ou il se trouve natu­ nem lerminumve ejus cognoscat unus, non vero alius, rellement placé·, avec la série déterminée des rapports in particulari et cum omni distinctione seu specifica­ qui en découlent. C’est bien là épuiser sa nature el son tione ex parte objecti. Dico tamen, quando cognitiones être intelligible. Le surplus appartient moins à l'objet attingunt hunc gradum perfectionis ex parte objecti, qu’à la puissance infinie de Dieu. illum alium modum in quo est excessus, non fundari 3" Le fait de la révélation et l'institution de l’ordre in objecto, neque ut terminante, neque ut efficiente surnaturel nous ont appris que l’intelligibilité· d’un vel quasi efficiente cognitionem, sed fundari in sola objet peut grandir encore, et franchir les limites de la perfectione cognoscentis, el ideo diversitatem illam nature. Cet objet peut, s’il plait à Dieu, revêtir des per­ nihil ad comprehensionem referre. Loc. cit., n. '15. fections d’ordre préternaturel ou même surnaturel, et, Cf. n. 12. par ce fait divin, acquérir une intelligibilité nouvelle et IV. Significations diverses. — Par la science com­ proportionnée à son élévation. Ces données divinement préhensive, l’objet se trouve perçu dans toute son intel­ surajoutées rentrent-elles dans le domaine de la science ligibilité. Mais cette intelligibilité même peut diverse­ compréhensive? ment s’entendre, et prêter ainsi fondement à des signi­ Il est à remarquer que ces perfections d’ordre supé­ fications très différentes de la compréhension ou science rieur, si elles supposent dans le sujet appelé à les re­ compréhensive. cevoir une puissance passive et obédientielle, ne décou­ 1° L’on peut restreindre cette intelligibilité à l’objet lent cependant pas de sa propre nature et de ses forces, tel ou’il existe absolument, en lui-même, avec sa nature mais de la seule puissance de Dieu. Par suite, l’on peut et ses éléments constitutifs, avec les propriétés ou conclure, ici comme précédemment, que l’intelligibi­ attributs qui en dérivent, c’est-à-dire ses puissances lité de ces perfections regarde moins l’objet que la actives et passives. Cette extension restreinte de l’in­ puissance divine. La science compréhensive, simple­ telligibilité ne saurait suffire à la science compréhen­ ment et proprement dite, semble bien devoir être limi­ sive. L’objet ainsi pénétré n’est pas compris dans toute tée à la nature de l’objet donné avec toutes les consé­ son étendue intelligible, laquelle se prolonge bien au quences réelles ou possibles qu’elle emporte dans le delà de son être concret. monde présent. C’est aussi le sentiment de Suarez : De vrai, cet objet se trouve intelligible de façon Salis est enim exhaurire naturam ejus (creaturæ). Nam beaucoup plus vaste. Il peut et doit être connu, non cognoscere quæ per potentiam obedientialeni fieri in seulement en lui-même, mais aussi dans tous les ea possunt, magis est cognoscere Dei omnipotentiam rapports naturels et réels qui le complètent dans son quam creaturam ipsam perfectius cognoscere, praeser­ individualité propre. Ainsi est-il intelligible dans ses tim quoad ea quæ naturalia ei sunt. Loc. cit., n. 10. rapports réels à l’ordre général de l’univers, dans ses V Différents svjets. — 1» Sous tous rapports, Dieu rapports réels passés, présents ou futurs avec les causes a la science compréhensive de son être absolu et infini, multiples qui ont agi, agissent et agiront certainement et aussi de tous les êtres participés et finis qui sont sur lui d’une manière quelconque, et aussi avec tous les sortis ou peuvent sortir de sa puissance. Dans l’éter­ effets divers qui ont suivi, suivent et suivront, immé­ nelle et ineffable vision qui est lui-même, il se pénètre diatement ou médiatement, l’exercice de son activité. et s’étreint tout entier jusqu’à l’infini de sa nature et On ne peut méconnaître que la science de toutes ces de ses personnes. Par sa triple science, science de relations importe à la pénétration d’un objet dans la simple intelligence, science de vision,science moyenne, mesure même où celles-ci constituent un élément de il atteint, enveloppe, épuise tous les êtres, dans les pro­ son existence concrete et un temps de son histoire. Et fondeurs de leur nature comme dans toute l'étendue de dans ces conditions, la connaissance d'un objet donné leurs relations, dans leurs causes comme dans leurs serait déjà largement compréhensive. elfets, dans leurs principes comme dans leurs consé­ Elle peut l’être davantage encore, si elle enveloppe quences si éloignées qu’elles soient, dans l’ordre r- el les rapports simplement possibles, qui n'ont été et ne comme dans tous les ordres possibles, dans le monde seront jamais existants, soit avec l’ordre général du de la simple nature comme dans tous ceux de la na­ monde réel, soit avec les causes el les effets en contact ture élevée aux perfections préternaturelles ou surna­ possible avec cet objet dans le même monde. Il faut turelles. Lien avouer que la science de ces relations simplement Cette science compréhensive et absolue de la divinité possibles avec le monde réel importe à la connaissance et de tout ce qui en peut procéder ou procède au dehors, de l’objet, dans la mesure même ou elle révèle l’inten­ est commune aux trois personnes de la Trinité sainte. Mais la théologie doit l’approprier au Verbe, qui. pro­ sité ou l'extension de ses puissances actives et passives. Λ ce degré, et au point de vue de l’être naturel, la com­ cédant par voie d’intelligence, est l’image et l’expres­ sion adéquate et personnelle de la personne et île la préhension serait totale, la science adéquate el com­ 035 COMPREHENSIVE (SCIENCE) — CONCILES nature du Père. C’est d’ailleurs pour la même raison que nous attribuons au Verbe toutes les idées divines et tous les fiat divins. 2° Les anges, l’àme séparée, étant de purs esprits, se trouvent, selon le langage de l’École, intelligibles en acte : ils saisissent donc, chacun, sa nature tout entière, par intuition ou perception directe. A cet égard, leur science est compréhensive. Va-t-elle jusqu'à la connais­ sante totale et actuelle de tous les rapports qui dérivent de la nature? La chose, pour complexe qu'elle paraisse, peut ii'être pas impossible en soi. Car l’objet ainsi en­ tendu demeure bien fini. En fait, les éléments de déter­ mination nous font défaut. Les anges supérieurs ont aussi, par leurs idées infuses, la compréhension des anges inférieurs. Elle s’arrête toutefois aux secreta cor­ dis, dont Dieu seul est l’inévitable témoin. Enfin, les anges comprennent ou peuvent comprendre les natures inférieures, car ils en ont, avec leur nature même, des concepts infus, propres ou suréminents. 3” Ce qui concerne l’ordre surnaturel,de soi, échappe au regard de l’intelligence créée, quelle qu'elle soit. Pour entrer dans ce domaine, il faut que les facultés naturelles soient élevées à de nouvelles perfections par I?. puissance divine. Dés qu’elles sont pourvues de ces pouvoirs nouveaux et tout gratuits,jusqu’où s'étend leur champ d’acteu? 11 ne semble pas impossible qu’une intelligence ainsi élevée puisse pénétrer à fond et sans réserve une créature posée dans l’ordre surnaturel, car alors même cette créature, malgré ses privilèges émi­ nents, ne demeure pas moins finie et, par suite, pro­ portionnée à l'activité intellectuelle d'une autre créature Unie, mais élevée aussi. Les théologiens traitent la ques­ tion dans toute son ampleur à propos de la connaissance des anges. Voir t. I, col. 1232-1235. 4» Pour l'homme, à rester dans l'ordre naturel, l’on peut rappeler avec raison ce mot très juste, qu’il ne connaît le tout de rien. En ellèt, il ne saisit aucun objet en lui-méme, dans toute son intégrité et dans tous ses éléments essentiels. Moins encore il les embrasse dans toute la multiplicité de leurs rapports. A elle seule, cette constatation devrait suffire à rendre la science humaine toujours modeste, si profonde ou étendue qu'elle puisse se dire sur un objet donné; Pour ce qui regarde l’ordre surnaturel, les théolo­ giens admettent que les bienheureux peuvent arriver à la vision compréhensive, en Dieu, de certains objets. Mais si grandi que soit l'homme glorifié, il n'a pas et ne saurait avoir la vision compréhensive de Dieu lui-méme. Sans doute, la théologie lui a donné le nom de com­ prehenso/·, parce qu'il a enfin atteint le Dieu fidèlement poursuivi, non parce qu'il le saisirait adéquatement, par ses facultés toujours finies malgré leur bienheureuse élévation. Il vôit certes l’Èlre infini face à face, et comme il est infiniment simple, l'on peut dire en ce sens qu’il le perçoit entier, totum, comme disent les théologiens, mais l’on ne saurait dire qu'il le perçoit adéquatement, totaliter, parce qu’il ne le voit pas infi­ niment. Le défaut de compréhension vient ici, non de l'objet qui se communique directement et tout entier, mais du sujet qui est incapable de le comprendre jamais. Voir Abstraite (Connaissance). 1.t, col.280-282 : Dieu, son in­ comprehensibility; Intuiti ve( Vision); Jésus-Christ, sa science; les logiciens, quand iis traitent de la division des concepts, de l'idée appréhensive ou compréhensive. Liberatore, Institutiones philosophiae, Logica, c. t. a. 3, n. 11, Prato, 1881. t. 1, p. 24; T. Pesch. Institutiones logicales, I. 11, c. t, sect. ι,η. 2, Fri­ bourg-en-tirisgau, 1888, p. 2i8; les théologiens, quand ils expo­ sent t’incompréhensibitité de Dieu, la science du Christ, la con­ naissance angélique, la vision béatiüque et leur extension. H. QUILI.IET. CONCEPTION IMMACULÉE DE MARIE. Voir Immaculée Conception. 636 CONCILES. — I. Acceptions diverses et nolion propre du nom. II. Origine historique des conciles. Ill. Division. IV. Conciles œcuméniques, leur définition. V. Leur composition. VI. Leur convocation. VII. Leur présidence. VIII. Leur confirmation. IX. Leur autorité. X. Valeur doctrinale des canons et des chapitres. XI. Unanimité morale. XII. Nécessité des conciles œcu­ méniques. XIII. Série chronologique des conciles œcu­ méniques. I. Acceptions diverses et notion propre du nom. — Les anciens auteurs ecclésiastiques, canonistes et histo­ riens, emploient, à peu prés indifféremment, les deux mots concilium et synodus pour désigner toute réunion ou assemblée délibérante. Synodus se rencontre déjà dans Pline, I. XXXV, c. ix, sect, xxxv, avec la même signi­ fication. Parfois, c’est le lieu ordinaire de ces réunions qui est appelé soit synodus soit concilium ; puis, par une extension assez, naturelle, les églises, les temples, où les lidèles s’assemblent pour l’exercice du culte pu­ blic, sont aussi nommés concilia. Ainsi s’explique celle disposition de Constantin le Grand, loi 4 du Code théodosien, I. XVI. tit. n, De episcopis et clericis : Habeat unusquisque licentiam sanctissimo catkolicæ venerabilique concilio, decedens, bonorum quod, optavit relin­ quere. Saint Jérôme, dans une lettre à Heliodore, n. 12, P. L., t. xxii, col. 597, loue Népolien de ce que basilicas Ecclesiæ et. martyrum conciliabula diversis /laribus et arborum comis, viliumque pampinis adumbravit. Nul doute, d’après le contexte et d'après la comparaison avec les textes similaires, que, dans ce passage, les martyrum conciliabula ne soient des sanctuaires élevés sur les tombeaux des martyrs. Saint Gaudence, prêchant pour la dédicace d'une église, appelle celte église concilium sanctorum. Le Liber pontificalis, edit. Duchesne, t. i, p. 212, loue le pape Damase d'avoir composé des vers pour en orner les sanctorum concilia. Les Gesta S. Stephani papæ disent de Némésius : Circuibat cryptas et concilia martyrum. Enfin, nous lisons dans le Marty­ rologe d'Usuard, au 23 juin, que le corps du prêtre et martyr Jean fut recueilli par un autre prêtre nommé Concordius et qu'il fut enseveli par lui juœta concilia martyrum. Cf. Ducange, Glossarium, v» Con­ cilium. Dans la suite, l'usage a prévalu d’appliquer la dési­ gnation de conciles ou synodes non plus à des lieux, non plus meme à des assemblées délibérantes quelconques, mais à des assemblées où interviennent les évêques et ou se traitent des affaires religieuses. Des conciles ainsi entendus les uns s’appelaient jadis royaux, et les autres ecclésiastiques. Les premiers étaient des réunions mixtes, concilia mixta, auxquelles prenaient part, outre les évéqu -, des comtes, des ducs et d'autres princes sécu­ liers, et dans lesquelles tous édictaient, d’un commun accord, des mesures d'ordre tant civil que religieux. On en rencontre en Espagne à partir du milieu du vu» siè­ cle. Thomassin, De vet. et nov. Eccl. disciplina, part. II, 1. Ill, c. xxxvi, constate que les conciles mixtes furent fréquents à Constantinople; mais, selon la remarque de Baluze, Capitularia regum Francorum, t. Il, col. 1028, ils furent encore plus fréquents en France, ou les rois très chrétiens avaient l'habitude de ne prendre aucune décision grave sans le conseil des évêques et des grands du royaume, ainsi que l'atteste cette formule, très usuelle dans leurs diplômes : Nos una cum apostolicis viris patribus nostris episcopis, optimatibus, cæterisquc palatii nostri ministris, etc. Mais les conciles proprement dits, ceux auxquels le langage moderne a restreint ce nom, sont les conciles ecclésiastiques, composés, ainsi que l’épithète l'indique, exclusivement des prélats de l’Église et ayant pour but propre de légiférer uniquement dans le domaine reli­ gieux. C’est aux conciles ecclésiastiques que le présent article est consacré. Cf. Benoit XIV, De synodo diœce C37 CONCILES 638 xv· siècle et au commencement du xvi·. Quelques con­ cana, l.I,c.i; Devoti, Institutiones canonic,·r,Prolegom., ciles cependant, celui d'Auxerre, en 585, c. 7, celui c. III. II. Origine historique des conciles. — Notre-Sei­ d’Iluesca, en 598, c. 1, celui de Tolède, en 693, c. vn, n'ordonnaient d'assembler le synode qu’au moins une gneur avait promis, Matlh., xvm, 20, que là ou deux ou trois des siens seraient réunis en son nom, lui-même fois par an. Le concile de Trente s'est rallié à celte dis­ se trû.'.vtrait au milieu d'eux. Le souvenir de celle pa­ cipline, et il en a fait une loi universelle, en décrétant, role semble avoir, dés les premiers jours du christia­ sess. XXIV, c. it, De reform. : Synodi quoque diotcenisme, inllué sur la manière de régler les affaires d’une sanœ quotannis celebrentur. Mais la coutume a génégravité exceptionnelle : c'est devant l’assemblée de ses ralemeut prévalu contre ce décret conciliaire, et périmé l'obligation de réunir chaque année le synode diocésain. frères que Pierre propose et dirige. Act., I, la désigna­ tion d’un remplaçant au traître Judas; ce sont « les Voir col. 37. Le devoir et l'honneur de convoquer le synode appar­ douze » qui, d’un commun accord, demandent à la com­ munauté des fidèles, ibid., vi. l’élection des sept diacres; tiennent à l’évêque, même non encore consacré, ou au vicaire capitulaire, ou au vicaire général, mais à celuimais il importe surtout de noter, ibid., xv. la réunion de Jérusalem, provoquée expressément en vue de tran­ ci seulement quand il a reçu mandat spécial de l’évéque. cher un débat aussi irritant que dangereux, et le tran­ En droit commun, doivent être convoqués et sont tenus chant en effet par un décret d'une portée décisive pour de se rendre au synode : 1· le- abbés séculiers et régu­ liers, ainsi ont les autres supérieurs de monastères, l’avenir de l’Église. La série des conciles était ainsi ou­ lorsqu’ils ne ..-ni pas sous la dépendance d’un chapitre verte par les apôtres mêmes. D’ailleurs, étant donnée la général; 2“ les curés el aussi tous · eux, séculiers ou constitution sociale de l’Église, le cours naturel des choses et la droite raison indiquaient, pour bien des réguliers, qui ont charge d'âmes; 3’ les chanoines de cas, l’opportunité, sinon la nécessité, de délibérations l'église cathédrale; 4» telles autres catégories de prêtres ou de clercs que l’évéque voudra y appeler. Les ordi­ et de résolutions communes. 11 semble donc parfaite­ ment superflu de recourir ici, avec Hatch, à l’exemple naires sont quelquefois autorisés, par induit pontifical, des concilia civilia des Domains; rien ne prouve qu’il y à restreindre le nombre des convocations. ait eu influence de ce côté pour l'introduction des con­ Sur les objets à agiter dans les synodes et sur les ciles ecclésiasliques. Cf. Wernz, Jus Decretalium, t. n, règles à observer dans leur célébration, on pourra con­ lit. xi., p. 10G3. sulter les canonistes, mais tout particulièrement le cé­ Après les apôtres, les premiers conciles dont l’histoire lèbre ouvrage de Benoît XIV, De synodo diœcesaiia. fasse nettement mention datent du n· siècle; ils se tin­ Remarquons toutefois que le synode diocésain se dis­ rent en Orient et eurent pour objet les erreurs du mon­ tingue de tous les autres conciles par celte circonstance, tanisme el la controverse pascale. Au siècle suivant, que l’évéque est le seul qui y représente la juridiction Firmilien, évêque de Césarée de Cappadoce, atteste que, du for externe, le seul, par conséquent, qui y ait voix dans son pays, des conciles se réunissent tous les ans. délibérative el y exerce le pouvoir législatif. Il y a d’ail­ Même en pleine période des persécutions, nous relevons, leurs des actes que l’évêque ne peut régulièrement aca Carthage, vers 220, à Synnada et à Iconium, vers 230, complirqu'en présence ou avec la coopération du synode. â Antioche, de 264 à 269, des conciles où se rencontrent Dans les pays ou s'est maintenu le salutaire usage de des évêques de plusieurs provinces. Dés que la paix eut conférer les paroisses au concours, c'est au synode que f t ■ donnée à l’Église, au début du ive siècle, les assem­ l'ordinaire propose les candidats qu’il a choisis comme blées conciliaires se multiplièrent en Occident et en examinateurs synodaux, c'est-à-dire comme juges du­ Orient, spécialement pour aviser aux moyens de relever dit concours, et c’est le synode qui les approuve. Selon les ruines accumulées. A celte époque appartiennent les prescriptions du concile de Trente, c’est aussi en 1· s conciles d'Elvire, entre 300 et 306, d’Arles et d'Ansynode diocésain ou en concile provincial que doit se cyre, en 314, d’Alexandrie, en 320, de Néocésarée, vers faire la désignation des juges synodaux, au nombre de la même date. Ils préparèrent la voie au I·· concile œcu­ quatre au moins, auxquels le saint-siège pourra déléguer, ménique, dont l’arianisme allait bientôt amener la con­ dans le diocèse, l'examen de certaines causes. De plus, vocation. Les Pères de Nicée, can. 4, 5, parlent des suivant la doctrine de Benoit XIV, op. cit., I. λ7, c. tv, conciles provinciaux comme d’une institution passée en le vœu de l'Eglise est que les statuts et les cas réservés coutume, et ils prennent soin d’en fixer pour l’avenir ne soient promulgués qu’en synode, parce qu'ainsi la tes dates périodiques (deux fois par an) et de déterminer stabilité et l’efficacité de ces décisions épiscopales sont tes objets qui devront y être traités. De lait, ces conciles mieux assurées en droit comme en fait. Pour porter des ne s’occupaient pas seulement de questions de foi, mais, statuts dans ces conditions, l'évêque devra demander par des règlements disciplinaires et des sentences judi­ l'avis de son chapitre, sans être cependant tenu de le ciaires, pénales ou autres, ils exerçaient une sorte de suivre. Les décrets d'un synode diocésain ne peuvent, haute direction sur les différents diocèses. Cf. Benoit XIV, naturellement, ni rien contenir qui aille à l'encontre du op. cil., L 1, c. vi ; Funk, Hist, de l'Eglise, trad. Dem­ droit commun, ni même prétendre trancher des ques­ mer, t. I, p. 89. tions générales objectivement douteuses et librement III. Division des conciles. — On distingue les con­ discutées. Leur promulgation n’est pas subordonné··, ciles en particuliers et universels ou œcuméniques. Les comme celle des constitutions d'un concile provincial, premiers se subdivisent en diocésains, provinciaux et à une approbation romaine préalable. Que si, dans un nationaux, auxquels on peut ajouter les conciles plé­ cas particulier, semblable approbation leur était octroyée, niers, les conciles généraux de l'Orient, les conciles elle ne changerait de soi absolument rien â leur valeur g. nrraux de l’Occident, et enfin des conciles qui ne juridique et elle ne remédierait point aux vices dont ils rentrent dans aucun cadre strictement défini. pourraient être entachés. t Conciles diocésains. — Le concile diocésain, com­ 2° Conciles provinciaux. — Un concile provincial est munément appelé aujourd'hui synode diocésain, est la l'assemblée délibérante, régulièrement convoquée et - union officielle du clergé d’un diocèse pour délibérer régulièrement tenue, sous la présidence du métropoli­ sur les ailaires de ce meme diocèse sous l’autorité et la tain, des évêques d'une province ecclésiastique. On a vu présidence de l’évêque. C’était la règle autrefois que les plus haut que l'origine des conciles provinciaux est décrets des conciles provinciaux fussent promulgués antérieure au concile de Nicée et que celui-ci. dans son dans des synodes, et ceux-ci, comme ceux-là, avaient i 5· canon, en avait prescrit la réunion deux fois par an. lien deux fois par an. Benoit XIV, De syn. ditec., 1. I. La même prescription fut renouvelée par le concile de c. vi, § 2, relève des traces de cet ancien usage jusqu’au 1 Cbalcédoine, c. 17, et, au témoignage de Benoit XIV 639 CONCILES 6ίΟ op. cit., 1.1, c. vi, η. 1, elle était encore suivie au vin· siè­ I stances montrent clairement que l’universalité dont il s'agit s’entend uniquement par rapport à l’Espagne. cle dans la plupart des provinces. Cependant plusieurs 4» Conciles généraux. — La double appellation com­ conciles particuliers du Vl« siècle, comme celui d'Orléans plexe de concile général de l'Orienl et de concile général en 533, c. n, demandent simplement que les pasteurs de l’Occidenl se comprend d'elle-mème. Parmi les con­ d une même province s’assemblent au moins une lois ciles généraux de l’Orient, on peut noter le Ier et le 11· chaque année; et Innocent Ill, au IV' concile œcumé­ de Constantinople, qui ont pris rang depuis, comme II· nique de Latran, étendit cetle pratique à toute l’Eglise. et V', dans la série des conciles œcuméniques, mais qui Suivant la discipline actuelle, sanctionnée par le concile n’étaient œcuméniques ni au point de vue de la convo­ de Trente, sess. XXIV, c. n, De reform., les conciles cation ni au point de vue de la célébration. Le concile provinciaux ne sont plus obligatoires que tous les trois in Trullo(en 692) est un autre concile général de l’Orient. ans. Cf. Wernz, loc. cil., p. 1063, 1004; Funk, op. cil., L'Occident a eu aussi ses conciles généraux: par exemple, t. i, p. 274, 275. En fait, leur tenue régulière n’a lieu à Arles en 314, au Latran en 649, à Rome en 680. Cf. dans aucune province, et les synodes provinciaux sont Wernz, loc. cit., p. 1061. très rares. Quelques auteurs qualifient absolument de généraux Doivent y être convoqués et s’y rendre : 1° tous les des conciles qui, exceptionnellement remarquables par évêques, même non encore consacrés, de la province; 2» les administrateurs apostoliques; 3° les coadjuteurs le nombre des membres qui y représentaient les diverses parties de l’Eglise, ont cependant manqué d une condi­ chargés de la pleine administration d'un diocèse; 4» les tion nécessaire à fœcuménicité : tels les conciles de évêques exempts, mais rattachés (adscriptijà la province ; 5“ tous les abbés et autres prélats réguliers détenteurs Sardique en 347, de Pise en 1409, de Bâle en 1431-1443, de la juridiction quasi-épiscopale; 6° entin, les vicaires et, en partie du moins, celui de Constance, en 1414-1418. capitulaires. Le rôle naturel et utile d’un concile pro­ 5» Autres conciles particuliers. — L’histoire fait men­ vincial est, en respectant les prescriptions du droit com­ tion d'assemblées conciliaires qui étaient plus que pro­ mun, d’aviser aux mesures les plus propres à en pro­ vinciales et moins que nationales. On les désigne souvent mouvoir l'application et à en assurer et développer les sous le titre de conciles pléniers. Tels furent, au iv et effets dans la province. Ses actes et décrets sont envoyés au Ve siècle, plusieurs conciles de l'Afrique occidentale. à Rome et soumis soit à la S. C. du Concile, soit à la Saint Augustin, Epist., ccxv. ad Valent., P. L., t. xxxm, S. C. de la Propagande, s’il s’agit d'une province ecclé­ col. 972, applique cette épithète au 11' concile africain siastique qui dépende de celle-ci. La S. C. les examine qui eut lieu en 418 sous le pontifical de Zozime. Comme el. au besoin, les corrige avant leur promulgation. Cette les conciles nationaux, ceux-ci sont parfois dits univer­ revision toutefois ne leur confère aucune autorité nou­ sels dans un sens restreint et relatif; ainsi faut-il com­ velle, à moins qu’elle ne soit suivie d’une approbation prendre ces mo1' du U' concile de Carthage, qui ne in forma specifica. Les corrections ou additions ainsi visent que les réunions annuelles des évêques d'Afrique : introduites, et surtout la publication d'un texte amendé Sin autem nec ad concilium universale anniversarium ou augmenté sous le nom et comme œuvre du concile occurrere voluerit. provincial, ont donné lieu, pendant le concile du Vatican, Moins bien définis encore quant à leur composition à quelques réclamations épiscopales; et il n’est peutsont des conciles que Benoit XIV, op. cil., 1. I, c. i, être pas téméraire de conjecturer qu’un changement appelle mixtes, mais dans une acception spéciale, diffé­ dans la pratique romaine pourrait intervenir sur ce rente de celle qui a été indiquée ci-dessus. Il qualifie point. ainsi des assemblées ecclésiastiques comprenant, outre Une fois promulgués, les décrets obligent toute la le clergé d'un diocèse particulier, un ou plusieurs évêques province, y compris le métropolitain, et ils ne peuvent étrangers. Elles peuvent être une sorte d'alliage du sy­ être abrogés ou modifiés que par un nouveau concile pro­ node diocésain el du concile soit provincial, soit national, vincial ou par le souverain pontife. L’opinion la plus elles peuvent aussi renfermer des membres de diverses suivie en théologie admet pourtant que, sauf clause nations A cette catégorie l'auteur du De synodo dia-eeprohibitive spéciale et hors le cas d’approbation informa sana rattache plusieurs conciles romains, auxquels pri­ specifica, chaque évêque a le pouvoir de dispenser dans rent part, avec le clergé de Rome, des évêques et d’au­ son diocèse. tres ecclésiastiques du dehors. Tel le concile de 251, qui 3" Conciles nationaux. — Les conciles nationaux sont eut à statuer sur la réadmission des schismatiques re­ relativement rares â l'époque moderne. Ils le furent pentants : Maxime, Urbain et Sidoine. C’est à ce propos moins jadis. Nulle disposition générale du droit n'en que le pape Corneille écrivait à saint Cyprien, P. L., exige la périodicité. Un concile national est la réunion t. m, col. 742 : Omni igitur actu ad me perlato, placuit légitime de tous les évêques d'un pays ou d'un royaume, contrahi presbyterium. Adfuerunt etiam episcopi quin­ pour délibérer et statuer sur ses intérêts religieux; il que, qui et hodie prxsenles fuerunt, ut firmato consi­ s'étend généralement à plusieurs provinces, et il peut lio, quid circa personam eorum observari deberet, con­ de fait être en même temps concile primatial ou pa­ sensu omnium statueretur. Tel encore le concile que triarcal. Aujourd’hui, il n’a d’autorité juridique et col­ le pape Agathon réunit dans la basilique constantinienne, lective sur ,..i ensemble de provinces que par délégation pour arranger les affaires de l’Église britannique, et du papi t la présidence en est réservée à un repré­ auquel assistaient seize évêques et tout le clergé de sentant du Saint-Siège.On ne doit pas le confondre avec Rome. Hardouin. t. m, col. 498, en mentionne un autre les comices généraux du clergé, que le souverain tem­ sous Grégoire le Grand, auquel souscrivirent trente-deux porel pourrait provoquer de sa propre autorité. Rien ne prêtres de l’Église romaine et vingt-deux évêques. Thod -fend la réunion de ces comices; mais sans l’inter­ massin, op. cit., part. II, 1. III, c. xliii, remarque qu â vention du souverain pontife, ils ne sauraient avoir le Constantinople les évêques plus ou moins nombreux, caractère de conciles ni par conséquent porter des lois qui y venaient et y séjournaient quelque temps, for­ ou règlements ecclésiastiques obligatoires pour tout le maient, sous la présidence du patriarche, une sorte de pays. concile perpétuel devant lequel on portait les questions Dans les anciens textes, le concile national est parfois les plus graves concernant les Eglises orientales. Le con­ désigné comme universel, ce qui ne peut évidemment cours de ces évêques, d’abord subordonné au hasard des se prendre dans le sens plein et absolu du mot. Le rencontres, fut plus tard réglementé, en ce sens qu’il y 111'concile de Tolède, d'après certains manuscrits, aurait en avait toujours quelques-uns de désignés pour résider parlé de lui-méme en ces termes : Præcipit hæc sancta temporairement dans la capitale et y remplir le rôle de cl universalis synodus; mais le contexte et les circonconseillers du siège patriarcal. Ils constituaient autour CONCILES 641 de celui-ci le σύνοδος ένδημούσκ. C’est dans un σύνοδος ένδημούσχ que l’archevêque Nectaire trancha le débat entre Agapius et Gabadius au sujet de l’épiscopat de Bostra en Arabie; que saint Jean Chrysostoine déposa Gêrontius, évêque de Nicomédie de Bythinie, et qu’il examina les plaintes et accusatiuns formulées par plu­ sieurs collègues contre Antoine, évêque d'Ephèse. Ces assemblées se composaient d’évêques à l’exclusion des laïques, ainsi qu’il résulte du tableau détaillé qu’en trace Palladius, Dialog, rie vita Chrysos., c. xm. xtv, P. G., t. xi.vn, col. 47 sq.; en outre, elles ne s’occu­ paient que de choses ressortissant au for ecclésiastique; elles étaient donc des conciles au sens propre du nom, et l’on aurait tort de les confondre avec les conciles royaux ou mixtes au sens premier, dont il a été parlé plus haut. Cf. Benoit XIV, I. I, c. i, n. 3; Funk, op. cit., t. i, p. 275; J. Pargoire, L’Église byzantine de 527 à 847, Paris, J905, p. 55. IV. Concii.es œcuméniques, notion. — Un concile œcuménique ou universel est l’assemblée solennelle des évêques de tout l’univers, réunis à l’appel et sous l'au­ torité et la présidence du pontife romain pour délibérer et légiférer en commun sur les choses qui intéressent la chrétienté entière. On l’appelle aussi parfois général ou plénier; mais les deux premiers qualificatifs sont préférables, comme plus clairs et d’une application plus exclusive. Et il n’y a pas lieu de distinguer ici entre œcuménicilé et universalité. Quelques-uns l’ont essayé : insistant plus que de raison sur le sens étymologique du premier mot, ils voudraient réserver le nom d’œcuméni­ ques et l’appliquer toujours aux conciles auxquels toutes les provinces ecclésiastiques participent effectivement, et cela abstraction faite de la présence et de la coopéra­ tion du pape. C’est sacrifier l’élément formel du concile œcuménique à son côté extérieur et matériel, c’est ou­ blier la puissance souveraine dont il doit être investi, pour ne penser qu’au nombre et à la variété de ses membres. 11 est vrai que, pour être œcuménique sans restriction aucune, il doit l'être à la fois par sa convo­ cation, sa célébration et la plénitude du pouvoir; mais en tout cas, selon l’appréciation et la terminologie tra­ ditionnelles, un concile n’est œcuménique, comme il n’est universel, que s’il est la représentation juridique, l’organe autorisé de toute l’Eglise; or, il ne saurait être tel qu’avec le pape, puisque sans lui il ne sera jamais qu’un corps acéphale; et par contre, l’intervention du chef suprême suffira souvent pour suppléer ce qui pour­ rait manquer d’ailleurs à l’œcuménicité, parce qu’elle garantira l’autorité absolue el universelle des décisions, île là vient que certains conciles sont considérés comme œcuméniques pour une partie seulement de leurs dé- I crets, le concours ou l’approbation du saint-siège ayant manqué pour le reste. Nous avons un exemple célèbre dans le concile de Chalcédoine, dont le 28« canon est resté caduc, parce qu’il fut voté contre le gré des légats de saint Léon et que celui-ci refusa de le ratifier. Et parmi ceux que tout le monde, théologiens et canonistes, s’accorde à regarder comme œcuméniques, il en est deux, le 11e et le Ve de la série, qui ne l’étaient point en eux-mêmes, du fait de leur convocation et de leur célé­ bration, et qui ne le sont done devenus que grâce à la ratification subséquente et supplétive du pape : au I r concile de Constantinople il n’y eut d’invités et de présents que les évêques orientaux; quant au II’, le pontife romain, bien que prié de s’y trouver, prêtera s'abstenir complètement. Mais postérieurement Rome se I rallia à la formule du symbole complétée contre les I pneumatomaques en 381, et à la condamnation des Trois-Chapitres prononcée en 553. Depuis lors ces dé­ cisions conciliaires ont été tenues et sont en réalité dé­ cisions de l’Église universelle; les conciles dont elles émanent primitivement sont, de ce chef et dans ce sens, mis au rang des conciles œcuméniques. Encore faut-il DICI. DE THÉOL. CAT1I0L. 642 observer que l’œcuménicité du concile de 381 est, comme la ratification papale, restreinte au décret dogmatique, à l’exclusion de la disposition attribuant au siège pa­ triarcal de Constantinople le premier rang après celui de Rome. Cf. Mazzella. De religione et Ecclesia, p.79Csq.; Wernz, loc. cit., p. 1061. Un concile est œcuménique du chef de sa convoca­ tion quand tous les évêques du monde catholique y ont été officiellement appelés. Pour qu’il le soit aussi du chef de sa célébration, il faut, tout d’abord et sans parler de la liberté et de la régularité des débats, que cet appel ait été entendu et qu’on s’y soit rendu de partout. Mais comme il est manifestement impossible que beaucoup d’évê. ues ne soient pas empêches, il est clair que l’œcuménicité ne saurait être subordonnée à la participation effective de tous ou de presque tous. Il n'est pas même requis que le chiffre des présents l'emporte sur celui des absents; l'histoire de plusieurs conciles incontestablement œcuméniques, celle, par exemple, du concile de Trente, est là pour le prouver. Quel nombre de présences sera donc nécessaire et suffira? Ni la raison théologique ni les textes du droit ne fournissent sur ce point une réponse catégorique et uniformément applicable. Voici du moins une indication générale : après la convocation universelle, il faudra à la réunion des évêques ou des prélats de divers pays en telle quantité et telle variété qu’on puisse, eu égard aux circonstances, dire avec vérité et moralement par­ lant que l’ensemble constitue bien une représentation de l’Église entière. En cas de doute sérieux sur l’œcu­ ménicité de tel ou tel concile, il appartient à l’Eglise elle-même de trancher péremptoirement celte ques­ tion de fait dogmatique. Sa déclaration ne vise évidem­ ment pas à créer l’œcuménicité de convocation ou de célébration là où elle aurait fait défaut; mais elle la constate authentiquement et infailliblement, si elle existe; elle peut, en outre, s’il en est besoin, produire l’œcuménicité d'autorité, l’universalité de force obli­ gatoire. V. Composition des conciles œcuméniques. — 1» De droit divin et ordinaire, doivent être convoqués tous les évêques (archevêques, primats, patriarches) ayant juridiction actuelle sur un diocèse déterminé; la rai­ son en est que ce sont surtout ces évêques qui,comme successeurs des apôtres, constituent avec le souverain pontife l’Eglise enseignante et dirigeante, dépositaire à la fois de l’autorité suprême et de l’infaillibilité doc­ trinale. Il est naturel et convenable, mais nullement obligatoire, de convoquer les évêques titulaires, vicaires apostoliques ou non; une fois convoqués et admis, ils ont voix délibérative aussi bien que les autres. On a vu plus haut jusqu'à quel point leur concours effectif est indispensable au caractère œcuménique de l’assemblée. L'histoire des conciles des neuf premiers siècles nous apprend qu'alors les métropolitains seuls étaient di­ rectement convoqués, avec charge pour eux d’amener un certain nombre de leurs sull’ragants. Par-dessus tout on regardait la présence des patriarches ou du moins une représentation de chaque patriarcat comme nécessaire. De fait, durant celte période, à cause de la longueur et des difficultés du voyage à accomplir, le patriarcat d'Occident ne fut généralement représenté que par les légats du pape. — 2° Aujourd'hui, par pri­ vilège et en vertu de la coutume, sont également con­ voqués et ont droit de vote ; t. les cardinaux, ne fussentils que prêtres ou diacres ; 2. les abbés et autres prélats réguliers ayant juridiction quasi-épiscopale avec terri toire séparé; 3. les abbés généraux de monastères groupés en congrégations et les supérieurs généraux d’ordres. Telles sont les diverses catégories de membres qu’à notre époque encore on a vu siéger comme auto­ rités au concile du Vatican. Sont exclus les simples abbés de monastères isolés et les supérieurs généraux III. - 21 Gi3 CONCI LES de congrégations à vœux simples, d'après l’opinion la mieux fondée el d'ailleurs appliquée dans le même concile. Cf. VVernz, loc. cit., p. 1068 sq.; Devoti, op. cit., Prolegom., c. m. Voir t. i, col. 15-17. En dehors des membres proprement dits, les princes catholiques peuvent être et sont généralement invités à titre honorifique. Anciennement, ils remplissaient en outre le rôle de protecteurs du concile, et leur présence fut souvent utile pour le maintien de l'ordre extérieur, comme nous le dirons bientôt. En fait, ils n'ont pas été convoqués en 1869 au concile du Vatican. Si des théo­ logiens et des canonistes sont admis aux séances ou associés d’antre façon aux travaux conciliaires, ce n'est qu’en qualité de consulteurs et de rapporteurs, ou par quelque ol'lice qui ne leur confère aucun pouvoir. L’œcuménicité d'un concile, à part le nombre et la qualité de ceux qui le composent, implique certaines conditions ou conséquences relatives à sa convocation, à sa présidence el à sa direction, enfin à sa confirma­ tion. Il est nécessaire d’étudier attentivement chacun deces trois actes, surtout le premier et le troisième; ils ont été l'objet de longues et vives discussions. VI. Convocation des conciles œcuméniques. — {"Ex­ posé et démonstration des principes. — C'est au pape, et au pape à l'exclusion de toute autre autorité soit ecclésiastique soit séculière, qu'appartient proprement et en soi le droit de convoquer un concile œcumé­ nique. Il s’agit d’une assemblée essentiellement ecclésias­ tique par ses membres et par son objet, d'une assem­ blée dont les délibérations et les décisions, qu'elles concernent directement des personnes ou des choses, qu elles visent la discipline ou le dogme, sont d’ordre strictement religieux. Seule, l’Eglise a compétence pour décider et exécuter une entreprise de ce genre; seul, dans l’Église, le successeur de Pierre, le pasteur des pasteurs, a, de par Dieu, qualité et puissance, je ne dis pas pour exhorter ou inviter, mais pour obliger les évêques du momie entier à se réunir en un lieu et un temps déterminés et à y aviser de concert à telle ou telle difficulté, à telle ou telle question religieuse, que lui-méme désigne et délimite selon les circonstances. Nul prince temporel ne pourrait, sans empiéter sur la uridiction spirituelle, prétendre à intimer pareil <>rdre. D'ailleurs, ΓEglise, grâce à sa.catholicité, dépasse les limites de n’importe quel Etal; déjà à l’époque du concile de Nicée ses frontières débordaient de toutes parts sur celles de l’empire romain. Il est inutile d’ajouter que. sauf l'évêque de Rome, aucun membre du corps épiscopal n’a le moindre titre pour imposer à tous ses collègues indistinctement la présence et la participation à une réunion conciliaire. Nous arrivons à la même conclusion en considérant le mode d'action et le fonctionnement intime d'un con­ cile œcuménique, la véritable portée de ses décisions. Là, chaque évêque concourt à un acte collectif d'auto­ rité universelle; chacun devient réellement juge, légis­ lateur et docteur, non plus pour ses diocésains seule­ ment. mais pour l’Eglise entière; l'exercice de sa juridiction se trouve étendu à toute la catholicité. D'où lui peut venir cette compétence sans limite locale?Elle ne lui appartient pas en vertu de sa consécration, il ne la détient pas par droit divin; de droit divin, il n'est pasteur que d'un unique diocèse-ITTfiilre pàŸtfily a dànsTa 'législation ecclésiastique des dispositions et des coutumes qui expliquent les pouvoirs et les privilèges des métropolitains, des primats et des patriarches, mais aucune qui fonde ou prévoie une extension, même momentanée, de l’autorité de chaque évêque à tous les diocèses et à tous les fidèles. Celui-là seul qui possède en propre semblable autorité peut y faire parti­ ciper ses frères dans l'épiscopat. Et qu’on le remarque bien, cette conclusion est indépendante de toute théorie G-i4 spéciale sur la genèse de la juridiction épiscopale ordi­ naire. Que celle-ci descende directement de Dieu sur ses détenteurs ou qu'elle leur soit transmise par l'in­ termédiaire du souverain pontife, toujours est-il certain qu'elle demeure restreinte à un diocèse particulier; pour qu'elle puisse atteindre l’Église du Christ dans son intégrité, l'intervention du successeur de Pierre est indispensable. Cette intervention se produit quand le pape réunit les évêques en concile œcnménique ou quand, les trouvant réunis de fait par une cause quel­ conque, il se les associe en vue de légiférer avec eux pour l’Eglise entière. Supposer, comme certains auteurs, que les évêques, une fois assemblés en nombre suffi­ sant, possèdent par là même ou reçoivent immédiate­ ment du Saint-Esprit le caractère d'œcuménicité, c’est hasarder une hypothèse qui semble mettre le dogme de la primauté en péril: car c'est introduire dans l’Église. à côté et en dehors du pape, uné seconde forme de pouvoir suprême, c’est affirmer équivalemment que des lois partout obligatoires pourraient être portées validement sans le concours et même contre le gré de celui qui est le fondement de tout l'édifice ecclésias­ tique, de celui a qui, selon la définition du concile de Florence, « N.-S. J.-C. a donné pleine puissance de paître, de régir et de gouverner l’Église universelle. » Cf. Palmieri. Tract, de romane pontifice, p. 670 sq.; Mazzella, op. cit., p. 797 sq. De même que la convocation d'un synode diocésain appartient sans conteste à l'évêque du diocèse, celle d'un concile provincial au métropolitain et celle d’un concile national, sous réserve des dispositions du droit canonique, au primat ou au patriarche, de même la convocation d’un concile œcuménique ne peut apparte­ nir qu’au chef de l’Eglise. On ne saurait la nier sans nier aussi la primauté du souverain pontife. Revendiquer pour le pouvoir séculier un droit propre et inné de con­ vocation, ce serait confondre l’ordre religieux el l'ordre civil, refuser à l’Église le caractère de société parfaite el indépendante, faire d’elle la servante et l’esclave de l'État. Aussi bien il n’est personne, parmi les catholiques, qui n’admette en principe, comme fondé sur la nature des choses, le droit absolu et exclusif du pape, et cela malgré les divergences d’appréciation historique sur les anciens conciles œcuméniques d'Orienl. Cf. Funk, Kirchengescliichlliche Abhandlungen, t. t, p. 39, 76. Enfin, la pratique constante de l’Eglise depuis le XII* siècle ne laisse aucun doute sur sa pensée à cet égard. Tous les conciles œcuméniques d Occident ont été convoqués par les papes. 2" Convocation des conciles œcuméniques d'Orient. — Mais on chercherait vainement un argument positif de ce genre dans l'histoire des huit premiers conciles universels. Bien plus, presque tous les documents s’ac­ cordent à nous les présenter comme convoqués par les empereurs. De là contre le principe établi ci-dessus et rattaché comme conséquence rigoureuse à la primant ■ papale, une difficulté qui mérite attention.Ou a répondu que les empereurs, en convoquant ces conciles, n'agis­ saient pas en leur nom personnel, mais au nom des pontifes romains, dont ils avaient reçu mandat, dont ils avaient du moins obtenu ou dont ils présumaient le consentement; la convocation, de la part des princes, n’aurait été ni impérative ni indépendante, mais sim­ plement énonciative ou promulgatrice et « ministé­ rielle », fondée sur une délégation expresse ou tacite. Cette explication a été adoptée par Bellarmin, llefele, Mazzella, Palmieri, Phillips, Wernz,et par la plupart des théologiens et des canonistes. Elle sauvegarderait les principes théologiques; mais se justifie-t-elle histori­ quement? M. Funk. Kirclieng. Abhandl., t. i, p. 39 sq.. le nie, et il appuie sa négation sur un examen détaillé des documents. Nous résumerons, à sa suite, les solides considérations qu’il développe, sans pourtant nous G45 CONCILES rallier à toutes les conclusions du savant historien. 1. Il est incontestable d'abord que les empereurs, en convoquant de fait, jusqu’au tx· siècle, les conciles œcuméniques, entendaient user d’un droit propre et inhérent à leur charge. Leur conviction nous est mani­ festée par leurs lettres de convocation, par leurs décla­ rations écrites ou orales aux conciles assemblés, et en particulier par les actes et dires de Constantin à pro­ pos du 1er concile de Nicée. a) Lettres de convocation. — Elles nous sont parve­ nues au nombre de six, dont deux relatives au concile d’Ephèse, deux relatives au concile de Chalcédoine, une relative au II» concile de Nicée et une relative à cet autre concile d’Ephèse qui, réuni en 449, dégénéra en conciliabule hérétique, au point de mériter l’appellation courante de Latrocinium Ephesimim. Le Brigandage d’Ephèse avait été convoqué comme concile œcumé­ nique, d'apres les régies ordinaires en pareil cas; les pièces qui se rapportent à cette convocation intéressent donc la présente question. Or, dans toutes ces lettres, non seulement leurs au­ teurs commandent en maîtres absolus, maison y cher­ cherait vainement la trace d'une délégation reçue du pontife romain ou même de son consentement exprimé ou supposé; au contraire, la convocation est clairement et exclusivement présentée comme un acte de l’auto­ rité impériale; elle est simplement motivée par le souci et le zèle des intérêts religieux, ceux-ci étant conçus comme inséparables des intérêts civils dont les empereurs sont les gardiens-nés. Voici un extrait de la lettre adressée par Théodose le Jeune à tous les métropolitains pour leur enjoindre de se rendre au concile d'Éphèse, llardouin, Acta con­ ciliorum, t. t, col. 1343 : Le bien de notre empire dépend de la religion ; il y a étroite connexion entre ces deux choses. Elles se compénètrent mutuel­ lement. et chacune d'elles profite des accroissements de l'autre. Ainsi, la vraie religion est redevable à la justice, et l’État est redevable â la religion et à la justice tout ensemble. Établi par Dieu pour régner, nous trouvant être le trait d'union naturel entre la religion de nos sujets et leur bonheur temporel, nous gardons et maintenons inviolable l'harmonie des deux ordres, remplissant entre la providence et l'humanité l'office de média­ teur- Nous servons la providence divine en veillant aux alfaires de l’État, el toujours, prenant souci et peine pour que nos sujets vivent pieusement et comme il sied à des chrétiens, nous éten­ dons notre sollicitude à un double domaine ; on ne peut s’intéres­ ser à l'un sans se préoccuper pareillement de l'autre. Nous tâchons avant tout d'obtenir que l’ordre des choses ecclésiastiques soit, en notre temps aussi, respecté comme Dieu l’exige, que la concorde et la paix y régnent sans nul trouble, que la religion reste sans tache, que la vie et l'action du haut et du bas clergé n’encourent aucun reproche. Aussi, persuadé que ces biens sont réalisés et consolidés par l’amour de Dieu et la charité mutuelle, nous nous sommes déjà dit souvent que les conjonctures présentes nécessiteraient une réunion du corps épiscopal. Nous avions reculé devant l'exécution de cette idée, à raison des difficultés quelle entraînerait pour les évêques. Mais la considération des graves intérêts tant ecclésiastiques que civils dont la discussion s'impose avec urgence à l'heure qu'il est, me convainc que cette réunion est désormais hautement souhaitable, voire indispen­ sable De peur donc que, par suite de négligence dans l'élude de ces questions importantes et actuelles, la situation n'empire, que Votre Sainteté ait soin, les fêtes pascales une fois terminées, de prendre le chemin d’Éphèse et de s’y trouver pour la Pentecôte, avec quelques-uns des pieux évêques de sa province, de telle sorte que ni les diocèses ne demeurent dépourvus do prêtres ni le concile ne manque de membres capables. Nous écrivons dans le même sens et en vue du même rendez-vous â tous les métropoli­ tains. Ainsi, le trouble résultant des controverses récemment soulevées pourra être apaisé selon les canons ecclésiastiques, les irrégularités et les écarts seront redressés, la religion et la paix de l’État seront raffermies. En songeant que le très saint concile que nous réunissons par le présent décret devra pourvoir au bien de l'flglise el au bien général, chacun des pieux prélats, nous en avons la confiance, s'empressera de venir, pour contribuer de t. ut son pouvoir à des délibérations si importantes et si agréables a Dieu. Nous avons la chose très à cœur, et nous ne tolérerons G4G pas que personne s’abstienne volontairement. Ni devant Dieu ni devant nous ceux-là ne seront excusés qui ne se trouveraient pas réunis avec leurs frères au lieu dit et au jour marqué. Une autre lettre de convocation, adressée exclusive­ ment à Cyrille d’Alexandrie, que la cour jugeait res­ ponsable des dissensions régnantes, partait également de cette idée, que les chefs de l’État, comme tels, doivent avoir soin des intérêts religieux. Le ton y est plus im­ pératif encore et plus comminatoire que dans la pré­ cédente. Elle annonce la prochaine réunion du concile qui aura à trancher les difficultés pendantes, puis conclut. llardouin, 1.1, col. 1342 : « C’est pourquoi il faut que Votre Révérence arrive au temps par nous fixé dans un autre message remis à tous les métropolitains. N’es­ pérez pas recouvrer notre affection, si vous ne mettez fin à toutes les tristesses et à tous les troubles et si vous ne vous présentez de bonne grâce pour l’examen des questions soulevées. » En convoquant de même les métropolitains au con­ cile d’Ephèse de 449, Théodose disait, Hardouin, t. n, col. 71 : « Personne n'ignore que la religion assure le maintien de l’ordre dans notre empire et la marche de toutes les choses humaines. » Puis, ayant, par ce prin­ cipe, justifié son initiative, il intimait l’assemblée con­ ciliaire et continuait : « Quiconque, insouciant d'un concile si nécessaire et si agréable à Dieu, n'aura pas fait tout son possible pour s’y trouver au temps et au lieu fixés n'aura d’excuse ni devant Dieu, ni devant notre piété impériale. » Toutes les lettres de convocation énoncent de façon aussi claire l'acte autonome et impératif du prince sé­ culier. Celle que Marcien adressait à Léon I«r à propos du concile de Chalcédoine ne diffère pas essentielle­ ment des autres, selon M. Funk; seulement, le ton général en est plus respectueux, elle mentionne ex­ pressément et approuve l’hypothèse d'une simple repré­ sentation de la part du pontife, et elle suppose des ins­ tances faites par le pape même en vue de la réunion d’un concile. Marcien affirme, en particulier, comme chose incontestée, son droit de déterminer le lieu de l’assemblée. Après avoir rappelé son propre « zèle reli­ gieux », tout naturel d'ailleurs, puisque « la tranquil­ lité et la force de l'empire reposent sur la vraie religion ■, il écrit, Hardouin, t. n, col. 43; P. L., t. i.iv, col. 903 : « S'il plait à Votre Sainteté de venir en ce pays et d’y tenir le concile (τήν σύνοδον ίπιτελέσαι), qu’elle daigne le faire par amour pour la religion... Mais s'il vous est trop pénible de vous rendre dans cette contrée, que Votre Sainteté nous en informe par écrit, afin que, de notre côté, nous mandions à tous les évêques d'Orient, de Thrace et d’Illyrie, de se réunir en un lieu déterminé qu'il nous aura plu de choisir (ένθα αν ήμϊν δόζη). Là, on prendra, en faveur de la religion chrétienne et de la foi catholique, telles mesures que Votre Sainteté aura prescrites en conformité avec les règles ecclésiastiques (καθώς ή σή άγιοσύνς κατά τούς έκ λησιαστικους ανόνας δίετ ύπωσε, κατατεβήσονται). » Ces dernières lignes s'accordent parfaitement avec ce que l’impératrice Pulchérie écrivait, vers la même date, au même pontife, Hardouin. t. il, col. 43; P. L., t. i.iv, col. 907 : « Daigne donc Votre Sainteté, de telle ma­ nière qu'elle jugera convenable, déclarer ses intentions, afin que tous les évêques d'Orient, de Thrace et d'illyrie, selon qu’il a plu à notre seigneur, le très pieux empereur, mon époux, s’assemblent le plus tôt possible dans une même ville, el que là, conciliairement et avec votre autorité, ils tranchent (σου αύβεντοϋντοί όρισωσιν), suivant ce que prescrivent la foi et la piété, les ques­ tions relatives soit au symbole catholique soit aux évêques qui ont été précédemment excommuniés. . Mentionnons encore la lettre de l'impératrice Irène à Hadrien Ier au sujet du VIIe concile œcuménique. Hardouin, t. iv, col. 25. Avant de prier le pape de venir â G-47 CONCILES Nicée ou d'y envoyer des représentants, Irène remar­ quait que « ceux à qui a été conféré par N.-S. JésusChrist la dignité impériale ou la dignité du souverain sacerdoce, sont tenus de penser et d’aviser à ce qui lui est agréable et de gouverner selon sa volonté les peuples qu’il leur a confiés ». Ensuite, à cetle vérité générale elle rattachait, comme conséquence toute naturelle, son intervention dans la querelle des iconoclastes. « C’est pourquoi, disait-elle, obéissant aux inspirations d’un cœur pur et d’une vraie piété, de concert avec tous nos sujets et avec les très doctes prêtres d’ici, nous avons longuement délibéré sur la situation et, après mûre réflexion, nous avons décidé d'organiser un concile œcuménique. » b) Déclarations impériales aux conciles déjà assem­ blés. — Elles respirent le même esprit que les lettres de convocation. On en pourra juger par deux ou trois exemp.es. Devant le concile de Chalcédoine, dans la VI· session, l'empereur Marcien parla en ces termes, Hardouin, t. Il, col. 463; Hefele, Conciliengeschichle, t. n, p. 475 : « Appelé par la volonté divine â gouverner, au milieu de toutes les pressantes sollicitudes inhérentes à cette charge, dés le début de notre régne, nous n'avons rien eu plus à cœur que d’assurer la parfaite et inébran­ lable unité de croyance aux vraies et saintes doctrines de la foi orthodoxe. Malheureusement, quelques hom­ mes, par cupidité ou par faux zèle, ont lancé dans le peuple des idées singulières et opposées à l'antique tradition, et ils ont ainsi donné naissance à une erreur désormais très répandue. Pour y apporter remède, nous avons assemblé ce saint concile, avec le ferme espoir que le plus heureux fruit des fatigues du voyage sera un affermissement de la vraie religion... Le but pour­ suivi par Notre Majesté est d’obtenir que tous les hommes aient sur Dieu une seule et même pensée et qu’ils honorent cette véritable religion catholique que vous leur exposerez suivant les dogmes à nous transmis par les saints Pères. » Justinien écrivait au V» concile, Hardouin, t. in, col. 54 sq. : « Les orthodoxes et pieux empereurs, nos an­ cêtres, ont toujours pris soin de supprimer les hérésies naissantes en convoquant des assemblées d’évêques, et de maintenir la paix dans la sainte Église de Dieu par l’affirmation des pures doctrines révélées. Ainsi, lorsque le blasphémateur Arius osa dire que le Fils n’est point consubstantiel au Père, mais qu’il est une simple créa­ ture, Constantin, de pieuse mémoire, réunit à Nicée trois cent dix-huit évêques, et par ce concile, qu'il soulint de sa propre présence et qui proclama la con­ substantialité du Verbe, il procura la condamnation de l'impiété arienne et la conservation de la vraie foi. » Et, après avoir déploré les longues controverses rela­ tives aux Trois-Chapitres, il continuait : « C’est pour­ quoi nous vous avons appelés dans notre royale cité, vous engageant à exprimer de nouveau Ions ensemble vos intentions à ce sujet. » H rappelait ensuite en ces termes l'invitation adressée par lui au pape Vigile : « Nous lui avons également mandé, par nos juges et par quelques-uns d'entre vous, de venir se joindre à vous tous et discuter en votre compagnie l’affaire des­ dits Chapitres, afin d'arriver ainsi à une formule de foi convenable. » Plus claire encore et plus expressive est cette com­ munication, faite au VU'concile par Irène et Constan­ tin, Hardouin, t. IV, col. 38 : « Désirant participera la félicité et à la noblesse de la filiation divine, nous nous ellorçons de conduire tout notre empire romain à la paix et à l'unité. Nous voulons en particulier travailler au bien des saintes Églises de Dieu, et nous nous inté­ ressons vivement à la parfaite entente des prêtres de l’est, du nord, de l’ouest et du sud. Or, par la volonté de Dieu, les voilà, ces prêtres, ici présents dans la per­ GiS sonne de leurs représentants, et ceux-ci sont porteurs de réponses à la lettre synodale de notre très saint pa­ triarche. Car telle a été, de tout temps, la loi des con­ ciles de cette Église catholique qui, dans tout l’univers, croit à l’Évangile. Par la volonté et l'inspiration de Dieu, nous vous avons donc réunis, vous, ses très saints prêtres, chargés de lui présenter les offrandes non san­ glantes de son alliance, pour que vous rendiez un ju­ gement conforme aux définitions des conciles ortho­ doxes. » <·) Constantin le Grand, d’après ses historiens, s’est attribué exactement le même rôle par rapport au con­ cile de Nicée. Il affirme qu’il l'a convoqué (συμμετεστειλάμην) pour mettre tin aux déchirements de l’Église, Eusèbe, Vila Const., m, 12, P. G., t. xx, col. 1068; qu'il l’a convoqué par l'inspiration de Dieu (ϋπομνήσει Θεού), Socrate, H. È., I, 9, P. G., t. lxvii, col. 85 : tout pela sans la moindre allusion à une coopération ou à un dé­ sir du pontife romain. De tous les documents analysés jusqu’ici une conclu­ sion générale se dégage avec toutes les clartés de l'évi­ dence : c’est que les empereurs, en convoquant les conciles, ne se considéraient nullement comme les ins­ truments ou les représentants du pape, comme ayant besoin de sa délégation ou de son assentiment. Autre­ ment, on ne comprendrait pas qu’ils ne se soient jamais prévalus, ni explicitement ni implicitement, d une qua­ lité, d'une circonstance qui seule aurait assuré la légi­ timité et la validité de leur acte; on le comprendrait d’autant moins qu’ils parlent souvent avec une grande vigueur et comme réglant une affaire qui ressortit à leur propre et indépendante autorité, que parfois ils sentent le besoin de recourir à la menace pour se faire obéir, qu'ils rapportent leur initiative à l'inspiration divine, qu’enlin ils en appellent fréquemment à la charge qui leur incombe de protéger l'ordre public, solidaire de la paix et de l’unité religieuses. 2. Non seulement les empereurs se sont attribué pu­ rement et simplement le droit de convoquer les con­ ciles, mais ce droit leur a été reconnu par les contem­ porains, par les évêques, par les conciles, par les papes mêmes. C'est ce qui résulte de la masse des témoi­ gnages, que nous possédons nombreux pour chacun des conciles oecuméniques et aussi pour le concile de 449; les exceptions sont rares et insuffisantes à infirmer la valeur significative de l'ensemble. Le 1" concile de Nicée, dans son décret synodal, rapporte sans plus sa convocation à l'empereur et â la grâce de Dieu, Hardouin, t. t, col. 439 : ’Επειδή, τής τού Θεού χάριτος καί τοΰ θεοφιλέστατου βασιλέως Κοινσταντίνου συναγαγόντος ήμας. Eusèbe dit de son côté, Vita Const., nt, 6, P. G., t. xx, col. 1060, que Constantin, « pour opposer comme une phalange divine à l'ennemi de l’Église, convoqua un concile œcuménique, y invitant par une lettre pleine de déférence les évêques de tous les lieux. » Sozomène, Théodoret, Rufin, parlent de la même façon, sauf que Rufin nous présente le prince agissant ex sacerdotum sententia. Le concile d'Éphése n’est pas moins affirmatif. Dès le début de sa ΙΓ· session, il se déclare formellement as­ semblé par la volonté impériale, Hardouin, 1.1, col. 1384: Συνοδού συγκροτηθείσης έν τή Έφεσίων μητροπολει έκ θεσπίσματος τών θεοφιλέστατων καί φιλοχρίστων βασιλέων. Il répète cette assertion en termes identiques ou équi­ valents au commencement de chacune de ses sessions, dans quelques-unes à plusieurs reprises, et aussi dans diverses pièces relatives à la controverse avec les Antiochiens, en tout une trentaine de fois. Nulle part, en revanche, on ne trouve indiqué le concours ou le con­ sentement du pape, dont les légats étaient présents et s'associaient, par conséquent, à ces déclarations solen­ nelles. De plus, Célestin lui-même, dans une lettre à Théodose, le félicite d'avoir compris que la conserva- C49 CONCILES tion de la religion affermira son empire et d’avoir agi en conséquence; puis il écrit, Hardouin, t. i, col. 1473 : « Pareillement, nous tous, en vertu de notre pouvoir sacerdotal, nous consacrons nos efforts à cette tâche céleste, et nous assistons, dans la personne de nos en­ voyés, au concile que vous avez prescrit (quant esse jussislis). » En rappelant cet ordre des empereurs, le pontilé n'ajoute pas. comme on s’y serait attendu, qu’il l’approuve ou le ratifie en l’aisant sienne la convoca­ tion. Ceci est d’autant plus remarquable que nous con­ statons la même abstention dans une autre lettre, adressée par le pape au concile. Nous y lisons, Har­ douin, t. i, col. 1467 : « L’assemblée des prêtres rend manifeste la présence du Saint-Esprit. Car elle est fondée cette promesse de l'infaillible vérité, cette maxime de l’Évangile : Là où deux ou trois seront réunis en mon nom, je nie trouverai au milieu d'eux. S’il en est ainsi, si même à un si petit nombre le Saint-Esprit ne fait jamais défaut, à combien plus forte raison doit-on admettre sa présence au milieu d’une si grande multi­ tude de saints? » Dans toutes ses sessions, la XV’ exceptée, le concile de Chalcédoine fait des déclarations pareilles à celles du concile d’Éphêse; il se présente comme réuni par la grâce de Dieu,et la volonté des princes : Κατά χάριν Θεού καί έκ θεσπίσματος τών εύσε·5εστάτων βασιλέωζ, ou simplement par l’autorité impériale : Συνελθοΰσης Si καί τη; αγίας καί οικουμενικής συνόδου τής κατά θειον θέσπισμα έν τή Καλχηδονε'ων πόλει συναΟροισΟείσης. Ja­ mais il ne se réclame d’une convocation ou d'une au­ torisation papale. Les actes du VI’ concile œcuménique révèlent les trois faits signalés ci-dessus, à propos du III·; le con­ cile lui-même, au début de chacune de ses sessions, après la mention de l’empereur et de son entourage, dit : Συνελθοΰσης τής άγιας καί οικουμενικής συνόδου τής κατά βασιλικόν θέσπισμα συναθροισθείσης έν ταΰτη τή θεοσυλάκτφ και βασιλίδι πόλε·., et cette formule revient dixhuit fois; ensuite le pape Léon II, dans sa lettre à Cons­ tantin Pogonat, par laquelle il approuve les décisions du concile, constate, sans explication ni réserve d'aucune sorte, que celui-ci a été réuni, Hardouin, t. ni, col. 1471, μετά Ηεοΰ χάριν τώ βασιλικό προστάγμκτι, et encore, Hardouin, t. tn, col. 1473, έπιπνεΰσει τής ύμετερας γαληνότητος; enfin, ni le concile ni le pape lui-même ne font allusion à une participation de ce dernier. J’omets les textes également clairs que nous fournis­ sent les autres conciles. Leur ensemble va évidemment à établir que, selon l’appréciation commune, la convo­ cation était, dans tous les cas, le fait de l’empereur agissant en son nom personnel et de son propre mou­ vement. Mais il faut bien indiquer aussi les quelques textes qui paraissent opposés aux précédents et que M. Funk n’a pu négliger. Je les énumère d'après lui. Du I" concile de Nicée le Liber pontificalis, édit. Duchesne, t. 1, p. 75, dit : Hujus (Sylvestri) temporibus factum est concilium cum e/us consensu in Nicæa, et l<- VI· concile, dans son λόγος προσφωνητι ιός, Hardouin, t. ni. col. 1417, affirme que « Constantin et Sylvestre as­ semblèrent (συνέλεγον) le concile de Nicée ». Concernant le concile de Chalcédoine, saint Léon, sous le pontificat de qui il s’est tenu, a écrit, Epist., cxiv, Hardouin, t. n, col. 687; P. L., t. i.iv, col. 1029: Generale concilium et ex prxcepto Christianorum principum et ex con­ sensu apostolicæ sedis placuit, congregare. Un peu plus tard, les évêques de Mésie rappelaient à l’empe­ reur Léon l’r qu’à Chalcédoine le corps épiscopal s'était réuni per jussionem Leonis romani pontificis,qui vere caput episcoporum, el venerabilis sacerdotis et patriar­ ch# Anatolii. Hardouin, t. n. col. 710. Si, à l’exemple de plusieurs autres, le Vil· concile, dans toutes ses sessions, a l’exception de la dernière, se déclare simplement et 650 absolumentconvoquéparautorité impériale, nouslisons, en revanche, à son sujet, dans une lettre d’Hadrien 1" â Charlemagne, Hardouin, t. iv, col. 818 : El sic synodum istam secundum nostram ordinationem fecerunt. Re­ lativement au VIII' concile œcuménique, Hadrien II écrivait à l'empereur Basile, Hardouin. t. v, col. 768, 1030 : Nous voulons que, par les efforts de votre piété, un nombreux concile soit assemblé à Constantinople; et Anastase le Bibliothécaire, s’adressant à Hadrien II, disait, Hardouin, t. V, col. 74 : Jussisti fieri Constantinopoli synodum. Cette seconde série de témoignages semble bien im­ pliquer, de la part du pape, un concours effectif à l'acte de convocation; les deux derniers surtout sont si caté­ goriques que M. Funk lui-méme ne les écarte que timi­ dement et «sans vouloir particulièrement insister » : à son avis, le caractère spécial du VIII' concile et l’époque tardiveà laquelle il appartient expliqueraient ces façons nouvelles de parler et en diminueraient la signification. Cependant les témoignages antérieurs ne sont pas non plus sans valeur comme indices de l’opinion publique et de la persuasion des papes. Quand même, avec M. Funk, Kirchengesch. Abhandl., t. i, p. 56, nous devrions ad­ mettre que le Liber pontificalis est une source moins sûre pour l’époque du concile de Nicée, quand même les Pères du VI· concile se seraient trompés touchant le fait particulier qu’ils affirment, nous savons du moins ce que le rédacteur du Liber pontificalis et de nombreux évêques du vu· siècle pensaient sur la question de fond. Dans la lettre des évêques de Mésie nous saisissons l’opinion reçue parmi eux dés le v· siècle. Du reste, il n'est pas admissible qu'on rejette les affirmations si importantes de saint Léon et d'Hadrien I"r ou qu’on les détourne complètement de leur sens naturel sous pré­ texte qu’elles seraient erronées. Funk, ibid., p. 65, 69. Les régies mêmes de la critique historique, si souvent et si justement invoquées par M. Funk, ne permettent pas, sauf le cas de nécessité absolue, d'accuser de faus­ seté ou de réduire à rien deux textes si officiels et en soi si expressifs; or, dès qu'on les entend d'une ratifi­ cation subséquente par les papes des actes des empe­ reurs, cette ratification eût-elle été rendue nécessaire par la suite des événements et motivée par la crainte d'un plus grand mal, ils ne contiennent absolument rien de contraire aux faits certains d’ailleurs, et ils attestent dans leurs auteurs la conscience d'un droit à exercer concernant la convocation des conciles. Toute­ fois, parce que, dans l'ensemble des monuments conci­ liaires, les témoignages analogues sont beaucoup moins fréquents et moins solennels que les témoignages de la première catégorie, parce que le plus souvent ni les conciles ni les papes n’ont affirmé ou revendiqué la part de coopération qui revient de droit à l’Eglise, parce que surtout les empereurs nous apparaissent cons­ ternent persuadés qu’ils convoquent de leur initiative propre el indépendante, nous ne sommes nullement autorisés à dire que ceux-ci ont agi de fait comme ins­ truments ou délégués du pouvoir spirituel, que leur convocation a été simplement « ministérielle ». M.Funk relève judicieusement les principales circons­ tances historiques qui expliquent et la conception d· s princes et l'abstention ou tolérance extérieure observée généralement par l’autorité ecclésiastique. Tout d'abord, les premiers conciles ne comprenaient en somme que des évêques de diocèses renfermés dans les limites de l’empire romain; du moins les autres évêques n'y fu­ rent jamais qu'en très petit nombre. Une fois tombés, au vit· siècle, sous la domination des Arabes, même les patriarcats d’Orient ne furent plus représentés aux assemblées conciliaires que par quelques prélats. On conçoit que, dans ces conditions, les empereurs se soient habitués à ne voir dans la convocation des con­ ciles œcuméniques qu’une affaire de leur ressvit piu- 651 CONCILES G52 pre, tout comme d’autres souverains prirent parfois tuta sunt exsequantur. Quibus præslandum a Vestra l'initiative de conciles nationaux ou provinciaux. Puis, ( Sanctitate nun dubitamus assensum. Il y a là une con­ il faut le reconnaître, les empereurs étaient peut-être signe impérative, et sa portée comme telle est nettement les seuls alors qui disposassent d'une autorité effective confirmée par la teneur des instructions des délégués de assez forte et de ressources assez étendues pour réunir ; Célestin : Auctoritatem sedis apostolieæ custodiri de­ un concile universel. Sans doute, les pontifes romains bere mandamus... Ad disceptationem si fuerit ven­ ont toujours pu en droit ordonner aux évêques de toute tum, vos de eorum sententiis judicare debeatis, non la chrétienté de s’assembler en un même lieu; mais subire certamen ; elle l’est encore par la manière dont leur voix serait-elle parvenue â se faire obéir en toutes les députés interprétèrent leur mandai devant le concile circonstances? surtout, comment eussent-ils triomphé et par la façon dont le concile procéda,disant anathème des obstacles matériels? Qu’on songe aux distances que à Nestorius, « parce que les saints canons et la lettre les évéques avaient à parcourir, à la difficulté des dé­ de Célestin les y obligent. » M. Funk, à la perspicacité placements, à l’insécurité des routes, aux frais consi­ de qui cette attitude dit pape n’a pas échappé, n’admet dérables du voyage et du séjour à l'étranger. Qu'on pas qu’elle aitquelque importance par rapporta la ques­ remarque en outre que tous les anciens conciles ont eu tion présente. « Celte consigne, selon lui, op. cit., p. 61, lieu à des époques spécialement troublées et dans des n’a rien de commun avec une convocation ou une com­ milieux orientaux exceptionnellement agités par des munication de plein pouvoir; elle est d’ordre matériel, erreurs qu’il s'agissait de condamner ou par des con­ tandis que la convocation est d’ordre formel. » Cela veut troverses qu’il fallait apaiser. Se rendre à un concile ' dire, sans doute, que la consigne pontificale concerne était ou pouvait être chose aussi dangereuse qu’incom­ directement les objets soumis au concile, et non sa mode. Ces dangers et ces inconvénients n’eussent-ils puissance consider, e en elle-même. Mais la puissance pas paralysé souvent, dans le corpsépiscopal, les meil­ sans son objet n'est qu’une pure abstraction; celui donc leures volontés, et servi de prétexte d'abstention aux qui règle l'objet règle la puissance et montre que celle-ci tièdes et aux récalcitrants? Ce n’est pas sans raison que comme celui-là dépend de lui. Nous concluons que la convocation impériale au 111· concile œcuménique c’est du pape que venait l'autorité universelle des con­ proteste d’avance et en termes comminatoires contre ciles œcuméniques, et que c’est à lui qu'alors comme les absences non justifiées. Ajoutons que les réunions maintenant on la rapportait. Dans ce sens, nous disons nombreuses étaient interdites par la législation de l'em­ que, pour les huit premiers conciles, la convocation pire, qu'une dispense donc pouvait paraître nécessaire matérielle a été le fait des empereurs, mais que la con­ pour la célébration d’un concile. vocation formelle a toujours eu les papes pour auteurs; Et qu'on ne dise pas que la conception des empereurs, et, à notre avis, la convocation formelle est l'acte par ainsi expliquée, est purement et simplement absurde, lequel celui qui possède la plénitude de juridiction puisqu’elle suppose l'usurpation d'un pouvoir essentiel­ assemble les évêques ou approuve leur assemblée, de lement spirituel. Cetle observation serait justifiée, si, telle sorte que son intervention même confère à leur en ordonnant aux évêques de se réunir, les princes réunion plus ou moins nombreuse l’autorité suprême, avaient entendu constituer eux-mêmes le concile selon l’érige en un corps juridique ayant qualité pour discu­ toute l’ampleur de la définition donnée plus haut, ter et édicter des lois, soit dogmatiques soit discipli­ c'est-à-dire le créer comme assemblée juridique, lui naires, qui obligent l’Eglise entière. Cetle explication, conférer l’autorité propre à un concile universel. Mais conforme aux principes Idéologiques, rentre bien dans cette hypothèse est fausse et contredite par les textes. la théorie de Bellarmin disant du pape : Quia eliam En convoquant le concile d'Éphêse de 449, Théodose salis sit indictionem factam ipse postea ratam habeat remarquait que « le soin de la religion, de la vérité et el confirmet, De conciliis et Ecclesia, l, 12; elle se con­ de l’orthodoxie dans la foi appartient pleinement aux cilie, ce qui est plus important, avec le sens obvie des évéques », llardouin. t. n, col. 71 ; et antérieurement, en déclara lions de saint Léon, des évéques de Mésie, du Liber députant le comte Candidien au III· concile, pour y pontificalis,des Peres du Vl'concile, d’Hadrien 1", d’Ha­ veiller à l'ordre extérieur, il lui avait expressément drien 11 el d’Anastase le Bibliothécaire. M. Funk constate défendu toute participation aux délibérations touchant avec nous et montre très bien que les empereurs ne pré­ le dogme, parce que, « â ceux qui ne sont pas évêques, tendaient qu’à une convocation purement matérielle, se il est interdit de s'immiscer dans des débats ecclésias­ reconnaissant dépourvus de toute puissance spirituelle tiques. » llardouin. 1.1, col. 1346. Les empereurs réunis­ et à plus forte raison incapables d’en investir lesaulres. saient donc l’assemblée conciliaire, mais sans prétendre Mais pourquoi ne pas conclure que l’intervention du l’investir de son pouvoir. Ce pouvoir lui devait venir pape faisait le reste et qu’elle seule était capable, pour d’ailleurs. D'où venait-il? les anciens aussi bien que pour nous, d’expliquerl’exisM. Funk croit, Kirchengesch. Abhandl., 1.1, p. 61, que, tence du concile comme expression juridique du pou­ pour les anciens, le concile, une fois réuni, « portait voir souverain? Concevait-on le concile œcuménique son autorité en lui-même ou, plutôt, la recevait du comme possible sans le pape? Non, sans doute; et il ne Saint-Esprit, qui est au milieu de l’assemblée. » Il faudrait pas exagérer l’évolution historique jusqu'à sup­ allègue, comme argument décisif, le passage reproduit poser que la primauté était entièrement méconnue. Si plus haut de la lettre de Célestin Ier au concile d’Éphêse. cela est, le pape, et lui seul, par le fait de sa participa­ Je ne saurais partager cette opinion. Elle prête aux tion, de son concours accordé au concile, le constituait évêques et aux papes une manière de voir qui va à œcuménique. Je dis lui seul;: car rien ne sert d’objecter l’encontre non seulement de la primauté romaine bien qu’un concile n’élàit pas réputé œcuménique sans la et dûment expliquée, mais même de l’idée moins nette participation de tous les patriarches, comme si cette et moins développée qu’on s’en faisait alors. Il s’en faut circonstance légitimait en faveur de chacun d eux la que le texte de Célestin ait la portée que M. Funk lui méineconclusion qu’en faveurdu pontife romain. H serait attribue. S’il en était ainsi, la présence du Saint-Esprit absurde de raisonner ainsi, pour le motif bien simple serait le signe certain de l'autorité souveraine. Mais qu’aucun patriarche, sauf le pape, n’a jamais été consi­ alors celle autorité appartiendrait déjà à deux ou trois déré comme dépositaire de l’autorité suprême, et n’a fidèles. Puis, il n’est pas facile, si telle était la pensée donc jamais pu êlre censé la communiquer aux aulres. de Célestin, de justifier la ligne de conduite qu'il trace Que si, après cela, on s’étonnait de voir les papes plus loin au concile, en enjoignant à ses légats et aux des premiers siècles laisser aux empereurs le privilege autres Pères de se conformer aux décisions déjà prises si exclusif de la convocation matérielle, je me conten­ par lui, llardouin, t. t, col. 746 : Quæ a nobis antea- sta­ terais de rappeler les conjonctures historiques résu- C53 CONCILES 654 mies plus haut. Elles montrent que. presque toujours, I per sacros canones et epistolam sanctissimi Patris la réunion d’un nombre considérable d'évêques, surtout nostri et comministri llomanæ urbis episcopi, ad lu­ d’évêques orientaux, eut été, pour les chefs du pouvoir gubrem hanc contra eum sententiam venimus. Dans spirituel, chose pratiquement irréalisable. On conçoit Ia II' session. Firmus, évêque de Césarée, parla absolu­ dès lors qu’ils aient complètement abandonné aux ment dans le même sens : Celestin, dit-il, nous avait mains du pouvoir séculier ce pour quoi ils se sentaient à l'avance prescrit une sentence et une règle, que nous en fait impuissants, et qu’ils se soient bornés à celte avons suivies et mises â execution. Enfin, la relation part d’intervention qui ne pouvait venir que d’eux et conciliaire adressée à l’empereur concernant la dépo­ que résume l’expression de convocation formelle. sition de Neslorius atteste également que l'assemblée VII. Présidence des conciles œcuméniques. — Il n'a fait que se conformer à l’exemple et au jugement de faut distinguer trois sortes de présidence : il y a une Cëlestin. présidence effective et d'autorité (auctnrilaliva) qui 2° Concile de Chalcédoine. — Dans une lettre au con­ consiste à gouverner les débats en leur im trimant, en cile de Chalcédoine, le pape saint Léon remarque que leur imposant même une direction et une o 'me déter­ Marcien, en convoquant le concile et en l'y invitant luiminées; elle ne se conçoit pas, surtout dans une société même, a rendu au siège de Pierre l'honneur et le droit monarchiquement constituée, sans une certaine appré­ qui lui revenaient : Beatissimi Petri jure atque honore ciation et une certaine inlluence du président sur le serrato. Ce droit et cet honneur semblent bien, d'après fond même des discussions. Il y a une présidence de le contexte, consister dans le pouvoir d'assister au con­ protection, qui, sans ingérence dans les matières à dis­ cile en y excerçant la présidence d'autorité. En tout cas, cuter, se borne à assurer la possibilité et le fruit des Léon entend exercer cette présidence, car il indique délibérations communes, en maintenant la tranquillité impérativement les décisions qu'on devra prendre. au dehors et l’ordre au dedans : c’est le droit de police Epist., xcvn, P. L., t. i.iv, col. 937. Il écrit : « Que extérieure et intérieure. La présidence d’honneur vaut Votre Fraternité en soit persuadée, je présiderai votre simplement à celui qui l’exerce des égards et des atten­ concile dans la personne de mes frères les évêques tions de pure forme, par exemple le privilège d’occuper Paschasinus et Lucentius et les prêtres Boniface et la première place. Basile. Ma présence ne vous est donc pas refusée, puis­ Ces notions posées, il est clair que la présidence d’au­ que je suis au milieu de vous par mes remplaçants et torité, dans les conciles œcuméniques, appartient exclu­ que, depuis longtemps, je ne manque pas de vous assis­ sivement au pape; car, d’une part, l’Église seule a qua­ ter dans la prédication de la foi. Ainsi, ne pouvant lité pour réglementer des débats d’ordre spirituel, et, ignorer ce que nous croyons conformément â l’antique d'autre part, dans l’Eglise, le pape seul peut commander tradition, vous ne pouvez non plus douter de ce que à tous les évêques, soit dispersés, soit réunis. 11 serait nous désirons. C’est pourquoi, Frères bien-aimés, qu’on d'ailleurs incompréhensible qu’ayant seul autorité pour rejette loin de soi l’audace de contester la foi divinement les convoquer formellement, pour les investir de la inspirée, et que les vaines erreurs de l’infidélité dis­ dignité de concile œcuménique, il ne conservât pas le paraissent. Il n'est pas pertnis de soutenir ce qu’il n'est droit exclusif de diriger impérativement leurs délibéra­ pas permis de croire; et en conformité avec l’autorité tions. Cette présidence, les papes peuvent l’exercer par des Evangiles, en conformité avec les enseignements eux-mêmes ou par leurs envoyés. des prophètes el avec la doctrine apostolique, la lettre Ici, l’histoire, même celle des conciles œcuméniques que nous avons adressée à l’évêque Flaviende bienheu­ de l’Orient, vient appuyer clairement les principes, reuse mémoire, a expliqué très longuement el très bans la célébration de ces conciles, les empereurs ont, clairement quelle est la vraie et pure croyance tou­ personnellement on par leurs représentants, joué un chant le mystère de l'incarnation de N.-S. Jésusrôle qu'il est permis d'appeler présidence d’honneur et Christ. » Dans la Ir· session, comme l'orthodoxie du île protection, mais qui ne s’est jamais confondu avec patriarche Flavien était en cause, le légat Paschasinus la présidence d’autorité. La distinction a été respectée fit remarquer qu’il n'y avait pas lieu de la suspecter, el nettement formulée, tant par les empereurs eux-mêmes « car, ajoutait-il, sa profession de foi concorde avec la que par les conciles et les papes. On en jugera par un lettre du pontife romain. » Dans la II·,on refusa d'adop­ court aperçu historique, où figureront aussi des textes ter un nouvel exposé du dogme; et voici la raison qu'en établissant directement que souvent les pontifes romains donnait un évêque, appuyé par les acclamations de ont prescrit obligatoirement aux conciles des décrets à tous les autres : « Contre Eutychès une formule a été adopter. Le droit de commander quant au fond implique indiquée par le très saint archevêque de la ville de évidemment celui de diriger les débats avec autorité. Borne; nous y adhérons et nous souscrivons tous à sa Je ne parlerai pas du l" concile œcuménique, parce lettre. » Mais le rôle véritable du pape est mieux pré­ que ses actes sont perdus, .le ne parlerai pas non plus cisé encore dans ce que les Pères du concile écrivent à du III' ni du V', parce qu'ils ne sont pas œcuméniques saint Léon, Epist., xcvn, P. L., t. Ltv, col. 951 sq. : du fait de leur célébration. « Par ceux que votre bonté a envoyés pour tenir votre i· Concile d’ Ephese. — Nous avons déjà constaté que place, vous gouverniez les évêques à la façon dont la les empereurs ne s’arrogeaient nul droit d’intervenir tète gouverne les membres (ιός κεφαλή μελών ήγεμόνευ-:); dans le fond des discussions ni, par conséquent, au­ quant aux empereurs fidèles, ils présidaient pour le cune présidence d’autorité. En revanche, le pape Célesbon ordre (προς εύκοσμιαν έδήρχον), et, comme d’autres tin 1", répondant à Cyrille d’Alexandrie, avait déjà Zorobabels, ils exhortaient à la reconstruction dogmacondamné, de sa propre autorité et sans condition, le ; tique de l’Eglise. qui est comme une autre Jérusalem. · nestorianisme, et ordonné en outre de déposer Nesto- ] Voilà bien les deux formes de présidence clairement rius. s'il n’abjurait son erreur dans les dix jours. En distinguées : l’une qui est celle de la tête à l'égard des envoyant ensuite ses représentants au concile, il leur membres, qui comporte donc une inlluence réelle à remit des instructions écrites et précises, où il était laquelle les membres ne sauraient se soustraire pour dit. P. L., t. L, col. 503 : Auctoritatem sedis aposto­ les actes propies du corps; la seconde qui ne va qu'à lic.? custodiri debere mandamus... Ad disceptationem assurer le bon ordre et par là la possibilité des délibé­ n fuerit ventum, vos de eorum sententiis judicare rations. debeatis, non subire certamen. La consigne fut stricte­ Ce témoignage si net et si précis nous dispense soit ment comprise et strictement exécutée par l'assemblée, d’en citer beaucoup d’autres soit de les analyser lon­ comme il ressort des termes de la condamnation fulmiguement. Notons seulement en quelques mots que, dans »êe dans la I" session, Hardouin, t. i, col. 1421 : Coacti chacun des conciles subséquents, nous rencontrons de 655 CONCILES même une consigne obligatoire envoyée par Rome et docilement exécutée par le corps épiscopal. 3° 777e concile de Constantinople. — Saint Agathon, lorsqu’il envoie aux Pères du VI' concile sa profession de foi contre le monothélisme, P. L., t. lxxxvii, col. 1170, les avertit qu’elle est celle même » du bienheureux Pierre, qui a reçu la charge de paître les brebis du Christ ; par la protection de qui celte Eglise apostolique (de Rome), qui est la sienne, ne s’esl jamais écartée sur aucun point du chemin de la vérité; dont l’autorité comme chef des apôtres a toujours été fidèlement res­ pectée et obéie par toute l’Église catholique et par les conciles universels; à la doctrine apostolique de qui les vénérables Pères et les saints docteurs se sont religieu­ sement attachés ». C’était évidemment non seulement leur demander leur adhésion, mais la leur présenter comme obligatoire. Et de fait, l’empereur Constantin Pogonat, qui avait assisté au concile, écrit : « Nous avons admiré et accepté l’exposé d’Agathon comme l’enseigne­ ment du divin Pierre lui-même; » et le concile, de son côté, dans sa réponse à Agathon, dit, P. L., t. lxxxvii, col. 1217 : « Pour ce qu’il y a à faire, nous nous en rapportons à vous, évéque du premier siège et chef de l’Eglise universelle, à vous qui êtes établi sur le ferme rocher de la foi; et nous avons anathematise les héré­ tiques conformément à la sentence que vous aviez por­ tée antérieurement par votre sacrée lettre. » 4° 1 Ie concile de Nicée. — A propos du VII' concile œcuménique, tenu sous son pontificat, Hadrien I" écri­ vait, Hardouin, t. tv, col. 818 : El sic synodum islam secundum ordinationem nostram fecerunt, et in pri­ stina statu sacras et venerandas imagines erexerunt. Or, qu’on discute tant qu’on voudra sur le sens et la portée de la première partie de cette proposition, il résulte du moins clairement de l’ensemble que le décret contre les iconoclastes a été rendu par la volonté du pape. 5» IV* concile de Constantinople. — Quant au VIIIe concile, bornons-nous à relever une circonstance significative : dès l’ouverture de la Ir« session, les envoyés romains exigèrent l’adhésion de tous les Pères à la formule d’Hormisdas, complétée de manière à présenter la condamnation de Photius comme néces­ saire et comme prescrite par le saint-siège. Des direc­ tions doctrinales imposées avec cette autorité catégo­ rique impliquent, au moins equivalent ment, éminemment même, la présidence formelle. Que d’ailleurs les papes aient pleinement exercé cette prérogative dans chacun des conciles œcuméniques postérieurs au VIIIe, c’est un fait trop incontestable et trop connu pour qu’il soit nécessaire d’y insister ici. VIII. CONFIRJIATION DES CONCILES ŒCUMÉNIQUES. — 1° Définition des termes. — En droit, on entend par confirmation un acte juridique qui, s'ajoutant à un autre, d’ailleurs légitime et valable, mais, en soi, in­ complet ou provisoire, lui confère force et stabilité définitives. La confirmation d'un concile œcuménique par le pape est donc un acte du pape donnant aux dé­ crets régulièrement portés en concile œcuménique la valeur de décrets souverains et universels. De cette confirmation proprement dite ou d’autorité, qui ne peut être Je fait que du pouvoir suprême dans l’Eglise, il faut distinguer ce qu’on appelle parfois une confirmasion d'adhésion ou d'acquiescement, c’est-à-dire l'as­ sentiment donné, la soumission accordée aux décrets conciliaires par tous ceux, évêques ou simples fidèles, qu'ils obligent; il faut en distinguer aussi une simple confirmation purement materielle ou extrinsèque, con­ sistant en des mesures prises, par quiconque jouit d une influence suffisante, par les princes notamment, pour assurer l'exécution des memes décrets, sans en modifier la valeur légale. Quant â la confirmation pro­ prement dite, elle est, de soi et comme le terme l’in- G56 dique, postérieure aux décrets dont il s’agit; elle est subséquente. Mais il se peut aussi que le concours du pape, auquel les décrets conciliaires devront leur auto­ rité œcuménique, se produise dans le concile même ou déjà antérieurement à la réunion du concile : dans le premier cas, il y aura confirmation concomitante, et dans le second, confirmation antécédente, à condition toutefois d’élargir, pour l'un comme pour l’autre, l’ac­ ceptation originelle du mot confirmation. C’est de la confirmation proprement dite et subséquente que nous avons à nous occuper directement. Cf. Palmieri, op. cit., p. 6I8 sq. ; Mazzella, op. cil., p. 806 sq. 2“ Question en litige. — Tout le monde admet qu'il n’y a point de concile œcuménique sans la participation du pontife romain et que, sans son assentiment, tout décret conciliaire serait caduc. Il est également certain que, pour les conciles œcuméniques auxquels il assiste personnellement et dont les décrets sont portés en même temps par lui et par l'assemblée, nul acte spécial de confirmation papale n’est requis. Mais que faut-il penser de ceux auxquels il ne participe qu'en la personne de ses délégués? Que faut-il penser en particulier des huit premiers conciles œcuméniques? Des auteurs anciens et modernes ont estimé qu’en pareil cas un acte exprès de confirmation subséquente est nécessaire, et que de fait celte confirmation a été donnée aux huit premiers conciles. Ce sentiment a été défendu par Turrecremata, Cajetan. Melchior Cano, Dollinger, Perrone, Phillips, Hefcle, Hergenrother, Heinrich. Hettinger, etc. D’autres, comme Bellarmin, Hurler, Mazzella, Chr. Pesch, Palmieri, pensent que la confirmation subséquente n’esl pas indispensable, qu'il peut suffire d’une confirmation au sens large, contenue dans l'indication impérative par le pape d’une décision à adopter conciliairement ou dans la présence au sein du concile des délégués pontificaux munis d’instructions précises et s'y conformant fidèlement; mais ils ajou­ tent qu’en réalité une confirmation subséquente a été donnée à beaucoup, sinon à la plupart, des conciles an­ ciens : ceci serait établi historiquement, 'd’après le P. Pesch, Prælectiones dogm., t. t, p. 270, au moins pour le 1" concile œcuménique et le IIIe, et d’après Palmieri, pour six, qui sont le 1er, le IIe, le IVe, le Ve, le VIe et le VIIIe. Une troisième opinion est d'accord avec la seconde sur la question de droit; quant au fait, elle n'admet pas qu'on puisse prouver avec certitude qu’il y a eu confirmation papale proprement dite et subséquente pour aucun des huit premiers conciles. C'est la théorie qui a été défendue récemment par M. Funk et établie sur une minutieuse analyse des do­ cuments. Kirchengeschicklliche Abhandlungen, t. i, p. 87-121. Parcourons rapidement, à la suite du savant historien, les principaux arguments relatifs aux dillérents conciles. 1. Ier Concile de Nicée. — Hefele se fonde ici sur trois arguments : a) l’analogie avec le concile de Chalcédoine, qui aurait estimé la confirmation papale abso­ lument nécessaire et qui l’aurait sollicitée et obtenue comme telle; b) une déclaration d'un concile romain de 485; c) une déclaration du pape Jules Ier. Nous verrons plus bas la véritable pensée du concile de Chalcédoine, et nous constaterons sans peine, com­ bien est fragile la base de la comparaison établie par Hefele. Le concile de Rome auquel on en appelle est celui où fut prononcée la déposition d'Acacius de Constan­ tinople. A ce propos, après avoir rappelé la promes? du Christ. Matlh., xvt, 18 : Tu es Petrus, et super ha. petram ædificabo Ecclesiam meam, et portée in/r non prævalebunl adversus eam, le concile continue : Hardouin, t. tt. col.855: Quant vocem sequentes, trecent decem et octo sancti Patres apud Nicæam congrega confirmationem rerum, atque auctoritatem sancta: 657 CONCILES Domanx Ecclesiæ detulerunt ; quam utramque usque ad ætatem nostram successiones omnes, Christi gratia præstanle, custodiunt. Or, on aurait tort de croire qu'il est question, dans ce passage, des décrets du con­ cile de Nicée et de leur continuation demandée au pape. Le contexle et les circonstances historiques montrent qu’il concerne uniquement les causes personnelles et les sentences portées contre les personnes; il rappelle à la fois un principe et un fait : le principe, c’est le pouvoir judiciaire suprême du pontife romain; le fait, c'est la reconnaissance et la proclamation solennelle de ce pouvoir par le concile de Nicée, c'esl-à-dire plus exactement par le concile de Sardique, que l’opinion universelle identifiait dés lors avec le concile de Nicée. La confirmatio rerum atque auctoritas n'est pas autre chose que le droit, consacré par le 5'canon de Sardique, de recevoir l'appel d'un évêque condamné déjà en deuxième instance et de confirmer ou d'infirmer sa con­ damnation. Le texte du concile de Home ne se rapporte donc en aucune manière à la présente controverse. La déclaration de Jules Ier n'est pas plus pertinente. Voici ce qu’en dit Socrate, fl. E., n, 17, P. G., t. t.xvn, col. 220: « llépondant aux évêques qui s’étaient réunis â Antioche. (Jules) se plaignit vivement de n'avoir pas été invité par eux à leur synode, et cela contrairement aux canons, puisque la loi ecclésiastique interdit aux Eglises de rien décider contre l'avis du pontife romain, τοΰ έκκλησιαστικοΰ κανόνας κελενοντος μη δεϊν παρά γνώμην τού επισκόπου 'Ρώμης κανονιϊειν τας εκκλησίας. » La dernière partie est rapportée un peu différemment par Sozomène, H.E., ni, 10, P. G., t. i.xvtt.col. 1057 : « La loi sacerdotale veut qu’on tienne pour nul ce qui se ferait contre le gré du pontife romain, είναι νόμον ιερα­ τικόν, ως ά'κυρα άποφαίνειν τα παρά γνώμην πραττόμενα τοΰ ’Ρωμαίων επισκόπου. » Quelle que soit la leçon que l'on préfère, il saute aux yeux que le cas visé dans ces lignes était tout différent de celui qui nous occupe : outre que le concile d'Antioche n’était qu’un concile particulier, il avait été tenu sans le concours du pape, sans que celui-ci eut même été invité. Ce que Jules Ier réclame, c'est son droit d’etre présent ou de se faire représenter à cette assemblée; ce qu’il affirme, c’est que ni lois ni autres décisions ecclésiastiques ne doivent être édictées sans son concours. 2. Le 1er concile de Constantinople n'a été œcumé­ nique ni du chef de sa convocation, ni du chef de sa célébration. Pour lui, notre question ne se pose pas. 3. Concile d’Ephèse. — On a dit qu'ici la confirmation aurait été octroyée ou attestée par plusieurs lettres de Sixte 111, successeur de Célestin Ier. En réalité, ces lettres ne contiennent aucune donnée qui appuie sé­ rieusement pareille assertion. L’n seul passage sem­ blerait, à première vue, lui être favorable. 11 se ren­ contre dans la 11® lettre à Cyrille d’Alexandrie; nous y lisons, Hardouin. t. I, col. 1709, que les égarés devront élre accueillis, s'ils viennent à résipiscence et « s'ils rejettent ce que le saint concile, avec notre approbation, a rejeté, ά ή άγια σύνοδος ημών έπιβεβαιούντων ήβέτησ·ν ». Mais le saint-siège avait participé au concile par ses envoyés; non seulement il s'était, par eux, associé à la condamnation de Nestorius, mais il l'avait prononcée tout le premier et en avait fait un devoir â l’assemblée. En soi. l’approbation ou la confirmation dont parle Sixte III peut consister dans cette participation; rien du moins ne prouve qu’elle doive s’entendre d'un acte spécial postérieur au concile et distinct de sa célébra­ tion. 4. Concile de Chalcédoine. — C'est surlout l’histoire du IV' concile œcuménique qui fournirait des armes aux partisans de la confirmation subséquente, du moins si nous les en croyons. Elle nous est, en tout cas, mieux connue que celle d’aucun autre, et elle nous met en mains de nombreux éléments de discussion. Il 658 y a des documents fournis par les actes conciliaires ou par des contemporains ayant pris au concile une pari quelconque; il y a aussi des témoignages postérieurs. Nous examinerons les deux catégories successivement. a) Documents conciliaires ou contemporains du con­ cile. — D'après Hefele, le concile lui-méme, le patriarche de Constantinople, Anatole, et l'empereur Marcien au­ raient tour à tour sollicité la confirmation papale ; nous possédons leurs requêtes, nous possédons aussi les réponses de saint Léon, accordant ce qu’on lui avait demandé; cette quadruple série épistolaire mettrait le fait et la nécessité de la confirmation subséquente hors de doute. Voyons ce qu'il en est. La lettre synodique, Epist., xcvlll, P. L., t. l.tv, col. 951-1160, sollicite en effet du pape une confirmation, mais uniquement et exclusivement pour le 28« canon, qui avait été voté malgré les réclamations des légats romains et qui n’était donc point un décret conciliaire en due forme. Elle contient deux parties entièrement distinctes. La première, de beaucoup la plus longue, se rapporte aux discussions et aux décisions dogmatiques et à la condamnation de Dioscore; elle est purement narrative, et elle se termine par ces paroles, loc. cit., col. 955 : « Voilà ce que nous avons fait, aidés de vous, qui étiez présent avec nous en esprit, qui daigniez vous associer à vos frères et que la sagesse de vos re­ présentants nous rendait pour ainsi dire visible. » La se­ conde est de nature bien différente et débute ainsi, ibid. : « Nous vous indiquerons aussi quelques autres points, que nous avons tranchés dans l'intérêt du bon ordre, de la paix et de la stabilité des règlements ecclésias­ tiques, et nous sommes persuadés que Votre Sainteté les apprenant, les approuvera et les confirmera. » Elle expose ensuite comment le concile a désiré sanctionner des privilèges que le .siège de Constantinople semble posséder depuis longtemps, comment toutefois les légats romains ont protesté, et elle conclut, loc. cit., col. 959: « Nous vous en prions donc, honorez de votre assenti­ ment le décret porté par nous; et de même que nous nous sommes rangés dans le bien à l’avis de notre chef, que notre chef, à son tour, accorde à ses enfants ce qui convient... Or, afin que vous sachiez que nous n’avons pas agi par haine ou par faveur, mais que nous n’avons obéi qu’à une impulsion divine, nous avons porté tous nos actes à votre connaissance, en vue tant de notre propre justification que de la confirmation et de l’approbation unanime de ce qui a été fait, εις σϋστασιν ήμετε’ραν και τών πεπραγμένων βεόαίωσίν τε και συ— καταΟέσιν. On le voit, c'est pour le 28' canon seulement que la ratification ou plutôt le consentement du pape est demandé, et le concile indique la raison spéciale de cette démarche : le canon avait été adopté contre le gré des légats du saint-siège. Non seulement les Pères de Chalcédoine ne sollicitent point de confirmation pour les décrets dogmatiques, mais, en les excluant de leur requête, ils montrent clairement que, dans leur pensée, ils n’avaient nul besoin d'une confirmation papale. Du patriarche Anatole nous avons deux lettres adressées à saint Léon et se rapportant à notre sujet. Dans l'une et dans l'autre nous retrouvons la même division que dans la lettre synodique. Celle qu'Hefele allégué et dont il se prévaut est de 451. La seconde partie seule mentionne le concile, et Anatole n’y vise que le 28' canon, moins pour en obtenir une confirmation quelconque que pour se justifier et s’excuser personnellement, P. L , t. i.iv, col. 1084 : « Quant à ce qu’a décidé naguère en faveur du siège de Constantinople le concile universel de Chalcédoine, que Votre Béatitude Suit persuadée que je n’y suis pour rien. Dès ma plus tendre enfance, j’ai toujours recherché la tranquillité et la paix, aimant â me tenir dans l'ombre et l'humilité. C'est le très res­ pectable clergé de Constantinople, d'accord avec le ckrgé des contrées circonvoisines et secondé par lui. G59 CONCILES GfiO qui a tout fait, réservant d’ailleurs à l’autorité de 1 décrets; il est uniquement fondé sur des conjonctures Votre Béatitude toute la ratification et confirmation de particulières et accidentelles : c’est que les hérétiques son acte, aim et sic gestorum vis omnis et confirmatio abusaient de l’opposition du pontife au 28’ cai.on pour le faire passer comme adversaire de tout le concile. 11 auctoritati Vestræ Beatitudinis fuerit reservata. » Si fallait couper court à ces rumeurs mensongères et celte lettre ne contient proprement aucune demande de confirmation, il en va différemment d’une autre funestes, et voilà pourquoi, dans ce cas, une déclaration solennelle paraissait indispensable. écrite trois ans plus tôt. P. L., t. ι,ιν, col. 975-984. C'est en réponse aux instances de Marcien que Léon En 451, Anatole distinguait, lui aussi, très nettement publia sa lettre à tous les évêques qui avaient été à les décrets dogmatiques du concile et lé canon 28e. et il traitait successivement ces deux points, en narrateur Chalcédoine. Elle se présente, elle aussi, comme moti­ vée par les craintes qu'inspiraient l'entêtement et les pour le premier, en solliciteur pour le second. Le menées des hérétiques. Il est clair du reste que, si un passage d’une partie à l’autre est clairement marqué par ces paroles, loc. cil., col. 980 : « Voilà donc com­ acte spécial de confirmation eût été imposé par la ment se sont passées les discussions relatives à la paix nature des choses, le papeaurait été en faute pour l'avoir ecclésiastique et à la concorde des prêtres dans la vé­ différé pendant deux ans. Mais lui-méme a soin de rité de la loi. Mais d’autres affaires réclamaient notre faire remarquer que son intention touchant la question doctrinale avait été suffisamment manifestée pour que attention... »Ces autres affaires, c’est le fameux canon 28e, nulle autre approbation ne fût nécessaire, P. J.., t. Ltv, dont le patriarche retrace la genèse pour aboutir à cette conclusion : « Et à cause de l’honneur que nous col. 1027-1030 : « Vous savez assurément tous, mes voulons vous rendre, le saint concile et nous, nous frères, que j’ai embrassé de tout cœur la définition du vous avons donné connaissance de ce décret, afin d’ob­ saint concile qui avait été assemblé à Chalcédoine pour tenir de vous approbation et confirmation. Accordezle raffermissement de la foi. Aussi bien quelle raison nous cela, très saint Père, nous vous en conjurons. » eusse-je pu avoirde ne pas me réjouir du rétablissement Évidemment, Anatole ne songeait pas, lui non plus, à de l'unité de celte foi, moi qui étais affligé de voir la la nécessité d'une confirmation pour les décisions doc­ môme unité troublée par les hérétiques? Vous auriez pu trinales votées conciliairement; le contraste entre les inférer mon sentiment non seulement du fait de votre deux parties de la lettre de 451 le montre bien. très heureuse concorde (accord entre les évêques et Les lettres de Marcien intéressant notre question les légats du pape), mais aussi de la lettre qu’aprés sont également au nombre de deux. La première, le retour de mes envoyés j’ai adressée à l’évêque de écrite en 451, est semblable pour le plan et pour le Constantinople. Toutefois, de peur que, par le fait sens à celles d’Anatole et du concile. L’empereur n’y d'interprètes mal intentionnés, on n'en vienne à douter demandait à Léon que son assentiment au 28e canon. si j'approuve ce que vous avez unanimement défini au Quant à la question doctrinale, il le félicitait de son concile de Chalcédoine, concernant la foi, j’ai donné, heureuse conclusion, et il disait en finissant, Epist., c, pour tous nos frères dans l’épiscopal qui ont assisté à ce P. L., t. i.tv, col. 971-972 : « Ainsi tous les points de concile, cette déclaration écrite, que le très glorieux et loi ont été définis selon les désirs de Votre Sainteté... très clément empereur voudra bien, par amour de la Après de longs débats, l’orthodoxie a triomphé, et foi catholique, porter à votre connaissance. Ainsi, conformément à la règle tracée dans le message de chacun, parmi vous comme parmi les fidèles, saura que Votre Sainteté, tous ont donné leur assentiment à la j’ai associé mon avis personnel aux vôtres non seule­ formule imposée par la vérité. » En peu plus loin, il ment par ceux de mes frères qui ont tenu ma place, ajoutait, marquant nettement lui-méme la différence de mais aussi par l'approbation des actes conciliaires, sujet : « Mais comme il a été statué en outre qu’aprés μή μόνον δ*.ά των διακόνων μου, άλλα γαρ καί otà τής le siège apostolique la première place appartiendrait à συναινέσεως των συνοδικών ύπομνημάτων τήν Ιδιάν μου l'évêque de notre très magnifique ville de Constanti­ ύμϊν ένώσαι γνώμην. » Cette dernière phrase est à noter: nople, qui est appelée la nouvelle Rome, daigne Votre elle distingue deux formes d’assentiment ou de con­ Sainteté donner son assentiment aussi à celte partie, à firmation el indique que la première, seule nécessaire laquelle se sont opposés ceux qui tenaient votre place en soi, a été donnée durant le concile même et que, au concile. » La conclusion à tirer de celte lettre sera si une seconde vient maintenant s’y ajouter, c’est pour confirmée par l’examen d’une seconde, qui est posté­ fermer plus sûrement la bouche à ceux qui voudraient rieure de deux ans et dont il est nécessaire de considé­ se tromper et tromper les autres sur la pensée intime rer attentivement le texte et les circonstances histo­ du pape. On pourrait observer encore que Leon, dans riques, si l’on veut en bien saisir la portée. L'empereur la lettre que nous analysons, n'emploie jamais les mots écrivant de nouveau à Léon, en 453, Epist., ex, P. L., confirmer et confirmation, mais atteste simplement t. ι,ιν, col. 1017, 1019 : « Nous sommes extrêmement avoir admis ou embrassé (fuisse complexum, περιπλίsurpris qu’aprés le concile de Chalcédoine et les lettres κεσΟαι) la définition, s’en être réjoui, y avoir donné son que vous ont adressées les vénérables évêques pour consentement ou approbation (συναιν«σιν), avoir associé vous instruire de tout ce qui s’était fait, on n’a point son avis personnel à ceux des évêques. Ajoutons que sa reçu de Votre Clémence une réponse à lire dans les lettre antérieure à Anatole, à laquelle il renvoie, dans églises et à porter à la connaissance de tous. Quelques le passage ci-dessus, comme à une manifestation suffi­ sectateurs obstinés des doctrines perverses d’Eutychès sante de sa pensée, ne mentionne expressément ni sont induits par votre silence à douter que Votre Béati- confirmation ni consentement; c’est donc du silence tilude approuve les décisions conciliaires. Daigne donc même du pape concernant les décrets portés avec le Votre Sainteté nous faire tenir une lettre par laquelle concours et selon le désir de ses légats, qu'on pouvait elle certifie à toutes les Églises et â tous les peuples el devait déduire son assentiment à lui. Ce point, le qu elle ratifie les actes du saint concile... Qu'elle rende pape lui-même le met bien en lumière dans une réponse au plus vite un décret montrant très clairement qu elle particulière à Marcien, écrite le même jour que la confirme le concile de Chalcédoine, afin que ceux qui lettre aux Pères du concile. Il y affirme que « les défi­ cherchent de vains sublerfugesne puisssent plus hésiter nitions du saint concile de Chalcédoine ont plu au siège sur le sentiment de Votre Sainteté. » Ici, c’est mani­ apostolique >·, et il ajoute : « Il n’y avait aucune raison festement une confirmation formelle et publique des d’en douter, puisque tous ont donné leur assentiment décrets doctrinaux que Marcien demande. Toutefois et souscrit à la formule de foi que j'avais émise con­ son désir ne provient nullement de ce qu’il juge cet formément à la doctrine apostolique et â la tradition acte nécessaire â la valeur objective el intrinsèque des des ancêtres. » 661 CONCILES 662 dent-ils comme essentiel à l’autorité souveraine de la En résumé, parmi les documents contemporains du concile invoqués pour la nécessité d'une confirmation condamnation portée contre le luonolhélisme? Il est impossible de le déduire avec certitude du texte même; subséquente, aucun ne prouve cette nécessité. Bien plus, les principaux fournissent contre elle un argu­ il y a plutôt là et dans le contexte des indices con­ ment très solide : les lettres du concile et du patriarche traires: le passage cité affirme absolumentque le concile, Anatole, ainsi que la première de Marcien, par là même en union avec le pape, a déjà proclamé clairement la qu'elles ne demandent que l’admission du canon 28", . foi orthodoxe, et il parle d'une nouvelle confirmation : supposent que les autres décrets conciliaires sont en en outre, dans un autre endroit de la même lettre il possession de leur pleine valeur; la seconde lettre de avait été dit, sans plus de restriction, que la définition, Marcien et la lettre de Léon aux Pères du concile, en portée sous l’inspiration de l’Espril-Saint el la direc­ motivant par des raisons extrinsèques et contingentes tion du pontife romain en conformité avec les saints la nécessité d'une approbation subséquente universelle, Pères et les conciles œcuméniques antérieurs, traçait reconnaissent que, de soi et en général, cette nécessité sûrement le sentier de la vraie foi. Mais alors pour­ n'existe pas. quoi la demande d'une nouvelle approbation ou confir­ b) Documents postérieurs au concile. — Hefele et mation? Peut-être que le concile, en mentionnant Ho­ les auteurs, théologiens ou historiens, qui partagent son norius parmi les hérétiques anathématisés, avait cons­ sentiment allèguent aussi des témoignages postérieurs cience de dépasser les instructions transmises par le au concile, surtout ceux de saint Gélase. Voici les plus pape Agathon, qui non seulement n’avait pas condamné frappants ; Sicut id quod prima sedes non probaverat son prédécesseur, mais avait vanté la pureté toujours constare non potuit, sic quod illa censuit judicandum, inaltérée de la foi de l’Église romaine. S'il en est ainsi, lota Ecclesia suscepit, S. Gélase, Ad episcopos Darda­ on conçoit que les Pères du VI» concile aient senti, quant nio', P. L., t. i.ix, coi. 67; hanc (synodum) jieri sedes à ce point spécial, la nécessité d'une ratification. apostolica delegavit, factamque firmavit, S. Gélase, De Le second argument d'Hefele est tiré de la réponse de anathem. vinculo, c. I, coi. 102; totum in sedis aposloLéon II à l'empereur Constantin Pogonal. Après avoir licæ positum est potestate: i ta quod firmavit in synodo résumé les faits du concile, le pape poursuit, Harsedes apostolica, hoc robur obtinuit ; quod refutavit ha­ douin, t. m, col. 1473 : « C'est pourquoi nous admettons bere non potuit firmitatem, loc. cit., c. tx. coi. 107; se­ et, par notre ministère, ce vénérable siège apostolique des prima et unamquamque synodum sua auctoritate admet sans hésitation ni difficulté les définitions du confirmat et continuata moderatione custodit, pro suo concile et, par l’autorité du bienheureux Pierre, il les scilicet principatu. S. Gélase, Ad episcopos Dardaniæ, confirme, comme fermement et divinement assises sur col. 79. Tous ces textes visent, en effet, tout d’abord le le roc solide qui est le Christ. De même doneque nous concile de Chalcédoine. Mais qu’en disent-ils et qu'en recevons et que nous approuvons les cinq conciles déduisent-ils? A qui les lit attentivement ils rappellent œcuméniques antérieurs, de même et avec un égal qu’il y a dans les décisions du concile deux parties, respect nous recevons, comme les interprétant et fidèle dont une seule a obtenu l’assentiment du pape et à leur doctrine, le VI», célébré naguère dans la cité possède, par conséquent, force de loi universelle, tandis impériale d’après l'inspiration de Votre Sérénité; et que l’autre, faute de cet assentiment, est restée lettre nous le jugeons digne de figurer à côté des précédents, morte; ils attestent, en outre, que le saint-siège a car il a été assemblé, lui aussi, par la grâce de Dieu. » confirmé (firmavit) ce concile et qu'il lui appartient Assurément, la première phrase de ce passage pour­ aussi de confirmer de son autorité (sua auctoritate con­ rait être prise pour une confirmation proprement dite firmai) tous les conciles. Mais ou est la raison établis­ et solennelle. Et pourtant que signifie cette finale : sant avec certitude qu’il s'agit, dans la pensée de Gélase, « Comme fermement assises par le Seigneur luid'une confirmation subséquente? On la cherche vaine­ mêmesur le roc solide qui est le Christ? » Ne supposement; et l’ensemble des documents conciliaires exa­ t-elle pas que les décrets conciliaires tiennent de Dieu minés plus haut suggère bien plutôt, je devrais dire, leur pleine autorité indépendamment d une nouvelle in­ impose l'idée d'une confirmation antécédente et conco­ tervention papale? Ensuite, pourquoi cette comparaison, mitante. qui suit immédiatement : « De même donc, etc.? » Il reste donc acquis que l'histoire du concile de Elle semble assimiler l'attitude du pape quant au Chalcédoine, qui devait fournir à la théorie de la con­ VI» concile à celle observée par lui à l'égard des cinq firmation formelle subséquente ses principaux argu­ autres, qu'il ne songe évidemment pas à confirmer. On ments, lui est. en réalité, certainement contraire. pourrait enfin ajouter que, du moins dans l'intention et 5. Il" concile de Constantinople. — Le V' concile suivant la persuasion de l'empereur, il ne pouvait plus n'entre pas en ligne de compte : il avait été, comme être question de confirmation comme d'un acte néces­ le II", célébré sans le concours du saint-siège, malgré saire à la validité des décrets, puisqu’il les avait déjà même le refus opiniâtre de Vigile d’y participer. Ses publiés dans son empire. décrets, que le pape se décida plus Lard à accepter, Notre conclusion sera donc que, relativement au notaient pas originairement décrets d'un concile œcu­ VIe concile, la Ih'orie de l’approbation formelle a pour ménique. elle deux textes plus ou moins probables, mais aucune 6. 17« concile œcuménique. — Ici, nous serons un certitude. peu moins catégorique que par rapport aux conciles 7. I Ie concile de Nicée. — Les arguments qui ont été précédents. Hefele et ses partisans produisent, en elfet, produits quant au VII» concile supposent,comme beau­ deux arguments qui. sans être nullement péremptoires, coup d'autres, une confusion inadmissible entre une con­ ne sont pas dépourvus d'une certaine vraisemblance. firmation proprement dite et des actes qui en différent Le premier est contenu dans ce passage de la lettre essentiellement. On a fait état d’abord du motif allégué du concile au pape Agathon Ier, llardouin, t. in, par le concile lui-même, act. VI. pour rejeter deux col. 1633; P. L., t. i.xxxvn, col. 1252 : « Avec vous conciliabules précédemment réunis par les empereurs nous avons proclamé clairement la foi orthodoxe en I iconoclastes Léon et Constantin : ce motif, c'est que son éclatante lumière, et nous prions Votre Sainteté adjutorem non habuerint illius temporis romanum de la confirmer de nouveau par son honorée réponse. » papam vel eos qui circa ipsum sunt sacerdotes, per Ou nous traduisons confirmer, le texte original grec vicarios ejus nec per encyclicam epistolam, quemad­ porte έπιβφραγίσαι, el d’après cette phrase, les Pères modum didat lex conciliorum. On a voulu tirer parti auraient vraiment sollicité du pontife romain un acte aussi de ces paroles qu’IIadrien 1er écrivait à Charle­ spécial de confirmation proprement dite. Mais le deman­ magne, llardouin, t. tv, col. 819 : Et ideu ipsam suscepi- 663 CONCILES mus synodum. Nam si earn minime recepissemus et ad suum pristinum vomitum erroris fuissent reversi, quis pro tot millium animarum Christianarum inter­ itu habuit reddere rationem ante terribile tremen­ dum divini judicis examen, nisi nos solummodo? Mais le premier de ces témoignages affirme simplement qu'il ne peut y avoir de concile œcuménique sans la participation du pape; le second parle expressément de l'acceptation (suscepimus, recepissemus) du VIIe con­ cile ou de l'adhésion à ses décisions, et nous n'avons plus à revenir sur la différence entre adhérer et con­ firmer. 8. IV· concile de Constantinople. — On a prétendu que le VIIIe concile aurait expressément demandé sa confirmation à Hadrien II et que celui-ci aurait accueilli celte requête et notifié la chose directement à l'empe­ reur Basile. La demande serait contenue dans ces lignes de la lettre synodale, Hardouin, t. v, col. 1)33-935: Igitur libenter oppido et gratanter imitatrice Dei sanctitate vestra omnium nostrum conventum et universalis hu­ jus atque catholicae synodi consensum et consonantiam recipiente, praedica eam magis ac veluli propriam, et sollicitius confirma coangelicis praeceptionibus et admonitionibus vestris, ut per sapientissimum magi­ sterium vestrum etiam aliis universis Ecclesiis perso­ nal et suscipiatur veritatis verbum et justitiae decre­ tum. On voit que le concile sollicite vraiment du pape une confirmation: mais quelle confirmation? Le mot par lui-même ne le dit pas. En revanche, le contexte nous éclairera peut-être. Remarquons donc que l'on demande à la fois une publication et une confirmation (prædica... et confirma). Le second terme pourrait bien n'ètre ici qu'un synonyme du premier. Cela parait d'autant plus vraisemblable que le début de la phrase suppose 1’assenliment du pontife déjà acquis el même dû aux actes d'un concile où rien n'a été décidé que d’un commun accord et en union notamment avec les légats romains. Notons encore le moyen indiqué pour la confirmation dont il s'agit : Coangelicis præceplio­ nibus et admonitionibus, et son but immédiat : Ut... etiam aliis universis Ecclesiis personel. Tous ces in­ dices réunis excluent la confirmation proprement dite, qui ne se fait assurément point par des recommanda­ tions el des avertissements, tandis qu'ils cadrent par­ faitement avec l'idée d'une promulgation : le pape, dont les légats avaient représenté tout l'Occident au cmcile, était naturellement désigné pour publier les décrets conciliaires dans toutes les Églises occidentales, et c'est ce que les Pères le prient de vouloir bien faire. La lettre d'Hadrien II à Basile le Macédonien, Har­ douin, t. v, col. 938-910, ne renferme pas un mot qui implique de la part du premier une intention de confir­ mation formelle; elle n’affirme même pas le simple assentiment du pape; elle se borne à constater les heureux résultats du concile, in quo, abdicato pravi­ tatis auctore, definitio rectæ fidei et catholicae ac pa­ ternae traditionis atque jura Ecclesiae perpetuis saxulis profutura ac satis idonea fixa sunt et firmata. Ainsi, dans aucun des documents relatifs aux huit premiers conciles œcuméniques nous n’avons trouvé la preuve de la nécessité d’une confirmation formelle; au contraire, plusieurs de ces conciles, en présentant leurs décisionscomme valables et obligatoires parelles-mêmes, nient implicitement, mais clairement, cette nécessité. Le lecteur remarquera du reste que la plupart des con­ sidérations développées par nous valent non seulement contre l'affirmation de principe de Turrecremata et Hefele, mais aussi contre la thèse historique défendue, 1 dans des limites diverses, par Bellarmin, Hurler, Chr. Pesch, Palmieri et d’autres. Les théoriciens de la confirmation formelle ont essayé encore de tirer argument des conciles et décrets conci­ liaires qui, rejetés par les papes, n'ontjamais été tenus 6G4 pour légitimes, et aussi de ceux dont l'autorité n’a été admise dans l’Église que conséquemment à leur recon­ naissance par le Saint-Siège tdans la première catégo­ rie il faut ranger le Latrocinium Ephesinum et le 28e canon de Chalcédoine; à la seconde appartiennent le Ier et le IIe conciles de Constantinople. Mais pour expliquer ce double fait corrélatif, il suffit qu’une assemblée œcuménique et des décisions ayant valeur œcuménique n'aient pas été possibles sans la participa­ tion ou l’accession du pontife romain : rien ne nous force à en déduire la nécessité d une confirmation ou plutôt rien ne nous le permet : une confirmation pro­ prement dite suppose un décret conciliaire en due forme, c’est-à-dire porté par un concile œcuménique, par un concile représentant, dans sa constitution et son action même, l’Eglise universelle; or, cette condi­ tion ne se vérifie pour aucun des cas ci-dessus indi­ qués. Si l’histoire des premiers conciles ne prouve pas en faveur de la confirmation subséquente, elle montre clairement qu'à aucun de ceux qui sont réputés œcu­ méniques dans leur célébration, n’a manqué ce que l’on appelle la confirmation concomitante, qui consiste dans une coopération effective du pontife romain. Pour cinq conciles, à savoir ceux d’Éphèse et de Chalcédoine, le IIIe concile de Nicée et le 1V° de Constantinople, les documents permettent même d’affirmer une confirma­ tion antécédente, c’est-à-dire une décision ferme prise à l'avance par le pape et transmise par lui à l'assemblée conciliaire comme règle obligatoire de ses conclusions et de ses décrets. Ceci a été suffisamment établi plus haut. IX. AuTontTÉ des conciles œcuméniques. — On peut caractériser celte autorité en disant qu’elle est à la fois la pins haute et la plus solennelle qui existe dans l’Eglise; elle impose des lois disciplinaires uni­ verselles et prononce infailliblement sur les questions de foi et de mœurs. Elle n’est point supérieure, mais égale en soi à celle du souverain pontife, de qui cepen­ dant elle dépend par plus d’un côté; non seulement la coopération pontificale est un de ses éléments indispen­ sables et essentiels, mais il n’y a que le souverain pon­ tife qui puisse l’actualiser et qui puisse lui donner existence par la convocation formelle; et c’est lui aussi, par conséquent, qui en délimite l'exercice quant à la durée et quant à l'objet. La théorie de la supériorité du concile œcuménique sur le pape et de la possibilité d'en appeler au premier des sentences du second a fait son temps. Née à l'époque malheureuse du grand schisme d’Occident; défendue par Pierre d'Ailly. par Gerson et par les gallicans de l'époque subséquente; adoptée par le concile de Constance, qui essaya, dans les fameux décrets de la 111e et de la IVe session, de lui donner une sorte de consécration officielle; reprise dans le deuxième article de la Déclaration de 1682 et dans la troisième proposition du synode de Pistoie, elle a toujours été combattue par la très grande majorité des théologiens et des canonistes. Le saint-siège l'a re­ poussée, tant par sa pratique constante que par la condamnation formelle des articles de 1682 et des erreurs multiples de. Pistoie. Pie VI avait déjà inlligé à la thèse du s pontife romain chef ministériel » de l’Église la qualification d'hérétique; et il est clair qu'aprèsla définition de l'infaillibilité pontificale, l'affir­ mation de la subordination du pape aux conciles dans les matières de foi et de mœurs ne saurait être considérée que comme une hérésie. Mais bien que nul­ lement supérieure en soi à celle du pape, l'autorité d'un concile œcuménique, à cause du nombre, du prestige et des qualités personnelles de ceux qui le composent, peut, dans certains cas. prendre aux yeux des fidèles comme un cachet de splendeur et d'effica­ cité prépondérantes. GG5 CONCILES L'autorité suprême est, dans le concile, exercée con­ jointement par tous les membres. Les évêques conciliairement assemblés constituent autant de juges, de législateurs et de définisseurs. Celte qualité, qu'exprime bien la formule traditionnelle : Ego N. N. definiens subscripsi, leur a été solennellement reconnue au con­ cile l atius, de Delphinus, de Donatus, de Mantua-Bonavitus, de Fabullotus. de Carranza et de Pierre de Monte Monarchia. Pour l’histoire : P. de Corialones, Summa conciliorum omnium, in-fol., Anvers, 1623; Carranza, Summa omnium conciliorum, Paris, 4668; G. de Rives, Epitome canonum conciliorum, in-fol., Lyon, 4668; Doujat, Synopsis concilii rum, Paris, 4671 : Buy, L'histoire en abrège des quatre pre­ miers conciles, Paris, 1676; J. Cabassut. .Votir-a Conciliorum S. Ecclesite, in-8·, Lyon, 4668; souvent réédité, voir L ir, col. 4297: Hermant, Histoire des conciles, 2· édit., 4 in-42. Rouen, 4704; Ed. Richer, Historia conciliorum generalium. 3 in-4‘, Paris, 1680: C.-L. Richard, Analyse ou id· ·' ρ··ο,·-α.!·: des conciles généraux et pontificaux, 5 in-4·, Paris. 4772; 2 in-8·, Bruxelles, 4806; édit. Guérin, 3 in-8·, Barde-Duc, 1868, III. - 22 675 CONCILES — CONCINA trad. lat.. 4 in-8·, Augsbnurg, 1778; Alletz, Dictionnaire des conciles, 2’ édit., Paris, 1764; Besançon, 1822; trad allemande, Augsbourg, 1843 ; Dictionnaire universel et complet des con­ ciles tant généraux que particuliers, collection Migne, 2 in-4·, Paris. 1846: Roisselet de Saucliers et Avalon, Histoire des con­ ciles, G vol., Paris, 1844-1855; Barthélemy des Martyrs, Summa conciliorum tam generalium quam particularium, Turin, 1869; V. Tizzani, Les conciles généraux, trad, franç., 2 in-8·, Rome, 18G7 1868; Guyot, Im somme des conciles généraux et particuliers, 2* édit., 2 in-12, Paris. 1S68; Hefele. Konciliengeschichte, 9 in-8·, Fribourg-en-Brisgau. 1855-1890 (les deux der­ niers volumes par Hergenrother); trad, franç., des sept premiers vol. par Delarc. 12 in-8·, Paris. 1869-1878 :2'édit..6 vol. parus. 1873-1882 (les deux derniers revus parKnopfer): trad, anglaise par Clark, 1871 sq.; nouvelle trad, franç. avec nomb. add. par dom H. Leclercq, 1907 sq.: Hergenrother. Katholische Kirche und christlicher Staat, 1872; Id. Handbuch der Kirchengeschichte, 2· édit., 1879. passim: Funk, Kirchengeschichtliche A bhandtungen und Untersuehungen, Paderborn, 1897, t. i; Id., Histoire de l’Église, trad. Hemmer. 2' édit., Paris. 1895; Kneller, Papst und Konzil im ersten Jahrtausend, dans Zeit­ schrift fur katholische. Théologie, Inspruck, 1904, 1905. Pour la théorie et l'histoire à la fois, voir les collections de conciles. Ces collections sont universelles ou particulières. Parmi les premières, on compte J. Merlin, Concilia generalia græca et latina, 2 in-fol., Paris. 1523; in-fol., Cologne, 1530; 2 in-8·, Paris, 1536; P. Crabbe, Concilia omnia tam generalia quam particularia, 2 in-fol., Cologne. 1588; 3 in-fol.. Cologne. 1551; F. Joverius. Sanctiones ecclesiasticae tam synodicæ quam pon­ tificiae in tres classes distincta*, quarum prima universales sgnodos, secunda particulares, tertia pontificia decreta com­ plectit ur, Paris. 1555: L. Surius, Concilia omnia tam genera­ lia quam provincilia atque particularia. 4 in-fol., Cologne, Ί567 ; 2· édit., complétée par Bollan, 5 in-fol., Venise, 1585; S. Bini, Concilia generalia et provincialia, 5 in-fol., Cologne, 1606 ; 2* édit., ibid., 1618; 3' édit., 9 in-fol., Paris, 1636, voir t. n. col. 900-901 ; .1. Sirmond. Concilia generalia, 4 in-fol., Rome. 1608-1612 (cette collection, faite par ordre de Paul V, est dite Collectio romane); Conciliorum omnium generalium atque provincialium collectio regia, 37 in-fol., Paris, 1644; Labbe et Cossarl, Sacrosancta concilia ad regiam editionem exacta, 17 in-fol., Paris, 1671-1672: Baluze commença la publi­ cation d’un supplément, dont un seul volume parut : Nova col­ lectio conciliorum, Paris, 1683, t. i; 2 édit., 1707; J. Hardouin, Collectio maxima conciliorum generalium et provincialium, 12 in-fol.. Paris, 1715; avec un volume de rectifications imposées, Paris, 1722; sans ce volume, Utrecht, 1730; 1751; N. Coleti, Sacrosancta concilia ad regiam editionem exacta, 23 in-fol., Venise, 1728-1733 (voir col. 364); D. Mansi y ajouta un supplé­ ment : Sanctorum conciliorum et decretorum nova collectio, 5 in-fol., Lueques, 1748-1752; il publia ensuite : Sacrorum con­ ciliorum nova et amplissima collectio, 31 in-fol , Florence et Venise, 1759-1798 ; 2’ édit., 35 in-fol., Paris, 1901 sq. : l'édition sera complétée sous la direction de M. l’abbé J.-B. Martin; de ce supplément intitulé : Collectio conciliorum recentiorum Ecclesiæ universa*. le t. i" a paru en 1905; Collectio Lacensis, Acta et decreta sac. conciliorum recentiorum, 7 in-4·. Fribourg-en-Brisgau. 1870-1890. Cf. J. Catalani. Sacrosancta conci­ lia œcumenica commentariis illustrata, b in-fol., Rome, 17361749. Les collections particulières sont consacrées aux conciles de divers pays : Schannat, Hartzheim, Neissen et llesselmann. Concilia Germaniæ, 11 in-fol., Cologne, 1719-1790; Blatlau, 8 in-4·. Trêves, 1844-1849; J. Sirmond, Concilia antiqua Galtiæ, 3 in-fol., Paris, 1629; avec un supplément par P. de la Lande, Paris, 1666; L. Odespun de la Meschiniére. Concilia novissima Gnlliæ (après le concile de Trente), in-fol., Paris, 1646: dom Labat, Conciliorum Galliæ tam editorum quam ineditorum, Paris, 1789, t. i (seul paru): dom G. Bessin, Concilia liothomagensis provinciæ, in-fol,, Rouen, 1717; Baluze, Concilia Galliæ Narbonnensis, in-8·, Paris, 1668; Loaisa, Collectio conciliorum Hispaniæ, in-fol., Madrid, 1593; J. Saenz de Aguirre, Collectio maxima conciliorum omnium Hispaniæ et novi orbis, 4 in-fol., 1693-1695; 2* édit., par Catalani, 6 in-fol.. Rome. 17531755; F.-A. Gonzalez, Collectio canonum Ecclesiæ Hispana*, in-fol., Madrid, 1808; II. Spcelmann, Concilia, decreta, leges, constitutiones in re Ecclesiarum orbis Britannici, 2 in-fol., Londres. 1639,1664; D. Wilkins, Concilia Magna* Britannia? et Hibemiæ, b in-fol., Londres, 1734; Haddan et Stubbs, Councils and eccl. documents relating to Great Britain and Ireland, i 4 vol., Oxford, 1869-1871 ; C. Peterfy, Sacra concilia Ecclesiæ | romano-catholicæ in regno Jlunparix celebrata. 2 in-fol., Vienne, 1737, 1742 ; Reuterdahl, Statuta synodalia veteris * 076 Ecclesiæ suevogothicæ, Londres. 1841 : de Ram, Synodicum belgicum.3 vol., Malines. 1828 (inachevé); Acta Ecclesiæ Me­ diolanensis, 2' édit., 2 in-fol., Lyon, 1683; V. N. Orsini (plus tard Benoit XIII), Synodicon Beneventanensis Ecclesiæ, in-fol., Bénévent, 1695 ; Etruria sacra (synodes de Florence de 1327 à 1732), in-fol., Florence. 1732, t. 1 (seul paru); pour le Pérou, Lima Limata, in-fol., Rome, 1673; J.-B. Pitra, Juris ecclesia­ stici Graecorum historia et monumenta, 2 in-4·, Rome, 18641868. Sur les collections des conciles, F. Salmon, Traité de l’étude des conciles et de leurs collections, in-4·, Paris, 1724, 1726; dom Quentin, Dominique Mansi, et les grandes collections conciliaires, Paris, 1900. Sur les conciles œcuméniques on trouvera en outre des renseignementsdansCh.Lupus, Synodorum generalium ac provLrialium decreta el canones,b in-4·. Louvain. 1665; Bruxelles. 1673; Opera, Venise, 1724, t. i-vi ; L. Thomassin. Dissertationes, commentarii, notæ in concilia tam generalia tam particula­ ria, in-4·, Paris, 1667, reproduit dans Rocaberti. Bibliotheca pontificia, t. xv; dans les historiens et commentateurs du con­ cile du Vatican, notamment dans Cecconi, Storia del concilio ecumenico Vaticano scritta sui documenti originali, 4 vol, Rome, 1873-1879; trad, franc., 4 in-8·, Paris. 1887; Granderath et Kirch. Geschichte des Vatican ischen Konzils Von seiner Ankûndigung bis zu seiner Vertagung, 2 vol. parus. Fribourgen-Brisgau, 1903; Vacant, Études théologiques sur les consti­ tutions du concile du Vatican, Paris, 18Ό5. t. i. J. Forget. CONCINA Daniel. — I. Biographie, il. Œuvres. III. Jugement. I. Biographie. — Concina naquit le 2 octobre 1687, à Clauzetto, dans la province de Forli, au diocèse d’Udine. Son père s’appelait Pierre Concina, sa mère. Pasqua Cecconia. Il reçut au baptême le nom de Daniel. Il était le second de six garçons; un de ses frères. Léonard, devait le suivre dans le cloître, sous le nom de frère Nicolas (γ 1763). Daniel fit ses premières études dans son pays natal, puis fut confié aux Pères de la Compagnie de Jésus, au collège de Goritz. dans le Frioul. Là, Daniel Concina n’eut guère pour maîtres que des religieux d’origine allemande, de sorte qu’au point de vue litté­ raire, ses premières études restèrent incomplètes. En revanche, il n’eut toujours que des louanges à adresser à ses premiers maîtres, pour le soin qu’ils apportèrent à sa culture morale. Cf. Christiana theologia, c. xm, § 1. præf., t. i, p. 12't; Defensionis decretorum concilii Tridrnlini, etc. Arrivé au moment de se décider sur un choix de vie, Daniel Concina se sentait surtout attiré vers un ordre où il trouverait à la fois à satisfaire son goût pour l’étude et son attrait vers la pratique de la pauvreté. C’est pourquoi il décida de se donner à l’ordre des prê­ cheurs dans la congrégation réformée du B. Jacques Salomon, instituée sous le généralat du P. J.-B. de Ma­ rinis, le 4 août 1662. Ce fut au mois de mars de l’année 1707, que Concina revêtit l’habit dominicain, au cou­ vent des Saints-Martin et Rose à Conegliano. Il fut ad­ mis à la profession, après un an de noviciat, le 25 mars 1708. Après avoir étudié la philosophie pendant trois ans, il fut envoyé au couvent du Très-Saint-Rosaire, à Venise, pour y faire ses études théologiques. Il y passa huit années, sous la direction des PP. Andriusso et Jean-Albert Zanchio. En 1717, il fut choisi pour enseigner la philosophie au couvent de Forli. Il éprouva une grande peine à quitter Venise, où l’abondance des livres lui rendait le travail plus facile. Λ Forli, il profita des loisirs forcés que lui donnait la grande pénurie de livres où il se trouvait, pour se préparer au ministère de la prédication Sa première éducation littéraire présentait des lacunes, il voulut les combler en s'adonnant â l’étude de la langue italienne dans les meilleurs auteurs toscans. Il se mil aussi à composer des sermons. Pendant ses trois ans de séjour à Forli. il en composa plus de trente. En même temps, la connaissance des Pères, de saint Chrysostome el de saint Augustin, en particulier, lui devenait fa mi (ΪΪΊ CO NCI N A Here. Néanmoins, il ne commença à prêcher qu’à 32 ans. â Forli d'abord, puis à l’ordenone. Ses succès le lirent appeler dans la chaire de Santa-Maria-Novella, à Florence. En 1727, le P. Guglielmo .Molo, procureur général de l'ordre, lui fait prêcher le carême à Bologne. Au cours de celte station, il se lie d’amitié avec le légat Thomas Ruffi. L’année suivante, le cardinal Vincenzo Lodovico Gotti lui ménage l’occasion de se faire en­ tendre à Sainte-Marie-sur-Minerve. Dés ses débuts dans la chaire, Concilia s'acquit un grand renom comme orateur. A partir de '1730, date de sa première polémique, il ne cessa de prêcher et d’écrire. Sa vie se passe en des luîtes continuelles; aussi, en dehors de ces controverses, l’historien ne trouve-t-il rien à raconter d’un homme qui joua pourtant un si grand rôle sans avoir été élevé jamais à aucune dignité ni dans son ordre, ni dans l'Eglise. Pendant plus de 25 ans, il ne cesse de lutter contre les partisans d'une morale soi-disant relâchée. Mais sa santé ne pouvait tenir longtemps à une vie aussi intense. En 1754, il sentit â Rome les premières atteintes du mal qui devait l'emporter; son désir était d aller mourir parmi les siens, au couvent de Venise. Il se mit en route; à Florence, où il s’arrêta pour essayer d’un traitement, il fut l'objet de toutes les attentions des Pères ducouventde San-.Marco, ainsi que de l'illustre famille Corsini. Sur l’avis des médecins, il prit les eaux de Bagni di Lucca, mais sans grand succès. Après un an de tentatives vaines pour recouvrer la santé, il quitta définitivement Florence pour Venise ou il arriva le 4 octobre 1755. Le 20 février 1750, une crise plus vio­ lente se produisit, et il mourut le lendemain, 21 février, dans la plénitude de sa connaissance, à l'âge de 69 ans. Il fut enseveli dans l'église du couvent du Très-SaintRosaire. Le chapitre général de l'ordre, réuni à Rome, la meme année, sous la présidence de Benoit XIV, fit insérer dans ses actes un éloge de Concina. Cf. Acta capit. gener., Rome, 1756, p. 166. Le couvent de Venise envoya une lettre circulaire relative à la mort de Con­ cina. L'auteur en était le P. Pierre Fanlini. Elle fut édilée plusieurs fois à Venise, puis à Rome, à Lacques, à Florence, à Paris, etc. Cf. Sandelli [Fassini], De Danielis Concina vita el scriptis commentarius, in-4°, Bres­ cia, 1767, p. 89. 11. Œuvres. — L’activité littéraire de Concina s’est exercée à peu près dans tous les domaines de la morale. Le récit des nombreuses controverses qu'il eut à soute­ nir est un des chapitres les plus intéressants de l'his­ toire de la théologie dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. I. CONTROVERSE SUR LA PAUVRETÉ RELIGIEUSE. — Ie Prédicateur renommé, Concina ne fut amené à la con­ troverse que par une occasion toute fortuite. Pendant un séjour à Rome, s'entretenant sur la pauvreté avec le maître général de l'ordre. Thomas Ripoll, celui-ci lui montra un opuscule du P. Raphael de Pornasio, De communi et proprio religiosorum, paru avec l'approba­ tion du cardinal Orsini, archevêque de Bénévent, plus tard Benoit XIII. L'opuscule avait été dédié au P. Tho­ mas Pipia, maître général de l’ordre et dans la suite cardinal. Concina, ayant pris connaissance de cet écrit, en médita aussitôt une réfutation. Il commença par recueillir dans les principales bibliothèques de l'ordre les matériaux qu’il estimait nécessaires au travail projeté. En 1731, il consulte les manuscrits d'Ambrogio Taegi sur la rélorme du couvent de Santa-Maria-delle-Grazie, a Milan; il trouve aussi quelques renseignements à la bibliothèque de Pavie, mais ce fut la bibliothèque du couvent de Saint-Dominique de Naples qui lui fournit la moisson la plus abondante de documents précieux. Ainsi muni, Concina lit paraître en 1736, sous le pseu­ donyme de Carolus Antonius Plantamura, sa réfutation de l'opuscule du P. Raphaël de Pornasio : Commenta­ rius hislorico-apologelictis in duas dissertationes tribu­ G78 tus; quarum altera anticriticis animadversionibus refellit ea, quæ adversus paupertatis disciplinam, a D. patriarcha Dominico constitutam, intempérant iore critice scriptis prodiderunt continualores Ballandi; altera eamdem disciplinam a laxioribus P.Raphaelis de Pornasio interpretamentis vindicat. Accedit disser­ tatio hisloricade origine disciplinée regularis, primum in ordinem priedicalorum per B. Bagmundum de Vineis, xxui magistrum generalem ejusdem ordinis instauratio, et quesliuncula moralis de regularibus personalis, in-4°, Venise, 1736, 1745. Dans Ia première dissertation, Concina réfutait la fable accréditée par les bollandistes et dont le P. Cuper, S. J., s’était fait le champion. Acta sanctorum, t. i augusti, in comment, præviis ait acta S. Dominici, § 33, 34, â savoir que saint Dominique aurait été présent au cha­ pitre des Nattes et aurait emprunté à saint François ses vues sur la pauvreté. Dans la seconde dissertation, Concina combat l’opinion du P. de Pornasio prétendant que, du temps de saint Dominique, la pratique de la pauvreté était ce qu’elle fut au xvn" siècle. Il montre au contraire que du temps de saint Dominique, on pratiquait la vie commune. Dans la dissertation histo­ rique sur Raymond de Capoue, il monlre quels efforts ce général déploya pour rétablir l'antique discipline touchant la pauvreté. Enfin, dans la petite question, en appendice, Concina combattait l’opinion des théologiens prétendant que les réguliers peuvent, sans encourir l'excommunication ni pécher mortellement, fréquenter les théâtres ou les spectacles. Contre le Commentaire parut une lettre du P. Gonzalve Carattini. O. P., pro­ fesseur au gymnase Sainle-Anastasie, à Vérone. Cette lettre remplie d'insolences à l'adresse de Concina n’était pas signée. De leur côté, les bollandistes, pour défendre Cuper, déléguaient Jean Limpenius, Suivant lui, Cuper n’avait fait qu’invoquer l’autorité du Spéculum des mineurs, ou se trouve relaté l’épisode du chapitre des Nattes. 2“ Après une station prêchée à la basilique SaintLaurent ad Damasum, à Rome, Concina reçut de plu­ sieurs personnages, en particulier de la part du cardinal Otloboni, la plus pressante invitation à faire paraître au plus tôt l’ouvrage attendu sur la pauvreté religieuse. De retour à Venise, Concina publia son livre qu’il dédia au cardinal Anibale Albano, du titre de Sainte-Sabine Disciplina apostolieo-monastica dissertationibus theo­ logicis illustrata el in duas partes tributa, in quarum una de volo paupertatis vitæ communi circumscripto, in a terade cteleris ejusdem disciplinae capitibus prxcipuis disseritur. Accedunt selecta quxdam veterum theologorum monumenta, in-4", Venise, 1739, 1740. 11 y exposait la théorie du vœu de pauvreté, comme con­ trat bilatéral entre la religion et le religieux, de telle sorte que si l'un des contractants manque à son enga­ gement, l'autre se trouve également délié de ses obliga­ tions. Dist. II, c. t, p. 84. Deux autres dominicains, les PP. Carattini et Millante protestèrent. Millante, pro­ fesseur de théologie à l'Athenæum de Naples, plus lard évêque de Slahies, composa contre Concina un ouvrage intitulé : Fr. Pii Thomae Millante ex-viearii gem-ralis sanclæ Mariæ Sanitatis ord. præd... vindicia· regula­ rium in causa monaslicæ paupertatis, in-l\ Naples. 1740. Millante soutenait qu’il était équitable de lai-svr aux docteurs cæterisquein studiis litterarum impalles­ centibus, un pécule pour pouvoir se procurer quelques douceurs. Pour ne pas rendre publiques des discu-sions au sein d'un même ordre, Concina avait pris la résolu­ tion de ne pas répondre. Millante, au contraire, lit recommander son ouvrage par le Journal de Trévoux. Ainsi, il se fit parmi les religieux de toutes cou!-urs de chauds partisans. On avait aussi â se venger de la dissertation contre les bollandistes. On voulait arracher à l'index la condamnation de la Disciplina apostolicc- G79 CONCINA monastica, mais le cardinal An. Albano, â qui le livre avait été dédié, le sauva de la censure. Trois ans plus tard, le P. Carattini publia contre Je même ouvrage : Vita clauslralis a Christo servatore exemplo, atque hortatu inducta, ab apostolis more comprobata, et a SS. patriarchis toto orbe propagata, ac diffusa, variis dissertationibus illustrata. Opus crilico-hislorico-lheologicum in tres partes tribulum, in quarum altera agitur de voto paupertatis adversus auctorem commen­ tarii duplicis et disciplina: apostolico-monasticæ, in-4”, Vérone, 1743. L’ouvrage était dédié au P. Aloysio-Maria Lttcini, commissaire général du Saint-Office, à Rome. Carattini s’attachait à prouver la légitimité du pécule et essayait de démontrer que les papes, les conciles, et même les fondateurs d’ordres l’avaient prévu. Concina répondit par Defensio decretorum concilii Tridenlini et aposlolicarum constitutionum Ecclesiæ Romanæ in causa paupertatis monaslicæ adversus duos libros in­ scriptos: Vita clauslralis et Vindiciæ regularium. Ayant extrait neuf propositions de la Vita clauslralis, qu’il jugeait dignes d’etre censurées, il les envoya avec son ouvrage au cardinal Passionei. Celui-ci, après en avoir référé â Benoit XIV, remit le livre de Carattini à la S. C. de l’index. Le premier censeur délégué était un auguslin, préfet du palais apostolique et partisan du pécule ; Passionei obtint que l'on nommât un autre censeur : le P. Aloysio Maria â Turre, procureur général des moines du Mont-Cassin. Son rapport concluait à la condamnation du livre. Le cardinal Lucini écarta la sentence. On nomma alors un troisième censeur, le cardinal Besuzzi, qui, après plusieurs mois d’examen, conclut à la correction de certaines propositions de Carattini. Tout heureux d’avoir échappé à une con­ damnation complète, celui-ci n'en publia pas moins une lettre intitulée: Epistola ΕΞΗΓΗΤΙΚΗ quarumdam operis Vita clauslralis propositionum, ab auctore ejusdem operis ad amicum scripta et per modum ap­ pendicis operi adnexa, Vérone, 1744. 11 amendait quel­ ques unes de ses propositions, mais n’en continuait pas moins ses attaques contre Concina. Le cardinal Pas­ sionei eût voulu faire condamner cet écrit, mais à des­ sein, on omit de le faire prévenir le jour de la séance de la Congrégation. Cf. Sandelli, Episl., xvt, op. cit., p. 27 sq. Pour ne pas envenimer la querelle, le général de l’ordre imposa silence à Concina. 3” En 1745, prêchant à Rome dans la basilique des Saints-Apôtres, Concina demanda et obtint du pape l’au­ torisation de répondre à Carattini. Il le fit par la publi­ cation de sa Defensio decretorum... Accedunt Censura in censuram Disciplina: aposlolico-monasticæ et Ani­ madversiones in Epistolam exegeticam P. G. C., in4", Bologne (Venise), 1745 ; in-8», 1758. La même année, il publiait contre Carattini : Epistola ad Polycarmum virum cl., in qua B. Nicolai Justiniani Veneti mona­ chatus a fabulis, vanisque commentis asseritur, in-4”, Venise, 1745; Trente, 1746; 1755. Nicolas Justiniani, moine du .Mont-Cassin, plus tard évêque-de Vérone, avait publié à Venise, en 1743, une lettre ad Amicum, con.re Carattini. it. coxrnovEnsE see le jeune. — 1° En 1739, Copelloli, prêtre de Plaisance, publia avec le concours d’un autre prêtre, l’abbé Cazali : Dissertazione teologico-morale critica intorno all' incompalibilita del digiuno col niangiar delle carni... in risposla all’ apologia della dissertazione del dottor Alessandro Mantegazzi, in-8”, Venise. 1738 |1739|. Le but de cette dissertation était de combattre la doctrine établie par Mantegazzi, autre prêtre de Plaisance, dans un écrit intitulé : De je­ junio cum esu carnium con/ungendo, Plaisance, 1737. 11 y enseignait que ceux qui sont légitimement dispen­ sés de l'abstinence ne sont pas dans tous les cas dis­ pensés du jeûne. L’évêque de Borgo-San-Donnino avait déjà tenu celte doctrine dans une ordonnance pour son 680 diocèse. Dans leur dissertation, Copelloti et Cazali sou­ tenaient que le jeûne est un tou! indivisible qui consiste à garder l’abstinence et à ne faire qu’un seul repas par jour. Ainsi quiconque est dispensé de l'abstinence se trouve par ce seul fait soustrait à la loi du jeûne. Et ils concluaient que les particuliers aussi bien que les com­ munautés, à qui l’on permet pour des raisons légitimes de ne pas garder l'abstinence pendant le carême, sont complètement dispensés de la loi du jeûne. Concina ayant pris connaissance de l'autographe de celte disser­ tation avait tenté, mais en vain, d'en empêcher la publi­ cation. Il obtint néanmoins la permission de copier les témoignages des plus graves théologiens sur lesquels Copelloti et Cazali s’étaient appuyés. En l'espace de vingt-cinq jours, il eut composé un livre intitulé: La quaresima appellante dal foro conlenzioso di aleuni recenti casisti al tribunale del boon senso, e della buona fede del popolo Cristiano sopra quel suo precello del digiuno da accopiarsi coll’uso delle carni, permesso pel solo nocumento del cibo quaresimale, in-4”, Venise, 1739, 1744, '1756. 11 y réfutait la doctrine de la disser­ tation en s’appuyant sur l’autorité des papes, des cano­ nistes et des théologiens. Vivement attaqué, il fit pa­ raître, la même année 1739, une seconde édition de son ouvrage avec une Apologetica præfatione. 2» La lutte n’en continua pas moins. Le P. Fr. Berlendi, théatin, pour venger Antonin Diana, théatin lui aussi, vivement pris à parti par Concina, composa une lettre dont l’impression à Venise lui fut refusée. Elle parut à Lucques sous ce titre : Leltera responsiva ad un amico intorno al libro intilolalo Quaresima appel­ lante, e sua prefazione apologetica, Lucques, 1739. Le P. Valseccbi, O. P., de Vérone et professeur de théolo­ gie à l'Athenæum de Padoue, répondit à Berlendi, par un écrit, paru à Venise, sans nom d’auteur : Riftessioni sopra la letiera responsiva ad un amico intorno alla quaresima appellante, in-8”, Venise, 17-40. Une réplique de Berlendi est restée manuscrite, mais un auteur ano­ nyme nous en a conservé le canevas dans une lettre très brève, publiée à Brescia, en 1750, sous ce titre: Letiera islorico-crilica di un sacerdote sopra Ire punli concer­ nenti la questione del probabilismo e probabiliorismo. Voir le jugement de Zeni sur les opuscules de Berlendi et de Valsecchi dans Cl. Apostolo Zeno, t. ni, p. 209, 279. 3” En 17-40, la lutte continue contre le Carême appe­ lant. Le P. Hercule Monti, S. J., de Modène, commence; puisavec le P.Cocconati, S. J.,il publie àLucques: Difesa della dissertazione teologico-morale critica de’ Signori Abb. Pietro Copelloti e’ Bartolommeo Casali, esposta in alcune riflessioni sopra il libello intitolqto: la Qua­ resima appellante. Dans cette diatribe, Monti traitait Concina de disciple d'Arnauld el de Pascal, p. 4; d'homme pire que Luther et que Mélanchthon, p. 112 ; de violateur de la foi publique, de calomniateur et de jan­ séniste. Il disait encore que, pour pouvoir mieux répon­ dre, il avait retenu pendant plusieurs mois l'autographe de la Dissertazione teologico-morale, p. 1. 87. Cependant l'intention de Concina était de ne pas répondre. Storia det probabilismo, t. t, A chi legge, p. XXV, mais Monli l’ayant mis au défi de le faire, car il aurait peur, disaitil, de voir se lever contre lui toute une armée d’écri­ vains, p. 5, il n’hésita plus et composa une Apologelicam dissertationem (1740), qui parut en appendice au t. n de l’Histoire du probabilisme. Elle fut aussi ajoutée à la troisième édition de la Quaresima appellanle, Ve­ nise, 1744. Monli ne répliqua pas. 4» La querelle étant venue jusqu’à Benoît XIV, il fit examiner attentivement la chose etapprouva la sentence de Concina, et le 30 mai 1741, il lançait l’encyclique Non ambigimus, où il déclarait servandam scilicet esse unicam comestionem sicut alias hic Roma: ac nos ipsi hoc anno urgentibus caussis dispensantes expresse 681 CONCINA præscripsimus... conscientiam uniuscujusque vestrum onerandam esse duximus. De nombreuses discussions s’engagèrent sur la valeur comminatoire de ce docu­ ment pontifical. Les uns prétendaient qu’il ne s’agissait que d'un conseil et non d’un précepte; d’autres, que cette sentence ne s'adressait qu'aux moines; certains, qu'elle ne visait que ceux qui avaient obtenu dispense de la nourriture quadragésimale ; enfin, il s’en trouva pour dire que Benoit XIV n’avait parlé que comme docteur privé et que son jugement était rapporlable. C’est alors que, le 22 août de la même année 1741, le pape publia une seconde encyclique In suprema, pour expliquer la première. La conclusion était : Nemine ex­ cepto -unicam comestionem servandam declaramus et edicimus, quemadmodum unicuique expresse prieseribimus, atque preecipimus. Concina composa un bref commentaire des deux encycliques. Il l’intitula : La dis­ ciplina antica e moderna delta Romana Ghiesa inlorno al sacro quaresimale digiuno, espressa ne’ due brevi: Non ambigimus, et In suprema del regnante somnis ponteflce Benedetto XIV, illustrata con osservazioni sto­ riette, criticlie e teologiche, in-4», Venise, 1742, 1756. Le commentaire était dédié au cardinal Passionei. San­ delli, op. cit., Lettera z«, 17 février 1742. 5" Ces deux décisions pontificales ayant donné lieu en Espagne, et en particulier dans le diocèse de Compostelle, à beaucoup de discussions, pour couper court à toute fausse interprétation. Benoit XIV adressa, sur ces ma­ tières, un reserit à l'archevêque de Compostelle (8 juil­ let 1744). Sur le conseil du cardinal Passionei, cf. Epist., xm, xiv, p. 21 sq., 24, Concina fit un commentaire de ce reserit. 11 parut sous ce titre : In rescriptum Be­ nedicti XIV, ad postulata septem archiepiscopi Composlellæ, jejunii legem spectantia, commentarius theo­ logicus, in-4°, Venise, 1745, 1755. Il s’attachait surtout à montrer que le reserit pontifical n’était pas la promul­ gation d'une loi nouvelle dans l’Église, mais qu'il n’était que le rappel de l’ancienne discipline. Ce commentaire ainsi que ceux qui accompagnèrent les deux encycliques de 1741, reçurent la haute approbation de Benoit XIV, dans une Lettre circulaire adressée aux patriarches, aux primats et métropolitains de l’Église catholique. Cf. en­ cyclique Libentissime. tu. HISTOIRE ou PROBABILISME. — '1° Œuvre. — 1. On a dit que Concina avait entrepris VHistoire du probabi­ lisme et du rigorisme, directement contre les jésuites. Plusieurs auteurs, Patuzzi, en particulier, ont réfuté cette opinion. Concina explique lui-mê.me la genèse de cet ouvrage. Storia del probabilisme, A chi legge, p. xxvi. Dans la Dissertatione leologico-morale cri­ tica, publiée par Cazali et Copelloti, au sujet du jeûne, ces auteurs avaient longuement parlé de la probabilité réflexe el directe. Concina avait répondu dans la Qudresima appellante en exposant brièvement la théorie de la probabilité. Le P. Monti, S. .1., en termes très vifs avait combattu la notion de la probabilité d'après Con­ cina. Il le renvoyait, disait-il, Difesa della dissertatione, p. 13 sq., à Copelloti, à Cazali, à Segneri, à Camargo. Malheureusement, pour la thèse de Monli, Concina se montra docile à ses conseils et se mit à étudier les au­ teurs en question. Au bout de sept mois, il sortit de cet examen, un livre intitulé: La morale evangelica conte­ nante i punti fundamentali. Le manuscrit ayant été remis au vicaire général de la congrégation, celui-ci délégua d'abord le P. .Jean Bernard de Rubeis qui s’ex­ cusa ; plusieurs autres déclinèrent après lui l'office de reviseur du livre, timebant plerique rebus suis, el PP. Societatis plus æquo verebantur, dit Sandelli, op. cit., p. 36. Ne sachant que faire, Concina parla de ses diffi­ cultés au P. .Joseph-Augustin Orsi, maître du sacré-palais et qui fut dans la suite cardinal ; puis, aidé du cardinal Nereo Corsini, protecteur de l’ordre, il obtint que l'on déléguât le P. Fortunato Taraburini. Ce dernier se dé­ 682 clara pour la prompte publication du livre. Mais en y réfléchissant davantage. Corsini et Orsi jugèrent peu prudent de s’éloigner de la façon d'agir ordinaire. Le manuscrit fut donc renvoyé au général de l'ordre, avec prière de le faire examiner et de donner l'imprimatur le plus tôt possible. Les examinateurs nommés furent les PP. Ricchini. socius du général, et dans la suite maître du sacré-palais, et Schiara, bibliothécaire de la Casanate. Us retinrent le manuscrit plus d'un an et y firent de nombreux changements et coupures. Concina, impa­ tienté, fit savoir aux examinateurs que s'ils tardaient encore, il donnerait son manuscrit à une personne étrangère à l’ordre qui pourrait le publier en son propre nom. L'imprimatur et l'approbation du général furent aussitôt envoyés ; mais, en même temps, le manuscrit était remis directement â l’inquisiteur à Venise, avec prière de le livrer à l'imprimeur, tel que), sans que Concina pût le revoir. Cependant, ayant obtenu, non sans difficulté, de l’imprimeur, la permission de parcou­ rir son manuscrit, quelle ne fut pas sa stupéfaction en voyant combien on l'avait mutilé. Le titre lui-même n’avait pas été respecté : La morale evangelica conlenentei punti fundamentali, était devenue : La giustificatione di Fr. Daniele Concina. Il réclama, mais en vain ; on lui répondait toujours que l'ouvrage ne serait pas reçu avec faveur, si le titre déplaisait. Voyant cela, sans se décourager, Concina se remit au travail, et rema­ niant tout ce que ses censeurs avaient cru devoir chan­ ger, il composa un ouvrage beaucoup plus considérable encore que le premier et qu’il dédia au cardina) Nereo Corsini, sous ce litre : Delia storia del probabilismo e rigorismo, dissertationi teologiche, morali, critiche, nelle quali si spiegano, e dalle soltigliezze de’ modern i probabilisti si de/endono i principi fundamentali della teologia cristiana. Si aggiugne sulla fine una confuta­ tione di cerlo libretto intitolato : Difesa della disserta­ zione ec., de' signori Copelloti, e Casali contra il altro libro, che ha per titolo : la Quaresima appellante, in-4°, Venise, 1743, 1748, 2. La Storia del probabilismo e rigorismo se compose de cinq dissertations r‘parlies en deux tomes. Le 1" comprend deux dissertations : dans la première, Con­ cina fait l’historique du probabilisme; dans la seconde, il examine trois lettres du I’. Paul Segneri sur le probabi­ lisme. La troisième dissertation est consacrée à l'exa­ men des principes fondamentaux du probabilisme ex­ posés dans la troisième lettre sur le probabilisme, at­ tribuée à Segneri. Dans la quatrième dissertation, l’au­ teur expose la vraie doctrine de l’Église en morale, par opposition â la morale relâchée de certains casuistes modernes. Dans la cinquième, il examine un certain nombre de propositions censurées, comme entachées les unes de rigorisme, les autres de laxisme. Enfin, en forme d’appendice au t. il, se trouve la Dissertatione apologetica contre il libro intitolato : Difesa della dis­ sertatione teologico-morale critica, de Copelloti et de Cazali. 3. Aussitôt après l’apparition du livre, il vint à Con­ cina des approbations de toules parts. Cf. Epistola· - la­ rorum virorum ad P. Danielem Concinam, en ap;endice à la vie par Sandelli, Epist., ni, p. 5; iv. p. 9; v. p. 11; vu, p. 13; xv, p. 25. Benoit XIV fil savoir au général tout le gré qu'il avait à son ordre d'avoir fonrm un tel défenseur de la morale chrétienne, In même temps, par l'intermédiaire du cardinal Passionei, le pape demandait â Concina de dresser une liste des proposi­ tions extraites des livres de casuistes et qui lui paraî­ traient mériter une condamnation. Cf. Leltere, tv. p. 6 sq., du cardinal Passionei â Concina. 22 d·. · : I r1742. Concina se mit à l’œuvre et envoya au cardinal Passionei une liste de 126 propositions (216 da; rès Reusch, Index, t. n, p. S2). Ces propositions rest, rent longtemps sans être examinées. Cf. In comnunlaiio 683 CONCI N A præcipuæ encyclics?. ejusd. pontificis adversus usuram, p. vm, Epistula nuncupatoria. 2° Polémiques. — i" phase. —a) Les moralistes de la Compagnie de Jésus, se sentant atteints dans l'oeuvre de Concilia, avaient alfecté tout d’abord un superbe dédain, en plaignant l’éditeur; mais, le succès étant venu, ils changèrent de tactique et commencèrent à dénigrer Concilia. Apres avoir empêché la traduction de Vllistoire du probabilisme, entreprise par un prêtre de Fellre, du nom de Ridolli, pour les pays de langue allemande, ainsi qu’il ressort d’une lettre écrite par un autre prêtre de Fellre, en date du 2(5 juin 1744·, à l’im­ primeur Occlii, Sandelli, op. cil., p. 49, ils entrèrent eux-mêmes en campagne. Le premier qui attaqua l’ou­ vrage de Concina fut le P. Jacopo Sanvitale. Il le lit dans une brochure que ses confrères lui défendirent de faire paraître à Venise. Elle parut à Lucques, elle était intitulée : Giustificazione dei più personaggi,e di altri soggelli ragguardevoli contro le accuse disseminate a loro pregiudizio, Lucques, 1744. Ce fut le P. VincentMarie Dinelli, O. P., qui se chargea de la réponse; il le lit en vers élégiaques : De querelis proba bili s tarum ad Danielem Concinam, in-40, Vérone [Lucques], 1744. Sanvitale répliqua : Querele della giustificazione ; il y reprenait toutes les accusations portées contre Concina par Millante et Carattini. Dinelli composa alors un secundum sermonem ; enlin. Concina fit paraître une apologie de son Histoire du probabilisme, sous ce litre : Osservazioni eriliche-morali in difesa della sto­ ria del probabilisme, e del rigorisme, contra il libro inlitolalo : Giustificazione di più personaggi ed allri soggelli ragguardevoli, etc., Pesaro, 1744. b) La Compagnie, trouvant insuffisant le P. Sanvitale, chargea de l’attaque le P. Nicolas Ghezzi, déjà connu par de nombreuses publications. Il prépara donc un Specimen supplementorum, dont l’Histoire du proba­ bilisme, selon lui, avait grand besoin. Déjà, il avait obtenu l'imprimatur de la Compagnie; de plus, pré­ senté à l’inquisiteur de la foi, à Milan, où il devait paraître, le livre avait été approuvé par l’examinateur délégué. Mais voici que, d’une façon fort inattendue, le titre du livre d’abord, puis le jugement de l’exami­ nateur, puis le manuscrit lui-même sont demandés à Rome. Ghezzi, pour ne pas perdre de temps et dépister l’inquisition romaine, s’empresse de retirer son livre et l’envoie à Jean-Dominique Mansi, le plus célèbre probabiliste du temps, avec prière de faire paraître l’ouvrage, à Lucques, où il se trouve. A peine commencée, l’édition dut être arrêtée. L’auteur de ce retard fut un prêtre florentin, Jean Lami. Très connu pour ses ouvrages, il écrivit lui-même au général des jésuites pour se plaindre des attaques que des membres de sa Compagnie ne cessaient de diriger contre les per­ sonnages les plus recommandables par leur savoir et leurs vertus. Il lui représentait, en même temps, que s’il n’y mettait bon ordre, toute la Compagnie pourrait avoir à en souffrir. Le général des jésuites fil savoir très officieusement à Lami qu’il ne s'ensuivrait rien de fâcheux pour lui; en même temps, il donnait ordre de supprimer une satire qui devait paraître contre Lami, mais le factum dirigé contre Concina n’en restait pas moins. Cf. Reusch, Der Index, I. il, p. 822. Grâce aux protections qu'avait su se gagner Ghezzi, l’édition du Specimen fut reprise, mais à la condition qu’au fur et â mesure les pages seraient envoyées à Rome, pour y cire corrigées. Enfin le livre parut sous ce titre : Saggio di supplementi teologici morali critici, di cui si abbisogna la storia del probabilismo e. rigorismo, in-4°, Lucques, 1744. Cet ouvrage contenait sept dia­ logues entre deux chevaliers : Philandrc et Eudoxe. Ils ont été un peu effrayés à l’apparition de l’Histoire du probabilisme; mais Ghezzi les console et leur recommande de se tenir en paix. Puis il fait la critique 684 de l’ouvrage, sans entrer dans le vif do la question. Concina qui, vers ce temps, se rendait à Rome, passa par Lucques et réussit à se procurer un exemplaire des Dialogues de Ghezzi. Il l’emporta à Florence et. s'étant arrêté au couvent de San-Marco, en quinze jours il eut préparé une réponse. Les partisans de Ghezzi essayèrent bien de mettre obstacle à sa publication, mais les édi­ teurs ayant découvert la manœuvre, passèrent outre. Cf. Novelle florentine, an. 1744. p. 367. L’ouvrage parut sous ce titre : Esame teologicodei libro inlitolalo : Sag­ gio di supplementi..., in-4°, Pesaro |Venise|, 1745. c) Cependant le P. Sanvitale ne se tenait pas pour battu, il rentra en scène avec une brochure intitulée : Spiegazione breve e sincera di alcune proposizioni inscrite nella giustificazione di più personaggi, e risposla aile osservazioni criticlie e morali, Lucques, 1745. Cet écrit, de l'aveu même des Pères de la Com­ pagnie, était sans valeur aucune. Deux autres jésuites vinrent à la rescousse : les PP. Zaccharia et Ghezzi. Zaccharia ne put examiner que les cinq premiers cha­ pitres de l’écrit de Concina.et il publia, sans nom d'au­ teur, ses Osservazioni sopra i primi capituli dell’ Esame, etc., Bastia [Lucques], 1745. De son côté, Ghezzi reprit quelques points omis ou légèrement tou­ chés par Concina. Il donna à son écrit ce titre : Bi/lessioni suit’ Esame teologico ecc. proposle al M. II. D. F. Dan. Concina da Niccolo Ghezzi della C. di G.. Lucques, 1745. d) Les jésuites se déclarèrent victorieux et répan­ dirent partout le bruit que Concina ne pouvait plus répondre. En même temps, ils manœuvraient assez habilement pour gagner les membres de la S. C. de l’inquisition et circonvenir le pape lui-même. Il fut résolu que l’on défendrait à Concina d'écrire sur ces matières, à l’avenir. Concina, qui prêchait alors à Naples, vint à Rome, et apprit tout ce qui s’y tramait. S’étant fait accompagner du P. Orlandi, procureur gé­ néral des célestins, il se rendit chez l'assesseur du Saint-Office, Guglielmo; là, il apprit, en effet, que la S. C. voulait qu’il n’écrivit plus contre Sanvitale et Ghezzi. Certains même étaient d’avis d’étendre celte défense à tout l’ordre dominicain et à Concina en par­ ticulier sur toutes les questions du probabilisme. La décision de la S. C. avait été notifiée en même temps au général des dominicains, le P. Thomas Ripoll, et au général des jésuites, de Retz, par une lettre du 22 février. Il y était dit : Sibi (Ripoll) a suprema S. Officii Congregatione in mandatis datum, ul expresse inhiberet suis, et nominate ipsi Concinæ, ne quid amplius de probabilismo adversus Glielium aliosgue Societatis Jesu scriptores vulgaretur. De son côté, de Retz notifiait aux provinciaux de la Compagnie la dé­ cision de la S. C. par une lettre du 19 mars 1746. Cf. Collection mss. des ordinalions S. J-, Munich, I, (il (33). Concina, pourtant, ne se laissa pas déconcerter par la défense du général. Voulant tirer l'affaire au clair, il en conféra avec le P. Joseph-Augustin Orsi, maître du sacré-palais. Celui-ci en entretint à son tour le cardinal Nereo Corsini. protecteur de l'ordre, qui se rendit auprès du pape et lui demanda verbalement quelques éclaircissements. Dans une lettre au général des dominicains, il expliqua ensuite, au nom du pape, le sens de la première défense. Le souverain pontife interdisait toute nouvelle attaque ou réplique entre Concina, Sanvitale et Ghezzi, mais il déclarait que ja­ mais sa pensée n’avait été de défendre aux dominicains en général d'enseigner, d'écrire et de défendre la doc­ trine du probabiliorisme, qui est la plus plausible et la plus sûre. En même temps, le pape demandait au général de faire parvenir ces explications à tous ceux qui auraient reçu la première défense. Orsi adressa une copie de cette lettre du cardinal Corsini à Concina. Mais les jésuites feignirent d’ignorer ces explications 685 CONCINA G86 nouvelles et continuèrent leurs attaques contre lui. Cependant ['Esplicazione di quatlro paradossi, etc., t?» phase. — Le succès de Sanvitale et de Ghezzi avait avait le plus grand succès. Sanvitale, octogénaire, à été assez douteux, aussi tit-on sortir des rangs de la moitié aveugle, ne put se contenir et il publia à Lucques Compagnie d'autres défenseurs du probabilisme. On une misérable brochure intitulée : Paradossi veri conchoisit le P. Lecchi, célèbre professeur de mathéma­ trapposti al hbro inlitolalo : Explicatione di qualtro tiques, et le P. Bovio, professeur de théologie, au col­ paradossi, che sono in voga nel nostro secolo. Esame lège de la Compagnie, à Milan. Pour ne pas voir aussi­ pur anche di certo libro inlitolalo : Ri/lessioni sopra tôt leurs livres interdits, s’ils paraissaient en Italie, les le avverlenze e dissertazione conlrapposle alla storia del deux Pères partirent pour la Suisse et se fixèrent à probabilisme, Aquilée, 1746. l’abbaye bénédictine d’Einsiedeln, alors toute dévouée à En France, le livre de Concina fut particulièrement la Compagnie. C’est là qu’ils firent paraître leurs bien accueilli. Le P. François du Four, O. P., profes­ ouvrages. Celui du P. Lecchi avait pour titre : 4rrer- seur de théologie â l’Académie de Toulouse, en donna tenze con trap i oste alla storia del probabilismo scrilla une traduction française, sous ce titre : Explication de dal P. Concilia e indirizzale ad un erudito cavalière, quatre paradoxes qui sont en vogue dans notre siècle, in-4», Einsiedeln, 1744. Bovio intitula sa dissertation : avec une préface dans laquelle on rend compte de ce qui Dell' uso delle opinioni in materie morali, disserta­ s’est passé en Italie à l’occasion de l’Ilistoire du proba­ tione teologica, in cui si espnngono semplicemenle bilisme et de la condamnation des nouveaux manimillaires... Ouvrage traduit de l'italien et augmenté, d'une l'origine e lu stato delta questione colle sen ten te di verse relation exacte des disputes sur la morale qui se sont dei dotlori calolici, in-4», Einsiedeln, 1744. Comme les autres, Lecchi ne s’attacha qu’à des points de détail élevées par delà les monts, depuis 1731). El un recueil sans toucher aux principes mêmes de VHistoire du pro­ des décrets portes par N. S. P. le pape Benoit XI V, babilisme. Son livre, d’ailleurs, n’avait pas le ton vio­ contre plusieurs opinions relâchées. Par M. le cheva­ lent des précédents. Bovio, de son côté, allecta d’ignorer lier Philalethi, à Avignon, 1752. Dans une lettre, du complètement Concina et ne le cita jamais. Tout d’abord 13 octobre 1752, du Four dit â Concina tout le bien Concina avait eu la pensée de ne pas répondre, mais que son livre pourra faire en France où « certaines craignant que l’on ne prit son silence pour une défaite, gens (en particulier à Paris) ne cessent de répandre il composa un ouvrage qu’il intitula : Esplicazione di que le pape, le général des dominicains el le P. Ricquallro paradossi, che sono in voga nel nostro secolo. chini sont des /ansénisles décidés ». Dans une autre lettre du 2 avril 1753, du Four annonce à Concina que Ri/lessioni sopra i due libn de' HR. PP. Lecchi e Rovio inlilolali : Avvertenze, ecc. Dissertazione, ecc. les quatre éditions de son livre ont été enlevées aussitôt. Il comptait aussi entreprendre une traduction de Si premelle unsuccinlo ragguaglio de’ libri slampali in di/'esa e del probabilisme e di aitri punli morali, ['Histoire du probabilisme. in-4», Lucques, 1746; Venise, 1750. L’ouvrage était dédié a) Ni Lecchi ni Bovio n’ayant réussi, deux autres au cardinal Angeio-Maria Quirini. Après avoir énuméré jésuites entrèrent en lice : les PP. Jean-François Riles livres publiés par Certains théologiens qu’il appelle chelmi et Gaspar-.Ioseph Gagna. Bichelmi publia : mammillaristes, défenseurs de l’opinion de Benzi, Saggio di avvertimenli sopra l’opera del P. Concina Concina commence l’exposé des quatre paradoxes : intitulala : Delia storia del probabilisme, etc., in-4'. 1» du rigorisme et du tutiorisme; 2» de la prudence et Venise. 1715. L’ouvrage était dédié au cardinal Quirini. du prétendu zèle selon la science tant recommandé par On usait de la même tactique : se servir du ridicule les auteurs de la morale relâchée; 3» de la prétendue pour ne pas avoir à discuter les principes. L’ouvrage charité dont on doit user à l’égard des auteurs qui de Gagna était intitulé : Lellere d'Eugenio Apologisla écrivent en faveur de la morale relâchée, et qui sou­ delle dissertationi della storia del probabilisme e del tiennent des opinions pernicieuses; 4° de la paix qui rigorisme ad un collega del P. Daniella Concina, in-4». doit régner parmi les théologiens catholiques. A ces Venise, 1745. Cet ouvrage singulier était aussi dédié au quatre paradoxes, Concina en ajoutait un cinquième, cardinal Quirini. Il se composait de 14 lettres ou dia­ spécialement dirigé contre Mansi, prêtre de la congré­ logues; la mise en scène devait assurer à l'ouvrage, gation de la Mère de Dieu et probabiliste très connu. 11 dans le grand public, un accueil favorable. Les person­ était auteur de la préface aux dialogues de Ghezzi. Déjà nages y étaient nombreux et Gagna, à dessein, les avait Concina dans son Esame teologieo, etc., avait com­ pris dans tous les rangs. Rien n’y manquait, de temps en temps même, les dialogues étaient coupés par des battu les opinions de Mansi sur les attouchements qu’il disait légitimés, en certains cas, par la coutume des auditions musicales. Cf. Sandelli, op. cil., p. 115. Con­ pays, ou par l’amitié. Celte opinion avait été exposée cilia répondit en même temps à Richehni et à Gagna par Mansi, dans son traité De casibus et excommuni­ par quatre lettres dont on conserve des copies manus­ cationibus reservatis, Lucques, 1725. Il répliqua à Con- crites en quelques bibliothèques. Elles étaient intitu­ cina par une lettre A. R. P. Danieli Concina ord.pried, lées : Letters ai RR. PP. Richelmi e Gagna autori theologo absolutissimo, S. Lucie e Collegio S. Mariæ delle due opere inlitolate Saggio di avvertimenli, ecc. et Curtis Orlandiiigorum, die 6 julii 7744. Dans le5’ pa­ Lellere di Eugenio apologista, ecc., contre la storia del radoxe, Concina déclarait qu’en particulier, la doctrine probabilisme e del rigorismo. Patuzzi a donné un exemplaire de ces lettres dans la Leltera ad un ami­ de Mansi sur les attouchements était digne d’être déférée à l’index. Sarteschi s'empara de cette parole et co xctx. b) En 1748, Sanvitale fait paraître un écrit intitulé écrivit, cf. De scriptoribus congregationis clericorum regularium .Matris Dei, p. 354, que Concina avait lui- Raccolta di molle propositioni eslralle dalla storia del même déféré Mansi à la S. C. de l'index el avait répandu probabilismo e rigorismo impugnate come opposte le bruit de sa condamnation. Apres avoir exposé la I al vero, in-4», Aquilée [Vérone], 1748; Trente [Venise . doctrine de Mansi dans son 5« paradoxe, Concilia re­ 4751. Ce fut le P. Patuzzi, O. P., qui répondit pour Concina ; produisait une lettre en latin, à lui adressée par Mansi, il le fil en seize lettres qu’il intitula : Letter ·, teologieoet il y faisait quelques remarques. Enfin, il ajoutait ses morati di Eusebio Eranisle all' autore della Raccolta delle molle proposizioni, ecc., in difesa dell' Istoria del observations sur les livres des Pères Lecchi et Bovio. à l'adresse des rédacteurs du Journal de Trévoux. C'est probabilismo del P. Daniella Concina. Siaggiugneun distinto ragguaglio delle conlroversie letterarie passate contre eux aussi qu’était dirigé l’écrit intitulé : Addi­ Ira il detlo P. D. Concilia ed i suoi avversari e de’ tione di alcune brevi osservazioni sull’Estratto, che i libri stampati Ma una parle e dali ultra, 2 in-85. RR. PP. Trivoltiani hanno fallo dei libro del P. SlilTrente, 1751. Pour l’histoire de la controverse, voir laule inlitolalo : Vindiciæ regularium, etc. 687 CONCINA. 688 t. ii, p. 335, 502; registres des deux premiers volumes, ed allre lettere d'un maschcralo Rambaldo Noril. m, p. 476. Dans ces lettres, Patuzzi réfutait Sanvitale, mene. Continuazione dei tomo vm della stessa storia, Gliezzi et Gagna. Depuis les Provinciales de Pascal, in-8°, Modène, 1755. L’ouvrage était dédié au cardinal disait-on, rien n'avait paru de plus parfait en ce genre. Quirini. Cf. Sandelli. op. vit., p.213; Dôllinger-Beusch. Patuzzi rendit de grands services par ces lettres qui Geschichle der Moralstreiligkeiten, etc., t. i, p. 312, jetèrent une plus vive lumière sur ces questions du note 1. Les répliques ne tardèrent pas : un autre domi­ probabilisme, ainsi qu'avait fait Thomas Lemos, pour ] nicain, le P. Camillo Miglioli, de la congrégation de les questions de la grâce. Mais dans la Compagnie, les Sainte-Sabine, lit paraître contre la cinquième lettre de lettres recevaient un tout autre accueil. On s’employa Balla : Letteredi Agenore a Filarco suo amico intorno d'abord â les faire passer pour une œuvre abominable, la quinta lellera del P. Fil. Balla e le censure di sortie de l’enfer. Cf. Epistolarum lheologico-mor. Fr. A. Zaccaria net lomo ytr, della storia letter, in Eusebii Eranislis, édit. 1753. t. ni, præf., p. xxx. On difesa del P. Concina e di Eusebio Eraniste, 2 in-80, invoqua, mais sans grand profit, l'appui du bras sécu­ Venise, 1756. Cf. Sandelli, op. cit.. p. 2I5. lier; lo succès ne répondant pas à l’attente, on se iv. les CAS réservés. — l° Occasion. — En 1743, au tourna d’un autre côté. temps des disputes entre Concilia et les jésuites à pro­ c) Le P. Sanvitale publia contre Patuzzi : Lettere pos du Carême appelant et de l'I/isloire du probabi­ teologico-morali a difesa dell’ Istoria del probabilisme lisme, un jésuite de Venise, le P. Bernardino Benzi esaminate r dimostrate infette di falsilà, Trente (1688-1768), publia une dissertation intitulée : Disserta­ [Venise], 1752; beaucoup de pages avaient été suppri­ tio in casus reservatos Venetæ diœceseos, in-4° et in-8·, mées par la censure, aussi Sanvitale fit-il paraître une Venise, 1743. Le8' cas réservé était ainsi formulé: Quæliseconde édition â Lacques, 1752. Les lettres parurent bel impudicitia cum monialibus facta, vel quocumque ensuite en volume, Trente [Venise], 1753; il en fut modo attentata. Le casuiste se demandait : An reserdonné aussi une traduction latine sous ce titre ; Epi­ valione afficiatur, qui cum moniali peragat, vel stolio theologicie morales ad defensionem Historiae de attentet actus subimpudicos de se veniales, v. g. velli­ probabilismo examinais, et falsi convictae, in-8», care genas, mammillas tangere, el solum ex pravo Ingolstadt, 1753. Vers le même temps, un autre jésuite affectu vel ex prava intentione mortales? Il répondait : de Turin, le P. Dalla, attaquait Concina dans un écrit Negative, nam juxta nostram regulam octavam intitulé : Risposta aile lettere teologico-morali del nonnisi peccata per externam malitiam mortalia P. N. N., sotlo il nome di Eusebio Eraniste, Modène, reservantur. Pendant près d'un an, Concilia ignora 1753, 1754. Aux quatre lettres qui composaient l'écrit l’existence de cette dissertation ; elle lui fut révélée par primitif deux autres furent ajoutées et le tout parut de les PP. Jérôme de Castro Franco et Félix de Venise, nouveau, à Venise, 3 in-8». 1755-1756. Le P. Balla s'at­ tous deux capucins, qui lui demandaient de répondre. tachait surtout â ruiner la critique que Patuzzi avait Mais Concilia, alors surmené, ne put le faire. Ce fut le faite de Gagna. On lit tant de bruit autour des lettres du P. Fulgence Cuniliati, O. P., qui s’en chargea. Λ son P. Balla que l’on commençait â douter de l'efficacité de instigation, le chanoine Oker adressa une lettre à la réponse de Patuzzi. C’est alors qu'il reprit la plume Benzi où il l'exhortait ou bien à revenir sur la doctrine et publia seize nouvelles lettres, sous ce litre : Lettere exposée dans le 8' cas de conscience, ou plus simple­ teologico-morali in continuatione, della difesa della ment à supprimer dans la dissertation la page où se storia del probabilismo e rigorismo, ecc., del P. I)atrouvait le passage incriminé. Mais Benzi ne voulut niello Concilia, ovvero confutatione della risposta publi­ rien entendre, et dans une leltre du 4 janvier 1744, cata dal M. R. P. B. della C. di J. contre i due primi adressée â Oker, il défendait son opinion. Bien que tomi delle lettere di Eusebio Eraniste, 2 tomes (v et vi), Benzi fût lui-même l’auteur de cette lettre, elle était Trente, 1754. donnée comme d’une autre personne qui faisait son d) Mais les adversaires de Concina ne laissaient aucun apologie. On y apportait comme preuve de la vérité de repos â Patuzzi qui s'était constitué son défenseur. Le la doctrine contenue dans la dissertation, l'accueil que P. Zaccharia ne cessait d’attaquer, dans sa Storia letlelui avaient fait tant de confesseurs el prédicateurs, et raria, Concilia et ses partisans. Patuzzi voulut, une aussi la valeur personnelle de l’auteur qui depuis fois pour toutes, ôter à Zaccharia le désir de continuer quinze ans était confesseur et avait enseigné la théolo­ ses attaques. Il composa donc, vers 1755, un ouvrage en gie morale, pendant huit ans, dans le collège de la deux volumes. Déjà le second volume était imprimé Compagnie, à Venise. Voir Ben'ZI, t. n, col. 719. quand un incendie, s'étant déclaré dans l'imprimerie, 2° Polémiques. — 1. Concina intervint dans le débat détruisit tous les exemplaires du Ier et n'en épargna que par deux lettres en latin : Epistolx theologico-morales très peu du II·. Zaccharia avait su se procurer quelques | ad illustrissimum et reverendissimum NN. [cardinal fragments de l’ouvrage ; aussitôt, il composa trois lettres : Quirini, évêque de Brescia] adversus librum inscrip­ Lettere a preservative contro due tomi d'Eusebio tum : Dissertatio, etc., in-4°, Venise, 1744; Lacques, Eraniste, sgrazialamente incendiali in Venezia, quando Borne. C’était la réponse à une demande d’explications l’aulore ne proccurosse una novella ristampa. 11 pen­ du cardinal.Cf. Explications des quatre paradoxes, etc., sait avoir la partie belle; il avait compté sans la sage trad, franç., in-12, Avignon, 1751, préface, p. 51. En prévoyance de Patuzzi qui avait conservé l'autographe même temps. Orsi, consulteur de l’index, était averti. de son écrit. Comme d’ailleurs Balla venait de publier La question fut soumise à Benoit XIV qui demanda un une cinquième lettre contre Concina et les lettres théo­ exemplaire de la dissertation et, en ayant pris connais­ logiques et morales, Patuzzi décida de reprendre l’édi­ sance, ordonna qu’elle fût aussitôt déférée au Sainttion si malheureusement arrêtée. L’ouvrage parut sous Office pour y être condamnée. Ce titre : Osservazioni sopra vari punli d'istoria lette­ A Venise, les jésuites se mettent en mouvement. Le raria, esposte in alcune lettere da Eusebio Eraniste, P. Villari gagne à sa cause Marco Foscareno, un des diretle al M. R. P. Franc. Ant. Zaccaria, con due triumvirs de l'Académie de Padoue, en lui représentant appendici, allra in risposta alla quinta lellera del M. que Benzi n’a composé cette dissertation que sur R. P. Filiberto Balla, allia di documenti, etc., Opera l'ordre du patriarche de Venise ; que celui-ci l'a dedicata a sua Eccellenza. Marco Foscarini, cavalière approuvée en la recommandant à tous ses curés. Fos­ e procuratore di San-M area, etc., 2 in-8°, Venise, 1756. careno s'étant laissé prendre. Villari l'excite alors conlre Contre cet ouvrage, Zaccharia fit paraître : Difesa della Concina dont il faut à tout prix faire condamner les storia litteraria d'Jlalia e del suo an tore contro lettres. Foscareno y consent. Malheureusement un lettere teologico-morali di certo P. Eusebio Eraniste autre membre de la censure, Pasqualigo, a été tenu au G89 CONCINA. courant de tout. Sur son conseil, Concilia raconte à Foscareno ce qui s’est passé, et sur le double témoi­ gnage de Concilia et de Pasqualigo, Foscareno recon­ naît qu'il a été joué par Villari. Les jésuites se tour­ nèrent alors du côté de Rome. On prétendit défendre Benzi, en montrant que la doctrine de la dissertation • tait aussi celle des dominicains. Enfin, ils déférèrent à la S. C. de l’index les lettres de Concilia. Le meilleur moyen d’en finir, disait-il, serait d’impo­ ser silence aux deux partis. Mais voici qu’un décret solennel de la Sainte-Inquisition, en datedu 16 avril 1744, condamnait la dissertation de Benzi. tanquam conti­ nentem propositiones respective falsas, male sonantes, scandalosas, et piarum aurium offensivas; eadenique prohibitione damnat et vetat quascumque scripturas, seu libros editus, ejusdem libri defensionem continen­ tes. Sur cette condamnation, cf. Concilia. Apparatus ad theol. christ., t. n, p. 1151 ; Reusch, Der Index, I. 11, p. 818, 820; Dollinger, Beitrâge, etc., t. ni, p. I l (re­ produit un mémoire de Cordara, S. J., qui explique la condamnation de Benzi par la partialité des membres de la commission); Faure, Commentarium, p. 210. Benoit XIV avait exigé que Benzi se rétractât, ce qu'il fit. Cf. la formule de la rétractation dans Sandelli, op. cil., p. tili, note. D’après les Nouvelles ecclésiastiques, 1744, p. I(»7, l’inquisition aurait refusé la première ri tracta­ tion de Benzi et ne l’aurait acceptée que sur un ordre formel du pape. Benzi s’était vu retirer tous ses pouvoirs à Venise; il alla à Padoue ou le cardinal Rezzonico (plus tard Clément XIII) les lui rendit. H alla ensuite à Belluno, puis revint â Venise, où, à la requête du nonce, ses pouvoirs lui furent aussi rendus. Cf. Nouvelles ec­ clésiastiques, 1752. p. 188. Un peu plus lard, le 22 mai 1715, Benzi eut encore un autre livre à l'index, Praxis tribunalis conscientiæ seu tractatus theologicus mora­ lis de sacramentopænilenliæ, Bologne, 1742. Cf. Reusch, Der Index, t. n, p. 818. A Venise, on fil tous les efforts nécessaires pour em­ pêcher la publicalion des lettres de Concilia, mais ce fut sans succès. 2. Les jésuites pourtant ne se tinrent pas pour battus. Le P. J.-B. Faure, à Rome même, publie un libelle in­ titulé : AU' autore dette due epislole contre la Disser­ tatione dei casi riservati in Venezia Avviso saluterole, aceiô conosca se stesso, in-4», Naples, 1744. Ce libelle avait paru peu avant la condamnation de Benzi; on lui donna aussitôt les plus grandes louanges. Cf. Novelle della Republica delle lettere, an. 1744, p. 357. Apres ce premier monitum, en parut un second, mais posté­ rieurement à la condamnation, ainsi que le remarque l'auteur lui-même, p. v. Bien que le livre ne portât in­ dication ni de lieu, ni d'auteur, le P. Faure fut vite re­ connu pour en être l'auteur. Pour ne pas aller contre le décret du I6 avril 1744, il avait eu soin de protester qu'il n'entendait pas entreprendre une défense de Benzi, mais il voulait seulement montrer que les livres de Concina n'avaient aucune valeur. Les Monita arrivèrent à la connaissance du maître du sacré-palais qui en lit saisir 500 exemplaires chez le libraire Settari. Jeté en prison, il avoua que les deux J/onifa avaient été imprimés chez Mainardi et qu'ils avaient pour auteurs les PP. Faure et Castellini. Cf. de Backer et Sommervogel, Biblio­ thèque de la C1· de Jésus, t. I, col. 1798. Chez Faure, l’on saisit l'autographe des .Monita, mais il préten­ dit les avoir copiés lui-même sur un autre manus­ crit. Quoi qu'il en soit, il fut condamné aux « exercices ■ pirituels », â des jeûnes et â des disciplines. Cf. Nou­ velles ecclésiastiques, 1744. p. 167. Settari vit ses biens confisqués et Mainardi dut payer une forte amende, conformément aux lois. 3. Mais l’épisode le plus remarquable de cette polé­ mique fut la rétractation ou palinodie parue sous le cou- i vert de l'anonyme, avec ce litre : Ritraltazione solenne 690 di lutte le inqiurie, bugie, falsification), calumnie, contumelia, imposture, ribalderie stampale in vari li­ bri di Fra Daniello Concilia, Domenicano gavolio con­ tre la venerabile Compagnia di Gesù, da aggiugnersi per modo di Appendice aile due infami leltere teologico-morali contre il R. P. Benzi delta medesima Cornpagnia, Venise, 1774. C’était la confession de Concina, soi-disant faite par lui-même, de tous les torls infligés â la Compagnie. Cf. Sandelli, op. cit., p. 77; Patuzzi, I. il, p. 413. Quel était l’auteur de ce faux? Mazzucbelli, Scrittori d’Italia, art. Benzi, dit qu'on l’attribua tout d'abord au P. Cordara, puis au P. Torniello, et enfin au P. François-Anl. Zaccharia. D'après Reusch, Der Index, t. n. p. 819, il faudrait, au témoignage de Caballero, l'attribuer à Faure, mais il est plus probablement du P. Lelius Ignace Cocconati. qui vivait à Venise vers ce même temps. Cf. C. Sommervogel. Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes publiés par des religieux de la Compagnie de Jésus, Paris, 1884, col. 855. L’édition qu’il indique est de Naples, 1744; d'autres manuscrits portent Venise, 1744; il semblerait qu'il y en ait eu deux éditions, à moins que la même édition ne porte deux noms de lieux différents. On se donna une peine incroyable pour répandre cet écrit à Rome, à Venise, à Lacques surtout. Malgré le dégoût ressenti par plusieurs membres de la Compagnie devant semblable manœuvre, on ne fit rien pourtant en vue d’arrêter la propagation de cet écrit. Il fallut un décret solennel de la Sainte-Inquisition, en date du 17 juin 1744, rendu sur la demande expresse de Benoît XIV, pour mettre un terme à ces menées. Cf. Sandelli, op. cil., p. 82, note. Ceux qui ne connaissaient pas Concina pouvaient espé­ rer qu’il répondrait; même une petite notice, imprimée à Rome et publiée â Venise, sous ce titre : Rittratazione, etc.. Operetta curiosa che puâ servire di supple­ mento alla morale pralica de'Gesuili, semblait indi­ quer que la réponse ne se ferait guère attendre. Mais de Rome, on lit demander à Concilia, par l’intermé­ diaire de Carraciolo, nonce à Venise, de ne rien ré­ pondre, le décret du pape suffisant â le venger. Dans une lettre au souverain pontife, Concina déclara que jamais il n’avait eu l’intention de répondre, ce qui lui valut de la part de Benoit XIV une lettre fort louan­ geuse, en dale du 4 juillet 1744. Cf. Sandelli, op. cil., lett. xn, p. 21, note. 4. Forts désormais du silence de Concina, ses adver­ saires pouvaient se donner libre carrière. En 1745, le P. Dominique Turani, S. J., publia clandestinement, à Venise, un opuscule intitulé : Judicium cu/usdam viri theologiæ prof, ad amicum confessorem monialium. On prétendit que l'ouvrage avait été jeté dans le public contre la volonté de son auteur. Cf. Reusch, Der Index, t. n, p. 819. Turani se serait plaint au pape lui-même de la publication de son ouvrage, et le pape, par une lettre du 22 février 1745, aurait accepté· l’excuse. Storia letteraria, t. xm, p. 301. Peu après le Judicium, pa­ rurent trois opuscules, sous ce titre : R. P. Damdi Concinte duarum epistolarum theologico-morah ni auctori opuscula hive quatuor vere aurea Eusebius Philalethus D. D. D. Patuzzi a publié quelques spéci­ mens de ces opuscules dans Epistola ad amicum. Epistolarum thelogico-moralium,t. n. Le premier opus­ cule était la relation faite à un évêque des troubles occa­ sionnés par les lettres de Concilia; le deuxieme conte­ nait des remarques sur les actes du vénérable servi­ teur de Dieu, Simon de Rozas, qui pour guérir les infirmes avait parfois pratiqué des attouchements de la nature de ceux incriminés dans la dissertation de Benzi; le troisième enfin, sous forme de question, re­ cherchait ce qu’il pouvait y avoir de répréhensible dans la dissertation de Benzi et n’y trouvait rien à blâmer, si ce n'est quelques impropriétés de langage. Cf. tan- 691 CONCINA G92 delli, op. cit., p. 85sq. Mais le comble fut qu’un jésuite prédications, les polémiques étaient sans cesse venus de Bergame, le P. Joseph Poli, prétendit que la doc­ ajourner la réalisation de ses projets. Enlin l’édition, trine de Benzi était celle de sainl Thomas, et cela dans commencée en 1749, fut terminée en 1751. L’ouvrage un petit écrit édité clandestinement sous ce titre : Dotcomprenait 12 tomes in-4· et portait ce titre: Theologia trina di san Torn maso proposta aile considerazione Christiana dogmatico-moralis, in-4®, Rome [Venise], dei saggi, e sinceri amatori della verità, acciochè pos- 1749-1751.1755. BenoîtXlV avait accepté la dédicace de sano formare un retto giudizio sopra la prima lellera l’œuvre. En tète du i" volume se trouve une pré­ scrilla dal P. Daniele Concilia contra HP. Bernadino face en 14 chapitres. Les 12 premiers traitent de la di­ Benzi, aulore della Diss. sopra i casi reservati nel ve­ gnité de la morale chrétienne et du mode d’en parler; neto patriarcale, s. 1. La seule différence que Poli le xttt» est un éloge de la Compagnie de Jésus; le xiv” trouvait entre la doctrine de Benzi et celle de saint renferme une élévation ad Christum .lesum. Les quatre Thomas, c’est que Benzi est rigoriste quand il dit que premiers tomes sont consacrés au décalogue; le v« aux vellicare genas et monialium tangere mammillas commandements de l’Eglise; le vi· traite du droit natu­ sont des fautes vénielles, alors que saint Thomas, lui, rel et du droit des gens; le vit» de certaines autres ques­ prétend que ce sont des actes indifférents. p. 23. Ardent tions de justice et de droit; le tx’ défend le sacrement défenseur de la doctrine de saint Thomas, le P. Patuzzi de pénitence contre certaines opinions de casuisles; le composa en 1745 : Difesa delta dollritia delT angelico X” traite des sacrements d’extréme-onclion, d’ordre et de doth»· S. Tommaso sopra l'arlicolo quarto della quesmariage. La simonie, les censures, les vices, les péchés, tionect.iv, J/·//*. Cet écrit ne fut pourtant publié qu’en les vertus et les béatitudes, la science nécessaire aux di­ 1756, à Lucques. Vers le même temps, Charles Antoine recteurs dames sont passés tour à tour en revue. Le XIe Donadonis. O. M., évêque de Sebenico, écrivait contre et le ΧΠ' tomes sont des plus importants. Ils sont inti­ Benzi un livre qu’il intitulait : Il pariatoria delle mo­ tulés : Ad theologiam Christianam... Apparatus. Dans nache chiuso in faccia alla insolente, e scandolosa le xi“. on trouve une collection de constitutions, décrets nuora doltrina di sua reverenza Bernardino Benzi et brefs contre des erreurs dogmatiques ou morales; fe gesuila, et vendicalo dalle imposture tenlale contre il xit” renferme le traité de la conscience : sa notion, ses P. Daniello Concilia dell' ordine de’ predicated. Mais divisions ; on y touche aussi à VUistoire du probabilisme. l’auteur étant mort au mois de janvier 1756, le livre En tête de chaque volume l’auteur a placé la collection ne parut pas. Le testament de Donadonis, à la date du de toutes les propositions condamnées. Il en avait exil ait 15 janvier 1751, enjoignait au légataire de remetire le des casuistes 528, dont 248, tirées des auteurs de la manuscritsoitàConcina.soilàson frère, Nicolas Concina. Compagnie. Dans le xi« tome, Concilia donnait sa mé­ Zaccharia. dans l'éloge de Donadonis, a jugé à propos de thode en traitant des lieux théologiques. ne pas mentionner cet ouvrage contre Benzi. Cf. Annali Dés son apparition, la Théologie chrétienne conquit lellerari d'Italia, I. Ill, c. ni, § 1, p. 216 sq. tous les suffrages. Cf. Busenbaum, S. J., 7 heologia mo­ Un des épisodes les plus intéressants de cette polé­ rum, Venise, 1760, præf., p. xn. Cette édition dirigée mique fut l’émeute soulevée contre les dominicains de par Angelo Franzoja déplut fort à la Compagnie, à cause Venise, dans les circonstances suivantes. Benzi s’était i des louanges décernées à Concina; aussi dans une édi­ donc vu interdire, à Venise, le ministère de la confes­ tion postérieure, sous le pseudonyme d’Irenæus, Tenet., sion. Quand il revint de Padoue, on travailla à le faire un membre de la Compagnie de Jésus se livra à une réintégrer dans ce ministère. Par lettres secrètes, les violente satire, sous le titre d'Expostulalio ad Franzojésuites intimèrent aux PP. J. Bernard-Marie de Rubeis jam, contre Concina et Patuzzi qu’il appelle : Scripto­ et Concina d’avoir à intervenir auprès du patriarche de res per totam late litterariam rempublieam ignominia Venise. Devant leur refus, ils répandirent, en 1745, le notatos, pessimos dialecticos, calumniatores lelerribruit que les dominicains de Venise avaient prêté à mos, etc. Mais cette édition (1767) fut condamnée par le intérêt, à Gênes, plus de 150000 écus d’or, pour pouvoir parlement de Toulouse, puis par celui de Bordeaux, à se défendre contre les Impériaux. Et pour donner plus être brûlée par la main du bourreau, et la peine des ga­ de créance à ces dires, on lit répandre dans le public lères prononcée contre les imprimeurs qui oseraient la une lettre apocryphe, écrite de Gènes, ou la chose était publier. Le parlement de Paris prit les mêmes mesures. La garantie. Ce qui donna encore plus de crédit à celte dé­ Théologie chrétienne reçut un accueil particulièrement nonciation, ce fut le témoignage d’un haut personnage favorable en France et en Espagne; E. Enriquez s’en de la Compagnie, venu de Gènes à Venise tout exprès, lit l’ardent propagateur. Lett, du card. Enriquez à Con­ et qui de là se rendit à Vienne pour y colporter les cilia, de Madrid, 1752; Escurial, 1752; Madrid, 26dêcembre mêmes insinuations; mais à Vienne, il fut éconduit. En 1752; Aranjuez, 12 juin 1753; Sandelli, op. cil., p. 131. attendant, dans tout le pays vénète, ce fut un soulève­ note. ment d’indignation contre les traîtres. On parlait déjà Cependant, même en Espagne, il se trouva bientôt de leur interdire tout le territoire de Venise. Ce­ des détracteurs de la Théologie chrétienne. C’est ainsi pendant, au Sénat, on ne voulut rien précipiter; on que Sandelli, op. cit., p. 133; rapporte, mais sans y prit de plus amples informations par les agents de la ajouter foi, que le P. Rabago, S. J., confesseur du roi République dans les autres pays et l'on découvrit toute d’Espagne, lut aurait conseillé de se réserver la collation 1 i itrigne. Sur cette allaire, cf. Patuzzi, Epistolarum de tous les bénéfices en Espagne, afin que les jésuites, theologico-moralium, t. n, vt; Osservazioni sopra la ayant une grande influence dans la distribution de ces bénéfices, pussent s’assurer une clientèle contre Concina. storia lelleraria, Epist., x ; Lellera XXXIP in difesa della storia del probabilisme, etc., S 47; P. BonavenSur la politique du P. Rabago, voir M. F. Miguélez. lura a Coccaleo, Leltere di Bagguaglio, etc., sous le Jansénisme y Hegahsmo en Espana, Valladolid, 1905. pseudonyme de Rambaldi Norimenis, Epist., xt, §14sq. Tarlarolti et Scipion Mallei essayèrent des premiers Zaccharia a réédité cetle calomnie dans son Histoire jeter sur l’œuvre de Concilia le discrédit et la méliance. littéraire, t. vt, p. 397. De plus, dans sa Difesa della mais ce fut sans succès. 2» Polémiques. — Le premier qui se posa ouvertemei. ■ Storia letteraria e del suo autore, lett. vtt, Zaccharia, tout en traitant ce récit d'hisloriola, insinue néanmoins en détracteur de la Théologie chrétienne fut le P. Fran­ que les témoignages de Patuzzi ne sont pas absolument çois-Antoine Zaccharia, qui. dans son Histoire liltérair . t. n; p. 49 sq.. ainsi que dans les autres tomes du même décisifs. . ouvrage, s'efforcait de nuire à l’auteur. Le P. Patuzzi v. rnÉOLOGIE CHRÉTIENNE. — 1° D'ouvrage. — Dés l’année 1740. Concina méditait de faire un travail d’en­ répondit à Zaccharia en plusieurs ouvrages. Epist. ai semble sur la théologie morale, niais le ministère, les amicum, p. 1I5 sq.; Epistolæ theologico-morales, et 693 CONCINA notamment Observationes litterariæ. Mais ce fut surtout à l'apparition du t. ix de la Théologie chrétienne, que les adversaires de Concina se déclarèrent. N'avait-il pas, en effet, montré que Suarez n’était guère partisan du probabilisme? Aussitôt on se mit en campagne. On prit prétexte de tout pour condamner l'œuvre; les fautes d'impression mômes furent jugées délits très graves. Après l’élection d i P. Ignace Visconti, comme général de la Compagnie (4 juillet 1751), il fut décidé que l'on demanderait à Benoit XIV la condamnation de la Théo­ logie chrétienne. On composa un énorme mémoire où l’on avait réuni plus de 300 chefs d'accusation contre Concina et il fut décidé que le général de la Société irait lui-rnème avec ses assistants présenter ce mémoire au pape. Le général de la Compagnie demandait au pape de nommer une commission de théologiens qui relève­ raient toutes les erreurs contenues dans la Théologie chrétienne, et l'on verrait s'il n'y aurait pas lieu de la condamner, ce que tous étaient unanimes à réclamer. Le pape répondit que c’était chose difficile que de com­ parer chacun des points incriminés dans le mémoire avec les passages delà Théologie chrétienne ; il conseilla donc dans ce but de publier le recueil des propositions prétendues fausses, et il se faisait fort d'imposer silence aux deux partis. Mais le général ne parut guère en­ fanté de celte solution. Voulant toutefois lui donner satisfaction sur un point, le pape délégua troisthéologiens, les PP. Thomas Sergi, des Ecoles pies, Mancini, des minimes, et Vezzosi, des clercs réguliers. En présence du général et d'un de ses assistants, il chargea ces délé­ gués de faire un résumé des points les plus importants contenus dans le mémoire. Mais ces théologiens se dérobèrent, disant qu après tout c'était bien plus l’allaire des jésuites de résumer ce qu'ils avaient composé euxmêmes ; d’ailleurs, disaient-ils, mieux que personne ils connaissaient la Ί héologie chrétienne. Le général profita vite de cette excuse pour nommer le P. Charles Noceti. Il eut bientôt achevé le résumé, qui fut présenté au pane dès le mois de juin. Sandelli, Comment, de vit. et script., p. 148, note, a donné une copie de l’autographe. Ce second mémoire était intitulé : Libellus PP. JJ. adversus Danielem Con­ cinant.Cf. Vindieiæ Societ Jesti, elc., édit, latine, in-4°, '•enise. 1769, p. 143. En tête du livre, les jésuites avaient rapporté, écrites en italique, ces sept raisons qui leur pa­ raissaient plus que suffisantes pour faire condamner l'ou­ vrage : 1° Concina attribue aux auteurs de la Compagnie ■i- s opinions beaucoup trop relâchées et cependant qui n'ont jamais été enseignées parces écrivains; 2° il prëient le jugement de l’Église en censurant beaucoup de propositions de moralistes; 3° il jette le discrédit sur la Compagnie en faisant ligurerdans les Index les auteurs jésuites qui ont soutenu des opinions monstrueuses; 4 il fait précéder chaque dissertation d'un recueil de propositions qu’il déclare condamnables, sans attendre jugement de l’Eglise; 5" il s'acharne à faire passer les jésuites comme auteurs de la morale corrompue; tf il n’épargne personne, ni les règles de saint Ignace, ni les papes, ni les Congrégations; 7° enfin il a pris des lr res contre les jésuites toutce qu’ils contenaient contre leur morale. Le libelle se terminait par cette supplique : Cum t-jtlur, beatissime Paler, nullus hactenus liber ne ab krrelicis quidem prodierit Societati nostras infensior, •c perniciosior : nullus qui pluribus imposturis, conctriis, censuris, el injuriosis debacchationibus scateat at.tius qui venenum, contra Societatem in aliis dis­ persum, plenius in unum colligat ; prædictus præpositua generalis tum suo, tum universal Societatis in aamitiis generalibus congregatae nomine, damni hujus reparationem, atque operis proscriptionem a Sancti­ tate vestra suppliciter ac demississime petit. Quod si concesserit, immortalia sua erga ordinem nostrum I I I i G94 merita novi hujus beneficii accessione munificentissime cumulabit. Le pape remit le libelle aux trois théolo­ giens qu'il avait déjà délégués pour le premier mémoire. Ils devaient se rendre compte si réellement les griefs articulés contre Concina se trouvaient justifiés par les passages incrimines de la Théologie chrétienne. Le pape leur avait fait jurer en même temps qu’ils ne communiqueraient avec personne sur cette matière. Mais ils ne tinrent aucun compte de cette défense; en effet, souvent Sergi et Vezzosi se rendaient au couvent de la Trinité-des-Monls où habitait Mancini, et là on s’entendait avec les Pères de la Compagnie sur ce qu’il convenait de faire. Enfin, ces théologiens remirent au pape un mémoire qui concluait à la condamnation pure et simple de la 'théologie chrétienne. Mais Benoit XIV, s’étant informé de ce qui s’était passé, le 29 août, remit au P. Antonin Brémond, général des dominicains, le mémoire en question qui fut aussitôt transmis à Concina pour y faire une réponse. Sur-le-champ, Concina lit copier le mémoire par le P. V. M. Dinelli et un autre religieux désigné par le général. Il composa ensuite deux réponses, écrites l'une en latin, l'autre en italien. Le 21 septembre, Je P. Brémond les pré­ senta au pape. Après avoir pris connaissance des réponses de Concina, Benoit XIV déclara de proscrip­ tione Theologies ehrislianæ ne verbum quidem audire se velle, sed unice de eo esse sollicitum, an revera illo in opere sententiae moribus perniciosae reperirenlur, falso per injuriam el calumniam adscriplas scripto­ ribus Societatis. Le pape défendit â Concina de publier sa réponse latine, la trouvant un peu trop acerbe. Malgré tout le soin qu’il mit â rechercher cet écrit. Sandelli, op. cit., p. 160, déclare n'avoir pas réussi â se le procurer; il n'en donne qu’un canevas très bref. La réponse italienne, traduite en latin par Sandelli. op. cit., p. 161, a pour titre dans la traduction : Libel­ lus supplex Fr. Danielis Concinœ oblatus Benedicto XIV, die xxt Septembris a. MDCCLI adversus libel­ lum supplicem a P. Vicecomile generali jesuilarum porrectum eidem pontifici nomine totius Societatis, congregatae in congregatione generali, in qua idem P. Vicecomes generalis inauguratus est. Cf. Vindicia: Societatis Jesu, etc., in-4», Venise, 1769, p. 151. Concina y reprenait point par point les accusations portées contre lui, dans le libelle des jésuites. Il sollicitait un examen plus attentif de la question et déclarait se soumettre d'avance à toutes les peines qu'il serait reconnu avoir encourues. Cependant les jésuites ne lâchèrent pas pied et com­ mencèrent une campagne acharnée parmi les grands et les cardinaux afin de former l’opinion contre Concina et son ouvrage. De son côté, Concina, dans un écrit très bref, déclarait qu'il était prêt â défendre ses opinions devant le souverain pontife et tout le sacre-collège, et que si on le trouvait faible dans ses preuves, il se sou­ mettrait d'avance aux peines les plus sévères. Cf. San­ delli, op. cit., p. 168, note a. Le pape demanda alors aux trois théologiens précédemment nommés de rele­ ver toutes les fautes, les citations inexactes, etc., de la Théologie chrétienne. Ils se mirent â Γα-uvre el com­ posèrent un rapport accablant pour Concina. Mais Be­ noit XIV connaissait l’esprit qui les avaitanimés; aussi, devant une très nombreuse assemblée, ayant pris con­ naissance de ce libelle haineux, il dit : Non vogliamo che quel galantuomo del Concina sia aggravati . Dés lors, il se disposa â parler lui-même. Il lit appeler le protonotaire Giampè el lui dicta en italien une Décla­ ration à peu près copiée sur la réponse de Concina au libelle des jésuites. Il remit ensuite celte Drclaration au P. Brémond pour que Concina la publiât dans le prochain volume de la Théologie chrétienne. Sur sa demande, celte Déclaration devait être traduite en latin. La traduction fut intitulée : Declaratio et sincera pro- G95 CON CI N A testatio F. Danielis Concinæ super aliquibus opposi­ tionibus factis contra tomos suie Theologiæ christianæ dogmatico-moralis recens typis editos. Cf. Vindicte Societatis Jesu, etc., édit, latine, p. 154. Elle avait été faite par le P. V. M. Dinelli, car Concina craignait qu'on ne l’accusât encore d'avoir faussé le sens des paroles du pape. Le P. Brémond eût voulu que la Déclaration parût à la fois en italien et en latin, mais Concina s’y opposa pour ne pas faire descendre dans le public une discussion à laquelle il était mal préparé. La traduction fut remise au pape, le 30 novembre Î751 ; en même temps, la Déclaration était envoyée à l’impri­ meur à Venise pour paraître dans le i« volume de Γ.4ρparatus ad theologiam Christianam. Le pape en demandait quelques exemplaires dans le plus bref délai possible. On juge aisément de l’état d'esprit des contra­ dicteurs de Concina. Il s'agissait de faire tourner contre lui l’elfet de la Déclaration. Jean Lami ayant publié dans les Novelle letterarie, décembre 175I, col. 8I1, que sur les 280 propositions fausses attribuées par Con­ cina à des auteurs jésuites, toutes avaient été reconnues authentiques, sauf une qui par erreur avait été attribuée au P. Moja et non à son véritable auteur, Lami fut attaqué par le général des jésuites el dans le numéro de jan­ vier 1752, p. 21, dut se rétracter au moins en partie; de plus, sous la contrainte du pouvoir civil, il dut insé­ rer une partie de la rétractation. Cf. Novelle di Firenze, 1752, col. 1747. Cependant le pape ne cessait de harce­ ler le P. Brémond pour les exemplaires de la traduction latine de la Déclaration; elle parut enfin le30décembre et fut aussitôt envoyée au pape par le courrier ofliciel. Mais les adversaires de Concina surent avec une habileté incroyable détourner le coup prêta les frapper. Ils donnèrent cette déclaration du pape pour une rétrac­ tation imposée à Concina et se mirent à la répandre partout à profusion; mais, ils avaient eu soin auparavant de substituer au titre de déclaration celui de rétractation ou palinodie. Elle parut, à grand tirage, chez Rubeis, à Rome, et on se mit à la distribuer par­ tout gratis. C’est par paquets qu'on la répandait à la porte des résidences de la Compagnie; aussi personne ne comprenait plus rien dans cet imbroglio. De toutes parts, on s’adressait à Concina pour apprendre de luimême la vérité sur cette comédie. Cf. Sandelli, op. cit., lett. xt.v, p. 75. Le 1’. Zaccharia s’empressa de faire passer cette déclaration, pour une rétractation solen­ nelle. Cf. Hist, lett., t. tv. Il prétendit même y décou­ vrir jusqu’aux formules de la palinodie. Cf. op. cit., t. tv, part. 1, I. 1, c. tu, n. G, p. 44. Cependant même dans la Compagnie, Concina ne cessait de trouver d’ar­ dents défenseurs. Cf. Sandelli, op. cil., lett. xtx, p. 30; xxm. p. 35. Le P. Domaneschi, O. P., de Crémone, lit paraître deux hymnes satiriques contre cette prétendue victoire des jésuites : Ignalianorum hymnus pro victo­ ria adversus P. Concinam reportata ; Recta sapientium responsio. Cf. Sandelli, op. cit., p. 178, note a. Le vieil adversaire de Concina, le P. Sanvitale devait aussi entrer en ligne contre la Théologie chrétienne ; il publia contre elle deux opuscules : Haccolla seconda di molle propositioni eslratle da’ Ionii di certa leologia intitolala « Cristiana dogmatico-morale » ed impugnate come opposte al vero, in-8», Lucques, 1752; Osservazioni rimarcabili sui due ultimi tomi undecimo e duodecimo di certa teologia intitolala, etc., Lucques, 1753. Ces deux écrits parurent sans nom d’auteur. Le premier contenait 140 propositions extraites des 10 pre­ miers tomes de la Théologie chrétienne ; le second en contenait 156 tirées des t. xi et xn. L'année précédente (1752) avait paru à Rome : Supplementi di alcune propositioni eslratle dalla teologia cristiana dei farnosissimo P. Concina e da aggiugnersi alla lliltratazione pubblicata dal medesimo in Roma, etc., 1752. Cf. Patuzzi, Oss., t. il, p. 375. Cependant ces attaques ne 69G restèrent pas sans réponse. Contre le premier écrit de Sanvitale parut : Note anlicriliehe di Eudosso Filenio sulla risposta del M. R. P. Giacomo Sanvitale aile Lettere teologico-morali di Eusebio Eranisle, in-4», Trente [Lugano], 1752. Parurent ensuite trois lettres : Lettere di Adelfo Cariteo e Filarmindo Arenio sut libretto pubblicato in risposta aile lettere teologico-morali di Eusebio Eranisle, Trente. 1753. La première de ces lettres avait pour auteur le P. Paul Patuzzi, frère du P. Vincent Patuzzi. Sandelli ignorait le nom de l’auteur de la seconde lettre. Sanvitale se disposait à j répondre quand il mourut, le 4 août 1753. La réponse parut pourtant après sa mort, mais les noms y étaient déformés : Lettere de' signori Arideo e Filarmondo Arenio esaminale e dimostrate infette di falsilâ, Lucques, 1753. Jean-André Barotti, bibliothécaire de Ferrare, a écrit la vie du P. Sanvitale, mais dans son énorme volume, il n’a pas trouvé place pour mentionner les ouvrages du P. Sanvitale contre Concina. 11 craignit j peut-être pour la gloire de son héros. La Théologie chrétienne avait trouvé un nouvel adver­ saire dans le P. Charles Nocetti, S. J., Veritas vindi­ cata sive permutiez sentenliæ auctorum S. J. in theo­ logia Christiana dogm.-morali minus sinceræ relalæ suæque integritati restitute a Carolo Nocetico, in-4», Lucques, 1753; Rome, 1753. Cetle édition renferme une réponse à la première lettre du P. Dinelli (lro édition italienne, Venise, 1757). Nocetti prétendait que toutes les erreurs contenues dans la Theologia Christiana n’avaient pas été transcrites dans le Libellum supplex, présenté au pape; que Concina se faisait l’écho des Pascal el des Wendrochius dans leurs déclamations contre la Com­ pagnie. Le P. V. M. Patuzzi était occupé à la publication de ses lettres pour la défense de VHisloire du proba­ I bilisme, quand parut l’ouvrage de Nocetti. Aussitôt il composa contre Nocetti un Appendice qui parut sous ce titre : Lettere teologico-morali in continuatione della difesa della Storia del probabilisme... Si aggiungono alcune osservazioni sui nuovo libro pub­ blicato coi tilolo di Veritas vindicata, in-8», Trente [Venise], 1753. De son côté, pour rabattre des louanges prodiguées à Nocetti par la Compagnie, le P. Dinelli, théologien de la Casanate, à Rome, commença à faire paraître à Rome, en 1753, des lettres intitulées : De üanielis Concinæ in indicandis describendisque casuislarum locis summa fide ac diligentia epistolæ. La lr' parut en 1753; la 2' en 1754; les suivantes, en 1756. Ces lettres eurent un grand succès en Allemagne, en France, en Espagne. En vain Nocetti travaillait-il a lancer, à Rome même, une seconde édition de son livre pendant que ses partisans s'appliquaient à persuader à Dinelli de ne pas continuer l’apologie de Concina. En Espagne, particulièrement, le P. Rabago, S. J., confes­ seur du roi, pour combattre l’influence des lettres de Dinelli, lit rééditer à ses frais la Veritas vindicata. Mais en même temps, les PP. Hernandez, Puga et Llobe: faisaient publier, à Madrid, les lettres de Dinelli pré­ cédées de l’approbation de nombreux théologiens. Cf. Sandelli, op. cil., p. 195, note a. De son côté, Concina répondait â Nocetti en huit lettres, sous ce titre : .-D’ R. P. Carolum Nocetium epistolæ octode singularibus argumentis in ejusdem libro Veritas vindicata conten­ tis. Accedunt opiniones laxæ quamplurimæ ex variis casuistis collecta· : item censura R. P. Eusebii Am· r: ^canonici Lateranensis in theologiam moral· · ■. R. P. C. L [a] C[roix|. Item Epistola nona ad eumdcn. P. C. Nocetium de nonnullis ejusdem antithetis i·. epistolam secundam P. M. Dinelli, in-4», Venise. 1755 i Cette dernière réplique mit lin aux polémiques sur . Théologie chrétienne. vt. controverse SUR I.'ABSOLUTION. — Le sacremen· de pénitence et la façon dont on l’administre avaient G97 CONCINA G98 de son livre, accresciuta d’una leltera encichca di sua toujours été pour Concina le sujet de graves méditations. En 1753, il publiait : Jstruzione de' confessori, e de’ \ Santilà e d'allra leltera dell’ autore alla medesima Santilà sua, in-4», Bassano. 3 août 1756. penitenli per amminislrare, e frequentare degnaDans une lettre datée de Vérone, 12 novembre 1745, menle il SS. sagramento della penitenza, in-4», Venise, Mallei déclarait que la doctrine de l’encyclique se trou­ 1753, 1755. Les partisans de la morale relâchée furent vait déjà dans son livre. Cf. Beusch, Der Index, t. n, un peu émus et l’écrit fut qualilié de déclamation. Cf. p. 850. Concina se trouvait alors à Naples; s’étant rendu Novelle della republica delle lellere, 1751, p. 91. L’année compte par son ministère de tout le mal que faisait une suivante, Concina eut l'occasion de revenir sur le semblable doctrine sur le prêt, il se décida â écrire sur même sujet. En effet, en 1751, parut un livre intitulé : ce sujet. 11 publia donc : Esposizione del dogma che la Libri primi Decretalium selectas theses congregatio Chiesa propone a credersi intomo ali’ usura, colla sacerdotum in dom. profess. Bom. Soc. Jesu DDD. praemittitur dissertatio theologica a sacerdote ejusdem confutatione del libro inlitolato : Dell’ impiego del den.vro, in-4», Naples, 1746, 1756. Puis, de retour à Congregationis habita labente hoc anno 1754, Borne. Rome, il obtint la faculté de publier son commentaire Ce livre, écrit, ainsi que le remarque Concina dans la préface à la réponse, trad, franç., p. 5, non par un au­ sur l'encyclique, sous ce titre : In epistolam encyclicam Benedicti XIV, adversus usuram commentarius quo teur particulier, mais au nom de toute une société de illustrata doctrina catholica, Nicolai Bratdersen et alio­ prêtres, enseignait que le sacrement de pénitence peut être administré toties quoties aux récidivistes et habitu- rum errores refelluntur, in-4», Rome, 1745, 1748. Ce dinaires, pourvu qu’ils donnent extérieurement les commentaire comprenait trois dissertations : dans la signes d'un vrai repentir, encore qu'ils ne changent pas [ I™. Concina rappelle les points principaux de la doc­ trine catholique et ce qui, dans le document ponlifical, de vie et ne fassent aucun effert en ce sens. A cette doctrine qui pouvait se propager, Concina s'opposa par vise l'erreur dogmatique; dans la II', il expose l'état de la controverse casuistique et reprend ceux qui, sous la dissertation suivante : De sacramentis absolutione prétexte de prouver ou de défendre le dogme catholique, impertienda, aut differenda recidivis consuetudinariis énervent la doctrine; enfin, dans la III”, il interprète dissertatio theologica ad Emm. Nerium card. Corsil’encyclique. Cet écrit reçut l’approbation d’un grand nium, ejusdem ordinis patronum vigilantissimum, nombre d’auteurs qui en empruntèrent fidèlement la in-4», Borne, 1755; trad, franç., Paris, 1756. Dans cette dissertation, Concina enseignait qu'on ne doit donner doctrine. Cf. Sandelli, op. cit., p. 121, note a. Concina publia encore sur le Contractus trinus, un i absolution aux habitudinaires qu'atilant qu’ils témoi­ ouvrage intitulé : Usura contractus trini dissertatio­ gnent effectivement de leur intention de changer de vie et qu'ils y travaillent pratiquement. Le livre de Concina nibus historico-lheologicis demonstrata adversus mol­ lioris ethices casuistas et Nicolaum Broedersen... Acce­ reçut l'approbation d’hommes très savants. Cf. Lettres d’approbation, trad, franç., p. 9 sq.; Nouvelles ecclé­ dunt appendices dux ad commentarium auctoris adversus usuram, in-4», Borne, 1746. siastiques, 1756, p. 120. Cet ouvrage, dédié au cardinal Quirini, se composait v//. controverse sun le prêt λ intérêt. — En 1713, Nicolas Breedersen, chanoine d’L'trecht, publia un de cinq dissertations. Dans la Ve, Concina attaquait le P. Pichler, S. J., autrefois professeur à l’académie livre De usuris licitis et illicitis. Cf. Reusch, Der In­ d'Ingolstadt el qui avait prétendu que l’usure, encore dex, t. n, p. 819; Hurler, Nomenclator, t. u, col. 1461. Entre autres choses, il enseignait qu'un taux modéré, qu’elle soit défendue par le droit tant naturel que divin, quand il est exigé des pauvres, est contraire â la charité, avait pu devenir licite par suite de la coutume et du pouvoir souverain des princes. Le P. François Zech, mais nullement quandil est demandé aux riches. Celte successeur de Pichler, voulut le venger et publia sous doctrine avait déjà trouvé des contradicteurs parmi les ce titre une dissertation inaugurale : Bigor moderatus pnsénistes. Cf. Picot, Mémoires pour servir à l’histoire du xvttt· siècle, t. iv, p. 252, 371. En 1744, Scipio Maffei doctrinæ ponli/iciæ circa usuras a SS. D. N. Benedi­ cto XIV, per epistolam encyclicam episcopis Italiæ publiait à son tour un livre intitulé : Dell’ impiego del traditus, ab Ingolsladiensi academia constanter as­ danaro, in-4», Vérone. Il s’y montrait partisan de sertus. Dissertatio 1, inauguratis, sancti rigoris speci­ Brtr-dersen. Cette doctrine fut attaquée et 1 Inquisition ■i? Vérone aurait demandé à Maffei de ne plus écrire mina exhibens, quam cum annexis corollariis, Deo sur ces matières. CL Nouvelles ecclésiastiques, 1752, : auspice, annuente inclyto collegio juridico in eadem : 206. En 1715, Benoit XIV voulut faire examiner la alma et catholica Bavarite universitate Ingolstadiensi quation par une commission réunie à cet effet. Con­ preside P. Francisco Zech. S. J. S. theologia,el SS. ca­ tins. qui vers ce temps se trouvait malade à Gandolli, nonum doclore, horumque professore publico, et juris résidence du pape, voyait très souvent Benoit XIV; primario, post consueta rigorosa examina, pro licentia ■ .--i fut-il choisi pour être de la commission, et sur son summos in utroque jure honores consequendi, publicae conseil, le P. Giuli, S..L, auquel on adjoignit le P. Tur- concertationi subjecit Franciscus Joseph Barth, insignis r.ni. fut également appelé à donner son avis. La com­ Ecclesiæ collegiatæ ad S. Cyriacum Wisenslaigæ canon, mission, composée de 14 membres, examina la question capit. 1. V. Cand., mense decembri 1747. Cette dis­ et le résultat de cet examen fut la lettre encyclique de sertation fut envoyée de Bavière â Concina. Cf. Christ, Benoît XIV Fias pervenit, en date du 1" novembre 1745 theol., præf., c. xi. En 1749, le P. Zech publia une et adressée aux évêques d’Italie. Cf. Denzinger, EnchiriII’ dissertation inaugurale contre Concina. Cf. Appa­ Λοη, n. 1318 sq. Le pape rappelait le principe de la ratus ad Christ, theol., t. I. Enfin une 111’ dissertation doctrine : Omne propterea hutusmodi lucrum, quod du même auteur ne parvint pas à Concina. Cf. Lib. de ae-t -m superet, illicitum et usurarium est. On n’en­ spectaculis theatralibus, diss. I, c. xix, S 13, p. 158. tendait pas cependant exclure certains cas où le prêteur vut. CONCINA ET LE THÉÂTRE. — Concilia ne pouvait ίο:: ait justement revendiquer un intérêt, mais en ; guère se taire sur les abus des spectacles, et en parti­ ■rtu d'autres considérations. Cf. Denzinger, n. 1320. culier sur la fréquentation du théâtre. Il publia trois Benoit XIV avait demandé à Concina de faire un com- dissertations, qu'il intitula : De spectaculis theatralibus ■en'aire deson encyclique, mais, quand il fut prêt, on christiano cuique tum laieo tum clerico velitis disser­ tjourna sa publication pour ne pas blesser certains tationes dux. Accedit dissertatio tertia de presbyteris personnages, grands admirateurs de Maffei dont la doc­ personatis, in-4», Rome, 1752, 1754. Dans Ia I" disser­ te ne se trouvait ainsi tenue pour suspecte. Mallei, d'ail tation, il combat l'opinion de Louis-Antoine Muralori, leur-. ne se regardait pas comme atteint; la même De publica felicitate, et celle de Scipion Maffei, Thea­ mnée 1746, il fit paraître à Rome même une 2e édition tro italico, qui prétendent que la pratique du théâtre 699 CONCINA esi licite en soi, tout en avouant qu'aujonrd’hui, cette pratique a besoin d’un tempérament. Cf. c. xn. Il y combattait aussi, c. xxtx, un certain Blanco ou Planco qui, dans un discours en italien, faisait l’apologie de la scène et des comédiens. La même année (1753), pour se justifier, Malïei fit pa­ raître : De’ teatri anlichi moderni trattato, Vérone. Il reprochait à Concina d’ignorer l'antiquité païenne, à quoi Concina eût pu répondre en le renvoyant à Marnachi, (trig, et antiquit. chrislian., I. Ill, p. '143, que luiméme ne connaissait pas mieux l'antiquité chrétienne. Néanmoins les idées plus sévères de Concina trouvaient beaucoup de partisans. Cf. Sandelli, Episl., xxxiv, p. 51 ; XLix, p. 82. Mais à Vérone, où Malïei avàit des partisans intéressés, les idées de Concina sur le théâtre eurent des adver­ saires passionn's. Il fut en particulier malmené par Philippe Rosa Morando. Cf. Epitre dédire à la tragédie de Teonæ, Vérone, 1755. Pendant un certain temps, il parut aussi une suite d'écrits ayant pour titre : Impos­ ture, villanie, e strapazzi sparsi nelle opere del P. Con­ cina, etc. Mais la collection lut presque aussitôt suppri mée. Mallei se montrait plus modéré que ses partisans dans ses réponses à Concina. Cf. La magia annichilata, I. III. Concina voulant se défendre plus au long publia, en le dédiant â Benoit XIV, un écrit intitulé: De’ teatri anlichi e moderni conlrari alla professione cristiana libri due del P. Daniello Concina in conforma delle sue dissertationi De spectaculis theatralibus, alla Santita di Λ’. S. Benedetto XIV, in-4», Rome, 1755. Il y reprenait, en les développant, les raisons qu’il y a pour un chrétien de ne pas fréquenter le théâtre. Avant qu’il ne s’occupât du théâtre, Concina avait déjà combattu ceux que l’on appelait au xvn» siècle les athées. Dès 1752, à la demande de Benoit XIV, il avait composé contre eux'un livre qui ne parut que deux ans plus tard : Delia religione rivelala contre gli aleisti, deisti, materialisli, ed indi/Jerenlisti, libri cinque, 2 tom. in 4°, Venise, 1754. Il avait dédié ce livre au roi de Sardaigne, Charles-Emmanuel. Le ministre du roi, après avoir reçu l'épîlre dédicaloire, l’envoya au P. Julio Cordara, S. .1., qui la retint pendant 11 mois, dans l’espoir que Concina renoncerait â son projet de publier un livre qui devait fort déplaire aux probabilistes. ix. i.n compexdium theologia·: christianU·:. — Con­ cina laissait en mourant un certain nombre d’ouvrages inédits ou inachevés, entre autres un compendium de sa Théologie chrétienne. Cet ouvrage avait été composé dès 1753, dans un but de vulgarisation de l’étude de la théologie morale. Λ Rome pourtant, le reviseur s’était montré très sévère, car on était au fort des disputes; il fit beaucoup de corrections, d’additions et surtout de suppressions. Concina mourut sans avoir revu son ma­ nuscrit. L’ouvrage parut néanmoins sous ce litre: Theo­ logice chrislianœ dogmalico-moralis P. Danielis Con­ cinte O. P. compendium, 2 loin. in-4», Venise, 1760. La même année 1760, une édition du Compendium fut commencée â Bologne sous les auspices des frères Tarul'fi, mais le cardinal Vincenzo Malveti, archevêque de Bologne, fit suspendre l’édition, après le Ier volume. Il en autorisa la reprise, à la condition qu’on ferait im­ primer en tête du Ier volume la déclaration de Concina en faveur des jésuites. Cette édition de Bologne com­ prenait 5 torn, in-8»; les 4 premiers contiennent le Com­ pendium de la Théologie chrétienne, d'après l'édition de Venise; le v tome, outre les Monita ad confessarios de saint Charles Borromée, les Canones pænilentiales, et quelques constitutions apostoliques, contenait encore un Commentarium de vita et studiis auctoris. Après l’édition de Bologne, il en parut deux autres à Venise, l’une chez Simone Occhi, l’autre chez Zalta. l’imprimeur attitré de la Compagnie. Dans l'édition Occhi, se trouve * 700 un Commentarius de cita el studiis Concinte, par Lau­ rent Rubeo, prêtre de Forli. En 1765, nouvelle édition à Lugano. Le P. Gasparini, O. P., réduisit encore le compendium, qu'il fit paraître sous ce titre : Manuale Concinte seu Theologia Christiana dogmalico-mora is a P. Daniele Concina 0. P. elucubrata priore con­ tractior, 2 tom. in-8», Mantoue. 1763. x. l’apologie de la société i>e jésus. — C’est sans contredit un des ouvrages les plus curieux qui soient sortis de la plume de Concina. Cette apologie dut son origine aux polémiques qui s’engagèrent sur l’Histoire du probabilisme entre Concina, d’une part, et les PP. Ghezzi, Lecchi, Richclmi et Gagna, S. .1.. de l'autre. Ceux-ci avaient dénoncé l’ouvrage de Concina comme manquant de base documentaire; réponse avait été faite, en son temps, à chacune de ces accusations. Au Saggio di supplementi- teologici, etc., de Ghezzi, Con­ cina avait répondu par VEsame teologico, etc.; contre les Arvertenze, etc., du P. Lecchi avait paru VEsfdicazione di qualtro paradossi, etc.; enfin le Saggio di avverlimenli, etc.,de Richehni et les Lettered'Eugenio Apologisla, etc., de Gagna, avaient eu une réponse dans les Lcllere ai RR. PP. Richelmi e Gagna, etc. C'est pour répondre à l'accusation de pauvreté documentaire que Concina avait composé ce nouvel ouvrage, ainsi avertissait-il au début, c. i, questi RR. PP. arranno ora il piacere di leggere i veri supplementi, che eglino bramarano. Mais il se proposait d’autres fins, en pu­ bliant ces documents : 1» affirmer la victoire de la Com­ pagnie contre le parti des jésuites probabilistes, cf. Difesa, p. 9 [xxtllj; 2» illustrer l'histoire du probabi­ lisme de documents décisifs. Difesa, p. 9. Ainsi il portait très habilement un dernier coup â ses adversaires, en leur démontrant péremptoirement et pièces en main que la doctrine du probabilisme était répudiée même au sein de la Compagnie. Du reste, en dédiant celte apologie aux représentants de l’autorité', général et assistants, c’était une leçon encore plus qu'une apologie que Concina entendait donner. En ren­ dant publiques les dissensions qui s'étaient élevées dans la Compagnie sur la question du probabilisme, Conein.. rendait plus décisives encore les raisons qui mili­ taient contre ce qu'il appelait le parti des probabi­ listes dans la Société. Venger la Compagnie de l'accu­ sation d'être probabiliste, tout en combattant le proba­ bilisme par des documents irrécusables, c’était fair d'une pierre deux coups. Les motifs qui firent différer la publication de cet écrit ne sont pas connus, mais on peut les rechercher dans la crainte ou l’on était, so dans l’entourage de Concina, soit dans les hautes sphères ecclésiastiques, de donner par cette publication un aliment nouveau à des disputes déjà longues. Cf édit, italienne, 1767, Lo slampalore a chi legge. Les divers manuscrits de l'Avulogie restèrent sans emp\ jusqu'en 1767; vers ce temps, on jugea que la publica­ tion pourrait être de quelque utilité à la Compngr. ; alors fort éprouvée. De ces manuscrits, l'un en la: : était conservé dans la bibliothèque du couvent de Sa·.Marco, à Florence; un autre avait été déposé à la Ca< nate; quelques autres enfin se conservaient à Veni-, Sur le manuscrit de San-Marco, une édition fut pr. ; rée par les soins de Zalta, de Venise. C’était une duction en langue vulgaire. Cf. Lo slampalore a < . legge. Elle parut sous ce titre : Difesa della Com, gniadi Gesù per le presenli circostanze, e giusiq zionedelle sue dollrine, appoggiala a xxn monrm· , ;.· inediti del P. lellore E. Daniello Concina dell' ·■■■ dei predicadori. Opera utilissima a parrochi, e · · fessori, in-4». Venise, 6 juillet 1767. Deux ans plus une édition latine fut donnée, à \Tenise. par les sc de Simone Occhi; sept nouveaux documents y publiés.Celte nouvelle édition était intitulée : l'i>. . Societatis Jesu hisce temporibus, e/usque doctrina,.. 701 CONCINA 702 nomine totius Societatis, et aliorum, summo pontifici purgatio, duobus supra viginti monumentis ineditis nixie opera P. lectoris Fr. Danielis Concina Ü. P. Ac­ Benedicto XIV mense augusti insequentis porrectus adversus P. Danielem Concinam, quo ad reparanda cedunt alia septeni documenta eodem spectantia, etc., in-4·0, Venise, 4769. Voici d'après cette édition le cata­ damna illata Societati, et scriptoribus ejusdem ob theo­ logue des documents publiés par Concina : 1° Libellas logiam quamdam moralem ab ipso typis editam, pro supplex, a P. Gonzalez Societatis generali, paulo ante­ justa aliqua hujus damni reparatione demississime supplicat, et rationes, ob quas hujus operis cursus in­ quam moreretur, magno pontifici Clementi XI oblatus; hibendus esse videtur, subnectit. Quem ipse sanctissi­ cf. Vindicias, etc., part. I, p. 26; 2° Insignis cardinalis de Aguirre epistola, in gua Carolo 7/ Hispaniarum mus D. IL P. Antonino Bremondio lotius ordinis pae­ regi Paler Gonzalez, Societatis generalis, commenda­ dicatorum generali magistro dedit, ab eoque traditus est eidem P. Concinæ die 29 ejusdem mensis, el anni, tur, op. cit., p. 32; 3° Begis Hispaniarum responsio, op. cit., p. 143; 6» Libellus supplex F. Danielis Conci­ in qua oratorem suum Patri generali Gonzalez, jubet esse subsidio adversus jesuitarum probabilislarum nte oblatus Benedicto XIV, die 21 Septembris an. 1151 adversus Libellum supplicem, a P. Vicecomite, S. J., -, artes, op. cil., p. 34; 4« Angustissimi Imperatoris Leopoldi epistola ad PP. adsistentes Societatis, quibus porrectum eidem pontifici nomine totius Societatis, congregate in congregatione generali, in qua idem P. mutuam cum Patre generali concordiam commendat, op. cit., p. 35; 5» Ad Patrem generalem Gonzalez Im­ Vicecomes generalis inauguratus est, op. cit., p. 151; peratoris Leopoldi epistola, op. cit., p. 36; 6° Epistola 7» Declaratio et sincera protestatio F. Danielis Conci­ !'atris generalis Gonzalez Augustissimo Imperatori næ super aliquibus oppositionibus factis contra tomos eupoldo rescribentis, op. cit., p. 38; 7° Quinque So- suie Theologiæ christianæ dogmalico-moralis recens l. rie talis adsistenlium ad papam Innocentium XII sup­ typis editos. Quam Benedictus XI V pontifex sapientisplex libellus, op. cit., p. 39; 8» Alius quinque Societa­ simus volens per se finem concertationi, exemplo me­ tis Jesu adsistenlium libellus supplex ad Innocentium morabili, imponere, vocato ad se præsule Giampè itayapamXll contra eorumdem generalem Gonzalez, op. licam dictavit, tradidilque P. Antonino Bremondio cit., p. 43; 9« Presens celebris negotii status, op. cit., magistro generali, ut eam Concina latinant faceret, 43; 10° Patris Thyrsi Gonzalez Societatis generalis et Theologias christianæ altero prodituro volumini ad­ libellus supplex ad D. Fabroni a supplicibus libellis, jungeret. Quod quidem exécutas est P. Vincentius ■ /■. cil., p. 46; 11° Libellus supplex quinque adsisten­ Maria Dinellius ; verebatur enim P. Concina, ac si id lium ad D. Fabroni a supplicibus libellis, op. cil., ipse fecisset, alium ac præseferebanl, pontificis verbis : . 46; 12° Patris Thyrsi Gonzalez Societatis generalis sensum tribuisse diceretur. Op. cit., p. 154. ibellus supplex ad D. Fabroni a supplicibus libellis, D’où Concina avail-il tiré tous les documents qu’il p. cit.. p. 47; 13" Wolfangi Prienzonii epistola ad voulait publier? Il avertit, Difesa, c. I, § 5, p. 3, que P. generalem Societ alis, op. cit., p. 48; 14° Patrum adtoutes les pièces qu'il transcrit se retrouvent dans les eùtentium libellus supplex ad P. Ferrari, sacri palatii archives de la Compagnie, mais c’est surtout dans les magistrum, adversus librum Patris generalis Gonzalez, bibliothèques particulières des deux cardinaux Fabroni ■ g rit., p. 52; 45° Epistola Patris Eusebii Truchses, et Ferrari, qu'il puisa. Fabroni avait laissé sa biblio­ üdsislentis teutonici Patris generalis Gonzalez, op.cil., thèque aux oratoriens de Pistoie. En 1744, le préfet de p. 56; 46° Scriptum procuratorum, provincialium la bibliothèque se trouvait être le P. Liborio auquel Ccugregalionem spectans, op. cit., p. 57; VT> Scriptum, succéda le P, Giuseppe Ippoliti Nobile. Le cardinal do­ d, procuratorum provincialium decreti validitate, op. minicain Ferrari, dont Concina écrivit la vie, avait été it-, p. 59; 48° Supplex P. procuratoris generalis je- dans la plus grande intimité avec Thyrsus Gonzalez el aartaruni libellus papas InnocentioXII oblatus,ut caus­ aussi avec les assistants du général. Très zélé pour la ar judicium comperendinaret, op. cit., p. 62; 19° Cen­ discipline religieuse, Ferrari laissa, en mourant, sa tura quinque adsistenlium in librum P. Gonzalez : bibliothèque au couvent réformé de Sainte-Sabine, â itemque censura censura quinque adsistenlium, an­ Borne. C'est là que Concina puisa la plupart des docu­ tiae P. Alpharo, op.cit., p. 74; 20« Historias libri Pa­ ments qu’il voulait publier. A l’époque où s’allumèrent te.., Gonzalez epitome, op. cil., p. 78; 24» Censura P. les disputes entre Gonzalez et le parti probabiliste Zuignis pro-adsistentis Germante adversus Patris jésuite, sous Innocent XI, Ferrari se trouvait maître du G nzalez librum, op. cil., p. 96; 22° P. Ignalii de Ca­ sacré-palais. Il fut médiateur entre les deux camps, ce margo supplex libellus, papa Clementi XI porrectus, qui explique que dans les manuscrits de Sainte-Sabine at probabilismum exterminet a Societate, op. cil., se retrouvent des lettres originales du général des jé­ z. !υθ. La IIIe partie contenait en appendice les docusuites, ainsi que des mémoires adressés par les assis­ ■ents suivants se rapportant encore aux difficultés de tants au maître du sacré-palais contre Gonzalez. Thyrsus Gonzalez : I» Succincta narratio eorum, quæ III. Jugement sur Concina. — 1° Concina et le saintP 7 lojisus Gonzalez gessit in Hispaniaapud superiores siège. — i. Itans toutes les luttesqu’il soutint pendant plus »<*'. et apud summum pontificem Innocentium XI, "de 20 ans, Concina fut l’homme du Saint-Siège. C’est de ·' cohibendum opinionum probabilium abusum, cum lui qu’il reçoit le mot d’ordre. Dans les polémiques Brrri explicatione rationum ob quas anno 1691 edidit sur la pauvreté religieuse, le cardinal Passionei est tndalum succinctum de hoc argumento, et dif/icultachargé par Benoit XIV de déférer à l’index l’ouvrage tsmi, guæ circa ejus publicationem supervenerunt, op. de Caratlini, qui combat la doctrine de Concina. Dans . p. 110; 2° Dissertatio continens gravissimas ra­ la controverse sur le jeûne, la doctrine de Concina est ft e- >. ob quas expediens fuit, ut Societas Jesu anno confirmée par les deux encycliques de Benoit XIV : Σ'.·χ'7 in ultima congregatione generali declararet, suum tVon ambigimus, du 30 mai 1741, et In suprema, du *«-· esse, nec ad se allinere probabilismum, seu sen- 22 août de la même année. En lui demandant de com­ teati n,i benignam de usu licito opinionis minus promenter le reserit pontifical du 8 juillet 1744, à l'arche­ et minus lulæ in concursu probabilioris, et lu­ vêque de Compostelle, le cardinal Passionei assure th ris, op. rit., p. 120; 3° lis rationum pro IL P. Concina que Benoit XIV lui en saura beaucoup de gré. Khyrso Gonzalez S. J. præposito generali, in pressenti « Je puis vous assurer, lui écrit-il, que Sa Sainteté vous ■«rυι rrsm edendi tractatus de recto usu opinionum a en juste et avantageuse estime. » Cf. Sandelli, op. cil., ^obabilium, op. cit., p. 433; 4° Epistola IL P. Thyrsi Epist., xm, p. 23 |25 juillet 1744]. En même temps BSonrate: ad P. Ferrari magistrum sacri palatii, op. ! qu’il faisait censurer les ouvrages opposés à ceux de ici·'. p. 143; 5» Libellus supplex a IL P. Ignalio Vice- Concina, dans la polémique sur les cas réserves, Be­ t^site S. J. electo, die 4 julii 115'1 ,præposilo generali, i noit XIV défendait la personne même de Concina contre 703 CONCINA les attaques et les calomnies de ses adversaires. Dans un décret solennel rendu sur la demande expresse du pape, la prétendue rétractation de Concina est con­ damnée par la Sainte-Inquisition, le 17 juin 1744. En même temps l'attitude de Concina, pendant loule cette campagne menée contre lui. lui vaut une lettre fort louangeuse de la main de Benoit XIV, en date du 4 juillet 1744. Cf. Sandelli. op. cit., Epist., xn, p. 21. Lors de l’apparition de l’Histoire du probabilisme, Be­ noit XIV lit savoir au général des dominicains tout le gré qu'il avait à cet ordre d'avoir fourni un tel défen­ seur de la morale chrétienne. Je puis vous assurer, écrivait de son côté au nom du pape à Concina le car­ dinal l’assionei, qu’il n'est pas d’éloge dont ne se soit servi notre seigneur (Benoit XIV) en parlant de l'Ilistoire du probabilisme. » Et, toujours par l’intermédiaire de Passionei, le pape demandait à Concina de lui faire une liste des propositions extraites des différents au­ teurs de morale et qui lui paraîtraient mériter con­ damnation. Cf. Sandelli, op. cil., Lett, tv, p. 6 sq. (22 décembre -1742). Lorsque au cours de la polémique engagée entre Sanvitale, Ghezzi el Concina, on essaya même dans l’ordre d'imposer silence à Concina, le car­ dinal Corsini écrivit au général Thomas liipoll pour lui expliquer que la pensée de Benoit XIV n'était pas de défendre aux dominicains en général, « d'enseigner, d’écrire el de défendre la doctrine du probabiliorisme, comme la plus plausible et la plus sûre. » Cf. San­ delli, op. cil., p. 58. Dans les controverses sur le prêt à intérêt, c’est encore vers Concina que se tourne Be­ noit XIV pour le commentaire de l'encyclique Vix per­ venit du Ier novembre 1745. Cf. Sandelli, op. cit., Epist., xxii, p. 34. C’est à la demande du même pon­ tife qu'il compose, dés 1752, son ouvrage De la religion révélée. Enfin un des ouvrages qui fait le plus d'hon­ neur à Concilia et qui lui a aussi attiré le plus d’adver­ saires, la Théologie chrétienne, était dédié à Benoit XIV. Déjà dans une lettre, adressée à Concina en date du 2 mars 1748, le pape se réjouissait de l'entreprise. Jl ■nostro buon Padre Concina c instancabile. Iddio lo conservi, e noi abbracciandolo gli dianio Vapostolica benedizione. Cf. Sandelli, op. cit., Epist., xxtt, p. 34. Dans une autre lettre, du 16 août 1749, adressée encore à Concina lui-même, le pape se réjouit de la publication prochaine de la Théologie chrétienne, et croit volon­ tiers qu’elle ne sera pas d'un petit secours pour le pu­ blic. Cf. Sandelli, op. cit., Epist., xxv, p. 39. Enfin dans une troisième lettre,du 29 novembre1749, Benoit XIV remercie Concina de la dédicace qui lui a été faite de l’œuvre dont il vient de recevoir les cinq premiers tomes, et prie l'auteur de lui conserver toute son affection. Cf. Sandelli, op. cit., Epist., xxvi, p. 39. Cependant le pape ne se contentait pas d’accepter que la Théologie chrétienne fût placée sous la protection de son nom, il prit sa défense et celle de son auteur contre les tentatives nombreuses des adversaires pour obtenir sa condamnation. Cette attitude décidée de Benoit XIV vis-à-vis des adversaires de Concina témoigne assez en quelle estime il tenait l’homme el sa doctrine. Lorsque, de retour à Venise, Concina y luttait contre le mal qui devait l'emporter peu après, le pape daignait lui envoyer lui-même l'assurance de sa sympathie et les vœux qu’il formait pour son rétablissement. Cf. Sandelli, op. cil., Epist., Li, p. 88 ( 29 novembre 1755). Aussi est-ce avec raison que dans la lettre encyclique adressée à l'ordre, au nom de la congrégation du B. Jacques Salomon, a la­ quelle appartenait Concina, on rappelle en ces termes la faveur dont jouissait le défunt, auprès du pontife: Quinimmo supremus ipse Eeclesiæ pastor Benedi­ ctus XII' P. M. (qui pro summa sua humanitate hic se nominari patietur) quantifaceret consodalem nostrum non obscuris argumentis testatum voluit, dum illum ad sacros pedes accedentem benigne humanilerque 70-ί excipiebat diutius cum illo versabatur, in arduis diffi­ cultatibus congregationi cardinalium theologum et con­ sultorem adjunxit, privatis benignissimis epistolis et in publico diplomate commendavit ; el quod maximum lanioque pontifice dignum nullaque unquam oblivione delendum, in summo discrimine conslitu tum, viri hono­ rificentissimi nomen summa sapientia et suprema sua auctoritate in tuto collocavit. Il ne faudrait pas croire pourtant que la faveur de l'autorité, dont jouissait Con­ cina auprès de Benoit XIV, fût le seul elfet de la part du pape d'une plus grande inclination vers l’ordre des prêcheurs, car le pape admettait aussi dans son inti­ mité beaucoup de jésuites. Cf. Dollinger, Beilrâge zur polilischen, hirchlichen und Kullur-Geschichte der sechs lelzten Jahrhunderle, in-8°, Vienne, 1882, t. m, p. 3, 5, 12. La pureté de la morale défendue par Concina explique suffisamment le crédit dont il jouit toujours auprès du saint-siège. Aussi, « tandis que les écrits de Concina étaient loués par les premières autorités ecclé­ siastiques el que, malgré leur nombre et la vivacité de leur polémique, pas un seul n’a été l’objet d'une cen­ sure de la part de l’Eglise, les livres de ses adversaires sont allés peupler le catalogue de l’index, quand ils n'ont pas été l’objet de condamnations plus spéciales. » P. Mandonnet, O. P., Le décret d'innocent XI contre le probabilisme (extrait de la Bevue thomiste, septembre 1901-janvier 1903), in-8°, Paris, p. 16, note 1. 2. Soutenu et encouragé par le pape, Concina trouva aussi dans la haute approbation donnée à ses travaux par les personnages tes plus illustres de son temps un appui moral considérable. En première ligne, nous trouvons le cardinal Passionei avec qui Concina demeura toujours dans les termes de l’amitié la plus étroite. Le cardinal aime à être vis-à-vis de Concina l'interprète des sentiments de Benoit XIV. Il accepte avec recon­ naissance la dédicace des couvres du polémiste. Cf. San­ delli, op. cil., Epist., i, p. 3 (17 février 1742). Il se réjouit hautement du succès de l’Histoire du probabi­ lisme, Epist., tv, p. 6 sq. (22 décembre 1742) ; il en­ courage Concina a lutter contre la morale relâchée; cf. Epist., tx, p. 17 (7 mars 1744) ; xm, p. 21 (25 juillet 1744); xtv, p. 24 (3 octobre 1744); xvi, p. 27 (5 dé­ cembre 1744) ; à l’apparition de la Théologie chrétienne, Passionei ne peut contenir sa joie et son admiration. O che opera grande! O che opera insigne! écrit-il à Concina à la date du 6 décembre 1749. Cf. Epist., xxvii, p. 40. Lorsque, sur la fin de sa vie, Concina. vaincu par la maladie, avait dit un adieu définitif à Borne, le cardinal Passionei, le 27 septembre 1755, lui écrit une lettre touchante pour le supplier de revenir sur sa décision. Il lui laisse entendre que ses adver­ saires escomptent son départ el en profiteront contre lui. Cf. Epist., L, p. 87. Le cardinal Henri Enriquez, archevêque de Nazianze in partibus, nonce apostolique à Madrid, fut aussi parmi les plus dévoués à Concina et à ses idées. H s’efforce de propager, en Espagne, ses ou­ vrages. il le tientau courant du succès qu’ils rencontrent, le met en garde contre les projets de ses adversaire-. Cf. Sandelli, op. cit., p. 131, note a; Epist., xxxm. p. 48; xxxiv, p. 49; xxxvm, p. 58; xi., p. 65; xliii, p. 70; iv. p. 72. Un grand nombre de cardinaux montrèrent xi. toujours la plus grande bienveillance à l'égard de Con­ cina, par exemple les cardinaux Monti, Corsini, à Lan­ ceis, Cavalchini Gonzaga, Portocarriere. ftezzonico qui fut plus tard Clément Xlll, Prospero Colonna, Quirini, Besuzzi, Spinelli, etc. 3. Concina comptait aussi parmi ses amis L. A. Muratori, .1. Lami, Cam. Almichi, Pierre Gatland, Passeri, etc. Le général de son ordre, Thomas de Boxadors, lui témoigna toujours la plus grande confiance. Enfin, Con­ cina fut uni par des liens très intimes à des person­ nages en qui l'amour de la vérité sut toujours surmont, i l’esprit de corps. C'est ainsi que dans les circonstances 700 CONCINA 705 les plus difficiles le courage de Concina fut soutenu par ' le probabiliorisme avec Fr. Genet, évéque de Vaison le célèbre P. Eg. Giuli, S. .1., secrétaire de la Congréga­ (t 1702). Cf. Summ., p. 426; Vind. Alphons., 1.1, p. 12, 58. Puis, sous l’influence de préoccupations oû le point tion pour l’examen des évêques, mort en 1749. Cf. de vue intellectuel n’était pas dominant, Vindic., t. r, Theologiæ christianæ, t. i, præf., p. 131; Sandelli, op. p. 456, il tourne au probabilisme, encore qu’il con­ cit., Epist., xviii, p. 29; xix, p. 31; xx, p. 32; xxi. serve sur la légitimité de celte opinion de douloureux p. 33 ; xxiii, p. 35. scrupules. Cf. Dilgskron, t. i. p. 473. Enfin, le 13 juil­ 2° Concina moraliste. — Concina a été le personnage let 1748, il pousse la dévotion à l’opinion probable, principal dans le troisième acte de la lutte entre jésuites et.dominicains sur les questions du probabilisme, lutte jusqu'à faire le vœu de toujours la suivre sans scru­ pule. A partir de ce moment, il abandonne Genet pour qui remplit tout le xvui» siècle. Dôllinger-Reusch. GesBusenbaum, S. J., dont il édite en l'annotant la Me­ chichle der Moralslr., t. i, p. 305. A lui seul il tint tête dulla theologiæ moralis, Naples, 1748. C’est de cette à tous et laissa des théologiens formés à son école phase de la vie de saint Alphonse que datent ses juge­ comme Patuzzi. Voici le jugement porté sur Concina ments sévères sur Concina et son école. Le 15 févrici par le P. Ben. Oliveri, O. P., Storia ecclesiastica del 1756, il écrit à son éditeur de Venise, Remondini, en secolo χνιιι, in-8°, Boute, 1808, p. 228-229 : a Par lui envoyant le t. Ier de sa Théologie morale : « De nou­ leurs nombreux ouvrages, Concina et Patuzzi attirèrent veau je vous recommande de ne pas faire revoir le livre l’attention de l’Italie tout entière el même de l'Allemagne, par un théologien de l’opinion rigide (comme le sont de la France et de l’Espagne, où les éditeurs vénitiens la plupart des dominicains aujourd'hui), car je ne suis envoyaient, avec de gros bénéfices, des cargaisons en­ tières de leurs livres, .le ne sais pourtant s’ils furent pas de cette opinion, mais je m’en tiens à la moyenne. toujours avisés, et cependant jamais leurs adversaires, Ce serait mieux que ce fût quelque Père jésuite, parce au nombre desquels se trouvait un homme aussi saint que ceux-là sont vraiment maîtres en morale.» Cf. Lel­ que Liguori, n’obtinrent condamnation d’aucun de leurs tere di S. Alfonso Maria di Liguori, in-8», Rome, s. d. ouvrages. » Cité par Dôllinger-Reusch, op. cit., t. i, (1890), part. II, p.20. De nouveau, le 30 mars 1756, dans p. 313. L’épithète d’imprudence conviendra peut-être une autre lettre à Remondini : « J'ai de la consolation au caractère souvent mordant des polémiques qu’ils à entendre que vous ferez revoir mon livre par un Père soutinrent, mais du moins en ce qui concerne Concina, jésuite, car si c'était un des dominicains qui suivent ce qualificatif ne saurait viser sa doctrine. D’ordinaire, aujourd'hui Concina, il réprouverait comme larges beau­ quand on porte un jugement sur Concina, c’est moins coup d’opinions que j'ai émises. D’ordinaire, je me tiens par comparaison avec les adversaires qu’il eut à com­ aux opinions des PP. jésuites (et non à celles des do­ battre et qu’on ne peut guère défendre de laxisme, que minicains), les opinions des premiers n’étant ni larges, par comparaison avec saint Alphonse de Liguori, dans ni rigides, mais justes... Je liens le système du proba­ li doctrine duquel on prétend retrouver comme une bilisme, non plus du probabiliorisme ou rigorisme. » condamnation de celle de Concina el de son école. Vis- Cf. Leltere, p. 23, 24. 11 revient sans cesse sur cette à-vis des uns et des autres, Concina passe pour rigoriste. recommandation à l’éditeur de prendre pour reviseur Il est vrai qu’il est nommé dans un document officiel un Père jésuite, car, répète-t-il, ils sont maîtres en I robabilislarum flagellum, Approbatio illustris, et re­ morale. Cf. Leltere, p. 26, 28. Plus loin, Liguori con­ verendis. I). I). Silvestri episcopi Porphiriensis el sa­ fesse que son livre est directement opposé à Concina, crarii aposlolici præfecti. In rescriptum Benedicti XI V p. 32. Enfin dans toute sa polémique avec Patuzzi, ce ad postulata septem archiep. Composfellæ, commen­ sont les principes de Concina qu’il combat. Cf. Lettre tarius theologicus, in-4°, Venise, 1745; d’ailleurs les ά Eusebius Amort, p. 216; Dôllinger-Reusch, op. cit., épithètes de rigoriste, janséniste, pascaliste étaient alors t. î, p. 424. Ces diverses attestations de saint Alphonse appliquées à quiconque n’adoptait pas en morale les de Liguori nous montrent bien l’homme fidèle à sa pro­ : rincipes en vogue. Cf. Histoire du probabilisme, t. i, messe du 13 juillet 1748. diss. î, p. 9-11 ; Explication de quatre paradoxes, Sur ces entrefaites, une polémique active s’est enga­ paradoxe I" du rigorisme attribué à notre, siècle, p. 87. gée entre saint Alphonse et Patuzzi. Cf. Dôllinger-Reusch, Concina proteste en ces termes contre une sévérité ex­ Gesch. der Moralslr., t. î, p. 425 sq. ; Leltere di Alfonso cessive en matière de morale: « Rien n’est plus étran­ di Liguori, passim, sur la valeur de la théorie probabi­ ger â mon sentiment que celte sévérité trop grande dans liste. Or peu à peu l’ardent défenseui· du probabilisme fis décisions des controverses morales et dans la direc­ lâche pied. Au mois de novembre 1768, il écrit : « Quand, tive des consciences. La seule loi que Jésus-Christ nous l'opinion pour la loi est certainement plus probable, je a donnée est la vraie et l'unique règle de notre conduite. dis qu’on ne peut suivre la moins probable, d'où je Celui qui rend trop stricte l’obligation de cette loi pèche suis le vrai probabiliorisle, non tuliorisle; mais quand autant que celui qui la rend trop facile. » Histoire du je sais que l’opinion rigide est plus probable, je dis probabilisme, diss. I, Introduction, t. i, § A, p. 7; cf. qu’il faut la suivre el là je suis opposé au système des t. n, diss. IV, p. 223, 374, 471, 472; Explication des jésuites. » Leltere, p. 341, n. 217. Et encore : a Mon quatre paradoxes, paradoxe I", p. 87. Mais il est naturel système de la probabilité n’est pas celui des jésuites. que Concina, luttant contre les opinions relâchées qui se car je réprouve que Ton puisse suivre l’opinion moins glissaient sous le couvert du probabilisme, devait pa­ probable une fois connue, comme prétendent Busen­ raître rigoriste. baum, La Croix et presque tous les jésuites. » Leltere, Quant au jugement porté sur Concina et son école m, p. 331 (30 juin 1768); cf. p. 335, 370. Il s'excuse par saint Alphonse de Liguori, il suffit d’en établir la d’avoir autrefois suivi les jésuites : « Il est vrai que j’ai chronologie pour constater que l’évolution de la pensée fait les notes à Busenbaum, écrit-il en janvier 1772, mais du saint docteur fournit une justification et une appro­ tout le monde voit en combien d’opinions je suis opposé bation de la doctrine de Concina, en même temps à Busenbaum et aux autres jésuites. » Leltere, p. 396. qu’une condamnation des principes qu’on prétend lui ■404, 406. opposer. Cf. Mandonnet, Le décret d'innocent XI contre Il en vint même à supprimer le nom de Busenbaum, le i robabilisme, p. 16, Dôllinger-Reusch, op. cil., t. i, qui figurait au frontispice de la Théologie morale, jus­ p. 412 sq. qu’à la 5“ édition. Cf. Leltere du 30 juillet 1772. p. 420. La carrière doctrinale de saint Alphonse comprend Enfin pour se libérer di questa laccia de tenir la mo­ deux phases : dans la première, il est ardent probabi­ rale des jésuites, il fait imprimer un manifeste, Moni­ liste, autant qu’il se montre dans la seconde probabiliotum perlinens ad quæstionem, an usus probabilium - te décidé. En premier lieu, il avait étudié et défendu opinionum sit vel ne licitus aliquando [1776). Cf. LclD1CT. DE THEOL. CATHOU III. - 23 707 CONCINA — CONCLAVE tere, p. 477, 487. L’évolution ne pouvait pas être plus complete: aussi, dans cette seconde phase de la carrière doctrinale de saint Alphonse, ne trouvons-nous plus de jugements défavorables à Concina et à Patuzzi. Au con­ traire, il parlera de la bonne mémoire de Paluzzi, en embrassant son opinion, p. 353. Enfin dans une décla­ ration de mars 1777, â la chambre royale de SantaChiara, il caractérise nettement sa position. Il se dé­ clare nettement opposé à la doctrine des jésuites : « En bonne conscience, écrit-il, on ne peut suivre l’o­ pinion probable pour la seule raison qu'elle est proba­ ble, puisque la seule probabilité des opinions en faveur de la liberté ne fonde pas suffisarnent la licéité de l’ac­ tion, car pour agir d’une façon licite, il faut la certitude morale de l’honnêteté de l’action, laquelle certitude ne se peut prendre de la seule probabilité de l’opinion. » Lettere, p. 494. 11 confesse, en même temps, avoir écrit autrefois que, lorsque deux opinions sont également probables, la loi n'oblige pas. Mais à maintes reprises, il est revenu sur cette solution pour la réprouver ainsi qu'il l’a fait dans la 7e édition de sa Théologie morale, Ve­ nise. Si la loi est promulguée, la liberté est dépossédée et l'on doit suivre l’opinion en faveur de la loi. Cf. Lellere, p. 494. Mais il est clair que ce principe réllexe ex­ terne de la possession par la loi constitue l’une des deux opinions plus probable, et partant que la doctrine de saint Alphonse se résout en celle du probabiliorisme. Le nom d'équiprobabilisme, donné au système de saint Alphonse, est impropre et ne vise qu’un cas secondaire qui se résout lui-même par les principes du probabilio­ risme. Ainsi, au terme de son évolution, il se rencon­ trait avec Concina. Voir t. I, col. 911-914. Ce n'est pas à dire pourtant que Concina n’ait pro fessé parfois, et surquelques points particuliers, comme sur le prêt ά intérêt, les spectacles, des opinions quel­ que peu rigoristes, mais c'était bien plus en face d'a­ bus à combattre que le polémiste se plaçait alors, qu’en face d'une doctrine que l'on examine du simple point de vue spéculatif. Denys Sandelli de Padoue [Vincent Dominique Fassini, O. P.], De Danielis Concinte vita et scriptis commentarius, in-4·, Brescia, 1767, suivi de : Epistola clarorum virorum ad Danielem Concinam ; G. do Concina, Cenni storici sulla nobilis· sima famiglia digli signori Conti de Concina di S. Daniello net Friuli. in-8·, Rome, s. d. (1833); Vita del Padre Daniella Concina dell' ordine de’ predicatori, che serve di compimentv alie celebri Lettere teologico-morali di Eusebio Eraniste, in8·, Brescia, 1768; cette biographie fut mise à l'index, en 1777, vraisemblablement à cause d'un passage concernant le jansé­ nisme, cf. Nouvelles ecclésiastiques, 1777, p. 56; Vita Danielis Concilia.’ a Laurentio Rubeo conscripta in Theologia Christia­ na..., in duos tomos contracta. Bologne, 1769: J.-B. de Rubeis De congregatione beati Salomonii, in-4·, Venise, 1751, p. 485; Dollinger-Reusch, Geschichte der Moralslreitigkeiten in der riimisch-kalholischen Eirche seitdem sechzehnten Jahr., in-8·, Nordlingen, 1889, t. 1 ; Dollinger, Bcilrüge zur polilischen, kirchlichen und Cutlur-Geschichte der seclis lelzten Jahrhunderte, in-8·, Vienne, 1882 (Denktoürdigkciten des Jesuiten Ju­ lius Cordara zur Gcsch. von 1740-1773); Reusch, Der Index der verbotenen Bûcher, 2 in-8·, Bonn, 1885; Lettere di S. Al­ fonso Maria de' Liguori, part. Π, in-8·, Rome, s. d. [1890]; P. iMandonnet, Le décret d'innocent XI contre le probabilisme, in-8·, Paris, 1903; Franz Ter Haar, Dus Decret des Papales Innocent XI über den Probabilismus. Beitrag zur Geschichte d' S Probabilismus und zur Rcchtferligung der kalholischen Moral gegen Dollingcr-Reusch. Harnack, Herrmann und Hamsbrœch, in-8·, Paderborn, 1904; trad, latine, in-8·, Tournai, Paris, 1904; Le VedfT, Saint Alphonse est-il probabilioriste? dans la Bcvue thomiste. 1904,· Koch. Dan. Concina und die sogenannte reinen Pônalgesetze, dans Theologischë Quartalscdrift, 1904, p. 400-424. R. COULOK. CONCLAVE. — I. Définition. II. Constitution. III. Physionomie des conclaves. IV. Le veto des puis­ sances au conclave, ou le droit d’exclusive. 1. Définition. — Par son étymologie, cum, davis, le 708 mot conclave signifie un objet mis sous clef, ou un endroit fermé â clef. Darembertet Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, t. 1, p. 1433-1434. Dans la jurisprudence ecclésiastique, il indique le local, où, après la mort du pape, les cardinaux se réunissent, dans une clôture rigoureuse, pour s’occuper uniquement de l'élection du successeur du pontife défunt. Ce terme désigne également l'assemblée elle-même des cardinaux réunis à cette fin. Ce mot apparaît, pour la première fois, dans la constitution Vbi periculum, publiée par Gré­ goire X, au mois de juillet 1274, à la suite de la V“ ses­ sion du II* concile œcuménique de Lyon. Cf. Labbe et Cossart, Sacrosancta concilia, 18 in-fol., Paris. 1672, t. x a, col. 975; Cæremoniale continens ritus electionis romani pontificis, Gregarii Paps· X V jussu editum, ubi praeficiuntur constitutiones pontificiae et conciliorum decreta ad eam rem pertinentia, 2 in-4’, Rome, 1724, t. I, p. 6. Cette bulle a été rapportée presque en entier dans le Corpus juris canonici, ou elle forme, dans le Sexte, le c. nt, l bi periculum, du titre vi, De electione. II. Constitution. — Sur les différents modes d’élection des papes avant l'institution du conclave, voir Élection des papes. Rappelons seulement que Nicolas II. en 1059, par la bulle Jn nomine Domini, ré­ serva l’élection pontificale aux seuls cardinaux-évêques, et qu’Alexandre 111, par la constitution Licet devitanda, publiée en 1179 au III’ concile de Latran, institua le Sacré-Collège tout entier comme corps électoral du pape, et exigea que l'élu obtint les deux tiers des voix. Ces sages mesures ne suffirent pas à empêcher les abus, les compétitions des partis et les longues vacances du saint-siège. D’autres mesures devinrent nécessaires pour assurer la prompte élection des souverains pontifes. La répression des abus fut en partie obtenue par l'ins­ titution du conclave. 1’ Origine (1270-1274). — Frédéric II, excommunié et déposé par Innocent IV, au Ier concile œcuménique de Lyon (1245), mourut en 1250. Par suite, l'élection d'Alexandre IV (1254-12(51) ne donna lieu à aucune diffi­ culté. La vacance du saint-siège ne dura pas plus de cinq jours. Mais ensuite les longs interrègnes recom­ mencèrent, le nombre des cardinaux étant trop petit, pour que l'accord pût facilement se faire sur l’un d’entre eux. La vacance se prolongea plus de trois mois, avant l’élection du Français Urbain IV (1261-1264); puis, elle dépassa quatre mois, avant l’élection d'un autre Français, Clément IV (1265-1268); enfin, à la mort de celui-ci, elle atteignit près de trois ans (exactement trente-quatre mois). C'est la plus longue qui se soit jamais produite. Il fallait empêcher le retour d’une vacance aussi longue. Les cardinaux s’étaient réunisà Viterbe où Clément IV était mort. Cette ville était alors la seconde capitale de la chrétienté. Par sa position stratégique et par ses nombreuses tours, elle mettait les papes à l’abri des coups de main que pouvaient tenter contre eux les empereurs teutons, toujours en guerre avec l'Eglise. Adrien IV s'y était réfugié pour échapper à Frédéric Uarberousse, et Alexandre IV, en 1257, y avait trans­ porté le gouvernement pontifical. Après la mort de Clé­ ment IV (29 novembre 1268), les dix-huit cardinaux qui composaient alors le Sacré-Collège ne parvinrent pas à se mettre d'accord. Cependant la vacance, en se prolongeant, menaçait de nuire aux intérêts vitaux de la chrétienté. Au retour de la désastreuse croisade qui s'était terminée par la mort de son père, saint Louis, Philippe III, roi de France, vint à Viterbe, avec son oncle. Charles d'Anjou, roi de Sicile. Ils supplièrent cn vain les cardinaux de faire cesser au plus tôt ce troc long veuvage de l'Eglise. Saint Bonaventure, général des franciscains, était à Viterbe. Si l’on en croit Macri, Nolizia de' vocalinli ecclesiastici, in-4’, Rome, 1650, v’ Conclavi·, le séraphique docteur, dix-huit mois après la mort de Clément IV (1270), aurait conseillé aux habi­ 709 CONCLAVE tants de Viterbe d’enfermer étroitement les cardinaux au palais épiscopal, alin que, séparés de toute influence étrangère, ils se déterminassent à en finir. On voit encore, dans la plus grande salle du palais épiscopal de Viterbe, les trous creusés pour recevoir les traverses de bois, auxquelles furent suspendues les tentures qui formaient les cellules des cardinaux. Cf. Jousset, L'Italie illustrée, in-4°, Paris, 1905, p. 320. Un demi-siècle au­ paravant, les habitants de Pérouse avaient recouru au même moyen, pour forcer les cardinaux à donner, sans relard, un successeurà Innocent III (16 juillet 1216). Cf. Moroni, Dizionario di eruditione storicô-ecclesiastica, Sede vacante, t. txnt, p. 184. Les Romains, â la mort du B. Grégoire IX (22 août 1241), avaient enfermé les cardinaux dans le Septizonium de Septime Sévère, -ur les pentes du Palatin. Cf. Moroni. Dizionario, v» Settizonio, t. lxiv, p. 321 sq. Ce moyen toutefois ne réussit pas à Viterbe : malgré la clôture forcée, l’élection ne marchait guère plus vite. Impatientés de tant de retards, Albert de Montebono, podestat de Viterbe, et Raniero Galli, chef des milices de la ville, gardiens de ce conclave improvisé, firent enlever la toiture du palais, et ne laissèrent plus parvenir aux cardinaux que du pain et de l’eau. Cf. Moroni, op. cit., v» Conclave, t. xv, p. 260. Les cardinaux envoyèrent alors deux d’entre eux offrir le pontificat à saint Philippe Beniti, général des servîtes. Le saint refusa, et, pour éviter de nouvelles instances, alla se cacher dans les montagnes. Les cardinaux remi­ rent enfin à six d’enlre eux le soin de choisir le pontife. Ceux-ci élurent rapidement Théobald Visconti, de Plai­ sance, archidiacre de Liège, qui n’était pas cardinal, mais remplissait les fonctions de légat apostolique en Syrie. Il prit le nom de Grégoire X (1271-1276). Cet épi­ sode donna à Jean de Tolède, évêque de Porto, l’occasion de composer les deux vers suivants : Papatus munus tulit orchidiaconus unus. Quem Patrem patrum fecit discordia fratrum. Cf. .V c oni, op. cit., t. xv, p. 261. 2° Lois fondamentales du conclave (1274). — Le pape goire X, considérant combien longue avait été la trance qui précéda son élection, voulut prévenir le retour de pareils retards si préjudiciables aux intérêts de l’Eglise. Ayant convoqué le 11’ concile œcuménique de Lyon, il y promulgua, dans la session V’, le 7 juillet —74, la bulle Ubi periculum, dans laquelle il donna one sanction juridique au moyen, un peu étrange, 4u avaient pris les habitants de Viterbe, pour hâter l’élecn. Mansi, Concil., t. xxtv, col. 81. Cette bulle si im­ portante fut insérée in extenso au Corpus juris canonici, L I. Decretal., lit. vt, Deelectione, c. ni, Ubi periculum, in 6·. Elle se trouve aussi dans les collections des con­ ciles et dans une foule d’auteurs qui l’ont reproduite, entre autres Oldoini, Vital et res gestæ ponti/ieum romanorum, 4 in-fol., Rome, 1677, t. n, p. 180; Cæremouiale continens ritus electionis romani pontificis, Grejorii l’apæ XV jussu editum, t. t, p. 6-10. Voici les règles formulées en vue des futurs conclaves, par Grégoire X, avec l’approbation des Pères du concile : I. A la mort du pape, les cardinaux présents dans la tille ou le pontife défunt a expiré, sont tenus, pendant dix jours seulement, d’attendre leurs collègues absents. Ce terme écoulé, que les absents soient arrivés ou non, ks cardinaux se réuniront sans retard, pour procéder à liHection, dans le palais qu'habitait le pontife. Chacun d’eux ne gardera avec lui qu’un, ou, en cas de nécessité, deux serviteurs, clercs ou laïques, qu’il aura le droit de choisir lui-même. — flans ces dix jours, selon la décla­ ration postérieure de Pie IV, bulle In eligendis, du 9 oc­ tobre 1562, Bullar. magnum, t. n, p. 97. est compris le jo ;r meme de la mort du pape. Dans le cas où il n’y aurait pas de sécurité pour eux, les cardinaux seraient au! orisés â différer leur entrée en conclave. Cf. Passeriui, 710 De electione summi pontificis, q. xix. in-fol., Rome, 1670, p. 84; Camarda, De elect, ponli/ic., in-fol., Rieti, 1732, p. 24, 28. 2. Que dans ce palais soit établi un conclave, dans lequel, sans cloisons intermédiaires, ni sans aucune ten­ ture de séparation, nullo intermedio pariete, seu alio velamine, tous les cardinaux habitent en commun, sauf le libre accès à une salle réservée. Que, de toutes parts, ce conclave soit si bien fermé que nul ne puisse y entrer ou en sortir. — La rigueur de celle prescription fut tempérée par Clément VI, qui, par sa bulle Licet in constitutione, du 6 décembre 1351, Bullar, magn., t. t, p. 258, abolit pour les cardinaux l’obligation du dortoir commun, et leur permit de passer la nuit dans des cel­ lules séparées les unes desautres pardesimples rideaux. Cf. Moroni, Dizionario, v° Celia del conclave, t. xi, p. 6369. Les clefs dit conclave sont gardées, celle de l’inté­ rieur par le cardinal carmerlingue, et celle de l’extérieur par le maréchal du conclave. Cette dignité appartint, pendant près de cinq siècles, à la famille des Savelli (1274-1712); puis, à la mort du dernier Savelli, passa aux princes Chigi. Cf. Moroni, Dizionario, v° Maresciallo del conclave, t. xi.n, p. 271-292; v» Savelli, t. t.xi, p. 294-308; v» Chigi, t. xm, p. 76-80; Novaes, Introduzione aile vile de’ ponte/ici, I. I, p. 88. 3. Personne, du dehors, ne doit communiquer avec les cardinaux réunis en conclave, ni de vive voix, ni par écrit, en public ou secrètement, à moins du consente­ ment unanime des cardinaux et pour des all’aires concer­ nant l’élection : le tout sous peine d’excommunication ipso facto. Sur la manière dont les ambassadeurs sont reçus à la porte du conclave par les cardinaux réunis à l’intérieur, voir Moroni, Dizionario, v» Conclave, § 7, t. xv, p. 311-315. 4. On doit cependant laisser au conclave une ouver­ ture, en forme de fenêtre, par laquelle on puisse com­ modément introduire la nourriture des cardinaux; mais par laquelle personne ne puisse pénétrer jusqu’à eux. — Cet article donna lieu, dans la suite, aux coutumes les plus curieuses. Les mets étaient portés aux électeurs, en grand apparat, par des domestiques en livrée, depuis le palais de chaque cardinal jusqu'à l’entrée du conclave. Là, des prélats les examinaient avec soin, et recher­ chaient si on n’y avait pas caché quelque écrit. On exa­ minait de même les lettres envoyées par les cardinaux, ou reçues par eux. Cf. Moroni, Dizionario, v» Conclave, § 7, t. xv, p. 304 sq.; v» Dapiferi, t. xix, p. 104-107; Sealco, t. t.xtt, p. 92 sq.; Lucius Lector, Le conclave. in-8», Paris, 1894, p. 119, 377-386. 5. Si, trois jours après l’entrée en conclave, l’élection n’est pas faite, les prélats et les autres officiers,députés à la garde extérieure du conclave, devront empêcher que, pendant les cinq jours suivants, il soit servi plus d’un plat à la table des cardinaux, soit au dîner, soit au repas du soir, tam in prandio quam in cæna,uno fer­ culo; à l’expiration de ces cinq jours, ils ne laisseront plus passer autre chose que du pain, du vin et de l’eau, tantummodo panis,vinum el aquaminislren lureisdem jusqu’à ce que l’élection soit terminée. — Ch inent VI, considérant que celle sévérité de régime pouvait nuire à la santé des cardinaux, qui, pour la plupart, sont âgés et atteints d’infirmités, la modéra en partie par sa bulle Licet in constitutione, du 6 décembre 1351. Il leur permit, à chaque repas, un plat de viande ou de poisson, ou d’œufs, avec un potage, des hors-d’œuvre et du dessert. Unum dumtaxat ferculum, carnium, unius speciei tantummodo, aut piscium, seu ovorum, cum uno potagiu de carnibus,vel piscibus principaliter nor. confectis, el decentibus salsamentis habere valeant, ultra carnes salitas et herbas crudas, ac caseum, fru­ ctus, sire elecluaria; ex quibus tamen nullum specia­ liter ferculum conficiatur, nisi ad condimentum jieret, vel saporem. U était défendu, en outre, à tout cardinal, 711 CONCLAVE d’accepter quoi que ce fût du plat apporté à quelqu’un de ses collègues, sans quoi la loi eût été évidemment de nul effet. Nullus vero eorum de alterius ferculo vesci possit. Cf. Bullar. magn., t. 1, p. 258; Cærenioniale Gregorii XV, t. 1, p. 13. Pie IV, dans sa bulle In eli­ gendis, du 9 octobre 1562, renouvela cette prescription de Clément VI, ajoutant qu’elle devait être observée dès le premier jour du conclave, et que les cardinaux devaient prendre leur frugal repas, chacun à part dans sa cellule. Cf. Bullar. magn., t. il, p. 97; Cærenioniale Gregorii XV, t. 1, p. 32. Ce point spécial du droit oc­ cupa bon nombre de canonistes qui, plusieurs fois, écrivirent de longs traités pour exposer de quoi pouvait se composer cet unique plat permis aux cardinaux en­ trés en conclave. Cf. Camarda, Be elect, pontifie., diss. XXIV, XXV, p. 191 sq. 6. Durant la vacance, les cardinaux ne peuvent tou­ cher ni aux revenus fixes de la Chambre apostolique, ni aux droits casuels de l’Eglise romaine. Ces sommes doivent être confiées au camerlingue, pour être par lui fidèlement remises à la disposition du futur pontife. 7. Dans le conclave, les cardinaux ne doivent s'occu­ per de nulle autre affaire que de l’élection papale, à moins que, de l’avis de tous, il fallût pourvoir à la dé­ fense de l’Église, dans une nécessité pressante, ou un péril imminent. — En confirmant et en précisant cet article, le pape Pie IV, parla bulle hieligendis (1562), décréta que la juridiction des cardinaux, mis à la tète des Congrégations et tribunaux romains, serait suspen­ due pendant le conclave. Les tribunaux sont tous fer­ més, pendant la vacance. Aucune cause ne peut y être introduite, aucune signature ne peut plus y être donnée, soit pour les affaires en cours, soit pour n’importe quel reserit de grâce ou de justice. Toutes les charges, en effet, expirent à la mort du pape. Ainsi, par exemple, les suppliques et requêtes qui arrivent à la Daterie, de toutes les parties du monde, ne peuvent être examinées, ni même ouvertes. On doit les y conserver intactes, pour les remettre cachetées au futur pontife. Seules les fonctions du cardinal grand-pénitencier sont mainte­ nues, mais uniquement pour ce qui regarde le for inté­ rieur de la conscience. Il doit s’abstenir absolument, sous peine de nullité, de tout autre acte d’autorité ou de juridiction; itaque a quibuscumque matrimonialibus et aliis dispensationibus et absolutionibus et declara­ tionibus, nec non quibusvis aliis expeditionibus forum (quod aiunt) fori, mixtim vel separatim quomodolibel respicientibus, omnino abstineat. Le cardinal ca­ merlingue ne peut agir lui-même que pour présider à la constitution du conclave, et autoriser les dépenses nécessaires en temps de vacance. Mais il lui est interdit d’exercer aucun droit de justice ou de grâce, et même d’exécuter les jugements déjà prononcés. Cf. Bull.magn., t. n, p. 97; Cærenioniale Gregorii XV, t. i, p. 27-30; Moroni, Dizionario, v» Conclave, § 1, t. xv, p. 267 sq.; v» Camerlengo di santa romana Chiesa, § 3, t. vu, p. 69-72; v» Penitenziere maggiore, t. lu, p. 61-69. 8. Si un cardinal n’entre pas en conclave, ou en sort pour tout autre motif que celui de maladie manifeste, l’élection s’accomplira sans lui. Si, après son rétablis­ sement, celui quiavaitété malade rentre; ou si ceux qui, vu leur éloignement, n’avaient pu arriver avant l’expira­ tion des dix jours, veulent entrer ensuite, les uns et les autres seront admis à prendre part à l'élection. Nom­ breuses sont les formalités que doit remplir un retar­ dataire pour entrer au conclave. Cf. Moroni, Dizionario, v» Conclave, t. xv. p. 309; Ortolan, Diplomate et soldai, il'P Casunelli d’Istria, 2 in-8», Paris, 1900, t. i, p. 193198. 9. Si le pape meurt en dehors de la cité où il rési­ dait avec sa cour, les cardinaux devront tenir le con­ clave dans la ville dont dépend le territoire où le pape est mort, à moins que cette ville ne fût interdite ou en 712 révolte ouverte contre l’Église romaine. Dans ce cas, ils se réuniraient dans la ville la plus voisine qui ne serait pas sous le coup de l’interdit, ni en révolte contre le saint-siège. 10. Les magistrats et officiers de la ville, où devra avoir lieu l’élection, seront obligés de faire observer les lois du conclave. Aussitôt après avoir eu connaissance de la mort du pape, ils jureront, en présence du clergé et du peuple, d’accomplir leur devoir à ce sujet; s’ils y sont infidèles, ils encourront l’excommunication IPSO facto, et perdront tous les avantages ou privilèges qu’ils tiendront de l’Église romaine; leur cité sera in­ terdite et privée de son siège épiscopal, si elle en a un. 11. Que les cardinaux, dans l'aflaire si importante de l’élection, déposent toute considération de personne; mais qu’ils s’inspirent uniquement de l’intérêt supé­ rieur de l’Église. 12. Tous pactes, conventions, ou contrats, consentis, même sous la foi du serment, en vue de faire élire au suprême pontificat un sujet désigné à l’avance, sont défendus sous peined’excommunication et déclarés nuis de plein droit. — Cetle prescription fut spécialement confirmée par Jules II, qui, dans sa bulle Cum tam divino, du 14 janvier 1505, Bullar. magn., t. 1, p. 466 sq., déclara nulle toute élection pontificale qui serait enta­ chée de simonie. Celui qui serait élu par ce moyen, aurait-il, par impossible, l’unanimité des suffrages, devrait, comme hérésiarque, être déposé, même du car­ dinalat. 11 serait pour jamais inhabile à toutes les di­ gnités et à tous les bénéfices. Son élection ne pourrait être, en aucune façon, revalidée dans la suite, ni par l’intronisation, ni par le couronnement, ni par l'acte d’obédience des cardinaux, ni par prescription, avec le cours des années. Tous, au contraire, clercs et laïques, devraient refuser d'obéir à cet intrus. Cf. Cærenioniale GregoriiXV, t. I, p. 14 sq. De Sponde fait remarquer, Epitome annalium card. Baronii, 2 in-fol., Lyon, 1686, an. 1505, η. 1, que l’application de ce remède serait bien difficile à mettre en pratique, mats que Dieu, par une providence particulière, n’a jamais permis qu’un simoniaque obtint les suffrages de tous les cardi­ naux. Pour affirmer davantage sa volonté à cet égard, Jules II voulut que sa constitution fût lue dans le V* concile œcuménique de Latran, où elle fut de nou­ veau confirmée dans la session XIV (1« mars 1512), par la bulle Si summus. Cf. Bullar. magn., t. i, p. 467. Un demi-siècle plus tard, Paul IV', non seulement la confirma de nouveau, mais déclara, en outre, par sa constitution Cum secundum apostolum, du 15décembre 1558, que ceux qui tenteraient d’acheter ainsi le suprême pontificat, devraient être considérés comme coupables de lèse-majesté. Cf. Bullar. magn., t. I, p. 836 sq.; Cærenioniale Gregorii X V, t. I, p. 19-25. Comme toutes les réformes qui condamnent des abns invétérés, la législation conclavaire du B. Grégoire X eut quelque peine à entrer dans la pratique. Sous son ponti­ ficat, elle ne fut pas modifiée; aussi c'est selon ses lois que son successeur Innocent V fut élu, le 21 janvier 1276. Le conclave n’avait duré qu’un seul jour. Mais innocent V mourut au bout de cinq mois. Adrien V lui succéda, et régna moins encore (du 1 1 juillet 1276 au 18 août 1276). Pendant ce court pontifical de quarante jours, par une déclaration faite en consistoire, il suspendit l'application de la bulle de Grégoire X, se proposant d'en publier bientôt une autre. 11 n’en eut pas le temps. Jean XXI, dix jours après son élection, lit de même, par sa cons­ titution Licet, du 30 septembre 1216, Bullar. magn., t. ni a, p. 28; mais, lui aussi, fut empêche par la mort de remplacer, par une nouvelle législation concla­ vaire, celle de Grégoire X qu’il avait abolie. Aussi, à partir de ce moment, les longues vacances recommen­ cèrent, pour le grand inconvénient de la chrétienté. II n’y avait pas eu de conclave pour l’élection de Jean XXI, 713 CONCLAVE et elle n’avait été accomplie qu’après 21 jours. Pour celle de son successeur,Nicolas III, faite sans conclave, comme les suivantes, il fallut sept mois et huit jours 125 novembre 1277); pour celle de Martin IV. six mois .22 février 1281); pour celle de Nicolas IV. dix mois et dix-neuf jours (22 février 1288). Ce fut bien pire encore â la mort de celui-ci (4 avril 1292). La vacance dura deux ans et trois mois. Tels étaient les résultats de la suppression des con­ claves. Une vingtaine d’années de contre-épreuve avaient démontré la sagesse des prescriptions de Grégoire X. La longue vacance ne cessa que par l'élec­ tion de Céleslin V (5 juillet 1291). Le rigide solitaire n’occupa que six mois le trône pontifical. Il abdiqua volontairement pour retourner à son désert. Il s’était rendu compte des inconvénients graves de la suppres­ sion des conclaves. Il les rétablit donc, et mit en vigueur 1- s prescriptions de Grégoire X. Il promulgua successi­ vement trois bulles : celle du 28 septembre 1291, Quia in futurum; celle du 27 octobre 1294, Pridem; et, < afin, celle du 10 décembre 1294, Constitutionem. Voir Rinaldi, Annales ecclesiastici, 18 in-fol., 16461677, Appendice, t. xiv. p. 633. Son successeur, Boniface VIII, élu en un jour, grâce au rétablissement des conclaves, confirma de nouveau la bulle de Grégoire X, en l’insérant officiellement dans le Corpus juris, L I, Decretal., tit. vi, De electione, c. 3, Vbi periculum, in 6°. Depuis lors, la loi des con­ claves fut toujours maintenue, même pendant le séjour des papes à Avignon. Des cardinaux ayant prétendu que, pendant la vacance du saint-siège, le Sacré-Collège avait le droit de modifier la constitution de Grégoire X, cette opinion fut condamnée par Clément V, qui en prit occasion de confirmer les prescriptions conclavaires, pir sa bulle Ne romani, publiée en 1311, au concile de Vienne, et insérée par lui au Corpus juris, 1.1, Clement., tit. m, De electione, c. n, A'e romani; Cæremoniale Gregorii XV, t. t, p. 10-12. Des auteurs allemands ont insinué que cette bulle fut inspirée par Philippe le Bel, afin de fixera jamais la papauté en France. Cf. Wahrtnund, Ausschliessungsreeht, Vienne, 4888, p. 10 sq. Mais rien, ni dans le texte de la bulle, ni dans les cir­ constances qui en accompagnèrent la composition et la publication, n’autorise une telle con jecture. Innocent VI condamna également cette prétention des cardinaux de Bodilier les lois conclavaires pendant les vacances. Cf. bulle Sollicitudo pastoralis, du 6 juillet 1353, Bullar. r. ign-, t. tu, p. 316. La législation du conclave fut, en . ütri·. confirmée, et précisée en divers points par les papes Clément VI, bulle Licet in constitutione, du 6 décembre 1351 ; par Jules H. bulle Cum tam divino, du II janvier 1503; par Paul IV, bulle Cum secundum, du 16 décembre 1558; par Pie IV, bulle In eligendis, du 9 octobre 1562. Cf. Bullar. magn., t. I, p. 258, 466, ®6 ; t. n, p. 97 ; Cæremoniale Gregorii XV, t. i, p. 1027. Les principales modifications résultant de ces re­ touches successives ont été indiquées plus haut, après cl acune des lois formulées par Grégoire X. Les plus fan portantes sont celles de la bulle In eligendis, de Pie IV. 3' Le mode de scrutin (1621). — Dans le courant du rvn· siècle, plusieurs cardinaux ayant émis l'opinion que les anciennes lois conclavaires n’étaient plus aussi obligatoires que par le passé, Grégoire XV (1621-1623) non seulement en donna une nouvelle et solennelle con: ; ination. mais, par ses deux bulles Æterni Patris du novembre 1621, et Decet r-mianum pontificem du 12 mars 1622, détermina avec beaucoup de netteté et ■ne minutieuse précision tout ce qui concerne le mode de scrutin. Cf. Bullar. magn., t. in, p. 444sq., 454-465; Cæremoniale Gregorii XV, t. I, p. 37-73; Camarda, U nslilut. aposlolicar. synopsis, p. 22. 30, 49; Phillips, X rchcnrechl, t. iv, p. 850. Il régla chaque point, jusque 74 4 t dans les moindres détails. Tout en laissant subsister les anciennes lois formulées, quatre siècles auparavant, par Grégoire X, il les compléta, et les munit d'un si grand nombre de prescriptions pratiques, que la moindre transgression en devient presque impossible. Ce code électoral rédigé par lui est resté en vigueur jusqu’à nos jours, et c’est d'après lui que se sont accomplis tous les conclaves depuis lors. Avec la bulle Decet, Grégoire XV promulgua un long et minutieux cérémo­ nial, qui détermine toutes les particularités du scru­ tin. Une copie imprimée en est encore remise à chaque cardinal, au moment de l'entrée en conclave. En voici les principales dispositions ; 1. L’élection du pontife romain na peut se faire que dans le conclave, et par une de ces trois manières ; c) par scrutin secret, complété, suivant les cas, par le second tour dit d'accession, et à la majorité des deux tiers des votants; 6) par compromis, si les cardinaux, d'un avis unanime, s’en remettaient à quelques-uns I d’entre eux pour faire l’élection au nom de tous; c) par quasi-inspiration ou acclamation. — Ces deux derniers modes, pouvant donner lieu à des inconvénients, furent entourés de tant de précautions par Grégoire XV, que, tout en étant maintenus théoriquement, ils furent, de fait, presque supprimés depuis. Cf. Camarda, De ele­ ctione roman, pontifie., diss. XIII, p. 127; Sandini, l’itæ pontificum romanor., 2 in-8°, Venise, 1768, t. Il, p. 419. Parmi les souverains pontifes élus autrefois par acclamation, ou inspiration, on cite, dans l’antiquité chrétienne, saint Fabien (238); au moyen âge, saint Grégoire VII (1073), le B. Pascal II (1099); dans les temps modernes, Clément VII (1523), Paul III (1534), Jules III (1550), Marcel II (1555), Paul IV (1555), Pie IV (1559), saint Pie V (1566), Sixte V (1585), Urbain VU (1590), Grégoire XIV (1590), Grégoire XV (1621). Cf. Catalani, Comment, in cæremon. S. B. E., p. 63; Burcardo, Storia de’ conclavi de’ romani ponlefici, p. 300. L’élection par compromis fut beaucoup plus rare. Elle n'eut lieu que lorsqu'il y avait de graves dillërences de vue parmi les cardinaux sur le sujet à élire, et que, ne pouvant s’entendre, ils finissaient par s'en remettre à quelques-uns d'entre eux pour le choix â faire. Cette manière d’élire par compromis avait été usitée bien avant Grégoire XV. qui ne lit qu’en préciser les règles. L’Ordo romanus contient une formule an­ ciennement usitée et que Grégoire XV imposa aux car­ dinaux. Elle a été publiée par Mabillon. Musæum italicum, t. n, p. 246. Sur les particularités de l’élection par compromis, lire Camarda, De electione romani pontificis, diss. XIV, p. 134 sq. On cite comme élu par compromis, Clément IV, après plus de cinq mois de vacance (1265). C’est, du moins, l’opinion de Barbosa, De jure eccl. univers., 2 in-fol., Lyon, 1650, L I, n. 96, t. i, p. 19; mais Sandini est d'un autre avis. Vitæ pon­ tifie. romanor., Invita Clement. IV, t. n, p. 517. Grégoire X fut élu aussi par compromis, à Viterbe, â la suite de cette longue vacance de près de trois ans, qui fut l’occasion de l'institution des conclaves (1271). Ainsi furent élus également Clément V, après une vacance de onze mois (1305), et Jean XXII, après une vacance de deux ans et trois mois (1316). Cf. Pagi. Breviarium historico-chronalogico-crilicum, pontificum gesta com­ plectens, 6 in-4°, Anvers, 1717-1753, t. 11, p. 44 sq. Après plus de trois mois de conclave à Venise, dans des circonstances extrêmement difficiles, les cardinaux étaient sur le point d'en venir à un compromis, quand j Pie VII fut élu (14 mars 1800). Ce détail nous est trans­ mis par un des électeurs qui prirent parta ce conclave, I le cardinal Étienne Borgia. Notizie biografiche, in-4», Rome, 1843, p. 15. La méthode la plus usitée, ou, pour mieux dire, la seule usitée en ces trois derniers siècles, fut celle du scrutin, complété par l'accession. 2. Dans la majorité nécessaire des deux tiers ne doit 715 CONCLAVE pas être comptée la voix que l’élu se serait donnée à lui-même. En cas de compromis, personne, non plus, ne peut voler pour soi. 3. Nul ne sera considéré comme élu par voie de scru­ tin ou d’accession, avant la promulgation des votes au sein de l'assemblée électorale. Dans le cas où quelqu’un n’aurait obtenu exactement que la majorité des deux tiers des voix, sans une de plus, on ouvrira la partie cachetée des bulletins, afin de constater que l'élu n’a pas voté pour lui. Λ cet effet, dans son bulletin de vote, chaque électeur écrit, d'une part, son nom, et, de l’antre, celui du cardinal qu’il élit; mais, en pliant et cachetant séparément la partie du bulletin où son propre nom est inscrit. De celte manière, le secret du vote est gardé. Quand les scrutateurs retirent les bulletins du calice où les électeurs les ont déposés, ils peuvent lire le nom de l’élu, sans connaître celui de l’électeur. La partie cachetée contenant le nom de l’électeur n’est décachetée que dans le cas particulier où l’élu n'aurait obtenu exac­ tement que les deux tiers des suffrages exprimés, sans un de plus. Des modèles de ces bulletins sont insérés dans le Cæremoniale Gregorii AT, t. i, p, 57-(il, 87-93; Pletlemberg, Nolizia congregationum et tribunalium curiæ romanæ, p. 4< 5 sq. 4. Avant de déposer son bulletin de vote dans le calice destiné à le recevoir, chaque cardinal prononcera, à haute et intelligible voix, le serment d’élire celui qu’il croit le plus digne. Il le fera en ces termes : Testor Christum Dominum qui me judicaturus est, me eli­ gere quem secundum Deum judico eligi debere, et quod idem in accessu præstabo. 5. Les cardinaux qui, renfermés en conclave, seraient retenus dans leurs cellules par la maladie, et ne pour­ raient conséquemment venir â la salle du vote, dépose­ ront leur bulletin dans une cassette fermée ayant à la partie supérieure une simple fente par où leur bulletin puisse être introduit. Cette cassette leur sera apportée par trois cardinaux et trois scrutateurs, dont le nom aura été tiré au sort par le plus jeune des cardinauxdiacres. 6. Le scrutin doit avoir lieu deux fois chaque jour : le malin et le soir. Chaque scrutin, s’il ne donne pas de résultat au premier tour, sera complété par un second tour, dit d’accession, accessus, par lequel chaque électeur peut ajouter sa voix à celles qu’aurait obtenues, au premier tour, un cardinal pour lequel il n'aurait pas voté. Pour cela, le bulletin est plié et cacheté de telle façon, que, tout en sauvegardant le secret du vote, elle permet de constater que nul, par l’accession, n’a donné une seconde voix au candidat pour lequel il aurait déjà voté au premier tour. Des modèles de bulle­ tin d'accession sont insérés aussi dans la bulle de Grégoire XV, et dans le cérémonial édicté par le même pape, qui indique aussi la manière de rédiger, de plier et de cacheter le bulletin de vote, afin que ce double bulsoit atteint. Cf. Camarda, De electione rom. pontifie., diss. XX, p. 125; Passerini, De electione summi ponti­ ficis, q. xxvm, p. 122; Bonacina, De legitim, summi pontifie, elect., part. 1, p. 133. L'accession, comme com­ plément du scrutin, parait avoir été employée pour la première fois à l’élection de Calixte 111 (1-455). Cf. Burcardo, Storia de’conclavi de'ponlefïci romani, p. 60. Elle entra ensuite en usage, dès le conclave suivant, pour l’élection de Pie II (1458). Cf. Storia de’conclavi, p. 63, '174, 669 sq. Mais cette procédure, étant bien compliquée, rend les séances très longues. Celle du matin, qui commence vers neuf heures, ne se termine guère avant midi. Le soir, elle commence vers trois ou quatre heures, suivant la saison, et se poursuit jusqu’à six ou sept heures. Cf. Lucius Lector, Le conclave, p. 373 sq. 7. Le dépouillement des votes est fait par trois cardi­ I 716 naux scrutateurs, désignés chaque fois par le sort; puis, par trois reviseurs, recognilores, chargés de contrôler l'exactitude du travail accompli par les scrutateurs. Après chaque scrutin, les bulletins sont immédiatement brûlés, en présence du Sacré-Collège. Cf. Mabillon, Musæum italic., t. n. p. 247 sq. Nous croyons inutile de reproduire les autres détails, qu’on trouvera dans le Cæremoniale continens ritus electionis romani pontificis, Gregorii papæ XV jussu editum, t. t, p. 37-73. Les prescriptions de Grégoire XV furent confirmées par son successeur Urbain VIH (1623-1644), qui les inséra presque in extenso dans sa bulle Ad romani pontificis, du 25 janvier 1625. Cf. Bullar. magn., t. iv, p. 95; Cæremoniale, Appendix, t. i, p. 73-104; Camarda, op. cit., p. 49, 73, 85. Clément XII les confirma de nouveau, et les compléta, sur quelques poinls, par la bulle Apostolalus officium, du 4 octobre 1732, et par le réglement écrit en italien, ou Chirografo du 24 dé­ cembre 4732, Avendo noi, qui, cependant, se réfère moins au conclave lui-même, qu’à la juridiction intéri­ maire du Sacré-Collège, sede vacante. Cf. Bullar. magn., t. xiv, p. 248-258; Cæremoniale, Appendix, t. Il, p. 4169. 4° Dispositions secrètes et transitoires, en vue de circonstances particulières et critiques. — I. A la lin du xvnic siècle, en présence des dangers que faisait courir à l’indépendance de l’Eglise l'invasion de l'Italie par les armées françaises. Pie VI prit quelques dispo­ sitions transitoires pour écarter le péril d'un schisme, en assurant la prompte élection de son successeur. 11 dispensa d'abord, mais pour ce cas seulement, les car­ dinaux présents à Home, au moment de sa mort, de l’obligation d'attendre, pendant dix jours, l’arrivée de leurs collègues absents, avant de procéder à l'élection. Bref du il février 1797, Attentis peculiaribus præsentibus Ecclesiæ circumstantibus. Un peu plus tard, par la bulle Christi Ecclesiæ regendæ, du 30 octobre 1797, il accorda aux cardinaux le pouvoir de déterminer euxmêmes, en cas de vacance, mais à la majorité absolue des voix, si, vu les circonstances, il conviendrait de réunir le conclave à Rome, ou ailleurs. Quand Pie VI eut été enlevé violemment de Rome, et emprisonné à la chartreuse de Florence, il publia, le 13 novembre 1798, une autre bulle, Quum nos superiore anno, par laquelle il permit de nouvelles dérogations à la législation conclavaire. Il donnait aux cardinaux le droit de décider s’il y aurait lieu d'observer, ou non, la clôture conclavaire, ainsi que les cérémonies, coutumes et formalités, qui ne sont pas essentielles à l’acte électoral. L’élu ce­ pendant devait, comme toujours, obtenir la majorité des deux tiers. Comme les cardinaux étaient alors, en grande partie, dispersés, il rétablit l'obligation d'attendre, dix jours, l’arrivée des absents, afin que le nombre des votants lût plus considérable. L’année suivante, Pie VI mourait, dans l'exil, à Valence (29 août 1799), et, confor­ mément aux prescriptions de sa bulle (Juum nos supe­ riore anno, le conclave se lint à Venise. Vu les difficultés de l'époque, il fut long. Commencé le30 novembre 4799, il ne se termina que le 14 mars 1800, par l’élection de Pie VII. 2. Au commencement du xix» siècle. Pie VII dut. lui aussi, prendre des dispositions semblables, soit lorsqu'il partit pour Paris, où il allait sacrer Napoléon 1", soi: surtout lorsqu’il fut menacé d’être arraché de Rome, et qu'il fut ensuite conduit comme captif à Savone et a Fontainebleau. Sa bulle Quæ potissimum, du 6 fé­ vrier 4807, et le règlement qu’il y annexa, le 6 juil­ let 4809, sous ce titre : Novæ leges in nova pontificis electione, si casus contigerit, ut illius obitus obvenio’ inter politicas perturbationes, renouvelaient les pres­ criptions de son prédécesseur. Comme le pape retourna à Rome, le 24 mai 4814, l'élection qui se lit après sa 717 CONCLAVE 718 mort, survenue en 1823, s’accomplit suivant les règles démonter ensuite. Après l’élection, on emmagasinait le traditionnelles. 11 en fut ainsi de tous les conclaves du tout dans de vastes salles de débarras, jusqu’à la pro­ XIX· siècle, pour les élections de Léon XII, Pie VIH, chaine vacance. Cf. Cancellieri.SZoriacZe’soZenmpossessi Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII et Pie X. Les trois de’ ponleffci dopo la loro coronazione, in-4», Rome. derniers conclaves furent extrêmement courts. Pie IX 1822, p. 379; Leltera al dotlore Koreff, p. 47 sq. ; ZVofut élu au bout de deux jours; Léon XIII, de même; et lizie storiche delle stazioni e de’ sili diversi, in oui sono Pie X, le matin du quatrième jour. stali tenutii conclavi nella città di Roma, in-4», Rome, 3. A l’exemple de Pie VI et de Pie VII, Pie IX, â la 1823. Les cellules, séparées les unes des autres par un suite de l’invasion des États de l’Église par la maison étroit espace d’une trentaine de centimètres, se ressem­ de Savoie, en 1870, avait établi, lui aussi, une législa­ blaient toutes. Elles avaient environ 5 mètres de long et tion particulière, pour le cas où les circonstances n’au­ 4 de large. Malgré leurs dimensions si exiguës, chacune raient pas permis de se conformer aux règles ordinaires. d'elles servait à la fois de salle de réception, de salle à Ces prescriptions de Pie IX se trouvent dans quatre manger et de chambre à coucher pour un cardinal. En documents de la plus grande importance, et qui étaient fait de meubles, elles ne contenaient que le strict né­ d'abord restés secrets. Ce sont les bulles 7n hac cessaire. Cf. Lavorio, De conclavi, de conclavislis el de sublimi, du 23 août 1871 ; Licet per apostolicas, du electione romani pontiffcis, in-4», Rome, 1628, p. 291. 8 septembre 1874; Consulturi, du 10 octobre '1877 et le Les parois en planches étaient recouvertes d'étoffe vio­ règlement du 10 janvier 1878, rédigé en italien, et lette ou verte, selon que les cardinaux, auxquels étaient composé de trente-deux articles d’une remarquable destinées ces cellules, avaient été créés par le pontife précision. Le pontife le signa vingt-huit jours avant sa défunt ou par ses prédécesseurs, carie violet était con­ mort (7 février 1878). sidéré comme couleur de deuil. Celte distinction des En voici les principales dispositions ; a) Exclusion couleurs à l'extérieur des cellules commença à s’intro­ absolue de toute intervention laïque dans l’élection du duire au conclave qui suivit la mort de .Iules II (1513!. souverain pontife, réservée toujours uniquement aux Cf. Catalani, Comment, in cæremoniale S. R. E., p. 15. cardinaux, b) Liberté laissée au Sacré-Collège de tenir La porte consistait en une tenture, ou portière, au-dessus le conclave, là ou il le jugerait plus opportun, suivant de laquelle était disposé l’écusson du cardinal auquel les circonstances, fût-ce même hors de l’Italie, c) Une la cellule était échue au sort. multitude de précautions pour écarter du conclave toute Comme on le voit, l’installation n’était pas des plus con­ ingérence du gouvernement italien, qui avait manifesté fortables, d'autant plus que ces petites cell nies se trouvant l’intention d'occuper le Vatican, dès la mort du pape, resserrées les unes à côté des autres, dans les galeries afin, disait-il, d'assurer la a liberté du conclave ». Pie IX et les grandes salles du Vatican, l'aération laissait fort n'avait aucun doute sur la manière dont les soldats à désirer. Dans la seule salle ducale qui a 35 mètres de italiens auraient assuré « la liberté du conclave ». Aussi i long sur '10 de large, on n’avait pas mis moins de dixordonna-t-il, d’une façon expresse, qu’à la première sept de ces minuscules cellules, sur deux rangées, sépa­ tentative de ce genre, le conclave serait immédiatement rées par un étroit corridor. Le conclave occupait ainsi dissous et transféré hors de l'Italie. Volumus omnino el tout le premier étage du Vatican, depuis la grande soli ­ mandamus ut, in cujusvis injurias conclavis loco, vel de la bénédiction, située au-dessus du vaste portique de personis illatas, sive id ex facto contigerit publicas po­ la basilique de Saint-Pierre, jusqu’à l’aile opposée au testatis, sive privatorum, multo vero magis si manus bout de la cour Saint-Damase. Afin d'assurer les commu­ injicerentur in aliquem ex cardinalibus, aut quispiam nications indispensables avec le dehors, tout en sauve­ ex eis sustineretur quomodocumque, aul prohiberetur gardant la sévérité de la clôture, on avait installé, aux s. En eflet, beauétait facile de monter au moment du conclave, et de ' coup d'individus sont emprisonnés dans un conclave- 719 CONCLAVE 720 Il y a, d'abord, de cinquante à soixante cardinaux, la Les communications avec le dehors avaient été réduites plupart âgés, et dont, par suite, la santé réclame des au minimum indispensable, pour écarter des électeurs ménagements. Chacun d’eux est accompagné de deux, toute influence étrangère, et les mettre à l’abri des ou quelquefois de trois conclavistes, à savoir : d’un indiscrétions du public. Toutes les portes extérieures, secrétaire ecclésiastique, prélat ou vicaire général, et moins une, avaient été maçonnées. Une haute muraille d’un ou deux domestiques laïques. Il faut compter, en fermait les arcades de la cour Saint-Damase. Plusieurs plus, tous les officiers du conclave, le sacriste et ses couches de vernis blanc, translucide, mais opaque, avaient été passées sur les vitrages des portiques supé­ aides, le secrétaire général el ses substituts, les con­ fesseurs, les maîtres de cérémonie, les médecins, rieurs. Le conclave de Pie X commença le 31 juillet 1903, pharmaciens, menuisiers, maçons et les personnes de et ne dura que quatre jours. Cf. Un témoin (cardinal service, tous enfermés sous la même clef, tant que Mathieu), Les derniers jours de Léon Xlll el le con­ clave, in-12, Paris, 1904. Les documents officiels con­ l'élection du pape n’est pas achevée. En outre le Quirinal est, dans son ensemble, beaucoup cernant le conclave de Pie X ont été réunis et publiés plus régulier que le Vatican, qui est plutôt une agglo­ par M'Jr Cadène, d’abord dans les Analecta ecclesiastica, mération un peu capricieuse de plusieurs palais, bâtis août 1903; puis, â part, in-8», Rome, 1904. Pour le détail des cérémonies usitées par les cardinaux en temps de à diverses époques. Le Quirinal se prêtait donc mieux conclave, voir Moroni, Dizionario, v» Conclave, § 7, à l'installation des cellules destinées à chaque cardinal. t. xv, p. 298-319; Congregazioni cardinalizie nella Ces motifs le firent choisir, au commencement du xix» siècle, pour le lieu de l’élection papale. Là furent sede vacante, t. xvt, p. 288-299; Cappella, t. vm, p. 138 sq., 186 sq., 189-195. successivement proclamés souverains pontifes Léon XII, Pie VIII, Grégoire XVI et Pie IX. IV. Le veto des puissances au conclave, ou le droit d'exclusive. — 1» Origine et notion. — Rarement Les cellules cardinalices se dressaient dans les vastes les souverains se sont désintéressés de ce qui se passe galeries qui longent la rue actuelle du Vingt-Septembre, depuis la place de Monle-Cavallo jusqu’au carrefour des au conclave. Presque toujours ils ont cherché à y exer­ Quatre-Fontaines. Dans celte portion de la rue, toute cer leur influence, soit en vue de faire élire un sujet circulation était alors interdite; soit pour ne pas gêner pour lequel ils avaient des préférences, soit pour écar­ les électeurs par le bruit et le tumulte; soit pour ne pas ter les cardinaux qui ne leur étaient pas sympathiques. influencer leur vote par la transmission des nouvelles Cette inlluence, ils l'exerçaient par le moyen des cardi­ du dehors. Dans ce but, aux extrémités de la rue, comme naux de leurs États. Vu le nombre relativement con­ aux portes principales du palais, étaient postés des déta­ sidérable des membres du Sacré-Collège, il élail presque impossible que les cardinaux d’un État quelconque chements de troupes, chargés de renforcer la garde formassent la majorité.En supposant mêmequ’ilseussent suisse des temps ordinaires. Cf. Moroni, Dizionario, v» Celia del conclave, t. xt, p. 65 sq. ; Conclave, §6, tous consenti à se conformer, dans leurs votes, au t. xv, p. ‘297 sq.; Palazzo apostolico Quirinale, t. L, désir de leur souverain, celui-ci n’eût pu réussir à faire p. 231-252. élire le candidat qui lui plaisait. Sous ce rapport donc, l’action des souverains fut presque toujours absolument Les cellules étaient formées aussi par un ensemble de nulle. Ils furent, en général, plus puissants pourécarter charpentes de planches numérotées qu’il était facile de ceux qui ne leur plaisaient pas. De là, le nom d'exclu­ monter et de démonter. Quand le Quirinal eut été ravi au pape, en 1870, on dut renoncer à y tenir les con­ sive donné à leur immixtion dans les opérations électo­ claves. L'outillage préparé dans ce but fut dilapidé, dis­ rales. persé ou détruit par les envahisseurs. A la mort de Cette exclusive, on exclusion, ils se contentaient par­ Pie IX (7 février 1878), il fallut créer de toutes pièces fois de la découvrir secrètement aux cardinaux qu’ils une charpente et l'adapter au Vatican. Le plan en avait espéraient faire entrer dans leurs vues. D’autres fois, été dressé à l’avance par M. Martinucci, l’un des archi­ ils la manifestaient publiquement par l’intermédiaire tectes des palais pontificaux. Une commission cardina­ d’un cardinal, qu’ils chargeaient de la notifier officiel­ lice, composée des cardinaux di Pietro, Sacconi, lement au Sacré-Collège. Ils espéraient, alors, que le Borromeo et Simeoni, fut chargée de l'examiner. Elle prestige de leur couronne et le poids de leur autorité l'approuva, sauf quelques détails secondaires qu’elle [ inclineraient la volonté des électeurs, et en rallieraient modifia, et l’exécution en fut commencée sur-le-champ. beaucoup à leur sentiment. Cette exclusion ainsi pro­ Pendant les neuf jours consacrés, suivant le cérémo­ noncée n’avait évidemment aucune valeur juridique. Elle était comme l’expression d’un désir de la part d'un nial, aux funérailles du pontife défunt, près de cinq prince catholique, el, somme toute, bienveillant à cents ouvriers y travaillèrent jour et nuit, de manière à l’achever pour qu’il fût possible aux cardinaux d’entrer l'Eglise. Rien n’empéchait les cardinaux d’examiner si en conclave, aussitôt après les funérailles de Pie IX. Ce ce désir se conciliait avec les intérêts supérieurs de l’univers chrétien, et s'il y avait lieu d’en tenir compte. conclave différait de ceux qui avaient été installés pré­ cédemment au Quirinal par la suppression des cellules. Les grandes puissances catholiques protégeant l’Église L’ancien matériel ayant disparu, on n’avait pas eu le avaient droit à certains égards. S'il ne convient pas, en temps de construire toute la charpente nécessaire pour effet, que le chef de la chrétienté soit nommé par des politiciens, néanmoins, pour la facilité des relations une soixantaine de cellules. On se contenta d’élever des internationales, il importe que le souverain pontife soit cloisons dans les grandes salles du Vatican. Chaque auprès des chefs d'Etat persona grata. Des électeurs, appartement comprenait trois ou quatre pièces. De cette justement soucieux des intérêts des âmes, ne commet­ façon, chaque cardinal disposait d’une installation traient pas une faute, en choisissant, entre des candidats complète pour son usage personnel, et pour ses con­ d'un mérite égal, celui qui serait le mieux accepté, et clavistes, ecclésiastiques et laïques. Ce conclave était dont l’élévation au souverain pontificat donnerait le plus ainsi beaucoup plus confortable que les précédents. Les de garanties de paix et d'entente cordiale avec les sou­ travaux d’appropriation coûtèrent près de 80000 francs. verains. Ils ne violeraient pas le serment qu’ils font, en Cf. R. di Cesare, Il conclave di Leone Xlll, Rome, déposant leur bulletin de vote. En fait, les cardinaux, 1888, p. 427. réunis en conclave, accueillaient généralement avec Le conclave de Pie X (31 juillet-4 août 1903) ressem­ bienveillance ces désirs exprimés par les souverains des bla à celui de Léon XIII. Soixante-deux cardinaux y assistèrent. On l’isola des autres parties du Vatican, par grandes puissances catholiques. C’était une condescen­ dance de leur part : rien de plus. Ce qui n’avait été des murailles, bâties en quelques jours, et dont la hau­ d’abord qu'une concession gracieuse du Sacré-College, teur, en certains endroits, était d une dizaine de mètres. 721 CONCLAVE en vint peu à peu à être considéré, par quelques souve­ rains, comme un droit strict de leur couronne. Ils crurent qu’il leur suffirait de manifester officiellement leur inten­ tion d'exclure un sujet, pour qu’il ne pût être élu, obtint-il cependant la majorité des deux tiers. Aucune loi, ni constitution apostolique, ne sanctionna jamais celte prétention. Les premières fois qu’elle se manifesta, elle souleva des protestations unanimes, au sein de l’assemblée électorale. Mais, au cours des temps, on s'habitua progressivement à ce qui avait tant déplu au premier abord. Les protestations des cardi­ naux se firent moins fréquentes; par contre, les affir­ mations des souverains devinrent de plus en plus for­ melles; de sorte que, par suite d’une tradition plusieurs fois séculaire, dont il serait difficile de fixeraujuste l’ori­ gine, les trois grandes puissances catholiques, la Erance, l'Espagne et l’Autriche, se trouvèrent, à peu près sans conteste, en possession du droit de veto. A défaut de bulle ou de document consacrant ce droit, dés qu’il ne fut plus sérieusement contesté, on y vit une sorte de concession tacite autorisée par la coutume, en vue du bien général. Ce privilège ne fut jamais reconnu à d'autres puissances, même catholiques, telles que les couronnes de Portugal et de Naples. Le royaume d'Italie ne saurait y prétendre; ni l’empire allemand, qui est officiellement luthérien. Depuis le commencement du xvitl» siècle, ce droit d’exclusive est regardé comme acquis aux trois cou­ ronnes indiquées. Ce modus vivendi, examiné en luimême, est moins embarrassant pour l’Église qu’il ne semblerait, de prime abord. Il procura, en outre, de réels avantages. A mesure que l’Église sembla l’accepter, par un consentement tacite et par amour de la paix, elle l'entoura de précautions et de restrictions prudentes, qui le rendirent très souvent inolfensif. La jurispru­ dence traditionnelle sur ce point se précisa de bonne heure. Il fut établi, par la coutume, que chaque couronne ne pourrait exercer le droit d’exclusion qu’une seule fois par conclave, et contre un seul sujet. Pour avoir son elfet, une exclusion devait être notifiée au SacréCollège par un cardinal à qui le souverain confiait spé­ cialement cette mission. En outre, la communication officielle devait être faite, avant que le sujet exclu eût atteint la majorité des deux tiers, car, l’élection accom­ plie. le droit de veto s’évanouissait. Les cardinaux con­ sentaient à ne pas élever au pontificat quelqu’un qui déplaisait au chef d’une des grandes puissances catho­ liques; mais ils ne reconnaissaient à aucun souverain, si puissant fût-il, le droit de déposer du pontificat celui qui aurait été légitimement élu. Contenu dans ces limites, le droit de veto était d’un emploi sidêlicatque les gouvernements pouvaient hésiter plus d'une fois à y recourir. En attendant le moment le plus opportun, ils laissèrent souvent échapper l’oc­ casion d'en user. Ils en étaient empêchés par les surprises du scrutin qui les mettait en face du fait accompli. Dans l’hypothèse la plus défavorable, les trois souverains useraient-ils de leur droit au même con­ clave, et chacun pour un sujet différent, il n’en résul­ terait, au plus, que l’écart de trois candidats. Si les souverains renonçaient à user de leur privilège, ou ne trouvaient pas le moyen de s’en servir, la liberté de I lection restait entière. D'autre part, ils ne pourraient pas raisonnablement refuser de reconnaître l'élu, puisqu’ils n’avaient fait aucune opposition à son élec­ tion. alors qu’ils en avaient la faculté. Le droit de veto, exprimé même sous forme de désir, a étésupprimé par Pie Xdans la const.Commissum nobts, du 20janvier 1904. Exercice du veto pendant le xix· siècle. — 1. De­ puis cent ans, c’est l’Autriche qui a le plus souvent .-iierché à user de ce droit d'exclusive. Pendant le dernier siècle, aucun conclave n’eut lieu sans qu'elle n'essayât d’y intervenir de cette façon. Au conclave qui 722 suivit la mort de Pie VIT (1823), elle chargea le cardinal Albani, son ambassadeur extraordinaire auprès du SacréCollège, de prononcer l’exclusion contre le cardinal Severoli, ancien nonce à Vienne, mais qui ne plaisait pas à M. de Metternich, et qui, en outre, était au nombre des cardinaux noirs, ayant refusé d’assister au mariage de l’archiduchesse Marie-Louise avec Napo­ léon Itr. Dès le premier tour de scrutin, Severoli obtint 26 voix. Il ne lui en manquait que sept pour atteindre la majorité des deux tiers. Probablement il les aurait eues, le soir. Mais, à l'ouverture de la séance suivante, Albani notifia officiellement le veto de l’Autriche. Le nombre des voix données au cardinal Severoli diminua, dès lorSjàchaque nouveau tour de scrutin. Les suffrages se portèrent sur le cardinal della Genga, en faveur duquel Severoli s’était désisté, et qui fut élu, après un conclave de 26 jours. Ce fut Léon XII. Cf. Moroni, Dizionario, v» Esclusiva, t. xxn, p. 90; Sagro Collegio, t. l.x, p.214; Severoli, t. i.xv, p. 53 sq.; Leone XI1, t. xxxvm, p. 5153; Artaud. Vie de Léon XII, c. VI, 2 in-8°, Paris, 1837; Album di Borna, t. xx, p. 108 sq.; Wahrmund, Ausscldiessungsrecld, p. 232. Six ans plus tard, à la mort de Léon XII (10 fé­ vrier 1829), l’Autriche chargea encore ce même cardinal Albani de prononcer, en son nom, le veto contre le cardinal di Gregorio. Elle lui donna la même mission, pour le conclave qui suivit la mort de Pie VIII (30 no­ vembre 1830); mais, avant toute manifestalion de la volonté impériale, le cardinal di Gregorio se désista en faveur du cardinal Capellari, le futur Grégoire XVI. Albani fit croire qu'il avait aussi le mandat d’exclure celui-ci, et. parce moyen, il en retarda longtemps l’élec­ tion. Il ne se pressa pas loutefois de prononcer officiel­ lement l’exclusion contre lui ; il eût, dès lors, été désarmé contre le cardinal di Gregorio que les électeurs auraient pu nommer. Après 53jours de conclave, le 1" février 1831, il ne manquait au cardinal Capellari que six voix pour avoir les deux tiers exigés par les constitutions aposto­ liques. Albani, hésitant, crut bon de différer encore. Mais, le lendemain, la majorité était atteinte, et même dépassée. Il était trop tard pour mettre obstacle a l’élection accomplie. Cf. Cipoletta, Memorie poliliche sui conclavi da Pio VII a Pio IX, Milan, 1863; Ortolan. Diplomate el soldat. Mgr Casanelli d’Istria, t. I. p. 198-206; Archiv für hath. Kirchenrecht, t. i.x, p. 362. Malgré cet insuccès, l'Autriche essaya encore au con­ clave suivant, en 1846, d’exercer son influence. Elle voulait exclure le cardinal Jean Mastaï, archevêque d’Imola. Mais l'archevêque de Milan, Min Gaisruck, chargé de porter le veto, arriva cinq jours trop tard; Mastaï était élu et avait pris le nom de Pie IX. L’élection de Léon XIII (20 février 1878) fut trop rapide pour que l’Autriche, pendant ce conclave qui ne dura que deux jours, eut le temps de recourir à l'exclu­ sive. Mais, pendant le pontificat de Léon XIII, l'Autriche se prépara à en user au prochain conclave, pour exclure tout candidat qui paraîtrait favorable à la Erance, et ouvertement hostile au nouveau royaume d'Italie. Ce dessein fut révélé par les feuilles officielles, entre autres par la Gazette de Francfort, qui, le 3 février 1892, disait : « Le pape est toujours une grande puissance politique, un facteur avec lequel il faut compter. Les États de la Triple-Alliance le savent fort bien. L'Autriche aura à se servir de son droit de veto, et l’on prendra des mesures pour que le cardinal, chargé de cette mis­ sion, n'arrive pas trop tard au conclave. » Le 2 août 1903, au matin du deuxième jour du conclave, par conséquent après le troisième scrutin, le cardinal Ftampolla, qui, dès le premier scrutin, avait obtenu 24 voix, en avait eu 29, lorsque le cardinal Jean Puzyna de Kosielsko, évêque de Cracovie, déclara, au nom de ErançoisJoseph, l’opposition de la couronne d'Autriche à l'élec- 723 CONCLAVE 724 tion de l’ancien secrétaire d’Êtat de Léon XIII. Cette > Après la mort de Pie IX, M. Waddington, ministre déclaration donna lieu â des protestations nombreuses des affaires étrangères dans le cabinet Dufaure (du de la part du Sacré-Collège. On ne tint d'abord aucun 14 décembre 1877 au 4 février 1879), se contenta d’ex­ compte de l’exclusion impériale, et, au scrutin du soir, primer aux cardinaux français le désir que le souverain le cardinal Rampolla obtint une voix de plus. Cependant • pontife fût Italien; qu’il ne fût pas choisi dans un ordre la majorité se déclara de plus en plus en faveur du car­ monastique, peu en contact avec le monde moderne; mais que, habitué au maniement des affaires, il fût un dinal Sari,, qui avait déjà 24 voix. Il en eut 27, le ma­ homme aux sentiments modérés, qui rendit possible la tin du 3 août, et 35 le soir. Enlin, au scrutin du matin, le 4 août, il en obtenait 50. Cf. Battandier. Annuaire conciliation de la papauté avec l’Italie. Il ajoutait : « .le pontifical, in-8°, Paris; 1904, p. 123 sq.; Home, in-4», ne sais dans quelles limites pourra s’exercer notre droit fvrier 1904, p. 60 sq.; Un témoin (cardinal Mathieu), d’exclusion, et je ne me dissimule pas les difficultés Les dentiers jours de Leon Xlll et le conclave, in-12, de l’exercice de ce droit; mais je crois que, dans cer­ Paris, 1904. tains cas extrêmes, nous n’hésiterons pas à le revendi­ 2. La France, dans l’emploi de l’exclusive, durant quer, surtout s’il y avait péril de voir élire un pape tout le xtx» siècle, fut beaucoup plus conciliante que non Italien, car i) pourrait en résulter entre les nations l’Autriche. Pour le conclave de 1823, Louis XVIII lit chrétiennes de grandes rivalités d’influence. » Cf. R. di simplement savoir aux cardinaux français, par l’entre­ Cesare, Il conclave di Leone Xlll, Rome,1888, p.25sq. mise du duc de Laval, son ambassadeur à Rome, que, Tout en se réservant d’agir, le cas échéant, le gouver­ sans exclure formellement personne, il désirait l’élec­ nement français ne confia à personne la mission d’user, tion d’un homme modéré, qui sût tenir la balance égale en son nom, du droit de veto. Cf. Civiltà callolica, du entre toutes les puissances catholiques. Ce n’était pas 4 mars 1878, série 10·, t. v, p. 643. La France intervint un vélo proprement dit. Moroni, Dizionario, v» Esclu- moins encore dans le conclave de Pie X. siva, t. xxii, p. 89; Bonghi, Pio IX ed il papa futuro, 3. Quant à l’Espagne, on ne connaît pas d’indice in-S", Milan, 1887, p. 46. Les dépêches diplomatiques qu’elle ait voulu user de l’exclusive au conclave de 1823. échangées à ce sujet entre Chateaubriand, alors ministre Elle manifesta ses intentions, en 1829, en affichant son des affaires étrangères, et le duc de Laval, ambassadeur hostilité contre le cardinal Giustiniani, ancien nonce â à Rome, en font foi. Cf. Chateaubriand, Mémoires Madrid, qui n’avait pas été favorable aux libéraux, mais d'oulre-tombe, 12 in-8», Paris. 1818-1852, t. v; Artaud, avait montré de la sympathie pour les revendications lie de Léon XII, 2 in-8», Paris, 1837, c. VI ; Pelrucelli de don Carlos, fils de Charles IV. L’Espagne avait della Gattina, Histoire diplomatique des conclaves, chargé le cardinal Gravina de prononcer l'exclusion contre lui; mais le cardinal Giustiniani n’eut jamais 5 in-8’, Paris, 1866, t. tv, p. 330. Au conclave de 1829, la France élait favorable au plus de 4 ou 5 voix dans le conclave ou fut élu Pie VIII. cardinal Castiglioni, qui fut élu, et prit le nom de Les choses prirent une autr? tournure au conclave de Pie VIII. Chateaubriand, alors ambassadeur de Char­ l’année suivante. Après vingt-deux jours d’opérations les X, à Rome, voulait faire déclarer le veto, s’il était électorales, le 7 janvier 1830, le cardinal Giustiniani nécessaire, soit contre le cardinal Fesch, oncle de Na­ avait obtenu 21 voix; c’élait près de la moitié des suf­ poléon 1er, soit contre le cardinal Albani, partisan trop frages, et il n’en manquait plus que 8 pour atteindre zélé de l’Autriche. Ni l’un ni l’autre n’obtinrent une la majorité des deux tiers. Le cardinal Marco y Catalan seule voix. Cf. Mémoires d'outre-tombe, loc. cit. prononça alors contre lui le vélo de l’Espagne, au nom Le rôle de la France, tout en restant discret, fut plus du roi Ferdinand VII, par ordre de l’ambassadeur accentué au conclave de 1830, où lut élu Grégoire XVI. Pedro Gomez Labrador. Le cardinal Giustiniani se Le cardinal d'Isoard, archevêque d’Auch, avait été désista en faveur du Cardinal Capellari, qui, malgré les chargé de faire usage des droits de la couronne. Le intrigues d’Albani, fut élu et devint Grégoire XVI. Sacré-Collège en fut officiellement averti par une lettre Cf. Moroni, Dizionario, v» Giustiniani, t. xxxi, p. 222du marquis de Latour-Maubourg, ambassadeur de Louis- 1 224. Au conclave de 1846, le nouveau gouvernement Philippe, à Rome. L’intention du roi était d’exclure le espagnol n’était pas encore reconnu par le saint-siège. cardinal Macchi, ancien nonce à Paris, sous la Restau­ Il lui fut donc impossible d’y jouer un rôle quelconque. ration, ami personnel de Charles X et des princes de la Il n’y a pas de documents établissant que l’Espagne ait branche aînée, avec lesquels il entretenait des relations voulu user de l’exclusive dans les conclaves de Léon XIII très cordiales. Cetle fois encore, le représentant de la et de Pie X. France n’eut pas à user de l’exclusive. Le cardinal Très nombreux sont les auteurs qui ont écrit sur les conclaves. Macchi, tpie l’intrigant Albani soutenait, n’obtint jamais Nous indiquerons ici les principaux, en les disUibuant, pour plus de clarté, en trois catégories. plus de 12 voix. Cf. Ortolan, Diplomate et soldat. 1· Constitution et législation du conclave, ou élection du Â/i)r Cusanclli d’Jstria, 1.1, p. 200-205. En 1846, pour le conclave ou fut élu Pie IX, le gou­ souverain pontife. — Hoffman. Nova scriptorum ac monumen­ partim rarissimorum, partim ineditorum collecti", vernement français n’avait spécifié aucun veto. Bans 2torum in-4·, Leipzig, 1731-1733, t. n, p. 1-268; Marcelli, maître do une lettre aux cardinaux français, M. Guizot, ministre cérémonies de Léon X, puis évéque de Corfou, Bituum eccle­ des affaires étrangères, disait simplement : « Ce que le siasticorum, sive saciarum cæremoniarum S. H. E. libri roi souhaite, c’est que le successeur de Grégoire XVI tres, in-fol., Venise, 1516; Cæremoniate romanum, sive libri tres de sacris cœremoniis S. K. E. in eligendo et colendo pon­ soit indépendant par son caractère, par ses principes, tifice, in-fol., Home, 1516; Florence, 1521; Cologne, 1557,1572; poursesantecédents; qu’il soit Italien, » etc. Cetle lettre, sans exclure personne, énumérait les qualités désira­ De electione cl coronatione pontificis romani excerpta, in-fol., Venise, 1516; Hanovre, 1613; Bignon, Traité de.l'élection des bles dans le futur pape. Elle se terminait par l’assu­ papes, in-4·, Paris, 1605; Lavorino, Lucubrationes de conclavi, rance que le roi n’userait de son droit de veto, que si conclavistis, eorumque privilegiis, et de Ids quæ fiunt sede la majorité des sulfrages se dessinait en faveur d’un vacante. De electione romani pontificis, in-4·, Rome, 1628; candidat qui, sur ces points essentiels, ne présenterait Panvini, De varia creatione papte, libri quinque, in-fol.. Padoue, 1648; Barbosa, De jure ecclesiastico universo, 2 in­ pas les garanties suffisantes. Ce danger n’était pas â craindre, el le comte Rossi, ambassadeur de France à fol., Lyon, 1650, part. I, c. 1, n. 36-123, t. I. p. 8-23; Bonacina. Tractatus de legitima summi pontificis electione, juxta sum­ Rome, auquel le roi s’en remettait pour celle alïaire, pontificum, præsertim Gregorii XV et Urbani VIII n’eut pas à intervenir. Cf. Guizot, Mémoires pour ser­ morum constitutiones, et de censuris occasione ipsius electionis a vir à l'histoire de mon temps, 8 in-8», Paris, 1858- summis pontificibus ad hanc usque diem impositis, in-fol., 1868. t. vm, p. 342; Cipoletla, Memorie politiche sui Lyon. 1637; Venise. 1638; excellent traité; Dominique Macri, conclavi da Pio VU a Pio IX, Milan, 1863, p. 229. Nultzia de’ vocaboli ecclesiastici, in-4". Messine, 1644; Houe, 725 CONCLAVE 1650,1669. v· Cunclave; Charles Macri, Hierolexicon. seu sacrum dictionarium, 2 in-fol., Rome, 1677; Brême, 1692; Venise. 1712; Bologne, 1767; Cohellio. Notitia cardinalalus, c. χνι, be ele­ ctione romani pontificis, in-fol., Rome, 1653; Cabassut, conclaviste du cardinat Grimaldi, archevêque d’Aix, â l’élection d’Alexandre VU (1655), à la suite de ce conclave qui dura dixhuit jours et auquel assistèrent plus de soixante cardinaux, com­ posa un traité intitulé : Dissertatio de electione summorum pontificum et de cardinalibus, qu’il inséra dans sa Synopsis conciliorum seu notitia ecclesiastica historiarum conciliorum et canonum inter se collutarum, in-fol., Lyon, 1668, 1680,1685, 1725; 3 in-8·, Paris, 1838; Passerini, De electione summi ponti­ ficis, in-f<.·!., Rome. 1670; De electione canonica, in-fol., Rome, 1661,1693, ouvrage très estimé; Platlemberg, Notitia congrega­ tionum curiæ romance. De conclavi et electione summi pon­ tificis. De structura conclavis, in-8·, Hildesheim, 1693; Cxremoniale continens ritus electionis romani pontificis, Gregorii papæ XV jussu editum, cui prxflciuntur constitutiones pon­ tificio et conciliorum decreta ad eum rem pertinentia, 2 in-4·» Rome, 172'»; Mayer, Commentarium de pontificis romani electione, in-fol., Leipzig, 1670: Suarez, évêque de Vaison. De crocea veste S. R. E. cardinalium in conclavi, in-4·, Rome, 1670; Camarda. confesseur do Benoit XIII et évêque de Rieli, Constitutionum apostulicarum una cum coremoniale Gregoriano de pertinentibus ad electionem papæ synopsis accurata, cl plena, nec non elucidatio omnium fere difficultatum quo evenire possunt circa pertinentia ad electionem romani pontificis, in-fol.. Rieti, 1732,1737, ouvrage très utile dans lequel sont vraiment résolues presque toutes les difficultés qui peuvent se présenter dans l’élection papale; Anastasio Agnello, archevêque de Sorrente. Istoria degli antipapi, 2 in-4·. Naples. 1754; Gen­ tili. Istoria de’ conclavi, cioù la maniera con cui debbesi dai cardinali eleggere il papa, cavata dalla storia ecclesiastica et dalle boite pontificie, manuscrit de la bibliothèque vaticune; Ghetti, Considerazioni sopra il modo che si è tenuto in diversi tempi neir elezione de' sonimi pontefici, ms. de la bibliothèque vaticane; Menschenius, Cæremonialia electionis et coronatio­ nis pontificis romani, juxta prima genuina ac rarissima exemplaria romana, cum figuris necessariis, una cum cu­ rioso anecdoto de creatione papæ Pii II, in-4·, Francfort, 1732; cardinal G aram pi. De nummo argenteo Benedicti III, punlif. max., in-4·. Rome, 1749; Ferraris, Prompta bibliotheca, cano­ nica, moralis, theologica, 10 in-4·, Rome. 1749, ν· Papa, a. 1, n. 1-73, t. vu. p. 13-26; De Novoès, ll sacro nto antico e mo­ derno della elezione, coronazione e solenne possesso delsommo pontcflce, in-4·, Rome. 1769; Bonucci. Istoria del B. Gregorio X, in-4*, Rome, 1771, p. 184 sq.; Gaspard Sibilla, Nuova ed esatta piantu del conclave con le funzioni e cerimonie per Celezione del nuovo pontcflce, falta nella sede vacante di Clemente XIV, in-4·, Rome, 1775; Gusta, Della cundotta della Chiesacattolica nell’ elezione del suo capo visibile, il romano pontcflce, in-4·, Venise, 1799; cardinal Patrizzi, Regole e disposizioni nella cus­ todiae conservazione dell’ archivio de’ maestri di cerimonie pontificie, e per Vestrazlone delle carte del loro archivio in tempo di conclave, in-8·, Rome, 1833: Moroni, Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, 109 in-8·, Venise, 1840-1879, v Conclave, t. xv, p. 258-319; Conclavist i, t. xvi, p. 1-25; Celia del conclave, t. xt, p. 63-69; Elezione de’ sommi ponte­ fici, t. xxi, p. 197-218; Anonyme, Élection et couronnement des souverains pontifes, in-8·, Paris, 1816; Migne, Dictionnaire des papes, art. Élection, in-4·, Paris, 1850; Bouix, De curia romand, in-8·, Paris, 1859, part. I, c. x, p. 123-139; De papa, 3 in-8·, Paris, 1870. part. VU, c. I, p. 341-345; Barbier de Montault, Le conclave et le pape, in-4·, Paris, 1878 : ScheiTer-Boichorst, Neuordnung der Papstwahl un ter Nicolaus H, in-8·, Stras­ bourg, 1879; Panzer, Papstwahl zur Zeit Nicolaus 11, in-8·, 1885; Martens, Besetzung des p. Stuhles unter Heinrich Ill, in-8·, Fribourg, 1885; Fetzer, Voruntersuchungen zur Geschichte Alexanders II, in-8% Strasbourg, 1887; Wahrmund, Ausschliessungsrecht. in-8·. Vienne, 1888: Berthelet, La elezvrne del papa, in-8·, Rome. 1891 : Holder, Die Designation der Nachfolger durch die Piipste, Fribourg, 1892, dans Archiv fur kath. Kirchenrecht, 1894 ; Lucius Lector, Le conclave, in-8·, Paris, 1894; L’élection papale, in-12, Paris. 1896: La législation moderne du conclave, in-8·. Paris. 1896; Chronologie des papes et des élections pontificales, in-12. Paris, 1897; Mortier, Saint-Pierre de Rome, in-fol.. Tours, 1900, part. II. 1. I, c. i, p. 461-483: Sabatier, Comment on devient pape, in-12, Paris, 1901; Un témoin (cardinal Mathieu), Les derniers jours de Leon XIII et le conclave, in-12, Paris. 1904, série d’articles pa­ nis d’abord dans la Revue des Deux Mondes (1904); Bonnet, Ix pape doit-il être Italum ? in-8", Paris. 1906. 2’ Histoire des conclaves. — Une histoire complète cl véri­ 726 dique des conclaves est encore à faire. Celle qui, sans nom d’au­ teur. a été publiée en italien sous ce litre : Storia de* conclavi de' pontefici romani, da Clemente V ad Alexandro VII (13051655), Cologne, 1667; traduite en français, Palis, 1G89; el rééditée plusieurs fois, Cologne, 1703, etc., n’est qu’une collection d’unecdoctes et de traits particulière réunis par les conclavistes de diverses époques, plutôt qu’une histoire sérieuse envisageant le grand côté des choses. Cetle compilation a été attribuée à Bur­ chard, cérémoniaire pontifical, par Moroni, Dizionario, v· Burcardo. t. vi, p. 169; mais sans raison suffisante, d’après Hurter, Nomenclator literarias. t. iv, col. 1008. Sur son peu de valeur, voir Theiner, Histoire du pontificat de Clément XIV, et Bonghi. Pio IX ed il papa faturo, in-8·. Milan. 1877. p. 8. Un anonyme l’a continuée jusqu’à Innocent XII (1691). — Des conclavistes et des cérémoniaires pontificaux, tels que Dardano, el autres, ont écrit des éphémérides, diarii, inédits pour la plupart, où ils ont noté, jour par jour, tous les menus faits, qui défrayaient les con­ versations du personnel de second ordre, enfermé dans la clôture conclavaire. Mais, comme les auteurs n’assistaient pas aux réu­ nions cardinalices, et que les éminents électeurs gardaient, en général, une prudente réserve et un silence presque absolu, sur les combinaisons qui s’élaboraient, ces chroniqueurs ne nous ont transmis que des récits nécessairement fort incomplets, et d’une importance très secondaire. On trouvera cependant beaucoup de détails intéressants, dans les ouvrages suivants : Platina. Dr vilis summorum pontificum omnium ad Sixtum IV, in-fol., Venise. 1479,1485; Nuremberg. 1481,1532 ; Cologne. 1512, 1529,1540; Panvini, Epitome vitarum romanor. pontificum a sancto Petro usque ad Paulum IV electionisque singulorum et conclavium compendiosa narra­ tio, in-fol., Venise, 1557: Sandini. Vitæ pontificum roman orum, 2 in-8·, Venise, 1768: Musteum nummarium Milano-Vescontianum. in-fol., Trêves, 1782; nombreuses notions historiques, à propos des médailles frappées, en temps de conclave, par le car­ dinal camerlingue, par le majordome, gouverneur du conclave, par le maréchal du conclave, par le préfet de Rome, par l<* trésorier général et autres dignitaires des États pontificaux; Cancellieri, Notizie istoriche delle stagioni e siti ove furono celebrati i conclavi nella città di Roma, in-4·, Rome, 1822: Storia de’ solenni possessi de’ sommi pontefici dopo la loro coronazione, in-4·. Rome, 1822: Cardella, Storia de' cardinali, 6 in-4·, Rome, 1825; Allocuzioni degli Ecc. Signori Ambasciatori straordinarii at conclavi, in-8", Rome, 1829; Artaud, His­ toire des pontifes romains, 8 in-8·, Paris, 1847-1849; Christophe, Histoire de la papauté au xv* siècle, 3 in-8*. Paris. 1852; Petrucelli della Gatlina, Histoire diplomatique des conclaves. 6 in-8·, Paris, 1866. — Sur le conclave de Pie VI : Masson, Le cardinal de Bernis, depuis son ministère, in-8·, Paris, 1884. — Sur le conclave de Pie VII : cardinal Étienne Borgia. Notizie biografiche, in-4·, Rome, 1843, p. 15 sq. — Sur le conclave de Pie VIII : Chateaubriand, alors ambassadeur de France, à Rome» Mémoires d’outre-tombe, 12 in-8·, 1848-1852, t. v, p. m sq. — Sur le conclave de Grégoire XVI : Ortolan. Diplomate et soldat. M1' Casuir II· d’Istria. conclaviste du cardinal d’Isoard, arche­ vêque d’Auch, 2 in-8·, Paris, 1900, t. I, p. 176-206; Archiv fur kuth. Kirchenrecht. mars 1899, t. lxi. p. 362. — Sur tous ces conclaves jusqu’à celui de Pic IX, Cipolelta, Memorie politu·'··· sui conclavi da Pio VU a Pio IX. in-8·, Milan, 1863. — Bonghi, Pio IX ed il papa futuro, in-8·, Milan, 1887. — Sur le conclave de Léon XIII, R. di Cesare, Conclave di Leone XIII, in-8·, Rome, 1888; Lucius Lector, I.e conclave, in-8·, Paris, 1894. p. 631 sq.. 640-645, 649-655. — Sur le conclave de Pie X. Un témoin (cardinal Mathieu), Les derniers jours de Léon XIII et le con­ clave, in-12, Paris, 1904; Rome, in-4·, Paris, 1904, p. 60 sq . Battandier, Annuaire pontifical, in-8·, Paris, 1904, p. 123 sq ; M·'Cadene, Analecta ecclesiastica, août 1903. 3· De l’exclusive. — Plusieurs auteurs en ont fait mention dès le commencement du xvir siècle: Bignon, Traité de l’élec­ tion des papes, in-4·, Paris. 1605; César de Ligny, Les ambas­ sades et négociations du cardinal du Perron de 1500 à 1618, in-4·. Paris. 1633, p. 395,445: Hanotaux, Recueil des instrn> lions données aux ambassadeurs de France, depuis les traites de Westphalie (IGéS) jusqu'à la Révolution française. 11 in-8·, Paris, 1888, t. vi, Rome. p. 125 sq.. 2I7 sq.. 234 sq.. 274 sq.. 348. Mais le premier ouvrage imprimé qui ait traité celle mati», re ex professo, parait être celui de Gabriel Adarzo de Santander, es­ pagnol, évêque de Vigevano, en Italie. Dictamen ad intenogata respondens circa exclusivam quandoque a principibus inter­ positam ne aliquis in summum Ecclesise pontificem eligat in . in-fol., Francfort, 1660; Anonyme, Discurso anonimo sopra l'esclusivu del papa, in-4·. Venise. 1722. Au xvni' siècle, les ouvrages se multiplièrent sur ce sujet -.1 prenait une importance croissante. Ce fut surtout en Alfom. = -e. 727 CONCLAVE — CONCORDATS (ÉTUDE D’ENSEMBLE) à cause des prétentions, de plus en plus affirmées, de l’empereur d’Autriche. Beaucoup d’auteurs, en reconnaissant ce droit au chef du Saint-Empire, enseignaient qu’il le possédait seul, comme successeur de Charlemagne : Buder, Vindiciis juris imperato­ ris adversus orbis riomœ episcopos, in-4·. léna, 1719; Otto, De jure impexa toris circa electionem pont i/Icis romani, in-4·, Utrecht, 1723: Burchard. De rom. pontificis electione esesarumque circa eam jura, in-4·, Kiel, 1729: Estor, Commentatio de jure exclusives quo Cœsar Augustus uti potest, quum Patres purpurati in creando pontifice sunt occupati, in-4·, fénn. 1740; Kemmerich, De jure Augusti imperatoris circa constituendum Ecclesiæ romanx caput, lena, 1740. Plusieurs auteurs prétendirent que ce droit appartenaità tous les souverains indistinctement : Ley, Quid de exclusiva quam imperator dare solet, dans Barthel, Opuscula juridica varii argumenti, in-4·, Bamberg, 1771, t. ii, p. 342: Hammer, De jure principis catho­ lici circa sacra, dans Schmidt, Thesaurus jur. eccl., in-4·, Heidelberg, 1774. Au xiN· siècle, les ouvrages sur celte matière furent encore plus nombreux : Moroni, Dizionario, v· Esclusiva, t. xxn. p. 82-9); Sagro collegio, t. i.x, p. 213 sq. ; Phillips, Kirchenrecht, 7 in-8·. Ratisbonne, 1845-1872, t. v, p. 138 sq.; Cipolelta, Memorie poliliche sui conclavi da Pio VU a Pio IX, in-8·, Milan, 1863, p. 138; Anonyme, Ein Wort iiber die Papstwahl, in-8·, Berlin. 1872; Anonyme, Ueber die Bechle der Begierungen beim Conclave, in-8·. Munich. 1872, attribué au comte Grcppl, alors ambassadeur d’Italie à Munich. Ces deux opuscules, écrits en plein Kulturkamp/, paraissent avoir été inspirés par Bis­ marck. en vue de peser sur le prochain conclave, d'isoler la pa­ pauté et de constituer une Église nationale, comme le fit remar­ quer à la tribune parlementaire Windthorst, le 14 juin 1872. Le même but se manifeste dans les ouvrages suivants : Die Paptswahl nach ihrer geschichtlichen Gestaltung und dem gettenden Becht, Prague, 1874; Lorenz, Papstwahl und Kaiserthum, Berlin, 1874; Bonghi, Il conclave ed il diritto dei governi, dans Nuova Antelogia, 1872, t. xxi: Pio IX ed il papa Juturo, in-8·, Milan, 1877, p. 4 sq. — Ces idées fausses furent réfutées, sommairement d’abord, par VOsservaîore romano, 29 juin 1872: puis, longuement et savamment, par la Civiltà cattolica, 8· série, Rome. 1872, t. vu, p. 298 sq. ; 10* série, Rome, 1878, t. t, p. 643; ainsi que par Caprara, Dissertation de /'Aca­ démie libérine, in-8·, Rome, 1876; par Lingens. Archiv fur kath. Kirchenrecht, 1889, p. 363; Lucius Lector, Le conclave, in-8·. Paris, 1894, p. 410-580; Schulte, System d. le. Becht, p. 199; Sügmüller. Die Papstwalhen und die Staaten, Tubingue. 1890; Die Papstwahlbullen und das staatliche Becht der Ex­ clusive, Tubingue, 1892; Das Becht der Exclusive in der Papstwahl, dans Archiv fur kath. Kirchenrecht,1895, p.193. Le docteur Wahrmund a publié aussi, sur l’exercice de l’exclusive, une foule de documents tirés des archives du Vatican et de Vienne, en Autriche : Ausschlicssungsrccht der katholischen Staaten, Vienne, 1888, p. 3.172, 326; Beitrage zur Geschichte des Exclusionsrcchlrs, Vienne, 1890; Zur Geschichte des Exclusionsrechtcs bei den Papstwahlen, dans Archiv fur katholischcs Kirchenrecht, 1892, p. 100 ; Die Bulle Æterni Patris Filius und der Staatliche Einfiuss auf die Papstwahlen. dans Archiv fur kath. Kirchenr., 1894, p. 20. Voir encore G. Vidal, Du veto d'exclusion en matière d’élection pontificale (thèse), Toulouse, 1906. T. Ortolan. CONCORDATS. Après un article sur l’ensemble des concordats, on étudiera spécialement le concordat de 1801. I. CONCORDATS. ÉTUDE D’ENSEMBLE. — I. No­ tions générales. II. Les plus anciens concordats. Ill. Les concordats se rattachant aux conciles de Constance et de Bâle. IV. Les concordats du xvi« au xvm· siècle. V. Les concordats au xix» siècle. 1. Notions générales. — L’Eglise et l’Etat sont deux sociétés parfaites. Leur autorité s’exerce pourtant sur les mêmes sujets, en des matières souvent connexes : d’où la nécessité d’une loi qui détermine leurs rapports mutuels. Point de difficulté lorsque l’État accepte pu­ rement et simplement l’application sur son territoire des principes du droit ecclésiastique touchant les rela­ tions du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Tel n’est pas le cas le plus fréquent. Habituellement, à la théorie catholique, l’Etat oppose une théorie nationale. e là pour maintenir l’entente, la nécessité de transac­ 728 tions. sinon sur les principes, du moins sur les conséquences pratiques qui en découlent. Le concordat est l’acte solennel qui exprime cette transaction. Il n’en est pas la forme primitive. Avant de recourir aux écrits pour constater leur accord et arrêter leurs concessions respectives, l’Église et les Etats s’en sont tenus à la coutume. Sans doute, dès l’époque romaine, le prince rend des édits concernant la situation juri­ dique des communautés chrétiennes, leur aptitude à posséder, la juridiction des évêques, etc. : tel l’édit de Milan, en 313: mais ces actes ne sont point des concor­ dats, parce qu’ils demeurent, non seulement en la forme (ce qui importerait peu), mais au fond, des actes unilatéraux des empereurs. Or, le concordat est tou­ jours une convention, sinon en la forme qui est va­ riable, du moins au fond; il repose sur un accord mu­ tuel; il engendre des obligations respectives. C’est seulement avec la querelle des investitures qu’il entre vraiment en vigueur, et depuis les conciles de Constance et de Bâle qu’il devient un mode normal de solution des conllits de l’Eglise et de l’État. Quant à la forme, on distingue en général trois types principaux du concordat. Ertel, Die Quell, des riim. gemein. kirchl. und deutsch. Reehts, p. 84 sq. ; von Scherer, llandbuch des Kirchenrechls, t. i, p. 153 sq. Le concordat peut revêtir l’aspect d’un traité diploma­ tique signé par les représentants des deux pouvoirs, et analogue à toute autre convention diplomatique : ainsi le concordat français de 1801. Il peut se présenter sous la forme de deux actes unilatéraux et symétriques, émanant l’un du saint-siège, l’autre du gouvernement: ainsi le concordat de Worms de 1122. Enfin il peut consister en une bulle pontificale reçue et publiée par le gouvernement’ auquel elle s'adresse, comme une loi d’Etat : ainsi le concordat de Bologne de 1515. Ce ne sont là que des dilférences de forme; elles ne portent pas atteinte au caractère essentiellement contractuel des concordats. Parce Tqu'il est un contrat, le concordat oblige les deux puissances qui l'ont accepté. C’est l'opinion le plus généralement enseignée aujourd'hui. Entre autres actes qui la consacrent, mentionnons le concordat de Bo­ logne, bulle Primitiva illa Ecclesia, où on lit : Et ’ RATTACHENT. — Nous n'avons pas à nous arrêter au concordat de 1801, qui forme l’objet d'un article spécial. Mais il nous faut relever comme s’y rattachant un certain nombre de concordats de moindre importance. Pour la France, sans parler du prétendu concordat de Fontainebleau, arraché en 1813 à Pie VII captif, concordat qui permettait de passer outre à l'institution canonique des évêques par le pape (Pie VII ne le signa que sous l’empire de la violence et s’empressa de le rétracter), il convient de mentionner le concordat con­ clu en 1817 entre le saint-siège et le duc Decazes, mi­ nistre des affaires étrangères de la Restauration : ce concordat, qui revenait à la convention de François Ier et de Léon X, ne fut pas présenté à la ratification des Chambres, Louis XV11I ayant renoncé à obtenir leur adhésion, et retiré le projet; il fut tenu pour non avenu. Eu Allemagne, des conférences eurent lieu entre 736 l’archevêque Dalberg et l'auditeur de la nonciature sur les bases suivantes: chaque souverain allemand assure­ rait un revenu convenable aux évêchés; le prince pré­ senterait aux évéchés des candidats auxquels le pape donnerait l’institution canonique. Huit nouvelles confé­ rences eurent lieu du 6 février au 21 mars 1804, entre Annibal della Genga, archevêque de Tyr, nonce apos­ tolique, Franck, référendaire de l’empire, et Kolborn, suffragant de l’archevêque Dalberg, en vue d'arrêter sur ses bases un projet de concordat. Elles n’aboutirent pas. Il en fut autrement en Italie, où un concordat fut conchi en 1803, entre Ferdinand Marescalchi, fondé de pouvoir de la République cisalpine, et le cardinal Caprara. Ce concordat était en substance l’équivalent du concordat français, avec quelques dispositions plus favorables à l’Église et à son droit traditionnel. La vio­ lation de ce concordat par Napoléon, les représentations dit Grégoire; surtout le pape eut été intraitable. Le retour de l’épiscopat émi­ de Russie et de Prusse. 11 l'obtint bien qu’il eût refusé gré eût été funeste à la cause même de l’Eglise : c’eût de faire du catholicisme la religion de l'Etat et qu'il fût imprudent de la part de l'Eglise de concéder un été certainement faire échouer le concordat auprès des pouvoir d’une telle importance à un gouvernement élec assemblées et des classes élevées; quant aux masses, tif ou l’intrigue et le hasard peuvent porter au premier sauf en Vendée, elles étaient profondément hostiles à l’émigration. Il fallait donc que « table rase » fût faite. rang les pires ennemis de l’Eglise. Le pape qui cédait à La démission forcée des constitutionnels ne pouvait que la force sauvegarda, comme il put, devant sa conscience, plaire au pape. Il refusa néanmoins de voir leur nom le présent en faisant mention dans le préambule du figurer dans le concordat, afin de ne pas leur reconnaître catholicisme personnel des consuls et l'a venir par l’art. 17 la qualité d’évêques. Bonaparte, qui les avait assimilés Il est vrai aussi qu'il pensait, fort des saints canons, du aux légilimes dans les premiers projets, consentit à ce concordat de 1516 el de toutes les conventions analogues, que le droit de nomination concédé ne dépassait pas le qu’ils fussent simplement l’objet d’un bref. Quant à droit de désignation et que, en se reservant l’institution l’épiscopat légitime, c’était une chose sans précédent que sa démission ou sa déposition en masse. Le pape canonique, le pape se réservait le droit de refuser le hésita â y consentir, bien qu’il comprit les nécessités candidat désigné et en fin de compte faisait » l'évêque du temps et quelle victoire la papauté avait l’occasion de j et le pasteur ». Cette interprétation n’a pas toujourremporter sur le gallicanisme. Il suggéra un moyen ; été celle du gouvernement français qui lui a opposé la terme : les évêques garderaient le titre, mais perdraient théorie gallicane du pape « collateur forcé ». Cf. le la juridiction ; Bonaparte ne voulut rien entendre. 11 Livre blanc panli/ical sur lesa/]aires de France, 1906, fallut céder. La procédure fut réglée, en termes parfois c. vu, et documents. Quoi qu’il en soit, Die VU i tarda .agues, de façon à ne pas blesser des évêques qui avaient pas à sentir les inconvénients de ce partage des pou­ bien mérité de l’Église : le pape leur demanderait leur voirs : s’il y trouva un moyen de faire échec à Napoléon, démission volontaire par une exhortation générale et il y trouva aussi une source d’amertume. De I8l l â la passerait outre, sans autre avertissement, si la démis­ lin du second Empire, il n’y eut pas cependant de sé­ sion volontaire ne se produisait pas. rieux conllils sur ce point entre le saint-siège et le Pour mieux en finir avec ces deux épiscopats, Bona­ gouvernement français. Mais les conflits surgirent de parte demandait une nouvelle circonscription des dio­ nouveau vers la fin du second Empire, el quand survint ceses. La suppression de l’ancien épiscopat convenue, le 4 septembre, deux sièges épiscopaux étaient vacants celle demande ne soulevait pas de sérieuses difficultés. depuis de longs mois. Pie IX refusant d'agréer les canLe changement devait se faire par réduction, comme le | didals obstinément maintenus par Napoléon III. Pour demandait l’économie. Les premiers projets mention­ I éviter le retour de semblables inconvénients, le gouver­ naient le nombre des archevêchés et évêchés, la réunion nement de M. Thiers inaugura le système de ·■ l’entente des titres supprimés aux titres conservés, etc. Mais le préalable », maintenu jusqu’à l'avènement du ministère texte définitif se tait sur ces points que régleront des Combes (juin 1902), qui prétendit faire revivre la doc­ négociations ultérieures et une bulle de circonscription. trine du pape « collateur forcé » et nommer d’une façon Comme l’ancien régime, en effet, le concordat recondéfinitive les évêques de son choix, non seulement sans tait au nape le droit d’érection : « Il sera fait par le tenter l’entenle préalable, mais sans s'inquiéter du ju- 751 COM GORD Al DE 1801 gement de Rome. Il faut remarquer encore que si Bona­ parte devait pourvoir, pour la première fois, aux sièges épiscopaux dans les trois mois, aucun délai ne lui était fixé pour l'avenir. Combien donc se trompera le conseil ecclésiastique de 1811, lorsqu'il proposera d'cnleriner le droit pontifical d'institution dans un délai, sous le prétexte d’établir l'égalité entre le pape et l'empereur. Les art. G et 7 imposent aux évêques entre les mains du premier consul, aux « ecclésiastiques du second ordre entre les mains des autorités civiles désignées par le gouvernement, le serment de fidélité qui était en usage avant le changement de gouvernement ». La Révo­ lution avait eu la manie des serments, surtout vis à-vis des prêtres; depuis le Consulat, un arrêté du 7 nivôse an VIII et une loi du 21 (28 décembre 1799 et 11 janvier 18011) avaient imposé à tous les ministres du culte la promesse de « fidélité à la constitution ». Ce serment, comme les autres, les constitutionnels l’avaient prêté et dans une Déclaration de leur concile national, datée du 4 juillet, on lisait : <> Tout gouvernement a le droit d’exiger des ministres du culte la garantie de leur fidé­ lité. » Mais autour de ce serment qui pouvait bien en­ glober des lois contraires au dogme et à la discipline de l’Eglise, les prêtres réfractaires s’étaient divisés. Cf. A. Mathiez, Les divisions du clergé réfractaire, dans La Hévolution française, t. xxxix, p. -113-115. Aussi Bonaparte eût-il bien voulu l'imposer par le concordat: Consalvi le repoussa. Il ne voulut davantage d'aucune formule impliquant fidélité aux lois et non simplement au gouvernement. L'on était revenu alors à l'antique formule malgré ses inconvénients. Au reste, dés le pre­ mier Empire, le serment tombait en désuétude pour les « ecclésiastiques de second ordre ». Quant aux évêques, la 3e République les en a dispensés, ne demandant plus aucun serment politique, en vertu du décret du 5 sep­ tembre 1870. Dans l’intervalle, la formule varia. La monarchie de juillet eut la sienne; le second Empire en eut une autre jusqu'au 25 novembre 1855, moment où il revint au texte du concordat. L'article 8 prescrit de prier « à la fin de l’office di­ vin » pour la République et les consuls, comme autre­ fois l’on priait pour le roi. Les articles 9 el 10, après l'article 7, traitent des pa­ roisses et des curés. « Les évêques, dit l’art. 9, feront une nouvelle circonscription des paroisses qui n'aura d'ellet que d'après le consentement du gouvernement. » Comme pour les diocèses, la nouvelle circonscription devait se faire par réduction — et de concert entre le gouvernement et l’autorité ecclésiastique compétente, ici l'évêque, qui a cependant le premier rôle. Il va sans dire que le concours du gouvernement ne pouvait être nécessaire que pour la fixation des limites temporelles : le Saint-Siège en fil la réserve expresse. D’autre part, l'art. l0 : « Les évêques nommeront aux cures. Leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement, » abolit tous les droits de patro­ nage qui existaient avant 1790. Il n'y a plus « ni collateurs, ni présentateurs », disait le l«r projet. Par une pro­ fonde innovation tout pouvoir de nomination est donné à l'évêque, mais avec la restriction de l’agrément du gou­ vernement qui n’avait pas osé s’attribuer directement le droit de patronage. L'article 11 : « Les évêques pourront avoir un cha­ pitre dans leur cathédrale et un séminaire pour leur diocèse, » avait été introduit sur la demande du saintsiège, après bien des difficultés. Mais le gouvernement avait limité aulant que possible sa concession. Alors que les diocèses devaient être fort étendus, il spécifia qu’il n’y aurait qu’un séminaire, comme un seul cha­ pitre; qu’il pourrait ne les doter ni l'un ni l’autre, et il refusa de reconnaître dans le concordat aux fidèles le , droit de les doter. Les articles 12-15 règlent la question des édifices con­ 752 sacrés au culte et des biens ecclésiastiques. < Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront mises à la disposition des évêques » (art. 12). Pendant la pé­ riode de « déchristianisation », c'est-à-dire principale­ ment avec le culte de la Raison, à Paris et en province, la plupart des églises avaient été fermées. La loi du Il prairial an Ill (30 mai 1795), que confirmera un ar­ rêté du 7 nivôse an VIII (28 décembre 1799), avait remis les églises à la disposition « des communes qui en étaient en possession au premier jour de l'an 11 », pour les exercices de leur culte, sans distinction. Le concordat remet donc tous les lieux de culte non aliénés à la disposition, non des communes, mais des évêques, reconnus par le concordat. L'État (ou le département et les communes auxquels il a pu l’abandonner) garde la propriété des édifices, mais les catholiques en ont le plein usage, illimité, et seuls. La question des biens ecclésiastiques était plus com­ plexe et non moins importante. L'Église a besoin d’un revenu et Bonaparte ne peut songer à lui rendre ses biens.Trop de lois, la Constitution de l'an VIII elle-même, les garantissent aux acquereurs; d'ailleurs, reprendre ces biens, « non seulement ce serait un vol semblable à l’antre puisque les acquéreurs ont payé » (Taine), mais pour Bonaparte, ce serait tuer sa popularité et sa for­ tune; les racheter, l’Etat ruiné ne le peut. D’autre pari, Talleyrand a beau prétendre que « les établissements ecclésiastiques n'ont jamais été el ne sauraient être pro­ priétaires », la plupart des Français voient encore dans l’Église la vraie propriétaire de biens qui « étaient à elle, sans dommage pour personne, par le titre de pro­ priété le plus légal et le plus légitime, par la volonté dernière des millions de morts, ses fondateurs et bien­ faiteurs ». De là, un malaise qui pèse sur toutes les transactions, puisque l'on compte 1200000 acquéreurs de biens nationaux, biens d’église en majeure partie. H n’y a qu’une, solution possible — les acquéreurs en question, l'Etat et Bonaparte s’en trouveront également bien — c’est d’obtenir du chef de l'Eglise une renon­ ciation aux domaines ecclésiastiques. Aussi Bonaparte fait-il de cette renonciation une condition de la pre­ mière heure et sine qua non. Pie VII ne discuta guère que la formule. Les premiers projets français portaient que le pape ratifiait au nom de l'Eglise l'aliénation faite et consommée des biens ecclésiastiques dits nationaux. Il repoussa cette formule qui pouvait faire douter du droit de l’Église de posséder des biens-fonds. L'on adopta cette autre qui devint l’article 13 du concordat : « Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l’heureux réta­ blissement de la religion catholique, déclare que ni elle ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés el qu'en conséquence la propriété deces mêmes biens, les droits et revenus y attachés, demeurent incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayants-cause. » Le pape reconnaissait ainsi l'incommutabilitédes nouveaux droits de propriété; il ne la présentait, il est vrai, que comme une conséquence de l'engagement de ne pas troubler les acquéreurs; mais la formule importait peu. Contre cette concession. Pie Vil a demandé au premier consul de constituer une dotation à l'Eglise : 1« avec les biens ecclésiastiques non aliénés; 2° avec des biens-fonds; 3° en assurant aux fidèles le droit de faire des fondations en biens-fonds ou autrement. Bonaparte parait d'abord se prêter à ce désir; mais il ne veut pas d'un clergé propriétaire foncier; ce clergé « aurait trop d’influence locale; il doit être et rester toujours un simple fonction­ naire, un travailleur à gages ». Il revient donc simple­ ment au système du décret du 2 novembre 1789 d im clergé salarié; il refuse la restitution des biens non aliénés, étendant à l’Etat la dispense de l'article 13, ainsi que la dotation en biens-fonds, et s'il admet la 753 CONCORDAT DE 1801 754 possibilité de fondations, c’est d'une façon très vague, ' accepter le concordat par les assemblées, avant de le avec l’arriêre-pensée d’en régler la nature et les formes. promulguer, et à fixer 1 · règlement de police prévu par 11 se refuse même â préciser le chiffre et le nombre des l'art. 'l'r. Toutes ces questions n’auront leur solution traitements : il prétend la chose impossible avant toute officielle qu’en commun (avril 1802); sur plus d’une il organisation, bien qu'à Verceil il ait été moins réservé; y aura des conflits entre Paris et Rome, et le pape se enfin, il ne s’engage que vis-à-vis des évêques et des verra obligé encore à bien des concessions. G'est que curés. Ainsi naquirent l'article fi : « Le gouvernement Bonaparte ne voulait présenter au suffrage des assem­ assurera un traitement convenable aux évêques et aux blées qu’une organisation religieuse définitive, sauve­ curés dont les diocèses et les paroisses seront compris gardant ce que les gallicans appelaient « les droits de dans la circonscription nouvelle, » et l'article 15: « Le l’Etat », tant il craignait leur hostilité vis-à-vis de Rome gouvernement prendra également des mesures pour que et même du christianisme! les catholiques français puissent, s'ils le veulent, taire 1° Les rali/icaUons. — Le concordai signé, Bonaparte en aveur des églises des fondalions. » Sur toute cette avait lait ajouter cette clause : « Les ratifications seront question, cf. Taine, Les origines de la France contem­ échangées à Paris dans l’espace de quarante jours. > poraine. Le régime moderne, in-8°, Paris, 1891, t. i. Elles ne le furent que le 23 fructidor an IX (lOseptembre 1801). Avant de ratifier l’œuvre de Consalvi, le pape la Art. 1G. Sa Sainteté reconnaît dans le premier consul de la Ré­ soumit au jugement de la petite, puis de la grande publique française les mêmes droits et prérogatives dont jouissait Congrégation et même de tout le Sacré-Collège, moins près d'elle l'ancien gouvernement Maury relégué dans son évêché de Montefiascone. Deux Voici le détail de ces prérogatives d’après Boulay de | articles seulement furent discutés par le Sacré-College, la Meurthe : « la principale est d'avoir des cardinaux; le 1«r et le 13e. Finalement le 1" fut accepté par 18 voix il faut aussi mentionner le droit pour le gouvernement contre 11 et le 13" par 22 conlre 7. Le 15 août, Pie VU français d’avoir à Rome un cardinal-prolecleur, un au­ ratifiait donc la convention. Suivant la coutume, cette diteur de Rote, un ambassadeur avec des préséances, convention devait être insérée dans une bulle rendue une juridiction et l’exclusive dans le conclave, des éta­ publique. Pie VII la donna le 15 août. C'est la bulle blissements, une académie des arts et une poste parti­ Ecclesia Christi, mais elle ne sera publiée qu'en avril culière. » Documents, t. ni, p. 758. 1802 par Caprara. Son texte avait été l'objet de négo­ L’article 17 prévoit le cas où « quelqu'un des succes­ ciations parallèles à celles du concordat. Mais en atten­ seurs du premier consul acluel ne serait pas catholique »; dant cette ratification solennelle, Bonaparte en demanda alors, les droits et prérogatives mentionnés et la nomi­ « une petite ». Pie VII la donna également le 15 août. nation aux évêchés « seront réglés par rapport à lui, C’était une ratification sans réserve. Il en avait fait par­ par une nouvelle convention ». C’était une mesure de venir à Spina une seconde qui contenait des réserves, prudence insuflisante. Mais Pie Vil ne pouvait prévoir mais Spina crut nécessaire de choisir la première. le régime parlementaire avec ses Chambres souveraines Bonaparte ne donna la sienne que le 21 fructidor an IX (8 septembre 1801). L’échange se fit à Paris le 10 sep­ el ses ministères responsables qui devaient non seule­ ment n’étre pas toujours catholiques, mais même être tembre. Spina agissait alors de nouveau au nom du pape; Consalvi avait quitté Paris le 25 juillet el le légat parfois anticatholiques. Le concordat ne parle ni des constitutionnels, et l'on a n'était pas arrivé. vu pourquoi, ni des prêtres mariés ou ayant renoncé 2° La démission des évêques légitimes. — Le pape manifestement à leur état : les uns et les autres seront avait à obtenir la démission, totale ou partielle, des l'objet d'un bref, ni des congrégations religieuses dont évêques légitimes, non seulement de l’ancienne France, le contre-projet romain du 12 mai faisait mention, mais mais des pays annexés, Avignon et Comtat-Venaissin, Nice et la Savoie, Genève, Porrentruy et partie de Bonaparte avait écarté la question. Le concordat impliquait la reconnaissance de la Répu­ l’évéché de Bàle, Belgique, déjà soumis à la loi du 7 vendémiaire, et rive gauche du Rhin acquise depuis le blique par le pape et la paix entre le pape et la France et successivement les garnisons françaises évacueront 9 février 1801. Cet empire constituait 159 diocèses dont 95 seulement avaient un titulaire. Après l’échange des les villes pontificales qu’elles occupaient encore. La ratifications, le pape adresse à ces 95 évêques, mais convention du 26 messidor rentre donc dans la série plus spécialement aux Français, le bref Tam multa, des traités politiques signés par la France en 1801. Lajoie du pape fut vive, a raconté Cacault, en recevant daté du 15 août comme la bulle Ecclesia Christi, avec une lettre individuelle d’un modèle uniforme, pour cette convention. 11 n’avait obtenu cependant de vraie leur demander leur démission : ainsi s'exécutait l'ar­ satisfaction sur aucun point; il avait dû céder sur tous. ticle 3 du concordat. Le bref reçu, les évêques avaient Mais il avait compris que le moment était mal choisi dix jours pour répondre; passé ce délai, ils seraient pour être intransigeant; puis c’étaient bien des avan­ tages réels qu’une situation officielle rendue à l’Eglise considérés comme refusants; le pape voulait par là fis empêcher de se concerter; il n’y réussit qu'irnparfaien France, que « la destruction du régime politicotement. Sur les 135 sièges épiscopaux de l'ancienne religieux qu’avait établi la Révolution, la fin du schisme, France (un 136e, Moulins, avait un titulaire nommé, et le droit d’instituer les évêques rendu au pape » (Auiard). Quant à Bonaparte, on peut lui appliquer, à propos alors à Londres, des Gallois de la Tour, mais n’était pas encore érigé canoniquement) 53 avaient cessé d’être de tout le concordat, ce que Taine dit de lui à propos occupés. Des 82 évêques restants, 6, Alais, Angers. Mâ­ des articles 13-15 : « Personne ne s'entend mieux que Napoléon à faire de bons marchés,c'est-à-dire adonner i con, Marseille, Saint-Papoul et Senlis n'étaient jamais sortis de France; 5 y étaient rentrés depuis le régime peu pour recevoir beaucoup. » 111. Mesures complémentaires négociées avec rome. de la séparation : c’étaient Nîmes, Saint-Claude, Saint— Le concordat ne finissait rien. En dehors des rati­ Malo, Vaison et Vienne; tous les II donnèrent immé­ diatement leur démission (septembre 1801). Les évêques fications nécessaires à tout traité, il restait au pape â du dehors se divisèrent : 36 refusèrent leur démission obtenir la démission des évêques légitimes, à régler la question des constitutionnels, à réconcilier les prêtres I plutôt par fidélité à la royauté que par raison religieuse. mariés ou notoirement démissionnaires, à fixer la nou- j Les refus vinrent surtout d’Allemagne. 19 35 el d'An­ velle circonscription des diocèses, les nouveaux titu- 1 gleterre, 13/18. Les évêques émigrés en Allemagne su­ bissaient l’influence de Louis XVIII, réfugié d’abord a laires, tontes choses qui exigeaient plus ou moins l’enMilan, et depuis janvier 1801. à Varsovie. 11 agissait sur tente avec le premier consul et supposaient l'envoi en eux par l'intermédiaire de Talleyrand-Périgord, archeFrance d'un légat a latere. A Bonaparte il restait à faire 755 CONCORDAT DE 1801 75G vêquede Reims,d'Asseline,évêque de Boulogne,de .Mont­ au concordat affirmée par la démission donnée impli­ morency, évêque de Metz, et aussi de La l’are, évêque quant l'abandon de la Constitution civile. Le premier de Nancy. La résistance des évéques était le suprême consul et, dans une entrevue du 22 juillet, les trois négomoyen sur lequel comptait Louis XV11I pour faire cialeurs français essaient d’arracher une promesse en échouer le concordat. Au cas où la majeure partie des ce sens à Consalvi, mais il ne peut <|ue promettre de évêques suivrait son impulsion, il publierait une pro­ faire appel à l’indulgence du pape, seul juge. En tout testation qu’il avait préparée et que, ses espérances cas, Bonaparte et Talleyrand exigent, sous peine de rupétant trompées, il tint secréte pour ne point provoquer 1 lure, que le pape n’emploie vis-à-vis des prélats, dans de schisme. Cf. E. Daudet, toc. cit. Les prélats anglais le bref qu'il doit leur adresser, aucune expression bles­ sante. Ce bref Post multos labores, daté du 15 août, est subissaient, par l’intermédiaire de Dillon, archevêque de Narbonne, l’inlluence du comte d’Artois alors à Edim­ adressé à Spina; il est ainsi « indirect ». Par l'intermé­ bourg. 11 y eut ainsi 46 démissions et 36 retus. 38 évê­ diaire de Spina, le pape exhorte ces archevêques et ccs ques signèrent cependant les Réclamations de 1803 : évéques qui « occupent leurs sièges sans l’institution aux 36 s’étaient ajoutés les évêques de Rieux et de Tar­ du Siège apostolkpie » : 1° à donner leur démission ; 2° à bes, démissionnaires en ISO!. Quant aux évêques des rentrer dans l’unité par un acte de soumission dont il ne parle qu’en termes vagues, mais qui doit être la si­ pays annexes, 13 alors sur 24 diocèses, 12 d’entre eux gnature de celte rétractation écrite, dont lalormule non donnèrent la démission demandée; un seul la refusa, l'évêque de Liège. « En résumé, conclut M. Boulay de destinée à la publicité était jointe au bref : Ego A’. A'. la Meurlhe à qui appartiennent les chiffres donnes, pour qui archiépiscopale)» seu episcopalem sedem N. A’. les 95 diocèses pourvus de titulaires, il y a eu 58 démis­ absque apostolieæ sedis institutione occupari, profiteor sions et 37 refus. » De l’opposition de quelques évêques obedientiam et submissionem romano pontifici, atque français non démissionnaires au concordat naquit le declaro judiciis sedis apostolieæ super ecclesiasticis Galliarum negotiis emanatis sincero et obsequenti schisme des anliconcordataires ou de la Petite-Eglise. animo adhaerere ac plane subjectum esse atque supraVoir Anticoncordataires, (. i, col. 1372-1375. dictam sedem archiépiscopale»! seu episcopalem N. A'. 3“ La démission des éeêques constitutionnels. — La ex nunc dimitto. In quorum fidem, etc. Ego, etc. Loin loi de 1790 avait établi un évêché par département, c’est-à-dire 83. Les constitutionnels ajoutèrent d’eux- de contenir des expressions humiliantes, le bref donnait mêmes 4 évêchés dans les pays annexés, Avignon, Cham­ aux constitutionnels le titre d’évêques. Pie Vil avait même envoyé à Spina un double modèle de bref direct, béry, Nice et Bâle, et 11 aux colonies; mais de ces 15, 4 seulement avaient eu des titulaires. Sur les 87 dio­ c’est-à-dire adressé aux prélats; mais le gouvernement, tout en n'approuvant pas la demande de rétractation, cèses effectifs, 59 seulement étaient pourvus de titulaires s’était contenu’· du bref indirect. Spina le communiqua en ISOl ; les 28 autres étaient vacants par mort, transla­ tion, abandon ou mariage. Or, ces 59 évêques, s’ils sont donc aux intéressés après l’échange des ratifications, exceptant toutefois les évêques de l'ancien clergé devenus « pauvres en sectateurs » et même abandonnés de beau­ coup de leurs prêtres qui se soumettaient à Rome, cons­ schismatiques, 3 alors. Le bref irrita les prélats, par sa forme indirecte : ils avaient la prétention d'être trailês tituent cependant un groupe redoutable. Ils répondent, en effet, à la conception que les politiques se font alors en évêques authentiques, et parla rétractation demandée : ils avaient la prétention de n’étre pas schismatiques. «l’une Eglise purement nationale, d’un clergé docile à Dans des Observations du 3 octobre 1801 (Il vendé­ toutes les lois et dévoué aux principes de la Révolution. miaire an X) et adressées au gouvernement, Gn'goire : Qu'ils se tournent contre le concordat, et ils grouperont autour d’eux cette opposition anticatholique des assem­ 1» affecte de repousser le bref comme non avenu, parce qu'il n'a pas l'exequatur du gouvernement; 2° proteste blées qui inquiète déjà Bonaparte : le concordat échouera conlre la façon différente du pape de traiter les évêques et la puissance du premier consul lui-même sera at­ émigrés et « un clergé dont le courage inaltérable a teinte. D'ailleurs ils s’agitent beaucoup. Ils ont tenu en maintenu en France le culte catholique »; 3“ proteste mai 1801 à Paris une assemblée métropolitaine; le contre la rétractation qui est exigée des constitutionnels 29 juin, 34 d'entre eux ont ouvert à Paris encore un et l’absolution qui leur est supposée nécessaire, comme « concile national ». auquel ils ont convié les clergés s'ils étaient hors de l’unité de l’Église et coupables, eux étrangers, voulant, les prendre comme juges entre eux qui sont restés fidèles aux traditions de la primitive et le pape. Tous savent les négociations du concordat, et Église, de l’Église gallicane et aux lois de leur patrie. depuis janvier l’un d’eux, Grégoire, en a appris les Que le pape se contente de leur démission et de la dé­ dispositions générales du premier consul. Ils sont natu­ claration qu’ils professent la religion catholique, apos­ rellement hostiles au rapprochement avec Rome et leur tolique et romaine. concile n’a d’autre but que d'aviser au moyen de le faire Ils ne refusèrent donc pas leur démission. A la échouer et d’assurer la réorganisation de l’Eglise de nouvelle de la conclusion du concordat ils avaient France par eux et en dehors du pape. Bonaparte les décidé, au concile, sur la proposition de Moyse, intrus laisse agir, parce qu'ils lui servent de menace vis-à-vis du Jura, de la donner en masse; quand elle leur fut de Consalvi. Ils ont d’ailleurs auprès de lui deux puis­ demandée, les 59 la donnèrent tous, en effet : >< c’était sants protecteurs, Joseph Bonaparte et Talleyrand ; enfin évidemment une des conditions de la promesse que le lui-même a vu le péril : pour la paix religieuse et pour premier consul avait laite de nommer quelques-uns son propre intérêt, il leur lacilitera le plus possible la d’entre eux aux nouveaux sièges » (Aulard). lis ne diffé­ rentrée dans l’unité, en attendant qu'il leur ouvre les rèrent que sur la façon delà concevoir.Comme autorité rangs de son épiscopat. Comme beaucoup sont restés à spirituelle compétente, les uns prirent le pape, les autres, Paris après le 16 août, il les voit, leur explique le con­ cordat et évidemment leur fait des promesses. Il laisse avec Grégoire, le métropolitain « de qui ils avaient reçu et dû recevoir l’institution canonique », se conten­ huit d’entre eux dont Le Coz et Grégoire lui adresser tant dans ce cas d’avertir le pape. Ils prétendirent tou­ le 10 fructidor an IX (28août 1801)des Obsecrations des tefois exercer leurs fonctions jusqu'à la prise de pos­ membres du concile sur le traité arec Home, portant sur la réduction des sièges épiscopaux, sur la suppres­ session des nouveaux titulaires. Mais de rétractation ils ne voulurent pas entendre parler, se sentant soutenus sion de l’élection et l’institution rendue au pape au lieu par le parti de la Révolution et par le premier consul, de la confirmation par le métropolitain et sur les pré­ dont la thèse n’avait point varié. Le conseiller d’État tentions exagérées de Rome. 11 insiste auprès de Con­ Portalis, qu’un arrêté du 15 vendémiaire an X (7 octobre salvi pour que Rome, qui les a écartés du concordat, 1801) venait de charger des cultes, leur fournit le thème n’exige d’eux aucune rétractation, la simple adhésion 757 CONCORDAT DE 1801 758 de leurs lettres nu pape : tous devaient afliriner qu’ils gouvernement avait exigé un serment en vertu des pré­ donnaient librement leur démission et, en guise de ré­ cédents; Pie Vil avait autorisé Caprara à le prêter, à tractation, dire qu’obéissants et soumis vis-à-vis du suc- I la condition que ce serment ne portât ni sur les lois de cesseur de Pierre, ils adhéraient « à la convention la République, ni sur les liberté·' 'e l’Église gallicane. relative aux affaires ecclésiastiques de France et aux Or, le serment qu’il prêta en langue latine parut au principes que le pape et le gouvernement y avaient Moniteur du 20 germinal (10 avril), singulièrement consacrés. » Celte lettre, que quelques-uns rendirent altéré. Caprara avait dit : serraturum statuta et con­ encore moins expressive, ne satisfit pas le pape, et si le suetudines Reipublieæ et nunquam jurisdictioni ac schisme allait s’éteindre par la démission de ses chefs, juribus gubernii derogaturum. Le Moniteur, évidem­ aucun d’eux ne sollicitait le pardon nécessaire. La ques­ ment pour Hatter les antiromains du temps, lui fait tion de la rétractation devait se retrouver entière au dire : constitutionem, leges, statuta et consuetudines moment des nominations épiscopales. Iles évêques consReipublieæ nec ullo modo gubernii Reipublieæ aucto­ lilutionnels<|ui avaient abandonné leurs sièges,5envoyè­ ritati et jurisdictioni, juribus, libertatibus el privi­ rent alors leur démission, dont Charrier de la Roche, legiis Ecclesiæ gallicanæ derogaturum. Caprara ne ex-évéque de la Seine-Inférieure, qui joindra une rétrac­ protesta pas, mais ce ne tut passa plus grande faiblesse. tation formelle, et Monlault des Isles, ex-évéque de la 5° Nouvelle circonscription des diocèses. — L'article Vienne, qui, démissionnaire en octobre 1801, fera lui 2 du concordat supposait une nouvelle division des aussi une rétractation formelle, mais en mars 1802. diocèses qui devait être faite par le pape de concert 4° Mission d'un légal « a latere ». — L’envoi d’un légat, avec le gouvernement français. Après avoir varié, le muni des pouvoirs mêmes du pape, était nécessaire gouvernement adopta enfin le chiffre de 10 métropoles pour régler toutes les questions de conscience ou de el de 50 évêchés. Rome trouvait que c'était peu; il discipline soulevées, donner les dispenses voulues, s’agissait, en effet, de la France de 1801. Les constitu­ réconcilier avec l’Eglise les ecclésiastiques mariés, par tionnels auraient voulu le maintien de la division de exemple, et même les constitutionnels, pourvoira l’adini1790, et dans les Observations du 28 août, Grégoire pro­ distration des diocèses, fixer la nouvelle circonscrip­ testa, au nom des siens, contre la réduction des dio­ tion, etc. Dès les premières négociations, Bonaparte 1 cèses. La bulle pontilicale qui devait sanctionner le avait demandé l’envoi d’un légat de cette importance et nouvel état de choses ne parut que le 29 novembre 1801. même en avait fait un article du 3· projet; Rome Elle était théoriquement subordonnée à la démission n’avait pu que consentir. Le concordat signé on s’occupa des évêques titulaires; or, leurs réponses n’étaient pas de la personne : Rome eût préféré Spina, Spina dési­ toutes arrivées à Rome pour la lin d'octobre. Bonaparte gnait le duc Braschi, Bonaparte demanda et obtint le s’irrita vivement de ce retard : il eut voulu promulguer, cardinal Caprara, évêque d’iesi dans la Marche, vieil­ affirmait-il, le concordat au jour anniversaire du 18 bru­ lard de 68 ans, « un peu mou, facile à impressionner, maire. Pressé, Pie VII, se tondant sur la présomption accessible aux (laiteries et aux séductions » (Debidour), que tous les évêques ont dû recevoir le bref Tam mulla qui avait été nonce auprès de Joseph II en 1783 et qui et que le délai de dix jours est écoulé, crut pouvoir en­ avait déjà donné là des preuves de faiblesse. Ce carac­ voyer la bulle de circonscription, trop lard, il est vrai, tère, Bonaparte voulait l’exploiter. Le pape céda; il prit pour être publiée au 18 brumaire, mais avant toutes les cependant ses précautions. 11 eût voulu laisser à côté du réponses reçues. Ce fut la bulle Qui Christi Domini. légat Spina et Caselli, mais Bonaparte et même Caprara, Caprara était chargé de l’exécuter et de régler toutes les dès qu’il fut arrivé, insistèrent pour leur rappel. En questions soulevées. Cette bulle, avec le décret exécuoctobre, Spina rentrait à Rome rapportant le corps de torial oû Caprara fut obligé sur plus d'un point de sa­ Pie VI; il allait être nommé cardinal, ainsi que Caselli. crifier aux prétentions gallicanes de Portalis, ne furent puis archevêque de Gènes. Pie VII restreignit du moins publiés régulièrement qu’aprés une autorisation rendue les facultés accordées à Caprara : divers pouvoirs dont au Conseil d’État le 19 avril 1802. Le gouvernement, en il usera ne lui seront accordés que plus tard sur sa vue de l’expédition de Saint-Domingue, avait demandé demande ou sur la demande du gouvernement français. et obtenu avec la bulle de circonscription un bref don­ Nommé solennellement au consistoire du24aoûtet par nant au légat le pouvoir d’ériger des évêchés dans les la bulle Dextera altissinii également du 24 août, Concolonies françaises des Indes occidentales, mais la chose salvi partit de Rome le 5 septembre et arriva à Paris fut ajournée. En tous cas, au lieu des 24 métropoles et le 4 octobre. Après hésitation, le pape lui avait aussi des 124 évêchés dont relevait la France de 1789 (cf. confié les pouvoirs de nonce. Plus tard, après que la Brelte, Recueil de documents relatifs à la convocation Consulte de Lyon eut réglé les affaires religieuses dans des États généraux de 1180, 3 in-8°, Paris. 1894-19OÎ ; la République cisalpine, Bonaparte demanda et obtint des 26 métropoles el des 133 évêchés dont relevait la que Caprara, nommé archevêque de Milan, eût les France de 1801, il n’y a plus que ces 10 métropoles avec mêmes pouvoirs qu’en France dans la Cisalpine. Cepen­ ces 50 évêchés : Paris avec Troyes, Amiens, Soissons, Arras, Cambrai, Versailles, Meaux, Orléans; Malines avec dant il n’exerça pas librement ses pouvoirs en France. Cet exercice fut subordonné, en vertu des précédents, Namur, Tournai, Aix-la-Chapelle, 'frêves, Gand, Liège, à une autorisation du pouvoir civil, cette autorisation à Mayence; Besançon avec Autun, Metz, Strasbourg, l’enregistrement de la bulle de nomination en Conseil Nancy, Dijon; Lyon avec Mende, Grenoble, Valence, d’Élat, à la prestation d’un serment, etc., en un mot Chambéry; Aix avec Nice, Avignon, Ajaccio, Digne; à la reconnaissance officiel le du légat, et cette reconnais­ Toulouse avec Caliors, Montpellier, Carcassonne, Agen. Bayonne; Bordeaux avec Poitiers, La Rochelle. Angou­ sance elle-même ne devait être que le premier acte de la lême; Bourges avec Clermont. Saint Flour, Limoges; promulgation du concordat, retardée jusqu’en avril 1802 Tours avec Le Mans, Angers, Nantes. Rennes, Vannes, par les combinaisons du premier consul. Il fallut donc Saint-Brieuc, Quimper; Rouen avec Coutances, Baveux, bien laisser Caprara user de ses pouvoirs avant toutes ces obligations remplies. Enfin, le 8 avril, le concordat Séez, Évreux. 6° Le nouvel épiscopat. — Le premier consul tenait étant devenu loi d’Elat, fut rendu le décret consulaire du concordat le droit de désigner des candidats à l'ins­ autorisant la mission du légat aux conditions susdites; titution épiscopale donnée par le pape, il désigna le 9, il était reçu par les consuls en audience solennelle 16 anciens évêques, 12 prélats constitutionnels et et prêtait le serment; le même jour, paraissaient au Moniteur et au Bulletin des lois la bulle Dextera altis- ' 32 ecclésiastiques de second ordre dont pas un asser­ menté. Le nouvel archevêque de Paris, de Belloy. ancien simi, le décret du 8 avril et le procès-verbal de la pres­ évêque de Marseille et alors doyen d’âge de l'épiscopat tation du serm.ut. L’affaire du serment fut grave. Le 159 CONCORDAT DE 1801 760 français, fut nommé le premier et seul par un décret I tard furent soumis aux mêmes obligations (mai-juillet). du 18 germinal an X (8 avril 1802); 44 autres turent Mais un scandale avait éclaté. Les huit qui avaient nommés le 19 germinal, mais 5, dont M. Emery, refu­ comparu devant Bernier se vantaient publiquement de sèrent; sur les 39 ace., 'ants il y avait 10 constitutionnels : n’avoir fait aucune rétractation, et quelques-unes même 2 archevêques, Le Coz (Besançon) et Primat (Toulouse), d’avoir jeté au feu le décret d’absolution. Puis, ils et 8 évêques, Belmas (Cambrai), Charrier de la Roche s’abstinrent de demander dans les six mois au pape les (Versailles), Lacombe (Angoulême), Leblanc de Beaulieu bulles de confirmation nécessaires. Berdolet et Bécherel (Soissons), Montault des Isles (Angers), Périer (Avignon), firent de même. En 1803 et en 1804, quelques-uns de Reymond (Dijon) et Saurine (Strasbourg). Les 20 autres ces dix se décidèrent à faire quelque démarche; mais nommés après Pâques comprirent 2 constitutionnels : Rome les traitant en relaps ne leur répondit pas. Berdolet nommé à Aix-la-Chapelle le 9 tloréal (29 avril), Ils ne se soumirent qu’en décembre 1804, pendant le et Bécherel à Valence, 16 messidor (5 juillet). Sauf séjour de Pie VII à Paris; encore fallut-il que le pape Colonna d’islria, évêque de Nice, alors à Rome, tous mit celle soumission au nombre des conditions de son reçurent l'institution de Caprara. Afin d’abréger, disaitvoyage, qu’il se contentât de peu et que Portalis s’en­ il, en réalité pour imposer les constitutionnels plus faci­ tremit surtout auprès de Le Coz. Enfin, le 17 juin 1805, lement. le premier consul avait demandé cette faculté cette affaire se terminait par l'arrivée des bulles de pour le légat. Cehii-ci Pavait reçue par le bref Quoniam confirmation. favente Deo du 29 novembre 1801, mais sous la réserve 7» De'conciliation des prêtres maries. — Désireuse de qu’il ne l’exercerait qu'une fois, qu'il ferait les procès déchristianiser la France, la Convention avait, pour ainsi d’information canonique, qu’il demanderait la profession dire, mis une prime au mariage des prêtres. Des évéques de foi de Pie IV et le serment dû aux papes (s’il le et des prêtres constitutionnels, des religieux, 10000 dit fallait avec les restrictions déjà consenties en Russie) et un pamphlet, 2000 dit Grégoire, s’étaient ainsi mariés. oue dans les six mois les prélats solliciteraient de Rome Le gouvernement, qui reconnaissait la validité civile de des bulles de confirmation. Vis-à-vis des constitutionnels, ces mariages, voulut régler la question religieuse qu'ils il avait à suivre une règle spéciale. soulevaient, aussi bien que la situation devant l’Église 11 était dans les plans de pacification religieuse de des ecclésiastiques ayant autrement, mais notoirement, Bonaparte, de rappeler des constitutionnels à l’épisco­ renoncé à leur état. Cela « est moralement aussi indis­ pat, et Talleyrand lui représentait que, pour mieux domi­ pensable, écrivait Talleyrand qui avait ses raisons, que ner le clergé, il fallait empêcher son homogénéité. Dès l'est politiquement l’article relatif aux biens nationaux ». le 20 juillet 1801 donc, le premier consul affirmait sa Assimilant prêtres mariés et prêtres notoirement sortis volonté à Consalvi, et depuis lors il tint bon malgré Ber­ de leur étal, le gouvernement demanda que, relevés de nier et Portalis qui jugeaient les constitutionnels dis­ la loi du célibat, tous soient ramenés au rang de simples crédités, et malgré Rome qui rappelait les promesses fidèles et que, s'ils étaient mariés, ils voient leurs ma­ de Verceil. Contre Rome il fit revivre le principe galli­ riages réhabilités — sous la condition de renoncer à tout can du pape, « collaleur forcé, » et Rome reconnut qu’en exercice de leurs fonctions. Talleyrand voulut même droit les constitutionnels pouvaient être nommés — faire de ces choses un article du concordat (projets 2-8). exception faite cependant des chefs qui venaient encore Le saint-siège accepta l’idée, mais avec deux réserves : de témoigner leur hostilité pendant leur concile, surtout 1° il ne serait question ni des évêques, ni des réguliers; de Grégoire — et à la condition qu’ils soient réconciliés 2» ces choses, étant du domaine de la conscience uni­ avec l’Église. Caprara reçut même le pouvoir de les quement, ne seraient point insérées dans le concordat; instituer si Bonaparte s’obstinait (20 novembre); mais elles feraient l'objet d’un bref envoyé de Rome en même leur réconciliation à presque tous étant encore à faire, temps que la bulle de ratification et dont l’exécution ils devaient avant l’institution mériter l'absolulion, en serait remise au légat. Ainsi fut convenu : mais, sur la signant une lettre au pape où ils adhéreraient aux demande du gouvernement, le bret devait n’étre pas décisions de l’Église relatives aux affaires ecclésiastiques publié, n'imposer aucune pénitence publique et le légat de France depuis 1790 et désavoueraient le concile devait pouvoir subdéléguer ses facultés aux évêques et national. Instruction du 1er décembre '1801. Préoccupé ceux-ci aux curés. Donc, dans le bref Etsi apostolici des négociations d’Amiens qui subissaient quelque arrêt, principatus, adressé à Spina et daté du 15 août, Pie VII, le premier consul laissa dormir la question au com­ déclarant s’inspirer du bref Dudum donné par Jules III mencement de 1802; mais le 30 mars il posait une sorte le 8 mars 1554,et relatif aux prêtres anglais, autorisait d’ultimatum. Caprara devait accepter 10, puis 12 consti­ son représentant à relever par lui-même ou par les tutionnels. Sur les 10 d'abord pourvus (9 avril), Montault évêques et curés qu’il déléguerait, sans autre condition venait de se réconcilier d'après la formule du 1« décem­ qu'une pénitence évidemment privée, les ecclésiastiques bre et Charrier de la Roche, réconcilié plus tôt, ne fit en question, des censures encourues. Tous seraient aucune difficulté de la souscrire, mais les huit autres ramenés à la communion laïque. Ceux qui étaient mariés repoussèrent toute rétractation, se sachant appuyés par pourraient revalider leur mariage en le célébrant suivant le premier consul. On était au jeudi-saint, 15avril, et le les règles du concile de Trente. Aucun autre cependant premier consul voulait voir les constitutionnels à Notrene serait admis à contracter mariage. Ce ne fut point Dame le jour de Pâques, parmi les nouveaux évêques. Spina, mais Caprara qui présida à l'exécution du bref, Portalis et Bernier se portant médiateurs amenèrent les après en avoir modifié quelques termes jugés trop durs constitutionnels à souscrire une renonciation à la Cons­ par le premier consul et s’être fait autoriser verbalement titution civile, qui d'ailleurs n'existait plus, avec une par le pouvoir civil à l’exécuter avant la promulgation promesse d’obéissance au pape. Caprara accepta, à la du concordat. condition que les élus feraient une rétractation verbale IV. Articles organiques et loi dü 18 germinal an X. devant deux témoins, Bernier et Pancemont, évêques — L'article premier du concordat autorisait le gouver­ nommés d’Orléans et de Vannes : il remit à ces média­ nement à limiter la publicité du culte par « les règle­ teurs des décrets d'absolution. Les intéressés compa­ ments de police jugés nécessaires pour la tranquillité de rurent devant Bernier seul le vendredi-saint, reçurent de l'Etat ». Ces réglements lurent en réalité une véritable lui leur décret d’absolution, puis lurent soumis à l’in­ constitution donnée à l’Église de France, sans le pape, formation canonique el souscrivirent la profession de foi précisant, modifiant, violant même le concordat. L’idée de Pie IV, et, quoi qu'il leur en coûtât, le serment du d’un règlement de cette étendue appartient à Talleyrand pontifical modifié; enfin ils furent institués dans les der­ qui eût voulu, au lieu d’un concordat, une réglementa­ niers jours d’avril. Berdolet et Bécherel nommés.phis tion générale des cultes, et qui, le concordat signé. 761 CONCORDAT DE 1801 762 voyait là un moyen de revenir sur les concessions faites. Ainsi se trouvait subordonné au bon vouloir d'un gou­ vernement l’exercice, parfois nécessaire pour la direc­ Bonaparte eût donc bien voulu se faire reconnaître dans le concordat le droit général de réglementer. Le refus tion d’une Église, d'un droit indiscutable. L’art.6 rétablit absolu de Consalvi ne l'arrêta pas cependant, et dès oc­ contre les ministres du culte, en cas d'abus, l'appel tobre il dictait à Portalis, qui le rédigeait immédiatement, devant le Conseil d’Etat, comme s’il appartenait de pro­ le projet d une réglementation générale du culle catho­ noncer sur les actes du ministère sacerdotal à un tri­ bunal purement administratif, peut-être hostile. D’ail­ lique et des cultes protestants. Ce devait être alors un acte de l’exêcutil et, en ce qui concernait les catholiques, leurs, des quatre catégories de délits indiquées, deux ne « un arrêté en exécution de la convention du 26 messi­ i devaient pas relever d’un tribunal extraordinaire, étant dor an IX. » Mais bientôt Bonaparte faisait retoucher de droit commun, c’est-à-dire « tout procédé qui, dans son projet par Portalis et arrêtait de faire des réglements l’exercice du culte, pourrait compromettre l’honneur des sur les cultes une seule loi avec le concordat. Son but citoyens »; et « la contravention aux lois et règlementétait de leur donner plus d’autorité et surtout d’obtenir i de la République », quand le prêtre peut en conscience plus facilement du Tribunal et du Corps législatif l’ap­ leur obéir; une autre « l’usurpation ou l’excès de pouvoirprobation du concordat. Bans ces assemblées, en effet, eût supposé à tout le moins le jugement de l’autorité s'était formée, contre le premier consul et surtout contre religieuse, seule compétente; une quatrième enfin, ses projets religieux, une opposition assez puissante pour « l'attentat aux libertés, franchises et coutumes de qu'il n’osât faire voler le concordai dans l’hiver 1801. l’Église gallicane, » n’avait de précis que l'intention. Les réglements devaient prouver que l’État ne renonçait Le titre n traite des ministres. On y trouve, avec la à aucun de ses droits, quel que soit le texte du concor­ même volonté de se subordonner l’Église, des empiète­ dat, et la juxtaposition des dispositions relatives aux ments bien marqués de l’État sur le domaine spirituel. catholiques et aux protestants, que le gouvernement res­ Une section 1, art. 9-12, donne les dispositions géné­ tait fidèle au principe de l’égalité des cultes. Le concordat rales. Comme ministres, seuls sont mentionnés les passerait ainsi à la faveur de réglements qui le défigu­ archevêques, les évêques et les curés; il n’est rien dit reraient et qui, insérés dans une loi, deviendraient des du pape. Et « tous établissements ecclésiastiques, en articles organiques. Portalis termina son travail de re­ dehors des chapitres et des séminaires », étant « sup­ vision vers la fin de mars. Les articles relatifs au culle primés », « tout privilège portant exemption ou attri­ catholique, inspirés par le désir de reprendre sur le bution de la juridiction épiscopale » étant « aboli », le pape le terrain cédé, de placer l’Eglise sous la dépen­ relèvement des ordres religieux, sur lesquels le con­ dance de l’État et de faire d’elle plus tard un instrument cordat s’était lu, est rendu impossible. « Le pape, dit â de régne, font tous revivre, autant qu'il se pouvait alors, ce propos Portalis, avait autrefois, dans les ordres reli­ la doctrine du gallicanisme royal et parlementaire de gieux, une milice qui lui prêtait obéissance, qui avait l'indépendance du gouvernement dans le temporel, de écrasé les vrais pasteurs et qui était toujours disposée son droit souverain de décision dans les questions mixtes à propager les doctrines ultramontaines. Nos lois ont et relativement au spirituel, culte, discipline ou dogme, licencié cette milice. » Somme foule, cette section 1™ de son droit d'intervention soit pour surveiller, soit reproduit l’art. 20 du titre Ier de la Constitution civile, pour décider, « le chef de l'Etat devenant une manière sauf qu'elle reconnaît avec l’art. 11 du concordat les de pape rival du vrai pape. » chapitres et séminaires. Quant aux rapports des évêques Les 77 articles organiques sont groupés en 3 titres. Le et des curés, ils sont singulièrement définis. Les pou­ titre i«r traite en 8 articles du régime de l’Église catho­ voirs des évêques sont assimilés à ceux des curés et ils lique dans ses rapports généraux avec les droits et la se bornent à « une autorité de direction »! Ce n'est pas police de l’État. Ces 8 articles sont nés de l’idée de la une erreur de rédaction : Portalis justifie le terme par subordination de l’Église à l’État. Le pape, disent les l'autorité de Fleury, Institution du droit ecclésiastique, art. 1 et 2, ne pourra communiquer avec les catholiques part. I, c. xn. — La section n, art. 13-15, traite du rôle français, soit par « bulle, bref, décret... même ne con­ des archevêques et métropolitains, ce qui est bien un cernant que des particuliers », soit par « nonce, lé­ empiètement, et elle semble faire d’eux les gardiens gat, etc. », sans l'autorisation du gouvernement français. suprêmes de la foi et de la discipline, ce qui est bien la « Les décrets des synodes étrangers, même ceux des doctrine des gallicans et des constitutionnels. — La sec­ conciles généraux, dit l’art. 3, ne pourront être publiés tion ni en 10 articles (16-26) traite : R des évêques. Pour en France qu’aprés examen et autorisation. » C’était être évêque, il faut être Français, ce qui se comprend, donc l’État redevenu, comme autrefois, juge des croyances avoir 30 ans, ce qui serait une disposition à la Joseph II, et de leur opportunité, sans avoir cette excuse des rois si elle n’était conforme au droit canon, et avoir été sou­ et parlements que les lois d'Eglise devenaient lois mis à une enquête dans sa doctrine et dans ses mœurs, d'Etat. C’était aller contre la liberté à laquelle ont droit où juge en dernier ressort le conseiller d’Etat chargé des l’Église et le pape, chef de l’Église, et que reconnaissait cultes, ce qui parait singulier. Avant 1789, cette enquête sans restriction l’art. 1 du concordat. Ces mesures était confiée au pape: elle eût dû ainsi lui revenir en avaient été réclamées par les constitutionnels dans les vertu de l’art. 4 du concordat, sinon en vertu du bon Observations du 28 août 1801, et elles furent présentées sens. Mais au fond de tout cela se retrouve la doctrine aux assemblées par les rapporteurs soit comme « une gallicane du pape « collateur forcé ». Pour exercer ses précaution pour défendre l'indépendance du gouverne­ fonctions, l’évêque doit avoir sa bulled'institution validée ment et les libertés de l’Église gallicane contre les en­ en quelque sorte « par l'attache du gouvernement ». et treprises de la cour de Rome » (Siméon au Tribunal), avoir prêté le serment prévu au concordat. La section soit comme une mesure d’ordre de la part de l’État : traite : 2“ des vicaires-généraux, dont est fixé le nombre; « L’Église, dit en effet Portalis, est juge des erreurs con­ 3° des séminaires. L'art. 11 du concordat disait : « Les traires à sa morale on à ses dogmes; mais l’Etat a intérêt évêques pourront avoir un séminaire. » Ce droit est ici d'examiner la forme des décisions dogmatiques, d’en entouré de restrictions et d’obligations (art. 23-26), qui suspendre la publication, quand quelques raisons d'Élat rappellent encore Joseph II. L’obligation la plus abusive l'exigent, de commander le silence sur des points dont est certainement celle imposée aux professeurs de sous­ la discussion pourront agiter trop violemment les es­ crire et d’enseigner la Déclaration de 1682, condamnée prits. » Cf. les art. 15, 20, 28 et 33 du Syllabus. L’art. 4 par les papes, abandonnée par Louis XIV lui-même. est un autre abus de pouvoir avec sa défense à « tout « L’enseignement des séminaires, dit Portalis, comme concile national, à toute assemblée délibérante d’avoir celui de tous les établissements d'instruction publique, lieu sans la permission expresse du gouvernement »■ est sous l’inspection du magistrat politique... et les 763 CONCORDAT DE 1801 764 qui devait être utile contre les anticoncordataires. 4» Les maximes de 1682 ne peuvent être méconnues par aucun bon citoyen. » — La section iv parle des curés. Ce qui ecclésiastiques au dehors des temples devront s'habiller frappe davantage ici (art. 27-31), c’est : 1° le partage, fait I à la française et en noir (art. 43); dans les cérémonies par le premier consul de sa propre autorité, des prêtres ils « useront des ornements convenables à leur titre » ayant charge d’âmes en curés proprement dits, auxquels (art. 42); cette dernière prescription s'explique par la s’appliquent par conséquent les art. 10-14 du concordat, présence en France de tant de prélats démissionnaires; et desservants, titulaires de véritables paroisses, mais elle fut surtout appliquée aux anciens évêques consti­ n’ayant droit ni à l’inamovibilité ecclésiastique : nom­ tutionnels, notamment en 1803. 5" L'interdiction de més par les évêques sans condition, ils sont révocables sonner les cloches, qui avait été si désagréable aux catho­ liques, était levée, un règlement devait être concerté par eux (art. 63 et 31); ni au salaire de l’État. Cette dans chaque diocèse entre l’évèque et le préfet (art. 48). dislinction, en ell'et, pouvait faciliter aux évêques l’ad­ 6° Il est défendu aux cftrés d’attaquer en chaire un autre ministration des diocèses, mais elle s'explique surtout, on le verra, par un désir d'économie. Les desservants culte autorisé (art. 52). D’autres articles maintenaient étaient de plus soumis, comme les vicaires, à la surveil­ le caractère laïque de l’état civil (art. 55), établi par le décret du 20 septembre 1792; les curés ne donneront lance et â la direction des curés. Il est vrai que, dès le 21 thermidor an XI (9 août 1803], Portalis avertissait les même la bénédiction nuptiale « qu’à ceux qui justifie­ ront... avoir contracté mariage devant l’officier de l’état évêques que ce droit de surveillance se réduisait â une civil » (art. 54), obligation pénible à l’Église qui a le visite annuelle du curé dans les succursales un jour qui ne soit, ni un dimanche, ni une fête chômée, comme droit propre et nalurel de régler le mariage. Cf. art. 199 et 200 du code pénal. L’art. 56 est une autre concession l'avait dit le réglement du diocèse de Paris du 29 avril 1893. Pour les « curés » les articles organiques précisent faite à l'esprit républicain : il maintient en partie le ainsi l’obligation faite aux évêques par le concordat calendrier républicain ou d’équinoxe pour le clergé; celui-ci doit en user, mais il a la faculté de désigner les (art. 10) de ne choisir que des personnes « agréées par le gouvernement » : « Les évêques... ne manifesteront jours par les noms qu'ils avaient dans l’ancien calen­ la nomination et ne donneront l’institution canonique drier. En revanche, l’art. 57 fixant au dimanche le repos qu'après que cette nomination aura été agréée par le des fonctionnaires supprimait avec le décadi, autour duquel le Directoire avait fait la persécution décadaire, premier consul; » 2° l'interdiction faite à tout ecclé­ siastique « même français, qui n’appartient à aucun le culte décadaire, abandonné de tous, sauf des fonction­ diocèse », à tout religieux par conséquent, de remplir naires pour qui seul il était obligatoire depuis le 7 ther­ les fonctions propres à un curé. — La section v traite : midor an VIII (26 juillet 1800). 1° des chapitres (art. 35) : autorisés sans condition par Le titre iv traite, dans une section ire, de la circon­ scription des archevêchés et évêchés; le nombre des le concordat, avec les séminaires (art. il), ils ont ici besoin de l’autorisation du gouvernement « tant pour nouveaux diocèses est fixé et le tableau donné; dans une section il·, de la circonscription des paroisses. Le l’établissement lui-même que pour le nombre et le choix des ecclésiastiques destinés à les former »; 2» du gou­ concordat disait : « Les évêques feront une nouvelle vernement des diocèses pendant la vacance du siège. circonscription des paroisses, » et ne demandait que le D’après les lois canoniques, les pouvoirs des vicaires consentement du gouvernement (art. 9). Ici reparaît la généraux prennent lin par la mort de l’évêque, l’admi­ distinction entre curés et desservants, entre paroisses nistration du diocèse revient aux chapitres et à leurs où résident les curés et succursales où résident les des­ délégués et à leur défaut seulement au métropolitain. servants. Cf. art. 32. Et, détermine l’article organique 60, D’après les articles organiques 36 et 37, les pouvoirs « il y aura au moins une paroisse dans chaque justice passent non au chapitre mais au métropolitain et les de paix », par canton par conséquent. Quant aux succur­ vicaires généraux continuent de plein droit leurs fonc­ sales, c’est de concert avec le préfet et sous réserve île tions. l’autorisation gouvernementale que l’évèque en fixera Le titre lit traite du culte (art. 39-67). Il débute par immédiatement « le nombre et l’étendue ». A l’avenir, une usurpation de pouvoir avec l’obligation imposée à il faudra de même l’autorisation expresse du gouverne­ tous les diocèses de n’avoir « qu'une liturgie et un caté­ ment pour l'érection d’une cure ou d'une succursale chisme », « leur différence, suivant le tribun Siméon, (art. 61, 62). Dans une section ni·, du traitement des ministres, ou du budget des cultes prévu au concordat semblant rompre l’unité de doctrine et de culte. » Le catéchisme en question parut en 1806; un décret du et condition de la renonciation de l’Église aux biens 4 avril le rendait exécutoire et le disait « approuvé par ecclésiastiques (art. 13, 14). Ce budget est calculé de fa­ Son Eminence le cardinal légat ». Son objet réel se çon â ne pas effaroucher les ennemis de l’Église et à trouvait dans certaines réponses qui enseignaient la grever le moins possible les finances de l’Etat, en atten­ fidélité à l'empereur « sous peine de damnation ». Voir dant, il est vrai, des jours meilleurs. Les procédés em­ t. n. col. 1951-1953. Puis venaient les règles de police ployés furent : 1· de restreindre le nombre des ecclé­ proprement dites, dont quelques-unes s’expliquent par siastiques de second ordre « salariés ■ . C’est à cela les circonstances : 1° Il ne pourra y avoir de cérémonies surtout que servit la distinction entre curés et desser­ hors des églises dans les villes où il existe des temples vants. Elle permit de ne pas violer la lettre du concordat d'autres cultes (art. 45). Celte mesure fut mal accueillie et de ne payer un traitement qu’à 3000 prêtres environ, des protestants comme des catholiques et, dés le 30 ger­ distribués en 2 classes, la lri avec 1500 francs, la 2· minal an XI (30 avril 1803), une circulaire restreignait avec I 000 (art. 66). On était loin ainsi des dépenses l’interdiction aux communes ou il y avait une église qu’eût entraînées le projet d'octobre 1801, divisant la consistoriale de 6000 âmes. En pratique même « l'on France en 8000 cures ou paroisses avec des annexes; plaça le titre consistorial dans les faubourgs, quoique 2° de précompter sur ces traitements les pensions dont l'on disposât d'un temple dans l'enceinte des villes ». pouvaient jouir les curés en qualité d'ex-bénéliciers et 2° Le même temple ne pourra servir qu’au même culte en vertu des decrets de la Constituante (art. 67). Ces (art. 46). Ainsi cesse définitivement la promiscuité oû pensions, non payées pendant la Terreur sans que le les cultes venaient de vivre. 11 y eut cependant de nom­ principe en fût contesté, rétablies après thermidor par breuses exceptions à la loi posée, dans le Bas-Rhin où la Convention (décret du 18 thermidor an II, 5 août catholiques et protestants avaient depuis longtemps le 1794), restreintes par le Directoire aux seuls prêtres simullaneum, c’est-à-dire l'usage commun d’un même qui avaient prêté les divers serments, seront restituées édifice. 3° On ne pourra ouvrir ni chapelles ni oratoires à tous par le décret consulaire du 3 prairial an X (23 mai sans la permission du gouvernement (art. 44J, mesure 1802), pourvu qu’ils aient accepté le concordai - 3· d im- 765 CONCORDAT DE 1801 766 poser le choix des vicaires et desservanis parmi les ecclé­ 228 voix contre 27 sur 3110 membres. La loi était votée, siastiques pensionnés (art. (58); « le montant de cette il restait à la promulguer deux jours après suivant pension elle produit des oblations, «que devaient lixer les l’art. 37 de la Constitution. Dans l'intervalle avaient lieu évêques sous la réserve de l'approbation du gouvernement la réception du légat, les nominations épiscopales, l'ins­ (art. 5, 1'8, 69), devaient former leur traitement. « Les tallation à Notre-Dame du nouvel archevêque de Paris, grandes communes » étaient autorisées à accorder à leurs de Belloy (Il avril), etc. Enfin, une proclamation des curés « une augmentation de traitement ». D'autre part, consuls datée du 27 germinal ayant annoncé à la l'Etat décrétait la restitution aux curés et même aux des­ France le grand bienfait de la paix religieuse, le 28 ger­ servants des presbytères et jardins attenants, non aliénés. minal (18 avril), jour de Pâques, en même temps A défaut de ces biens, il autorisait les communes — et qu’étaient échangées les ratifications de la paix d’Amiens, par le décret du 1er pluviôse an XI (21 janvier 1803) il la loi du 18 germinal paraissait au Bulletin des lois et les obligera — à fournir â leur curé un logement et un était solennellement promulguée dans les quartiers de jardin (art. 72). Enfin, conformément à l'art. 15 du Paris. A Notre-Dame ensuite se célébrait une grande concordai, les fondations étaient autorisées, à la con­ cérémonie d'actions de grâces pour la paix extérieure et dition de « ne consister qu'en renies constituées sur la paix religieuse recouvrées ensemble : discours de l'Etat », pas en immeubles, sauf s’il s'agit d’un presby­ Boisgelin, ancien archevêque d'Aix, archevêque nommé tero et d’un jardin. Quant aux archevêques, leur trai­ de Tours; messe du légal; à l'Evangile prestation du tement était de 15000 francs; les évêques recevaient serment concordataire par les 27 évêques présents sur 10000 francs (art. 64,65); les départements étaient au­ les 45 alors nommés; enfin Te Deum. Le jour même torisés à leur procurer un logement convenable (art. 71). de la publication du concordat devaient paraître au Le budget des cultes en l'an X semble ainsi n'avoir pas Bulletin des lois, d'après une note du Premier Consul dépassé 1200000 francs; le chiffre des pensions s’élevait, en date du 18 germinal : 1° la bulle de la ratification il est vrai, pour les prêtres à 10 millions et pour les solennelle Ecclesia Christi; 2« la bulle de circonscripreligieux à 13. — La section iv parle des édifices des­ ■ lion Qui Christi Domini; 3" le décret exécutoire du tinés au culte. L'art. 75, restreignant fart. 12 du con­ légat, rédigé depuis décembre; 4“ le bref Quoniam cordat, ne mettait à la disposition des évêques « qu'un favente Deo donnant au légal le pouvoir d'instituer les édifice par cure ou succursale », et en vertu « d'arrêtés évéques; 5» un décret rendant exécutoire en Erance du préfet ». Enfin l'art. 76 décrétait l'établissement des l'induit du 9 avril 1802 par lequel le légat avait réduit fabriques auxquelles le décret du 30 décembre 1800, à 4 le nombre des jours de fête chômés en dehors du rédigé comme les articles organiques, en dehors de dimanche. En réalité, ces 5 pièces complémentaires ne toute intervention de l’Église, devait seulement donner furent insérées au Bulletin qu'en thermidor an X; mais une organisation ferme sous l’étroit contrôle de l'Etat. I dès le 20 germinal la bulle Ecclesia Christi, dés le Les articles organiques du culte catholique se ré­ 21 la bulle Qui Christi Doniini avaient paru au Moni­ sument donc bien, comme le dit M. E. Ollivier, dans teur, et le 21, les deux bulles avaient été affichées ces deux mots : « usurpation et abus de pouvoir. » Do­ dans les églises de Paris, le légat faisant ce jour même minée, surveillée, réglementée, pauvre, l’Église appa­ usage de son pouvoir d'institution en installant à Notreraissait peu redoutable. Suivaient les articles organiques Daii le nouvel archevêque de Paris, de Belloy. des cultes protestants concernant « les protestants C’est seulement à partir du 28 germinal an X que le connus sous le nom de réformés (calvinistes) et les régime concordataire fut mis en vigueur. Les lois qui luthériens de la confession d'Augsbourg », qui orga­ constituaient le régime dit de la séparation furent nisaient de même la tutelle de l'Élat. appliquées jusque-là par Fouché aux catholiques, avec Ainsi conçus el encadrés, les articles organiques une rigueur sans défaillance et qui redoublait si les pouvaient servir « de passeport au concordat » (Sorel) négociateurs romains étaient moins traitables. Alors aussi prirent fin le culte constitutionnel obstinément auprès des assemblées, si hostiles qu'elles fussent à maintenu par les évéques, le culte décadaire toujours Rome. Mais, dés janvier 1802, Bonaparte avait pris contre elles une autre précaution : profitant de l’impré­ imposé aux fonctionnaires. Quant aux théophilan­ cision de l'art. 38 de la Constitution de fan VIH sur le thropes, leur culte avait été mortellement frappé par un mode de renouvellement du Tribunal el du Corps légis­ arrêté consulaire du 12 vendémiaire an X (4 octobre latif, il les avait fait « épurer par le Sénat ». Enfin, la 1801) leur ôtant la jouissance des édifices nationaux. Ixi . aix d'Amiens ( tait signée (25 mars 1802) : il pensa masse de la nation qui connaissait seulement le détail pouvoir présenter « aux républicains la paix religieuse de la réorganisation religieuse se montra heureuse et dans ce cadre magnifique : la paix eurojéeiine dans les reconnaissante. Le Génie du christianisme qui parais­ limites de César » (Sorel). Le 2 avril, il présentait donc sait à ce moment (24 germinal), comme l'avait désiré au Conseil d'Etat ce projet de loi : « La convention passée Bonaparte, aida encore à la réaction religieuse. Cepen­ le 26 messidor an IX entre le pape et le gouvernement dant il y eut au régime concordataire une opposition français et dont les ratifications ont été échangées à Paris de droite et une opposition de gauche. Celle de gauche le 23 fructidor an IX (10 septembre 1801), ensemble les ne se lit guère que dans l'année : « arracheurs de articles organiques de ladite convention et les articles prêtres, chasseurs de moines, metteurs à sac de cou­ organiques des cultes protestants dont la teneur suit, vents el grands liquidateurs » (Sorel), les généraux seront promulgués et exécutés comme des lois de la assistèrent de mauvaise grâce à la cérémonie de NotreRépublique. » Le Conseil d’Etat adopta sans discussion Dame; il y eut même des complots. Cf. les Mémoires l- concordai, que le premier consul lui avait lu dés le de Thibaubeau, de Pasquier, etc. A droite, ce fut le mût 1801, et qui. présenté comme un traité, ne com- schisme anticoncordataire. Voir AntICONCORDATAIRES, 1.1, portait de sa part aucune discussion; les articles orga­ col. 1872-1875. Ce schisme ne devait pas s'éteindre facile­ niques du culte catholique et, après d'importantes ment, bien que Louis XVIII ait eu la sagesse de ne modifications, les articles organiques des cultes protespoint faire paraître la protestation qu'il avait préparée. .ants (4 avril). Le Tribunal, sur le rapport de Siméon, Au dehors, l'impression fut excellente; la Révolution s lopta l'ensemble de la lui par 78 voix contre 7 sur parut seulement terminée et le prestige de Bonaparte grandit singulièrement à la suite de ce « grand acte de 100 membres (17 germinal, 7 avril). Au Corps législatif, force et de sagesse ». ta loi présentée par les trois conseillers d'Élat, Portalis, Regnaud (de Saint-.lean d'Angély) et Régnier, et par les V. Les destinées de la loi ne 18 germinal an X. jeux tribuns, Lucien Bonaparte et .laucourt, un protes— En dehors des articles organiques concernant les cultes protestante, cette loi comprend donc deux parties: _nt, fut adopté le 18 germinal an X (8 avril 1802) par 7G7 CONCORDAT DE 1801 l’une, le concordat, est un contrat entre le gouverne­ ment français et le chef de l’Eglise; l'autre, les articles organiques, est l’œuvre du seul gouvernement français. Le Concordat est donc une loi civile el une loi d’Église; il lie à la façon d'un contrat synallagmatique l’Eglise et l’État. Voir col. 728. Quant aux articles organiques qui n’ont pas été concertés avec le pape, ni approuvés par lui, ils ne le lient en rien et ne sont pas loi d’Eglise. Mais ils constituent une loi civile au même titre que le concordat. On leur a dénié, dans l’ensemble, toute va­ leur légale : 1° parce que le pape ne les a pas approu­ vés. « 11 n’avait pas à les ratifier, a-t-on répondu; ce n’était pas un traité, c’était une loi d’Etat. » Le pape d’ailleurs n'a jamais prolesté contre le principe et si Consalvi s’est refusé longtemps à laisser insérer dans Fart. 1OT du concordat le droit de l’État à faire des règlements de police concernant le culte, c’est, a-t-il expliqué, que l'Eglise ne peut consacrer dans une con­ vention un droit qu’en fait elle tolère souvent; 2“ parce que les articles organiques auraient été présentés aux assemblées comme négociés avec le saint-siège et con­ sacrés par lui, au même titre que la convention du 26 messidor an IX. Celte supercherie vicierait la loi dans son principe. On justifie l'accusation par divers passages où Portalis parle des articles organiques comme d’un contrat et par le désir de Bonaparte d’enlever plus facilement le vote des assemblées. Rome a protesté, du reste, ajoute-t-on, contre la confusion. Or, comme fait justement remarquer JL Boulay de la Meurlhe, « en affirmant celte confusion volontaire, on va au rebours des intentions du premier consul et de l’esprit du temps. » Bonaparte n’avait voulu la publica­ tion simultanée du concordat et des articles organiques que pour bien affirmer devant les assemblées imbues de la supériorité de l’État, son entière indépendance visà-vis des droits et prétentions de la cour romaine. Et si Portalis a qualilié ces articles de « contrat », c’est en vertu de la théorie philosophique de son temps qui fait de toute loi un contrat entre les gouvernés et le gouvernement, ici entre le législateur et ceux qui pro­ fessent un culte. Malgré cela, les articles organiques examinés un à un « contredisent sur les points les plus importants la convention conclue avec Rome, em­ piètent sur un terrain essentiellement réservé à l’auto­ rité spirituelle, jurent avec tous les principes qui sont devenus la base de notre état politique et social et... reposent sur une contradiction choquante qui consiste à attribuer au pouvoir civil les privilèges qu’il s’arro­ geait dans l’Église sous l’ancien régime, quand il n’y a plus d’ancien régime » (cardinal Mathieu). 1° La destinée des articles organiques. — Le con­ cordat et les articles organiques ont eu une destinée bien différente. Ceux-ci,dès leur naissance, ont été mal accueillis de l’Église. Pie VU n'ignorait pas qu’un règle­ ment relatif au culte catholique était en préparation, mais il acceptait la chose; elle était inscrite d’ailleurs au concordat. Il n’en connut les dispositions qu'en avril 1802, Caprara à qui le premier consul les avait commu­ niquées verbalement dés mars, avant toute discussion et publication, préoccupé surtout de la nomination des évéques constitutionnels, n'ayant prêté à cette commu­ nication qu'une oreille distraite. Aussitôt qu’il les con­ nut, c’est-à-dire après le vole de la loi, Pie VII protesta auprès de Cacaull et consulta une première commission de 3 membres, di Pietro, Caselli et Bertazzoli, puis la Congrégation des 12. Enfin, dans le consistoire du 24 mai, il exprima, après sa joie du concordai, sa douloureuse surprise des articles organiques et annonça des protes­ tations officielles. Ces protestations furent communi­ quées par Caprara à Talleyrand, le 18 août 1803; elles furent renouvelées par le pape lui-méme lors du sacre. Ces protestations portaient sur 3 points : 1« la qualifica­ tion et le mode de publication des articles organiques 768 qui pouvaient laisser croire qu’ils ont été comme le concordat concertés avec le saint-siège; 2° leur fond même : ils règlent en dehors du pape et au mépris des droits imprescriptibles de l’Eglise « la doctrine, les mœurs, la discipline du clergé, les droits et les devoirs des évêques, ceux des ministres inférieurs, leurs rela­ tions avec le saint-siège et le mode d’exercice de leur juridiction »; 3'· en particulier, les art. 1-3, 6, 9-11, 14, 15, 17, 22, 24-26, 35, el 23 et 36 plus particulièrement contraires aux droits de l’Église ou au texte du concor­ dat. Pie VII insistait avec d’autant plus de fermeté que Bonaparte multipliait alors ses abus de pouvoir. Ainsi il soumettait à la censure des préfets les mandements et lettres pastorales; il prétendait imposer aux évêques choisis parmi les non-constitutionnels au moins un vi­ caire général constitutionnel, et à tous un quartau moins de curés conslitutionnels. Aucune rétractation ne devait être exigée. Le légat ayant donné aux évêques des ins­ tructions contraires, Bonaparte le menaça de n’appeler désormais à l’épiscopat que des constitutionnels; Tal­ leyrand parla même de protestantisme, el le 10 juin 1802 une circulaire de Caprara n’imposait plus aux conslitu­ tionnels qu'une formule renfermant « adhésion au con­ cordat et soumission à l’évéque ». Dans la république italienne c’étaient les mêmes abus de pouvoir. Les pro­ testations de Pie Vil reçurent une lin de non-recevoir polie. Ses prières et ses concessions lui valurent beau­ coup de promesses, mais pas de concessions essentielles. Autour de son voyage à Paris, sur lequel il avait fondé tant d’espérances, il y eut seulement : Ί» une améliora­ tion dans la situation financière faite au clergé et aux fabriques. La situation financière créée par les articles organiques c’était simplement la misère pour beaucoup de succursalistes, attendu que les pensions ne furent pas immédiatement liquidées. Un arrêté du 18 germinal an XI (8 avril 1803) autorisa les conseils généraux el les municipalités à voter des subventions cultuelles. Ils y mirent peu d’empressement. Aussi, sur les plaintes réi­ térées des évêques, un décret du 11 prairial an XII (31 mai 1804) assura aux desservants un traitement de 500 francs dont devait être déduite la pension, soit 267 francs pour les desservants n’ayant pas 50 ans, 333 pour ceux ayant 50 ans et 400 francs pour ceux ayant 70 ans. Un décret du 5 nivôse an XIII (24 décembre 1804) porte à 24000 le nombre des succursales rétribuées; enfin un décret du 30 septembre 1807 porta à 30000 le nombre de ces suc­ cursales. D’autre part, par un arrêté du 14 ventôse an XI (5 mars 1803), l’Etat s’était obligé à défaut des déparlements à fournir un salaire aux vicaires généraux et aux chanoines: en fait, dès l’an XI, il a du l'acquitter presque partout. Le budget des cultes qui ne s'élevait qu’à 1 200000 francs en Tan X, atteignait 4 millions en l’an XII et en 1814 atteindra 17 millions, sans parler des pensions; il s’agissait, il est vrai, de la France im­ périale. D’autre part, Bonaparte ordonnait de restituer aux fabriques les rentes dont le transfert n’avait pas été fait et les biens non aliénés (arrêté du 7 thermidor an XI, 26 juillet 1803), y compris les biens chargés de fondations et de services anniversaires (arrêté du 25 fri­ maire an XII, 17 décembre 1803), les églises el presby­ tères supprimés par suite de l'organisation paroissiale nouvelle (30 mai 1806), même si les biens et rentes proviennent d’églises supprimées (7 thermidor an XL ou de confréries (décret du 28 messidor an XIII, 27 juil­ let 1805); 2“ la possibilité d’une existence légale recon­ nue aux congrégations religieuses. Si Bonaparte, par un arrêté du 20 prairial an X (9 juin 1802), « abolissait, à l’exemple du Directoire, les congrégations religieuses dans les territoires les plus récemment annexés à la France, » si, par un décret du 3 messidor an XII (22 juin 1804), il dissolvait l’association dite des Pères de la foi, Adorateurs de Jésus ou Paccanaristes, ou autres associations non autorisées, du moins, il posait en 7G9 CONCORDAT DE 1801 770 principe par )e même décret que « des communautés jours veillé à l'entretien des temples, etc. Mais les articles touchant le rôle des métropolitains, l’enseigne­ pourraient se constituer, vivre, s’étendre avec la per­ ment des 4 articles dans les séminaires, l’ingérence de mission et sous le contrôle de l'Etat » et il renouvelait l'Etat dans ces établissements, l'unité de liturgie et de l'autorisation d'exister déjà donnée aux « agrégations catéchisme, etc., tombèrent vite et pleinement en dé­ connues sous le nom de Sœurs de la charité, de Sœurs hospitalières, de Sœurs de Saint-Thomas, de Sœurs suétude; d’autres, comme ceux concernant les décrets des synodes étrangers et des conciles généraux, la pré­ de Saint-Charles et de Sœurs Valelottos... à la charge de présenter dans le délai de six mois, leurs statuts et sence en France d’envoyés pontificaux, la défense faite réglements pour être vus et vérifiés en conseil d’Etat... »; aux évêques de sortir de leurs diocèses sans l'autorisa­ tion du gouvernement, etc., ont été rendues illusoires, 3» une loi du 23 ventôse an XII (14 mars 1804) par la­ à supposer que le pouvoir ait voulu les maintenir, par la quelle il s’engageait à former et à doter les dix sémi­ liberté de la presse et la facilité des communications. naires métropolitains de la France consulaire; les pro­ 2» L'application du concordat de 1805 à 1809. fesseurs el directeurs devaient être nommés par lui, etc. Autre fut la destinée du concordat qui a vécu un siècle Cette loi ne fut pas appliquée sauf à Lyon. Les séminaires sans modification. Λ deux reprises cependant, en 1813 métropolitains furent remplacés par des facultés de et en 1817, il faillit être modifié ou supprimé. théologie. Mais les séminaires créés dans les diocèses Le concordat ou plus simplement l'art. 5 relatif à la par la seule initiative des évêques commencèrent à re­ nomination et à l'institution canonique des évêques cevoir d’importantes subventions du trésorsousla forme fut remis en question de 1809 à 1813 dans une crise de bourses et de demi-bourses en vertu du décret du d'une extrême violence. Lorsque le pape quitta Paris le 30 septembre 1807 ; 4» enfin, un sénatus-consulte du 4 avril 1805, après un séjour de quatre mois, il ne pou­ 22 fructidor an XIII (9 septembre 1805) qui supprima vait être content de Napoléon qui n’avait consenti ni à le calendrier républicain et rétablit exclusivement le la reddition des Légations ni au retrait des articles Calendrier grégorien à partir du 1er janvier 1806. organiques les plus détestables. A peine était-il rentré Survinrent les luttes avec le pape. Un décret du dans ses États qu'il vit Napoléon, sacré roi d'Italie à 25 février 1810 aggravant l’article organique 24 déclara loi générale de l’empire l'édit de mars 1682 sur la dé­ Milan par Caprara, le 26 mai 1805. lancer dès le 8 juin de sa propre autorité un décret réorganisant le clergé claration du clergé de France. Mais le 28, devant le régulier et séculier italien, véritables arlicles organi­ mécontent ement général et sur un rapport du fameux conseil ecclésiastique de 1809, Napoléon rendit un im­ ques du concordat signé entre Rome et la république italienne le 16 septembre 1803, en même temps que le portant décret modifiant les articles organiques 1, 26, statut constitutionnel du nouveau royaume stipulant 36. Les brefs de la Pénitencerie, pour le lor intérieur, pouvaient désormais être exécutes sans aucune autori­ l'application intégrale du code Napoléon, y compris le sation; les dispositions abusives établies par l’art. 26 divorce (art. 55). Enfin, l’empereur commençait â ma­ touchant l’âge et la fortune des ecclésiastiques ordonnés nifester sa volonté de faire du pape son vassal. En prêtres étaient rapportées; enfin, les chapitres étaient septembre 1805, malgré les protestations du pape, il faisait occuper Ancône par Gouvion-Saint-Cyr pour formellement rétablis dans leurs droits canoniques en couvrir l'aile droite de l’armée d'Italie; le 13 février cas de vacance des sièges épiscopaux. 1806, il écrivait à Pie VII : « Votre Sainteté est souve­ Les gouvernements qui suivirent le premier Empire rain de Rome, mais j’en suis l'empereur. Tous mes n'apportèrent pas de profondes modifications aux ennemis doivent être les siens; » et il le sommait articles organiques. Λ trois reprises, en 1817 dans le d’expulser de Rome les Russes, les Anglais et les Sué­ nouveau concordat signé· entre Louis XVIII et Pie VU, en 1848 à l’intérieur du comité des affaires religieuses dois qui s’y trouvaient, ainsi que de fermer ses ports de la Constituante, en 1853 dans les négociations rela­ aux navires de ces puissances, parce qu'elles étaient les ennemis de la France; puis il demanda la destitution tives au sacre de Napoléon 111 par Pie IX, il fut ques­ de Consalvi. 11 ambitionnait même d’attirer à Paris la tion, plus ou moins sérieusement, mais toujours sans papauté. De Paris, devenu la capitale politique el reli­ effet, de la suppression de ces articles. De la Restaura­ tion datent cependant : 1° la loi du 2 janvier 1817, com­ gieuse du monde, le pape et l’empereur exerceraient une influence souveraine, au bénéfice de l’empereur plétée par l’ordonnance du 2 avril suivant, autorisant évidemment et au détriment de ses ennemis. Ainsi, le les fondations au prolit des établissements ecclésiaspape se trouvait menacé ou atteint dans ses droits et tiques autrement qu’en rentes sur l’État, contrairement son indépendance de chef de l’Eglise el de chef d'État. i l'art. 73; 2° une ordonnance du 5 octobre 1814 auto­ Mais Pie VII, qui venait déjà de prouver sa fermeté en risant les archevêques et évêques à établir des écoles refusant d’annuler le mariage conlracté à Baltimore, le ecclésiastiques ou petits séminaires avec capacité de 24 décembre 1803, par Jérôme Bonaparte avec une pro­ recevoir des dons et legs; 3° diverses ordonnances et testante, Elisa Patterson, protesta sans se lasser contre la loi du 24 mars 1825, facilitant la fondation, l’existous les empiètements politiques ou religieux de Napo­ t· nce ou le développement des congrégations reli­ léon et se refusa obstinément à l’alliance qu'il voulait gieuses, etc. Mais les articles organiques consacraient trop d’usur­ lui imposer. Pie VII ne céda que sur un point. Con­ salvi fit place, le 17 juin 1806, au cardinal Casoni. Mais pations pour que leur application régulière pùt être il avait déjà choisi son terrain de lutte contre Napoléon ; exigée et bon nombre sont tombés en désuétude. « La tant que ses droits de chef d’Etat et de chef de l'Église seule partie des lois organiques demeurée en vigueur sans aucune atténuation, dit avec une évidente exagéra­ ne seraient point reconnus, il refuserait l'institution tion d’expression Μ. E. Ollivier, est celle qui organise canonique aux évêques nommés par l'empereur, qui. violant le concordat de 1801, traité de paix aussi bien ii servitude du clergé de second ordre. » Les gouver­ que convention religieuse, ne pouvait plus en exiger nements ont continué aussi à exercer le droit de l’observation et qui, persécutant le chef de l’Église, ne a l'appel comme d'abus » malgré les multiples protes­ tations de l'épiscopat; la bénédiction nuptiale n'a jamais ' pouvait plus exercer un droit comme la nomination été donnée que le mariage civil bien constaté; malgré , des évêques. La question se posa d'abord pour le les vœux de publicistes comme de Bonald et d’évêques royaume d'Italie : en septembre 1806, Napoléon, en comme Clermont-Tonnerre, les registres des actes reli­ vertu de l’art. 4 du concordat italien, nommait aux sièges vacants dans le diocèse de Milan et dans les États gieux n’ont pas repris la valeur d'actes de l'étal civil; l'autorisation du gouvernement a toujours été requise | de Terre-Ferme de Venise annexés à l'Italie après le traité de Presbourg par le décret du 30 mars 1806. Le pour l'érection des paroisses; les fabriques ont tou­ III. — 25 rner. DE THÉOL. CATllOL. 771 CONCORDAT DE 1801 pape refusa d’abord, puis, il finit par instituer motu dre d’aucune violation essentielle du concordat de 1801; proprio les candidats nommés par l'empereur. Mais, il n’a pas à se plaindre des articles organiques qui tra­ poursuivant sans succès ses desseins politiques sur le duisent simplement les maximes de l’Église gallicane, pape. Napoléon se vengeait en faisant occuper partie sauf peut-être des art. 1, 26 et 36. D’autre part, il ne par partie les États pontificaux et finalement Rome saurait refuser arbitrairement l’institution canonique le 2 février 1808; le décret de Vienne du 17 mai 1809 aux évêques de l'empire français : le concordat est un annexant le tout à l’empire français mettait lin au pou­ contrat synallagmatique qui l'oblige aussi bien que le voir temporel. En même temps, il procédait à la dis­ chef de l’Etat. Des trois raisons qu’il a invoquées pour persion du Sacré-Collège qui soutenait le pape dans justifier son refus, deux ne comptent pas : les innova­ sa résistance : de février à août 1808, il faisait expulser tions religieuses en France depuis le concordat ont été de Rome tous les cardinaux même italiens qui n'étaient pour le bien de l’Eglise; l’annexion des États romains pas nés dans les Etats romains, entre autres, le 27 mars, est une considération d'ordre temporel. Quanta la troi­ le secrétaire d'État,le Génois,Doria Pamphili qui venait sième. l'absence des cardinaux, le conseil n'ose la reje­ de remplacer Casoni malade; deux mois après, le suc­ ter et en appelle à la sagesse de l’empereur qui en cesseur de Doria, le Romain Gabrielli, était expulsé; sentira « la force et la justesse ». Enlin, si le pape 1e. cardinal Pacca le remplaçait (12 juin 1808). Le pape s'obstinait dans son refus, le gouvernement pourrait en répondit au décret du 17 mai 1809 par la bulle d’excom­ droit regarder le concordat comme annulé; mais il munication Quuni memoranda, affichée dans Rome au ferait mieux de le garder. Dans ce cas, un concile soir du 10 juin, communiquée par un bref du 12 juin national pourrait, vu l’impossibilité d’un concile œcu­ à l'empereur qui le tint soigneusement secret. Dans ménique et le péril de l’Eglise de France, déclarer que la nuit du 5 au 6 juillet le pape était enlevé de Rome; « l'institution donnée conciliaires ent par le métropo­ le 21 août, il arrivait â Savone ou il devait demeurer litain à l’égard de ses suffragants ou par le plus ancien jusqu’au 9 juin 1812, séparé de tous les cardinaux, d'entre eux à l’égard du métropolitain tiendra lieu uniquement entouré d'espions. Dans l’intervalle, il des bulles pontificales, jusqu’à ce que le pape ou ses avait de nouveau refusé l’institution aux évêques nom­ successeurs eussent consenti à l’exécution du concor­ més par l'empereur. Il s’agissait cette fois d'évéques dat ». Les troisièmes questions concernaient les affaires français et non d'un petit nombre : 20 évêchés, sur 60, d'Allemagne et d’Italie, ainsi que la bulle du 10 juin étaient alors vacants el leur nombre allait s’élever à 27. 1809. Le conseil se dispersa en janvier 1810. Sollicité par Fesch, Caprara et Maury, réconcilié avec 4° L'opposition du pape aux mesures prises par Na­ Napoléon, de mettre fin à cetle lamentable situa­ poléon : les brefs de Savone. — Ces solutions ne pou­ tion, Pie Vil persista dans son refus et en exposa le vaient convenir à l’empereur. En même temps donc qu’il triple motif, dans une lettre du 26 août 1809 adres­ faisait prononcer son divorce et contractait son second sée â Caprara. C’étaient : 1° les innovations religieuses mariage, il promulguait les deux sénatus-consulte des en France depuis le concordat; 2° le décret spoliateur 17 et 25 février, celui du 17 transformant en loi d’État le du 17 mai 1809 ; 3° sa séparation d’avec les cardinaux, décret du 17 mai 1809 et réglant la situation dans l’em­ ses conseille·., naturels, et l'impossibilité où il était de pire du pape ayant des palais à Paris, à Rome et où il s'éclairer sur le mérite des candidats proposés. Cette lui plairait, et prêtant serment « de ne jamais rien faire lutte dura sans trêve jusqu’en 1813, Napoléon poursui­ contre les quatre propositions de l’Église gallicane » ; vant sans succès ce double but : 1° obliger le pape à l’autre proclamant loi générale de l’empire ces quatre sanctionner l'annexion de ses États à l’empire, à fixer propositions. Puis, il envoyait auprès du pape toujours sa résidence à Paris et à n’être plus que le chef de isolé les cardinaux Caselli et Spina pour l'amener à acl’ÉglisegalIicane; 2°trouver le moyen de modifier l’art. 4 I cepter ces deux actes et à procéder à l'institution des du concordat de façon à obliger le pape à donner tou- I évêques. Ce fut peine perdue. A bout de ressources, jours l’institution canonique aux évêques nommés, ou Napoléon ordonna aux évêques nommés de prendre en à se passer de lui. Il ne songeait pas à un schisme, mains l’administration de leurs diocèses. Devant leur instruit par l’expérience; mais, plus d'une fois, il son­ répugnance, il imagina, sur le conseil de Maury, de leur gea à terminer la question de l’institution par voie faire conférer les pouvoirs de vicaires capitulaires par législative : toujours il fut détourné par ses conseillers les chapitres auxquels un décret du 28 février venait laïques de cette solution qui n'en était pas une. Dès de rendre l’administration des diocèses vacants. Cela lors, il s'adressa à son clergé. était contraire à la discipline de l’Eglise, mais Louis XIV avait usé aussi de cet expédient pendant les débats de 3° Le conseil ecclésiastique de 1801). — En novembre 1809, il réunissait en un conseil ecclésiastique, sous la la régale de 1681 à 1693, sans que les papes aient con­ présidence de Fesch, l’évêque de Monteliascone le car­ damné la chose formellement. Pie VII enleva encore celte dernière ressource par « les brefs de Savone ». dinal Maury, l’archevêque de Tours de Barrai, les évê­ ques de Nantes, Evreux, Trêves, Verceil : Duvoisin, Le 10 juin 1808, était mort l'archevêque de Paris, de Belloy. Le 31 janvier 1809, Napoléon lui donnait comme Bouclier, Maunay, Canaveri, tous ses obligés ou des ambitieux, avec le P. Fontana, général des barnabites successeur le cardinal Fesch qui, sans refuser formelle­ ment, prétendit garder son siège de Lyon et ne vouloir de la province de Milan, et le supérieur de Saint-Sulpice M. Émery, dont Napoléon estimait les lumières et le faire acte d’administrateurâ Paris qu’avec l’autorisation du pape. En 1810, Napoléon le remplaçait par Maury, caractère. Le ministre des cultes, Bigot de Préameneu, qui avertissait le pape et lui annonçait en même temps soumit à ce conseil une triple série de questions. Les que le chapitre l'avait élu administrateur capitulaire. Le premières intéressaient les affaires de la chrétienté en général. Le gouvernement de l’Église est-il arbitraire? 5 novembre, Pie VII protestait dans un bref contre « l’usage aussi nouveau que dangereux que l’on voulait — Non, répondit le conseil : il appartient au pape et aux introduire dans l’Eglise et qui ouvrait une large voie au évêques. —Le pape peut-il, pour des motifs d’ordre tem­ porel,refuser d'intervenir dans les questions spirituelles? schisme et aux élections invalides », et il sommait Maury de quitter sur-le-champ l'administration du diocèse de — Non, fut-il répondu, à moins de rapports évidents. — Paris. Au même moment, Napoléon nommait archevê­ lin concile pourrait-il régler les affaires en litige ou en que de Florence l’évêque de Nancy,d'Osmond. Consulté suspens? — La réponse fut : Un concile national ne le par le chapitre de Florence sur la question de savoir si pourrait pas ; un concile général le pourrait, mais il ne l’évêque nommé pouvait être validement élu adminis­ saurait se conslituersans le pape. Les secondes questions, relatives aux affaires de France, donnèrent lieu aux dé­ trateur capitulaire, Pie Vil répondit par une négation clarations suivantes du conseil : le pape n’a à se plain­ formelle dans un brefdu Idécembre. Enfin un troisième 773 CONCORDAT DE 1801 774 bref daté du 18 décembre, adressé à l’abbé d’Astros, [ cile œcuménique ni un concile national. Napoléon n'at­ vicaire capitulaire de Paris, et enlevant à Maury tout tendait pas moins de grands résultats de cette réunion: pouvoir et toute juridiction, lut intercepté par ta police, il opposerait le concile, l’Église groupée autour de lui, mais les deux premiers étaient connus du public et au pape isolé; le pape effrayé céderait sur la question de l’art. 4 du concordat et sur la question du sénatusNapoléon se mit en quête d’une autre solution ; celle-là, il la voulait définitive. consulle du 17 février 1810. Mais il eut beaucoup de 5° he conseil ecclesiastique de 1811. — L’empereur peine à metlre le concile dans sa main. Il avait compté rappela alors sous la présidence de Fesch les mêmes l’entraîner par l'intermédiaire d’hommes intelligents et prélats qu'en 1809 ainsi que M. Émery et il leur adjoi­ dévoués comme Duvoisin et sur les ministres des cultes gnit les cardinaux Caselli et Maury avec l’archevêque de France el d’Italie, Bigot de Préameneu et Maresnommé de Malines, de Pradt. Ce « conseil ecclésias­ calchi, qu'il donna comme assesseurs au président Fesch ; mais les évêques de Troyes, de Gand et de tique de 1811 » tint sa première séance le 9 février et sa dernière le 4 avril. Deux questions lui furent posées Tournai, de Boulogne, de Broglie et Ilirn, entraî­ nèrent dans un sens favorable aux prérogatives ponti­ par le ministre des cultes : 1" Toute communication ficales la commission préparatoire dite du message. Ce étant interrompue quant à présent entre le pape et les fut pour Napoléon un échec complet. A cette question : sujets de l'empereur, à qui faut-il s’adresser pour obte­ « Le concile est-il compétent pour prononcer sur l’ins­ nir les dispenses qu’accordait le saint-siège? 2" L’em­ titution canonique sans l'intervention du pape, le con­ pereur ayant résolu de ne plus faire dépendre l’exis­ tence de l'épiscopat de l’institution canonique, quel est cordat étant aboli ’? » la commission répondit non par le moyen légitime de donner aux évêques cetle institu­ 8 voix contre 3. Et sur celte instance : « Mais en cas tion en dehors du pape ? Fesch et Émery soutenaient d’extrême nécessité, dans le cas par exemple où le pape les prérogatives du pape, mais la majorité répondit à la persisterait dans ses refus arbitraires, le concile ne pourrait-il donner une institution provisoire ? » la première question que l'on devait s'adresser aux évêques; à la seconde, après une sorte de blâme au pape à pro­ commission répondit par 8 voix contre 4: resavait dévoués au pape ; 95 étaient présents, 53 de nant 6 Français et 3 Italiens: elle était conduite par les l’empire français el 42 italiens. Ce n'était là ni un con­ 775 CONCORDAT DE 1801 archevêques de Tours, de Malines et de Venise : l'autre faite des cardinaux Rulfo, Duganini, Roverella, de Bayanne et de l’archevêque d'Edesse Berlalozzi. Sous cette double pression Pie VII signait, le 20 septembre 1813, le bref £x quo qui approuvait le décret du 5 août, mais avec quelques variantes. Ces variantes suffirent cependant pour que Napoléon, après avoir ordonné aux évêques de demander au pape l'institution canonique, défendit de publier le bref du 20 septembre. Le pape, en effet, avait soigneusement précisé dans le bref, là ou il était question de l’Italie, qu'il ne s'agissait que du royaume d'Italie et nullement par conséquent des Etals pontificaux. Or Napoléon ne voulait à aucun prix de cetle réserve et toutes les démarches faites pour amener le pape à une revision du bref dans ce sens furent vaines. 7° Le pape à Fontainebleau. Le concordat de 1813. — Alors Napoléon eut recours à une violence suprême. De Dresde où il était, à la veille d’envahir la Russie, il ordonna de conduire Pie Vil à Fontainebleau, sous prétexte de le protéger contre un enlèvement anglais. Le 20 juin 1812, le pape arrivait à Fontainebleau. Il y était au même régime qu’à Savone. Le 18 décembre, Napoléon rentrait aux Tuileries ; le 29. il écrivait au pape son désir de mettre fin à la nouvelle querelle du sacerdoce et de l’empire: vaincu, il éprouvait le besoin de diminuer le nombre de ses ennemis et de se ratta­ cher ses sujets catholiques. Quelques jours après, par l’intermédiaire de Duvoisin, il communiquait à Pie VII le projet d'un nouveau concordai aux prétentions telle­ ment exagérées que le pape rejetait le tout à la pre­ mière inspection. Mais le 18 janvier, il avait avec le pape une entrevue d'où sortirent de nouvelles négocia­ tions et finalement le concordat de Fontainebleau du 25 janvier 1813. Il comprenait 11 articles, dont voici les principaux : Art. i". Sa Sainteté exercera le pontificat en France et dans le royaume d'Italie de la même manière et avec les mêmes formes que ses prédécesseurs. Art. 2. Les ambassadeurs... près le Saint-Père elles ambassa­ deurs que le pape pourrait avoir près des puissances étrangères jouiront des immunités et privilèges dont jouissent les membres du corps diplomatique. Art. 3. Les domaines du Saint-Père non aliénés seront exempts de toute espèce d'impôts.... ceux qui sont aliénés seront rem] lacés jusqu'à concurrence de 2 millions de revenus. Art. 4. Dans les six mois..., le pape donnera l'institution canonique conformément aux concordats... Les six mois expirés sans que le pape ait accordé l'institution, le métropolitain, et à son défaut le plus ancien évêque de la province, procédera à l'institution de l'évèque nommé. Art. 5. Le pape nommera soit en France, soit dans le royaume d'Italie à dix évécbés. Art. 6. Les six évêchés suburbicaires sont rétablis : iis seront à la nomination du pape... Art. 9. La Propagande, la Pénitencerie, les archives seront établies dans le lieu de séjour du Saint-Père. On le voit, cette convention ne donnait de solution précise ni à la question de la résidence du pape, ni à la question de l'institution canonique. Elle n’était point non plus définitive: « les articles suivants, disait le préambule, serviront de base à un arrangement défini­ tif. » D’autre part, Pie VII s’était réservé auprès de l’empereur le droit de consulter ses cardinaux. A peine eut-il revu ses fidèles conseillers, di Pietro, Consalvi, Pacca, Gabrielli, sortis de prison, qu'il manifesta sa volonté de ne plus tenir compte des demi-engagements djt 25 janvier. Napoléon s’en aperçut, et croyant empê­ cher tout retour en arrière, il soumit au Sénat et pro­ mulgua comme loi d’Etat le concordat de Fontainebleau, en un même jour 13 février. Mais le 24 mars, il recevait une lettre de rétractation de Pie VII. qui du reste pro­ testait hautement devant les cardinaux qu'il recevait. Napoléon répondait le 25 mars par un décret rendant 776 obligatoire la loi du 13 février et, dans les jours suivants, par des arrestations arbitraires dans l’entourage du pape. Sur ces entrefaites, la sixième coalition se formait. Vaincu à Leipzig, se sentant menacé, il offrit au pape de négocier avec lui, sur cette base : la restitution des États romains. Mais le pape refusa, fort de ses droits. De­ vant l'invasion, Napoléon ne relâcha pas encore son prisonnier : il le fit reconduire de Fontainebleau à Savone. Ce ne fut que le 10 mars 1814 qu'il envoya au préfet de Montenotle l'ordre de le laisser partir en toute liberté. Pie VU rentrait à Bologne le 31 mars, le jour où les alliés entraient dans Paris. 8° Le concordat de 18Π. — Les Bourbons trouvèrent donc l’Église de France dans un véritable désordre et, somme toute, peu digne de son passé : tandis que la France de 1789 relevait de plus de 110 évêchés, cetle même France, restaurée par le traité du 30 mai 1814, n’en comprenait plus que50 et 16 étaient sans titulaires. D'ailleurs Louis XVIII, qui avait protesté contre les né­ gociations de 1800-1801, ne reconnaissait qu'un concor­ dat, celui de 1516, et il devait vouloir y revenir autant que le lui permettaient l’état des esprits et la Charte proclamant, il est vrai, le catholicisme religion d'Etat, mais garantissant, par exemple, les biens nationaux à leurs acquéreurs. Une dizaine d'évêques réfractaires, hostiles au concordat de 1801. groupés autour du très inlluent Talleyrand-Périgord, Je poussaient dans celle voie; ce qui tenait à cœur à ces hommes du passé, c’était la restauration des évêchés de 1789 et de leurs anciens titulaires. Aussi bientôt une commission ecclésiastique comprenant Talleyrund-Périgord, de Dausset et de Latil, étudiait la question, et le ministre des affaires étrangères Talleyrand transmettait à l'ambassadeur français à Rome. Le Cortois de Pressigny. ancien évêque de Saint-Malo, des propositions à faire au pape. Il devait proposer, pour ne pas blesser le papo en lui demandant de se condamner lui-même sur un acte aussi important que le concordat de 1801. la revision de tous les actes né­ gociés depuis 1797 entre Rome et la France, sous le prétexte que Rome ne les avait pas signés librement. Touchant le concordat, il demanderait la démission et au besoin la déposition en masse de l'épiscopat concor­ dataire, le rétablissement des évêchés de 1789, avec cependant la possibilité pour le roi d’en restreindre le nombre : les anciens titulaires remonteraient sur leurs sièges; la nomination et l’institution des nouveaux se ferait suivant les formes de 1516. Ces propositions ne plurent pas à Rome. Consalvi, redevenu secrétaire d’État, répondit qu’il était de la dignité du pape de ne pas reve­ nir sur l'acte de 1801 et de la dignité de l’épiscopat de ne point sembler à la merci du pape. Consalvi, qu’assis­ tait une commission de trois membres : di Pietro, Fon­ tana et Sala, opposa une série de contre-propositions : 1" les évêchés de 1801 seraient maintenus avec leurs titulaires; d'autres seraient ajoutés, dans la mesure nécessaire; 2° le gouvernement reconstituerait au clergé une dotation en biens-fonds; 3" il assurerait la soumis­ sion des anciens évêques non démissionnaires, sans parler de la demande de restitution d’Avignon et du Comtat-Venaissin. Interrompues parles Cent-Jours, con­ duites à partir du 31 mai 1816 par Ulacas d’Aulps rempla­ çant Pressigny trop cassant, les négociations aboutirent à une convention du 25 août 1816. En vertu de cette convention, le concordat de 1516 devait être rétabli; quant à celui de 1801, il n’était ni désavoué, ni expressé­ ment révoqué, mais il devait cesser d’avoir son elfet(arl. 1 et 2). Les articles organiques faits à l'insu de Sa Sain­ teté et publiés sans son aveu étaient abrogés (art. 3), etc. C’est pour cette dernière concession que le pape avait consenti à abandonner le concordat de 1801. Cette con­ vention, qui causait pleine satisfaction à Rome, souleva dans le gouvernement bien des objections. Louis XVIII la ratifia, mais avec cette réserve « le tout conditionnel- CONCORDAT DE 1801 778 lement aux libertés de l’Église gallicane », que lui avaient combattre ce projet de toutes ses forces, qu'à la fin de dictée Richelieu et surtout Decazes. Les négociations, mars 1818 le ministère le relira. Alors s’engagea avec toujours ignorées du public, reprirent donc. D'elles sortit la cour de Rome une négociation irritante, où fut mélé enfin le concordai du 11 juin 1817, qui parut être un l’épiscopal toutenlieret qui ne prit fin qu'en août 1818, accord délinitii. Il comprenait 15 articles. Les art. I et 2 quand dans une lettre à l’épiscopat et dans une allocu­ reproduisaient les mêmes articles de la convention du tion consistoriale le pape eût fait connaître que le con­ 25 août. L’art. 3 maintenait l’abrogation des articles or­ cordat de 1817 était non pas supprimé, mais suspendu, ganiques, mais avec celte réserve « en ce qu’ils ont de et qu’en atlendantil maintenait proprio motu le concor­ contraire à la doctrine et aux lois de l’Eglise »; ils étaient dat antérieur : les évêques actuellement en fonctions tous dans ce cas aux yeux de Rome. Les art. 4-7 et 9 trai­ étaient autorisés à conserver l’administration des terri­ tent des circonscriptions épiscopales et de leurs titulaires. toires, confiés à leurs soins en vertu de la bulle de Les évêchés de 1801 sont maintenus aijjsi que leurs titu- ! 1801. Enfin, par une loi de mai 1821, le gouvernement fut autorisé à négocier avec Rome l'établissement de laires, sauf, relativement à ceux-ci, « quelques exceptions 30 nouveaux sièges. Le 10 octobre 1822, le pape lançait particulières fondées sur des causes graves et légitimes. » la nouvelle bulle de circonscription, Palernæ caritatis, Des sièges supprimés en 1801 seront rétablis ceux que jugeront nécessaires le pape et le roi, et le pape pu­ publiée en France en vertu d’une ordonnance royale du 31 octobre. Ainsi prirent fin les négociations entreprises bliera le plus tôt possible la bulle de circonscription. par la Restauration. Ni le gouvernement de juillet, ni L'art. 8 assure une dotation en biens-fonds et en rentes sur l’Etat « aussitôt que les circonstances le permettront » 1 la république de 1848, ni le second empire ne louchèrent aux évêchés, chapitres, cures et séminaires. Les art. 12 au concordat. Vers 1830, cependant, le concordat fut el 13 traitent des anciennes abbayes dont le rétablisse­ attaqué par Lamennais et ses disciples comme funeste ment du concordai de 1516 n’enlraine pas la restaura­ à l’Église : dans l’état présent des choses, leur sem­ tion; celles qui seront fondées à l'avenirserontsoumises blait-il, l’Eglise n’a besoin que de la liberté. Leur doc­ aux règlements prescrits en 1516. L’art. 10 est une pro­ trine fut condamnée par l’encyclique Mirari vos, messe générale du roi d'employer « tous les moyens 15 août 1832. D’autre part, de 1833 à 1875, aux droits qui seront en son pouvoir pour faire cesser le plus tôt que lui reconnaissait le concordat, l’Église vit s’ajouter possible les obstacles qui s’opposent au bien de la reli­ le droit d’enseigner : en 1833, en 1850, en 1875, les gion el à l’exécution des lois de l’Église ». Les art. 13 et catholiques obtinrent en ell’et la proclamation de la 14 donnent un mois pour l’échange des ratilications, liberté de l’enseignement, à ses trois degrés. après quoi le pape publierait une bulle de confirmation 9» La fin de la loi du 18germinal an X. — Vers 1869, et une bulle pour la circonscription des diocèses. Dans le parti républicain mit â son programme « la sépara­ l’intervalle d’autres demandes du pape avaient reçu satis­ tion des Eglises et de l’Élat », sous le prétexte de sau­ faction : ainsi, des réfractaires de 1801, six s’étaient vegarder l'indépendance de la société civile. Maître du encore soumis; quatre autres plus entêtés avaient dû pouvoir en 1879, il commença, comme avait fait repartir pour l’exil. L’exécution du nouveau concordat Louis XIV lorsqu’il préparait la révocation de l’édit de fut poussée rapidement : les ratifications sont échangées; Nantes, par exiger « la stricte application du concordat ■ le 19 juillet, le pape publie la bulle de confirmation Vbi ou plus exactement de la loi du 18germinal, et,derrière primum; le 27, il signe la bulle de circonscription cette formule, par restreindre les légères améliorations Commissa divinitus : le nombre des archevêchés est obtenues par l’Église de France depuis 1802 et spécia­ porté à 18; Sens, Rennes, Alla, Audi, Narbonne, Arles, lement son droit d’enseigner. Puis il est arrivé à taire Vienne, supprimés en 1802, sont rétablis comme arche­ voter la loi du 9 décembre 1905, qui a aboli la loi du vêchés; Cambrai et Avignon, rétablis, mais comme évê­ 18 germinal, c’est-à-dire les articles organiques qu’il chés en 1802, redeviennent archevêchés; le nombre des était loisible à tout gouvernement d’abolir de lui-même évêchés est porté à 74; auparavant, par une lettre du et le concordat qui ne pouvait être régulièrement aboli 12 juin, le pape avait demandé leur adhésion aux évê­ que de l’aveu du pape, pour les remplacer par un soit ques et chapitres intéressés; enfin, dès août 1817, il disant régime de séparation. La France est ainsi revenue donnait l’institution canonique:! 34 prélats présentés par au régime religieux de l’an IV. le roi. Mais en France une question se posait : comment Boulay de la Meurthe, Documents sur la négociation du le concordai deviendrait-il obligatoire? Parmi les minis­ et sur les autres rapports avec le saint-siège, 1800tres, Richelieu pensait qu'il suffirait d’une ordonnance concordat 1801, 6 in-8·, Paris, 1891-1905: Consalvi, Mémoires, édit. Créroyale; Pasqtiier, Decazes et Lainé affirmaient qu’il tineau-Joly, 2 in-8·, Paris, 1864; nouvelle édition, augmentée d’un fallait une loi. Le roi finit par se ranger à cet avis. Or, fascicule inédit sur le concile de 1811, par P. Drochon, Paris. à ce moment, l’opposition libérale et gallicane appre­ 1896; Pacca, Mémoires historiques sur Sa Sainteté Pie Vil avant et pendant sa captivité, trad. Jamet,2 in-8'. Paris,1832: nait les arrangements du 11 juin et menait contre eux Napoléon, Correspondance, 31 in-8·, Paris, 1869; de Barrai, une bruyante campagne de presse avec les Observations Fragments relatifs à l'histoire ecclésiastique des premières d'un ancien canoniste (Tabaraud) sur la convention années du xix· siècle, Paris, 1814 ; Maury, Correspondance conclue à Home le 11 juin 1817, in-S», Paris, 1817; diplomatique et mémoires inédits, 2 in-8*, Paris, 1891 : Jauffreî. Les quatre concordats, de de Pradl; L'essai historique Mémoires historiques sur les affaires ecclésiastiques de sur les libertés de l’Église gallicane, in-8». Paris, 1818, France pendant (es premières années du xix· siècle, 3 in-8·. de Grégoire; Le concordat de 1517 entre François 1er Paris, 1823-1824; de Pradt, lxs quatre concordats, 2 in-S·. Pa­ ris, 1818; Portalis. Discours, rapports et travaux inédits sur et Léon X et de 1817 entre S. M. Louis XVIII el lu concordat de 1801, Paris. 1845 ; Talleyrand, Mémoires, Paris, S. 5. Pie Vil, in-8», Paris, 1817, de Hurteau l'aîné, etc. Crétineau-July, Bonaparte et le concordat de 1801, Puis la majorité modérée ou doctrinaire de la Chambre 1890-1892; in-8·, Paris, 1869; d’Haussonville, L’Église romaine et le pre­ des députés n’eût jamais accepté tel ce concordate ultra­ mier Empire. 1810-1816, 5 in-8·, Paris, 1868-1870; Theiner, montain »; le garde des sceaux Pasquier encadra donc Les deux concordats, 2 in-8·, Bar-Ie-Duc. 1875: Léon Séché. Les l’acte du 11 juin dans un projet de loi, rééditant les origines du concordat (hostile à Pie VII). 2 in-8·, Paris. 1894 : articles organiques ou à peu près. Le projet fut déposé de Broglie. Le concordat, 1893; cardinal Mathieu. Le concordat de 1801, in-8·, Paris, 1903; E. Sevestre, Le concordat de 1801, à la Chambre le 22 novembre. Mais il souleva de fi L'histoire, le texte, la destinée, in-8·, Angers, 1904 ; 2· édit, violentes oppositions de la paî t des doctrinaires qui le jugeaient insuffisant, de la part des ultras comme Marcel­ Paris, 1905; E. Rinleri, La diplomatie pontificale au xi.r siècle, Le concordat entre Pie Vit et le pro ier consul, 1800-1808, lus. qui en écrivit au pape, qui le jugeaient attentatoire trad, de l’abbé J.-B. Verdier, in-8·, Albi, 1903; L. Cronzil. Le anx droits de l’Église. de la part du pape qui encoura­ concordat de 1801. Étude historique et juridique, in-12, Paris, gea Marcellus, dans une lettre du 23 février 1818, à 1904; card. F. Cavagnis, De concordato Napoléonien pro Bat- 779 CONCORDAT DE 1801 lia. De articulis organicis, in-1‘2, Rome, 1906; A. Baudrillart. Quatre cents ans de concordat, in-12, Paris, 1905; Mûrie, His­ toire de M. Émery et de l’Église de France pendant la Dévo­ lution et VEmpire, 5· édit., 2 in-8·, 1895; Artaud, Histoire de Pie VII, 2' édit., 2 in-8·. Paris, 1837 ; Henke, Pius VH, Stutt­ gart, 1862; Giucci, Storia di Pio VH, Rome, 1857, 1864; Ccnni, Vie du cardinal Cunsalvi, Venise, 1824; Ranke. Kardinal Consalvi und seine Staatsverwaltung, Leipzig, 1872; Ricard, Le cardinal Ftsch, Paris, 1893; Id., Le concile national de 1811, 1894; Id., L'abbé Maury, 1888; vicomte de Meaux. Pie VII et Napoléon, dans ia Bevue des questions historiques, 1867 ; Melchers, Le concile national de Paris en 1811, Munster, 1814; J.-E. Driault, Napoléon en Italie (1800-1812), in-8·, Paris, 1906; Grégoire. Essai historique sur les libertés de l’Église gallicane, in-8*. Paris. 1818; Dupin afné. Les libertés de l’Église gallicane, in-12, Paris, 1824; de Champeaux. Le droit civil ecclésiastique français ancien et moderne, 2 in-8·. Paris, s. d. (1848) ; Hébrard. Les articles organiques devant l'histoire, le droit et la discipline de l’Église, in-8·, Paris. 1870; Joly, Élude historique et juridique sur le concordat de 1801, in-8·, Paris, 1881 ; Detero, Le concordat de 1801 et les articles organiques, in-8·, Paris, 1878; abbé Gaze, Le droit concordataire, in-8·, Paris, 1892; H. Welschinger, Le pape et l'empereur, in-8·, Paris, 1905; Ph. Sagnac, Le concordat de 1817. dans la Bevue d'his­ toire moderne et contemporaine, décembre 1905, janvier, mars 1906; Artaud, Histoire de Pie VIII, in-8·, Paris, 1844; Wagner, ! Grégoire Λ' VI, Salzbourg, 1846; Sylvan i, Grégoire XVI, Paris, 1840; A. Leroy-Beaulieu, Les catholiques libéraux, in-12, Paris, 1895; Ricard, L’école menaisienne, 4 in-12, Paris, 1884; Rous­ sel, Lamennais, 2 in-12, Rennes, 1892; Debidour, Histoire des rapports de ΓÉglise et de l'Etat en France de 1789 à 1&70, in-8*, Paris, 1898: Id.. L’Église catholique et l’État sous la troisième république (1870-1906), t. 1, 1870-1889, in-8·, Paris, 1906 (hostiles à l’Église); E. Ollivier.J/anne/ de droit ecclésias­ tique, in-12, Paris, 1886; Id., L'Église et l’État au concile du Vatican, 2 in-8·, 1879; Id., Le concordat et la séparation de l’Eglise et de l'Etat, 1885; Lagrange, Vie de M·* Dupanloup, 3 in-12, Paris, 1883; Marocco, Pie IX, 5 in-8·, Turin, 1861-1864; Stæpischnecg, Papst Pius IX und seine Zeit, 2 in-8·, 1879; Pougeois, Histoire de Pie IX, 6 in-8·, Paris, 1877-1886; O’ Reilly, Vie de Léon Xlll, 1887; M*r de T’Serclaes, Vie de Léon XIII, 2 in-8·, Paris, Lille, 1894. Voir les Histoires générales de l’Église, Rohrhacher. Funk, Kurtz ; celles de ΓEglise catholique en France, Jager; de la France sous le consulat et ΓEmpire, Thiers, Lanlïey; sous la Restauration, Dareste, Vaulabelle, Vieil-Castel ; sous la monarchie de juillet, Thureau-Dangin ; sous la seconde republique et le second empire, Pierre de la Gorce; sous la troisième république, Zevort, Ilanotaux, et les Histoires des institutions civiles et administratives de la France depuis Napoléon. C. Constantin. CONCORÉZIENS, hérétiques cathares ([’Occident. Parmi les cathares d’Occident, comme parmi ceux d’Orient,les uns admirent le dualisme absolu, les autres le dualisme mitigé. En Occident, ces derniers se divi­ sèrent en deux groupes: les bagnolais et les concoréziens, Concorrezenses, Concorrozenses, Coneorrenses, Concorricii, hi de Concorreiio, de Concorezio, de Concorrezo, Carracenses, Garralenses (cl’, cependant, pour cette dernière appellation,.1. II. Sbaralea, Bullarium franciscanum, Home, 1759, t. I, p. 734-735. note), ainsi appelés, semble-t-il, du nom de Concorrezo, dans la Lombardie. Voir t. n, col. 1993-1994. Dans sa Summa de calharis, écrite vers 1258, l’inquisiteur dominicain Rainier Sacconi, ancien cathare, dit, cf. Martène et Durand, The­ saurus novus anecdolorum, Paris, 1717, t. v, col. 1767, que les concoréziens de son temps étaient répandus dans presque toute la Lombardie, et qu’ils étaient envi­ ron quinze cents de l’un et l’autre sexe. Il évalue à moins de quatre mille, col. 1768, le nombre des cathares du monde entier, ce qu’il faut entendre des parfaits, non des eroyanls beaucoup plus nombreux. Voici les doctrines qu’il leur attribue, col. 1773-1774 : Dieu a créé de rien lesanges elles quatre éléments: le démon, avec la permission de Dieu, a formé ce monde; il a formé le corps du premier homme el y a inséré un ange pécheur; de cet ange pécheur, par voie de traducianisme, procèdent toutes les âmes; l’Ancien Testa­ ment, œuvre du diable, est rejeté, exception laite pour CONCORÉZIENS 780 les parties citées par le Christ et les apôtres: Moïse est condamné, et beaucoup ont des doutes sur le salut des patriarches et des prophètes; Jean-Baptiste, autrefois condamné par tous, est maintenant estimé de beaucoup de concoréziens; le Christ n’a pas pris une âmehumaine, mais presque tous croient qu’il a reçu un corps véri­ table de la Vierge Marie; ce corps n’a pas été glorifié et ne le sera point, mais le Christ, au jour de son ascen­ sion, l’a déposé dans le ciel aérien, en attendant de le reprendre au jour du jugement, après quoi il sera dis­ sous comme un cadavre. Les âmes de la Vierge et des saints ne seront pas dans la gloire avant le jugement, elles sont dans le ciel aérien avec le corps du Christ. Rainier avait entendu dire jadisâ Nazaire, leur évêque, lequel tenait cette théorie, à ce qu’il déclarait, de l’évéque de Bulgarie, voir Bogomh.es, t. n, col. 928,que la Vierge Marie fut un ange, et que le Christ ne prit pas une âme humaine, mais une âme angélique et un corps cé­ leste; celte dernière opinion était adoptée par les bagnolais, et la principale différence entre les bagnolais et les concoréziens consistait en ce que, s’écartant du traducianisme, les bagnolais affirmaient que les âmes ont été créées par Dieu et ont péché avant la création du monde. Le pseudo-Rainier ou anonyme de Passau ne fait que reproduire ces renseignements. Salve Burce de Plaisance, qui écrivit, vers 1235. son traité Supra stella, n’a pas la même autorité que Rainier Saeconi; il s’ac­ corde, du reste, avec lui dans les grandes lignes. Sur la création et le péché originel il est plus complet. D’après lui, les concoréziens disent que Dieu créa les anges et les éléments; Lucifer pécha dans le ciel et séduisit des anges; avec deux de ces anges, il forma le monde et le corps d’Adam, dans lequel il inséra par force un ange moins parfait; d’Adam il tira Eve; le fruit défendu par Lucifer était le commerce charnel de l’homme avec la femme; Eve eut commerce avec le serpent, puis avec Adam, et toute la race humaine descend d’Adam quant au corps, et, quant â l’âme, de fange que Lucifer mit dans le corps d’Adam. Cf. 1. von Dollinger, Beitrâge zur Seklengeschichte des Millelalters, Munich, 1890, t. n, p. 60. Notons que Salve Burce n’expose pas l’opinion que Rainier présente comme très répandue, et d’après laquelle le Christ aurait eu un corps véritable, mais, p. 66-67, celle que Rainier met sur le compte de l’évèque Nazaire et d’après laquelle le Christ aurait eu une chair spirituelle et Marie aurait été un ange : angélus Gabriel ferit communicationem Marite, lune iste ange­ lus Gabriel junxit se eum illo angelo, qui vocabatur Maria, spirilualiler el genuerunt /ilium Dei secundum carnem. On retrouve, mais beaucoup plus complète en­ core, cette explication de la création et de la chute dans un apocryphe intitulé : Joannis el apostoli el evangelislæ interrogatio in cama sancta regni cælorum de ordinatione mundi et de principeel de Adam. Cf. Dol­ linger, op. cil., p. 85. Un manuscrit de cet apocrjphese termine par cette note : Hoc est secretum hærelicorum de Concorezio portatum de Bulgaria Nazario suo epi­ scopo plenum erroribus. Cf. C. Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des cathares ou albigeois, Paris, 1819,1. n, p. 275. Sur la sépulture de cet évêque Nazaire, qui parait avoir joué un rôle important dans l’histoire de la secte, cf. la vie de saint Pierre de Vérone, dans Acta sanctorum, 3" édit., Paris, 1866, t. ni aprilis, p. 703, 705. Voir un autre exposé analogue dans deux textes sans date publiés par Dollinger, <>/». cil., t. Il, p. 320, 612-613, et, plus brièvement, dans la table de concordance des opinions des divers groupes cathares, insérée, au XVe siècle, par Peregrinus Priscianus, dans une chronique de Ferrare, mais remontant environ au milieu du Xlll” siècle. C. U. Ilahn, Geschiehte der Kelzer im Miltelalter, Stuttgart, 1845, t. t, p. 530. Le fond du système apparaît donc uniforme dans les documents divers. Schmidt, op. cil., t. Il, p. 73. a pensé que les 781 CONCORÉZIENS - concoréziens croyaient au libre arbitre: d’après P. Alphandéry, Les idées morales chez les hétérodoxes latins au début du xilt’ siècle, Paris, 1902, p. 96, cette croyance au libre arbitre este formellement niée » dans deux textes publiés par Dollinger, op. cil., t. il, p. 326, 612. Cela est vrai du premier de ces textes, mais il traite des cathares en général, non des concoréziens en particu­ lier; l’autre concerne les dualistes mitigés et prèle à certains d'entre eux celte croyance que, parmi les anges, les uns péchèrent par contrainte, les autres li­ brement. I. Sources. — Salve Burce, Liber qui Supra stella dicitur, CONCOURS DIVIN 782 vîtes, à tous les effets de tous les êtres créés; concours universel, concursus universalis, parce que, procédant de la cause universelle de tout ce qui existe, il atteint, pénètre et soutient jusque dans leur fonds toute action, tout effet de chacune des causes secondes. Par opposi­ tion. le concours divin spécial, concursus specialis, est celui qui n’est donné que pour certaines opérations et dans certaines hypothèses : cas de la création des âmes et des actes surnaturels. Une autre distinction importante dans la question de la coopération divine est celle que les théologiens éta­ blissent entre le concours in aclu primo et le concours in aclu secundo. Le premier est l’éternel décret de la dansl. von Dollinger. Beitrage zur Sektengeschiehle des Mittel· volonté divine — l'acte immanent par lequel l ieu veut alters, Munich, 4890, t. u, p. 52-84; Rainier Sacconi, Summa de catharis et leonistis Seu pauperibus de Lugduno, dans concourir avec les causes créées d’une manière con­ Marténe et Durand, Thesaurusnovus anecdotorum, Paris,1717, forme à leur nature, en tant que ces causes font ce qui t. v, col. 1701, 4767-1708,1773-1774; Pseudo-Rainier ou anonyme leur est propre, concursus oblalus, concursus hypothe­ de Passau, Liber contra waldenses haereticos (titre taux), ticus. Le second est la réalisation contingente de ce dans M. de la Digne, Biblioth. Patrum, tr édit., t. IV b, col. 755, décret éternel de la volonté divine qui a traita l'acti­ 759, 763. L'apocryphe intitulé : Joannis et apostoli et evangelislæ vité et à l’effet de la cause créée, en tant que Dieu pro­ interrogatio in cæna sancta regni cieloruni de ordinatione duit, immédiatement avec les créatures, et leur activité mundi et de principe et de Adam, a été publié par J. Benoist, Histoire des albigeois et des vauduis, Paris, 1691, t. t, p. 283, et leurs effets, concursus collatus, exhibitus, actua­ 296: J. C. Thilo, Codex apocryphus Novi Testamenti, Leipzig, lis, etc. L'un est en soi simple, mais virtuellement mul­ 1832, t. 1, p. 884 sq. ; C. U. Datin, Geschichte der Kelzer im tiple, multiplex, non seulement par rapport aux êtres Millelalter, Stuttgart, 1847, t. n, p. 815-820; Dollinger, op. cit., variés auxquels il est offert, mais aussi par rapport à un t. u. p. 92-97. Voir trois textes non datés dans Dollinger, op. cil., seul et même sujet : cas de la volonté libre. L'autre, au t. 11, p. 320, 326-327. 612. La table de concordance des opinions contraire, est, â tous les points de vue, simple et indi­ des diverses sectes cathares, conservée par Peregrinus Prisciaviduellement déterminé. Le concours in aclu secundo nus. a été publiée par L. A. Muratori, Antiquitates italicx medii xvi, Milan, 1741, t. v, col. 93-96: Richini dans ses notes de l'Adest ce qu’on appelle proprement le concours. tiersus cuih n os et waldenses de Moneta de Crémone, Rome, 11. Existence. — 1° Certitude et adversaires. — La 1743. p. xxt-xxui ; C. U. Hahn. op. cit., 1845, t, t, p. 528-532. doctrine de la coopération immédiate de Dieu est affir­ II. Travaux. — 11 n’y a pas un bon travail d’ensemble. Ce que mée comme vraie par tous les théologiens et tous les n us avons de plus complet c'est encore C. Schmidt. Histoire et philosophes chrétiens. Plusieurs la représentent comme doctrine de la secte des cathares ou albigeois. Paris. 1847,1.1, faisant partie du e saint Thomas. — 1« Énonce général. — Nous trouvons l’expression la plus claire et la plus brève de la doctrine de saint Thomas dans son commen­ taire sur les Sentences de Pierre Lombard, 1. II, dist. X.XXVII, q. Il, a. 2. Le saint docleur s’adresse à ceux qui prétendaient que les péchés, au point de vue tout matériel de l’acte, ne sont pas de Dieu : W®c opinio propinquissima est errori duplici. Primo, quia ex ea videtur sequi quod sunt duo principia: hoc enim est de. ratione primi principii ut agere possit sine auxilio prioris agentis et influentia, ejus, unde si voluntas humana actionem aliquam posset producere, cujus auctor Deus non esset, voluntas humana rationem primi principii haberet; quamvis solvere hoc nitan­ tur, dicentes quod voluntas, etsi per se possit actionem producere sine influentia prioris agentis, non tamen a se habet esse, sed ab alio, quod etiam exigeretur ad rationem primi principii. Sed hoc videtur inconve­ niens, ut quod a se non habet esse, a se agere possit, cum etiam a se durare non possit, quod a se non est. Omnis enim virtus ab essentia procedit et omnis ope­ ratio a virtute unde cujus essentia ab alio est [non quoad fleri tantum sed quoad esse, cf. Sum. theol., I’, q. civ, a. 1| oportet quod virtus el operatio ab alio sit. El praeterea quamvis per hanc responsionem evitaretur quod non esset primum simpliciter, non tamen posset iilari, quin esset primum agens, si ejus actio in ali­ quid prius agens non reduceretur, sicut in causam. Secundo, quia cum actio peccati sit ens quoddam, sequeretur, si actiones peccati a Deo non sunt, quod aliquod ens essentiam habens a Deo non esset; el ita Deus non esset universalis causa omnium entium, quod est contra perfectionem· primi entis. 2» Des différents modes de la coopération de Dieu aux actions des créatures. — En plus d’un endroit, -lint Thomas rappelle que cette coopération a des modes divers. Et il en signale quatre ou cinq. La ques­ tam est surtout traitée, De potentia, q. ni, a. 7. Le doct-ur angélique y exprime sa pensée en formulant les conclusions suivantes : Sic ergo Deus est causa actionis ■ ujuslibel in quantum dat virtutem agendi el in quantum conservat eam et in quantum applicat aclioui et in quantum ejus virtute omnis alia virtus agit. — Dans le premier et dans le second cas, Dieu ne concourt que médiatement à l’action des créatures ; niais dans le troisième et le quatrième, son concours est en outre et surtout immédiat ; voici comment : Le troisième mode signale spécialement la manière dont Dieu, par le secours immédiat qu’il lui donne, rend la force créée, dans toute la rigueur du terme, capable de manifester sa propre énergie. Car au sens strict applicare c’est mettre une chose en état de faire immédialement valoir sa propre force, de réaliser son pou-uir. Le quatrième mode exprime comment la créature agissant sous l’influence immédiate de Dieu, in virtute Dei. déploie une activité et une efficacité dont, laissée a ses seules forces, elle n’eût jamais été capable. Cet exposé ne signale pas un cinquième point de vue que saint Thomas indique ailleurs : celui de Dieu cause ae tout mouvement parce qu’il en est la raison el la fin. 780 « Le bien, terme de toutes les tendances de l’être, qu’il soit réel ou apparent, n’est le bien que par ressemblance avec le souverain bien qui est Dieu. » Sum. theol., 1°, q. cv, a. 5. Toutefois, ce mode de causalité de la cause première est inclus dans l’octroi de forces motri­ ces fait à la créature dans la création elle-même. Car chaque force motrice créée est ordonnée natura sua à quelque bien et par conséquent, d’une certaine manière, à Dieu. Ce que saint Thomas explique au même endroit. Voir aussi Cont. gent., I. III, c. j.xvn. n. 2-6; c. i.xx. D’après ce que dit saint Thomas, Coni. genl., I. III, c. Lxvn, n. 2, on est en droit de conclure qu’outre l’ap­ plication de la force créée par le concours immédiat de Dieu, il admet un autre mode d’application de celte force: dans ce passage, en effet, il conçoit cette appli­ cation comme la constitution de la cause seconde in aclu primo proximo, et il s’agit de l’acte premier com­ plet du côté de la créature, ifssurément, celle applica­ tion est elle-même impossible sans concours immédiat: elle consiste, en effet, en ce que les divers éléments créés soient les uns vis-à-vis des autres mis en relation de la façon qui convient à l’exercice de leur activité ; ce qui doit se faire soit par mouvement local ; soit, dans les actes intellectuels, par introduction d’espèces intel­ ligibles ; soit, dans les actes de la volonté, par présen­ tation de l’objet. Or, dans tous ces cas. le concours di­ vin, immédiat, est nécessaire. Et ici encore, il convient de dire que ce point de vue est inclus dans celui qui a été indiqué plus haut, quand saint Thomas nous parlait du troisième mode de la coopération de Dieu aux actions des créatures. De potentia, q. ni, a. 7. 3» Conséquences de celte doctrine. — De ce qui vient d’être dit découlent quelques conséquences importantes : I. Toute cause créée peut, dans un certain sens, être appelée cause instrumentale par rapport à Dieu. — Car c’est sous l’action immédiate de Dieu qu’elle produit chacun de ses effets et ceux-ci dépassent sa propre force. Or ce qui caractérise la cause instrumentale, c’est de pouvoir, grâce à une force supérieure, produire un effet qui dépasse la seule capacité de l’instrument. Cf. De potentia, loc. cil., Sed ulterius; De veritate, q. xxu, a. 1, ad 5“m. D’ailleurs le rapport qu'il y a entre une cause principale et une cause instrumentale est la raison pour laquelle une seule et même opération peut procéder à la fois de Dieu et de la créature. Cependant, il faut convenir que la créature n’est cause instrumentale par rapport à Dieu que dans un sens quelque peu impropre et cela pour deux motifs : a) Le premier est qu’on ne saurait ni dans l’activité ni dans l’effet de la cause créée distinguer aucun élément qui, au sens plein du terme, lui soit propre, vienne d’elle seule et ne résulte pas tout d’abord de l’inlluence de la cause principale. Car dans l’activité et daris l’elfet de la cause créée tout est de Dieu en tant ou’étre, tout est de la créature en tant que tel être. — l>) La seconde raison de refuser à la cause créée le caractère intégral de cause instrumentale est que, dans son ordre d’être, la cause créée est la cause adéquate de l’effet et que l’elfet est pleinement â sa res­ semblance : mais il en est tout autrement dans le cas de la véritable cause instrumentale. In IV Sent., 1. IV. dist. I, q. I, a. 4, sol. 1“ ; dist. XIX, q. I, a. 2, -ol. 2·; Sum. lheol., IIIa, q. i.xii, a. 1. 2. Ce n'est aussi que dans unsens restreint que Dieu et la créature peuvent être appelés causes partielles. — Car en ce qui regarde l’elfet, la cause première et la cause seconde le produisent toutes deux en entier; Dieu n’en fait pas une partie et la créature une autre, même s’il s’agit de parties appelées intentionnelles. Mais tout dans l’effet est produit en commun par les deux causes, bien que chacune d’elles atteigne l’efet sous un rapport différent. D’autre part, entre Dieu comme cause et la créature n’intervient pas exactement la même relation qu’entre une cause partielle et une 787 CONCOURS DIVIN autre cause partielle qui la complète. Car cette relation impliquerait une certaine égalité des deux causes. Mais Dieu est la cause suprême non seulement en raison de l’absolue indépendance de l’opération divine, mais en­ core parce que c’est une propriété fondamentale de la cause première de donner et de produire toute activité et tout effet de la cause seconde. Cl. Cont. gent., I. Ill, c. lxx; De potentia, q. ni, a. 7, § Unde quarto; Suarez, De gratia, 1. Ill, c. χχνιι. 3. Il ne peut exister aucune véritable relation de causalité dans l'effet en tant qu’il vient de Dieu par rapport au même effet en tant qu’il vient de la créature. — .l’entends ici par effet l'activité et la réalité produites par la créatureavec l’aide de Dieu. La raison en est que là où il y a identité réelle, il est impossible qu’intervienne jamais une vraie relation causale. Cependant l'effet — on ne saurait assez le dire — doit beaucoup plus à l’in­ fluence de Dieu qu’à celle de la cause seconde. Car l’action divine est le fondement de l’existence actuelle de l'effet en tant que par Dieu l’effet participe à l'être; l’action de la créature au contraire n’entre ici en ligne de compte qu'en tant que par elle l’effet reçoit tel être. 4. Par suite, il est certain qu’on ne peut concevoir aucune entrée en activité de l’être créé, qui ne dérive pas de Dieu, au moins aussi immédiatement que de la créature. — Quand donc les molinistes disent que la créature libre détermine elle-même son opération et son activité, cette formule ne peut jamais signifier que la créature libre exerce la moindre activité indépendam­ ment de Dieu et sans son concours immédiat. Au con­ traire, les molinistes reconnaissent que tout entier l’acte par lequel la créature se détermine elle-même provient aussi immédiatement et aussi physiquement de Dieu que de la cause seconde libre. Ils font cepen­ dant remarquer que cet acte est vraiment une détermi­ nation de la cause seconde par elle-même. En effet, la cause première est déjà de toute éternité, en vertu de ses libres décrets, déterminée à concourir avec la cause seconde dans le temps, quel que soit l'usage que puisse faire celle-ci de sa libre activité; d’où il suit qu’au sujet de la cause première, il ne peut, d'aucune façon, être question d'un passage de l’état d’indétermination intrin­ sèque à l’état de détermination. Par contre, la cause seconde se détermine hic et nunc, par le fait qu’avec l’aide de Dieu elle choisit, parmi les dilférentes actions qui lui sont actuellement possibles, une action nette­ ment déterminée et l’exécute, bien qu’elle puisse en choisir et en exécuter une autre. La cause seconde qui jusqu’à cet instant était dans un état d’indifférence, tant intrinsèque qu'extrinsèque, passe donc, par elle-même, sous l’influence de Dieu, à un état de détermination. Cf. Suarez, De concursu, I. 1, c. XV, n. 6. IV. La coopération divine et le péché. — Toute la réalité de l'action moralement mauv?:se de la créature, précisément parce qu’elle n’est pas un pur néant, dérive, sans aucun doute, immédiatement et physiquement de Dieu. Mais Dieu ne coopère en rien à la malice de l’ac­ tion. Car, disons-le une fois pour toutes, le concours que Dieu donne au péché n'est pas mauvais. 11 n’y a en soi de mauvais que le libre vouloir du mal moral. Quant à l'acte par lequel la créature raisonnable exerce son vouloir, considéré dans son entité et absolument, il n'est pas mauvais, mais une chose de soi indifférente. C’est la créature, et elle seule, qui veut par cet acte; car il lui est immanent et à elle seule. Donc, directe­ ment Dieu n’a point de part à la malice de l'acte; car il n'y contribue que par un élément indifférent, dont abuse la créature en posant l’acte immanent par lequel seule elle veut le mal. On ne peut pas dire que Dieu veut le mal par cet acte. En outre, Dieu n’a pas part à la malice de l’acte, même indirectement. Car Dieu ne met son concours à la disposition de la créature : I” qu'en tant que ce concours est indilférent, c'est-à- 788 dire qu'il est, entre beaucoup d’autres, un de ces con­ cours avec lesquels la créature pourrait faire le bien; Dieu ne détermine donc en aucune façon la créature à s'en servir. 2» Ce concours, il est vrai, est mis à la dis­ position de la créature; mais par ses préceptes, par ses menaces, etc., Dieu la détourne et la retient d'en mal user. 3° Enfin, ce concours n’est oll’ert que pour assu­ rer à la créature sa pleine liberté, c'est-à-dire un choix pleinement libre. La coopération divine au péché n’est donc qu'une sorte d’acte permissif et que justifie pleine­ ment le principe de raison suffisante. Cf. Suarez, De gratia, 1. Ill, c. xt.vi, n. 18; Hontheiin, Theodic.,c. vu, n. 4; Frins, De actibus humanis, t. n, n. 409 sq.; De cooperatione Dei, p. 22. — Par contre, le concours que Dieu prête aux actions honnêtes, il l'offre avec le désir que la créature le mette à profit et, de son côté, il l'y aide par de nombreuses sollicitations. V. Concours et prédétermination physique. — Le concours immédiat physique el simultané que Dieu donne aux agents créés ne suffit pas à la plupart des thomistes. Ils veulent, en plus, une prédétermination physique. La prédétermination physique, d’après la doctrine thomiste, est une raison ontologique et phy­ sique communiquée par Dieu à la cause seconde el sans laquelle la créature ne saurait ni agir ni même com­ mencer à agir; mais par la force intrinsèque de cette raison, la créature est infailliblement eide nécessité mé­ taphysique déterminée à produire sur le champ, natura posterius, une action déterminée. La prédétermination a ainsi la priorité de nature sur l’action de la créature, et elle détermine cette dernière infailliblement et de nécessité métaphysique à une action parfaitement dé­ terminée. Elle a lieu aussi bien dans l'ordre naturel que dans l’ordre surnaturel, où elle s'appelle la grâce de soi efficace, gratia natura sua et ab intrinseco efficax. 1° Arguments en faveur de la prédéterminalion physique. — La thèse de la prédétermination physique se prouve ordinairement par des arguments de raison et des arguments d’autorité. Les principaux arguments de raison sont au nombre de cinq. Les autres sont em­ pruntés à certaines manières de parler, qui se justifient pleinement dans la thèse moliniste et qui, par consé­ quent, ne sauraient avoir de valeur pour établir la pré­ déterminalion physique. On s’appuie, par exemple, sin­ ce que, d’après les scolastiques et surtout saint Thomas qui le répète souvent, les causes secondes n’agissenl que par la vertu de la cause première, in virtute prima· : elles sont, dans la production de l'elfel, causes instru­ mentales de la cause première, etc. : toutes formules qui restent vraies sans qu'il soit besoin d’admettre la prédétermination physique. Le premier argument de raison en faveur de la pré­ détermination physique s’énonce ainsi : Dieu est le premier moteur; donc tout mouvement, même libre, doit venir de lui. Or, il ne vient point de lui, s’il n’y a pas prédétermination physique, c’est-à-dire si la force créée ne reçoit de Dieu une impulsion telle qu’aussilôl el inévitablement il doive en résulter une action par­ faitement déterminée qui, d'ailleurs, sans celle impul­ sion, ne saurait être produite. Le second argument, qui a spécialement trait aux causes libres, est le suivant : La cause libre, même quand ’de son côté elle est constituée in actu primo proximo par la connaissance nécessaire et suffisante à l’acte libre, reste indéterminée et indifférente : elle peut choisir ceci ou cela. Or, ce qui est indéterminé et indifférent ne peut pas de soi-même et par sa propre vertu lever son indill’érence et passer de l'indétermina­ tion à un état déterminé. S. Thomas, Sum. theol., I», q. XIX, a. 3, ad 5”">. Il faut donc que Dieu intervienne: il le fait par la prédétermialion physique. S’il ne le faisait pas, l'activité libre de la créature ne serait plus pour Dieu qu'un phénomène fortuit égaré hors du domaine 789 CONCOURS DIVIN de sa prescience. Ajoutez que, puisque Dieu est le pre­ mier moteur, il doit donner le branle à l'activité de la volonté libre. D’n troisième argument est tiré de ce fait : Dieu n’a pas d’autre moyen de connaître avec certitude les actions libres de la créature. Car tous les autres fac­ teurs qui ont leur part d’influence sur la volonté libre ne laissent établir la connaissance certaine de la déci­ sion libre prise par la créature. Orque la connaissance divine, doive être certaine c'est ce dont, pour divers motifs, il n’est pas permis de douter. Le quatrième argument consiste en ce que, si l'on n’admet pas la prédétermination physique dans le do­ maine surnaturel, c’est-à-dire si l’on n’admet pas la grâce de soi et intrinsèquement efficace, Dieu est comme désarmé vis-à-vis de la créature. Et cependant Dieu doit, ainsi que le remarque saint Augustin, Enchiridion, c. XCV1II, P. L., t. xi,, col. 277, pouvoir, quand et comme il veut, tourner au bien les volontés humaines les plus obstinées dans le mal. Or, sans la prédétermination physique, Dieu n'a à sa disposition que des moyens moraux de détermination, moyens dont l’efficacité n'est jamais parfaitement assurée. Par le fait même, et c’est le cinquième argument, le fondement de la prédestination est déplacé : ce n’est plus la volonté divine qui est l'élément premier et dé­ cisif de la prédestination, mais bien la volonté humaine. Celle-ci décide en première instance et sans appel si la grâce offerte est ou n’est pas efficace. Or c'est de l'effi­ cacité des grâces données que dépend en fin de compte la prédestination. Aussi faut-il pour ce motif affirmer la prédétermination physique, seul moyen de remettre toute la prédestination entre les mains de Dieu. 2° Béponse aux arguments des thomistes. — Au pre­ mier argument les molinistes répondent que, dans leur système aussi, tout mouvement d'une force créée tire son origine et sa raison d’être de la cause première. Car Vaclus primus proximus de la cause créée, sans lequel l'opération est impossible, dépend toujours, dans sa réalisation, de Dieu et du concours divin. La cause libre ne fait pas exception à celte loi. La volonté libre ne peut donc rien si Dieu ne prépare, de son côté, l’acte libre et n’achève de le rendre adéquatement possible en offrant son concours. Quant à l'action libre ellemême, elle dépend également de Dieu dans tout son cours. Mais si l'on suppose que le mouvement de la cause libre in actu secundo est dù à la prédétermination physique, la liberté de tout le mouvement disparait : elle n'est plus qu'une fiction, comme nous le montrerons bientôt. Le second argument est également inacceptable. La majeure sans doute est exacte, mais il faut faire des dis­ tinctions au sujet de la mineure : il est vrai qu’une puissance indéterminée et indifférente ne peut jamais se déterminer elle-même par ses propres forces et que, sans le secours de Dieu, elle est absolument incapable; mais si le concours est offert et présent, rien n'empêche quelle se détermine elle-même, supposé que la volonté soif placée par l’intermédiaire de la connaissance dans les conditions requises pour agir in actu primo proxi­ mo. Si on dit alors qu’elle est capable de se déterminer elle-même, c'est que son indétermination ne résulte pas d'une imperfection, d’une incapacité. Quand les alter­ natives du jugement indifférent sont présentes à l’esprit, alors si la volonté libre reste indifférente et indélerminée, ce n’est pas qu’elle manque d'un élément requis pour qu elle ait la puissance d'embrasser, c’est-à-dire de vouloir chacune des alternatives proposées. L’état j indifférence et d’indétermination, ou elle se trouve, résulte de la supériorité de son pouvoir, ex eminentia .· <æ potestatis. Le jugement indifférent lui présente toujours l’objet sous divers aspects opposés entre eux : t un bon. l'autre mauvais, l'un agréable, l’autre dur ou 790 pénible. La vigueur native du libre arbitre, grâce au I jugement indifférent, est mise à même de vouloir l'un ou l’autre des partis qui s'offrent à la volonté; ce qui n'empêche pas au reste que l'indétermination de la vo­ lonté persiste jusqu'à ce qu’elle se soit décidée et déter­ minée elle-même. Qu'elle en ait le pouvoir, c’est ce qu'exigent sa nature et sa fin ; sa lin, car la faculté de vouloir tend essentiellement à se donner à elle-même et à donner à la personne, en outre des inclinations ré­ sultant des penchants naturels, d'autres inclinations actuelles et spontanées; sa nature, car la volonté a ceci de particulier que ses actes ne tendent pas seulement vers l’objet, mais qu'avec l’objet ils sont eux-mêmes [ voulus. D'ailleurs, l’indifférence du libre arbitre n'est | nullement passive; elle est vraiment active, ce qui si­ gnifie que le libre arbitre n’est point déterminé par une i cause extérieure, mais se détermine lui-même. | Il faut concéder au troisième argument une grande part de vérité. Aucun des éléments qui concourent à j l’acte libre, absolument aucun, ne nous renseigne avec certitude sur la décision dernière du libre arbitre. La plus parfaite compréhension de la volonté et de ce qui influe sur elle ne pourra jamais, tant que la liberté du choix demeure intacte, taire connaître l’acte libre d’une manière infaillible. Telle était l'intime conviction de saint Thomas; il ne cesse de rappeler que les actes libres ne peuvent être connus que quando sunt in seipsis. L’acle ne peut être prévu autrement, même pas dans un decret prédéterminant. Cf. Sum. theol., I», q. xiv, a. 13, in corp, et ad 3““; q. i.xxxvi, a. 4; II» 11”, q. ci.xxi, a. 6, ad lum; De veritate, q. n. a. 12, et ad T""; De malo, q. xvi, a. 7; In IV Sent., I. L dist. XXV1IL q. I, a. 5; Cont. geni., L I, c. lxvii, n. 1. 2; c. lxvi, n. 6, etc. Ainsi Dieu connaît les actes libres de toute éternité, in œternitale. Il les connaît avant le décrétée la création du monde. Avant de vouloir créer. Dieu devait, pour agir avec sagesse, savoir ce qu’il adviendrait de son œuvre. Il avait donc une science dont l’objet peut s’énoncer de cetle manière : Si je crée tel ou tel être libre et s’il se trouve placé dans telles ou telles conditions qui lui rendront possible sa libre acti­ vité, cet être posera certainement tel acte déterminé, tout en conservant d’ailleurs le pouvoir d’en poser un autre, scientia media. Dieu se décide-t-il à tirer tel être libre du néant et à le mettre en fait, directement ou indirectement, dans les conditions nécessaires à son activité, il prévoit avec certitude l’acte concret que cette créature libre posera librement. C'est ainsi que saint Augustin, saint Thomas et beaucoup d'autres expli­ quent, sans recourir à la predetermination physique, la prescience des futurs libres. Cf. S. Augustin, De diversis quæst. ad Simplic., c. il. n. 13, P. L., t. xl. col. 118; De civitate Dei, 1. V, η. 9, P. L., t. xli, col. 150: De dono perseverantiae, c. xiv, n. 35; c. xvu, n. il. P. L., t. xi.v, col. 1014, 1018. Pour saint Thomas, voir les passages indiqués précédemment. Évidemment, cette explication reste enveloppée d'une grande obscu­ rité. Mais rappelons-nous les paroles de l'Ecriture : Mirabilis facta est scientia tua ex me, confortai i ■ el non potero ad eam. Ps. cxxxvni, 16. Or. si I on re­ court à la prédétermination physique afin d'expliquer la prescience divine des actes libres, non seulement on supprime ce mystère de la science de Dieu, que nonfait connaître la révélation divine, mais on détruit la liberté des actes humains, sans compter, comme nous le verrons, que l'on s’engage dans beaucoup d’autres difficultés considérables. Le quatrième argument se réduit à ceci : en écartant la prédétermination physique, on enlève à Dieu le pou­ voir de déterminer, à son gré, la volonté libre. Nous répondons : Assurément la puissance de Dieu est infi­ nie, mais tout infinie qu'elle est, elle ne peut réalise: ce qui implique contradiction, puisque ce serait de la 791 CONCOURS DIVIN part de Dieu réaliser ce qui se détruit lui-même. Or c’est précisément ce (|ui arriverait si Dieu prédétermi­ nait physiquement â un acte libre. D’une part, en eltet, la prédétermination physique déterminerait irrésisti­ blement la volonté à un acte déterminé, et de l’autre néanmoins, la volonté devrait garder la liberté de se déterminer elle-même ainsi ou autrement. Or il y a là une contradiction manifeste. D'ailleurs, on ne peut pas douter que Dieu ne possède dans les trésors de sa sa­ gesse et de sa puissance les moyens moraux les plus variés d’agir sur la volonté libre; et il peut prévoir, à coup sûr, que ces moyens vaincront la résistance de cette volonté et que par eux il atteindra son but, l’action naturellement ou surnalurellement bonne. Dans le cinquième argument, les thomistes affirment que, sans la predetermination physique, la prédestina­ tion ne dépend plus entièrement de Dieu. L’argument ne porte pas. La prédestination dépend entièrement de Dieu; dans la thèse molinislc, Dieu qui prévoit tous les ordres possibles des choses avec toules leurs consé­ quences, décide avant fout commencement de réaliser un ordre déterminé; en faisant cela, il fixe en même temps les secours, les grâces efficaces ou simplement suffisantes qui devront être accordées à chaque créa­ ture raisonnable. Comme, du reste, ce décret divin précède évidemment toute opération de la créature rai­ sonnable, il est clair qu’il dépend uniquement et exclu­ sivement de Dieu. Or ce décret inclut la prédestination. Celle-ci demeure donc en fin décompté entre les mains de Dieu seul, c'est ce que montre fort bien saint Au­ gustin, quand, parlant de la prédestination des saints, il la définit ainsi : Præscientia [id est, scientia conditionala] et præparalio [id est, electio et decretum] beneficiorum Dei, quibus certissime liberantur |a per­ ditione], quicumque liberantur. De dono perseveran­ tiae, c. xiv, n. 35, P. L., t. xlv, coi. 101 4. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I", q. xxm, a. 4, 5. 3° Démarqués sur quelques expressions de saint Thomas. — Les expressions de saint Thomas, auxquelles se réfèrent les thomistes pour prouver la prédétermi­ na lion physique, sont nombreuses; nous n’en relèverons que quelques-unes. Il convient tout d’abord d’expliquer le terme movere si familier au saint docteur. D'après les thomistes, il faut entendre ce mot î d'une impulsion donnée au mobile sous l'action de laquelle le mobile se meut, de sorte que le mouvement du mobile dépende de l’impul­ sion comme de sa cause ». Ainsi parle Réginald, O. P., De mente eoncil. Trid., part. I, c. lv. Ct. Goudin.O. P., Philosoph., part. IV. disp. H, q. m, a. 2; Duminermuth, O. P., S. Thomas et præmotio phys., p. 1C>1 sq. Or pareil mouvement doit nécessairement précéder l’action : il met en branle, et â l’impulsion première succède le mouvement même du mobile. Bien plus, ajoutent les thomistes, comme ce mouvement est ordonné par Dieu à son but précis qui est un acte de la volonté libre en­ tièrement déterminé, ce mouvement doit se confondre avec la prédétermination physique. Une telle impulsion vient en effet de Dieu et Dieu meut infailliblement, Sum. theol., 1“ Ilæ, q. x, a. 4, ad 3“"; l’acte libre doit donc se produire lui aussi infailliblement et avec une certi­ tude métaphysique sous l'influence de cette impulsion. Cl. Reginald, loc. cit., c. vu: Goudin, loc. cit.; Lemos, Panoplia, 1. HI, tr. II, c. xiv, n. 155 sq. L'argumentation que nous venons de rapporter sup­ pose qu'on restreint arbitrairement la notion de mou­ vement à une espèce déterminée de mouvement, alors que, pour saint Thomas, tout passage de la puissance à l'acte est un mouvement : Moverenihil aliud estquam educere aliquid de potentia in actum. Sum. theol., I“, q. 11. a. 3. Or, c’est ce que vérifie le concours simul­ tané. Quant à la prétendue identité entre la prémotion physique et la prédélermination physique, elle est tout 792 aussi contestable. Un mouvement, en effet, a beau être imprimé par Dieu et ordonné à un acte déterminé, il ne produit pas toujours cet acte. Que l’on se rappelle plutôt la grâce excitante : elle vient de Dieu, elle est ordonnée à un acte salutaire et cependant celui-ci n’est pas toujours posé. C’est pourquoi l’interprétation du passage cité de la I’ II’· nous semble être la suivante: la volonté propre de Dieu se montre toujours efficace, autrement dit. Dieu atteint toujours le but qu’il se propose. Veut-il vraiment et réellement donner à une volonté humaine les moyens de poser un acte bon, il lait en sorte que la volonté ait ces moyens; veut-il, en rigueur, que l’acte lui-même soit posé, il fait en sorte que l'acte soit posé. Et si l’on demande au saint doc­ teur comment la volonté divine atteint ainsi son but, on en trouve une explication suffisante dans l’article en question. Honlheim, Theodic., p. 295. Ailleurs, quand saint Thomas, Cont. gent., 1. III, c. Cxt.ix, n. 1 ; Sum. theol., I» H®, q. cxm, a. 8, semble enseigner que la motio moventis précède aussi bien réellement que logiquement, ratione el causa, la molio mobilis, le Ferrariensis et Cajelan, In lam IP, q. ctx, a. I ; In Pm, q. xm, a. 8, font déjà les remarques sui­ vantes sur ces textes : une expression de ce genre, spé­ cialement en ce qui concerne la causalité, ne doit cire entendue au sens propre que dans la mesure ou il a été prouvé au préalable que ce qui précède dans l’ordre logique, secundum modum considerandi, joue de fait un rôle causal et antécédanl. Mais on pourrait aussi entendre cetle formule des dill’érentes relations, habitu­ dines, qui existent entre le moteur et le mobile; car le fait de mouvoir se rapporte à la cause efficiente, à l’ac­ tion, et le fait d’être mû à la cause matérielle, à la passion. Or, la cause active précède toujours la cause passive. Cependant une relation de causalité physique entre les deux, entre molio moventis et motio mobilis, n’existe pas. Les thomistes se réclament encore fréquemment de ce passage du De veritate, q. vu, a. 13 : Omnes hujus­ modi effectus, scilicet futuri, qualescumqùe sint eo­ rum causse proximæ, tamen in prima causa sunt de­ terminati, quæ sua præsentia omnia intuetur et sua providentia omnibus modum imponit. Mais ce texte n'a pas de rapport avec la prédétermination physique. Un catholique pourrait-il nier qu’en Dieu sont simulta­ nément et distinctement présents, le passé, le présent et l’avenir, non seulement dans sa science, mais encore dans les décrets de la providence? Il ne niera pas da­ vantage que les anges — car c'est d'eux dont il est question dans ce passage — voyant Dieu face à face, puissent connaître en Dieu le présent, le passé et l'ave­ nir. Quant à la manière dont tout est déterminé en Dieu, c’est une question que saint Thomas ne louche pas ici. Cf. De San, De Deo uno, 1.1, p. 555; Frins, De coopera­ tione Dei, p. 201. Enfin les thomistes allèguent comme décisil ce texte du De potentia, q. m, a. 7, ad 7'"“ : Id qubd a Deo fit in re naturali, QVO ACTUALITER AGAT, est ut intentio sola, habens esse quoddam incompletum, per modum quo colores sunt in aere el virtus artis in instrumento artificis. Or, il suffit de lire ce texte avec calme pour voir quelle opinion il favorise. Manifestement, saint Thomas y parle d'un secours de Dieu, qui constitue l’action formelle, actualiter, do la créature. Or, cela se véritie-l-i! dans le concours simultané ou dans la prédé­ termination physique? 4» Arguments contre la predetermination physique. — 1. Nous n’admellons pas la prédélermination et la prémolion physique dans les causes non libres, par' qu’elle est su perdue. Ni le souverain domaine de Dieu ni aucune autre raison ne la postulent. Le souverain domaine de Dieu est pleinement sauvegardé par le con­ cours immédiat et par les divers modes d’actions qu·.· 793 CONCOURS DIVIN 794 Dieu peut exercer sur ses créatures. On dira peut-être ■ un acte libre? Les néo-thomistes répondent que Dieu prédétermine physiquement la volonté de telle sorte que la predetermination physique est du moins exigée qu’elle agisse librement à cause même de celte prédé­ par ce fait que Dieu doit appliquer ces causes d'une termination. Il faut observer que saint Thomas, dans manière spèciale et non pas seulement par le concours les passages dont cette réponse prétend s'inspirer, ne général. Mais cet unique argument ne conclut pas. Car, parle pas de la predetermination physique, mais d'une comme le remarque saint Thomas, ira IV Sent., 1. I, motion de Dieu dans les créatures. De cette motion, il dist.XLV. q.i.a.3: In omnibus quorum potentia activa dit qu’elle consiste en ceci que Dieu meut les créatures determinata est ad unum effectum, nihil REQUIRITUR de manière à ce que leurs opérations correspondenl à EX PARTE AGENTIS AD AGENDUM SUPRA POTENTIAM leur nature,qu’elles soient libres dans les causes libres, compléta.}/, dummodo non sil impedimentum ex de­ nécessaires dans les causes nécessaires. Et il en explique fectu recipientis ad hoc quod sequatur effectus, sicut le comment avec clarté. Sum. theol., Ia, q. xtx, a. 8; patet in omnibus agentibus ex necessitate naturie. 2. S'il s'agit des actes libres, la prédétermination 1“ Ilæ, q. x, a. 4, etc. Or, dans tous ces passages, il n'est pas question de la prédétermination physique. physique est non seulement superflue, mais elle en­ En même temps qu’elles cessent d’être libres, nos traîne logiquement des conséquences absolument inad­ actions cessent de nous être imputables. Elles ne peuvent missibles. pas être objet soit de louange soit de reproche ou moyen а) Elle est superflue, car rien ne l'exige, ni le do­ de mériter et de démériter. Ce qui va encore contre le maine de Dieu sur la volonté libre de la créature, ni la système de la prédétermination physique. nécessité d'enlever à cette dernière son indétermination De plus, pour expliquer que Dieu n’a aucune part â naturelle. En fait, Dieu a sous la main toute élection la malice de nos mauvaises actions et n'en est pas res­ de la volonté par cela même que son concours est né­ ponsable. nous avons dit que le concours simultané n’est cessaire. La créature ne peut donc rien sans Dieu. Dieu, qu’un moyen indill'érent, que ce moyen nous est olfert au contraire, peut, à son gré, obtenir de la créature de telle sorte qu’il dépend de nous d’en user ou de n'en toute décision positive, comme nous l’avons suffisam­ pas user, et que Dieu ne nous le donne pas sans raisons. ment montré plus haut en répondant au 4e argument Or on ne peut rien dire de tout cela dans le système de des thomistes. La nécessité d’enlever à la volonté son indétermination ne justifie pas davantage l’hypothèse la prédéterrnination physique, puisque celle-ci incline prédéterministe. Douée du plein pouvoir d’agir ou de irrésistiblement la volonté à l’acte mauvais. Plus exac­ ne pas agir, de vouloir ceci ou de vouloir cela, la vo­ tement, la prédéterrnination physique est la cause de lonté peut se déterminer librement à un bien particu­ l'action humaine tout entière, dans tous ses éléments lier; car de l'inclination naturelle au bien en général et sous tous ses rapports; d’où il suit qu’elle fait véri­ résulte dans la volonté une certaine tendance au bien tablement de Dieu la cause physique et morale de l’ac­ particulier, et la volonté par sa vertu active peut cor­ tion mauvaise dans son entier. Voilà Dieu cause du mal respondre â celte tendance. Par contre, si l'indétermi­ moral plus que ne le serait un simple conseil ou même nation ne pouvait être levée que par la prédétermina­ un suborneur. Cf. De malo, q. n, a. I. tion physique, il ne resterait plus d’acte libre, puisque Nous ne saurions comprendre que Dieu puisse prédé­ la détermination du sujet par lui-même est essentielle terminer physiquement à un acle mauvais un homme à la liberté de son acte et le sujet n’est plus suscepti­ jusqu'alors innocent, surtout si nous réfléchissons aux ble de détermination, s'il est déjà infailliblement déter­ terribles suites du péché mortel. On nous dit que Dieu miné à un acte par un autre. Cf. De veritate, q. xxn, peut prédéterminer à l’acte mauvais dans le but de ma­ a. 6, ad lum; a. 4, etc. nifester ses attributs et spécialement sa justice vindica­ б) Les conséquences de lapréde'lerminalion physique tive. Mais agir ainsi, n’est-ce pas tout simplement em­ sont inadmissibles. — Et d’abord, elle détruit la liberté ployer un moyen déshonnête pour une bonne fin ? Et de nos actions. Car si Dieu nous prédétermine physi­ comment parler de justice, quand la cause de l’acte quement à un acle, infailliblement et de nécessité· méta­ incriminé n’est pas libre? physique, nous poserons cet acte, étant donnée l’effica­ Le mystère de la prescience divine, si fortement affir­ cité intrinsèque de la prédétermination physique; et mée dans la sainte Ecriture, est détruit par la pré-déter­ nous ne pourrons pas en poser un autre. Que si, au mination physique. Quel mystère y a-t-il à ce que Dieu contraire, Dieu nous refuse celte predetermination, connaisse très exactement les actes auxquels il nous nous ne pouvons rien faire pour l’obtenir. Pour cet acte prédétermine physiquement? encore il faut être physiquement prédéterminé. Cf. Enfin, pour toucher encore à un point importtint, Alvarez, De auxiliis, disp. XIX, concl.3». Donc, puisque si la grâce efficace est une prédéterrnination physique notre liberté consiste essentiellement en ce que, à de l'ordre surnaturel, la grâce vraiment et purement l'instant où nous nous déterminons, nous pouvons vou­ suffisante cesse d’exister. Car quand il est question loir ou ne pas vouloir, vouloir ceci ou vouloir autre d’agir réellement, un moyen est insuffisant, si à ce chose, dans l’hypothèse de la predetermination physique, moyen, pour que je sois en état d’agir, doit nécessaire­ notre liberté n’existe plus. Voici ou nous en sommes : ment s’en ajouter un autre d’essence dillérente. Dans le si Dieu ne nous prédétermine pas, il nous est impos­ système de la prédétermination physique, la grâce effi­ sible de poser l'acte; si Dieu nous prédétermine, il nous cace est quelque chose qui diffère entièrement, toi" est impossible de l’omettre. genere, de la grâce suffisante et qui est absolument La distinction classique du sensus compositus et du nécessaire pour que l’action suive. Il en est tout autre­ sensus divisus ne résout pas cette difficulté. L’homme ment, si la grâce tire son efficacité non de sa propre pré-déterminé à agir, nous dit-on, pourrait ne pas agir entité, natura sua, mais de la prescience divine. Une et celui qui n’est pas prédéterminé à agir pourrait agir; grâce physiquement la même peut alors être tantôt effi­ • ntendez in sensu diviso a non actu pour le premier, cace, tantôt inefficace, suivant l’attitude que prend ab actu pour le second. Mais en fait celle possibilité l’homme à son égard. C’est ainsi que saint Augustin dont on nous parle revient à dire : l’homme, en raison concevait l’efficacité de la grâce. Voir les passages allé­ d’un principe d’action qui ne dépend pas de lui — la gués plus haul, col. 790. Cependant, il reste vrai de prédéterrnination physique — n’a en réalité le pouvoir dire : Quid habes quod non accepisti? Car Dieu, même ni d’omettre l’acte ni de le poser; prédéterminé, il faut en ce cas, donne la grâce qu’il sait être efficace et qu’il qu'il agisse; non prédéterminé, il ne peut pas en réalité· veut être efficace, et par conséquent il donne, comme agir. Or, qu’esl-ce que ma liberté, si tout en ayant le cause première, absolument tout. Les thomistes ne pouvoir physique d'agir, je ne suis pas en état de poser peuvent pas prétendre qu aprés réception de la grâce 795 CONCOURS DIVIN - CONCUBINAGE suffisante, il dépend de l’homme d’obtenir la grâce effi­ cace : cela est faux dans le système prédéterministe, puisque, d’après ce système, l'homme ne peut que ce à quoi Dieu l’a physiquement prédéterminé. 5° Quelques doctrines de saint Thomas en opposition avec la prédétermina lion physique. — 1. Bien que saint Thomas, en plus d’un endroit, cf. Cont. gent., 1. III, c. lxvii, n. 2-6; Sum. theol., I*, q. cv, a. 5; De potentia, q. ni, a. 7, expose avec précision les différents modes de la coopération divine aux actions des créa­ tures, nulle part il ne signale la prédélermination phy­ sique. 2. Il rappelle très souvent que la créature libre se détermine elle-même et n'est (physiquement) prédéter­ minée par personne. De veritate, q. xxn, a. 6, ad 1“m; a. I; In IV Sent., 1. II, dist. XXXIX, q. i, a. 1. C’est mime dans ce fait qu'il découvre l’essence du libre arbitre et le caractère qui distingue les créatures libres , q. cxvi, a. 3; De veritate, q. vi, a. 3, ad 8"m; Quodlib., XII, a. 3, ad 2““; In I V Sent., 1. I, dist. XLI, q. i, a. 3, ad 5“m, etc. — Saint Thomas enseigne ailleurs. De veritate, q. vi,a.3, que la prédestination consiste dans le choix que Dieu fait du prédestiné et non seulement dans la prescience divine. Cette doctrine qui, au premier abord, parait contredire celle que nous exposons, se concilie parfaitement avec elle, pourvu qu’on n’oublie par les deux faces du pro­ blème. Si l’on demande : D’où viennent la certitude et l’infaillibilité du décret divin de prédestination, on doit répondre qu’elles viennent de la prescience absolument certaine que Dieu a du développement inlégral de l’or- | dre choisi par lui entre les ordres possibles qu’il pou­ vait choisir. Si l’on demande au contraire : Pourquoi ce décret de prédestination dirige-t-il avec certitude, il faut alors répondre tout simplement que c’est parce que Dieu l a librement voulu ainsi. Cf. De San, De Deo, t. I, p. 603 sq., note. 4. A la question comment Dieu peut-il connaître nos adions libres, saint Thomas ne répond jamais et nulle 796 part en faisant appel au décret de la prédétermination physique, mais toujours et partout en disant qu’il voit nos actes libres dans son éternité et en leur réalité. Et cependant la première explication eût été si simple et si facile, tandis que la seconde est pleine de difficultés et de mystères! Cf. en outre des textes indiqués plus haut, col. 790, les passages suivants : De malo, q. xvi, a. T; De veritate, q. n, a. 12, et ad I"™; Quodlib., XI, a. 3; Compendium theologiæ, c. cxxxjtr. Il y a plus : toute connaissance des actions libres dans leur cause n’est que conjecturale, cognitio conjecturalis. Sum. theol., 1«, q. xtv, a. 13. 5. Enfin toute forme, réellement inhérente â une puissance et d’où résulte l’action sans possibilité du contraire, supprime la liberté et rend l’action réelle­ ment nécessaire. Sum. theol., I», q. xtv, a. 13, ad 3”m. Or tel est précisément le cas de la prédétermination physique. La bibliographie du sujet est considérable. Nous signalerons seulement les ouvrages les plus importants : Molina, Concordia libertatis cum graiire donis, Lisbonne, 1558; Suarez. De con­ cursu, 1. Ill; De gratia, 1. Ill, V; Metaph., disp. XXII, etc.; Alvarez, De auxiliis; Goudin, Philosophia juxta' inconcussa tutissimaque S. Thoniæ dogmata, part. IV; Livin de Meyer, Historia controversiarum de divinre gratiæ auxiliis contra Sarpi hist. congreg. de auxiliis, etc. Parmi les travaux récents on peut consulter : Schneeman. Controversiarum de diviore gra­ tia’ tibertalisque concordia initia et progressus. Fribourg-cnHrisgau, 1881 ; Dummermuth, S. Thomas et doctrina præmotionis physicæ, Paris. 1892; Zigliara, Theol. nat.. Rome, 1876; Hontheim, Theodic., Fribourg-en-Brisgau, 1893 : Urraburu, Theodic., Valladolid, 1900, t. n; De San, De Deo uno, Lou­ vain. 1894, 1.1; ces deux derniers auteurs traitent spécialement la question et avec le plus de précision. V. Frins. CONCRETS (TERMES). — i» La beauté, la bonté, la rougeur, le mouvement n’existent pas. Ce qui existe, ce sont des êtres beaux, bons, des corps rouges ou mo­ biles; ou plutôt les qualités que nous venons d’énumérer n’existent que dans des sujets qui les possèdent â des degrés divers. Mais elles peuvent être conçues par notre esprit en dehors de ces sujets et en elles-mêmes. Il y a des termes pour exprimer ces deux états d’une qualité existante dans un sujet réel ou conçue en dehors du sujet : les premiers sont les termes concrets, les autres sont les termes abstraits : noms bien choisis, puisque « concret » veut dire uni, mélangé à quelque chose, c’est-à-dire à un sujet, etqu’ «abstrait » veut dire séparé et distingué de quelque chose, c’est-à-dire du sujet. 2" H y a des degrés dans le concret et dans l’abstrait. Si je dis « Pierre », j’ai le concret parfait, l’individu un et réel; là pas d'abstraction. Si je dis « homme », j'ai un premier degré d’abstraction, j’élimine par la pensée les caractères individuants pour ne garder que ceux qui constituent l’espèce humaine; mais le terme reste concret dans une certaine mesure, puisque « homme » veut dire un sujet appartenant à l’espèce humaine. .le passe, au contraire, à l'abstraction parfaite, si je dis « humanité », car la qualité qui fait l’homme y est ex­ primée purement et simplement sans aucun sujet. Pierre est donc le concret parfait; humanité, l'abstrait parfait; homme, l’abstrait-concret. 3’ L’usage des termes concrets est délicat en théologie, quand il s’agit en particulier de la sainte Trinité, de l'incarnation ou du rôle de la B. V. Marie; il est corré­ latif à celui des termes abstraits. Nous l’avons déterminé à l’article Abstraits (Termes), t. i, col. 282-286. A. Chollet. CONCUBINAGE. - I. Nature. IL Caractère dis­ tinctif. III. Malice morale. IV. Sanctions canoniques. V. Absolution des concubinaires. I. Nature. — Selon tous les théologiens, le concubi­ nage consiste dans l’habitude contractée par deux-per­ sonnes, libres par ailleurs, de vivre maritalement. Il importe peu que les personnes habitent la même mai­ 797 CONCUBINAGE son, ou vivent dans deux résidences séparées; ce qui caractérise leur faute, ce sont les rapports illicites en­ tretenus par elles. Le concubinage peut être public ou occulte, selon que les coupables sont notoirement con­ nus, ou non, pour avoir des relations charnelles. Quelques auteurs ont voulu comprendre sous le nom de concubinage, même le commerce adultérin. Mais il faut nettement distinguer le simple concubinage de 1 adultère, qui constitue, en soi, un crime plus grand que la simple fornication. On ne peut donc les con­ fondre sous la même dénomination. Voir t. t, col. 464465. Ainsi, comme la fornication, le concubinage peut être appelé simple, s'il intervient entre personnes libres de tout autre lien, soit de mariage, soit de parenté ou Qui l’a indiqué que tu es nu, dit-il à Adam, sinon que tu as mangé du fruit que je t’avais défendu? » ί. 11. La dé­ sobéissance a déchaîné la concupiscence. Dieu lui même nous en donne l’assurance par une révélation. Et désor­ mais toutes les génêralions humaines en seront les tristes victimes. Cf. S. Irénée, Ci.nl. hier.. L II. c. xxxn, P. G., t. vu, col. 959; S. Chrysostome, In Gen., homil. xv, 807 CONCUPISCENCE η. 4, P. G., t. un, col. 123; homil. xvi, η. I, col. 126; S. Jean Damascene, In fie. aref., n. 3, P. G., t. xevi, col. 382; S. Augustin, De civitate Dei, 1. XIV. c. ιχ-χι, P. L., t. xu, col. 413-118; c. xvn, col. 425; De Genesi ad lilt·., I. XI, P. L., t. xxxiv, col. 429; Cont. Jul., 1. IV, c. xvi, n. 82, P. L., t. Xl.iv, col. 781 ; S. Thomas, Sum. theol., I·, q. xcv, a. 2; 1“ II®, q. tx.xxit, a. 3; Suarez, De opere sex dierum, I. Ill, c. xil, n. 4 sq. 2° La permanence de cette révolte de la chair, venant après la création à l'état de justice originelle, devient ■un signe historique et une preuve de la chute primitive. C’est l'affirmation explicite de Dieu lui-méme. Vous avez constaté votre nudité, dit-il au premier couple, en d’au­ tres termes, les mouvements déréglés de la concupis­ cence se sont fait sentir à vous; donc vous m'avez désobéi. C'est une induction précise : le fait de la con­ cupiscence prouve la chute. Est-ce à dire cependant qu'on puisse, avec les traditionnalistes, des misères morales humaines et du triste tableau des passions de l’homme tirer une preuve certaine de la chute originelle? Non. Il faut à la preuve d'autres éléments. Dieu conclut du fait de la concupiscence:! rexislencedelafaiite.nar:·" qu’lisait qu’il a créé l’homme â l’étatde justice originelle et d'exemption de toute concupiscence. Etant posée la certitude de la justice primitive, si l'homme en parait dépouillé, on peut conclure qu'il s'est passé enlre temps un événement qui l’a fait déchoir, lequel événement est la faute des premiers parents. Mais élant donnée la seule connaissance de la nature humaine en elle-même et de sa dépravation actuelle, on ne peut conclure l'existence de la chute originelle, parce que Dieu pouvait créer l’homme à l'étal de pure nature dans lequel il eût été soumis aux mêmes instincts dépravés, aux mêmes inclinations mau­ vaises, à la même concupiscence qu’actuellement. La preuve de la chute tirée de la concupiscence exige donc au préalable la connaissance révélée de l’élévation ori­ ginelle â une situation privilégiée de dons surnaturels et préternaturels. 3’ La concupiscence est plus qu’un effet et un signe du péché originel, elle en est comme un élément maté­ riel, une peine et un principe propagateur. Saint Tho­ mas l’explique avec sa lucidité ordinaire. Dans le péché originel, il y a, dit-il, une partie formelle et une partie matérielle; la première est l'éloignement par rapport au bien immuable, la seconde est l'attachement aux biens périssables. In peccato primi parentis luit aliquid for­ male, scilicet aversio ab incommutabili bono, et ali­ quid materiale, scilicet conversio ad bonum commu­ tabile. En se détournant des biens immuables, l'homme a perdu le don surnaturel de la justice originelle; en se tournant vers les biens périssables, il a rompu l’har­ monie qui soumettait â la raison les forces inférieures et fait déchoir celles-ci. Ex hoc autem, quod aversus fuit ab incommutabili bono, donum originalis juslitve amisit; ex hoc vero quod conversus est inordinate ad commutabile bonum, inferiores vires quæ erigi debe­ bant ad rationem, depressæ sunt ad inferiora. La vo­ lonté était la maîtresse et doit l'étre encore, elle doit être le principe moteur des autres forces humaines : celles-ci doivent passives obéir à son impulsion. Or, dit l'ange de l’Ecole, les principes moteurs représentent les éléments formels des choses, les principes passifs représentent les éléments matériels. Inter superiores vires quæ suscipiunt defectum per originem traductum secundum rationem culpae, una est quæ omnes alias movet, scilicet voluntas, omnes autem aliæ moventur ab ea ad suos actus; semper autem quod est ex parte agentis et moventis est sicut formale, quod autem est ex parte mobilis et patientis est sicut materiale. La concupiscence étant un mode des facultés destinées à être mues par la volonté, représente l’élément matériel du péché. La vraie faute formellement réside dans la . lonté. Et ideo cum carentia originalis justitiæ se 808 habeat ex parle voluntatis, exparte autem inferiorum virium a voluntate molarum sitpronitas ad inordinate appetendum, quæ concupiscentia diei potest, sequitur quod peccatum originale in hoc homine vel in illo, nihil est aliud quam concupiscentia cum carentia originalis iusliliæ, ita tamen quod carentia originalis justitias est quasi formale in peccato originali, concupiscentia autem quasi materiale. De malo, q. iv, a. 2. Ci. Jn 1 Sent., dist. XXX, q. I, a. 1. Nous avons ajout:’·, avec l’ange de l’École, que la con­ cupiscence est mie peine du péché originel, et, en ellet, elle en est une conséquence douloureuse, voulue par Dieu; elle est une privation providentielle de privileges primitivement accordés par le créateur et une source de tentations, de chutes, et de misères physiques et morales; dès lors elle présente tous les caractères d’un châtiment. Elle est enfin un principe propagateur du péché originel, car ce péché se transmet par la géné­ ration humaine. Tout homme encourt la tache originelle par le seul fait qu’il procède d’Adam; il procède de celui-ci par la naissance, et la concupiscence provoque, accompagne surtout les facultés humaines de repro­ duction, ris generative per decisionem corporalis se­ minis operatur ad traductionem peccati originalis simul cum natura humana. Ibid. 4° Faut-il pousser plus loin les rapports de la concu­ piscence et du péch '■ originel, et faire résider dans cellelà l'essence de celui-ci? C’est l'opinion de l’école luthé­ rienne et de l'école calviniste. Cf. Bellarmin, De amissione graliæ, L V, c. I; L T. Muller, Die Symbol. Bûcher, 7« édit., Gutersloh, 1890, p. 84 sq.; Winer, Compar. Darstellungdes Lehrbegri/fs, 4cédil., Leipzig, 1882, p. 72 sq., dans Pesc.h, Prælecliones dogmalicæ, n. 264, Fribourg-en-Brisgau, 1895, t. tu, p. 129. Baius, tout en voulant combattre le protestantisme, lui em­ prunte plus d'une erreur. En particulier, au sujet de la concupiscence, il prétend qu'elle est formellement dé­ fendue par le précepte non concupisces, que ses mouve­ ments, même non consentis par l'homme, sont une transgression de ce précepte, qu'ils ne sont pas imputés à péché en celui que la charité domine, mais sont tou­ jours faute chez ceux qui ne sont pas baptisés et que la charité ne domine pas. Prava desideria, quibus ratio non consentit, et quæ homo invitus patitur, sunt pro­ hibita pnecepto : Aon concupisces. — Concupiscentia, sive lex membrorum, et prava ejus desideria, quæ in­ viti sentiunt homines, sunt vera legis inobedienlia. — Concupiscentia in renalis relapsis in peccatum mor­ tale, in quibus jam dominatur, peccatum est, sicut et alii habitus pravi. — Motus pravi concupiscenliæ sunt, pro statu hominis vitiati, prohibiti præcepto : Non concupisces; unde homo eos sentiens et non consentiens, transgreditur præceplum ; Non concupisces, quamvis transgressio in peccatum non deputetur. — Quamdiu aliquid concupiscenliæ carnalis in diligente est, non facit præceptuni : Diliges Dominum Deum ex loto corde tuo. Propositions 50, 51, 64-66, Denzinger, En­ chiridion, n. 930, 931, 954-956. Voir t. n, coi. 64 sq. Calvin avait écrit dans son Institution de la religion chrétienne, 1. 111, c. ni, n. 12: « Nous disons que tous les désirs et appetis de l'homme sont mauvais et les condamnons de péché; non pas en tant qu'ils sont na­ turels. mais en tant qu’ils sont désordonnez. Qui­ conque ne confesse que toutes concupiscences de la chair sont péché, et que cette maladie de convoiter qui est en nous est la source de péché, il taut qu'il nie quant et quant que la transgression de la loi n'est pas péché. » Ibid., n. 11, Genève, 1609, p. 292. Jansénius défendit la même erreur â son tour, De statu naluræ lapsæ, 1. I, c. ni, et Hermès, dans ces derniers temps, la reprit avec quelque aggravation, puisque, selon lui, le péché originel n'est pas une faute proprement dite, mais plutôt une qualité spéciale, source de péché, en 809 CONCUPISCENCE 810 un mot la concupiscence, laquelle se propage par les sol de l'âme que l’appétit sensitif influera sur la volonté luis physiologiques. Ct. Kleutgen, Theol. der Vorzeit, et la raison. L'âme n’a qu’une quantité déterminée et finie t. n, n. 423 sq. Les jansénistes invoquaient surtout de sève et d’énergies à dépenser, comme elle ne possède l'autorité de saint Augustin qui si souvent parle du qu'une quantité déterminée et finie d’être et de perfection. reatus concupiscentia. Il est inexact, cependant, de dire Ces énergies, elle les met au service de ses facultés, que le grand évêque d'Hippone ait réellement iden­ mais ce qu’elle dépense en l’une, elle ne peut pas le tifié la laute avec sa conséquence, le péché originel prêter à l'autre. Il s'ensuit que, lorsqu'une faculté est avec la concupiscence. Voir Augustin (Saint), t. i, hyperesthésiée et poussée au paroxysme, les forces dé­ col. 2395. La question maintenant est résolue d'autorité sertent les autres facultés qui paraissent alors hors d'ellcspar le magistère ecclésiastique qui, au concile de mémes, ou paralyséesou en extase. Voir ce mot. Les pas­ (rente, déclara que la concupiscence désignée parfois sions produites par la concupiscence dans l'appétit sensi­ par l’apôtre du nom de « péché », n'a jamais été con­ tif ont celte propriété d'appeler à elles beaucoup d’éner­ sidérée par l’Église catholique comme un péché qui gies : elles dépensent d une façon considérable et quand subsisterait vraiment et proprement chez les baptisés, elles sont fort excitées, les puissances qui ne sont pas mais comme une chose qui est due au péché et qui mises en mouvement par elles en qualité d’instruments mène au péché. Anathème à qui soutiendra le contraire. sont vidées de leur sève et s'anémient. C’est ce qui liane concupiscentiam quam aliquando apostolus pec­ arrive à la raison et à la volonté : la première se voile catum appellat, sancta synodus declarat Ecclesiam ou disparaît, la seconde est sans élan ou se luise; sa catholicam nunquam intellexisse peccatum appellari, l’berté diminue ou se perd. Voir Liberté. C’est le pro­ quod vereel proprie in renalis peccatum sit, sed quia cédé de soustraction de forces morales qui se remar­ ex peccata est et ad peccatum inclinat. Si quis autem que si souvent chez les hommes passionnés et escla­ contrarium senserit, anathema sit. Sess. V, can. 5. La ves de la concupiscence. Cum omîtes potential animæ concupiscence n'est donc pas le péché, mais le Iruit et in una essentia animæ radicentur, necesse est quod Je germe du péché : et la preuve qu'en apporte le con­ quando una potentia intenditur in suo actu, altera in cile, c’est que le baptême enlève tout ce qui constitue suo actu remittatur, vel etiam totaliter in suo actu la vraie et la propre essence du péché. Dieu ne ré­ impediatur ; tum quia omnis virtus ad plura dispersa prouve plus rien chez ceux qui ont été régénérés. Or. la fit minor, unde e contrario quanto intenditur circa concupiscence persiste tout entière chez ceux que le bap­ unum, minus potest ad alia dispergi; tum quia ia tême a purifiés. Si quis per Jesu Christi Domini Nostri operibus animæ requiritur quædam intentio, quæ dum gratiam, quæ in baptismate confertur, reatum origi­ vehementer applicatur ad unum non potest alteri ve­ nalis peccati remitti negat·, aut etiam asserit non hementer attendere. El secundum hunc modum per tolli lotum id quod veram et propriam peccati ratio­ aliquam distractionem, quando motus appetitus sen­ nem habet·, sed illud dicit tantum radi, aut non im­ sitivi fortificatur secundum quamcumque passionem, putari, anathema sit. ]n renalis enim nihil odit Deus: necesse est quod remittatur vel totaliter impediatur quia nihil est damnationis iis qui vere consepulli motus proprius appetitus rationalis, qui est voluntas. sunt cum Christo per baptisma in mortem... Manere Sum. theul., 11» 11“·, q. i.xxvn, a. 1. — c) Il y a un autem in baptizatis concupiscentiam, vel fomitem, autre procédé, celui de la suggestion. Le précédent est htec sancta synodus fatetur el sentit. Ibid. subjectif, c’est-à-dire s'exerce par les racines memes V. La concupiscence et le péché actuel. — Les que les facultés ont dans le substratum de l'âme; le rapports de la concupiscence au péché actuel sont second est objectif el se sert de l’objet d'une ilculté pareillement multiples. — 1° Prise en elle-même, en pour imposer son orientation à une autre faculté. L'ap­ dehors de toute comparaison avec la raison, la concu­ pétit sensitif étant une faculté consciente ne se porte piscence n’est pas un péché : ses mouvements sont que sur un objet représenté dans la perception sensi­ tout instinctifs, ils appartiennent à la partie non ration­ ble : aimer et percevoir sont deux actes liés essentiel­ nelle de l'homme, tandis que le péché formel est uni­ lement et inséparables : on ne peut aimer sans perce­ quement affaire de raison et de volonté. La concupis­ voir, et l’amour enveloppe nécessairement l’image de cence, si violente soit-elle par elle-même, ni ne souille l’objet aimé. 11 y a une influence réciproque de l’un sur l’âme, ni ne la perd. Quæ cum ad. agonem relicta sit, l'autre : l'image provoque l'amour et attire l'appétit nocere non consentientibus, viriliter per Christi Jesu vers son objet. Inversement, l’amour fixe l’attention gratiam repugnantibus non valet : quinimo qui legi­ vers l'image et y grave plus profondément l’objet : time certaverit, coronabitur. Ibid. l'affection est le meilleur garant du souvenir. La pas­ 2“ Considérée dans l'inlluence qu’elle exerce sur les sion de la concupiscence met donc son objet en un re­ facultés morales ou dans le concours qu’elle leur lief prononcé, souvent exagéré dans l’imagination. D’au­ apporte, la concupiscence en reçoit un caractère moral tre part, l’imagination fournit à l’esprit les matériaux de el prend part aux fautes de l’homme. Il importe dès son abstraction. L’intelligence humaine, unie au corps, l’abord de distinguer la concupiscence antécédente et est, à cause de cela, privée de tout contact immédiat avec la concupiscence conséquente. La première est celle le monde extérieur. Elle n’en a pas l’intuition et ne le qui prévient les actes de raison et de volonté et les saisit que par etdans la perception sensible. Les images complète. La seconde les détermine. — 1. La première des corps se centralisent, se conservent dans l'imagina­ est souvent une source et une occasion de péché. Nous tion, et l'intellect, se tournant vers elles, en tire, par les avons parlé de la solidarité qui existe entre les diverses procédés psychologiques de l'abstraction et de la généra­ facultés d'un même être humain. Elle intervient ici. — lisation, ses connaissances propres. 11 s’ensuit que l'es­ a, Non pas que la concupiscence, c’est-à-dire la passion, prit est déterminé dans sa spéculation aux seuls objets c'est-à-dire encore l'appétit sensitif, s’applique directe­ qui passent par l’imagination ; que ce qui est ignoré de ment et immédiatement à la volonté pour l’entraîner celle-ci l’est pareillement de celui-là; que ce qui est vivant de tout son poids ou l'incliner de tout son effort. Les dans celle-ci est connu de celui-là; que ce qui est en facultés sensitives, en tant que facultés, n’agissent pas relict dans celle-ci attire plus fortement celui-la; que ce par elles-mêmes, et, si l'on peut ainsi parler, par le som­ qui, par l’ellèt de la passion, est mis dans celle-ci en une met, sur les facultés spirituelles. Elles sont liées à des lumière qui laisse tout le reste dans l’ombre, s’impose à organes qui vibrent sous l’impulsion du dehors et dans la considération de celui-là. En un mot, quand la pas­ mie excitation nerveuse; une telle vibration ne peut se sion souffle si fort qu'elle oblige l'imagination a ne propager dans la volonté qui est immatérielleet la déter- i s'occuper que de son objet, l’esprit n’ayant comme ma­ tériaux d'abstraction que les images relatives à cet objet, miner à agir. — b) C'est donc par ses racines el par le 811 CONCUPISCENCE sera déterminé à songer à lui, à ne songer qu'à lui et à peser ainsi sur les décisions de la volonté qui lui est attachée par un lien pareil à celui qui rattache l’appé­ tit sensitif à la perception sensible. Manifestum est quod passionem appetitus sensitivi sequitur imagina­ tionis apprehensio et judicium æslimalivæ, sicut etiam dispositionem linguæ sequitur judicium gustus, unde videmus quod Immines in aliqua passione e.ristentes non facile imaginationem avertunt ab his circa quæ afficiuntur ; unde per consequens judicium ratio­ nis plerumque sequitur passionem appetitus sensitivi et per consequens motus voluntatis, qui natus est sem­ per sequi judicium rationis. Sum. theol., ibid. La con­ cupiscence influe donc d une façon certaine sur les dé­ cisions de la volonté, soit par élimination de forces, en l'énervant el en la rendant plus flottante, soit par sug­ gestions et exigences objectives. Dans le premier cas, l'activité de la volonté est diminuée; dans le second, il y a une atteinte à sa liberté, et la concupiscence a été conseillère de péché, 2. D'autres lois, et il s’agit ici de la concupiscence conséquente, elle se met au service du péché, et en devient l'instrument par rayonnement ou par excita­ tion directe partie de la détermination libre. — a) Le mal n'a pas toujours sa source dans les sens et ne re­ monte pas nécessairement de l'appétit sensitif à la vo­ lonté. Celle-ci y va quelquefois aussi spontanément el de son propre chef. Elle a ses révoltes et ses indépen­ dances. Et quand elle a obéi à une pensée d'orgueil et s’est attachée par excès à un objet immal Tiel, sa faute retentit dans tout l'étre. Par un procédé analogue à celui que nous avons décrit plus haut, mais en sens inverse, la volonté, essentiellement associée à l'esprit, impose ses objets à la considération de celui-ci et les y inscrit avec un puissant relief. Par la sympathie et so­ lidarité naturelle qui relie toutes nos facultés, cet objet s'incarne dans une représentation imaginative et, conti­ nuant sa course, excite dans l’appétit sensitif des pas­ sions correspondantes. Le péché d'orgueil suscitera des images, créera des scènes où cet orgueil se donne cours et se satisfait; le cœur se gonflera, il y montera des boudées d’ambition et d’égoïsme, et la concupis­ cence sera devenue comme un rayonnement et un com­ plément de ce péché de l'esprit. Ici, pas de faute nou­ velle, mais la faute primitive plus entière, plus pleine, envahissant l’homme et l'enserrant dans un réseau plus étendu. — b} Il arrive même que l’homme orgueilleux et coupable, pour augmenter la satisfaction qu’il trouve dans sa faute, et pour s’y affermir davan­ tage et prendre une sorte de garantie contre lui-méme et ses défaillances possibles, excite de propos délibéré dans sou imagination oison appétitsensitifdes tableaux et des mouvements qui la traduisent, l'incarnent et la complètent. Ici encore, la concupiscence est dans la dépendance de la faute et la suppose au lieu de la pro­ voquer, elle accentue l'intensité du mauvais vouloir et la gravité du péché, sans cependant en changer l'espèce ou lui ajouter quelque unité numérique nouvelle. VL La concupiscence est naturelle a l’homme. — d0 Ceux qui idenliliaient la concupiscence avec le péché originel ne pouvaient croire qu’elle fût naturelle à l’homme. Selon eux, l’état de pure nature est inconci­ liable avec la concupiscence. Celle ci n’appartient pas à 1 intégrité de l’étre humain, elle en est une déchéance et l’homine n’aurait pu être créé par Dieu sujet à ses passions. 26. Integritas primæ creationis non fuit in­ debita humante natures exaltatio, sed naturalis ejus conditio. 55. Deus non potuisset ab initio talem creare hominem qualis nunc nascitur. 79. Falsa est doctorum sententia, primum hominem potuisse a Deo creari et institui sine justitia naturali. Propositions de Baius, Benzinger, n. 902, 935, 95G; cf. prop. 21-21·, 78. Voir Bâtes, t. n, col. 71 sq. Erreur manifeste. L'Eglise l’a 312 prouvé en condamnant les susdites propositions. — I 2» La lecture des saints Pères montre que ce qu’ils J appellent απάθειαν, qualité qui accompagnait en Adam I la suppression de la concupiscence, est un don qui élève l'homme au-dessus de lui-même ; que celui-ci, abandonné à soi, n'a sur son appétit sensitif qu'un pou­ voir politique, c'est-à-dire obligé à quelque diplomatie pour dirigerses sens et s'en rendre maître. « En somme cet appétit sensuel est à la vérité un sujet rebelle, sédi­ tieux, remuant; et il faut confesser que nous ne le sau­ rions tellement défaire, qu'il ne s’élève, qu'il n'entre­ prenne et qu'il n'assaille la raison; mais pourtant la volonté est si forte au-dessus de lui, que, si elle veut, elle peut le ravaler, rompre ses desseins et le repousser; puisque c’est assez le repousser, que de ne point con; sentir à ses suggestions. On ne peut empêcher la con­ cupiscence de concevoir, mais oui bien d'enfanter et de parfaire le péché. » S. François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, 1. I, c. lit, Paris, 1831. p. 7. Conten­ tons-nous de puiser quelques textes brefs dans la tra­ dition. Saint Chrysostome dit que la racine de la concupiscence tient son principe de la nature : car convoiter est naturel, Jlomil., xtx, ad populum Antio­ chenum, n. 4, P. G., t. xi.ix, col. 195; et Théodoret dit également : « Le mouvement des perturbations de l'âme a été déposé en nous par la nature. » In Epist. ad Rom., vi, 12, P. G., t. t.xxxit, col. 107. Saint Au­ gustin écrit de son côté : Naturalem esse libidinem et ego dico quia cum illa nascitur omnis homo et tu multo amplius qui dicis quod cum illa sit conditus primus homo... Cum igitur libidinem et natura­ lem esse et vinci posse ambo dicamus, utrum bonum vincamus an malum, ipsa inter nos vertitur quæslio. Cont. Julian., I. V, c. vn, n. 27, P. L., t. xliv, coi. 801. Cf. pour d’autres textes, Antoine Casini, S. .1., Controversiae de statu purœ naluræ, a. 4, dans The­ saurus theologicus quem socius academiarum eccle­ siasticarum Lucensis et Aurimanæ... collegit, Venise. 1762, t. v, p. 70. — 3" En réalité, une sage observation de la nature de l'homme nous convaincra de celte vé­ rité. La nature ne pouvait refuser à l'animal raison­ nable qu’est l'homme des facultés sensitives et des facultés spirituelles de perception et d’appélilion. Elle ne peut empêcher ces facultés d’aller spontanément vers leurs objets. Or ces objets sont variés et disparates entre eux. Il est naturel que quelque chose qui est agréable à un sens soit nuisible à un autre organisme humain ou à l’âme, que ce qui plait à une faculté soit disproportionné ou contraire à la perfection de l’en­ semble. Dés lors, il est naturel que l’appétit sensible aille à ce qui plait au sens et ignore que cela est nui­ sible à l'ensemble ; il est naturel que la raison perçoive ce caractère nuisible et détourne pour cela la volonté de l'objet désiré par le sens; le conllit surgitalors inévi­ table, comme du reste dans tous les êtres vivants à puissances multiples, comme dans la plante entre la pesanteur qui la porte vers le sol et la force de la sève qui la dresse vers le ciel. A cause de la sympathie mu­ tuelle des facultés, il peut se faire très naturellement que l’inlluence de la raison domine et que la concupis­ cence se soumette, comme il peut se faire non moins naturellement que la concupiscence prévale et entraîne la raison et la volonté. Tout cela n'est que le jeu très ordinaire des forces vivantes de l’homme. 11 n’est pas nécessaire, pour que la raison prévale parfois, de sup­ poser un surhomme ou une nature élevée à l’ordre surnaturel, ni, pour que la concupiscence l’enlraine, de recourir à une hypothèse de nature placée par dé­ chéance au-dessous d’elle-même et privée de quelqu’un de ses éléments propres et essentiels. Cf. Scot, In 11 Nent., dist. XXIX, q. i; S. Thomas, Cont. gent., 1. IV, c. lu. VIL La concupiscence et le Christ et Marie. — 813 CONCUPISCENCE — CONDOBAUDITES Tout homme naît sujet à la concupiscence. Certaines natures continuées en grâce, bien qu’en en gardant la possibilité, en éteignent en elles l’activité et tous les mouvements. Jésus, par le droit de son union hypostatique, Marie, par le privilège de son Immaculée-Conception (voir ce mot), ne connurent pas, ni ne purent connaître la concupiscence. — 4» En Jésus-Christ nous ne trouvons rien de ce trouble qui s’appelle la concu­ piscence. Sans doute, il a, comme nous, des sens extérieurs et des organes vivants, une sensibilité in­ terne, une imagination vive, des désirs éveillés par les objets sensibles, des passions;,mais tout cela est or­ donné, soumis à la raison et à la pensée surnaturelle, aucun de ces mouvements s lisibles ne s'éveille sans la permission de l’esprit, tous suivent le cours qui leur est prescrit par la volonté surnaturalisée. Notre-Seigneur n’en est pas diminué, comme ne serait pas diminué un Etat dans lequel tous les sujets seraient parfaitement subordonnés et où il n’y aurait ni délits, ni répression. N’y a-t-il pas là au contraire un réel élément de gran­ deur? Cf. S. Thomas, Sum. theol., 111*, q. xv, a. 2. 2» Le concile de Trente nous enseigne, sess. VI, can. 23, que Marie, par un singulier privilège de Dieu, ne commit jamais aucune faute actuelle, ni mortelle, ni vénielle. Elle avait été préservée du péché originel luiinème. L’abondance des grâces lui avait été accordée, et elle y avait correspondu avec une fidélité parfaite. Nous pouvons conclure que de ces grâces et de cetle concep­ tion immaculée résultait chez elle une parfaite subor­ dination de ses sens à sa raison et de sa raison à la foi et à l'esprit surnaturel. Sa chair virginale ne connut jamais les mouvements désordonnés, même non cou­ pables, qui assaillent les âmes les plus pures, et on peut considérer comme un des éléments propres à la psychologie de Marie l’heureuse préservation de la concupiscence. Cf. Bené-Marie de la Broise, La sainte Vierge, c. ni, Paris, 1904, p. 57. Elle ignora toujours la concupiscence actuelle. Mais les théologiens se de­ mandent si, en elle, il y eut ou non la concupiscence habituelle, utrum fomes in ea fuerit plane exlinctus an salum ligatus. Cf. Christ. Pesch, Prælecl. thecl., n. 591, Fribourg-en-Brisgau, 1896, t. tv, p. 286. Il im­ porte de bien entendre la question, car les mots de fames ligatus et de fames exlinctus sont assez obscurs. L’homme ne naît pas d’ordinaire avec des lacultés libres de toute détermination. L’hérédité lui transmet des dispositions, des inclinations natives, des aptitudes qui se feront jour ensuite dans le cours de son activité. Il y a d’heureuses âmes, héritières de traditions d’hon­ neur et de vertu, qui naissent avec une inclination prononcée pour le bien et la droiture. On les voit en­ suite suivre leurs pentes naturelles et devenir de grands saints. D’autres naissent sans prédisposition spéciale. En eux l’hérédité n’a pas gravé son empreinte ou bien deux hérédités contraires se sont combattues et neutralisées. Cependant on en voit s’acheminer tout de suite dans les sentiers du bien et par leurs propres efforts acquérir une grande sainteté. Le résultat est le même de part et d'autre, le principe est différent : ici, le travail personnel seul; là, le travail prévenu et aidé par l’hérédité. C’est une question pareille que celle de l’existence de la concupiscence en Marie. La grâce dé­ posée en elle dans sa conception était-elle accompagnée d’un don préternaturel qui, à la façon d’une heureuse c rédité, l’inclinait positivement, la déterminait à sou­ mettre tout son être, ses passions, ses appétits sensibles • la raison et à la foi? Dans ce cas, il y avait chez elle foyer de concupiscence éteint, fomes exlinctus. Ou bien Dieu ne lui a-t-il donné que les dons surnaturels de la grâce, sans faveur préternaturelle de subordi­ nation des facultés inférieures aux supérieures, sans disposition native à suivre en tout l’ordre du devoir? Itans ce cas, il y aurait eu chez elle foyei· de convoitise, 81-4 famés, mais il aurait été ligatus, lié, paralysé par la fidélité actuelle de Marie aux moindres prescriptions de la loi morale. Saint Thomas, Sum. theol., III*, q. xxvn, a. 3, moins pénétré que les théologiens postérieurs du privilege de l’Immacidée-Conception. crut, pour sauvegarder la si­ tuation spéciale du Christ, devoir lui réserver le privi­ lège exclusit du fomes exlinctus et accorder à Marie, seulement l’honneur du fomes ligatus. D’autre part. Marie n’a pas participé aux autres dons préternatu­ rels accordés à Adam, puisqu’elle a souffert et qu’elle est morte. Il n’y a donc pas eu en elle restitution complète de l’état primitif d’Adam et d’Eve. Mais il semble que ces raisons ne soient plus convaincantes, surtout depuis la mise en lumière et la définition du dogme de l’Immaculée-Conception. La prépondérance du Christ est suffisamment établie par le fail qu’il est au-dessus de toute concupiscence habituelle et actuelle par droit personnel, tandis que Marie en est préservée par pure grâce, venue des mérites de Notre-Seigneur. Ainsi est-elle immaculée sans pour cela être égalée à Jésus, puisque cette faveur ne lui a été octroyée qu’en vue et en vertu des mérites de son Fils. De plus, si elle a été destinée à souffrir et à mourir, tandis que nos premiers parents avaient été primitivement exempts de douleur et voués à l'immortalité, la raison en est dans le noble dessein de Jésus de l'associer à sa passion et à sa rédemption. Il parait, au contraire, convenir â la générosité de Dieu, à l’amour de Jésus et à la virgi­ nale pureté de Marie que tout foyer même inefficace de mal ne soit pas en elle. N’était-il pas plus digne d’elle d’avoir une âme non seulement très sainte par le sur­ naturel, mais encore inclinée positivement par une sorte d’hérédité divine et de don préternaturel aux actions bonnes et à la fidélité à la raison et à la grâce? Nous pensons dès lors qu'elle fut conçue préservée de toute concupiscence habituelle et en simple germe. Cf. A.-M. Lépicier, Tractatus de beatissima Virgine Maria maire Dei, part. II, c. i, a. 2, Paris, 1901, p. 145. A. Chollet. CONCUPISCIBLE. Voir Appétit, t. i, col. 1695. CONDIGNO (A). Voir Congruo (A). CONDOBAUDITES, hérétiques monophysites du vt’ siècle, ainsi dénommés du quartier de Constanti­ nople, τά Κωνόοβαόϊου, oil leurs principaux chefs avaient l’habitude de se réunir. Du Cange, Constanlinopolis Christiana, t. II. p. 132. D’après le prêtre Timothée. De iis qui ad Ecclesiam accedunt, P. G., t. i.xxxvi a, col. 53, les condobaudites formaient la sixième secte demonophysites; ils étaient sévériens et même agnoète-. voir t. i, col. 586 sq., et ne différaient de ces derniers que pour des questions de personnes, les agnoètes admettant dans leur communion Dioscorc, Pierre Monge, Sévèr le diacre Thêmistius d’Alexandrie, les condobaudites, au contraire, rejetant ce dernier. Agnoètes et condobaudiles s’appelaient d’abord thêodosiens, du nom du pa­ triarche d’Alexandrie, qui était leur chef de fde, mai* ce Théodose se brouilla avec les premiers, à cause de l’ignorance du jour du jugement qu'ils prêtaient au Christ, avec les seconds, parce qu'ils ne voulaient p: admettre sa propre doctrine sur la Trinité. Les uns comme les autres furent exilés par Théodose, et les condobaudites se réfugièrent à Constantinople, qui devint leur quartier principal. Timothée, op. cit., P. G., t. i.xxxvi a, col. 57; Nicéphore Calliste. H. E.,1. XVIII, 49, G., t. cxlvh, col. 429. Le même Timothée, loc. cit., assure que les condobaudites reconnaissaient un Dieu unique par le nombre, mais non quant â la par­ faite égalité; ils appelaient, de plus, saints le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Pour le reste, leur doctrine se confondait avec celles des agnoètes. S. ValLUÉ. 815 CONDORMANTS — CONFÉRENCES ECCLESIASTIQUES 81G Aligne), Paris, 1847, t. I, col. 623; Glaire et Walsh, En­ CONDORMANTS, hérétiques du XIIIe et du xvi· siè­ cyclopédie catholique, Paris, 1846, t. ix, p. 285: cle. L’habitude de les faire figurer, sous ce nom, dans J.-B. Glaire, Dictionnaire des sciences ecclésiastiques, l’histoire des hérésies, comme formant deux sectes à part, ne semble pas devoir être maintenue. Pour s’en ! Paris, 1868, t. i, p. 519. Mieux encore le Grand diclionconvaincre, il n’y a qu’à indiquer ses commencements. ' naire universel de Larousse, Paris, 1869, t. iv, p. 880, On sait la multitude des sectes qui pullulèrent dès les en fait « une secte qui a duré du xm» au xvi» siècle ». F. Vernet. premiers temps de la Réforme. Les historiens, tant CONDREN (Charles de), 2« général de l’Oratoire, né protestants que catholiques, essayèrent de les classer; à Vaubuin, près de Soissons, en 1588, mort à Paris en leurs tentatives, en général, furent peu scientifiques. Ils multiplièrent plus que de raison le nombre des 1641. Après de brillantes études en Sorbonne, il entra à sectes et, pour· les différencier, leur attribuèrent, plus l’Oratoire en 1617 et fut aussitôt chargé de fonder les maisons de Nevers, de Langres et de Poitiers. En 1624. d’une fois, des théories fantaisistes. Les anabaptistes, en particulier, donnèrent lieu à des classifications nom­ le P. de Bérulle le rappela à Paris pour y être mis à la tête du séminaire de Saint-Magloire, d’où il passa en breuses et passablement arbitraires. Cf. Florimond de 1628 à la Maison-Mère de Saint-Honoré pour y devenir Ræmond, L’histoire de la naissance, progrès el déca­ un des grands directeurs de conscience de l’époque. dence de l’hérésie de ce siècle, 1. Il, c. vi, Paris, 1605, Parmi les personnages, célèbres à divers titres, qui fu­ t. 1, p. 99-102; G. du Préau (Praleolus), De vitis, seclis rent sous sa direction, citons M. Olier et Gaston d'Or­ el dogmatibus omnium hæreticorum, I. T, c. xxxv, léans. A la mort du cardinal de Bérulle, il futélu malgré Cologne, 1669, p. 27; N. Alexandre, Historia eccle­ lui général de l’Oratoire qu’il gouverna sagement. sias!., Venise, 1778. t. tx, p. 104; D. Bernino, Historia C’était, dit son premier biographe, un homme d’une di lutte l'heresie, Venise, I724, t. tv, p. 340-342. Dans son De dissidiis hæreticorum, Anvers, 1565, le luthé­ I oraison continuelle, qui jouissait de son vivant d’un grand renom de sainteté, jugement qu'a ratifié la posté­ rien converti Fr. Staphylus divisa les anabaptistes en rité. Son corps retrouvé en 1884 est conservé dans la treize sectes. Il distingua ceux qui professaient le com­ munisme (communauté des biens, des femmes, des chapelle du collège de Juilly, fondé sous son généralat. Tous les ouvrages du P. de Condren sont posthumes. enfants) de ceux qu’il appela condormants et qui ensei­ gnaient, præ nimio novi Euangelii amore, debere vi­ Citons : Lettres et discours, 1642,1643,1647, 1655, 1668, 1681,1857 ; Nouvelle méthode pour apprendre la gram­ ros et fulminas juvenes ac vir / mes uno in loco et con­ clavi vivere et in eodem cubiculo dormire. La division maire latine, in-8», 1665 ; Pratiques et dispositions intérieures pour gagner le jubilé, in-24, 1667 ; Saintes de Staphylus fut reproduite par G. du Préau, op. cit., instructions pour la conduite de la vie chrétienne, 1671 ; dans le Successionis hæreticorum index, en tête du enfin la céli bre Idée du sacerdoce el du sacrifice de volume, et 1. III, c. xxvm, p. 132, et par N. Sanders J.-C., in-12, 1677, toujours rééditée et traduite en alle­ (Sanderus). De visibili monarchia Ecclesiæ, I. VII, mand et en italien, qui n’est qn'en partie de lui. mais Louvain, 1671, p. 625. Sponde (Spondanus), Annalium « tout le lond du livre est tiré de ses principes et de ses ecelesiast. Uarmiii continuatio, an. 1223, n. 12-13, Lyon, reflexions, et on y trouve à chaque page la doctrine qu’il 1678, t. t, p. I I5, rencontra, dans l’histoire du xni” siè­ cle, des hérétiques d’Allemagne qui, d’après des lettres pratique el enseigne ». du pape Grégoire IX, se livraient à toutes sortes de tur­ P. Amelote, Vie du P. de Condren, 1G43,1657; Cloyseault, Re­ pitudes; ayant lu du Préau, Sponde leur trouva un air cueil, t. u; Batterel. Mémoires, t. tn; Ingold, Essai de biblio­ de ressemblance avec les anabaptistes qualifiés de con­ graphie oratorienne, p. 36, où les autres sources sont indiquées, dormants par du Préau et se crut autorisé, par là, à el plus complètement encore dans l'édition de l'idée du sacer­ doce, Paris, 1901. les désigner sous le même nom. Raynaldi, Annales A. Ingold. ecelesiast., an. I233, n. 41-47, a vu en eux des stedinCONEI, CAUNE Georges, liéologien écossais, né giens. Voir ce mot. En réalité, c’étaient des lucifériens, vers 1598, mort à Rome le 10 janvier 1610. Il quitta fort car si les stedingiens furent des lucifériens — cette question sera discutée en son lieu — tous les lucifé­ jeune son pays pour venir en Italie où il habita succes­ riens dénoncés par Grégoire IX ne furent pas des ste­ sivement Modène et Rome. Urbain VI11 le nomma son dingiens. Voir Lucifériens et, en attendant. Schuma­ nonce en Angleterre près de la reine Henriette-Marie. Après être demeuré trois ans dans ce pays, il revint à cher, Die Stedinger, Brême, 1865; P. Alphandéry, Les Rome ou il mourut âgé de 42 ans. On a de cet auteur : idées morales chez les hétérodoxes latins au début du xni" siècle, Paris, 1903, p. 182-185, note. El il n’y a pas La vie et le martyre de Marie Stuart, reine d’Écosse, Rome, 1624; De duplici statu religionis apud Scotos, de raison pour distinguer ces lucifériens des autres et Rome, 1628; Les preuves de la foi catholique en III li­ leur donner un nom spécial. De même, la promiscuité des sexes est un point fondamental de la doctrine ana­ vres, Bologne, 1631. baptiste. Cf. Môlher, La symbolique, I. Il, c. I, trad. Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques, in-8·, Paris, 1704, F. Lâchât. Paris, 1852, t. il, p. 179-180, 193, 200; .1. Jans­ col. 1975. sen. L’Allemagne et la Réforme, trad. E. Paris, Paris, B. Heurtebize. CONFÉRENCES ECCLÉSIASTIQUES. - 1. Na­ 1892.1. m, p. 110-111,334-344. En toutcas, il n’y a pas de ture, but et origine. II. Duix'au xvi' siècle. III. Rénova­ motif valable pour distinguer les anabaptistes commu­ tion au xvne siècle, sous l’influence de saint Charles. nistes et les anabaptistes condormants; les uns et les IV. En France au XVIIe siècle, sous l’influence (b saint autres réclament la promiscuité des sexes. Et, si l'on veut nommer condormants les anabaptistes et les lu­ Vincent de Paul. V. Au XVIIIe siècle. VI. Au xix siècle. cifériens signalés par Grégoire IX, il faudra donner ce I. Nature, but et origine. — A côté des conférence nom à tous les sectaires qui passent pour avoir admis publiques et solennelles, dans lesquelles de savants controvfrsistes ont exposé et soutenu la doctrine de l’Église la communauté des femmes. catholique contre l’hérésie ou l’incrédulité, voir Con­ A la suite de Staphylus. de G. du Préau et de Sponde, divers auteurs ont mentionné deux sectes de condor­ troverses. il existe d’autres réunions plus fermées, qui mants du XIIIe et du XVIe siècle : tels L. Moréri, Le grand se tiennent périodiquement dans chaque diocèse, par dictionnaire historique, Paris, 1725, t. Ill, p. 325-326; ordre de l’évêque, entre les curés et les autres prêtres : Richard. Dictionnaire universel, des sciences ecclésias­ ce sont les conférences ecclésiastiques proprement dites. tiques, Paris, 1760, t. n, p. 155; Bergier. Dictionnaire de théologie, Lille, 1844, t. I, col. 6I3, reproduit par Depuis leur origine, ces conférences n’ont cessé J.-J. Claris. Dictionnaire des hérésies (Encyclopédie d’avoir pour raison d’etre et pour but principal l’inslruc- 817 CONFÉRENCES ECCLÉSIASTIQUES tion professionnelle du clergé, la sanctificalion et la bonne administration des paroisses. Cest à ces points essentiels que se rapportent les innombrables décrets ou prescriptions des papes, des conciles provinciaux, des synodes diocésains et des évêques. Avant de prendre le caractère d’une institution offi­ cielle et plus ou moins générale, les conférences appa­ raissent d’abord en plusieurs lieux comme répondant à un besoin naturel d’échange de vues entre personnes de même profession. Témoin les entretiens spirituels des Pores de la Thébaïde, voir Cassien, t. il, col. 1825-1826, el les réunions sacerdotales dont parle déjà saint Basile à Chilon comme d’une tentation de quitler la solitude. Les évêques, dit-il, tiennent continuellement des assem­ blées spirituelles qui sont très utiles à ceux qui y as­ sistent. On explique les Proverbes, les écrits des apô­ tre», les paroles de l’Evangile, la théologie; ces réunions de frères produisent de grands fruits. Epist., xui, ad Chilonem, n. 4, P. G., t. xxxn, col. 353, 356. Un peu plus tard, au vt» siècle, les conférences se dessinent sous la forme de fréquents synodes diocésains, dans lesquels le clergé du diocèse, réuni autour de son évêque, délibère avec lui sur des questions de morale et de discipline. H. Du tx' au xvi» siècle. — A mesure que le christia­ nisme se répand sur de vastes contrées el que les dio­ cèses s’agrandissent, on tient partout des synodes pro­ vinciaux ou diocésains. Cf. llérard, évêque de Tours, Capital., 91, P. L., t. cxxt, col. 772. Mais comme il devient impossible à tous les prêtres de s’y rendre, on ordonne que des réunions plus restreintes, ou confé­ rences, se tiendront par quartier ou canton, chez le doyen ou Parch i prêtre. C'est seulement au tx» siècle que nous trouvons des traces certaines de l’organisation de ces conférences. Elle se rattache à l’institution desarchiprètres ou doyens ruraux, placés, dans chaque doyenné, à la tète des autres curés; cette institution fut répandue dans tous les dio­ cèses de l’empire de Charlemagne et de ses successeurs. Thomassin, Ancienne et nouvelle discipline de l'Eglise, part. 1, 1. 11, c. v, n. 1-5, Bar-le-Üuc, 1864, t. i, p. 355356. llincmar, dans le premier de ses statuts ou capitu­ laires, de 852, c. xv, parle des conférences comme d’une coutume préexistante; il en fixe la tenue au premier jour du mois : Quando presbyteri per kalendas conve­ nerint, et s’attache â en prévenir les abus. Concilia Gallise, t. m; P. L., t. cxxv, col. 777. Vers 879, l’évéque de Soissons, Riculfe, dans une constitution donnée à son clergé, a. 20, prescrit que « les prêtres traiteront, dans les conférences du premier de chaque mois, de tout ce qui concerne le saint ministère, des difficultés survenues dans les paroisses et de la manière de prier pour le roi, les évêques et les fidèles chrétiens vivants ou morts ». Concilia Galliæ, t. 1, p. 533; P. L., t. cxxxi, col. 22-23. En 899, Réginon de Prütn reproduisait le capitulaire d’Hincmar. De ecclesiasticis disciplinis, 1. 1, can. 226, P. t. cxx.xtt, col. 231-232; Concilia Germanise, t. n, p. 473-474. Uldaric, évêque d'Augsbourg, mort en 973, lorsqu’il rassemblait ses prêtres dans la visite de son diocèse, leur posait cette question entre autres : « S’étaient-ils rendus aux calendes, selon l’habitude de leurs devan­ ciers, aux lieux assignés, et y avaient-ils fait les prières accoutumées? » Vila l'idarici, c. tv, n. 29; Acta san­ ctorum, t. n iulii, p. 105. L'évêque de Verceil, Alton, qui vivait aussi au x» siècle, instruit par expérience de l’utilité qu'offraient ces con­ férences mensuelles, les établit dans son diocèse, or­ donna qu'on y traiterait du dogme, des sacrements, de la vie ecclésiastique et de ses devoirs : De fide ac sacra­ mentis divinis, seu de vita et conversatione el singulis 818 officiis ad eos perlinentibus communiter tractent. On devait aussi y reprendre et corriger les coupables. Capi­ tulare, c. xxix, P. L., t. cxxxtv, col. 34-35. Les capitu­ laires d’Hincmar, d’Atton et d’un synode de Nantes sont cités dans la collection des décrétales du xi» siècle, de Burchard de Worms. Decret., 1. II, c. ct.xiv, P. L., t. CXL, col. 653-654. Un concile de Londres de 1237. can. 32, fait aux archi­ diacres une obligation stricte d’assister fréquemment aux conférencesdécana les, pour y instruire les a utres prêtres, surtout sur le sens des paroles du canon de la messe et du baptême. Mansi, Concil., t. xxitt, col. 458. Au synode de Rouen, tenu à Pont-Audemer en 1279, on décide que les clercs, qui ne portent pas la tonsure, seront répri­ mandés par les doyens dans les kalendes qu’ils président. Can. 21, Mansi, t. xxiv, col. 225. De ces témoignages recueillis dans les collections des conciles et des synodes, il résulte que dès le IX» siècle la pratique des conférencees était fréquente en France, qu’elle se répandit de là en Allemagne et en Angleterre, et qu’elle avait même pénétré de bonne heure en Italie, mais sans s’y étendre beaucoup, les synodes épiscopaux en tenant encore lieu. A cette époque, ces réunions s’appellent indistincte­ ment conférences, chapitres, consistoires, sessions, synodes et calendes. Elles sont tenues par ordre de l’évéque, une lois le mois, au moins pendant la bonne saison, dans une paroisse du doyenné désignée d’avance, sous la présidence de l’archiprêtre, souvent en la pré­ sence de l’archidiacre. Elles sont obligatoires, sont annoncées en chaire et s’ouvrent par une messe chantée en commun. On y traite ensuite detouteequi intéresse le ministère pastoral, des cas de conscience les pins difficiles, de la liturgie et des sacrements; les membres exposent les difficultés survenues dans leurs paroisses, se font la correction fraternelle et rendent compte au représentant épiscopal de l'état du doyenné. Tant que la pénitence publique reste en usage, ils se préoccupent des moyens de la faire observer. Munis d’un pouvoir judiciaire, ils examinent les infractions des laïques et des ecclésiastiques et prononcent des peines canoniques. Ils s’occupent des pécheurs et des pénitents publics, informent l’évéque et préparent leur réconci­ liation ou leur retranchement de la communion de l’Eglise. Alton, Capitulare, c. xtx, P. L., t. cxxxiv. col. 35. Jusqu’au xvt» siècle, on retrouve des vestiges de ce pouvoir judiciaire, surtout à l’égard des fautes des ecclésiastiques. Le concile de Cologne, tenu en 1536, constate l’antiquité des synodes décanaux, ordonne d’y publier les constitutions synodales de la province ou du diocèse et d'y réprimer les écarts des prêtres et des pasteurs. Part. XIV, c. xtx. Mansi, Concil., t. xxxn, col. 1292-1293; Concilia Germanise, t. vt, p. 1765. L’exercice de ce pouvoir se constate encore, dans quelques diocèses, même après le concile de Trente. Synode de Reims, 1583, De synodo diœcesana, a. 4-6. Mansi, t. xxxix, col. 613; synode d’Aix, De vicariis foraneis, ibid., col. 1003-1604. L’écueil que ces assemblées portaient avec elles, c’està-dire la nécessité des repas en commun, ne manqua pas d’amener des abus. Les évêques essayèrent bien par toutes sortes de moyens de les réglementer; mais ils n'y réussirent pas toujours. Au temps du concile de Trente, cette institution semblait avoir vieilli et fléchissait dans les contrées du Nord et de l'Ouest où elle exislait depuis longtemps. Aussi les ordinaires, qui en sentaient surtout les incon­ vénients, cherchèrent-ils à diminuer la fréquence des réunions. Ils les réduisaient à deux ou trois par année, ou même à une seule, et si quelques-uns s’en remettaient à la volonté des doyens pour réunir les prêtres du doyenné quand il leur semblait bon, ils n’imposaient 819 CONFÉRENCES ECCLÉSIASTIQUES qu’un minimum de deux réunions. Les Staluts de Besançon, portés en '1573 et renouvelés en 4618 et en 1707, n’exigeaient qu’un seul synode décanal. Synode de 1707, tit. m. n. 7, Concilia Germanise, t. x, p. 294. Le synode de Rouen, tenu en 4581, ne veut que dilix réunions. Mansi, t. xxxiv, col. 639-640. De même, celui de Reims, en 1583, Actes de la province de Heinis, t. m, p. 476; les Slatuls de Trêves de 1570, Concilia Germania:, t. vu, p. 606 (cf. synodes de 1622 et de 1678, ibid., t. ix, p. 333; t. x, p. 68); le Ier synode diocé­ sain de Gand, en 1571, ibid., t. vu, p. 687; les synodes de I6l3el de 1650, I. ix, p. 255, ne parlent plus que d’une. Ceux de Bois-le-Duc, de la même année et de 1612, et celui de Bruges, de 1576, n’en ordonnent qu’une. Ibid., t. vu, p. 727, 811; t. ix. p. 228. A Tournai, en 1574, on en impose trois à des dates fixes, ibid., t. vu, p. 190; mais en 1589, 1600, et 1643, il n’est plus question que de deux. Ibid., p. 1050; t. vm, p. 493; I. IX, p. 634. A Ypres, le minimum prescrit en 1577 est de trois, ibid., t. vu, p. 834, mais il est réduit à un en 4630, t. ix, p. 524-525. Une réunion annuelle est aussi imposée comme minimum à Saint-Omer, en 1583, t. vu, p. 953; et à Cambrai, en 1586 et 1631, t. vu. p. 1020; t. ix, p. 564; mais deux synodes décanaux sont rendus obligatoires à Saint-Omer, en 1640, t. x, p. 806-807; et à Cambrai, en 1661, t. tx, p. 892. A Ratisbonne, les conférences ont lieu aux Quatre-Temps. Staluts de 1588, I. vu. p. 1073. Il n’y en a que deux à Cologne, synodes de 1598 et de 1662, t. vm, p. 519; t. ix, p. 1027; à Brixen, synode de 1603, t. vm, p. 560-561; à Malines, synode de 1609, l. ix, p. 14; à Augsbourg, synode de 1610. ibid., p. 66-67; à Osnabrück, synode de 1630, p. 515-516; et à Culm, synode de 1641, p. 608-609. Une seule est exigée à Metz, staluts de 1604 et de 1610, renouvelés en 1633 et 1699, t. vm, p. 970; t. x, p. 247-248, 773; à Warmia (Ermeland), synode de 1610, I. ix, p. 133; et à Huremonde, comme minimum, synode de 1652. Ibid., p. 783784. Voir aussi les synodes de Namur, en 1604, t. vm, р. 624; d'Anvers, en 1643, I. ix, p. 647; et de Strasbourg, en 1687, t. x, p. 184-185. Au Mont-Liban, le synode de 1596 ordonnait la lecture des cas de conscience, chaque dimanche, dans les principales églises des maronites. Collectio Lucensis, t. 11, p. 414. III. Rénovation au xvr siècle sous l'influence de saint Chaules. — Mais, chose singulière, un mouvement tout contraire s'accomplissait en Italie et dans le midi de la France. L’élan de rénovation, parti du concile de Trente, allait se communiquer à toutes les nations chrétiennes. Le concile de Trente s’ôtait, en eiïet, particuliérement occupé des besoins spiiituels du clergé; il avait décrété l’établissement des séminaires et pris des mesures pour la formation i ntel lectuel le et morale des clercs. Sess. XX11, с. i; XXIII, c. xvm; XXIV, c. xt. xn. Ses prescriptions eurent un très salutaire contre-coup sur le renouvelle­ ment des conférences ecclésiastiques. A la tète du mouvement n.arche saint Charles Borromée, qui érigea les conférences en institution diocésaine. Au ["concile de Milan, en 1565, il établit, pour toute laprovince ecclésiastique, des conférences mensuelles, dans lesquelles les prêtres devaient s'entretenir de lout ce qui concernait leur oflice pastoral el la charge des âmes. On devait y lire le livret des cas réservés et les constitutions synodales et résoudre des cas de conscience. Acta Ecclesiæ Mediolanensis, 2e édit., Lyon, 1683, t. i, p. 21. 59-60. En 1576, au IVe synode provincial, on dé­ cida la publication des Instructiones congregationum diaicesanarum du saint archevêque, qui, bien exécutées, font des conférences un puissant moyen d'étude et de sanctification. Ibid., t. i, p. 535-545. 11 divisa son vaste diocèse en plusieurs circonscrip­ tions, à la tète de chacune desquelles il plaça un vicaire forain, amovible ad nutum, chargé de présider chaque 820 réunion mensuelle et de lui en faire un exact rapport. La conférence doit être annoncée en chaire; tous les prêtres sont obligés de s’y rendre, en tenue strictement ecclésiastique; ils se confessent la veille, chantent le malin la messe en commun, font une procession autour de l’église, prennent un repas sommaire accompagné d'une lecture pieuse, et se livrent à l'étude de toutes les questions qui peuvent intéresser leur sanctification et leur ministère, el â la solution de cas de conscience proposés d'avance. Ils vont ensuite adorer le saintsacrement et doivent retourner dans leur paroisse sans faire aucune visite. De la province de Milan, l'institution des conférences se répandit rapidement dans toute l'Italie. Le concile provincial d’Aquilée, en 1596, imposa des règlements semblables, c. xvm. Mansi, t. xxxtv, col. 1417-1419. A Cosenza, en 1606, les réunions hebdomadaires sont instituées. Le I" synode diocésain de Ravenne, tenu en 1607, ordonne des réunions hebdomadaires, qui avaient lieu au palais épiscopal et sous la présidence de l’évêque. Dans le diocèse d’Arezzo, ces réunions avaient lieu deux fois par mois. Décrets synodaux de 1697. L’influence de saint Charles se lit sentir au delà des monts. En I585, le concile provincial d'Aix résolut de créer, dans chaque diocèse, des vicaires forains, qui réuniraient chaque mois les prêtres de leur district pour conférer sur tout ce qui intéressait le ministère sacerdotal. Celui de Tou­ louse, en 1590, prenait la même décision et traçait le réglement à suivre dans ces assemblées. Mansi, I. xxxtv. coi. 939, 1281. En 1605, l'évêque de Coire, lean V, dans ses constitu­ tions synodales, établissait le chapitre rural de chaque mois, dans lequel les prêtres devaient faire l’examen de leur vie et de leur doctrine, en répondant à des ques­ tions très précises. On y discutait au moins trois cas de conscience, indiqués à l’avance, et chacun était tenu d’en écrire la solution sur un registre personnel. Conci­ lia Germania·., t. vm, p. 641-644. En 1609, le cardinal François de Sourdis, archevêque de Bordeaux, établit dans son diocèse les vicaires forains et les conférences ecclésiastiques sur le modèle de celles de Milan. Il s'y proposait surtout de favoriser l’œuvre de la sanctification des curés. Son frère Henri, qui lui succéda en 1628, recommanda plusieurs fois à son clergé, en 1632 el en 1638, la tenue des congrégations foraines. En 1627, l’évêque de Lyon imposait aussi à ses prêtres l’obligation d’assister aux conférences ecclésiastiques, et ses successeurs ont maintes fois renouvelé ce pré­ cepte. Les prélats étrangers avaient pris presque à la lettre les règlements du grand réformateur de Milan. L’absence des prêtres était sanctionnée par une amende pécu­ niaire, et le principal objet de l'attention du vicaire forain était de se rendre compte de la vie et du minis­ tère des pasteurs. Le grand bien produit dans le Midi par les conférences réveilla le zèle des évéques du Nord ; aussi vit-on refleu­ rir, dans le même temps, les conférences jusqu’en Pologne et en Courlande, et dans toute l’Allemagne. Si le nombre des réunions était peu considérable, les exercices qu’on y pratiquait et la méthode qu’on y sui­ vait étaient selon l’esprit de saint Charles. Le règlement du diocèse de Brixen de 1603 est l’un de ceux qui projettent le jour le plus complet sur la vie sacerdotale à cette époque et sur la tenue de ces réunions. On y voit l’extrême sollicitude des évéques pour ressemel­ les liens de la discipline au milieu des ravages causés par l'hérésie, dont les rangs étaient toujours ouverts aux prêtres déchus ou relâchés. Le jour de la confé­ rence, sur des autels dressés exprès, chaque prêtre devait célébrer la messe sous le regard d’un surveillant, el rendre compte au doyen de tous les détails de sa vie personnelle, de son ministère, et de l’état spirituel de 821 CONFÉRENCES ECCLÉSIASTIQUES sa paroisse; il pouvait être puni, s’il y avait lieu, par une monition fraternelle, ou une amende, ou même la prison. Les amendes étaient versées dans une cuisse commune pour achat de livres, ou appliquées soit à l'église, soit aux pauvres. Le procès-verbal de la séance passait sous les yeux du vicaire général. Concilia Germanise, t. vin, p. 560-561. Au début du xvin» siècle, l’archevêque de Trêves établit, sous le nom de Congrégation de Saint-Charles, des conférences mensuelles dans son diocèse. Son or­ donnance de 1720 reproduit en substance tous les règle­ ments du saint archevêque de Milan. Concilia Germa­ nite, t. x. p. 442-417. Elle y ajouta la visite des églises. Ces réunions avaient un cérémonial grave, profondément religieux, qui conlribuail beaucoupau maintien du pres­ tige moral du clergé. Les évêques du Nord s'attachaient surtout à assurer par ces conférences l’exacte observation des décrets du concile de Trente, des conciles provinciaux et des sta­ tuts diocésains, et ce fut un des principaux résultats qu’ils en retirèrent. Concile de Cambrai de 1586; synode de Tournai de 1574; synode de Saint-Omer de 1583. Ils s’en servaient aussi comme d’un moyen de commu­ niquer avec leur clergé et de lui faire parvenir leurs instructions. IV. En France au xvii» siècle sous l’influence de saint Vincent de Paul. — A celle époque, les conférences furent portées, en France, à leur apogée, grâce à l’influence d’une pléiade de saints prêtres, el surtout de saint Vincent de Paul. Ses Confèrences du mardi, commencées en 1633 à Saint-Lazare, devinrent le signal du rajeunissement de cette antique institution. Plus de 300 membres y prirent part du vivant du saint, et, parmi eux, tout ce que le clergé comptait de plus remar­ quable à cette époque. Il en sortit une légion d’apôlres qui portèrent partout avec eux l’esprit de Jésus-Christ. Maynard, Saint Vincent de Paul, t. n, p. 73. On con­ naît l’éloge que Bossuet en fit dans sa lettre â Clé­ ment XI. Epist., lxxxiii. Le double but de ces conférences du mardi était lasanctification personnelle et la direction du ministère pastoral au tribunal de la pénitence par la discussion et la solution des cas de conscience les plus pratiques. C’est ce double souci que l’on retrouve dans les conférences établies ou renouvelées par le zèle des évêques qui en étaient sortis. Pavillon, à Alet, les établit en 4610 et les rendit obligatoires en 1674. Godeau à Grasse (1644), Vialart â Châlons-sur-Marne (1650), Actes de la province de Keims, t. tv, p. 289, Potier à Beau­ vais (1616), ibid., p. 136, Le Tellier â Reims, François de Harlay (1673), â Paris, firent des règlements â ce sujet, dans lesquels ils ordonnaient aux vicaires forains ou aux vicaires généraux de traiter de la méthode d’oraison, de l'examen de conscience et de la vie spirituelle, et de s'efforcer d’établir l’uniformité de direction morale; ils accordaient aussi des indulgences aux fidèles qui profit raient de cette occasion pour s’approcher des sacre­ ments. Λ Reims, Le Tellier en régla soigneusement tous les détails et fit savoir â son clergé qu’il s’inspirerait des comptes rendus dans le choix des sujets aux cures. Aussi son diocèse devint-il, dit Saint-Simon, « le mieux réglé du royaume. » Mémoires, Paris, 1829, t. vm, p. 127. A la même époque, les conférences ecclésiastiques étaient instituées â Troyes, à Amiens en 1662, à Paris en 1673 (voir le règlement dressé par de Noailles, te 9 février 1697, Actes de l’Église touchant la discipline et l administration, Paris, 1854, t. i, p. 172-174), à Toul par Jacques de Fieux en 1678, à Soissons et â Noyon, en 1673, à Luçon, vers 1670. Tous les synodes diocésains de la seconde moitié du xvii* siècle en France recomman­ dent la tenue régulière des conférences. Le nombre des conférences variait beaucoup avec les 822 diocèses; il allait de deux à douze, mais le chiffre le plus répandu était celui de six. Partout les prêtres occupés aux travaux du ministère étaient tenus d'y prendre part. Les conférences des diocèses de France se tenaient aussi avec beaucoup de religion ; on y retrouve la plu­ part des pratiques que nous avons vues usitées dans les régions du Nord. Dans la plupart, chaque membre de la conférence devait produire un travail personnel écrit, qui était ensuite transmis â l'évêché par le doyen avec le procès-verbal. Toute absence était frappée d’une amende, parfois élevée. Un compte rendu des travaux était communiqué au clergé par les soins de l’évêque. Au doyenné on conservait le registre des assemblées comme un livre de famille. Le repas commun continua, au cours des siècles, â être l'objet de cent prescriptions en vue d’en écarter les abus. Partout les femmes el les étrangers en élaient exclus et le nombre des mets était strictement déterminé. Grâce à la vigilance et â la fermeté des évêques, les conférences tournèrent, au xvn® siècle, au grand prolit des études du clergé, de la discipline et de l'uniformité de direction morale. « Les conférences, dit Mor Darboy, Lettre pastorale sur la nécessité de l’étude, Œuvres pastorales, 1.1, p. 184, se continuent pendant deux cents ans, encouragées par les plus grandes autorités et soute­ nues par leurs propres succès. Elles produisent dans quelques diocèses des travaux remarquables et partout les meilleurs fruits du salut. » On peut ciler parmi ces travaux, au xvne et au xvm» siècle, les Actes des curés de Paris, 1682. Les Conférences de Luçon, publiées par ordre de M'J'de Barrillon. portent sur les dix commandements de Dieu, 2 in-12, 1672; 2e édit., 1680-1681 ; 4e édit., Paris, 4684; puis sur les sacrements et en particulier sur la péni­ tence, 4 in-12, Lyon. 1699-4702; continuées plus tard, elles eurent traita l’Epitre aux Romains, 2 in-12, Paiis, 1658, 4704;àla IP Épitre aux Corinthiens, 2 in-12, Paris. 1704; aux Epilres et aux Évangiles, 2 in-12, Paris, 1728. Sur les Conférences ecclesiastiques du diocèse d'Angers, voirt. i, col. 2265; t. n, col. 4-5. D’autres con­ férences ecclésiastiques furent publiées au xvm· siècle : Conférences sur le mariage et sur l’usure, par le P. Le Sémelier, de la doctrine chrétienne (t 1725). 9 in-12, Paris; c’est le fruit des conférences établies en 1697 au séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet. On a publié après sa mort dix autres volumes de con­ férences : Confèrences ecclésiastiques sur plusieurs points importants de la morale chrétienne, 6 in-12. Bruxelles, 1755; et quatre sur le décalogue. Les Confè­ rences ecclésiastiques du diocèse de Lodève paraissent par ordre de Mo' de Souillac, 4 in-12, Paris, 1740. On cite encore celles de Poitiers, de Périgueux, de la Ro­ chelle, de Tours et de Besançon, qui traitent du dogme, de la liturgie, de l'histoire ecclésiastique, mais surtout de l'Écriture sainte et de la morale. Quelques-uns de ces recueils, surtout ceux de Paris, de Luçon et d’An­ gers, eurent un succès prodigieux, et l’on peut, aujour d’hui encore, les lire avec beaucoup d’édification el de profit. On y constate que le clergé de celte époque scru­ tait avec la plus grande sagacité tous les points de morale, et que, s’il était moins avancé sur les questions d’exégèse qu’on ne l’est de nos jours, il nous était bien supérieur par la connaissance pratique des textes sacrés. Les Conférences du mardi ne continuèrent pas seu­ lement à Saint-Lazare; elles furent instituées ailleurs. A la suite de la mission que la reine-mère lit donnera Metz en 1658 et pour laquelle saint Vincent de Paul avait envoyé vingt prêtres, on les établit dans cette ville. Voir la lettre de Bossuet â saint Vincent de Paul, du 23 mai 1658. Elles passèrent en Italie. Le synodeprovincial de Bénëvenl, en I693, et celui de Naples, en 1699, ordonnent de faire chaque semaine des conferences 823 CONFERENCES ECCLÉSIASTIQUES 824 de cas de conscience sur la morale et la liturgie. Acta de la messe. Collectio Lacensis, t. i, p. 762. En 1725, et decreta sac. conciliorum recenliorum. Collectio le concile provincial d’Avignon établissait à la ville Lacensis, Fribourg-en-Brisgau, 1870, t. i, p. 42-43. 185. épiscopale de chaque diocèse des conférences men­ Le synode de Rénovent publia un règlement très suelles sur les cas de conscience. Ibid., t. 1, p. 558. détaillé, qui lut adopté en 1725 avec quelques modilicaCelui de l'ermo, en 1726, désirait que les conférences lions par le concile de Rome. Ibid., p. 103. 435, 438. Le fussent tenues plus fréquemment, sinon chaque semaine, cardinal de Noailles, par mandementdu 5 novembre 1697, du moins tous les quinze jours. Ibid., t. i, p. 598. en lit une institution diocésaine et organisa les confé­ Celui d’Évreux de 1727 les fixait à tous les mois, sauf rences de morale, pour chaque semaine, en trois centres en hiver, et y faisait étudier l’Ecriture sainte et la dillérents de sa ville épiscopale. Actes de l’Église de théologie morale. Ibid., t. t, p. 626. Mor Langiiet les Paris, t. I, p. 187. favorisait à Soissons. Les synodes de Sarlat en 1729 et V. Au xvm' siècle. — L’institution des conférences de Mende en 1738 en réglementaient la tenue. Un était devenue à peu près générale en Europe; on la voit synode du Mont-Liban, en 1736, ordonnait l’enseigne­ solidement établie jusqu'au fond de la Prusse. Le ment de l’Ecriture sainte et des cas de conscience dans xvm· siècle n'ayant plus qua l’entretenir, et ne pouvant les monastères. Collectio Lacensis, Fribourg-en-Brisgau. plus rien offrir de neuf ni d’original, les évêques ne 1876, t. u, p. 104, 406. Les constitutions synodales de négligent rien pour les soutenir et sont unanimes à en Culm, 1745, et d’Ypres, 1768, rétablissent les confé­ reconnaître les fruits excellents. Un synode de Valachie rences tombées en décadence et ordonnent les dis­ les impose en 1700 et menace de punition les absents. cussions et la solution des cas de conscience dans les Collectio Lacensis, t. vi, p. 283. Non seulement elles congrégations décanales. Concilia Germanite, t. x, étaient en usage à Rome, mais, en 1720, la S. C. du Con­ p. 521-523, 666. L’archevêque d’Albi les rétablit et les cile les conseillait à un évéque des Canaries, comme un mit en honneur dans les synodes de 1753 et de 1763. moyen de suppléer aux synodes diocésains, parfois im­ L’évèque de Boulogne les recommande sans les remire possibles dans les îles. En 1725, le pape Benoit Xlll, obligatoires, en 1765. Mo' Drouas, évêque de Toul les dans un concile tenu au Latran, prescrivit à tous les supprime en 1763, sous prétexte que son clergé profitait évêques d’Italie de les établir où elles n’existaient pas de ces réunions pour critiquer l'administration épisco­ encore el de les surveiller attentivement. Il organisa pale, et les premiers évêques de Nancy et de Saint-Dié aussi les conférences hebdomadaires des cas de cons­ refusent de les rétablir dans leurs diocèses, qui n'étaient cience portant alternativement sur la morale ou la que des démembrements de celui de Toul. L’évèque de liturgie et publia un réglement détaillé, analogue â celui Saint-Malo les favorise et les recommande fortement en de la province de Bénévent. Collectio Lacensis, t. i, 1769. Celui de la Rochelle les réglemente en 1780. L’ar­ p. 371, 435-438. Dans sa constitution In supremo, pu­ chevêque de Treves, de 1776 à 1782, réorganisa les bliée la même année cn vue de restaurer la discipline congrégations de Saint-Charles et en modifia les règle­ ments. Les réunions des cas de conscience étaient ecclésiastique en Espagne, ce pontife exhortait les évêques espagnols à obliger les clercs et les simples imposées en Italie par les évêques de Sinigaglia (1737), bénéficiers à l’assistance aux conférences des cas de de Fano (1731), de Viterbe (1733), de Fuligno (1763), de conscience et de liturgie. A. Lucidi, De visitatione sacro­ l’abbaye de Farfa (1790). Dès 1700, Mor de Saint-Vallier rum liminum, 2· édit., Rome. 1878, t. tit, p. 491. Enlin, avait ordonné la tenue des conférences au Canada, mais ses ordres n'avaient pu être exécutés, et ce fut seulement étendant sa sollicitude sur ce point à toute la chrétienté, il lit inscrire dans Vlnslruclio de la S. C. du Concile en 1742 que Mil1 de Pontbriand reprit le projet qui aux évêques super modo conficiendi relationes statuum n’aboutit pas. Les Conferentiæ ecclesiasticae de officiis suarum Ecclesiarum cette question : An habeantur pastoris, 5 in-8°, Malines, 1785 1794, du diocèse de Malines, comprennent principalement une méthode conferentiæ theologiæ moralis, seu casuum conscientise, caléchétique, trois catéchismes et des explications du et etiam sacrorum rituum, et quot vicibus habeantur, et qui illis intersint, et quinam profectus ex illis ! catéchisme, élaborées dans les réunions du clergé. Voir habeantur? § 3, a. 14. t. n, col. 1951. Son successeur immédiat fil recommander les confé­ A travers des alternatives de prospérité et de dé­ rences ecclésiastiques par une circulaire de la S. C. du faillance, l’institution avait triomphé de l’obstacle des Concile, en date du 1" juillet 1735. temps, lorsque la Révolution, qui se déchaîna sur l’Europe à la fin du xvm· siècle, vint en suspendre violemment Prosper Lambertini. qui fut plus tard Benoit XIV, le cours. étant archevêque de Bologne, publia trois institutions VL Au XIX' siècle. — L’orage passé, les conférences pastorales sur les conférences. Il y rappela les décisions prises par ses prédécesseurs, ses propres décrets de interrompues renaissent peu à peu. Dès 1801, le princeévêque de Fribourg, et en 1811, l’évêque de Mayence en 1731, modifiés et complétés plus tard, et il traça un règlement détaillé. Les assemblées, qui avaient lieu confirment la pratique avec tous les règlements des anciens Capitularia ruralia. Statuta diæcesis Mogunhuit fois seulement par an furent poriées par lui au nombre de dix. Inst., xxxii, eu, cut, Opera omnia, litr, 1811. Le vicaire apostolique du Sutchuen les orga­ Prato, 1844, t. x, p. 138-141, 439-442, 443-445. nise en 1803. Collectio Lacensis, t. vi, p. 607, 612. Anagni Jean Chieracato publia les Decisiones sacramentales, reprend en 1805 les réunions des cas de conscience. Le theologiae, canonicae el legales, 9 in-4°, Venise, 1727; concile provincial de Tuam (Islande), tenu en 1817. 3 in-loL, Ancone, 1757, résumé des conférences ecclé­ établit les conferences mensuelles d'avril à octobre. Collectio Lacensis, t. m, p. 761. Metz, en 1820, a un seul siastiques tenues depuis 1703 à Padoue. Voir t. π, synode rural ; Valence en 1823 et Lyon en 1824 ont six col. 2263. Ces conférences italiennes portaient de préférence sur conférences par an. A partir de ce moment, elles repa­ les cas de conscience, la lilurgie et les soins des pauvres raissent partout : à Saint-Brieuc en 1825, à Coutances et des veuves. L’assiduité était prescrite sous de grades en 1828, à Nancy en 1830, en principe, mais en 1837 seulement en fait, à Anton en 1832, à Saint-Dié en 1833. sanctions, celle même de la suspense a divinis; aussi Les évêques de Mende (1829) et de Marseille (1824-1832' était-elle bien entrée dans les mœurs. essaient de les relever, mais sans pouvoir y parvenir Le concile provincial de Tarragone, tenu en 1717, avait obligé les curés et les confesseurs, sous peine I encore. Elles revivent à Avignon en 1836, â Périgueux d’amende, et exhorté les autres prêtres et les simples en 1837, à Meaux et à Verdun en 1838, à Alençon en 1840. â Paris en 1841, Actes de l’Église de Paris, t. I. clercs â assister aux comérences sur la théologie morale, les rubriques du bréviaire et les cérémonies p. 298-300, â Strasbourg en 1842 et à Versailles en 1816. 825 CONFÉRENCES ECCLÉSIASTIQUES Le saint-siège consulté stimulait les évêques et encou­ rageait leurs efforts; il lit insérer dans le modèle du procès-verbal du Status Ecclesiæ, une question spéciale sur ce point précis. En 1840, la S. C. du Concile pres­ sait vivement les évêques français de ne pas tarder à reprendre celte pratique. Statuta diœcesis Canteracensis, 1851. Les nombreux conciles tenus de 1849 à 1856, la recommandent ou l'imposent. Collectio Lacensis, 1863, t. tv, p. 31. 85-88, loi, 264-265, 438-139, 486, 522, 597, 709, 824, 904, 1001, 1126, 1209. Presque tous les diocèses de France la reprennent et de là, elle ne tarde pas à passer dans les colonies. En 1859, Mur Meaupoint, évêque de Saint-Denis (Béunion), l’établit dans son diocèse. Le 9 décembre 1849, .Ms· Sibour réorganisait à Paris les conférences des cas de conscience sur le mo­ dèle de celles de Bon e. Actes de l’Église de Paris, t. i, p. 463-465. Elles se tiennent encore. La Belgique emboîte lepas. En 1836, l’archevêque de Malines crée deux sortes de conférences, l’une pour les curés et l’autre pour les vicaires. En 1851, l’évéque de Liège les rétablit mensuelles en ville et bi-mensuellçs à la campagne. Elles sont organisées à Bruges en 1854 d'une façon toute spéciale, et on publie chaque année les Collationes Urugenses. A Namur, elles avaient été reprises spontanément par le clergé et elles devinrent une institution diocésaine en 18416. Les évêques belges lurent plus récemment les premiers à faire figurer au programme des conférences les questions sociales. La Suisse en organise également de deux sortes, les unes décanales et obligatoires, les autres libres, au choix des prêtres. Après le rétablissement de la hiérarchie en Angleerre, le Ier synode provincial de Westminster (1852), Collectio Lacensis, t. ni, p. 940, pose le principe des conférences, et le synode diocésain de Liverpool (1853) rixe à six le nombre des réunions; chacun des membres doit présenter à la conférence des solutions par écrit ; '.oute solution orale est écartée. Le concile plénier des évéques irlandais, réuni à Thurles en 1850, avait ordonné un minimum de matre conférences dans l’année. Ibid., p. 786. Le ill· concile provincial de Tuant en éleva le nombre à six, en 1858, et indiqua comme sujet d’étude les cas •le conscience et les rubriques. Ibid., p. 876. Le 1" coneile des colonies anglaises, hollandaises et danoises, tenu en 1854, avait ordonné les contêrences des cas de conscience sur la morale et la liturgie. Le IIe, en 1867, décida que chaque évêque prendrait pour son diocêse les dispositions convenables. Ibid., p. 1100, 1114. En 1844, le Ier concile provincial de l'Australie avait ordonné de tenir des conférences dans chaque doyenné, tn moins trois fois l’an. Ibid., p. 1045. En Hollande, te synode provincial d'Ulrecht de 1865 constate que les conférences ecclésiastiques sont en usage et déclare qu'il faut les promouvoir et les encou­ rager de plus en plus. Ibid., t. v, p. 9I6. Au delà du Rhin, l'évêque d’Augsbourg en Bavière, dès 1829, avait imprimé à la reprise des conférences •me nouvelle impulsion qui eut son ellet dans toute • Allemagne. En 1832, l’évéque de Trêves fixa le nombre les conférences à six réunions par an, et lit entrer dans te programme toutes les sciences Ihéologiques et toute b vie spirituelle. Statuta synodalia diœcesis Trevirensis, l. vin. Le concile provincial de Cologne, tenu en 1860, constate l’utilité et les fruits de ces conférences. Colle­ ctio Lacensis, t. v, p. 379. Sur les instances de Pie IX, lettre aux évêques d’Aufriche du 17 mars 1856, ibid., p. 1246, les conciles pro-inciaux de Strigonie (1858),de Vienne (1858),de Prague I860) eide Colocza (1863) assurèrent le fonctionnement des conférences dans tout l’empire austro-hongrois, •.bid., p. 53, 207-208, 419-420, 558, 673; toutefois leurs .élisions ne s’y exécutent encore qu’imparlaitemenl. ■ 826 L'Italie, sous le regard vigilant du saint-siège et -n souvenir de saint Charles, est restée fidèle à l’antique usage, mais avec une très grande variété de méthodes. Dans plusieurs diocèses, on prolite de la réunion pour adresser aux prêtres une instruction sur leurs devoirs d'état. Quant à Borne, elle possède pour le clergé sécu­ lier des conférences libres de liturgie, et des cas de conscience de morale obligatoires, et, chaque quinzaine, a lieu une réunion des curés de la ville. Les cas propo­ sés et résolus à l’Apollinaire sont publiés parMsrCadene depuis 1891. Les évêques de l'Ombrie, réunis en 1849, en étaient encore réduits à désirer l'établissement des conférences de morale dans leurs diocèses. Collectio Lacensis, t. vi, p. 756. En I850, l’évêque de Lorelte, dans ses constitu­ tions synodales, institue pour son diocèse les conférences mensuelles, ibid., p. 786-787 ; les sy nodes de Pise el de Se­ gni en établissent pour chaque mois,ou au moins tous les deux mois, ibid., p. 223-225, 267-268; les évéques de la Sicile les incitent chaque quinzaine. Ibid., p. 817. En 1856, le concile provincial de Venise étend le programme à l’Êcriture sainte, au dogme, à la morale et à la litur­ gie, ibid., p. 318, et celui d’Urbino, suivant les exemples de l’évêque de Lorelte, impose la tenue des conférences mensuelles, sinon même plusieurs fois par mois, comme le concile de Borne de 1725, ibid., p. 54-55, et il dresse un règlement détaillé, p. 100-102. Au synode diocésain de 1892. l’archevêque de Bénévent lixait à dix les cas de conscience que tous les membres de son clergé devaient, chacun, résoudre par écrit. Du côté de l’Espagne et du Portugal, on ne peut faire que d'assez tristes constatations. De longs troubles civils, en rendant les conférences périlleuses ou suspectes, les ont peu à peu fait disparaître. L’Amérique du Nord a introduit dans ses Églises cette utile institution. En 1855, le Ier concile provincial de Cincinnati (Etats-Unis) décidait que les conférences se tiendraient aussi souvent que possible. Collectio Lacensis, t. ni, p. 195. Le II” synode de la province «le Saint-Louis ajoutait, en 1858, qu'elles seraient présidées par les évéques. Ibid., p. 319. Le II· et le 111« concile provincial de Cincinnati (1858, 1861) adressaient au clergé des lettres pastorales dans lesquelles ils insis­ taient sur l’assiduité aux conférences. Ibid., p. 1226. 1247-1248. Le 1er concile plénier de Baltimore (1866) réglait leur fréquence et établissait le minimum à deux ou quatre par an. Ibid., p. 420. Le concile provincial de Baltimore (1869) s’en remet à la prudence des ordi­ naires et désire que les conférences aient lieu au moins tous les trois mois. Ibid., p. 584-585. Le VIII· synode diocésain de Baltimore a réglé définitivement, en 1875, la tenue des conférences ecclésiastiques pour le diocèse. Synodus diœcesana lialliniorensis octava, Baltimore, 1876, p. 25-26. Le !“■ concile provincial de Québec recommandait en 1851 les conférences et demandait des travaux écrits. Collectio Lacensis, t. ni, p. 615. Par mandement du 3 décembre 1853, l’archevêque de Québec fixait à quatre le nombre des réunions pour son diocèse et dressait un règlement détaillé sur la manière de les tenir. I e II· concile de la province insistait en 1854 sur les avantages moraux qui résultent de l'assistance régulière aux conférences. Ibid., p. 650. Le I·· concile provincial de Halifax (1857) obligeait, sous peine de suspense, les prêtres à assister à quatre réunions au moins chaque année. Ibid., p. 753. L’institution des conférences a passé dans l’Amérique latine. Le concile provincial du Mexique, tenu en 1849, recommandait aux évêques de les favoriser. Collectio Lacensis, t. vt, p. 713. Le Ier synode provincial de Quito (Équateur) imposait, en 1863, une peine aux absents. Ibid., p. 403-404. En 1868. le I·· concile provincial tenu à la Nouvelle-Grenade (Brésil) s’en remettait 827 CONFÉRENCES ECCLÉSIASTIQUES — CONFESSION DANS LA BIBLE 828 aux évêques de l’institution et de l’organisation des conférences. Ibid., p. 553. Le concile plénier de l'Amé­ rique latine, célébré à Rome en 1899, d'eida que les conférences ecclésiastiques seraient continuées ou réta­ blies partout; il laissa à chaque évêque le soin de les organiser dans son diocèse, mais il émit l'idée que si elles ne pouvaient avoir lieu en certains endroits, on y suppléerait par des dissertations écrites. Acta et déc réta concilii plenarii Americas lalhiæ in Urbe celebrati anno Domini sincccxctx, Rome, 1900, p. 291-292. Le concile de Smyrne, en 1869, ordonnait de les tenir une fois par mois. Collectio Lacensis, t. vi. p. 574. La Propagande écrivait, le 8 septembre 1869, aux vicaires apostoliques des Indes Orientales d'organiser des réu­ nions de missionnaires pour y conférer des sciences ecclésiastiques. Ibid., p. 665. En résumé, les conférences sont aujourd'hui à peu près universelles dans l’Église catholique, et sont entiè­ rement distinctes de quelques autres réunions tradi­ tionnelles des curés d’un canton entre eux ou des curés et de l’évêque. Elles se tiennent tantôt au doyenné, tan­ tôt à tour de rôle chez, les divers membres. Elles sont partout obligatoires et ont lieu en moyenne six fois par an. Les travaux en sont soumis à l’évêque, qui en fait ordinairement publier un compte rendu avec mention des meilleurs. Dans quelques diocèses, ce compte rendu donne le résumé des travaux et expose sommairement les sujets traités. Voir A. Sudre, Conférences ecclésias­ tiques de Cambrai, in-8», Cambrai, 1858. Les nouveaux réglements présentent ce caractère frappant, qu’ils donnent beaucoup moins d'importance que dans le passé au côté pieux, moral et disciplinaire, et beaucoup plus de place aux préoccupations scienti­ fiques. On y voit figurer le dogme, la morale, l’exégèse, le droit canon, la philosophie, l’administration des sacrements, l'histoire de l’Eglise, la théologie pastorale et les questions sociales. Le repas est toujours entouré de sages précautions. Le jeu est sévèrement proscrit, sou­ vent aussi les discussions politiques. En principe, il est avantageux, nécessaire même, que les prêtresse réunissent entre eux de temps en temps, soit au point de vue d'une honnête récréation, soit pour combiner leurs vues et leurs efforts. Les conférences donnent satisfaction à ce besoin, et elles peuvent, bien comprise;, rendre au clergé de grands services. Elles entretiennent chez les prêtres l'amour et la pratique de l’étude, leur rappellent les questions les pias impor­ tantes de la science sacrée, resserrent les liens de la fraternité, leur permettent de se concerter pour la direc­ tion morale à donner aux fidèles, et les établissent dans la voie où ils doivent marcher pour se rendre utiles. Un prêtre qui s’en abstiendrait pour se livrer à des études solitaires courrait risque de tomber bientôt dans une infériorité pratique marquée. Mais, pour que les conférences puissent vraiment atteindre leur but, plusieurs conditions sont indispen­ sables. Il importe tout d'abord qu’il y ait un programme de questions fixé d’avance, embrassant toute la science ecclésiastique et adapté aux besoins du temps actuel; ensuite que chaque membre de la conférence se livre à un sérieux travail personnel pour la préparation des questions; que l’on crée, si les livres manquent, de bonnes bibliothèques cantonales comme on le faisait aux siècles passés; que les réunions soient empreintes d’un vrai caractère de religion et de fraternelle charité; que les travaux soient écrits et sérieusement discutés sous la direction d’un prêtre grave et instruit; et qu'enfin l’autorité épiscopale exerce un sérieux contrôle et récompense les efforts et le succès des conférenciers. Jamais l’Eglise n'a élevé les conférences ecclésiastiques â la hauteur d’une institution universelle et obligatoire. Mais les conciles provinciaux et les synodes les ont tant louées et encouragées, les plus saints évêques ont tant fait pour les établir et les faire prospérer, l’expérience a prouvé qu'elles ont rendu tant de services, qu’elles méritent d’être regardées comme l'une des meilleures et des plus utiles institutions ecclésiastiques. Aussi, en 1870, plusieurs évêques de France et d'Allemagne présentèrent-ils au concile œcuménique du Vatican deux postulata distincts, demandant à l’assem­ blée conciliaire de rendre universelle l'institution des conférences ecclésiastiques. Les évêques français dési­ raient que le nombre des réunions fût de six à sept au moins par année; les prélats allemands en fixaient la tenue tous les mois ou tous les deux mois. Collectio Lacensis, t. vu, p. 834, 873. P.-L. Péchenard, Étude historique sur les conférences ecclé­ siastiques. Paris, s. d. (1896); Kirehenlexikon, 2’ édit., t. ni, col. 858-865; Analecta juris pontificii, 2· série, col. 506. 28072808; 15· série, col. 577, GS5, 691; 16’ série, col. 1086, 1107; 20· série, col. 239; Dupanloup. Nouveau programme des con­ férences ecclésiastiques, 1875; A. Lucidi, De visitatione sacro­ rum liminum, 2' édit.. Rome, 1878, t. !, p. 478-489, pour les questions canoniques relatives aux conférences. Quant aux con­ férences monastiques, recommandées par Smaragde, Diade­ ma monachorum, c. xn, P. L., t. en, col. 630. continuées au moyen âge par saint Odon de Cluny, Collationum libri tres, P. L·., L CXXXIII, col. 517-638, et aux cas de conscience de chaque semaine ou quinzaine, établis par saint Ignace pour la Compagnie de Jésus et imposés par Clément VIII, const. Nullus om­ nino. du25juillet 1599. Pullarium romanum. t.x,p.6G3: t. xm, p. 207, et par Urbain VIII, à tous les religieux, voir RÉGULIERS. P.-L. Péciienaud. CONFESSEUR. Voir Confession. CONFESSION. Dans son acception le plus ordi­ naire, la confession est l’aveu des pêchés. C’est la traduc­ tion de l’expression έξομολόγησις (de έζομολογέω, έςομολογέομαι, au sens propre, assentior contra me dictis, je m’avoue coupable), usitée dans l’ancienne littérature ecclésiastique. Mais cet aveu des péchés peut être fait de bien des manières. 11 peut être fait à Dieu seul dans l’intime de la conscience, ou aux hommes, soit en pu­ blic, soit en secret, par des formules générales ou par une déclaration spécifique et détaillée des fautes, dont on se reconnaît coupable. Toutes ces formes de con­ fession peuvent se produire en dehors du sacrement de pénitence. Quant à la confession sacramentelle, c’est, suivant la pratique actuelle, l’aveu détaillé des pêchés, mortels ou véniels, fait par des chrétiens baptisés à un prêtre approuvé, en vue d’en recevoir l’absolution. Nous étudierons la confession des péchés et ses diffé­ rents modes, mais surtout la confession sacramentelle : 1° Dans l'Écriture; 2° Du i"au Xlll· siecle; 3° Du concile de Latran au concile de Trente; 4° Dans l’Église armé­ nienne; 5" Chez, les Coptes; 6° Chez les Syriens; 7° Chez, les protestants: 9» Questions morales et pratiques; 10° Science acquise par le moyen de la confession. I. CONFESSION DANS LA BIBLE. — 1» Sous la loi de nature et la loi mosaïque. — Dans les livres de l’Ancien Testament, il ne peut être question de la con­ fession sacramentelle, puisque, comme tous les sacre­ ments de la nouvelle loi, celui de la pénitence a été institué par Jésus-Christ; mais il y est parlé de l’aveu des péchés. On y trouve mentionnées trois sortes de confessions faites à Dieu : la première, qui est l’indice du repentir des fautes commises, est de droit naturel, et elle est exigée de tous les pécheurs, païens ou juifs; mais elle n’est pas nécessairement extérieure et elle peut n’être qu’intérieure; les deux autres sont extérieures et propres à la législation mosaïque, l’une est générale, pour tous les péchés du peuple juif, et l'autre est spé­ ciale à chaque individu, pour des fautes déterminées par le droit. Enfin, saint Jean-Baptiste, qui prêchait la pénitence, imposait à ses disciples l'aveu de leurs fautes et le baptême pour la rémission des péchés. 829 CONFESSION DANS LA BIBLE I. Areu de la faute en signe de repentir. — Pour pardonner le péché, Dieu exige du coupable le repentir. Voir Contrition. Or le repentir suppose chez le pécheur repentant la reconnaissance de sa culpabilité, et celte reconnaissance est un aveu intérieur de la faule. Mais souvent cet aveu se manifeste extérieurement, en actes ou en paroles, et devient une confession explicite de l'offense faite à Dieu ou au prochain. Dieu lui-méme, par un interrogatoire sévère et miséricordieux tout ensemble, provoque cet aveu sur les lèvres d’Adam et d'Éve prévaricateurs, et les coupables, lout en cherchant à s’excuser, avouent leur désobéissance. Gen., tu, 9-13. Il interpelle Caïn, qui nie son fratricide, et il maudit celui qui ne se croit pas digne de pardon. Gen., iv, 913. Cet aveu, arraché souvent par les menaces divines et accompagné d'un repentir plus ou moins sincère, se retrouve dans la bouche des païens ou des Israélites coupables. Pharaon reconnaît ses torts a l’égard de Jahvé, Dieu de Moïse et d’Araon. Exod., tx, 27; x, 16. Balaam avoue sa résistance aux inspirations du Dieu d lsraël. Num., xxn. 34. Les Israélites, coupables au désert, déclarent à Moïse qu’ils ont péché contre le Seigneur. Num., xxi, 7; Dent., i, 41. Achan se dénonce comme ayant transgressé les ordres divins, .los., vu. 20. Les contemporains de Jephté reconnaissent publi­ quement leur idolâtrie, et en demandent pardon, Jud., x. 10, 15. Ceux de Samuel avouent le même crime et en font pénitence. I Reg., vu, 6; xu, 10. Après avoir d'abord pallié sa désobéissance, Saul fait un aveu com­ plet de sa faute, afin de n’en plus avoir la responsabilité. I Reg., xv. 20, 24, 25. Dieu provoque au repentir le roi David, adultère et homicide, en lui envoyant le prophète Nathan, et le coupable s’écrie : Peccavi Domino. II Reg., xu, 1-13; Ps. L, 6; xxxt. 5. Quand une pensée d'orgueil a poussé ce même roi à faire le recensement de son peuple, sous la menace divine, il reconnaît sa faute. Il Reg., xxtv, 10, 17; I Par., xxi, 8, 17. Les Israélites pieux avouaient les fautes de leurs pères et déclaraient que Dieu les ajustement punies ou s'effor­ caient par leurs prières de détourner loin d'eux la juste vengeance du Seigneur, qui châtie les ancêtres dans la personne de leurs descendants. Ainsi faisait Salomon. III Reg., vm, 46-50; 11 Par., vt, 36-40. Les habitants de Béthulie se reconnaissaient eux-mêmes coupables comme leurs pères et imploraient le pardon de toutes les fautes de leur peuple. Judith, vu, 18-21. Esther déclarait hautement les crimes des ancêtres. Esth., xiv, 6. Le psalmiste se reconnaissait responsable des péchés de ses pères. Ps. cv, 6. Job, qui avait si fortement le sentiment de sa culpabilité, exprimait explicitement son peccavi. Job, vu, 20. Dans les reproches qu’il lui adressa, Dieu déclara que le juste lui-même devait s'avouer coupable et reconnailre qu'il était justement -uni. Job, xxxm, 27. Les prophètes indiquaient aux Israélites la confession des péchés comme une condition du pardon. .1er., ni, 25; vm, 14. Dieu lui-même l'exi­ geait. .1er., xvi, 10. Jérémie avouait les fautes de Juda et en demandait pardon. Jer., xiv, 7, 20. Epouvantés par les bâtiments prédits dans le livre de Baruch, les Juifs se r·. connaissaient coupables. Baruch, 1, 13, 17; il, 5, 12; m, 2. Azarias prie dans la fournaise et reconnaît les crimes d'Israël. Dan., m. 29. Daniel. IX, 5, 15, agit de même, et ajoute l'aveu de ses fautes personnelles, tx, E-dras, I Esd., ix, 6, 7, et Néhémie, II Esd., i, 6, n font autant. Après avoir entendu la lecture de la Loi, les Juifs, revenus de la captivité, se reconnaissent coupables. II Esd., ix. 2. Au jugement du sage, celui qui cache ses crimes s'en trouvera mal; mais celui qui les avoue et s'en éloigne, en obliendra miséricorde. Prov., xxviu, 13. L'auteur de l’Ecclésiastique, iv, 31, faisait cette recommandation : « Ne rougis point de confesser tes p'chés. » et cette autre : « Ne dis point : J’ai péché, ei que rn'est-il arrivé? car le Très-Haut est lent â 8.10 punir, » v. 4. Cette confession, faite à Dieu, sous la loi de nature et sous la loi mosaïque, pouvait n’ètre qu’une reconnaissance intérieure de sa culpabilité. S. Thomas, Sum. theol., IHæ Suppl., q. vi. a. 2. ad lum, 2“™. 2. Confession publique de tous les péchés d'Israël. — Chaque année, au jour de l’Expiation, le grand-prêtre immolait un taureau en expiation de ses propres péchés et de ceux de sa famille. Lev., xvi, 6, 11. Il confessait publiquement toutes les iniquités des Israélites. Les mains étendues sur le houe émissaire, il le chargeait de toutes les fautes du peuple et le faisait conduire dans le désert. Lev., xvi, 21. 22. Cette confession solennelle, faite â Dieu au nom de tout Israël, était nécessairement formulée en termes généraux. Le Talmud de Jérusa­ lem, traité Yoma, lit, 7, trad. Schwab, Paris. 1882, t. v, p. 194, 195, reproduit la formule de confession que le grand-prêtre prononçait pour lui et sa maison : « O Eternel, j'ai été pervers, j'ai péché, j'ai commis des fautes devant toi, moi et ma maison. O, par Dion, par­ donne les crimes, les péchés et les fautes donl je me suis rendu coupable devant toi, moi et ma maison, comme il est écrit dans la loi de Moïse, ton serviteur! Car, en ce jour, votre expiation aura lieu, etc. » Lev., xvi, 30. Il parle, iv, 2, p. 205, d'un second taureau, au­ quel le grand-prêtre imposait les mains, en récitant la confession suivante : « O Éternel, j'ai été criminel, j'ai péché, j'ai commis des fautes, moi et ma maison, les tils d'Aaron et ton peuple saint. O, par Dieu, pardonnemoi toutes ces iniquités, etc. » Enfin, vt, 2, p. 232. la for­ mule de la confession, faite pendant l'imposition des mains sur le bouc émissaire, était celle-ci : <. O Éternel, ton peuple et la maison d'Israël a commis des crimes et des fautes, il a péché devant toi; ô Éternel, pardonnelui, etc. » ' 3. Confession de fautes spéciales et déterminées. — La loi de Moïse prescrivait d'ollrir â Dieu, en beaucoup de circonstances, un sacrilice pour le péché ou pour le délit. L’offrande du sacrilice prescrit était, â elle seule, un aveu public, au moins implicite de la faute commise. S. Thomas, Sum. theol., 111“ Suppl., q. vi, a. 2, ad 2“m. Mais l’aveu explicite semble être exigé·, si on considère les termes du texte hébreu en plusieurs textes législa­ tifs. Lo sacrifice pour le péché était imposé an grandprêtre. au peuple, aux princes et aux particuliers pour des fautes d’ignorance ou des violations involontaires de la Loi. Lev., iv, v; Num., xv, 22-29. Ce sacrifice faisait, d’ailleurs, partie du culte public aux jours de fêles et aux néoménies. Lev., χχιιι, 19; Num., xxvm, 15. 22. 29, 30; XXIX. 5, 19,25.31,38; Il Par., xxix, 21, 23; Baruch, t, 10; I Esd., vt, 17; Vin, 23. Le sacrilice pour le délit n’était ollert que par les particuliers pour expier leurs fautes personnelles contre le prochain, après restitution ou compensation, Lev., VI, 1-7; Num., v. 6, 7, ou des impuretés légales. Lev., xn, 6-8: xtv, 11-32; xv, 14, 15, 29. 30: xix, 21. 22. Cette confession, partie intégrante du rite expiatoire de la faule, était faite â Dieu plutôt qu'aux hommes. Cependant, pour les fautes contre le prochain, la réparation du dommage entraînait un aveu public, â tout le moins implicite. Le Talmud de Jérusalem, traité Yoma, vm. 6-8, t. v, p. 254, 255, reconnaît que le sacrilice expialoire et la célébration de la fete de l’Expiation obtenaient le pardon des fautes, parce qu’ils entraînaient forcément le repen­ tir. Pour les péciies commis contre Dieu, les Israélites pécheurs n’a vaient de compte à rendre qu’au Pore céleste, qui absout et qui purifie. Mais, comme la cérémonie de la confession publique par le grand prêtre a la fête de l’Expiation n’avait plus lien, depuis que le Temple de Jérusalem était détruit, les rabbins l'avaient remplacée par une confession que chaque Israélite devait faire cinq fois en ce jour de fête. Les uns n'exigeaient qu'une formule générale telle que celle-ci : « Mon maître, j'ai péché, j’ai commis le mal, je me suis trouvé sous une 831 CONFESSION DANS LA BIBLE mauvaise impression, je suivais une voie éloignée de toi ; mais je ne veux plus agir comme je l'ai fait. Qu’il te plaise donc, ô Eternel, mon Dieu, de pardonner tous mes péchés, d’absoudre tous mes crimes, de me faire remise de toutes mes fautes. » Ibid., p. 257-258. D’autres imposaient l'énonciation détaillée de toutes les actions blâmables; R. Akiba déclarait celte énumération des fautes inutile. Ibid., p. 258. Cf. traité Nedarim, v, 4, Paris, 1886, t. vm, p. 198. Pour les fautes commises contre le prochain, le pardon n’est obtenu qu’après satisfaction directe. « Samuel dit : Celui qui a péché envers son prochain devra aller auprès de lui et lui dire : « J'ai commis un péché envers toi el je le rcgrelle. » Si l'olfensé se déclare satisfait, c’est bien; si non, le premier amènera d’autres personnes et il tâchera en leur présence de conlenler le prochain qu'il a lésé... Il dira : « J'ai péché, j'ai tourné le bien en mal et j’en éprouve « des regrets... » Si l'offensé est mort, il faudra aller sur sa tombe exprimer son repentir et lui dire : « J’ai péché « envers toi. » Ibid., p. 257. Cf. M. Schwab, Traité. des Berakholh, trad, franç., Paris, 1871, Introduction, p. xxxn; M. Schuhl, Sentences et proverbes du Tal­ mud et du Midrasch, Paris, 1878, p. 258, 262, 405-406; Morin, Commentarius historicus de disciplina in administralione sacramenti pænitentiæ, 1. II, c. vm, Anvers, 1682, p. 81-87; .1. Buxtorf, Synagoga judaica, 3e édit., Bàle, 1661, p. 491-191, 521-522; P. Drach, Har­ monie entre l’Église et la synagogue, Paris, 1844, t. i, p. 517. 4. Confession exigée par saint Jean-Baptiste pour le baptême el la rémission des péchés. — Saint JeanBaptiste prêchait l’imminence du royaume messianique et la nécessité de s’y préparer par le repentir. Ses contemporains étaient peu convaincus de la nécessité du repentir. Fiers de leurs privilèges, observateurs exacts des rites et des ablutions purificatrices, ils ne pensaient guère à la purification de leur cœur. Jean, au contraire, prêchait la nécessité du repentir de toutes les fautes. Sa prédication eut en Judée un grand retentissement, et les Juifs venaient en foule l’écouter. Or, avant de conférer aux convertis dans le Jourdain le baptême pour la rémission des péchés, il exigeait d'eux la contession de leurs fautes. Ses disciples accusaient donc leurs péchés. Malth., Ht, 6; Marc., I, 5. Cet aveu sincere précédait le baptême de pénitence et en était une con­ dition nécessaire. Mais on ignore de quelle façon il était fait. La simple démarche de venir à Jean et de lui demander le baptême de pénitence n’était pas un aveu suffisant de culpabilité. Comme chacun était baptisé à part, la confession était individuelle. Saint Jean n’exi­ geait peut-être qu’un aveu général. D’ailleurs, la foule qui se pressait sur les rives du Jourdain ne laissait guère à chacun le loisir d’énumérer en détail les fautes com­ mises. Enlin, les exhortations du précurseur et ses reproches, Luc., m, 7-16, concernaient les péchés publies plutôt que des fautes secrétes. Cependant la vivacité du repentir pouvait amener pertains pénitents à avouer leurs péchés les plus graves, qu'ils aient été publics ou secrets. Tertullien, De baptismo, 20, P. L , 1.1, col. 1222, pensait que saint Jean entendait one confession détaillée des fautes de chaque pénitent. Saint Cyrille de Jerusa­ lem, Cat., m. 4, P. G., t. xxxin, col. 437, dit aussi que les coupables montraient leurs blessures, auxquelles Jean appliquait les remèdes. Quoi qu’il en soit, cetle confession ditlërait des aveux généraux ou déterminés qu’exigeait la loi mosaïque et ressemblait davantage à la confession secrète et détaillée que les chrétiens font aux prêtres pour recevoir l'absolution de leurs péchés. Cf. Palrizi, Oe Euangeliis libri tres, 1. Ill, diss. XLIV, n. 6, Fribourg-en-Brisgau, 1853. p. 470; J. Knabenbauer, Evang. sec. Maith., Paris, 1892, t. I, p. 124; A. Loisy, Les Evangiles synoptiques, dans L'enseignement bi­ blique, p. 88. 832 2“ Sous la loi chrétienne. — I. D'après les Evangiles. — Jésus-Christ, Fils de Dieu, ne s’est pas contenté de remettre lui-même les péchés et de prouver ainsi sa divinité, en usant d’un pouvoir exclusivement propre à Dieu. Cf. M. Lepin, Jésus Messie et Fils de Dieu d’après les Évangiles synoptiques, 2' édit., Paris, 1905, p. 105107; P. Balilfol, L’enseignement de Jésus, Paris, s. d. (1905), p. 172-173. Il a promis à Pierre d’abord, Matth., xvi, 19, à tous les apôtres ensuite, Malth., xvm, 18, puis il leur a conféré, Joa., xx, 23, le pouvoir, propre à Dieu, de remetire ici-bas, aux croyants baptisés, leurs péchés. On a dit que ces textes, qui concernent la rémission des péchés, sont des paroles du Christ glorifié, « soit qu'elles se trouvent dans des discours attribués à Jésus ressus­ cité, » Joa., xv, 23, « soit qu’elles allectent le caractère d’additions rédactionnelles. » Malth., xvt, 19; xvm, 1518. On a prétendu que « plusieurs de ces textes ne se rapportent pas à la pénitence ecclésiastique indépen­ damment du baptême », et que, v dans les documents évangéliques, c'est le baptême qui est visé principale­ ment. » A. Loisy, Autour d'un petit livre, Paris, 4903, p. 247-248; Le quatrième Évangile, Paris, 1903, p. 914916. Ce n’est pas le lieu de démontrer le caractère pri­ mitif et la vérité historique de ces témoignages Cf. A. Michiels, L'origine de l'épiscopat, Louvain, 1900, p. 2048, 55. Ils montrent à tout le moins «que la communauté chrétienne s’est, dès l’origine, attribué un tel pouvoir, et qu’elle croyait le tenir du Sauveur ressuscité, comme la mission de prêcher l'Évangile ». A. Loisy, Autour d'un petit livre, p. 249. Du reste, l’insufllation du SaintEsprit, Joa., xx, 23, n’a aucun rapport direct avec le baptême; elle ne vise absolument que la rémission des péchés, et nullement le droit de refuser le baptême aux indignes. Voir 1.1, col. 144. Cf. Calmes, L'Évangile selon S. Jean, Paris, 1904, p. 451-452. D’ailleurs, M. Loisy concède que le « pouvoir de rémission n'est pas limité aux convertis comme sujets, ni au baptême comme moyen de pardon; l’Eglise est maîtresse de sa police intérieure et juge des fautes commises parles chrétiens; il lui appartient de décider si telle faute place un lidèD en dehors de la société des saints, si h· coupable peut y être réintégré, après en avoir été exclu, et à quelles conditions ». Le quatrième Evangile, p. 915. Mais si l’Évangile est formel sur l’existence du pou­ voir de remettre les péchés dans l’Église et sur la con­ cession de ce pouvoir par Jésus-Christ à ses apôtres d’une façon permanente, voir t. I, col. 138-145, « il est entièrement muet sur les conditions et le mode de son exercice. Tout ce qu’on peut dire, c’est que les paroles de Notre-Seigneur semblent exiger une sorte de juge­ ment, basé par conséquent sur une connaissance du délit. En disant à ses apôtres : Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remet trez ; ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez, Jésus-Christ suppose, chez ceux à qui il confère ce pouvoir, une délibération, un acte de jugement, une sentence. » A. Boudinhon. Sur l’histoire de la pénitence, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1897, t. il, p. 315. Le caractère judiciaire de ce pouvoir constituait un mode nouveau d'absolution, qui devait servir à régler les con­ ditions de son exercice et le mode de confession. Les fideles baptisés devaient sans doute s'accuser de leurs péchés devant Dieu ; ils pouvaient s’avouer coupables par des formules générales et accuser publiquement certaines fautes déterminées. Mais lorsqu'ils recouraient au pouvoir d'absoudre, spécialement confrréaux apôtreet à leurs successeurs, ils étaient obligés de faire un aveu détaillé de tous leurs pêchés. En effet, pour que les apôtres et leurs successeurs pussent user du pou­ voir, dont Jésus les avait investis, pour qu’ils pussent remettre ou retenir les péchés, il était nécessaire que ces péchés, qu’ils ne connaissaient pas, lussent soumis a leur jugement et leur fussent accusés spécialement 833 CONFESSION DANS LA BIBLE 83 i stelgeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 361 ; C. FilC’est la conclusion que le concile de Trente, sess. XIV, lion, La sainte Bible, Paris, 1901, t. vu, p. 753; V. Rose, c. v, a tirée de l’institution divine du sacrement de pénitence par mode de jugement. 11 a pu aussi porter 1 Les Actes des apôtres, Paris, 1905, p. 198; Mt>r Le Ca­ mus, L’œuvre des apôtres, Paris. 1905, t. ni, p. 38. Ils anathème contre les protestants, qui niaient que « la n’en concluent pas cependant, sauf Holtzmann qui re­ confession sacramentelle a été instituée de droit divin », connaît que ce passage favorise la croyance catholique ou qui disaient que « la confession faite en secret au de la confession sacramentelle, que cet aveu était sacra­ prêtre seul, est étrangère à l’institution et au précepte mentel. 11 en résulte, à tout le moins, qu'on ne peut du Christ et une invention humaine ». Ibid., can. 6. Il est donc juste de dire, « que rien, dans le régime ac­ tirer de ce texte une preuve certaine de l’existence de la confession sacramentelle à Ephèse durant le séjour tuel de la pénitence ecclésiastique, n’est étranger à que saint Paul fit dans cette Eglise. l'institution du Christ, » non pas en ce sens que l’ori­ b) I.e second passage des écrits apostoliques, dans le­ gine et l’évolution historique de la pénitence « repré­ quel il est fait mention d’une confession des péchés, se sentent un aspect du Christ qui vit et de l’Esprit qui trouve, Jac., v, 16. II suit immédiatement le texte, v, agit dans l’Église depuis le commencement », A. Loisy, Autour d’un petit livre, p. 219-250, mais en ce sens 14, 15, qu’Origène, In Lev., homil. ni, P. G., t. xn, col. 418-419, et saint Chrysostome, De sacerdotio, 1. Ill, que la confession détaillée, faite aux prêtres en vue de recevoir d’eux l'absolution des fautes avouées, a été c. vi, P. G., t. xi.vm, col. 644, entendaient directement de la rémission des péchés par l’intermédiaire des prê­ instituée par Jésus-Christ, puisqu’il a établi dans l’Église tres, mais que le concile de Trente, sess. XIV, can. 1, h· pouvoir de remettre ou de retenir les péchés, qui ne a interprété officiellement comme la promulgation du saurait s’exercer sans l’aveu sacramentel, quelles qu’en sacrement de l’extrême-onction. Il lui est même étroi­ soient d'ailleurs les formes diverses. tement rattaché par la conjonction ουν : Έζοιζολογείσθε 2. D'après les Actes et les Épîtres. — Le concile de οδν ά/.λήλοις τ« αμαρτίας. L'important est de déterminer Trente, sess. XIV, c. v, et can. 6, a encore affirmé que quelle sorte de confession des péchés l’apôtre recom­ la confession secrète sacramentelle a été en usage dans l’Églisedès le commencement, et il a fait appel au consen­ mande. Or. les anciens écrivains ecclésiastiques n'ont pas commenté ce texte, ou bien ils l’ont entendu de l’ef­ tement unanime des anciens Pères. Or, avant d’exposer ficacité de la prière des chrétiens les uns pour les autres, leur témoignage, il faut étudier trois textes des Actes à laquelle Dieu a attaché la promesse de pardonner les et des Épilres des apôtres, qui parlent de la confession péchés pour lesquels on le prie. Cassiodore, Com­ des péchés, et examiner de quelle nature était la con­ plexiones in Epist. apost., Epist. Jacobi ad dispersos, fession dont ils parlent et si elle était sacramentelle. n. Il, P. L., t. i.xx, col. 1380. Cf. Œcumenius, Com­ a) Le premier de ces textes, Act., xtx, 18, a déjà été commenté, 1.1, col. 352-354. Nous résumerons, en la pré­ ment. in Epist. S. Jacobi, c. vu, P. G., t. extx, col. 508; Théophylacte, Exposit. in Epist. calh. S. Jacobi, P. G., cisant, l'histoire de son interprétation. Si les Pères latins t. exxv, col. 1188. Mais, à partir du vm» siècle, dans ont négligé ce texte, quelques Pères grecs l’ont entendu l’Église latine, ce passage a été généralement entendu d'un aveu général de culpabilité. Saint Chrysostome, de la confession sacramentelle. Le Vénérable Bède, hi Acta apost-, homil. xi.i, n. 2, P. G., t. t.x, col. 290, en conclut que les fidèles doivent s'accuser de leurs Comment, super Epist. Jacobi, c. v, P. L., I. xcnt, lautes, pour ne pas être accusés par les dénions; mais col. 39-40, trouve dans ce passage matière à une distinc­ il parle seulement d'une confession par les actes, ou tion : Si les péchés légers et quotidiens sont avoués réci­ d’un changement de conduite de la part des pécheurs. proquement et pardonnés en vertu de la prière quoti­ Cramer, Catenæ Patrum greecorum in N. T., Oxford, dienne de ceux qui en ont entendu l’aveu, l’impureté de la lèpre plus grave doit être soumise aux prêtres pour 1841, t. ni, p. 319, cite, sous le nom d’Ammonius, une recevoir d’eux les moyens de la guérison. Walafrid Straexplication d'après laquelle les fidèles, s'ils veulent être justes, doivent avouer leurs fautes et promettre de n’y bon, Glossa ordinaria, P. L., t. exiv, col. 679, reproduit textuellement l’explication de Bède. Mais Alcuin. Epist., plus retomber, dans le même sens qu’Is., xi.in, 26; Prov., xvni, 17. Cette explication est reproduite presque cxn, P. L., t. c, col. 308, entend ce texte exclusivement textuellement parŒcuménius, Comment, in Acta apost., de la confession faite aux prêtres : Quid est quod dixit: P. G., t. cxvill, col. 252, et par Théophylacte, Expositio Alterutrum, nisi homo homini, reus judici, ægrolus medico? Le 11e concile de Chalon (813), can. 33, l’inter­ ί Acta apost., P. G., t. exxv, col. 765. Denys le char­ prète aussi de la confession sacramentelle, par opposi­ treux, Enarrat, in Acta apost., Opera, Montreuil, 1901, tion à la confession faite à Dieu. Mansi, Concil., t. xiv, t. xiv. p. 190, dit simplement que les Éphésiens avouaient col. 100. Au xt« siècle, Burchard de Worms, Decret., leurs fautes à saint Paul, quia compuncti sunt corde 1. XVIII, c. n, P. L., t. cxl, col. 938, applique ce texte et ore confessi. C’est à partir des controverses avec les protestants que des théologiens et des exégètes catho­ à la confession des malades qui sont en état de péché. liques y ont reconnu la confession sacramentelle. Cf. .1. Au xne siècle, il se produisit un double courant. Tout Knalicnbauer, In Actus apost., Paris, 1899, p. 330. Mais en admettant généralement l'obligation de la confession, les docteurs n’expliquaient pas de la même manière d'autres théologiens et commentateurs n'y ont vu qu’une confession, antérieure au baptême et analogue à celle l’origine de ce précepte. Tandis que Hugues de Saintqu'exigeait saint Jean-Baptiste. Aux noms cités, t. i, Victor, De sacramentis, part. II, c. xiv, P. L., t. ci.xxvi, col. 353, ajoutons Salmeron, Comment, in evangel, hi­ col. 552, trouve l’obligation de confesser les péchés dans le texte de saint Jacques, d’autres docteurs n’y recon­ storiam et in Acta apostolorum, tr. XLIX, Cologne, 1614, t. xn, p. 330; J. A. Van Steenkiste, Actus aposto­ naissent qu’une simple exhortation. Ainsi Abélard. lorum breviter expositi, 4" édit., Bruges, 1882, p. 282Ethica, c. xxiv, P. L., t. ci.xxvm, col. 666; Roland Ban283. Toutefois, la plupart des exégètes récents recon­ dinelli, Die Sentenzen Bolands, édit. Gielt, Fribourgnaissent que les Éphésiens. qui lirent des aveux publics, en-Brisgau, 1891, p. 248; Gratien, Decret., De pænit., étaient convertis déjà avant les événements racontés par dist. I, caus. LXXXVII, P. L., t. cexxxvn, col. 1557 saint Luc, ou l avaient été à leur occasion. Cock, The Pierre de Poitiers, Sent., 1. III, c. xin, P. L., t. ccxi .tels of the apostles, 2« édit.» Londres, 1866, p. 236; col. 1070, reconnaît même dans cette confession celle II. Weiss, Die Aposlelgeschichle, dans Texte und Vndes péchés véniels qui a lieu deux fois par jour et â complies. Les autres docteurs du xn* et du xin* siècle tersuchungen, Leipzig, 1893, t. ix, p. 229; F. Blass, Acta apostolorum, Gmttingue, 1895, p. 207; H. J. Holtz­ adoptèrent le sentiment de Hugues de Saint-Victor et mann. Apostelgeschi elite, 3* édit., Tubingue et Leipzig, rattachèrent le précepte de la confession sacramentelle 1901, p. 122: et chez les catholiques, Felten, Die Apo- au texte de saint Jacques. Pierre Lombard, Sent., I. IV, DICT. DE TIIÉOL. CAT11OL. III. — 27 • 835 CONFESSION DANS LA BIBLE 836 (list. XVI, 4. P. L., t. cxcn, col. 882; Richard de Saint- I modernes ont repris l’une ou l’autre de ces deux derVictor, De poleslate ligandi algue solvendi, c. v, P. L., ; nières interprétations, mais à l’exclusion de la confes­ sion sacramentelle. Ainsi Liagre, Interpretatio Epistolæ t. cxcvi, col. 1163; Alexandre de Bales, Sum. theol., lart. IV, dist. XVIII, m. ni. a. 2; Albert le Grand. In canonicæ sancti Jacobi, Louvain, 1860: Drach, Épitres catholiques, Paris, 1879, p. 55, ont entendu ce passage IV Sent., I. IV, dist. XVI, a. 12. Opera, Paris, 1894, uniquement de l'aveu des torts et des fautes réciproques . XXIX, p. 529; S. Raymond de Pennafort, Summa, part. IV, dist. XIII, édit, de 1715, p. 653; S. Bonaven­ que l’apôtre engage les chrétiens à se faire humblement, en se recommandant aux prières les uns des autres. ture, In IV Sent., 1. IV, dist. XVII. part. II. a. 1, q. m, L’aveu, fait au prochain en vue de demander conseil ou Lion, 1668. t. v, p. 224; Richard de Middletown, In secours de prière, excite les autres à la commisération IV Sent., I. IV, (list. XVII, a. 2, q. 1, Brescia, 1591, pour le coupable et à une prière plus fervente pour sa t. iv, p. 247; S. Thomas, In IV Sent., dist. XVII, q. m, conversion. C’est le sens qu'aprés Beelen adopte Van a. 2, ad i»·, Opéra, Paris, 1878, t. xxx, p. 685; le pseudoSteenkiste, Epistolæ catholicæ breviter explicatu·, Augustin, De visitatione infirmorum, 1. I, c. n; I. II, 2’ édit., Bruges, 1887, p. 53. Cet aveu excite encore le c. iv, P. L., t. xi., col. 1148, 1154-1155. Duns Scot, In coupable à la contrition. Fillion, La sainte Bible, Paris, IV Sent., 1. IV, dist. XVII, n. 15, Opera, Paris, 1894, 1904, t. vm, p. 656. Le P. Calmes, Épitres catholiques, t. xvm, p. 518, déclare que saint Jacques n’a pas donné Apocalypse, Paris, 1905, p. 21, rattache ce verset aux de précepte ni promulgué un précepte de Jésus-Christ. précédents et déclare que, d’après saint Jacques, la ré­ H ne parle pas au nom du Seigneur. D’ailleurs, simple mission des péchés « dépend autant des prières faites évêque de Jérusalem, il n'a pu inculquer un précepte par les fidèles que des onctions pratiquées par les presinviolable. Durand de Saint-Pourçain, In IV Senl.,1. IV, bytres ». dist. XVII, q. vm, n. 9, Lyon, 1587, p. 768, ne voit non plus dans ce texte qu’un conseil de saint Jacques. Nico­ La raison pour laquelle, au sentiment des commen­ tateurs modernes, même catholiques, il ne peut être las de Gorham. Exposit. in septem Epist. canon., dans Opera de saint Thomas, t. xxxi, p. 366, conclut aussi question ici de la confession sacramentelle, est que de ce texte qu'on est obligé de confesser les péchés saint Jacques recommande aux chrétiens de se confes­ graves. Denys le chartreux, Comment, in Epist. S. Ja­ ser les uns aux autres, c’est-à-dire les fidèles entre cobi, a. 7, Opera, Montreuil, 1901, t. xm, p. 608-609, eux, et non pas aux prêtres. Cf. Oswald. Die dogmarevient à la distinction du Vénérable Béde; il ajoute lische Lehre von den heiligen Sakramente, Munster. seulement qu’en cas de nécessité et en l’absence du 1870, t. n, p. 105; Schegg, Jakobus und sein Brief, prêtre les péchés mortels peuvent être accusés à un Munich, 1883, p. 265-266; Sleiz, Das rômische Bussalaïque; la confession des péchés véniels peut toujours crament, Francfort-sur-le-.Mein, 1854, p. 16-17. Les te­ être faite alterutrum. Les théologiens et les commen­ nants de l'interprétation favorable à la confession sacra­ tateurs plus récents sont généralement demeurés fidèles mentelle répondent à cet argument, en disant que à cette interprétation. Bellarrnin, De pænitenlia, L III, άλλήλοις n'a pas une signification générale etabsolue et c. iv, Conlrov , Milan, 4721, l. m, col. 1043-1044; Morin, ne désigne pas tous les chrétiens indifféremment, mais De pænitentia, 1. VIII, c. vm, n. 4, Anvers, 1682, p. 531 ; seulement ceux d’entre eux qui ont reçu de Jésus-Christ ITomont, In Epist. Jacobi, dans Migne, Script, sac. le pouvoir de remettre les péchés. C’est ainsi que saint cursus, t. xxv, col. 729-730; Wouters, In Epist. cathol. Paul recommande aux Éphésiens, v, 21, d'être soumis dilucidalio, ibid., col. 1007-1008 (au moins comme veάλλήλοις, les uns aux autres, pour exprimer les devoirs rosimilius); Salmeron, In Epist. canonicas, Cologne, réciproques des femmes et de leurs maris, des enfants 1615, t. χνι, p. 47-48; Serarius, Comment, in omnes et des parents, des maîtres et des esclaves. Mais la re­ Epist. canonicas, Mayence, 1612, p. 22-23; Corneille de commandation de saint Jacques ne peut guère compor­ la Pierre, Comment. in Script, sac., Paris, 1858, t. xx, ter de restriction. Le conseil de se confesser les uns p. 219-221; Calmet, Commentaire littéral, Paris, 1726, aux autres est général, comme celui de prier les uns t. vm, p. 791-792 (les fautes secrétes doivent être avouées pour les autres. Il n’est guère possible, en effet, d’en­ aux prêtres, et les torts à l’égard des frères à eux-mémes) ; tendre la seconde partie du y. 16 des prières faites par J. Danko, Historia revelationis divinæ N. T., Vienne, les prêtres pour la santé des malailes. La prière du 1S67, p. 491; Palmier), De pænitentia, Rome, 1879, juste, δέησις δικαίου, ne désigne pas les prières de p. 389; Cambier, De divina institutione confessionis, l’extréme-onction, mais esiie des justes, dont Élie est Louvain, 1884, p. 88; Maunoury, Commentaire sur les •in exemple frappant, }. 17, 18. L'interprétation, favo­ Épitres catholiques, Paris, 1888, p. 105-106 (adopte le rable à la confession sacramentelle, n’est donc pas sentiment de Calmet). Cependant Suarez, De pænitentia, exempte de difficulté; elle n’est pas certaine, d'autre disp. XXXV, sect. I, n. 6. Opera, Paris, 1861, t. xxn, part, et elle n’a pas entraîné l’unanimité des exégètes, p. 734, après avoir cité l’interprétation précédente, con­ ni des théologiens catholiques. A supposer qu’on ne cluait en ces termes : Quapropter non censeo hunc locum l’écarte pas définitivement, on ne peut la présenter contemnendum, quamvis in rigore non convincat, comme affirmant avec certitude l'existence de la conturn quia ibi nullum est verbum, quod in omni pro­ lession sacramentelle. Enfin, elle n'apprend rien sur la prietate præceplum indicet, nam Confitemini, etc., po­ manière dont se faisait cet aveu, sacramentel ou non. test esse consilium, sicut illud Orate pro invicem ; tum des péchés. etiam quia non videtur Jacobus loqui de confessione c) Le troisième passage des écrits apostoliques, invo­ facienda sacerdoti, sed alterutrum, id est, mutuo et qué en faveur de la confession sacramentelle, se li: ad invicem, prout fit in fraterna et familiari corre­ J Joa., t, 9. Saint Jean fait les déclarations suivantes : ctione, etc. « Si nous disons que nous n’avons point de pêché, D’ailleurs Estius, Absolutissima in omnes b. Pauli nous nous trompons nous-mêmes el la vérité n’est pas apost. et septeni cathol. apost. Epist., Paris, 1666, en nous. Si nous confessons nos péchés, (Dieu) est fidèle p. 1107, signalait déjà trois explications de ce passage et juste; il nous pardonnera nos péchés et nous puri­ qui lui semblaient probables. En outre de celle qui y fiera de toute iniquité, » ÿ. 8, 9. Les Pères ont entendu reconnaissait la confession sacramentelle, il y trouvait ce passage de l’aveu fait par l'homme de sa culpabilité. deux autres confessions des péchés : 1» celle des chré­ Saint Augustin, In Epist. Joa. ad Parthos, tr. I. n. 6 tiens qui, avouant leurs torts â l’égard de leurs frères, P. L., t. xxxv, col. 1982, montre l’efficacité de cet avei. vont leur en faire excuse et leur en demander pardon; des péchés passés et présents : il donne au coupable m 2" celle des fautes avouées au prochain en vue de rece­ commencement de lumière, puisque la vérité est lu­ voir de lui conseil et secours. Plusieurs commentateurs mière; il donne l’espoir du pardon et il précède la cha- 837 838 CONFESSION DU Ier AU XIIF SIÈCLE rite : Et quæ spes est? Ante omnia confessio : ne quisquam se justum putet, et ante oculos Dei qui videt quod est, erigat cervicem homo qui non erat el est. Il ne s’agit donc que de l'aveu des fautes en général et devant le regard de Dieu. Cassiodore, Complexiones in Epist. apost. Epist. S. Joa. ad Parthos, n. 2, P. L., t. t.xx, col. 1371, parle aussi de l'homme, qui peccata sua Domino noscitur confiteri, quatenus demittens m bis delicta Dominus reddat nos sua pietate purgatos. Le vénérable Bede, Exposit. in 1 Epist. S. Joa., P. L., t. xc.lt, coi. 88, répète la pensée el les paroles de saint Augustin. Œcumenius, Comment, in Epist. S. Joa., P. G., t. cxi.x. col. 628, remarque que l'apôtre invite à la confession des péchés, en disant le bien qu'elle pro­ duit, à savoir la justification, d'après Is., χχιιι, 26, et qu'il répète son exhortation pour mieux faire com­ prendre futilité de cet aveu. Théophylacte, Exposit. in Epist. 1 S. Joa., P. G., t. cxxvi, col. 17, adopte la même explication. L’apôtre répète que nous sommes pécheurs pour nous porter à la confession de nos péchés, confession qui est bonne et qui justifie. Is., xi.m, 2. Dieu est juste; si nous nous avouons pé­ cheurs. il nous pardonnera; sinon, nous doublons notre mal. Cramer, Catena in Epist. cath., Oxford, 1814, t. vm, p. 118, cite des Pères grecs qui entendent ce passage de la confession faite à Dieu qui pardonne les péchés avoués. Duns Scot, In IVSent., dist. XVII, n. 16, Opera, Paris. 1894·, t. xvm, p. 519. déclare que saint Jean ne parle pas plus de l'obligation de se confesser à un prêtre qu'à un autre; fapôlre conseille seulement de s'humilier en avouant auxautres d’une façon générale qu'on est pécheur. Nicolas de Gorham, Exposit. in septem Epist. canon., dans les Opera de saint Thomas, Paris, 1878, t. xxxi, p. 423-424, reconnaît ici trois actes d humilité : la connaissance de ses pêches présents, l aveu qui en est fait aux autres, et le souvenir devant Dieu des pêchés passés. Denys le chartreux, Comment. in Epist. I S. Joa., dans Opera, Montreuil, 1901, t. xiv, p. 9-10, voit dans ce passage l'indication du re­ mède des péchés quotidiens et même de tous les péchés et il en conclut qu'il est nécessaire d'avouer ses fautes, mais sans parler expressément de la confession sacra­ mentelle. Ce n’est qu’à partir du xvn» siècle que les théolo­ giens et les commentateurs catholiques ont entendu ce texte de la confession sacramentelle faite aux prêtres. Bellarmin, De pænitentia, 1. III, c. iv, Controc., Milan, 1721, t. m, col. 1044 (comme probable); Fromont, In Epist. I S. Joa., dans Migne, Scriptures sac. cursus, t. xxv, col. 881-882; Wouters, In Epist. calh.dilucidatio, ibid., col. 1024; Eslius, Absolutissima in omnes B. Pauli apost. et septem cath. apost. Epist., Paris, 1666, p. 1211-1212; Salmeron, In Epist. can., Cologne, 1615, t. xvi, p. 184-185; Serarius, Comment, in omnes Epist. canon., Mayence, 1612, p. 68; Corneille de la Pierre, Comment, in Script, sac., Paris, 1858, t. xx, p. 528-529; Calmet, Commentaire littéral, Paris, 1726, t. vm, p. 859; Drach, Épîlres catholiques, Paris, 1879, p. 177; Van Steenkisle, Epistolic eatholicæ breviter exj I ' alæ, 2e édit., Bruges, 1887, p. 131 ; Maunoury, Commentaire sur les Ëpitres catholiques, Paris, 1888, p. 344. Cependant plusieurs exégètes, même parmi les catholiques, pensent aujourd'hui, que si saint Jean parle d’une confession concrète et spéciale des péchés, il ne dit rien sur la manière dont elle est faite, et que, par cons quent, son texte peut difficilement convenir à la con1 —ion sacramentelle. Cf. Westcott, The Epistles o/ St. John, Londres, 1883, p. 23; Fillion, La sainte Bible, Paris. 1904. t. vm, p. 728. Saint Jean, en elfet, recom­ mande aux chrétiens de confesser ouvertement et loya­ lement devant Dieu et devant les hommes leurs péchés. L ne suffit pas, pour que les fautes soient effacées, de se reconnaître pécheur et de faire un aveu général de culpabilité. Sans doute, prétendre qu’on est sans pêché, c'est s'illusionner sur son compte et se tromper, car tout homme est pécheur, ÿ. 8. Pour obtenir pardon de Dieu, qui est juste et fidèle à ses promesses, il faut confesser ses péchés actuels, en particulier et en détail, intérieu­ rement devant lui et extérieurement devant les hommes. Saint Jean parle donc de toute espèce d’aveu du péché, même de l'aveu purement intérieur. Cf. Calmes, Épitres catholiques, Apocalypse, Paris, 1905, p. 70-71. Qu'on ne dise pas que l’efficacité du pardon, promis à la confession du péché, suppose et exige une confession sacramentelle, car Dieu a promis la rémission des pêchés à tout pêcheur qui se reconnaît coupable, quel que soit le genre de son aveu, secret ou public, inté­ rieur ou extérieur. Ps. xxxi, 1, 2; Luc., xvm, 13. Quoi qu’il en soit, l'apôtre parle du pardon accordé aux chré­ tiens qui avouent leurs fautes. Est-il par suite légitime d’invoquer comme le fait M. Loisy, Le quatrième Evangile, Paris, 1903, p. 915-916, le témoignage de la I™ Epitre johannine, pour prétendre que, dans l’Église chrétienne, le pouvoir de remetire les péchés ne s’exerce que dans la dispensation du baptême? Cela suppose qu’après le baptême il n'y a plus pour le pécheur d’au­ tre moyen d’obtenir le pardon que l’aveu fait à Dieu et la contrition intérieure. Cf. K. Weiss, Beichtgebot und Beichtmoral der rômisch-kalhol. Kirche, Saint-Gai) et Leipzig, 1901, p. 19. Si le texte de saint Jean n’est pas explicite en faveur de la confession sacramentelle, il ne lui est pas non plus contraire. Il comporte toute espèce d’aveu des fautes, même l’aveu sacramentel, s'il était déjà en usage. En résumé donc, aucun passage des écrits apostoli­ ques n'affirme avec certitude l’existence et la pratique de la confession auriculaire au temps des apôtres. Les trois textes cités par les théologiens ne visent pas néces­ sairement cette confession; ils parlent seulement d'une confession spéciale et détaillée des péchés faite devant les hommes, sans que rien en indique le mode. Act., x:x, 18, ou conseillée comme moyen d'obtenir le pardon, Jac., v, 16; I Joa., I, 9, quelle que soit d’ailleurs la manière de la pratiquer, en secret et au fond du cœur, extérieurement et au prochain, mais, semble-t-il, extrasacramentalement. Estius, In IVSent., 1. V, dist. XVII, § 5, Paris, 1663, t. iv, p. 223, déclarait déjà que les in­ terprétations de ces trois textes, en faveur de la confes­ sion sacramentelle, n’étaient que probables, que d’au­ tres explications étaient probables, elles aussi, et que par conséquent les premières présentées comme preuves de l’existence de la confession sacramentelle, dans une discussion sérieuse, n’auraient guère de force pour con­ vaincre l'adversaire. J. Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, Gand, 1884, p.444452; A. Vacant, Confession, dans le Dictionnaire de la Bible, t. n, col. 907-919; P. Pellé, Le tribunal de la pénitence devant la théologie et l'histoire, Paris, 1903, p. 303-308; J. Gartnieier. Die Beichtp/liclit, Ralisbonne, 1905, p. 25-34. E. Mangenot. II. CONFESSION DU 1« AU Xlll0 SIÈCLE. — L’histoire de la confession, du 1er au Xlll· siècle, peut se diviser en deux périodes : I™ période : Des origines jusqu'au temps où les moines interviennent dans la discipline pénitentielle. IIe période : Depuis le temps où les r.niiiex interviennent dans la discipline pcnilenlielle jusqu'il XHI· siècle (concile de Latran, 1215). I™ PÉRIODE : DES MOINES ORIGINES INTERVIENNENT JUSQU’AU TEMPS Oi I ES DANS LA DISCIPLINE PÉNITEN- — 1“ Antiquité de la confession. — Les adver­ saires les plus acharnés de la confession auriculaire ne font pas difficulté d'admettre que, dans l'hypothèse de 1’exislence d'un sacrement de la pénitence adminis­ tré par les apôtres et leurs successeurs, la déclaration des péchés commis serait une condition indispensable tielle. 839 CONFESSION DU I" AU XIIIe SIÈCLE de l'absolution : « Such remission, dit Μ. II. Ch. I.ea, History of auricular confession, Londres et Philadel­ phie, 189G, 1.1, p. 182, was manifestly impossible without a preliminary declaration of the offences to be forgi­ ven. » Le protestant du xix» siècle rejoint ici le catho­ lique du v®, l'historien Sozomène. qui proclamait le même principe, lorsque, voulant expliquer l'origine du prêtre pénitencier à Constantinople, il écrivait : « Pour demander pardon, il faut nécessairement confesser son péché. » H. E., 1. VII, c. ι.χνι, P. G., t. lxvii, col. 1460. Il suffit donc de prouver que la pénitence et l’abso­ lution remontent aux origines de l’Église pour établir du même coup la haute antiquité de la confession sa­ cramentelle. Or cette antiquité de l'absolution et de la pénitence est acquise. Voir Absolution au temps des pères, t. r, col. 145 sq., et Pénitence (Sacrement de). Cette référence nous dispenserait d’appronfondir da­ vantage la question, si nous ne pouvions alléguer expressément quelques textes confirmatifs. M. Lea re­ connaît qu'à partir du IVe siècle, et surtout à partir de saint Léon le Grand (440-461), l'usage de la confession secréte va se répandant. C'est donc sur les documents du IV» siècle et des siècles antérieurs qu’il faut insister. Le pape Innocent I»r est un témoin de la discipline ro­ maine, consuetudo romance Ecclesite, lorsqu'il écrit en 416 à Decentius, évêque de Gubbio : De æstimando pondere delictorum sacerdotis est judicare, ut attendat ad CONFESSIONEM pænitentis. P. L., t. i.vi, col. 517. Celte discipline était traditionnelle en Afrique. Citons saint Cyprien (-[- 259), dont le texte est à bon droit de­ venu classique : « Que chacun confesse son péché pendant que celui qui a péché est encore dans le siècle, pendant que sa confession peut être acceptée, pendant que la satisfaction et la rémission accordée par les évêques est agréable au Seigneur. » De lapsis, c. xxix, P. L., t. iv, col. 489. On peut remonter plus haut encore avec Tertullien qui dans son traité De pænilenlia, c. x, P. J.., t. i, col. 1244, composé vers 204, exhorte les lidèles à braver le respect humain par un aveu sincère de leurs fautes, s’ils veulent en obtenir le pardon dans la pénitence. Vers le même temps, à Alexandrie, Origène recommandait au pécheur de chercher un remède à son mal dans la pénitence que précède l'aveu fait au « prêtre » du Seigneur. On pour­ rait faire ainsi le tour de l’Église et on retrouverait partout, en Orient comme en Occident, l’écho des mêmes pensées. Saint Jérôme (ψ 420) qui appartient à l’Église latine, mais qui vécut si longtemps en Pales­ tine, compare le pécheur â un malade : « Le malade, dit-il, doit confesser sa blessure au médecin, car la mé­ decine ne guérit pas ce qu’elle ignore, » In Eccli., c. x, P. L., t. xxm, col. 1096; comparaison et expression que le concile de Trente a reprises plus tard pour son compte, sess. XIV, c. v. Le grand docteur syrien Aphraate (première moitié du IVe siècle) fait allusion à une discipline analogue : « 11 y a des remèdes pour guérir toutes les souffrances si elles sont connues d'un habile médecin. Celui qui a été frappé par Satan ne doit pas avoir honte de confesser sa faute, et de la lais­ ser et de demander la pénitence comme remède. » Demonst., vu. De pænitentibus, Patrolog. syriaca, Gralfin, t. i, p. 315-318. Voir Confession chez les Syriens. En Asie-Mineure, saint Basile (j- 379), Epist. can., ci.xxxvtii, cxcix, ccxvii, P. G., t. xxxn, col. 661, 716, 793; saint Grégoire de Nysse (γ vers 394), Epist. can., P. G., t. Xl.v, col. 221 sq.. témoignent de l'exis­ tence d’un « économe » de la pénitence chargé d’entendre les confessions et d'appliquer aux coupables les péni­ tences canoniques. Nous savons pareillement par So­ crate et Sozomène qu’en certaines églises (Constanti­ nople ou environs), ce fut la nécessité de la confession qui, vers le temps de Dèce, détermina l'évêque à instituer un prêtre pénitencier. 8i0 Bref, au iv» et au ni» siècle règne, dans toute l’Église, ce sentiment que la confession est un devoir qui s’impose à tout fidèle souillé d'un péché grave. Si ce sentiment est moins visible au il» et surtout au 1" siècle, c’est que les documents se font extrêmement rares pour celte époque. On en trouve cependant des traces dans les écrits de saint Irénée (fin du n» siècle), Conl. hier., 1. 1, c. vi, n. 3, P. G., t. vu, col. 508. Lorsque Denys de Corinthe (f vers 160) pose en règle qu'il faut rece­ voir ceux qui se convertissent de n’importe quelle chute, soit péché, soit même égarement hérétique, dans Eusèbc, II. E., 1. IV, c. xxm, n. 6, P. G., t. xx, col. 385, ne donne-t-il pas à entendre que les coupables viennent par un aveu sincère de leurs fautes solliciter leur pardon? Nous n’invoquerons pas les textes fameux de la Didachè, iv, 14; xiv, 1, ou il est recommandé aux fidèles de « confesser leurs fautes dans l’assemblée de l’Église », parce qu’il ne s’agit là que d’une confession rituelle, selon le sentiment des meilleurs critiques. Funk, Patres apostolici, 2» édit., Tubingue, 1901, t. I, p. 14, 32. Mais peut-être est-il permis de voir une confession pénitentielle dans la démarche que saint Clément de Borne prescrivait aux perturbateurs de Corinthe, à savoir de « se soumettre aux presbytres, τοϊς πρεσβντέροίς, et de recevoir la discipline pour la pénitence en inclinant les genoux de leur cœur.... afin de n’être pas exclus du troupeau du Christ ». 1 Cor., 57, Funk, ibid., p. 170, 172. Si l'exégèse que nous pro­ posons (avec une certaine hésitation) de ce texte était sûre, nous rejoindrions les temps qui suivirent immé­ diatement l’époque apostolique. 2" Le confesseur ou « économe » de la pénitence. — 1. L'évêque. — Saint Léon était sûrement un interprèle de la tradition patristique, lorsqu'il formulait ce prin­ cipe : Mediator Dei et hominum homo Christus Jesus hanc PRÆPOSITIS ecclesiæ tradidit potestatem id et con/itentibus (peccatoribus) actionem pænilenHœ darent et eosdem salubri satisfactione purgatos ad communionem sacramentorum per januam reconci­ liationis admitterent. Epist. ad Theodorum Forojul., P. L., t. iv, coi. 1011. Ce sont les « préposés aux Églises » qui ont la mission d'entendre les confessions pénitentielles, et dans la pratique ce sont les évêques, comme on peut le voir dès que l'existence de l'épisco­ pat monarchique est visiblement constituée. Pour les temps primitifs où l’épiscope se distingue mal des presbytres, cette constatation est assez difficile. C'es* le cas, par exemple, de l’Église de Corinthe à la lin du i»r siècle. Nous avons vu que saint Clément de Borne recommande aux perturbateurs de celle Eglise de « se soumettre aux presbytres, τοϊς πρεσδυτέροις, et de rece­ voir la discipline pour la pénitence », etc. Dans ce groupe de presbytres qui constitue le presbyterium de Corinthe, on n’aperçoit pas l’épiscope, à qui les cou­ pables doivent plus particulièrement s'adresser. Mais dès que l'évêque apparaît comme chef, praepo­ situs, des Églises particulières, il est !'« économe · officiel de la pénitence et doit, par conséquent, entendre les confessions des pêcheurs. Bientôt, cependant, on le voit, du moins en certaines contrées, se décharger sur les simples prêtres du ministère de la confession et de l’« économie » de la pénitence; c'est ce double régime que nous avons à suivre dans les textes. En Asie-Mineure où fonctionne dès le m» siècle le système de trois ou même quatre stages pénitenliels, le Ιερεύζ qui entend les confessions, d'après l’épitre cano­ nique de saint Grégoire de Nysse, can. 6, P. G., t. xlv. col. 233, ne saurait être, ce semble, qu'un évêque. En parlant de l'o économe » qui surveille les exercices des pénitents, can. 7, col. 236, le saint docteur n’indique pas quel élait le rang de ce clerc dans la hiérarchie. Et on serait tenté peut-être d'y voir, sinon un diacre comme en Syrie, au moins un prêtre comme â Cons­ 841 CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIÈCLE tantinople. Mais cette interprétation serait sans «Ionie aventureuse. Quand saint Basile veut désigner celui qui a la charge de surveiller les exercices pénitentiels et d’en abréger la durée, il emploie des expres­ sions qui font penser à l'évêque : ό πιστευΟε'ις παρα τής τοΰ Θεοΰ φιλανθρωπίας λΰειν καί δεσμείν. Epist., ccxvn. can. 74, P. G., t. xxxir, col. 804. Et saint Grégoire de Nysse se sert pour le même objet de termes plus signi­ ficatifs encore : ή αύτή προστήρησις εσται παρά τοΰ οίκονομοΰντος τήν Εκκλησίαν. Epist., can. 5, Ρ· G., t. xlv, col. 232. A Antioche, dès le début du n® siècle, on voit que les pécheurs doivent s’adresser à l’évêque pour obtenir pardon de leurs fautes : ëàv μετανοήσωσιν εις ενότητα Θεού καί συνεδρίαν τού έπισκοποΰ, dit saint Ignace. Ad Phil., c. vin, P. G., t. v, col. 104. La Didascalie des apôtres, qui est d'origine sy rienne et date du lit® siècle, ne connaît d'autre juge des con­ sciences que l’évêque, c. vu. trad. Nau, dans le Cano­ niste contemporain, avril 1901, p. 212-213. Ce régime était encore en vigueur en Syrie à la fin du iv® siècle, comme en témoignent les Constitutions apostoliques, 1. 11, c. xvi, P. G., t. 1, col. 625. Et pour Antioche no­ tamment, saint Jean Chrysostome semble réserver le pouvoir d'entendre l'aveu des pécheurs à l'évêque. Dé sacerdotio, I. HI, c. vi, P. G., t. xlvii, col. 644. Même discipline en Afrique. Origène, par exemple, déclare que l’un des moyens d'obtenir le pardon de scs fautes est de chercher remède « auprès du sacerdos du Seigneur après lui avoir révélé son péché ». In Lev., homil. n, c. iv, P. G., t. xit, col. 418. Par le sacer­ dos, il faut sans doute entendre l’évêque, comme nous le dirons plus loin. Du reste, Origène indique nettement ailleurs que c'est à l'évéque qu’il faut recourir quand on a péché : Israelita, si peccet, id est laiciis ipse suum non potest auferre peccatum, sed requirit levitam, indiget sacerdote, imo potius el adhuc horum aliquid eminentius quserit : pontifice opus est. InNum., homil. x, c. i, G., t. xn, coi. 635. A Carthage, Tertullien, qui réserve à l'évéque le pou­ voir de remettre les péchés, ab episcopo veniam con­ sequi poterit, De pudicitia, c. xvm, P. L., t. il, col. 1017, ne semble pas connaître d’autre intermé­ diaire entre le pécheur et Dieu, sauf les martyrs et les spirituels, comme nous le dirons tout à l'heure. C’est encore aux évêques que pensait saint Cyprien dans le texte où il parle de la confession faite aux sacerdotes. De lapsis, c. xxtx, P. L., t. iv, col. -489. li qui pres­ sant ecclesiis, dit saint Augustin, Enchiridion, c. I.xv, P. L., t. xi., col. 262. Nous ne citerons pas le célèbre texte, Serm., cccli, c. ix, P. L., t. xxxix, col. 1545, où il est recommandé au pécheur de s'adresser aux antistites pour recevoir « la mesure de la pénitence », parce que ce sermon n’est probablement pas de saint Augustin. Voir Augustin, t. i, col. 2310. En Espagne, au iv® siècle, saint Pacien ne connaît pas d’autres ministres de la pénitence et par suite de la confession que les sacerdotes Domini, dont il dit : - Ce que Dieu fait par ses sacerdotes, c’est encore lui qui le fait. » Epist-, i, ad Sempronianum, c. vi, P. L., t. xm, col. 1057. Nous ne connaissons la discipline pénitentielle de la Gaule romaine que par quelques conciles, par les ser­ mons de saint Césaire et les lettres des papes. Tous ces témoignages sont concordants. Le concile d’Angers de 453 fait observer que c’est à l'évêque d'apprécier les péchés des coupables el leux· pénitence : Perspecta qua­ litate peccati secundum episcopi æslimalionem erit renia largienda. Can. 12, Mansi, Concit., t. vu. coi. 902. Cf. le concile d’Agde de 506, can. 15, ibid., t. vm, co). 327. Saint Césaire fait clairement entendre dans un de ses discours, Serm., CCI.VI, parmi les sermons de saint Augustin, P. L., t. xxxix, col. 2218, que c’est à lui, évêque, que les pêcheurs doivent s’adresser pour être admis à la pénitence : si a me pænilenliam pe­ tierit. Et saint Léon, écrivant à l'évéque de Fréjus, n’aperçoit pas dans sa perspective d’autres confesseurs que les chefs de l’Église : Christus Jesus hanc pn.EPOsiTis Ecclesiæ tradidit potestatem ut et confilentihus actionem pænilentiæ darent. Epist., cvui, c. n, J... t. liv, coi. 1011. Nous retrouvons au iv® siècle la même doctrine et la même pratique â Milan, où saint Ambroise revendique pour les sacerdotes seuls le droit de remettre les péchés. De pænitenlia, 1. I, c. n. n. 7, P. L., t. xvi, col. 468; cf. 1. 11. c. n. col. 499. Et nous savons par son biogra­ phe qu’il gardait avec un soin religieux le secret des confessions qu’il entendait, donnant ainsi aux autres confesseurs une leçon de sagesse et de discrétion. Ambrosii vita, c. xxxix, P. L., t. XIV. col. 40. Celle leçon pouvait s'adresser à certains confesseurs de la basse Italie, que gourmande saint Léon le Grand à cause de la mauvaise habitude qu’ils avaient prise de révéler publiquement les péchés de leurs pénitents. « La con­ fession secréte que l’on fait à Dieu et à l'évéque, sacer­ doti, suffit, «ajoutesaint Léon. Epist. ad episcopos Cam­ panile, e. n, P. L., t, liv, col. 1210. L’Église romaine ne connaissait encore, ce semble, aux iv® et v® siècles, d'autres « confesseurs » que ses pontifes. En 416, le pape Innocent I®1·, décrivant l’usage pénitentiel de son Eglise, romance ecclesiæconsuetudo, dans une lettre à Decentius d’Eugubium (Gubbio), dé­ clare qu'il appartient à l’évéque d’apprécier la gravité des fautes, en tenant compte de la confession du péni­ tent : De pondere æstimando delictorum sacerdotis est judicare, ut attendat ad confessionem pænitentis, etc. C. vu, P. L., t. lvi, col. 517. Le jugement du confesseur est pareillement un acte épiscopal, arbitrium sacerdo­ tis, selon saint Léon, Adepiscop. provincial Viennensis, c. vm, P. L., t. liv, col. 635. Et dans sa pensée ce sont les mêmes chefs de l’Église, qui reçoivent les confessions des pénitents et qui plus tard les admet­ tent à la communion par la réconciliation solennelle, comme nous l’avons dit plus haut. Epist., cvm, c. Il, P. L., t. liv, col. 1011; cf. Epist., ci.xvm, ad univer­ sos episcopos per Campaniam, .Samnium et Picenum constitutos, c. ii, ibid., col. 1211. Dira-t-on que celle discipline est celle de l’Église latine en général, mais que par exception, elle ne regarde pas l’Église romaine? Nous demanderons alors qu’on nous montre un texte, un seul, qui indique que celte exception est dans la perspective de saint Léon. On mira beau fouiller tous ses écrits, on n’y trouvera pas un mol qui autorise à affirmer l’existence d’un clerc autre que l’évéque fai­ sant fonction de pénitencier dans l’Église romaine au milieu du v® siècle. Cependant, pour M«r Balilïol, suivi en cela par Mv Schmitz, Die Hussbûcher und das kanoniche Busserfahren, Dusseldorf, t. n (1898), p. 68, il n'y a pas de doute que l'office du prêtre pénitencier existait a Home au iv» el au v® siècle. Cf. Les prêtres péniten­ ciers romains au v® siècle, dans le Compte rendu du IIP Congrès scientifique international des catholi­ ques tenu â Bruxelles du 3 au 8 septembre iSP'f, Bruxelles, 1895, et le chapitre intitulé : Pénitenciers el pénitents (iv«-v® siècle), dans Etudes d’histoire el de théologie positive, 1" série, Paris, 1902, p. 145; L'ori­ gine des prêtres pénitenciers, dans la Bevue du clergé français, l”’ mai 1905, p. 451-45 4. Les textes par les­ quels M'.i® BatilTol justifie son sentiment sont empruntés au Liber pontificalis, plus précisément aux notices des papes Marcel (308-3011) et Simplicius (468-483). Dans la notice du pape Simplicius nous lisons : flic constituit ad sanctum Petrum apostolum el ad sanci- i Paulum et ad sanctum Laurentium martyrem ebd· madas,UT PRESBITEBIΜΛΝΒΒΕΧΤ pbopteb pexitexibs 843 CONFESSION DU Ier AU XIII0 SIECLE BAPTISMUM, édit. Duchesne, 1.l, p. 249. La première édition du Liber pontificalis portait : ut presbileri ma­ nerent propter baptismum el pænitenliam petentibus. Ibid., p. 93. Ainsi le pape Simplicius établit, dans cha­ cune des trois basiliques suburbaines de Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-Laurent, des prêtres semainiers chargés du soin de ceux qui demandaient le baptême et la pénitence. On a justement fait observer que cette constitution papale ne faisait qu’étendre aux trois basiliques sub­ urbaines le service de prêtres semainiers qui existait déjà dans les vingt-cinq églises presbytérales ou tituli de la ville même de Borne. La notice du pape Marcel contient en elïet cette mention : Hic xxv titulos in urbe Horna constituit, quasidiæcesis, propter BAPTIS­ MUM ET PÆNITENTIAM MULTORUM QUI CONVERTEBANTUR ex paganis, ibid., p. Ί64, ou, comme dit la première édition du Liber pontificalis : Hic xxv titulos in urbe Horna constituit, quasi diocesis propter baptismum BT PÆNITENTIAM. Ibid., p. 75. Pour Msr Batilfol, qui suit en cela le sentiment de Msr Duchesne, il s’agit, dans ces deux notices papales, d’un double service, du service préparatoire au baptême et du service pénitentiel préparatoire à la réconcilia­ tion des fidèles pénitents. Les deux auteurs arrivent à cette conclusion en écartant la version de la 2” édition du Liber pontificalis et en adoptant la leçon de la lre. Mo' Duchesne remarque en effet que certaines exprès sions de la notice de Marcel (2e édit ) : propter baptis­ mum et pænitenliam mullorum, qui convertebantur ex paganis, s’expliqueraient difficilement dans son hypothèse; mais il se tire d’embarras en déclarant que les mots multorum qui convertebantur ex paganis auraient dû être placésaprès baptismum. Ibid., p. 165, note 6. Le propter pænitenles et baptismum de la notice de Simplicius formerait une autre difficulté, en donnant à entendre également que les « pénitents » dont il est question n’étaient autres que les païens qui voulaient se préparer à la réception du baptême. Mais cette difficulté se trouve également levée, grâce au texte de la 1™ édition qui place le mot pænitenliam après baptismum. « Le second éditeur a glosé maladroite­ ment le texte qu’il avait sous les yeux, » dit Mor Duchesne. Bref, si l’on s’en tient à l’édition primitive du Liber pontificalis, les prêtres semainiers des vingt-cinq tituli de Home et des trois principales basiliques suburbaines auraient eu à s’occuper tout ensemble du soin des catéchumènes el de celui des pénitents proprement dits. Il y a déjà longtemps que nous avons fait nos réserves sur cette interprétation. Cf. fievue du clergé français, t. xxvii, p. 617, note 3. Elle nous parait toujours diffi­ cilement acceptable. D’abord, nous ne voyons pas de motif vraiment sérieux qui nous force à préférer la leçon de la lre édition du Liber pontificalis à celle de la 2e. Elles sont toutes deux à peu près du même temps. « Rédigé sous llormisdas (514-523), continué jusqu’à Félix IV (526-530) in­ clusivement, le Liber pontificalis a été prolongé en­ suite jusqu'au temps de la guerre des Goths, du pape Silvère et du roi Vitigès, par un témoin du siège de 537-538, ennemi de Silvère et dévoué à la mémoire de Dioscore, le compétiteur de Boniface II. » Duchesne, Liber pontificalis, I. 1, p. i.xvn. Si le premier éditeur de l'ouvrage écrit aux environs de 520 ou 530 et le second aux environs de 540, il n’y a pas lieu de penser que l’un ait été nécessairement mieux informé que l’autre de la discipline pénitentielle romaine, telle qu’elle existait aux temps des papes Marcel et Sim­ plicius. Bien plus, nous estimons qu’à comparer entre elles les leçons des deux éditions, c’est la seconde et non la première qu'il faudrait retenir. N’est-il pas vraisem­ et 844 blable qu’en modiliant ou en « glosant » le texte qu’il avait sous les yeux, le dernier rédacteur l'a fait inten­ tionnellement en vue d’attacher à la phrase un sens plus nettement défini? Dans sa pensée, la pénitence dont il est question : propter baptismum et pænitenliam mul­ torum qui convertebantur ex paganis, ne saurait être que la pénitence préparatoire à la réception du baptême. C’est un « non-sens », dit M‘Jr Duchesne, et après lui, Mo·· Batilfol, « pour la raison que la pénitence n’est pas imposée à des gens qui ne sont pas baptisés. » Liber pontificalis, t. I, p. 165, note 6; Hevue du clergé français, loc. cil., p. 451. Écartons le mot « imposer » qui n’est pas dans le texte. Et remarquons que les païens, qui se convertissaient et demandaient le bap­ tême, pouvaient être assujettis à certains exercices pénitentiels. C’est ce qu’atteste le traité De pænilentia de Terlullien, dont la majeure partie est consacrée à la pénitence des catéchumènes. Le Liber pontificalis ne fait que témoigner du même usage. 11 est vrai que son langage n’offre pas encore toute la clarté désirable. Mais, en raison même de son ambi­ guité, on doit l'interpréter en concordance avec un autre témoignage plus net. C’est ici que Msr Batiffol fait in­ tervenir Sozomène. Études d’histoire et de théologie positive, 1« série, p. 159-160. Or, Sozomène dit nettement qu'à Rome, les exercices pénitenliels et leur durée sont déterminés pour chaque pénitent, non par un prêtre pé­ nitencier, mais par l'évêque tui-même : Καθ' έαυτον δέ έκοντ’ι ταλαιπωρούμενο; ίχαστο;, η νηστείαις, ή άλουσίαις, ή εδεσμάτων αποχή, ή έτεροι; οι; προστε’ταζται, περιμένει τον χρόνον, εις όσον αύτώ τέταχεν ό επίσκοπος. II. Ε., I. V1Î, c. xv, loc. cit., col. 1461. Telle est, ajoute-t-il, la discipline qu’observent les pontifes romains depuis l'origine jusqu’à nous. Et en regard de cet usage, il place, comme par opposition, celui de Constantinople ou le ministère de la confession et la surveillance des exer­ cices pénitenliels sont confiés à un simple prêtre : Τάδε μέν άρχήΟεν oi 'Ρωμαίων ιερείςαχρι και εις ήμα; φυλάττουσιν. Έν δέ τή Κωνσταντινουπόλει ’Εκκλησία ο έπ'ι τών μετανοούντων τεταγμένος πρεσδύτερος έπολιτεύετο. Évidem­ ment l’historien grec ne soupçonne pas l’existence de prêtres pénitenciers à Borne au v« siècle. Et cependant selon Msn Batiffol lui-même, op. cil., p. 159, « Sozomène a beaucoup voyagé et il a peut-être même visité Rome. » Son témoignage est donc considérable; et comme, d’une part, il éclaircit les textes un peu équivoques du Liber pontificalis et confirme, en les précisant, ceux des papes Innocent 1er et Léon le Grand, il y a lieu de nous y tenir. Bref, à ne consulter que l'enseignement officiel des Eglises, il est visible que l’office de confesseur est un privilège en même temps qu’un devoir de l’épiscopat. Les évêques l’exercèrent seuls régulièrement, sauf ex­ ceptions que nous signalerons tout â l’heure. 2. Le simple prêtre. — Certains théologiens, obser­ vant que le mot sacerdos peut s’appliquer aux prêtres aussi bien qu'aux évêques, ont pensé que dès le ni» siè­ cle, sinon avant, les simples prêtres exerçaient le mi­ nistère de la confession. Celte induction est historique­ ment inadmissible. Dans tousles textes que nous avons produits, les sacerdotes sont les évêques. Avant le v· siècle, on ne rencontre que très rarement le mot sacerdos appliqué à un simple prêtre. Nous avons vu qu’Origène l’oppose à pontifex, mais pour témoigner que le sacerdos, en ce cas, n’est pas ministre de la con­ fession. In Num., homil. x, c. t, P. G., t. xn, col. 635. Une fois ou deux, saint Cyprien désigne les prêtres par le mot sacerdotes, par exemple, Epist., LXXII, ad Slephanum papam, n. 2. P. L., t. ut, col. 1048-1049. Mais dans la langue usuelle, le sacerdos n'est autre que l'évêque. Même au v« siècle, le pape Innocent Ier fait remarquer qu'on ne nomme ainsi qu'improprement fi s prêtres : nam presbyteri, licet sint sacerdotes, dit-il. CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIÈCLE Epist. ad Decentium Eugubin., c. m, P. L., t. lvi, col. 515; et plus loin, c. vu, col. 517, il réserveà l’évêque I.· titre de sacerdos. Saint Augustin, dans sa Cité de Dieu (composée entre 413 et 426), I. XX. c. x. P. L., t. xt.T, col. 676, expliquant les paroles de l’Apocalypse : d erunt sacerdotes Dei et Christi, écrit à la vérité : .Von utique de solis episcopis et presbyteris dictum est, qui proprie jam vocantur in ecclesia sacerdotes, sed, etc.; et saint .Jérôme, In .1er., c. xm, ÿ. 12, P. L., t. xxiv, coi. 765, identifie plus expressément encore les sacerdotes avec les simples prêtres. On peut donc dire qu'à partir du v· siècle, il y a chez les écrivains eccle­ siastiques une tendance à appliquer aux prêtres le titre de sacerdotes. Mais cela ne passera en usage que peu a peu. Et nous estimons avec Mor Batiffol, Etudes d’hist'âre. el de théologie positive, p. 145, que jusqu’au pontilicat de saint Léon inclusivement (440-461), les sacer­ dotes, dont il est question dans les textes qui ont trait à i.i confession, sont revêtus du caractère épiscopal. Ce n’est pas à dire que les simples prêtres n’aient jamais exercé jusque-là l’office de confesseurs. Mais il importe de déterminer aussi exactement que possible dans quelle mesure et dans quelles circonstances par­ ticulières ils l’ont fait. A Constantinople, on voit au IV' siècle fonctionner un prêtre pénitencier, πρεσδύτερον επί τής μετάνοιας ou επ'; των μετανοούντων, recommandable entre tous par ses mœurs et sa discrétion, chargé de recevoir l'aveu des pécheurs et de fixer à chacun une satisfaction selon sa faute. Socrate, il. E., I. V, c. χιχ. P. G., t. lxvii, col. 613-616; Sozoméne, II. E., I. VU, c. xvt, ibid., col. 1460. L'évêque se déchargeait sur lui du ministère de la confession. L'institution de ce prêtre pénitencier i monte au temps de Dèce ou peu après, selon Socrate; Sozoméne voudrait même qu elle remontât plus haut, i; αρχής, expression vague qui rend la chose douteuse. l'n ne saurait davantage préciser la région où ce régime fut en vigueur. Il faut sans doute le localiser dans la région de Byzance-Constantinople, car on ne l’aperçoit • n aucune autre Église importante. Cf. Vacandard, dans la llevue du clergé français, 15 mai 1905, p. 641. Ce ministère dura jusqu'à la fin du tv· siècle et fut aboli en 391 par Nectaire, le prédécesseur de saint Jean Chrysostoine. Il semble qu'il y eut alors une interrup­ tum à Constantinople dans le service de la pénitence - i. rainentelle. Mais à peine saint Jean Chrysostorne ■ml il pris possession de ce siège, que les pécheurs - adressèrent à lui avec un empressement qu'il eut soin d'encourager par cette déclaration publique : « Chaque fois que vous péchez, venez à moi,elje vous guérirai. » Socrate, II. E., I. VI, c. xxt, P. G., t. i.xvn, col. 725. Cf. llardouin, Concilia, t. I, p. 1042. Le regime du prêtre pénitencier était exceptionnel. Mais aux environs de l'an 400, certains documents attes­ tent que les simples prêtres administrent la pénitence et par conséquent reçoivent l'aveu des pécheurs. Les Canons apostoliques, qui sont apparentés aux Consti­ tutions apostoliques, donnent à entendre que « le prêtre » remplace quelquefois « l’évéque » dans le mi­ nistère de la confession : εϊ τις έπίσζοπος ή πρεσβύτερος -. .·> έπιστρέροντα από άμαρτίας ού προσδέχεται, ά>.>.’ άπο•. ν,)εται, κτλ. Can. 51, Mansi, Concil., t. i. col.40. Saint Jérôme assimile pareillement les simples prêtres aux évêques dans une critique qu’il adresse à ceux qui abu-entdu pouvoir de lier et de délier : Istum locum tjiod, unique ligaveritis..., episcopi el presbyteri non intelligentes, aliquid sibi de Phariseorum assumunt supercilio ut vel damnent innocentes vel solvere se noxios arbitrentur... Quomodo ergo ibi (in Levitico) leprosum sacerdos mundum et immundum facit, sic et hic alligat vel solvit episcopus et presbyter, etc. In .Malth.,xvi, 19. P. L..t. xxvi. coi. LIS. Ce langage n’est pas i nnant sous la plume de saint Jérôme, qui accorde au 846 prêtre le même pouvoir qu'à l’évêque, excepta ordina­ tione. Epist. ad Evangelium, P. L., t. xxn, col. 1194. Mais de son texte, et de celui des Canons apostoliques, il résulte clairement que, en certains endroits, vers 400, les simples prêtres entendaient, conjointement avec les évéques, les confessions des Iidéles. 3. Le diacre. — Jusqu'ici nous n’avons vu ce minis­ tère exercé que par des personnalités revêtues du ca­ ractère sacerdotal. Est-il vrai, comme on l'a dit. que les diacres l’aient également rempli dans les premiers siècles? On allègue, à ce propos, un texte de saint Cyprien qui autorise les diacres, à défaut de l’évéque ou d’un prêtre, à recevoir « l'exomologése » des lapsi en danger de mort et à leur imposer les mains pour les réconcilier avec l’Église. Voici son texte : Ut qui libel­ los a martyribus acceperunt et prærogaliva eorum apud Deum adjuvari possunt, si incommodo aliquo el infirmitatis periculo occupati fuerint, non expectata præsentia nostra, apud presbyterum quemcumque pr/esenlem, vel si presbyter repertus non fuerit et urgere exitus coeperit, APUD DIACONUM QUOQUE EXOMO· LOGESIM FACEII E DELICTI SUI POSSINT, Ut manu eis in pxnilentiam imposita veniant ad Dominum eum pace, quam dari martyres litteris ad nos factis desi­ deraverant. Epist., xn, n. 1, P. L., t. iv, coi. 259. On a essayé d’expliquer ce texte par un texte analogue du concile d'Elvire (vers 300). Celui-ci exige qu’un homme coupable de péché grave demande la pénitence a l’évéque, non apud presbyterum, sed potius apud episcopum, mais il accorde, en cas d'infirmité grave, que le prêtre ou même à son défaut, un diacre, muni de l’autorisation épiscopale, si ei j usserit sacerdos, donne au pécheur repentant la communion. Can. 32, Mansi, Concil., t. il, col. II. Cette communion formerait l’équivalent de la réconciliation du pénitent avec l’Église. Et le diacre serait ainsi le ministre de l’eucharistie, mais non le ministre de la pénitence. Cette explication ne lève pas toute la difficulté. Saint Cyprien dit clairement que le diacre recevra l’exomologése du « failli ». Et donc à certains égards le diacre deviendrait le ministre de la pénitence. De plus, d’après le contexte, le diacre est mis sur un pied d’égalité avec le presbyter, il doit faire le même office que le prêtre. Si donc le prêtre est, dans le cas présent, ministre de la confession, pa­ reillement le diacre doit l’être. Il ne faut donc pas s’étonner que Morin, Commentarius historicus de disciplina in administratione sacramenti pænitenlix. Anvers, 1682, 1. VIII, c. XXIII, xxiv, ait attribué à saint Cyprien l'idée que le diacre, à défaut de l’évéque et du prêlre, pouvait entendre les confessions et réconcilier les pécheurs avec Dieu aussi bien qu’avec l’Église. Objectera-t-on que, dans ce système, saint Cyprien au­ rait commis une erreur doctrinale? Nous n'avons pas ici à le disculper, mais adonner de son lexte l'interpré­ tation la plus exacte possible. Il ne faut pas oublier que, de son temps, la théorie de la confession et de la péni­ tence n'était pas encore nettement déterminée. Nous verrons, du reste, que, même plus tard, les diacres fu­ rent autorisés en certains endroits à entendre les confessions. Pour une interprétation différente du texte de saint Cyprien, voir Laurain. De l’intervention des laïques, des diacres et des abbesses dans l'administra­ tion de la pénitence, Paris, 1897, p. 69-110. Voir Abso­ lution, t. i, col. 154-156, et ce que nous dirons plus loin des différentes sortes « d’exomologcse ». 4. Les spirituels. — En dehors des évéques et des prêtres, ce ne sont pas seulement les diacres qui ont dans l’antiquité entendu les confessions; des personnes qui n'avaient aucun rang dans la hiérarchie sacrée ont rempli parfois le rôle de confesseurs. Et certains cri­ tiques ont fait un tel état de cette singularité qu'ils ont prétendu y découvrir un reste des institutions de la primitive Église. Cf. Iloll, Enthusiasmus mid Buss- 847 CONFESSION DU I" AU XIII" SIÈCLE geicalt beim grieschitchen Mônchtum, Eine Studie zu Simeon déni neuen Theologen, Leipzig, 1898. Essayons de mettre les choses au point. Il n’est pas contestable qu'en dehors de la hiérarchie, et à côté d'elle, existait dans l’Église primitive une ca­ tégorie de personnes qui formaient une espèce d’ordre charismatique, en raison des grâces toutes particulières dont elles étaient favorisées. Rom., xn, 4-8; I Cor., xn, 1-14, 28-31; xtv, tout entier; Eph., iv, 11-12. Voir I. 1, col. 230 sq. Les pneumatiques ou spirituels se rencontrent encore en Orient longtemps après saint Paul. La Didascalie des apôtres, c. x, Xlll, xv, et le Testament du Seigneur, 1.1, 18, édité par Mur Rahmani, Mayence, 1899, p. 23; cf. dom Morin, Benue bénédic­ tine, janvier 1900, p. 21, leur reconnaissent une grande autorité dans les communautés chrétiennes. En Afrique, Terlullien, devenu montaniste, voit en eux les membres de la véritable Eglise à qui appartiennent, dans les choses de la pénitence, toutes les prérogatives qu'il dénie aux psychiques, représentés par l’épiscopat catholique : Ecclesia spiritus per spiritalem hominem, non Eccle­ sia numerus episcoporum. De pudicitia, c. xxt, P. L., t. n, coi. 1026. Sans tomber dans le même excès. Clé­ ment d'Alexandrie et Origène autorisaient certains laïques, plus parfaits que les autres, à entendre les confessions et à diriger les consciences. Dans le fjuis dices salvetur, Clément recommande au riche de choi­ sir un « homme de Dieu » pour « directeur » : τινά άνθρωπον Θεοϋ καΟάπερ άλείπτην καί κυβερνήτην, c. χι.ι, P. G., t. tx, col. 645. Ce directeur est le « gnostique ». Et certes, le gnostique doit être recherché avant tout parmi les membres de la hiérarchie, diacres, prêtres et évêques. Cf. Strom., VI, c. Xlll, ibid., col. 328. Mais en somme, c’est « la gnose », c’est-à-dire la science des choses spirituelles, qui fait « le prêtre »; έξεστιν ojv και νϋν ταΐ; κυριακαις ενασκήσαντας έντολαϊς, κατά το Εύαγγέλιον τελείως βιώσαντα; καί γνωστικός, εις τήν έζλογήν τών αποστόλων έγγραφήναι· ούτο; πρεσβύτερός έστι τώ οντι τή; έκκλησίας καί διάκονος αληθής τοϋ Θεοϋ βουλήσεως, έάν ποιή κα’ι διδάσκη τά τοϋ Κυρίου. Sfrom., VI, c. χιιι, ibid., col. 328; cf. VIII, c. i, col. 405. En somme, il semble certain que si Clément n'exclut pas les chefs de l'Eglise du soin d'entendre les confi­ dences des pécheurs, il ne le leur réserve pas non plus. Il s'agit surtout des cas de conscience ordinaires. Pour les péchés graves, les pécheurs devaient sans doute se soumettre à la pénitence publique, c’est-à-dire se placer sous la juridiction de l'évêque. Origène a probablement suivi, à certains égards, les inspirations de Clément. Bien que le grand docteur alexandrin reconnaisse, en général, que lier et délier les consciences soit l’œuvre des sacerdotes, il demande que le juge des consciences soit un πνευματικός. De oratione, c. χχνιιι,Ρ. G., t. xi, col. 528. Et lorsqu'il recommande de bien choisir son directeur, << le médecin » de l'âme à qui l'on doit con­ fesser ses fautes, il n’a pas l’air de supposer que ce médecin doive nécessairement être revêtu de la dignité sacerdotale : Tantummodo circumspice diligentius cui debeas confiteri peccatum tuum. Proba prius medicum, cui debeas causam languoris exponere, qui sciat infirmari cum infirmante, /Iere cum fiente, qui condolendi et compatiendi noverit disciplinam, ut ita demum, si quid ille dixerit, qui se prius el eruditum medicum OSTENDERIT et misericor­ dem, si quid consilii dederit, facias et sequaris, si intellexerit ET PRÆVIDERIT talem esse languorem tuum, qui in conventu totius ecclesiie exponi debeat, el curari, ex quo fortassis et cieteri aedificari poterunt et lu ipse facili· sanari. Mulla hac deliberatione ei satis perito medici illius consilio procurandum est. Homil., n, in Ps. xxxm, P. G., t. xn. coi. 1388. Ce texte n’est pas d'une parfaite clarté, el nombre de criti tues veulent que ce « médecin » de l’âme, dans la ' 848 pensée d'Origène, soit un sacerdos. CL Homil., tt. in Lev., c. iv, P. G., t. xn, col. 418, où il dit : Cum non erubescit (peccator) sacerdoti Domini indicare pecca­ tum suum et quierere medicinam. Mais il n'est pas in­ vraisemblable qu'Origène ait eu en vue premièrement un ministre revêtu du caractère sacerdotal, et secon­ dairement, à défaut d'un évêque ou prêtre « bon méde­ cin », un simple laïque « spirituel » ou πνευματικός. Cf. Holl, op. cit., p. 236-239. Que ces pneumatiques aient exercé ainsi, en concurrence avec les chefs de la hié­ rarchie,soit sur le désir des fidèles, soit de leur propre mouvement, la fonction de confesseurs, ou même le pouvoir d’absoudre, il ne faudrait pas trop s’en éton­ ner. Une fausse interprétation du texte de saint Jean : « Recevez le Saint-Esprit, les péchés seront remis à qui vous les remettrez, » a pu donner lieu à celte pra­ tique abusive. A partir du iv» siècle, nous verrons les πνευματικοί remplir dans les monastères le rôle de confesseurs; ils en viendront même à distribuer des absolutions. 3° Matière de la confession. — I. Malière néces­ saire. — Tous les Pères et docteurs paraissent d'accord pour obliger les chrétiens, coupables de péchés graves, à se soumettre à la pénitence et par suite à la confes­ sion de leurs fautes. Cela est vrai, non seulement des péchés qu'ils appellent ad mortem ou mortels, mais encore de ceux qu’ils appellent medioeria, minora ou communia, qu’ils soient publics ou secrets, sauf les péchés vraiment légers. Examinons d'abord la discipline orientale. A Cons­ tantinople, ou fonctionne un prêtre pénitencier, les pé­ cheurs qui s'adressent â lui pour connaître la mesure de leur pénitence ont évidemment à lui faire l'aveu de leurs fautes. Nous voyons, en effet, d’après Socrate, une femme qui révèle au pénitencier « un à un les péchés qu’elle a commis depuis son baptême ». Κατά μέρος έξομολογειται τά; αμαρτία; ά; έπεπράχει μετά τ'ο βάπτισμα. Η. E., I. V, c. χιχ, loc. cit.., col. 616. En Syrie, la série des péchés avoués â l’évèque et ex­ piés par une pénitence publique qui varie entre deux et sept semaines, comprend sans doute les péchés que les docteurs de celte région considéraient comme graves. Constit. apost., 1. II, c. xvi, P. G., t. i, col. 625. Nos renseignements sont plus précis pour l’Asie Mi­ neure au iv» siècle. Parmi les péchés mortels auxquels le confesseur impose une pénitence canonique, nous trouvons l’idolâtrie, l'homicide, la fornication (ou l'adul­ tère), le rapt, le parjure, la consultation des devins, la violation des sépultures, le sacrilège, le vol. S. Basile, Epist. can., can. 30, 56, 61, 82, 83, P. G., t. xxxu, col. 725 sq.; S. Grégoire de Nysse. Epist. can., can. 6, P. G., t. xi.v, col. 232-236. Mais saint Basile se plaint quel­ que part d’une « déplorable coutume ou même d’une tradition perverse des hommes qui n’attache d’importance qu'à certains péchés graves, tels que l'homicide, l’adultère ou autres crimes du mémo genre, et considère comme une quantité négligeable la colère, les injures, l'ivrognerie, l'avarice, etc., qu’on ne trouve pas même dignes d une simple objurgation, bien que saint Paul, parlant au nom du Christ, ait dit : « Ceux qui font cela « sont dignes de mort. » De judicio Dei, c. vu, P. G., t. xxxi, col. 669. Basile étendit ainsi le champ de la confession à tous les péchés qu’il considère comme graves. Saint Grégoire de Nysse lient â peu près le même langage : « De la colère, dit-il, dérivent sans doute beau­ coup de péchés et des maux de tout genre. Toutefois, nos Pères ont jugé bon de ne pas épiloguer et de ne pas metire trop de zèle à guérir tous les péchés qui naissent de la colère. Et quoique l'Écriture interdise non seulement les blessures et le meurtre, mais encore les injures, les malédictions ou autres péchés du même genre, c’est contre le seul homicide qu’ils ont élevé la barrière des peines. » Epist. can., can. 5, lue. cil.. 849 CONFESSION DU U- AU XIII» SIECLE col. 229. Et plus loin : « Il est une autre espèce d’idolàtrie au témoignage de l’Apôtre ; je ne sais comment sa guérison a été négligée par nos Pères... C’est l’ava­ rice. Le divin Apôtre l'a qualifiée non seulement d’ido­ lâtrie, mais encore de racine de tous les maux ; et ce­ pendant cette espèce de maladie a été laissée de côté sans surveillance et sans soin. De là vient qu’elle est fréquente dans les églises. » Can. 6, col. 232-233. Évi­ demment, Grégoire demande que les malédictions, l’ava­ rice, etc., dont la gravité n’avait pas été assez remarquée jusque-là, deviennent matière de confession. Origène qui recommande de recourir au sacerdos, voire à l’évèque pour obtenir le pardon des péchés commis, In Num., homil. x, c. i. /’. G., t. xn, col. 635, estime que certains péchés sont réservés à Dieu : tels sont, par exemple, l'idolâtrie, l’adultère et la fornication, et l’homicide, De oratione, c. xxvii, P. G., t. xi, col. 528. Il en faut conclure que les autres péchés de moindre importance et rémissibles par l’évèque doivent être con­ fessés ; tels sont sans doute les communia, dont il dit: Ista communia crimina quæ frequenter incurrimus semper pænilentiam recipiunt et sine intermissione redimuntur. In Lev., homil. xv, c. n, P. G., t. xn, col. 561. L’Afrique de Tertullien, de saint Cyprien, de saint Au­ gustin est très explicite sur l’obligation de confesser tous les péchés graves à l’évêque. On sait que Tertullien divise les péchés en maxima, media (ou mediocria) et modica. De pudicitia, c. i, L., t. n, col. 983. Les premiers qui comprennent « l’homicide, l’idolâtrie, le vol, la négation, le blasphème, l'adultère et la fornication et toute autre violation du temple de Dieu », ibid., c. xix, col. 1020, sont irrémis­ sibles en ce sens que le pardon en est réservé à Dieu : De venia Deo reservamus. Ils n’en doivent pas moins être confessés et soumis à la pénitence publique. Ibid., c. in, iv, col. 986. Voir une énumération un peu dilférente : Idololatria, blasphemia, homicidium, adulte­ rium, stuprum, falsum testimonium, fraus, dans le traité Adversus Marcionem, tv, 9, P. L., t. n, coi. 375. Ailleurs il les réduit à trois : l’homicide, l’idolâtrie et la fornication, en s'appuyant sur un texte des Actes lé­ gèrement dénaturé, xv, 28, 29. De pudicitia, c. xn, P. L., t. n, col. 1002. Cf. A. d’Alès, La théologie de Ter­ tullien, Paris, 1905, p. 240. Les media, mediocria, mi nora, péchés graves, mais non proprement mortels aux yeux de Tertullien, sont aussi la matière de la confession faite à l’évèque. Quæ aul levioribus delictis veniam ab episcopo consequi poterit. Ibid., c. XVIII, coi. 1017. A propos de Ia brebis égarée, Tertullien écrit : « Dire que ce qui est sauf a péri est une manière de parler. C’est ainsi que périt le fidèle qui s’est égaré dans le spectacle de la fureur du cirque, du sang des gladiateurs, des souillures de la scène, des vanités du ceste, qui a pris quelque part aux jeux,aux banquets d'une solennité sé­ culaire, au service de l’idolâtrie du prochain, ou qui a laissé tomber par defaut d’attention une parole de né­ gation et de blasphème. Pour une faute de ce genre, il a été mis hors du troupeau (par qui, si ce n’est par l’évêque ?) ou s’y est mis peut-être lui-même,par colère, par orgueil, par jalousie, et enfin, ce qui arrive souvent, par refus de l'épreuve (à laquelle on voulait le soumet­ tre!, dedignatione castigationis. On doit le rechercher et le rappeler. Ce qu’on peut recouvrer n’a pas péri, à moins qu’il ne demeure (volontairement) dehors. Le véritable sens de la parabole de la brebis égarée est donc qu’on ramène au bercail un pécheur encore viv int, » c’est-à-dire un coupable qui n’a pas commis de p-chés proprement mortels. De. pudicitia, c. vu, ibid., col. 993. Les péchés ainsi décrits sont donc des péchés media ou mediocria. Tels sont encore ceux dont parle Tertullien à propos de la drachme perdue et retrouvée. Ibid. On les reconnaîtrait pareillement, mêlés sans 850 doute aux péchés légers, modica, dans l’énumération qu’il fait ailleurs, c. xix, col. 1028 : « 11 y a, dit-il. des tentations et, par suite, des péchés de chaque jour, aux­ quels nous sommes tous exposés. A qui n'arrive-t-il pas de se mettre en colère injustement et jusqu'après le coucher du soleil, ou de mettre la main sur quelqu’un, ou de maudire (trop) facilement, ou de juger témérai­ rement, ou de violer la foi d'un pacte, ou dementirpar crainte ou par nécessité? Dans les affaires, dans les devoirs, dans le gain, dans la nourriture, dans ce que nous voyons, dans ce que nous entendons, combien sommes-nous tentés? S’il n’y avait pas de pardon de ces péchés, il n’y aurait de salut pour personne. · Ibid., c. xix. En d’autres termes, c’est sur ces sortes de péchés que s’exerce le pouvoir de pardonner que le Christ a confié aux évêques. Saint Cyprien engage ses frères à confesser leurs péchés pendant qu'il en est temps : Confiteantur sin­ guli, quæso vos, fratres, delictum suum, dum admitti con/essio ejus potest, dum satisfactio et remissio per sacerdotes apud Dominum grata est. De lapsis, c. xxix. P. G., t. iv, coi. 489. Et par ces péchés, il entend non seulement les fautes énormes comme l’idolâtrie, l’adul­ tère ou l'homicide, mais encore des péchés moindres : cum in minoribus peccatis agant peccatores pænitenliam justo tempore el secundum disciplinée ordinem ad exomologesim veniant, etc. Epist·, ix, n. 2, P. L.. t. iv, coi. 251. Sur ces peccata minora, cf. Vacambed. La pénitence publique dans l’Eglise primitive, Paris. 1903, p. 28-29. Saint Augustin a eu cent fois l’occasion d’exprimer sa pensée sur la nature des pêchés et toujours il les a divisés en trois catégories, par comparaison avec les différents moyens que Dieu a établis pour leur rémis­ sion. Outre le péché originel et les péchés actuels que remet le baptême, « il y a, dit-il, les péchés véniels, sans lesquels cette vie n’est pas concevable : sunt ve­ nialia sine quibus vita ista non est ; De symbolo ad catechumenos, serm. i, c. xv-xvt ; cf. Enchiridion. c. xvn; Serm., i.vi, inMalth., vt, c. xn ; Serm.,ccci.ii. n. 7, 8, etc., et les péchés pour lesquels il est néces­ saire de séparer le coupable du corps du Christ, c’està-dire de l’Eglise. >> Mais quels sont les péchés légers et quels sont les péchés graves ? « Cela doit se peser non au jugement de l’homme, mais à celui de Dieu. » En­ chiridion, c. xxi. Et le saint docteur essaie de détermi­ ner les péchés qui donnent la mort spirituelle à nutr, âme et méritent l’enfer. De diversis quæst. lxxxiii, q. xxvi, P. L., t. XL, col. 17. Le remède de ces pêchés n’est autre que la confes­ sion, suivie de l'absolution sacramentelle. Enchiridion. c. i.iv, lxix, P. L., t. xi., col. 242, 265. Voir Aogistix. t. i, col. 2426-2429. L'Église d’Espagne parait avoir été, en matière pénitenlielle, l'héritière du rigorisme africain. On peut voir par le concile d’Elvire (vers 300) quels péchés elle sou­ mettait à la pénitence publique, can. 1-7. Mansi, Coned.. t. n, col. 5-7. Saint Pacien, évêque de Barcelone se­ conde moitié du 1V« siècle), nous apprend lui-tnêinequ :i s'inspirait de Tertullien el de saint Cyprien. Epist.. m. ad Sempronianum,c. xxtv, P. L.,t. xm.col. 1079. Parænesis ad pænilentiam, c. xx-xxn. ibid., col. IG86. Il relève, en ell'et, de Tertullien pour la détermination des péchés mortels, qu’il réduit â trois : l'adultère · u la fornication, l’homicide et l’idolâtrie, Parænesis ■ pænitent., c. iv, col. 1083. On devine quelle fur. : ,:·· délits », pour employer son expression, il classait paru.: les péchés non mortels. Ceux-ci comprenaient évidem­ ment les fautes vraiment légères et celles que Tertul­ lien appelait media, mediocria ou minora. Et nul doute qu’il ait rangé ces dernières parmi celles que le pécheur devait confesser à l'évêque. Tel est, s· Ion nous, le sens de sa pensée quand il déclare que 1 Égli- a le 851 CONFESSION DU Ier AU XIII» SIÈCLE pouvoir de remettre les péchés, quels qu’ils soient, grands ou petits : Quæcumque solveritis, inquit ; om­ nino nihil excepit : quæcumque, inquit, rei magna, vel modica, etc. Epist., Ill, aci Sempronianum, c. VII, coi. 1071. En Gaule, nous n'avons pas de documents bien pré­ cis pour les origines. Nous renvoyons pour le v” siècle aux conciles d'Orange (441), de Vaison (442), d’Arles (451), d’Angers (453), de Tours (461), qui énumèrent les péchés pénitentiels. A Milan, saint Ambroise divise, comme saint Augus­ tin en Afrique, les péchés en graves ou légers et sou­ met les péchés graves à une pénitence dont l'évêque est le seul juge. Malheureusement « la plupart des pé­ cheurs, dit-il, qui, par crainte du supplice futur et cons­ cients de leurs fautes, demandent la pénitence, se trouvent, quand il l’ont obtenue,arrêtés par la honte de la supplication publique ». De pænitenlia, 1. II, c. ix. n. 86, P. L., t. xvi, col. 517. Le pécheur doit énumérer en détail ses péchés : Aon solum confitetur peccata sua, sed etiam enumerat et ACCUSAT. Nonvull enim latere sua delicta. In Ps. xxxvtt, P. L., t. xiv, col. 1057. A Home, nous savons par le pape Innocent 1»·· (401417) que les fidèles étaient assujettis par l’évêque, sa­ cerdos, h la pénitence pour les péchés leviora, aussi bien que pour les graviora. Par les leviora dont il est ici question, Epist. ad Decentium episeop. Eugubinum, c. vu, P. L., t. i.vi, col. 517, nous entendons toujours les péchés mortels, mais moindres ou plus légers, par comparaison avec les péchés énormes. El ce ne sont pas seulement les fautes publiques ou extérieures, mais encore les fautes secrètes, voire de pensée ou de désir, qui forment la matière de la con­ fession. Saint Justin fait remarquer que le désir de l’adultère est digne de châtiment comme l’adultère et que Dieu le punit de même, parce que â ses yeux les pensées n’échappent pas plus que les actes : ού γάρ μόνον ό μοιχεύων έ’ργω έκοέοληται παρ’αύτον, άλλα καί ό μοιχεϋσαι βονλόμενος, ώς οό τών έργων φανερών μόνον τώ Θεω· άλλα και τών έπιΟνμημάτων. Apol-, !, c.XV, P. G., 1. νι, col. 349. Lorsque Origène enseigne que le médecin de l’âme doit conseiller â son pénitent « d’exposer sa langueur à toute l'assemblée des fidèles ». si cela peut servir à l'édification d’autrui et â sa propre sanctification, ne donne-t-il pas à entendre qu’il s’agit de fautes secrètes? Homil., n, in Ps. xxxvtt, P. G., I. xn, col. 1386. De son côté, saint Grégoire de Nysse suppose le cas d’un vol caché que le coupable révèle à l’évêque dans sa confession. Epist. can., can. 6, P. G., t. xi.v, col. 233. Et saint Basile, dans le canon 34 de ses épitres cano­ niques, P. G., t. xxxn, col. 727, avait pareillement en vue une faute secrète, quand il décidait qu’une femme adultère, dont le crime n’a qu’une demi-publicité ou même n’est connu que par la confession, échappera au châtiment de l’adultère public, mais expiera néanmoins publiquement sa faute dans le stage des assistants. En Occident, même discipline. Dès le IIe siècle, saint Irénée nous montre des femmes, que les hérétiques avaient débauchées et entraînées dans l’adultère, con­ damnées â la pénitence après l'aveu de leur péché qui cependant avait été commis secrètement. L’aveu des coupables eut sans doute quelque publicité, comme cela résulte du texte. Mais, de sa nature, leur faute n'en était pas moins secrète. Cont. hær., 1. I, c. VI, n. 3, P. G., t. vu, col. 508 sq. Ceci se passait sur les bords du Rhône. En Afrique, Tertullien est très explicite dans ses exhortations â la confession el â la pénitence. « La plu­ part, dit-il, cherchent à s'y soustraire, ou diffèrent de jour en jour, plus soucieux de leur honte que de leur salut; semblables en cela à ces malades qui évitent de 852 révéler aux médecins les maladies qu’ils ont contrac­ tées dans les parties secrètes du corps, et qui périssent par fausse honte... Le bel avantage de cacher ainsi son péché par pudeur! Si nous parvenons à le soustraire â la connaissance des hommes, le célerons-nous égale­ ment â Dieu? Vaut-il mieux être damné en secret que d’être absous en public? » De pænitenlia, c. x. P. L., t. i, col. 1245-1246. On ne contestera pas qu'il s’agisse ici de l'aveu des péchés secrets. Ibid., c. ni, iv : Om­ nibus ergo deliciis seu carne seu spiritu, seu facloseu voluntate commissis. Lorsque saint Cyprien conseille aux lapsi de con­ fesser leur crime avant que la mort ne les saisisse, il ne restreint pas cette obligation de l’aveu au péché d’idolâtrie consommée. Le seul péché de pensée est, â ses yeux, matière suffisante et même nécessaire de la pénitence et de la confession. « Combien plus grands, dit-il, sont par la foi et combien meilleurs par la crainte, ceux qui, sans avoir sacrifié ou simplement sollicité un libellum, rien que pour avoir pensé â com­ mettre ce crime, s'en confessent tristement et simple­ ment aux sacerdotes du Seigneur, font l’exomologèse de leur conscience, exposent le poids de leur âme et demandent un remède salutaire pour des blessures relativement peu graves ! » quoniam tamen de hoc vel cogitaverunt, hoc ipsum apud sacerdotes Dei dolenter et simpliciter confitentes, exomologesim conscientise faciunt, etc. De lapsis, c. xxvm, P. L., t. IV, col. 488. Et voulant pousser les coupables à ne celer aucune faute, il en appelle à Dieu, « qui voit les cœurs de tous et de chacun, et qui nous jugera non seulement sur nos actions, mais encore sur nos paroles et nos pen­ sées. » Ibid. Saint Augustin lient le même langage; s’adressant aux fidèles coupables d’adultère, il s’écrie : « Qu'on ne me dise pas : .l'ai péché en secret, je fais pénitence devant· Dieu, car ce n'est pas sans raison que les clefs ont été données à l’Eglise de Dieu. » Serm., cccxcil, n. 3, P. L., t. xxxix, col. 1711. Saint Pacien de Barcelone (iv« siècle) a des pages éloquentes sur le devoir de con­ fesser les péchés secrets et les péchés de pensée : Addo etiam non solum manus in homicidio plecti sed el omne consilium quod alterius animam impegit in mortem ; nec eos tantum qui thura mensis adolevere profanis, sed omnem prorsus libidinem extra uxorium thorum et complexus licitos evaganlem, reatu mortis astringi. Ilæc quicumque post fidem (baptismum) fe­ cerit, Dei faciem non videbit. Ergo (inquiet aliquis) perituri sumus? Moriemurne in peccatis nostris'! Et quid facies, tu sacerdos1!... fiogo ergo vos fratres, per Dominum illum quem occulta non fallunt, desinite vulneratam tegere conscientiam. Prudentes ægri me­ dicos non verentur, etc. Parænesis ad pænilenliam, c. v, νι, vm, P. L., t. xiii, col. 1084-1086. En Italie, saint Ambroise, au témoignage de son bio­ graphe, entendait l'aveu des péchés secrets, Vita Am­ brosii, c. xxxix. et le saint docteur nous montre luimême des pécheurs â qui le confesseur impose une pénitence pour des fautes occultes : Si quis occulta crimina habens. De pænitenlia, 1. I. c. xvi, /’. L., t. xvi, col. 495. Cf. In Ps. xxxvtt : Nonvull enim (pænitens) latere sua delicta. P. L., t. xiv, col. 1057. (Jn connaît, du reste, le texte fameux (sur lequel nous reviendrons) de saint Léon le Grand, interdisant aux confesseurs de publier les péchés secrets, qu’ils ont connus par la confession. Epist. ad episeop. Campaniæ, c. n, P. L., t. Liv, col. 1210. 2. Matière non nécessaire. Les péchés légers. — Pour la période que nous éludions, c’est-à-dire avant l’appa­ rition des moines ou cénobites, on n’apereoit pas dans l’Église latine de textes insinuant que la confessiondes péchés véniels soit de précepte ou seulement de conseil. Saint Cyprien. par exemple, laisse entrevoir sa peu- 853 CONFESSION DU 10Γ AU XIIIe SIÈCLE séesur le traitement de ces pêchés. D’une façon géné­ rale, il enseigne que tout homme ou même tout fidèle baptisé commet des fautes, be oratione dominica, c. xxn, P. L., t. iv, col. 534. Mais il «s’élève énergique­ ment contre la théorie des stoïciens qui prétendent que toutes les fautes sont égales. Episl., i.v, ad Antonianum, c. xvi. L., t. ni, col. 792. 11 y a donc une échelle des péchés; au plus bas degré sont les péchés quoti­ diens auxquels la fragilité humaine ne saurait échapper; pour ceux-ci le remède que saint Cyprien indique est tout simplement la prière de chaque jour, be oratione dominica, loc. cit. Nous avons vu que saint Augustin citait à plusieurs reprises « les péchés véniels, sans lesquels celle vie » est pas possible ». Enchiridion, c. i.xxi, P. L., t. xi., col. 265. Cf. Sermo de symbolo ad catechumenos, c. vu, n. 15, ibid., col. 636. Nulle part il ne recom­ mande le recours au prêtre et la confession pour les péchés de cette sorte. Ils sont remis ou expiés, dit-il. par la vertu de l’aumône, par les œuvres de miséri­ corde, misericordiæ sacrificiis, ou simplement par la r- citation de l’oraison dominicale. Serm., tx. n. 17, P. L., t. xxxvm, col. 88; Episl., ci.m, n. 15, P. L., t. xxxm, col. 659; Serm., xvn, n. 5, P. L., t. xxxvm, col. 127; lvi, n. 11, col. 382. Voir Augustin, t. l, col. 2426-2127. En Espagne, saint Pacien classait une « forêt de dé­ lits », silva delictorum, Parænesis ad pænilenliam, c. it, P. L., I. xm, col. 1083, parmi les péchés légers. De ceux-ci, quelques-uns étaient sans doute soumis au pouvoir des clefs, comme nous l’avons dit plus haut, mais les péchés vraiment légers étaient guéris simple­ ment par la compensation des bonnes œuvres. Ainsi, dit-il, « la ténacité sera expiée par l’humanité, l’injure sera compensée par une réparation, la tristesse par l’aménité, la dureté par la douceur, la légèreté par la gravité, la perversité par l'honnêteté, bref les contraires par les contraires. » Parænesis ad pænilenliam, loc. cit., col. 1084. Saint Ambroise enseignait, comme saint Augustin, que les péchés légers sont expiés par la pénitence de chaque jour, par la prière, l’aumône et d’autres œuvres pies. De pænitentia, 1. IV, c. xx, loc. cil. Les documents romains ne nous fournissent guère de renseignements sur le traitement des pêchés véniels. A l’approche du carême et du temps pascal, saint Léon i 440-461) invite les fidèles à la pénitence. Tous ont be­ soin de pardon. Sans doute chacun d’eux n’a pas le même motif de l’implorer : « Le pêché diffère du péché et le crime diffère du crime en maintes manières. » Serm., i, c. i, P. L., t. i.iv, col. 306. Mais « il n’y a per­ sonne qui soit sans péché », nemo non peccat. Ibid., c. III. Il faut enlever du miroir de l’âme jusqu’au moindre grain de poussière qui la salit, jusqu’à la plus légère fumée qui la ternit. Serm., xi.m, c. m, col. 283. Par quels moyens? Par la largesse des aumônes et par le pardon des injures, par le jeûne et par l’abstinence. .Semi., i, loc. cit. Le recours à la confession pénilentielle n’est pas indiqué. En Orient, on voit poindre dès l’origine une autre discipline. Le directeur, κυβερνήτης, dont parle Clé­ ment d’Alexandrie, recevait l’aveu de tous les péchés, > notamment des péchés légers. C’était le seul moyen qu’il eût de pénétrer à fond l’âme de celui pour qui il était comme 1’ « ange de Dieu », comme « l’ange de la p· nitence ». Quis dives salvetur, c. xli, xlii, P. G., 1. ix, col. 645-648. Le médecin auquel Origène recom­ mande pareillement de s’adresser et qui avait la mis­ sion de guérir les moindres maladies de l’âme, aussi bien que les plus graves, devait nécessairement con­ naître par la confession toutes ces fautes vénielles sans desquelles la vie n’est pas concevable, boni il., Il, in Ps. xxx vti, c. vi, P. G., t. xji, col. 1386. , >.>4 En résumé, la confession des péchés vraiment ■< légers » ou « véniels », qui ne parait pas avoir été pratiquée d’abord en Occident, ne fut que de conseil dans les Eglises d’Orient, où nous en trouvons la trace au n» et au m« siècle. Et encore il semble que « le di­ recteur » ou « médecin » de l’âme, à qui se faisait cet aveu n’était pas nécessairement revêtu du caractère sacerdotal. Quant aux péchés énormes dits « mortels », ad mortem, tous étaient matière de la pénitence et. par suite, de la confession faite â l’évêque ou au prêtre. Les autres péchés « moindres », minora, leviora (que nous classons aujourd’hui parmi les péchés graves, voire mortels), publics ou secrets, étaient pareillement ma­ tière de la confession. Pour le iv« siècle, les textes le prouvent â l’évidence et en abondance. Dés le début du ni' siècle, nous en avons la preuve dans le De pænitentia de Tertullien. Néanmoins il est bon d’observer que tous les docteurs ou Pères de l’Eglise ne s'enten­ dirent pas dès l'origine sur la nature et le nombre des péchés qui devaient être considérés comme graves ou relativement graves. La liste qu'ils en auraient dressée, chacun â part ou même tous ensemble, ne serait sans doute pas superposable â celle que les théologiens et les casuistes ont composée depuis. Mais ils avaient tous le même principe pour juger de la gravité des pêchés; tous (et cela est digne de remarque) en appelaient â l’Ecriture pourdéterminer les péchés mortels : tels par exemple Tertullien, saint Cyprien, saint Augustin, saint Pacien, saint Basile, saint Grégoire de Nysse; tous, par conséquent, considéraient la confession des péchés mortels comme obligatoire de droit divin. 4° Mode de la confession. — 1. Exomologèse, con­ fession publique et confession secréte. — Dans l’antiquité chrétienne, chez les Pères latins aussi bien que chez les Pères grecs, la confession s’appelle assez communément u exomologèse », έξομολόγησις, exomologesis. Mais ce mot a un triple sens, qu'il importe de bien déterminer pour ne pas tomber dans la confusion ; il signifie tantôt a) la confession préparatoire à la pénitence, b) l’ensemble des exercices extérieurs auxquels était soumis le pé­ nitent, tantôt enfin, c) l’aveu public de culpabilité, pré­ paratoire â la réconciliation ou absolution. Le premier sens se reconnaît dans ce texte de saint Cyprien : Hoc ipsum apud sacerdotes Dei dolenter el simpliciter con/ilentes, exomomgesiM CONSCIENTIÆ EX­ CIUNT, animæ sute pondus exponunt, salutarem mede­ lam parvis licet et modicis vulneribus exposcunt. De lapsis, c. xxvitl, P. L., t. IV, coi. 488. C’est aussi ce sens que Socrate avait en vue quand il raconte qu’une femme de qualité vint trouver â Constantinople le prêtre pénitencier pour lui faire l'exomologcse des péchés qu'elle avait commis depuis le baptême : προσήλβε -ώ έπϊ τής μετάνοιας πρεσβυτέριο, καί κατά μέρος εξομολογείται τά; αμαρτίας, ας έπεπράχει μετά τό βάπτισμα. il. E., 1. V, c. χιχ, P. G., I. ι.χνιι, col. 616. Tertullien décrit Vexomologèse dans le second sens. « Par l’exomologêse, dit-il, nous confessons nos fautes au Seigneur, non sans doute pour lui apprendre ce qu’il n’ignore pas, mais pour commencer notre satisfac­ tion, faire pénitence et apaiser sa colère ; par celte discipline de prosternements et d’humiliation, l'exomologèse attire la miséricorde d’en haut. Le pénitent doit exprimer, par son genre de vie, le repentir dont il fait profession, coucher sur le sol et la cendre, ne plus se laver, livrer son âme à la tristesse, compenser ses égarements â force d’austérités, vivre de pain et d'eau, unir au jeûne la prière et les larmes, mugir nuit et jour vers le Seigneur, se prosterner devant les prêtres, s’agenouiller devant les amis de Dieu, caris Dei adgeniculari, supplier tous les frères d’intercéder pour lui. Ainsi l’on affirme son repentir, ainsi l'on venge l'hon­ neur de Dieu, ainsi le pécheur prononce contre luiméme au nom de Dieu irrité et, par des souffrances 855 CONFESSION DU Ier AU XIII0 SIÈCLE temporelles, acquitte la dette d’éternels supplices. » Tel est l’ensemble des exercices pénitentiels « qui forment l’exomologése ». De pænitentia, c. IX, P. L., t. i, col. 1243-1244. Saint Cyprien employait le mot dans le même sens, quand il opposait « l’exomologése » à « la confession » : Apud inferos dum confessio non est, nec EXOMOLOGESIS illic fieri potest. Epist., lv, ad An­ tonianum, c. xxix, P. L., t. m, col. 794. Les textes où Vexomologesis figure avec le troisième sens sont fréquents dans saint Cyprien. L’exomologése suppose alors ordinairement la pénitence accomplie, la satisfaction achevée, et doit être suivie de l'absolution ou réconciliation. Le passage suivant de l’Epitre ix,n.2, est caractéristique : Aant cum in minoribus peccatis agant peccatores p.r.xnextiam JUSTO tempore, et secundum disciplinée ordinem ad exomologesin ve­ niant, et per manus impositionem episcopi et cleri jus communicationis accipiant... nunc... ad commu­ nicationem admittuntur..., el nondum pænitentia acta, nondum exomoi.ogesi facta, nondum manu eis al> episcopo et clero imposita, eucharistia illis da­ tur. P. L., t. iv, col. 251-252. Même sens dans la phrase suivante : Illi... ante actam pænitentiam, ante exoMOLOGEsim gravissimi atque extremi delicii faciam, ante manum ab episcopo el clero in pænitentiam im­ positam, etc. Epist., x, η. 1, col. 254. Citons encore : Nam, cum in minoribus delictis... ρ.ΕΝΙΤΕΧΤΙΛ agatur justo tempore,et EXOMOLOGESIS fiat inspecta vita ejus qui agit pænitentiam, nec ad communicationem ve­ nire quis possit nisi prius ab episcopo et clero manus fuerit imposita, etc. Epist., xi, n. 2, coi. 257. Ailleurs nous lisons : Ante expiata delicta, ante exomoloGESIM factam criminis, ante purgatam conscientiam sacrificio et manu sacerdotis, etc. De lapsis, c. xvi, coi. 479. Cf. xn, η. I ; xm, n. 2, coi. 259, 261. Si nous avons accumulé tant de textes, c'est pour faire voir, à l’encontre de certains critiques, qu’ici l’exomologése se distingue de la pénitence, c’est-à-dire de l’ensemble des exercices pénitentiels proprement dits. 2. Mode de la confession préparatoire à la pén itence. — La confession ou exomologése qui précédait la mise en pénitence était-elle secréte ou publique? Là où fonctionne un prêtre pénitencier, par exemple â Constantinople, la confession est sûrement secréte. Λ en croire Sozornène, le prêtre pénitencier fut établi pour remédier aux inconvénients de la confession pu­ blique, que les évêques trouvaient pénible et odieuse : φορτικόν ώς είκο; έξ αρχής τοΐς ίερεΰσιν έ’δοξεν ώς έν βεάτρω ϋπό μάρτυρι τώπλήβει τή; εκκλησία; τά; αμαρτία; έξαγγέλλειν. 11. E., I. VII, c. xvi, P. G., t. LXVll, col. 1460. De ce texte, il semblerait résulter que primitivement la confession était publique. .Mais au moins un lel usage aurait été vile supprimé. La confession auriculaire était donc en vigueur conjointement avec le régime du prêtre pénitencier, et cet état de choses dura jusqu’à l'épis­ copat de Nectaire (391). A plus forte raison, la confes­ sion secréte se prit-elle à refleurir sous l’épiscopat de saint Jean Chrysostome qui trouva, en montant sur le siège de Constantinople, la pénitence publique suppri­ mée. Dans ses exhortations à la pénitence durant le carême, le grand orateur envisage la peine et la honte que les pécheurs éprouvent à confesser leurs fautes. 11 leur fait observer qu’il n’y a pas lieu d’affronter la pu­ blicité : « Dieu ne vous demande pas, dit-il, de révéler vos fautes devant témoins au milieu d’un théâtre; il vous dit : avoue tes fautes à moi seul, privëment. afin que je guérisse la plaie et que je l'enlève ton fardeau : » έμο’ι το αμάρτημα είπε μόνω κατ' ίδιαν. Homil., IV, in La­ narum, c. lv, P. G., t. xlvhi, col. 1012. 11 s’agit là de fautes qui n’étaient sans doute pas considérées comme mortelles. Nous voulons montrer seulement par ce texte que saint Jean Chrysostome avait un grand respect des consciences. Quant aux pêchés mortels, s'il disait à 856 ceux qui en étaient coupables : « Venez à moi, fussiezvous retombés mille fois, je vous absoudrai, » il est clair qu’il entendait pareillement garder le secret qui lui serait confié par la confession. Ce secret, le syrien Aphraate (iv° siècle) en fait un devoir aux confesseurs : « Médecins, qui êtes les dis­ ciples de notre insigne médecin, si un malade rougit de vous montrer son infirmité, exhortez-le à ne pas vous la cacher, mais, lorsqu’il vous l’aura fait voir, n’allez pas la révéler.» Demonst., vu. De pænitentibus, sect, iv, Patrol, syriaca, édit. Graflin, t. i, p. 318-319. En Asie-Mineure, la même discrétion doit être obser­ vée sous le régime des divers stages pénitentiels. Celui que saint Grégoire de Nysse appelle « l’économe » de la pénitence entendait l’aveu des pécheurs, avant de régler leur pénitence. Or plusieurs textes font voir que cet aveu était secret. Dans le canon 34 de saint Ba­ sile, déjà cité, non seulement il est défendu de dénon­ cer le crime d’une femme adultère, que l’évêque aurait connu par la confession ou autrement, afin de sauver la coupable d'une condamnation à mort, mais encore il est ordonné que toute la pénitence inlligée en raison d’une telle faute s'accomplisse dans la catégorie des assistants, afin d’éviter qu’on ne conclût de la pénitence à la faute. De son côté, saint Grégoire de Nysse suppose le cas « d’un vol secret », que le coupable découvre à l’évêque par la confession et qui n’est pas soumis à la pénitence publique. Can. 6, P. G., t. xi.v, col. 233. Tout cela prouve que la confession auriculaire faisait partie du régime pénitentiel de l’Asie-Mineure. Il est de toute évidence que la confession recomman­ dée par Clément d’Alexandrie, en divers endroits des Stromata et du Qui s dives salvetur, doit être secrète. Origène pense de même. Parmi les sept moyens de pardon qu'énumère le grand docteur alexandrin, il faut remarquer « celte rude el laborieuse voie de la pénitence, dans laquelle le pécheur arrose sa couche de larmes, lorsque les larmes sont le pain de ses jours et de ses nuits, et qu’il n’a pas honte de révéler sa faute à l’évêque pour lui demander remède ». In Lev., homil. n, c. iv. P. G., t. xn, col. 418. Tertullien voulait pareillement que le pécheur eût assez de confiance dans la conscience dès évêques pour ne leur celer aucune faute, faisant remarquer que le sort des malades qui cachaient aux médecins leurs in­ firmités était la mort : qui conscientiam medicorum vitant cum erubescentia sua pereunt. Sans doute par la pénitence publique, la culpabilité des fidèles recevait quelque publicité. Mais la condition des pénitents ne devait pas être pire que celle des catéchumènes. Or, Tertullien nous apprend que la confession qui précédait le baptême élait secréte : Ingressuros baptismum ...orare oportet et cum confessione omnium retro delictorum... Nobis gratulandum est si non publice confitemur iniquitates aut turpitudines nostras. De baptismo, c. xx, P. L., I. i, coi. 1222. Sur ce texte, cf. A. d'Alés, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, р. 332, note. On trouve une allusion, très claire selon nous, à la confession secréte dans le passage du De lapsis, с. xxviii, oû saint Cyprien nous montre les fidèles dé­ licats qui, « sans avoir commis l’idolâtrie autrement qu’en pensée, s'empressent de confesser tristement et simplement leur faute aux évêques de Dieu, font ainsi l’exomologése de leur conscience, » etc. Du reste, la confession qui, dans le système de l'évêque de Carthage, précède la pénitence publique et l’exomologése propre­ ment dite (cf. les textes cités plus haut), ne saurait être qu’une confession secrète. Autrement, à quoi bon distinguer la confession de l’exomologése? Saint Augustin témoigne de la même discipline. Je mets, dit-il, devant les yeux du coupable le jugement de Dieu, j'etlraye sa conscience; je le pousse à la péui- 857 CONFESSION DU Ier AU XIII- SIÈCLE tence (publique) par la persuasion. On nous reproche, ajoute-t-il, d’épargner telle personne coupable d'adul­ tère; on s’imagine que nous ne savons pas ce que nous savons; mais peut-être sais-je ce que vous savez, el si je ne la reprends pas publiquement, c’est que je veux la guérir et non l'accuser. » Serm.. i.xxxn, c. vu, n. 11, P. L., t. xxxviii, col. 511. Cf. De fide et operibus, c. xxvi, P. L., t. XL, col. 228. Augustin méritait ainsi la louange que Paulin adres­ sait â saint Ambroise, lorsqu’il le félicite de ne rien révéler des fautes de ses pénitents, « donnant par là aux prêtres de l'avenir le bon exemple de se faire les intercesseurs des coupables auprès de Dieu, plutôt que leurs accusateurs auprès des hommes. » Vita Ambro­ sii. c. xxxix. Saint Léon affirme que la révélation des péchés se­ crets est «contraire à la règle apostolique ». « Il suffit, dit-il, d'indiquer aux évéques seuls par une coniession secrète l’état de sa conscience : » cum reatus conscien­ tiarum sufficiat solis sacerdotibus indicare confessione secreta. Epist. ad episcop. Campanile et Samnii, etc., c. n, P. L·., t. i.iv, coi. 1211. Et, à ne prendre son assertion que comme un témoignage purement histo­ rique, il faudrait encore en conclure que la confession secrète était en usage à Rome de temps immémorial. La confession auriculaire était donc en usage en Italie, en Afrique, à Constantinople, en Asie-Mineure. bref dans les principales Eglises de l'Orient et de l'Occident, autant qu’on le peut constater par les documents, au IVe et même au ni0 siècle. Sozomène est d'accord avec saint Léon le Grand pour affirmer que cette insti­ tution remonte aux origines. Nous ne possédons pas de texte positif qui nous permette de justifier leur assertion. Mais on ne saurait non plus apporter un document qui les contredise. Si la mention de la con­ fession secréte, préparatoire à la pénitence, est extrême­ ment rare ou même fait défaut dans les textes primitifs, c'est qu'elle n’avait aux yeux des chrétiens de ce temps qu'une importance secondaire; c’est que toute l'atten­ tion se portait alors sur les suites de cetle confession, sur la pénitence proprement dite, sur le nombre des exercices laborieux et publics que Tertullien a décrits sous le nom d’exomologëse. 3. Exoniologèse ou confession publique. — La péni­ tence, dans les premiers siècles de l’Église, comprenait non seulement une confession préliminaire, mais en­ core un aveu public de culpabilité qui consistait dans l’ensemble des exercices satisfactoires et dans l’exomologèse finale immédiatement suivie de la réconciliation. On peut se demander si cet aveu public et cette exomologése finale impliquaient, comme la confession préli­ minaire, une révélation détaillée des péchés commis. On ne voit pas que cetle révélation ait été obligatoire. Sozomène déclare, nous l'avons vu, que l’office du prêtre pénitencier fut établi pour parer aux inconvé­ nients de la coniession publique. Le canon 34e de saint Basile, qui a trait à l’adultère secret, témoigne pareil­ lement que les pénitents soumis en Asie-Mineure aux différents stages pénilentiels n’étaient pas tenus, loin de là, à révéler leurs fautes en public. Tertullien, si exigeant en matière d’exomologëse, ne demande nulle part que le pénitent mette les fidèles dans la confidence de ses péchés secrets. Les textes que nous avons cités de saint Cyprien el de saint Augustin donnent la même impression. En Italie, nous avons pour témoins de la discipline saint Ambroise et saint Léon le Grand. Saint Ambroise exhorte le pécheur à faire publiquement pénitence (ce qui comporte au moins un aveu général de culpabililé), dans l’assemblée des fidèles, dans 1 église : in ecclesia, De pænitentia, 1. II, c. x, mais il n'exige pas que les fautes soient révélées : si guis crimina occulta habens. Il rompt, nous dit son biographe, avec la coutume de publier les péchés des 858 ' pénitents, « donnant ainsi aux prêtres de l'avenir le bon exemple. » Vita Ambrosii, c. x.xxix. La coutume dont parle Paulin avait pris une forme singulière dans certaines régions de l'Italie, notamment dans la Cam­ panie. On y rédigeait par écrit la liste détaillée des péchés confessés, liste qu'on lisait ensuite publiquement dans l’assemblée chrétienne. Saint Léon proteste contre cet usage inconvenant et « contraire à la règle aposto­ lique », faisant remarquer « qu'il suffit d'indiquer aux évêques seuls, solis sacerdotibus, par une confession secrète l'état de la conscience ». Sans doute, ajoute-t-il, I « il convient de louer cette plénitude de foi qui. par crainte de Dieu, ne craint pas de rougir devant les hommes. Mais comme les péchés de tous ceux qui demandent la pénitence ne sont pas de nature à êlre publiés sans que les coupables en redoutent la publicité, il faut abandonner cette couluine regrettable, de peur que beaucoup ne s’éloignent des remèdes de la péni­ tence, soit par honte, soit par crainte de voir révéler à leurs ennemis des faits qui peuvent tomber sous le i coup des lois. Du reste, cette simple confession suffit. I que l'on fait à Dieu, puis à l’évêque, sacerdoti, lequel prie pour les péchés des pénitents. Enfin plusieurs seront amenés plus facilement à la pénitence, si la con­ science du coupable qui se comesse n’est pas révélée aux oreilles du peuple. » Epist. ad episcop. Campania·, c. n, P. L., t. Liv, col. 1211. Tous ces textes témoignent qu’en principe l'aveu public des péchés, notamment des péchés secrels, dans l’exomologèse, n'était pas de précepte. Tout au plus pouvait-elle être de conseil. Quelques textes font allu­ sion à celte pratique. Nous citerons d'abord Origène. On se rappelle qu'il donnait au pécheur le conseil sui­ vant : Si intellexerit etpræviderit (medicus ani m re tua · talent esse LANGUOREM tuum qui in conventu totius ecclesiæ exponi repeat et curari, ex quo fortassis el cæteri ædificari poterunt, et tu ipse forte sanari, mulla hoc deliberatione et satis perito medici illius consilio procurandum est. In Ps. xxxvii, homil. n, n. 6. Selon certains critiques, Origène recommanderait ici seulement la pénitence publique, mais il semble que le sens obvie du texte indique plutôt une con­ fession publique. Ce n'est pas « le pécheur », mais « le péché «qui doit être « produit », exponi, publiquement. Cf. lieviie du clergé français, 15 mai 1905, p. 612, note 2. Nous retrouvons une allusion du même genre dans le texte suivant : Considera quam sint prophetae can­ didi homines, non, sicut nos facimus, peccata propria occultantes, at palam non lanium sui ævi hominibus, sed cunctis generationibus dicentes SI QUID peccarunt. Ego quidem non audeo confiteri nic meas INIQUI­ TATES CORAM PAUCIS, QUONIAM AUDIENTES ME CON­ DEMNATURI SUNT; at Jeremias, cum aliquid deli­ quisset non erubescit, sed suum peccatum scriptis man­ davit. In Jer., homil. xix, n. 8, P. (I., t. xtu, coi. 517. Certes, si le pécheur dont parle Origène suit l’exemple qu’il lui met sous les yeux, il confessera aussi en public les péchés qu'il a commis, fussent-ils secrets. Il semble que les femmes coupables d'adullère secret qui sur les bords du Rhône firent ensuite publiquement pénitence, d’après le récit de saint Irénée, révélèrent leur faute à l’assemblée chrétienne. Cont. hær., I. I, c. vi, n. 3. P. G., t. vu, col. 508. Ne pourrait-on pareillement entendre d’une confes­ sion publique ce que Socrate écrit des pénitents de Constantinople qui se reprochaient mutuellement leurs fautes : έ/έγχειν άλλήλων τά άμαρτήμζτζ. H. E., I. V, c. xix, P. G., t, I.XVH, col. 620. En tout cas, les abus de la confession publique dont parlent le biographe de saint Ambroise et saint Léon le Grand ont eu vraisemblablement pour point de départ l'usage d’une confession de certains péchés faite par les pénitents pendant leur exomologèse avec le consen­ 859 CONFESSION DU I" AU XIII» SIÈCLE tement ou d’après l’avis des confesseurs. Et saint Léon, qui stigmatise la conduite des évêques campaniens, se garde bien de condamner le principe même de la con­ fession publique. Il estime qu'elle peut être louable en certains cas : quamvis plenitudo fidei videatur esse laudabilis quæ propter Dei timorem apud homines erubescere non veretur, etc. Epist. ad episcop. Cam­ panile. Ainsi la confession publique ne fut qu'exceptionnelle dans l’Eglise primitive, et là ou elle est signalée comme obligatoire, des juges sévères mais compétents la con­ damnent comme abusive. La seule publicité que l’Eglise des premiers siècles ait exigée de ses enfants coupables de péchés graves est celle de leur pénitence, appelée communément « exomologèse ». Sur la nécessité de celte pénitence publique, même pour les péchés secrets, voir Pénitence. Cf. Vàcandard, La pénitence publique dans l’Église primitive, collection Science et religion. 5° Secret de la confession ou sigillum. — La publi­ cité de la pénitence soulève un problème délicat, celui du secret de la confession. Comment l’Eglise primitive l’a-t-elle résolu? A cet égard, je ferai une observation générale : jamais les Pères des premiers siècles n’invo­ quent, au sujet de la confession, à plus forte raison au sujet de la pénitence, la loi du secret, même lorsqu'ils ont l’occasion de le faire. J'en donne comme exemples deux ou trois faits éclatants. Sozoméne raconte que la fonction du prêtre pénitencier fut établie par égard pour les pécheurs qui trouvaient trop pénible l’obliga­ tion de « révéler leurs péchés en public, tanquam in theatro, en présence de toute l’Église assemblée ». H. E., I. Vil, c. xvt. C'était le cas, ce semble, de flétrir la confession publique comme incompatible avec la loi du secret, il n'y songe même pas. Le biographe de saint Ambroise n'y songe pas davantage, lorsqu’il loue son héros de ne parler qu'à Dieu seul des crimes de ses pénitentsjil ajoute simplement : « Bel exemple qu’il laissait aux prêtres, d’être des intercesseurs devant Dieu plutôt que des accusateurs devant les hommes! » Vita Am­ brosii, c. xxxix. Le silence de saint Léon n'est pas moins significatif. Le pape, on s'en souvient, blâme avec une extrême énergie la conduite des confesseurs cam­ paniens qui révélaient publiquement les péchés des fidèles ; mais, pour faire voir la nécessité d'abolir cette « coutume », quelle raison invoque-t-il? C’est qu'un tel abus détourne les pêcheurs de la pénitence, Epist. ad episcopos Campanile ; pas plus que Sozoméne et Paulin il n'en appelle expressément à la loi du secret sacra­ mentel. Est-ce à dire que cette loi du secret de la confession ne remonte pas aux temps apostoliques? Telle n'est pas notre pensée. Mais il semble qu'on ne la jugeait pas incompatible avec la publicité de la pénitence. Lorsque Tertullien exhortait, dans son traité De pænitenlia, le fidèle, coupable de péchés secrets, à se constituer péni­ tent public, il eût été fort surpris de s’entendre dire : « Mais cet aveu public de culpabilité est une violation lu secret sacramentel! — N’êtes-vous pas en famille? turait-il répondu. Comment voulez-vous que votre aveu choque des frères qui sont aussi fragiles que vous et qui demain peut être tomberont à leur tour, » consortes casuum tuorum? Cf. De pænitentia, c. x. « Demandez donc à l’Eglise de prier pour vous, disait pareillement saint Ambroise au pécheur coupable de péchés secrets, il n'y a rien en cela qui doive vous faire rougir, si ce n’est de ne pas avouer votre culpabilité, puisque nous sommes tous pécheurs. » De pænitenlia, I. Il, c. xvi. Évidemment ces Pères ne se doutaient pas que la péni­ tence publique fût une violation du secret de la con­ fession. 6° Réitération de la confession. — Du n· au v· siècle, il parait admis en principe par les docteurs de l’Eglise que la pénitence ou exomologèse ne peut être réitérée. 860 Quiconque, après une première réconciliation ou abso­ lution, retombe dans un péché « mortel », n'a plus à s’adresser à l’évêque, il n'obtient son pardon que par une pénitence privée qui se passe entre sa conscience et Dieu. Voir sur ce point llermas, Pasteur, mand. iv, t, 11; Funk, Patres aposlolici, 2e édit., Tubingue, Ί901, t. t, p. 476; Clément d'Alexandrie, Strom., Il, c. xtt, P. G., t. vm, col. 293; Tertullien, De pænitenlia, c. vil, tx. P. L., t. i, col. 1241, 1243; Origcne, In Lev., homil. xv, c. Il, P. G., t. xn, col. 565; S. Ambroise, De pænitentia, I. 11, c. x. P. L., t. xvt, col. 520; S. Au­ gustin, Epist.. Cl.lll, ad Macedonium, c. vu, P. L., t. xxxni, col. 656. Clément et Tertullien s'expriment comme si celte discipline dérivait de Dieu lui-méme; mais ils ne citent aucun texte à l'appui de leur théo­ rie; ils s'inspirent de la pensée d’Ilermas. Saint Am broise dit : Sicut unum baptisma, ita una pænilentia; la non-réitération de la pénitence est pour lui comme un axiome qu’il ne prouve pas, sinon en rapprochant la pénitence du baptême. Saint Augustin se contente de celte formule : Caule salubriterque provisum est. Cf. pour plus de détails, Vacandard, La confession sacra­ mentelle dans l’Église primitive (collection Science et religion), c, v, Sort des relaps, p. 34-44. Cette théorie était-elle enseignée partout, en Syrie par exemple? A considérer la discipline pénitentielle que signalent la Didascalie des apôtres et les Consti­ tutions apostoliques, on serait porté à croire que des pénitences de deux ou trois semaines, dépourvues de tout l'appareil de l'exomologèse décrite par Tertullien, pouvaient être plusieurs fois répétées. En Occident même, les monlanistes, notamment Tertullien, qui admettent la rérnissibilité par l’évêque de certains péchés leviora, ne semblent pas limiter le nombre des rémissions ou absolutions, par conséquent le nombre des recours au confesseur. Toutefois, nous n’avons aucun document qui atteste l’usage de la réitération de la pénitence durant les premiers siècles. On objecte à la vérité un texte de saint Irénée, indiquant que Cerdon aurait fait à Rome plusieurs fois l'exomologèse : πάλιν εξομολογούμενος. Cont. hier., 1. Ill, c. IV, P. G., t. vu, col. 856. Mais il s’agit tout simplement ici d'une exomologèse (ou péni­ tence publique) interrompue et reprise. Le contexte prouve même, selon nous, que celle exomologèse n'a jamais été achevée. Qu’on en juge: Κερδών... εις τήν ’Εκκλησίαν έλΟών καί έςομολογούμενος, ούτως διετέλεσε, ποτέ μεν λαβροδιδασκαλών (latenter docens), ποτέ δέ πάλι» εξομολογούμενος, ποτέ δέ ελεγχόμενος έφ’ οίς έδίόασκε κακώς, καί άφιστάμενος έκ τής αδελφών συνοδίας. Le plus ancien texte qui mentionne la réitération de la confession et de la rémission des péchés mortels vise saint Jean Chrysostome qui succéda à Nectaire sur le siège de Constantinople. L’historien Socrate qui le rap­ porte s’étonne de tant de condescendance, Un concile d’évêques ayant déclaré que la pénitence ne pouvait être accordée qu’une fois à ceux qui avaient pêché après le baptême, Jean osa dire; « Quand on aurait fait mille fois pénitence, on peut venir solliciter encore son par­ don. » Socrate ajoute que les amis du saint le reprirent de cette hardiesse et que Sisinnios, l’évêque novation de Constantinoplel écrivit tout un livre pour l’attaquer à ce sujet. //. E., 1. VI, c. xvt, P. G., t. t.xvn, col. 725. Les actes du concile /Id quercum notent pareillement que saint Jean Chrysostome fut accusé d'avoir dit à ses ouailles: « Si vous retombez dans le péché, faites de nouveau pénitence ; chaque fois que vous péchez, venez à moi, et je vous guérirai. » Âlansi, Concil., t. ni. col. 1145. Cette indulgence fut un des griefs pour les­ quels le saint évêque fut condamné. Un écrit africain attribué à Victor deCarlenna (milieu du v» siècle) insinue pareillement que la discipline an­ cienne, maintenue encore par saint Augustin, va prendre 8G1 CONFESSION DU Ier AU XIII» SIÈCLE lin. L’auteur est d’avis que la pénitence peut el doit être réitérée; mais pour cela il faut que le coupable lasse aveu de sa faute et montre sa plaie à son médecin : Opi­ nor enim, nisi interpelletur medicus, non curatur œgrolus. De pænitenlia, c. 11, P. L., I. xvn, coi. 974. II s’agit bien d'une rechute et d’une réitération de la cure: Sed ais mihi : Peccata peccatis adjeci el qui jam ca­ dens erectus fueram iterum cecidi et conscientiie meæ vulnus jam pene curatum peccati exulceratione re­ cruduit. — Quid trepidas Quid vereris Ÿ Idem semper est qui ante curavit: medicum non mutabis... Unde dudum curatus fueras, inde iterum curaberis. Ibid., c. xn, coi. 985. Et, un peu plus loin, l'auteur ajoute: Sed credo dubitas amissum non posse repeti vestimen­ tum (allusion à l’enfant prodigues qui son père rendit ses vêtements), aul ab eo qui nuper dederat, cum pe­ tieris, posse negari. Ibid.,c. xix, coi. 993. Le confesseur médecin, évêque ou prêtre, n'est pas expressément nommé. Mais si l'on entend que la première réconci­ liation ou absolution a été administrée par le représen­ tant de l’Église, comme c’était le cas ordinaire en Afrique au v» siècle, il faut bien que le « médecin » de l'âme auquel le pécheur s’adresse de nouveau, medicum non mutabis, soit un évêque ou un prêtre. Cette discipline nouvelle avait pénétré jusqu'en Es­ pagne, pairie du rigorisme, dés le vt» siècle. Les Pères du concile de Tolède de 589 se scandalisent de ce qu’en certaines églises le régime pénilentiel se soit énervé â ce point que les pécheurs recourent à la pénitence chaque fois qu’ils ont péché et trouvent des prêtres pour les réconcilier chaque fois: Vt quotiescumque peccare voluerint toties a presbytero se reconciliari expostulent. Can. 11, Mansi, Concil., t. tx, coi. 995. Un tel scandale ne peut durer. Le concile proteste contre cctteaudace détestable, exeerabilispræsumpy.o, etcontre cet usage irrégulier, non secundum canonem, et décide qu'il faut en revenir â la sévérité des antiques canons: secundum priorum canonum severitatem. Mais c'en est fait de ces rigueurs surannées, la réitération de la confession et de la pénitence sacramentelles forment un adoucissement appelé à se répandre peu à peu dans toute l’Eglise. 11» période (iv'-xni» siècle). — Nous étudierons suc­ cessi ement la discipline de l’Eglise grecque et celle de l’Église latine. /. DISCIPLINE de l’église GRECQUE. — 1» Le confes­ seur. — L’évéque est toujours théoriquement le princi­ pal directeur des âmes et le confesseur par excellence. Un célèbre canoniste et théologien grec. Balsamon (xn» siècle), veut expliquer pourquoi ce ministère est proprement l’oflice de l'épiscopat et il en donne cette singulière raison que l'imposition des mains qui fait les évêques leur remet les péchés qu'ils ont commis avant l'ordination. « Voilà pourquoi, dit-il, les évêques ont le pouvoir de remettre les péchés, » pendant que les au­ tres membres du clergé ne le possèdent pas: ή μεν χειροτονία τών αρχιερέων άπαλείφουσι τά προ τής χειροτονίας αμαρτήματα, οία άν ώσι· διά γάρ τούτο καί εξουσίαν έχουσιν oi επίσκοποι άριέναι αμαρτήματα, il a soin d’ajouter, du reste, que les simples prêtres peuvent, moyennant une délégation épiscopale, exercer le même pouvoir. Rhalli et Polli, Συνταγμάτων θείων καί ιερών κανόνοιν, Athènes, 1S52-I859. 6 in-8», t. ni, p. 45. Que les simples prêtres aient été chargés du soin d'entendre les confessions, c’est ce que nous avons déjà vu attesté par les Canons apostoliques, can. 52. Mansi, Concil., t. i, col. 40. Justinien fait allusion à ce droit lans sa Novelle cxxxm. c. 11, où il a la prétention de réglementer la façon dont les c. nfesseurs appliqueront les canons: πάσι δέ τοϊς επίσκοποι; καί πρεσβυτέρα:; ίπαγορεύομεν άφορίζειντινα τής άγιας κοινωνία;, κτλ. Ilans le Syntagma, ou recueil de canons, qui fut dressé au •vu» siecle, peu avant le concile in Trullo, figurent les canons 6 et 42 du concile carthaginois de 419, d’après lesquels un simple prêtre peut remplacer l’évêque dans l’administration de la pénitence. Rhalli et Polli, Syn­ tagma, t. n, p. 308-310. Cf. P. G., t. c, col. 1061-1064. Aussi le concile in Trullo (692) a-t-il en vue les prêtres aussi bien que les évêques, quand il donne aux confes­ seurs le conseil suivant : « Ceux qui ont reçu de Dieu le pouvoir de lier et de délier se comporteront en méde­ cins attentifs â trouver le remède particulier que réclame chaque pénitent et chaque faute du pénitent. » Can. u 11-, Mansi, Concil., t. xi, col. 987; Syntagma, t. Il, p. 549. Balsamon, dans son commentaire sur le 52» canon apos­ tolique, revendique pareillement pour tous les prêtres le droit d'entendre les confessions : μή μόνοι; μοναχοί; ίερεΰσιν ένδοόήναι την τών αμαρτημάτων καταλλαγήν αλλά καΟολικώ; πάσι το:; ίερεΰσι. Rhalli et Potli, Syntagma, t. n, p. 69. Toutefois il suppose toujours que les simples prêtres reçoivent pour ce ministère une délégation de l’évêque, ΐνταλτήριον. Les canons carthaginois que nous avons cités lui servent à établir ce point. Syntagma, t. n, p. 68; t. ni, p. 311. Aussi bien, le prêtre n'a pas. en vertu de son ordination, le pouvoir de remettre les péchés, parce que l’imposition des mains ne lui a remis que ses fautes légères : ή δέ χειροτονία τών ιερέων μικρά αμαρτήματα άπαλείφει, όΟεν ουδέ άφιέναι αμαρτία; οί ίερει; δύνανται. Syntagma, t. m, p. 45. Explication bizarre, sans doute, mais qui sert â prouver le besoin qu’a le simple prêtre d'obtenir une délégation épiscopale pour exercer le ministère pénilentiel. Les Grecs exigent des confesseurs, outre le pouvoir d'ordre, des qualités spéciales de clairvoyance et de sainteté. Les confesseurs doivent être des directeurs d’âmes, des πνευματικοί πατέρες. C’est de l’Orient que nous est venue la qualilication, aujourd'hui si répandue, de « pères spirituels ». Si Anastase le Sinaïte (vu» siècle), dans son homélie De sacra synaxi, recommande aux fidèles de se confesser aux prêtres, ou plutôt « à Dieu par le moyen des prêtres », εξομολόγησα: τω Θεώ διά τών Ιερέων, P. G.,t. l.xxxix. col. 833, ailleurs il déclare qu'il est bon et utile de se confesser aux « hommes spi­ rituels » qui ont l’expérience des âmes, ibid., col. 369. et qu'il faut « trouver un homme spirituel, experiment ·. capable de nous guérir..., pour nous confesser à lui comme à Dieu et non comme à un homme », εάν εύρη; όίνδρα πνευματικόν, έμπειρον, δυνάμενον σε ίατρεΰσαι... έξομολόγησαι αύτώ ιός τώ Κυρίω και ούκ άνΟρώπω. Ibid., col. 372. Au xi» siècle, le cartophylax Pierre, traitant la même question, la résolvait dans les mêmes termes qu’Anastase. Rhalli et Potli, Syntagma, t. v, p. 372. Enfin le cartophylax Nicéphore faisait pareillement re­ marquer au Xlll» siècle que, pour guérir les maladies, il ne suffisait pas d’avoir le nom de médecin, il fallait encore en avoir la science: Equidem in adversa cor­ poris valetudine illum inquirimus dicimusque medi­ cum qui tam re ipsa quam verbis male habentem curare queat. Itaque non respiciemus in hunc vel il­ lum qui præler medici nomen nihil habet medici..., porrosi quis expertus fuerit et frugi el cum hoc sacer­ dotio fungatur, ad illum imprimis accedendum. Epist. ad Theodor., P. G., t. c. coi. 1067. Depuis Clément d’Alexandrie et Origène, ces sentiments et ce langage sont de tradition en Orient. 11 importait d'en faire ici la remarque, pour com­ prendre le rôle que jouèrent les moines grecs dans le ministère de la confession. fa confession est, comme chacun sait, l'une des principales obligations des moines d'après la Règle de saint Basile. Mais « il faut observer, dit celui-ci. dans la confession des pêchés, la même règle que celle que l’on suit pour les maladies du corps. De même que l'on ne découvre pas les maladies de son corps à tout le monde, mais seulement â ceux qui sont capables de les guérir, ainsi la confession des pêchés (relativement 863 CONFESSION DU 1" AU XIII» SIECLE graves) ne doit se faire qu'à ceux qui peuvent y appor­ ter remède ». Hegulæ brevius traclalæ, interrogat. 229, P. G., t. XXXI, col. 1236. Mais quels doivent être ces confesseurs attitrés dans le cloître'? C'est la question que se pose saint Basile : Ό βέλων έξομολογήσασΟα, τάς αμαρτίας έαυτοϋ, εϊ πάσιν έξομολογεϊσΟαι οφείλει, καί τοϊς τυχοϋσιν, ή τισιν ; et il répond : « Il faut se confes­ ser à ceux à qui est confiée la dispensation des mys­ tères de Dieu : » άναγκαϊον τοϊς πεπιστευμένοις την οικο­ νομίαν των μυστηρίων τοΰ Οεοϋ έξομολογεϊσΟαι τά αμαρ­ τήματα. Ibid., interrog. 288, col. 1284. Cf. Epist., canon., c.xxvn, can. 74. Il y a lieu de croire qu'il entendait par là les moines élevés à la dignité du sacerdoce, car, s'il ajoute que, dans l’antiquité, les pécheurs avaient coutume de s'adresser aux saints et notamment à saint Jean-Baptiste, il fait observer que, d’après les Actes, xix, 18, ils s'adressaient aux apôtres, de qui ils recevaient tous le baptême. Interrogat. 228, col. 1285-1286. Ailleurs, il revient sur ce sujet ; « Comme Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive, si le pénitent, dit-il, a la componction du cœur, et se soumet aux avis du con­ fesseur qui le semonce, Dieu très clément lui accor­ dera le pardon de tout péché pour lequel ils sollicite­ ront tous deux sa miséricorde. Mais si celui qui est gourmandé ne se joint pas de cœur à celui qui gour­ mande, le pardon n'est pas accordé; il se forme plutôt alors un lien, selon les paroles suivantes : « Ce que « vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel. » Jbid., interrogat. 261. col. 1260. Il est bien difficile de ne pas reconnaître dans ce pouvoir de lier et de délier que le saint attribue aux moines confesseurs, la préro­ gative réservée par le Seigneur aux apôtres et à leurs successeurs revêtus de la dignité sacerdotale. Cf. Vacandard, Bevue du clergé français, t. xxvi, p. 470, note 2. Les moines grecs ne se confinèrent pas pour toujours et totalement dans le cloître. Pendant la querelle des iconoclastes (vin· et ix· siècles), on les vit se mêler au peuple, qui ne demandait pas mieux que d’écouter leurs oracles et de suivre leurs inspirations. L'étrangeté de leur costume et de leur vie, le vœu qu’ils faisaient de virginité, leur pratique de l’ascèse, bref toutes les vertus qu’ils possédaient réellement ou qu'on leur attribuait de confiance exerçaient sur les foules un ascendant considérable. Ils en profitèrent pour étendre leur in­ fluence morale dans le domaine de la discipline pénitentielle. C’est vers ce temps (sous Constantin Copronyme, -j- 775), nous dit un écrivain du xn· siècle, Jean d’Antioche, que le Christ conféra spécialement aux moines le droit d'entendre les confessions et le pouvoir de remettre les péchés des fidèles : έ'κτοτε ούν καί μέχρι τής δεύρο τετρακοσίων ήδη χρόνων καρωχηκότων τοσουτων ΰπδ πάντων των πιστών έξεθειάζετο και έτιμάτο τδ τάγμα των μοναχών ό>ς καί τάς έξομολογήσεις καί εξαγγελίας των άμαρτημάτων καί τάς έπ’ αύτοϊς επιτίμια; καί αφέσιμους λύσεις εις τού; μοναχούς μετατεθήναι. De disciplina mo­ nastica et de monasteriis laids non tradendis, P. G., t. cxxn. col. 1128. On n’apercevait guère, en effet, sauf dans le cloître, les moines confesseurs avant l’époque de l'iconoclasme. Le patriarche Nicéphore, connu encore sous le nom de Nicéphore le Confesseur (806-815), semble signaler leur ministère extérieur comme une nouveauté. On s'adressa à lui. nous dit-on, pour savoir si les moines prêtres avaient le pouvoir d'imposer des pénitences, et sa réponse fut affirmative. Interrogat. 16, Rhalli et l’olli, Syntagma, t. iv, p. 431. Bientôt on vit de grands personnages, voire des empereurs, par exemple Léon le Sage et Michel IV, prendre pour confesseurs des moines. Cf. Syntagma, t. v, p. 4; Sathas, Bibliotheca medii ævi, t. VI, p. 56, 66, 67 ; Meyer, Die Hauplurkundenfür Geschichte des Athosklôsles, Leipzig, 1874, I P· 23. 864 Et tel fut le succès des moines-confesseurs, qu'ils finirent par supplanter presque complètement les prêtres séculiers dans le service de la pénitence. Au cours de son sermon De pænitenlia, Jean le jeûneur, qu’on a confondu longtemps avec le patriarche de ce nom (582-595), mais qui est vraisemblablement un moine du XIe siècle, ainsi qu’a essayé de le démontrer M. Karl Holl, Enthusiasmus und Bussgewalt beim griechischen Mônchlum, Leipzig, 1898, p. 289-298, dit nettement comme une chose qui va de soi, que « NotreSeigneur Jésus-Christ a envoyé les prophètes, les apôtres, les évêques et les prêtres pour l'enseignement de la doctrine spirituelle, et les moines pour recevoir les confessions des pécheurs ».·’(.) Κύριος ημών 'Ιησούς Χριστός... έξαπέστειλε προφήτας, αποστόλους, ίεράρχας, ιερείς, διδασκάλους εις διδασκαλίας πνευματικός- μοναχούς δε πάλιν τδ πκραινεϊν έπί τδ έξομολογεϊσΟαι εις αυτούς μετά μετάνοιας, κτλ. P. G., t. I.XXXV1II, col. 1920. C’est aussi, nous l’avons vu plus haut, le sentiment de Jean d’Antioche, au commencement du siècle sui­ vant. P. G., t. cxxxtl, col. 1128. Celte opinion était si répandue au xn' siècle que Balsamon sentit la nécessité de réagir conlre elle et de prouver que tous les prêtres avaient, aussi bien que les moines revêtus du caractère sacerdotal, le droit d’entendre les confessions : μή μόνοις μοναχοίς ίερεΰσιν ένδοΟήναι τήν τών άμαρτημάτων καταλλαγήν, άλ.λ.ά καΟολικώς πάσι τοϊς ίερεύσι. Rhalli et Potli, Syntagma, t. Il, p. 69. Il serait injuste, dit-il ailleurs, à propos du 6e canon de Carthage, que les moines prêtres seuls et non tous les prêtres reçussent les confessions des fidèles : τδ δέ μή δεχεσίαι λογισμού; ανθρώπων πάντα; τούς ιερείς, άλλα μόνους τούς μονάχους Ιερείς, άδικόν ίστι, κτλ. Ibid., t. Ill, p. 311. Vaine protestation; les moines continuèrent de rem­ plir, au détriment des prêtres séculiers, les fonctions de confesseurs. Au commencement du xm* siècle, l’empereur latin de Constantinople, Baudouin, se plai­ gnait au pape Innocent III, que le pouvoir de lier et de délier fût, chez les Grecs, exclusivement dévolu aux moines ; Monachi penes quos, sacerdotibus spretis, tota ligandi atque solvendi consistebat auctoritas. P. L., t. ccxv, coi. 452. Et quelques années plus tard le cartophylax Nicéphore, cherchant l’explication de cette mesure anormale, ne la trouvait que dans la pa­ resse des évêques orientaux : Ignoro autem quid factum sit..., quamvis existimem pontifices negotii tædio frequentique multitudinis turbulentia defatigatos id operæ (ministère de la confession) ad monachos trans­ misisse. Epist. ad Theodor., P. G., t. c, col. 1066-1067. L’explication vraie se trouve peut-être ailleurs. Le prêtre séculier était insensiblement tombé dans une entière déconsidération ; on l’appelait dédaigneusement, par un accouplement de mots que la langue française ne tolérerait pas, un « prêtre laïque », Ιερεύς λαϊκός. Comme il était régulièrement marié, on lui dénia le droit d’être « père spirituel » : ιερεύς λαϊκδς ό έ'χων γυναίκα ούτε πνευματικός δύναται είναι, ούτε, κτλ. Ca­ non 156, dans les canons attribués à Nicéphore par Pilra. Juris ecclesiastici Græcorum historia et monumenta, 1864, t. Il, p. 341. Le ministère de la confession fut réservé aux prêtres-moines, aux ίερομο'ναχοι. Cf. les formulaires cités dans Rhalli et Potli, Syntagma, t. v, p. 573. Le clergé grec (c’est une remarque de M. Karl îloll) avait commis une faute au concile de Nicée, en refusant de s’astreindre au célibat. Sur ce débat con­ ciliaire concernant le célibat des prêtres, cf. Vacandard. Éludes de critique el d’histoire religieuse, Paris, 1905. p. 94 sq. Tout le prestige qui s’attache à la pratique de la chasteté perpétuelle passa de la sorte aux moines et aux cénobites. Cf. Iloll, op. cil., p. 311. Les moines devinrent nécessairement les πνευματικοί par excellence, et par suite des « pères spirituels », c’est-à-dire des directeurs d’àmes el des confesseurs recherchés. 8G5 CONFESSION DU I’r AU XIII« SIÈCLE « L’habit de moine, » le σχήμα μοναχού, Γίγιον σχήμα, conterait à ceux qui le revêtaient une espèce de sainteté qui, selon quelques-uns, pouvait équivaloir au pouvoir sacerdotal. Sur la puissance de ce saint habit, voir Michaël Glykas, Epist., xxv, P. G., t. ci.vm, col. 937 sq.; cf. K. Holl, op. cit., p. 208, 321. De là vint qu'on s’adressa parfois aux moines non prêtres, aussi bien qu’aux ιερομόναχοι, pour la confession sacra­ mentelle. Certains critiques font remonter cet abus à saint Basile et à sa Règle. Nous avons vu plus haut que Basile recommandait aux religieux coupables de quel­ que faute grave de s’adresser à des directeurs spéciaux, « à ceux qui avaient la dispensation des mystères de Dieu. » Ces dispensateurs « qui ont le pouvoir de lier el de délier », Begulæ brevius tractatæ, interrogat. 261, col. 1260, sont, d’après nous, revêtus du caractère sacer­ dotal. M. Holl, au contraire, estime qu’il s’agit simple­ ment du supérieur, προεστός, ou de ceux qui, en son absence et avec son approbation, étaient chargés de « distribuer la nourriture spirituelle » aux cénobites et de « dispenser la doctrine avec discernement », comme l'indique l'interrogat. 45 des Begulæ brevius tra­ ctatæ, col. 1032-1033. Il rapproche les mots : οίκονομείν τους λόγους έν χρίσει (qui sont d'ailleurs empruntés au Ps. exi, 5), des expressions semblables que saint Gré­ goire de Nysse emploie au début de son Épitre cano­ nique, pour montrer la difficulté d'adresser aux pécheurs pénitents des paroles judicieuses et justes : ίστι δέ ού μικρόν ίργον τό τούς περί τούτων (sc. τών μετανοούντων) λόγους οΐκονομήσαι έν τή ορθή τε καί δεδοχιμασμένη χρίσει κατά τό παράγγελμα τοΰ προφήτου τό χελεΰον δεϊν οίχονομείν τούς λόγους έν χρίσει. Epist. ca­ non., can. 1, P. G., t. xlv, col. 221. Cf. Holl, op. cit., p. 264-265, et note. Mais ce rapprochement irait plutôt à prouver que les dispensateurs de la parole sont re­ vêtus du caractère sacerdotal, car, dans le système de saint Grégoire de Nysse, « l’économe de la pénitence » n'est autre que celui qui a la charge de gouverner l'Eglise, c’est-à-dire l’évêque. Epist. can., can. 5, 7, col. 231, 236. Pris en lui-même, le texte de saint Basile allégué par M. Holl n'est nullement démonstratif. Si dans l’interrogat. 45 les dispensateurs de la doctrine sont le supérieur et quelques subordonnés de son choix, il ne s’ensuit pas que les confesseurs indiqués dans les interrogat. 261 et 288 soient nécessairement les mêmes personnages. D’ailleurs, il suffisait que les premiers fussent prêtres, pour que toute difficulté fût levée; ils auraient cumulé ainsi indistinctement les fonctions de directeurs de conscience el de confesseurs munis du pouvoir d’absoudre. Ce qui reste vrai, c’est que la distinction entre ces divers oflices n’est pas clairement exprimée dans les oui rages ascétiques de saint Basile, el qu’avec le temps la confusion des deux fonctions a dû se produire. La même équivoque se retrouve dans les écrits d'Anastase le Sinaîto. On peut toujours se demander si les πνευ­ ματικοί ανδρες auxquels il renvoie les pécheurs sont né­ cessairement des prêtres. H les appelle les « disciples du Christ », les « thérapeutes de Dieu », les « économes du salut », mais il ne dit nulle part qu’ils doivent avoir reçu le pouvoir d’ordre. Quæstiones et responsa, P. G., t. lxxxix, col. 369, 372, 373. En pratique, les fidèles arrivèrent aisément à se per­ suader que les moines, par le seul fait qu'ils prati­ quaient l’ascèse, étaient des πνευματικοί et possédaient le pouvoir de remettre les péchés. Théodoret raconte qu'un Ismaélite alla trouver saint Siméon Stylite pour se confesser d'avoir, malgré son vœu, voulu manger de la chair et pour obtenir le pardon de sa faute « par les prières toutes puissantes du saint » : ώς αν ταϊς παντοδυναμοις αϋτοΰ εύχαϊς τών δεσμών αύτόν τής άμαοτίας έκλύσειε. Hist, relig., c. xxvi, P. G., t. lxxxii, col. 1477. DICT. DE THÉOL. CATIIOL. 866 Nous lisons dans Jean Moschus qu’un moine, recevant la confession d'un étranger, lui fait détailler ses fautes afin de pouvoir lui donner une pénitence appropriée, τα έπιτίμια selon le langage canonique : Εί θέλεις ιατρεία; τυχεΐν, είπε μοι εις αλήθειαν τας πράξεις σου, όπως κάγώ ταύταις άρμόζοντα προσάγω τα έπιτίμια. Pratuni spiri­ tuale, c. Lxxvni, P. G., t. Lxxxvn, coi. 2933. C’est qu'en elfet, ajoute-t-il, la fornication ne se traite pas comme l’homicide, et ainsi des autres péchés : Άλλως γαρ θεραπεύεται ό πόρνο; καί έτέρως ό φονεύς και άλλως ό φαρμακό; κα'ι έτερον τό τον πλεονέκτου βοήθημα. La vie de Paul le Jeune fournit des exemples du même genre. Nombre de personnes, πολλοί, s’adressaient au saint moine qui avait la réputation d’être un excellent médecin des âmes; il avait d'ailleurs la plénitude des « charismes » et possédait notamment le pouvoir « de lier et délier » : μετά γάρ τών άλλων ών έμπλεω; υπήρχε χαρισμάτων ό μέγας, ουδέ άποστολικών έτέλει χαρίτων καί τοΰ δεσμείν τε καί λύειν άμοιρος. Vita Pauli Junioris, c. x.xxii, dans Analecta bollandiana, t. xt, p. 142, cf. p. 66. Le fait suivant témoigne que parfois les pécheurs ne s’enquéraient guère de savoir si le moine auquel ils s’adressaient était prêtre ou non. Au synode de 869 (IX· session), le prolospathaire Théodore comparut devant les légats du pape pour répondre à une accusa­ tion portée contre lui. Nous transcrivons le dialogue qui s’établit entre le coupable et ses juges : « Vous êtesvous confessé et avez-vous reçu une pénitence pour votre péché? » Théodore répondit : « Oui. » Les très saints légats (vicarii) dirent : « A qui vous êtes-vous confessé et de qui avez-vous reçu votre pénitence, epitimium? » Théodore dit : « Celui qui m’a donné une pénitence est mort. » Les très saints légats de la vieille Rome dirent:» Comment s’appelait-il? »Théodore dit : « Je ne sais pas, je sais seulement qu’il était cartophylax, qu’il avait la tonsure et qu’il a passé quarante ans sur une colonne. » Les très saints légats dirent : « Etait-il prêtre? «Théodore dit :« Je ne sais pas; il était abbé, et j'avais foi en cet homme, et je me suis con­ fessé à lui. » Les très saints légats dirent : « Et avezvous fait votre pénitence? » Théodore dit : « Grâces â Dieu, je l’ai faite, parce que je suis chrétien. » Les très saints légats de la vieille Rome dirent : « L'avez-vous achevée ou non? «Théodore dit : « Me voici, je l’achève, ecce homo, compleo ea. » Mansi, Concil., t. xvt, coi. 150151. Ce dialogue n’a-t-il pas son éloquence? H serait aisé de glaner dans l’histoire du monachisme grec d’autres faits non moins significatifs. Cf. Karl Holl, op. cit., p. 312-323. Mais il importe davantage de montrer que cette pratique correspondait à un droit ou prétendu droit que s’arrogeaient les moines. Un histo­ rien moderne fait observer, pour la période qui nous occupe, « que certains milieux monastiques peu éclairés n'attachaient pas toujours une suffisante importance au pouvoir d’ordre... En ce qui regarde la pénitence, ajoute-t-il, ils prétendaient que le pouvoir de remettre les péchés constitue moins une prérogative du sacerdoce qu’un charisme de la sainteté. » Et l’auteur justifie sa remarque par l’autorité de Barsanuphe. J. Pargoire, L'Église byzantine de 527 ά 847, Paris, 1905. p. 96; Barsanuphe, Βίβλος ψυχωφελεστάτη περιέχουσα αποκρί­ σεις Βασρανουφίου καί Ίωάννου, édit, posthume de Nico mède l’hagiorite, Venise, I816, p. 72, 113, 307. cf. p. 7 de la préface. La responsabilité de cette théorie remonterait beau­ coup plus haut. Le patriarche Nicéphore (si les canons qu'on lui attribue sont bien de lui) se pose nettement la question de savoir si un moine dépourvu du carac­ tère sacerdotal peut exercer le ministère pénitentiel. et il répond par l’affirmative : el δεϊ καί τόν μή έχοντα Ιερωσύνην διδόναι κατά απορίαν πρεσόυτέρου καί πίστιν προσιόντος, οϋκ έξω τοΰ εΐκότος καί τόν απλώς μονάχον III. — 28 867 CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIECLE 868 par conséquent, son pénitent n’est pas dispensé de έπιτι'μιον διδόναι. Interrogat. 16, Rhalli et Potli, Syn­ i s’adresser à un vrai « père spirituel », πατρί πνευματικά, tagma, t. iv, p. 431. Nicéphore met encore quelques conditions à l’auto­ Ibid., p. 864. C’est là un langage que n’auraient pas désavoué les docteurs catholiques au moyen âge. risation qu'il accorde. D’autres seront moins réservés. 2° Fréquence et périodicité de la confession. — L’in­ Siméon, le nouveau théologien, se demande si les moines tervention des moines dans le ministère de la pénitence non prêtres ont le droit d’entendre les confessions, ou si vraiment les prêtres seuls peuvent exercer le pouvoir devait rendre peu à peu plus fréquente la pratique de la de lier et de délier : εΐ άρα ενδέχεται εις μονάζοντας τι- ί confession. Outre la confession journalière devant les frères, νας έξαγγέλλειν τάς αμαρτίας αυτών ίερωσύνην μή έχον­ sorte de coulpe pour les menues fautes, les religieux τας..., επειδή άχούομεν τήν τοϋ δεσμεϊν και λύειν εξουσίαν τοΐς ίερεϋσι δίδοσΟαι μόνοις. Sa réponse est dénuée d’ar­ devaient s'accuser de leurs fautes plus graves à celui qu’ils avaient choisi pour directeur et père spirituel. tifice et d’équivoque. Il prétend établir que le droit de confesser et d'absoudre, qui a appartenu d’abord unique­ Déjà saint Pachôme avait recommandé la confession comme moyen d’ascèse, si l’on en croit son biographe · ment aux évêques et aux prêtres, est maintenant dévolu Καί ούδείς αδελφών έφείδετο έξομολογήσασθαι κατ’ ίδιον aux moines. Prêtres ou non prêtres, pourvu qu’ils αυτά τήν διάνοιαν αύτοϋ, έκαστος ως πολεμεϊ τον έχθρόν. soient vraiment pieux, tous les moines jouissent de la Ada sanctorum, t. in maii, appendix, p. 40. Mais même prérogative. « Que nous puissions, écrit-il, con­ saint Basile fit de cette discipline une loi de la vie fesser nos péchés à un moine qui n’a pas reçu le sacer­ doce, c’est ce que vous trouverez avoir été toujours pra­ cénobitique. Regula: brevius tractatæ, interrogat. 229, P. G., t. xxxi, col. 1236; cf. interrogat. 288, col. 1284, tiqué depuis que le vêtement et l’habit de la pénitence et passim. C’est une remarque de M. Karl lloll. op. cit., ont été donnés par Dieu à son héritage et qu’il existe p. 262-263. des moines, ainsi que les Pères inspirés de Dieu en Cet usage monastique ne pénétra pas chez les sécu­ témoignent dans leurs écrits. Étudiez-les et vous trou­ liers avant l'époque où les moines confesseurs sortirent verez exact ce que je vous dis. Avant les moines, les évêques seuls ont reçu par succession, comme leur ve­ du cloître pour se mêler au peuple. Jusque-là, la pério­ dicité de la confession des fidèles ne se laisse pas aisé­ nant des divins apôtres, le pouvoir de lier et de délier, ment constater. mais avec le temps, les évêques n’usant plus ou usant On a prétendu que la confession préparatoire à la com­ mal (de leur pouvoir), cette redoutable fonction... fut munion pascale était devenue obligatoire pour les fidèles transférée au peuple élu de Dieu, je veux dire aux moines, dès le iv» siècle ou au moins avant le vi· siècle, époque sans qu’elle fût ôtée pour cela aux prêtres et aux évê­ à laquelle les Eglises dissidentes, telles que les jacobites, ques. » IIoll, op. cit., p. 119-120. Telle est la thèse formaient déjà des communautés séparées. soutenue dans le Λόγος περί έξομολογήσεως, attribué à tort â saint .lean Damascene et dont M. Karl Holl parait Les jacobites, en elfet, connaissent un précepte de la confession : « Il n’est permis à personne, disent-ils, de avoir indiqué heureusement l’âge et l’auteur, op. cil., p. 132-136. Siméon, le nouveau théologien, était higourecevoir le corps du Christ le jeudi-saint, s’il ne s’est confessé. » Can. 50, Denzinger, Ritus orientalium in mène en 995 et mourut vers 1040. Ibicl., p. 25. M. IIoll a donné une édition critique de son Λόγος, op. cil., administrandis sacramentis, 1863-1864. t. I, p. 485. p. 110-127. Leurs canons vont même plus loin; ils frappent de la peine d’exclusion des sacrements ceux qui ne font pas Les moines confesseurs non prêtres furent vraisem­ deux confessions par an : Qui non confitetur peccata blablement assez répandus du x· au xne siècle. On les sua bis in anno prohibebitur a sacramentis, donec rencontre à Alexandrie aussi bien qu’à Constantinople et à Antioche. Mais l’Église officielle réagit enfin avec confiteatur juxta ordinem Christianis observatum. vigueur contre leur empiètement. Marc d'Alexandrie Can. 87, ibid., p. 500. demande à Balsamon s’ils ont vraiment, comme les De ces usages, certains critiques ont conclu que la confession antépascale existait dans l’Église grecque en prétres, le droit d’entendre les confessions : έξεστιν général avant la sécession des jacobites. Mais c’est là άνιερω μοναχά ή κα’ι ίερωμένω έξαγορείαν ανθρώπων δέχεσθαι οίκειοβελώς; Rhalli et Potli, Syntagma, t. ιν, une induction hasardée, qu’aucun document ne justifie. Les jacobites ont pu créer des lois ecclésiastiques, à p. 464. Balsamon pose en thèse que le ministère pénileur corps défendant, après leur séparation. Ét tout lentiel appartient plus particulièrement à l’évèque et que les prêtres, voire les moines prêtres, qui le rem­ porte à croire que les canons qui regardent la confes­ sion antépascale et la double confession annuelle sont plissent sans une délégation épiscopale, commettent un une création de ce genre. abus, à plus forte raison les moines qui ne sont pas En Perse, ou abondent les jacobites, on n’aperçoit prêtres : Σημείωσαι ότι οί χωρίς επιτροπής επισκοπικής une discipline pénitentielle pour les péchés secrets que δεχόμενοι λογισμούς ανθρώπων ιερωμένοι μοναχοί κακώς ποιοϋσι, πολλά δέ πλέον οΐ ανίεροι. Explication du 6e ca­ sous le patriarche Isoyahb Ι·Γ (582-595). Dans son canon6e, non du concile de Carthage, Rhalli et Potli, Syntagma, adressé à Jean, évêque de Daraï, le patriarche traite t. m, p. 311; cf. t. n, p. 69. Il ajoute que les non prê­ longuement « de celui qui a péché secrètement et se tres n'ont pas le droit de confesser, même avec une repent en secret, mais craint de se dévoiler... Si le délégation épiscopale, et que si le supérieur d’un mo­ pécheur, dit-il, craint de manifester ses souillures, nastère est chargé d’entendre les confessions, c’est qu'il parce qu’on ne trouve pas partout des prêtres justes est censé être prêtre. Ibid., t. ni, p. 311. et prudents, que ce pécheur prenne la peine d’aller la où sont des prétres prudents et miséricordieux ». Il Plus tard, Siméon de Thessalonique reprendra la ajoute d’ailleurs qu'on peut obtenir le pardon de Dieu même doctrine et déclarera que le pouvoir de lier et de délier est proprement une prérogative épiscopale, et sans l'intermédiaire des prétres, et le prouve par un qu’un simple prêtre ne peut l’exercer si ce n’est en exemple. Synodicon orientale, édit. Chabot, p. 433, dans vertu d’une délégation spéciale. Responsa ad Gabr. Notices et manuscrits, t. xxxvm. Cf. Labourt, Le chris­ Pentap., q. xm, P. G., t. clv, col. 861, 864. II répétera, tianisme et l’empire perse, Paris, 1904, p. 340-342 Une telle théorie est incompatible avec la discipline en outre, que pour exercer l’office de confesseur, aussi bien que pour célébrer les mystères, il faut être prêtre. connue, évidemment plus tardive, des jacobites. L’impression que donnent les documents, au iv' et au Un moine qui n’est pas revêtu du caractère sacerdotal ne peut entendre les confessions que dans le cas de v« siècle, est celle-ci : les pécheurs doivent se préparer nécessité, et encore devra-t-il faire observer qu’il n’est à la Pâque par la pénitence; parmi les exercices pénipas proprement un confesseur, un πνευματικός, et que, tentiels la confession est parfois conseillée; quelques 8G9 CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIÈCLE auteurs la considèrent même comme moralement obli­ gatoire; mais on ne voit pas qu’elle soit l'objet d'un précepte ecclésiastique. Saint Athanase recommande de manger la Pâque avec un cœur pénitent et avec la con­ fession : pascha manducemus... pænilenti animo et confessione. Epist., xix, c. vu, Mai, Noua Patrum bibliotheca, t. vi, p. 143. Mais la confession, l'exomologèse, dont il est question, est-elle autre chose qu’une confession à Dieu? Il serait bien hasardeux de l’affir­ mer. Saint Jean Chrysostome, qui était disposé à rece­ voir l’aveu des pécheurs toutes les fois qu’ils se présen­ teraient à lui, cf. Socrate, H. E., 1. VI, c. xxt, P. G., t. i.xvii, col. 725; Mansi, Concil., t. ni, col. 1145, ne parait pas exiger de confession préparatoire à la Pâque : • Nos pères, dit-il, qui avaient conscience des fautes que nous commettons pendant le cours de l’année, ont établi la quarantaine pour que nous l’employions à nous purifier par des prières, par l'aumône, par les jeûnes, par les veilles, par les larmes, par Vexomologése, et par tous les moyens, afin que nous nous appro­ chions, autant qu’il dépend de nous, de ce jour avec une conscience pure. » Homilia in eos qui primo pascha jejunant, c. tv, P. G., t. xi.vm, col. 867. L'exomologèse est ici mise sur le même pied que les autres signes de pénitence et de mortification. On peut douter qu'il s'agisse d'une confession à un prêtre, d’autant plus qu'ailleurs saint Jean Chrysostome recommande fré­ quemment la confession à Dieu par manière d’exercice ascétique :Μήγαρ άνΟρώπω λέγεις..., μή γάρ τώ συνδούλω ομολογείς..., έμοί (dit Dieu au pécheur) το αμάρτημα :';πέ μόνω ζατ’ ιδίαν, "να θεραπεύσω τ’ο έλκος και απαλ­ λάξω τής οδύνης. Homil., IV, in Latarum, c. tv, ibid., col. 1012. Ailleurs saint Chrysostome constate que « beau­ coup de fidèles, dépourvus de la robe nuptiale, parti­ cipent au corps du Christ inconsidérément et témérai­ rement, plutôt par coutume que par réflexion. Si le carême arrive, si le temps de Pâques arrive, quel que soit l’étal de leur âme, ils s’approchent des sacrements». Homil., tu, in Epist. ad Eph., n. 4, P. G., t. LXH, col. 29. Un de ses contemporains, Astéries d’Amasée, r commande, au contraire, expressément aux Iidéles de prendre un prêtre pour confident de leurs fautes et témoin de leur contrition : Σύντριψον σαυτδν όσον δύνασαι. ζήτησαν και αδελφών όμοψύχων πένθος, βοηθούν σοι πρός τήν έλευθερίαν..., λαί>έ καί τ’ον ίερέα κοινωνον τής όλ-.ψεως ώς πατέρα. Homil., XIII, adhorlat. ad pænitentiani, P. G., t. XL, col. 369. 11 n’y a pas là de précepte proprement dit, mais un conseil pressant. Et comme l’exhortation est faite en temps de pénitence, la confes­ sion qu’elle indique semble offrir tous les caractères d'une préparation à la Pâque. Le texte d’une homélie <1 Aphraate, le grand orateur syrien du iv« siècle, est peutétre plus significatif encore. L'auteur conseille de re­ courir â la confession, en faisant remarquer qu’il vaut mieux n’en avoir pas besoin. « Il dépend de vous de i avoir jamais besoin de la pénitence... Ne vous mettez jamais dans le cas d’être obligés de recourir à la méde­ cine et d’aller chercher un médecin. » Demonst., vit, «n pænitentes, Patrologia syriaca, de ΜθΓ Graffin, t. I, p. 338. Mais peut-être Aphraate ne vise-t-il ici que les moines ou « fils du pacte », comme le fait remarquer M. Labourt, Le christianisme et l’empire perse, p. 30, note. Voir Confession chez les Syriens. D’autres auteurs s’abstiennent de mentionner la confession et indiquent uniquement les aumônes, les prières et les jeûnes comme moyens â employer pendant le carême pour obte­ nir le pardon des péchés. Tel Timothée d’Alexandrie iv’ siècle) dans ses Responsa canonica. Pitra, Juris ecclesiastici Græcorum historia et monumenta, t. i, p. 636. Du reste, pour comprendre cet état de la discipline, il suffit de se rappeler que les péchés regardés par tous Jes docteurs comme mortels étaient ou devaient être en 870 principe, après l'aveu qui en était fait au ίερείις, sou­ mis à la pénitence publique. A mesure que les moines intervinrent plus active­ ment dans la conduite des âmes et se mêlèrent de la direction des fidèles, cette discipline changea. L’idée que, sans confession, il n’y avait pas de pardon possible, pénétra davantage dans les esprits. Saint Jean Climaque, mort vraisemblablement sous Constant II (642-648), se fait le héraut de cette doctrine. Dans sa Scala paradisi, il pousse les pécheurs εις έξομολόγησιν, ής χωρίς ούδείς. άφέσεως τεύξεται. Grad. IV, Ρ. G., t. lxxxviii, col. 684. Dans ses Questions et réponses, Anastase le Sinaïte (fin du vil' siècle) se demande comment un pécheur, qui est incapable de se faire moine, peut bien obtenir le pardon de ses péchés, q. v, P. G., t. I.xxxix, col. 361, et il répond d'une façon générale qu’il doit faire péni­ tence. Mais il précise son sentiment par la question suivante : « Est-il bon de confesser ses péchés aux pères spirituels? — Cela est très bon et très utile, » répond-il : τούτο καλόν έστι λίαν και πόνο ωφέλιμον, q. νι, col. 369. Voilà donc la confession recommandée comme moyen de cure spirituelle et naturellement une confession plus ou moins fréquente, selon les besoins des consciences. Le même Anastase conseille encore cette confession comme préparatoire à la réception de l’eucharistie : Εξομολόγησα: τω Θεώ διά των ιερέων τάς άμαρτίας σου, καταδίκασαν σου τάς πράξεις και μή αίσχυνθής..., αίτησαι συγγνώμην, αίτησαι ά’φεσιν τών παρελθόντων καί λύτρωσιν τών μελλόντων, "να πρεπόντως τοϊς μυστνοίοις προσέλΟης. Homilia de sacra Synaxi, ibid., col. 833. Saint Théodore Studile (f vers 826) donne à entendre que les pécheurs recouraient volontiers à la confession, persuadés que grâce à l’imposition des mains des άνάδοχοι, elle leur procurait le pardon de leurs fautes. Responsiones ad interrogata quædam, P. G., t. xcix, col. 2732. Cf. Canones de confessione, ibid., col. 1721. Le fait que des personnages importants, voire des empereurs, aient eu, comme nous l’avons dit, des con­ fesseurs attitrés, prouve que la confession était d’un usage courant au ix· et au x· siècle. Au xi· siècle, le cartophylax Pierre examine â son tour la question que se posait Anastase le Sinaïte sur l'utilité de la con­ fession aux πνευματικοί; άνδράσιν. Et il répond dans les mêmes termes. Rhalli et Potli, Syntagma, t. v, p. 372. Bien qu’il ne connaisse pas évidemment de précepte positif de la confession, il encourage à la pratiquer. Il semble, en effet, n’en dispenser que celui qui ne trou­ vera pas de « père spirituel » expérimenté, capable de tenir la place de Dieu. Alors seulement il autorise le pécheur à se confesser à Dieu lui-même : έξομολόγησαι τώ Θεώ ζατ’ Ιδίαν, en se servant des paroles du publicain : «Seigneur, vous savez que je suis un pécheur, «etc. Ibid. Balsamon, au siècle suivant, témoigne que l’usage de la confession est entré tout à fait dans les mœurs. A quel âge, se demande-il, l’homme et la femme doi­ vent-ils se confesser? ποσαετής αν άνήρ ή γυνή δεχΒειη είς έξαγορείαν; Selon quelques-uns, répond-il, la confes­ sion est obligatoire pour les jeunes gens à quatorze ans et pour les jeunes filles à douze, parce que, à cet âge, les uns et les autres sont capables de commettre la fornication et d’autres péchés graves. Faisant appel â sa propre expérience et invoquant l’autorité d'un concile de Constantinople, Balsamon déclare que, dès l’âge de septans, la jeune fille est capable d'érotisme et par con­ séquent peut être soumise à l’obligation de confesser ses fautes contre la pureté; et il en serait de même, à plus forte raison, pour les jeunes gens. Rhalli et Polli, Syntagma, t. iv, p. 484. Siméon de Thessalonique préconise une discipline semblable, au xm· siècle. Son langage est très net et très pressant; l’un des chapitres de son traité de la pénitence a pour titre : "Οτι άναγζαία παντί ή έςομολόγη- 871 CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIÈCLE σις, επεί άμαρτάνομεν πάντες : « que la confession est nécessaire à tous, parce que nous péchons tous. » Il n’admet pas d’exception, persuadé qu’il est impossible qu’un chrétien ne tombe pas : πλήν κα’ι οι δοκοΰντες μή πεσεϊν, όπερ ώς εγώ νομίζω «δυνατόν, μετανοεί» ορείλουσι πάντες. De pænitenlia, c. ci.xui, P. G., t. Cl.v,col. 485, 488. On remarquera que c’est sur celte conviction qu’il fonde l'obligation de la confession et non sur un pré­ cepte positif tiré des règles canoniques. Les Grecs ne connaissaient pas encore de canons de ce genre. 3» La matière de la confession. — Avec les confesseurs moines, la matière de la confession tendit à se déve­ lopper de plus en plus. Saint Basile, on s'en souvient, regrettait vivement que ses prédécesseurs ne se fussent occupés que de tels ou tels péchés graves, négligeant le . soin des autres fautes, moindres à leurs yeux, telles que la colère, l’avarice, etc., et il stigmatise cet abus « comme une tradition perverse des hommes ». De judicio Dei, n. 7, P. G.,t. xxxi,col. 669. Dans son système, ce ne sont pas seulement les péchés énormes qui doivent être la matière de la confession, mais encore toute infraction à la loi de Dieu. Il s’en explique en plusieurs endroits de ses ouvrages. « Je viens de relire les divines Écri­ tures, dit-il, et je trouve dans l’Ancien Testament, comme dans le Nouveau Testament, que la coutumace contre Dieu consiste non pas dans la multiplicité ni dans la grandeur des péchés, mais uniquement dans la seule violation d’un précepte quel qu’il soit; le jugement est le même pour toute désobéissance à Dieu : κοινόν κατά πάσης παρακοής τοΰ θεού το κρίμα. » Ibid., n.4, col. 661. Sans doute, il n’a garde de prétendre que tous les péchés soient également graves aux yeux de Dieu : un mensonge n’offre pas l’énormité d'un adultère. Mais il y a dans toutes les fautes une gravité relative qu’il importe de considérer si l’on veut purifier à fond sa conscience et la tenir libre. Examinant le cas de ceux qui prennent soin d’éviter les péchés graves, mais qui commettent indifféremment des fautes légères : τα δέ μικρά (αμαρτήματα) άδιαφόρως ποιοϋσιν, Basile écrit : « D’abord il faut savoir que cette différence entre les grands et les petits péchés n’existe pas dans le Nouveau Testament. Il n’y a qu’une sentence qui regarde tous les péchés, c’est celle du Seigneur disant : Quiconque commet un péché est esclave du péché. Joa., vin, 34. Saint Jean crie pareillement : Celui qui n’obéit pas au Fils, ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu de­ meurera sur lui. » Ibid., lit, 36. « Ce n’est pas la diffé­ rence des péchés qui donne lieu à cette menace, mais la transgression elle-même. En un mot, s’il nous est permis de dire qu’il y a grand et petit péché, on ne peut nier que tel péché est grand pour celui qui en est dominé, et qu'il est petit pour celui qui le domine : » έκάστω μέγα είναι τ’ο έκαστου χρατοΰν, χα\ μικρόν τούτο, ου έκαστος κρατεί. Regulæ brevius traclatæ, interrogat. 293, P. G., t. xxxi, col. 4288. Cette gravité relative des péchés est relevée par tous les directeurs d’âmes. Tous multiplient le nombre des péchés qui doivent être la matière de la pénitence et de la confession. « Vous vous flattez d’être juste, parce que vous ne commettez pas visiblement de grandes fautes, parce que vous pouvez dire : je ne suis ni fornicateur, ni adultère, ni avare, s’écriait sainl Macaire l'Égyptien (iv« siècle). Mais il n’y a pas seulement trois sortes de péchés, il y en a mille; qu’est-ce donc que l’arrogance, la témérité, la défiance, la haine, l’envie, la fraude, l'hypocrisie? » Homil., ni, P. G., t. xxxix, col. 469, cf. col. 472. Dès 'ors que la liste des péchés relativement graves allait s’allongeant, il importait de la déterminer. Dans son Epitre canonique, adressée à Létoius évêque de Mélitène, saint Grégoire de Nysse essaie d’en ébaucher une classification. P. G., t. xlv, col. 221 sq. D’autres : cherchèrent à en fixer le nombre. Les moralistes du 872 cloître abandonnèrent la dénomination de péchés mor­ tels, jusque-là usitée dans le siècle, et groupèrent les fautes graves sous le titre de pêchés capitaux. Evagre le Pontique, qui mena longtemps la vie monastique en Égypte, d’abord dans les couvents du mont de Nitrie, ensuite dans le Désert des cellules (seconde moitié du iv» siècle), parait être le premier auteur qui ait réduit à huit les passions et les fautes graves. Son traité : Περ'ι τών οκτώ λογισμών, pourrait bien n’ètre qu’un dé­ bris d’un recueil (mentionné par Socrate, H. E., I. IV, c. xxm, P. G., t. lxvii, col. 516, et par Gennade, De viris illustribus, c. xi, P. L., t. lxiii, col. 1067) des paroles tirées de l’Écriture et propres à repousser diverses tentations, au nombre de huit. P. G., t. XL, col. 1271. Un de ses écrits, plus étendu : Sur les huit pensées mauvaises, existe mutilé dans une version syriaque. Fr. Baethgen l'a traduit en allemand, dans un appendice à l’étude de Zôckler sur Évagre, Biblische und kirchengeschichtliche Studien, Munich, 1893. Cf. Vacandard, Revue du clergé français, t. xliv, p. 254, notes 3 et 4, où sont signalés les textes de Tertullien sur les septem maculæ capitalium delictorum. Adver­ sus Marcionem, iv, 9, et les sept vierges noires du Pasteur d’Hermas, qui ne sont autres que sept vices. Sim., ix, c. xv, édit. Funk, p. 225. Suivant Évagre, les huit péchés capitaux sont la gour­ mandise (gastrimargia), la fornication, l’avarice (phylargyria), la colère, la tristesse, l'ennui (acedia ou tædium cordis), la vaine gloire (cenodoxia) et l’orgueil. S’appuyant sur l’autorité de saint Grégoire de Nazianze et d’autres qu’il ne nomme pas, saint Jean Climaque ne compte que sept vices ou péchés capitaux. Scala para­ disi, grad, xxn, P. G., t. Lxxxvm, col. 948. D’après lui, la vaine gloire et l’orgueil ne sont qu'un seul et même vice, dont la vaine gloire est le commencement et l'or­ gueil la complète consommation, le degré souverain. Ibid., col. 949, 951. Voir t. n, col. 1690. Cette classification nouvelle des péchés ne pouvait avoir la prétention de se substituer absolument à l’an­ cienne division des péchés en mortels et véniels. Ce­ pendant un temps vint où l’on essaya d'opérer une fusion des deux méthodes. De là un embarras très grave pour les théoriciens. Fallait-il regarder comme mortels tous les péchés capitaux? C’est ce que demande Gabriel de la Pentapole à Siméon de Thessalonique, et la réponse de celui-ci témoigne que les moralistes ne sont pas d’accord sur la solution du problème : « Quel­ ques-uns, dit-il, estiment qu’il y a huit péchés mortels, comme il y a huit passions : ce sont la négation de Dieu, le meurtre, la fornication, l’avarice, le parjure, le men­ songe, l'orgueil et la présomption. » On remarquera que cette classification n’est plus celle d'Èvagre et de saint Jean Climaque. Siméon ajoute : « Aucun de ces péchés n’est mortel, par la miséricorde de Dieu, pour ceux qui font vraiment pénitence, si ce n’est le suicide, le désespoir, l’orgueil de l’esprit et le blasphème contre Dieu. » P. G., t. clv, col. 884. Cette décision n’échappe pas à l’équivoque. On comprend que le suicide mène à l’enfer, qui est la mort éternelle, et qu’en ce sens le suicide soit proprement un péché mortel; mais l'homi­ cide et la fornication qui peuvent être expiés par la pénitence n’en sont pas moins pour cela graves et mêmemortels de leur nature. Siméon n’a pas dû tirer d'em­ barras son correspondant. 4° Le mode de la confession. — L’exomologèse pri­ mitive comprenait plusieurs formes : la confession pr paratoire à la pénitence et l'aveu public de culpabili*.·, attaché à la publicité des exercices pénitentiels. La confession préparatoire garda son caractère d'ave . secret. Ce ne fut que tout à fait exceptionnellement, e: pour de graves motifs, que les moines exigerent de leurs pénitents une confession publique. Saint Jean Climaque rapporte un fait de ce genre dont il fut témoin 873 CONFESSION DU lr AU XIIIe SIÈCLE et que nous avons raconté ailleurs. Scala paradisi, grad, iv, P. G., t. i.xxxvm, col. 681-684. Cf. hevue du clergé français, t. xliv, p. 256. Il ajoute que l’abbé est juge de l’opportunité d'une pareille épreuve : llpô πάν­ των έξομολογησώμεθα τώ χαλώ ημών διχαστή χαΐ μόνω, εί ίέ κελεύει ζαι πάσι. Scala paradisi, col. 681. I.’exomologêse, ou l’aveu public de culpabilité compris dans les exercices pénilentiels, demeura encore assez, longtemps en vigueur. Certains auteurs ont cru que l'abolition du prêtre pénitencier à Constantinople avait entraîné peu à peu dans toute l’Église orientale la sup­ pression de la pénitence publique. Mais les documents témoignent que cette exomologèse s’est maintenue en maints endroits. Jean d’Antioche, dit le scolastique, agissait non en historien, mais en canoniste pratique, quand il lit, vers 550, une collection de canons en cin­ quante titres. Pour rédiger son travail, il se sert d’une œuvre analogue, élaborée en soixante titres vers 534, et aujourd’hui perdue. Les documents qu'il accepte comme source du droit sont les Canons dits des apô­ tres, et ceux des dix conciles de Nicée, Ancyre, Néocésarée, Sardique, Gangres, Antioche, Laodicée, Constan­ tinople, Éphése et Chalcédoine, enlin soixante-huit canons de saint Basile. Pargoire, L’Église byzantine, p. 78-79. Puis vint le Nomocanon des quatorze titres, qui parut sous lléraclius et qui supplanta les collections précédentes. Cf. dom Pitra, Juris ecclesiastici Græcurum historia el monumenta, t. n (1868), p. 336-442. Saint Jean Climaque (-j- vers 600) atteste que le fornicateur qui confesse sa faute et y renonce, doit être éloigné des mystères pendant un certain temps, confor­ mément aux canons apostoliques : παρά των άποστολιχών κανόνων. Scala paradisi, grad. XV, loc. cit., col. 889. Cf. le concile in Trullo, can. 44, 87, 102. Le patriarche Nicéphore (807-815) est plus explicite encore dans sa collection de canons, notamment can. 28, 29, 37 : ceux qui ont commis des péchés secrets seront punis moins sévèrement et auront le droit de se tenir dans l’église jusqu'à la prière des catéchumènes; mais l -s autres accompliront jusqu’au bout la pénitence ecclésiastique (can. 29). Rhalli et Potli, Syntagma, t. iv, p. 430. Au synode de Constantinople de 869, les exer­ cices pénilentiels conformes au système des différents stages usités en Asie-Mineure, sont mentionnés deux fois (IXe et XVIe sessions). Mansi, Concit., t. xvi, col. 152, 170. Siméon le théologien (xe-xi« siècle) con­ tinue la tradition, en classant les péchés que les fidèles baptisés peuvent commettre et en déterminant la péni­ tence qu’ils doivent accomplir : on remarquera, par exemple, les expressions : οί τή μετανοία προσελθόντες καί εξομολογήσει καί χρόνον ώρισμενον έπιτιμηθέντες έξω μένειν. Orat., v, P. G.,t. exx, col. 344-345. Cependant les confesseurs ne pouvaient se dissimuler la répugnance que les pécheurs éprouvaient à faire publiquement pénitence et par suite à s’approcher du tribunal où cette exomologèse leur était imposée. La discipline devait finir par s’adoucir également sur ce point. Déjà un canon, attribué à Timothée d’Alexandrie 380-384), suppose qu’un péché secret ne subira qu’une : nitence secrète, l’aumône par exemple : "Λκονσον ê-σπερ έν τώ κρύπτω την αμαρτίαν ε’ιργάσατο, όντως πάλιν ι αταγινώσκων την αμαρτίαν αύτοΰ, ινα επιτελή τάς εντοi ζζ θεού διά ελεημοσύνης και συγχωρή αύτώ ό θεός. Pilra. Juris eccles. Græcorum hist, et monum., t. i IHÎli. p. 637. Mais un témoignage aussi formel est isolé à cette date. Au temps de Nicéphore Ier, nous avons vu qu'on se contentait encore d’atténuer la peine infligée aux fautes secrètes, par contraste avec le traitement appliqué aux fautes publiques qui subissaient toujours h peine canonique. Rhalli et Potli, Syntagma, t. IV, p. 430. Théodore Studite. contemporain de Nicéphore, s applique pareillement dans ses Canons sur la confestion (s’il est vrai qu’ils soient bien de lui) à mitiger les 874 épreuves pénitentielles. Systématiquement il les con­ vertit en xérophagies et pénitences secrètes : ξηροφαγία: καί μετάνοιαι. Il resterait à savoir quand et dans quelle mesure ces canons disciplinaires furent appliqués aux séculiers, car ils eurent primitivement une destination monastique, comme l'indique la formule : κανόνες κατά τούς μοναχούς, par opposition aux canons des Pères : κατά τούς τών μεγάλων πατέρων κανόνας. P. G., t. xeix, col. 1721 sq. Du moins au XIe siècle, le moine Jean le jeûneur n’hésite pas à supprimer radicalement la vieille exo­ mologèse. Le confesseur se tiendra devant l’autel pour entendre l’aveu des pécheurs : ό ίερενς τόν μέλλοντα έξομολογήσασβαι... Ιστά... έ'μπροσθεν τού θυσιαστήριον, P. G., t. LXXXVlil, col. 1880; mais il sera seul avec le coupable et se gardera bien de lui imposer une péni­ tence au-dessus de ses forces et de nature à le décou­ rager. Dans tous les cas, et si longue soit-elle, la péni­ tence sera secrète. Ibid., col. 1916-1917, cf. col. 1925. Cette théorie formait une véritable révolution dans la discipline des Grecs. La pénitence publique se main­ tint encore quelque temps, grâce aux collections cano­ niques, en certains lieux, témoin l’ouvrage de Siméon de Thessalonique, De sacro templo, c. CLII, Cl.tll, P. G., t. cxv, col. 357. Mais la pratique de la pénitence secrète finit par prévaloir. Ainsi se trouvait consacré et appliqué dans toute sa vigueur le principe du sigillum ou secret absolu de la confession. it. discipline de l’église LATINE. — 1» Le confes­ seur. — 1. Le confesseur prêtre. — Aux environs de l’an 400, saint Jérôme donne à entendre que les simples prêtres exercent, concurremment avec les évêques, le ministère de la confession. In Matth., xvi, 19, P. L., t. xxvi, col. 118. Cette intervention presbytérale dans les matières pénitentielles, qui suppose toujours une délé­ gation épiscopale, cf. S. Cyprien, Epist., xn, P. L., t. IV, col. 258 ; concile de Carthage de 397 ou 418, can. 3; Socrate, 11. E.,\. V, c. xix, P. G., t. i.xvn, col. 6l3sq., deviendra de plus en plus fréquente au cours des siècles suivants. Le concile de Tolède de 589 montre qu’elle est d’usage courant en Espagne. Can. 11, Mansi, Con­ ci/., t. ix, col. 995. A l’extrême limite occidentale de l’Église latine, les simples prêtres ne pouvaient man­ quer d'entendre les confessions. Bède fait, en effet, remarquer que le chef spirituel de la communauté chrétienne en Irlande était un prêtre, lequel possédait une juridiction même sur les évêques, en souvenir de saint Colomban qui avait été l'apôtre du pays et qui ne s’était jamais élevé, dans la hiérarchie, plus haut que le presbytérat : Habere autem solet ipsa insula rectorem semper abbatem presbyterum, cujus juri et omnis provincia et ipsi eliam episcopi, ordine inusitato, debeant esse subjecti juxta exemplum primi doctoris illius, qui non episcopus, sed presbyter extilit et monachus. Hist.eccl., 1. Ill, c. iv, P. L., t. xcv,col. 122. Théodore, évêque de Canterbury (f 690), ayant à parler des confesseurs dans son Pénitentiel, ne distingue plus entre les droits de l’évêque et ceux du prêtre: Ut nullus alius præsumat pænilentiam dare vel confessionem audire quam episcopus vel presbyter. C. xxxi. P. L., t. xcix, coi. 946. Cet état de choses était si bien reconnu au VIIIe siècle que Bède se borne à le justifier par le texte de saint Jacques : Confitemini ergo alterutrum peccata vestra, v, 16; il ne mentionne mêmei jpressément que la confession aux prêtres, presbyteris : Si ergo infirmi in peccatis sint, et hoc presbyteris in ecclesia confessi fuerint... Porro gravioris lepræ immunditiam juxta legem sacerdoti pandamus. Comment, in Epist. S. Jacobi, P. L., t. xcni, coi. 40. Par la force des choses, le ministère de la confession s’étendit au clergé régulier. En Occident, comme en Orient, la confession était une des pratiques les plus recommandées dans les monastères. Saint Benoit (γ543’ 875 CONFESSION DU Ier AU XIII0 SIECLE exhorte ses religieux à confesser leurs fautes secrétes à l'abbé ou aux maîtres spirituels : tantum abbati aut spiritualibus senioribus patefaciat. C. xi.vi, P. L., t. lxvi, coi. 694. Ce texte a trait à la direction spirituelle. Mais il est vraisemblable que cette direction n’exclut pas la confession sacramentelle. La règle d'un auteur in­ connu, qui écrivait probablement au vit» siècle, insiste pareillement sur l'obligation de révéler à l’abbé les fautes graves : Si vero et majoribus culpis, quod ad animæ majorem pertineat damnationem, hoc secre­ tius per puram confessionem volens suo manifestet abbati. C. xvt, P. L., t. cm, coi. 4027. Si l’abbé n'était pas revêtu du caractère sacerdotal, la confession gar­ dait-elle dans la pensée de l'auteur le caractère de pure direction? C’est ce que nous ne saurions assurer. Avec saint Colomban, qui était prêtre, la confession quoti­ dienne imposée aux religieux comme préparation à la sainte rnesse et à la communion était apparemment sacramentelle : Confessiones autem dari diligentius præcipitur, maxime de commotionibus animi, ante­ quam ad missam eatur, ne forte quis accedat indi­ gnus ad altare, id est si cor mundum non habuerit. Pænitenliale, c. xxx, édit. Schmitz, Die Bussbücher und die Bussdisciplin der Kirche, Mayence, t. I (1883), р. 601. Saint Colomban et ses disciples ne se confinèrent pas dans le cloître. Le fondateur de Luxeuil raconte à saint Grégoire le Grand qu'il a reçu les confidences des membres du clergé séculier, voire des évêques : Multo­ rum se novisse conscientias, etiam episcoporum. Epist. ad Gregarium Magn., c. iv, P. L·., t. t.xxx, coi. 262. Il déplorait amèrement que le sacrement de pénitence « fût tout à fait délaissé en Gaule ». Vita Columbani, с. v, édit. Krusch, Rerum meroving. Scriptores, t. tv, p. 71. Aussi bien l’une des missions favorites de ses disciples fut-elle de ramener les fidèles ad medica­ menta pænitentiæ. Tel fut notamment le souci de saint Eustase, nous dit l’historien Jonas. Ibid., 1. II, c. vin, édit. Krusch, p. 123. Nous voyons encore ces moines apôtres à l’œuvre dans la personne de saint Anshert, abbé de saint Wandrille (678-690). Son biographe rap­ porte que les pécheurs affluaient auprès de lui pour faire l’aveu de leurs fautes : Quoniam sacerdotii digni­ tate fulgebat, confluentium ad se confessiones susci­ piebat, etc. Vita Ansberti, c. xx. Mabillon, Acta sanet, ord. S. Benedicti, sæc. π, p. 105-4. Voir col. 374-375. Ce texte est remarquable à plusieurs titres. Manifes­ tement, dans la pensée de l’auteur, le droit pour les religieux d’entendre les confessions est attaché au ca­ ractère sacerdotal. Le Pénitentiel de saint Colomban suppose également que le confesseur est évêque ou prêtre : testimonio comprobatus episcopi vel sacerdotis, cum quo pænituit, c. I, édit. Schmitz, p. 597. Le biographe de saint Ansbert écrivait dans la seconde moitié du vin· siècle. Cl. W. Levison, Zur Kritik der Fontaneller Geschichtsquellen, dans Neues Archiv, t. xxv (1899), p. 594. Un peu plus tard, Alcuin (-|- 804) rappelait aux fidèles du midi l’obligation de se confesser aux prêtres, sacerdotibus confessionem dare. Epist., exit, P. L., t. c, col. 337. Le concile d’Ansa (994), can. 30, distingue la confession faite à Dieu de la confession faite aux prêtres. Mansi, t. xtx, col. 188. Certains abus que nous signalerons en leur temps fournirent aux écrivains ecclésiastiques l'occasion d'exa­ miner quelle devait être la dignité du confesseur et son rang dans la hiérarchie. A qui doit-on se confesser? Cui fieri debet confessio? se demande, au xi· siècle, Raoul Ardent. Et il répond : <> La confession des fautes graves doit être faite à un prêtre, parce que lui seul possède le pouvoir de lier et de délier. » Homil., t.xtv, in litania majori, P. L., t. clv, col. 1900. Lanfranc, contemporain de Raoul, s’exprime à ce sujet avec moins de précision théologique. De celanda confessione, 876 P. L., t. cl, col. 629. Nous retrouverons plus loin son texte. Le Liber de vera et falsa pænitentia, faussement attribué à saint Augustin et qui date simplement des environs de 1100, parle;» peu près comme Raoul Ardent : Qui vult confiteri peccata, ut inveniat gratiam, quærat sacerdotem, qui sciat ligare et solvere, c. x, P. L., t. xl, coi. 1113. Au xtt» siècle, cet enseignement devient général. Gratien parait être le seul docteur qui y fasse exception, comme nous le dirons plus loin à propos du précepte de la confession. Hugues de Saint-Victor (j-11-40) dé­ clare que nous devons confesser nos péchés graves au prêtre : gravioris autem culpæ reatum singulari con­ fessione sacerdoti aperimus, De sacramentis, I. 11, part. XIV, c. I, P. L., t. CLXXVt, coi. 553, et au prêtre seul, ajoute-t-il ailleurs ; sed melius videtur ut dica­ mus et solos (sacerdotes) et eos omnes eas (claves) habere. Sent., L VI, 14, coi. 152. Robert Pullus(j-1153) distingue deux sortes de confessions, dont l’une (celle qui regarde les péchés graves) doit être faite aux prêtres, sauf le cas d’impossibilité: Altera, nisi extrema urget necessitas, debetur sacerdotibus. Seni., 1. VI, c. i.i, n. 301, 302, P. L., t. ct.xxxvt, coi. 897. Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XVII, P. L., t. cxcu, coi. 880-881, et Alain de Lille (j-1203), Contra hæreticos, 1. Il, c. tx, x, P. L.,t. ccx, col. 385, tiennent à peu près le même langage. 2. Confesseurs diacres. — La mission dont saint Cyprien avait chargé les diacres auprès des lapsi mou­ rants, lorsque l’évêque ou le prêtre faisait défaut pour recevoir leur exomologèse, fut de nouveau légitimée au moyen âge par quelques écrivains ecclésiastiques. Dans son livre De celanda confessione, Lanfranc (f 1089), après avoir exclu du droit de confesser les prêtres qui violent le secret sacramentel, se demande : a A qui alors faut-il se confesser? » Quibus tunc confitendum est? Les prêtres discrets sont des confesseurs tout in­ diqués. Mais Lanfranc autorise également les lévites ou diacres à entendre les confessions au moins des péchés occultes; il étend même cette faculté à tous les clercs indistinctement. Il résume sa pensée en ces termes : In hoc cognoscimus quia de occultis omni ecclesiastico confiteri debemus, de apertis vero solis convenit sacer­ dotibus, per quos Ecclesia, quæ publice novit, et solvit et ligat. P. L., t. CL, coi. 629. Ce texte a grandement embarrassé les commentateurs. Les uns ont voulu atté­ nuer le terme debemus et lui donner le sens dedecere. Cf. les Animadversiones de d’Achery sur ce point. ibid., col. 631. Mais, dans ce système, comment en­ tendre le mot convenit qui regarde les sacerdotes? A vrai dire, Lanfranc ne traite pas ici ex professo la question du devoir de la confession. Cependant, ce de­ voir, il le suppose, car il clôt ses réflexions en disant: « Si vous ne trouvez personne à qui vous confesser, ne désespérez pas, confessez-vous à Dieu, les Pères sont d’accord sur ce point. » Quod si nemo cui confitearis invenitur, ne desperes, quia in hoc conveniunt Patrum sententiae ut Domino confitearis. Les expressions pec­ cata occulta et peccata aperta ont aussi donné lieu à diverses interprétations. Cf. d’Achery, ibid., col. 634. Mais elles visent réellement les péchés secrets et les péchés publics, comme l'a démontré M. Laurain, De l’intervention des laïques, des diacres et des abbesses dans l'administration de la pénitence, Paris, 1897. p. 18. Enfin il s’agit dans la pensée de Lanfranc d'une confession sacramentelle et rémissive des péchés, car à propos des sous-diacres et des clercs inférieurs, il em­ ploie les termes caractéristiques : mundant conscien­ tias ou per mundationem conscientiarum. Une sem­ blable théorie paraîtra sans doute aventureuse. Mais nous n’avons pas ici à justifier la doctrine de Lanfranc. Avant l’archevêque de Canterbury, le concile de Tri­ but de 895 semble avoir reconnu aux diacres le droit STI CONFESSION DU Ier AU XIII’ SIÈCLE 878 de confesser. Son canon 31 qui regarde « les voleurs et le pouvoir de délier, le désir qu’il a d’avoir un prétre les larrons » est ainsi conçu : Si comprehensi aut vul­ lui méritera le pardon, s'il confesse son crime à son nerati presbytero vel diacono confessi fuerint, com­ voisin, socio. i> Comme le texte que nous traduisons a munionem non eis negamus. Mansi, Concil., t. xvm, défrayé toute la théologie du bas moyen âge, nous en coi. 148. Réginon de Priim, Burchard, Yves de Chartres donnerons les principaux passages : Qui vult confiteri et Gratien ont fait passer cette décision dans leurs col­ peccata ut inveniat gratiam, quæral sacerdotem, qui lections canoniques. Cf. Laurain, op. cil., p. 85-87. sciat ligare et solvere, ne, cum negligens circa se extiAu xn· siècle, Étienne, évêque d’Autun (fl 136), terit, negligetur ab eo qui eum misericorditer monet n’hésite pas à déclarer que, parmi les fonctions dans et petit, ne ambo in foveam cadant quam stultus evi­ lesquelles les diacres peuvent remplacer les prêtres, tare noluit. Tanta itaque vis est confessionis, ut, si il y a le ministère de la confession : In quibusdam ha­ deest sacerdos, confiteatur proximo. Saepe enim con­ bent (diaconi) vicem sacerdotis, ut in ministerio bap­ tingit quod pænitens non potest verecundari coram tizandi, communicandi, delicta con/itentium miseri­ sacerdote quem desideranti nec locus nec tempus of­ corditer suscipiendi. De sacramento altaris, c. vu, fert. Etsi ille cui confitebitur potestatem solvendi non P. L., t. ci.xx, coi. 1279. habeat, fit tamen dignus venia ex sacerdotis deside­ Vers la lin de cette période, plusieurs décrets conci­ rio, qui crimen confitetur socio. Dei misericordia est liaires et constitutions synodales ont pour but de pré­ ubique qui et justis novit parcere, etsi non tam cito, venir les abus de l’intervention des diacres dans le sicut si solverentur a sacerdote. Liber de vera et falsa service penitential. On décide qu’ils ne pourront légiti­ pænitentia, P. L., t. xi„ coi. 1113. mement entendre les confessions qu’en l’absence des Ce qui assura le succès de la nouvelle théorie, ce fut prêtres et en cas de grave nécessité. Ainsi s’expriment sûrement le nom de saint Augustin, sous le patronage les conciles d’York de 1195 : Decrevimus ut nonnisi duquel parut l’ouvrage où elle figure. Pierre Lombard summa et gravi necessitate diaconus baptizet... vel ne pouvait manquer de traiter à nouveau la question poenitentiam confitenti imponat, etc., can. 4, Mansi, dans son livre des Sentences. Il se demande si la con­ Concil., t. xxn, coi. 653, et de Londres en 1200 : Vt fession faite à un laïque est valable, valeat, au moins non liceat diaconibus baptizare, vel poenitentias dare, quand un prêtre fait défaut, et il répond qu’il faut avant nisi necessitate, etc., can. 3, Mansi, ibid., col. 1731, et tout rechercher avec soin un prêtre, et un prêtre pru­ les constitutions d’Eudes de Paris en 1197 : Ne diaconi dent qui sache lier et délier à propos; « que si le prêtre idlo modo audiant confessiones nisi in extrema neces­ manque, il faut se confesser à son prochain : » Si tan­ sitate: claves enim non habent, nec possunt absolvere. tum defecerit sacerdos, proximo vel socio est facienda Can. 56, Mansi, ibid., col. 676. La même doctrine est confessio. Il justifie cette obligation par le texte du répétée à satiété durant le xni” siècle. Cf. Laurain, pseudo-Augustin. Puis il insiste,en se répétant: «Cher­ op. cit., p. 88 sq. chez d’abord un prêtre sage et discret; à son défaut, il 3. Confesseurs laïques. — Pour expliquer cette in­ faut se confesser à son prochain. » Si forte defecerit tervention des diacres dans le ministère de la péni­ sacerdos, confiteri debet socio. Sent., 1. IV, dist. XVII, tence, on pourrait alléguer qu’ils font partie de la hié­ P. L., t. exeti, coi. 882 sq. rarchie ecclésiastique et qu’à ce titre ils ont joui de Pierre Lombard résout ici deux questions sur les­ certaines prérogatives attachées au sacrement de l’ordre. quelles d'autres auteurs paraissent avoir été hésitants: Mais le moyen âge étendit jusqu’aux laïques le droit 1° la matière de la confession aux laïques; 2° le carac­ d’entendre les confessions. Cette pratique est érigée en tère obligatoire de cette confession. Bede, à propos du principe au xi· siècle. Cela n’étonne pas chez Lanfranc texte de saint .lacques, distingue entre les péchés graves qui estimait que de occultis omni ecclesiastico ordini et les péchés légers, et déclare que ce sont ces derniers confiteri debemus, et rangeait par conséquent parmi seulement que nous devons confesser à nos égaux : In les confesseurs légitimes les clercs des ordres mineurs. hac autem sententia illa debet esse discretio ut quoti­ Il ajoutait, en effet, qu’à défaut de clerc, le pécheur diana leviaque peccata alterutrum coaequalibus confi­ devait confesser ses péchés à un fidèle, le plus pur pos­ teamur, etc. P. L., t. xcili, coi. 39. Raoul Ardent par­ sible, car, remarque l’Écriture, « l'homme pur purifie tage ce sentiment : Confessio criminalium fieri debet l’impur. » Si nec in ordinibus ecclesiasticis cui confi­ sacerdoti...; confessio vero venialium alterutrum et tearis invenis, vir mundus ubicumque sil requiritur, cuilibet, etiam minori, potest fieri, etc. Homil., i.xiv, sicut in Veteri Testamento preecipilur. Num., xtx, in litania majori, P. L., t. ci.v, coi. 1900. Cf. Robert 14-19. ...Sine determinatione cujusdam ordinis homo Pullus, Sent., I. VI, c. l.i, n. 301,302, P. L., t. ct.xxxvi, mundus lustrare mundum dicitur, etc. De celanda coi. 897. Pierre Lombard estime, au contraire, qu'il confessione, P. L., t. ci., coi. 634-635. faut confesser aux laïques non seulement les péchés Déjà, Thietmar, évêque de Mersebourg, avait raconté légers mais encore les péchés graves : sed et graviora dans sa Chronique, composée en 1015, qu’un duc de coaequalibuspandendasunt,cumdeest sacerdosel urget Souabe mourant, qui n’avait pas de prêtre à sa disposi­ periculum. Sent., loc. cit. On remarquera que Raoul tion, s’était confessé à un de ses soldats et qu’il avait Ardent ne proposait la confession aux laïques qu'à titre obtenu ainsi le pardon de ses péchés : « Apprenez de de conseil : potest fieri; Pierre Lombard change ce là, ajoute le narrateur, qu’il faut montrer votre mala­ conseil en précepte : facienda est confessio, confiteri die au médecin céleste; et, quel que soit le confesseur debet socio. que nous ayons à notre mort, que le pécheur ne mette Sa doctrine devait être appréciée diversement par les pas de délai à faire son gémissant aveu, afin que par le docteurs de l'âge suivant. Alain de Lille, toujour- ap­ moyen de ce (confesseur) il trouve dans le ciel un juge puyé sur l’autorité du pseudo-Augustin, dont il cite le miséricordieux : » quicumque sit in fine nostro confes­ passage : Tanta vis est confessionis, déclare qu'a dé­ ser, non moretur in gementi professione peccator, etc. faut d'un prêtre, il suffit de se confesser à son pro­ Chronic., I. VIL c. x, P. L., t. cxxxix, col. 1369. chain : « On observe ainsi dans la mesure où on le C’est un auteur anonyme des environs de l’an 11(10, peut le précepte de la confession. » ,5'i tamen sacerdo­ le pseudo-Augustin, qui accrédita la théorie du confes­ tis habere non possit copiam, socio vel proximo suffi­ seur laïque. « Telle est, dit-il, la valeur de la confes­ cit confiteri. Contra haereticos, 1. II. c. ix. x, P. L., sion, qu'à défaut du prêtre, il faut se confesser à son t. ccx, coi. 385. Saint Thomas tiendra un langage ana­ prochain. Il arrive souvent que le pénitent ne peut logue, avec plus de décision encore dans le sens de s’humilier devant le prêtre, dont il désire en vain la l'obligation. In IV Sent., dist. XVII, q. m, a. 3, sol. 2*. présence. Bien que celui à qui il se confessera n’ailpas Saint Bonaventure, au contraire, essaiera de prouver 879 CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIÈCLE que la confession aux laïques n'est pas obligatoire. Opera, Lyon, 1668, t. vu, p. 345. Cf. sur le sort de cette théorie, à partir du xm· siècle, Laurain, op. cit., р. 35-60. Voir col. 899-901. 4. Les femmes confesseurs. — Dans les monastères de femmes, la direction spirituelle appartenait naturel­ lement à l'abbesse, et la direction n’allait guère sans la confession. Au vu' siècle, saint Donat de Besançon, par exemple, prescrit aux religieuses de Joussan de faire plusieurs fois par jour à leur « mère spirituelle » la confession de leurs fautes, et de ne rien lui cacher de leurs actes ni même de leurs pensées. Matri spirituali nihil occultetur, quia statutum est hoc a sanctis Pa­ tribus, ut detur confessio ante mensam, sive ante lectulorum introitum, aut quandocumque fuerit fa­ cile, quia confessio pænitentiæ de morte liberat. Ergo nec ipsa parva a confessione sunt negligenda cogitata, etc. Regulæ ad virgines, c. XXIII, P. L., t. lxxxvii, coi. 282. Il est difficile de se prononcer sur le carac­ tère de cette confession. Mais l’auteur lui attribue au moins une vertu rémissive : quia confessio pænitentiæ de morte liberat. Et « c’est un fait remarquable, dit un critique, que dans toutes ces règles si minutieuses données aux religieuses pour tous les détails de la vie de communauté, il n’y en a pas d’autre concernant l'aveu des péchés ». Laurain, op. cit., p. 7. Ce que le biographe de sainte Fare raconte de son héroïne donne également l'impression que les reli­ gieuses devaient se confesser â leur mère. On nous signale des religieuses fugitives qui reconnaissent leurs fautes et s’en confessent à l’abbesse : confusæ ergo culpas agnoscunt matrique reversæ per confes­ sionem tradunt. L’hagiographe parle ensuite de deux religieuses qui taisaient de mauvaises confessions : « C’était la coutume, dit-il, que chacune des sœurs pu­ rifiât son âme trois lois par jour par la confession et qu’un aveu plein de piété purifiât l’âme de toute rouille que la fragilité lui avait fait contracter. Et c’est pourquoi le démon fit tomber l'âme de ces filles à ce degré de chute qu’elles ne fissent aucune confession sincère, soit à l’égard des péchés qu’elles avaient com­ mis étant dans le monde, soit pour ceux que cause la fragilité quotidienne en pensée, en parole ou en action, afin qu’aucune confession sincère ne les rendit de nouveau à leur pureté par la rémission de la péni­ tence. » L’abbesse les exhorte instamment â révéler leur crime par la confession à l'heure suprême. Leur cœur reste endurci. Des démons leur apparaissent et les remplissent d’effroi. L’abbesse saisit celte circons­ tance pour renouveler ses exhortations : ut per con­ fessionem pandant vitia el sacri corporis communione roborentur. Vains efforts : les religieuses meurent dans l’impénitence finale. Jonas, Vita S. Hurgundofaræ, с. IX, De delinquentium correptione et damnatione fugitivarum, P. L., t. lxxxvii, coi. 1078. L’auteur ne marque pas expressément que dans tout cela l’abbesse remplissait le rôle de confesseur. Mais c’est bien le sens obvie que présente son récit. Et en tout cas, il ne dit pas un mot qui insinue que le prêtre dût intervenir dans la confession des religieuses coupables. Que la direction des religieuses ait abouti parfois â des confessions abusives, c’est ce qu'atteste le pape Innocent III. En 1210, il adressait aux évêques de Valence et de Burgos et à l’abbé de Morimond une lettre fort sévère touchant la conduite des abbesses cis­ terciennes qui entendaient les confessions de leurs reli­ gieuses : ipsarumque confessiones criminalium audiunt, et prêchaient publiquement. Le pontife s’étonne de ces audaces, de quibus miramur non modicum; il déclare que c’est là une pratique inouïe et absurde, absonum et absurdum, et donne des ordres pour en empêcher la continuation. « La sainte Vierge, ajouta-til, était bien supérieure aux apôtres, el cependant, ce 880 n’est pas à elle, mais à eux, que le Seigneur a confié les clefs du royaume des cieux. » Regesta, I. XIII, epist. clxxxvii, P. L., t. ccxvt, col. 350. Voir t. I, col. 19-20. En laissant de côté les excès proprement dits, les abso­ lutions abusives, on peut se demander si la confession faite à des diacres, â des laïques et même à des femmes, avait, dans l’esprit des auteurs du haut moyen âge qui en étaient partisans, un caractère sacramentel. En général, ces écrivains reconnaissent que les évêques et les prêtres ont seuls proprement le pouvoir de remettre les péchés, et ils auraient eu quelque peine â définir le caractère de la confession faite à des laïques ou à des clercs inférieurs. Il semble cependant que saint Thomas, qui les représente au xm· siècle, exprime assez bien leur sentiment quand il décide que cette coniession est quodammodo sacramenlalis. Sum. theol., III® suppl., q. vin, a. 2, ad 1“·”. Voir t. I, col. 182-188. 2° Obligation de la confession. — Nous avons vu que les ordres religieux étaient les apôtres de la confession. Les disciples de saint Colomban, en particulier, recom­ mandaient dans leurs prédications les medicamenta pænitentiæ. Le concile de Chalon de 647-649 se fait leur écho en déclarant que la pénitence précédée de la confession faite aux prêtres est utile à tous les hommes : De pænitentia vero peccatorum, quæ est medela ani­ mas, utilem omnibus hominibus esse censemus, el tu pænitenlibus a sacerdotibus data confessione indice­ tur pænitentia universitas sacerdotum noscitur con­ sentire. Can. 8, Maassen, Concilia meroving., p. 211). Sous Charlemagne, Alcuin se scandalise de la con­ duite des fidèles du midi qui refusent de se confesser aux prêtres : dicitur vero neminem ex laids velle con­ fessionem sacerdotibus dare, Epist., exii, P. L., t. c, coi. 337, et il essaie d’établir par l’Écriture la nécessité de la confession. Après avoir cité les textes de saint Matthieu, où le Sauveur confère à saint Pierre, ainsi qu'aux autres apôtres, le pouvoir de lier et de délier, il fait l’observation suivante : « Qu’est-ce que le pouvoir sacerdotal pourra délier, s'il ne connaît pas les liens qui enchaînent le pécheur? Les médecins ne pourront plus rien faire le jour ou les malades refuseront de montrer leurs blessures. » Il rappelle ensuite la guéri­ son du lépreux, la résurrection de Lazare, le texte de saint Jacques : Confitemini alterutrum peccata vestra. « Pourquoi, observe-t-il, le Christ, après avoir guéri le lépreux, lui a-t-il ordonné d’aller se montrer aux prêtres? Pourquoi, après avoir ressuscité Lazare, a-t-il laissé à ses apôtres le soin de le délier? Et le mot alterutrum de saint Jacques ne prouve-t-il pas que l’homme doit s’adresser à l’homme, le coupable au juge, le malade au médecin? » Il fait même appel à une série d'autres textes de l’Ancien Testament, dont la force probante est plus ou moins contestable. Ibid., col. 337-340. Le IIe concile de Chalon (813) résume la théorie d’Alcuin dans le canon suivant : « Il y en a qui disent que l’on doit confesser ses péchés seulement à Dieu, d'autres sont d’avis qu’on doit les confesser aux prêtres. Ces deux confessions se font avec fruit dans l’Église. Nous devons nous confesser d'une part à Dieu, qui re­ met les péchés selon la parole de David : Delictum meum cognitum tibi feci, etc. Mais nous devons aussi, conformément au précepte de l’apôtre, confesser nos péchés les uns aux autres afin d’être sauvés. Chacune de ces deux confessions a son utilité propre. L’une purifie, l’autre indique comment on obtient celte puri­ fication : confessio itaque quæ Deo /it purgat peccata, ea vero quæ sacerdoti fit, docet qualiter ipsa purgen­ tur peccata. » Can. 33, Mansi, Concil., t. xtv, coi. 100. Cf. Théodulphe dOrléans, Capital., 30, P. L., t. cv, coi. 201. Ce canon a passé dans les collections de Burchard et de Gratien, mais avec des variantes interorétatives.olus ou moins justifiées. Du reste, l'obliga­ 881 CONFESSION DU Ior AU XIIP SIÈCLE tion de la confession y est moins nettement articulée que dans Alcuin. L'auteur du De vera et falsa pænitentia, le pseudoAugustin, s'appropria, vers 1100, la dissertation du grand moine saxon. Voici comment il établit la nécessité de la confession au prêtre : « Dieu, dit-il, remet les péchés à ceux à qui les prêtres les remettent. Quand le Seigneur eut ressuscité Lazare, il chargea ses disciples de le dé­ lier, nous montrant ainsi qu’il a donné aux prêtres le pouvoir de délier. Il a dit, en effet : Quodcumque sol­ veritis super terram, erit solutum et in cælis, c’est-àdire : Moi, votre Dieu, les milices célestes et tous les saints du ciel, nous conlirmons ce que vous faites. » Liber de vera et falsa pænitentia, c. xxv, P. L., t. XL, col. 1122. L’auteur attache une si grande impor­ tance à la confession qu'il en fait un devoir, même quand on ne trouve pas de prêtre à qui s’adresser : 'Janta itaque vis est confessionis ut, si deest sacerdos, confiteatur proximo. Ibid,, col. 1113. Malgré les efforts d’Alcuin et du pseudo-Augustin (que l’on prit durant tout le moyen âge pour l’évêque d'Ilippone), l’obligation de la confession était encore contestée par certains fidèles au commencement du xn* siècle. « Prouvez-nous que l’on doit se confesser. Apportez-nous des textes de l’Écriture qui promulguent ce précepte. » Date auctoritatem... Quæ Scriptura hoc præcipit ut confiteamur ? C’est en ces termes que Hugues de Saint-Victor rapporte l’objection, De sacra­ mentis, 1. il, part. XIV, 1, P. L., t. clxxvi, col. 549; et il y répond en alléguant surtout le texte de saint Jacques; il souligne les expressions : alterutrum..., ut salvemini, et montre que l’apôtre parle, non pas d’une confession faite à Dieu, mais d’une confession faite à un homme, au pasteur ecclésiastique, à celui qui a le pou­ voir de remettre les péchés : il fait remarquer, en outre, que cette confession est présentée par saint Jacques comme indispensable au salut : « Que signifient, dit-il, ces mots : confitemini ut salvemini·? Cela veut dire : Vous ne serez pas sauvés, si vous ne vous confessez pas. » Ibid., col. 552. On se heurtait cependant à un texte de saint Am­ broise concernant la pénitence de saint Pierre, In Luc., x, 88 : « Je lis bien que saint Pierre a pleuré, mais je ne lis pas qu’il a parlé ; j’apprends qu’il a versé des larmes, et non qu’il a satisfait. » Sum. Sent., vi, 10. P. L., ibid., col. 147. Pour résoudre cette difficulté, le disciple de Hugues, auteur de celte Somme, observe que la confession n'était peut-être pas encore instituée quand saint Pierre fit pénitence et que, du reste, saint Ambroise avait voulu épargner au prince des apôtres l'humiliation d'une confession publique. Abélard et I auteur de VEpitome, son disciple, avaient rencontré la inétne objection. Pour la résoudre, ils avaient ima­ giné que saint Pierre n'avait pas confessé son péché •h- peur de scandaliser l’Eglise naissante. Le texte de saint Ambroise prouvait donc qu’en certains cas excep­ tionnels le pécheur pouvait être dispensé de confesser ses fautes. Ethica, c. xxv, P. L., t. ci.xxvm, col. 669; Epitome, c. xxxvi. ibid., col. 1756. Bien qu’il ait attaqué, au dire de saint Bernard, le pouvoir des clefs. Abélard était un partisan de l'obli­ gation de la confession aux prêtres : llujus (Domini) locum, dit-il, sacerdotes tenent in Ecclesia, quibus tanquam animarum medicis peccata confiteri debe­ mus, etc. Serm., VIII. P. L., t. ci.xxvnt, coi. -442. Du reste, au xn· siècle, tous les docteurs, sauf un seul, considèrent la confession comme obligatoire. Le dissident est Gratien. Le docteur de Bologne procède à la manière d’Abélard dans son Sic el non. 11 examine successivement les textes bibliques et patristiques, fa­ vorables ou défavorables à la confession, et il en forme deux listes qui se font en quelque sorte équilibre. Dans la première, il cite notamment le passage suivant d’un 882 sermon de saint Augustin : « Faites la pénitence comme elle est laite dans l’Église, afin que l’Eglise prie pour vous; que personne ne dise : J’ai péché en secret, je fais pénitence devant Dieu... Est-ce donc en vain que les clefs ont été remises à l’Église de Dieu? » Plus loin, il en appelle à saint Léon : « Le pénitent n'a besoin que de se confesser à Dieu et au prêtre qui prie pour les péchés de celui qui s'accuse. » Enfin, parmi d’autres textes, il utilise le traité De vera el falsa pænitentia, qui se présente sous le couvert de saint Augustin. Et quand il eul achevé d’exposer cette série de témoi­ gnages, il termina en ces termes : « Il est absolument évident que, sans la confession faite de vive voix par le coupable, les péchés ne sont pas remis. » Mais cette conclusion n’était que provisoire. L’auteur du Décret continue son enquête et dresse une seconde liste de témoignages qui contredisent la première. Il débute par le texte de saint Ambroise sur la pénitence de saint Pierre et par les mots qui y font suite : Lavent lacrgmæ delictum, quod pudor est confiteri. On y lit aussi la phrase suivante de saint Jean Chrysostome : « Je ne vous dis pas de vous dénoncer en public, ni de vous accuser devant les autres, je vous dis d’obéir au pro­ phète qui vous demande de révéler votre vie à Dieu ; confessez donc vos péchés devant Dieu, avouez vos fautes au vrai juge, non de bouche, mais de cœur : et vous pourrez alors compter sur sa miséricorde. » Et Gratien, après avoir mis sous les yeux du lecteur ces deux séries parallèles de textes contradictoires, conclut définitivement : « Nous avons exposé brièvement les autorités et les raisons sur lesquelles repose chacune des deux théories de la confession et de la satisfaction ; je laisse aux lecteurs le droit de choisir entre les deux. Chacune, en effet, compte parmi ses partisans des hommes sages et religieux. » Decretum, part. Il, De pænitentia, dist. I, P. L., t. ci.xxxvn, col. 1519-1563. Comme la discussion de Gratien est assez longue, on en peut voir une analyse succincte et claire dans Tunnel, Histoire de la théologie positive, 1904, p. 455, note 4. Nous avons mis particulièrement cet ouvrage à contri­ bution pour l’étude des premiers scolastiques. Mais qu’ils dépendent de Hugues de Saint-Victor. d’Abélard ou de Gratien, les théologiens du xn· siècle se prononcent résolument en faveur de la confession obligatoire. C’est le cas de fauteur anonyme de VEpitome, c. xxxvi, P. L., t. i.xxvm, col. 1756; de Pierre de Poitiers, Sent., Ill, 13, P. L., t. ccxi, col. 1070; de Richard de Saint-Victor, De potestate ligandi atque solvendi, P. L., t. cxcvt, col. 1164: de Roland, Gietl, Die Sentemen Rolandi nachmals Papsles Alexander III, Fribourg-en-Brisgau, p. 249: d’Ognibene, cf. Gietl, ibid., p. 243. Pierre Lombard puisa largement dans le Decretum et alimenta, à son tour, les docteurs du Xlll’ siècle. Mais tandis que Gratien se bornait au rôle de rapporteur et alignait tout simplement les textes bibliques et patristiques. Pierre en déduisit la nécessité de la confession. H prouva, par l'autorité de saint Jacques, qu’il tallait se confesser aux prêtres : Sed quod sacerdotibus confiteri oporteat, non solum illa auctoritate Jacobi : Confite­ mini, etc., sed etiam aliorum pluribus testimoniis comprobatur. Sent., 1. IV. dist. XVII, 4, P. L.. t excii, coi. 882. Les aliorum testimonia sont empruntés a la tradition patristique; ce sont les témoignages de saint Ambroise, de saint Augustin, de saint Léon, de faut ir du De vera et falsa pænitentia. Ibid., col. 880-884. Pierre entreprit ensuite de résoudre les difficultés. Il expliqua que saint Jean Chrysostome et les autres Peres qui s’étaient exprimés comme si le prêtre n'avait pas â intervenir dans l’œuvre de la réconciliation des p- cheurs, s’étaient simplement opposés à la confession publique, mais non à l’aveu secret fait au prêtre. Ibid., u. 6, col. 884. Le cas de saint Pierre lui cause quelque 883 CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIÈCLE embarras; mais il est prêt à reconnaître que l’apôlre ne s’est peut-èlre pas confessé de son péché, parce que la confession n’était pas probablement instituée lorsqu'il pleura son reniement. Du reste, saint Pierre a bien pu se confesser sans que l’Evangile ait jugé à propos de relater le fait. Pierre Lombard est si convaincu de la nécessité de la confession, qu’il en fait une condition du salut : Oportere Deo primum et deinde sacerdoti offerri confessionem nec aliter posse pervenire ad in­ gressum paradisi, si adsit facultas. Ibid., col. 880-881. Bref, ajoute-t-il : « sans confession, pas de pardon : » ubi ergo taciturnitas confessionis, non est speranda venia criminis. Mais quelle était l’origine de cette obligation ? Quelle en était la nature? Venait-elle directement du Christ, des apôtres ou de l’Église? Autant de questions que les docteurs du xn· siècle essayèrent de résoudre et sur lesquelles ils furent loin de s’entendre. Hugues de Saint-Victor établit que le Christ a donné â ses apôtres le pouvoir de remettre les péchés. C’est le sens du texte : Quorum remiseritis peccata, etc. Mais ce texte prouve-t-il également que le Sauveur a imposé aux pécheurs l’obligation de se confesser? Hugues ne le pense pas. Il explique que Notre-Seigneur s’est contenté de prescrire aux médecins de guérir, sans rien dire aux malades, parce que ceux-ci avaient tout intérêt à recourir aux médecins. Ce sont les mé­ decins eux-mêmes, c’est-à-dire les apôtres, notamment saint Jacques, qui voyant la négligence des malades, leur avait fait un précepte de chercher un remède dans la confession : Medicis ergo dixit ut curarent, sed in­ firmis non dixit ut ad medicos curandi venirent. Hoc quasi certum esse voluit quod ægri libenter salutem quærerent... Tamen ipsi medici postea, quia négligen­ tes in curatione sua ægrotos invenerunt, eos ad salutem quærendam... præceplo attraxerunt : Confitemini, in­ quit Jacobus, etc. De sacramentis, 1. II, part. XIV, 1, P. L., t. clxxvi, col. 552. Abélard, qui parle, en certain lieu, du devoir de la confession : peccata confiteri debemus, Serm., vm, P. L., t. Ctxxviil, col. 442, ne regarde cependant le mot de saint Jacques : Confitemini, que comme une simple exhortation et non comme un précepte : Ad banc (confessionem) nos apostolus Jacobus adhortans, ait : Confitemini, etc. Ethica, c. xxiv, ibid., col. 668. Son disciple, l’auteur de l'Epitome, range la confession parmi les « institutions de l’Eglise »; il déclare que celui qui néglige volontairement de se confesser sera damné : ex hoc quod instituta Eeclesiæ contemnit, c. xxxvt, P. L., ibid., col. 1757. Robert Pullus semble partager ce sentiment : Secundum statuta Eeclesiæ, dit-il, Sent., vt, 59, P. L., t. clxxxvi, col. 908. Roland, le futur Alexandre III, estime que saint Jacques « invite » seulement les fidèles à confesser leurs fautes; il ajoute que la confession a uniquement pour but de satisfaire à l’Église : Quod autem dicitur : Confitemini alteru­ trum, discimus hoc esse exhortatorium, quod ad con­ fessionem invitamur. Peccando enim Deum el Eccle­ siam offendimus. Duobus satisfacere debemus, Deo per cordis contritionem, Eeclesiæ per oris confessionem. Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. 218. Gratien, qui, nous l’avons vu, ne se prononce pas sur le caractère obligatoire de la confession, interprète également le texte de saint Jacques dans le sens d’une pure exhorta­ tion : Vel enim sunt verba exhortationis, non jus­ sionis, sicut illud : Confitemini alterutrum. Decretum, loc. cil., coi. 1557. Pierre de Poitiers est assez hésitant; tantôt il marque que le texte : lle.ostindile vos sacer­ dotibus, prescrit la confession; tantôt il déclare qu’au­ cun texte de l’Evangile ne contient un précepte formel de la confession; il n’utilise en tout cas, ni le quorum remiseritis, ni le quæcumque alligaveritis ; quant au confitemini alterutrum de saint Jacques, il n’y voit 884 que la confession des péchés véniels qui se fait deux fois le jour et à complies : Confessio necessaria est ad salutem, sed præceplum confessionis non habetur in Evangelio... Evangelium non dat expressum manda­ tum de confessione... Alibi in Novo Testamento salis invenitur, ut in epistola canonica : Confitemini alter­ utrum... Quod tamen credimus dictum fuisse de con­ fessione venialium, quæ fit bis in die et in completo­ rio. Sent., m, 13, P. L., t. ccxt, coi. 1070. Les disciples d’Abélard ne suivirent pas tous leur maître. Pierre Lombard, aussi bien que Richard de Saint-Victor, qui obligent l’un et l’autre les pécheurs à se confesser, rattachent le précepte de la confession au texte de saint Jacques : sed quod sacerdotibus con­ fiteri oporteat, non solum illa auctoritate Jacobi : Con­ fitemini, etc., dit Pierre Lombard, Sent., I. IV, c. xvn, 4, P. L., t. cxcxn, col. 782. Et Richard de Saint-Victor s’exprime de même. De potestate ligandi atque sol­ vendi, c. v, P. L., t. cxcvt, coi. 1163. Voir coi. 834-835. Les scolastiques de l’âge suivant reprendront la même question et essaieront d’y donner une réponse plus précise. Cf. Turmel, Histoire de la théologie positive, p. 327 sq. Voir plus loin, col. 902-906. 3° Réitération el périodicité de la confession. — Nous avons déjà fait observer que l’usage de la confes­ sion réitérée était en vigueur en Afrique au v· siècle et en Espagne au vt·. Cet usage ne paraît pas provenir di­ rectement du monachisme. Le concile de Tolède (589), qui le condamne, ne semble viser que le clergé séculier : ut quotiescumque peccare voluerint toties a presby­ tero se reconciliari expostulent. Can. 4, Mansi, Concil., t. tx, coi, 995. Mais à partir du vi» siècle, l’inlluence des moines se lit sentir dans le domaine de la pénitence. La Règle de saint Colomban exigeait des religieux plu­ sieurs confessions par jour, dont l’une était une prépa­ ration à la communion. En poussant les fidèles ad me­ dicamenta pænitentiæ, Colomban et ses disciples avaient en vue la confession plus ou moins fréquente. Et telle fut l'efficacité de leur prédication qu’on vit bientôt certains personnages avoir un confesseur attitré. Tel est par exemple le cas de Pépin de Landen, qui s’adressait à l’évêque Witto ou Guy, cl. Baronius, Annal, eccl., 631, n. 8; Thierry III se confessait à saint Ansbert, abbé de Saint-Wandrille, Vila Ansberli, c. xxn. Mabillon, Acta sanet, ord. S. Benedicti, sæc. n; le comte Walbert sæpe ad sanctum Bertinum veniebat ut post confessionem ab eo communionem acciperet. Vita Bertini, c. vn, Mabillon, op. cit., t. III. Charles Martel confitebatur peccata sua à Martin, moine de Corbie. Annales Corbeienses, dans Labbe, Biblioth. ms. nova, t. n, p. 753. Quand quelques-uns de ces témoignages seraient su­ jets à caution, ils n’en montreraient pas moins tous ce qu’on pensait de la pratique delà confession au moment où ils parurent, c’est-à-dire au vin» siècle. Un texte du vm· siècle commençant confirme d’ail­ leurs la théorie dont les faits que nous venons de citer forment en quelque sorte l'illustration. Saint Pirmin donne à entendre que la confession préparatoire à la communion était de son temps considérée comme obli­ gatoire pour les pécheurs: Nemo, cum capitalia cri­ mina admiserit, antequam confessionem suam donet et veram pænitentiam agat per consilium sacerdotis, secundum ordinem ecclesiasticum, corpus et sangui­ nem Domini communicare non præsumat... Admoneo vos ut quicumque Christianus post baptismum crimi­ nalem culpam fecit, puram confessionem ad sacer­ dotem donet. Scarapsus, P. L., t. i.xxxix, coi. 10431044. La confession préparatoire à la communion pascale était sûrement en usage en Gaule aux environs de l’an 800, car Théodulphe d’Orléans (788-822) en rappelle l’obligation à ses diocésains dans ses Capitula. Cette confession avait lieu la semaine qui précédait le pre- 885 CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIÈCLE mier dimanche de carême : Hebdomada una ante ini­ tium quadragesimæ, confessiones sacerdotibus dandæ sunt, c. xxxvi, P. L., t. cv, coi. 203. Cf. Capitulare ·' Prima hebdomada ante initium quadragesimæ con­ fessio danda de omnibus peccatis quæ sive opere sive locutione perpetrantur. Ibid., col. 218. Le même usage est attesté par le Pénitentiel du pseudo­ Egbert (ixe siècle), qui suppose que les fidèles, quilibet homo, se confessent tous les ans à une époque déter­ minée : Tempus venit post annum ut quilibet homo con­ fessorem alloqui debeat et cum confessorii sui venia jejunium suum ordiri et Deo et conf essario suo delicta sua, quæ perpetraverit confiteri, etc., c. lxv. Wasserschleben, Die Bussordnungen der abendlandischen Kirche, Halle, 1851, p. 34. Un Pénitentiel de saint Galien de Tours que Martène a publié, De antiquis Ecclesiæ ritibus, t. i, p. 259 sq., et que certains critiques font remonter au ix« siècle, indique également que la confes­ sion quadragésimale était obligatoire : In quadragesima, sicut constitutum est,confessus non fui, neque pænilentiam de præleritis egi. Du reste, dès le vin® siècle, vers 760, saint Chrodegang, évêque de Metz, recommande non seulement la confession quadragésimale, mais encore deux autres conlessions par an, « sinon davantage, ce qui serait encore mieux, » dit-il : 1/æc est ratio pænitentiæ et con­ fessionis noslræ quæ coram Deo et sacerdotibus ejus nobis pariter agendæ sunt, id est in unoquoque anno tribus vicibus, id est in tribus quadragesimis, populus fidelis suam confessionem suo sacerdoti faciat, et qui plus fecerit, melius faciat. Regula, c. xxxn, P. L., t. i.xxxix, coi. 1072. Il n'y a pas lieu d’attribuer à Alcuin le De divinis of­ ficiis, qui a été publié sous son nom, P. L., t. ci, col. 1773 sq. Cet ouvrage où se lit un Ordo réglant l’imposition de la pénitence le jour des Cendres, ibid., col. 1192, témoigne pour une époque postérieure, le XIe siècle, peut-être le Xe. Mais le De Psalmorum usu, qui parait bien être l’œuvre du grand liturgiste, contient une sorte d’examen de conscience où la confession est marquée comme une préparation habituelle â la com­ munion pour celui qui est coupable de quelque péché grave : Corpus et sanguinem Domini polluto corde el corpore sine confessione et pænitenlia scienter indigne accepi. P. L., t. ci, col. 499. Alcuin appréciait tant les avantages de la confession qu’il adressa aux maîtres de l’école de Saint-Martin de Tours une lettre sur la confession des enfants : « Exhor­ tez, dit-il, les enfants à la confession de leurs pê­ chés. Nombreuses, en effet, sont les embûches dressées par le démon contre les adolescents, notamment par les désirs charnels. Or le démon perdra sa peine si les jeunes gens veulent se confesser et faire de dignes fruits de pénitence : Exhortamini illos... et maxime de confessione peccatorum suorum, etc. » Epist. de con­ fessione peccatorum ad pueros S. Martini, P. L., t. ci, col. 618-656. Chrodegang et Alcuin exercèrent sur les âges suivants une inlluence considérable. Les Capitulaires d’Anségise >29), I. Il, n. 43, P. L., t. xcvn, col. 549-550, portent que les laïques doivent communier trois lois l’an, sinon plus souvent, et supposent que ces fidèles se présenteront en étal de grâce à la sainte table. Au Xe siècle, saint Udalric, Sermo synodalis, P. L., t. cxxxv, col. 1072, fait à ses prêtres cette recommandation : Feria quarta ante quadragesimam plebem ad confessionem invitate et ei, juxta qualitatem delicti, pænitenliam injungite, non ex corde vestro, sed sicut in Pænitentiali scriptum est. Le concile d'Ansa (994), can. 26, impose aux curés l’obligation d’entendre les confessions des fidèles durant la semaine qui précède le carême. Mansi, t. xix, col. 190. Les trois communions annuelles, régulièrement précé­ dées de la conlespion, deviennent bientôt une sorte de 886 lieu commun des moralistes chrétiens et des directeurs de consciences. Voir col. -484·, 521-523. Dans le Formu­ laire que Réginon, abbé de Prüm (f 915), composa pour les visites épiscopales, la confession est expressément recommandée avec les communions de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, q. tvn, lvui, P. L., t. cxxxn, col. 285. Cf. l'instruction qui regarde la confession du mercredi des Cendres, ibid., col. 245; De ecclesiasticis disciplinis, 1. I, η. 57,95, ibid., col. 189,191. Un prône du XIe siècle, publié par dom Morin, Revue bénédictine, octobre 1905, p. 520, contient cette recommandation : Peccata vestra sæpe Deo el sacerdotibus lacrimabiliter confitemini, sed maxime 1er in anno : scilicet in capite jejunii, el unie Pentecosten, el ante natale Domini, peccata vestra confitemini. Au xn» siècle, Otton de Bam­ berg, évangélisant la Poméranie (1124), enseigne expres­ sément que les fidèles doivent se confesser et commu­ nier au moins trois ou quatre fois l’an : Oportet tamen et vos ipsos ter vel quater in anno, si amplius fieri non oportet; et confessionem facere atque ipsi sacra­ mento communicare. Ilerbord, Dialogus de vita Cilio­ nis, dans Monumenta Germanite, Scriptores, t. xx, p. 732 sq. Le concile de Gran, en 1114, déclare que les laïques doivent se confesser et communier â Noël, â Pâques et à la Pentecôte et les clercs à toutes les grandes fêtes, can. 4. Hefele, Conciliengeschichte, t. v, p. 289; Mansi, t. xxi, col. 100. Alain de Lille (-{- vers 1200) se plaint que les clercs et les laïques se confessent à peine une fois l’an : sed hodie invaluit, ut vix laicus vel cle­ ricus semel confiteatur in anno, et fail remarquer que « les clercs sont tenus de se confesser tous les samedis et les laïques trois fois chaque année ». Ad quam te­ nentur clerici singulis sabbatis, laid vero 1er in anno tenentur specialiter confiteri. De arte predicatoria, P. L., t. ccx, coi. 171. Réginon de Prüm avait prévu le cas où les lidèles ne se confesseraient qu’une fois l’an et ne parait pas s'en scandaliser : Si quis ad confessionem non veniat tel una vice in anno, id est in capite quadragesimæ, et pænitenliam pro peccatis suis suscipiat, q. lvi, lxvi. P. L., t. cxxxn, col. 285. Le concile de Aenham (ou Enham) en Angleterre (entre 1100 et 1116) n’oblige les fidèles à se coniesser qu’une fois chaque année. Mansi. Concil., t. xix, col. 308. On voit par là que les chefs de l’Église attachaient une importance particulière à la confession quadragésimale ou pascale el que, tout en tenant aux autres confessions, inclinaient plus facile­ ment à en dispenser les fidèles. Les théoriciens du dogme eurent à justifier cette réi­ tération, cette multiplicité et cette périodicité des con­ fessions. On leur objectait que le Christ n’avait jamais opéré deux fois sur le même sujet ses miracles, et que les Pères n’admettaient les premiers chrétiens qu'une seule fois à la pénitence. L'auteur du De vera et falsa pænitenlia, qui signale ces difficultés, essaie de les résoudre par quelques textes de l’Écriture : Eolo mortem peccatoris, etc.; Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis. « Le Sauveur, ajoute-t-il. par le grand nombre de ses miracles a donné un gage de pardon aux pécheurs récidivistes. En décla­ rant qu’il venait comme médecin, n’a-t-il pas promis équivalemment aux pécheurs de venir à leur secours chaque fois qu’ils auraient besoin de lui? Quel est, en effet, le médecin qui refuse de soigner ses malades plus d’une fois? » Et il conclut par l’exemple de l'antiquité chrétienne en affirmant que « les Pères les plus anciens avaient remis les péchés soixante-dix-sept fois sept fois, c’est-à-dire toujours, et que cette pratique avait été de tout temps en vigueur dans l’Église de Dieu ». P. L-, t. xt., col. 1116-1117. Il eût été sans doute fort empêché de prouver cette dernière assertion par des textes. Aussi s’abstient-il d'apporter aucune référence précise. De son côté, Hugues de Saint-Victor, se trouvant aux 887 CONFESSION DU I" AU XIIIe SIÈCLE prises avec les difficultés que présentent les textes d’Hermas et de saint Ambroise sur l’unité de la péni­ tence après le baptême, prétendit que, sous le nom de première pénitence ou d'unique pénitence, il fallait comprendre probablement tous les actes de repentir qui sont produits dans la vie présente et exclure l’es­ poir d’une « seconde pénitence » dans l'autre vie. Ou bien encore, dit-il, les Pères en niant la possibilité d’une seconde pénitence avaient en vue la pénitence solennelle qui, en effet, ne devait jamais être réitérée. De sacramentis, part. Il, c. XIV, P. L., t. CLXXVI, col. 557-559. Un de ses disciples répète la même chose. Sum. sent., VI, 12, ibid., col. 149. Cette explication était plus ou moins heureuse. Mais les contemporains parurent s’en contenter. Gralien, De pænitentia, dist. III, n. 2-12, P. L., t. clxxxvii, col. 1594-1596; Pierre Lombard, Sent., 1. IV, dist. XIV, 1, P. L., t. cxctt, col. 869; Roland, dans Gietl, op. cit., p. 238, s’appro­ prièrent les raisons de Hugues. Gralien et le Maître des Sentences invoquèrent en outre l’autorité du pseudoAugustin qui était un partisan décidé de la réitération de la pénitence et de la confession. Plus tard les sco­ lastiques, laissant au second plan les preuves patristiques et scripturaires, recourront plus particulièrement aux raisons théologiques pour justifier leur thèse. 4° Matière de la confession. — La règle posée par saint Augustin s’imposa à toute l’Église latine: fut consi­ dérée comme matière nécessaire de la confession toute infraction grave à la loi divine. La difficulté fut seule­ ment de déterminer quelle violation de la loi était vrai­ ment grave. Un des disciples de saint Augustin, saint Césaire d'Arles, qui distingue deux sortes de péchés, les pêchés « capitaux », capitalia, et les « menus » péchés, minuta, range parmi les capitalia, les péchés suivants: le sacrilège, l’homicide, l’adultère, le faux témoignage, le vol, la rapine, l’orgueil, l’envie, l'avarice, et, si elle est de longue durée, la colère, et, si elle est fréquente, l’ébriété, Serm., ctv, c. il, P. L., t. xxxix, col. 1946; cf. ccxciv, c. vi, col. 2305; ccxcv, c. iv, col. 2308; une autre liste ajoute : odium in corde reservantes, malum pro malo reddentes, spectacula vel cruenta el furiosa vel turpia diligentes. Serm., clxxxiii, coi. 1876; cf. xn, c. v, coi. 1767. Quant aux péchés minuta, qui ne sont pas soumis à la confession, Césaire en dresse deux listes un peu différentes et assez longues. Serm., ctv, c. ni, col. 1946; cclvii, c. ii, col. 2220. Voir Césaire, t. n, col. 2180. On y peut remarquer certaines fautes qu'une théologie sévère rangerait parmi les péchés graves : « la haine, l'envie, la colère, les sordides pen­ sées, les conversations grivoises dans les repas. » Il est visible que les circonstances seules, et des circonstances atténuantes, peuvent rendre dans la pensée de l’auteur ces péchés légers ou minuta. Les moines introduisirent dans l’énumération des pé­ chés et, par suite, dans la matière de la confession, un ordre tout particulier. Cassien emprunta à l’Orient son catalogue des huit péchés capitaux: la gourmandise ou gaslrimargia, la fornication, l’avarice ou phylargyria, la colère, la tristesse, l’ennui (acedia ou tædium cordis), la vaine gloire (ou cenodoxia) et l’orgueil. De cænobiorum institutis, 1. V, c. I, P. L., t. xi.ix, col. 202 sq. ; Collât., V, c. x, ibid., col. 621 sq. Deux particularités sont à remarquer dans cette classification, d’une part la distinction de la tristitia et de l’acedia, qui ont cepen­ dant entre elles une étroite affinité, et d’autre part, le dédoublement de la vaine gloire et de l’orgueil, qui ne forment qu'un même vice à deux degrés. Voir t. n, col. 1689-1690. Saint Césaire observait de trop près le progrès de la discipline monastique pour ne pas s’en inspirer dans ses ouvrages. Aussi a-t-on signalé dans une homélie où il a mis la main les octo vilia de la tradition orientale. Jlomiliasacra, publiée par Elmenhorst dans son édition 888 de Gennadius, Hambourg, 1614, p. 48-49. Son énuméra­ tion mérite d’être citée à cause des conséquences qu’il en tire : Cupiditas, gula, fornicatio, ira, tristitia, pigri­ tia, vana gloria, superbia. Htec sunt octo vitia princi­ palia et ex ipsis oriuntur ista : furtum, falsum testi­ monium, perjurium, rapacitas, saturitas, ebrietas, stultiloquium, id 'est verba luxuriosa el inhonesta, et cantationes vanæ et luxuriasse, homicidium, oppro­ brium, hoc est injuria, invidia, odium, murmuratio, detractio, contentiones. Saint Grégoire le Grand, qui fut aussi un moine, ré­ visa dans ses Moralia la liste des péchés capitaux. H mit en tête l’orgueil, superbia, et lui donna le titre de vitiorum regina ou de radix cuncti mali. Sous la tyrannique autorité de l’orgueil, les sept autres vices sont comme autant de lieutenants qui commandent toute l’armée des péchés, ce sont la vaine gloire, l’envie, la colère, la tristesse, l’avarice, la gourmandise (ventris ingluvies) et la luxure. Moral., I. XXXI, c. xi.v, P. L., t. Lxxvi, col. 620 sq. C'est, à peu de chose près, la liste de Cassien, mais dans un ordre inverse. Voir t. n, col. 1690. A partir du vit· siècle, les auteurs ne firent guère que reproduire la classification de Cassien ou celle de Grégoire le Grand. S. Colomban, Inst., 17, P. L., t. Lxxx, col. 259; S. Eutrope, De octo vitiis, ibid., col. 9-14; S. Boniface, Homil., vi, P. L., t. i.xxxix, col. 855; S. Pirinin, ibid., col. 1036; le Pénitenliel de Mersebourg, de la fin du vm® siècle, dans Schmitz, Die Bussbücher, t. i, p. 700 ; celui du manuscrit Bigot, vers 800, ibid., p. 707; Alcuin (-J-804), Liber de virtu­ tibus et vitiis, c. xxvn sq., P. L., t. ci, col. 632 sq.; Théodulphe d’Orléans (788-822), Capitula, c. xxxi, P. L., t. cv, col. 201 ; cl. Capitulare, ibid., col. 217219; le concile d’Ansa (994), can. 31, Mansi, t. xix, col. 188-189; le prône du XIe siècle, publié par dom Mo­ rin, Bevue bénédictine, octobre 1905, p. 520, s’inspirent de Cassien, tandis que saint Isidore de Séville (γ 636), Differentiarum, 1. II, η. 161 sq., P. L., t. lxxxiii, col. 96 sq. ; Halitgaire de Cambrai, Pænilenliale, 1. I, c. i, P. L., t. cv, col. 657 sq., dont le Pénilentiel parut entre 817 et 831 ; Leidrade de Lyon, Epist., II, 19, P. L., t. xcix, col. 881 ; le pseudo-Egbert, Pænilenliale, c. i, dans Schmitz, op. cil., p. 575 (2e partie du IXe siècle), adoptent la liste de saint Grégoire le Grand. Cette der­ nière devait finir par prévaloir dans l’Ecole, grâce â l’intluence de Pierre Lombard, le Maitredes Sentences, qui, après Hugues de Saint-Victor, l’avait faite sienne. Sent., 1. HI, dist. XLII, n. 8 sq., P. L., t. cxcn, col. 753754. Nous venons de citer divers Pénitentiels. On désigne sous ce nom les recueils canoniques destinés à guider les confesseurs dans l’accomplissement de leur office, soit pour procurer l’intégrité de la confession, soit pour appliquer à chacune des fautes accusées une pénitence proportionnée à leur gravité. Ces manuels firent leur apparition au plus tard dès le vi» siècle dans le monde celtique et anglo-saxon, qui ne connut jamais la péni­ tence publique. Cf. Boudinhon, Sur l’histoire de la pénitence, dans la Bevue d'histoire et de littérature re­ ligieuses, t. n (1897), p. 496 sq. ; P. Fournier, Éludes sur les Pénitentiels, ibid., t. vi (1901), p. 289. Voir Pénitentiels. On conçoit que des ouvrages de ce genre aient suivi un ordre régulier dans la fixation des péchés, afin d’en faciliter l’examen, tant pour le confesseur que pour le pénitent. Les premiers Pénitentiels se taisent cependant sur le mode de procéder du confesseur ; mais â partir du IXe siècle les manuels recommandent aux ministres de la pénitence d’interroger, au besoin, le coupable qui se présente à leur tribunal : « Que le prêtre, dit Théo­ dulphe d’Orléans, ait soin d’énumérer au pécheur cha­ cun des huit vices capitaux et de lui faire avouer sur 889 CONFESSION DU Ier AU XIIIe SIÈCLE chacun d’eux en quoi il a offensé Dieu. » Capitula ad presbyteros, c. xxxi, P. L., t. cv, col. 201. Cf. pseudoAlcuin, Ordo ad pænitentiam, P. L., t. ci. coi. 1192 sq. Le confesseur doit cependant prendre garde d'induire le pénitent en tentation par des questions indiscrètes en lui apprenant des péchés qu’il ne connaissait pas et que le diable pourrait ensuite lui faire commettre: Sed ta­ men non omnia crimina debet ei innotescere, quia multa vilia recitantur in Pænitcntiali, quæ non decet hominem scire. Ideo non debet eum sacerdos de om­ nibus interrogare, ne forte cum ab illo recesserit, sua­ dente diabolo, in aliquod crimen de his, quæ antea nesciebat, cadat. Théodulphe, Capitulare, P. L., t. cv, coi. 219. Les Pénitentiels du vm· et du ix« siècle fournissaient, en effet, un examen de conscience tellement détaillé que les vices les plus ignobles y trouvaient place. Mais, à côté des grands crimes figuraient aussi des fautes légères. Et il en faut conclure que ces fautes étaient dès lors matière de la confession. Le Pénitentiel de saint Colomban exige formellement que les moines se puri­ fient non seulement des péchés graves, mais encore des fautes de nature incertaine, voire des langueurs de l'âme, avant de s'approcher de la communion : Confessiones autem dari diligentius præcipitur, maxime de com­ motionibus animi... Ita etiam ab incertioribus vitiis el morbis languentis animse abstinendum est et abs­ tergendum, etc. C. xxx, dans Schmitz, op. cit., p. 601602. Les Pères du concile de Chalon (647-649) estimaient sans doute que cette discipline pouvait s’appliquer, dans une certaine mesure, aux fidèles, quand ils posaient en principe que la confession et la pénitence étaient utiles à tous : utilem omnibus hominibus esse censemus et ut pænitentibus a sacerdotibus data confessione indicetur pænitentia. Can. 8, Maassen, Concilia meroving., p. 210. Et le pape Grégoire II formulait, au siècle suivant, la même doctrine en ces termes : Ut pænitentiæ remediis nemo se non egere putet pro quodidianis humante fra­ gilitatis excessibus sine quibus in hac vita esse non possumus. Capitulare pro Bajoariæ ablegatis, c. xn, P. L., t. l.xxxix, coi. 534. Saint Éloi (-j-659) illustre cette loi par un exemple frappant. Arrivé à l’âge viril et vou­ lant purifier â fond sa conscience, il alla, nous dit-on, trouver un prêtre dans le sein duquel il déposa toutes les fautes de son adolescence : metuens ut ne aliqua suum delicta pectus fuscarent, omnia adolescentiæ suæ coram sacerdote confessus est acta. Vita Elegii, 1. I, c. vu, édit. Krusch, Herum meroving. Scriptores, t. iv, p. 673. Toutefois l'usage d’accuser les péchés véniels ne pé­ nétra que très lentement dans les mœurs. A l’époque carolingienne, Jonas, évéque d’Orléans (j· 844), fait encore remarquer que les moines presque seuls s’y soumettent. Les laïques ne le font guère que par excep­ tion, perrari sunt. Moris est Ecclesiæ de gravioribus peccatis sacerdotibus confessionem facere, de quotidia­ nis vero et levibus perrari sunt qui invicem confessio­ nem faciant, exceptis monachis, qui id quotidie faciunt. De institutione laicali, 1.1, c. xvi, P. L., t. evi, coi. 152. En cherchant bien dans l’histoire du haut moyen âge, on en trouverait sans doute quelques cas. Nous signa­ lerons seulement, au xi· siècle, celui de la mère de Guibert de Nogent, qui faisait chaque jour un rigou­ reux examen de conscience « des péchés qu’elle avait commis par pensée, par parole et par action et en faisait l'aveu au prêtre ou plutôt par le prêtre à Dieu luimême », comme le remarque Guibert : Confessio igitur veterum peccatorum, quoniam ipsam didicerat initium bonorum, quotidie pene nova cum fieret semper ani­ mus ejusdem exactione praeteritorum suorum actuum versabatur quid virgo ineunte sub ævo, quid virita, quid vidua studio jam possibiliore peregerit, cogita­ verit, dixerit, semper rationis examinare thronum, et 890 ad sacerdotis imo ad Dei per ipsum cognitionem exa­ minata deducere. De vita sua, 1.1, c. xxv, P. L., t. ci.vi. coi. 864. El encore ne devons-nous pas oublier que la pieuse femme, retirée près d'un monastère et menant â peu prés la vie d'une religieuse, fut certainement influencée dans ses exercices de piété par l'exemple de ses voisines. 5° Le mode de laconfession el le « sigillum ». — Saint Augustin, Serm., lxxxii, n. 9-11, P. L., t. xxxvm, col. 510-511, et saint Léon, Epist. ad episcop. Campaniæ, c. n, P. L., t. Liv, col. 1211, avaient affirmé d'une façon catégorique la loi du secret de la confession. Personne après eux ne songea à en contester le carac­ tère obligatoire. Mais l’exomologèse ou l’aveu public de culpabilité qu’entraînait avec soi la pénitence publique ne fut pas aboli pour cela; il fut seulement restreint aux péchés qui avaient déjà quelque publicité. On posa en principe que, si les péchés publics devaient être expiés publique­ ment, les péchés secrets devaient l’être secrètement. Nombre de critiques ont fait remonter cette distinc­ tion â saint Augustin : Ergo ipsa corripienda sum coram omnibus quæ peccantur coram omnibus; ipsa corripienda sunt secretius, quæ peccantur secretius, dit-il. Serm., lxxxii, n. 10, loc. cit. Il est vrai qu’il s’agit plutôt ici de correction fraternelle que d’exomologèse proprement dite. Mais le principe, une fois posé, était appelé à recevoir une application générale. Le texte d’un autre sermon parait établir, entre les péchés qui devaient être expiés en public et ceux qui devaient être expiés en secret, une distinction plus ca­ ractéristique. « Si le péché, dit l'auteur, est commis â la connaissance et au scandale des autres, et si l’évéque juge la chose bonne pour l'édification de l’Église, il faut que le coupable fasse pénitence devant les autres ou même devant tout le peuple. » Ut si peccatum ejus non solum in gravi ejus malo, sed etiam in tanto scandalo aliorum est, atque hoc expedire utilitati Ecclesiæ videtur antistiti, in notitia mullorum vel etiam totius plebis agere pænitentiam non recuset. Serm.,cccli, c. iv. n. 9, P. L., t. xxxix, coi. 1535 sq. Évidemment, d'après cette règle, ce seraient uniquement les péchés publics et scandaleux qui devraient être expiés en public. Mais peut-être ce texte représente-t-il une discipline postérieure â saint Augustin. Le sermon d’où il est tiré n’est pas, semble-t-il, de saint Augustin. Voir Augustin, t. i, col. 2310. Du moins est-il vraisem­ blable qu’au temps de saint Augustin, on distinguait déjà entre la pénitence des pécheurs scandaleux et celle des autres coupables. « Ceux dont le crime est public et si répandu qu’il est parvenu à la connaissance de toute l’Eglise, on leur imposera les mains devant l’ab­ side, » disent les Pères du concile de Carthage, vers 397 : Cujuscumque autem pænilenlis publicum el vul­ gatissimum crimen est, quod universa Ecclesia noverit, ante absidem manus ei imponatur. Can. 32 ( 43 de la Collection africaine), Mansi, Concil., t. Ill, col. 885, 735. Saint Léon (440-461), consulté sur diverses pratiques idolâtriques, a pareillement soin de remarquer que les crimes vraiment graves doivent seuls être soumis â la pénitence publique, tandis que certaines fautes plus légères, comme la simple participation aux viandes im­ molées et aux repas des païens, pourront s’expier par des jeûnes secrets : Si convivio solo gentilium et escis immolaticiis usi sunt, possunt jejuniis et manus impo­ sitione purgari. Si autem aut idola adoraverunt aut homicidiis vel fornicationibus contaminati sunt, ad communionem eos, nisi per pænitentiam publicam, non oportet admitti. Epist., clxvii, inquisit. 19, P. L., t. liv, coi. 1209. Nous n'avons pas à faire ici l’histoire de la discipline pénitentielle. Il nous suffit d'indiquer comment s’est 891 CONFESSION DU I" AU XIII' SIÈCLE modifié peu à peu ie caractère de l’exomologèse publi­ que. Parmi les causes qui contribuèrent;· son abolition, il conviendrait sans doute de signaler l’introduction sur le continenldes coutumes irlandaises et anglo-saxonnes. Nous savons par le Pénitentiel de Théodore, 1.1, c. xm, n. 4, dans Schmitz, op. cit., 1.1, p. 536 (fin du vit' siècle), que la pénitence publique était inconnue en Angleterre. Les missionnaires qui partirent de cette région pour évangéliser la Gaule et la Germanie, les Colomban et les Boniface, ne pouvaient manquer de préconiser la dis­ cipline en vigueur chez eux. On ne voit pas cependant qu'ils aient réussi à supprimer la publicité de la péni­ tence pour les péchés publics. Sous les Carolingiens, la règle suivante est généralement appliquée : Quorum peccata in publico sunt, in publico debet esse pænitenlia ; q uorwn peccata occulta sunt et spontanea con­ fessione soli tantummodo presbytero sire episcopo ab eis revelata fuerint, horum occulta debet esse picnitentia. Raban Maur, De clericorum institutione, 1. II, c. xxx, P. L., t. cvn, coi. 342. Cf. le concile de Reims (813), can. 31; le concile de Chalon (813), can. 25; le concile d'Arles (813), can. 26, Mansi, Concil., t. χιν, col. 200. Raban Maur, qui formule si nettement ce principe, le justifie par la crainte du scandale. « Il ne faut pas, dit-il, que les faibles se scandalisent dans l’Église, en voyant les exercices pénitentiels de ceux dont ils igno­ rent les fautes. » Ne infirmi in Ecclesia scandalizentur, videntes eorum pœnas quorum ignorant causas. Loc. cit. Cette crainte du scandale est une des formes du res­ pect du sigillum. Si donc l’exomologèse ou pénitence publique persiste, c’est que l’on considère qu’elle n’est pas incompatible avec le secret de la confession. Saint Léon avait remarqué que la révélation des péchés faite par les confesseurs pouvait avoir des effets désastreux, entre autres celui de détourner les pécheurs de la pénitence sacramentelle. Epist. ad episc. Com­ panies, c. n, P. L., t. i.iv, col. 1211. Abélard, au xn« siècle,signale le même inconvénient; il blâme hau­ tement les prêtres qui leviter confessiones quas sus­ cipiunt recelant, pænitentes ad indignationem com­ movent..., et a confessione audientes deterrent. Ethica, c. xxv, P. L., t. CLXXVIII, coi. 670. C’est dans une pen­ sée semblable que Lanfranc, un peu auparavant, avait composé son traité De celanda confessione, P. L., t. cl, col. 629 sq. Ainsi s’affirmait de plus en plus dans l’Église la loi du sigillum. Conclusion. — 1“ A l’origine, ce sont les évêques, c’est-à-dire les chefs de la communauté, qui reçoivent l’aveu des pécheurs. Un peu plus tard (m» siècle), on voit fonctionner en certains pays le prêtre pénitencier, qui en vertu d'une délégation épiscopale entend les con­ fessions et surveille les pénitents. Aux environs de l’an 400, les prêtres deviennent confesseurs concurremment avec les évêques. Vers ce temps, arrivent les moines, qui cumulent les fonctions de directeurs et de confesseurs. En Orient, ils supplantent bientôt les évêques et les prêtres dans le service pénitentiel. Mais l’Église offi­ cielle maintient les principes; elle exige que, pour en­ tendre les confessions, les. moines soient revêtus du caractère sacerdotal et aient reçu une délégation épis­ copale. En Occident, les mêmes règles sont en vigueur. On y autorise cependant les diacres, voire les laïques, à entendre les confessions. Mais les théoriciens du dogme font remarquer que les prêtres seuls ont le pouvoir de lier et de délier, c’est-à-dire d’administrer des absolu­ tions. Leur juridiction est nettement limitée, dès le vin» siècle. 11 faut que les pêcheurs s’adressent à leur « propre prêtre », disent saint Chrodegang, vers 760, Pegula, c. xxxn, P. L., t. lxxxix, col. 1072, Halto de Bâle (802-822), Capitula, 18, P. L., t.cv, col. 763, et Réginonde Prùm (f 915), P. L., t. exxx, col. 245. 892 2° L’usage de la confession remonte à la plus haute antiquité. Dès la fin du il» siècle, Origène et Tertullien en recommandent d’une façon pressante la pratique. Si les pécheurs font difficulté d'y recourir, c’est que les exercices pénitentiels qui en sont la suite tes elfraient. A mesure que la pénitence s’adoucit, la confession de­ vient plus fréquente. Les moines contribuèrent à en répandre l’habitude, non seulement dans les cloîtres, mais encore dans le monde. Sous les Carolingiens, la confession préparatoire à la Pâque tend à s’établir comme un usage. Peu à peu les fidèles s'accoutumèrent même à se confesser plusieurs fois l’an, à Noël, à Pâques, â la Pentecôte. Mais au xi» et au xu» siècle, les prédicateurs nous signalent quelque relâchement, et ils insistent pour qu'au moins la confession quadragésimale ou pascale soit rigoureusement maintenue. 3° Il ne pouvait être question, à l’origine, de la con­ fession des enfants. Plus tard, on examina à quel âge l’enfant, garçon ou fille, pouvait commettre un péché grave, et par suite être tenu de se confesser. Douze ans, dix ans, sept ans, telles furent les diverses réponses des docteurs grecs. En Occident, Alcuin recommande d'exhorter les enfants ou, si l’on veut, les adolescents à la confession. 4“ Tout péché « mortel » est matière nécessaire de la confession. Dans les premiers siècles, on entendait par péchés « mortels », les péchés énormes, tels que l’ido­ lâtrie, la fornication et l'homicide. Mais Tertullien qui préconise cette classification range parmi les péchés qui doivent être soumis « à l'évêque » une série d’autres péchés moins graves qu’il faut distinguer des péchés « véniels », ou minuta proprement dits. C’est ainsi que saint Cyprien et le pape Innocent considèrent certains peccata minora comme péchés pénitentiels. Pour dé­ terminer le caractère des péchés, les Pères, notamment saint Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Ambroise, saint Augustin, etc., s’en rapportent à la sainte Écri­ ture : furent traités comme péchés passibles de la pénitence ecclésiastique et par conséquent soumis à la confession, les péchés qui, d’après l’Évangile et saint Paul, méritaient l’exclusion du royaume de Dieu. En pratique cependant les docteurs s’accordèrent difficile­ ment. Et leur liste des péchés graves ne serait peut-être pas superposable à celle qu’ont dressée depuis les sco­ lastiques et les casuistes. En même temps que les péchés graves, les personnes adonnées à la piété confessaient volontiers les péchés légers. Mais cet usage est absolu­ ment exceptionnel dans l'antiquité. On a fait remarquer que saint Augustin ne s’était vraisemblablement jamais confessé de sa vie. Ce furent les moines qui introdui­ sirent peu à peu l’habitude de considérer les péchés véniels comme matière de la confession. Et malgré la recommandation de certains docteurs, cf. Réginon de Prüm, loc. cit., leur exemple ne fut suivi que rare­ ment par les laïques jusqu’au xm» siècle. 5° Il n’y a pas de preuve que la confession prépara­ toire à la pénitence publique n'ait pas été secrète dès l’origine. Les cas de confession publique qu'on peut citer forment de très rares exceptions. De bonne heure, on posa en principe que la confession publique devait servir à l’édification de la communauté et être consentie par le pénitent. Dans les premiers siècles cependant, tout péché grave, même secret, était soumis à la péni­ tence publique. On n'estimait pas que cette « exomo­ logèse » fût incompatible avec le secret de la confession. Plus tard, une distinction s’imposa : ne furent soumis â la pénitence publique que les péchés publics, les péchés secrets furent expiés par une pénitence secrète. La loi du secret ou sigillum s'affirma ainsi de plus en plus, au cours des âges. De tout temps, les Pères et les docteurs exigèrent du confesseur, à la fois juge des consciences et médecin des âmes, une délicatesse exquise, une pru­ dence consommée et une souveraine discrétion. 893 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) 6° Nous pouvons citer maintenant le fameux canon 21 du concile de Lalran (1215). Et l'on se convaincra qu'il n’apporte aucun changement dans la discipline de l’Église : Omnis ulriusque sexus fidelis, postquam ad annos discretionis pervenit, omnia sua solus peccata confiteatur fideliter, saltem semel in anno, proprio sacerdoti, et injunctam sibi peenitenliam studeat pro viribus adimplere... Si quis autem alieno sacerdoti voluerit justa de causa sua confiteri peccata, licentiam prius postulet et obtineat a proprio sacerdote, cum aliter ille ipsum non possit absolvere el ligare. Sacer­ dos autem sit discretus et cautus, ut more periti me­ dici superinfundat vinum et oleum vulneribus sau­ ciati, diligenter inquirens et peccatoris circumstantias et peccati, quibus prudenter inlelligat quale debeat ei priebere consilium et cujusmodi remedium adhibere, diversis experimentis utendo ad salvandumægrotum. Caveat autem omnino, ne verbo, aut signo aut alio quovis modo aliquatenus prodat peccatorem; sed si prudentiori consilio indiguerit, illud absque ulla expressione personæ caule requirit, quoniam qui pec­ catum in pænitenliali judicio sibi detectum præsumpserit revelare, non solum a sacerdotali officio depo­ nendum decernimus, verum etiam ad agendam perpetuam nænitentiam inarctum monasleriumdetrudendum. Denzinger.Enchiridion, n. 363. 11 appartiendra aux théologiens el aux canonistes de l’àge suivant d’in­ terpréter chaque phrase, chaque mot de ce texte, et d'en faire une application rigoureuse. Mais il n’était pas inutile de montrer qu’il n’offre rien qui ne soit con­ forme â la discipline de l’Église, telle quelle s’était développée au cours des siècles, par une évolution pro­ gressive. Nous nous bornerons à citer quelques auteurs des plus consi­ dérables, à partir du xvn· siècle, en suivant l’ordre chronolo­ gique. Pctau. De pænitentiæ vetere in Ecclesia ratione (1622), I*. G., t. xi.n, col. 1027 sq.; De pænitenlia el reconciliat'one veteris Ecclesiæ moribus recepta diatriba (1633), dans Theo­ logica dogmata, Bar-le-t>uc. 1870, t. VIII, p. 677-086; Gabriel de l Aubespine, De veteribus Ecclesiæ ritibus observationum libri luo (1623,1627); J. Morin, Commentarius historicus de disci­ plina in administratione sacramenti pænitentiæ tredecim primis sxculis in Ecclesia occidentali et hucusque in orien­ tali observata, Paris, 1651; Anvers, 1682; Sirmond, Historia pænitentiæ publicæ (1651), Opera, Paris, 1696, t. iv, p. 470 sq.; Jean Paillé, De sacramentali sive auriculari latinorum con­ fessione disputatio, Genève, 1661 ; Boileau, Historia confes­ sionis auricularis ex antiquis Scriptura, Patrum, pontificum -t conciliorum monumentis cum cura et fide expressa, 1684; Thoinassin, Ancienne et nouvelle discipline de l’Église, part. I, 1. II. c, xi, Xll, édit. André, Bar-le-Duc, 1864, t. 1, p. 392-406; Sieitz, Bussdisciplin der morgenlàndischen Kirche, dans Liebners, Jahrbucher filr deutsche Théologie, 1863, fasc. 1" ; frank, D■> trament der Busse, dans Theologische Quartalschrift, 1893, ; 448 sq. ; Henry Charles Lea. A history of auricular confies«ion and Indulgences in the latin Church, 3 vol., Philadelphie • t Londres, 1896 ; Funk, art. Bussdisciplin, dans KirchenlexiFribourg-en-Brisgau, t. i, col. 1561; Zur altchristlichen Bussdisciplin, dans Kirchengeschichtliche Abhandlungen und I’rarrsiichungen, Paderborn, t. I (1897), p. 155 sq.; Boudinhon, Sur l’histoire de la pénitence, à propos d’un livre récent, i ns la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. tt ait formellement. Ibid. 902 II. Obligation. — Le caractère obligatoire de la con­ fession n'est contesté par aucun des théologiens scolas­ tiques, qui discutent seulement sur l’origine de cette obligation et s’accordent généralement à distinguer un double précepte, dont il s’agit de déterminer l’étendue : le précepte du Christ et le précepte de l’Église. I» Précepte divin. — 1. Son existence. — Les docteurs catholiques, dit Jean Medina, se sont donné une peine immense pour établir que la nécessité de la confession dérive du droit divin. De pænitentia, tr. II, q. i, Bres­ cia, 1590, p. 132. Cet aveu d'un homme qui écrivait à la veille du concile de Trente et qui cherchait, pour ré­ pondre aux accusations des Réformés, à résumer la pensée scolastique, est précieux à recueillir : il montre nettement que la question soulève une difficulté des plus sérieuses et que les théologiens de l’École en ont par­ faitement reconnu la gravité. Les anciens scolastiques sont unanimes à affirmer que la confession sacramentelle est d’obligation divine. Mais les divergences se manitestent dés qu’il s'agit de formuler la preuve. a) Les uns, avec Guillaume d’Auxerre (γ 1232), Sum­ ma aurea, I. IV, tr. VI, c. m. q. I, Paris, 1500, fol. 28, s’appuient sur le texte de saint Jacques : Confitemini ergo alterutrum peccata vestra, v, 16, qu'ils entendent d’ailleurs d’une simple promulgation. Tel est l'ensei­ gnement très net d'Alexandre de Halés : Fuit ergo con­ fessio a Domino insinuata, ab apostolis auctoritate ipsius tradita, a Domino in clavium collatione insti­ tuta et ab apostolo Jacobo promulgata. Cp. cit., 1. IV, q. xvm, m. m, a. 2, p. 567. Saint Bonaventure recon­ naît également que Notre-Seigneur n’a pas institué expressément la confession comme il a institué les autres sacrements : il s’est servi pour cela de l'intermé­ diaire des apôtres, en leur conférant d’ailleurs l’autorité requise pour cette institution. Quoad materiale, quod est peccati detectio, non per se instituit sive promul­ gavit, sed per apostolos auctoritatem, dando et insi­ nuando. In IV Seni., 1. IV, dist. XVII, p. it, a. I, q. m. p. 441. Telle était la thèse communément reçue vers le milieu du xni“ siècle. Ct. S. Pierre Célestin, Opuscula, opusc. I, c. ni, dans Maxima bibliotheca veterum Patrum, Lyon, t. xxv, p. 774. Les protes­ tants ont abusé de ces textes pour combattre le caractère divin de l’obligation de la confession. Il suffit de remar­ quer que ces auteurs recourent, en dernière analyse, à l’autorité même du Christ, et que, pour eux, l'institution de la confession est implicitement contenue dans l’ins­ titution même du sacrement de pénitence. Voluntas Christi exprimebatur per apostolos, dit formellement Albert le Grand, In IV Sent., I. IV, dist. XVI, a. 42, Paris, 1894, t. xxtx, p. 569. Ailleurs il conclut â une institution tacite, c’est-à-dire implicite, de la confession par le Christ, avec le caractère obligatoire qu’elle com­ porte. Sic ergo Christus instituit confessionem tacite, sed apostoli promulgaverunt eam expresse. Compen­ dium theologicæ veritatis, I. VI, c. xxv, Lyon, 1649, p. -486. Ct. Richard de Middletown, loc. cit., a. 2, q. i, p. 247; Gilles de Rome, loc. cit., p. 294. b) D’autres, à la suite de Pierre de Poitiers, loc. cit., p. 198, invoquent le commandement donné aux lépreux : Ite, ostendite vos sacerdotibus, Luc., xvn, 14, ou bien, avec Pierre de la Paine, In IV Sent., I. IV, dist. XM, q. n, a. 2, Paris, 1518, t. IV, fol. LXXIX, le texte de saint Jean, v, 22 : ùeque enim Paler judicat quemquam, sed omne judicium dedit Filio. Il en est qui se contentent d’en appeler à une tradition purement orale. Cf. Jean de Bassols, In IV Sent., I. IV, dist. XVII, q. n, Paris, 1517, t. iv, fol. xcm. c) Mais l’ensemble des théologiens s’efforça de dégager une preuve directe et solide des paroles mêmes de l’ins­ titution. Saint Thomas, le premier, semble-t-il, insista sur cette démonstration. Dans son Commentaire sur les 903 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) Sentences, il se réfère encore à la prétendue promulga­ tion de saint Jacques, 1. IV, dist. XVII, q. m, a. 1, p. 3; mais dans la Somme contre les gentils, il fait dépendre uniquement du pouvoir des clefs l’obligation de la con­ fession, I. IX7, c. bx.xit. Scot aborda directement la dis­ cussion du texte de saint Matthieu, pour en déduire immédiatement la nécessité de la confession sacramen­ telle. En s’appuyant sur le commandement d'amour, il crut pouvoir produire un argument décisif. Nous sommes tenus, dit-il en substance, par le précepte positif de la charité, de recourir aux moyens de salut les plus faciles et les plus sûrs. Tel est le cas de la confes­ sion. De là, cette conséquence que l’institution de la confession, dans la pensée même de son fondateur, est indissolublement liée à l’idée d’obligation. Ce raisonne­ ment parut péremptoire à certains scotistes, cf. Frassen, Scotus academicus, tr. I, disp. II. a. 3, sect, it, q. 1, Home, 1905, p. 431 ; mais, dans l’ensemble, la question ne tut pas dirimée pour autant. Pierre d’Auriol (f 1322) posa de nouveau le problème tel qu’il devait être posé alors avec les données de la théologie de son temps. Il faut croire fermement, écritil, que la confession a été instituée parla seule autorité du Christ et transmise aux apôtres, apostolis dedita; ce qui fait doute, c’est de savoir si le caractère obliga­ toire de la confession peut se déduire avec certitude du texte même de l’Evangile. Sed hoc dubium. Utrum posito quod confessio obliget ex Christi traditione, an hæc traditio possit ex verbis Euangeliorum convinci. Dicunt quidam quod sic : ex illo verbo : Quorum remi­ seritis, ut Scolus. Pierre d’Auriol ne réprouve pas cet argument, il le juge « assez bon »; mais il lui semble que la preuve vraiment efficace est fournie surtout par les mots suivants : Quorum retinueritis, qui excluent tout moyen de rémission autre que le sacrement de pénitence, et dès lors, la confession. In IV Sent., 1. V, dist. XVII, q. i, a. 1, Rome, 1605, t. iv, p. 144. Durand de Saint-Pourçain (j-1334) n’est pas plus affirmatif au sujet de la preuve scripturaire qu’il cherche, lui aussi, dans le texte johannique. A quel moment, se demandet-il, fut établie la confession? La réponse paraît timide : Videtur quod post resurrectionem, quando Christus dixit apostolis : Accipite Spiritum Sanctum, op. cit., dist. XVII, q. vm, p. 296; mais quant au fait lui-même de l’institution divine, il l’affirme de toute sa force comme un objet de croyance et, très vivement, il s’en prend de nouveau, après Scot, au commentateur de Gra­ tien, Jean le Teutonique, qui avait émis des doutes sur ce point. Ex quibus apparet quod glossator decreti turpiter erravit et periculoso errore in fide... Et mirum est quod in tam solemni libro Ecclesia susti­ nuit et adhuc sustinet tam perniciosam glossam. Op. cit., dist. XVII, q. vm, n. 9, p. 296. Les mêmes vues sont reproduites non seulement par Jean Bacon (f 1346), qui fait encore appel au texte de saint Jacques pour corroborer l’argument probable — melius dicunt theologi— tiré des paroles de l’institution, In IV Sent., 1. IV, dist. XV, q. n, a. 1, Crémone, 1618, t. iv, p. 411, mais encore, et avec toute la précision désirable, par Jean de Bassols (j· 1347), qui, bien qu’il ne voie pas la possibilité de déduire avec certitude du texte de saint Jean le précepte de la confession, n’en propose pas moins, sous un aspect dogmatique, et-en toute hypothèse, le ca­ ractère divin de ce précepte. Creditur fuisse traditum apostolis a Christo. Loc. cil., q. Il, fol. xcm. Toutefois l’opinion qui rattache implicitement au texte johannique l’obligation de la confession n’en est pas moins men­ tionnée avec faveur. Cf. Jean Eck, Enchiridion locorum communium adversus lutheranos, c. vm, Paris, 1535, p. 32. Désormais cette opinion ralliera aisément la grande majorité des suffrages, cf. Thomas de Strasbourg (■j· 1357), In IV Sent., 1. IV, dist. XVII, q. n, a. 2. 904 Gênes, 1585, t. iv, p. 127, et se présentera non plus comme une opinion, mais de plus en plus comme une doctrine acquise. Denys le chartreux n’hésite pas à rapporter directement à 1’inslitution divine le mode de confession en usage dans l’Église. El sic pænitentia formaliter esi a Christo instituente hunc modum, qui servatur in Ecclesia. Summa fidei orlhodoxse, 1. IV, a. 119, q. u, Anvers, 1569, p. 179. Adrien d'Utrecht (j· 1523), qui fut le pape Adrien VI, déclare que c’est une hérésie de nier le précepte divin de la confession, parce qu’on le déduit nettement des Écritures. In IV Sent., 1. IV, De confessione, Paris, 1530, ιοί. 235. Quelques années avant le concile de Trente, Jean de Medina émet à peu près la même doctrine. La nécessité de la confession est établie suffisamment par le texte de saint Jean. Ex qua sufficienter colligitur necessarium esse peccatoribus confiteri sacerdotibus. Loc. cit., p. 138. L’argument produit se ramène à ces simples données : l’institution même du pouvoir des clefs, en raison de son caractère absolu, écarte pour le pécheur toute possibilité d’obtenir son pardon autrement que par l’efficacité de ce pouvoir. D’autre part, il est impos­ sible aux détenteurs de cette puissance de juger sans connaissance de cause, et seul le pécheur peut avoir qualité pour soumettre ses fautes, dans la mesure exacte de sa culpabilité, à un pardon dont la recherche doit être d’ailleurs volontaire. Cf. Valentia, op. cil-, disp. VII, q. ix, col. 1401-1430; Salmanticenses, op. cit., disp. VIII, dub. i, § 1, 2, p. 172-195; Turmel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, p. 326-330. L’étude historique du problème de l’institution de la confession, tel qu’il a été posé et résolu par la théologie médiévale, permettra de mieux saisir la portée doctri­ nale des déclarations du concile de Trente et d’apprécier plus exactement le caractère des formules employées. Sess. XIV, c. V. Ex institutione sacramenti pænitentiæ jam explicata uni­ versa Ecclesia semper intellexit institutam etiam esse a Domino integram peccatorum confessio­ nem et omnibus post baptis­ mum lapsis jure divino neces­ sariam existera : quia Dominus noster Jesus Christus, e terris ascensurus ad cælos, sacer­ dotes sui ipsius vicarios reli­ quit. tanquam praesides et ju­ dices ad quos omnia mortalia crimina deferantur, in quæ Christi fideles ceciderint : quo, pro potestate clavium, remis­ sionis aut retentionis peccato­ rum sententiam pronuntient. Constat enim sacerdotes judi­ cium hoc, incognita causa, exercere non potuisse, neque aequitatem quidem illos in poe­ nis injungendis servare po­ tuisse, si in genere dumtaxat et non potius in specie, ac sigillatim. sua ipsi peccata déclaras­ sent. Denzinger, n. 779. En conséquence de 1’institution du sacrement de péni­ tence précédemment expliquée, l’Église universelle a toujours entendu que la confession en­ tière des péchés a été instituée aussi par Notre-Seigneur et qu’elle est nécessaire de droit divin à tous ceux qui sont tom­ bés dans le péché après leur baptême ; car Notre-Seigneur Jésus-Christ, au moment de monter de la terre au ciel, laissa les prêtres comme ses vicaires, et comme des prési­ dents et des juges, à qui se­ raient déférés tous les péchés mortels dont les fidèles se se­ raient rendus coupables, afin que, suivant la puissance des clefs qui leur était octroyée pour remettre ou pour retenir les péchés, ils prononçassent leur sentence. Car il est mani­ feste que les prêtres ne pour­ raient exercer cette juridicti· n sans connaissance de cause, ni garder l’équité dans l’applica­ tion des peines, si les pénitents ne déclaraient leurs péchés qu’en général et non dans leur espèce et en détail. Le canon 6 de la même session formule la définition de celte doctrine. Si quis negaverit confessio­ nem sacramentalem vel insti­ tutam vol ad salutem necessa­ riam esse jure divino... anathe­ ma sit. Denzinger, n. 794. Si quelqu’un nie que la con­ fession sacramentelle ait été instituée ou soit nécessaire au salut de droit divin, qu’il 6v:t anathème. 905 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) Voir René Benoist, Catholique discours de la confession sacramentelle, auquel il est prouvé icelle estre de droit divin, Paris, 1566, p. 3 sq. ; Noël Alexandre, Dissertatio polemica de confessione sacramentali adversus libros quatuor Johannis Dallæi, Paris, 1U>8, p. 24. 900 care, op. cit., a. 2, q. n, p. 445. Il estime toutefois, n’osant dire plus, que s'il y a espoir de rencontrer plus tard une occasion meilleure de confesser sa faute, le pé­ cheur peut attendre ce bon moment. Ce texte s’explique mieux quand on le rapproche des pages véhémentes 2. Son extension. — a) Le sujet. — Le précepte divin dirigées pai· le docteur séraphique contre les mauvais de la confession n’oblige que les fidèles lombes en péché confesseurs. Opusc., XIV, n. 9, dans Opéra, Quaracchi, grave. Alexandre de Halés, op. cit.,q. xvm, m. iv, a. 1, t. vm, p. 377. Aussi, pour les religieux qui ont toujours ; 3, p. 569; S. Bonaventure, op. cil., dist. XVII, p. n, à leur disposition un bon confesseur, la raison d’un dé­ a. 2, q. I, p. 442; S. Thomas, Jn IV Sent., 1. IV, lai ne peut-elle être invoquée et l’obligation existe pour «iist. XVII, q. n, a. '1, n. 1. Telle est la doctrine com­ eux de se confesser aussitôt la faute commise. Pour ce mune des scolastiques. Cf. Suarez, op. cit., disp. XXXV, qui est du clergé séculier, le saint docteur n’ose se sect, n, n. 2, p. 73. prononcer. De clericis autem judicare non audeo. En procédant à l’analyse des éléments constitutifs du In I V Sent., loc. cit., p. 446. Cf. Henri de Gand, Quoddroit divin, Scot a cru devoir étendre, toutefois, celte libet, IV, q. xxxm, Paris, 1518, fol. 149. obligation, du moins par voie indirecte, aux infidèles Contre ce rigorisme, Albert le Grand déjà s’était élevé coupables de péché actuel. Op. cit., dist. XVI, q. I, a. 1, nettement, Compendium theologiæ, I. VI, c. xxv, p. 487, р. 280. On peut regarder comme étrange une pareille et Pierre de Tarentaise pouvait proposer ce sentiment aflirmalion, puisque les péchés actuels commis avant le comme le plus communément admis de son temps. baptême sont remis par la régénération baptismale et Op. cit., q. n, a. 5, p. 194. Lorsque saint Thomas l’eut ne doivent ni ne peuvent être soumis dans la suite au appuyé à son tour, timidement d'abord- Jn IV Sent., pouvoir des clefs. Néanmoins cette opinion, que soute­ dist. XVII, q. n, a. 1, sol. 3“, très résolument ensuite, nait encore Adrien d’Utrecht, op. cit., tr. Il, fol. 241, Quodlib., I, q. vi, a. Il, de tout le crédit de sa haute recruta une foule d’adhérents, multi el graves theologi autorité, il fut à peu près universellement reçu dans in hoc sine causa lapsi sunt, dit Suarez, loc. cil., et le l’Ecole, en même temps que les idées se faisaient plus fait est caractéristique. Il montre avec quelle rigueur larges et que le courant rigoriste se montrait de plus on était généralement porté au moyen âge à interpréter en plus en désaccord avec l’orientation générale des les données du droit positif et il importe grandement esprits dans l’Église. Gilles de Rome cherchera encore, de tenir compte de cette tendance, pour expliquer ceravec quelques maîtres isolés, à faire prévaloir dans ce ' unes anomalies, dans l’histoire des doctrines péniten- cas les principes du tutiorisme, Breve totius veritatis tielles. compendium, c. xxv, Paris, 1551, fol. 295 b, mais Pierre b) L'urgence. — Deux opinions extrêmes semblent d’Auriol, op. cit., a. 2, p. 145, et Durand de Saint-Pouravoir partagé les esprits durant la première moitié du çain, op. cit., q. x, n. 6, p. 295, maintiendront ferme­ mi· siècle : les uns, niant radicalement l’existence du ment la doctrine autorisant le pécheur à différer sa précepte divin, n’admettaient aucune obligation de con- confession jusqu’au temps pascal. Encore n'est-il tenu fesserses fautes en dehors du temps prescrit par l’Église; alors de confesser ses fautes qu’en vertu du précepte -s autres déclaraient que le pécheur est tenu de con­ de l’Eglise. Le précepte divin, comme tel, n'a de force fesser sa faute aussitôt après l’avoir commise, autant du obligatoire qu'à l’article de la mort ou bien dans l’hypo­ moins qu’il se trouve un confesseur auquel il puisse thèse ou le pénitent serait sans espérance d'avoir plus s adresser avec fruit. Cf. Guillaume d’Auvergne, op. cit-, tard un confesseur â sa disposition. Pierre de la Palue, с. xix, p. 498. op. cil., q. n, a. 5, fol. 78; Adrien d’Utrecht, op. cil., Rien ne prouve cependant qu’il faille prendre à la q. m, fol. 245. Cf. La confession de maislre Jehan Jarlettre la première opinion, car les théologiens qui son, s. 1. n. d., fol. m. niaient l’existence d’un commandement positif touchant 2° Précepte ecclésiastique. — 1. Confession annuelle. b confession, ne rejetaient nullement la nécessité d'un — a) Son caractère obligatoire. — La théologie médié­ aveu sacramentel des fautes pour obtenir le pardon; vale n’a jamais hésité à reconnaître dans le décret du seulement ils considéraient cet aveu comme un moyen concile de Latran une obligation stricte pour les fidèles de salut que le coupable se devait à lui-même d’em­ de s’approcherdu sacrement de pénitence avant la com­ ployer, sous peine de manquer sa fin, et en dehors de munion annuelle. Cf. Guillaume d’Auxerre, Summa tout précepte spécial imposé par Dieu. Cf. Pesch, Præaurea, Paris, 1500, p. 271; S. Thomas, Quodlib., I, iecliones dogmaticæ, Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. vu, a. il. Seul Durand de Saint-Pourçain a émis à ce sujet une de ces opinions singulières dont il est coutumier, p. 156. en conteslant à l’Église le droit d’intervenir ainsi par D'après ces données, il suffirait au pécheur de confesser ses fautes avant la mort et Alexandre de Halés ne voie d’autorité en matière de confession, ou plus exac­ tement, en révoquant en doute la légitimité des preuves manque point, en relatant celte opinion, qu'il combat d'ailleurs, de spécifier ce point. Tempus confitendi, sci- qui établissent ce droit. Qualiter ergo potest hoc per Ecclesiam statui cujus transgressor non potest con­ l icet tempus quadragesimæ, nisi periculum mortis vincit salis est dubium. In 1 V Sent., 1. IV, dist. XVII, mineat. Op. cit., q. xvm, a. 4, § Ï, p. 583. Il semble q. xiv, n. 6, Lyon, 1587, p. 773. Mais tous les théolo­ donc qu'il n’y ait pas lieu d'interpréter cette doctrine dans un sens défavorable et qu'elle se rapproche, au giens subséquents s'élèvent avec force contre cette pré­ tention, en faisant remarquer d’ailleurs que le concile contraire, de très près, de la vérité. La thèse rigoriste de l'obligation immédiate ne tarda de Latran n’avait fait que déterminer le temps ou les fidèles sont tenus d’obéir au précepte divin de la con­ point à susciter des adversaires résolus. Guillaume d Auvergne la patronne encore, mais en y adjoignant fession. Cf. Adrien d’Utrecht, op. cit., fol. 235. Contre les attaques des protestants, le concile de cette restriction qu'un délai peut être parfaitement considéré comme permis, dès qu’il en résulte pour le péni­ Trente a spécifié solennellement ce point de doctrine et défini le caractère impératif du décret de Latran. tent une utilité appréciable. Loc. cil. Voir cependant le Sess. XIV, c. v. deuxième sermon du troisième dimanche de carême dans Supplementum tractatus novi de pænitenlia, Car l’Église, au concile de Neque enim per Latera­ Paris, 1674, p. 229. Telle parait être aussi, â bien l’en­ Latran, n'a nullement établi le nense concilium Ecclesia sta­ tendre, l'opinion d’Alexandre de Haies, loc. cit., reprise tuit, ut Christi fideles confi­ précepte de la confession pour par saiat Bonaventure, p. 445. Le saint docteur hésite les fidèles, sachant bien qu'elle terentur, quod jure divino était déjà, de droit divin, nénecessarium et institutum esse beaucoup à se prononcer, dubium est el difficile judi­ 907 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) intellexerat : sed ut præceptum confessionis, saltem semel in anno, ah omnibus et singulis, cum ad annos discretionis per­ venissent, Impleretur; unde jam in universa Ecclesia cum ingenti animarum fidelium fructu observatur mos ille salu­ taris confitendi sacro illo et maxime acceptabili tempore quadragesimae : quem morem hæc sancta synodus maxime probat et amplectitur tanquam pium et merito retinendum. Denzinger, n. 780. Can. 8. Si quis dixerit con­ fessionem omnium peccatorum qualem Ecclesia servat esse impossibilem et traditionem humanam a piis abolendam; aut ad eam non teneri omnes et singulos utriusque sexus Christi fideles, juxta magni concilii Lateranensis constitu­ tionem, semel in anno, et ob id suadendum esse Christi fidelibus ut non confiteantur tempore quadragesimæ, ana­ thema sit. Denzinger, n. 796. cessaire et instituée, mais elle a seulement ordonné que tous les fidèles,chacun en particulier, quand ils seraient arrivés â l'âge de discrétion, auraient â satisfaire à ce précepte de la confession, au moins une fois l'an : d'où vient que dans toute l’Église s’observe celte coutume salutaire, pour le plus grand bien des fidèles, de se confes­ ser au saint temps du carême, tout particulièrement favorable; et le saint concile, approuvant absolument cet usage, le reçoit, et l’embrasse comme dicté par la piété et digne d’être retenu. Si quelqu'un dit que la con­ fession de tous ses péchés, telle que l’observe l’Église, est impossible et ne repose que sur une tradition humaine, que les gens de bien doivent s’efforcer d’abolir; ou bien que tous les fidèles chrétiens, chacun en particulier, n'y sont pas obligés une fois l'an, conformément à la constitution du grand con­ cile de Latran, et qu'il faut en conséquence dissuader les fidèles de se confesser durant le temps du carême, qu'il soit anathème. Comme toute loi de l’Église peut être validement abrogée par l’autorité ecclésiastique ou sujette à des dispenses, les théologiens, à la suite de saint Thomas, In 1V Sent., loc. cil., sol. 5·, ont toujours reconnu que le décret concernant la confession annuelle pouvait être modifié ou retiré par le pape. « Et rien ne prouve, dit Suarez, qu’un temps ne puisse venir où il soit opportun pour l’Eglise de n’imposer cette obligation que tous les deux ou trois ans. » Op. cit., disp. XXXVI, q. 1, n. 5, p. 748. b) Le sujet de cette obligation. — L’obligation de la confession annuelle s'étend à tous les fidèles dont la conscience est chargée d'un péché grave. Sur ce point, aucune diversité de sentiment parmi les scolastiques, el le décret du concile de Latran n’en peut permettre aucun. Aussi bien, les habitudes d’esprit tendaient plus, au moyen âge, à donner à l’interprétation de la loi un caractère rigide et aggravant, qu’un tour favorable à la liberté. Ainsi s’affirma dès le début la prétention exces­ sive d’obliger tous les fidèles, même innocents de toute faute grave, à la confession annuelle, et les théologiens des nouveaux ordres religieux ne furent pas les moins empressés à accueillir ces théories sévères. « Même les parfaits, remarque Alexandre de Halés, sont tenus d’aller à confesse au moins une fois l’an : ils obtiendront ainsi le pardon de leurs fautes vénielles et la remise de la peine encourue. » On. cil., q. xvm, m. tv, a. 1, § 3, p. 569. Saint Bonaventure n’émet pas non plus le moindre doute sur l'universalité de celte obligation, attendu que personne ne peut être pur de tout péché véniel : dès lors le pénitent est strictement tenu par le précepte, necessario obligatur. Op. cit., a. 2, q. Il, p. 445. La raison invoquée se déduit de la triple fin que se pro­ pose la loi : soumettre tous les pécheurs à la pénitence, préparer dignement à la communion pascale, permettre au pasteur de reconnaître ses brebis. Cf. Pierre de Tarentaise, In IV Sent., dist. XVII, q. n, a. 4, p. '193; S. Pierre Célestin, Opusculum, VIII, c. ix, dans Maxima biblioth. veterum Patrum, Lyon, t. xxv, p. 828; Richard de Middletown, op. cit., a. 2, q. iv, p. 249. 90S Cependant Guillaume d’Auxerre avait défendu déjà la thèse contraire, op. cit., 1. IV, fol. 271, et saint Thomas, tout en se prononçant pour l’obligation universelle de la confession pascale, avait donné comme probable « cette opinion de quelques-uns », en faisant remar­ quer que le concile de Latran en exigeant la confession de tous les péchés, omnia peccata, ne devait pas com­ prendre sous cette dénomination les péchés véniels, car il est bien impossible de les accuser tous. In IV Sent., q. nt, a. I, p. 3, sol. 3°, ad 3“m. Scot se montra plus catégorique ; Quantum capio ex statutis Eeclesiæ ge­ neralibus nullus tenetur ad confessionem venialium in quocumque casu. Op. cil., q. i, n. 25, p. 293. Cette doctrine ne tarda point à prévaloir entièrement dans l’École. Pierre de la Palue ne reconnaît même pas au pape le pouvoir d’obliger les fidèles à l'aveu des fautes légères, car ce. serait changer ainsi la matière du sacre­ ment. Op. cit., q. t, a. 5, loi. 77. Ct. Denys le chartreux, Summa fidei, a. 123, q. ni, p. 288; Adrien d’Utrecht, op. cit., 1. IV, fol. 250. Cette doctrine communément reçue à l’époque du concile de Trente, cl. Medina, op. cit., q. v, VI, p. 155456, a été indirectement sanctionnée par les déclarations du concile spécifiant que le décret de 1215 détermine seulement l’époque à laquelle le précepte divin revêt un caractère d’immédiate obligation et que ce précepte, par ailleurs, n’astreint qu’à la confession des péchés mortels. Denzinger, n. 780. Ct. Suarez, op. cit., disp. XXXVI, sect, n, n. 8, p. 751. Malgré l’opinion de Soto, op. cit., dist. XII, q. i, a. 11, et bien que ce fût la coutume en certains pays de n’ad­ mettre les entants à la confession qu’à partir de l’àge de douze ans, les théologiens sont unanimes, dès le xin' siècle, à regarder comme soumis au précepte qui­ conque, ayant atteint l'âge de discrétion, s’est rendu coupable de faute grave. Le concile de Trente a spéci­ fié expressément ce point : Cum ad annos discretionis pervenerint. Denzinger, η. 780. c) Le choix du confesseur. — On vit se produire la même confusion dans les esprits et les mêmes contro­ verses s’élever au sujet de l'obligation imposée aux fidèles, par le décret d’Innocent IV, de se confesser chaque année à leur propre prêtre. Il n'est pas douteux qu’une opinion rigoriste très répandue n'ait voulu reconnaître dans l'expression proprius sacerdos, le seul curé de la paroisse, à l’exclu­ sion de tout autre prêtre, même de l’évéque, même d·. pape. Guillaume d’Auvergne, Supplementum tractat· novi de pænitentia, c. xxm, Opera, Paris, 1674, t. n. p. 243, favorisait nettement cette interprétation, que Guillaume d’Auxerre avait défendue à outrance. Il sup­ pose même le cas où une jeune fille aurait des risques à courir, et même alors il croit devoir maintenir 1 précepte. Dicunt magistri et bene quod si instet di· : paschæ debet illa virgo confiteri sacerdoti suo quam ecclesia plena est populo vel debet ducere secum pa­ trem et matrem, ne sacerdos possit ei inferre aliquai violentiam. Summa aurea, 1. IV, Paris, 1500, fol. 27: Les théologiens appartenant aux ordres religieux r tardèrent pas à s’élever vigoureusement contre cet: interprétation arbitraire et ces injustes prétentions qi lésaient les droits des réguliers. Alexandre de llaletoutefois, n’ose encore dirimer absolument la question Despondeo sine præjudicio melioris sentenliæ quo summus pontifex, similiter el alii superiores post·· licentiare aliquem ut confiteatur cui voluerit. Op. ea q. xix, m. i, a. 1, p. 597. Cl. Albert le Grand, In IV Sei· ■ I. IV, dist. XVII, a. 42, Opera, Paris, 1894, t. xxr p. 731. Dans un traité particulier, saint Bonaven:; : eut à établir que le propre prêtre n’est pas seulem. r le curé de la paroisse, mais quiconque a la missi ~ spéciale de gouverner les fidèles : le pape pour lot l'Eglise, l'évêque dans son diocèse, le curé dans 909 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) paroisse, et, pour la part qui leur est assignée, les prêtres qui ont été investis d'une délégation canonique. Opusc., XIV, Quare fratres minores prædicent et con­ fessiones audiant, η. 8, Opera, Quaracchi, 1898, t. VIII, p. 376. Λ plusieurs reprises, saintThomas, tout en con­ seillant de se confesser chaque année au curé de la paroisse, dut combattre la même erreur. Alii dicunt quod nullus potest etiam auctoritate superioris prælali absolvere subditum inferioris prielali contra vo­ luntatem ipsius, pula non potest auctoritate episcopi contra voluntatem parochialis aliquem absolvere. Hoc etiam est erroneum. Quodlib., XII, q. xix, a. 30. Cf. In IV Sent., dist. XVII, q. m, a. 3, n. 4, sol. 4«; Opusc., XVI, c. vt; Richard de Middletown, op. cit., a. 3, q. 1, n, p. 254; J. Launoi, Explicata Ecclesiæ traditio circa canoneni « Omnis utriusque sexus », dans Opera, Genève, t. i, p. 371-387. Mais les erreurs qui se compliquent de questions personnelles, sont vivaces. Au milieu du xiv· siècle, Thomas de Strasbourg se voyait encore obligé de rap­ peler que le pape est le propre prêtre de chaque fidèle. In IV Sent., 1. IV, dist. XVII, q. il, a. 1, Gènes, 1585, t. iv, p. 126. Exception était faite toutefois, en faveur du pénitent, dans certains cas difficiles : si le curé pas­ sait pour n’ètre point fidèle au secret de la confession ou aux lois de la chasteté, si son ignorance était notoire ou s’il y avait quelques craintes sérieuses d’encourir ses colères, les plus rigides moralistes autorisaient alors les paroissiens à s'adresser à un autre confesseur, après avoir demandé la permission au curé ou à l’évéque. Guillaume de Paris, De sacramento pænitentiæ, c. Il, Opera, t. I, p. 452, 457. Il est à remarquer que les théologiens du xm’ et du xiv» siècle, rigoristes et autres, sont à peu près tous d’accord pour exiger que l'autorisation de recourir à un autre confesseur pour la confession annuelle fût sinon obtenue, du moins demandée au curé de la paroisse. Si l'autorisation est refusée, il faut recourir au supérieur, et si ce recours est impossible ou infructueux, il ne reste plus, dit saint Thomas, qua se confesser â un laïque. In IV Sent., dist. XVI, q. m, a. 3, n. 5; dist. XVII, q. m, a. 3, n. 4; dist. XIX, q. i, a. 3, n. 2, ad 1"“. Cf. Jean Bacon, In IV Sent., dist. XV, q. il, a. 2, Crémone, 1618, p. 412; Jean de Fribourg, De sacramentis pænitentiæ, ordinis el matrimonii, Rome, 1619, 1. III, § 14, p. 449. Cet usage finit par tomber en désuétude en même temps que s’affirmait de plus en plus le droit du péni­ tent de s'adresser pour la confession annuelle, comme pour les autres confessions, à tout prêtre ayant juridic­ tion. Cf. Medina, op. cil., q. n, p. 300. Cependant l'opi­ nion de Richard de Middletown, dist. XVII, a. 3, q. III, p. 256, soutenue également par Pierre de la Palue et Adrien d'Utrecht, loc. cil., et permetlant de s’adresser en pareil cas à n'importe quel confesseur étranger, gardait toujours ses défenseurs. Dominique de Soto s'élève vivement contre elle. Opinio bæc falsa est et nisi patronorum autorités obstaret, fortasse pejori nomine digna propter periculum quod offert perver­ sionis ecclesiastici ordinis. Dist. XVIII, q. iv, a. 2, p. 463. Sans doute Dominique de Soto n’a point tenu suffisamment compte des coutumes locales dont la di­ versité, en matière de juridiction, pourrait suffire à expliquer la diversité des avis. Cf. Fr. de Victoria, Summa sacramentorum Ecclesiæ, n. 150, Barcelone, 1572. p. 103. 2. Confession exigée arant la réception des sacre­ ments. — Un assez grand nombre de scolastiques im­ posent au pécheur l'obligation accidentelle de se con­ fesser avant la réception, la confection et même I administration d'un sacrement. Cf. Pierre d'Aurioï. q. I. a. 2, p. 145; Pierre de la Palue, q. n, a. 5, fol. 78; Adrien d’Utrecht. I. IV, q. m, fol. 235. Saint Thomas n'avait mentionné, outre la communion, 910 que le sacrement de l'ordre, Quodlib., I, a. 11, et cette doctrine reprise par Thomas de Strasbourg, q. Il, a. 4, р. 128, était admise comme certaine à l’époque du con­ cile de Trente. Encore est-il juste de remarquer que la confession, précédant les ordres sacrés, ne doit être considérée comme obligatoire qu'en raison de la com­ munion eucharistique dont l’ordinand est tenu de s'ap­ procher. Cf. Grégoire de Valentia, q. ix, p. iv, col. 1436. Au moyen âge, tous les conciles qui recommandent la pratique de la communion aux grandes fêtes de l’année, prescrivent alors la confession. Cf. Hartzheim, Concilia Germanite, t. 111, p. 692; t. v, p. 525; Statuta synodalia Joannis, episcopi Leodiensis, anno 1187 edita, с. xliii, xi.x; Labbe-Coleli, Concilia, t. ix, n. 10, p. 27; Bail. Summa conciliorum omnium, t. il, p. 807, etc. Voir Communion, col. 504, 527. Nombre de statuts synodaux obligent les fidèles à produire un billet de confession s’ils ne s'adressent pas, pour la communion, au prêtre qui a reçu leuraveu. Cf. Binterim, Deutsche Concilie», t. v, p. 288. La question s’est posée, peu avant le concile de Trente, de savoir si cette obligation est de droit divin ou si elle se réduit à une prescription ecclésiastique. Le domini­ cain Barthélemy Spina (j- 1546) a essayé d'établir, dans une dissertation spéciale, l’origine divine de ce précepte. De necessitate confessionis ante sacram communionem, Venise, 1530, p. 5-8. Mais ni le texte de saint Paul, I Cor., xi, 38, ni la pratique générale de l’Église ne peuvent être invoqués comme arguments valables. Cajetan ne reconnaissait dans cette loi qu’un précepte ecclésiastique d'origine relativement récente, Opusc., et Medina l’expliquait par la coutume peu à peu introduite dans l’Église. De confessione, q. xvn, Salamanque, 1550, p. 195. Il ne semble même pas que cette prescription ou cct usage fussent absolument établis dans la seconde moitié du xm' siècle. Saint Bonaventure exprime son senti­ ment personnel sous une forme atténuée, en discutant le cas du prêtre qui n’est pas tenu de célébrer et qui se sent coupable de péché grave : non credo quod bene facial celebrando sive accedendo. Dist. XIII, dub. I, p.311. Le concile de Trente se contente simplement, pour défendre contre les attaques des protestants cette obli­ gation, de rappeler le précepte de saint Paul et d’invo­ quer l'interprétalion traditionnelle fournie par la pra­ tique de l’Église. Quare communicare volent! revocandum est in memoriam ejus præceptum : Probet au­ tem seipsum homo. Ecclesia­ stica autem consuetudo declarat eam probationem necessariam esse ut nullus sibi conscius mortalis peccati, quantumvis sibi contritus videatur, absque præmissa sacramentali confes­ sione ad sacram eucharistiam accedere debeat : quod a Chri­ stianis omnibus, etiam ab iis sacerdotibus, quibus ex officio incubuerit celebrare,bæc sancta synodus perpetuo servandum esse decrevit, modo non desit illis copia confessoris; quod si necessitate urgente, sacerdos absque prævia confessione celebraverit, quamprimum con­ fiteatur. Sess. XIII, c. vn.Dcnzinger, n. 761. Aussi à qui veut communier faut-il remettre en mémoire le précepte : Que l'homme s'éprouve lui-méme. Mais l'usage de l’Église atteste qu'il est nécessaire de s'éprouver de telle sorte que, si on se sent coupable de péché mortel, quelle que soit la contrition qu’on en ressente, il ne soit pas permis de s'approcher de la sainte eucharistie sans avoir préalablement reçu dans la confession sacramentelle le pardon de sa faute: ce précepte, le saint concile décrète qu’il sera observé â perpétuité non seulement par tous les chré­ tiens, mais encore par les prètres à qui incombe l'obligation de célébrer, pourvu qu'ils aient un confesseur à leur disposition ; si le prêtre, en cas de néces­ sité urgente, a célébré sans avoir été h confesse, qu'il s’acquitte au plus tôt de ce de­ voir. De la formule toute spéciale employée par le concile, on a conclu parfois à une pure déclaration du droit divin 911 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) faite pratiquement par l’Église et fixant dés lors le sens du texte paulinien. Suarez, qui adopte cette opinion, ne lui attribue cependant qu'un caractère de probabilité. Op. cit., disp. LXVI, sect, ni, n. 9, p. 409 sq. 11 semble plus naturel de penser que, sans modifier en rien le sens absolument général du précepte de saint Paul, la coutume ecclésiastique a simplement déterminé la façon particulière dont il convenait d'observer ce précepte, pour assurer plus efficacement une digne el fructueuse réception du sacrement eucharistique. La question dogmatique reste donc indécise. De même, le choix de l’expression : Statuit atque declarat, dans le canon II de la même session, ne peut être considéré comme impliquant une définition doc­ trinale, ainsi que l’ont imaginé quelques théologiens contemporains du concile. Melchior Cano, Belectiones de pænitentia, p. v. p. 400. Dans son sens le plus obvie, le texte doit s'entendre d’une nouvelle et solennelle affirmation d’une obligation préexistante et absolue, imposée à toute l’Église en vertu non seulement de la décision conciliaire, mais d’un usage universel ayant force de loi, et dés lors indépendante de toute promul­ gation locale du présent décret. Cf. Suarez, loc. cit. Et, ne tantum sacramentum indigne, atque ideo in mortem et condemnationem sumatur, statuitatque declarat ipsa sancta synodus, illis, quos conscientia peccati mortalis gravat, quantumcumque etiam se contritos existiment, habita copia confesseris necessario promitten­ dam esse confessionem sacramentalem. Si quis autem con­ trarium docere, prodicare, vei pertinaciter asserere, seu etiam publice disputando defendere præsumpserit, eo ipso excommunicatus existât. Denzinger, n. 773. Et pour qu’un si grand sacre­ ment ne soit pas reçu indigne­ ment, c’est-à-dire pour la mort et la condamnation, le saint concile décrète et déclare que ceux qui ont la conscience char­ gée d’un péché mortel, quelle que soit la contrition dont ils se croient animés, sont tenus de s’approcher auparavant du sa­ crement de pénitence, s’ils ont un confesseur à leur disposition. Si quelqu'un ose enseigner, prêcher, ou affirmer obstiné­ ment le contraire, ou même le défendre dans des discussions publiques, qu’il soit par le fait même excommunié. Quant à l’obligation de recourir à la confession, si le sacrement de pénitence est un indispensable moyen, pour le pénitent, d’éviter les rechutes, elle rentre évi­ demment dans les prescriptions du droit naturel. Jean Médina, op. cit., q. x, p. 176 sq. III. Réitération. — La question n'est plus, au début du Xlll· siècle, de savoir si le sacrement de pénitence peut être reçu une seconde fois pour obtenir le pardon de fautes nouvelles, mais si un aveu nouveau des fautes anciennes est licite de soi et, dans certains cas, obliga­ toire. Tel est le sens dans lequel il faut désormais entendre ce terme de réitération. Est-on obligé de recommencer sa confession^! — Une doctrine rigoriste et anonyme, assez largement accréditée au Xlll· siècle, prétendait obliger les fidèles à renouve­ ler chaque année ou après chaque rechute l'aveu de tous les péchés passés, sous le prétexte que le sacre­ ment de pénitence étant essentiellement constitué par une sentence judiciaire, il était impossible au prêtre de formuler son jugement sans cette connaissance adé­ quate des. fautes antérieures. Combattue par Guillaume d’Auvergne, qui faisait observer à bon droit que l’efiicacité du sacrement de pénitence tient beaucoup plus à son caractère objectif et sacramentel qu’au jugement subjectif du confesseur. De sacram, pænit., c. xix, p. 500, on voit celte opinion persister, du moins en partie, jusqu'au siècle suivant. Alexandre de Halés la réprouve dans l'ensemble, mais sans se prononcer d'une façon définitive. Sine præjudicio dicendum quod non quilibet tenetur singulis annis universaliter singula peccata confiteri, q. xvni, m. iv, a. 4, p. 587. Il admet toutefois que si tous les ans on retombe dans le péché et que l’on s'adresse 912 chaque fois à un autre confesseur, il y a obligation de revenir sur l'aveu des fautes passées. Il reconnaît éga­ lement au curé, pour arriver à une connaissance plus intime de ses ouailles, le droit d’imposer parfois au pé­ nitent une confession de sa vie passée. Dicendum ergo quod proprio sacerdoti qui immediate habet curam anima: suæ, tenetur semel omnia peccata confiteri, si fuerit requisitus : nisi obstet aliquid speciale. Ibid. Saint Bonaventure déclare que les docteurs de son temps restent partagés sur la question de savoir s’il est nécessaire, en cas de rechute, de recommencer inté­ gralement la confession précédente. Les uns main­ tiennent pareille obligation; les autres estiment qu’il suffit d'énumérer dans le détail les péchés du genre de ceux dans lesquels on est retombé, en accusant le reste en général; les plus modérés, et saint Bonaventure se range à leur avis, ne requièrent qu’une accusation gé­ nérale des fautes de même espèce que les péchés de rechute. In IV Sent., dist XV11I, p. i, dub. iv, p. 464. Même obligation dans le cas ou le pénitent aurait oublié un péché grave en confession. Ibid., dist. XXI, p. it, a. 1, q. t, p. 561. Très nettement, saint Thomas prit parti contre ces exagérations, sans toutefois s’en dégager absolument. Dans les cas de rechute, le pénitent n’est tenu, d’après lui, touchant ses fautes antérieures, qu’à une déclara­ tion d’ordre général suffisant à éclairer le confesseur sur la pénitence à imposer. In IV Sent., dist. XXII, q. i, a. 4. Si une faute a été oubliée dans la confession précédente, il suffit d'accuser cette faute directement et de rappeler sous une formule générale les autres péchés. Sufficit quod hoc peccatum con/itens dicat explicite et alia in generali dicendo quod cum alia multa confi­ teretur, hujusmodi oblitus fuit. Ibid., dist. XVII,q.n, a. 4, n. 2, ad 3“m. Déjà Pierre de Tarentaise, q. n, a. 5, p. 195, ne men­ tionne plus l'obligation de revenir ainsi sur l’aveu des fautes effacées par l'absolution. Mais, à la suite d'Albert le Grand, Compend. lheol., I. VI, c. xxv, p. 488. il si­ gnale le cas ou le pénitent, soit par mépris, soit par négligence,soit par oubli, n'aurait pas accompli la péni­ tence imposée par le confesseur. Il serait tenu alors de réitérer sa confession. De même encore si le pécheur s’est adressé à un prêtre trop ignorant pour formuler son jugement, et saint Pierre Célestin ajoute, avec d'autres théologiens, si le pénitent avait sur la cons­ cience, lors de sa dernière confession, des péchés ré­ servés. Opusc., VIII, c. vil, p. 828. Au xiv· et au xx· siècle, Jean Bacon, dist. XVI, q. i, a. 3, p. 419, et Gerson se font encore les tenants de celte doctrine. Cf. La confession de maislre Jehan Jarçon, fol. 2. Ces directions pratiques ne sont pas sans intérêt au point de vue doctrinal : elles montrent quelle concep­ tion outrée régnait dans la théologie médiévale sur le rôle de la satisfaction dans l’œuvre pénitentielle et sur le caractère judiciaire du sacrement. Ces vues, toute­ fois, n’étaient point universelles. Saint Thomas discute l’opinion soutenant que même en cas de rechute le pénitent n’a pas à revenir, pas plus en général qu'en particulier, sur l’aveu des fautes passées. Dist. XXII, q. t, a. 4. Richard de Middletown applique la même doctrine à ceux qui auraient eu, dans la précédente confession, des cas réservés. Dist. XVII, a. 2, q. vm, p. 252. De plus en plus s’affirma la doctrine universellement admise à l'époque du concile de Trente, qui impose au pénitent l’obligation de compléter seulement les con­ fessions précédentes, si elles ont été incomplètes, mais valides, et de les réitérer, si elles ont été invalides. Cf. Fr. de Victoria, n. 166, p. 112. Benoit XI. par la cons­ titution Inter cunctas, établit que les péchés confessés une fois et remis ne doivent être en aucun cas néces­ sairement soumis une seconde fois au pouvoir des 913 le iis '0 ?» si tt n 4 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) clefs. Extravag. comm., 1. V, tr. VIT, c. I. Et le con­ cile de Trente a confirmé cette doctrine en déclarant que seules devaient être accusées les fautes dont le pénitent sentait sa conscience coupable. Sess. XIV, c. v, Denzinger, n. 779. Cf. Suarez, disp. XXII, sect, vi, n. 2, p. 495. IV. Matière et intégrité. — La théologie scolastique a distingué soigneusement dès l’origine entre la matière nécessaire et la matière suffisante de la confession, de même entre l’intégrité matérielle et l’intégrité formelle. 1° Matière nécessaire. — I. Péchés mortels. — Que la confession ait pour objet premier et indispensablement requis les péchés graves commis par le pénitent, secrets ou publics, c'est un point qui n'a été contesté, et ne pouvait l’étre, par aucun théologien, car il appartient à la doctrine catholique, au même titre que le dogme de la nécessité même de la confession. Mais il ne suffit pas d’avouer ses péchés en général. Puisque la confes­ sion est la condition obligée du pardon de la faute, il est indispensable d’accuser la faute telle qu’elle est, avec sa malice propre, c’est-à-dire dans son espèce, et comme chaque faute en particulier macule d’une tache nouvelle lame qui s’en est rendue coupable et mérite un châtiment particulier, il faut dire également le nombre de ses péchés. Le sacrement de pénitence étant un acte judiciaire suppose et exige ces déclarations essentielles. Cf. S. Thomas, In IV Sent., dist. XVII, q. n, a. 3, n. 2, ad 4“'“; a. 4, n. 3; Opusc., I, c. iv; VU, a. 6; Robert de Sorbon, Tractatus super confes­ sione, dans Biblioth. Patrum, Lyon, t. xxv, p. 356; Richard de Middletown, dist. XVII, a. 3, q. IV, p. 257; Pierre d’Auriol, dist. XVII, q. i, a. 2, p. 145; Pierre de Bassols, dist. XVII, q. Il, fol. 94; Cajétan, De materia confessionis, q. iv, Opusc., fol. 37; René Benoist, Catho­ lique discours de la confession sacramentelle, Paris, 1566, p. 13-14. Est-on tenu d’accuser aussi les péchés douteux? Les anciens scolasliques n’ont pas accordé grande attention à ce point, qui devait être discuté surtout après les dé­ clarations doctrinales du concile de Trente. Mais pour la plupart il serait facile de conclure de leurs principes tutioristes qu'il y avait obligation pour le pénitent de les accuser. Saint Bonaventure déclare qu'un péché douteux doit etre confessé comme douteux, mais qu'il faut s’en repentir comme s’il était réellement grave et l’expier comme tel. El tunc mens assecuratur et in nullo veritati præjudicatur. In 1 V Sent., dist. XXI, p. n, a. I, q. n, ad 4um, p. 564. Saint Thomas enjoint également de déclarer comme douteuse une faute dont la gravité reste douteuse pour le pénitent. Quia qui aliquid committit, in quo dubitat esse mortale peccatum, peccat mortaliter, discrimini se committens. Dist. XXI, q. i, a. 3. C’est la règle de con­ duite qui dirigera les théologiens de l’âge suivant. Cf. Pierre de la Palue, dist. XVI, q. Il, a. 1, fol. 78; Domi­ nique de Soto, dist. XVIII, q. Il, a. 4, p. 440. Voir aussi Theologia dogmatica, dite de Wurzbourg, Paris, 1880, t. x, p. 184. 2. Circonstances aggravantes. — Loin de trouver dans l’Eglise, au moyen âge, une tendance à atténuer les obligations du pénitent, on remarque plutôt, et dans la plupart des grands docteurs, une propension à les rendre plus austères encore, en statuant que non seu­ lement les péchés graves, mais aussi les circonstances aggravantes de ces mêmes péchés, doivent être révélés • n confession : épineux sujet, qui n'a cessé, du concile de Latran au concile de Trente, de soulever les plus vives discussions. Guillaume d’Auxerre, visiblement, se rendait compte des graves difficultés inhérentes à cette thèse outrée et cherchait déjà une formule conciliante en déclarant qu’on est tenu d’accuser les circonstances qui, notablement et nettement, aggravent le cas du pécheur, omnes circumstantias quæ graviter et aperte 914 aggravant peccatum. L. IV, q. Il, fol. 270. Guillaume d’Auvergne, plus rigide, pose en principe qu'il faut déclarer toutes les circonstances aggravantes. Supple­ ment. tract, novi de pænit., c. xxm. p. 242. Enfin, à côté de ces deux opinions et sans se prononcer théori­ quement lui-même, Pierre de Tarentaise signale la doc­ trine, qu’il dit plus commune, mais moins sûre, de ceux qui rejettent simplement pareille obligation. Secun­ dum alios vero communius, sed non tutius opinantes, non oportet, quia sufficit innotescere quantitatem peccati in specie, nec oportet secundum totam quanti­ tatem peccati, pænitentem taxare. Dist. XVII, q. n, a. 4, p. 193. Ces trois opinions, nettement posées dés le début, devaient se partager inégalement les esprits. La thèse rigoriste de Guillaume d’Auvergne trouva peu d'adhérents nettement résolus : pratiquement, elle se heurtait à d’insurmontables difficultés. Elle eut pour­ tant, dans Alexandre de Ilalès, un défenseur de haute marque. « Pour taxer la pénitence, il faut, dit-il. con­ naître la qualité des fautes. Mais serait-ce possible, si on ne connaissait les circonstances? » Dès lors le péni­ tent est tenu de déclarer s’il a commis le péché d’im­ pureté un jour de jeune ou un jour de fêle ecclésias­ tique, q. xvm, m. iv, a. 3, § I, p. 579. Toutefois les simples fidèles ne sont soumis à cette loi que dans le cas où ils seraient interrogés par le confesseur ou bien si par ailleurs ils sont instruits de cette obligation. S 3, р. 581. Rien de plus complexe pour le pénitent, même instruit, que la solution du problème. Albert le Grand n’énumère pas moins de quinze circonstances qui peuvent aggraver la faute : Aggravat ordo, locus, mera causa, scientia, tempus, Lucta pusilla, modus, culpa, genus et status altus, Conditio, numerus, ætas et scandala, sexus. Lui-même est d’avis qu’il est plus sûr d’accuser ses fautes avec ce luxe de détails. Compendium theol.,1. VI, с. xxv, p. 487. A cette énumération, Robert de Sorbon ajoute une seizième circonstance, à savoir si le péché a été commis avec un plaisir intense, cum magna libi­ dine. Tract, super confessione, p. 359. Au siècle suivant, après Richard de Middletown, dist. XVI, a. 3, q. v, p. 257, Jean Bacon applique encore à sa doctrine la même rigidité. Debet exprimi sexus, quia magis vir quam mulier peccat. Dist. XVI, q. i, a. 1, p. 418. Cf. Pierre d’Auriol, dist. XVII, q. l, a. 4, p. 149. Mais de plus en plus, cette théorie est abandonnée et l'Ecossais Jean Mayr (Major) (7 1540) est un de ses derniers tenants. In IV Sent., dist. XVII, q. iv, Paris, 1516, fol. 131. Le rigorisme mitigé de Guillaume d’Auxerre rencontre de plus larges sympathies. Pierre de Tarentaise admet, comme étant le parti le plus sûr, l’obligation pour le pénitent de déclarer les circonstances notablement ag­ gravantes. Dist. XVII, q. 11, a. 4, p. 193. Duns Scot, dist. XVII, q. 1, n. 21, p. 292, se rallie, assez timide­ ment d’ailleurs, à cette doctrine, que soutiennent éga­ lement Gilles de Rome, c. xxv, p. 295, et Jean de Fribourg, De sacramentis pænitentiæ, ordinis et matrimonii, 1. Ill, § 13, Rome, 1619, p. 448. Au XVIe siècle, cette thèse était de plus en plus abandonnée. François de Victoria n'ose ni la combattre ni la défendre. Summa sacramentorum Ecclesiæ, n. 177, Barcelone, p. 120. Melchior Cano, qui s’y rallie encore, exprime son grand embarras, in re vehementer ambigua. L au­ torité de saint Thomas, qui lui est contraire, pèse d’un grand poids sur sa décision ; mais il se rassure en pen­ sant que l’ange de l’Ecole, s’il avait pu metire la der­ nière main à sa Somme, aurait modifié sur ce point son premier sentiment. Nam Divus Thomas, ut mea fert opinio, sententiam retractasset, si tertiæ parti extremam manum imposuisset. Atque olim juvenis opiniones sæpe communes sui sæculi sectabatur. De 915 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) sacramento pænitentiæ, p. v, Milan, 1580, p. 70. Mais précisément c’était là un argument de plus contre la thèse,et Dominique de Soto, touten se prononçant dans le même sens que Cano, reconnaît que la doctrine adverse ralliait de son temps, comme au temps de saint Thomas, l'immense majorité des suffrages. Dist. XVI11, q. u, a. 4, p. 440. La doctrine qui libérait le pénitent de toute obligation d’accuser les circonstances aggravantes avait pour elle les plus graves autorités comme les raisons les plus décisives. Saint Bonaventure résumait ainsi son senti­ ment : Confessio circumstantiarum speciem mutan­ tium necessaria est, aggravantium est congrua, alle­ vantium vero potius incongrua. Dist. XVII, p. tti.a. 2, q. in, p. 402. A plusieurs reprises, saint Thomas revient sur ce point pour l'élucider. D’après lui, seules les cir­ constances qui vont directement contre une prohibition spéciale, doivent être soumises à confesse, parce que seules, si la loi oblige gravement, elles ajoutent au péché un caractère de malice qui va jusqu'à l’intini, c’est-à-dire qui entraîne la privation de la lin dernière. Dist. XVI, q. iv, a. 2, n. 4; De malo, q. il, a. 8. Mais aucune circonstance, comme telle, n’aggrave le péché à ce point. Sum. theol., 11*11», q. ex, a. 4, ad 5um. Cf. In IV Sent., dist. XVI, q. n, a. 2, n. 4, ad5"m; Opusc., VII, a. 6. Cette thèse eut cependant quelque peine à prévaloir dans les écoles. Durand de Saint-Pourçain la mentionne en laissant à ceux qui la défendent toute res­ ponsabilité. Dist. XVI, q. iv, n. 5, p. 291. Mais au xv· siècle, Nicolas d'Osimo la fait sienne résolument. Supplementum ad summam Pisellanam, n. 4, Venise, 1481, fol. F*. Également adoptée par Adrien d’Utrecht, dont les déclarations sont absolument catégoriques, 1. IV, fol. 252, puis par Medina, De pænitentia, tr. Il, q. vit, Brescia, 1590, p. 150, cette doctrine était com­ mune dans l’Ecole à l’époque du concile de Trente. Voir t. I, col. 574-575. 2° Matière suffisante. — 1. Pêches véniels. — Quelques théologiens,contre lesquels s’élèveGuillaumed’Auxerre, l. IV, fol. 271, avaient enseigné au xn· siècle qu’il est nécessaire d’accuser en confession les fautes vénielles en même temps que les fautes graves. On retrouve encore cette théorie vers la fin du xm· siècle, et saint Pierre Célestin lui-méme, en vertu de ses principes tulioristes, se rallie à cette opinion comme à une doc­ trine assez généralement répandue. Quæres an peccata venialia sint confitenda? Credo tutius quod utriusque generis peccata, licet quidam aliter dixerint, sacer­ dotibus sunt pandenda. Opusc., VIII, q. n, c. ix, dans Maxima bibliotheca veterum Patrum, Lyon, t. xxv, p. 828. Ce sentiment ne fut jamais celui des grands théolo­ giens de l’Ecole. Alexandre de Halés reconnaît l'utilité, mais non la nécessité d’un pareil aveu, dist. XVIII, m. iv, a. 2, § 5, p. 574, et saint Bonaventure conseille de pratiquer ce genre de confession. Dist. XVII, p. ni, a. 2, q. 1, p. 458. « Les fautes légères, dit saint Thomas, sont vénielles de leur nature : la pénitence intérieure suffit à les expier. » Cf. Opusc., VII, a. 7; In I V Sent., 1. IV, dist. XVI, q. n, a. 2, n. 3; ibid., q. lit, a. 2, n.5; LI,dist. XVII, q. ni, a. 1,n. 3. La plupart des docteurs admettaient pourtant une obligation accidentelle pour les pénitents de confesser les fautes vénielles, lorsqu’ils n’avaient point de péché grave sur la conscience et qu’ils avaient à se soumettre au précepte de la confession annuelle. Cf. Pierre de Tarentaise, dist. XVII, q. it,a.4, p. 193. Voir col. 907. Duns Scot repousse toute obliga­ tion de ce genre. Quantum capio ex statutis Ecclesiæ generalibus nullus tenetur ad confessionem venialium in quocumque casu. Dist. XVII, q. 1. n. 25, p. 293. Cette doctrine ne tarde pas à être universellement adoptée. Cf. Pierre de la Paine, dist. XVI. q. n, a. 2, fol. 78; Jean Mayr, dist. XVII, q. Il, fol. 129. 91G Mais bien qu’il fût possible d'obtenir la rémission des péchés véniels par d'autres moyens que la confession, les théologiens ne cessèrent de recommander, comme le plus excellent de tous les moyens, l'aveu sacramentel, qui coûte davantage à la nature et qui est par lui-même, dans le sacrement, productif de la grâce. Cf. Denys le chartreux,!. III, a. 119, q. lit, p. 288; Adrien d’Utrecht, 1. IV, fol. 250; Cajetan, De confessione venialium et omnium mortalium, q. 1, Opuscula, p. 81. C'était admettre par là même que les péchés véniels sont ma­ tière suffisante de la confession sacramentelle. Seuls Luther et ses adhérents ont rejeté cette doc­ trine. De là l’erreur condamnée par Léon X dans la bulle Exsurge, Domine : Nullo modo præsumas confi­ teri peccata venialia. Denzinger, η. 632. 2. Pêchés déjà remis. — Les mêmes principes sont appliqués parles scolastiques à la confession des péchés déjà effacés dans les confessions précédentes. Saint Bonaventure recommande de soumettre ces fautes au pouvoir des clefs, afin d’obtenir une remise toujours plus grande de la peine et une sécurité plus absolue touchant leur propre rémission. Dist. XVII, p. Il, dub. vm, p. 449. Dans ce cas, le sacrement ne peut plus effacer la coulpe, qui n’est plus, mais seulement ce qui reste de l'expiation à subir. Aussi, en s'en tenant à ces données, saint Thomas remarque-t-il que le pé­ nitent peut réitérer ainsi ses confessions précédentes jusqu’à concurrence de la remise intégrale de la peine. Unde toties posset aliquis confiteri quod ab omni poena liberaretur. Dist. XVII, q. II, a. 3, n.5, ad 4unl; a. 5, n. 2. Au reste, il est impossible de considérer cette réi­ tération comme une injure faite au sacrement, puisque le sacrement de pénitence n’est pas de ceux qui exigent une matière préalablement soumise à une consécration ou qui impriment dans l’àme un caractère. Ibid. Cf. Opusc., II, c. IX. D'ailleurs, ce point fut nettement établi parla consti­ tution Inter cunctas de Benoit XL Après avoir déclaré que les pénitents ne sont nullement tenus, après avoir été absous par un régulier, de confesser de nouveau leurs failles à leur curé, le pontife ajoute que celte pratique ne peut être toutefois que profitable. Celerum licet de necessitate non sit, iterum eadem confiteri peccata, tamen, propter erubescentiam, quæ magna est pænitentiæ pars, ut e.orumdem peccatorum itere­ tur confessio, reputamus salubre, districte injungimus ut fratres ipsi conflentes attente moneant et in suis præd i cation ibus exhortenlur, quod suis sacerdotibus saltem semel confiteantur in anno, asserendo id ad animarum profectum procul dubio perlinere. Exlravag. comm., 1. V, tr. VII, c. i. Cf. Cajetan, Tract, de confessione, q. II, Lyon, 1558, p. 85. Aucune difficulté ne fut jamais soulevée dans l’École au sujet de cette doctrine. Quand les théologiens recommandent la confession fréquente, ils ne manquent pas de signaler tous les avantages qui résultent pour le pénitent de cette pratique, d’ailleurs fort répandue, d’accuser chaque fois les fautes déjà effacées. Cf. Tho­ mas de Strasbourg, dist. XVII, q. Il, a. 4, p. 128; Jean Baulin (fl515), Sermones quadragesimales, Paris, 1518, p. 116. 3° Intégrité. — 1. Intégrité matérielle. — Le pécheur est tenu en principe d’accuser au même confesseur tous les péchés graves commis depuis sa dernière confession valide et intégrale. La raison de cette loi, largement exposée par Alexandre de Halés, q. xvm, m. iv, a. 4, §6, p. 590, et reprise par saint Thomas, dist. XVII, q. m, a. 4, n. 2; cf. Opusc., I, c. ιν ; VII, a. 6, est dans le caractère juridique de la sentence prononcée par le confesseur et dans la nature de la grâce qui efface les fautes. Les péchés ne peuvent être remis séparément et le juge qui tient la place de Dieu doit connaître tous les délits pour pouvoir prononcer la sentence de rémis­ 917 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) sion. Cf. S. Bonaventure, dist. XXI, p. tt. a. 1, q. I, p. 461. Ce sentiment est unanime dans l’Église. Ci. Do­ minique de Soto, dist. XVIII, q. n, a. 3, p. 437 sq.; Noël Alexandre, Dissertatio polemica de confessione sacramentali, Paris, 1678, p. 52. 2. Intégrité formelle. — Pratiquement, l'intégrité matérielle de la confession peut être rendue impossible ou fort difficile à réaliser, soit par défaut de mémoire, soit en raison des inconvénients qui pourraient résul­ ter pour le pénitent ou pour un tiers de l'aveu de cer­ taines fautes, soit pour d’autres motifs signalés en détail par les moralistes. En pareil cas, les théologiens sco­ lastiques ont toujours enseigné que le pénitent n’est tenu qu'à une intégrité relative, à l'aveu des fautes dont il se souvient après un examen diligent et qu’il a phy­ siquement la faculté de déclarer; mais leur pensée a évolué singulièrement au cours des âges. Robert de Sorbon rappelle qu’il suffit de faire son possible pour évoquer le souvenir de ses fautes, fideli­ ter facere posse suum ad inquirendum, car Dieu n’en demande pas davantage. Tract, super confessione, dans Hiblioth. Patrum, Lyon, t. xxv, p. 358. Cl. Albert le Grand, Compend. theol., 1. VI, c. xxv, p. 488; Capreo­ lus, dist. XVIII, q. i, conci. 1, p. 217. C’est l’enseigne­ ment universel de l’Ecole. Tous les maîtres sont d’accord également, et en vertu du même principe qu’à l’impos­ sible nul n’est tenu, pour exempter, en tout ou en partie, de l’obligation de confesser intégralement leurs fautes ceux qui n’en auraient point la faculté phy­ sique, pénitents moribonds, muets, étrangers, incapables de se faire comprendre. Cf. S. Bonaventure, dist. XVII, p. n, dub. vi, p. 449. Encore, dans ce dernier cas, le pénitent serait-il tenu de prendre un interprète, suivant une opinion alors assez commune et que semble favoriser saint Thomas, dist. XVII, q. m, a. 4, n. 3. Pierre de la Palue, au siècle suivant, se contente d’émettre un doute sur l’existence de cette obligation, potest, sed forte non tenetur. Dist. XVI, q. n, a. 1, fol. 77. Voir, en sens contraire, Alexandre de Halés, q. xvm, m. iv, a. 4, § 1, p. 586. La théorie scoliste sur le mode secret de l’aveu sacramentel mettait en cause la validité même d'une semblable confession. Cf. Duns Scot, dist. XVII, q. i, n. 32, p. 295. Dans son ensemble, la doctrine concernant l’intégrité de la confession est plutôt rigide au moyen âge. Alexandre de Halés est presque seul, parmi les grands docteurs du XIIIe siècle, à soutenir que le pénitent n’est pas obligé de déclarer, avec ses autres péchés, les cas réserves, q. xvur, m. iv, a. 4, p. n, p. 586. Saint Thomas réadmet pas ce sentiment. Etiamsi sacerdos non possit de omnibus absolvere, tenetur omnia sibi confiteri, ut quantitatem culpae agnoscat, et de illis de quibus non potest absolvere, ad superiorem remittat. Dist. XVII, q. Ill, a. 4, n. 2, ad3ura. Saint Bonaventure conseille de s’adresser au supérieur pour la confession de toutes ses fautes; mais sion préfère s’adresser à un inférieur, on est tenu de lui déclarer aussi les péchés réservés. Te­ netur totum inferiori revelare, el peccatum illud quod superiori est confessus, et celera alia. Dist. XXI, p. n, a. 1, q. 1, p. 562. Cf. S. Pierre Celestin, Opusc., VIII, sect. Il, c. xm, p. 828; .lean Bacon, dist. XVI, q. 1, a. 3, p. 419. Dominique de Solo défend encore celte opinion. Dist. XVIII, q. n, a. 5, p. 448. C'est encore un point à peu prés universellement admis, jusqu’à Melchior Cano, que le pénitent est tenu à l’aveu d'une faute qu’il ne peut déclarer sans faire connaître au confesseur son complice. Cf. Alexandre de Halés, q. xviii, m. iv, a. 2, S 4, p. 572; S. Bonaventure, dist. XXI, p. n, a. 1, q. Ill, p. 565. Homo in confessione debet famam alterius custodire quantum potest, sed suam conscientiam magis purgare debet. Dist. XVI, q. in, a. 2. n. 5. Cf. Opusc., XII, q. VI; Henri de Gand, Quodlib., 111, q. III, fol. 80; Pierre de la Palue, dist. XVI, 91S q. ut, a. 3, fol. 79. La raison généralement invoquée à l’appui de cette doctrine, c’est que dans ce cas il n’y a point diffamation, l’intention n'étant nullement de nuire au prochain, mais de remplir intégralement le précepte de la confession. CL François de Victoria, n. 164, p. 112. Toutefois, il est enjoint au pénitent d’omettre, en dehors de l'accusation même du péché, toute indication qui serait de nature à dénoncer le complice. Guillaume d’Auxerre, I. IV, fol. 270. Si l’aveu du péché est susceptible de compromettre gravement les intérêts matériels ou spirituels du péni­ tent ou d’un tiers, par exemple s’il y avait lieu de re­ douter les indiscrétions ou le mauvais vouloir du con­ fesseur, le pénitent doit chercher un autre prêtre pour sa confession. Guillaume d'Auvergne, De sacram, pænitentiæ, c. Il, p. -457. Bien rares sont les théologiens du xnie et du xiv» siècle, qui permettent de passer sous silence ce péché. « Mieux vaudrait, dit en substance saint Thomas, si on n'a pas d'autre prêtre à sa disposi­ tion, se confesser à un laïque. » Unde magis debet eli­ gere laico confiteri. Dist. XVII, q. HI, a. 3, n. 4, ad 5“". Cependant Alexandre de Halès, q. xvm, m. iv, a. 4, § 6, p. 590, suivi en cela par Pierre de la Palue, dist. XVI, q. Il, a. 2, fol. 79, admet déjà que l'aveu d'une pareille faute n'est point obligatoire. A l’époque du concile de Trente, cette doctrine, au témoignage de Dominique de Soto, dist. XVIII, q. It, a. 5, p. 449, était admise de tous. Cl. Melchior Cano, De sacram, pænil., p. 76; Suarez, disp. XXIII, sect, n, n. 4, p. 514. Avec toute la précision désirable, le concile de Trente, sess. XIV, c. v, exposa d'ailleurs la doctrine de l’Église sur chacun de ces points. Préoccupé avant tout de main­ tenir, devant les attaques du protestantisme, les doctrines intéressant la foi, le texte conciliaire ne mentionne point les péchés douteux. En quel sens convient-il d'in­ terpréter ce silence?Les moralistes chercheront vaine­ ment, semble-t-il, à le déterminer. Ex his colligitur oportere α pænitcntibus omnia peccata mortalia, quorum post diligen­ tem sui discussionem conscien­ tiam habent, in confessione re­ censeri, etiamsi occultissima illa sint, et tantum adversus duo ultima decalogi prcccepla commissa, quæ nonnunquam animum gravius sauciant et periculosiora sunt iis, quæ in manifesto admittuntur. Nam venialia, quibus a gratia Dei non excludimur, et in qua? fre­ quentius labimur, quanquam recte et utilitercitraque omnem praesumptionem in confessione dicantur,quod piorum hominum usus demonstrat ; taceri tamen citra culpam multisque aliis re­ mediis expiari possunt. Verum, cum universa mortalia peccata, etiam cogitationis, homines irce filios et Dei inimicos reddant, necessum est, omnium etiam veniam, cum aperta et vere­ cunda confessione a Deo quierere. Colligiturprceterea, etiam eas circumstantias in confessione explicandas esse, quæ speciem peccati mutant ; quod sine illis peccata ipsa neque a pænitentibus integre exponantur, nec II suit de là que les pénitents doivent dire et déclarer tous les péchés mortels dont ils se sentent coupables, après une discussion exacte de leur cons­ cience, encore que ces péchés fussent tout à fait secrets et commis seulement contre les deux derniers préceptes du décalogue; ces sortes de pêchés étant quelquefois plus dange­ reux et blessant l'àme plus mortellement que ceux qui se commettent à la vue du monde. Pour les péchés véniels par les­ quels nous ne sommes pas ex­ clus de la grâce de Dieu et dans lesquels nous tombons plus fré­ quemment, quoiqu'il soit tort bien et utile, et hors de toute présomption de s'en confesser, comme l'usage des personnes pieuses le fait voir, on peut néanmoins les omettre sans offense el les expier par l'em­ ploi d'une foule d'autres rem· des. Mais comme tous les pé­ chés mortels, même ceux de pensée, rendent les hommes entants de colère et ennemis de Dieu, il est nécessaire de re­ chercher le pardon de tous au­ près de Dieu par une confession sincère et pleine de confusion. 11 suit de là en outre qu'il faut expliquer aussi dans la confession les circonstances qui changent l’espèce du péché, parce que sans cela les péchés ne sont pas entièrement exposés 919 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN’ AU CONCILE DE TRENTE) judicibus innotescant, et fieri nequeat, ut de gravitate crimi­ num recte censere possint et pœnam, quam oportet, pro illis pænitentibus imponere. Unde alienum a ratione est, docere circumstantias has ab homini­ bus otiosis excogitatas fuisse; aut unam tantum circumstan­ tiam confitendam esse, nempe peccasse in fratrem. Sed et impium est, confessionem, quæ hac ratione fieri præcipitur, impossibilem dicere, aut car­ nificinam illam conscientiarum appellare : constat enim nihil aliud in Ecclesia apænitentibus ex;gi quam ut, postquam quis­ que diligentius se excusserit, et conscientiæ suæ sinus omnes et latebras exploraverit, ea pec­ cata confiteatur quibus se Do­ minum et Deum suum morta­ liter offendisse meminerit; reliqua autem peccata, quæ di­ ligenter cogitanti non occurrunt in universum eadem confes­ sione inclusa esse intelliguntur : pro quibus fideliter cum pro­ pheta dicimus : Ab occultis meis munda me, Domine. Ipsa vero hujusmodi confessio­ nis difficultas, ac peccata dete­ gendi verecundia, gravis qui­ dem videri posset, nisi tot tantisque commodis et conso­ lationibus levaretur, quæ om­ nibus, digne ad hoc sacramen­ tum accedentibus, per absolu­ tionem certissime conferuntur. Denzinger, n. 779, 789. Can. 7. Si quis dixerit in sa­ cramento pænitentiæ ad remis­ sionem peccatorum necessa­ rium non esse jure divino confiteri omnia et singula pec­ cata mortalia, quorum memoria cum debita et diligenti præmeditatione habetur, etiam occulta et quæ sunt contra duo ultima decalogi præcepta, et circum­ stantias quæ peccati speciem mutant; sed eam confessionem tantum esse utilem ad erudien­ dum et consolandum pænilentem, et olim observatam fuisse tantum ad satisfactionem cano­ nicam imponendam ; autdixerit eos qui omnia peccata confiteri student, nihil relinquere velle divine misericordiæ ignoscen­ dum; aut demum non licere confiteri peccata venialia, ana­ thema sit. Denzinger, n. 795. par les pénitents ni suffisam­ ment connus des juges pour qu’une appréciation équitable puisse être faite de la gravité des crimes et de la peine qu'il convient d’imposer aux péni­ tents. C’est donc une chose étrangère à toute raison de publier que ces circonstances ont été inventées par des gens qui manquaient d’autre occu­ pation, ou bien qu’il suffit d’en déclarer une seule, comme de dire qu’on a péché contre son frère. Mais c’est une impiété d’ajouter que la confession telle qu’elle est prescrite en cette manière, est impossible ou de l’appeler le bourreau des cons­ ciences; car il est certain qu'on n'exige rien autre chose des pénitents dans l’Église, sinon que chacun, après s’ètre exa­ miné soigneusement et avoir exploré tous les recoins et replis de sa conscience, confesse les péchés qu’il se souviendra d’avoir commis mortellement contre son Seigneur et son Dieu. Pour les autres péchés qui ne se présentent point à l’esprit, après une recherche sérieuse, ils sont censés compris en gé­ néral dans la même confession et c’est pour eux que nous di­ sons en toute confiance avec le prophète : De mes crimes se­ crets, puriflez-moi, Seigneur. Il faut reconnaître pourtant que la confession, par la difficulté qu’on y rencontre et par cette honte, surtout, que l’on éprouve à manifester ses fautes, pour­ rait paraître un joug assez pe­ sant, s’il n’était rendu léger par tant de consolations et d’avan­ tages obtenus indubitablement, grâce à l’absolution, à tous ceux qui s’approchent dignement de ce sacrement. Si quelqu’un dit que dans le sacrement de pénitence il n’est pas nécessaire de droit divin pour la rémission de ses péchés de confesser tous, et chacun en particulier, les péchés mortels dont on peut se souvenir, après s’ètre examiné avec la diligence requise, même les péchés se­ crets et qui sont contre les deux derniers préceptes du décalogue, ainsi que les circonstances qui changent l’espèce du péché, mais qu’une telle confession est utile seulement pour l’instruc­ tion et la consolation du péni­ tent et qu’elle n’était en usage autrefois que pour imposer une satisfaction canonique; ou si quelqu’un soutient que ceux qui s’attachent à confesser tous leurs péchés, semblent ne vou­ loir rien laisser à pardonner à la miséricorde de Dieu ; ou enfin qu’il n’est pas permis de con­ fesser les péchés véniels, qu’il soit anathème. V. Mode de la confession et loi du secret. — Les anciens scolastiques énumèrent avec complaisance toutes les qualités que doit revêtir la confession : ces qualités sont au nombre de seize. Outre l’intégrité dont nous venons d'exposer les conditions, les seules qu'il importe 920 de relever ici, ont trait au caractère à la fois oral et secret de la confession. 1° La confession doit régulièrement être faite de vive voix. — Saint Bonaventure donne comme raison de ce précepte que la honte est plus grande. Tenentur proprio ore dicere propter meritum erubescentiæ. Dist. XVII, p. ii, dub. vi, p. 448. Saint Thomas découvre une raison plus profonde. Tous les sacrements, dit-il, ont une matière symbolisant de la façon la plus expres­ sive l’effet propre du sacrement. Dès lors, puisque la confession est comme la matière du sacrement de péni­ tence, étant l’acte qui soumet les péchés à la sentence du juge, il convient que cet acte soit aussi expressif qu’il peut l'étre et qu'il emprunte, à cet eflet, les res­ sources de la parole humaine. Dist. XVII, q. m. a. 4, n. 3. Aussi les anciens scolastiques sont-ils d'accord pour prohiber la confession écrite, hors les cas de né­ cessité, la nécessité n’ayant pas de loi. Habenteset usum sensuum et copiam sacerdotis nullatenus scripto rei nuntio confiteantur. Alexandre de llalès, dist. XVIII, m. iv, a. 5, $ 9, p. 594. Cf. Gilles de Rome, c. xxv, p. 296. Saint Thomas va jusqu'à contester la validité de la confession écrite, hors le cas de nécessité. Une autre conséquence de ces données est que la confession doit être faite en présence du prêtre hormis les cas de nécessité. Alexandre de Halés, loc. cit. Mais Richard de Middletown remarque justement qu’en aucun cas, vu surtout l'absence de précepte positif, on n’est tenu de se confesser à un prêtre absent, ce mode de confession par lettre ou par intermédiaire offrant les inconvénients les plus graves. Dist. XVII, a. 2, q. v, р. 250. Cf. Duns Scot, dist. XVII, q. I, n. 32, p. 295; Pierre de la Palue, dist. XVI, q. il, a. 5, fol. 79; Domi­ nique de Soto, dist. XVIII, q. il, a. 6, p. 451. 2° La confession doit être secrète. — Cette question ne soulevait plus aucune difficulté à l’époque du concile de Latran. Unanimement, les scolastiques reconnaissent que la confession publique otlre de graves dangers, en exposant le pécheur au mépris, à la haine, à la vindicte publique, et que la confession secrète rentre beaucoup mieux dans l’ordre naturel des choses et dans l'esprit général de l’Église. Alexandre de llalès, q. xvm, m. iv, a. 5, § 8, p. 594. Tous allèguent également l’usage tra­ ditionnel de l’Église. Quelques-uns ont poussé jusqu’à l'outrance ce senti­ ment et prétendu, sans toutefois se prononcer absolu­ ment, qu’il est de la nature même de la confession d’être secrète et que la confession publique n'est pas valide. Duns Scot rejette à ce titre la confession par interprète. Hoc videtur esse contra rationem confessionis. Dist. XVII, q. i, n. 32, p. 295. La subtile raison qu'il en donne est tirée du symbolisme sacramentel. En vertu du sacrement de pénitence, les péchés sont effacés par Dieu, couverts du voile de l’oubli et du pardon; il faut donc que le signe sacramentel, la confession, symbolise cet eflet et que, dès lors, elle soit secréte. Lnc. cit. Mais l’enseignement universel de l’École ne cessa de tenir pour valide la confession publique. 3° Le sigillum. — 1. La loi du secret. — L’unani­ mité est la même pour affirmer que le confesseur est rigoureusement tenu au secret en tout ce qui regarde les péchés avoués en confession. Cf. S. Pierre Célestin, с. xvHl, De revelatione confessionis et ejus pœna, p. 829; Jean Bacon, dist. XVI, q. Il, a. 3, p. 422; Fran­ çois de Victoria, n. 484, p. 124. Cette obligation rigoureuse n'est pas seulement fondée sur la loi naturelle, qui exige l'absolue fidélité en ces sortes de confidences, ni sur les prescriptions cano­ niques imposant aux violateurs du secret de la confes­ sion les peines les plus sévères, cf. Pierre de Bassols, dist. XX, XXI, q. n, loi. 99, mais de la loi divine « qui veille de tout son pouvoir à la conservation de tout ce qui vient de l’institution de Dieu ». E. Lochon, Traité D21 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) 922 du secret de la confession, Paris, 1708, p. 5. Les an­ i pénitent, comme serait l'interprète, celui â qui le con­ ciens scolastiques ne manquent pas d'insister sur ce fesseur demande conseil, ou encore le laïque qui en­ tendrait une confession à la place du prêtre. Cf. Pierre point et regardent le secret de la confession comine la de la Palue, dist. XXI, q. m. n. 61, fol. 88. Mais la condition essentielle de la pratique du sacrement de thèse ne tarda point à être généralisée. Λ l'appui, Duns pénitence. El c'est en ce sens qu’ils rattachent commu­ Scot fait valoir le tort qui résulterait pour le sacrement nément le sigillum à l’institution môme de ce sacre­ lui-même de semblables révélations. Dist. XXI, q. il. ment. Dicitur communiter quod celalio confessionis p. 500. est de jure divino. Durand de Saint-Pourçain, dist. XXI, 3. Sa rigueur. — Guillaume d’Auxerre, tout en main­ q. iv, p. 307. tenant que le secret sacramentel est absolu, a cru pou­ Saint Thomas rattache plus étroitement encore à la voir enseigner, d'après une opinion plus ancienne, que, constitution même du sacrement, toujours en vertu de ce principe que les sacrements de la loi nouvelle opèrent dans certains cas, dont il reconnaît d'ailleurs le carac­ ce qu'ils signifient. Or, l’effet du sacrement de péni­ tère presque chimérique, il serait légitime d’enfreindre tence est de cacher les péchés aux yeux même de Dieu, le secret de la confession. Deux conditions sont requises puisque, une fois remis par la confession, ils sont à cet effet : que la révélation du confesseur ne puisse comme s'ils n’avaient jamais été. Voilà ce qui nous est devenir une cause de défaveur à l’égard du sacrement marqué par le sceau qui les couvre et les rend invisibles : lui-même et qu'elle soit de nature à éviter un mal con­ tel un cachet qui tient clos le contenu d'une lettre. Et sidérable, comme il arriverait si la validité d’un mariage de même qu'il y aurait profanation du corps et du sang se trouvait en jeu. In nullo casu revelanda est ci ndu Eils de Dieu, si, contrairement à l’institution divine, fessio, nisi forte ex aliquo matrimonio vel ex re aliqua on voulait consacrer une autre matière que le pain et quæ magnum detrimentum incurreret et nullum peri­ le vin. ce serait pareillement un sacrilège que de décou­ culum immineret sacramento confessionis. Iste casus vrir aux hommes ce que Dieu veut cacher à tous sous quasi impossibilis est. L. IV, p. 270. Mais en admettant qu’il fût possible d'épargner ainsi à l’Église quelque un sceau inviolable. Quodlib., XII, a. 18. Cf. In 1 V Sent., dist. XXI, q. in. a. 2; Gilles de Rome, c. xxv, calamité, le confesseur aurait le droit, après s'être muni fol. 298. Mais quand saint Thomas enseigne que le de l’autorisation épiscopale, de dénoncer le crime. Si secret de la confession est de l'essence du sacrement, tamen esset possibile magnum periculum immineret il n’entend nullement qu’il constitue l’essence du sacre­ Ecelesiæ si non revelaretur confessio, posset eam con­ ment, mais qu'il en découle comme une propriété na­ fessor revelare ex consensu episcopi : aliter non. Ibid. turelle. Cf. Pierre d’Auriol, dist. XXI, q. t, a. 2, p. 152. Il semble que cette théorie ait trouvé dans Guillaume Aux scolastiques qui en discutent parfois la valeur, d’Auxerre son dernier défenseur. Pierre de Tarentaise ces raisons d’ordre spéculatif n’ont point paru toujours parlant de ceux qui permettaient au confesseur de absolument convaincantes. Pierre de Bassols ne juge révéler le crime d’hérésie, leur donne le nom d’anciens. pas qu'il soit possible de prouver directement que le Lui-même réfute avec énergie leur sentiment : en pa­ secret de la confession est de droit divin. Istœ rationes reil cas, tout ce qu'il permet au confesseur, c'est etiam sunt probabiles. El forte quantum ad aliquas d’avertir l’évêque d’une façon générale, qu’il ait â veiller carum necessario universaliter non concludunt. Sed sur son troupeau. Dist. XXI, q. iv, a. 1, p. 242. Tel est non curo modo eas amplius discutere, nam in talibus aussi l’avis de saint Bonaventure, dist. XXI, p. n, a. 2. non possunt adduci multum meliores rationes. Dist XX, q. I, p. 566. Robert de Sorbon n'est pas moins absolu. XXI, q, n, fol. 100. Mais tous sont unanimes à affirmer Hoc sacramentum sanctum tam secretum et tam for­ le fait, à signaler l’usage constant et universel de l’Église titer inclusum est ut nemo aperire possit. Tract, super et à regarder le secret de la confession comme plus ri­ confessione, dans Bibi. Patrum, Lyon, t. xxv, p. 358. goureux que le secret naturel. Adrien d’Utrecht, 1. IV, Cf. S. Thomas, Sum. lheol., II» llæ, q. LXX, a. 1, ad 2““; fol. 291. In IV Sent., dist. XXI, q. m, a. 1, η. I; Quodlib., I, 2. Son extension. — Le secret sacramentel ne s’étend a. 15; Nicolas d'Osimo, Confessio, p. H, n. 1, fol. G*; pas seulement à tous les péchés mortels ou véniels dé­ Dominique de Soto, De ratione tegendi et detegendi clarés en confession, mais encore aux circonstances de secretum, q. VII, n. 2, Douai, 1623, p. 116. ces fautes et à tout ce qui touche, de près ou de loin, Alexandre de Halés se demande même si le prêtre à ces mêmes fautes. Sigillum confessionis non directe pourrait, avec la permission du pénitent, révéler quelque se extendit nisi ad illa quæ cadunt sub sacramentali chose de la confession, et il répond que le pénitent ne confessione; sed indirecte id quod non cadit sub sapeut donner ce droit au confesseur, soit à cause du cramenlali confessione, eliam ad confessionis sigillum scandale qui en résulterait, soit en raison du caractère pertinet, sicut illa per quæ posset peccator vel pecca­ supérieur de l'obligation, qui vient de Dieu et n'ad­ met de dispense que de Dieu. Que le pénitent expose tum deprehendi. S. Thomas, dist. XXI, q. in, a. I, n. 2. Telle est la doctrine universelle de l’École. Cf. S. Pierre son cas au prêtre en dehors de la confession : alors le Célestin, c. xvm, p. 829; Durand de Saint-Pourçain, confesseur sera libre de ses actes ou de sa parole. dist. XXI, q. iv, p. 307. L’opinion singulière d’Alexandre Q. xix, m. Il, a. 1, § 1, p. 601. Cf. Denys le Chartreux, de IJalès, q. xvm, m. n, a. 2, p. 600, pour qui l’aveu 1. IV,a. 144, q. Il, p. 300. François de Victoria propose une solution plus douce : d'un péché dont le pénitent n’a formé encore que le le pénitent pourra délier le confesseur du secret sacra­ propos n’est point couvert par le sceau sacramentel, mais seulement par le secret naturel, n'a trouvé aucun mentel; mais s’il doit en résulter quelque désavantage pour le pénitent, le confesseur ne pourra en aucune écho dans l’École. Saint Bonaventure, tout en admettant manière user de ce droit. Summa sacramentorum, la probabilité de cette assertion, la repousse nettement, η. 426, p. 188. Cependant l’opinion communément ad­ en raison surtout de ses conséquences. Dist. XXI, p. il, a. 2. q. i. Cf. Cajetan, Opuscula, tr. XXI, p. 132; Domi­ mise dans l’École se prononce en faveur de l’entière liberté du confesseur, puisqu’il est dans la nature du nique de Soto, dist. XVIII, q. iv, a. 5, p. 470. C’est encore la doctrine commune des scolastiques secret que le commettant puisse en délier et que d’ail­ que le secret de la confession lie non seulement le con­ leurs le scandale n’est pas à craindre. Cf. S. Thomas, dist. XXI, q. m. a. 2; S. Bonaventure, dist. XXL p. il, fesseur, mais aussi quiconque parvient, par celte même a. 2, q. n, p. 567; Henri de Gand, Quodlib., VIL q. Lxn. voie ou par une voie dérivée, à la connaissance de fol. 260. Conclusio est fere omnium, observe Dominique l'aveu fait en confession. Saint Thomas, dist. XXI, de Soto. In IV Sent., dist. XVIII. q. iv, a. 6, p. 474. q. m, a. 1, n. 3; a. 2. ad 4"m, ne parle, il est vrai, que Si le prêtre a connaissance, par une autre voie que de ceux qui assistent le prêtre avec le consentement du 923 CONFESSION (DU CONCILE DE LATRAN AU CONCILE DE TRENTE) 924 nière plus austère devant les gens qui observent un la confession, du péché qui lui est confié, les scolas­ confesseur : tout cela, en certaines conjonctures, porte tiques admettent communément qu’il a le droit d’en coup, blesse la religion et fait une plaie profonde au parler, mais avec toute prudence. Alexandre de Halés sacrement. » E. Lochon, p. 109. Cf. Pierre Lizet, Tra­ recommande au confesseur d’ajouter en pareil cas : « J’ai appris le fait en dehors de la confession, » for­ ctatus de auriculari confessione, Lyon, 1552, p. 17. mule qui semblera sans doute plutôt de nature à trahir Dans sa XVIe session, c. v, le concile de Trente a précisé et défini la doctrine traditionnelle de l’Église : qu’a sauvegarder le secret sacramentel. Ibid., p. 602. Cf. Denys le chartreux, 1. IV, a. 144, q. vi, p. 288. Quant à la manière de so Cæterum, quoad modum Enfin, dernière question agitée au moyen âge, et confitendi confesser en secret au prêtro secreto apud solum d’une importance particulière pour l'époque, quel usage sacerdotem, etsi Christus non seul, encore que Jésus-Christ le confesseur, notamment le supérieur, peut-il faire des vetuerit quin aliquis in vindi­ n'ait pas détendu qu’on ne ctam suorum scelerum et sui connaissances acquises au confessionnal? Pourvu qu’il puisse, pour sa propre humi­ n'y ail aucun danger de trahir en quelque manière le humiliationem, cum ob alio­ liation et pour se venger soimème de ses crimes, les con­ rum exemplum, tum ob Eccle­ secret de la confession, et en supposant toujours qu’il fesser publiquement, soit par n’existe pas de précepte particulier en cette matière, le siæ offensæ ædiflcationem de­ le motifde donner bon exemplo sua publice confiteri prêtre peut très bien modifier sa conduite dans l’inté- licta aux autres ou à dessein d’édi­ possit; non est tamen hoc rét du pénitent, et même dans son propre intérêt, si divino præcepto mandatum, fier l’Église qui a été atteinte cette façon d'agir ne renferme rien qui puisse tourner nec satis consulte humana par l’offense, ce n’est point aliqua lege præciperetur, ut pourtant un ordre imposé en au désavantage du pénitent. Sur ce point, aucune con­ vertu d’un commandement di­ delicta, praesertim secreta, pu­ troverse. Cf. Suarez, disp. XXXII, sect, vu, n. 9, p. 709. blica essent confessione ape­ vin, et il ne serait guère à La plupart des scolastiques vont plus loin : si le péni­ Unde cum a sanctissi­ propos d’ordonner non plus tent ne peut se plaindre qu’injustement de la mesure rienda. mis et antiquissimis Patribus, par aucune loi humaine que les prise par le supérieur, si par exemple on se refuse à magno unanimique consensu, péchés, surtout ceux qui sont lui octroyer la collation d’un bénéfice en raison de son secreta confessio sacramentasecrets, fussent rendus publics indignité connue par sa confession même, non seule­ lis, qua ab initio Ecclesia par la coniession. Aussi étant ment les principaux docteurs permettent, mais ils font sancta usa est et modo etiam donné le consentement général un devoir au prêtre d’écarter cet indigne. Posset subdi­ utitur, fuerit semper commen­ et unanime des Pères les plus tum sibi confessum ab administrations removere et data; manifeste refellitur ina­ saints et les plus anciens, qui eorum calumnia, qui eam ont toujours autorisé la con­ deberet hoc facere, dit expressément saint Thomas, en nis a divino mandato alienam et fession sacramentelle secrète, spécifiant le cas de l’abbé qui peut ainsi, sans enfreindre inventum humanum esse atque dont la sainte Église a usé le sceau de la confession, déposséder un prieur de sa a Patribus in concilio Latera­ jusqu’ici et dès l’origine, on charge. Quodlib., V, a. 13. Alexandre de Halés avait nensi congregatis initium ha­ voit nettement réfutée la vaine professé déjà la même doctrine, sans paraître toutefois buisse, docere non verentur. calomnie de ceux qui sont Denzinger, n. 780. assez téméraires pour publier aussi catégorique. Un doyen doit-il promouvoir aux que ce n’est là qu’une inven­ ordres sacrés un chanoine qu'il sait irrégulier? En tion humaine, bien éloignée du règle générale, non. Mais si le chanoine formule luicommandement divin et qu’elle même une requête en ce sens? Il faut en venir alors à n’a pris naissance qu’au con­ une résistance passive, suivant ses bonnes inspirations. cile de Latran, à l’instigation Debet differre el caute dissimulare, secundum quod des Pères qui s’y trouvaient présents. unctio eum docebit. Q. xvm, m. n, a. 1, p. 599/ Si le Si quelqu’un... dit que la Can. 6. Si quis... dixerit mo­ chanoine insiste ou si l’évêque intervient, le doyen, manière de se confesser secrè­ dum secreto confitendi soli dans la crainte du scandale, n’a plus qu’à s’incliner : la responsabilité de cetle ordination ne lui est plus impu- j sacerdoti, quem Ecclesia ca­ tement au prêtre seul, comme tholica ab initio semper obser­ l’Église l’a toujours observé dès table. Cf. Cajetan, De sigillo confessionis. Rien ne vavit ct observat, alienam l’origine et l’observe encore, montre mieux que cette solution cauteleuse à quel esse ab institutione et man­ n’est pas conforme à l’institu­ point le cas était embarrassant pour les anciens scolas­ dato Christi et inventum esse tion et au précepte de Jésustiques, Opusc., I. tr. XXI, p. 132 sq.,et quel était aussi humanum, anathema sit. Den­ Christ, mais que c’est une in­ vention humaine, qu'il soit leur respect pour le secret de la confession. Cf. S. Bo­ zinger, n. 795. anathème. naventure, dist. XXI, p. n, a. 2, q. v, p. 567; Cajetan, De sigillo confessionis, Opusc., I, tr. XXI, p. 132 sq. Outre les traités généraux de théologie cités au cours de On pouvait discuter, en certains cas, si le sceau du l’article, on trouvera, pour l’histoire des doctrines et le dévelop­ secret se trouvait, ou non, engagé. Mais dès que le se­ pement de certaines controverses, des documents précieux et cret sacramentel pouvait être mis en péril même loin­ abondants dans les ouvrages spéciaux publiés sur la question pénitentielle dès la première moitié du xm· siècle et qui fourni­ tain, toute discussion était close. Le moindre signe compromettant, un geste plus ou moins révélateur est raient matière à d’intéressantes études de détail. — xm· siècle : Raymond de Penafort, Summa de pænitentia et matrimonio, taxé par tous de sacrilège. Nec verbo, nec facto, nec Louvain, 1480; Guillaume de Rennes, Apparatus in Summam nutu, nec aliquo signo licet facere, quia est sacrile­ D. Raymundi, Rome, 16<»3. — xiv· siècle : Jean de Fribourg, gium. S. Thomas, Quodlib., XII, a. 16. Cf. Alexandre Summa confessorum, Augsbourg, 1476; Henri de Hesse, Tra­ de Halés, q. xvm, m. n, a. 1, p. 599; S. Bonaventure, ctatus ad eruditionem confessorum, Memming, 1473; Summa dist. XXI, p. n, a. 2, q. I, p. 566; Durand de Saint- Astesana, Venise, 1468; Barthélemy de Pise, Summa confes­ sorum, s. 1., 1473; Paris, 1470; Henri de Oklendorfl, Repetitio Pourçain, dist. XXI, q. iv, p. 307; Jean Bacon, dist. XVI, capituli « Omnis utriusque sexus » de pænitentiis et remis­ q. n, a. 3, p. 422; Nicolas d’Osimo, De confessione, p. n, sionibus, Memming, 1490. — xv· siècle : Matthieu de Cracovie, n. 1, fol. lxiv; Denys le chartreux, L IV, a. 144, q. n, De modo confidenti, Bâle, 1555; Antoine de Budrio, Spéculum p. 288; Cajetan, De sigillo confessionis, p. 133; Adrien de confessione, Vicence, 1476; Jean de Aurpach, Summa de d’Utrecht, 1. IV, fol. 291 ; Dominique de Soto, De ra­ confessariis et Ecclesiæ sacramentis, Augsbourg, 1469; Nico­ tione tegendi et detegendi secretum, p. 284; François las d Osimo, Supplementum ad Summam Pisanellum, Venise 1481 ; Delia confessione, sous le nom de saint Bernardin de de Victoria, n. 184-188, p. 124-126. Sienne, 1494; Interrogatorium confessorum, Venise, 14S9; Les calomnies de certains protestants, cf. Bremz, De Jean Nider, Manuale confessorum ad instructionem spiritua­ sigillo confessionis, ‘Wittemberg, 1669, p. 36, ne re­ lem pastorum, s. I. n. d. (1466); Paris, 1473; Alphonse Tostat, posent même pas sur le plus léger prétexte. Le secret Confessional en el quai despues de haver tratados de lodos de la coniession n’a jamais cessé d’être entouré, dans los pecados, Lucrone, 1529; S. Antonin de Florence, Summa la théorie comme dans la pratique, du plus inviolable confessionalis, s. 1. n. d. (Mayence, vers 1468); Cologne, 1470; Barthélemy de Chaymis, Confessionale, Milan, 1474; Engelhard respect. « Un souris, un signe, un petit geste, une ma­ 925 CONFESSION DANS L’ÉGLISE ARMÉNIENNE 92G Kunhofer, Confessionale, s. 1. n, d. ; Jérôme de Savonarole, I lischen Eire he niitzlich und nolhwendig sey, Vienne, 1783; Eruditorium confessorum, scilicet de confessons auctoritate F. J. Dobner, Vindiciae sigillo confessionis d. Jo. Nepomuet officio pænitentiumque examine, Paris, 1517 ; Jacques Foceniprotomartgris pænitentiæ asserlæ. Prague et Vienne, 1784; resta, Confessionale, Venise, 1487 ; Engelbert Messemaekers, F. X. Boujart, Was enthalten die christlichen Urkunden des Manuale confessorum metricum una cum defensorio privile­ Alterthums Uber die Ohrenbeichte, Vienne, 1784; I. Thonliau­ gii quatuor ordinum mendicantium super audientia confes­ ger. Unterricht über die Ohrenbeichte, Augsbourg, 1874 ; sionum, Cologne, 1497. — χνι· siècle : Cajetan, De confessione Wahre Zeugnisse des christlichen Alterthums über die venialium et omnium mortalium; De effectu absolutionis Ohrenbeichte, Augsbourg, 1784: A. Sexteller, 1st die heusacrumentalis seu de confessione ; De integritate confessio­ tige Ohrenbeicht in der Allen Kirchenbuss zu finden oder nis, Rome, 1531; Jean Host, De ratione confitendi, dans nicht? Prague, 1785; F. Hullinghoff, Antiquitas confes­ [’Enchiridion sacerdotum, Cologne. 1532; Augustin de Alveld, sionis privatae ex vetustissimis cum latinorum tum De confessione sacramentali, s. 1. n. d.; Érasme, Modus con­ græcorum Patrum scriptis utriusque Eeclesiæ praxi, fitendi, Leyde, 1525; Vincent Giacbari. De necessitate confes­ euchologiis atque conciliis, contra Eybelium aliosque ejus­ sionis vocalis omnium peccatorum, Venise, 1569; Barthélemy dem impugnatores Munster, 1789; W. Lay, Die geheime Spina, De necessitate confessionis ante sacram communio­ Ohrenbeichte oder das katholiche Busssacrament aus theolonem, Venise, 1530; Jean Eek, De pænitentia et confessione gischen Grunden bewiesen, Campoduri, 1791 ; L. Cuccagni, secreta semper in Ecclesia Dei observata, s. 1. n. d. ; Rome, Sulla confessione e communione pasquale, Rome, 1792; 1521; Jacques Masson (Latomus), De confessione secreta ad­ G. A. Ranza. Esame della confessione auriculare, Milan, 1797; versus Œcolampadium, Anvers, 1525; Nicolas de Marne, De Maccarani, Confutazione del libro di G. A. Ranza, Bergame, confessione tutis sacerdotis auribus committenda. Dilingen, 1797; J. B. Guadagnini, De confessione auriculari, Brescia, 1546; Pierre Ciruelo, Arte de bien confesar asi para et confe1798. — xtx* siècle: J. S. de Drey, Dissertatio historico-theosor como para el penitente, Séville, 1544; Jean Schmidt, Ins­ logica originem et vicissitudinem exomologeseos in Ecclesia tructio pro confessione, Augsbourg, s. d. ; Dilingen. 1551 ; catholica ex documentis ecclesiasticis illustrans, Elvaci, 1815; Pierre Lizet, De auriculari confessione, Paris, 1551; Pierre 1. Kuik, A bhandlung über die atteste sich vorfindende Urkunde Soto, Methodus confessionis seu doctrinae pietatisque Chris­ von der Beicht, Vienne. 1X18; C. A. de Droste-HülshoiT, Ueber tianas epitome, Dilingen, 1553 ; Antoine Curara, Manuale Zwangsrecht gegen den Beichtvater auf Revelation jedes confessorum et pænitentium, Tolède, 1554; Jean Lopez de Beichtgeheimnisses, Bonn, 1824; H. Klee, Die Beicht, eine Segura, Confessionaris para concernas y tomar aviso contra histojrisch-krilische Untersuchung, Francfort, 1828; dans Tiibinger theologische Quartalschrift, 1829, p. 85-97 ; C. Siemens, vicios, 1555; Tr. Vita, De justificatione, de confessionis vetus­ tate deque eucharistia contra hæreses, Venise, 1548; M. Vic­ Die sacramentalische Beichte, Munster, 1844; A. Guillois, Le torius, De sacramento confessionis seu pænitentiæ historia dogme de la confession vengé des attaques de l’hérésie et de Vincrédulité, Le Mans, 1856; A. Pernet, Études historiques et de antiquis pænilentiis, Rome, 1562; A. Mermam (Alostanus), sur le célibat ecclésiastique et sur la confession sacramen­ De veneratione sanctorum reliquiarum et exomologesi seu telle, Lyon, 1874. confessione sacerdoti facienda, Anvers. 1564; De confessione sacramentali et purgatorio, ibid., 1563; G. Allen, A treatise P. Bernard. IV. CONFESSION DANS L’ÉGLISE ARMÉNIENNE. made in defense of the lawful power and authoritie of priesthode to remitte sinnes, Louvain, 1567; D. de Avellaneda, La façon dont s’administre chez les Arméniens la con­ Utrum in confessione sacramentali criminis consors nomi­ fession sacramentelle présente quelques particularités, nari debeat. Crémone, 1594; F. de Avila, De confessione per qu’il y a intérêt à signaler. Il faut d’ailleurs distinguer litteras sive per internuncium, Rome, 1599. — xvn· siècle : entre catholiques et non-catholiques et surtout entre F. H. Onuphrius, Desacro sigillo, Milan, 1611; De sacramen­ confession privée el confession publique, entre confes­ tali confessione, Brescia, 1623; J. B. Filesac, De confessionis sion proprement dite et réconciliation des pénitents. auricularis usu el praxi apud veteres Christianos, dans Se­ lecta, Paris, 1621 ; Fr. Choquet, De confessione per litteras seu 1° Confession privée. — La confession privée ou au­ internuncium, Douai, 1623; Jean Sanchez, De rebus in admi­ riculaire a lieu chez les Arméniens catholiques comme nistrations sacramentorum præsertim eucharistiæ et pæni­ dans le rite latin. Le pénitent se présente au confession­ tentiæ passim occurrentibus, Madrid, 1624; J. Zeschlin, Apo­ nal, quand il en éprouve le besoin, se met à genoux et logia pro sua fidei professione et peccatorum confessione récite en langue vulgaire la formule suivante : Peccavi romano-catholica, Neubourg, 1625-, A. Coninck, De sigillo con­ sanctissimæ Trinitati, Patri et Filio et Spiritui fessionis, Anvers, 1626; Th. Raynaud, Dissertatio pro Franc. Sancto. Peccator sum coram Deo. Confiteor coram Deo Suarez de gratia ægro oppresso collata per absolutionem a sacerdote praesente impensam praevia peccatorum expositione el coram te, sancte paler, omnia peccata mea, quoniam epistolari, dans Opera, Lyon, 1665, t. xx; J. Launoi, De fre­ peccavi Deo cogitatione, verbo el opere, voluntarie quentis confessionis et eucharisticæ communionis usu atque et involuntarie, scientia et ignorantia. II passe ensuite utilitate, Rouen, 1653; Explicata Eeclesiæ traditio circa caà l’accusation détaillée de ses péchés, qu’il termine par nonem « Omnis utriusque sexus », ibid., 1672; M. de Moya cette formule : Pater sancte, te habeo mediatorem (Guimenius), De confessione epistolari adversus Theoph. Rayreconciliationis et intercessorem apud unigenitum naldum, Paris, 1665; Noël Alexandre, Dissertatio polemica Filium, ut potestate tua quæ data est tibi, liberes me de confessione sacramentali adversus libros IV Joannis Dallæi calvinistæ institutionem et usum in Ecclesia perpetuum a vinculis peccatorum meorum, precor. Prenant alors impugnantis. Paris, 1678 ; Jacques Boileau, Historia confessio­ la parole, le prêtre exhorte le pénitent à la contrition, nis auricularis ex antiquis Scripturae, Patrum, pontificum lui donne une pénitence, el s’il le juge â propos, lui et conciliorum monumentis contra Dallæum, Paris, 1683; confère l’absolution selon la formule rapportée, t. 1, Denys de Sainte-Marthe, Traité de la confession auriculaire col. 211. Le prêtre ajoute encore : Effusio sanguinis contre les erreurs des calvinistes, Paris, 1685. — xvm· siècle: Filii Dei, qui effusus in cruce, liberavit humanam na­ J. Grandcolas, Dissertations sur les messes quotidiennes et sur turam ab inferno, liberabit te a peccatis tuis, amen. la confession, Paris, 1715; L'ancienne discipline de l’Église sur la confession et sur les pratiques les plus importantes de II termine par la récitation de l'oraison dominicale. la pénitence, Paris, 1697; D. Winther, De silentio triplici, na­ Chez les non-catholiques, les confessionnaux n’exis­ turali, civili et sacramentali, Munich, 1701 ; J. Boillot, Lettres tent pas. La confession se fait, s’il s’agit des adult- s. sur le secret de la confession, Dijon, 1703; E. Lochon, Traité soit à domicile, soit à la sacristie ou dans une chambre du secret de la confession, Paris, 1708 ; et avec un supplément, attenante à l’église. Assis sur ses talons â la mode turque ibid., 1710; N. Lenglet du Fresnoy, Traité historique et dog­ et couvrant d’un des pans de sa robe la tête du péni­ matique du secret inviolable de la confession, Paris, 1768; E. Ram, De confessione sacramentali jure divino necessaria, tent agenouillé à son côté, le confesseur commence par Würzbourg, 1757; M. Bürgin, De secreta singulorum peccato­ lire, comme pour éveiller les souvenirs du pénitent, rum confessione, Altori, 1762; B. Schneidenbach, De ratione une longue accusation de tous les péchés possibles. A solvendi ac ligandi in sacramento pænitentiæ, Salzbourg, chaque article, le pénitent ajoute : Peccavi contra 1774: A. Muzzarelli, Confessione auriculare, Ferraro, 1776; Deum. Celte accusation générale achevée, le pénitent M. Cuer, Theologia dogmatica et moralis in usum confesso­ confesse ses fautes spéciales, s’il y a lieu, et termine par riorum, Munster, 1778; Cologne, 1792; P. Jenkins, The doctrine and practice of auricular confession elucidated und enforced, i la formule Pater sancte, etc., comme dans la confes­ sion des catholiques. Vient ensuite l’exhortation du Londres, 1783; Pergens, Ob die Ohrenbeichte in der katho- 927 CONFESSION CHEZ LES COPTES prêtre et une formule d'absolution identique à celle du rituel catholique. Toutefois, chez les non-catholiques, cette formule n'est jamais prononcée « rince tenante, mais remise à une date ultérieure, le pl ouventâ huit jours d’intervalle. La confession se fait donc toujours en deux temps. Est-ce pour ce motif qu'elle est très rare? En rigueur de principe, elle devrait avoir lieu deux fois par an, à l'Epiphanie et à Pâques. Notons aussi, remarque importante, que les prêtres non ma­ riés, les vartabets et les évêques, bien que plus élevés en dignité que les prêtres mariés, ne confessent pas, hors le cas de nécessité; la confession est un ministère exclusivement réservé aux prêtres pères de famille. On devine les motifs de cet usage. La confession des enfants est commune. Rangés en demi-cercle autour du prêtre, ils répondent â ce der­ nier qui énumère les péchés de sa liste officielle par les mots : J’ai péché, ou J'ai péché contre Dieu; et ils reçoivent, séance tenante, l'absolution. Autre divergence. Les catholiques ont, comme les Latins, un certain nombre de cas réservés variant avec les diocèses, tandis que, chez les non-catholiques, tout péché peut être remis par tout prêtre approuvé. 2" Confession publique. — En dehors de la confes­ sion commune des enfants, que l'on peut regarder comme une confession publique, il y a encore, le dimanche matin, une confession publique faite par le célébrant; elle est d'ailleurs de pure forme. Elle consiste dans l'accusation générale de toutes les fautes possibles énu­ mérées dans le formulaire, dont le prêtre donne lecture au pénitent avant la confession proprement dite. Le peuple s'associe à celle accusation en répétant à chaque article les mots : J'ai péché; après quoi 1’ofiiciant donne l'absolution générale en se servant de la même formule que pour la confession sacramentelle Cette confession est vivement critiquée par Galano, qui la traite de nui­ sible et de sacrilège : Noxiam et sacrilegam esse talem confessionem. Cf. Conciliationis Ecclesiæ Armenæ cum Romana pars altera, in-fol., Rome,1661, p. 615 617. C’est peut-être aller un peu loin. 11 y a là, avec une simple différence de proportion, un rituel analogue à la con­ fession générale de l'office de prime, dans le rite latin, ou mieux encore, à celui de l’absolution générale en usage, la veille des fêtes, chez certains ordres religieux. Ce qui pourrait prêter au change, c’est l’emploi fait par les Arméniens, en cette circonstance, de la formule sacramentelle; mais cette formule n'a rien en soi de sacramentel; elle ne revêt ce caractère que dans des conditions données. Or, ici, ni l'officiant ni les assis­ tants n'ont l’intention de conférer ou de recevoir un sacrement. Que l'abus soit possible, on ne le nie pas; mais il y aurait injustice à rendre un rite responsable de toutes les conséquences que l'ignorance peut en tirer. De cette confession générale, on peut rapprocher celle qui a lieu au début même de la messe et qui forme le pendant arménien de notre Confiteor. L'une n’est que la réduction de l'autre. Voici en quoi consiste cette dernière. L’ofliciant, tourné vers le peuple, s’écrie : Je confesse devant Dieu, la sainte Vierge et tous les saints, et devant vous, mes pères et frères, toutes les fautes que fai commises. Car fai péché, par pensée, par pa­ role et par action, et j’ai commis tous les péchés dont l’homme se rend coupable. J’ai péché, fai péché, et je vous supplie de demander pour moi pardon à Dieu. Un des prêtres assistants répond au célébrant : Que le Dieu tout-puissant te fasse grâce, et daigne te remet­ tre tous tes péchés passés et présents; qu’il t'en pré­ serve à l’avenir, qu'il te raffermisse dans la pratique de toutes les bonnes œuvres, et qu'il soit ton repos dans la vie future, amen. Le célébrant répond par un sou­ hait semblable en faveur de tous les assistants. 3’ Reconciliation des pénitents. — La réconciliation 928 des pénitents ou pécheurs publics n’est qu’une confes­ sion publique plus solennelle. Les deux rituels se mê­ lent encore dans un formulaire attribué à Jean Mandakouni, patriarche de l'Arménie grecque vers 480, el récemment publié par F. C. Conybeare, Rituale Armenorum, in-8», Oxford. 1905, p. 294-295. L'accusation des péchés suivant le mode encore en usage chez les noncatholiques y précède l'admission officielle du pécheur dans l’église. Dans les rituels postérieurs, l’accusation a disparu, mais une place plus grande a été faite â la partie eucologique de la cérémonie. On peut en voir le détail dans Conybeare, op. cit., p. 190-204. Comme le sujet sera repris ailleurs (voir Pénitence publique), nous ne pouvons y insister davantage ici ; il nous suffira d’avoir indiqué qu'en Arménie la réconciliation des pé­ nitents n'allait pas. à l'origine du moins, sans une accu­ sation au moins générale des péchés, en un mot sans la confession. Cl. Galano, Conciliationis Ecclesiæ Armenæ cum Romana pars altera, in-fol., Borne, 1661, t. n, p. 604-630; G. de Serpos, Compendio storico de memovie cronologiche concernenti la religione ela morale delta nazione Armena suddita dell’ im­ pero Oltomano, t. Ill (Venise, 1786), p. 289-303; P. Auclier, Confessio Ecclesiæ Armenæ, in-8·, Venise. 1845. p. 147-149; H. A. Daniel, Codex liturgicus Ecclesiæ universes in epitomen redactus, in-8·, Leipzig. 1853, t. IV, p, 598-599; H. Denzinger. Ritus Orientalium, in-8·, Würzbourg, 1863, t. 1, p. 471-474; J. tssaverdenz. Rites et cérémonies de l’Église arménienne, in-16, Venise, 1876, p. 28-31. Sur certaines discussions relatives à la confession soulevées au concile de Sis en 1342, voir t. i, col. 698, 703. L. Petit. V. CONFESSION CHEZ LES COPTES. Le mot arabe, employé aujourd’hui par les coptes, pour dési­ gner la confession, est : 'êl-'atra'f, du verbe arafa, « con­ fesser, avouer. » Dans l’ancienne langue copte on ne trouve pas de terme particulier. — I. Existence. IL Mi­ nistre. 111. Rituel. IV. Nécessité. I. Existence. — 11 n'y a aucun doute que la pratique de la confession a existé chez les coptes dès l’origine de leur Église jusqu’à nos jours. Elle'a cependant traversé quelques vicissitudes. Il parait que, au milieu du XIIe siècle, Jean, 72e patriarche, abolit complètement le sacrement de pénilence; aux environs de 1174, Marc, ibn Al-Kunbari, produisit une grande émotion dans toute l’Égypte en prêchant que, sans la confession, on ne peut pas obtenir le pardon des péchés. Plus de deux siècles auparavant, Sanutius, 55e patriarche, s’élait exprimé clairement sur ce point; en envoyant des lettres d’absolution â un certain diacre, il écrivit : « Les liens de ce diacre sont brisés par ma parole, et il n'y a aucun motif pour qu'un fidèle quelconque puisse l’em­ pêcher de s'approcher de l'eucharistie. » Il conclut que quiconque reçoit la communion sans confession aggrave ses péchés. II. Ministre. — La confession ne peut être faite qu'à un prêtre. Aujourd’hui l’archiprêtre seul, lunimti}, donne l'absolution. Après avoir entendu la confession, le l.ummuf impose la pénitence qu’il juge convenable. Cette pénitence doit être accomplie avant qu'il pro­ nonce l’absolution. Une confession générale des péchés n’est pas regardée comme suffisante. Le prêtre ne peut pas mesurer le degré de pénitence pour un péché voilé dans des expressions générales. La confession silen­ cieuse sur la fumée de l’encens brûlant parait avoir été substituée à la vraie confession, lorsque le patriarche Jean eut aboli le sacrement, el la même coutume s’éten­ dit aux Éthiopiens. Cet abus, quoique temporaire, dur cependant assez longtemps. III. Rituel. — I» Ordinaire. — Le pénitent est de­ vant le prêtre, à genoux et la tête courbée. Us disent tous les deux les prières du Seigneur. Après quelques autres prières, le prêtre donne l'absolution, dont la forme semble être déprécatoire, et sa bénédiction. Du- 929 CONFESSION CHEZ LES SYRIENS ET CHEZ LES ANGLICANS 930 confessé et abandonné ses péchés, recevra miséricorde de Dieu. Prov., xxvm, 13. » Graflin et Parisot, Patrologia syriaca, in-i°. Demons!., vu, n. 3,4, 8, 9, 12, t. I, Paris, 1894, col. 317, 320, 321, 324, 332. - 2» Effet. — Elle a pour effet la rémission des péchés : « Dieu par­ donne à celui qui a confessé son délit, man d-maoudéh b-sakloûlhê-h ëobêql-ëh alloho'. » Ibid., n. 14, col. 333. Aphraate cite l'épisode de David et de Nathan, ainsi que II Reg., xn, 13; Ps. i., 6; Prov., xx, 9; Exod.. xxxiv, 7 (Num., xiv, 18); Num., xiv, 19-20. — 3’ Le secret de la confession. — « Lorsqu’il [le pécheur] vous aura dévoilé son iniquité, ne la divulguez pas, [méde­ cins,] lo' Ipharsounê-h, de peur que, à cause de lui, même les innocents soient regardés comme coupables par nos ennemis et ceux qui nous haïssent. » Ibid., n. 4, col. 320. — 4« Le confesseur. — La conduite que doit tenir le confesseur est décrite dans le passage sui­ vant : « Ecoutez, ô vous qui avez les clefs des portes du ciel et qui les ouvrez aux pénitents; écoutez ce que dit le bienheureux apôtre : Si quelqu’un de vous est coupable d’une faute, vous qui êtes spirituels, redrcssez-le avec un esprit de douceur, et prenez garde, de peur que vous ne soyez aussi tentés. Gai., vi, 1. En effet l’apôtre était saisi de crainte, lorsqu’il les avertis­ sait; car il dit de lui-méme : De peur d’être moi-même rejeté, après avoir prêché aux aulres. 1 Cor., IX, 27 Celui donc d'entre nous qui est coupable de quelque faute, ne le regardez pas comme un ennemi, mais Vansleb, Histoire de l'Eglise ΛΆ lexandrie, in-12, Paris. 1677 ; exhortez-le et avertissez-le comme un frère; car si A. Butler. The ancient Coptic Churches, 2 in-8·, Oxford, 1884. vous le séparez de vous, il sera frappé par Satan. Il t. u, p. 298-300; A. de Vlieger, The origin and early History [l’apôtre] dit de nouveau : Nous qui sommes forts, o/ the Coptic Church, in-12, Lausanne, 1900, p. 58. nous devons supporter les faiblesses de ceux qui ne le V. Ermoni. VI. CONFESSION CHEZ LES SYRIENS. Le nom sy­ sont pas, Rom., xv, 1 ; et encore : Que le boiteux ne riaque de la confession est : maoûdyonou- tho’. J.-S. soit pas rejeté, mais plutôt qu’il soit guéri. Heb., xn, Assemani, Biblioth. Orient., t. m a, p. 580; t. ni h, 13. » Ibid., n. 11, col. 329, 332. p. 288, 308; J.-S. et E.-E. Assemani, Biblioth. apost. Dans les œuvres de saint Éphrem je n’ai trouvé qu'un vatic, cod. mss. catalogus, Rome, 1757-1759, t. π, p. 321; passage qui peut s’appliquer à la confession. Le saint R. Payne Smith, Thesaurus Syriacus, in-fol., Oxford, docteur s’exprime ainsi : « Venez donc, pécheurs, pre­ 1879, t. I. col. 1551 ; C. Rrockelmann, Lexicon syrianez les remèdes de la bonté et appliquez-Ies sur les cum, in-8», Berlin, 1894-1895, p. lit. On ne trouve pas ulcères des blessures des péchés, manifestez et mon­ beaucoup de documents sur la confession dans la litté­ trez vos douleurs à notre Médecin bon et sage, qui rature syriaque primitive. Nous ne pouvons que re­ connaît la manière de guérir les blessures du péché. » cueillir les quelques indications qu’elle nous présente. Serm., i, n. 9, T.-J. Lamy, Sancti Ephrœmi hymni Aphraate s'étend assez longuement sur la confession. et sermones, 3 in-4», Malines, 1882-1889, t. m, col. 17. — I" Nécessité. — « Celui, dit-il. qui a été frappé par Le médecin, dont il s’agit ici, est Dieu lui-même. Satan ne doit pas avoir honte de confesser son délit, Sur la pratique de la confession chez les Syriens, lo' volé' d-nêbhdf... d-nâoudè' sàkloûthë-h, et de l’aban­ voir t. i, col. 208-211. donner, et de demander la pénitence comme remède. V. Ermoni. Celui qui rougit de montrer sa plaie, dâ-nl.uivèh· Soûl.iVII. CONFESSION CHEZ LES ANGLICANS. Il y a në-h, sera envahi par la gangrène, et tout son corps en lieu de distinguer entre la confession générale de tous souffrira. Celui qui, au contraire, n’a pas honte de les péchés, faite en public, et la confession particulière montrer sa plaie, sera guéri... Celui qui a été vaincu et détaillée faite au prêtre seul. dans la lutte, n’a qu’un moyen de recouvrer la santé, I. Confession générale. — La liturgie anglicane c’est de dire : « J'ai péché, » et de demander pénitence. prescrit ofliciellement la confession générale aux offices Celui qui rougit, ne peut pas être guéri, parce qu’il ne du matin et du soir, et â l’office de la communion. Je veut pas montrer ses plaies au médecin, mêtoull d-lo' citerai le Livre de la prière commune (Prayer book) < bê' d-naouda' md^vofê-h l-'osio', qui a reçu les deux d’après la traduction française publiée à Londres par la deniers pour guérir tous ceux qui ont été blessés. Vous Society for promoting Christian knowledge. Voici la donc, médecins, qui êtes les disciples de notre grand Confession générale que toute l'assemblée doit répéter Médecin, vous ne devez pas refuser le remède à ceux avec le ministre, tous étant â genoux, à l’office du ma­ qui ont besoin de soins. Donnez le remède de la péni­ tin (morning prayer) età l’office du soir (evening prayer) : tence à quiconque vous aura dévoilé sa plaie, man da« Père tout-puissant et très miséricordieux, nous nous mhavêh l-koûn Soûl.inë-h; quant à celui qui rougit de sommes égarés et éloignés de tes sentiers comme des vous faire connaître son infirmité, exhortez-le à ne pas brebis perdues. Nous avons trop suivi les pensées et les vous la cacher... Je vous exhorte de nouveau, ô vous désirs de nos propres cœurs. Nous avons transgressé tes qui avez été blessés; ne rougissez pas de dire : « Nous saints commandements. Nous n’avons pas fait les • sommes tombés dans la bataille. » Recevez le remède choses que nous aurions dû faire, et nous avons fait sans aucune dépense; convertissez-vous et vivez, et ne celles que nous n'aurions pas du faire, et il n’y a succombez pasà la mort... Vois, mon bien-aimé, combien rien de sain en nous. Mais toi, ô Seigneur, aie pitié de il est excellent que l’homme confesse et abandonne son nous, misérables pécheurs. Pardonne, ô Dieu, à ceux iniquité... Je m’adresse â vous, ό pénitents; ne refusez qui confessentleursfaules. Rétablis ceux qui se repentent, pas de recourir à cet art. qui a été donné pour la selon les promesses proclamées au genre humain en santé; car il est dit dans l’Ecriture : Celui gui aura Jésus-Christ Noire-Seigneur. Et pour l’amour de lui, DICÎ. DE THÉOL. CATHOL. ΠΙ. - 30 rant les oraisons, le pénitent fait trois prostrations devant l’autel, et une devant le confesseur, dont il baise les pieds en implorant ses prières. La confession suit immédiatement après; elle doit être intègre; le péni­ tent rend compte de toutes ses actions et de toutes scs pensées. Après que le pénitent a accompli tout ce qui lui avait été enjoint, le prèlre récite sur lui une seconde prière d’absolution, avant qu'il puisse être admis à la communion. 11 parait que dans l’Eglise abyssine la cou­ tume est de toucher le pénitent avec une brindille d'olivier. 2° Extraordinaire. — Lorsqu’un apostat ou un pé­ cheur notoire est de nouveau admis à la communion de l'Eglise, le prêtre prononce la bénédiction au nom de la Trinité sur un vase rempli d’eau et y verse trois fois du chrême en forme de croix. On lit alors les leçons de l’Écriture. Le prêtre prononce la prière de l’absolu­ tion sur le pénitent, bénit de nouveau l’eau et fait sur elle le signe de la croix. Le pénitent est alors déshabillé; le prêtre l’asperge trois fois en prononçant ces paroles : « Je te lave au nom du Père et du Fils et du SaintEsprit. » Après que le pénitent a repris ses vêtements, le prèlre récite d’autres prières et la formule d'absolu­ tion. puis il le renvoie avec ces paroles ; « Tu es guéri, suis ton chemin et ne pèche plus. » IV. Nécessité. — La confession et l’absolution sont spécialement nécessaires à l’article de la mort. 931 CONFESSION CHEZ LES ANGLICANS accordc-nous, ô Père très miséricordieux, de pouvoir à l'avenir vivre dans la piété, dans la justice et dans la tempérance, à la gloire de ton saint Nom. Amen, » Dans l’oflice de la communion, on lit : « Alors un des ministres fera cette confession générale, au nom de tous ceux qui se proposent de recevoir la sainte communion, lui comme tout le peuple se mettant hum­ blement à genoux el disant : Dieu tout-puissant, Père de NoIre-SeigneurJésus-Christ, créateur de louteschoses, juge de tous les hommes, nous reconnaissons el nous déplorons la multitude de nos péchés et nos actes de méchanceté que nous avons de temps en temps très coupablement commis, par pensée, par parole, et par action, contre ta divine Majesté, provoquant très juste­ ment contre nous ta colère et ton indignation. Nous nous repentons sérieusement et nous sommes affligés de cœur pour tout ce mal que nous avons fait. Le sou­ venir en est pour nous douloureux et le fardeau en est insupportable. Aie pitié de nous, aie pitié de nous, ô Père très miséricordieux. Pour l’amour de Jésus-Christ, ton Fils, Notre-Seigneur, pardonne-nous tout le passé, et fais que nous puissions toujours à l’avenir te servir et te plaire dans une vie nouvelle, à l’honneur et à la gloire de ton nom. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Amen. » — Ces formules de confession sont suivies de formules d’absolution. Voir Absolution chez les angli­ cans, t. i, col. 223. II. Confession particulière. — Elle est conseillée, dans deux passages du Prayer book, à ceux qui n’au­ raient pas la conscience en paix. Le ministre lit, en annonçant l’office de la communion, une exhortation qui se termine ainsi : « Et puisqu’il faut que personne ne vienne à la sainte communion qu'avec une pleine confiance dans la miséricorde de Dieu, et avec une conscience tranquille; par conséquent, s’il y a quelqu’un d’entre vous qui, par le moyen indiqué (la confession faite à Dieu, le repentir et la résolution de s’amender), ne puisse calmer sa conscience, mais qu’il ait encore besoin de conseil, qu’il s’adresse à moi ou à quelque ministre de la parole de Dieu, prudent et instruit, et qu’il lui découvre sa peine; afin que par le ministère de la sainte Parole de Dieu, il reçoive le bienfait de l’abso­ lution, avec les conseils et les avis spirituels qui peuvent apaiser sa conscience, et le délivrer de tous les scru­ pules et de tous les doutes. » Le second passage relatif à la confession particulière est dans « l’ordre pour la visite des malades ». « Le malade, y est-il dit, sera ici engagé (here shall the sick person be moved) à faire une confession spéciale de ses péchés, s’il sent sa con­ science troublée par quelque chose de grave. Après cette confession, le prêtre l’absoudra (s’il en témoigne l’humble et sincère désir) de cette manière-ci. » Suit une formule d’absolution. Voir Absolution chez les anglicans, t. i, col. 224. Ainsi, l’Église anglicane autorise officiellement, elle « engage » même, les fidèles à confesser en détail leurs péchés s’ils ont la conscience troublée au moment de recevoir la communion, ou en cas de maladie. Reste à savoir quelle est la portée qu’il convient de donner aux textes officiels. Ici, les théologiens se séparent. Selon les uns, l’Église anglicane ne fait guère que tolérer la confession, dans des cas exceptionnels, dans le but de rassurer des consciences scrupuleuses â l'excès. D’après les autres, les formules officielles n’ont nullement pour but de limiter l’usage de la confession, et la confession ne doit pas du tout être considérée comme une chose exceptionnelle. Les deux tendances eurent l’occasion de se manifes­ ter en 1873, à propos d'une pétition adressée par 483 membres du clergé à la Convocation (assemblée du clergé) de la province de Cantorbéry, où, « en vue de l'usage largement répandu et grandissant de la confes­ sion sacramentelle, » on demandait à l’assemblée « de 932 pourvoir à l'éducation, à la sélection, et à l’autorisation de confesseurs dûment qualifiés ». Une vive émotion fut soulevée. Dans une lettre du I6juin 1873, les deux ar­ chevêques de Cantorbéry et d'York déclaraient : « Nous croyons que le système du confessionnal a fait beaucoup de mal dans l’Église, et que nos réformateurs ont sage­ ment agi en ne lui accordant aucune place dans notre Église réformée, et nous saisissons l’occasion d’exprimer notre entière désapprobation de toute innovation de ce genre et notre fenne détermination de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour la décourager. » H. P. Liddon, Life of Edward Bouverie Pusey, Londres. 1897, t. iv, p.262. L’archevêque de Cantorbéry était alors le DrTait. Le langage de son second successeur, le Dr Temple, en 1898, est un peu moins hostile à l'usage de la con­ fession. Voir Absolution chez les anglicans, t. i, col. 227. Dans le rapport présenté le 23 juillet 1873 à la Chambre haute (Chambre des évêques) de la Convoca­ tion, on lit : « L’Église d’Angleterre, dans son 25« ar­ ticle, affirme que la pénitence ne doit pas être comptée comme un sacrement de l’Évangile (voir Sacrements chez les anglicans), et, à en juger parses formulaires, elle ne connaît pas d'expression telle que « confessions sacramentelles ». Fondant sa doctrine sur la sainte Ecriture, elle déclare nettement le pardon plein et en­ tier de leurs fautes, par le sang de Jésus-Christ, à ceux qui déplorent leurs propres péchés, se confessent au Dieu Tout-Puissant, avec pleine résolution d’amender leur vie, et de se tourner vers lui avec une vraie foi. C’est le désir de l’Église que par cette voie et ce moyen tous ses enfants trouvent la paix. C’est dans cet esprit que les formules de confession et d’absolution sont pla­ cées dans ses services publics. Cependant, pour rassurer les consciences troublées, elle a spécialement pourvu à deux cas exceptionnels... Mais cette provision spéciale n’autorise pas les ministres de l’Église à demander à quiconque s’adresse à eux de découvrir sa peine dans un examen particulier et détaillé de toutes ses fautes, ni à imposer la confession privée comme une condition préalable à la réception de la sainte communion, ni â enjoindre ni même à encourager aucune pratique de la confession habituelle à un prêtre, ni à enseigner que pratiquer ainsi la confession habituelle ou se soumettre à ce que l’on a appelé la direction d’un prêtre, soit une condition pour arriver à la plus haute vie spirituelle. » Op. cit., p. 263-264. De leur côté, le Dr Pusey et ses amis de la HauteÉglise publièrent dans le Times du 6 décembre 1873 une déclaration où on lit : « 2. Nous croyons aussi et nous professons que Notre-Seigneur Jésus-Christ a institué dans son Église un moyen spécial pour la rémission des péchés après le baptême, et pour le soulagement des consciences, lequel moyen spécial est gardé et adminis­ tré par l’Église d'Angleterre comme une part de son catholique héritage. 3... Nous tenons qu'il est clairement impossible que l’Église d'Angleterre dans l’art. 25 ait pu songer à déprécier le ministère de l’absolution... 7. Quand l’Église demande que le malade soit engagé à faire une confession spéciale de ses péchés, nous ne pouvons supposer que par là elle décide que ses membres sont obligés de retarder jusqu’au lit de mort ce qui es: bon pour leurs âmes... 8... Du moment qu’elle règle que cette invitation [d’ouvrir sa peine au ministre] doit être répétée en annonçant la sainte communion, et que la sainte communion est continuellement présentée à tous, il suit que l’usage de la confession peut, au moins dans quelques cas, n'être pas infréquente. 10... Le commandement que l’Eglise fait à ses prêlrc-. dans deux de ses offices, d’entendre des confession^, s'il s’en fait, ne peut êlre tourné négativement en un commandement de ne recevoir de confession en aucune autre occasion. Et, en fait, les deux occa­ sions spécifiées comprennent pratiquement toute la 933 CONFESSION CHEZ LES ANGLICANS 93 i la déclaration de 1873. Pusey essaya vainement d’obtenir vin de l’adulte... » Op. cit., p. 267-269. Cf. p. 311 sq. du primat une déclaration que la pratique des ritualistes, Parmi les canons établis en 1603 par la Convocation en matière de confession, avait été censurée par les évê­ de Canterbury et adoptés plus tard par celle d’York, ques. On ne lui répondit pas. La confession continua à le canon 113, qui recommande aux ministres de la se pratiquer et à se développer parmi les anglicans. Ceux religion de discerner les crimes commis dans leurs qui sont venus après Pusey continuent à redire que paroisses, ajoute qu'il ne s’agit pas des crimes secrets l’Église anglicane n'impose pas la confession et laisse connus par la confession : « Si quelqu’un confie à un pleine liberté aux fidèles, mais ils s’expriment parfois ministre ses fautes secrétes et cachées pour soulager comme s’ilsconsidéraienl la confession comme nécessaire sa conscience, et pour recevoir de lui la consolation pour obtenir le pardon des péchés mortels. D’après spirituelle et la tranquillité de l'esprit, nous n’obligeons le Rév. W. II. IL Jervois, The Christian's Manual, nn aucune manière ledit ministre par notre présente 2' édit., Londres, 1898, p. 93. lorsque, en s’examinant constitution, mais nous le prévenons et avertissons avant la communion, on se trouve libre de péché mor­ instamment de ne jamais révéler ni faire connaître à tel et qu'on n’a pas d’autre raison de se confesser à un qui que ce soit aucun crime ni aucune offense ainsi prêtre, on peut se contenter de se confesser à Dieu. confiés à sa discrétion et à son silence (sauf le cas de « Mais si vous trouvez que vous êtes coupable de péché crimes tels que sa propre vie pourrait être mise en mortel, vous n’hésiterez pas à rechercher le bienfait de question par les lois du royaume, s’il les cachait), sous l’absolution. » « Ne communiez jamais, dit un autre peine d’irrégularité. » Mackenzie E. C. Walcott, The auteur, après une faute vraiment volontaire ou grave, ecclesiastical Constitutions andCanonsof the Church sans d’abord la confesser et demander à votre confes­ of England, Oxford et Londres, 1874, p. 151- 152. Les partisans de la confession habituelle invoquent le ca­ seur s'il vaut mieux pour vous communier ou non... L’Église d’Angleterre n'a pas de rubrique disant qu’il non 113 pour établir que la pratique de la confession faut que vous alliez à confesse après toute faute grave, existait au commencement du xvn»siècle. mais il y a une loi, plus forte que les rubriques, inscrite Pour encourager la pratique de la confession, un dans les cœurs de tous ceux qui aiment profondément grand nombre d'ouvrages et de tracts ont été publiés, Jésus. » Hints to penitents, by a priest, Londres, 1903, qui s’inspirent des livres catholiques. Le br Pusey avait p. 150-151. lui-même commencé l’adaptation en anglais du Manuel On est libre de se confesser, mais quand on se con­ des confesseurs de l'abbé Gaume. Son travail n’ayant fesse, est-on obligé de tout dire? L’archevêque Temple pu être terminé, le Révérend Chamber», membre de la Société de la Sainte-Croix, entreprit une autre adap­ répond que non. Voir sa déclaration : Absolution chez les anglicans, t. i, col. 227-228. Selon Pusey, « il n’est tation du même ouvrage. La Société le fit imprimer pas nécessaire à la validité de la confession que l'on après sa mort : The priest in absolution. Toutefois, il ne fut pas mis dans le commerce et il n’était distribué énumère toutes ses fautes, mais seulement que l’on n’en cache aucune volontairement parce qu'on a honte d’en qu'aux clergymen, qui pratiquaient le ministère de la convenir. » J. O. Johnston et W. C. E. Newbolt, Spiri­ confession. Il devait leur servir de vade-mecum, « au­ tual Letters of E. B. Pusey, Londres, 1898, p. 266. Cela quel ils pussent se référer aisément dans l'accomplis­ sement de leurs devoirs de confesseurs. » Au mois de revient à dire que’la confession doit être complète, juin 1877, ce manuel fut dénoncé à la Chambre des puisque l'on n’a guère d'autre raison de cacher une lords. Des citations du livre faites par lui, le dénon­ faute que la honte. C’est bien ainsi que l'entendent ciateur concluait que la confession habituelle était pré­ divers auteurs : « Vous devez dire au prêtre toutes les fautes que vous vous rappelez avoir commises; Dieu conisée par des ministres anglicans, spécialement pour les enfants, et que le confesseur posait des questions l’exige absolument. Si par orgueil ou par honte [orgueil indécentes sur les péchés d’impureté. La Chambre s’en ou honte, c’est ici un peu la même chose] vous aviez le montra fort scandalisée, et plusieurs orateurs réprou­ malheur de cacher volontairement une faute, vous com­ vèrent cette pratique. La dénonciation eut une longue mettriez une faute très grave... Mieux vaut ne pas vous el forte répercussion dans toute l’Angleterre et fit scan­ confesser du tout que de faire ainsi une confession dale. Des pétitions sommaient l’épiscopat de sévir. La mauvaise et sacrilège. » Confession, édit, revue, Lon­ presse protestait contre l’usage de la confession. La dres, 1881. « Si vous omettez volontairement un péché, Convocation, réunie au mois de juillet suivant, fut toute votre confession n'est qu’un cri qui réclame votre saisie de la question. Le primat Tait fit adhérer la châtiment; vous n’êtes pas absous; vous êtes plus en­ Chambre basse à la déclaration votée en 1873 par la foncé qu’auparavant dans vos péchés. » Hints to peni­ tents, p. 128. Chambre épiscopale sur la confession. 11 fit encore voter par tous les évêques un blâme à la Société de la Dans quelle mesure la confession est-elle pratiquée Sainte-Croix el condamner toute doctrine ou pratique dans l’Eglise anglicane? Il est impossible de le dire avec de la confession rendant nécessaire ou utile un sem­ précision. On rencontre fréquemment des églises où il y a des confessionnaux et où le prêtre a ses heures de blable livre. 11 accusa de conspiration contre l’Église ceux qui favorisaient la confession habituelle. Plusieurs confessionnal. Ailleurs, on confesse sans avoir de con­ ritualistes subirent pour ce fait des mesures vexaloires fessionnal. Les tracts populaires recommandent pour prises par les évêques. Quelques-uns louvoyèrent; les la confession des formules analogues à celles qui sont plus hardis firent entendre des réclamations. Pusey en usage chez nous; ils publient des examens de cons­ insistait sur l’utilité constatée de la confession habi­ cience parfois très détaillés. Il importe beaucoup de tuelle, et il envoyait à l’archevêque des statistiques sur noter que les églises où l'on pratique habituellement les bons effets obtenus par là dans les écoles. D’autres, la confession ne sont pas nécessairement celles où le voués à ce ministère, faisaient, de leur côté, valoir les rituel et la doctrine se rapprochent davantage du rituel avantages du confessionnal, surtout pour remédier à romain ou de la doctrine catholique. Sans être très l’impureté. Pour remplacer le livre dénoncé, Pusey « ritualiste », on peut parfaitement se rendre compte reprit son adaptation du Manuel de Gaume et la fit de l’utilité de la confession pour la vie spirituelle. H y paraître, à la fin de décembre 1877, avec une longue a des églises « de type avancé », où l'on parle peu de pénitence, et des églises « de type modéré », où l’on préface historique et apologétique. Il répétait que la confession est un puissant moyen de grâce. En 1878, la entend régulièrement les confessions. Notons encore qu’il y a dans le Brayer book un ser­ conférence des évêques de la communion anglicane, tenue au palais de Lambeth, vota une résolution qui, | vice intitulé « Comminatio» ou dénonciation de la sous une forme un peu confuse, paraissait s'inspirer de colère el des jugements de Dieu contre les pécheurs ·. 935 CONFESSION CHEZ LES PROTESTANTS dont le but est de remplacer dans quelque mesure la « pieuse discipline » de la primitive Eglise, la pénitence publique, « jusqu’à ce que cette même discipline soit rétablie, ce qui est fort â souhaiter. » Le Prayer hook de l’Eglise épiscopalienne d’Amérique supprime, dans l’ordre pour la visite aux malades, l'exhortation à la confession el ta formule d'absolution. Outre les ouvrages cités dans le cours de l'article, voir la bi­ bliographie de l'article Absolution chez les anglicans, t. i, col. 229. Voir encore Edward T. Churton, The use of penitence, Oxford; P. Thureau-Dangin. La renaissance catholique en An­ gleterre au xi.v siècle, IP partie, Paris, 1903. p. 53 sq., 97 sq.; III' partie, Paris. 1906. p. 400410, 434-410, 455-450; A. G. Mor­ timer, Confession ami absolution. Investigation of teaching of Bible and Prayer Book, Londres, 1906. G. Morel. VIII. CONFESSION CHEZ LES PROTESTANTS. — I. Doctrine de Luther. II. Doctrine de Mélanchthon et des Églises luthériennes. III. Pratique de la confession chez les vieux luthériens. IV. Calvin et les Églises ré­ formées. I. Doctrine de Luther. — Un point qui parait défi­ nitivement établi pour la critique depuis Pfisterer, Luthers Lehre von der Beichte, Stuttgart, 1857, p. v, c’est que « Luther.au sujet de la confession, a toujours, sur presque tous les points essentiels, enseigné la même doctrine ». Il s’en faut que cette affirmation soit fondée el ce n’est point une œuvre sans intérêt de suivre dans le détail l’évolution de la pensée luthérienne. 1» Les précurseurs. — Si Luther est novateur, c'est bien en pareille matière. Jusqu'à lui on ne voit pas que des attaques bien vives se soient élevées contre la con­ fession : la pratique pouvait n’étre point toujours d'ac­ cord avec les idées; mais qui avait songé encore à s’élever violemment contre cette institution, à l'abolir comme une œuvre malsaine? Les vaudois, que l’on cite souvent comme les adversaires de la doctrine tradition­ nelle du sacrement de pénitence, n'ont jamais rejeté directement ni le dogme ni la pratique de la confession. Leur erreur a été plutôt d'élargir la doctrine el de se confessera tout venant, conformément à leurs idées du sacerdoce universel. Reynier, Contra Waldenses, c. IX. dans Biblioth. Patrum, Lyon, t. xxv, p. 273. Ils ne fai­ saient même aucune difficulté, tout en masquant leur hétérodoxie, de se confesser aux prêtres catholiques. Ad ecclesiam fide vadunt, offerunt el confitentur el communicant. Ibid., c. v, p. 272. Pierre de Pilichdorf les représente comme admettant toujours, avec les autres sacrements, le sacrement de pénitence. Tractatus con­ tra hæresim Waldensium, c. xvn, ibid., p. 282. Ils repoussaient seulement la confession générale. Index errorum quibus Waldenses infecti sunt, η. 27, ibid., p. 308.0n voit dans les articles condamnés en 1277 par Étienne Tempier, évêque de Paris, que le carac­ tère obligatoire de la confession n'était point reconnu de tous, Descriptum contra varios in fideerrrores, n.6, ibid., p. 335. et Thomas de Strasbourg cite également le fait d'un hérétique saisi par l'inquisition et qui avan­ çait que la contrition est suffisante, en dehors de toute confession, pour obtenir le pardon des péchés. In 11'Sent., dist. XVII, q. n, a. I, Gènes. 1585. Pierre d'Auriol men­ tionne également la coutume de certains hérétiques manichéens, probablement les vaudois, qui recueillaient dans un vase ou un chapeau l’âme des mourants et la portaient à un prêtre pour qu'il lui remit ses fautes. In IV Sent., dist. XVII, q. t, a. 1, Rome, 1605, p. 145. Mais ces moyens bizarres de suppléer à l'aveu du péni­ tent, de même que l'usage de se confesser aux laïques, contenaient plutôt en eux-mêmes un témoignage favo­ rable à la confession sacramentelle. Cf. Grancolas, L'ancienne discipline de l’Eglise sur la confession et sur les pratiques les plus importantes de la pénitence, Paris, 1697, p. 72 sq. 93G 2° Premiers enseignements. — Luther lui-même, eu début, n'était point d'un sentiment fort différent de celui de son époque. Dans son Sermon sur la pénitence, en 1518, document d'une importance capitale, il explique encore le sacrement à la manière théologique ancienne, tout en laissant bien entendre que ses vues personnelles ne cadrent pas entièrement aveccellesde la scolastique. Lui-même prend soin d'ailleurs de souligner les difïérences et il remarque, à propos de « la confession sa­ cramentelle », qu’il ne faut point avoir la présomption d'accuser les péchés véniels, ni même tous les péchés mortels, attendu qu’il est impossible au pécheur de les connaître tous. Aussi est-il urgent de revenir à la pra­ tique de l’Église primitive, ou l’on se contentait d'ac­ cuser les péchés manifestes. L’examen de conscience et l’accusation d’après les sept dons de l’Esprit, les sept péchés capitaux, les huit béatitudes ou toute autre no­ menclature, ne peuvent que tourmenter le pénitent, énerver le confesseur, et n'aboutissent qu’à de vaines formules, à une perte de temps pour soi comme pour les autres. Ideo duplici sis modo instructus. Uno quo sacerdoti omnia manifeste mortalia confitearis, quanquam difficile sit discerni mortalia a venialibus, nisi sint in opere manifesto aut evidenti consensu cordis... Atio quo Deo confitearis reliqua omnia. Sermo de pæ­ nitenlia, dans Werke, Weimar, 1883,1.1, p.322. L’année suivante, il enseignait encore qu'il est obligatoire de confesser les péchés du cœur en même temps que les fautes extérieures et il regardait toujours comme un sacrement la confession faite au prêtre de Jésus-Christ. Ein kurze Unterweisung, tvie man bcichlen soil, dans Werke, Weimar, t. il, p. 59 sq.CL Ein Sermo von dem Sacrament der Busse, 1519, ibid., p. 714-723. En 1520, le moine réformateur commence â appliquer à la confession les premières conséquences de sa doc­ trine sur les œuvres et sur la justification par la loi. Mais ses idées sont encore flottantes. « Il ne convient pas de se fier aux œuvres, déclare-t-il dans sa Méthode de confession ; c’est se mettre dans une fausse sécurité. La rémission des péchés vient de Dieu, et quand on se rend à confesse, ce n'est pas dans la confession même qu’il faut placer sa confiance, mais en Dieu, et par la foi. Le prêtre est le vicaire de Dieu : c'est donc à Dieu qu’il faut se confesser tout d'abord. » Confitendi ratio, dans Merfce, Weimar, t. vi, p. 158 sq. Jusqu'alors Luther avait maintenu l'obligation de soumettre au pouvoir des clefs tous les péchés mortels dont le pécheur a nettement conscience. Sous une forme encore dubitative ou voilée, commence désormais l'attaque contre l'intégrité de la confession. Jusqu’à quel point est-on tenu d’accuser les péchés de pensée ou de désir? Luther pose la question, en se déclarant incapable de la résoudre, si ce n’est peut-être par la négative. An peccata cordis occulta, ac sic soli Beo el homini qui fecit ea cognita, pertineant ad confessionem sacramenlalem, extra meum captum est. Libentissime ne­ garem. En toute hypothèse, il exclut les péchés qu'il nomme simplices cogitationes de virgine aut muliere, ibid., p. 161, en même temps qu’il s’élève avec force contre l’audace des théologiens, race impie, « née pour bouleverser par de fausses terreurs l’univers entier, qui oblige les fidèles à faire l'aveu de tous leurs péchés, comme si ce n’était là une obligation absolument impossible à remplir. Car comment parvenir à la con­ naissance de tous ses péchés, comment les énumérera confesse, lorsque nos bonnes œuvres elles-mêmes son: condamnables, devant la justice de Dieu, et mortelles Tantum abest ut omnia mortalia possimus nosse. nedum confiteri, ut etiam bona opera nostra, si Dei· per rigorem judicet ac non misericordia ignoscen agnoscat, sint damnabilia et mortalia. Ibid., n. ' p. 162. En conséquence, il suffit d’accuser, comme or. le pratiquait à l'origine, les criminalia, les fautes don: 937 CONFESSION CHEZ LES PROTESTANTS on peut être légitimement accusé et convaincu soit par autrui soit par sa propre conscience, mais par une con­ science droite, nullement tenaillée et enténébrée par les hommes d’église, théologiens ou canonisles, Un coup d'œil rapide sur les commandements de Dieu suffira comme préparation. Ibid., n. 8. p. 164 sq. Ces invectives et ces restrictions n'empéchent pas Lu­ ther de maintenir et de défendre l’institution de la con­ fession, dont il reconnaît la salutaire influence, sacra­ mentum istud confessionis saluberrimæ. Ibid., p. 165. Mêmes déclarations, non moins explicites, dans la Cap­ tivité de Babylone, où il affirme la nécessité de la con­ fession en vertu de son institution divine. Non est du­ bium confessionem peccatorum esse necessariam el divinitus mandatam. De captivitate babylonica Eccle­ siæ præludium, 1520, dans Werke, Weimar, t. vi, p. 546. 3° Diatribes et proscription. — La censure prononcée par la faculté de théologie de Louvain et par celle de Cologne contre les premières erreurs de Luther touchant la confession, cf. Facultatis theologicæ Lovaniensis doctrinalis condemnatio doctrines M. Lutheri, circa confessionem, dans IVerte, Weimar, t. vm, p. 177; Condemnatio facultatis theologicæ Coloniensis, ibid., p. 179, et surtout la condamnation des 41 erreurs par Léon X, le 16 mai 1520, Denzinger, n. 625-665, susci­ tèrent chez le bouillant réformateur une violente explo­ sion de colère. Dans sa réplique sur la confession, il s’éleva contre le précepte de la confession en contestant au pape le pouvoir d’intervenir par voie d’autorité en cette matière, comme si le caractère obligatoire de la confession provenait de la loi ecclésiastique. Mais il ne conteste nullement la sainteté de cette institution. « Je vénère la confession, comme la virginité et la chasteté; c’est une chose grandement salutaire. Mais ce que l’on impose par la force ne saurait plaire à Dieu. » Von der Beicht, ob die der Bapsl macld habe zu gebielen, 1521, dans Werke, Weimar, t. vm, p. 152, 165. Désormais la confession ne sera plus pour Luther qu’une des formes de la tyrannie papale, ibid., p. 185, et, d’institution divine, il ne sera plus question. Le prêtre à qui Notre-Seigneur a envoyé le lépreux, n’ap­ partenait point au collège apostolique : c’est l’Église tout entière, et non pas une partie de l’Église, qui détient le pouvoir de remettre les péchés. Evangelium von den zehn Aussâlzigen, 1521, dans H’erAe, Weimar, t. vm. p. 394. C’était abolir en principe l'absolution : sous l’inlluence de Carlstadt elle fut supprimée, de fait, à Witlemberg, en 1521, après la fête de Noël. E. Fischer, Zur Geschichte der evangelischen Beichte, Leipzig, 1903, p. 87. Cf. Sludien zur Geschichte der Théologie und der Kirche, t. IX, fasc. 4, p. 300. L’année suivante, Luther écrivait à Jacques Montanus que la confession générale suffisait pour obtenir le pardon et la paix. - dif­ ficile. La gravité de l'obligation du confesseur en ces matières, dépend, à la fois, et de la gravité du dommage causé par lui au pénitent ou à tout autre, et de la gra­ vité de la faute commise en le causant. Ces mêmes con­ sidérations montrent jusqu’à quel point l'obligation cesse pour le confesseur, en présence d’un grand incon­ vénient qui en résulterait pour lui-même. Si l’obliga­ tion est grave, il n’en est pas exempté, quoique l’inc. nvénient pour lui soit grave aussi. Cf. De Lugo, De pænitenlia, disp. XXII, sect, m, n. 63, t. v, p. 525. 951 CONFESSION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES Les erreurs commises au cours de la confession se divisent en trois classes : 1» celles qui allectent l’essence el la validité même du sacrement; par exemple, si le confesseur n'avait pas la juridiction ; s'il n'a pas pro­ noncé les paroles de la forme sacrar-entelle ; ou si le pénitent n’apporte pas les dispositions voulues; 2« celles qui, sans atteindre l'essence de la confession, nuisent à son intégrité; par exemple, si le confesseur, quand c’est nécessaire, n’interroge pas le pénitent sur le nom­ bre et l'espèce des péchés; 3» celles qui, sans toucher à l’essence ou à l’intégrité de la confession, sont une violation de la justice par rapport au pénitent, ou par rapport à un tiers; par exemple si le confesseur impose l'obligation de restituer à un pénitent qui n’y est pas tenu, ou réciproquement s’il ne l’impose pas quand elle est nécessaire. Cf. De Lugo, disp. XXII, sect, ni, n. 5058, t. v, .. 523. 1" Erreurs affectant l’essence et la validité du sacre­ ment. — Le confesseur doit évidemment, et en justice, les réparer, quel que soit l’inconvénient qui en résulte pour lui, quand il a péché gravement en les commet­ tant, et qu’il a causé un grave dommage au pénitent. Ce grave dommage existe pour le pénitent qui serait mori­ bond, et serait ainsi exposé à perdre son âme pour l’éternité; ou encore pour celui qui, devant entreprendre un long voyage, par terre ou par mer, serait obligé de jester longtemps sans se confesser. S’il n’y a pas grave dommage pour le pénitent, l'obligation pour le confes­ seur est moins rigoureuse. Cf. Suarez, De pænitenlia, disp. XXXII, sect, vt, n. 1-7, t. xxtt, p. 681-684; Salrnanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. VI, c. xn, n. 53-55, t. t, p. 316; üe Lugo, disp. XXII, n. 55-58; disp. XXIII, n. 150, t. v, p. 524 sq.; Tamburini, Me­ thodus confess, expedit., I. Ill, c. vm. n. 5, Opera omnia, t. II, p. 404; Lacroix, 1. VI, part. II, c. it, dub. v, n. 1773, 1785, t. u, p. 283, 284; S, Alphonse, 1. VI, Ir. IV, c. it, dub. v, n.618-619, t. vt, p. 116-118; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X, sect, v, c. n, n. 835848, t. v, p. 457-462. Il est bon de noter à ce sujet que Je défaut d’absolution d'une censure peut être suppléé, même en dehors du saint tribunal, et quand le pénitent est absent.VoîtCensures ecclésiastiques, 1. n,col.2135. Cf. Suarez, disp. XXXII, sect, vi, n. 3, t. xxn, p. 682. 2“ Erreurs affectant l’intégrité de la confession. — Si, par simple négligence, le confesseur n’a pas inter­ rogé le pénitent sur le nombre et l’espèce des péchés, il n’est tenu à rien, en dehors de la confession, car l'obligation d’accuser intégralement les péchés regarde plutôt le pénitent que le conlesseur. Quoique celui-ci soit tenu d'interroger, au cours de la confession, quand il le juge nécessaire, pour l’instruction de la cause, si la cause est finie par le prononcé de la sentence, l’obli­ gation cesse pour lui. Mais si c’est par malice qu'il ne l’a pas interrogé, ou s’il l’a trompé volontairement en lui faisant croire que cette obligation n'existait pas. le cas change. Après avoir demandé et obtenu du pénitent la permission de lui parler de sa coi4|ssion, le prêtre est tenu de l’avertir de cette erreur, parce qu'il est cause que le pénitent a violé le précepte rigoureux de confesser intégralement scs péchés. 11 n'y serait pas tenu cependant avec un grave dommage pour lui-méme, car, si le pénitent, pour un motif de ce genre, est dispensé de l’intégrité de la confession, a fortiori le confesseur l’est-il pour le même motif. Cf. Suarez, De pænitenlia, disp. XXXII, sect, vt, n. 8, t. xxn, p. 685; De Lugo, disp. XXII, n. 62, 73-75, t. v, p. 525, 527; Lacroix, I. VI, part. Il, c. tt, dub. x, n. 1779, t. il, p. 283; Tamburini, Method, con­ fess., I. Ill, c. vin,η. 3,Opera, t. ιι,ρ. 404; S. Alphonse, 1. VI, tr. IV, c. n, dub. v, n. 620, t. vi, p. 119; Pal­ mieri, Opus théologie. morale, tr. X, sect, v, c. u. n. 848-854, I. v. p. 462-465. 3° Erreurs violant la justice au préjudice d'un tiers, 952 ou du pénitent lui-même. — Si par malice, grave né­ gligence, ou erreur coupable, le confesseur a dispensé injustement un pénitent de l'obligation de restituer, il doit l’avertir de l'obligation qui pèse sur lui, et, à cette fin, lui demander la permission de lui parler de sa con­ fession. Si cette permission lui est refusée, de sorte qu’il ne puisse avertir le pénitent; ou, si, celui-ci étant dûment averti, ne peut plus alors faire cette restitution, qu’il aurait pu accomplir au temps de sa précédente confession, le confesseur a le devoir de restituer à sa place, car il a été la cause efficace, volontaire et cou­ pable d’un injuste dommage porté â un tiers. Cette obligation subsiste également pour le confes­ seur si le pénitent refuse de restituer à ce moment, tan­ dis qu’il l’aurait fait quand il s’est confessé, si le con­ fesseur ne l’avait pas alors trompé. Quelques auteurs disent bien que le confesseur ayant averti le pénitent, n'est plus tenu à rien, car ce n’est plus sa faute, mais celle du pénitent, si un tiers subit un dommage. D’au­ tres auteurs, beaucoup plus nombreux, et avec plus de raison, soutiennent, au contraire, que le confesseur n’est pas, dans ces circonstances,dispensé de restituer. Celui qui, après avoir donné un mauvais conseil, le relire, n’en est pas moins, en effet, obligé de réparer le dom­ mage qui en résulte, si ce dommage s'est produit avant la rétractation. Or, c’est bien le cas ici. Le mauvais con­ seil donné par le confesseur a produit le dommage, puisque le pénitent était alors disposé à restituer. C’est la faute du confesseur, s’il ne l'a pas fait alors. Le con­ fesseur a beau l’avertir maintenant: la faute que com­ met présentement le pénitent en ne pas remplissant son obligation, ne dispense pas le confesseur d’accom­ plir la sienne. Celui-ci est tenu, à défaut de celui-là. Cf. De Lugo, disp. XXII, n.64, t. v, p.525; S. Alphonse, 1. VI, tr. IV, c. n, dub. v, n. 620, t. vi, p. '119. Réciproquement, le confesseur devrait de même resti­ tuer au pénitent, s’il lui avait imposé, volontairement et par malice, une restitution à laquelle le pénitent n’était pas tenu. Si l’erreur commise ainsi par le confesseur et faisant tort au prochain ne constitue pas une faute grave, mais vénielle, le confesseur est également obligé de la répa­ rer, comme dans le cas exposé plus haut et avec les mêmes distinctions. Seulement il y est tenu avec moins de rigueur. Le dommage qu'il en éprouverait lui-même pourrait plus facilement l'excuser, car d’une faute vé­ nielle ne saurait naître, en général, une obligation grave. Les solutions précédentes sont pour les cas ou le con­ fesseur s’est positivement opposé à la restitution par une erreur volontaire et coupable. S’il n’y a de sa part qu’une négligence légère, une omission involontaire, un oubli d'avertir le pénitent, il n’est pas tenu en jus­ tice de réparer le dommage qu’il n’a pas volontairement causé. Il doit donc par charité avertir le pénitent, s’il le peut commodément; mais s’il ne le peut pas, il en est dispensé. Selon beaucoup d’auteurs, il ne serait pas tenu à restituer, même si, volontairement dans ce cas. il omettait cette dernière monition, car, en somme, la mission du confesseur est directement de procurer le bien spirituel de ses pénitents, et non de rechercher le bien matériel d’autrespersonnes dont il n'esl pas chargé. S’il a à s’occuper de celles-ci, c'est uniquement par charité. Donc, dès qu'il ne leur cause pas volontaire­ ment un injuste dommage, en supposant qu’il manque à la charité envers elles, il n’est pas tenu à restituer. Cf. Suarez, De pænitenlia, disp. XXII, sect. Vl, n. 9. t. xxn, p. 685; Salmanlicenses, Cursus theolog. moral., tr. VI, c. xn. n. 50-52, t. t, p. 315 sq. ; De Lugo, disp. XXII, n. 61, 65, 67, t. v, p. 524, 526; Lacroix, L VI, part. 11, c. n, dub. v, n. 1781, t. n, p. 283; S. Alphonse, Theo­ logia moralis, 1. VI. Ir. IV, c. it, dub. v n. 621, t. vi. p. 121; Palmieri, Opus théologie, morale, tr. X, sect, v, 9Û3 CONFESSION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES c. il, n. 854-861, t. v, p. 465-467; Lehmkuhl, part. II, 1. I, tr. V, sect, ni, c. in, S 2, n. 470-476, t. n, p. 337-341. Une autre obligation, d'une gravité extrême pour le confesseur, est de garder le secret le plus absolu sur tout ce qui lui a été dit en confession. Voir Confession {Science acquise en). II. Matière. — i. matière nécessaire. — La matière nécessaire de la confession comprend, de droit divin, tous les péchés mortels commis après le baptême et non encore directement remis, quant au nombre et quant à l’espèce. Joa., xx, 22; concile de Trente, sess. XIV, c. v, can. 7. Voir col. 918, 919. Il nous faut donc parler de l’accusation numérique et de l’accusation spécifique des péchés. 1» Accusation numérique. — Le pénitent doit con­ fesser tous les péchés mortels qu’il a conscience d'avoir commis. S’il n’en sait pas le nombre exact, il doit exprimer le nombre approximatif, en ajoutant le mot « environ »; par exemple : J’ai péché contre ce précepte environ dix, quinze, vingt fois, etc. Si, plus tard, il arrivait à connaître exactement ce nombre, il ne serait pas tenu de recommencer l'accusation, à moins qu’une différence notable n’existât entre le nombre approxima­ tif d’abord énoncé, et le nombre vrai découvert dans la suite. Cl. De Lugo, De pænitentia, disp. XVI, sect, it, § 5, t. v, p. 322 sq. ; S. Alphonse, Theolog. moral., I. VI, tr. IV, c. 1, dub. ni, n. -466, t. v, p. 399. Beste à préciser ce qu’il faut entendre par différence notable, nécessitant une nouvelle accusation. Invoquant les commentaires des anciens juristes, en particulier d'L’Ipien, sur divers passages du vieux droit romain, 1. L, Digest. ,tit. xvt, De verborum significatione, leg. 192, Ilæc adjectio, la plupart des théologiens s’accor­ dent à dire que le mot circiter, i environ, » n’indique qu'une petite partie du tout. Ainsi les expressions: « environ cinq, dix, trente, quarante, » signifient res­ pectivement de 4 â 6, de 8 à 12, de 25 à 35, de 35 à 45, etc. Si l’on disait : « environ cent, » cela signifierait de 90 à 110. La différence entre l'approximation et la réalité croit avec le nombre fondamental, mais non pourtant dans la même proportion. Quand le chillre dépasse la centaine, il est plus sùr de demander com­ bien de fois le péché a été commis par jour, par se­ maine, ou par mois, et combien de temps cet état cou­ pable a duré. Cette méthode s'applique surtout aux péchés internes, susceptibles d’être renouvelés plus fréquemment. Cf. De Lugo, De pænitentia, disp. XVI, n. 79, 94-97, t. v, p. 319, 322. Si au péché interne s’ajoute l'acte extérieur, il faut l'accuser, car c’est un acte moralement distinct de l’acte interne. S. Thomas, Sum. theol., I1 IIæ, q. i.xxii, a 7 ; De Lugo, disp. XVI, n. 447-460, t. v, p. 382-385. L'effet du péché n’étant pas une nouvelle faute, on n'est pas tenu de l’accuser, à moins qu'il n’entraine une cen­ sure ou l'obligation de restituer. Cf. De Lugo, Depænilenl., disp. XVI, n. 440-447, t. v, p. 382 sq. ; S. Alphonse, L VI, tr. IV, c. i, dub. ni, n. 465-470, t. v, p. 399-409; Palmieri, Opus théologie, morale, tr. X, sect, v, c. i, a. 1, n. 346-354, 388, t. v, p. 181-184, 199. 2» Accusation spécifique. — L'accusation des diver­ ses espèces de péchés est, en général, plus facile que celle de leur nombre. A ce sujet, d'ailleurs, revient la remarque faite plus haut â propos des interrogations qu’il convient de poser au pénilent. Si un confesseur peu instruit est exposé, en cette matière, à commettre des lacunes, un confesseur trop savant est exposé au contraire à demander trop de détails. Il ne faut pas oublier, dit De Lugo, De pænitentia, disp. XVI, n. 578, t. v, p. 407, que les espèces de péchés ne doivent être accusées par le pénitent que d'après son concept per­ sonnel et sa propre capacité, pro captu pænitenlis ejusque :onscientia : malitia enim ignorata non con­ trahitur. Souvent il n'a de leur gravité el de leur ma­ 954 lice diverse qu'une connaissance vague et confuse. 11 lui suffit de les accuser comme il les connaît. Si, plus tard, il acquiert une connaissance plus claire de ces distinctions, il n’est pas tenu de recommencer sa confession avec plus de détails, car, d'après l'exposé relativement confus qu'il en avait fait auparavant, le confesseur avait suffisamment compris son étal d'âme. Ce serait, en effet, pour le pénitent une charge intolé­ rable, s’il devait recommencer sa première confession toutes les fois que ses connaissances deviendraient plus précises. Certaines personnes en seraient toujours à se confesser, et. après l’avoir fait cent fois, n'en demeure­ raient pas plus tranquilles. Elles se mettraient l'espril à la torture pour chercher, dans les ténèbres du passé et dans les plus profonds replis de leur cœur, quelque minutie oubliée, qui nécessiterait, d'après elles, une nouvelle accusation. C’est le tourment des âmes scru­ puleuses. Ce souci exagéré de l’intégrité dans l’accusa­ tion, loin de leur être profitable, nuit considérablement à leur progrès spirituel. Il absorbe leurs énergies el les empêche de produire des actes de vertus qui seraient de beaucoup plus méritoires, étant plus parfaits. Une nouvelle accusation ne deviendrait nécessaire que si, comme nous l’avons fait remarquera propos de l'accu­ sation numérique, le pénitent en arrivait â découvrir, dans sa conscience, une telle multitude de péchés spé­ cifiquement distincts, qu’elle dépasserait notablement ceux qu’il avait implicitement déclarés dans son accu­ sation précédente. Cf. De Lugo, De pænitentia, disp. XVII, sect. I, n. 14 sq., t. v, p. 425. De ce qui précède, il suit que l'on n’est pas obligé de confesser les circonstances simplement aggravantes qui ne changent pas l'espèce dn péché. Il est plus parfait de les accuser, comme, les fautes vénielles, pour en recevoir plus facilement le pardon; mais ce n'est pas indispensable pour la validité du sacrement. Tel n'est pas l'avis de Suarez, De pænitentia, disp. XXII, sect, m. η. 5-13, t. xxii, p. 472-475; ni de Lacroix, 1. VI. part. Il, c. 1, dub. ni, n. 977, t. n, p. 208, et de quel­ ques autres, qui cependant reconnaissent comme pro­ bable l'opinion opposée défendue par la plupart des théologiens. Cf. S. Thomas, IV Sent., dist. XVI, q. m. a. 2, 9; Sum. lheol., Il» II’, q. ci.iv, a. 9 ; S. Bonaven­ ture, IV Sent., dist. XVII, punct. m, a. 2, q. n; S. An­ tonin, part. Ill, tit. xiv, n. 19, § 7 ; lit. xvn, c. xvn, § 5, t. ni, p. 254 sq., 313 ; Suarez, loc. cit., n. 3-5, t. ΧΧΠ, p. 472; Salmanticenses, Cursus theologiæ mo­ ralis, tr. VI, c. vm, n. 14, 16, 27, t. i, p. 253 sq., 255; Ferraris, Prompta bibliotheca, v° Pænitentiæ sacra­ mentum, a. 2, n. 90-128, t. vu, p. 200-204; De Lugo. disp. XVI, sect, m, n. 115, 120, 134, 213 sq., 308, 359 sq., t. v, p. 326 sq., 329, 343 sq., 359, 367 sq. ; S. Alphonse, 1. VI, tr. IV, c. i, dub. m, n. 467-471, t. v, p. 401-411 ; Palmieri, Opus théologie, morale, tr. X, sect, v, c. i, n. 354-364, t. v, p. 184-189, Voir t. i. col. 574-575, et plus haut, col. 913-915. Les péchés graves, involontairement oubliés, quoique remis indirectement par l'absolution, doivent cependant être accusés pour être soumis aux clefs de l’Eglise. Ce précepte de soumettre tous les péchés mortels â la puis­ sance des clefs étant grave et de droit divin, l’oubli n'en dispense pas d'une façon définitive. Pourtant, il n’est pas besoin de les accuser aussitôt, ni même avant de communier. Il suffit qu’on le fasse à la prochaine confession. Les péchés effacés par l’acte de contr. ion parfaite sont aussi matière nécessaire du sacrement de pénitence, puisqu’on est tenu de les accuser, la contri­ tion ne les remettant que cum voto confessionis. Cf. Suarez. De pænitentia, disp. XXII, sect, ι, η. I. t. xxn, p. 465; Bonacina, Theologia moralis, disp. V. q. v, sect, n, p. n, 4» diflic., t. I, p. 146; Lehmkuhl, Theolo­ gia moralis, part. II, 1. 1, tr. V, sect, n, § 4, n. 323327, t. n, p. 238-240. 955 CONFESSION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES 956 La même solution ne s’applique pas aux péchés dou­ I qui consistent à omettre de faire le bien qu'on aurait teux. A leur sujet, les théologiens établissent une foule 1 pu accomplir, et qui, ne violant pas les préceptes, sont de distinctions. Ils examinent si le doute porte sur simplement opposées aux conseils évangéliques, ne constituent pas une matière suffisante, à moins qu’elles l'existence de l’acte, sur sa gravité, sur l’advertance ou sur le plein consentement. Suivant les cas, ils modi­ ne soient accompagnées de quelque faute vénielle, fient leur sentiment. Mais l’opinion la plus commune et comme il arrive souvent. Cf. De Lugo, De pænitentia, la plus probable, c’est qu'il n’est pas nécessaire d’ac­ disp. Ill, sect, i, n. 9-20 ; disp. XVI, n. 103, t. v, p. 2123, 324 ; S. Alphonse, Praxis confessar., c. iv, n. 71 ; cuser les péchés douteux. Il est pourtant recommandé de le faire, pour retrouver la tranquillité de la cons­ c. x, § 1, n. 188, t. v, p. 71, 164; Palmieri, Opus théo­ cience que le doute jette dans l'inquiétude, et pour re­ logie. morale, tr. X, sect, v, c. i, dub. i, n. 1-26. t. v, р. 1-16. cevoir les conseils opportuns. Cf. Suarez, disp. XXII, III. Intégrité. — Elle est matérielle ou formelle. sect, ιχ, n. 6, 7, t. xxn. p. 504 sq.; Salmanticenses, 1° Intégrité matérielle. — Elle consiste dans l'accu­ Cursus theologiæ moralis, tr. VI, c. vm, n. 31, t. I, sation complète, quant au nombre et à l’espèce, de tous p. 256; De Lugo, disp. XVI, n. 58 sq., 63, 78, 92, I v, les péchés mortels, non encore confessés, et qui, après р. 316 sq., 319, 322; Lacroix, 1. VI, part. II, tr. IV, c. I, un sérieux examen de conscience, se présentent à la n. 609, 611, t. n, p. 165; S. Alphonse, I. VI, tr. IV, mémoire. Cf. S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, с. I, dub. ni, n. 473, 476-478. t. v, p. 413-422 ; Vindictes alphonsianæ, t. Il, p. 472-479; Palmieri, Opus théolo­ tr. IV, c. i. dub. v, n. 465, t. v, p. 400. Le moyen d’assurer celte intégrité requise est un gie. morale, tr. X. sect, v, c. i, n. 374-388, t. v, p. 193sérieux examen de conscience, sans lequel le défaut 199; Lehmkuhl, part. II, 1. I, tr. V, sect. Il, § 1, n. 301d'intégrité serait coupable. On doit apporter à cet exa­ 327, t. n, p. 226-240. men l’attention ordinaire qu’un homme prudent apporte il. matière suffisante. — Elle comprend tous les â une affaire importante ; mais rien de plus n’est obliga­ péchés qu'il n'est pas nécessaire d’accuser, mais sur toire. Un confesseur aurait tort d’exiger de ses péni­ lesquels cependant l’absolution peut être donnée avec tents, sous ce rapport, des efforts extraordinaires, sous fruit. Ce sont: 1» les péchés véniels, concile de Trente, prétexte qu'en cherchant mieux, dans les replis secrets sess. XIV, c. v, et can. 7 ; 2° les péchés mortels ou de leur conscience, ils trouveraient davantage encore. véniels déjà directement remis par une absolution précédente. Cf. Instit. Inter cunctas de Benoît XI, in­ Ce serait tomber dans le scrupule et rendre la confes­ sion onéreuse. Cet examen doit être suivant la capacité sérée dans le Corpus juris canonici, 1. V, Extravag. du pénitent, que le confesseur n’a jamais le droit de comm., lit. vit, De privilegiis, c. 1. Voir col. 915-916. mettre à la torture. Cf. De Lugo, De pænitentia, disp. 1» Pêchés véniels. — On peut les accuser les uns sans XVI, n. 590-594, t. v, p. 409 sq. ; Salmanticenses, Cur­ les autres, ou les accuser tous d’une façon générale, puisque leur accusation numérique ou spécifique n’est sus theologiæ moralis, tr. VI, c. vi, punct. n, n. 3-8, t. I, p. 241 ; Layman, Theologia moralis, 1. V, tr. VI, pas imposée. En pratique, il vaut mieux les accuser en détail, comme c’est la coutume des âmes pieuses, afin с. vm, n. 5, t. n, p. 276; Bonacina, disp. V, q. v, sect, il, d’en concevoir plus de repentir, et d'en recevoir plus punct. I, § 2, t. il. p. 135-138; S. Alphonse. 1. VI, tr. IV, c. 1, n. 471, t. v, p. 411 ; Palmieri, Opus théologie, mo­ complètement le pardon. Cl. Suarez, De pænitentia, rale, tr. X, sect, v, c. i, dub. m, n. 346-350, 365-373, disp. XVIII, sect. l, n. 5, t. xxn, p. 383; Layman, De pænitentia, 1. V, tr. VI, c. v, n. 15, t. n, p. 274 ; La­ t. v, p. 181 sq., 189-193. croix, I. VI, part. II, tr. IV, c. I, dub. I, η. 6I4, 620-626, 2» Intégrité formelle. — Elle consiste dans l’accusa­ tion de tous les péchés mortels qui peut être faite, vu t. n, p. 166-167; S. Alphonse, 1. VI, tr. IV, c. 1, dub. I, n. 427, t. v, p. 318. . les circonstances de temps, de personnes et de lieu dans lesquelles on se trouve. En pratique, en effet, 2» Péchés déjà remis. — Puisque leur accusation n’est l’intégrité matérielle, telle qu'elle a été exposée plus pas nécessaire, il est évident que, comme celle des haut, n'est pas toujours possible. Or, Dieu ne demande péchés véniels, on peut la faire seulement en général. C'est la coutume suivie par les âmes pieuses qui. après pas l'impossible. Il y a donc des circonstances qui en chacune de leurs confessions, afin de mieux assurer le dispensent, en partie du moins. Mais elles laissent sub­ fruit du sacrement de pénitence, en y apportant une sister l'obligation de suppléer à ce qui a été omis, dès matière certaine, disent en terminant l'accusation de que la cause de dispense n’existe plus. Voir col. 916-918. leurs fautes légères et de leurs imperfections : « Je Les pénitents sont dispensés de l'intégrité matérielle, m'accuse, en outre, de tous les pêchés de ma vie et il leur suffit d’accuser un péché particulier, ou de faire de tous une simple accusation générale: I. Au passée. » D’autres précisent davantage en ajoutant : «... et en particulier de ceux que j’ai commis contre moment d’un naufrage, ou sur un champ de bataille. telle ou telle vertu ; contre tel ou tel commandement Le temps matériel fait alors défaut, tant au confesseur qu’aux pénitents eux-mêmes. — 2. S’il y a danger de de Dieu ou de l’Église. » Cf. S. Thomas, IV Sent., dist. XVII, q. m, a. 3; Suarez, De pænil., disp. XVIII, mort immédiate, soit pour un blessé, victime d'un accident imprévu, soit pour un malade auprès duquel sect. I, n. 6 ; disp. XXII, sect, vi, n. 2, t. xxn, p. 384, 495; De Lugo, De pænil., disp. XIII, sect, ni, n. 73; le prêtre a été appelé trop tard. — 3. Durant les épidé­ disp. XVI, n. 46 sq., 56 sq., t. v, p. 205, 314 sq.; Sal­ mies, le prêtre n’est pas obligé de mettre sa vie en dan­ manticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. Vl,c.iv, n. 22, ger pour assurer l'intégrité de la confession. Il est autorisé à se contenter d’une accusation sommaire. t. t, p. 228; Bonacina, disp. V, q. v, sect, il, punct. n, Cependant, s’il voulait s’exposer davantage à la conta­ t. i, p. 146; Ferraris, Prompta bibliotheca, 10 in-4», Venise, 1782,v»Pænitentiæ sacramentum, a. 1, n. 16-20, gion, les pénitents ne seraient pas dispensés d'achever l’accusation de leurs fautes. — 4. Si les pénitents sont t. vu, p. 183; Lacroix, 1. VI, pari. Il, tr. IV, c. I, scrupuleux. 11 en est que des confessions multipliées, n. 589, t. n, p. 162 sq.; S. Alphonse, Theolog. moralis, 1. VI, tr. IV, c. 1, dub. I, n. 425, 427, t. v, p. 315-318; ou prolongées outre mesure, ne tranquillisent jamais. Non seulement on peut alors les dispenser de l’inté­ Lehmkuhl. Theologia moralis, part. II, 1.1, tr. V, c. in, grité matérielle ; mais il convient de leur défendre § 2, n. 259-268, t. Il, p. 193-199. Les pêchés douteux ne sont pas matière suffisante de même d’accuser plus de trois ou quatre péchés. — 5. la confession sacramentelle, car la matière ne peut S’ils parlent une langue étrangère que le confesseur être qu'un péché réellement commis. Avec la seule ne comprend pas. Ils ne sont pas obligés alors de se accusation d’un péché douteux le sacrement serait servir d’un interprète laïque, qui probablement ne exposé au danger de nullité. En effet, les imperfections garderait pas le secret. — 6. S'ils sont sourds au point 957 CONFESSION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES fle ne pouvoir tout expliquer, sans se faire entendre par I d’autres que le confesseur. — 7. Si, étant muets, ils ne , savent écrire; ou, si, le sachant, ils ne le peuvent, sans s’exposer au danger de révéler leurs fautes. Ce danger peut toujours être supposé probable, car il arrive très souvent que des écrits s’égarent. — 8. Si, enlin, pour quelque motif, il y a péril pour eux d’etre diffamés, auprès de tout autre que le confesseur. Ce dernier cas est cependant plus rare. Cf. Suarez, De pænitenlia, disp. XX11I, sect, n-iv, t. xxn, p. 509-512; Salmanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. VI, c. vin, η. 114155, t. i, p. 268-275; De Lugo, De pænitenlia. disp. XVII, sect, ι-ιι, t. v, p. 422 sq. ; Lacroix, I. VI, part. Il, tr. IV, c. 1, dub. ni, n. 1140-1164, t. Il, p. 218-221; Layman, 1. V, tr. VI, c. vm, n. 10-14, t. Il, p. 278; Ferraris, Prompta bibliotheca, v» Pænitentiæ sacramentum, a. 2, n. 80-90, t. vu, p. 196-200 ; Bonacina, disp. V, q. v, sect. Il, punct. v. t. i, p. 155 sq. ; S. Alphonse, 1. VI, tr. IV, c. iv, dub. ut, n. 479-491, t. v, p. 422-440; Lehm­ kuhl, part. Il, 1. 1, tr. V, a. 2, n. 327-341, t. il, p. 240249; Palmieri, Opus théologie, morale, tr. X, sect, v, c. i, dub. m, n. 389-450, t. v, p. 200-225. IV. Qualités. — Nombreuses sont les qualités que doit présenter une confession pour être bien faite. Les principales d'entre elles ont été exprimées par les deux vers suivants : Integra ait, simplex, humilis, discreta, fidelis, Vocalis, mœrens, pura et parere parata. Ou encore par ceux-ci : Sit simplex, humilis confessio, pura, fidelis. Atque frequens, nuda, et discreta, libens, verecunda, Integra, secreta, el lacrymabilis, accelerata, Fortis, et accusans, et sit parere parata. La plupart de ces conditions ne concernent pas la validité de la confession elle-même, sinon celles qui se ramènent à l’intégrité et à la contrition. Elles ne sont donc pas essentielles, mais secondaires. Il a déjà été question de l’intégrité. Il suffira de dire des autres quelques mots seulement : 1» Simplex. — Que la confession ne soit pas accom­ pagnée de phrases superflues, n’ayant aucun rapport avec l’accusation des péchés; mais qu'elle soit brève et claire. 2° Humilis, verecunda et accusans. — Qu'elle appa­ raisse, en outre, un acte de véritable humilité, soit dans l’altitude, soit dans les expressions, soit dans le ton de la voix. Le pénitent se tiendra donc à genoux, à moins qu’il ne soit infirme ou malade ; il aura la tète découverte; il racontera ses fautes avec componction, et non d’un air dégagé, insouciant, comme si c’était un récit quelconque. Il ne cherchera nullement à s'excuser, mais sera son propre accusateur. 3° Discreta. — 11 se servira de termes convenables et modestes, n'ayant rien de trivial, surtout dans les accusations touchant le vi» el le ix» précepte. Il se gar­ dera aussi de révéler sans nécessité les défauts du pro­ chain. 4» Fidelis et fortis. — Sincère dans son exposé, non seulement le pénitentévilera de mentirpositivement dans sa confession, mais il ne cherchera point, par des for­ mules équivoques, à atténuer la gravité de ses fautes. Il ne les exagérera pas non plus, mais les accusera telles qu’il les connaît; les douteuses comme douteuses el les certaines comme certaines. C’est en cela qu'il a besoin de force, pour que le respect humain ne mette aucun obstacle à sa sincérité. 5’ Vocalis. — La confession doit se faire de vive voix -t non par écrit, ou par signe; excepté le cas de néces­ sité, si quelqu’un ne pouvait parler; ou pour un motif grave; par exemple, à cause de la honte trop grande qu'on éprouverait à accuser certaines choses de vive voix; ou encore, pour plus de facilité, comme le font 958 divers scrupuleux qui craignent toujours d’avoir oublié la plus grande partie de leurs péchés, s’ils ne les ont écrits. La confession par écrit est, d’ailleurs, valide, quoique l'absolution par écrit ne le soit pas. Voir col. 920. 6° Mœrens et lacrymabilis. — Avec le repentir néces­ saire. Voir Contrition. 7’ Pura et libens. — Spontanée, dans des vues pures, c'est-à-dire pour obtenir le pardon de ses péchés et les grâces attachées à la réception du sacrement; mais non, comme le font des personnes intéressées, pour exciter la commisération du confesseur, solliciter ses aumônes, capter sa bienveillance et attirer son estime. 8° Parere parata. — Le pénitent doit être disposé à se conformer aux avis du confesseur, soit pour fuir les occasions du péché, soit pour employer les remèdes indiqués par lui : faire une restitution, accepter la péni­ tence satisfacloire, etc. 9» Frequens. — C’est là simplement un conseil. La confession fréquente est utile à tous : aux pécheurs qu’elle tire du péché; aux justes qu’elle aide puissam­ ment à marcher dans le chemin de la perfection. 10° Accelerata. — La confession doit suivre aussitôt que possible le péché commis, afin que l'âme ne reste pas longtemps dans un état toujours dangereux pour elle. 11» Secreta. — Cela ne signifie pas que la confession auriculaire est seule valide ou licite; mais que la con­ fession publique n’est nullement obligatoire, dans aucun cas. Cf. S. Thomas, IV Sent., dist. XVII, q. Ill, a. 4; Sum. theol., 111* Suppl., q. ix, a. 4; Suarez, De pænitenlia, disp. XXI, sect, i-iv, t. xxn, p. 455-465; Salmanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. VI,c. vi, punct. i, n. 1-3, t. i, p. 240sq.; De Lugo, De pænitenlia, disp. XV, sect, νιιι-ιχ, n. 184-192, t. v, p. 292 sq.; La­ croix, 1. VI, part. II, tr. IV, c. l, dub. m, n. 1165-1201, t. it, p. 221-226; Ferraris, v» Pænitentiæ sacramentum, a. 2, n. 54-80, t. vu, p. 195 sq.; Layman, I. V, tr. VI, c. vi, t. Il, p. 240 sq.; S. Alphonse. Theolog. moralis, 1. VI, tr. IV, c. i, dub. ni, n. 492-496, t. v, p. 440-444; Palmieri, Opus theolog. morale, tr. X, sect, v, c. i, a. 3, n. 450-460, t. v, p. 225-229; Lehmkuhl. part. II, 1. I. tr. V, sect, π, c. n, t. ti, p. 225. V. Réitération. — Toute confession de péchés mor­ tels, invalide par défaut d’accusation ou de contrition, doit être nécessairement recommencée. Le pénitent doit la renouveler en entier s’il s’adresse à un autre confesseur, car celui-ci, sans un aveu complet, ne pour­ rait remplir auprès de lui sa mission de médecin et de juge. Si le pénitent revient au même confesseur qui garde un souvenir de la confession précédente, il lui suffit d’accuser, en général, les péchés déjà déclarés, et d’y joindre l'accusation de ceux qui auraient été pré­ cédemment cachés. Si le confesseur, vu le temps écoulé, avait totalement oublié la confession précé­ dente, il faudrait probablement la renouveler en entier. On n'est d'ailleurs strictement obligé de réitérer une confession que si l'on est moralement certain de son invalidité. En ces matières également s’applique l'axiome universellement reçu : In dubio standum est pro valore actus.Cf. Suarez. De pænilenlia,disp. XXII. sect, vi, t. xxn, p. 495-498; Salmanticenses. Cursus theologiæ moralis, 1. VI, c. ix, t. I, p. 275-280; De Lugo, De pænilenlia, disp. XVI, sect, xv, xvi; disp. XXII, n. 77, t. v, p. 410-422,527; Tamburini, Method. confess., 1. II, c. i, §2, t. n, p. 376; Ferraris, Prompta biblio­ theca, v» Pænitentiæ sacramentum, a. 2, η. 139-155, t. vu, p. 205-207; Bonacina, disp. V, q. v, sect, n, punct. ni, 1.1. p. 149-156; Layman, 1. V, tr. VI, c. ix. t. n, p. 279 sq.; Lacroix. I. VI, part. II, tr. IV, c. 1, dub. lit, n. 1216-1228, t. n. p. 227 sq.; S. Alphonse. L VI, tr. IV, I c. i, dub. m, n. 498-500, t. v, p. 444-453; Palmieri, Opus j theolog. morale, tr. X, sect, v, c. i. dub. ni, a. *, n. 460-478, t. v, p. 229-239; Lehmkuhl, part. II. 1. I, 959 CONFESSION (SCIENCE ACQUISE EN) tr. V, sect, n, c. il, a. 3, § 2, n. 345 sq., t. n, p. 251 sq. Une suile plus ou moins longue de confessions inva­ lides et sacrilèges rend parfois nécessaire une confes­ sion générale, soit de toute la vie, soit d’une période d’années. C'est alors le seul moyen de remettre une âme dans la bonne voie. Quand on n'est pas certain de l’invalidité des confes­ sions précédentes, une confession générale n’est pas indispensable; il convient cependant, si le doute est fondé, de la recommander, alin de délivrer le pénitent de ses anxiétés de conscience, de lui rendre la paix intérieure, et de lui procurer, de cette façon, plus de forces surnaturelles pour la pratique des vertus. Quelquefois même, sans qu'il y ait doute sur la vali­ dité des confessions précédentes, on peut la conseiller aux âmes pieuses, quand on prévoit qu’elles en retire­ ront du prolit spirituel. Une plus claire connaissance de leurs misères est de nature à leur inspirer un plus profond mépris d’elles-mêmes. De là, chez elles, une plus vive haine du péché, des efforts plus énergiques pour éviter les moindres fautes, un recours plus fré­ quent à Dieu. Leur pureté y gagne, et leurs progrès dans la perfection sont plus accentués. Quant aux personnes scrupuleuses, quoiqu'elles la demandent avec instance, il faut leur refuser la permis­ sion de faire une confession générale. Elle leur serait inutile ou même nuisible. Loin de leur rendre la paix intérieure, elle n’aboutirait qu'à augmenter leurs anxiétés. 11 est évident que, dans ce cas, outre la perte de temps, les inconvénients dépassent de beaucoup les avantages. En somme, une confession générale est utile et peut être conseillée aux grandes époques de la vie, qui pré­ cèdent des actes plus solennels et plus importants : par exemple, avant la première communion, avant le sous-diaconat ou le sacerdoce pour les clercs, avant la profession religieuse, avant la réception du sacrement de mariage, avant le choix d'un état de vie; en un mot, toutes les fois qu'on se propose de donner à son exis­ tence une orientation nouvelle, ou qu’on est résolu à s’engager définitivement dans le chemin de la perfec­ tion. Lorsqu’une personne a fait, durant le cours de sa vie, une ou deux confessions générales, il faut se montrer très difficile pour lui en permettre d’autres, à moins qu'il ne conste de l’invalidité des précédentes. Il en va tout différemment pour les confessions générales, dites partielles, ne s’étendant guère qu’à une année. Les confessions de ce genre sont en usage dans la plu­ part des congrégations religieuses, dont les membres, à chaque retraite annuelle, font la revue de toutes les fautes commises depuis la retraite précédente, afin d'en concevoir un plus grand repentir. En se rendant ainsi compte du progrès accompli, ou des infidélités à la grâce, ils sont amenés à prendre les résolutions en rap­ port avec leurs besoins spirituels. Cf. De Lugo, disp. XVI, sect, n, n. 56 sq., t. v, p. 315; Tamburini, Method, confess, expedit., 1. II, c. l-x, t. il, p. 383-394; Lacroix, 1. VI, part. II, tr. IV, c. I, n. 980-1140, t. n, p. 209-219; Lehmkuhl, part. II, 1. I, tr. V, sect, n, c. n, a. 3, § 2, n. 346-352, t. n, p. 252-257. Voir col. 911-913. Parmi les nombreux auteurs ayant traité les matières qui font l’objet de cet article, nous citerons ici les principaux seulement : Suarez, De pænitentia, disp. XXI-XX1V, XXXII, Opera omnia, 28 in-4*, Paris, 1856-1878, t. XXII, p. 455-519, 673-686; De Lugo, De pænitentia, disp. XVI-XVII1, XXII, Opera omnia, 7 in-fol., Lyon, 1696, t. v, p. 304-439, 513-528 ; Salmanticenses. Cursus theologiæ moralis, tr. VI, De sacram, pænitentiæ. c. vni-x, xiî, 6 in-fol., Lyon, 1679, t. 1, p. 251-280, 308-316; Bonacina, Theologia moralis, disp. V, De pænitentiæ sacramento, q. v, sect, π, De confessione, 3 in-fol., Venise, 1710, t. I, p. 131-156; Layman, Theologia moralis,!. V, De sacramentis, tr.VI, De sacram, pænitent., c. v-x, XIII. 2 in-fol., Venise, 1719, t. Il, 'p 271-280, 290-294; Tamburini, 1. V, De pænitent., c. il, VI; 960 Method, eæpeditæ confessionis, I. If. c. l-x; 1. ΙΠ, c. rv-ix, Opera omnia, 2 in-fol., Venise, 1719, t. H, p. 24 sq., 39 sq.. 376-406; Lacroix. Theologia moralis, tr. IV, De sacram, pæni­ tent.,c. i, dub. I-πι; c. n, dub. v, vi, 2 in-fol., Venise, 1720, t. n, p. 161-170, 202-229, 272-307 ; Ferraris, Prompta bibliotheca canonica, moralis, theologica, 10 in-4·, Venise, 1782, v* Pæni­ tentiæ sacramentum, a. 1, 2. t. vit, p. 181-210; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. IV, De pænitentia, c. i, a. 1-4: c. H, dub. v, VI, t. v, p. 399-453; t. vi, p. 89-135; Praxis confes­ sorii, c. i-vi, t. vm, p. 1-82; Mare, Institutiones morales alphonsianæ, tr. V, diss. II, c. u; diss. III. c. n-iv, 2 in-8·, Lyon. 1888, t. n, p. 209-236, 300-369 ; Ballerini, Compendium theologiæ moralis, tr. De sacramento pænitentiæ, part. II,c. n; part. III. c. 11, 2 in-8·, Home, 1893, t. n, p. 358-408, 559-628; Palmieri. Opus theologicum morale in Busenbaum medullam, tr. X, sect v, De sacramento pænitentiæ, c. i. dub. Ill ; c. 11. dub. vVI. 7 in-8·, Prato, 1894. t. v, p. 180-239, 433-485; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. II, I. I, tr. V, De sacram, pænitentiæ, sect, u, c. n; sect, in, c. ti-in, 2 in-8·, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. 11, p. 226-257, 303-328. T. Ortolan. X. CONFESSION (SCIENCE ACQUISE EN). — I. Sceau sacramentel. II. Objet. III. Personnes astreintes. IV. Violation et sanction. I. Sceau sacramentel. — Sous le nom de sigillum confessionis, sceau sacramentel, on désigne le secret inviolable, absolu, imposé pour tout ce qui a été entendu en confession. 1° 11 a été strictement recommandé par les Pères â partir de saint Augustin, voir col. 890-891, ci. col. 859. et depuis le xni· siècle, les théologiens sont unanimes à déclarer que ce secret est indispensable dans toutes les hypothèses imaginables, d'après le droit naturel, le droit divin et le droit ecclésiastique. Voir col. 920-924. En effet, de droit naturel, le pénitent n’ouvre sa conscience, qu'avec la certitude complète de la discré­ tion rigoureuse du confesseur. Sans cette assurance, il ne ferait pas la confidence de ses fautes les plus secrètes. Par ailleurs, révéler ce qui a été dit en confession, serait diffamer le prochain parfois en matière grave; et le droit naturel interdit de lui enlever l'honneur auquel il a droit. Sans doute, l'essence du sacrement n’exige pas ce rigoureux silence, et la confession sacramentelle peut être publique. Du consentement formel du pénitent, le confesseur pourrait parler du secret confié. Néanmoins, la confession doit rester secrète, parce qu’elle est confi­ dentielle. D’autre part, le secret qu’elle impose ne ré­ sulte pas exclusivement d’une obligation consentie entre les intéressés. 11 ressort strictement de l'institution di­ vine de la confession. Eodem jure prohibetur revelatio confessionis, quo jure præcipitur ipsa confessio quæ est de jure divino. Synode de Soissons, 1524. Puisque la confession secrète est d’institution divine, tout ce qui porte obstacle à son exercice est prohibé de droit divin. Or, la révélation directe ou indirecte du se­ cret de la confession éloigne les pécheurs de la pratique du sacrement. L'obligation du secret sacramentel ne comporte au­ cune des exceptions qui permettent de violer un secret naturel. Sauf autorisation formelle et spontanée du pénitent, le confesseur ne saurait rien dire de ce qu’il a appris au tribunal de la pénitence, s’agirait-il pour lui d’un danger de mort ; serait-il question des dangerpublics les plus sérieux, de très graves péchés à fair· éviter. Qu'on ne dise pas que parfois le bien particulier doit céder devant l’intérêt public que sauvegarderait la révélation d’une confidence sacramentelle. L’inviolabi­ lité du secret sacramentel représente l’intérêt plus gé­ néral, le bien des consciences et le bien de l’Église. Le droit ecclésiastique interdit aussi toute violation du secret sacramentel. Sacerdos ante omnia caveat, ne de his, quæ ei confitentur, peccata alicujus revelet. neque (quod absit) pro aliquo scandalo vitand, C. Sacerdos, De pænit., dist. VI. Innocent LU déclara : 951 CONFESSION (SCIENCE ACQUISE EN) plus catégoriquement encore: Caveat autem (sacerdos) omnino, in verbo, aut signo, aul aliu quovis modo aliquatenus prodat peccatorem. C. Omnis utriusque sexus, De pænit. et remis. Voir col. 893. L'Eglise n’iinpose pas de sa seule autorité le précepte de respecter inviolablemenl le sceau sacramentel. Elle ne fait que constater et préciser l'ordre divin. Elle n'a donc pas le droit d'établir des exceptions ou d'apporter des modifications. Voir la lettre pastorale des évêques de la province ecclésiastique de Québec, du 1 -«■ juin 1880. Les théologiens discutent s'il peut y avoir légèreté de matière dans la violation de ce secret. Les uns le nient parce que, quelque minime que soit la révélation, l'honneur et la pratique du sacrement seraient com­ promis. D’autres admettent qu’une révélation d’impor­ tance secondaire n'aurait pas ces conséquences et ne sérail pas gravement coupable. D’autres enfin distin­ guent avec De Lugo, De pænitentia, disp. LXX. Si la connaissance du fait révélé, si minime soit-il, peut aisé­ ment être regardée comme acquise en confession, ou si le confesseur déclare l'avoir obtenue par celte voie, sa faute est toujours grave, parce qu'elle nuit à l'honneur du sacrement. Si ce danger est écarté par suite du défaut d'advcrtance, en raison de l’éloignement du lieu de la confession, ou pour toute autre cause, la faute peut être légère en raison du peu de gravité de la révé­ lation. Ces principes s'appliquent â toute révélation directe ou indirecte du secret sacramentel. La violation est directe, quand le confesseur désigne expressément les fautes confessées ou les personnes coupables; elle est indirecte, lorsqu'il dévoile le péché implicitement, par exemple, par un signe, par des ren­ seignements qui découlent de la confidence reçue, par des paroles imprudentes, comme si. en racontant un trait historique, il exposait les pénitents à être reconnus. Le 18 novembre 1682, la S. C. de l'inquisition exa­ mina le sentiment d'après lequel on pouvait user de la science acquise par la confession, sans rien révéler, sans occasionner aucun désagrément au pénitent; lors­ que Je non-usage de cette connaissance entraînerait un mal plus considérable, tel qu’en comparaison l'in­ convénient subi par le pénitent pourrait être négligé. Elle condamna celte proposition : Scientia ex confes- , finite acquisita uli licet, modo fiat sine directa aut indirecta revelatione et gravamine pænitenlis. nisi aliud mullo majus ex non usu sequatur, in cujus com­ paratione prius merito contemnatur. Addita deinde explicatione sive limitatione, quod sit intelligenda de usu scientia: ex confessione acquisitas cum grava­ mine pænitenlis, seclusa quacumque revelatione, at­ que in casu quo mullo majus gravamen ejusdem pernitentis ex non usu sequeretur. Resp. Didam propo­ sitionem quatenus admittit usum diclœ scienliæ cum gravamine pænitenlis, omnino prohibendam esse, \ dtam cum dicta explicatione vel limitatione..., man­ dantes etiam universis sacramenti pænitentiæ mi­ nistris, ut ab ea in praxim abstineant. Denzinger, n. 1087. IL Objet. — 1° L’obligation du secret, sacramentel • -t la conséquence nécessaire de la confession sacra­ mentelle et d’elle seule. Pour que le prêtre y soit tenu, | ii taut que le pénitent ait l'intention de soumettre ses péchés aux clefs de l’Église'. Seule, la violation | d une confession ainsi reçue constituerait un outrage au sacrement. Toute autre confidence extra-sacramen­ telle ne peut obliger le prêtre an secret sacramentel. M iis la confession, lût-elle nulle, par défaut de contri­ tion surnaturelle ou de ferme propos, aussi bien que la i onlession valide, mais informe, et parlant impro­ ductive de la grâce, oblige le confesseur au silence sacramentel. Une confession commencée, non suivie d'absolution. impose la même obligation. Si le pénitent D1CT. DE THÉOL. CATUOL. 9G2 n’a pas l'intention de faire une confession sacramentelle, le confessent n'est pas tenu par le sigillum. La pru­ dence lui fait un devoir de garder le silence sur les confidences reçues ; mais si un grand bien l’exigeait, si l'intérêt public le commandait, le prêtre pourrait révéler ce qui lui a été confié. Toutefois, comme il pourrait y avoir doute sur les intentions du pénitent, le confesseur doit s'assurer que ce dernier n'est pas venu pour rece­ voir le sacrement ; si le doute persistait, saint Alphonse, s’appuyant sur l'autorité de saint Thomas, de Logo et d'autres théologiens, conclut à l'obligation de garder le secret sacramentel. Autrement la confession deviendrait odieuse; des fautes réellement confessées en vue de l'absolution risqueraient d'étre dévoilées. Cependant, pour constituer l'obligation du sigillum, il ne suffirait pas que la personne dise : .le vous confie ce fait, sous le sceau de la confession. Le secret sacramentel ne peut être imposé qu'en raison du sacrement seul. Aussi Lugo, disp. XXII, n. 46, réprouve la façon d'agir des pénitents qui, pour astreindre le prêtre au sigillum, déclarent vouloir se confesser ; puis, ayant ou demandé conseil ou achevé leur narration, ils renvoient à plus tard la réception de l'absolution. Dans ces circons­ tances, le prêtre est seulement tenu par le secret naturel. Dominique Soto, In IV Sent., dist. XV111, q. iv, a. 5, raconte qu'un cardinal, voulant attirer un autre membre du Sacré-Collège dans une conspiration contre le souverain pontife, alla le solliciter sous prétexte de confession. Le complot découvert, le cardinal con­ fident fut puni pour n'avoir pas dénoncé ce complot organisé contre la sûreté du gouvernement pontifical. Si un prêtre refusait d'enlendre la confession d'un pénitent serait-il tenu au secret sacramentel Vilest facile de concilier les deux réponses contradictoires données à cette question. Si le pénitent avoue un ou deux péchés et si le confesseur les entend, nonobstant le refus ma­ nifesté d'écouter sa confession, l'obligation de garder le secret sacramentel existe certainement. Il en serait autrement si, avant les aveux du pénitent, le prétre a protesté et déclaré qu'il ne veut rien entendre comme confesseur. L'obligation du secret n'existe pas davantage si le pénitent n'a pas l'intention de faire un aveu sacra­ mentel, ou s’il a le dessein de tromper le confesseur, de l'injurier ou de lui tendre un piège. La prudence seule fait au confesseur une loi de garder le silence le plus discret. 2° Tous les péchés, mortels ou véniels, passés ou ac­ tuels, tombent sous le sceau sacré, dés qu'ils soûl avoués en confession. Toutefois les fautes mortelles sont spécia­ lement l'objet du sigillum/aussi le confesseur ne peut-il en parler ni d'une façon spéciale ni même d’une façon générale. Le confesseur pourrait parler d'une façon générale des fautes vénielles, en disant, par exemple : •l ai entendu en confession les menus péchés de tel. Car dés lors qu’il y a eu confession, il y a eu déclaration, au moins de fautes vénielles. S'il spécifiait le nombre, l'espèce, les circonstances des péchés véniels, il viole­ rait le secret sacramentel. Ledesma a soutenu que le confesseur qui dévoilerait ainsi spéciliquement un péché véniel, ne manque pas à son devoir, pourvu qu’on ne soupçonne pas qu’il parle d’une science acquise au tri­ bunal sacré. En générai, on ne viole pas le secret sacramentel en disant: Titius s'est confessé à moi. Parfois cependant cette déclaration pourrait devenir une violation du secret sacramentel ; par exemple, si le pénitent tient absolument à tenir secret son recours â la confession, parce que ses parents ou son confesseur y verraient l'indice qu'il avait commis une faute grave, ou encouru un cas réservé. 3° Non seulement les fautes actuelles, mais les péchés futurs tombent sous le sceau sacramentel. Un pénitent déclare vouloir commettre un vol, un assassinat, etc.. HL - 31 963 CONFESSION (SCIENCE ACQUISE EN) dés lors que ce criminel projet n’est connu que par la confession, il est couvert par l’inviolable secret. Quel­ ques théologiens prétendaient que seul le projet de l'acte futur tombait sous le sigillum, et non le fait cri­ minel à venir. On leur répond qu'inilialive, l’acte cou­ pable étant matière de l'aveu sacramentel doit ètre tenu secret en raison de la confession. C’est l’enseigne­ ment commun. Si, en pareil cas, en raison de l’indis­ position du pénitent, le confesseur ne pouvait l'absou­ dre. il en résulterait une conséquence intolérable, c’est qu’il serait en droit de dévoiler les coupables, le crime une fojs commis. Voir col. 921. 4» Les péchés publics sont eux aussi l'objet du sif/iflum, si le prêtre ne les connaît que par la confession. La révélation du confesseur confirmerait l'existence de ces fautes connues ; il lui est donc défendu d'en parler. Cependant si les péchés étaient tellement notoires, que l'indiscrétion du prêtre n'ajouterait rien à la connais­ sance que le public en a, il n'y aurait pas possibilité de violation du secret sacramentel. Mais même dans ces circonstances, le prêtre doit absolument s’abstenir de dire : .l’ai entendu en confession Titius s’accuser de vols, de meurtres, etc., avec une grande componction. Quelques théologiens ont bien prétendu que, loin de déshonorer le pénitent, une telle manière de parler le réhabiliterait. Le sentiment général interdit avec raison ce procédé qui froisse les fidèles plutôt qu’il ne les édifie. Le prêtre ne doit jamais dire qu’il connaît un péché par la confession. Quelle réponse le confesseur doit-il faire à ceux qui lui demanderaient s'il a donné l’absolution à un pécheur public? Si la question est posée par simple curiosité, le confesseur ne doit pas y répondre. Si elle est provo­ quée par un intérêt sérieux : a) il ne peut pas déclarer qu'il n’a pas absous le pénitent, car il manifesterait ainsi les mauvaises dispositions de ce dernier ; b) il ne peul pas prudemment dire non plus que l'absolution n’a pas été donnée faute de matière suffisante; on ne le croi­ rait pas; c) pour une raison analogue, le prêtre ne peut dire : «Je ne l'ai pasabsous pourdivergenced'opinions; » l'absolution ne peut ètre refusée pour différence d’opi­ nions; d) quelques théologiens pensent que le confes­ seur peut, sans donner aucun motif, répondre : « Je n’ai pas absous. » Communément on écarte cetle solu­ tion. Comme d'autre part le confesseur ne peut pas dire non plus: « J’ai absous, «puisqu’il manquerait à la vérité, il ne lui reste qu’à faire une réponse évasive, disant par exemple : « Caius s’est confessé et a rempli son devoir ; je n’ai pas manqué au mien. » 5° Que penser des révélations, faites par un imprudent confesseur, des péchés commis dans une ville, un bourg, une communauté religieuse? La prudence la plus élé­ mentaire oblige les confesseurs à éviter des appréciations de ce genre, qui sont toujours préjudiciables à la reli­ gion et à l'édification publique. Mais enfin ces révélations violent-elles le secret sacramentel? Si la ville est con­ sidérable, ou la bourgade très populeuse, la congréga­ tion religieuse très nombreuse et dispersée en divers lieux, il est probable que le secret sacramentel n’est pas violé; personne n’est par là diffamé, personne n’est de la sorte éloigné du tribunal sacré. Si la ville est petite, la bourgade restreinte, le couvent unique, la vio­ lation du secret est à peu prés certaine, des soupçons pourront porter sur des personnes déterminées et les inconvénients de la violation du sigillum se produiront aisément. 6» Mais, en outre de ses fautes, le pénitent peut ma­ nifester au tribunal sacré ses défauts naturels, moraux, civils, l'illégitimité de sa naissance, des vices de con­ formation, des scrupules, etc. Ces déclarations sontelles l'objet du secret sacramentel? Lorsqu'elles sont nécessaires, ou simplement utiles, ne fût-ce qu'au seul jugement du pénitent, pour la manifestation complète 964 de sa conscience, elles font partie du secret obligatoire. Il n'en est pas de même, si elles ne se rattachent que de loin, accidentellement, à la confession. Ainsi, lors­ qu'un fils de famille déclare qu’il a pris son père en aversion à raison de son intempérance; qu’il n'a pas corrigé son frère surpris en flagrant délit de vol, etc., les fautes du père et du frère sont comprises dans l'objet du sigillum. Mais si le pénitent déclare s'élre réjoui d’un meurtre qui a été commis sur une voie pu­ blique, le confesseur ne violera pas le secret en parlant de cet assassinat. Si le pénitent est généralement connu comme simple d’esprit, bègue, sourd, grossier, scrupu­ leux, le confesseur ne saurait être lié par le secret de la confession, lors même que l'intéressé en ferait l'ob­ jet d'une déclaration sacramentelle. La charité et la prudencechréliennesfontcependant un devoir au prêtre de ne pas insister sur ces défauts remarqués en con­ fession. Saint Alphonse dit que les impatiences, les vivacités, les invectives même du pénitent à l'égard du confesseur, dans l’acte sacramentel, ne tombent pas sous le sigillum, puisqu'il ne les confesse pas; toute­ fois en en parlant il y a danger de violation indirecte du secret sacramentel. On en pourrait conclure, en effet, que le pénitent proteste contre un tefus d'absolution ou contre des réprimandes du confesseur. Certaines circonstances peuvent également tomber indirectement sous le sigillum. Ainsi, le confesseur ne pourrait dire : « Caius était à dix heures du soir sur telle place publique, » si par là on pouvait découvrir qu'il est l’auteur d'un meurtre commis à cette heure, en ce lieu. De même, le prêtre ne devrait pas dévoiler le nom de l’armurier qui a vendu l'instrument du crime, si le pénitent le lui a signalé. 7° Le prêtre peut-il, sans violer la loi du silence sacré, parler des vertus, des révélations, des extases, des ins­ pirations et, en général, des communications surnatu­ relles de ses pénitents, lorsqu'il ne les connaît que par la confession ? Si le pénitent fait connaître ces dons surnaturels, afin de manifester l’état de son âme, rece­ voir des conseils en vue de progresser dans les voies de Dieu et de remercier le Seigneur de ses bienfaits, le confesseur est tenu, non par le sigillum, mais par la loi de discrétion qu’impose toute confidence intime et religieuse. Ces communications concernent beaucoup plus la direction que la confession. Mais si ces faits sont avoués au prêtre, en tant qu'il est nécessaire ou utile de faire connaître les manques de correspon­ dance à la grâce de Dieu, la froideur, l'ingratitude du pénitent, l'inconstance dans les résolutions, dans les initiatives abandonnées, ils sont indirectement l'objet du sigillum. Ils font corps avec l'accusation sacramen­ telle des péchés. On a objecté que cette conclusion est contraire au sens commun. Ballerini-Pahnieri, Opus theologicum, p. 518. En effet, a-t-on dit, après la mort des saints personnages, on publie partout les grâces extraordi­ naires dont ils ont été favorisés, sans que personne conclue de là qu’il est permis de révéler ce qui tombe sous le sceau sacremenlel. Selon Benoit XIV, De ser­ vorum Dei beatificalione, I. Ill, c. vu, ce sont les ver­ tus et les dons ayant déjà notoriété et non ceux qui étaient nécessaires à la connaissance des péchés qui sont ainsi publiés. Confessarius prohibetur revelar.· quæ in confessione audivit... Virtutes vero, revela­ tiones el similes gratiie sub sigillo saeramenlalejuala veriorem sententiam non comprehenduntur nisi MELIUS DECLARANDUM PECCATUM EXPONANTUR, ideoqi. passim post pænitenHum obitum patefiunt. 8° Saint Alphonse, η. 644, admet comme probable, qu’un confesseur ne viole pas la loi du sigillum, s ., fuit un pénitent excessivement prolixe, parce que cha­ cun voit qu’il se dérobe pour éviter un insupportable flux de paroles. 9C5 CONFESSION (SCIENCE ACQUISE EN) La pénitence qui est le complément île la confession est comprise aussi sous le si.qillum. Si elle est grave (et Ton considère comme telle la récitation d’un cha­ pelet, surtout pour les personnes qui n’ont pas l'habi­ tude de la prière), en en parlant on peut indirectement révéler la confession de fautes graves, 9° Les péchés des complices sont également placés sous la sauvegarde du secret sacramentel. Le confes­ seur ne peut en parler si la révélation a été faite par le pénitent avec préméditation ou imprudemment. Cer­ tains pénitents pensent ne pouvoir faire une confession complète, sans découvrir le nom d’un complice. Les théologiens soutiennent à peu près unanimement, contre un très petit nombre de moralistes, que le nom du complice ne peut être révélé par le confesseur. Même en raison d’un mal moral ou physique consi­ dérable, menaçant la société, manifesté au prêtre par la confession du complice, le confesseur ne peut dé­ noncer le complice. 11 peut seulement obliger le péni­ tent à faire lui-même, ou par un autre, la dénonciation qu’exige l’intérêt public. Un dommage quelconque, un inconvénient ordinaire ne suffisent pas pour exonérer le pénitent de ce devoir. Si. en dernier ressort, le fidele ne pouvait agir ni par lui-même, ni par un autre que le conlesseur, il devrait ou bien autoriser celui-ci à parler,’ ou bien lui faire sa déclaration en dehors de la confession sacramentelle, 10" Afin d’éviter toute révélation indirecte, le prêtre doit s’abstenir, lorsqu’il a reçu des confidences sacra­ mentelles, d’adresser ensuite des reproches que le péni­ tent peut attribuer aux aveux de la confession; il ne doit pas se montrer moins accueillant, prendre une altitude plus sévère, faire, en un mot, quoi que ce soit qui puisse froisser le penitent ou provoquer chez les autres une suspicion fondée. Il doit également, en dehors du saint tribunal, éviter de parler avec le pénitent des péchés avoués par celuici, sans une autorisation formelle de ce dernier, ni faire aucune manifestation extérieure qui lui rappelle­ rait ses fautes. Si le pénitent lui-méme commence â en parler, le confesseur peut continuer. Si le confesseur le croit utile, il peut, dans une confession ultérieure, re­ venir sur le passé. Afin de garantir la liberté d’action du pénitent, les théologiens ont précisé les conditions dans lesquelles il devait octroyer la permission de l’entretenir, en dehors du sacrement, des fautes accusées en confession. «) Celte autorisation doit être formelle, c’est-à-dire expresse et explicite. Celle qui serait tacite, présumée, interprétative, virtuelle, prétendue favorable au pénit nt, ratifiée, ne suffirait pas. Le pénitent a droit au secret; il n’est pas permis de violer ce droit, même sous prétexte qu'il en abuse. — 6) Elle doit être accor­ dée librement; autrement, on méconnaîtrait un droit imprescriptible, on rendrait odieuse la pratique du sacrement de pénitence. Aussi, insister auprès des pé­ nitents pour obtenir celte permission, serait exercer une pression intolérable. Le confesseur peut bien exposer au pénitent la convenance, l'utilité de ce pro­ cédé; il ne doit pas l'imposer, ni adresser la correction aux complices. — c)EUe ne doit pas être révoquée. Le pénitent a toujours le droit de retirer une première autorisation. — d) Il n'est pas nécessaire qu elle ait été donnée par écrit. 11 suffit même que le pénitent com­ mence spontanément à parler de ses fautes pour que le confesseur soit autorisé à répondre. Quand le prêtre use d’une permisssion de cette sorte, on ne peut guère douter qu’il l’ait obtenue. Il faut s’en rapporter à sa parole. Ainsi lorsqu’il déclare à des hé­ ritiers. de la part d'un défunt, qu’ils sont obligés à une restitution, la présomption est pour lui. il doit s’abs­ tenir de faire connaître le motif pour lequel la restitu­ tion est obligatoire, afin d’éviter le scandale. 11 doit 966 agir avec la plus grande discrétion et ne dire que ie strict nécessaire. Il" Comment devrait agir le confesseur qui a une omission grave à réparer à l'égard du pénitent, lorsque celui-ci refuse l’autorisation de parler de ses péchés, hors du tribunal sacré? Plusieurs théologiens pensent que le confesseur peut ne pas tenir compte du refus du pénitent, d’abord, parce que ce refus n’est pas rai­ sonnable. ensuite, parce que la confession peut être considérée comme inachevée, un point grave restant à régler. Mais la grande majorité est de l’avis contraire. Il est interdit au confesseur d’entretenir le pénitent de ses fautes, en dehors de la confession, sans son con­ sentement exprès. Agir autrement, serait transgresser la loi du secret sacramentel. En outre, on ouvrirait ainsi la porte aux abus les plus graves. Bien des confesseurs s’autoriseraient des obligations à rappeler à leurs péni­ tents ou de la nécessité de compléter ou de rectifier les solutions données pour parler sans permission des confessions passées. Si des conséquences fâcheuses résultent de ce silence, la responsabilité en retombera sur le pénitent qui refuse l’autorisation, et non sur le prêtre qui garde le silence. Cependant, le confesseur peut se sertir de la connaissance acquise en confession pour prier pour son pénitent, agir lui-méme avec plus de circonspection, corriger ses mœurs el éviter des dangers qu'il pourrait courir. 12“ Un prêtre qui connaîtrait par la confession seu­ lement qu’un pénitent est excommunié notoirement, ne devrait pas l’éviter publiquement. Toutefois, pourrait-il l’éviter, lorsqu’ils se trouvent seuls? La plupart des théologiens répondent négativement. Le conlesseur ne peut user de la science acquise au saint tribunal pour faire quoi que ce soit qui puisse préjudicier au péni­ tent ou ébranler la sécurité des fidèles dans le silence irréfragable du confesseur. De même, un prêtre qui ne connaîtrait l’indignité d'une personne, que par la con­ fession, ne devrait lui refuser la communion ni en public ni en secret. Il ne pourrait se refuser à procé­ der au mariage d’époux entre lesquels existerait un empêchement dirimant, connu seulement par voie sa­ cramentelle. L’évéque ne saurait refuser les ordres â un sujet qu'il sait être irrégulier, seulement par les aveux de la confession. 11 en serait autrement.si ces faits étaient connus à la fois par la voie du sacrement et par notoriété publique. Cette dernière source d’information rendrait au confesseur sa liberté d'action. De même encore, le prêtre qui a refusé l'absolution à un péni­ tent mal disposé, s’il est accusé lui-même du crime commis parson pénitent, ne peut se défendre en trahis­ sant le secret de la confession, même au péril de sa vie. Toutefois, si le pénitent à qui l’absolution a été refusée menaçait de mort son confesseur, ce dernier pourrait prendre la fuite. Le secret sacramentel n’existe pas dans ce cas; et le secret naturel qui lie le prêtre n’empêche pas celui-ci de prendre les mesures néces­ saires à la conservation de sa vie. 13» Le prêtre qui apprend par la confession que le vin de la messe contient du poison, que des assassins l’attendent sur la voie qu’il va suivre, peut-il ne pas célébrer ou prendre un autre chemin? S’il agit avec assez de prudence pour écarter toute suspicion de la violation du sigillum, il peut s’abstenir de la célébra­ tion du saint sacrifice et prendre une direction diffé­ rente. Le secret sacramentel n’est nullement compromis par sa façon d'agir. La liberté du prêtre serait plus grande encore, si le pénitent n’avait pas eu l'intention de se confesser, mais n'avait voulu que lier le confes­ seur par le sigillum et l'empêcher d'agir, car alors, le péché n'a pas été confessé mais connu en confession. Cependant, si, en s’abstenant de la célébration de la sainte messe bu en prenant un chemin différent, le prêtre faisait soupçonner raisonnablement qu’il profite 967 CONFESSION (SCIENCE ACQUISE EN) de la science acquise an saint tribunal, ou bien causait un préjudice au pénitent, il ne pourrait agir ainsi, même au péril de sa vie. parce qu'il transgresserait l’obliga­ tion du secret sacramentel. Un prêtre peut-il célébrer dans une église qu'il sait être polluée seulement par la confession? Non, penset-on généralement, pourvu qu’au moyen d’une raison plausible, il puisse s’en abstenir, sans préjudice pour le pénitent et le secret sacramentel. Un confesseur peut refuser d'entendre la confession d'une personne qui serait pour lui une occasion de scandale. Si le danger vient de sa propre fragilité, il ne viole aucun secret. Si le danger résulte des sollicitations faites par le pénitent dans les précédentes confessions, ces confessions n’avaient pas de caractère sacramentel el dés lors le sigillum n’existait pas. Lorsqu'un confesseur a entendu les pêchés d’un pé­ nitent. il ne peut, selon le sentiment commun, refuser de livrer un billet de confession, lors même qu’il n'au­ rait pas accordé l’absolution. En agissant autrement, il compromettrait indirectement le secret sacramentel en éveillant les soupçons. D’ailleurs, en délivrant ce billet, il notifie simplement que le pénitent s’est présenté au saint tribunal. Quelques théologiens affirment qu'il peut, dans ce cas, refuser ce certificat, au moins si le pénitent voulait en abuser pour se faire passer comme catholique, tandis qu'il est hérétique, comme personne de bonnes mœurs, lorsque sa vie est scandaleuse, etc. Ces sen'i merits divergents peuvent aisément se concilier. Il n'est pas permis de refuser le billet de confession si ce refus viole, même indirectement, le secret sacramen­ tel. Si ce refus n'expose â aucune violation du secret, on peut, et même parfois on doit le faire, afin d'éviter des scandales, des inconvénients d'ordre majeur. La question se complique, si le pénitent soumet à la signature du confesseur un de ces textes imprimés ou il est question, non seulement de la confession enten­ due, mais de l'absolution octroyée. Si la démarche est publique, dit saint Alphonse, n. 639, le confesseur peut signer; son acte est purement matériel. Dés lors qu’on accorde cette pièce indistinctement à tous ceux qui la réclament, elle n'a pas de signification spéciale. 14« Les théologiens ne sont pas d’accord pour savoir si le confesseur, connaissant une faute grave d'une fu­ ture mariée, par la confession du futur, peut user de cette connaissance pour interroger plus strictement la fiancée. La situation du confesseur est critique. D'une part, il ne peut compromettre le secret sacramentel. Insister d'une façon anormale, serait provoquer la sus­ picion au détriment du sigillum et rendre la confes­ sion odieuse. D’autre pari, il doit s'ingénier à rendre le sacrement utile et valide. En pratique, le confesseur peut et doit poser des interrogations aussi précises que possible, afin de faciliter l'aveu; au besoin, il peut et il doit donner des encouragements discrets à décharger sa conscience, à la veille d'entrer dans un nouvel état de vie; mais il ne peut aller plus loin. D se pourrait que la pénitente ait déclaré ses fautes à un autre prêtre. Si le confesseur a la certitude morale qu elle ne l'a pas fait, il peut employer l’un des procédés suivants : quelques théologiens lui conseillent de donner une simple béné­ diction, afin d'éviter un sacrilège; mais en évitant que la pénitente s’en aperçoive, car, autrement, il risquerait de violer le secret sacramentel. L’opinion générale des théologiens n'est pas favorable à cette façon d agir. Indépendamment du soupçon que la pénitente peut concevoir en n'entendant pas les paroles ordinaires de l'absolution, on simulerait un sacrement, ce qui est absolument interdit. Après avoir fait tout son possible pour provo­ quer l’aveu, tout en respectant le secret, le confesseur peut et doit conférer simplement l’absolution. La péni­ tente reste seule responsable de sa confession sacrilège. 15« Mais quel usage peut-on faire de la science I I ί , 968 acquise au confessionnal, pour le gouvernement exté­ rieur, soit des diocèses, soit des communautés reli­ gieuses? Un supérieur ecclésiastique qui connaît seule­ ment par la confession l’indignité d'un sujet, peut-il user de cette connaissance pour le priver de son emploi? Si le sujet indigne était le pénitent du supérieur, il est hors de conteste que ce dernier pourrait et devrait, au besoin, sous peine de refus d'absolution, essayer de lui faire résigner ses fonctions. Si cette tentative échouait, ou si le pénitent ne s’adressait pas en con­ fession au supérieur, il faut distinguer si la charge est inamovible ou amovible ad nutum, comme la fonction de procureur, de sacristain, de sommelier, etc. Dans le premier cas, le supérieur ne peut, en raison des ren­ seignements obtenus en confession, dépouiller de sa charge le sujet prévaricateur. Celui-ci est juridique­ ment investi de fonctions qui ne peuvent lui être enle­ vées que pour cause juridique. Or, le supérieur, mis au courant de ses prévarications seulement par la voie sacramentelle, violerait un secret rigoureusement obli­ gatoire en le traduisant devant une juridiction externe. Dans le second cas. quelques anciens auteurs, surtout avant le décret de Clément VIII, De casibus reservatis, 16 mai 1594, ont soutenu que le supérieur pouvait ré­ voquer le pénitent indigne, même sans motif plausible. A leur sens, par suite des aveux reçus sacramenlalement, le supérieur ne perdait pas son autorité adminis­ trative; il pouvait, après comme avant la confession, dé­ placer son subordonné. Voir col. 923. Mais on fait ainsi une pétition de principe. Le supérieur pouvait certaine­ ment enlever à son inférieur sa charge avant d'avoir en­ tendu sa confession comme après, mais pour des motifs étrangers à la confession. Mais peut-il prendre une mesure semblable, pour des motifs connus par la con­ fession? La grande majorité des théologiens le niait sans hésitation, même avant le décret de Clément V11L Le sacrement de pénitence ne doit pas devenir odieux; or il ne manquerait pas de le devenir si les supérieurs pouvaient en user pour leur administration extérieure. Si, en dehors de la confession, il est interdit au confes­ seur de manifester au pénitent, de quelque manière que ce soit, qu'il connaît ses fautes, a fortiori lui est-il interdit d'user de cette science spéciale pour lui reti­ rer un emploi. Enfin, le décret de Clément VIH ne permet plus de soutenir ce sentiment : Tam superiores pro tempore existentes, quam confessarii, qui postea ad superioratus gradum fuerunt promoti, caveant diligentissime, ne ea notitia, quam de aliorum pecca­ tis in confessione habuerint, ad exteriorem guberna­ tionem utantur... Ita per quoscumque regularium superiores observari mandamus. 11 résulte encore de là qu'un supérieur ecclésiastique, séculier ou régulier, ne peut refuser son suffrage pour un bénéfice, un office, une prébende, une profession religieuse, lorsqu'il n’a connaissance de l’indignité ou de l'incapacité du candidat que par le tribunal sacré, il ne pourrait non plus, en raison de la science acquise en confession, enfermer dans sa chambre quelqu'un disposé à sortir pour voler, tuer, commettre le mal. congédier un domestique voleur, lui enlever les clefs, fermer les portes par ou il passait, les armoires qu'il fouillait. Clément VIII et Innocent XI défendent for­ mellement d'user de la confession pour l’administration extérieure, lors même qu'on éviterait de violer le sigil­ lum. Comme les confesseurs ordinaires, les supérieurs des maisons religieuses peuvent utiliser les révélations de la confession pour agir avec plus de circonspection, plus de vigilance dans l'accomplissement de leurs de­ voirs, prier avec plus de ferveur pour la communauté, pour consulter les ouvrages utiles à les éclairer, et se montrer bienveillants, prévenants envers certaines âmes ayant besoin d'encouragements, etc. 111. Personnes astreintes. — En principe, sont 9G9 CONFESSION (SCIENCE ACQUISE EN) liées par la loi du secret sacramentel toutes les per­ sonnes qui, d'une façon quelconque, ont eu connais­ sance des déclarations faites au tribunal de la confes­ sion. 1« La première est le prêtre qui a reçu la confidence des fautes. Son silence doit être tel qu’il peut opposer la négation la plus formelle, la négation même avec serment, à toute question qu'on lui poserait aux lins de lui faire révéler l'objet de la confession. Il ignore, en dehors de la confession, tout ce qui lui a été confié au tribunal de la pénitence. Selon la parole de saint Tho­ mas, le confesseur ne connaît les pêchés que comme représentant de Dieu, et non comme particulier. On ne peut donc l’interroger sur les confidences reçues. Si on l'osait, il peut commencer par demander qu'on lui fasse grâce de ces questions déplacées. Si l'on insistait, il peut ajouter qu'il a fait son devoir. Interrogé pen­ dant qu'il célèbre la messe par un servant qui lui de­ mande s’il faut préparer une hostie pour la communion ■ l'une personne qui s'est confessée mais n'a pas reçu l'absolution, il peut faire demandera la personne ellemême si elle veut communier. Si le confesseur ne pouvait accuser ses fautes person­ nelles ou l'erreur commise dans l’administration des sacrements, sans compromettre le sigillum, il pourrait omettre l'aveu de sa faute, plutôt que de s'exposer à rompre le secret sacramentel. 2° Le supérieur ecclésiastique, séculier ou régulier, auquel on a recours pour obtenir le pouvoir d’absoudre des cas réservés, est lié par la loi du secret, lors même que la démarche se fait hors de la confession. Cette démarche est considérée comme une partie de la con­ fession. La demande est adressée au supérieur qui possède le pouvoir des clefs; il est donc soumis aux obligations qu'impose l'usage de ce pouvoir. Cette démarche est faite par le confesseur ou par le pénitent en vue de la confession sacramentelle, et les fidèles qui sont tenus de recourir au supérieur seraient scandali­ sés si ce dernier abusait de leurs confidences. Quelques théologiens ont prétendu cependant que le pénilent dé­ gage ce supérieur du secret sacramentel en recourant a son pouvoir hors de la confession. Mais celte circons­ tance n'exempte pas le supérieur de la loi du secret, pas plus que l'entretien du pénitent sur ses péchés, en dehors de la confession, n'exempte le confesseur du secret. La confidence porte sur une matière de la con­ fession et est faite en vue de la confession. Le secret qui s'impose dans ce cas au supérieur est donc sacra­ mentel, et non pas seulement naturel, comme l'ont pré­ tendu certains théologiens. 3° La personne qui a servi d’interprète entre le pé­ nilent et le confesseur, est tenue au secret sacramentel. Si. d'après l'opinion admise comme la plus probable, nul pénilent n'est tenu de recourir â un interprète, même à l'article de la mort, quand le fait a eu lieu, l'interprète employé est tenu au secret. En effet, le sigillum est l'obligation » sa­ gate favet sacramento ad cujus sacrosanctum tribunal cramento pænitentiæ, sect, vm; Bonucina, Opera omma, 1597, De sacramento pænitentiæ, disp. V, q. vi, sect, v; Balalliciendi potius quam retrahendi sunt pernitentes. Adde quod, licet speculative loquendo, multæ ex in fra lerini, Opus theologicum morale, édit. Palmieri, t. v. De sa­ cramento pænitentiæ, tr. X. sect, v, c. m: Analecta juris scriptis opinionibus contra sacrum sigillum sint pro­ pontificii, 5’ série, col. 7; Layman. De sancto pænitentiæ sa­ babiles, tamen, prout concedunt ipsi doctores con­ cramento, De sigillo, c. xtv: Suarez, D<· sacramento pxnitentrarii, ut in praxim sine peccato deducantur, cum tiæ. disp. XXXIII. sect, i, xxxt' · Urbain. I.e secret de la con­ tantis circumspectionibus agendum est, ut difficile fession sous fancier régime, dans la lleviie du clergé frai “.iis, sine aliquo scandalo fieri existiment, liecte igitur, in ! 1905, t. XU, p. 449-479. hac materia, semper a confessoriis in favorem sacri B. Dolhacabav. 975 CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE CONFIRMATION. On étudiera successivement ce sacrement de l’Église : 1° dans l’Ecriture sainte; 2“ d’après les Pères grecs et latins; 3“ du vu» au XIIe siècle; 4e chez les scolastiques; 5» dans l’Eglise ar­ ménienne; 6“ chez les coptes; 7° chez les Syriens; 8» chez les anglicans; 9°chez les protestants; 10»d'après le concile de Trente; 11» on traitera enfin les questions morales et pratiques qui s’y rapportent. I. CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE. — Trouve-t-on dans le Nouveau Testament, du moins sous une forme équivalente ou en germe, le sacrement de confirmation '! C’est surtout dans le livre des Actes qu'on a cru le découvrir. La première question à poser est donc celle-ci : Dans les communautés, telles que les décrit saint Luc, accomplit-on un rite qui soit la con­ firmation ou qui l’annonce? Il sera nécessaire de relever ensuite les mentions qu'accorderaient, les allu­ sions que feraient à celte cérémonie les ouvrages con­ temporains du livre des Actes ou postérieurs à cet écrit. Ce problème résolu, ce point de départ posé, il restera à rechercher l'origine du rite découvert ; était-il en usage dans les communautés plus anciennes? Remonlet-il à Jésus? L A l’époque oû écrit saint Luc et pans la suite. — Actes el troisième Evangile rendent un seul et même témoignage, le principal, qu’il importe d’étudier isolé­ ment. !■· L'imposition des mains qui, d’après Luc, donne le Saint-Esprit, peut-elle être rapprochée du sacre­ ment de confirmation? — Pour résoudre cette ques­ tion, il ne suffit pas de considérer les c. vm et xix des Actes ou ce rite est décrit. Puisque, comme on l’a dit souvent, le troisième Evangile et l’ouvrage qui le continue sont une histoire ininterrompue de l’action de I Esprit-Saint dans la vie du Christ et l'œuvre des apôtres, il faut expliquer Luc par Luc, comparer la communi­ cation faite aux néophytes de Saniarie, Act., vm, 4-24, et aux disciples d’Ephèse, Act., xix, 1-20, avec les dons qui pourraient lui ressembler et les promesses qui pourraient la présager. Citons d’abord les textes, pour en dégager ensuite le contenu. L'Esprit-Saint est donné à Élisabeth, à Zacharie, à Jean leur fils et â Siméon. pour que, sous son impulsion, ils s’acquittent de leur mission prophétique et rendent témoignage au Messie. Ainsi, Elisabeth est « remplie du Saint-Esprit », quand elle s’écrie d'une voix forte que l’enfant de Marie, « son Seigneur, » est « béni ». Luc., i, 41-43. Zacharie est lui aussi « rempli du Saint-Esprit ». quand il « prophétise » el chante le « Sauveur » du peuple de Dieu. Luc., 1, 67. L'Esprit-Saint est encore sur Siméon, lui révèle qu'il ne mourra pas avant d’avoir vu le Christ du Seigneur, le « pousse au temple » le jour où Jésus y est présenté el où le vieillard le proclame « lumière des nations, gloire d'Israël ». Luc., Il, 25-32. Le principal prophète du Nouveau Testament, Jean, est annoncé comme celui qui, « rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère, » ramènera à Dieu beaucoup des en­ fants d'Israël. Luc., t, 15, 16. De fait, « dès le sein de sa mère, » celui qui devait être le précurseur, rend témoi­ gnage par son tressaillement, I, 41,44; devenu grand, il annonce l’approchedu Seigneur, le salut de Dieu, m, 3-6, 16, 17, et mérite d'élre appelé un prophète, le plus grand de tous, vit, 26-28. Dans la vie de Jésus, nous saisissons la promesse, le don, l'action de l'Esprit-Saint, c'est-à-dire ce que nous retrouverons dans l’œuvre des apôtres et l'existence des premiers chrétiens. Gabriel annonce à Marie que cet Esprit « viendra sur elle »; « vertu du Très-Haut, il la couvrira de son ombre, » et ainsi il assurera à l’élre saint né d'elle la qualité de Fils de Dieu. Luc., I, 35. Promis à la mère. l'Espril est accordé à l'enfant. Jésus vient d'étre baptisé. Il prie et alors le ciel s'ouvre, 97G l'Esprit-Saint descend sur lui sous forme corporelle, comme une colombe, et une voix se fait entendre du ciel : « Tu es mon fils bien-aimé; en loi, je me suis complu. » Luc., ut. 21, 22. Ainsi l'ablution dans le Jourdain est suivie d’une onction qui sacre Messie Jésus de Nazareth : il est oint du Saint-Esprit et de force. Act., x, 38. Cf. iv. 26, 27. Jésus lui-même l’a re­ connu ; « L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m’a oint. » Luc., iv, 16-13. Et ce don marque une date, le com­ mencement d'une vie nouvelle, l'inauguration officielle du ministère messianique. Dès ce moment. Jésus est au pouvoir de l'Espril et, sous cette impulsion, accom­ plit sa tâche. S’il s’enfonce dans le désert pour y affir­ mer. en face de la tentation, sa qualité de Messie spiri­ tuel, c’est « rempli de l'Espril, conduit par l'Espril ». Luc., iv, 1. Si. lorsqu'il en revient, sa renommée se ré­ pand en Galilée, s'il va de lieu en lieu faire le bien, guérir ceux qui sont sous l’empire du diable, c’est qu'il a été sacré par l'Esprit-Saint et qu’il marche dans la puissance de cet Esprit. Act., x, 38; Luc., iv, 14. S'il se présente comme le prédicateur de la bonne nouvelle, le héraut de l’année de grâce, le secours des captifs, des aveugles, des opprimésetde ceux qui ont le cœur brisé, c’est que l’Espril du Seigneur est sur lui, l'a oint et envoyé. Luc., iv, 18, 19. Si, tressaillant de joie, il rend témoignage au Père et au Fils, c'est sous l’action de cet Esprit. Luc., x, 21. Mêmes étapes dans la vie des apôtres : l'Esprit leur est annoncé, il leur est donné, il les meut dans l'ac­ complissement de leur tâche de témoins. C'est la fonc­ tion que Jésus leur confie, mais en ajoutant :« J’enverrai sur vous ce que mon Père a promis, vous serez revêtus delà puissance d'en haut. » Luc., xxiv, 48. 49. Et ainsi, il donne aux douze l’ordre d'annoncer l'Evangile par l’Esprit-Saint. Act., i. 2 (selon la leçon qui parait la meilleure); il leur dit : « Jean a baptisé d'eau ; vous serez baptisés du Saint-Esprit dans peu de jours, vous rece­ vrez sa puissance, il viendra sur vous et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et dans la Samarie el jusqu'aux extrémités de la terre. » Act., I, 5, 8. Déjà, Jésus avait indiqué à ses disciples un des effets de ce don : « Quand on vous traduira devant les synagogues, les magistrats et les autorités, le Saint-Es­ prit vous enseignera â l'heure même ce qu’il faudra dire. » Luc., xn, 12. La parole fut tenue. Le jour de la Pentecôte, les apôtres étaient dans la chambre haute (sans doute avec tous les disciples delà première heure, les cent vingt). Un bruit vint du ciel pareil â celui d'un vent impétueux, des langues apparurent semblables â des langues de feu et se posèrent sur chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit. Act., n, 1-4; cf. 1, 14, 15. C'était Jésus qui, élevé par la droite de Dieu et ayant reçu le Saint-Esprit, l'avait répandu. Act., il, 33. Les ell'ets de ce don se firent aussitôt sentir. Tous ceux qui l’avaient obtenu se mirent à parler en d'autres langues. Act., H, 4; ils émerveillèrent ceux qui les entendirent, Act.. Il, 5-13; en eux s’accomplissait l'oracle de Joël, ils étaient devenus des prophètes, Act., Il, 16 sq., et devaient rendre témoignage avec force plus d'une fois. Act., iv, 33. etc. Pierre le fait, rempli du Saint-Esprit, Act., iv, 8, avec cette assurance qu'avait prédite Jésus, assurance extraordinaire chez des hommes du peuple et sans lettres. Act., iv, 13, L’Esprit parle â Pierre. Act., x, 19; xi, 12. Il est le conseiller des douze si bien qu’ils cn ont pleine conscience et qu'ils osent dire :« Nous sommes témoins [de la gloire de Jésus], ainsi que l’Esprit-Saint donné par Dieu a ceux qui lui obéissent. » Act., v, 32. Et tous les disciples sont traités comme les douze et comme le Maître. Cette lois encore, on constate pro­ messe, don, actionien plus, la consécration des néophytes n'est-elle pas le baptême lui-même, ce rite qui s’opère au nom du Sei­ gneur Jésus, qui incorpore au peuple de Dieu, qui obligea vivre et à mourir pour le Maître? Enlin il y a un argument plus décisif encore : le silence des Actes et de tout le Nouveau Testament sur cette oblation, l’aflirmalion répétée qu'il s'agit ici du don de l’Esprit-Saint. Impossible aussi de découvrir dans l’imposition des mains le type primitif de la cérémonie par laquelle beaucoup de protestants ont remplacé le rite catholique de la confirmation. Voir Confirmation chez les pro­ testants. On chercherait en vain l’examen des bap­ tisés. lem· profession de foi, leur rénovation du bap­ tême. Lorsque des catéchumènes sont interrogés, ou des infidèles invités â faire connaître leur acquies­ cement à la prédicalion, c’est toujours, d’après le livre des Actes, antérieurement à l'initiation. 11 est question de la foi des Samaritains avant qu'il soit parlé de leur baptême. Et si Paul interroge les Éphésiens à son arrivée, ce n'est pas sur leurs croyances; il leur demande s’ils ont reçu l’Esprit-Saint. Act., xtx, 2. C’est seulement après leur réponse inattendue que l’apôtre complète leur instruction. De plus,à Samarie comme à Ephése, entre le baptême et l'imposition des mains, nous ne saisissons aucune profession de foi, aucune rénovation des engagements antérieurs. Sans doute, Simon n’obtient pas ce qu’il sollicite, mais ce n'est pas à la suite d’une enquête de Pierre, c’est en raison de la grossière demande que le magicien adresse sponta­ nément, c'est parce que son cœur n'est pas droit. Act., vm, 20, 21. Si ces vieilles hypothèses sont à peu prés oubliées, d'autres qui s'en rapprochent beaucoup sont encore proposées. Pierre et Jean viendraient à Samarie con­ stater l'orthodoxie des nouveaux convertis, s’en assurer de leurs propres yeux et oreilles. Pourquoi donc l'auteur des Actes ignore-t-il cette intention? Il ne connaît qu'un seul motif de l’imposition des mains : lesapotres veulent donner le Saint-Esprit. Et il ne permet pas de croire que Pierre et Jean se délient de Philippe. L’apôtre des Samaritains vient en droite ligne de Jérusalem, c’est un des sept, c'est-à-dire un homme de bon renom, plein du Saint-Esprit et de sagesse. Act., νι, 3, l’élu de la communauté et des douze, le Collègue du savant Etienne, 5, 6. C'est un évangéliste très zélé, Act., vm, 4 sq., poussé, soutenu, averti par l’Esprit, 6, 7.29, 39, capable d'interpréter les prophéties. 35. Ce qu'il prêche, c'est « le Christ », 5, 35, « la parole de Dieu, » 14, « ce qui concerne le royaume et le nom de Jésus, » 12. El si les apôtres se délient de lui, s’ils veulent savoir quelle est la foi des Samaritains, c’est avant le baptême qu'ils doivent l'examiner. Eût-on démontré que Pierre el Jean sont venus seulement pour enquêter sur l'orlhodoxie, resterait le second récit. Cette fois, c’est Paul lui-même qui a instruit, et pourtant, il impose les mains après le baptême, comme l'ont fait les apôtres à Samarie. Si ce n'est pas pour contrôler, ne serait-ce pas pour sanctionner l’œuvre de Philippe que Pierre et Jean se­ raient venus? Ils auraient voulu prendre contact avec les nouveaux lidèles, rattacher ces ennemis héréditaires du nom juif à la communauté palestinienne, approuver ou voir si Dieu approuverait la transmission de la bonne nouvelle à d.s demi païens, disciples d'un helléniste. .980 Pierre ne fut-il pas appelé à conslater par la descente | de l’Esprit sur Corneille que les gentils pouvaient avoir 1 part à l'Evangile et au royaume? De même, pour sanc­ tionner la conversiondesSamaritains.il fallait la venue du don messianique et la présence des apôtres. L’hypo­ thèse peut paraître séduisante; et pourtant, si l'on com­ pare le cas de Corneille et celui des Samaritains, quelle différence! L'auteur des Actes nous apprend à trois re­ I prises que, par la communication du Saint-Esprit à un pieux païen, Dieu a attesté sa volonté d'appeler au sa­ lut les gentils, Act., x, 44-48; xi. 15-17; xv, 8, 9; au con­ traire, le même écrivain ne parait pas se douter, il ne dit pas. ne laisse pas entendre que le don fait aux Sama­ ritains est la ratification divino el nécessaire de leur con­ version. .Sur lecenlurion l'Esprit-Saintdesccnd d'une ma­ nière soudaine, inattendue; les faits parlent : c'est bien le langage de Dieu attestant ses intentions. Act., x, 44-48; xi, 15-17. A Samarie, l'imposition des mains a lieu, l’Esprit-Saint est reçu. Act., vin, 17. En d'autres termes, le don divin est communiqué d'une manière simple et commune : un rite d'usage constant produit son effet normal. Et pourtant, là aussi, Dieu parle par des mi­ racles; mais c'est à l’arrivée de Philippe, avant la venue îles apôtres que se place la sanction de l’Esprit : c'est le missionnaire, ce n'est pas Pierre qui accomplit les prodiges. Act., vm, 5-8. 13. El c'est conforme à ce que révéle l'histoire de Corneille. Le centurion n'est baptisé qii'aprês l'intervention de Dieu, après deux visions, Act., x, 1-18; xi, 4-10; un avertissement, Act., x, 19; XI, 12; la communication du Saint-Esprit et de la glos­ solalie. Act., x, 44-48; xi, 15-17. C’est donc aussi avant d'admettre les Samaritains à l'initiation qu'il faut savoir si la providence les appelle au salut. Encouragé par les miracles, Philippe ne parait pas avoir hésité à le croire. Et si la sanction de l’Esprit ne manque pas, celle des douze ou de leurs délégués fait-elle défaut? L’évangéliste n’est-il pas leur homme, leur représen­ tant? Ne communique-t-il pas aux frères de Jérusalem la nouvelle de la conversion des Samaritains; ne rat­ tache-t-il pas par cette démarche, par sa foi et sa pré­ sence la communauté naissante à l’Église primitive? Que les douze, que Pierre et Jean aient désiré prendre un contact plus intime et plus direct avec le vieil ennemi d'Israël, soit, rien de mieux, encore que le texte ne le dise pas. Mais ce qu’il affirme, ce qui est sûr pour l’au­ teur des Actes, c'est que, si les apôtres ont lié conversation avec les nouveaux disciples, c'est en venant leur donner le Saint-Esprit. Ainsi, aujourd'hui encore, le chef d'un diocèse en pays de mission profite de la même tournée pour visiterde nouveaux chrétiens et pour les confirmer. Ainsi, Paul à Ephése, au cours d'une même rencontre, fait connaissance avec des néophytes, les instruit et leur donne l’Esprit. ici, aucun doute n'est possible. L'apôtre n'a pas besoin d'imposer les mains pour que des hommes déjà disciples et croyants, des auditeurs de sa parole, baptisés par son ordre et sous ses yeux, soient mis en contact avec les communautés chrétiennes. Et. d'autre part, si I Esprit-Saint descend et se manifesti j par la glossolalie, Act., xix, 6, ce n'est pas parce qu’une sanction divine est nécessaire pour autoriser l'initiation chrétienne de sujets qui ont reçu le baplèm de Jean, c’est-à-dire qui sont probablement juifs d· naissance. Dans l'interprétation des deux récils, il faut reconnaître que les mots disent ce que partout et tou­ I jours ils veulent dire et que donner le Saint-Esprit si­ gnifie le communiquer. 2. La grâce accordée aux Samaritains et au., l-.'phêsiens n'est pas une laveur singulière qui leur est exclusivement réservée. C'est le don messianique promise! communiqué, à tous ceux qui sont admis I dans la communauté cl le royaume, don déjà reçu par Jésus lui-même el par ceux qui l'annonçaient. — Dans les deux épisodes, il s’agit d'une meme grâce ac­ 981 CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE cordée ici et là à de nouveaux baptis's. el décrite en termes équivalents ou identiques. C’est le don. Act., vin, 18; la venue, xtx, 6; la descente, vin, 16; la réception de l'Esprit-Saint. vm, 15, 17, 19; xtx, 2. Tous les inter­ prètes s'accordent à rapprocher les deux faits. Il faut aussi identifier la grâce accordée aux Samaritains et aux Ephésiens avec celte que reçut Corneille, car lui aussi il obtint le don,Act., x,45;xi, 17; xv,8. l'effusion. Act., x,45, la réception. Act., x,47, la descente de ΓEspritSaint. Act., XI. 15. Et les récits concordent littérale­ ment : < L'Esprit-Saint vint sur les Ephésiens et ils parlaient en langues. » Act., xtx, 6. « Il était répandu sur les païens et on les entendait parler en langues, o Act., x, 45. Or, le don accordé à Corneille, Pierre prend plaisir à le répéter, c’est celui-là même qui a été fait aux douze le jour de la Pentecôte. <- Le don de l’EspritSaint était aussi répandu sur les païens, » Act., x. 45; « ils ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que nous, » Art., x, 47; « le Saint-Esprit descendit sur eux comme sur nous au commencement. » Act., xi, 15. « Dieu leur a donné ΓEsprit-Saint comme à nouset il n'a faitaucune différence entre nous el eux. » Act., xv, 8, 9. Si les Samaritains sont traités comme les Ephésiens, les Ephésiens comme Corneille et Corneille comme Pierre, c’est qu’une promesse universelle a été faite. Le Porc donnera l'Esprit à ceux qui le lui demandent, Luc., xi, 13, donc à lotis, si tous demandent. Jésus promet l’assistance de cet Esprit devant les synagogues, magistrats, autorités, aux « disciples » qui l'écoutent, Luc., xn, 12, c’est-à-dire « tous ceux d’entre eux qui seront traduits en justice. C’est aux douze seuls, il est vrai,qu’il dit: « Vous serez mes témoinsen Judée,Samarie el sur toulela terre, aussi recevrez-vous la puissance de l’Esprit, «Luc., xxiv. 48, 49; Act., i, 2.5,8; mais en fait, ce ne sont pas les apôtres seuls que les Actes nous montrent à Samarie. dans le monde grec et à Borne; ce sont donc, il est permis de le penser, dans la personne des douze, tous les futurs témoins de Jésus qui sont désignés, Elienne et Philippe, Paul et Barnabé, aussi bien que Pierre et Jacques. D’ailleurs, les douze ont compris ; la promesse qui leur a été faite par le Seigneur, ils l'adressent à d'autres. « Les derniers jours, » les temps messianiques sont arrives, dit Pierre, et ce qui les caractérise, c'est l'accomplissement de l'oracle de Joel, Act., n, 28432, l'Esprit de Jahvé ne fait plus défaut, il n est plus réservé à des privilégiés, mais répandu sur tous les membres du nouveau peuple de Dieu, hommes et femmes, jeunes et vieux, tous sont prophètes et voyants. Act., n, 17, 18; aussi est-ce dans le sens le plus large que cet apôtre interprète la parole de Jean et de Jésus, Luc., m, 16; Act., ι, 5; c’est à tous, selon lui, qu’il a été dit : « Vous serez baptisés dans le SaintEsprit. » Act., xi, 16. On sait que la promesse est tenue. Exégètes catho­ liques, protestants et indépendants le reconnaissent : la communauté primitive est composée de « spirituels », d'hommes inspires. La première chrétienté tout en­ tière, les cent-vingt vraisemblablement. Act., 1, 13-15; n. 1-4; les fidèles venus du judaïsme, Act., il, 38, ou de Samarie, Act., vm, 17. ou de h gentilité, Act., x. 41; xv, 8; les convertis de Paul. Act., Xlll, 52; xix, (i; xxi, 4, aussi bien que ceux de Pierre ou de Philippe; Ions ceux II. Des écrits de saint Luc a Jésus. — Ou bien le rite décrit par les Actes est primitif, ou bien il est un emprunt fait par les chrétiens à une religion étrangère, ou bien il est une déformation, un dédoublement d'une cérémonie en usage dans les premières communautés. 1" Le rite décrit par Luc n’est pas un emprunt fait par la seconde génération chrétienne à des religions étrangères. — Sans doute, on peut découvrir dans les cultes païens et gnosliques 1’impositu., des mains et fonction. Mais une vague ressemblance ne prouve pas un emprunt. Ces gestes liturgiques se trouvent dans beaucoup d’autres religions. Il ne suffît donc pas d’exa­ miner les gestes, si l’on veut surprendre une parenté; il faut comparer les formules qui les commentent, re­ chercher la signification exacte des symboles. Cf. dom Cabrol, Les origines du culte catholique : le paganisme dans la liturgie, dans la Revue pratique d’apologé­ tique, 15 novembre et 1" décembre 1906. D’ailleurs, personne n'a essayé de montrer dans l’imposition des mains une infiltration gnostique ou païenne. Des critiques ont pu parler d'une altération du sens primitif de celte cérémonie et d’un changement de ministre, mais le témoignage du livre des Actes, l'emploi du rite dans la liturgie juive obligent à voir dans ce geste quelque chose d'antérieur à toute inlluence païenne ou gnostique. Cf. Anrich, Dos antike Myslerienwesen in seinem Ein/luss auf das ChristenIhum, Gœltingue. 1894, p. 117. Ainsi le rite principal, le seul dont les Actes et les anciens documents affirment expressément l'existence, est spécifiquement chrétien. Donc, même s'il était établi que fonction est un em­ prunt contracté par les fidèles auprès des païens ou des gnostiques, on ne pourrait conclure que l'idée de la collation de l’Esprit par un rite extérieur et dînè­ rent du baptême est une infiltration païenne. Cette der­ nière hypothèse d'ailleurs n’est pas démontrée. Après avoir recherché quel usage on faisait de fonction sacrée dans les mystères et, en général, « dans le monde an­ tique, » Anrich, op. cit., p. 210, conclut : « Tout cela ne permet en aucune façon d’arriver â une conclusion sur l’introduction de fonction dans la liturgie du baptême. ■ Il est vrai <|tie l’on a imaginé d’introduire le rite dans la grande Église par un intermédiaire, le gnosticisme. Renan, L’Eglise chrétienne, Paris, 1879, t. n, p. 151156. Cf. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1887, t. n, p. 421. A l’appui de cette hypothèse, on ne peut pourtant présenter qu'un seul argument positif : c’est dans les écrits du enos- 1013 CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE 1014 découvrir dans l’Ancien Testament un rapport entre un tique Théodote que Fonction postérieure au baptême bain purificateur el le don de l'Esprit. Certains rappro­ est mentionnée pour la première fois. Excerpta, 81, P. G., t. tx, col. 696. L'indice est peu probant. Au chements peuvent faire sourire (la colombe, ligure de contraire, à qui veut établir qu’ici l’emprunteur, c’est l’Esprit, suit le déluge, image du baptême; voir aussi Ps. xvii, 14-16). D'autres sont plus frappants. Le psalle gnosticisme lui-même, les indices sérieux ne miste demandait à Dieu de le purifier, de le laver, manquent pas. L’onction est en usage déjà chez les Juifs; elle l’est aussi chez les chrétiens; d’après les d'effacer ses iniquités, de créer en lui un cœur pur, puis il ajoutait : « Ne me retire pas ton esprit saint... livres du Nouveau Testament, elle symbolise et dé­ et qu’un esprit de bonne volonté me soutienne. » Ps. i„ signe métaphoriquement le don de l’Esprit. Peut-être 9-14. Isaïe, xi.tv, 3, faisait ainsi parler Jahvé : « Je Théophile d’Antioche, Ad Aulol., i, 12, P. G., t. vi, col. 1011, parle-t-il de l’accomplissement de ce rite verserai des eaux sur le sol altéré et des ruisseaux sur la terre desséchée. Je répandrai mon esprit sur ta race après le baptême, et Terlullien, certainement, signale cet usage en des termes qui ne permettent pas d’y et ma bénédiction sur tes rejetons. » Enfin, selon Ezévoir une innovation récente. Voir Confirmation d’a­ chiel, xxxvm, 25-27, Dieu promet de répandre sur la maison d'Israël une « eau pure et de la purifier > , de près les Pères. D’autre part, les liturgies des gnostiques lui donner « un cœur nouveau et de mettre en elle un sont « un amalgame », « le moins original qui se puisse esprit nouveau ». Si ces textes ne parlent pas du rapport imaginer, » et leur doctrine sur la matière, œuvre du mauvais principe, les détournait de l’idée d’imaginer qui existe entre le baptême et la confirmation, ils attes­ un nouvel emploi religieux de l'huile, si bien que cer­ tent que déjà le vieil Israël avait associé l’idée de bain taines sectes rejetèrent Fonction, comme le rapporte à celle du don de l’esprit et que le rite décrit par les Actes pouvait paraître aux lecteurs chrétiens élevés saint Irénée, Conl. hær., 1. I, c. xxi, n. 4, P. G., t. vu, dans le judaïsme l’exécution d'anliques promesses. col. 663 sq. Cf. Dolger, op. cit., p. 4-9; Anrich, op. cil., Sans doute, l’Ancien Testament n’annonce pas que p. 210 ; dom Cabrol, loc. cil., et Les origines litur­ la communication de l’Esprit aux jours messianiques giques, Paris, I9C6, p. 55 sq. s’accomplira au cours d'une imposition des mains ou Si les religions étrangères n’ont pas introduit dans la d’une onction. Mais l’idée qu’il donne de ces deux liturgie chrétienne Fonction et l’imposition des mains, rites permet de comprendre pourquoi ils ont été choi­ ne pourrait-on pas sou tenir du moins qu'un dédoublement du baptême primitif en deux sacrements distincts s’est sis. « L'imposition des mains, dit Cremer, signifie une transmission soit de charge, soit de bénédiction, soit de opéré sous l’inlluence de l’une d’entre elles, du mithriafaute. » Realencyclopâdie, art. Ilandauflegung, Leipzig, cisme, par exemple? Harnack a dit que « peut-être » il en fut ainsi. Op. cil., t. i, p. 395, note 1 ; t. n, p. 421. 1899, t. vi, p. 388-389. Elle est donc toute indiquée pour symboliser la transmission de l'Esprit. On l’emploie Mais y a-t-il seulement similitude entre le rite chrétien et ce qu’on appelle la confirmation mithriaque. Sans dans le rite de la consécration des prêtres. Exod., xxix, 10, 15, 19; Lev., vm, 14, 22 Or les citoyens du nouveau doute, elle signe au front le soldat. Mais ce n’est pas par une imposition des mains, ni même par une onc­ peuple de Dieu sont tous investis du sacerdoce. Et l'Ecriture affirme que Josué était rempli de l’esprit de sagesse, tion. Le sceau est « une marque gravée au fer ardent, car Moïse avait posé sur lui ses mains. Dent., xxxiv, 9. semblable à celle qu’on appliquait dans Farinée aux L'onction est aussi prédisposée par le langage et recrues avant de les admettre au serment ». Franz les faits de l’Ancien Testament à symboliser le don de Cuinont, Les mystères de Mithra, Paris. 1902, p. 131. D’ailleurs, la distinction entre le baptême et le second l’Esprit. Les trois charges auxquelles elle prépare sont le sacerdoce, la royauté, le ministère prophétique, trois acte de l’initiation est déjà visible dans le livre des Actes: privilèges du chrétien dans l’êre messianique. L’onction l’inlluence du milhriacisme se serait-elle fait sentir avant la rédaction de cet écrit? Cf. P. Pourrai, La théologie des prophètes était-elle réelle? Dans certaines circons­ tances extraordinaires peut-être. III Reg., xix, 16. Mais, sjcramentaire, 2' édit., Paris, 1907, p. 300-302. meme si l’expression est ici prise dans un sens figuré, Tous les essais de rapprochement entre des rites il faut relever la parole d’Isaïe, LXl, 1 sq. : « L’Esprit du païens et la cérémonie décrite par les Actes se heurte­ Seigneur est sur moi ; car Jahvé m’a oint pour annoncer ront enlin à une insurmontable difficulté. Luc parle un de bonnes nouvelles aux malheureux, etc. » Les rois langage trop semblable à celui de l’Ancien Testament ; ses conceptions de l’Esprit et du don de l’Esprit ont une étaient réellement sacrés, et par ce rite, ils recevaient couleur juive trop accentuée. Sans doute, entre la pen­ de Dieu leur délégation el leur charge. I Reg., x, 1, etc. Il est même dit qu'« à partir du jour Ιού cette céré­ sée des auteurs anciens el celle de l’écrivain chrétien, monie eut lieu), l’Esprit du Seigneur saisit David il n’y a pas identité absolue, mais la similitude est 1res 1 Reg., xvi, 13. Et il convient d'observer que peut-être, grande. Luc parle de l'Esprit-Saint, insiste davantage sur son action dans la vie morale, continue le travail Fonction des rois était précédée d'une ablution, puisque Salomon fut conduit à la source de Gihon pour y être de personnilication vaguement essayé dans l’Ancien Testament. Mais, même après celte opération, l’Esprit a sacré, III Reg., i, 33, 34, et qu'Adonias voulant se faire gardé quelque chose du rouah de Jahvé, il est encore proclamer roi assembla ses partisans prés de la fontaine celui que Dieu envoie, qui pénètre l’homme, s’empare de Rogel. III Reg., 1, 9. Aaron et ses fils sont aussi de lui, tombe sur lui, le meut, le conduit, le fait parler lavés avant de recevoir Fonction. Exod., xxix, 4-7. Elle et agir selon les intentions de la providence et la voca- les sanctifie, c'est-à-dire les consacre, les investit d’un tion du sujet. C’est toujours ce principe de force, de perpétuel sacerdoce. Exod., xxvm, 41-43; xxix, 4-9; xxx, 30; XL, 12. 13. Si, d'autre part, on observe que sagesse, de sainteté, qui met au service du thaumalurge une puissance surhumaine, qui éclaire le pro­ Jacob verse de l'huile sur la pierre de Bélhei, Gen.. xxvm, 18; que Moïse oint le tabernacle et ce qu’il phète et qui pousse le juste vers une perfection plus haute. C’est encore ce souffle de Jahvé qui ravit l’homme renferme, Exod., xxx, 26-29; XL, 9 sq., on est amené à comme un vent puissant et qui, source créatrice de vie, conclure que ce rile est destiné à sanctifier, c’est-à-dire à consacrer à Jahvé une personne ou un objet. assure un nouveau développement au peuple élu. Cf. l!a> kspill, Elude sur le milieu religieux et intellectuel L'huile, a-t-on dit, est C-mitne imprégnée d'une vertu contemporain du Nouveau Testament, dans la Revue \ de sanctification qui passe en ce qu'elle touche et celte vertu a pu parfois, I Sam., xvi, 13, être prise pour biblique, 1902, p. 67-69. Bien plus, l’idée d’une effusion de l'Esprit de Dieu I l’Esprit. Smend, Lehrbuch der alttestamentlichen sur tous les membres de la communauté messianique ] Religionsgeschichtc, 2» édit., Fribourg-en-Brisgau. 1899 p. 67, note 1. est déjà exprimée par Joël, il, 21. Et on a même cru 1015 CONFIRMATION DANS LA SAINTE ECRITURE Des concordances aussi remarquables rendenl vaine toute tentative de faire dériver le don de l'Esprit d'une religion païenne. Mais il ne faudrait pas exagérer en sens contraire et découvrir chez les Juifs la confirmation· On ne trouve même pas après l'ablution des prosélytes une cérémonie qui puisse être comparée à l’imposition des mains, dont parle le livre des Actes. Les meilleurs juges, Schürer, par exemple, ne la signalent pas. Théodoret affirme que Jean après avoir conféré le bap­ tême, imposait les mains, Qwest. in Num., q. xi.vii, P. G., t. t.xxx, col. 397; maison ignore quel cas il faut faire de cette affirmation. Quant au cours de la céré­ monie dans laquelle le rabbin aujourd'hui encore place ses deux mains sur la tête de l’enfant juif pour le faire « fils du précepte », cf. Mason, op. cil., p. 10, elle ne rappelle que de très loin le rite décrit par les Actes; et d’ailleurs on ignore l’époque de son introduc­ tion dans le rituel juif. On pense généralement qu’elle n'a été adoptée que par imitation des usages chrétiens. 11 faut donc conclure que l’imposition des mains dont parle le livre des Actes est essentiellement chrétienne, mais que 1'auteur de ce rite voulut donner satisfaction à d’antiques espérances, qu’il adapta à des besoins et à des effets nouveaux une cérémonie de l’Église juive déjà préparée à ce rôle par sa signification générale et par certaines affirmations de l’Ancien Testament, et qu'enlin on put à bon droit voir dans ce geste une onction au moins spirituelle. 2» L'existence d'un rite distinct de l’ablution et des­ tiné à communiquer une surabondance de l'Esprit divin n’est pas niée par les plus anciens documents chrétiens. — Deux témoignages ont été opposés à celui de Luc : les premières lettres de saint Paul el les sources du livre des Actes. 1. Si l'apôtre ne mentionne pas l'imposition des mains dans ses plus anciennes Epitres, du moins, son langage ne contredit pas les dépositions de Luc. — Des théologiens el des exégètes ont cru découvrir dans ses lettres des allusions à la confirmation primitive. Mais il faut convenir que les indices relevés sont d’une va­ leur très faible, sinon nulle. De plusieurs textes parfois invoqués, Rom., v, 5; vm, 15; I Cor., n, 12; vi, 11; Gai., ni, 2, 5, on ne peut dégager que l’idée de la pré­ sence de l’Esprit dans les chrétiens. Si saint Paul ap­ pelle un baptême le passage à travers la mer Rouge et le séjour sous la nuée, I Cor., x, 2, faut-il conclure que le sacrement de l’initiation se compose de deux actes el entraîne deux bénéfices distincts, la traversée mira­ culeuse signifiant la libération de l’idolâtrie et de l’es­ clavage du péché, la marche sous le nuage symbolisant la direction continue de l’Esprit divin? Mason, op. cit., p. 40-42. 11 semble bien difficile de le prouver. Et si on y réussit, on ne sera guère plus avancé; car le texte ne détermine pas si les deux grâces sont des effets de la seule ablution ou le produit de deux cérémonies diffé­ rentes. La dualité des rites est en apparence mieux marquée dans une autre phrase de la même Épitre, xn, 13 : « Nous avons tous été baptisés en un même Esprit pour faire un corps unique... et tous nous avons été abreuvés d'un même Esprit. » Deux actes distincts, deux faveurs distinctes, conclut-on, Schell, op. cit.., p. 485, ou du moins, deux moments dans l'initiation chrétienne, et une double action de l’Esprit. Mason, op. cil., p. 42. Celte interprétation suppose donc que les deux proposi­ tions ne se répètent pas, ne sont pas deux membres parallèles d’une même phrase. Pour le démontrer, on observe qu’elles sont reliées par la conjonction et, que les deux images sont disparates et que la seconde rap­ pelle assez mal une ablution. — L'argumentation n’est pas péremptoire; pourrait-on affirmer sans hésitation aucune qu’il ne s'agit pas ici de deux effets distincts du baptême? Puis, si on veut bien croire que la phrase 1016 mentionne deux faits, reste à déterminer quel est le second. On a pensé â l’eucharistie. P. Batiffol, Etudes d'histoire et de théologie positive, 2’ série, Paris, 1905, p. 3-4. Le démontrer est peut-être difficile; mais il l'est encore plus de prouver que Pacte qualifié par les mots : « Nous avons été abreuvés, » est la communication de l'Esprit par l’imposition des mains. On n’expliquera pas aisément pourquoi une telle faveur est désignée par cette métaphore. Ainsi, de ce second texte comme du premier, rien à tirer, sinon des conclusions hypothé­ tiques. S'il était permis de se contenter de ressemblances verbales, il faudrait souligner avec plus de confiance une phrase de la 11« Épître aux Corinthiens, 1, 21, 22 : « Et celui qui nous affermit (confirmai, selon la Vul­ gate) dans le Christ el qui nous a oints, c’est Dieu qui nous a aussi marqués d'un sceau et qui a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit. » Janssens, op. cit., p. 189. Et plus d'un théologien disent que ce texte leur « semble probant » en faveur de la confirmation et même du caractère sacramentel qu’elle imprime. — A n’en pas douter, il y est parlé du don de l'Esprit. Mais est-il dit que cette grâce est accordée à la suite d'un acte distinct du baptême? Si, à l’époque où la phrase fut écrite, le second sacrement, appelé confirmation, avait déjà été accompagné d'onction et de formules comme celles-ci : « Je te marque d’un signe de la croix, » « sceau du don du Saint-Esprit, » déjà il avait été défini qu’il imprime un caractère, il serait presque impossible d'en douter. Mais, au temps de l’apôtre, le mot affermir n’est pas un terme technique; on parle volontiers de sacre au sens figuré; d’autre part, la locution : mettre au coeur les arrhes de l'Esprit semble attester que l’expression : marquer d’un sceau pourrait bien signifier seulement donner une caution, un gage, une assurance. Voir dans l’onction « une grâce », « qui peut se perdre, » dans le sceau « un signe distinct de la première et de sa nature permanent », n’est-ce pas trop préciser le texte, le lire à la lumière des affirmations d'une théologie posté­ rieure? Et ne faudrait-il pas démontrer que la grâce et le caractère dont il s'agit sont bien imprimés par la confirmation et non par le baptême? Conclusions hypothétiques, points d'interrogation, c'est encore par là qu’il faut terminer l’étude d’un der­ nier texte. Gai., iv, 4-7 : « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Eils... pour racheter ceux qui étaient sous la Loi afin que nous recevions l’adoption. Et parce que vous êtes fils, il a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Eils qui crie : Abba, Père. » Ainsi,deux missions à elTets distincts mais coordonnés. Le Fils nous délivre de l'esclavage et nous fait enfants adoptifs, L’Es­ prit vient en nous pour parler par nous le langage et prendre par nous l’attitude des enfants. — Mais qu’est-ce que l’apôtre distingue ici? Est-ce l’ablution et l'impo­ sition des mains? Ne serait-ce pas plutôt l’incarnation el la Pentecôte, l’avènement historique de Jésus et l’avènement historique de l'Esprit? Cependant, puisque l’apôtre s’adresse aux Galates qui n’étaient pas dans le cénacle avec les cent vingt, puisqu’il parle de l'adop­ tion des chrétiens en général (nous recevions l’adop­ tion), il est peut-être permis d'ajouter que Paul voit dans la vie individuelle des disciples une reproduction de ces deux grands faits. Ablution et imposition des mains seraient entre elles comme incarnation et Pen­ tecôte. Mason, op. cit., p. 46. Impossible donc de montrer avec assurance dans les premières lettres de l'apôtre des témoignages en faveur du rite mentionné par Luc. A plus forte raison, semblet-il téméraire de vouloir reconstituer à l’aide d’une ou de deux phrases des Epitres la formule primitive qui accompagnait l'imposition des mains. Déjà Nepefny. Die Eirmung, Passau, 1869, p. 201 sq.. avait pensé que Paul faisait allusion à la forme delà confirmation dans 1017 CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE la IIe lettre aux Corinthiens, i, 21. Tout récemment, A. Seeberg, op. cit.. p. 225 sq., a essayé une restitution complète. Pendant pour point de départ le même texte, il observe que les divers mots de la phrase se retrou­ vent dans d'autres écrits du Nouveau Testament, sont ailleurs accompagnés de locutions qui les complètent et qu’enfin ils sont parfois jetés sans explications comme des morceaux d’une formule bien connue que le lecteur antique pouvait de lui-même achever. 11 conclut donc qu'il est en présence de vestiges des paroles prononcées à l'origine par le ministre de l'imposition des mains pour marquer du sceau du Saint-Esprit, II Cor., I, 22; Eph., i, 13; iv, 30; promis, Eph., i, 13; Gai., ni, 14; Luc., xxiv, 49, Act., i, 4; n,33, 39; arrhes, II Cor., 1. 22; v, 5; Eph., i, 14; de l’héritage, Gai., iv, 6, 7; Rom., vm, 15-17 ; Til., ni, 5-7 ; pour les saints, Eph., i, 18; Col., i, 12; Act., xx, 32; xxvi, 18 (σφραγίζειν τώ πνεύματι τής επαγγελίας τώ άγίώ δς έστιν άρραβών τής χληρονομία; έν τοΐς άγιοι; πάσιν). L'auteur croit même pouvoir soupçonner que cette formule rappelait celle qui aurait été employée par les Juifs dans la circon­ cision, du moins dans celle des prosélytes. On peut admirer la confiance de A. Seeberg qui tente un tour de force avec la virtuosité d'un artiste. Mais il semble bien que ce soit dans le vide. L’Ecriture seule ne per­ met pas d’établir que les mots détachés et groupés par lui sont partie ou tout d'une formule. Et si l’on peut relever quelques ressemblances entre la phrase re­ constituée el d'anciens écrits chrétiens ou d'antiques prières, il faut avouer qu’elles sont trop peu nom­ breuses, trop peu frappantes (emploi des mois : arrhes, arrhes du royaume, sceau, promesse) et qu’elles s’ex­ pliquent aisément par de simples citations du Nouveau Testament. Les efforts de A. Seeberg auront servi à mieux établir la similitude et la parenté entre les di­ verses formes de la conlirmation et le langage de Γ Écriture. C’est avec le même intérêt, mais peut-être avec une défiance plus grande encore qu'on assiste â l’essai de restitution tenté par Staerk, Der Taufritus in der griechisch-russischen Kirche, sein aposlolischer Ursprung und seine Enticickelung, Fribourg, 1903, p.· 159. Le point de départ est toujours II Cor., i, 21, 22; les argu­ ments ne sont pas plus convaincants et la phrase pro­ posée (chrismate sancto, complemento doni Spiritus Sancti signatur servus Christi) est présentée comme l'accompagnement d'une cérémonie dont l’existence à cette époque n'est pas démontrée par des textes décisifs : fonction. Si Jésus, si les apôtres avaient arrêté le texte d'une formule ne varietur, comment expliquer qu'elle se soit égarée au cours des âges et qu'un nombre si considérable de prières différentes ait été relevé? Tout ce qu’il est permis d’admettre, semble-t-il, c’est que les versets 21, 22 du c. 1 de la II® Épitre aux Corinthiens ont pu influer sur la rédaction de la forme de la conlir­ mation. Dôlger, op. cit., p. 77. Mais s’il n’est pas possible d’affirmer sans hésitation que les premières Épitres de Paul font allusion à l’im­ position des mains, il faut se garder de l’excès contraire. Les conceptions et le langage de l’apôtre n’excluent pas ce rite. Sans doute, il écrit aux Galates. m. 2. 5, 14, qu’ils ont reçu l’Esprit « par la prédication de la foi ». Mais Luc raconte, lui aussi, à sa manière, qu’Ephêsiens et Samaritains ont obtenu le même don grâce à la même disposition : il note avec soin que la bonne doctrine leur avait d’abord été proposée, qu'ils l'avaient acceptée : s'ils n’avaient pas cru, ils n’auraient pas reçu l'Esprit. D’ailleurs, si Paul attribue ce don à « la prédication », ce n'est pas pour exclure l’imposi­ tion des mains, mais « les œuvres de la Loi ». Gai., III, 2. 5. L'opposition n’est pas entre Paul et Luc, mais entre l’apôtre et les missionnaires judaïsants. l'n peu plus loin, l’Épitre affirme que les Galates sonl « fils | i |I j1 , i 1 1018 de Dieu par la foi », HT, 26; et pourtant, aussitôt, dans la même phrase, elle parle du baptême et dit que par lui on « revêt le Christ ». La disposition intérieure est nécessaire, essentielle, et on peut en un sens lui attri­ buer tous les elfets spirituels, puisque sans elle .aucune grâce ne serait obtenue, mais le rite demeure utile; il est, de par Dieu, le moyen par lequel la foi s'affirme et agit. Impossible donc de mettre en contradiction, comme le fait Hollz.mann. Die Apostelgeschichte, p. 120, l'Épitre aux Galates avec le livre des Actes. Une autre antithèse essayée parfois (A. Seeberg, op. cit., p. 225, la propose encore pour dénier au rite une véritable causalité) n’est pas moins heureuse. Paul dit que Dieu donne, accorde, envoie son Esprit, Gai., m, 5; iv, 6; I Thess., iv, 8; il vient de lui. 1 Cor., n, 12. Faut-il conclure qu’il n’y a aucun intermédiaire, aucun procédé de transmission? Les textes ne le pré­ tendent pas. Luc et tous ceux qui font donner l’Esprit à la suite ou même par l'intermédiaire de l’imposition des mains savent et croient que le collaleur unique est Dieu, que le geste humain est seulement un instru­ ment. Impossible de faire ce raisonnement : C’est Dieu, donc ce n’est pas le rite qui accorde l’Esprit. Paul ne songeait guère à cette opposition. Il écrivait, le contexte l’établit : c’est Dieu, donc ce ne sont pas les œuvres de la Loi, qui obtiennent le don, Gai., m, 5; c’est Dieu, donc vous êtes ses fils et ses héritiers. Gai., iv, 6, 7; c'est Dieu, donc ne méprisez pas ses préceptes, 1 Thess., iv, 8; l’Esprit vient de Dieu, donc il vous fait connaître les bienfaits d'en haut. I Cor., il, 12. Pas plus qu’à la foi seule ou qu’à Dieu seul, Paul n’attribue au baptême seul la vertu de communiquer l'Esprit. Sans doute, l’apôtre dit que les chrétiens ont été lavés, sanctifiés, justifiés au nom du Seigneur JésusChrist et par l’Esprit de notre Dieu, I Cor., vi, 11 ; qu'ils ont tous été baptisés en un seul Esprit, 1 Cor., xn, 13; qu’ils sont une leltre du Christ écrite avec l’Esprit du Dieu vivant, II Cor., ni, 3; qu’ils ont été appelés à la sanctification de l’Espril, et à la foi en la vérité. II Thess., il, 12. Aussi, qu’il y ait une corrélation entre le don de l'Esprit et l'ablution, d’après l'apôtre, c’est là une con­ clusion généralement admise non seulement par les catholiques mais encore par des exégètes de toutes les écoles. Holtzmann, Lehrbuch, t. il, p. 180; B. Weiss, Lehrbuch, p. 214, 217, 324. Doit-on ajouter que l'ablution ainsi comprise rend inutile le rite de l'imposition des mains décrit par les Actes? Évidemment non. D’abord, saint Paul ne dit nulle part que seul le baptême donne l’Esprit. On pourrait même se demander si dans les textes cités plus haut l'apôtre ne se contente pas de présenter l'Es­ prit comme celui qui accorde au rite sa vertu, comme la cause et non comme l’elfet de l'ablution. Toutefois il ne faudrait pas insister sur cette observation, car si les textes invoqués n’étaient pas probants, les affirmations répétées de Paul sur la présence de l'Esprit dans tous les chrétiens ne permettaient pas de douter que, d'apres lui, cet Esprit fût accordé à loue les baptisés. Mais que faut-il entendre ici par baptême, est-ce la seule ablution, le rite que Luc oppose à l'imposition des mains? Ne serait-ce pas plutôt tout ce que l’on nomme aujourd’hui initiation chrétienne? S'il en était ainsi, Paul en disant que l’Esprit est donné par le baptême, les Actes en affirmant qu’il l’est par l'imposition d, mains, seraient d'accord en réalité. Or, on est obligé de convenir que, dans les textes cités plus haut, h s ex­ pressions sont assez vagues. L'apôtre ne dit pas que le bain donne l’Esprit; son langage pourrait laisser a entendre que, dès le début de sa carrière nouvelle, le chrétien est sanctifié par le don divin. Enfin, s’il était établi que, d’après Paul, c'est l'ablution elle-même qui communique l’Esprit, il faudrait encore examiner si celte grâce est bien celle que Luc attribue 1019 CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE 1020 à l’imposition des mains. De l'aveu de tout le monde, I sion entre Pierre et Simon était emprunté au cycle des l’Esprit, selon saint Paul, agit d’une manière ininterrom­ légendes judéo-chrétiennes qui dépeignaient l’apôtre pue dans les chrétiens. Et même au jugement de la plu­ sous les traits du magicien de Samarie; si telles étaient les sources de la narration des Actes, leur témoignage part des critiques, s'il est encore pour l’apôtre l’auteur et le distributeur des charismes, il est aussi, il est sur­ serait suspect et irrecevable. Mais bien faibles sont les arguments invoqués à l’appui de cette hypothèse. tout le principe de la conversion, de la vie intérieure, de la sainteté morale, de la ressemblance au Christ, de Tous les rapprochements essayés sont forcés, man­ qués. On ne peut comparer la demande adressée par l’amour de Dieu, de toutes les vertus de l’âme et de la Simon â Pierre et â Jean avec la tendance de Paul â dignité du corps. Et l’on oppose cette exception à celle des fidèles, l’on cite volontiers la parole de Gunkel, Die s’égaler aux douze ; l'offre d'argent proposée par le magicien avec la collecte entreprise par l’apôtre des Wirkungen des heiligen Geistes nach der populâren A nschauung der apostolischen Zeit und nach der Lehre gentils en faveur des pauvres de Jérusalem; le surnom des Apostels Paulus, Gœttingue, 1888, p. 82 : « La com­ de puissance de Dieu donné par les Samaritains â leur munauté regarde comme pneumatique ce qu’il y a d’ex­ compatriote, Act., xm, 10, el le litre de puissance de Dieu attribué à l’Évangile par l’Épitre aux Romains, traordinaire dans la vie du chrétien, Paul regarde comme i, 16; la supplication finale adressée par le personnage tel ce qui est ordinaire; eux ce qui est propre à certains des Actes, vm, 24, et le repentir éprouvé â l’occasion individus, Paul ce qui est commun à tous; eux ce qui arrive subitement, Paul ce qui est constant; eux ce qui parle héros des Clémentines. Cf. .1. Weiss, Veber die est singulier dans la vie chrétienne, Paul celte vie elleAbsicht und den literarischen Lharakler der Apostelmême ». Cf. Stevens, The theology of the New Testa­ geschichte, Gœttingue, 1897. p. 15-16. Les seules simi­ litudes réelles entre les romans judaïsanls et le récit ment, Edimbourg, 1901, p. 431-442; Holtzmann, Lehrde Luc sont très générales. Pour les expliquer, il suffit buch, t. n, p. 145; B. Weiss, Lehrbuch, p. 219, 222, 325 sq. Il est permis de penser que la différence entre d’admettre que l’histoire et la légende désignent le même personnage. Les fables des Clémentines ont pu se les idées de Paul et celles de ses contemporains est trop fortement soulignée, exagérée même; mais il est greffer et se développer sur le fond dont l’Écriture atteste l’existence. Au reste, le caractère antipaulinien certain qu’il y en a une. Pour Luc, on s'en souvient, des légendes qui avaient cours sur le magicien Sama­ l’Esprit donné par l’imposition des mains est un prin­ ritain est aujourd’hui très contesté. Ni dans les Clémen­ cipe de sagesse et de force qui aide le fidèle à rendre témoignage. Écrivain religieux, historien de l’Église nais­ tines, ni dans les diverses rédactions des Actes de Pierre, ni dans les écrits des Pères, Simon napperait comme sante, il avait dû insister sur ce qui rendait ce témoignage un masque, une caricature de l’apôtre. Et on admet gé­ éclatant : prophétie, visions, don des langues, miracles. Paul parle aussi de la puissance de l’Esprit, des pou­ néralement que l'hypothèse de l’école de Tubingue est une création fantaisiste. II. Waitz. Bealencyclopâdie, voirs miraculeux qu’il communique, de l’appui qu'il art. Simon der Magier, Leipzig, 1906, t. xvm, p. 357. donne à la prédication. I Thess., i, 5, v, 19, 20; 1 Cor., « Aujourd’hui donc on est porté à considérer le récit n.4,9,10; vu, 40; xn, 4 sq.; xiv, 1 sq.; xv, 19; Rom..xv, 19. Mais en même temps, il le montre comme celui qui des Actes comme exact dans ce qui est essentiel. sanctifie l’âme et le corps, II Thess., π, 12; I Cor., ni, Weinel, op. cit., p. 215. Voir col. 210-214. 16; vi, U, 19; Rom., vm, 2; qui est le gage du salut, Seulement, on chicane sur les détails. Depuis quinze Gai., v, 5; I Cor., il, 12; II Cor., i, 22; v, 5; Rom., ans, surtout, la question des sources du livre des Actes vm, 26, et de l'adoption, Gai., tv, 5-7; Rom., vm, est posée, étudiée, discutée. Cf. Rose, La critique nou­ 14-16; qui ménage une nouvelle alliance, II Cor., m, velle et les Aeles des apôtres, dans la Bevue bi­ 6; Rom., vu, 6; vivifie la chair, II Cor., m, 6 sq.; blique, 1896, p. 325. Le c. vm n’a pas été négligé. On Rom., vm, 2, 11; guide et meut vers les vertus et la a essayé de distinguer le travail du rédacteur et la dé­ perfection, Gai., v, 18 sq.; Rom., v, 5; unit à Jésus. position des sources. L’essai le plus récent peut-être II Cor., iv, 17; Rom., vm, 19. On voit qu’il est impos­ est celui de H. Waitz, op. cit., p. 352-353. Cf. Die sible de dire : Paul présente dans l’Esprit un fruit du Pseudoklementinen, dans Texte und Unters., nouv baptême, Luc un effet de l’imposition des mains; donc série, Leipzig, 1904, t. x, fasc. 4, p. 223 sq. ; Die Quelle ils sont en désaccord. Les Actes et les Épitres ne parlent der Philippusgeschichten in der Aposlelgeschichte, pas des mêmes grâces; les premiers signalent ce qui vm, 5-40, dans Zeitschrift fur die neulest. Wixfait le témoin, l’apôtre ce qui fait le chrétien. Luc décrit senschaft, 1906, p. 340-355. Au document primitif, une intervention toute spéciale de l’Esprit ordonnée qui est un morceau d'anciens Actes de Pierre, appar­ à un but particulier, Paul son influence ordinaire, cons­ tiendraient les versets 5-9, 11-13,18 6, 19a, 20-24. A la tante, ininterrompue. Luc ne fait connaître que les seconde main seraient dues quelques retouches de la suites de l’imposition des mains, Paul célèbre la grâce source et 10, 14-18 a, 19 b. Le récit fondamenla du baptême ou mieux toutes les grâces données par pourrait donc se résumer ainsi : Pierre descendit dans l’Esprit sous toutes les formes et â tous les mo­ la ville de Samarie, prêcha, opéra des miracles. L· s ments. foules s’attachèrent à lui, 5-8.1) y avait là un magicien Il faut donc se résignera ne pas parler de contradic­ nommé Simon qui avait longtemps étonné le peupl, tion entre les Actes et les Épitres. Ce qu'on peut relever par ses sortilèges, 9, 11. Quand les Samaritains eurent de plus défavorable â l’imposition des mains, c’est que cru, ils se firent baptiser, 12. Simon crut, se fit baptiser, l’apôtre n’en parle pas. Mais on n’a pas le droit de faire ne quitta plus Pierre. Étonné des miracles de l'apôtre, de ce silence un argument contre Luc, comme on l'a il lui offrit de l’argent pour obtenir le pouvoir d’accom­ essayé parfois. Weinel, op. cit., p. 215. C’est violer une plir les mêmes prodiges, 13,186,19 a. Pierre refusa, et·· loi bien connue de la critique historique. Il ne suffit 20-24. Le rédacteur aurait donc substitué le diacre Pi ipas de dire : Paul se tait; il faut montrer que, si lippe à l’apôtre dans la première moitié du récit, 5-t. l’apôtre connaissait l'imposition des mains, il était H aurait ajouté que tous les Samaritains s’attachai·■·. amené à en parler, obligé de la décrire ou de la nom­ au magicien et le tenaient pour une puissance de Di· u mer, et qu’il ne l’a pas fait. 10. Il aurait intercalé la relation du voyage de Pierre >■· 2. On n’a pas démontré que d’après les sources du de Jean qui, envoyés de Jérusalem vers la Samarie par livre des Actes, les apôtres n'imposaient pas les les douze, auraient imposé les mains aux convert ■ mains pour donner le Saint-Esprit. — a) La conversion pour leur donner l’Esprit que le baptême ne leur ai · des Samaritains, vm. 5-24. — A la suite de Baur, pas communiqué, 14-17. Enfin, il aurait fait demand : plusieurs critiques ont pensé que le récit de la. discuspar Simon non plus seulement le pouvoir d'opérer u< s 4021 CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE miracles. mais c, lui de transmettre l’Esprit-Saint par l’imposition des mains, 18 a, 196. Si ces conclusions étaient admises, le livre des Actes ne ferait connaître que la pensée de son rédacteur el des contemporains sur ce dernier geste, et cette pensée ne serait pas celle des communautés primitives. Si le système de Waitz, pris dans son ensemble, ne rallie pas tous les suffrages des critiques et n’a peut-être pour tenant que son auteur; du moins, un grand nombre d'historiens de l’Eglise primitive attribuent au rédacteur des Actes, c’est-à-dire à Luc ou à un écrivain inconnu de la lin du Ier siècle, ce qu'ils appellent la conception hiérarchique et sacramentelle, les traits catholiques du récit. C'est cet auteur, ce sont ses conlemporains qui auraient vu dans le don de l’Esprit une faveur indépen­ dante du baptême, manifestée par la glossolalie, trans­ mise par l'imposition des mains, accordée par les seuls apôtres. H. Holtzmann, Die Apostelgeschichte, p. 64-G5; Einleitung, 3» édit., Fribourg, 1892, p. 406; B. Weiss, Die Apostelgeschichte, p. 129; Weinel,op. cit·., p.215; A. Jülicher, Einleitung, p. 345. Mais on peut dire que la distinction des sources dans ce chapitre n’est pas démontrée. Les observations par lesquelles on la motive appellent des réserves. Simon, dit-on. apparaît comme un magicien dans les v. 9, 11, 13, comme une puissance céleste au ÿ. 10. Inutile de crier à la contradiction : puisqu'il opère des prodiges, v. 9,11, ne peut-il pas être tenu par le peuple pour un être supérieur? y. 10. — Au début, y. 9, observe-t-cn. il est parlé de la capitale et plus loin, y. 14, du pays de Samarie. Mais, si les habitants de la principale cité se ~ont convertis, ne peut-on pas dire que « la Samarie », « les Samaritains » ont reçu la parole de Dieu? — D'après le ÿ. 10, tous s’attachaient à Simon, de même que, d'après le y. 6, tous s'attachent à Philippe, la répétition, conclut-on, est voulue. Elle est, en effet, assez marquée pour qu’on puisse la croire intention­ nelle, mais qui l'a opérée, la première ou la seconde main? On s'étonne que Simon, un magicien, J. 9-13, demande à Pierre non pas le pouvoir de faire des prodiges, mais celui de communiquer 1'Esprit-Saint, v. 18. 19. Les affirmations peuvent concorder et sont conciliées par le texte lui-même, car il est dit que s'il propose aux apôtres d'acheter le droit d’imposer les mains, c'est après avoir vu que par ce geste l'Espril • tait donné, c’est-à-dire sans doute après avoir constaté les effets merveilleux de cette grâce, ÿ. 18; d'ailleurs, quand Simon adresse sa demande, il est converti, il a cru, a été baptisé, ÿ. 13; si son cœur n’est pas droit, x. 21, si sa pensée est fausse, jt, 20, s'il doit se repentir de sa méchanceté et de son iniquité, y. 22, 23, il de­ mande encore qu’on prie pour lui le Seigneur, ÿ. 24. Bien ne prouve donc qu’il n’ait pas pu, sans inconsé­ quence. demander le pouvoir de donner l’Esprit. — Pierre seul agit, ajoute-t-on. Jean ici. comme dans les autres scènes du livre des Actes où il lui est adjoint, n'est qu’un figurant, il n'est même plus nommé dans les derniers versets 18-24; conclure que le rédacteur a glissé son nom dans le récit primitif sans prendre la peine de lui attribuer un rôle actif, c’est aller trop vite et trop loin. Les faits n ont-ils pas pu se passer comme iis sont racontés, la source, si elle a existé et si on admet qu'elle donnait les Actes de Pierre, ne pouvaitelle pas déjà mettre en avant et faire parler un seul apôtre? — On ne saurait être surpris non plus de ce que l’acteur soit d'abord Philippe, y. 5-13, puis Pierre, v. 18-24 : évidemment si, pour les raisons qui viennent d'être exposées et qui ne sont pas décisives, on voit une interpolation, une addition du rédacteur dans le récit de l’envoi par les douze de deux d’entre eux, il y a un heurt, et on passe, sans être averti, du diacre à l'apôtre; mais l'hiatus disparait, tout s’explique naturellement si on accepte la teneur actuelle du texte. Restent les 1022 indices tirés du vocabulaire ou de la construction et qui ont fait parler de retouches, de mots superflus, d'une introduction, ÿ. 4, et d'une conclusion, y. 25, ajoutées par le dernier rédacteur, de déplacements, de transpositions, de surcharges. B. Weiss, op. cit., p. 126130. Plusieurs des observations qui ont été faites, toute spécieuses qu'elles paraissent, ne sont pas prises en considération par de bons juges; ainsi Harnack admet l'unité littéraire des Actes. H ne croit pas que le rédac­ teur des Actes ait mis en œuvre des sources grecques, en les retouchant et en les frappant de sa marque per­ sonnelle. D’ailleurs, ces remarques n’obligent pas du tout à exclure du récit primitif l'imposition des mains : ce sont des démarches accessoires qui seraient ajoutées. On a dit pourtant que le y. 16 sépare deux phrases faites pour être rapprochées et qu'il parait être une réflexion du rédacteur (car [l’Esprit] n’était encore tombé sur aucun d’entre eux, mais ils avaient seule­ ment été baptisés au nom du Seigneur Jésus). La re­ marque fût-elle fondée, impossible de rien conclure, car si le verset 16 souligne plus expressément la dis­ tinction entre les deux gestes liturgiques de l'initiation, en réalité, il n’ajoute rien au texte, le récit faisant donner le baptême par Philippe, y. 12-13, l’Esprit par l’imposition des mains de Pierre et de Jean, y. 14-17, comme le constate Simon, i. 18, 19. Ce qui complète la démonstration, c’est la hardiesse insuffisamment justifiée des procédés (suppression totale de Philippe), les vides et les heurts qui déparent les récits restaurés, voir par exemple la succession de ver­ sets proposée par 11. Waitz, 8, 9.11 ; c’est enfin la diver­ sité des systèmes auxquels aboutissent les divers essais de reconstitution. D’autres critiques sont parvenus, dans la même re­ cherche de la source du c. vin, à des résultats différents, qu'il est inutile de signaler. Cf. P. Feine, Eine vorkanonische Vberliefèrung des Lukas in Evangelium und Apostelgeschichte, Gotha, 1891, p. 195-198; F. Spitta, Die Apostelgeschichte, ihre Quellen und deren geschichtlicher Herl, Halle, 1891, p. 124-126, 327, 359; J. .lüngst, Die Quellen der Apostelgeschichte, Gotha, 1895, p. 78-82. Les chercheurs de sources grecques dans les Actes ont fait fausse route, même s’ils se bor­ nent à distinguer un seul document, la Wirquelle, qui comprendrait quelque chose du c. vm, d'après H. Wendt, Die Apostelgeschichte, Gœttingue, 1899, p. 29, mais qui, au sentiment d’A. Jülicher, Einleitung in das N. T., 3e et 4« édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 354. ne par­ lait que de saint Paul. En effet, A. Harnack, Lukas der Arzt, der Verfasser des drilten Evangeliums und der Apostelgeschichte, Leipzig, 1906, p. 83-85, exclut catégoriquement toute source grecque, en raison de l'indéniable unité de langage el de style dans le livre entier, et il admet seulement, pour la première partie du récit des Actes, l’emploi par Luc d'un ou de plu­ sieurs documents araméens. Il pense en particulier que le diacre Philippe (un extatique par excellence) a ren­ seigné oralement saint Luc « l'enthousiaste >■, p. 102, non seulement sur les faits, dont il fut un des acteurs, mais même sur les actions de saint Pierre, p. 88, 168109. Les événements racontes au .c. vm, y compris l'his­ toire de Simon le magicien, maladroitement, mais peutêtre à dessein, intercalée entre les actes de Pierre et ceux de Philippe, p. 85, proviendraient de la tradition orale. Ces hésitations, cette multiplicité d'opinions prouvent qu’il est difficile, impossible même de s'appuyer sur les seuls critères internes tirés du c. vm pour refuser de voir un rite apostolique dans l'imposition des mains telle que la décrivent en cet endroit les Actes. Cette condamnation est plutôt motivée par les exigences d'un système historique préconçu. On tient pour dêmonlr·.· qu'à l’origine 1'impression produite par la prédication 1023 CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE apostolique suffisait à éveiller l’Esprit et que ce don était une suite ordinaire du baptême. On écarte comme n’étant pas primitive toute conception hiérarchique ou sacramentelle. Ces prémisses posées, logiquement, on se refuse à admettre que la source du livre des Actes, si on en admet une, affirmait de l'imposition des mains ce que nous lisons aujourd’hui dans cet ouvrage. Mais que valent ces prémisses? Il en est qui ne sau­ raient être discutées ici; d’autres ont été repoussées. Il a été établi qu'aucun texte de l’Ecriture n’attribue cer­ tainement à l’ablution ce qui est donné ici comme étant l’eflet de l’imposition des mains, que si le Nou­ veau Testament promet à la foi le don de l’Esprit, ou le fait venir de Dieu, ce n’est pas pour exclure l’emploi d'un symbole et d'un moyen de transmission, qu’enfin cette faveur n’est pas pour les Actes et pour Luc le seul charisme, la seule glossolalie. Il n’est donc pas démontré que la source engagée dans la tramedu c. vm, si elle a existé, ignore ou contredit une notion de l'imposition des mains surajoutée par le rédacteur. Et si jamais on parvenait à dissocier avec certitude deux documents attribuant l’un au baptême, l’autre à l’imposition des mains le don de l’Esprit, avant de les opposer, il faudrait se demander si le premier emploie le mot baptême comme un terme technique désignant la seule ablution, ou comme un mot généra), très apte à nommer toute l’initiation. Pourquoi, d’ailleurs, en l’ab­ sence de toute preuve positive, serait-on tenu de croire que sur l'imposition des mains, l’auteur sait seulement ce qui se passe de son temps et sous ses yeux. Des ins­ titutions dont le livre des Actes révéle l’existence, on peut dire qu'elles étaient en usage au temps et dans le milieu de Luc, mais on n’a pas le droit d'ajouter, sans apporter des preuves, qu'auparavant et ailleurs elles étaient ignorées. Un rite sacramentel, qui consacre les droits de la hiérarchie ne doit pas être considéré néces­ sairement, et a priori, comme la création d’un théolo­ gien de basse époque. Au reste, l’hypothèse d’une interpolation systéma­ tique se heurtera toujours à une grosse difficulté. Un auteur qui n’est pas catholique l’a fort bien remarqué. Weinel, op. cit., p. 215. Si Luc veut reporter dans le passé les institutions de son époque, s'il entend démon­ trer que dés l’origine l'ablution ne suffisait pas, qu’elle était toujours complétée par un second acte et que ce geste était réservé aux apôtres, pourquoi l’eunuque estil seulement baptisé par le diacre Philippe; pourquoi un simple disciple confére-t-il à Paul l’imposition des mains; pourquoi n’est-il pas dit clairement qu’elle lui communique l’Esprit; pourquoi surtout, lors de l'agré­ gation des premiers païens à l’Église, aucun geste de Pierre n’esl-il requis? Il ne suffit pas de répondre que ces faits sont des vestiges de l’antique conception et des usages primitifs; il faut montrer pourquoi Luc, s'il est auteur d'additions ou d’explications tendancieuses, n’a pas d'un mot, d'une phrase, rétracté des affirmations qui résistent à sa conception systématique. Les faits ne se comprennent pas très bien si on pense que le rédacteur a voulu ériger en loi toujours observée les usages de son temps; ils s’expliquent à merveille si on admet qu'il a essayé de raconter les événements comme il croyait savoir qu’ils s’étaient passés. b) Les Éphésiens, xix, 1-7. — Le fond du récit est encore tenu pour réel par les exégètes non catholiques. Mais cette fois encore, plusieurs d'entre eux estiment que le rédacteur a remplacé l’antique notion du don de l’Esprit-Saint à toute la communauté croyante par les concepts d'une imposition des mains hiérarchique et sacramentelle, d’une initiation et d’un christianisme à deux degrés, d’une inspiration qui se trahit par la glossolalie et non plus par l'expérience intime. II. Holtz­ mann, op. cil., p. 120. A l'appui de cette hypothèse et pour justifier l'existence d’une antique croyance dispa­ 1024 rue on invoque toujours les mêmes affirmations sur ie don de l’Esprit promis à la foi, ou sur l’intervention d’Ananie auprès de Paul. On relève la question de l'apôtre aux Éphésiens, ÿ. 2 : « Avez-vous reçu le SaintEsprit quand vous avez cru? » comme si le mot croire voulait dire seulement ici faire un acte de foi et non pas devenir disciple. On signale encore comme un vestige de l'antique conception l’antithèse entre le bap­ tême de .lean et celui de Jésus, entre le baptême d’eau et celui de l’Esprit, ÿ. 4, 5, mais cette opposition n’est pas établie en ce passage, et le fût-elle, resterait à déter­ miner comment ie rite chrétien est un bain d'Esprit. Enfin, c’est au prix d’une exagération qu’on écrit : « Paul transmet le don de glossolalie, » pour pouvoir opposer celte grâce à celle que pensaient recevoir les premiers chrétiens. Les Actes écrivent : « Avez-vous reçu le Saint-Esprit? » v. 2. « Paul leur ayant imposé les mains. Esprit-Saint vint sur eux et ils parlèrent en langues. » La glossolalie n’est qu'une manifestation du don reçu. La présence de ce charisme s’explique d'ailleurs. Les douze Éphésiens ont besoin de constater d'une manière saisissante quelle différence sépare le chrétien du baptisé de Jean, celui qui se croyait disciple de celui qui l'est en réalité. 3° Peut-on s'appuyer sur quelque témoignage posi­ tif de l’Ecriture pour remonter jusqu'à Jésus? — Cette question, le catholique l’aborde avec une entière indé­ pendance d’esprit. Sans doute, il croit, sur la foi du concile de Trente, sess. VII, can. 1, que tous les sacre­ ments de la nouvelle loi ont Jésus pour auteur. Mais il sait aussi qu’un bon nombre de théologiens ne consi­ dèrent pas comme définie par cette assemblée la thés·· de l'institution immédiate des sacrements. El il se sou­ vient qu’il n’est ni nécessaire, ni possible de découvrir tous les dogmes chrétiens dans l’Ecriture, dans l’Écriture seule, dans l’Ecriture interprétée comme tout autre document ancien par les seuls docteurs privés et selon les seules règles de la critique historique. Les théologiens catholiques ne sont donc pas embarrassés quand ilétudient l'origine de la confirmation. Après avoir acquis, parle témoignage du Nouveau Testament, la certitud de l’existence d’un rite apte à symboliser et à commu­ niquer l’Esprit-Saint, beaucoup d’entre eux ne cher­ chent plus d'autres faits, ni de textes nouveaux. Us re­ courent à un raisonnement et disent : Un tel signe n pu être inventé par les premiers chrétiens, ni par I· apôtres, institué par eux, doté par eux de son eflicacib donc il a Jésus pour auteur. Cf. de Augustinis, De r saeramentaria, Rome, 1887, t. I, p. 419. Plusieurs n font même pas appel â l’Écriture pour établir cett thèse; ils recourent seulement à la tradition ou à l'af­ firmation du concile de Trente. Certains n’éprouver, aucune peine à reconnaître qu' « il n'y a pas dans h Évangiles un seul endroit où Jésus ail parlé formelle­ ment du sacrement de confirmation », Schanz, op. c : p. 283; qu'on ne trouve pas dans le Nouveau Testam« des traces par elles-mêmes assez concluantes · « l’institution directementdivine» d'un sacrement. Jans­ sens, op. cit., p. 52. Si pourtant il y avait dans l’Écriture quelques ·.· tiges, fussent-ils faibles, il serait intéressant de les re­ lever. Le principal témoin de l’usage de l’imposition mains est l'auteur du livre des Actes. Il montre d ce geste un rite employé dès l’origine et partout. · Palestine et à Éphcse, dans les communautés Pierre comme dans les Églises de Paul; il faut · admettre qu’à l’époque où furent rédigés les Actes, cérémonie était d'une pratique constante, normale; ce livre a été composé en l’an Ci-, d'après l’opinion tr ditionnelle acceptée même par des critiqués tels Blass; vers 75, selon Zahnjvers 80 ou au plus tui­ le commencement du règne de Domilien, selon d'au'.: 1025 CONFIRMATION D’APRÈS LES PÈRES GRECS ET LATINS 1025 formes, partant la confirmation. Il n’est pas néces­ (Renan, B. Weiss, Ramsay, Harnack, etc.) ; en 90, d’après saire qu’il ait parlé avant sa mort de l’imposition des plusieurs, Mangold, Kôstlin; de 95 à 100, d'après Spitta mains, ni qu'il y eût fait allusion. Il suffit qu’après sa et Wendt. C’est donc jusqu'à une très haute antiquité disparition, les apôtres, les chrétiens aient appris par qu'il est permis d’aller, puisque, semble-t-il, le rite de­ les charismes ou par leur expérience intime qu'au mo­ vrait être en usage quinze ou vingt ans au moins avant ment ou s’accomplissait ce geste la promesse de Jésus l'apparition du livre des Actes. Puis, il faut penser que s’exécutait. Le Christ glorifié aurait complété l'œuvre Luc disposait d’anciens documents ou reproduisait une du Christ historique; il y aurait eu une institution en tradition antérieure. On n’a pas démontré jusqu’ici que deux actes : promesse du don et approbation du rite. le témoignage des Actes sur l'imposition des mains ex­ Cf. P. Pourrat, La théologie sacramenlaire, p. 278-279. prime la pensée personnelle du dernier rédacteur et ne Il convient peut-être d’ajouter que la parole de Jésus dérive pas de sources orales ou écrites, sources an­ n'est pas seulement une affirmation générale et qu'elle ciennes, très anciennes peut-être, que cet écrivain a distingue l'effet de l'imposition des mains de celui du ulilisées. L’épisode de la conversion des Samaritains baptême. Car d'après les trois Synoptiques, un jour du appartient à la première partie du livre, à cette histoire moins, ce que Jésus promettait ce n’était pas l’Esprit de l’enfance de l’Église si précise, si circonstanciée, qui devait créer le disciple, infuser la vie nouvelle, quelle semble provenir d’un fidèle témoin du premier assurer le pardon des péchés, c'était l’inspirateur qui éveil de la vie chrétienne. La promesse de l’Esprit à tous les membres du nouveau peuple de Dieu fait partie donnerait sagesse et courage aux confesseurs de la foi; et pour Luc, le fait parait bien établi, le don annoncé de ces discours de Pierre, si nourris de l’Ancien Testa­ ment, si surchargés d’hébraïsmes, et d'une christologie c'était la grâce destinée à sacrer le témoin messianique. Voir col. 981. Enfin, l’Évangile semble même insinuer si ancienne que certains critiques y ont vu les plus une distinction de deux instants, de deux actes de l'ini­ vieilles affirmations de la foi apostolique. B. Weiss, tiation, annoncer une effusion de l’Esprit qui n'accom­ Lehrbuch, p. 119; Rose, op. cil., p. 327-328. pagnerait pas, mais qui suivrait le baptême. L'épisode L'examen des rapports de Luc avec Paul conduit de la descente de Jésus dans les eaux du Jourdain a, encore à une époque aussi reculée. Assurément l’au­ de tout temps et dans toutes les écoles, été considéré teur des Actes a une manière de parler, de sentir, de comme une des scènes les plus importantes de la vie du voir, de juger qui lui est propre, et il est très légitime de chercher en quoi ses dépositions différent de l'en­ Christ. Plusieurs Pères ont placé à cet instant l'insti­ tution du baptême; et il se trouve que cette opinion est seignement de l’apôtre. Mais il ne faudrait pas négliger aujourd’hui adoptée par des exégètes non catholiques. les similitudes de vocabulaire et de doctrine. Et les cri­ Or, si on observe de près cet acte attesté par la caté­ tiques mêmes, qui exagèrent la distance entre Luc et chèse la plus ancienne, raconté par les trois premiers Paul, sont obligés de signaler des points de contact et Evangiles, cette inauguration de la vie messianique de un accord remarquable entre les Epitres et les Actes. Jésus, qui devait être le type de l’initiation chrétienne, Holtzmann, Lehrbuch, t. I, p. 454 sq.; B. Weiss, Lehr­ on y découvre intimement soudées, mais séparées chro­ buch, p. 578-582. On a particulièrement observé qu’une nologiquement deux operations : l’ablution qui crée des meilleures preuves du paulinisme de Luc, c’est l’homme nouveau, l’onction de l’Esprit qui le sacre roi « l’importance accordée par ses écrits à l’activité de et prophète des derniers jours. N'est-ce pas précisément l'Esprit », à son action sur Jésus, à la promesse de sa venue, à son influence sur les premiers chrétiens. une vue anticipée et comme la première ébauche de B. Weiss, loc. cil. Que l’historien et l’apôtre aient insisté, cet acte qui ouvre la vie chrétienne et qui est fait de l'un sur les manifestations publiques, 1'autre sur les deux scènes toujours séparables et jamais séparées, effets intérieurs de ce don, nul ne saurait s’en étonner. , l'ablution et l’imposition des mains? Le Christ n’auraitil pas alors institué, c’est-à-dire voulu et laissé entrevoir Mais peut-on admettre qu’un personnage de second rang, le baptême et la confirmation? compagnon, disciple, ami de ce Paul si ferme, si ardent, si passionné dans la défense de son propre enseigne­ I. Sources : les textes du Nouveau Testament expliqués dans ment, ait imaginé ou même accepté sur le don de l'article. II. Travaux catholiques: les commentaires de ces passages; l’Esprit, sa nature, son mode de transmission, ses dis­ tributeurs, des conceptions inconnues de l’apôtre et les traités de la confirmation (ont étudié de plus prés et plus inconciliables avec sa doctrine? Est-il permis de sou­ longuement les témoignages scripturaires, parmi les anciens. Maldonat, Bellarmin, Vuitasse; parmi les modernes, Schanz. tenir que, de bonne ou de mauvaise foi, l’auteur des Schell, de Augustinis, Sasse): les monographies consacrées à la Actes ait osé présenter, comme étant de Paul, ces idées confirmation (particulièrement les études déjà citées de Vacant, nouvelles? L’hypothèse n’est guère vraisemblable : c’est Janssens, Dôlger et Staerk) ; les affirmations des Pères, voir Turdonc bien avant la rédaction de ce livre, à l'époque des mel, Histoire de la théologie positive, Paris, 1904, p. 130-131, courses de l’apôtre et de son compagnon, qu’il faut le traité de Vuitasse et, pour les docteurs latins, les tables de la patrologie de Migne. aboutir. III. Travaux non catholiques : les commentaires, surtout Mais plus on remonte le cours des âges, moins on ceux du livre des Actes i les manuels de théologie du Nouveau laisse d'espace pour l’introduction d'une doctrine nou­ Testament (Holtzmann, B. Weiss, Stevens) ; certaines monogra­ velle et d’un rite précédemment inconnu. Parvenu au phies déjà citées sur la confirmation (Mason), sur l'Esprit el ses milieu du 1" siècle, tout historien est amené à se de­ opérations (Gunkel, Weinel), sur l'initiation chrétienne (A. Seemander si la première génération fidèle, si les apôtres berg, etc.). n'étaient pas trop attachés au maître, trop instruits de C. RüCH. II. CONFIRMATION D’APRÈS LES PÈRES GRECS sa parole, trop respectueux de ses recommandations, trop soucieux de conserver les formes de la prière an­ ET latins. — L Noms. II. Existence du sacrement. tique pour avoir inventé une doctrine que rien n'aurait III. Matière. IV. Forme. V. Auteur. VI. Ministre. rattachée à la pensée de Jésus, un rite qui ne serait pas VII. Sujet. VIII. Nécessité. IX. Effets. X. Cérémonies. voulu par lui. qui ne serait ni juif ni chrétien. Aussi I. Noms. — Le mot de confirmation, qui sert actuel­ bien, les quatre Évangiles racontent que le Christ a lement à désigner le second des sacrements chrétiens, promis l’Esprit, les Actes le disent, les Epitres l'affir­ est étranger à la langue théologique des quatre premiers ment : s'il est une parole de Jésus qui soit bien garantie, siècles. En revanche, on trouve un grand nombre c'est assurément celle-là. Si on n’y voit qu'une affirma­ d’autres expressions équivalentes, qui s'appliquent tion générale, déjà on peut soutenir que Jésus, en tantôt à l'imposition des mains, tantôt à l’onction, l'énonçant, ratifiait d’avance et présentait comme spé­ tantôt à l’une et à l’autre, ou qui caractérisent l'effet de cifiquement chrétien le don de l'Esprit sous toutes les ce sacrement. Signalons-les rapidement. C'est la manus DICT. DE THEOL. CATHOL. III. - 33 1027 CONFIRMATION D’APRÈS LES PÈRES GRECS ET LATINS impositio, chez les Latins, la χειροθεσία, chez les Grecs, 5. Augustin, De bapt. cont. donat., III. xvi, 21. P. L., t. xliii, col. 149; la divini chrismatis unctio, Salvien, De guber., ni, 2, P. L., t. lui, col. 58; l’onction, Const, apost., vu, 44, P. G., t. i, col. 4045; le sacra­ mentum chrismatis, S. Augustin, Cont. lit. Petit., III, civ, 239, P. L., t. xliii, col. 342; le chrisma salutis, S. Léon le Grand, De nativ. Dom., serm. iv, 6, P. L., t. Liv, col. 207; le μυστικόν χρίσμα, S. Cyrille de Jérusalem, Cal., xxi, 4, P. G., t. xxxiii, col. 1902; le μύρον, μυστήριον τελετής μύρον, pseudo-Denys, De eccl. hier., IV, ni, 12, P. G., t. ni, col. 485; Γάγιον χρίσμα, concile de Laodicée, can. 7, llardouin, Act. concil., t. i, col. 782; le chrême de l'onguent spirituel, Théodoret, In Cant, cant., I, i, 2, P. G., t. lxxxi, col. 60; la σφραγίς, Corneille, Epist. ad Fabianum A ntioch., dans Eusèbe, II. E-, vi, 43, P. G., t. xx, col. 624; le signa­ culum frontium, Tertullien, Adv. Marc., ni, 22, P. L., t. n, col. 353; le signaculum dominicum, S. Cyprien. Epist. ad Jubaian., lxxih, 9, P. L., t. ni, col. 1145; le spiritale signaculum, S. Ambroise, De myst., vu, 42, P. L., t. xvi, col. 403; pseudo-Ambroise, De sacr., m,2, ibid., col.-434; le signaculum vitæ æternæ. S. Léon le Grand, loc. cil. Plus particulièrement, à cause du rôle que joue la confirmation dans la régéné­ ration chrétienne, on l'appelle la perfection, le com­ plément du baptême, pseudo-Denyset pseudo-Ambroise, loc. cit.; concile d’Elvire, can. 38, 77, llardouin, t. i, col. 254, 258; le baptême du Saint-Esprit, De rebaptismate, 10, P. L., t. ni, col. 1195; parfois aussi le moyen de donner aux néophytes la force de confesser la foi, de glorifier le nom du Christ. Chez les Latins, l’acte collaleur du Saint-Esprit s’appelait la consignatio, et l’endroit, ou se pratiquait cette consignation, le consignatorium. Mais c’est du verbecon/irmare, employé par saint Léon le Grand, Epist. ad Nicet., eux, 7, P. L., t. liv, col. 1139, par le concile d’Arles, de 455, llardouin, t. Il, col. 780, et par Gennade, Deeccl. dogm., lu, P. L., t. lviii, col. 993, que dérive le mot confirma­ tion. Ce mot, paru d’abord au concile d’Orange de 441, can. 2, llardouin, t. i, col. 1783, et employé ensuite par saint Isidore de Séville, De offie. eccles., il, 26, P. L., t. lxxxiii, col. 823, est celui qui a été adopté par la langue théologique du moyen âge comme le mieux approprié pour désigner le second des sacrements. Il est du reste appuyé sur ce texte de saint Paul : « Celui qui nous a confirmés avec vous dans le Christ et qui nous a oints, c'est Dieu. » 11 Cor., I, 21. Il correspond à la βεδαίωσις des Constitutions apostoliques, III, xvn, P. G., t. I, col. 809, et se trouve dans le Saeramentaire grégorien. Sous la diversité de ces expressions, il importe de saisir l’idée que se faisaient les Pères de ce sacrement; et c’est ce que nous allons essayer de faire en parcou­ rant successivement tout ce qui a trait à l’existence de la confirmation, à sa matière, à sa forme, à son ministre, etc. IL Existence nu sacrement. — La confirmation n'estelle, aux yeux des Pères, qu’un simple rite, ainsi que le prétendent les protestants? N’est-elle pas plutôt un vrai sacrement? La question est donc de savoir si, dans l’espèce, se vérifie la définition du sacrement. Et c’est à quoi on ne peut répondre que par l’affirmation. Impos­ sible, en effet, de nier que la collation du Saint-Esprit soit un signe sensible d'une grâce invisible, car l’impo­ sition des mains et Ponction, dont parlent les Pères, tombent sous le sens; que cette imposition des mains ou celte onction confère une grâce, c’est ce que pro­ clame toute l’antiquité chrétienne; et qu’enfin ce signe ait été institué ou indiqué par Notre-Seigneur, c’est ce que l’on déduit du témoignage du Nouveau Testament et de la pratique des apôtres. 1° Pendant les deux premiers siècles. — Dèsl'origine 1028 du christianisme, l’Église possède un rite particulier, spécialement consacré pour conférer le Saint-Esprit aux néophytes; c’est un rite qu'accomplissent les apôtres. Le Saint-Esprit, en effet, avait été d’abord pro­ mis par Jésus-Christ â tous ceux qui croiraient en lui, puis communiqué miraculeusement aux apôtres, le jour ιι' us La théologie sacramentaire, p. 191-194; L. Saltet, Les bonum male accipientibus. » Serm., cci-xvi. 7, P. L., t. xxxvm, col. 1229. Donc, d'après saint Augustin, dans réordinations, p. 404-406. le cas où le sujet n'offre pas les conditions requises de 2° Dans l’Église grecque. — Tout autre a été l’usage d'Orient. Sans doute, au m» siècle, saint Firmilien, préparation et de moralité, réception valide de la con­ firmation, mais illicite, culpabilité à mal recevoir fonc­ évêque de Césarée en Cappadoce, estimait que le pou­ voir d’imposer les mains, c’est-à-dire de confirmer, tion chrismale. Vienne à disparaître l'obstacle, fonction appartenait comme celui de baptiser et d’ordonner à produit son effet, sans qu’il soit nécessaire de la réité­ rer. Car ici s’applique le principe formulé si souv-i.t l’évêque, Epist., lxxv, 7, P. L., I. in, col. 1161; et, à la fin du iv»siècle, saint Chrysostome disait que le pri­ au sujet du baptême et de l'ordination, objet de la con­ vilège de donner le Saint-Esprit revenait de droit aux troverse avec les donatistes. Au sujet du baptême, il 1051 CONFIRMATION D’APRÈS LES PÈRES GRECS ET LATINS dit : Hoc vere confert et præstat Deus per commu­ nionem catholicam illis qui veniunt ab aligna hæresi vel schismate, ubi baptismum Christi acceperunt, id est, non ut baptismi sacramentum incipiant habere quod non habebant, sed ut incipiat eis prodesse quod habebant, De bapt. coni, donat., I, v, 7, P. L., t. xi.ui. coi. 113; et au sujet de 1’ordre : « Les évêques qui font retour à l'unité ne sont pas ordonnés une seconde fois, sed sicut baptisma in eis ita ordinatio mansit inte­ gra. » Cont. epist. Parmen., Ill, xin,28, ibid., col. 109. Comme le baptême et l’ordre, la confirmation, une fois reçue, ne se réitère pas. Par le seul fait de sa collation, elle a produit, comme nous le verrons plus bas, le ca­ ractère; si le sujet, auquel elle est donnée, se trouve dans les conditions voulues, elle produit en outre ses autres effets, la grâce et les dons du Saint-Esprit; si, au contraire, il a posé un obstacle par sa faute, ces effets ne sont pas produits, mais ils deviennent une réalité vivante, dès que l'obstacle est écarté. VIII. Nécessité. — Du moment que la réception du Saint-Esprit par la confirmation était regardée par les Pères comme le complément, la consommation et le perfectionnement du baptême, on comprend qu'ils en exigeassent la collation. De là les textes patristiques et conciliaires que nous avons cités, et qui faisaient une obligation de recevoir la confirmation aussitôt que pos­ sible après le baptême. Rappelons seulement les canons 38 et 77 du concile d’Elvire et le canon 48 du concile de Laodicée. Hardouin, t. i, col. 254, 258,789. Mais était-ce une obligation étroite, sous peine de compromettre le salut, si on venait à ne pas la recevoir? En fait, quelques baptisés mouraient sans avoir pu être confirmés. Aussi la question se posa-t-elle de savoir si ces baptisés non confirmés étaient sauvés. Elle fut résolue par l'affirma­ tive. L’auteur du De rebaplismale, iv, P. L., t. m. col. 1188, n’hésite pas à déclarer que celui qui meurt après le baptême est un parfait chrétien, bien qu’il n’ait pas reçu l'imposition des mains de l’évéque. A leur tour, les Pères du concile d’Elvire déclarent que celui qui meurt baptisé, mais non confirmé, sub fide qua credidit potent esse justus. Can. 77. Ce qui revient à dire, pour employer des termes scolastiques, qu’à l’époque des Pères, le sacrement de confirmation était regardé comme nécessaire de nécessité de précepte, et non comme nécessaire de nécessité de, moyen; il diffé­ rait, en ce point, du sacrement de baptême. 11 y avait donc faute à ne pas recourir à la confirmation, quand on le pouvait, à cause de l’obligation qui en était im­ posée par l’Eglise; mais, en cas d’empêchement légitime, la non-réception de ce sacrement ne compromettait pas le salut. IX. Effets. — 1° Perfectionnement du baptême. — Dans l'initiation chrétienne, la confirmation suivait immédiatement la collation du baptême, en relation étroite avec lui et comme son complément naturel. Le baptême, d’après les Pères, introduisait le catéchumène dans l’Église, lui communiquait la vie surnaturelle et divine par la régénération; la confirmation conférait au baptisé la plénitude de cette même vie. De là l’obliga­ tion étroite, dont nous avons parlé, de recourir pour ce sacrement à l’évêque quand on n’avait pu recevoir que le baptême. Le baptême passait ainsi pour une ébauche, pour un commencement, pour un début, qu'il apparte­ nait à la confirmation de compléter, de consommer, de parfaire; ce sont les expressions, dont se servent les Pères, et qu’il est inutile de répéter. De là viendra la comparaison de la vie surnaturelle avec la vie naturelle. A la naissance correspond la régénération baptismale, qui fait du baptisé un enfant de Dieu et de l’Église; à la maturité, le sacrement de confirmation, qui fait du con­ firmé un parfait chrétien, un soldat. 2° Infusion du Saint-Esprit. — De quelque nom qu’ils l’appellent, imposition des mains, onction, consi­ 1052 gnation, les Pères attribuent à la confirmation la col­ lation du Saint-Esprit. Sans doute, le Saint-Esprit ne saurait être étranger à la purification des péchés, à la régénération surnaturelle, à la vie de la grâce, produites par le baptême; car, ainsi que l’enseigne Tertullien, le Saint-Esprit pénètre et transforme l’eau baptismale, il lui communique une vertu purificatrice; mais, observet-il, le baptême ne confère pas le Saint-Esprit, il ne fait que préparer la place à son infusion prochaine, qui est l'efl'et de l’imposition des mains. De bapt., vi, vin, P. L., t. i, col. 1206, 4207. A sa suite, saint Cyprien distingue nettement l’effet propre à chacun de ces deux rites ou de ces deux sacrements, comme il les appelle. 11 n’ignore pas l’intervention du Saint-Esprit dans le baptême, car, dit-il, sans le Saint-Esprit l’eau ne pour­ rait ni effacer les péchés, ni sanctifier l’homme; mais c’est à l’imposition des mains qu’il attribue l’infusion du Saint-Esprit dans l’âme du baptisé. Epist., I.xxiv, 7, P. L., t. m, col. 1132. Le pape Corneille écrit à pro­ pos de Novation : « Etant guéri de sa maladie, il n’a pas reçu néanmoins ce qu’il était tenu de recevoir selon la règle ecclésiastique, il n’a pas été marqué du sceau par l’évêque. Mais puisqu'il n’a pas reçu le sceau, com­ ment enfin aurait-il pu recevoir le Saint-Esprit? » Eusèbe, II. E., VI, xi.nl, P. G., t. xx, col. 624. C’est le Saint-Esprit qui donne le signaculum spiritale, dit saint Ambroise, au iv· siècle. De myst., vu, 42, P. L., t. xvi, col. 403. C’est par le chrême que s'opère l'infusion du Saint-Esprit, dit j’acien. De bapt., vi, P. L., t. xm. col. 1093. Ainsi, chez les Pères latins, à Carthage, à Rome, à Milan, à Barcelone, l'effet spécifique qu’on attribue à la confirmation, c’est l'infusion du SaintEsprit. Même effet spécifique reconnu par les Pères grecs. Origène qui prend le mot de baptême, tantôt au sens large d'initiation chrétienne, tantôt au sens restreint et précis que nous lui donnons, rappelle le fait signalé par le livre des Actes et dit que le Saint-Esprit était donné par les apôtres au moyen de l'imposition des mains dans le baptême (sens large); il ajoute quelques lignes plus bas que les apôtres le communiquaient par l’im­ position des mains après le baptême (sens restreint). De prine., I, ni, 2, 7, P. G., t. xi, col. 147, 153. A Césarée de Cappadoce, Firmilien, nous l’avons vu, pense comme son correspondant de Carthage, saint Cyprien. A Alexandrie, au siècle suivant, saint Alhanase, sur ces mots de l’Épitre aux Galates, m, 2 : « Avez-vous reçu le Saint-Esprit par les œuvres de la loi ou par l’audition de la foi? » demande : Quel esprit avaient-ils reçu si ce n'est l’Esprit-Saint qui est donné à ceux qui croient et qui ont été engendrés à nouveau par le bain de la régé­ nération? Epist. ad Scrap., i, P. G., t. xxvi, col. 537. Le Sacramenlaire de Serapion de Thmuis, ami et correspondant de saint Alhanase, distingue la confir­ mation du baptême. Il contient deux prières, l’une pour la bénédiction de l'huile dn baptême, l'autre pour la bénédiction du chrême. Or, tandis que, pour la béné­ diction de la première, on prie pour le pardon des péchés, pour la soustraction de l’âme et du corps a toute œuvre mauvaise, à toute influence satanique, Γίύχή εις το χρίσμα demande à Dieu de donner au chrême une vertu divine et céleste pour ceux qui ont déjà participé au bain de la palingénésie. G. Wobbermin, Altchristliche liturgische Slücke, dans Texte un i Unlers., Leipzig, 1898, t. xvn, fasc. 36, p. 12-13; Brightman, Journal of theological studies, Londres, 1900. t. i, p. 265. Le sens de ces deux prières diffère à raison de la différence des effets qu’elles attribuent aux huiles, qui doivent servir pour deux sacrements distincts. A Jérusalem, saint Cyrille compare la grâce que donne la confirmation au don de joyeux avènement des em­ pereurs, Cal., xm, 23, P. G., t. xxxm, col. 800; c’est une grâce qui diffère de la grâce baptismale, c’est la 4053 CONFIRMATION D’APRÈS LES PERES GRECS ET LATINS 1054 grâce du Saint-Esprit, dont la divinité, présente dans j décrétale, que le pseudo-Isidore met sur le compte du le saint chrême, rend celui-ci capable de communiquer pape Melchiade, este l’étendard «(nous dirions le grand le Saint-Esprit, ένεργετικ'ον Πνεύματος αγίου; elle sanc­ cheval de bataille) de l’enseignement catholique, rela­ tifie et vivifie l'aine pendant que le corps est oint visi­ tivement au sacrement de confirmation. Mais c’est blement de ce chrême sensible, Cat., xxi, 3, ibid., oublier que si la décrétale, attribuée à Melchiade, est col. 1092; elle procure l'adoption divine, car le con­ fausse,cette homélie est d'un auteurdu v° siècle, et que, firmé ressemble au Christ qui, après son baptême et la du reste, l'idée particulière de force, qui y est mise en descente sensible du Saint-Esprit, a entendu ces mots : si haut relief comme l’eil'et du sacrement de confirma­ « Celui-ci est mon fils bien-aimé. » Cat., ni, 14; xi, tion, se trouve déjà indiquée par Tertullien, parmi les 9, ibid., col. 445, 701. écrivains latins, caro signatur ut anima muniatur, Λ Hippone, saint Augustin voit dans l’onction le SaintDe res. car., vin, P. L., t. n, col. 806, et par saint Esprit : Unctio spiritalis ipse Spiritus Sanctus est, Cyrille de Jérusalem, parmi les Pères grecs. Ce dernier, cujus sacramentum est in unctione visibili. In I Joa., en effet, voit dans la confirmation une arme de combat, tr. Ill, 5, P. L., t. xxxv, coi. 2002. Inutile de continuel· et compare le confirmé à un guerrier. « De même, les citations. dit-il, qu'aprèsson baptême et la descente du Saint-Es­ S” Les sept dons. — Qu’apportait avec lui le Saint- prit, Jésus-Christ est allé combattre son adversaire, de Esprit? Cette question ne devait pas tarder à se poser, même, après avoir reçu le baptême et l'onguent mys­ et, une fois posée, elle devait recevoir un commence­ tique (c'est-à-dire la confirmation), revêtus de la pano­ ment de solution par l’étude et l’application du texte plie du Saint-Esprit, vous tenez ferme contre toute d'Isaïe, ix, 1-3 : « L'esprit du Seigneur se reposera sur puissance opposée, ένδεδυμένοι τήν πανοπλίαν τοΰ αγίου lui, l’esprit de sagesse et d'intelligence, de conseil et Πνεύματος,ί'στασΟε προςτήν αντικειμένην δύναμιν.Cat., XXI, de force, de science, de piété et de crainte de Dieu. » 4, P. G.,t. xxxiii, col. 1092. C’est oublier également les Les Pères voient cette prophétie réalisée au baptême de expressions si caractéristiques de la prière pour le chrême Notre-Seigneur. Cf. S. Irénée, Cont. hær., III, ix, xvn, du Saeramentaire de Sérapion, où l’on demande à P. G., t. vu, col. 871, 929-930; S. Cyrille d'Alexandrie, Dieu une ένέργειαν βείαν καί ουράνιον, sans doute pour In Is., Il, I, P. G., t. i.x, col. 309-316. Quelques-uns que les baptisés participent au don du Saint-Esprit, l’appliquent à la sanctification du chrétien, en général. mais aussi pour que, rendus forts par cette σφραγίς, ils Irénée, Cyrille, loc. cit.; Origène, In Jer., x, 13, P. G., restent fermes et inébranlables, διαμείνωσιν εδραίοι και t. xm, col. 549; In Matth., xm, ibid., col. 1093; αμετακίνητοι. G. Wobbertnin, Altchristliche liturgische S. Jérôme, In Is., IV, xi, P. L., t. xxiv, col. 147-149. Stücke, dans Texte und Enters., Leipzig, 1898, t. xvn, Il était naturel qu’on finît par l’appliquer à la sanctifica­ fasc. 3 b, p. 12-13; Brightman, Journal of theological tion du chrétien, en particulier par la confirmation. Or, studies, Londres, 1900, t: i, p. 265. Les Constitutions ce sont précisément ces sept dons de sagesse, d’intelli­ apostoliques n’appellent pas sans raison le chrême le gence, de conseil, de force, de science, de piété et de βεόαίωσις τής όμολογίας, III, xvi, P. G., t. I, col. 797; crainte de Dieu, que saint Ambroise voit dans le signa­ et saint Augustin voit dans la force la grâce propre de culum spiritale, c’est-à-dire dans la confirmation, De la confirmation. Cont. Faust., XIX, Xiv, P. L., t. XLH. myst-, vii, 42, P. L., t. xvi, col. 403; ce sont ces sept col. 356. Cela justifie amplement l’expression Ihéologique dons que saint Jérôme énumère comme les attributs du ad robur, appliquée à ce sacrement. ■ Saint-Esprit, loc. cit. Saint Augustin les appelle ilia 5° Le caractère. — Dans un document gnostique du notissima dona spiritualia, Serm., cccxi.vn, n, 2, IIIe siècle, les Acta S. Thomæ, 26, 27, il est dit que le P. L., t. xxxix, col. 1524, et les compare, comme nous baptême et la confirmation impriment un sceau spécial. l’avons déjà dit, aux béatitudes. Cf. Serm., cci.xx, 5; Le baptisé en reçoit d’abord un, la σφραγίς ; le confirmé Eugyppius, Thesaurus, cxv, P. L., t. lxii, col. 179. Nous en reçoit un autre, qui se superpose au premier,Γέπισφράavons également dit que le mot septiformis, appliqué par γισμα τής σφραγίδας. Cf. Μ. Bonnet, Acta apostolorum saint Hilaire au don du Saint-Esprit, et l’énumération apocrypha, Leipzig, 1903, t. in, p. 141-142, 165; Le des sept dons du Saint-Esprit avaient fini par trouver Hir, Eludes bibliques, Paris, 1869, t. n, p. 118; Lipsius, place dans les Sacramenlaires gélasien et grégorien, Die apocryphen Aposlelgeschichten und Aposlelledans la prière qui accompagne l’imposition des mains. genden, Brunswig, 1883, t. i, p. 331-334. Cette initiation C’est la preuve de l’importance attachée à de tels dons comprend le baptême d’eau et une onction d’huile faite et aussi de l'idée de plus en plus complète que se firent sur la tête et imprimant un sceau spécial. Voir t. t, les Pères des effets du sacrement de confirmation. col. 358, 359, 360. Quoi qu’il en soit de ses rapports avec 4° La force. — Parmi les dons spéciaux, attribués l’enseignement chrétien, rien qu’à constater la répétition comme effet à la confirmation, les Pères ont insisté plus si fréquente des mots sigillum, signaculum, chez les particulièrement sur la force el le courage de confesser Latins, σφραγίς, chez les Grecs, il est facile d’en conclure la foi, de combattre les ennemis du salut. Rappelons l’idée que se faisaient les Pères de ce sceau. Ils com­ surtout le texte de l’anonyme du v· siècle, car aucun parent, mais sans l'identifier, le sigillum ou la σφραγίς autre ne vaut celui-là, où le confirmé est comparé au de la confirmation avec le sigillum ou la σφραγίς du soldat. Le statut militaire exige qu’un général, pour baptême. Ils y voient une marque caractéristique qui recevoir un homme au nombre de ses soldats, le marque distingue le confirmé du non confirmé, tout comme le d'un signe spécial, l'arme ensuite pour le combat. Or, sceau baptismal distingue le fidèle de l'infidèle; une tel est le rôle de la confirmation pour le baptisé : elle marque dans le genre de celle qui servait â distinguer le marque, elle l’arme. Spiritus Sanctus, qui super le soldat romain. Tertullien est le premier à y faire aquas baptismi salutifero descendit illapsu, in fonte allusion, quand il parle de Mithra, l’émule des mystères plenitudinem tribuit ad innocentiam, in confirmatione chrétiens, qui signat in frontibus milites suos. De augmentum præslat ad gratiam... post baptismum prescript., xi., P. L., t. Il, col. 54. Mais c’est l'évéque confirmamur ad pugnam... roboramur... Confirmatio d'Hippone qui y insiste. H ne la compare pas seulement armat et instruit ad agones mundi hujus et prælia... à la nota ou au stigma du légionnaire romain, mais Victuris necessaria sunt confirmationis auxilia. Max. encore à l’efligie qu'on imprimait sur les monnaies et bibliolh. vel. Pair., Lyon, 1677, t. vi, p. 649. Hali, au signe qui servait à reconnaître les brebis dans un évêque anglican de Vermont, a tort d'aflirmer, Confir­ troupeau. Elle servait à indiquer que celui qui la porte mation, Londres, 1902, p. 80-82, à la suite du Dr Ma­ possède une ressemblance particulière avec Dieu, frapp son, The relations of confirmation to baptism, p. 191- qu’il est à son effigie par la confirmation, que de plus 194, 415-419, que celte homélie, utilisée dans la fausse il est la propriété de Dieu, à un titre tout spécial, et 1055 CONFIRMATION D’APRÈS LES PÈRES GRECS ET LATINS qu’il est enfin consacré à son service comme un soldat. Saint Augustin l’appelle avec raison un caractère. Ce ternie, reproduit par l'auteur du sermon, De cataclys­ mo, 1, P. L., t. XL, col. 693, est resté le terme consacré. 11 est vrai que saint Augustin ne parle du caractère qu’à propos des sacrements de baptême et d'ordre, Cont. epist. Parm., II. xm, 29, P. L., t. xi.m, col. 71, mais l'application de ce terme à la confirmation ne sau­ rait faire doute, car elle ressort logiquement des prin­ cipes mis en valeur par l’évéque d’Ilippone dans la controverse donatiste. Les donatistes, en elfet, admet­ taient avec les catholiques que le baptême, la confir­ mation et l’ordre, une fois validement conférés, ne pou­ vaient pas être réitérés. Mais ils niaient la validité de ces sacrements, s’ils étaient donnés, dans l’Eglise, par un ministre indigne, ou en dehors de l’Église par un hérétiqueou un schismatique. Dans son argumentation, saint Augustin insiste le plus souvent sur le baptême, nomme quelquefois l’ordre, mais n’exclut pas la confirmation. Il répète sous toutes les formes : Ces sacrements n’ap­ partiennent qu’à Dieu, ils ne sont pas l’œuvre de l’homme, l'homme n’en est que le ministre; el du mo­ ment où il observe les règles prescrites, ce ministre opère toujours validement, bien que parfois illicite­ ment. Même dislinclion pour celui qui les reçoit. Bien disposé et dans les conditions voulues, le sujet reçoit le caractère et la grâce sanctifiante propre à chaque sacrement; mal préparé et n’ayant pas les dispositions requises, il reçoit le caractère sans la grâce, celle-ci n'opérant que lorsque l’obstacle, qui empêchait son action, vient à disparaître ou est écarté. De bapt. cont. donat., III, xm, Ί8, P. L., t. xliii, col. 146. Par là s’explique l’obligation de ne pas réitérer le baptême et l’ordre, car ces sacrements constituent une certaine consécration : ideoque in catholica utcumque non licet iterari. Cont. epist. Parm., Il, xm, 28, ibid., col. 69. C’était, en elfet, la pratique de l’Église de ne pas réi­ térer ces sacrements. Le raisonnement de saint Augus­ tin s’applique également à la confirmation. Si donc on ne la réitérait pas, c’est que l’on estimait qu'elle impri­ mait dans l'âme, comme le baptême et l’ordre, un caractère ineffaçable, indélébile, excepté peut-être chez ceux qui désertaient l’Église et faisaient naufrage dans la foi. Pour la confirmation, notamment, saint Grégoire, fidèle écho de la tradition chrétienne et des usages ro­ mains, écrit à Januarius, évêque de Cagliari : « Que les évêques ne présument pas de marquer deux fois de chrême le front des enfants au baptême. » Epist., 1. IV, epist. ix, P. L., t. lxxvii, col. 677. En Orient, l'enseignement est le même. A’oici celui de saint Cyrille de Jérusalem. Le sceau de la confirma­ tion diffère de celui du baptême. La σφραγί: du baptême est la σφραγίς δι’ϋδατος; elle s’imprime dans l’âme pen­ dant que l’eau purifie le corps, Cat., ni, P. G., t. xxxm, col. 429, 432, au moment du baptême, κατά καιρόν τού βαπτίσματος, Cat., IV, 16, ibid., col. 476, dans le bap­ tême, έν βαπτίσματι. Cat., xvi, 24, ibid., col. 952. La σφραγίς de la confirmation, au contraire, est celle de la communication du Saint-Esprit, σφραγίς τής κοινω­ νίας τοΰ άγιου Πνεύματος, Cat., χνιιΐ,33, ibid., col. 4056 ; celle-ci est imprimée dans l’âme après le baptême, ibid., pendant que le front est oint de chrême. Cat., xxi, 3; xxii, 7, ibid., col.1092, 1101. Le caractère baptismal, saint Cyrille le proclame indissoluble, άκατάλυτος, Procat., 16, ibid., col. 360, et indélébile, ανεξάλειπτος, Procal., 17, ibid., col. 365; mais il laisse entendre qu'il en est de même de celui de la consignation, car il compare le confirmé au soldat qui marche tout armé au combat, Cat., xxi, 4, ibid., col. 1092, et l’on sait qu’à l’époque où vivait saint Cyrille un soldat ne perdait jamais sa nota, même par la désertion. Saint Chrysostome conseillait à ses auditeurs de bien vivre, parce qu'ils n’avaient pas à compter sur un nou­ 1056 veau baptême ou sur une nouvelle réception du SaintEsprit. în Ileb., homil. ix, 2, P. G., t. lxiii, col. 78. C’est le même conseil que répétait, à la fin du v· siècle, Gennade, patriarche de Constantinople (458-471). Œcumenius, P. G., t. extx, col. 333. 6° Point de charismes. — Les manifestations charis­ matiques si extraordinaires qui éclataient, au temps des apôtres, quand le Saint-Esprit descendait dans lésâmes, se firent de plus en plus rares et finirent par disparaître. Quelques chrétiens crurent pouvoir en conclure que l’imposition des mains et la consignation ne communi­ quaient plus le Saint-Esprit. Il fallut donc les éclairer et dissiper une telle méprise. Pour cela, on montra que l’infusion du Saint-Esprit ne se manifeste pas nécessai­ rement et toujours par des charismes sensibles, que ces charismes, qui avaient leur raison d’être à l’époque où ils produisaient tint de prodiges, n’étaient qu’un effet secondaire et transitoire du sacrement de confirmation, tandis que l’effet propre et permanent du sacrement était d’assurer au confirmé la possession du SaintEsprit, dont la présence invisible, mais réelle, faisait du chrétien le temple de Dieu. Saint Augustin voit cet effet permanent dans la charité; car telle est la doctrine de saint Paul, Rom., v, 5, ainsi que l’avaient comprise les anciens, majores nostri. Neque enim temporalibus et sensibilibus miraculis altestantibus per manus impo­ sitionem modo datur Spiritus Sanctus, sicut antea dabatur ad commendationem rudis fidei et Eeclesiæ primordia dilatanda. De bapt. cont. donat., Ill, xvi, 21, P. L., t. xliii, coi. 148-149. Utiles au début du christianisme pour frapper les regards, aider à la pro­ pagation de la foi naissante et â l’extension de l’Eglise. ces charismes n'avaient plus lieu de se produire, du moment que la foi était connue et que l'Eglise était répandue partout. « Que personne donc ne dise : J'ai reçu le Saint-Esprit; comment donc se fait-il que je ne parle pas la langue de tous les peuples? » Et l’évêque d’Ilippone de répondre : « Ce miracle ne se produit plus parce que, actuellement, se trouve réalisé tout ce qu’il annonçait. L’Église, aujourd’hui, est grande. Du lever au couchant du soleil, elle parle toutes les langues du monde. L’Esprit-Saint joue dans le corps du Christ, qu’est l’Église, le rôle de l'âme dans le corps humain. Si donc vous voulez vivre de l’Esprit-Saint, gardez la charité, aimez la vérité, désirez l’unité pour parvenir à l’éternité. » Serm., cclxvii, 3, 4, P. L., t. xxxvm, col. 1230-1231. X. Cérémonies. — Dans l’Église latine, le cérémonial de la confirmation se réduisait tout d’abord au double rite de la chrismation ou consignation et de l’imposilion des mains. C’est du moins ainsi qu’il est décrit dans les Canons d'Hippolyte. Au sortir de la piscine baptismale, un prêtre fait sur le front du baptisé un signe en forme de croix avec le chrême de l’eucharistie, il le répète sur la bouche, la poitrine, tout le corps, la tête et la figure. Après ces onctions chrismales, les seules signalées, le baptisé revêt ses habits et pénètre dans l’église. Là. l’évéque lui impose les mains en prononçant une prière appropriée, puis le marque au front « du signe de la charité », l’embrasse en lui disant : Dominus vobiscum; et le confirmé répond : Et cum spiritu tuo. C’est tout le rituel romain connu au commencement du ni- siè­ cle. Can. 134-146, Duchesne, Origines, p. 513; Achelis. Die Canones Dip., p. 98-99. Plus tard, voici comment le décrit Mor Duchesne, Origines, p. 302-303 : « Pendant que le baptême conti­ nuait, le pontife se rendait au consignatorium, où les néophytes lui étaient amenés pour la cérémonie de la consignation. Le lieu consacré était, depuis le pape Hilaire (461-468), la chapelle de la Croix, en arrière du baptistère. Avant d’y entrer, les nouveaux baptisés se présentaient d’abord à un prêtre, qui leur faisait sur la tète une onction avec l’huile parfumée du saint chrême. 4057 CONFIRMATION DU VII» AU XII» SIÈCLE en disant : « Dieu font puissant, Père de Notre-Seignenr « Jésus-Christ, qui t’a régénéré par l'eau et l’Esprit-Saint, «et qui t’a donné la rémission de tous les péchés, c’est « lui qui l’oint du chrême du salut pour la vie éternelle. » Les baptisés reprenaient alors leurs habits, ou plutôt ils en revêtaient de nouveaux, de couleur blanche, as­ sistés par leurs parrains ou marraines. Arrivés devant l’évêque, ils se formaient en groupe sur lesquels le pon­ tife prononçait d’abord l’invocation au Saint-Esprit. (Cette invocation, nous l’avons déjà signalée plus haut.) Le ponlife faisait ensuite le signe de la croix sur le front de chaque néophyte avec son pouce trempé dans le saint chrême. En même temps, il disait à chacun d’eux : In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Paa·, tibi. La consignation terminée, le cortège se reformait pour rentrer dans la basilique, où l’on célébrait la messe et où avait lieu la première communion des baptisésconlirmês. » En pays de rit gallican, la cérémonie était à peu près semblable, sauf, comme nous l’avons indiqué, qu’on n’y pratiquait qu’une seule onction chrismale, immédiate­ ment au sortir des fonts baptismaux, avec une formule qui rappelle la formule presbytéraleromaine de la chris­ mation, et (pie l’imposition des mains n’est point mar­ quée. Mais, selon le Missale gothicum, P. L., t. lxxii, col. 275, après la chrismation venait le lavement des pieds, le revêtement des habits blancs, une prière sous forme de collecte en faveur des nouveaux baptisés, puis la messe. Même rituel dans le Missale gallicanum vetus, ibid., col. 369, et dans le Sacramenlaire de Bobbio, ibid., col. 502, 503, sauf que, dans ce dernier, l’impo­ sition des vêtements blancs précède le lavement des pieds, au lieu de le suivre. En Espagne, la lolion des pieds fut supprimée par le concile d’Elvire, can. 48. En Orient, les Constitutions apostoliques, VII, xliii. P. G., t. i, col. 10i5, ne signalent, après le baptême, que l’onclion chrismale avec l'onguent sacré, accompagnée d'une prière. Telle est, disent-elles, la puissance de l'imposition des mains. Point d'autre détail sur le rituel de la confirmation. Mais saint Cyrille nous fait connaître l'usage de Jérusalem, au iv' siècle. C’est au sortir de la piscine baptismale que le baptisé est oint avec l'onguent mystique, qui rappelle l'onction du Christel qui est en réalité le Saint-Esprit. Cal., xxt. 1, P. G., t. χχχιιι, col. 1089. Il reçoit l’onclion chrismale au front, aux oreilles, aux narines, à la poitrine. Ibid., 4, col. 1092. Puis, ainsi rempli de l'Esprit-Saint, il participe pour la première fois avec le reste des lidèles à l’audition de la messe et à la communion. La Constitution ecclésiastique égyptienne, Achelis, Die Canones llip., p. 98-99, rappelle à quelques va­ riantes près le rituel des Canons d'ilippolyte. Un prêtre oint avec l’huile de l’eucharistie le baptisé, qui sort des fonts baptismaux, au nom de Jésus-Christ. Pas de men­ tion des parties du corps qui sont ointes, ni du revête­ ment des habits, mais il va de soi que le baptisé s'habille pour pénétrer dans l’église, où l’évêque lui impose les mains avec la prière signalée plus haut; puis, posant la main sur sa tête, il l’oint au front avec l’huile de l'eucharistie, en prononçant une formule appropriée, l’embrasse, en disant : Dominus vobiscum, et le con­ firmé répond : El cum spiritu tuo. Après quoi, uni au peuple lidèle, le confirmé assiste à l'oflice divin et y communie. Semblable succession de cérémonies dans le Testamentum Domini Nostri Jesu Christi : onction du baptisé, au sortir des fonts, avec l'huile de l'action de grâces; réunion dans l’église; imposition des mains par l'évêque avec récitation d'une formule assez longue; onction sur le front avec la même huile, mais par l’évê­ que, qui prononce une formule appropriée; signe de croix, baiser de paix. L’évèque dit : Deus humilium sit tecum. Et le confirmé répond : Et cum spiritu tuo. Prière avec l’assemblée chrétienne, oblation, sacrilice DICT. DE THÉOL. CATHOL. 1058 et communion. Testam. D. N. J. C., II, vm-x, édi*. Rahmani, Mayence, 1899, p. 129-133. Dom Marlène, De antiquis Ecclesix ritibus, Rouen. 1700; Mabillon, De Hturgia gallicana, P. I... t. i.xxn, col. 00-620; J. A. Assémani, Codex liturgicus, Rome, 1740; Chardon, Histoire des sacrements, Paris, 1745, dans le Cursus thiologiæ de Migne, t. xx ; F. Probst, Sakramente und Sakranteiitalien >« den drei ersten christlichen Jahrhùnderten, Tubingue, 1872, p. 158-194; J. Stiglmayr, Sacramente und Kirche nach Ps.Dionysius, dans Zeitschrift fiir kathol. Théologie, 1808; Janssens, Confirmation, Lille, 1888; M" Duchesne. Les origines du culte chrétien, 2* ("dit., Paris. 1808; Achelis, Die Cancres Hippolyti, Leipzig, 1891. dons Texte und Untersuchungen zur Geschichte (1er altchristlichen Literatur, de Gel hardi el Har­ nack, t. VI, fasc. 4; Rahmani, Testamentum Domini Nostri Jesu Christi, Mayence, 1899; VVobbermin, A ttchristliche Stücke aus der Kirche Ægyptens, dans Texte und Untersuch., Leip­ zig, 1898. t. xvn, fasc. 3 b ; Rrighlman, Sacramenlaire de Sérapion de Thmuis, dans Journal of theological studies, Londres, 1900, t. 1. p. 88sq.,247 sq. ; Hall, Confirmation, Londres. 1902; dom de Puniet, La liturgie baptismale en Gaule avant Char­ lemagne, dans la Bevue des questions historiques, Paris, 1902, t. lxxii, p. 382 sq.: Mason, The relations of confirmation to baptism, 2· édit., Londres, 1803, p. 54-390; Dolger, Das Sakrament der Firmung, Vienne, 1906; Id., Die Firmung in den Denkmiilern des christlichen Altertums, dans Biimische Quartalschrift, 19. Dans la Somme, il la rejette simplement comme inacceptable, en vertu du principe de la puissance d'excellence réser­ vée au Christ. 111·, q. l.xxn, a. 1,ad 1““. Cf. J. Tunnel, Histoire de la théologie positive depuis l'origine jus­ qu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 301-305. H. Matière. — 1° Matière éloignée. Voir Chrême (Saint), t. n, col. 2395-2414. 2“ Matière prochaine. — 1. Chrismation. — Tout à l’origine de la scolastique, la chrismation est encore considérée, de meme que dans les siècles précédents, comme constituée par Ponction chrismale et l’imposi­ tion des mains. Yves de Chartres parle indifféremment de l’un et l’autre rit qu’il semble confondre en un seul, celui de l'onction accompagné de l’imposition des mains. Confirment in fronte. Panormia, 1. I, c. xvn, P. L., t. ci.xi, col. 1070. Per impositionem manus Paracletus traditur, c. xvm. Ibid. Voir surtout les c. cxv, cxvi, col. 1069 sq. Un disciple d’Hugues de Saint-Victor déclare explici­ tement, dans un document de haute importance en la matière, que l’onction sacramentelle se fait par l’impo­ sition des mains sur le front du conlirmand. Manus impositio quæ usitato nomine confirmatio vocatur qua Christianus unctione chrismatis per impositionem manus in fronte signatur, solis episcopis apostolorum vicariis debetur, ut Christianum consignent et Spiritum Paracletum tradant. Summa Sent., tr. VII, c. n. P. L., t. ci.xxvi, coi. 460. Alain de Lille signale comme indubitablement reçue celle Ihèse que la vertu du sacrement ne réside plus, comme aux temps apostoliques, dans l'imposition des mains, mais dans l'onction chrismale. Contra lueret., 1. 1, c. lxvi, P. L., t. ccx, col. 639. Cf. Robert Pullus, Senlenliæ, part. V, c. xxn, xxm, Paris, 1657, p. 158, 159; Pierre de Poitiers, Distinctiones seu libri Senten­ tiarum, 1. V, part. V, c. ix, Paris, 1655, p. 316. Sicard de Crémone exprime la même pensée. Chrismatis unctio ad vitam perlinet... It htec manus impositio a solis fiat episcopis, Reda... probat. Mitrale, 1. VI, P. L., t. ccxiii, coi. 334. Cf. Guillaume d'Auxerre, op. cit., 1. IV, fol. CCLVI. Si quelques doutes pouvaient subsister encore sur ce point, la description du rit sacramentel fournie par Guillaume d’Auxerre suffirait aies dissiper entièrement. Pingatur signum crucis de chrismale in frontibus eorum et impositis manibus super capita eorum, di­ citur eis : Pax tecum. Siquidem ad impositionem manuum apostolorum solebat dari Spiritum Sanctum et datur modo ad impositionem manuum episcopo­ rum. De sacram, confirm., Paris, 1674, p. 429. 11 est évident qu’il ne s’agit point dans ce texte de l'imposi­ tion des mains qui précède l’onction chrismale. Tous les scolastiques enseigneront désormais que la chrismation constitue la matière prochaine du sacre­ ment. Alexandre de Halés, op. cil., p. 199; Albert le Grand, op. cit., a. 2, p. 151 ; Guibert de Tournai, Tract, de officio episc., c. xiv, dans Max. bibliolh. vet. Pair., Lyon, t. xxv, p. 417; S. Thomas, Sum. theol., III», q. lxxii, a. 2 ; Richard de Middletown, In 14 Sent., I. IV, dist. Vil, a. 1, q. i, Brescia, 1591, p. 86. Pierre d’Auriol parle de l’imposition des mains comme de l'un des constitutifs du signe sacramentel, el l'imposition des 1073 CONFIRMATION CHEZ LES SCOLASTIQUES mains, qu’il nomme expressément le contact, ne se dis­ tingue pas pour lui de la chrismation proprement dite. Elementum et tactus et verba sensibilia sunt et si­ gnificant invisibilem gratiam, Nam chrisma significat unctionem interiorem gratiæ ; impositio vero manuum sive tactus significat robur ad defensionem suscepta: fidei. In IV Sent., I. IV, dist. VII, q. t, a. 1, Home, 1605, p. 63. L’Église grecque ne connaît pas d’autre matière du sacrement de confirmation. Cf. Goar, Euchologium, Paris, 164-7, p. 355 sq. Cependant l’Église latine recon­ naît la validité du sacrement chez les Grecs, comme l’affirme Benoît XIV, dans l'encyclique Ex quo primum du 1er mars 1756 adressée aux évêques du rit grec. La confession de foi de Michel Paléologue, lue au IIe concile de Lyon, en 1274, mentionne expressément la chrisma­ tion, et la teneur de la formule employée indique bien que chrismation et imposition des mains ne constituent qu’un seul et même acte sacramentel. Aliud est sacra­ mentum confirmationis, quod per manuum impositio­ nem episcopi conferunt, chrismando renatos. Denzin­ ger, n. 388. Enfin le décret d’Eugène III pro Armenis porte que le chrême est la matière de la confirmation. Cujus materia est chrisma confectum ex oleo et bal­ samo per episcopum benedicto. Denzinger, n. 592. Sur la composition et la consécration de 1'huile chris­ male, voir Chrême (Saint), t. n, col. 2401-2411. 2. Origine de la chrismation. — La plupart des sco­ lastiques admettent que la chrismation est d'origine apostolique, bien qu'elle n'ait pas été employée par les apôtres. Hanc confirmationem fecerunt olim apostoli per manus tantum impositionem ; illorum posteri, eis tamen tradentibus, per chrismatis consecrationem. Honorius d'Autun, Gemma animæ, tu, 113, P. L., t.ct.xxil, coi. 673. Cf. disciple de Hugues de Saint-Victor, op. cit., c. it, coi. 460 sq. ; Alain de Lille, Contra hæret., I, 66, P. L., t. ccx, coi. 369; Guillaume d'Auxerre, loc. cit.,-.lean de Bassols, In 1VSent., 1. IV, dist. VII, q. I, Paris, 1507, p. 92. Saint Thomas, Sum. theol., Ill’, q.LXXll, a.2,ad I""1, et après lui quelques auteurs scolastiques, surtout de la décadence, ont émis l'opinion que les apôtres s’étaient servis ordinairement, ou par exception, du saint chrême dans l’administration du sacrement de confirmation. Adrien d’Utrecht, In IV Sent., 1. IV, dist. VU, a. 2, Paris, 1530, fol. 48; Denys le chartreux, Summa fidei orlhod., 1. IV, a. 96, q. n, Anvers, 1569, p. 261. Mais celte opinion purement arbitraire n’a rencontré que fort peu de crédit. Cf. François Mayron, In IV Sent., I. IV, dist. VII, q. Il, Venise, 1520, fol. 183. Il est remarquable que le nombre soit si réduit des théologiens qui attribuent au Christ lui-méme la déter­ mination de la matière sacramentelle. Avec Jean Bacon qui soutient expressément celte doctrine, op. cil., 1. IV, dist. VII, a. 2, p. 349, on peut citer Pierre d’Ailly, Quæst. super IV Sent., q. iv, a. 1, Paris, 1515, fol. ccxi.v; Estius, op. cit., dist. VII, § 4, p. 79. III. Forme. — 1° Dans l’Eglise latine. — Les scolas­ tiques ne reconnaissent d'autre formule que la suivante ou son équivalent : Confirmo te signo crucis et chris­ male salutis, Guillaume d'Auxerre, Summa aurea, I. IV, tr. Il, Paris, 1500, fol. CCl.vi ; Consigno le et cruce confirmo le, Guillaume d’Auvergne. De sacram, con­ firm., Paris, 1674, p. 429; Consigno le signo erucis. Alexandre de Halés, op. cil., q. ix, m. il, a. 2, §1, p. 220. Saint Thomas donne comme élément constitutif de la formule sacramentelle l’expression des trois pensées fondamentales qui résument toute l’économie du sacre­ ment : la cause, l'effet, le signe distinctif. La cause effi­ cace, la seule qui puisse produire dans les âmes la plé­ nitude de l’Esprit, est la sainte Trinité. In nomine Patris, etc. La force spirituelle qui est l'effet propre du - icrement est exprimée par ces mots : Confirmo te 1074 chrismale salutis. Enfin le signe qui distinguera le soldat dans la lutte doit être le signe de la croix. De là ces mots : Consigno le signo crucis. Sum. theol., III». q. i.xxn, a. 4. Telle est aussi la forme déterminée par la bulle d'Eu­ gène IV, Exullate Deo. Denzinger. n. 592. Mais il est difficile de considérer comme essentiels tous les élé­ ments de cette formule, comme l'enseigne Suarez, op. cit., sect, v, n. 3, p. 653. Estius remarque avec raison, en s’appuyant d'ailleurs sur de bonnes autorités, qu'il suffit d’exprimer l'acte qui confère surnaturellement à l’âme l’Esprit-Saint. Op. cil., p. 82. La question de l'origine de cette formule, posée par Albert le Grand, fut résolue par lui en faveur de l'ori­ gine divine. Licet hoc non legatur, tamen instituta est forma a Domino, apostolis tradita, sicut et bap­ tismi. Op. cil., a. 2, ad 1“” et 2““, p. 153. Guiberl de Tournai se prononçait au contraire pour l’origine pu­ rement ecclésiastique. Hoc igitur formant unam ha­ buit tempore apostolorum per manus impositionem, sed poslmodum secundum constitutum Ecclesiæ per verborum expressionem. Tract, de offie. episc.,c. Xl.lll, dans Max. bibliolh. Pair, vet., Lyon, 1625, t. xxv, p. 417. L'opinion la plus communément admise est que cette formule, au moins dans ses éléments essentiels, est d'origine apostolique. Cf. S. Pierre de Tarentaise, In IV Sent., 1. IV, dist. VII, q. I, a. 3, Toulouse, 1692, p. 82; Duns Scot, op. cit., p. 98; Adrien d’Utrecht, In IV Sent., 1. IV, dist. Vil, q. t, a. 2, Paris, 1530, p. 49; Pallavicini, De nniv. theol., 1. VIII, n. 64, Rome, 1628, p. 134. Voir sur ce sujet Ch. Merlin, Traité historique et dogmatique sur les paroles ou les formes des sept sacrements de l’Eglise, Paris, 1745, p. 257-295. 2° Dans l’Eglise grecque. — La formule invocatoire signalée par dom Marlène, op. cil., col. 262, dans l'an­ cien Pontifical de l’Eglise de Constantinople, n'avait point lardé à disparaître de la liturgie grecque en même temps que l'imposition des mains dont elle interprétait le symbole. L’eucologe, mentionnant l’onction du front, des yeux, des narines, des lèvres, des oreilles, de la poitrine et des pieds, se contente de reproduire celte brève formule : Χφραγίς δωρεά; Πνεύματος άγιου. I. Ha­ bert, ’Αρχιερατικόν, Paris, 1643, p. 708. Il est impos­ sible de considérer comme une formule sacramentelle, ainsi qu’on l'a fait parfois, la prière préparatoire ou le prêtre, uni aux fidèles, implore pour les nouveaux I>aptisés la grâce de recevoir « le sacrement de confirma­ tion », le signaculum doni sancti, cf. Goar, Euchologmm, Paris. 1647, p. 355, et les liturgistes grecs sont tous d'accord pour affirmer qu'il n'y a point dans leur Église d’autres paroles sacramentelles que celles-là. Goar, op. cil., p. 368 sq. Car on ne peut s'arrêter à l'opinion étrange de Gabriel de Philadelphie, dans son Traité des sacrements, ou de Nicolas Cabasilas, dans son Exposition de la liturgie, opinion qui tendrait à faire du saint chrême le sacrement proprement dit de la confirmation. D'autre part, aucune trace quelconque d'une autre formule n'apparaît dans les eucologes soit imprimés soit manuscrits, et jamais l’Eglise catholique n'a déclaré invalide ou tenu pour suspecte cette forme dont les théologiens grecs catholiques, notamment le cardinal Bessarion et Arcudius, ont vivement et longue­ ment défendu la valeur sacramentelle. Arcudius, De concordia Eccl. occid. et orimlalis, Paris, 1622, p. 70· 79. Cf. F. X. Dôlger, Das Sacrament der Firmung, Vienne, 1906, P- 77-90. IV. Ministre. — 1° .Ministre ordinaire. — Que l'ad­ ministration du sacrement de confirmation soit un droit exclusif de l'épiscopal, c’est ce que tous les théologiens scolastiques, sans aucune exception, s’attachent à < tablir ; il serait superliti d'insister sur ce point. Cf. Hono­ rius d'Autun, Gemma animæ, lit, 113, P. L., t. ci.xxii, col. 673; disciple de Hugues de Saint-Victor, op. cit., 4075 CONFIRMATION CHEZ LES SCOLASTIQUES col. 460 sq.; Alain de Lille, op. cit., col. 369; Robert T’ullus. Sent., part. V, c. xxn, Paris, 1657, p. 158; Pierre de Poiliers, Distinctiones seu libri Sent., I. V, part. V, c. ix, Paris, 1657, p. 316; Guillaume d'Auxerre, op. cit., fol. CCLVi; Alexandre de Halés, op. cit., p. 214. Les raisons invoquées sont d'ordre canonique et mystique : l'exemple des apôtres, les prescriptions et l’usage tradi­ tionnel de l'Eglise latine, le symbolisme liturgique en vertu duquel le ministre d'un sacrement qui fait le par­ fait chrétien doit être lui-même le prêtre parfait : à la plénitude de la vie chrétienne doit répondre la pléni­ tude du sacerdoce. Cf. Pierre Lombard, op. cit., p. 453 ; S. Thomas, In IV Sent., I. IV, dist. VII, q. ni, a. 1; Sum. theol., III“, q. l.xxn, a. 11; S. Edmond de Can­ terbury, Speculum Eeclesiæ, χιν, dans Max. bibl. Date, vet., t. xxv, p. 321. 2° Ministre extraordinaire. — « Dans la primitive Eglise, les simples prêtres pouvaient conférer le sacre­ ment de confirmation, en raison du nombre restreint des évêques. » Ainsi s’exprimait déjà Roland Bandinelli dans ses Sentences. A. Giell, Die Senlen-en Rolands, p. 213. Quelle que soit la valeur de la raison alléguée, la question dogmatique de la validité du sacrem ent ad­ ministré par un simple prêtre est résolue : elle dépend uniquement de la volonté de l’Église et dés lors du pou­ voir de juridiction. Aussi Guillaume d'Auvergne ensei­ gne-t-il expressément que si les simples prêtres n’ad­ ministrent pas dans l'Eglise latine la confirmation, c’est que l'autorité ecclésiastique ne leur concède pas ce droit qu’elle pourrait leur accorder. De sacrant, conf., loc. cil., p. 429. Saint Thomas expose la même doctrine, qui n'a jamais soulevé de difliculté pour les scolastiques. Cf. Durand de Saint-Pourçain, In 1 V Sent., 1. IV, dist. VII, q. tv, Lyon, 1569, p. 265. Voir .1. Turmel, Histoire de la théologie positive depuis l'origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 427-430. D'ailleurs l'autorisation de donner la confirmation a été maintes fois accordée par les papes à de simples prêtres. Tel est le privilège concédé par Paul III à un abbé de N.-D. des Ermites, en 1537, à l'abbé de SaintUrbain, dans le diocèse de Constance. Cf. Gall, christ, nov., t. v, p. 1020. Dans l'Eglise grecque, l’usage est établi de temps immémorial que l'administration de la confirmation relève des simples prêtres, et ('Église catholique n'a ja­ mais révoqué en doute la validité du sacrement conféré dans ces conditions. Cf. llardouin, t. ix, col. 430, 641; I. Habert, ’Αρχιερατικόν, Paris, 1643, p. 708. Mais par­ tout où les prêtres et les abbés tentèrent d’usurper ce droit, les conciles et les pontifes intervienne nt pour condamner les abus. Himmelstein, Synodicon llerbipolense, Wurz.bourg, 1855. p. 165, 206 ; Brenner, Geschiehlliche Darstellung der Verrichlung der Firmung von Christus bis auf unsere Zeiten, Bamberg, 1820, p. 141. V. Sujet. — 1“ Conditions essentielles. — La con firmation suppose nécessairement le caractère baptismal chez celui qui reçoit ce sacrement; autrement elle se­ rait de nul elfet et devrait être réitérée. D'autre part, la confirmation ne peut être reçue qu'une seule fois. Cette doctrine nettement exposée par saint Thomas, Sum. theol., Ill’, q. Lxxti, a. 5, est celle de tous les théolo­ giens scolastiques. 2» Age requis. — Jusqu’aux x· et xi· siècles, la cou­ tume existait universellement de donner la confirma­ tion quelques jours seulement après le baptême ou, du moins, dans un délai fort restreint. Cf. Honorius d'Autun, Gemma animæ. tu, 113, P. L.,t. CLX.xn, col. 673. Mais déjà se manifestait en Angleterre une tendance, vainement combattue par les prescriptio ns synodales, à user de délais beaucoup plus notables, parfois indé­ finis. Par le concile de Worcester, en 1240, ordre est donné aux parents, sous peine de se voir interdite l’en­ 1076 trée de l'église, de présenter à la confirmation leursenfants dans l'année même de leur naissance. llardouin, I. vit, p. 333. Le synode de Worcester, en 1287, admet un délai de trois ans et enjoint aux parents qui dépas­ sent cette limite de jeûner au pain et à l'eau chaque ven­ dredi, jusqu’à ce que leurs enfants soient confirmés. Hardouin, t. vit, p. 1076. A cette époque, une coutume nouvelle commence à prévaloir en Allemagne et à se généraliser dans l’Eglise· En 1280, le concile de Cologne fixe à sept ans l'âge nor­ malement requis pour être confirmé et pose même l’interdiction de conférer avant cet âge le sacrement de confirmation. Presbyteri moneant parentes ut pueros nondum confirmatos ad episcopum, qui solus potest confirmare, ducant septennes, rei majoris ætalis. Can. 5, Hardouin, t. vu, p. 823. Ces prescriptions sont également reçues par un grand nombre de conciles tenus en France et en Italie après le concile de Trente, spécialement ceux de Milan, en 1565.de Tours, en 1583, de Bordeaux et d’Aix, en 1584. Hardouin, t. x. p. 1403, 1479. Le concile de Narbonne, tenu en 1609, défend ab­ solument de confirmer les enfants âgés de moins de sept ans, et conseille même d'attendre l’âge parlait, perfectam letatem. Tout en reconnaissant qu’il est loisible de donner la confirmation aux enfants aussitôt après leur baptême, le catéchisme romain recommande aux évêques d’at­ tendre que le confirmand ait atteint l’usage de la raison afin qu’il puisse dignement se préparer à la réception d’un sacrement qui doit l'armer pour les luttes spiri­ tuelles. Quare si duodecimus annus non exspectandus videatur, usque ad septimum certe hoc sacramentum differre maxime convenit. De sacramento confirma­ tionis, n. 14, Tournai. 1890, p. 165. Cependant le texte du Pontifical romain édite par ordre de Clément VIH semble favoriser plutôt la pralique primitive. Pontifex infantes, pueros, vel alios sacri baptismatis unda per­ fusos confirmare volens... En danger de mort, tout enfant baptisé devait être aussitôt confirmé. Cf. S. Thomas, Sum. theol., 111«, q. LXXll, a. 8, ad 4““. VI. Effets. — 1» Augmentation de la grâce sanc­ tifiante. — Il est â peine besoin de noter au passage ce point de doctrine, largement exposé par tous les au­ teurs scolastiques. Pierre Lombard, op. cit., p. 453; Alexandre de Haies, op. cit., m. II. a. 2. § 1, p. 203; S. Thorqas, Sum. theol., III», q. LXXll, a. 4. L’elfet spécial de cette grâce, la vertu propre de ce sacrement, est de donner au chrétien la force surna­ turelle, de l’armer victorieusement pour les luttes de la vie spirituelle. Disciple de Hugues de Saint-Victor, op. cit., vi, 1, col. 138; Bandini, Sent., 1. IV,dist. XXIII, P. L., t. CXCII, col. 1102; Robert Pullus, op.cit., p. 158; Pierre de Poitiers, op. cil., p. 316; Sicard de Crémone, Mitrale, νι, P. L., t. cc.xill, col. 333; S. Thomas, Sum. theol., loc. cit. 2“ Caractère. — Les théologiens scolastiques sont d’accord également pour affirmer que la confirmation ne peut être réitérée el qu'elle imprime dans l’âme un caractère, une marque indélébile. Guillaume d’Auxerre. Summa aurea, loc. cil., fol. cclvi. Alexandre de Halés prend soin de faire remarquer, comme un exemple digne d’être mentionné, cet accord parfait des senti­ ments. Summa theol., q. ix, m. v, a. 7. p. 220. Cf. Al­ bert le Grand, In I V Sent., I. IV, dist. Vil, a. 9, p. 171. Voir J. Turmel, Histoire de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente, Paris, 1904, p. 430-431. Tout l'intérêt delà question se reporte, à cette époque de discussions subfiles, sur la nature de ce caractère. Est il distinct du caractère baptismal? Guillaume d’Auxerre, qui appartient à la période des hésitations et des tâtonnements, ose à peine se prononcer. Dicamus 1077 CONFIRMATION CHEZ LES COPTES — CHEZ LES SYRIENS sine præjudicio melioris sentenliæ quod idem character baptismi et confirmationis est differens secundum rem. Op. cit., fol. cclvii. Saint Thomas résume assez longuement les controverses de cette époque et expose avec lucidité la doctrine que tous les théologiens pro­ fesseront apres lui. Le caractère est un pouvoir spiri­ tuel d’accomplir certains actes. Par l'effet du caractère baptismal, le chrétien est capable de remplir tous les devoirs qui concernent son salut personnel ; le caractère imprimé dans son âme par la confirmation lui donne le pouvoir de se défendre, en outre, contre les attaques venues du dehors et de triompher de l’ennemi du salut. Sum. theol., III», q. i.xxii, a. 5. Cf. S. Pierre de Tarentaise, In 1 V Sent., 1. IV, dist. VII, q. Il, a. 1, Toulouse, 1652, p. 82; Richard de Middletown, In IV Sent., 1. IV, dist. VII, a. 4, q. i, Brescia, 1591, p. 90; Duns Scot, op. cit., p. 100; Pierre d'Auriol, In IV Sent., I. IV, dist. VII, q. i, a. 1, Rome, 1605, p. 62. Voir t. n, col. 1702-1708. M. Olive. De baptismo et confirmatione, Rome, 1554 ; .1. Priscianensis. De confirmationis sacramento, Ingolstadt, 1575: J. Ascbemann, De confirmatione. Vienne. 1583; Gretser, De bap­ tismo et confirmatione, Ingolstadt, 1595; S. Perez, De confir­ matione, Burgos. 1588; J. Mocquet. Disputatio theologica de sacramento confirmationis, Ingolstadt. 1621 y B. Pontius. De Sacramento confirmationis, Salamanque, 1638; E. Bertrand, De confirmatione, Toulouse. 1657; G. Beyer. De sacramento con­ firmationis. Anvers. 1650, 1658; G. Gobet, De materia confir­ mationis, Munich, 1663; L. Ilolste. Dissertatio duplex de sa­ cramento confirmationis apud Græcos, Rome, 1666; cet ouvrage, qui se trouve aussi dans les Opera posthuma de Morin. Paris, 1703, traite seulement de la forme el du ministre du sa­ crement de confirmation chez les Grecs; .1. Morin, De sacra­ mento confirmationis, dans les Opera posthuma. Paris. 1703, ne s'occupe que de la matière et du ministre, p. 100-150; J. SainteBeuve, De confirmatione et extrema unctione, Paris. 1686; C. Vuitasso, De confirmatione, Venise,1738; Ch. Merlin, Traité historique et dogmatique sur les paroles ou les formes des sept sacrements de l’Église, Paris, 1745, p. 237-295: M. Trivellato, De confirmatione, Padouo, 1755; M. Gerbert, De eo quad est juris divini et ecclesiastici in sacramentis, præsertim in Sacramento confirmationis, Augsbourg, 1764; .1. Prussler, Anleitung das heilige Sacrament der Firmung wilrdig zu empfangen, Dresde, 1786; Brenner, Geschichtliche Darstellung der Verrichtung der Firmung von Christus bis auf unsere Zeiten, Bamberg, 1820; A. Gau, De valore manuum imposi­ tionis atque unctionis in sacramento confirmationis disser­ tatio historico-dogmatica, Cologne, 1832; Welz, Das Sacra­ ment der Firmung, Breslau, 1847 ; Benzinger, Bitas orientalium Ecclesiarum, Wurzbourg, 1863: Halm, Die Lehre von den Sacramenten in Hirer geschichtlichen Entivicklung bis zum h’onzit von Trient, Breslau, 1864; Nepefny. Die Firmung, Pas­ sau, 1869; Janssens, La confirmation, Lille, 1888; Heimbucher, Die heilige Firmung, Augsbourg, 1889; Bickell. Das Sa­ crament der Firmung bei den Nestorianern ; Lehmkuhl, Zur Frage Uber den Priester als ausserordentlichen Spender des Sakramentes der Firmung, dans Zeitschrift fur katholische Théologie, 1877, p. 85 sq.; 1882, p. 567; Praxmarer, Der rinfache Priester als A usspender des hell. Sacramentes der Fir­ mung, dans Katholik. 1884. 1.1, p. 271 sq. ; Maltzew, Die Sakramente der orthodo.v-kaiholischen Kirche des Morgenlandes, Berlin. 1898; F. X. Dolger, Das Sakrament der Firmung historisch-dogmatisch dargeslellt, Vienne, 1906. P. Bernard. V. CONFIRMATION DANS L’ÉGLISE ARMÉNIENNE. La doctrine et les rites de l’Église arménienne pour la confirmation sont dans l'ensemble idenliques à ceux de l’Église grecque. Sur quelques particularités, voir t. i, col. 1955. VI. CONFIRMATION CHEZ LES COPTES. Le mot copte qui sert à désigner généralement la confirmation est djinôms. Quoique constituant un sacrement spécial, la confnm ilion chez les coptes est administrée immédiatementaprès le baptême. Le prêtre prend le saint chrême et prononce sur lui cette prière : « Seigneur, qui êtes seul puissant et opérez toutes les merveilles, et à qui rien n’est impossible — mais conformément â votre vo­ 4078 lonté votre pouvoir agit en toutes choses — accordez votre Saint-Esprit dans l’effusion du saint chrême; et qu’il soit un sceau vivant et confirmation à vos servi­ teurs. Par votre Fils unique, etc. » Alors le prêtre oint le front et les yeux du néophyte avec le saint chrême, en disant : « L’onction de la grâce du Saint-Esprit. Amen, « puis les narines et la bouche, en disant : « L’onction du gage du royaume des cieux. Amen, » les oreilles, en disant : « L’onction de la communion <’e la vie éternelle et immortelle. Amen, » les mains des deux côtés, en disant : « L’onction sainte du Christ, notre Dieu, et un sceau qui ne sera pas brisé. Anien. » Il oint de la même façon la poitrine, les genoux, la partie supérieure des pieds, le dos, les bras et dit : « Tu es oint avec l’huile sainte au nom, etc. ; » il donne enfin sa bénédiction. Revêtant alors le néophyte d’un vêtement blanc, il dit : « Le vêtement de la vie éternelle et immortelle. Amen. » Il récite ensuite quelques prières, et pose la couronne sur la tête du néophyte. Un récite enfin les prières d'action de grâces. Sept jours aprèsa lieu une cérémonie qui consiste à délier la cein­ ture. Après la lecture de l’Écriture, le prêtre bénit un vase d'eau claire, et lave l’enfant et tous ses vêtements. Denzinger, Bitus orientalium Eccl., Wurzbourg, 1863. t. I, p. 209 sq. ; B. T. A. Evetts, The Bites of the Coptic Church, in-8", Londres, 1888; A. de Vlieger, The origin and early history of the Coptic Church, in-12, Lausanne, 1900, p. 56-57 ; A. Baumstark, Fine iiqyptische Mess-und Tauflilurgie vermutlich des vi Jahrhundertes, dans Oriens Christianus, 1901, t. i. p. 43-45; Dolger, Das Sakrumenl der Firmung, Vienne, 1906, p. 83-89. V. ÉRMONI, VII. CONFIRMATION CHEZ LES SYRIENS. La confir­ mation porte en syriaque le nom de : sûmlio’, « com­ plément, perfection, » parce que, étant administrée im­ médiatement après le baptême, on la regarde comme le complément de ce dernier. Dans l’ancienne littéra­ ture syriaque, on ne trouve pas beaucoup d’attestations en faveur de la confirmation. 11 nous suffira de citer saint Ephrem. Nous lisons dans l’hymne vm·, 2: « L'Es­ prit est descendu sur Moïse, et sur vous la perfection du Christ, » v-a'laykûn sûmlio dMesho’. L'hymne conclut ainsi. 22 : « Les prophètes ont appelé le TrèsHaut un feu dévorant... Vous avez tous été oints de ce feu par l’huile, vous en avez été revêtus par l'eau, nour­ ris par le pain, désaltérés par le vin; vous l’avez en­ tendu par la voix, et vous l’avez contemplé avec les yeux de l'esprit. » T.-.I. Lamy, S. Ephræm hymni et sermones, in-4», Malines, 1882, t. I, col. 75, 87-89. Cf. Eirainer, Der hl. Ephrâm (1er Syrer ; eine dogmengeschichtliche Abhandlung, Kempten, 1889, p. 70; Dolger, Das Sakrament der Firmung, Vienne, 1906, p. 20. La formule de la confirmation chez les Syriens est: Chris­ mate sancto, suavitate odoris Christi, signaculo veræ fidei, complemento doni Spiritus Sancti signatur N. * in nomine Patris, Arnen; et Filii, .4 men; et Spiritus vivi el sancti in vitam sæculi saxulo­ rum. Amen. Elle est récitée trois fois tandis que le prétre oint les baptisés sur le front et les tempes. Au concile national des Syriens catholiques, célébré â Sciarfe, dans le Liban, en 1888, les Peres ont consacré l’ancienne discipline de leur Église relativement au sacrement de confirmation. Celle-ci s’administre encore immédiatement après le baptême. La matière prochaine est Fonction du chrême sur le front avec l'imposition de la main. Chrismate sancto, quod est sua itas do­ ris Christi Dei, sigillum et signaculum fidei veritatis et consummatio donorum Spiritus Sancti, signatu r .V, in nomine Patins et Filii el Spiritus Sancti >>. vitam æternam. L’onction du front doit être suivie, confor­ mément au rituel, des onctions aux yeux, au nez. aux oreilles, à la bouche, à la poitrine, aux mains et aux pieds. Le ministre est tout prêtre délégué. Mais la consé­ cration du chrême est le privilege exclusif du patriarche 1079 CONFIRMATION DANS L’ÉGLISE ANGLICANE d’Antioche, qui l’envoie aux évêques pour être distribué dans leurs diocèses. Cf. Synodus Sciarfensis Syro­ rum in Monte Libano celebrata anno stDcccLXXXvm, Rome. 1897; Canoniste contemporain. 1900, t. xxni, p. 437-438. Assémani, Codex titurg., t. ni, p. 148; Denzinger, Ritus orientalium £cct, Würzbourg. 1863.1.1, p 278sq.,287; A.Staerk, Der Taufritus in der griechisch-russischen Kirche. in-8·, Fribourg-en-Brisgau. 1903. p. 159; Diriger, Das Sakrament der Firmung, Vienne. 1906, p. 83-86: Mason. The relations of confirmation to baptism, 2' édit., Londres, 1893, p. 401-407. V. Ermoni. VIII. CONFIRMATION DANS L'ÉGLISE ANGLICANE. — I. Est-elle un sacrement? II. Matière et forme. Ill. Effets. IV. Ministre et sujet. V. Office de la confir­ mation. I. Est-elle un SACREMENT? — 1° La confirmation n'est pas un sacrement au sens strict du mol. L'Église anglicane n'admet que deux sacrements : le baptême et la communion; et ses théologiens, tout en recon­ naissant que Notre-Seigneur institua « un signe exté­ rieur et visible de bénédiction », en imposant luimême les mains sur les enfants qu'on lui présentait et sur ses apôtres, se refusent à voir dans ce fait une preuve évidente de la confirmation. Ce rite cependant, comme un sacrement, confère la grâce, par l’intermé­ diaire d’un signe extérieur. Aussi l’évéque Cosin, H orfcs. Oxford, 1855, t. v, p. 142, ne refuse pas de lui donner le titre de sacrement, dans le sens de signe extérieur et visible d une grâce intérieure et spirituelle. Mais comme il manque à la confirmation la certitude de l'institution par le Christ et qu’elle n'est pas nécessaire pour le salut, elle est maintenue en dehors du nombre des sacrements. Mais le Rév. Kidd, The Thirty-nine Articles, Lon­ dres, 1899, p. 209-214, fait remarquer que les raisons données à l’art. 25, §3, pour exclure la confirmation, la pénitence, l'extrême-onction, l’ordre et le mariage de la liste des sacrements, ne portent pas, pour ce qui est de la confirmation. Elle ne découle pas, en effet, d’une mauvaise imitation des apôtres, puisque l’Église d'Angleterre la conserve d’après l'exemple même des saints c apôtres »; elle est bien moins encore « un état de vie » comme l’ordre et le mariage. 11 y a là quelque chose de nouveau, et le Rév. Kidd n'est pas le seul témoin d’une transformation si impor­ tante. Le Rév. Wordsworth, évêque de Salisbury, publiait en 1901 une brochure, où, regardant la confirmation comme le complément naturel du baptême, il l'appelait un rite sacramentel. Teaching of the Church of En­ gland, 2» édit., Londres, p. 18, 29. Le temps n’est peutêtre pas éloigné où la confirmation reprendra en An­ gleterre le rang qui lui est dù parmi les sacrements. II. Matière et forme. — Le signe extérieur et visible par lequel est conférée la grâce de la confirmation est actuellement l'imposition des mains de l'évêque. Dans les anciens manuels et pontificaux de l’Eglise d'Angle­ terre, avant la Réforme, c’était l’onction. L'onction constituait alors à elle seule la matière du sacrement, el il n'y avait pas d'imposition des mains distincte. Selon le Pontifical d’Egbert, archevêque d’York (vers 700), l’évéque, oignant de baume le front du candidat, pro­ nonçait ces paroles : « Reçois le signe de la sainte croix par le chrême du salut en Jésus-Christ, pour la vie éternelle. » La formule du rite de Salisbury était iden­ tique à celle du Pontifical romain : « N·., je te signe du signe de la croix, et te confirme avec le chrême du salut, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. » La réforme anglaise prétendit faire revivre la pratique primitive et scripturaire : en 1549, dans le pre­ mier Prayer Book anglais, Fonction et le soufflet sur la joue sont supprimés, et il ne resta de cetle pratique, jusqu'en 1552, que le signe de croix sur le front, el l'oraison, qui suit la chrismation. Ces derniers vestiges 10S0 de Fonction tombèrent à leur tour en 1552. Cependant, une règle adoptée par l’Eglise d’Ecosse, en 1890. sanc­ tionne l’usage du signe de la croix. L'imposition des mains remplaça Fonction suppri­ mée : l’évêque, plaçant la main sur la tète de chaque enfant séparément, doit réciter cette prière : « Protège (défends), ô Seigneur, par ta grâce céleste, cet enfant (ou ce serviteur) qui t’appartient, afin qu’il continue à t'ap­ partenir pour toujours, et que chaque jour il croisse en ton Saint-Esprit, jusqu’à ce qu’il parvienne à ton royaume éternel. » Mais pendant longtemps, alors que les cérémonies étaient accomplies hâtivement, le mi­ nistre se contenta de placer une main sur la tête de chaque candidat, puis, sur tous ensemble, les mains étendues, il récitait la prière: Protège (défends),ô Sei­ gneur... Il n’en est plus de même actuellement. Il y a une trentaine d’années déjà, l’évéque de Londres faisait ranger les candidats en longue file, devant lui. comme pour la réception de la sainte communion. Il passait alors devant eux, leur imposant une main à chacun, et récitant la prière : Protège, ô Seigneur... Cette pra­ tique est devenue à peu près universelle, et peut-être est-ce là une des raisons qui contribuèrent â la création ou à l’augmentation des évêques coadjuteurs presque dans chaque diocèse. Il y a, cependant, quelques exceptions, à Cantorbéry, par exemple, où le coadjuteur de l'archevêque confir­ mait encore, il y a quelques années, deux candidats à la fois; il imposait d’abord les deux mains sur chacun d'eux, sans rien dire, puis une main sur la tête de chaque candidat, en récitant la prière. III. Effets. — Aucune définition formelle des effets de la confirmation n’a été donnée soit dans le catéchisme, soit dans les articles de l'Eglise anglicane. Et c’est heu­ reux. « Nous devons, écrit le chanoine Mason, en bénir la providence divine. En effet, à l’époque où la confir­ mation était traitée par des réformateurs tout puissants, comme une ratification volontaire des engagements pris en bas âge, et alors que beaucoup, même en Angleterre, s’évertuaient à employer un langage semblable, elle nous conserva tout entière la prière qui précède l’im­ position des mains, nous gardant ainsi de toute autre expression, qui eut été quelque peu hors d’harmonie avec cette prière.» TVie relations of confirmation to bap­ tism, 2e édit., I.ondres, 1893. p. 425-426. Ce sont les prières et les cérémonies de la confirmation qui nous permettront de déterminer d’une façon précise quels sont ses effets. L’imposition des mains, signe extérieur de la grâce, dans la confirmation, l'est aussi dans l'or­ dre, et cette analogie entre les deux rites se poursuit dans leurs effets. La confirmation est une sorte d'ordi­ nation inférieure, par laquelle le baptisé reçoit le don du Saint-Esprit, pour l’œuvre de vie chrétienne; elle donne la grâce qui confère ce sacerdoce laïque dont parle saint Pierre. I Pet., II. 9. Un don spécial du SaintEsprit est ainsi accordé au confirmé qui devient parti­ cipant de l’Esprit de Dieu. Dans le catéchisme de Seabury (1791), les effets de la confirmation, considérée comme complément du bap­ tême, sont ainsi marqués : « Au baptême, le Saint-Es­ prit nous purifie et nous dispose à être un temple; à la confirmation, il entre dans son temple et en prend possession. » La même idée est exprimée par l’évéque Wilson, dans son Sacra privata, Oxford, 1854, p. 109 : « La confirmation est la perfection du baptême : le Saint-Esprit descend invisiblement sur ceux qui sont bien préparés à recevoir une telle bénédiction... » Enfin, pendant l’administration du sacrement, le ministre, avant d’imposer les mains à chaque conlirmand, prie le Dieu tout-puissant et éternel qui a daignrégénérer ses serviteurs par l'eau et le Saint-Esprit, et leur a accordé le pardon de tous leurs péchés, de « les 1081 CONFIRMATION CHEZ LES PROTESTANTS fortifier par le Saint-Esprit consolateur (conforter), d’augmenter en eux chaque jour les dons multiples de sa grâce : l’esprit de sagesse el d’intelligence, de conseil et de force spirituelle, de science et de vraie piété, de les revêtir enlin de l’esprit de sa sainte crainte, mainte­ nant et pour toujours, κ IV. Ministre et sujet. — Le ministre de la confir­ mation est l’évêque. Le 60° canon exige que ce rite soit administré tous les trois ans, lors de la visite épisco­ pale; mais il est peu de diocèses où les évêques ne voient point la nécessité de l’administrer plus fréquem­ ment. Pour être confirmé, il faut avoir été baptisé et être parvenu â l'âge de discrétion. L’Eglise d’Angleterre n’a pas explicitement déterminé l’âge auquel les enfants pourraient être admis à recevoir ce sacrement. D’après le 61· canon, l'évêque do>t imposer les mains aux en­ fants, qui ont atteint l’âge ού ils peuvent rendre compte de leur foi selon le catéchisme contenu dans le Book of common prayer. D’autre part, le canon 112· exige que toute personne ait communié avant l’âge de 16 ans ; et dans l’Église anglicane, pour s'approcher de la sainte table, il faut auparavant avoir été confirmé. Cela porte donc l’âge requis pour la confirmation entre 13 et 16 ans. La question de l’âge requis pour être admis à la confirmation est encore un des points ou se fait vive­ ment sentir le retour à la pratique primitive de l’Eglise. C’est ce que réclame le Rév. Holloway, The confirma­ tion and communion of infants, Londres, 1901. Et dans la préface qu'il écrivit pour cet ouvrage, lord lia · lifax attire l'attention sur ce point : « L'auteur, dit-il, demande que jusqu’à ce que l'ancienne discipline de l’Eglise puisse être rétablie, ce qui est très désirable, on lasse un retour franc ct honnête, à l’instruction évi­ dente des réformateurs, tels que l'évêque Thomas Ben­ tham (en 1565) et l'évêqua Jeremy Taylor (en 1661) : ils désiraient que les enfants fussent confirmés, tandis qu’ils étaient encore en état d’innocence, c'est-à-dire entre 5 el 7 ans. » P. xx-xxt, cf. p. 45, 1 11. V. Office de la confirmation. — L’office de la con­ firmation dans le Book of common prayer comprend deux parlies : un catéchisme, ou « instruction devant être apprise par toute personne, avant d'être présentée à la confirmation »; et l'ordre de la confirmation, ou c imposition des mains sur ceux qui sont baptisés el parvenus à l'âge de discrétion ». Le catéchisme est une préparation,et doit, naturelle­ ment, être appris pendant la période qui précède l'ad­ ministration de ce rite. Mais avant d’imposer les mains, le ministre doit s’assurer que tous les candidats peuvent donner une réponse suffisante à toutes les questions qui y sont contenues. C’est une sorte de renouvellement des promesses faites au baptême par les parrain et marraine du confirmand, et qu’il doit lui-même con­ fesser el ratifier solennellement. L'explication du Credo, du Notre Père et des 10 commandements constitue le fond de ce catéchisme; on y a ajouté une première par­ tie sur la nature et l’alliance chrétiennes, et une cin­ quième sur les sacrements. D’où ces cinq parties : relations entre Dieu et le chrétien, foi, prière, devoirs et grâce. Ce catéchisme se trouvait déjà dans le Book of com­ mon prayer de 1519; il a été attribué à dill'êrents au­ teurs : Alexandre Nowel, second maître de Westminster School, quand le Book of common prayer était en préparation; Poynet, évêque de Rochester en 1550; Goodrich, évêque d’Ély. Ce dernier est l’auteur des » devoirs envers Dieu et devoirs envers le prochain », gravés sur le mur d’une galerie qu'il fit construire. Il est probable qu'on lui doit le reste de l’ouvrage. La dernière partie, ajoutée par l'ordre du roi Jacques 1« après la « Hampton court Conference », fut écrite par 1082 l’évêque Overall (alors doyen de Saint Paul), et approu­ vée par les évêques vers 1620. Cosin, Notes, p. 491. L’administration de la confirmation commence par une préface, dans laquelle un clergyman rappelle l’obli­ gation imposée par l’Eglise au confirmand de savoir le Credo, l'oraison dominicale et les 10 commandements. Cetle préface est suivie de la rénovation des promesses et engagements du baptême. Dans une première orai­ son, l'évêque prie Dieu de répandre son Esprit conso­ lateur sur les candidats : l'esprit de sagesse et d’intelli­ gence, de science et de piété, de conseil et de force, de crainte de Dieu. C’est une prière très ancienne : on la trouve dans les Sacramentaires grégorien et gélasien, dans le traité de saint Ambroise sur les sacrements. Egbert, archevêque d'York, l’avait insérée dans son Pontifical, et elle est employée dans le rite romain. Après cette prière a lieu l'imposition des mains sur la tête de chacun des candidats agenouillés devant l’évêque. Le ministre récite ensuite la prière : « Défends, ô Lord..., » suivie du Notre Père et de deux courtes oraisons. La cérémonie se termine par la bénédiction épiscopale. .1. H. Blunt, The annotated Book of common prayer, Londres, 1890 ; A. J. .Mason, The relations of confirmation to bap­ tism, 2* édit., Londres, 1893, p. 425-432; It. Holloway. The confirmation ai d communion of infants, Londres, 1901; T. Field, A manual for confirmation, Londres, 1901 ; A. C. A. Hall, Confirmation, Londres, 1902. L. March al. IX. LA CONFIRMATION CHEZ LES PROTESTANTS. — I. Les précurseurs. IL Églises luthériennes. III. Églises réformées. I. Les précurseurs. — Le calviniste Jean Daillé, De duobus lalinorum ex unctione sacramentis, c. xvn, Genève, 1659, p. 415, fait remonter aux vaudois la pre­ mière opposition doctrinale soulevée au sujet du sacre­ ment de confirmation contre les « dogmes nouveaux · de l’Église catholique. Le protestantisme essay e en outre de rattacher ses doctrines à celles de Wiclef et de Jean Hus, dans le but de nouer ainsi une tradition qui puisse s’affirmer victorieusement contre la tradition romaine. Mais rien ne légitime ces efforts et il faut bien recon­ naître, si l'on excepte toutefois quelques déclarations hétérodoxes, isolément formulées par les albigeois, que les protestants ont été les premiers à rejeter systé­ matiquement l'antique enseignement de l’Église. Si les vaudois rejetaient l’usage du saint chrême, ils ne ré­ prouvaient pas pour autant le sacrement lui-mêine, cf. Pierre de Pilichdorf, Contra hæresim Waldensium, dans Max. bibliotheca Patrum vet., Lyon, t. xxv, p. 277. et les albigeois ou cathares conservaient jalousement le rite de l'imposition des mains qui conférait à leurs adeptes l'esprit de consolation et de vérité. Λ/anus im­ positio vocatur ab eis consolamentum el spirituale baptisma, sive baptisma Spiritus Sancti, sine quo secundum eos nec peccatum mortale dimittitur nec Spiritus Sanctus alicui datur; sed per eam solum­ modo ab eis faciam utrumque confertur. Reynier, Contra Waldenses, ibid., p. 268. Voir Alain de Lille, Contra hæret., 1. 1, c. lxvi, P. L., t. ccx, col. 369. Quant à Wiclelf et aux hussites, le concile de Cons­ tance, qui a condamné leurs doctrines, ne signale sur ce point, comme formulée par eux ou tout au moins par les wicleflites, qu’une erreur concernant l’adminis­ tration du sacrement dans l’Église romaine. Confirma­ tio juvenum, clericorum ordinatio, locorum oh... -tio reservantur papæ el episcopis propter cupi dilatem lucri temporalis el honoris. Decreta Martini \' et con­ cilii Constantiensis ; Articuli 45 Joannis Wiclef] dam­ nati, a. 28, Denzinger, n.504. On a voulu également faire remonter jusqu’aux novations la doctrine protestante. Mais Novatien n'a rien innové sur ce point: avant reçu le baptême au cours d'une grave maladie, il avait né­ 1083 CONFIRMATION CHEZ LES PROTESTANTS gligé seulement de se présenter ensuite à l’évêque pour recevoir la confirmation, Eusèbe, H. E., I. VI, c. XLtn, P. G., t. xx, col. 623, et ses sectateurs se firent une loi d'imiter cet exemple. Théodoret, llærelic. fabul., 1. 111, c. v, P. G., t. lxxxiii, col. 407. C’est la raison pour laquelle plusieurs conciles ont prescrit aux évêques d'imposer les mains suivant le rite de la confirmation aux novatiens convertis, comme il était d'ailleurs dans l’usage de le faire pour les autres hérétiques. Cf. Liberii el Siricii décréta de baptismo hæreticorum, Denzinger. n. 21. II. ÉGLISES luthériennes. — Logiquement, en vertu de ses théories sur la justification par la foi et le sacer­ doce universel, Luther devait être amené à rejeter les sacrements de l’Église et en particulier la confirma­ tion que rien ne peut plus justifier dans ce boulever­ sement radical des doctrines. Sa pensée, d'abord im­ précise, ne tarde pas, sous la poussée des événements, à s’affirmer avec audace. Mais on remarque avec quel soin, au début, Luther s’ingénie à voiler sa marche et, tout en sacrifiant la chose, à sauvegarder, devant le peuple, les apparences. En 1520, dans le sermon sur le Nouveau Testament, c’est-à-dire sur la sainte messe, il explique à ses au­ diteurs qu’il faut maintenir au nombre des sacrements le sacrifice de la messe, au même titre que le baptême, la confirmation, la pénitence et l’extrême-onction, als die ander sacrament, tauf, femiel, puss, ôlung. Ein sermon von dem neuen Teslamen'., Opera, édit, de Weimar, t. vi, p. 367. La même année, dans le Prélude à la captivité de Babylone, il commence par réduire « présentement » à trois le nombre des sacrements et l’on devine bien, en elTet, que ce n'est là qu’un prélude. Principio neganda mihi sunt septem sacramenta el tantum tria pro tempore ponenda, baptismus, pænilenlia, panis. Pe capliv. babyl., Weimar, t. vu. p. 50I. La confirmation est reniée tout d’abord. Il est vrai que les apôtres imposaient les mains aux fidèles pour leur conférer les dons de l'Esprit ; mais les grâces qui étaient attachées à ce rite étaient des charismes, des grâces extraordinaires, dont l’Église depuis longtemps a perdu le souvenir. Si les évêques ont précieusement conservé le droit de remplir une fonction analogue, c’est pour rehausser ainsi, par l’éclat d'une cérémonie purement extérieure, le prestige de leur ministère et se donner une apparence d'occupation utile et sérieuse. Atque ulinam esset in Ecclesia talis manuum impositio qua­ lis erat apostolorum... At nunc nihil ejus relictum, nisi quantum ipsi excogitavimus pro ornandis officiis episcoporum, ne penitus sint sine opere in Ecclesia. De confirmatione, ibid., p. 549. Toutefois, à la veille de la diète de Worms, inquiet des conséquences qui pouvaient résulter pour lui de ces déclarations notées comme hérétiques par les théo­ logiens du Saint-Office ou des universités de Cologne et de Louvain, Luther, dans un mémoire justificatif, revient sur ces assertions pour en atténuer la portée. Il se plaint que les inquisitions aient dénaturé sa pensée et l’accusent d’elïacer du nombre des sacrements la confirmation, le mariage, l’ordre et l’extrême-onction, alors qu'il se bornait à éliminer, comme conlrouvées ou inefficaces, les preuves scripturaires habituellement invoquées pour établir le caractère sacramentel de ces rites, et spécialement de la confirmation. Loin de lui l'inteniion de blâmer la pratique de ces sacrements et la manière dont ils sont administrés actuellement dans l’Eglise. Hæc dixinon simpliciter negando, sed addidi quod secundum Scripturas sanctas sic res haberet, licet non damnem usum el morem in sacramentis Ecclesiæ celebratum. Ibid., p. 668. Mais rien n'oblige à voir dans la confirmation autre chose qu’un rite ecclésiastique, une cérémonie sacramentelle analogue à la consécration de l'eau bénite. Quare salis est pro 1084 ritu quodam ecclesiastico seu caerimonia sacramentali confirmationem habere cæteris cterimoni is consecrandae aquœ aliarumque rerum. Ibid. Cf. de Wette, Luthers Briefe, t. i, p. 574, 580. Voir sur la doctrine d’Osiander concernant l'inhabitation du Saint-Esprit. Christ. Koch, Disputatio inauguralis de interno Spiritus Sancti te­ stimonio, Kiel, 1701, p. 85. Mélanchlhon, comme la plupart des théologiens or­ thodoxes, s'inspira de celte pensée. Aussi, la Confession d’Augsbourg, bien que déniant tout caractère sacramen­ tel à ce rite, abandonne-t-elle aux diverses Eglises le soin de procéder, suivant les exigences ou le désir des paroisses, à la cérémonie de l’imposition des mains. Th. Kolde, Die Augsburgische Konfession, part. 1. c. xv, Gotha, 1896, p. 40. La descente du Saint-Esprit dans l'âine est opérée par la parole évangélique, par le sacrement du baptême et par la cène. Ibid., c. v, p. 28. Cf. Die Marburger Arlikel, ibid., p. 50. Quant à la cérémonie même de la confirmation, Mélanchlhon re­ connaît qu’elle était en usage dans la primitive Église, mais elle consistait alors essentiellement dans un exa­ men de la doctrine chrétienne suivi d’une prière com­ mune et de l’imposition des mains. Confirmatio olim fuit exploratio doctrinæ in qua singuli recitabant summam doctrinæ, et ostendebant se dissentire ab ethnicis el haereticis... Postea fiebat publica precatio, et apostoli imponebant eis manus. Loci communes, p. 48. Cette opinion singulière et de pure fantaisie a trouvé crédit dans le cercle des premiers réformateurs, qui essayèrent de conserver dans les Églises, sous cette forme qui semblait d’accord avec leurs principes, le rite antique du sacrement. Chemnitz se fit l’ardent apôtre de cette idée. « Bien des fois, dit-il, nos maîtres ont démontré que l’on pouvait, avec piété et pour l’édi­ fication de l’Église, maintenir parmi nous le rite de la confirmation, en le débarrassant des traditions inutiles, superstitieuses ou contraires à l'Écriture. » Examen concilii Tridentini, Erancfort-sur-le-Mein, 1578, p. 69. Voici le rituel de la cérémonie, tel qu’il est exposé par Chemnitz : 1“ Lorsque les enfants possèdent les pre­ miers rudiments de la doctrine chrétienne, ils sont présentés à l’évêque qui leur adresse, devant l’assemblée des fidèles, une courte exhortation sur les obligations et la profession de foi de leur baptême. 2“ Chaque en­ fant récite alors publiquement, et en son nom propre, sa profession de foi. 3° Suit une série d’interrogations sur les points principaux de la doctrine, avec les explications nécessaires. 4° L’évêque avertit le coniirmand que. par ce témoignage public de sa foi, il sé­ pare à tout jamais sa cause de celle des païens et des hérétiques, des fanatiques et des profanes. 5« Alors une nouvelle exhortation est adressée aux conlirmands, aussi sérieuse que possible et basée sur l'Ecriture, gra­ vis et seria exhortatio ex verbo Dei, sur la nécessité de persévérer dans cette doctrine et cette foi et de s’affer­ mir par le progrès réalisé. 6° Le peuple prononce une prière pour les enfants, afin que Dieu, par son SaintEsprit, daigne les gouverner, les conserver et les confir­ mer dans cette profession de leur foi. 7» La cérémonie pourrait se terminer par l’imposition des mains, mais en dehors de tout rite superstitieux, line telle pratique n’oll'rirait que des avantages pour l'édification de la jeunesse et de toute l’Église; elle ferait revivre, avec l’esprit des Écritures, l’antique usage de l’Eglise. Aa quam precationem sine superstitione adhiberi poss- t impositio manuum... Talis ritus confirmationis valde multum utilitatis ad sedificalionem juventutis et to­ tius Ecclesi e con ferret ; esset etiam consentaneus et Scriptura: et puriori antiquitati. Examen concilii Ί ridenlini, p. 69. C'était transformer en un rite reli­ gieux l’enseignement catéchétique.re.-rploratiodertrio adopté dans certaines Églises comme une restauration 1085 CONFIRMATION CHEZ LES PROTESTANTS de la confirmation primitive. Cf. Confessio Saxonica, c. xix, et Confessio Wtirtenibergica, De confirma­ tione, dans Corpus et syntagma Confessionum fidei, Geneve, 1654, p. 116, 152. L'entreprise était ardue. A ces efforts renouvelés par plusieurs chefs de la Réforme pour perpétuer un rite qui gardât de la con­ firmation anciennement reçue le nom et l’apparence, la plupart des communautés opposèrent une indiffé­ rence que rien ne fut capable de vaincre. Il faut en excepter toutefois les Eglises de Poméranie et de Bran­ debourg qui, dés l’origine, adoptèrent cet usage. D’ail­ leurs, les théologiens continuaient à rendre odieux au peuple ce sacrement des papistes, où ils ne voyaient que magie, incantations et exorcismes, cf. Balthasar Meisner, Doctrina orthodoxa de sacramentis Veteris et Novi Testamenti, disp. VIII, Francfort et Witten­ berg, 1708, p. 76 sq., et la plupart des catéchismes en usage dans les Eglises rejetaient purement et simple­ ment la confirmation. Cf. Wurtembergische Katechis­ men, notamment le catéchisme de Brenz, 1551, dans Beu, Quellen zur Geschichte des kirchlichen Unterrichts in den evangelisehen Kirchen Deutschlands zwischen 1530und 1000, Gütersloh. 1904, t. i, p. 340; Bayerische Katechismen, Nürnberg, 1533, ibid., p. 547. Le peuple s’en tenait naturellement aux termes de ces instructions et considérait avec défiance une institution qui gardait toute l'apparence des vieilles superstitions catholiques. Le mouvement de rénovation religieuse inauguré par Spener dans les premieres années du xvm· siècle,sous le nom de piétisme, modifia profondément ces disposi­ tions. Partout où la cérémonie de la confirmation avait réussi à s’introduire, les résultats s’étaient montrés fa­ vorables; les familles accueillaient avec plaisir une fête qui intéressait au plus haut point les enfants,et les pasteurs trouvaient là un moyen profitable de pourvoir de plus près à l’instruction chrétienne de la jeunesse. En Alsace, où la confirmation avait été admise dès 1534, le catéchisme de Butzer ajoutait, dans l’édition de 1543, un long chapitre pour expliquer et recommander cette pratique. Le rite de l’imposition des mains, réservée aux seuls ministres des églises, est donné comme le com­ mencement de la confession de foi : elle signifie que les enfants sont directement placés sous la main bienfai­ sante du Très-Haut, qui les conduira, les protégera, les bénira. Elsâssische Katechismen, Et klûrung der Bestàtigung indent christlichen Glauben,dans Beu,op. cit., p. 98. Le même rite, interprété dans le même sens, avait été adopté pour la Hesse en 1539, et de plus en plus, comme en Poméranie et en Brandebourg, s'était implanté dans les mœurs. Cf. Ilessische Agende, c. ix, an. 1678; W. Diehl, Zur Geschichte der Konfirmation, Giessen, 1897. Vivement frappé des avantages multiples que présen­ tait cette institution pour la vie religieuse des commu­ nautés, l’esprit à la fois mystique el pratique de Spener résolut de promouvoir partout et par tous les moyens une pratique aussi salutaire, d’abord dans les campagnes avoisinant Francfort, puis, par lente infiltration, grâce aux « maisons d’éducation » piétisles, dans toute l’Alle­ magne. La Prusse, en 1718, le Wurtemberg en 1722, la Saxe en 1773 adoptèrent successivement la cérémonie de la confirmation. R. Kübel, Kalechetik, Berlin, 1897, p. 44 sq. Mais ce ne fut point sans une résistance assez vive, parfois opiniâtre, de la part du peuple. En maint en­ droit, celte institution fut imposée de force, par l’autorité civile. L’ordonnance publiée le 11 décembre 1722 par le duc de Wurtemberg, Eberhard-Louis, est des plus significatives : elle rend obligatoire « la confirma­ tion solennelle »,en prenant soin de spécifier, pour ras­ surer les consciences craintives, que le rite prescrit constitue « la vraie confirmation, celle du culte évan­ gélique, fondée sur l'Écriture et sur les témoignages de 108G l’antiquité ». Karl Pfaff, Geschichte des Fürstrnhauses und Landes Wurtemberg, Stuttgart. 1839, t. iv, p. 194. Le prince espérait remédier ainsi en partie ;! « l’état de démoralisa lion du pays ». Cf. L. Coulon, Elude histo­ rique Sur l'introduction de la confirmation dans les Eglises du pays de Montbéliard, Paris, 1894, p. 27. Mais ses sujets n'étaient point d'humeur à secouer en un jour leurs préjugés confessionnels, même pour obéir à une loi élaborée par les théologiens et imposée par le chef suprême de leur Eglise; « plusieurs, par la fuite et l’exil, se dérobèrent à la confirmation, et l’on dut se résoudre, pour acclimater cette cérémonie, non seulement à publier de sévères remontrances, mais encore à édicter des poursuites contre les délinquants. « K. Pfaff, loc. cit. La même défaveur accueillit en d'autres pays cette innovation, dont le peuple finit toutefois par apprécier les avantages. Cf. L. Coulon, op. cil., p. 58. Il convient de remarquer que les vieux luthériens dirigèrent eux-mêmes une vive opposition contre le rituel établi par Spener, car il apportait à l’ancien usage des modifications profondes, comme une trans­ formation essentielle. Tandis que la confirmation avait gardé fidèlement jusque-là Je caractère, qui lui avait été attribué par Luther et par Mélanchthon, d’une confes­ sion de la foi ecclésiastique, d’une adhésion publique à la doctrine de l’Eglise, Spener, entraîné par ses dis­ ciples, n’avait point lardé à en faire une simple confes­ sion de foi personnelle, un acte indépendant, sans attache avec le baptême, et réduit à une pure déclara­ tion de la conversion du cœur. Les piétistes jugeaient plus conforme à l’esprit de la Déformation et plus utile aux intérêts de la société, d'accentuer le caractère sub­ jectif et moral de cette solennité religieuse; les luthé­ riens se montraient préoccupés surtout d’assurer par ce moyen la cohésion, toujours si fragile, de leurs com­ munautés. L’antagonisme était dans les tendances et les principes; la lutte qui s’engagea entre les deux partis au sujet du formulaire de la confirmation ne fut que l’expression, parfois très vive, de cette opposition systé­ matique et radicale. Cf. Hœlling, Das Sakrament der Taufe, Erlangen, 1846, t. il, p. 431; .1. Mœhler, Synibolik, Mayence, 1832, p. 428; G. von Schéele, Theologische Symbolik, Gotha, 1881, t. n, p. 203 sq. Aujourd’hui, dans les Églises luthériennes, malgré les attaques fort vives qu'elle a soulevées dans le parti libéral, la confirmation est toujours en usage. Le peuple y tient, comme à une tradition qui se légitime par ellemême et qui est pour les familles une cause toujours bien venue de réjouissances. Son caractère religieux a toujours été, d’ailleurs, nettement affirmé. Le pasteur R. Cuvier la définit assez exactement: « Une cérémonie religieuse dans laquelle celui qui a été baptisé dans son enfance renouvelle et confirme, en présence de l’Eglise assemblée, la profession de foi qui a été faite et les engagements qui ont été pris en son nom parses parents, par ses parrains et marraines. » La confir­ mation, Paris, 1842, p. 6. Cette solennité est précédée d'un examen sur la doctrine chrétienne,devant un jury composé des pasteurs et, du moins ordinairement, des membres du consistoire. L’âge requis pour la confir­ mation est fixé généralement à quatorze ans accomplis. Seuls « les pasteurs régulièrement ordonnés et insti­ tués » peuvent « donner la confirmation ». H est diffi­ cile de justifier cette dernière expression, à moins de l’expliquer par ce fait que« les pasteurs confirment les catéchumènes dans leur vocation de chrétien et pro­ noncent leur admission solennelle et défini:. m nombre des membres de l’Église ». R. Cuvier, op. cit., p. 7. Mais l’expression ne trahit-elle pas la pens · ‘.‘Cf. M. Heimbucher,Die heilige Firmung, Augsbourg, 1889, p. 48-51, III. Églises réformées. — La pensée de Calvin ne connut ni les hésitations ni les fluctuations de la pensée 1087 CONFIRMATION D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE de Luther. C'est avec un déchaînement de passion acerbe que le réformateur de Genève s’éleva dés le début, pour la ruiner à jamais dans les esprits, contre la doctrine catholique de la conlirmalion. Pur charla­ tanisme que l'imposition des mains par les évêques: « En quelle partie donc ces bateleurs ensuyvent-ils les apôtres. Il convenoit faire par l’imposition des mains que la vertu évidente du sainct Esprit incontinent se montrast. Ils n’en font rien. » Institution chrestienne, I. VI, c. xix, S 6, Genève, 1559, p. 980. Pour lui. comme pour Luther, les effets sacramentels de la confirmation sont identiques à ceux du baptême, et c’est un sacrilège de vouloir pratiquement les disjoindre. « Toutefois, regardons encore de plus près combien de monstres nourrit cesle huile. Ces engraisseurs disent que le sainct Esprit est donné au baplesme pour innocence et en la conlirmalion pour augmentation de grâces, qu’au baptesme nous sommes régénérés à vie et en la conlirmation nous sommes armés pour batailler. Et tellement n’ont nulle honte, qu'ils nient le baptême estre bien parfait sans la confirmation. O perversité! » Ibid., £ 8, p. 980. Cf. Articuli a facultate sacræ theologiæ Parisiensi determinati super materiis fidei noslræ hodie controversis cum antidoto, a. 1, dans Tractatus theo­ logici, Genève, 1612, p. 225. Quand le concile de Trente eut prononcé l'anathème contre les hérétiques qui tenaient la confirmation pour une vaine cérémonie, Calvin, avec un amer sarcasme, protesta que cette con­ damnation ne l’atteignait point, vu qu’il tenait la confir­ mation non point pour une cérémonie vaine, mais bien pour le plus funeste des maléfices de Satan, ulpole qui earn inter maxime exitiales Satante præsligias nume­ rem . Acta synodi Tridenlinæ cum antidoto, ibid., p. 299. Pour légitimer ses attaques, Calvin n'hésite pas à imposer à l’interprétation des textes un tour ironique et léger qui en défigure étrangement l’aspect, et il arrive ainsi à cette conclusion, déjà formulée par Mélanchthon, que l’imposition des mains n’était à l'origine qu'une simple bénédiction prononcée sur les enfants, lorsque, parvenus à l’âge de discrétion, ils étaient convoqués à une cérémonie spéciale pour confirmer la foi de leur baptême. Ibid., § 4, p. 978; cf. § 12, p. 983. Voir le Catéchisme de Monsieur Calvin, dans le Recueil des principaux catéchismes des Églises réformées, Ge­ nève, 1673, fol. E 2. Cette cérémonie, d'ailleurs, n’est pas sans offrir de précieux avantages et ce serait tout gain de la mainte­ nir dans l’Église réformée. « Quant â moy, je prise bien une telle imposition des mains, qui se feroit sim­ plement par forme de prières. Et seroye bien content qu'on en usast aujourd’hui, moyennant que ce fust pu­ rement et sans superstition. » Ibid., S 4, p. 978. Voici, dans sa teneur exacte, le plan élaboré par Calvin luimême, pour la cérémonie de la confirmation : « Or ce seroit une très bonne manière d’instruction, si on avait un formulaire proprement destiné à cesle affaire, con­ tenant et déclairant familièrement tous les poincts de nostre religion, esquels l’Église universelle doit sans différence consentir, et que l'enfant de dix ans ou envi­ ron se présentas! à l’Eglise pour déclairer la confession de sa foy, qu’il fust interrogé sur chacun poinclet eust à répondre; s’il ignoroit quelque chose ou n’entendoit pas bien, qu’on l’enseignast en telle manière qu’il con­ fessas! présente et témoin de l'Eglise, la vraye foy pure et unique, en laquelle tout le peuple fidèle d'un accord honore Dieu. Certes si ceste discipline avoit lieu, la pa­ resse d'aucuns pères et mères seroit corrigée: car ils ne pourroyent lors sans grande honte omettre l’instruc­ tion de leurs enfants, laquelle ils ne se soucient pas beaucoup maintenant. 11 y aurait meilleur accord de foy entre le peuple chrestien et n’y auroit point si grande ignorance et rudesse en plusieurs. Aucuns ne seroyent pas si aisément transportés par les nouvelles 1088 doctrines: en somme, chacun auroit une adresse de la doctrine chrestienne. » Instil. chrest., loc. cil., § 13, p. 983-984. Cf. Confessio Helvetica, de 1536, c. xx, dans Corpus et syntagma Conf, fidei, p. 90. Théodore de Bèze employa toute la souplesse el l’ar­ 1 deur de son talent à propager dans les communautés réformées cette pratique confondue par lui avec le rite de la conlirmalion tel qu’il était en usage dans la pri­ mitive Église. « Devant que les enfans fussent receus à la cène, ou les grans au baptesme, les evesques faisoyent faire aux uns et aux autres confession de leur foy publiquement... Quant à ceux qu’ils trouvoyent avoir si bien profité qu’ils pussent estre receus aux sacremens avec le reste de l’Église, ils les confermoyent en la foy et leur imposans les mains sur la teste, faisoyent prière publique à Dieu pour eux et les recotnmandojent aux prières de l’Église. » Confession de foy chrestienne, Genève. 1563, p. 333. Réduite à cette forme essentiellement catcchétique, la confirmation put être introduite dans quelques communautés plus directement soumises â l'inlluence personnelle des chefs de la Ré­ forme. Ce simple examen de la doctrine, Théodore de Bèze l’opposa avec fierté aux cérémonies catholiques « qui ne sont autre chose que tours de basteleurs et contes de vieilles rassotées », et il se félicita d'en avoir généralisé la pratique dans les Églises de la confession réformée. « Or, quant à nous, par la grâce de Dieu, nous avons remis sus en nos Églises cest usage de ca­ téchisme, comme du tout nécessaire ; mais au contraire ces asnes icy, plus propres à la charrue qu’à gouverner l’Eglise, n’ont pas mesme jamais ouy parler de caté­ chisme. » Ibid. Cf. Petit catéchisme, par Théodore de Bèze, Genève, 1673, p. 10; Drelincourt, Catéchisme ou instructions familières sur les principales parties de la religion chrélienne, Genève, 1673, p. 107, Cet inso­ lent triomphe se justifiait toutefois malaisément, car l’Église réformée se montra plus réfractaire encore, dans l’ensemble, que l’Église luthérienne à l'introduc­ tion de cette pratique qu’il fallut souvent imposer par la force et de haute lutte. Plusieurs cantons suisses exigèrent pour certains actes légaux, comme le mariage, l’apprentissage, l'entrée en service, une attestation d’ad­ mission à la sainte cène ou certificat de conlirmalion. Cet usage persista jusqu’en 1875. Cf. L. Rull'et, art. Confirmation, dans VEncyclopédie des sciences reli­ gieuses de F. Litch ten berger, t. tu, p. 356. Aujourd’hui, dans les deux confessions, cette céré­ monie tend de plus en plus à n’étre qu’une pure for­ malité sans cachet religieux, et il s’est produit, au cours du siècle dernier, un mouvement puissant pour en demander l’abrogation. Les individualistes font ressortir assez justement qu’une manifestation collective el obli­ gatoire de la foi ne saurait avoir de valeur aux yeux de quiconque s’inspire des purs principes de la Réforma­ tion et que cette conscription ecclésiastique n’a plus aucun titre qui puisse la légitimer en fait. « On ne sait que trop, en elfet, que l'admission à la sainte cène est pour la grande majorité des catéchumènes, non un acte de renoncement à eux-mêmes et de consécration à Dieu, mais le litre de l’entrée dans le monde, une sorte de majorité religieuse qui leur confère le droit de jouir de plaisirs jusque-là défendus et de profaner légalement les choses saintes. » L. Rull’et, loc. cil. Cf. L. Coulon, op. cil., p. 57. P. Bernard. X. CONFIRMATION TRENTE. — I. Histoire D'APRÈS LE CONCILE DE de la rédaction. IL Texte et doc­ trine des canons. I. Histoire de la rédaction des canons. — Le con­ cile de Trente était réuni pour condamner les errem des protestants. Après la \T» session, il aborda le sur : des sacrements en général, du baptême et de la con­ firmation. A la congrégation générale du 17 janvier 154*. 1089 CONFIRMATION D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE le cardinal de Sainte-Croix, un des présidents, présenta et lut une liste, dressée par ordre des légats pontifi­ caux, des erreurs des protestants sur les matières qu’on devait définir à Ia VII· session. Quatre concernaient spécialement la confirmation : 1° elle n’est pas un sa­ crement, Luther, De captivilate Babylonis, voir col. 1083; 2° elle a été instituée par les Pères el n’a pas la pro­ messe de la grâce de Dieu, Confession d’Augsbourg ; 3° elle est une vaine cérémonie, et autrefois elle était une catéchèse, dans laquelle ceux qui approchaient de l'adolescence rendaient compte de leur foi devant l’Eglise, Mélanchthon, Loci communes, voir col. 1084 ; t" le ministre de la confirmation n’est pas l’évéque seul, mais n’importe quel prêtre. Libellus reformationis ad Colonienses. Les théologiens d’abord, les Pères ensuite devaient examiner ces propositions. Le lendemain, on en remit à tous un exemplaire, et les théologiens étaient convoqués pour le jeudi suivant, 20 janvier. A. Theiner, Acta genuina ss. œcumeniei concilii Tridentini, Aÿram (1874), t. i, p. 385. En huit congrégations particulières (20-29 janvier), trente-trois théologiens émirent leur avis. On leur de­ mandait de déclarer : 1° si toutes et chacune de ces proposilions étaient hérétiques ou erronées et par suite leur paraissaient devoir être condamnées par le con­ cile; 2° si quelqu’une n’était pas condamnable, avec preuves à l’appui; 3" s’il y avait lieu d’ajouter d’autres doctrines à condamner. Ils devaient exposer le senti­ ment des conciles antérieurs et des Pères sur ces ma­ tières. Les procès-verbaux de leurs séances sont publiés par le P. Theiner, op. cit., t. i, p. 391-401. Un som­ maire de leurs avis fut fait et remis le 29 janvier à tous les Pères. On y avait groupé les articles à examiner dans les congrégations générales, en quatre classes : 1° ceux qui avaient déjà été condamnés et que les théo­ logiens estimaient condamnables prout jacent, c’està-dire dans la teneur proposée; 2“ ceux que beaucoup de théologiens ne croyaient pas pouvoir être condamnés sans explication ou modification; 3° ceux qu’il fallait omettre; 4° ceux que quelques-uns proposaient d’ajouter. Trois articles de la première catégorie concernaient la confirmation. Le sommaire indiquait les preuves de leur condamnation : 1° La confirmation n’est pas un sacrement. Cet article est condamné dans les Décré­ tales De sacra unctione, c. I, par le concile de Flo­ rence (Decret, pro Armenis, Denzinger, n. 592), par le pape Melchiade, Epist. ad episc. Galliæ (fausse décré­ tale, voir col. 1034), par le concile de Laodicée, can. 48 (Mansi, t. h, col. 571), par le pape Eusèbe, Epist., ni, ad episc. Campaniæ (fausse décrétale, P. L., t. vu, col. 1109 sq.), par saint Léon Ier, Epist., lxvhi, ad episc. Campaniæ, P. L., t. liv, col. 1210, par saint Clément, Epist., iv, ad Julian, (fausse décrétale, P. G., t. i, col. 505), el par saint Dasile, De Spiritu Sancto. Voir col. 1032. — 2“ La confirmation a été instituée par les Pères et n’a pas la promesse de la grâce de Dieu. Cet article est condamné par le concile de Florence, la fausse décrétale d'Eusèbe, par Innocent I'r, Epist. ad Decent., voir col. 1033, par (le pseudo-) Denys, De hier, eccl., π, 8, P. G., t. ni, col. 424, dans le c. Manus, De consec., dist. V (fausse décrétale du pape Eusèbe), par saint Basile, loc. cit., parle III· concile d’Arles (vers 455), Mansi, t. vu, col. 908, par le concile de Meaux (845), can. 44, Mansi, t. xiv, col. 829, et par le concile de Lao­ dicée, loc. cit. 11 l’est aussi puisque le sacrement a été institué par Jésus-Christ. Joa., xvi, 13 sq.; Luc., xxiv, 49. En outre, si ce sacrement n’avait pas été institué par Jésus-Christ, il ne produirait pas la grâce, ce qui est faux. Luc., xxiv, 49. — 3° La confirmation est une vaine cérémonie, et autrefois elle était une catéchèse, dans la­ quelle ceux qui approchaient de l’adolescence rendaient compte de leur foi devant l’Église. Cet article est con­ damné par le concile de Florence et par tous les lémoiDICT. DE THEOL. CATHOL. 1090 gnages qui prouvent que la confirmation est un véritable sacrement. A. Theiner, op. cit., t. I, p. 403. Quelques théologiens avaient cependant indiqué les témoignages de saint Cyprien, de saint Augustin, de saint Chrysostome et de Bède le Vénérable, ibid., p. 390, 391, 392, 401, et le récit des Actes, vm, 17 sq. Ibid., p. 394, 396. Salmeron attribue aux vaudois le rejet de la confirma­ tion et ï’ierre Paul Caporella l’attribue en outre aux ruthènes. Ibid., p. 392, 393. Jérome d’OIeastro nota que les anabaptistes disaient qu’il faut éviter le chrême. Ibid., p. 394. Ambroise de Vérone dit que l’Église n’avait pas le pouvoir d’instituer le sacrement de confirmation et que Jésus-Christ l’avait institué promittendo, non exhi­ bendo, selon le mot de saint Thomas. Ibid., p. 324. D’après André Véga, il n’y a pas de témoignages clairs que la confirmation a été instituée par Dieu ou par les apôtres. André Navarre pensait que les sacrements étaient tous d’institution divine. Ibid., p. 397. Selon André Car­ vajal, la forme de la confirmation a été changée. Les Actes, vm, 17, 18, ne mentionnent que l’imposition des mains et ne parlent pas du chrême. L’onction, qui au­ trefois avait lieu par l’imposition des mains, se fait maintenant avec le pouce. On yjointaujourd’hui le signe de la croix, qu’on ne faisait pas jadis. Saint Fabien rap­ porte qu’après avoir lavé les pieds de ses apôtres, Jésus a oint ceux-ci d’huile et les a confirmés. Cette onction suivait le baptême, figuré par la lotion des pieds. Ibid., p. 398. Le 4· article, concernant le ministre de la confirma­ tion, avait besoin, au sentiment de plusieurs théolo­ giens, d'explications ou de modifications. Quelques-uns désiraient qu’on ne le condamnât pas simplement, puisque, selon le concile de Tolède (400), can. 20, voir col. 1048, les simples prêtres avaient le pouvoir de con­ firmer en cas de nécessité, pouvoir que saint Grégoire avaitaccordéjvoircol. 1048-1049,queleconcilede Florence admet el que reconnaissent Alexandre de Halés, Turrecremata, Nicolas de Tudeschis (Panormitanus) et d’au­ tres docteurs, aussi bien que le pape Melchiade (fausse décrétale). Ils estiment donc qu’il faut reproduire la for­ mule du concile de Florence, qui déclare l’évéque ordi­ narium ministrum. Les autres pensent que l’article doit être condamné simpliciter, parce que le simple prêtre, quand il confirme par dispense, n’agit pas de sa propre autorité, mais par l’autorité de celui qui le délégué. Celte erreur, d’ailleurs, est condamnée par saint Jérome, Dial. cont. lucif., ix, P. L., t. xxm, col. 164, par le pape Eusèbe (fausse décrétale), le c. Manus, De consec., dist. V, les Actes, vm, 14-24; xix, 1-7, par saint Inno­ cent I··, Epist. ad Decent., c. m, par Bède, In Acta apost., c. vm, et par les conciles de Constance et de Florence. Ibid., p. 404. Les procès-verbaux signalent cette diversité d'opinions. La plupart des théologiens dé­ clarent que l’évêque seul est le ministre de la confir­ mation. Ils en appellent à la pratique de l’Église, at­ testée déjà, Act., vm, 14-24, puisque Philippe, qui n’est pas prêtre, ne peut pas confirmer, quoiqu’il ait été apôtre. Le pape toutefois peut déléguer à de simples prêtres le pouvoir qu'ils n’ont pas à raison de leur sa­ cerdoce. Ibid., p. 390, 392, 393, 394, 397, 399. Laurent Mazochi, servite, demandait, lui aussi, des explications. Ibid., p. 400. S’il n’y avait pas d’articles à omettre au sujet de 11 confirmation, deux additions proposées furent pris-s en considération. Ne fallait-il pas condamner aus«i ces af­ firmations des protestants : 1° Ceux qui disant que l'huile du chrême est une huile de salut nient le Chi ist ; 2° On fait injure au Saint-Esprit, en attribuant quelque vertu à l’huile de la confirmation, car c’est comme si on prétendait que toute huile est une vertu du Saint-Esprit ' Ibid., p. 405. La première avait été faite, à la séance du 25 janvier, par J.-B. Moncalvius. Ibid., p. 397. On ne tint pas compte de l'addition signalée par Richard du HL - £5 1091 CONFIRMATION D’APRÈS LE CONCILE DE TRENTE Mans an sujet de la coutume française de confirmer indistinctement tous ceux qui se présent aient à la tonsure, quoique vraisemblablement plusieurs aient déjà aupa­ ravant reçu ce sacrement. Ibid., p. 390. Le 31 janvier, le cardinal de Sainte-Croix fit remar­ quer aux Pères du concile le classement adopté pour les avis des théologiens et demanda que tous fussent examinés en même temps. Ibid., p. 405-406. Cet examen commença le 8 février. Douze congrégations générales y furent consacrées jusqu'au 21 février. Λ l’unanimité, les Pères reconnurent et déclarèrent que les articles de la première catégorie, relatifs à la continuation, étaient hérétiques, condamnés et condamnables. Le général des mineurs conventuels, tout en partageant l’avis com­ mun, proposait toutefois de les supprimer, pour ne pas faire double emploi. Le premier, en effet, était déjà con­ damné dans le canon qui affirmait l’existence des sept sacrements, au nombre desquels la confirmation était nommée; le second, par la condamnation.de ceux qui soutenaient que tous les sacrements n’avaient pas été institués par Jésus-Christ, et le troisième, par l’aflirmation que tous les sacrements donnaient la grâce. Ibid., p. 443-444. Quelques-uns, au contraire, auraient voulu ajouter dans le second article que la confirmation avait été instituée a Deo, p. 432; a Christo, cum Spiritum promisit, ρ. 439; « Christo vel a discipulis, p. 443. Les avis des Pères, comme ceux des théologiens, furent par­ tagés au sujet de l’article de la deuxième classe, sur le ministre de la confirmation. La majorité demandait qu’on condamnât simpliciter la proposition : L’évèque n’est pas le seul ministre de la confirmation, condamnée déjà par le c. Manus, De consec., dist. V, par le concile d'Orléans (on ne dit pas lequel), et par le c. Unico, De sacra unctione, et qu’on enlevât les mots : quemvis sa­ cerdotem, afin de ne pas insinuer que quelque prêtre soit ministre de ce sacrement. Ibid., p. 448. Quelques théologiens avaient proposé de déclarer que l’évèque est le ministre ordinaire de la confirmation. Cette qualifi­ cation déplaît aux Pères qui demandent d'affirmer que l'évêque est seul ministre. L’évèque de Dosa prétendait même que saint Grégoire, en autorisant de simples prètres à donner la confirmation, illos presbyteros quoad illuni actum episcopos fecit. Ibid., p. 434. Celui de Castellamare voulait qu'on condamnât en outre la pro­ position quod episcopi gratia lucri reservaverint hoc sacramentum confirmationis. Ibid., p. 435. L'arche­ vêque de l.anciano soutenait que l'autorisation donnée par saint Grégoire non fuit permissio, sed dissimu­ latio propter scandalum. Ibid., p. 437. Celui d'Accia prétendait que l’évèque seul était ministre de la confir­ mation, de jure divino, et que le pape ne pouvait délé­ guer un simple prêtre. A son avis, saint Grégoire s'est trompé, et un prêtre, en conférant la confirmation, fait un acte nul. Ce Père se soumettait cependant au juge­ ment du concile. Celui de Badajoz pensait que saint Grégoire avait agi par tolérance, dans un cas particulier, et celui d'Albenga remarquait que confirmatio ex vi verbi pertinet ad superiorem. Ibid., p. 439. D’autres cependant reconnaissaient au pape le pouvoir de délé­ guer les simples prêtres. Ibid., p. 444, 445,447. La mi­ norité demandait des explications ou la formule -.ordi­ narius minister, employee par le concile de Florence. L'évêque de Feltre disait formellement : Episcopus non est ex institutione divina solus minister; autrement, la délégation aux prêtres ne serait pas possible. Ibid., p. 430. L’évèque d’Agde proposait cette variante : Con­ firmatio a Christo instituta, cujus est minister episco­ pus. Ibid., p. 436. L’évêque de Milet dit que les prêtres de Péra confirmaient les enfants ex auctoritate Mar­ tini I. Ibid., p. 441. Le procureur de l’évèque de Trêves voulait qu’on interdit de confirmer les tout petits en­ fants. L’évèque de Corcyre reprochait aux Grecs de son diocèse de ne pas user de lu confirmation. Ibid., p. 443. 1092 Les deux additions, relatives au chrême, furent lais­ sées de côté, au sentiment de la majorité, ibid., p. 448, malgré l'avis contraire de l’évêque de Porto, qui de­ mandait en outre la condamnation de cette proposition : quod chrisma non sil in Ecclesia, condamnée par le III" concile de Carthage, can. I el 2, et par le Ier con­ cile de Tolède. Ibid., p. 434. L’évèque de Castellamare demandait aussi la condamnation des deux propositions ajoutées, parce que la première range parmi les néga­ teurs du Christ tous les évêques qui. en confirmant, nomment le chrême oleum salutis, et parce que, pour la seconde, Voleum sanctum est mentionné. Exod., xxx, 22-33. Ibid., p. 435. On ne tint pas compte d’autres propositions de condamnation, telles que celle du car­ dinal de Sainte-Croix : confirmationem esse insignem contumeliam baptismi. Ibid., p. 425. Un projet de canons distincts fut distribué le 27 fé­ vrier. Pour la confirmation, il n’y avait que trois ca­ nons. Les deux premiers ont été adoptés dans leur te­ neur primitive. Le troisième a subi des modifications; il importe donc de reproduire le texte préparé : III. Si quis dixerit quemlibet sacerdotem esse ministrum con­ firmationis, anathema sit. Ibid., p. 458. La discussion eut lieu le lw mars. On ne proposa que deux amende­ ments sur le second canon. L’évèque de Sassari deman­ dait l'addition :■ sine baptismi injuria, et celui de Ba­ dajoz la substitution de confirmationis sacramento à confirmationis chrismati. Ibid., p. 459, 461. Beaucoup de Pères désiraient que le canon 3" fit mention expresse de l’évèque. Le cardinal de Jaen proposa celte formule: non esse episcopum ministrum, sed quemlibet sacer­ dotem, ibid., p. 459, qui rallia de nombreux suffrages. L’archevêque d'Armagh en suggérait une autre : epi­ scopum non esse proprium ministrum, adoptée aussi par l’évêque de Porto. Ibid., p. 459, 460. L’évèque de Fiésole demandait qu'on déclarât, sine prtejudicio sedis apnslolieie, que l’évèque est solus minister. Plusieurs réclamaient la formule du concile de Florence : Ordi­ narius minister est episcopus. L'archevêque de Lanciano remaniait le texte en ce sens : Si quis dixerit simpli­ cem sacerdotem eliam ministrum confirmationis et negaverit ad solum episcopum hoc munus perlinere, et l'évêque de Saluces en cette autre teneur : Si quis dixerit non modo episcopum, sed quemlibet sacerdo­ tem esse ministrum confirmationis. Ibid., p. 460. De celte discussion résulta cette conclusion qui répondait au vœu de la majorité : Tertius canon aptetur juxta decretum concilii Florentini. Ibid., p. 462. Le 2 mars, les prélats théologiens examinèrent les censures des Pères. Ils approuvèrent le texte des deux premiers ca­ nons, et ils fixèrent en ces termes l’adaptation désirée: episcopum esse ordinarium ministrum confirmatio­ nis, et non quemvis simplicem sacerdotem. Ibid., p. 463. Le 3 mars, le texte du décret fut approuvé par les Pères sans modification et publié en session solen­ nelle. Ibid., p. 464. 11. Texte et doctrine des canons. Can. 4. Si quis dixerit con­ firmationem baptizatorum otio­ sam cærimoniam eise. et non potius verum et proprium sa­ cramentum ; aut olim nihil aliud fuisse quam catechesim quamdam, qua adolescentiæ proximi fidei suie rationem co­ ram Ecclesia exponebant, ana­ thema sit. Can. 1. Si quelqu’un dit que la confirmation en ceux qui sont baptisés n'est qu'une cé­ rémonie vaine et non pas plu­ tôt un sacrement véritable e: proprement dit; ou qu’anlrefois elle n'était qu'une sorte de ca­ téchèse. dans laquelle ceux qu étaient sur le point d'entrer dans l'adolescence rendaient compte de leur foi en présence de l’Église, qu'il soit anathri. Le concile définissait ainsi explicitement l’existenc-. du sacrement de confirmation qu’il avait déjà aflinm dans le canon 1er des sacrements en général. II con­ damnait en même temps les protestants qui ne voyaient 4093 CONFIRMATION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES dans la confirmation qu’une vaine cérémonie et non un sacrement véritable el spécialement l'opinion de Mélanchthon eide Calvin, etc., qui tenaient l'ancienne pra­ tique de la confirmation par l'imposition des mains comme une sorte d’examen de la doctrine chrétienne et de profession publique de la foi pour les enfants qui parvenaient à l’âge de l’adolescence. Voir col. 1081,1087. Le saint concile a écarté toute definition particulière sur l'institution de ce sacrement; il lui a suffi d'avoir défini, dans le Ier canon De sacramentis in genere, que tous les sacrements de la nouvelle loi, donc la con­ firmation, un des sept, avaient été institués par NotreSeigneur Jésus-Christ. Il n’a pas ditquand et comment Jésus-Christ les a institués et il n’a adopté ni prohibé aucune des explications que les théologiens donnaient de cette institution divine. 1094 XI. CONFIRMATION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES. — I. Matière. II. Forme. III. Ministre. IV. Sujet. I. Matière. — 1° l.a matière éloignée du sacrement de confirmation est le saint chrême, composé d'huile d’olives et de baume, et bénit par l’évéque. Voir Chrême (Saint), t. n, col. 2395 sq. 1. Pour la validité du sacrement de confirmation, l’huile à employer dans la confection du saint chrême est l'huile d’olives, à l’exclusion de toute autre. Au temps de Notre-Seigneur. en effet, il n'y avait pas d’autre huile connue en Judée. Aussi, sur ce point, la tradition de l’Église est universelle et constante. Jamais les papes n’accordèrent de dispense à ce sujet, même pour les pays où il n’y a pas d'huile d’olives. Cf. Inno­ cent III, In Decretal., 1, I, tit. xv, De sacra unctione, c. I, Cum venisset, § 2; S. Thomas, Sum. theol., Ill*, Can. 2. Si quis dixerit inju­ Can. 2. Si quelqu'un dit que q. lxxii, a. 2; Salmanlicenses, Cursus theolog. moral., ries esse Spiritui Sancto eos ceux qui attribuent quelque tr. Ill, De confirmat., c. it, punct. i, n. 3sq., 6 in-fol., qui sacro confirmationis chris­ vertu au saint chrême de la Lyon, 1679, t. I, p. 85; Lacroix, Theologia moralis, mati virtutem aliquam tribuant, confirmation font injure au I. VI, part. I, tr. II, c. n, n. 375, 2 in-fol., Venise, 1720, anathema sit. Saint-Esprit. qu'il soit ana­ thème. t. n, p. 88; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. II, c. n. n. 162, 1. iv, p. 468. Cette condamnation atteint les protestants qui niaient 2. Le mélange du baume à l'huile d’olives est, suivant toute efficacité surnaturelle â fonction du saint chrême 1 l’opinion la plus probable, absolument nécessaire pour et déclaraient injurieuse au Saint-Esprit la vertu sanc­ la validité du sacrement de confirmation. Cf. In Decre­ tificatrice que les catholiques attribuent à ce rite sacra­ tal., 1. I, tit. xv, C.10, § 6, Quia vero; Eugène IV, mentel. Voir col. 1085. Elle ne contient aucune affirma- | Decretum pro instructione Armenorum, Denzinger, lion directasur la matière de la confirmation; elle ne Enchiridion, n. 392; S. Bonaventure, In IV Sent., décide pas si elle consiste dans l'onction; elle inclut dist. VII, a. 1, q. n; S. Thomas, Sum. theol., III1. seulement que l’onction fait partie du sacrement el q. lxxii, a. 2, ad 4“™; Suarez, De confirmation.. qu’elle a une efficacité spéciale qui lui vient du Saint- disp. XXXIII, sect, i, η. 7, 8, 10, Opera omnia, Esprit, puisque ce n’est pas faire injure à cet Esprit que 28 in-l”, Paris, 1856-1878, t. xx.p. 635; Salmanticenses. de la lui attribuer. Cursus theolog. moral., loc. cit., n. 7, t. I, p. 86; Bel­ Les effets du sacrement de la confirmation avaient été larmin, De confirmatione, c.vm, prop. 2«, Controvert., définis par le concile de Trente dans les canons 5-8, De 4 in-fol., Paris, 1613, t. Ht, coi. 319; Nepefny. Das sacramentis in genere, et spécialement la production Sacrament der Firmung, in-8°, Breslau, 1847, p. 27 sq. ; du caractère, signe spirituel et indélébile dans l’âme Heimbucher. Die heilige Firmung, in-8°. Augsbourg, du confirmé, duquel il résulte que la confirmation ne 1889, p. 61 sq. ; Pesch, Praelectiones, Fribourg-enpeut pas être réitérée. Cf. sess. XXIII, c. tv. Brisgau, t. vi, p. 210. A ce sujet cependant, aucune décision officielle de l’Église n’est intervenue. Néan­ Can. 3. Si quis dixerit sanctæ Can. 3. Si quelqu'un dit que moins, il est certain que l’adjonction du baume â confirmationis ordinarium mi­ l’évéque seul n'est pas le mi­ l'huile fait l’objet d'un précepte grave. La désobéissance nistrum non esse solum epi­ nistre ordinaire de lu sainte à cette loi, outre le péché mortel qu'elle entraînerait, scopum, sed quemvis simpli­ confirmation, mais tout simple rendrait douteuse la validité du sacrement, de sorte cem sacerdotem, anathema sit. prêtre, qu'il soit anathème. qu'il faudrait le réitérer, sous condition. Cf. S. Alphonse. Le but principal de celte définition est de condamner Theol. moralis, 1. VI, tr. II, c. il, n. 162, t. tv. p. 470; les protestants qui prétendaient que n’importe quel Pesch, Prælectiones, t. vi, p. 211; Lehmkuhl, Theol.prêtre était le ministre de la confirmation. Le concile gia moralis, part. 11,1.1, tr. III, c. I, § 2, n. 93. 2 in-8». déclare, en oulre.de foi catholique que l’évéque seul est ’ Fribourg-en-Brisgau, 1902. t. n, p. 68. Mais en cas de le ministre ordinaire du sacrement. Celte formule, si danger de mort, s'il y avait impossibilité de se procu­ soigneusement élaborée, n’écarte donc pas le pouvoir rer du saint chrême, on pourrait, sous condition, con­ extraordinaire des simples prêtres. Mais elle ne définit férer le sacrement de confirmation avec de l'huile pas l’origine et la nature de ce pouvoir, pas plus que seulement. Les grandes grâces, attachées à la réception celles du pouvoir ordinaire des évêques. L’origine divine de ce sacrement, sont un motif suffisant pour que le du pouvoir des évêques fut étudiée plus tard dans les - ministre soit auloriséà le conférer ainsi sous condition, débats sur l’institution divine de l’épiscopat avant la 1 car sacramenta propter homines. Cf. Lacroix, Theo­ XX111» session. Cf. Pallavicini, Histoire du concile de logia moralis, 1. VI, part. I, tr. Ill, c. Il, n. 376, t u, Trente, 1. XVIII, c. xvt, n. 6, édit. Migne, Paris, 1844, | p. 88; S. Alphonse, I. VI, tr. I, c. il, n. 28, t. tv. p.318; I. n, col. 1373. La détermination de ces points de doc- | Palmieri, Opus theologicum morale in Buscnbaum trine est laissée aux soins des théologiens. Le concile, medullam, tr. X. De sacramentis, sect. m. De confir­ sess. XXIII, c. tv et can. (5, a affirmé de nouveau que matione, dub. i, 7 in-8··, Prato, 1894, t. iv, p. 583. les évéques avaient le pouvoir de confirmer. Par le mot baume les anciens entendaient une sub­ La doctrine générale du concile sur l’intention et la stance résineuse aromatique qui coule de certains arbres pureté de conscience des ministres des sacrements en de Judée, ou d'Arabie, et qui se durcit â l’air. Cf. Jogénéral, can. Il et 12, s’applique au ministre de la séphe, Anlig. jud., VIII, vi, 6; IX, l, 2; XIV. iv. I; confirmation comme à ceux des autres sacrements. Strabon, Geograph., XVI, u, 41 ; XVII, i, 15; Pline, Dist. nat., XII, liv, 1-8; Pona, Del vero balsamo degli Pour la bibliographie, voir celle de l'article Baptême d'après anlichi, Venise. 1623; Forskahl, Flora ægyptiacol.'.concile de Trente, t. n. col. 311-312. Voir, en outre, S. Al­ arabica, in-4“, Copenhague, 1775, p. 79; Annales des phonse de Liguori, Opus dogmaticum contra hærelicos pseudosciences naturelles, in-4», Paris. 1825, 1" s-rie, t. n, reformatores, disp. V, sess. VU, dans Opera dogmatica, trad, latino par A. Walter, home, 1903,1.1, p. bôS-553. p. 348; Schniziein, [conographia familiarum natura­ E. Mangenot. lium regni vegetabilis, 2 in-4», Berlin, 1843-1853. t. n. 1095 CONFIRMATION. QUESTION pl. 246; Guibourt, Histoire naturelle des drogues simples, 4 in-4», Paris, 1876, t. m, p. 505; Boissier, Flora orientalis, 5 in-8», Genève, 1884, t. n, p. 246; Dic­ tionnaire de la Bible, de M. Vigoureux, t. i, col. 15171518, 1519-1521. Pendant longtemps la coutume des églises fut de n’employer que le baume de Galaad, ou celui d’Engaddi, qui étaient considérés, l'un et l'autre, comme le baume par excellence. Cf. Bède, In Cant., c. il, P. L., t. xct, col. 1097 ; Mansi, Concil., t. tx, col. 839; t. xtv, col. 97, 829. Vu leur rareté, on leur substitua, plus tard, celui d’Egypte. Cf. Goar, Euchologium, sive rituale Græco­ rum, in-fol., Paris, 1647, p. 638 sq.; Schweinfurth, Beitrag zur Flora Æthiopiens, in-4», Berlin, 1867, p. 30 sq. Au XVI» siècle, après les découvertes des Espa­ gnols en Amérique, les papes Paul IV, Pie IV, Pie V, Grégoire XIII et Sixte V autorisèrent l'emploi du baume du Brésil et du Pérou. Cf. Magn. bullar. roman., t. n, p. 20, 669; t. xtx. 205; Pellicia, De chrislianæ Eeclesiæ primes, mediæ el novissimæ ætatis politia, Bassano, 1782, t. i, p. 43; Morin, De sacramento confirmationis, Paris, 1703, p. 35; Kraus, Beal-Encycl., t. i, p. 213. Depuis lors, l'opinion d’après laquelle peu importe, pour la validité du sacrement, le pays d’où provient le baume, prit chaque jour plus de consistance, et devint bientôt le sentiment unanime des théologiens. Cf. Be­ noit XIV, Const. Ex quo primum, du 1er mars 1756, S 52, Magn. bullar. roman., t. xix, p. 205. La quantité de baume requise n’est pas, non plus, déterminée, pourvu qu'il y en ait assez pour que l'arorne en soit sensible. 11 n'est pas davantage nécessaire que le mé­ lange du baume allecte l'ensemble de l’huile dans toutes ses parties. Cf. Bonacina, 7heolog. moralis, tr. I, disp. III, q. I, punct· lu, η. I, 3 in-fol., Venise, 1710, t. r, р. 47; Lacroix, Theolog. moralis, 1. VI, part. I, tr. Il, с. π, n. 377, t. Il, p. 88; S. Alphonse, Theolog. moral., I. VI, tr. II, c. n, n. 162, t. iv, p. 470; Palmieri, Opus théologie, morale, tr. X, sect, m, dub. i, t. iv, p. 581583. Voir t. il, col. 2ÎO5-24O6. 3. Le saint chrême doit être bénit par l’évéque. Les monuments, remontant à la plus haute antiquité chré­ tienne, témoignent que cette bénédiction, ou consécra­ tion, fut toujours considérée comme un droit exclusif des évêques. Cf. Constitutions apostoliques, vu, 42, P. G., t. 1, col. 1044; S. Innocent l’r, Epist., xx, c. m, P. L., t. xx, col. 554; Gratien, Decret., part. Ill, De consecratione, dist. IV, c. exix, Presbyteris ; Mansi, Concil., t. m, col. 693. 869, 1002; t. ix, col. 839; t. xiv, col. 829; t. xv, col. 871; Hardouin, Acta concil., 12 in-fol., Paris, 1715, t. 1, col. 952, 964, 989, 1783; t. n, col. 1049; t. ni, col. 352; Sacramentaire gélasien, I, 40, P. L., t. lxxiv, col. 1099; Sacramentaire grégo­ rien, Liber sacram., P. L., t. LX.xvm, col. 82, 1009; De­ cretal., 1. I, tit. xv, De sacra unctione, c. I, Cum ve­ nisset; Denzinger, Enchiridion, n. 60. Voir t. Il, col. 2406-2407. Plus probablement la nécessité de cette bénédiction est de necessitate sacramenti. Cf. S. Alphonse, Theolog. moralis, 1. VI, tr. II, c. n, n. 163, t. iv, p. 470 sq. Par suite, un simple prêtre ne pourrait être délégué valide­ ment, même par le pape, pour accomplir cette bénédic­ tion. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III», q. LXXll, a. 3, ad2um; Salman licenses, Cursus theolog. moralis, tr. Ill, c. Il, n. 18, t. I, p. 87; Suarez, De confirmatione, disp. XXXIII, sect, n, n. 14, Opera omnia, t. xx. p. 645; Layman, Theologia moralis, 1. V, tr. Ill, c. H, n. 3, t. n, p. 223. En fait, quand le souverain pontife donne à un simple prêtre le pouvoir de confirmer, c'est tou­ jours à la condition expresse que le saint chrême soit bénit par un évêque. Cf. Benoit XIV, De synodo diœcesana, I. VU, c. ix, t. i, p. 179 sq.; Palmieri, Opus théologie, morale, tr. X, sect, m, dub. i, n. 6-9, t. iv, p. 583-585; Lehmkulil, Theologia mordis, part. II, 1. I, MORALES ET PRATIQUES 1096 tr. III, c. I, § 2. n. 93, 3-4, t. n, p. 68 sq. ; Denzinger, Enchiridion, n. 1494, 1495. La nécessité de cette bénédiction par l’évêque est, du moins, certainement de necessitate præcepli. Cf. Be­ noit XIV, De synodo diœcesana, 1. XII, c. vm, n. 4, 2 in-4», Venise, 1775. t. I, p. 177; S. Alphonse, loc. cit., t. iv. p. 471. Dans l'hypothèse qu’elle serait seulement l’elfet d'un précepte, le pape, de plenitudine pote­ statis, pourrait en dispenser dans certains cas, et délé­ guer validement un simple prêtre pour y procéder. Cf. Scot, In IV Sent., dist. VII, q. i; Lacroix, Theolog. moralis, 1. VI, part. I, tr. II, c. il, n. 378, t. Il, p. 88; Bonacina, Theologia moralis, tr. I, disp. VII, q. 1, p. n, n. 3, t. I, p. 218. Benoit XIV cite plusieurs exemples de délégations de ce genre, mais sans garan­ tir pourtant l'authenticité des faits. De synodo diœce­ sana, 1. VII, c. vm, n. 1 sq., t. i. p. 177; Mabillon, Musæuni italicum, 2 in-4», Paris, 1724, t. I, p. 73; S. Alphonse, loc. cil., n. 163. t. IV, p. 470; Aligne, Cur­ sus theologiæ, t. xxi, col. 873; Lehmkuhl, Theolog. moralis, 1. 1, tr. HI, c. i, S 2, n. 93, t. n, p. 68 sq. En pratique, puisqu'il s’agit de la validité du sacre­ ment. on doit s’en tenir à la première opinion, comme étantla plus sûre. Cf. Benoit XIV, De synodo diœcesana, loc. cit., n. 2, t. I, p. 177; S. Alphonse, loc. cit., n. 163, dub. n, t. iv, p. 472. Un précepte très ancien fait â l’évêque une obligation grave de n’administrer le sacrement de confirmation qu’avec du saint chrême de l'année. Ct. Gralien, De­ cretum, part. Ill, De consecratione, disp. Ill, c. xvm, Litteris. Dans son épitre aux évêques d'Orient (fausse décrétale) à laquelle est empruntée ce passage du Dé­ cret, le pape saint Fabien dit que cette tradition remonte aux apôtres : Ista a sanctis apostolis et successoribus eorum accepimus, el vobis tenenda mandamus. Gra­ tien, Decret., loc. cil., in fine. Le canon 122, Si quis de alio, pari. III, De consecratione, dist. IV, stipule que le précepte oblige sub gravi. Cf. Mansi, Concil., t. in, col. 1002; t. vi, col. -453; t. xiv, col. 830; t. xv, col. 869; t. xx, col. 36; Sacramentaire gélasien, I, 40, P. L., t. lxxiv, col. 1079; Ordo romanus X, P. L., t. lxxviii, col. 1009; Zacharie, Epist., xm, P. L., t. i.xxix, col. 951 ; t. exxx, col. 155; Suarez, De confir­ matione, disp. XXXVIII, sect. Il, n. 3, Opera, t. xx, p. 699. Ce serait donc un péché mortel pour un évêque de confirmer autrement qu’avec du chrême de l’année. Voilà pourquoi l’Église prescrit de le renouveler, chaque année, le jeudi-saint, en ordonnant de brûler ce qui reste de l'année précédente. La confirmation serait néanmoins valide, si l’évéque se servait du chrême ancien. Quelques semaines de plus, en ellet, ou même quelques mois, ne peuvent l’altérer au point de changer son essence. La matière demeurant substan­ tiellement la même, la validité du sacrement serait évi­ demment assurée. Le décret du concile de Florence, Pro instructione Armenorum, exposant que la malière du sacrement de confirmation est le saint chrême bénit par l’évéque, ne spécifie nulle part qu’il doit être re­ nouvelé chaque année ad valorem sacramenti. Cf. Salmanlicenses, Cursus theologiæ. moralis, tr. III, c. Il, p. i,n.21, t. I, p. 87; Bonacina, Theolog. moralis, tr .1, disp. III, q. I, punct. m, n. 3, t. 1, p. 47; Benoit XIV. De synododiœcesana, 1. VIH, c. vm, n. 2, 1.1, p. 177sq.; Ferraris, Prompta bibliotheca canonica, moralis, theo­ logica, 10 in-4», Venise, 1782, v» Confirmatio, a. 1, n. 5II, t. n, p. 444; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. II, c. n, n. 163. t. iv, p. 472; Palmieri, Opus théo­ logie. morale, tr. X, sect, m, dub. i, n. 9, t. iv, p. 585. 2» La matière prochaine de la confirmation est Fonction même du saint chrême faite en signe de croix, par le ministre du sacrement, sur le front de celui qu'il confirme. L'imposition des mains requise par l’Écri­ 4097 CONFIRMATION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES ture et )a tradition n’est autre que celle qui a lieu pour l’onction chrismale. Décret d'innocent III. inséré dans le Corpus juris canonici, Decretal., I. I. tit. xv, De sa­ cra unctione, c. I, Cum venisset, § 7, et où il est dit : Per frontis chrismationem, manus impositio designa­ tur. Cf. Catéchisme romain, De sacramento conf.,§7; Benoît XIV, Const. Ex quo primum, du l«r mars 1756, S 51, 52, Magn. bullar. rom., t. xix, p. 205; S. Thomas, Sum. theol., III", q. lxxii, a. 2; In Hcb., c. vi, lect. i; S. Bonaventure, In IV Sent., dist. Vil, a. 1, q. li;Scot, In IV Sent., dist. IV, q. i; Bellarmin, De confirma­ tione, c. n, tx, Conlrov., t. ni, col. 503 sq., 323-327; Suarez, De confirmatione, disp. XXIII,sect. IV, n. l-9, Opera omnia, t. xx, p. 648-652; Layman, Theologia moralis, I. V, tr. Ill, c. It, n. 5, t. n, p. 223; Salmanticenses,Cursus lheologiæ moralis, tr. 1II, c. n, punct. n, n.,22 sq.. t. I, p. 87 sq.; S. Alphonse, Theologia mo­ ralis, L VI. tr. Il, c. n, dub. ι, η. 164, t. iv, p. 473486. 1. Il est de l’essence du sacrement que l’onction chris­ male, constituant la matière totale et adéquate du sa­ crement de la confirmation, soit faite sur le front, sui­ vant la déclaration d’Innocent III, Decretal., 1. I, tit. xv, c. 1, § 7, Per frontis. Cf. Eugène IV, Decretum pro in­ structione Armenorum ; Suarez, De confirmatione, disp. XXXIll, sect. m. n. 2, t. xx, p. 647; Bellarmin, De confirmatione, c. vm, prop. 4*, Controvert., t. m, col. 332; Salmanlicenses, Cursus lheologiæ moralis, tr. III. c. n, punct. n. n. 24, t. i, p. 87; Bonacina, Theol. moral., tr. I, disp. III, p. m, n. 5, 1.1, p. 47; Ferraris, v» Confirmatio, a. 1. n. 11-16, t. il, p. 445. 2. L’onction doit être faite en forme de croix. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ill", q. i.xxii, a. 4, ad 3“m; Salmanlicenses, Cursus lheologiæ moralis, tr. Ill, c. Il, p. n, n. 25, t. i, p. 88; S. Alphonse, 1. VI, tr. II, c. n, n. 164, t. iv, p. 486; Palmieri, Opus théologie, morale, tr. X, sect, m, dub. I, η. 11, t. iv, p. 587; Lehmkuhl, Theolog. moralis, part. II, L I, tr. 111. c. i, §2, n. 93, ad 2“ra, t. n, p. 69. 3. L’onction doit être faite par contact immédiat de la main de l’évêque qui conürme sur le front de celui qui est confirmé, sans le concours d'aucun instrument intermédiaire, comme pinceau, linge, éponge,etc. L’em­ ploi d’un instrument quelconque serait cause que l'impositio manus episcopalis, qui est essentielle, ne serait pas assez réalisée, et le sacrement serait probablement invalide. On ne pourrait objecter que l’extrême-onction est validement conférée par l’emploi d’un moyen de ce genre, car, dans l’administration de ce sacrement, l’im­ position des mains n’est pas exigée au même titre que pour la confirmation. Cf. Suarez, De confirmatione, disp. XXXIll,sect. m, η. 3, Opera omnia, t. xx, p. 648; Salmanlicenses, loc. cit.; Layman, Theologia moralis, 1. V, tr. Ill, c. II, n. 5, t. n, p. 223; S. Alphonse, Theo­ logia moralis, 1. VI, tr. II, c. n, n. 166, t. IV, p. 487; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. II, 1. I, tr. III.c.I, § 2, n. 93, ad 2""1, n. 3, t. II, p. 69; Décrets du SaintOilice, 7 septembre 1880 et 21 janvier 1885. 4. Il y a obligation, ex necessitate præcepli, que l’onction soit faite avec le pouce de la main droite. La confirmation serait cependant valide, si l’évêque se ser­ vait de la main gauche, car il y aurait, même dans ce cas. impositio manus episcopalis ; mais le prélat pé­ cherait gravement, en agissant ainsi contrairement à la pratique universelle de l’Église. La faule ne serait pro­ bablement que vénielle s’il employait un doigt de la main droite, autre que le pouce. Cf. Suarez, De confir­ matione, disp. XXXIll, sect, m, n. 3, Opera, t. xx, p. 647; Layman, Theologia moralis, I. VI, tr. Ill, c. Il, n. 5, t. n, p. 223. 5. Quant à la quantité de saint chrême requise, cellelà seulement est nécessaire qui suffit pour oindre le front du confirmé, en forme de croix. Cf. Suarez, De 1098 confirmatione, disp. XXXIll, sect, ill, η. 2, Opera omnia, t. xx, p. 647; Salmanlicenses, Cursus theolog. moralis, tr. Ill, c. n, punct. Π, n. 29,1.1, p. 88; Bonacina, Theologia moralis, tr. I. disp. III, q. i, punct. m, n. 6, t. i, p. 47 ; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X, sect, m, dub. i, η, 10-12, t. iv, p. 586 sq. II. Forme. — 1° Chez les Latins. — Elle est constituée par les paroles suivantes : Signo te signo crucis, et con­ firmo te chrismate salutis, in nomine Patris et t'ilu et Spiritus Sancti. Cf. Décret d’Eugène IV, Pro in­ structione Armenorum ; Catéchisme romain, part. IL De confirmatione, n. 9; S. Thomas, Sum. theol., III·, q. i.xxii, a. 4; Bellarmin, De confirmatione, c. x, Conlrov., t. ni, col. 328; Suarez, De confirmatione, disp. XXXIll, sect, v, n. 1-3, t. xx, p. 653; Salmanticenses. Cursus lheologiæ moralis, tr. III,c. H, punct. m, n. 30, t. i, p. 88; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. 11, c. n, n. 167, t. iv, p. 488-493. Les parties essentielles de la forme sont : 1» le mot confirmo la mention de la sainte Trinité; 3° le pro­ nom te qui désigne le sujet de la confirmation; 4" les mots sijrno te signo crucis, et chrismate salutis. Si quelques-unes de ces expressions, ou quelquesuns deces mots, étaient remplacés par des synonymes, la mutation ne serait pas substantielle, et le sacrement serait valide. La mutation serait simplement acciden­ telle, par exemple, si, au lieu de confirmo, l’évêque disait corroboro; et s’il substituait à salutis le mot sanctificationis. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III", q. i.xxii, a. 4, ad 1"”, 3unl; Suarez, De confirmatione, disp. XXXIll, sect, v, n. 4-8, Opera omnia, t. xx, p.653655; Salmanlicenses, Cursus lheologiæ moralis,ir. III, c. n, punct. m, n.33-44,1.1, p. 88 sq. ; Layman, Theologia moralis, I. V, tr. Ill, c. in, n. 3, t. ii, p. 224; Ferraris, Prompta bibliotheca, v“ Confirmatio, a. 1. n. 11-26, t. II, p. 445; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI. tr. 11. c. ii, n. 168, t. iv, p. 493; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. Il, 1. I, tr. Ill, c. 1, § 2, n. 95, t. n, p. 70. 2“ Chez les Grecs. — Elle est renfermée dans l'ex­ pression Signaculum doni Spiritus Sancti. Cf. can. 7 du II’ concile œcuménique de Constantinople; Hardouin, Acta conciliorum, t. i, p. 811. De l’avis général des théologiens, celte forme est va­ lide, et équivaut à celle des Latins. Le sens en est : Hoc signo donantur munera Spiritus Sancti, comme l’expose le cardinal Bessarion. commi niant le canon ~r du IIe concile œcuménique de Constantinople. Cf. Bessarion, Opuscul. de eucharistia, dans la Bibliotheca Patrum, t. XXVI, p. 795; Goar, Euchologium, sire ri­ tuale Græcorum, n. 301 ; Benoit XIV, Const. Ex q.io primum, du Ier mars 1756, § 54-59, Magn. bullar. r m., t. xix, p. 205-207; Lacroix, Theologia moralis, I. VI, part. I, tr. II, c. il, n. 383, t. il, p. 88; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI. tr. Il, c. Il, n. 169, t. iv. р. 493 sq.; Palmieri, Opus theologicum morale,tr. X, sect, ni, dub. I, n. 14, t. iv, p. 587; Lehmkuhl, Theo­ logia moralis, part. II, 1. 1, tr. 111, c. l, § 2. n. 95. t. II, p. 70. III. Ministre. — 1’ Ministre ordinaire. — Si ul l’évêque est ministre ordinaire de la confirmation. Cf. Innocent III, Decretal., 1. I, lit. xv, De sacra undone. с. 1, § 7. Per frontis; concile de Trente, sess. VU. De confirmatione, can. 3; Suarez, De confirr at< ne, disp. XXXVI, sect, i, n. 1-10; sect. in. η. 1-11, Opera. t. xx, p. 675-679, 686-690; IJardouin, Acta conciliorum. t. v, col. 1114; t. vu, col. 364; Ferraris, Prompta bi­ bliotheca,a. 2, η. 1-4, t. n, p. 446. 1. Fût-il hérétique ou excommunié, tout évêque peut conférer validement le sacrement de confirmation, même à des sujets qui ne seraient pas ses diocésains, car, en le faisant, il agit en vertu de la puissance d’ordre. Mais il ne peut le faire licitement que dans son propre 1099 CONFIRMATION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES Tl 00 diocèse. Il pécherait gravement en confirmant ses dio­ Mais puisque l’évêque est ministre ordinaire de la césains en dehors des limites du diocèse dont il est le confirmation, pourquoi ne pourrait-il pas lui-même dé­ titulaire ; car ce serait un acte de juridiction fort exlemi léguer i.n prêtre, comme cela se pratique d’ailleurs dans que le droit canon lui interdit, sous peine de suspense, l’Eglise grecque suivant une très ancienne coutume, de d’exercer ailleurs, sans l’autorisation de l’ordinaire du beaucoup antérieure au schisme de Photius? Cf. J.-S. lieu. Cf. concile de Trente, sess. VI, c. v; SalmanliAssémani. De sacramento confirmationis a presbyteris censes, Cursus theologiæ moralis, tr. III, De confir­ græcis cæterisque orientalibus administrato, in-fol.. matione, c. tv, p. i, n. 26, I. i. p. 94; Ferraris, Prompta Rome 1725; Benoit XIV, De synodo diœcesana, I. VU. bibliotheca, v» Confirmatio, a. 2, n. 7-10, t. n, p. 446. c. ιχ η. I sq.. t. ι. p. 179 sq. ; Lehmkuhl, Theologia 11 peut néanmoins confirmer licitement dans son diocèse moralis, part. II. 1. I. tr. 111, c. Il, n. 96, note, t. n, les sujets étrangers, en supposant le consentement tacite | p. 70. Benoit XIV répond que. dans l'Église latine, un des autres.évêques, auxquels il rend ainsi service plutôt évéque ne peut déléguer un simple prêtre pour admi­ qu’il n'usurpe leurs droits. Telle est d’ailleurs la coutume nistrer le sacrement de confirmation, parce que, de temps universellement reçue. Cf. Salmanticenses, loc. cil., immémorial, celte délégation, en Occident, est réservée n. 25, t. t, p. 94; Lacroix, Theologia moralis, 1. VI, au saint-siège. De synodo diœcesana, L VII, c. vm, n. 7. part. I, tr. II. c. n, n. 392, t. n. p. 89; Layman, Theologia t. i. p. 179. Cette réserve existait bien avant le ix« siècle, moralis, 1. V, tr. Ill, c. νι, n. 2, t. n. p. 226; S. Alphonse, comme en fait foi la lettre i.xx· du pape Nicolas b" à Theologia moralis, I. VI, tr. Il, c. Π, η. 173, t. IV, Hincmar, archevêque de Reims. Cf. Hardouin, Acta concilior., t. v, p. 309; Lehmkuhl, Theologia moralis, p. 497. 2. Sauf inconvénient ou empêchement grave, l’évêque part. II, I. I, tr. III, c. Il, n. 97, 98, t. II, p. 71 sq. Les est obligé de confirmer ceux de ses diocésains qui le lui prêtres grecs qui habitent dans les pays de rit latin, demandent raisonnablement, et présentent les disposi­ comme par exemple, ceux qui, chassés de leur patrie par les Turcs, sont venus avec leurs paroissiens se fixer tions convenables. 11 doit même prévenir, autant que en Italie el dans les îles adjacentes, sont compris éga­ possible, ces demandes, et fournir à ses diocésains la facilité de recevoir le sacrement de confirmation, par lement dans cette réserve. La confirmation, conférée par la visite fréquente de son diocèse, et en se rendant au eux, serait certainement invalide. Cf. Benoit XIV, const. moins dans les centres les plus importants, ou les habi­ Etsi pastoralis du 26 mai 1742, § 3. n. 1-4, Magn. bullar. roman., t. xvi, p. 96; De synodo diœcesana, tants des paroisses voisines ont la commodité de se réu­ nir. Sans cela, il serait coupable, pour la privation qu’il 1. VII, c. IX, n. 4-6, t. I, p. 181 sq. IV. Sujet. — Le sujet du sacrement de confirmation imposerait à ses diocésains des immenses avantages spi­ rituels attachés à la réception du sacrement de confir­ est tout homme baptisé, et non encore confirmé, même mation. Une interruption, pendant plusieurs années, n’eûl-il pas encore l’usage de la raison. La confirmation, des visites pastorales, causerait, de ce chef, une faute en effet, complète la vie spirituelle reçue par le baptême, mortelle. Cf. Salmanticenses, Cursus theologiæ mora­ et, pour ce motif, a été instituée pour tous. Cf. Suarez. lis, tr. Ill, De confirmatione, c. iv, punct. 1, n. 3. t. i, De confirmatione, disp. XXXV, sect, t, n. 1, Opera р. 94; Lacroix, Theologia moralis, L VI, part. 1, tr. II, omnia, t. xx, p. 668; Ferraris. Prompta bibliotheca, с. n, n. 388, t. n, p. 89; S. Alphonse, Theologia mo­ v» Confirmatio, a. 2, η. 32-36, t. ιι, p. 448 sq. ralis, L VI, tr. il, c. n, n. 175, t. tv, p. 498. 1° Age. — Durant les premiers siècles de l’ére chré­ Un évêque est-il obligé, sub gravi, de se rendre au­ tienne, c’était l’évéque qui baptisait, et les simples près des moribonds pour les confirmer, s’ils ne le sont prêtres ne le faisaient qu'avec une autorisation spéciale pas? Comme le sacrement «le confirmation n’est pas de leur évêque. Aussi la coutume était de conférer le indispensable au saint, un motif raisonnable suffit pour sacrement de confirmation, aussitôt après le baptême. affranchir l’évéque de cette obligation. L’évêque étant Voir t. n, col. 216-217. Cf. Benoit XIV, De synodo diœ­ seul dans son diocèse, et chargé d’une foule d’affaires, cesana, I. VII, c. x, n. 3, t. i, p. 183. Plus tard, le ne peut d’ordinaire s'adonner, en outre, à la visite des nombre des chrétiens augmentant considérablement, malades. Cependant, quand il le peut, c’est évidemment l’usage s’introduisit de présenter au baptême les enfants de sa part un acte de charité que beaucoup de saints aussitôt après leur naissance. Les évêques, ne pouvant évêques ont considéré comme un devoir de leur état. plus alors baptiser par eux-mêmes tous ceux qui deve­ Cf. Salmanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. III, naient membres de l’Église, donnèrent, d’une façon Decon/irmalione,c. ni, punct. n, n. 25, t. i.p. 91; Lacroix, générale, cette autorisation aux prêtres. C'est à partir de cette époque que, dans l’Église latine, on sépara l’ad­ Theologia moralis, 1. VI, part. I, tr. Il, c. n, n. 390, ministration de la confirmation de celle du baptême H t. il, p. 89; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. 11, n’en fut pas de même dans l’Eglise grecque, et c’est c. n, n. 175, t. iv, p. 498; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X,sect. m,dub. ll,n. 15-19, t. iv, p. 588 sq.; pour cela que les prêtres grecs reçurént, en vertu d’une Lehmkuhl, Theologia moralis, part. Il, 1.1, tr. Ill, c. il, coutume générale chez eux, et approuvée par le consen­ tement tacite du souverain pontife, le pouvoir de confir­ n. 100, t. n, p. 73. mer. Cf. Benoit XIV, De synodo diœcesana, L VII, c. ix. 2“ Ministre extraordinaire. — Par une délégation n. 1-6, t. i, p. 179-182; Lupus, Synodorum generalium spéciale, le souverain pontife peut conférer à un simple prêtre le pouvoir d’administrer le sacrement de confir­ ac provincialium decreta et canones, scholiis el nolis illustrati, 7 in-fol., Venise, 1724-1726, in nolis ad ca­ mation; mais ce prêtre doit se servir du saint chrême bénit par un évêque, suivant ce qui a été exposé plus nones octavæ synodi, c. v, t. n, p. 1424; Hardouin. Acta concilior., t. ix, coi. 430. 641 ; Goar, Euchologium, haut, col. 1095. Cf. Benoit XIV, Const. Eo quamvis tem­ sive rituale Græcorum, p. 367. pore, du 4 mai 4745, §8, Magn. bullar. roman., t. xvi, Dans l’Église latine, de bonne heure, la pratique uni­ p. 293; De synodo diœcesana, 1. VII, c. vu, n. 6-7, t. i, verselle, si l’on excepte l’Espagne, fut de ne confirmer p. 176; S. Thomas, Sum. theol., 111«, q. i.xxii, a. 12; in IV Sent., dist. VII, q. m; Bellarmin, De confirma­ les enfants que lorsqu’ils avaient atteint l’âge de raison, à moins qu’ils ne fussent en danger de mort; ou que tione, c. xn, t. m, col. 331 sq.; Suarez, De confirma­ le sacrement, vu les circonstances, ne dût leur être tione, disp. XXXVI, sect, π, η. 1 -16, t. xx, p. 679-686; longtemps différé, comme il arrive dans les pays qu: Lacroix, Theologia moralis, L VI, part. I, tr. IL c. n, voient rarement un évéque, soit à cause de l’étendue n. 386, t. n, p. 89; Ferraris, Prompta bibliotheca, des distances et de la difficulté des communicationv» Confirmatio, a. 2, η. 4-7, t. n, p. 446. Cette délégagation apostolique est ordinairement accordée aux mis- ' soit à cause de la maladie ou de l’âge avancé du prélat Cf. Pontificale romanum, tit. De confirmatione; sionnaires dans les pays de mission. -1101 CONFIRMATION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES S. Thomas, Sum. theol., IIIa, q. i.xxm, a. 8, ad 4“m; Suarez, De confirmatione, disp. XXXV, sect, n, Opera, t. xx, p. 669 sq.; Layman. Theologia moralis, 1. V, tr. Ill, c. v, η. 2. t. n, p. 225; Benoît XIV, De synodo diœeesana, 1. VII, c. x, n. 8, t. 1, p. 184. Ce ne sont là. que des exceptions. Loin d'infirmer, elles laissent pleinement subsister la règle générale de ne conférer le sacrement de confirmation aux enfants que lorsqu’ils ont atteint l’àge de raison. Coopérant alors par un acte positif à la grâce, ils reçoivent plus de fruits d’un sacrement qui ne peut être réitéré, puisqu’il imprime un caractère ineffaçable. Cette règle a été ainsi formulée par le catéchisme du concile de Trente : Illud observandum est omnibus quidem, post baptis­ mum, confirmationis sacramentum posse admini­ strari ; sed minus tamen expedire hoc lieri, antequam pueri rationis usum habuerint. Quare, si duodecimus annus non expectandus videatur, neque ad septimum certe hoc sacramentum differri maxime convenit. Part. II, De confirmatione, n. 15. Tous les conciles provinciaux tenus vers celte époque promulguent celte discipline : Minori septennio con­ firmationis sacramentum nemini præbeatur. Ainsi s’exprime le I«r concile provincial de Milan (1565), présidé par saint Charles Borromée. Acta ecclesiæ Mediola­ nensis asanelo Carolo cardinali archiepiscopo condita, 2 in-fol., Padoue, 1754, t. i, p. 7. Une foule d’autres conciles parlent de même. Cf. concile de Cologne, en 1536, part. VII, c. ix, Hardouin, Acta conciliorum, t. ιχ, col. 2001; concile de Tours, en 1583, c. vu. Har­ douin, t. x, col. 1043; concile de Cambrai, en 1586, tit. vu, c. n, Hardouin, t. ix, col. 2160; concile de Toulouse, en 1590, part. IL c. ni, n. 4, Hardouin, t. x, col. 1799. Voir col. 1075-1076. Ce point de discipline ecclésiastique et les motifs qui ont contribué à le préciser sont nettement exposés par Benoit XIV, dans sa constitution Eo quamvis tempore, du 4 mai 1745, § 6 : Abrogato prorsus a romana Ec­ clesia, aliorum ecclesiarum matre et magistra, hujus­ modi more (de la collation simultanée du baptême et de la confirmation), consultissimis summorum ponti­ ficum decretis provide cautum est, ut renatis fonte baptismatis conferretur sacramentum confirmationis in ea solum ætate,in qua fideles, evacuatis quæ erant parvuli, intelligerent tantum inter se differre baptis­ mum et confirmationem, quantum in naturali vita distat generatio ab incremento ; seque per baptismum fuisse quidem ad militiam receptos, per confirmatio­ nem vero, ad pugnam roboratos, et ad perferendos agones per gratiam instructos. Magn. bullar. roman., t. xvt, p. 293. Ainsi l’àge fixé par l’Église pour la réception du sa­ crement de confirmation est â partir de sept ans. Ce n’est pas nécessaire d’attendre que l’enfant ait fait la premiere communion, ou soit prés de la faire; mais il doit être parvenu à l’àge de discrétion. En France, l’usage s’est établi après la restauration du culte, au commencement du xix· siècle, de ne conférer la confir­ mation aux enfants qu’après leur première communion solennelle. Il en résulte que, l'évêque ne visitant tout son diocèse que chaque quatre ou cinq ans, des en­ fants, surtout dans les paroisses de campagne, ont 14ou 15 ans, lorsqu’ils sont confirmés. A Paris, la confirma­ tion est administrée le jour même de la première com­ munion. Depuis quelques années, les évêques de Mar­ seille et de Soissons ont fixé l’àge de la confirmation avant la première communion solennelle. Le souverain pontife les a loués de cette décision. Voir L. Durand, De la confirmation et de l'âge auquel il convient d'y admettre, dans les Études, 1891, t. i.m, p. 421-452. Quant aux malheureux qui n’auront jamais l’usage de la raison ou qui ne l’ont eu qu’à de rares intervalles, on peut licitement leur administrer le sacrement de 1102 confirmation, quoique, per accidens, ils n’aient jamais à combattre dans l’ordre spirituel. Cf. Suarez, De con­ firmatione, disp. XXXV, sect. Il, n. 5, Opera omnia, t. xx, p. 670; Salmanticences. Cursus theologiæ mora­ lis, tr. III, c. Ht, punct. n. n. 23, I. i, p. 91; Lacroix, Theologia moralis, I. VI, part. I, c. n, dub. π, η. 391, t. n, p. 89; Layman. Theologia moralis, I. V, tr. III. c. v, η. 3, t. π, p. 225; Ferraris, Prompta bibliotheca, v» Confirmatio,a. 2. n. 36-39. t. n, p. 449; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. II, c. u, dub. n, n. 180, t. iv, p. 501. 2» Obligation. — I. V a-t-il obligation grave de rece­ voir le sacrement de confirmation? Ce sacrement n’étant pas nécessaire de nécessité de salut, puisque le bap­ tême suffit pour remettre tous les péchés et donner la vie spirituelle: en outre, comme il ne consle pas d’un précepte divin ou ecclésiastique, obligeant sub gravi, la plupart des auteurs enseignent que la négligence à recevoir le sacrement de confirmation, ou même un refus formel, n’enlraine pas, de soi, une faute mortelle, mais vénielle seulement. Il en serait tout autrement si cette négligence, ou ce refus, provenait d’un mépris affecté pour ce sacrement; ou s’il en résultait un scan­ dale; ou encore si le sujet était exposé au péril prochain de perdre la foi, vu les secours spirituels dont il se priverait ainsi, tandis qu’il en aurait un pressant be­ soin. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III», q. Lxxtl, a. 1. ad 3““; In IV Sent., dist. VII, q. r, a. 1, q. n ; Scot. In IV Sent., dist. XVII, q. I, η. Il; Suarez, De in­ firmatione, disp. XXXVIII. sect, t, n. 8. Opera omnia. t. xx, p. 698; Salmanticenses, Cursus theologiæ mora­ liser. III, c. IV,punct. rv, n.62,1.1, p. 97; Layman. Theo­ logia moralis, 1. V, tr. Ill, c. V, η. 4. t. il, p. 225; La­ croix, Theologia moralis, 1. VI, part. I, tr. II, c. II. n. 394, t. n, p. 89; Bonacina. Theologia moralis, tr. I. disp. III, q. i, punct. n, 1.1, p. 48 ; S. Alphonse, Theologia moralis, I. VL tr. II, c. n. dub. ni, n. 181-184, t. iv, p. 502-508; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X, sect, ni, dub. m, η. 25, t. iv, p. 592. 2. Y a-t-il, du moins, obligation grave de recevoir le sacrement de confirmation avant la tonsure? Plusieurs auteurs l’ont affirmé, en s'appuyant sur un texte du concile de Trente, sess. XX1I1, c. iv, où il est dit : Prima tonsura non initientur, qui sacramentum con­ firmationis non susceperint. Cf. S. C. du Concile. 27 septembre 1621. La plupart des auteurs cependant ne voient pas dans ce texte un précepte grave, mais plutôt une recommandation, dont la transgression n'en­ traîne qu’une faute vénielle, propter quamdam deordinalionem.Cf.Suarer., De confirma Hone,disp.XXXVHI, sect, i, n. 8, Opera omnia, t. xx, p. 698; Salmanti­ censes, Cursus theologiæ moralis, tr. Ill, c. iv, punct. iv, n. 63, t. I, p. 97; Layman, Theologia moralis, 1. V, tr. Ill, c. v, η. 4, t. n, p. 225; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. IL c. Il, dub. ni, n. 183, t. iv, р. 507 sq.; Palmieri, Opus theologicum morale, tr. X. sect, m, dub. m, η. 25-28, l. iv, p. 592 sq.; Lehnikulil, Theologia moralis, part. Il, 1. I. tr. III, c. Ill, n. 102104, t. n, p. 74-76; P. Gasparri, Tractatus canonicus de sacra ordinatione, Paris, 1893, t. 1, p. 304-305. 3° Dispositions. — 1. Pour la validité de la confirma­ tion, le sujet doit avoir reçu préalablement le baptême, et, en outre, s’il est adulte, avoir l’intention de recevoir la confirmation. 2. Pour la licéité, le sujet doit posséder l’état de grâce, car la confirmation est un sacrement dvivar.:-. Cf. Salmanticenses, Cursus theolog. moralis, tr. Ill. с. ni, punct. m, n. 28, t. I, p. 91; Ferraris, Prompta bibliotheca, v» Confirmatio, a. 2, η. 39-40, t. π, p. 449. 3. Le sujet doit connaître les éléments de la doctrine chrétienne, spécialement les vérités de nécessité de salut, et ce qui concerne les sacrements de pénitence et de confirmation. 1103 CONFIRMATION CONGRÉGATIONS ROMAINES 4. Le sujet n’est pas obligé d’être à jeun. Les lois ca­ noniques, qui. dans l’antiquité, prescrivaient cette con­ dition, Gratien, Decret., part. 111, De consecratione, dist. V, c. vi, Ut jejuni, sont depuis longtemps tombées en désuétude. L’usage s’est même introduit de conférer ce sacrement dans l’après-midi. Cf. Suarez, De confir­ matione, disp. XXXVII, sect, n, n. 4, Opera omnia, t. xx, p. 694; Salmanticenses, Cursus theologiæ mora­ lis, tr. Ill, c. iv, n. 33 sq., t. I, p. 94; Lacroix, Theolo­ gia moralis, 1. VI, part. I, c. H, n. 389, t. n, p. 89; Ferraris, Prompta bibliotheca, v® Confirmatio, a. 2, η. 41, t. ii, p. 449; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, lr. II, c. n, n. 184, p. 509. 5. Autant que possible, le sacrement de confirmation doit être administré dans une église, ou dans une chapelle. Cependant, s’il y avait des motifs, on pourrait, sans péché, le conférer dans tout autre endroit conve­ nable. Cf. Suarez, De confirmatione, disp. XXXVII, sect, n, n. 2, Opera omnia, t. xx, p. 693; Salmanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. 111, c. iv, punct. i, n. 32, t. i, p. 94; Lacroix, Theologia moralis, 1. VI, part. I, c. n, n. 289, t. n, p. 89; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. II, c. n, dub. m, n. 184. not. 3, t. iv, р. 509. Bellarmin, De confirmatione, 1. II, c. vni-xill, Controvers., 4 In-fol., Paris. 1613, t. in, col. 318-336; Suarez, De confirma­ tione, disp. XXXIIl-XXXIX, Opera omnia, 28 in-4·, Paris, 18561878, t. xx, p. 633-704; Salmanticenses, Cursus theologiæ mo­ ralis, tr. III, De confirmatione, c. i-iv, 6 in-fol., Lyon, 1679, t. i, p. 84-97; Goar, Euchologium, sive rituale Græcorum, in-fol., Paris, 1647, p. 301, 638 sq. ; Bonacina, Theologia mora­ lis, disp. Ill, De confirmatione, 3 in-fol., Venise, 1710, t. I, 45-48; Layman. Theologia moralis, 1. V, tr. III. c. ι-νιι, 2 in­ fol.. Venise, 1769, t. n, p. 221-226; Lacroix, Theologia muralis, 1. VI, part. I, tr. II, c. n,2 in-fol., Venise, 1720, t. n, p. 87-90; Benoit XIV, Const. Etsi pastoralis, du 26 mai 1742. §3, n. 1-4; Eo quamvis tempore, du 5 mai 1745, § 6-8; Ex quo primum, du 1·* mars 1756. § 49, 54-59, Magnum bullarium romanum, 19 in-fol., Rome, 1727-1758, t. xvi, p. 96. 293; t. XIX, p. 204,205, 207; De synodo diœcesana, 1. VII, c. vu-xi, 2 in-4·, Venise, 1775, t. I, p. 174-185; Ferraris, Prompta bibliotheca canonica, mo­ ralis, theologia, v Confirmatio, a. 1-3. 10 in-4·, Venise, 1782, t. n, p. 443-456; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. VI, tr. II, с. n, De confirmatione, dub. l-m, n. 161-188, 9 in-8·, Malines, 1829, t. iv, p. 467-512; Nepefny, Das Sacrament der Firmung, in-8·, Breslau, 1847, p. 27 sq. ; Mare, Institutiones alphonsianx, part. Ill, tr. Ill, De con fir mati une, c. ι-ιν, 2 in-8·, Lyon, 1888, t. π, p. 59-69; Denzinger, Enchiridion, n. 60, 392; Ileimbucher, Die heilige Firmung, in-8·, Augsbourg, 1889, p. 61 sq.; Ballerini, Compendium theologiæ moralis, tr. De confirmatione, c. 1-111,2 in-8·, Rome, 1893, t. il, p. 168-175; Palmieri, Opus theologicum morale in Busenbaum medullam, tr. X, sect, ni, De confirmatione, dub. l-m, n. 1-30, 7 in-8·, Prato, 1894, t. iv, p. 581-596; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. 11, 1. I, tr. III, De confirmatione, c. ι-m. n. 89-104. 2 in-8·, Fribourg-en-Bris­ gau, 1902, t. n, p. 66-77; F. X. J. Dolger, Das Sa brament der Firmung, Vienne, 1906, p. 108-112,119-130, 149-156, 179-222. T. Ortolan. 1. CONGRÉGATIONS RELIGIEUSES. Voir Ordres religieux. 2. CONGRÉGATIONS ROMAINES. - I. Anté­ cédents et origine de ces congrégations. II. Définition et apparition historique de ces congrégations en géné­ ral. III. Composition et organisation. IV. Division. V. Action et autorité générale. VI. Valeur de leurs dé­ crets pour les cas semblables. Vil. Autorité doctrinale. VIII. Soumission due à leurs décisions doctrinales. IX. Procédure. X. Enumération et esquisse des diverses congrégations. XI. Tribunaux romains; Sacrée Péniteneerie. I. Antécédents et origine des congrégations ro­ maines. — Héritiers de la dignité solennellement pro­ mise, Matlh., xvi, 18,19. puis non moins solennellement conférée à Pierre, Joa., χχι, 15-17, fondements donc et soutiens inébranlables de l’édilice ecclésiastique, dépo­ 1104 sitaires de la puissance suprême de lier et de délier, divinement constitués pasteurs des brebis et des agneaux, les papes eurent toujours à se préoccuper et à s'occuper des intérêts de toute la catholicité. Des faits certains, bien que consignés en petit nombre dans les monuments authentiques, montrent comment, de bonne heure, ils prirent à cœur l'accomplissement de leur tâche. Rap­ pelons seulement la lettre de saint Clément aux Corin­ thiens, qui est des environs de l’an 96; les efforts d'Anicet et de Victor 1er en vue de réaliser l'unité dans la célébration de la fête de Pâques, au 11· siècle; et, au ni-, le décret de Calliste imposant l'admission des adultères à la pénitence publique, les actes d'Etienne Ier pour interdire la réitération du baptême, son intervention dans l'affaire de Marcien évêque d'Arles, sollicitée par saint Cyprien, Epist., lxvii, P. L., t. ni, col. 1027, et dans celle de deux évêques espagnols, et enfin le juge­ ment du pape saint Denys sur les accusations formu­ lées contre Denys d’Alexandrie. On conçoit que, vu la gravité et la multiplicité de ses obligations, le pontife romain ait vite senti la nécessité de se faire aidera les remplir. Voir Cardinaux. 11 eut d’abord et tout naturellement recours au presbyterium de son Eglise. Mais déjà sous saint Corneille, en 251, nous constatons qu'à ce presbyterium étaient adjoints les évêques qui se trouvaient présents à Rome; et parmi eux les évêques voisins, dits suburbicaires, prirent bientôt une place régulière et prépondérante. Voir Con­ ciles. Ainsi, des prêtres et des diacres de la ville et des évêques suburbicaires se forma, parla force des choses, une sorte de σύνοδος ένδημοΰσα, analogue à celle de Constantinople. Cf. Pargoire, L’Église byzantine de 527 à 847, Paris, 1905, p. 55. Avec le temps, le cercle des convocations aux assemblées ecclésiastiques prési­ dées par le pape fut souvent étendu non seulement aux évêques de la province romaine, mais à ceux de toute l'Italie et même, notamment en 619 et 680, à ceux de tout l’Occident. Il est facile de constater déjà la pro­ gression en parcourant dans Hefele, Konziliengeschichte, t. I, n, la série des conciles romains du il' siècle, du ni' et du iv'. Plus tard, surtout au ix'et au xi' siècle, les conciles romains avaient pris, au point de vue de leur composition el des diocèses qu’ils représentaient, un tel développement qu’il n’y avait plus qu’un pas à faire pour arriver aux conciles œcuméniques de Latran, dont le 1er fut célébré en 1123. Toutefois, au xn' siècle, nous voyons les conciles particuliers devenir plus rares à Rome. A la même époque, le collège des cardinaux gagne sans cesse en influence comme en cohésion, depuis que Nicolas II, en 1059, lui a réservé le droit exclusif d’élire le suc­ cesseur de Pierre. Bientôt il a acquis la préséance sur les évêques et sur tous les dignitaires ecclésiastiques. Aussi bien les papes l’associent de plus en plus aux sol­ licitudes et aux labeurs de leur gouvernement universel. A partir de ce moment, les affaires d’une gravité ou d’une difficulté exceptionnelle sont généralement exa­ minées, soit par l’ensemble du corps cardinalice en consistoire, soit par des tribunaux tels que la Rote {établie au xm· siècle), la Daterie (vers le xiv' siècle), la Pénitencerie (xill' siècle), soit par des commissions constituées temporairement et comprenant chacune une portion plus ou moins considérable du sacré-college. Les Gesta Innocenta 111, c. xli, P. L., t. ccxiv, col. 80, nous apprennent que ce grand pontife avait coutume de réunir son consistoire trois fois la semaine pour étudier avec lui les causes qu’il avait à trancher. Enfin, au xvi· siècle, on comprit futilité de substituer à des réunions passagères et à des groupements acciden­ tels des organismes permanents avec ressort parfaite­ ment délimité. Les congrégations proprement dites étaient nées. Cf. Wernz, Jus decretalium, Rome, 1889, lit. xxxi, t. n, p. 729; Sagmüller, Pie Thâligkeit und 1105 CONGRÉGATIONS ROMAINES 110G Stellung der Cardinale, Fribourg-en-Brisgau, 1896, i que nul rapport les concernant n’ait été adressé à Sa Sainteté? la S. C. a répondu affirmativement. » p. 34 sq. Les congrégations représentent et exercent la puis­ II. Définition et apparition historique des congré­ sance souveraine; elles en sont une expression légale. gations en général. — Telles qu'elles existent aujour­ Par une fiction du droit, chacune d’elles constitue avec d’hui, les congrégations sont des groupes stables de le pape un seul organe juridique, un seul pouvoir, de cardinaux, créés par le souverain pontife pour l’examen même que, d’après les principes canoniques, le tribu­ la discussion elle règlement des affaires ecclésiastiques, nal d'un vicaire général n’est pas distinct de celui de et agissant, chacun dans son domaine, au nom et par son évêque. Voilà pourquoi Benoît XIV, Institutiones l’autorité du chef de l’Église. La première en date est celle de l’inquisition, constituée par Paul III. D'aulres eeclesiasticœ, lxxvi, n. 8, attribue simplement au saintdurent leur origine à Pau) IV, Pie V et Grégoire XIII. siège les décrets des congrégations, « pa. l’intermé­ diaire desquelles l'autorité suprême émet son avis. Mais le principal auteur et organisateur des congréga­ Voilà pourquoi aussi ces décisions sont ordinairement tions fut Sixte-Quint; il en porta le nombre à quinze et sans appel. 11 n'y a pour celui qu’elles atteignent d’autre en forma un tout cohérent et harmonieux, aux diverses moyen d'y échapper que de solliciter du souverain pon­ parties duquel il assigna une catégorie spéciale de tife la faveur d'une « nouvelle audience », ou de lui de­ devoirs et de prérogatives. Après lui, la série lut com­ mander, chose qu'il accorde d’ailleurs rarement, que plétée par Grégoire XV, Urbain VIII. Clément IX et la cause puisse être reprise par manière de restitutio Pie VII. Et bien qu’aucune neùt été établie principale­ in integrum. ment pour rendre la justice, elles acquirent bientôt une Réputé· souverain, le pouvoir des congrégations est telle influence, même dans les affaires judiciaires, tant civiles que criminelles, que peu à peu le rôle des an­ en outre ordinaire, et non pas purement délégué ni quasi-ordinaire. Il n’est pas éteint parla mort du pape, ciens tribunaux de justice, du tribunal de la Rote par et bien que généralement inemployé durant la vacance exemple, s’en trouva éclipsé presque entièrement. III. Composition et organisation. — Une congréga­ du siège apostolique, il pourrait même alors, dans cer­ tains cas exceptionnels, être exercé licitement. Dans les tion ne comprend comme membres proprement dits que affaires les plus graves, il n’est pas permis aux con­ des cardinaux. L'un d’eux porte le titre et remplit les fonctions de préfet; mais, pour la S. C. de l'inquisition, grégations de publier leurs décisions sans avoir con­ le pape se réserve cette dignité. Le préfet est assisté sulté le Saint-Père ou sans avoir obtenu de lui une d'un secrétaire, qui est ordinairement prélat et arche­ approbation au moins in forma communi. Que si par­ vêque titulaire. Seule, la S. C. de l'inquisition a comme fois la congrégation doute de sa propre compétence ou si elle estime qu’il y a lieu de déroger au droit existant, secrétaire un cardinal. Sixte-Quint avait fixé à cinq le elle a recours au moyen indiqué par cette formule, qui minimum des membres d’une congrégation quelconque accompagne alors sa décision : Facto verbo cum San­ et à sept celui des membres de la S. C. de l’inquisition. D’après la discipline actuellement en vigueur, ce point ctissimo. En ce qui concerne la situation respective des con­ est laissé à la prudente appréciation du pape; mais grégations, il est à remarquer que chacune a un toute décision, pour être valable, exige la présence de domaine principal pour lequel elle est compétente pritrois membres au moins. A la plupart des congrégations vativement à toute autre, mais que plusieurs ont con­ sont aussi attachés des consulteurs en nombre variable curremment qualité relativement à certains points et d'aulres officiers inférieurs. secondaires. Dans ce cas, il est reçu que celle-là agini IV. Division. — On divise souvent les congrégations légitimement qui sera saisie la première. Pour éviter en ordinaires et extraordinaires. Celles-là seules sont les inconvénients qui résulteraient de celte juridiction permanentes. Celles-ci, créées en vue d’une nécessité spéciale el transitoire, cessent d’exister dès que leur cumulative, Innocent XII a statué qu’une supplique refusée par une congrégation ne pourrait être admise objet est rempli. C'est des premières qu’il est question par une autre, et cela sous peine de nullité de toute dans cet article. Elles se répartissent elles-mêmes en laveur obtenue, par fraude ou ignorance, en violation deux catégories : les unes sont principales, indépen­ de cetle disposition. dantes, générales; les autres sont dites dépendantes, VL Valeur de leurs décrets pour les cas sembla­ subsidiaires et particulières, parce qu’elles se ratta­ bles. — Les congrégations, sauf celle des Rites, ne chent et sont subordonnées aux précédentes. V. Action et autorité générale. — Le rôle des con­ possèdent pas de pouvoir législatif proprement dit. Mais on peut se demander si leurs décisions ou déclarations grégations est en partie judiciaire et coercitif; mais il n’acquièrent pas, indirectement au moins, force légale est surtout administratif, de sorte que le plus souvent universelle, en d’autres termes, si elles n’obligent pas elles procèdent extrajudiciairement. 11 n'est pas légis­ dans tous les cas semblables. Cette question a été fort latif au sens propre; car, s’il est vrai quelles rendent des décisions strictement obligatoires dans les cas par­ débattue tant par les canonistes que par les théologiens, et ni les uns ni les autres ne sont d'accord pour la ticuliers qui leur ont été déférés, elles n'ont pas qualité résoudre. pour édicter des décrets universels sans l’ordre spécial 1» Benoit XIV soutient l’affirmative, pourvu, ajoutedu pape, ni non plus, ordinairement, pour expliquer t-il, que le pape ait été consulté et que la décision soit les lois par manière d’interprétation authentique. Il publiée avec le sceau et la signature du cardinal-préfet. faut cependant faire une exception en faveur de la 2° Saint Alphonse considère l'affirmative el la néga­ S. C. des Rites : ses décrets généraux, c’est-à-dire des­ tive comme également probables, en exceptant toute­ tinés par elle à toute l’Église, sont obligatoires parfont, fois de la seconde les cas ou la décision aurait été suf­ lors même qu’ils ont été portés sans approbation et sans fisamment promulguée, soit par ordre spécial du sou­ consultation du souverain pontife. Cette situation pri­ vilégiée résulte clairement de la constitution Immensa 1 verain pontife, soit même par un usage constant de plusieurs années ou par l'enseignement et le témoignage de Sixte-Quint; elle a été proclamée à nouveau par un communs des auteurs. rescril de la S. C. des Rites elle-même, reserit donné par elle le 23 mai 1816 et confirmé par Pie IX. le 17 juil­ De fait, la négation, en soi et sauf des circonstances exceptionnelles, s’appuie sur de très graves raisons. Je let suivant : « A cette question : Les décrets émanés me borne à les résumer. de la S. C. des Rites et les réponses quelconques qu’elle 1. Les décisions des congrégations ne sont pas pro­ publie par écrit et en due forme sur des doutes à elle proposés ont-ils la même autorité que s’ils émanaient mulguées officiellement. Cependant toute loi doit être promulguée comme telle, pour acquérir force obligaimmédiatement du souverain pontife lui-même, bien 1107 CONGRÉGATIONS ROMAINES foire. Les décisions on déclarations dont il s’agit n’échap­ pent pas â celte exigence; elles sont dans la condition de lois nouvelles, du moins quand elles éclaircissent, dans des textes déjà promulgués, des points sur lesquels il peut y avoir des doutes et des avis divergents. 2. Si l'affirmative était fondée, elle le serait avant tout, ainsi que ses défenseurs en conviennent, par rapport aux décrets de la S. C. des Hiles, laquelle seule a le pouvoir d’imposer des régies universelles, de porter des lois sans aucune intervention du pape. Or, cette conséquence hypothétique ne se vérifie pas. Gury assure, il est vrai, le contraire, en se fondant, dit-il, sur l’opinion commune; mais son assertion se heurte manifestement à ce reserit de ladite Congrégation, daté du 8 avril 1851 : « Les décrets, induits et décisions de la S. C. des Rites, donnés ou à donner dans des cas particuliers, sont-ils applicables et à suivre dans les cas semblables, comme s’ils étaient rendus pour par­ tout? et n’est-ce pas, d’ailleurs, ce que la S. C. ellemême semble indiquer quand, souvent, aux doutes qui lui sont soumis elle ne fournit d'autres solutions que celle-ci : Dentur decreta, juxta alia decreta, provi­ sum in una, etc.? Réponsè : Non, et il faut toujours recourir à l’autorité dans les cas particuliers. » 3. Du reste, ainsi que l’observe Layman, il suffit que la valeur obligatoire de dispositions quelconques soit douteuse pour que nous puissions la nier, suivant le principe connu : Lex dubia, lex nulla. 4. Ajoutons une considération pratique très digne d’attention : il est fort difficile de juger de la similitude des cas, les motifs qui ont détermin ■ une décision par­ ticulière ne nous étant pas connus. Aussi arrive-t-il fréquemment qu'une congrégation donne à des ques­ tions posées en termes identiques des réponses diffé­ rentes, selon la diversité des circonstances. C'est au point que Benoît XIV a pu introduire dans la table de son De synodo diœcesana, à propos de la S. C. du Concile, cette rubrique significative : Ejus prudens in­ constantia in suis decisionibus ac judiciis ferendis, seu recedendo a decisis. Et pour rappeler un exemple entre autres, la même S. C. du Concile, interrogée sur la validité de mariages clandestins contractés par des hérétiques, s’est, non pas une fois, mais plusieurs fois, prononcée pour la nullité; et l’on a voulu tirer de là argument pour ériger en thèse la nullité de semblables mariages. Cependant Pie VII, dans une lettre du 8 octobre 1803 à l'archevêque de Mayence, reconnaît à peine « un degré quelconque de probabilité » à cette opinion. Avant lui, Benoit XIV avait déjà dit, De synodo diœcesana, L VI, c. vi, n. 4 ; Nunquam opinioni illi acquiescere potuimus, per quam pried icta matrimo­ nia nulla judicantur. Ce savant pape explique ensuite l’erreur des partisans de cette théorie par ce fait qu'ils n’ont pas tenu compte des conjonctures spéciales aux­ quelles s'adaptaient les affirmations officielles d’inva­ lidité : Quoniam anteacto tempore nonnisi particula­ ria decreta in hac vel illa causa condita erant, quæ ne inter se quidem conformia semper fuerant propter varietatem circumstantiarum, quæ modo in una facti specie aderant, modo in altera desiderabantur. 3° Les deux théories opposées sur l'application obliga­ toire des décisions des congrégations aux cas semblables se rejoignent assez bien dans une troisième, qui a pour elle l'autorité des meilleurs canonistes, par exemple de Schmalzgrueber, de Phillips, et de théologiens tels que Ballerini et Lehmkuhl. Celle-ci distingue tout d'abord entre décisions ou déclarations purement compréhen­ sives et décisions ou déclarations extensives. Les pre­ mières sont celles qui comprennent el appliquent le droit existant sans s’écarter de la signification propre et usuelle des termes, qui restent donc interprétatives au sens strict; les autres s’écartent de celle signification propre et conliennent une concession, une prohibition, 1108 une dispense, un décret, etc., qui dépassent la lettre du texte légal. Les déclarations purement compréhensives, si elles ont d’ailleurs été rendues après avis du souverain pon­ tife et en forme authentique, c’est-à-dire avec le sceau ordinaire de la congrégation el la signature du cardinal préfet et du secrétaire, ont immédiatement force obli­ gatoire universelle. Et il n’importe qu’elles n’aient pas été l’objet d’une promulgation spéciale, puisqu’elles ne fondent pas un droit nouveau et qu’elles ne font qu'appliquer celui qui est en vigueur et qui a été régu­ lièrement promulgué. Sans doute, il pourra se faire que ces déclarations ne parviennent qu’aprés un temps plus ou moins long à la connaissance de tous les intéressés; mais cette éventualité ne suffit pas à établir la nécessité d’une véritable promulgation; il s’ensuit seulement que tous ne seront pas liés de fait et en conscience à partir du premier moment, et que les transgresseurs par pure igno­ rance n’encourront du chefde leur transgression ni faute ni peine. Quant aux déclarations extensives, telles que sont de fait certains décrets de la S. C. du Concile sur la célébration des messes et pour la réforme des régu­ liers, elles n’obligent universellement qu’à la condition d’étre rendues sur l’ordre spécial du pape et promul­ guées dans la forme ordinaire. La raison en est que, n’étant pas contenues dans le sens naturel des textes légaux antérieurs, elles ne peuvent constituer que de nouvelles lois ecclésiastiques; et les congrégations, celle des Rites exceptée, sont incapables, par elles-mêmes, de porter ou de promulguer des lois pour toute l’Eglise. Du reste, la distinction indiquée entre les deux caté­ gories de déclarations s’applique même aux actes de la S. C. des Rites, avec celte différence qu’ici ni la valeur des décrets ni leur promulgation ne supposent jamais, comme nécessaire, l’intervention du souverain pontife. Mais, après avoir porté un décret extensif pour un cas particulier, la S. C. des Rites devra, elle aussi, si elle veut le rendre obligatoire dans tous les cas semblables, recourir à une promulgation spéciale et transformer, par le fait même, sa décision particulière en une déci­ sion universelle. Cf. Gury-Ballerini, Compendium theo­ logias moralis, 9’ édit., Rome, 1887, t. i, p. 116; Ballerini-Palmieri, Opus theologicum morale, Prato, 1889, t. t. p. 269; Lehmkuhl, Theologia moralis, 8e édit., Fri­ bourg-en-Brisgau, 1896, t. t, p. 133. VII. Autorité doctrinale. — Nous avons dit que les congrégations sont, dans l’Église, une expression du pouvoir suprême, que leurs sentences ne sont donc pas sujettes à appel proprement dit. Toutefois elles ne peuvent prétendre aux qualités personnelles et incom­ municables du souverain pontife. Leurs décisions doc­ trinales ne participent donc point au privilège de l'in­ faillibilité, lors même qu’elles ont été voulues ou approuvées par le pape. En y donnant son assentiment ou en y concourant d’autre façon, le Saint-Père, à moins qu'il ne le dise expressément, n'entend pas les faire siennes dans toute la rigueur du terme; son appro­ bation ou sa coopération s’adapte à la nature de l’acte auquel elle est accordée, elle ne la change pas. A plus forte raison, on se tromperait en voyant dans une simple ratification ou dans une expression quelconque de la pensée et de la volonté pontificales une définition ex cathedra; cette ratification ou cette expression est sans doute une des manifestations multiples de la primauté et du magistère universel, mais elle n’emporte pas, par elle-même, l'exercice de la plénitude du pouvoir ni l'usage de toutes les prérogatives qui s’y sont attachées; elle ne prouve pas le dessein ferme de définir irrévocablement une vérité et de l’imposer â la croyance de tous les fidèles. Bref, le vicaire de Jésus-Christ, en provoquant, en louant ou en contresignant les décisions dont il s’agit, n’a pas nécessairement l’intention de remplir actuellement · sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens et 4109 CONG R F.G Λ T1 ON S RO M AIN ES de définir, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine sur la foi ou sur les mœurs doit être te­ nue par l’Église entière ». Cf. concile du Vatican, const. Pastor æternus, c. iv. Soutenir le contraire, ce serait ériger tout jugement doctrinal du saint-siège en définition dogmatique, ce qui n’a jamais été admis par personne et serait le comble de l’absurdité. Rome approuve chaque jour des déclarations en matière de foi et de morale qui ont été émises par des évêques ou par des conciles particuliers. Qui s’imaginera que ces déclarations deviennent pour l’univers catholique, par le fait de l’approbation ou de l’intervention papale, des règles infaillibles de croyance? Quand le pasteur des pasteurs veut, pour affirmer la vérité ou flétrir l’erreur plus effi­ cacement, recourir à sa pleine puissance spirituelle, il se sert le plus souvent d’une bulle, d’une constitution apostolique ou de tout autre document pontifical de forme solennelle, et toujours il précise le point par lui défini el manifeste en ternies parfaitement clairs l’obli­ gation universelle d’y donner une adhésion intérieure absolue. C’est d’après ces principes qu’il faut apprécier la valeur des condamnations de propositions ou de livres, prononcées par la S. C. du Saint-Office ou par la S. C. de l'index, quand même le pape serait intervenu personnellement dans la décision, soit en la provoquant, soit en présidant la séance et en rendant le décret avec la congrégation, soit en approuvant la sentence et en ordonnant qu'elle soit mise à exécution. Cetle doctrine esl celle de tous les grands théologiens. Le cardinal Gotti, he locis theologicis, I. 1, q. ill, dub. lx, §2. η. 12, explique la chose en ces termes :« Ni par elles-mêmes ni par suite d'une délégation du sou­ verain pontife les congrégations de cardinaux ne jouissent du privilège de l’infaillibilité... La raison en est que le pouvoir de juger et de définir en matière de foi et de proposer des articles qui soient de croyance obligatoire pour tous les fidèles, est attaché à la dignité de chef suprême, de pasteur et de docteur de l’Eglise. De même donc que le pape ne saurait déléguer à un autre la qualité de chef suprême, de pasteur et de doc­ teur. ni transporter sur un autre l'assistance du SaintEsprit, de même il ne saurait déléguer ou communiquer â autrui la faculté de rendre des dêcrels de foi. Par conséquent, la S. C. de l'inquisition peut bien, exerçant l’autorité à elle confiée par le souverain pontife, con­ damner sans appel {ultima sententia) les articles ou les hommes que l’Eglise a déclarés hérétiques; mais lors­ qu’un point de foi est controversé, elle ne peut pas le trancher de manière à en faire un article de foi ni de telle sorte que les dissidents soient immédiatement hérétiques en vertu précisément du jugement de la S. C. » Le cardinal Franzelin dit à son tour, Tractatus de divina traditione el Scriptura, 2' édit., Rome, 1875, p. 133 : « Une définition ex cathedra ne résulte pas du fait que le souverain pontife ratifie et confirme de sa suprême autorité la décision d’une congrégation, à moins que lui-même ne fasse sien le décret et ne le publie comme tel, avec des signes qui attestent suffi­ samment son intention de définir une doctrine et de l'imposer à toute l’Eglise; et dans ce cas, la sentence n’émanera plus de la congrégation comme corps judi­ ciaire ou ayant voix délibérative, mais simplement comme corps consultatif. C’est en ce sens seulement, surtout après la déclaration du concile du Vatican, qu'on peut et qu’on doit admettre avec certains théolo­ giens que les décrets doctrinaux des congrégations, une fois spécialement approuvés par le pape, sont des défi­ nitions ex cathedra. » Un peu plus loin, ibid., p. 145, le même auteur, appliquant ces principes en particulier aux condamnations de la S. C. de l’index, écrit : « De semblables décrets, rendus pour proscrire une erreur, ne deviennent pas des définitions ex cathedra, parce qu'ils sont confirmés et publiés par la suprême autorité 1110 du pape. J’ai consulté sur ce point plusieurs théologiens romains dont l'avis a tant de poids que je n'hésite pas à qualifier mon assertion de doctrine romaine. » C'est donc bien à tort, pour le remarquer en passant, qu'on a prétendu opposer au dogme de l'infaillibilité papale les décrets de l'index et du Saint-Office (en 1616 et 1633) dans la cause de Galilée. Cf. Vacandard, Études de critique et d'histoire religieuse, Paris, 1905, p. 356 sq.; Grisai·, Galileistudien, Ratisbonne, 1882, p. 360. Pour qui a suivi avec un peu d’attention les explications et citations qui précédent, il est clair qu elles visent une décision de congrégation restant telle. Il en serait tout autrement d'une sentence rendue par le Saint-Père après consulta­ tion préalable d'une ou de plusieurs congrégations : dans cetle hypothèse, c'est le pape lui-même qui jugerait, el le jugement d'approbation ou de condamnation, éma­ nant formellement du pape, serait infaillible, s'il était d'ailleurs revêtu de toutes les conditions requises. VIII. Soumission due λ leurs décisions doctrinales. — Non infaillibles, les décisions doctrinales des congré­ gations s’imposent cependant d’une certaine façon à la croyance même des fidèles. Ce n’est pas assez, comme quelques-uns l'ont prétendu, de ne rien faire ni dire qui aille visiblement à l'encontre, de leur accorder le respect du silence (silentium obsequiosum) ; on leur doit de plus la soumission de l'intelligence, un véritable assentiment intérieur, non pas assurément cet assenti­ ment de foi, soit immédiatement soit médialement di­ vine, qui n'est dit qu’à la parole de Dieu ou aux choses nécessairement connexes avec la révélation; non pas même un assentiment absolu, qui supposerait une cer­ titude pareillement absolue; mais un assentiment pru­ demment et provisoirement ferme, proportionné ainsi au degré de créance que confère à la congrégation la mission qu'elle lient de l’Eglise et qu'elle exerce sous sa direction el sous l'assistance générale du Saint-Esprit: un assentiment donc qui dépend en partie de la volonté, d'une volonté décidée à honorer Dieu et à respecter l’Église dans toutes leurs manifestations et émanations; un assentiment enfin que les théologiens qualifient justement de religieux, parce qu'il s'inspire et résulte partiellement d'un sentiment de religion. S'il était permis à chacun, en présence d’un acte de l'autorité enseignante, de suspendre son assentiment ou même de douter ou de nier positivement tant que cet acte n'implique pas de définition infaillible, l'action réelle du magistère ecclésiastique en deviendrait presque illusoire, car il est relativement très rare qu elle se tra­ duise en définitions de ce genre. C’est un principe général qu’on doit obéissance aux ordres d'un supérieur, à moins que, dans un cas concret, l’ordre n ap­ paraisse manifestement injuste; pareillement, un ca­ tholique est tenu d’adhérer intérieurement aux enseignements de l’autorité légitime, aussi longtemps qu’il ne lui est pas évident qu’une assertion particu­ lière est erronée. Le sentiment de l’Église sur ce point n'est pas douteux; il résulte de nombreux docu­ ments officiels. Pie IX, par exemple, dans une lettre du 15 juin 1857 à l’archevêque de Cologne, parle du décret de la S. C. de l’index par lequel plusieurs volumes de Günther avaient été condamnés, et il affirme que ce dé­ cret devait suffire pour convaincre tous les catholiques que non seulement il n'était permis à personne de dé­ fendre le fond de ces ouvrages, mais que <· la doctrin contenue dans les livres de Günther ne pouvait èlrtonue pour pure ». Le concile du Vatican nous semide s’étre prononcé également avec une clarté· suffisante sur la question qui nous occupe. Sa 1™ constitution dogma tique se termine parce solennel avertissement : M comme il ne suffit pas d'éviter la perversion de l'h· r -te. si l’on ne luit en outre soigneusement les erreurs qui s'en approchent plus ou moins, nous rappelons à tous les chrétiens le devoir d'observer aussi les constitutions 4111 CONGRÉGATIONS ROMAINES et les décrets par lesquels le saint-siège a proscrit et condamné les opinions perverses de ce genre, qui ne sont pas énumérées ici tout au long. » Le concile parle, sans restriction ni distinction, des constitutions et dé­ crets condamnant des erreurs plus ou moins voisines de l'hérésie; il a donc en vue même les constitutions et décrets qui ne seraient pas infaillibles. Or il inculque à leur égard une soumission et un respect qui impliquent l’assentiment intérieur. Cet assentiment est à coup sur nécessaire pour « éviter la perversion de l’hérésie »; et comment donc ne le serait-il pas pour « fuir soi­ gneusement les erreurs qui s’en approchent plus ou moins ? » Qu'on relise la première phrase du passage cité, qu’on y mette en regard l’une de l'autre les deux expressions : éoiter la perversion de l’hérésie, fuir les erreurs, et l’on ne pourra conserver, ce me semble, au­ cun doute sur la pensée des auteurs de la constitution Dei Filius. Cf. A. Vacant, Etudes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. Il, p. 332-335. IX. Procédure. — La procédure varie beaucoup selon le genre de pouvoir que la congrégation exerce en chaque cas et selon la gravité des affaires qu'elle traite. Les dé­ tails de cette procédure, nécessairement très compliquée parfois, sont exposés par les canonistes. Remarquons seulement qu’elle est en général notablement plus simple pour les causes extrajudiciaires que pour les causes ju­ diciaires. et que les requêtes, appuyées autant que pos­ sible de la recommandation de l’ordinaire, doivent être présentées au secrétariat de la congrégation par un agent ou une autre personne, qui viendra ensuite y re­ tirer la réponse. A la différence de la S. Pénitencerie, les congrégations n’admettent pas l'introduction de de­ mandes ou d’affaires par simples lettres, encore moins par télégrammes. Les réponses sont le plus souvent énoncées très brièvement et contenues, par exemple, après répétition ou résumé de la question, dans l’un des deux mots affirmative, negative. Ordinairement, les motifs d une décision ne sont pas exprimés, et ceci explique déjà que la décision ne puisse valoir de soi que pour le cas concret en vue duquel elle a été rendue. C'est une règle habituelle de la curie de ne point pro­ noncer dans la cause d’un inférieur sans avoir préala­ blement interpellé son supérieur « pour information et avis », et, plus généralement, sans avoir entendu, direc­ tement ou par intermédiaire, tous les intéressés. X. Énumération et esquisse des diverses congré­ gations. — On peut, pour procéder avec un certain ordre, remarquer que, parmi les congrégations, les unes s’occupent avant tout des intérêts de la foi, tandis que l’objet des autres est plus directement disciplinaire ou cultuel. Les premières sont surtout au nombre de trois. Nous les énumérerons d’abord. 1° La S. €.. de l'inquisition ou du Saint-Office a été établie, en 1542, par Paul 111, avec mission de s’opposer aux progrès du protestantisme, puis successivement dé­ veloppée et complétée par Pie IV, Pie V et Sixte-Quint. Depuis lors, préposée à VInquisition ou Saint-Office, dont les origines remontent au xm· siècle, elle est, de toutes les congrégalions, la plus élevée en dignité, et le Saint-Père s’en réserve la présidence. Son secrétaire même est cardinal. Outre le préfet, le secrétaire et les autres membres pris dans le sacré-collège, son person­ nel comprend : un assesseur, qui est d’ordinaire un prélat séculier; un commissaire ou inquisiteur, de l'ordre de saint Dominique; un promoteur fiscal ou accusateur public; un avocat, pour la défense des accu­ sés: un notaire: des consulletirs. Au groupe de ces derniers appartiennent de droit le maître du sacré-pa­ lais, le général des dominicains et un profès de l'ordre des frères mineurs conventuels. Comme suprême tribunal de la foi, la S. C. de l’in­ quisition traite, sous forme soit de déclarations et d’in­ 1112 structions, soit de sentences judiciaires, soit de dis­ penses, toutes les questions intéressant directement ou indirectement la doctrine catholique ou mettant de quelque façon l’orthodoxie en danger. Elle exerce la juridiction criminelle à l’égard des accusations d’hérésie et de toutes les accusations connexes, telles que les ac­ cusations de superstition, de magie, d’abus des sacre­ ments; elle juge les livres el les auteurs qui sont enta­ chés ou suspects de l’un de ces délits. Elle peut envoyer des inquisiteurs en tous lieux. C’est à elle que ressor­ tissent les dispenses matrimoniales pour les empêche­ ments de disparité de culte, de religion mixte, de pro­ fession solennelle et d'ordre sacré; la permission de lire les livres hérétiques; et aussi de nombreuses affaires du for externe, concernant le jeûne, l’abstinence, la valeur et la rupture du lien conjugal, etc., quand le sou­ verain pontife, pour des raisons spéciales, juge conve­ nable de les faire trancher sous le secret du Saint-Officeplutôt que par discussion publique dans quelque autre congrégation. La S. C. de l’inquisition a, en effet, ceci de propre que sa procédure est absolument secréte. Ajoutons que sa compétence quant aux personnes est des plus amples : elle embrasse non seulement les sim­ ples fidèles et le clergé inférieur, mais les évêques et les nonces apostoliques; les cardinaux seuls y ont été soustraits par la bulle Immensa de Sixte-Quint. 2° La S. C. de l’index a, par son but et par ses ori­ gines, une grande affinité avec la précédente. Dés 1564, Pie IV, se conformant aux vœux du concile de Trente, sess. XVIII et XXV, De reformat., avait publié la pre­ mière édition de l'index librorum prohibitorum, ainsi que des règles générales s’y rapportant. Un peu plus tard, saint Pie V instituait, avec la mission de recher­ cher et d'interdire les écrits pernicieux, une congréga­ tion spéciale, dite de l’index, qui fut complétée et entiè­ rement séparée du Saint-Office par Sixte-Quint, en 1587. Après Sixte-Quint, Clément VIII, Alexandre Vil, Be­ noit XIV, dans sa célèbre constitution Sollicita, et, à notre époque, Léon XIII, dans la constitution Officio­ rum ac munerum du 25 janvier 1897, ont tracé et adapté aux modifications des circonstances les précautions qui s'imposent à l'égard des mauvais livres et les normes à suivre dans leur condamnation. Le dernier catalogue officiel ou Index librorum prohibitorum a été imprimé par ordre de Léon XIII, in-4°, Rome, 1900. Les régies de l'index et les défenses particulières qu’il contient sont en soi des mesures purementdisciplinaires. On peut donc les violer sans rejeter ou méconnaître aucun point de foi. .Mais les décrets de la S. C. de l'index, même simplement confirmés in forma communi par le souverain pontife, obligent certainement tous les fidèles de tous les pays; ils les obligent gravement de leur na­ ture et même, dans les cas déterminés par le droit, sous peine d’excommunication. Quelques gallicans du xvii’siècle et du xvm· ont prétendu que l'index n’avait pas force de loi en France ; c’est une prétention insoutenable, sans nul fondement ni théologique ni juridique, opposée même à tous les principes. 11 suffirait, pour la réfuter, de renvoyer ses défenseurs à la doctrine unanimement admise peu d’années auparavant par leurs compatriotes et proclamée dans les conciles provinciaux d’Aix, eu 1581, de Toulouse, en 1590, d’Avignon, en 1594, etc. Cette opinion est d'ailleurs complètement abandonnée aujourd’hui. Un grand nombre de synodes provinciaux et diocésains d’une époque récente, reprenant sponta­ nément la chaîne interrompue de la tradition nationale, ont signalé le caractère obligatoire de l’index; d’autres tels que le concile provincial de Toulouse, de 1850, et celui de Reims, de 1857, qui avaient d’abord omis la mention expresse de ce point, l’ont ajoutée, à la demande de la congrégation romaine chargée de la revision de leurs actes. C'est de la S. C. de l'index qu’émanent la plupart des 4113 CONGRÉGATIONS ROMAINES 1114 condamnations de livres. Quelques ouvrages cependant, t d’Amérique, même depuis que la hiérarchie ordinaire à cause de leur malice exceptionnelle, sont censurés y a été introduite ou relevée. Cf. Mayer, Die Propa­ soit par décret du Saint-Office, soit par une bulle ou un ganda, 2 in-8°, Gœttingue, 1853. On a publié : Colle­ bref du pape, et ces circonstances sont toujours consi­ ctanea S. C. de Propaganda fide seu decreta, instru­ gnées dans i'Index. I.es œuvres mises à V Index peuvent ctiones, rescripta pro aposlolicis missionibus, in-4°, se ramener, eu égard à la sanction pénale, à deux caté­ Rome, 1883; 2" édit., 1893; Collectanea constitutionum, gories. La première est définie dans un article de la decretorum, indultorum ac instructionum ad usum constitution Apostolicæ sedis, qui décrète l’excommu­ operariorum apostolicæ Societatis missionum ad ex­ nication spécialement réservée au pontife romain et à teros, Paris, 1880; Juris pontificii de Propaganda encourir de plein droit (ipso fado), contre « tous ceux fide (nouvelle édition du Bullarium S. C. de Prop, ■qui, sciemment et sans l’autorisation du saint-siège, fide, de 1839), 7 in-4», Rome, 1888-1897. lisent les livres des apostats et des hérétiques dans les­ A la S. C. de la Propagande ont été rattachés quatre quels l’hérésie est défendue ou bien des livres d’un au­ autres organismes particuliers, à savoir : 1. la S. C. de teur quelconque nommément condamnés par lettres la Propagande pour les affaires du rite oriental, insti­ apostoliques ». et aussi contre « ceux qui détiennent tuée par Pie IX, en 1862, avec même cardinal-préfet les livres susdits, qui les impriment ou qui leur prêtent que la Propagande; 2. la S. C. pour la correction des appui, de quelque façon que ce soit ». L’usage des autres livres des Orientaux, instituée par Urbain VIII, en 1631, livres condamnés constitue une violation du droit na­ restaurée par Benoit XIV. en 1751, mais supprimée turel et du droit positif, niais n’entraine aucune censure, comme congrégation spéciale par Pie IX, en 1862; 3. la Commission pour l’examen des constitutions des nou­ à moins qu’une sanction de ce genre n’ait été, pour un veaux instituts religieux qui relèvent de la Propagande; ■cas particulier, expressément établie par la sentence du 4. la Commission pour l'examen des relations fournies juge ou du tribunal ecclésiastique. sur la situation de leurs Églises par les ordinaires et M>' Alouvry, La Congrégation de l’index mieux connue et les vicaires apostoliques. vengée, Paris. 1866: H. Reusch. Der Index der verbolenen Bûcher, 2 in-8·, Bonn. 1883. 1885: L. Petit, L’Index, son his­ 4» La S. C. des cardinaux interprètes du concile de toire, ses lois, sa force obligatoire, Paris. 1888 ; J. liilgcrs, Der Trente est assurément la plus importante parmi celles Index der verbolenen Bûcher. 1904 ; Boudinhon, La nouvelle qui portent leur principale sollicitude sur les articles législation de l'index, Paris, 1899 ; Périès, L'Index, Paris. 1898. de discipline. Elle a pour mission de promouvoir l’exé­ 3° La S. C. de la Propagande a aussi pour objet pri­ cution et l’observance des décrets disciplinaires du con­ maire les intérêts et surtout l’extension de la vraie cile de Trente, d’éclaircir les difficultés théoriques et doctrine religieuse. Elle doit, comme son nom l’indique, pratiques auxquelles ils peuvent donner lieu, et aussi donner ses soins à la diffusion de la foi parmi les infi­ de trancher les litiges dont ils fournissent explicitement dèles et les sectes dissidentes, encourager et diriger les ou implicitement la solution. Dans sa XXV» session, ce concile, prévoyant que des missions lointaines, recueillir pour elles et répartir les libéralités des chrétiens charitables et zélés, préparer embarras et des incertitudes se produiraient parfois a et envoyer des prédicateurs de la bonne nouvelle et des propos de ses décisions, avait déclaré s'en remettre avec vicaires apostoliques, soutenir les chrétientés naissantes, conlianceà la prudence du pape du soin de les résoudre. Aussi bien Pie IV, après avoir défendu de publier sur résoudre les difficultés qui peuvent se produire. Au cet objet un commentaire quelconque sans l’autorisation nombre de ses plus puissants moyens d’action il faut du siège apostolique, constitua d'abord un corps de huit surtout ranger son collège, véritable pépinière d’apôtres, cardinaux qui devraient veiller, surlout dans les tribu­ où sont formés à la piété et à la science des jeunes gens naux et les oflicialités de la curie romaine, au respect de tous les pays, qui iront ensuite porter la lumière de des décrets portés à Trente, mais soumettre au souverain l’Evangile aux quatre coins du monde, et son impri­ pontife tous les doutes éventuels. Pie V et Grégoire Xlll merie, vaste établissement dont les presses reproduisent en une foule de langues, l’Écriture sainte, les livres allèrent plus loin : ils créèrent proprement la congrégation des interprètes du concile de Trente, en la char­ liturgiques et d’autres livres utiles à la religion. La Propagande n’était primitivement qu’un comité de geant de trancher les cas qui paraîtraient clairs, sauf trois cardinaux, constitué par Grégoire Xlll pour main­ à déférer les autres au jugement de Sa Sainteté. Sixtetenir les Grecs catholiqnes dans l’unité et lécher d’y Quint enfin, ici comme ailleurs, fut l’organisateur défi­ ramener les schismatiques. Clément VIII augmenta le nitif : en réservant expressément au pape l'interprétation des décrets dogmatiques, il attribua à la congrégation nombre de ses mem-.-es et la dota d’une organisation l’interprétation des décrets disciplinaires, même pour plus parfaite; finalement, Grégoire XV, en 1622, la transforma complètement pour en faire ce qu’elle est les cas douteux et difficiles, à la seule condition de aujourd’hui. Il lui donna charge d’examiner et de régler, prendre l’avis du pontife. Cf. Vacant. Éludes theolo­ au nom du saint-siège, les affaires intéressant la propa­ giques sur les constitutions du concile du Vatican. gation de la foi dans le monde entier, à la condition Paris, 1895, t. i. p. 447, 448. Actuellement donc, la S. C. toutefois de déférer les plus graves au jugement du sou­ du Concile n’a pas qualité pour édicter de nouvelles loi-, verain pontife. Son autorité s'exerce sur toutes les con­ mais seulement pour interpréter et pour appliquer, par des actes d’administration et des sentences judiciaires, trées où la hiérarchie ecclésiastique ordinaire n’a pu encore ètre établie et qui sont, pour cette raison, appe­ les décrets disciplinaires du concile de Trente. C’est a elle que sont soumis les actes et décrets des conciles lées pays de missions et organisées provisoirement en préfectures ou vicariats apostoliques. A la fois adminis­ provinciaux, les rapports déposés par les évêques dans trative, judiciaire et coercitive, elle possède une véri­ leurs visites ad limina, les causes relatives à la rési­ table force obligatoire, et peut même devenir législative, dence des bénéficiers, à la réduction des messes, aux c’est-à-dire porter el promulguer des décrets généraux testaments et à leur modification, au mariage, à la ré­ avec le concours spécial du pape. Elle embrasse d'ail­ forme du clergé, aux irrégularités, à l’ordination et à leurs tous les genres d’affaires relatives au suprême et l'excarditiation des clercs, les recours pour privation universel gouvernement des missions. Il y a plus : en injuste d’un bénéfice, etc. Ses décisions, quand elles se pays de missions, la S. C. de la Propagande est seule renferment dans les limites d’une interprétation pure­ compétente et tient lieu de toutes les autres congréga­ ment déclarative, sont souveraines et partant obligatoires tions, la Pénilencerie non comprise. Remarquons encore sans promulgation spéciale. On a publié divers recueils qu’elle a conservé juridiction sur les Églises d’Angle­ de Bésolutions de la S. C. du Concile; mais aucun ne terre, d’Irlande, d’Écosse, des Indes et des États-Unis se présente à nous avec la garantie officielle de l'autben- 1115 CONGRÉGATIONS ROMAINES ticité. Les anciennes collections de Declarationes ou Decisiones de cette S. C.. faites par Gallemart, Marzylla, etc., voir Vacant. Eludes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, t. i, p. 436-438, avaient été condamnées par décret de la S. C. elle-même, le ‘29 avril 1621; elles ont été retranchées de l’édition officielle de l’index en 1900, et il est permis de s'en servir, quoiqu'elles ne soient pas authentiques. Index, Rome, 1900, præf., p. xvi. Depuis 1739. les solutions de cette S. C. sont publiées dans le Thesaurus resolu­ tionum S. C. Concilii et forment un volume par année. Des solutions antérieures ont paru sous le même titre. Voir aussi S. Pallottini, Collectio omnium conclusio­ num et resolutionum (1564-1860), par ordre alphabé­ tique, 17 in-4», Rome, 1868 sq. ; Zamboni, Collectio de­ clarationum S. C. card. .S', conc. Tridenlini interpre­ tum, 8 vol.. Vienne et Rome, 1812-1816; 4 in-4», Arras, 1860-1868; Muhlbauer, Thesaurus resolutionum S. C. Concilii, 4 vol., Munich, 1867-1883; card. Gamberini, Resolutiones selectæ i» causis propositis per summaria precum (1823-1825), 1830, '1842; Lingen et Reuss, Causée selectæ in S. C. card, concilii Tridenlini interpretum propositæ per summaria precum (1823-1869), ln-8», Ratisbonne, 1871. Le pouvoir fondamental de cette S. C., c’est-à-dire son pouvoir interprétatif, est strictement exclusif à l’égard de toute autre congrégation. Du reste, si vaste et si laborieux est son champ d’action qu’il a fallu lui adjoindre successivement plusieurs congréga­ tions subsidiaires, dont quelques-unes permanentes. En voici la liste : 1. La Congrégation particulière de l’étal des Églises (super statu Ecclesiarum), instituée, en 1740, par Be­ noit XIV, pour l’examen des rapports que les ordinaires adressent à Rome sur la situation de leurs diocèses. Elle a même préfet et même secrétaire que la S. C. du Concile. —2. La Congrégation particulière pour la revi­ sion des conciles provinciaux, instituée par Pie IX, en 1849, et ayant, elle aussi, même préfet et même secré­ taire que la S. C. du Concile. Sa tâche propre est indi­ quée par son titre. La revision dont elle est chargée peut comporter, â l’égard des actes et des décrets des conciles provinciaux, des corrections, des suppressions el plus rarement des additions. — 3. La Congrégation particulière pour la résidence des évêques, établie une première fois par Urbain VIII, en 1634, et rétablie, en 1746, par Benoit XIV. Suivant les dispositions de ce dernier, elle a le cardinal-vicaire comme préfet, et comme secrétaire, le secrétaire, de la S. C. du Concile. Actuellement, elle n’existe plus guère que dans la per­ sonne de ces deux membres, étant heureusement de­ venue à peu près sans objet, par suite de l'observation plus fidèle de la loi de la résidence. —4. La S. C. de la juridiction et de l’immunité ecclésiastique, créée par Urbain VIII. Elle a été, vu la disparition presque com­ plète de l’immunité, réunie provisoirement par Léon Xlll à la S. C. du Concile. Depuis longtemps déjà, à cause de la connexité de ce privilège avec les conventions concordataires, elle était en pratique suppléée par la Secrétairerie d'Etat ou par la S. C. pour les affaires ecclésiastiques extraordinaires. André Ricci a publié : | Synopsis, decreta et resolutiones S. C. Immunitatis ■ super controversiis jurisdictional dms, Palestrina, 1708; réédition par Barbier de Montault, S. C. de l’immunité, 1 dans la Collection des décrets authentiques des S. C. ro­ maines, in-12. Paris, s. d. (1866). 5» La S. C. des Hiles, de la création de Sixte-Quint, remplit deux rôles principaux et revêt comme deux aspects divers, selon qu'elle s’occupe des causes de béa­ tification et de canonisation des saints ou qu’elle règle d’une manière générale ce qui touche au culte et aux cérémonies de l’Église. Dans l'accomplissement de la première de . C. des Etudes est l'héritière, la continua­ trice de celle que Sixte-Quint avait instituée sous le nom de Congrégation pour /.’université des études ro­ maines et qui devait d'ailleurs s’occuper aussi des inté­ rêts de plusieurs universités insignes placées sous la protection du saint-siège, notamment des universités de Paris, de Cologne, d'Oxford, de Salamanque. Son titre actuel lui a été donné par Léon XII. en 1824; mais en même temps sa compétence était restreinte aux uni­ versités et aux écoles publiques et privées de Rome et des Etats pontificaux. Depuis l’usurpation italienne en 1870, la distinction entre l’Italie et d'autres pays a dis­ paru et la S. C. des Études intervient dans la haute di­ rection des universités du inonde entier. 11» La Congrégation de la Révérende Fabrique de Saint-Pierre remonte par ses origines jusqu'au temps de la réédification de la basilique vaticane sous Jules II et Léon X. Plus tard. Clément VII préposa à celte œuvre un comité de soixante membres. A ce comité Clément VH substitua une congrégation de cardinaux, qui subit de nouveaux remaniements sous Benoit XlVetsous Pie IX. Aujourd'hui, elle a comme préfet le cardinal archiprétre de la basilique vaticane. Sa compétence porte princi­ palement sur l’arrangement, l’interprétation équitable et le rachat des legs pieux, ainsi que sur la réduction des charges relatives aux fondations de messes. Par la constitution Sapienti Consilio du 29 juin 1908, Pie X a précisé les attributions des Congrégations romaines el en a créé une nouvelle De disciplina sacramentorum. XL Tribunaux romains, S. Pénitencerie. — Certains tribunaux romains, surtout la Rote, la Dalerie et la S. Pénitencerie. sont parfois, même dans des traités théologiques ou canoniques, mentionnés parmi les con­ grégations. C'est là une extension du sens propre et technique de ce dernier terme, que la rigueur du lan­ gage juridique n’admet point. La Rote, tribunal de justice a été rétabli par Pie X en 1908, ainsi que la Signature apostolique. Voir ces mots. P. Farinacei, avocat romain, a publié : Decisio­ nes novissimæ Rotte romance (1554-1613), 4 vol., Amiens, 1616. La Daterie, tribunal de grâce pour le for extérieur, confère les bénéfices non consistoriaux et accorde la dispense des empêchements publics de mariage et des irrégularités. Durant la vacance dn Siège apostolique, ses pouvoirs sont suspendus, et elle est suppléée, pour les affaires qui ne souffrent point dretard,parla S. Pénitencerie. Celle-ci. tribunal de grâce pour le for intérieur, à une importance spéciale et pré­ sente une assez grande analogie avec les congrégations. 1119 CONGRÉGATIONS ROMAINES — CONGRUISME Au xm· siècle déjà, nous constatons à Rome l'exis­ tence de prêtres pénitenciers, chargés d’absoudre des cas et des censures réservés au souverain pontife. Parmi eux, l’histoire distingue, à cette époque, saint Raymond de Pennaforl. Leur rôle était devenu dés lors si impor­ tant qu’on jugea nécessaire, dans le courant du même siècle, de les soumettre tous à l’autorité spéciale d'un cardinal, qui prit bientôt le titre de grand pénitencier (pænitentiarius major). Après des fluctuations en sens divers, la juridiction de la S. Pénitencerie a été réglée de telle sorte, par deux constitutions de Benoit XIV, qu’elle est en principe restreinte au for intérieur. Outre l'absolution directe de fautes et de peines réservées, la Pénitencerie peut octroyer différentes facultés générales d’absoudre et de dispenser, telles que les facultés trien­ nales et quinquennales des évêques. Elle commue les vœux, fait remise de certains revenus irrégulièrement perçus et concède d’autres faveurs dont le pape est réputé le seul dispensateur : tout cela, ordinairement pour le seul for intérieur, mais aussi pour le for exté­ rieur exceptionnellement et quant aux choses et aux personnes spécifiées par le droit. Elle accorde la dis­ pense des empêchements secrets de mariage, et quel­ quefois, pour les pauvres par exemple, celle des empê­ chements publics. Durant les vacances de la Daterie, elle a pouvoir pour lever tont empêchement. Elle-même, à raison des nécessités spirituelles permanentes aux­ quelles elle doit pourvoir, n'a jamais de vacances; sa juridiction n’est pas suspendue entre la mort d'un pape et l'élection de son successeur. Notons enfin que tout confesseur peut, en cas de besoin, s'adresser à elle di­ rectement. Cf. C. H. Haskins, The sources for the his­ tory of the papal Penitentiary, dans The american journal of theology, 1905, t. ix, p. 422-450; Eube), Ver Begislerband des Cardinalgrosspônitentiars Bentevegna, dans Archiv fur kalholisches Kirchenrecht, 1890, t. LXIV, p. 3-69. Pour les points de théologie morale : S. Alphonse, Theologia moralis, t. 1. tr. It, dub. II, n. 106: Scavini. Theologia moralis universa, tr. Il, disp. Il, c. ni; Gury-Balterini, Compendium theologiæ moralis, 9' édit., Rome, 1887. t. i, tr. De legibus, part. II, c. n, a. 1 : Ballerini-Palmieri. Opus theologicum mo­ rale, Prato, 1889,1.1, tr. III. De legibus, c. I, dub. n ; Lehmkuhl, Theologia moralis, 8· édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896,1.1, tr. II, sect, n, c. v, §4; Forget, art. Congrégations, dans le Diction­ naire apologétique de Jaugey, Paris, 1889. Pour la partie canonique et historique : Ferraris, Prompta bibliotheca canonica, v· Congregatio;Bouix, Decuriaromana; Bangen, Die rœmische Curie, Munster, 1854; Grimaldi, Les Congrégations romaines, Sienne. 1890 (mis à l'index par dé­ cret du Saint-Office, le 29 avril 1891); Sagmüller, Die Thâtigkeit und Stellung der Cardinale, Fribourg-en-Brisgau, 1896; Wernz, Jus decretalium, Rome, 1899, t. Il, Jus constitutionis Ecclesiæ catholicæ, tit. xxxt ; Deshayes, Memento juris ecclesiastici pu­ blici et privati, Paris, 1895. tr. V, De curia romana, tit. i ; A. Battandier,A nnuaire pontifical catholique,Paris,1899,p.390-470. Sur la question de l'autorité doctrinale des Congréga­ tions : Gotti, De locis theologicis, t. i, q. ni, dub. IX, § 2, n. 12; Franzelin. Tractatus de divina traditione et Scriptura, 2’ édit., Rome, 1875, De divina traditione, thés. XII, schol. 1; Grisar, Galileistudien, Ratisbonne, 1882, p. 360 ; Vacandard, Études de critique et d’histoire religieuse, Paris, 1905, p. 156 sq. ; S. di Bartolo, Les critères théologiques, trad, franç., Paris, 1889, p. 202-203 (mis à ïIndex par décret du 14 mai 1891); A. Vacant, Le magistère ordinaire de l'Église et ses organes, Paris, 1887, p. 43-44. Voir encore Barthélemy de Clantio, capucin, Manuale eccle­ siasticorum seu S. K. C. decreta selecta, Turin, 1833, 1837, ouvrage revu par Martinucci, Rome, 1841,1845,1853 ; Boissonnet, Dictionnaire des décrets des Congrégations romaines in-4·, Paris. 1852; Acta apostolicæ Sedis du 1·'janvier 1909 (nouvelle constitution et nouveaux règlements). La constitution Officiorum ac munerum do Léon XIII, du 25 janvier 1897, tit. II. c. Il, n. 33, déclare quoies collections des décr-ts d'une congrégation romaine quelconque no peuvent être éditées, nisi obtenta prius licentia, et servatis conditionibus a moderatoribus uniuscujusque Congregationis praescriptis. J. Forget. 1120 CONGRUISME, une théorie théologique de l'effi­ cacité de la grâce. — 1. Position générale de la ques­ tion. H. Le congruisme et l'efficacité de la grâce. III. Le congruisme et la prédestination. I. Position générale de la question. — Le nom de congruisme vient de la congruité, de la convenance, de l'adaptation de la grâce en vue d'obtenir le libre consentement de la volonté humaine. Cette grâce, dit-on, est offerte si apte, si appropriée, congrua, si convenable en elle-même et suivant les conditions sub­ jectives comme suivant les circonstances extérieures, que le libre arbitre accorde son adhésion el donne ainsi â la grâce d’être efficace. Selon le mot célèbre de saint Augustin : Cujus autem miseretur (Deus), sic eum vocat, quomodo scit ei congruere ut vocantem non respuat. De divers, quæst. ad Simpl., 1. I, q. n, n. 13, P. L., t. xl, coi. 119. Telle est l'extension spécifique et la signification essentielle du mot congruisme. Il est arrivé que des congruistes ont transporté leur théorie de l'efficacité de la grâce à un concept particu­ lier de la prédestination à la gloire anle prævisa mé­ rita. Ce n’était pas une conséquence nécessaire et lo­ gique de la théorie, mais sa libre application à une question tout autre et indépendante. De lâ, il est aussi arrivé que plusieurs ont désormais considéré les deux termes comme essentiellement liés dans le système congruiste. Il en est résulté des inexactitudes en histoire, et, en controverse, des querelles sans fondement. II. Le congruisme et l’efficacité de la grace. — t. historique. — L'histoire du congruisme est difficile à rapporter, parce qu’elle est plus difficile encore à fixer, même si on limite exactement le congruisme à un sys­ tème d’efficacité de la grâce. 1° Les adversaires, surtout pendant le xviii· siècle, thomistes, augustiniens, scotistes, liguoriens, et l'un ou l’autre jésuite, comme de nos jours le P. de Régnon, affirment une distinction irréductible, au point de vue précis de l’efficacité de la grâce, entre le congruisme et le molinisme. Dès lors, ils défalquent de l'histoire du premier système tous les théologiens qu'ils considèrent comme inféodés au second; et ils proclament bien haut que Suarez, Bellarmin, Aquaviva, sont les tout premiers fondateurs et, par conséquent, les pères du congruisme. Après le célèbre décret porté par Aqua­ viva, le 14 décembre 1613, en sa qualité de général des jésuites, l'opinion fut communément adoptée par tous les maîtres de la Compagnie, sauf de rares exceptions, comme jadis A. Tanner, Theologia scholastica, disp. VI, dub. v, n. 80, Ingolstadt, 1626, p. 1164 sq., et tout récemment le P. Th. de Régnon, Baûès et Molina, 1. II, sect, vm, Paris, 1883, p. 122-133. 2° Les partisans du congruisme nient, en ce qui con­ cerne l'efficacité de la grâce, toute dillérence essentielle entre le molinisme et leur système. Il est exact de pré­ tendre, selon eux, que Suarez, Bellarmin, Aquaviva ont beaucoup contribué â marquer plus nettement le caractère congruiste et spécifique de la théorie, à en développer l’analyse doctrinale, à promouvoir et réali­ ser son expansion. C'est, en effet, à partir de leur en­ seignement et sous leur influence, que le système, pré­ cisé à l’occasion des controverses De auxiliis et des travaux qu’elles provoquèrent, est devenu l’opinion admise universellement, pour ainsi dire, par les doc­ teurs de la Compagnie de Jésus el par bien d’autres maîtres. Mais, au jugement de nos théologiens, il n'est pas vrai que Suarez, Bellarmin, Aquaviva soient les inventeurs et les pères du congruisme. Avant eux, le mot n’était sans doute pas habituellement appliqué à la théorie, mais la chose, la théorie existait. Lessius et Molina entendent l'efficacité de la grâce de façon con­ gruiste, comme la plupart de ceux qui ont, en cette matière, recours à la science moyenne. Aussi peut-on remonter la tradition théologique sur ce point, et trou­ 1121 CONGRUISME ver la théorie en germe ou expressément enseignée chez les théologiens de l'époque du concile de Trente et de l'ancienne école thomiste, même chez les Peres, et notamment, chez saint Augustin. Le P. G. Schneemann en lait la savante démonstration dans la première partie de son livre Controversiarum de divinæ graliæ liberique arbitrii concordia initia et progressas, Fri­ bourg-en-Brisgau, 1881, p. 38-180. J.-B. Faure l’avait précédé dans cette voie pour ce qui regarde saint Au­ gustin : In Enchiridion S. Augustini, c. Lit, Naples, 1847, p. 100-109. Aussi bien Suarez avait souvent émis, en les appuyant des références nécessaires, des préten­ tions toutes semblables, et de nombreux auteurs congruistes n’ont pas manqué d’approfondir et de compléter cette partie de la démonstration. Voir 1.1, col. 2389-2392. il. exposé DOCTRINAL. — 1° Rappelons que la grâce est dite prévenante, excitans, vocans, adjuvans, quand elle prévient ou meut surnaturellement la volonté ellemême, pour la disposer et l’incliner à la libre accepta­ tion de l’appel divin. La gràce agit donc alors sur la volonté pour ainsi dire inconsciente, avant que celle-ci ait donné son libre assentiment. Mais quand cette gràce, librement acceptée par la volonté, agit avec elle pour la Ijbre production d’un acte surnaturel, alors elle n’est plus prévenante; elle est vraiment concomi­ tante ou coopérante. Or, le langage théologique désigne, sous le nom de grâce efficace, celle qui est suivie de son effet connaturel par la coopération du libre arbitre. Ilia est gratia efficax, écrit Suarez, per quant Lieus facit ut velimus et faciamus. Degratia, LV, c. v, n. 10, Paris, 1857, t. vin, p. 408. Verum el proprium auxi­ lium efficax præveniens, dit-il encore, quo Deus facit ut homo faciat. Op. cit., I. V, c. tu, η. 2, ibid., p. 394. C’est donc proprement la grâce coopérante qui est effi­ cace. Au contraire, la grâce suffisante est celle qui n’est pas suivie de son effet, parce que le libre arbitre lui a refusé sa coopération. Cette division de la grâce en efficace et suffisante est relativement récente, pour ce qui regarde les noms eux-mêmes. Elle ne se rencontre, en propres termes, ni dans les Écritures, ni chez les Pères, ni dans les conciles, ni en saint Augustin, ni en saint Thomas. Elle ne remonte guère au delà du xvr siècle, aux origines des controverses De auxiliis. En revanche, la chose elle-même, le concept d’une grâce qui emporte son effet et d'une autre qui ne l’emporte pas, a été retenu de tout temps. On le trouve vingt fois exprimé par saint Augustin dans les luttes pélagiennes. Il convient toutelois de remarquer que certaines locutions, fréquem­ ment employées par le grand docteur, nous font immé­ diatement penser à la grâce efficace; et cependant elles n'ont pas, dans son opinion et dans son style, cette signification exclusivement définie et réservée. Quand il parle de la grâce, qua Deus agit ut velimus, opera­ tur ut velimus, ipsum velle credere operatur in homine, et dans plusieurs formules analogues, il n’a pas tou­ jours directement en vue la grâce efficace : il a soin de noter que les grâces, énoncées par lui en ces termes, obtiennent ou n'obtiennent pas leur effet par le fait du libre arbitre de l’homme, qui accorde ou n’accorde pas sa coopération. Cf. J.-B. Faure, op. cil., p. 106-108, passim. Voir t. i, col. 2390. Sous l’empire de la gràce efficace comme de la grâce suffisante, le concile de Trente l’a formellement défini, l’homme demeure toujours libre de donner ou de refu­ ser son consentement. Eidem graliæ (excitanti et adjuvanti) libereassentiendo et cooperando disponantur; ... quippe qui illam et abjicere potest. Sess. VI, c. v, Denzinger, Enchiridion, n.679. Excitati divina gratia et adjuti... libere moventur in Deum. Sess. VI, c. vi, Denzinger, n. 680. Liberum hominis arbitrium a Deo motum et exci talum... posse dissentire si velit. Sess. VI, can. 4, Denzinger. n. 696. DICT. DE THEOL. CATHOL. liirJ 2° Mais dans quel sens précis la question présente envisage-t-elle la grâce efficace? — 1. Cette efficacité peut se prendre au sens potentiel ou virtuel, efficacia virtiialis. Alors elle signifie que la grâce contient en elle-même, indépendamment de toute autre considéra­ tion, la puissance, l’énergie spéciale requise pour dé­ terminer et produire son effet propre, l’acte surnaturel. Ainsi disons-nous d'un remède qu’il est efficace, parce qu’en dehors de toute application, nous savons qu'il contient les énergies nécessaires pour déterminer ou produire des effets salutaires donnés. L’efficacité en­ tendue de la sorte convient tout aussi bien à la grâce prévenante qu’à la grâce coopérante, à la grâce suffi­ sante qu’à la grâce efficace proprement dite. Ce n'est pas celle dont le congruisme lente l'explication. 2. L’efficacité peut s’entendre au sens actif ou actuel, efficacia actualis. Elle marque alors que la grâce agit présentement, qu’elle détermine actuellement son effet connaturel. Ainsi se trouve-t-elle efficace in actu se­ cundo, intimement, vitalement, activement unie au libre consentement de l'homme. Ce n’est pas encore ici le problème dont le congruisme propose une solu­ tion. 3. Cette grâce virtuellement ou actuellement efficace peut s'envisager in actu primo, avant son application concrète. On la dit alors efficace, si certainement et infailliblement elle doit entrainer le libre consentement de l’homme, à l’heure de son intervention réelle. C’est ce que les théologiens ont appelé l’efiicacité de con­ nexion, efficacia connexionis, à raison du rapport d’immanquable efficacité qui se trouve entre telle grâce éternellement prévue en Dieu et son effet dans le temps et dans tel sujet donné. Au contraire, la grâce est dite simplement suffisante, si dans les mêmes conditions, in actu primo, elle se trouve ne devoir certainement pas obtenir l'adhésion du libre arbitre, lors de sa con­ cession réelle. Telle est toute la question présentement débattue. Considéré à ce point, le problème se pose ainsi : Quelle différence y a-t-il entre la grâce efficace et la gràce simplement suffisante? L’on répond : La différence est facile à marquer : c’est que la grâce effi­ cace enveloppe, dans son concept, un rapport néces­ saire et immanquable avec son effet, qui est la libre adhésion de la volonté. C’est tout l’opposé dans le con­ cept de la grâce simplement suffisante. Jusqu'ici toutle monde demeure ou peut demeurer d’accord. 3° 11 faut aller plus loin et découvrir d’où procède cette infaillible connexion, cet enchaînement imman­ quable de la gràce avec le consentement du libre arbitre. Pour y parvenir, l’on considère cette infaillibi­ lité de connexion ou d’enchaînement sous trois rap­ ports. 1. D’abord, observe-t-on, elle est voulue de Dieu : c’est l’infaillibilité affective, infallibilitas connexionis affectiva; c’est Dieu décidant l’octroi d'une grâce qui obtiendra certainement la libre adhésion de l’homme, au lieu de telle autre qui pourrait en soi l'obtenir aussi, mais qui, de fait, ne l’obtiendrait certainement pas. — 2. D’autre part, elle est connue de Dieu : c'est l’infaillibilité de connaissance, infallibilitas connexio­ nis cognoscitiva; c’est Dieu connaissant de façon infail­ lible qu’une grâce obtiendra certainement son effet, quand telles et telles autres qui de soi pourraient aussi l’entraîner, en fait ne l'obtiendraient sûrement pas. — 3. Enfin cette infaillibilité a une réalité objective, infal­ libilitas connexionis objectiva. En effet, telle grâce que Dieu voit liée au libre consentement de l'homme, que Dieu veut et décide d’accorder, se trouve, dans l’ordre réel des choses, avoir une relation nécessaire et objec­ tive avec ce même consentement. C’est parce qu’il est objectif, ontologique, que Dieu perçoit ce rapport, car Dieu lui-même ne voit que ce qui est en quelque manière. Tous s’accordent ou peuvent s’accorder encore à dis•tinguer, dans l’analyse de la gràce efficace, ce triple III. - 36 1123 CONG R U ISM E élément. Mais dès que l’on fait un pas de plus, et que '.’ou cherche le pourquoi et le commentde celte liaison infaillible entre la grâce et son effet, en d’autres termes, le pourquoi et le comment de l’efficacité de la grâce, les divisions s'élèvent. 4» Le point capital est d’expliquer l’infaillibilité objective ou la liaison réelle de la grâce avec son effet, même in actu primo. Cette première solution trouvée, la connaissance et les décrets divins obtiennent une explication qui suit logiquement de la précédente. 1. Or, d'un côté, plusieurs écoles défendent, chacune â sa manière, l’efficacité intrinsèque de la grâce, gratia efficax ab intrinseco, en sorte que cette grâce est par elle-même la cause déterminante des actes surnaturels et salutaires auxquels elle est ordonnée. Dans cette opinion, la grâce efficace et la grâce suffisante sont essentiellement différentes, entilative diversæ. La grâce efficace contient une réalité, une perfection d’ordre ontologique, qui ne se trouve pas dans la grâce simplement suffisante; ou, du moins, la grâce efficace est toujours accompagnée d'une préinolion physique qui déterminera l'assentiment ou la coopération du libre arbitre. Les thomistes soutiennent que la grâce efficace contient lumière et motion surnaturelles qui prédéterminent réellement et physiquement le libre arbitre à s’incliner; les augustiniens trouvent que la grâce efficace produit en l'âme une délectation incons­ ciente nécessairement victorieuse, qui attire infaillible­ ment le libre arbitre. En fait, dans une explication comme dans l'autre, la grâce emporte son effet parce qu’elle est intrinsèquement proportionnée, adaptée à son but. l’acte surnaturel, intrinsece congrua; et cette congruité intrinsèque s’explique, ici, par une prémo­ tion ou une prédétermination physique de la grâce sur le libre arbitre; là, par une délectation et une attrac­ tion victorieuses. 2. Ces théories ont paru â beaucoup de théologiens faire bon marché de la liberté humaine. Voulant, avec juste raison, sauvegarder absolument celle-ci, ils ont cherché et proposé une autre explication. Ils n'ont pas nié que la grâce n’eût une congruité, une adaptation intrinsèque avec l’effet on l'acte surnaturel auquel elle coopère. Cela va de soi, puisqu'il s’agit ici de deux énergies qui se compénètrent intimement pour pro­ duire, dans et par leur union active et féconde, un seul et même acte surnaturel. Mais ils ont nié que cette congruité intrinsèque fût la cause propre et immé­ diate qui rendit la grâce efficace. Pour eux, il n’y a aucune dillérence essentielle, ontologique, de nature ou de vertu, entre la grâce efficace et la grâce suffisante. Toutes deux sont de même espèce ontologique, enlitative ejusdem speciei. La cause donc de l'efficacité doit se trouver en dehors de la vertu inhérente â la grâce elle-même. Cette efficacité est ab extrinseco; elle pro­ vient de l'adhésion el de la coopération du libre arbitre avec la grâce; mais cette adhésion et cette coopération ne se produisent que parce que la volonté est sollicitée et aidée de façon congrue, c’est-à-dire quand et comme il convient pour que la volonté accorde son libre con­ sentement. Ainsi l’on comprend que la théorie soit communément désignée sous le nom de congruisme : Infallibilis certitudo (efficaciae), écrit le P. C. Pesch, non aliunde derivatur nisi ex ipsa fuluritione con­ sensus ; sed consensus futurus est, quia homo vocatur (quomodo) quando et tibi congruum est ut libere con­ sentiat. De gratia, part. I, sect, iv, a. 2, prop. 22“, Fribourg-en-Brisgau, 1897. t. v, p. 159. 5" Le congruisme ainsi entendu s'est présenté sous trois formes particulières : 1. Quelques-uns, comme Thomassin, ont trouvé l’adaptation ou la congruité de la grâce dans le nombre, la variété, l'harmonie de grâces multiples, objectives ou subjectives. Séparément, chacune peut manquer son but; mais leur réunion 1124 assiège et saisit l'homme, même le plus obstiné, en telle manière que le but ou l'acte surnaturel s’ensuit très certainement. — Cette explication ne vaut pas. Outre qu’elle semble dénierà Dieu la puissance d’ame­ ner la volonté humaine à un consentement déterminé par une grâce unique, elle se réduit en dernière ana­ lyse à une contradiction. Car, en fait, ce n’est pas la réunion des grâces qui obtient, comme on le prétend, l’efficacité; en vérité, c'est la dernière grâce otferte qui est réellement efficace, puisque les précédentes, devant lesquelles la volonté ne s’est pas inclinée, se sont trouvées simplement suffisantes. Aussi bien l’expli­ cation n'en est pas une. En effet, depuis les définitions du concile de Trente, on ne saurait nier que, même devant ces grâces multiples, la volonté demeure indif­ férente et libre. La question alors reste entière : d’où vient que la volonté cependant consente? 2. D'autres ont placé la solution du problème dans la congruité ou l’accommodation de la grâce avec la nature, le caractère, le tempérament physique et moral, les inclinations et dispositions de l'homme, comme aussi avec les circonstances diverses de temps et de lieu où il se trouve. Molina produit à ce propos une compa­ raison intéressante à retenir: Quemadmodum quando homo rebus hujus saeculi est deditus, quo majus bonum temporale ei proponitur et minore cum difficultate obtinendum, eo solet facilius et frequentius elicere sine ulla mora volitionem circa illud, adeo ut nullus prudens dubitet, si ei multa millia aureorum gratis accipienda proponantur, aut regnum, vel monarchia orbis, eum continuo eliciturum volitionem, el nihilo­ minus libere quoad exercitium eam eliciet, ita ut, si cum peccato saltem veniali id appelât, vere peccet, quod non esset, si actum non posset continere : ita latita luce potest peccator intus a Deo illustrari ad, cognoscendum tum sua propria scelera, tum damna quæ ei attulerunt, tum denique bonitatem Dei atque ingratitudinem erga Deum commissam, tantoque affectu et suavitate perfundi ac excitari ad contri­ tionem et dilectionem potest ipsius voluntas una cum parte sentiente, ut credendum omnino sit illum sine mora consensum eliciturum, semper tamen cum li­ bertate ad illum continendum, si ita velit, quamvis raro aut nunquam in tanta luce tam potenlique ad­ jutorio illam continebit. Concordia liberi arbitrii, q. xtv, a. 13, disp. LII1, m. tv. Paris, 4870, p. 373. Molina ajoute avec raison qu'elles ne sont point com­ munes, mais extraordinaires, les grâces de ce genre, qui, de leur nature, impliquent le consentement du libre arbitre avec une sorte de certitude morale. Il va plus loin : quand ces faveurs tout extraordinaires sont accordées, la certitude morale qui en résulte, est inhabile à rendre raison de l’immanquable liaison entre la grâce et son effet. La congruité de telle ou telle grâce, fondée et mesurée selon les dispositions et conditions du sujet, peut amener à une plus ou moins grande, â une extrême probabilité, mais non à la certi­ tude vraie, absolue, à l’infaillibilité. D'ailleurs, l’expli­ cation donnée revient â dire que la grâce est efficace quand elle est conférée à l’homme intérieurement bien disposé et situé extérieurement dans les circonstances les plus favorables pour son acceptation. Or, s’il en est ainsi, la grâce efficace ne serait plus nécessaire à son effet : sinon, dit justement Suarez, l’homme qui ne recevrait pas les secours divins en ces dispositions et conditionstout heureuses, ne les aurait même pas suf­ fisants. Neque id (gratia congrua modo descripta} re­ quiri potest ut necessarium ad vocationis efficaciam, id est ut consequatur effectum..., quia alius qui non ita vocaretur, non haberet vocationem sufficientem. De auxiliis, optisc. I, I. 111, c. xtv, n. 8, Paris, 1858, t. xi, p. 224. Du reste, l’expérience et l'observation nous apprennent que la grâce est parfois conférée â 1125 CONGRUISME des sujets situés en des conditions déplorables, et nullement disposés à l’accueillir. Alors même pourtant, elle obtient quelquefois son effet, comme il est arrivé en saint Paul. Il faut donc recourir à autre chose pour compléter l'explication. 3. Sans abandonner la congruité précédente comme moyen possible et souvent réel de l’action divine, des théologiens ont plutôt placé la solution du problème dans le rapport objectif, ontologique, qu’il faut bien admettre entre la grâce et le consentement de la vo­ lonté, puisqu'il s’agit de grâce efficace. Dans l’ordre réel ou ontologique des choses, il est très vrai que la grâce efficace ne contient pas en soi une force particu­ lière, un moyen spécial d'atteindre infailliblement son effet. Mais il est tout aussi vrai qu’en réalité elle l’ob­ tiendra, et que, par conséquent, il y a entre elle et l'adhésion de la volonté un rapport réel, ontologique, inévitable, en vertu duquel la grâce coopérera certaine­ ment avec le libre arbitre ; et celui-ci, très certainement et très librement avec la grâce. Ce rapport consiste simplement en ce que telle grâce objective atteindra infailliblement son but réel, parce qu’en fait, la volonté qui aurait pu la rejeter, se déterminera librement à l'accepter. C'est là une vérité de fait, qui explique l'in­ faillible efficacité de la grâce par l’infaillible réalité du consentement donné librement â ses appels. Cette réa­ lité ainsi fixée, bien qu'elle ait pu être tout opposée, se trouve immanquable dans l’ordre objectif comme elle est infailliblement prévue de Dieu. Remarquons-le : c’est là encore ce qu’il y a de plus congru, pour l’homme, puisque de la sorte il atteint sa lin. laquelle est bien ce qu'il y a de meilleur et de plus convenable pour lui. L'on a voulu, sur ce point, séparer Suarez de Molina, comme si le premier eût embrassé seulement le congruisme des circonstances et des dispositions. Il n’en est rien. Parlant de la grâce destinée à emporter la conversion d'un pécheur, Suarez s'exprime en ces termes qui ne laissent place à aucun doute : Deus... quando vult hominem convertere, vult etiam illum vocare illo tempore et modo quo novit illum consensurum, et talis vocatio appellatur efficax, quia,ι,ίνκτ ex se non HABEAT INFALLIBILEM EFFECTUM, TAMEN UT SUBEST TAU SCIENTt.II DIVIN.E, INFALLIBILITER EST ILLUM HA­ BITURA : quod interdum poterit accidere cum speciali congruilate et efficacia morali talis vocationis, inter­ dum sine illa coopérante libero arbitrio eum generali influxu gratia: Dei, et utroque modo gratia erit effi­ cax, quamvis una sit copiosior et major quam alia. De auxiliis, opusc. I, 1. III, c. xiv, n. 9, Paris, 1858, t. xi, p. 225. Suarez ajoute cette observation qui confirme sa pensée sur le congruisme : Juxta hunc effi­ cacitatis modum intelligenda est doctrina Augustini. Non enim consideravit tantum congruitatem quam vocatio secundum se habet cum ingenio vel natura hominis, quæ est congruitas quasi in actu primo, sed etiam ac præcipue proportionem illam consideravit (objeclivam) quæ in hoc consistit quod vocatio tunc datur quando operatura est, quæ proprie consistit in actu secundo (de facto) et maxime congrua dici po­ test, QUIA MAXIME CONGRUIT HOMINt, CUI MELIUS EST VOCARI QUANDO RESPONSURUS EST, ETIAMSI REMISSE VOCETUR, QUAM FORTITER VOCARI, CUM CONSENSURUS NON EST. Ibid. Ailleurs, et de façon plus nette encore, Suarez précise son sentiment : Præscientia Dei circa futura contingentia est infallibilis, quamvis objectum non habeat in sua causa determinationem; et ideo dicimus necessarium esse ut talis scientia includat HABITUDINEM At> IPSAM DETERMINATIONEM CAUSAI, UT SUO TEMPORE FUTURAM, NON QUIA ALITER ESSE NON POSSIT, SED QUIA NON ALITER FUTURA EST. Sic igitur hæe gratia quæ antecedenter infunditur, infallibili- | ter habebit consequentem operationem voluntatis, non 1 1126 quia aliter esse non potest, etiam stante illa gratia, sed quia aliter futura non est. De gratia, 1. V, c. xxi, n. 4, Paris, 1857, t. vin. p. 498-499. De toute évidence, quand Suarez et les congruistes avec lui tirent l'efficacité de la grâce de la libre déter­ mination de la volonté, l’affirmation doit s'entendre de la volonté surnaturellement préparée, élevée déjà et forti liée par cette même grâce. 6“ Se retournant maintenant vers Dieu, si le congruiste se demande : Mais comment Dieu connait-il infaillible­ ment la liaison entre telle ou telle grâce et la détermi­ nation du libre arbitre, Suarez comme Molina répond en recourant à la science moyenne. Il s’agit, on effet, dans l’espèce, de la connaissance des futurs libres con­ tingents, de ce que tel ou tel homme, dans telles et telles circonstances données, décidera librement sous l’inlluence de telle ou telle grâce. Le consentement ou le refus de l’homme, dans ces conditions, est une vérité objective, non existante encore, mais futurible, comme disent les théologiens, vérité que l’intelligence divine ne peut manquer de connaître, puisque son infi­ nie capacité embrasse pleinement toute vérité. On trouvera à l'article Science moyenne les arguments invoqués pour établir son existence, et aussi les condi­ tions essentielles de cette divine connaissance. 7° Si enfin le problème se pose au regard de la vo­ lonté de Dieu, il faut bien admettre que la grâce effi­ cace n’échappe poinl à sa compréhension, qu’elle est voulue et destinée dans les décrets éternels comme toutes les œuvres extérieures de sa toute-puissance. Cela ne saurait faire doute pour personne. C’est Vinfallibilitas connexionis affectiva, que nous avons déjà men­ tionnée. Mais dans quel ordre et en quelle manière la grâce efficace se trouve-t-elle immanquablement liée à la volonté? C’est le problème de la prêdéfinition, comme on s’est plu â le .nommer. La prédéfinition se distingue de la prédestination en ce que celle-ci implique tou­ jours. immédiatement ou médiatement, un rapport final à la gloire éternelle, tandis que la prédéfinition embrasse purement et simplement un acte salutaire, comme tel, et en ce qu’il est voulu de Dieu. Elle est dite formelle, si la volonté divine se porte sur l’acte surnaturel luimême, directement et immédiatement; on l’appelle virtuelle, si la volonté divine se porte directement sur un moyen quelconque infailliblement lié avec l'acte sur­ naturel en question : en voulant le moyen. Dieu veut virtuellement l’acte qui s’ensuit, à titre d'effet ou de conséquence quelconque. A ce point de la discussion, les congruistes se divisent. 1. Suarez rappelle le grand principe qui domine sa théorie : qui veut la fin, veut les moyens. Or, Dieu ayant prédestiné les élus à la gloire, ne peut manquer de leur préparer et prédéfinir les moyens d’y atteindre; ces moyens sont les actes surnaturels, qui ne peuvent être accomplis sans les grâces opportunes ou congrues. Et donc Dieu prédéfinit les grâces convenables pour chacun des actes surnaturels des prédestinés ou des élus. Censeo prædefinire Deum in individuo et in par­ ticulari, et aim omnibus circumstantiis, omnes actus bonos et supernaturales, quibus prædeslinali salutem consequuntur. De auxiliis, opusc. 1,1. Ill, c. xvn, η. 11. Concludimus Deum prædefinire omnia supematuralia opera, quæ sunt media ut electi consequantur gloriam ad quam electi sunt... Ratio generalis est quia qui ef­ ficaciter intendit, finem, eligit et determinat media per quæ vult et statuit illum finem comparare, et ita prædefmil illa, præserlim si talia sint, et quæ in ejus voluntatem cadere possint, et ex ipsius peculiari cura et providentia efficienda sint. Ibid., n. 13, Paris, 1858, t. xi, p. 254-255. Quelques théologiens, disciples lidèles de Suarez, soutiennent donc que Dieu veut tout d'aboni la production de tel ou tel acte surnaturel par tel ou tel homme. Celte détermination absolue une fois prise. 1127 CONGRUISME pour la réaliser, Dieu choisit, dans la série infinie des grâces possibles, l’une de celles que sa science moyenne lui monlre devoir être efficaces par l'accès du libre con­ sentement de l’homme, et il décrète son octroi. Il est donc vrai de dire, en un certain sens, que Dieu accorde cette grâce efficace parce qu'il la sait efficace, c'est-àdire que, voulant absolument une fin, il choisit et donne le moyen efficace d’y arriver. Mais il y aurait erreur grossière à interpréter celte formule : Dieu donne la grâce efficace parce qu’il la sait efficace, en ce sens que la libre adhésion de l’homme à cette grâce serait la raison du choix et du décret divin, et constituerait, par avance, une sorte de titre méritoire pour obtenir une telle faveur. Cette opinion ne laisserait pas d'emporter, avec d’autres inconvénients, celui de présenter des allures nettement semipélagiennes. Non,dans le système des théologiens que nous mentionnons, si Dieu choisit une grâce efficace parce qu’il la sait efficace, c'est d’abord parce qu’il veut, antérieurement à toute autre considération, de façon ferme et absolue, que tel sujet, placé dans telles circonstances, produise un acte sur­ naturel déterminé, et il ordonne le moyen proportionné à cette fin. Que si l'on demande ensuite pourquoi Dieu décide ainsi, antécédemment à toute considération de l’homme lui-méme, de façon ferme et absolue, la pro­ duction d’un acte surnaturel et méritoire par un sujet donné, la réponse sera que cette divine décision est purement gratuite de sa part. La raison dernière de son choix, de son décret de prédéfinition, est tout entière de son côté, c’est sa prédilection particulière, sa bienveil­ lance toute gratuite envers l’homme qui a le bonheur d’en être l’objet. Le cardinal Mazzella observe avec raison que cette théorie de prédéfinitions antécédentes et absolues ne s’impose pas de soi, qu’elle n’est nullement nécessaire. Elle ne manque pas, du reste, de prêtera de très graves objections, et elle n’a pu recueillir le suffrage commun des théologiens. Le cardinal Franzelin, qui la discute longuement, en accorde la possibilité, mais soutient vivement qu'elle ne cadre pas, en fait, avec ce que nous savons positivement de notre ordre surnaturel. Cf. Mazzella, be gratia Christi, disp. Ill, a. 7, η. 689, Home, 1880, p. 469; Franzelin, De Deo uno, th. xliii, Rome, 1876, p. 434-450. 2. D’autres congruistes achèvent leur solution, en se rapprochant plutôt de Molina. A leur jugement, Dieu ne veut pas, d’abord et de façon absolue, l’acte salutaire. 11 voit toutes les grâces possibles, et, par la science moyenne, il découvre à quelles grâces, d'ailleurs par elles-mêmes suffisantes et indifférentes, chacun des hommes donnera ou refusera son consentement dans telles circonstances données. Alors il décide l’octroi d’une grâce qui sera et qu’il prévoit efficace, et non l'octroi d'une autre qui serait et qu’il prévoit devoir être ineffi­ cace. La raison de son choix n’est pas l’adhésion pré­ vue du libre arbitre; elle n’est pas non plus la volonté divine antécédente de faire absolument produire à l'homme tel acte surnaturel. Cette raison est unique­ ment sa grande bonté pour sa créature, la particulière dilection dont il l’enveloppe, bonté et prédilection toutes gratuites, qui demeurent toujours un mystère, selon que l’observait saint Augustin : Si ad illam profundita­ tem scrutandam guisquam nos coarclel, cur illi ita suadeatur ut persuadeatur, illi autem non ita, duo sola occurrunt interim quæ respondere mihi placeat. 0 altitudo divitiarum.' Et, numquid est iniquitas apud Deum? De spiritu et littera, c. xxxiv, P. L., t. xliv, coi. 241. Cf. De dono perseverantiie, c. ix, n. 21,P. L., t. xi.v, coi. 1004. Cette théorie se trouve expressément et très nette­ ment exposée par Molina. Lui aussi tient pour la pré­ définition divine des actes humains; il le déclare de la façon la plus catégorique et la plus générale : Ego, 1128 écrit-il, dnm commune sanctorum Patrum pronun­ tiatum affirmavi, nequaquam negavi, quin potius apertissime asserui prædefmitionem seu prædeterminalionem liberam voluntatis divinæ ad singulas actiones causarum secundarum, non modo supernaturales, sed etiam naturales, necessariam esse. Appen­ dix cd concordiam, Jlesp. ad obj. S,m, ibid., p. 583. Cette prédéfinition ne lèse aucunement l’autonomie du libre arbitre : elle enveloppe simplement la prévision de son exercice libre et normal. Elle n’est donc pas an. técédente et absolue, comme le prétendent Suarez et ses partisans; mais elle vise, elle suit la détermination de la volonté agissant librement avec la grâce coopé­ rante : Ea quæ a cooperatione nostri liberi arbitrii pendent ut existant aut non existant, sive illa natu­ ralia sint sive supernaturalia, sive bona sive mala, quatenus præcise a nostra cooperatione pendent, non ideo futura esse quia Deus ea præsciril, sed e con­ trario, ideo Deum ex æternitate per scientiam me­ diam ea futura præscivisse, ex hypolhesi scilicet quod hunc rerum ordinem creare vellet, quia pro nostra li­ bertate erant futura : sciturus tamen oppositum, si ex eadem hypolhesi pro eadem libertate illud esset futurum : id quod omnino necessarium est, tum ut tueri possimus hominis libertatem, Deumque neque causam peccati esse, neque voluntatem nostram ad malum determinare aut inclinare, tum ut nostri actus virtutis ac vitii meritique ac demeriti rationem habere possint. Ibid., p. 587. Aussi bien celte prédé­ finition des actes surnaturels en Dieu est absolument gratuite. Elle ne procède nullement d’une volonté anté­ rieure et absolue de faire produire par un sujet tel ou tel bien surnaturel ; elle ne procède pas davantage d’une volonté antécédente de prédestination absolue à la gloire. Itaque dicimus praescientiam usus liberi arbitrii praedestinatorum, fuluræve talis liberæ coo­ perationis eorum cum donis et auxiliis Dei, ut ad vitam ælernam in hoc ordine rerum quem Deus cre­ are statuit, pervenirent, non fuisse causam, rationem aut conditionem, quare vel prædestinatione in genere hi essent prædestinati, aut hi potius quam alii, vel quare ea ipsa numero prædestinatione, qua reipsa prædestinati sunt, fuerint prædestinati, quasi Deus voluerit ex sua parte illis conferre ea ipsa media, quæ donare illis statuit, per eaque eos prædeslinare, quia prævidil illos ita pro sua libertate cooperaturos, ut ea via ad vitam æternam pervenirent, aut quasi id fuerit conditio, qua existente aut qua praevisa id Deus erat facturus, el sine qua id non erat valiturus : sed pro sua tantum libera voluntate ea media illis conferre voluisse, per quæ eos praedestinavit. Licet enim Deus nulli adultorum deneget auxilia ad salutem neces­ saria, non tamen pro ratione usus liberi arbitrii prae­ visi, sed pro sua tantum libera voluntate distribuit sua dona, quibus vult, quando vult, quantum vult, atque eo modo quo vult; pro eadem sua libera volun­ tate ex sua æternitate eo pacto illa distribuere statuit quo in tempore ea distribuit. Ibid., p. 515-516. Cf. Con­ cordia, q. xxiii, a. 4, 5, disp. I, m. v, ibid., p. 453 sq. C’est le congruisme ainsi entendu que continuent à soutenir la plupart des jésuites modernes, Palmieri, Mazzella, C. Pesch, et beaucoup d'autres théologiens. Ils ont retenu les principes communs à Suarez et à Molina, tout en les développant chacun â sa manière. Il s’est trouvé que cette manière était le plus générale­ ment conforme à la théorie et à l’exposé de Molina. 3. L’on peut ainsi comprendre la distinction que les congruistes de toutes écoles retiennent entre la grâce efficace et la grâce suffisante, ratione beneficii. Comme la première apporte à l'homme non seulement la faculté d'agir, mais l’agir lui-même, et cela, en vertu d’une vo­ lonté bienveillante et toute gratuite de Dieu, il est évi­ dent que la grâce efficace est, de la part de Dieu, uo 1129 CONGRUISME bienfait plus grand que la grâce suffisante, laquelle comporte simplement la réelle faculté ou possibilité d’agir. Suarez a fort justement marqué cette distinc­ tion : Addendum ultimo est eum qui convertitur sem­ per recipere majorem gratiam prxvenienlem seu exci­ tantem in ratione moralis beneficii et gratuiti doni divini. Hæc doctrina est juxta doctrinam superius traditam de vocatione efficaci ex mente Augustini. Nam ille qui convertitur semper habet congruam vo­ cationem quam non habet is qui non convertitur. Sed quamvis contingat has vocationes physice et in esse entis esse æquales, tamen in ratione beneficii, moraliter loquendo, longe majus est unum quam aliud : imo interdum vocatio, physice minus perfecta, erit moraliler majus beneficium, quia esse potest magis congrua, omnibus pensatis, el ex majori Dei benevo­ lentia profecta... Similiter ratio beneficii moraliler maxime pensatur ex occasione et tempore ac modo quo fit; magisque ex his circumstantiis æstimalur quam ex absoluta quantitate, præserlim quando illæ circum stan liæ prævisæ sunt a benefactore, et pecu­ liari intentione observatæ ob commodum ejus cui be­ neficium confert : Ha véro in præsenti, ut in superio­ ribus declaratum est. Quocirca, quia gratia simpli­ citer dicta, non solum dicit absolutam rem quæ gratis datur, sed etiam rationem beneficii et moralis benevolentix maxime includit, ideo simpliciter dici potest omnem illum qui convertitur, majorem gratiam prævenientem recipere quam eum qui non convertitur. De auxiliis, opusc. 1, 1. III, c. xx, n. 10, Paris, 1858, t. xr, p. 280. Cf. De gratia, 1. V, c. XLvm,n. 3, 4, Paris, 1857, t. vm, p. 651. m. CRirtyUE. — 1° Pour démontrer leur théorie, les congruistes invoquent toute une série d’arguments, par lesquels ils prouvent l’impossibilité de retenir l'effica­ cité de la grâce ab intrinseco, entendue à la manière des thomistes ou des augustiniens. Car, bien que l’on affirme le contraire, la grâce ainsi entendue ne peut scientifiquement se concilier avec ce que nous savons des conditions de l’exercice du libre arbitre. Puis, leur démonstration positive développe les motifs de raison naturelle ou théologique, les faits révélés, qui établis­ sent l’existence de la science moyenne. Voir ce mot et aussi Molinisme. Enfin ces théologiens font valoir, et ceux de la seconde école avec plus d’autorité, que leur système est celui qui explique tout à la fois plus pro­ fondément, d’une façon plus conforme à la logique, à la psychologie et aux faits ou doctrines révélés : 1. l’in­ faillible efficacité de la grâce, laquelle infaillibilité n’est pas de causalité, mais de prévision divine imman­ quable; 2. la complète et persévérante liberté de l’homme agissant sous l’empire de la grâce surnatu­ relle, de la manière et au sens où le concile de Trente a défini et maintenu cette faculté d’accorder ou de re­ fuser la coopération aux énergies divinement offertes; 3. la véritable suffisance de la grâce dite simplement suffisante, laquelle confère une réelle possibilité ou puissance d’agir surnaturellement; 4. le domaine sou­ verain de Dieu qui s’étend même aux actes libres de la créature raisonnable, mais sans violer le moins du monde l’autonomie du libre arbitre; 5. le caractère de bienveillance divine toute spéciale qui distingue la grâce efficace de celle purement suffisante. 2» Au congruisine, ses adversaires objectent qu'il supprime : 1. l’efficacité de la grâce ab intrinseco; 2. la suffisance véritable et relative de la grâce simple­ ment suffisante; 3. la possibilité et partant la nécessité de la prière ; 4. le zèle de l’action et des œuvres surna­ turelles. — Ces prétentions ne sont pas toutes également fondées; et si l’un ou l'autre argument peut, par cer­ tains cotés, atteindre l’opinion de Suarez, aucun ne semble toucher directement le système congruiste, dans la forme plus approfondie, plus conforme à l’analyse 1130 psychologique, que lui ont donnée beaucoup de théolo­ giens modernes. tv. congruisme et molinisme. — Sur ce point spé­ cial de l'efficacité de la grâce, y a-t-il une dilférence entre le congruisme et le molinisme? 1» D’aucuns le prétendent, surtout des thomistes, comme Graveson, Epist. theologico-hislorico-polemicæ, classis I, epist. i, n. 1, Uassano, 1785, p. 5 sq. ; Billuart, De gratia, diss. V, a. 2, § 3. n. 4, Maastricht, 1769, t. vi, p. 334; Gazzaniga, De gratia, part. 1, diss. V, c. n. n. 110. A écouter Billuart, le point de séparation serait celui-ci : In hoc tantum ab illo discrepare, quod ipsi scilicet congruistæ dicunt Deum ex speciali bene­ volentia atque intentione boni operis in nobis efficiendi nos constituere in iis circumstantiis in quibus per scientiam mediam prævidit nos concursui indifferenti oblato ex innata libertate consensuros, quam specia­ lem benevolentiam non requirunt nec agnoscunt puri molinislæ, sed dicunt Deum æquali et generali volun­ tate gratiam omnibus offerre, quam quilibet pro innata libertate reddit efficacem vel inefficacem. Loc. cit., n. 8, ibid., p. 337. 2» A cette prétention, le P. C. Pesch répond que ia différence ainsi rapportée est purement imaginaire, car Molina, comme Suarez, admet que la grâce efficace marque une bienveillance toute particulière de Dieu, Concordia, q. xxm, a. 4 et 5, disp. IV, passim, et surtout p. 570.<6uarez a peut-être davantage élucidé et développé ce point à sa façon, mais, d’une manière générale, l’on peut déclarer que jamais il n’a pensé se séparer de Molina. Dans ses traités sur la grâce, non seulement il n’attaque jamais Molina, mais il en prend souvent expressément la défense, comme par exemple : De vera intelligentia auxilii efficacis, c. XI, Paris, 1858, t. x, p. 357-364; il fait toujours profession de suivre le sen­ timent commun des théologiens de la Compagnie. Op. cil., c. n, ibid., p. 310; Opusc. I de auxiliis divinæ gratiæ, 1. Ill, c. xm, Paris, 1858, t. xi, p. 220. Aussi Gazzaniga finit-il par conclure que congruisme et moli­ nisme ne diffèrent que par les mots, op. cit., n. 127, note, et Ripalda déclare lui aussi que c'est là tout ce que l’on peut accorderaux prétentions susdites. De ente supernaturali, disp. CXIII, sect, vi, Paris, 1871, t. iv, p. 214. Cf. C. Pesch, Prælecliones dogmalicæ. De gratia, part. I, sect, iv, a. 2, n. 289, Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. v, p. 163. — De fait, â envisager la question, comme le demande son exposé lui-même, au point de vue psy­ chologique, il n’y a point de différence du congruisme au molinisne. De part et d'autre, l’efficacité de la grâce a pour cause adéquate l’adhésion du libre arbitre sou­ tenu par la grâce coopérante; et il est assez piquant de constater que Billuart partage cetle manière de voir; il va même jusqu'à en faire grief aux congruistes : Verum cum neque congrui tas, neque præscientia ullam vim intrinsecam conferant gratiæ, et fateantur ipsi congruistæ nihil reale aut physicum habere quod non habeat gratia incongrua et sufficiens, palam est in eorum systemate hanc efficaciam infallibilem gratix haberi et repetendam esse ex consensu voluntatis ut in systemate Molinx. De gratia, diss. V, a. 2, ÿ 2, n. 8, Maastricht, 1769, t. v, p. 337. A la vérité, que. du côté de Dieu, les prévisions et prédéfinitions se fassent dans tel ou tel ordre, peu importe à la solution du pro­ blème spécial qui est ici posé. La situation réelle et psychologique de l’homme sous l'empire de la grâce demeure toujours la même : c’est son libre consente­ ment qui la rend efficace, et c’est la prévision divine de ce fait inévitablement futur qui constitue l'infaillibi­ lité reconnue à cette grâce efficace. 3» Que si l’on envisage la question du côté de Dieu principalement, l'on peut soutenir avec plus de raison, du moins sur un point, l’existence d’une opposition entre les deux systèmes. 4131 CONGRUISME 1. Le P. de Régnon et après lui le P. Herrmann sont de cet avis : « Dans un système, dit le premier, Dieu donne la grâce qu'il sait efficace, dans l'autre Dieu donne la grâce parce qu'il la sail efficace. Dans le premier, la différence entre la grâce dite efficace et la grâce dite suffisante provient uniquement de la liberté humaine; dans le second, Dieu lui-même opère un triage industrieux entre les grâces et par là les dis­ tingue en efficaces et suffisantes. » Banes el Molina, I. Il, sect, vm, Paris, '1883, p. 127. Cf. .1. Herrmann, Tractatus de divina gratia, part. 1, sect, iv, c. v, Rome, 1904, p. 324. — A notre jugement, le P. de Régnon fait erreur dans sa seconde observation. Le choix de Dieu, qui s’arrête à une grâce efficace de préférence à une autre simplement suffisante, ne contribue, en aucune manière, â rendre l’une et l’autre ce qu’elles sont en réalité. H les voit, certes, et les choisit telles qu’elles seraient dans certaines conditions supposées, telles qu’ellesseront immanquableinentdanscesconditions une fois réalisées ; mais l’une comme l’autre sont ce qu’elles sont, vraiment efficace ou purement suffisante, par le libre arbitre de l’homme. Par suite, il y a plus qu’exagération à prêter aux congruistes la pensée que Dieu, par un triage industrieux, distingue les grâces en efficaces et en suffisantes, en un mot les fait ce qu’elles sont. Ainsi s'efface le gros trait de séparation que l’on a voulu marquer entre les deux systèmes, plus peut-être par esprit de controverse que par souci de l’histoire, et l’on peut logiquement soutenir, semble-t-il, qu’entre le congruisme et le molinisme il n’existe aucune diffé­ rence essentielle, fondamentale, sur la manière d’en­ tendre et d’expliquer l'efficacité de la grâce. J’accorde néanmoins que les tenants des deux côtés, dans l’ana­ lyse qu’ils présentent de la théorie commune, ont pu introduire des éléments qui ne sont pas tous absolument identiques. Ici, comme dans tous les problèmes théologiques, chacun apporte, avec sa manière propre d’envi­ sager et de traiter les questions, le développement ulté­ rieur, le perfectionnement qu'il croit avoir entrevu : c’est là une des occasions et l’un des moyens du progrès théologique. Mais toutes ces différences sont simplement accidentelles, tous demeurant unanimes sur le point capital :à savoir, dans l’espèce, que la grâce est rendue efficace ou simplement suffisante par le libre arbitre, par l’acceptation ou le refus de l’homme. 2. Toutefois, à un autre point de vue, celui des pré­ définitions divines, il y a lieu de retenir une réelle différence. Le congruisme, entendu à la façon de Suarez, admet, de la part de Dieu, la prédéfinition antécédente et absolue des actes surnaturels chez les élus. Dieu décide d’abord, en dehors de toute considération de l'homme, absolument, que tel ou tel acte surnaturel sera posé par telle ou telle individualité. En consé­ quence, il choisit, dans le trésor infini de ses dons, une grâce que la science moyenne lui montre devoir être accepte, dans les circonstances données, par le sujet en question. Par suite, il semble exact de dire, comme nous l'avons observé antérieurement, que Dieu octroie cetle grâce parce qu’il la sait efficace. Suivant Molina, la prédéfinition divine de nos actes doit être admise, sans hésitation possible, mais il l’entend tout autrement que Suarez. A son avis, Dieu décide d'abord, pour des raisons très sages et très mystérieuses, mais toutes bienveillantes, de donner à un homme telle ou telle grâce capable d’obtenir un acte surnaturel. 11 voit ensuite, dans sa science moyenne, si l’homme consen­ tira ou ne consentira pas. Le procédé n’est plus préci­ sément le même que précédemment, et il faut recon­ naître que la plupart des congruistes, en conservant sur beaucoup de points l’explication donnée par Suarez aux principes de Molina, ne l’ont cependant plus suivi dans le système des prédéfinitions absolues. 3. Sur cette question des rapports du congruisme et 1132 du molinisme, il est un document historique important que l’on ne peut ici passer sous silence. 11 s’agit du célèbre décret, en date du 14 décembre 1613, par lequel le général Claude Aquaviva prescrivit aux maîtres de la Compagnie de Jésus d’enseigner le congruisme. Billuart a abusé de ce décret pour faire entendre que l’ordre d’enseigner le congruisme se trouvait être la condam­ nation du molinisme. Societas, écrit-il, quæ Molinæ defensionem iis in congregationibus (De auxiliis) susceperat, re maturius inspecta, hujus auctoris sy­ stema temperavit et secundum quid deseruit, indicens lege lata omnibus suis alumnis, ut graliæ congruæ systema a P. Suarez traditum tenerent atque defen­ derent. Pour compléter sa pensée sur la portée du décret, notre théologien relate le passage suivant du jésuite Tanner : Hæc sententia (Molinæ) post diutur­ nam et diligentem hujus rei discussionem, peculiari decreto Reverendissimi Patris nostri Claudii Aquavivæ, Societatis nostræ praepositi generalis, anno 1013 im­ probata est, cum ista ad Societatem nostram rescrip­ sit..., t. n,disp. VI, Degrad.,q. n,dub. v, dans Billuart, De gratia, diss. V, a. 2, § 3, Maestricht, t. vi, p. 334. D’autres théologiens ont ensuite repris l’affirmation de Billuart, et, il faut le reconnaître, contrairement à la vérité. Car a) tout d’abord, le général ne pense pas in­ troduire une doctrine nouvelle, en opposition à une autre précédemment enseignée par ses confrères. Son but est de maintenir, dans la Société, l’ancienne uni­ formité de doctrine, uniformitatem doctrinæ, el d’évi­ ter l’introduction de théories nouvelles, occasiones praescindere novas subinde opiniones excogitandi. Aussi c’est toujours la même doctrine de la Compagnie qu’il commande de retenir; cette doctrine, fermement et constamment défendue dans les congrégations De auxiliis, perfectionnée sans doute par le progrès théo­ logique et à l’occasion des controverses. Statuimus el mandamus ut in tractanda divinæ graliæ efficacitate, theologi Societatis eam opinionem sequantur, sire in lectionibus, sive in publicis disputationibus, quæ a plerisque Societatis scriptoribus tradita atque in controversia de auxiliis divinæ gratiæ coram summis pontificibus piæ memories Clemente VIII et S. D. A'. Paulo V tanguant magis consentanea SS. Augustino et Thoniæ, gravissimorum Patrum judicio explicata et defensa est. Schneemann, op. cit., p. 303. Cf. Denzinger. Enchiridion, n. 964. — b) Qu’ordonne positivement le décret? L’on doit unanimement enseigner qu’entre la grâce efficace et la grâce suffisante, la différence n’est pas seulement in aclu secundo, parce que la première obtient son effet par l’exercice du libre arbitra soutenu par la grâce coopérante et que l’autre, par l’abstention du libre arbitre, demeure inopérante. Mais cette différence existe aussi in aclu primo. En quoi donc consiste cette efficacité de la grâce in aclu primo? C’est que par la science moyenne telle grâce est connue de Dieu comme devant atteindre son effet, et qu'elle est donnée par le propos et l’intention efficace de Dieu d'obtenir de nous le bien très certainement : Nostri in posterum omnino doceant inter gratiam quæ effectum re ipsa habet atque efficax dicitur, et eam quam suf­ ficientem nominant, non tantum discrimen esse in aclu secundo, quia ex usu liberi arbitrii eliam cooperantem gratiam habentis effectum sortiatur, altera non item : sed in ipso actu primo, quod posita scien­ tia condilionalium, ex efficaci Dei proposito atqi ■ intentione efficiendi certissime in nobis boni. Ibid. Or tous ces points de doctrine, s’ils sont de Suarez et du congruisme. sont aussi de Molina. On ne peut douter qu’il ait enseigné fa science moyenne; mais la vérité est qu’il tenait aussi, nous l'avons montré, pour la pré­ définition toute gratuite en Dieu de la grâce efficace en tant qu’efficace. Concordia, q. xxm, a. 4, 5, disp. I. m. n, concl. 6·, Paris, 1876, p. 515-516; Appendix ad 4133 CONGRUISME concordiam, Resp. ad object. 2“m, ibid., p. 583, 587. Molina, sans doute, n'a pas attaché la même importance que Suarez à ce côté de la question et ne l’a pas déve­ loppé avec la même ampleur; mais, de toute évidence, il rentre dans sa synthèse doctrinale de l’efficacité de la grâce. — c) Le décret poursuit : Ile industria ipse (Deus) ea media seligit atque eo modo ct tempore confert quo videt effectum infallibiljter habitura : ALIIS USURUS, SI HAEC IAEFFICACIA PRÆV1DISSBT. Quare semper moraliler et in ratione beneficii plus aliquid in efficaci quam in sufficienti gratia et in actu primo contineri, atque hac ratione efficere Deum ut reipsa faciamus, non tantum quia dat gratiam qua facere possimus. Quod idem dicendum est de perseverantia quæ procul dubio donum Dei est. C’est en ce point, nous l’avons dit déjà, que l’on peut marquer une réelle différence entre les congruisles à la façon de Suarez et les congruistes qui s’inspirent plutôt de Molina. Or, il faut le reconnaître, au sens obvie, le texte d’Aquaviva semble bien tenir pour les prédélinitions absolues de Suarez, prédélinitions tout à fait indépendantes de la science moyenne dans leur divine intention et leur ferme et absolue détermination, dépendantes seulement de la science moyenne dans leur humaine exécution. Mais, nous l’avons dit encore, de nombreux congruisles se refusent à accepter, pour chacun de nos actes, ce système de prédélinitions antécédentes et absolues. Tout en retenant la prédélinilion gratuite de la grâce eflicace comme telle, ils la soumettent à la science moyenne pour l’intention et la détermination divine comme pour l’exécution humaine. Quelle fut la pensée intime et personnelle du P. Aquaviva? Fut-elle exacte­ ment conforme à l’expression de son décret, ou bien l’expression a-t-elle dépassé sa pensée? 11 serait diffi­ cile de donner une réponse catégorique. Notons cepen­ dant ce que rapporte le P. Schneemann et ce qu’avait aussi relaté Billuart, déclarant y découvrir pour ses assertions un confirmatur qui ne s’y trouve pas vérita­ blement. A la congrégation générale, la septième, qui suivit le décret d’Aquaviva, la question fut posée du sens précis â donner à ce document en ce qui regarde les prédéfinitions divines. On fut d’avis que la théorie suarézienne des prédéfinitions antécédentes et absolues ne rentrait pas dans la direction doctrinale imposée par Aquaviva, que l’interprétation de l’aliis usurus si hæc inefficacia praevidisset dans un sens suarézien était une erreur de fait et de droit, qu’il convenait de s’en tenir à une opinion plus modérée, plus proche de Molina et même de Lessius. Le nouveau général Mullius Vitelleschi signilia la décision dans la lettre suivante du 7 juin 1616 : Cum difficultas aliqua inter viros dodos super decreto R. P. Claudii (Aquavivæ) piæ memoriae anni 1013 decembris /4 de efficacia graliæ nata est, variis varie id interpretantibus, II. P. prae­ positus generalis et qui ei assistentes erant, et secre­ torius, qui decreto illi praesentes interfuerant et men­ tem Claudii probe perspectam habebant, itemque Patres ad id a congregatione deputati, censuerunt non intendisse R. P. Claudium hoc suo decreto de­ cernere, Deum sua voluntate prsedetermi nasse vel praedefinivisse aliquod nostrum opus bonum independen ter a cooperatione libera voluntatis, nec etiam quod in gratia efficaci sit aliqua enlilas reads aut aliquis modus physicus in actu primo, qui non sit in gratia sufficienti, sed hoc tantum quod fuerit speciale beneficium Dei dedisse uni, v. g. Petro, ex proposito boni in eo faciendi, gratiam eo tempore et loco, quo per praescientiam condilionalium praescivit illum ea gratia bene usurum ; quod beneficium non contulit alteri, v. g. Joanni, cui dedit gratiam eo tempore et loco, quo priescivit illum sua culpa ea non usurum. Schneemann, op. cit., p. 304·; Billuart, op. cit., p. 336. De ce document il ressort clairement qu’il y a une dif­ 1134 férence très nette entre les prédéfinilions divines en­ tendues au sens de Suarez et ces mêmes prédéfinitions telles qu elles sont appliquées dans le nouveau décret, conformément à l’opinion de Molina. Sur ce point particulier et précis, le P. de Rognon relève justement la dissemblance entre Suarez et Molina, mais il a tort de vouloir établir une sorte d’opposition irréductible entre congruisme et molinisme. Comme nous l’avons marqué, l’explication psychologique et réelle de l’effi­ cacité de la grâce est identique de part et d’autre. Du côté de Dieu seul, il y a lieu de noter une différence entre les deux opinions, et elle se lient tout entière dans les intentions et les décrets divins. A notre avis, cette différence n’est pas d’ordre essentiel dans la question posée, qui est celle de l’efficacité de la grâce; et, par suite, elle ne saurait suffire à spécifier deux systèmes au point de les opposer l'un â l’autre. III. Le congruisme et la prédestination. — !» Suarez et plusieurs de ses partisans ont transporté le con­ gruisme jusque sur le terrain de la prédestination à la gloire; ils l’ont appelé à la rescousse pour expliquer leur manière très particulière de concevoir l'intention et l’exécution des plans éternels de la providence. La question sera traitée avec toute l'ampleur qu’elle ré­ clame à l’article Prédestination. Nous rappelons sim­ plement ici ce qui est nécessaire pour comprendre l’application du congruisme à la question. — En ma­ tière de prédestination, le système suarézien présente ceci de commun avec le thomisme, que, de part et d’autre, l’on enseigne que Dieu prédestine les bienheu­ reux à la gloire de façon totalement gratuite, antérieu­ rement ou, si l'on veut, antécédemment à toute prévi­ sion de mérite. 1. Dans l'opinion de Suarez, le premier décret de Dieu, en ce qui regarde ses opérations extérieures, a pour effet de décider la constitution d’une cité céleste avec le Christ pour chef. L’incarnation est donc décré­ tée tout premièrement. En même temps. Dieu déter­ mine le nombre à créer des anges et des hommes qui seront les citoyens de cette cité surnaturelle, avec la place et la gloire qui seront le privilège de chacun. Dico, écrit Suarez, primum actum voluntatis divinae circa salvandos homines fuisse dilectionem qua voluit et intendit illis dare gloriam voluntate absoluta et efficaci. De divina praedestinatione, 1. 1, c. vm, n. 3’2, Paris, 1856, t. i. p. 268. Le grand théologien précise plus loin sa pensée en ces termes : Dicendum est Deum illo gratuito et absoluto decreto non tantum gloriam indefinite suis electis voluisse, sed illam etiam singulis in gradu certo ac definito praeparasse, eodem actu et modo prieordinando illam varietatem mansi··, num quam Christus dicit esse in regno Patris sui. Op. cit., 1. I, c. x, n. 4, ibid., p. 279. En outre de ces heureux prédestinés ou de ces futurs élus, Dieu decide aussi la création d'autres anges et d’autres hommes. Sans exclure formellement ce second groupe de créa­ tures de sa céleste cité, le divin créateur cependant par un acte positif de son irréfragable volonté, s’abs­ tient de les élire; il ne les prédestine pas pour la gloire. C’est précisément ce que l’on a appelé la répro­ bation négative, la volonté divine déniant la gloire, au lieu de dévouer positivement à la mort éternelle les malheureux en cause. 2. Parce qu’il a, au regard de ses élus, la volonté antécédemment et absolument arrêtée de les sauver Dieu leur destine et leur prépare les moyens appro­ priés â celte fin, des grâces infailliblement efficaces. A la faveur de ces divins secours, ils ne pourront manquer de gagner des mérites et d’obtenir ainsi la récompense éternelle. L’on aperçoit ici la célèbre distinction intro­ duite par Suarez entre l’ordre d'intention et l'ordre d'exécution des prédestinations divines. C’est une aie !ication malheureuse, et sans fondement aucun dans 4135 ♦ CONGRUISME l’ordre divin, de l’adage connu : Finis primus in inten­ tione, ultimus in execulione. Dans l'ordre éternel des intentions divines, la prédestination à la gloire est voulue comme une fin, absolument, gratuitement, anté­ rieurement à toute considération de mérite. Mais, dans l’ordre temporel de l’exécution ou de la réalisation du plan divin, la gloire est réellement conférée en manière de récompense pour les mérites acquis. Quia effectus, écrit toujours Suarez, est posterior prædestinatione ipsa et amplius, distinguendo secundum rationem in ipsa Dei voluntate voluntatem exsequentem a prædestinante, voluntas exsequens est posterior secundum rationem. Ergo non repugnat aliquid esse causam vel rationem posterioris et non prioris. Quod si /uic non repugnat, ergo existimandum est non omnes effectus gratiæ qui dantur ex merito, praedestinari ex merito, quia hoc est magis consentaneum Scripturae et divinae gratiæ. De divina prædestinatione, 1. II, c. XXIII, n. 18, Paris, 1856, t. i, p. 436. Quant aux infortunés qui n’ont pas été ainsi appelés à former la cité céleste, Dieu ne leur donne pas, du moins à la mort, les grâces qu’il sait devoir être efficaces, si elles étaient conférées. 3. Mais, dans la réalité, dans l’ordre d’exécution, comment Dieu arrive-t-il à l’infaillible efficacité de ses grâces en vue de la gloire? Sa providence atteint ce résultat par la science moyenne et par la convenance ou le congruisme des grâces offertes. Par la science moyenne. Dieu connaît tous les futuribles ou tous les futurs libres contingents, ce que chacun des anges ou des hommes, s'ils sont appelés â l’existence, déci­ dera dans telles et telles circonstances données, sous 1’infiuence de telles ou telles grâces, si elles lui sont accordées. Dans ce trésor infini de grâces divines, il en est qui sont si parfaitement appropriées au caractère, au tempérament physique et moral de l'homme, aux conditions personnelles et extérieures dans lesquelles il doit se mouvoir, en un mol qui sont si convenables et si congrues, qu’elles emporteraient certainement et librement le consentement de la volonté; et Dieu les connaît, les prévoit toutes et chacune avec ce caractère de congruité entière, et partant avec cette immanquable efficacité. Pour les élus, les prédestinés, Dieu leur choisit, il leur prépare une de ces grâces ainsi par­ faitement congrues, parfaitement adaptées au but à atteindre, où même il leur dispose toute une série de grâces ainsi congrues et efficaces, sinon toute leur vie durant, du moins à la mort. De la sorte ils sont infailli­ blement sauvés. Dans cette théorie, on le voit, Dieu choisit et destine des grâces ou des séries de grâces, parce qu’il connaît et escompte par avance leur efficacité, parce qu’il veut absolument et logiquement cette efficacité, à raison de sa prédestination antécédente et absolue. C’est à la lettre le procédé décrit par Aquaviva : De industria ipse ea media seligit atque eo modo el tempore con­ fert, quo videt effectum infallibili ter habitura, aliis usurus, si hæc inefficacia praevidisset. En résumé, Suarez enseigne formellement la prédes­ tination ante prævisa mérita. Pour en expliquer l'ordre d’intention en Dieu, il recourt à sa théorie des prédéfinilions absolues, indépendantes de toute prévision issue de la science moyenne. Pour exposer l'ordre pra­ tique d’exécution, il invoque tout le système de la con­ gruité des grâces, et, par suite, la science moyenne. Aussi bien, puisqu'il tenait les prédéfinitions absolues en matière de grâce efficace, une sorte de parallélisme logique devait amener Suarez à la prédestination ante prævisa mérita, comme elle y a conduit, à sa suite, Bellarmin, de Lugo, Ruiz, Arriaga, Salmeron, Antoine, Tereire et d’autres encore. Bientôt cependant, surtout a partir des querelles jansénistes, la position ainsi éta­ blie sur le terrain de la prédestination apparut diffici1< ment défendable et se trouva péniblement défendue. / 1136 Elle ne tarda plus â être généralement abandonnée. 4. L'article Prédestination fera la critique et donnera la réfutation détaillée du système. Il suffit de rapporter ici le jugement très sévère porté par Lessius;il est pré­ cisément motivé sur le recours au congruisme ou à la congruité des grâces pour expliquer la théorie d'une prédestination antécédente et absolue. Tout le système, observe justement Lessius, aboutit à supprimer la sin­ cérité de la volonté salvifique en Dieu au regard de tous les hommes; et semblables conséquences ne vont pas sans offenser grièvement notre concept du Dieu, qui est la bonté par essence et la source de toute bonté en dehors de lui. Quia (Deus) electis seligit gratias congruas ut fiat opus ab ipso prædefinitum, ergo non electis debet seligere incongruas ut fiat opus quod ipse non prædefinivit... Unde ulterius sequi videtur Deum quasi insidiari illorum saluti. Si enim cum salus pe­ riclitatur, quærit et seligit illis gratias incongruas (id est quas scit fore irritas), videtur id facere ne salven­ tur, neve in numerum salvandorum irrepant non ele­ cti. Quam enim ob causam alioquin id faceret?... Atqui hoc non consistit cum sincero desiderio salutis;et nefas est ita de fonte illo bonitatis sentire. De prædestina­ tione el reprobatione, sect, π, n. 11, Anvers, 1626, p. 389. Ailleurs, Lessius revient sur la question et s’élève avec plus d’énergie encore contre cet appel au congruisme et â la congruité des grâces pour étayer une théorie de prédestination ante prævisa merita. Le congruisme, ainsi entendu el appliqué par Suarez, ne conduit pas seulement à nier la volonté salvifique de Dieu vis-à-vis de tous les hommes, mais, de plus, il transforme le Dieu de toute bonté, le Dieu qui est charité, en une sorte de puissance mauvaise et malfaisante, qui se com­ plaît à dresser des plans ou plutôt des embûches pour empêcher sûrement certaines de ses créatures d’arriver à une fin surnaturelle, qui leur est pourtant imposée comme la plus grave des obligations. lia nos oportet Detim facere fautorem et adjutorium salutis electo­ rum ut non faciamus veluti insidiatorem salutis re­ proborum. At si talem facit secretionem gratiarum, ut electis non praeparet nisi gratiam quam praesciebat habituram effectum (ita ut hæc sil tota ratio cur hic et nunc gratiam huic praeparet), reprobis vero solum eam quam videbat frustrandam : quomodo non vide­ tur insidiari ipsorum saluti? Sicut enim electis seli­ git efficacem ut praestent opera quae illis prædefinivit, ita non electis seligit inefficacem ne faciant opera quæ ille decernere noluit... Sicut ergo gratia efficax fuit illis selecta ut pervenirent ad salutem prædeftnitam, ita inefficax fuit selecta ne pervenirent ad salu­ tem, quam Deus prædefinire noluit. Op. cit., sect, v, n. 87, ibid., p. 428. De leur côté, les théologiens ont accumulé contre le système de Suarez nombre d’autres raisons. La plupart d’entre elles ne s’attaquent pas directement au congruisme et â son emploi dans la théorie. Ces arguments s’en prennentdirectement à la prédestination elle-même, en tant qu’elle est un décret divin qui n’enveloppe pas la prévision des mérites. Il est dès lors facile de com­ prendre que toutes ces ripostes n’atteignent plus seule­ ment l’opinion de Suarez, mais toute théorie quelcon­ que de prédestination ou de réprobation antécédente et absolue. 2» Nous avons observé déjà que. des théologiens, tout en demeurant fidèles aux principes fondamentaux du système congruiste, n’avaient pas suivi Suarez sur cer­ tains détails, et notamment sur les prédéfinitions, anté­ cédentes à 1'exercice de la science moyenne et. pat conséquent, absolues. En matière de prédestination â la gloire, les mêmes théologiens ont soutenu qu'elle se fait post prævisa merita, et donc après l’exercice de la science moyenne. Eux aussi font appel à leur concep­ tion de l'efficacité de la grâce pour expliquer l’ordre 1137 CONGRUISME — CONGRUO (DE) réel des prédestinations individuelles à la gloire. Ces explications sont très diverses dans le détail, mais toutes retiennent, comme fondement nécessaire de toute théo­ rie concernant la prédestination, les principes suivants : '1. Par un décret absolu et entièrement gratuit, Dieu destine à chacun des hommes telle ou telle série de grâces, vraiment suffisantes, pour qu'il puisse réelle­ ment atteindre la fin de l’ordre surnaturel, la gloire ternelle. — 2. Par la science moyenne, Dieu prévoit l'attitude ferme que prendra la volonté devant les grâces ainsi accordées; il voit si le libre arbitre don­ nera ou ne donnera pas sa coopération. C’est ici que revient le congruisme tout entier, avec l’adaptation des grâces à la personne et aux circonstances qui l’envelop­ pent, pour expliquer l'adhésion de l’homme aux sollici­ tations divines, et partant l’efficacité même de la grâce. — 3. En conséquence de ces prévisions, Dieu achève ses prédestinations. 11 destine et prépare la gloire â ceux des hommes qu’il prévoit devoir librement accep­ ter les grâces offertes. Au contraire, ceux qu’il prévoit devoir librement rejeter les secours surnaturels et plei­ nement suffisants à les sauver, il les condamne d’ores et déjà au châtiment éternel. Telle est, en substance évidemment, et autant qu’il est nécessaire â notre but, la théorie de la prédestina­ tion à la gloire soutenue par Molina, Grégoire de Va­ lence, Vasquez, Lessius, Becan, Amicus, Maldonat, Stapleton. La grande majorité, pour ne pas dire l’una­ nimité, des théologiens de la Compagnie de Jésus l’a conservée comme une tradition de famille. Un grand nombre d’autres docteurs, préoccupés de sauvegarder la liberté humaine et la justice de Dieu, s’y sont ralliés presque naturellement. L’on trouvera ailleurs, voir Prédestination, avec les noms et les écoles diverses les analyses par lesquelles chacun tente d’exposer, les arguments par lesquels chacun s’efforce de défendre sa conception particulière de la théorie commune. Pour le congruisme et l’efficacité de la grâce, consulter les articles Grace, Molinisme, Suarez; les historiens des congré­ gations De auxiliis, J. H. Serry, O. P., Historia congregatio­ num De auxiliis, Anvers, 1705; Livin de Meyer, S. J., Historiæ controversiarum De auxiliis vindicatæ, passim et surtout 1. Il, c. IV sq., Bruxelles, 1715, p. 128 sq.; G. Sclineemann, Con­ troversiarum de divinæ gratiæ liberique arbitrii concordia initia et progressus, Fribourg-en-Brisgau, 1881; Th. de Régnon, Banes et Molina. 1. I, IT, Paris, 1883; les théologiens, à leurs traités généraux ou particuliers sur la grâce, notamment L. Mo­ lina. Concordia liberi arbitrii, Appendix ad concordiam, Paris, 1876; Suarez, Opusc. 1, De concursu, motione et auxilio Dei, Paris, 1858, t. xi ; Opusc. II, De scientia Dei futurorum con­ tingentium, ibid.; Opusc. III, De auxilio efficaci, ibid.; De gratia, 1. Ill, De auxiliis gralise in generali, prout in divina actione vel motione consistunt ; 1. V, De auxilio efficaci gra­ tae Dei, Paris, 1857, t. viti ; Tractatus de vera intelligentia auxilii efficacis ejusque concordia cum libertate voluntarii consensus, Paris, 1858, t. X, Appendix prima; Bellarmin, De gratia et libero arbitrio ; F. X. Mannhart, De ingenua indole gratiæ efficacis, dans le Thesaurus de Zacharia, t. v; H. Tournely. De gratia Christi, q. VII, a. 4, conci. 4·, Paris, 1725, t. II, p. 447 ; q. ix, a. 2, ibid., p. 674 sq. ; C. R. Billuart, De gratia, diss. V, a. 6, Maestricht, 1769, t. vi, p. 356-406; H. Kilber, De gratia actuali, c. iv, dans Theologia Wirceburgensis, Paris, 1880, p. 375 sq. ; Perrone, Tractatus de gratia, part. I, c. IV, Paris, 1842, t. I, p. 1320 sq. ; J.-B. Faure, In Enchiridion S. Augustini, c. i.n, n. 4. Naples, 1847, p. 108-109; D. Palmieri, De gratia actuali divina; B. Jungmann, Tractatus de gratia, part. I, c. it, Ratisbonne, 1896, p. 113 sq. ; C. Mazzella, De gra­ tia Christi, disp. III, a. 3 sq., Rome, 1880, p. 381 sq. ; C. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, De gratia, part. I, sect, iv, a. 2. Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. v, p. 136 sq. ; J. Herrmann, Tra­ ctatus de divina gratia, part. I, sect, iv, c. iv, v, Rome, 1904, p. 312 sq. Pour le congruisme et la prédestination,voir Prédestination, et les théologiens, quand ils traitent la question soit au traité De Deo, soit en des traités particuliers : Suarez, De divina prædestinatione et reprobatione libri VI, Paris, 1856,1.1, p.236sq.; Lessius, De prxdeslinatione et reprobatione, dans ses Opus­ 1133 cula, Anvers, 1626: Franzelin. De Deo uno, th. Lvn sq., Rome, 1876, p. 607 sq. ; C. Pesch, Prælectiones dogmaticæ. De Deo uno, part. Ill, sect, tu, a. 3, § 2, Fribourg-en-Brisgau, 1895, t. n, p. 165 sq. II. Quilliet. CONGRUO (DE), CONDIGNO (DE). Ces deux termes sont corrélatifs et désignent deux espèces du mérite en général, du mérite théologique et surnaturel en particulier. Ils seront étudiés successivement. I. CONGRUO (DE). Ce terme désigne l’espèce infé­ rieure, ou plutôt l’espèce improprement dite du mérite en général, du mérite théologique etsurnaturel en par­ ticulier. — 1. Notion générale de la congruité dans le mérite ou du mérite de congruo. il. Notion spécifique de la congruité dans le mérite surnaturel ou du mérite de congruo dans l’ordre ainsi appelé. 1. Notion générale de la congruité dans le mérite ou du mérite db congruo. — Pour comprendre une espèce inférieure, moins nettement caractérisée et plu­ tôt improprement classée, il va de soi qu'il faut possé­ der une connaissance exacte de l’espèce principale et caractéristique. C’est pourquoi, afin de bien entendre les conclusions qui vont suivre, le lecteur devra se pénétrer des principes exposés à la seconde partie de cet article. 1° Au point de vue concret, le mérite désigne toute bonne action digne de récompense; au point de vue abstrait, il marque la qualité spéciale qui rend de bonnes œuvres ainsi dignes de récompense, La condignité, on le verra, est la qualité spécifique du mérite proprement dit, du vrai mérite, comme s’exprime le concile de Trente. Elle apparaît quand il existe, entre une bonne action et sa récompense, un rapport, soit d’égalité, soit de convenable proportion, tel qu'il s’ensuit une obliga­ tion de justice ou, à tout le moins, de fidélité. Celte obligation résulte d’un double fait constitutif : de ce que, d’une part, il y a bonne œuvre posée, en condition d’égalité ou de proportion équitable avec la récompense; de ce que, d’autre part, il y a eu acceptation formelle et préalable de ces œuvres, ou encore promesse ferme de récompense. Or, il peut arriver et il arrive qu'il y a défaut essen­ tiel, soit des deux chefs, soit au moins de l'un d'eux. Les bonnes œuvres accomplies en l'honneur ou à l'uti­ lité d’autrui peuvent ne pas présenter l’égalité ou la proportion requise avec la récompense; ou bien, c'est la promesse ferme de récompense qui n’existe réelle­ ment pas. Dans un cas comme dans l’autre, le droit à la récompense n'est pas créé, l'obligation de juslice ou de fidélité ne saurait naître, el la récompense peut être librement refusée. Toutefois, même dans ces conditions, il arrivera sou­ vent que l’estime commune jugera une récompense, non pas légitimement due, mais convenable, de toute décence. On ne peut la réclamer de la justice d'autrui, on peut l’attendre avec plus ou moins de confiance de sa libéralité. Il n'y a pas condignité dans les œuvres ou le mérite; il y a cependant convenance ou congruité au regard de la récompense : c'est le mérite de congruo. Un brave citoyen s'efforce de dresser un arc de triomphe pour la réception du prince de son pays. Mais, hélas : les forces lui font défaut ou les moyens lui manquent pour porter son projet à une exécution parfaite ou convenable. Il apparaîtra cependant de toute décence que la libéralité du prince de passage reconnaisse, de quelque manière, l’ell'ort loyaliste, tout malheureux qu’il soit, tenté en son honneur. C'est la « congruité > du mérite civique. Un soldat se distingue à la guerre. En stricte justice, seule, la solde lui est due, puisque, seule, elle est promise et entre dans les conventions du service : c'est la condignité. Toutefois l'opinion com­ mune ne manquera pas de trouver qu'il convient qu'une 1139 CONGRUO (DE) telle bravoure soit reconnue par la bienveillante solli­ citude des chefs, et elle trouvera toute naturelle, tout à fait convenable, une proposition de décoration ou la collation d'un titre d'honneur ou d’intérêt. C’est la « congruité » du mérite militaire. Dans ces cas et autres semblables, il y a des actes qui offrent une grande ana­ logie avec, les actes méritoires proprement dits ou de condignité. Mais tantôt ils sont dépourvus de la perfec­ tion requise, tantôt il y manque l'acceptation ou la promesse nécessaire; et pour cela, ils ne peuvent fon­ der un vrai droit à récompense, bien qu’ils offrent quelque convenance, quelque congruité, plus ou moins grande, selon leur valeur intrinsèque ou extrinsèque, pour appelerou provoquer cette récompense de la bonté d'autrui. 2° Pour entendre exactement cette congruité de nos bonnes œuvres ou mérites au regard de Dieu, il faut rappeler et appliquer ici ce qui se trouvera exposé au sujet du mérite de condigno. L’homme ne peut rien offrir à Dieu qui ne vienne de lui, créateur, conserva­ teur et providence souveraine de toutes choses. Ainsi l'homme n'est jamais en étal d’indépendance absolu e vis-à-vis de Dieu, quand il pose des actions en son honneur. Mais dès lors que Dieu a librement produit l'homme et l’a établi dans un ordre providentiel déter­ miné, il est clair que les actions humaines, comme elles s’adressent à la justice de Dieu, peuvent pareille­ ment toucher sa bonté ou sa miséricorde et provoquer ses libéralités. Ce sera le mérite théologique de congruo. El selon l'ordre ou les ordres providentiellement insti­ tués, dans lesquels l’homme se trouvera exercer son activité, ses œuvres revêtiront le caractère de congruité à la récompense et deviendront méritoires de congruo dans l’ordre naturel, dans l’ordre préternaturel, ou dans l’ordre surnaturel. II. Notion spécifique de la congruité dans le mé­ rite SURNATUREL, OU DU MÉRITE IlB CONGRUO DANS l’ordre ainsi appelé. — 1“ Existence. — Plusieurs théologiens n’ont voulu reconnaître que le mérite strict, créateur d'un véritable droit; et comme le mérite de congruité n'a· pas ce caractère de justice et n’engendre aucun droit, ils ont été conduits à le nier et rejeter. Cf. Dom. Soto, De natura et. gratia, 1. Il, c. iv. Pourtant le sentiment commun des théologiens re­ tient absolument l’existence du mérite de congruité. Dans la controverse pélagienne, les Pères accordent fréquemment que la foi est, en quelque manière, mé­ ritoire de la justification; et, comme cette manière ne peut être dans la réalité, et n'était pas, dans leur pen­ sée, celle de condignité, il faut bien admettre celle de congruité. De fait, la foi est un acte surnaturel qui, de soi, tend à la justification : elle semble, en quelque sorte, lui être due, non à titre de justice, puisque,dans l'espèce, la proportion de l'acte est insuffisante et la promesse divine absente, mais à titre de convenance et de congruité. Car, lorsque, dans sa bonté, Dieu a jugé bon d’aider intimement un homme pour un acte qui, de sa nature, est ordonné à un autre bien surnaturel aussi, il parait logique et convenable que celte .même bonté divine ne refuse pas la suite normale, la récom­ pense connaturelle du premier acte, autant du moins que la chose dépend de sa bienveillante coopération. D'ailleurs, l’existence du mérite de congruité est le corollaire de l’institution même de l’ordre surnaturel. Cet ordre une fois divinement établi, l'homme peut, sans nul doute, par ses œuvres, provoquer la libéralité de Dieu, comme il provoque, d’autre part, sa justice. La conclusion parait d'autant plus certaine que, dans l’ordre surnaturel, Dieu se montre davantage le tout-puissant, bon à l'infini, qu’il se nomme el qu’il est véritable­ ment le père des hommes, de ceux surtout que la grâce a déjà régénérés. Des actions surnaturelles accomplies en l’honneur de ce Dieu, accomplies aussi dans cer­ 1140 taines conditions déterminées, présenteront sans peine un caractère de congruité à récompense, elles appelle­ ront les bontés divines; et le sentiment commun ne se trompera point en les déclarant méritoires de congruo. Bien plus, la loi comme la vertu d'espérance chrétienne nous oblige à tout attendre, avec une ferme confiance, de la bonté de notre père qui est au cieux, tout, y com­ pris les bienfaits les plus grands, même à titre pure­ ment gratuit : à plus forte raison, l’homme pourra-t-il attendre ces divines libéralités, quand, soutenu par la grâce, il s’en sera rendu moins indigne par une pré­ paration appropriée. Aussi l’existence du mérite de congruo se trouve-t-elle impliquée dans la doctrine de la préparation nécessaire à la première justification ou au relèvement; dans celle de l’efficacité de la prière, qui n’a pas seulement une valeur propre d’impétration, mais qui possède, comme toute œuvre surnaturelle, une réelle valeur de mérite; dans ce grand principe qui domine la théorie de la distribution des grâces divines : A qui fait son possible, Dieu ne refuse point son concours surnaturel. Facienti quod in se est, Deus non denegat gratiam. Un bon nombre d’autres analogies théologiques pourraient en­ core être mises en ligne; mais il est inutile d’insister davantage, et ce qui sera dit plus loin des objets du mérite de congruo complétera suffisamment la démons­ tration. 2’ Espèces. — Les théologiens distinguent d’ordinaire deux sortes de convenance ou de congruité dans le mérite improprement dit. Il y a convenance ou con­ gruité infaillible, meritum de congruo infallibili, quand la récompense ne peut, en aucune façon, man­ quer à certaines œuvres déterminées, parce qu’elles ont la garantie d'une promesse divine. C’est le cas de l’acte de contrition parfaite, qui vaut au pécheur sa justification, en vertu des engagements de Dieu. Il 'mporte toutefois de noter ici que les œuvres qui béné­ ficient d’une telle faveur,de lapartde Dieu, n’atteignent pas cependant à la condignité du mérite. Ce sont tou­ jours, en effet, des œuvres dépourvues de l’égalité ou de la proportion surnaturelle requise à ce degré. Ainsi la contrition parfaite est l’acte d'un pécheur, puisqu’elle précède la justification et la conditionne : il lui manque, par conséquent, pour être méritoire de condigno, un élément essentiel, l’état de grâce. Il y a convenance ou congruité faillible, meritum de congruo fallibili, quand la récompense désirée peut faire défaut â certaines œuvres, parce qu'elles n'ont aucunement la garantie d’une promesse divine. Tels sont, par exemple, tous les actes plus ou moins surna­ turels de foi, d’espérance, d’attrition, par lesquels le pécheur accomplit sa préparation éloignée â la justifi­ cation. 3° Conditions. — A deux exceptions près, les condi­ tions nécessaires à la congruité du mérite dans l’ordre surnaturel, sont les mêmes, et pour les mêmes motifs, que celles exigées par la condignité. 1. Si l'on envisage l’état de la personne qui fait cer­ taines actions pour attirer les libéralités divines, nous dirons donc qu’elle doit se trouver in statu vite. C’est la condition primaire de toute activité méritoire. Mais l’état de grâce n’est pas, lui, obligatoire. Ainsi l’a dis­ posé la providence divine, qui a sagement voulu la col­ laboration de l'infidèle ou du pécheur pour l’amener ou le ramener à la justification, quia miséricordieusement établi que tout ne serait pas définitivement perdu pour nous par le péché, et qui impose â tous l’espérance, la prière et les bonnes œuvres. Mais, de toute évidence, cet état de grâce, s’il n’est pas absolument exigé, n'en est pas moins souhaitable, car il contribue, pour sa grande part, à augmenter la congruité des actes en vue de la récompense surnaturelle. 2. Comme pour la condignité, il est nécessaire que 1141 CONGRUO (DE) les actes méritoires soient libres, moralement bons, d’une bonté à quelque degré surnaturelle; et, par con­ séquent. il faut qu'ils procèdent d’un mouvement de la grâce actuelle et d’un motif de foi. Que le mérite de congruo doive consister en des actes surnaturalisés, cela va de soi, puisqu’il s’agit d’ordre, de libéralité, de récompense surnaturelle, toutes choses qui supposent une proportion, un mérite, une congruité ou conve­ nance du même ordre. Que ces actes méritoires doi­ vent être surnaturels simplement â quelque degré, cela aussi s'entend sans peine. Comme l’état de gràce n'est pas nécessairement requis, il s’ensuit que les actes méritoires, pour arriver â la congruité, n’ont pas besoin d'être complètement, essentiellement surnatu­ rels. Il suffit qu’ils soient tels accidentellement et à quelque degré, par l'inlluence des grâces actuelles, extérieures et intimes. 3. Du côté de Dieu, la congruité du mérite suppose évidemment l'institution de l’ordre surnaturel par sa toute-puissance et son infinie bonté. Mais cet ordre une fois établi, rien de plus n'est exigé, s'il s’agit d’œuvresdont la convenance ou congruité n'appelle pas immanquablement la récompense. Dans ce cas. en effet, il suffit que nos œuvres soient en état de provoquer la générosité divine, et la seule constitution de l’ordre surnaturel y pourvoit. Mais si des œuvres se présen­ tent avec un caractère de décence ou de congruité vis-àvis de la récompense, tel qu'elles l’obtiennent infailli­ blement, alors, nous l'avons vu, il y a une promesse divine attachée à certaines œuvres déterminées, les­ quelles, à raison de leur imperfection, n'atteignent pas à la condignité et n’engendrent aucun droit strict. 4° Objets. — Les objets ou récompenses que peuvent acquérir nos actions méritoires, se réfèrent à deux chefs : il y a les récompenses qu’elles peuvent obtenir pour nous-mêmes, el celles qu'elles peuvent atteindre en faveur d'autrui. 1. Pour soi-même, — a) L'homme, juste ou pécheur, peut certainement obtenir, par voie de congruité, des grâces actuelles, suffisantes ou efficaces. Quand, en effet, mus par la grâce, nous offrons à Dieu des prières ou des bonnes œuvres, précisément dans l'intention de nous assurer de sa part les secours plus abondants que réclament des occasions plus difficiles, nous réalisons alors les conditions précédemment énoncées, et nos œuvres revêtent un caractère de congruité plus ou moins pressante dans leur valeur méritoire. En ce qui concerne spécialement le pécheur, nous allons montrer plus loin qu’il peut obtenir, par voie de congruité, son retour à la justification, soit immédiatement par la charité, soit par le moyen d'aulres actes surnaturels qui lui sont commandés, comme la foi, l'espérance, l’attrition. Or, il est justement dans la nature de ces actes d'amener le pécheur à la justification. Quand donc ces actes ont été posés, il semble bien convenable que Dieu continue le concours déjà accordé et que le pécheur obtienne les grâces actuelles nécessaires pour achever son relèvement. C’est pour ce motif et en ce sens que les Pères, dans les discussions pélagiennes, parlaient de la foi qui mérite la justification. D'un autre côté, nous savons que le pécheur a l’obligation de solliciter de la miséricorde divine les grâces nécessaires pour sortir de son malheureux état, pour triompher des ten­ tations, pour accomplir correctement ses devoirs quoti­ diens. Comme on ne peut pré-tendre qu'une telle obli­ gation a été vainement imposée, il faut donc recon­ naître à la prière du pécheur une valeur impétratoire de grâces actuelles. S’il en est ainsi, comment refuser à ses bonnes œuvres une proportion, un titre analogue au regard des mêmes grâces? Cf. Suarez. De gratia, 1. ΧΠ. c. xxxvii, n. 15 sq. — b) Au sujet de la grâce sanctifiante, a. notons d'abord que nos œuvres peuvent offrir le titre de congruité vis-à-vis de la première jus­ 1142 tification et de sa restitution. A la vérité, le concile de Trente a déclaré que la justification est tout à fail gra­ tuite, en ce sens que la foi et les œuvres surnaturelles qui la préparent, ne peuvent cependant jamais nous mériter la grâce même de la justification : Gratis autem justificari ideo dicamur, quia nihil eorum quæ justi­ ficationem præcedunt, sive fides, sive opera, ipsam justificationis gratiam promerentur. Sess. VI, c. vm, Denzinger, n. 683. Sans aucun doute, les Pères enten­ dent parler ici du mérite de condignité, du vrai mérite comme ils l’ont appelé ailleurs. Mais, quand l'infidele ou le pécheur, aidé par la grâce actuelle, fait tout ce qui est en lui pour venir ou revenir à Dieu et l’aimer de son mieux, il apparaît cependant de toute décence que Dieu, ayant prêté son concours jusque-là. ne le retire point devant le but normal à atteindre ; il appa­ raît que Dieu se doit à lui-même que les actes surna­ turels, antérieurement accomplis grâce à lui. ne man­ quent pas, par son fait, leur fin eonnaturelle, à savoir la justification. Aussi la sainte Écriture assigne-t-elle aux œuvres surnaturelles une vraie causalité morale au regard de la grâce sanctifiante : par exemple, Eccli., I, 27 : « La crainte du Seigneur bannit le péché ; » Dan., tv, 24 : « Rachète tes péchés par des aumônes, et tes ini­ quités par la miséricorde envers les pauvres; peut-être le Seigneur te pardonnera-t-il les fautes; » Tob., xn, 9: « Car l’aumône délivre de la mort, el c’est elle qui efface les péchés et qui fait trouver la miséricorde et la vie éternelle; » Matth., vt, 14: « Si vous remettez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous remettra aussi vos fautes. » Ces déclarations inspirées ont une portée générale qui ne permet point de les restreindre â la rémission des seuls péchés véniels chez les justes. Saint Augustin défendit fermement cette doctrine : Λ'-, ipsa remissio peccatorum, écrit-il, sine aliquo merito est, si (ides hanc impetrat, neque enim nullum est meritum fidei, qua fide ille dicebat: Deus propitius esto mihi peccatori, et descendit justificatus nu r to fidelis humilitatis. Epist., cxctv, ad Sixl., c. m, n. 9. P. L., t. xxxtii, coi. 877. Saint Prosper conclut plus universellement: Non enim nullius meriti haberi po­ test petentis fides, quærenlis pietas, pulsantis instantia. Contra Collai., c. m, n. 1, P. L., t. t.t. coi. 222. Aussi bien quand le concile de Trente enseigne que par la foi, la contrition et les actes des autres vertus, les hommes se préparent et disposent à la justification, c’est donc qu'il reconnaît entre ces actes et la justification un rap­ port de causalité quelconque, de causalité morale sans aucun doute : et ceci suffit à constituer le mérite de congruo. Sess. VI, c. v, can. 8; sess. XIV, c. tv, !>· nzinger, n. 680, 700, 777, 778. Bien plus, si l'œuvre ac­ complie en vue de la justification se trouve être un acte de charité ou de contrition parfaite, la congruité devient telle qu'elle emporte infailliblement le succès dans la récompense. Car de soi la charité ou la contrition par­ faite réclame l’infusion de la grâce, et, au surplus, il y a ici promesse divine: « Lorsque tu chercheras le >-igneur ton Dieu, tu le trouveras si toutefois lu le ch·. rches de tout ton cœur et avec la tribulation de toute ton âme. » Deut., tv, 29. « O Dieu ! vous ne mépriser, : pas un cœur contrit et humilié. » Ps. L, 19. — b. Le juste peut-il, pendant qu’il est en état de grâce, faire des œuvres qui lui méritent son relèvement, au ■ il aurait le malheur de tomber dans le péché '? 11 n existe aucune promesse divine sur ce point, et les théologiens restent divisés sur la question de congruité m- rae fail­ lible d'actes posés dans une semblable intention. S-iut Thomas tient pourla négative, Sum. theol., 1’ ll*.q ■·. ·> . a. 7; mais saint Bonaventure, In 71’ Sent., 1. II, dist. XXVI 11. dub.it. Duns Scot. Ini VSent.. I. IV. dist. II, q. I, a. 2, Bellarmin. De justificatione, 1. V, c. II. Su irez, De gratia, I. XII, c. xxxvnt. n. 6. et tant d'autres, soutiennent l'affirmative, et, semble-t-il, avec raison. 1143 CONGRUO (DE) Il est hors de doute qu’à raison du péché commis, l’homme ne peut rien réclamer de Dieu à titre de condignité et de justice. Mais chacun trouvera tout naturel et très convenable que Dieu, s’il a jugé bon d'entrer dans celte voie, réserve plutôt miséricorde à qui fit de bonnes œuvres avant sa chute qu’à celui dont l’actit méritoire fut toujours nul ou à peu près. Évidemment les choses doivent ici s’entendre avec sagesse et mesure. Si les mérites qui précédèrent la chute furent grands et nombreux, les péchés rares et causés plutôt par la faiblesse, la congruité sera et apparaîtra plus pressante que si les conditions sont toutes différentes et même opposées. D’ailleurs, tous les théologiens accordent que des prières, en vue d’obtenir le pardon en cas de chute, se conçoivent très correctement, et ils ajoutent que leur valeur impétratoire sera d’autant plus élevée qu’elles seront plus persévérantes. Si des prières peuvent rece­ voir une telle affectation, on ne voit point pourquoi semblable privilège leur serait exclusivement attribué, pourquoi on devrait le dénier à des œuvres méritoires, s'adressant pareillement à la pitié divine. — c. Touchant l'application du mérite de congruo en vue de la persé­ vérance finale, les mêmes hésitations s’observent parmi les théologiens. A la vérité, en l’absence de promesse divine, il faut exclure toute idée de congruité imman­ quable. Mais n'est-il pas convenable qu'un Dieu infini­ ment bon et sagement paternel accorde la persévérance en raison des œuvres saintes, accomplies avec courage et constance dans ce but? S'il en est ainsi, et il est diffi­ cile de le nier, ces œuvres présenteront bien un carac­ tère de mérite et de congruité, faillible sans doute, au regard de la faveur en question. Toutefois, puisque le don total de persévérance finale doit être regardé comme une série indéfinie de grâces qui se succèdent avec plus ou moins d’efficacité réelle, la première grâce, qui est le premier anneau de la chaîne et le terme initial de la persévérance active, ne peut jamais être rangée parmi les objets du mérite de congruo : car, antérieurement à celle grâce première, il n’est rien dans l’homme qui puisse offrir une proportion, un titre quelconque à l'ordre ou à une récompense surnaturels. Pour ce mo­ tif l'on doit reconnaître que l’homme ne peut obtenir, par ses actes méritoires, même à titre de simple con­ venance, le don intégral de persévérance finale. Mais il est clair que le motif ne vaut plus pour les grâces subséquentes, qui constituent et achèvent cette persé­ vérance. Les théologiens ajoutent une observation qui a ici son opportunité: le don que l’homme ne peut s’as­ surer infailliblement par voie de mérite, il peut l’obte­ nir immanquablement par voie de prière. Celle-ci a la garantie de l’engagement divin, pourvu qu’elle soit per­ sévérante. — d.Pour les biens temporels, on peut certes les envisager en tant qu’ils sont des moyens d’acquérir et de pratiquer la vertu, d’obtenir la vie éternelle. Sous ce rapport, ils prennent le caractère de grâces actuelles et, comme celles-ci, ils tombent sous le mérite et la congruité plus ou moins grande de nos œuvres. Si on les considère en eux-mêmes, les biens temporels sont d’ordre inférieur; ils n'offrent et ne peuvent offrir au­ cune proportion avec un bien surnaturel quelconque, et par suite ils ne sauraient acquérir jamais valeur de récompense transcendante. Du reste, en tant qu'ils sont nécessaires à la vie, Dieu s’est expressément réservé de les distribuer gratuitement, Matth-, vr, 33; et, selon sa parole, ils ne feront jamais défaut aux justes, à moins que ce défaut même ne devienne pour l'homme un moyen et un secours en vue de sa fin suprême. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I’Iæ, q.cxiv, a. 10; Suarez, De gratia, 1. XII, c. xxxvm, n. 20. 2. Pour autrui, ou, si l’on veut pour le prochain, a) le juste peut mériter comme pour lui-même, au titre de congruité. En effet, l’Église prie et nous ordonne de prier pour tous les hommes. Que si nous 1144 pouvons, par la valeur impétratoire de nos supplica­ tions, obtenir quelque faveur pour les pécheurs, les hérétiques, les païens, lés juifs, pourquoi la valeur mé­ ritoire de nos actions ne rencontrerait-elle pas, auprès de Dieu el au profit du prochain, un accueil tout aussi favorable? Il y aura donc mérite, et, en l’absence d’en­ gagement divin, ce sera simple mérite de congruité. L’Église va plus loin. Non seulement elle prie et nous fait prier pour autrui, mais elle offre à Dieu de bonnes œuvres à cette intention, et elle nous invite à l’imiter. Elle a donc la persuasion de futilité réelle de nos bonnes œuvres pour le prochain, et ainsi elle confesse, par le fait, que ces œuvres sont méritoires, au moins de congruo. La conclusion s'impose, du reste, en raison de l’amitié dont Dieu honore les justes. De vrai, l’ami­ tié demande que l’ami réalise ce qu’il sait être raison­ nablement agréable à son ami; et dans les familles, les œuvres méritoires des bons enfants profitent aux mau­ vais fils eux-mémes, autant du moins que ces œuvres sont abandonnées dans cette vue. Or, dit saint Thomas, puisque l’homme en état de grâce remplit la volonté de Dieu, il parait convenable que Dieu, en retour propor­ tionnel d’amitié, accomplisse la vokmié de l’homme dans le salut du prochain, bien que parfois il puisse rencontrer obstacle de la part du pécheur dont la justi­ fication est précisément sollicitée par quelque sainte âme : Congruum est secundum amicitiæ proportionem ut Deus impleat hominis voluntatem in salvatione alterius : licet quandoque possit habere impedimen­ tum ex parte illius cujus aliquis sanctus justificatio­ nem desiderat. Sum. theol., I1 Ilæ, q. cxtv, a. 6. Aussi, la sainte Écriture rapporte-t-elle plusieurs exemples qui confirment toute cette doctrine. Mentionnons seule­ ment la Genèse, où le Seigneur déclare que, s’il trouve cinquante justes dans Sodome, il est disposé â pardon­ ner à la cité entière à cause d'eux : Si invenero Sodo­ mis quinquaginta justos in medio civitatis, dimittam omni loco propter eos, Gen., xvm, 16 sq. ; et encore cet enseignement si net de saint Jacques : Confitemini ergo alterutrum peccata vestra, et orate pro invicem ut salvemini : multum enim valet deprecatio justi assidua. Jac., v, 16. Cf. Exod., xxxti, 10; Ps. cv, 23; Matth., ix, 12. De son côté, saint Augustin, commen­ tant le texte de l'Exode : Dimitte me, ut irascatur fu­ ror meus contra eos, et deleam eos, fait cette observa­ tion : De telles paroles sont rapportées pour nous apprendre que, si nos démérites nous accablent et em­ pêchent l’amitié de Dieu pour nous, nous pouvons ce­ pendant être relevés auprès de lui par les mérites de ceux qu’il aime : Ut eo modo admoneremur, cum merita nostra nos gravassent, ne diligamur a Deo, relevari nos apud illum illorum meritis posse, quos Deus diligit. In Heptateuch., 1. II, q. cxi.ix, P. L., t. xxxiv, col. 6'r6. Cf. De civ. Dei, 1. XXI, c. xxvn, n. 5, P. L., t. xt.i, coi. 749. Il y a mieux encore : Ce que personne ne peut obtenir pour soi-même, le juste est en état de l’atteindre pour le prochain : il peut lui mériter la grâce première. Car la raison, qui s'oppose à la production d’un tel mérite avec application per­ sonnelle, est le défaut de surnaturel en nous-mêmes avec la première grâce. Cette raison ne vaut plus dans l’espèce, puisqu’il s’agit des œuvres d’un juste, ou au moins, comme nous allons le voir, d'un homme déjà rendu participant de l’ordre surnaturel par une éléva­ tion antérieure. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ia II”, q. cxiv, a. 6; Suarez, De gratia, 1. XII, c. xxxvm, n. 21. 6) L’homme en état de péché peut-il accomplir de» œuvres qui soient méritoires de congruo pour le pro­ chain? La question est moins certainement résolue. Toutefois l’affirmative apparaît de beaucoup la plus probable. Car, si l’état de grâce n’est pas requis pour arriver à la congruitif des œuvres méritoires pour soi- 1145 CONGRUO (DE CONDIGNO) 1146 même, on se demande pourquoi cet état deviendrait personne pour qui elle est faite. Tel personnage ré­ nécessaire pour l’application des mêmes mérites en compense princièrement, bien au delà de sa valeur faveur d'autrui. D'autre part, puisque le pécheur peut, intrinsèque, un service rendu. Nous n'estimons pas puisqu'il doit poser et multiplier des œuvres qui moins qu’il existe un rapport, sinon d’égalité, du moins appellent de la bonté divine sa propre justification, d’équitable et juste proportion entre le service et la pourquoi ne pourrait-il pas offrir les mêmes œuvres I récompense princière. Dans tel concours, le prix pro­ avec la même efficacité en laveur du prochain, étant posé dépasse singulièrement la valeur réel le des épreuves donné surtout ce que nous avons exposé du juste : fournies, si on les juge en elles-mêmes et en elles tout ce que la congruité de ses œuvres méritoires peut seules. Le concours achevé, nous n’estiinons pas moinacquérir pour lui-même, il peut aussi l'obtenir pour que le vainqueur peut réclamer comme une récom­ autrui. Enfin, il est constant· que Dieu exauce parfois pense, qui lui est justement due, le prix proposé, si les prières du pécheur : et donc ce que le pécheur peut élevé soit-il. Ici donc les choses doivent s'apprécier, assurer par la voie iinpétratoire, il l’obtiendra aussi moins en elles-mêmes qu'à la mesure de l’estime com­ bien par la voie méritoire d'œuvres qui nous semblent, mune. Ce n’est plus l'abandon du travail pour un sa­ autant que la prière, provoquer, en toute décence, un laire qui le représente exactement; ce n’est plus retour et une récompense de la pitié divine. l'échange d’un objet pour un autre de même valeur; c’est une action qui est posée en l’honneur ou pour il. condigno (de). Ce terme désigne l'espèce prin­ l’utilité d'autrui : en raison de cette action et de sa direc­ cipale du mérite en général, du mérite théologique et tion, autrui, quel qu’il soit, se trouve lié, obligé, parce surnaturel en particulier. — I. Notions préliminaires. qu’on attend justement de sa magnanimité comme de 11. Notion générale de la condignité ou du mérite de sa justice une digne récompense, præmium condignum. condigno. III. Notion spécifique de la condignité ou du 2. De la part de la personne qui récompense, pour mérite de condigno dans 1'ordre surnaturel. IV. Distinc­ que l’action méritoire revête le caractère de condignité, tions diverses. il faut l’acceptation préalable. C'est elle qui achève de I. Notions préliminaires. — L'on trouvera ailleurs, donner aux actions leur condignité parfaite au regard voir Mérite, la théorie générale du mérite el celle de de la récompense, condignum in actu secundo, en en­ son application à l'ordre théologique. Il n'est ici besoin gageant la justice et la fidélité de celui qui les accepte. que de rappeler les notions nécessaires à l'intelligence L’on peut faire en mon honneur, pour mon utilité, de l'espèce de condigno. Au sens concret, le mérite toutes les bonnes actions que l’on voudra. Si je ne les ai signifie toute action digne de récompense ou de puni­ par avance acceptées de façon quelconque, si je ne me tion. Au sens abstrait, le mérite désigne la qualité ou suis en quelque manière engagé pour elles, je ne suis condition précise qui rend une action ainsi digne de aucunement lié, aucunement obligé au regard d’une ré­ récompense ou de punition. Si, justement, cette qualité compense à fournir. L’on pourra peut-être faire appel à ou condition appelle de Dieu même la récompense ou ma bonté, mais l'on ne saurait invoquer raisonnable­ la punition, c’est alors le mérite théologique. Et sui­ ment ma justice. Il a plu à un brave voisin d'aller, sans vant que la récompense ou la punition divine sera d'ailleurs me consulter, bêcher mon champ. .Je l’aurais d’ordre naturel, préternaturel, ou surnaturel, le mérite d’autant plus détourné de ce travail que ce champ ne sera pareillement naturel, préternaturel ou surnatu­ doit plus désormais être cultivé, mais servir à construc­ rel. D’ordinaire, le nom de mérite ne s'applique guère tions. En justice, je ne suis nullement tenu à la rému­ qu’aux actions bonnes et dignes de récompense; et, en nération d’un travail exécuté en de semblables condi­ matière théologique, le terme désigne toujours des tions; ma bienveillance, ma bonté pourront toutefois actions d’ordre surnaturel. aviser s’il y a lieu de reconnaître, en quelque façon, les II. Notion générale oe la condignité ou du mérite bonnes intentions ainsi traduites. DE condigno. — 1° Le mérite, quel qu’il soit, est dit de 2° Quand il s’agit de condignité dans l’ordre théolo­ condigno, quand il existe entre une bonne action et sa gique, les précédents éléments doivent s’entendre avec récompense un rapport tel qu’il en résulte une obliga­ certaines réserves. tion de justice. L’analyse découvre deux éléments néces­ 1. Pour la valeur et la proportion des actions bonnes saires à la constitution de ce mérite de condigno. à leur récompense, il importe de noter les observations 1. De la part de la personne qui mérite, la bonne suivantes : a) Les œuvres de l’homme, quelles qu'elles action posée doit se trouver en juste, en équitable pro­ soient, ne peuvent jamais procurer à Dieu rien dont portion avec la récompense. C’est le fondement même il manque, rien donc qui lui soit nécessaire ou réelle­ de la condignité, c’est le condignum in actu primo. ment utile. — b) Tout ce que l'homme peut faire ou Sans cette proportion juste et équitable, il peut exister procurer, dans quelque ordre que ce soit, sera toujours, entre une action et sa récompense tel rapport que l’on en dernière analyse, un don de Dieu même, créateur, voudra, il peut même y avoir relation de mérite, non conservateur et directeur intime de toutes choses. — de mérite qui s’adresse à la justice, mais à la bonté, à c) Entre Dieu ella créature, entre l’action humainement la charité d’autrui. posée et la récompense divinement accordée, il ne peut Nous reconnaissons que le travail correctement exé­ jamais y avoir ni égalité ni indépendance des personn· s cuté pour un employeur mérite de condigno un salaire en cause. D’où il suit, conclut saint Thomas, que. de proportionnel, et ce salaire est dû à titre de stricte jus­ l’homme à Dieu, il ne saurait exister des rapports de jus­ tice. L’objet mis en vente mérite aussi de condigno un tice selon le concept de l'égalité absolue, mais selon le juste prix, et ce prix est dû à titre de justice commuta­ concept d’une certaine proportionnalité, en ce sens que tive. Dans les deux cas, les conditions sont telles que chacun agit suivant son mode et sa nature propre. Or, l’équation est parfaite entre le travail et son salaire, le mode et la mesure des facultés de l'homme lui vien­ entre l’objet et son prix d’échange. Il y a rapport d’éga­ nent de Dieu. C’est pourquoi le mérite de l'homme de­ lité entre les deux termes en cause; c’est la condignité vant Dieu ne peut s’établir qu'en supposant l'ordre de adéquate. la providence divine : je veux dire que l’homme pourra Quand il s'agit de mérite proprement dit, ce rapport, bien, par ses œuvres, obtenir de Dieu, en manière de ou la condignité, s’entend de façon moins étroite. La récompense, ce à quoi Dieu même lui aura donné 1, récompense peut dépasser, et de beaucoup, la valeur de faculté de travailler. Et ainsi Dieu ne devient pas la bonne action : cetle récompense alors se mesure réellement et simplement débiteur à notre endroit, moins à la bonne action appréciée en elle-même qu'à mais débiteur envers lui-même, parce qu'il se doit de la condition plus ou moins élevée et fortunée de la réaliser l'ordre de sa providence. Non potest hominis 1147 CONGRUO (DE CONDIGNO) ad Deum esse justi lia secundum absolutam æqualitatem, sed secundum proportionem quamdam, in quan­ tum scilicet uterque operatur secundum modum suum. Modus autem et mensura humante virtutis homini est a Deo. Et ideo meritum hominis apud Deum esse non potest nisi secundum præsupposilionem divinæ ordi­ nationis, ita scilicet ut id homo consequatur a Deo per suam operationem quasi mercedem, ad quod Deus ei virtutem operandi deputavit.... Quia actio nostra non habet rationem meriti nisi ex præsuppositione divinæ ordinationis, non sequitur, quod Deus efficiatur sim­ pliciter debitor nobis, sed sibi ipsi, in quantum debi­ tum est ut sua ordinatio impleatur. Sum. theol., 1“ 11«, q. cxiv, a. 1, in corp, et ad 3“m. L’ordre providentiel une fois posé, l'homme est pourvu des moyens efficaces qui lui perrneltentd’accomplirdesœuvresqui présentent quelque titre ou proportion pour obtenir de Dieu des récompenses données. 2. Pour l’acceptation préalable, il faut bien considé­ rer qu’il n’est ni nature des choses, ni loi supérieure, qui puisse obliger la divinité et la constituer débitrice envers l’homme, sa créature. Si, cependant, ce cas d’obligation divine se présente, c’est que Dieu s’est luimëme rendu débiteur, soit d’abord par la libre produc­ tion d’œuvres extérieures, soit encore par la libre insti­ tution d'ordres surajoutés. Dés lors, nous l’avons vu, ce n'est pas tant à sa créature qu'à sa propre fidélité qu'il doit d’accomplir son libre engagement. Cet engagement divin résultera tantôt du fait de l'institution divine de l’ordre naturel, ou, si l’on veut, de la loi naturelle, tantôt encore du fait d’institutions surajoutées, ou de lois posi­ tives, comme toujours dans le cas de mérite surnaturel. 3. Chaque fois qu’il y aura, d'une part, une action posée par l’homme en légitime proportion avec la ré­ compense divine; d’autre part, engagement divin sous forme quelconque, mais certaine, il y aura condignité dans le mérite, meritum de condigno. Dans ces condi­ tions, Dieu se trouve obligé, en justice et fidélité, à réaliser la parole donnée, dans l’ordre naturel, ou pré­ ternaturel, ou surnaturel. III. Notion spécifique de la condignité ou du MÉRITE DB CONDIGNO DANS L’ORDRE SURNATUREL. — 1° Existence. — L’existence du mérite de condigno dans l’ordre surnaturel est une vérité qui appartient au dogme catholique. Elle ressort nettement des for­ mules scripturaires ou la vie éternelle se trouve pro­ posée comme une récompense, merces, pour les bonnes œuvres, Matth., v, 12; xx, 8; I Cor., m, 8; comme un prix, bravium, pour un concours heureux, Phil., m, 14; I Cor., tx, 24; comme une couronne, corona, pour la victoire obtenue. 11 Tim., iv, 8; .Tac., I, 12; comme une rémunération, un salaire, remuneratio, retributio, pour un travail fait en vue de Dieu. Col., m, 23, 24; Heb., x, 35; xi, 6. Cette existence du mérite de condignité apparaît clairement définie dans les précisions authentiques de l’Église. Déjà le II» concile d’Orange stipule qu’une véritable récompense est due pour les bonnes œuvres, si elles sont accomplies; mais la grâce, qui, elle, n’est pas due, précède pour permettre leur accomplisse­ ment : Debetur merces bonis operibus, si fiant; sed gratia, quæ non debetur, præcedil ut fiant. Denzinger, Enchiridion, n. 161. Le IVe concile de Latran spécifie que ce n'est point là un privilège réservé aux vierges ou à ceux qui pratiquent la continence : les personnes engagées dans le mariage y peuvent prétendre tout aussi bien. Denzinger, n. 357. Contre les désespérantes doc­ trines de la Réforme sur les œuvres des justes, le con­ cile de Trente a de nouveau rappelé qu’il faut présenter la vie éternelle, et comme une grâce miséricordieuse­ ment promise aux enfants de Dieu par le Christ Jésus, et comme une récompense, laquelle, en vertu même de la promesse de Dieu, doit être fidèlement rendue aux 1148 justes pour leurs bonnes œuvres et leurs mérites : Bene operantibus usque in finem et in Deo sperantibus pro­ ponenda est vita æterna, et tanquam gratia filiis Dei ■per Chris tum Jesum misericorditer promissa, el tan­ quam merces ex ipsius Dei promissione bonis ipsorum operibus et meritis fideliter reddenda. Sess. VI, c. xvi, Denzinger, n. 692. Nous avons bien ici les éléments re­ quis pour la condignité. Voici d’abord des œuvres ac­ complies en vue de Dieu et qui. par la grâce même du Christ qui les anime, sont élevées, non jusqu'à l'égalité, mais jusqu’à une certaine proportion avec la récom­ pense surnaturelle divinement promise. Nous avons en­ suite l’acceptation préalable de Dieu, contenue dans l’institution de l'ordre surnaturel et dans les infaillibles promesses y annexées. Aussi le concile a-t-il complété son enseignement et déclaré formellement hérétique quiconque soutient que l’homme, une fois justifié, ne peut mériter véritablement l’augmentation de la grâce. Si quis dixerit... ipsum justificatum bonis operibus... non vere mereri augmentum gratiæ..., anathema sit. Sess. VI, can. 32, Denzinger, η. 724. Si les Pères n’ont pas employé ici le terme de condigno, c’esl qu’ils n’ont pas voulu paraître condamner certaines opinions d’an­ ciens théologiens. Mais personne ne s’y est mépris, et l'interprétation universelle a toujours entendu le vere mereri du mérite de condignité. Il ne convient pas d'insister plus longuement sur ce point, qui, d’ailleurs, ressortira davantage de ce que nous devons ajouter sur les conditions et les objets de la condignité dans le mérite. 2° Conditions. — L’analyse générale du mérite de condigno nous a révélé qu’il faut, de la part du sujet méritant, pour atteindre à la condignité, une certaine proportion des œuvres avec la récompense proposée. De fait, la proportion existe ici, bien qu’imparfaite, par l'élévation réelle et intime de l’homme à l'ordre surna­ turel. Cette élévation étant d'ordre vital, l’homme est ainsi, par la grâce de Dieu et par son union au Christ Jésus, rendu capable de vivre et d’agir surnaturellement. Dés lors, il peut poser des actes qui offrent une proportion convenable avec une récompense d’ordre pareillement surnaturel. Ces constatations nous per­ mettent de comprendre les conditions subjectives, re­ quises pour la condignité. Elles se réfèrent soit â l’état de la personne, soit à ses actes. 1. Pour ce qui regarde l'état du sujet qui prétend à la condignité : a) notons d’abord qu'il Tloit se trouver, selon le terme des théologiens, in statu viæ. La raison en est que la providence divine nous a donné le temps présent, et seulement le temps présent, pour l’acquisition de la récompense finale ou de la vie éternelle. Cela se con­ çoit, du reste. Aussi longtemps que l’homme demeure en cette vie, il est uni à un corps mortel et corruptible. Ainsi, d'une part, il est radicalement inapte à la vision béatifique; d’autre part, il se trouve dans une condition très favorable pour acquérir des mérites : car il peut se servir du corps pour obtenir la perfection surnatu­ relle, et il rencontre, dans les misères et les épreuves de cette vie, des occasions de mérite sans cesse renais­ santes. C’est pourquoi les sainles Lettres nous avertissent expressément qu’après la mort, il n’y a plus de temps pour gagner des mérites. Cf. Eccli., xiv, 17; Eccle., ix, 10; Luc., xvi, 22; Joa.,ix, 4; Gai., vi, 10. Et la prédication universelle de l’Église a insisté de tout temps, auprès des fidèles, pour qu’ils fassent le bien durant cette vie, puisqu’il n’y a plus de rédemption possible après la mort. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IJ» 11«, q. xm, a. 4, ad 2"m ; Suarez, De gratia, I. XII, c. xv. — b) 11 faut, de plus, que le sujet en cause soit en état de grâce, in statu gratiæ. Le Christ est la vigne el nous en sommes les rameaux. Comme le rameau ne peut produire de fruit s’il ne demeure uni au tronc; ainsi, de nous, si nous ne restons unis, insérés au Christ. Joa., xv, 4. 4149 CONGRUO (DE CONDIGNO) , 1150 Or cette insertion se fait par la grâce sanctifiante, absolument nécessaire; et sans elle, nos actions ne comme, par elle, nous devenons fils adoptifs de Dieu, peuvent aucunement être agréables à Dieu et méritoires héritiers du ciel et cohéritiers de Notre-Seigneur Jésusdevant lui : Quæ virtus (Christi) bona eorum opera Christ. Telle est la doctrine du concile de Trente quand Semper antecedit, et comitatur, el subsequitur; el sine il déclare qu’à l'homme une fois justifié ou pourvu de qua nullo pacto Deo grata el meritoria esse possent. la grâce sanctifiante, rien ne manque plus pour arriver Sess. VI, c. xvl, Denzinger, n. 692. Surtout, selon une au vrai mérite, celui de condignité : nihil ipsis justifi­ doctrine, communément rappelée elle aussi dans les catis amplius deesse credendum est, quo minus plene Ecritures et par la tradition, l’acte méritoire devra pro­ illis quidem operibus, quæ in Deo sunt facta... vitam céder d'un motif de foi surnaturelle. Matth., v, 46: x, æternam... vere promeruisse censeantur. Sess. VI, 41-42; Rom., n, 6-7; iv. 2; Gal., in, 11; v, 22; Jac., n, c. x. Denzinger, n.692. Et Baius qui niait cette doctrine 22. Cf. conc. de Trente, sess. VI, c. vm, Denzinger, a été deux fois condamné sur ce point. Denzinger, n. 895, n. 683 : Fides est humanæ salutis initium, fundamen­ 897. Cette nécessité de l’état de grâce se comprend sans tum et radix omnis justificationis. C’est, en effet, la peine. Nous savons, en effet, que le péché est un obstacle lumière intellectuelle qui dirige les intentions de absolu à la vie éternelle; et ce qui efface le péché,c'est l'homme raisonnable, et la lumière de foi qui doit précisément la grâce sanctifiante. Nous avons d'ailleurs guider les intentions du chrétien, donnant ainsi à ses plusieurs fois observé qu’une certaine proportion est actes, de quelque puissance qu’ils procèdent immédia­ requise pour la condignité des œuvres à leur récom­ tement, la relation voulue à leur fin sublime. — rf)S'il pense; et c'est encore la grâce sanctifiante qui établit en est ainsi, l'on voit sans difficulté que l’acte surnanormalement une telle proportion. Certains actes, nous turcllement bon sera posé en l’honneur de Dieu el pour ne l'ignorons pas, peuvent bien, sans la grâce sancti­ sa gloire. Par le fait même qu’un acte est inspiré par fiante, revêtir, par quelque côté, un caractère surna­ la foi, émane de puissances réellement surnaturalisées, turel, mais ils ne sont pleinement et essentiellement il ne peut être accompli qu'en vue de Dieu, in obse­ tels qu’à la condition d’émaner de principes tous sur­ quium Dei, et pour sa gloire, au moins implicitement naturalisés : c'est l’œuvre de la grâce sanctifiante et des cherchée. vertus infuses qu'elle entraîne après elle. 3» Objet. — Pour constituer le droit à la récompense 2. En ce qui concerne l’action elle-même, trois con­ d’autrui, il faut, nous l'avons vu, l'acceptation des ditions sont nécessaires pour constituer sa condignité. œuvres ou encore la promesse de rémunération de sa — a) D’abord, il faut que l’acte soit vraiment libre. Cf. part. Cette promesse est ici d’autant plus essentielle­ Eccli., xxi, 10; I Cor., ix, 17; Eccli,, xv, 16; Matth., ment requise qu’il s'agit de réalité et de récompense xix, 17, 21. En effet, dans la question qui nous occupe, surnaturelle, à laquelle tous les efforts de l’homme ne il s'agit d'offrir à Dieu nos actions, de les lui aban­ sauraient ni atteindre ni prétendre. Cetle promesse a donner en les posant pour son amour et sa gloire. Or, été faite, obligeant ainsi la divinité, au nom même de nous ne pouvons ainsi offrir, donner que ce qui est la fidélité qu’elle se doit, à rendre à l'homme, dans vraiment nôtre, et nos actes sont nôtres par la liberté cerlaines conditions posées, ce qu'elle lui a gratuite­ vraie, intime, qui les détermine. Cf. S. Thomas, De ment offert, ce qu'elle lui a librement promis. Heureux veritate, t\. xxvi,a.6. Jansénius trouva suffi santé la liberté l'homme qui soutire tentation, écrit saint Jacques; car, de coaction, voir Coaction, la volonté de l’homme déchu après qu’il aura été éprouvé, il recevra la couronne pouvant, d’ailleurs, subir toutes les contraintes inté­ de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. Jac., rieures. L’Église condamna sa 3’ proposition comme i, 12. hérétique. Denzinger, n. 968. Si nous demandons ici la La promesse divine, par les objets précis qu'elle en­ liberté intime, évidemment nous n'entendons pas récla­ veloppe, détermine elle-même les objets susceptibles de mer la liberté de contrariété qui est la faculté de faire le la condignité du mérite dans l'ordre surnaturel. Le bien ou le rnal opposé. 11 suffit de la liberté de contradic­ concile de Trente les a définitivement fixés : Si quis tion ou d'exercice, qui donne la faculté de poser un acte dixerit... ipsum justificatum bonis operibus... non ou de l’omettre, et telle fut la liberté du Christ. On vere mereri augmentum gratiæ, vitam æternam, et pourra même trouver que la liberté de spécification sera ipsius vitæ æternæ, si tamen in gratia decesserit, con­ aussi suffisante dans l’espèce, si elle laisse la faculté secutionem, alque etiam gloriæ augmentum, anathe­ de poser un acte meilleur quand il y aurait possibilité ma sit. Sess. VI, can. 32, Denzinger, η. 724. d'en poser un moins bon. — 6) 11 faut ensuite que 1. Le premier et principal objet réclamé avec justice l’acte soit moralement bon. Outre que les idées de mé­ par la condignité de nos œuvres méritoires est donc le rite, de récompense, de condignité surtout, enveloppent droit à la vie éternelle, et sa réelle acquisition, vitam semblable condition, nous voyons que l’Écriture et la æternam et ipsius vilæ æternæ consecutionem, sous tradition authentique de l’Église promettent constam­ condition toutefois que le sujet en cause décède dans ment récompense aux bonnes œuvres et menacent les l’état de grâce. mauvaises de châtiment. 1 Cor., xv, 58; II Cor., v, 10. 2. Le second est l’augmentation même de la grâce Cf. conc. de Trente, sess. VI, c. xvi, Denzinger, n. 692. sanctifiante. Car le surnaturel dans l'âme du juste est La chose s’explique de soi. Dieu est ici un maître, un une véri t^ile vie qui se développe et s’accroît. C'est prince de toute justice et sainteté. Si les rois réservent comme une lumière éclatante qui se lève, monte et leurs récompenses aux observateurs des lois, leurs ven­ grandit jusqu’au jour parfait de la gloire, Prov., iv, 18, geances et pénalités aux transgresseurs, à plus forte et c’est le devoir strict de tout chrétien de travailler â raison doit-il en être ainsi de Dieu, roi des rois. — obtenir, par la condignité de son mérite et de ses c) Comme il s’agit actuellement d’ordre, de fin, de con­ œuvres, celte augmentation constante. Comme le vigne­ dignité surnaturelle, il ne se peut que la bonté de l’acte ron taille son plant pour lui faire produire plus de soit simplement naturelle. Cet acte devra donc être fruits, ainsi en est-il du céleste vigneron vis-à-vis de vraiment surnaturel, l'œuvre d'un homme juste et en nous. H donne à qui est déjà pourvu, pour le mener à état de grâce. Mais, de plus, pour qu’il soit convenable­ une abondance toujours croissante. Eph., vi, 15; Joa., xv, ment proportionné à sa fin et justement digne d’elle, il 1-2 ; Luc., xix, 28 ; I Thess., vi, 1. Cf. S. Thomas, devra procéder d'un mouvement de la grâce actuelle, Sum. theol., I» II”, q. cxiv, a. 8. comme, d’ailleurs, la théologie le marque pour toutes 3. Le troisième objet est l’augmentation de la gloire les opérations surnaturelles. Le concile de Trente spé­ elle-même. L’homme une fois justifié acquiert le droit cifie que la vertu du Christ, cette grâce actuelle qui I à la gloire, mais cette gloire est susceptible de degrés prévient, accompagne et suit nos bonnes œuvres est ou de perfectionnements à l’infini. En augmentant sss 1151 CONGRUO (DE CONDIGNO) — CONINCK justes mérites, l'homme obtient le droit à ces degrés plus parfaits de gloire : c’est pourquoi l'apôtre et l’Eglise après lui enseignent que la gloire sera proportionnée au labeur, au juste mérite de chacun. I Cor., ni, 8. De là nous pouvons tirer plusieurs conclusions : — a) Nous avons dit, au début, que la condignité des œuvres méritoires emporte obligation de justice. L’as­ sertion est ici pleinement vérifiée. C'est, de la part de Dieu, acte de justice, que d’accorder la récompense proportionnée à la condignité de nos œuvres méritoires. Quand, en effet, il y a, entre deux personnes, pacte ou promesse de récompense déterminée, sous condition de travail ou d’œuvre à fournir, si la condition vient à être remp’ée d’une part, l’autre part est tenue en justice de rendre ce à quoi elle s’est engagée. C’est pourquoi l’apôtre parle de la couronne de justice que le juste juge doit lui donner, II Tim., tv, 8, et déclare que Dieu ne saurait être injuste et oublier nos bonnes œuvres. Heb., vt, 10. A la vérité, il n’y a point en cela, de la part de Dieu, acte de justice commutative, au sens exact du mot, qui emporte l’égalité complète des personnes comme des objets en question. Mais il y a justice dis­ tributive, dont le propre est d'observer l’égalité de pro­ portion en rendant à chacun selon la condignité ou le strict mérite de ses œuvres, Ratio justiliæ (distributives), dit saint Thomas, Deo proprie convenire potest, in quantum scilicet æqualilateni proportionis serval in communicatione bonorum suorum, dans unicuique proportionality· secundum suum modum. Dieu, en effet, dans ses distributions providentielles, établit l’éga­ lité entre la proportion des récompenses et la proportion des œuvres condignes : il fait en sorte qu’il y ait dans les récompenses la proportion même qui se trouva dans les mérites. Cf. S. Thomas, JnIV Sent., dist. XLVI, q. i, a. 1. L’on peut toutefois prétendre que celte divine manière présente quelque caractère de justice commutative, en tant que, pour chacun, il égale la récompense à ses œuvres respectives. Cf. S. Thomas, Sum. theol., II* Ilæ, q. un,a. l,ad lum. — b) Dieu s’est engagé pour les objets ci-dessus mentionnés, et non pour d’autres. Il suit de là que la première grâce, quelle qu’elle soit; que la justification, gratis autem justificari ideo dicamur, quia nihil eorum quæ justificationem præcedunt, sive fides, sive opera, ipsam justificationis gratiam pro­ merentur, conc. de Trente, sess. VI, c. vlll, Denzinger, n. 683, que lagrâce actuelle, que la persévérance finale, ne rentrant pas dans le champ des promesses divines, ne comptent pas non plus au nombre des objets que peut atteindre la condignité de nos actes méritoires. De plus, comme les promesses de Dieu sont toutes personnelles au sujet qui travaille, qui produit des bonnes œuvres, il s’ensuit que nous ne pouvons, en aucun cas, transfé­ rer sur autrui et faire valoir pour lui la condignité de nos actes méritoires et le droit à récompense qu’elle implique. IV. Distinctions diverses. — Ce qui précède nous aide à comprendre une distinction communément rap­ pelée par les théologiens. Ils mentionnent le mérite infiniment rigoureux, essentiel et non participé du Christ, le mérite fini, moins rigoureux et participé des chrétiens. Qu’est-ce à dire? Dans le Christ, à raison de la majesté infinie de sa personne, les œuvres présentent une valeur, une con­ dignité qui n’est pas empruntée mais inhérente à la constitution même de l’Homme-Dieu. De valeur infinie, chacun de ses actes offre un caractère d’égalité absolue avec la récompense qui lui appartient dès lors en toute justice. De là donc une condignité adéquate et rigou­ reuse comme elle est infinie et inséparable de l’union hypos tatique. Chez le chrétien, les bonnes œuvres procèdent de la grâce, qui n’est ni l’essence ni la suite nécessaire de la constitution humaine. Elle est un accident fini divine­ 1152 ment produit et libéralement surajouté à la nature. Elle nous a été, de plus, obtenue par le Christ et se déve­ loppe dans nos âmes par leur communion à lui et par leur participation à ses divins mérites. De là, dans nos actes surnaturels, si sublimes soient-ils, une condignité infiniment moins rigoureuse, inadéquate, finie en soi, empruntée ou participée. Outre les documents et ouvrages déjà cités, consulter les théo­ logiens, quand ils exposent la théorie du mérite : soit, en dogme, au traité de la grâce, comme Suarez, Tract, de gratia, 1. XII; C. Mazzella, De gratia Christi, disp. VI, De merito bonorum operum, Rome. 1880, p. "91-860; C. Pesch, Prælectiones dog­ maticae, tr. V, De gratia, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 209-235; J. Herrmann, Institutiones theologiæ dogmaticæ, t. 11, De gra­ tia, Rome. 1899, p. 724-753; Tractatus de divina gratia, Rome, 1904, p. 969-1079; Ad. Tanquerey, Synopsis theologiæ dogma­ ticæ, t. n, De gratia, Paris, 1903, p. 131-145; J.-B. Terrien, La grâce et la gloire, Paris, s. d., t. n, p. 3-80; les traités De gratia de R. Cercia, D. Palmieri, Murray, Kleutgen (.Theol. der Vorzeit, t. il) ; soit, en morale générale, au traite des actes hu­ mains et de leurs conséquences, comme A. Lehmkuhl, Theolo­ gia moralis, Fribourg-en-Brisgau, 1883, t. I, p. 163-168; E. Génicot, Theologiæ moralis institutiones, Louvain, 1905, t. t, p. 44-47 ; soit en des traités spéciaux sur la justification et le mé­ rite, ou sur le mérite, comme Theologia Wirceburgensis, Paris, 1880, t. vu, De justificatione et merito, p. 467-472; H. Hurter, Theologiæ dogmaticæ compendium, tr. VIH, De justificatione, Inspruck, 1896, t. ni, p. 184-197. H. Quilliet. 1. CONINCK (Gilles de), jésuite belge, naquit à Bailleul en Flandre, le 20 décembre 1571, entra au no­ viciat de la Compagnie le 15 octobre 1592, fut un des meilleurs élèves de Lessius, enseigna la théologie à Louvain, pendant dix-huit ans, mourut le 31 mai 1633. 11 a composé plusieurs ouvrages : 1« Commentariorum ac disputationum in universam doctrinam divi Thomæ, de sacramentis et censuris, 2 tom. en 1 in-fol., Anvers, 1616, 1619,1624; Lyon, 1619, 1624,1625; Rouen, 1630. Coninck publia cet écrit sur le désir de Lessius qui avait été sollicité de composer un traité des sacre­ ments et qui n’avait ni les loisirs ni les forces néces­ saires pour entreprendre cette œuvre. Une des thèses de l’auteur sur la possibilité d’absoudre un moribond privé de connaissance, mais dont les bonnes dispositions se­ raient attestées par les personnes présentes, t. il, disp. VII, dub. x, fut attaquée dans un opuscule de Choquet, imprimé à Douai. Le traité de Coninck fut un des ouvrages composés par des jésuites que le parlement de Rouen ordonna de lacérer et de brûler, arrêt du 12 février 1762; 2° De moralitate, natura et effectibus actuum supernaturalium in genere et fide, spe ac caritate speciatim, Anvers, 1623; Lyon, 1623; Paris, 1624; l'auteur avait préparé une édition notablement augmentée que la mort l’empêcha de publier ; 3° Respon­ sio ad dissertationem impugnantem absolutionem mo­ ribundi sensibus destituti, addita explicatione duorum dubiorum circa ministrum sacramenti matrimonii et dissolutionem ejusdem per conversionem alterius conjugis ad fidem, Anvers, 1625; c’est la réponse à l’opuscule écrit contre une thèse de son premier ou­ vrage; 4° Disputationes theologicæ de sanctissima Tri­ nitate et divini Verbi incarnatione, Anvers, 1645, ouvrage que l’auteur avait terminé douze ans avant sa mort. La bibliothèque de Saint-Patrick de Dublin pos­ sède un manuscrit qui se donne pour le traité de la grâce, d’après Coninck, 11 août 1618. Coninck est, au témoignage de saint Alphonse, un classique pour la morale. Ce mot est peut-être celui qui caractérise le mieux sa doctrine et sa manière. Classique, il l'est par l’extrême délicatesse de son orthodoxie, par son ferme bon sens qui lui fait éviter les excentricités, exagéra­ tions et témérités, par sa connaissance des thèses sou­ tenues dans l’école, par l’importance qu’il accorde aux problèmes pratiques, par son désir d’être utile au lecteur et son extrême souci de l’ordre, de la brièveté, 1153 1154 CONINCK — CONON de la clarté. Fervent admirateur de Lessius, il est son meilleur disciple. De Backer et Somtnervogel. Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. π, col. 1369-1371; Huiler, Nomenclator, t. i, p. 361. C. RüCII. 2. CONINCK Pierre-Damien, théologien belge de 1'ordre de Saint-Augustin. On a de lui : i· Tractatus de sacramento confirmationis nostri Basilii Pontii (théo­ logien espagnol du xvn» siècle), ab erroribus correctus, Louvain, 1642;2»Quodlibeta nostratis Ægidii Romani, Louvain, 1646; 3° Certamen bonum nostri B. Alphonsi de Orozco, Louvain, 1654. N. le Tombeur, Provincia Belgica augustiniana, Louvain, 1727, p. 106; Ossinger. Bibliotheca augustiniana, p. 255; Lanteri, Postrema stecula sex religionis augustinianæ, t. tu, p. 184; Hurter, Nomenclator literarius, t. 1, p. 366; Hutter, Scriptores ordinis eremitarum S. Augustini, etc., dans La Ciudad de Dios, 1883. t. v, p. 579. A. Palmieri. CONJURATION, action qui consiste à chasser ou â évoquer les esprits malins. Il y a donc deux sortes de conjuration. — 1° La première, au sens large du mot, n’est autre chose que l’exorcisme; au sens strict, elle est l’acte, prière ou cérémonie, par lequel l’exorciste, au nom du Tout-Puissant qu’il invoque, commande au démon et le somme de laisser libres les personnes pos­ sédées, tentées ou menacées par lui. Sur le sens, les caractères, l’efficacité de ces formules déprécatives qui se rencontrent fréquemment, soit dans les livres litur­ giques, soit dans les recueils de prières non liturgiques, soit dans les inscriptions chrétiennes, voir Adjuration, t. i, col. -400-401; Exorcisme; Dictionnaire d'archéo­ logie chrétienne, art. Adjuration, t. i, col. 527-535. 2° La seconde sorte de conjuration est une opération magique par laquelle on prétend conlraindre le dé­ mon à exécuter les ordres de l’homme qui l’évoque. Les formules de conjuration abondent dans les grimoires et livres de magie. Sur le caractère et les effets, vrais ou prétendus, de ces conjurations magiques, voir Magie et Sortilège. V. Obi.et. 1. CONON, pape, successeur de Jean V, élu en 686, probablement au mois d’octobre, consacré le 21 octobre, mort le 21 septembre 687. Son père appartenait au corps d’armée dit Thracésien. Lui-même fut élevé en Sicile. Son élection mit d’accord le clergé et l’armée qui s'étaient divisés, le premier soutenant l’archiprêtre Pierre, et l’autre le prêtre Théodore. Conon était un prêtre vertueux et vénérable, mais déjà âgé. Son élection fut soumise à l’approbation de Théodore, évêque de Ravenne. 11 mou­ rut après onze mois d’administration. JalK, Regesta pontificum romanorum, 2· édit., 4885, t. t, p. 243; Duchesne, Liber pontificalis, 1886. t. i, p. 368. H. IIemmer. 2. CONON, CONONITES. En 451, sur notifica­ tion de la lettre du pape saint Léon, augmentée d’un appendice où certains textes patristiques, recueillis par Théodoret dans ses Dialogues, Epist.,ci.xv, P. L., t. Liv, col. 1173 sq.,se trouvaient utilisés avec d’autres, recueil­ lis par le pape lui-même, le concile de Chalcédoine avait proclamé l’existence, en Jésus-Christ, de deux natures distinctes, ayant chacune ses propriétés, dans l’unité de personne ou d’hypostase. Cette définition n’arrêta pas les controverses christologiques en Orient. Le monophysisme, en particulier, continua à s'agiter, surtout en Syrie et en Egypte, et à multiplier les sectes. On opposait tradition à tradition. On empruntait à saint Grégoire le thaumaturge, à saint Athanase, au pape saint Jules des passages où était en­ seignée l’unité de nature. L’auteur anonyme du remar­ quable traité Adversus fraudes apollinistarum, attribué D1CT. DE THÉOL. CATHOL. d’ordinaire à saint Léonce de Byzance, P. G., t. Lxxxn, col. 1947-1976, eut beau prouver, et avec raison, ainsi que l’ont démontré Lequien, Caspari et les critiques récents, que ces passages faussement attribués étaient en réalité de la plume d'Apollinaire, notamment lexavà μέρος πιστις, ou exposition détaillée de la foi; il eut beau également démontrer l’interprétation orthodoxe qu’il convenait de donner aux textes authentiques de saint Cyrille d'Alexandrie, tels que la Lettre à Acace et les Lettres à Succensus, en les rapprochant de ceux ou le grand évêque soutenait clairement l’existence de deux natures distinctes dans le Christ, rien n’y fit. Dans le courant du vi« siècle, l'Égypte devint le théâtre de luttes passionnées. Deux évêques, réfugiés à Alexan­ drie en 518, Sévère d'Antioche et Julien d’Halicarnasse. tous deux monophysites, créèrent dans le sein du parti deux écoles rivales, qui prirenl chacune leur nom. Le premier soutenait que le corps du Christ, avant sa ré­ surrection, était soumisaux faiblesses et aux souffrances communes, c’est-à-dire corruptible. Nullement, répli­ quait Julien; car,dans ce cas. vous introduisez une dis­ tinction trop nette entre le corps et le Verbe, et ce serait donner raison au concile de Chalcédoine; et il qualifie de phthartolâtres, ou adorateurs du corruptible, les partisans de Sévère ; le corps de Jésus-Christ était exempt de toute altération, incorruptible, dés avant sa résurrec­ tion. A cela les sévériens répondaient : Vous êtes des aphthardocétes, des partisans de l'incorruptible, des phantasiastes, qui n’admettez qu’un corps apparent. Survient la mort du patriarche d’Alexandrie. Deux compétiteurs briguent sa succession : l'un, partisan de Sévère, Théodose; l'autre, partisan de Julien, Gaianus. Théodose l'emporte, mais il est exilé. Son disciple, le diacre Themistius, appliquant à l'âme du Christ ce que les phthartolâtres disaient du corps, soutint que le Christ ignorait, comme homme, le jour du jugement; il forma la secte des agnoètes. Voir t. i. col. 588-592. Léonce de Byzance, un contemporain, combattit Sévère et les phthartolâtres, dans ses Τριάκοντα κεφάλαια κατά Χευήρου et son Έπι'λυσις τών ύπο Σευήρον προβεβλεμένων συλλογισμών, P. G., t. Lxxxvi, col. 1901-1915,1915-1945; Julien et les aphthardocètes, dans son Contra nestorianos et eutychianos et ses Scholia ou De sectis, act. V, m, ibid., col. 1269-1396,1229; lesgaïaniteset les agnoètes, dans son De seclis, act. V, iv; X, ι-ιιι, ibid., col. 1232, 1260-1263. En mêmetemps, un grammairien philosophe d’Alexan­ drie, Jean surnommé Philoponos, prend part à la con­ troverse. Il disait aux catholiques : Puisque vous admet­ tez deux natures en Jésus-Christ, il faut conclure, d’après les principes d’Aristote, qu’il y a également deux hypo­ stases. Il confondait ainsi la nature et l'hypostase. Les catholiques répliquaient ; Si votre conclusion était juste, il faudrait conclure que, dans la Trinité, il y a aussi trois natures, puisque nous professons qu’il y a trois hypostases ou personnes. — Très certainement, répon­ dait Philoponos, car chaque individu ou personne a sa nature propre et une nature commune, ce qui doit s'ap­ pliquer à la Trinité. Léonce de Byzance, De sectis, act. V, vi, ibid., col. 1232-1233; Photius, Biblioth., 21, P. G., t. cm, coi. 57. C’était adopter le trithéismede Jean Askunages, direc­ teur d'école à Constantinople. Assémani,Biblioth. orient., t. n, p. 327. Conon, évêque de Tarse en Cilicie, embrassa cette erreur et fut trithéiste. Nicéphore Calliste, H. E., xvm, 48-49, P. G., t. cxlvh, col. 428-432. Or, ces trithéistes furent pris à partie non seulement par les catholiques, mais encore par certains monophysites. Une conférence eut même lieu devant Jean de Con­ stantinople, sous l'empereur Justin (518-527). entre Conon et Eugène, d'une part, et, d'autre part, Paul et Etienne, du parti des hésitants. Mis en demeure d'anathématiser Philoponos, ses partisans Conon et Eugène s'y refuse­ nt. - 37 Γ155 COX ON rent, prétextant que Philoponos appartenait à l’école des phthartolàtres, Théodose et Sévère. Photius, Uibliolh., 24, P. G., t. cm, col. 60. Philoponos enseignait autre chose encore dans son Περί άναστάσεως, ouvrage perdu. Il prétendait que le monde actuel et aussi le corps humain doivent dispa­ raître et être détruits un jour dans leur forme et leur matière; mais, à la résurrection, seront créés des corps humains, entièrement nouveaux quant à la matière et quant à la forme, bien supérieurs aux premiers, et c’est à ces corps que lésâmes s'uniront pour toujours. Ce point de doctrine déplut au moine Théodose, à Thé— mistius, le chef des agnoèles, et en particulier aux trithéistes Eugène et Conon. Photius, ibid., col. 60. Conon soutint qu’à la mort la forme seule disparait, mais que la matière persiste, qu’à la fin cette matière recevra une forme plus belle et que la résurrection ne sera autre chose que l’union indissoluble de l’âme rationnelle avec son ancien corps transformé. L'entente n’était plus pos­ sible. Conon répudia l’enseignement de Philoponos, rejeta ses œuvres et fonda la secte rivale qui porte son nom, la secte des cononites. Nicéphore Callisle, II. E., xvin, 49, ibid., col. 432. Sources : Léonce de Byzance, Photius. Nicéphore Calliste, ouvrages cités. Travaux : Assémani, Bibtioth. orient., t. n, diss. De monophysitis ; Ceillier. Histoire des auteurs ecclésias­ tiques, Paris, 1862, t. xi, p. 650; Hefele, Histoire des conciles, trad, franç., Paris. 1908, t. n, p. 857 sq. ; Smith et Wace, Dictionary o/ Christian biography,t. i, p. 622 ; Kirchenlexikon, t. m, p. 948; U. Chevalier, Répertoire. Bio-bibliographie, 2· édit., col. 1006; Topo-bibliographie, p. 775. G. BareILLE, 1. CONRAD, évêque d’Utrecht, né en Souabe, assassiné à Utrecht le 14 avril 1099. Il fut d’abord camérier de l’archevêque de Cologne, puis chargé de l’édu­ cation du prince qui devait être Henri IV, empereur d'Allemagne. Nommé évêque d’Utrecht en 1075, il sou­ tint une lutte acharnée conlre Thierry, comte de Hol­ lande. Il fut fait prisonnier et perdit une partie des possessions de son diocèse. Henri IV sut l’en dédomma­ ger. Conrad soutint ce prince dans sa lutte contre Gre­ goire VU. H fut le fondateur et l’architecte de la collé­ giale de Notre-Dame â Utrecht. On prétend qu'il fut assassiné par un maître maçon auquel il aurait surpris le secret de bâtir solidement sur des terrains maréca­ geux. Il est plus vraisemblable qu’il fut mis à mort sur l’ordre du marquis Egbert dontil retenait les domaines. Il nous reste de ce prélat un discours qu’il prononça en janvier 1085, dans l'assemblée de Gerstungen : Apo­ logia de unitate Ecclesiæ conservanda et schismate inter Henrieum IV imperatorem ac Gregorium VU pont.ma.r. H a été imprimé dans l’ouvrage de Melchior Goldast, Replicatio pro S. Cæsarea el regia Francorum Majestate... cum apologiis pro Henrico IV adversus Gregorium VII, in-4», Hanau, 1611. Valero André, Bibliotheca Belgica, in-4·, Louvain. 1643, p. 141 ; Fabricius, Bibliotheca latina mediæ et in/imse latini­ tatis, in-8·, 1858, t. 1, p. 389; Hist, littéraire de la France, in-4·, Paris, t. vm, p. 500; Ceillier, Hist.générale des auteurs sacrés, in-4·, Paris, 1757, t. xxi, p. 124. B. Heurtebize. 2. CONRAD DE MEGENBERG, DE MAGDENBERG, DE MONTE PUELLARUM, théologien alle­ CONSCIENCE 1156 scriplores aliquot succedanei contra sectam Waldensium, in-4», Ingolstadt, 1613, dans ses Onera, Ratis­ bonne, 1738, t. xn, p. 98-99. et dans Ia Bibliotheca Pa­ trum, de Lyon. t. xxv, p. 310. On lui doit encore un Planctus Ecclesiæ in Germania; Tractatus de electione Caroli I V sire tractatus pro romana Ecclesia et ponti­ fice Joanne XXII contra Guill. Occam ; une chronique de Ratisbonne, dont un extrait a été publié dans Corpus historicum medii ævi, Leipzig, 1723, t. n, col. 22432252, et 3 livres intitulés : Œconomica, ou il traite des rapports de l’Église et de l'empire, etc. Du Boulay, Hist. universitatis Parisiensis, 1668, t. TV, p. 953; Fabricius. Bibliotheca latina niediæ et in/lmæ latinitatis, in-8·. 1858, t. I. p. 385; C. Hôtler. Konrad von Megenberg und diegeistliche Bewegung seiner Zeil, dans Tübing. Theol. Quaitalschr. (1856), t. I, p. 38; Hurler, Nomenclator, 1899, t. IV, col. 521 ; P. Féret, La faculté de théologie de Paris, moyen âge, Paris, 1896, t. m, p. 204-207. B. Heurtebize. 3. CONRAD SUMMENHART. Voir SUMMENHART. CONRY (Conrius en latin) Florent, né en Irlande, dans le Connaught, vers 1650, entra dans l'ordre des frères mineurs de la stricte observance. Il avait favorisé de tout son pouvoir la descente des Espagnols pour déli­ vrer son pays du joug de la reine Élisabeth, aussi après la défaite de Kingsale il gagna le continent et vécut cn Belgique et en Espagne. Dans un chapitre, tenu le 13 mai 1606, il avait été nommé provincial d'Irlande, et au consistoire du 30 mars 1609 il fut préconisé arche­ vêque de Tuam. On lui doit la fondation du collège de son ordre à Louvain en 1616. Conry mourut à Madrid le 18 novembre 1629. Il avait fait une étude toute spéciale des œuvres de saint Augustin et on en trouve le résultat dans les ouvrages qu'il publia ou qui furent imprimés après sa mort. Lié d’amitié et en relations scientifiques avec le célèbre Wadding, ils travaillèrent de concert pour la cause de l'immaculée Conception; et il écrivit sur ce sujet De S. Augustini sensu circa bealæ Mariæ conceptionem, in-4», Anvers, 1619. On a encore de lui : Tractatus de slalu parvulorum sine baptismo decedentium, in-4», Louvain, 1624,1635; Rouen, 1652; Peregrinus lerichunlinus, hoc est de natura humana feliciter instituta, infeliciter lapsa, miserabiliter vul­ nerata, misericorditer restaurata, in-4». Paris, 1641 : cet ouvrage fut publié par un de ses compatriotes Thadce Macnamara et fut traduit en français sous ce titre : Abrégé de la doctrine de S. Augustin touchant la grâce, in-4», Paris, 1645, dans un Recueil de divers ou­ vrages touchant la grâce, paru â Paris; les bibliographes en font ordinairement un ouvrage latin distinct du pré­ cédent; De flagellis justorum juxta mentem S. Augu­ stini, Paris, 1644; Tractatus de gratia Christi, Paris. 1646. Conrius publia aussi en anglais un Miroir de la vie chrétienne, Louvain, 1626, et on trouve dans VJlisloire d'Irlande de O’Sullivan une lettre de lui contre la proscription et la spoliation des catholiques qui avaient combattu pour la défense de leur foi contre les Anglais. Wadding, Scriptores ord. minorum, Rome, 1650: Annal, ord. minorum continuatio, ad ann. 1618, Quaracchi, 1886. t. xxv; Sbaralea, Supplementum et castigatio ad scriptores ord. minorum. Rome, 1806; Hœfer, Nouvelle biographie géné­ rale, Paris, I860, L kl. P. Edouard d'Alençon. CONSANGUINITÉ. Voir Parenté naturelle. mand, né en 1309, mort le 14 avril 1374. H vint étudier i à Paris, y fut reçu docteur et y enseigna la théologie pendant huit années. De retour en Allemagne, il obtint une chaire à Saint-Étienne de Vienne. Ayant été guéri | CONSCIENCE. — I. La conscience psychologique. miraculeusement à Ratisbonne par saint Erhard, il II. La conscience morale. III. Raison d’étre de la con­ écrivit la vie de ce saint. Acta sanctorum, 1643, I. 1, science morale. IV. Eléments intellectuels de la con­ p.541, et se fixa dans cette ville ou il prêcha avec succès science morale. V. Analyse de l’acte de conscience. et devint chanoine de Saint-Ulrich. Outre la vie de VI. Éléments affectifs de la conscience morale. VIL Ori­ saint Erhard, Conrad de Megenberg écrivit un ouvrage gines de la conscience morale. VIH. Propriétés de la contre les béghards dont un fragment a été publie par conscience morale. IX. Fausses prétentions de la con­ Gretzer, dans son ouvrage : Lucte Tudensis episcopi science. X. Les maladies de la conscience. 4157 CONSCIENCE 1158 I. La conscience psychologique. — Il y a deux évident, qui les unit à la faculté qui les émet, à l’àtne consciences, la psychologique et la morale. 11 nous faut où ils naissent, celle-ci trahit en eux son existence, et brièvement déterminer la première, parce qu’elle est quand la pensée fleurit en moi, elle ne s’y montre pas un des éléments constitutifs de la seconde qui nous impersonnelle, mais vivante, mais jaillissant de mon occupe ici. esprit et de mon âme. Ici se trouve la source de la 1» La conscience psychologique est Vaperception responsabilité, car je prends alors conscience à la fois par laquelle l'homme se connaît lui-même dans une vue de ma pensée et, en elle, de moi; ma conscience s'ex­ intérieure. Mon esprit agit, perçoit des êtres, raisonne prime alors par cette formule : Je pense, je vois une sur des idées, il sait qu’il agit, qu’il perçoit ou raisonne ; pensée, cette pensée est en moi, à moi, el de moi. il a conscience de. ses opérations. Ma volonté hésite, Mon être, inconscient jusqu’au premier acte émis par délibère, se décide, ordonne; mon esprit suit les lui, devient conscient par cet acte et en lui. Et encore ne phases par lesquelles passe mon vouloir, il en a con­ l’est-il pas entièrement. Son existence se révélé dans science. Un coup me frappe, froisse mes chairs, les son activité, mais sa nature reste cachée el il faudra â déchire, irrite mes nerfs, une sensation violente me l’esprit une longue série de raisonnements, d’expériences fait ressentir une vive douleur, j’ai conscience d’avoir et d’observations pour arriver à prouver la spiritualité, été frappé et de souffrir. Telle est la conscience psycho­ la simplicité, l’immortalité du principe pensant. logique, c’est-à-dire l’aperception du moi, de ses actes 3° De celte loi delà conscience psychologique découle produits, des opérations faites ou des impressions re­ cette conséquence très grave pour la conscience morale çues. Par elle l’homme se connaît, mais incomplète­ que le surnaturel, étant un être et non un acte, est ment. S’il fut jamais vrai de dire que nous ne savons le inconscient. Donnez, par le baptême, les Ilots de la tout de rien, c’est particulièrement quand il s’agit de grâce sanctifiante à un néophyte adulte; avec la grâce nous-mêmes. Longtemps l’homme s'ignore : ce n’est arriveront dans l’âme et ses facultés, les vertus de foi, que peu à peu que sa vie se révèle à lui, qu’il en prend d’espérance et de charité; ajoutez au baptême la con­ conscience et qu’il arrive à se conduire dans le dédale firmation, laquelle apportera avec elle les dons du des multiples séries d’actes dont se compose la trame Saint-Esprit; le néophyte n'aura aucune conscience, de son existence. Et encore il n’atteint jamais, par la c’est-à-dire aucun sentiment, aucune vue nette de la force de son regard intérieur, les dernières régions de grâce, des vertus et des dons déposés en lui : il ne son être. Il y a toujours chez nous de l’inconscient, saura pas, par son expérience personnelle et interne, des événements produits par notre évolution vitale en qu’il est en étal de grâce, qu’il possède les vertus théo­ nous et à notre insu. logales et les dons du Saint-Esprit. Dans ce sens, on 2° La philosophie scolastique nous donne deux peut dire avec l’Ecclésiasle, ιχ, 1 : Nescit homo utrum règles en vertu desquelles il est possible d’établir les amore an odio dignus sit. L’homme ne sait pas s'il est frontières de la conscience psychologique. Tout ce qui digne d’amour ou de haine; sa conscience ne lui dit est en dehors de ces frontières appartient à l’incon­ pas si le surnaturel habite en lui et le rend digne scient. La première règle est ainsi exprimée par saint d’amour, ou si, le surnaturel absent, il mérite la haine. Thomas, Sum. theol.,I“,q. lxxxvii, a.l : Unumquodque Que ce néophyte récite l’acte de foi d'une volonté cognoscibile est secundum quod est in actu et non se­ sincère, qu'il s’abandonne aux élans de l’espérance ou cundum quod est in potentia, ut dicitur Met., 1. IX, aux effusions de la charité : il prendra conscience de text. 20. Si l’on en croit Aristote, au 1. IXe de sa Méta­ ces actes et, à leurs motifs, il les saura surnaturels, physique, une chose est connaissable quand elle est en mais les opérations surnaturelles seules sont con­ acte et non quand elle est en puissance. Nous n’avons scientes. pas à développer ici tout au long cette théorie méta­ On ne pourra même pas dire qu’en elles les vertus physique appliquée à la psychologie. Visons-en seule­ qui les inspirent, la grâce sanctifiante qui leur sert de ment les conséquences utiles à notre sujet : il n’y a substratum, se trahissent à la conscience, comme l’âme pour être connaissable, et donc conscient, que ce qui et l’esprit se trahissent à la pensée. Car la pensée est est acte ou opération de l’âme. Tout ce qui n’est pas de essentiellement liée à l'esprit et à l'âme et ne peut pas l’ordre de l’activité n’est pas du ressort de la conscience. vivre en dehors de l’un et de l’autre ; les actes de foi, 1. 11 suit de là qu’il faut ranger dans le domaine de d’espérance, peuvent être produits par une âme qui Vinconscient, tout ce qui n’est pas acte ou opération. n’a ni la grâce sanctifiante, ni ces deux vertus : les Ainsi se précise le champ de l’inconscience morale et actes de charité produisent cette vertu chez l’homme, de l’irresponsabilité. L’homme possède un corps, il mais peuvent naître sans elle; s'ils lui sont liés comme n’en a pas conscience avant que ce corps ne se soit le principe à ses conséquences, ils ne lui sont donc trahi dans une sensation, c’est-à-dire dans un acte. Il pas rattachés comme le ruisseau à sa source, comme possède une âme, et il n’en sait rien avant que les l'effet à sa cause. Le surnaturel habituel, qu'il soit don, opérations intellectuelles ne se soient levées à l’horizon vertu ou grâce sanctifiante, échappe donc toujours à la de son esprit. Ce corps et cette âme sont unis, et leur conscience normale. Il faut en dire autant du pri terunion, n’étant pas un acte, échappe par là même au re­ naturel, qui, lui aussi, est habitude ou action, et ne· gard de la conscience. Le corps apporte en lui toute tombe sous l'intuition de la conscience que dans I · une hérédité — nous y reviendrons au sujet des ori­ second cas. gines de la conscience morale — toute une série de 4° Nous avons observé qu’il y a une seconde régi·? dispositions organiques à la santé ou à la maladie, une qui permet de circonscrire le champ de la conscience. souplesse pour certains actes, une particulière apathie Si les actes seuls sont conscients, tous les artes ne le pour d’autres : tout cela encore est inconscient, jusqu’à sont pas. Il y a, chez moi, une circulation du sang ce que la vie active l’ait révélé. Les actes seuls tombent qui est un mouvement et un acte perpétuels, une mul­ directement dans le champ de la conscience. Si je tiple élaboration de sucs vitaux, des sécrétions variées, pense, si je veux, si je souffre, si je vois la plaine une assimilation et une désassimilation, en un mot, émaillée de Heurs, si j’entends le souffle du vent dans une foule de phénomènes réellement actifs, apparte­ la forêt, si je respire le parfum répandu par le prin­ nant à l'évolution de la vie et dont la conscience psy­ temps dans la nature, j’en ai conscience, je le sais, chologique ne soupçonne pas d'ordinaire l'existence. La plante n’a pas conscience, et cependant elle agit. parce que ces choses, étant des opérations vitales, sont L'animal et l'homme qui sont des plantes d'une cer­ aptes à impressionner.ma conscience. 2. Si les actes seuls se manifestent, ils ne manifestent taine manière, par la vie végétative, n'ont pas d'hal tude le sentiment de celte vie, ni de ses opérations. pas qu’eux a la conscience. A cause du lien nécessaire, 1159 CONSCIENCE Pour percevoir celles-ci, il Taut que, par une circon­ stance spéciale, une gêne dans leur processus, une attention privilégiée, elles soient dénoncées à l’esprit dans une sensation de toucher interne, ou dans la douleur. Alors les phénomènes de la vie végétative entrent dans le domaine de la vie sensitive et sont saisis avec les faits qui constituent celle-ci. Les actes qui tombent sous la conscience sont ceux qui appartiennent à la vie sensitive ou à la vie intellec­ tuelle. Quand mes yeux voient, quand mes sens exté­ rieurs sont frappés par les objets du dehors et les per­ çoivent, j’en ai conscience; quand le souvenir de ces sensations se réveille dans ma mémoire, quand mon imagination rappelle les scènes vues, ou crée, avec les éléments des sensations anciennes, des tableaux iné­ dits, j’en ai encore conscience. Je suis également con­ scient des émotions causées en moi, par les spectacles aperçus, par les paroles entendues ou les douleurs ressenties; de toutes les affections ou passions soule­ vées dans mon être physique par le désir des objets sensibles. De même les actes de la vie de mon esprit ou de ma volonté sont conscients. C'est là, au double étage de l’activité sensible ou de l’activité intellectuelle, que régne l’empire de la conscience psychologique. 11 était important d'en préciser les frontières, parce qu’elles serviront à établir celles de la conscience mo­ rale et de la responsabilité. 5° Aux caractères précédents ajoutons le suivant, souligné attentivement par saint Thomas. Sum. theol., I·, q. lxxix, a. 13. La conscience elle-même est un acte, et non pas seulement une faculté ou une puis­ sance : elle est une fonction, une activité spéciale de l’intelligence ou de la sensibilité. Tandis qu'on appelle un homme « savant, actuellement savant », même lors­ qu’il ne fait pas usage de sa science, qu’il dort ou qu’il s’occupe de tout autre objet, on ne dit d’un homme « qu’il est conscient, actuellement conscient », que si, de fait, il perçoit actuellement son moi dans une de ses manifestations actives. La raison en est que la science est un étal, une habitude de l’intelligence qui demeure même pendant le sommeil, el que la conscience est un acte, un regard de l’âme. II. La conscience morale. — La conscience morale implique la psychologique, mais y ajoute un rapport avec la règle des actions humaines. Elle cherche et contrôle leur conformité avec la loi morale. Tant que je ne fais que savoir ce qui se passe en moi et consta­ ter l'existence de tel ou tel phénomène int rieur, je reste dans le domaine de la conscience psychologique; si, au contraire, je pousse plus loin mon enquête et veux me rendre compte de la valeur de mes actes sous le rapport de l’honnêteté, j’entre dans la sphère de la conscience morale : c'est donc une région plus haute, plus spéciale, et partant moins étendue. 1“ Directement, la conscience morale n’exainine guère que les intentions, c'est-à-dire la volonté; cette intention que j'ai de faire telle ou telle action, de refuser tel con­ cours qui m’est demandé, est-elle droite ou coupable? A la conscience morale de répondre. Celle-ci ne s’occupe des pensées, des sensations, des émotions, des passions de la paitie animale de notre être, des actes matériels, que par rapport à l’intention qui les inspire, à la volonté qui les commande. 2’ Ensuite, tandis que la conscience psychologique constate l'existence des faits vitaux personnels, la con­ science morale établit en plus leur bonté. 3° Nous aurons suffisamment distingué les deux con­ sciences quand nous aurons montré qii’ef/es ne s’épa­ nouissent pas sur un terrain d’égale étendue. La con­ science morale suppose la connaissance du bien, la perception de la lin, de son obligation, des moyens né­ cessaires ou opportuns qui la réalisent. Elle est donc le propre de l’étre intellectuel seul. L’homme, l’ange, Dieu 1160 ont une conscience morale; l'animal n’en a pas. 11 a, au contraire, une conscience psychologique au moins initiale et rudimentaire. Il sent la douleur, il perçoit qu’il a reçu un coup de bâton, qu’il vient de mordre un de ses congénères, qu’il mange un savoureux morceau de viande. Il y a en lui le relief de ses étals d’âme, mais non de leur rapport avec la loi morale. Il sait, au moins pour une part, ce qui se passe en lui, mais non l'hon­ nêteté de ses actes. 4° Nous avons parlé de Dieu. Évidemment, la con­ science morale en lui est plus simple que dans la créa­ ture, n'implique pas la connaissance d’une loi supé­ rieure, la poursuite d'une lin extérieure ou l’emploi de moyens, mais elle est l’acte très simple par lequel Dieu constate son infinie perfection et suffisance, son absolue bonté qui est à elle-même sa raison d’être et â laquelle toute sa nature et toute son rétivité est conforme jusqu'à l'identité. 5“ En même temps qu’elle apparaissait de moindre étendue que la conscience psychologique, la conscience morale a semblé à d'aucuns, d’une portée plus large, et ils ont prétendu que, si la conscience psychologique ne sort pas de la personne et de son activité, la con­ science morale a une compétence plus grande et juge les actes d'autrui aussi bien que les actes personnels. Il y a là une confusion et l’on pent dire avec autant de raison : la conscience psychologique sort de la personne, la conscience morale n’a aucune juridiction au dehors. En effet, la première, sans doute, n’a pour objet immé­ diat et propre que les opérations du moi. mais elle peut servir et sert de base pour disserter sur les opérations psychologiques d’autrui ; et n’a-l-on pas vu des philo­ sophes prétendre s’appuyer sur la « conscience réfléchie » pour étendre ses données à tous les êtres et considérer ceux-ci « comme régis par des essences analogues et partiellement identiques au moi lui-même? » Lionel Dauriac, Des notions de matière el de force dans les sciences de la nature, c. i, Paris, 1878, p. 29. C’est bien là certes s’étendre au dehors. D’autre part, la conscience morale n'est, elle aussi, vraiment compétente que pour la personne seule qui la possède. Je serai jugé d'après ma conscience, aucun autre ne sera jugé sur elle. La conscience est le reflet intérieur de la loi objective et supérieure, et chacun sera jugé d'après le reflet propre que la conscience a donné en lui à la loi divine. Tout ce que l’on peut dire — et cela est vrai de la conscience psychologique éga­ lement — c’est que la loi morale manifestée dans ma conscience me sert de critérium pour apprendre, par analogie, la valeur probable des actes du prochain : mais Dieu seul qui sonde les reins et les cœurs peut juger les actes de tous, parce que seul il peut connaître leur conformité avec la conscience morale de chacun. Il reste donc que la conscience psychologique et la conscience morale n'ont d’autorité vraie que pour le moi, qu’en dehors expire leur compétence. Mais toutes les deux peuvent servir de point de comparaison pour déterminer par analogie ce qui se passe chez le pro­ chain ou la valeur morale de ses aclions. III. Raison d’étre de la conscience morale. — La nécessité et le rôle de la conscience morale s’éclairent à la considération de la loi qui régit l’homme et de l’homme régi par la loi. 1“ La loi est la volonté d’un supérieur réglant la con­ duite d’êtres inférieurs. Elle n’est donc pas quelque chose d’abstrait, d’irréel, planant au-dessus de nos têtes dans une sphère impalpable et inaccessible. Elle est, au contraire, un fait, un ordre concret d'un supé­ rieur réellement existant, s’adressant à la collectivité, c’est-à-dire à tous et à chacun de ses subordonnés, et leur intimant une série d’actes â produire ou à éviter. En tant que résidant en la voldnté d'un supérieur et visant un objet particulier, la loi est concrète; en tant 1161 CONSCIENCE qu’elle s’adresse a un ensemble de subordonnés, la loi devient générale ou universelle. Son objectif est donc de lier des volontés inférieures à une volonté supérieure. 2° Mais le moyen d’atteindre ces volontés inférieures? Elles sont des tendances, des forces intelligentes et conscientes, il est donc impossible de les aborder au­ trement que par la voie de la connaissance. Le supé­ rieur ne peut mouvoir une volonté qu’en l’éclairant de ses desseins, et il ne peut l’éclairer qu’en lui parlant, qu’en lui manifestant par le langage ses décisions. D’où la nécessité, de la part du chef, d’une promulgation qui extériorise et proclame ses décrets; et la nécessité, chez le subordonné, de connaître cette promulgation et ces décrets, et de les connaître comme l’atteignant en propre et comme obligeant sa volonté. Cette connais­ sance est la conscience morale. Elle est un des anneaux de la chaîne qui va de la volonté qui commande à la volonté qui est commandée : supprimez-le et la chaîne est rompue : toute l’obligation s'effondre dans le néant. IV. Éléments intellectuels de la conscience moBale. — La conscience morale implique donc une double connaissance, celle de la volonté supérieure manifestée, et celle des actions personnelles dans leur rapport avec cette volonté. Il serait vain de savoir ce que veut le su­ périeur, si l’on ignorait à quoi s’appliquent ses ordres; il serait inutile de connaître le moi vivant, si l'on ne savait l’ordre suivant lequel sa vie doit se développer el être orientée. Mais si la conscience joint à la con­ naissance de l’obligation l’aperception des actes per­ sonnels, elle ne le fait pas toujours de la même manière. Saint Thomas, Sum. theol., 1“, q. lxxix, a. 13, l’explique avec une précision qui n'a pas été dépassée. lû La conscience, écrit-il, agit de différentes façons. En effet, on dit tantôt qu'elle témoigne, qu’elle lie ou qu elle excite, tantôt qu’elle accuse, prend de remords ou réprimande. Dicitur enim conscientia testificari, ligare vel instigare, vel etiam accusare, vel etiam re­ mordere sive reprehendere. Dans ces différentes inter­ ventions de la conscience, il y a des éléments intellec­ tuels, il y en a d'affectifs. 2° Voyons d’abord les intellectuels. Hæc omnia con­ sequuntur applicationem alicujus nostræ cognitionis vel scientiæ (la conscience est donc une lumière) ad ea quæ agimus. C’est une lumière d’ordre pratique et concret, puisque c'est l’application particulière des choses que nous savons à celles que nous faisons. Quæ quidem applicatio fit tripliciter. Uno modo secundum quod recognoscimus aliquid nos fecisse vel non fecisse secundum illud, Eccle., vu, 23 : Scit conscientia tua, te crebro maledixisse aliis ; et secundum hoc conscientia dicitur testificari. C'est la conscience psychologique. Elle est indispensable à la conscience morale dont elle constitue la première démarche. Avant de guider ou de juger ce qui se passe, va se passer ou s’est passé en nous, il faut en être informé. Le juge se renseigne sur les faits avant de les apprécier. Ainsi l’aine observe ses mouve­ ments intérieurs, et la conscience qu’elle acquiert, dans celte observation, est un témoignage, une attesta­ tion des faits. Mais ces mouvements sont, ou des ten­ dances qui demandent â se donner libre cours, ou des inclinations satisfaites; en d’aulres termes, la conscience se trouve en face d’un avenir à orienter (conscience antécédente), ou bien d’un passé à juger (conscience conséquente). 3» Dans le premier cas, elle paralyse ou excite. Alio modo applicatur secundum quod per nostram con­ scientiam judicamus aliquid esse faciendum vel non faciendum, et secundum hoc dicitur conscientia ligare vel instigare. Judicamus, nous jugeons; en effet, c’est un jugement et un double jugement que la conscience prononce alors. Le premier est un jugement de confor­ mité. L’esprit humain possède la notion de l’ordre gé­ néral dont il est un élément, de la marche universelle 1162 du monde, dont il est un des agents. Il compare cet ordre avec l’action qu’il s’agit de faire ou d’omettre, il constate que celle-ci est conforme ou opposée au susdit ordre et prononce alors son jugement : cette action est ordonnée ou elle est désordonnée. D’autre part, la no­ tion d'ordre l'amène à un principe qui fonde cet ordre, l'a créé, le maintient et en exige le respect et l'observa­ tion, de la part de tous; d'où le concept d’obligation et le jugement : cet acte n'est pas seulement conforme â l'ordre, mais il lui est utile ou nécessaire, dès lors il est conseillé ou commandé. Cet acle n’est pas seulement opposé à l'ordre, dont il est la diminution ou la néga­ tion, mais il est déconseillé ou proscrit. Ce jugement d'obligation est bien une excitation ou un lien. 4° S'il s’agit d'un passé à juger, la conscience inter­ vient sous une autre forme, elle excuse ou accuse, elle réprimande, elle remplit de remords. Tertio modo ap­ plicatur secundum quod per conscientiam judicamus quod aliquid quod est facium sit bene factum vel non bene factum et secundum hoc conscientia dicitur excu­ sare vel accusare seu remordere. Ici encore il y a juge­ ment, judicamus, et double jugement : l’un de confor­ mité comme précédemment; l’autre de responsabilité encourue, et donc de mérite ou de démérite acquis. L’esprit compare l’acte accompli dont il a conscience avec l'ordre moral dont il a la science (c’est bien ap­ plicatio alicujus nostræ cognitionis ad ea quæ agimus, comme dit saint Thomas), et voit, dans cette compa­ raison, si l’acte accompli observe ou viole l'ordre moral; comme, en même temps, par la conscience, l’homme se reconnaît l'auteur de l’acte, il est amené dans un se­ cond jugement à peser la responsabilité qui lui incombe et la récompense à laquelle il a droit pour le concours apporté à l'ordre, ou les réparations et châtiments mérités pour entrave à l’ordre. Voir dans la Murale scientifique, Paris, 1905, p. 177, par Albert Bayet, les menaces contre l’idée de responsabilité dont « il appar­ tient à l’art moral de hâter la disparition ». 5» La conscience antécédente est la seule qui réponde vraiment à l’idée de norme et de règle morale : c’est elle, en effet, qui dirige la vie de l’homme et lui donne sa valeur, qui rend les actes bons ou mauvais; la con­ science conséquente, ne venant qu’aprés coup, ne peut que constater le bien ou le mal. Elle n'a aucune inlluence sur sa production. Seule, elle ne fait ni la culpabilité ni l’innocence. C'est donc en vain que des chrétiens qui vont s’approcher du tribunal de la péni­ tence cherchent dans les livres ou demandent â leur confesseur si les actes qu'ils ont accomplis étaient, de leur nature, coupables ou non. La conscience qu'ils essayent de se former maintenant, ne peut avoir d’effet rétroactif, ni faire que leurs actes passés aient été for­ mellement bons ou mauvais; elle servira, en tant qu'an­ técédente, â éclairer et à diriger les actes futurs. Pour les actes passés, il suflit et il est nécessaire de recher­ cher quelle idée on s’en faisait, quelle intention l'on avait quand on les a produits, et c'est cette conscience antécédente qui seule peut donner la mesure de la cul­ pabilité. Cf. Konings, Theologia moralis, tr. De con­ scientia, n. 32, New-York, Cincinnati, Chicago. 18S9. p. 17. V. L’analyse de l’acte de conscience. — La con­ science morale enveloppe toute une série d'opérations intellectuelles dont le schéma est assez exactement représenté par ce qu’on appelle en logique le prosyllo­ gisme ou le polysyllogisme. Les facteurs en sont indi­ qués par l’Ange de l’École dans les termes suivants : Per conscientiam applicatur notitia synderesis et rationis superioris et inferioris ad actum particula­ rem examinandum. De veritate, q. xvti, a. 2. Cf. Sporer, tr. 1, procem., c. i, n. 7. 1» A la base de ce prosyllogisme se trouve la notitia synderesis. La syndérise est, dans l'ordre pratique, ce 1163 CONSCIENCE que l'intelleclus pi-incipioriim est dans l’ordre spécula­ tif : elle est la connaissance des règles générales ou principes premiers de l'opération morale. La première règle de la morale humaine sera : « Agis conformément à la nature, » suis en toutes tes voies les indications de cette nature et de ses essentielles exigences el relations. D’où bientôt dériveront trois règles plus restreintes, qui ne sont que l'application de la précédente : « Agis en­ vers Dieu conformément à ce qu’il est pour toi. — Agis envers toi-même conformément à ce que tu es pour toimême. — Agis envers le prochain conformément à ce que tu es pour lui et à ce qu’il est pour toi. » 2° Ces règles fondamentales et essentielles possédées et affirmées par la syndérèse ne suffisent pas. Aussi, pour les éclairer, la morale aura recours à différentes branches de la science humaine, à ce que saint Thomas appelle la raison supérieure et inférieure. Elle deman­ dera à la théologie naturelle ce que c’est que Dieu et quels rapports l’homme soutient avec lui; à la théologie surnaturelle ce que c’est que le Christ et quels nou­ veaux rapports il est venu restaurer entre la race humaine et la divinité. Elle interrogera l’anthropologie, la psychologie, la révélation, sur la nature de l'homme et les relations naturelles et surnaturelles qui unissent les hommes entre eux. Les vérités premières ne manquent donc pas à la morale. De toutes parts il lui en vient, assertions du bon sens, attestations de la phi­ losophie naturelle, du dogme, qui s’offrent au moraliste comme autant de points de départ pour ses déductions pratiques. 3° Celles-ci seront des règles générales concernant chacun des devoirs humains. Par exemple, le moraliste armé du principe : « Agis envers Dieu conformément à ce qu’il est pour toi et à ce que tu es pour lui, » éclairé par la raison théologique sur la nature de ses rapports avec le créateur, en conclura que l’adoration est néces­ saire, que le blasphème est prohibé. De telles conclu­ sions, parce qu'elles sont générales, constituent la science morale. 4° L’homme ne doit pas s’arrêter là dans son enquête. Il sait comment il faut agir en général avec Dieu, l’homme ou soi-même, il ne sait pas encore quelle forme particulière il doit donner à l’observation de chaque devoir dans les circonstances concrètes ou s’écoulent les moments successifs de son existence. L'adoration est obligatoire, mais, pour lui, quelle est la mesure de cette obligation dans telle circonstance déter­ minée, à tel jour de repos, à tel moment de travail, dans la maladie qui l'étreint ou dans un voyage immi­ nent? L’obligation, objectivement certaine et absolue, varie ses exigences et son intensité avec les conditions diverses de personnes ou de lieu ou de temps. Ici, c’est la prudence aidée de Vexpérience ou du savoir qui dé­ cidera. Dans la maladie, la science médicale dira l'étal de santé, ce qu’il permet, ce qu'il interdit; dans les voyages, l’expérience dictera ce qu’il faut prévoir, les facilités sur lesquelles on peut compter, les impossibi­ lités à redouter; et ainsi se fera l'appre'cialion ration­ nelle ou expérimentale d'un cas particulier qui per­ mettra au jugement de conscience d’étre porté et de dire ce qui à tel jour et à telle heure, dans telles circon­ stances données, est permis, ordonné ou défendu. 5“ En somme, les différentes étapes qui aboutissent au jugement porté par la conscience sont les suivantes : principes de la syndérèse. données générales de la rai­ son et de la science, conclusions de la science morale tirées des prémisses précédentes, etservant elles-mêmes de prémisses, avec les appréciations pratiques de la prudence aux décisions concrètes de la conscience mo­ rale. Les jugements de conscience morale, sauf dans les matières immédiatement certaines et évidentes, exigent donc un travail préalable, une enquête préparatoire. Nul ne peut s’y soustraire à son gré. Il y a obligation i 164 d'éclairer la conscience et donc, dans la proportion des moyens de chacun et de la gravité des problèmes, de se livrera une sorte de délibération intellectuelle. 6» Voici, relativement à cette opération de conseil, quelques principes d'une réelle utilité pratique. — « I. Tout d’abord, il y a obligation de chercher, avec la diligence el l’intelligence dont on est capable, les moyens nécessaires pour atteindre la fin dernière. Qu’on le remarque bien, ils peuvent souvent être obscurs au début de la vie morale, ou dans certains états prolongés d’indilférence, de vice et d’erreur. Ainsi le catholique est tenu d’examiner quelle voie il suivra, à quelle vocation il obéira, de quelle manière il dirigera son existence el son activité. L’inlidèle ou l'hérétique, le sceptique ou le pécheur, touchés d’un rayon de lu­ mière divine, et soupçonnant au moins le danger de leur situation spirituelle, doivent attentivement s’en rendre compte et délibérer sur le chemin à suivre dé­ sormais. — 2. Il y a obligation de chercher, même rela­ tivement à telle ou telle /in, seulement secondaire, mais obligatoire, quels sont les moyens à prendre pour y atteindre, si déjà l'on n'en connaît la nature et l'usage. Ainsi doit-on réfléchir aux obligations particulières de sa charge ou de sa vocation, si on les ignore; ainsi doit-on s'enquérir, si on ne les sait pas, des moyens indispensables pour exercer la justice et la charité, pour garder la tempérance ou la chasteté. — 3. Il y a obliga­ tion analogue de délibérer sur les actions et la conduite du prochain, quand on en est responsable, par exemple, sur le bon gouvernement de la famille dont on est le chef, des disciples dont on est le maître, des ou­ vriers dont on est le patron. Sum. theol., la Hæ, q. xiv, a. 3, ad 4““. — 4. Il y a obligation, dans les doutes graves à la solution desquels on ne parviendrait pas avec ses propres ressources intellectuelles, d'implorer les lumières de plus savant que soi. Mais on n’est pas tenu de chercher toujours les conseillers les plus émi­ nents, qui, du reste, ne pourraient absolument suffire à tous les clients. Ainsi l’on n'est pas tenu, dans toutes les perplexités, de consulter le saint-siège, qui lui-même renvoie souvent « aux auteurs estimés >>, consulat proba­ tos auctores. Sages et prudents, nous devons certaine­ ment l’étre; mais ni sagesse, ni prudence n’exige tou­ jours l'emploi des moyens extraordinaires et de procédés exquis. » .1. Didiot, Morale surnaturelle fondamentale, théor. xxviii, n. 237, Paris, Lille, 1896, p. 158. VI. Éléments affectifs de la conscience morale. — La ccnscience morale n’est pas seulement affaire d'intel­ ligence et de simple lumière, elle est aussi force et principe d’action et donc alîaire de cœur et de volonté. A ces éléments perceptifs elle en joint d'affectifs. C’est ce qu’enseigne saint Thomas, quand il dit d'elle qu'elle réprimande ou excite, dicitur instigare, remordere, reprehendere. 1" Et il doit en être ainsi à cause de son objet. Qu'exa­ mine-t-elle? La conformité de nos actions personnelles projetées ou accomplies avec l’ordre en générai, avec l'ordre particulier que chacun de nous et chacune de nos actions doit observer, avec la volonté de Dieu qui doit être obéie. Cette conformité constitue le bien, fait la bonté de notre vie. La conscience est donc le travail d'enquête sur les qualités requises pour la bonté mo­ rale de nos actions. Peut-elle rechercher ces qualités sans les aimer? L’àme peut-elle découvrir l’ordre requis pour ses actes sans s’exciter à le réaliser? Peut-elle voir le bien sans s'émouvoir, s’y attacher, le désirer? L'es­ prit peut-il le concevoir et le faire briller sur l'écran de la connaissance sans que la volonté se prenne, ni ne s’éprenne? Il y a donc un attrait joint naturellement au jugement par lequel la conscience prononce qu’un acte est bon à accomplir, qu’il serait conforme à l’ordre et aux lois morales. 2° 11 y a une autre impulsion venant du jugement par 4165 CONSCIENCE lequel la conscience prononce qu'un acte est obliga­ toire, et révèle à la volonté humaine le décret d’une volonté supérieure lui enjoignant de poser ou d’omettre tel acte déterminé. Toute volonté supérieure est impé­ rative, et son commandement a par lui-même une force qui incline les âmes droites. D’où une double motion exercée sur la volonté par la voie de la conscience mo­ rale : une motion d’attrait, d’amour, partant de la bonté de l'ordre, et rayonnant jusqu’à la volonté qu’elle incline; une motion d'obéissance et de soumission par­ tant de la volonté supérieure et venant lier et obliger le libre arbitre par les manifestations de conscience. 3° Cette double motion, attirante et impérative, n’est pas d’ordinaire déterminante. La conscience juge que quelque chose est bien, elle prononce que ce quelque chose est commandé, elle sollicite ainsi la liberté; mais celle-ci demeure capable de décisions opposées, parce que le bien suprême seul la nécessite. 4° Après coup, la conscience qui constate les actes posés, et leur accord ou leur désaccord avec la loi mo­ rale, provoque dans l’âme la joie ou la tristesse, la fierté du bien accompli ou le remords de la faute commise. De quelque côté qu’on l’envisage, la conscience mo­ rale est donc source de sentiments, ou d’émotions et son rôle affectif ne peut être contesté. VII. Origines de la conscience morale. — Les ori­ gines de la conscience morale sont historiques ou psy­ chologiques. 1° Ses origines historiques remontent à la création de l’homme et aux premiers jours de l’humanité. Lisons seulement les premières pages de la Genèse et nous en serons bien vite convaincus. — I. Dieu est en rapports constants avec nos premiers parents dans le paradis terrestre. Il leur parle, il leur donne déjà une espèce de code, de direclion de vie, dont nous connaissons l’exis­ tence et au moins un précepte, celui dont la violation fut la faute originelle. Ce commandement supposait la manifestation faite à l'homme, des droits et de l’autorité de Dieu. — 2. D’autre part, Adam montrait bien toute la connaissance qu’il avait de la loi divine du mariage humain, quand, voyant pour la première fois son épouse, Eve, il s’écriait : « Celle-ci est l’os de mes os et la chair de ma chair, » et quand il ajoutai! : « C’est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s’attachera â son épouse; et ils seront deux dans une seule chair. » Gen.,n, 23,24. II savait donc les devoirs du mari envers sa femme, devoirs découlant de ceux que chacun doit pratiquer envers soi. L’époux, en effet, doit s'attacher à son épouse, parce qu’elle ne fait qu’un avec lui parson origine et par sa destinée, et l'amour de l’homme pour la femme est un prolongement de l'amour qu’il se doit à lui-méine. — 3. Adam savait aussi les devoirs du fils envers son père et sa mère, puisqu’il dit qu’ils devront céder le pas aux devoirs envers l’épouse. Il y a dans ces quelques paroles une indication sommaire, mais pré­ cieuse. de l'état d’esprit de notre premier père qui sait, el qu’il a des devoirs, et dans quel ordre ces devoirs s’imposent à lui. — 4. Ailleurs, le crescite et multipli­ camini n'est-il pas, lui aussi, une indication morale, comme cet autre passage où Dieu amène tous les ani­ maux à Adam afin qu’il les nomme, Gen., n, 19, et celui Gen., i, 28-30. où Dieu donne à l’homme la propriété de la terre et de ses moissons, des arbres et de leurs fruits, des animaux et de leurs petits? Tout cela ne conlirmait-il pas l’homme dans le sentiment de son droit de propriété el dans le respect des droits d’autrui? Il y eut donc manifestement dès l’origine une théorie et une pratique morales, et une promulgation de de­ voirs qui furent ensuite observés à cause de l'autorité de Dieu qui les avait imposés, et conformément à la théorie qui les imposait. 2» Les origines psychologiques de la conscience mo­ rale sont dans tout ce qui pétrit et forme une âme libre. 1166 1. El d’abord, la nature même de l’homme lui met en mains le sens moral. Naturellement l’homme acquiert, par sa propre raison, la connaissance du monde, de Dieu et de lui-même. Cette connaissance lui révèle les rapports qu'ils soutiennent entre eux, la dépendance de la créature par rapport au créateur, el les conditions d'harmonie el de marche progressive de l'humanité et de l'individu. De cette connaissance jaillit spontanément la vue de ce qui convient, la notion d’un Dieu maître et législateur et de la loi morale. La conscience morale est donc une pièce constitutive de notre machine spiri­ tuelle, et tout homme possède, à un degré plus ou moins développé, une conscience morale, comme une con­ science psychologique. Elle lui est inhérente et essen­ tielle et appartient à sa définition. 2. Elle est et elle fut éclairée à l’origine par la révéla­ tion. En effet, Dieu, par une libre disposition de sa bonté, voulut nous appeler à une vie surnaturelle, laquelle, parce que surnaturelle, dépasse les limites de notre nature. Cette vie renferme des éléments ontolo­ giques nouveaux, que la raison ne peut découvrir, ni soupçonner; elle établit entre nous, Dieu el le monde, des relations inédites, desquelles découlent des conve­ nances, des harmonies supérieures et nécessaires. In­ formé par la révélation de tous ces faits, l’homme prend conscience de son état d’âme nouveau, des affinités qu’il crée entre lui, Dieu et le monde, des nécessités morales qui en découlent, et ainsi la conscience mo­ rale se trouve éclairée sur ses obligations anciennes et naturelles et élevée à de nouveaux devoirs par la révé­ lation. Nous avons vu du reste que Dieu a donné de tous ces devoirs une notion assez précise à notre pre­ mier père. 3. L’expérience de la vie vient chaque jour corrobo­ rer les leçons de la raison et de la foi. A vivre la loi morale, on monte en valeur humaine, on s’améliore: à la violer, on s’abaisse, on se diminue. La conscience constate ces accroissements ou ces altérations de valeur morale, et se trouve ainsi confirmée dans ses voies. Certes l’expérience à elle seule ne peut créer le sens moral, ni diriger suffisamment la conscience; trop sou­ vent les sanctions naturelles du bien et du mal nous échappent ou nous apparaissent contradictoires, la pa­ role de la Sagesse, xi, 17, per quæ peccat quis, per hæc et torquetur, vraie si on prend le cours entier de l’histoire dans sa double existence temporelle et éter­ nelle, ne se réalise pas toujours immédiatement sous nos yeux. Mais si l’on aurait tort d’en faire le premier facteur du sens moral, elle en est certainement un adjuvant el un confirmatur, i. Le fait de l’hérédité ne saurait non plus être oublié dans une pareille question. Si les caractères physiques, les dispositions physiologiques, la structure anatomique, les Lares pathologiques, même les aptitudes de la sen­ sibilité, de l’imagination, les passions, descendent très fréquemment des parents aux enfants, la transmission héréditaire des habitudes intellectuelles ou des vertus morales ou des vices est beaucoup plus rare. Elle n'en est pas moins indiscutable. Quand plusieurs généra­ tions surtout se sont fidèlement et d'une façon conti­ nue données au culte de l'héroïsme, de l’honneur chré­ tien ou de la vertu, les fils ont en l’âme un penchant réel à se guider d'après les principes de leurs pères; ces principes aussitôt proposés sont admis par une espèce d’instinct de race, il y a entre eux et la struc­ ture morale de ces descendants de héros, une harmonie qui les fait accepter d’emblée. Saint Thomas parle quelque part, Sum. theol., 11’ 11«, q. CLXXl, a. â, d'un instinct qui fait adhérer spontanément aux communi­ cations divines l’esprit des prophètes, même lorsque ceux-ci n’ont pas de preuves du caractère divin de telles communications. Mais elles ont une telle cohérence avec les choses qu’ils savent, qu’ils sentent et croient 1Ί67 CONSCIENCE d’ordinaire sous l’action de la grâce, qu’elles en appa­ raissent immédiatement comme la suite ou le complé­ ment connaturel. Ainsi deux glaces parfaitement polies, appliquées l'une sur l'autre, adhèrent l'une à l’autre et se soudent d’une façon indivisible. Les traditions de famille, les coutumes locales ou nationales appartien­ nent au système de l’hérédité, et agissent puissamment pour façonner les consciences morales et leur imprimer une orientation conforme à leurs données. VIII. Propriétés de la conscience morale. — 1« Im­ mutabilité et mobilité de la conscience humaine. — Celle-ci est une comparaison et une transmission, c’est-à-dire intermédiaire entre la loi objective et im­ muable et la liberté subjective et mobile de l'homme, d'où, chez elle, de l’immutabilité et de la mobilité. Il y a dans la conscience humaine droite et sincère un fonds commun de préceptes. La loi morale apparaît â tout le monde et imprime en chaque homme quelque chose de son inviolabilité et de son absolu. .Mais ce fonds com­ mun qui est le patrimoine de la race humaine estasse?, restreint ; dés qu’on veut en appliquer les exigences, des variations apparaissent multiples et fatales; et cela pour des raisons d'ordre objectif et d’ordre subjectif. 1. Les raisons d’ordre objectif sont tirées des matières mêmes que doit examiner et apprécier la conscience morale, lesquelles sont contingentes et communiquent quelque chose de leur contingence à la loi qui les règle. Dans sa Somme théologique, I* Ilæ, q. xciv, a. 4, saint Thomas explique comment l'homme, étant un être rationnel, n'arrive à savoir que par le procédé discursif. Il ne sait le tout de rien, et le peu qu'il sait, il en obtient la connaissance par le travail du raison­ nement. Or, ce raisonnement porte sur des vérités spéculatives ou sur des vérités d’ordre pratique. Dans le premier cas, l'objet des investigations rationnelles étant le nécessaire et l’absolu, il ne peut pas y avoir de divergences entre les savants; ils tirent de principes identiques des conclusions pareilles. La seule différence qui puisse exister, c’est que certains poussent plus loin que d’autres leurs explorations scientiliques. Ils sont plus savants les uns que les autres; il y a, par exemple, des géomètres plus instruits que d’autres, mais les théories connues de tous sont invariables. Quand on aborde l’ordre pratique, comme on entre dans une région de contingences et d’exceptions, les différences s’accentuent. Il y a toujours accord sur les principes premiers, il n’est personne qui conteste qu'on doive agir conformément à la raison; il y a aussi com­ munion d'idées sur les conclusions générales et immé­ diates de ces principes; mais dès qu’on s’écarte un peu de la sphère des principes et de leurs conséquences im­ médiates, les exceptions arrivent et empêchent de tirer des conclusions universelles et absolues. Par exemple, il est vrai de dire qu’un objet confié en dépût doit étre rendu à son propriétaire, cependant cela n’est pas toujours vrai, il y a des cas exceptionnels où il faudra se garder de rendre l’objet confié. Cet objet est un glaive, son maître devient fou et le réclame pour s’en frapper ou en frapper autrui. Ou bien, c’est un dépôt d'argent, dont le propriétaire demande la disposition pour le mettre au service des ennemis de la patrie. Dans l’ordre pratique, les conclusions, à cause des con­ ditions diverses d'application, ne souffrent donc pas la généralité, ni la nécessité qui caractérisent les principes. D'autre part, là, plus que dans les questions de nature purement spéculative, il y a de grandes différences d'investigation. A cause d’intérêts engagés, à cause de passions soulevées, de préjugés invétérés, à cause de leur incurie ou de leur incapacité, beaucoup ne cher­ chent pas à savoir, ne veulent pas savoir. Il se fait ainsi que d’aucuns sont dans l'ignorance invincible d'un bon nombre de conclusions de la loi naturelle; que d'autres se divisent en partis opposés à cause des difficultés des 1168 solutions particulières nées de la délicatesse ou de la complexité des circonstances. Et saint Thomas explique ainsi comment les Germains ont pu, par le très juste motif de stimuler l’énergie et d’exercer l'adressede leurs fils, professer que les vols et razzias faits au détriment des tribus voisines étaient légitimes. .1. César, De bello gallico, 1. VI, c. xxm. L’angélique docteur va jusqu’à admettre la possibilité de l’ignorance invincible et excu­ sante de la malice de la fornication. 2. Les raisons d’ordre subjectif se comprennent faci­ lement. La conscience est proportionnée à l'esprit na­ turel, à l’instruction, à l'éducation de chacun. Le domaine objectif de la loi morale, des préceptes ou des conseils qu’elle contient, est vaste et inépuisable. Tout œil ne peut pas l’embrasser d’un seul coup. Les esprits obtus en connaissent peu de chose, lésâmes naturelle­ ment éveillées et intuitives en saisissent mieux l’en­ semble. A mesure que l’intelligence est développée par l’instruction, la loi morale est mieux comprise ; ses raisons apparaissent dans un meilleur jour et sa légiti­ mité convainc davantage. A égalité d’instruction, la différence d’éducation influe aussi étrangement sur la formation de la conscience morale. Innombrables sont les angles sous lesquels peu­ vent être présentés les devoirs de la vie. Celui-ci sera rendu, par les traditions familiales et l’éducation, plus sensible aux considérations de l’honneur; celui-là à celles de la religion, de la charité ou de la justice. Sui­ vant qu’un point de vue moral aura été mis en plus éclatante lumière, les sentiments et les actes se classerontd’aprés leur rapport avec ce point de vue. L’homme d’honneur établira entre les obligations de la vie une hiérarchie basée sur le principe de l’honneur. Le philanthrope donnera à ses actes une valeur morale proportionnée au degré d’amour ou d'assislance pour le prochain qu’ils contiendront. La psychologie de cha­ cun entrera dans la détermination de sa conscience morale et celle-ci sera variable avec chaque individu. Allons même plus loin, chez le même homme, la con­ science varie d’heure en heure et change suivant qu’il est dans la pleine possession de ses moyens, ou dominé par une passion, une idée fixe, le demi-sommeil, la fatigue ou un excès de nourriture ou de boisson. Rien donc n’est variable comme la conscience, elle a autant de degrés qu’il existe de civilisations, de familles, d'in­ dividus, de moments dans la vie de ceux-ci. Il y a un mélange normal de mobilité et d’immutabi­ lité dans la conscience morale. S’il est disproportionné, si l'un ou l’autre élément domine plus qu’il ne faut, le jeu de la conscience est faussé. Elle devient perplexe, quand sa mobilité est trop grande et si elle ne trouve nulle part de sécurité ni de stabilité ; obstinée ou aveugle, si, imprudemment ou de bonne foi, elle érige en principes immuables ce qui n’est qu’applications contingentes. 2° Certitudes et incertitudes de la conscience hu­ maine. — De même qu elle joint l'immutabilité à la mobilité, la conscience morale mêle à une certaine infaillibilité un bon contingent d'incertitudes. Elle a, en effet, une double face: elle constate et elle apprécie les actes de la vie morale. — 1. En tant qu'elle les constate, elle est pure conscience psychologique, regard interne porté par l’esprit sur lui-même. Là, pas d’inter­ médiaire, ma pensée est immédiatement présente à ellemême, ma volonté jaillit du sein de l’âme même qui la perçoit. Les faits intellectuels éveillent la conscience, l’enveloppent, se passent sur son théâtre, elle ne peut ne pas les apercevoir, elle ne peut se tromper à leur endroit. Je sais infailliblement que je pense, à quoi je pense. — 2. Mais lorsqu’il s’agit d'apprécier, c’est-àdire de comparer un acte avec la loi morale et de juger s'il lui est conforme, s’il la viole et dans quelle mesure, ici la situation de la conscience est parfois hésitante. 1169 CONSCIENCE Certes, au sujet d’actes simples, d'applications immé­ diates des principes moraux, la certitude s’obtiendra facilement ; mais il arrive que l’esprit ne puisse saisir aucun lien de conformité ou d’opposition entre l’acte et la loi ; dans ce cas, il ne sait pas. C’est, spéculativement, l'ignorance intellectuelle, et pratiquement, le doute négatif. Il n’y a aucune raison pour ni contre, il n’y a aucun poids dans aucun des plateaux de la balance. D'aulres fois, il y a des raisons pour, mais il y en a d’équivalentes conlre, et entre les deux alternatives l’esprit hésite, la volonté ne décide rien, c’est le doute positif. Dans les deux hypothèses, la conscience est douteuse. D'autres fois encore, les raisons apparaissent dans les deux sens, elles se combattent, aucune ne parait convaincante, mais les unes semblent plus fortes et inclinent davantage l'esprit, la volonté qui y trouve un avantage ou une harmonie supérieure avec ses aspi­ rations ou avec la synthèse du vrai et du bien qu’elle a adoptée et qu’elle croit, se décide en leur faveur, se fait une opinion, et impose à l'esprit un jugement qui admet une hypothèse comme vraie, quoique non comme certaine, ni comme excluant la possibilité de l’erreur. Le jugement prononcé est mélangé de crainte d’errer; il appartient à la conscience probable. Voir Probabi­ lisme. 3° Il y a enfin dans la conscience un mélange de force impérative et de non-obligation, c'est-à-dire qu’il faut considérer l’obligation morale dans sa source et dans sa manifestation. 1. La source de l’obligation est en dehors et au-dessus de la conscience. L’obligation est un lien imposé par un être supérieur à un être subordonné. L’homme n’étant pas supérieur à lui-même ne peut s’imposer des obligations ; il peut s’engager envers d’autres per­ sonnes et se trouver ainsi obligé par la loi supérieure de la fidélité à la parole donnée, à respecter des droits qui ne lui appartiennent plus, puisqu’il les a transfé­ rés à autrui ; mais il ne peut, se parlant à lui-méme dans le sanctuaire de sa conscience, se créer d’obliga­ tions réelles. Le fit-il, qu'il pourrait toujours s’en délier, puisque toute loi portée par un législateur peut toujours être abrogée par lui. En outre, la conscience est sur­ tout d’ordre intellectuel : elle est un relief. La loi est d’ordre volontaire, elle est un précepte, une impulsion volontaire. Par sa nature, la conscience diffère donc de la loi : elle ne peut être un principe d'obligation. 2. Mais elle peut être et elle est un témoin qui dé­ nonce et affirme l'obligation. Celle-ci n’est manifestée à la volonté et n'atteint l’activité fidèle que par l’inter­ médiaire de la conscience. Un simple coup d'œil sur la psychologie du législateur et du sujet nous le montrera. Comment la volonté du législateur pourra-t-elle attein­ dre le subordonné, lier sa volonté et subjuguer son action? Les deux volontés, résidant au sein de l’âme, ne peuvent être en contact immédiatement. A la volonté du législateur il faut un verbe qui l'énonce et la pro­ mulgue ;jusque-lâelle n'oblige pas. Mais le verbe à son tour ne meut la volonté qui est une force rationnelle, que par le canal de la connaissance. 11 faut que l’esprit du sujet connaisse la promulgation de la loi et en informe la volonté: premier rôle de la conscience. La volonté ensuite avertie par la connaissance se tourne vers l’action, laquelle, étant mue par la volonté, est consciente, et ici encore la conscience intervient pour savoir ce qu’est l'action et en quoi elle se conforme au commandement. La conscience est donc la voie indis­ pensable qui traduit à la volonté les ordres supérieurs, elle est la bouche qui redit la loi, l’organe qui inter­ prète l’obligation, et, dans ce sens secondaire el instru­ mental, elle oblige; mais c’est â la façon du serviteur qui apporte les préceptes du patron, de l'officier d’or­ donnance qui transmet les ordres du général en chef. 3. La conscience a donc une inlluence, laquelle est 1170 d’autant plus évidente que c’est par elle seule, et dans l’unique mesure de ses promulgations et interprétations, que nous sommes mis en demeure d’agir. Si la con­ science ignore une loi, celle-ci est pour nous non exis­ tante ; si la conscience traduit faussement, mais de bonne foi, une loi, nous voilà obligés de suivre les sen­ tiers erronés qu’elle nous indique ; si la conscience, de bonne foi toujours, grossit ou diminue une obligation, celle-ci croit ou décroît dans la même proportion. Nous ne sommes tenus que dans la mesure où la conscience sincère nous applique la loi ; et ainsi une part de sub­ jectivisme vient apporter de la relativité à l’absolu de la loi objective. 4. Les deux grands docteurs du xm» siècle ont admi­ rablement exposé ce rôle de la conscience. Saint Tho­ mas d'Aquin dit: « Quoique l'homme ne soit pas supé­ rieur à lui-même, cependant celui dont le précepte lui est intimé par la science, lui est supérieur, et ainsi se trouve-t-il lié par sa conscience. » Quamvis homo seipso non sit superior, tamen ille de cujus præcepto scientiam babel, eo superior est; el sic ex sua con­ scientia ligatur. Quæst. disp., De verilale, q. xvn, a. 3, ad 3““. « L’homme ne se fait pas à lui-méme la loi ; mais, par son acte de connaissance, il connaît la loi faite par un autre, et il est ainsi lié par le devoir d'ac­ complir la loi. » Homo non facit sibi legem ; sed per actum suæ cognitionis, qua legem ab alio faciam cognoscit, ligatur ad legem implendam. Ibid., ad 1“'». « La conscience ne lie qu’en vertu du précepte divin, soit selon la loi écrite, soit selon la loi donnée à la nature. Si donc l’on compare le lien de la conscience au lien résultant du commandement d'un supérieur, on com­ pare réellement le lien d'un commandement divin au lien du commandement de ce supérieur. Et parce que le précepte divin oblige contre le précepte du supérieur, et oblige plus que ce précepte du supérieur, le lien de la conscience est plus fort que le lien du précepte du supérieur : et la conscience lie même en opposition avec ce commandement du supérieur, s Conscientia non ligat nisi vi præcepti divini, vel secundum legem scriptam, vel secundum legem naturæ inditam. Com­ parare igitur ligamen conscienlix ad ligamen quod est ex præcepto prælati, non esi aliud quam comparare li­ gamen præcepti divini ad ligamen præcepti prælati. Unde, quum praeceptum divinum obliget contra præceplum prælati, el magis obliget quam præceptum prælati, conscienliæ ligamen erit majus quam liga­ men præcepti prælati ; et conscientia ligabit, præ­ cepto prælati in contrarium existente. Ibid., a. 5. Saint Bonaventure exprime la même doctrine par une intéressante comparaison : « La conscience est comme le héraut et le messager de Dieu ; ce qu’elle dit. elle n·.· l’ordonne pas de son propre droit, mais elle l'ordonne de la part de Dieu, comme quand le héraut promulgue l’édit du roi ; et de là vient que la conscience a la vertu de lier. » Conscientia est sicut præco Dei et nuntius ; et quod dicit non mandat ex se, sed mandat quasi ex Deo sicut præco, quum divulgat edictum regis; et him: est quod conscientia habet virtutem ligandi. Jn II Sent., dist. XXIX, a. 1, q. 1. J. Didiot à qui nous emprunti uces traductions ajoute: « La conscience humaine est donc un organe et un instrument de transmission, communiquant à notre volonté, à notre personnalité tout entière, les ordres du suprême législateur, et nous insinuant l'obligation d’obéir, soit aux lois proprem· n: divines, soit au code ecclésiastique ou civil, soit aux commandements de l’autorité familiale et des pouvoirs analogues qui nous régissent. » Morale fondamentale, théor. xxix, n. 251, Paris, Lille, 1896, p. 168. IX. Fausses prétentions de la conscience. — Les qualités d’immutabilité, de certitude et d'obligation relatives de la conscience ont encouragé certains mo­ ralistes à lui donner une mission excessive et â -a 1171 CONSCIENCE 1172 des consciences individuelles, elle en procède; que faire la règle primordiale et exclusive des mœurs. La celles-ci se modifient, elle-même variera d’autant. Comconscience, surtout Ja conscience commune ou publique, devient le suprême législateur. Écoutons un philosophe 1 ment dès lors en faire quelque chose de supérieur aux qui fait école aujourd'hui. « La morale, dit M. Lévy- consciences individuelles, une force transcendante qui les régisse? — 2. Ensuite, l’opinion publique n’existe pas Bruhl, La morale et la science des mtrun, 2' édit., toujours. Où était-elle quand, dans le paradis terrestre. Paris, 1901, p. 131, si l’on entend par là l’ensemble Adam vivait seul ou uniquement avec Eve? Elle se con­ des devoirs qui s’imposent à la conscience, ne dépend fondait sans doute alors avec l'opinion personnelle nullement, pour exister, de principes spéculatifs qui la d’Adam et d'Éve. Dès lors, ceux-ci péchaient-ils en fonderaient, ni de la science que nous pouvons avoir de mangeant du fruit de l’arbre de la science et du mal cet ensemble. Elle existe vi propria, à titre de réalité pour obéir â l’opinion qu’ils s’étaient faite que cet acte sociale, et elle s'impose au sujet individuel avec la même objectivité que le reste du réel. » — « Nos obliga­ leurdonnerait toute science? —3. Et puis, même dans les sociétés constituées, l’opinion publique n’est pas tou­ tions sont déterminées à l’avance et imposées à chacun par la pression sociale, »p. 149. « Une des principales con­ jours explicite. Il y a des points où les citoyens sont ditions d’existence d’une société parait être une simili­ divisés : sur ces points, il n'y aura donc pas de devoirs, tude morale suffisante entre ses membres. Il est néces­ mais liberté absolue. D'autres fois, sous les tyrans, l’opinion publique se cache, l’erreur seule ose parler : saire que tous éprouvent la même répulsion pour cer­ tains actes, la même révérence pour certains autres et comment alors connaître celle-là? Ou bien, on égare pour certaines idées, et qu’ils sentent la même obliga­ l’opinion· publique, et, grâce à cela, on exile un hon­ tion d’agir d’une certaine manière dans des conditions nête homme comme Aristide; l’ostracisme du juste déterminées. C'est là une des significations essentielles devient la justice et le droit, et c’est légitimement que de la maxime : idem velle, idem nolle. La conscience Jésus, condamné par la voix du peuple, monte au Gol­ morale commune est le foyer où les consciences indi­ gotha. — 4. Chez les païens, l’opinion publique professe la religion des faux dieux, de Jupiter et de Junon : viduelles s’allument. Elle les entretient, et elle est en même temps entretenue par elles, » p. 141. Son code tout est Dieu excepté Dieu lui-même. Par la force de la oblige. Voici pourquoi : « La morale d’une société conscience commune, le culte des faux dieux devient donnée, à un moment donné, s’impose avec un carac­ nécessaire et légitime. Mais comme, d’autre part, on tère absolu qui ne tolère ni la désobéissance, ni l’in­ conviendra bien que ce culte ne peut être légitime que si ceux à qui il s’adresse existent réellement, ira-t-on différence, ni même la réflexion critique. Son autorité est donc toujours assurée, tant qu’elle est réelle, » jusqu’à dire que l’opinion publique crée réellement p. 144-145. L’obligation vient donc de la vis propria qui Jupiter et Junon? Et cependant, si elle ne le fait pas, fait que les attraits et les répulsions de la conscience comment peut-elle imposer légitimement le culte de ces morale commune s’imposent comme autant d'impéra­ dieux inexistants? — 5. Ne voit-on pas aussi que si tifs et d’absolus. Et.M. Durkheim, en un langage qui ne l'opinion publique devient la règle de toute morale, il laisse aucun doute sur ses idées, observe: « Il ne faut n’y a plus de règle, ni de critérium ? Le caractère, en pas dire qu’un acte froisse la conscience commune effet, d’une règle et d’une commune mesure est d’étre parce qu’il est criminel, mais qu’il est criminel parce fixe et immuable : le mètre est, par définition, une qu’il froisse la conscience commune. Nous ne le ré­ mesure invariable qui sert, à ce titre, à déterminer prouvons pas parce qu’il est un crime, mais il est un toutes les autres quantités. Les mouvements de la terre crime parce que nous le réprouvons. » Cité par M. Al­ sur elle-même et autour du soleil ont été pris, à cause bert Bayet, La morale scientifique, c. vt, Paris, 1905. de leur régularité constante, pour mesure du temps. Il p. 143. Quant à la sanction, elle ne manque pas non faut, pour les actions morales, un critérium invariable : plus, comme il convient à un système complet. Parlant nous ne pouvons le trouver dans l'opinion publique, de la pression sociale, M. Lévy-Bruhl dit « qu’on ne laquelle, du reste, a besoin d’être elle-même jugée et peut, dans un cas donné, y résister et agir autrement appréciée moralement comme les opinions individuelles qu'elle ne l’exige ; on ne peut pas l’ignorer et l’on ne qui la constituent. De même qu'il y a une vérité vraie peut en aucune façon s’y soustraire. Sans parler des dont la découverte sert à mesurer la valeur des hypo­ sanctions positives qui punissent les crimes et les délits thèses construites pour arriver jusqu'à elle, ainsi il y a définis dans la loi pénale, elle se traduit par ce que une bonté absolument bonne dont la nature sert à me­ M. Durkheim appelle très justement les sanctions surer la valeur des aspirations qui tendent vers elle. diffuses, et par le blâme de notre propre conscience... Les opinions publiques comme les opinions individuelles foutes (les consciences individuelles) réagissent en­ ne sont pas bonnes par essence, et, dès lors, elles ne semble contre ce qui menace d’affaiblir cette conscience peuvent servir de mesure absolue du bien. — 6. Il n’y commune et compromet ainsi l'existence de la société... a pas que la nature et la variabilité de la conscience Dès que la conscience morale se sent blessée dans ses commune qui empêche de la confondre avec la loi prescriptions essentielles, la réaction sociale éclate morale. Le même obstacle surgit de sa multiplicité. encore très violente », p. 141-142. C’est aussi la pensée •M. Lévy-Bruhl le reconnaît lui-même. Autant il y a de de M. A. Bayet, p. 143 : « On comprend sans peine que civilisations et de groupes socialement différents, autant la peine soit, dès l'origine, liée au crime par un lien il y aura de morales, c’est-à-dire de consciences com­ solide; on comprend aussi qu’elle ait le caractère d’une munes et d’opinions publiques. En sorte que, tandis réaction passionnelle, d’un mouvement brutal de ven­ qu’il n’y a qu’une vérité et qu’une science possible du geance : il s’agit avant tout de frapper, de faire souffrir, vrai, tandis que tous les savants du monde sont d’accord pour la seule satisfaction d’être témoin de sa souffrance, pour professer les mêmes affirmations scientifiquement l’individu qui a heurté un sentiment collectif à la démontrées, etqu'il n’ya pas plusieurs physiques,l’une fois fort et défini : la question de savoir s'il est respon­ pour l’Espagne et l’autre pour la France; dans le do­ sable n'est pas même soulevée. » La conscience com­ maine du bon, il y aurait diversité et contradiction légi­ mune, dans ce système, serait donc une loi, elle serait time, et ce qui est bon en deçà des Pyrénées pourrait une force, elle aurait une sanction. devenir mauvais au delà. Il suffirait donc de traverser 1» Une loi, elle ne peut l’être. — 1. Cette conscience la frontière pour pouvoir légitimement accomplir sur commune, appelons-la de son vrai nom, c'est l'opinion le territoire voisin ce que, non pas le simple code.mais publique. Or, n'y a-t-il pas quelque contradiction à en la morale réprouverait dans la patrie. — 7. Cela ne peut faire la règle des consciences individuelles? Elle n’est, être. De même qu’il n’y a qu'une vérité, bien que les après tout, que la somme ou plutôt que la majorité esprits humains la conçoivent de façons fort inégales et 1173 4174 CONSCIENCE — CONSCIENCIEUX fort diverses, mêlée à plus d’une erreur et enveloppée dans plus d’une hypothèse: de même que c’est celle vérité une qui sert de mesure à nos concepts, les­ quels ont une valeur scientifique proportionnée au degré où ils s’approchent d’elle ; ainsi, il n’y a qu'une bonté, qu’une loi morale, bien que les consciences hu­ maines la formulent de façons inégales et diverses, mêlée à plus d’une défaillance; ainsi encore, cette loi morale sert de critérium pour déterminer la valeur intrinsèque des mœurs des individus et des sociétés. 2° La conscience commune ne peut donc être un cri­ tère moral ni une loi; peut-elle être une force et jouir d'une autorité suffisante pour obliger et lier? Pour sauver le caraclè.e impératif de la conscience com­ mune — tentative indispensable puisque, quoi qu’on en ait dit, il n’y a pas et il ne saurait y avoir de morale sans obligation — on a recouru à l’impératif de la conscience individuelle et à la pression de la conscience commune. Mais : 1. la conscience individuelle n’affirme, nousassure-t-on. le caractère sacré, inviolable, immuable, divin, du devoir, et sa force obligatoire, que par un instinct aveugle souvent, inspiré par la passion et par un com­ mandement antiscientifique, et à mesure qu’on avance, l’opposition s’accentue, nous dit-on, entre la science et la conscience. Dès lors, si celle-là dit vrai, celle-ci se trompe et son impératif illusoire est de nulle valeur. — 2. Quant à la pression de la conscience commune, c’està-dire à l’inlluence de l’opinion publique, il sera fort difficile d’y voir le principe obligatoire essentiel à toute loi morale. On y trouvera bien la source d’un respect humain désormais rigoureusement prescrit, la nécessité pour chacun d’écouter la voix de l’opinion; mais cette nécessité, qui la légitimera, et ce respect humain, qui l’absoudra? Et quand il y aura conllit entre l’impératif catégorique de la conscience privée et la pression de l’opinion publique, où sera l’arbitre, et qui décidera enlre ces deux autorités contradictoires? La conscience commune, chose flottante, indécise el souvent impré­ cise, formée de consciences individuelles, n’a pas plus d’autorité, ni de force obligatoire que celles-ci. L’homme n'est pas son propre législateur. 3° Que dire des sanctions de la conscience individuelle ou commune? — 1. Dans tout système de morale il faut une sanction. Celle-ci n’est pas seulement, par sa réalité, une vengeance de l’ordre violé, une restitution de cet ordre, mais elle est encore, par sa menace, un moyen préventif. Elle agit sur les volontés pour leur donner la crainte du mal el les en détourner. Enfin, elle doit être universelle et proportionnée, c'est-à-dire atteindre toutes les fautes el les châtier dans la mesure de leur culpabilité. 2. Écoutons la conscience individuelle. Il y a long­ temps que les moralistes chrétiens ont montré — et c’en est devenu une vérité banale — que les joies de la vertu el les remords du péché en sont des récompenses et des châtiments très disproportionnés. Nous ne nous éten­ drons donc pas sur ce sujet. Le suicidé n’a aucune sanc­ tion temporelle de sa désertion, et telle morale seule sera suffisante en face de ce crime qui possédera dans son organisme la certitude d’un au-delà où s’exercera la justice de Dieu. La vertu produit souvent d'autant plus de joies qu’elle est moindre : l’orgueilleux n’a-t-il pas de grandes satisfactions du plus modeste acte noble; elle est accompagnée parfois de craintes d’au­ tant plus vives qu’elle est plus héroïque et le faitd’une âme plus délicate? Certains saints puisaient peu de joies dans leur vertu, tant ils étaient sensibles aux moindres imperfections qui pouvaient l’atténuer ou la menacer. Et ainsi de graves préoccupations les assail­ laient. Les fautes les plus légères leur font verser des larmes amères, et dans l’âme insensible de plus d’un odieux criminel, c'est à peine si l'on aperçoit quelque ombre de remords. Il faut donc chercher ailleurs une sanction adéquate et proportionnée. 3. Chacun voit qu’on ne peut la trouver dans Γορ nion publique ou la conscience commune. La sanction ne peut venir que du législateur qui punit la violation des lois qu’il a portées lui-même. Le pouvoir figis et le pouvoir coercitif reposent entre les mêmes mains. Nous avons dit que la conscience commune n’avait ni l’autorité, ni la compétence, ni les autres qualités requises pour légiférer, elle ne réalise donc pas davan­ tage les conditions nécessaires pour réprimer les délits. Du reste, comment connaîtrait-elle les délits secrets, et de combien d'erreurs et de flottements ne se rendelle pas journellement coupable? X. Les maladies de la conscience. — La conscience morale, comme toutes les activités humaines spiri­ tuelles, a ses délai Hances et ses infirmités. Elleestune appréciation de la loi et de son application concrète à la personne et à des cas particuliers : opération déli­ cate et difficile; car la vérité est d’autant plus cachée et imprécise qu’elle est plus mêlée à la contingence des faits concrets. Il est donc facile de douter et d’errer. Certes, toutes les fois que l’homme cherche sincère­ ment et prudemment, les jugements qu’il porte, fussentils erronés, sont valables, et obligent en conscience. Ils puisent leur force d'obligation, non dans la loi qui n’existe pas dans cette hypothèse de l’erreur; non en eux-mêmes, nous avons dit que la conscience est l’organe qui traduit, non l’autorité qui crée la loi; mais dans la volonté de Dieu qui nous oblige à agir confor­ mément à la raison, et qui, ayant fait cette raison faillible, veut que nous la suivions même quand, incon­ sciemment, elle se trompe. Mais il arrive que l’homme pressé et imprudent ne considère pas suffisamment et se prononce avec précipitation. Son jugement est im­ prudent et inconsidéré, l’action qui suivra, fût-ellepar hasard conforme à la loi, sera néanmoins imprudente. Le plus souvent, la précipitation engendrera l'erreur. On appréciera mal; on verra une obligation où il n’y en a pas, on n’en verra pas où il y en a. Voir Erreur. Une double tendance se remarque chez les con­ sciences erronées ou fausses : les unes sont portées à élargir le champ de la liberté et à diminuer les exi­ gences de la loi : ce sont les consciences larges. Voir Laxisme. Les autres restreignent au contraire la liberté, voient des obligations partout, se croient toujours sur le point de pécher, trouvant une prohibition dans l’affir­ mative et dans la négative. Ce sont les consciences inquiètes. Elles doivent chercher à s’éclairer, et si elles n’y arrivent pas,comme il faut nécessairement toujours se décider pour le oui ou le non, choisir entre les deux alternatives celle qui parait contenir le moindre mal. La conscience scrupuleuse, voir Scrupule, appartient d’ordinaire à la catégorie de la conscience large et de la conscience étroite et perplexe. Elle est saisie par une crainte exagérée sur quelque point particulier, y voit des montagnes de difficultés, des fautes à chaque pas, et la concentration de son attention et de ses craintes sur ce point lui fait oublier les préceptes rela­ tifs aux autres devoirs moraux et négliger ceux-ci. Tous les auteurs de théologie morale parlent de la conscience, le plus souvent dans un traité spécial. Ébauché par saint Thon.as. Sum. theol·, I· II", q. xtx, a. 5 (voir ses commentateurs à cet endroit), ce traité n’a été achevé qu'au xvr siècle. On y trouve d’autres questions que celles qui ont été abordées dans cet ., tide. Il est inutile de les indiquer tous. Après saint Alphonse ■ t Brocart, dans le Theologia cursus completus, de Migne, t. xi. col. 65-310, il suffit de nommer Gury, Bouquiilon, Millier, Marc, Lehmkuhl, Tepe. Génicot, etc. Λ. Ciiot isr. secte de libres-penseurs du xvn» siècle. Elle fut fondée par Matthias Knutsen. appelé encore Kuntzen, né à Oldensworth (Schleswig). En 1674. il vint à léna et répandit, à un grand nombre d'exemplaires, une lettre latine dans laquelle il exposait ses idées. Elles se réduisaient CONSCIENCIEUX (CONSCIENTIARIi), 1175 CONSCIENCIEUX — CONSEILS ÉVANGÉLIQUES à six : 1" Dieu n’existe pas, et le démon pas davantage 2» Il ne faut pas estimer les magistrats, il faut mépriser les temples et rejeter les prêtres. 3“ Les magistrats et les prêtres sont remplacés par la science et la raison unies à la conscience, qui apprend à vivre honnête­ ment, à ne nuire à personne et à rendre à chacun ce qui lui est dû. C’est à cause de ce rôle attribué à la conscience que les disciples de Knutsen s'appelèrent les consciencieux. 4° Le mariage ne diffère pas de la prostitution. 5“ Il n’y a rien au delà de cette vie. 6° L’Écriture sainte est pleine de fables et de contradic­ tions. Knutsen se vantait d’avoir de nombreux partisans dans les villes les plus importantes de l’Europe; il pré­ tendait en avoir sept cents à léna. Jean Musæus, pro­ fesseur de théologie à l’université de cette ville, réfuta cette « calomnie ». Peut-être la secte des conscien­ cieux exista-t-elle surtout dans l'imagination de son au­ teur; en tout cas, il n’en fut bientôt plus question. 11 est vrai que, dans la suite, les théories de Knutsen devaient revivre et jouir d’une faveur qui ne semble pas sur le point de décroître. 1. Sources. — On trouve la lettre de Knutsen dans J. Micærlius. Syntagma historiarum mundi et Ecclesiæ, Leip­ zig, 1699, p. 2291 : M. Vessière de La Croze, Entretiens sur divers sujets d’histoire, de littérature, de religion et de cri­ tique, Amsterdam, 1711, p. 400. Voir, en outre, J. Musæus, Ablehnung der ausgesprengten abscheulichen Verleumdung ob ware in der Universitat lena eine neue Sekte der sogennannten Gewissener entstanden, lêna, 1674; V. Greissing, Exercitationes academicæ duæ de atheismo Renato des Cartes et Matthias Kunzen oppositæ, Wittemberg, 1677. il. Travaux. — Bayle, Dictionnaire historique el critique, 5’édit., Amsterdam, 1740, t. lu, p. 12; G. Arnold, Histoire im­ partiale de l’Église et des hérésies, Schatlhouse, 1741. t. II, p. 507; Helete, dans Kirchenlexikon, trad. Goschler, Paris, 1864, t. v, p. 241; K. M. Hagenbach, dans Realencykopàdit, 3’ édit., Leipzig, 1899, t. vt, p. 654. F. Vernet. CONSÉCRATION. Voir Épiclêse. 1. CONSEIL (Acte humain). — I. Notion. 11. Ob­ jet. III. Méthode. IV. Historique. I. Notion. — Le conseil est un des actes intellectuels qui concourent à l’intégrité de l’acte humain. Il occupe la cinquième place dans l’organisme psychologique de l'acte humain tel que le décrit saint Thomas. Voir Acte, t. i, col. 343. Il vient après l’intention et précède le consentement. Il se termine par un jugement pra­ tique qui motive l'élection. On le définit : la recherche, par la raison,des moyens qui conduisent à une fin. S. Thomas, Sum. theol., 1° Ilæ, q. xiv, a. 1. II. Objet. — Le conseil, étant une recherche, ne peut avoir pour objet que des choses qui peuvent être mises en question. Or, pour toute action donnée, la fin ne saurait être mise en question, à moins qu'on ne la con­ sidère comme moyen vis-à-vis d'une fin ultérieure, ce qui ne saurait se poursuivre indéfiniment, dit saint Thomas, Sum. theol., Ia Ilæ, q. i, a. 6; q. xiv, a. 2, ad a. 6. L’objet du conseil, ce sont donc les moyens qui con­ cernent la pratique de détail toujours très compliquée en raison des circonstances multiples qui en varient les aspects. De là vient que le nom de conseil s’applique à l’assemblée de plusieurs personnes qui mettent en com­ mun leurs lumières. Ibid., a. 3. Les œuvres d’art qui ont des procédés déterminés ne sont pas objets de con­ seil, tandis que les actions humaines sont son domaine propre. Ibid., a. 4. Aussi le conseil forme-t-il l’un des trois actes réservés à la vertu de prudence. Sum. theol., H· Ilæ, q. XLVii, a. 8. Son rôle est de découvrir le juste milieu dans lequel, selon saint Thomas, consiste la vertu morale. Ibid., a. 7. L’habitude du bon conseil forme même, d'après Aristote, suivi par saint Thomas, une vertu annexe de la prudence, l'eubulia. Ibid., q. i.i, a. 1, 2. 1176 III. Méthode. — Le conseil procède, non par voie de synthèse, mais par voie de résolution analytique. Il s'appuie d'une part sur la volonté d'une fin déterminée, sur une intention ferme, d’autre part sur l’existence de choses qui semblent pouvoir conduire à celte fin, son procédé consiste à partir de la fin et de ses exigenceset de rétrograder vers les moyens entrevus jusqu'à ce que, de proche en proche, on soit parvenu à un objet ca­ pable de réaliser immédiatement la fin. Il ne saurait donc se prolonger indéfiniment sous peine de se dé­ truire. Sum. theol., Ia Ilæ, q. XIV, a. 5, 6. IV. Historique. — C’est dans les Éthiques ά Nico­ maque, 1. III, que les théologiens ont puisé la notion du conseil et ses principaux caractères. Nemesius, De natura hominis, c. xxxiv, P. G., t. XL, col. 755 sq., a fourni nombre de notions, connues peut-être de saint Jean Damascène, De fide orthodoxa, 1. II, c. xxn, P. G., t. xctv, col. 945, et utilisées par saint Thomas, sous la fausse attribution de saint Grégoire de Nysse dans les sed. contra de sa question De consilio. Cette question se réfère à ces trois sources. Un mot de saint Jean Damascène, qui nomme le conseil une appétilion qui cherche, ορεξις ζητητική, semble faire du conseil un acte de volonté; mais ce mot est corrigé par le contexte même de ce Père où la délibération, acte rationnel, est attribuée au conseil. Saint Thomas résout la difficulté en recourant à la compénétration des actes d'intelligence et de volonté qui concourent à l'acte humain. Le con­ seil ne s'ouvre, en effet, que sous l’inlluence de la vo­ lonté de la fin; il en est comme pénétré; à ce titre il relève de l’appétition. Sum. theol., 1« Ilæ, q. xiv, a. 1, ad 1“">. A. Gardeil. 2. CONSEIL (Don de). Voir Dons du SaintEsprit. 3. CONSEILS ÉVANGÉLIQUES. - 1. Définition. II. Existence et excellence. Ill. Relations avec la per­ fection et l’état de perfection. I. Définition. — 1° D’une manière générale, le conseil évangélique, en tant que distinct du précepte chrétien, est une direction morale dont l’observation est recom­ mandée aux chrétiens par l’Évangile, comme moyen de tendre plus efficacement à la perfection et d’obtenir une plus ample récompense céleste. L’acte ainsi recom­ mandé est habituellement un acte particuliérement agréable à Dieu à cause des sacrifices qu’il impose et de sa grande efficacité pour le bien moral de l'individu. Tels sont, par exemple, certains actes non commandés de prévenance, de bienveillance ou d’assistance à l’égard d’un ennemi, une aumône généreusement faite sans au­ cun précepte, ou au delà de ses étroites limites. Les conseils particuliers se diversifient suivant les préceptes avec lesquels on les compare. Mais en réalité tous se groupent autour des trois conseils évangéliques spé­ ciaux de pauvreté parfaite, de chasteté perpétuelle et de parfaite obéissance. S. Thomas, Sum. theol., Ia Ilæ. q. CVIII, a. 4. 2° Dans un sens plus restreint et plus usuel, le nom de conseil évangélique est principalement réservé à la pratique chrétienne de la pauvreté volontaire, de la chasteté perpétuelle et de la parfaite obéissance, consi­ dérées comme moyens expressément recommandés par Jésus-Christ pour l’acquisition d'un plus haut degré de charité ou de perfection. — I. Le but à atteindre dé­ termine la nature de l’acte recommandé. La pauvreté conseillée n'est point la simple pauvreté affective, mais l’abandon constant et effectif des biens temporels, seul capable d'affranchir l’àme de toute atlache incompatible avec la perfection. La chasteté conseillée est la chasteté parfaite et perpétuelle qui permet de diriger plus faci­ lement vers Dieu toutes les aftections. L’obéissance con­ seillée est la soumission parfaite à une autorité religieuse 1177 CONSEILS ÉVANGÉLIQUES ou monastique, écartant à jamais le grand obstacle delà volonté propre. — 2. Ainsi les facilités plus grandes de perfection proviennent principalement de l’éloignement définitif des principaux obstacles à la perfection, posses­ sion et administration des biens temporels, affections et affaires de famille, préoccupations et entraînements de la volonté personnelle. S. Thomas, Sum. theol., 1“ II·, q.cvm. a. 4; II» II*, q. clxxxiv, a. 3; q. ct.xx.xvi, a. 3-5. — 3. Les conseils évangéliques considérés en eux-mêmes restent pleinement facultatifs, puisque la perfection qu’ils aident à acquérir n’est point elle-même stricte­ ment requise et qu’elle peut être atteinte en dehors de leur accomplissement. S. Thomas, Sum. theol., Il» II*, q. clxxxiv, a. 3. Cependant il peut y avoir obligation accidentelle ou indirecte de les pratiquer. Obligation accidentelle, si leur omission plaçait certainement l’in­ dividu dans un danger inévitable de damnation éter­ nelle, S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, 1. IV, η. 78; danger dont l’existence concrète et indiscu­ table est difficilement démontrable. L'obligation indi­ recte provient surtout de quelque vœu auquel on s’est astreint librement d’une manière temporaire ou d’une manière permanente. S. Thomas, Sum. theol., 11“ II®, q. Lxxxvm, a. 3. — 4. Nous avons montré précédem­ ment, t. n, col. 2323, que ce concept théologique des con­ seils évangéliques d'abord esquissé par saint Ambroise, De viduis, c. xn, P. L., t. xvi, col. 256, puis nettement défini par saint Augustin, De sancta virginitate, c. χιν, P. L., t. xi-, col. 402; Epist., ci.vil, n. 39, P. L., t. xxxm, col. 692, fut pleinement élucidé parsainl Thomas, Sum. ΙΛβοΙ.,ΙΙ» il*,q. clxxxiv, a. 3; q. ci.xxxvi. a.3sq. ; Çont. gent,, I. Ill,c. cxxx sq. ; Opusc., xvtll, Contra pestiferam doctrinam retrahentem homines a religionis ingressu, c. vi sq. ; Opusc., xix. Contra impugnantes Dei cultum et religionem, c. i sq.,dont la doctrine fut communément suivie par les théologiens subséquents. — 5. Il n’est point vrai que le concept catholique du conseil évangélique abaisse le niveau moral en réduisant nécessairement le précepte divin à un slrictminimum auquelon habitue les consciences. La fixation de ce minimum n’est point une résultante du conseil lui-même; elle est une conséquence de la fin du précepte toujours proportionné par la sa­ gesse divine au buta atteindre. D’ailleurs, la détermina­ tion de l'obligation minima n'empêche nullement l'élan de la volonté vers une plus grande perfection. Il est éga­ lement vrai que le précepte positif de la charité n'ayant aucun minimum nettement déterminé, les actes les plus parfaits de charité, y compris l’observance des conseils évangéliques, ne sont nullement exclus de sa sphère intégrale ou y sont même contenus implicite­ ment. S. Thomas, Sum. theol., 11“ II*, q. clxxxiv, a. 3. II. Existence et excellence. — 1» Enseignement scripturaire. — L’existence el l’excellence du conseil évangélique de chasteté ont déjà été démontrées, t. n, col. 2321 sq. L’enseignement évangélique n'est pas moins formel sur les conseils de pauvreté volontaire et de parfaite obéissance. — 1. Le conseil de pauvreté vo­ lontaire ressort de la parole de Jésus : Si vis perfectus esse, vade, vende quæ habes et da pauperibus et habe­ bis thesaurum in cælo el veni sequere me. Matth., xix, 21. — a) L'opposition entre si vis ad vitam ingredi, ÿ. 17, et si vis perfectus esse, 21, prouve qu’il ne s’agit point au y. 21 de l'observance d’un commande­ ment obligatoire, mais d'une œuvre non commandée qui facilite la perfection et assure une plus grande ré­ compense. Sinon, l'affirmation solennelle du ÿ. 17 que l’accomplissement des commandements suffit pour acquérir la vie éternelle cesserait d’èlre vraie. — b) Rien n'autorise à affirmer que ce jeune homme était person­ nellement et gravement obligé de renoncer à toute possession terrestre pour ne point compromettre son salut éternel. L’accomplissement intégral qu’il avait fait de tous les commandements jusqu’à celte époque, 1178 tel qu'il est affirmé au v. 20 : Omnia hæc custodivi a juventute mea, prouve même le contraire. — c) L’inter­ rogation : Quid adhuc mihi deest? i. 20, suivie de la réponse de Jésus: Si vis perfectus esse, ÿ. 21. montre une aspiration surpassant l'étroite préoccupation du salut personnel, une aspiration vers une union plus intime avec Dieu par l’accomplissement de tout ce que l’on sait lui être le plus agréable. — 2. Le conseil d'obéissance parfaite découle de l'invitation de Jésus : Veni, sequere me, y. 21. Pour assurer la pleine posses­ sion de la perfection, Jésus sollicite le complet abandon de la volonté propre, désormais entièrement soumise à son absolue direction; soumission non moins entière, non moins méritoire ni moins efficace, quand elle est pratiquée à l’égard de quelqu'un qui tient cette autorité de Jésus-Christ lui-même. Ce que réalise vraiment l’obéissance religieuse. 2" Enseignement traditionnel. — Cet enseignement ressort de l’étude particulière de chacun des conseils. Nous devons nous borner ici à un exposé sommaire, en omettant les indications déjà données pour le conseil de chasteté, t. n, col. 2321 sq. — i. Depuis les temps apostoliques jusqu'à l’institution du cénobitisme vers 340. — a) L’institution des ascètes si florissante dans les trois premiers siècles, particulièrement dans le clergé, et si féconde dans l’Eglise à cette époque, voir t. i, col. 2074 sq., prouve par sa pratique de la pauvreté vo­ lontaire, la haute estime que le christianisme professait alors pour la pauvreté, estime entièrement inconnue au monde païen et qui de fait ne s’explique vraiment que par l’inlluence de la doctrine évangélique de Matth., xix, 20. La pauvreté volontaire des ascètes est particu­ liérement louée et recommandée par Clément d'Alexan­ drie, Quis dives salvabitur, c. xi sq., P. G., t. ix, col. 615 sq.; Origène, In Matth., homil. xv, n. 15. P. G., t. xiii, col. 1293 sq.; saint Cyprien, De habitu virginum, c. xi, P. L., t. iv, col. 461 sq. Cette pauvreté volontaire n’entrainait pas encore, généralement du moins, le renoncement effectif à tous les biens. Elle consistait surtout dans le détachement affectif joint à une grande modération dans l’usage des biens et à une grande générosité dans les aumônes. Vers le milieu du m* siècle, commença avec l’anacho­ rétisme la pratique de l’abandon effectif de tous les biens d’après Matth., xix, 20; saint Antoine en offre un par­ fait exemple. S. Athanase, Vita S. Antonii, n. 2 sq.. P. G., t. xxvi, col. 842 sq. Avec l’anachorétisme aussi commença la pratique de l’obéissance à l’égard de l’an­ cien ou du maître, à la direction duquel l’anachorète se livrait entièrement. Voir t. I, col. 1134 sq. 2. Depuis l’institution du cénobitisme tiers 340 jus­ qu’au xitlc siècle, la pauvreté monastique consistant dans l’entier abandon des biens personnels et dans l’ab­ solue dépendance pour l'usage des biens communs est pratiquée dans tous les monastères, conformément à une règle qui en détermine tous les détails. Toutes ces règles qui dirigent en même temps la vie d’obéissance du moine seront étudiées à part. L’éloge de la pauvreté et de l’obéissance est d'ailleurs très marqué dans les nombreux commentaires et ouvrages ascétiques à l’usage des moines, particulièrement dans les écrits de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, dans les Institu­ tions et les Conférences de Cassien, dans les divers re­ cueils des Apophlegmala Patrum, dans plusieurs let­ tres de saint Jérôme, de saint Augustin et surtout de saint Nil (-j- 430) et de saint Isidore de Péluse (ÿ 434 . et dans la Scala paradisi de saint Jean Climaque. Ou­ vrages qui continuèrent à diriger encore aux siècles suivants la vie ascétique des moines en Orient et en Occident. La vie monastique de pauvreté et d’obéissance est aussi louée dans la prédication adressée aux fidèles, par­ ticulièrement par saint Grégoire de Nazianze. Oral., 1170 CONSEILS ÉVANGÉLIQUES 4180 vi, P. G., t. xxxv, col. 724 sq., et par saint Jean religieux. — b) La doctrine théologique sur les conseils Chrysostome, In Matlh., homil. lxviii, n. 3 sq.; évangéliques est alors plus apologétique qu’expositive. Dirigée surtout contre les attaques passionnées de Lu­ homil. lxxii. n.3sq., P. G.,t. lvui,col. 643sq.,672sq.; Jn 1 Tint., homil. xiv, n. 3sq.. P. G., t. i.xii, col. 575 sq. ther et de ses adeptes, elle justifie l’observance des En même temps Chrysostome défendait chaleureuse­ conseils évangéliques auxquels on s’est engagé par des vœux perpétuels. Elle prouve surtout leur possibilité ment la vie monastique contre tous ses détracteurs, particuliérement dans ses Libri 1res adversus oppugna­ surnaturelle, leur haute convenance et leur souveraine utilité individuelle et sociale. Nous avons indiqué pré­ tores vilæ monastics, P. G., t. xlvii, col. 319sq. Obser­ cédemment les réponses principales des théologiens vons d’ailleurs que toutes ces louanges de la pauvreté et de l'obéissance sont, comme celles de la chasteté, catholiques. Voir t. il, col. 2325 sq. — c) Les documents ecclésiastiques de cette époque réprouvent toutes les principalement appuyées sur la recommandation for­ melle de Jésus-Christ, exprimant seulement une invita­ doctrines opposées aux conseils évangéliques ou insis­ tion pressante ne pouvant par elle-même créer aucune tent sur la parfaite observance des règles religieuses. obligation et supposant de prudentes conditions de Le concile de Trente, sess. XXV, De regularibus el monialibus, c. i sq., loue les services rendus par les réalisation. religieux et détermine, avec beaucoup de sollicitude, Après le vt’ siècle, toute cette doctrine est générale­ ment reproduite par les auteurs ecclésiastiques. les points sur lesquels doit particulièrement porter Dans toute cette période, pendant que l’Église ap­ leur réforme. Pie VI dans une lettre au cardinal de la Rochefoucault, du 10 mars 1791, déclare que regula­ prouve tacitement les instituts et les règles monastiques avec leur stricte observance des conseils évangéliques, rium abolitio lædit statum publicæ professionis consi­ elle réprouve expressément par les définitions du pontife liorum euangelicorum. Denzinger, Enchiridion,n. '541. romain et par la voix de ses docteurs les adversaires La bulle Auctorem fidei de Pie VI du 28 août 1794, du conseil de chasteté, voir t. Il, col. 2323 sq., lesgnosprop, 80 sq., condamne plusieurs assertions erronées tiques ou encratites qui, en condamnant le mariage, im­ du conciliabule de Pistoie. Denzinger, n. 1449 sq. L'en­ posaient l’étroite obligation de la chasteté, et les pélagiens cyclique Quanta cura de Pie IX du 8 décembre 1804 exigeant impérieusement la pratique du conseil de pau­ renouvelle la déclaration de Pie VI en 1791, Denzinger. vreté. S. Augustin, Epist., Cvn, c. iv, n. 23 sq., P. L., n. 1541, en même temps qu'est réprouvée dans le Syl­ t. χχχιιι, col. 68G sq. labus la mainmise de l'Etat sur les congrégations reli­ 3. Depuis le Xlll' siècle jusqu’au xvr. — a) Malgré gieuses. Prop. 52 sq., Denzinger, n. 1000sq. Léon Xlll une profonde transformation de la vie monastique par dans la lettre Testem benevolentiæ du 22 janvier 1899 la création du moine prêcheur joignant l’apostolat à la condamne ceux qui affirment que les vœux émis dans vie contemplative et pénitente, les nouvelles règles mo­ les ordres religieux sont contraires au génie de notre nastiques de saint François d'Assise et de saint Domi­ époque, parce qu'ils sont une atteinte à la liberté hu­ nique maintiennent ou même augmentent les rigueurs maine : Verum hæc quam falso dicantur ex usu do­ de la pauvreté et de l’obéissance. — 6) L’avènement de ctrinaque Ecclesiæ facile palet, cui religiosum vivendi l'ascétique scientifique avec Hugues de Saint-Victor et genus maxime semper probatum est. Hoc sane im­ saint Thomas d’Aquin conduisit à une étude spéculative merito, nam qui a Deo vocati illud sponte sua ample­ plus approfondie du rôle des trois conseils de pauvreté, ctuntur, non contenti communibus præceptorum offi­ de chasteté et d'obéissance, envisagés comme moyens ciis, in evangelica coeuntes consilia, Christo se milites ou instruments de perfection très recommandés mais strenuos paralosque ostendunt. Dans une lettre aux nullement obligatoires par eux-inémes. L’on démontra supérieurs généraux des ordres et instituts religieux, en même temps leur haute convenance surnaturelle et le 29 juin 1901, Léon XIII louait publiquement les reli­ on les vengea de toutes les attaques dont ils étaient gieux de l’un et de l'autre sexe qui, par l'observation des conseils évangéliques, tendent à porter les vertus alors l'objet, même au sein de l’Eglise. S. Thomas, Sum. theol., II» II1’, q. ci.xxxiv, a. 3; q. clxxxvi, a. 3 sq.; chrétiennes au sommet de la perfection et qui de beau­ Cont. genl., 1. 111, c. exxx sq.; Opusc., xvm, Contra coup de manières aident puissamment l’action de pestiferam doctrinam retrahentium, homines a reli­ l’Église. gionis ingressu, c. vi sq. ; Opusc., xix, Contra impu­ Ill. Relations avec la perfection et l’état de per­ gnantes Dei cultum et religionem, c. 1 sq. Enseigne­ fection. — t“ Avec la perfection. — 1. Il n’y a point ment communément reproduit par les théologiens de connexion nécessaire entre la perfection et la pra­ tique des conseils évangéliques. Car la perfeclion inté­ subséquents. En même temps que l’Église, entourant de sa protec­ grale consiste dans la charité rendue aussi actuelle que possible par une disposition habituelle à faire facile­ tion les ordres monastiques, louait leur généreuse observance des conseils évangéliques et approuvait ment. constamment et suavement ce que l'on sait être le plus agréable à Dieu, voir t. i, col. 2038 sq., et celle tacitement l’enseignement théologique commun, elle réprouvait et ceux qui plaçaient toute la perfection disposition peut régner habituellement dans l'àme sans chrétienne dans la pauvreté comme les vaudois, Pro­ la pratique des conseils évangéliques. S. Thomas, Sum. lheol., Il* llæ, q. CLXXXtv. a. 3 sq. C’est ce que prouve fessio fidei præscripla waldensibus ad Ecclesiam d'ailleurs l'histoire de l’Église où abondent les exem­ reducibus ab Innocentio 111, Denzinger, Enchiridion, n. 373, ou qui la défiguraient par leurs exagérations el ples de sainteté dans la vie commune, même dans l'embarras des affaires séculières et dans le gouverne­ leurs erreurs,comme les fraticelles, Denzinger, n. 469, ment de la famille. — 2. L’observance des conseils et ceux qui la poursuivaient de leurs anathèmes comme évangéliques, tout en n’étant point requise pour la Wiklelf et Jean Hus. Denzinger, n. 520 sq., 574. perfection, y aide puissamment, en écartant les obs­ 4. Depuis le XVI' siècle jusqu’à l’époque actuelle. — tacles les plus forts et les plus habituels à la parfaite «)-Malgré une nouvelle transformation de la vie monas­ charité et en dirigeant librement vers elle toutes nos tique par la création du religieux apôtre non astreint facultés. S. Thomas, loc. cil. — 3. Si la question est aux obligations monastiques, la pratique de la pauvreté et de l’obéissance toujours fondée sur la recommanda­ restreinte aux conseils de perfection, considérés d’une tion évangélique, Matlh., xix, 20, reste substantielle- | manière générale, en tant que distincts du précepte di­ ment identique. C’est ce que témoignent les régies reli­ vin, l'on peut affirmer que la pratique de la perfection ne va point sans la pratique de quelque conseil ou de gieuses de cette époque, particulièrement celles de la Compagnie de Jésus, ce que témoignent aussi les nom­ quelque œuvre non obligatoire. Voir t. i. col. 2039 sq. Car la perfection, telle qu elle est possible en ce monde breux ouvrages ascétiques spécialement destinés aux 1181 CONSEILS ÉVANGÉLIQUES — CONSENTEMENT suppose une grande et constante générosité nécessaire­ ment irréalisable pour qui veut toujours se limiter à la stricte obligation du précepte. 2» Relations avec l’étal de perfection « acquérir. — Cet état ne peut exister parfaitement sans une perma­ nente obligation à la pratique des trois conseils évan­ géliques ; obligation permanente dont l'origine ne peut être qu’un vœu d’observer perpétuellement, ces mêmes conseils. Car tout état de vie supposant une obligation stable, S.Thomas, Sum. theol., 11“ II”, q. clxxxiii, a. 1, l’état de perfection à acquérir comporte nécessairement une obligation constante aux principaux moyens de per­ fection. Moyens consistant surtout dans la perpétuelle pratique des conseils évangéliques, écartant définiti­ vement les plus grands obstacles à la perfection. S. Thomas, op. cil., q. ci.xxxiv, a. 3 sq. 3° Relations avec le salut et la perfection d’autrui. — Non nécessaire à l'ascète pour sa perfection person­ nelle, l'observance des conseils évangéliques ne l’est point non plus pour l’apôtre désireux de travailler avec fruit à la perfection d’autrui. La plénitude de la charité apostolique suflit et elle peut exister, elle a de fait existé, en dehors de l’observance des conseils évangé­ liques. Cependant cette observance, en aidant à l'aug­ mentation de la charité ou à l’intensité du dévouement et en méritant une plus abondante participation des grâces divines, peut augmenter considérablement l'ef­ ficacité de l’apostolat. C'est ce que témoigne l'histoire des ascètesdes premiers siècles dont l’apostolat a été si fécond, voir t. t, col. 2069 sq., ce que témoigne aussi l’histoire des ordres religieux vraiment fidèles à leur esprit et à leurs règles, même chez les ordres purement contempla­ tifs qui par leurs prières, leurs mérites et leurs souffran­ ces volontaires ont toujours exercé autour d’eux un vé­ ritable apostolat. S1· Thérèse, Chemin de la perfection, C. lit. C’est aussi ce qui explique pourquoi l’Église exige de ses ministres la pratique du conseil de chasteté parfaite et leur impose certaines obligations ollrant quelque analogie avec les conseils de pauvreté et d’obéissance. Voir t. i, col. 20U). Le fait historique de la particulière efficacité surnaturelle de l’apostolat accompagné de la pratique personnelle des conseils évangéliques justifie pleinement l'ascète religieux du reproche d’excessive ou exclusive préoccupation de son salut personnel. Quel que soit pour lui le molit principal d'embrasser cet état privilégié, la pensée de l’apostolat ou du bien commun de la société chrétienne exisle au moins d’une manière concomitante ou comme résultante nécessaire d’un ar­ dent amour pour Dieu. D'ailleurs, en vertu du dogme de la communion catholique, les biens spirituels des membres les plus saints se communiquent à toute l’Église et attirent sur elle d’abondantes bénédictions spirituelles, d'où résul­ tent aussi beaucoup de bienfaits même temporels. Enfin l’exemple public de ces ascètes est toujours une leçon bien profitable à la société. Ajoutons que l’histoire du monachisme et des ordres religieux démontrera l’heureuse inlluence sociale, exercée dans tous les siècles par les fervents adeptes des conseils évangéliques. Sur les conseils évangéliques considérés d’une manière géné­ rale on peut particulièrement consulter, outre les ouvrages clas­ siques de théologie morale et d’ascétique : S. Thomas, aux en­ droits cités au cours de cet article; S. Antonin de Florence, Summa theologica, part. 111. tit. χνι, c. I, Vérone, 1740, t. ill, col. 845 sq. ; Cajetan, In II" II·, q. lxxxiv, a. 3 ; q, clxxxvi, a. 3 sq. ; Canisius, De corruptelis verbi Dei. c. xi, Ingolstadt. 1583, p. 131 sq.; Bellarmin, De monachis, I. Il, c. vu sq. ; Syl­ vius, In II·· II·, p. clxxxiv, a. 3; q. clxxxvi, a. 3 sq. ; Suarez. De stata perfectionis variisque illius modis, c. vi sq. ; S. François de Sales, Traité de l'amour de Dieu, 1. VIII, c. vi sq.; Sslmanticenses. Cursus theologicus, tr. XX.disp. ΙΠ, n. 11 sq : Libère de Jésus, Controversiarum scolastico-polemico-hi- 118? storico-criticarum, tr. IX. Milan, 1754, t. vn, cot. 1 sq. ; B· u . Tractatus de jure regularium, part. 1, sect. 1, c. vu sq.. Par.s. 1857, p. 25 sq. ; Mulier, Theologia moralis, 7* édit.. Vienne, 1894, t. I, p. 183 sq.; Bouquillon. Theologia moralis fonda,, talis, 3* édit., Bruges. 1903. p.263sq. : Weiss, ApologiedesChristenthums. Fribourg-en-Brisgau, 1889, t. v, p. 174 sq., 384 sq. ; Schwane, De operibus supererogatoriis et consiliis evang·· licis in genere. Munster, 1868 ; Kirchenle.vikon, 2· édit., t. x, coi. 135 sq. ; Realencyclopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3' édit., Leipzig, 1898, t. iv, p. 274 sq. E. Dublanciiy. CONSENTEMENT. - I. Notion. II. Psychologie. Ill. Morale. IV. Historique. I. Notion. — Dans le langage théologique courant, le consentement est regardé comme un acle de volonté : Consensus est acceptatio complacentiaque voluntatis in eo quod, ab intellectu proponitur. Marc, Institutiones morales alphonsiante, n. 320. L’étymologie latine, cum sensus, confirme celte acception. Comme le sens dans la sensation, ainsi la volonté dans le consentement adhère aux choses elles-mêmes, en prend une expérience immédiate, les sent avec je ne sais quelle complaisance. L’esprit, frappé de celte analogie de procédé, a donc dis­ tribué dans les deux domaines, cognoscitif et volontaire, cette notion commune de l’inhérence aux choses, et, comme c’est dans la sensation sans doute qu’il l’avait d’abord remarquée, c’est du sens qu’est venu, avec une petite modification, le préfixe cum qui marque sous quel rapport court l’analogie, la dénomination du phénomène volontaire. S. Thomas, Sum. theol., I* II·, q. xv, a. 1. Le mot assentiment qui se distingue par le préfixe ad, lequel suppose une certaine distance de l'objet vers lequel on tend, au rebours du mot consentement, exprimera, à strictement parler, une attitude intellec­ tuelle. Ibid., ad 3um; cf. Quæst. disp., De veritate, q- xiv, a. 1, ad 3“". Mais, pour ressembler à l'acte du sens sous un certain rapport, ce qui justifie l'analogie et la déno­ mination conséquente, le consentement n’en diffère pas moins sous d’autres. L’application de la volonté aux choses dans le consentement n’est pas un acte naturel comme l’appélition animale, mais un acte voulu et qui pourrait ne pas être. D’où, le consentement n'existe pas chez les animaux qui sont déterminés à un seul parti et exécutent passivement. 11 relève de la psychologie de l’acte humain. Ibid., a. 2. Il est libre. II. Psychologie. — Nous avons décrit au mot Acte l’organisme intégral d’un acte humain complet. Le con­ sentement y occupe la sixième place, enlre le conseil et le jugement pratique, la seconde parmi les actes qui regardent les moyens. Voir 1.1, col. 313. D’abord le con­ sentement regarde directement les moyens et non la lin. S’il s’agit, en effet, de la fin ultime, le vouloir en est naturel et nécessaire. Il n’y a pas lieu de consentir : l’application delà volonté à son objet se faitd'elle-méme, elicilive, par un simple passage de la puissance à l’acte. S’il s'agit des moyens, comme tels bien entendu, et tout peut être moyen vis-à-vis de la fin ultime, c’est au con­ seil d’en prendre connaissance et c’est au consentement d’y appliquer activement la volonté. Cette activité applicatrice est possible, puisque la nature qui ordonn· la volonté aux lins nécessaires ne l’ordonne pas aux moyens que suggère la délibération du conseil. Elle est nécess tire, parce que, sans elle, la connaissance des moyens demeu­ rerait sans efficacité sur la volonté, déjà rectifiée active­ ment du côté de la fin. mais qui n'y arriverait jamais. Le consentement existe donc en tant qu’activiléappétitive fai­ sant adhérer la volontéaux moyens trouvés par le conseil. Nous avons dit aux moyens, au pluriel. Le consente­ ment, en effet, n’a pas pour objet un moyen de prefe­ rence aux autres, le meilleur moyen par exemple. C’est à l’élection de faire ce choix après un dernier jugement praclico-pratique, qui décrétera l’excellence relative d’un moyen parmi tous les autres. Le consentement se porte sur tous les moyens en harmonie avec la lin voulue. 'ixS3 CONSENTEMENT pourvu qu’ils soient bons et qu'ils plaisent. Tandis que l'élection, le huitième parmi les actes qui intègrent l'acte humain, voir ce mot, implique une relation de préférence à d’autres moyens. Electio addit supra con­ sensum quamdam relationem respectu ejus cui prseeligitur. S. Thomas, Sum. theol., 1“ II®, q. xv, a. 3, ad 3“®. Si cependant il n’y a qu’un seul moyen qui plaise, le consentement ne dilférera de l’élection que spéculativement. En réalité, il se confondra avec l’élec­ tion, ut consensus dicatur secundum quod placet ad agendum, electio autem secundum quod prteferlur his quæ non placent. Ibid. Il ne faut pas oublier d’ailleurs cette loi générale de tout organisme dynamique que les déterminations antécédentes demeurent sous les déter­ minations ultérieures et donc, bien que tout consente­ ment ne comporte pas le choix, tout choix implique un consentement, d’où l’emploi fréquent du mot consente­ ment pour exprimer l’élection conséquente qui l’enve­ loppe comme dans ces mots consensus in actum, in cogitationem, in delectationem, qu’utilisent les théolo­ gies morales. Le consentement est ici le synonyme de la dernière démarche de la volonté pour se déterminer intérieurement avant de passer à la détermination des puissances subordonnées par l’t Philon, De plantat. Noe, 2, édit. Cohn-Wend land. t. II. p. 135. Moïse, dit-il encore, a cru que « tout cet univers était soutenu par des puissances invisibles que le dé­ miurge a tendues depuis les extrémités de la terre », τού μή άνεθήναι τά δεόέντα καλώς προμυβούμενος. De mi­ gratione Abrahami, 32, t. n, p. 303. Voir J. Lebreton, Les théories du Logos au début de l’ère chrétienne, dans les Études religieuses, 1906, t. evi, p. 777 sq. On voit quelles différences et quelles analogies séparent et rapprochent ces conceptions. Cette loi du monde est, selon Chrysippe, immanente ; elle est distincte du inonde pour Philon; elle est même sûrement pour Origène personne distincte : c'est le Verbe de la Trinité chrétienne. Mais pour le stoïcien son panthéisme, pour Philon sa matière éternelle, ayant donc une existence propre, les ont empêchés de concevoir la nécessité d’une conservation au sens de Chrysostome et d’Augus­ tin. Clément et Origène, préoccupés avant tout d'opposer au Dieu immanent du stoïcisme le Dieu transcendant du christianisme, ont dépeint la providence comme une loi éternelle, toute-puissante, extérieure aux choses; il se pourrait par contre qu’ils ne soient pas allés jus­ qu’aux dernières conséquences de la création ex nihilo, qu'ils n'aient pas vu, ou pas noté cetle exigence d'une action constante de Dieu dans ses créatures, qui le rend, mais de toute autre manière que le logos stoïcien, comme immanent en nous par sa vertu. On retrouve chez saint Athanase la même influence des spéculations philosophiques, dans les attributions qu'il donne au Logos, μηδέν έρημον τής έαυτού δυνάμεως άπολελοιπώς, Orat, contra gentes, n- 42, P. G., t. xxv, coi. 84; mais l’action conservatrice qui atteint l'intime de l’être est bien plus nettement marquée. Le Logos est venu aux créatures, parce que leur nature, άτε δή ίξ ούκ όντων ύποστάσα, est ρευστή καί ασθενής. Dieu qui seul est véritablement, cf. Exod., ni, 14, 15; Platon, Timée, 27, 37, 38, édit. Didot, 1846, p. 204, 209, loin d’être jaloux deses prérogatives, Άγαβώ γάρ περί ούδενός αν γένοιτο φθόνος, Timée, 30, ibid., p. 205, a voulu en effet que toutes choses soient, mais il ne les abandonne pas à elles-mêmes, "να μή κινδυνεύσω πάλιν εις τά μή είναι; il leur envoie donc son Verbe,pour qu’elles sub­ sistent, άτε δή τοΰ όντως έκ Πατρος Λόγου μεταλαμβάνουσα καί βοηόουμένη δε* αύτού εις τό είναι. Ibid., n. 41, col. 81 ; cf. π, 28, col. 56. Eusèbe de Césarée, suivant la méthode des premiers apologistes, veut prouver l’accord parfait des plus grands penseurs païens avec la philosophie de la Bible, i : γάρ έστι Πλάτων ή Μωσής άττικιζων ; Præp. ev., L il. c. x, P. G., t. xxi, col. 873. Numénius le Pythagoricien, tout comme Plutarque et Platon, s’accorde à dire que Dieu seul est véritablement: c’est le mot de l’Exod.. m. 14: Ego sum qui sum. Les différences sont grandes pourtant; Eusèbe ne les indique pas. Ibid., c. ix-xn, col. 868 sq. Citons des Pères Cappadociens ce passage de Gré­ goire de Nazianze. C’est avec raison, dit-il, que le Verbe est nommé δύναμις ώς συντηρητικός τών γενομένων καί τήν τού συνέχεσόαι ταύτα χορηγών δύναμιν. Orat., XXX. n. 20, Ρ· G., t. xxxvi, coi. 129. C'est encore le Verbe 4191 CONSERVATION 1192 seul qui possède : τήν ων πεποϊηκεν οικονομίαν τε καί ' parce qu’il leur donne la vie, quæ subministratio si συντήρησιν, ibid., n. 11, col. 117, et il insiste, à mainte au/eralur continuo interibunt. Enchiridion, c. xxvn, reprise, sur cette idée bien platonicienne, que Dieu est, P. L., t. XL, col. 245. On sait l’admiration du grand puisque seul il est sans changement. Etre, c'est donc évêque pour Plolin; on comparera donc volontiers ces le nom qui lui convient le mieux. Cf. col. 125, 317, 477, deux passages : « Toutes choses, dit Plolin, ont besoin 629. Saint Grégoire de Nysse écrit, établissant que tous d’etre édifiées sur Dieu, » κινηθείσης γαρεκείνης[τής έδρα;] les attributs sont en Dieu une seule et commune essence : απώλετο αν αύτά' άπολομένης αυτών τής βάσεω; καί τού στηρίζοντας αύτά. Enneades, VI, 5, 9, édit. Didot, p. 453; πάσα πρόνοια καί κηδεμονία καί τον παντός επιστασία... et saint Augustin : Quid peto ut venias in me, qui non ήτε συντηρητική τών όντών... μία έστ’ι καί ουχί τρεις. Quod essem nisi esses in me? An poilus non essem, nisi non sini 1res dii, P. G., t. xtv, coi. 128. essent in le ex quo omnia, per quern omnia, in quo Saint Chrysostome, à leur suite, insiste avec grande omnia. Confes., 1. I, c. it, P. L., t. xxxn, col. 661. éloquence, sur l’absolue dépendance de la créature : Cf. Grandgeorge, Saint Augustin el le néo-platonisme, Ον γάρ παρήγαγε μόνον τήν κτίσιν, άλλα και συγκροτεί... c. il, p. 70 sq. On remarquera de plus que les Confes­ καν έρημα γένηται τής ένεργείας εκείνης ...διαρρεϊ καί sions et les premiers livres du De Genesi ad litteram άπόλλυται. Cont. anom., homil. xn, η. 4, P. G., t. xi.viti, col. 810-811. Sur le texte, Heb-, i, 3 : του- ayant été écrits avant l’étude attentive de saint Jean Chrysostome, qu'Augustin dut entreprendre pour ré­ τέστι κυβερνών καί τά διαπίπτοντα σνγκρατών, et c’est oeuvre plus merveilleuse encore, dit-il, de conserver pondre à Julien d'Eclane, ses vues sur la conservation tous les êtres que de les tirer du néant. In Epist. ad doivent être attribuées à la lecture de l’Écriture sainte Ileb., homil. n, n. 3, P. G., t. lxiii, col. 23. Cf. In Gen., et des philosophes, plutôt qu'à celle de Chrysostome. L’influence de saint Augustin en Occident semble homil. xi, n. 8, P. G., t. Mil, col. 89. Ce sont les écrits de Chrysostome que Théophylacte considérable. Son explication du texte, Gen., il. 2, ultra utilisera de préférence. Tandis que Procope ne nous non condidit aliqua genera nova, etc., est souvent re­ transmet presque rien sur la conservation, il reproduira prise. Cf. S. Prosper, Sent., 278, P. L., t. Lt, col. 467; et amplifiera les assertions de saint Jean. In Joa., S. Grégoire le Grand, eorum essentia rursum ad nihi­ J'. G., t. cxxm, col. 1266; In Ad., t. cxxv, col. 748. lum tenderet, nisi eam auctor omnium regiminis Commentant Ileb., i, 3, il note qu'en un sens conserver manu relineret, Moral., 1. II, c. XII, n. 20, P. L., est plus que créer : Μάλλον δέ μεϊζον τοΰ παραγαγείν τα t. i.xxv, coi. 565; cf. ibid., I. VI, c. xxxvn, n. 45, coi. 11-43; Raban Maur, In Gen., 1. I, c. ix, P. L., πάντα, τό δίαστασιάζοντα καί εις το μή είναι μέλλοντα προχωρήσαι συγκρατεϊν. P. G., t. CXXV, col. 193. On re­ t. evii, coi. 465, 466; Alcuin, In Joa., 1. III, c. tx, P. L., connaîtra son modèle : Chrysostome, In Epist· ad Ileb., t. c, coi. 808; V. Bède, In Ilexaem., 1. I, P. L., t. xct, homil. n, P. G., t. lxiii, col. 23. Et Théophylacte, en coi. 34. Elle est notamment vulgarisée par la Glose passant, prend occasion de cette grande pensée, si ana­ ordinaire et, par elle, elle influe sur tous les Sentenlogue à Rom., n, 36, et à Col., i. 16, pour revendiquer tiaires. Cf. Walafrid Strabon, In Gen., P. L., t. cxm, l'attribution paulinienne de la lettre aux Hébreux. col 82. Le fait de la conservation est d'ailleurs ordinai­ P. G., t. cxxv, col. 193. Expliquant un peu plus loin, rement noté par Strabon, quand l’Écriture en offre Ileb., I, 7 : ούκ είπε δέ, remarque-t-il, ποιήσας, άλλα l'occasion. In Gen., P. L., t. cxm, col. 82; In Sap., ποιων, τουτέστι συντηρών τω λόγω καθ’ονέγένοντο. P. G., col. 1168; In Act., t. exiv, col. 460; Jn Joa., col. 377; t. cxxv, col. 197. La conservation est un acte toujours In Epist. ad Heb., col. 644. Cf. De civ. Dei, 1. X, t. xv, présent. Cf. In Epist. ad Horn., P. G., t. cxxiv, col. 495; P. L., t. xli, col. 293. ad Col., col. 1222. 4« Les scolastiques. — On reconnaîtra la même dé­ 2. Pères latins.—Si nous revenons aux Pères latins, pendance de saint Augustin dans.l’exégèse.d'Abélard, nous nous étonnerons peu de ne rien voir chez Ter­ In Hexaem., P. L., t. clxxviii, col. 769. 770 : Dieu tullien qui réponde à un problème aussi abstrait. conserve les espèces anciennes sans créer de types nou­ Saint Jérôme observe sans doute que Dieu seul est veaux; et ailleurs, In Epist. ad Rom., ibid., col. 937, dans toute la force du terme : Cælera quæ creata sunt, il explique comment sont conservées même les âmes etiamsi videntur esse, non sunt; mais voici la raison des bêtes apres la mort : non tamen desinunt esse subqu’il en donne : quia aliquando non fuerunt el potesl stantiæ. rursum non esse quod non fuit. Epist. ad Damas., 4, Plus profond est l’enseignement de saint Anselme : P. L., t. xxn, col. 357. L'insuffisance de la créature à Dubium nonnisi irrationali menti esse potest, quod, subsister par ses propres forces semble hors de sa pen­ cuncta quæ facta sunt, eodem ipso sustinente vigent sée; l'eût-il comprise, qu’il n’eût pas refusé à Dieu la el perseverant in esse quamdiu sunt, quo faciente connaissance des plus minimes détails, par exemple, du de nihilo habent esse quod sunt, Monol., c. xm, P. L., nombre de tous ces pucerons qu'il doit soutenir par t. CLViil, coi. 161; et saint Bernard aime à revenir suc lui-même dans l'existence, tout autant que les êtres cette pensée : Quid item Deus? sine quo nihil est. Tam raisonnables. Cf. In Ilabac., i.l. P. L., t. xxv, col. 1286. nihil esse sine ipso, quant nec ipse sine se potest. Ipse On notera, pour la rapprocher de celle d'Augustin, son sibi, ipse omnibus est, ac per hoc quodammodo exégèse de Gen., il, 2 : Complevitque De.us..., Dieu, ce solus est, qui suum ipsius est et omnium esse. De con­ jour-là, parachève son œuvre. P. L., t. xxm, col. 9iO. sideratione, 1. V, c. vi, n. 13, 14, P. L., t. clxxxii, Saint Augustin, au contraire, a traité de la contin­ col. 796; Serm., iv, in dedicatione, n. 2, P. L., gence de l'étre avec une netteté et une profondeur sin­ t. CLXXXin, col. 536; In Ps. Qui habitat, n. 1, ibid., gulières. Il écrit, commentant Gen., il, 2 : Potesl eliam col. 185. intelhgi Deum quievisse a condendis generibus crea­ On notera cette disposition bien naturelle des grands tures, quia ultra jam non condidit aliqua generanova; mystiques, apres Augustin, Grégoire le Grand et le mais Dieu travaille toujours à conserver ce qu'il a créé : pseudo-Denys, De div. nom., 10, P. G., t. Ill, col. 936, Creatoris namque potentia causa est subsistendi omni à méditer avec amour le néant de la créature, sans en creatures. Quæ ab eis quæ creata sunt regendis, si ab- | venir pourtant aux exagérations de maître Ekkard : quando cessaret, simul et eorum cessarent species, I Omnes créai· rie sunt purum nihil. Denzinger, Enchi­ omnisque natura concideret, car il n'en va pas de Dieu ridion, n. 453. comme d'un architecte qui peut se retirer, sa maison C'est encore Augustin et Abélard à la fois que l’on construite. De Genesi ad litteram, 1. IV, c. xn, P. L., retrouve dans toutee groupe de Senlentiairesapparentés, t. xxxiv. col. 304; J. V, c. xx, n. 40, col. 333; I. VIII, Roland Bandinelli el Ognibene. Cf. Gietl, Die Sentenc. xxvi, col. 391. Les démons meme ne subsistent que zen Rolands, p. 107-108; disciple de Hugues de Saint- 4193 CONSERVATION Victor, Summa Sent., tr. Ill, c. i, P. L., I. ci.xxvi, col. 90; Hugues lui-même, Erudit, didasc., 1. Vil, c. i, ibid., col. 811 ; Pierre Lombard, Sent., I. II, dist. XV, c. vu, P. L., t. cxcii, col. 683; Maître Bandini, In IV Sent., I. II, dist. XV, P. L., ibid., col. 1043. Mais à vrai dire ils se perdent à expliquer comment, loin de se reposer depuis le sixième jour de la Genèse, Dieu crée toujours non nova, sed nota. Les vues profondes d'Augustin sur la contingence de l’étre sont plus ou moins négligées. Cf. Pierre Lombard, Sent., I. II, dist. XII, XV, P. L., t. cxcii, col. 677, 683; Bandini, In IV Sent., I. Il, dist. XII, ibid., col. 1040 (où il faut lire de modis, pour de malis, et informiter pour uni­ formiter); Alexandre de Halés, Summa, part. I, q. i.vi, m. i. Il est vrai du moins que ce dernier parle ailleurs de la conservation, part. I, q. xxvi, m. n, avec citation de Slrabon, P. L., t. cxiv, col. 644, et plus spéciale­ ment Summa, part. H, q. xxiit, m. ni, De mutabilitate creaturarum. Les coin men lateurs du Maître des Sentences traitent ordinairement de la conservation In I Sent., dist. 1 ou II, ou omettent la question. Cf. S. Bonaventure, Opera, édit. Quaraccbi, t. n, p. 866, schol. Il, Le texte de saint Augustin, In Gen., 1. IV, c. xn, P. L., t. xxxiv, col. 304; sa comparaison de la lumière qui ne subsiste pas sans source lumineuse, la plupart des passages de l'Écriture que nous avons cités, notamment Sap., n, 26; .Joa., v, 17; lleb., I, 3; quelques textes de saint Grégoire le Grand, Moral., I. II, c. xn, n. 20, P. L., t. t.xxv. col. 565; de saint Jean Damascène, et un texte attribué à tort à saint Jérôme, cf. S. Bonaventure, Opera, édit. Quaraccbi, t. i, p. 146, note 4, forment en général les preuves positives principales. Le catéchisme du concile de Trente résume la théorie de la conservation. De symbolo, in-8®, 1890, t. i, n. 22, p. 22. Au xvi° siècle, la question est traitée avec ampleur par Suarez, Disput. met., xxi, et par Lessius, De per­ fectionibus moribusque divinis, I. X. Elle demeure en­ combrée d’exemples et d’objections empruntés à la physique aristotélicienne : influence des corps célestes incorruptibles, théories de la chaleur et de la lumièré, etc. Au reste, tous les scolastiques pour le fond sont d’accord : Idem docent omnes scholastici, écrit Lessius, nemine excepto, etiam Durandus. De perfectionibus, I. X, c. m, n. 23. 5° Preuves de raison. — Voici les principaux argu­ ments de l’Ècole. La conservation est en somme une pure conséquence de la création. On argue de la nature même de l’être créé. Puisqu'il n’a pas l’existence en propre, comme la cause première, mais qu’il l’a reçue ab alio, il ne peut durer que par la continuation de l'acte même qui, au premier instant de son existence, a suppléé à son insuffisance essentielle. S. Bonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. XXXVII, a. 1, q. n ; S. Thomas, Sum. theol., Ia, q. civ, a. I : oportet quod idem sit causa rei et conservationis ipsius, nam conservatio rei non est nisi continuatio esse ipsius. Coni, gent., I. Ill, c. i.xv, n. 2, 7. En effet, la même indigence qui caractérise l’être de la créature au pre­ mier instant de sa production, d’où il résulte qu’elle ne peut exister que par la vertu d’un autre, subsiste en elle tant «pi’clle est ce qu’elle est. Suarez, disp. XXI, sect, i, n. 16 : quia semper est idem et quod per se primo ei convenit, semper ci convenit. Cf. n. 12. Ce qui suppose que l’aptitude à se soutenir par soi-même dans l’être, fût-ce pour un instant, la sufficienta essendi, est une perfection incommunicable. S. Tho­ mas, Sum. theol., I“, q. xtv, a. 2, ad 2l,m. Au fait, si on la conçoit comme une perfection simple, puis­ qu’elle est en Dieu le principe de perfections simples, ou comme infinie, puisqu’elle est l’essence meme de l’être infini, comment concevoir quelle puisse être 1194 participée à un degré fini, et donc de manière non uni­ voque mais analogue, en demeurant en rigueur de défi­ nition vera sufficientia essendi f On argue encore, et c'est au fond une autre forme du raisonnement précédent, de l’essentielle dépendance qui existe entre l'effet et la cause. Aucune modification, aucun devenir ne se poursuit que durant l’application de la cause : impossibile est quod fieri alicujus rd maneat cessante motione moventis. On en conclut a pari qu’aucune existence ne peut se soutenir sans l’action continue de la cause première. S. Thomas. Cont. gent., 1.111, c. lxv, a. 4; Suarez, disp. XXI, sect, i, n. 11. Cette preuve est soumise par Cajetan,/» Sum. theol., I“, q. civ, a. i, et par Suarez, disp. XXL sect, i, n. 7, à une critique minutieuse. Cf. Th. de Régnon, Métaphysique des causes, 1. VIII. c. iv, Paris, 1886, p. 584-594. Les scolastiques voient d’ailleurs cetle répu­ gnance à ce que l’être fini puisse durer par sa propre vertu, qu'il serait ainsi, à la fois et sous le même rap­ port de l’existence, cause et effet de hii-même. S. Tho­ mas, Sum. theol., I», q. Civ, a. 2, ad 2“m. Suarez, loc. cit., n. 14, tire encore un argument de la toute-puissance divine. Tous affirment le souverain domaine de Dieu ; or Dieu ne le possède pas, si son action n’est pas essentielle à la durée des choses; car il n’est pas maître absolu de ce qu’il ne peut annihiler, et il ne peut annihiler.s'il ne conserve pas au sens même de la thèse. Qu’on laisse, en effet, les métaphores : annihiler d’un mot, réduire au néant, etc. On ne peut annihiler par une action positive, détruire de l’être comme on disperse au venf des fragments d’argile; le résultat d’une action positive doit se chiffrer par un etlet positif, non par zéro. Si donc Dieu ne peut annihi­ ler en agissant, il ne lui reste qu’un moyen d’y parvenir, c’est en cessant d’agir, c’est-à-dire par soustraction d’une action indispensable à la durée des êtres : cette action c’est la conservation. 6» Eote de la thèse. — Le concile du Vatican, const. De fide, sess. Ill, c. i, Denzinger, n. 1633, dit : (.’niversa vero quæ condidit, Deus providentia sua luetur atque gubernat, attingens a fine usque ad finem for­ titer, et disponens omnia suaviter. Ce texte ne concerne pas la conservation, mais le dogme, plus général de la providence. Cf. Colled. Lacens., Acta concil. Fat., Fribourg-en-Brisgau, 1890, t. vu, p. 105, 1018. Héré­ tique sans doute toute doctrine qui nierait la provi­ dence; théologiquemenlerronée, celle qui lui refuserait un influx positif au moins indirect sur la conservation des êtres. S’il s'agit, comme dans ces pages, d’une action intime directe et immédiate, il semble que cette doctrine, doivent être qualifiée de très commune et de certaine. IL Nature. — Un léger désaccord partage les scolas­ tiques sur ce point. Pour le plus grand nombre la con­ servation n’est pas en Dieu un acte nouveau, c’est la continuation de l’acte créateur, non est per novam actio­ nem, sed per continuationem actionis quæ dat esse. S. Thomas, Sum. theol., I“,q. civ, a. 1, ad4"“; Lessius, loc. cit., n. 30. Voici la seule différence : le concept île création implique que l’être n’existait pas l’instant pré­ cédent, esse post non esse; celui de conservation qu i! existait déjà, esse pos t jam esse. L’action divine ne diffère donc dans les deux cas que ratione, connotalione : unique en soi. elle comporte deux noms suivant les rapports divers de son eflet avec le temps et avec notre manière de concevoir. Suarez, disp. XXI,sect, n, n. 2 sq. Et c’est encore l’infirmité de notre intelligence qui nous oblige à parler de création continuée,comme si l’action de Dieu se prolongeait dans le temps : il n’y a pas de durée en Dieu, puisqu’il n’y a pas de change­ ment. Scot, In IV Sent., I. II, dist. II, q. i. n. 4, 17-25. Quelques-uns font des restrictions, et semblent re­ quérir, entre la création et la conservation, une diffé­ 1195 CONSERVATION 4196 mière seule la conservation des substances, on n’en­ rence spécifique. Cf. Henri de Gand, Quodlib., X, q. vu ; tend exclure ni la coopération des substances à la con­ Quodlib., I, q. ix; Aureolus, In IV Sent., 1. Il, dist. I, servation de certains états accidentels ou spécifiques, q. iv,a. 2; Grégoire de Rimini, In IV Sent., I. II, dist. I, ni les modifications des substances les unes par les q. vi, tous deux cités et réfutés par Capreolus, In autres. IV Sent.,\. Il, dist. I, q. II, a. 2, conci. 3‘, édit. Pégues, 1. Ainsi, quand avec le concours de Dieu, 1’artiste a t. in, p. 41 sq., et Suarez, loc. cit., sect. n. Pour cer­ terminé sa statue, la forme subsiste dans le marbre par tains, la conservation demande seulement un influx gé­ l’action de Dieu qui la conserve seul, c’est-à-dire sans néral et comme un moindre effort de la part de Dieu. Opinion illogique, puisqu'elle ne se soutient qu’en ad­ l’artiste, mais non sans l'intermédiaire de la substance: mettant la contradictoire même des arguments qui ont conservation immédiate pour celle-ci, médiate pour établi la thèse : possibilité pour la créature de se main­ celle-là. Voir col. 1187. Les accidents,n’ayant pas de réa­ lité indépendante de la substance, sont conservés en tenir dans l’être, au moins à quelque degré, par soielle et par son moyen. même, et possibilité d'être cause d’elle-même, au moins 2. Mais la conservation contredit les modifications dans une certaine mesure. Elle est inintelligible, si l'un entend par concours général une influence indé­ pourtant évidentes et l’évolution de toutes choses! — Nullement. Ce qui la contredirait ce serait l'annihila­ terminée de Dieu que spécifierait la cause seconde. tion ; or on constate partout transformation, non anni­ Voir la réfutation dans Lessius, op. cit., c. iv, n.2Gsq. hilation. S. Thomas, Sum. theol., 1“, q. Civ, a. 4. Bien En somme, il convient de parler exactement de plus, c’est parce que Dieu conserve les éléments sub­ même manière de la création et de la conservation, et stantiels et par conséquent les énergies et vertus qui la meilleure formule n’est-elle pas celle de saint .Jean Damascene : ή ποιητική δέ αυτού δύνσμις κα'ι ή συν­ découlent de leur nature, que la création n’est pas εκτική καί ή προνοητική ή άγαβή αυτού Οέλησίς έστι... figée dans l’immobilité : évolution et conservation ne Θέλει συνίστασΟαι τον κόσμον κα'ι συνίσταται κα'ι πάντα s’opposent pas. Dieu maintient toute la quantité d’être δσα θέλει γίνεται. De fide orthodoxa, 1. Π, c. xxtx, qu’il a tirée du néant, et l'on ne voit pas pourquoi il l’annihilerait jamais, mais il se contredirait,en empê­ P. G., t. xctv, coi. 964. chant des substances qu i) a faites actives de réagir les III. Agent. — Où l’action est rigoureusement Ia même, le même agent est requis. Voir Création. Cette ques­ unes sur les autres, ou d'évoluer dans la mesure de la plasticité qu'il leur a donnée : les éléments chimiques tion n’oiîre donc pas de difficulté spéciale : c’est un s’attaquent, s’altèrent, se dissocient, se combinent à corollaire de la précédente. nouveau; les causes raisonnables, sans créer ni annihi­ Saint Thomas cependant. Sum. theol., I“, q. Civ, a.2, ler jamais, modifient, façonnent, agencent les matériaux fait remarquer que Dieu conserve toutes choses,sans exclure l’inlluence des causes secondes, bien qu’il soit existants. Les choses ne sont donc stables qu'en pro­ toujours cause principale; et saint Bonaventure, In IV portion de leurs qualités ou énergies naturelles, et des vues très sages de Dieu. Sent., 1. 1. dist. IX, q. iv; 1. II, dist. XXXVII, q. n, observe aussi que la conservation n’appartient pas à 2° L’illusion du concept vulgaire. — C’est là une cause plus profonde des objections ordinaires. Nous Dieu ut a tola causa. n'avons pas de notion plus abstraite que le concept Si l’on veut éviter les confusions, il y a lieu de dis­ d’être; c’est donc par elle que nous concevons toutes tinguer dans les choses avec Valentia, In IV Seni., 1.1, disp. VIII, q. n, p. n, leur être substantiel (esse simpli­ choses, c’est notre unité de pensée. II devient tout na­ turel que nous la regardions comme représentant quel­ citer) et leur nature spécifique (esse specificum) : créa­ tures changeantes, muables, elles peuvent en effet exis­ que chose d’absolu et de subsistant. Rien de plus tolé­ rable dans le commerce ordinaire; dans une recherche ter, sans exister toujours sous la même forme et dans philosophique, au contraire, il y a lieu de remarquer la même espèce. Il est clair dès lors que l’action et la réaction réciproques des causes secondes expliquent seu­ que la créature n’existe que par participation ; dèslors, il ne peut y avoir qu’une pure analogie entre l’être lement la permanence de leur état spécifique ou acci­ contingent et l’absolu véritable, entre Vanalogaluni dentel ; ainsi, dans l’appareil d’une voûte, toutes les princeps, dirait l’École et ses inférieurs. 11 convient pierres s’entresoutiennent, Clément d’Alexandrie, donc de ne pas partir d une conception de l’être fini a Slrom., VIII, 9, P. G., t. ix, col. 597; ainsi les affinités priori, pour obvie et sûre qu’elle paraisse, mais, après chimiques rendent bien raison de la stabilité plus ou moins grande de tels composés définis, non de l’exis­ avoir posé comme 1’1'Ire en qui se vérifie la notion par­ faite de subsistance, la cause première, il faut recher­ tence même des éléments. Malgré l’inlluence mutuelle cher sans parti pris ce que peut être la subsistance des qui fait de l’âme et du corps humain un homme vivant, êtres créés. Ils semblent, il est vrai, se soutenir par ni celui-ci, ni celle-là ne se donnent mutuellement eux-mêmes; la raison montre et la foi prévient que ce l'existence. 11 faut en dire autant de tous les composés ne peut être qu’une apparence.il C’est donc une erreur, dans le système aristotélicien de la matière et de la forme. Si ces composants sont, avec Dieu comme cause écrit Lessius, d’imaginer la créature comme je ne sais quel solide réellement distinct de l’influx de Dieu, ca­ principale, causes partielles de la conservation, cela pable de subsister après soustraction ou partielle ou doit donc s'entendre dans ce sens précis que. maintenus par Dieu et par Dieu seul dans l’existence (esse simpli­ totale de son influence. Ce n'est pas ainsi qu’il faut la citer), ils concourent avec lui au maintien de l’état spé­ concevoir à l’égard de Dieu, mais comme le terme in­ trinsèque de l’action divine, tout comme la lumière est cifique du composé. le terme intrinsèque de l’action du soleil. » Op. cit., Si la conservation n’est qu’une création continuée, 1. X, c. iv, n. 39. elle relève uniquement de celui qui seul peut créer. Dieu remplit sa créature de l’être qu’il lui donne sans S. Thomas, Sum. theol-, IlI», q. xm, a. 2. discontinuer; il la relient pour l’approcher de la source IV. Objections. — Leurs sources principales sont : de vie; il la soutient, pour qu’elle ne tombe dans le 1° L’ignorance de la question. — Puisque la question de néant; il la contient, pour qu’elle ne se désagrège pas. la conservation se pose pour expliquer la persévérance Cf. S. Grégoire le Grand, Moral., 1. II, c. xn, P. L., des êtres dans l’existence, elle concerne strictement les t. lxxv, col. 565; Lessius, op. cit., n. 25, 61. choses à qui convient proprement le concept d’être et Au fait, n’est-ce pas par cette voie seule que peut par conséquent les seules substances complètes, ou, se résoudre ou s’atténuer le problème si ardu, même la dans les systèmes philosophiques qui leur reconnaissent création une fois prouvée, de la coexistence du fini et une existence propre, les parties substantielles, matière de l’infini ? En rigueur, on n’a plus devant soi être et et forme. Dès lors, en revendiquant pour la cause pre­ 1197 CONSERVATION — CONSTANCE (VERTU MORALE) être, mais un seul être : Ego sum qui sum, Exod.. in, 44, 15, et le reste, reliqua quasi non sinl. Et ces deux ordres de réalités ne peuvent s’additionner dans une somme commune, puisqu’il n’y a rien dans les êtres créés qui ne relève adéquatement de l’incréé. Ainsi d’une lumière qui se réfléchit en de nombreux miroirs : plusieurs images, une seule lumière; plura entia, lisent les manuels, non plus entis. S. Bonaventure. In IV Sent., édit. Quaracchi, t. n, p. 866, scholion ; Suarez. Disput. metaph.. disp. XXI. Opera, Paris, 4866, t. xxv, p. 785-802; Lessius. Opuscula, Paris, 1884, 1.1, De perfectionibus moribusque divinis. I. X, et chez ces trois auteurs nombreuses références aux scolastiques; Petau, De Deo uno, I. VIII, c n; Wirceburgenses, Theologia dogmatica, Pa­ ris. 1880, t. m, appendix, p. 497-515; Honlheim, Theodicea, 1893, p. 766; Urrabnru, Theodicea, disp. VI, c. m,t. n,p.707sq. ; Kleutgen, S. J.. La philosophie scolastique, Paris. 1868, t. n, p. 476-519; t. ni, p. 7-27 ; Scheeben, La dogmatique, Paris, 1881, t. ni. p. 21-29: t. n, p. 241-259; Heinrich, Dogmatische Théologie, Mayence, 1888, t. v, p. 279-296. II. Pinard. CONSISTOIRE. Voir Cardinaux, t. n, col. 17221723; et Canonisation, t. n, col. 1652-1654. CONSOBRINUS Jean, ou Sobrinus ou encore Sobrinho, carme portugais, né à Lisbonne, au commencementdu xvesiècle, de parents aussi illustres par leur piété que par leur origine. Très dévot envers la très sainte Vierge Marie, il ne cessa de revendiquer pour elle, par la plume et par la parole, le privilège de la conception immaculée. Sa subtilité et sa logique dans les discussions en faisaient un adversaire redoutable et lui méritèrent le nom de magnus magister. Le roi de Portugal, Alphonse V, l'avait en haute estime et aimait à le visiter et à le consulter en son couvent de Lisbonne. Il mou­ rut empoisonné par les hérétiques vers 1475. Trithéme, Descriptor, eccles., n. 867, et, après lui, d’autres écri­ vains prétendent, nous ne savons sur quel fondement, que Consobrinus passa en Angleterre et professa les lettres à Oxford, et que plus tard, il fut créé docteur en théologie à Bologne, .lean Consobrinus a laissé entre autres un excellent traité De justitia commutativa, arte campsoria ac alearum lutte, in-8», Paris, 1496. Cosme de Villiers. Bibliotheca carmelitana, Orléans, 1752, t. I, col. 827. P. Servais. 1. CONSTANCE, vertu morale. — I.Nature. ILDé- finilion. III. Importance. IV. Vices opposés. V. Moyens de l’acquérir. I. Nature. — Le mot constance désigne la fermeté ou la continuité dans le bien, avec une nuance différente suivant qu'on le fait dériver de constare, être solide­ ment établi, ou desibi constare, être d’accord avec soiméme. Saint Thomas s’attache à la première explica­ tion : Aliquis dicitur esse constans exeo quod, in aliquo stat. Sum. theol., II· Ilæ. q. cxxxvn, a. 3, sed contra. Lessius préfère la seconde. De justitia et jure, 1. Ill, c. H, dub. vi, Louvain. 1605, p. 643. Dans les deux cas, il y a aflinité étroite entre la constance et la persévérance, considérée comme vertu morale. L’une et l’autre ont pour lin d'affermir dans le bien entrepris en dépit des difficultés qui surviennent, perseverantia et constantia conveniunt quidem in fine, quia ad utrumque pertinet firmiter persistere in aliquo bono. S. Thomas, loc. cit., in corp. Mais la constance affermit contre les obstacles venant de l'extérieur, tandis que la persévérance sou­ tient le courage contre la difficulté inhérente à la durée même de l'ellort exigé. Ces deux vertus diffèrent donc uniquement à raison du genre des obstacles qu'elles ont à surmonter, differunt autem secundum ea quæ diffi­ cultatem afferunt ad persistendum in bono. S. Thomas, loc. cil. La ditlérence se réduit par conséquent à bien peu de chose. Aussi Lessius, loc. cit., fait-il observer que < ni les auteurs ni le vulgaire n’ont coutume de 1198 tenir compte de cette distinction, d’ailleurs peu im­ portante au point de vue moral ». Nous parlerons donc ici de ces deux vertus à la fois. IL Définition. — On peut donc définir la constance: la vertu qui donne à l'âme la continuité dans le bien, malgré les difficultés provenant de l'extérieur, et la persévérance : la vertu qui donne à l'âme la continuité dans le bien, malgré la difficulté provenant de la durée elle-même de l'effort exigé. D’après le docteur angélique, Sum. theol., Il* 11«, q. cxxxvn,a. 2. la persévérance, comme d’ailleurs sa com­ pagne. la constance, se rattache à la vertu cardinale de force. Elle s’y rattache soit comme partie intégrante, soit comme partie potentielle. Voir Vertu. — 1° Comme partie intégrante de la force, la persévérance n’est pas une vertu spéciale, mais un élément de la vertu de force, élément indispensable pour que l’acte de cette vertu soit parfait dans son genre. Ainsi, par exemple, un martyr, mourant à petit feu ou traîné de supplice en supplice, ne sera vraiment fort dans toute l’acception du terme, que s'il persévère jusqu’au bout. Cf. S. Tho­ mas, Sum. theol., 11“ II“, q. xlviii, a. 1. Le portrait de l'homme fort tracé par Horace dans ses Odes, 1. Ill, carro. ni, convient à la constance ainsi envisagée : Justum et tenacem propositi virum Non civium ardor prava jubentium Non vultus instantis tyranni Mente quatit solida... Impavidum ferient ruinte. 2“ Comme partie potentielle de la force, la persévé­ rance est une vertu ayant son domaine à elle, son objet propre. Cet objet, ce sont les actes de toutes les vertus, en tant que rendus difficiles par des obstacles extérieurs ou par la durée. L'objet formel, qui en fait une vertu spéciale, est précisément le mérite, la beauté morale de celte fermeté, de cette continuité malgré la difficulté. III. Importance. — L’importance de ces deux vertus est souveraine. Sans elles, les autres vertus sont appe­ lées à disparaître à brève échéance, car. pour la nature déchue, ou n'y a-t-il pas des difficultés dans la pratique du bien? D’abord, tout homme doit vaincre sa versatilité naturelle. Hoc ipsum quod est diu insistere alicui dif­ ficili specialem difficultatem habet. S. Thomas, Sum. theol., 11“ 11“, q. cxxxvn, a. 1. Puis, il faut triompher des obstacles, qui proviennent de l'intérieur, des criti­ ques du monde, de ses scandales, parfois même de ses persécutions. C’est pourquoi la sainte Ecriture est pleine d’éloges pour les deux vertus de constance et de persé­ vérance et de pressantes exhortations à les pratiquer : Sla in testamento tuo.... et in opere mandatorum tuorum veterasce, Eccli.,xi,2l ; stabiles estote et immobiles, abundantes in opere Domini semper. I Cor., xv, 53. Cf. Tob., ii, 18; Ps. xvn, 38; civ, 4; Eccli.. ». 16; XXVII, 12; Matth., x, 22; Luc., ix. 62; Joa., iv, 34; xvn, 4; 1 Cor., ix, 24; Gal., vi, 9; 11 Thess.. in. 13; H Tim., iv, 7; Heb., in, 14; vi. 11; II Joa., vm, 9; Apoc.. n, 26; in. 11. Que si quelques-uns de ces textes ont direc­ tement en vue la persévérance effective, ils s'appliquent cependant aussi aux vertus de constance et de persévé­ rance qui sont un des plus puissants moyens pour per­ sévérer en réalité. Cf. Merz. Thesaurus biblicus, Paris, 1892, p. 103-104, 477-480. IV. Vices opposés. — La vertu de constance et de persévérance tient le juste milieu entre deux extrêmes : l’inconstance ou mollesse et l’opiniâtreté. L’une pèche par défaut, l’autre par excès. S. Thomas, Sum. theol., 11“ II", q. cxxxvm, a. 2. L’inconstance est le vice qui nous fait abandonner sans motif raisonnable la poursuite d’un bien. S'il s'agit d’un bien à faire qui n’est encore qu’en projet, c’est l’inconstance proprement dite; s’il s’agit d’un bien que l'on a déjà entrepris et que l’on abandonne â cause des H99 CONSTANCE (CONCILE DE) difficultés qui surviennent, c'est la mollesse. S. Thomas, loc. cit.; Lessius, De just. et jure, 1. Ill, c. Il, dub. vi, Louvain.. 105,p.643; Polman. Breviarium theologicum, 11“ II», η. 1082, 1083. Malines, 1729, p. 401. Il y a péché mortel si l'on abandonne la pratique d'une œuvre qui tombe sous un précepte grave, péché véniel seulement, si la matière du précepte n’est que légère. Mais si au­ cune loi n’est en jeu, y a-t-il faute, au moins vénielle, à négliger d’accomplir une bonne résolution que l'on a prise? Quelques auteurs l'affirment, d'autres le nient. « Les deux opinions sont probables, » dit saint Alphonse. Theol. mur., I. 111, n. 199. Home, '1905, t. i, p. 499. Donc, en pratique, lex dubia non obligat. Il faut toute­ fois remarquer que ce qui, perse, n'est pas un péché, peut le devenir facilement per accidens, si l'on négli­ geait, par exemple, de tenir une résolution sous l'in­ fluence d'une passion désordonnée. L’opiniâtreté, pertinacia, est le vice qui porte les hommes à rester attachés plus que de raison à leur ma­ nière de voir ou d’agir. S. Thomas, loc. cit., a. 2. On l'appellerait volontiers entêtement, si le mot n’était trop vulgaire. L'homme opiniâtre est le ίσχυρογνώμων ou le ίοιογνώμων d’Aristote. Elh., 1. VII. c. IX. Ainsi entendue, l'opiniâtreté est, d'après Lessius, loc. cit., un péché vé­ niel ou mortel, selon la matière. Ce serait le cas, par exemple, d’un législateur qui, par obstination, refuse­ rait d'abroger une loi qu'il sait être funeste à son État. V. Moyens de l'acquérir. — Ces moyens sont diffé­ rents, selon que la vertu de persévérance est envisagée dans son opposition avec l’inconstance ou avec l'opiniâ­ treté. Voici les principaux : 1° Contre l’inconstance. — 1. Méditer souvent sur la folie de l’inconstance. Sic stulti estis, ut cum spiritu coeperitis, nunc carne consummemini. GaL, 111, 3. Les laïens eux-mêmes ne disaient-ils pas : Maximum indi­ cium malæ mentis est fluctuatio. Sénèque, Epist., cxx. Louis de Grenade trace ce tableau de l'inconstance dans les exercices de piété : « Certains caractères sont incapables de poursuivre avec constance un même dessein... véritables Sysiphes qui s’obstinent à rouler un rocher au haut d’une montagne d'où il retombera aussitôt. » De l'oraison et de la considération, part. II, c. Il, § 10, Œuvres complètes, trad. Bareille, Paris, 1863, t. xt, p. 280-283. Méditer, d’autre part, sur la né­ cessité et les avantages d'une persévérance obstinée. Pour atteindre un but, il ne suffit pas de commencer, il faut continuer. « La persévérance, c’est la plénitude des forces, le couronnement des vertus, la racine du mérite, la source de la récompense. »S. Bernard, Epist., cxxtx, P. L., t. ci.xxxtt, col. 284. — 2. Prévoir les obs­ tacles et fortifier son âme â l’avance : en réduisant à leurs proportions véritables des difficultés qu'exagère une folle imagination; en détachant son cœur des faux biens par lesquels ses ennemis voudraient le séduire; en méprisant les maux dont ils menacent : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps et qui après cela n’ont rien â vous faire davantage, » Luc., xn, 4; surtout en comptant sur le secours de Dieu : « .le puis tout en celui qui me fortifie. » Phil., iv, 13; I Cor., ix, 13. — 3. Exercer sur un champ restreint son activité. Ce conseil convient surtout â la persévérance dans les exercices de piété. Les saints recommandent de fixer un petit nombre de résolutions soigneusement con­ trôlées. Cf. Loliner, Biblioth. manualis concionaloria, tit. cxvi, § 10, n. 4. Bassano, 1787. t. v, p. 180. — 4. Enfin, l’éducation virile joue ici un rôle considé­ rable. Aussi une des règles de la pédagogie doit être de former des hommes de caractère, persévérants à la tâche, constants malgré tout. Cf. Guibert. Le caractère, c. t. § 3; c. ni, § 2; c. vi, § 3, Paris, 1905, p. 15-21, 79115, 227-247. 2» Contre l'opiniâtreté. — 1. Combattre l’orgueil et la recherche de la vaine gloire qui sont presque tou­ 1200 jours à la racine de ce vice. — 2. Considérer combien lout homme est exposé â se faire illusion sur son propre compte et se rappeler en particulier les occasions où l’obstination a été pernicieuse. — 3. Bien se persuader qu’il n’y a pas de honte à confesser son erreur. Dans la préface de la 2« édition de sa Théologie morale, saint Alphonse fait cet aveu : «Me reconnaissant homme, j’ai réformé, après plus mûr examen, quelques-unes de mes opinions. Et je n'ai pas rougi de le faire, puisque saint Augustin lui-même n'a pas craint de se rétracter en plus d’un point. C’est ce qu'a fait également saint Thomas, dans sa Somme theol., 1II“. q. ix, a. 9. Et de vrai, comme l’a dit Cicéron : Nunquam laudata fuit in una sententia permansio. » Theol. moralis, Rome. 1905, t. i, p. lv. S. Thomas, Sum. theol., Il· Π·. q. cxxvn, c.xxxvm, et ses commentateurs, surtout Cajetan, In II·· II", q. cxxxvn, cxxxvm, Rome, 1570, p. 326-329; Lessius. De justitia et jure, 1. III, c. il, dub. VI, Louvain, 1605, p. 642, 643; S. Alphonse. Theol. moralis, I. ΠΙ, n. 199, Rome, 1905, t. I, p. 499: .Marc, Institutiones alphonsianæ, n. 406, 13· édit., Rome. 1906, t. i. p. 260. — Pour la partie pratique, Louis de Grenade, De l'oraison et île la con­ sidération, part. H. c. II. §10, Œuvres complètes, trad. Bareille, Paris. 1863, t XI, p. 280-283: Lohner, Bibliotheca manualis ccncionatoria, tit. cxvi, Bassano, 1787, t. V, p. 171-189; Gui­ bert, Le caractère, Paris, 19u5. G. Blanc. 2, CONSTANCE (Concile de). Réuni pour mettre fin au grand schisme d'Occident, le concile de Constance, sans se ranger au nombre des grands con­ ciles qui ont élaboré la doctrine catholique, tient cepen­ dant une place importante dans l'histoire du dogme et de la théologie. Sur lui s'appuient, â tort ou â raison, les théories gallicanes relatives aux pouvoirs respectifs du pape et des conciles œcuméniques; il a condamné les doctrines hérétiques de Wycleffet de .Jean llus; il a inauguré le régime des concordats; il s'est enfin pro­ noncé sur un certain nombre de questions dogmatiques ou disciplinaires de portée moins générale. On n’insis­ tera ici que sur les faits qui touchent à l'histoire de la doctrine. — I. Convocation et préliminaires du concile. II. Mesures prises pour assurer la fin du schisme et décrets des IVe et V' sessions relatifs aux pouvoirs du concile œcuménique. III. Condamnation des erreurs de WyclefT et de Jean Ilus. IV. Les réformes et les concor­ dats. V. Questions secondaires. VL Autorité des décrets du concile de Constance. I. Convocation et préliminaires du concile. — L'élu du concile de Pise, Alexandre V, était mort le 3 mai 1410, el il avaiteu pour successeur le cardinal Balthazar Cossa qui avait pris le nom de Jean XXIII. Celui-ci n’avait pu déterminer â céder ni l’un ni l'autre de ses deux compétiteurs Grégoire XII et Benoit XIII. Vive­ ment attaqué par Ladislas de Naples, Jean XXIII se tourna vers le roi de Hongrie, Sigismond de Luxem­ bourg, qui fut élu roi des Romains le 21 juillet 1411. A ce prince s'adressèrent tous ceux qui voulaient, par le moyen d'un concile, mettre fin au schisme et aux dé­ sordres qui désolaient l’Église. Sigismond se prêta à leur désir. Conformément au décret de l’assemblée de Pise, Jean XXIII convoqua un concile à Rome pour le 1"· avril 1412; mais il fut obligé de le proroger. Ce con­ cile ne se réunit qu'au commencement de 1413 et ne rendit qu'un seul décret de quelque importance, celui qui condamnait les écrits de Wyclell’ et défendait de les commenter devant le peuple. A peine les Pères qui le composaient s’étaient-ils séparés, que Ladislasde Naples entrait dans Rome par la brèche et pourchassait le pape Jean XXIII. La mort de Ladislas (6 août 1414) devait être un obstacle de moins pour la pacification. Cependant, descendu dans la Haute-Italie, Sigismond s’occupait activement de la réunion du concile, et il voulait même le réunir à Constance. Jean XXIII tenait pour une ville qui lut sous sa domination, mais il finit 1201 CONSTANCE (CONCILE DE) par laisser carte blanche à ses légats qui rencontrèrent Sigismond à Côme et cédèrent à son désir, .lean XXIII, que la plupart des cardinaux avaient déjà abandonné de cœur, regretta, mais trop tard, l'autorisation qu’il avait donnée. Dès le 110 octobre !413, l'empereur Sigis­ mond annonçait à la chrétienté que le concile s’ouvri­ rait à Constance le l'r novembre 1414 et que lui-méme y assisterait. Parmi les princes chrétiens, quelques-uns déjà se montraient jaloux du rôle prépondérant qui revenait à l’empereur. Néanmoins .lean XXIII, pressé par Sigismond, lança, de Lodi, la bulle de convocation au concile (9 décembre 1413). Les cardinaux ne le lais­ sèrent pas rentrer à Rome, où la République avait été proclamée après la mort de Ladislas. Après avoir exigé des bourgeois de Constance toutes sortes de garanties, Jean XXIII prit, fort à contre-cœur, le chemin de leur ville, où il fit son entrée solennelle le 28 octobre 1414. Le 1er novembre le concile fut déclaré ouvert. Le car­ dinal Zabarella proclama que la première session aurait lieu le 16; d’ici la on devait prendre diverses disposi­ tions préliminaires; le 17 novembre, arriva le cardinal Pierre d’Ailly, qui allait ètre l’âme de l’assemblée; le 19 décembre, le cardinal de Raguse, Jean Dominici, investi des pouvoirs de Grégoire XII. Le 24 décembre, Sigismond, qui venait de se faire couronner à Aix-laChapelle, fit son entrée à Constance. Ce concile fut une grande assemblée de l’Europe chrétienne. Sigismond y avait convoqué tous les princes. Ils ne vinrent pas en personne, mais furent représentés par des ambassadeurs : ceux de Charles VI, avec Ger­ son à leur tête, ceux d’Henri V, dont le comte de War­ wick, ceux de l’empereur Manuel 11 Paléologue, ceux des rois de Sicile et de Pologne. Sigismond amenait avec lui Philibert, grand-maitre de l’ordre teutonique, le duc Frédéric et le duc Albert d’Autriche, le palatin Louis, l’électeur de Saxe Rodolphe, le burgrave de Nu­ remberg, Frédéric de Hohenzollern, qui venait de recevoir le gouvernement du Brandebourg, le duc de Mecklembourg, le duc de Lorraine. S’y trouvèrent les plus grands personnages de l’Église, cardinaux, évêques, docteurs, représentants les plus illustres des univer­ sités, même des hommes brillants dans l’histoire des lettres, Le Pogge, secrétaire apostolique sous Boniface IX et les sept papes suivants, Léonard Aretin, etc. Le chroniqueur du concile Ulrich von Richenthal évalue à 18000 le nombre des ecclésiastiques, à 50000 le nombre des laïques qui séjournèrent, à 150000 le nombre de ceux qui passèrent à Constance pendant le concile. On menait d'ailleurs une vie animée et parfois joyeuse, les cérémonies, processions, tournois, etc., coupant agréablement les longues et pénibles discus­ sions. Le principal instigateur du concile, qui devait même un moment en être le président laïque, Sigismond de Luxembourg, était venu à Constance non seulement pour travailler à la paix de l’Église, mais aussi pour établir sa propre suprématie sur l'Europe occidentale. Sigismond, réélu empereur à l’unanimité en 1411, avait une puissance plus grande que ses prédécesseurs; roi de Hongrie, héritier de la Bohème, ses États s’éten­ daient des Balkans à la Baltique et des Karpathes au Rhin. Lui-même n’était pas un homme ordinaire; il était beau, instruit, etc.; toutes ses qualités avaient un caractère théâtral. Il jouait un peu la comédie : Qui nescit dissimulare, nescii regnare. Sa volonté était moins ferme que ses intentions n’étaient hautes. Quels allaient être les chefs ecclésiastiques du con­ cile? Qui allait le présider? Jean XXIII apparaissait en première ligne comme le successeur de l’élu de Pise. Il a laissé la plus triste réputation et n’a trouvé que fort peu de défenseurs. Mor Hefele a montré qu’il y avait de l’exagération dans ces attaques et que, comme Boniface VIII, Jean XXIII avait été en butte à d'incessantes 1202 I et atroces calomnies. Il est probable qu’il avait com­ battu sur mer dans sa jeunesse et que de là était venue cette réputation de corsaire qu’on lui fit. Il avait étudié, était ductor utriusque juris. Camérier de Boniface IX qui l’avait fatten 1402cardinal diacre de Saint-Euslache, I il avait exercé les fonctions de légat à Bologne. Thierry de Niem l’accuse d’avoir scandalisé les habitants par ses débauches et de les avoir écrasés d’exactions Thierry de Niem est partial et vindicatif. H est certain qu’il fit rentrer le territoire de Bologne dans l’obéis­ sance du saint-siège et qu'il donna une assez haute idée de son intelligence et de son énergie pour inspirer aux cardinaux français et italiens la volonté de l’éle­ ver au souverain pontificat. Jean XXIII avait semblé justifier ce choix par les cardinaux qu’il nomma : Pierre d’Ailly, Gilles Deschamps, Zabarella, Robert Hallam, Guillaume Filastre, Simon de Cramaud, et plu­ sieurs autres. Mais il n’était pas capable personnelle­ ment de comprendre les vices de la curie romaine et d’en souhaiter sincèrement la correction. Léonard Are­ tin a prononcé sur lui ce jugement qui pourrait être celui de l’histoire : Vir in temporalibus quidem ma­ gnus, in spiritualibus vero nullus omnino atque inep­ tus. Paroles que reproduit textuellement saint Antonin. Platina, Vies des pontifes romains, montre en lui un de ces hommes qu’on peut en tout temps opposer aux tyrans usurpateurs, mais qui in omne tamen plus ferociæ plusque audaciæ el secularitatis erat quam ejus professio requirebat, militaris prope habebatur ejus vita; militares mores,adeo ut multa eliam qua: loqui fas non est sibi licere arbitrabatur. Sigismond avait bien paru considérer Jean XXIII comme le vrai pape, puisqu’il avait traité avec lui de la réunion du concile, mais il paraissait déterminé à l’abandonner si les intérêts de l’Eglise et de l’empire le demandaient. Aussi Jean XX111, non content d’exiger des garanties nombreuses pour sa personne, avait signé à Méran un traité secretavec Frédéric d'Autriche,qu’il nomma capitaine de l’Église romaine et qui s’engagea à protéger sa liberté, au besoin à faciliter son évasion. Jean XXIII comptait encore sur le duc de Bourgogne, sur le margrave de Bade, sur l’archevêque de Mayence. Malgré tout il n’était pas rassuré; dans le voyage.il avait laissé échapper des propos étranges, celui-ci entre autres : Hic vulpes capiuntur ! En tout cas, ses compétiteurs ne méritaient guère de lui ètre préférés par les princes ou par le concile. Bej noit Xlll avait lassé tout le monde par ses violences; il était retiré en Catalogne où il était reconnu par une I partie des Espagnols. Grégoire XII, alors âgé de 87 ans, droit, de mœurs pures, n’avait tenu aucun des engage­ ments pris et s’était acharné à rester pape; il avait refusé de se soumettre au verdict de Pise et déchaîné contre Jean XXIII les armées de Ladislas de Naples. Seule la mort soudaine de Ladislas avait rendu possible la réunion du concile. Alors Grégoire s’était réfugié auprès de Carlo Malatesta, seigneur de Rimini, qui devait avec le palatin Louis de Bavière le défendre à Constance. De cet état de choses il résultait que, soutenu par l'empereur, le concile allait pouvoir agir en arbitre et en maître. La présence de cinq patriarches, vingt-neuf I cardinaux, trente-trois archevêques, plus de cent cin­ quante évêques, cent abbés et trois cents docteurs lui ( donnait d'ailleurs toute l’autorité morale nécessaire. I Le danger était, on ne tarda pas à s’en apercevoir, que, fort de celte autorité et de l’indignité des pontifes, il n’oulrepassàt ses droits et ne posât des principes dan­ gereux pour l'avenir. II. Mesures prises pour assurer la fix du schisme ET DÉCRETS REIATIFS AUX POUVOIRS DU CONCILE ŒCUMÉ­ NIQUE. — 1° Supériorité du concile. — La question de la solution du schisme impliquait celle de l'autorité du 1203 CONSTANCE (CONCILE DE) concile. Pour que le schisme prit fin, il fallait que le concile fût tout-puissant. Or, sans le pape, comment pouvait-il être tout puissant? Et que pensaient les papes? Benoit Xlll voulait négocier directement avec l’empe­ reur; Grégoire XII consentait à se démettre, pourvu que Jean XX111 ne fût pas regardé comme le vrai pape et ne présidât pas;Jean XXIII se regardait comme le vrai pape et entendait agir comme tel; il faisait arracher du couvent des franciscains les armes de Grégoire XII etcanonisait Brigitte de Suède. Il soutenait que la déci­ sion du concile de Pise était irréformable, qu’il était le successeur du pape légitimement élu et que le concile de Constance le devait tenir pour vrai chef de l’Eglise. Evidemment la situation était des plus embarras­ santes; le seul espoir d’en finir légitimement était que h s trois se démissent en même temps. Mais s’ils ne voulaient pas? Les Italiens étaient d’avis que le con­ cile de Constance confirmât le concile de Pise sus­ pendu par Alexandre V, en reconnût et en exécutât les décrets, reconnût par conséquent Jean XXIII et déter­ minât celui-ci à obtenir dans le délai d’un an, fût-ce parla force,la soumission d'Ange Corrario et de Pierre de Luna (Grégoire Xll et Benoit XIII). Pierre d’Ailly, appuyé par Filastre, répondait que les conciles de Pise et de Constance étaient égaux pour l’autorité ; qu’ainsi l’un n’avait pas besoin d’etre con­ firmé par l’autre ; qu’au contraire une confirmation pareille ferait naître une infinité de doutes et de scru­ pules, qu’elle blesserait ceux qui niaient la légitimité du concile de 1409 et que d’autres y trouveraient un prétexte de s’élever contre tout ce qui s’était fait à Pise. Il ne voulait pas qu'on usât de la voie de fait contre les papes. « Ce moyen, disait-il, est très difficile, et il n'y a pas d’apparence qu'on puisse le mener â bonne fin. Il faudrait plutôt tenter l’abdication volontaire, en offrant une position acceptable à celui des prétendants qui voudrait céder pour le bien de la paix. » Déjà Pierre d’Ailly entrevoyait la solution par l’abdication imposée aux trois papes ou peut-être leur déposition. Par con­ séquent, à ses yeux, l'œuvre de Pise pouvait être con­ testée, mais il en concluait faussement à la faillibilité des conciles. « Si l’on nous objecte que c’est porter at­ teinte au concile de Pise, je réponds qu'en supposant même la légitimité de ce concile, il n’est pourtant pas essentiel de croire qu’il n'a pas pu se tromper. Car, selon quelques docteurs célèbres, le concile général peut errer, non seulement dans le fait, mais aussi dans le droit et dans la foi ; au lieu qu’il n’y a que l’Église universelle qui ne puisse errer dans la foi ; selon cette parole de Jésus-Christ au prince des apôtres : Pierre, votre foi ne manquera pas : ce qui s’entendait non de la foi personnelle de saint Pierre, mais de la foi de toute l’Église. » Le cardinal d’Ailly était entraîné à cette doctrine étrange et erronée, afin de garder sous la main une solution pour l’opposer â ceux qui insisteraient trop sur les décrets de Pise et la légitimité d’Alexandre V et de Jean XXIII. C’est par des motifs du même genre qu’il se trouva conduit â soutenir le principe faux de la supériorité du concile sur le pape : Universalis Eeclesiæ a Christo non a papa hoc privilegium auctoritatis habet quod in fide errare non potest; talem auctorita­ tem non habet papa... major est auctoritas Eeclesiæ vel concilii quam papæ. Notion tout à fait fausse du concile général qui ne peut se passer du pape. Jusque-là pourtant on n’avait attaqué Jean XXIII qu’à mots couverts. On allait aller plus loin. Vers la fin de janvier, le cardinal de Saint-Marc (Filastre) faisait paraître un écrit : De causa unionis, où il s’attachait à démontrer que des divers moyens d'arriver à la pacification, le meilleur était la démission des trois prétendants. Jean, s'il était le vrai pasteur, ne pouvait se refuser à abdiquer, car le vrai pasteur donne sa vie pour ses brebis, mais en cas de refus, 1204 compelli potest, si recuset... et, si non paret, deponi tanquam scandalizans Ecclesiam Dei. Lui aussi admet­ tait donc en fait la supériorité du concile général. La question du mode de votation, très importante au point de vue du résultat final, fut posée en janvier 1415. Elle fut soulevée par un écrit des Allemands paru en même temps que le De causa unionis de Filastre. Ils voulaient que les évêques et les abbés mitrés n’eussent pas seuls voix judicative et définitive, mais que le même droit fut attribué aux représentants des évêques, des abbés, des chapitres, des universités, aux docteurs et aux envoyés des princes. Pierre d’Ailly affirma que, sur ce point, la discipline avait varié ; qu’un évêque titulaire ou même qu'un évêque n’ayant qu'un petit diocèse ne.sauraient jouir d'un droit égal, par exemple, à celui de l’archevêque de Mayence ; que d’autre part les docteurs en théologie, surtout ceux qui prêchent, et les docteurs en droit, sur­ tout ceux qui enseignent, doivent être appelés à voter. Selon Pierre d’Ailly, l’objection qu'il n'y avait jamais eu de docteurs dans les anciens conciles ne reposait sur rien, puisqu’alors on ne conférait point de grades. D’Ailly, comme Gerson et les premiers gallicans, exagé­ raient le rôle des docteurs. Filastre admettait le vote des simples prêtres pour les questions mixtes (temporel mêlé au spirituel), comme la cessation du schisme ; il est douteux qu’il admit leurs votes dans les matières de foi et de même il exclut les laïques des jugements pu­ rement dogmatiques. Jean XXIII voulait que les évêques et les abbés mitrés eussent seuls droit de vote. Ses adversaires voulaient précisément neutraliser ces votes. Le concile n’exclut personne du droit de suffrage. Mais comment prendre les suffrages en présence d’une pareille multitude? L’idée de voter par nation se fait jour (7 février 1415). Voterat-on par tète suivant l'ancien usage ou par nation ? Outre la difficulté pratique, on cherchait à retirer l'avantage aux Italiens qui formaient à eux seuls la moitié du con­ cile. Jean XXIII voulait le vote par tète, conforme aux traditions ecclésiastiques et qui lui assurait un grand avantage. Le concile admit le vote par nation : italienne, allemande, française et anglaise, auxquelles on ajouta plus tard espagnole, quand on eut fait le procès de Pierre de Luna. La nation anglaise, très hostile à Jean, comptait 20 membres seulement, dont neuf clercs et trois prélats. La France et l'Italie comptaient à elles deux au moins 200 prélats. Pour chaque nation on choi­ sit un certain nombre de députés clercs et laïques. Le président des députés de chaque nation devait être renouvelé chaque mois. Les réunions devaient se tenir séparément et se communiquer réciproquement ce qu’elles auraient décidé. Quand elles se seraient enten­ dues sur un point, on réunirait une congrégation géné­ rale des nations, nationali 1er, et l'article universelle­ ment adopté serait soumis à la session générale du concile pour y être approuvé conciliariter. Les cardi­ naux durent voter avec leur nation. Tous ces préliminaires achevés, un membre inconnu de l’assemblée remit secrètement aux quatre nations, avec une demande d'information juridique, un libelle où étaient énumérés les crimes imputés à Jean XXIII. Le scandale fut grand, mais le premier moment d’émo­ tion passé, on n'hésita pas à l'exploiter contre Jean. Le papeconsterné réunit lescardinaux ses amis et leur fit des aveux, offrant de faire devant le concile une confes­ sion publique, et persuadé d'ailleurs que cette confession n’entraînerait pas sa déchéance, puisque l’hérésie seule pouvait entraîner la déposition d'un pape. On lui con­ seilla d’attendre. Mais le concile n’attendit pas et le 15 février lui demanda sa cession. Le lendemain 16, Jean XXIII fit lire par Zabarella, dans une congréga­ tion générale, un acte par lequel il consentait à abdiquer, pourvu que Corrario et Luna, déclarés hérétiques, en 1205 CONSTANCE (CONCILE DE) lissent autant. Le mode, la forme, les conditions et l'époque de cette cession, tout serait déterminé par les commissaires de .lean et ceux des nations. La formule fut trouvée trop vague et trop violente pour les papes rivaux. Gerson arrive avec les représen­ tants de l’université de Paris et s’entend avec les Alle­ mands et les Anglais. Une nouvelle formule est rédigée. Le 1« mars 1415, .Jean est réduit à lire sa cession. Ego... profiteor,spondeo... sponte et libere dare pacem ipsi Ecclesiæ per viam nice simplicis cessionis pa­ pains, et eam facere et adimplere cum effectu... si et quando Petrus de Luna... et Angelus de Corrario... papatui quem prœlendunt... simpliciter cedant, et etiam in quocumque casu poterii dari unio Ecclesiæ Dei ad extirpalionem pressentis schismatis. Cet acte fut reçu avec allégresse. La renonciation promise par .Jean XXIII était un préliminaire essentiel à l’abdication des deux autres papes. On comptait assez sur celle de Grégoire XII, parce que ses nonces procédaient de bonne foi à l’union et que d'ailleurs les princes et les évêques de son obé­ dience promettaient de l’abandonner s'il refusait d’ab­ diquer le pontificat. Benoît Xlll s’était bien gardé de s’avancer si fort avec le concile. Les nonces et les ambassadeurs d’Aragon demandaient que Sigismond se transportât â Nice, pendant que Benoit et Ferdinand d’Aragon iraient à Villefranche. L'empereur consentit. .Mais pour abréger les négocia­ tions de Nice et de Villefranche, on jugea qu'il fallait engager Jean XXIII à constituer procureurs de sa cession l'empereur et les principaux prélats qui l'accompa­ gnaient. Le projet fut approuvé par la France, l'Alle­ magne, l'Angleterre, rejeté hautement par Jean XXIII, soutenu par l’Italie (9 mars). Le jour même on soup­ çonna que le pape et les Italiens voulaient quitter le concile; Sigismond lit garder la ville. Jean XXIII ac­ corda qu’il ne fût permis â personne de quitter le con­ cile, que le concile ne pùt être dissous ou prorogé avant le rétablissement de l’union, mais il voulait aller personnellement à Nice. Cette proposition, qui déran­ geait les plans de l'empereur, irrita fort Allemands et Anglais, auxquels se joignirent bientôt les-Français qui avaient d’abord accueilli avec sympathie l'idée du pape mais qui cédèrent aux exigences, pourtant un peu trop hautaines, de l'empereur. Néanmoins les Français ne voulurent jamais adhérer â l'idée des Anglais de faire arrêter le pape. A la suite d'une scène violente avec l’évêque de Salis­ bury à qui Sigismond sembla donner raison, Jean XXIII ne songea plus qu'à s’enfuir. Frédéric d’Autriche lui en facilita les moyens, en annonçant pour le 20 mars un grand tournoi. Au milieu des fêtes, Jean, déguisé en palefrenier, réussit à s'évader. Il gagna SchafTouse, où Frédéric, souverain de cette ville, se hâta de le rejoin­ dre. D’ailleurs, il eut soin d'écrire à l'empereur et aux cardinaux qu'il ne retirait pas ses promesses. En même temps, il essaya d’intéresser à sa cause le gouverne­ ment français et de faire venir près de lui le sacrécollège. La fuile de Jean XXIII avait causé une grosse émo­ tion à Constance. Sigismond maintint l'ordre, empêcha la dissolution du concile, accusa de trahison Frédéric d'Autriche et entreprit de ramener le pape. Le sacrécollège décida de traiter les affaires avec les quatre nations et envoya une délégation à Schaffouse. Il s'agissait maintenant de savoir si le concile rédui­ rait le pape par la voie d’autorité. Lu huit jours, sous la pression des circonstances, il allait en venir à for­ muler la doctrine de sa supériorité. Les délégués fran­ çais se signalèrent par la violence de leurs revendica­ tions en faveur du concile. Le 23 mars, Gerson exposait dans un discours les idées de son De auferibilitate papæ; d'autres membres de l'université de Paris allèrent 1208 encore plus loin, ainsi que beaucoup d’ecclésiastiques du second ordre. Le 26, malgré une lettre de Jean XXIII aux cardinaux où il les déclarait tous ses procureurs dans cette allaire et l'absence de tous les cardinaux sauf deux, et de beau­ coup d'évêques, le concile dans sa III» session adop­ tait conciliariter les conclusions de Pierre d'Ailly sur le droit de l'assemblée à accomplir l’œuvre commencée, malgré l’éloignement ou l’opposition du pape, et à n’étre transférée que pour une raison suffisante et de son propre consentement. D'Ailly el Zabarella protes­ tèrent d’ailleurs qu’ils demeuraient fidèles à l’obé­ dience de Jean XXIII. Le 29 mars, jour du vendredi-saint, â une réunion tenue chez les franciscains, les nations de France, d'Allemagne et d'Angleterre rédigèrent quatre articles devenus fameux: 1° Le saint concile de Constance légitimement assemblé, formant un concile œcuméni­ que et représentant l’Église militante, tient son auto­ rité immédiatement de Dieu, et toute personne de quel­ que dignité qu’elle soit, même papale, est obligée d'obéir au concile, en tout ce qui regarde la foi, l’extirpation du schisme et la réformation de l’Église tant dans le chef que dans les membres. — 2° Toute personne, de quelque dignité qu'elle soit, même papale, est tellement obligée d’obéir aux décrets du concile ou de tout autre concile canoniquement assemblé, sur les points qu’on vient de dire, que si elle y résiste opiniàtrémenl, on pourra la punir selon les lois et les voies de droit. — 3° L'autorité du concile étant extrêmement utile et même nécessaire à l’Église pour le maintien de la foi, de l’unité et des mœurs, la fuite du pape est un scandale manifeste, une opposition formelle à tous les engage­ ments qu’il a pris ; s’il ne se met en devoir de se jus­ tifier ou de satisfaire au concile,il se rendra extrêmement suspect de schisme et même d’hérésie. — 4° Le pape Jean XXIII el toutes les personnes invitées au concile ont joui d une pleine liberté à Constance, et cette liberté n’a encore reçu aucune atteinte. Les cardinaux et les membres de la nation d'Italie no prirent point de part à la congrégation où tout ceci fut arrêté. Ils prièrent Sigismond de ne pas permettre que les quatre articles précédents fussent publiés le lende­ main par le concile conciliariter. Ils se plaignaient qu'on fit mention dans le premier de la réformation de l'Eglise tant dans le chef que dans les membres, et. pour les trois autres, ils les rejetaient absolument comme contraires à l’honneur du pape. Sigismond essaya d'amener un accord ; â la IV» session (30 mars) Zabarella ne lut que le 1·Γ des 4 articles, moins le dernier membre de phrase et deux autres beau­ coup moins injurieux pour le pape que les art. 2-4. Mais au même moment on apprenait que Jean XXIII venait de s’enfuira Laulïenbourg et on rapporta qu'il avait fait dresser un acte de protestation contre lout ce qui s’était passé dans la II· session, celle du 2 mars, où il avait lu son acte de cession. Cependant le 4 avril par une lettre adressée à tous les fidèles, Jean XXIII devait encore affirmer qu'il persistait dans son dessein de renoncer à la papauté. Cette fois encore un certain nombre de cardinaux et de prélats allèrent rejoindre le pape. Ses adversaires résolurent de reprendre les quatre articles votés le vendredi-saint. Le 6 avril 1415, se tint, sous la présidence du cardi­ nal Orsini, la V» session, devenue, comme la IVe, célè­ bre dans l'histoire de l’Église gallicane, principalement à cause des conclusions qti’en tira le clergé de France, en 1682. Sept cardinaux y assistèrent, pour éviter le scandale, dirent-ils, mais non pour approuver ce qui se passerait; quatre, entre aulres P. d’Ailly, firent dé­ faut; l’empereur, entouré de princes, y parut dans tout l'appareil de la majesté impériale, et I on compta dans 1207 CONSTANCE (CONCILE DE) l’assemblée 200 membres en tout, prélats ou ecclésias­ tiques du second ordre. André, évêque de Posen, donna lecture des cinq arti­ cles précédemment sanctionnés par les Pères. Le 1er rétablissait la clause supprimée dans la IV» session in his quæ pertinent ad... reformationem Ecclesiæ in capite et in membris. Le 2«, écarté dans la IV'ses­ sion. menaçait de peines le pape s’il refusait d'obéir au concile de Constance ou à tout autre concile légitimement assemblé. Le 3e et le 4' (2eel 3' de la précédente session) défendaient au pape de faire sortir de Constance sa cour sans l’assentiment du concile et annulaient toutes les condamnations lancées par .lean XXIII, depuis sa fuite, contre les membres ou les adhérents du concile. L’article 5 reproduisait le 4' de la congrégation du 29 mars, déclarant que Jean et les membres du con­ cile avaient joui et jouissaient d’une pleine liberté. Les Pères donnèrent leur approbation. Tels sont les fameux articles de Constance que le concile de Bâle devait reprendre en en aggravant la portée. On en discutera plus bas l’autorité. 2» Déposition de Jean XXIII. — Le concile, après avoir affirmé son droit, n’avait plus qu’à frapper des coupsdécisifs. Il envoie aux princes, aux universités, etc., un mémoire exposant sa conduite, la fuite du pape, etc. Frédéric d’Autriche est mis au ban de l’empire. Jean XXIII effrayé gagne Fribourg, puis Brisach. Dans la VI' session (17 avril 1415), présidée par le cardinal de Viviers, on adopte la formule d’abdication qui sera présentée au pape. Celui-ci nommera de nou­ veaux procureurs, dont il n’aura même pas absolument le choix, et qu’il ne pourra plus révoquer; le consentementde deux d’entre ces procureurs suffira à rendre, même à l’insu de leurs collègues, la cession valable. Des députés, dont Zabarella et Filastre, sont envoyés au pape qui essaie de gagner la Bourgogne, afin de s'enfermer â Avignon. Il ne le peut.se laisse ramener à Fribourg, promet sa démission en stipulant qu'on ne fera rien contre Frédéric d’Autriche (29 avril). Celui-ci, moins généreux, s’humilie devant Sigismond et s'en­ gage à ramener le pape à Constance. Dans la VII' session (2 mai), des poursuites contre Jean XXI11 sont réclamées; on l’accuse d’hérésie no­ toire, de complaisance pour le schisme, de dilapidation des revenus ecclésiastiques, d'inconduite et d’opiniâ­ treté. On lui accordait pour comparaître un délai de neuf jours, sous peine d’être ensuite suspendu et déposé. Le pape hésite à se présenter en personne, charge Filastre, Zabarella et d’Ailly de le représenter. Mais à la IX” session (13 mai), où le promoteur demande la déposition du pape, Filastre et Zabarella refusent de le défendre et d’Ailly ne vient pas â la séance. Le lende­ main, X” session, Jean XXIII est déclaré opiniâtre dans ses scandales, sa simonie, etc., et suspendu. Dé­ fense est faite aux fidèles de lui obéir. Il fallait maintenant presser les informations contre Jean XXIII et tout le temps y fut consacré depuis le 16 jusqu’au 24 mai. On produisit contre lui 72 chefs d’accusation, dont beaucoup ne prouvent que la crédu­ lité de la haine. A partir du 17 mai. le pape ne fut plus cité que pour la forme, parce qu’alors il tomba dans l’entière dépen­ dance de l’empereur et du concile. Le duc d’Autriche l’avait abandonné. Au lieu d’aller courageusement au concile, Jean XXIII se laissa conduire, sous la garde du burgrave de Nuremberg et de l’archevêque de Besançon, au château de Badolfszell, â cinq lieues de Constance. On l’y enferma sous la garde de quatre des membres du concile choisis parmi ses adversaires. Dès que le pontife fut arrêté, les cardinaux le char­ gèrent dans leurs dépositions, sans qu’aucun osât ou crût devoir lui témoigner de la compassion ou de la reconnaissance. On lui porta l’annonce de la suspense 1208 prononcée contre lui par le concile et il la reçut avec beaucoup d'humilité et s’excusa d’une partie des fautes qu’on lui imputait. Il consentit â rendre l’anneau du pêcheur et le sceau des bulles. Le 25 mai, XI" session, on lut 54 articles d'accusa­ tion. A la suite de chacun on ajoutait : ceci est prouvé par deux, trois, quatre témoins ou plus. « Si l’on veut juger de la gravité de ces crimes, dit Jager, il n'y a qu'à se représenter tout ce que l’homme le plus scélé­ rat pourrait commettre d’infamies, d'injustices, de bri­ gandages et de sacrilèges, ayant en main l’autorité suprême et tenant la première place dans l’Église. » Le 29 mai, XII'session, le promoteur requit que l’on procédât â la déposition de Jean XXI11. Le décret fut aussitôt porté : Vt si contingat sedem apostoticam quovis modo vacare, in prima illius vacatione ad ele­ ctionem futuri summi pontificis nullo modo proceda­ tur sine deliberatione et consensu hujus sacri generalis concilii Constantiensis. L'évêque d’Arras, Martin Porée, lut le décret de déposition : Sacrosancta synodus... pro­ nuntiat, decernit et declarat... ipsum... dominum Joannem simoniacum notorium, bonorumque el jurium nedum Romanæ, sed aliarum Ecclesiarum plu­ rium, etc..., dilapidatorem notorium, etc..., suis de­ testabilibus, inhonestis vita el moribus Ecclesiam Dei et populum Christianorum notarié scandalizan­ tem ante ejus assumptionem ad papalum, et post usque ad ista tempora, etc..., in præmissis malis et arrogantia pertinaciter perseverasse, seque ex hoc incorrigibilem reddidisse; ipsumque propter praimissa et alia crimina, etc., a papatu... amoven­ dum, privandum el deponendum fore. Ni Cossa, ni Corntrio, ni Luna, ne pourront désormais être élus. Les Pères donnent leur placet, malgré la résistance que Zabarella essaie en vain d’opposer au décret. C’était la première fois que dans l’Eglise on déposait un pape reconnu de ceux qui le déposaient. Si Jean XXIII avant ses malheurs avait ett tant de crimes à se reprocher, l’adversité produisit une éton­ nante révolution dans son àtne. Il reçut le coup qui le frappa avec une patience et une résignation dont il semble qu'un tel homme n’aurait pas dû être capable. Lorsque, le 31 mai, l'évêque de Lavaur, accompagné de quelques officiers du concile, alla lui notifier la sen­ tence, Jean XXIII acquiesça à tout très humblement. Néanmoins, en raison des intelligences qu’il conser­ vait dans le concile, on le maintint prisonnier, sous la surveillance de Louis de Bavière, au château de Goltlieben ou Jean Dus avait été enfermé, puis à Heidelberg, puis â Mannheim. Après l’élection de Marlin V, il fut délivré par le comte palatin, Louis de Bavière, moyen­ nant une forte rançon. En 1419, il alla se jeter aux pieds de Marlin V, lui protestant qu’il voulait vivre et mourir dans sa dépendance. Martin V le nomma doyen du sacré-collège. Cossa mourut en décembre 1419. La déposition de Jean XXIII ne plut pas â tout le monde. La cour de France en particulier trouva que le concile avait été violent et blâma l’université. 3” Abdication de Grégoire XII. — Le plus difficile était fait, puisque le concile avait déposé celui des papes qu’il tenait pour légitime. Il restait cependant à en finir avec Grégoire XII et Benoit XIII. Le 25 janvier 1415, les envoyés de Grégoire, le cardi­ nal Dominici, les évêques de Worms, de Spire et de Verdun,avaient été reçus par le concile et avaient déclaré que le pape abdiquerait, pourvu que Cossa ne présidât point et ne prit point part â la séance où la cession serait proclamée, pourvu aussi que Cossa et Luna re­ nonçassent également. Le 15 juin suivant, jour de la XIII'session. Carlo Malatesta arriva à Constance comme plénipotentiaire de Grégoire, non auprès du concile, dont ce pape n'admet­ tait pas l’autorité, mais auprès de l’empereur. Les pro- 4209 CONSTANCE (CONCILE DE) 1210 positions pacifiques qu'il apportait furent examinées i Pierre de Luna l’avait attendu jusqu’au 30 à minuit et par plusieurs congrégations; et dans la XIVe session avait quitté la ville, dénonçant l’absence de l’empereur. (4 juillet 1415), en présence de l’empereur qui présida Ce prince, à la prière du roi d’Aragon malade, ne s’était pour condescendre aux exigences des représentants de mis en route qu’au mois de juillet. Il arriva à Narbonne Grégoire, la renonciation de Grégoire XII fut solennel­ le 15 août et à Perpignan le 19. lement proclamée par Malatesta et par le cardinal de Pierre de Luna demandait d’abord le rétablissement Raguse, Dominici. On lut d'abord les bulles qui inves­ de l’autorité par la voie de la justice, c’est-à-dire par tissaient ces deux personnages des pleins pouvoirs du une enquête qui fit connaître le vrai pape; toutefois, si pontife, et les chargeaient de convoquer à raison de l’empereur persistait à préférer la voie de cession, l’abdication el d'autoriser comme concile général Pierre de Luna résignerait ses pouvoirs moyennant l’assemblée réunie par l’empereur. trois conditions : on annulerait toutes les sentences Voici les termes dont se servit le cardinal de Raguse : prononcées à Pise contre lui ; le nouveau pape serait « Notre très saint Père le pape Grégoire XII ayant été universellement reconnu par les princes et les fidèles; bien informé sur le sujet de la célèbre assemblée, qui enfin l’élection serait conforme aux canons. Pierre de se trouve à Constance pour y former un concile géné­ Luna se regardait comme le seul cardinal incontestable, ra), et désirant avidement l'union de l’Église, sa réfor­ et par conséquent comme le seul électeur du futur mation, et l'extirpation des hérésies, a nommé pour ce pape. Sigismond n’accepta pas de nouvelle enquête. sujet les commissaires et procureurs ici présents, Pierre de Luna se retira en Espagne à Peniscola, forte­ comme il parait par les actes qui viennent d’etre lus. resse au sud de l’Ébre. De là il menaça de ses anathèmes C’est pourquoi, en vertu de cet ordre, moi .lean, cardinal tous les princes qui abandonneraient son obédience. de Raguse, en l’autorité de mondit seigneur le pape, Néanmoins des conférences s’ouvrirent à Narbonne, autant que cela le regarde, je convoque ce sacré con­ le 20 novembre 1415, entre les rois de Navarre, de Cas­ cile général,j’autorise et je confirme tout ce qu’il fera tille, d’Aragon, les comtes de Foix et d’Armagnac d’une pour l'union et la reformation de l'Église, et pour part, et d’autre part l’empereur, les délégués du concile l'extirpation de l'hérésie. » et l’archevêque de Reims représentant de la France; Après cetle lecture, l’archevêque de Milan approuva elles aboutirent le 13 décembre à un traité en douze l’acte au nom du concile, et admit la convocation, articles où l’on convint que les cardinaux et les prélats l’autorisation, l’approbation et la confirmation au nom qui se trouvaient à Constance inviteraient leurs col­ de celui qui dans son obédience s’appelle Grégoire XII, lègues de l’obédience de Benoit à se réunir à eux et autant que l’affaire le pouvait regarder. Ce sont les qu’ils jouiraient des mêmes privilèges ; que toutes les propres paroles des actes du concile. procédures de Grégoire XII et de Jean XXlll contre On adopta ensuite plusieurs actes aux termes des­ l’obédience de Benoit XIII seraient annulées, aussi bien quels les adhérents de Jean XXlll et ceux de Gré­ que les procédures de ce dernier contre les adhérents du goire XII étaient relevés des censures qui de part et concile de Constance; qu’on maintiendrait les décrets d’autre avaient été portées. Dominici dès lors fut reçu favorables de Benoît Xlll; que s’il voulait se rendre au parmi les cardinaux; et l’empereur quittant la place concile de Constance, ou y envoyer des légats, l’empe­ qu’il occupait rendit au cardinal d’Ostie la présidence reur délivrerait à lui et à ses légats des sauf-conduits; du concile. Lecture fut faite aussi d’une bulle de Gré­ enfin que l’empereur et le concile jureraient d’accomplir goire qui accordait à Malatesta des pouvoirs illimités ces articles. La nouvelle de cet arrangement causa pour procurer la paix de l’Eglise et particulièrement une grande joie à Constance. Le traité fut ratifié le pour renoncer en son nom à la papauté. Le concile se 4 février 1416, dans une congrégation générale. prononça pour.une abdication immédiate. Aux congrégations générales du 10 et du 14 octobre, Neuf décrets furent portés : 1° le choix du futur des dispositions furent prises pour que l’Espagne for­ pape n’aura lieu qu’avec l’assentiment du concile; mât dans le concile une 5e nation. 2° pour le mode, le lieu, le temps et le sujet de l’élec­ En novembre, se fit le procès de Benoit XIII; le 28, tion, l’on se conformera aux décisions du concile, lequel Zabarella lut les conclusions de la commission : procé­ ne se séparera qu’après l’élection. L’empereur s’enga­ der sans retard contre Pierre de Luna, fauteur de geait à tenir la main à l’observation de ce décret. 3° Le schisme et suspect d'hérésie, et autant que possible concile ratifie toutes les mesures conformes aux canons s'assurer de sa personne. Ces conclusions furent adop­ que Grégoire XII a pu prendre dans son obédience. tées. En janvier 1417, de nouveaux princes adhèrent au 4“ Il déclare que la décision d’après laquelle Grégoire concile et Sigismond qui avait été à Avignon, Chambéry, ne peut être élu, ne signifie pas qu’il est incapable, mais Paris, Londres, et avait regagné l’Allemagne par la qu’elle a été prise pro bono pacis Ecclesiæ el futuris Flandre et la Hollande, revient à Constance (27 janvier). scandalis, scrupulis et suspicionibus evitandis. 5" Le Les citations furent faites régulièrement à Benoit. En concile se réserve de prononcer cum debita mansuetu­ mars, le roi d'Aragon lui-même renonça solennellement dine et rationabili æquitate, dans tous les cas où à son obédience et saint Vincent Ferrier en publia deux compétiteurs d’obédience différente prétendraient lui-même l’acte à Perpignan. à la même dignité. 6» Il admet dans les rangs du sacréLe 26 juillet 1417 enlin, après avoir épuisé tous les collège Grégoire et les cardinaux de sa création. 7° Les délais, le concile dans sa XXXVIIe session, rendit sa officiales et curiales de Grégoire sont maintenus dans sentence délinitive contre Pierre de Luna -....Sancta leurs charges. 8» Avant l’élection du nouveau pape, nul synodus generalis... pronuntiat, ac decernit et decla­ ne doit se retirer du concile. 9° L’empereur Sigismond rat... Petrum de Luna... fuisse el esse per/umm, uni­ assurera la liberté du concile et surtout la liberté de versalis Ecclesiæ scandalizatorem, fautorem el nutri­ l’élection du pape. torem inveterati schismatis..., schismaticum, haereti­ Malatesta prononça alors la formule de la cession. cum, ac a fide devium, et articuli fidei linam sanctam Grégoire XII fut nommé évêque de Porto, doyen du catholicam Ecclesiam, violatorem pertinacem,... insacré-collège, légat perpétuel à Ancône. Il mourut corrigibilem, notorium et manifestum, ac omni titu­ deux ans plus tard à Recanati (18 octobre 1417). lo, etc... se reddidisse indignum, etc... et omni /ure 4” Déposition de llenoil XJIJ. — Restait Benoit XIII. eidem in papatu, etc., competente, ipso jure priva­ L’empereur, on s’en souvient, avait promis de s’entendre tum el ab Ecclesia lanquam membrum aridum /irxpersonnellement avec lui. L’entrevue de Nice n’avait pu cisum. Ips unique Petrum, quatenus de facto papaavoir lieu. Benoit s’était retiré à Perpignan, où l’empe­ tum secundum se tenet, eadem sancta synodus reur avait encore promis de se rendre en juin 1415. papatu... omnique titulo, etc., ad omnem cautelam 1211 CONSTANCE (CONCILE DE) 1212 privai, deponit et abjicit, etc. Le 3 septembre 1417, le [ retira différer davantage; il n'aurait d'ailleurs avec lui que deux cardinaux sur 24 et quelques rares prélats. décret de déposition de Pierre de Lima fut promulgué Cette protestation souleva un tumulte effroyable que la el expédié partout avec un préliminaire historique. Benoit Xlll conserva ses prétentions jusqu’à sa mort voix mourante de Zabarella ne parvint pas à calmer. On arriva enfin à un compromis après l'arrivée du en 1424. Les intrigues du roi d'Aragon, mécontent de Martin V, lui tirent donner un successeur en la per­ cardinal de Winchester (frère de Henri IV d'Angleterre). sonne d'un chanoine de Barcelone qui s’appela Clé­ Grâce à son intervention il fut décidé : 1° qu'un décret ment VIII. Un des cardinaux de Benoît lit un schisme conciliaire déclarerait que, le pape une fois élu, on en­ treprendrait sérieusement la réforme de l’Église; 2“ que dans le schisme en opposant au prétendu Clément VIII un certain Benoit XIV. Le nombre de leurs adhérents les décrets de réforme sur lesquels les nations tombe­ raient d’accord seraient promulgués tout de suite, même pouvait approcher de deux mille. Clément VIII se sou­ mit en 1429 et le faux Benoit XIV disparut, sans que avant l’élection; 3° que le mode d’élection serait réglé l'histoire ait gardé de son existence et de sa fin le par commissaires spéciaux. On se hâta de mettre en exécution la seconde de ces moindre souvenir. 5° Election de Martin V. — Il avait déjà été plus résolutions. Dans la XXXIX0 session (9 octobre 1417) d'une fois question de l'élection du futur pape et de on publia cinq décrets de réforme qui avaient été préa­ lablement adoptés par les nations. Le lor est le célèbre très graves discussions avaient été soulevées à ce pro­ décret Frequens prescrivant la périodicité des conciles pos. L’empereur avait même failli se brouiller avec la majorité du concile. C’est en juin 1417 qu'on avait com­ généraux : le l“r, cinq ans après celui de Constance, le mencé à traiter la chose sérieusement. Et tout naturel­ 2·, sept ans après Je 1er, puis de dix ans en dix ans, le lement le premier objet du débat était de savoir com­ lieu et la date étant fixés à la fin du concile par le pape ment se ferait la prochaine élection. Pierre d’Ailly et le et le concile ou, à défaut du pape, par le concile seul. — sacré-collège d'accord avec lui faisaient cette proposi­ Le 2« décret porte que, s’il y a un schisme, le concile tion : « Des députés des nations nommés par les cardi­ se réunira de plein droit dans l’année; l'empereur et les princes sont invités à y venir. Aucun des prétendants naux pourront pour cette fois seulement prendre part à à la papauté ne le présidera tous étant suspendus l'élection; leur nombre ne dépassera pas celui des car­ ipso facto; le concile sera juge de l’élection; les cardi­ dinaux, et l'élection ne sera valide que si le candidat réunit les deux tiers des voix du sacré-collège et les naux ne pourront procéder à aucune élection nouvelle deux tiers des voix des délégués. Ceux-ci devraient eu avant que le concile ait jugé; s'ils le font quand même, outre observer tous les règlements relatifs à l’élection non seulement l’élection sera nulle, mais ils seront dé­ et jurer de n’avoir en vue que l’intéi-èt de l’Église chus de leur dignité et inhabiles à l’acquérir de nou­ universelle. » veau. Il sera défendu d’obéir au nouvel élu, etc. — 3° L’élu Sigismond avait pris un prétexte pour empêcher que doit faire publiquement une profession de foi devant ses cette motion fût immédiatement discutée. La vraie électeurs. — 4° Les évéques ne devront pas être changés raison était qu’une partie du concile, les Allemands el de siège malgré eux el sans une raison très grave. — les Anglais surtout, voulait que la réforme se fit avant 5° Sont supprimés certains abus relatifs aux droits de l’élection. Les cardinaux et leurs adhérents (Français dépouilles des évéques, de procuration, de revenus ré­ el Italiens) se plaignaient de l'immixtion de Sigismond servés pendant la vacance du siège. dans les affaires de l’Église. Les modérés et Pierre Le 30 octobre, dans la XL· session, on promulgua un d’Ailly en tète pensaient qu’on se disputerait sur la décret fixant les points sur lesquels devait porter la ré­ question de réforme, que le concile courrait le risque forme : « Le saint concile général de Constance légiti­ de se séparer et que l’Église se trouverait sans chef. mement assemblé dans le Saint-Esprit, représentant Le 25 août, fêle de saint Louis, Pierre d’Ailly parla en l’Église universelle, statue et ordonne que le pape futur, ce sens, et tout en s’étendant beaucoup sur la nécessité â l’élection duquel on doit procéder incessamment de de réformer le clergé, il sontint que cela ne se pouvait concert avec ee concile ou avec les députés des nations, faire tant que l’Église n'avait pas de chef, parce qu'un doit réformer l’Église dans son chef et dans ses membres, corps sans tète, dit-il, est la plus grande de toutes les aussi bien que la cour de Rome, selon l'équité et le bon difformités : « Il n'y a point de réformation plus essen­ gouvernement de l’Église, avant la dissolution du con­ tielle que celle de se pourvoir incessamment d'un chef cile, et que cette réformation concernera les articles par une élection canonique, et c’est par elle qu'on doit arrêtés dans le collège réformatoire, tels que sont ceux commencer, parce que l’Église ne peut jamais être dans qui suivent : 1’ le nombre, la qualité et la nation des un état plus périlleux, que quand elle n’a point de cardinaux; 2° les réserves du siège apostolique; 3° les chef. Cependant cette élection si nécessaire est traver­ annates et les communs services; 4» les collations des sée par mille contradictions ; on cherche l’union et on bénéfices et les grâces expectatives; 5° les confirmations se divise : ne craint-on pas qu'au milieu de ces divi­ des élections; 6° les causes que l'on doit porter en cour sions il n'arrive ce que dit l’Écriture, qu’un royaume de Rome, ou non; 7° les appellationsen cour de Rome; divisé contre soi-mème ne peut subsister? » 8’ les offices de chancellerie et de pénitencerie; 9« les Des pamphlets circulaient. Le 9 septembre 1417, à la exemptions et les unions faites pendant le schisme; réunion des nations, les cardinaux déclarent qu’on ne 10» les commendes; 11· les revenus pendant les vacances les a pas laissés libres de remplir leur mission; que l’on des bénéfices; 12» l’inaliénation des biens de l’Église peut travailler à la réforme de l’Église sans retarder romaine; 13“ les cas auxquels on peut corriger un pape, pour cela l’élection du pape. Sigismond manifeste sa et le déposer et comment; 14“ l’extirpation de la simo­ colère ; des cris de Recedant hæretici sont poussés contre nie; 15“ les dispenses; 16“ les provisions pour le pape ses partisans. Le bruit court que Sigismond veut faire et les cardinaux; 17“ les indulgences; 18“ les décimes. Le décret ajoute que quand on aura nommé des dépu­ arrêter les cardinaux. Le 11 septembre, dans une pro­ tés pour faire cette réformation, il sera libre aux autres testation qu’ils déposent en leur nom, et au nom des membres du concile de se retirer avec la permission du Italiens, des Espagnols et des Français, les cardinaux se plaignent de retards nuisibles au pouvoir temporel. pape. » L’élection d'un pape, disaient-ils, était nécessaire pour Il n’y avait plus qu'a procédera l’élection du nouveau rallier au concile les derniers dissidents. Les cardinaux pontife. Le 28 octobre 1417, il avait été décidé que et leurs adhérents désiraient la réforme, mais la ré­ l’élection serait confiée aux 23 cardinaux auxquels s’ad­ forme la plus urgente, c’était la disparition de cette ano­ joindraient 30 autres prélats (6 par nation). Le 30, on décida que les cardinaux de Pierre de Lima (lesquels, malie d’une Église sans tête. Rien n'autorisait l’ernpe- Ί213 CONSTANCE (CONCILE DE) aux termes du traité de Narbonne, devaient être admis au conclave) ne s’étant pas présentés dans les trois mois qui avaient suivi la déposition de leur chef, on procéde­ rait à l’élection nonobstant leur absence. Et aussi que pour cette fois seulement celui-là serait pape qui aurait réuni les deux tiers des suffrages des cardinaux et des députés des nations. Le 8 novembre 1417, le conclave se réunit. Il y eut d’abord six candidats. Le 1 1 novembre au matin, il y en avait encore quatre. Enfin toutes les voix se portèrent sur Odon Colonna, cardinal de SaintGeorges ad velum aureum ; c’était un Romain, il était né en 1368. Il prit le nom de Martin V. Il reçut le 12 no­ vembre le diaconat. Il renouvela toutes les réserves pon­ tificales par un acte qui ne fut publié que le 26 fé­ vrier 1418, après ratification des concordats passés avec les diverses nations. Martin V reçut la prêtrise le 13 novembre et le 14 l’épiscopat. C’était un homme ins­ truit, sage, doux, modeste, désintéressé, habile à ma­ nier les hommes. Mais il devait se montrer plus préoc­ cupé de rendre à la papauté ses pouvoirs et scs revenus que de réformer l’Église. III. CONDAMNATION DES ERREURS DE WYCLEFF ET DE Jean Hus. — 1° Condamnation des écrits de Wycleff. — Les écrits de Wyclefï furent condamnés dans la VIIIe session générale du concile tenue le 4 mai 1415, sous la présidence du cardinal de Viviers. Les procu­ reurs du concile demandèrent que les sectateurs de Wycleff n’ayant pas comparu fussent pour ce fait décla­ rés et proclamés hérétiques opiniâtres, puisqu'il était constant que Wycleff avait persévéré dans l’hérésie jusqu'à sa mort; qu’en outre sa mémoire et son ensei­ gnement, spécialement les 45 articles déjà censurés par les universités de Paris et de Prague, 260 autres et l’ensemble de ses écrits, fussent solennellement ré­ prouvés par les quatre prélats représentant les quatre nations d’Allemagne, d’Italie, de France et d’Angleterre, faisant en cette session fonction de vice-présidents; en­ fin que les restes de l’hérésiarque fussent exhumés. L’archevêque de Gênes lut le projet de décret Fidem catholicam soumis à la décision du concile. Ce décret portait condamnation de 45 articles, résumant les erreurs de Wycleff. Denzinger, Enchiridion, n. 477-521. Voir Wycleff. Le décret continuait en ces termes : « Wycleff est en outre l’auteur du Dialogue, du Trialogueetde plusieurs différents traités dans lesquels il a inséré ces erreurs et un grand nombre d’autres et setné le scandale et l’im­ piété particulièrement en Angleterre et en Bohême... On a pu constater que les livres de Wycleff sont rem­ plis d'articles aussi suspects que ceux-ci. En consé­ quence, le concile confirme les sentences des arche­ vêques de Cantorbéry, d’York et de Prague, ainsi que les décrets du concile de Rome, condamne les 45 ar­ ticles, le Dialogue, le Trialogue et tous autres écrits de Wycleff, défend de les lire, commenter ou citer, si ce n’est pour les réfuter, et ordonne que tous ces écrits et traités seront publiquement livrés aux llammes. » Ce décret fut signé par le cardinal président et par les quatre représentants des nations, ainsi qu’un second décret Insuper qui en était le corollaire et qui visait la personne et les restes de Wycleff. L’archevêque de Gênes voulut ensuite donner lecture des 260 articles, mais il fut interrompu par le cardinal Filastre, parce que la nation française n’en avait pas encore eu communication. Ils furent l’objet d'une con­ damnation succincte portée dans la session suivante. Le concile n'a pas cru devoir qualifier chacun des articles en particulier, parce qu’ils avaient été déjà con­ damnés précédemment. Des théologiens des diverses nations les avaient d’ailleurs sérieusement examinés à Constance même; il nous reste deux de leurs censures, l’une : Theologorum Constantiensium brevis censura 45 articulorum Wiclefl, et l’autre : Theologorum Con- 1214 stanliensis concilii diffusa condemnatio. Les qualifica­ tions ne sont pas toujours tout à fait identiques dans les deux censures. Ces dilférences paraissent provenir de quelques divergences de vues entre les docteurs de l'université de Paris. 2° Condamnation de Jean Hus et de Jérôme de Prague. — On n’a point à retracer ici l'histoire de Jean Hus et de la propagation de ses doctrines en Bohème, antérieurement à la comparution de l'hérésiarque devant le concile de Constance. Voir Hus. Quant à ses erreurs, on sait qu’elles ont une étroite parenté avec celles de Wycleff et que Luther, à son tour, les reprendra. Elles portaient surtout sur la constitution de l’Eglise. Pour Jean Hus, l’Église n’est que la société des pré­ destinés (praedestinati) ; ceux qui ne sont pas prédesti­ nés au salut et dont Dieu prévoit la damnation (præscili) ne pourront jamais faire partie de l’Église, corps mystique de Jésus-Christ. Les prédestinés au contraire en font toujours partie. C'est par la foi seule que l’homme est sauvé. L’Église n'a d’autre pierre fonda­ mentale que le Christ, qui est seul véritable pontife. Pierre n’est ni la pierre fondamentale, ni la vraie tête de l’Église; l’Église peut être gouvernée sans vicaire de Jésus-Christ. Le pape n’est vicaire de Jésus-Christ, ou de Pierre, qu’à condition de vivre comme eux; autre­ ment il est l’Antéchrist, ou le vicaire de Judas; il a parfois professé l’hérésie; beaucoup de papes ont com­ mis des crimes honteux. L'hérésiarque attaque en termes ignobles les bulles papales, accable d’injures et de mépris certains papes, les évêques, les prêtres, les moines. 11 n'admet pas que le pape puisse posséder aucun bien temporel. L’Ecriture et la loi du Christ sont la seule règle de foi; les décrets des papes ne méritent obéissance que quand ils sont conformes à cette loi et chacun est juge de l’accord. Tout le monde a le droit de lire et d'inter­ préter la Bible. Pour les sacrements, Hus réclame pour tous les fidèles la communion sous les deux espèces (utraquisme); il s’exprime en termes ambigus sur la transsubstantia­ tion et parait admettre la permanence de la substance du pain dans l’hostie après la consécration. La confes­ sion auriculaire n’est pas nécessaire; la contrition du cœur suffit pour le salut. Hus ébranle les fondements de la société civile comme ceux de la société ecclésiastique; pour lui nul magis­ trat, pas plus que nul supérieur ecclésiastique, n'est légitime quand il est en état de péché mortel. Telles sont, en résumé, les principales erreurs dont Jean Hus allait avoir à répondre. 11 en avait lui-méine plusieurs fois appelé du pape au concile général. Invité par l’empereur à s’y rendre : « J’ai sans cesse, répon­ dit-il, enseigné au grand jour et jamais dans le secret; je réclame le droit de parler en séance publique et de discuter avec mes contradicteurs. Je n’ai rien à redou­ ter en confessant le Christ, quand même il me faudrait, pour défendre sa foi, m’exposer au dernier supplice. » Souvent, dans les discussions publiques, ilavait répété : « Je suis prêt à subir le supplice du feu, pourvu qu’en cas de défaite, mes accusateurs endurent la même peine. » Hus n’avait donc pas l’intention de se sous­ traire au concile général; d’ailleurs, il avait confiance dans la bonté de sa cause ; il ne voyait pas dans le con­ cile un tribunal au jugement duquel il faudrait se sou­ mettre, mais une assemblée à laquelle il exposerait ses idées, dans l’espoir de les lui faire partager, comme étant l’expression de la vérité. Il n'attendit même point pour partir de Prague (le 11 octobre 1414) d'avoir reçu le sauf-conduit que lui avait promis Sigismond. H ne l’eut que le 5 novembre à Constance, où il était arrivé le 3. Ce sauf-conduit, qui a été le prétexte de si vio­ lentes accusations contre l’empereur et le concile, n'était destiné qu’à préserver Hus des violences illégales 4215 CONSTANCE (CONCILE DE) pendant la route, mais non des poursuites judiciaires devant le concile et de leurs conséquences quelles qu’elles lussent. Jean XXIII assura à llus qu’il n'avait rien à craindre pour le moment, que son procès ne commencerait pas avant l’arrivée de l'empereur; il le releva de l'excommunication, tout en lui interdisant de célébrer la messe et de prêcher, llus ne tint aucun compte de cette défense, ce qui détermina le pape et les cardinaux à lui demander compte de sa conduite, puis de ses opinions. Le 6 décembre 1414, i) lut interné dans un état de détention mitigée, au couvent des domi­ nicains. Le G avril, jour de la V· session, le concile confia l’examen des doctrines bussites aux cardinaux d’Ailly et Fi last re, assistés de l'évêque de Dol, de l’abbé de Citeaux et de plusieurs docteurs. D’Ailly accepta de faire le rapport sur les questions de foi, mais demanda et obtint que le procès fût conduit par des canonistes. 11 ne fut pas suivi par la majorité lorsqu'il prétendit que la senlence contre WyclelT et Dus devait être rendue par le concile seul, comme supérieur au pape. Les seigneurs tchèques, partisans de Hus, essayèrent d'obtenir son élargissement; l'hérésiarque fut transféré du couvent des dominicains au château de Gottlieben, près Constance, puis, à partir de juin 1415, au couvent des franciscains, à Constance. L'examen des doctrines de llus et ses interrogatoires durèrent cinq semaines. Il nia souvent ce qu'on lui reprochait, refusa de reconnaître comme siens quel­ ques-uns des 39 articles qu'on avait extraiis de ses écrits, et soutint les autres avec acharnement. Il refusa de souscrire franchement à la condamnation des pro­ positions de WyclelT. A la lin du troisième interrogatoire, d'Ailly qui, comme on l'a dit, « présidait avec plus de fermeté que d'indulgence, » lui répéta ce qu'il avait déjà déclaré en présence et avec l’approbation de Sigismond : « Jean, deux voies vous sont ouvertes; la premiere, c’est de vous en remettre simplement et sans réserve à la clé­ mence du concile qui, en la considération des princes et de vous-même, ne manquera pas de vous traiteravec humanité et indulgence. La seconde, c’est de persister à défendre quelques-uns de vos articles : dans ce cas, on vous accordera d’autres audiences; mais, je vous en avertis, des hommes distingués et instruits s’élèveront contre vous et je crains que vous n’ayez le dessous. — Je demande qu'on m’accorde encore une audience, répondit l'accusé; je veux m’expliquer au sujet des ar­ ticles que l'on incrimine. » Les écrits de llus furent condamnésau feu;Husn’en conseilla pas moins à sesamis de Bohème de continuer â les lire; malgré les instances de d’Ailly, de Zabarella, et même de l’empereur, il se refusa à toute rétractation. Le samedi 6 juillet 1415, se tint la XV· session où llus devait être définitivement jugé; elle fut présidée par le cardinal de Viviers et l’empereur y assista. Après une courte homélie de l’évêque de Lodi, on lut les articles condamnés de WyclelT et ensuite les trente relevés contre Jean llus. Quelques-uns des chefs d'accu­ sations avaient été abandonnés. Hus tâcha de justifier chacun de ces articles et protesta souvent contre les proces-verbaux des interrogatoires précédents. Le tri­ bunal avait préparé deux formules de sentence, l'une en cas de repentir, l’autre en cas de révolte obstinée, llus persév ra dans son altitude et ne rétracta rien : en cons’quence. l’évêque de Concordia lut la secondesentence: « Le saint concile a la preuve que Jean demeure opiniâtre et incorrigible, qu’il refuse de rentrer dans le sein de l’Eglise et d’abjurer ses erreurs. L'assemblée décrète donc que le coupable sera déposé et dégradé et qu’après avoir été retranché de l’Église, il sera livré au bras séculier. » Deux évêques le dégradèrent suivant les rites consa­ 4216 crés. Sigismond le livra au comte palatin du Rhin qui le remit au prévôt de Constance avec mission de le brûler vif. Jusqu’au dernier moment, Hus refusa de sauver sa vie au prix d'un désaveu; avant d'expirer, il s'écria par trois fois : Christ, /ils du Dieu virant, ayez pitié de nous! fies cendres furent jetées dans le Rhin. La constance de Hus, ses paroles mystiques, sa mort courageuse produisirent une profonde impression; en Bohême, sa mémoire fut exaltée; sa cause s'identifia en quelque sorte avec la cause nationale; malgré les expli­ cations fournies par les Pères du concile, la Bohême ne tarda pas à se soulever; alors commença la terrible guerre dite des hussites. Le supplice du chevalier Jérôme de Prague, fervent disciple de Hus et l’un des chefs de son parti, avait encore ajouté à la colère des Tchèques. Arrêté dans le Palatinat pour injures au concile, Jérôme de Prague avait d'abord accepté, en congrégation, puis dans la XIX'session générale, la condamnation des erreurs de son maître et anatbématisé ses doctrines (23 septembre 1415). H avait même reconnu dans une lettre à un ami, le sénéchal Lacek de Krawar, que Jean llus avait été justement condamné. Malgré cela, ceux de ses compatriotes qui défen­ daient la cause de l'orthodoxie, ne le croyant pas sin­ cère, réussirent, en dépit des cardinaux, à le faire maintenir en prison. Puis ils lirent confier au patriarche Jean de Constantinople et au docteur Nicolas de Din­ kelsbuhl le soin de recueillir les dépositions contre lui. On parvint ainsi à rouvrir l’accusation. Jérôme de Prague dut répondre sur 102 propositions. Il demanda à comparaître devant le concile lui-même; on satislit à ce vœu dans les congrégations générales des 23 et 26 mai 1416. Il refusa de prêter serment et, après avoir répondu aux questions qu’on lui posait, prononça sa propre apologie. H déclara qu’il avait agi contre sa conscience en reconnaissant la condamnation des livres de Hus, car sa doctrine, comme sa vie, était sainte et droite. H rétracta en outre la lettre qu’il avait écrite à Prague. Il termina par une violente sortie contre les mœurs et le luxe des papes et des cardinaux, ainsi que contre les abus dont souffrait l’Eglise. Pendant les deux jours qui suivirent, on essaya vai­ nement d’amener Jérôme de Prague à se soumettre. Le 30 mai 14'16, dans la XXI' session du concile, il répéta ce qu’il avait dit dans la congrégation du 26 mai et entendit la sentence définitive portée contre lui : il était condamné comme hérétique et relaps. H fut brûlé le jour même; jusqu’à la fin, il ne cessa de chanter et de prier. « Hus et Jérôme, écrit Æneas Sylvius Piccolomini, le futur pape Pie II, ont marché au supplice comme â un festin où on les aurait invités. » Les supplices des hérétiques n’étaient pas chose rare à cette époque; ils étaient dans le droit du temps et nul n’en contestait le principe. Cependant ceux-ci excitèrent une émotion qui ne fut point passagère et dont les con­ séquences furent très graves. Pourquoi?D’abord, àcause de l’éclat des personnages, de leuréloquence et de leur courage. Puis, parce qu’au zèle pour la défense de la foi se mêlèrent chez les Pères de Constance des raisons politiques et humaines qui les poussèrent à condamner. Effrayés d'avoir à juger un pape qu’ils tenaient pour légitime, à recourircontre lui et ses compétiteurs â des moyens révolutionnaires, à proclamer, â cette occasion, des principes qu'ils sentaient peu conformes à la tra­ dition, ils voulaient à tout prix montrer par ailleurs leur attachement à l'orthodoxie et à l’unité de l’Église. L’instruction fut incomplète et partiale, dirigée en fait par des hommes qui étaient les adversaires personnels des accusés et dont les dépositions étaient d’autant plus redoutables que les juges ne connaissant pas la langue tchèque étaient obligés de s'en rapporter à eux pour CONSTANCE (CONCILE DE) 1217 interpréter les antres témoignages; on contesta même à l'accusé le droit de discuter les témoignages; enfin on ne le laissa pas conduire sa défense comme il l’enlendait. Des opinions d'école furent mêlées plus d'une fois aux débats théologiques; les docteurs de Paris, d'Ailly notamment, ardents nominalistes, voyaient dans le réa­ lisme professé par llus et Jérôme de Prague la source de toutes les hérésies. Les Anglais, mécontenls que llus eût compromis l'université d'Oxford, étaient fort mal disposés à son égard. Les Allemands apportaient à Constance la ferme volonté de venger leur défaite à Prague et s’acharnaient contre lui. Enfin Sigismond l'avait abandonné. Indépendamment de la question du sauf-conduit qui a été élucidée ci-dessus, avait-il, comme on l’a prétendu, promis son appui au novateur pour le tirer d'affaire, au cas où le jugement du concile le condamnerait’Il n’y en a pas de preuve solide. Si l’empe­ reur n'est pas intervenu en faveur de llus, c'est parce qu'il ne voulait pas risquer de faire avorter l’œuvre du concile, c’est parce qu’il était effrayé des conséquences politiques et sociales des nouvelles doctrines, c'est enfin parce qu'il craignait la rivalité de Erédéric d'Autriche et qu’il tenait à identifier sa cause avec celle du concile, afin d'apparallre à tous comme le véritable empereur, chef de la chrétienté et défenseur de l’Église. La prétendue décision conciliaire, qu’on ne garde point la foi donnée à un hérétique, n'a jamais existé. Le document qui en a accrédité l’existence n'est pas un décret du concile, mais vraisemblablement un amen­ dement proposé par l’un des membres et repoussé par l'assemblée; on ne le trouve que dans un seul manus­ crit et sans aucune indication de date. Au surplus, il faut tenir compte du principe universellement admis qu'une promesse faite in præjudicium /idei n'engage pas. Voir tes articles de Jean Hus condamnés par le concile de Constance, dans Denzinger. Enchiridion, n. 522-55Λ et llus. Le décret relatif à la communion sous une seule espèce est dans Denzinger. n. 585. Voir COMMUNION sous les DEUX espèces, col. 565-566. IV. Les réformes et les concordats. — Tout le monde était d'accord sur la nécessité de faire des ré­ formes, mais il y avait des divergences sur la façon de les exécuter. Le pape avait dit qu'il accepterait tous les points sur lesquels les nations se mettraient d'accord. La chose était malaisée. Les Allemands réclamaient surtout contre les exactions de la curie romaine. Les Italiens voulaient attribuer au pape la collation des bé­ néfices; les Anglais et les Espagnols étaient favorables à ce mode de collation sous la réserve de leurs usages; les Français et les Allemands voulaient restreindre sur ce point les droits du saint-siège. Pierre d'Ailly était surtout frappé de la nécessité de restaurer le gouverne­ ment de l’Église. Il voulait organiser fortement les con­ ciles généraux, nationaux, diocésains; exiger réellement certaines qualilésdes ecclésiastiques appelésaux diverses fonctions; simplifier le culte; corriger les abus des ordres religieux. En fait, le concile dressa plutôt la liste des desiderata qu'il n’accomplit la réforme générale dont on avait tant parlé avant l’élection du pape. Comme la commission chargée de la réforme (mem­ bres nommés par les nations et six cardinaux choisis par le pape), n'avançait pas vile vu les divergences entre nations, il fut décidé que l'on distinguerait deux parts: ce qui serait réclamé par tous constituerait la réforme générale; sur les autres points le pape s’entendrait avec chaque nation par voie de concordat. Celle idée parait être due aux Allemands qui, les premiers, au commen­ cement de 1418, présentèrent au pape un mémoire par­ ticulier concernant les réformes qu'ils réclamaient (.4uisamenta gentis germanicæ). Le 20 février, le souverain pontife communiqua aux D1CT. DE THÉOL. CATHOL. 1218 nations un projet de réforme correspondant à peu prés aux dix-huit points stipulés dans la XL· session (sauf le 7· : de appellationibus ad romanam cuiiam, et le 13· : propter quæ et quomodo papa possit corrigi et deponi ·. Ce projet, dit justement Jager, tenait le milieu enlre le relâchement qu’on voulait faire disparaître et la rigueur des canons interprétés à la lettre. Chaque nation exa­ mina ce projet en particulier; et quelques amendements furent proposés, mais cela n'aboutit pas, parce que Je pape traita séparément avec les diverses nations. Le concordat germanique est consigné sur les regis­ tres de la chancellerie pontificale à la date du 15 avril 1418. Ce concordat qui était conclu pour cinq ans ren­ ferme le décret célèbre Insuper ad vitanda scandula, qui permet aux fideles de communiquer avec les excom­ muniés non dénoncés, excepté ceux qui sont notoire­ ment coupables de sacrilège et de violence â l’égard des clercs, en sorte que leur crime ne puisse être couvert par aucune interprétation ou par quelque défense. Ce décret fut ins ré dans les régies de chancellerie publiées par Marlin V. Mor llefele a prouvé que c'était là un in­ duit pontifical et que, bien qu'inséré dans un concordat ad quinquennium, il était valable in perpetuum et applicable à loule la chrétienté. Le concordat anglais était perpétuel, mais il tomba vite en désuétude. C’est celui qui donnait le plus aux tendances nationales. Le concordat (français était commun aux trois nations latines et s'étendait par conséquent aux Italiens el aux Espagnols.il fut aussi enregistré le I5avril et promulgué le 3 mai. Il comprenait des réglements sur le n mibre des cardinaux, les réserves, les annales, les jugements en cour de Borne, les commendes, les indulgences et les dispenses; tout cela, comme dans les autres. Il n’y avaits.que deux points particuliers à la France. Le 1« ré­ duisait pour cinq ans les annales à la moitié, en consi­ dération des guerres que ce pays avait â soutenir, et l’autre était un privilège accordé à l'université de Paris, pour précéder une fois seulement, dans la distribution des bénéfices, tous les autres ecclésiastiques ayant des grâces expectatives; et encore ce privilege était soumis à des exceptions très étendues. Ce concordat fut pré­ senté au parlement de Paris par l'évéque d'Arras, le 10 juin 1418. Le parlement refusa l'enregistrement; par des arrêts de mars et d'avril, il avait d'avance dénié au pape les droits que le concordai lui reconnaissait. Le 9 septembre 1418, le concordat de Constance fut mis en vigueur dans la partie du royaume qui obéissait au duc de Bourgogne. Après le traité de Troyes, le duc de Bed­ ford, régent des deux royaumes, conclut avec .Marlin V un concordat beaucoup plus favorable à la papauté que ne l’était celui de Constance (Rotulus lieifordiania, 1425). Dans la partie du royaume qui reconnaissait Char­ les VII, ce prince voulut d'abord s’en tenir aux dispo­ sitions de mars et d’avril 1418. Plus tard désirant l'appui du pape (Martin V le reconnut â la mort de Charles VI . Charles VII rendit au souverain pontife, 10 lévrier 1425. tous les droits que le pape avait possédés jusqu’en 1398. Tous ces concordats diminuaient les abus sans les supprimer. Quand il était dit par exemple que <■ la curie ne jugerait plus que ce qu'il lui est permis de juger d'après le droit canon et la nature des causes ·, il est évident que les abus en matière judiciaire pouvaient renaître d'une formule aussi vague. Voir col. 730-732. Ces concordats avaient été acceptés par le concile dans sa XLIII’session. le 20 mars 1418. Dans la même séance, Guillaume Filaslre avait lu sept décrets de réformation générale. Ces sept articles roulent sur les exemptions accordées depuis Grégoire XI; elles sont révoquées, mais les exemptions ne sont pas interdites pour l'ave­ nir; sur les unions de bénéfices faites depuis le même temps, elles sont révoquées en principe, en promettant d'observer pour chacune en particulier les lois de III. - 39 1219 CONSTANCE (CONCILE DE) 1220 religieux, verte religiones, comme il disait, car ceux l’équité; sur les biens ecclésiastiques vacants, défense ■de les appliquer à la chambre apostolique; sur la si­ qui vivent dans le monde ne peuvent renoncer aux biens du monde. D’Ailly et Gerson défendirent avec monie, renouvellement de toutes les prohibitions et de toutes les peines; sur les dispenses accordées pour jouir énergie les frères de la vie commune, ils assimilèrent de certains bénéfices sans prendre les ordres attachés leur vie à la vie parfaite des premiers chrétiens de Jéru­ à ces places, on les révoque totalement; sur les décimes salem et s’élevèrent contre la qualification de religiones appliquée aux ordres religieux. La religion chrétienne et autres impositions pécuniaires, le pape seul a le droit d'en établir, mais il ne doit le faire que de l’avis des mérite seule le nom de religion; il n’est pas vrai qu’elle cardinaux, en cas de grande nécessité seulement, pour ne puisse être pratiquée parfaitement hors de l’état l'Eglise universelle, et s’il s’agit d'une ou plusieurs , monastique et sans le secours des vœux. Le traité de Églises particulières, il ne peut l'établir sans l’avis et j Grabon fut qualifié d’erroné, téméraire et propre à ex­ citer le scandale. Grabon se rétracta purement et sim­ le consentement des ordinaires ; enfin sur la conduite f et la vie des ecclésiastiques, le concile se borna à quel­ plement. ques prescriptions relatives à l'habit des clercs. 3° Les flagellanls. — Ces pénitents avaient perdu l’esprit de ferveur qui, au début, les avait inspirés; ils Le cardinal Jean de Brogny, doyen du sacré-collège, déclara que ces articles, aussi bien que les concordats, étaient tombés dans les erreurs d’un faux mysticisme avaient été approuvés des nations et que par là on sa­ et trop souvent dans des désordres moraux qui les ren­ tisfaisait à tout le projet de réformation dressé le 30 oc­ daient généralement suspects. Le concile se prononça contre eux et ils disparurent peu à peu. Voir Flagel­ tobre de l'année précédente. Ainsi le concile s’en tint lants. là dans 1’œuvre de la réforme; il faut reconnaître qu’elle n’avait pas été poussée assez loin. VI. Autorité des décrets du concile de Constance. V. Questions secondaires. — Trois autres questions — Tout le monde est d’accord pour reconnaître l’œcude moindre importance louchant à la doctrine ou à la ménicitéduconcilede Constanceà partirde la XLII·'ses­ discipline de l'Eglise furent encore soumises au concile sion et jusqu’à la XLV'inclusivement, c’est-à-dire pour de Constance : celle du tyrannicide; celle des formes l’époque où il agit de concert avec le pape Martin V. nouvelles de la vie religieuse, celle des flagellants. Quelques-uns l’admettent dès la XXXVe session, c'est1’ Le tyrannicide. — La question fut posée à propos à-dire après que Grégoire XII eût donné sa démission de l’apologie que le cordelier Jean Petit avait faite de et que Benoit Xlll eût été abandonné par l’Espagne et la Sicile. Enfin il semble que les partisans de plus en l'assassinat du duc d'Orléans par des hommes aux gages plus nombreux de la légitimité de la succession des du duc de Bourgogne. Jean-sans-Peur. Entre autres papes de Home, en face de ceux d'Avignon, pendant la propositions. Petit avait avancé celle-ci : « Tout sujet ou vassal qui par cupidité, fraude ou sortilèges, attente ! durée du grand schisme, devraient tenir le concile de à la santé du roi, peut être tué comme tyran, par n'im­ Constance poîïr-tçcuménique à partir de la XIV'session, celle du 14 juillet 1415, ou ledit concile fut convoqué porte quel sujet, sans mandat et sans ordre. On le prouve par les lois naturelle, morale el divine. » t^rson . par Grégoire XII et confirmé par lui « dans tout ce avait déféré cette doctrine à l’évéque de Paris; neuf as- j qu’il ferait pour l’union cUla réformation de l’Église, sections de Petit avaient été condamnées par les doc- | ainsi que pour l’extirpation de'l'hérésie La question n’a d'ailleurs qu’une importance secondaire (bien que teurs en 1414. Mais le duc de Bourgogne en avait appelé le décret Frequens, relatif à la périodicité des conciles au pape Jean XXIII. Alors Gerson dénonça les articles au concile (1415). Martin Porrée, évêque d’Arras, et généraux, remonte à la XXXIX»session, 9 octobre 14I7|. Pierre Cauchon, le futur évêque de Beauvais, se pré­ puisque les décrets controversés appartiennent à la IVe et à la V' session (30 mars et 6 avril 1415) et qu'ils n'ont sentèrent au nom du duc de Bourgogne. Le concile nomma une commission, composée d’évêques el de doc­ été confirmés alors par aucun des trois papes qui se teurs des diverses nations, et dont les principaux disputaient le gouvernement de l’Église. Toute la diffi­ membres lurent les cardinaux d’Ailly et Zabarella. Pour culté se réduit donc à deux points : 1° le concile de Con­ stance, quand il a porté'les décrets de la IV' et de la ménager le duc de Bourgogne, on ne condamna pas nominativement Jean Petit, mais on réprouva la doc­ V' session relatifs à la supériorité du concile œcumé­ nique sur le pape, a-t-il entendu faire une définition trine résumée en une proposition générale. D’Ailly et dogmatique; 2° le pape Martin V a-t-il confirmé ces ■Gerson voulurent obtenir une condamnation plus for­ melle; Gerson prononça à cet etl'et le 5 mai 1416 un décrets? discours des plus énergiques qui souleva contre lui de Que certains membres du concile, et notamment Gerson el d’Ailly, aient entendu faire proclamer par le violentes inimitiés. Le concile s’en tint à ce qu’il avait fait. L’année suivante, la question revint sur le tapis à pro­ concile la doctrine de la supériorité du concile sur le pos d'un violent écrit du dominicain Jean de Falkenberg pape, c’est fort possible, disons même, étant donnés contre le roi de Pologne et le duc de Lithuanie. L’écrit leurs écrits et leurs discours, c’est probable. Mais que de Ealkenberg fut condamné par les cardinaux et par telle ait été l’intention de la majorité des Pères, c’est les nations, puis livré aux llammes; mais des considé­ une autre allaire. En etl'et, les cardinaux et la nation rations politiques, et notamment l’intervention des che­ d’Italie n’avaient point pris part à la congrégation ou le texte des décrets avait été arrêté; ils avaient prié l’em­ valiers leutoniques, empêchèrent une condamnation pereur de ne pas permettre qu’ils fussent publiés; ils solennelle par le concile. les avaient même rejetés absolument. A la IV' session, 2° Formes nouvelles de la vie religieuse. — On sait Zabarella avait lu un texte différent de celui qui avait qu’au xtv» siècle s’étaient manifestées, particuliérement aux Pays-Bas et dans la région rhénane, des formes été arrêté en congrégation et atténué; si la V’ session nouvelles de la vie religieuse, intermédiaires entre celle . adopta les décrets tels quels, ce fut sous le coup de la des séculiers et celle des ordres proprement dits. Elles j seconde fuite du pape Jean XXIII (à Laufenbourg), pour étaient généralement très mal vues des anciens ordres. , lui prouver qu’on l’atteindrait quand même et pour ne pas voir s'écrouler en un instant l’espérance de rétablir Un de leurs représentants, le dominicain Matthieu Grabon, se lit l'interprète des suspicions de tous et attaqua | l'unité de l’Église; ce fut donc un expédient, expédient dangereux et fertile en conséquences, l’avenir ne l’a particulièrement les clercs de la vie commune qu’il avait connus près de Groningue. Il soutenait, en vingt- que trop prouvé, expédient cependant : le présent con­ cile, en l'ace du présent Jean XX1I1, fut-il vraiment cinq articles, qu’on ne peut réellement et méritoirement pratiquer les conseils évangéliques de la pauvreté, de j pape, exercera à son égard la plénitude de son autorité dans les matières qui lui sont présentement soumises. la chasteté et de l'obéissance que dans le sein des ordres 4221 CONSTANCE (CONCILE DE) Il n’y a pas là un dogme imposé à la croyance de l’Église universelle. Le dominicain Melchior Cano, De locis theologicis, 1. V, c. vt, aussi bien que le jésuite pdlarmin, De con­ ciliorum auctoritate, 1. Il, c. xtx, ont repoussé les décrets de la IV' session du concile de Constance, « parce qu'ils n’avaient pas été rendus dans la forme des décisions dogmatiques, laquelle consiste à obliger les fidèles à croire comme de foi ce qui est décidé ou à Condamner ceux qui pensent autrement. » Sans doute, cette remarque n’a pas une portée absolue; on doit cependant en tenir compte. Cf. M«r Maret, Du concile général el de la paix religieuse, I. Ill, c. vt; E. Oli­ vier, L’Église el l'État au concile du Vatican, 1.1, p.68. Qu’on relise à la lumière de cette explication le texte des décrets de la V' session et l’on verra qu'ils prennent le sens le plus naturel. Bien plus, les Pères du concile semblent l’avoir euxmêmes interprété dans ce sens. Lorsque le cardinal d’Ailly pria les Pères de rendre la sentence contre Wyclelf et Hus au nom du concile seul, sans faire mention du pape parce que le concile lui est supérieur, la com­ mission nommée à l’effet d’examiner cette question se prononça contre lui à une grande majorité. Sur qua­ rante théologiens, douze seulement partagèrent l’opi­ nion de Pierre d’Ailly. Cela se passait le 17 avril 1415, onze jours après la fameuse V· session tenue le 6 avril. Donc la majorité ne voulait pas que la décision du 6 avril s’imposât à la croyance universelle et que l’on dût admettre comme article de foi la supériorité du concile sur le pape. Ce qui est aussi remarquable, c’est que le cardinal d’Ailly ne cite point en faveur de son sentiment les décrets de la Ve session. Il n'en parle pas davantage dans le traité qu’il publia dix-sept mois après et qui est intitulé : De Ecclesite, concilii generalis, ro­ mani pontificis el cardinalium auctoritate. Il s’en remet à une décision postérieure du concile. Or, cette décision doctrinale n'est point intervenue. En face du concile de Bâle, le pape Eugène IV a dé­ claré positivement que les Pères de ce concile donnaient aux décrets de Constance une portée excessive, injusti­ fiée et contraire à l’intention de ceux qui les avaient promulgués. Voir les textes cités à l’article Bale (Con­ cile de), t. 11, col. 127, 128. Donc, à notre avis, le concile de Constance n’a pas eu l’intention de promulguer une définition dogmatique lorsqu'il a rendu les décrets de la IV» et de la V’session. Nous ajoutons que, malgré certaines apparences, le pape Martin V n'a pas approuvé ces décrets. Martin V a approuvé — en tout ou en parlie, c’est la question — l’œuvre du concile en deux circonstances : 1’ dans la bulle Intereundas du 22 février (8 kal.martiî) 1418, dirigée contre les erreurs et les partisans de Wyclelf, de Jean Dus et de Jérôme de Prague; 2“ dans la XLVe et dernière session du concile, le 22 avril 1418, à propos de l’affaire de Falkenberg. Dans la bulle Inter cunctas, parmi les questions qui doivent être posées aux suspects, on lit celle-ci : Utrum (suspectus) credat, quod illud sacrum concilium Constantiense, universalem Ecclesiam reprasenlans, ap­ probavit et approbat in favorem fidei el ad salutem animarum, quod hoc est ab universis Christi fidelibus approbandum et tenendum; et quod condemnavit et condemnat esse fidei vel bonis moribus contrarium, hoc ab eisdem esse tenendum pro condemnato. De ce texte, beaucoup de membres du concile de Bâle, et par la suite les gallicans, ont inféré que Martin V avait reconnu l'œcuménicilé du concile de Constance tout entier et par conséquent ratifié même les décrets des IV* et V· sessions. Or. cetle conclusion est contredite par le langage de Martin V lui-même et d’Eugène IV. Pour se tirer de cette difficulté, certains auteurs et particulièrement, au xvti” siècle, Emmanuel de Schels- 4000 trate, bibliothécaire du Vatican, diss. III c. n. cité par Lenfant, Histoire du concile de Constance, t. n. p. 220, ont insisté sur les expressions in favorem fidet et ail salutem animarum, et ont soutenu que la ques­ tion de la supériorité dn concile sur le pape n'est pas de foi et n’intéresse pas immédiatement le salut. Mais celte idée, soutenable à l'extrême rigueur au xvn* siècle, ne l’est plus depuis que la doctrine a été élucidée et déterminée par la définition du concile du Vatican; le décret de Constance sur la supériorité du concile, si on le prend dans un sens absolu, est contraire à la foi catholique et donc intéresse le salut. D’autres ont essayé de lire dans le premier article : in his quæ pertinent ad FIXE P et exstirpationem dicti schismatis, au lieu de ad fidem, ce qui donnerait à la proposition un sens restreint et acceptable: mais les anciens manuscrits sont unanimes et portem ad fidem. Il faut donc conclure que Martin V a employé volon­ tairement une expression vague, afin de ne pas provo­ quer de conllit dangereux, qu'il ne considérait comme prises in favorem fidei el salutem animarum que les décisions du concile concernant Wyclell, Jean Hus, Jérôme de Prague, la fin du schisme et la réforme de l’Eglise, et non pas les décrets qui, sous leur forme absolue, n'étaient nullement in favorem fidei et salutent animarum. C'est précisément ce qui résulte de son langage et de ses actes subséquents. La bulle du 10 mars 1418 qui interdit tout appel de la sentence du pape au futur concile prouve suffisamment que Martin V n'ad­ mettait pas la supériorité du concile sur le pape. On ne peut pas d'ailleurs restreindre, comme le font quelques-uns, l’approbation donnée par Martin V aux seuls actes du concile concernant les erreurs de Wyclelf et de Jean llus. car il eût compromis sa propre légiti­ mité en n'approuvant pas les actes qui avaient mis fin au schisme. Mais, nous le répétons, la sagesse la plus élé­ mentaire exigeait qu’à ce moment-là certaines choses fussent laissées dans le vague et dans l'ombre. 11 a été dit plus haut que l'écrit du dominicain Fal­ kenberg avait été condamné par la commission de la foi, par les nations et par le sacré-collège, mais non par le concile réuni en session générale. Dans la XLV» et dernière session du concile, le 22 avril 1418. les députés de Pologne et de Lithuanie voulurent, par l'intermédiaire de l'avocat consistorial Gaspard de Pé­ rouse, obtenir cette condamnation solennelle. Pour ménager les chevaliers tectoniques qui y étaient oppo­ sés, Martin V désirait qu'on s'en tint à ce qui avait été fait. Un tumulte violent s’étant élevé dans l'assemblée. Marlin V le lit cesser en disant : «Tout ce que le saint concile ici réuni a résolu in materiis fidei concilian­ te!· doit être cru et observé inviolablement; j’approuve donc et je ratifie tout ce qui a été fait circa materiam fidei conciliariter, mais non pas aliter nec alio modo. Quelques-uns ont prétendu que cette réponse ne s’appliquait qu'à l’affaire de Falkenberg; mais comme précisément l'intention du souverain pontife était de distinguer l'affaire de Falkenberg de celles qui avaient été tranchées conciliariter, il faut bien que le mot con­ ciliariter s’applique à d’autres affaires. Quel est donc le sens et quelle est la portée de ce mot conciliariter? S’applique-t-il aux décrets de la IVe et de la V» session? Les uns disent que le mot conciliariter signifie en vrai concile œcuménique et ajoutent que le concile de Constance, lors des IVs et V· sessions, notait pas œcu­ ménique. Les obédiences de Grégoire Xll et de Be­ noit XIII n'y étaient pas encore représentées; Jean XXIII était en fuitejdonc le concile ne représentait pas l’Église universelle et n’avait aucun pape avec lui. C’est vrai, mais comme l’approbation de Martin V aurait eu précisément pour but de remédier à ce dé­ faut, on ne peut pas donner ce sens au mot conciliari- 1223 CONSTANCE (CONCILE DE) — CONSTANTIN 1« ter. On doit entendre ce mot comme il a été entendu pendant tout le concile, c’est-à-dire par opposition au mot nationaliter. La V· session qui a les apparences d’une session tenue conciliariler est-elle réellement conciliaire? On peut en douter fortement :!· en raison de l’absence volontaire de quatre cardinaux et de la protestation préalable des onze antres qui, bien qu’elle n’ait pas été faite sous forme authentique, est cependant réelle; 2°de l’opposition d’une partie notable de l’assem­ blée; 3° du caractère tumultueux du vote sans suffrages exprimés; 4° de la participation à ce vote de gens qui n’y avaient pas droit. Et la preuve qu’il y a doute, c’est que le cardinal d’Ailly, outre le fait que j'ai rapporté ci-dessus, écrit avant la fin du concile : « Cette délibé­ ration des nations faite en dehors de l'assemblée, sans votes exprimés en séance commune, parait à beaucoup de personnes ne pas devoir être considérée comme une délibération du concile général, conciliariler fada... Quoi qu'il en soit, je soumets la définition de cette affaire à la volonté du saint concile. » De Ecclesiæ, concilii generalis et summi pontificis auctoritate, dans Opera, t. it, col. 9i0. La session IV’ est solidaire de la Ve. puisque celle-ci eut précisément pour but de reprendre el de complé­ ter, sous le coup de la seconde fuite du pape, ce qui n’avait été fait que très incomplètement à la IV·. L’approbation donnée par Marlin V dans la XLV· ses­ sion in materiis fidei conciliariler doit donc être in­ terprétée en fonction et selon le sens de l’approbation donnée par lui deux mois auparavant dans la bulle In­ ter cunctas, in favorem fidei el salutem animarum. Conclusion : les décrets du concile de Constance rela­ tifs à la supériorité du concile sur le pape ne sont pas des définitions dogmatiques:!0 parce qu’ils ne l'étaient pas dans l'intention de la majorité des Pères; 2° parce que la légitimité et l'autorité de la V' session, ou ces décrets ont été acceptés, est fort douteuse; 3» parce que le pape ne les a pas approuvés. Sans le concile de Bàle, il est vraisemblable que ces articles n'auraient jamais été tenus pour autre chose que pour un expédient destiné à mettre fin au schisme. Quant au décret Frequens relatif à la périodicité des concilesgénéraux, on peut l’entendre de deux manières. Ou bien le concile aurait voulu faire reposer la consti­ tution de l’Eglise non pas seulement sur le pape, mais sur le concile, de telle sorte que la plénitude de la souverainetéel l’infaillibilité même de l’Eglise ne se pussent exercer que par un accord du pape avec l’épiscopat assemblé. Ce serait une doctrine fausse et on n'a pas le droit de l’imputer au concile du moment qu’il ne l’a pas formellement exprimée. Ou bien il a voulu, et c’est de beaucoup le plus probable, prendre une mesure gouvernementale et disciplinaire destinée à prévenir le retour d’un schisme après une époque aussi profon­ dément troublée. Un tel décret ne pouvait obliger les papes d’une façon absolue, les circonstances étant changées et devenues telles que la convocation d'un concile fût plutôt un péril de schisme. C’est ce second sens qu’il convient d'adopter. Au surplus, le décret Frequens n’est pas in materiis fidei, matières sur les­ quelles porte l’approbation de Martin V. En résumé, le concile de Constance avait mis fin au schisme (sauf le petit schisme de Benoit XIII), déposé deux papes, réduit un troisième à donner sa démission, élu un nouveau pontife; il avait condamné deux héré­ sies et brûlé deux hérétiques, mais il n'avait pas réussi à empêcher en Bohême la propagation des doctrines hussites; il avait diminué certains abus, notamment d’ordre financier, mais il n’avait pas accompli la grande réforme morale, dont une partie considérable de l’Eglise d’Occident avait besoin ; enfin, il avait relevé la papauté qai, avec Marlin V, allait reprendre dans l’Église l’au­ 1224 torité légitime que le grand schisme lui avait fait perdre, non de droit, mais de fait. I. Sources. — Sur la question si difficile des sources de l'his­ toire du concile de Constance, il faut consulter Noël Valois, La France et le grand schisme d’Occident, Avertissement du t. in, Paris. 1901 ; Finke, Forschungen und Quellen zur Geschichte des Ifonstanzer Concile, Paderborn, 1889; Hardouin, Acia con­ ciliorum, t. vin; Mansi, Concit., t. xxvn, xxvm; Finke, Acta concilii Constanciensis, Munster, 1896, t. t; Haynaldi, Annules, t. vii-x; Martène et Durand, Veterum scriptorum... amplissima collectio; Thesaurus novus anecdotoruni, t. n; d'Achery. Spicilegium, sive collectio veterum aliquot scripto­ rum, Paris, 1723; Muratori, Herum italicarum scriptores præcipui, t. xix; Du Boulay, Historia universitatis Parisiensis, Paris, 1668, t. v; Von der Hardt, Magnum acumenicum Constanliense concilium, Francfort et Leipzig, 1697-1700; Steinhausen. Analecta ad historiam concilii Constantiensis, Berlin, 1862; Lenz. Drei Tractate aus dem Schriftencyclus des Con­ stanter Concils, Marbourg, 1876; Gerson. Opera, édit. ElliesDupin, Anvers, 1706; Poggio. Epistolæ, édit. Thomas de Tenellis, Florence,1832-1861 ;Richtenthal(Ulrich von),Chronik des Konzils. édit. Buck, 1882; S. Antonin, Summa historialis, Florence, 1741 ; Platina, Opus de vilis ac gestis summorum pontificum, Venise, Γ<79. II. Principaux ouvrages généraux. — Lenfanl. Histoire du concile de Constance, Amsterdam, 1714; Bourgeois deC.hastenet, Nouvelle histoire du concile de Constance, Paris. 1718; Tosti, Storia dei concilio di Constante, Naples, 1853; Chris­ tophe, Histoire de la papauté pendant le xiv siècle, Lyon et Paris, 1853, t. tu; Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris, 1869, t. X, XI ; Creighton, A history of papacy during the period of reformation, t. 1, The great schism, The coun­ cil of Constance, Londres, 1882 ; Salembier, Petrus de Aliiaco, Lille, 1886; L. Gayet, Le grand schisme d’Occident, Paris, 1886: Fromme, Die spanische Nation und das Konstanzer Concil, Munster, 1896; Masson. Jean Gerson, sa vie, son temps et ses œuvres, Lyon. 1894; F. Bocquain. La cour de Home et l’esprit de réforme avant Luther, Paris. 1897, t. m; Marmor, Das Concilium in Konstanz, Constance. 1898; Salem­ bier. Le grand schisme d’Occident, Paris. 1900; Noël Valois, La France et le grand schisme d’Occident, Paris, 1902, t. IV. III. Ouvrages relatifs a la condamnation des erreurs de Wycleff et de Jean Hus. — De Bonnechose, Jean Has et le concile de Constance, Paris, 1847 ; Lettres de Jean Has, Paris, 1850; A. Jeep,Gerson, Wicleff et Huss, Gœttingue, 1857; Palacky, Geschichte von Dühmen, t. m; Documenta Johannis Huss, Prague, 1869; Denis. Hus et la guerre des hussites, Paris. 1878; Loserlh, J. Huss und Wiclif, Prague,1881. Voir Hus, Hussites, WYCI.EFF. IV. Ouvrage relatif a la réforme et aux concordats. — Millier, Die Constanzer Reformation, und die Concordate von 1418, Leipzig, 1867. V. Ouvrages relatifs a i.’autoritè des décrets du con­ cile de Constance. — Almain, De dominio naturali, civili et ecclesiastico; De auctoritate Ecclesiæ et conciliorum gene­ ralium, dans les Opera de Gerson, t. tt;J.Courtccuisse,7'raciatus de fide el Ecclesia, romano pontifice et concilio generali, dans les Opera de Gerson, 1.1 ; Schelstrate, Tractatus de sensu et auctoritate decretorum concilii Constantiensis, sessione IV· et V’, Rome. 1686; Arnauld, Éclaircissements sur l'autorité des conciles généraux et des papes, ou explication du vrai sens des trois décrets des sessions IV el V du concile général de Constance, contre la dissertation de Schelstrate, 1701; Bossuet, Defensio cleri gallicnni ; Ballerini, De potestate eccle­ siastica, dans Migne, Theologiæ cursus completus, t. ni; Bouix, Tractatus de papa ulri et de concilio œcumenico, Paris, 1869: Kneer, Die Enlstehung der conciliarien Theorie zur Geschichte desSchismas und der Kirchenpoliliken, Rome, 1895. A. Bauorillart, 1. CONSTANTIN I", pape, successeur de Sisinnius qui n'avait fait que passer el avant lui de Jean VU, élu en 708, consacré le 25 mars de cette année, mort le 9 avril 7I5. Sous le règne de Constantin, un conflit, comme il s’en était produit déjà plusieurs, éclata entre le pape et l'évéque de Ravenne, Eélix, que ses diocésains pous­ saient à revendiquer l’aulonogiie de son siège et qui refusa au pape les garanties ordinaires de sa soumis­ sion. Justinien II, qui avait à venger quelques injures, tira une horrible vengeance des habitants. Eélix, con­ duit à Constantinople, ne fut pas exécuté comme d'au- ' 1225 CONSTANTIN Ier CONSTANTIN MÉLITÉNIOTE très prisonniers de marque, mais rendu aveugle, puis exilé dans le Pont. Le pape plus tard lui pardonna et le rendit à son siège. L'empereur Justinien ayant mandé le pape â Con­ stantinople, Constantin lit ce pénible voyage en compa­ gnie de dignitaires de sa cour, notamment du diacre Grégoire qui devait lui succéder. L'objet du voyage était sans doute d’obtenir pour le concile in Trullo l’adhésion du siège apostolique déjà demandée sous Serge et sous Jean VII. Les violences et les caresses misesen usage à l’égard de ces deux papes ouvraient une assez triste perspective à Constantin. Cependant il fut magnifique­ ment reçu à Constantinople par le patriarche Cyrus et comblé d'honneur, à Nicée par l’empereur, qui semble avoir agréé les raisons du pape développées par Gré­ goire. Le fait est que Constantin, après deux années d'absence, revint à Rome (24 octobre 711), sans qu’il lui lut rien arrivé de fâcheux. Λ peine de retour, Constantin apprit le meurtre de Justinien II et l'usurpation du pouvoir impérial par Philippicus Bardesanes, un monothélite convaincu, qui commença une campagne enragée contre le concile de 680 et ses fidèles. Le pape Constantin refusa d’approu­ ver aucune de ses mesures, et fut soutenu par le peu­ ple de Rome contre « l’hérétique » dont le règne au reste prit fin dès 713. Anastase 11 rétablit l’orthodoxie dans l’empire, et le patriarche Jean VI, insolemment in­ tronisé à Constantinople par l’usurpateur, se soumit humblement au pape et fit profession de foi orthodoxe sur l’article des deux volontés. Constantin Ier mourut le 9 avril 71Ô. Jaffé, Begcsta pontificum romanorum, 2· édit., 1885, t. 1, p. 247; Duchesne, Liber pontificalis, 1886, t. 1, p. 389-395; îlardouin. Acta conciliorum et epistol. decret., t. m, p. 838sq.; Paul Diacre. Histor. Lombard., vi,31 ; Giegorovius, Geschiclue der Stadt Horn im Miltelaller, t. il, p. 327. IL Hemmer. 2. CONSTANTIN II, pape, successeur de Paul Ier, consacré en 767, déposé en 768. Frère de Toto, duc de Nepi, Constantin, bien que simple laïc, fut élu et imposé à la ville de Rome par les soins de sa famille aussitôt après la mort du pap Paul 1er. Les fonctionnaires du pape Paul réfugiés chez les Lombards, spécialement le primicier Christophe et son fils, organisèrent l’opposition et préparèrent une expédition â Rome. Constantin n’avait pas l'appui du roi des Francs Pépin. Des complices ouvrirent les portes de la ville aux soldats lombards. Toto fut tué dans la lutte, Constantin fait prisonnier et enfermé au cou­ vent de Cella nova. Les vainqueurs eurent de la peine à s’entendre. Le parti lombard essaya de faire accepter le prêtre Philippe, mais Christophe fit prévaloir un candidat de son choix qui fut Étienne Ill. Constantin subit la honte d’une cavalcade ignominieuse à travers les rues de Rome; puis il fut déclaré déchu du ponti­ ficat; un groupe de forcenés pénétra dans son couvent el lui creva les yeux. Un concile comprenant des pré­ lats francs, lombards et italiens renouvela dans des conditions très dures la condamnation de Constantin, bien qu'Elienne lui-même et le clergé romain eussent accepté sa communion; ses ordinations et ses actes furent déclarés invalides; un décret fut rendu pour spécifier que les laïques militaires ou civils seraient désormais exclus du corps des électeurs, et que les car­ dinaux prêtres ou diacres seraient seuls éligibles. Le changement introduit ainsi dans le droit électoral était profond, mais ne fut point durable (769). La personne de Constantin II n’est plus mentionnée après le concile de Latran de 769. Jaffé, Begesta pontificum romanorum, 1.1, p. 283; Duchesne, Liber pontificalis, t. I, p. 468; Mansi, t. xn, p. 717; Id., Les premiers temps de l’État pontifical, Paris, 1904, p. 114-126, 1226 ou dans la Bevue d'hist. et de litt. relig., 1896, p. Si5 ; Gregoroviiis, Geschiclue der Stadt Bom im Mittetalter, t. il, p. &<>. 11. Hemmer. 3. CONSTANTIN, évêque bulgare, disciple des saints Cyrille et Méthode. En 894, d’après Goloubinsky, il com­ posa un recueil de sermons du dimanche, puisés en grande partie dans les œuvres de saint Jean Chrysoslome, de saint Cyrille‘l'Alexandrie et de saint Isidore de Péluse. Il est encore ’’auteur d’un traité sur la liturgie et la hiérarchie ecclésiastique et d'une chronique, et il traduisit du grec les discours de saint Alhanase contre les ariens. Il est considéré comme un des écrivains classiques de la littérature slave primitive. Goloubinsky, Essai d'histoire des Églises orthodoxes bulgare, serbe et roumaine, Moscou, 1871, p. 167; Philarète, Aperçu sur la littérature ecclésiastique russe, Saint-Pétersbourg, 1884. p. 5-6; Hermogene, Essai d'histoire des Églises slaves, SaintPétersbourg, 1899, p. 168; Sobolovsky, Vie de l’évéque bulgare Constantin, dans le Becueil bulgare de littérature, de science et d'instruction populaire (Sbornik za narodi umolvoreniia, nauka, i knijnina), Sophia, 1901, t. xvm, p. 68-71. A. Palmieri. 4. CONSTANTIN HARMÉNOPOULOS, dont le principal écrit est du domaine juridique, vivait au xiv« siècle, car un manuscrit nous apprend que son Hexabiblos fut terminé en 1345 et un autre manuscrit, contenant le même ouvrage, date de 1354. Il écrivit : 1» un tomos contre Palamas, qu’a édité Léon Allatius en 1652, Græcia orthodoxa, t. i, p. 780-785 ; 2° un petit écrit hérésiologique, P. G., t. cl, col. 20-29 ; 3° une con­ fession de foi, suivie de quelques extraits des Pères, ibid., col. 29-41; 4° un petit récit sur trois conciles réunis pour défendre la majesté des empereurs grecs contre les usurpateurs,ibid.,col.41 sq.;5°un traité iné­ dit sur les jeûnes ecclésiastiques, contenu dans le Cod. Vindobon. jurid. Il;6»enfin, le compendium juridique ' en six livres, d’où son nom de Hexabiblos, son prin­ cipal titre de gloire. Cet ouvrage fut, avec celui de Mathieu Blastarès, traduit en grec populaire par Nicolas Counalis Critopoulos. Des extraits se trouvent dans P. G., t. cl, col. 45-108, mais la meilleure édition complète a été donnée par E. Heimbach, Constantini Harmenopuli manuale legunt sive Hexabiblos, cum appendicibus et legibus agrariis, in-8", Leipzig, 1851. Dans le Cod. Laur. 80, suppi. 85, 1’Hexabiblos est introduit par une pièce de vers adressée au juge Constantin par le chartophylax André Libadanarios. On attribue également à notre au­ teur un dictionnaire synlactique. K. Krutnbacber, Geschichte der byzantinischen Lilteratur, 2· édit., Munich, 1897, p. 103, 607, 610, 786; E. Heimbach. op. cil., p. V-.XX1I. S. Vailhé. 5. CONSTANTIN MÉLITÉNIOTE. Ce théologien byzantin appartenait à la célèbre famille des Méliténiotes, qui fleurissait â Constantinople vers la fin du xm* siècle et dans la première moitié du xiv», et de laquelle nous connaissons un certain nombre de membres : Jean Méliténiote, auquel est attribué un commentaire des Évangiles, resté encore manuscrit, K. lirumbacher. Geschichte der byzantinischen Lilteratur, 2' édit.. Munich, 1897, p. 135; Calliste, auquel appartiennent plusieurs discours d’un contenu ascétique, Krumbacl.er. op. cil., p. 158; manuel mentionné dans un recueil de lettres anonymes du commencement du xive siècle, con­ servé en manuscrit dans la bibliothèque royale de Munich, Catalogus de Hardt, t. u, p. 287; Tl· . grand sacellaire, maître des maîtres et archidiacre de la Grande Église de Constantinople, lequel composa un commentaire sur les quatre Evangiles, avec un grand ouvrage astronomique, P. G., t. cxi.ix, col. 881-1001 ; Constantin, différent du nôtre, lequel, en sa qualité d^ médecin, s’ingénia à traduire du persan un petit traité de médecine; enfin notre Constantin, théologien et po­ lémiste. Voir, sur ces auteurs, ia breve notice d E. Miller 1227 CONSTANTIN MELITENIOTE — CONSTANTINOPLE (I" CONCILE DE) dans les Notices et extraits des manuscrits, Paris. 1858, t. XIX, 2« partie, p. 1-11, 139, el les notes de Krumbacher, op. cil., passim. Constantin Méliténiote fut archidiacre et chartophylax de la Grande Église, dans la seconde moitié du χιιι» siècle; il est rangé parmi les partisans des Latins, qui travaillèrent avec tant de zèle et d’abnégation, sous Michel Paléologue, à la réconciliation des deux Églises. En 1270, l'empereur grec, inquiet des préparatifs que faisait saint Louis pour la guerre contre les Sarrasins, lui envoya en ambassadeurs Jean Veccos et Constantin Méliténiote; ils arrivèrent en Afrique la veille de la mort du roi, qui leur lit très bon accueil et écouta fa­ vorablement les lettres de Michel VIH. Plus tard, lorsque Jean Veccos fut patriarche de Constantinople, Méliténiote partagea fidèlement les opinions et les mal­ heurs de ce dernier, qu’il accompagna dans son exil. C'est peut-être à lui que Veccos dédia son écrit à Constantin. Il composa lui-même sûrement deux ou­ vrages sur l’union des Églises et sur la procession du Saint-Esprit. P. G., t. cxli, col. 1032-1274. Le principal intérêt en est fourni par la constatation que la proces­ sion du Saint-Esprit, du Père et du Fils, est déjà en­ seignée dans les écrits des principaux théologiens du iv” et du v” siècle. Au point de vue du contenu et de la forme, Constantin dépend de son maître littéraire, Jean Veccos. K. Krumbacher, op. cil., p. 97 sq. (Jn a, de plus, sous le nom de Méliténiote, un grand poème allégorique de 3060 vers politiques à quinze syl­ labes, εις τήν σωφροσύνην, édité par Miller, op. cit., p. 11-138, sans que l’on puisse dire encore s’il appar­ tient à l'un des écrivains déjà cités ou à tout autre membre de cette famille. S. Vailhé. 1. CONSTANTINOPLE (Ier CONCILE DE), II” œcu­ ménique. 381. — L Histoire. IL Le tomos et le symbole. III. Œcuinénicité. L Histoibe. — Les données positives relatives à ce synode se réduisent à peu de chose; attendu que nous ne possédons, en fait de documents le concernant, que quelques débris, encore qu’importants, de ses actes ou soi-disant tels, et de courtes notices historiques dans Socrate, Sozomène etThéodoret. Ces maigres documents suffisent toutefois à établir que ce I,r concile de Con­ stantinople, qui porte dans l’histoire le titre de II” con­ cile œcuménique, ne fut en réalité qu’un concile géné­ ral de l’Église d'Orient ; et encore celle-ci n’y fut-elle pas représentée tout entière. Œcuménique, il ne le de­ vint qu'avec le temps, par suite de l’approbation qu'il reçut à Rome et en Occident, et de l’autorité exception­ nelle que l’on attacha à ses décisions et surtout au symbole qui porte son nom. Les causes qui en provoquèrent la convocation se rattachent étroitement à l’histoire de l'arianisme. A la mort de Valens, en 378. l’arianisme dominait partouten Orient, et spécialement à Constantinople. Dans cette dernière ville, les orthodoxes, partisans de la foi de Nicée. n’avaient même plus ni évêque ni église. Survint alors l'édit de Gratien qui leur permit de se donner un administrateur épiscopal dans la personne de Grégoire de Nazianze et d’ouvrir une église, l’Anastasie (379). Mais les violences des ariens et les fourberies de Maxime, l'intrigant collaborateur de Grégoire, faillirent ruiner à ses débuts l’œuvre de restauration entreprise par celui-ci. Heureusement pour l’orthodoxie. Théo­ dose, associé à l’empire pour l’Orient. arriva au pouvoir avec le projet très arrêté de rétablir la paix religieuse sur la base de la foi de Nicée. Il commença, à peine entré à Constantinople, par faire restituer aux catho­ liques toutes les églises volées; puis il expulsa l’évèque arien intrus, Démophile de Beraia. Socrate, H. E., L V, c. vil,P. G., t. lxvii, col. 575; Sozomène, H. E., I. VII, c. v, ibid., col. 1425. Et pour achever, il convoqua un 1228 synode à Constantinople dans le courant de l’année 38I. La lettre de convocation ne nous est pas parvenue. Mais Thvodoret affirme par deux fois qu'à ce synode ne furent invités que les évêques d’Orient. H. E., I. V, c. vi, vit, P. G., t. LXXXH, col. 1208. Aucun document positif ne permet de supposer que le pape Damase et les Occidentaux aient été convoqués ; à plus forte raison qu’ils aient pris part, personnellement ou par des représentants, aux déliuérations de l’assemblée. 11 est donc bien évident que ce concile n’eut rien d’œcu­ ménique, ni dans le mode de convocation, ni dans sa composition. En vain Baronins, Annal, eccles., Lucques, 1739, an. 381, t. v, p. 498-499, et d'autres historiens après lui ont voulu établir que le pape Damase y avait eu quelque part. L’argument que Baronius tire delà lettre synodale conservée par Théodore!, op. cit., col. 1212I2!8,oû les Pères affirment qu’ils se sont réunis à Con­ stantinople conformément à une lettre du pape Damase à Théodose, porte à faux; car cette lettre émane, non du concile de 381, mais d'un second synode qui se tint à Constantinople, l’année suivante, sur la demande du pape. Quant au passage suivant des actes du VI» con­ cile. sess. XVIII, Mansi, Concil., t. xi, col. 661 : « Lors­ que Macédonius répandit ses erreurs sur le Saint-Esprit. Théodose et Damase se dressèrent aussitôt contre lui. et Grégoire et Nectaire rassemblèrent un synode dans cette ville royale », on n’en peut rien conclure touchant la participation du pape au 11« concile. Ce qui est dit de lui ici serait plutôt une allusion au synode romain tenu à Rome en 380, et dont nous possédons encore les anathématismes relatifs aux erreurs trinilaires. Mansi, t. m, col. 180. Cf. Denzinger, Enchiridion, n. 22-45. Enfin, il suffit de faire remarquer la grossière erreur dans laquelle est tombé le traducteur ou le copiste qui a placé dans la plus ancienne version latine des canons de ce concile, Mansi, t. vi, col. 1176, en fête de la lisle des évêques présents au II” concile, les noms de Paschasinus, Lucentius et Bonifacius, les trois légats pon­ tificaux du IV” concile. L’objectif à réaliser par la convocation de notre con­ cile était triple : confirmer la foi de Nicée, donner un titulaire au siège de Constantinople et régler certains points pratiques pour le bien de la paix. Socrate, op. cit., L V, c. vin, col. 575; Sozomène. ibid., I. VII, col. 1429; S. Grégoire de Nazianze, Carm., xn, de seipso, vs. 1509-1513, P. G., t. xxxvn, col. 1134. Le concile s’ouvrit en mai 381, Socrate, loc. cil., col.597, pour s’achever en juillet probablement. Inscript, canon., Mansi, t. ni, col. 557. Cf. Tillemont, Mémoires pour servir ά l'hisl. eccl., Bruxelles, 1728. I. ix. arL S. Grégoire de Nazianze, note 41, p. 1338; llefele, Conciliengeschichte, Fribourg, 1856, t. n, p. 12. Le nombre des évêques orthodoxes présents, y compris ceux d’Egypte et de Macédoine qui ne prirent part qu'à la dernière partie des réunions conciliaires, fut de 150 environ, Socrate, op. cil., 1. V, c. vm. col. 576; Sozomène, ibid., I. VII, c. vni, col. 1429. La liste des souscriptions, Acta, Mansi, t. in, col. 568-572, contient un peu moins de 150 noms. Cf. Tillemont, op. cit., note 42, p. 1329. Il s'y trouvait en outre 367évéques du parti macédonien, que Théodose avait invités, espérant les amener à un accommodement. Socrate et Sozomène, loc. cit. La présidence du concile passa successivement de Mélèce d’Antioche, S. Grégoire de Nazianze, Garni., xn, vs. 1514 sq., P. G., t. xxxvn, col. 1134, à saint Grégoire de Nazianze, puis à Nectaire de Constantinople. Mansi, t. m, col. 568. Sozomène,7/. E., 1. VII. c. vu, col. 1429, prétend bien que Timothée d'Alexandrie en a partagé la présidence avec Mélèce d'Antioche et Cyrille de Jéru­ salem. Il en eût. en effet, été ainsi de droit, le siège d’Alexandrie passant pour le rang avant les autres; mais Timothée n’était pas là au début du conciie. Si dans la 4229 CONSTANTINOPLE (Ior CONCILE DE) 1230 suite la présidence fut confiée au titulaire du siège de I porte son nom. Mais on peut parfaitement supposer, en ce cas, qu'en approuvant ce symbole, le concile l’aurait Constantinople, à Grégoire d'abord, puis, après la dé­ fait en quelque sorte sien et lui aurait conféré par le mission de celui-ci, à Nectaire, ce lut apparemment fait une autorité particulière, soit comme symbole bap­ pour donner immédiatement la sanction du fait au droit nouveau inauguré par ce concile et formulé dès ce mo­ tismal, soit comme simple formule de foi spécialement dirigée contre les négateurs de la divinité du Saint-Esprit. ment par son 3° canon en faveur du siège de Con­ Cette hypothèse n'est pas en contradiction trop directe stantinople Ce 3' canon ne serait donc que la mise en avec l'opinion traditionnelle, qui a sa valeur. Au point formule d'une théorie dont la procédure suivie au II’ concile dans la question de la dévolution de la pré­ de vue de ses sources, le symbole de Constantinople serait alors, non pas une recension amplifiée du sym­ sidence avait été la première application pratique. bole nicéen. mais un symbole hiérosolimitain complété II. Le tomos et i.e symbole. — Pour ce qui est des par des formules nicéennes. Nous trouvons en effet affaires disciplinaires réglées au cours de ce concile, dans les Catéchèses de saint Cyrille, rédigées avant 350, voir Arianisme, t. i, col. 1844-1845. Quant à la question un symbole qui offre les plus grandes affinités avec dogmatique relative au Saint-Esprit, de quelle manière celui de V Aneoralus, sauf sur la question de l'/iomoy fut-elle traitée et résolue? Nous n'avons sur ce point ousios, qu'il ignore. Or nous savons par Socrate qu’à que de maigres renseignements. Socrate, 1. V, c. vin, partir de 360, Cyrille, qui avait appartenu jusque là au col. 576-577, laisse entendre que, dès avant l’élection de parti des eusébiens modérés, avait évolué dans le sens Nectaire, les négociations avec les macédoniens pour nicéen. Il est probable qu’il dut se préoccuper des lors l'union avaient commencé. L’empereur lui-même s’y employa de son mieux. Il rappela à ceux-ci les essais de , d’adapter le symbole de son Église à ses nouvelles croyances. On est donc autorisé à croire que le sym­ rapprochement autrefois tentés par eux auprès de Rome, bole de Γ.-Ιncoralus est celui de Jérusalem, adapté entre auprès du pape Libère en particulier (366). Mais en vain. « Plutôt être ariens qu’accepter Γόμοοΰσιος, » ce fut le 369 et 373 à la foi de Nicée. Harnack, qui établit ce point par une minutieuse confrontation des textes, va dernier mot des macédoniens; et ils s'éloignèrent, en plus loin encore et veut, c’est la troisième hypothèse, ayant soin de prévenir par lettres leurs partisans contre que le symbole en question n'ait rien de commun, sauf l'acceptation de la foi de Nicée. Socrate, qui nous donne le nom, avec le 11« concile œcuménique. Healeru-ykloces détails, lue. cil., oublie de mentionner qu'il ne pâdie, 3« édit., t. xi, art. Constant inopel (Symbol). s'agit plus de l'homoousie du Fils avec le Père, mais р. 12-28. Ce ne serait que tardivement et à partir du de celle du Saint-Esprit. Il ajoute qu’après le départ concile de Chalcédoine qu’aurait eu cours la théorie, des macédoniens les 150 évéques orthodoxes restants dès lors universellement adoptée, d'un rapport d'ori­ confirmèrent la foi de Nicée. Cf. Sozomène, 1. Vil, c. vm, gine entre ce symbole et l’activité doctrinale du 11« con­ ix, col. 1436; Théodoret, I. V, c. vm, col. 1214. En quoi cile. Sur ce point, voir Nicée (Symbole de). consiste cette confirmation? Dans leur lettre, les évêques III. Œcuménicitë, — Le concile se sépara en juillet du synode de 382 parlent d’un lomos rédigé par notre après avoir réglé dans ses canons plusieurs questions concile sur la question Irinitaire. Théodoret, ibid., col. 1216. Et Tillemont, Mémoires, t. ix, p. 888, con­ disciplinaires importantes. Des sept canons qui lui ont été attribués dans les collections canoniques, quatre clut d'une phrase du discours à Marcien, au IV· con­ cile, Mansi, t. vu, col. 464, que ce tomos avait Irait seulement lui appartiennent en réalité. Ilefele, Conciaussi à la question apollinariste et qu'il était rédigé liengeschichte, t. il, p. 12-14. En se séparant, il adressa sous forme de lettre adressée aux Occidentaux. Dans à Théodose une lettre pour le prier de confirmer ses cette hypothèse, le lw canon, dogmatique par son con­ décisions. Mansi, t. in, col. 557. Celui-ci répondit par tenu, et le symbole attribué à ce concile seraient des un décret ordonnant de livrer les églises, en Orient, fragments ou des extraits de ce lomos. En tous cas, les aux évêques qui se trouveraient en communion de historiens déjà cités, Sozomene en particulier, semblent croyance sur l’égale divinité du Père, du Fils et du bien n’avoir eu sous les yeux, au moment ou ils écri­ Saint-Esprit, avec les évêques dont il énumère les noms vaient, que notre 1er canon dogmatique et les canons pour chaque province, Nectaire à Constantinople. disciplinaires qui suivent. Le contenu du lomos en Timothée à Alexandrie, etc. Codex Theodos., I. 3, be question et le rapport supposé entre ce lomos el le fide callud. Cf. Sozomène, I. VII, c. vm, col. 581. Les symbole dit de Constantinople restent donc en suspens. Latins s'étant permis de blâmer plusieurs desdécisions Sur ce symbole même et son origine trois hypotheses prises à Constantinople, entre autres, la solution donnée différentes ont cours. L'hypothèse traditionnelle en fait à la question du schisme d’Antioche et l'élévation de un remaniement du symbole de Nicée opéré par les Nectaire sur le siège de Constantinople, Epist. synod, Pères du 11» concile, en vue d’une affirmation plus ilal. ad Theodos., Mansi, t. m, col. 631, un nouveau expresse de la divinité du Saint-Esprit. Lebedef, l'seconcile réuni l'année suivante, 382, à Constantinople lenskie sobory, Sergiev Posad, 1896, part. I, p. Ill, el composé en partie des mêmes éléments, y répondit note 1, cite en sa faveur le texte suivant de la lettre du par une justification accompagnée d’un exemplaire du concile à Théodosé : ϊπειτκ δέ και συντόμους όρους έ’εφωlomos dressé au précédent concile. Dans sa lettre, le νήσαμεν, την τε τών παςέρων πιστιν τών έν Νιχαία κυρώ- concile de 382 qualifie celui de 381 d’œcunx niyue, σαντες. Cf. Mansi, t. m, col. 557. Tillemont, Mémoires, appellation qui ne peut être prise que dans un sens I. IX, p. 888, identifie au contraire notre symbole avec restreint, et relativement à l’OrientteThéodoret. 1. V. celui que transcrit saint Epiphane, dans son Aneoralus, с. IX, col. 1212-1215. Cf. Ilefele, Concilienyes· la· hle, CXIX, P. G., t. xtlll, col. 232. Us sont, en effet, textuel­ t. il. p. 29, note 2. Et ce qui prouve que même chez les lement les mêmes, sauf deux variantes sans importance. Grecs ce concile ne fut pas considéré dès le début Ilefele, Conciliengeschiehle, t. n, p. 10, note 2, qui comme pleinement œcuménique, c’est qu'à Ephese ..u discute cetle opinion et l'admet, commet à ce propos l’on se réfère au symbole de Nicée, on ne fait pas tn· nune méprise, en confondant ce symbole de l'.4m oralas tion de celui de Constantinople. Harnack, /oc. ci/., conclut en question avec un autre, inséré également dans l'.-ln- de là qu'il n'existait pas encore.au moins comme sym­ coralus un peu plus loin, exx, et qui diffère sensible­ bole officiellement approuvé. On peut aussi supposer ment de celui de Constantinople. Si Γ.-1 ncoratus n'est pas que, même existant et approuvé, il ne pouvait étr<· mis postérieur, ce qui est démontré, à l’année 374, et si le sur le même pied que celui de Nicée. précisément symbole en question n'est pas, simple supposition, une parce que le concile de Constantinople, comme synode interpolation tardive, il devient difficile de laisser au partiel, n'avait pas l’autorité de celui de Nicée. Mansi, concile de Constantinople la paternité du symbole qui t. iv, col. 1138. En 4-49, au pseudo-concile d'Éphese, 1231 CONSTANTINOPLE (II· CONCILE DE) on ne mentionne pas davantage le concile de Constan­ tinople et on ne connaît encore comme œcuméniques que ceux de Nicée et d’Éphèse. Mansi, t. vi, col. 626, 651. C'est à Chalcédoine qu'il apparaît pour la première fois comme œcuménique, et que l'on met son symbole sur le même pied que celui de Nicée. Acta, sess. II, V, Mansi, t. vi, col. 958; t. vu, col. ill. Dés lors, il est partout accepté en Orient comme tel; en particulier, au cours de lallaire des Trois-Chapitres et au VI' con­ cile. Acta, sess. XVIII, Mansi, t. xi, col. 633. En Occident, on fut encore plus long à l'accepter : son 3e canon sur la primauté accordée au siège de Con­ stantinople lui lit tort longtemps. Pholius dit bien qu’il fut approuvé, peu après sa tenue, par le pape Damase. De synod., dans Mansi, t. lit, col. 596. Mais de quelle manière et sur quels points, nous l’ignorons. A Chalcé­ doine, quand on lut le symbole de Constantinople, les légats du pape l'approuvèrent comme les autres; quand il fut question du 3* canon, ils protestèrent et quittèrent même la séance. Mansi, t. vu, col. 441. Voir aussi la protestation de saint Léon, Epist., cvt, ad Anatol., dans Mansi, t. vt, col. 204; Epist., cv, ad Pulc.h., ibid. De même les papes Félix Ill, Epist. ad monach. Const, el Sylh. (485), et Gélase.De libris recipiendis,\ui refusent le titre et l'autorité de concile œcuménique. Au vt' siè­ cle, il n'en est plus de même. Les papes Vigile, Pe­ lage II et Grégoire le Grand reconnaissent et acceptent l’autorité de ses décisions, mais uniquement sur la question dogmatique. S. Grégoire, Epist., 1. VII, epist. xxxiv, P. L., t. lxxvii, col. 893. Ce n’est qu’au IV' synode de Latran, en 1215, que l’Occident accepta officiellement l’innovation canonique lancée par le 11e concile. Mansi, t. xxi, col. 991 ; Denzinger, Enchiri­ dion, n. 362. En résumé, au point de vue.dogmatique, les décisions de ce concile n'eurent une valeur univer­ selle qu’à partir du vt' siècle, et au point de vue cano­ nique, qu'à partir du Xlll'. 1232 543 avait fort dépités, et ils tentèrent contre le concile une attaque indirecte. L’empereur caressait de son côté un projet de conci­ liation avec le principal groupe monophysite, celui des acéphales. Il préparait même un écrit à ce propos. Or les monophysites prétendaient qu’un de leurs gros griefs contre le concile de Chalcédoine était la réhabilitation de Théodoret et l'acceptation de la lettre d'Ibas : ils l'avaient répété au cours de la conférence théologique de 533. Mansi, t. vm, col. 827. Celte circonstance, joinle aux suggestions de Théodore Askidas et des origénistes appuyés par l’impératrice Théodora, décida l’empereur à publier un édit contre les Trois-Chapitres. Les origénistes avaient intérêt à voir l’empereur s’en­ gager dans cette affaire : les Trois-Chapitres lui feraient oublier l’origénisme. D’ailleurs, ils nourrissaient contre Théodore de Mopsueste un autre grief. Celui-ci s’était posé dans plusieurs de ses écrits comme l'adversaire et le contradicteur d’Origène. Enfin Askidas aurait été pour son propre compte acéphale, au moins in petto. Liberatus, Breviar., xxiv, Mansi, t.ix, col. 699; Facun­ dus, Pro defensione trium capit., m, 6, P. L.,t. lxvii, coi. 602. Cf. Duchesne, Vigile et Pelage, dans la Bevue des questions historiques, t. xxxvt, p. 396. C’en était assez pour susciter contre le concile de Chalcédoine une coalition des monophysites et des origénistes. Le crédit de Théodora, monophysite elle aussi de cœur, aidant, le succès était assuré. Du premier édit de Justinien sur cette question on ne sait exactement ni la date ni le contenu. Il n’est pas parvenu jusqu’à nous, sauf deux ou trois extraits insi­ gnifiants insérés par Facundus dans son Pro defen­ sione. En tout cas, il n’est pas antérieur à 543, ni pos­ térieur à 545. Hefele, Concil., t. Il, p. 787. Facundus, en attribue la rédaction aux monophysites et aux origënistes. Op. cit., I. 11, c. I, col. 559. H est vraisemblable qu’Askidas en fut le principal inspirateur. La condam­ nation qui y était formulée portait, toujours au dire de 1. Sources. — Mansi, Concit., t. ni, col. 521-599 ; Socrate, H.E., Facundus, ibid., 1. II, c. m; I. IV, c. iv, col. 565, 626. I. V, c. vi-vni, P. G., t. i.xvu, col. 572-581; Sozomène. H. E., sur la personne et les écrits de Théodore, sur quelques 1. Vit, c. vu-ix, ibid., col. 1429-1440; Théodore!, H. E., 1. V, écrits de Théodoret, et enfin sur la lettre d’Ibas à Maris. c. vni-ix. P. G-, t. Ι.ΧΧΧΠ, col. 12G9-1218; S. Grégoire de Nazianze, Carm., xn. de seipso, sect. 1, vs. 1506 sq., P. G., t. xxxvn, L’édit publié, il fallait le faire accepter par l’épisco­ col. 1133 sq. pat. La chose n’alla pas sans difficultés, même en Orient. II. Travaux. — Tillemont, Mémoires, Bruxelles. 1728, t. ix, Menas de Constantinople hésitait, par respect pour le p. 847-899 (art. Saint Grégoire de Nazianze); Hefele, Cuncilienconcile de Chalcédoine et pour le siège apostolique dont geschichte, t. n, p. 1-29; Lebedel, Conciles œcuméniques, il craignait de préjuger la décision. On le rassura en Sergiev Posad, 1896, part. I, p. m, 145 (en russe); Harnack, Beallui promettant de lui rendre sa signature, si Home désap­ encyklopàdie, 3' édit., t. xi, p. 12-28, art. Konstantinopel prouvait la condamnation. Zoïle d'Alexandrie, Éphrem (Symbol). d'Antioche et Pierre de Jérusalem se laissèrent égale­ J. Bois. ment extorquer, par des promesses ou des menaces, 2. CONSTANTINOPLE (II' CONCILE de), V· œcu­ leur signature. Les mêmes procédés obtinrent les mêmes ménique, 553. A ce concile se rattachent deux débals résultats auprès du reste de l’épiscopat oriental. Facun­ théologiques qui agitèrent l'Orient dans la première dus, loc. cil.; Contra Mocianum, ibid., col. 861 ; Libe­ moitié du vt' siècle : la question origéniste et l’aflaire ratus, op. cit., 1. I, c. xxtv, col. 700. Réunit-on à cette des Trois-Chapitres. Pour la première, voir Ohigéoccasion un synode à Constantinople? On ne sait. Ce NISME au vi' siècle. Sur la seconde, que nous avons à qui est sûr, c'est que des évêques se plaignirent plus trailer ici : I. Débuts de la contfoverse. H. Histoire du tard à l’apocrisiaire du pape à Constantinople d'avoir été concile. 111. Texte et commentaire des 14 anathémaforcés par Menas de livrer leur signature. Facundus, tismes. I. Débuts de la controverse. — C’est en 543 que op. cil., 1. IV, c. tv, col. 626. Pour l’Occident, il en alla autrement. Étienne, aposurgit la controverse des Trois-Chapitres. On englobait crisiaire du pape à Constantinople, et Dacius, évêque sous celle dénomination les écrits de Théodore de Mopde Milan, qui se trouvait lui aussi à Constantinople, sueste, ceux de Théodoret de Cyr, enfin la lettre d'Ibas rompirent la communion avec Menas el les siens. De au Perse Maris déjà examinée au concile de Chalcé­ plus Dacius alla rejoindre en Sicile le pape Vigile déjà doine. Il s'agissait de savoir si l’on condamnerait, avec ces trois personnages, les œuvres susdites comme en­ en route pour l’Orient. Des évêques africains alors fixés à Constantinople suivirent leur exemple. Parmi eux se tachées de nestorianisme, ou si l’on laisserait dormir trouvait Facundus d’Hermiane, à qui nou^devons tous en paix ceux que le concile de Chalcédoine avait épar­ gnés ou réhabilités. En fait, derrière cette question des ces détails, et qui se mit immédiatement à la prépara­ tion d'un mémoire à l’empereur contre la condamna­ Trois-Chapitres, c’était l'autorité même du IV' concile qui se trouvait en cause. Toutes les tentatives des mo- , tion des Trois-Chapitres. Ce mémoire n’est autre que le Pro defensione trium capitulorum sur lequel nous nophysites pour infirmer la valeur de ses décisions aurons à revenir. Præf., col. 527. avaient jusqu'ici échoué. Ces derniers s'allièrent alors Quand on eut à Rome avis de l’édit impérial, on se avec les origénisles que la condamnation d'Origene en 1233 CONSTANTINOPLE (IIe CONCILE DE) consulta. Les diacres romains Pélage et Anatole écri­ virent au savant diacre de Carthage, Ferrandus, pour avoir son opinion et celle de l’épiscopat africain. Ils accusent formellement les acéphales d’avoir machiné toute cette affaire pour démolir l'autorité du IV· con­ cile et de l'Epistola dogmatica de saint Léon. Ferran­ dus répondit que condamner les Trois-Chapitres, c’était meltre en question l’autorité des décisions conciliaires. Epist. ad Pelag. et Anatol., vi, P. L., t. lxvii, col. 921928; Facundus, op. cit., 1. IV, c. lit, col. 624. Rome et l’Afrique étaient donc hostiles au nouvel édit. Cf. Epist. Pontiani ad Justinian., Mansi, t. ιχ, col. 45-46. Le 25 janvier 547, Vigile arrivait à Constantinople, mandé par l’empereur sur l'instigation de Théodora, qui espérait bien lui arracher une réhabilitation du monophysisme. A son départ de Rome et en cours de route, en Sicile, en Grèce, en Illyrie, il avait pu se rendre compte, par les manifestations populaires, de l’hostilité du sentiment chrétien en Occident à l’égard des nouvelles tentatives de l’Ôrient contre la foi deChalcédoine. Facundus, op. cit., 1. IV, c. m, tv; Epist. legat. Franc., Mansi, t. tx, col. 151. Il se montra d'abord très ferme et exclut de sa communion, pour une durée de quatre mois, Ménaset ses complices. Théophane, Chronog., an. 6039, P. G., t. cvm, col. 496. Ceux-ci naturellement usèrent de représailles el effa­ cèrent de leurs diptyques le nom de Vigile. Puis il se produisit chez ce dernier un revirement dont les causes restent inexpliquées. Est-ce cupidité et ambition, comme le prétend Facundus, ibid., ou bien faiblesse et inti­ midation en face des menaces et des violences relatées par la lettre des clercs italiens aux ambassadeurs francs? Mansi, t. tx, col. 153, 181. Peut-être l’un et l'autre. En tout cas, il est certain que Vigile promit alors secrè­ tement à l'empereur son adhésion à la condamnation des Trois-Chapitres. Peut-être même est-il permis de voir dans les documents communiqués par Justinien aux Pères du V· concile, au cours de la Vil'session, la formule de condamnation. Mansi, t. tx. col. 347, 351. Il s'ensuivit une réconciliation avec Menas et l’épis­ copat oriental, réconciliation que Théophane, ibid., col. 497,attribue à l'intervention de Théodora et reporte au 29 juin 547. Le terme de quatre mois lixé par la cen­ sure papale était d’ailleurs écoulé. Sur ce, le pape, après accord avec l’empereur, eut avec les évêques présents d'Orient ou d'Occident, au nombre de 70 environ, sans compter ceux qui avaient déjà souscrit, plusieurs conférences. Le but poursuivi était sans doute d’arracher aux récalcitrants, par la per­ suasion, leur adhésion à la condamnation des TroisChapitres. Facundus, qui y prit part, désigne ces confé­ rences sous le nom d’etranten ou de judicium, et attribue au pape qui les présidait la qualité de judex. Ce n'était donc pas un synode proprement dit, mais une simple consultation dont le résultat restait entière­ ment subordonné à la décision finale du pape. L’issue de ces réunions ne fut pas celle qu’on avait espérée. Dans la troisième séance, Facundus demanda qu’on examinât la question de l’approbation de la lettre d’Ibas par le concile de Chalcédoine. On sait que les Orien­ taux tenaient sur ce point pour la négative; les Occi­ dentaux, au contraire, et à tort, pour l’affirmative. Il se lit fort de prouver que la condamnation de cette lettre était une atteinte au concile de Chalcédoine. Vigile mit lin au débat en suspendant la séance et demanda à chaque évêque un vole écrit. La plupart des évêques, circonvenus et travaillés en secret, portèrent au pape un vote favorable à la condamnation. Facundus, lui, composa en quelques jours un extrait de sa Defensio, toujours en préparation, et le publia sous le titre de Nova responsio. Pro defens., præf., col. 528. Les votes favorables furent déposés aux archives du palais impé­ rial. Le Judicatum de Vigile, publié le 11 avril 548 et 1234 adressé â Ménas, servit de conclusion à cette première partie du débat. Epist. Vigil, ad Rust, et Sebast.,dans Acta F coneil., sess. VII, Mansi, t. tx, col. 353. Le texte en est perdu, sauf quelques fragments, dont un, l’ana­ thème contre les Trois-Chapitres, reproduit dans la lettre de Justinien au V· concile, sess. I, ibid., col. 181, et cinq autres insérés par Vigile dans son Constitutum du 14 mai 553. Mansi, t. tx, col. 104, 105. Cf. Hefele, Coneil., t. il, p. 799-801. C'était une sentence de con­ damnation contre les Trois-Chapitres, mais avec des réserves formelles en faveur de l’autorité et des déci­ sions du concile de Chalcédoine. Cf. Epist. ad Valent., Mansi, t. tx, col. 360; Epist. ad Aurel., col. 362; Epist. ad legal. Franc., col. 154. On espérait ainsi satisfaire l’Orient, sans trop froisser l’Occident. Trois ans plus tard, après un nouveau revirement, Vigile expliquait lui-même qu’il avait pris cette mesure medicinaliter, Damnatio Theod., Mansi, t. tx, col. 59, et sub aligna dispensatione. Epist. leg. Franc., col. 153. Ce fut au contraire le point de départ d’une agitation très vive en Occident. Λ Constantinople, Dacius de Mi­ lan et Facundus d’Hermiane prirent la tête de l’oppo­ sition. Celui-ci publia enfin sa Defensio trium capi­ tulorum, dans laquelle il corrigeait plusieurs des citations de la Nova responsio,rédigée un peu à la hâte, et refaisait tout au long l’historique delà question. Vic­ tor de Tunnunum en reporte la publication à l’année 550. Chronicon, P. L., t. ι,χνιιι, col. 958. Mais le ton rela­ tivement modéré dans lequel se tient l’écrivain,surtout si on le compareavec la vivacité dont il fait preuve dans le Contra Mocianum, indiquerait une époque anté­ rieure, et dans laquelle Facundus n’avait pas encore brisé avec Vigile. Parmi les autres tenants de l'opposi­ tion â Constantinople il faut signaler encore un cer­ tain nombre de clercs romains, parmi lesquels les diacres Rustique, neveu du pape, et Sébastien, d’abord partisans forcenés du Judicatum. Leurs intrigues et leurs accusations contre lui auprès des évêques de l'Occident obligèrent le pape à se disculper et â les dé­ poser. Vigile, Epist., Mansi, t. ix, co). 35I-359. Parmi les documents qui nous ont transmis des détails sur ces intrigues et sur l'agitation dans les provinces, si­ gnalons pour la Scylhie, la lettre à Valenlinien deTomi, du 18 mars 550, Mansi, t. tx, col. 356-361, celle à Aurélien d’Arles, pour la Gaule, du 29 avril 550, ibid., col. 361-363, pour la Dalmatie, celle des clercs italiens, milanais sans doute, aux ambassadeurs francs. Ibid., col. 151-156. En llljrie, il y eut un synode (549) où fut déposé le métropolitain Benenatus de Justiniana I», et décidé l’envoi d'une lettre de protestation à Justinien. Victor deTunnunum, ibid. Les Africains enfin, en dehors de ceux qui avaient porté leurs protestations à Con­ stantinople même, étaient allés jusqu’à excommunier le pape dans un sjnode tenu en 550 sous la présidence de Réparatus de Carthage. Ils avaient également fait parvenir leurs réclamations à l’empereur. Ce mouvement d'opinion amena le retrait du Judica­ tum. Une réunion eut lieu à laquelle prirent part, outre le pape et l’empereur, les évêques grecs et latins pré­ sents à Constantinople, et ou il fut décidé d'un commun accord que l’on s’en rapporterait à la décision d’un futur synode. En attendant, on s’abstiendrait de toute manifestation pour ou contre les Trois-Chapitres. Dam­ natio Theod., Mansi, t. tx, col. 59; Epist. legal. Franc., ibid., col. 153. Toutefois, dans une pièce secrète datée du 15 août 550 et remise à l’empereur, ie pape s’était engagé à favoriser de tout son pouvoir le maintien de la condamnation provisoirement retirée. Acta V coneil., sess. VU, ibid., col. 363. Ce fut en vue de préparer le synode projeté, que l’on tint, le 17 juin 550, à Mopsueste, un synode local des évêques de la Cilicie II·, pour trancher la question de savoir si le nom de Théodore de Mopsueste se trouvait 1235 CONSTANTINOPLE (IP CONCILE DE) sur les diptyques de cette Eglise. On constata qu'il ne s'y trouvait pas. Acta, insérés dans Acta V concil., sess. V, ibid., col. 274-289. Vers la même époque, peut-être même avant le retrait formel du Judicatum, avaient été lancées les convoca­ tions pour le concile projeté. Les Illyriens refusèrent d'y répondre. Epist. leg. Erane., ibid., col. 153. Des évêques qui se rendirent à Constantinople pour y repré­ senter l'épiscopat d’Afrique, l'un, Réparatus de Carthage, ayant résisté aux sollicitations du parti impérial, se vit accusé d'un crime dont il était innocent, déposé et rem­ placé; un autre, Eirmus de Numidie, se laissa gagner et souscrivit à la condamnation, puis reprit, pour mou­ rir en roule, le chemin du retour; le troisième, Priinasius de Byzacène, résista d'abord, puis fléchit lui aussi; un seul Verecundus tint ferme jusqu'au bout. Victor de Tunnunum, Chronic., ibid., col. 959; Epist. leg. Franc., Mansi, t. tx, col. 153. On ne s’en tenait guère, on le voit, dans l’entourage de l'empereur aux termes de l'accord conclu avec le pape. On alla encore plus loin. Askidas et son parti faisaient circuler et signer, jusque dans le palais, une pièce contre les Trois-Chapilres. Le pape protesta ; il y eut un semblant de soumission, puis la campagne reprit de plus belle. Damnat, Theod., op. cil., col. 59. Elle fut si bien menée qu'elle aboutit à la publication d’un nouvel édit impérial contre les Trois-Chapilres. On peut présumer, â défaut d’indication positive, que l'édit en question n'est autre que 1”Ομολογ:α πίστεως ’Ιουστι­ νιανού αύτοχοάτορο; κατά τών τριών κεφαλαίων, Mansi, t. tx, col. 537-582 : ce qui placerait la publication de cette pièce entre 551 et 553. Elle comprend, en dehors d'un symbole très prolixe par lequel elle débute, 13 analhématismes que nous retrouvons presque intégralement dans les 14 anathémalismes du concile de 553, puis un long exposé justificatif de la condamnation portée contre les Trois-Chapitres. La publication de ce nouvel édit provoqua une confé­ rence chez le pape, au palais de Placidie. Dacius, As­ kidas, les évêques grecs et latins, des prêtres, des diacres et même des clercs de Constantinople s’y trou­ vèrent présents. Vigile invita les évêques à prier l’em­ pereur de retirer son édit, el, en tout cas, à refuser leur signature. Damnat, l'heod., op. cil., col. 60; Epist., xv, encyclica, ibid., col. 50. Dacius parla dans le même sens. Epist. leg. brane., ibid., col. 154. Rien n'y lit. Ce même jour, Askidas et d'autres évêques eu­ rent l’audace de célébrer en grande pompe dans une église ou l’édit était affiché, puis de déposer Zoïle d’Alexandrie qui refusait de les suivre. Epist. encycl., ibid., col. 51. Sur ce. Vigile excommunia Askidas (juil­ let 551). Le 14 août, pour échapper aux violences dont il se crut menacé, il se réfugia dans l’église de SaintPierre et y rédigea le 17 un décret déposant Askidas et excommuniant Menas et les autres évêques de leur parti. Ce décret, il le confia à une personne sûre, pour être publié plus tard, suivant l’opportunité. Damnai. Theod.; Epist. encycl., loc. cit. C’est là qu’eut lieu la scène répugnante de violence que racontent les clercs italiens. Epist. leg. Franc., op. cil., col. 154. Après bien des pourparlers el des promesses, le pape consen­ tit à quitter son asile et à rentrer chez lui. Mais, s’y voyant entouré d’émissaires de la cour et de traîtres, deux jours avant Noël de 551, il alla chercher un nou­ vel asile dans l'église de Sainte-Euphéniie à Chalcédoine. C’est de là qu'il lança, en janvier552,sa Damnatio Theodori, Mansi, t. tx, col. 58-61 ; puis le 5 février 552, son Epistola encyclica. Ibid., col. 50-56. De nouvelles négociations avec la cour el l’épiscopat amenèrent une lettre de rétractation et d'excuses de la part d’Askidas, de Menas et d'autres évêques (insérée dans le Consti­ tutum, Mansi, t. ix.col. 62). Eutychius, qui succéda sur le siège de Constantinople à Ménas décédé en août 552, 1236 i remit également au pape, le 6 janvier 553, une lettre du même genre à laquelle avaient adhéré un nouveau groupe de réfractaires. Ibid.,col. 63,186. Dans sa réponse à cette lettre, le pape revient sur l’utilité d’un concile et se déclare prêt à y prendre part. Ibid., col. 187-189. Les négociations avaient donc repris aussi sur ce der­ nier point: on peut même aller jusqu’à croire que, dès cette époque, la tenue en était décidée et, peut-élre, les convocations officielles lancées. L’Italie et la Sicile paraissaient tout indiquées au pape pour y r unir le futur concile : les évêques de l’Occident, parmi lesquels se recrutait la presque totalité des opposants, auraient plus de facilités pour s’y rendre. Constitutum, ibid., col. 64. Justinien n’était pas de cet avis et pour cause. Mais il offrit au pape de mander à Constantinople tous ceux des évêques d’Afrique dont il souhaitait la presence. I Revint-il ensuite sur ce projet, dans la crainte d'une I trop vive opposition de leur part '? Le fait est que les Africains ne vinrent pas. Ce fut au tour du pape de re­ prendre sa promesse et de se refuser à adhérer à un ' projet qui, s’il se réalisait, le laisserait seul, avec un petit nombre de Latins, en face d’une majorité suspecte ou hostile. On chercha des accommodements. Vers Pâques de 553, Justinien proposa à Vigile, au lieu d'un concile proprement dit, des réunions où l’on appelle­ rait un nombre égal d'évêques, de part et d'autre. Ibid., col. 64. 182. Le pape accepta et se déclara prêt à conférer, assisté de trois évêques latins, avec les quatre évêques grecs qu’il plairait à l'empereur de désigner. Celui-ci ne l’en­ tendait pas ainsi. Versatilité ou fourberie, il protesta qu’il avait voulu parler d’un nombre égal de représen­ tants des différents patriarcats, ce qui revenait à donner sous une autre forme une prépondérance marquée à l’élément grec. Le pape ne crut pas devoir faire cette concession. Alors, de sa propre autorité, l'empereur réunit le concile auquel le pape se déclarait opposé et lui confia le soin, non pas de trancher la question en litige, mais de confirmer et d'enregistrer une décision toute faite ; celle même qui avait été formulée dans Ι’Όμολογία. Le. pape, lui, manifesta publiquement son intention de faire connaître bientôt, et par écrit, sa sen­ tence définitive. Ibid., col. 370. IL Histoire du concile. — Le V· concile s’ouvrit le 5 mai 553; il tint ses séances dans le secretarium de l’église patriarcale de Constantinople. A côtéd’Eutychius, à qui fut dévolue la présidence, siégeaient Apollinaire d’Alexandrie, Domninos d’Antioche, trois représentants d Eustochios de Jérusalem et 145 autres métropolites et évêques. Les souscriptions du formulaire final contien­ nent 164 noms, parmi lesquels ceux de 14 Africains. Les actes grecs de ce concile n'existent plus ; mais nous en possédons une version latine fort ancienne, qui dale de Pélage II (578-590), peut-être même de Vigile. Drætat. Daluzii, Mansi, l. tx, col. 164. Au cours des débats monothélites. ces actes subirent des interpolations dans le sens monolhélite, qui furent dévoilées au VIe concile. Mansi, t. tx, col. 587 sq. Cf. Hefele, Concil., t. Il, p. 831-834. Sur la question de leur intégrité, cf. Hefele, ibid., p. 834-839; Diekamp, Die origen. Slreitigheilen, Munster, 1899, p. 97-129. D’apres les actes tels que nous les possédons aujourd'hui, il y au­ rait eu huit sessions en tout, éçhelonnées du 5 mai au 2 juin. La 1« session s'ouvrit par la lecture d'un acte impérial indiquant, après un court aperçu historique de la question des Trois-Chapilres, l’objet précis du débat : les écrits de Théodore de Mopsu^ste, et en parti­ culier, le symbole mis sous son nom; la question de savoir si l’on pouvait l’anatli matiser personnellement, quoique mort, devait aussi être examinée; les écrits de Théodoret relatifs à la controverse nestorienne ; enfin la lettre d'Ibas à Maris. Mansi, t. tx, col. 178. Le reste de la séance, ainsi que les deux séances suivantes, 4237 CONSTANTINOPLE (II·’ CONCILE DE) 8 et 9 mai, furent consacrés â la lecture de documents relatifsau débat, cl surtout à des négociations, d’ailleurs infructueuses, avec le pape et avec les Occidentaux de son parti. Ibid., col. '191, 200. La IV' session, 12 ou 13 mai, fut occupée tout entière par la lecture d'un re­ cueil contenant, an nombre de 7'1, des extraits des dif­ férents ouvrages de Théodore. Ces extraits donnent un aperçu assez complet des principaux points de sa théo­ rie christologique. Ibid., col. 202. On continua dans la V’ session (17 mai) l’examen concernant l’orthodoxie du système théodorien. Après avoir conclu par la néga­ tive, on agita la question de la légitimité d'une con­ damnation portée contre un personnage défunt; on relut à ce propos les actes du synode tenu à Mopsueste en 550, pour établir si, oui ou non, le nom de Théodore avait ligure dans les diptyques de celte Eglise. Mansi, t. tx, col. 274-289. On constata qu'il en avait été elfacé depuis longtemps et l'on conclut que rien ne s’opposait à la condamnation du personnage. L’examen concer­ nant les écrits de Theodorei contre saint Cyrille ou en faveur de Nestorius occupa le reste de celte session. Ibid., col. 289-297. La lettre d'Ibas, réservée pour la VIe session (19 mai), donna lieu à la lecture d'un certain nombre de documents relatifs au lii' et au IV'concile. Ibid., col. 308-341. On conclut que la lettre était fran­ chement hérétique et qu’on ne pouvait se réclamer pour la défendre de l’autorité du concile de Chalcédoine’. Ibid., col. 31'1-315. Le document pontifical annoncé avait paru entre temps. C’est le Constitutum, du 14 mai 553, portant, outre la signature du pape, celles de seize évêques et de trois clercs romains. Mansi, t. IX, col. 61-106. Ce travail, d'une précision et d’une sûreté théologique remarquable, renferme entre autres 60 capitula, ou extraits des œuvres de Théodore, empruntés à une lettre de l’empereur au pape et qui contiennent la plus grande partie des mor­ ceaux du recueil lu au cours de la IV' session. Le pape donne de chacun d'eux une réfutation très serrée. Puis il conclut en condamnant sans réserve les erreurs théo­ logiques de Théodore, mais il se refuse à porter un anathème contre sa personne ; les conciles d'Ephèse et de Chalcédoine. dit-il, ne l’ont pas condamné. D'ail­ leurs, il n'est pas dans la tradition ecclésiastique d'anathématiser les morls. Ibid., col. 93 sq. Quant à Théodoret, il a explicitement condamné Nestorius et ses erreurs; après quoi, les Pères de Chalcédoine l'ont inno­ centé. Porter l'anathème contre lui, ce serait aller contre la chose jugée et inliriner l'autorité du IV'concile. Le pape s'y refuse donc; mais il consent à anathémaliser toutes les erreurs nestoriennes qui circulent sous le couvert du nom de Théodore! et d'autres. C’est ce qu'il fait pour quelques-unes d'entre elles dans les cinq anathématismes qui servent de conclusion à celte seconde partie de la lettre. Ibid., col. 97-98. Même solution pour ce qui concerne Ibas et sa lettre à Maris. Il ressort, dit le pape, des discussions et des votes des Pères à son endroit, qu'on la tenu pour orthodoxe à Chalcédoine. Quant à ses insinuations injurieuses contre saint Cyrille, il les a retirées: il n'y a donc pas lieu de revenir sur ce qui a été décidé à son sujet par les Pères de Chal­ cédoine. Ibid., col. 98 sq. En terminant, le pape con­ damne formellement tout ce qui serait une atteinte au jugement porté par lui sur l'allaire des Trois-Chapitres et l’annule par avance. Le 25 mai, Vigile communiqua officiellement le docu­ ment à l'empereur. Celui-ci refusa, toujours officielle­ ment, d'en prendre connaissance; ce qui ne l’empêcha pas le lendemain, 26 mai, jour ou se tint la Vil' ses­ sion, de faire transmettre aux Pères, pour qu’on les lût en séance, toute une série de pièces, lettres, édits pon­ tificaux ayant pour but d'établir que le pape, qui avait précédemment donné son assentiment à la condamna­ tion des Trois-Chapitres, se déjugeait maintenant et se 4238 . mettait ainsi en contradiction avec lui-même. Il donnait ordre, pour finir, de rayer son nom des diptyques. Les i évêques se soumirent servilement à toutes les volontés i impériales et la rupture définitive avec le pape fut con­ sommée au cours de la Vil' session. Ibid., col. 346 sq. Il ne resta plus dans la VIII» et dernière session (2 juin), qu’à proclamer et à souscrire le formulaire de condamnation rédigé à l’avance, vraisemblablement par Eutychius et Askidas, les deux principaux meneurs de toute celte intrigue. Le début du formulaire, après quelques phrases sur les causes qui ont soulevé cette affaire des Trois-Cha­ pitres. expose rapidement, et sans rien préciser, les démarches et les négociations préliminaires avec le pape. On sent percer à chaque mot de cet exposé le désir de se justifier et le besoin de présenter, sous son aspect le moins désavantageux possible, une situation que l'on sait absolument fausse et anormale. Puis vient une condamnation des hérétiques antérieurement con­ damnés, suivie d'un anathème particulier qui porte sur la personne de Théodore, ainsi que sur ses œuvres; sur les écrits de Théodoret contre saint Cyrille et le concile d'Ephèse, et en faveur de Nestorius; enfin sur la lettre d’Ibas à Maris. On condamne également ceux qui pour défendre les Trois-Chapitres se réclameraient soit des saints Pères, soit du concile de Chalcédoine. Le formu­ laire se clôt sur une série de 14 anathématismes où se trouvent résumées les principales erreurs reprochées aux trois personnages anathématisés, mais surtout celles de Théodore de Mopsueste. Mansi, t. tx, col. 375-380. Nous allons les examiner plus en détail ; mais aupa­ ravant, il faut dire un mot des suites et de l’issue du conllit si malheureusement engagé avec le pape. Le concile s’était tenu et avait porté ses décisions indépen­ damment du pape et contre sa volonté formellement exprimée. Ce n’était donc au fond qu'un pseudo-concile et ses décisions n’avaient aucune valeur dogmatique ni canonique. L’empereur ne négligea rien pour obtenir du pape l’approbation qui devait remédier à ce vice originel. On rapporte à celte période la rélégation de Vigile dans la Haute-Egypte ou dans une ile de la Pro­ pontide. Mais elle fut de courte durée. Pour des motifs que nous ignorons, pour le seul bien de la paix peutêtre, le pape revint sur sa décision première et accepta ce qui s’était fait au pseudo-concile de Constantinople. Nous avons pour garants de ce revirement deux pieces officielles émanées de lui; une lettre du 8 décembre 553 au patriarche Eutychius, Mansi, t. tx, col. 414-420, et un reserit du 23 février 554, qui porte le titre de Constitulum de damnatione trium capitulorum. Ibid., col. 467-488. Il accepte et approuve dans toute leur teneur les anathèmes formulés par les évêques réunis à Constantinople, annulant explicitement toutes ses décisions antérieures relatives à la question. Vigile reconnaissait avoir fait erreur, Epist. ad Eutych.,ibid., col. 416, et, en particulier pour ce qui concerne la lettre d’Ibas, avoir prétendu à tort qu’elle avait été approuvée comme orthodoxe par les Pères de Chalcédoine. Con­ stitutum, ibid., col. 455-488. .le n’ai pas à défendre ici la mémoire du pape Vigile ni à expliquer son change­ ment d’attitude, voir Vigile; qu’il me suffise de faire observer, pour montrer que l’autorité de son magistère doctrinal n'en est en rien infirmée, que les variations de l’infortuné pape, puisque variations il y a, ont porté exclusivement sur la question de fait et d'opportunité. Le concile de Chalcédoine, en réhabilitant Théodoret et Ibas, avait-il voulu garantir l'orthorfbxie de leurs écrits antérieurs? Êtait-il opportun de condamner ces derniers alors que les Pères de Chalcédoine s’en étaient abste­ nus? Quant â Théodore, y avait-il quelque raison ou quelque utilité d’anathëmatiser la mémoire et les cen­ dres d’un évêque qui avait erré sans doute sur la doci trine, mais qui avait été fort méritant par ailleurs, et 1239 CONSTANTINOPLE (II· CONCILE DE) que l’Église avait jusque-là laissé dormir en paix? Aussi longtemps qu'il crut voir sous ces projets de condam­ nation une atteinte directe contre l’autorité du IVe con­ cile, le pape répondit négativement â toutes ces ques­ tions et persista, non sans mérite, vu la situation qui lui était laite, dans sa manière de voir. Après le fait accompli, et lorsqu’il se fut convaincu que l’autorité du IVe concile restait sauve, il céda pour le bien de la paix. Mais il convient de ne pas oublier que, dès le début, Vigile avait parfaitement discerné les erreurs doctri­ nales colportées sous le couvert de ces trois noms de Théodore, de Théodoret et d’ibas, et les avait condam­ nées. Il n’eut donc pas sous ce rapport à se déjuger. C’est tout ce que peut réclamer la plus scrupuleuse orthodoxie. 111. Texte et commentaire des 14 anathématismes. — Un simple coup d’œil jeté sur les anathématismes sufïit à en déceler le partage et le groupement. Les 12 premiers sont consacrés à Théodore de Mopsucste et à l’hérésie nestorienne, sauf le 8e qui vise le mo­ nophysisme. 11 est encore fait allusion à cette der­ nière erreur dans le 9e et 11e qui, en même temps qu’a Théodore, disent anathème aux principaux repré­ sentants des hérésies relatives à la trinité et à l'incar­ nation. Le 12« anathématisme vise exclusivement Théo­ doret de Cyr et ses écrits contre les défenseurs du dyophysisme. Le 14« est consacré à Ibas et à sa lettre au Perse Maris. La plus grande part en somme y revient à Théodore de Mopsueste et à sa théorie de l'incarnation. Les prin­ cipaux éléments de son système, en soi très logique et bien enchaîné, se trouvent répartis entre les différents anathématismes du premier groupe. Le contenu de ces derniers en reproduit assez exactement et, pour l’en­ semble, dans un ordre logique assez bien compris, les parties essentielles. Mais, à y regarder de près, on s’aperçoit que la clarté et la logique de cet exposé au­ raient gagné â certaines modilications de détail. La rédaction du 4« anathématisme, par exemple, est, pour le début du moins, passablement embrouillée; le 12° anathématisme serait mieux à sa place â la suite du 4«, qu’il complète, que relégué après le 11«, lequel parait être la conclusion naturelle de toute cette pre­ mière série. Un exposé succinct de tout l’ensemble du système de Théodore est ici nécessaire pour l’intelligence des ana­ thématismes qui lui sont consacrés. Cet exposé sera ensuite complété par quelques remarques relatives à chacun d’eux. Pour résoudre le problème soulevé par le mystère de l'incarnation, Théodore s’en tient à ce principe qu’une unité réelle et physique de la personne en Jésus-Christ aurait pour conséquence une unité réelle et physique de la nature; d'où résulterait la confusion ou l'identifi­ cation des deux natures, la nature humaine et la nature divine. Ce principe, s’il n’est pas formulé très explici­ tement par Théodore, se trouve être cependant la base de tout son système. C’est pour échapper à ce qu’il croit en être la conséquence inévitable, et pour main­ tenir, lout en sauvegardant une certaine unité, la dis­ tinction réelle des personnes en Jésus-Christ considé­ rée par lui comme la sauvegarde de la distinction réelle des natures, qu’il imagine l'union morale, ένωσις σχετική, des deux personnes, celte caractéristique de son système christologique. Il s’exprime d’ailleurs avec la plus grande netteté sur ce point, dans un des rares passages subsistants de son œuvre théologique. De incarnat.', vu, G., t. i.xvt, col. 971-976. 11 y a, en vertu de l’incarnation, inhabitation, ένοίκησις, du Verbe, Fils de Dieu, dans l'homme. En quoi consiste cette inhabitation? Se réalise-t-elle par l’intermédiaire de la substance, ουσία, ou bien par l'intermédiaire de l’action, ένεργεία? Théodore rejette également l'une et l'autre d" 1240 ces deux solutions. L’inhabitation de Dieu dans une créature est un privilège qui semble réservé, sur la foi de l’Ecriture, aux saints et aux êtres privilégiés. Or, Dieu par sa substance est présent à tous sans exception, même aux êtres irraisonnables et inanimés. 11 est dans la même mesure présent à tous les êtres par son action, car sur tous s’étend sa providence toute-puissante. L’inhabitation, ce privilège de quelques-uns, n’estllonc pas l’omnipotence de substance ou d’action à laquelle tous participent au même degré : ούκοϋν ούτε ουσία λέγειν, ού'τε μην ένεργεία οιόν τε ποιεΐσθαι τόν θεόν την ένοίκησιν. Que reste-t-il donc? Sinon à parler d’inha­ bitation par bienveillance ou par complaisance, ευ­ δοκία. Ε’ευδοκία (ici nous retrouvons les termes mêmes empruntés par le 4' anathématisme), c’est ce bon vou­ loir, cette faveur divine qui s’exerce d'une manière toute spéciale à l’égard de ceux qui cherchent à plaire à Dieu et s’abandonnent à lui. Op. cit., col. 973. Pré­ sent intimement à tous les êtres par sa substance et son action, Dieu n’entre qu’exceptionnellement en rapport avec quelques-uns d'entre eux par Γεύδοκία : τήδε ευ­ δοκία των μέν έστι μακράν, των δέ εγγύς. Le rapport ainsi élabli est principe d’union; el cette union, on le voit, repose tout entière sur des relations de bienveillance, d'affection, τή σχέσει γνώμης, τή σχέσει διαθέσεως. Ibid. Elle vaut à celui qui en est l’objet, de la part de Dieu, une coopération, συμπραττεΐν, une communauté d'ac­ tion, συνεργεΐν, et une protection, έπαμύνειν, toute spé­ ciale. L’inhabitation de Dieu dans les êtres se réalisant par le moyen de ce bon vouloir divin, de cette complai­ sance qu'il trouve en eux, sera nécessairement pro­ portionnée à celle-ci : ούκ Ισον τδ τής ένοικήσεω; πάντως εύρίσκεται, άλλ’ ακόλουθον έξει τή ευδοκία κα·. τον τή; ένοικήσεως τρόπον. Ibid., col. 976. α’. ΕΓ τις ούχ ομολογεί πατρός καί υίοϋ καί άγιου πνεύματος μίαν φύσιν, ήτοι ουσίαν, μίαν τε δύναμιν, καί έξουσίαν, τριάδα όμοούσιον, μίαν θεότητα έν τρισίν ύποστάσεσιν ήγουν προσώποις προσκυνουμε'νην ό τοιούτος ανάθεμα έστω. Εις γαρ θεός καί πατήρ, έξ ου τα πάντα, και εις κύριος ’Ιησούς Χριστός, δε* ου τά πάντα, καί έν πνεύμα άγιον, έν ω τά πάντα. 1. Si quelqu'un ne confesso pas que le Père, le Fils el le Saint-Esprit n'ont qu'une seule nature ou essence, une seule vertu el puissance; qu'ils sont une Trinité consubstantielle, une seule divinité qui doit être adorée en trois hypostases ou personnes, qu'il soit anathème. Car il n'y a qu'un seul Dieu et Père de qui do toutes choses sont, un seul Seigneur JésusChrist par qui toutes choses sont, et un seul Esprit-Saint en qui toutes choses sont. Le 1«« anathématisme enferme en une formule suc­ cincte une profession de foi trinitaire très précise : unité de la nature et des propriétés essentielles, trinité des hypostases ou des personnes. Cette formule est à peu près identique à celle qui constitue le premier des 13 anathématismes insérés dans la Con/ession de foi (όμολογία ) justinienne, Mansi, t. tx, col. 557, et lui est probablement empruntée. 11 faut en chercher le déve­ loppement dans le long exposé consacré à la question trinitaire, au début de cette Confession. Les termes mêmes qui la composent se retrouvent évidemment dans le passage suivant, ibid., col. 540 : όμολογούμεν τοίνυν πιστεύειν εις πατέρα καί υίον καί άγιον πνεύμα, τριάδα όμοούσιον, μίαν θεότητα, ήτοι φύσιν καί ουσίαν καί δύναμιν καί έξουσίαν έν τρίσιν ύποστάσεσιν, ήτοι προσώποις, δοξαζοντες. La formule finale εις γάρ θεός καί πςιτήρ, qui pour­ rait être une formule liturgique, est également emprun­ tée de toutes pièces à la Confession. Ibid., col. 540. Ce sont les hérésies de Sabellius, έν πρόσωπον τριώ­ νυμον λέγοντιτην τριάδα, et d’Arius, ibid., qui se trouvent spécialement visées par ce début de la Confession et par les anathématismes qui s'y référent. Faut-il y voir 1241 CONSTANTINOPLE (II’ CONCILE UE) aussi quelque allusion au symbole nestorien attribué à Théodore, lequel, déjà examiné au concile d’Éphèse, ses­ sion VIe, fut de nouveau remis en question et condamné au cours de la IVe session du Ve concile? La partie trinitaire de ce symbole est correcte, bien que passant très rapidement sur la question de la distinction des personnes. P. G., t. lxvi, col. 1016-1020. Cf. Fritzsche, Commend., ibid., col. 74. Il n’y a donc pas lieu de croire quelle puisse être visée ici. Les anathématismes suivants sont exclusivement con­ sacrés à la question de l’incarnation. β'. ΕΓ τι; οΰχ ομολογεί, τοΰ θεοΰ λόγον είναι τα; δύο γεννήσεις, τήντβ πρό αιώνων έκ τοΰ πατρός, άγρόνως και άσωμάτως, τήν τε έπ’ έσχα­ των τών ήμερων, τοΰ αύτοΰ κατελθόντο; έκ τών ουρανών καί σαρκωθέντος έκ τής άγιας ένδοξου Θεοτόκου και αειπάρθενου Μαρίας, καί γεννηθέντος έξ αυτής, ό τοιοΰτος ανάθεμα έ'στω. 2. Si quelqu’un ne confesse pas qu’il y a deux naissances du Dieu Verbe : l’une avant les siècles, du Père, intempo­ relle et incorporelle; l'autre aux derniers jours, ce même Dieu Verbe étant descendu des deux, et s'étant incarné de la sainte et glorieuse Mère de Dieu et toujours vierge Marie, et étant né d'elle, qu'il soit anathème. Le 2e anathématisme affirme la double génération du Verbe : l'une éternelle et incorporelle, par laquelle il procède du Père, l’autre temporelle et corporelle, par laquelle il s'incarne dans le sein de la Vierge. Le con­ tenu et les termes en sont identiques à ceux du 3e ana­ thématisme de la Confession; seul, l’ordre respectif des deux parties qui les constituent est modifié. Les for­ mules en sont également empruntées à la Confession. Ibid., col. 540, 541. Sans y être explicitement mention­ née, la théorie théodorienne autant que nestorienne de l’union morale de deux personnes en Jésus se trouve ici visée et sapée par la base. En effet, attribuer les deux générations, non pas à deux êtres distincts, mais à un seul et même être, le Verbe, c’est rendre inconcevable tout essai de division et de séparation de personnalité dans le Christ. La distance est immense entre la for­ mule ici adoptée : les deux générations appartiennent au Verbe, τοΰ Λόγου είναι τάς δύο γεννήσεις, et les for­ mules nestoriennes que nous citons plus bas ht qui re­ viennent à ceci : la génération temporelle n’est pas attribuable au Verbe, mais uniquement à l’homme au­ quel le Verbe s’est uni; elle ne peut être rapportée à celui-ci qu’indirectement, en vertu de l’union qu’il a contractée avec l’homme engendré. Sur ces deux générations et la distinction de leurs sujets d’attribution, les textes suivants de Théodore sont très explicites : quando erit quæstiode nativitati­ bus secundum naturam, ne Mariæ filius Deus Verbum existimetur... Et duas nativitates Deus Verbum non sustinuit, unam quidem ante seccula, alleram autem in posterioribus temporibus. Ce passage, dont le texte de notre 2e anathématisme est évidemment la contre­ partie, est tiré, ainsi que la plupart de ceux qui seront cités dans la suite, du recueil anonyme examiné au cours du Ve concile et inséré dans les actes de la Ve session, recueil composé d'extraits empruntés à des ouvrages de Théodore que nous ne possédons plus. Mansi, t. IX, col. 219. Tous ces passages sont reproduits dans les Fragmenta dogmatica, de Théodore de Mopsueste, P. G., t. lxvi, col. 979-1016. Signalons encore les pas­ sages suivants: Nemo ex his qui pietatis curam habent patitur morbum habere dementias ut dicat eum qui ante saecula est,in ultimis facium esse...cum oporteret forte dicere quod qui ante sæcula erat assumpsit hunc qui in ultimis erat... Cont. Apollin., 1. IV, Mansi, op. cit., coi. 206; cf. P. G., t. lx, coi. 999: et Quo­ modo igitur homo et Deus unum per unitatem esse potest, qui salvificat et salvificatur, qui ante saecula 1242 est et qui ex Maria apparuit. De tncarn., ibid., col. 969. γ'. Εϊ τις λέγει, άίλον είναι τδν λόγον τοΰ θεοϋ τδν θαυματουργήσαντα, και άλλον τον Χριστόν τδν παθόντα, ή τδν θεόν λόγον συνεϊναι λέγει τώ Χριστώ γενομένω έκ γυναικος, ή έν αύτ ρ είναι ώς άλλον έν άλλω, άλλ’ούχ ένα, καί τόν αυτόν κύριον ήμών Ίησοϋν Χρίσ­ τον, τον τοΰ θεοΰ λόγον, σαρκωθέντα και ένανθρωπήσαντα, καί τοΰ αύτοΰ τάτε θαύματα και τα πάθη, απερ έκουσίως ύπέμεινε σαρκί. ό τ. ά. έ'. 3. Si quelqu’un dit qu’autre est le Verbe de Dieu qui a accompli des miracles, et autre le Christ qui a souffert ; ou que le Dieu Verbe s’est uni au Christ né d’une femme; ou qu’il est en lui comme un être dans un autre être différent; et que ce n’est pas un seul et même Notre-Seigneur JésusChrist, Verbe de Dieu, qui s’est incarné el fait homme, et à qui reviennent el tes mi­ racles et les souffrances qu’il a volontairement supportées dans sa chair, qu’il soit anathème. Ce 3e anathématisme est presque identique, lui aussi, à l’anathématisme correspondant de la Confession. Mansi, t. ix, col. 560. La théorie qu’il condamne est la théorie nestorienne des deux sujets d’attribution dis­ tincts en Jésus-Christ, άλλον... καί άλλον, c’est-à-dire des deux hypostases : l’une, celle du Verbe, à qui seule on rapportera les miracles, l’autre, celle de l’homme appelé Christ, à laquelle on attribuera, â l’exclusion de la pre­ mière, les soullrances et la mort. Voici quelques-uns des passages de Théodore auxquels il est sans doute fait allusion : Quomodo non manifestum quod alterum quidem nos Scriptura divina docet evidenter esse Deum Verbum, alterum vero hominem, et multam eorum esse nobis ostendit differentiam, In Ps. viu, ibid., col. 211; et De incarn., I. V : Quando naturas quisque discernit, alterum et alterum necessario in­ venit. P. G.,t. lxvi, coi. 969. Plus loin, dans ce même passage, Théodore semble bien, il est vrai, parler d’une certaine unité de personne : persona idem ipse inveni­ tur, nequaquam confusis naturis; mais (’explication qu’il en donne aussitôt n’est rien moins que correcte : Sed propter adunalionem quæ facta est assumpti ad assumentem, et plus loin : manifestum quia idem ipse invenietur adunatione personae. Si la personne, comme telle, est un tout complexe et le résultat d’une certaine union, il n’y a plus en réalité unité de la per­ sonne. La personne de Jésus-Christ étant, d’après Théodore, composée de deux êtres distincts, puisque le Verbe et le Christ qui la constituent sont autre et autre, άλλον... καί άλλον είναι, il reste à définir de quelle manière ces deux êtres sont unis l’un à l’autre. Ce sera l’objet de l’anathématisme suivant. Dans celui-ci, cette union est simplement caractérisée par les deux formules sui­ vantes : συνεϊναι, qui indiquerait plutôt une juxtaposi­ tion des deux êtres, et έν αΰτώ είναι, qui exprime l’inhabitation de l’un dans l’autre. Il n’y a pas lieu, semble-t-il, d’insister sur la différence, en somme mi­ nime, que l’on peut relever entre l’une et l’autre de ces deux expressions. C’est d’ailleurs la seconde, έν είναι, qui revient le plus fréquemment sous la plume de Théodore, Cont. Apol., 1. Ill: δ γε θεός και έκ θεοϋ όμοούσιος τώ ΙΙατρί, τώ μέν έκ τής Παρθένου γενν-/ι: .τι... ένήν ώς είκός, Ρ· G., t. lxvi, col. 997, 999. et les nom­ breux passages ou revient la comparaison habituelle du temple et de celui qui habile dans le temple, ναού ληφθέντος καί τοΰ ένοικοϋντος έν τώ ναώ. Ibid, δ'. Et τις λέγει κατά χάριν, ή κατά ενέργειαν, ή κατά ισοτιμίαν, ή κατά αυθεντίαν, ή αναφοράν, ή σχ-’σιν. ή δύναμιν τήν ένωσιν τοΰ θεοϋ 4. Si quelqu’un dit que c’est se­ lon ta grâce, ou selon l‘operation, ou selon une certaine égalité d’honneur, ou selon l’au tori te,ou selon un rapport ou une reialâm, 1243 CONSTANTINOPLE (IP CONCILE DE) λόγου προς άνθρωπον γεγενήσθαι' ή κατά ευδοκίαν, ώς άρεσθέντος τού θεού λόγου τού ανθρώπου, άπό τού εύ καί καλώς δόξαι αυτώ περί αυτού, καθώς Θεόδωρος μαινόμενος λέγει· ή κα*ά όμωνυμίαν, καθ’ήν οί Νεστορια­ νοί τον θεόν λόγον Ίησούν καί Χρίστον καλούντες, καί τόν άνθρωπον κεχωρισμένως Χριστόν και υιόν όνομάζοντες, και δ ίο πρόσωπα προ­ φανώς λέγοντες, κατά μόνην την προσηγορίαν καί τιμήν και αξίαν και προσκύνησιν, καί εν πρόσωπον, καί ένα Χριστόν υποκρίνονται λέ­ γει ν· άλλ * ούχ ομολογεί την ένωσιν του θεού λόγου προς σάρκα έμψυχομένην ψυχή λογική καί νοερά, κατά σύνθεσιν ήγουν κατά ύπόστασιν γεγενήσθαι, καθώς οί άγιοι πατέρες έδίδαξαν καί διά τούτο μίαν αυτού τήν ύπόστασιν, ο έστιν ό κύριος Ιησούς Χριστός, εις τής άγιας τριάδος, ύ τοιούτος ανάθεμα έστω. ΙΙολυτρόπως γάρ νοούμενης τής ένώσεως, οί μέν τή άσεβεία Άπολλιναρίου καί Εύτυχούς ακολουθούντες, τώ άφανισμώ τών συνελθόντων προκείμενοι, την κατά σύγχυσιν την ένωσιν πρεσύεύουσιν, οί δέ τα θεοδώρου καί Νεστορίου φρονοϋντες, τή διαιρέσει χαίροντες, σχε­ τικήν τήν ένωσιν έπεισάγουσιν· ή μέντοι αγία τού θεού έκκλησία έκατέρας αίρέσεως τήν ασέβειαν αποβαλλόμενη τήν ένωσιν τού θεού λόγου πρός τήν σάρκα κατά συν· θεσιν όμολογεί* οπερ έστί καθ ’ ύπόστασιν. ‘II γάρ κατά σύνθεσιν ένωσις επί τού κατά Χριστόν μυστηρίου, ού μόνον άσύγχυτα τα συνελΟόντα διαφυλάττει, άλλ’ ούδε διαίρεσιν επιδέχεται. ou selon l’éncrgio quo s’est faite 1 l’union du Dieu Verbe avec l’homme; ou qu’elle a été une union do bien vcillance,en ce sens que le Verbe a témoigné sa b?en. voillance pour l’homme, parce qu’il trouvait en lui sa complai­ sance, comme le soutient Théo­ dore, ou selon cotte homonymie on vertu de laquelle les nestorions, donnant au Dieu Verbe l'appellation do Jésus et de Christ et âl’homme pris à part colle de Christot do Fils, et afllrmant ou­ vertement l’existence de deux personnes, prétendant ne parler d’u no seule personne et d’un seul Christ qu’au point de vue dol’appollation et do l'honneurot de la dignité et do l’adoration : au lieu de confessor que l’un ion du Dieu Verbe avec la chair animée par une ûmo raisonnable ot pensante s’est faite par synthèse ou selon l’hypostaso, comme l’ont ensei­ gné los saints Pères; et consé- t quemment ne confosso pas son unique hypostase, laquelle chose estlo Soigneur Jésus-Christ, l’un delasainteTrinité, qu’ilsoitanatlième. Gar, comme cette union a été comprise de façon diverse, les uns, sectateurs de l’impiété d’Apollinaire et d’Eutychés et partisans de la disparition des éléments entre lesquels se fait l’union, proclament une union par confusion ; les autres, disci­ ples de Théodore et de Neslorius, favorables à la séparation, introduisent une union relative : tandis que la sainte Église de Dieu, rejetant l’impiété de l une et de l’autre hérésie, confesse que l’union du Dieu Verbe avec la chair est une union par syn­ thèse, c’est-à-dire selon l’hypostase. C’est, qu’en elfct, dans le mystère du Christ, l’union par synthèse ne sauvegarde pas seulement l’inconfusion des éléments entre lesquels se fait l’union, mais elle exclut aussi toute division. Le 4e anathémalisme expose, avec plus de précision et plus de détails, le mode d'union des deux personnes et la nature de leurs rapports, d’après le système de Théodore. D’ailleurs, la rédaction en est quelque peu confuse et embrouillée. Au lieu de suivre dans l’exposé du système l'ordre et l’enchainement logique des élé­ ments qui le constituent, on semble avoir, au moins dans le début, disséminé ceux-ci un peu au hasard. Aussi est-il malaisé, si l’on s’en tient â celte rédaction, de saisir le rapport très réel qui existe entre Γένωσις κατά χάριν, ή κατά ένέργειαν, etc., du début et Γένωσις κατά ευδοκίαν qui vient après; alors que celle-ci, étant la base et le point de départ de tout le système, devrait logiquement venir en premier lieu, et celle-là, n’étant que la conséquence de celle-ci, devrait lui être rattachée, avec une claire indication du lien de dépendance qui l’unit à elle. L’sùoozia, ou l’union toute morale et de bienveillance qui s'établit en Jésus-Christ entre le 1244 Verbe et l’homme, est, en effet, le principe des privi­ lèges, grâces, puissance, honneurs, auxquels celui-ci participe et qui contribuent à rendre l’union plus étroite. Je renvoie sur ce point au résumé donné plus haut du système de Théodore sur l’union morale, et mécontenté d indiquer ici quelques références relatives aux princi­ pales formules, que nous rencontrons dans cet anathématisme. D’abord, il convient de remarquer que la première moitié de l’anathématisme en question reproduit, avec quelques additions, le texte dp l’anathématisme corres­ pondant de la Confession. De plus, dans celui-ci, le passage principal, ή κατά ευδοκίαν, ώς άρεσθέντος.... se trouve rejeté plus loin; et nous y rencontrons une expression comme celle-ci, μίαν αύτού τή; ύπόστασιν σύνθετον, empruntée sans doute à la formule suivante de la Confession : ’Ιησούς Χριστός σύνθετος έξ έκατέρας φύσεως, op. ciL, col. 544; mais qui, ayant probablement paru suspecte, ou tout au moins susceptible d’une in­ terprétation fâcheuse, a été remplacée dans la rédaction définitive par la formule suivante, beaucoup plus satis­ faisante, την ένωσιν τού θεού Λόγου πρός σάρκα... κατά σύνθεσιν, ήγουν καθ’ ύπόστασιν γεγενήσθαι. L’expression « une hypostase composée » aurait pu s’interpréter dans le sens d’une hypostase formée de deux autres hypo­ stases juxtaposées, tandis que la formule « l’union du Verbe avec la chair se fait par synthese ou dans l’hy— postase » est parfaitement correcte. La finale de notre anathématisme, à partir de δ έστιν ό Κύριος Ιησούς Χριστός, n’a rien qui lui corresponde dans le 4e anathémalisme de la Confession. Quant aux passages de Théodore où se trouve exposée la théorie, voici par ordre quelques citations et quelques renvois intéressants qui s’y rapportent. Le texte suivant énumère d’une façon fort complète les différents aspects de l’union morale que Théodore admet entre les deux personnes : ή κατ’ ευδοκίαν τών φύσεων ένωσις μιαν άμφοτέρων τώ τής ομωνυμίας λόγιο, εργάζεται τήν προση­ γορίαν, τήν θέλησιν, τήν ενέργειαν, τήν αυθεντίαν, τήν δυναστείαν, τήν δεσποτείαν, τήν αξίαν, τήν εξουσίαν, μηδενί τρόπω διαιρουμένην· ενός άμφοτέρων κατ’αυτήν προσώπου καί γένομένου καί λεγομένου. Epist. ad Domn., P. G., t. lxvi, col. 1012. Cf. col. 1013. Le rapport de cause â effet entre Γένωσις κατ’ ευδοκίαν et Γένωσις κατά τήν π'/οσηγορίαν, etc., est ici très nettement marqué; il ne l’est pas, je l’ai déjà fait observer, dans le formulaire du 4e anathémalisme. Pour la formule : κατά χάριν, cf. Fragm. dogm., ibid., col. 989; Mansi, t. ix, col. 219. Dés le début de son union avec le Verbe dans le sein de la Vierge, l’homme Jésus a joui d’une grâce spéciale et surabondante, parce qu’elle devait se communiquer aux autres hommes, mais pas absolument gratuite, puisqu’elle lui a été concédée en prévision de ses mérites et de la persévé­ rance de sa volonté dans le bien. Cf. Fragm. dogm., col. 980. Le passage suivant est un excellent commen­ taire du κατά ενέργειαν : Dominus, etsi postea omnino habuit in se Deum Verbum universe operantem, et omnem operationem, ένέργειαν, ab eo inseparabilem, antea tamen habuit quam ■maxim'* operantem in se plurima quibus opus erat. Fragm. gm.t op. cit., coi. 975. Avant la résurrection, antea, comme après, postea, c’est le Verbe qui agit dans l’homme : mais après, il y a unité parfaite et presque identité d'action, αχώριστου έχων πρός αυτόν πάσαν ένέργειαν; tandis qu’avant il y a simplement impulsion et coopération, παρορμώμενος... καί ρωννύμενος. Tout l’ensemble de ce texte, ibid., col. 975-980, est digne d’intérel, car les étapes et les progrès de l’union morale y sont très clai­ rement soulignés. Ibid., col. 219-220. Les expressions (κατά) αναφοράν ή σχέσιν font bien ressortir le caractère accidentel et relatif de cette union. Cf. Fragm. dogm., col. 981, où Théodore met en parai- 4245 CONSTANTINOPLE (IP CONCILE DE) 1246 σίαν, καί διά τούτου εισάγειν plusieurs hypostases, et par 1À léle le rapport physique de situation dans l’espace et le rapport moral de bienveillance et d’atïection, όπερ γάρ επιχειρεί έπ'ι τού κατά essaie d’introduire dans le έφ* ημών κατά τήν έν τόπω λέγεται σχέσιν, τούτο έπΐ τού , Χριστόν μυστηρίου δύο mystère du Christ» deux hy­ ύποστάσεις, ήτοι δύο πρό­ θεού κατά τήν της γνώμης. postases ou deux personnes, Pour le sens de la formule : κατά ευδοκίαν et de l’in­ σωπα καί τώ'/ παρ’ αυτού et des doux personnes intro­ terpréta lion qui en est donnée, le principal passage à | είσαγομένων δύο προσώπων, duites par lui prétend ne faire consulter est dans Fragm, dogni., col. 971-976. Ce έν πρόσωπον λέγει κατά qu’une personne sous le rap­ αξίαν και τιμήν καί προσ- port de In dignité, de l’honneur passage est de première importance pour l’intelligence κύνησιν, καΟάπερ Θεόδωρος du système de Théodore de Mopsueste et de la théorie et de l’adoration, comme l’ont nestorienne. Il a été analysé plus haut. και Νεστόριος μαινόμενοι écrit, dans leur délire, Théo­ La formule κατά ομωνυμίαν, avec l’explication qui συνεγράψαντο* και συκο­ dore et Nés tori us ; et s'il suit, ne présente pas dans le texte actuel un sens très φαντεί τήν αγίαν έν Χαλκη- calomnie le saint concile de clair et pleinement satisfaisant. Hefele propose la lec­ δόνι σύνοδον, ώς κατά ταύ- Chalcédoine, en affirmant que ture : τον θεόν Λόγον Ίησοϋν (υιόν) και Χριστόν, avec την τήν ασεβή έννοιαν χρη- o*est dans ce sens impie qu’il addition de υίόν qui manque dans le texte reçu. Mais, σαμένην τώ τής μιας ύπο- a employé cette expression même ainsi complété, le texte n’est pas débarrassé de στάσεως ρήματΓ άλλα μή d’une hypostase; et s’il ne toute obscurité. On peut l’interpréter ainsi : Sous l'ho­ ομολογεί τόν τού θεού λόγον confesse pas que l’union du monymie qu’admettent les nesloriens. lorsqu’ils appel­ σαρκ'ι καθ’ύποστασιν ένωDieu Verbe avec la clxair s'est lent le Dieu Logos, Jésus (Fils?) et Christ dénommant θήναι, και διά τούτο μίαν faite Selon l’hypostase, et par en même temps l'homme Christ et Fils, se trahit une αύτοϋ τήν ύπο'στασιν ήτοι conséquent que son hyposta.-^ dualité réelle des personnes, à peine dissimulée par έν πρόσωπον ούτως τε και ou sa personne est une; et que une unité apparente d’appellation, d'honneur, de dignité τήν αγίαν έν Χαλκηδόνι c’est dans ce sens que lo saint et d’adoration. L’addition de υιό; se justifie par le con­ σύνοδον μίαν ύπόστασιν τού concile do Chalcédoine a pro­ texte et par le besoin d’une homonymie plus complète, κυρίου ημών ’Ιησού Χρι­ fessé l’unité d’hypoetase on exigée par le sens même de la phrase, entre le Verbe στού όμολογήσαι* ό τοιούτος Notre-Soigneur Jésus-Christ, et l’homme. En tout cas, la théorie de Théodore, sans ανάθεμα έστω. Ού'τε γάρ qu’il soit anathème. Car, même doute aussi celle des nesloriens. sur celle question προσθήκην προσώπου, ήγουν par l’incarnation de l’un do la d’homonymie se réduit à ceci : les noms de Jésus et ύποστάσεως έπεδέξατο ή de Christ conviennent en propre à l'homme, celui de άγια τριάς, καί σαρκωθέντο; sainte Trinité divine, le Dieu Verbe, cette sainte Trinité n’a Fils de Dieu ne s’applique, dans son acception naturelle, τού ένός τής άγιας τριάδος subi aucun·1 adjonction do per­ qu’au Verbe; c’est par participation, et en vertu de θεού λόγου. sonne ou d’hypostase. l’union, qu’il est attribué à la personne humaine. Sur « Jésus », cf. Frag. dogm., col. 969, 985, 988, 1014 : Ιησούς όνομα, τοϋ άναληφθέντος ή προηγορία. Sur Le 5e analliénvitisine répète dans sa première partie « Christ », cf. col. 970, 1015-1016; sur « Fils », col. 976, ce qui a déjà élé dit dans le 4e de la dualité réelle des 981, 985, 988 : De us Verbum secundum naturalem personnes cachée sous une unité apparente d’honneur generationem Filius esse dicitur : homo autem mullo et de dignité. Dans quel sens Théodore entendait l’unité ma/oredignitate Filii, quam secundum ipsum conve­ de personne dans l’incarnation, ceci ressort claire­ niebat, /rui dicitur propter copulationem cum illo ment, outre les textes déjà cités, du passage suivant, Filio. Il y a donc deux filiations : l'une naturelle, tiré du De incarn., Frag. dogm., col. 981. Théodore celle du Verbe; l’autre participée, celle du Christ Jésus, rejette d’abord le terme de κρασί; comme impropre semblable d’une part à la filiation adoptive dont jouis­ à caractériser l’union, car il implique une confusion sent d’autres hommes par la grâce, et, d’autre part, des deux natures. Il accepte celui de ενωσις pour la rai­ dissemblable et infiniment supérieure, parce qu’elle son suivante : διά γάρ ταϋτης συνα/Θεΐσαι αί φύσεις, έν découle d’une grâce d’union toute spéciale : τής υίότηπρόσωπον κατά τήν ένωσιν άπετέλεσαν. On se croirait, à τος αύτώ παρά τούς λοιπούς ανθρώπους πρόσεστι τό έξαίs’en tenir là, en présence d’une formule parfaitement ρετον, τή προ; αύτόν ένωσε·.. Ibid., col. 985. orthodoxe. Mais il faut se reporter à ce qui suit. Par­ Cette pariicipalion â la filiation divine du Verbe vaut tant d’une comparaison empruntée à l’union morale et au Christ Jésus de partager avec celui-ci la gloire, les jusqu’à un certain point physique que le mariage éta­ honneurs et les hommages qui lui reviennent : τιμήν, blit entre l’homme el la femme, il ajoute ceci : όταν μέν αξίαν και προσκύνησιν. Ibid., col. 976, 981. Il est donc γάρ φύσεις διακρίνωμεν, τελείαν τήν φύσιν τού θεού Λόγου loisible de parler, à ce point de vue, d’une certaine φαμέν, και τέλειον τό πρόσωπον· ούδε γάρ άπρόσωπον εστιν unité de personne : ”Οταν δε προς τήν ένωσιν άποβ/.έ- ύποστασιν είπείν τελείαν δέ και τήν τού ανθρώπου φύσιν ψωμεν, τότε εν είναι τό πρόσωπον άμφω τάς φύσεις κηούτκαί τό πρόσωπον όμοίο>ς. Son principe fondamental est τομεν, τής τε ανθρωπότητας τη Οεότητι τήν παρά τής κτί­ ici nettement formulé : il ne peut y avoir d’hypostase σεως τιμήν δεχόμενης, καί τής Οεότητος έν αυτή πάντα impersonnelle, el ici il prend évidemment h ypost «.se έπιτελούσης τα δεο'ντα. Jbid., col. 981. dans le sens de nature réelle et distincte de toute autre. La fin de l’analhémalisme 4e ne présente pas de dif­ Aussi n’y a-t-il pas lieu d’hésiter sur le sens de la con­ ficultés spéciales. 11 suffit de relever les trois formules clusion : >ταν μέντοι έπ’ι τήν συνάφειαν άπίδωμε.. ?/ différentes qui résument les trois théories opposées de πρόσωπον τότε φαμέν. Cf. col. 981. S’il consent à parler l’incarnation : ενωσι; κατά σύγχυσιν, pour les apollid’unité de personne, c’est toujours dans le sens d’un unité relative et morale. naristes el les eutychiens; σχετική ενωσις, pour les nesloriens; ενωσις τοϋ θεού Λόγου προς τήν σάρκα κατά Dans la seconde partie du 5e anathématisme. c’est le σύνθεσιν, pour les orthodoxes : union par confusion, concile de Chalcédoine qui est en cause. On y défend union relative et accidentelle, union par synthèse ou sa formule de l’union liypostalique, ενωσις καθ’ύποστχdans l’hypostase, κατά σύνθεσιν, ήγουν καθ’ ύποστασιν, σιν, contre cette interprétation abusive qui, au lieu de comme s’exprime l’analhémalisme. lui laisser son sens naturel d’union des deux natures dans l’unité d’hypostase. la transformerait en une foimule nestorienne équivalente à celle-ci : fusion de deux ε*. Et τις τήν μίαν ύπό6. Si quelqu’un admet cette στασιντού Κυρίου ημών Ιη­ unique hypostase en Notre- hypostases en une hypostase composée. La finale est aussi à remarquer. Au premier abord, σού Χριστού ούτως εκλαμ­ Scigncur Jésus-Christ, mais βάνει , ώς έπιδεχομένην on ne saisit guère de rapport entre elle el ce qui pr comme susceptible d’être in­ terprétée dans le sens de cede. Cependant, si I on admet avec les nesloriens qu’il πολλών υποστάσεων σήμα- 1247 CONSTANTINOPLE (IIe CONCILE DE) y a deux personnes distinctes dans le verbe incarné et que la personne humaine, par la force de son union avec la personne du Verbe, jouit des privilèges de celle-ci, dignités, gloire, hommages d’adoration, ne pourrait-on pas être tenté de considérer la personne humaine du Christ comme réellement divinisée? Elle ferait ainsi nombre avec les trois personnes de la Tri­ nité et transformerait la triade en une tétrade. Il exis­ tait une secte origéniste appelée la secte des tétradiles, sur laquelle d’ailleurs nous sommes fort peu rensei­ gnés. Faudrait-il admetire aussi l’existence, dans le camp nestorien. d’une secte de lètraditesï Cf. Diekamp. Die origunisLichen Slreiligkeiten, p. 59-61. II se peut que nous ayons affaire à une seule et même secte. En tout cas, notre 5e anathématisme rejette expressément toute rêverie de ce genre, s'inspirant évidemment du passage suivant de la Confession, Mansi, t. ix, col. 544: ούτε γάρ τέταρτο προσώπου προσθήκην έπεδέξατο ή άγια τριάς, καί σαρκωθέντος του ένος τής άγιας τριάοος θεού Λόγου. Il est certain par ailleurs que cette condamna­ tion n’atleint pas Théodore qui avait lui-même par avance formellement repoussé pareille conclusion, Fragm. dogm., col. 1012 : Quomodo itaque possibile est quartani personant super has addere illam quæ assumpta est servi formam. σ'· Εί τιςκαταχρηστικώς, άλλ* ούκ αληθώς Θεοτόκον λέγει τήν άγίαν ένδοξον άειπαρθένον Μαρίαν’ ή κατά άναφοράν, ως ανθρώπου ψιλού γεννηθέντος, άλλ’ ούχί τού θεού λόγου σαρ­ κωθέντος (καί τής) έξ αυτής άναφερομίνης δέ (κατ’εκεί­ νου) τής τού ανθρώπου γεννήσεως επί τον Θεόν λόγον ως συνόντα τώ ανθρώπω γενομίνω* καί συκοφαντεί την άγίαν έν Χαλκηδόνι σύ­ νοδον, ώς κατά ταυ την την ασεβή έπινοηθείσαν παρά Θεοδώρου έννοίαν Θεοτόκον την παρθένον είποΰσαν* ή εί τις άνθρωποτόκον αυτήν καλέ: ή χριστοτόκον, ώς του Χριστού μή όντος θεού; άλλα μή κυρίως και κατά αλή­ θειαν Θεοτόκον αυτήν ομο­ λογεί, δια το τον π;, δ τών αιώνων έκ τού πατρδς γεννηθέντα θεόν λόγον επ’ εσ­ χάτων τών ήμερων έξ αυτής σαρκωθήναι, ούτω τε εύσεβώς χαίτην άγίαν έν Χαλκη­ δόνι σύνοδον Θεοτόκον αυτήν όμολογήσαι, ό τοιούτος ανά­ θεμα έστω. 6. Si quelqu’un dit de la sainte, glorieuse et toujours vierge Marie que c’est dans un sens détourné, et non au sens propre, qu’elle est appelée Mère de Dieu, ou par transfert, en ce sens que ce serait un pur homme qui serait né d’elle, et non le Verbe de Dieu qui se serait incarné en elle; et que la naissance de cet homme, qui est son fait, aurait été selon eux attribuée par transfert au Dieu Verbe, en tant qu’étant uni à l’homme une fois né : et s'il calomnie le saint concile de Chalcédoine en disant que c’est dans cette acception impie, imaginée par Théodore, qu’il déclare la vierge Mère de Dieu : ou si quelqu'un appelle celle-ci Mère de l’homme ou Mère du Christ, dans ce sens que le Christ ne serait pas Dieu ; au lieu de la proclamer Mère de Dieu au sens propre et en toute vérité, pour ce que le Dieu Verbe engendré avant les siècles a pris chair d’elle aux derniers jours; et de re­ connaître que c’est dans un tel sentiment de vénération que le saint concile de Chalcédoine l’a proclamée Mère de Dieu, qu'il soit anathème. Le 6e anathématisme détermine le sens du terme Θεοτόκος appliqué à Marie el en précise la portée. Il correspond au 5e anathématisme de la Confession, Mansi, t. ix, col. 5C0, dont il n’est qu’une rédaction plus développée. La partie concernant le concile de Chalcédoine et ce qui suit est ajouté de toutes pièces. Le début de cet anathématisme expose la théorie nestorienne de la maternité divine. Marie n’est plus, comme l'avait affirmé le concile d'Éphèse, la mère de Dieu au sens vrai du mot, αληθώς. L’appellation de Θεοτόκος ne peut lui êlre appliquée que d une maniéré abusive, I 1248 καταχρηστικός, ou par métaphore et dans un sens re­ latif, κατά άναφοράν, en tant que l’homme qu’elle a engendré est uni au Verbe. Elle n'est donc en réalité que la mère d’un homme qui est le Christ. Aussi le vrai terme qui caractérise sa maternité n'est-il pas celui de Θεοτόκος, mais celui de χριστοτόκοςou de άνθρωποτόκος. Les textes sont nombreux où Théodore expose la théorie que le concile condamne ici. De incarn., I. XV, Fragm. dogm., col. 991, Théodore se pose la question : Marie est-elle Θεοτόκο: ou άνθρωποτόκος? Il répond : L’un et l’autre, mais ditréremment: τδ μεν γάρ τη φύσει τού πράγματος, τδ δέ τή αναφορά. Puis s’expliquant, il ajoute : « Par nature elle était mère de l’homme, puisque c’était un homme, celui qui se forma dans son sein; elle était mère de Dieu aussi, puisque Dieu était dans l’homme engendré par elle, en vertu d’une union toute morale et affective, κατά τήν σχέσιν ττς γνώμτς. » Ailleurs il est aussi explicite, Cont. Apol., ibid., col. 993 : non tamen existimandum no­ bis est Deum de Virgine natum esse; plus loin, ibid.: Deus ex Deo... natus est ex Virgine, eo quod est in templo nato, sed non per se natus est Deus Verbum... Cf. ibid., col. 997; Mansi, t. ix, coi. 203,219. Remarquons, pour terminer, que Ia finale de 1’anathématisme est évidemment inspirée, presque trans­ crite d’un passage de la Confession, ibid., col. 5i3, qui débute ainsi : και ών θεός αληθής, άνθρωπος γέγονεν αλη­ θώς, δια τούτο κυρίως... ζ'. ΕΓ τις έν δύο φύσεσιν λίγων, μή ώς έν Οεότητι καί άνθρωπότητι τον ενα κύριον ημών Ίησούν Χριστόν γνωρίζεσθαι ομολογεί, ίνα διά τούτου σημάνη τήν διαφοράν τών φύσεων, έξ ών άσυγχύτως ή άφραστος ενωσις γέγονεν* ούτε τού λόγου εις τήν τής σαρκδς μεταποιηθέντος φύσιν, ούτε τής σαρκος προςτήν τού λόγου φύσιν μεταχωρησάσης (μένει γάρ έκάτερον, δπερ έστ: τή φύ­ σει καί γενομε'νης τής ένώσεως καθ’ ύπόστασιν), άλλ’ έπί διαιρέσει τή άνά μέρος, τήν τοιαυτην λαμβάνει φω­ νήν έπί τού κατά Χριστόν μυστηρίου* ή τον αριθμόν τών φύσεων όμολογών επί τού αυτού ένδς κυρίου ημών ’Ιησού τού θεού λόγου σαρκωθέντος, μή τή θεωρία μόνη τήν διαφοράν τούτων λαμβάνει, έξ ών καί συνετέθη, ούκ άναιρουμένην διά τήν ενωσιν (εις γάρ έξ άμφοϊν καί δι’ένός άμφότερα), άλλ’ έπί τούτω κέχρηται τω άριθμώ, ώς κεχωρισμένας καί ίδιοϋποστάτους εχειντάς φύσεις, ό τοιούτος ανάθεμα έστω. 7. Si quelqu’un, employant la formule en deux natures, ne confesse pas que l’unique No­ tre-Seigneur Jésus-Christ est reconnu être en la divinité et en l’humanité, afin d’indiquer parla la différence des natures dont s’est constituée sans con­ fusion l’union ineffable; sans que ni le Verbe ne se soit transformé en la nature de la chair ni ia chair ne se soit élevée jusqu’à la nature du Verbe (car chacun d’entre eux demeure ce qu’il est par nature, même une fois réalisée l’union selon l’hypostase), mais prend une semblable formule, pour ce qui concerne lo mystère du Christ, dans le sens d’une di­ vision en parties : en confes­ sant le nombre (la dualité) des natures, en ce même unique Notre-Seigneur Jésus, Dieu Verbe incarné, ne prend pas d’une manière théorique la différence, différence que l’u­ nion ne supprime pas, de ces principes dont il est constitué (car un est de deux ensemble, et les deux ensemble sont par un); mais se sert du nombre pour arriver à avoir les natu­ res séparées et douées chacune de sa propre hypostase, qu’il soit anathème. ’ Le 7« anathématisme est une amplification de l'anathématisme correspondant de la C'on/ession. Ibid., col. 560. Il détermine le sens de la forftiule έν δύο φύσεσι adoptée par le concile de Chalcédoine. Voir Chalcédoine, t. n, col. 2207. Cette formule peut être interprétée de deux façons : l'une qui maintient simple­ ment la distinction réelle des deux natures, την διιφοράν 4249 CONSTANTINOPLE (IP CONCILE DE) 1250 τήν εις άλλήλους τών φύ­ σεων πεπρδχΟαι φαμέν· μενούσης δέ μάλλον έκατέρας, δπερ έστίν, ήνώσθαΊ σκρκί νοούμεν τόν λόγον. Διό καί εΤς έστίν ό Χριστός, θεός καί άνθρωπος, ό αυτός όμοούσιος τω πατρι κατά τήν θεότητα, καί όμοούσιος ήμίν ο αυτός κατά τήν αν­ θρωπότητα’ επίσης γάρ καί τους άνα μέρος διαιρούντας, ήτοι τέμνοντας, καί τούς συγκέοντας τό τής Θείας οικονομίας μυστήριον τού Χριστού, άποστρέφεται καί άναθεματίζει ή τού Θεού έκκλησία. duit une confusion quelconque des natures entre elles : nous concevons plutôt que le Verbe s’est uni à la chair, l'une el l'autre des deux natures res­ tant ce qu elle est. C’est pour­ quoi un est le Christ, Dieu el homme, tout à la fois consub­ stantiel au Père selon la divi­ nité, et consubstantiel à nous selon l'humanité : car l’Église de Dieu rejette et analhémalise pareillement ceux qui séparent ou divisent en parties le mys­ tère de la divine économie du Christ,et ceux qui y introduisent la confusion. τών φύσεων, et exclut toute transformation au sens eutychien de la nature divine en la nature humaine, ou réciproquement; l'autre qui, sous la dualité des na­ tures, cherche à introduire la dualité des hypo­ stases ou des personnes. Pour , mieux dissiper les équivoques sur ce dernier point, le concile rejette toute interprétation qui donnerait à la formule en question le sens d’une séparation réelle des deux natures trop caractérisée : διαιρέσει τή άνά μέρος. Il admet une simple distinction, διαφορά. Encore ne veut-il pas qu'elle soit autre chose que théorique, τή θεωρία μόνη. Nul doute qu'il ne faille pas prendre trop à la lettre celte der­ nière expression. On en arriverait vile à nier toute dis­ tinction réelle. Ce qu’il en faut retenir, c’est l’aflirmation d'une distinction des deux natures, telle qu’elle ne nuise pas à l’unité d'étre et de personne. Le passage suivant de la Confession, auquel paraissent être em­ pruntées les formules caractéristiques de cet anathématisme en éclairent heureusement le sens assez obscur par lui-même, op. cit., col. 541 : έν έκατέρα δέ φύσει, τούτεστιν έν Θεότητι και άνΟρωπότητι, τον ένα Κύριον ημών... γιγώσκοντες, διαίρεσιν μέν τινα άμερός (peut-être vaut-il mieux lire comme dans l’analhématisme : άνά μέρος) ή τομήν ούχ έπιφέρομεν τή μια αυτού ύποστάσει, τήν δέ διαφοράν τών φύσεων, έξ ών καί συνετέΟη, σημαίνομεν ούκ άνηρημένην δια τήν ένωσιν, έπειδή έκατέρα φύσις έστίν έν αύτώ. Il faut encore prendre en considération les passages suivants, si l’on veut ne rien négliger des sources où ont puisé les rédacteurs de l’analhématisme, ibid., col. 550 : ό αριθμός, όταν μέν έπ'ι διαφόρων προσώ­ πων ή υποστάσεων λέγεται, τών πραγμάτων αυτών τήν άνά μέρος έχει διαίρεσιν όταν δέ επί ηνωμένων πραγμάτων, τηνικαύτα μόνω λόγω καί θεωρία, ού μήν αυτών τών πραγμάτων έχει τήν διαίρεσιν... και έπί τού κατά Χριστόν τοι’νυν μυστηρίου τής ένώσεως γενωμένης, ει καί διαφορά θεωρείται τα ένώΟεντα, άλλ* ούν ού πραγματικώς και άνα μέρος άλλήλων διίστανται τα έξ ών... συνετέΟη. Cf. col. 552 sq. Si l’on parle de deux natures dans le Christ, ce n’est pas pour les séparer â ce point que chacune garde son individualité et sa personnalité propre, comme le veulent les nesloriens, mais unique­ ment pour prévenir toute pensée de confusion ou de mélange entre elles. Voilà ce qui ressort clairement des textes précités. Leur comparaison avec les passages où Théodore expose sa théorie de l’unité de la personne dans le Christ fait encore mieux ressortir l'opposition des doctrines. Ibid., col. 981, 983, 1013. Il parle sans doute d’une certaine unité personnelle, mais toute mo­ rale : comme il est incapable de distinguer entre la personne physique et la nature, affirmer les deux na­ tures, c’est affirmer, à son sens, les deux personnes dans le Christ; ce que n'admet pas le concile. η'. Εΐ τις έκ δύο φύσεων Οεότητος καί άνΟρωπότητος όμολογών τήν ένωσιν γεγενήσθαι, ή μίαν φύσιν τού θεού λόγου σεσαρκωμένην λέγων, μή ούτως αυτά λαμβάνη καΟάπερ και οί άγιοι πατέρες έδίδαξαν, ότι έκ τής θείας φύσεως και τής ανθρώ­ πινης τής ένώσεως καθ’ υπόστασιν γενομένης, εις Χριστός άπετελεσΘη* άλλ* έκ τών τοιούτων φωνών μίαν φύσιν, ήτοι ουσίαν Οεότητος και σαρκός τοΰ Χριστού είσάγειν επιχειρεί, ό τοιοΰτος ανάθεμα έστω. Καθ’ ύπόστασιν γάρ λέγοντες τόν μονογενή λόγον ήνώσΘαι, ούκ άνάχυσίν τινα 8. Si quelqu'un, confessant que l'union s’est faite de deux natures, celle de la divinité et celle de l'humanité, ou parlant d'une nature du Dieu Verbe incarnée, ne prend pas ces ex­ pressions, conformément à la doctrine des saints Pères, dans ce sens que, de la nature divine et de l’humaine, l'union selon l’hypostase une fois réalisée, il est résulté un Christ : mais par le moyen de ces expres­ sions tente d'introduire une nature ou essence de la divi­ nité et de la chair du Christ, qu'il soit anathème. Car, en affirmant que le Verbe unique s'est uni selon l’hypostase. nous ne disons pas qu’il s'est pro- DICT. DE TilÉOL. CATIIOL. C’est aux monophysites que s’en prend tout spéciale­ ment le 8® anathématisme. On sait, voir Chalcédoine, t. il, col. 2201, que ceux-ci avaient fait tous leurs efforts pour introduire dans la définition de foi du IVe concile, au lieu de la formule définitivement adoptée έν δύο φύσεσιν, cette autre formule, έκ δύο φύσεων. Non pas que celle-ci fût par elle-même hétérodoxe: mais il était beaucoup plus aisé de la concilier avec le monophy­ sisme. Rejetée par les Pères de Chalcédoine, elle n’en devint que plus chère aux dissidents. C’est pour en dégager le véritable sens des interprétations abusives de ceux-ci que les Pères du Ve concile lui consacrent un de leurs anathématismes. C’était aussi, sans doute, pour prévenir toute fâcheuse méprise de la part du public, sur la portée de la condamnation formulée contre le nestorianisme et éviter aux monophysites la tentation de s’en prévaloir en faveur de leurs théories. L’union des deux natures se fait dans l’hypostase. καθ’ ύπόστασιν, ce n’est pas une confusion,άνάχυσις, qui s’opère entre elles. La finale de l'anathématisme con­ tient une allusion aux nestoriens : τούς άνά μέρος διαιρούντας ήτοι τέμνοντας. Ce 8e anathématisme est â mettre en parallèle avec le 9« de la Confession, Mansi, t. tx. col. 562, et avec un autre passage du même do­ cument. Ibid., col. 541. Θ'. ΕΓ τις προσκυνεΐσΘαι έν δυσ'ι φύσεσι λέγει τόν Χριστόν, έξ ού δύο προσκυ­ νήσεις είσάγονται, ίδια τώ Οεω λόγω και ίδια τώ ανΟρώπω* ή εΐ’ τις έπί άναιρέσει τής σαρκός, ή επί συγ­ χύσει τής Οεότητος καί τής άνΟρωπότητος, ή μίαν φύ­ σιν ήγουν ουσίαν τών συνελΟόντων τερατευό μένος, ούτω προσκυνεΓ τόν Χρι­ στόν, άλλ’ ούχϊ μια προσκυ­ νήσει τόν θεόν λόγον σαρκωθέντα μετά τής ιδίας αύτού σαρκός προσκυνει, καΟάπερ ή τού θεού έκκλησία παρέοαλεν έξ αρχής, ό τοιούτος ανάθεμα έστω· 9. Si quelqu’un prétend que le Christ est adoré en deux na­ tures; ce que disant, on met en avant deux adorations, l'une s'adressant au Dieu Verbe, l’autre à l’homme ; ou si quel­ qu'un, pour supprimer en lui la chair, ou pour confondre la divinité et l'humanité, ou ima­ ginant cetle chose monstrueuse, une nature ou essence des élé­ ments qui s'unissent, adore ainsi le Christ et n'adore pas dans une seule adoration le Dieu Verbe incarné, avec sa propre chair, suivant la tradi­ tion primitive de l'Église, qu’K soit anathème. C’est encore l’unité de personne que souligne indi­ rectement le 9e anathématisme, en proclamant l’unitdu Christ sous le rapport de l’adoration et des hom­ mages que nous lui devons. 11 n’y a pas-deux adoration* distinctes,δύο προσκυνήσεις, l’une s'adressant au Ver . l’autre à l’homme; mais une seule et même adoration qui va au Verbe incarné, c'est-à-dire à la personne unique en qui la divinité se rencontre avec l'hutnaniU*. III. - 40 1251 CONSTANTINOPLE (IIe CONCILE DE) Les nestoriens sont encore ici visés, bien qu’à vrai dire ils ne parlent pas, du moins à en juger par Théodore, d’hommages ou d’adorations distinctes à rendre aux deux personnes réunies en Jésus^Christ. Il est plutôt question chez celui-ci d’une participation par l’homme des honneurs dus au Verbe. Fragm. dof/m., col. 976: συμμετασχείν αύτω πάσης τής τιμής, ibid., col. 981, 989, 996, Ί001, 1004,1012,4017 : συναναφέρ®ται τή τε ονομασία και τή τιμή τού τε υιού και τού Κυρίου. A l’adresse des monophysites, on fait remarquer qt. parler d’un seul sujet d’adoration n’implique point la disparition de la chair, άναίρεσις τής σαρκος, ni la confusion des deux natures, σύγχυσις, ni de quelque façon qu’on l’entende, l’unité de nature, μία φύσις ήγουν ουσία. ι'. ΕΓ τις ούχ ύμολογεΐ τον έσταυρώμενον σαρκι κύριον ημών Ίησούν Χρί­ στον είναι θεόν αληθινόν και κύριον τής δόξης και ένα τής αγίας τριάοος* ότ.ά.έ. 10. SI quelqu’un ne confesse pas que celui qui a été crucifié dans sa chair, Notre-Seigneur Jésus-Christ, est vrai Dieu el Seigneur de gloire, et l'un de la sainte Trinité, qu’il soit ana­ thème. Le 10· anathématisme considère une des consequences de l’union hypostalique, la communication des idiomes. Mais au lieu d’en formuler et d’en poser le principe directement, il en relève seulement une application particulière. Jésus-Christ qui a été crucifié dans sa chair, étant vrai Dieu et un de la Trinité, ένα τή; άγιας τριάοος, nous pouvons dire en toute vérité* que Dieu a été crucifié. 11 n’en est plus de même dans le système nestorien où il y a deux êtres distincts et, par consé­ quent deux sujets distincts d’attribution. C’est ce qu’expriment très nettement les passages suivants de Théodore, Fragm. dogm., col. 991,995, 999. Ce 10e anathémalisme est la reproduction du 6e anathématisme de la Confession. Mansi, t. ix, col. 560; cf. col. 510. ια'. Ει τις μή αναθεμα­ τίζει ’Άρειον, Εύνόμιου, Μακεδόνιον, Άπολλινάριον, Νεστόριον, Εύτυχεα καί Ώριγένην, μετά τών άτεβών αυτών συγγραμμάτων, καί τούς άλλους πάντας αιρετικούς, τούς κατακριΟίντας και άναΟεματισόέντας ύπό τής αγίας καθολι­ κής καί άποστολιζής εκκλη­ σία;, και τών προειρημένων άγιων τεττάρων συνόδων, και τούς τα όμοια τών προει­ ρημένων αιρετικών φρονήσαντας ή φρονούντα;, και μέχρι τέλους τή οικεία ασε­ βεί ζ έμμείναντας* ό τ· ά. έ. 11. Si quelqu’un n’anathématise pas Arius,Eunomi us, M acédonius, Apollinaire. Nestorius, Eutychès et Origène. ainsi que leurs écrits impies; et tous les autres hérétiques condamnés el anathématisés par la sainte, catholique et apostolique Égli­ se, et par les quatre saints con­ ciles susdits; et tous ceux qui ontsympathiséousympalhisent avec les hérétiques précités, et ont persévéré jusqu’au bout dans leur impiété, qu'il soit anathème. Nous rencontrons dans le l Ie «anathématisme les prin­ cipaux noms de l'histoire des hérésies trinilaires, et surtout christologiques. Celui d’Origêne s’y trouve men­ tionné en dernier lieu. El â ce propos on a parlé d’interpolalion. Les partisans de cette dernière hypothèse font observer que : 1° Askidas, l'un des membres in­ fluents de l’assemblée, n’eût pas toléré l'insertion du nom d’Origêne dans la liste des hérétiques; 2° qu’on ne cite dans celle liste que des hérétiques déjà condamnés par les conciles antérieurs ; 3° que ce 11e anathématisme reproduit le 10e de la Confession : or le nom d’Origêne est absent de ce dernier; 4° que les erreurs d’Origêne n’ont aucun rapport avec les théories des hérétiques ici condamnés, qui sont des théories christologiques. Cf. llefvle, ConciL, t. n, p. 874. Mais aucune de ces raisons n’est irréfutable. Askidas, qui avait signé les ana thé­ 4252 matismes contre Origène en 543, pouvait tout aussi fa­ cilement se résigner, en 553, à voir le nom de ce der­ nier figurer à côté de celui des autres hérétiques. Quant au second argument, si le nom d’Origêne n’avait subi dans aucun des grands conciles antérieurs la flétrissure d'une condamnation, il ne faut pas oublier que des anathématismes avaient été solennellement édictés contre lui par Justinien lui même, avec l’approbation d’une bonne partie des évêques présents au Ve concile, et ceci, quelques semaines à peine avant l’ouverture des sessions régulières. On s'explique par là que le nom d’Origêne, absent de l’analhématisme 10« de la Confession, laquelle est antérieure à l’année 543, ait été inséré par les Pères du concile dans notre Tl« analhématisme qui lui corres­ pond. Enfin, on peut en toute vérité parler des erreurs christologiques d’Origêne. Même à y regarder de près, on trouverait plus d'une analogie entre la théorie origénienne du Christ ct la théorie neslorienne; el ce, mal­ gré la différence du point de départ. On peut donc tenir pour authentique la mention du nom d’Origêne parmi les hérétiques condamnés par le Ve concile; d'autant plus qu’elle est appuyée de l’autorité de manuscrits très anciens el cadre mieux avec les témoignages et les faits. Cf. Hefele, loc. cil. ιβ'. Ef τις αντιποιείται Θεωδώρου τού ασεβούς τού Μοψουεστίας, τού είπόντος άλλον είναι τον Οεον λόγον και άλλον τον Χριστόν, υπό παθών ψυχής κα'ι τών τής σαρκος επιθυμιών ενοχλού­ μενου καί τών χειρόνων κατά μικρόν χωριζόμενον, και ούτως έζ προκοπής έργων βελτιωΟέντα κα'ι έκ πολιτείας άμωμον καταστάντα, ώς ψιλόν άνθρωπον βαπτιστήναι εις όνομα πατρός καί υιού καί άγιου πνεύματος καί διά τού βαπτίσματος τήν χάριν τού άγιου πνεύματος λαβείν κα'ι υιοθεσίας άξιωΟήναι* καί κατ’ ισότητα βασιλικής είκόνος εις πρόσωπον τού θεού λόγου προσκυνεϊσΟαι* καί μετά τήν άνάστασιν άτρεπτον ταίς έννοίαις και αναμάρτητου παντελώς γενέσΟαι· Κα'ι πάλιν είρηκοτος τού αυτού ασεβούς Θεόδω­ ρου τήν ενωσιν τού θεού λόγου προς τον Χριστόν τοιαύτην γεγενήσθαι, οιαν ό απόστολος επί άνδρός καί γυναικός* έσονται οΐ δύο εις σάρζα μίαν. Καί πρ’ος ταίς άλλαις άναριΟμήτοις αυτού βλασφημίαις τολμήσαντος ε’.πεΐν, ότι μετά τήν άνάστασιν έμφυσησας ό κύριος τοίς μαΟηταϊς καί είπών* λάβετε πνεύμα άγιον, ού οέδωζεν αύτοΐς πνεύμα άγιον, άλλα σχήματι μόνον ένεφύσησε· ούτος δέ καί τήν ομολογίαν Θωμά, τήν έπί τή ψηλαφήσει τών χειρών και τής πλευράς τού κυρίου μετά τήν άνάστασιν, τό, ό κύριός μου καί ό θεός μου, είπε μή είρήσΟαι περί τού Χριστού 12. Si quelqu'un prend la dé­ fense de l'impie Théodore do iMopsueste, lequel a prétendu qu'autre est le Dieu Verbe et autre le Christ, ce Christ qui a connu l’importunité des pas­ sions de l’âme et des désirs de la chair, et qui peu à peu s’est libéré du mal; que, devenu meilleur par le progrès de son activité et irréprochable dans sa vie, il a été, encore pur homme, baptisé au nom du Père et du Fils et du SaintEsprit, et par ce baptême a reçu la grâce du Saint-Esprit et a été honoré de 1 adoption (divine); que, comme il en est d’une image royale, il est adoré en la personne du Dieu Verbe; qu’après sa résurrection il est devenu immuable en ses idées el absolument impecc..hle : et de plus, ce même mpie Théo­ dore affirme que J union du Dieu Verbe avec le christ a été telle que celle dont parle l’apô­ tre entre le mari et la femme : « ct les deux seront en une seule chair : » et entre scs autres innombrables blasphè­ mes, il a osé dire qu'a près la résurrection, lorsque le Sei­ gneur fit sur ses disciples uno insufflation, avec ces paroles : a Recevez le Saint-Esprit. » il ne leur donna pas l’EspritSaint, mais fit sur eux une in­ sufflation de pure forme : ct aussi, à propos de la confession faite par Thomas, lorsque ce­ lui-ci palpa les mains ct le côté du Seigneur, après la résurrec­ tion. s'écriant : « Mon Seigneur et mon Dieu, » il a affirmé que cetle parole de Thomas ne so rapportait pas au Christ, mais quelle était dans la bouche de 1253 παρά τοϋ Θωμά, άλλ’ επ’,τώ παραδόξω τής άναστάσεω; έζπλαγέντα τον Θωμάν ύμνήσαι τόν θεόν τόν έγείραντα τόν Χριστόν. Τό δέ χείρον, καί έν τή τών πράξεων τών αποστόλων γενοαένη παρ ’ αυτού δήθεν έρμηνεϊα συγκρίνων ό αυτός Θεόδωρος τόν Χριστόν Πλάτωνι και Μανιχαίω καί 'Επικουρώ, και Μαρκϊωνι, λέγει, ότι, ώσπερ έκείνων έκαστος ευραμένος οΐκείον δόγμα, τούς αύτώ μαθητευσαντας πεποίηκε καλεϊσΟαι Ιΐλατωνικούς καί Μανιχαίους καί ’Επικούρειους καί Μαρκιωνιστάς, τόν ομοιον τρόπον καί τοϋ Χριστού εϋραμένου δόγμα, έξ αυτού Χριστια­ νούς καλεϊσΟαι. Εϊ τις τοίνυν αντιποιείται τοϋ εΐρημένου ασεβέστατου Θεοδώρου καί τών ασεβών αύτοϋ συγ­ γραμμάτων, έν οΐς τάς τε είρημένας καί άλλας ανα­ ρίθμητους βλασφημίας έξέχεε,κατα τού μεγάλου θεού καί σωτήρος ήμών, ’Ιησού Χριστού- άλλα μή αναθεμα­ τίζει αυτόν καί τά άσεβή αύτοϋ συγγράμματα καί πάντας τούς δεχόμενους, ή καί ένδικούντας αυτόν, η λέγοντας όρθοδόξως αυτόν έκΟέσΟαικαί τούςγράψαντας υπέρ αύτοϋ καί τών ασεβών αύτοϋ συγγραμμάτων καί τούς τα όμοια φρονούντας, ή φρονήσαντας πώποτε καί μέχρι τέλους έμμείναντας τ5) τοιαύτη αίρέσει, ά. ε. CONSTANTINOPLE (IIe CONCILE DE) Thomas stupéfié du prodige de la résurrection une exclamati· n de louange à l’adresse de Dieu qui avait ressuscité le Christ : et qui pis est. dans le comnien· taire qu’il a rédigé sur lesActes des apôtres, ce même Théodore mettant le Christ sur le même pied que Platon, Manichès, Epicure et Marcion, dit que. de même que chacun de ces der­ niers, auteur d un système spé­ cial. a transmis à ses disciples la dénomination de platoniciens, ou de manichéens, ou d'épicu­ riens, ou de marcionites, de même le Christ, auteur d'un système, a laissé aux siens celle de chrétiens; si donc, quelqu'un prend la défense de ce parangon d'impiété qu est le susdit Théodore et de ses ouvrages impies, dans lesquels il a déversé contre le Dieu très grand et contre notre sauveur Jésus-Christ les blasphèmes précités et d’autres en nombre incalculable ; au lieu de l'anatliématiser, lui et ses ouvrages impies, et tous ceux qui sont pour lui, ou le justifient, ou prétendent que les théories exposées par lui sont ortho­ doxes, et ceux qui écrivent en sa faveur ou en faveur de ses ouvrages impies, et ceux qui sympathisent ou ont pu sym­ pathiser avec ces théories et ont persévéré jusqu'au bout dans une pareille hérésie, qu'il soit anathème. Le 12* anathématisme reproduit, avec quelques addi­ tions en plus, le 12« anathématisme de la Confession. Mansi, t. ix, col. 561. Les deux finales offrent aussi quelques divergences. On ne s’explique guère la place qu'il occupe dans la série des anathématismes. Il est consacré tout entier à quelques particularités du sys­ tème christologique de Théodore. 11 eût donc dû passer, tout au moins, avant le 11« anathématisme, de portée plus générale, et où il n’est même plus question de Théodore. Les dill'érents points du système relevés ici et con­ damnés sont les suivants : 1° On s'en prend d'abord à la théorie du développement moral du Christ et de l'union progressive de l’homme avec le Verbe. Cette théorie, d’après les rédacteurs de l'anathématisme, se réduit à ceci : par son efl'ort personnel, et aidé de la grâce, le Christ a acquis peu à peu cette perfection morale éminente qui l’a placé au premier rang parmi les par­ faits et les saints. L’union avec le Verbe n’a commencé pour lui qu’avec le baptême. Pur homme jusque là, ώς ψιλόν άνθρωπον, il est sorti des eaux du baptême com­ blé des grâces de l’Esprit-Saint et honoré de la filia­ tion divine adoptive, υιοθεσία; άξιωΟήναι; ce n’est qu’aprés la résurrection toutefois que son union avec le Verbe, union qui lui vaut les honneurs de l'adora­ tion. est devenue definitive, entraînant avec elle les pri­ vilèges de l’immutabilité dans le bien et de l’impeccabilitê. Que cet exposé reproduise lidelement la pensée de Théodore, les références suivantes le prouvent sans 1254 conteste. Fragm. dogm., col. 979, princeps gratia, quæ illi erat apud Deuni, accessionem et incrementum accipiebat. El in his omnibus proficiebat apud Deum et homines : homines quidem progressum videbant, Deus vero non videbat suium, sed testimonio appro­ babat, et in iis quæ fiebant cooperabatur ; coi. 976, 977, habuit etiam propensionem non vulgarent ad meliora ex unione cum Verbo, cf. coi. 998; coi. 995, mugis enim perturbabatur (ώχλεϊτο, ενοχλούμενου) Dominus, magisque certabat cum passionibus animæ quam corporis; car l'effort vers le bien implique la lutte contre les passions de l'esprit et tes désirs de la chair. Cf. le début de l'anathématisme, ibid., col. 980, hanc enim (adoptionem = υιοθεσίαν) accepit ipse secundum humanitatem baptizatus primum in Jor­ dane... et Spiritus descendens mansit super eum, sicut futurum erat, ut nos etiam in ipso hunc Spiritum participaremus : toutefois la présence de l’Esprit-Saint en Jésus présente un caractère spécial, qui quidem excellentius præ nobis, per unionem cum Verbo, ipsi advenit, hæc participanti quæ Filius secundum natu­ ram ; sur faction de l’Esprit-Saint en Jésus, cf. col. 995; col. 902, honorem vero omnem sic attribuunt, tanquam imagini imperiali cum quasi in ipso sit divina natura, et in ipso specie.ur,· coi. 996, 997, post resurre­ ctionem autem ex mortuis et in cælos ascensum, im­ passibilis factus et immutabitis omnino; coi. 1014, 1015, utpote autem impeccabilem virtute Spiritus Sancti facium, resuscitavit de mortuis el ad vitam constituit meliorem. Cf. Mansi, t. ix, coi. 20i, 205. 206, 207, 210, 218. Il faut observer que, si Théodore ne fait commencer la filiation adoptive du Christ qu’au bap­ tême, il admet cependant bien avant le baptême, et dés le début même de l'existence du Christ, un commen­ cement d’union entre lui et le Verbe : les progrès de cette union vont de pair avec les progrès dans la vertu et dans la grâce. Cf. Fragm. dogm., col. 980, 989. — 2° Vient ensuite une allusion à la comparaison, défec­ tueuse et erronée si on la presse trop, par laquelle Théodore assimile l’union de la nature divine et de la nature humaine dans l’incarnation avec l'union de l’homme et de la femme dans le mariage. En celui-ci l’union réalisée entre deux êtres n’est qu'une union morale et accidentelle qui laisse intacte la personnalité physique de chacun d’entre eux. Appliquer celle com­ paraison à l’incarnation, c’est supprimer l'union hypostatique en y laissant subsister la personnalité humaine. C’est bien en effet cette conclusion que Théodore tire de l'analogie établie par lui entre le mariage et l'incar­ nation. Ibid.,col. 981 ; Mansi, t. ix, col. 215. —3° On re­ proche à Théodore l’interprétation qu’il donne du texte de saint Jean, xx, 22 : Insufflavit et dixit eis.' Accipite Spiritum Sanctum. Il voit en effet dans cette parole la pure et simple annonce de ce qui se produira un peu plus tard, au jour de la Pentecôte, et non une commu­ nication réelle du Saint-Esprit aux apôtres en ce mcment-là même. Cf. In Ev. Joa., P. G., t. xlvi, col. 7i3; Mansi, t. ix, col. 208. — 4° Remarque analogue à propos du commentaire qu’il donne de l’exclamation de l’in­ crédule Thomas, Joa., xx. 28 : Dominus meus et D us meus. Ce n’est pas, d'après lui. une affirmation di i divinité du ressuscité, mais une simple exclamation d’étonnement et de louange tout à la fois. In Ev. Joa., ibid.; Mansi, t. ix, col. 209. — 5° Donne également lieu à critique l’interprétation du texte des Actes, il, 38 : Baptizetur unusquisque innomine .lesu Christi. Tl.· odore fait remarquer â ce propos, qu’il n’est pas qu n de remplacer la formule trinitaire du baptême par un formule où ne serait mentionné queje nom de JésusChrist: mais, de même, dit-il, que les platoniciens, les épicuriens,etc.,ontété désignés du nom de leur maître et initiateur, ainsi les disciples de Jésus-Christ devront, â partir du baptême, emprunter le nom de leur sau- 1255 CONSTANTINOPLE (11e CONCILE DE) vêtir et maître et s’appeler désormais clirétiens. Est-tse l’assimilation des clirétiens aux autres sectes pliilosophiques que les Pères du concile condamnent ici comme irrespectueuse, ou bien trouvent-ils l’exégèse du texte incomplète ou erronée? Ceci ne ressort pas clairement de la formule de l'analhematisme. Il semble cependant qu’on s’en prend surtout à la comparaison, comme si elle impliquait une assimilation complète entre les théories des philosophes, théories de leur in­ vention, ώσπερ έκείνων έκαστος εύράμενος οίζεϊον δόγμα, et la doctrine du Christ, τον δμοΐον τρόπον κα'ι τοΰ Χρι­ στού εύραμένου δόγμα : ce qui du reste parait avoir été loin de la pensée et même des expressions de Théodore. Cf. In Act. aposl., op. cil., col. 785; Mansi, t. tx, col. 209. ιγ'. ΕΓ τις αντιποιείται τών άσεδών συγγραμμάτων Θεοδωρίτου, τών κατά τής αληθούς πίστεως και τής έν Έφέσω πρώτης και άγιας συνόδου, και τοΰ έν άγιοις Κυρίλλου και τών ιβ' αύτοϋ κεφαλαίων, κα'ι πάντων ων συνεγράψατο υπέρ Θεοοώρου χαΐ Νεστορίου, τών δυσσεβών, καέ υπέρ άλλων τών τά αυτά τοίς προειρημένοις Θεοδώρω καί Νεστορίω φρονοϋντων και δεχόμενων αυ­ τούς καί την αυτών ασέ­ βειαν, καί δε’ αυτών ασεβείς καλεϊ τούς τής εκκλησίας διδασκάλους, τους καθ’ ΰπόστασιν τήν ένωσεν τού θεού λόγου φρονοΰντας, και πάντας δέ τούς γράψαντας κατά τλς ορθής πίστεως, ή τοΰ έν άγιοις Κυρίλλου και τών δώδεκα αυτού κεφα­ λαίων, κα'ι έν τή τοιαύτη άσεβεία τελευτησαντας, ό τ· ά. έ’. 13. Si quelqu’un prend la dé­ fense des ouvrages impies de Théodoret contre la vraie foi, contre le premier saint concile d’Éphèse, contre saint Cyrille et ses douze anathématismes; et de tout ce qu i! a écrit en faveur de Théodore et de Nes­ torius, ces impies, et en faveur de tous ceux qui adhèrent aux doctrines des susdits Théodore et Nestorius et les acceptent, eux et leur impiété : et si, à cause d eux, il traite d'impies les docteurs de l’Église qui tiennent que l’union de Dieu Verbe s’est faite selon l’hypostase ; et s’il n’anathématise pas les écrits impies précités, ainsi que ceux qui sympathisent ou ont sympathisé avec leurs doc­ trines et tous ceux aussi qui ont écrit contre ta vraie fol. ou contre saint Cyrille et ses douze anathématismes, et qui sont morts dans une telle im­ piété, qu'il soit anathème. C’est Théodoret de Cyr, Je second des trois inculpés dans l’affaire des Trois-Chapitres, qui est mis en cause dans le 13e anathématisme. Disciple de Théodore de Mopsueste, condisciple et ami fidèle de Nestorius, le savant évêque de Cyr avait pris part à tous les débats relatifs à Nestorius et à Eulychès. En 430, il publia une réfutation des douze anathématismes de saint Cyrille. Les décisions du concile d’Ephèse (431) ne le firent pas 'hanger d’avis sur ce qu’il appelait les tendances apollinarisles de ce document capital de la controverse nestorienne. Il se tint à l’écart, lors de l’accommode­ ment conclu entre Antioche et Alexandre (433), et n’y adhéra qu’en 435, mais seulement après qu’on eut re­ noncé à exiger de lui la condamnation de Nestorius; car il tenait celui-ci pour innocent des erreurs qu’on lui imputait. Cette altitude lui valut naturellement la haine du parti eutychien, longtemps tout-puissant. En 449, déposé par le pseudo-synode d’Éphèse, il en appela au pape, qui le rétablit sur son siège. H put, en dépit de l’opposition du parti monophysite, prendre rang parmi les Pères de Chalcédoine, mais non sans avoir au préalable adhéré formellement à la condamnation por­ tée contre Nestorius à Ephèse. Cf. Hefele, Concil., t. il, p. 781-782; Hardenliewer, Patrologie, 1894, p. 345. Par sa controverse avec saint Cyrille et par sa fidé­ lité, sinon aux théories, du moins à la personne de Nestorius, Théodoret était tout désigné, après son maître Théodore de Mopsueste, pour être de la part des inonsphysites l’objet de violentes attaques. D’ailleurs, 1256 sa condamnation, si on parvenait à l’obtenir, serait tout profit pour les adversaires du IVe concile. Celui-ci ayant, en effet, réhabilité Théodoret, le condamner. c’était infirmer sur un point ses décisions et, par con­ séquent, amoindrir son autorité. On s'occupa de l'évêque de Cyr, dans le Ve concile, au cours de la Ve session. Mansi, t. tx, col. 289-297. On y lut d'abord quelques fragments de sa polémique contre les douze anathéma­ tismes de saint Cyrille. Ibid., col. 298-291. Dans le 1" de ces fragments, Théodoret formule en termes plus nestoriens qu’orthodoxes sa théorie sur le mode d'union des deux natures : άλλ* έαυτώ ναόν έν τή παρΟενική γαστρί διαπλάσας, συνήν τώ πλασΟέντι κα’ι γεννηΟέντι. P. G., t. Lxxxm, col. 393. Dans le 2e. il rejette comme suspecte, parce qu’étrangère à l’Ecrilure et aux Pères, la formule : ένωσες καθ’ ύπόστασιν. Ibid., anath. 2, col. -400. Dans le 3°, il s’insurge contre la théorie cyril­ lique de la communication des idiomes. Ibid., anath. 4. col. 409, 412. Enfin dans le 4e, il semble mettre en doute l’identité affirmée par saint Cyrille entre le Christ, prêtre de la nouvelle alliance, et le Verbe. Ibid., anath. 10, col. 436. Puis on passa â une lellre de Théo­ doret aux moines syriens, Mansi, t. ix, col. 291-292; P. G., t. i.xxxiii, col. 1415-1440 : lettre très violente, où il accuse saint Cyrille d’en revenir aux erreurs de Marcion, de Manês et de Valentin, à cause de la formule de son 1er anathématisme; à celles de Macédonius, à propos du Saint-Esprit ; à celles d'Apollinaire, pour avoir admis Κένωσες καθ’ ύπόστασιν (2e et 3e anath.); enfin à celles d’Arius et d’Eunomius pour avoir affirmé la communication des idiomes (4e anath.). On ne lut en séance que quelques extraits de cette lellre; on y ajouta quelques passages de ses discours en faveur de Nestorius et contre saint Cyrille, où il traite celui-ci de o nove Christi impugnator, et l’accuse de confondre dans l’union les deux natures. Mansi, t. ix, col. 292; une lettre à André de Samosate, fort peu respectueuse pour les Pères du concile d’Éphèse et leur œuvre, ibid., col. 294; P. G., t. lxxxiii, col. 1463; une lellre à Nes­ torius, postérieure à l’accord intervenu entre saint Cyrille et les Orientaux, où il reconnaît l’orthodoxie de saint Cyrille, mais déclare à Nestorius qu’on ne lui arrachera jamais de condamnation contre sa personne, Mansi, ibid., col. 294; P. G., ibid., col. 1485; deux lettres encore, l'une à Jean d’Antioche, après la conclu­ sion de la paix, où les dernières déclarations de saint Cyrille sont reconnues être orthodoxes, mais en contra­ diction avec les douze anathématismes, l’autre, adressée probablement à Domnus, successeur de Jean d'Antioche, après la mort de saint Cyrille, et où reparaissent les anciennes animosités. Mansi, ibid., col. 294-295; cL note d; P. G., ibid., col. 1484, 1489-1492; enfin un fragment de discours qui n’épargne guère la mémoire de saint Cyrille, alors défunt. La lecture de ces docu­ ments achevée, les évêques manifestèrent tout haut leur étonnement de ce que le concile de Chalcédoine qui connaissait toutes ces pièces et qui n’ignorait pas les blasphèmes de Théodoret, l’eût absous et réhabilité, même après l’anathème prononcé par lui sur Nesto­ rius et ses erreurs. Mansi, ibid., col. 297. A Chalcédoine, on s’était en effet occupé au cours de la XIil» session du cas de Théodoret déposé par le conciliabuled’Éphèse. Pressé d’anathématiser Nestorius, Théodoret avait d’abord tenté de se dérober et ne s’y était décidé que sous la menace de l’anathème. Mansi, t. vu, col. 185-194. En le condamnant ici. les Pères du V» concile n’en revenaient pas moins ur une cause déjà jugée. ιδ’. Εΐ τις άντιποιεΐται τλς επιστολής τής λεγομένης παρά 'Ίδα γεγράφίΐαι πρ’ος Μάρην τον Πέρσην, τής άρνουμένης μέν τόν θεόν 14. Si quelqu'un prend la défense de la lettre écrite soidisant par Ibas à Mares le Perse : lettre qui nie que le Dieu Verbe, ayant pris chair 1257 CONSTANTINOPLE (IIe CONCILE DE) 1258 Marcs. Ibas était prêtre â Édesse à l’époque où Rabu­ las, évêque de cette ville et ami de saint Cyrille, anathémalisait les écrits de Théodore de Mopsueste et de Diodore de Tarse, Epist. ad Mar., Mansi, t. vu, col. 241. el provoquait par son intervention auprès des évêques d’Arménie toute une campagne contre ces deux écri­ vains. Mansi, t. v, col. 421, 971, 974, 993, 1182-1185. Cf. Hefele, Concil., t. u, p. 269. En 435, Ibas succéda à Rabulas sur le siège d’Êdesse. Douze ans après, il se vit accuser par un groupe de clercs auprès de Domnus d’Antioche, entre autres choses, de favoriser la diffusion des écrits de Théodore et d’enseigner les erreurs nesloriennes. L’accusation fut examinée d’abord par une commission épiscopale qui se réunit â Beyrouth, puis à Tyr (vers 448). Acta, Mansi, t. vu, col. 198-204, 2II256. Déposé par le synode (latrocinium) d’Ephèse, Ibas soumit son cas aux Pères de Chalcédoine qui lui consa­ crèrent deux sessions, la IXe et la X®. Mansi, ibid.. col. 193-271. L’un des principaux chefs d’accusation contre Ibas était sa lettre à Marès, évêque d’Hardaschir en Perse. Ibid., col. 241-249. A’côté de formules très orthodoxes, duæ naluræ, una persona, cette lettre con­ tenait des passages que n’aurait pas renies un nestorien ; et surtout elle lançait contre saint Cyrille et le concile d’Ephèse des accusations passionnées et injustes. On la relut au concile de Chalcédoine en même temps que les comptes rendus de l’enquête faite à Tyr et a Beyrouth. Puis, sans l’examiner plus en détail, on réhabilita son auteur, mais en lui demandant d’analhématiser Nestorius et ses erreurs. Seuls, parmi les Pères, les légats et Maxime d’Antioche s’exprimèrent dans leur vote en faveur de l’orthodoxie du contenu de la lettre : les autres n’y lirent aucune allusion, se con­ tentant de demander à Ibas l’acceptation de la lettre de saint Léon et une condamnation générale des erreurs de Nestorius. Ibid., col. 255-270. Lorsque fut soulevée la polémique sur l’affaire des Trois-Chapilres, deux opinions extrêmes prévalurent touchant l’altitude des Pères de Chalcédoine vis-à-vis de la lettre d’ibas. Les uns soutinrent que la lettre avait été approuvée par le concile comme orthodoxe; donc qu’on ne pouvait la Une fois donc faite cette pro­ condamner sans contredire aux décisions de ce der­ fession de foi concernant les nier. Ce fut la thèse défendue par les Occidentaux, vérités que nous avons recueil­ adversaires de la condamnation, en particulier par le lies de la divine Écriture, et pape Vigile. Constitutum, Mansi, t. ix, col. 98-99. Les de l’enseignement des saints autres prétendirent qu’elle avait, au contraire, été re­ Pères et des définitions portées jetée à Chalcédoine. Cetle dernière manière de voir, par les quatre saints conciles longuement développée au cours de la VIe session par susdits, touchant l'unique et Théodore Askidas, Mansi, t. ix, col. 304-307, finit par invariable foi; une fois cette prévaloir et s’incarna dans le présent analhémalisme. condamnation portée par nous La formule τήςλεγομένης παρά ’Ίβαγεγράφθαι s’explique contre les hérétiques et contre par ce fait que l’on mit en doute dans certains milieux leur impiété, et aussi contre l’authenticité de la lettre. El ce, pour la raison suivante ceux qui ont tenté ou tentent exposée par Askidas au cours de la discussion. Ibas de justifier les trois chapitres aurait affirmé devant ses juges de Tyr n’avoir rien écrit susdits et qui ont persévéré ou de semblable (il s’agit du contenu de la lettre), après le persévèrent dans leur erreur; pacte d’union conclu entre saint Cyrille et les Orien­ si quelqu’un entreprenait de taux; or, le contenu même de la lettre amène â reporter prêcher, d’enseigner ou d'écrire la rédaction de celle-ci à une date postérieure à ce des choses contraires aux points pacte d’union; donc Ibas aurait par le fait ni être pieusement définis par nous, l’auteur de la lettre. L’argument n’était pas très pro­ au cas où il serait évêque ou bant; attendu que la protestation d’ibas à Tyr n était inscrit au rang des clercs, ce­ pas aussi explicite que le voulait bien dire Askidas, lui qui s’écarterait ainsi de la attendu surtout qu’elle n’avait pas été renouvelée à manière de faire qui convient Chalcédoine. On en tint compte cependant dans la â des prêtres et à l’état ecclé­ rédaction du 14« analhématisme el, tout en condamnant siastique, devrait être privé de la lettre, on introduisit une réserve touchant son au­ l’épiscopat ou de sa fonction 1 thenticité. Cette réserve avait peut-être pour but de ecclésiastique ; s'il est moine ou rendre plus acceptable au parti adverse la condamna­ laïque, il sera anathémalisé. tion d’un homme que le concile de Chalcédoine avait réhabilité. Cf. Vigile, Constitui., Mansi, t. ix, col. 453744. Pour le reste, les points condamnés dans l’anathéLe 14« anathématisme est la conclusio: lu débat matisrne appartiennent bien réellement au contenu de soulevé au cours de la VIe session sur la lettre d’ibas â λόγον έκ τής άγιας Θεοτόκου καί αειπάρθενου Μαρίας ο-αρκωΟέντα άνθρωπον γεγενήσΟαι- λεγούσης δέ ψιλόν άνθρωπον έξ αϋτής γενηΟήναι, ον ναόν άποκαλεΐ' ως άλλον είναι τ'ον θεόν λόγον καί άλλον τον άνθρωπον τον έν άγίοις Κύριλλον τήν ορθήν τών χριστιανών πισπν ληρύξαντα διχοαλλούστς ώς αιρετικόν, και ομοίως Άπολλιναρίω τώ δυσσεβεΐ γράψαντα’ και μεμφομένης τήν έν Έφεσω πρώτην αγίαν σύνοδον ώς χωρίς κρισεως καί ζητήσεως Νεστόριον καΟελούσχν* και τα δώδεκα κεφά’/αια τού έν άγίοις Κυ­ ρίλλου ασεβή και εναντία τή ορθή πίστει, άποκαλεΐ ή αυτή ασεβής έπιστολή, καί έκδικει Θεόδωρον και Νε­ στόριον καί τα ασεβή αυτών δόγματα καί συγγράμματα* ει τις τοίνυν τής είρημενης επιστολής αντιποιείται καί μή αναθεματίζει αύτήν καί τούς αντιποιούμενους αύτής καί λέγοντας αύτήν ορθήν είναι, ή μέρος αύτής, καί γράψαντας και γράφοντας υπέρ αύτής, ή τών περιεχο­ μένων αύτή ασεβειών, καί τολμώντας ταύτην έκδικείν, η τας περιεχομένας αυτή άσεβείας όνο'ματι τών αγίων πατέρων, ή τής αγίας έν Χαλκηδόνι συνόδου, καί τούτοις μέχρι τέλους έμμείναντας* ό τ· ά. ε. Τούτων τοίνυν ούτως ομολογηθέντων, ά καί παρελάβομεν εκ τής θείας γραφής και τής τών αγίων πατέρων διδασκαλίας καί τών όρισθέντων περί τής μιας και τής αύτής πίστεως παρά τών προειρημένων άγιων τεσσά­ ρων συνόδων, γενομένης δέ καί παρ ’ ημών τής έπι τοίς αίρετικοις και τής αυτών άσεβείας, πρός γε καί τής τών έκδικησάντων ή έκδικούντων τά είρημένα τρία κεφάλαια, καί έναπομεινάντων τή οίχεία πλάνη, κατακρισεως, εΐ τις έπιχειρήσοι εναντία τοίς παρ’ ημών εύσεβώς διατυπωθεϊσι παραδούναι, ή διδάξαι, ή γράψαι, εί μεν επίσκοπος είη, ή έν κλήρω άναφερόμενος, ό τοιούτος άλλότρια Ιερέων και τής εκκλησιαστικής κα­ ταστάσεις πράττων, γυμνωθήσεται τής έπισκοπής, ή τού κλήρου, ει δέ μονάχος ή λαϊκός, άναθεματισθήσεττι. de la sainte Mère de Dieu et toujours vierge Marie, soit devenu homme; qui dit au contraire qu’il n'est né d'elle qu’un pur homme, qu’elle ap­ pelle le temple (de Dieu), comme si autre était le Dieu Verbe et autre l’homme; qui calomnie saint Cyrille, ce hé­ raut de la vraie foi chrétienne, en l’accusant d'être hérétique i et d'avoir enseigné par écrit les erreurs de l'impie Apolli­ naire; qui reproche au premier saint concile d’Ephèse d'avoir déposé Nestorius sansjugement et sans enquête; car elle déclare, cette même lettre impie, imp es et contraires à la vraie foi les douze chapitres de saint Cyrille, et elle justifie Théodore et Nes­ torius et leurs théories et leurs écrits impies : si donc quel­ qu'un prend la défense de la susdite lettre et ne l'analhématise pas, elle et ceux qui la dé­ fendent, et qui disent qu’elle est correcte en son entier, ou du moins en partie; el ceux qui ont écrit ou écrivent en sa faveur, ou en faveur des impié­ tés qu’elle renferme; et ceux qui ont l’audace de la justifier ou de justifier les impiétés en elle renfermées, et cela au nom des saints Pères ou du saint concile de Chalcédoine; s’ils ont persévéré jusqu'au bout dans ces erreurs, que celui-là soit anathème. 1259 CONSTANTINOPLE (IIP CONCILE DE) la lettre : doute soulevé sur la légitimité du titre de Mère de Dieu donné à Marie et sur l'identité personnelle enlre le Verbe et l’homme dans l’incarnation ; accusa­ tions injurieuses contre la mémoire de saint Cyrille et le concile d’Ephèse; parti pris en faveur de Théodore et de Nestorius. Le passage suivant de la lettre est par­ ticuliérement visé dans la première partie de l’anathématisme : συνέγραψε γάρ καί αύτό- (il s'agit de Cyrille accusé de renouveler l’erreur d'Apollinaire) ομοίως έκείνω ότι αυτός ό θεός λόγος γέγονεν άνθρωπος, ώς μη είναι διαφοράν μεταξύ τοϋ ναού και τοϋ ένοικοϋντος έν αύτώ; et faisant sienne la thèse d’une distinction, Ibas ajoute : πώς γάρ δυνατόν ληφΟήναι τόν έν αρχή λόγον έπί τοΰ ναοϋ τοΰ γεννηΟέντος έκ Μαρίας. Mansi, t. VU, col.244. Il faut remarquer que l'anathème est porté, non pas directement contre la lettre ou son auteur, mais contre ceux qui refusent de la condamner elle et ceux qui la tiennent pour orthodoxe, en entier ou tout au moins en partie, parlent ou écrivent en sa faveur. Ceci est évidem­ ment à l’adresse du pape Vigile et des évéques de son parti. Pour ce qui est de la clause και λέγοντας αυτήν ορθήν είναι, ή μέρος αυτής, il faut ajouter que certains, s'appuyant sur les termes mêmes du jugement porté par l'un des Pères de Chalcédoine, Eunornius de Nicomédie, sur la susdite lettre, ibid., col. 266, devaient sans doute être d'avis que tout n’était pas à condamner dans son contenu et qu'il y avait à distinguer enlre ses diffé­ rentes parties. Askidas, lui, se prononça résolument pour une condamnation absolue et totale. Mansi, t. tx, col. 307. 11 lit même lire par le notaire Thomas un factum rédigé à l'avance où chacune des affirmations de la lettre en question se trouvait mise en parallèle avec une affirmation contradictoire empruntée aux Pères de Chalcédoine. Ibid., col. 342-346. Le factum est par endroits tendancieux et exagère les différences el les contradictions. Il emporta cependant l'assentiment général; et la session consacrée â la lettre d'ibas s’acheva sur la déclaration suivante des Pères : contra­ ria per omnia est epistola... definitioni quant pro recta fide sancta Chalcedonensis synodus pronuntiavit, et les exclamations : tota epistola hæretica est..., blas­ phéma est. I. Sources. — Acta concilii V Constantin., dans Mansi, Concit., t. IX. col. 171-412, 412-657; Liberatus. Breviarium causæ nestorianorum et eutychianorum, c. xxiv, P. L., t. lxviii. col. 1049 sq. ; Victor de Tunnunum, Chronicon, ibid., col. 956962; Facundus d'Hermiane. Pro defensione trium capital., I. XII, P. L., t. i.xvii, col. 521-582: Liber contra Mocianum scolasticum, ibid., col. 85’i-868; Epistola fidei catholicæ, col. 867-878; Fulgence Feriandus, Epistola (ad Pelagium et Analoliuni)pro tribus capit., ibid., col. 921-928; Rusticus diaconus, Contra acephalos disputatio, ibid., col. 1167-1254. Π. Travaux. — H. Noris, Dissertatio liistor. de synodo quinta, dans Opera, édit. Ballerini. Vérone. 1729. t. 1, p. 5Γ0820; Defensio, t. IV, p. 985 sq.; J. Garnier, Dissertatio de syn. V·, dans P. G-, t. LXXXIV, col. 455-548; VValch, Entw. einer vollst. Historié der Ketzereien, Leipzig, 1778, t. vu, p. 4468; Hefele, Conciliengeschichte, Fribourg-en-Brisgau, 1855, t. n, p. 775-898; Dobroktonsky, L'écrit de Facundus : Pro defensione trium cupit., Moscou, 18>0 (en russe): Herzog, Bealeucyklopadie, 3* édit., 1898, art. Drei-Kapitelstreit, t. v, p. 21 sq. ; H. Kilin, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africmus ais E.vegeten, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 180-197; J. Pargoire, L'Église byzantine de 527 à 857, Paris, 1965, p. 36-41. J. Bois. 3. CONSTANTINOPLE (lit» concile de). VI» concile œcuménique, 680. — I. Histoire et docu­ ments. 11. Texte. III. Commentaire du décret. I. Histoire et documents. — Le IIIe concile de Con­ stantinople, VIe œcuménique, en condamnant l’hérésie monothélite, paracheva l'œuvre doctrinale des conciles d’Éphèse et de Chalcédoine. Le monothélisme n’était qu’un succédané du monophysisme; et la campagne menée en Orient parses partisans pour le faire accep­ -12G0 ter, une tentative détournée en vue d’imposer à l’Église, sons un nom d’emprunt, l’erreur analhématisée à Chal­ cédoine. La formule définitive du mystère de l’incarnation avait été fixée par les Pères de Chalcédoine : deux na­ tures unies dans l’unique personnalité du Verbe, sans mélange, ni métamorphose, ni confusion. Mais cetle coexistence de deux natures distinctes impliquait, outre celles-ci, certaines relations d’attributs, d’activités et d’opérations qu’il importait aussi de définir. Le concile de Chalcédoine, à la suite de saint Léon, avait posé très nettement le principe ou gisait la solution du problème. Saint Léon avait dit : agit enim ulraque forma cum alterius communione quod proprium est. Epist. dogni., c. iv. Le concile avait ajouté : σωζομένης δέ μάλ­ λον τής ιδιότητας έκατέρας φϋσεως. Decret, dogm. Voir Chalcédoine (Concile de), t. n, col. 2195. Il restait à appliquer ces principes et à en dégager, pour compléter la théorie christologique, tout le contenu doctrii I. Ce fut l'œuvre du VI» concile : le monolhélisme fut l'occa­ sion de ce nouveau développement doctrinal. Cette question de la nature des rapports existant entre les propriétés et les forces diverses des deux na­ tures unies dans la personne de Jésus-Christ, les monophysites l'avaient soulevée et résolue en général, conformément â leurs principes. Cerlaines de leurs sectes cependant, celles des phtarlolàlres et des agnoétes par exemple, en affirmant la corruptibilité du corps du Christ, ou en attribuant l’ignorance ou la nescience â son âme, étaient tombées dans une incon­ séquence manifeste : car reconnaître dans le Christ certaines caractéristiques de la nature humaine, c’était en bonne logique accepter la réalité de cette nature humaine et sa non-confusion avec la nature divine du Verbe. Aussi ces sectes ne paraissent-elles pas avoir eu beaucoup de succès. Voir ces noms. En tout cas, la question qui s’était posée pour le corps et pour l’intelligence du Christ devait aussi fatalement se poser pour sa volonté et, d’une façon générale, pour tout l’ensemble de son activité humaine. Dans quels rapports se trouvent en lui la volonté divine et la vo­ lonté humaine, l'activité divine et l’activité humaine? Sont-elles distinctes, ou faut-il les confondre et parler d'une opération et d’une volonté unique, à la fois divine et humaine, théandrique, suivant la formule chère aux monoénergistes et aux monothcliles? Telle était la question, et l’on voit quels rapports logiques la rat­ tachent aux problèmes résolus à Ephèse el à Chalcé­ doine. L'histoire du monolhélisme est longue et compliquée, voir Monothélisme. Je n'en donnerai ici que les faits nécessaires à l’intelligence des documents qui inté­ ressent le côté dogmatique de la question. Les origines de cette hérésie ne paraissent pas avoir été complètement débrouillées. Sergius, patriarche de Constantinople (610-638), en fut avec Héraclius, le prin­ cipal propagateur : il n'en fut vraisemblablement pas l’inventeur. Et, malgré sa date tardive, x» siècle, il peut y avoir un fond de vérité dans le témoignage d’Eutychius qui fixerait en Syrie, à la fin du v» siècle, l'appa­ rition première du monolhélisme. Annal., P. G., t. ext, col. 1077-1078. Cf. Echos d'Orienl, I. m (1900-1901), col. 157-159; t. tx (1906), col. 258 sq. Si ce renseigne­ ment est exact, on s’expliquerait assez bien que Sergius, Syrien et jacobite d’origine, Theophane,’ Chronogr., an. 6121, P. G., t. Cl.xvm, col. 680, ail apporté celte erreur de Syrie à Constantinople et, devenu patriarche, s'en soit fait, dans des vues politiques et de concert avec Héraclius. l'ardent propagateur. L'un el l’nutre pouvaient espérer trouver dans le monothélisme une formule sur laquelle arriveraient à s’accorder partisans et adversaires du concile de Chalcédoine. On réussirait par le fait même à rétablir cette unité religieuse et 1261 CONSTANTINOPLE (III0 CONCILE DE) 1262 Cyrus de ne pas la réaliser au prix de la vérité. Epist. politique dont l’empire avait tant besoin en face des I Serg. ad Honor., ibid., col. 532; Maxime, Epist. ad invasions menaçantes. Dés avant <5i9, Sergius de Constantinople commence ; Petr., P. G., t. xci, col. 142-113. D’Alexandrie il se hâta alors vers Constantinople, mais sans plus de sa propagande en faveur de «a théorie d'une μία ένεργεία succès. Sergius, pressé d’élever la voix en faveur de la dans le Christ. Il est en relations avec Sergius, évêque vérité, répondit qu’il valait mieux faire le silence sur monophysite d’Arsinoé en Égypte : à Théodore de Phacette question et ne parler ni d'une ni de deux opéra­ ran il demande son avis sur la doctrine d’une seule tions. Epist. ad Honor., ibid. Et de fait, il écrivit dans opération, ενέργεια, et d'une seule volonté, θέλημα. En ce sens à Cyrus. Puis, sachant que Sophrone rentré à 619. c’est à Georges Arsas, chef des paulianistes d’Egypte, Jérusalem venait d’y être élu patriarche, il jugea pru­ qu’il s’adresse. Maxime, Disputatio cum Pyrrho, dent de prévenir le pape. P. G., t. xct, col. 332; Mansi, t. xi, col. 225. C’est lui Sa lettre à Honorius est un chef-d’œuvre d’astuce. Il qui inspire les négociations que mène Héraclius à Thêodosiopolis avec Paul le Borgne, chef des acéphales y fait d’abord un historique très incomplet et très par­ tial de la question, dissimulant de son mieux le rôle de Chypre, sur cette question (622); puis en Lazie, avec Cyrus de Phasie (626). Maxime, ibid., Mansi, ibid., joué par lui. Sur l’acte d’union d’Alexandrie il s’étend assez longuement, pour faire ressortir l’importance des col. 529. A cette dernière négociation se rattachent la résultats acquis et le peu de gravité de la concession lettre de Cyrus à Sergius et la réponse de ce dernier. consentie par l'adoplion de la formule μία ένέργεια. Mansi, t. XI, col. 561, 525. Cyrus, sur le conseil même D’ailleurs, ajoute-t-il, après avoir signalé les démarches de l’empereur, demande à Sergius son opinion sur la question. Évitant de parler de deux opérations après du moine Sophrone, nous avons jugé à propos d'éteindre l'union, peut-on ramener à une seule et principale opé­ cette discussion de mots, et nous avons écrit au pa­ triarche d’Alexandrie de ne permettre à personne, l'union ration, εις μίαν ηγουμενικήν ένέργειαν, les formes diverses une fois faite, de parler d’une ou de deux opérations. de l’activitédu Christ? Sergius, dans sa réponse,s’efforce de lui prouver que la question d'une ou de deux opé­ Il suffit de croire qu'un seul et même Fils unique, le Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu, a posé les actions hu­ rations n’a pas été résolue dans les conciles, et que des maines et les actions divines, ένεργειν τά τε θεία και αν­ Peres comme saint Cyrille d'Alexandrie ont parlé d’une θρώπινα, και πάσαν θεοπρε.ιή καί άνθρωποπρεπή ενέργεια ζωοποιός ένεργεία Χριστού. H y joint un exemplaire de έξ ένός και τού αύτοΰ σεσαρκωμένου θεοΰ Λόγου άδιαιρέτως la prétendue lettre de Menas à Vigile ou se trouve affirmé έν τό τοΰ Χριστού θέλτμα zal μίαν ζωοποιόν ένέρ- προιέναι, καϊ εις ένα καί τόν αύτόν άναφέρεσθαι. La for­ mule, on le voit, est très ambiguë et susceptible d'èlre γειαν. Enfin il récuse la preuve que l’on prétend tirer interprétée dans un sens orthodoxe comme dans un en faveur de la théorie des deux opérations du passage sens monothélite. Il faut éviter la formule μία ένέργεια de VEpistola dogmatica de saint Léon.c. IV : agit enim à cause de sa nouveauté; quant à celle δύο ένέργειαι, utraque forma cum alterius communione quod pro­ elle est inconnue des Pères et elle entraînerait l'affir­ prium est, Verbo scilicet operante quod Verbi est et mation de deux volontés, θελήματα, opposées entre elles; carne exequente quod carnis est. La question, on le en ce sens que le Λόγος aurait voulu supporter les voit, se trouve posée dans ce document dans ses termes souffrances de la passion et que son humanité s’y serait essentiels. Il n’y manque que le passage du pseudorefusée. La nature humaine du Christ a toujours subi Aréopagite en faveur de l’unité d’opération. Il en sera les impulsions, ορμή, du Verbe auquel elle était unie. fait menlion plus tard, dans l’acte d'union de 633 à Mansi, t. xi, col. 529-537. L’obscurité étudiée et les réti­ Alexandrie. cences déloyales de la lettre patriarcale donnèrent le C’estsur la base de l'unité d'opération que se conclut, change à Honorius sur la gravité de la question enga­ en 629, l'accord entre Héraclius et l'évéque jacobite Alhanase promu au trône patriarcal d’Antioche. Theo­ gée. La réponse du pape fut celle d'un homme mal informé, et d’ailleurs peu clairvoyant. Donnant en pb in phane, Chronogr., an. 6121, P. G., t. cxi.vm, col. 677. Sur la même base s’accomplit à Théodosiopolis la réu­ dans le piège, il approuva le silence recommandé, allecta de ne voir dans tout ce débat sur les expressions nion de l’Église arménienne à l’Église byzantine en 633, une ou deux opérations qu’une chicane de grammairiens Sebcôs, Histoire d'Héraclius, p. 91-92; et à Alexandrie et formula sa pensée sur le fond de la question en des celle des théodosiens, le 3 juin de la même année. termes d’une impropriété et d'une imprécision déplo­ Mansi, t. xi, col. 561-568; Theophane, loc. cit. Nous possédons comme documents se rapportant ά cet événe­ rables. Il s’approprie, â peu de chose près, la formule de Sergius sur la question des opérations dans le Christ, ment : la lettre à Sergius de Cyrus, l'ancien évêque de et pour celle des volontés, accepte la formule un ri Pharan, devenu en 630 ou 631 patriarche d'Alexandrie, lonté, unam voluntatem fatemur Domini nostri Jesu et le promoteur de l'union; l’acte même d’union, Mansi, Christi, sur laquelle, au reste, il s’explique de manière loc. cit., et la réponse de Sergius à Cyrus. Mansi, t. x, col. 972. Les neuf κεφάλαια de cet acte d’union, sans for­ à laisser voir que, dans sa pensée, il ne s'agit que d une unité morale, c’est-à-dire d'un accord constant et par­ muler clairement le monophysisme, reprennent toutes fait entre les volontés du Verbe et les impulsions :· la les expressions chères aux monophysites : έκ δύο φύσεων nature humaine. Toute son argumentation repose sur (κεφ.ν), ένωσις φυσική (κεφ. ΐν), μία φύσις τοΰ θεού Λόγου ce principe que Jésus-Christ en s'incarnant n'a pas : ris σεσαρκωμένη (κεφ. Vi). Ibid. une chair de péché, une chair rebelle à la loi de i ■ sLe 7· formule ainsi l’unité d'opération dans le Christ : prit. Il ne nie donc l'existence dans le Christ des . και τόν αύτόν ένα Χριστόν και Υιόν ένεργοΰντα τά Οεοπρεπή tions humaines que dans la mesure où elles seraient · η καί ανθρώπινα μια θεανδρική ένεργεία κατά τόν έν άγίοις contradiction avec les directions imprimées par la voΔιονύσιον. Ibid. Cette formule, Sergius la commente ainsi dans sa réponse à Cyrus : και τόν αύτόν ένα Χρι­ lonté divine à son activité. Ibid., col. 538-513. Avec le στόν ένεργεϊν τά Οεοπρεπή καί ανθρώπινα μία ένεργεία· document pontifical, le débat restait dans cette at osphère d’obscurité et de confusion où l'avait int : _>nπάσα γαρ θεία τε και ανθρώπινη ενέργεια έξ ένός καί τοΰ nellement plongé l’astucieux Byzantin. αύτοϋ σεσαρκωμένου Λόγου προήρχετο. Mansi, t. XI, La lumière jaillit à flots de la lettre synodique du col. 565. nouveau patriarche de Jérusalem, Sophrone (631). Mansi, La foi catholique ainsi sacrifiée aux exigences de la politique trouva un intrépide défenseur dans la per­ t. vi, col. 461-510. Après un exposé très précis et très sonne de Sophrone. Simple moine encore, celui-ci se complet des dogmes de la trinité et de l’incarnation, elle aborde la question en posant nettement le principe trouvait â Alexandrie lors des négociations qui prépa­ qui seul permet de la résoudre d une manière satisfairèrent celte malheureuse union. En vain supplia-t-il 1263 CONSTANTINOPLE (III" CONCILE DE) santé : le Christ est à la fois un et deux, iv καί δύο; il est un sous le rapport de l'hyposlase et de la personne; il est deux sous le rapport des natures et de leurs at­ tributs respectifs. Il opère naturellement les œuvres de chaque nature, conformément à la qualité inhérente à chacune d’elles, ou aux attributs qui lui sont essentiels. C’est le même qui accomplit les œuvres divines et les œuvres humaines, mais par des principes distincts, ιίς μίν και ό αύτός Χριστός και Γιος, ό τα θεία δεδρακώς και ανθρώπινα, ζατ’ άλλο, δε καί άλλο; car chacune des deux natures avait conservé intactes et pures de tout mélange ses puissances actives, έπειδή καί έν άμφοτέροις εσχε τήν έξουσίαν άσύγχυτον, ού μην άλλα και άμέριστον. Ibid., col. 480 sq. Sur cette base solide, Sophrone peut asseoir sans crainte la théorie des deux opérations dans le Christ : c’est à la développer qu’il consacre une bonne partie de sa lettre synodique. Il est à noter que la question des deux volontés n’y est même pas sou­ levée. Ceci se comprend, si l’on songe que Sophrone vise uniquement dans sa lettre la théorie formulée dans l'acte d'union présenté par Cyrus aux monophysites d’Alexandrie, la théorie des deux opérations; et qu’il n’avait pas connaissance de la lettre de Sergius à Hono­ rius, où se trouve indiquée celle des deux volontés, ni surtout de la réponse d'Ilonorius à Sergius avec la mal­ heureuse formule : εν θέλημα. Contemporaine de la lettre de Sophrone, ou posté­ rieure à celle-ci, est la seconde lettre d’Ilonorius à Sergius. Il n’en reste que des fragments. Mansi, t. xi, col. 580-581. Dans le fragment linal, le principe se trouve posé d’où découle logiquement la théorie des deux opérations : c’est que chacune des deux natures opère, avec le concours de l’aulre, les œuvres qui lui reviennent. Mais au lieu d’en tirer cette conséquence qu’il y a deux opérations distinctes, Honorius se rabat sur cet autre principe de l’unité de personne, et par conséquent d'agent, el rejette comme des nouveautés inutiles les expressions une ou deux opérations. Au lieu d’une opération, disons qu'il y a un seul opérant : au lieu de deux opérations, parlons de deux natures agissant sans confusion ni division dans l'unité de per­ sonne. La doctrine est, on le voit, pleinement orthodoxe. H n’y a plus en cause pour Honorius qu'une question de terminologie. L'état fragmentaire dans lequel nous est parvenue cette seconde lettre d'Ilonorius ne permet pas toutefois d'affirmer que le pape avait renoncé à la théorie et à la formule également ambiguës d’une vo­ lonté dans le Christ, ou du moins, qu’il l'avait plus clairement interprétée dans le sens d'une unité morale et non physique. Pendant que circulait en Orient le recueil antimonothélite composé par Sophrone avec les textes empruntés, au nombre de plus de 000, aux œuvres des Pères, Mansi, t. x, col. 1071-1108, on préparait à Byzance un manifeste monothélite, l’Ecthèse. H parut à l’automne de 638, sous le nom de l'empereur, ibid., col. 873, 992-997; mais il était dû, sans doute, à la plume du vieux patriarche. Deux synodes successifs, l'un sous Sergius (638), l’autre sous son successeur Pyrrhus (639), l'approuvèrent. Le contenu de ce document est à rapprocher de celui de la lettre de Sergius à Honorius. On y rejette la for­ mule δύο ένέργειαι, et aussi celle de μία ενέργεια : mais celte dernière est écartée moins par conviction, parce qu'on la juge inexacte ou impropre, que par condescen­ dance pour ceux qu'elle pourrait étonner. La thèse de l'unité de volonté s’y trouve au contraire explicitement formulée, mais en des termes tels que l’on pourrait encore, à la rigueur, y adapler la théorie de l'unité morale. Toutefois nul doute que, dans la pensée de ceux qui la rédigèrent, l'unité physique ne soit également en cause. Condamnée par les successeurs d'Honorius, par Séverin, ibid., col. 679, 1005, par Jean IV, ibid., col. 679, 1264 par saint Théodore Ier, ibid., col. 702-705, presque re­ niée par Héraclius, Maxime, Epist. ad Petr., P. G., t. xct, col. 142-143, repoussée â Chypre, Mansi, t. x, col. 913-916, en Palestine, ibid., col. 900, en Afrique, ibid., col. 920, 925, l'Ecthèse et, avec elle, le monothélisme un peu hésitant qu'elle patronnait, se maintint cependant jusqu'en 648. Le pape Jean IV lui opposa la vraie doctrine catholique dans une lettre consacrée en grande partie à défendre la mémoire d’Ilonorius. Ibid., col. 682-686. L’interprétation qui y est donnée de la théorie développée dans les lettres d'Ilonorius pèche peut-être par excès de bienveillance : du moins la doc­ trine de l’Eglise sur le point en litige est très nettement exposée. Cette volonté unique du Christ, demande-t-il, est-elle humaine ou divine? Prétendre qu'elle est divine, c’est, avec les manichéens, nier l'humanité véritable du Christ. Soutenir qu'elle est humaine, c'est suivre Pholin et les ébionites dans leur négation de la divinité du Christ. Professera-t-on une volonté et une opération mixte? On revient alors au mélange des natures : quia enim unam voluntatem dicunt divinitatis Christi el humanitatis, et unant operationem ; quid aliud nisi quia et unam naturam Christi Dei secundum eutychianam et severianant divisionem operari noscuntur. Ibid., col. 686. Mérite aussi d’étre mentionné parmi les documents importants de la controverse monothélite le procèsverbal de la discussion soutenue par l’aL'oé Maxime contre Pyrrhus, l’ancien successeur de Sergius, alors déposé et en route pour Rome (juillet 645). L'un s'ap­ puie sur l'unité de personne pour soutenir l'unité de volonté; l'autre défend la doctrine des deux volontés en partant du fait de la persistance des deux natures. Et pour mieux établir cette dernière thèse, Maxime dé­ montre, par un exemple emprunté à la trinité, que la volonté est affaire de nature plutôt que de personne. Les distinctions philosophiques à l'aide desquelles il réfute les arguties de son subtil adversaire ne laissent rien à désirer comme clarté et comme précision, et après la lettre de saint Sophrone qui développe de pré­ férence le côté théologique de la question, la conférence de saint Maxime est assurément le document le plus intéressant de toute cette longue controverse. Maxime, Dispul. cum Pyrrh., P. G., t. xct, col. 288-353; Mansi, t. x, col. 709-760. Devant les résistances soulevées par l'Ecthèse, le pa­ triarche Paul, successeur de Pyrrhus, suggéra à Con­ stant Il une nouvelle combinaison. L'Ecthèse fut retirée et remplacée par le Type (648) qui interdisait à l'avenir toute discussion sur la question des volontés et des opérations. On ne parlerait plus désormais ni de volonté une ni d'opération une dans le Christ, encore moins de deux volontés ou de deux opérations. Mansi, t. x, col. 1029. La vérité était,comme l'erreur,condamnée au silence. A Rome, le pape Martin Ier répondità ces injonc­ tions par le synode de Latran (649). Pendant cinq lon­ gues sessions,on y examina toutes les pièces du débat: documents monothéliles, écrits dyothélites contempo­ rains, témoignages des Pères. Le résultat de cet examen se traduisit dans le symbole alors promulgué par l'addi­ tion au symbole de Chalcédoine d'une formule énonçant la doctrine des deux volontés et des deux opérations, et d'une série de vingt canons dogmatiques consacrés pour la plupart â la question christologique. Acta, Mansi, t. x, col. 1150-1162. Depuis quelque temps déjà l’ère des violences était ouverte contre les défenseurs du dyothélisme. Martin I", exilé en Chersonèse, y mourut martyr de la foi qu'il avait proclamée à Latran (655). Ses successeursjutlèrent courageusement pour maintenir et affermir son œuvre; tandis qu’à Constantinople s’allongeait la série des pa­ triarches monothélites. Avec Constantin IV Pogonat et le patriarche Théodore (677-679). une détente se produ>- 1265 CONSTANTINOPLE (Ill·* CONCILE DE) sit enfin. Des négociations s'engagèrent pour la solu­ tion ο τών έξ ών έστι φύσεων, και έν αις το είναι ε/ει, ώς ό θεσπέσιος εφ;σε Κύριλλος* πάντοθεν γοΰν το άσύγχυτον και αδιαίρετον φυλάττοντες, συντόμω φωνή το παν εξαγγέλ­ λομε·/' ενα τής άγιας Ί'ριάδος,καί μετά σάρκωσιν, τον κύριον ημών ’Ιησού·/ Χρί­ στον τον αληθινόν θεόν ημών είναι πιστεύοντες, οαμέν δ ίο αύτοΰ τκς φύσεις έν τή μια αύτοΰ διαλαμπούσας ύπο■στάσει, έν ή τά τε θαύματα καϊ τα παθήματα, δι’ όλης αύτοΰ τής οικονομικής ανα­ στροφής, ού κατά φαντασίαν, άλλα αληθώς έπεδείξατο,τής φυσικής έν αυτή τή μία ύποστάσει διαφοράς γνωρι­ ζόμενης τώ μετά τής Οατέρου κοινωνίας έκ.ατεραν •φύσιν θέλειν τε και ένεργεϊν τά ίδια* καθ’ον δή λόγον, καί ■δύο φυσικά θελήματα τε καί ένεργείας δοξάζομε·/ προς σωτηρίαν τοΰ ανθρωπίνου γένους καταλλήλως συντρέχοντα. Τούτων τοίνυν μετά πάσης πανταχόθεν ακρίβειας τε καί έμμελείας παρ’ημών διατυπωθέντων, όρίζομεν έτεραν πίστιν μηδενί έξεΐναι προφέρειν, ήγουν συγγρά­ φει·/, ή συντιΟέναι, ή φρο­ νεί·/, ή διδάσκειν έτέρως* τούς δέ τολμώντας ή συντιθέναι πίστιν έτέραν, ή προκομίζειν, ή διδάσκειν, ή παραδιδόναι ετερον σύμβο­ λο·/ τοίς έθέλουσιν επιστρέ­ φει·/ εις έπίγνωσιν τής αλή­ θεια; έξ Ελληνισμού, ή έξ Ιουδαϊσμού, ήγουν έξ αίρέσεως οίασοΰν, ή καινοφώνίαν, ήτοι λέξεως άφαίρεσιν προς ανατροπήν εισάγει·/ τών νυνί παρ’ ημών οιορισθίντων* τούτους εΐ μεν έπίσκοποι εΐεν ή κληρικοί, άλλοτρΐους είναι τούς επισκόπους τής επισκοπής, καί τούς κλη­ ρικούς τοΰ κλήρου* εΐ δέ μονάζοντ-ς ειεν ή λαϊκοί, άναθεματίζεσθαι αυτούς. et l'indivision, nous proclamons pour résumer le tout, ce qui suit. Croyant que l’un de la sainte Trinité est après l'incar­ nation Notre-Seigneur JésusChrist. notre vrai Dieu, nous disons qu'il y a en lui deux natures irradiant dans son uni­ que hypostase, en laquelle il a manifesté, non pas apparem­ ment mais véritablement,dans tout le cours de son existence incarnée, et les miracles et les souffrances : la différence naiurelle (de nature) dans cette unique hypostase se reconnais­ sant à ce fait que l’une et l'autre nature veut et opère ce qui lui est propre avec le con­ cours de l’autre. De celte façon donc, nous proclamons et deux vouloirs et deux opérations na­ turelles concourant ensemble au salut du genre humain. Ces points une fois fixés par nous avec l'acribiela plus minutieuse et tout le soin possible, nous définissons qu’il n’est loisible à personne ni de formuler, ni de proclamer de vive voix ou par écrit une autre foi, ni de penser ou d’enseigner differentment. Et ceux qui oseraient constituer une autre formule de foi, ou exposer, ou enseigner, ou transmettre un autre sym­ bole à ceux qui veulent reve­ nir à la connaissance de la vérité, soit de l’hellénisme, soit du judaïsme, soit de toute autre hérésie; ou introduire de nou­ veaux termes ou inventer de nouvelles formules pour ren­ verser les définitions, présen­ tement établies par nous; ceux-la, s’ils sont évêques ou clercs, qu’ils soient privés, les évêques de l’épiscopat,les clercs de la cléricature; s’ils sont moines ou laïques, qu'ils soient anathématisés. I | 1271 CONSTANTINOPLE (Ill» CONCILE DE) 1272 avec Pyrrhus qui roule sur celle question des volontés le vouloir naturel humain ou le vouloir naturel de la naturelles. Mansi, t. x, col. 711 sq. Il faut observer à chair et qu'ils mettaient en parallèle avec le vouloir ce propos que Maxime, ayant dés le début nettement ' divin, les déterminations de sa volonté humaine et les distingué entre la puissance du vouloir et les volitions désirs de sa sensibilité. passagères qui la manifestent, raisonne contre son S'ils insistaient sur ce point, c’était sans doute pour adversaire sur la faculté plutôt que sur son acte. Le répondre aux doutes soulevés à ce propos par les mo­ φυσικόν θέλημα c’est donc pour lui une propriété essen­ nothéistes. Sergius, Epist. ad Honor., ibid., col. 539. tielle, découlant de la nature; pour Sophrone et pour avait dit : μηδέποτε τήν νοερώς έμψυχωμένην τοϋ κυρίου li s Pères du VIe concile, c’est plutôt, semble-t-il, l'acte σάρκα κεχωρισμένως και έξ οικεία; ορμή; έναντιω; τώ posé par cetle faculté, et qui, s’il est en soi transitoire, νεύματι τού ηνωμένου αυτή καθ’ ύπόστασιν θεού Λόγου n en caractérise pas moins la puissance qui la pose et τήν φυσικήν αυτή; ποιήσασθαι κίνησιν, άλλ’ οπότε και la nature qui en est le principe éloigné. οιαν καί όσην αυτό; ό Θεό; Λόγο; ήδούλετο. Que la vo­ Les épithètes άδιαιρέτως, άτρέπτω;, άμερίστως, άσυγlonté raisonnable el humaine du Christ n’ait jamais χύτω; qui expriment les rapports des deux volontés et contredit en rien aux impulsions â elles communiquées des deux opérations sont identiques à celles par les­ par le Verbe, rien de plus juste ; et c’est la thèse même quelles les Pères de Chalcédoine avaient marqué les de l’unit ■ morale des volontés développée ici par les rapports des deux natures ; sauf άμεριστω;, au lieu et Péres du concile. Que celte même volonté n’ait pas eu place de άχωρίστω; d’ailleurs équivalent pour le sens. ses mouvements à elle, des tendances propres, actives Ces termes écartent toute idée de division, de change­ et spontanées de sa part,que I on ne pourrait nier sans ment, de séparation et de confusion dans les opérations la supprimer, c'est ce qu'ils n'admettent pas : aussi comme dans les natures. aflirmenl-ils la réalité el la coexistence dans le Christ Reprenant ensuite chacune des deux formules : δύο des deux volitions physiques. Honorius. Epist. I* ad Serg., ibid., col. 439, avait φυσικά θελήματα et δύο φυσικά; ένεργειας, les Pères les développent et les précisent. Pour ce qui est des deux parfaitement développé la première de ces deux thèses: volontés, ils s’appliquent à écarter toute confusion entre mais faute d’avoir suffisamment saisi l’importance de la l'unité physique qu'ils repoussent et l’unité morale seconde il avait parlé d’un vouloir unique, έν Θέλημα. qu'ils admettent et dont ils précisent la portée. Celte Cf. Epist. Joan. IV ad Constant., Mansi. I. x, col. 682. distinction était d’autant plus opportune que toute Macaire, dans son exposé de la foi monothélite commu­ l'argumentation des monolhélites en faveur de l'unité niqué au cours de la VIIe session, avait développé la de volonté reposait sur une confusion, involontaire théorie même de Sergius, et dans les mémos termes. chez, quelques-uns, consciente et voulue pour d'autres, Acta, Mansi, ibid.,col. 349. C'est encore cette dernière bille se rencontre d'abord dans la lettre de Sergius à théorie que 1'Eclhèse d'Héraclius prétend imposer à la Honorius. Attribuer au Christ deux sortes d'opérations foi des fidèles. dill'érentes, c'est lui attribuer deux volontés opposées et La comparaison qui suit, entre la chair animée, contradictoires, et par conséquent le partager en deux έμψυχωμένη σαρξ, du Christ, qui reste chair malgré sa êtres dont les vouloirs ne concordent pas. Mansi, t. xi, déification, θεωθεΐσα, et la volonté humaine, ανθρώπινον Θέλημα, montre clairement que les rédacteurs ne se sont col. 533. Le sophisme est grossier; car deux volontés distinctes ne sont pas nécessairement opposées et pas souciés d'approfondir dans le décret la question peuvent s'accorder sur un même objet. La dualité phy­ philosophique de la distinction entre la volonté propre­ sique des volontés n'exclut pas l’unité morale : et, ment dite, spirituelle et libre, et les appétits sensibles celle-ci une fois admise, le partage qu'introduirait dans de la chair. Ils comprennent l'un et l'autre sous la l'être et la personnalité du Christ le dualisme physique . dénomination ({.'ανθρώπινον θέλημα, et c'est de cette volonté humaine ainsi entendue qu'ils affirment qu’elle compliqué d’un dualisme moral se trouve écarté. C'est subsiste dans le Christ, malgré l'union, έν τώ ιδίω αυτή; pour n'avoir pas su débrouiller cette confusion et pour l'avoir prise comme point de départ de toute son argu­ όρω τε και λόγιο. mentation, qu’IIonorius, dans sa réponse à Sergius, Après l'exposé de la théorie des deux volontés ou n'arrive qu'à formuler en des termes inexacts une volitions, les Pères abordent la question des deux opé­ théorie, vraie en soi, mais incomplète et obscure. Ibid., rations, δύο δέ φυσικά; έν-ργεία;... θείαν ενέργειαν καί col. 540. άνθρωπίνην. Les épithètes employées pour caractériser les rapports des deux volitions reviennent ici pour dé­ Après avoir parlé d’un vouloir humain, ανθρώπινον θέλημα, entièrement subordonné au vouloir divin, les terminer les relations des deux opérations, άδιαιρέτω;, Pères, empruntant une expression de saint Athanase, άτρέπτω;, άμεριστω;, άσυγχύτως, excluant toute confu­ mentionnent un vouloir de la chair, το φυσικόν τής sion comme toute séparation entre les deux formes de l'activité du Verbe incarné. L’argument d'autorité dans σαρκό; θέλημα, celui-là même qui est en question dans lequel se trouvait le plus clairement exprimée la loi la parole du Christ : «Je suis venu non pour accomplir catholique sur ce point était évidemment le passage de nia volonté, mais celle de mon Père qui m'a envoyé. » la lettre dogmatique de saint Léon .agit enim utraque Eaul-il y voir quelque chose de distinct de la volonté forma cum alterius communione quod proprium est. humaine, du vouloir rationnel, et qui s’identilierait Verbo scilicet operante quod Verbi est, et carne avec les tendances et les désirs de la sensibilité, une sorte d’appétit sensible dont les mouvements, toujours exequente quod carnis est. Les Péres n'ont garde de l'omettre. Et ils l’appuient d'm: argument de raison subordonnés dans le Christ à l'appétit intellectuel, se trouveraient par le fait toujours correspondre ai x vou­ qui avait été utilisé déjà largement dans la controverse contre les monothêliles el que saint Sophrone en par­ loirs divins du Verbe; ou bien le contexte oblige-t-il à ticulier avait développé assez, longuement dans sa idenlilier ce vouloir naturel de la chair avec la volonté lettre. Epist. eneycl., Mansi, t. xi, col. 481 sq. Il se humaine proprement dite? Cette dernière alternative peut même que pour la rédaction de cette partie du est évidemment la vraie, et elle ressort clairement de tout l’ensemble de l'argumentation. Au reste, la diffé­ décret on se soit directement inspiré des passages en question de la lettre encyclique. L'argument revient à rence est minime : chez le Christ les impulsions de la ceci : l’unité physique d'opération entraînerait l'unité sensibilité suivant toujours et en tout les directions de la raison, il n'y avait pas lieu de distinguer expressé­ de nature; donc pour sauvegarder la dualité de nature il faut admettre la dualité d'opération. A lirbase de cet ment l’appétit sensible de l’appétit rationnel; et c’est argument se trouve le principe philosophique, non pourquoi les Péres pouvaient à juste titre comprendre énoncé ici, mais évidemment sous-entendu, que l'aclidans un même tout, qu’ils appelaient indifféremment 1273 1274 CONSTANTINOPLE (Ill0 CONCI LE DE) vité, l'opération découle immédiatement de la nature, qu'elle en est le prolongement et la manifestation. Le texte de saint Cyrille qui résume cette partie du décret montre d’ailleurs qu’en maintenant la distinc­ tion et la qualité des opérations, on ne porte pas atteinte à l’unité de la personne ou de l’agent. Les sco­ lastiques donneront plus tard à ces thèses la rigueur et la clarté des formules philosophiques, en distin­ guant à propos de l activité deux principes : celui d'où elle émane, et celui à qui elle appartient, ou sujet d'attribution, principium ex quo et principium quod. L'activité émane de la nature et elle est attribuée à la personne. Elle peut donc être double, l’agent restant un : c’est ce que dit saint Cyrille en termes différents, mais non moins précis, ενός γάρ καί τοΰ αύτοϋ τά τε θαύματα και πάθη γινωσκομεν, κατ’ άλλο και άλλο τών ές ων έστι φύσει».. Il n’y a pas lieu d'insister sur la finale du décret. C’est un bref résumé de toute la théorie cliristologique élaborée déli uili veinent dans lesditl'érents conciles: divi­ nité du Verbe incarné, dualité des natures dans l’unité de personne, réalité des œuvres divines et humaines accomplies par lui, dualité de volonté et d'opération. 1. SOURCES. — Lettres et documents, dans Acta syn. Lateran. (659), Mansi, Concil, t. X. col. 863-1188, et Acta VI concit., tbtd.,1 XI, col. 186-922; Anastase le Bibliothécaire. Collectanea ad Joan, diacon., dans P. L., t. cxxix, col i.61-690. Maxime le Confesseur, Opera, P. G., t. xc-xci, et spécialement Opus­ cula theol. et polem, ad Marinum, t. xci, col. 9-286; et Dispu­ tat. cum Pyrrho, ibid., col. 287-354; le prêtre Anastase, II,·. τοΒ *«' eixôv« x«t xttfi' όμοίων,χ,I. IV, dans Mai, Script, veler, nova collectio, t. VH, p. 193; Liber pontificalis, édit. Duchesne, 1886, t. t, p. 332-338: Mommsen, dans Monumenta Germunia historica, Berlin, 1898. t. 1, p. 148-154; Vita Maximi Conjes., P. G., t. XC, col. 67-110. H. Travaux. — Combefis. Historia monothelilarum, dans son Auctarium novum, Paris 1648, t. 11, p. 1-64; Dissertatio apologetica pro actis sextæ synodi, ibid., p. 65-198; J.-B. Tamagnini, Historia monotheletarum, Paris, 1678: Assémani. Bibliotheca juris orientalis, in-4·, Rome, 1764; J. Chmel, Vin­ dicis cone, cecum. VI, præv. dissert, hietor. de origine hier, monoth., Prague, 1777; Hefele-Leclercq, Hist, des conciles, Paris, 1909, t. m, p. 304—488: Bardenhewer, Ungedruckte Excerpte aus einer Schrift des Patriarche» Eulogius ro» Alexandrie» (580-607) uber Trinitat und Incarnation, dans Theologische Quartalschrift, 1896, p. 353-411 (un fragment dans P. G., t. Lxxxvi, coi. 2939-2944); Owsepian. Die Entstehungsgeschichte des Monotheletismus nach ihren Quelle» geprûft und dargestelll, Leipzig, 1897; J. Turmel, Histoire de la théo­ logie positive depuis l’origine jusqu'au concile de Trente, Paris, 1904, p. 218-225; J. Pargoire, L’Église byzantine de 527 ά 847, Paris, 1905, p. 157-166; Herzog, Realencyklopadie. 3· édit., 1903, art. Monotheleten, p. 401-414; Kirchenlexikvn 1851, art. Monotheleten, p. 244-251. Pour les sources et les ou­ vrages anciens, cf. Fabricius-Harles, Bibl. græca, Hambourg, 1808, t. XI. col. 151-154. .1. Bois.